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DEUXIEME PARTIE.
PRINCIPES DE LA JUSTICE CHRETIENNE.
SECTION III.
DES QUATRE FINS DERNIERES DE L’HOMME.
Question I
Qu’entend-on par les quatre fins dernières de l’homme ?
Les quatre fins dernières de l'homme sont la mort, le jugement, l'enfer et le royaume des cieux. On appelle ces quatre choses d'un tel nom, parce qu'elles viennent en dernier lieu parmi tous les accidents qui peuvent survenir à l'homme. La mort, en effet, est, comme on a coutume de le dire, le terme de la carrière de la vie humaine. Après la mort vient le jugement que Dieu nous fera subir, ainsi que saint Paul s'en est expliqué par ces paroles : C'est une chose arrêtée pour tous les hommes, qu'ils mourront une fois, et qu'après cela ils seront jugés. Et par ce jugement il faut entendre, tant le jugement particulier que chacun doit subir au moment de sa mort, que le jugement dernier et général auquel tous auront à comparaître à la fin du monde, ainsi que nous l'avons fait voir plus haut (Tome Ier, pag. 72 et suiv). "
Or, les uns seront jugés pour être condamnés aux peines éternelles de l'enfer, et ce seront ceux que la mort aura surpris en état de péché mortel ; les autres le seront au contraire pour
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être établis en possession du royaume céleste
et de l'éternelle félicité et ce seront ceux qui à
la dernière heure se trouveront revêtus de la robe nuptiale,
qui est la charité. C'est là ce que nous enseigne la vérité
évangélique : Ceux qui auront fait le bien sortiront
de leurs tombeaux pour ressusciter à la vie, et ceux qui auront
fait le mal en sortiront pour ressusciter à leur condamnation. -
Car le Fils de l’homme viendra avec ses anges dans la gloire de son Père
et alors il rendra à chacun selon ses œuvres.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ecclésiastique, VII, 37-40 : " La libéralité est agréable à tous ceux qui vivent ; n'empêchez pas qu'elle ne s'étende sur les morts. - Ne manquez pas de consoler ceux qui sont dans la tristesse, et pleurez avec ceux qui pleurent. - Ne soyez point paresseux à visiter les malades, car c'est ainsi que vous vous affermirez dans la charité. - Souvenez-vous dans toutes vos actions de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. "
2. Ibid., XXVIII, 6 : " Souvenez-vous de votre dernière fin, et cessez de nourrir de l'inimitié contre qui que ce soit. "
3. Ibid., XXXVIII, 21-24 : " Souvenez-vous de votre dernière fin, et ne l'oubliez pas ; car après cela il n'y a point de retour ; vous ne rendrez à celui qui est mort aucun service en vous affligeant, et vous vous ferez à vous-même un très-grand mal. - Souvenez-vous du jugement de Dieu sur moi ; car le vôtre viendra de même ; hier c'était mon tour, et aujourd'hui ce sera le vôtre. - Que la paix où le mort est entré apaise en vous le regret que vous avez de sa mort, et consolez-vous de ce que son esprit est séparé de son corps. "
4. Deutéronome, XXXII, 28-29 : " Ce peuple n'a ni sens, ni
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intelligence. - Que n'ouvrent-ils les yeux ? Que ne comprennent-ils ? Que ne prévoient-ils la fin ? "
5. Proverbes, XIX, 20 : " Ecoutez le conseil et recevez l'instruction, afin que la sagesse soit l'ornement de vos derniers jours. "
6. Hébreux, IX, 27 ; comme dans le corps de la réponse.
7. LUC, XVI, 22-24 : " Or, il arriva que le pauvre mourut, et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli dans l'enfer. - Or, levant les yeux lorsqu'il était dans les tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. - Et s'écriant, il dit ces paroles : Abraham, mon père, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau, et me rafraîchisse la langue ; car je souffre horriblement dans ces flammes. "
8. MATTHIEU, XXV, 41 : " Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : - Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. "
9. Id., XXII, 11-13 : " Le roi entra pour voir les convives, et y ayant aperçu un homme qui n'avait pas la robe nuptiale, - il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Et cet homme demeura muet. - Alors le roi dit à ses gens : Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
10. JEAN, V, 28-29 : " Ne vous étonnez pas de ceci ; car le temps viendra où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu ; - et alors ceux qui auront fait de bonnes œuvres sortiront pour ressusciter à la vie ; mais ceux qui en auront fait de mauvaises sortiront pour ressusciter à leur condamnation. "
11. M ATTHIEU, XXV, 34-46 : " Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du
monde, etc. - Et ceux-ci iront au supplice éternel, et les justes dans la vie éternelle. "
12. Id., XVI, 27 ; comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. BERNARD, Serm. de primordiis, mediis et novissimis nostris : " Vous savez maintenant quels ont été nos commencements ;
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vous savez aussi quel est ou doit être notre état intermédiaire ; mais nos fins dernières, quelles sont-elles ? C'est d'elles qu'il est dit, que si vous vous en souvenez, vous ne pécherez point (Ecclé., XXVI, 6). Ces fins dernières sont la mort, le jugement, l'enfer. Quoi de plus effrayant que la mort ? Quoi de plus terrible que le jugement ? Quoi de plus intolérable que l'enfer ? Que restera-t-il qui puisse faire impression sur celui que ces choses ne sauraient effrayer, ou à qui elles n'inspireraient aucune crainte ? O homme, si vous aviez perdu cette honte qui est l'indice d'un noble caractère, s i vous n'éprouviez point ce regret dont se laissent toucher les esprits même charnels, montrez-vous du moins accessible à la crainte, qui produit son effet jusque sur les brutes. Nous avons beau charger un âne et l'accabler de travaux ; il ne s'en met pas en peine, parce que sa nature est ainsi faite. Mais essayez de le jeter dans le feu ou de le précipiter dans un abîme, il fera tous ses efforts pour reculer, parce qu'il aime la vie et qu'il craint la mort. Ne vous semble-t-il donc pas juste, que celui qui se sera montré plus insensible que de tels animaux soit puni de son insensibilité et rangé dans l'ordre des tourments au-dessous de ces animaux eux-mêmes ? Craignez donc, ô homme, d'après cette considération que la mort vous séparer de tous les biens de ce corps que vous idolâtrez, et rompre par un divorce affreux l'union de votre corps et de votre âme. Craignez d'après cette autre considération que vous aurez à comparaître pour subir un jugement devant celui entre les mains duquel il est terrible de tomber (Hébr., X, 31), et que, si celui à qui rien n'est caché trouve en vous quelque iniquité à la suite de cet examen où sera repassée votre vie entière, vous serez pour toujours exclu du nombre des bienheureux et banni du séjour du repos et de la gloire. Craignez enfin d'après cette nouvelle considération, que dans l'enfer vous seriez dévoué à des tourments immenses et éternels, jeté en un mot dans le feu éternel préparé au diable et à ses anges. Cette crainte donc est appelée le commencement de la sagesse, plutôt que la honte et que le regret, parce qu'en effet ces deux autres sentiments ne sont pas aussi efficaces que le premier pour initier l'homme à la sagesse. De là vient qu'il n'est pas dit, Souvenez-vous de vos commencements ou de votre état intermédiaire, mais, Souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez point. Car la crainte a plus de force et d’énergie pour résister au péché que la honte et le regret, la honte trouvant son préservatif dans le nombre des délinquants, et le regret
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trouvant le sien dans toutes les consolations qu'offre le monde ; au lieu que la crainte ne trouve rien qui la console. En mourant, en effet, vous n'emportez rien avec vous des biens de ce monde, soit petits, soit grands, que vous pouvez posséder ; dans le jugement que vous subirez, vous ne pourrez ni tromper votre juge, ni lui opposer de résistance ; dans l'enfer enfin, vous ne trouveriez aucune consolation, mais un éternel malheur, des hurlements, des pleurs et des grincements de dents qui n'auront point de fin. "
2. S. AUGUSTIN, Lib. II de animâ et ejus origine, c. 4 : " C'est une croyance très-orthodoxe et très-salutaire, que celle d'un jugement que subissent les âmes aussitôt qu'elles sont séparées de leurs corps, en attendant cet autre jugement qui sera prononcé sur elles après la résurrection, et les tourments qu'elles auront à endurer, ou la gloire dont elles seront mises en possession, à la suite de ce jugement dernier, avec les même corps qu'elles auront eus dans cette vie. Qui pourrait être tellement sourd à la voix de l’Evangile, tellement aheurté à ses propres opinions, qu'il ne pût entendre ou croire ces vérités, enseignées qu'elles sont dans la personne de ce pauvre qui fut reçu après sa mort dans le sein d'Abraham, et dans celle de ce riche dont les tourments au milieu des flammes nous sont dépeints avec d'aussi vives couleurs ? "
3. Le même, Tract. XLIX in Evangelium Joannis, sur ces paroles : Lazarus amicus noster dormit : " Les bons et les méchants, lorsqu'ils sont morts, doivent être considérés à l’égard de Dieu comme s'ils dormaient seulement. Mais comme il y a de la différence dans l'état de ceux qui dorment du sommeil ordinaire, suivant les songes agréables ou fâcheux qu'ils ont en dormant, de sorte que ceux qui sont sujets à en avoir de fâcheux craignent de s'endormir, de peur de s'en voir tourmentés ; de même les bons et les méchants, quoiqu'ils dorment tous du même sommeil de la mort, y dorment avec leur bonne ou leur mauvaise cause, et ressusciteront de même. Mais il n'est pas peu important pour eux de savoir quel sera le lieu où ils seront gardés jusqu'à ce qu'ils comparaissent devant leur juge. Car on peut, avant d'être jugé, être mis en arrêt de différentes manières selon que le demande l'affaire pour laquelle on est arrêté. Les uns sont mis seulement sous la garde d'un huissier, et c'est le traitement le plus modéré et le plus doux ; d'autres, sous la garde des geôliers ; d'autres enfin sont mis en prison, ceux-ci dans des chambres
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ordinaires ; ceux-là dans des cachots, à proportion des crimes dont ils sont accusés. Il en est à peu près de même à l’égard des morts. Ils seront différemment placés, selon le bon ou le mauvais état de leur cause, jusqu'à ce qu'ils ressuscitent pour comparaître devant leur juge. Le bon pauvre fut reçu dans l'autre monde après sa mort, et le mauvais riche l'y fut aussi ; mais le premier y fut reçu dans le sein d'Abraham, et l'autre dans un endroit où il ne put trouver une seule goutte d'eau pour étanche tant soit peu la soif qui le dévorait. "
" Trouvez bon, mes frères, que je vous fasse part à cette occasion de ce qu'il me semble qui arrive à nos âmes lorsque nous mourons. Elles ont chacune leur demeure, selon l'état où elles se trouvent au sortir de leurs corps. Les bonnes sont reçues dans la joie éternelle, et les méchantes sont précipitées dans les tourments éternels. C'est ainsi qu'elles seront jusqu’à la résurrection. Mais comme alors chacune d'elles se réunir à son corps, la joie des bons s'augmentera, et les tourments des méchant seront doublés puisqu'ils seront aussi tourmentés dans leurs corps. Les âmes des saints patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs et de tous les bons chrétiens, ont été reçues au sortir de leurs corps dans la paix éternelle, et cependant elles attendent encore jusqu’à la fin des temps l'accomplissement des promesses de Dieu. Car Dieu nous a promis que nos corps ressusciteront à la fin du monde, que la mort sera entièrement détruite, et que nous jouirons de la vie éternelle avec les anges. C'est là ce que recevront également tous ceux qui appartiennent à Dieu : car pour ce repos que Dieu donne après la mort à ceux qui l'ont mérité, leur âme en jouit dès qu'elle est sortie du corps. Les patriarches y ont été admis les premiers, il y a déjà plusieurs siècles. Les prophètes les ont suivis quelque temps après ; les apôtres, depuis bien moins de temps ; les martyrs, encore plus récemment, et les fidèles y sont reçus tous les jours, à mesure qu’ils meurent ; de sorte qu'il y en a qui y sont depuis bien du temps, d'autres depuis moins, d'autres tout récemment, et d'autres qui n'y sont pas même encore (Cf. Les Traités de saint Augustin sur l’Evangile de saint Jean,
tome III, p. 40-42). "
4. S. CHRYSOSTOME, Hom. XIV in Matthæum : " Comme nous voyons que ceux qu'on tire des prisons sont présentés tout enchaînés devant le juge ; ainsi les âmes, au sortir de ce monde,
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paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés devant ce redoutable tribunal (Cf. Sermons de saint Jean Chrysostôme sur l'Evangile de saint Matthieu, trad. par P.-A. de Marsilly, t. Ier, p. 305). "
5. S. AUGUSTIN, Lib. contra Donatistas post collationem : " Après avoir dit : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, là il y aura des pleurs et des grincements de dents, il ajoute aussitôt : Car il y aura beaucoup d'appelés mais peu d’élus (MATTH., XXII, 15). Comment cela peut-il être vrai, puisqu'au contraire il n'y en aurait qu'un sur toute une multitude à être jeté dans les ténèbres extérieures, si ce n'est parce que ce seul homme représente toute la multitude des méchants qui, en attendant le jugement de Dieu, restent mêlée avec les bons au Banquet divin ? Jusque-là ils ne sont séparés les uns des autres que par la différence de leurs vies, et s'ils mangent et boivent tous ensemble le corps et le sang du Sauveur, il y a entre eux cette distinction essentielle, que les bons sont revêtus de la robe nuptiale aux yeux de l’époux, tandis que les méchants n'ont point cette robe, qui est la divine charité ou l'amour de l'époux cherchant, comme ils le font, leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ (Phil., II, 21). "
6. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. XXXVIII in Evangelia : " Que signifie ici la robe nuptiale (MATTH., XXII, 11, 12) ? Nous ne pouvons pas dire que ce soit la foi ou le baptême puisque personne ne saurait entrer dans la salle du festin sans la foi et sans le baptême : car, tant qu'on n'a pas la foi, on est hors de l’Eglise. Que devons-nous donc entendre par cette robe nuptiale, sinon la charité ? Car celui qui est dans l'Eglise avec la foi, mais sans avoir la charité, entre bien pour un temps dans la salle des noces divines, mais il n'y peut pas demeurer sans cette robe de noces. Et en effet, c'est avec raison que la charité est appelée robe nuptiale, puisque le Seigneur en était revêtu lorsqu'il est venu à ces noces spirituelles, dans lesquelles il s'est uni à son église par un mariage tout divin. Car il n'y a que l'amour de Dieu pour les hommes qui ait porté son Fils unique à s'attacher comme il l'a fait les âmes de ses élus. Ce qui a fait dire à saint Jean : Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique (JEAN, V, 16). Et ainsi, étant venu vers les hommes par le motif de sa charité, il fait assez voir que c'est la charité qui doit servir de robe nuptiale (Cf. Les quarante Homélies, ou Sermons de saint Grégoire-le- Grand, p. 482-483, trad. du prince de Luynes). "
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Question II
Que nous enseigne l’Ecriture au sujet de la mort ?
De même que le péché est entré dam le monde par un seul homme, et la mort par le péché, ainsi la mort est passée à tous les hommes : voilà ce que nous enseigne saint Paul. C'est pourquoi, bien que l'heure de notre mort soit ce qu'il y a pour nous de plus incertain, puisque l'homme ignore sa fin, comme dit l'Ecclésiaste, il ne peut y avoir cependant rien de plus certain que notre mort elle-même. De là ces paroles de l'Ecriture dont une expérience journalière nous démontre la vérité : Nous mourons tous, et nous nous écoulons sur la terre comme des eaux qui ne reviennent plus. Et c'est ce que confirme l'auteur de l'Ecclésiastique par ces autres paroles : Tel est roi aujourd'hui qui mourra demain. Quand on sera mort, on aura pour héritage les serpents, les bêtes et les vers.
Mais comme ce qui nous importe le plus, c'est la manière dont nous mourrons et la préparation que nous y aurons apportée, de là ces avis répétés que nous donne l’Evangile : Veillez, soyez prêts, parce que le Fils de l’homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas. Or, cette vigilance et cette préparation à la mort demande de nous que nous méditions sérieusement et toute notre vie, pour nous en faire l'application, cet avertissement de l'Esprit-Saint : Faites des œuvres de justice avant votre mort, parce qu'on ne trouve point de quoi acquérir de nouvelles forces dans le tombeau ; et ces autres paroles de Jésus-Christ : La nuit vient, pendant laquelle personne ne peut agir. Marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent.
Remarquons aussi la distinction que fait le Psalmiste entre la mort des justes et celle des méchants. Il dit des méchants : La mort des pécheurs est très-funeste ; et par-là il entend la mort de ceux qui, comme les Juifs obstinés, meurent dans le péché sans en avoir fait pénitence, et sortent ainsi de ce monde pour être tourmentés pendant toute l'éternité avec le mauvais riche dans l'enfer. Il dit au contraire des justes : C'est une chose précieuse devant les yeux du Seigneur que la mort de ses saints. Car pour ces derniers, la mort du corps n'est autre chose que le terme de leur pèlerinage d'ici-bas, et des ennuis ou des maux qu'ils ont à essuyer dans cette vie mortelle, un sommeil tranquille, un assoupissement exempt d'inquiétude, le commencement de la
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véritable vie, et le passage à une bienheureuse
immortalité, objet de tous leurs désirs. C'était le
vœu de l'Apôtre, qui gémissait lui-même des ennuis de
la vie présente : Je désire, disait-il, d'être
dégagé des liens du corps et d'être avec Jésus-Christ.
Heureux les serviteurs que le Seigneur, à son arrivée, trouvera
occupés à veiller. Et : Heureux les morts qui meurent
dans le Seigneur. Quand le juste mourrait d'une mort précipité,
il se trouverait dans le repos.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, V, 12 ; comme dans le corps de la réponse.
2. Sagesse, I, 13 : " Dieu n'a point fait la mort. "
3. Ecclésiaste, IX, 12 : " L'homme ignore quelle sera sa fin ; et comme les poissons sont pris à l'hameçon et les oiseaux au filet, ainsi les hommes se trouveront surpris par l'adversité lorsque tout d'un coup elle fondra sur eux. "
4. JACQUES, IV, 13-15 : " Je m'adresse maintenant à vous qui dites : Nous irons aujourd'hui ou demain en une telle ville, nous demeurerons là une année, nous y trafiquerons, nous y gagnerons beaucoup : - quoique vous ne sachiez pas même ce qui arrivera demain. - Car qu'est-ce que votre vie, si ce n'est une
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vapeur qui paraît pour peu de temps, et qui disparait ensuite ? Au lieu que vous devriez dire : S'il plaît au Seigneur, et si nous vivons, nous ferons telle ou telle chose. "
5. Ecclésiastique, XI, 18-20 : " Tel s'enrichit par sa grande épargne, et toute la récompense qu'il en tire est - de pouvoir dire : J'ai trouvé le moyen de me mettre en repos ; je mangerai maintenant mon bien tout seul. - Et il ne considère pas que le temps s'écoule, que la mort approche, et qu'en mourant il laissera à d'autres ce qu'il a. "
6. Ibidem., XIV, 12, 18-20 : " Souvenez-vous de la mort qui ne tarde point, et de cet arrêt qui vous a été prononcé que vous devez aller au tombeau. Car cet arrêt que tout homme doit mourir est pour tout le monde. - Toute chair se flétrit comme l'herbe, et comme les feuilles qui croissent sur les arbres verts. - Les unes naissent, et les autres tombent ; ainsi, dans cette génération de chair et de sang, les uns meurent et les autres naissent. - Toute œuvre corruptible disparaîtra à la fin, et celui qui l'aura faite s'en ira avec elle. "
7. LUC, XII, -20 : " Et il leur dit cette parabole : Il y avait un homme riche dont les terres avaient rapporté une grande quantité de fruits. -Et il s'entretenait en lui-même de ces pensées : Que ferai-je ? car je n'ai point où renfermer ma récolte et tous mes biens. - Voici, dit-il, ce que je ferai : j'abattrai mes greniers, et j'en construirai de plus grands, et j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens : - et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois, fais bonne chère. - En même temps Dieu lui dit : Insensé que tu es, on va te redemander ton âme cette nuit même ; et pour qui auras-tu amassé ? "
8. II Samuel, XIV, 14 : " Et, la femme de Thécua dit au roi David : Nous mourons tous, etc. " Comme dans le corps de la réponse.
9. Ecclésiaste, II, 16 : " L'homme savant meurt comme l'ignorant. "
10. Ps. LXXXIX, 9-11 : " Nos jours s'écoulent devant votre colère (Seigneur) ; nos années s'évanouissent comme le son de la parole. - Nos années se passent en de vaines inquiétudes, comme celles de l'araignée. Le cours entier de notre vie est de soixante-dix ans ; - pour les plus forts, il est de quatre-vingts ans, et le surplus n'est que peine. et douleur. "
11. Ps. CI, 4, 12 : " Mes jours se sont évanouis comme la
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fumée ; mes os se sont desséché comme le bois que consume la flamme. - Mes jours ont fui comme l'ombre, et je me suis desséché comme l'herbe des champs. "
12. Ps. CII, 13-18 : " Car il (Dieu) sait de quel limon nous sommes formés ; - il se souvient que l'homme est poussière. - Les jours de l'homme sont comme l'herbe, il est comme la fleur des champs : - dès qu'un souffle a passé sur elle, elle se fane et tombe ; le lieu qui l'a vu naître ne la reconnaît plus. "
13. JOB, VIII, 9 : " Baldad de Suh dit : Nous ne sommes que d'hier au monde, et nous ne considérons pas que nos jours s'écoulent sur la terre comme l'ombre. "
14. Ibid., XIV, 1-2, 5 : " L'homme né de la femme vit très peu de temps ; il est rempli de beaucoup de misères. - Il est comme une fleur, qui n'est pas plus tôt éclose qu'elle est foulée aux pieds ; il fuit comme l'ombre, et il ne demeure jamais en un même état. - Les jours de l'homme sont courts ; le nombre de ses mois est entre vos mains ; vous avez marqué les bornes de sa vie, qu'il ne peut passer. "
15. I PIERRE, I, 24 : " Car toute chair est comme l'herbe, et toute la gloire de l'homme est comme la fleur de l'herbe ; l'herbe sèche et la fleur tombe. "
16. Ecclésiastique, X, 44-43 : " Toute puissance subsistera peu : la maladie qui se prolonge fatigue le médecin. - Le médecin extirpe aisément un mal qui n'a pas encore pris racine.- Ainsi tel est roi aujourd'hui, qui mourra demain. - Quand on sera mort, on aura pour héritage les bêtes, les serpents et les vers. "
17. JOB, XVII, 14 : " J'ai dit à la pourriture : Vous êtes mon père ; et aux vers : Vous êtes ma mère et ma sœur. "
18. Psaume XLVIII, 11-18 : " Les insensés et les stupides périront aussi. - Ils laisseront leurs richesses à des étrangers et n'auront désormais que leurs sépulcres pour demeure. . . . . - Que l'envie ne vous trouble point, lorsqu'un homme est dans l'opulence, et que la splendeur de sa maison s'accroît ; - car à la mort il n'emportera rien avec lui, et sa gloire ne le suivra pas, lorsqu'il descendra dans le tombeau. "
19. BARUCH, III, 16-19 : " Où sont maintenant ces princes des nations qui dominaient sur les animaux de la terre, - qui se jouaient des oiseaux du ciel ; - qui amassaient dans leurs trésors l'or et l'argent en qui les hommes mettent leur confiance, et qu'ils désirent avec une passion sans bornes ; qui faisaient.
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mettre l'argent en œuvre avec un art et un soin extrême, et qui en faisaient faire les plus beaux ouvrages ? - Ils ont été exterminés, ils sont descendus dans les enfers, et d'autres sont venus prendre leur place. "
20. Ecclésiastique, XLI, 1-7 : " O mort, que ton souvenir est amer à un homme qui vit en paix au milieu de ses biens ; - à un homme qui n'a rien qui le trouble, à qui tout réussit heureusement, et qui peut encore goûter la nourriture! - O mort, que ta sentence est douce à un homme pauvre, à qui les forces manquent, - qui est dans la défaillance de l'âme, accablé de soins, sans espérance, et à qui la patience fait défaut. - Ne craignez point l'arrêt de la mort ; souvenez-vous de ceux qui ont été avant vous, et de ceux qui viendront après : c'est l'arrêt que le Seigneur a prononcé contre toute chair. - Que craignez-vous, puisqu'il ne peut vous arriver que ce qu'il plaira au Très-Haut ? Qu'un homme vive dix ans, cent ans, mille ans ; - on ne compte point les années de la vie parmi les morts. "
21. MATTHIEU, XXV, 13 : " Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure. "
22. Id., XXIV, 42-51 : " Veillez donc, car vous ne savez pas à quelle heure votre maître doit venir. - Or, sachez que si le père de famille savait à quelle heure le voleur devrait venir, il veillerait sans doute, et ne laisserait pas percer sa maison. - Tenez-vous donc aussi toujours prêts parce que vous ignorez l'heure à laquelle le Fils de l'homme viendra.- Quel est, à votre avis, le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur ses domestiques pour leur distribuer dans le temps leur nourriture ? - Heureux ce serviteur, si son maitre le trouve à son arrivée agissant de la sorte. - Je vous dis en vérité qu'il l'établira sur tous ses biens. - Mais si ce serviteur est méchant et que disant en son cœur : Mon maître n'est pas près de venir, - il se mette à battre les autres serviteurs, à manger et à boire avec des ivrognes, - le maître de ce serviteur viendra au jour qu'il ne l'attend pas, et à l'heure qu'il ne sait pas ; - et il le séparera des autres, et lui donnera pour partage d'être puni avec les hypocrites ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
23. MARC, XIII, 33-37 : " Prenez garde ; veillez et priez, parce que vous ne savez pas quand ce temps viendra. - Car il en sera comme d'un homme qui, partant pour un long voyage, quitta sa maison, marqua à ses serviteurs ce que chacun devait
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faire, et commanda au portier d’être vigilant. - Veillez donc, puisque vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra ; si ce sera le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou au matin : - de peur que vous surprenant tout d'un coup, il ne vous trouve endormis. - Au reste, ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez. "
24. LUC, XII, 35-46 : " Que vos reins soient ceints, et ayez dans vos mains des lampes allumées, - et soyez semblables à ceux qui attendent que leur maître arrive des noces, afin que, lorsqu'il sera venu, et qu'il aura frappé à la porte, ils lui ouvrent aussitôt. - Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera occupés à veiller : je vous dis en vérité que, s'étant ceint, il les fera mettre à table, et viendra les servir. S'il arrive à la seconde ou à la troisième veille de la nuit, et qu'il les trouve en cet état, heureux seront ces serviteurs. - Or, sachez que si le père de famille était averti de l'heure où le voleur devrait venir, il veillerait sans doute, et ne laisserait pas percer sa maison. - Tenez-vous donc aussi toujours prêts parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous n'y penserez pas. - Alors Pierre lui dit : Est-ce à nous seuls que vous adressez cette parabole, ou à tout le monde ? - Le Seigneur lui dit : Quel est, à votre avis, l'économie fidèle et prudent que le maître établira pour distribuer à chacun sa mesure de blé en son temps ? - Heureux ce serviteur, que son maître à son arrivée trouvera agissant de la sorte. Je vous dis en vérité qu'il l'établira sur tous ses biens. Mais si ce serviteur dit en lui-même : Mon maître n'est pas près de venir, et qu'il se mette à battre les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s'enivrer, le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne s'y attendra pas, et à l'heure qu'il n'y pensera pas ; il le chassera, et lui donnera pour partage d'être puni avec les serviteurs infidèles. "
25. Apocalypse, III, 3 : " Souvenez-vous donc de ce que vous avez reçu et de ce que vous avez entendu, et gardez-le, faites pénitence ; car si vous ne veillez, je viendrai à vous comme un larron; et vous ne saurez à quelle heure je viendrai. "
26. Ibid., XVI, 15 : " Je viendrai bientôt comme un larron. Heureux celui qui veille, et qui garde bien ses vêtements afin qu'il ne marche pas nu, et n'expose pas sa honte aux yeux de tous. "
27. Ecclésiastique, XIV, 13-17 : " Faites du bien votre ami avant la mort, et donnez l'aumône au pauvre selon votre pou-
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voir. - Ne vous privez pas des avantages du jour heureux, et ne laissez rien perdre du bien que Dieu vous donne. - N'est-ce pas à d'autres que vous laisserez les fruits de vos peines et de vos travaux, qu'ils partageront entre eux ? Donnez, et prenez, et sanctifiez votre âme. - Faites le bien avant votre mort, puisqu'on ne trouve point de quoi réparer ses forces dans le tombeau. "
28. Ecclésiaste, IX, 10 : " Faites promptement tout ce que vous pourrez, parce qu'il n'y aura plus ni action, ni science, ni sagesse, ni raison dans le tombeau vers lequel vous vous avancez à pas de course. "
29. Ibid., XII, 1-2 : " Souvenez-vous de votre créateur pendant votre jeunesse, avant que le temps de l'affliction soit arrivé, et que vous approchiez des années dont vous direz : Ce temps me déplaît ; - avant que le soleil, la lumière, la lune et les étoiles s'obscurcissent, et que les nuées retournent après la pluie, etc. "
30. Galates, VI, 9-10 : " Ne nous lassons donc point de faire le bien, puisque si nous ne perdons point courage, nous en recueillerons le fruit en son temps. - C'est pourquoi, tandis qu'il en est temps, taisons du bien il tous, mais surtout à ceux qui, par la foi qu'ils professent, font une même famille avec nous. "
31. JEAN, IX, 4 ; comme dans le corps de la réponse.
32. Id., XII, 35 ; comme dans le corps de la réponse.
33. Luc, XIX, 13 : " Faites valoir (cet argent) jusqu'à ce que je revienne. "
34. Psaume XXXIII, 22 ; comme dans le corps de la réponse.
35. Proverbes, XI, 7 : " A la mort du méchant, il ne restera plus d'espérance, et l'attente des ambitieux périra. "
36. Sagesse, V, 8-15 : " De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu'avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses ? Toutes ces choses sont passées comme l'ombre, et comme un courrier qui court, etc. - Ainsi nous ne sommes pas plus tôt nés, que nous avons cessé d'être ; nous n'avons pu montrer en nous aucune trace de vertu, et nous avons été consumé par notre malice. - Voilà ce que les pécheurs diront dans l'enfer : - parce que l'espérance des méchants est comme ces petites pailles que le vent emporte ; ou comme l'écume léger qui est dissipée par la tempête ; ou comme la fumée que le vent dissipe ; ou comme le souvenir d'un hôte qui passe, et qui n'est qu'un jour en un même lieu. "
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37. Psaume X, 6-7 : " Le Seigneur observe l'impie et le juste, et celui qui commet l'iniquité hait son âme (hébr., est pour lui un objet d'horreur). - Le Seigneur fera pleuvoir sur les pécheurs des fléaux auxquels ils n'échapperont pas ; le feu, le soufre, le vent des tempêtes, voilà la coupe qu'il leur prépare. "
38. LUC, XVI, 19, 22-24 : " Il y avait un homme qui était vêtu de pourpre et de lin, et qui se traitait magnifiquement tous les jours, etc. - Le riche mourut aussi, et eut l'enfer pour tombeau. - Et lorsqu'il était dans les tourments, il leva les yeux en haut, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. - Et s'écriant, il dit ces paroles : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau pour me rafraîchir la langue, parce que je souffre horriblement dans ces flammes, etc. "
39. Psaume CXV, 15 ; comme dans le corps de la réponse.
40. II Corinthiens, V, 1, 6-8 : " Car nous savons que si cette maison de terre où nous habitons vient à se dissoudre, Dieu nous donnera dans le ciel une autre maison ; une maison qui ne sera point faite par la main des hommes, et qui durera éternellement, etc. - Nous sommes donc toujours pleins de confiance ; et comme nous savons que pendant que nous habitons dans ce corps, nous sommes éloignés du Seigneur, et loin de notre patrie - (car ce n'est que par la foi que nous marchons vers lui, et nous ne le voyons pas encore à découvert) ; - dans cette confiance, nous préférons sortir de ce corps pour aller habiter avec Dieu. "
41. Philippiens, I, 23 ; comme dans le corps de la réponse.
42. LUC, II, 29 : " C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon votre parole. "
43. Psaume XLI, 1-2 : " Comme le cerf soupire après un courant d'eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu. - Mon âme a une soif ardente du Dieu fort, du Dieu vivant. Quand donc irai-je et paraîtrai-je devant la face de mon Dieu ? "
44. Id., LXXXIII, 1 : " Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des armées ! Mon âme se consume en désirs pour les parvis du Seigneur. "
43. Ps. CXLI, 8 : " Tirez-moi de cette enceinte qui m'emprisonne, et je bénirai votre nom ; les justes attendent, pour se joindre à moi, le moment où vous me rendrez justice. "
46. Nombres, XXIII, 10 : " Que mon âme (dit Balaam) meure de la mort des justes, et que la fin de ma vie ressemble à la leur. "
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47. LUC, XII, 37 ; comme dans le corps de la réponse.
48. Apocalypse, XIV, 43 ; Sagesse, IV, 7
; comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile de Milève (Les canons de ce concile, tenu l'an 416, se rapportent aussi bien au concile de Carthage tenu l'an 418. Voir le Dictionnaire universel des conciles, articles : 2e Concile de MILEVE, tenu l'an 418, et Concile de CARTHAGE, tenu l'an 418), canon 1 : " Quiconque dira qu'Adam a été fait homme mortel, en sorte que, soit qu'il péchât ou qu'il ne péchât point, il dût mourir, c'est-à-dire, son âme sortir du corps, non à cause de son péché, mais par la nécessité de sa nature : qu'il soit anathème). "
2. S. AUGUSTIN, Lib. de prædestinatione et gratiâ, c. 3 : " La mort n'est pas l'apanage de notre nature, mais la peine du péché. "
3. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. XIII in Evangelia : " Le Seigneur n'a pas voulu que cette dernière heure nous fût connue, afin qu'étant toujours dans l'incertitude par rapport à elle, et n'en pouvant jamais savoir le moment, nous fussions obligés de nous y préparer sans cesse. "
" Ainsi, mes frères, vous devez continuellement avoir les yeux arrêtés sur votre condition mortelle, et vous préparer tous les jours par les gémissements et les larmes à recevoir votre juge. Et puisque la mort est certaine pour tous les hommes, vous ne devez point tant vous mettre en peine de ce qui regarde la vie temporelle, qui est incertaine. . . Ecoutez ces paroles du plus sage de tous les rois : Faites promptement tout ce que peut votre main, parce qu'il n'y aura dans l’autre vie, vers laquelle vous vous avancez tous les jours, ni action, ni science, ni raison, ni sagesse (Ecclés., IX, 10). Puis donc que nous ignorons le moment où nous devons mourir, et que nous ne pourrons plus rien faire après notre mort, il ne nous reste présentement autre chose, que de bien nous servir du temps qui nous est accordé en cette vie. Car le vrai moyen de vaincre la mort lorsqu’elle viendra, c'est de la craindre toujours avant qu'elle vienne (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire, pag. 122-123, trad. du duc de Luynes). "
4. S. AUGUSTIN, in Ps. CXLIV : " C'est par l'effet d'une grande miséricorde que Dieu vous laisse ignorer le jour de votre mort, afin qu'en pensant tous les jours que vous pouvez mourir,
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vous vous hâtiez de vous convertir. Oui, c'est là de sa part une grande miséricorde. S'il avait marqué à chacun le jour de sa mort, il aurait lâché la bride à tous les désordres. Cette assurance qu'il aurait donnée à tous les hommes leur aurait fait commettre le péché sans aucune crainte. Il vous a donc donné l'espérance du pardon, mais pour que le désespoir ne vous jette pas dans le dérèglement. .. . Il est vrai qu'il vous pardonnera quand vous vous convertirez ; mais il ne vous a pas promis le jour de demain pour vous attendre, pendant que vous remettez à vous convertir (Cf. Sermons de saint Augustin, etc., t. VII, p. 391-393). "
5. Le même, Lib. L homiliarum, hom. 27, sive tract. de utilitate pænitentiæ, c. 3, à la fin : " N'augmentons pas par le désespoir la somme de nos péchés : nous avons pour port assuré la pénitence ; mais d'un autre côté, n'augmentons pas nos péchés par une espérance présomptueuse : nous ne savons quand arrivera le jour de notre mort. "
6. Le même, Soliloques, c. 2 : " L'implacable mort moissonne chaque jour de mille manières les malheureux humains. Celui-ci est victime de la fièvre, celui-là succombe sous le poids de ses douleurs ; tel meurt de faim, tel autre est consumé par la soif ; les uns périssent noyés dans les eaux, les autres sont étranglés. Tantôt ce sont les flammes, et tantôt les bêtes féroces qui nous dévorent. Ici la mort conduit le bras d'un assassin, là elle prépare de funestes poisons ; ailleurs enfin elle n'emploie qu'une terreur subite pour terminer notre malheureuse existence. Mais ce qui met le comble à notre infortune, c'est que nous ignorons tout ce qui a rapport à notre fin, malgré la certitude parfaite où nous sommes que la mort viendra nous frapper. Hélas ! au moment où nous goûtons le charme de la sérénité, elle vient, en nous abattant, détruire nos chimériques espérances. Certains que nous sommes de mourir un jour, nous ne savons ni où ni quand, ni comment nous paierons à la mort ce fatal tribut (Cf. Chefs-d'œuvre des Père de l’Eglise, t. XIII, p. 278-181). "
7. HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib. I de animâ, c. 3 : " Il est certain que vous mourrez : mais il est incertain de quelle manière ou en quel temps ou en quel lieu vous mourrez. Car partout la mort vous attend ; et si vous êtes sages, partout aussi vous l'attendrez. " Saint Bernard dit la même chose, c. 3 de ses Méditations ; quelques-uns d'ailleurs lui attribuent cet ouvrage tout entier de animâ.
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8. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XIII, c. 10 : " Du moment où l'on a commencé d'être en ce corps qui doit mourir, rien ne se passe en nous qui ne conspire pour que la mort nous arrive. Car, pendant la durée de cette vie, s'il faut toutefois l'appeler vie, l'instabilité de notre être ne fait que tendre à la mort. Personne qui, à la fin de l'année, n'en soit plus proche qu'avant cette année même, demain qu'aujourd'hui, aujourd'hui qu'hier, l'instant qui va suivre que l'instant présent et l'instant présent que celui qui l'a précédé. Car tout le temps que l'on vit est retranché de celui qu'on doit vivre, et de jour en jour ce qui reste diminue, en sorte que le temps de cette vie n'est à la rigueur qu'une course vers la mort. "
9. Ibidem, c. 11 : " Ah ! que n'avons-nous assez bien vécu dans le paradis (terrestre) pour que la mort n'eût jamais lieu en effet ! Et non-seulement elle a lieu aujourd'hui ; mais elle est si pénible à endurer, que les termes manquent pour l'expliquer, comme les moyens pour la fuir. . . . . Serait-il donc invraisemblable et absurde d'attribuer, non pas à la logique humaine, mais à une intention divine, l'impossibilité grammaticale de décliner régulièrement en latin les modes de ce verbe : Moritur ? Oritur forme naturellement Ortus est, expression du temps passé ; et ainsi des autres verbes qui expriment les vicissitudes du passé. Si nous les demandons à Moritur, il répond : Mortuus est, en doublant la lettre u. Car on dit mortuus comme on dit fatuus, arduus, conspicuus, qui n'ont aucun rapport au passé, et, en tant que noms, se déclinent en dehors de toute différence de temps. Mais ici, comme pour décliner l'indéclinable, on transforme le nom en participe passé. Il est donc fort rationnel que le verbe lui-même comme l'action qu'il exprime, demeure indéclinable. Aidés toutefois de la grâce de notre Rédempteur, nous pouvons du moins décliner la seconde mort. Elle, en effet, est beaucoup plus terrible, et de tous les maux le pire, cette mort qui ne résulte plus de la séparation de l'âme et du corps, mais de l'éternel embrassement de l'un avec l'autre dans les souffrances éternelles. C'est alors que les hommes ne seront plus avant la mort ni après la mort, mais toujours dans la mort, c'est-à-dire ni jamais vivants, ni jamais morts, mais mourant sans fin. Ce sera en effet le suprême malheur pour l'homme dans la mort, que la mort même ne meure plus (Cf. La Cité de Dieu, etc., trad. par L. Moreau, t. Ier, p. 251-256). "
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10. Le même, de verbis Domini, serm. XXI, c. 1 : " Qui ne sait que la nécessité de mourir est un châtiment infligé aux hommes ? Et ce qu'il y a de plus terrible, c'est que nous ignorons le moment de la mort. La peine est certaine, l'heure en est incertaine. De tous les événements humains, le seul certain pour nous, c'est que nous aurons cette peine à subir. Le reste, tant de nos biens que de nos maux, est incertain ; la mort seule est certaine. "
Ibidem, c. 3 : " Qu'un enfant vienne à être conçu il est incertain s'il viendra ou s'il ne viendra pas à terme ; s'il grandira ou s'il ne grandira pas ; s'il parviendra jusqu'à la vieillesse ou s'il mourra dans un âge prématuré, s'il sera riche ou s'il sera pauvre ; s'il vivra honoré ou dans l'humiliation ; s'il aura des enfants ou s'il n'en aura pas ; s'il se mariera ou s'il restera célibataire. Quelque autre bien que ce soit que vous me nommiez, je vous inviterai à pressentir le mal contraire. Peut-être sera-t-il malade, et peut-être ne le sera-t-il pas. Peut-être sera-t-il mordu, peut-être ne le sera-t-il pas par un serpent. Peut-être sera-t-il dévoré par une bête féroce, peut-être n'en sera-t-il pas dévoré. Nommez-moi d'autres maux quelconques, peut-être arriveront-ils, peut-être n'arriveront-ils pas. Mais pouvez-vous dire également : Peut-être cet homme mourra-t-il, peut-être ne mourra-t-il pas ? "
11. INNOCENT III, De contemptu mundi, sive de miseriâ humanæ conditionis, lib. I, c. 24 (al. 22) : " Toujours le dernier jour de la vie semble le premier où nous commençons à vivre, mais jamais le premier ne semble le dernier ; quoique pourtant nous devions vivre chaque jour comme si nous devions mourir ce jour-là. Car il est écrit : Souvenez-vous de la mort qui ne tarde point (Ecclé., XIV, 12). Le temps passe, et la mort approche. Mille années pour un mourant sont comme le jour d'hier, dont rien ne reste. Toujours l'avenir est à naître, toujours le présent expire, et tout ce qui est passé est déjà mort. Notre vie est une mort continuelle : nous ne cesserons de mourir, que lorsque nous cesserons de vivre. Il vaut donc bien mieux mourir pour vivre, que de vivre pour mourir. Car cette vie mortelle n'est qu'une mort vivante. C'est ce qui a fait dire à Salomon (Ecclés., IV, 2-3) : J’ai préféré l'état des morts à celui des vivants, et j’ai estimé plus heureux que les uns et les autres celui qui n'est pas encore né. La vie s'enfuit rapidement, sans qu'on puisse la retenir ; la mort ne se met pas en peine de nous surprendre, sans que nous puissions retarder son arrivée : ce qu'il y a de plus étrange, c'est que plus nous venons à croître, plus nous tendons à décroître : car plus
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nous avançons dans la vie, plus nous nous approchons de la mort. "
12. S. AUGUSTIN, in Sentent. à Prospero collectis ; sent. ult. : " Vous regorgez de biens, et vous vous vantez de la noblesse de votre extraction ; vous vous faites gloire des avantages de votre patrie, de la beauté de votre corps, des honneurs que les hommes vous décernent ; mais considérez-vous vous-même, voyez que vous êtes mortel, que vous êtes terre, et que vous rentrerez en terre. Regardez autour de vous ceux qui avant vous ont joui des mêmes honneurs. Que sont devenus ces hommes à qui les premiers des citoyens faisaient la cour ? Que sont devenus ces empereurs réputés invincibles ? Que sont devenus ces ordonnateurs de fêtes et d'assemblées, ces généraux d'armées, ces satrapes, ces potentats ? Tout cela n'est-il pas réduit en cendre et en poussière ? Reste-t-il de toute leur grandeur autre chose que des ossements ? Considérez ces sépulcres et tâchez d'y faire la distinction entre le maître et l'esclave, entre le riche et le pauvre. Discernez, si vous le pouvez, le captif d'avec le roi, le fort d'avec le faible, l'homme à belle prestance de l'homme difforme et monstrueux. En un mot, rappelez-vous votre nature, et vous cesserez de vous enorgueillir. Pour vous le rappeler, vous n'avez qu'à vous considérer vous-même. "
13. S. AUGUSTIN, Epist. LXXX (al. 199) ad Hesychium : " Chacun de nous a sujet de craindre que le jour qui sera pour lui le dernier de sa vie ne le surprenne comme un voleur : car le dernier jour du monde trouvera chacun dans le même état où le dernier jour de sa vie l'aura laissé, et nous serons tous jugés au dernier jour sur l’état où la mort aura trouvé chacun de nous. "
" C'est pour cela que Jésus-Christ même nous dit dans l'Evangile de saint Marc : Veillez, parce que vous ne savez quand viendra le maître de la maison, si ce sera le soir ou à minuit, au chant du coq ou au malin ; de peur que, survenant tout d'un coup, il ne vous trouve endormis ; et ce que je vous dis, je le dis tous, veillez (MARC, XIII, 35-37). Comment le dit-il à tous, si ce n'est en ce sens qu'il le dit à tous ses élus et ses bien-aimés qui appartiennent à son corps, c'est-à-dire son Eglise ? Cet avis ne s'adressait donc pas seulement à ceux à qui il parlait dans ce moment, mais à tous ceux qui ont été depuis eux jusqu'à nous, nous-mêmes, et à tous ceux qui viendront après nous jusqu'au jour de son avènement. Car on ne peut pas dire que ce jour-là doive trouver sur la terre ceux à qui il disait : Veillez, de peur
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que le Seigneur, survenant tout d'un coup, ne vous trouve endormis, ni que cette parole s'adresse aux morts aussi bien qu'aux vivants. Pourquoi dit-il donc qu'il adresse à tous ce qui semble ne regarder que ceux qui se trouveront alors sur la terre, sinon parce que cette parole est pour tous de la manière que je viens de dire, et que ce grand jour viendra pour chacun, lorsque viendra celui où chacun sortira de cette vie dans l'état où il sera jugé ce jour-là ? Ainsi tout chrétien doit veiller, de peur de ne pas se trouver prêt à l'avènement du Seigneur. Car ce jour-là ne nous trouvera prêts qu'autant que nous l'aurons été au jour de la mort. "
" Les apôtres savaient donc au moins, et savaient très-certainement, que Jésus-Christ ne viendrait point de leur temps, c'est-à-dire pendant qu'ils étaient encore dans cette vie mortelle. Cependant, qui peut douter qu'ils ne se soient maintenus, et plus exactement que personne, dans cet état de vigilance que Jésus-Christ recommande à tous, de peur que, survenant tout d'un coup, il ne nous trouve endormis (Cf. Les Lettres de saint Augustin, trad. en français, Paris, 1684) ? "
14. Le même, Lib. LXXXIII quæstionum, q. 59 : " Veillez, nous dit Notre-Seigneur, parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure (MATTH., XXV, 13). Chacun de nous ignore, non-seulement la dernière heure où viendra l'époux, mais encore celle où il mourra lui-même. Mais ceux qui se tiendront prêts pour le moment du sommeil, je veux dire pour le moment de la mort qui arrivera à tous, le seront aussi pour le moment où la voix qui retentira au milieu de la nuit réveillera tous ceux qui seront endormis du sommeil de la mort. "
15. S. CYPRIEN, Epist. LII ad Antonianum : " Celui qui n'a pas pensé qu'il devait mourir, ne mérite pas de recevoir des consolations au moment de sa mort. "
16. S. AUGUSTIN, Serm. III de sanctis Innocentibus, qui est decimus de Sanctis : " C'est une punition infligée au pécheur, que cet oubli de lui-même dans lequel il meurt, après qu'il a oublié Dieu pendant la vie. "
17. Le même, Tract. XXXIII in Evangelium Joannis : " On ne peut nier que Dieu, suivant le témoignage de son prophète, n'ait promis le pardon à ceux qui font pénitence ; mais vous ne sauriez me montrer que Dieu, par le même prophète vous ait promis une longue vie. . . Il offre à ceux qui seraient tentés de désespoir la grâce de son pardon comme un sûr asile ; mais d'autres
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sont tentés de présomption et se perdraient en remettant leur conversion d'un jour à l'autre : pour ces derniers, il a voulu que le jour de la mort fût incertain (Cf. Les Traités de saint Augustin sur l'Evangile de saint Jean, tome II, p. 326-327). "
18. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. XVI Moralium in Job, c. 31 : " Nous disons que la miséricorde de Dieu oublie celui qui a oublié le premier la justice de Dieu, parce que ceux qui ne redoutent pas présentement sa justice, ne pourront pas dans la suite éprouver les effets de sa miséricorde. "
19. S. AUGUSTIN, Lib. de disciplinâ christianâ (Cet ouvrage n'est pas de saint Augustin, mais plutôt de Valérien, évêque de Cémèle, au jugement du P. Sirmond. V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. V, p. 102), vel de domo disciplinæ, c. 11 : " Comme ce seul nom de mort vous émeut et vous saisit de crainte ! comme il glace d'effroi vos cœurs ! Comme vos gémissements témoignent de vos alarmes ! Oui, je vous ai entendus, vous avez gémi, et c'est que vous craignez la mort. Si vous la craignez, pourquoi ne vous précautionnez-vous pas contre elle ? Vous craignez la mort. Que craignez-vous ? Elle viendra. Que je la craigne ou que je ne la craigne pas, elle viendra toujours ; que ce soit plus tôt ou que ce soit plus tard, elle n'en viendra pas moins. Vos craintes ne feront pas que ce que vous craignez n'arrive pas en effet. "
Ibidem, c. 12 : " Craignez plutôt ce qui ne sera pas, du moment où vous ne voudrez pas que cela soit. Quelle est cette chose ? Le malheur de pécher. Craignez de pécher, parce que si vous aimez le péché, vous encourrez une autre mort, à laquelle vous pourriez échapper, si vous n'aimiez pas le péché. Etes-vous donc assez perverti pour aimer mieux la mort que la vie ? A Dieu ne plaise, répliquez-vous. Quel est l'homme qui puisse aimer mieux la mort que la vie ? C'est peut-être vous-même que je vals convaincre d'aimer mieux la mort que la vie ; et voici comment : Vous aimez votre tunique ; vous voulez qu'elle soit bonne. Vous aimez votre terre ; vous voulez qu'elle soit bonne. Vous aimez votre fils ; vous voulez qu'il soit bon. Vous aimez votre ami ; vous voulez qu'il soit bon. Vous aimez votre maison ; vous voulez qu'elle soit bonne. N'est-ce pas que vous voulez aussi avoir une bonne mort ? Car tous les jours vous demandez que puisque la mort doit vous arriver, ce soit une bonne mort que Dieu vous donne, et vous dites : Dieu me préserve d'une
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mauvaise mort ! Vous aimez donc plus votre mort que votre vie. Vous craignez de faire une mauvaise mort, et vous ne craignez pas de mener une mauvaise vie. Corrigez la vie mauvaise que vous menez, craignez la mauvaise mort. Ou plutôt ne la craignez pas ; celui qui mène une bonne vie ne peut pas faire une mauvaise mort. Je le répète et je ne crains point de l'assurer de nouveau ; j'ai cru, et c'est pourquoi j'ai parlé (Ps. CXV, 10) ; celui qui mène une bonne vie ne peut pas faire une mauvaise mort. Mais déjà je vous entends vous récrier : Est-ce que des justes n'ont pas souvent péri par quelque naufrage ? Je le répète ; celui qui mène une bonne vie ne peut pas faire une mauvaise mort. Est-ce que beaucoup de justes n'ont pas péri par l'épée ? Je le répète, celui qui mène une bonne vie ne peut pas faire une mauvaise mort. Est-ce que beaucoup de justes n'ont pas été victimes de brigands ? Est-ce que beaucoup de justes n'ont pas été dévorés par des bêtes féroces ? Je le répète, celui qui mène une bonne vie ne peut pas faire une mauvaise mort. Voilà ce que j'aurai toujours à vous répondre. Car est-ce que vous entendez, par une mauvaise mort, mourir dans un naufrage, ou par le glaive, ou par la dent des bêtes ? Est-ce que telle n'a pas été la mort des martyrs, dont nous célébrons les fêtes ? A quels genres de mort n'ont-ils pas été exposés ? Et cependant, si nous sommes chrétiens, si nous nous souvenons que nous sommes ici dans une école de sagesse, si une fois sortis de ce lieu nous n'oublions pas l'enseignement qui nous y a été donné, n'appelons-nous pas heureux les martyrs ? Examinez quelle a été leur mort. Voyez-la des yeux du corps, elle a été mauvaise. Voyez-la des yeux de la foi, c'est une chose précieuse aux yeux du Seigneur que la mort de ses saints. N'ayez donc plus d'horreur de ce qui dans la mort vous présente tant d'horreur, si vous imitez les martyrs. Occupez-vous seulement de mener une bonne vie, et de quelque manière que vous ayez à sortir de ce monde, vous en sortirez pour trouver le repos, pour entrer en possession d'une béatitude exempte de toutes craintes, et qui n'aura point de fin. La mort du riche paraît bonne à celui qui ne considère que la pourpre et le lin dont ce riche était vêtu jusqu'au moment où il a quitté la vie ; mais qu'elle est mauvaise aux yeux de celui qui considère ce même riche dévoré de soif, et demandant en vain au milieu de ses tourments une goutte d'eau pour se rafraîchir ! La mort du pauvre paraît mauvaise à celui qui le considère étendu à la porte du riche, désirant comme les chiens quelques miettes de
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pain qui tombent de la table de ce dernier. Voilà, dira-t-il, une mort mauvaise, une mort digne de toute notre aversion. Mais considérez la fin : vous êtes chrétien ; envisagez la chose avec les yeux de la foi. Ce pauvre vint à mourir, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. De quoi servait au riche son tombeau de marbre, tandis que lui-même était dans l'enfer tout brûlant de soif ? Quel tort faisaient au pauvre ses haillons et les ulcères dont son corps avait été couvert, puisqu'il reposait désormais dans le sein d'Abraham ? Le riche vit de loin jouissant du repos, celui qu'il avait méprisé comme il le voyait étendu à sa porte. Choisissez maintenant entre la mort de l'un et celle de l'autre. Dites-moi lequel des deux a fait une bonne mort ? lequel en a fait une mauvaise ? Je pense que la mort du pauvre est ici meilleure que la mort du riche. Trouveriez-vous bon d'être enseveli ici-bas avec des aromates, et d'être dévoré en même temps dans l'enfer par la soif ? A Dieu ne plaise, me répondez-vous ; car je pense que ce sera là votre réponse. Vous saurez donc faire une bonne mort, si vous savez mener une bonne vie ; car une bonne vie est assurée d'une récompense éternelle. "
20. Le concile de Latran tenu sous Innocent III, canon 22 : " Comme les infirmités corporelles peuvent avoir le péché pour cause, puisque Notre-Seigneur dit au paralytique qu'il avait guéri : Ne péchez plus désormais de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pire (JEAN, V, 14) ; nous statuons par le présent décret, et nous ordonnons strictement aux médecins des corps, que, lorsqu'un malade les appellera, ils l'avertiront et le presseront avant tout d'appeler aussi les médecins des âmes, afin qu'ils puissent travailler plus efficacement à guérir le corps, après que l'âme elle-même aura été guérie, puisque, la cause cessant, l'effet doit cesser par-là même. Une des causes de ce décret, c'est qu'il y a des malades qui, lorsque les médecins les engagent à pourvoir au salut de leur âme, se désespèrent aussitôt ; ce qui rend le danger de mort où ils sont encore plus imminent. Que si quelque médecin vient à transgresser cette constitution, après qu'elle aura été publiée par les ordinaires des lieux, qu'il soit privé de l'entrée de l’église jusqu'à satisfaction convenable. Au surplus, comme l'âme est beaucoup plus précieuse que le corps, nous défendons aux médecins, sous peine d'anathème, de conseiller à un malade des choses qui puissent être nuisibles au salut de son âme. "
21. Le concile de Trente, session XIV, dans la doctrine qu'il y a
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exposée sur le sacrement de l'Extrême-Onction : " Comme notre Rédempteur infiniment bon, qui a voulu pourvoir en tout temps ses serviteurs de remèdes salutaires contre tous les traits de toutes sortes d'ennemis, a préparé dans les autres sacrements de puissants secours aux chrétiens pour qu'ils puissent se garantir pendant leur vie, et se mettre à couvert de tout ce qui porterait un notable préjudice au salut de leurs âmes ; ainsi a-t-il protégé la fin de leur course au moyen de l'Extrême-Onction, qu'il leur offre comme une défense assurée. Car, bien que l'ennemi de nos âmes épie pendant toute la durée de notre vie toutes les occasions qu'il peut trouver de dévorer nos âmes, il ne met jamais plus en jeu ses ruses et ses finesses pour nous perdre entièrement, et nous faire déchoir, s'il pouvait, de la confiance en la miséricorde de Dieu, que lorsqu'il nous voit près de sortir de ce monde. "
Ibidem, c. 22 : " L'effet réel de ce sacrement, c'est la grâce du Saint- Esprit, dont l'onction nettoie les restes du péché et les péchés mêmes, s'il en reste encore quelques-uns à expier, soulage et rassure l'âme du malade, en excitant en lui une grande confiance en la miséricorde de Dieu : confiance qui fait qu'il supporte plus aisément les incommodités de la maladie, qu'il résiste avec moins de peine aux tentations du démon, qui lui dresse des embûches particulièrement en cette extrémité, et qu'il obtienne la santé du corps, lorsque cela est expédient pour le salut de son âme. "
22. Le concile de Nantes (Ce concile est fort ancien, et remonte probablement jusqu’à l'an 658), c. 4 : " Aussitôt qu'un prêtre saura que quelqu'un de son peuple est malade, il ira le visiter ; et en entrant chez lui, il lui fera par toute la chambre l'aspersion de l'eau bénite, en récitant l'antienne Asperges me, Domine, avec le verset Exurgat Deus. Il dira ensuite l'oraison Deus, qui sacerdotibus tuis tantam præ cæteris gratiam contulisti, etc. Puis il chantera les sept psaumes, avec les prières pour les malades. Après cela, il fera sortir tout le monde de la chambre, et s'approchant du lit où le malade sera couché, il exhortera doucement celui-ci à mettre toute son espérance en Dieu, à endurer patiemment le fléau qu'il lui envoie, et qu'il doit croire ne lui être envoyé que pour le purifier et le corriger ; confesser ses péchés et lui promettre son amendement pour le cas où Dieu lui rendra la santé ; à prendre l'engagement de faire pénitence pour ses fautes commises ; à disposer de ses biens tandis qu'il a l'usage
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libre de sa raison ; à racheter ses péchés par des aumônes, et à pardonner à ceux qui l'auraient offensé ; à tenir fermement à la vraie foi et à la vraie religion, et à ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu. Après qu'il aura relevé le courage du malade par ces sortes d'exhortations et d'autres semblables, il lui donnera sa bénédiction, et se retirera ensuite, en promettant de revenir bientôt, et en lui laissant le temps nécessaire pour penser à ses péchés. "
23. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Dialog., lib. IV, c. 58 : " Il est plus sûr pour chacun de faire par soi-même de son vivant, ce qu'on voudrait que les autres fissent pour nous après notre mort. Car il vaut beaucoup mieux sortir de ce monde libre de tous liens, que d'attendre, au moment où l'on va mourir, à être délié par d'autres de ses propres engagements. "
24. POSSIDONIUS ou Possidius, dans la Vie qu'il a donnée de saint Augustin, c. 31 : " Il avait coutume de dire à ceux avec qui il conversait familièrement qu'un parfait chrétien, quoiqu'il ait reçu la rémission de ses péchés dans le baptême, ne doit pas pour cela sortir de ce monde sans avoir fait une pénitence proportionnée à ses crimes. - Durant sa maladie, il fit écrire les sept psaumes de la pénitence sur la muraille, pour pouvoir les lire de son lit ; et il ne les lisait point sans verser beaucoup de larmes. Afin de n'être point interrompu dans ses exercices de piété, il défendit, environ dix jours avant sa mort, que qui que ce fût entrât dans sa chambre, excepté dans le temps où les médecins venaient le voir, et quand on lui apportait ses aliments. Cette défense fut ponctuellement exécutée, de sorte qu'il disposait avec liberté de tout ce temps-là pour la prière. "
Ibidem, c. 27 : " Il nous avait rapporté, non sans beaucoup d’éloges, une réponse pleine de sagesse et de piété qu'avait faite l'évêque Ambroise dans les derniers moments de sa vie. Comme celui-ci se voyait entouré dans sa dernière maladie des fidèles les plus honorables de la ville de Milan qui se lamentaient devant lui de ce que l'Eglise pourrait être privée par la mort d'un si grand évêque de la dispensation de la parole de Dieu, aussi bien que de celle des sacrements, et qu'ils le priaient avec larmes de demander lui-même à Dieu de prolonger ses jours, il leur répondit : " Ma vie n'a pas été telle, que j'aie honte de paraître encore au milieu de vous ; mais je ne crains pas non plus la mort, parce que nous avons en Dieu un très-bon maître. " Notre Augustin ne se lassait pas d'admirer et de louer dans les der-
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nières années de sa vie toute la sagesse et tout l'à-propos de ces paroles. Car, en disant qu'il ne craignait pas de mourir, parce que nous avons en Dieu un très-bon maître, Ambroise faisait entendre qu'on ne devait pas croire de lui qu'il présumât de la bonté de ses dispositions personnelles ; et en disant que sa vie n'avait pas été telle qu'il eût honte de paraître encore au milieu de son peuple, il remerciait ceux à qui il répondait de la bonne opinion qu'ils avaient de sa personne. Comme il connaissait toute l'équité des jugements de Dieu, il avait raison de dire qu'il comptait plutôt sur la bonté de Dieu que sur ses propres mérites. Il aimait aussi à répéter dans ses prières journalières : Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Il (Augustin) aimait aussi dans les derniers temps de sa vie à rapporter le mot suivant d'un évêque, son collègue et son intime ami. Quelqu'un étant venu visiter cet évêque au lit de la mort, et lui ayant réparti sur le signe que celui-ci lui avait fait de sa main que sa fin approchait, qu'il pouvait encore être nécessaire à l'Eglise, il répondit à cet ami, pour lui faire comprendre qu'il ne souhaitait point une plus longue vie : " Si je ne devais jamais mourir, à la bonne heure ; mais si je dois mourir un jour, pourquoi ne pas le faire dès à présent ? " Il admirait d'autant plus l'à-propos de cette réponse, que quoique cet évêque fût très-religieux, il avait été élevé dans le village même de sa naissance, et n'avait qu'un médiocre degré d'instruction. Il citait aussi, d'après le saint martyr Cyprien, qui le rapporte lui-même dans son livre de la Mortalité de l'homme, un mot qu'un autre évêque avait prononcé dans sa maladie : " Un de nos collègues dans l'épiscopat, écrivait à ce saint martyr, accablé par la maladie et jeté dans l'angoisse par les approches de la mort, supplia Dieu de différer le moment de son départ. Tout-à-coup parut un jeune homme aux pieds du moribond ; à l'éclat et la majesté de son visage commandaient le respect ; sa taille était haute, son regard étincelant ; hors le moment où tout allait s'évanouir, nul œil mortel n'aurait pu entrevoir sa présence. Eh quoi ! dit la mystérieuse apparition, avec un accent de reproche et presque de colère, vous craignez la souffrance, vous refusez de quitter le monde ? Que puis-je faire pour vous (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. de Genoude, t. V, p. 459) ? "
25. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 110 (al. 30,
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29) : " Ce n'est que durant cette vie que chacun se rend digne, ou de pouvoir être soulagé, ou d'être traité avec rigueur après sa mort. Que personne donc ne se flatte de pouvoir mériter de Dieu, après qu'il sera sorti de ce monde, ce qu'il aura négligé de se procurer durant la vie (Cf. Le Manuel de saint Augustin, dans les Traités choisis, t, II, page 461). "
26. Le même, Tract. XLIV in Evangelium Joannis, sur ces paroles, Il viendra une nuit dans laquelle personne ne pourra agir : " Que dirons-nous donc de cette nuit si terrible, dans laquelle Jésus dit que nul ne pourra agir ? Cette nuit est sans doute celle qui arrivera aux impies, et à tous ceux qui entendront prononcer contre eux cette redoutable sentence : Allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges (MATTH., XXV, 41). Mais il s'agit ici, m'objectera-t-on peut-être, de feu et de flammes, et non pas d'une véritable nuit. Ecoutez donc, et vous allez voir que la nuit n'est point exclue par la présence de ce feu dont les impies sont menacés. Car voici la sentence prononcée contre le serviteur inutile : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dam les ténèbres extérieures (MATTH., XXII, 13). Que l'homme travaille donc tandis qu'il est vivant, de crainte qu'il ne soit surpris par cette nuit dans laquelle personne ne pourra travailler. Il faut présentement que notre foi soit agissante par la charité ; et si nous employons de cette manière le moment présent, ce sera le jour pour nous, et ce sera Jésus-Christ qui agira en nous. Ecoutez la promesse qu'il vous fait, et gardez-vous de le croire absent : Voici, nous dit-il, que je suis avec vous (MATTH., XXVIII, 20). Combien de temps le sera-t-il ? N'en soyons point inquiets, nous qui vivons ; si cela se pouvait, nous donnerions la même garantie à tous ceux qui viendront après nous. Voici, a-t-il dit, que je suis avec vous jusqu'à la fin des siècles. Le jour qui s'accomplit par le parcours que fait le soleil de l'orient à l'occident, n'a que peu d'heures de durée ; au lieu que le jour qui marque la présence de Jésus-Christ durera jusqu'à la fin des siècles. Mais à la suite de la résurrection des vivants et des morts, lorsqu'il aura dit à ceux qui seront placés à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume ; et à ceux qui seront à sa gauche : Allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges ; alors se fera la nuit où personne ne peut travailler, mais où chacun recevra seulement le prix de son travail.
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Autre est le temps du travail, autre est celui de la rétribution ; car Dieu rendra à chacun selon ses œuvres (MATTH., XVI, 27). Faites donc, pendant que vous vivez, ce que vous avez à faire : car viendront plus tard ces ténèbres épaisses qui envelopperont les impies. Que dis-je ? dès à présent chaque infidèle, quand il meurt, tombe dans cette nuit, qui ne lui permet plus d'agir. C'est au milieu de cette nuit que brûlait le mauvais riche, qui demandait une goutte d'eau au doigt du pauvre, pour rafraîchir sa langue altérée. Il gémissait, il endurait un affreux supplice, il le témoignait hautement, et personne ne le soulageait. Il aurait voulu alors faire quelque bien ; car il disait à Abraham : Père Abraham, envoyez Lazare vers mes frères pour qu'il leur dise ce qui se passe ici, afin qu'ils n'entrent pas eux-mêmes dans ce lieu de tourments. Malheureux, c'était pendant que tu vivais qu'il te fallait agir ; mais maintenant tu es dans la nuit, dans laquelle personne ne peut agir (Cf. Les Traités de saint Augustin sur l'Evangile de saint Jean, tome II, p. 574-577). "
27. Le même, Serm. XLVIII ad fratres in eremo (Ces sermons, du moins pour la plupart, ne sont pas de saint Augustin, au jugement de Baronius, de Bellarmin et de tous les érudits. V. NAT. ALEX., Hist. eccl., t. V, p. 112) : " Qu'il vous sera pénible, mes frères, quand vous serez à vos derniers moments, qu'il vous sera douloureux de vous rappeler le mal que vous aurez fait et le bien que vous aurez omis ! Pourquoi, sinon parce que toute l'attention de l'esprit se porte là où est le siège de la douleur ? Il se présente alors bien des obstacles qui nous empêchent de penser comme il faut à nos péchés. Car, en même temps que le corps souffre et que le mal jette l'âme dans l'affliction, il vient pour vous voir des enfants que vous aimez, et qui peut-être sont en ce moment l'occasion de votre damnation, une épouse éplorée qui augmente encore la désolation où vous êtes déjà plongé. D'ailleurs, le monde cherche encore à vous flatter d'une vaine confiance ; le démon vous tente de présomption, pour empêcher que vous ne vous repentiez de vos péchés ; vous refusez vous-même de croire à votre fin prochaine ; les médecins, pour tirer plus de profit de votre maladie, s'étudient à relever votre courage ; vos parents vous cajolent ; les prêtres vous adressent de douces paroles, et c'est ainsi que meurt le riche déjà tout entier dans l'enfer. O homme, vous avez entendu ce que je viens de vous dire ; croyez que vous en ferez
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vous-même bientôt l’expérience. Je vous conjure donc de faire pénitence et de régler les affaires de votre maison, sans attendre pour cela que vous soyez accablé par la maladie. Faites ce qui doit être fait ; faites votre testament tandis que vous êtes en santé, que vous êtes dans votre bon sens, que vous êtes maître de vous-même. Car si vous attendez le temps de la maladie, les menaces ou les caresses vous conduiront là où vous ne voudriez pas aller. "
28. Ibidem, Serm. LVII, qui est de vanitate sæculi, c. 1 : " Si vous voulez savoir, mes bien-aimés, quelles craintes et quelles douleurs l'âme éprouve au moment de sa séparation d'avec le corps, faites attention à ce que je vais vous dire. Les anges viennent la prendre pour la présenter à Dieu, pour l'assister devant le tribunal de ce juge redoutable ; et alors se rappelant à elle-même tout le mal qu'elle a fait, soit le jour, soit la nuit, elle est saisie de tremblement, elle voudrait fuir et demander du délai : Donnez-moi, dit-elle, encore une heure. Alors ses propres œuvres lui répondent et lui disent : C'est toi qui nous as faites ; nous sommes tes propres œuvres, nous ne te quitterons pas, nous serons toujours avec toi, nous irons ensemble au jugement. Voilà ce qui se passe dans l'âme du pécheur, qui se sépare ainsi de son corps remplie de terreurs, comme de confusion de péchés. L'âme du juste, au contraire, est sans crainte lorsqu'elle est pour se séparer de son corps ; elle n'éprouve aucune frayeur, mais elle est plutôt pénétrée de joie, et tressaille d'allégresse à la pensée qu'elle va se réunir à Dieu, avec les saints anges pour escorte. Redoutez actuellement cette heure-la, mes frères, pour ne pas avoir à la redouter lorsqu'elle sera venue ; précautionnez-vous maintenant par rapport à elle, pour la voir arriver alors sans inquiétude. "
29. HUGUES DE SAINT-VICTOR, (Ou bien saint Bernard ; voyez l'observation faite au bas de la page 17), Lib. I de animâ, c. 2 : " Tandis que l'homme coule ses jours dans la joie, en se promettant à lui-même une longue vie, et faisant de grands projets dont l'exécution demanderait de longues années, tout-à-coup le moment de sa mort arrive, et son âme est brusquement forcée de se séparer de son corps ; et alors, de quelle crainte et de quelle douleur n'est-elle pas saisie ! Les anges viennent la prendre, etc., " comme au témoignage précédent, jusqu'à : Nous irons ensemble au jugement. L'auteur du Livre de l'âme continue ainsi : " Les
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vices lui intenteront à leur tour leurs accusations, et trouveront moyen de l'accabler de beaucoup de faux témoignages, quoiqu'il pût leur suffire des témoignages véridiques qu'ils ont à produire contre elle. Les démons, de leur côté, l'épouvanteront par leur horrible aspect ; ils s'acharneront avec fureur à la poursuivre, et s'attacheront à la retenir en leur pouvoir, à moins qu'elle ne trouve un libérateur. Alors cette âme, qui ne peut plus trouver dans les organes des sens, dont l'usage est désormais paralysé, les moyens qu'elle avait autrefois de se répandre au-dehors, et de se récréer par le spectacle et la jouissance des biens extérieurs, se recueille en elle-même, et se voyant seule et dépouillée de tout, elle est saisie d'horreur, tombe dans le découragement et reste consternée. Car, comme elle avait renoncé à l'amour de Dieu pour l'amour du monde et par le désir qu'elle éprouvait des voluptés charnelles, Dieu l'abandonnera à son tour dans ce moment terrible, et la livrera aux démons pour qu'ils la tourmentent dans l'enfer. C'est ainsi que l'âme du pécheur est enlevé par la mort et séparée du corps au jour et à l'heure qu'il n'avait pu prévoir, et qu'elle s'en va pleine de misères, tremblante et désolée ; et comme elle ne peut alléguer aucune excuse pour les péchés qu'elle a commis, elle redoute le moment où elle va paraître devant Dieu ; elle frémit, agitée qu'elle est par mille pensées désolantes, tandis que les liens qui rattachaient à son corps achèvent de se rompre, que tout l'abandonne et qu'elle touche déjà le terme où toutes ses craintes devront se réaliser, et tout-à-l'heure elle va entrer dans ce nouvel état de choses, que rien ensuite ne pourra changer. Elle voit à découvert avec quelle rigueur le juge éternel va lui prononcer sa sentence, avec quelle exactitude toutes ses fautes vont lui être reprochées. Eh ! quand même elle aurait évité toutes celles qu'elle aurait connues pour telles, combien d'autres qu'elle ne connaît pas elle-même n'a-t-elle pas à craindre de s'entendre reprocher par la souveraine justice ? Sa frayeur redouble, quand elle fait réflexion qu'elle n'a pas pu passer sa vie entière exempte de fautes. "
30. Ibidem, Lib. III, c. 23 : " Considérez l’état où vous mourrez, lorsque succombant à la violence de la maladie et étendu sur votre couche, vous rendrez l'âme après des efforts longs et pénibles pour échapper à ce moment fatal, en proie aux douleurs et à des craintes de toutes sortes. Alors une pâleur livide se répandra sur tous vos traits ; une odeur infecte s'exhalera de votre corps, ou de ce ver de terre, devenu qu'il sera lui-même la proie des vers. Votre
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âme, de son côté se verra saisie et enlevée de ce monde par les spectres funèbres, qui l'attendent à sa sortie. De toutes parts elle entreverra avec effroi d'horribles démons. Eh ! qui pourra la défendre de ces monstres tout disposés à la dévorer ? Qui pourra la rassurer, lorsqu'elle verra ces monstres affreux fondre sur elle comme toute une armée ? Ou qui voudra lui servir de guide dans cette région inconnue ? "
31. Ibidem, Lib. IV, c. 43 : " La Prudence est chargée d'introduire certains messagers de mort, dont les avis pourront nous inviter à mettre ordre aux affaires de notre conscience. Le premier de ces messagers demande à entrer ; le voilà introduit. Interrogé pour qu'on sache qui il est, d'où il vient, ce qu'il a vu, il répond qu'il ne dira rien, tant qu'on n'aura pas fait silence. Ce silence obtenu, il commence ainsi : Je suis la Crainte de la mort, et je viens vous annoncer que votre mort approche. La Prudence répond pour tous les autres, et fait cette question : Où la mort est-elle ? La Pensée de la mort lui répond : Je sais qu'elle ne tardera pas à arriver et qu'elle est proche ; mais j'ignore le jour et l'heure de son arrivée. La Prudence : Et de qui est-elle accompagnée ? La Pensée de la mort : De mille démons qui portent avec eux de grands livres, des crocs et des chaînes de fer. La Prudence : Que prétendent-ils faire de tout cela ? La Pensée de la mort : Dans les livres sont écrits tous les péchés des hommes, et ils revendiquent des droits sur tous ceux dont les péchés s'y trouvent inscrits. Les crocs dont ils sont armés doivent leur servir à enlever les âmes dont ils auront prouvé qu'elles leur appartiennent, pour les jeter ensuite dans l'enfer chargées de chaînes. "
32. INNOCENT III, Lib. II de contemptu mundi, sive de miseriâ humanæ conditionis, c. 42 : " Les méchants endurent en enfer quatre espèces de douleurs. La première, c'est le malaise corporel, qui est si grand, qu'ils n'en ont point encore éprouvé de semblable, et qu'il est tout particulier pour ce dernier moment. Il va jusqu'à porter quelques-uns à se déchirer et à se mettre eux-mêmes en pièces quoiqu'il n'en paraisse rien au-dehors. Car la violence est extrême de cette séparation qui se fait entre l'âme et le corps. C'est ce qui a fait dire douloureusement au Prophète : Les douleurs de la mort m’ont environné (Ps. CXIV, 3). Car il n'y a pas dans tout le corps humain un seul membre, une seule articulation, qui ne ressente cette douleur inexplicable. La seconde douleur est celle que l'âme éprouve, lorsque le corps étant déjà tout épuisé de forces, elle
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voit avec beaucoup moins de peine tout le bien, mais aussi tout le mal qu'elle a fait, et qui se représente en un moment à son regard intérieur. Cette douleur est telle, que l'âme toute troublée en vient à ne pouvoir plus se supporter elle-même. C'est ce qui a fait dire au Psalmiste : Les torrents de l'iniquité m’ont rempli de trouble (Ps. XVII, 5). Car un torrent vient avec impétuosité, et on dirait qu'il va tout renverser ; et c'est de cette même manière que le bien et le mal qu'on a fait se présentent dans le moment de la mort, aux regards du mourant. La troisième douleur est celle qu'éprouve l'âme, lorsqu'elle commence à se reconnaître coupable, et qu'elle voit tous les tourments de l'enfer sur le point de fondre sur elle en punition de ses iniquités. C'est ce qui a fait dire encore au Psalmiste : Les douleurs de la mort m'ont environné, et j'ai été assiégé des maux de l’enfer (Ps. XVII, 5-6). La quatrième douleur est celle que l'âme ressent, lorsqu'étant encore unie au corps qu'elle anime, elle voit les esprits malins qui s’apprêtent à l'enlever ; cette douleur est si grande, ainsi que la crainte qui la produit, que cette pauvre âme, quoiqu'il soit résolu qu'elle va quitter le corps, s'obstine à ne point s'en séparer, pour pouvoir, avant de le quitter, mériter d'être exemptée de ces affreux tourments. C'est ce qui a fait dire au prophète Sophonie : On entendra sortir de la première porte un grand cri, et de la seconde des hurlements (SOPH., I, 10). La première porte, c'est le moment ou l'âme quitte le corps et est aussitôt enlevée par les esprits malins pour endurer entre leurs mains d'éternels supplices. La seconde porte, c'est le dernier jour ou l’âme et le corps réunis seront condamnés à endurer en commun des supplices sans fin. Car, au moment où l'âme vient à être séparée du corps, il n'y a qu'elle encore qui soit punie, au lieu que l'âme et le corps seront punis tous les deux ensemble après le jugement. C'est pour cela que le Prophète a dit : Brisez-les par le double mal dont vous les frappez (JEREM., XVII, 18). "
33. S. GREGOIRE, Dialog. lib. IV, c. 38 : " Chrisorius, comme ne se lassait pas de le raconter Probus, son proche parent. . . , était un homme doué de tous les avantages du monde, mais, du reste, aussi vicieux qu'il était riche, enflé d'orgueil, passionné pour les voluptés, possédé de la fureur de s'enrichir. Mais le Seigneur ayant résolu de mettre fin à tant de désordres, lui envoya une maladie dangereuse. Bientôt réduit à l'extrémité, il vit en ouvrant les yeux, au moment où son âme allait quitter son corps, des hommes d’un aspect affreux et des esprits d'une
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horrible noirceur qui se tenaient devant lui, et se disposaient à l'enlever et à l'entrainer dans le gouffre de l'enfer. Alors il se mit à trembler, à pâlir, à suer de tout son corps, et à crier grâce
de toutes ses forces, en même temps qu'à appeler à grands cris son fils Maxime, que j’ai vu moi-même lorsque j'étais au monastère professer l'état religieux : " Maxime, hâte-toi de courir, " lui disait-il tout agité ; " je ne t'ai jamais fait de mal, viens à mon secours. " Maxime accourt tout troublé ; toute la famille s'assemble consternée. Aucun des assistants ne pouvait apercevoir les esprits malins dont il avait tant souffrir ; mais la confusion, la pâleur et le tremblement de celui qu'ils cherchaient à entraîner suffisaient pour démontrer à tout le monde leur présence. La peur qu'ils inspiraient au malheureux patient faisait qu'il se roulait dans son lit : il se couchait sur le côté gauche, ne pouvant supporter leur vue ; il se tournait du côté du mur, et toujours il les retrouvait devant ses yeux. De plus en plus réduit aux abois, et désespérant déjà d'échapper, il se mit crier : Grâce jusqu'au matin, grâce jusqu'au matin. Mais, au milieu même de ces cris qu'il poussait, son âme se sépara de son corps avec violence. Sans doute cette affreuse vision a eu lieu non pour celui-là même qui en a été le sujet, mais pour qu'elle nous serve à nous-mêmes, nous que la patience divine attend depuis si longtemps. Car, quant à lui-même, de quoi lui a-t-il servi d'avoir vu ces horribles esprits avant sa mort et d'avoir demandé grâce, puisque cette grâce qu'il demandait, il ne l'a pas obtenue ? "
34. Le même, Hom. XII in Evangelia, rapporte la même histoire de Chrisorius.
35. Le vénérable BEDE, Hist. Anglorum, lib. V, c. 14 : " Il y avait dans le pays des Merciens un homme dont les visions et les paroles profitèrent à plusieurs, mais non à lui-même. Il vivait du temps de Coenred, successeur d'Edilred ; c'était un laïque engagé dans le service des armes ; mais autant il était agréable au roi pour la manière dont il remplissait ses devoirs extérieurs, autant il lui déplaisait pour sa négligence à régler sa conduite intérieure. Le roi le pressait donc souvent de se confesser et de cesser ses désordres avant qu'une mort imprévue lui ôtât le temps de faire pénitence. Mais, quoiqu'il reçût fréquemment ces avertissements salutaires, il négligea d’en tenir compte, se contentant de promettre de faire plus tard pénitence. Sur ces entrefaites, il tomba malade, se mit au lit, et commença à ressentir de vives douleurs. Le roi, qui l'aimait, étant allé le voir,
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l'exhortait vivement à faire pénitence de ses crimes au moins avant de mourir. Mais il lui répondit qu'il ne voulait pas pour le moment confesser ses péchés mais qu'il ne le ferait que quand il serait guérit, de peur que ceux de sa profession ne lui reprochassent d'avoir fait par crainte de la mort ce qu'il avait refusé de faire en santé : il s'imaginait avoir fait preuve de force d’âme en tenant ce langage, tandis que, comme l’événement le fit voir bientôt, il n'était que le misérable jouet des ruses du démon. Sa maladie venant à s'aggraver, comme le roi entrait dans sa chambre pour l'exhorter, en même temps que pour lui faire visite, il s'écria tout-à-coup d'une voix lamentable : Que me voulez-vous ? pourquoi venir ici ? Vous ne pouvez plus rien faire pour mon salut. Ne dites pas cela, lui répondit le roi ; tâchez de penser plus sainement. Je ne déraisonne point, lui répliqua le malade, mais j'ai devant mes yeux tous les crimes dont je me sens coupable. Eh ! qu'est-ce donc, dit le roi ? Il n'y a qu'un instant, reprit le malade, il est entré dans cette maison deux jeunes hommes d'une grande beauté qui se sont assis près de moi, l'un à ma tête et l'autre à mes pieds ; l'un d'eux a tiré un petit livre très-joli mais extrêmement petit, qu'il m'a donné à lire ; il contenait, comme je m'en suis convaincu en le lisant, ce que j'avais fait de bien dans toute ma vie, et qui se réduisait en tout à fort peu de choses. Ils ont ensuite repris ce petit livre sans me dire un seul mot. Mais tout-à-coup voilà qu'est accourue sur moi toute une armée d'esprits malins, plus horribles les uns que les autres, et ils ont rempli toute la maison, en même temps que le reste, qui se trouvait de trop pour entrer, se répandait autour. Alors celui d'entre eux qui semblait leur chef, tant par l'air sombre de ses traits que par la place qu'il occupait dans leurs rangs, a tiré un livre qui faisait peur à voir et d'une grandeur énorme, et en même temps d'une pesanteur telle qu'on pouvait à peine le porter, et il a ordonné à l'un de ses satellites de me le remettre à lire. En le lisant, j'y ai trouvé rapportés tous mes crimes, non-seulement d'actions et de paroles, mais encore de pensées, le tout écrit très-distinctement en caractères noirs. Et il disait aux deux jeunes hommes habillés de blanc qui se tenaient près de moi : Pourquoi restez-vous ici, puisque vous savez que cet homme est des nôtres ? Ils lui ont répondu : Vous dites vrai ; prenez-le, et emmenez-le avec vous pour qu'il mette le comble votre damnation. Cela dit, ils ont disparu, et deux de ces méchants esprits se levant m'ont frappé, l'un à la tête et l’autre aux pieds, avec
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les couteaux qu'ils tenaient à la main ; et encore en ce moment je sens les coups qu'ils m'ont portés pénétrer dans mes entrailles, où ils me causent des douleurs horribles, et quand les deux plaies vont se joindre, je vais mourir, pour être emporté dans l'enfer par ces démons tout prêts à m'enlever. Ainsi parlait ce malheureux plongé dans le désespoir ; et, peu de temps après il est mort pour aller subir en enfer des peines éternelles et y faire sans fruit une pénitence qu'il a négligée de faire tandis qu'elle lui eût été si fructueuse, et qui n'aurait duré qu'un temps fort court. "
" Sans doute, dirai-je de celui-ci, comme le bienheureux pape Grégoire l'a dit de certains autres (Dialog. lib. IV, c. 38, dans le témoignage qui précède immédiatement celui-ci), sans doute que cette vision a dû servir pour les autres, plutôt que pour lui-même, c'est-à-dire que les autres, en faisant réflexion sur les circonstances de sa mort, ont dû craindre de remettre à faire pénitence à un autre temps, tandis qu'ils pouvaient la faire à l'heure même, et de mourir dans l'impénitence en se laissant surprendre par la mort. Si cet homme a vu les bons et les mauvais esprits lui présenter les uns après les autres des livres différents, c'est que Dieu l'a permis pour que nous nous souvenions que nos actions et nos pensées ne sont jamais perdues, mais que tout demeure pour être discuté par le souverain juge, et pour nous être reproché ou rappelé à la fin, soit par les bons anges, soit par les mauvais. Si c'est le livre blanc qui a été présenté le premier par les bons anges, puis le livre noir par les démons, le premier très-petit, le second d'une grosseur énorme, c'est pour nous faire remarquer que cet homme avait fait dans son premier âge tout ce qu'il avait fait de bien, mais que tout ce bien avait été obscurci par tout le mal qu'il avait fait ensuite. Si, au contraire, après avoir fait le mal dans son enfance, il s'en était corrigé dans sa jeunesse, s'il l'avait effacé devant Dieu par le bien qu'il aurait accompli sur la fin de sa vie, il pourrait être compté au nombre de ceux dont le Psalmiste a dit : Heureux ceux dont les iniquités leur sont pardonnées, et dont les péchés tout couverts (Ps. XXXI, 1). J’ai cru bien faire de raconter cette histoire simplement comme je l'ai apprise du saint évêque Pethelme, pour le bien spirituel de mes lecteurs ou de mes auditeurs. "
36. Ibidem, c. 15 : " Je connais un moine, que je voudrais bien n’avoir jamais connu, et dont je pourrais même dire le nom, si cela servait à quelque chose ; il habitait un monastère fort régulier, quoiqu’il menât lui-même une vie fort irrégulière. Ses
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confrères ne se lassaient pas de l'avertir charitablement, et ses supérieurs ne lui ménageaient pas non plus les remontrances ; et quoiqu'il refusât de les écouter, on le souffrait patiemment dans la communauté, où son industrie le rendait nécessaire ; car il était fort habile ouvrier. Or il avait une forte passion pour le vin, comme pour tout le reste de ce qui accommode surtout les gens qui vivent dans le relâchement, et il aimait mieux passer le jour et la nuit dans son atelier, que de chanter ou de prier à l’église, ou que d'entendre avec le reste de la communauté la parole de vie. Aussi lui est-il arrivé ce qu'on dit ordinairement, que celui qui ne veut pas entrer de bon gré dans l'Eglise en s'humiliant volontairement, entrera de force dans l'enfer en subissant malgré lui sa condamnation. En effet, ayant été atteint d'une maladie grave, et se trouvant réduit à l'extrémité, il appela ses confrères, et d'un air désolé où on lisait d'avance sa damnation prochaine, il leur dit qu'il voyait l'enfer ouvert, Satan plongé au fond du tartare, et Caïphe avec les autres qui avaient fait mourir Notre-Seigneur, et tous ensemble livrés aux flammes vengeresses. Hélas ! ajoutait-il, malheureux que je suis, je vois la place qui m'est préparée près d'eux tous pour l'éternité. Les moines, entendant ces paroles, s'empressèrent de l'exhorter à faire pénitence tandis que son âme était encore unie à son corps. Mais il leur répondait avec désespoir : Il n'est plus temps pour moi de changer de vie, puisque j'ai vu mon jugement déjà tout prononcé. En disant ces mois, il rendit l’âme sans avoir reçu le viatique du salut, et on inhuma son corps dans un coin retiré du monastère sans que personne osât dire des messes, ou chanter des psaumes, ou même prier pour lui. Oh ! quelle distance infinie Dieu a mise entre la lumière et les ténèbres ! Le premier martyr, saint Etienne, sur le point de donner sa vie pour la vérité, vit les cieux ouverts, Dieu dans sa gloire, et Jésus se tenant à la droite de Dieu, et avant même de mourir, il put contempler des yeux de l'esprit la place glorieuse qui lui était destinée, pour être encouragé par-là à souffrir avec plus de joie. Au contraire, cet ouvrier, habile seulement dans les œuvres de ténèbres, vit au moment de mourir l'enfer ouvert, la damnation que subit le diable avec ceux qui se mettent de son parti ; il vit aussi le cachot qui lui était destiné parmi de tels complices, pour que sa mort non-seulement n'en fût que plus déplorable pour lui-même, dont le salut était désespéré, mais servît en même temps de leçon aux autres qui viendraient à en avoir connaissance. Ce fait est récent, et a eu
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lieu dans le pays de Bernicie ; le bruit s'en est répandu au loin, et a engagé beaucoup de personnes à faire pénitence de leurs fautes sans plus de retard. Puisse la lecture qu'on fera de ce récit produire le même effet. "
37. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Dialog. lib. IV, c. 11, raconte de la manière suivante la mort du prêtre Ursin : " Il se mit à crier avec des transports de joie : Soyez les bienvenus, mes seigneurs, soyez les bienvenus ; pourquoi me faire cet honneur, à moi qui suis si peu de chose, de daigner me visiter ? Je viens, je viens. Grâces vous soient rendues, grâces vous soient rendues. Comme il ne cessait de répéter ces mots, ses amis qui l'entouraient lui demandaient qui étaient ceux à qui il adressait ces paroles. Il leur répondit ravi d'admiration : Ne voyez-vous pas les saints apôtres ici rassemblés, n'apercevez-vous pas saint Pierre et saint Paul, les premiers des apôtres ? Puis se tournant vers les objets de sa vision, il disait : Voici que je viens, voici que je viens ; et il rendit l'âme au milieu de cette même extase, montrant par sa promptitude à suivre les saints apôtres, que c'étaient vraiment eux qu'il avait vus. Souvent il arrive ainsi aux justes de jouir au moment de leur mort de la vision de quelque illustre saint, afin d'être prémunis contre la crainte que pourrait leur causer la mort même qui est après toute la peine du péché, et de quitter sans peine la prison de leurs corps, en voyant la bienheureuse société à laquelle ils doivent être réunis. "
38. Dans les chapitres suivants, saint Grégoire rapporte encore plusieurs autres semblables apparitions de saints.
39. S. CYPRIEN, Lib. de mortalitate, dit entre autres motifs qu'il fait valoir pour nous engager à ne pas craindre la mort : " Quel étrange aveuglement d'esprit, quelle démence de nous complaire dans les larmes, dans les angoisses, dans les tribulations du monde, au lieu de nous élancer vers des béatitudes que rien ne pourra plus nous ravir ! "
" D'ou vient cette indifférence, mes bien-aimés ? C'est que la foi est morte ; c'est que l'on ne croit point aux oracles de Dieu, dont l'infaillible parole demeure éternellement. . . Ainsi le pensait le bienheureux apôtre Paul, lorsqu'il écrivait dans une de ses épîtres (Phil., I, 21) : Le Christ est ma vie, et la mort m'est un gain. Oui, gain incomparable selon lui, que de n'être plus enlacé dans les filets du monde, de n'être plus l'esclave de la chair ! Gain immense, que d’être affranchi pour toujours des misères de cette vie, d'être arraché a la dévorante avidité du
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démon, et d'aller, docile à la voix du Christ, s'enivrer à la source des éternelles béatitudes ! . . . . . "
" Oui, qu'il craigne de mourir, celui-là seul qui, n'ayant pas été régénéré par l'eau et par l'esprit, est promis aux flammes de l'enfer ! qu'il craigne de mourir, celui qui n'est pas marqué du signe de la rédemption ! qu'il craigne de mourir, celui qui passera de la mort du temps à la mort de l'éternité, sortant ainsi de ce monde passager pour tomber dans des tourments sans fin ! qu'il craigne de mourir, celui qui, par un délai de quelques jours, ne gagne qu'un sursis à son désespoir et à ses lamentations. . . . . ! Le jugement divin saisit l'homme dans l'état où il le trouve à sa dernière heure. . . . . Quelle étrange inconséquence ! quel oubli de toute raison ! Nous disons à Dieu : Que votre volonté soit faite, et quand il nous retire de ce monde pour nous appeler à lui, nous ne cédons que malgré nous à la manifestation de cette même volonté ! Nous nous débattons violemment contre elle ; esclaves fugitifs que l'on ramène au joug, nous paraissons devant notre maître avec des regrets et des larmes, arrachés du siècle par une force irrésistible plutôt que par l'amour et la soumission ; et après cela nous demandons des récompenses et des palmes à ce même Dieu devant lequel la nécessité toute seule nous a traînés ! A quoi bon nous écrier : Que le royaume des cieux nous arrive, si cette prison terrestre a tant de charmes pour nous ? Pourquoi, dans des prières ferventes et incessamment renouvelées, conjurer Dieu de hâter le jour de son règne si tous nos vœux, tous nos penchants nous inclinent à ramper ici-bas sous la servitude du démon, au lieu d'aspirer à régner là-haut avec le Christ ? "
" Voulez-vous enfin des témoignages plus évident d'une sagesse providentielle, et une preuve plus convaincante que ce Dieu, maître de l'avenir, envoie aux siens ce qui convient le mieux à leur salut ? Ecoutez : Un de nos collègues dans l'épiscopat, accablé par la maladie et jeté dans l'angoisse par les approches de la mort, supplia Dieu de différer le moment de son départ. Tout-à-coup parut aux pieds du moribond un jeune homme ; l'éclat et la majesté de son visage commandaient le respect ; sa taille était haute, son regard étincelant ; hors le moment où tout allait s'évanouir, nul œil mortel n'aurait pu entrevoir sa présence. " Eh quoi ! dit la mystérieuse apparition avec un accent de reproche et presque d'indignation, vous craignez la souffrance, vous refusez de quitter le monde. Que puis-je faire pour vous ? " C'était dire à ces âmes tremblantes devant
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la persécution, et peu empressées d'aller rejoindre le Seigneur, que leurs regrets par rapport à la vie présente ne sont pas écoutés quand il s'agit de pourvoir aux intérêts de leur éternité. Notre frère, notre collègue entendit à la dernière heure ces paroles qui s'adressaient à d'autres, mais qu'il avait mission de répéter ; car c'est à nous, et non point à lui, que le conseil s'adressait. La vie allait lui échapper : qu'avait-il à apprendre pour son compte ? Mais cet évêque réprimandé pour avoir sollicité quelques jours de sursis, leçon vivante exposée à tous les regards, nous éclairait sur nos intérêts véritables. "
" La mort dans le temps est le passage à l'éternité ; point d'autre moyen pour y arriver que de sortir de ce monde. Disons mieux : ce n'est point là sortir, mais seulement, après un voyage de quelques jours, entrer dans les tabernacles de l'éternité. Qui donc ne se hâterait d'entrer dans un séjour meilleur ? Qui n'aspirerait à devenir semblable au Christ, à revêtir une glorieuse transformation, et à posséder promptement la gloire de l'immortalité suivant cette parole de l’Apôtre (Philip., III, 20-21) : Vivant déjà dans le ciel, c'est de là que nous attendons le Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps, tout vil et abject qu'il est, en le rendant conforme à son corps glorieux. . .? Qu'il demande à vivre longtemps dans le monde, celui à qui le monde plaît, celui qu'il invite et retient par ses perfides voluptés. Mais toi, chrétien, qui hais le monde, pourquoi aimerais-tu qui te hait ? Pourquoi le préférer à Jésus-Christ, qui t'a racheté et qui t'aime ? "
" Transporté sur la terre étrangère, le voyageur s'empresse de regagner le pays natal ; le navigateur qui fait route vers sa patrie, demande aux vents d'enfler les voiles et de le pousser rapidement dans les bras de ceux qu'il chérit. Le ciel est notre patrie, volons pour y arriver. Les patriarches sont nos pères ; courons saluer au plus tôt nos augustes devanciers ! Nous sommes impatiemment attendus ; une troupe nombreuse de proches, des pères, des mères, des fils, des frères rassurés désormais sur leur éternelle destinée, mais encore inquiets sur la nôtre, nous tendent les bras et soupirent après nous (Cf. Les Pères de l'Eglise, t. V, trad. de Genoude). "
40. S. AMBROISE, Lib. de bono mortis, c. 2 : " Trois sortes de morts. La première, la plus réelle, la mort du péché, qui tue l'âme, selon ce qui est écrit dans Ezéchiel (XVIII, 20) : L’âme qui pèche mourra ; la mort mystique, dont parle saint Paul dans son
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épître aux Romains, par laquelle on meurt au péché afin de ne vivre que pour Dieu ; et la mort naturelle, qui termine la vie par la séparation de l'âme avec le corps. La première ne peut être considéré que comme un très-grand mal ; la seconde, que comme un très-grand bien ; la troisième peut être envisagée diversement : les justes la désirent, les méchants la redoutent avec raison, comme devant être le commencement de leur supplice. Quoiqu'elle délivre tous les hommes également des liens du corps, peu cependant la désirent ; ce qu'il faut imputer, non à la mort elle-même mais à notre faiblesse, qui s'accommode facilement des plaisirs des sens et des délices de cette vie, et qui voit avec effroi en approcher la fin, bien que la vie présente nous offre plus de chagrins que de consolations. . . . . "
" Pourquoi tant désirer de rester dans une vie, ou plus elle se prolonge, plus le poids de nos péchés s'aggrave ? "
41. Ibidem, c. 3 : " La mort est donc la séparation de l'âme et du corps. Enfin, nous avons appris de l'Apôtre qu'il nous est beaucoup plus avantageux d'être dégagé des liens du corps et d'être avec Jésus-Christ (Philip., I, 23). Et cette séparation que fait-elle autre chose que de dissoudre nos organes et d'établir notre corps dans le repos, et de faire entrer aussi l'âme dans son repos, et si cette âme aime Jésus-Christ, de la mettre à même de se réunir à lui ? Qu'ont donc à faire les justes dans la vie présente que de s'affranchir de ces vaines pensées terrestres qui sont pour nous comme des liens, de se séparer autant qu'ils le peuvent de ces choses importunes, de renoncer aux voluptés et à la luxure, et de se mettre en garde contre le feu impur de la passion ? "
42. Ibidem, c. 4 : " De toutes manières, la mort est donc un bien, et parce qu'elle sépare et pacifie ce qui était en guerre, et parce qu'elle est comme un port où, après avoir lutté contre les tempêtes de la vie présente, on peut trouver un asile et un repos assuré ; et parce qu'elle n'empire point notre état, mais qu'elle le remet tel qu'elle le trouve au jugement à venir ; qu'elle en assure même la stabilité, qu'elle le sauve des vicissitudes de la vie présente et qu'elle nous console par la juste attente des biens éternels. Si nous nous rappelons que Dieu n'a point fait la mort, mais qu'elle est la juste sentence porté contre la prévarication du premier homme, qui, sorti de la poussière, a dû retourner en poussière nous verrons que la mort met fin au péché, et empêchent nos fautes de se multiplier mesure que notre vie se prolongerait. "
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43. Ibidem, c. 7 : " Ce n'est pas la mort qui est amère, elle n'est amère que pour l'impie ; mais au fond, la vie est plus amère que la mort. Car il est plus fâcheux de vivre pour pécher que de mourir au péché, puisque l'impie ne prolonge ses jours que pour pécher davantage ; s'il meurt au contraire, il cesse de pécher. "
" Nous aimons en général que nos péchés nous soient pardonnés. Si c'est pour nous en corriger, nous avons raison ; si c'est pour y persévérer, c'est une sotte extravagance. Dans ce cas, il vaudrait mieux subir tout de suite notre condamnation, que de multiplier des péchés qui l'aggraveront encore. "
44. Ibidem, c. 8 : " Si la mort passe pour terrible aux yeux des vivants, ce n'est pas la mort elle-même qui est terrible, mais bien l'idée qu'on se forme de la mort, que chacun apprécie d'après la manière dont il est affecté, ou qu'il redoute selon le témoignage que lui rend sa conscience. Que chacun accuse donc ici le mauvais état où il se trouve lui-même plutôt que la mort qui ne fait qu'y mettre ordre. Enfin, la mort est un port tranquille pour les justes ; elle n'est un naufrage que pour les méchants. Si la crainte de la mort nous est à charge, ce n'est pas la mort elle-même qui nous est à charge, mais c'est de vivre sous le poids de la crainte que nous en avons. Il n'y a rien dans la mort qui soit à craindre pour nous, s'il n'y a rien à craindre dans les actes de notre vie. Les insensés redoutent la mort comme le plus grand des maux ; les sages l'envisagent au contraire comme le terme de leurs maux, et comme le repos qui succède au travail. "
45. Ibidem, c. 12 : " Appuyés sur d'aussi
solides espérances, allons sans crainte vers Jésus-Christ,
notre rédempteur. Allons d'un pas ferme vers l'assemblée
des patriarches ; marchons, lorsque le jour en sera venu, vers Abraham,
notre père en cette assemblée des saints et des justes, où
nous trouverons nos pères et ceux qui nous ont instruits dans la
foi ; et si nos œuvres font défaut, que du moins notre foi y supplée
et nous garantisse la possession de notre héritage. "
Question III
Quels avertissements l’Ecriture nous donne-t-elle au sujet du jugement que nous avons à subir ?
C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant, et du Christ établi juge des vivants et des morts, au tribunal de qui nous aurons tous à comparaître pour y rendre
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compte de chacune de nos actions. Car Dieu fera rendre compte en son jugement de toutes les fautes commises, et de tout le bien comme de tout le mal que chacun aura fait. C'est pourquoi l'attente de ce jugement inspire de la frayeur, non-seulement aux pécheurs, mais souvent aussi aux saints eux-mêmes. Elle en inspirait à David, par exemple, lorsqu'il adressait à Dieu cette fervente prière : N'entrez point, Seigneur, en jugement avec votre serviteur. Elle en inspirait également à Job, quelle que fût l'innocence de sa vie, lorsqu'il exprimait dans les termes suivants les sentiments dont il était affecté : Que ferai-je, quand Dieu se lèvera pour me juger ; et lorsqu'il me demandera compte de ma vie, qu'aurai-je à lui répondre. . . ? J’ai toujours craint Dieu comme des flots suspendus au-dessus de moi, et je n'ai pu en supporter le poids. . . Je tremblais à chaque action que je faisais, sachant que vous ne pardonnez pas à celui qui pèche.
Et en effet il est bien à redouter, ce juge dont on ne peut ni éluder le pouvoir, ni mettre la sagesse en défaut, ni corrompre l’équité, ni décliner le jugement ; ce juge dont il est écrit : La jalousie et la fureur de l'homme (c'est-à-dire de l'Homme-Dieu) ne pardonnera point au jour de la vengeance ; il ne se rendra aux prières de personne, et il ne recevra point pour satisfaction les présents, quels qu'ils soient, qu'on pourra lui faire ; ce juge qui, pour que personne n'en prétende cause d'ignorance, a pris soin de prévenir tous les hommes, dans les termes que nous allons dire, du jugement qu'il portera sur nous et du caractère qu'il déploiera à nos yeux : Quand le temps sera venu, je jugerai les justices mêmes. - C'est moi qui suis le Seigneur, qui sonde les cœurs et qui éprouve les reins ; qui rends à chacun selon sa voie, et selon le fruit de ses pensées et de ses œuvres. . . Je viens pour recueillir toutes leurs œuvres et toutes leurs pensées, et pour les assembler avec tous les peuples, de quelque pays et de quelque langue qu'ils puissent être ; ils comparaîtront tous devant moi, et ils verront ma gloire.
Quant au jour du jugement dernier, jour que l’Ecriture appelle le jour du Seigneur, le jour de colère, le grand jour, le jour terrible, voici ce qu'en dit l'apôtre saint Pierre : Comme un larron vient dans la nuit, ainsi le jour du Seigneur viendra tout d'un coup ; et alors, dans le bruit d'une effroyable tempête les cieux passeront, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre sera brûlée avec tout ce qu'elle contient. Puis donc que toutes ces choses doivent périr, quels devez-vous être, et quelle doit être la sainteté de votre vie, et la piété de vos actions, en attendant et hâtant par vos désirs l'avènement
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du jour du Seigneur, où l'ardeur du feu dissoudra les cieux et fera fondre tous les éléments.
Mais pour nous concilier la clémence de ce juge
souverain, et changer en un jour heureux pour nous ce jour où passeront
le ciel et la terre, suivons cet excellent conseil du sage : Usez du
remède avant la maladie. Interrogez-vous vous-même avant le
jugement, et vous trouverez grâce devant Dieu. - Si nous nous jugions
nous-mêmes, assurément nous ne serions point jugés.
- Celui qui craint le Seigneur se trouvera heureux à la fin de sa
vie, et il sera béni au jour de sa mort.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Hébreux, X, 31; comme dans le corps de la réponse.
2. II Corinthiens, V, 10 : " Nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce
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qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites pendant qu'il aura été revêtu de son corps. "
3. Romains, XIV, 10-12 : " Nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Jésus-Christ selon cette parole de l’Ecriture : Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que tout genou fléchira devant moi, et que toute langue confessera que je suis Dieu. - Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu de soi-même. "
4. LUC, XVI, 2 : " Rendez compte de votre administration ; car dorénavant vous ne pourrez plus administrer mon bien. "
5. Id., XII, 48 : " On demandera beaucoup à celui à qui on aura donné beaucoup, et on fera rendre un compte plus sévère à celui à qui on aura confié davantage. "
6. Id., XIX, 18-24 : " Le second étant venu, lui dit : Seigneur, votre marc en a produit cinq autres. - Son maitre lui dit : Vous aurez aussi l'autorité sur cinq villes. - Il en vint un troisième qui lui dit : Seigneur, voici votre marc que j'ai tenu enveloppé dans un mouchoir ; - car j'ai eu peur de vous, sachant que vous êtes un homme sévère qui redemande ce qu'il n'a point donné et qui recueille ce qu'il n'a point semé. - Son maître lui répondit : Méchant serviteur, je vous condamne par votre propre bouche. Vous saviez que je suis un homme sévère qui redemande ce qu'il n'a point donné et qui recueille ce qu'il n'a point semé ; - pourquoi donc n'avez-vous pas mis mon argent à la banque, afin qu'à mon retour je le retirasse avec les intérêts ? - Alors il dit à ceux qui étaient présents : Otez-lui le marc qu'il a, etc. "
7. Ecclésiaste, XII, 14 ; comme dans le corps de la réponse.
8. Ibid., XI, 9 : " Réjouis-toi donc, jeune homme, en ta jeunesse ; que ton cœur soit dans l'allégresse tant que dure ton premier âge ; marche dans les voies que ton cœur préfère et où se complaisent tes yeux ; sache que pour toutes ces choses Dieu t'appellera en jugement. "
9. I Corinthiens, IV, 5 : " C'est pourquoi ne jugez point avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui exposera à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres et qui fera voir les plus secrètes pensées de nos cœurs et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due. "
10. Romains, II, 1-16 : " C'est pourquoi vous êtes inexcusable, ô homme, qui que vous soyez, qui condamnez les autres, parce qu'en les condamnant vous vous condamnez vous-même, puisque vous faites les mêmes choses que vous condamnez. -
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Car nous savons que Dieu condamne selon la vérité ceux qui commettent ces actions. - Vous donc qui condamnez ceux qui les commettent, et qui les commettez vous-même, pensez-vous pouvoir éviter la condamnation de Dieu ? - Est-ce que vous méprisez les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longue tolérance ? Ne savez-vous pas que la bonté de Dieu vous invite à la pénitence ? - Et cependant, par la dureté et l'impénitence de votre cœur, vous vous amassez un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu,- qui rendra à chacun selon ses œuvres - en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur patience dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité ; - et en répandant sa colère et son indignation sur ceux qui ont l'esprit contentieux, et qui ne se rendent point à la vérité, mais qui embrassent l'iniquité. - Tribulation et angoisse sur tout homme qui fait le mal, sur le Juif d'abord, et ensuite sur le Gentil. - Mais gloire, honneur et paix à celui qui fait le bien, au Juif d'abord, et ensuite au Gentil. - Car Dieu ne fait acception de personne. - Et ainsi ceux qui ont péché sans la loi périront sans la loi, et ceux qui ont péché sous la loi seront jugés par la loi. - Car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ceux-là seuls qui la gardent seront justifiés. - En effet, lorsque les gentils, qui n'ont point de loi, font naturellement les choses que la loi commande, n'ayant pas la loi, ils se tiennent lieu eux-mêmes de loi ; - et ils font voir que ce qui est prescrit par la loi est écrit dans leur cœur par le témoignage qu'en rend leur conscience, et par la diversité des réflexions et des pensées qui les accusent ou qui les défendent, - au jour où Dieu jugera par Jésus-Christ, selon l'évangile que je prêche, tout ce qui est caché dans le cœur des hommes. "
11. Sagesse, I, 9 : " L'impie sera interrogé sur toutes ses pensées et ses discours iront jusqu'à Dieu, qui les entendra pour le punir de son iniquité. "
12. Ecclésiastique, XI, 28 : " Il est aisé à Dieu de rendre à chacun au jour de sa mort selon ses voies. - Le mal présent fait oublier les plus grands plaisirs, et, à la mort de l'homme, toutes ses œuvres seront découvertes. "
13. MATTHIEU, XII, 36-37 : " Or, je vous déclare qu'au jour du jugement les hommes rendront compte de toute parole oiseuse qu'ils auront dite ; - car vous serez justifié par vos paroles, et vous serez condamné par vos paroles. "
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14. Id., XVI, 27 : " Le Fils de l'homme viendra dans la gloire de son Père avec ses anges, et il rendra à chacun selon ses œuvres. "
15. Apocalypse, XX, 12-13 : " Je vis ensuite les morts, grands et petits, qui comparurent devant le trône : et des livres furent ouverts ; et puis on en ouvrit encore un autre, qui est le livre de vie ; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans ces livres, selon leurs œuvres. - Et la mer rendit les morts qui étaient dans ses eaux ; la mort et l'enfer rendirent aussitôt les morts qu'ils avaient : et chacun fut jugé selon ses œuvres. "
16. Ibid., XXII, 12 : " Je vais venir bientôt, et j'ai ma récompense avec moi, pour rendre à chacun selon ses œuvres. "
17. Psaume LXI, 12 : " Dieu a parlé une fois, et j'ai entendu ces deux choses : que la puissance appartient à Dieu, et que vous êtes, Seigneur, rempli de miséricorde car vous rendez à chacun selon ses œuvres. "
18. II Timothée, IV, 6-8 : " Pour moi, je suis comme une victime qui a déjà reçu l'aspersion pour être sacrifiée et le temps de ma mort approche. - J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. - Il me reste à recevoir la couronne de justice qui m'est réservée, que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce jour ; et non-seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement. "
19. I PIERRE, IV, 17 : " Car voici le temps où Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison, et s'il commence par nous, quelle sera la fin de ceux qui rejettent l'évangile de Dieu ? "
20. SOPHONIE, I, 12 : " En ce temps-là je porterai la lumière de mon flambeau jusque dans les lieux les plus cachés de Jérusalem, et je visiterai ceux qui sont enfoncés dans leurs ordures, et qui disent dans leur cœur : Le Seigneur ne fera ni bien ni mal. "
21. Psaume LXXIV, 2 : " Quand le temps fixé sera venu, je jugerai les justices (hébr. je porterai des arrêts pleins d’équité). "
22. Hébreux, X, 26-27 : " Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il n'y a plus désormais d'hostie pour les péchés, - mais une effroyable attente du jugement, et l'ardeur d'un feu jaloux qui doit dévorer ses ennemis. "
23. Psaume CXLII, 2 : " N'entrez pas en jugement avec votre serviteur : car quel homme sur la terre est innocent à vos yeux ? "
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24. Job, I, 1 : " Il y avait au pays de Hus un homme nommé Job. Cet homme était simple et droit, craignant Dieu et s’éloignant du mal. "
25. Ibid., 14 et 13 ; comme dans le corps de la réponse.
26. Ibid., IX, 19-21, 28 : " Si l'on implore quelque puissance, il est tout-puissant ; et si l'on en appelle à la justice d'un juge, il n'y a personne qui puisse devant lui rendre témoignage en ma faveur. - Si je veux me justifier, ma propre bouche me condamnera ; et si je veux faire voir mon innocence, il me convaincra de culpabilité. - Quand même je serais juste et simple, cela me serait caché, et ma vie me serait à charge à moi-même. - Je tremblais à chaque action que je faisais, sachant que vous ne pardonnez pas à celui qui pèche. "
27. Ibid., XXIV, 12 : " Dieu ne souffre rien d'impuni. "
28. Ecclésiaste, IX, 1-2 : " L'homme ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, mais tout est réservé pour l'avenir et demeure ici incertain. "
29. I Corinthiens, IV, 3-4 : " Pour moi, je me mets peu en peine d'être juge par vous, ou par quelque homme que ce soit ; je n'ose pas me juger moi-même. - Car, encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela ; mais c'est le Seigneur qui est mon juge. "
30. Proverbes, VI, 34 ; Psaume LXXIV, 3 ; comme dans le corps de la réponse.
31. Jérémie, XVII, 10 ; comme dans le corps de la réponse.
32. Id., XI, 20 : " Mais vous, ô Dieu des armées qui jugez selon l’équité, et qui sondez les cœurs et les reins, etc. "
33. Id., XXXII, 18-19 : " C'est vous qui faites miséricorde dans la suite de mille générations, qui faites passer la peine de l'iniquité des pères dans le sein des enfants qui leur succèdent. C'est vous qui êtes le Fort, le Grand et le Puissant. Le Seigneur des armées est votre nom. - Vous êtes grand dans vos conseils et incompréhensible dans vos pensées. Vos yeux sont ouverts sur toutes les voies des enfants d'Adam, pour rendre à chacun selon sa conduite, et selon le fruit de ses œuvres et de ses pensées. "
34. Id., XX, 12 : " Vous donc, Seigneur des armées qui éprouvez le juste, et qui sondez les cœurs et les reins, etc. "
35. Proverbes, XVI, 2 : " Toutes les voies de l'homme sont exposées à ses yeux : le Seigneur pèse les esprits. "
36. Hébreux, IV, 13 : " Nulle créature ne lui est cachée ;
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car tout est nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons. "
37. I Chroniques, XXVIII, 9-10 : " Et vous, mon fils Salomon, appliquez-vous à reconnaître le Dieu de votre père et servez-le avec un cœur parfait et une pleine volonté ; car le Seigneur sonde les cœurs et il pénètre toutes les pensées des esprits. Si vous le cherchez, vous le trouverez ; mais si vous l'abandonnez, il vous abandonnera pour jamais. "
38. MALACHIE, III, 5-6 : " Alors je me hâterai de venir, pour être moi-même juge et témoin contre les empoisonneurs, les adultères, les parjures, ceux qui retiennent par violence le prix du mercenaire, qui oppriment les veuves, les orphelins et les étrangers, sans être retenus par ma crainte, dit le Seigneur des armées ; - parce que je suis le Seigneur, et je ne change point : c'est pourquoi, vous, enfants de Jacob, vous n'avez pas encore été consumés. "
39. Psaume VII, 10 : " Oui, l'iniquité des impies aura un terme, et vous affermirez le juste, ô Dieu qui sondez les cœurs et leurs plus secrets replis. "
40. Ps. XLIII, 21-22 : " Si nous perdions le souvenir de notre Dieu, si nous levions nos mains vers une divinité étrangère, Dieu manquerait-il de nous en demander compte, lui qui pénètre les secret des cœurs ? "
41. ISAIE, LXVI, 18 ; comme dans le corps de la réponse.
42. JUDE, 14-15 : " C'est d'eux qu’Enoch, qui a été le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : Voilà le Seigneur qui va venir, avec une multitude innombrable de ses saints, - pour exercer son jugement sur tous les hommes, et convaincre les impies de toutes leurs actions d'impiété, et de toutes les paroles dures et injurieuses que ces pécheurs impies ont proférées contre lui. "
43. MATTHIEU, X, 26 : " Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. "
44. SOPHONIE, I, 14-18 : " Le grand jour du Seigneur est proche ; il est proche, il s'avance rapidement ; déjà l'on entend le bruit effrayant de sa marche, qui n'est encore que l'annonce des maux dont les plus forts seront accablés ; jour de colère, ce jour ; jour de tristesse et d'angoisse, jour d'affliction et de misère, jour d'obscurité et de ténèbres, jour de nuages et de tempêtes ; - jour où les villes fortes et les hautes tours trembleront au retentissement de la trompette et des bruits de guerre. - Je frapperai
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les hommes de plaies, et ils marcheront comme des aveugles, parce qu'ils ont péché contre le Seigneur ; leur sang sera répandu comme la poussière et leurs cadavres seront foulés aux pieds comme de la boue. - Leur or et leur argent ne pourront les sauver au jour de la colère du Seigneur ; le feu de son indignation va dévorer toute la terre, car il a hâte d'en exterminer tous les habitants. "
45. JOEL, II, 1-3, 10-11, 30-31 : " Le jour du Seigneur va venir, il est déjà proche ; jour de ténèbres et d'obscurité, jour de nuages et de tempêtes ; un peuple nombreux et puissant a paru, rapide comme l'aurore qui se répand sur les montagnes ; il n'y en a jamais eu de tels, il n'y en aura jamais de semblables dans tous les siècles. - Il est précédé par un feu dévorant et suivi d'une flamme qui porte partout l'incendie ; la campagne qu'il a trouvée comme un jardin de délice n'est après lui qu'un désert affreux ; rien n'échappe à sa violence. . . - La terre tremble devant eux, les cieux sont ébranlés, le soleil et la lune ont pâli, on ne voit plus la lumière des étoiles. - Le Seigneur fait retentir sa voix devant son armée ; ses troupes sont innombrables, elles sont fortes, et elles exécuteront ses ordres ; car le jour du Seigneur est grand, il est terrible, et qui pourra en soutenir l'éclat ? - Je ferai paraître des prodiges dans le ciel et sur la terre, du sang, du feu et des tourbillons de fumée. - Le soleil sera changé en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le grand et terrible jour du Seigneur. "
46. Id., III, 2, 12-16 : " J’assemblerai tous les peuples, et je les conduirai dans la vallée de Josaphat, et là j'entrerai en jugement avec eux au sujet d'Israël, mon peuple et mon héritage, qu'ils ont dispersé parmi les nations, et de ma terre, qu'ils se sont partagée entre eux. - Que les peuples viennent se rendre à la vallée de Josaphat ; j'y paraîtrai assis pour y juger tous les peuples qui y viendront de toutes parts. - Mettez la faucille dans le blé parce qu'il est déjà mûr ; venez et descendez, car le pressoir est plein, les caves regorgent, parce que leur malice est montée à son comble. - Peuples, peuples, avancez dans la vallée du carnage, parce que le jour du Seigneur est proche dans cette vallée. - Le soleil et la lune se couvriront de ténèbres, et les étoiles retireront leur lumière. - Le Seigneur rugira du haut de Sion, et sa voix retentira de Jérusalem ; le ciel et la terre trembleront, le Seigneur sera le refuge de son peuple et la force des enfants d'Israël. "
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47. ISAIE, XIII, 9-13 : " Voici le jour du Seigneur qui va venir, jour cruel, plein d'indignation, de colère et de fureur, qui fera de la terre un désert, et réduira en poudre tous les méchants. - Les étoiles du ciel et tout leur éclat s'évanouiront ; le soleil à son lever se couvrira de ténèbres, et la lune restera sans lumière. - Et je visiterai les crimes de cette contrée, et l'iniquité des impies ; j'abattrai l'orgueil des hommes superbes, et j'humilierai l'insolence de ceux qui abusent de leur force. - L'homme sera plus rare que l'or, il sera plus précieux que l'or pur. - J’ébranlerai le ciel même ; la terre sortira de sa place, à cause de l'indignation du Seigneur et du jour de sa colère et de sa fureur. "
48. Id., XXIV, 18-23 : " Les cieux s'ouvriront pour faire pleuvoir des déluges, et les fondements de la terre seront ébranlés. - La terre éprouvera des élancements qui la déchireront, des bouleversements qui la briseront, des secousses qui l’ébranleront. - Elle sera agitée, et elle chancellera comme un homme ivre ; elle sera changée de lieu comme une tente dressée pour une nuit ; elle sera accablée sous le poids de son iniquité, et elle tombera sans que jamais elle puisse se relever. - En ce jour, le Seigneur visitera les armées des cieux et les rois de la terre. - Et les ayant ramassés et liés ensemble comme un faisceau, il les jettera dans le lac, où il les tiendra emprisonnés, et après de longs jours il les visitera. - La lune rougira, et le soleil sera tout obscurci, lorsque le Seigneur des armées aura établi son règne sur la montagne de Sion et dans Jérusalem, et qu'il aura signalé sa gloire devant les anciens de son peuple. "
49. Id., LXVI, 13-16 : " Le Seigneur va paraître environné de feux ; son char viendra fondre comme un tourbillon : son indignation et sa vengeance éclateront au milieu des flammes. - Le Seigneur viendra environné de feux et armé de son glaive pour juger toute chair, et ceux qui tomberont sous ses coups ne pourront être comptés. "
50. JEREMIE, XXIII, 19-20 : " Voilà que le tourbillon de la colère du Seigneur éclate, et la tempête se précipite à grand bruit sur la tête des impies. - La colère du Seigneur ne retournera point en arrière jusqu'à ce qu'elle ait accompli les pensées de son cœur. Vous comprendrez enfin quel aura été son dessein sur vous. "
51. MALACHIE, III, 1-4 : " Le voici qui vient, dit le Seigneur des armées. - Qui soutiendra le jour de son avènement ? qui pourra seulement se tenir debout à sa vue ? Car il sera comme
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le feu qui fond les métaux, et comme l'herbe dont se servent les foulons. - Il sera comme un homme qui s'assied pour faire fondre et pour épurer l'argent ; il purifiera les enfants de Lévi
et il les rendra purs comme l'or et l'argent qui ont passé par le feu ; et ils offriront des sacrifices au Seigneur dans la justice. - Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme l'ont été ceux des siècles passés, ceux des premiers temps. "
52. Id., IV, 4, 5-6 : " Car il viendra un jour semblable à une fournaise ardente ; tous les superbes et tous ceux qui commettent l’impiété seront alors comme de la paille ; et ce jour qui doit venir les embrasera, dit le Seigneur des armées, sans leur laisser ni germe ni racine. - Je vous enverrai le prophète Elie, avant que soit venu le grand et redoutable jour du Seigneur. - Il ramènera le cœur des pères à leurs enfants, et le cœur des enfants à leurs pères, de peur que je ne vienne soudain et que je ne frappe la terre d'anathème. "
53. DANIEL, XII, 9-10, 13-14 : " J'étais attentif à ce que je voyais, jusqu'à ce que des trônes fussent placés, et que l'Ancien des jours s'assît : son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête comme la laine la plus pure : son trône semblait n'être que flammes, et les roues de ce trône un feu consumant. - Un fleuve de feu rapide sortait de devant sa face ; un million d'anges le servaient, et mille millions se tenaient devant lui : le jugement se tint, et les livres furent ouverts. . . - Je considérais ces choses dans une vision de nuit, et je vis comme le Fils de l'homme qui venait avec les nuées du ciel, et il s'avança jusqu'à l'Ancien des jours ; ils le présentèrent devant lui : - et il lui donna la puissance, l'honneur et la royauté ; et tous les peuples, et toutes les tribus, et toutes les langues le serviront ; sa puissance est une puissance éternelle qui ne lui sera point ôtée, et son royaume ne sera jamais détruit. "
54. Apocalypse, XX, 11-15 : " Alors je vis un trône blanc, et quelqu'un assis dessus, devant la face duquel la terre et le ciel s'enfuirent ; et il n'en resta pas même la place. - Je vis ensuite les morts, grands et petits, qui comparurent devant le trône ; et des livres furent ouverts ; et puis on en ouvrit encore un autre, qui est le livre de vie ; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans ces livres, selon leurs œuvres. - Et la mer rendit les morts qui étaient ensevelis dans ses eaux ; la mort et l'enfer rendirent aussi les morts qu'ils avaient, et chacun fut jugé selon
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ses œuvres. - Et l'enfer et la mort furent jetés dans l'étang de feu. C'est là la seconde mort. - Et celui qui ne fut pas trouvé écrit dans le livre de vie fut jeté dans l'étang de feu. "
55. Id., VI, 18-17 : " Je vis aussi que lorsqu'il eut ouvert le sixième sceau, il se fit tout d'un coup un grand tremblement de terre ; le soleil devint noir comme un sac de crin, et la lune devint comme du sang ; - et les étoiles tombèrent du ciel sur la terre, comme lorsque le figuier, agité par un grand vent, laisse tomber ses figues vertes. - Le ciel se retira comme un livre que l'on roule, et toutes les montagnes et les îles furent ébranlés de leurs places. - Et les rois de la terre, les princes, les officiers de guerre, les riches, les puissants, et tous les hommes, esclaves ou libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Et ils dirent aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous, et cachez-nous de devant la face de celui qui est assis sur le trône et de la colère de l'Agneau, - parce que le grand jour de leur colère est arrivé ; et qui pourra subsister en leur présence ? "
56. Psaume XCVI, 3-6 : " Une flamme dévorante le précède ; elle consume ses ennemis de toutes parts. - Le feu de ses éclairs brille dans toute la terre ; l'univers à cet aspect tremble d'effroi. - Les montagnes fondent comme la cire en présence du Seigneur ; la présence du Seigneur a fait fondre toute la terre. - Les cieux ont annoncé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire. "
57. Ps. LIX, 1-2 : " Grand Dieu ! vous nous avez rejetés et vous nous avez abattus ; votre colère s'est allumée, mais vous êtes ensuite revenu à nous. - Vous avez ébranlé la terre, et vous en avez entrouvert le sein ; réparez-en les brèches, car elle chancelle. "
58. MATTHIEU, XXIV, 3-42 : " Ensuite, comme il était sur la montagne des Oliviers, ses disciples s'approchèrent de lui en particulier, et lui dirent : Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de votre avènement et de la consommation du siècle. - Et Jésus répondant leur dit : Prenez garde que personne ne vous séduise ; - car beaucoup viendront sous mon nom, disant : Je suis le Christ ; et ils en séduiront plusieurs. - Vous entendrez aussi parler de guerres et de bruits de guerres. Gardez-vous bien de vous troubler, car il faut que ces choses arrivent ; mais ce ne sera pas encore la fin. - Car il se lèvera peuple contre peuple, royaume contre royaume ; et il
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y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieux. - Et tout cela ne sera que le commencement des douleurs, etc. - Il s'élèvera aussi plusieurs faux prophètes qui séduiront beaucoup de personnes. - Et parce que l'iniquité sera venue à son comble, la charité de plusieurs se refroidira. - Mais celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. - Et cet évangile du royaume sera prêché dans toute la terre, pour servir de témoignage à toutes les nations ; c'est alors que la fin doit arriver, etc. - Mais priez pour que votre fuite n'arrive point pendant l'hiver, ni au jour du sabbat. - Car l'affliction de ce temps sera si grande, qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent et qu'il n'y en aura jamais. - Et si ces jours n'avaient été abrégés, nul homme n'aurait été sauvé ; mais ils seront abrégés à cause des élus. - Alors si quelqu'un vous dit : Le Christ est ici ; ou : Il est là ; ne le croyez point. Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu'à séduire, s'il était possible, les élus mêmes. - Mais aussitôt après ces jours d'affliction, le soleil s'obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière ; les étoiles tomberont du ciel, et les vertus des cieux seront ébranlées. - Et alors le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel, et à cette vue tous les peuples de la terre s'abandonneront aux pleurs et aux gémissements, et ils verront le Fils de l'homme, qui viendra sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. - Et il enverra ses anges, qui feront entendre la voix éclatante de leurs trompettes, et qui rassembleront ses élus des quatre coins du monde, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre, etc. - Alors, de deux hommes qui seront dans un champ, l'un sera pris, et l'autre laissé. - De deux femmes qui moudront dans un moulin, l'une sera prise, et l'autre laissée. - Veillez donc, car vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir. "
59. Id., XXV, 31-46 : " Or, quand le Fils de l'homme viendra dans sa majesté, accompagné de tous ses anges, il sera assis sur le trône de sa gloire ; - et toutes les nations seront assemblées devant lui, et il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les boucs ; - et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. - Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père ; posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. - Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à
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manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m'avez recueilli, etc. - Alors les justes lui répondront en disant : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim et que nous vous avons donné à manger, ou avoir soif et que nous vous avons donné à boire ? etc. - Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous avez fait cela à un des moindres de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. - Puis il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. - J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire, etc. - Alors ils lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ou soif, étranger ou nu, infirme ou dans les fers, et que nous ne vous avons pas servi ? - Mais il leur répondra : En vérité, je vous le dis, autant de fois que vous avez manqué de le faire à un de ces plus petits, vous avez manqué de le faire à moi-même - Et ceux-ci iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle. "
60. Id., XIII, 40-43, 49-50 : " Comme on ramasse l'ivraie et qu'on la brûle au feu, il en arrivera de même à la fin du monde. - Le Fils de l'homme enverra ses anges ; ils arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité - et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. - Alors les justes brilleront comme le soleil dans la maison de leur Père. Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre. - Il en sera de même à la fin du monde ; les anges viendront, et ils sépareront les méchant du milieu des justes ; - et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
61. Id., III, 12 : " Il tient son van à la main, et il nettoiera entièrement son aire ; il amassera son froment dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais. "
62. Sagesse, V, 1-5, 18-21 : " Alors les justes s’élèveront avec une grande hardiesse contre ceux qui les auront accablés d'affliction, et qui leur auront ravi le fruit de leurs travaux. - Les méchants, à cette vue, seront saisis de trouble et d'une horrible frayeur ; ils seront surpris d'étonnement en voyant tout d'un coup, contre leur attente, les justes sauvés. - Ils diront en eux-mêmes, touchés de regret et poussant des soupirs dans l'angoisse de leurs cœurs : Les voilà, ceux que nous avions en
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mépris, et qui étaient l'objet de nos outrages. - Insensés que nous étions, nous estimions leur vie une folie, et leur fin un opprobre ; - et les voilà comptés parmi les enfants de Dieu, et leur partage est d'être avec les saints. . . - Il (Dieu) prendra son zèle pour armure, et il armera ses créatures pour le venger de ses ennemis. - Il prendra la justice pour cuirasse, et pour casque l’infaillibilité de son jugement. - Il se couvrira de l’équité comme d'un bouclier impénétrable. - Il aiguisera comme une lance sa colère terrible, et tout l'univers combattra avec lui contre les insensés. "
63. II PIERRE, III, 5-10 : " Mais c'est par une ignorance volontaire qu'ils ne considèrent pas que les cieux furent faits d'abord par la parole de Dieu, aussi bien que la terre qui parut hors de l'eau, et qui subsiste au milieu de l’eau ; - et que cependant ce fut par ces choses mêmes que le monde d'alors périt, étant submergé par le déluge des eaux. - Or, les cieux et la terre d'à présent sont gardés avec soin par la même parole, et sont réservés pour être brûlés par le feu au jour du jugement et de la ruine des impies. - Mais il y a une chose que vous ne devez pas ignorer, mes bien-aimés : c'est qu'aux yeux du Seigneur un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour. - Ainsi le Seigneur n'a pas retardé l'accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns se l'imaginent ; mais il vous attend avec patience, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous retournent à lui par la pénitence. - Or, comme le larron vient durant la nuit, ainsi le jour du Seigneur viendra tout d'un coup, et alors, dans le bruit d'une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec tout ce qu'elle contient, sera consumés par le feu, etc. "
64. LUC, XXI, 55 ; comme dans le corps de la réponse.
65. I Corinth., VII, 51 : " Car la figure de ce monde passe. "
66. Apocalypse, XXI, 1 : " Ensuite je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus. "
67. Ecclésiastique, XVIII, 20 ; comme dans le corps de la réponse.
68. II PIERRE, III, 13-14 : " Car nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une terre nouvelle, où la justice habitera. - C'est pourquoi, mes bien-aimés, vivant dans l'attente de ces choses, travaillez en paix, afin que le Seigneur vous trouve purs et irréprochables. "
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69. LUC, XXI, 34-36 : " Prenez donc garde à vous, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent par l'excès des viandes et du vin, et par les inquiétudes de cette vie, et que ce jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre ; - car il enveloppera, comme un filet, tous ceux qui habitent sur la face de la terre. -Veillez donc, et priez en tout temps, afin que vous méritiez d'éviter tous ces maux qui arriveront, et de paraître avec confiance devant le Fils de l'homme. "
70. Tite, II, 12-13 : " Elle (la bonté de Dieu) nous a appris que, renonçant à l'impiété et aux passions mondaines, nous devons vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété, - étant toujours dans l'attente de la béatitude que nous espérons, et de l'avènement glorieux du grand Dieu, notre Sauveur Jésus-Christ. "
71. I Thessaloniciens, V, 2-6 : " Vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur doit venir comme un voleur pendant la nuit. - Car, dans le temps même où ils diront : Nous sommes en paix et en sûreté, ils se trouveront surpris tout d'un coup par une ruine imprévue comme l'est une femme grosse par les douleurs de l'enfantement, sans qu'il leur reste aucun moyen de se sauver. - Mais quant à vous, mes frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, en sorte que ce jour puisse vous surprendre comme un voleur. - Vous êtes tous des enfants de lumière et des enfants du jour ; nous ne sommes point enfants de la nuit ni des ténèbres. - Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons, et gardons-nous de l'enivrement du péché. "
72. LUC, XVII, 26-31 : " Ce qui est arrivé au temps de Noé arrivera encore au temps du Fils de l'homme. - On mangeait et on buvait ; les hommes épousaient des femmes, et les femmes des maris, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche, et alors le déluge survenant les fit tous périr. - Et comme il arriva encore au temps de Lot : ceux de sa ville mangeaient et buvaient, achetaient et vendaient, plantaient et bâtissaient. - Mais le jour où Lot sortit de Sodome, il tomba du ciel une pluie de feu et de soufre, qui les fit tous périr. - Il en sera de même au jour où le F ils de l'homme paraîtra. - En ce temps-là, si un homme se trouve au haut de sa maison, et que ses meubles soient en bas, qu'il ne descende point pour les emporter ; et que celui qui se trouvera dans le champ ne retourne point non plus derrière lui. "
73. I Corinthiens, 31 ; comme dans le corps de la réponse.
74. Ecclésiastique, I, 13 ; comme dans le corps de la réponse.
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75. Ibid., I, 19 : " Celui qui craint le Seigneur
sera heureux, et il sera béni au jour de sa mort. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. S. BERNARD, Serm. VIII in Psalmum Qui habitat : " Que pouvons-nous maintenant nous figurer de plus à craindre, de plus capable de nous remplir d'inquiétude, et de nous donner d’extrêmes soucis, que d'avoir à paraître devant le tribunal de Dieu pour être jugés, et d'attendre la sentence d'un juge si exact et si rigoureux, sans pouvoir être assurés si elle nous sera favorable ? C'est une chose horrible, dit l'Apôtre, de tomber entre les mains du Dieu vivant. Mes frères, pour nous préparer à ce jugement formidable, nous devons nous juger nous-mêmes et prévenir notre juge, en exerçant présentement sur nous une justice qui nous exempte de la condamnation terrible que nous aurions à craindre. Dieu ne jugera et ne punira point ceux qui auront été d'avance jugés et punis. "
" Il est certain que, comme il y a des hommes qui commettent des péchés manifestes et reconnus pour punissables avant même qu'on les juge, il y a de même des hommes dont la vigilance et les œuvres préviennent et détournent la justice de Dieu ; de sorte que les uns, étant déjà jugés et condamnés sans attendre la sentence de leur souverain juge, tomberont du même coup dans les supplices éternels par le propre poids de leurs crimes, et que les autres au contraire monteront, avec toute la puissance et la liberté que l’esprit de Dieu leur donnera, et sans rien qui les retarde, sur les trônes qui leur auront été préparés. "
" Sauveur Jésus, que la pauvreté volontaire de ceux qui quittent toutes choses pour vous suivre, est heureuse ! Qu'elle est heureuse et désirable cette pauvreté volontaire, puisqu'elle établira dans une si grande sûreté et fera monter à un si haut degré de gloire ceux qui l'auront embrassée en même temps qu'il arrivera tant de renversements et de changements dans la nature, que la justice divine examinera les mérites de tous les hommes avec cette exactitude et cette rigueur si capable de faire trembler même les plus justes, et que tant de personnes se verront en danger de subir une juste condamnation (Cf. Sermons de saint Bernard sur le psaume 90, trad. D. Ant, de Saint-Gabriel, Feuillant, p. 152-153). "
2. S. JEAN DAMASCENE, Serm. de defunctis, sive Serm. qu?d qui
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in fide finc migrârunt sacris operationibus et vivorum beneficiis multùm juventur : " Les hommes éclairés d'en-haut ont coutume de nous dire que les œuvres que les hommes ont pu faire pendant leur vie sont pesées comme dans une balance au moment de leur mort : que le plateau de droite l'emporte sur celui de gauche, l'âme du mourant sera reçue parmi les bons anges ; que si aucun des deux ne l'emporte sur son pendant, la bonté de Dieu fera pencher encore du bon côté la balance ; bien plus, disent les pieux interprètes des choses divines, lors même que la balance pencherait tant soit peu à gauche, la miséricorde de Dieu obvierait encore à ce défaut. Voilà trois sortes de jugements du maître souverain. Le premier de ces jugements est un acte de justice, le second un acte de bonté, et le troisième un acte d'extrême générosité ou de miséricorde. Reste une quatrième sorte de jugement : ce sera celui que provoqueront les mauvaises œuvres qui auront été trouvées l'emporter de beaucoup sur les bonnes. Hélas ! mes frères, ce dernier aussi sera tout-à-fait juste, et n'imposera aux pécheurs d'autres peines que celles qu'ils auront méritées. . . . . "
" Dans le temps où vivait Jean l'Aumônier, cet homme si illustre et si saint, on vit un publicain nommé Pierre passer tout-à-coup d'une extrême dureté pour les pauvres à une extrême Libéralité à leur égard. La cause de ce changement fut, comme il est rapporté dans l'histoire de la vie du saint, que cet homme eut une vision où lui apparurent ses propres œuvres pesées dans une balance, et qu'il vit dans le plateau droit un pain seulement, qu'il avait jeté de colère en guise de pierre, à la face d'un pauvre. Cette vision jeta l'épouvante dans l'âme de Pierre, et le détermina heureusement à changer entièrement de vie (Cf. S. Joannis Damasceni opera, t. Ier, p. 394-395, édition du P. Lequien, et l?????? ???????? ??????? ??l ??????????, ??? ?????????, ???? ??? ?? ?????? ????????????, etc., édition de Vérone, 1531). " Voir plus haut, article de l'Aumône, le même fait rapporté plus en détail par Léonce de Néapolis, t. V, page 85.
3. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ, passage rapporté plus haut, article de l’Extrême-Onction, question III, témoignage 4, t. III, page 152 et suiv.
4. LEONCE de Néapolis, dans la Vie qu'il a donnée de saint Jean l'Aumônier : " Le saint faisait continuellement tomber le sujet de ses entretiens sur la pensée de la mort et sur l'état de l'âme à sa sortie du corps, tellement qu'il n'était pas rare de voir des gens
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qui l'avaient abordé d'un air fier, ou riant, ou volage, ne le quitter ensuite que les larmes aux yeux, l'air abattu, et pénétrés de componction. C'est ce qui lui faisait dire : Je suis persuadé de quelque peu de poids que puisse être mon jugement, qu'il suffit pour le salut de penser assidûment et sérieusement à la mort, parce qu'à cette heure-là nous n'aurons, pour nous accompagner et nous défendre, d'autres avocats que nos bonnes œuvres. Et comment l'âme ne serait-elle pas troublée à l'approche subite des anges, si elle ne se trouvait pas bien préparée ou comment pourrait-elle demander même un court prolongement de vie, si elle s'entendait adresser celle sentence : " Tu n'as pas bien employé le temps que tu as vécu ? " Il disait, encore, en parlant de lui-même : " Pauvre Jean, comment pourras-tu échapper aux monstres qui assiégeront ton passage à l'autre monde, quand tu verras venir à ta rencontre les anges chargés de te demander compte de ta vie ? Hélas ! quelle frayeur et quel tremblement saisit alors cette âme obligée de rendre compte à des examinateurs si rigoureux et si impitoyables ! " C'est qu'aussi notre saint avait continuellement présent à la mémoire ce que saint Siméon Stylite avait appris par révélation, qu'au moment ou l'âme sort du corps, et qu'elle s’élève de la terre au ciel, elle rencontre sur son passage des troupes de démons, chacune à son rang. La première troupe qu'elle rencontre est celle des démons d’orgueil ; ceux-ci l'examinent en tous sens, pour s'assurer si elle n'aurait pas quelqu'une de leurs œuvres. Ensuite vient la troupe des démons de détraction qui cherchent à leur tour si elle n'a point commis de détraction dont elle n'aurait pas fait pénitence. Puis les démons d'impureté, qui pénètrent dans ses pensées pour voir si elle n'aurait point consentie aux voluptés dont ils font eux-mêmes leur nature. Et lorsque, à la suite de cette dure épreuve, cette pauvre âme sera parvenue à l’entrée du ciel pour y répondre de sa conduite, les saints anges se tiendront à l’écart, sans l'aider autrement que de leurs sentiments de bienveillance. "
5. S. BERNARD, Serm. LV in Cantica : " Vous qui désirez l'avènement du Sauveur, appréhendez l'examen rigoureux de ce juge, appréhendez ses yeux de chèvres ; craignez celui qui dit par un prophète : En ce jour-là j'examinerai Jérusalem a la clarté des flambeaux (SOPH., I, 12). Il a la vue aigüe et pénétrante ; ses yeux ne laisseront rien qu'ils ne regardent exactement. Il sondera les reins et les cœurs, et toutes les pensées des hommes seront à nu devant lui. Qu'y aura-t-il de sûr dans Babylone, si Jé-
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rusalem même doit passer par un si rude examen ? Car je pense qu'en cet endroit le Prophète a voulu désigner par cette ville ceux qui mènent ici-bas une vie régulière et qui imitent autant qu'ils le peuvent, par leur conduite honnête et réglée, les mœurs de cette Jérusalem céleste, bien différents de ceux qui appartiennent à Babylone, et dont la vie est toute pleine de désordres et de crimes. Car leurs péchés, manifestes comme ils sont, sont déjà jugés et n'ont point besoin d'examen, mais seulement de supplice. Mais moi-même qui parais religieux et habitant de Jérusalem, mes péchés sont cachés et comme couverts sous ce nom et cet habit si saints. Il sera donc nécessaire d'en faire une recherche et une discussion exacte, et de les tirer des ténèbres pour les produire au jour, en y approchant la lumière et le flambeau. "
" Nous pouvons encore apporter en témoignage quelques passages des psaumes, qui confirment ce qui vient d’être touché de cet examen de Jérusalem. Car voici ce que dit le Psalmiste, parlant en la personne du Seigneur : Lorsque le temps sera venu, je jugerai les justices mêmes (Ps. LXXW, 3). Si je ne me trompe, il veut dire, en parlant ainsi, qu'il discutera et examinera la conduite et les actions des justes. Nous avons grand sujet de craindre qu'en présence d'un examen si rigoureux, plusieurs de nos actions que nous croyons être des vertus ne se trouvent être des vices. A ce mal pourtant il y a un remède : c'est que nous ne serons point jugés si nous nous jugeons nous-mêmes (I Cor., XI, 5). Certes, ce jugement-là me sera bien avantageux, puisqu'il aura la vertu de me dérober et de me cacher à cet autre jugement de Dieu qui doit être si sévère. Je tremble de frayeur de tomber entre les mains du Dieu vivant. Je veux être présenté devant sa face irrité déjà jugé, et non à juger. L'homme spirituel juge de toutes choses, et n'est jugé par personne (I Cor., II, 5). Je jugerai donc le mal qui est en moi ; je jugerai même le bien. Je tâcherai de corriger le mal par de meilleures actions, de l'effacer par mes larmes, de le punir par des jeûnes et par les autres travaux d'une sainte discipline. Dans le bien, j'aurai un humble sentiment de moi-même, et selon que le Seigneur m'en fait un précepte, je m'estimerai un serviteur inutile qui n'aura fait alors que ce qu'il devait faire (LUC, XVII, 10). Je prendrai garde à ne pas lui offrir de l'ivraie pour du froment, ou des pailles pour du grain. Je sonderai mes voies et ma conduite, afin que celui qui doit examiner Jérusalem à la lumière des flambeaux ne trouve
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rien en moi qui ne soit déjà examiné et discuté : car il ne jugera pas deux fois une même chose (Cf. Les Sermons de saint Bernard sur le Cantique des cantiques, tome II, p. 141-143). "
6. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium in Job lib. VIII, c. 13 (al. 12) : " L'esprit des justes est sans cesse occupé par la pensée de ce sévère examen qu'ils auront à subir après la mort. Car ils sont dans la crainte pour tout ce qu'ils font, lorsqu'ils considèrent quel est le juge devant lequel ils doivent un jour comparaître. Ils font réflexion sur sa puissance et sur sa grandeur, et ils regardent en même temps quels sont leurs péchés et quelle est leur infirmité. Ils font d'une part le dénombrement des maux qu'ils ont commis, et de l'autre celui des biens que leur a procurés la grâce de leur rédempteur. Ils se représentent avec quelle sévérité il punit le mal et avec quelle exactitude il discute le bien, et ils voient bien qu'ils ne pourraient jamais éviter la damnation s'ils étaient jugés sans miséricorde, parce que la vie qui paraît la plus juste aux yeux des hommes n'est qu'iniquité si, lorsque Dieu nous juge, sa bonté ne nous excuse et ne le porte à nous traiter avec indulgence. C'est pourquoi il est dit dans ce même livre (JOB, XXV, 5), que les astres mêmes ne sont pas purs en sa présence ; parce qu'il paraîtra un jour des taches et des souillures dans ceux mêmes qui brillent du plus vif éclat de sainteté, si Dieu les juge à la rigueur (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. Ier, p. 749-750). "
7. Le même, ibidem, lib. XXI, c. 15 (al. 9) : " Les saints n'ignorent pas que toute la justice des hommes n'est qu'injustice, si Dieu l'examine et la juge avec rigueur (Cf. Ibid., t. III, p. 374). "
8. Ibidem, c. 16 (al. 10) : " C'est avec beaucoup de raison que Job ajoute (XXXI, 23) : Je n'ai pu supporter sa pesanteur, parce que quiconque considère attentivement le dernier jour conçoit qu'il doit être si formidable, qu'il ne craint pas seulement de le voir à la fin des siècles, mais même de se le représenter dès maintenant par la pensée tel qu'il sera un jour. Et, en effet, l'âme tremble de frayeur dans cette vue, et en détourne les yeux de son intelligence, n'osant pas même envisager ce qu'elle pressent devoir être si terrible. Ainsi ce saint homme dit ici : Je n'ai pu supporter sa pesanteur, parce que, lorsqu'il s'applique à considérer quel sera ce jugement, et qu'il veut se représenter la majesté
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redoutable de ce juge souverain du monde, et la rigueur du jugement sévère qu'il fera de chaque homme, il fuit aussitôt devant cette pensée et rentre en lui-même tout épouvanté à l'aspect de cette image effroyable qu'il avait cherchée (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. III, p. 377). "
9. S. AUGUSTIN, Lib. de decem chordis, c. 1 : " Réjouissons-nous à la pensée de la miséricorde de Dieu ; mais craignons à celle de ses jugements. Il nous épargne tant qu'il garde le silence. Il garde le silence ; mais il ne le gardera pas toujours. Ecoutez sa voix, tandis qu'il se borne à vous menacer, de peur que vous ne puissiez en supporter le tonnerre, lorsqu'il fera retentir la sentence du jugement qu'il portera sur vous. "
10. Le même, ibidem, c. 2 : " Maintenant vous pouvez accommoder votre affaire avec votre juge. Hâtez-vous donc de l'arranger, avant qu'il prononce sur vous son jugement final. Ne vous flattez point d'espérances vaines : quand il sera venu, vous n'aurez point à lui produire de faux témoins qui l'induisent en erreur, ni à vous entourer d'avocats qui lui donnent le change par l'artifice de leurs discours, ni à essayer sur lui des moyens de corruption. Que vous reste-t-il donc à faire auprès d'un tel juge, que vous ne pourrez ni tromper ni corrompre ? Et cependant vous avez beaucoup à faire auprès de lui. Car celui qui jugera votre cause en ce jour-là est le même qui est aujourd'hui témoin de toute votre vie. "
11. S. PROSPER (Ou plutôt Julien Pomère, véritable auteur de cet ouvrage. V. NAT. ALEX., Hist. ecclés., t. V, p. 130), De vitâ contemplativâ, lib. III, c. 12 : " Quand nous comparaitrons à ce dernier jugement, pour être jugé par celui qui ne peut ni être trompé par le soin que nous prendrions de lui cacher nos crimes, ni se laisser corrompre par les présents que nous voudrions lui offrir pour obtenir de lui notre impunité ; lorsque les secrets de tous seront révélés au grand jour, que non-seulement nos actions et nos paroles, mais nos pensées mêmes seront dévoilées : que ferons-nous en présence d'un si grand juge ? Quelle excuse aurons-nous à lui alléguer ? Quels moyens de justification pourrons-nous lui faire valoir ? Quelle pénitence pourrons-nous pratiquer pour remplacer celle que nous n'aurons pas voulu prendre la peine de faire en cette vie ? Quelles bonnes œuvres aurons-nous pour recommandation, après que nous aurons négligés d'en faire ici-bas ? A quels apôtres, à quels saints
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pourrons-nous recourir, après avoir méprisé comme nous aurons fait, et leurs exemples et leurs leçons ? Quelques-uns pourront-ils s'excuser sur la fragilité de leur chair ? Mais les exemples de tous les saints protesteront contre une telle excuse, puisque leur chair était fragile comme la nôtre, et que la victoire qu'ils ont remportée sur leur propre fragilité prouvera que nous aurions pu de même remporter la victoire sur la nôtre ? D'autant plus que ce n'est point par leurs propres forces, mais par le secours du Tout-Puissant qu'ils ont résisté au péché, et que ce Dieu infiniment miséricordieux n'attend pas que nous le cherchions pour se montrer à nous, et nous inviter ainsi à le chercher à notre tour et à croire en lui, et qu'il couvre d'une invincible protection ceux qui croient en lui, afin qu'ils ne se laissent pas vaincre par le péché. Qu'auront-ils donc à répondre au Seigneur lorsqu'il leur dira : Si vous avez pu résister à la tentation de commettre le péché, pourquoi ne lui avez-vous pas résisté ? Si vous n'avez pas pu lui résister pourquoi n'avez-vous pas imploré mon secours pour pouvoir le faire ? Ou quand le péché a fait des plaies dans votre âme, pourquoi n'y avez-vous pas porté remède par la pénitence ? Si vous n'avez rien à répondre à de tels reproches, s'il ne vous reste alors aucune excuse à alléguer, ne dira-t-il pas : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, là il y aura des pleurs et des grincements de dents (MATTH., XXII, 13). Là, le ver qui les ronge ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point (MARC, IX, 47 ; ISAIE, LXVI, 24). "
12. S. BERNARD, Lettre I à Robert, son neveu : " Il viendra un jour celui qui doit réformer les iniques décisions et confondre les vœux illégitimes ; il viendra pour faire justice à ceux qu'on opprime, juger le pauvre avec équité, et venger les humbles qu'on outrage ici-bas. Il viendra sans aucun doute ; car c'est lui qui, par la bouche du Prophète adresse aux hommes cette menace contenue dans le psaume (LXXIV, 3) : Quand le temps sera venu, je jugerai les justices. Et, s'il doit juger les justices elles-mêmes, que fera-t-il des décisions injustes ? Oui, je le répète, le jour du jugement viendra, ce jour où la pureté du cœur l'emportera sur l'astuce du langage, où une bonne conscience sera d'un plus grand poids dans la balance que la bourse la mieux garnie ; car le juge qui doit prononcer alors ne saurait être ni trompé par les paroles, ni gagné par les présents (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise, t. XV, p. 332-335). "
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13. INNOCENT III, Lib. III de contemptu mundi sive de miseriâ humanæ conditionis, c. 18 : " Oh ! quelle crainte et quelle terreur devra régner alors ! Quels pleurs et quels gémissements ! Car si les colonnes du ciel tremblent et chancellent au seul signe de sa volonté, si les anges de paix doivent répandre des larmes amères, que devront faire les pécheurs ? Si le juste à peine doit être sauvé, le pécheur et l'impie où oseront-ils paraître ? C'est pour cela que le Prophète s'écrie : Seigneur, n'entrez point en jugement avec votre serviteur, parce qu'aucun homme vivant ne sera justifié en votre présence (Ps. CXLII, 2). Car si vous regardez à toutes nos iniquités, Seigneur, qui pourra soutenir la rigueur de votre justice (Ps. CXXIX, 5) ? Et qui ne craindrait pas un juge infiniment puissant, infiniment sage, infiniment juste ? Infiniment puissant, puisque personne ne peut échapper à son pouvoir ; infiniment sage, puisque personne ne peut être ignoré de lui ; infiniment juste, puisque personne ne peut le corrompre ? Si l'on implore quelque puissance, il est tout-puissant ; si l'on en appelle à la justice d’un juge, il n'y a personne qui puisse rendre témoignage en ma faveur. Si j'entreprends de me justifier, ma propre bouche me condamnera. Si je veux montrer que je suis innocent, il me convaincra d'être coupable. Quand je serais juste et simple, cela même me serait caché (JOB, IX, 19-24). Il a dit, et tout a été fait, il a commandé et tout a été créé (Ps. XXXII, 9). Il appelle les étoiles et elles répondent : Nous voici (BAR., III, 35). Il rend ses anges aussi prompts que les vents, et ses ministres aussi ardents que les flammes (Ps. CIII, 4). Rien ne résiste à sa volonté. Rien ne lui est impossible. Tout genou fléchit devant lui, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (Philip., II, 10). Ainsi personne ne peut lui échapper, et, comme le dit le Prophète : Si je monte au ciel, vous y êtes ; si je descends vers les enfers, vous y êtes encore (Ps. CXXXVIII, 8). Il sonde les reins et les cœurs (JEREM., XVII, 40) ; tout est à nu et à découvert devant ses yeux (Hébr., IV, 13). Il compte les gouttes de la pluie et les sables de la mer (Ecclé., I, 2). Il est le maître de la science (I Samuel, II, 3) ; il prévoit tout, il a conscience de tout, il est le scrutateur intime de tous les secrets. Ainsi personne ne peut lui échapper, et, comme dit l'Apôtre, nulle créature n'est invisible à ses yeux (Hébr., IV, 13). Dieu est un juge juste, fort et patient (Ps. VII, 12) ; il ne se laisse détourner ni par prières, ni par argent, ni par amour, ni par haine, des voies de la justice ; mais, imprimant tous ses pas dans la voie droite, il ne laisse aucun mal impuni, pas plus qu'aucun bien sans récompense. Ainsi personne ne peut le corrompre, et, comme dit le
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Psalmiste : Vous rendrez à chacun selon ses œuvres (Ps. LXI, 13). "
14. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, liv. XX, c.1 : " Nous ne parlerons pas ici de ces jugements que Dieu a exercés au commencement des temps, ni de ceux qu'il exerce encore tous les jours, mais du dernier jugement, qui se fera quand Jésus-Christ viendra du ciel juger les vivants et les morts. C'est proprement le jour qu'on appelle le jour du jugement ; car alors il n'y aura plus lieu à ces plaintes aveugles sur la prospérité du méchant et le malheur du juste. Alors, et dans une parfaite évidence, aux bons seuls la véritable et pleine félicité, aux méchants seuls la misère infinie qu'ils méritent. "
15. Ibidem, 2 : " Encore que nous ignorions dans quel dessein Dieu veut ou permet qu'il en soit ainsi, lui en qui réside la souveraine puissance, la souveraine sagesse et la souveraine justice, sans la moindre trace de faiblesse, d'imprudence ou d'iniquité, il nous est toujours avantageux d'apprendre à ne pas trop estimer des biens ou des maux que nous voyons être communs aux bons et aux méchants et à ne rechercher d'autres biens que ceux qui sont propres aux bons, comme à ne fuir d'autres maux que ceux qui sont propres aux méchants. Lorsque nous serons arrivés à ce jugement de Dieu, dont l'époque est proprement appelée le jour du jugement, et quelquefois aussi le jour du Seigneur, alors sera dévoilée la justice de tous les jugements de Dieu, tant de ce jugement du dernier jour que de ceux qui ont eu lieu depuis le commencement, et de tous les autres qui seront encore prononcés jusqu'à la fin des temps. Alors aussi il paraîtra combien est juste ce jugement par lequel il cache maintenant aux hommes le mystère de cette justice, quoique ce n'en soit pas un pour les âmes religieuses qu'il n'y a que de la justice cachée sous ce mystère même. "
16. Ibidem, c. 30 : " Voici donc les événements qui doivent s'accomplir en ce jugement, ou vers le temps où il aura lieu : l'avènement d'Elie, la conversion des Juifs, la persécution de l'Antechrist, le jugement de Jésus-Christ, la résurrection des morts, la séparation des bons et des méchants, l'embrasement du monde et son renouvellement. Tout cela doit arriver, il faut le croire, mais comment, et dons quel ordre ? c'est ce que l'expérience nous enseignera mieux alors que ne le pourraient aujourd'hui toutes nos conjectures. Je crois cependant que tout arrivera dans l'ordre que je viens d'indiquer ici (Cf. La Cité de Dieu, etc., trad. par L. Moreau, t. III). "
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17. Ibidem, liv. XVIII, c. 53 : " C'est donc en vain que nous cherchons à compter et à déterminer les années qui restent au temps actuel, puisque nous apprenons de la bouche de la Vérité qu'il ne nous appartient pas de le savoir. On établit pourtant au hasard des calculs de quatre cents, de cinq cents, de mille ans, depuis l'ascension du Sauveur jusqu’à son dernier avènement. Or, de dire maintenant sur quoi chacun appuie son opinion, c'est ce qui serait trop long et tout-à-fait inutile. Car ce ne sont là que des conjectures humaines, qui n'empruntent rien de certain de l'autorité des Ecritures canoniques. Mais celui qui a dit : Il ne vous appartient pas de savoir les temps ou les moments dont mon Père s'est réservé la disposition (Act., I, 7), a tranché court à toutes ces supputations, et il nous commande de nous tenir là-dessus en repos. "
18. Le même, Epist. LXXVIII (al. 197) ad Hesychium : " Ce fut après que les apôtres eurent interrogé leur divin maître sur l'époque de son avènement qu'il leur fit cette réponse : Ce n'est pas a vous de savoir les temps et les moments que mon Père a réservés à son souverain arbitrage (Act., I, 7). De vouloir donc trouver par le calcul l'époque de la fin du monde et du dernier avènement de Jésus-Christ, c'est vouloir précisément ce qu'il nous assure que personne ne peut savoir. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il ne viendra point, que l'Evangile n'ait été prêchée par toute la terre, pour servir de témoignage à toutes les nations. Car Jésus-Christ dit formellement que ce sera alors que la fin arrivera. Or, dire que ce sera alors qu'elle arrivera, c'est dire qu'elle n'arrivera pas auparavant. Il peut être incertain pour nous combien il se passera de temps, à partir de celui où l'Evangile aura été prêchée pour tout le monde, jusqu'au temps marqué pour le jugement ; mais toujours est-il certain qu'il ne reviendra pas avant cette dernière époque. Si donc des serviteurs de Dieu entreprenaient de parcourir la terre entière pour voir combien il reste de nations à qui l’Evangile n'ait pas encore été prêchée et qu'ils en vinssent à bout, peut-être que sur leur rapport nous pourrions juger à peu près combien de temps doit encore s'écouler jusqu'à la fin du monde. Mais si tout ce qu'il y a dans le monde de déserts et de lieux inaccessibles rend impossible l’exécution d'un tel projet, et si l'on ne peut par conséquent savoir par ce moyen combien il y a encore aujourd'hui de nations qui n'aient point été éclairées de la lumière de l'Evangile, on peut encore moins, a mon avis, trouver par l’Ecriture combien il reste de temps jusqu'à la fin du monde, puisqu'elle nous dit,
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au contraire, que personne ne peut savoir les temps que le Père éternel a réservés à son souverain arbitrage. "
" Ainsi, quand même nous saurions avec certitude que l’Evangile aurait déjà été prêchée dans toutes les nations, nous ne saurions pas pour cela combien il reste de temps à s'écouler jusqu'à la fin du monde, et tout ce que nous pourrions dire, c'est que nous en approchons de plus en plus (Cf. Les Lettres de saint Augustin, trad. en français, Paris, 1684, tome V, p.514-517). "
19. Le même, Epist. LXXX (al. 199), ad cumdem Hesychium : " Jésus-Christ n'a pas dit à ses apôtres : Ce n'est pas à vous d'annoncer la fin des temps, mais : Ce n'est pas à vous de savoir les temps (Act., I, 7). Vous direz peut-être que, quand il a dit : Ce n'est pas à vous de savoir, c’était comme s'il eût dit : Ce n'est pas à vous de faire savoir et d'enseigner. Mais si cela est, qui de nous osera entreprendre d'enseigner ou de présumer savoir ce que les apôtres, ces docteurs si sublimes et si saints, n'ont pu savoir eux-mêmes, attendu que leur divin maître n'a rien voulu leur en dire, quoiqu'ils l’eussent interrogé sur ce sujet, pendant qu'il était encore parmi eux, et dont ils n'ont pu par conséquent donner aucune connaissance à l'Eglise ? . . . "
" Il n'a pas voulu qu'on prêchât ce qu'il ne nous était pas utile de savoir. . . "
" Je doute néanmoins que, quelques lumières ou quelque pénétrations qu'on puisse avoir, on découvre rien de plus certain sur ce sujet que ce que j'ai dit dans ma première lettre, qu'il faut,
avant que la fin du monde arrive, que l'Evangile ait été publié par toute la terre. Quant à ce que croit votre Révèrent que les apôtres l'ont d'avance prêché en tous lieux, j'ai montré par des preuves incontestables qu'il n'en est rien, puisque dans notre Afrique même il y a une infinité de peuples barbares chez qui il n'a point été prêché comme nous pouvons nous en assurer tous les jours par les prisonniers faits sur ces peuples, et rangés aussitôt parmi les esclaves de l'empire (Cf. Les Lettres de saint Augustin, p. 537, 539, 592-593). "
20. S. HIPPOLYTE, évêque et martyr, in oratione quæ inscribitur de consummatione mundi, etc. (Cet ouvrage n’est pas de saint Hippolyte. V. les Pères de l’Eglise, trad. de Genoude. Il est du reste fort ancien, et le texte grec ou original en a été livré à l’impression dès le milieu du seizième siècle. Voir sur ce sujet la Biographie universelle). L'auteur de cet ouvrage com-
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mence par rapporter les témoignages des prophètes ; puis il ajoute : " Les temples de Dieu seront traités comme des maisons profanes, et partout on détruira les églises ; les Ecritures seront regardées comme de nul prix, et partout on répète les chants de son ennemi mortel. A la suite de ces profanations, il y aura un débordement épouvantable de fornications, d'adultères de parjures, d'enchantements, de divinations, et partout, du milieu des peuples qui se diront encore chrétiens, s’élèveront de faux prophètes, de faux apôtres, des multitudes d'imposteurs, de corrupteurs, de malfaiteurs, de détracteurs, d’adultères, de fornicateurs, de ravisseurs, d'avares, de parjures, de calomniateurs ; les pécheurs ne seront plus que des loups pour leurs troupeaux ; les moines n'auront plus de goût que pour les plaisirs du siècle ; les riches n'auront plus d'entrailles pour les pauvres ; les magistrats ne prendront plus la défense de l'indigent, etc. " Puis il cite plusieurs témoignages des Evangiles et des écrits des Apôtres et celui de Daniel, faisant le portrait de l’Antechrist. Saint Hippolyte enseigne que ce fléau de Dieu naîtra de la tribu de Dan, et qu'il bâtira à Jérusalem un temple en pierre. Il dit ensuite : " Le premier avènement de Jésus-Christ a eu Jean-Baptiste pour précurseur ; le second, où il viendra dans sa gloire, fera reparaître sur la terre Hénoch, Elie, et Jean le Théologien, " qui mettra à mort la bête qui sortira du sein des eaux. Il dépeint ensuite le caractère de l'Antechrist, son hypocrisie, ses faux miracles, ses fraudes, son arrogance, son ambition, son règne, qui devra durer trois ans et demi, sa cruauté et la persécution violente qu'il fera à l’Eglise. Au plus fort de cette persécution " tous, " continue notre écrivain " recourront à l'Antechrist, forcés qu'ils y seront par la disette de vivres, et ils se prosterneront devant lui ; et il leur imprimera son caractère à la main droite et, sur le front, afin que personne ne se serve désormais de sa main droite pour marquer sur son front le signe de la croix. A partir donc de ce moment, personne ne pourra plus imprimer le signe de la croix sur ses membres, mais tous s'attacheront au séducteur et le serviront, sans qu'aucun sentiment de repentir les fasse rentrer en eux-mêmes. . . . "
" Les montagnes et les collines, et les arbres de la plaine seront en deuil au sujet de la race humaine, parce que tous se seront éloignés du Dieu de sainteté pour ajouter foi à l'imposteur, et auront consenti à recevoir le caractère de ce pervers ennemi de Dieu, à la place de la croix salutaire du Sauveur. Les
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églises seront aussi plongées dans un deuil profond, parce qu'il n'y aura plus ni oblation, ni sacrifice, ni culte agréable à Dieu ; mais les sanctuaires les plus révérés seront métamorphosés en granges, et le précieux sang, le sang de Jésus-Christ cessera d'être offert dans ces jours-là. La liturgie sera abolie ; le chant des psaumes ne se fera plus entendre : les saintes Ecritures n'instruiront plus les peuples. D'épaisses ténèbres s’étendront sur toutes les intelligences ; il y aura malheur sur malheur, calamité sur calamité. . . . "
Enfin il en vient à décrire dans les termes suivants l'arrivée de Jésus-Christ, venant juger tous les hommes : " Du levant au couchant, on verra paraître le signe de la croix, surpassant par son éclat le soleil lui-même, et qui annoncera à tous l'arrivée et l'apparition du juge prêt à rendre à chacun selon ses œuvres. . . Il dira aux impies : " Tous ceux qui auront été indifférents pour l'accomplissement de leurs devoirs, et qui n'auront pas exercés ici-bas la miséricorde par la pratique des bonnes œuvres, n'auront aucun droit à des récompenses, et il ne leur est dû que les ardeurs d'un feu que rien ne pourra éteindre. Je suis bon pour tout le monde, mais je suis aussi un juste juge. Je récompenserai chacun selon son mérite, je paierai à chacun le juste salaire de son travail ; je décernerai à chacun la couronne qu'il aura mérité par ses combats. Je voudrais user de miséricorde envers vous, mais je n'aperçois pas d'huile dans vos lampes. Je voudrais me montrer compatissant à votre égard, mais vous n'avez été vous-même compatissants pour personne. . . Vous avez confessé que j’étais le Seigneur, mais vous n'avez pas obéi à mes paroles. Vous avez imprimé sur vous le signe de ma croix, mais vous l'avez couverte d'opprobres par votre dureté pour les pauvres. Vous avez reçu mon baptême, mais vous n'avez pas gardé mes commandements, et vous n'avez pas étouffée dans vos cœurs la haine que vous nourrissiez contre vos frères. Car ce n'est pas celui qui me dit : Seigneur ; Seigneur, qui sera sauvé, mais celui-là seulement qui accomplira ma volonté (MATTH., VII, 21). Et ceux-ci seront précipités dans les supplices éternels, tandis que les justes entreront dans la vie éternelle (MATTH., XXV, 46). "
" Vous avez entendu, mes bien-aimés, la sentence que prononcera le Seigneur ; vous savez ce qu'il dira à chacun ; vous n'ignorez plus combien sera sévère le jugement qui nous est réservé ; vous pouvez en pressentir le jour et l'heure. Pensons-y chaque jour ; méditons là-dessus jour et nuit, dans nos maisons,
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et sur les places publiques et dans les églises, afin qu'à ce jugement terrible, où il n'y aura d'acception pour personne, nous n'ayons pas à comparaître condamnés d'avance, consternés et abattus, mais avec une conscience pure, avec le témoignage de nos bonnes œuvres, de la sainteté de notre vie et de l'intégrité de notre foi, et que ce Dieu infiniment bon et infiniment miséricordieux puisse nous adresser ces paroles : Votre foi vous a sauvé ; allez en paix (LUC, VII, 50) : courage, serviteur bon et fidèle ; vous avez été fidèle en de petites choses, et je vous établirai sur de grandes ; entrez dans la joie de votre maître (MATTH., XXV, 21) (Cf. To? ???????????? I????????, ????????? ??? ???????? ????? ???? ??? ????????? ??? ??????, ??? ???? ??? ‘A??????????, etc., typis regiis, 1556, p. 10-65). "
21. S. JEAN DAMASCENE, Lib. IV orthodoxæ fidei, c. 27 : " Il est important de savoir que l'Antechrist viendra certainement. A la vérité, quiconque nie que Jésus-Christ soit venu au monde dans une chair véritable, qu'il soit Dieu parfait et homme parfait, et qu'il soit créature sous ce dernier rapport comme il est Dieu de toute éternité sous le premier, quiconque, dis-je, nie quelqu'une de ces choses est un Antechrist (JEAN, II, 22). Mais de plus nous appelons Antechrist, d'une manière toute spéciale celui qui doit venir aux approches de la fin du monde. Premièrement donc, comme l'a dit Notre-Seigneur, il est nécessaire que l’Evangile soit prêché chez tous les peuples (MATTH., XXIV, 14), et après cela l’Antechrist viendra pour mettre à découvert l'impiété des Juifs. Car voici le reproche que Notre-Seigneur leur a adressé : Je suis venu au nom de mon Père et vous ne m'avez pas reçu. Un autre viendra en son propre nom, et vous le recevrez (JEAN, V, 43). Et l'Apôtre a dit à son tour : Parce qu'ils n’ont pas reçu et aimé la vérité pour être sauvés, Dieu leur enverra des illusions si efficaces, qu'ils croiront au mensonge, afin que tous ceux qui n'ont point cru la vérité, et qui ont consenti à l'iniquité, soient condamnés (II Thess., II, 10-11). Ainsi les Juifs n'ont point reçu Notre-Seigneur Jésus-Christ Dieu et Fils de Dieu, et ils recevront au contraire l'imposteur qui s'arrogera la divinité. Car, qu'il doive usurper le nom de Dieu, c'est ce que l'ange fait bien voir quand il dit à Daniel : Il n'aura aucun égard au Dieu de ses pères (DAN., XI, 37). L’Apôtre a dit de même : Que personne ne vous séduise en quelque manière que ce soit (II Thess., II, 3-4) ; car Jésus-Christ ne viendra pas, que la révolte et l'apostasie ne soient arrivées
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auparavant, et qu'on n'ait vu paraître cet homme de péché qui doit périr misérablement, cet ennemi de Dieu qui s'élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu ou qui est adoré, jusqu’à s'asseoir dans le temple de Dieu, voulant lui-même passer pour Dieu. Or, par le temple de Dieu, l'Apôtre entend ici non nos temples à nous, mais l'ancien temple des Juifs. Car ce n'est pas pour nous, mais pour les Juifs qu'il viendra ; et il ne viendra pas comme pour soutenir la religion de Jésus-Christ, mais pour lui faire la guerre. Et c'est aussi pour cela qu'il est appelé Antechrist. Il est donc nécessaire que l'Evangile soit premièrement prêchée chez tous les peuples (MATTH., XXIV, 14) ; et alors se montrera l'impie, que le Seigneur détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il perdra par l’éclat de sa présence ; cet impie qui doit venir accompagné de la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges trompeurs, et avec toutes les illusions qui peuvent porter à l'iniquité ceux qui se perdent (II Thess., II, 8-10). Car on doit bien se garder de penser que le diable doive un jour se faire homme pour nous perdre, comme le Fils de Dieu s'est fait homme pour nous sauver ; mais un homme naître de la fornication, et aspirera en lui-même tout le venin de Satan. Dieu, en effet, qui a prévu l'incroyable perversité de cet homme à venir, permettra que le démon établisse en lui sa demeure. Il naîtra donc de la fornication, comme nous venons de le dire ; il recevra en secret son éducation, et puis il paraîtra tout-à-coup, portant sa tête en haut, et il s'emparera de l'autorité. Dans les commencements de son empire, ou plutôt de sa tyrannie, il trompera les hommes par des apparences de bonté. Mais dès qu'une fois il sera le maître, il persécutera l’Eglise de Dieu, et produira au grand jour toute sa perversité. Il viendra accompagné de signes et de prodiges de mensonge, c'est-à-dire qui n'auront rien de vrai, et il réussira à séduire et à détacher du vrai Dieu ceux dont la foi est faible et n'est point appuyée sur un solide fondement, de sorte que même les élus, si la chose était possible, seront presque entrainés dans la même défection (MATTH., XXIV, 24). Mais alors Dieu enverra Hénoch et Elie le Thesbite (Apoc., XI, 3), et ils réuniront les cœurs des pères avec leurs enfants, c'est-à-dire la Synagogue avec l'Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ et avec la doctrine enseignée par les apôtres ; après quoi ils seront mis à mort par l’Antechrist. Et c'est alors que Notre-Seigneur, Dieu parfait et homme parfait, viendra plein de gloire et de puissance, de la même manière que les apôtres l'ont vu s'élever dans le ciel, et
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détruira par le souffle de sa bouche cet homme de péché et de perdition. "
22. S. AUGUSTIN, liv. XX de la Cité de Dieu, c. 16 : " Alors la figure de ce monde passera par l’embrasement de l'univers, comme elle passa autrefois par le déluge. Cet embrasement consumera donc les qualités des éléments corruptibles qui étaient appropriées à nos corps corruptibles, pour leur en donner d'autres qui conviendront à des corps immortels, afin que le monde renouvelé soit en harmonie avec les corps des hommes renouvelés pareillement. "
23. Ibidem, c. 18 : " (L'apôtre saint Pierre) en rappelant l'antique catastrophe du déluge (II PIERRE, III, 7), semble nous avertir de la manière dont l'univers doit périr un jour. Il dit en effet que le monde qui était alors périt, et non-seulement ce globe terrestre, mais encore les cieux, c'est-à-dire ces espaces de l'air, dont les eaux, en montant, avaient envahi la place. Tout ou presque tout l'air (qu'il appelle le ciel ou plutôt les cieux, séjour des vents, et non cette région sublime où se trouvent le soleil, la lune et les étoiles et transforma donc cet élément liquide, et périt ainsi avec la terre, dont le déluge avait déjà détruit la face primitive. Mais, ajoute l'Apôtre, les cieux et la terre d'aujourd'hui ont été rétablis par la même parole de Dieu, et sont réservés au feu pour le jour du jugement et de la ruine des impies. "
" Ainsi ce ciel, cette terre, c'est-à-dire ce monde sorti des même eaux, et rétabli à la place de l'ancien monde englouti par le déluge, est réservé lui-même aux flammes dernières, pour le jour du jugement et de la ruine des impies. Car il n'hésite pas à nommer ruine cette transformation des hommes, bien que leur nature doive subsister dans les supplices éternels. Quelqu'un dira peut-être : Si le monde brûle après le jugement, avant l'apparition d'un ciel nouveau et d'une terre nouvelle, au moment de cette conflagration universelle, où seront les saints ? Car, puisqu'ils auront des corps, il faut bien qu'il y ait un lieu corporel qui les renferme. Nous pouvons répondre qu'ils pourront s’élever à des hauteurs non moins inaccessibles à la flamme du futur incendie qu'aux ilots de l'ancien déluge. Car telles seront alors les propriétés de leurs corps, qu'ils pourront demeurer là où il leur plaira. Que dis-je ? Immortels et incorruptibles, ils n'auront pas même à craindre le feu de cet incendie général, pas plus que les corps des trois jeunes hommes de Babylone,
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quoique mortels et corruptibles, n'eurent à souffrir des atteintes de la fournaise ardente (Cf. La Cité de Dieu, etc., trad. par L. Moreau, t. III, p. 316-322). "
24. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLVI ad populum Antiochenum, (al. XIV in Matthæum) : " Ayons confiance dans la miséricorde de Dieu, et témoignons par nos actions que nous nous appliquons sérieusement à la pénitence, plutôt que de nous laisser surprendre par ce jour effroyable, qui rendrait tous nos regrets inutiles. Car maintenant tout dépend encore de vous ; au lieu qu'alors votre arrêt serait irrévocable et ne, dépendrait plus que de votre juge. Prévenons sa face, comme dit l'Ecriture, en confessant nos péchés : pleurons et soupirons en sa présence (Ps. XIV, 6). Si nous sommes assez heureux pour fléchir notre juge, et le porter à nous pardonner avant qu'il prononce la sentence, nous n'aurons plus ensuite besoin d'intercesseur auprès de lui : comme au contraire, si nous négligeons cet avis, il nous fera paraître un jour en présence de toute la terre, et il ne nous restera plus alors aucune espérance de pardon. Si nous ne nous guérissons maintenant de nos péchés, nous ne pourrons pas alors éviter d’en être punis. "
" Comme nous voyons que ceux qu'on tire ici des prisons sont présentés tout enchaînés devant le juge, ainsi les âmes, au sortir de ce monde, paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés devant ce redoutable tribunal. "
Ibidem, sub finem (al. hom. XIII in Matthæum) : " Dieu ne punit pas tous les méchants dans ce monde, de peur que vous ne cessiez ou d'attendre la résurrection, on de craindre le jugement, comme si tous avaient été jugés dès cette vie. Dieu ne laisse pas non plus dans le monde tous les crimes impunis, afin que vous ne doutiez pas de sa providence. Ainsi il punit quelquefois, et quelquefois il ne punit pas. Lorsqu'il punit en cette vie, il fait voir que ceux qui n'y auront pas été punis le seront en l'autre, et lorsqu'il ne punit pas, il exerce notre foi, et il veut que nous attendions un autre jugement sans comparaison plus redoutable que ceux du monde (Cf. Homélies de saint Jean Chrysostôme sur saint Matthieu, tome Ier, p. 304-305, et 289.) ; S. Joannis Chrysostomi opera, tome VII, p. 183 et 177, édit. de Montfaucon ; p. 210 et. 203, édit. de Gaume). "
25. Le même, Hom. XLVII ad populum Antiochenum (al. LXXVI in Matthæum) : " Comment pourrons-nous supporter les regards de notre juge, lorsque nous serons au pied de son tribunal, et
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qu'il examinera avec tant de sévérité toutes les actions de notre vie ? "
" Que s'il se trouve quelqu'un parmi vous qui ne croie point à ce jugement dont Jésus-Christ nous menace, qu'il considère ce qui se passe en ce monde. Qu'il voie tant de misérables dont les uns gémissent dans les prisons, les autres sont condamnés aux métaux, les autres pourrissent sur un fumier, les autres sont tourmentés par les démons, les autres tombent dans l'égarement d'esprit, les autres éprouvent des maladies incurables, les autres sont réduits à la pauvreté, les autres endurent la faim et les dernières extrémités, et les autres enfin gémissent dans une dure servitude. Représentez-vous, dis-je, tous ces maux, et dites-vous à vous-mêmes que Dieu ne permettrait point que toutes ces personnes souffrissent tant, s'il ne devait punir de même ceux qui ne sont pas moins coupables qu'eux (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t . VII, Hom. LXXVI, al. LXXVII in Matthæum, p. 739, édit. de Montfaucon ; p. 834, édit. de Gaume ; Homélies de saint Jean Chrysostôme, t. III, p. 413). "
26. Le même, in Epist. ad Romanos, Hom. V : " Que chacun donc, rentrant dans sa propre conscience et repassant ses péchés, se demande à soi-même un compte sévère pour n'être pas condamné un jour avec l'univers. Que le tribunal d'où cette sentence sera prononcée sera terrible ! combien ce trône ne doit-il pas nous inspirer de respect ! Qui ne tremblerait à la pensée de ce compte à rendre, de ce fleuve de feu qui engloutira ses victimes ? Le frère ne rachète point son frère ; un autre homme le rachètera-t-il (Ps. XLVIII, 8) ? Rappelez à votre mémoire ce qui est dit dans l’Evangile des anges qui s'empresseront de rassembler des quatre coins du monde les élus de Dieu, de la chambre nuptiale fermée aux vierges folles, des lampes qu'elles n'auraient pas dû laisser s'éteindre, des puissances infernales jetant la paille inutile dans un feu qui ne s’éteindra jamais. Considérez encore que si tel d'entre nous tous voyait ses désordres secrets dévoilés en ce moment même aux yeux de toute cette assemblée, il préférerait voir la terre s'entrouvrir sous ses pieds, plutôt que d'avoir tant de témoins de ses infamies. Quelle sera donc notre confusion, lorsque notre vie entière sera produite à la vue de l'univers entier sur un théâtre aussi éclatant, et sera mise sous les yeux des amis comme des étrangers (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IX, p. 469, édit. de Montf.; p. 512, édit. de Gaume) ? "
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27. Le même, in Epist. ad Philippenses, Hom. XIII : " Quand vous supposeriez mille feux d'enfer, vous ne diriez rien qui égale l'angoisse qu'éprouvera une âme dans ce moment terrible où tout l'univers sera ébranlé, où les anges sonneront de la trompette, où toutes les phalanges des esprits célestes se déploieront avec ordre, d'abord la première, puis la seconde, puis la troisième, puis une infinité d'autres qui se répandront sur la terre, puis les chérubins dont la troupe est si nombreuse, puis les séraphins allant la rencontre du roi de gloire, et rassemblant les élus des quatre coins du monde, puis Paul et ses disciples s'élevant étant chargés de couronnes, comblés d'honneurs et de louanges par le souverain roi plus que tout le reste de l’armée céleste. Quand même il n'y aurait pas d'enfer, quel sentiment pourrait-on éprouver en se voyant plongé dans l'opprobre, tandis que tant d'autres seraient comblés de gloire ! Le feu de l'enfer est un supplice intolérable, je l'avoue, mais quelque chose de plus intolérable encore, ce sera de se voir exclu du royaume des cieux. Car, dites-moi, si un roi ou un fils de roi, après être parti pour la guerre, et s'y être attiré l'admiration des troupes par son habileté dans l'art militaire, rentrait dans sa ville avec ses soldats victorieux, avec ses trophées, avec tous les ornements de son triomphe, et qu'il trainât derrière lui une foule de captifs, de généraux, de satrapes, d'archontes, de tyrans faits prisonniers. . . , ne serait-ce pas pour ces derniers un supplice des plus cruels, quand même il ne leur en infligerait pas d'autres que celui-là (S. Joannis Chrysostomi opera, t. XI, p. 302, édit. de Montfaucon ; pag. 346-347, édit. de Gaume. Cet extrait et le précédent ont pour titre dans Canisius Homilia XLVIII ad populum Antiochenum ; or, les éditions actuelles des œuvres de saint Jean Chrysostôme ne portent qu'à 21 le nombre des homélies intitulées Homiliæ ad populum Antiochenum) ? "
28. S. EPHREM de Syrie, Lib. de judicio extremo, c. 1 : " Nous n'aurons pour nous défendre dans ce jour du jugement que les œuvres bonnes et saintes qui nous auront accompagnées à notre mort. Car il faudra que chacun de nous présente les actions qu'il aura faites, et les pensées qu'il aura eues, devant le tribunal de ce juge redoutable. Mon cœur palpite de crainte et les forces m'abandonnent, quand je rappelle à ma mémoire que nos pensées, nos paroles et nos actions seront manifestées au jour du jugement. Les arbres, quand le temps est venu pour eux d'avoir du fruit, commencent par former un bourgeon en eux-mêmes ;
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puis, conformément à l'ordre établi par la divine providence, ce bourgeon se montre au dehors, puis enfin les fruits et les feuilles. C'est ainsi que dans ce jour terrible tous les hommes épanouiront pour ainsi dire, devant le tribunal de Dieu le bien ou le mal qu'ils auront fait en secret dans cette vie, qui est pour eux en quelque sorte le temps de la germination. Alors les justes et les saints sembleront des arbres couverts de fruits mûrs aussi doux au goût qu'agréables à la vue ; les martyrs présenteront leurs fruits mûris par la patience dans leurs tourments ; les saints moines présenteront les fruits impérissables de leur continence, de leur humilité, de leur obéissance, de leurs veilles et de leurs prières. Les pécheurs, au contraire, les impies, les profanes, présenteront des fruits aussi hideux à voir que mauvais à manger, des fruits de honte et d'opprobre, à cause de leurs pleurs sans fin et de leurs éternels gémissements, du ver qui les ronge et du feu inextinguible qui les dévore. Qu'il sera terrible ce jugement, mes frères, où tout sera dévoilé sans besoin de témoins. Là seront présents des milliers et des millions, et des millions de millions d'anges, d'archanges, de chérubins et de séraphins. Là seront assemblés les chœurs des justes, des patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs, et la troupe de tous les saints. "
Ibidem, c. 5 : " Heureux l'homme à qui il sera donné d'avoir confiance en ce jour-là et à qui sera adressé cette bienheureuse sentence : Venez, les bénis de mon père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde (MATTH., XXV, 34). Alors les justes, se voyant tout investis de lumière dans ce jour de gloire, se diront à eux-mêmes dans leur admiration : Est-ce bien moi ? et comment ai-je été trouvé digne de cette gloire ? Les anges de leur côté, s'approchant des saints avec de grandes démonstrations de joie, leur rappelleront la vie sainte qu'ils ont menée, la continence qu'ils auront pratiquée, leurs veilles, leurs prières leur pauvreté volontaire, leur exacte frugalité, la patience avec laquelle ils auront enduré la soif et la faim, enfin tout ce qu'ils auront souffert avec tant de courage et de persévérance pour l'amour de Jésus-Christ. A cet éloge que leur adresseront les anges transportés de joie, les justes répondront : Pendant tout le temps que nous avons été sur la terre, nous n'avons pas passé un seul jour parfaitement exempt de fautes, nous n'avons pas fait une seule action parfaitement bonne. Mais les anges, insistant sur leurs éloges, rappelleront aux justes le temps et le lieu de chacune de leurs bonnes œuvres et, pleins d'admiration pour leur
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humilité, ils glorifieront Dieu pour l'éclat éblouissant dont il revêtira les corps des saints dans le ciel. "
29. Le même, Lib. de verâ pænitentiâ, c. 3 : " A la fin des siècles, quand sera arrivé le moment du second avènement du Sauveur, sa sainte croix entourée de gloire, et d'une multitude sans nombre d'esprits célestes, est ce qui paraîtra d'abord ; elle sera pour ses ennemis un objet de terreur, pour les fidèles, au contraire, un sujet de gloire comme de joie, puisqu'elle leur annoncera l'arrivée du monarque céleste. "
Ibidem, c. 4 : " Mais que pensez-vous qui doive arriver, lorsque cette croix glorieuse aura commencé à rayonner dans les cieux ? On verra alors des choses si grandes et si admirables, que jamais il n'y en a eu, que jamais il n'y en aura de pareils exemples. Actuellement même, souvent au bruit du tonnerre ou à l'éclat des éclairs, tout le monde est saisi de terreur et se prosterne à terre d'épouvante. Comment donc pourrons-nous soutenir le bruit de la trompette qui retentira d'une manière si effrayante au milieu du ciel, et qui réveillera de leurs tombeaux les bons et les méchants, les justes et les injustes, les pieux fidèles et les impies ? Aussitôt après que la trompette aura sonné, tous les tombeaux rendront les ossements qu'ils recèlent et on verra ces ossements se rapprocher les uns des autres, se rejoindre, et se revêtir comme auparavant de fibres, de veines et de nerfs. Lorsque nous verrons le genre humain tout entier se lever, chacun à sa place, et tous se rassembler pour être jugés ; la terre et la mer rendre, chacun de leur côté, leurs morts ; les corps dévorés par les bêtes féroces, par les poissons ou par les oiseaux, revenir à leur premier état ; tous ressusciter en un clin-d'œil, et paraître pleins de vie devant le tribunal, sans qu'il ait péri un seul de leurs cheveux ; lorsque nous verrons un fleuve de feu s'étendre de l'orient à l'occident, et, comme une mer en courroux, dévorer les montagnes et les vallées, incendier toute la terre et tout ce qu'elle contient ; alors, mes bien-aimés, on verra se tarir les fontaines, s'enfuir les fleuves, la mer se dessécher, l'air s'agiter, les étoiles tomber du ciel comme des feuilles d'automne, le soleil refuser sa lumière, la lune se changer en sang, le ciel se rouler comme un livre (On sait qu'autrefois les livres étaient de véritables rouleaux ; de là cette expression encore aujourd'hui en vogue, faire des rôles d'écriture) ; lorsque nous verrons les anges envoyés de Dieu se hâter de remplir leur mission, et rassembler en
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un même lieu tous les élus, du couchant à l'aurore ; lorsque nous verrons un ciel nouveau et une terre nouvelle devenus le séjour de la justice ; lorsque nous verrons ce trône majestueux sur lequel sera assis le Dieu de l'univers, entouré de milliers d'anges saisis de tremblement en sa présence ; lorsque nous verrons le signe du Fils de l'homme, c’est-à-dire la sainte croix, précieuse source de notre salut, briller au haut du ciel, et jeter sur le monde entier un éclat supérieur à celui du soleil, et qu'à l'aspect de ce spectre royal et glorieux, tous reconnaîtront la prochaine arrivée du roi lui-même autrefois cloué sur ce bois : alors chacun saisi de crainte se demandera à soi-même comment il pourra paraître devant le Christ, quel compte il aura à lui rendre. Et si la conscience nous reproche des crimes dont nous resterions coupables, nous serons tristes, abattus, plongés dans l’inquiétude, en attendant la sentence qui devra être portée contre nous. Car chacun verra clairement toute la suite de ses actions bonnes et mauvaises exposée à ses propres yeux. . . . . "
" Ce sera, mes frères, un moment bien solennel et bien terrible, que celui où seront ouverts ces livres effrayants qui contiendront tout ce que nous aurons fait comme tout ce que nous aurons dit, et que nous aurons peut-être cru pouvoir cacher à Dieu, qui sonde les reins et les cœurs. Dans ces livres seront écrites non-seulement nos actions, mais même nos intentions et toutes nos pensées. Oh ! que de gémissements, que de larmes, lorsque nous verrons de nos yeux, d'un côte ce magnifique royaume du ciel, de l'autre ces supplices éternels, ces tortures horribles mises en évidence, et entre ces deux alternatives le genre humain tout entier, depuis le premier homme immédiatement créé de Dieu jusqu'au dernier venu de ses descendants, tous la face contre terre et dans l'attitude de l'adoration. Tous donc, ainsi placés entre le royaume du ciel et les éternels supplices, entre les torrents de joie et l'affreux désespoir, tous prosternés à terre attendront, saisis d'inquiétude et de crainte, leur dernière sentence. "
Ibidem, c. 5 : " Alors la demande sera faite à chacun des disciples de Jésus-Christ de montrer exempt de taches le sceau du baptême qu'il aura reçu, et pure de toute hérésie la foi qu'il aura professée. Alors, ô mes frères, ô les amis du Christ, toute l'espèce humaine sera comme suspendue entre la vie et la mort, entre la royauté et l'esclavage, entre des jours sans fin et des douleurs sans remède. A chacun on redemandera le sceau royal
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qu'il aura reçu dans le jour où il aura été introduit par le baptême dans l'Eglise catholique, et cette robe sans tache dont il aura été revêtu au moment où, en présence d'une foule de témoins, il aura fait cette profession de foi : Je renonce à toi, Satan, et à toutes tes œuvres. On nous demandera alors à justifier notre fidélité à ce renoncement solennel, que les anges ont eu soin d’inscrire dans les registres célestes. On nous demandera compte, à tous nous autres chrétiens, de cette solennelle profession de lui. Les pasteurs, les évêques et les ouailles que Jésus-Christ les a chargés de paître, to us seront examinés sur la manière dont ils auront accompli ou violé leurs devoirs. S'il est arrivé qu'une brebis se soit perdue par l'effet de la négligence du pasteur, on redemandera à celui-ci le sang dont il aura occasionné la perte. Il en sera de même de l'abbé de monastère, qui aura à répondre tant pour lui-même que pour son troupeau ; de même du prêtre, pour la partie du peuple chrétien qui lui aura été confiée ; de même des diacres, des lecteurs et de tous les fidèles, pour les âmes qui auront composé leur maison, pour leurs femmes, leurs enfants, leurs serviteurs et leurs servantes, à qui ils auront dû inspirer la crainte de Dieu, en les corrigeant et les instruisant, comme dit l’Apôtre, selon le Seigneur (Ephés., VI, 4). Alors les princes et les rois, les riches et les pauvres, les petits et les grands, seront interrogés chacun sur leurs propres œuvres. Car il est écrit que nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites pendant qu'il était revêtu de son corps (II Cor., V, 10). Il est encore dit ailleurs : Personne ne pourra les arracher de mes mains (Deut., XXXII, 39). "
Ibidem, c. 8 : " Alors la séparation se fait entre eux, et ils prennent chacun leur direction opposée sans espérance de se revoir jamais. Qui serait assez insensible pour ne pas pleurer amèrement à la pensée de ce jour fatal ? Alors les évêques sont séparés des évêques, les diacres des diacres, les sous-diacres et les lecteurs de leurs anciens associés. Alors ceux qui auront été rois seront séparés de la troupe des élus, et pleureront comme des enfants en se voyant chassés comme de vils esclaves. Alors les princes et les riches insensibles aux besoins des pauvres se répandront en gémissements, et, réduits à une affreuse nudité, ils porteront ça et là leurs regards abattus. Ils chercheront du secours de tous côtés ; et n’en trouveront nulle part . . . . . "
" Pour tout dire en peu de mots, chassés à coups de fouets,
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comme de vils troupeaux, par les anges exécuteurs des vengeances divines, ils s'en iront dans les abîmes en rugissant de rage, en grinçant les dents, et en regardant de fois à autre derrière eux, comme pour essayer de voir les justes et d'être témoins de leur joie, qu'ils ne pourront plus partager eux-mêmes. Ils entrevoient dans cette lumière ineffable ces joies du paradis, ces magnifiques récompenses que recevront du roi de gloire ceux qui auront combattu selon les règles. Ils voient leurs proches, leurs amis entrer en jouissance de cette éternelle félicité, et, confus de s'en être rendus indignes, ils éclatent en lamentations et en gémissements. Bientôt ils s'en vont totalement séparés d'eux, et Dieu même est le mur qui les en sépare, de sorte qu'ils ne peuvent plus même regarder derrière eux, et qu'ils sont à jamais privés de la vue de cette pure et immense lumière en même temps qu'ils voient s'ouvrir à leurs pieds l'abîme affreux où leur sont préparés d’éternels supplices. Là encore on les sépare les uns des autres, et on assigne à chacun son cachot particulier, selon la peine particulière qu'il aura méritée. " Pour plus de détails, voir le sermon du même saint sur la résurrection et le jugement à venir, et son livre de la résurrection, du jugement, du royaume des cieux et de la pureté de l'âme.
30. S. AUGUSTIN, Serm. LXVII de tempore (Ce sermon ne paraît pas être de saint Augustin. V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. V, p. 103) : " Que ferons-nous, mes bien-aimés, en ce terrible jour du jugement, lorsque tout le monde tremblant de crainte, le Seigneur, précédé d'une troupe d'anges qui feront retentir leurs trompettes, se sera assis sur le trône de sa majesté, tout rayonnant de gloire et entouré d'esprits céleste ; lorsqu'ayant devant lui tous les hommes sortis de la poussière du tombeau, dont chacun a pour témoin secret sa propre conscience, il mettra sous les yeux de tous les châtiments préparés aux pécheurs, les récompenses réservées aux justes, et demandera compte à chacun de la vie qu'il aura menée, et montrant à ceux qui auront méprisé sa miséricorde toute la sévérité de sa justice, leur dira : O homme, je t'ai tiré de mes propres mains du limon de la terre ; j'ai animé tes membres en y incitant un souffle de vie. . . ; pour toi, j'ai essuyé les moqueries, j'ai enduré les soufflets et les crachats, j'ai été abreuvé de fiel et de vinaigre ; j’ai été flagellé, couronné d'épines, attaché à une croix, percé d'une lance ; et pour t'arracher à la mort, j'ai sacrifié dans
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les tourments ma propre vie. Vois les traces des clous dont mes pieds et mes mains ont été percés. Vois mon flanc percé d'une lance. J’ai pris sur moi tes propres douleurs, pour te procurer la gloire ; j'ai subi pour toi la mort, afin que tu pusses vivre éternellement. J’ai été enseveli dans un tombeau, pour que tu régnasses dans le ciel. Pourquoi as-tu perdu le fruit de tout ce que j'ai enduré pour toi ? Pourquoi, ingrat, as-tu dédaigné la grâce de la rédemption que je t'offrais. . .? Et puisqu'après avoir commis tous ces crimes tu as refusé de recourir au remède de la pénitence, tu ne mérites plus que d'entendre la sentence de ta condamnation. Quel grincement de dents ce sera, lorsque, tandis que tous les saints seront placés à la droite du roi et admis dans le séjour de la gloire, tous ces hommes de péchés, précipités dans l'abîme sans espoir de grâce ou de pardon, se verront exclus par leurs propres ténèbres de la lumière des bienheureux, et descendant, descendant encore dans le gouffre infernal, se verront condamnés à vivre éternellement pour mourir éternellement. Si donc nous voulons prévenir pour nous-mêmes, tandis que nous le pouvons encore et que Dieu nous offre pour cela le secours de sa grâce, cette terrible sentence qu'il nous faudrait entendre aussi au tribunal du souverain juge, examinons nos consciences, et si nous reconnaissons en nous des péchés mortels dont nous ne nous soyons pas purifiés par des aumônes ou par des prières, hâtons-nous de nous mettre à l'abri du naufrage dans le port de la pénitence ; ou si le vaisseau de notre âme a souffert de la tempête, s'il a été endommagé ou par le vent de l'orgueil, ou par celui de l'avarice, ou par la volupté hâtons-nous de le réparer au moyen des bonnes œuvres. "
31. S. ISIDORE, Lib. I de summo bono, c. 30 : " Jésus-Christ sait d'avance le jour marqué pour le jugement qu’il portera, mais il n'a voulu le dire dans l’Evangile ni le faire connaître à ses disciples. Car lorsqu'il dit par son prophète : Le jour de la vengeance est dans mon cœur (ISAIE, LXIII, 4), il fait bien voir qu'il ne l'ignore pas, quoiqu'il refuse de le faire connaître. Au jour du jugement, les méchants verront Jésus-Christ dans sa nature humaine, parce que c'est dans cette nature qu'il a été condamné, afin que cette vue ne leur cause que de la confusion ; celle au contraire qu'il leur donnerait de sa divinité pourrait leur inspirer de la joie. Car la divinité n'a coutume de se montrer qu'à ceux à qui elle veut faire une faveur. Selon que les consciences se trouveront disposées, Jésus-Christ en ce grand jour se montrera
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plein de douceur pour les élus et plein de rigueur pour les réprouvés. Tel sera le cri de la conscience de chacun, telle sera, pour lui la voix de son juge, de sorte que Jésus-Christ, sans rien changer à la majestueuse tranquillité de son visage, ne paraîtra terrible qu'à ceux qu'accusera le cri de leur conscience. Les élus et les réprouvés, déjà séparés les uns des autres au jour du jugement, se diviseront entre eux-mêmes en deux classes nouvelles. Car les plus parfaits d'entre les élus jugeront avec Jésus-Christ, tandis que les moins parfaits seront jugés par Jésus-Christ, quoique également destinés à régner avec lui. Et de même parmi les réprouvés, il y aura deux classes distinctes, celle des méchants qui pendant cette vie auront appartenu au corps de l'Eglise, et qui seront jugés et tout à la fois condamnés, et celle des autres réprouvés qui n'auront jamais appartenu à l’Eglise, et qui n'auront point à être jugés, mais seulement à être condamnés. "
32. S. CYRILLE de Jérusalem, Catéchèse XV : " De même qu'avant l'incarnation du Fils de Dieu et sa naissance d'une vierge, le démon trompait les hommes en leur offrant à adorer de faux dieux, qui se mariaient et avaient des enfants, afin que l’erreur une fois entrée dans les esprits empêchât la vérité d'y pénétrer, de même, lorsque Jésus-Christ viendra une seconde fois sur la terre, l'antique ennemi du genre humain tournant à son profit cette attente générale qu'il verra dominer surtout parmi les Juifs, subornera un homme puissant en artifices, fécond en mensonges et habile en sortilèges, qui usurpera la domination de l'empire romain, et se donnera faussement pour être le Christ, afin de mieux séduire les Juifs, qui attendent toujours sa venue, en même temps qu'il abusera de la simplicité des gentils par les opérations magiques auxquelles il aura recours. Cet Antechrist viendra lorsque l'empire romain sera sur son déclin et que la fin du monde sera proche. Dix rois des Romains prétendront en même temps à l'empire en divers lieux, et le onzième sera l'Antechrist, qui s'emparera de l'empire par ses artifices magiques. Il abattra la puissance de trois de ces dix rois et s'assujettira les sept autres. D'abord, en homme prudent et habile, il feindra la modération et l'humilité, en même temps que par ses prodiges et sa magie il séduira les Juifs, qui croiront voir en lui le Christ attendu depuis si longtemps. Quand une fois il les aura séduits, il s’abandonnera sans mesure à tous les procédés les plus inhumains et les plus iniques, et surpassera en méchanceté tout ce qu'il y aura jamais eu de plus pervers et de plus impie. Son caractère
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se montrera sanguinaire, impitoyable, capricieux à l'égard de tous, mais surtout à l’égard des chrétiens. Après avoir exercé sa tyrannie l’espace de trois ans et demi, il sera vaincu par le Fils de Dieu, qui accomplira alors son second avènement, et qui, après avoir tué l’Antechrist par le souffle de sa bouche (II Thess., II, 8), le livrera au feu de l’enfer (Apoc., XIX, 20). Ce que nous enseignons ici, nous ne l'imaginons point de nous-mêmes, mais nous l'inférons de ce que nous trouvons marqué dans les saintes lettres, et particulièrement dans les prophéties de Daniel (VII, 3), et dans l'interprétation qu'en a donné l'archange Gabriel en ses termes. La quatrième bête, c’est la quatrième monarchie qui s'élèvera, et qui sera plus puissante que toutes les autres (DAN., VII, 7). Or, les interprètes chrétiens ont cru voir indiqué par ces mots l’empire romain. Car la première de ces monarchies était la monarchie assyrienne ; la seconde, celle des Mèdes et des Perses ; la troisième celle des Macédoniens, la quatrième encore subsistant aujourd'hui, doit donc être l'empire romain. L'ange Gabriel, continuant à interpréter la prophétie, dit ensuite : Les dix couronnes de la bête, ce sont dix royaumes qui s’élèveront. Après quoi il s’élèvera un autre roi qui sera plus puissant que ceux qui l'auront devancé, et qui surpassera en crimes non-seulement ces dix rois, encore tous ceux qui auront jamais existé et il abaissera trois rois (DAN., VII, 24). Or, il est évident qu'il n'abattra la puissance de ces trois rois que pour faire le huitième avec les sept autres qui resteront. Il parlera insolemment contre le Très-Haut (ibid., 25). Ce sera donc un blasphémateur, un homme d'iniquités ; il n'aura point hérité sa royauté de ses pères mais il ne devra son pouvoir qu'à ses opérations magiques. . . . . "
" L'Antechrist abhorrera les idoles, mais ce sera pour se faire adorer à leur place dans le temple de Dieu. De quel temple le prophète veut-il parler ? Sans aucun doute de celui qui pourra rester aux Juifs. Car à Dieu ne plaise que cette abomination ait lieu dans celui que nous occupons nous-mêmes. . . . . "
" Quel est le signe du second avènement de Jésus-Christ, que n'entreprendra pas d’imiter son horrible adversaire ? Alors, dit l’Evangile, le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel (MATTH., XXIV, 30). Le signe proprement dit de Jésus-Christ, c'est la croix. Ce signe éclatant précèdera notre roi, et fera la gloire de celui qui y a été crucifié, afin que les Juifs le voyant, eux qui en avaient fait l'instrument de leur cruauté comme de leur perfidie, puissent dire en s s'accusant les uns les autres : C’est
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lui qui a été souffleté, c’est lui à qui on a craché au visage ; c'est lui qu'on a chargé de liens ; c'est lui qu'on a rejeté et qu'on a crucifié : où fuirons-nous pour échapper à sa colère ? Mais cernés par la troupe des anges, ils ne trouveront aucune issue à leur fuite. Le signe de la croix est la terreur des ennemis de notre Dieu, comme il est la joie de ceux qui croient en lui, ou qui ont annoncé son nom, ou qui ont souffert pour lui le martyre. . . . . "
" Mettez-vous donc à l'œuvre et persévérez dans la foi, pour ne pas être exclu du palais de l’époux, comme les vierges folles à qui l'huile vint à manquer. Ne vous contentez pas d'avoir une lampe en main, mais faites en sorte aussi qu'elle soit allumée, c’est-à-dire, ne vous bornez pas à avoir la foi, mais que votre foi soit ardente de charité, en sorte que votre lumière brille aux yeux des hommes par les bonnes œuvres, pour que Jésus-Christ ne soit pas blasphémé à votre occasion. Que vos bonnes œuvres soient aussi la robe nuptiale qui vous décore aux yeux de l’époux ; faites valoir le talent que vous avez reçu de Dieu ; c'est un dépôt qui vous a été confié, sachez en tirer parti. "
33. S. JEROME, lett. I à Héliodore, c. 9 : " Vous êtes exigeant, mon frère, si vous prétendez jouir des plaisirs du monde et régner ensuite avec Jésus-Christ. Il viendra certes, il viendra, le jour où ce corps mortel et périssable revêtira l’incorruptible l’immortalité. Heureux alors le serviteur que le Seigneur aura trouvé sur ses gardes ! Alors la terre et ses habitants trembleront au son de la trompette, et vous vous réjouirez à l'approche du jugement du Seigneur. L'univers dans le deuil poussera des mugissements ; les peuples se frapperont la poitrine ; les plus puissants rois paraîtront dépouillés et palpitants de crainte ; Jupiter, entouré de flammes tout autrement réelles que ses foudres, sera donné en spectacle avec ses adorateurs ; l'insensé Platon figurera de même avec toute son école, et Aristote ne gagnera rien par tous ses syllogismes. Quant à vous, pauvre paysan, vous serez dans la joie, vous rirez en disant : Voici mon Dieu qui a été crucifié ; voici le juge suprême le même qui, jadis enveloppé de langes, vagissait dans une crèche. C'est ce fils d'un artisan et d'une pauvre journalière, ce faible enfant qui, porté dans les bras d'une femme, fuyait, tout Dieu qu'il était, jusqu'en Egypte la colère d'un homme ; le même qu'on avait par dérision revêtu de pourpre ; le même qui a été couronné d'épines ; le même qu'on a accusé de magie, qu'on disait être possédé du démon, et qu'on appelait
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samaritain. Juif, regarde ces mains que tu as percées. Romain, vois ce flanc que tu as ouvert ; les uns et les autres, examinez bien si c'est là le même corps que vous accusiez ses disciples d'avoir enlevé. "
34. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. I in Evangelia : " C'est en considérant l'extrême sévérité de ce juge qui doit venir, que saint Paul s'écria : Qu'il est horrible de tomber entre les mains du Dieu vivant (Hébr., X, 34) ! Et c'est ce que David a voulu exprimer dans un de ses psaumes, quand il a dit : Dieu viendra d'une manière visible ; notre Dieu viendra, et il ne se tiendra pas dans le silence. Tout sera en feu à sa seule approche, et il paraîtra faisant éclater autour de lui une furieuse tempête (Ps. XLIX, 5). Or, les tempêtes et les feux accompagnent ce juge terrible, afin que le feu de sa vengeance consume tous ceux qui n'auront pu supporter la tempête du rigoureux examen qu'il fera à la fin des siècles. "
" Remettez-vous donc devant les yeux, mes chers frères, ce jour effroyable, et tout ce qui vous semble maintenant pénible et rude vous paraîtra doux et commode en comparaison de sa rigueur. Car c'est de ce jour qu'a parlé un prophète lorsqu'il a dit : Le grand jour du Seigneur est proche : il est proche, et il vient avec une incroyable vitesse. Le seul nom de ce jour du Seigneur jette l'amertume dans l’âme ; en ce jour-là les forts et les puissants seront tourmentés. Ce jour-là sera le jour de la colère ; ce sera le jour des tribulations et des angoisses, des calamités et des misères ; ce sera le jour de l'obscurité et des ténèbres, le jour des orages et des tourbillons, le jour des trompettes et de leur bruit éclatant (SOPH., I, 14). - Le Seigneur parle encore de ce même jour, lorsqu'il dit par la bouche d'un autre prophète : Encore un coup, et j’ébranlerai non-seulement la terre, mais le ciel même (AGG., II, 22). "
" Voici, comme je l'ai déjà dit, qu'il ne fait qu'agiter l'air, et la terre en est ébranlée. Que ferons-nous donc, quand il bouleversera le ciel même ? Et pourquoi n'appelons-nous pas ces effroyables désolations, que nous voyons tous les jours, les avant-coureurs de cette colère divine qui devra immédiatement les suivre ? En effet, ces calamités ne sont différentes de celles qui arriveront au dernier jour, que comme la personne d'un avant-coureur ou d'un héraut diffère de celle du juge lui-même. "
" Appliquez donc, mes chers frères, toute l'attention de votre esprit à méditer sur ce dernier jour ; corrigez les défauts de votre vie, changez vos cœurs en mieux, surmontez par une généreuse
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résistance les tentations qui vous portent au mal, et expiez par vos regrets et vos larmes vos péchés passés ; et vous verrez un jour l’avènement de votre juge éternel avec d'autant plus
d'assurance, que la crainte d'un jugement si rigoureux vous l'aura fait prévenir avec plus de soin (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire sur les Evangiles, p. 13-14). "
33. Le même, Hom. XII in Evangelia : " Considérez, mes chers frères, de quelle terreur on sera saisi en présence d'un tel juge, et en ce jour où il n'y aura plus nul moyen d'éviter la peine qu'on aura méritée. Quelle sera la confusion qu'on éprouvera de se voir couvert de honte et d'opprobre, en punition de ses crimes, à la vue de tous les anges et de tous les hommes ! Quel sujet d'épouvante d'avoir à contempler tout embrasé de fureur, un Dieu que l'esprit humain n'a pas seulement la force de se représenter calme et serein ! Aussi est-ce ce jour terrible qu'un prophète appelle avec beaucoup de raison le jour de la colère, le jour des tribulations et des angoisses, le jour des calamités et des misères, le jour de l'obscurité et des ténèbres, le jour des orages et des tourbillons, le jour de la trompette et de son bruit éclatant. "
" Représentez-vous donc, mes frères combien amer et rigoureux pour les réprouvés ce prophète a vu par avance que devait être ce jour de leur dernière sentence, puisqu'avec tant d'expressions énergiques, il n'a encore pu suffisamment l'exprimer. Mais considérez en même temps quelle sera en ce jour l'allégresse des élus, de pouvoir contempler avec joie et suavité celui dont ils voient que les démons ne peuvent supporter même la présence ; d'entrer avec lui dans ses noces toutes divines, et de trouver leur félicité avec cet époux, dont leurs âmes sont aussi les chastes épouses, puisque, dans la vision béatifique, Dieu même s'unira à nous dans ce lit nuptial du roi éternel, sans que cette vue ineffable interrompe jamais les chastes embrassements, par lesquels son amour nous unira éternellement à lui. "
" Alors la porte du royaume céleste qui, dans l'état actuel, est tous les jours ouverte aux âmes pénitentes, sera fermée à ceux-mêmes qui pleureront leurs péchés. Car, bien qu'en ce jour terrible le repentir puisse toujours avoir lieu, il sera néanmoins sans aucun fruit ; parce que ceux qui auront inutilement perdu le temps propre à obtenir le pardon de leurs fautes, ne pourront plus désormais l'espérer. C'est ce qui a fait dire à saint Paul :
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Voici maintenant le temps favorable ; voici maintenant le jour du salut (II Cor., VI, 2) ; et à un prophète (ISAIE, LV, 6) : Cherchez le Seigneur pendant qu'il peut encore être trouvé ; invoquez-le pendant qu'il est proche (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire sur les Evangiles, p. 109-110). "
36. Le même, Moralium lib. XXVI, c. 24 (al. 17) : " Ou bien il faut dire qu'il rend justice aux pauvres, parce que ceux qui sont maintenant opprimés avec injustice seront un jour établis les juges de ces hommes violents qui les oppriment. Car tous les hommes sont partagés en deux classes, celle des élus et celle des réprouvés. Et chacun de ces ordres se divise encore en deux sections, parce qu'entre ceux qui périssent, il y en a qui seront jugés et d'autres qui ne le seront pas, et qu'entre ceux qui doivent régner les uns aussi seront jugés et les autres ne le seront pas. Ceux-là périront et seront jugés, à qui l’Evangile marque que le Seigneur dira au jour de leur condamnation : J'ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'ai eu besoin de logement, et vous ne m'avez pas logé ; j'ai été sans habits, et vous ne m'avez pas revêtu ; j'ai été malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité (MATTH., XXV, 42-43). Et il leur aura dit auparavant : Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. D'autres périront dans le jugement dernier sans y être jugés, et ce seront ceux dont le Prophète dit : Les impies ne ressusciteront point pour le jugement (Ps. I, 5). Et le Seigneur dit dans l’Evangile : Celui qui ne croit point est déjà jugé (JEAN, III, 18). Saint Paul dit aussi : Ceux qui ont péri sans avoir reçu la loi périront sans la loi (Rom., II, 12). Il est, donc vrai que tous les infidèles ressusciteront pour être punis, mais non pour être juges. Car on n’examinera pas alors leur cause, puisqu'ils comparaîtront devant le tribunal du juge sévère en portant déjà avec eux leur arrêt de condamnation pour leur infidélité. "
" Mais ceux qui ayant gardé la possession de la vraie foi n'en auront pas fait les œuvres, seront repris et jugés au dernier jour. Au lieu que les autres, qui n'ont pas reçu le sacrement de la foi, n'entendront point dans ce jour du jugement général ces invectives effroyables du souverain juge, parce qu’étant déjà jugés et condamnés par avance dans les ténèbres de l'infidélité, ils ne méritent pas de recevoir cette remontrance dernière de la bouche
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de celui qu'ils ont méprisé. Les premiers
entendront les paroles de leur juge, parce qu'au moins ils ont reçu
la parole de la foi ; mais les autres ne les entendront point dans le jour
de leur réprobation éternelle, parce qu'ils n'auront pas
porté respect même à sa parole. Les premiers périssent
en vertu de la sentence de la loi, parce qu'ils ont vécu sous la
loi ; mais on ne parle pas de la loi aux autres, parce qu'ils ne se sont
pas mis en peine de la loi (Cf. Les Morales de saint Grégoire,
t. III, p. 780-782). "
37. Ibidem, c. 25 : " Un prince qui gouverne un état punit autrement un de ses sujets coupable de quelque crime, qu'il ne punit un ennemi qui lui résiste du dehors. Pour le châtiment du premier, il consulte le droit, les ordonnances du pays, et le condamne justement dans les termes de la loi sous laquelle il vit ; mais, à l’égard d’un ennemi, il lui fait la guerre, il prépare contre lui les armes et les autres instruments les plus propres à l'exterminer ; il le châtie selon qu'il juge qu'il l'a mérité par sa malice, et il ne se met nullement en peine quelle punition la loi ordonne pour son crime, parce qu'il n'y a pas lieu de faire mourir selon les formes de la loi celui qui n'y a jamais été soumis. Il en sera de même au jugement dernier. On condamnera d'après les termes de la loi celui qui, ayant fait profession de la suivre, s'en sera éloigné par ses actions. Au lieu que celui qui n'aura point embrassé la loi de la foi, sera puni sans que le juste juge invoque les termes de la loi pour le convaincre et le condamner. "
" Entre les élus, ceux-là aussi seront jugés et règneront, qui auront effacé par leurs larmes toutes les taches de leur vie, et qui ayant travaillé à racheter par de bonnes œuvres leurs péchés passés, auront couvert avec le voile de leurs aumônes, aux yeux du souverain juge, tout ce qu'ils auront commis contre ses préceptes ; et c'est à eux que ce divin juge adressera un jour ces paroles : J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'ai eu besoin de logement, et vous m'avez logé ; j'ai été sans habits, et vous m'avez revêtu, j'ai été malade, et vous m'avez visité ; j'ai été en prison, et vous êtes venus me voir. Et il leur avait dit d'abord : Venez, les bénis de mon père posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. "
" Les autres règneront et ne seront point jugés : ce sont ceux qui, s'élevant par l'excellence de leur vertu au-dessus des pré-
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ceptes de la loi, ne se sont pas contentés d’accomplir ce qu'elle ordonne à tout le monde, mais ont voulu par le désir d’une grande perfection, faire beaucoup plus que ne leur prescrivaient de faire les commandements généraux de Dieu. Et c'est à eux que Notre-Seigneur adresse ces autres paroles dans l’Evangile : Pour vous autres qui m'avez suivi, etc. " Voir la suite de ce passage rapporté plus haut, article des Conseils évangéliques, tome V, question VI, témoignage 1, page 503 (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. III, p. 782-783).
38. S. AUGUSTIN, Méditations, c. 4 : " O Dieu des dieux, dont la bonté surpasse la malice des hommes, je sais que vous ne vous tairez pas toujours, et que tôt ou tard votre justice se manifestera ; je sais que votre tribunal lancera l'éclair et le tonnerre, lorsque vous convoquerez le ciel et la terre pour discerner le peuple de vos justes. C'est alors, devant des milliers innombrables d'hommes et devant tous les cœurs des anges, que toutes mes iniquités seront dévoilées et qu'apparaîtront dans toute leur turpitude non-seulement mes actions les plus secrètes, mais encore toutes mes paroles et toutes mes pensées. Abandonné, isolé de toutes les créatures, j’aurai pour juges tous ceux qui m'ont précédé dans la voie du bien, pour accusateurs les plus ardents tous ceux qui m'ont donné l’exemple d'une vie sainte, pour témoin irrécusables tous ceux qui ne m'ont point épargné leurs avertissements charitables, et qui m’édifiaient par leurs bonnes œuvres (Cf. Chefs-d'œuvre des Pères de l'Eglise, t. XIII, p. 12-13). "
39. S. ANSELME de Cantorbery, Lib. de miseriâ hominis : " De tous côtés je ne vois que sujets de perplexité : d'un côté mes péchés qui m'accusent, d'un autre une justice dont la sévérité me glace de frayeur ; au-dessous de moi un affreux abîme, au-dessus de ma tête un juge irrité ; en moi ma conscience qui me tourmente, hors de moi le monde tout en feu. Si le juste à peine doit être sauvé, où ira se cacher le pécheur, surpris dans son triste état ? Déjà entre les mains de mes bourreaux, où chercherai-je un refuge ? Comment oserai-je paraître ? Me cacher, m’est une ressource impossible ; me montrer, me sera un insupportable supplice. "
40. S. BERNARD, Lib. de interiori domo, c. 38 (ou bien HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib. III de animâ, c. 23) : " Votre juge sera en même temps votre accusateur sévère. Tous les esprits bons et mauvais se joindront à lui pour vous accuser devant Dieu :
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les bons, pour rendre gloire à Dieu ; les mauvais, pour revendiquer leurs propres droits dans le mal que vous aurez fait. Vous aurez autant de juges à qui répondre qu'il y aura de personnes qui vous auront surpassé dans le bien ; autant d'accusateurs qui vous confondront, qu'il y aura de personnes qui vous auront donné l'exemple de bien vivre ; autant de témoins qui vous convaincront, qu'il y en aura qui vous auront engagé au bien, soit par de charitables avis, soit par le langage muet de leurs bonnes œuvres. Vos iniquités seront mises à nu aux yeux de tous les peuples ; tous verront tout le détail de vos crimes, et non-seulement de ceux que vous aurez commis par action, mais encore de ceux que vous aurez commis par paroles ou par pensées. Une foule de vos péchés qui présentement vous sont invisibles, se montreront tout-à-coup à vos yeux, comme s'ils sortaient d'une embuscade, et peut-être même ces derniers seront-ils plus considérables et plus nombreux que ceux que vous vous connaissez maintenant. De tous côtés vous ne verrez que sujets de perplexité : d’un côté vos péchés qui vous accuseront, d'un autre une justice dont la sévérité vous glacera d'effroi ; au-dessous de vous un affreux abîme, au-dessus de votre tête un juge irrité, en vous, votre conscience qui vous tourmentera, hors de vous, le monde qui vous apparaîtra tout en feu. Si le juste à peine doit être sauvé, où ira se cacher le pécheur surpris dans son triste état ? Se cacher, lui sera impossible ; se montrer, lui sera un insupportable supplice (On voit que cette dernière tirade est copiée de saint Anselme. Voir le témoignage précédent). Dans cet imminent danger, votre conscience chargée de crimes sera votre premier bourreau. Les secrets de votre cœur seront déjà pour vous un affreux tourment. Votre conscience vous obligera à vous faire vous-même votre accusateur et votre juge. Convaincu par le témoignage de votre propre conscience, comme par l'œil clairvoyant de votre juge, vous ne pourrez essayer d'aucune fuite ; mais tremblant et inquiet, vous attendrez dans une extrême angoisse cette sentence terrible qui fixera votre sort pour l'éternité. Votre juge sera alors d'une colère implacable, d'une rigueur que rien ne pourra fléchir ; votre sentence une fois portée sera immuable ; d'horribles bourreaux à qui la compassion est inconnue seront tout prêts pour se saisir de vous et vous mettre à la torture, aussitôt que la sentence aura été prononcée. Vos tourments ne seront plus susceptibles soit d'être suspendus, soit d'être mo-
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dérés ; votre âme sera toute troublée par la frayeur, lorsque la terre s'ouvrira devant vous, et que vous tomberez dans un étang infect de soufre embrasé. Au dehors, ce sera le feu qui se repaîtra de vos chairs ; au dedans, ce sera le ver qui rongera votre conscience ; et ce sera pour toujours, sans espérance de pardon ni d'indulgence. Et tous ces supplices seront encore surpassés par celui d’être privé de la vue de Dieu et de la société des gens de bien, dont il n'aurait tenu qu'à vous de vous procurer l'avantage. "
41. S. CHRYSOSTOME, Homélie V sur la pénitence : " Répondez à votre juge, avant qu'il se rende à son tribunal. Ignorez-vous que ceux qui veulent adoucir les juges n'attendent pas, pour chercher à les gagner, le jour même où leur cause sera examinée mais s'appliquent à les prévenir en leur faveur avant ce moment redoutable, soit par eux-mêmes soit par quelques amis ou quelque puissant protecteur, soit par tout autre moyen ? Faites donc de même à l'égard de Dieu : n’attendez pas le jour de votre jugement pour vous rendre favorable votre juge suprême ; mais tâchez de l'adoucir avant que ce jour arrive. C'est ce qui a fait dire à David : Hâtons-nous de nous présenter devant lui (Ps. XCIV, 2). Au jour où ce grand juge nous citera à son tribunal, aucune éloquence ne pourra faire jouer ses prestiges devant lui ; le crédit de personne ne pourra lui en imposer ; aucune faveur ne pourra nous le rendre propice ; aucun mérite qui nous soit étranger ne pourra nous obtenir son indulgence ; nais nous trouverons en lui un juge rigoureux et inflexible. Au lieu que maintenant nous pouvons l'apaiser, non toutefois avec de l'argent ; je me trompe, c'est avec de l'argent que nous pouvons nous attirer son indulgence en mettant cet argent, sinon dans sa main, au moins dans celles de quelques pauvres. Donnez votre argent aux pauvres, et vous aurez gagné votre juge. "
42. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium lib. XXXI, c. 21 (al. 42) : " Le pécheur appréhende la vue du juge sévère, que le juste au contraire désire avec ardeur. Car le juste, considérant ses travaux, en cherche la récompense, et connaissant le mérite de sa cause, il souhaite la présence de son juge ; et il se sent embrasé du saint désir de le voir se venger des impies avec les flammes du feu éternel, et récompenser les bons en leur donnant de contempler son essence divine. Mais le pécheur, au contraire, qui se souvient de ses crimes, envisage avec horreur l'approche de ce jugement, et redoute avec trop de sujet l'examen de ses
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actions, sachant bien que cet examen sera infailliblement suivi de sa condamnation. Ainsi la gloire de ses naseaux est terreur en même temps (JOB, XXXIX, 20), puisque le juste se glorifie de ce qui fait la crainte et la douleur de l'impie. "
" Voyons comment ce cheval spirituel (JOB, XXXIX, 19) a tiré déjà, comme par les narines, la respiration et le vent des choses qu'il ne voyait pas encore, et voyons quelle est la gloire qui l'anime lorsqu'il attend les choses à venir. Saint Paul, cet excellent prédicateur de la vérité, envisageant ses grands travaux, parle de la sorte à son disciple Timothée : Pour moi, je suis comme une victime qui a déjà reçu l'aspersion pour être sacrifiée, et le temps de mon départ s'approche. J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi, et il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice qui m'est réservée, et que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce grand jour (II Tim., IV, 6-8). Puis il ajoute fort bien : Non-seulement à moi, mais encore à tous ceux qui attendent son avènement, c'est-à-dire à tous ceux qui recueillent en eux-mêmes le témoignage d'une bonne conscience par leurs saintes œuvres. Car il n'y a que ceux qui ont la conscience de la bonté de leur cause, qui aiment la venue du souverain juge (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. IV, p. 417-418). "
43. S. AUGUSTIN, Serm. CXX de tempore (Ce sermon
est plutôt attribué à Eusèbe d'Emèse.
V. NAT. ALEX, Hist. eccles., V sæc, p. 107) : " C'est un mal
presque sans remède que de s'abandonner sans frein à ses
vices et à ses passions, sans penser qu'il faudra rendre compte
à Dieu de tout. Il me semble voir déjà un premier
châtiment du péché dans cet oubli et cette insensibilité
par rapport au jugement à venir. "
Question IV
Que penser de l’enfer et des peines de l’enfer ?
Rien de plus triste que la mort, nous l'avons vu ; rien de plus terrible que le jugement, surtout pour les enfants de ce siècle qui seront morts dans l'endurcissement du péché, nous l'avons vu encore ; disons de même : Il n'est rien qu'on puisse imaginer de plus funeste et de plus intolérable que l'enfer et les peines de l'enfer. Là, comme le dit l’Ecriture, il y aura des pleurs et des grincements de dents ; là, le ver qui les ronge ne mourra point, et le
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feu qui les brûle ne s’éteindra point ; là, une terre ténébreuse couverte de l'obscurité de la mort ; là, à l'ombre funeste de la mort, un désordre complet, et une éternelle horreur ; là, un étang brillant de feu et de soufre, qui est la seconde mort ; là, des tourments qui ne laisseront de repos ni le jour ni la mit, et qui s'étendront dans les siècles des siècles. Là enfin on verra la vérité de ce que le juste jugé a prédit de la manière suivante à tous ceux qui doivent endurer un jour ces tourments : Mes serviteurs mangeront, et vous souffrirez la faim ; mes serviteurs boiront, et vous souffrirez la soif ; mes serviteurs se réjouiront et vous serez couverts de confusion ; mes serviteurs éclateront par des cantiques de louanges dans le ravissement de leurs Cœurs et vous éclaterez par de grands cris dans l'amertume de vos cœurs, et en de tristes hurlements dans le saisissement de vos esprits.
C'est pourquoi le prophète royal, s’adressant à tous les rois et à tous les potentats de la terre, leur donne ce grave avertissement au sujet des maux qui menacent les pécheurs : Et maintenant, ô rois, comprenez ; instruisez-vous, vous qui jugez la terre (car les plus grands parmi les hommes seront menacés des plus grands supplices, et ceux qui commandent les autres seront jugés avec le plus de rigueur). Servez le Seigneur dans la crainte et réjouissez-vous en lui avec tremblement. Pensez à vous corriger, de peur qu’enfin le Seigneur ne se mette en colère et que vous ne périssiez hors de la voie de la justice, dans peu de temps, lorsque sa colère se sera embrasée. De là aussi cette parole que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu faire entendre à tout le monde : Craignez celui qui, après avoir ôté la vie, a le pouvoir de jeter dans l'enfer. Oui, je vous le dis encore une fois, craignez celui-là. Car si les plaisirs de la vie ne durent que quelques moments, les tourments de l'enfer sont éternels.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, VIII, 11-12 : " Aussi je vous déclare que plusieurs viendront d'orient et d'occident y et s'assiéront dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob ; - mais que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures : c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
2. Id., XIII, 40-50 : " Comme donc on ramasse l'ivraie et qu'on la brûle dans le feu, il en arrivera de même à la fin du monde. - Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité; - et ils les jetteront dans la fournaise du feu; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. . . . . - Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer, qui prend toutes sortes de poissons, etc. - Il en sera de même à la fin du monde ; les anges viendront y et ils sépareront les méchants du milieu des justes, - et ils les jetteront dans la fournaise du feu : c'est 1à qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
3. Id., XXII, 11-14 : " Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table, et y ayant aperçu un homme qui n'avait pas de robe nuptiale? - il lui dit : Mon ami y comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale? Et cet homme demeura muet. - Alors le roi dit à ses gens : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents ; - car il y en a beaucoup d’appe1és mais peu d'élus. "
4. Id., XXIV, 48-51 : " Mais si ce serviteur est méchant et que disant en son cœur : Mon maître n'est pas près de venir, - il se mette à battre les autres serviteurs, à manger et à boire avec les ivrognes, - le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l'attend point, et à l’heure qu'il ne sait pas ; - et il le sépa-
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rera de ses autres serviteurs, et lui donnera pour partage d’être puni avec les hypocrites ; et c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
5. Id., XXV, 30 : " Quant à ce serviteur inutile, qu'on le jette dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. "
6. LUC, XIII, 25-29 : " Et il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes. - Alors vous commencerez à dire : Nous avons bu et mangé avec vous, et vous avez enseigné dans nos places publiques. - Et il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous qui faites des œuvres d'iniquité. - Ce sera alors qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez qu'Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes seront dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. - Et il en viendra d'orient et d'occident, du nord et du midi, qui auront place au festin dans le royaume de Dieu. "
7. MARC, IX, 42-47 : " Et si votre main vous est un sujet de scandale, coupez-la ; il vaut bien mieux pour vous d'entrer dans la vie n'ayant qu'une main, que d'en avoir deux et d’aller dans l'enfer, dans ce feu inextinguible, - où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. - Et si votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-le ; il vaut bien mieux pour vous d'entrer dans la vie éternelle n'ayant qu'un pied, que d'en avoir deux, et d’être précipité en enfer, dans ce feu inextinguible, - où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. - Et si votre œil vous est un sujet de scandale, arrachez-le ; il vaut bien mieux pour vous que vous entriez dans le royaume de Dieu, n'ayant qu'un œil, que d'en avoir deux y et d'être précipité dans l'enfer, ou le ver qui ronge les impies ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. "
8. ISAIE, LXVI, 23-24 : " Toute chair viendra se prosterner devant moi et m’adorer, dit le Seigneur. - Et on sortira pour voir les corps morts de ceux qui ont violé ma loi ; leur ver ne mourra point et leur feu ne s'éteindra jamais, et ils seront exposés à tous les hommes, qui rassasieront leurs yeux de ce spectacle. "
9. Id., XIV, 11-15 : " Ton orgueil a été précipité dans les enfers ; ton corps mort est tombé par terre ; ta couche, ce sera la pourriture, et ton vêtement, ce seront les vers. - Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toi qui paraissait si brillant au point du
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jour ? Comment as-tu été renversé sur la terre, toi qui frappais de plaies les nations ; - qui disais en ton cœur : Je monterai au ciel, j'établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu ; je m'assoirai sur la montagne de l'alliance, aux côtés de l'aquilon. - Je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées et je serai semblable au Très-Haut - Et pourtant tu as été précipité de cette gloire dans l'enfer, jusqu'au plus profond des abîmes.
10. Ecclésiastique, VII, 19 : " Humiliez profondément votre esprit, parce que la chair de l'impie sera la pâture du feu et des vers. "
11. Judith, XVI, 20-21 : " Malheur à la nation qui s'élèvera contre mon peuple ; car le Seigneur tout-puissant se vengera d'elle, et la visitera au jour du jugement. - Il répandra dans leur chair le feu et les vers, afin qu'ils brûlent et se sentent déchiré éternellement. "
12. JOB, X, 20-22 : " Donnez-moi donc quelque relâche, afin que je puisse un peu respirer dans ma douleur, - avant que j'aille sans aucun retour en cette terre ténébreuse qui est couverte de l'obscurité de la nuit ; - cette terre de misère et de ténèbres où s'étend l'ombre de la mort, où règne un désordre complet et une éternelle horreur. "
13. JUDE, 12-13 : " Ces personnes sont la honte et le déshonneur de vos festins de charité ; ils mangent sans règle, ils ne songent qu'à se rassasier eux-mêmes, etc. Une tempête noire et ténébreuse leur est réservée pour l'éternité. "
14. Apocalypse, XXI, 8 : " Pour ce qui est des pusillanimes, des incrédules, des exécrables et des homicides, des fornicateurs et des empoisonneurs, des idolâtres et de tous les menteurs, leur partage sera dans l'étang de feu et de soufre, qui est la seconde mort. "
15. Ibid., XIV, 9-11 : " Et un troisième ange suivit ces deux, et il dit à haute voix : Si quelqu'un adore la bête et son image, ou qu'il en reçoit le caractère sur le front ou dans la main, - il boira aussi du vin de la colère de Dieu, de ce vin tout pur préparé dans le calice de sa colère ; et il sera tourmenté par le feu et le soufre devant les saints anges et devant l'Agneau. - Et la fumée de leurs tourments s'élèvera dans les siècles des siècles, sans qu'il reste aucun repos, ni jour, ni nuit, à ceux qui auront adoré la bête ou son image, ou qui auront reçu le caractère de son nom. "
16. Ibid., VI1, 5-8 : " Car les péchés de Babylone sont
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montés jusqu'au ciel, et Dieu s'est ressouvenu de ses iniquités. - Traitez-la comme elle vous a traité ; rendez-lui au double toutes ses œuvres ; dans le même calice où elle a donné à boire, faites-la boire deux fois autant. - Multipliez ses tourments et ses douleurs à proportion de ce qu'elle s'est élevée dans son orgueil, et de ce qu'elle s'est plongée dans les délices, parce qu'elle dit en elle-même : Je suis sur le trône comme une reine, je ne suis point veuve, et je n'aurai point à garder le deuil. - C'est pourquoi, en un même jour, les plaies qui lui sont destinées, la mort, le deuil et la famine viendront fondre sur elle ; et elle sera consumée par le feu, parce que c'est le Dieu tout-puissant qui la condamnera. "
17. Ibid., XIX, 20 : " Mais la bête fut prise, et avec elle le faux prophète qui avait fait en sa présence ces prodiges, par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu le caractère de la bête et qui avaient adoré son image. Et tous deux furent jetés vivants dans l’étang brûlant de feu et de soufre. "
18. Ibid., XX, 9-10, 14-15 : " Et le diable qui les séduisait fut précipité dans l'étang de soufre et de feu, où la bête - et le faux prophète seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles - Et l'enfer et la mort furent précipité dans l'étang de feu. C'est là la seconde mort. Et quiconque ne se trouva pas écrit dans le livre de vie fut jeté dans l'étang de feu. "
19. Psaume X, 8 : " Le Seigneur fera pleuvoir sur les impies des fléaux auxquels ils n'échapperont pas : le feu, le soufre et le vent des tempêtes, voilà la coupe qu'il leur prépare. "
20. Ps. XX, 9 -10 : " Votre main s'appesantira sur tous vos ennemis ; votre droite atteindra tous ceux qui vous haïssent - Au jour de la vengeance, vous les livrerez à un feu dévorant. La colère du Seigneur les dévorera ; ils deviendront la proie des flammes. "
21. Deutéronome, XXXII, 22 : " Ma fureur s'est allumée comme un feu, et elle fera sentir ses atteintes jusqu'au fond des enfers ; elle dévorera la terre avec ses germes, et elle consumera les montagnes jusque dans leurs racines. "
22. JOB, XXIV, 19-20 : " Il passera tout d’un coup des eaux froides de la neige à une chaleur excessive, et son péché le conduira jusqu'aux enfers. Que la miséricorde le mette en oubli, que les vers soient sa douceur et ses délices ; qu'on ne se souvienne point de lui, mais qu'il soit retranché comme un arbre qui ne donne point de fruits. "
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23. Romains, II, 6-9 : " Il rendra à chacun selon ses œuvres ; - en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur constance dans les bonnes œuvres cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité - et en répandant la colère et son indignation sur ceux qui ont l'esprit contentieux, et qui ne se rendent point à la vérité mais qui embrassent l'iniquité - Tribulation et angoisse sur tout homme qui fait le mal. "
24. ISAIE, XIII, 21-22 : " Elle (Babylone) deviendra le repaire des bêtes féroces ; ses palais seront remplis de serpents ; les autruches y viendront habiter ; les boucs sauvages y prendront leurs ébats. - Les hiboux y feront retentir leur voix lugubre, et des monstres occuperont ses palais de délices. "
25. Proverbes, XIX, 29 : " Le jugement est préparé pour le moqueur, et la verge pour le dos de l'insensé. "
26. Ecclésiastique, XXI, 10-11 : " L'assemblée des méchants est comme un amas d'étoupes et ils seront à la fin consumé par la flamme. - La voie des pécheurs est unie et pavée ; mais au bout est l'enfer, et les ténèbres et les supplices. "
27. Apocalypse, XX ; comme ci-dessus, témoignage 18.
28. Ibid., IX, 6 : " Dans ces jours, les méchants chercheront la mort, et ne la trouveront point ; ils la désireront et elle fuira loin d'eux. "
29. JOB, VII, 9 : " Comme une nuée se dissipe et passe sans qu'il en reste de traces, ainsi celui qui descend dans l’abîme ne remontera plus. "
30. Ibid., XX, I, 4-5, 14-16, 18, 22, 26-29 : " Sophar de Naamath répondit en disant : " Ce que je sais, ce qui a toujours été également vrai depuis que l'homme a été créé sur la terre, - c'est que la gloire des impies est bientôt passée et que la joie de l'hypocrite n'est que d'un moment. - La nourriture qu'il prend s'altère dans son sang, et se change en un venin mortel. - Il vomira les richesses qu'il aura dévorées et Dieu les lui arrachera des entrailles. - Il sucera le venin de l'aspic, et restera atteint de la dent de la vipère. - Il souffrira les peines des maux qu'il a faits sans en être consumé et l'excès de ses tourments égalera celui de ses crimes. - Après qu'il se sera bien rassasié, il se trouvera dans des étouffements qui le déchireront et les douleurs l'accableront de toutes parts. - Les ténèbres les plus épaisses sont cachées dans le secret de son âme ; il sera dévoré par un feu qui ne s'allume point, et du fond de sa tente il fera éclater ses gémissements - Les cieux révèleront
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son iniquité et la terre s'élèvera contre lui. - Les enfants de sa maison seront exposés à la violence ; ils seront retranchés au jour de la colère de Dieu. - Voilà le partage que Dieu réserve à l'impie ; tel est 1’héritage que lui promet le Seigneur. "
31. Psaume XLVIII, 15 : " Ils seront enfermés comme un troupeau dans l'abîme ; la mort sera leur pasteur. "
32. ISAIE, XXXIII, 11-14 : " Vous vouliez embraser Jérusalem ; vos efforts seront vains, et votre souffle allume le feu qui vous dévorera. - Et ces peuples ressembleront aux cendres qui restent après un incendie, et à un faisceau d'épines qu'on jette dans le feu. - Vous qui êtes loin, apprenez ce que j'ai fait ; et vous qui êtes proche, reconnaissez ma puissance. Les impies ont été saisis d'effroi en Sion ; la frayeur s'est emparée des hypocrites. Qui de vous pourra habiter dans le feu dévorant? Qui de vous pourra subsister dans les flammes éternelles ? "
33. MATTHIEU, III, 10-12 : " Car déjà la cognée est mise à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. - Pour moi, je vous baptise dans l'eau pour vous porter à la pénitence mais celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers ; c'est lui qui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu. - Il tient son van à la main, et il nettoiera entièrement son aire ; il amassera son froment dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais. "
34. Id., XXV, 41, 46 : " Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges ; et ces derniers iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle. "
35. II Thessaloniciens, I, 8-9 : " Lorsqu'il viendra au milieu des flammes tirer vengeance de ceux qui ne connaissent pas Dieu, et qui n'obéissent point à l'évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; - qui souffriront la peine d'une éternelle damnation à la présence du Seigneur et devant l'éclat de sa puissance. "
36. II PIERRE, II, 4-6, 9 : " Si Dieu n'a point épargné les anges qui ont péché, mais les a précipités dans l'abîme, où ils sont enchaînés pour être tourmentés et tenus comme en réserve jusqu'au jour du jugement ; - s'il n'a point épargné le monde des premiers temps, mais n'a sauvé que sept personnes avec Noé, prédicateur de la justice, en amenant les eaux du déluge sur le monde des pervers ; - s'il a puni les villes de Sodome et de Gomorrhe, en les ruinant de fond en comble et les réduisant
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en cendres, pour les faire servir d'exemple à ceux qui vivraient dans l'impiété, etc. : - le Seigneur sait délivrer ceux qui le craignent des maux par lesquels ils sont éprouvés et réserver les pécheurs au jour du jugement pour leur peine à subir. "
37. ISAIE, LXV, 13 ; comme dans le corps de la réponse.
38. LUC, VI, 24-26 : " Néanmoins, malheur à vous, riches, qui avez votre consolation. - Malheur à vous qui êtes dans l'abondance, car vous aurez faim. Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous pleurerez et répandrez des larmes. - Malheur à vous, lorsque les hommes vous applaudiront. "
39. Id., XVI, 22-26 : " Le riche mourut aussi, et il eut l'enfer pour tombeau. - Et lorsqu'il était dans les tourments, il leva les yeux en haut, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. - Et s'écriant, il dit ces paroles : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau pour me rafraîchir la langue : car je souffre extrêmement dans ces flammes. - Mais Abraham lui répondit : Mon fils, souvenez-vous que vous avez reçu des biens dans votre vie et que Lazare n'a eu que des maux ; c'est pourquoi maintenant il est dans la consolation, et vous êtes dans les tourments. - De plus, il y a entre vous et nous un grand abîme, de sorte que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le pourraient, comme on ne peut passer ici du lieu ou vous êtes. "
40. Psaume II, 10 ; comme dans le corps de la réponse.
41. Sagesse, VI, 2-9 : " Ecoutez donc, ô rois, et comprenez ; instruisez-vous, juges de la terre. - Prêtez l'oreille, vous qui gouvernez les peuples et qui vous complaisez dans la multitude de vos sujets. - Considérez que la puissance vous a été donnée par le Seigneur et la force par le Très-Haut qui interrogera vos œuvres et scrutera vos pensées. - Car, étant les ministres de son royaume, vous n'avez pas jugé équitablement, vous n'avez pas garde la loi de la justice, et vous n'avez pas marché selon la volonté de Dieu. - Il vous apparaîtra soudain et dans un appareil formidable : car un jugement très rigoureux est réservé à ceux qui commandent aux autres ; on a pitié des petits, mais les puissants seront puissamment tourmentés - Dieu n'exceptera personne des lois de la justice, et il ne respectera aucune grandeur ; car il a fait les grands comme les petits, et il a également soin de tous. - Mais aux plus grands sont destinés les plus grands supplices. "
42. ISAIE, V, 14 : " L'enfer s'est élargi et a ouvert ses
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gouffres immenses : ils y descendront, ces premiers de la nation, ces hommes revêtus de gloire, confondus avec le peuple. "
43. LUC, XII, 5 ; comme dans le corps de la réponse.
44. MATTHIEU, X, 28 : " Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent faire périr l'âme ; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter le corps et l'âme dans l'enfer. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CHRYSOSTOME, Epist. V ad Theodorum lapsum : " Les douleurs et les chagrins de la vie passent en un moment ; au lieu que les siècles à venir n'auront jamais de fin, et on ne saurait mesurer la différence qui se trouve entre la vie future et la vie présente.
" Quand vous entendez parler du feu de l'enfer, ne vous persuadez pas qu'il ressemble à celui que vous voyez, qui diminue peu à peu et qui s'éteint ; l'autre brûle sans cesse avec la même activité, il est impossible de l'éteindre. Ceux qui ont péché sont revêtus comme les autres de l'immortalité, mais ce n'est pas pour leur gloire : c'est afin qu'ils puissent toujours souffrir. Il n'y a point de termes pour exprimer un état si violent. Les petites choses peuvent nous donner quelque idée des grandes. Si vous vous jetez dans un bain trop chaud, songez aux peines de l'enfer ; lorsqu'une fièvre ardente vous tourmente, souvenez-vous du feu qui brûle les réprouvés. Si la fièvre, si un bain trop chaud nous paraissent si incommodes, quel supplice ne sera-ce pas d'être englouti dans un torrent de feu ? Ce tourment insupportable fera grincer les dents et causera des douleurs infinies, sans que personne puisse songer à y apporter du secours : nous répandrons des larmes amères au milieu de ce fleuve de feu ; nous n'aurons devant les yeux que des damnés et une effroyable solitude. "
" Qui pourrait expliquer les horreurs de ces ténèbres et l'effroi qu'elles nous causeront? Ce feu, qui ne pourra s'éteindre, n'éclairera point : les peines se succèderont les unes aux autres, et on sera accablé par divers genres de supplices. On voit même ici-bas des corps qui résistent à des maladies longues et violentes, et ainsi il n'y a pas de quoi s'étonner qu'une âme immortelle subsiste au milieu de tant de peines. La mort n'arrive que par la défaillance du corps, et nullement par celle de l'esprit ; si bien que quand l'âme sera réunie à un corps incorruptible, rien ne pourra les empêcher de souffrir éternellement. La violence des maux que nous souffrons en abrège la durée, à cause de la fai-
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blesse du corps, qui s'use à la fin. L'immortalité supplée à ce défaut et nous rendra capables de souffrir des maux violents et éternels sans que notre âme périsse ou que le corps soit consumé par ces tourments, qui n'auront jamais de fin. "
" Voudriez-vous jouir pendant cent ans de tous les plaisirs du monde pour être ensuite condamné à des peines si cruelles ? Quelle comparaison peut-il y avoir entre un espace si court et une infinité de siècles ? Les plaisirs de la vie présente sont comme un songe d'une nuit, en comparaison des biens de l'éternité. Voudrait-on souffrir des tourments éternels pour être heureux pendant un songe ? Il faudrait être bien dépourvu de raison pour faire un échange si mal entendu. "
" Je ne vous parle point encore de l'amertume qui empoisonne les plaisirs du monde : vous en êtes trop préoccupés et ce n'est pas ici le lieu de vous détromper. Je vous en ferai voir la vanité et le ridicule, quand vous aurez la force de goûter mes raisonnements. L'entêtement où vous êtes vous ferait rire, si je me mettais en devoir de vous prouver que les plaisirs sont fades et dégoûtants. Quand la grâce de Dieu vous aura guéri de cette maladie, vous comprendrez mieux la vérité des maximes que je vous propose, et que j'approfondirai dans un autre temps. "
" Mais supposons que les plaisirs du monde soient de véritables plaisirs, et qu'ils ne soient jamais détrempés de fiel ; que dirons-nous des tourments qui leur succèderont ? Que ferons-nous, lorsque quelques jours d'une joie imaginaire seront punis par des supplices éternels. Il ne tient qu'à nous de les éviter et de mériter à peu de frais des récompenses infinies. Car la divine Providence a disposé les choses de telle façon que nos combats durent peu, puisqu'ils finissent avec cette vie qui est si courte, tandis que les joies qu'elle nous prépare dureront dans toute la suite des siècles. "
" Voilà ce qui tourmentera les réprouvés quand ils feront réflexion qu'ils se sont condamnés eux-mêmes à des peines éternelles, parce qu'ils n'ont pas voulu employer quelques moments à la pénitence. Ne nous exposons pas à ce cruel repentir ; profitons du temps que Dieu nous donne ; ceux qui persévèreront dans le vice souffriront tous les maux que je viens de vous décrire et qui sont encore bien plus violents que nous ne pouvons l'imaginer, et que tout ce que l'on fait souffrir aux scélérats. C’est un si grand sujet de désespoir d'avoir perdu par sa faute des biens infinis, qu'il n'en faut pas davantage pour tourmenter les réprouvés et pour les rendre infiniment malheureux. "
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2. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ : " Je crains pour moi-même l'enfer, à cause de la durée sans fin de ses tourments. Ses supplices me font horreur, à cause de la chaleur insupportable qu'on y endure ; ses ténèbres me causent une vive frayeur, parce qu'elles sont sans mélange de lumière. Je redoute le ver qui y ronge les damnés parce qu'il ne meurt point… "
" Celui qui se trouvera avoir vécu dans une molle oisiveté entendra cette dure parole appliquée à lui-même : Que l'impie disparaisse, et qu'il ne voie pas la gloire du Seigneur (ISAÏE, XXVI, 10). Ce sera alors un jour de colère, un jour de tristesse et d'angoisse, un jour d'affliction et de misère, un jour de ténèbres et d'obscurité (SOPH., I, 15). Alors l'âme abandonnée des saints anges de Dieu sera saisie par de noirs démons qui la frapperont rudement, l'entraîneront dans des lieux obscurs, dans les abîmes de la terre qui s'ouvrira devant elle, et l'y enchaîneront avec de durs liens. Là seront plongées les âmes des pécheurs pour y brûler pendant toute l'éternité ainsi que Job le témoigne par ces paroles : Dans une terre ténébreuse, couverte des obscurités d'une nuit éternelle (JOB, X, 21). Là, point de lumière ; point de vie pour les malheureuses victimes qui s'y trouvent condamnées ; mais une désolation sans remède, une douleur sans terme, des pleurs sans fin, des grincements de dents sans interruption, des gémissements inconsolables. Là, un malheur, un désespoir éternels. Les malheureux y crient sans cesse : Hélas ! hélas ! et personne ne vient à leur secours ; ils demandent du soulagement, et personne ne les soulage. Ces peines sont au-delà de toute expression ; aucune bouche humaine ne saurait exprimer la terreur dont on y est saisi, ou égaler les expressions à la grandeur des maux qu'on y endure. Ils gémissent sans cesse, et personne n'a pitié d'eux. Ils crient du fond de l'abîme et personne n'est sensible à leurs cris. Ils se lamentent, sans que personne les délivre. Ils se désolent sans que personne compatisse à leurs peines. Que sont devenues désormais ces vanités mondaines, cette vaine gloire, ces plaisirs, ces voluptés, cette pétulance, cette ambition, etc. ? "
" De quelles ténèbres ne se verront-ils pas enveloppées lorsque le souverain juge leur parlera dans sa colère lorsqu'il leur adressera ces terribles paroles : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges (MATTH., XXV, 41) ! Hélas, de quelle douleur, de quelle anxiété,
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de quelle terreur, de quel tremblement ne seront-ils pas saisis, lorsque toutes les puissances célestes s'élèveront contre eux, et s'écrieront de concert : Que les pécheurs soient précipités dans l’enfer (Ps. IX, 18) ! Malheur! malheur! voilà quel sera leur éternel cri, tandis qu'ils se verront précipités dans d'éternels tourments. Ah! que l'abîme qui les recevra est horrible! Là, des pleurs et des grincements de dents ; Satan lui-même, à l'aspect de ces lieux, est saisi d'effroi. Ah ! quel tourment que ce feu qui ne s'éteint point, qui brûle éternellement sans jamais donner de lumière. Quel monstre effrayant que ce ver qui ne meurt point, qui ne dort point ! Quelle horreur que ces ténèbres extérieures et sans jour ni aurore ! Quelle terreur m'inspirent ces anges sans pitié qui ont pour mission de tourmenter les coupables, de les insulter, de les accabler de reproches ! Alors ces malheureux redoublent leurs cris, mais personne ne s'occupe de leur délivrance. Ils crient vers le Seigneur, mais le Seigneur n'écoute point leur voix. Alors ils reconnaissent enfin que tout n'est que vanité dans les biens de la vie présente, et que ce qui y semble devoir causer le plus de joie et procurer le plus de bonheur, est ce qui renferme le plus de fiel et d'amertume. O tribulation ! ô calamité ! ô malheur sans remède ! C'est dur que de se voir séparé de la société des saints; mais c'est bien plus dur encore de se voir séparé de la société de Dieu. Quelle ignominie aussi de se voir les mains et les pieds liés. Il est pénible de se voir jeté dans les ténèbres extérieures, d'être réduit à ne faire que grincer les dents, de souffrir sans fin , d'endurer des flammes éternelles. Il est triste de demander une goutte d'eau, et d'en essuyer le refus, de s'écrier continuellement du milieu des flammes, sans que personne vienne au secours ; de se voir englouti dans un abîme dont on ne pourra jamais se retirer ; renfermé dans une prison, sans moyen de fuir, sans moyen de s'en évader ou d'en rompre les liens ; éternellement en proie à des flammes vengeresses, impitoyables ministres de la justice de Dieu ; resserré dans de dures courroies, déchiré avec des ongles de fer, fouetté sans miséricorde, plongé dans la poix bouillante, ne respirant que l'odeur du soufre, sillonné par des vers dégoûtants enchaîné à un bûcher dont les flammes ne s'éteignent point. "
3. S. PROSPER (ou plutôt, Julien Pomère, véritable auteur de l’ouvrage cité ici, V. NAT. Alex., Hist. Eccl., t. V, p.130), Lib. III de vita contemplativâ, c. 12 : " Que
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veulent dire ces paroles, être réduit au silence et lié par les pieds et les mains, sinon être privé de toute action dans l'enfer, où il n'y a personne qui chante les louanges du Seigneur ; de même que d’être jeté dans les ténèbres extérieures, signifie être rejeté de Dieu qui est la lumière de nos esprits ? Les pleurs et les grincements de dents indiquent les douleurs cuisantes de ces malheureux damnés voués au supplice d'une mort éternelle et privés du sens de la vue pour n'avoir plus d'autre sentiment que celui de leurs souffrances. Leurs gémissements continuels, leurs tortures horribles, leurs supplices sans fin ne leur laissent la vie que pour être eux-mêmes éternels ; et si ce feu qui ne s'éteint point n'éteint pas non plus en eux la flamme de la vie, c'est pour qu'ils conservent éternellement le sentiment de leurs souffrances, pour rendre immortelle cette seconde mort qui perpétuera éternellement ses horreurs. Ce que dit l'Evangile, que le ver qui les ronge ne mourra point, et que le feu qui les brûle ne s'éteindra point, comprend l’ensemble des peines des damnés qui tourmentera éternellement le feu d'une pénitence stérile et que dévorera de même sans fin le ver rongeur d'une conscience bourrelée. Lors donc qu'on parle de celle seconde mort des damnés, on ne veut pas dire que la vie les abandonne, mais seulement qu'ils souffrent tout ce que la mort fait souffrir de plus affreux. Se repaître volontiers de ces pensées, en faire le sujet de ses entretiens ou de ses lectures, y croire fermement, prévoir sans trouble ces châtiments qui nous menacent, afin de les éviter penser quel mal ce serait pour nous d'être à jamais privé du bonheur de voir Dieu, de la société des saints, du repos de la céleste patrie ; d'être morts à la vie bienheureuse, et de ne vivre que pour mourir sans fin ; d'être précipité avec le diable et ses anges dans un feu éternels où la vie n'est qu'un supplice ; de n'éprouver des propriétés de ce feu que celle qu'il a de faire souffrir, et non celle qu'il pourrait avoir d'éclairer de n'entendre plus rien autre chose que le pétillement de ces flammes dévorantes ; d'être comme aveuglé par leur noire fumée ; d'être plongé dans un étang de feu ; d'être éternellement rongé par les vers : penser, dis-je, à tout cela, c'est prendre la résolution de renoncer au vice, et de réprimer à l'avenir toutes les révoltes de la chair. Mais ne nous arrêtons pas, croyez-moi, à occuper notre esprit de ces châtiments, qui frappent l'esprit des fidèles d'une terreur salutaire, qui les obligent à renoncer aux plaisirs défendus, et dont les voluptueux ne pourront du reste faire
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l'expérience que, lorsque, pour comble de malheur, ils ne pourront plus ni s'en garantir, ni se corriger ; ne nous arrêtons pas, dis-je, à nous occuper de ces pensées, mais songeons de plus au bonheur qu'il nous est ordonné d'espérer, aux biens célestes qui doivent être l'objet de nos désirs ; et puisque ceux qui veulent faire des progrès dans la vertu doivent, après avoir commencé par se bien pénétrer d'une crainte salutaire, entrer par degrés dans les secrets de l'amour divin, nous devons donc aussi parler maintenant des motifs d'aimer Dieu, après nous être étendu suffisamment, à ce qu'il nous semble, sur ceux que nous avons de le craindre. "
4. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. IV dialogorum, c. 28 : " Si vous croyez sur la parole de Dieu que les âmes des saints sont dans le ciel, vous devez croire de même que celles des méchants sont dans l'enfer ; car la même souveraine justice qui demande que les justes soient glorifiés exige aussi que ceux qui ont commis l'injustice en portent la peine. Et de même que vous croyez que les élus jouissent de la béatitude ainsi devez-vous croire que les réprouvés endurent le supplice du feu, à partir du jour de leur mort. "
Pierre. " Eh ! quelle raison peut nous obliger à le croire, puisqu'une substance immatérielle ne donne sur elle-même aucune prise à un feu matériel ? "
5. Ibidem, c. 5 : Grégoire. " Si votre âme, toute immatérielle qu'elle est, est dans votre corps tant que vous vivez, pourquoi l'âme du damné ne pourrait-elle pas aussi, après la mort, être dans un feu corporel, quoiqu'incorporelle elle-même ? "
Pierre. Si l'âme, quoiqu'immatérielle réside dans le corps d'un homme tant qu'il vit, c'est qu'elle est en lui le principe de la vie. "
Grégoire. " Eh bien ! si une âme immatérielle peut résider dans un corps pour être en lui un principe de vie, pourquoi ne pourrait-elle pas aussi résider dans un corps pour y souffrir les douleurs de la mort ? Or, nous disons que l'âme du damné est dans le feu, pour y recevoir, par les tourments qu'elle y éprouve la peine de ses crimes. Le feu la fait souffrir par cela seul qu'elle le voit, et elle y brûle par cela seul qu'elle voit qu'elle y brûle. Et c'est ainsi qu'une substance corporelle peut en brûler une autre qui est incorporelle, le feu, tout visible qu'il est par lui-même, causant à l'âme une douleur invisible, de telle façon qu'on peut dire que ce feu matériel allume dans l'âme un feu
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immatériel ; quoique, après tout, les textes évangéliques puissent aussi nous fournir la preuve, que l'incendie dont l'âme du réprouvé est dévorée, résulte pour elle non-seulement de ce qu'elle voit, mais encore de ce qu'elle sent. Car c'est la vérité elle-même qui nous déclare que le riche, après sa mort, fut enseveli dans l'enfer. Or, que son âme y éprouve le contact du feu, c'est ce que donne à penser cette prière qu'elle adresse à Abraham : Envoyez-moi Lazare, pour qu'il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu'il en rafraîchisse ma langue, car je soufre horriblement dans ces flammes (LUC, XVI, 24). Puis donc que la Vérité même nous déclare que ce riche réprouvé est condamné au supplice du feu, quel homme sensé voudra nier que le feu soit le supplice qu'endurent les âmes des réprouvés ? "
Pierre. " Je le vois, la raison et l'autorité m'obligent de concert à vous croire ; mais que vous me laissiez un moment penser librement, je retombe aussitôt dans mon incrédulité. Car je ne saurais comprendre comment ce qui est matériel peut affecter ce qui est immatériel et lui causer du tourment. "
Grégoire. " Dites-moi, je vous prie, pensez-vous que les esprits rebelles, précipités du ciel dans les abimes, soient corporels, ou qu'ils soient incorporels ? "
Pierre. " Quel homme de bon sens pourrait dire que des esprits fussent corporels ? "
Grégoire. " Direz-vous que le feu de l'enfer soit incorporel, ou n'avouerez-vous pas plutôt qu'il est corporel ? "
Pierre. " Je ne doute pas que le feu de l'enfer ne soit corporel, puisqu'il est certain qu'il fera le tourment des corps des damnés. "
Grégoire. " Assurément la Vérité dira aux réprouvés à la fin du monde : Allez au feu éternel, préparé pour le diable et pour ses anges (MATTH., XXV, 41). Si donc le diable et ses anges, tout incorporels qu'ils sont, doivent être tourmentés par un feu corporel, que trouvez-vous d’étonnant à ce que les âmes des reprouvés, avant même d’être réunies à leurs corps, puissent de même éprouver les atteintes d'un feu matériel ? "
Pierre. " Cette raison que vous donnez est évidente et je dois m'interdire toute question ultérieure. "
6. Ibidem : c. 42 : " Puisqu'il n'y a sous terre personne qui, au témoignage de l'Apôtre (Apoc., V, 3), ait été trouvé digne d'ouvrir le livre, je ne vois rien qui empêche de croire que l'enfer a son siège dans les lieux souterrains. "
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7. Ibidem, c. 43 : " Le feu est le même pour tous les damnés, mais il ne les tourmente pas tous de la même manière. Car chacun en est tourmenté à proportion des fautes dont il est resté coupable. Et de même que dans ce monde tous jouissent de la vue du même soleil, sans que tous éprouvent également pour cela l'ardeur de ses rayons, chacun en ressentant les atteintes selon la manière particulière dont il se trouve disposé ; ainsi, en enfer, quoique le feu soit pour tous le même, il ne cause pas à tous les mêmes tourments ; mais ce qui est ici l'effet de la diversité des tempéraments ou des humeurs, est en enfer l'effet de la diversité des crimes, et c'est à cette diversité de crimes qu'il faut attribuer la différence des tourments, quoiqu'il n'y ait aucune différence dans le feu lui-même qui en fait la matière. "
8. Ibidem, c. 44 : " Puisque c'est la Vérité elle-même qui a dit : Les impies iront au supplice éternel et les justes au contraire iront à la vie éternelle (MATTH., XXV, 46), tout ce qu'elle a promis aux uns ne pouvant être que véritable, on ne saurait non plus tenir pour faux ce dont elle a menace les autres. "
Pierre. " Mais si quelqu'un disait : Dieu n'a menacé les pécheurs d'une peine éternelle que pour les faire cesser de pécher ? "
Grégoire. " S'il nous était permis de considérer comme inexécutables les menaces qu'il fait aux pécheurs, on pourrait aussi considérer comme telles les promesses qu'il fait aux justes. Mais quel est, même parmi les insensés celui qui voudrait penser ainsi ? Et d’ailleurs, si Dieu peut faire aux hommes, pour les ramener au bien, des menaces qu'il n'ait pas l'intention d'exécuter, nous faisons de lui un menteur en voulant sauver sa miséricorde. "
Pierre. " Je voudrais bien savoir comment il peut se faire avec justice, qu'une faute d'un moment soit punie d'un supplice sans fin. "
Grégoire. " Votre réflexion serait juste, si le juste juge n'avait pas égard la disposition d'esprit des hommes, plutôt qu'à leurs actes. Si les méchants n'ont péché que quelques années, c'est qu'ils n'ont vécu que quelques années. Et il n'est pas douteux que si la chose leur eut été possible, ils eussent, voulu vivre sans fin, pour pouvoir pécher sans fin. Ils font bien voir qu'ils voudraient toujours vivre dans le péché, puisqu'ils ne cessent de pécher tout le temps de leur vie. Il est donc de toute justice que le juge souverain condamne à d’éternels supplices des hommes
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qui, tant qu'ils ont vécu, ont voulu être dans le péché. Dieu étant infiniment bon, ne saurait se repaître de nos souffrances ; mais comme il est aussi infiniment juste, il ne peut que punir éternellement une volonté constamment criminelle. Mais de plus, la condamnation des méchants aux supplices éternels, en même temps qu'elle est la juste peine de leur iniquité fait que les justes n'en apprécient que mieux le bonheur dont Dieu les fait jouir, en voyant la rigueur des châtiments auxquels ils ont échappés et qu'ils se reconnaissent d'autant plus redevables à la grâce divine, qu'ils voient que les péchés que sa grâce leur a fait éviter auraient été punis d'un éternel supplice. "
Pierre. " Mais comment peuvent-ils être saints, s'ils ne prient pas pour ceux qu'ils voient brûler dans les flammes, puisqu'il a été dit à tous : Priez pour vos ennemis (MATTH., V, 44) ? "
Grégoire. Ils prient pour leurs ennemis, tant qu'ils peuvent par leurs prières convertir utilement leurs cœurs à la pénitence, et les sauver par les exemples qu'ils leur donnent. Car qu'ont-ils à demander pour leurs ennemis, autre chose que ce qui est marqué par les paroles suivantes de l’Apôtre : Que Dieu leur donne l’esprit de pénitence pour qu'ils connaissent la vérité, et qu'ainsi ils sortent des pièges du diable, qui les tient captifs pour en faire ce qu'il lui plaît (II Tim., II, 25-26). "
Pierre. " Je goûte cette doctrine ; comment, en effet, pourraient-ils prier pour des gens qui ne peuvent plus changer de dispositions en quittant le mal pour revenir à la pratique du bien ? "
Grégoire. " Les saints auront alors la même raison pour ne pas prier en faveur de ceux qu'ils verront condamnes au feu éternel que celle que nous avons dès aujourd'hui pour ne pas prier en faveur du diable et de ses anges condamnés à d’éternels supplices ; la même raison encore, que celle que les saints même d'ici-bas ont de ne pas prier pour les infidèles et les impies morts dans leur infidélité ou leur impiété, parce qu'ils ne veulent pas perdre le fruit de leurs prières, en les adressant au juste juge pour ceux qu'ils savent condamnés sans retour et pour l’éternité. Que si dès ici-bas les justes s'interdisent toute compassion pour les réprouvés, quoiqu'ils sachent bien n'être pas eux-mêmes exempts de fautes ; à combien plus forte raison ne verront-ils pas d'un œil impitoyable les supplices des méchants, lorsque purifiés eux-mêmes de leurs anciennes souillures, ils les verront inexorablement enchaînés à l'éternelle justice ? Car, par-là même qu'ils
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adhèrent complètement au souverain juge, les règles de l'équité occupent tellement leurs esprits, qu'ils ne peuvent plus vouloir autre chose que ce qui est parfaitement d'accord avec ces règles. "
9. S. ISIDORE, Lib. 1 de summo bono, c. 31 : " Les damnés souffrent en enfer deux sortes de peines : la tristesse, qui affecte leurs âmes et est comme un feu intérieur qui les brûle et le feu même qui brûle leurs corps ; et rien de plus juste que cette disposition, puisqu'ayant conçu dans leur esprit le mal dont le corps a été ensuite l'instrument, l'âme doit être punie en eux aussi bien que le corps. Le feu de l'enfer a de la lumière en un sens, et n'en a pas dans un autre : il en a pour faire voir aux damnés les maux qu'ils endurent ; il n'en a pas, quant à la consolation que pourrait leur procurer la vue de la lumière. La fournaise ardente où furent jetés les trois jeunes hommes peut servir à donner une juste idée du feu de l'enfer. De même que ce feu semblait avoir perdu ses propriétés par rapport à leurs corps, qui n'en recevaient aucune atteinte, et qu'il les conservait tout entier pour brûler les liens dont ils avaient été entourés. Ainsi le feu de l'enfer brillera aux yeux des damnés pour augmenter leur supplice, en leur faisant voir toute l'énormité de leurs maux, et il sera en même temps sans lumière pour eux, si l'on entend par-là le plaisir naturel qu'en cause la vue. Grande est la différence des maux d'ici-bas d'avec les maux de l'éternité. Car, dans l'éternité il y aura et tourments et ténèbres ; il peut bien y avoir aussi ces deux choses ici-bas, mais avec cette différence qu'ici-bas la première seule est un mal, au lieu que dans l'éternité il y aura supplice à être dans les ténèbres comme il y aura supplice à endurer les tourments. "
10. Ibidem, c. 32 : " De même que l'on compose de matières semblables les fagots de bois qu'on destine à brûler, ainsi, au jour du jugement, ceux qui auront commis de semblables fautes seront mis ensemble, afin qu'une semblable peine les lie en faisceau pour ainsi dire, comme ils se sont liés eux-mêmes les uns aux autres pour commettre le mal. Et de même que dans le ciel les saints seront glorifiés à proportion de leurs mérites, dans l'enfer aussi chaque damné sera puni à proportion de ses crimes, et ainsi l'ordre règnera jusque dans leurs supplices, puisque, comme l'a dit aussi le Prophète (Apoc., XVIII, 6), chacun ne sera puni qu'à proportion de ce qu'il aura mérité. Une autre circonstance qui aggravera les peines des damnés sera de voir souffrir aussi leurs proches, comme l'Evangile nous le fait entendre dans
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la parabole du mauvais riche, et comme le Psalmiste l'insinue aussi de Judas lorsqu'il dit à son sujet : Que ses enfants soient errants et vagabonds, qu'ils soient contraints de mendier (Ps. CVIII, 40). Ce qui rendra encore plus cuisantes pour les impies les peines qu'ils auront à endurer, ce sera de voir les justes en possession du bonheur et de la gloire dont ils seront prives eux-mêmes. "
11. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium in Job lib. IX, c. 45 (al. 29) : " Que peut-on entendre par cette terre ténébreuse (JOB, X, 38), sinon les noires prisons de l'enfer, qui sont couvertes de l'ombre de la mort, parce que ceux qui y sont condamnés sont éternellement séparés de la lumière de vie ? "
" Ce n'est pas sans raison qu'on donne le nom de terre à l'enfer, puisque ceux qui y sont une fois entrés y demeurent pour jamais. Et, en effet, l'Ecriture marque la stabilité par la terre, lorsqu'elle dit : Les hommes passent ; une génération succède à une autre génération ; mais la terre demeure stable éternellement (Eccles., I, 4). On donne donc à l'enfer le nom de terre, parce que ceux qui y sont punis n'y ressentent pas des peines imaginaires, mais des tourments très-véritables et éternels. L'Ecriture lui donne aussi quelquefois le nom de lac, comme il parait par ces paroles d'un prophète : Ils sont descendus couverts de leur ignominie avec ceux qui tombent dans le lac (EZECH., XXVI, 20). Ainsi donc il est appelé terre, parce qu'il retient irrévocablement ceux qu'il a une fois reçus et lac, parce qu'il engloutit dans les flots de ses tourments ces misérables qui y sont sans cesse ballotté dans des peines et dans des terreurs éternelles. . . . . L'indulgence du père de miséricorde ne s'étend jamais sur ceux que la rigueur de sa justice a condamnés à ce lieu de supplices (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. II, p. 122-123). "
12. Ibidem, c. 46 (al. 29) : " Job dit ensuite : Dans cette terre de misère et d'une nuit sombre. La misère marque la douleur, et la nuit l'aveuglement. La terre qui reçoit et enferme pour jamais ceux que Dieu a bannis de sa présence, est une terre de misère et de ténèbres parce qu'elle tourmente au-dehors par de cruels supplices ceux qui, séparés de la vraie lumière, demeurent pour jamais dans l'aveuglement. "
" Le propre du feu est d'éclairer et de brûler tout ensemble ; mais ces flammes qui sont destinées à punir dans l'autre vie les crimes des hommes, les brûlent sans les éclairer. C'est pourquoi le Sauveur dira aux réprouvés : Allez, maudits, au feu éternel,
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qui est destiné pour le diable et pour ses anges. Et ailleurs il dit dans une parabole, en symbolisant dans un seul individu tout le corps des réprouvés : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. Si donc le feu qui brûle les réprouvés était accompagné de lumière, Dieu ne dirait pas de précipiter dans les ténèbres ceux qu'il rejette de sa présence (Cf. Les Morales de saint Grégoire, p. 123-125). "
13. Ibidem, c. 47 (al. 30), sur ces paroles du chapitre X de Job, verset 39, Ubi nullus ordo : " Comment cette punition serait-elle un désordre complet, puisqu'elle garde une si juste proportion avec la qualité des péchés comme il parlait par ces paroles du Sage : Les puissants seront puissamment tourmentés, et on prépare de plus grands supplices à ceux qui ont commis de plus grands péchés (Sag., VI, 7) ? Et il est dit dans la malédiction portée contre Babylone : Que ses peines et ses tourments égalent son orgueil et ses délices (Apoc., XVIII, 7). Puis donc que la peine est ainsi assortie au péché, il est visible qu'il y a un ordre observé dans les supplices de l'enfer.
" Et, en effet, si la grandeur des tourments n'était pas mesurée sur la grièveté des péchés, le juge éternel ne dirait pas dans l'Evangile à ses moissonneurs : Arrachez premièrement l'ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler (MATTH., XIII, 30). Car lier l'ivraie par bottes n'est autre chose que joindre les coupables avec les coupables, et unir dans les même peines ceux qui se sont unis dans les mêmes crimes, ne point séparer dans les supplices ceux qui ne se sont point séparés dans le péché, humilier par les mêmes châtiments ceux qui se sont élevés d'un même orgueil, punir des mêmes tourments ceux qui se sont abandonnés à la même ambition, et jeter dans les mêmes flammes ceux que l'impudicité a fait brûler des mêmes feux. "
" Comme dans la maison du Père il y a plusieurs demeures, selon les divers degrés des vertus de ceux pour qui elles sont destinées, ainsi dans l'enfer il y a divers degrés de supplices, selon la diversité des crimes de ceux qui y sont condamnés. Mais quoique l'enfer soit enfer pour tous, ces peines néanmoins ne sont pas pour tous les mêmes. Ainsi nous sommes tous exposés aux rayons d'un même soleil, et cependant nous n'en ressentons pas tous une même impression, puisque le degré de chaleur qu'on en éprouve est proportionné au tempérament et à la disposition du corps de chacun de nous. Il en est de même dans l'enfer, qui, quoique
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toujours le même brûle diversement les réprouvés, la différence de leurs crimes faisant une diversité dans les châtiments qu'ils endurent, comme la différence des tempéraments en fait une dans les effets de la chaleur. Comment donc Job dit-il ici qu'il n'y a aucun ordre dans l'enfer, puisque chacun y est tourmenté selon la juste proportion de ce qu'il mérite ? "
14. Ibidem, c. 48 (al. 30) : " Ce saint homme ne blesse nullement par ses paroles la justice et la sainteté de Dieu. Cette confusion et ce désordre dont il parle, il ne les voit pas dans les supplices même de l'enfer, mais seulement dans l'âme de ceux qui les souffrent. C'est là que l'ordre ne règne jamais… L'ombre de la mort remplit ce lieu de ténèbres ; tout y est sujet d'horreur et d'effroi : car les réprouvés étant livrés aux feux éternels ressentent des maux infinis, et, au milieu de ces maux, ils sont encore tourmentés d'une frayeur continuelle, de sorte qu'ils y souffrent sans cesse ce qu'ils craignent, et ils y craignent sans cesse ce qu'ils souffrent. C'est pourquoi il est écrit dans un prophète : Le ver qui les ronge ne meurt point, et le feu qui les brûle ne s'éteint point (ISAIE, LXVI, 24).
" En ce monde, la flamme qui brûle éclaire au moins ceux qu'elle brûle mais là, ainsi que le marquent les paroles du psaume (LVII, 9), que nous avons rapportées, elle brûle et aveugle en même temps. Ici la douleur bannit la crainte ; mais, dans l'enfer, la crainte s'unit avec la douleur pour le tourment des damnés. Jugez combien horrible sera leur état et combien épouvantables seront les supplices de l'enfer, où le feu ne peut éclairer, et où la douleur laisse toujours subsister la crainte.
" Et, en effet, n'était-il pas bien raisonnable que la souveraine sagesse de Dieu alliât ainsi les choses qui s'entre-combattent et s'entre-détruisent naturellement elles-mêmes, pour punir plus sévèrement par cette opposition qui les irrite, la témérité de ceux qui ont osé s'opposer à ses ordonnances; que ces supplices tourmentassent infiniment, sans jamais consumer ceux qu'ils tourmentent ; que dans ces tourments on mourût à tous moments sans mourir, et qu'on se vît toujours renaître à ses peines ? Comme donc en enfer la mort tue sans faire cesser de vivre, que la douleur tourmente sans ôter leur peur, que la flamme brûle sans dissiper les ténèbres, il est vrai de dire, en jugeant des choses par les notions de la vie présente, que les supplices y sont sans ordre, puisqu'ils n'y conservent pas leurs qualités naturelles.
15. Ibidem, c. 50 (al. 30-31) : " Quelque différence qu'il y
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ait entre la nature de l’ange et celle de l'homme, comme ils ont été unis dans les mêmes crimes, ils le seront aussi dans la même punition… Mais que nous sert de parler de ces peines, si nous ne nous efforçons de les éviter ? Travaillons donc, par la régularité de notre vie, pendant que nous en avons encore le temps, à fuir ces tourments qui sont éternels. Faites tout ce que vous pourrez faire maintenant, dit le Sage, parce qu'il n'y a plus ni de raison, ni de sagesse, ni de science dans les enfers, vers lesquels vous vous avancez à pas de course (Eccles., IX, 10). Et le prophète Isaïe dit : Cherchez le Seigneur pendant qu'il peut être trouvé ; invoquez-le pendant qu'il est proche (ISAÏE, LV, 6) ; et saint Paul : Voici le temps favorable, voici le jour du salut (II Cor., VI, 2) ; et dans une autre épître : Pendant que nous en avons le temps, pratiquons le bien envers tout le monde (Gal., VI, 18) (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. II, p. 126-133). "
16. JEAN CASSIEN, ou l'auteur quel qu'il soit de la Confession théologique, 3e partie : " Mais qui pourrait dire quels tourments sont préparés aux impies et aux mauvais chrétiens ? Dans cet empire de l'éternelle mort que nous appelons l'enfer, qu'y a-t-il autre chose que des flammes toujours brûlantes des tourments continuels et toute espèce de maux ? Un fleuve de feu et des marais fangeux y remplissent tout l'espace. Là est le séjour de démons atroces, dont les bras sont comme des têtes de dragons, dont les yeux lancent des flammes comme autant de flèches dont les dents semblent des dents d'éléphant et font souffrir ceux qu'elles atteignent, comme le feraient des queues de scorpions. Leur seul aspect cause la terreur, la douleur et la mort. Hé ! que la mort ne vient-elle mettre fin à ces supplices ! Mais ce qu'il y a de plus affreux pour ces malheureuses victimes, c'est que leur
existence n'est prolongée que pour perpétuer leurs tourments. Leurs forces ne se renouvellent que pour fournir une pâture aux serpents, et les rendre sensibles à leurs morsures. Là sont des dragons qui dévorent les lèvres des blasphémateurs ; le basilic déchire leurs poitrines avec ses dents acérées ; d'autres monstres de diverses espèces tourmentent sans fin les âmes des incrédules. Là on n'entend que hurlements, que gémissements, que plaintes et que cris confus, expression forcée de tous les maux qu'endurent ces victimes torturées par toutes sortes d'instruments de supplices, exposées continuellement à l'ardeur des flammes. Ces tourments affreux n'auront jamais ni fin ni trêve mais c'est un
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feu qu'il semble qu'on alimente sans cesse pour entretenir un horrible incendie. Là un ver qui ne meurt point, un feu qui ne s'éteint point, des grincements de dents qui ne finissent point. Là aussi et tout à la fois, un froid glacial, un froid mortel. Là une faim dévorante, une soif que rien ne peut assouvir. Là des douleurs sans fin, des maux sans interruption. Là une peste dont rien n'arrête les ravages, une contagion inouïe. Là des ténèbres épaisses et une nuit d'une obscurité profonde. Là, nulle part de repos, et rien que des maux, rien que des tourments. Là une mort qui ne meurt point, une défaillance qui ne défaille point, une fin qui ne finit point. Quel est donc le fidèle qui ne tremblerait en s'entendant annoncer et en admettant par la foi ces vérités terribles ? "
17. S. EPHREM, Lib. de verâ pénitentiâ, c. 7 : " Demande : " Tous seront-ils également punis, ou bien y aura-t-il diversité dans les supplices ? " - Réponse : " Il y aura différentes places marquées pour les supplices, ainsi que nous l’apprenons de l'Evangile même. Car puisqu'il y aura des ténèbres extérieures, il y en aura donc aussi d'intérieures. Le feu de l'enfer doit y avoir aussi sa place particulière, les grincements de dents et les vers rongeurs leurs places particulières. L'étang de feu doit y avoir sa place, et le feu inextinguible aussi sa place. Les enfers et la perdition doivent y avoir également leurs limites particulières et les parties inférieures de la terre aussi les leurs. L'enfer où sont jetés les pécheurs, et le fond de cet abîme doit être surtout horrible. Dans ces divers lieux de supplices sont distribuées les victimes, chacune suivant le degré de sa culpabilité, chacun, comme le dit le proverbe, portant la chaîne de sa propre iniquité (Prov., V, 22). C'est à quoi reviennent aussi ces expressions de l'Evangile, dites au sujet des serviteurs plus ou moins infidèles : " L'un sera frappé plus rudement, l'autre sera frappé moins rudement, " Vapulabit multis, vapulabit paucis (LUC, XII, 21-22). Comme les péchés sont inégaux, les peines aussi devront être inégales. " Nous vous prions, reprirent-ils alors, de nous dire en quoi consistera cette inégalité de peines. " Il leur répondit : " Autre sera la peine des adultères, autre celle des fornicateurs, autre celle des homicides, autre celle des voleurs, autre celle des ivrognes, autre celle des menteurs et autre celle des parjures. Quant à celui qui a de la haine pour son frère il sera compté au jour du jugement pour empoisonneur et pour homicide. Ceux qui se laissent infecter de quelque hérésie s'entendront faire l'application de cette sentence : Que l'impie disparaisse, et qu'il ne voie
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pas la gloire du Seigneur (ISAÏE, XXVI, 10, d'après la version des Septante). "
18. Ibidem, c. 8 : " Alors la séparation se fait entre eux, et ils prennent chacun une direction opposée sans espérance de se revoir jamais, etc. ; " comme à la question précédente, témoignage 29, page 80.
19. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ : " Malheur aux pécheurs ! car autant les justes seront glorifiés, autant les pécheurs seront-ils condamnés. Malheur aux pécheurs ! parce qu'autant les justes seront entourés d'estime, autant les pécheurs seront-ils accablés d'opprobres. Les justes seront en bénédiction et les pécheurs seront exécrés ; les justes seront comblés de louanges, tandis que les pécheurs tomberont dans le mépris. Les justes seront introduits dans la bienheureuse patrie, et les pécheurs seront condamnés à un éternel exil. Aux justes il sera dit : Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous a été préparé de toute éternité. Aux pécheurs, il sera dit au contraire : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. Les justes seront placés dans le paradis ; les pécheurs seront jetés dans un feu ardent qui ne s'éteindra jamais. Les justes nageront dans les délices ; les pécheurs seront plongés dans la peine. Les justes tressailliront de joie ; les pécheurs seront garrottés dans de durs liens. Les justes feront retentir leurs cantiques de joie, et les pécheurs leurs gémissements. Les justes seront trois fois heureux, et les pécheurs trois fois malheureux. Les justes seront dans des palais, et les pécheurs dans des cachots. Les justes seront dans le sein d'Abraham, et les pécheurs entre les horribles griffes de Bélial. Les justes seront en paix, et les pécheurs seront en guerre. Les justes jouiront de l'éclat d'un beau jour, et les pécheurs seront dans la nuit, et dans une nuit de tempête. Les justes joindront leurs voix aux concerts des anges, et les pécheurs rugiront avec les démons. Les justes seront investis de lumière et les pécheurs de ténèbres. Les justes seront visités par l'Esprit consolateur, et les pécheurs seront tourmentés par les démons. Les justes trôneront à côté de Dieu, les pécheurs trôneront dans les ténèbres. Les justes contempleront sans cesse la face du Tout-puissant, les pécheurs n'auront que les démons en face d'eux-mêmes. Les anges, voilà quelle sera la société des justes ; les démons, voilà quelle sera celle des pécheurs. Les justes se répandront en prières, et les pécheurs en cris lugubres. Les justes seront placés
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dans les hauteurs des cieux, et les pécheurs dans les profondeurs des abîmes. Les justes au ciel, les pécheurs en enfer ; les justes dans une éternelle vie, les pécheurs dans une éternelle mort ; les justes entre les mains de Dieu, les pécheurs sous l'empire du diable ; les justes avec Dieu, les pécheurs avec Satan. "
20. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 3 (al. XXXI, 29) : " Après la résurrection et la consommation du jugement universel, les deux cités, celle de Jésus-Christ et celle du diable, celle des bons et celle des méchants, composées l'une et l'autre d'anges et d'hommes, seront chacune à leur terme. Les bons ne pourront plus ni vouloir pécher ni mourir ; les méchants en auront bien la volonté mais ils seront dans l'impuissance de l'effectuer. Les premiers jouiront d'une vie véritable et bienheureuse, qui est la vie éternelle. Les derniers demeureront malheureux pour toujours et dans une mort éternelle, sans pouvoir mourir, parce que l'état des uns et des autres n'aura point de fin. Mais dans la félicité éternelle, il y aura différents degrés de bonheur ; et dans le malheur éternel, il y aura aussi divers degrés de punition (Cf. Le Manuel de Saint-Augustin, dans Les Traités choisis, t. II, page 463). "
21. Ibidem, c. 112 (al. XXXI, 29) : " C'est donc sans fondement et en pure perte que quelques personnes, et même un très grand nombre, touchés du sentiment d'une compassion toute humaine, quand on leur parle de la peine éternelle des damnés et des supplices qu'ils souffrirons sans fin et sans interruption, ne peuvent se persuader qu'il doive en être ainsi. Ce n'est pas que ces personnes aient l'intention de contredire les saintes Ecritures, mais elles suivent un certain mouvement naturel qui les porte à adoucir ce qui leur parait trop dur dans les expressions des auteurs sacrés, et à donner des interprétations plus favorables à ce qu'elles croient avoir été écrit plutôt pour imprimer aux hommes de la terreur, que pour exprimer une exacte vérité. . . . . "
" A ne considérer même dans cette colère de Dieu (Ps. LXXVI, 10), c'est-à-dire dans la punition des méchants, que ce qu'on pourrait peut-être regarder comme la moindre de leurs peines, je veux dire de n'avoir aucune part au royaume de Dieu, d'être proscrit de la sainte cité de Dieu, d'être exclu de la vie de Dieu, d'être privé de l'abondance des délices ineffables que Dieu a cachées à ceux qui ne sont qu'effrayés de la rigueur de ses châtiments, mais qu'il fait goûter pleinement à ceux qui espèrent en
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lui ; à ne considérer, dis-je, que cette peine qui n'est susceptible d'aucune interruption, elle est si grande, qu'il n'y a aucun des tourments que nous connaissons qui puisse lui être comparé, dès-là qu'elle est éternelle et que ces tourments, quelque longue qu'en soit la durée, n'ont qu'un temps. "
22. Ibidem, c. 113 (al. XXXI, 29) : " Il est certain que la mort éternelle des damnés, qui consiste à être privé de la vie de Dieu, n'aura jamais de fin, et que cette peine sera commune à tous les damnés ; de même que la vie éternelle des saints, qui consiste à vivre de la vie de Dieu, n'aura jamais de fin, et sera commune à tous les saints, quelque différence qu'il y ait dans les degrés d'honneur dont ils jouiront avec une paix et une concorde parfaites (Voyez aussi sur ce sujet les passages de plusieurs homélies de saint Jean Chrysostôme rapportés ailleurs dans cet ouvrage, tome III, pages 378 et suiv.). "
23. Le même, Serm. CLXXXI de tempore (Ce sermon ne parait pas être de saint Augustin, puisqu'il est composé en partie d'extraits de saint Grégoire-le-Grand) : " Pensez à ces choses, et aux ardeurs de la passion qui vous agitent peut-être en ce moment, opposez le feu de l'enfer. Le feu qui sert nos usages journaliers consume tout ce à quoi on l'applique ; le feu de l'enfer, au contraire, ne fait que tourmenter ceux qui éprouvent ses atteintes, et les conserve avec toutes leurs forces pour qu'ils continuent de supporter leur supplice. C'est pour cela que nous disons que ce feu est inextinguible, puisque non seulement il ne s'éteint jamais, mais qu'il n’éteint pas non plus l'existence de ses victimes. L'Ecriture dit en effet que les pécheurs (comme les justes) seront revêtus d'incorruptibilité (1 Cor., XV, 53), non toutefois pour en recevoir quelque degré de gloire, mais pour éterniser leur supplice. Aucun langage ne peut rendre la rigueur de ce tourment ou la vertu de ce feu. Car aucun des objets corruptibles ne peut donner l'idée des choses incorruptibles, soit en bien, soit en mal. Que ferons-nous? que répondrons-nous alors ? Ce ne seront plus que grincements de dents, que gémissements, que hurlements ; on voudra se repentir, mais il sera trop tard ; plus de ressources, plus de consolations ; plus rien autre chose que des maux. Il ne s'offrira à nos regards que des bourreaux, que des ministres de supplices. Mais nous pouvons encore, à l'heure qu'il est, non-seulement échapper à ces peines et à ces tourments, mais de plus obtenir un éternel bonheur : nous n'a-
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vons pour cela besoin que de faire pénitence du mal que nous pouvons avoir commis. "
24. S. AUGUSTIN, Lib. de triplici habitaculo, c. 2 : " On peut distinguer dans l'enfer deux principales espèces de tourments : un froid insupportable, et un feu qui ne s'éteindra jamais ; c'est pour cela que nous lisons dans l’Evangile : Là il y aura des pleurs et des grincements de dents (MATTH., VIII, 12 ; XIII, 42, 50 ; XXII, 13 ; XXIV, 51 ; XXV, 30 ; Luc, XXIII, 28). Car les pleurs, qui sont une liquéfaction des yeux, sont l'effet de la chaleur ; et les grincements de dents sont causés au contraire par le froid. De là aussi ces paroles de Job : Ils passeront tout d'un coup des eaux froides de la neige à une chaleur excessive (JOB, XXIV, 19). De ces deux principaux supplices en naissent d'autres sans nombre, tels qu'une soif intolérable, le tourment de la faim, une puanteur infecte, l'horreur, la crainte, la détresse, les ténèbres, la rage des bourreaux, la présence des démons, la férocité des monstres infernaux, la cruauté des ministres des supplices, l'action corrosive des vers, le ver de la conscience, les larmes de sang, les soupirs, les chagrins, des douleurs sans remède, des chaînes sans moyens de s'en délivrer, la mort éternelle, une peine sans fin, la privation du bonheur de voir Jésus-Christ : cette dernière sorte de peines est la plus grande de toutes et la plus insupportable aussi. Malheur donc pour jamais à ceux qui méritent d'endurer tous ces maux sans fin, en savourant le plaisir fugitif d'un rêve d'un moment ; car voilà ce qu'est dans la réalité toute la gloire de ce monde, en comparaison de celle de l'éternité. Il eût mieux valu pour eux, comme il a été dit du traître Judas, n'être jamais nés que de mériter ainsi les tourments de l'enfer. "
28. S. CYPRIEN, Lib. ad Demetrianum : " Une flamme toujours active, toujours dévorante les consumera sans pitié à ces épouvantables tourments, point de fin ni de relâche. Ces corps et ces âmes seront immortels pour la douleur (Cf. Les Pères de l’Eglise, trad. de Genoude, t. V). "
26. Le même (Ce sermon ne parait pas être de l’illustre évêque de Carthage.), Serm. de Ascensione Domini : " Les pleurs que verseront les damnés seront continuels, mais inutiles ; les grincements de leurs dents se feront toujours entendre au milieu des flammes. Ces misérables ne seront immortels que pour brûler éternellement ; éternellement les flammes sillonneront leurs corps exposés à nus à leurs atteintes. Ainsi brûlera ce riche autrefois
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vêtu de pourpre, sans qu'il y ait personne pour mettre une goutte d'eau sur sa langue desséchée. Les voluptés qu'il aura goûtées sur la terre seront la graisse qui nourrira la flamme ; des chaudières bouillantes seront le bain qu'il prendra, et, plus affreux encore que tous les tourments, le désespoir sera tout son soutien dans son supplice. Dieu sera sans pitié pour ses maux, sans oreilles pour ses cris ou pour sa confession trop tardive. La vierge folle, condamnée elle aussi pour n'avoir plus d'huile dans sa lampe, criera en vain ; la porte de l'époux lui sera fermée à jamais. Là plus de rafraîchissement, plus de remède : Jésus-Christ est descendu aux enfers une fois ; il n'a plus à y redescendre. Confinés dans d'affreuses ténèbres, ces malheureux n'auront plus aucun espoir de voir Dieu : leur sentence sera irrévocable, le jugement porté contre eux immuable, et l'arrêt qu'ils subissent n'aura plus qu'à être éternellement exécuté. "
27. S. BERNARD, Epist. CCLIII ad Garinum abbatem : " Dieu punit éternellement le crime d'un esprit inflexible, quoique ce crime n'ait été commis que pendant un temps, parce que ce qui a été court par la durée de l'action, n'en paraîtra pas moins long si l'on considère l'inflexibilité d'un cœur opiniâtre ; que si l'on ne mourait pas, on ne cesserait jamais de vouloir pécher et que même on voudrait toujours vivre, pour pouvoir pécher toujours (Cf. Lettres de saint Bernard, traduction de Villefore, tome II, page 223-224). "
28. Le même, Lib. Meditationum, c. 3, ou bien HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib., I de animâ, c. 3 : " Bannis à jamais de la céleste patrie, ils souffriront éternellement dans l'enfer, où jamais ils ne verront la lumière, jamais ils n'obtiendront de rafraîchissement ; mais ils seront continuellement tourmentés pendant des millions de millions d'années sans pouvoir jamais obtenir leur délivrance. La, ni le bourreau ne se lasse jamais, ni la victime ne peut jamais mourir. Car le feu y est de telle nature, qu'il conserve les forces entières de sa victime, tout en la faisant souffrir ; les tourments y sont tellement ménagés qu'ils se renouvellent sans cesse. Cependant, chacun y sera puni à proportion des fautes dont il se trouvera coupable ; et ceux qui seront égaux dans le crime, le seront aussi dans le châtiment. On n'entendra dans ces lieux que pleurs, que sanglots, que gémissements, que cris lamentables, que désespoir et que grincements de dents ;
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on n'y verra rien que des vers, que formes effrayantes de bourreaux, que monstres, que démons effroyables.
Vernes crudeles mordebuntintima cordis ;
Hinc dolor, inde pavor, gemitus, stupor et timor horrens.
(Des vers cruels rongeront le cœur dans ses parties les plus délicates ; la douleur, l’épouvante, les gémissements, le morne silence, la crainte s’y succèderont avec une effrayante rapidité.)
" Ils brûleront dans le feu éternel, éternellement et sans fin, Leurs corps seront tourmentés par le feu, et leurs âmes par le ver de la conscience. Ils éprouveront des douleurs in tolérables, des transes horribles, une infection désolante, la mort de l'âme, celle du corps, sans espoir de pardon ou de miséricorde. Ils mourront toujours, en continuant toujours de vivre ; ils vivront toujours, en continuant toujours de mourir. Ainsi l'âme du pécheur doit être ou tourmentée en enfer pour l'expiation de ses péchés ou admise un jour dans le paradis pour y recevoir la récompense de ses mérites. Optons donc maintenant pour l'un des deux, ou de souffrir éternellement avec les impies, ou de nous réjouir éternellement avec les saints. Car le bien et le mal, la vie et la mort, sont présentement devant nous (Ecclé., XV, 18), et nous n'avons qu'à étendre la main pour choisir telle chose des deux que nous voudrons. Si la perspective des tourments ne suffit pas pour nous détourner du mal, qu'au moins celle des récompenses nous invite à la pratique du bien. "
29. S. BERNARD, Serm. VIII in Psalmum Qui habitat in adjutorio Altissimi : " Il est certain que, comme les pécheurs, voyant que Dieu appellera ses élus à la participation de sa gloire, en sècheront d'ennui et en frémiront de dépit et de rage ; ainsi les justes, voyant les maux dont ils sont garantis, en seront comblés de joie. Car Dieu appellera les élus dans son royaume avant de jeter les réprouvés dans les flammes éternelles afin que ces malheureux sentent une plus vive douleur en regardant ce qu'ils auront perdu. Et dans cette terrible séparation qui se fera des boucs et des agneaux, comme la différence que Dieu mettra entre les uns et les autres sera pour les réprouvés l'occasion d'une violente jalousie, la considération de l'éclat déplorable des réprouvés sera au contraire pour les élus un sujet infini de louanges et d'actions de grâces. Car, où les justes pourraient-ils puiser une plus ample matière de rendre grâces Dieu, que
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dans le spectacle qui leur est donné de la punition des méchants en même temps qu'ils se voient assurée à eux-mêmes la jouissance d'une incompréhensible félicité et qu'ils se représentent avec une fidèle et vive reconnaissance, que ce n'a été que par la miséricorde du Rédempteur qu'ils ont été distingués et séparés de ces malheureux? Et d'où les méchants pourraient-ils mieux prendre sujet de s'abandonner à la fureur et au désespoir, que d'en voir d'autres de même nature qu'eux élevés en gloire, en leur présence, dans le royaume de l'éternelle félicité, pendant qu'ils seront réduits, par une inévitable condamnation, à gémir éternellement dans les épouvantables horreurs de l'enfer, dans les tourments d'un feu éternel, dans les misères d'une mort éternelle ? Il n'y aura dans ce lieu de supplices, comme l'a dit Notre-Seigneur, que des pleurs et des grincements de dents. Le feu qui ne s'éteindra jamais fera toujours couler leurs pleurs ; et les remords de leur conscience, qui ne pourront jamais finir, et qui les rongeront comme des vers sans les consumer, les pousseront toujours à cet horrible grincement de dents. Car il est certain que les douleurs font répandre des larmes, et que la fureur dont on est agité fait grincer les dents. Il faudra donc que les tourments extrêmes que souffriront les damnés les fassent pleurer sans cesse, et que leur basse jalousie, jointe à leur malice obstinée et incorrigible, les tenant toujours dans la rage, leur cause sans discontinuer cet horrible pincement de dents que leur a prédit le Fils de Dieu. Vous serez donc spectateur de cette punition des méchants afin que, connaissant par eux de quels périls et de quels maux vous avez été délivré, vous ne puissiez jamais devenir ingrat envers votre souverain libérateur. "
" Et ce ne sera pas seulement pour celle raison que Dieu voudra que ses élus contemplent de leurs propres yeux le châtiment de ses ennemis ; mais ce sera encore afin de les tenir dans une parfaite assurance et dans un plein repos. Car ils verront par-là, et seront entièrement assurés qu'ils n'auront plus à craindre la malice des hommes ni des démons. . . . . "
" Ne pensez donc pas que ce soit une chose dure et rigoureuse, que cette promesse que Dieu vous fait de vous faire contempler de vos yeux les supplices des méchants puisque vous en aurez même de la joie, et que vous rirez de leur perte. Ce ne sera pas que vous soyez capable alors de vous complaire dans cette vengeance et dans cette punition des réprouvés par un sentiment toujours blâmable d'inhumanité et de cruauté ; mais
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ce sera parce que l'ordre établi en toutes choses par la divine Providence étant parfait au-delà de tout ce qu'on peut imaginer, il est impossible qu'il ne donne pas un extrême plaisir à tous les hommes qui auront du zèle pour la justice, et qui aimeront l'équité. Quand vous connaîtrez pleinement et parfaitement, par la lumière de la vérité dont vous serez investi, que toutes choses seront on ne peut pas mieux ordonnées, et que chacune sera établie dans le rang qu'elle doit avoir, comment ne vous plairiez-vous pas à les considérer toutes dans cette disposition et ces places différentes qui leur appartiennent, et à donner de hautes louanges au souverain dispensateur de toutes ces choses ? . . . "
" Il sera donc convenable que vous contempliez de vos propres yeux, et que vous ayez en spectacle la punition des méchants premièrement parce que vous verrez plus clairement par-là quelle est la damnation dont vous aurez été délivré ; deuxièmement, parce que vous reconnaîtrez mieux combien sera complète la sûreté où vous serez établi ; troisièmement, afin qu'en comparant l'état glorieux où vous serez élevé avec la misère épouvantable des méchants, vous connaissiez mieux l'excellence et le prix de la gloire dont vous jouirez ; quatrièmement enfin, afin que vous ressentiez mieux le plaisir et la joie que doit vous donner le zèle parfait de la justice divine, en voyant de vos propres yeux avec quelle équité et quelle perfection elle sera exercée. Car alors ce ne sera plus le temps de la miséricorde, mais celui de la justice. Et nous ne devons pas nous imaginer que, dans un temps où il n'y aura plus aucun espoir d'amendement à l'égard des réprouvés il reste encore pour eux aucun sentiment de compassion (Cf. Les sermons de saint Bernard sur le psaume Qui habitat, etc., p.139-147). "
30. HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib. IV de animâ, c. 13 : " L'enfer est si large, qu'il ne connaît pas de limites ; si profond, qu'on ne saurait en trouver le fond ; si brûlant que l'ardeur d'aucun feu ne saurait lui être comparée, si infect, qu'on ne saurait en supporter l'odeur ; si douloureux, qu'on ne saurait en compter les maux. Là, il n'y a que misères, que ténèbres, que confusion, qu'horreur, que désespoir, que calamités. Ceux qui s'y trouvent condamnés n'ont plus qu'un sentiment qui les anime : la haine qu'ils se portent à eux-mêmes, la haine qu'ils portent aux autres. Là sont réunit toute espèce de tourments, et
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le moindre de ces tourments est plus grand encore que tous ceux qui peuvent être infligés dans ce monde. Là il n'y a que des pleurs et des grincements de dents ; là le passage continuel de l'excès du froid à l'excès du chaud, d'une froidure intolérable à une chaleur qui l'est également. Là ne se trouvent que des victimes livrées aux flammes, et rongées par les vers, sans jamais en être consumées. Le ver qui les ronge ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point. Là ne se fait entendre aucun autre cri que celui-ci : Malheur ! Les bourreaux occupés à y tourmenter les victimes y sont tourmentés eux-mêmes et les maux des uns comme des autres n'auront ni fin ni remède. Tel est l'enfer ; encore l'idée qu'on en donne ici est-elle bien au-dessous de la réalité. "
31. INNOCENT III, Lib. III de contemptu mundi, sive de miseriâ humanæ conditionis, c. 2 : " Le ver rongeur et le supplice du feu (Ecclé., VII, 19), voilà la double peine des damnés. Encore chacune de ces peines se divise-t-elle en deux, puisque chacune d'elles est intérieure et extérieure à la fois. En tant qu'intérieure, elle ronge ou brûle le cœur ; en tant qu'extérieure, elle ronge ou brûle le corps. Le ver qui les ronge, dit l'Ecriture, ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point (ISAIE, LXVI, 24). Dieu répandra dans leur chair le feu et les vers, afin qu'ils brûlent et qu'ils se sentent déchirés éternellement (JUDITH, XVI, 21). Le ver de la conscience déchirera les damnés de trois manière : par le souvenir des péchés dont elle leur fera le reproche, par le repentir qu'elle leur en fera naître mais trop tard, et par le désespoir qui en sera la suite. Car ils seront pleins d'effroi au soutenir de leurs offenses, et leurs iniquités se soulèveront contre eux pour les accuser (Sag., IV, 20). Ils diront : De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu'avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses ? Toutes ces choses sont passées comme l'ombre. . . , ou comme un vaisseau qui fend les flots agiles, et dont on ne trouve point de trace après qu'il est passé. . . . . Ainsi nous ne sommes pas plus tôt nés, que nous avons cessé d'être : nous n'avons pu montrer en nous aucune trace de vertu, et nous avons été consumés par notre malice (Sag., V, 8, 9, 13). Ils se rappelleront, pleins de trouble, les plaisirs déréglés qu'ils ont goûtés et le sujet de leurs désordres deviendra le sujet de leurs remords. "
32 Ibidem, c. 3 : Ils diront en eux-mêmes, touchés de regret et jetant des soupirs dans le serrement de leurs cœurs. . . : Nous nous sommes donc égarés hors de la voie de la vérité et la lumière de la
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justice n'a point lui pour nous (Sag., V, 3, 6). Alors ils diront aux montagnes : Tombez sur nous ; et aux collines : Couvrez-nous (LUC, XXIII, 30). Leur repentir aggravera leur châtiment, sans leur ménager de pardon. Car il est bien juste que ceux qui n'ont pas voulu bien faire tandis qu'ils le pouvaient, ne le puissent plus alors même qu'ils le voudraient tardivement. "
33. Ibidem, c. 4 : " Les peines de l'enfer sont différentes selon la différence des péchés. La première de ces peines est celle du feu ; la seconde, celle du froid. C'est de ces peines qu'a voulu parler Notre-Seigneur, lorsqu'il a dit : Là il y aura des pleurs et des grincements de dents : les pleurs, en effet, seront causés par la fumée du feu, et le grincement de dents le sera par le froid (Il serait plus moral, ce nous semble et tout à fois plus conforme au véritable sens de l’Evangile, de rapporter ces pleurs et ces grincements de dents à la douleur qu’éprouve les damnés de se voir jeter hors de la salle du festin et dans les ténèbres extérieures. Au reste, cette autre explication se concilie fort bien avec celle que donne ici Innocent III). La troisième de leurs peines sera la puanteur. C'est de ces trois peines qu'il est écrit dans les Psaumes : Le feu, le soufre et la tempête seront leur partage (Ps. X, 7). La quatrième sera le ver qui ne mourra point, comme l'a dit Isaïe : Le ver qui les ronge ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point (ISAÏE, LXVI, 24). La cinquième, ce seront les coups de marteaux, comme l'a dit Salomon : La sentence de condamnation est préparée pour les blasphémateurs, et les coups de marteaux pour les corps des insensés (Prov., XIX, 29). La sixième, ce seront des ténèbres palpables, tant intérieures qu'extérieures et dont Job a parlé quand il a dit : Terre de misère et de ténèbres, où habite l'ombre de la mort (JOB, X, 22) ; avant que j'aille en cette terre ténébreuse et couverte de l'obscurité de la mort (ibid., 21). C'est aussi à quoi a fait allusion le Psalmiste, quand il a dit : Ils ne verront jamais la lumière (Ps. XLVIII, 11). Comme il est dit encore ailleurs : Les impies, plongés dans les ténèbres seront réduits au silence (1 Rois., II, 9). La septième sera la confusion que leur causeront leurs péchés. Alors, dit Daniel, les livrets seront ouverts, c'est-à-dire que les secrets de la conscience des pécheurs seront dévoilés à tout le monde. La huitième sera l'horrible aspect des démons, qui leur apparaîtront dans les jets des étincelles que le feu dardera autour d'eux. La neuvième, ce seront des chaînes de feu, dont les impies auront tous leurs
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membres éteints. De ces neuf peines, la première sera spécialement celle dont seront punis les mauvais désirs, la deuxième sera le châtiment infligé à la malignité ; la troisième sera infligée aux voluptueux ; la quatrième aux envieux et à ceux qui nourrissent de la haine dans leur cœur ; la cinquième, à ceux qui n'auront pas mis à profit les afflictions de ce monde pour se corriger de leurs fautes, et qui auront tenté et irrité Dieu par leurs iniquités ans nombre. De là vient qu'il est écrit dans un psaume : Le pécheur a irrité le Seigneur, et, à cause de la grandeur de sa colère, il ne se mettra plus en peine de le chercher (Ps. IX, 4). La sixième sera celle de ceux qui, marchant dans les ténèbres auront dédaigné de se tourner vers la lumière véritable, qui est Jésus-Christ. La septième, celle de ceux qui confessent leurs péchés mais sans en faire pénitence. La huitième, celle de ceux qui, tant qu'ils sont dans ce monde, voient d'un œil serein le mal se commettre, et le commettent eux-mêmes volontiers. La neuvième enfin sera destinée à ceux qui s'abandonnent à tous les vices, qui suivent la pente de tous leurs désirs sans jamais résister à leurs convoitises. "
34. Ibidem, c. 6 : " Le feu de l'enfer ne s'entretient point avec du bois et ne s'allume point avec le vent ; mais Dieu l'a fait inextinguible (EZECH., XX, 47) des l'origine du monde. Car il est écrit : Il sera dévoré par un feu qui ne s’allume point (JOB, XX, 27). Or, on croit que ce feu est sous terre, conformément à ce que dit Isaïe : L'enfer s'est levé tout en trouble sous tes pas à ton arrivée (ISAÏE, XIV, 9). Au reste, toute espèce de lieu peut être apte au supplice des damnés, puisque toujours ils portent avec eux-mêmes ce qui fait leur tourment, et que partout ils sont à eux-mêmes leurs propres bourreaux. Je ferai sortir du milieu de vous, leur dit Dieu par son prophète, un feu qui vous dévorera (EZECH., XXVIII, 18). Le feu de l'enfer brûlera toujours, sans jamais donner de lumière il fera toujours sentir ses horribles atteintes, sans jamais consumer ses victimes ; toujours il agira, jamais il ne se trouvera épuisé. Rien n'égale l’épaisseur des ténèbres de l'enfer, la rigueur des peines qu'on y endure, et leur durée sera mesurée à l'éternité de Dieu même. Liez-lui les mains et les pieds, est-il dit dans 1'Evangile, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; et là il y aura des pleurs et des grincements de dents (MATTH., XXII, 13). Chaque membre aura ses tourments particuliers et analogues aux péchés dont il aura été l'instrument, afin que tous soient punis par où ils auront péché. Car il est
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écrit : L'homme est puni par où il a péché (Sag., XI, 17). Par conséquent, ceux qui auront péché par leur langue, seront punis dans leur langue. Et c'est ainsi que le mauvais riche s'écriait : Père Abraham, ayez compassion de moi, et envoyez-moi Lazare, pour qu'il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et en rafraichisse ma langue, parce que je suis tourmenté dans ces flammes (LUC, XVI, 24). Par les doigts, il faut entendre l'action, puisque c'est par ses doigts qu'on agit. C'est comme si le mauvais riche eût dit : Si j'eusse fait une des moindres actions de Lazare, je souffrirais moins que je ne souffre. "
35. Ibidem, c. 7 : " Les réprouvés seront enveloppé non seulement de ténèbres extérieures, mais aussi de ténèbres intérieures ; car ils seront privés à la fois de toute lumière matérielle et de toutes lumières spirituelles, puisqu'il est écrit : Que l'impie disparaisse, afin qu'il ne voie pas la gloire de Dieu ; et : Dieu sera alors l'unique lumière qui luira pendant toute l’éternité (ISAIE, XVI, 19 ; LX, 19). Les réprouvés seront réduits à une telle détresse, qu'ils ne pourront guère avoir d'autre pensée que celle des peines qu'ils endureront ; mais leur attention se portera particulièrement là où la douleur Se fera sentir davantage. On rapporte qu'un certain étudiant, étant mort, apparut dans une vision au maître qui l'avait instruit. Celui-ci, apprenant de lui qu'il était damné, lui demanda si l'on agitait des questions de doctrine dans l'enfer, et il obtint de lui cette réponse : En enfer, on agite seulement cette question : Y a-t-il quelque chose qui ne soit pas une peine ? Salomon a dit de son côté : Il n'y aura plus ni œuvre, ni raison, ni science, ni sagesse dans l'enfer où vous courez (Eccles., IX, 10). Car les impies y seront tellement oublieux, tellement aveuglés, leur raison y sera tellement troublée, qu'ils ne pourront jamais ou presque jamais s'élever jusqu'à la pensée de Dieu ; à plus forte raison ne pourront-ils pas aspirer à dire ses louanges. Car la louange n'est plus pour les morts, parce qu'ils sont comme s'ils n'étaient plus (Ecclé., XVII, 26). Et il est écrit : Ce ne sont pas les morts qui vous loueront. Seigneur, ni aucun de ceux qui descendent en enfer (Ps. CXIII, 17). Ceux qui sont dans l'enfer ne vous béniront point ; les morts ne vous loueront point (ISAIE, XXXVIII, 18). "
36. Ibidem, c. 8 : " Donnez-moi un peu de relâche, dit Job au Seigneur, afin que je puisse respirer dans ma douleur, avant que j’aille en cette terre ténébreuse et couverte de l'obscurité de la mort, cette terre de misère et de ténèbres où habite l'ombre de la mort,
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où tout est sans ordre et dans une éternelle horreur (JOB, X, 20-22). Il y aura de l'ordre, à la vérité, dans la quantité des peines, chacun devant être mesuré à la mesure à laquelle il aura mesuré les autres (LUC, VI, 38), et être puni d'autant plus grièvement qu'il aura plus grièvement péché ; les puissants seront puissamment tourmentés (Sag., VI, 7). Mais il n'y aura pas d'ordre dans la qualité des choses, puisqu'ils passeront tout-à-coup de l'excès du froid à l'excès du chaud, ce passage subit d'une extrémité à une autre devant encore aggraver leurs tourments. Je sais par expérience que si l'on applique sur une brûlure récente quelque chose de froid, la brûlure n'en devient que plus cuisante. "
37. Ibidem, c. 9 : Ils ont été placés dans l'enfer comme des brebis ; ils deviendront la pâture de la mort (Ps. XLVIII, 15). Ceci est dit par similitude, relativement aux animaux qui ne broutent que la pointe des herbages qui font leur pâture, de sorte que l'herbe venant bientôt à repousser leur fournit une pâture nouvelle. C'est ainsi que les impies, devenus la pâture de la mort, renaissent pour lui servir encore de pâture, et leur mort éternellement réitérée donne lieu à une continuelle résurrection. C’est ainsi qu'Ovide a dépeint le foie de Tityus sans cesse dévoré par le vautour, et sans cesse renaissant et renaissant encore, pour pouvoir être encore dévoré :
Sic incompositum Tityi semperque renascens,
Sic perit, ut possit sæpe perire, jecur.
" Alors ce sera une mort qui ne mourra jamais ; ce seront des vivants morts à la vie, et qui ne vivront que pour la mort. Ils chercheront la mort et ne la trouveront point, parce qu'ayant eu la vie ils l'ont perdue par leur faute. Ecoutez saint Jean, disant dans l'Apocalypse : En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ne la trouveront point ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d'eux (Apoc., IX, 6). O mort, que tu serais douce à ceux à qui tu as été si amère. Tu seras uniquement désirée de ceux qui l'avaient uniquement en horreur. "
38. Ibidem, c. 10 : " Que personne donc ne se flatte soi-même, en disant que Dieu ne sera pas toujours en colère et ne gardera pas son indignation pendant toute l'éternité (Ps. CII, 9), mais que sa miséricorde est au-dessus de tous ses ouvrages (Ps. CXLIV, 9). Car, ajoute-t-on, après qu'il s'est mis en colère, il n'oublie pas de faire miséricorde et il ne hait rien de ce qu'il a fait (Sag., XI, 24). Et on abuse, pour s'autoriser dans son erreur, de ces paroles que
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Dieu a dites par la bouche du prophète Isaïe : Et les ayant ramassés et liés ensemble comme un faisceau de bois, il les jettera dans le lac, où il les tiendra en prison, et il les visitera longtemps après (ISAIE, XXIV, 22). Et puis, ajoute-t-on, le péché de l'homme n'ayant duré que quelque temps, Dieu ne peut pas le punir d'une peine éternelle. O vaine espérance ! ô présomption téméraire. Que l'homme ne se berce point de cette fausse opinion, qu'il puisse se racheter pour un prix quel qu'il soit ; car dans l'enfer la rédemption n’est plus possible. Les pécheurs seront jetés dans le lac et y seront tenus en prison ; c'est-à-dire qu'ils seront jetés en enfer, mais en âme seulement, jusqu'au jour de la résurrection et longtemps après c'est-à-dire au dernier jour, qui sera celui de la résurrection, Dieu les visitera, non pour les sauver, mais pour leur faire sentir tout le poids de sa vengeance, puisque leurs peines ne feront que s'aggraver à la suite du dernier jugement. C'est ainsi qu'il est dit ailleurs : Je visiterai avec la verge leurs iniquités et je punirai leurs péchés par des plaies différentes (Ps. LXXXVIII, 33). Pour ce qui est des prédestinés, Dieu ne se met en colère que pour un temps : car Dieu frappe de verges tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants (Hébr., XII, 6). C'est de ceux-ci qu'il faut entendre ces paroles du psaume (CII, 9) : Dieu ne se mettra pas toujours en colère etc. Mais quant aux réprouvés, Dieu garde éternellement sa colère contre eux, parce qu'il est juste que Dieu se venge dans son éternité des prévarications commises par l'impie dans son éternité. Car, encore bien que l'impie n'ait plus la faculté de pécher, il lui en reste toujours la volonté. Voici en effet ce qui est écrit : L'orgueil de ceux qui vous haïssent monte toujours (Ps. LXXIII, 23). Au lieu de s'humilier, en effet, les réprouvés désespèrent désormais d'obtenir leur pardon, s'exaspèrent contre Dieu de plus en plus, tellement qu'ils voudraient l'anéantissement de celui qu'ils savent avoir prononcé leur malheur. Ils maudissent et blasphèment le Très-Haut, l'accusant de méchanceté, comme s'il les avait créés exprès pour les faire souffrir, et parce qu'il refusera toujours de leur pardonner. Ecoutez saint Jean, disant dans l'Apocalypse : Une grande grêle tomba du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu à cause de la plaie de la grêle, parce que cette plaie était fort grande (Apoc., XVI, 21). La volonté du damné, quoique réduite à l'impuissance, sera donc toujours disposée pour le mal, et après avoir fait son péché dans ce monde, elle fera son supplice dans l'enfer ; encore peut-on dire qu'elle fera son péché dans l'enfer même,
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mais non pas cependant de manière à lui mériter de nouvelles peines. Donc, puisque l'impie restera toujours coupable des fautes qu'il a commises, il continuera d'en subir toujours le châtiment, et Dieu ne lui remettra point par indulgence ce qu'il n'aura point effacé lui-même par sa pénitence. Il est donc de toute justice que le juge souverain condamne à d'éternels supplices des hommes qui, tant qu'ils ont vécu, ont voulu vivre dans le péché. Car ils font bien voir qu'ils voudraient toujours vivre dans le péché puisqu'ils ont péché tout le temps de leur vie (Ces deux dernières phrases sont copiées de saint Grégoire. V. plus haut, témoignage 8, p109). "
39. Le concile de FLORENCE, dans sa Lettre d'union : " Nous définissons que les âmes de ceux qui meurent avant d'avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence, quoiqu'en état de grâce, sont soumises aux peines du purgatoire, et peuvent être soulagées par le saint sacrifice, par les prières et les autres bonnes œuvres des vivants ; que celles qui n'ont rien à expier sont aussitôt admises dans le ciel au bonheur de voir Dieu, et que celles qui sortent de ce monde avec un péché mortel, ou même avec le seul péché originel, descendent en enfer pour y souffrir des peines diverses (V. Dictionnaire universel des conciles, t. I, col. 919, art. FLORENCE, l'an 1439). "
40. S. CHRYSOSTOME, Lib., 1 de Providentiâ Dei : " J'ajoute que les menaces des châtiments éternels nous sont aussi nécessaires que les promesses de la gloire céleste et que les unes comme les autres doivent être pour nous des preuves de la bonté divine. Car on se mettrait moins en peine de mériter le ciel, si l'on n'avait pas l'enfer à craindre : la crainte n'est pas moins efficace que l'espérance pour nous porter à la vertu (Cf. Opuscules de saint Jean Chrysostôme). "
41. Le même, Hom. V ad populum Antiochenum : " Si la terreur de l'enfer était profondément grave dans vos cœurs, la crainte de la mort n'y ferait pas une si forte impression, et par ce moyen, en même temps que vous vous délivreriez de son appréhension, vous pourriez échapper aux flammes éternelles : car il est bien difficile que celui qui a sans cesse devant les yeux la terrible image de ces brasiers dévorants en éprouve jamais les rigueurs (Cf. Homélies ou Sermons de saint Jean Chrysostôme au peuple d’Antioche, trad. de Maucroix, chanoine de l’Eglise de Reims, p. 93-94). "
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42. Le même, Hom. LV ad populum Antiochenum : " Ne refusons pas d'entendre vous parler sans cesse de l'enfer, pour que la crainte que cette pensée nous inspirera puisse produire en nous des effets salutaires. Car si Dieu, avant de se déterminer à condamner les pécheurs, n'avait commencé par les en menacer, il y en aurait beaucoup plus encore qui y seraient condamnés effectivement. En effet, si malgré la crainte qui nous en est imprimée, il s'en trouve toujours qui se laissent aller aussi facilement au vice que s'il n'y avait pas d'enfer, que de mal ne se commettrait-il pas dans le monde, si personne n'était retenu par ce motif ? Je ne me lasserai donc pas de répéter que l'enfer ne nous prouve pas moins que le ciel le soin que Dieu prend de nous. L'enfer conspire, pour ainsi dire, avec le ciel, en nous forçant par la crainte à prendre le chemin du ciel ; de sorte que, bien loin de nous faire crier à la barbarie et à la cruauté contre le maître tout-puissant qui nous en menace, il doit plutôt être pour nous un motif de plus d'admirer sa miséricorde, sa bonté infinie et le soin paternel qu'il prend de nous. S'il n'avait averti par Jonas Ninive de sa ruine, Ninive n'aurait pas été conservée. S'il n'avait pas menacé les hommes de l'enfer, tous seraient tombés dans l'enfer. Si le feu éternel ne nous avait été d'avance signifie, personne n'aurait échappé au feu éternel. Dieu annonce ainsi aux hommes le contraire de ce qu'il a dessein d'accomplir, pour plier leurs volontés à ses desseins. Il ne veut pas la mort du pécheur ; et s'il l'en menace, c'est pour la lui faire éviter. "
43. S. AUGUSTIN, in Ps. XLIX : " Quand nous pourrions empêcher que le jour du jugement n'arrivât, nous ne devrions pas pour cela vivre dans le dérèglement. Quand ce feu terrible ne marcherait point devant la face de Dieu, quand les pécheurs n'auraient à craindre que de se voir séparé de lui, dans quelque apparence de délices qu'ils fussent d'ailleurs, ne voyant point celui qui les a créés, et rejetés qu'ils seraient de la vue ravissante de son visage, ils devraient se désoler, quelque éternité et quelque impunité qu'ils pussent se promettre de leurs crimes. Mais que dirai-je ici, ou à qui le dirai-je ? Cette peine ne se comprend que de ceux qui aiment, et non pas de ceux qui n'ont que du mépris pour Dieu. Ceux-là comprennent cc que je dis, qui ont commencé tant soit peu à goûter la douceur de la sagesse et de la vérité ; ils comprennent quelle horrible peine ce serait d’être seulement séparés de la vue de Dieu. Quant à ceux qui n'ont encore aucune expérience de cette douceur, s'ils ne soupirent pas après la vue
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de Dieu, qu'ils craignent du moins le feu, et que les supplices épouvantent ceux que n'attirent pas les récompenses. Si ce que Dieu vous promet vous semble vil et méprisable, que ses menaces du moins vous fassent trembler. On vous dit que Dieu vous fera voir l'ineffable beauté de son visage, et cette proposition ne vous électrise point, ne vous remue point, vous laisse toujours apathique et indifférent ! Que dis-je ? vous vous passionnez pour le désordre ; vous vous délectez dans les plaisirs de la chair ; vous amassez la paille autour de vous : aussi bien le feu viendra. Un feu dévorant le précédera (Ps. XCVI, 5). "
" Ce feu ne sera pas semblable à celui que vous voyez ici ; et cependant si l'on voulait vous forcer à y mettre la main, vous feriez pour éviter ce mal tout ce que vous demanderait celui qui vous en ferait la menace. Quand il vous dirait : Signez la condamnation de votre père, signez la condamnation de vos enfants, ou si vous ne le faites, je m'en vais vous faire brûler la main dans ce feu ; vous consentiriez à tout, plutôt que de voir brûler votre main, plutôt que de voir brûler un de vos membres, quoique la douleur que vous en ressentiriez alors ne dût pas être éternelle. Votre ennemi donc vous menace d'un mal si léger, et pour l'éviter vous faites ce qui est mal ; Dieu vous menace d'un mal éternel, et vous refusez de faire du bien ? Pour vous porter à faire le mal, ou pour vous détourner de faire le bien, toutes les menaces du monde devraient être impuissantes. Pour vous détourner au contraire du mal et pour vous porter au bien, Dieu vous menace d'un feu éternel. D'où vient donc votre lâcheté pour fuir l'un et pour vous porter vers l'autre, sinon de votre peu de foi (Cf. Sermons de Saint Augustin sur les Psaumes, etc., t. II, p. 601-603) ? "
44. S. BERNARD, Serm. de conservsione ad clericos, c. 5 : " Le réprouvé reprendra le corps qu'il aura quitté en mourant ; mais il le reprendra pour souffrir les peines de l'enfer, et non pour faire pénitence. En cela je trouve que le péché et le corps seront d'une même condition, puisque, de même que le péché pourra être puni toujours, sans pouvoir jamais être expié, ainsi les tourments du corps ne finiront point, en même temps que le corps ne pourra jamais être consumé par les tourments. Et certes il est bien juste que la punition soit éternelle, puisque la faute sera ineffaçable et que la substance de la chair ne périsse point, pour que les peines auxquelles elle est condamnée ne
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finissent pas non plus. Mes chers frères, celui
qui craint de tels supplices a soin de les éviter ; mais celui qui
n'y pense pas y tombe infailliblement (Cf. Traduction de trois excellents
ouvrages de saint Bernard, p. 20-21). "
Question V
Que nous enseigne l’Ecriture au sujet du royaume du ciel ?
C'est un royaume que Dieu a préparé aux élus dès l'origine du monde ; royaume céleste, royaume éternel, royaume séjour de la béatitude, et dont saint Paul a dit en termes formels : Les souffrances de ce monde n'ont aucune proportion avec la gloire à venir. L'œil n'a point vu, l'oreille de l’homme n'a point entendu, et l’esprit de l'homme ne saurait concevoir les biens que Dieu a préparés à ceux qui l'aiment. O sainte cité ! O Jérusalem nouvelle, qui venant de Dieu descendez du ciel parée comme une épouse qui se pare pour son époux ! C'est au sujet de cette cité bienheureuse que saint Jean, cet apôtre si bien instruit des conseils divins, a entendu du ciel ces paroles qu'il a ensuite consignée dans son Apocalypse : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu demeurant de même au milieu d'eux sera leur Dieu ; et Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni pleurs, ni cris, ni afflictions, parce que le premier état sera passé. C'est la que se fait entendre comme le bruit d'une grande troupe, comme le bruit de grandes eaux, et comme le bruit d'un grand tonnerre qui fait retentir ces paroles : Alleluia (Louez Dieu), parce que le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant, est entré dans son règne ; réjouissons-nous, faisons éclater notre joie et rendons-lui gloire, parce que les noces de l'Agneau sont venues.
Heureux ceux qui sont appelés au souper des noces de l'Agneau. Plus heureux ceux qui, appelés à ce souper, s'y rendent malgré tous les obstacles qui pourraient les en éloigner et s'y présentent avec la robe nuptiale, pour prendre place dans le royaume de Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob. Il n'est pas besoin de demander : Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle, ou qui reposera sur votre montagne sainte ? La réponse est facile : C'est celui qui vit sans tache et qui pratique la justice. Ou, si l'on préfère recueillir ici les paroles de Jésus-Christ lui-même : Celui
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qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, c'est celui-là même qui entrera dans le royaume des cieux. C'est donc une cité sainte, et qui ne peut avoir aussi pour habitants que des saints : Rien de souillé ne peut y avoir accès.
TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
1. MATTHIEU, XXV, 34, 46 : " Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. - Et ceux-ci iront au supplice éternel et les justes à la vie éternelle. "
2. II Timothée, IV, 18 : " Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise ; il me sauvera, et me conduira dans son royaume céleste. "
3. II PIERRE, I, 11 : " Ainsi une porte spacieuse vous sera ouverte pour entrer dans le royaume éternel de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. "
4. LUC, XIV, 15 : " Un de ceux qui étaient à table avec lui, ayant entendu ces paroles, lui dit : Heureux celui qui mangera son pain dans le royaume de Dieu. "
5. Romains, VIII, 18; comme dans le corps de la réponse.
6. II Corinthiens, IV, 17-18 : " Les afflictions si courtes et si légères que nous avons à endurer dans la vie présente nous
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amassent pour l'éternité une somme immense de gloire. -Ainsi, ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles ; car les choses visibles sont passagères, au lieu que les invisibles sont éternelles. "
7. Actes, XIV, 21 : " Fortifiant le courage des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi, et leur représentant que c'est à travers beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. "
8. II Timothée, II, 2-6, 11-12 : " Et gardant ce que vous avez appris de moi devant plusieurs témoins, donnez-le en dépôt à des hommes fidèles, qui soient eux-mêmes capables d'en instruire d'autres. - Travaillez comme un bon soldat de Jésus-Christ. - Quiconque est enrôlé au service de Dieu évite l'embarras des affaires du siècle, pour ne s'occuper que de plaire à celui à qui il s'est donné - Celui qui combat dans les jeux publics n'est couronné qu'après avoir combattu selon la loi des combats. Il faut qu'un laboureur travaille, avant qu'il puisse goûter les fruits de sa récolte. - C'est une vérité très-assurée que si nous mourons avec Jésus-Christ, nous vivrons avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous règnerons aussi avec lui. "
9. Id., IV, 7-8 : " J’ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé ma foi. Il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de justice qui m'est réservée et que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce jour, et non-seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement. "
10. I Corinthiens, II, 7-10 : " Mais nous prêchons la sagesse de Dieu renfermée dans son mystère, cette sagesse cachée qu'il avait prédestinée avant tous les siècles pour notre gloire : - sagesse que nul des princes de ce monde n'a connue, puisque, s'ils l'eussent connue, ils n'eussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire ; - et de laquelle il est écrit : que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, et que le cœur de l'homme n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. - Mais pour nous, Dieu nous l'a révélé par son Esprit : car cet Esprit pénètre tout, même les secrets les plus profonds de Dieu. "
11. ISAIE, LXIV, 4 : " Depuis l'origine des siècles, les hommes n'ont point conçu, l'oreille n'a point entendu, aucun œil n'a vu, excepté vous, Seigneur, ce que vous avez préparé à ceux qui vous attendent. "
12. Apocalypse, XXI, 2, 9-12, 18-19, 21-23 : " Moi, Jean, je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem qui, venant de Dieu,
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descendait du ciel, parée comme une épouse peut l'être pour son époux. - Et il vint ensuite un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept dernières plaies : il me parla, et me dit : Venez, et je vous montrerai l'épouse qui a l'Agneau pour époux. - Et il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra Jérusalem, la sainte cité qui descendait du ciel venant de Dieu. - Elle était toute illuminée de la clarté de Dieu ; et la lumière qu'elle reflétait était semblable à une pierre précieuse, à une pierre de jaspe transparente comme du cristal. - Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes, et douze anges à ces portes, un à chacune d'elles. Et des noms étaient écrits dessus, qui étaient les noms des douze tribus des enfants d'Israël. - Cette muraille était bâtie de jaspe, et la ville était d'un or pur, semblable à du verre très-clair. - Et les fondements de la muraille de la ville étaient ornés de toutes sortes de pierres précieuses : le premier fondement était de jaspe, le second de saphir, le troisième de chalcédoine, le quatrième d'émeraude, etc. - Or, les douze portes étaient douze perles, et chaque porte était faite de l'une des douze perles : et la porte de la ville était d'un or pur, comme du verre transparent. - Je ne vis point de temples dans la ville, parce que le Seigneur Dieu tout-puissant et l'Agneau en est le temple. - Et cette ville n'a point besoin d'être éclairée par le soleil ou par la lune, parce que c'est la lumière de Dieu qui l'éclaire, et que l'Agneau en est la lampe. "
13. Ibid., XXII, 2-5 : " Au milieu de la place de la ville, des deux côtés de ce fleuve, était l'arbre de vie, qui porte douze fruits, et donne son fruit chaque mois ; et les feuilles de cet arbre servent à guérir les nations. - Il n'y aura plus là de malédiction ; mais le trône de Dieu et de l'Agneau y sera, et ses serviteurs le serviront. - Ils verront sa face, et ils porteront son nom écrit sur leurs fronts. - Il n'y aura plus de nuit, et ils n'auront point besoin de lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera ; et ils règneront dans les siècles des siècles. "
14. MATTHIEU, XIII, 43 : " Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur père. "
15. Id., XXII, 30 : " Au jour de la résurrection, les hommes n'auront plus d'épouses, ni les épouses de maris ; mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel. "
16. Sagesse, III, 1, 4, 7-8 : " Les âmes des justes sont dans
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la main de Dieu, et le supplice ne les atteint pas. - Et s'ils ont souffert des tourments devant les hommes, leur espérance est pleine d'immortalité. - Les justes brilleront ; ils étincelleront comme des feux qui courent au travers des roseaux. - Ils jugeront les nations, et ils domineront les peuples, et leur Seigneur règnera éternellement. "
17. Id., V, 16-17 : " Les justes vivront éternellement, le Seigneur leur réserve leur récompense, et le Très-Haut les a présent à sa pensée. - C'est pourquoi ils recevront de la main du Seigneur un palais de toute magnificence et un diadème de toute beauté. - Il les protègera de sa droite, et les défendra par la force de son bras saint. "
18. DANIEL, XII, 2-3 : " Et tous ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront les uns pour la vie éternelle, et les autres pour un opprobre qu'ils auront toujours devant les yeux. - Or, ceux qui auront eu l'intelligence brilleront comme les feux du firmament, et ceux qui auront enseigne à plusieurs la voie de la justice luiront comme des étoiles dans toute l'éternité. "
19. I Corinthiens, XV, 41-44, 51-55 : " Le soleil a son éclat, la lune le sien, et les étoiles le leur ; et même entre les étoiles, l'une est plus éclatante que l'autre. - Il en sera de même à la résurrection des morts. Le corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible. - Il est semé tout difforme, et il ressuscitera tout glorieux. Il est privé de mouvement, et il ressuscitera plein de vigueur. Il est mis en terre comme un corps animal, et il ressuscitera comme un corps spirituel. Comme il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. - Voici un mystère que je vais vous dire : Nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés (suivant le grec, Nous ne dormirons pas tous du sommeil de la mort, mais nous serons tous changés en un moment). - En un moment et en un clin-d'œil, au son de la dernière trompette (car la trompette sonnera), et les morts ressusciteront en un état incorruptible, et alors nous serons changés. - Car il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu de l'immortalité. - Et quand ce corps mortel aura été revêtu de l'immortalité, alors cette parole de l'Ecriture sera accomplie : La mort a été absorbée par la victoire. - O mort, ou est ta victoire ? O mort, où est ton aiguillon ? "
20. Philippiens, III, 20-21 : " Pour nous, nous vivons déjà
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dans le ciel, et c'est de là aussi que nous attendons le Sauveur, Notre-Seigneur Jésus-Christ ; - qui transformera notre corps, tout vil et abject qu'il est, afin de le rendre conforme à son corps si glorieux, en faisant agir cette puissance par laquelle il peut s'assujettir toutes choses. "
21. JEAN, XIV, 2 : " Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n'était, je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer le lieu. "
22. Apocalypse, XXI, 3 : " Et j'entendis une grande voix qui venait du trône et qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu demeurant lui-même au milieu d'eux sera leur Dieu, etc. " Comme dans le corps de la réponse.
23. Ibid., VII, 14-17 : " Ce sont ceux qui sont venus ici, après avoir passé par la grande tribulation, et qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau. - C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et ils le servent jour et nuit dans son temple ; et celui qui est assis sur le trône les couvrira comme une tente. - Ils n'auront plus ni faim ni soif, et le soleil ni aucune autre chaleur ne les incommodera plus ; - parce que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur ; il les conduira aux fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux. "
24. I Corinthiens, XIII, 12 : " Nous ne voyons maintenant que comme en un miroir et en des énigmes ; mais alors nous verrons face à face : je ne connais maintenant qu'imparfaitement ; mais alors je connaitrai comme je suis moi-même connu. "
25. JEAN, III, 2-3 : " Mes bien-aimés, nous sommes déjà enfants de Dieu ; mais ce que nous serons un jour ne paraît pas encore. Nous savons que lorsque Jésus-Christ paraîtra dans sa gloire, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. - Et quiconque a cette espérance en lui se sanctifie, comme il est saint lui-même. "
26. ISAIE, XXV, 8-9 : " Il précipitera la mort pour jamais, et le seigneur Dieu sèchera les larmes de tous les yeux, et il effacera de dessus la terre l'opprobre de son peuple, car c'est le Seigneur qui a parlé. - Alors on dira : C'est là vraiment celui qui est notre Dieu ; nous l'avons attendu, et il nous sauvera. C'est lui qui est le Seigneur ; nous l'avons attendu longtemps, et nous serons remplis d'allégresse, nous serons ravis de joie dans le salut qu'il donnera. "
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27. Id., XXXIII, 17, 20-21 : " Ses yeux (les yeux du juste) contempleront le roi dans l'éclat de sa beauté, et verront la terre de loin. - Considérez Sion, cette ville consacrée à nos fêtes solennelles ; vos yeux verront Jérusalem comme une demeure pleine de richesses ; comme une tente qui ne sera point transportée d'un lien à un autre ; les pieux qui l'affermissent en terre ne seront jamais arrachés, et tous les cordages qui la tiennent ne seront jamais rompus. - Le Seigneur ne fera voir sa magnificence nulle part ailleurs comme en ce lieu-là. Les eaux y couleront dans un canal très-large et très-spacieux. Les vaisseaux à rames ne prendront point leur route par là, et la grande galère n'y passera point. "
28. Id., XLIX, 10 : " Ils n'auront plus ni fin ni soif ; la chaleur et le soleil ne les brûleront, point, parce que celui qui est plein de miséricorde pour eux les conduira et les mènera boire aux sources des eaux. "
29. Id., LI, 3, 11 : " C'est ainsi que le Seigneur consolera Sion ; il réparera toutes ses ruines ; il changera ses déserts en un lieu de délices, et sa solitude en un jardin du Seigneur. Tout y respirera la joie et l’allégresse ; tout y retentira d'actions de grâces et de cantiques de louanges. - C'est ainsi que ceux qui auront été rachetés par le Seigneur retourneront à lui ; ils viendront à Sion en chantant ses louanges ; ils seront comblés et couronnés d'une éternelle allégresse ; ils seront dans la joie et le ravissement ; la douleur et les gémissements fuiront. "
30. Id., LX, 18-22 : " On n'entendra plus parler de violence sur votre territoire, ni de destruction et d'oppression dans toutes vos terres. Le salut environnera vos murailles, et les louanges retentiront à vos portes. - Vous n'aurez plus le soleil pour vous éclairer pendant le jour, et la clarté de la lune ne luira plus ; mais le Seigneur deviendra lui-même votre lumière éternelle, ct votre dieu sera votre gloire. - Votre soleil ne se couchera plus, et votre lune ne souffrira plus de diminution ; car le Seigneur sera votre flambeau éternel, et les jours de vos larmes seront finis. - Tout votre peuple sera un peuple de justes ; ils possèderont la terre pour toujours ; ils seront les rejetons que j'ai plantés, les ouvrages que ma main a faits pour qu'ils me rendent gloire. - Mille sortiront du moindre d'entre eux, et le plus petit donnera naissance à un grand peuple. C'est moi qui suis le Seigneur, et, quand le temps sera venu, je ferai tout d'un coup ces merveilles. "
31. Id., LXV, 17-19 : " Car je m'en vais créer de nouveaux
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cieux et une terre nouvelle, et le passé ne sera plus dans votre mémoire, et ne vous reviendra plus au cœur. Mais vous vous réjouirez, et vous serez dans une perpétuelle allégresse, parce que je m'en vais créer une Jérusalem toute de délices, et faire de son peuple un peuple de joie. - Je mettrai mes délices dans Jérusalem ; je trouverai ma joie dans mon peuple, et on n'y entendra plus ni plaintes ni clameurs. "
32. Id., LXVI, 13-14 : " Comme une mère console son petit enfant, ainsi je vous consolerai et vous trouverez votre paix dans Jérusalem. - Vous verrez ces choses, et votre cœur sera dans la joie ; vos os mêmes reprendront une nouvelle vigueur, comme l'herbe ; et le Seigneur fera connaître la puissance de son bras en faveur de ses serviteurs, et répandra sa colère sur ses ennemis. "
33. Psaume XVI, 15 : " Pour moi, conduit par la justice, je verrai votre face ; mes désirs seront comblés par l'éclat de votre aspect à mon réveil. "
34. Ps. XXVI, 13 : " Je suis assuré de goûter les biens du Seigneur dans la terre des vivants. "
35. Ps. XXX, 20-21 : " Qu'elles sont grandes, Seigneur, les faveurs que vous réservez à ceux qui vous craignent, et que vous accordez, à la vue des enfants des hommes, à ceux qui espère en vous ! - Vous les dérobez, dans le secret de votre face, aux vexations de l'homme puissant ; vous les mettez, dans votre tabernacle, à l'abri de la contradiction des langues. "
36. Ps. XXXV, 9-10 : " Ils se rassasieront de délices dans vos parvis ; vous les enivrerez d'un torrent de voluptés ; - car en vous est la source de la vie ; votre clarté luira à nos yeux, et nous verrons la lumière. "
37. Ps. LXXXVI, 3, 7 : " On dit de vous des choses glorieuses, ô cité de Dieu ! Tous ceux qui habitent votre enceinte, ô Sion, célèbrent leur bonheur avec transport. "
38. Ps. CXIV, 7-9 : " Rentre, mon âme, dans ton repos, puisque le Seigneur t'a comblée de biens. - Car il a sauvé mon âme du trépas ; il a tari la source de mes larmes, et retiré mes pieds des bords du précipice. Je marcherai en sa présence pour mériter sa faveur dans le séjour des vivants. "
39. Ps. CXLIX, 5-9 : " Au milieu de leur triomphe, les justes entreront dans de saints transports ; ils pousseront des cris d'allégresse sur leurs lits de repos. - Les louanges de Dieu seront sur leurs lèvres, et leurs mains seront armées de glaives à deux tranchants, - pour exercer une juste vengeance contre les
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nations, et pour châtier les peuples ; - pour garrotter leurs rois avec des liens de fer, et charger de chaînes leurs princes ; - afin d'exécuter sur eux l'arrêt que le Seigneur a porté. Telle est la gloire qu'il réserve à tous ses élus. "
40. Apocalypse, XIX, 6 : " J'entendis encore comme le bruit d'une grande multitude, comme la voix de grandes eaux, et comme des éclats de tonnerre, qui disaient : Alleluia, parce que le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant, est entré dans son règne, etc. ; " comme dans le corps de la réponse.
41. Psaume LXXXIII, 1-2, 5, 7, 9-12 : " Qu'ils ont pour moi d'attraits les lieux où vous résidez Seigneur, Dieu des armées ! Mon âme se consume en désir pour les parvis de l'Eternel. - Mon cœur et ma chair éprouvent des transports au souvenir du Dieu vivant. - Heureux ceux qui habitent dans votre maison, Seigneur! ils chanteront éternellement vos louanges. - Ils seront comblés de bénédiction par le législateur suprême ; des forces toujours nouvelles les soutiendront dans leur marche ; ils contempleront le Dieu des dieux dans Sion. - Un seul jour dans vos parvis est préférable à mille partout ailleurs. - Aussi aimé-je mieux être sur le seuil de la maison de mon Dieu, que d'habiter sous les tentes des pécheurs.- Car Dieu aime la miséricorde et la vérité : le Seigneur donnera la grâce et la gloire. - Il ne privera pas de ses biens ceux qui marchent dans l'innocence. Dieu des armées, heureux est l'homme qui espère en vous ! "
42. Apocalypse, XIX, 19 ; comme dans le corps de la réponse.
43. LUC, XIV, 16-18 : " Un homme fit un grand festin auquel il invita plusieurs personnes. - A l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés de venir, parce que tout était prêt. - Mais tous, comme de concert, commencèrent à s'excuser. Le premier lui dit : J'ai acheté une maison aux champs, et il faut nécessairement que j'aille la voir ; je vous prie de m'excuser, etc. "
44. MATTHIEU, XXII, 11-12 : " Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table, et ayant aperçu un homme qui n'avait pas la robe nuptiale, il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Et cet homme resta muet, etc. "
45. Id., VIII, 11 : " Aussi, je vous déclare que plusieurs viendront d'orient el d'occident, et s'assiéront dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob. "
46. LUC, XIII, 28-29 : " Ce sera alors qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez qu'Abraham,
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Isaac et Jacob et tous les prophètes seront dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. - Et il en viendra d'orient et d'occident, du nord et du midi, qui auront place au festin dans le royaume de Dieu. "
47. Id., XII, 37 : " Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera vigilants ; je vous dis en vérité que, s'étant ceint, il les fera mettre à table, et viendra les servir. "
48. Id., XXII, 29-30 : " Je vous prépare le royaume, comme mon Père me l'a préparé ; - afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël. "
49. Psaume XIV, 1 ; comme dans le corps de la réponse.
50. Ps. XXIII, 3-4 : " Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur? ou qui est-ce qui s'arrêtera dans son lieu saint ? Ce sera celui dont les mains sont innocentes et dont le cœur est pur ; qui n'a point pris le nom de son âme en vain, ni fait un serment trompeur à son prochain. "
51. ISAIE, XXXIII, 15-17 : " Celui qui marche dans les sentiers de la justice et qui rend hommage à la vérité ; celui dont les richesses ne sont point grossies par un gain infâme ; qui garde ses mains pures, rejette les présents, n'écoute pas les paroles sanguinaires, et ferme les yeux pour ne point voir le mal ; - celui-là habitera dans la gloire : élevé comme un rempart bâti sur le roc, il vivra au milieu de l'abondance. - Ses yeux contempleront le Roi dans l'éclat de sa majesté. "
52. Romains, II, 6-7, 10 : " Qui rendra à chacun selon ses œuvres - en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité. . . . - Gloire, honneur et paix à tout homme qui fait le bien. "
53. MATTHIEU, V, 8 : " Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. "
54. Id., VII, 21 ; comme dans le corps de la réponse.
55. Id., XIX, 16-17 : " Quelqu'un s'approchant de lui, lui dit : Bon maître quel bien faut-il que je fasse pour acquérir la vie éternelle ? Jésus lui répondit : Pourquoi me demandez-vous ce qui est bon ? Il n'y a que Dieu qui soit bon. Si vous voulez entrer dans la vie, gardez les commandements. "
56. Id., XXV, 20-23 : " Celui qui avait reçu cinq talents, s'approchant, en présenta cinq autres, et dit : Seigneur, vous m'aviez donné cinq talents, en voilà cinq autres que j'ai gagnés
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en plus. - Son maître lui répondit : Fort bien, bon et fidèle serviteur : puisque vous avez été fidèle dans de petites choses, je vous établirai sur de plus grandes ; entrez dans la joie de voire maître. - Celui qui avait reçu deux talents s'approcha aussi et dit : Seigneur, vous m'avez donné deux talents ; en voici deux autres que j'ai gagnés. - Son maître lui répondit : Fort bien, bon et fidèle serviteur : puisque vous avez été fidèle dans de petites choses, je vous établirai sur de plus grandes ; entrez dans la joie de votre maître. "
57. Apocalypse, II, 7, 10-11, 17, 26-28 : " Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l'Esprit dit aux églises : Je donnerai au vainqueur à manger du fruit de l'arbre de vie, qui est au milieu du paradis de mon Dieu. - Soyez fidèle jusqu'à la mort, et je vous donnerai la couronne de vie. - Celui qui sera victorieux ne recevra point d'atteinte de la seconde mort. - Je donnerai au vainqueur la manne cachée et je lui donnerai encore une pierre blanche, sur laquelle sera écrit un nom nouveau, que personne ne connaît que celui qui la reçoit. - Et quiconque aura vaincu et aura persévéré jusqu'à la fin dans mes œuvres, je lui donnerai puissance sur les nations. - Il les gouvernera avec un sceptre de fer, et elles seront brisées comme un vase d'argile, - selon que j'en ai reçu moi-même le pouvoir de mon Père et je lui donnerai l'étoile du matin. "
58. Id., III, 5, 12, 21 : " Celui qui sera victorieux, sera ainsi vêtu d'habits blancs; et je n'effacerai point son nom du livre de vie ; et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges. - Quiconque sera victorieux, je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu, et j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem, qui descend du ciel, venant de mon Dieu, et mon nom nouveau. - Celui qui sera victorieux, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme je me suis assis moi-même avec mon Père sur sou trône, après avoir remporté la victoire. "
59. Id., VII, 14-15 : " Je lui répondis : Seigneur, vous le savez. Et il me dit : Ce sont ceux qui sont venus ici, après avoir passé par la grande, tribulation, et qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau. - C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et ils le servent jour et nuit dans son temple ; et celui qui est assis sur le trône les couvrira comme une tente. "
60. Id., XXI, 27 : " Il n'y entrera rien de souillé, ni aucun
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de ceux qui commettent l'abomination ou le mensonge ; mais ceux-là seulement qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION
1. S. AUGUSTIN, Serm. XXXVII de sanctis, sive Serm. I de festo omnium sanctorum (Ce sermon a plutôt pour auteur, ou le V Bède, comme le suppose le Bréviaire romain, ou Alcuin, comme on le soupçonnait au siècle de Canisius. V. NAT. ALEX., Hist. eccl., t. V, p.111) : " L'ineffable et immense bonté de Dieu a voulu aussi que le temps des travaux et des combats ne fût pas long, et surtout ne s’étendit pas dans l'éternité, mais qu'il fût court et pour ainsi dire momentané, en sorte que ces combats et ces travaux ne durassent que le temps de cette vie passagère, et que l'éternité fit au contraire la mesure de la durée des couronnes et des récompenses ; que les travaux eussent bientôt leur fin, et que les récompenses n'eussent point de terme. . . . . "
" Considérons donc le bonheur indicible de cette cité autant qu'il est donné à l'homme de le faire ici-bas ; car, de le faire comprendre tel qu'il est dans la réalité, c'est à quoi est impuissant le langage humain. C'est de ce bonheur qu'il est dit quelque part, que la douleur, la tristesse et les gémissements en seront bannis (ISAIE, XXXV, 10). Quoi de plus heureux que cet état de vie, où il n'y a ni pauvreté à redouter, ni maladie à craindre ? Personne n'y souffre de dommage, personne ne s'y met en colère, personne n'y porte envie à son prochain. Là, nulle cupidité, nulle sensualité, nul désir des honneurs, nulle ambition du pouvoir. Là, nulle tentation à essuyer de la part du démon, rien à craindre de ses embûches, rien à appréhender de l'enfer. Là, rien à redouter, ni pour l'âme ni pour le corps, des atteintes de la mort ; rien qui puisse altérer le bonheur d'une immortelle vie. Là, plus de discorde, mais partout une parfaite harmonie et un parfait accord ; tout dans l'union, la paix et le repos. Là, une lumière indéfectible, non telle que celle qui nous éclaire ici-bas, mais une lumière d'autant plus brillante, qu'elle éclaire un séjour plus fortuné ; car cette cité, comme le dit l'écrivain sacré, n'a aucun besoin de la lumière du soleil, mais le Seigneur tout-puissant l'éclairera lui-même, et son flambeau, ce sera l'Agneau (Apoc., XXI, 23). Les saints y brilleront comme des étoiles dans l'éternité,
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et ceux qui enseignent la justice à plusieurs seront comme la splendeur du firmament (DAN., XII, 3). Il n'y aura donc là ni nuit, ni ténèbres, ni nuages, ni rigueur de l'hiver, ni ardeur de l'été, mais la température y sera telle, que ni l'œil n'a vu, ni l'oreille n'a entendu, ni l'esprit de l'homme n'a jamais rien compris de semblable, si l'on excepte ceux qui sont trouvés dignes d'en jouir, dont les noms sont écrits dans le livre de vie, qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau, qui sont devant le trône de Dieu et le servent jour et nuit (Apoc., VII, 15). Il n'y a là ni vieillesse, ni infirmités de la vieillesse ; tous y sont parvenus dans l'état d'un homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude selon laquelle Jésus-Christ doit être formé en nous (Ephés., IV, 43). Mais ce qui surpasse tout cela, c'est d'être uni de société avec les anges et les archanges, avec les trônes et les dominations, avec les principautés et les puissances, avec toutes les vertus célestes ; de voir de près l'armée des saints, plus brillante que celle des astres ; les patriarches, dont la foi fait aujourd'hui la gloire ; les prophètes dont l'espérance comblée fait la joie ; les apôtres, jugeant l'univers entier sous l'emblème des douze tribus d’Israël ; les martyrs, tout resplendissants de l'éclat des couronnes pourprées qui sont le prix de leur victoire ; les chœurs des vierges, portant dans leurs mains leurs guirlandes d'une éclatante blancheur. Quant au monarque qui siège au milieu de toute cette multitude, aucune expression ne saurait donner l'idée de sa gloire. C'est une beauté, une puissance, une majesté qui est au-dessus de tout langage, et qui surpasse même tout sentiment. La gloire même des saints n'offre rien qui en approche, et la souveraine félicité consistera à jouir de sa vue, et à être illuminé de ses splendeurs. Et quand même il nous faudrait souffrir des tourments journaliers, et même quelque temps ceux de l'enfer, pour pouvoir jouir enfin de la vue de Jésus-Christ venant dans sa gloire, et pour être associé au nombre de ses saints, serait-ce trop d'endurer tous les maux les plus pénibles pour mériter d'entrer en possession de tant de gloire et de bonheur ? Qu'elle sera grande, mes bien-aimés, cette gloire des justes ! qu'elle sera pleine d'ivresse, cette joie des saints, lorsque chacun d'eux, brillera comme le soleil, et que le Seigneur, après avoir distribué en divers ordres tout son peuple, donnera à chacun la récompense promise, des biens célestes en échange des biens terrestres dont ils auront fait le sacrifice, des biens éternels pour des maux temporels, des biens immenses pour de légères priva-
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lions; qu'il introduira les saints dans le royaume de son Père, et les fera s'asseoir au plus haut des cieux, pour être lui-même tout en tous (I Cor., XV, 28), pour faire partager à ses amis toutes les gloires de sa propre immortalité, pour rouvrir le paradis à ceux qu'il a rachetés de son sang, et leur donner le royaume des cieux en acquittement de ses divines promesses. Ah ! pénétrons-nous comme il faut de ces vérités ; croyons-les d'une ferme foi; attachons-nous-y de tout notre cœur ; n'épargnons ni peines ni travaux pour nous procurer les biens qu'elles nous annoncent. Pour les obtenir, notre concours est absolument nécessaire ; car le royaume des cieux souffre violence (MATTH., XI, 42). Pour acquérir le royaume des cieux, vous n'avez point, ô homme, d'autre prix à offrir que vous-même. Il vaut bien tout ce que vous êtes. Donnez-vous vous-même et vous l'aurez en possession. Quoi ! vous vous récriez à cette demande ! Mais Jésus-Christ s'est bien livré lui-même pour faire de vous sa conquête et vous gagner à son Père ; donnez-vous à lui semblablement, pour qu'il règne en vous ; au lieu de laisser régner le péché dans cotre corps mortel (Rom., VI, 12), faites régner l'esprit qui vous fera vivre de la véritable vie. "
2. S. CYPRIEN, Lib. de mortalitate : " Le ciel est notre patrie : empressons-nous de l'aller voir. Les patriarches sont nos pères ; courons saluer nos augustes devanciers. Nous sommes impatiemment attendus ; une troupe nombreuse de proches, nos pères, nos mères, nos fils, nos frères, rassurés désormais sur leur éternelle destinée, mais encore inquiets sur la nôtre, nous tendent les bras et soupirent après nous. Quelle joie pour eux, quelle joie pour nous de confondre nos chastes embrassements ! O célestes voluptés, sur lesquelles la mort ne peut plus rien désormais ! O ineffables béatitudes de l'immortalité ! Là, nous retrouverons, et le chœur glorieux des apôtres, et la vénérable assemblée des patriarches, et l'innombrable légion des martyrs, balançant leurs palmes, prix du combat et de la victoire ; et ces vierges triomphantes, héroïnes de la vertu, qui ont imposé silence aux convoitises de la chair ; et ces saints personnages qui, nourrissant les pauvres, pratiquant les œuvres de miséricorde et fidèles aux enseignements divins, ont échangé les trésors de la terre contre ceux du ciel. Allons rejoindre, ô mes frères bien-aimés, ces dignes objets de notre émulation (Cf. Les Pères de l’Eglise, t. V, trad. de Genoude) ! "
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3. S. CHRYSOSTOME, Epist. V ad Theodorum lapsum (V. S. Joannis Chrysostomi opera, t. I, p.15, édition des Bénéd. ; p.18, édit de Gaume) : " Représentez-vous, autant du moins qu'il est donné à l'imagination humaine de le faire, représentez-vous la bienheureuse condition des saints dans le ciel. Non, le langage humain n'a point d'expressions capables d'en rendre les délices ; toutefois essayons de nous en former quelque idée, d'après ce qui nous est dit, et par manière de similitude. La souffrance, nous dit-on, la tristesse et les gémissements en sont bannis à jamais. Conçoit-on un plus parfait bonheur ? On n'y connaît ni la pauvreté, ni la maladie. On n'y est point attristé par la vue de l'oppresseur et de sa victime, du méchant qui s'irrite, et du faible qui se plaint et se venge par une secrète envie. On n'y a plus sous les yeux les importunes images des déplorables effets de la concupiscence dans les cœurs qu'elle égare ni de l'indigence qui accuse tantôt ses besoins, tantôt la puissance et l'autorité. Toutes ces misérables passions de la terre sont exclues de ce séjour de paix. Là, tout est joie, allégresse, félicité ; là, jour sans lendemain, splendeur et lumière sans ombre ni mélange. Lumière nouvelle, aussi supérieure à celle qui nous éclaire que celle-ci l'est à la pâle clarté d'une lampe nocturne ; lumière toujours vive, toujours bienfaisante et pure, dont les rayons ne sont point interceptés par les ténèbres ou par les nuages, ni altéré par les vicissitudes des saisons ; lumière ineffable qui ne se communique qu'à ceux qui auront été jugés dignes de la connaître. Là, jeunesse, vigueur éternelle ; plus de vieillesse avec la foule de maux qu'elle amène ; plus de mortalité avec le triste apanage de corruption que nous traînons après nous. Une gloire inaltérable investit, pénètre tous les saints ; et ce qui surpasse toutes les autres félicités, c'est le bonheur de jouir incessamment des entretiens de Jésus-Christ, de la société des anges, des archanges et des puissances célestes. Levez, levez les yeux vers le ciel ; contemplez-y le merveilleux changement qui s'est opéré dans toute la création. Les formes sous lesquelles nous voyons les objets aujourd'hui, ont disparu pour des aspects et plus nobles et plus riants. C'est l'Apôtre qui nous l'atteste. Les créatures attendent, dit- il (Rom., VIII, 19), avec grand désir la manifestation des enfants de Dieu, parce qu'elles sont ici-bas assujetties à la vanité, avec l'espérance d'être un jour délivrées de cet asservissement qui les corrompt. Alors
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la chair, dépouillée de la corruption à laquelle ici-bas rien n'échappe, se reproduira sous des traits qui l'embelliront. L'âme a retrouvé le corps qu'elle avait habité autrefois, mais elle le retrouve revêtu d'immortalité ; elle-même a repris une vie nouvelle bien plus excellente. Là, plus de dissimulation, plus d'inimitiés. Toutes les volontés, toutes les affections, confondues dans un seul et même sentiment, établissent parmi les saints la plus constante, la plus délicieuse harmonie. Là, nous n'aurons plus à redouter ni les artifices et les violences de l'ennemi du salut, ni les atteintes de la mort, tant de celle qui entraîne la dissolution de nos corps, que de celle bien plus formidable dont nos âmes restent menacées sur la terre. . . . . Tels les enfants des rois sont élevés sous une discipline sévère ; mais lorsqu'ils viennent enfin à être émancipés, qu'ils sont appelés à la pleine jouissance de leurs droits, tout change pour eux : liberté entière, riches et pompeux ornements, pourpre et diadème royal, cortège nombreux, pensées et sentiments en rapport avec leur condition nouvelle. Voilà l'image de l'heureuse révolution qui attend les saints dans le ciel. Et si vous voulez quelque témoignage de la vérité de mes paroles, transportez-vous avec moi par la pensée sur la montagne dont Notre-Seigneur fit le théâtre de sa transfiguration ; resplendissant d'une éclatante lumière bien qu'il ne se manifestât point encore dans toute sa gloire, telle qu'elle apparaîtra aux regards de ses élus (des yeux mortels n'en auraient pas supporté les rayons) ; mais dans cette simple ébauche, arrêtez- vous à ce que les évangélistes nous en racontent : Son visage, nous disent-ils, devint brillant comme le soleil (MATTH., XVII, 2). Au reste, quoique le soleil soit un corps incorruptible, sa lumière est moins éclatante que ne le sera alors celle de nos corps, tout corruptibles qu'ils sont aujourd'hui, et nos yeux mortels n'auraient pas actuellement assez de force pour en supporter l'éclat. Pour jouir de sa vue, il nous faudrait dès maintenant des yeux incorruptibles et immortels. Mais, sur la montagne, Jésus-Christ ne laissa paraître de sa gloire que ce qu'en pouvait supporter la faiblesse de ses disciples, que ce qu'ils pouvaient en voir sans en être aveuglés ; encore en furent-ils tellement éblouis que, ne pouvant en soutenir l'éclat, ils se prosternèrent la face contre terre.
" Dites-moi, si l'on vous introduisait dans un palais où viendrait s'offrir à vos regards une multitude considérable de personnes revêtues de robes toutes éclatantes d'or, et sur l'endroit le
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plus élevé, sur un trône magnifique, un personnage, distingué par la richesse encore plus frappante des pierres précieuses semées sur sa pourpre royale, portant sur sa tête une couronne, et que là on vous donnât l'assurance qu'il ne tiendrait qu'à vous de faire partie de cette brillante cour, dites-moi, ne consentiriez-vous pas à faire tout ce que l'on exigerait de vous pour mériter cet honneur ? Ça, viens, ô mon frère ouvre les yeux de ton intelligence, porte tes regards sur ces palais de la cité céleste. Un spectacle bien plus imposant t'appelle. Viens contempler une assemblée qui se compose de bienheureux, dont la magnificence qui pare leurs vêtement l'emporte de beaucoup sur l'or et les pierreries les plus précieuses, sur tout l'éclat des rayons du soleil, sur tout ce que la terre peut offrir de plus opulent ; une assemblée qui laisse bien loin au-dessous d'elle tout ce qu'il y a d'humain. Ce qui la forme, ce sont les anges, les archanges, les trônes, les dominations, les principautés et les puissances. De là, élève-toi jusqu'au monarque de cet empire, et contemple, s'il est possible, cette ravissante beauté, ces grâces et ces attraits, cette gloire, celte majesté, ces magnificences ineffables rassemblées dans sa personne auguste. Voilà les félicités qui t'attendent. Et parce qu'il t'en coûterait quelque travail d'un moment, tu renoncerais à sa possession ? Ah ! fallût-il mourir mille fois par jour, fallût-il endurer les plus affreuses tortures, pour le bonheur de contempler Jésus-Christ dans sa gloire, d'être au nombre des bienheureux habitants de son céleste empire : non, les maux les plus cruels ne seraient rien pour l’obtenir. A la vue de la transfiguration de son maître, Pierre s'écria : Seigneur, nous sommes bien ici. Si la grossière image de la gloire future absorbe toutes les pensées de l’Apôtre, si elle le pénètre des plus vives impressions de plaisir et de félicité, que sera-ce de la réalité même ? Que sera-ce alors que les tabernacles du Roi des rois, s'ouvrant tout entiers, le découvriront nos regards ; non plus à nos hommages, mais à notre amour et à nos embrassements ; non plus à travers les voiles de l'énigme mais tel qu'il est et face à face. "
4. S. ANSELME, Epist. II ad Hugonem : " Voici, mon cher frère, comme je conçois qu'on pourrait exhorter au désir de l'éternelle félicité un homme sans lettres et incapable de s'élever à de hautes spéculations. Dieu nous crie que le royaume des cieux est à vendre pour qui veut racheter : royaume tel, que ni l'œil de 1'homme ne peut rien voir, ni l'oreille de l'homme ne peut rien entendre, ni l'esprit de l'homme ne peut rien com-
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prendre qui en égale la gloire et la félicité. Pour vous en donner cependant quelque idée, représentez-vous que celui qui pourra obtenir d'en être mis en possession aura tout ce qu'il pourrait désirer de biens dans le ciel et sur la terre, et n'aura rien de tout ce qu'il pourrait en craindre de maux. Tel sera l'amour qui régnera entre Dieu et les habitants de ce royaume, ou qui liera ceux-ci même entre eux, qu'ils s'aimeront mutuellement comme eux-mêmes et que tous aimeront Dieu plus qu’eux-mêmes. Et ainsi personne ne voudra autre chose que ce que Dieu voudra ; et ce qu'un d'entre eux voudra, tous le voudront, et ce que chacun d'eux voudra en particulier, et ce que tous voudront ensemble, Dieu le voudra pareillement avec eux. Aussi ce que chacun d'eux voudra ne sera qu'une même chose, et pour lui-même, et pour les autres, et pour toute autre créature, et pour Dieu même. Ils seront donc tous comme autant de rois, puisque la volonté de chacun d'eux sera parfaitement exécutée, et tous ensemble seront avec Dieu comme un seul roi et un seul homme, parce que tous voudront une même chose, et que ce que tous voudront sera ponctuellement exécuté. . . "
" Aimez Dieu plus que vous-même et vous commencerez à entrer dès ici-bas en possession de ce que vous voulez posséder parfaitement dans le ciel. Vivez en bonne harmonie et avec Dieu et avec les hommes, à moins que ceux-ci ne soient pas eux-mêmes d'accord avec Dieu, et par-là vous commencerez dès maintenant à régner avec Dieu et ses saints. Car autant votre volonté s'accordera avec celle de Dieu et de ses saints, autant la volonté de Dieu et de ses saints s'accordera avec la vôtre. Si donc vous voulez être roi dans le ciel, aimez Dieu et les hommes comme vous devez les aimer, et vous serez ce que vous désirez être. Cet amour ne pourra être parfait qu'autant que vous aurez vidé votre cœur de tout autre amour. "
5. Le même, Lib. de similitudinibus (Quoique cet ouvrage se trouve encore aujourd’hui à la fin de l’œuvre de saint Anselme, il a pour auteur Eadmer, moine de Cantorbery. V. S. Anselmi opera, édition de Gerberon), c. 47 : " Beaucoup de personnes à qui l'on propose de mener une bonne vie et de faire des œuvres de justice, lorsqu'on les presse de s'adonner à ce travail en foulant aux pieds les vanités du siècle vous demandent pour quelle raison ils doivent le faire, et quel fruit ou quelle récompense ils pourront en retirer. Répondez-leur ce qui
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est écrit, que l'œil de l'homme n'a point vu, que l'oreille de l'homme n'a point entendu, et que l'esprit de l'homme n'a point compris quels sont les biens que Dieu a préparés à ceux qui l'aiment (I Cor., II, 9). S'ils ne peuvent comprendre assez clairement le sens de ces paroles, répétez-la même chose en d'autres termes, et dites-leur : La récompense qui sera décernée dans l'autre vie à ceux qui servent Dieu dans celle-ci, c'est la vie éternelle, un bonheur éternel, une joie éternelle, la jouissance complète de tous les avantages désirables. Si vous leur dites cela de cette manière, ils verront bien que vous voulez leur parler de quelque chose de bon et de grand ; mais ne pouvant encore concevoir ce qu'ils auront dans cette vie même éternelle dont vous leur aurez parlé, ni comprendre tout de suite ce que peut signifier cette jouissance complète de tous les avantages désirables, ils se sentiront encore arrêtés et n'auront encore que peu de goût pour ces biens dont vous leur vanterez les avantages. Que faire donc pour leur en inspirer le goût et les engager par-là à s'occuper de bonnes œuvres ? Agissez à leur égard, croyez-moi, comme on agit à l'égard des enfants pour leur faire prendre de la nourriture. S'ils ont à manger quelque gros fruit, et qu'ils ne puissent en venir à bout à cause de la petitesse de leur bouche et de la mollesse de leurs dents, on le leur coupe en morceaux proportionnés à la faiblesse de leurs organes. Divisons donc aussi l'aliment spirituel à donner aux personnes dont il s'agit, afin qu'elles puissent y trouver la vie. Pour éclaircir davantage ma pensée, considérons quels sont les biens de cette vie que l'homme désire posséder avec le plus d'ardeur, et que ces biens nous servent de point de départ pour arriver à dire que ceux de la vie éternelle seront bien supérieurs à ceux-là pour tous ceux qui, tandis qu'ils auront vécu au milieu des périls qu'offre le monde, se seront attachés à observer les commandements du Seigneur : quand une fois, transportés dans l’autre vie, ils auront obtenu la possession de ces biens, ils verront clairement qu'ils sont bien propres à satisfaire la plénitude de leurs désirs. Conduisons-nous de la manière que nous venons de dire, et élevons peu à peu l'esprit de l’homme des considérations les plus simples à ce qu'il y a de plus élevé. Je distingue donc quatorze éléments de béatitude qui, après le jugement général, entreront d'une manière plus parfaite dans le bonheur de tous les élus, et quatorze éléments de misère, qui entreront de même alors dans le malheur de tous les réprouvés. Ces quatorze éléments de béatitude et de
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misère sont réciproquement opposés entre eux, comme l'état des uns est opposé à celui des autres. "
6. Ibidem, c. 48 : " Les éléments de béatitude sont la beauté, l’agilité, la force, la liberté, la santé, le plaisir, la longévité, la sagesse, l'amitié, la concorde, l'honneur, le pouvoir, la sécurité, la joie. Les éléments de misère opposés à ces quatorze éléments de béatitude sont au contraire ceux-ci : "
7. Ibidem, c. 49 : " La laideur, la pesanteur, la faiblesse, la servitude, l'infirmité, l'anxiété, la brièveté de vie, la folie, l'inimitié, la discorde, le déshonneur, l'impuissance, la crainte, la tristesse. Notez que de même que les sept premiers éléments de béatitude se rapportent au bien-être corporel, et les sept derniers au bien-être spirituel, les sept premiers éléments de misère se rapportent de même au malaise corporel, et les sept derniers au malaise spirituel. Ceux donc qui possèderont à la fois tous les éléments de béatitude que nous venons de dire seront parfaitement heureux, tant par rapport à l'âme que par rapport au corps ; et tous ceux au contraire qui verront agglomérés sur eux les quatorze éléments de misère seront souverainement malheureux, tant par rapport à l'âme que par rapport au corps. Mais dans la vie présente, personne ne peut ni avoir seulement un de ces éléments, soit de bonheur, soit de misère, ni en être complètement exempt ou privé. Dans l'autre vie, au contraire, ou bien on possèdera la parfaite béatitude, et alors il ne nous restera aucun élément de misère ou bien on sera dans une misère absolue, et alors il ne restera plus aucun élément de béatitude. "
8. Ibidem, c. 50 : " Dans cette autre vie, la beauté des justes égalera celle d'un soleil sept fois plus beau que celui qui nous éclaire ici-bas. De là ces paroles de l’Ecriture : Les justes brilleront devant Dieu comme le soleil (MATTH., XIII, 43). Les méchants au contraire, seront plus hideux que des cadavres, plus dégoûtants que le bourbier le plus infect. "
9. Ibidem, c. 51: " L'agilité qu'on prise d'ordinaire autant que la beauté, sera telle dans les bienheureux, qu'ils paraîtront aussi agiles que les anges mêmes de Dieu, qui sont aussi rapides que la parole à descendre du ciel sur la terre, ou à remonter de la terre au ciel. Les méchants, au contraire, seront tellement lourds, qu'ils ne pourront mouvoir ni leurs pieds, ni leurs mains, ni aucune partie de leurs corps. De là ces paroles de l'Evangile (MATTH., XXII, 13) : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. "
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10. Ibidem, c. 52 : " Dans la vie future, les justes seront d'une force telle, qu'ils pourraient s'ils le voulaient ébranler la terre. Les méchants, au contraire, seront d'une telle faiblesse, qu'ils n'auront pas même la force d'arracher de leurs yeux un seul des vers qui les rongeront. "
11. Ibidem, c. 55 : " De même que les anges ne peuvent être empêchés par aucun obstacle de pénétrer partout où ils veulent, ainsi aucun obstacle, aucun lien, ne pourra nous arrêter nous-mêmes si nous sommes trouvés du nombre des bons dans l'autre vie. Nous n'y aurons rien à souffrir contre notre gré ; nous pourrons y faire tout cc que nous voudrons. Mais si au contraire nous étions du nombre des méchants, tout ce que nous ferions, nous le ferions malgré nous, et tout ce que nous voudrions faire, nous nous trouverions empêchés de le faire. "
12. Ibidem, c. 54 : " Il me semble pouvoir affirmer sans hésiter que telle sera la vigueur de santé des bienheureux dans l'autre vie et pendant toute l'éternité, que le sentiment de leur bien-être les remplira d'une douce satisfaction, sans qu'ils aient à craindre aucune révolution dans leur état, aucune atteinte de maladie, aucun changement. Les justes jouiront donc d'une santé parfaite. Les méchants, au contraire, seront tellement accablés de maladies et d'infirmités, qu'ils ne pourront plus être guéris par aucun remède. "
13. Ibidem, c. 55 : " Dans l'autre vie, ou le plaisir sera complet, ou le déplaisir sera absolu. "
14. Ibidem, c. 57 : " Dans l'autre vie, un contentement indicible remplira les élus d'ivresse, et les pénètrera tout entiers de la douceur qu'ils goûteront à l'éprouver ; que dis-je, tout entiers ? Ce sentiment ineffable passera dans leurs yeux, dans leurs oreilles, dans leurs narines, dans leur bouche, dans leurs mains, dans leur cœur, dans leur foie, dans leurs poumons, dans la moelle de leurs os, dans leurs entrailles mêmes et dans toutes les articulations de leurs membres, tellement qu'ils seront tout entiers abreuvés d 'un torrent de plaisirs, et enivrés de l'abondance des biens de la maison de leur Dieu. Les méchants, comme nous l'avons dit, éprouveront un sort tout contraire. Nous pouvons nous représenter chacun d'eux comme ayant un fer ardent enfoncé dans les yeux et dans toutes les parties du corps, de sorte que la moelle des os, les intestins, les parties même les plus insensibles éprouvent la même douleur, et avec la même vivacité que peut l'éprouver la prunelle de l'œil. Et comment croire que
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le reprouvé conserve son bon sens au milieu de douleurs si atroces ? "
15. Ibidem, c. 58 : " Celui qui aura mené ici-bas une bonne vie vivra dans le ciel aussi longtemps que Dieu sera Dieu. De là ce mot de l'Ecriture : Les justes vivront éternellement (Sag., V, 16). Ceux au contraire qui auront mal vécu ne vivront dans l'éternité que pour une mort incessante. Peut-on concevoir une vie plus courte que celle que la mort accompagne incessamment ? "
16. Ibidem, c. 89 : " La sagesse, que tout le monde ici-bas voudrait avoir, mais que tous ne désirent pas de la manière qu'ils devraient la désirer, sera tellement le partage des bons dans l'autre vie, que de tout ce qu'ils voudront savoir, il n'y aura rien qu'ils ignorent. Car l'homme juste sera tout rempli de cette parfaite sagesse qui est Dieu même et sans cesse il la contemplera face à face. Car alors les justes sauront toutes les choses que Dieu a faites pour qu'elles soient connues de nous, soit les choses passées, soit les choses présentes ou à venir. Chacun sera connu de tous, et tous seront connus de chacun, et aucun d'eux, n'ignorera la patrie, la race, la famille de qui que ce soit d'entre eux, non plus que les actions qu'il aura faites dans sa vie. "
17. Ibidem, c. 61 : " Les méchants, au contraire, privés de la vraie sagesse, seront tellement accablés par tous les maux qu'ils auront à souffrir, qu'ils en perdront non-seulement la sagesse, mais jusqu'à la raison. "
18. Ibidem, c. 62 : " Les bons seront tellement l'objet de l'amitié de Dieu et de tous ses élus qu'ils ne pourront jamais plus être l'objet de leur haine. Car chacun parmi eux aimera les compagnons de son bonheur autant qu'il s'aimera lui-même. Les méchants, au contraire, seront tellement l'objet de la haine de Dieu et de tous les bons, que ceux-ci n'auront plus aucun sentiment d'amour même pour un père qu'ils verraient parmi les réprouvés. "
19. Ibidem, c. 63 : " La concorde sera aussi parfaite entre les saints, et dans la partie spirituelle de leur être avec la partie corporelle, que celle qui existe dès maintenant entre l'œil droit et l'œil gauche de chacun de nous. Car de même que l'un des deux ne peut pas se mouvoir sans que l'autre se meuve aussi, et qu'ils se meuvent tous les deux constamment du même côté ; ainsi dans chaque prédestiné le corps ne veut rien que ce que l'âme veut aussi, et dans la société de tous les élus, aucun ne saurait avoir une volonté différente de celle des autres, mais la volonté
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d'eux tous est absolument la même. Nous serons tous un même corps, une même Eglise, une même épouse de Jésus-Christ, nous tous qui composerons cette société. La volonté même de Dieu ne sera point différente de la votre, mais de même que vous ne voudrez que ce qu'il voudra, il ne voudra que ce que vous voudrez. Comment en effet le chef pourrait-il être en guerre avec le corps ou quelqu'un de ses membres ? "
20. Ibidem, c. 64 : " Dans cet ordre admirable et parfait que présentera la cité de Dieu, chacun sera tellement content de son propre partage, qu'il ne voudrait pas le changer pour un autre même plus avantageux. Pourquoi ? Parce que chacun goûtera la satisfaction de voir sa félicité proportionnée à ses mérites personnels. Telle sera au contraire la discorde qui règnera parmi les méchants, que même dans chacun d'eux le corps sera en désaccord avec l'âme. Le corps haïra l’âme, à cause des pensées mauvaises dont il aura été le malheureux instrument, et l'âme haïra le corps, à cause des mauvaises œuvres qu'aura faites celui-ci, et pour lesquelles tous les deux souffriront également. "
21. Ibidem, c. 67 : " Dans cette bienheureuse société des habitants du ciel, de même que ceux qui approcheront le plus de Dieu à cause de la supériorité de leurs mérites seront appelés dieux, ainsi ceux même d'un mérite inférieur devront être appelé du même nom, parce qu'ils participent de même à la divinité, quoique dans un degré inférieur. Cet honneur si relevé sera dans chacun d'eux, comme nous venons de le faire entendre, proportionné à leurs mérites divers. De leur côté, les méchants partageront tous la même ignominie, devenus les uns comme les autres la proie des vers, et n'ayant tous à respirer qu'une odeur infecte. "
22. Ibidem, c. 66 : " Dans l'éternité, tous seront ou au comble de la puissance, ou dans la plus extrême impuissance. Les bons pourront faire tout ce qu'ils voudront, parce que le Tout-Puissant n'aura pas d'autre volonté que la leur. Le méchant au contraire, ne pourra rien faire de ce qu'il voudra. "
23. Ibidem, c. 69 : " Dans l’éternité ce sera ou une sécurité parfaite, ou une complète anxiété. Les bons auront en partage tout ce qu'ils voudront avoir, et n'auront aucune crainte de rien en perdre. "
24. Ibidem, c. 70 : " Les méchants, au contraire, auront une appréhension continuelle des maux qu'ils endureront, sans pouvoir jamais y échapper. "
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25. Ibidem, c. 71 : " Dans le siècle à venir, ce sera pour chacun, ou une joie ou une tristesse extrême. Tous les bons ne pourront alors que se réjouir puisqu’ils verront réunis en eux tous les éléments de la béatitude. Quelle joie peut donc être plus parfaite que celle que les justes goûteront alors ? Voici cependant ce qui ajoutera encore au comble de leur joie comme de leur bonheur : c'est qu'ils s'aimeront les uns les autres comme eux-mêmes, et que par conséquent ils se réjouiront de la félicité d'autrui comme de leur propre félicité. Que de joies chacun n'aura-t-il donc pas à goûter puisqu'il en goûtera un aussi grand nombre qu'il aura de compagnons de son bonheur ! Et si le bonheur de leurs semblables doit rendre chacun d'eux si heureux, combien ne seront-ils donc pas encore plus heureux du bonheur de Dieu même. Leur joie les pénétrera tout entiers en eux-mêmes, et en même temps elle se répandra au-dehors ; elle s'assimilera à la joie de ceux qui seront au-dessus d'eux dans la gloire, aussi bien que la joie de ceux qu'ils verront au-dessous d'eux-mêmes ; elle s'épandra tout autour d'eux comme un océan. Le méchant, au contraire, sera continuellement saisi d'une extrême tristesse, parce qu'il verra accumulé sur lui, sans pouvoir jamais s’en délivrer tous les éléments de la misère. "
26. HUGUEDSE SAINT-VICTOR, Lib. IV de animâ, c. 15 : " Tous les bienheureux ont en eux semblablement sept choses qui concourent à leur félicité : la vie, la sagesse, l'amour, la joie, la louange, l'agilité, la sécurité. Ils ont la vie, et une vie sans fin, sans malaise, sans infirmité, sans adversité. Leur vie consiste dans la vision et la connaissance de la sainte Trinité ainsi que Jésus-Christ l'a dit lui-même : La vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le vrai Dieu, et à connaître Jésus-Christ que vous avez envoyé (JEAN., XVII, 3). Ils ont la sagesse, en ce qu'ils goûtent les conseils et les jugements de Dieu, qui sont un profond abîme. Ils apprécient les causes, les essences et les origines de toutes les choses particulières. Ils aiment Dieu par-dessus tout, parce qu'ils savent d'ou Dieu les a tirés et à quel degré de gloire il les a élevés. Ils s'aiment entre eux réciproquement comme eux-mêmes. La joie que leur cause la vue de Dieu est ineffable. Ils ont en outre de la joie de se voir si heureux. Et comme chacun d'eux aime les autres comme soi-même, ils ont autant de joie du bonheur des autres que du leur propre, contents de posséder dans les autres ce que peut-être ils ne possèdent pas en eux-mêmes. On peut donc dire que le nombre des joies de
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chacun égale celui des compagnons de sa félicité et que chacun goûte la joie d'autrui comme si c'était la sienne propre. Mais comme chacun d'eux aime plus Dieu qu'il ne s'aime soi-même ou qu'il n'aime ses semblables, chacun se réjouit plus de la félicité de Dieu que de sa propre félicité, ou que de celle des autres saints. Si donc le cœur de chacun de ces bienheureux suffit à peine pour contenir sa joie personnelle, comment peut-il contenir la joie même de Dieu, sans parler des joies de tous les autres élus ? C'est pourquoi il est dit dans l'Evangile : Entrez dans la joie de votre maître (MATTH., XXV, 21), et non pas, que la joie de votre maître entre dans votre cœur ; car le cœur d'une créature est trop étroit pour contenir une joie semblable. Il faut dire encore que les saints louent Dieu sans fin et sans dégoût comme le dit le Psalmiste : Heureux, Seigneur, ceux qui habitent dans votre maison ; ils vous loueront dans les siècles des siècles (Ps. LXXXIII, 5). Les saints ont l'agilité, puisqu'ils transportent leur corps partout où ils veulent. Tous sont dans la sécurité, étant sûrs de ne jamais rien perdre, ni de la vie dont ils jouissent, ni de leur sagesse, ni de leur amour, ni de leur joie, ni de leur disposition à louer Dieu, ni de leur agilité. "
27. Ibidem, c. 16 : " Dans cette céleste patrie, la vie n'a point à craindre les atteintes de la mort, ni la jeunesse celles de la vieillesse, ni la santé celles de la maladie, ni le repos celles du travail, ni la joie celles de la tristesse, ni la paix celles de la discorde, ni le contentement les atteintes du dégoût, ni la lumière celles des ténèbres, ni la beauté celles de la laideur, ni l'agilité celles de la lourdeur, ni la force celles de la faiblesse, ni la liberté celles de la servitude, ni le plaisir celles de l'anxiété, ni la longévité les atteintes de la décrépitude, ni la sagesse celles de la folie, ni l'amitié celles de l'inimitié, ni la concorde celles de la discorde, ni l'honneur celles de l'infamie, ni la sécurité celles de l'inquiétude. "
28. S. AUGUSTIN in Ps. LXXXIII : " Heureux ceux qui habitent en votre maison. Ils possèdent la céleste Jérusalem sans crainte, sans affliction, sans inquiétude, sans chagrin, sans séparation, sans division et sans partage. Tous ensemble, et chacun en particulier, la possèdent tout entière. On trouve là une abondance inépuisable de richesses. Le frère n'y appauvrit point son frère. Personne n'y souffre l'indigence. "
" Que feront-ils donc dans cette maison? . . . Ils vous loueront dans toute la suite des siècles. Ce qui nous occupera dans cette
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céleste demeure, ce sera donc un alleluia éternel. Et ne vous imaginez pas, mes frères, que les saints puissent trouver du dégoût dans cette unique occupation, parce que vous ne sauriez ici-bas continuer longtemps à louer Dieu. Ce sont d'une part les nécessités de la vie qui vous en détournent, et, de l'autre, c'est que, ne voyant pas Dieu, vous n'en êtes pas si sensiblement touchés. Si l'on pouvait cesser d'aimer Dieu dans l'autre vie, on cesserait aussi de le louer. Mais l'amour étant éternel, comme on ne peut jamais se rassasier de la beauté de Dieu que l'on verra, ne craignez pas de pouvoir jamais cesser de louer celui que vous ne cesserez jamais d'aimer. "
29. Le même, Cité de Dieu, liv. X, c. 16 : " Cette vision de Dieu est d'une beauté si sublime et digne de tant d'amour, que sans elle l'homme, comblé d’ailleurs de tous biens, est un être très-malheureux : Plotin le déclare sans hésiter. "
30. Ibidem, livre XXII, c. 29 et 30; ces passages ont été rapportés plus haut dans la 1re partie de cet ouvrage, chapitre de la foi et du symbole, question XXI, témoignages 1 et 2, t. I, p. 144. Consultez de même les témoignages qui viennent à la suite de celui-là, page 146, extraits du livre III du Libre arbitre, chapitre dernier, et du livre III du Symbole adressé aux catéchumènes, chapitre dernier.
31. Le même, lib. I de Trinitate, c. 13 : " Ce bonheur de voir Dieu, qui consistera à contempler sa substance immuable et invisible à des yeux mortels ; ce bonheur qui n'est promis qu'aux saints, ce bonheur que saint Paul appelle le bonheur de voir Dieu face à face (I Cor., XIII, 12) ; à l'occasion duquel l'apôtre saint Jean a dit : Nous lui serons semblables, puisque nous le terrons tel qu'il est (I JEAN., III, 2) ; dont le Psalmiste a dit : Je n’ai demandé à Dieu qu'une grâce et j’insisterai pour l'obtenir, c'est de contempler les joies du Seigneur (Ps. XXVI, 4) ; dont Notre-Seigneur a dit lui-même : Je l'aimerai et je me montrerai à lui (JEAN., XIV, 21) ; en vue duquel seul nous purifions nos cœurs par la foi, pour être de ceux dont Notre-Seigneur a dit : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu (MATTH., V, 8) ; et d'autres passages semblables que nous pourrions trouver dans 1'Ecriture ; ce bonheur seul est notre souverain bien, et c'est pour l'obtenir que nous sommes invités à faire tout ce que nous faisons de bien. "
32. Le même, Tract. IV in Joannem : " Dieu n'a promis de se faire voir qu'à ceux, qui ont le cœur pur (MATTH., V, 8). Nous
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verrons donc ce que l'œil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et ce que le cœur de l'homme n'a jamais conçu. Ce que nous verrons surpasse infiniment en beauté tout ce qui paraît beau sur la terre : l'or, l'argent, les grandes et hautes forêts, les campagnes couvertes de fruits et de fleurs, la mer, l'air, le soleil, la lune, les étoiles et même les anges ; en un mot, tout ce qu'il y à de beau parmi les choses créées et qui n'est beau que parce qu'il participe un peu à cette beauté souveraine. "
" Que serons-nous donc, lorsque nous verrons ce que Dieu nous promet ici ? Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est (I JEAN., III, 2) (Cf. Traités de saint Augustin sur l’Evangile de saint Jean et sur l’épître aux Parthes, t. IV, p.127-128). "
33. Le même, Méditations, c. 22 : " Mais vous, ô vie que Dieu prépare à ceux qui l'aiment ! vous êtes la vie véritable, une vie bienheureuse, tranquille, exempte d’inquiétude, glorieuse, pure, chaste, sainte, immortelle, inaccessible à la tristesse, sans tache, sans douleur, sans anxiété, nullement sujette à la corruption, aux troubles, aux vicissitudes, aux changements ; vous êtes une vie toute remplie de noblesse et de dignité où l'on n'a point à combattre d'ennemis, point à se défier des perfides amorces du péché, rien à craindre ; où l'amour est parfait, le jour éternel où enfin tous les élus sont animés d 'un même esprit, contemplant Dieu face à face, et savourant éternellement les délices de ce pain de vie. . . O vie souverainement heureuse ! O séjour de la véritable félicité, où la mort n'a point d'empire, où l’éternité règne, où la marche du temps ne se fait point sentir, où brille à jamais un jour sans déclin, où le vainqueur triomphant, le front ceint d'un diadème immortel, mêle ses accents aux accents mélodieux des chœurs angéliques, pour chanter incessamment, à la gloire du Très-Haut, un des sublimes cantiques de Sion (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise, t. XIII, p.64-67) ! "
34. Ibidem, c. 23 : " Chacun de ces élus a là sa demeure plus ou moins brillante, selon le degré de gloire qu'il a mérité ; mais tous partagent le même bonheur et la même joie. Dans ce fortuné séjour règne une entière et parfaite charité parce que Dieu est tout en tous, ce Dieu que tous voient également sans cesse, et dont la contemplation continuelle fournit leur amour comme à leurs hymnes de louanges un aliment toujours nouveau. L'amour dont ils sont remplis déborde et s'épanche en cantiques de béné-
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diction et d'actions de grâces. Louer Dieu, le louer sans fin, sans cesse, sans fatigue, voilà leur unique occupation (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise, t. XIII, p.74-75). "
33. Le même, Soliloques, c. 21 : " O Dieu trois fois saint ! ô Créateur si bon pour vos créatures, si, en vue de ce corps vil et sujet à la corruption, vous nous prodiguez tant de bienfaits si précieux, en mettant à notre disposition le ciel et la terre, l'air, la mer, la lumière, les ténèbres, la chaleur, l'ombre, la rosée, la pluie, les vents, les oiseaux, les poissons, les animaux, cette foule innombrable de plantes et de semences variées, en un mot, toutes vos créatures qui, tour à tour, et chacune dans la saison que vous lui avez marquée reviennent remplir les fonctions dont vous les avez chargées auprès de nous, afin de soulager nos ennuis ; quels seront, combien plus grands et plus innombrables devront être ces biens que vous préparez à ceux qui vous aiment, dans la céleste patrie où il nous sera donné de vous contempler face à face ? Si vous faites tout pour nous quand nous sommes encore enfermés dans la prison de notre corps, que ferez-vous donc quand nous habiterons vos célestes palais ? - O roi des cieux! que vos œuvres sont belles et innombrables ! En effet, si tous ces biens, que vous répandez avec une égale largesse sur les bons et sur les méchants renferment tant de douceurs et de délices, quels doivent donc être ceux que vous avez exclusivement destinés aux justes ? S'il y a tant d'abondance et de variété dans les dons que vous prodiguez indistinctement à vos amis et à vos ennemis, combien grands et innombrables, combien doux et délicieux seront ceux dont vos amis seront gratifiés ! Si, dans ces jours de deuil, nous recevons de vous tant de consolations, combien ne nous en accorderez-vous pas au jour solennel des fêtes nuptiales ? Quelles délices nous attendent au sein de la patrie, quand la terre d'exil renferme pour nous tant de douceurs ! L'œil ne saurait voir, ô mon Dieu ! les biens que vous avez préparés à ceux qui vous aiment ; car les douceurs infinies des jouissances que vous réservez à ceux qui vous craignent répondent à l’étendue infinie de votre magnificence. "
" Vous êtes grand, Seigneur mon Dieu, vous êtes immense ; votre grandeur est sans bornes, votre sagesse sans limites, votre bonté sans mesure, et les récompenses que vous accordez sont sans mesure, sans limites et sans bornes. La grandeur de vos dons est en raison de votre propre grandeur, puisque vous êtes
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vous-même le prix réservé à tous ceux qui auront vaillamment combattu sous votre bannière. "
36. Ibidem, c. 35 : " Entrez dans cette joie sans mélange qui constitue la félicité éternelle. Là vous trouverez tous les biens, sans avoir à craindre le plus léger mal ; là tout s'accomplira au gré de vos désirs et rien n'excitera vos répugnances ; là vous goûterez les douceurs et les charmes de cette vie qui est la seule véritable et dont le souvenir ne s'éteint jamais ; là point d'ennemis acharnés à votre perte, plus de ces charmes perfides employés à vous séduire. Sécurité complète, repos absolu, délice sans trouble, félicité parfaite, et par-dessus tout, la vue claire et distincte d'une trinité de personnes, subsistant dans l'unité de l'essence divine ; voilà les jouissances ineffables qui vous attendent dans ce séjour d'éternelle félicité ; voilà la joie que le Seigneur vous invite à partager avec lui. - O joie supérieure à toutes les joies, et hors de laquelle il n'est point de joie ! quand serai-je admis dans votre sein, afin de voir mon Dieu, qui y a fixé son séjour. .. .. O royaume éternel, royaume de tous les siècles, séjour d'une lumière impérissable et de cette paix divine qui dépasse la portée de notre intelligence (Phil., IV, 7) ; asile où les âmes des élus jouissent du repos et goûtent une joie qui ne doit point finir ; tu n'es jamais troublé par les gémissements de la douleur ; les cris de l'allégresse et les accents de la reconnaissance sont les seuls qui retentissent dans tes sacrés parvis. - Oh! qu'il est glorieux, Seigneur, ce royaume où règnent avec vous tous vos saints, revêtus de la lumière comme d'un vêtement et portant sur la tête une couronne de pierres précieuses ! O royaume de la béatitude éternelle, où il est permis à vos saints de vous voir face à face, vous qui êtes leur espoir et leur couronne ; où vous inondez leurs cœurs de la joie que l'on goûte au sein de votre paix, de cette paix que nos sens ne sauraient nous faire connaître. C'est là que le contentement est absolu, la joie sans tristesse, la santé sans douleur, la lumière sans ténèbres, la vie sans fin ; c'est là, en un mot, qu'on trouve tous les biens et qu'on est à l'abri de tous les maux. Dans ce fortuné séjour, la jeunesse ne passe point, la vie ne connaît point de terme, la beauté ne se flétrit jamais, l'amour n'est point sujet au refroidissement, la santé ne se détériore point, la joie ne s'affaiblit point, la douleur est inconnue, les gémissements ne se sont jamais fait entendre, la vue ne rencontre aucun spectacle affligeant, la satisfaction est continuelle, enfin l'on n'y est jamais
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tourmenté de la crainte d’un mal quelconque ; parce qu’on y possède le souverain bien, qui consiste à voir perpétuellement la face du Dieu des vertus. "
37. Ibidem, c. 36 : " Qu'est-ce donc que vous voir face à face, si ce n'est, comme l'a dit l'Apôtre, vous connaître de la même manière que vous nous connaissez, connaître votre vérité et votre gloire ? Voir votre face, c'est connaître la puissance du Père, la sagesse du Fils, la miséricorde du Saint-Esprit, en un mot, l'essence unique et indivisible de la sublime Trinité. Voir la face du Dieu vivant, c'est le souverain bien, le bonheur des anges et des saints, la récompense de la vie éternelle, la gloire des esprits, la joie sans fin, la couronne de gloire, la félicité suprême, le repos au sein de l'abondance, le charme de la tranquillité, la satisfaction qui vient du dehors et celle que l'on goûte intérieurement ; c'est le paradis de Dieu, la Jérusalem céleste, la vie bienheureuse, la plénitude de la félicité, la joie de l'éternité et cette paix de Dieu qui surpasse tout sentiment. - Telle est donc la parfaite béatitude, tel est pour l'homme le comble de la gloire : voir la face de son Dieu, voir celui qui a fait le ciel et la terre, voir celui qui l'a fait lui-même, qui l'a sauvé et glorifié. Il le verra en le connaissant, il l'aimera en le voyant, il le louera en le possédant. Car ce Dieu sera lui-même l'héritage de son peuple, du peuple des saints, de ce peuple qu'il a racheté ; il sera lui-même le bonheur dont jouiront ses élus, le prix glorieux et la récompense qui était l'objet de leurs espérances. N'a-t-il pas dit : Je serai ta récompense et cette récompense sera grande (Gen., XV, 1), parce que les grandes choses sont seules dignes de celui qui est grand . . . "
" Votre vue, voilà donc dans toute leur étendue la récompense, le prix, le bonheur que nous attendons ; voilà la vie éternelle ; voilà cette communication de votre sagesse que vous nous promettez. La vie éternelle consiste à vous connaître, vous, le seul Dieu véritable, et celui que vous nous avez envoyé Notre-Seigneur Jésus-Christ (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise). "
38. Le même, Manuel, c. 6 : " Les chants sacrés ne cessent point un seul instant de retentir, et les plus douces mélodies se succèdent incessamment parmi les chœurs des anges. Jamais aucune interruption aux célestes accords, aux merveilleux cantiques qui bénissent votre saint nom et glorifient vos grandeurs.
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Dans la région que vous habitez, nulle sorte d'amertume ne saurait trouver place, les méchants en sont exclus comme le vice lui-même. L'ennemi du genre humain n'oserait y dresser ses embûches, et nulle part on n'y rencontre les perfides amorces du péché. Là, point d'indigence, de déshonneur, de rixes, de reproches, d'altercations, de craintes, d'alarmes, de souffrances, d'anxiétés, de violences ni de discordes. La paix la plus profonde ne cesse pas un seul instant de régner parmi tous ces bienheureux ; eux qui ne respirent que la charité et dont l'unique occupation est de louer éternellement le Seigneur, d'entonner à sa gloire des chants d'allégresse au sein d'un repos à jamais inaltérable et d'une joie sans fin dont le Saint-Esprit est le principe (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise) ! "
39. Ibidem, c. 7 : " O vie véritablement digne de ce nom, vie éternelle et éternellement heureuse ! C'est en vous qu'on trouve une joie sans mélange, un repos inaltérable, des grandeurs et des richesses qu'on ne craint pas de perdre, une santé exempte de langueurs, une abondance inépuisable, une éternelle incorruptibilité, une béatitude constante. C'est en vous qu'on possède tous les biens par la charité parfaite dont on est animé ; qu'on voit Dieu face à face, et que l'on connaît parfaitement la nature de toutes choses. En vous, les élus contemplent la souveraine bonté de Dieu, glorifient l'éternelle et véritable lumière dont ils empruntent leur éclat et adorent la majesté divine, humblement prosternés devant son trône. La vue de ses splendeurs est pour eux cet aliment éternel dont ils se rassasient sans jamais se lasser d'en savourer les délices. Plus ils les contemplent, plus ils désirent de les contempler ; mais leurs désirs sont exempts d'inquiétude, comme leur rassasiement est exempt de dégoût. - En vous encore, ô vie éternelle ! brille le véritable soleil de justice, cet astre universel dont le merveilleux éclat régénère tous ceux auxquels il est donné de le voir, et qui pénètre tellement de ses rayons tous les habitants de la céleste patrie, que ceux-ci deviennent eux- mêmes resplendissants de lumière. Ce sont comme autant de soleils qui, reflétant les splendeurs de la divine lumière, feraient pâlir la clarté de toutes les étoiles du firmament et l'éclat le plus éblouissant du soleil qui nous éclaire ; étroitement unis à l'incorruptibilité divine, ils sont par-là même immortels et incorruptibles, selon la promesse du Sauveur, qui a dit (JEAN., XVII, 24) : Mon père, je souhaite que tous ceux que
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m'avez donnés soient où je suis ; qu'ils voient les splendeurs de ma gloire ; qu'ils ne soient qu'un tous ensemble, et que, comme vous êtes en moi et moi en vous, ils ne soient aussi tous ensemble qu'un en nous. "
40 Ibidem, c. 16 : " O délices fortunés ! ô bonheur plein de charmes! voir les saints, habiter parmi eux, être saint soi-même ! Mais que dis-je ? Voir Dieu lui-même, le posséder avec la certitude de le posséder à jamais! Voilà ce à quoi nous devrions songer sans cesse en le méditant sérieusement ; voilà la félicité dont nous devrions souhaiter ardemment de jouir bientôt. Comment l'obtenir ? dira-t-on, par quels mérites ? par quels secours ? Le voici : Il faut le vouloir fermement et agir en conséquence, parce que le royaume du ciel souffre violence.
" O homme ! sache-le bien, le royaume des cieux ne demande pas un autre prix que toi-même il ne t'en coûtera pour l'acquérir ni plus ni moins que le sacrifice de ton être : donne-toi, et tu l'obtiendras. Pourquoi t'inquiéterais-tu de son prix ? Jésus-Christ ne s'est-il pas livré lui-même pour te mériter le royaume de son Père ? Donne-toi donc tout entier, pour devenir son royaume. Cependant tu ne saurais le devenir sans détruire dans ton corps mortel le règne du péché pour y établir le règne du Saint-Esprit. C'est à cette condition seulement que tu pourras mériter la vie éternelle. "
41. Ibidem, c. 17 : " Peut-on concevoir un bonheur plus parfait que celui d'une vie où l'on n'est tourmenté ni par la crainte de l'indigence, ni par les souffrances de la maladie ; où l'on est à l'abri des offenses, de la colère, de l'envie et des passions de toute sorte ; où le besoin d'aliments se fait aussi peu sentir que l'ambition des honneurs et de la puissance ; où la crainte des embûches du démon est aussi inconnue que celle des supplices de l'enfer ? N'est-ce pas une vie bien agréable que celle où la mort corporelle et celle de l'âme n'ont jamais eu d'accès, l'immortalité étant le partage privilégié de ceux qui en jouissent ? Là le mal n'a point d'empire, et la discorde n'a jamais exercé ses fureurs. L'harmonie la plus parfaite ne cesse pas un seul instant de régner parmi ces bienheureux, qui ne forment tous qu'un cœur et qu'une âme. Tout y est calme et tranquille ; tout y respire la paix et le bonheur. Le jour qui éclaire cette cite céleste n'est point celui que le soleil répand sur notre monde ; c'est un jour d’autant plus éclatant qu'il n'est produit par aucun des astres du firmament, mais que, par un heureux privilège, il emprunte sa
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lumière à celle du Dieu tout-puissant, de l'agneau sans tache lui-même. Là brillent aussi les saints, semblables à des étoiles dont les feux ne pâliront jamais, et ceux qui ont répandu dans le monde la parole de vérité y sont entourés d'une auréole de gloire dont la splendeur ne le cède pas à celle du firmament. "
" Aussi jamais de nuit, jamais d'obscurité ; les nuages ne s'y amoncellent pas ; on n'y ressent ni les rigueurs de l'hiver, ni les chaleurs brûlantes de l’été. Tout y est tellement tempéré, que l'œil de l'homme n'a jamais vu, ni son oreille entendu, ni son esprit conçu rien de pareil. Ceux-là pourtant peuvent le concevoir, qui sont trouvés dignes d'en jouir et dont les noms sont inscrits dans le livre de vie. - Mais ce qui surpasse toutes ces merveilles, c'est le bonheur d'être réuni aux chœurs des anges, des archanges et de toutes les vertus célestes, de voir les patriarches, les prophètes, les apôtres et tous les saints, ceux surtout qui nous ont été unis par les liens du sang. Voilà sans doute un destin bien glorieux. Et pourtant ne sera-t-il pas infiniment plus glorieux encore, puisqu'il nous sera donné de voir Dieu face à face, de contempler sans voile ses splendeurs infinies ? Le comble de la gloire pour nous sera donc de voir Dieu dans sa propre substance et de le posséder en nous-mêmes pendant l'éternité (Cf. Chefs-d’œuvre des Pères de l’Eglise). "
42. Le même, Lib. de catechizandis rudibus, c. 23 : " Fuyez, mon frère, ces tourments, pour lesquels ne manqueront jamais les bourreaux, et survivront toujours les victimes, qui mourront sans fin, ou sans pouvoir mourir dans leurs tourments ; et désirez ardemment de partager avec les saints cette vie éternelle, si digne de votre amour ; où l'action n'aura rien qui fatigue, et où le repos sera toujours occupé ; où vous louerez Dieu sans fin, et pourtant sans ennui ; où votre âme sera toujours dans la joie, et votre corps toujours dispos ; où vous n'éprouverez aucun besoin pour vous-même, et n'en verrez non plus dans les autres aucun à soulager. Dieu y fera toutes vos délices, et vous appartiendrez à cette sainte et bienheureuse cité qui trouve en lui, qui puise en lui sa vie. Car, ainsi que nous l'espérons et l'attendons sur la promesse qu'il a daigne nous en faire (MATTH., XXII, 30) ; nous serons alors semblables aux anges de Dieu, et dans leur société nous jouirons de la claire vision de cette sainte Trinité, qui fait maintenant l'objet de notre foi et le motif de notre espérance. "
43. S. GREGOIRE, Hom. 36 in Evangelia : Il y a cette différence,
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mes très-chers frères entre les plaisirs du corps et ceux de l'âme, que, lorsque nous ne jouissons pas encore de ceux du corps, ils excitent en nous un ardent désir, et lorsque nous en jouissons, ils ne nous causent que du dégoût au lieu que les plaisirs de l'âme suivent une marche toute contraire : avant d'en jouir, nous n'avons pour eux que de l'indifférence et du mépris ; quand nous en jouissons, nous avons de plus en plus pour eux de l'amour et de l'ardeur ; et ils sont d'autant plus passionnément désirés par celui qui les possède, qu'ils sont plus pleinement possédés par celui qui les désire. Les premiers, je veux dire les plaisirs sensuels, sont agréables quand on les souhaite, et désagréables quand on les goûte et les autres, qui sont les spirituels, sont insipides lorsqu'on ne fait que les désirer et délicieux lorsqu'on les goûte enfin. En ceux-là la jouissance succède au désir, et le dégoût à la jouissance ; en ceux-ci la jouissance succède au dégoût, et le désir à la jouissance, qu'il provoque de nouveau. Car l'âme est d'autant plus affamée des délices spirituelles qu'elle en est plus pleinement nourrie, parce que plus elle en goûte la douceur, plus elle en apprécie l'excellence, et fait son bonheur d'en jouir. C'est pourquoi on ne peut les aimer lorsqu'on ne les possède pas encore, parce qu'on ne peut en connaître la douceur qu'en les possédant. . . . . "
" Rejetant cette douceur intérieure qui nous est offerte, nous sommes si misérables qu'il nous plaît d'aimer l'état de famine spirituelle où nous sommes, ne cherchant à nous rassasier que de voluptés sensibles, qui ne rassasient jamais. "
" Mais la divine bonté ne nous abandonne pas, lors même que nous l'abandonnons ; car elle remet devant les yeux de notre mémoire ces délices que nous avons méprisées ; elle nous les propose de nouveau ; elle réveille notre paresse et notre indifférence par ses promesses, et elle nous invite et nous excite à chasser le dégoût mortel que nous ressentons, en nous disant : Un homme fit un jour un grand souper, auquel il invita plusieurs personnes (LUC, XIV, 16). Quel est cet homme, sinon celui de qui il est dit par un Prophète : Il y a un homme, et qui est-ce qui l’a reconnu ? (JEREM., XVII, 9) Il a fait un grand souper, lorsqu'il a préparé dans nos cœurs des viandes exquises et très-délicates pour nous rassasier spirituellement. Il a invité plusieurs personnes, mais peu d'entre les conviés sont venus, parce qu'il arrive de fois à autre que ceux qui lui sont soumis par la foi s'opposent à son festin éternel par leur vie dépravée et corrompue. . . . .
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" Le souverain père de famille nous invite donc tous à son festin éternel ; mais les réprouvés étant ou possédés d'avarice, ou détournés par la curiosité, ou plongé dans les voluptés impures, s'excusent tous d'y aller. Et comme l'un est dominé par le soin des choses terrestres, l'autre distrait par le curieux examen des actions de son prochain, et que tel autre a l'âme souillée par des passions honteuses, il n'est aucun de tous ceux-là qui n'ait du dégoût pour le festin de l'éternité. . . . . "
" Que rien ne soit capable de ralentir l'activité de vos désir et que rien ne vous arrête de ce qu'on a coutume d'aimer ici-bas. Si vous aimez le bien, mettez votre joie dans les biens les plus avantageux, qui sont ceux du ciel. Si vous craignez le mal, mettez-vous devant les yeux les maux éternels afin que, reconnaissant que ce qui est le plus à aimer et le plus à craindre ne se rencontre que dans l'éternité, vous ne vous arrêtiez nullement à la vie présente (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire sur les évangiles, p.433-453). "
44. Le même, ibidem, Hom. 37 : " Si nous considérons, mes frères, combien les choses qui nous sont promises dans le ciel sont grandes et excellentes, tout ce qu'on peut posséder sur la terre nous paraîtra de bien peu de prix. Car les biens de ce monde, comparés à ceux du ciel, sont plutôt des obstacles et des fardeaux, pour ainsi parler, que des moyens de prospérité et de bonheur. Si l'on compare la vie temporelle à la vie éternelle, on trouvera qu'elle mérite plutôt le nom de mort que celui de vie, puisque les pertes continuelles qu'essuie cette chair corruptible ne sont, à vrai dire, qu'une longue mort. "
" Mais, au contraire, quelle langue peut exprimer, et quel esprit peut comprendre combien excellentes sont les joies de la céleste cité, et quel serait notre bonheur d'entrer en société avec les saints anges ; d'être témoins de la gloire du Créateur avec tous ces bienheureux esprits ; de contempler face à face ce grand Dieu lui-même ; de voir dans son centre cette lumière divine, dont les rayons s'étendent à tout ; de n'être plus à lieu de craindre la mort, et de jouir tranquillement du prix de la bienheureuse immortalité ? "
" Quand on entend parler de ces biens sublimes, l'esprit se sent tout transporté d'ardeur, et déjà on voudrait habiter cette demeure où nous est promis un bonheur sans fin. Mais on ne
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saurait parvenir à de grandes récompenses, si l'on n'accomplit préalablement de grands travaux ; et c'est ce qui a fait dire à saint Paul, cet excellent prédicateur, que celui qui combat n'est couronné qu'après avoir combattu selon les règles de la guerre (II Tim, II, 5). Si donc l'esprit envisage avec tant de charmes la grandeur des récompenses, qu'il ne se décourage pas à la vue des obstacles à vaincre et des combats à soutenir (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire sur les évangiles, p.454-455). "
45. S. PROSPER, (ou plutôt Julien Pomère), de vitâ contemplativâ, c. 2 : " Nous croyons au sujet de la vie future que le bonheur en sera éternel ou si l'on aime mieux parler ainsi, que sa durée sans fin sera un parfait bonheur ; que la sécurité nous y sera assurée ; que nous y jouirons d'une paix exempte d'inquiétude et que la joie que nous y goûterons ne sera jamais troublée ; que l'éternité en sera heureuse, et que la félicité en sera éternelle ; que ce ne sera qu'amour sans mélange de crainte ; que le jour y sera éternel ; que tous n'auront qu'un mouvement, qu'une pensée, la pensée et le mouvement de contempler leur Dieu, et de le posséder en assurance ; que cette cité elle-même qui se compose de la bienheureuse société des anges et des saints, est toute resplendissante de gloire, toute glorieuse des mérites qui en font l'éclat ; que le salut et la vie y coulent à pleins bords ; que la vérité y règne ; qu'elle ne contient ni trompeurs ni dupes ; qu'aucun bienheureux ne peut en être exclu ; qu'aucun réprouvé ne peut y être admis. "
46. Ibidem, c. 3 : " Les anges puisent dans la contemplation de Dieu la joie souveraine et imperturbable qu'ils goûtent sans en éprouver jamais aucun dégoût ; ils servent Dieu avec amour et sans jamais se lasser de le faire ; ils sont si parfaitement heureux, qu'ils ne veulent ni ne peuvent l'être davantage. "
47. Ibidem, c. 4 : " Telle est cette vie contemplative des bienheureux, dans laquelle, après y être parvenus par le mérite des bonnes œuvres, ils seront semblables aux saints anges, et règneront sans fin avec leur Dieu. Ils y verront à découvert ce qui jusque-là n'aura été que l'objet de leur foi ; ils contempleront sans nuage la substance divine ; ils se livreront à d'éternels transports de joie, dans le bonheur qu'ils auront de posséder leur bien-aimé ; ils s'attacheront à lui éternellement et lui-même s'atta-
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chera éternellement à eux ; avec leurs corps rendus incorruptibles et immortels, ils jouiront du droit de cité dans la patrie céleste dont ils seront à jamais les citoyens, et où ils seront mis en possession de toutes les récompenses promises. Telle sera l'abondance de leur joie, telle sera la gratitude dont leurs cœurs seront remplis, qu'ils rendront à leur Dieu de continuelles actions de grâces, et que les biens mêmes dont ils regorgeront ne leur inspireront jamais aucun dégoût. Là tous les cœurs seront à découvert, comme peut l'être aux yeux du corps la face d'une personne, parce qu'en effet tous ces célestes habitants seront si parfaitement purs, qu'en même temps qu'ils auront tout sujet de rendre grâces à leur Dieu, auteur de leur pureté, ils n'en auront aucun de rougir pour des souillures qui leur sont désormais étrangères : car il n'y aura dans ce séjour de la sainteté ni péchés ni pécheurs, et ceux qui l'habiteront seront éternellement incapables de pécher. Aucun secret d'ailleurs ne pourra leur être caché, leurs cœurs tout-à-fait purs étant admis à la contemplation de l'essence même divine ; leur perfection sera telle, qu'elle ne sera plus susceptible d'aucun changement. Notre nature reformée à la ressemblance de la nature divine, recouvrera tous les avantages qu'elle avait reçus dès le commencement, et que le péché d'Adam lui avait fait perdre : notre entendement ne sera plus sujet à faillir, ni notre mémoire à oublier, ni notre pensée à s'égarer ; nous aimerons sans mélange de duplicité ; nous serons sensibles sans rien sentir qui nous blesse ; notre vigueur de santé n'y sera altérée par aucune infirmité ; notre contentement n'y sera trouble par aucun chagrin ; notre vie y sera hors des atteintes de la mort ; notre agilité n'y rencontrera point d'obstacles ; nous y serons rassasiés sans dégoût dans l'embonpoint sans maladie, parce que tout ce qui peut concourir ici-bas à vicier le corps, soit morsures des animaux, soit cas fortuits, soit dérangement d'humeurs, soit cruauté des hommes, soit violence du feu, soit toute autre cause de destruction, soit décrépitude de la vieillesse, se trouvera corrigé pour toujours par la résurrection, et que le corps rétabli dans la perfection de tous les membres qui le composent, sera doué d'une santé inaltérable. Ainsi, malgré la différence de mérites des bienheureux, tous cependant possèderont un parfait bonheur, parce que chacun sera content de sa propre récompense et que sa perfection même l'empêchera d'en désirer une autre qui pourrait être au-dessus de ses mérites personnels. Car, de même que l'état de rassasiement produit la même sen-
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sation dans tous ceux qui l'éprouvent, quoique, pour y parvenir, tous n'aient pas besoin de la même quantité de nourriture, chacun ne devant en prendre que ce qu'en comporte la capacité de son estomac, ainsi tous les saints, quoique placés à différents degrés de sainteté, et par conséquent aussi de bonheur, se trouveront tous parfaitement heureux, la perfection de leur bonheur étant relative à leur capacité particulière. Au surplus, dans ces lieux fortunés, personne n'enviera un mérite plus élevé parce que l'envie, comme les autres vices, en sera totalement bannie ; personne non plus ne se prévaudra de la supériorité de ses mérites personnels, parce que l'orgueil y sera également inconnu. Aussi, quoique les demeures y soient différentes, tous cependant auront toute la perfection qui leur conviendra, comme tous jouiront de la même félicité. "
48. Ibidem, c. 3 : " Celui-là désire véritablement obtenir cette souveraine félicité, qui renonce à tous les biens présents en vue des biens à venir, et qui, s'affranchissant du soin des affaires domestiques, qui retardent souvent les progrès de ceux qui commencent à entrer dans un état de perfection, triomphe de ses affections naturelles elles-mêmes en s'élevant à la hauteur de la contemplation divine ; qui, regardant comme rien toutes les choses d'ici-bas, qui trop souvent ramènent vers la terre les âmes assez imprudentes pour se reposer sur la sainteté antérieure de leur vie, porte son vol jusque dans le ciel, et d'autant plus près de Dieu, que le désir qu'il a de sa perfection lui fait plus résolument fouler aux pieds les avantages humains, étant bien assuré que, s'il préfère d'une volonté pleinement déterminé la vie contemplative aux honneurs incertains, aux richesses périssables et aux plaisirs fugitifs d'ici-bas, il obtiendra en retour les seuls véritables honneurs, les seules richesses qui n'engendrent point d'inquiétude, et les plaisirs de l'éternité, lorsqu'il aura atteint la perfection de la vertu contemplative, en prenant possession de cette vie bienheureuse où elle se trouve, et que Dieu lui destine pour récompense. Et, en effet, quoi de plus honorable que de se voir, grâce à Dieu, assimilé à l'état des anges ? Quelles richesses plus grandes peut-on imaginer, que d'avoir à sa disposition tous les trésors du royaume céleste ? "
49. Ibidem, lib. III, c. 32 : " Dans cette vie bienheureuse, à laquelle parviennent ceux qui y sont prédestinés lorsqu'ils n'ont plus rien en eux qui soit sujet à la corruption et à la mort, et où il n'y a ni pleurs ni gémissements, tous les saints seront
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consommés dans l'amour, exempts de toute crainte, remplis d'une éternelle joie. Leur volonté sera droite, et leurs cœurs purs de toute passion, parce que la possession à laquelle ils sont parvenus des biens célestes ne leur laisse plus rien à désirer et que, jouissant d'un parfait bonheur dans ce séjour de sécurité et de paix, ils ne peuvent plus être troublés par aucun sentiment de crainte ou de douleur. Peut-être cependant faut-il admettre, même pour le siècle à venir, cette sorte de crainte que l'amour nourrit en lui-même, mais non cette autre crainte que l'amour expulse du cœur qu'il possède d'autant plus que les vertus auxquelles cette crainte aura servi comme de degrés dureront elles-mêmes dans les siècles des siècles. "
50. S. BERNARD, Serm. de triplici genere bonorum et vigilantiâ super cogitationibus : " Nous ne devons plus chercher seulement à imiter les saints, et à nous procurer la protection des saints anges ; mais nous devons désirer ardemment de jouir de leur vue et de leur société et de contempler ces colonnes du ciel qui soutiennent la terre, et dans lesquelles rayonne la divinité avec tant d'éclat. . . . . "
" Les biens éternels sont ces biens que l'œil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus, et qui ne feront jamais défaut dans cette patrie, qui ne connaît que joie et bonheur. Rien n'y manque, et cette abondance met le comble à tous nos désirs. Quelle abondance plus grande en effet que celle qui consiste à avoir tout ce qu'on veut, et à n'avoir rien de ce qu'on ne veut pas ? Que la paix soit dans ta force, et l'abondance dans tes tours, dit le Prophète à la ville de Jérusalem (Ps. CXX1, 7). Oui, dans ces tours qui, comme le dit un autre prophète, seront construites avec des pierres précieuses, où Dieu nous rassasiera du froment le plus pur, et non plus seulement des enveloppes sacramentelles. Mais si, quoiqu'il ne nous manquât rien, il nous restait quelque chose à ignorer, est-ce qu'on pourrait dire que notre gloire y serait parfaite ? Il faudra donc qu'il ne nous y reste rien à ignorer, et c'est la sagesse qui nous fournira de quoi contenter toute la curiosité dont l'homme est capable. O sagesse, qui nous donneras la parfaite connaissance de tout ce qu'il y a dans le ciel et sur la terre, en nous faisant boire à la source de la sagesse même cette connaissance de toutes choses ! Je n'aurai rien à craindre des jugements des hommes ni des desseins qu'ils formeraient contre moi, puisque, si nous en croyons l'apôtre saint Jean (Apoc., XXI, 21), cette sainte cité est semblable au verre le plus trans-
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parent, de sorte que, comme on voit clairement les objets au travers d'un verre pur, ainsi nous pénétrerons sans peine les consciences des autres. Mais de plus, si, quoiqu'il ne nous manquât rien et qu'il ne nous restât rien à ignorer, nous gardions cependant quelque crainte de perdre tous ces biens, notre bonheur serait-il parfait ? Aussi n'y aura-t-il plus rien qui puisse nous causer de l'épouvante et c'est la puissance qui viendra affermir notre faiblesse. Il a établi la paix jusqu'aux confins de tes états, dit encore le Psalmiste, il a fortifié les serrures de tes portes (Ps. CXLVII, 13, 14), afin qu'aucun ennemi ne puisse y entrer, qu'aucun ami n'en puisse être exclu. Là donc où se trouveront réunies une parfaite abondance, une parfaite sagesse et une parfaite puissance, je pense qu'il ne manquera rien à la perfection de la béatitude autant qu'il est permis à l'homme d'y aspirer. "
51. Le même, Meditation., c. 4 (et dans HUGUES DE SAINT VICTOR, Lib. I de animâ, c. 4) : " L'avantage des saints sera de voir Dieu, de vivre avec Dieu, d'être avec Dieu, d'être en Dieu, qui sera tout en tous ; de posséder Dieu, qui est le souverain bien. Et où est le souverain bien, là est aussi la souveraine félicité, la souveraine allégresse, la vraie liberté, la parfaite charité, l'éternelle sécurité, la tranquille éternité ; là est la vraie joie, la pleine science, toute beauté et toute béatitude.
Est ibi pax, pietas, bonitas, lux, virtus, honestas,
Gaudia, lætitiæ, dulcedo, vita perennis,
Gloria, laus, requies, amor et concordia dulcis.
(Là règnent la paix, la piété, la bonté, la lumière, la vertu, l’honnêteté, la joie, les transports d’allégresse, la douceur, la vie, la gloire, la louange, le repos, l’amour et la concorde.)
" Ainsi sera heureux dans la société de Dieu l'homme dans la conscience duquel le péché n'aura point été trouvé. Il verra Dieu au gré de ses désirs, il le possédera pour son bonheur, il jouira de lui pour ses délices. L'éternité sera sa vie, la vérité sa gloire, la bonté sa joie. De même que son existence sera exempte de vicissitudes, sa science sera exempte de peine, et son repos le sera de trouble. Il sera citoyen de cette sainte cité qu'habitent les anges, et dont Dieu le Père est le temple, Dieu le Fils la splendeur, et l'Eprit-Saint l'amour qui y règne. O céleste cité, demeure permanente, contrée vaste et fertile, qui contient tout ce qui fait le bonheur, peuple pacifique, habitants paisibles,
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exempts de toute misère et de tout besoin ! Que de choses glorieuses ont été dites de toi, ô cité de Dieu ! Ceux qui habitent dans ton enceinte sont tous dans la joie (Ps. LXXXVII, 3, 7). Tous tressaillent d'allégresse ; tous trouvent leur bonheur en Dieu, dont la beauté les ravit, la bonté les attire, et l'entretien est pour eux plein de charmes. Sa vue les transporte de joie, sa possession fait leurs délices, la jouissance de ce qu'ils trouvent en lui met le comble à leur bonheur. Il se suffit à lui-même pour leur plaire et pour récompenser leurs mérites, et hors de lui ils n'ont rien à désirer, parce que tous les biens désirables se trouvent réunis tout entiers en lui. Toujours c'est pour eux un nouveau plaisir de le voir, de le posséder, de mettre en lui leur bonheur, de jouir de ses amabilités. Son commerce éclaire leurs esprits et purifie leurs cœurs devenus plus capables, soit de connaître, soit d'aimer la vérité. Et n'est-ce pas tout le bien de l'homme, que de connaître et d'aimer son Créateur ? Quelle est donc notre folie de n'avoir de soif que pour le vice, ce breuvage amer comme l'absinthe, de n'avoir de goût que pour le monde, cette mer si féconde en naufrages, de nous attacher à cette vie périssable sans autre espérance et de rester dans les liens honteux du péché, au lieu d'aspirer à la félicité des saints, à cette fête éternelle qui se célébrera dans les cieux, à ces délices de la vie contemplative, où toute notre occupation serait de considérer la puissance du Seigneur, de voir les richesses surabondantes de sa bonté. Là nous goûterons à loisir combien le Seigneur est doux, en combien de manières sa douceur se déploie. Nous verrons l'éclat de sa gloire, la glorification des saints, la royauté dont la magnificence éclate dans leurs personnes ; nous connaîtrons pleinement la puissance du Père, la sagesse du Fils, la bonté du Saint-Esprit, et nous aurons ainsi la connaissance parfaite de l'adorable Trinité. Maintenant nous voyons des yeux du corps les objets corporels, et des yeux de l'esprit leurs images ; mais alors c'est la Trinité même que nous verrons à découvert. O bienheureuse vision, qui consistera à voir Dieu en lui-même, à le voir en nous et à nous voir en lui avec un sentiment ineffable de joie et de bonheur ! Tout ce que nous pourrons désirer, nous l'aurons, et il ne restera plus rien qui puisse être l'objet de nos désirs. Tout ce que nous verrons, nous l'aimerons, et cet amour fera notre bonheur ! Pour être heureux, il nous suffira de sentir les douces flammes de cet amour, de goûter les délices de cette contemplation. Voilà quelle sera la hauteur de cette contemplation,
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quelle sera la perfection de ce bonheur, dont l'objet sera de voir Dieu en lui-même, de comprendre l'incompréhensible Trinité. La Divinité n'aura plus pour nous de secrets ; nous verrons et nous aimerons Dieu, et cette vision et cet amour rempliront toute la capacité du cœur de l'homme, le rassasieront pleinement, et feront la consommation de son bonheur. Tous auront une même voix pour louer Dieu, une même ardeur pour l'aimer, et pour l'aimer éternellement. La vérité sera contemplée à découvert, l'amour sera satisfait, l'harmonie du corps et de l'âme entre eux sera parfaite. L'humanité glorifiée resplendira comme le soleil. L'esprit et la chair ne seront plus ennemis l'un de l'autre. Les anges et les hommes partageront ensemble la même joie, auront les mêmes entretiens, prendront part au même banquet. L'amour sera toujours ardent, et ne sera sujet à aucune défaillance. On aura tous les biens à la fois, sans jamais avoir à éprouver l'ennui d'en attendre aucun à venir ; nous les trouverons tous réunis dans la contemplation de la majesté de Dieu, et nous pourrons considérer comme étant à nous sa toute-puissance, sa sagesse, son immutabilité, sa justice, son intelligence. Dans ce merveilleux accord, il n'y aura pas même diversité de langues, mais partout une parfaite uniformité de langage comme de sentiments. Plongés dans ce torrent de voluptés, les bienheureux pleinement satisfaits n'auront plus rien à désirer leur bonheur sera complet. Leur félicité, leur gloire, leur joie dépasseront tous leurs vœux. Mais qui sera trouvé digne de telles faveurs ? Ce sera le vrai pénitent, le chrétien soumis, l'homme qui aime son prochain, le serviteur fidèle. "
52. S. GREGOIRE, Hom., XIII in Evangelia : " Ecoutons ce que fera le Seigneur, et de quelle manière il traitera les serviteurs vigilants : Je vous dis en vérité que, s'étant ceint, il les fera mettre à table et viendra les servir (Luc, XII, 37). Se ceindre, c'est se préparer à leur distribuer des récompenses. Et il les fera asseoir à table, c'est-à-dire qu'il les introduira dans le repos éternel, parce que nous asseoir à sa table n'est autre chose que prendre notre repos dans son royaume. De là vient que Notre-Seigneur a dit ailleurs : Ils viendront s'asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob (MATTH., VIII, 11). Et passant de l'un à l'autre, il les servira (LUC, XII, 7). Car il nous rassasiera pleinement par l'éclat de la divine lumière dont il pénètre ses élus. E t il est dit que c'est en passant de l'un à l'autre qu'il les servira, parce que ce sera à son retour de ses assises solennelles dans le royaume des
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cieux. Ou bien, on peut encore dire que Notre-Seigneur passera à notre égard à la suite du jugement dernier, parce qu'il nous élèvera de la vue de son humanité à la vision sublime de sa divinité même. Il passera donc, lorsqu'il nous conduira à l'aspect de sa lumière infinie, et qu'après avoir considéré son humanité dans le dernier jugement, nous contemplerons éternellement sa divinité dans le ciel. Car lorsqu'il viendra pour juger les hommes, il paraîtra sous la forme d'un serviteur à la vue de tout le monde, conformément à ces paroles d'un évangéliste : Ils verront celui qu'ils auront percé (JEAN, XIX, 37). Mais en même temps que les réprouvés seront précipités dans le supplice éternel, les justes seront enlevés au ciel pour jouir de la gloire d'une lumière infinie, selon ces autres paroles d'un prophète : Qu'on ôte l'impie, afin qu'il ne voie point la gloire de Dieu (Is., XXVI, 10) (Cf. Les quarante Homélies ou Sermons de saint Grégoire sur les évangiles, p.118-119). "
53. S. BERNARD, Serm. de conversione ad clericos, sive de persecutione sustinendâ, c. 25 (al. 26) : " Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu (MATTH., V, 8). Grande promesse, mes frères et qui doit être l'objet de tous nos désirs. Car cette vision est ce qui nous fixera dans le bien, comme nous le fait entendre l'apôtre saint Jean : Nous sommes dès maintenant enfants de Dieu ; mais il ne paraît encore rien de ce que nous serons. Nous savons que, lors de son apparition, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est (I JEAN, III, 2). Cette vision est la vie éternelle, ainsi que la Vérité même le dit dans 1'Evangile : La vie éternelle consiste à vous connaître, ô vous le seul Dieu véritable et à connaitre Jésus-Christ que vous avez envoyé (JEAN, XVII, 3). Nous devons haïr cette taie formée par le péché dans l'œil de notre cœur et qui nous prive de cette vision bienheureuse ; nous devons avoir en horreur cette négligence qui nous fait remettre d'un jour à l'autre à nous en guérir. Car de même que la vue corporelle peut être troublée, ou à l'intérieur par quelque humeur vicieuse, ou à l'extérieur par des jets de poussières, ainsi la vue de l'esprit peut l'être, soit par les séductions de sa propre chair, soit par la curiosité et l'ambition du siècle. . . "
" Heureux donc ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. Ils le voient maintenant comme dans un miroir, et d'une manière obscure (I Cor., XIII, 12) ; mais dans l'autre vie ils
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le verront clairement et face à face, lorsque la face de leur âme sera toute nette, toute pure, lorsqu'elle sera toute brillante de la lumière de gloire, lorsqu'elle n'aura plus ni tache ni ride (Ephés., V, 27) (Cf. Traduction de trois excellents ouvrages de saint Bernard, p.82-86). "
54. Le même, Serm. II de verbis Apostoli, Non est regnum Dei esca et potus : " Le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire ni dans le manger (Rom., XIV, 17). En quoi donc consiste-t-il ? Dans la justice, dans la paix et dans la joie que donne le Saint-Esprit. Entendez-vous, comprenez-vous bien que la joie ne doit venir qu'après le reste ? Insensés enfants d'Adam, qui laissez de côté la justice et la paix, pourquoi intervertir l'ordre, et vouloir commencer par ce qui ne doit venir qu'à la fin ? Il n'est personne qui ne veuille être dans la joie ; mais cette joie ne sera point solide, ne sera point véritable, parce que, comme il n'y a point de paix pour les impies dit le Seigneur (Is., XLVIII, 22), de même il ne saurait y avoir de véritable joie pour eux. Il n'en est pas ainsi des impies, il n'en est pas ainsi. Qu'ils pratiquent d'abord la justice, qu'ils recherchent la paix et ne cessent de la chercher (Ps. XXXIII, 15), et par-là ils parviendront enfin à posséder la joie, ou plutôt à être possédés par elle. C'est ainsi que les anges ont commencé par pratiquer la justice en restant fidèles à la vérité et en abandonnant la cause de celui qui le premier avait déserté le parti de la vérité. Par ce moyen ils ont été affermis dans la paix qui surpasse tout sentiment, parce que, quoique diversement honorés par le suprême monarque, aucun d'eux ne murmure du partage qui lui est échu, aucun d'eux n'envie le partage d'autrui. Jérusalem loue le Seigneur ; Sion, loue ton Dieu ; car c'est lui qui a fortifié les serrures de tes portes, qui a béni tes enfants au milieu de toi, qui a établi la paix jusqu’aux confins de tes Etats (Ps. CXLVII, 1-3). Loue-le, loue-le sans cesse, parce qu'il a muni tes portes de barres très-fortes et de serrures puissantes, qui ne permettront pas à tes ennemis d'entrer, et ôteront à tes amis la tentation de sortir. Bénis soient les enfants au milieu de toi (Ps. CXLVII, 3) ; je veux dire, qu'ils soient comblés en Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le ciel (Ephés., I, 3). La crainte est bannie de ton enceinte, parce qu'il a établi la paix jusqu'aux confins de tes Etats ; aucune tentation ne vient te troubler, parce que le ten-
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tateur est loin de tes murs, et malgré la variété
de ses artifices, n'a plus aucune prise sur tes enfants. Celui au contraire
dont l'unité fait le caractère, relie et affermit toutes
tes parties dans une parfaite unité. Et c'est ainsi que toutes
les parties sont dans une parfaite union entre elles (Ps. CXXI,
3). Les saints puisent avec joie des eaux des fontaines du Sauveur
(Is., XII, 3), en contemplant à découvert l'essence divine,
sans pouvoir désormais être séduit par les fausses
apparences que présentent les objets sensibles. Telle est la joie
qui les attend à la fin, et qui elle-même n'aura point de
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Question VI
Quel usage doit-on faire et quel fruit peut-on retirer de tout l’ensemble de la doctrine des fins dernières ?
La connaissance de nos fins dernières et leur méditation sérieuse a pour premier avantage de nous détacher plus facilement des biens passagers et des plaisirs frivoles de ce monde. Vanité des vanités, a dit l'Ecclésiaste, vanité des vanités et tout n'est que vanité. J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil, et j’ai trouvé que tout était vanité et affliction d'esprit.
En second lieu, cette étude n'a pas pour unique effet d’éloigner de nous les pensées vaines et les désirs terrestres ; mais elle a aussi celui de réprimer en nous l'habitude ou les occasions de pécher, ainsi que le penchant qui nous y porte. De là cette précieuse maxime : En tout, ce que vous faites, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pècherez jamais.
De plus, c'est un avertissement pour le sage, de ne rien entreprendre témérairement, mais de considérer en toutes choses quelle en sera la fin ; et quand par ce moyen il s'est tracé à lui-même le droit sentier à suivre, de ne s'en détourner ni à droite ni à gauche.
Mais le principal effet de ces sortes de considérations et de pensées est d'affermir et de perfectionner en nous la crainte de Dieu, cette source de la vraie sagesse, cette sauvegarde de toutes les vertus, ce moyen nécessaire d’initiation à la pratique du bien. Car la crainte du Seigneur expulse le péché ; et celui qui est sans crainte ne pourra devenir juste. Ceux qui craignent le Seigneur rechercheront ce qui lui est agréable ; ils prépareront leurs cœurs et sanctifieront leurs âmes en sa présence. Enfin, ceux qui craignent le Seigneur garderont ses commandements, et ils auront patience
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jusqu’à ce qu'il jette les yeux sur eux, en disant : Si nous ne faisons pénitence c'est entre les mains du Seigneur que nous tomberons.
Au lieu que les enfants de ce siècle, c'est-à-dire ceux qui aiment la vanité et qui recherchent le mensonge ; qui se réjouissent lorsqu'ils ont fait le mal, et qui triomphent dans les choses les plus criminelles ; enfin, qui n'ont pas présent à leurs yeux la crainte de Dieu, n'ont rien de plus empressé que d’éloigner de leur esprit la pensée de leurs fins dernières. C'est un peuple qui n'a point de sens, qui n'a aucune sagesse. Ah ! s'ils ouvraient les yeux, s'ils comprenaient, s'ils prévoyaient la fin de tout ! Nous voyons tous les jours arriver à ces hommes le malheur que prévoyait Joé, lorsqu'il disait : Ils ont la harpe et les timbales à la main, et ils se divertissent au son des instruments de musique ; ils passent leurs jours dans les plaisirs, et en un moment ils descendent dans le tombeau. C'est ainsi que les ris seront mêlés de chagrins, et que la tristesse succédera à la joie.
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TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE.
1. Ecclésiaste, I, 1 et 7 ; comme dans le corps de la réponse.
2. Ecclésiastique, VII, 40 : comme dans le corps de la réponse.
3. Deutéronome, XXXII, 29 ; comme ci-dessus, chapitre des Vertus cardinales, question III, t. V, page 199, témoignage 11.
4. Proverbes, IV, 27 : " Ne vous détournez ni à droite ni à gauche ; retirez votre pied du mal. "
5. Ecclésiastique, I, 16 : " Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. "
6. Psaume CX, 9 : " Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. "
7. Proverbes, I, 7 : " La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse ; les insensés méprisent la sagesse et la doctrine. "
8. Ibid., IX, 10 : " La crainte du Seigneur est le principe de la sagesse ; la science des saints est la vraie prudence. "
9. JOB, XXVIII, 28 : " Il dit à l'homme : La sagesse consiste dans la crainte du Seigneur, et l'intelligence dans l'éloignement du mal. "
10. Ecclésiaste, VII, 19 : " Celui qui craint Dieu ne néglige rien. "
11. Proverbes, XIV, 26-27 : " Celui qui craint le Seigneur est dans une confiance pleine de force, et ses enfants auront sujet de bien espérer. - La crainte du Seigneur est une source de vie, en ce qu'elle fait éviter la chute qui donne la mort. "
12. Ecclésiastique, I, 16 et 22 ; comme dans le corps de la réponse.
13. Psaume IV, 3 : " Enfants des hommes, jusqu'à quand vos cœurs seront-ils appesantis ? Pourquoi vous attachez-vous à la vanité et courez-vous après le mensonge ? "
14. Proverbes, II, 10-15 : " Si la sagesse entre dans votre cœur, si la science fait la joie de votre âme, - la vigilance vous gardera, et la prudence vous défendra ; - et vous échapperez à la voie du mal, et aux hommes qui tiennent des discours pervers ; - qui abandonnent le chemin droit, pour s'avancer dans des voies ténébreuses ; - qui se réjouissent lorsqu'ils ont lait le mal, qui tressaillent de joie lorsqu'ils ont accompli l'iniquité ; - qui suivent des voies détournées, et qui marchent dans les chemins tortueux. "
15. Psaume XIII, 3 : " On ne voit que désolation et ravages
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sur leurs traces ; ils ne connaissent point la voie de la paix. La crainte du Seigneur n'est jamais devant leurs yeux. "
16. Deutéronome, XXXII, 29 ; comme dans le corps de la réponse.
17. JOB, XXI, 12 ; Proverbes, XIV, 13 ; comme dans
le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. CHRYSOSTOME, Epist. V ad Theodorum lapsum, passage rapporté plus haut, question IV, témoignage 1, page 102, et question V, témoignage 3, page 148.
2. S. JEAN DAMASCENE (" On lui attribue (à saint Jean Damascène) mais sans fondement, divers écrits dont le plus fameux est l'Histoire du saint ermite Barlaam et de Josaphat, fils d'un roi des Indes. La première édition de ce roman de spiritualité fut imprimée à Spire (avant 1470), in-folio. Il a été traduit en latin par Jacques de Billy, Anvers, 1602, in-16 ; en français par Jean de Billy, chartreux, Paris, 1574 et 1578, in 8° ; et par le P. Ant. Girard, jésuite, Paris, 1642, in-12. " Extrait de la Biographie universelle, édit de Michaud, art. DAMASCENE), Hist. de Barlaam et Josaphat, c. 8 : " Comme le fils du roi sortait souvent de cette manière, il arriva un jour, par suite de l'inattention des officiers qui le gardaient, qu'il trouva à sa rencontre deux hommes dont l'un était lépreux et l'autre aveugle. A cette vue, le prince attristé demanda à ceux de sa suite quels pouvaient être ces hommes, et ce que voulait dire un tel spectacle. Ceux-ci ne pouvant plus lui cacher ce qui n'avait pas échappé à ses yeux, lui répondirent que c’étaient là des calamités humaines, qui étaient l'effet ordinaire de la corruption des corps ou de certaines humeurs vicieuses. Le prince demanda alors : " Ces calamités ont-elles coutume d'arriver à tous les hommes ? " - " Non pas à tous, " lui répondirent-ils, " mais seulement à ceux dont la santé est dérangée par des humeurs vicieuses. " Le jeune prince poursuivit ainsi ses questions : " Si tous les hommes n'ont pas à craindre ces calamités mais quelques-uns seulement, peut-on savoir d'avance quels sont ceux à qui elles arriveront, ou bien frappent-elles à l'improviste tout le monde indifféremment ? " - " Eh ! quel homme, lui répondirent-ils, peut prévoir et connaître certainement l'avenir ? Cela excède la portée de notre intelligence, et n'est donné qu'aux dieux immortels. " Le fils du roi ne poussa pas plus loin ses questions ; mais ce spectacle, nouveau pour lui, lui fit peine et
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l'affecta tellement, que ses traits en furent altérés. Une autre fois qu'il sortit encore, il rencontra un vieillard décrépit, dont la face était toute ridée, les jambes sans force, le corps tout courbé, la tête entièrement chauve, les mâchoires dégarnies de dents, et la parole mal assurée et entrecoupée. Saisi d'étonnement, il fait approcher cet homme, et demande à ceux qui l'accompagnaient ce que voulait dire un spectacle si nouveau. Ils lui répondirent : " C'est un homme fort avancé en âge, arrivé à cet état d'infirmité par suite de l'affaiblissement de ses forces et de la détérioration de ses membres. " - " Et comment finira-t-il ? " demanda le prince. " Par la mort, " lui répondirent-ils. " Est-ce donc, reprit le prince, que cela doit arriver à tous les hommes, ou bien n'est-ce le sort que de quelques-uns ? " -" A moins d'être enlevé par une mort prématurée, lui répondirent-ils, on ne saurait avec le temps échapper à une destinée semblable. " Et le jeune prince de reprendre : " A quel Age cela doit-il arriver à chacun ? Est-ce que c'est d'ailleurs pour tous une nécessité de mourir, sans qu'il y ait moyen pour personne d'échapper à la mort, et de ne pas essuyer cette calamité ? " Ils lui répondent : " Les hommes parviennent à cet état de vieillesse vers la quatre-vingtième ou la centième année de leur âge, et il ne saurait en être autrement. Car la mort est une dette naturelle imposée aux hommes dès le premier instant de leur existence, et on ne peut par aucun moyen éviter qu'elle vienne. " A peine le jeune prince eut-il entendu ces paroles et en eut-il, avec la sagacité et la prudence dont il était doué, compris le sens, qu'il dit en poussant un profond gémissement : " S'il en est ainsi, c'est quelque chose de bien dur, de bien triste et de bien amer que la vie. Et comment peut-on être tranquille dans l'attente d'une mort qu'on ne peut pas éviter, comme vous venez de le dire, et dont on ignore le moment ? " Et il s'en alla plein de ces réflexions sans pouvoir écarter de son esprit cette pensée de la mort, et en passant désormais ses jours dans la tristesse et l’abattement. Il se disait à lui-même : " Il est donc vrai que je dois être un jour surpris par la mort. Et qui, quand je serai mort, se souviendra de moi, après que le temps aura tout fait oublier ? De plus, quand je serai mort, serai-je réduit au néant, ou bien y aura-t-il pour moi une autre vie et un autre monde ? " Ces pensées et d'autres semblables qui ne le quittaient pas, répandaient la pâleur sur son visage. "
3. Ibidem, c. 12 : " Nous savons que cette profession de foi
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est un renoncement au péché et qu'elle est inséparable de la rémission que nous en recevons dans le baptême. Et persuadé par les discours de ces saints hommes, nous n'avons que des anathèmes pour les choses de ce monde, qui sont si fragiles, si caduques, si sujettes au changement, si pleines d'incertitude, et où l'on ne trouvera jamais que vanité et affliction d'esprit : car elles n'ont pas plus de réalité que des songes, que des ombres, que des vapeurs qui s’élèvent dans l'air et se dissipent aussitôt. Le plaisir qu'elles nous procurent est aussi fugitif qu'il est futile ; ou plutôt ce n'est pas un plaisir, mais une séduction que nous présente ce monde pervers, que nous ne devons pas aimer, mais plutôt haïr et détester comme nous l’apprend une expérience journalière. Car tout ce que le monde donne à ses amis, il le leur enlève presque aussitôt comme par colère, et après les avoir dépouillé de tous ces biens, il les voue couverts d'opprobres, d'éternels supplices. Ceux qu'il élève le plus haut, il se plaît à les abaisser et à les affliger le plus, et les rend ainsi le jouet de leurs ennemis. Tels sont ses bienfaits, et voilà à quoi se réduisent ses faveurs. Il est à proprement parler l'ennemi de tous ceux qui l'aiment ; il ne fait que tendre des pièges à ceux qui lui obéissent le plus, il cause la chute de ceux qui s'appuient sur lui, et achève de ruiner ceux qui mettent en lui leur confiance. Il fait alliance avec les insensés qu'il séduit par de flatteuses promesses, sans autre intention que d'en faire ses dupes et ses victimes ; et tandis que ceux-ci se donnent sincèrement a lui, il fait voir bientôt qu'il n'a pas voulu faire autre chose que de les tromper, en n'acquittant envers eux aucune de ses promesses. Après les avoir un jour appâté par des mets délicats, il les livre le lendemain en proie à ses ennemis. Aujourd'hui il fait roi celui que demain il fera esclave. Aujourd'hui il comble de richesses celui que demain il réduira une extrême misère. Aujourd'hui il place sur sa tête une brillante couronne ; demain il le traînera dans la boue. Aujourd'hui il l'enivre d'honneurs ; demain il le chargera de chaînes. Un jour il lui concilie la bienveillance générale ; bientôt après il le rendra l'objet de l'exécration de tous. Aujourd'hui il le fera nager dans les plaisirs ; demain il le plongera dans les larmes et dans le deuil. Ecoutez maintenant quelle est la fin qu'il leur prépare. De tous ceux qui se seront amourachés de lui, il en fera autant d'habitants de l'enfer. Voilà sa pensée arrêtée, voilà où il en veut venir. Il ne pleure point ceux que la mort enlève, il ne s'apitoie point sur ceux qui survivent. Après
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avoir fait le malheur des premiers en les engageant dans ses filets, il tourne les mêmes ruses contre ceux qui restent, ne voulant pas que personne puisse échapper à ses pièges. Tous ceux donc qui s'attachent à un maître si méchant et si cruel, et qui, après avoir abandonné leur souverain bien par une extrême folie, ne soupirent qu'après les biens prescrits sans s'occuper de l'avenir, et en même temps qu'ils recherchent avec fureur les plaisirs de leurs corps, laissent périr leur âme d'inanition et dans le plus affreux dénuement ; je les compare volontiers à un homme qui fuit une licorne furieuse, et qui, ne pouvant soutenir le bruit même de ses affreux rugissements, prend une fuite précipitée dans la crainte qui le saisit de devenir sa proie. Mais tandis qu'il précipite sa course, voilà qu'il tombe dans un fossé profond, et tandis qu'il y roule, il s'accroche avec la main au tronc d'un arbre, qu'il saisit fortement ; puis s'aidant de ses pieds, il grimpe dans cet arbre et se croit désormais en sûreté. Mais tout-à-coup, regardant derrière lui, il aperçoit deux rats, l'un blanc et l'autre noir, qui rongent à qui mieux mieux l'arbre auquel il s'est accroché et sont sur le point de le couper par ses racines. Bien plus, jetant dans le fossé un regard scrutateur, il aperçoit au fond un énorme dragon dont les yeux lancent la flamme, et qui, le regardant d'un air furieux, brûle déjà de le dévorer. Regardant encore plus près de lui, et à l'endroit où ses pieds se sont accrochés, il aperçoit les têtes de quatre aspics qui s'avancent en dehors, du côté du fossé où il se tient toujours. Puis levant les yeux en haut, il voit quelque peu de miel dégoutter des branches de cet arbre où il est cramponné. Sans faire attention à l’extrême danger qu'il court, et auquel un instant de plus peut le faire succomber, menacé qu'il est en dehors du fossé par la licorne, qui déjà le dévore des yeux, dans le fossé lui-même par ce cruel dragon qui le regarde aussi comme sa proie, tandis que l'arbre auquel il se tient grimpé est sur le point d'être coupé par ses racines, et que l'endroit où ses pieds se sont arrêtés lui présente de nouveaux périls ; oubliant, dis-je, tous ces dangers, il s'occupe de goûte le miel dont la douceur présente un appât à sa sensualité. Voilà la figure exacte de ceux qui s'attachent aux biens séducteurs de ce monde, et voici l’explication que je vais vous en donner. Cette licorne est l'image de la mort, qui est continuellement à la poursuite des mortels et s'efforce les atteindre. Ce fossé, c'est le monde, qui renferme des pièges et des maux de toute espèce. Cet arbre que nous tenons des deux mains, et que deux rats sont occupés
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ronger par les racines, c'est la carrière que chaque homme doit parcourir, dont chaque nouveau jour et chaque nouvelle nuit emportent quelque chose, et dont bientôt il ne reste plus rien. Les quatre aspics désignent les quatre éléments qui entrent dans la constitution du corps de chaque homme, et dont le dérangement ou le défaut d'harmonie emporte la dissolution du corps lui-même. Ce dragon au regard enflammé et sanguinaire vous représente l'horrible gouffre de l'enfer, ouvert à tous ceux qui préfèrent les voluptés du siècle présent aux biens à venir. Ces quelques gouttes de miel sont l'image des fausses douceurs dont le monde se sert pour tromper ses partisans et les empêcher de pourvoir à leur salut. "
4. Ibidem, c. 13 : " Josaphat, charmé de cette parabole, dit au saint vieillard : " Qu'il y a de vérité et d’esprit dans tout ce que vous me dites ! Je vous prie donc de ne point vous lasser de me parler ainsi en figures, pour me faire bien comprendre ce que c'est que la vie présente et quels biens elle procure à ceux qui s'y attachent. " Le vieillard reprit alors en ces termes : " Ceux qui, épris de l'amour des plaisirs de cette vie et cédant à leur attrait, préfèrent ce qui n'est rien et qui ne dure qu'un instant à ce qui est immuable et qui durera toujours, ressemblent à un homme qui avait trois amis, dont deux lui inspiraient un tel attachement, qu'il aurait couru pour eux tous les dangers et les aurait défendus aux dépens de sa propre vie, mais dont le troisième au contraire lui était si peu agréable qu’il n'avait pour lui ni égard ni prévenances, et ne lui témoignait qu'une faible ou plutôt qu'une fausse amitié. Or, il se présenta un jour d'affreux gendarmes, chargés de le traîner sans délai aux pieds du roi, à qui il avait à rendre compte de dix mille talents qu'il lui devait. Ainsi réduit à l’extrémité, cet homme cherchait s'il trouverait quelqu'un qui pût lui être de quelque secours dans ce terrible compte à rendre à un puissant monarque. Il va donc trouver le premier et le plus cher de ses amis, et lui parle en ces termes : " Vous savez, mon cher ami, comment en mainte et mainte occasion je n'ai pas craint d'exposer ma vie pour sauver la vôtre. Mais aujourd'hui c'est moi que la nécessité oblige à implorer votre secours. Quel appui pouvez-vous donc me promettre ? et quel espoir puis-je mettre en vous ? " L'autre lui répond : " Je ne suis point votre ami, brave homme, et je ne sais qui vous êtes. J'ai bien d'autres amis avec qui je dois aujourd'hui me mettre en gaieté ; je ne veux plus d'autres amis que ceux-là.
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Je n'ai donc à vous donner que deux cilices, que vous pourrez porter dans votre voyage, et qui du reste ne vous seront d'aucun avantage ; vous n'avez rien de plus à attendre de moi. " Perdant ainsi tout espoir de ce côté, d'où il attendait le plus, il va à son second ami, et lui dit : " Veuillez vous rappeler en ce moment combien je vous ai toujours honoré et quels services je vous ai rendus. Mais tombé aujourd'hui dans un affreux malheur, c'est moi à mon tour qui ai besoin d'un appui. Dites-moi donc comment vous pourrez me venir en aide. " L'autre lui répond : " Aujourd'hui mes affaires m'empêchent absolument de m'occuper de la vôtre ; car je suis accablé d'occupations, et je ne sais comment y faire face. Je ferai pourtant avec vous quelque peu de chemin, quoiqu'après tout, cela ne doive vous servir de rien ; et puis, rentré chez moi, je me remettrai à mes affaires. " Ainsi notre homme s'en retourne les mains vides, destitué de tout appui, et s'en voulant lui-même de la vaine espérance qu'il avait placée dans d'ingrats et perfides amis, et de tant de peines inutiles qu'il s’était autrefois données pour eux. Il s'en va cependant trouver son troisième ami, dont il n'avait pas fait le moindre cas jusque-là, et qu'alors qu'il était heureux il n'avait jamais invité à entrer en part de ses joies. Tout honteux de son ancienne conduite à son égard et les yeux baissés vers la terre, il lui tient ce langage : " C'est à peine si j'ose ouvrir la bouche devant vous ; car je ne sais que trop que je ne vous ai jamais rendu de services et que je ne vous ai jamais montre d'amitié. Mais n'ayant trouvé dans l'affreux danger qui me presse aucune ressource auprès de mes autres amis, c'est à vous que j'ai recours, vous conjurant d'oublier mon ingratitude, et de ne pas me refuser le secours, si faible qu'il soit, que vous pourrez me prêter. " Cet ami lui répond alors d'un air gracieux. : " Vous pouvez compter sur mon amitié la plus sincère et pour prouver que je n'ai point oublié les services, si modiques qu'ils puissent être que vous m'avez rendus, je vais vous les rendre à mon tour avec usure. Bannissez donc toute crainte, car je vais prendre les devants, et prier le roi de ne pas vous livrer entre les mains de vos ennemis. Ainsi, mon cher, ayez bon courage, et ne vous laissez point abattre par le chagrin. " Alors cet homme, pénétré de componction et fondant en larmes, se dit à lui-même : " Malheureux que je suis, que dois-je regretter le plus, ou des prévenances que j'ai eues pour d'ingrats et faux amis, ou de mon ingratitude pour cet ami sincère ? " Josaphat, que tout ce
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récit avait captivé, en demandait l'explication. Barlaam lui dit alors : " Le premier de ces amis, c'est l'abondance et l'amour des richesses, qui sont si dangereuses pour l'homme, et la cause pour lui de tant de chagrins. Quand le jour de la mort est arrivé, cet homme n'emporte de toutes ces richesses que quelques linceuls, qui lui serviront pour sa sépulture. Le second de ces trois amis, c'est une femme et des enfants et. les autres proches, avec qui nous sommes tellement liés que nous pouvons à peine nous séparer d’eux, et que par amour pour eux nous négligeons le salut de notre corps et de notre âme. Or, quand nous nous trouvons au moment de la mort, aucun de ceux-là ne nous est de quelque secours, excepté qu'ils consentent à accompagner notre corps jusqu'à son tombeau ; après quoi, rentrés chez eux, ils s'occupent tout entiers de leurs propres affaires, sans plus penser à celui qui leur était autrefois si cher. Mais pour le troisième ami, celui à qui nous n'avions témoigné que de l'indifférence et du mépris, et qui maintenant encore nous inspire si peu de sympathie, c'est le concert des bonnes œuvres ou la réunion de toutes les vertus, telles que la foi, l'espérance, la charité, la miséricorde, la bénignité, vertus qui prennent le devant, lorsque notre âme quitte notre corps, pour plaider notre cause auprès de Dieu, et nous délivrer des mains de nos ennemis et de nos cruels bourreaux, qui nous attendent dans l'air pour nous faire rendre un compte sévère de nos actions, et nous revendiquer à eux s'il leur est possible. C'est là cet ami sincère vertueux et reconnaissant, qui n'oublie aucune des bonnes actions que nous avons pu faire, quelque peu considérables qu'elles aient été, et qui s'empresse de nous en récompenser avec usure. "
5. Ibidem, c. 14 : " Josaphat lui dit à son tour : " O le plus sage des hommes, Dieu veuille vous rendre heureux dans toutes vos entreprises ! Vos excellents discours ont porté la joie dans mon âme. Insistez donc avec moi sur le tableau que vous avez commencé à me faire de la vanité des choses du monde, et dites-moi la manière dont je dois m'y prendre pour vivre en paix et sans inquiétude. " Barlaam reprit ainsi son discours : " Ecoutez donc aussi à ce sujet la comparaison que je vais vous dire : J’ai entendu parler d'une grande ville dont les habitants étaient dans l'usage de choisir pour leur roi un étranger et un inconnu, qui ignorât complètement les coutumes du pays, de lui abandonner pendant une année l'administration de toutes leurs affaires, et de lui laisser pendant tout ce temps la liberté de faire d'eux tout ce
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qu'il voudrait. Mais ce temps écoulé, tandis qu'exempt de tous soins il passait tranquillement ses jours dans le luxe et la mollesse, et se flattait d'occuper le trône jusqu'à la fin de ses jours, ses sujets se soulevant tout-à-coup contre lui, le dépouillaient de ses habits royaux, et le réduisant à une honteuse nudité, le promenaient comme en triomphe par toute la ville, puis ils le reléguaient dans une grande île fort éloignée, où manquant de vêtements aussi bien que d'aliments, il avait à souffrir misérablement de la faim et de la nudité, de sorte que le bonheur inopiné dont il avait auparavant joui se changeait pour lui en un malheur non moins inattendu. Il arriva donc que les habitants de cette ville, toujours fidèles à leur antique usage, appelèrent une fois à régner sur eux un homme doué d'une grande pénétration d'esprit. Celui-ci ne se laissant point séduire par la bonne fortune qui lui était échue, et se gardant bien d'imiter l'imprudence de ceux qui avaient régné avant lui, et qui tous avaient fini d'une manière si misérable, cherchait avec sollicitude par quel moyen il pourrait mettre en sûreté ses propres affaires. Tandis qu'il était tout occupé de cette pensée, un sage conseiller le mit au courant de la coutume du pays, et lui apprit quel lieu lui était d’avance destiné pour son exil, lui donnant à entendre par-là ce qu'il avait à faire pour se mettre en sûreté. Une fois instruit de ce secret, et assuré qu'un jour viendrait où il serait relégué dans cette île en laissant à d’autre ce royaume comme il lui avait été laissé à lui-même, il ouvrit ses trésors, tandis qu'il en avait encore la libre disposition, et confiant à des serviteurs fideles une grande quantité d'or, d'argent et de pierres précieuses, il les chargea d'en faire le transport dans cette ile où il devait lui-même être envoyé plus lard. Quand l'année fut révolue, les habitants s'étant soulevés le dépouillèrent, et l'envoyèrent en exil comme ils avaient fait des autres rois. Il y trouva ses devanciers qui, moins sages que lui, se trouvaient réduits à une extrême misère à la suite de leur royauté, qui avait été si courte, tandis que lui-même, pour avoir envoyé devant lui ses richesses, pouvait passer le reste de ses jours dans une extrême abondance et dans le bonheur le plus complet, sans avoir plus rien à craindre de ses perfides sujets, et en n'ayant qu’à se féliciter du sage parti qu'il avait pris. Or bien, figurez-vous que cette ville vous représente le monde où nous sommes, et qui est si vain, si trompeur. Les habitants de cette ville, ce sont les démons, qui sont comme les princes du monde ou de ce siècle ténébreux, et qui, après
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nous avoir alléchés par les plaisirs qu'ils nous présentent, voudraient nous faire accroire que cet état fugitif de prospérité durera toujours, et nous bercent de l’espérance d'en recueillir perpétuellement les fruits. Après nous être ainsi laissé abuser sur notre avenir, tandis que nous éloignons de notre esprit la pensée de ces autres biens qui nous seraient assurés pour l'éternité, et que nous ne mettons rien en réserve pour ce dernier voyage qu'il nous faudra faire, nous nous trouvons tout-à-coup surpris par la mort. Et alors les perfides princes des ténèbres au service desquels nous aurons employés tous nos instants, nous dépouillant de tous les biens de la vie présente, nous entraînent dans des lieux ténébreux où le jour ne luit jamais, et où nous nous trouvons séparés de tous les vivants. Quant à ce bon conseiller, qui fait la révélation de tout à ce roi plus sage que les autres et lui donne un conseil si salutaire, représentez-vous que c'est moi-même qui, tout indigne que je suis de cette honorable mission, viens à vous pour vous montrer la voie sûr que vous avez à suivre, et vous conduire comme par la main vers ces biens éternels, où je vous engage à mettre toute votre espérance, en vous détachant de ce monde séducteur. Moi-même j’ai autrefois aimé ce monde, et misérable que j'étais, je prenais plaisir à ses saints divertissements. Mais ayant fait sagement réflexion à la manière dont tout se passe ici-bas, où les hommes se succèdent continuellement les uns aux autres, sans qu'aucun puisse y avoir une demeure assurée, où ni les riches ne peuvent compter sur leurs richesses, ni les puissants sur leur puissance, ni les sages sur leur sagesse, ni les heureux sur leur bonheur, ni les voluptueux sur la durée de leurs plaisirs, ni tous les autres sur les biens dont ils jouissent, mais où tout passe et s'écoule comme un torrent qui va se perdre dans la mer, j'ai compris bientôt qu'il n'y avait en tout cela que vanité sans aucun profit. "
On peut voir de plus, au chapitre VI de ce même ouvrage, la comparaison qu'on y fait d'un roi qui envoie la trompette de la mort à la porte de la maison de son frère qui l'avait repris d’être descendu de son char pour embrasser en qualité de héraut de la mort deux hommes qui s'étaient présentés à lui couverts de haillons.
6. S. JEROME, in caput I ecclesiastæ, sur ces paroles : Vanitas vanitatum, etc. : " Si tout ce que Dieu a fait est très-bon, comment se fait-il que tout soit vanité, et non-seulement vanité, mais encore vanité des vanités ? Expression qui a pour but de montrer combien cette vanité de toutes choses est absolue, de
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même que cette autre semblable, le Cantique des cantiques, a pour but de relever la sublimité de ce poème. A ce même sens reviennent ces paroles du Psalmiste : En vérité, tout homme qui vit sur la terre, et tout ce qui est dans l'homme, n'est que vanité (Ps. XXXVIII, 6). Si tout homme qui vit n'est déjà que vanité, tout homme mort est à coup sûr vanité des vanités. Nous lisons dans l'Exode (XXXIV, 30), que le visage de Moïse jetait un tel éclat, que les enfants d'Israël ne pouvaient le contempler en face. Et pourtant l'apôtre saint Paul soutient que cette gloire dont il éclatait n'était pas même une gloire en comparaison de celle de l'Evangile. Cette gloire de la loi, dit-il, n'était pas même une gloire, si on la compare à celle de l’Evangile (II Cor., III, 10). Nous pouvons donc dire de même que le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, sont des biens en eux-mêmes, mais qui sont comme rien si on les compare à Dieu. Et de même que la lumière d'une lampe suffit à nos besoins pendant la nuit, et que, le jour venu, son éclat disparaît devant celui du soleil ; que la lumière de ce dernier astre efface pareillement à nos yeux celle des étoiles, qui, dans une nuit profonde, nous paraissent pourtant si brillantes ; ainsi, à la vue de l'univers et de tant d'êtres variés qu'il contient, je m'extasie sur la grandeur de tous ces ouvrages ; mais considérant ensuite que tout cela n'est que passager, et que le monde tend vers sa fin, tandis que Dieu seul demeure toujours le même, je suis comme forcé de dire et de répéter : Vanité des vanités, et tout n'est que vanité. L’hébreu porte habel habalim pour ces mots vanitas vanitatum, que tous les interprètes grecs, à l'exception des Septante, ont rendus par ????? ????? ; que nous pourrions rendre nous-m?mes par vapeur légère ou souffle à peine sensible qui se dissipe en un instant. Ce mot vanité indique donc quelque chose de caduc. Car les choses visibles sont temporelles, comme dit l'Apôtre, au lieu que les invisibles sont éternelles (II Cor., IV, 48). Ou bien encore, parce que les créatures sont assujetties à la vanité, qu'elles soupirent et sont comme dans le travail de l'enfantement en attendant la manifestation des enfants de Dieu (Rom., VIII, 19-22), puisque ce que nous avons maintenant de science et de prophétie est très-imparfait (I Cor., XIII, 9). Tout n'est en effet que vanité, jusqu'à ce que tout soit amené à l’état parfait (ibid., 10). . . "
" Après avoir dit en général que tout est vanité, il en vient au détail, et commençant par les hommes, il fait voir combien sont
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vaines leurs diverses occupations, soit qu'ils se fatiguent à amasser des richesses, ou à élever des enfants, ou à briguer des honneurs, ou a bâtir des édifices, et que, surpris par la mort au milieu de leurs entreprises, ils entendent ces paroles leur être adressées : Insensé que tu es, on va te redemander ton âme cette nuit même ; et pour qui sera ce que tu as amassé (LUC, XII, 20) ? Surtout si l'on fait attention qu'ils n'emportent rien de tout le fruit de leurs travaux, mais qu'ils rentrent nus dans la terre d'où ils ont été tirés. "
7. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. V, c. 2, in lib. I Regum : " Vanité des vanités, et tout n'est que vanité. Car, en comparaison des biens éternels, tout ce qui est temporel est vanité, même les biens. En effet, tout ce qui, dans ce monde, peut donner de la joie, nous procurer de l’élévation, nous mettre en un état prospère, est vanité, puisqu'il faut se donner tant de peine pour l'acquérir et puis le perdre au bout de si peu de temps. N'est-il pas d’expérience que ce qu'il y a de plus grand dans le monde tombe bientôt en ruine, que ce qu'il y a de plus beau ne tarde pas à se flétrir, et que le bonheur enfin, quel qu'il soit, s'envole rapidement ? C'est au moment où la fortune semble sourire le plus, où l'on paraît jeter le plus d'éclat dans le monde, que l'on voit tout-à-coup ses espérances détruites, tous ses projets renversés par un changement soudain, ou par une mort prématurée. Les joies du siècle ne sont donc que vanité et mensonge, puisqu'elles trompent ceux qui les recherchent en leur promettant d'être durables, tandis qu'elles ne font que passer. "
8. S. AUGUSTIN, Lib. II de Genesim contra Manichæos, c. 28 : " Rien n'est propre à retirer les hommes du péché comme la pensée d’une mort prochaine. "
9. Le même (Ou plutôt Eusèbe d’Emèse véritable auteur de ce sermon. V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. V), Serm. CXX de tempore : " C'est un mal sans remède que de lâcher tellement la bride à ses vices et à ses passions, qu'on oublie le compte qu'il faudra rendre à Dieu. Je regarde comme un des plus terribles châtiments du péché, ce malheur qu'a le pécheur d'oublier et de cesser de craindre le jugement à venir. . . . . Que personne de vous, mes bien-aimés, ne se repose trop sur ses sentiments actuels de piété ; que personne ne dise non plus dans son cœur : Je ne dois pas tant me troubler ou m'inquiéter du mauvais état de ma conscience, ni tant
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m'affliger de me voir coupable ; puisque le larron sur la croix a obtenu en un instant le pardon de ses crimes, je présume que les miens me seront pardonnés de même. D'abord il faut considérer dans ce larron, non pas simplement la brièveté de sa pénitence, mais surtout sa ferveur, et la difficulté du temps où il se trouvait, et où les justes eux-mêmes étaient ébranlés. Et puis, commencez par me montrer en vous-même une foi semblable à celle du larron, et je vous permettrai alors de vous promettre à vous-même un bonheur semblable au sien. C'est le démon qui vous inspire cette sécurité, afin de mieux vous perdre, et on ne saurait compter combien de personnes ont été victimes d'une semblable présomption. Que l'exemple de tant de monde que la mort a enlevé dans un moment ou, se flattant d'un aussi vain espoir, ils vivaient dans le désordre et dénués de bonnes œuvres, vous serve à vous guérir de cette persuasion. Mettons-nous tous les jours en garde contre une mort qui ne vise qu'à nous surprendre, qui nous viendra toujours au moment où nous nous y attendrons le moins, et sera pour nous un mal sans remède, et prévenons ce jour fatal avant qu'il nous prévient lui-même. C'est s'abuser soi-même et ne pas prendre la mort au sérieux, que de se dire : Peut-être qu'à la fin Dieu me pardonnera. Gardons-nous bien de tomber dans cette illusion : premièrement, parce qu'il est dangereux de compter sur une grâce aussi tardive ; ensuite, parce que c'est une extrême folie de renvoyer à la fin de la vie, à un temps où l'on sera devenu presque incapable de rien, l'affaire si importante de l’éternité. C'est une chose détestable aux yeux de Dieu, que de pécher avec plus de liberté parce que l'on compte sur une pénitence qu'on renvoie à la vieillesse. Il est difficile, croyez-moi, que ces artificieux délais vous obtiennent les moyens de faire une bonne mort. Auprès du scrutateur des cœurs, l'artifice ne sert de rien pour le salut. Le bon larron, dont nous parlions tout-à-l'heure, qui ne faisait plus le métier de se tenir en embuscade le long des chemins, mais qui était entré dans la voie royale en se tournant vers Jésus-Christ, qui n'aspirait plus à d'autre butin qu'à l'avantage de vivre éternellement, ni à d'autres dépouilles qu'à celles qu'il remportait sur l’enfer, n'avait point remis à dessein son salut à un autre temps, n'avait point par un calcul artificieux reculé sa conversion aux derniers moments de sa vie, n'avait point différé l’espérance de sa rédemption jusqu'à l'heure fatale où il n'y aurait plus pour lui d’espérance, puisque jusque-là il ne connais-
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sait ni Jésus-Christ ni sa religion. S'il l'avait connu, peut-être n'aurait-il pas été des derniers se ranger au nombre des apôtres, puisqu'il a été le premier à devenir héritier du royaume des cieux. Si donc il s'est rendu si agréable à Dieu, c'est que ce moment où il a embrassé la foi n'était pas le dernier par rapport à lui-même mais plutôt le premier de sa vocation. Nous devons, à son exemple, pourvoir à notre salut dès que nous nous sentons appelés et tous les jours nous tenir prêts ; régler tellement notre vie entière, que nous n'ayons rien qui nous gêne au moment de notre mort. Ayant sans cesse présent à l’esprit la pensée de notre fin dernière et du jugement qu'il nous faudra subir, écrions-nous sans cesse avec le bon larron : Souvenez-vous de moi, Seigneur, lorsque vous serez entré dans votre royaume (LUC, XXIII, 42). "
10. S. GREGOIRE-LE-GRAND, hom. XXXIX in Evangelia : " Les paroles qui suivent conviennent fort bien à une âme qui se perd : Au moins en ton jour (LUC, XIX, 42), ce jour présent où tu jouis de la paix. Le jour de l'âme pécheresse est le temps de cette vie où elle goûte une joie passagère. Et les choses dont elle jouit lui donnent la paix, parce qu'en mettant toute sa joie dans les choses de la terre, en établissant sa félicité dans les honneurs de ce monde, en s'abandonnant aux voluptés, en bannissant de son âme la crainte des châtiments futurs, elle jouit d'une fausse paix dans son jour, sans considérer le malheur effroyable de la damnation éternelle qui l’attend dans le jour à venir, qui ne sera plus le sien. Car elle sera affligée en ce jour futur, jour bien différent, qui sera le jour des joies des justes, et tout ce qui contribue maintenant à sa paix se changera pour elle en sujets de rage et de désespoir ; furieuse contre elle-même de n'avoir pas appréhendé durant sa vie la damnation où elle se verra précipitée, et d'avoir fermé les yeux pour ne pas voir les maux dont elle ne pourra plus désormais se garantir. "
" C'est pourquoi Notre-Seigneur dit à cette âme : Mais maintenant cela est caché à tes yeux. Car l'âme pècheresse qui est tout entière abandonnée aux choses présentes est comme absorbée dans les voluptés de la terre, se cache à elle-même les maux futurs, parce qu'elle craint de troubler sa joie présente par la prévoyance de l’avenir ; de sorte que, s'oubliant soi-même parmi les fausses douceurs et les trompeuses délices de cette vie, que fait-elle autre chose que se précipite dans les flammes éternelles ? De là vient qu'il est écrit : N'oubliez pas les maux dans le temps où vous jouissez des biens (Ecclé., XI, 27). Et saint Paul a
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dit aussi : Que ceux qui se réjouissent soient comme ne se réjouissant pas (I Cor., VII, 30) ; parce que, si nous avons en ce monde quelque sujet de nous réjouir, nous devons le faire avec une telle modération, que la pensée du jugement à venir ne sorte jamais de notre mémoire ; afin que l’âme étant ainsi pénétrée de la crainte de ce dernier examen de tous ses péchés, sa joie présente soit tempérée par la pensée de la sévérité du juge devant lequel il lui faudra comparaître. C’est encore pour cela qu'il est écrit : Bienheureux l’homme qui est toujours dans la crainte ; mais celui qui a le cœur dur tombera dans le mal (Prov., XXVIII, 14). Car le poids des châtiments du juge éternel sera d'autant plus intolérable qu'on l'aura moins redouté en s'abandonnant comme on le fait au péché. . . . . "
" Il faut savoir que la marque indubitable qui nous fera connaître si nous sommes véritablement instruits par les enseignements de la vérité, c'est que nous considérions avec une frayeur continuelle les maux à venir dont nous sommes menacés, selon ces paroles d'un ancien sage : Dans toutes vos actions, souvenez-vous de votre fin, et vous ne pécherez jamais (Ecclé., VI, 40). C'est pourquoi nous devons tous les jours méditer ces paroles de notre Sauveur : Au moins en en jour où tu jouis de la pais ; mais maintenant tout cela est caché à tes yeux. Car, pendant que ce souverain juge nous souffre encore, pendant qu'il retient encore sa main pour ne pas nous frapper, pendant qu'il nous accorde encore quelque délai, dans l'attente de la vengeance dernière, nous devons penser continuellement à ces maux effroyables qui nous menacent ; en y pensant, il faut gémir, et en gémissant, travailler à les éviter. Il faut sans cesse considérer nos péchés passés ; en les considérant, il faut les pleurer ; en les pleurant, il faut les effacer de notre âme. Et nous ne devons jamais nous abandonner sans mesure à la joie des prospérités temporelles, ni nous laisser éblouir par le faux éclat de quelques biens périssables, de crainte qu'après nous avoir aveuglés, ils ne nous fassent tomber dans les feux éternels. "
" Et en effet, si nous y pensons sérieusement, nous reconnaîtrons par les paroles mêmes de la vérité, quels seront un jour les reproches et la confusion dont il accablera ces âmes négligentes qui n'auront pas eu soin de prévenir les maux à venir. Au moins, leur dira-t-il, en ton jour où tu jouis de la paix ; mais maintenant tout cela est caché à tes yeux. Car nous devons considérer attentivement combien sera épouvantable pour nous
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l’heure de notre dernière séparation ; quelle sera pour lors la frayeur de notre esprit ; quel sera le souvenir des maux que nous aurons faits ; quel sera l'oubli de toute notre félicité passée ; de quelle appréhension nous serons saisis en présence de notre juge, et quelle sera la considération que nous ferons alors de ses jugements. " Voir plus haut, article de l'Extrême-Onction, question III, témoignage 6, t. III, page 155.
11. S. ISIDORE, Lib. III de summo bono, c. ultimo : " Malgré tout le désir que les saints ont d'être délivrés des misères de cette vie, et de sortir de la prison de leur corps, Dieu veut souvent qu'ils restent longtemps sur la terre, pour s'affermir de plus en plus dans la patience par une longue expérience des maux présents. Beaucoup n'ont que du dégoût pour la vie, et craignent cependant de mourir, comme la plupart le font bien voir lorsqu'ils se voient réduits à l'extrémité et c'est ainsi que par deux dispositions contraires, ils ont tout à la fois, et l'ennui de la vie et l'appréhension de la mort. Chacun doit se tenir continuellement sur ses gardes, et avoir toujours présent à l'esprit le terme de ses jours, afin que cette pensée l'invite à porter en haut ses regards, et à se défier des trompeuses caresses que lui fait le monde. Car il est écrit : Dans toutes vos actions souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez jamais (Ecclé., VII, 40). L'heure de notre fin est incertaine, et la mort nous enlèvera au moment où nous y penserons le moins. Que chacun use donc de diligence, et prenne garde d'être surpris en état de péché, en sorte qu'il ne cesse de pécher qu'en cessant de vivre. Le diable, qui ne se lasse pas de nous pousser à notre perte, allume dans nos cœurs la flamme des vices, pour que, la mort venant à nous surprendre, il nous fasse partager ses tourments. Souvent des riches, tandis qu'ils sont tout fiers de leur puissance et tout enivrés de leur fortune, se voient enlevés à tous ces biens par une fin imprévue et précipités tout-à-coup au fond de l'enfer, pour y brûler éternellement dans les flammes. C'est d'eux que le Prophète a bien sujet de dire : Ils passent leurs jours dans les plaisirs, et en un moment ils descendent dans les enfers (JOB, XXI, 13). Le spectacle de la mort d'un impie, dont les exemples, tandis qu'il était vivant, ont peut-être été pour un grand nombre un moyen de séduction, est bien propre à ramener au bien, par la perspective de ses tourments, ceux qu'il a pu égarer. C’est ce qui a fait dire au Psalmiste : Le juste se réjouira en voyant la vengeance de Dieu contre les impies ; il lavera ses mains dans le sang du pécheur
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(Ps. LVII, 11). Les justes en effet lavent leurs mains dans le sang des pécheurs à la mort de ceux-ci, parce que la vue de ce qu'ils souffrent leur sert à eux-mêmes à purifier leur vie. Quand on a été témoin d'une fin si malheureuse, non-seulement on est frappé de terreur pour soi-même, mais encore on se sent porté à détourner les autres de les imiter. A leur dernier moment, les élus eux-mêmes sont saisis de frayeur, parce qu'ils ignorent si ce sont des récompenses qu'ils ont à recevoir, ou si ce ne seront pas plutôt des châtiments. Quelques-uns d'entre eux profilent de ce dernier moment qui leur reste pour se purifier de leurs moindres péchés, d'autres sont remplis de joie en ce moment même par la représentation qu'ils se font d'avance des biens éternels. Quelque saintement qu'on ait vécu dans ce monde, on peut craindre, quand on est au moment d'en sortir, qu'on n'ait mérité d'être puni dans l'autre vie. Car personne n'est sans péché, et ne saurait être sans inquiétude au sujet du jugement que Dieu portera sur lui, puisque nous aurons à rendre compte même des paroles inutiles qui nous auront échappées. Ce qui rend précieuse en particulier la mort des justes, c'est la paix dont leur âme jouit au moment de paraître devant Dieu, et qui leur donne le pressentiment d’être bientôt admis à la société des saints anges, puisque leur sortie de ce monde est mêlée de tant de douceurs. Quant aux méchants, ce sont les anges apostats qui les reçoivent à l'instant de leur mort, pour devenir désormais leurs bourreaux dans les supplices qu'ils auront à endurer, après avoir été leurs instigateurs dans tout le mal qu'ils ont commis. Bien que la piété nous fasse un devoir de pleurer à la mort des justes, la foi nous en fait un autre de ne pas nous désoler dans de telles occasions. Car ceux-là seuls ont une mort déplorable, que l'enfer engloutit à la fin de leur vie ; mais comment pourrait l'être la mort de ceux qui ne quittent le monde présent que pour être élevés au comble de la joie dans le séjour céleste ? "
12. S. BERNARD, Serm. I in festo omnium sanctorum : " Souvenez-vous dans toutes vos actions de vos fins dernières, et ne souffrez point que l'horreur de la mort, que le redoutable examen du jugement, que la crainte des supplices éternels, s'éloignent des yeux de votre cœur. Pensez à la misère de votre pèlerinage ; repensez aux années de votre vie dans l'amertume de votre âme ; souvenez-vous des dangers de la vie humaine et de votre propre fragilité : et si vous persévérez dans ces pensées salutaires, je vous assure que vous sentirez très-peu tout ce qui vous paraîtra
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fâcheux au dehors, lorsque votre cœur sera tout occupé de la considération de vos misères intérieures. Le Seigneur même ne permettra pas que vous soyez sans consolation ; car il est le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation (II Cor., I, 1) ; et il accomplira entièrement la promesse de la vérité : Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés (MATTH., V, 5). Vous connaîtrez encore que cette sentence s'accorde très-bien avec celle de Salomon, qui dit qu'il vaut mieux entrer dans une maison de deuil que dans une maison de festin (Eccles., VII, 3) (Cf. Sermons de saint Bernard sur les fêtes des saints, trad. de D. Ant. de Saint-Gabriel, p. 423-424). "
13. Le même, Serm. de primordiis, mediis et novissimis nostris ; voy. plus haut, question I, témoignage 1, page 3.
14. S. CHRYSOSTOME, Homélie XV au peuple d'Antioche : " Si la crainte n'était pas un bien, les pères ne donneraient pas des gouverneurs à leurs enfants, les législateurs ne donneraient pas des magistrats aux villes. Rien de plus affreux que l'enfer ; mais rien de plus utile que la crainte de l'enfer, puisqu'elle nous obtient la couronne du royaume céleste. Ou est la crainte, là ne se trouve pas l'envie ; où est la crainte, l'amour des richesses ne vient pas troubler l'âme ; ou est la crainte, la colère s'apaise, les mauvais désirs sont réprimés, les passions déréglées sont bannies ; et de même que, lorsqu'une maison est gardée sans cesse par une troupe de soldats, ni brigand, ni assassin, ni aucun autre malfaiteur n'ose en approcher ; ainsi, lorsque la crainte s'empare de nos âmes, aucune passion déshonnête n'y entre facilement, toutes s'enfuient et se retirent, chassées de tous côtés par la force impérieuse d’une frayeur salutaire : et ce n'est pas le seul avantage qu'elle nous procure ; nous en recueillerons un autre bien plus grand encore. Non-seulement elle chasse de notre cœur les passions criminelles ; mais elle y introduit aussi toutes les vertus avec une extrême facilité. Où est la crainte, se trouve l’empressement à faire l'aumône, la ferveur de la prière, les larmes sincère et abondantes, les gémissements pleins de componction. Non, rien ne consume plus parfaitement les péchés, rien ne fait plus accroître et fleurir la vertu que le sentiment d'une crainte continuelle : aussi est-on également éloigné, et de faire le bien lorsqu'on n’éprouve pas ce sentiment, et de faire le mal lorsqu'on l'éprouve. . . . . "
" Ecoulez Salomon raisonner sur cette même vérité. Salomon nourri dans les délices et revêtu du souverain pouvoir. Et que
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dit ce monarque ? Il vaut mieux aller dans une maison de deuil, que dans une maison où le riche content célèbre un festin (Ecclé., VII, 3). Comment ! que dites-vous ? Il vaut mieux aller dans un lieu qui n'offre que des larmes, des gémissements et des lamentations, des images de tristesse et de désespoir, que dans un lieu qui présente la joie des danses, le son des instruments, l'éclat des ris, une abondance de délices, et tous les plaisirs de la table ? Oui, sans doute. - Pourquoi cela ? - Pourquoi ! c'est que l'un engendre des idées licencieuses, et que l'autre fait naître de sages réflexions. . . Celui qui entre dans une maison de deuil pleure aussitôt le malheureux, qui n'est plus, quand même il serait son ennemi. Combien donc n'est-elle pas préférable à une maison où la joie éclate. Dans l'une l'ami même éprouve un sentiment d'envie, dans l'autre l'ennemi même verse des larmes. Mais n'est-ce pas une disposition infiniment agréable à Dieu que de ne pas nous réjouir du malheur des personnes qui nous ont fait du mal ? Nous tirons encore du spectacle que nous offre une telle maison d'autres avantages qui ne sont pas inférieurs à ces premiers. On se rappelle ses fautes, on songe au tribunal redoutable devant lequel tous les hommes doivent paraître et au compte qu'ils doivent y rendre : eût-on essuyé de la part des hommes une infinité de maux, eût-on dans sa maison mille chagrins, on en remporte chez soi le remède ; on pense que bientôt on sera soi-même dans un semblable état, que les plus fiers y seront aussi, que toutes les choses présentes, agréables ou fâcheuses, sont passagères : on dépose donc tout sentiment de tristesse, d'envie, de haine ; et, déchargé de ce fardeau, on revient chez soi plus libre et plus léger. Dès-lors on devient plus doux, d'une humeur plus facile, on se montre plus honnête et plus sage, parce que la crainte des châtiments futurs est entrée dans notre âme, et qu'elle y a consumée toutes ces épines. Pénétré de cette vérité, Salomon disait qu'il vaut mieux aller dans une maison de deuil que dans la maison d'un riche qui célèbre un festin. L'âme trouve dans l'une le calme et le repos ; elle n'emporte de l'autre que des soucis et des peines : l'une produit l'orgueil, et l'autre au contraire produit la crainte, source et principe de toute vertu. Si la crainte n'était pas un bien, le Fils de Dieu ne parlerait pas si souvent des peines et des supplices de l'autre vie. La crainte est pour nous un rempart assuré et une tour inexpugnable (Cf. Homélies, etc., de saint Jean Chrysostôme, trad. par l'abbé Auger, t. Ier, p. 120-125). "
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15. Le même, Hom. II in Epist. II ad Thessalonicenses : " Que la perspective du royaume de Dieu nous excite à faire le bien. Il est vrai qu'une âme généreuse qui a une charité mâle, n'a pas besoin, pour s'animer la vertu, soit de la crainte des supplices, soit de la pensée du royaume qui lui est offert, et qu'il lui suffit pour cela de penser à Jésus-Christ, comme faisait saint Paul. Mais nous, qui sommes plus faibles, animons-nous du moins la pratique du bien par la considération du bonheur du ciel et des peines de l'enfer, et que ce double motif nous engage à établir une salutaire réforme dans nos cœurs. Si quelque chose en ce monde vous paraît grand et beau, pensez au royaume des cieux, et ce qui avait d'abord captivé votre admiration vous paraîtra moins que rien. S'il se présente au contraire à vos regards quelque chose de propre à vous effrayer, pensez à l'enfer, et ce qui vous avait paru si effrayant, vous ne ferez plus qu'en rire. Si vous sentez s'allumer en vous une passion impure, pensez aux feux éternels, pensez à la frivolité, ou pour mieux dire, à la nullité du plaisir qui se trouverait pour vous dans le péché lui-même. Car si la seule crainte des lois humaines est si puissante sur nos esprits, qu'elle nous contient et nous empêche de faire le mal, combien ne devra pas être plus puissante la pensée des maux de l'autre vie, de ces supplices éternels, de ces feux qui ne s'éteindront jamais ? Si la crainte d'un roi mortel suffit pour prévenir tant de crimes, combien ne devra pas être plus efficace la crainte du roi éternel ? "
" Mais comment pourrons-nous entretenir continuellement en nous cette crainte ? Ce sera en faisant de l’Ecriture sainte le sujet habituel de nos méditations ou de nos lectures. Car si la seule vue d'un homme mort frappe si vivement nos esprits, quel effet ne produira pas sur nous la représentation que nous nous ferons des supplices de l'enfer, et de ces feux qui ne s'éteignent point, et de ce ver qui ne meurt point ? Si nous pensions toujours à l'enfer, nous n'y tomberions pas si facilement. C'est pour ce motif que Dieu nous en fait si fréquemment la menace. Si la pensée de l'enfer ne nous était pas avantageuse, Dieu ne nous la rappellerait pas comme il le fait sans relâche ; mais comme il connaît la puissance qu'un tel souvenir exerce sur nos esprits, il ne cesse de nous le rappeler, pour qu'il serve de remède aux maux de nos âmes. "
" Gardons-nous donc bien de négliger l'avantage qui nous reviendra de ce souvenir ; mais qu'il nous accompagne partout,
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dans nos repas du matin comme dans ceux du soir. Les conversations de plaisir ne sont d'aucune utilité à notre âme, et ne font au contraire que l'énerver ; au lieu que des entretiens graves et sévères corrigeront notre mollesse, et réprimeront en nous les mauvais désirs. Les récits que nous faisons, ou qu'on nous fait à nous-mêmes, des bouffonneries de théâtres, ne nous rapportent d'autre profit que d'allumer en nous des flammes impures, que de nous rendre plus hardis à commettre le mal. Ou bien encore, si c'est la conduite des autres qui fait la matière de nos entretiens, nous trouverons souvent notre perte dans cette curiosité. Mais celui qui s'entretient de l'enfer n'a rien à craindre de fâcheux de pareils propos qu'il tiendra : ils ne serviront qu'à le rendre plus réservé. "
" Il y a quelque chose de pénible dans ces entretiens, dites-vous. Mais quand vous ne parleriez jamais de l'enfer, votre silence en éteindrait-il les feux ? ou si vous en parlez, en brûleront-ils davantage ? Hélas ! que vous en parliez ou que vous n'en parliez pas, ces flammes seront toujours les mêmes. Croyez-moi, parlez-en toujours, afin de n'y tomber jamais. Il est presque impossible de se laisser aller à commettre le péché quand on s'occupe continuellement de l'enfer. Ecoutez l’Ecriture : Souvenez-vous de ce qui pourra vous arriver à la fin de votre vie, et vous ns pécherez jamais (Ecclé., VII, 40). Il ne peut se faire qu'une âme qui a l'appréhension du compte qu'il lui faudra rendre n'y regarde pas à deux fois au moment de commettre quelque action mauvaise : un tel souvenir, se représentant à sa pensée, ne lui permettra pas de rien faire qu’un monde corrompu puisse seul approuver. Et si un simple entretien sur l'enfer suffit pour nous rendre si humbles et si timorés, le souvenir continuel que nous en aurons ne devra-t-il pas purifier nos cœurs à l'état du feu le plus ardent ? "
" Pensons au royaume du ciel, mais moins encore qu'à l'enfer. La crainte et les menaces font pins d'effet sur les esprits que les promesses. Je connais maintes personnes qui ne tiendraient nul compte des biens qu'on leur promet, si elles n'avaient à envisager en même temps les maux qu'elles ont à craindre ; et moi aussi, je serais content, si je n'avais aucune peine, aucun supplice à endurer. "
" Je vous le répète, mes frères, nul de ceux qui ont toujours l'enfer devant les yeux ne tombera dans l'enfer ; comme aussi nul de ceux qui s'en moquent actuellement n'évitera d'y tomber un jour. Jugez-en par ce qui se passe ici-bas. Ceux qui méprisent
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la justice, et ses lois, et ses supplices, ne manquent guère de se les attirer, et ceux au contraire qui les craignent, ce sont ceux-là qui y échappent. Il en sera de même de l'enfer. Si les Ninivites n’eussent appréhendé la destruction de leur ville, elle leur serait arrivée très-certainement ; mais comme ils l'ont appréhendé, ils n'en ont point éprouvé le malheur. Si les hommes qui vivaient du temps de Noé avaient eu peur du déluge, ils n'en auraient point été victimes ; et si les Sodomites avaient eu peur des feux du ciel, ils n'en auraient point été dévorés. "
" C'est un grand mal que de mépriser les menaces. Quand on les méprise, on ne tarde pas à en éprouver les effets. Rien ne saurait donc nous être plus avantageux que de nous entretenir de l'enfer. Des entretiens de cette nature purifient plus nos âmes que ne peut le faire le feu sur l'argent le plus épuré. Aussi voyez ce que disait le prophète David : Vos jugements sont toujours devant mes yeux (Ps. XVII, 33). Jésus-Christ aussi, dans l'Evangile, nous parle fréquemment de l'enfer : car, quoique ces sortes de sujets ne soient pas agréables, il n'en est pas moins utile de s'en occuper. "
" C'est ce qui est vrai en général de toutes les choses vraiment salutaires, et vous ne devez pas en être étonnés : car les remèdes et les médicaments font d'abord peine aux malades, mais ensuite ils leur donnent la santé. Que si nous ne pouvons supporter les noms mêmes de ces peines, comment supporterons-nous ces peines elles-mêmes ? Si nous ne pouvons souffrir qu'on nous parle du feu de l'enfer, n'est-il pas visible que dans une persécution, si l'on nous présentait le fer et le feu, nous ne pourrions en soutenir l'épreuve ? Accoutumons nos oreilles à ne pas montrer tant de délicatesse. Cette mollesse même nous rendrait ces maux inévitables. Si nous étions accoutumés à occuper notre esprit de choses terribles et effrayantes, nous nous accoutumerions aussi à les endurer. Mais si nous sommes tellement énervés que nous ne puissions en supporter le nom seul, que ferons-nous en présence des choses elles-mêmes ?. . . "
" C'est pourquoi le Sage nous donne cet avis important : Que tous vos entretiens soient sur la loi du Très-Haut (Ecclé., IX, 25). "
" Je vous en conjure donc, mes frères, du moment où vous retirez vos enfants de nourrice, ne les occupez point de contes ridicules. Qu'ils apprennent dès ce premier âge qu'il y a un jugement, qu'il y a un enfer, et qu'ils se pénètrent de componction à ces pensées. Si cette crainte s'enracine dans leurs âmes,
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elle leur procurera de grands avantages. Quand l'esprit aura été imbu dès le jeune âge de ces vérités qui l'humilient, il ne sera pas aisé dans la suite d'en perdre la crainte ; mais dompté pour ainsi dire, par la pensée de l'enfer, on réglera tous ses pas comme un coursier devenu docile ; on ne dira, on ne fera rien que de raisonnable, et ni la jeunesse, ni les richesses, ni l'indépendance où l'on se trouvera par suite de la mort d'un père ou d'une mère, ni autres choses semblables qui perdent tant de jeunes gens, ne pourront occasionner notre perte, tant cette pensée, suffisante pour écarter de nous tous les dangers, sera fortement imprimée dans notre esprit. "
" Réglons donc au moyen de ces graves entretiens notre personne même en premier lien, puis nos femmes, nos enfants, nos domestiques, nos amis, et si cela se peut aussi, nos ennemis. Ainsi couperons-nous racine à bien des péchés. Il est toujours plus avantageux de s'occuper de matières tristes, que de sujets divertissants. . . "
" Je vous le dis encore une fois, mes frères ne fuyons point la pensée de l'enfer, et ce sera pour nous fuir l'enfer. N'ayons point d'horreur de graver dans notre mémoire ces effroyables supplices, pour n'être point un jour précipité dans ces supplices. Si le mauvais riche dont il est parlé dans l'Evangile avait eu présente à l’esprit la pensée de ces feux, il n'aurait pas commis les péchés qui les lui ont fait encourir ; mais pour ne s'être jamais occupé l'esprit de ces flammes dévorantes, il a fini par en devenir victime. "
" N'est-ce pas un effroyable aveuglement, chrétien lâche et indigne de ce nom, que d'avoir à paraître tôt ou tard devant le tribunal de Jésus-Christ, et de vous entretenir continuellement de toute autre chose que de cette affaire ? Si vous aviez un procès à soutenir devant un juge, ne fût-ce comme il arrive souvent, que pour des choses de rien, vous y penseriez la nuit et le jour, vous en parleriez toute heure et à tout instant ; ce serait l'unique sujet de tous vos entretiens comme de toutes vos pensées : et lorsqu'il s'agit pour vous de rendre compte de toute votre vie, et de subir un jour le châtiment de tout le mal que vous aurez fait, vous ne souffrez pas même que les autres vous fassent souvenir de ce jugement, ni du juge devant qui vous aurez à paraître ? "
" N'est-ce pas là aussi la source de tous nos maux, que tandis que, si nous avons quelque affaire temporelle à débattre
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devant des hommes comme nous, il n'y a point de mouvements que nous ne nous donnions, point d'amis que nous ne sollicitions, point d'instants dans la journée ou dans la nuit que nous n'y pensions, point de moyens de succès que nous ne mettions en œuvre lorsqu'il s'agit au contraire de paraître bientôt peut-être devant le tribunal de Jésus-Christ, nous ne fassions rien ni par nous-mêmes, ni par les autres, nous n'ayons pas même recours aux prières pour nous rendre notre juge favorable ? Et cependant, comme il prolonge les délais avant de nous juger ! Comme, tant il est éloigné de vouloir nous surprendre au milieu de nos désordres, il nous donne dans sa clémence tout le temps nécessaire pour nous en corriger ! comme il n'omet rien dans sa bonté de ce qui dépend de lui pour nous ménager notre conversion ! Mais nous nous rendons tout inutile, et nous nous attirons par notre insouciance un châtiment qui n'en sera que plus terrible. "
" Ah! que Dieu détourna de nous un si grand malheur ! Commençons maintenant du moins à rentrer en nous-mêmes. Ayons l’enfer devant les yeux ; pensons à ce compte redoutable qu'il nous faudra rendre ; afin que, sans cesse occupés de ces pensées, nous nous détournions du vice, nous pratiquions la vertu, et puissions ainsi obtenir les biens que Dieu a promis à ceux qui l'aiment (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. XI, p. 519-522), édit. de Montfaucon ; Homélies ou Sermons de saint Jean Chrysostôme, trad. de Sacy et de Fontaine, t. VI, p. 130-137). "
46. S. AUGUSTIN, Tract. IX in Epistolam I Joannis : " Dès que l'on commence à croire au jour du jugement, on commence aussi à le craindre : et tant qu'on le craint, on ne l'attend pas avec confiance, et par conséquent on n'a pas une charité parfaite. Ce n'est pas qu'il faille pour cela désespérer qu'elle ne le devienne : car puisque c'est le commencement, pourquoi désespérer de la fin ? Quelqu'un demandera peut-être quel est ce commencement. Je lui répondrai : C'est la crainte. Ecoutez l'écrivain sacré : Le commencement de la sagesse, c'est la crainte du Seigneur (Ecclé., I, 16). Nous voyons en effet que celui qui craint le jour du jugement commence à corriger ses mœurs et à se tenir en garde contre ses ennemis, c'est-à-dire contre ses péchés. Cette crainte fait revivre en lui l'homme intérieur, fait mourir les membres de l'homme terrestre, en lui faisant pratiquer ce que dit l'Apôtre : Faites mourir en vous les membres de l'homme terrestre (Col., III, 8). Ce que l'Apôtre appelle les membres de
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l'homme terrestre, ce sont les vices principaux auxquels les hommes sont sujets sur la terre ; car il nomme aussitôt l'avarice, l'impudicité, et les autres péchés dont il fait l'énumération. A mesure que celui qui a commencé de craindre le jour du jugement fait mourir en lui les membres de l'homme terrestre, il y fait revivre et y fortifie les membres de l'homme céleste qui sont les bonnes œuvres ; et mesure que ces membres de l'homme céleste revivent et se fortifient, l'homme commence à désirer ce qu'auparavant il avait si fort raison de craindre. Car il craignait que Jésus-Christ ne vînt pour le condamner comme pécheur ; au lieu que maintenant il désire qu'il vienne pour le récompenser comme juste. Lorsque l'âme, comme une chaste épouse de Jésus-Christ, s'est mise une fois à désirer la venue de ce divin époux, elle ne soupire plus qu'après ses caresses ; elle renonce à toutes les affections par lesquelles elle lui avait été infidèle ; et par cet heureux changement, la foi, l’espérance et la charité la rétablissent dans l’état de virginité dont elle était déchue. . . "
" La crainte ne se trouve pas dans la charité (I JEAN, IV, 18). Que dire donc de celui qui craint le jour du jugement ? Nous dirons qu'il ne le craindrait pas, si sa charité était parfaite. Car la charité parfaite le rendant parfaitement juste, il n'aurait rien à craindre ; au contraire, il aurait toute raison de désirer que l'iniquité ait son terme et que le règne de Dieu arrive. La crainte ne se trouve donc pas dans la charité. Mais dans quelle charité ? Ce n'est pas dans celle qui n'est que commencée, mais dans celle qui est parfaite. Aussi notre Apôtre ajoute-t-il ? Mais la charité parfaite chasse la crainte. Commençons donc par craindre Dieu, puisque l'Ecriture nous avertit que c'est là le commencement de la sagesse. La crainte prépare en quelque sorte l'habitation à la charité. Mais quand la charité est une fois entrée dans un cœur, la crainte lui cède la place et se retire. Car plus la charité fait de progrès, plus la crainte s'affaiblit, plus la charité pénètre avant dans nos cœurs, plus elle en éloigne la crainte. La crainte diminue à proportion que la charité augmente ; la crainte augmente à proportion que la charité s'affaiblit. Cependant, si nous n'avions pas du tout de crainte, la charité ne trouverait pas d'ouverture pour entrer dans notre cœur, comme nous voyons que dans les ouvrages de broderie on fait entrer la laine, ou la soie dans le canevas au moyen d'une aiguille qui pénètre la première dans le canevas, puis en sort pour faire place à la
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laine ou à la soie qui y pénètre à son tour. C'est ainsi que la crainte se saisit la première de l'âme ; mais ce n'est pas pour y demeurer : car elle n'y est entrée que pour y introduire la charité (Cf. Les Traités de saint Augustin sur l'Evangile de saint Jean et sur l'épître aux Parthes, t. IV, p. 276-284). "
17. Le même, in Ps. CXXVII : " Ce n'est pas en général toute sorte de crainte que la charité bannit selon le témoignage de saint Jean. Car le psaume (XVIII, 10) dit formellement : La crainte du Seigneur qui est chaste subsiste dans les siècles des siècles. Il y a donc une crainte qui subsiste ; il y en a une autre qui est expulsée. La crainte qui est expulsée n'est point chaste ; celle qui subsiste l'est. "
" Quelle est la crainte qui est bannie ? Ecoutez ceci, je vous prie. Il y en a qui n'ont point d'autre crainte que celle de souffrir ici quelque mal, de tomber dans quelque maladie, d'endurer quelque perte, de perdre quelque enfant ou quelque ami, d'aller en exil, d'être condamné à la prison, de souffrir quelque affliction semblable. Ces maux leur donnent de la crainte, et les font trembler. Cette crainte n'est pas encore une crainte chaste. Allons plus loin. Un autre ne craint peut-être pas les maux de ce monde ; mais il craint l'enfer dont Jésus-Christ nous menace, comme vous l'avez entendu dans l'Evangile : Le ver qui les ronge, a-t-il dit, ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point. Quand les hommes entendent des paroles si terribles, comme ils savent que ces choses arriveront très-certainement aux méchants, ils sont saisis de crainte, et s'abstiennent de pécher. Il est vrai qu'ils ont la crainte ; mais ils n'aiment pas encore la justice. Cependant, en s'abstenant de pécher même par motif de crainte, ils s'habituent à la justice ; ce qui leur paraissait dur leur devient aimable ; insensiblement ils s'affectionnent Dieu, et ils commencent à bien vivre, non plus parce qu'ils craignent la peine, mais parce qu'ils aiment l’éternité. Ainsi la charité a banni la crainte ; mais à cette crainte qui est bannie, en succède une autre qui est chaste. . . C'est celle qui a l'amour pour principe. Cette autre crainte qui n'est pas encore chaste craint la présence du Seigneur et ses châtiments. On fait par crainte le bien que l'on fait, non par crainte de perdre le souverain bien que vous savez, mais par crainte de souffrir les maux que vous savez aussi. Ce qu'on craint, ce n'est pas d'être
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privé de la douceur ineffable des embrassements du divin époux, mais c'est d'être jeté dans les flammes de l'enfer. Il est vrai que cette crainte aussi est bonne, elle est utile ; mais elle ne subsistera pas de siècle en siècle : ce n'est point là cette crainte chaste qui subsistera toujours (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, t. VI, p. 557-561). é
18. Le même, Serm. XIII de verbis Apostoli, c. 13 : " Ne nous conduisons donc plus avec crainte, mais avec amour ; non plus comme des esclaves à l’égard de leurs maîtres, mais comme un fils à l'égard de son père. Car celui qui ne se conduit bien que par la crainte du châtiment, n'aime pas Dieu, ne mérite pas d'être complu au nombre de ses enfants ; Dieu veuille cependant qu'il ait du châtiment une véritable crainte. La crainte convient à l'esclave, l'amour à celui qui est libre ; et pour ainsi parler, la crainte est l’esclave de l'amour. Pour que le démon ne se rende pas maître de votre cœur, que l’esclave en garde l'entrée, et en assure ainsi la possession à son maître. Agissez, je le veux, par crainte du châtiment, si vous n'êtes pas encore capable d'agir par amour de la justice. Le maître une fois venu, l'esclave pourra se retirer ; car l'amour parfaitement établi chasse la crainte. (I JEAN, IV, 18). "
19. Le même, Serm. XIX de verbis Apostoli, c. 8 : " Quand vous me dites : Je crains l'enfer, je crains de brûler, je crains d'être puni éternellement, devrai-je vous répondre que vous craignez mal à propos, que vous craignez vainement ? C'est ce que je n'oserais faire, puisque Notre-Seigneur lui-même n'a voulu substituer à la crainte qu'une autre crainte : Ne craignez pas, a-t-il dit, ceux qui tuent le corps, mais qui après cela ne peuvent plus faire d'autre mal ; craignez plutôt celui qui peut précipiter le corps et l'âme dans l'enfer : oui, je vous le déclare, craignez celui-ci (MATTH., X, 28 ; LUC, XII, 4-5). Puis donc que Notre-Seigneur nous a proposé et si fortement inculqué ce motif de crainte, en ajoutant même à ce qu'il nous a dit des paroles de menaces, puis-je, moi, vous dire que vous craignez sans raison ? Je ne saurais vous le dire. Craignez, oui, craignez ; point de crainte mieux placée que celle-là ; point de chose que vous deviez craindre davantage. Mais, je vous demanderai : Si Dieu ne vous voyait pas quand vous êtes à faire quelque action, et que vous n’eussiez à craindre d'être déféré par personne à son tribunal, feriez-vous cette action ? Examinez-vous vous-même là-dessus. Car vous
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n'avez pas à répondre à chacune de mes paroles ; soyez vous-même votre examinateur. Feriez-vous cette action ? Si vous vous répondez à vous-même que vous la feriez, c'est donc le châtiment que vous craignez, et non la chasteté que vous aimez ; vous n'avez donc pas encore la charité ; votre crainte est servile ; c'est la peur que vous avez du mal, et non l'amour que vous avez du bien. Mais cependant craignez, afin que cette crainte vous serve de sauvegarde et qu'elle vous initie à l'amour. Car cette crainte que vous avez de l'enfer et qui vous empêche de faire le mal vous retient du moins, et s'oppose à ce que vous commettiez le péché vers lequel le penchant vous entraîne : la crainte est comme une garde placée à l'entré de notre cœur, comme un moniteur chargé de nous rappeler les prescriptions de la loi ; c'est la lettre qui menace, et non encore la grâce qui vient en aide. Que cette crainte cependant vous serve de sauvegarde, en vous retenant sur le point de faire le mal ; mais que la charité vienne ensuite : à mesure que la charité entrera dans votre cœur, la crainte en sortira. La crainte vous empêchait de faire même ce qu'autrement vous auriez voulu faire ; la charité vous empêchera de faire la même chose, quand même vous pourriez la faire impunément. "
20. Le même, Lib. de sanctâ virginitate : " La crainte ne se trouve point avec la charité ; mais, comme dit l'Apôtre, la charité parfaite expulse la crainte (I JEAN, IV, 18) ; je veux dire toutefois la crainte des hommes, et non la crainte de Dieu ; la crainte des maux temporels, et non celle du jugement final. Prenez garde de vous élever, mais tenez-vous dans la crainte (Rom., XI, 20). Aimez la bonté de Dieu, craignez sa justice : ces deux motifs vous interdisent également d'être orgueilleux. Car si vous aimez, vous avez à craindre d'offenser grièvement celui que vous aimez et qui vous aime. Eh ! quelle offense plus grave pourriez-vous commettre, que de vous rendre coupable d'orgueil devant celui qui, par amour pour vous, s'est exposé à tant de mauvais traitements de la part des orgueilleux ? "
21. Le même, Serm. CCXIV de tempore, c. 1 : " En redoutant le châtiment dont Dieu menace le pécheur, on s'accoutume à aimer la récompense qu'il promet au juste ; et c'est ainsi que la crainte du châtiment contribue à l'amendement des mœurs. La bonne conduite produit à son tour la bonne conscience, et la bonne conscience finit par dissiper la crainte du châtiment. Sachons donc le redouter, si nous voulons n'avoir pas à le redouter. Sa-
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chons trembler à temps, pour n'avoir plus à trembler dans la suite ; car, comme l'a dit saint Jean, la crainte ne se trouve pas dans la charité, mais la charité parfaite expulse la crainte. C'est là un mot plein de sens et de vérité. Si donc vous ne voulez pas de la crainte, voyez auparavant si vous avez cette charité parfaite qui expulse la crainte. Que si au contraire vous vous débarrassez de la crainte avant d'avoir cette charité parfaite, vous avez dès-lors l'orgueil qui enfle, au lieu de la charité qui édifie. Car de même que, quand on est en bonne santé, on chasse la faim non par le dégoût qu’on témoigne pour les aliments, mais au contraire par l'usage qu'on en fait, ainsi, quand on a une bonne conscience, on chasse la crainte non par la vanité, mais par la charité parfaite. "
22. S. BERNARD, Serm. II in die apostolorum Petri et Pauli : " Etudions-nous, mes frères, à vivre de la vie des justes ; mais souhaitons encore davantage de mourir de leur mort. Aussi la sagesse préfère-t-elle les derniers temps des justes, en nous jugeant, comme elle veut le faire, dans le lieu où elle nous trouvera. Il est certainement tout-à-fait nécessaire que la fin de cette vie présente soit unie au commencement de la vie future : car la dissemblance de l'une avec l'autre serait trop insupportable ; et, pour me servir d'une comparaison très-commune, de même que celui qui voudrait coudre ou lier deux ceintures ensemble tâche de rendre uniformes les deux bouts qu'il faut joindre, afin qu'ils soient plus propres à cette union, sans se mettre fort en peine des autres parties ; de même quelque spirituelle que paraisse notre conduite pendant la vie, si la fin doit en être charnelle, elle ne pourra s'ajuster avec cette vie spirituelle, et la chair et le sang ne pourront jamais posséder le royaume de Dieu (I Cor., XV, 50). Mon fils, dit le Sage, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pècherez jamais (Ecclé., VII, 40) ; parce qu'en effet ce souvenir rend une âme extrêmement timorée, et la crainte bannit le péché et ne tolère point la négligence. "
" C'est là aussi ce qui faisait dire à Moïse de quelques-uns : Plût à Dieu qu'ils fussent sages, et qu'ils eussent l'intelligence et la prévoyance de leurs dernière fins (Deut., XXXII, 29). Dans ces paroles je remarque trois vertus qui nous sont particulièrement recommandées, la sagesse, l'intelligence et la prévoyance ; vertus qu'il me semble pouvoir rapporter à trois temps différents, de sorte que nous pouvons par elles retracer en nous une certaine image de l’éternité, en réglant le présent avec sagesse, en jugeant le passé avec intelligence, et en nous assurant par pré-
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voyance le bonheur de notre avenir. En ces trois points, en effet, je vois l'abrégé et la perfection de toute notre conduite spirituelle, qui consiste à disposer sagement notre vie actuelle, à nous rappeler le passé dans l'amertume de notre cœur, et à donner tous nos soins à la prévoyance des choses futures. Vivons dans ce siècle, dit l'Apôtre, avec sobriété, avec justice, avec piété (Tite, II, 12) ; en sorte que la sobriété soit gardée dans le temps présent, que les temps passés qui se sont écoulés sans aucun fruit de salut soient rachetés par une satisfaction salutaire, et que nous opposions le bouclier de la piété aux périls qui nous menacent pour l'avenir. Aussi n'y a-t-il que la piété qui soit propre à toutes choses (I Tim., IV, 8) ; la piété qui n'est autre chose que le culte humble et dévot que nous rendons Dieu ; et nous ne pouvons pas pourvoir comme il faut à nos fins dernières à moins de penser sérieusement et continuellement à tous les dangers dont nous sommes menacés et d'apprendre par ce moyen à nous méfier de notre vertu et de nos mérites, et à nous confier avec une piété sincère et une intention pure en la seule protection de Dieu, de qui vient toute grâce et tout don parfait (JAC., I, 7), aussi bien que la consommation de notre bonheur et la mort précieuse qui est l'objet de nos désirs. "
" Ces trois choses nous ont été spécialement recommandées par le Sauveur, dans le sermon des huit béatitudes qu'il fit à ses disciples : Heureux les pauvres, heureux ceux qui sont doux, heureux ceux qui pleurent (MATTH., V, 3 et s.). Heureux ceux qui goûtent les choses de l'autre vie, et qui méprisent celles de la vie présente par le grand désir qu'ils ont des biens célestes. Heureux ceux qui pensent à leurs fins dernières, qui reçoivent avec douceur la parole intérieure destinée à sauver leurs âmes (JAC., I, 21), et dont le cœur n'aspire qu'à l'héritage éternel. Heureux ceux qui, réfléchissant sur leurs premiers égarements, ne cessent de laver leur couche de leurs larmes. Voyez-vous ce que le saint prophète désire ce qu'il souhaite d'obtenir à ceux pour qui il prie ? Plût à Dieu qu'ils fussent sages, qu'ils eussent l'intelligence et la prévoyance de leurs fins dernières ! Comme s'il disait en termes moins obscurs : Plût à Dieu qu'ils eussent l'esprit de sagesse, d'intelligence et de conseil ! Dieu veuille, mes frères, que ces dons se trouvent en nous, que nous disposions doucement toutes nos affaires par notre sagesse, que nous condamnions par notre intelligence nos péchés passés, et qu'un bon conseil nous fasse pourvoir à notre salut à venir. Dieu veuille que nous soyons sages
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pour régler notre conduite en cette vie, que nous concevions la vérité des choses pour nous reprendre de notre vie passée, et que par la vivacité de notre foi nous puissions obtenir de la divine miséricorde l'heureux accomplissement de tous nos désirs. C'est ce triple bien qui nous fera parvenir au salut éternel : une vie réglée, un jugement équitable, et une foi pieuse et sincère (Cf. Les Sermons de saint Bernard sur les fêtes des saints, trad. de D. Ant. de Saint-Gabriel, p. 188-192). "
23. Le même, Epist. CCXCII, à un homme
du monde qui avait tâché de détourner son parent du
dessein d'embrasser la vie religieuse : " Plût à Dieu que
vous eussiez la sagesse et l'intelligence, et que vous prévissiez
a quoi tout se terminera, que vous eussiez de la sagesse pour les vérités
divines, de l'intelligence pour les vanités du monde, et de la prévoyance
pour les maux à venir ! Vous auriez horreur des supplices de l'enfer
; vous soupireriez après les délices du ciel, et vous mépriseriez
tout ce qui se voit ici-bas (Cf. Les lettres de saint Bernard, traduction
de Villefore, tome II, p. 311-312). "
Question VII
A quoi peut se réduire toute la doctrine contenue dans cet ouvrage ?
Cet ouvrage tout entier se réduit à ces deux choses : LA SAGESSE ET LA JUSTICE CHRETIENNES. A la sagesse appartiennent les chapitres de la foi et du symbole de la foi, de l’espérance et de l'oraison dominicale, de la charité et du décalogue. Car la foi, l'espérance et la charité sont les trois vertus dans lesquelles, comme l'a remarqué saint Augustin, les saintes Ecritures font consister la vraie sagesse de l'homme. A ces chapitres nous avons joint ceux des commandements de l’Eglise et des sacrements. Car, comme les vertus dont nous venons de parler ne sauraient subsister sans le recours aux sacrements et l'observation des commandements de l'Eglise, la fidélité au contraire à ces mêmes devoirs contribue admirablement à nous procurer ces mêmes vertus, à nous y affermir, à nous en faciliter le progrès et à nous y perfectionner. C'est ainsi que nous avons employé toute la première partie de cet ouvrage à traiter de ce qui concerne la sagesse chrétienne.
La seconde, qui a la justice pour objet, nous montre dans un rapide tableau le développement de ses deux principales fonc-
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ctions, qui sont, d'un côté la fuite du mal, et de l'autre la recherche et la pratique du bien. Car, comme le dit saint Chrysostôme, il ne nous suffit pas pour obtenir notre salut de nous abstenir du mal, si nous n'avons soin en même temps de faire le bien et de pratiquer la vertu. A ces deux principales divisions nous avons rattaché certains chapitres qui peuvent plus particulièrement concerner, soit le mal à éviter, soit le bien à faire. Tobie, ce personnage aussi sage que vertueux, exprime succinctement tous les devoirs auxquels peut s'étendre la vertu de justice et qui en font le prix, lorsqu'il donne l'avis suivant à son fils, et dans sa personne à tous les enfants de Dieu : Ne craignez point, mon fils, nous menons à la vérité une vie pauvre, mais nous n'en serons pas moins riches, si nous craignons Dieu, si nous nous tenons éloignés de tout péché et que nous fassions de bonnes œuvres. Ainsi apprenons-nous à connaître l'ensemble des obligations du chrétien, qui ne se bornent pas à la pratique de la vertu de foi, mais qui exigent de plus la conformité de la vie entière aux principes de la sagesse et de la justice chrétiennes. Le cœur sage et intelligent, nous dit l'Ecriture, s'abstiendra du péché, et il réussira dans les œuvres de justice.
Toutefois, pour ne pas dépasser les bornes étroites que nous nous sommes prescrites, terminons ici cet ouvrage destiné à l'instruction des fidèles, et particulièrement de ceux d'entre eux qui ont le plus besoin d'instruction. Nous conclurons tout ce que nous avons dit par ces belles paroles de l'Ecclésiastique qui devraient être comme le cachet de toute la vie humaine : Craignez Dieu et gardez ses commandements ; car c'est là tout l'homme.
O Dieu, soutenez et amenez à sa perfection ce que vous avez fait en nous.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Psaume XXXIII, 15 ; voir plus haut, chapitre des péchés, question I, témoignage 2, t. III, page 352.
2. Psaume XXXVI, 27 ; voir ibidem, témoignage 4.
3. TOBIE, IV, 23 ; comme dans le corps de la réponse.
4. Ecclésiastique, III, 32 ; comme dans le corps de la réponse.
5. Ecclésiaste, XII, 13 ; comme dans le corps de la réponse.
6. Psaume LVII, 26 ; comme dans le corps de la
réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. II Retractationum, c. 63 ; comme plus haut, chapitre de la Foi et du Symbole, question II, témoignage 1, t. I, p. 5.
2. Le même, Enchiridion, c. 2 ; v. ibidem, témoignage 2 de la tradition.
3. Le même, ibidem, c. 3 ; v. ibidem, témoignage 3.
4. S. CHRYSOSTOME, in Psalmum IV, passage rapporté plus haut, chapitre des Péchés question I, témoignage 2, t. III, p. 353.
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APPENDICE
AU
PRECIS DE LA DOCTRINE CHRETIENNE,
OU
TRAITE DE LA CHUTE DE L’HOMME.
ET DE SA JUSTIFICATION
SUIVANT LA DOCTRINE ET D’APRES LES PAROLES MEMES DU CONCILE DE TRENTE.
CHAPITRE I.
DE L’ETAT PRIMITIF ET DE LA CHUTE DU PREMIER HOMME.
" Adam, notre premier père, ayant transgressé le commandement
de Dieu dans le paradis où il avait été placé,
perdit aussitôt la sainteté et la justice qui jusque-là
avaient fait sa gloire ; et de plus, par cette prévarication dont
il se rendit coupable, il encourut la colère et l'indignation de
Dieu, et par une suite naturelle la mort dont il avait été
d'avance menacé ; en même temps il devint captif du démon,
qui depuis a eu l'empire de la mort. Enfin, par cette funeste désobéissance,
Adam se trouva déchu de tous ses privilèges tant du corps
que de l'âme. " é Concile de Trente, session V, canon
1.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Genèse, II, 15-17, 25 : " Le Seigneur prit donc l'homme, et le mit dans le paradis de délices, afin qu'il le cultivât et le gardât. - Il lui fit aussi ce commandement, et lui dit : Mangez de tous les fruits des arbres du paradis ; - mais ne mangez point du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal. Car du jour où vous en mangerez, vous mourrez très-certainement. - Or, Adam et sa femme étaient alors tous deux nus, et ils n'en rougissaient point. "
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2. Ibidem, III, 6-24 : " La femme considéra donc que le fruit de cet arbre était bon à manger, qu'il était beau et agréable la vue. Et en ayant pris, elle en mangea, et en donna à son mari qui en mangea aussi. - En même temps leurs yeux furent ouverts à tous deux ; ils reconnurent qu'ils étaient nus, et ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s'en firent de quoi se couvrir. - Et comme ils entendirent la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le paradis après midi, dans le moment où il se levait un vent doux, ils se retirèrent au milieu des arbres du paradis, pour se cacher de devant sa face. - Alors le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit : Où êtes-vous ? - Adam lui répondit : J'ai entendu votre voix. dans le paradis, et j'ai eu peur, parce que j’étais nu : c'est pourquoi je me suis caché. - Le Seigneur lui repartit : Et d'où avez-vous su que vous étiez nu, sinon de ce que vous avez mangé du fruit de l'arbre dont je vous avais défendu de manger ? - Adam lui répondit : La femme que vous m'avez donnée pour compagne m'a présenté du fruit de cet arbre, et j'en ai mangé. - Le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi avez-vous fait cela ? Elle répondit : Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé de ce fruit. - Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes de la terre. Tu ramperas sur le ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie. - Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre sa race et la tienne. Elle te brisera la tête, et tu tâcheras de la mordre par le talon. - Dieu dit aussi à la femme : Je vous affligerai de plusieurs maux pendant votre grossesse. Vous enfanterez dans la douleur ; vous serez sous la puissance de votre mari, et il vous dominera. - Il dit ensuite à Adam : Parce que vous avez écouté la voix de votre femme, et que vous avez mangé du fruit de l'arbre dont je vous avais défendu de manger, la terre sera maudite à cause de ce que vous avez fait, et vous n'en tirerez qu'avec beaucoup de travail de quoi vous nourrir pendant toute votre vie. - Elle vous produira des épines et des ronces, et vous vous nourrirez de l'herbe de la terre. Vous mangerez votre pain à la sueur de votre visage, jusqu'à ce que vous retourniez en la terre d'où vous avez été tiré ; car vous êtes poussière, et vous retournerez en poussière. - Et Adam donna à sa femme le nom d'Eve, parce qu'elle était la mère de tous les vivants. - Le Seigneur Dieu fit aussi à Adam et à sa femme des habits de peaux, dont il les revêtit. - Et il dit : Voilà Adam
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devenu comme l'un de nous, sachant le bien et le mal. Empêchons donc maintenant qu'il ne porte sa main à l'arbre de vie, qu'il ne prenne aussi de son fruit, et qu'en mangeant il ne vive éternellement. Le Seigneur Dieu le fit sortir ensuite du jardin délicieux, pour travailler à la culture de la terre d'où il avait été tiré. - Et l'en ayant chassé, il mit des chérubins devant le jardin de délices, qui faisaient étinceler une épée de feu, pour garder le chemin qui conduisait à l'arbre de vie. "
3. Epître aux Romains, V, 12 : " Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché ; ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché. "
4. Epître aux Hébreux, II, 14 : " Comme donc les enfants
sont d'une nature mortelle composé de chair et de sang, c'est
pour cela que lui-même a pris aussi cette même nature, afin
de détruire par sa mort celui qui avait l'empire de la mort, c'est-à-dire
le démon. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Cité de Dieu, livre XIV, c. 17 : " Ils étaient nus et n'en rougissaient pas ; non que cette nudité leur fût inconnue, mais elle n'était pas encore honteuse. Alors la concupiscence ne sollicitait pas les organes malgré la volonté ; alors la chair par ses révoltes ne se levait pas en témoignage contre la désobéissance de l'homme ; car ils n'avaient pas été créés aveugles, comme le vulgaire ignorant se l'imagine. L'homme voit les animaux et les nomme ; la femme voit que le fruit défendu est un aliment agréable au goût et aux yeux. Leurs yeux étaient donc ouverts, excepté sur ce point. Rien n'avait appelé leur attention sur ce voile dont la grâce les couvrait, quand les membres ne savaient pas encore résister à la volonté. Cette grâce se relire ; la désobéissance est le châtiment de la désobéissance ; il se produit dans les mouvements du corps quelque chose de lubrique autant que de nouveau, et leur nudité leur devient une honte ; leur attention s'éveille, ils demeurent confus. Et c'est pour cela que l’Ecriture ajoute, après le récit de cette éclatante transgression du commandement divin : " Et leurs yeux s'ouvrirent, et ils connurent qu'ils étaient nus ; et ils entrelacèrent des feuilles du figuier, et s'en firent une ceinture. " Leurs yeux s'ouvrirent, dit la Genèse non pour voir, car ils voyaient dès auparavant ; mais pour distinguer entre le bien dont ils étaient déchus
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et le mal où ils étaient tombés. Aussi cet arbre même dont le fruit prohibé devait amener cette funeste connaissance, s'appelait-il l'arbre de la science du bien et du mal. Car l'épreuve douloureuse de la maladie rend plus sensible le charme de la santé. Ils connurent donc qu'ils étaient nus ; c'est-à-dire que, dénués de cette grâce qui avait voilé jusque-là à leurs propres yeux la nudité de leurs corps, où la loi du péché ne soulevait encore aucune révolte contre l'esprit, ils connaissaient ce qu'ils auraient été plus heureux d'ignorer, si, fidèles et obéissant à Dieu, ils n'eussent point commis le crime qui leur fît goûter les fruits amers de l'infidélité et de la désobéissance (Cf. La Cité de Dieu, t. II, trad. de M. Moreau, p. 338-340). "
2. Le même, de Genesi ad litteram, lib. VI, c. 26 : " L'Apôtre dit aux Ephésiens (IV, 21-22) qu'ils ont appris, selon la vérité de la doctrine de Jésus-Christ à dépouiller le vieil homme selon lequel ils ont vécu dans leur première vie, qui se corrompt en suivant l’illusion de ses passions. Par le vieil homme il entend Adam, qui avait perdu par le péché la vigueur de la jeunesse. Remarquez donc bien ces paroles qui suivent : Renouvelez-vous dans l'intérieur de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau, qui a été créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritable (ibid. 23-24). Voilà ce qu'Adam avait perdu par le péché. "
3. Ibidem, c. 27 : " Notre renouvellement consiste donc à recouvrir ce qu'Adam avait perdu, c'est-à-dire la sainteté intérieur de l'âme. Quant à notre corps, qui est mis en terre comme un corps animal, et qui ressuscitera avec les qualités d'un corps spirituel (I Cor., XV, 44), le renouvellement qui s'y fera nous mettra dans un état meilleur que n'a jamais été jusqu'ici celui d'Adam. L'Apôtre dit encore : Dépouillez le vieil homme avec ses œuvres, et revêtez le nouveau, qui se renouvelle pour connaitre Dieu selon l’image de celui qui l'a créé (Col., III, 9-10). C'est cette image imprimée dans l'intérieur de l'âme qu'Adam a perdue par le péché, et que nous recouvrons par la grâce de la justification ; et non les qualités spirituelles et le privilège d'immortalité qu'auront les corps de tous les saints après la résurrection, mais que n'a jamais eu jusqu'ici le corps d'Adam. Car la justice et la sainteté intérieure de l'âme est ce qu'Adam a principalement perdu par son péché. "
4. Le même, in Concione ad Catechumenos contra Judæos, Paganos et Arianos, c. 2 : " Le diable voyant le premier homme que
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Dieu avait créé, je veux dire Adam, le père de nous tous, fait à l'image de Dieu quoique tiré du limon de la terre, avec la chasteté pour ornement, la tempérance pour règle, la charité pour soutien, l'immortalité pour vêtement ; le diable, dis-je, jaloux, de voir que l'homme, quoique tiré de la terre, avait reçu de Dieu ce que lui-même, tout ange qu'il était, avait perdu par son orgueil, jura la perte de ceux dont il enviait le bonheur, et parvint à dépouiller nos premiers parents de tous ces inestimables avantages, que dis-je ? causer leur entière ruine. Car ayant une fois fait perdre à l'homme d'aussi grands biens que le sont la chasteté, la tempérance, la charité, l'immortalité, et l'avoir réduit à un état honteux de nudité, il l'enchaîna dans son esclavage en lui donnant par dérision quelques haillons, et s'attacha par ce même moyen toute sa postérité. Ce sont en effet de bien vils haillons que ceux que reçu Adam, lorsque dépouillé par le diable de sa chasteté, il prit à la place l'impudicité, l’intempérance à la place de la tempérance, la méchanceté la place de la charité, et à la place de l'immortalité la mort même. Quelle différence entre ce qu'il a perdu et ce qu'il a reçu Or, tels sont les haillons misérables que le premier homme a transmis à sa postérité. "
5. S. FULGENCE, évêque de Ruspe, Lib. de incarnatione et gratiâ Domini nostri Jesu Christi, c. 12 : " Quiconque ne veut pas porter en vain, ou pour mieux dire, à sa propre condamnation, le nom de chrétien, doit croire fermement que notre Dieu, c'est-à-dire la sainte Trinité, qui est un seul Dieu véritable et souverain, avait donné au premier homme, en le créant bon par un effet de sa bonté toute gratuite, et en le formant à son image avec la faculté de le connaître et de l'aimer, non-seulement une volonté tournée vers le bien, mais de plus un libre arbitre constitué dans toute son intégrité, dans toute sa force, pour se maintenir dans l'état de justice, afin de lui accorder dans la suite par bonté la vie éternelle pour récompense, si lui-même n'abusait pas de sa liberté en se rendant infidèle à la grâce dont il empruntait le soutien, ou de lui faire subir un juste châtiment, s'il perdait sa grâce en perdant la crainte de sa justice. Le Créateur infiniment bon et infiniment juste imposa donc à l'homme, qu'il avait enrichi, sous la grossière enveloppe d'un corps animal, du don d'intelligence et de justice, cette équitable condition que, s'il gardait l'obéissance, cette vertu la première de toutes, son corps, sans éprouver la mort, parce que son âme n'aurait pas perdu
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son innocence, passerait de l’état animal, dans lequel il avait été créé à un état spirituel et immortel, de sorte que, s'il avait observé la défense qui lui avait été intimée, il aurait reçu de la libéralité divine non-seulement le don d'une immortalité parfaite et inamissible, mais encore, par rapport à son âme, la grâce de vivre si saintement et si justement, qu'il en vînt ne pouvoir plus pécher, dès qu'il n'aurait pas péché tandis qu'il en avait le pouvoir. Le premier homme ayant donc été créé de terre, et par conséquent à l'état terrestre, reçu une grâce à l'aide de laquelle il aurait été dans l'heureuse impuissance de pécher, si lui-même n'avait pas voulu pécher, sans que cependant il eût déjà reçu la grâce encore plus grande de ne vouloir ni pouvoir pécher ; dernier don que le Seigneur bon et juste se réservait de lui accorder, s'il usait bien de ce premier par une obéissance toute volontaire. Mais si l'homme ne se mettait pas en peine d'obéir à un commandement si plein de bonté comme d'équité, alors, outre la mort de l'âme qu'il se donnait lui-même par son péché, il encourait la mort corporelle avec tous les maux de la vie présente, et pour n'avoir pas voulu conserver dans son cœur l'heureux état de justice, il devait n'être pas laissé toujours libre de mener une vie licencieuse dans une chair de péché, mais être réduit à la juste nécessité de mourir dans son corps même après s'être causé volontairement la mort spirituelle par la transgression coupable d'un précepte salutaire. "
6. Ibidem, c. 13 : " En péchant comme il l'a fait, lui qui avait été créé exempt de toutes nécessités de cette espèce, l'homme a perdu, avec la santé de l'âme, la pensé même des choses de Dieu. Il a oublié de manger son pain (Ps. CI, 5), et s'est vu dépouillé du vêtement de la foi, couvert des plaies que lui ont faites les passions charnelles, tellement asservi sous l’empire du péché qu'il ne pouvait plus avoir même un commencement de bonne volonté que par un don tout gratuit de la divine miséricorde ; esclave du péché, par-là même qu’il avait voulu être libre à l’égard de la justice (Rom., VI, 20) ; étranger par conséquent à la justice, par une suite nécessaire de ce qu'il s'était volontairement assujetti sous le joug du péché. "
7. S. BERNARD, Serm. I de Annuntiatione beatæ Mariæ : " Il me semble, mes très-chers frères, que l'homme a été revêtu de quatre principales vertus dès le premier commencement de sa création, et que ç'a été là le vêtement de salut dont parle le prophète ; car c'est à proprement parler dans ces quatre vertus que le salut
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consiste, et sans ces quatre vertus réunies il serait impossible de l'obtenir, d'autant plus que, séparées les unes des autres, elles cesseraient d'être de véritables vertus. "
" L'homme en cet état avait donc reçu la miséricorde comme sa gardienne et sa suivante, afin qu'elle marchât devant lui et qu'elle le suivît, qu’elle le défendît et le protégeât en tous lieux. Voyez un peu quelle nourrice Dieu a choisie à son enfant, et quelle suivante il a donné l'homme nouvellement venu au monde. Mais il lui fallait encore un précepteur comme à une créature noble et raisonnable, qui ne devait pas être simplement gardée à la façon des bêtes mais dont l’éducation devait être soignée comme celle d'un enfant extrêmement chéri. Or, il ne pouvait pas s'en trouver d'autres plus propres pour cet office que la Vérité même qui devait le conduire infailliblement à la connaissance de la souveraine vérité ; et, pour qu'il ne fût pas du nombre de ceux qui sont savants à faire le mal, et qu'il ne tombât point dans le péché en se contentant de connaître le bien sans songer à le pratiquer, il reçut la justice pour se laisser conduire par elle dans toutes ses actions. Enfin la main bienfaisante du Créateur ajouta la paix à ses autres dons, afin que cette vertu maintînt l'homme dans la joie ou dans le sentiment de son bien-être ; mais une paix double, exempte à la fois des peines intérieures et des combats à livrer au dehors, qui empêche à la chair de se révolter contre l'esprit, et qui n'eût rien à craindre de quelque créature que ce fût. Et en effet ce fut lui qui donna son gré aux diverses espèces d'animaux les noms qu'elles portent ; et de là vient que le serpent lui-même n'osant s'attaquer a lui à force ouverte, ne songea qu'à le tromper par artifice. Que manquait-il donc à celui qui étai gardé par la miséricorde, instruit par la vérité, gouverné par la justice et conservé par la paix ? "
" Mais hélas ! cet homme, pour son malheur et dans sa folie, descendit de Jérusalem à Jéricho et tomba entre les mains des voleurs, qui le dépouillèrent de tout ce qu'il possédait. En effet, celui-là n'était-il pas dépouillé qui se plaignait d'être nu lorsque Dieu vint le chercher ? Mais il ne pouvait être revêtu ni reprendre les habits qu'on lui avait ôtés, à moins que Jésus-Christ ne se dépouillât des siens propres : car, comme il n'a pu recevoir de nouveau la vie de l'âme que par la mort corporelle du Sauveur, il n'a pu également être revêtu que par sa nudité. Et voyez, s'il vous plaît, si ce n'est point à cause de ces quatre vertus qui
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composaient le vêtement que le premier ou le vieil homme avait perdu, que la robe du second ou du nouvel homme fut divisé par les soldats, et en autant de parties. Peut-être me demanderez-vous quelle est cette robe sans couture qui n'est point divisée, et qui a été tirée au sort. Pour moi, je crois que c'est l'image de Dieu, qui n'est point simplement rattachée ou cousue, mais qui est imprimée si intimement dans la nature même, qu'elle ne peut être divisée ou en être séparée seulement à demi. C'est ainsi que l'homme a été fait à l'image de Dieu : à son image, par la puissance de son libre arbitre, et à sa ressemblance par les vertus qui lui furent communiquées. La ressemblance, il est vrai, a été détruite par le péché ; mais si l'homme est passé d'un état à un autre, l'image cependant est restée. Cette image pourra bien subir le feu de l'enfer ; mais elle n'en sera point consumé : elle pourra être rougie par le feu, mais sans jamais être réduite en cendres. Cette image n'est point partagée, mais elle est donnée au sort : elle accompagnera l'âme partout où l'âme se trouvera. Il n'en est pas de même de la ressemblance : car elle ne subsiste qu'autant que l'âme se conserve dans la vertu ; mais l'âme au contraire s'abandonne-t-elle au péché, la ressemblance aussitôt disparaît, ou si vous l'aimez mieux, l'âme n'est plus semblable qu'aux animaux sans raison. "
" Cependant, comme nous avons dit que l'homme a été dépouillé des quatre vertus qu'il avait reçue dans sa création, il peut être à propos d’expliquer de quelle manier il a été dépouillé de chacune d'elles. Il est certain que l'homme a perdu la justice, lorsqu'Eve se laissa séduire par le serpent, et qu'Adam se rendit plutôt à la voix de sa femme qu'à celle de son Dieu. Il leur restait toutefois une ressource dont il ne tenait qu'à eux de faire usage, et Dieu lui-même semblait la leur indiquer par l'examen qu'il faisait devant eux de leur action ; mais ils ne voulurent point la mettre à profit, aimant mieux chercher des paroles de malice pour trouver des excuses à leur péché. En effet, la justice a deux parties : la première est de ne point pécher, et la seconde est de condamner son péché par la pénitence. "
" Secondement, l'homme perdit la miséricorde, lorsqu'Eve se laissa tellement emporter par sa passion, qu'elle n'eut aucun égard ni à ses propres intérêts ni à ceux de son mari et de ses futurs enfants, les engageant tous avec elle dans une malédiction épouvantable et dans la nécessité de mourir. Adam même exposa sa femme, qui l'avait lait pécher, à tous les traits de l'indignation
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de Dieu, en se cachant comme derrière elle pour s'y soustraire lui-même. "
" La femme, dit l’Ecriture, vit le fruit de l'arbre, qui était extrêmement agréable à voir, et de très-bon goût à manger ; et elle avait écouté le serpent, qui lui avait assuré qu'ils deviendraient comme des dieux. C'est un triple cordon bien difficile à rompre, que celui que forment la curiosité, la volupté et la vanité jointes ensemble ; et c'est là tout ce que le monde a de plus fort : la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l'orgueil de la vie. Ce fut aussi par ces trois choses que notre cruelle mère se laissa attirer et séduire en se dépouillant pour sa race de tout sentiment de miséricorde. Adam, à son tour, après avoir montré une fausse compassion pour sa femme en s'associant à son péché, refusa d'avoir pour elle une compassion véritable et qui lui eût été avantageuse, en ne voulant pas se charger de porter à sa place la peine que tous les deux avaient méritée. "
" En troisième lieu, Eve fut privée de la vérité lorsqu'elle dénatura ces paroles que Dieu lui avait dites : Vous mourrez certainement, et qu'elle dit en affaiblissant ces même paroles : De peur que nous ne mourions ; et lorsqu'ensuite elle ajouta foi au serpent, qui l'assurait du contraire et qui lui disait : Très-certainement vous ne mourrez point. Adam fut aussi dépouillé de la vérité, lorsqu'il eut honte de la confesser, et qu'il aima mieux se cacher sous des feuilles, c'est-à-dire, sous des excuses frivoles et grossières. Car voici ce que la Vérité même dit dans l'Evangile : Si quelqu'un rougit de moi devant les hommes, je rougirai de lui devant mon père (LUC, IX, 26). "
" Enfin, ils perdirent tous deux la paix, parce que, comme dit le Seigneur, il n'y a point de paix pour les impies (ISAIE, XLVIII, 22 ; LVII, 21). Et en effet, n'eurent-ils pas l'expérience d'une loi contraire dans leurs membres, par la honte qu'ils ressentirent de leur nudité ? Je vous ai craint, dit Adam au Seigneur, parce que j'étais nu (Gen., III, 10). Mais, misérable que vous êtes, tout-à-l'heure vous n'aviez pas cette crainte, et vous ne cherchiez pas de feuilles pour vous couvrir, quoique votre corps fût nu dès-lors comme il l'est à présent (Cf. Sermons de saint Bernard sur les fêtes des saints, p. 94-100). "
8. S. PHOSPER, contra Collatorem, c. 21 : " Adam avait la science du bien, tant qu'il restait fidèlement soumis au commandement divin, et qu'il conservait en lui l'image de son créateur avec le
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souvenir de sa loi juste et sainte. Mais quand une fois il se fut asservi à son séducteur, lui, l'image et le temple de son Dieu, il perdit la science du bien, parce qu'il n'avait plus la conscience d'y être fidele. Son iniquité lui fit perdre l'état de justice ; son orgueil détruisit en lui l'humilité ; la concupiscence lui ravit sa continence, son infidélité lui enleva le don de la foi, et sa captivité lui fit perdre sa liberté : aucune vertu ne pouvait plus trouver place dans un cœur où avaient fait irruption tant de vices à la fois. Car personne ne peut servir deux maîtres (LUC, XVI, 13), et celui qui commet le péché est esclave du péché (JEAN, VIII, 34) ; enfin, on devient esclave de celui par qui on s'est laissé vaincre (II PIERRE, II, 19). Mais personne ne devient esclave d'un côté, sans devenir libre de quelque autre, comme personne n’est libre sans contracter quelque servitude, comme le fait entendre l'Apôtre par ces paroles : Lorsque vous étiez esclaves du péché vous étiez libres à l'égard de la justice. Quel fruit retiriez-vous donc de ces désordres dont vous rougissez maintenant, puisqu'ils n’ont pour fin que la mort ? Mais à présent étant affranchis du péché et devenus esclaves de Dieu, votre sanctification est le fruit que vous en tirez, et la vie éternelle en sera la fin (Rom., XI, 20-22). Celui donc qui se fait l'esclave du diable, s'affranchit à l'égard de Dieu. "
9. Le concile de Milève, canon 1 : " Voici donc ce qui a été décrété par tous les évêques présents à cette sainte assemblée : Quiconque dira qu'Adam a été fait homme mortel, en sorte que, soit qu'il péchât ou qu'il ne péchât point, il dût mourir, c'est-à-dire sortir du corps, non pas en punition de son péché mais par la nécessité de sa nature, qu'il soit anathème (Ce canon, aussi bien que presque tous les autres de ce second concile de Milève, sont les mêmes que ceux du concile de Carthage de l'an 418. Voir le Dictionnaire universel des conciles, tome Ier, col. 514 et 1317.). "
10. S. AUGUSTIN, lib. XIII de Civitate Dei, c. 12 : " Ainsi, quand on demande de quelle mort Dieu menaça les premiers hommes, pour le cas où ils transgresseraient le commandement qu'il venait de leur imposer, ou qu'ils ne lui garderaient pas l'obéissance ; si c'est de la mort de l'âme, ou de celle du corps, ou de celle de l'homme entier, ou enfin de celle qu'on nomme la seconde mort, il faut répondre : De toutes ces sortes de morts ; car la premier comprend celle de l'âme et celle du corps, la seconde les comprend toutes. Toute la terre se compose de plusieurs terres, toute l'Eglise de plusieurs Eglises ; ainsi la mort en
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son entier résulte de toutes les morts réunies. Si donc la première mort en comprend deux, celle de l’âme et celle du corps, quand l'âme, sans Dieu et sans le corps, est livrée aux souffrances d'une expiation temporaire ; la seconde mort, c'est l'âme séparée de Dieu et réunie à son corps pour souffrir éternellement. Donc, lorsque Dieu dit au premier homme placé dans le paradis terrestre, en lui montrant le fruit défendu : Du jour vous en aurez mangé, vous mourrez de mort, ce n'est pas seulement de la première moitié de cette première mort qu'il s'agit, ou de celle qui consiste simplement dans la séparation de l'âme d'avec Dieu ; ni de la seconde moitié de cette même première mort, ou de la séparation de l'âme d'avec le corps ; ce n'est pas non plus de cette premier mort tout entière, ou du supplice de l'âme séparée de Dieu et du corps tout à la fois ; mais c'est de toutes ces morts réunies jusqu'à la dernière appelée la seconde, et qui n'est suivie d'aucune autre, c'est de toute mort possible que Dieu fait la menace. . . . . "
11. Le même, Lib. I de peccatorum meritis et remissione, c. 2 : " Ceux qui disent qu'Adam a été créé dans un état tel, qu'il eût dû mourir - quand même il n'aurait pas péché, en sorte que la mort fit pour lui l’effet, non du péché dont elle est la peine, mais de la nécessité de la nature, sont forcés par-là même de rapporter ces paroles, Du jour où vous mangerez de ce fruit, vous mourrez, non à la mort du corps, mais à la mort de l'âme, inséparable du péché lui-même ; mort à laquelle font allusion ces paroles de Notre-Seigneur dites au sujet des infidèles : Laissez les morts ensevelir leurs morts (MATTH., VIII, 22 ; LUC, IX, 60). Que répondront-ils donc, lorsqu'on leur opposera ces paroles par lesquelles Dieu prononça à Adam sa sentence de condamnation pour son péché : Vous êtes terre, et vous retournerez en terre (Gen., III, 19) ? Car il est évident que la terre dont il était question ne se rapportait pas à son âme, mais bien à son corps, et que c'était son corps qui était condamné à retourner en terre. En effet, quoique son corps eût été tiré de terre, et que ce corps fût un corps animal, il n'est pas moins vrai que s'il n'avait pas péché, son corps serait devenu spirituel, et que sans jamais éprouver la mort, il aurait été doué de la même incorruptibilité qui est promise aux fidèles et aux saints : incorruptibilité dont nous ne sentons pas seulement le désir en nous, mais dont nous connaissons la vérité d'après ce témoignage de l'Apôtre : Nous soupirons dans le désir qui nous possède d'être revêtus de la gloire qui
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est cette maison céleste, etc. (II Cor., V, 2). Ainsi donc, si Adam n'avait pas péché, il n'aurait pas été dépouillé de son enveloppe corporelle, mais, par-dessus cette enveloppe, il aurait été revêtu de l'immortalité et de l'incorruptibilité, de sorte que tout ce qu'il y avait de mortel en lui eût été comme absorbé par cette surabondance de vie, c'est-à-dire que d'animal qu'était son corps par le fait de son origine, il serait devenu spirituel. "
12. Ibidem, c. 4 : " Il est d'autres témoignages qui nous font voir évidemment que c'est le péché qui est la cause pour tout le genre humain non-seulement de la mort spirituelle, mais aussi de la mort corporelle. L'Apôtre dit dans son épître aux Romains : Si Jésus-Christ est en vous, quoique le corps soit mort en vous à cause du péché, l'esprit est vivant à cause de la justice (Rom., VIII, 10). Des paroles si claires n'ont pas besoin, ce me semble, d'être expliquées ; elles n'ont besoin que d'être lues. Le corps est mort, dit cet apôtre, non pas précisément parce que c'est un vase d'argile, parce qu'il a été tiré de la poussière de la terre, mais à cause du péché. Que pouvons-nous demander davantage ? Et c'est avec dessein que l'Apôtre ne dit pas simplement du corps de chacun de nous qu'il est mortel, mais qu'il est mort. "
13. Ibidem, c. 6 : " Il faudrait s'étonner si l'on nous demandait quelque chose de plus clair que ce témoignage ; à moins que quelqu'un ne vienne nous dire que ce qui pourrait jeter de l’obscurité sur ce passage, c'est qu'on pourrait entendre ces paroles dans le même sens que celles-ci : Faites mourir les membres de l'homme terrestre qui est en vous (Col., III, 5). Mais alors ce ne serait plus à cause du péché que le corps serait mort, mais à cause de la justice. Car c'est pour pratiquer la justice, que nous faisons mourir les membres de l'homme terrestre qui est en nous. Ou, si l'on pensait que ces mots, à cause du péché, qui se trouvent dans le texte, ne signifient pas à cause du péché commis, mais pour empêcher le péché de se commettre, comme si l'Apôtre avait dit : Le corps est mort pour que le péché ne se commette plus, que signifieraient alors ces paroles qui suivent : L'esprit est vivant à cause de la justice ? Car, dans ce cas, il aurait suffi de dire : L'esprit est vivant, en sous-entendant encore ici : Pour que le péché ne se commette plus ; et ainsi nous rapporterions à un même but, qui serait de ne plus commettre le péché et la mort du corps et la vie de l'esprit ; de même que, si ces autres paroles : A cause de la justice, signifiaient : Pour pratiquer la justice, on pourrait les rapporter également et à la mort du
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corps, et à la vie de l’esprit. Mais au contraire il distingue les deux, et il veut que le corps soit mort à cause du péché seulement, et que l'esprit soit vivant aussi cause de la justice seulement, attribuant ainsi différentes causes à différents effets, le péché à la mort du corps, et la justice à la vie de l'esprit. Donc si, comme la chose est indubitable, l'esprit est vivant à cause de la justice, c'est-à-dire par l'effet de la justice qui est en lui, le corps est mort à cause du péché, c'est-à-dire par l'effet du péché et nous ne devons ni ne pouvons donner à ces paroles un autre sens, à moins que nous ne prétendions détourner les paroles de l'Ecriture à des significations arbitraires. Les mots qui suivent vont encore jeter là-dessus un nouveau jour. Car, après avoir dit, pour expliquer en quoi consiste la grâce accordée pour la vie présente que le corps est mort à cause du péché, parce que, n'étant pas encore réformé par la résurrection, l'effet du péché subsiste en lui, effet qui n'est autre que la nécessité de mourir, et que l'esprit est vivant à cause de la justice, parce qu'encore bien que nous ayons à porter le poids de ce corps de mort, il se forme dans l'intérieur de notre être comme un commencement de vie nouvelle par la justice de la foi qui anime notre conduite ; de peur cependant que l'ignorance qui nous est si naturelle ne nous fit renoncer à toute espérance de résurrection quant au corps, l'Apôtre a soin d'ajouter que ce même corps, qu'il avait dit être mort pour le moment par l'effet du péché, sera vivifié dans l'autre vie par l'effet de la justice, et non pas seulement de manière à passer de la mort à la vie, mais en échangeant sa mortalité contre le don précieux de l'immortalité. "
14. TERTULLIEN, Lib. de animâ, c. 52 : " Ce fait de la mort, en d'autres termes, cette séparation du corps et de l'âme, on se plaît à en distinguer deux espèces, l'ordinaire et l'extraordinaire. On attribue la mort ordinaire à la nature : c'est toute mort paisible. Quant à l'extraordinaire, on s'imagine qu'elle est la seule qui soit en dehors de la nature : c'est toute mort violente. Pour nous, qui connaissons l'origine de l'homme, nous posons hardiment en principe que l'homme n'est pas né mortel, mais qu'il l'est devenu par une faute qui elle-même n’était pas inhérente à sa nature. Mais il est facile de prendre pour naturel a l'homme ce qui, quoique purement accidentel, s'est attaché à lui dès le moment de sa naissance. Il est vrai que si l'homme avait été créé de prime abord pour mourir un jour, on devrait regarder sa mort comme un apanage de sa nature. Mais ce qui prouve
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au contraire qu'il n'a pas été créé pour mourir un jour, c'est la loi même qui le menaçait de la mort, puisqu'elle abandonnait au libre choix de sa volonté le moyen de s'y soustraire. Pour tout dire en un mot, si l'homme n'avait pas péché, jamais il ne serait mort. N'appelons donc pas naturel à l'homme ce qui ne lui est survenu que par l'effet de son choix, ce qui a eu pour cause sa volonté libre, et non la volonté absolue de son auteur (Cf. Les Pères de l’Eglise, trad. de Genoude). "
15. S. FULGENCE, Lib. de incarnatione et gratiâ, c. 12 : " Si l’âme n'était morte la premier par le péché, le corps ne serait pas mort ensuite en punition du péché. C'est ce que l'Apôtre nous enseigne par ces paroles : Le corps est mort à cause du péché (Rom., VIII, 10). Aussi ce n'a été qu'après que le péché eut été commis, que Dieu a prononcé au pécheur cet arrêt : Vous êtes terre, et vous retournerez en terre (Gen., III, 19). L'homme ne serait donc point retourné en terre, s'il n'était pas devenu terre par son péché. "
16. S. CHRYSOSTOME, Hom. XVII in Genesim : " Nous avons encore une question à résoudre, et quand nous l'aurons discutée en peu de mots, nous mettrons fin à ce discours. Dieu dit à nos premiers parents : Au moment où vous mangerez de ce fruit, vous mourrez ; cependant ils vécurent tous deux, depuis ce temps-là, un grand nombre d'années, après avoir mangé de ce fruit malgré la défense. Ceux qui s'arrêtent à la superficie de l'Ecriture, ont de la peine à expliquer ce passage ; mais si on l'étudie avec soin, on le comprendra parfaitement. Car, quoiqu'ils aient vécu plusieurs années depuis leur désobéissance, cependant, à partir du jour où Dieu leur eut dit : Vous êtes terre, et vous retournerez en terre, la sentence de mort resta prononcée contre eux, et depuis ce moment ils devinrent sujets à la mort, et on pouvait même dire dès-lors en quelque façon qu'ils étaient morts. C'est ce que l’Ecriture avait voulu donner à entendre, lorsque Dieu avait dit : Au moment où vous mangerez de ce fruit, vous mourrez, c'est-à-dire, vous deviendrez mortels dès ce moment-là. Car, de même que dans les jugements qui se rendent dans les tribunaux des hommes, on reconduit les criminels en prison, après qu'on les a condamnés à mourir, et que, quoiqu'on les y laisse encore quelque temps, on les regarde comme s'ils étaient déjà morts, du moment où la sentence de leur condamnation a été prononcée
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ainsi, depuis que Dieu eut porté contre Adam et Eve cet arrêt de mort, ils pouvaient être considérés comme morts, en vertu de la sentence qui les condamnait mourir, quoiqu'ils aient vécu encore plusieurs années sur la terre. "
17. S. BERNARD, Serm. ad Milites Templi, c. 11 : " Le péché a précédé pour que la mort suivît ; et assurément, si l'homme avait su se garantir du péché, il n'aurait jamais éprouvé la mort. Il a donc perdu la vie en se laissant aller au péché, et par-là même il a trouvé la mort, comme Dieu le lui avait d'avance annoncé ; et d’ailleurs il était bien juste que si l'homme péchait, il fut puni de mort. Car y a-t-il peine plus juste que celle du talion ? Or, Dieu est la vie de l'âme, comme l'âme est la vie du corps. En péchant volontairement, on perd la vie par sa propre volonté ; on doit perdre par-là même le droit de se la rendre quand même on le voudrait. On a repoussé la vie ; on doit en être repoussé à son tour. On n'a pas voulu se soumettre à l'empire de Dieu ; il est juste qu'on perde soi-même l'empire qu'on avait sur son corps. On n'a pas voulu obéir à son propre supérieur ; quel droit aurait-on donc de commander à son inférieur ? Le Créateur a trouvé en nous une créature rebelle ; nous trouverons à notre tour un serviteur rebelle dans le corps destiné à nous servir. Nous aurons transgressé la loi divine ; nous trouverons, nous aussi, dans nos propres membres, une autre loi opposée à celle de notre esprit, et qui nous tiendra asservis au péché. Or le péché, comme il est écrit, nous sépare de Dieu ; il faudra donc que la mort nous sépare aussi de notre corps. Notre âme n'a pu être séparée de Dieu que par le péché ; nous ne pourrons de même être séparés de notre corps que par la mort. Qu'y a-t-il donc de trop sévère dans le châtiment, puisque nous n'éprouvons de la part de notre esclave, que le traitement que nous aurons fait nous-mêmes à l'auteur de notre être ? Rien n'est assurément plus raisonnable qu'un châtiment qui consiste à rendre mort pour mort, la mort du corps pour celle de l'âme, une mort expiatoire pour une mort coupable, une mort inévitable pour une mort volontaire. "
18. S. AUGUSTIN, Lib. III de Trinitate, c. 12 : " Par un certain effet de la justice de Dieu, le genre humain a été réduit sous la puissance du démon, le péché du premier homme passant avec le sang dans tous les enfants d'un sexe comme de l'autre qui naissent de sa race, et la dette contractée par nos premiers parents engageant de même tous leurs descendants. Cette trans-
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mission du péché nous a été signifiée avant tout dans la Genèse, où nous lisons qu'il a été dit au serpent : Tu mangeras la terre, et ensuite à l'homme : Tu es terre, et tu retourneras en terre (Gen., III, 14 et 19). Ces paroles : Tu retourneras en terre, sont une annonce de la mort, que l'homme n'aurait jamais éprouvée s'il avait persévéré dans l'état de justice où il avait été créé. Ces mots adressés à l'homme encore vivant : Tu es terre, font voir que tout son être avait été détérioré par le péché. Car ces expressions : Tu es terre, reviennent au même sens que celles-ci : Mon esprit ne demeurera pas pour toujours avec l'homme, parce qu'il n'est que chair (Gen., VI, 3). Dieu fit donc entendre par ces paroles, qu'il livrait l'homme au pouvoir de celui à qui il avait dit : Tu mangeras la terre. Mais l'Apôtre nous déclare cette vérité encore plus clairement, lorsqu'il dit ces paroles : Lorsque vous étiez morts par le dérèglement de vos péchés, dans lesquels vous avez vécu selon la coutume de ce monde, selon le prince des puissances de l'air, cet esprit qui exerce maintenant son pouvoir sur les enfants de l'incrédulité ; désordres où nous avons tous été autrefois, vivant selon nos passions charnelles, nous abandonnant aux désirs de la chair et de notre esprit ; et par la naissance naturelle nous étions enfants de colère aussi bien que les autres (Ephés., II, 1-3). Les enfants de l'incrédulité, ce sont les infidèles ; et qui de nous n'était infidèle avant de devenir fidèle par la foi ? Tous les hommes sont donc originairement assujettis à la tyrannie du prince des puissances de l'air, qui exerce son pouvoir sur les enfants de l'incrédulité. Et quand je dis : originairement, je dis la même chose que ce que dit l'Apôtre de lui-même qu'il a été, comme les autres, enfant de colère par sa naissance naturelle : car la nature humaine, telle qu'elle est maintenant, se trouve pervertie par le péché, et n'est plus dans cet état de rectitude où elle avait été créée. Quand nous disons que l'homme a été assujetti au pouvoir du démon, cela ne doit pas s'entendre en ce sens que ce soit Dieu qui le lui ait assujetti lui-même ou qui ait ordonné qu'il lui fût assujetti ; mais seulement en ce sens qu'il l'a permis, et cela très-justement. Car Dieu abandonnant le pécheur, le pécheur a dû être dès-lors envahi par l'auteur du péché. Non sans doute que Dieu eût tellement abandonné sa créature, qu'il ne se montrât plus son créateur, qu'il ne fît plus pour elle un principe de vie, ou que, tout en la punissant de ses désordres, il ne mêlât encore de beaucoup de biens les maux qu'il lui envoyait. "
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19. Le même, Lib. III Hypognosticon, c. 2 : " Que signifient ces mots : Il l’a laissé entre les mains de son conseil (Ecclé., XV, 14), sinon, qu'il lui a laissé la faculté de son libre arbitre ? Car les mains désignent ici le pouvoir-faire ou la faculté. Telle est la première grâce que l'homme a reçue et qui lui aurait suffi pour se préserver de toute chute, s'il avait voulu observer le commandement qu'il avait reçu de Dieu. Etant donc abandonné à lui-même par suite de sa désobéissance, l'homme, par l'effet d'un juste jugement, est devenu le captif du serpent, c'est-à-dire du démon à qui il a mieux aime obéir, que d'obéir à Dieu. C'est pour cela qu'il est écrit : Quiconque est vaincu, est esclave de celui qui l'a vaincu (II PIERRE, II, 19) ; et encore : Quiconque commet le péché est esclave du péché (JEAN, VIII, 34). "
20. S. BERNARD, Epist. CXC ad Innocentibum (II) pontificem, contra hæresim Petri Abailardi : " Ce téméraire scrutateur de la majesté divine, s'attaquant au mystère de la rédemption, reconnaît, dès le début de sa thèse, que tous les docteurs de l'Eglise n'ont sur ce point qu'un même sentiment, et ce sentiment, il le rejette après l'avoir exposé, en se glorifiant d'avoir à lui en substituer un autre meilleur ; et c'est ainsi que, contre la maxime du Sage, il ne craint pas de remuer les bornes anciennes posées par nos pères. Il faut qu'on sache, dit-il, que tous nos docteurs, depuis les apôtres s'accordent à enseigner que le diable jouissait d'un souverain pouvoir sur l'homme, et exerçait à son égard tous les droits d'un maître sur son esclave, en conséquence de ce que celui-ci avait de son plein gré consenti à ses suggestions, et fait ainsi de sa liberté un coupable abus. Ils disent à l'appui de cela que si quelqu'un se laisse vaincre par un autre, il devient de droit l'esclave de son vainqueur. C'est pourquoi, ajoutent ces docteurs (c'est ainsi qu'il les fait parler), ç'a été une nécessité que le Fils de Dieu s'incarnât, afin que l’homme, qui autrement ne pouvait être délivré acquît par la mort de l'innocent le droit de s'affranchir de la tyrannie du diable. Mais il nous semble, dit-il à son tour, que le diable n'a jamais eu de droit sur l'homme, si ce n'est peut-être à titre de geôlier et d'après la permission de Dieu ; et que ce n'est point pour délivrer l'homme, que le Fils de Dieu s'est incarné. Qu'y a-t-il à reprendre le plus dans ce langage, du blasphème ou de l'orgueil qu'il respire ? Qu'y condamner le plus, de sa témérité ou de son impiété ? Ne serait-il pas plus juste de châtier avec le bâton une bouche qui s’échappe en pareilles excentricités, que
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de lui répondre par des raisons ? N'est-ce pas comme s'il provoquait tout le monde à lever le bras contre lui, que de lever lui-même, comme il le fait, son bras contre tout le monde ? Tous pensent de cette manière, dit-il ; mais moi je ne pense pas de cette manière. . . . . "
" Je vous renverrai aux prophètes. Voici les paroles qu'adresse au peuple nouveau, représenté par Jérusalem, non pas un prophète, mais le Seigneur parlant en la personne d'un prophète : Je vous sauverai et je vous délivrerai, ne craignez point (Ces paroles, éparses du reste dans les livres des Prophètes, ne se trouvent pas réunies de cette manière ailleurs que dans le Rorate, prière de l’Avent, que peut-être on avait coutume de chanter en France dès le temps de saint Bernard). Demandez-vous de quelle puissance ? Car vous ne voulez pas que le diable ait puissance ou qu'il ait eu puissance sur l'homme. Ni moi non plus, je l'avoue. Mais que ni vous ni moi ne le voulions, cela n'empêche pas le diable d'avoir ce pouvoir. Si vous ne le reconnaissez pas, si vous n'en savez rien, ceux qui ont été rachetés par le Seigneur, qu'il a rachetés d'entre les mains de l'ennemi, le reconnaissent et le disent pour vous. Vous ne le nieriez pas vous-même, si vous n'étiez vous-même sous la main de cet ennemi. Vous ne pouvez pas rendre grâces avec ceux qui sont rachetés puisque vous n’êtes pas de leur nombre. Car si vous étiez racheté, vous reconnaîtriez votre rédempteur, et vous ne nieriez pas la rédemption. Celui-là seul ne demande point à être racheté, qui ne sent point qu'il soit captif. Mais ceux qui l'ont senti ont crié vers le Seigneur, et le Seigneur les a exaucés et les a rachetés d'entre les mains de l'ennemi (PS. CVI, 6, 13). Et pour que vous ne puissiez vous méprendre sur le caractère de cet ennemi, le Psalmiste ajoute : Ceux qu'il a rachetés de la puissance de l'ennemi, qu'il a rassemblés de divers pays (Ps. CVI, 2). Et plus bas : Il les a rachetés, et il les a rassemblés. Il les a rachetés d’entre les mains de l'ennemi. Il ne dit pas des ennemis, mais de l'ennemi. Un seul ennemi, et plusieurs pays divers. Car il les a rachetés non d'un pays, mais de divers pays, du levant et du couchant, du nord et du midi. Quel est ce maître si puissant, qui règne non sur un pays, mais sur tous ? Point, d'autre, je pense, que celui qu'un autre prophète (JOB, XL, 18) nous dépeint avalant un fleuve, c'est-à-dire le genre humain, sans en faire merveille, et se promettant de plus de faire entrer dans sa gueule le Jourdain tout entier, c'est-à-dire tous les élus. Heureux ceux qui
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n'y entrent que pour en sortir, qui réussissent à s'en échapper après s'y être laissé attirer. Mais quoi ? Peut-être n'êtes-vous pas encore assez avancé pour ajouter foi aux prophètes qui nous dénoncent d'un si commun accord le pouvoir du démon sur les hommes ? Venez avez moi, et tous les deux ensemble consultons les apôtres. Après avoir dit que vous ne pensiez pas comme ceux qui sont venus depuis les apôtres, peut-être consentirez-vous à penser du moins comme ceux-ci, et aurez-vous le bonheur d'être du nombre de ceux à qui l'un de ces apôtres souhaitait que Dieu leur donnât un jour l'esprit de pénitence, pour qu'ils pussent connaître la vérité et sortir des pièges du diable, qui les tient captifs et en fait ce qu'il lui plaît (II Tim., II, 25-26). Cet apôtre, c'est Paul, qui soutient ainsi que le diable tient les hommes captifs et en fait ce qu'il lui plaît. Vous entendez, il en fait ce qu'il lui plaît ; nierez-vous encore le pouvoir du démon ? Si vous n'ajoutez pas foi à Paul, venez avec moi consulter Notre-Seigneur lui-même, et plaise à Dieu que vous l'écoutiez et que vous cessiez de blasphémer (EZECH., II, 5) ! Or, Notre-Seigneur appelle le démon le prince de ce monde (JEAN, XIV, 30), le fort armé (LUC, XI, 21-22) ayant en sa possession des machines ou des instruments de guerre (MATTH., XII, 29) ; et vous direz encore de lui qu'il n'a aucun pouvoir sur les hommes ? A moins que vous ne prétendiez qu'on doive entendre ici par la maison de ce fort armé autre chose que le monde, et par ces machines ou ces instruments de guerre autre chose que des hommes ? Que si le monde était la maison qu'habitait le démon et les hommes les instruments dont il se servait, comment n’exerçait-il pas une domination sur les hommes ? Notre-Seigneur a dit dans le même sens à ceux qui s'emparaient de sa personne : C'est ici votre heure et la puissance des ténèbres (LUC, XXII, 53). Cette puissance était bien connue de celui qui disait du Père éternel : Il nous a arraché de la puissance des ténèbres, et nous a fait passer dans le royaume de son fils bien-aimé (Col., I, 13). Il est donc vrai que Notre-Seigneur a bien voulu reconnaître le pouvoir du démon même sur lui, comme il a reconnu celui de Pilate, qui n'était après tout qu'un membre ou qu'un instrument du démon. Car c'est là aussi ce qu'il dit à ce dernier : Vous n’auriez aucun pouvoir sur moi, s'il ne vous avait été donné d'en-haut (JEAN, XIX, II). Que si ce pouvoir donné d'en-haut s'est déployé à ce point contre le bois vert, comment n'aurait-il pas osé s'attaquer au bois sec ? Je pense d’ailleurs qu'il n'allèguera pas que ce pouvoir donné d'en-haut
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fût injuste. Qu'il tâche donc de comprendre que le démon a eu non-seulement un certain pouvoir, mais un pouvoir juste sur les hommes, pour pouvoir comprendre ensuite que le Fils de Dieu s'est incarné précisément pour en délivrer les hommes. Au surplus, si nous appelons juste le pouvoir exercé par le démon, nous ne donnons pas le même nom à sa volonté qui leur servait de guide. Il n'y avait de juste que le Seigneur, qui avait abandonné l'homme au pouvoir du démon, et non le démon qui exerçait ce pouvoir, ou l'homme qui lui était assujetti. Car ce qui rend quelqu'un juste ou injuste, ce n'est pas le pouvoir dont il est revêtu, mais la volonté dont il est animé. Cette sorte de droit qu'avait le démon sur l'homme lui était donc acquis sans droit de sa part à lui-même, ou pour le dire plus nettement encore, c’était un droit méchamment usurpé, mais cependant un droit justement permis ; et par conséquent, c'étai justement que l'homme était tenu captif, sans que pour cela la justice dont il s'agissait pût convenir soit à l'homme, soit au démon ; elle ne convenait qu'à Dieu. C'est donc justement que l'homme a été réduit à cet esclavage, et miséricordieusement qu'il en a été délivré. "
21. Le deuxième concile d'Orange, c. 1 : " Si quelqu'un ose dire que le péché d'Adam n'a pas nui à l'homme tout entier, c'est-à-dire à son corps et à son âme tout à la fois, mais que, sans porter atteinte à la liberté de l’âme, il s'est borné à rendre le corps sujet à la corruption, il contredit en cela l’Ecriture, qui a dit : L'âme qui a péché mourra elle-même (EZECH., XVIII, 4) ; et encore : Ne savez-vous pas que, quel que soit celui à qui vous vous engagez à obéir comme esclave, vous demeurez esclave de celui à qui vous obéissez (Rom., VI, 16) ; et ailleurs : Quiconque est vaincu devient esclave de celui qui l’a vaincu (II PIERRE, II, 19). "
22. GENNADE, ou l'auteur quel qu'il soit du livre de Ecclesiasticis Dogmatibus, c. 38 ; c'est le canon même du second concile d'Orange que nous venons de rapporter.
23. S. AUGUSTIN, de Trinitate, lib. III, c. 12 : " Ce que Dieu dit à l'homme encore vivant : Vous êtes terre, montre bien que le péché avait nui à l'homme tout entier. "
24. Le même, Cité de Dieu, liv. XIV, c. 15 : " L'homme a donc méprisé Dieu et son commandement ; il a méprisé ce Dieu qui l'a créé, qui l'a fait à son image, qui lui a donné l'empire sur le reste des animaux, qui l'a placé dans le paradis, qui l'a comblé de jouissances et de bien-être ; qui, loin de le surcharger de
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préceptes nombreux, longs et pénibles, ne recommande
à son obéissance qu'un seul précepte, court et facile,
pour l'avertir qu'il est le Seigneur, et que la créature raisonnable
n'a de liberté qu'a son service ; donc une juste condamnation s'en
est suivie, et l'homme qui, s'il fut resté fidèle, serait
devenu spirituel dans sa chair, devient charnel dans son esprit ; l'homme
qui, dans son orgueil, s'est plu à lui-même, Dieu, dans sa
justice, le laisse lui-même ; et toutefois l'homme n'est pas destiné
à l'indépendance ; mais en désaccord avec soi, c'est
sous le joug de celui dont il s'est fait le complice, qu'au lieu de cette
liberté si désirée, il va trouver un dur et misérable
esclavage ; mort spirituellement par sa volonté, la mort corporelle
l'attend contre sa volonté ; déserteur de la vie éternelle,
c'est à la mort éternelle qu'il est condamné, si la
grâce ne le délivre (Cf. La Cité de Dieu, trad. de
Moreau, t. II, p. 332-334). "
CHAPITRE II.
DE LA TRANSMISSION DU PECHE D’ADAM A SA POSTERITE.
" La prévarication d’Adam n'a pas été préjudiciable à lui seul, mais elle l'a été aussi à sa postérité et à sa race tout entière : ce n’est pas en effet pour lui seulement, mais c'est encore pour nous qu'il a perdu l'état de sainteté et de justice, et que souillé par son péché de désobéissance, il a transmis à tout le genre humain, avec la mort et les autres afflictions corporelles, le péché qui est à son tour la mort de l'âme. C'est ce que confirme l'Apôtre par ces paroles : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché et ainsi la mort est passée à tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché. " Concile de Trente, session V, canon 2.
" Le péché d'Adam, qui est un dans son origine, et qui cependant, en se transmettant à tous ses descendants par voie de propagation, et non pas simplement par voie d'imitation, devient propre à chacun de nous, doit nécessairement être expié par quelque remède, pour n'être pas un obstacle à la vie éternelle que nous voudrions obtenir. " Ibidem, c. 3. Car " tous les hommes étant devenus impurs par ce péché, et, comme dit l'Apôtre, enfants de colère par le fait même de leur naissance, se trouvent tous par cela seul esclaves du péché, du démon et de la
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mort. " Ibid., sess. VI, cap. 1. " A l'exception toutefois
de la sainte et immaculée vierge Marie, mère de Dieu, que
notre intention n'est point de comprendre dans ce que nous disons ici du
péché originel. " Ibid. . sess. V, " la suite des
canons de cette session. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, V, 12-19 : " Car, comme le péché est entre dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché. - Car le péché a toujours été dans le monde jusqu’à la loi ; néanmoins la loi n'étant point encore, le péché n’était pas imputé ; - cependant la mort a exercé son règne depuis Adam jusqu'à Moïse même à l'égard de ceux qui n'ont pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, qui est la figure du futur. - Mais il n'en est pas de la grâce comme du péché ; car si par le péché d’un seul plusieurs sont morts, la miséricorde et le don de Dieu s'est répandu beaucoup plus abondamment sur plusieurs, par la grâce d'un seul homme, qui est Jésus-Christ. - Et il n'en est pas de ce don comme du péché : car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. - Si donc, à cause du péché d'un seul, la mort a régné par un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice, règneront dans la vie par un seul, qui est Jésus-Christ. - Comme donc c'est par le péché d'un seul que tous sont tombés dans la condamnation, ainsi c'est par la justice d'un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie. - Car, comme plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul, ainsi plusieurs seront rendus justes par l'obéissance d'un seul. "
2. I Corinthiens, XV, 21-22 : " Car, comme la mort est venue par un homme, la résurrection des morts doit venir aussi par un homme. - Et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi en Jésus-Christ. "
3. Ecclésiastique, XXV, 53 : " La femme a été le principe du péché, c'est par elle que nous mourons tous. "
4. Romains, V, 12 ; comme dans le corps de la réponse.
5. Ephésiens, II, 3 : " Nous étions, par la corruption de notre nature, enfants de colère, aussi bien que les autres hommes. "
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. Le concile II d'Orange, canon 2 : " Si quelqu'un soutient que la prévarication d'Adam n'ait été préjudiciable qu'à lui-même, et non pas aussi à sa postérité, ou qu'il n'ait transmis à tout le genre humain que la mort du corps, qui est la peine du péché et non le péché même qui est la mort de l'âme, il fera Dieu coupable d'injustice, en même temps qu'il contredira l'Apôtre qui a dit (Rom., V, 12) que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi la mort est passée dans tous les hommes, tous ayant péché dans un seul. "
2. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 26 (al. X, 8) : " Après le péché, Adam ayant été chassé et banni du paradis terrestre, toute sa postérité, qu'il avait infectée et corrompue dans sa personne, et comme dans sa propre racine, a été enveloppée avec lui dans les liens de la mort et dans la damnation. Ainsi tous les hommes qui naissent de lui et de sa malheureuse compagne, instrument de son péché et associée à sa condamnation, qui naissent, dis-je, par la voie de la concupiscence charnelle, dont la révolte est la juste peine de la désobéissance de l'homme, contractent le péché originel. Et ce péché les entraîne par un malheureux enchaînement de toutes sortes d'erreurs et de douleurs au dernier supplice, qui n'aura point de fin, et qui leur sera commun avec les anges apostats, premiers auteurs de leur péché, qui les tiennent sous leur esclavage, et qui seront les compagnons de leurs tourments. C'est ainsi que, comme le dit saint Paul, le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché ; et que la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché. Car par le mot de monde, l’Apôtre entend en cet endroit tout le genre humain (Cf. Le Manuel de saint Augustin, dans les Traités choisis, t. II, pag, 332-333). "
3. Le même, Lib. II Hypognosticon contra Pelagianos et Celestianos : " Le péché d'Adam, disent-ils, n'a nui à personne autre qu'à lui-même. Nous répondons : Si le péché de nos premiers parents n'a nui qu’à eux, et non pas aussi à nous, pourquoi, leur faute n'ayant point passé jusqu'à nous, la sentence portée contre eux à cause de leur faute même a-t-elle passé jusqu'à nous ? A. moins que vous ne prétendiez que Dieu est assez injuste pour nous envelopper dans la punition de ceux dont nous n'aurions
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pas partagé le crime. Car telle fut la sentence qu'il porta contre eux après leur péché, et après avoir maudit le serpent qui les avait engagés à le commettre : Dieu dit aussi à la femme : Je multiplierai tes afflictions avec tes enfantements. Tu enfanteras dans la douleur ; tu seras sous la puissance de ton mari, et il dominera sur toi. Il dit ensuite à Adam : Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit de l'arbre dont je t'avais défendu de manger, la terre sera maudite, etc. (Gen., III, 16-17). Le genre humain répandu sur la surface de la terre rend tout entier témoignage à la vérité de cette sentence, en se voyant soumis aux mêmes douleurs qui lui ont été dénoncées dans la personne de ses auteurs. Et quelle serait la justice de ces maux, si nous n'avions pas hérité du péché de nos premiers parents ? Si la justice naturelle vous porte à juger vous-mêmes mieux que Dieu n'aurait fait, placez-vous entre Dieu et nous sur le trône de l'orgueil. Adam a donc été créé exempt de péché dans sa nature ; mais quand une fois il eut péché, sa nature s'en trouva souillée, elle en contracta la tache du péché, sans devenir pourtant péché elle-même. Ainsi donc, après son péché, l'homme est devenu pécheur, mais non le péché lui-même. Car ce n'est pas le péché qui fait qu'il soit homme ; il fait seulement qu'il soit pécheur. C'est pourquoi l'homme devenu pécheur a dû engendrer d'autres hommes aussi pécheurs, parce que la nature étant une fois viciée par le péché, il n'en sort qu'une nature vicieuse, c'est-à-dire souillée par le péché, suivant cette parole de l'Apôtre : Comme le premier homme a été terrestre, ses enfants sont aussi terrestres (I Cor., XV, 48). Et comment cela, sinon par l’effet de la génération ? "
Ibidem, c. 2 : " Mais vous allez m'objecter : Est-ce donc que la génération est un péché ? J'ai déjà dit plus haut que lorsque l'homme a péché, sa nature a péché en lui ; et c'est sa nature qui se communique par la génération : la génération a donc été viciée, sans être pour cela changée en vice, ainsi qu'il est écrit : Leur race était maudite dès le commencement (Sag., XII, 11). Maudite dès le commencement, mais à la suite du péché, et en vertu de ces paroles : La terre sera maudite dans ce que vous ferez (Gen., III, 17). Mais le premier homme n'a pu communiquer son péché à ses descendants que par la génération ; et c'est ce que confirme l'Apôtre lorsqu'il dit : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, etc. (Rom., V, 12). Vous entendez qu'il vous dit que le péché est entré dans le monde par un seul
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homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi elle a passé dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché ; et vous osez dire, hérétique, que le péché d'Adam n'a nui qu’à lui seul ? Oui, il n'a nui qu’à lui seul, lorsqu'il était seul avec Eve sa femme. Mais nous étions tous renfermés en eux, parce qu'ils formaient à eux seuls toute la nature humaine, comme ils sont en nous tous, parce que nous composons la nature humaine. "
Ibidem, c. 3 : " Vous nous répétez encore : Si l'Apôtre avait voulu faire entendre que le péché est passé dans tous les hommes par la voie de la génération, il n'aurait pas dit : par un seul homme, mais : par deux personnes, puisqu'un homme ne peut pas naître d'un homme seul sans une femme. Si vos cœurs ne sont pas fermés à l'intelligence, rappelez-vous qu'il a été dit : Ils ne sont plus deux, mais une même chair (MATTH., XIX, 26), et encore : Ils seront deux en une même chair (Gen., II, 24). Si donc l'Apôtre a dit : par un seul homme, c'est que la femme était une même chair avec l'homme, la postérité qui naît de leur union est censée le produit d'une seule nature individuelle. Ecoutez encore un autre sage vous dire pour vous confondre : La femme a été le principe du péché et c'est par elle que nous mourons tous (Ecclé., XXV, 33). Hérétique, n'êtes-vous pas maintenant satisfait ? Voilà le péché et la mort introduits dans le monde par deux personnes. "
4. Le même, Cité de Dieu, liv. XIII, c. 3 : " Donc tout le genre humain, qui par la femme devait s'épancher en générations, était dans le premier homme quand le couple criminel reçut l'arrêt de sa condamnation. Et tel il fut, non au moment de sa création, mais au moment de son crime et de son châtiment, tel il se reproduit dans les mêmes conditions originelles de mort et de péché. Non que la faute ou le châtiment ait réduit le premier pécheur à cette stupidité, à cette faiblesse d’esprit et de corps que nous remarquons chez les enfants, semblables aux petits des animaux à leur entrée dans la vie, parce que Dieu a précipité leurs parents dans la vie et dans la mort des brutes : L'homme élevé en honneur, dit l’Ecriture (Ps. XLVIII, 15, 21), n'a pas compris ; il s'est abaissé jusqu'aux brutes qui n'ont pas d'intelligence, et leur est devenu semblable. Que dis-je ? les plus tendres fruits des animaux, quant à l'usage de leurs membres, quant à la vivacité du sentiment et de l'instinct, sont loin de la lenteur et de la faiblesse des enfants ; comme si, semblable à la flèche qui part de l'arc tendu, la force propre à l'homme l'élevait au-dessus du reste des
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animaux d'un vol d'autant plus sublime que, plus longtemps retirée en elle-même, elle a différé son essor. Ce n'est donc pas jusqu’à ces informes essais de la vie de l'enfance que l'injustice de son péché et la justice de sa peine ont rejeté ou précipité le premier homme ; mais la nature humaine en lui a été tellement altérée et corrompue, qu'il a dû souffrir en ses membres toutes les révoltes de la concupiscence et tendre ses mains aux liens de la mort. Criminel et puni, les êtres qui naissent de lui, il les engendre tributaires du péché et de la mort (Cf. La Cité de Dieu, trad. de Moreau, t. II, p. 242-244). "
5. Le même, ibidem, c. 14 : " Dieu, en effet, a créé l'homme dans un état de rectitude ; Dieu, auteur de la nature, et non du vice ; mais volontairement corrompu et justement condamné, l’homme a transmis avec le sang sa corruption et sa peine. Car nous étions tous en lui, quand tous nous étions lui seul ; lui, tombe dans le péché par la femme, tirée de lui avant le péché. La forme particulière de chaque existence n'était pas encore créée, nul de nous n'était en possession de sa vie personnelle ; mais le germe d'où nous devions sortir était déjà, cette nature génératrice qui, altéré par le péché, chargé des liens de la mort, sous une juste condamnation, astreint à une même condition l'homme qui naît de l’homme. Ainsi de l'abus de notre libre arbitre a daté l'ère de nos malheurs, et une longue chaîne de misères se déroule qui conduit le genre humain perverti dans sa source et comme flétri dans sa racine, jusqu’à sa seconde mort, jusqu’à la mort sans fin, dont celui-là seul est excepté que la grâce divine affranchit (Cf. Ibidem, p. 258-260). "
6. Le même, ibidem, livre XIV, c. 1 : " Jaloux, comme je l'ai dit, d'unir les hommes par la ressemblance de la nature, et surtout de resserrer entre eux le lien de l'unité fraternelle, Dieu a voulu créer les hommes d'un seul homme ; et en chacun de nous le genre humain ne serait pas destiné à mourir, si nos auteurs, l'un qui n'avait été forme d'aucun autre, l'autre qui avait été formé du premier, n'eussent encouru la mort par leur désobéissance. Telle a été la grandeur de leur crime, qu'il a perverti en eux la nature même, et a transmis aux générations humaines la servitude du péché et la nécessité de la mort (Cf. Ibidem, p. 294). . . "
7. S. PROSPER, lib. I de Vocatione Gentium, c. 7 : " Dieu a
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créé tous les hommes exempts de vice dans la personne du premier homme ; mais par la prévarication de celui-ci, tous les autres ont perdu avec lui l'intégrité de leur nature. Car c'est de cette source contagieuse que la mortalité s'est répandue par tout le monde ; qu'est sortie cette effroyable corruption, tant par rapport au corps, que par rapport à l’âme ; cette ignorance, cette difficulté pour le bien, ces soins inutiles, ces inclinations déréglées, ces erreurs impies, ces vaines terreurs, ces amours coupables, ces joies criminelles, ces desseins pernicieux, ce nombre de malheurs égal à celui des crimes. Tous ces maux et d'autres encore sont venus fondre sur la nature humaine, la foi perdue, l’espérance délaissée, l'entendement aveuglé, la volonté captive, personne ne trouvait en soi le moyen de se relever de sa misère (Cf. S. Prosper, disciple de saint Augustin, de la Vocation des gentils, Paris, 1649, p. 10-11). "
8, Le même, in Responsionibus ad apitula objectionum Gallorum, c. 8 : " Disons avec deux cent quatorze évêques, dont le décret porté contre les ennemis de la grâce de Dieu a été accueilli du monde entier ; disons, par une profession de foi sincère, pour nous servir de leurs propres expressions, que la grâce de Dieu donnée en vertu des mérites de Jésus-Christ Notre-Seigneur nous aide à chaque instant de la vie, non-seulement dans la connaissance, mais encore dans la pratique de nos devoirs, de sorte que sans elle nous ne pouvons avoir aucune vraie et sincère piété dans les pensées, dans les paroles et dans les actions. Et ne pensons pas que ces dons nous viennent tellement de Dieu, que, comme il est l'auteur de notre nature, il nous les ait octroyés comme conséquence obligée de notre nature même Il est vrai qu'en nous les accordant, il nous avait laisses libres de nous les approprier ; mais nous les avons malheureusement perdus, tous tant que nous sommes, dans la personne de celui en qui tous aussi nous avons péché. Nous avons donc besoin de recevoir comme une nouvelle création, ou un nouveau principe de vie, en Jésus-Christ, par la grâce duquel nous devenons des créatures toutes nouvelles, des êtres de nouveau privilégias, des vases de miséricorde en un mot, au lieu d'être comme auparavant des vases de colère, sans avoir rien fait pour mériter cette faveur, et après avoir fait tout au contraire pour nous en rendre indignes. "
9. Le même, contra Collatorem, c. 19 : " Adam était heureux,
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et nous l’étions tous en lui. Adam est venu à se perdre, et nous nous sommes tous perdus dans sa personne. C'est ce qu'a dit saint Ambroise (in Luc. lib. VII), et non sans vérité ; comme ce n'est pas sans vérité que la Vérité elle-même a dit : Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (LUC, XIX, 20). Car la nature humaine, dans cette ruine immense causée par la prévarication de son représentant, n'a perdu ni son être particulier ni sa faculté native de vouloir, mais seulement cette beauté et cet éclat de la vertu, dont elle s'est laissé dépouiller par le rusé artifice de l'ennemi de son bonheur. Or, ayant perdu ce qui pouvait lui procurer une vie et une félicité inamissibles tant pour l'âme que pour le corps, que pouvait-il lui rester que la condition d'une vie temporelle, toute de malédiction et de châtiments ? Il faut donc, malheureux enfants d'Adam, que nous renaissions en Jésus-Christ, si nous ne voulons nous trouver appartenir à cette génération qui a la mort pour partage. Car si les descendants d'Adam pouvaient par leurs seules forces naturelles pratiquer les vertus qui faisaient le cortège d'Adam avant qu'il eût péché, ils ne seraient pas enfants de colère par l'état actuel de leur nature (Ephés., II, 3) ; ils ne seraient pas ténèbres (Ephés., V, 8) ; ils ne seraient pas sous la puissance des ténèbres (Col., I, 13) ; enfin, ils n'auraient pas besoin de la grâce du Sauveur ; car ce ne serait pas sans fruit pour eux-mêmes qu'ils seraient bons, et Dieu ne leur refuserait pas la récompense due à la justice de leurs œuvres, puisqu'ils posséderaient les mêmes biens dont la perte avait causé à nos premiers parents leur bannissement du paradis. Mais puisqu'au contraire personne ne peut aujourd'hui échapper à la mort éternelle sans le sacrement de la régénération, la singularité de ce remède ne montre-t-elle pas toute seule en que profond abîme de maux se trouve plongée toute la nature humaine par la prévarication de celui en qui tous ont péché (Rom., V, 12), perdant ainsi dans sa personne tout ce qu'il a perdu ? Or, il a perdu avant tout la foi ; il a perdu la continence ; il a perdu la charité ; il a été dépouillé des dons de sagesse, d'intelligence, de conseil et de force, et en cherchant par esprit d'impiété à s'élever au-dessus de sa condition, il est déchu du haut degré de science qu'il possédait, comme de la noblesse de sa piété et de son obéissance ; et il ne lui est pas même resté la crainte, qui l'aurait contenu dans le devoir par la perspective du châtiment, s'il ne pouvait y être contenu par l'amour de la justice. Ainsi donc le libre arbitre de l'homme, c'est-à-dire ce libre mou-
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vemnent par lequel il se portait vers ce qui appelait à ses désirs en prenant à dégoût les biens qu'il avait reçus, et en osant, pour satisfaire une passion insensée, courir les risques d'une prévarication où était engagé son bonheur, a avalé le poison de tous les vices, et a fait pénétré dans tout son être le virus de sa fatale intempérance. "
10. Le même, ad excerpta Genuensium, in responsione ad tria prima dubia : " Celui qui soutient cela avouera, je pense, avec nous, que la nature commune à tous les hommes a été viciée dans la personne du premier homme, et il ne niera pas qu'elle ait dû perdre dans une telle chute les vertus dont elle était auparavant douée et qu'elle ne pourra plus recouvrer désormais que par un effet de la grâce. Mais pourquoi de ce naufrage universel des vertus du premier homme veut-il excepter la foi toute seule, tandis que, s'il ne l'eût pas perdue la première, il n'aurait perdu aucune des autres ? Car, en ajoutant foi au discours du démon, il cessa d'avoir foi à la parole de Dieu, et en s'enivrant de l'esprit d'orgueil, il a laisse son cœur s'éloigner de Dieu, et il s'est fait l'esclave de l'ange rebelle, en voulant s'affranchir d'une juste obéissance. Puis donc que nous ne pouvions avoir la vertu qu'autant que Dieu nous la donnerait (Sag., VIII, 21) ; ni le pur amour, qu'autant que Dieu répandrait sa charité dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (Rom., V, 5) ; ni enfin la sagesse et l'intelligence, le conseil et la force, la science et la piété, et la crainte de Dieu, qu'autant que ces vertus nous seraient données par l'Esprit-Saint (ISAIE, XI, 2) : comment la foi, perdue dans la personne d'Adam, pourrait-elle se retrouver dans quelqu'un de ses descendants, si elle n'était répandue dans nos cœurs par ce même Esprit qui opère tout en tous (I Cor., XII, G) ? Par conséquent, si la postérité d'Adam n'a pas perdu ce qu'il a perdu lui-même, il s'est donc blessé lui seul par son péché, sans blesser avec lui tout le genre humain. Et pourtant, tous ont péché dans un seul (Rom., V, 12) ; toute sa postérité a encouru la damnation en conséquence de son infidélité. Donc tous ont perdu ce qu'Adam a perdu lui-même. Or il a perdu la foi avant tout ; et puisque c'est la première de toutes les vertus que nous avons pu perdre, c'est elle aussi que nous avons à recouvrer avant les autres. "
11. S. FULGENCE, de incarnatione et gratiâ Christi, c. 13 : " Etant vendu au péché comme désormais son esclave, (le premier homme) a engagé dans son même esclavage tous ses futurs
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descendants. C'est ce que saint Paul fait clairement entendre par ces paroles : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché et ainsi la mort est passé dans tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché (Rom., V, 12). Voilà le malheur que nous avons tous éprouvé dans la personne de notre premier père, parce que tous ont péché en lui avant même qu'ils fussent nés ou qu'ils pussent pécher par eux-mêmes. De là il est arrivé que cette souche maudite n'a pu produire que des enfants de colère, en leur transmettant à la fois le péché et la mort, et que tous ceux qui pourront jamais sortir de cette semence infectée de péché, en contractant, à l'instant même de leur conception, la tache du péché de leur origine, conséquemment à cette loi de péché à laquelle il est certain que nos corps mortels sont soumis depuis la naissance jusqu’à la mort, auront à traîner ici-bas une existence malheureuse, c'est-à-dire, incertaine de sa durée, sujette au péché et à la mort, sans pouvoir se délivrer de ce joug pesant, auquel sont soumis tous les enfants d'Adam depuis le jour de leur sortie du sein de leurs mère jusqu'à celui de leur sépulture (Ecclé., XL, 1). Car il est écrit : L'homme né de la femme est pour peu de temps sur la terre, et ne cesse de ressentir les effets de la colère de Dieu (JOB, XIV, 1). Et cette première mort, à laquelle l'homme est voué dès sa naissance, ne serait encore qu'un acheminement vers une seconde, si, au moment de quitter cette misérable vie, on se trouvait dénué de la grâce du divin Rédempteur. Afin donc que la grâce de ce Dieu infiniment miséricordieux nous délivrât des liens du péché originel où nous restions engagés par la faute du premier homme, le médiateur unique entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, a paru enfin sur la terre. Car comme Dieu est immortel et saint en même temps, et que la transgression du premier homme nous avait rendus sujets à la mort en même temps que pécheurs, pour pouvoir appliquer un remède assorti à cette double plaie de nos corps comme de nos âmes, le Fils unique de Dieu a voulu naître de l'homme et être homme lui-même, lui qui éternellement puise dans le sein de son Père la sainteté et l'immortalité. "
12. GENNADE, Lib. de ecclesiasticis dogmatibus, c. 39 ; c’est le témoignage rapporté canon 2 du concile d'Orange, p. 235.
13. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 26 ; c’est le passage rapporte également déjà dans ce chapitre, page 235.
14. Le même, Lib. XV de Civitate Dei, c. 1 : " Chacun de
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nous, en tant qu'issu d'une race maudite, ou comme enfant d'Adam, naît méchant et charnel, et ne devient bon et spirituel qu'autant qu'il renaît croît en Jésus-Christ (Cf. La Cité de Dieu, trad. de Morceau, t. II, p. 363). "
15. Le même (ou l'auteur du traité) de Prædestinatione et Gratiâ, c. 3 : " Le vice introduit dans la racine s'est tellement communiqué par voie de propagation à tous les rejetons qui en sont sortis, que l'enfant même d'un jour n'est pas innocent de cette faute primordiale (JOB, XIV, 4-5, d'après les Septante), à moins qu'il n'en soit lavé par la grâce toute gratuite du Sauveur. Que si ceux-là même ne sont pas exempts de péché qui n'ont pu en commettre encore aucun par eux-mêmes il faut donc qu'ils l'aient contracté par autrui, de la manière que l’Apôtre nous le fait entendre par ces paroles : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché et ainsi la mort est passé à tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché. Nier cela, c'est nier avant tout que nous soyons mortels. Car si, comme le dit l’Apôtre, le péché est entré dans le monde par un seul homme, et si la mort y est entrée par le péché, la mort n'a pu y entrer sans le péché. Et puisque la mort n'est pas une condition de notre nature, mais une peine du péché, la peine ne doit venir qu’à la suite du péché. Comme, d'un autre côté la mort est passée à tous les hommes, il faut donc que le péché soit passé aussi à tous les hommes. Comment le péché originel peut-il naître dans les enfants en même temps qu'eux-mêmes, c'est ce que nous ne saurions voir des yeux de la chair. Mais comme nous voyons soumis à la loi de la mort tous ceux que leur naissance charnelle fait remonter jusqu’à Adam, quand bien même ils auraient déjà reçu en Jésus-Christ une nouvelle naissance, ce que nous voyons nous oblige de confesser ce que nous ne voyons pas. Car il serait plus facile d'expliquer comment, un péché ayant été commis, le châtiment ne viendrait pas à la suite, qu'il ne le serait de concevoir comment, sans qu'un péché eût été communiqué, quelqu'un qui n'aurait pas participé à la faute, participerait néanmoins à la peine. Si donc, comme nous l'avons fait voir, nous sommes tous débiteurs par le fait même de notre origine, puisque, comme l'a dit l’Apôtre, tous ont péché dans la personne du premier homme, et que la masse même dont nous sommes tirés a été frappée de malédiction, que personne désormais n’ose se plaindre de la dureté de sa condition ou de la peine qu'il
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subit, puisqu'elle est le résultat de la condition de sa naissance, indépendamment même des péchés personnels qu'il a pu commettre dans la suite. "
16. Le même, Lib. VI contra Julianium, c. 12 : " Pour moi, j'ai toujours fait profession de croire, depuis ma conversion au christianisme, comme je le fais aujourd'hui, que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché. On peut là-dessus se reporter aux ouvrages que j'ai composé n'étant encore que laïque, et peu de temps après ma conversion : quoique je ne fusse pas encore versé dans la lecture des saints livres comme je l'ai été depuis, on verra que dés-lors je n'ai jamais rien pensé ni rien dit sur ce point, lorsque je me suis trouvé engagé à m'expliquer sur cette matière, qui ne fût très-conforme à ce qu'on a cru et enseigné de tout temps dans l’Eglise catholique, savoir, que le péché originel a fait tomber le genre humain dans cet affreux état de misère où nous le voyons, et où l'homme est tellement devenu sujet à la vanité que ses jours passent comme l'ombre, et que tout homme vivant est un abîme de vanité ; état d'où nous ne pouvons sortir, si nous ne sommes délivrés par celui qui a dit : La vérité vous rendra libres (JEAN, VIII, 52) ; et ailleurs : Je suis la vérité (JEAN, XIV, 6) ; et dans un autre endroit : Si le Fils vous met en liberté, vous serez alors véritablement libres (JEAN, VIII, 36). "
17. Ibidem, c. 20 : " Pour réfuter les paroles de mon livre (de Nuptiis et Concupisc., lib. I, c. 13) que vous rapportez, vous dites qu'il fallait garder la même règle à l'égard de l'homme pécheur que celle qui avait été gardée à l’égard du démon, savoir, qu'aucun ne fût condamné que pour les péchés qu'il aurait commis lui-même par sa propre volonté, et qu'ainsi il ne saurait y avoir de péché originel, puisqu'autrement, dîtes-vous, on ne pourrait plus appeler bon l'ouvrage de celui qui pourtant a fait bon tout ce qu'il a fait, sans en excepter le démon. Et vous ne voyez pas que Dieu n'a pas fait sortir les démons les uns des autres, ni même d'anges d'ailleurs bons, mais en qui il y aurait une loi des membres contraire à celle de l'esprit, comme cela se trouve dans les hommes qu'ont engendré d'autres hommes. Votre argument aurait peut - être quelque force, si le diable engendrait des enfants à la manière des hommes, et qu'alors je soutinsse que ces enfants du diable n'hé-
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riteraient pas du péché de leur père. Mais il faut raisonner autrement de celui qui était homicide dès le commencement (JEAN, VIII, 44), et qui, presqu'aussitôt que l'homme eut été créé, lui a donné la mort en se servant de la femme pour le séduire, et infidèle le premier par l'abus qu'il a fait de sa liberté, a entrainé l'homme avec lui dans sa chute ; il faut raisonner de lui autrement, dis-je, que de l'homme, par qui le péché est entré dans le monde, comme la mort par son péché en qui tous les hommes ont péché, et par qui, en conséquence, la mort est passée à tous les hommes (Rom., V, 12) ; paroles de l'Apôtre qui marquent évidemment, qu'indépendamment des péchés particuliers à chacun, il y a un péché originel commun à tous les hommes. "
18. Ibidem, c. 24 : " Ce qui fait éclater davantage l'amour de Dieu envers nous, nous dit l’Apôtre, c'est que lors même que nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ n'a pas laissé dans le temps de mourir pour nous ; maintenant donc que nous avons été justifiés par son sang, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu (Rom., V, 8-9). C'est de cette colère qu'il est dit, que nous étions, par le fait de notre naissance, enfants de colère comme tous les autres (Ephés., II, 3). C'est de cette colère que le prophète Jérémie dit aussi : Maudit soit le jour où je suis né (JEREM., XX, 14). C'est de cette même colère que le saint homme Job dit à son tour : Périsse le jour où je suis né (JOB, III, 3). C'est de cette même colère qu'il dit encore : L'homme né de la femme, destiné à vivre peu de jours sur la terre, et accablé du poids de la colère du Tout-Puissant, tombe bientôt comme la fleur des champs, fuit comme une ombre du milieu des vivants, et ne saurait subsister (JOB, XIV, 1 et suiv., d'après les Septante). Ne vous êtes-vous pas, ô Dieu, occupé de lui, jusqu’à vouloir qu'il entre en jugement avec vous ? Eh ! qui sera pur de toute souillure ? Pas un seul ne l'est, pas même l'enfant dont la vie sur la terre n'est encore que d’un jour. C'est de cette même colère que parle, dans les termes suivants, l'auteur de l’Ecclésiastique : Tout homme s'use comme un vêtement ; car la loi en a été portée de tout temps : Vous mourrez (Ecclé., XIV, 18, d'après les Septante). La femme a été le principe du péché et c'est par elle que nous mourons tous (Ecclé., XXV, 33). Une inquiète occupation a été destinée d'abord à tous les hommes, et un joug pesant accable les enfants d'Adam, depuis le jour qu'ils sortent du ventre de leur mère jusqu'au jour de leur sépulture où ils rentrent dans la mère commune de tous
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(Ecclé., XL, 1). C'est de cette même colère que l'Ecclésiaste a dit : Vanité des vanités, et tout n'est que vanité : quel avantage revient-il à l'homme de toutes les peines qu'il se donne sous le soleil (Ecclés., I, 1-2) ? C'est encore de cette colère que l'Apôtre a dit : Toute créature est assujettie à la vanité (Rom., VIII, 20). C'est elle qui fait pousser au Psalmiste ces gémissements : Je vois que vous avez fait pencher mes jours à la vieillesse, et mon être est comme le néant à vos yeux ; en vérité, tout homme qui vit sur la terre, et tout ce qui est dans l'homme n'est que vanité (Ps. XXXVIII, 6). C'est à ce même sujet qu'il a dit ailleurs : Les jours de l'homme passent comme une eau rapide, comme un songe ; sa vie est une fleur éphémère ; le matin, elle s'épanouie et se fane ; le soir, elle tombe sous la faux et se dessèche. C'est votre colère, hélas ! ô Dieu, qui nous a réduit à cet abattement ; c'est votre fureur qui nous a jetés dans le trouble. Vous avez exposé mes iniquités à vos yeux, la suite de nos actions à la clarté de votre visage : aussi tous nos jours s'écoulent devant le souffle de votre colère ; nos années s'évanouissent comme le travail de l’araignée (hébr., comme un soupir qu'on laisse échapper) (Ps. LXXXIX, 5-9). Personne ne pourra se soustraire à cette colère de Dieu, s'il ne fait sa paix avec lui en recourant au divin médiateur. C'est ce qui a fait dire à ce médiateur lui-même : Celui qui ne croit pas au Fils, n'aura pas la vie, mais la colère de Dieu reste appesantie sur lui (I JEAN, V, 56). Il ne dit pas qu'elle tombera sur lui, mais qu'elle reste appesantie sur lui. "
19. Ibidem, c. 26 : " Vous ne craignez pas de dire (Julien) que vous êtes en société avec les saints patriarches, les saints prophètes, les saints apôtres, les saints martyrs et les saints pontifes ; tandis que les patriarches vous disent que des sacrifices ont été offerts pour les péchés des enfants même nouvellement nés, attendu qu'aucun n'est exempt de souillure, pas même l'enfant dont la vie n'est encore que d'un jour sur la terre (JOB, XIV, 4-5, suivant les Septante) ; tandis que les prophètes vous disent : Nous avons été conçus dans l'iniquité (Ps. L, 7) ; tandis que les apôtres vous disent : Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés dans sa mort ; de sorte que nous devons nous considérer comme morts au péché et comme vivant pour Dieu en Jésus-Christ (Rom., VI, 3, 11) ; tandis que les Martyrs vous disent que tous ceux qui descendent d'Adam par leur naissance charnelle, contractent dès leur naissance la contagion de la mort, dont la peine a été portée des le commencement,
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tellement que le baptême effacera en eux le péché d'autrui, sans qu'ils aient encore de péchés personnels ; tandis que les saints pontifes vous disent que tous ceux qui doivent leur naissance à la volupté charnelle, contractent la contagion du péché avant même de jouir du bienfait de la vie (S. Cyprien, Epist. ad Fidum ; S. Ambroise, Lib. de sacr. regener.). Vous osez vous associer à tous ces saints personnages, dont vous prenez à tâche de renverser la croyance. "
20. S. FULGENCE, de incarnatione et gratiâ Christi, c. 14 : " Il y a lieu de s’étonner que ceux qui veulent que la mort soit passée du premier homme à tout le genre humain, sans que le péché nous soit passé en même temps, ne voient pas en quelles difficultés leur sentiment les jette. Premièrement ils font Dieu injuste, en ce qu'il punirait de mort des enfants qui ne seraient souillés d'aucune tache originelle, et qui d'ailleurs, vu leur âge innocent, sont encore incapables de commettre un péché actuel quelconque par leur propre volonté, puisque l'Apôtre déclare que la mort est la solde du péché, et que le péché est l'aiguillon de la mort, sans doute parce que c'est la pointe de cet aiguillon qui donne la mort à l'homme. Car s'il est appelé l'aiguillon de la mort, ce n'est pas parce que la mort lui a donné entrée, mais bien plutôt parce que c'est lui qui a donné entrée à la mort dans le monde, de même que nous disons d'un breuvage empoisonné que c'est un breuvage de mort, non parce que c'est la mort, qui présente le breuvage, mais parce que c'est le breuvage qui produit la mort. Quelle justice y aurait-il donc à ce qu'un enfant reçu la solde du péché si le péché ne lui avait fait contracter aucune souillure ? Ou comment ressentirait-il l'atteinte de la mort, s'il n'avait pas à sentir avant tout la pointe de son aiguillon ? Et puisqu'il n'y a point d’iniquité en Dieu, dans ce Dieu qui a fait l'homme à son image, quelle justice y aurait-il à ce que l'image de Dieu, qui n'aurait pu se souiller par elle-même d'aucune faute, fût exclue du royaume de Dieu, à moins d'être rachetée par le sang du Fils de Dieu ?. . . Si donc ils veulent sortir de leur funeste impiété, injurieuse comme elle l'est à Dieu lui-même, qu'ils reconnaissent que le premier homme a transmis avec la mort le péché à ses descendants. "
21. Ibidem, c. 15 : " Ceux qui nient que les enfants aient le péché originel à leur naissance, ne nient pas pour cela que leur chair soit une chair humaine, et ils accordent en même temps que la chair exempte de péché que le Fils de Dieu a prise dans le
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sein d'une vierge était une chair humaine ; qu'ils disent donc qu'entre la chair du Fils de Dieu naissant d'une vierge et celle de tout autre enfant, il n'y a aucune différence. Qu'ils disent donc encore que les enfants, à qui ils attribuent l'avantage de naître sans péché, n'ont aucun besoin de la grâce du Sauveur ; et c'est ainsi qu'ils tombent dans l’erreur de Pélage, en s'élevant avec témérité contre la foi catholique. Car puisqu'ils prétendent que les enfants naissent sans péché, que leur reste-t-il à dire, sinon qu'il n'y a rien en eux qui ait besoin d’être purifié par la régénération spirituelle ? Et s'ils déclarent ces enfants exempts de la tache originelle, à quoi tendent leurs efforts qu’à leur faire accuser de mensonge la vérité de Dieu même quand ils voient ces mêmes enfants recevoir le sacrement de baptême pour la rémission des péchés ? sacrement que les plus petits enfants reçoivent dans la même forme que les adultes, pour que personne ne puisse ignorer qu'il y a en tous la même tache originelle. Que tous ceux donc qui désirent obtenir le salut éternel rejettent avec soin cette hérésie perverse, en confessant sans hésiter que les enfants qu'ils voient naître avec la peine du péché naissent aussi avec le péché lui-même, et se rendant dociles à cet avertissement de Job, que personne n’est exempt de souillure, pas même l'enfant dont la vie sur la terre n'est encore que d'un jour ; en admirant aussi les sentiments de componction et d'humilité avec lesquels David s'écrie : J’ai été conçu dans l'iniquité, et ma mère m'a enfanté dans le péché (Ps. L, 7) ; en voyant encore qu'Abraham a reçu l'ordre de circoncire son fils, sous peine de le voir bientôt frappé de mort : car voici les paroles que dit ce patriarche le Dieu juste et fidèle, qui n'inflige pas de châtiments là où il ne trouve pas de fautes à punir : Tout mâle dont la chair n'aura point été circoncise sera exterminé du milieu de son peuple, parce qu'il aura violé mon alliance (Gen., XVII, 14). Que ceux qui osent nier que les enfants contractent le péché originel par suite de leur naissance charnelle, nous disent donc en quoi un enfant de huit jours aurait pu violer l'alliance de Dieu, s'il ne l'avait pas violé en celui en qui tous ont péché, puisque l'Apôtre assure qu'avant leur naissance les enfants ne peuvent avoir fait ni bien ni mal (Rom., IX, 11), et que nous voyons que les enfants déjà nés, non pas seulement ceux. qui n'ont encore que huit jours, époque à laquelle ils recevaient la circoncision, mais encore tous les enfants, tant que dure leur enfance, sont également incapables de violer l'alliance de Dieu, par cela même qu'ils ne
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peuvent avoir aucune connaissance de cette alliance. Voudra-t-on, pour exempter les enfants du péché originel, faire valoir ce passage où saint Paul fait observer que la mort a régné d'Adam à Moïse même sur ceux qui n'ont pas péché à la ressemblance du péché d'Adam (Rom., V, 14) ? Mais si nous opposons à notre tour ces autres paroles du même apôtre : Tous les hommes ont été condamnés par la faute d'un seul homme, qu'il explique bientôt après par ces autres paroles : Beaucoup ont été rendus pécheurs par la désobéissance d'un seul homme ; et ce qu'il dit de tout le monde en général, et des Juifs comme des Gentils, que tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu (Rom. III, 14), étant justifiés gratuitement par sa grâce et par la rédemption qui est en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à quelles perplexités ne se trouvera-t-on pas réduit, si l'on ne consent à expliquer tous ces divers passages dans le sens de la croyance catholique, c'est-à-dire que les enfants n'ont aucun péché qu'ils aient commis par eux-mêmes, quoiqu'ils se trouvent tous avoir péché à la fois dans la personne du premier homme ? "
22. Le même, de fide ad Petrum, c. 23 : " Croyez fermement et sans hésiter que les premiers hommes, c'est-à-dire Adam et sa femme, ont été crées bons et tournés vers le bien, avec le libre arbitre et sans aucun péché, libres de demeurer toujours, s'ils l'avaient voulu, dans la soumission et l'obéissance, libres aussi de pécher par leur propre volonté, et qu'ainsi c'est par leur propre volonté, et non par nécessité qu'ils ont péché, et que leur péché a porté une telle atteinte à l'excellence de la nature humaine, que non-seulement il a été cause que la mort a régné sur les premiers hommes, mais encore qu'elle a régné avec le péché sur tous leurs descendants. "
23. S. PROSPER (Ou plutôt Julien Pomère, qui paraît avoir été le véritable auteur de cet ouvrage), Lib. II de vitâ contemplativâ, c. 20 : " De même que, comme nous étions tous en Adam, nous avons tous péché en lui ; ainsi du moment où nous prenons un nouvel être en Jésus-Christ, qui a daigné mourir pour nous, nous devons mourir avec lui à tous nos péchés, et ressusciter spirituellement avec lui. En Adam nous avons perdu tous les avantages que nous pouvions posséder ; en Jésus-Christ nous en recevrons de plus grands que ceux que nous avons perdus, et qui dureront toujours, si nous marchons avec persévérance sur ses traces.
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Adam, par le péché qu'il a commis, nous a rendus passibles de tous les maux dont Jésus-Christ quand il est venu sur la terre, nous a délivres par sa grâce. Le premier nous a transmis sa faute et en même temps la solidarité de son châtiment ; le second, qui ayant été conçu et étant né sans péché, ne pouvait pas se charger de nos péchés, s'est chargé du moins de la peine qu'ils méritaient, et par-là nous a procuré l'abolition du péché et de la peine tout à la fois, de sorte que si Adam nous a fait perdre le paradis tout entier, Jésus-Christ nous l'a rendu tout entier. "
24. S. PROSPER, contra Collatorem, c. 20 : " A quoi le péché a-t-il porté atteinte en nous, sinon à ce qui a été en nous la cause du péché (c'est-à-dire au libre arbitre) ? A moins peut-être qu'on ne dise que la peine est passée sans le péché à la postérité d'Adam : ce qui est tout-à-fait faux, et par conséquent ne saurait être supposé. Car il y aurait trop d'impiété à se former de la justice de Dieu cette idée, qu'elle puisse nous condamner avec les coupables sans que nous soyons coupables. Il est donc visible qu'il y a péché en nous par-là même que le châtiment y est aussi, et la communauté de châtiment pour tous les hommes indique qu'il y a en eux communauté de crime, et nous devons bien nous garder d'imputer à Dieu nos misères qui ne sont que la juste rétribution que nos péchés méritent. "
25. Le même, Poème sur les ingrats contre les pélagiens, c. 40 :
" Nous naissons tous pécheurs : tous portent en ce monde
Du premier des mortels la blessure profonde.
Blessure qui, passant du dedans au dehors,
Frappa plus tôt à mort son cœur que son corps,
Lorsque par son orgueil il crut l'ange infidèle
Qu'un même orgueil bannit de la gloire éternelle (1). "
26. Ibidem, c. 27 :
" Quand le chef des mortels, sans taches et sans vices,
Régnait en ce jardin d'éternelles délices,
Et fuyant le seul fruit d'un arbre dangereux,
Rendait hommage à Dieu qui le rendait heureux,
(1) Poème de saint Prosper contre les ingrats, trad. par Lemaître de Sacy :
Nemo etenim, nemo est, qui non cum vulnere primi
Sit patris genitus : quo vulnere mens priùs intùs
Percussa est, quàm membra foris ; cùm meute receptum est,
Quod regione poli disjecta superbia suasit.
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Nous étions du Très-Haut le chef-d’œuvre admirable,
Le céleste portrait, l'image incomparable.
Mais lorsque l'ange altier répandit dans son sein
Le penser orgueilleux d'un rebelle dessein,
Et brillant contre lui d'une cruelle envie,
Le fit désobéir à l'auteur de sa vie,
IL tomba dans le crime, et nous, infortunés
Pérîmes dans sa chute avant que d’être nés (1). "
27. PIERRE DIACRE et les autres Grecs envoyés à Rome pour la cause de la foi, à Fulgence et aux autres évêques d'Afrique ; lib. de incarnatione et gratiâ Christi, c. 6 (se trouve parmi les œuvres de saint Fulgence) : " Adam séduit par l'artifice du serpent, consentit à devenir prévaricateur de la loi de son Dieu, et par un juste jugement qui lui avait d'avance été annoncé, il encourut la peine de mort, en même temps que déchu, et quant à l'âme et quant au corps, de ses sublimes prérogatives, il perdit sa liberté et devint esclave du péché, le pire de tous les esclavages. A dater de ce moment, aucun homme n'a pu venir au monde exempt de ce péché à l'exception de celui qui, devant être médiateur entre Dieu et les hommes, est venu au monde d'une manière ineffable pour détruire le péché lui-même. Car, que pouvait-il et que peut-il encore naître d'un esclave, que des esclaves ? Or, Adam n'eut des enfants que lorsqu'il n'était déjà plus libre, ou que déjà il était devenu esclave du péché. Puis donc que tous les hommes sont descendus de lui, tous aussi lui doivent d'être esclaves du péché. De là ces paroles de l'Apôtre : Tous sont condamnés pour la faute d'un seul ; et ces autres encore : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et ainsi la mort est passée à tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché ? (Rom., V, 16 et 12). Ceux-là sont donc tout-à-fait dans l'erreur, qui disent que ce n'est pas le péché mais seulement la mort qui est passé à tous les hommes, puisque l'Apôtre déclare
(1) Poème de saint Prosper contre les ingrats, trad. par Lemaitre de Sacy :
Inviolata Dei quondam et sublimis imago
In primo cuncti fuimus patre ; dùm nemore almo
Degit, et edicto parens cavet arbore ab unâ.
At postquàm ruptà mandati lege superbum
Consilium mixtum invidiæ de fonte recepit,
Corruit, et cuncti simul in genitore cadente
Corruimus ; transcurrit enim virosa per omnes
Peccati ebrietas, corrupti et cordis in alvo
Persistit, crudâ fervet carbunculus escà.
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que le péché, aussi bien que la mort, est entré dans le monde par un seul homme. "
28. S. AUGUSTIN, contre Pélage et Celestius, livre second, qui a pour sujet le péché originel, c. 15, dit en parlant de Pélage, qui avait été réduit dans le concile de Jérusalem à dire anathème à ceux qui enseignent que le péché d'Adam n'a été nuisible qu’à lui-même, et non pas aussi à tout le genre humain : " Que fait à la chose que nous discutons maintenant ce qu'il répond pour sa justification à ses disciples, qu'il a consenti à prononcer cet anathème, parce qu'il soutient, lui aussi, que ce premier de tous les péchés n’a pas nui seulement au premier homme, mais aussi à tout le genre humain, non en ce sens qu'il se soit propagé parmi tous les hommes, mais parce que c'a été un exemple que tous ont suivi après lui ; c'est-à-dire, non en ce sens que tous ceux qui sont descendus de lui aient contracté quelque vice ou quelque tache par cela seul qu'ils sont descendus de lui, mais seulement en ce sens que tous ceux qui ont péché depuis n'ont fait qu'imiter ce premier de tous les pécheurs, ou bien encore, que les enfants ne sont pas dans le même état qu’était Adam avant sa chute ; en ce sens qu'ils ne sont pas capables à cet âge de recevoir un commandement, comme Adam l’était lui-même dès l'instant qui a suivi sa création, et qu'ils n'ont pas encore le libre usage de leur raison comme Adam l'avait, puisqu'autrement c'eût été en vain que Dieu lui eût fait un commandement ? Qu'importe encore une fois cette explication qu'il essaie de donner des paroles qui lui sont objectées, puisqu'il prétend avoir condamné justement par cela seul ce que quelqu'un pourrait dire, que le péché d'Adam n'a nui qu'à lui-même, et non à tout le genre humain, ou que les enfants qui naissent sont dans le même état qu'était Adam avant son péché, et n'avoir pas moins eu droit de soutenir ce qu'on lit dans les opuscules qu'il a composé depuis, que les enfants naissent sans aucun péché, sans aucun vice, et qu'il n'y a en eux au moment de leur naissance que ce que Dieu a créé, sans trace de la blessure que nous a faite notre ennemi ? "
29. Ibidem, c. 16 : " Est-ce qu'en disant ces choses, et en expliquant ces paroles dans un autre sens que celui qu'avaient en vue les Pères du concile qui les lui opposaient, il réussira à prouver qu'il n'a pas trompé ses juges ? C'est à quoi certainement il ne réussira pas. Car il aura trompé ses juges d'une manière d'autant plus subtile, qu'il aura donné à ses paroles un sens plus
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détourné. Et en effet les évêques catholiques, en entendant cet homme anathématiser ceux qui disent que le péché d’Adam a nui à lui seul, et non à tout le genre humain, ne pensaient pas qu'il attachât à ces paroles un autre sens que celui que leur attache d'ordinaire l'Eglise catholique. De là vient que c'est avec vérité qu'elle baptise les enfants pour la rémission de leurs péchés, non le péché qu'ils auraient commis par imitation, en suivant l’exemple du premier de tous les pécheurs, mais des péchés contractés par eux à leur naissance, à cause du vice de leur origine. . . . . "
" Les évêques, en vous donnant ces propositions à anathématiser, ne les prenaient pas dans le même sens que vous faites, et voilà pourquoi, quand ils vous ont entendu les anathématiser, ils vous ont cru catholique. Ainsi donc, vous méritiez d’être absous dans le sens qu'ils pensaient être le vôtre, en même temps que vous méritiez d’être condamné dans le sens qui était réellement le vôtre. Au fond, vous n'avez donc point été absous, puisque le sens que vous aviez dans l'esprit était un sens condamnable ; mais on a simplement absous en vous le sens que vous auriez dû suivre. Et vous, pour vous faire croire innocent, vous vous êtes donné l'air de partager le sentiment orthodoxe, tandis que vos juges ne s'apercevaient pas que vous en cachiez un autre en vous-même tout-à-fait digne de réprobation. "
30. Le même, Lib. I de peccatorum meritis et remissione, c. 9 : " Ces paroles de l'Apôtre, Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, vous m'avez écrit que les pélagiens s'efforcent de les détourner en un sens étrange, mais sans me faire connaître quel est ce nouveau sens qu'ils y attachent. Tout ce que j'ai pu apprendre là-dessus d'autres que de vous, c'est que, d'après ces hérétiques, la mort dont il est question dans ce passage n'est pas celle du corps, qu'ils ne veulent pas qu'Adam se soit attirée par son péché mais la mort de l'âme inséparable du péché lui-même, et que le péché est passé du premier homme à tous les autres, non par propagation, mais par imitation. Car c'est aussi en conséquence de cette opinion qu'ils refusent de croire que le baptême a pour effet d'effacer le péché originel dans les enfants, puisque, selon eux, les enfants à leur naissance n’ont aucune espèce de péché. Mais si l’Apôtre avait voulu parler des péchés qui ont pu entrer dans le monde par imitation plutôt que par propagation, il ne leur aurait pas donné pour introducteur le premier homme, mais bien le démon dont il est écrit :
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Le diable pèche dès le commencement (I JEAN, III, 8) ; dont il dit encore dans le livre de la Sagesse : La mort est entrée dans le monde par l'envie du diable (Sag., II, 24). Car comme la mort que le diable a introduite dans le monde n'a pas été introduite par lui en ce sens que les hommes aient été engendrés de lui, mais seulement en ce sens qu'ils l'ont imité, l'écrivain sacré ajoute aussitôt : Ceux qui se rangent à son parti deviennent ses imitateurs (ibid., 25). C'est pour cela que l’Apôtre, voulant dire que le péché et la mort étaient passés par propagation d'un seul à tous, a désigné pour introducteur de l'un et de l'autre celui qui est comme la souche ou le principe de propagation de tout le genre humain. Il est bien vrai qu'Adam est imité par tous ceux qui désobéissent à Dieu en violant quelque commandement divin ; mais autre chose est l’exemple que l'on suit en péchant volontairement, autre chose la source d'où découle le péché avec lequel on vient au monde. "
31. Ibidem, c. 10 : " Remarquez ensuite combien il y a de réserve, de propriété et de clarté d'expression dans ces paroles de l’Apôtre qui viennent après, dans lequel tous ont péché. Car quand même on voudrait entendre que ce serait au péché entré dans le monde par un seul homme que devraient se rapporter ces mots, dans lequel tous ont péché, il n'en serait pas moins évident qu'autres sont les péchés propres à chacun, et que commettent ceux-là seuls dont ils sont l'ouvrage, autre est ce péché unique, dans lequel tous ont péché lorsque tous étaient renfermés à la fois dans ce même premier homme qui l'a commis. Mais si l'on entend au contraire, comme c'est la vérité, que ce n'est pas du péché, mais plutôt du premier homme qu'il est dit ici : dans lequel tous ont péché, qu'y a-t-il de plus clair que ces paroles devenues ainsi la clarté même ? "
32. Ibidem, c. 11 : " Donc la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse (Rom., V, 14) en tous ceux qui n'ont pas été aidés de la grâce de Jésus-Christ, qui aurait détruit en eux le règne de la mort ; et elle a régné même en ceux qui n’ont pas péché à la ressemblance de la prévarication d'Adam, c’est-à-dire qui dont pas péché comme lui par leur propre volonté, n'en étant pas encore capables, mais qui ont contracté le péché originel en celui qui est la forme sur laquelle a été modelé ce qui s'est fait depuis (" Qui est forma futuri quia in illo constituta est forma condemnationis futuris posteris. " Ici saint Augustin donne à ces paroles de l'Apôtre, qui est forma futuri, un sens tout différent de celui que leur attachent le commun des interprètes, et en particulier saint Chrysostôme. V. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IX, p. 320, édit. de Montfaucon ; p. 579, édit. de Gaume, homélie X sur l’épitre aux Romains) ; car
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c'est sur le modèle de la condamnation portée contre Adam qu'a été tracée, pour ainsi dire, la condamnation de sa postérité, qui toute entière se voit condamné dès sa naissance à cause de celui dont elle est sortie, sans pouvoir échapper à la condamnation qui pèse sur elle, autrement que par la grâce du Sauveur. "
33. Ibidem, c. 12 : " Mais faites surtout attention a ces paroles, que tous sont morts à cause du péché d’un seul (Rom., V, 15). Car comment seraient-ils morts à cause du péché d'un seul, et non pas plutôt à cause de leurs propres péchés, s'il fallait entendre ici le péché commis par imitation, et non le péché transmis à tous par voie de propagation ? Mais remarquez encore ces paroles qui suivent : Il n'en est pas de ce don (de la grâce de Jésus-Christ) comme du péché (Rom., V, 16). Car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. Que nos adversaires nous disent maintenant où peut trouver place dans ces paroles cette imitation du péché d'Adam par laquelle ils voudraient tout expliquer. Nous avons été condamnés, nous dit l’Apôtre, pour le péché d'un seul, ou mieux encore pour un seul péché ; n'est-ce pas là ce que veulent dire ces mots ex uno in condemnationem ? L'Apôtre lui-même prend soin de nous les expliquer, lorsqu'il ajoute : Au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. Est-ce que, s'il n'y avait pas de péché originel, il n'y aurait que la grâce qui nous justifierait après plusieurs péchés, et que le jugement de Dieu ne nous condamnerait pas de même après plusieurs péchés ? Car le jugement de Dieu aurait alors plusieurs péchés pour objet, aussi bien que la grâce. Ou si c'était parce que tous les péchés qui seraient l'objet de cette condamnation auraient été commis à l'imitation d'un seul, que tous seraient condamnés pour un seul ; par la même raison, comme tous les péchés qui seraient remis par la grâce de la justification auraient été commis à l'imitation d'un seul, ce serait aussi après un seul péché qu'il faudrait dire que tous sont justifiés. Mais ce n'est pas là ce qu’entendait l’Apôtre, lorsqu'il disait : Nous avons tous été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. Tâchons donc nous-mêmes de l'entendre, et de comprendre qu'il
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a dit que nous avons tous été condamnés pour un seul ou pour un même péché, parce qu'il suffisait pour notre condamnation du seul péché originel, le même pour tous, quand même nous n'en aurions jamais eu d'autres. "
34. Le même, c. 13 : " Pourquoi l'Apôtre dit-il que le péché a régné dans le monde à cause du péché d'un seul, si ce n'est parce que tous les hommes étaient assujettis à la mort par cela seul que tous avaient péché dans la personne d'Adam, quand même ils n'auraient pas ajouté à ce péché primordial les leurs propres ? Autrement, ce ne serait pas à cause du péché d'un seul que la mort aurait régné dans le monde, mais à cause des péchés de tous, de tous leurs péchés et de chacun de leurs péchés. Car si tous sont morts à cause du péché d'un seul, parce que, venus à sa suite, ils l'ont imité dans son péché, à plus forte raison faudrait-il dire qu'Adam lui-même serait mort à cause du péché d'un autre, puisque non-seulement le diable avait péché avant lui, mais qu'il l'avait encore engagé à pécher, au lieu qu’Adam n'a point engagé ainsi ses descendants à pécher comme lui, et que beaucoup d'entre eux qui, dit-on, l'imitent, ne savent pas même ou ne croient pas qu'il ait péché de cette manière. Combien n'aurait-il donc pas été plus juste, ainsi que je l'ai déjà fait observer, que l’Apôtre eût désigné le diable comme celui par lequel le péché et la mort auraient été transmis à tous les hommes, s'il avait voulu parler ici des péchés commis par imitation, et non de celui qui nous est transmis par voie de génération ? Car il serait bien plus raisonnable d'appeler Adam l'imitateur du diable, qu'il a eu pour instigateur de son péché que d'appeler tous les hommes imitateurs de celui qui ne nous a jamais donné de conseils semblables, et dont il y a même beaucoup d'hommes qui ignorent l'existence. Que signifie de plus cette abondance de grâce et de justice, dont parle l'Apôtre, sinon que nous obtenons la rémission non-seulement du péché commun à tous par l’origine d'où il nous vient, mais encore de tous les autres que nous pouvons y avoir ajoutés, et que telle est la vertu de cette grâce ou de cette justice qui nous est communiquée, que tandis qu’Adam a donné son consentement à la simple suggestion qui lui était faite de commettre le péché, nous refusons le nôtre à la violence même que le démon met si souvent en œuvre pour nous y faire tomber ? Que signifie encore, ils règneront à plus forte raison dans la vie (Rom., V, 17), tandis que l'empire de la mort entraîne un bien plus grand nombre de victimes dans les supplices éternels
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de l'enfer, sinon que, pour l'un comme pour l'autre, il faut entendre ceux qui passent d'Adam à Jésus-Christ, c'est-à-dire de la mort à la vie, attendu qu'ils règneront sans fin dans la vie éternelle, au lieu que la mort n'aura régné en eux qu'un temps et qu'elle aura eu une fin ? Comme donc c'est par le péché d'un seul que tous sont tombés dans la condamnation, ainsi c'est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la grâce de la justification, avec la vie qui en est l'effet (ibid., 18). Ce péché d'un seul, si c'est qu'on l'ait imité, ne saurait être que celui du démon ; mais comme il est évident que c'est d'Adam, et non du démon, qu'il est question ici, il ne reste plus qu'a dire que c'est d'un péché transmis par voie de génération et non du péché simplement, qu’il s'agit en ce lieu. "
Le saint docteur entre encore dans de plus grands détails là-dessus au chapitre ou numéro 15, qu'on peut consulter dans l’ouvrage même (V. S. Augustini opera, t. X, p. 10-11, édit. des Bénédictins, col. 202-204, édit. de Gaume, XV, n. 19 et 20).
35. Le même, lib. II, Hypognosticon contra pelagianos (Cet ouvrage n'est pas de saint Augustin, mais de quelque auteur inconnu. V. NAT. ALEX., Hist. eccl., t. V, p. 100), c. 4 : " Nous contractons tous le péché de notre premier père, non par imitation, mais par voie de génération, ainsi qu'il est écrit : J’ai été conçu dans l'iniquité et ma mère m'a enfanté dans le péché (Ps. L, 7). Il y a péché par imitation, quand un pécheur en imite d'autres qui ont péché avant lui ; mais ce qui fait que l'un imite l'autre dans le mal, c'est la perversité de notre nature corrompue d'avance par le péché, et non l'effet de cette nature même que Dieu aurait créée tournée vers le mal. C'est pour cela que l'Apôtre disait aux Ephésiens déjà baptisés qu'ils avaient été enfants de colère par le fait de leur naissance. Car quiconque vient au monde par suite d'un commerce charnel est appelé avec justice enfant de colère par le fait de sa naissance, parce que par sa naissance il remonte jusqu'au premier homme, qui a attiré sur lui et sur sa race, par sa désobéissance, la juste colère de Dieu. Car si nous ne contractions rien de son péché, qui lui attiré, comme je viens de le dire, la colère de Dieu, l'Apôtre ne dirait pas que nous aurions été enfants de colère par le fait de notre naissance. Son péché n'a donc pas nui à lui seul, mais il a nui de plus à tout le genre humain ; et c'est sur nous que retombe non-seulement sa condamnation, mais encore son péché. Car, que
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son péché nous ait atteints nous-mêmes, c'est ce que prouvent les paroles suivantes de ce même vase d’élection : Il n'y a nulle distinction, parce que tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu (Rom., III, 22-23). En disant tous, l'Apôtre n'excepte personne, ou plutôt il désigne tout le genre humain. Car tous ont péché, dès-là que nous naissons tous pécheurs d’un même premier père, pécheur le premier. C'est pour cela que ce même apôtre dit encore : Tous sont condamnés par un juste jugement pour un seul (Rom., V, 16). Que veulent dire ces mots pour un seul, sinon pour un seul péché, ou pour le péché d'un seul ? Et comment nous trouvons-nous tous enveloppés dans la même condamnation, sinon parce que nous nous trouvons tous enveloppés dans la même faute qui a valu sa condamnation au premier homme ? Que veulent dire enfin ces mots, Tous ont besoin de la grâce de Dieu, sinon que tous ont besoin de la grâce de Dieu le Père par la médiation de Jésus-Christ qui est dans la gloire de Dieu son Père ? "
36. S. AUGUSTIN, Epist. LXXXIX (al. 167) ad Hilarium, q. 3 : " S'ils (les pélagiens) n'osent pas contredire le grand Apôtre, qu'ils nous expliquent comment ils entendent que ce jugement attiré sur les hommes par un seul péché leur produit la condamnation. Car nous ne sommes pas en peine de dire comment la leur produit celui que plusieurs péchés leur attirent, et nous savons bien que, lorsqu'ils paraissent devant le tribunal de Dieu chargés de plusieurs péchés c'est pour y être condamnés. "
" Dira-t-on que l'Apôtre n'a voulu faire entendre autre chose par-là, sinon que le péché a commencé par Adam, et que comme les autres hommes ne pèchent qu'à son imitation, il est vrai de dire que c'est ce premier péché qui les entraîne dans le jugement et la condamnation, puisque ce n'est qu’à l'exemple de celui qu'ils commettent les autres péchés par lesquels ils s'attirent la condamnation à eux-mêmes ? Mais si par ce seul péché dont parle l'Apôtre, il n'a voulu faire entendre que les péchés commis à l'imitation du péché d'Adam, pourquoi ne s'exprime-t-il pas de la même manière, quand il vient à parler de la justification et de la grâce ? Que ne dit-il que la grâce produit la justification après un seul péché, comme il dit que le jugement attiré sur les hommes par un seul péché leur produit la condamnation ? Car comme ces péchés particuliers de chacun, que l'Apôtre, à leur avis, désigné par ce seul péché dont ils parlent, se trouvent dans ceux qui sont condamnés comme tenant le milieu entre ce pre-
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mier péché à l'imitation duquel ils ont été commis, et le jugement qui les condamne, ils se trouvent tout de même dans ceux qui sont justifiés comme tenant le milieu entre ce premier péché et la grâce qui les en délivre ; et si c'est après s'être souillé de plusieurs péchés commis à l'imitation de ce premier, que les uns tombent dans la condamnation, c'est aussi après s'être souillés de plusieurs péchés commis à l'imitation de ce même péché, que les autres reçoivent la grâce qui les justifie. Ce qu'il peut y avoir de rapport entre ce seul péché dont parle l'Apôtre, et les péchés particuliers de chacun, étant donc égal de part et d'autre, c'est-à-dire quant à la justification des uns, comme quant à la condamnation des autres, pourquoi dit-il d'un côté que le jugement attiré sur les hommes par un seul péché leur produit la condamnation, et de l'autre que la grâce, même après plusieurs péchés, leur produit la justification ? "
" Que ces gens-là nous rendent donc raison de cette différence de langage, ou qu'ils reconnaissent que ce qui a fait parler l’Apôtre de cette manière, c'est qu'il entrait dans son sujet de suivre le parallèle d'Adam et de Jésus-Christ, qu'il nous représente, l'un comme le principe de la génération charnelle, et l'autre comme celui de la régénération spirituelle ; mais avec cette différence que l'un n'est qu'homme, et que l'autre est Dieu aussi bien qu'homme ; d'où il arrive qu'au lieu que la génération dont Adam est le principe ne nous rend coupables que du seul péché qui passe de lui en nous, l'effet de la régénération dont Jésus-Christ est l'auteur, n'est pas borné à ne nous délivrer que de ce péché que nous tirons d'Adam ; et qu'ainsi, au lieu que la condamnation que la génération charnelle nous attire, n'est fondée sur ce péché commun qui lie tous les enfants d'Adam (car ceux que nous ajoutons à celui-là par nos dérèglements viennent de notre mauvaise vie et non de notre naissance), la régénération efface non-seulement le péché que nous tenons d'Adam, mais tous ceux que nous y avons ajoutés par la dépravation de nos mœurs, c'est donc cette différence qui a fait dire à l'Apôtre d'un côté, que le jugement attiré sur les hommes par un seul péché les précipite dans la condamnation, et de l'autre, que la grâce, même après plusieurs péchés, leur produit la justification. "
37. Le même, Lib. VI contra Julianum, c. 24 : " C'est en vain que de ces paroles de l'Apôtre l'occasion desquelles, par un prodige d'audace, ou pour mieux dire de folie, vous osez contredire une des vérités de la foi les mieux établies ; que de ces
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paroles, dis-je, Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché, vous vous efforcez de tirer une explication nouvelle, forcée et contraire à l'évidence des termes, en prétendant que ces mots, in quo omnes peccaverunt, reviennent à dire, " C'est pour cela que tous ont péché, " (comme ceux-ci du Psalmiste, in quo corrigit junior viam suam, voudraient dire, C'est pour cela que celui qui est jeune corrige sa voie) ; de sorte qu'il ne faudrait pas entendre par-là que tous pris collectivement auraient péché originairement dans un seul homme, mais que chacun pèche aujourd'hui parce que le premier homme a péché, c’est-à-dire en imitant son exemple, et non par le seul fait de sa génération ou de son origine. Nous disons donc que cette locution, in quo, ne peut pas signifier ici propter quod. Car on ne peut dire : " C'est pour cela qu'un tel a péché, " que lorsqu'on parle, ou de la fin qu'il s'est proposée en se portant au péché, ou de la chose qui a pu être en une façon quelconque cause de son péché. Mais qui pourrait être assez dépourvu de sens commun pour dire, par exemple : Cet homme a commis un meurtre, parce qu'Adam a mangé du fruit défendu dans le paradis terrestre ? tandis que cet homme aurait fait son action sans penser le moins du monde à notre premier péché, mais uniquement pour s'emparer de l'or qu'il aurait supposé à sa victime ? Ainsi pourrions-nous raisonner de tous les autres péchés qu’un homme peut commettre, et dont chacun a sa cause particulière sans que celui qui le commet pense aucunement à celui qu'a commis le premier homme, ou qu'il se le propose pour modèle. Caïn lui-même, malgré la connaissance qu'il avait de son père et du péché que son père avait commis, ne saurait être supposé avoir commis lui-même son crime cause de cela, c'est-à-dire à cause du péché commis par Adam. On sait en effet pourquoi ce premier des homicides se porta à tuer son frère : c'est parce qu'il était jaloux de lui, et non parce que son père lui avait donné l’exemple de la désobéissance au commandement divin (Cf. Les six livres de saint Augustin contre Julien, défenseur de l'hérésie pélagienne, t. II, pag. 458-461, Paris, 1736). "
38. Le même, Serm. XIV de verbis apostoli, c. 14 : " Lorsqu'on presse les pélagiens par ces paroles de l’Apôtre : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et ainsi la mort est passée dans tous les hommes, par ce seul homme,
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en qui tous ont péché, IN QUO OMNES PECCAVERUNT ; par ces paroles qui me semblent si claires d'elles-mêmes, qu’à peine auraient-elles besoin d'explication ; ils affectent de répondre que ces paroles veulent dire simplement qu'Adam a péché le premier, et que ceux qui ont péché depuis l'ont fait à son exemple. Mais répondre ainsi, qu'est-ce autre chose que vouloir obscurcir ce qui est clair comme le jour ? Peccatum per unum hominem intravit, et per peccatum mors, et ità in omnes hommes mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt. Vous dites que cela signifie que tous les hommes ont péché omnes peccaverunt, par imitation du péché d'Adam, in quo, qui a péché le premier. "
Ibidem, c. 15 : " Je réponds à mon tour que ce n'est pas Adam qui a péché le premier. Si vous cherchez quel a été le premier pécheur, vous trouverez que ç'a été le diable. Mais comme l'Apôtre voulait faire voir que toute la masse du genre humain avait été infectée dans son origine, il a eu bien soin de désigner celui dont nous sommes descendus, et non celui que nous avons imité. Il est vrai qu'on peut donner le nom de père à celui qu'on imite. Mes chers enfants, disait l’Apôtre aux Galates, vous pour qui j'éprouve de nouveau les douleurs de l'enfantement (Gal., IV, 19), comme il disait d'autres fidèles : Soyez mes imitateurs (I Cor., IV, 16 ; XI, 1). C'est à raison d'une imitation d'un autre genre qu'il a été dit à des impies : Vous êtes les enfants du diable (JEAN, VIII, 44). Car il est certain de foi catholique que le diable n'a engendré personne de nous, non plus qu'il n'est l'auteur de notre nature : il ne peut être notre père que par séduction, et nous ne pouvons être ses enfants que par imitation. Enfin, qu'on me montre qu'il a été dit quelque part que tous ont péché dans la personne du diable, comme il est dit ici que tous ont péché dans la personne d'Adam. Autre chose est de pécher à la suite et à l’exemple d'Adam, autre chose est de le faire dans sa personne. Car, avant même que nous fussions nés, nous étions tous en lui comme dans notre souche commune ; nous étions en lui comme l'arbre dans sa racine, et c'est par sa racine que l'arbre a été infecté. Ce qui prouve que les péchés que l'homme peut commettre ont leur modèle mais non leur origine dans le péché du diable, qui est vraiment le premier de tous les pécheurs, ce sont ces paroles de l'Ecriture : La mort est entrée dans le monde par l’envie du diable, et ceux qui se rangent à son parti deviennent ses imitateurs (Sag., II, 24-25). C'est en l'imitant, qu'ils se rangent à son parti. L'Ecriture dit-elle ici que ceux qui se rangent au
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parti du diable pèchent dans la personne du diable ? Au lieu qu'en parlant d'Adam, elle dit bien que c'est en lui que tous les hommes ont péché, à cause de leur origine qu'ils tirent de lui, parce qu'ils sont ses descendants, parce qu'ils sont le fruit de ses entrailles. Car si Adam est nommé le premier parce qu'il a péché le premier, comme premier exemple, mais non comme source originaire des péchés commis dans la suite, pourquoi irions-nous chercher si loin Jésus-Christ, venu si longtemps après Adam ? Si tous les pécheurs appartiennent à Adam, parce qu'Adam est le premier qui a péché, tous les justes devront aussi appartenir à Abel, parce qu'Abe1 a été le premier des justes. Pourquoi donc chercher jusqu’à Jésus-Christ ? Pourquoi chercher jusqu’à Jésus-Christ ? Ah ! mon frère ouvrez les yeux, et vous le saurez : c'est parce que la génération humaine ayant été maudite en Adam, c'est en Jésus-Christ que l’homme doit être régénéré. "
Ibidem, c. 16 : " Que personne donc ne cherche ici à nous donner le change : le témoignage de l’Ecriture est évident ; l’autorité sur laquelle nous nous appuyons est la plus solide de toutes ; notre foi n'est autre que la croyance catholique. Tout homme, du moment où il est engendré, est dans la damnation ; aucun ne peut en être délivré qu'il ne soit régénéré. "
39. Le même, Lib. III de peccatorum meritis et remissione, c. 8 : " Aucune raison, disent les pélagiens, ne peut nous autoriser à croire que Dieu, qui pardonne aux hommes leurs péchés personnels, leur impute ceux d'autrui. Nous leur répondons : Dieu remet les péchés, mais à ceux qui sont régénérés par l'esprit, et non à ceux qui ne sont encore qu'engendrés par la chair. Les péchés qu’il nous impute ne sont plus seulement des péchés d'autrui, mais nous sont devenus des péchés personnels. Ils nous étaient étrangers quand nous n'existions pas encore pour en recevoir la contagion ; mais la génération charnelle fait qu'ils deviennent personnels à ceux qui n'en sont pas encore délivrés par la régénération spirituelle. "
40. Le même, lib. VI contra Julianum, c. 10 : " Ce que vous objectez, que personne ne peut être puni pour des péchés qui lui sont étrangers, a besoin d'être expliqué pour n’être pas entendu dans un sens faux. Je ne m'arrête pas à vous faire observer que pour le péché de David seul, tant de milliers de personnes ont été frappées de mort (II Sam., XXIV, 18) ; et que parce qu'un seul n'avait pas observé l’anathème jeté sur toutes les dépouilles ennemies, ceux qui en étaient innocents, qui l'ignoraient même,
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n'en ont pas moins porté la peine de son péché (Jos., VII, 5). C'est là une autre question dont je n'ai point à m'occuper en ce moment, parce qu'il s'agissait là d'une autre espèce de péché et de peines. Les péchés de nos parents peuvent en un sens nous être étrangers, et en un autre nous être personnels. Ils nous sont étrangers en ce sens, que nous n'avons pas agi pour nous en rendre coupables ; mais ils nous sont personnels en ce que nos personnes, en qui ces péchés ont été propagés, en ont contracté la contagion. S'il n'en était ainsi, il n'y aurait plus de justice dans ce joug pesant imposé aux enfants d'Adam, depuis le jour qu'ils sortent du ventre de leurs mères jusqu'au jour de leur sépulture (Ecclé., XL, 4). "
" Quant à ces paroles de l'Apôtre que vous alléguez, que nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui sera dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites pendant qu'il était revêtu de son corps (II Cor., V, 10), comment pouvez-vous les appliquer aux petits enfants ? Dites-moi s'ils comparaîtront aussi devant le tribunal de Jésus-Christ, ou s'ils ne devront pas y comparaître. S'ils ne doivent pas y comparaître, de quoi vous sert ce passage que vous me citez, puisqu'il ne regarde point ceux dont il est question entre nous ? S'ils doivent y comparaître, comment recevront-ils ce qui sera dû à leurs bonnes ou à leurs mauvaises actions, puisqu'ils n'auront fait aucune action ? A moins que vous ne conveniez que ces paroles les regardent aussi parce qu'ils sont fidèles ou infidèles, selon que l'ont été les auteurs de leurs jours. Car l’Apôtre entend par ces actions que chacun aura faites pendant qu'il était revêtu de son corps, celles dont on a à répondre du moment où l'on vit de sa propre vie (Cf. Les six livres de saint Augustin contre Julien, etc., t. II, pag. 338-340). "
41. S. FULGENCE, de fide ad Petrum, c. 20 : " Croyez très-fermement et sans aucun doute que tout homme, une fois conçu par le commerce de l'homme et de la femme, ne peut naître qu'avec le péché originel, assujetti à l'infidélité, sujet à la mort, et par-là même naturellement enfant de colère (Ephés., II, 3). C'est ce qui a fait dire à l’Apôtre : Par la naissance naturelle, nous étions enfants de colère aussi bien que les autres. "
42. S. AUGUSTIN, de Naturâ et Gratiâ contra pelagianos, c. 30 : " Exceptée la sainte vierge Marie, dont je n'entends pas, à cause
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de l'honneur dû à Dieu, qu'il puisse être question lorsqu'il s'agit de péché : car comment savoir quelle surabondance de grâces a reçues pour vaincre le péché de toutes manières celle qui a été trouvé digne de concevoir et d'enfanter celui qui évidemment n'a jamais eu de péchés (Nous traduisons ici d'après l’édition des Bénédictins de Saint-Maur ou celle de M. Gaume, qui marque un point d'interrogation à la fin de ce membre de phrase. On peut voir d'autres variantes de ce même passage indiquées dans cette édition même. Saint Thomas, p. 3, q. 27, art. 4, lisait, quod ei plùs gratiæ, au lieu de quid ei plus gratiæ. Voir le texte latin en entier) ? Cette vierge donc exceptée, si nous pouvions rassembler tous les saints et toutes les saintes qui ont jamais vécu ici-bas, et leur demander s'ils étaient sans péché, que pouvons-nous penser qu'ils répondraient ? Parleraient-ils comme cet hérétique (M. E. de Pressensé (dans la Revue protestante intitulée Revue chrétienne, 2e année, page 10) soutient dans les termes suivants que saint Augustin n’exemptait pas la sainte Vierge elle-même du péché originel : " Saint Augustin déclare nettement que Marie est née, comme tous les hommes : de carnali concupiscentià parentum (contr. Julianum, lib. VI, c. 22). Elle est morte à cause du péché originel légué par Adam à ses descendants (Maria ex Adam mortua propter peccatum, in Psalm. XXXIV, serm. II, 3). Saint Augustin, tout en admettant le péché originel chez Marie, répugnait à admettre qu'elle eût péché volontairement, ou plutôt il ne voulait pas aborder la question (de naturâ et gratiâ Dei, lib. I, c. 36). C'était une concession malheureuse aux superstitions populaires. "
M. de Pressensé ne fait-il pas plutôt lui-même une concession malheureuse aux préventions de sa secte ? 1° Saint Augustin, en déclarant que Marie est née de la concupiscence charnelle de ses parents, ne dit nullement qu'elle en ait contracté le péché originel ; mais il ne fait qu'opposer la naissance, ou pour mieux dire, la conception de Marie, de carnali concupiscentià parentum, à la naissance ou à la conception du Christ, quem non de virili semine, sed de Spiritu Sancto procreavit. Il suit de cette différence, que la conception du Christ, tant active que passive, a été exemple de concupiscence, au lieu que la conception active de Marie n'en a pas été exempte, ce qui ne fait rien à la question de sa conception passive, c'est-à-dire de la conception de Marie considérée dans Marie elle-même.
2° Saint Augustin ne dit pas, comme le lui fait dire M. de Pressensé, que Marie soit morte à cause du péché originel légué par Adam à ses descendants ; mais il dit simplement qu'elle est morte à cause du péché d'Adam, parce qu'elle était née d'Adam : Maria ex Adam mortua propter peccatum (l’édition d'Erasme ajoute ici Adæ), Adam mortuus propter peccatum, et caro Domini ex Maria mortua est propter delenda peccata. Ainsi donc Adam, immédiatement créé de Dieu, est mort à cause de son péché personnel ; Marie, née d'Adam pécheur, est morte à cause du péché d’Adam, non qu'elle eût contracté ce péché lui-même, mais parce qu'elle en avait contracté en partie les effets ; et Notre-Seigneur, né de Marie par l’opération de l'Esprit-Saint, est mort, non pour subir la peine du péché d’Adam, mais pour détruire le péché lui-même. Tout cela se concilie fort bien avec la doctrine catholique de l’immaculée conception de Marie.
3° Dans le passage cité de naturâ et gratiâ Dei, saint Augustin déclare en termes absolus qu'il excepte la sainte Vierge, toutes les fois qu'il fait mention de péché quelconques : De quà. . . . nullam prorsùs, cùm de peccatis agitur, habere (al. haberi) volo quæstionem. L'exception est donc absolue ; au lieu qu'elle ne le serait pas, si, comme le prétend M. de Pressensé, saint Augustin avait cru la sainte Vierge souillée de la tache du péché originel), ou ne répondraient-ils pas plutôt comme l'apôtre saint Jean ? Quelque sainte qu'ait été leur vie, ne répondraient-ils pas tous d'une voix à une telle demande : Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-même, et la vérité n'est point en nous (I JEAN, I, 8) ? "
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43. SIXTE IV, lib. III Extravagantium communium, tit. de reliquiis et veneratione Sanctorum, c. 1 : " Lorsque nous considérons avec une dévote attention les mérites sublimes qui élèvent la glorieuse vierge mère de Dieu au-dessus des cieux, dont elle est la reine, et qui la font resplendir par-dessus tous les astres comme l'étoile du matin ; lorsque nous pensons en nous-mêmes que cette mère de grâce, cette amie de la piété, cette voie de miséricorde, cette consolatrice du genre humain, fait pour le salut des fidèles qu'elle voit chargés du poids de leurs péchés l'office d'une avocate zélée et vigilante auprès du souverain roi qu'elle a porté dans son sein, nous regardons comme une bonne œuvre, ou plutôt comme un devoir, d'inviter tous les fidèles chrétiens par des indulgences et les autres grâces dont nous pouvons disposer, à rendre grâces de la merveilleuse conception de cette vierge immaculé au Dieu tout-puissant, dont la providence, jetant de toute éternité un regard de complaisance sur l'humilité de cette vierge, en a fait, par une abondante effusion de l'Esprit-Saint, la digne demeure du Fils unique de Dieu, qui, sans porter atteinte à sa virginité sans tache après comme avant l’enfantement, a pris d'elle la chair mortelle dont il s'est revêtu pour procurer la rédemption de son peuple, et ménager la réconciliation de la nature humaine avec son auteur, qui, par suite de la chute du premier homme, l'avait condamné à la mort éternelle ; à célébrer les messes et les autres offices divins institués pour cet objet dans l’Eglise de Dieu, et il y
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assister avec piété pour devenir ainsi plus propres à recevoir les grâces de Dieu par les mérites et l'intercession de cette même vierge. "
44. Le même, ibidem, c. 2 : " Tandis que la sainte Eglise romaine célèbre publiquement et avec solennité la fête de la conception de Marie vierge sans tache et toujours vierge, qu'elle a établi pour ce sujet un office spécial et tout particulier ; quelques prédicateurs de divers ordres, ainsi que nous l'avons appris, n'ont pas rougi jusqu'ici de dire publiquement dans leurs sermons au peuple de diverses villes et de divers pays, comme ils ne cessent encore de prêcher tous les jours, que tous ceux qui pensent ou affirment que cette glorieuse et immaculée mère de Dieu a été conçue sans la tache du péché originel, pèchent mortellement ou sont hérétiques ; et que ceux qui célèbrent l'office de son immaculée conception, et qui écoutent ceux qui prêchent ou affirment qu'elle a été conçue sans cette tache, pèchent grièvement. Non contents de se permettre des prédications de ce genre, ils publient des livres pour soutenir de semblables doctrines ; de sorte que les fidèles ne sont pas médiocrement scandalisés de ces sortes de prédications et de disputes, et courent risque de l'être encore de plus en plus. Nous donc voulant, autant que Dieu nous en donnera la force, obvier ces téméraires attentats, à ces assertions perverses et à ces scandales qui s'élèvent par intervalles dans l'Eglise de Dieu, de notre propre mouvement, sans en avoir été sollicités par la demande de qui que ce soit, mais d'après nos propres réflexions et de science certaine, réprouvons et condamnons par notre autorité apostolique, en vertu de ces présentes, comme fausses et erronées, et tout-à-fait éloignées de la vérité, les assertions de ces mêmes prédicateurs, et de tous autres qui seraient assez présomptueux pour affirmer que ceux qui croiraient ou soutiendraient que cette sainte mère de Dieu a été préservée dans sa conception de la tache du péché originel, encourraient pour cela seul la note d'hérésie ou pécheraient mortellement, et que ceux qui célébreraient l'office de sa conception, ou qui écouteraient débiter cette doctrine, se rendraient par-là coupables de quelque péché ; et nous réprouvons et condamnons de même les livres dont nous avons parlé qui contiennent des assertions de la même espèce. Et de notre propre mouvement, de notre science apostolique et de notre science certaine, nous statuons et ordonnons que les prédicateurs de la parole de Dieu, et tous autres, de quelque état, de quelque rang, de quelque
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ordre et de quelque condition qu'ils soient, qui par un téméraire attentat oseraient dans leurs discours devant le peuple, ou en toute autre occasion, après qu'ils auront eu connaissance de la présente constitution, affirmer comme vraies les assertions que nous venons d'improuver et de condamner, ou lire, garder par-devers eux et en leur possession les livres dont il s'agit comme s'ils contenaient la vérité, encourent par cela même la sentence d'excommunication, dont ils ne pourront être relevés par le bienfait de l'absolution, excepté à l'articla de la mort, que par le Pontife romain. Soumettant de même, de notre propre mouvement, de notre science certaine et de notre autorité apostolique, à de semblables peines et censures ceux qui oseraient affirmer que ceux qui tiennent le sentiment contraire, à savoir, que la glorieuse vierge Marie a été conçue avec le péché originel, commettent en cela le crime d'hérésie ou quelque péché mortel, puisque rien n'a encore été décidé à cet égard par l'Eglise romaine et par le siège apostolique (Cette raison même qui n'a plus son application aujourd'hui, explique et corrige la défense faite ici par Sixte IV. Voir plus bas, témoignage 46, le décret du souverain pontife Pie IX, porté à ce même sujet). Nonobstant toutes constitutions et tous règlements apostoliques contraires, par lesquels le siège apostolique aurait accordé, soit à des corporations, soit à des individus, le privilège de ne pouvoir être interdits, suspens ou excommuniés par des lettres apostoliques qui ne feraient pas une mention pleine et expresse de cet induit répété de mot à mot. "
45. Le concile de Trente, session V, à la fin de son décret porté au sujet du péché originel : " Le saint concile déclare cependant que, dans ce décret qui concerne le péché originel, son intention n'est point de comprendre la bienheureuse et immaculée vierge Marie, mère de Dieu ; mais qu'il entend qu’à ce sujet les constitutions du pape Sixte IV, d'heureuse mémoire, soient observées sous les peines qui y sont portées, et qu'il renouvelle. "
46. Notre saint père le pape Pie IX, dans sa lettre apostolique contenant la définition du dogme de l'immaculée conception : " Par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et de la nôtre, nous déclarons, nous prononçons et nous définissons que la doctrine qui tient que la bienheureuse vierge Marie, dans le premier instant de sa conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu tout-
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puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, sauveur
du genre humain, préservée et exempte de toute tache du péché
originel, est révélé de Dieu, et par conséquent
qu'elle doit être crue fermement et inviolablement par tous les fidèles.
C'est pourquoi, si quelqu'un avait la présomption, ce qu’à
Dieu ne plaise, de penser contrairement à notre définition,
qu'il apprenne et qu'il sache que, condamné par son propre jugement,
il aurait souffert naufrage dans la foi et cessé d'être dans
l'unité de l’Eglise ; et que, de plus, il encourt par le fait même
les peines de droit, s'il ose exprimer ce qu'il pense, de vive voix ou
par écrit, ou de toute autre manière extérieure que
ce soit (Voir les Annales de philosophie chrétienne, numéro
de janvier 1855, ou 50e volume de la collection, 4e
série, t. XI, p. 34 ; on y trouvera la lettre apostolique dont il
s'agit, rapportée en entier. Voir aussi et surtout l'ouvrage de
S. E. le cardinal Gousset, intit. La croyance générale
et constante de l’Eglise, etc.). "
CHAPITRE III.
DU REMEDE AU PECHE ORIGINEL.
" Ce péché de notre origine, qui devient propre à chacun, comme nous l'avons dit, ne peut être effacé ni par les forces de la nature humaine, ni par quelque autre remède que ce soit que par les mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre unique médiateur, qui nous a réconciliés avec Dieu par son sang, en se faisant notre justice, notre sanctification et notre rédemption. Or, ces mérites sont appliqués tant aux adultes qu'aux enfants par le sacrement de baptême conféré dans la forme voulue par l'Eglise, parce qu'il n'y a point d'autre nom sous le ciel, qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. De là cette parole, qui a été dite par le saint précurseur : Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde ; et cette autre de l’apôtre saint Paul : Vous tous qui avez été baptisés, vous avez été revêtus de Jésus-Christ. " Doctrine du concile de Trente, session V, canon 3.
" Ceux-là se trompent lourdement, qui nient que les enfants nouvellement sortis du sein de leur mère doivent être baptisés, n'importe que ces enfants appartiennent ou n'appartiennent pas à des parents baptisés eux-mêmes. Car les uns et les autres ont besoin de l'être pour la rémission de leurs péchés, puisqu'ils ont également tous contracté en Adam le péché originel, qui doit être nécessairement expié par l'eau de la régénération, si l'on
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veut obtenir la vie éternelle ; ces paroles de l'Apôtre,
que le péché est entré dans le monde par un seul
homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi la mort est passée
à tous les hommes par ce seul homme, en qui tous ont péché,
ne devant pas être entendues autrement que ne les a entendues de
tout temps l’Eglise catholique répandue en tous lieux. Et c'est
aussi conformément à cette règle de foi, fondée
sur la tradition des apôtres, que même les plus petits enfants,
qui n'ont pu encore commettre aucun péché par eux-mêmes,
sont vraiment baptisés pour la rémission des péchés,
afin que la tache qu'ils ont contracté par la génération
charnelle soit effacée en eux par cette régénération
spirituelle. Car quiconque ne renaît pas de l'eau et du Saint-Esprit
ne saurait entrer dans le royaume de Dieu. " Doctrine du concile de
Trente, session V, canon 4.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Timothée, II, 5-6 : " Il n'y a qu'un Dieu, et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, - qui s'est livré lui-même pour la rédemption de tous, en rendant témoignage dans le temps marqué. "
2. Romains, V, 1-2, 6-11 : " Etant donc justifiés par la foi, ayons la paix avec Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, - qui par la foi nous a donné accès à cette grâce en laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des enfants de Dieu. - En effet, pourquoi, lorsque nous étions encore dans les langueurs du péché, Jésus-Christ est-il mort dans le temps marqué pour des impies comme nous, - lorsqu’à peine quelqu'un voudrait mourir pour un juste ? Peut-être néanmoins quelqu'un aurait-il le courage de donner sa vie pour un homme de bien. - Mais Dieu a fait éclater son amour pour nous en ce que, lors même que nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous dans le temps marqué. - Maintenant donc que nous sommes justifiés par son sang, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu. - Car si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant maintenant réconciliés avec lui, serons- nous sauvés par la vie de ce même Fils. - Et non-seulement nous avons été réconciliés, mais nous nous glorifions même en Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui nous avons obtenu maintenant celle réconciliation. "
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3. II Corinthiens, V, 17-19, 21 : " Si donc quelqu'un est en Jésus-Christ, il est devenu une nouvelle créature. Ce qui était vieux est passé tout est devenu nouveau. - Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ et nous a confié le ministère de cette réconciliation. - Car Dieu a réconcilié le monde avec lui-même en Jésus-Christ, voulant bien ne point leur imputer leurs péchés, et c'est nous qu'il a chargé de porter la parole de celle réconciliation. - Par amour pour nous, il a traité celui qui ne connaissait point le péché comme s'il eût été le péché même, afin qu'en lui nous devinssions justes de la justice de Dieu. "
4. I Corinthiens, I, 30-31 : " C'est par-là que vous êtes établis en Jésus-Christ, qui nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, - afin que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur. "
5. Tite, III, 4-7 : " Mais depuis que Dieu notre Sauveur a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous avons pu faire, mais par l'effet de sa miséricorde, en nous faisant renaître par le baptême et nous renouvelant par le Saint-Esprit, - qu'il a répandu abondamment sur nous par Jésus-Christ notre Sauveur, - afin qu’étant justifiés par sa grâce, nous devinssions héritiers de la vie éternelle selon l'espérance que nous en avons. "
6. Actes, IV, 10-12 : " C'est au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ de Nazareth (dit Pierre), que vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité d'entre les morts, que cet homme est maintenant guéri comme vous le voyez devant vous. - C'est cette pierre que vous, architectes, avez rejetée, et qui est devenue la principale pierre de l'angle ; - et il n'y a de salut par aucun autre : car il n'y a sous le ciel aucun autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. "
7. JEAN, I, 29 : " Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu ; voici celui qui efface les péchés du monde. "
8. Galates, III, 26 - 27 : " Puisque vous êtes tous enfants de Dieu, par la foi en Jésus-Christ. - Car vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ. "
9. Romains, V, 12 ; comme dans le corps de la réponse.
10. JEAN, III, 15 : comme dans le corps de la réponse.
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Epist. XXVIII (al. 166) ad Hieronymum : " Je sais avec certitude que si l'âme est tombé dans le péché, ce n'est ni par la faute de Dieu, ni par la force d'aucune nécessité qui ait entraîné, soit Dieu, soit l'âme elle-même, mais par sa propre volonté et qu'elle ne saurait être délivrée du corps de cette mort, comme parle l'Apôtre (Rom., VII, 24), ni par la force de sa volonté en sorte qu'elle n'eût besoin pour cela que d'elle-même ni par la mort même de son corps, mais par la grâce de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur ; et que, dans tout le genre humain, il n'y a pas une seule âme qui n'ait besoin pour sa délivrance du Christ médiateur entre Dieu et les hommes ; que toutes celles qui sortent de leurs corps, à quelque âge que ce soit, sans avoir participé à la grâce de ce médiateur et au sacrement de la régénération, tombent dans les peines de l'autre vie, et ne reprendront leurs corps au dernier jugement que pour souffrir ; et qu'au contraire celles qui, après la génération ordinaire dont Adam est le principe, sont régénérées en Jésus-Christ, et appartiennent par ce moyen à la société qui unit ensemble tous les membres de ce divin chef, trouvent le repos après la mort de leur corps, qu'elles reprendront un jour pour entrer avec lui dans la gloire. Voilà ce que je tiens fermement sur ce qui regarde l'âme. . . "
" En attendant que je sache à laquelle des quatre opinions (sur l'origine de l’âme) il faut se ranger, je crois qu'on ne m'accusera pas de témérité si je dis que celle qui est la vraie n'a certainement rien de contraire à la foi constante et inébranlable par laquelle l'Eglise croit que les enfants, aussi bien que les autres, ont besoin d'être délivrés de la servitude du péché et qu'ils ne peuvent l'être que par Jésus-Christ et par Jésus-Christ crucifié (Cf. Lettres de S. Augustin, t. IV, p. 542-577). "
2. Le même, Enchid. ad Laurentium, c. 48 (al. XVII, 14) : " Le péché d'Adam, ce péché unique, mais si grand, et commis si librement par ce premier homme, dans un lieu et dans un état où il était très-heureux ; ce péché si énorme qui seul a suffi pour condamner tout le genre humain dans ce père commun, comme dans sa racine ; ce péché, dis- je, ne peut être remis ni effacé que par Jésus-Christ homme, l'unique médiateur entre
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Dieu et les hommes, et qui est le seul d'entre les hommes dont la naissance ait été parfaitement pure, de manière à ce qu'il n'ait pas eu besoin de renaître. Qui solus potuit ità nasci, er non opus esset renasci (Cf. Le Manuel de saint Augustin, dans les Traités choisis, t. II, p. 367-368). "
3. S. FULGENCE, de incarnatione et gratiâ Jesu Christi, c. 16 : " Personne ne peut s'affranchir de ce péché contracté dès l'origine par suite de sa génération charnelle, soit en s'aidant de ses moyens naturels, soit en s'attachant à la lettre de la loi ; mais il ne peut en être purifié que par la foi en Jésus-Christ qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Ce n'est que pour des impies que Jésus-Christ est mort, en s'offrant lui-même pour nous comme une oblation et une victime d'agréable odeur (Ephés., V, 2), ainsi que l'a dit l'Apôtre. C'est dans la personne de cet unique médiateur entre Dieu et les hommes, que la nature humaine a été réparée, et que la loi a été amenée à sa perfection ; car nous étions naturellement impuissants accomplir les devoirs de la vertu, puisque, privés de lumière et dénués de forces, depuis que nos jours se sont évanouis et que la colère de Dieu nous a frappés (Ps. LXXXIX, 9), sans loi et abandonnés à notre nature dépravée, nous étions tellement porté au péché par d'aveugles penchants, que nous ignorions notre état de péché même. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre : Je n'aurais point connu la concupiscence, si la loi n'avait dit : Vous n'aurez point de mauvais désirs (Rom., VII, 7). "
4. PIERRE DIACRE, Lib. de incarnatione et gratiâ Christi ad Fulgentium et reliques, c. 6 : " Personne ne saurait être délivré, autrement que par la grâce du Sauveur, de cette damnation et de cette mort (introduite dans le monde par le péché d'Adam). Maître qu'il était de toutes choses, puisqu'il est Dieu, le Sauveur a bien voulu se faire esclave et prendre la forme d'esclave, pour nous délivrer du perpétuel esclavage et de la tyrannie du diable, et nous rendre à la vraie liberté. C'est ce qui lui a fait dire aux Juifs : Vous serez véritablement libres, si le Fils de Dieu vous met en liberté (JEAN, VIII, 36). "
5. S. BERNARD, Epist. CXC ad Innocentium pontificem (lettre au pape Innocent II) : " C'est par un effet de la justice de Dieu que l'homme est assujetti à l'empire du démon, et par un effet de sa miséricorde qu'il en est délivré, de telle manière cependant
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que la justice elle-même n'est pas étrangère à sa délivrance, puisqu'il entrait dans les desseins de la miséricorde divine de mettre en usage contre le tyran de nos âmes plutôt la justice que la puissance, comme cela convenait d'ailleurs davantage à la nature d'un remède. Car que pouvait faire de soi-même pour recouvrer l'état de justice dont il était une fois déchu l’homme esclave du péché, captif du démon ? Ne pouvant avoir alors une justice qui lui fût propre, il a été mis à même de s'en approprier une qui lui était étrangère, et voici comment : Le prince de ce monde est venu, et il n'a rien trouvé dans le Sauveur qui lui appartînt (JEAN, XIV, 30), et comme, malgré cela, il a mis la main sur l'innocent, il a perdu en conséquence avec beaucoup de justice ce qu'il possédait auparavant, quand celui qui ne devait rien à la mort s'est soumis à la recevoir, et, par ce généreux sacrifice, a affranchi de cette dette celui-là même qui s'en trouvait débiteur et acquis par cela seul le droit de le soustraire à la puissance du démon. Car, quelle justice y aurait-il dans celui-ci à revendiquer de nouveau cette puissance ? C'est l'homme qui était débiteur, et c'est l'homme aussi qui a acquitté la dette. Car si un seul est mort pour tous, nous dit l'Apôtre, donc tous sont morts (II Cor., V, 14) ; de sorte que la satisfaction d'un seul a dû être imputé à tous, comme un seul a porté les péchés de tous, et que celui qui a satisfait n'est pas différent de celui qui avait forfait, puisque le corps doit être une même chose avec son chef. C'est donc le chef qui a satisfait pour ses membres, Jésus-Christ pour ses propres membres, lorsque, comme nous le déclare l'Evangile de Paul, qui convainc Pierre (Abailard) de mensonge, après être mort pour nous, il nous a fait revivre avec lui, en nous pardonnant tous nos péchés et qu'il a effacé la cédule qui nous était contraire ; qu'il a entièrement aboli le décret de notre condamnation, en rattachant à sa croix ; qu'il a désarmé enfin les principautés et les puissances (Col., II, 13-15). "
6. Le même, Serm. I de Purificatione B. Mariæ : " Lorsque Jésus-Christ a été abaissé un peu au-dessous des anges, qu'il est devenu le médiateur entre Dieu et les hommes, et que, comme la principale pierre de l'angle, il a pacifié par son sang le ciel et la terre, ç'a été alors, ô mon Dieu, que nous avons reçu votre miséricorde au milieu de votre temple. Car nous étions des enfants de colère par le fait de notre naissance ; mais nous avons obtenu miséricorde. Or, de quelle colère étions-nous les enfants ? et quelle miséricorde avons-nous obtenue ? Certes, nous étions des enfants d'ignorance, de paresse et de captivité et nous
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avons obtenu la sagesse, la vertu et la rédemption. L’ignorance de la femme, qui avait été séduite, nous avait aveuglés ; la mollesse de l'homme, qui s'était laissé attirer et entraîner par sa propre concupiscence, nous avait abattus ; et la justice de Dieu nous ayant justement abandonnés, la malice du démon nous avait réduits sous sa captivité. C'est ainsi que nous naissons, tous tant que nous sommes. Premièrement nous ne savons nullement le chemin de la cité céleste ; et secondement, nous sommes lâches et paresseux jusqu’à un tel point, que lors même que la voie de la vie nous serait connue, nous serions empêché de la suivre par notre propre paresse. Enfin, nous sommes tellement esclaves du plus méchant et du plus cruel de tous les tyrans, que quand même nous aurions toute la prudence et toute la force imaginables, nous ne laisserions pas d'être accablés et opprimés par la condition de notre misérable servitude. Une misère si extrême n'a-t-elle pas besoin d'une miséricorde et d'une compassion toute singulière ? Ou bien, si nous sommes déjà délivrés de cette triple colère par Jésus-Christ, qui a été fait par son Père céleste notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption quelle doit être notre vigilance, mes très-chers frères, de peur que, ce qu’à Dieu ne plaise, les derniers jours de notre conversion ne se trouvent pires que les premiers, s'il arrive que nous irritions de nouveau la colère de Dieu, puisqu'alors nous serons des enfants de colère, non plus seulement par l'effet nécessaire de notre naissance, mais par notre propre volonté (Cf. Les Sermons de saint Bernard sur les fêtes des saints, p. 25-26) ! "
7. S. AUGUSTIN, lib. VI contra Julianum, c. 4 : " Que les enfants n'aient la vie qu'autant qu'ils ont Jésus-Christ, qu'ils ne peuvent assurément avoir que lorsqu'ils sont revêtus de lui, de la manière que le dit l'Apôtre : Vous tous qui avez été baptisé en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ (Gal., III, 27) ; que les enfants donc n'aient la vie qu'autant qu'ils ont Jésus-Christ, c'est ce que nous atteste l'évangéliste saint Jean dans son épître : Celui qui a le Fils a la vie ; celui qui n'a point le Fils n'a point la vie (I JEAN, V, 12). C'est donc avec raison qu'on les considère comme morts tant qu'ils n'ont pas reçu la vie de Jésus-Christ, puisqu'il est mort pour eux afin qu'ils aient la vie. Car si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts (II Cor., V, 14). Et s'il est mort, c'est, comme il est marqué dans l'épître aux
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Hébreux (II, 15), afin de détruire par sa mort celui qui avait l’empire de la mort, c'est-à-dire le diable. Faut-il donc s'étonner si les enfants sont sous le pouvoir de celui qui a l'empire de la mort, tant qu'ils sont en état de mort par leur séparation d’avec celui qui est mort pour leur rendre la vie ? "
8. Le concile de Milève, canon 2 ; voir ce canon rapporté plus haut, question I du sacrement de Baptême témoignage 7, t. II, page 188.
9. Le concile d'Afrique, canon 77, comme il se trouve rapporté dans le canon cité tout-à-l'heure du concile de Milève.
10. S. AUGUSTIN, Lib. I de peccatorum meritis et remissione, c. 16 : " Quiconque naît de cette chair rebelle, et assujettie à la loi du péché et de la mort, a besoin d'être régénéré spirituellement, non-seulement pour qu'il puisse parvenir au royaume de Dieu, mais même simplement pour pouvoir être délivré de la réprobation du péché. Les enfants naissent donc assujettis tout à la fois au péché et à la mort en leur qualité d'enfants d'Adam, comme ils renaissent dans le baptême héritiers tout à la fois de la justice et de la vie éternelle par leur incorporation au second Adam, qui est Jésus-Christ. "
11. Le même, Lib. IV contra duas epistolas pelagianorum, c, 4 : " Les manichéens et les pélagiens contredisent également dans les enfants, quoique en sens opposés, la condition de la nature humaine, qui, toute bonne qu'elle était dans son institution première, se trouve viciée dans le mode de sa propagation ; confessant ainsi par ce qu'elle a de bon la bonté de son créateur et proclamant par ce qu'elle a de mauvais le besoin qu'elle a d'un rédempteur miséricordieux. Les manichéens reprennent en elle ce qu'elle a de bon ; les pélagiens nient en elle ce qu'elle a de mauvais : les uns comme les autres s'opposent ainsi à son bien, quoique par des voies différentes. Et quoiqu'elle ne sache pas encore parler dans les petits enfants, son bégaiement même à peine commencé et sa faiblesse, son imbécillité me semble leur reprocher aux uns comme aux autres leurs mensonges impies, et dire à ceux-là : Croyez que celui qui ne fait rien que de bon est celui qui m'a créé ; et ceux-ci : Laissez-moi chercher ma guérison auprès de celui qui m'a créé. Le manichéen dit : Il n'y a dans cet enfant que son âme qui soit bonne, et dont on doive chercher la guérison, tout le reste doit être répudié comme n'appartenant pas au Dieu bon, mais au principe des ténèbres. Le pélagien dit : Bien mieux que cela, il n'y a rien dans
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cet enfant qui ait besoin de guérison, car tout en lui est dans un parfait état de santé. Tous les deux disent faux ; mais celui qui n'accuse que la chair est au fond moins ennemi de notre nature que celui qui, en ne voyant en elle rien que de bon, lui refuse en conséquence tout moyen d'être guérie. Du reste, ni le manichéen ne lui procure à elle-même son salut, puisqu'il blasphème Dieu en ne voulant pas le reconnaître auteur de l'homme tout entier ; ni le pélagien ne permet à la grâce divine d'arriver jusqu'à l'enfant, en niant comme il le fait le péché originel. La foi catholique seule laisse à Dieu le moyen d'exercer sa miséricorde, en condamnant ces deux erreurs également contraires au salut de l'enfance, et disant aux manichéens : Ecoutez l’Apôtre qui vous crie : Ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l'Esprit-Saint, qui est en vous (I Cor., III, 16) ? Croyez donc que le Dieu bon est le créateur des corps, puisqu'il n'est pas possible qu'un ouvrage du prince des ténèbres soit le temple de l'Esprit-Saint ; et en disant aux pélagiens : Cet enfant que vous voyez a été conçu dans l’iniquité et sa mère l'a enfanté dans le péché (Ps. L, 7). Pourquoi, en prétendant qu'il est pur de toute faute, empêchez-vous le pardon de l'atteindre ? Personne n’est exempt de souillure, pas même l'enfant qui n'a encore qu'un jour de vie sur terre (JOB, XIV, 4-8, d'après le texte des Septante). Laissez ce pauvre enfant recevoir la rémission de ses péchés par les mérites de celui qui seul n'a jamais eu de péché dans l'enfance, pas plus que dans la maturité de l’âge. "
42. Ibid. : " Les pélagiens voudraient détourner à leur sens les paroles de l’Apôtre. Là où l'Apôtre a dit : Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et ainsi le péché est passé dans tous les hommes (Rom., V, 12) ; ils veulent que ce soit la mort, et non le péché qui soit passée dans tous les hommes (La Vulgate dit positivement que c'est la mort, mors pertransiit, qui est passée dans tous les hommes ; et la Vulgate est ici tout-à-fait conforme au texte grec. Il faut donc admettre ici une erreur de fait dans saint Augustin, qui ne lisant pas le mot mors dans sa version, en inférait que c'était peccatum qu'il fallait sous-entendre. Mais cela n'empêche pas son raisonnement d'être péremptoire contre les pélagiens). Que veulent donc dire les paroles qui suivent, en qui tous ont péché ? Car ou l'Apôtre veut dire que tous les hommes ont péché en ce seul homme dont il avait dit : Le péché est entré dans le monde par un seul homme ; ou il veut dire que tous les hommes ont péché dans ce péché, ou enfin qu'ils ont tous péché dans la
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mort. Car on ne doit point se mettre en peine de ce que le texte latin porte in quo, et non pas in quâ, puisque en grec le mot ???????, qui signifie mort, est du genre masculin. Qu'ils prennent donc tel parti qu'il leur plaira : car, ou cela veut dire que tous ont péché dans cet homme (in quo homine), et la cause en sera que, lorsque cet homme a péché, tous les autres hommes étaient en lui ; ou cela veut dire que tous ont péché dans ce péché commis par notre premier père (in quo peccato), et cela ne pourra venir que de ce que tous contractant ce même péché par la naissance, il est devenu le péché de tous ; ou bien enfin ces mots signifient que tous ont péché dans cette mort (in quâ morte). Mais je ne vois pas bien clairement quel sens alors ces mots présenteraient à l’esprit. Car, que tous meurent dans le péché, cela se conçoit ; mais que tous pèchent dans la mort, cela ne se conçoit pas, la mort devant être l'effet du péché, plutôt que le péché celui de la mort. En effet, le péché est l'aiguillon de la mort (I Cor., XV, 56), c'est-à-dire l'aiguillon dont la pointe produit la mort, et non l’aiguillon dont la mort perce sa victime : de même qu'on appellerait breuvage de mort le poison qui aurait été pris dans un verre, parce que ce breuvage aurait produit la mort, et non parce que la mort aurait créé ou présenté ce breuvage. Que si l'on ne peut pas rapporter au péché l'expression de l'Apôtre (in quo) par la raison que le mot grec (???????) sur lequel a ?té faite la version latine est du genre féminin (tandis que le pronom ??? est du genre masculin ou du genre neutre), il ne reste plus d'autre sens raisonnable à donner à cette expression, sinon que tous ont péché dans la personne de ce premier homme, parce que tous étaient en lui quand il a péché, de sorte que ce péché est contracté par la naissance, comme il est effacé par la régénération. Aussi est-ce de cette manière que saint Hilaire a expliqué ces même mots, in quo omnes peccaverunt ; car voici ses propres expressions : " In quo, id est, in Adam, omnes peccaverunt (En qui, c'est-à-dire en Adam, tous ont péché). " Il ajoute : " Manifestum est in Adam omnes peccasse quasi in massâ (Il est évident que tous ont péché en Adam comme dans leur souche commune). Ipse enim per peccatum corruptus, omnes quos genuit, nati sunt sub pecato (Car lui-même étant corrompu par le péché, a communiqué sa corruption ou son péché à tous ceux qui sont nés de lui). " Ces paroles d'Hilaire nous font clairement entendre le sens que nous devons nous-mêmes attacher à ces mots, in quo omnes peccaverunt. Mais ensuite, pourquoi le même apôtre nous
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dit-il que nous sommes réconciliés avec Dieu par le moyen de Jésus-Christ (Rom., V, 10), sinon parce que nous étions auparavant ses ennemis ? Et comment étions-nous devenus ses ennemis, sinon par le péché ? C'est ce qui a fait dire au Prophète : Vos péchés ont fait une séparation entre vous et Dieu (ISAIE, LIX, 2). C'est cause de cette séparation faite entre nous et Dieu que le Médiateur a été envoyé pour pouvoir effacer le péché du monde, ce péché qui nous séparait de Dieu et nous rendait ses ennemis, pour nous réconcilier à Dieu et nous rendre le droit de nous dire ses enfants. "
43. Le même, Lib. II contra Pelagium et Celestium,
c. 60 : " Les sacrements de 1’Eglise indiquent tout seuls assez que même
les enfants qui ne font que de naître sont délivrés
de l'esclavage du démon par la grâce de Jésus-Christ.
Car, outre que le baptême qui leur est donné pour la rémission
des péchés n’est pas un mensonge, mais une vérité,
on commence par les exorciser, par souffler sur eux pour expulser de leurs
cœurs la puissance ennemie ; et par la bouche de ceux qui les présentent,
on leur fait répondre qu'ils renoncent au démon et à
ses œuvres. "
CHAPITRE IV.
DES RESTES DU PECHE ORIGINEL DANS LES PERSONNES BAPTISEES.
" Il faut confesser de plus que la tache du péché originel nous est remise par la grâce de Jésus-Christ, qui nous est conférée dans le baptême et que, quand une fois on est baptisé, tout ce qui constituait la nature du péché ne cesse pas seulement de nous être imputé, ou n'est pas simplement rasé à la surface, pour ainsi dire, de notre âme, mais est radicalement détruit en nous. Car Dieu ne trouve plus rien qui mérite sa haine dans ceux qui sont régénérés, puisqu'il n'y a point de condamnation pour ceux qui ont été véritablement ensevelis avec Jésus-Christ par le baptême pour mourir au péché ; qui ne se conduisent point selon la chair, mais qui, se dépouillant du vieil homme, et revêtent le nouveau qui a été créé selon Dieu, sont devenus purs et sans tache, innocents et chéris de Dieu, héritiers de Dieu lui-même et cohéritiers de Jésus-Christ, de sorte qu'il ne reste plus rien qui fasse obstacle à leur entrée dans le ciel. Il faut reconnaître cependant que la concupiscence ou le penchant au mal reste toujours dans les personnes même baptisées et que, comme elle
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nous a été laissée pour nous servir d'exercice
dans le combat, elle ne saurait causer aucun dommage à ceux qui
ne lui donnent pas leur consentement, et qui lui résistent avec
courage par la grâce de Jésus-Christ : au contraire, la couronne
est préparée pour ceux qui auront combattu selon les règles
de la milice spirituelle. Quoique l'Apôtre donne quelquefois à
cette concupiscence le nom de péché, l’Eglise n'a jamais
entendu par-là que ce soit un péché véritable
et proprement dit qui reste dans les personnes baptisées ; mais
la concupiscence est appelée péché par l'Apôtre
parce qu'elle est un effet du péché et qu'elle incline à
le commettre de nouveau. " Doctrine du concile de Trente, session V, canon
5.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, VIII, 1-2 : " II n'y a donc maintenant point de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair ; - parce que la loi de l'esprit de vie, qui est en Jésus-Christ, m’a délivré de la loi du péché et de la mort. "
2. Ibid., VI, 1-4 : " Que dirons-nous donc ? Demeurerons-nous dans le péché pour donner lieu à cette surabondance de grâces ? - A Dieu ne plaise ! car étant une fois morts au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché ? - Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisé en Jésus-Christ nous avons été baptisés en sa mort ? - Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché ; afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts pour la gloire de son Père, nous marchions aussi dans une nouvelle vie. "
3. Ephésiens, IV, 22-24 : " Dépouillez-vous du vieil homme, selon lequel vous avez vécu dans votre première vie, qui se corrompt en suivant l'illusion de ses passions ; - renouvelez-vous dans l'intérieur de votre esprit, - et revêtez-vous de l'homme nouveau, qui est créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables. "
4. Colossiens, III, 5-10 : " Faites donc mourir les membres de l'homme terrestre qui est en vous : la fornication, l'impureté, les abominations, les mauvais désirs, et l'avarice qui est une idolâtrie ; - puisque ce sont ces excès qui font tomber la colère de Dieu sur les enfants de l'incrédulité. - Et vous avez-vous-même commis autrefois ces actions criminelles, lorsque vous viviez dans ces désordres - mais maintenant quittez aussi
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vous-mêmes tous ces péchés : la colère, l'aigreur, la malice, la médisance ; que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche ; n'usez point de mensonge les uns envers les autres ; dépouillez-vous du vieil homme avec ses œuvres. - Et revêtez-vous de cet homme nouveau qui, par la connaissance de la vérité, se renouvelle selon l'image de celui qui l'a créé. "
5. Romains, VIII, 14-17 : " Tous ceux qui sont poussé par l'Esprit de Dieu sont les enfants de Dieu. - Aussi n'avez-vous, pas reçu un esprit de servitude, qui vous retienne encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l'esprit de l'adoption des enfants, par lequel nous crions : Abba ! mon Père ! - Et cet Esprit rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. - Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus-Christ, pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui. "
6. II Timothée, II, 5 : " Car celui qui combat dans les jeux publics n'est couronné qu'après avoir légitimement combattu. "
7. Romains, VI, 7-20 : " Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? Dieu nous garde d'une telle pensée ! Mais je n'ai connu le péché que par la loi ; car je n'aurais point connu la concupiscence, si la loi n'avait dit : Vous n'aurez point de mauvais désirs. - Mais le penchant au péché ayant pris occasion de s'irriter par les préceptes, a produit en moi toutes sortes de mauvais désirs ; car sans la loi le péché était mort. Et moi, je vivais autrefois sans loi ; mais le commandement étant survenu, le péché a commencé à revivre. - Car le péché, à l'occasion du commandement, m'a séduit et m'a tué par le commandement même - Ainsi la loi est sainte à la vérité, et le commandement est saint, juste et bon. - Ce qui était bon en lui-même m'a-t-il donc causé la mort ? Nullement ; mais c'est le péché qui, m'ayant donné la mort par une chose qui était bonne, a fait paraître ce qu'il était, de sorte que le péché est devenu par ces mémés préceptes une source plus abondante de péchés. - Ainsi ce n'est plus moi qui fais ce mal, mais c'est le péché qui habite en moi. - Car je sais que le bien ne se trouve pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, parce que je trouve en moi la volonté de faire le bien, mais sans y trouver le moyen de l'accomplir. Car je ne fais point le bien que je veux ; mais je fais le mal que je ne veux pas. - Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais ; mais c'est le péché qui habite en moi. "
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TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. II contra duas epistolas pelagianorum, c. 13 : " Ils disent aussi (c'est Julien d'Eclane qui faisait ce reproche aux catholiques) que le baptême ne remet pas tous les péchés, qu'il n'ôte pas toute culpabilité, mais qu'il ne fait que raser, pour ainsi dire, le péché à la surface, de façon qu'il en reste toujours les racines dans la chair maudite. Mais quels autres que des infidèles voudraient soutenir cette monstruosité ? Car nous disons, nous, que le baptême remet tous les péchés, qu' il efface tous les crimes, au lieu de ne faire que de les raser et d'en laisser subsister les racines, comme des cheveux qu'on rase, et qui ne font ensuite que repousser de plus belle. Car c'est la comparaison que j'ai trouvée qu'ils emploient, et dont ils nous chargent encore, comme si elle reproduisait notre langage ou exprimait notre pensée. C'est sans doute ce que nous avons pu dire de la concupiscence de la chair qui leur fait ici illusion, ou dont ils abusent pour faire illusion aux autres : car il est vrai qu'elle reste aux personnes baptisées pour leur fournir matière de combat, et accroître leurs mérites, si elles usent de vigilance et qu'elles se conduisent par l'esprit de Dieu. "
2. Ibidem, c. 14 : " Personne dans l'Eglise ne pourrait être légitimement admis au saint ministère si l'Apôtre avait dit : Que l'évêque soit sans péché (I Tim., III, 2), au lieu de dire, qu'il soit sans crime (irreprehensibilem) ; ou s'il avait dit : Que les diacres soient sans péché (ibid., 10), au lieu de dire, qu'ils ne se trouvent coupables d'aucun, crime (nullum crimen habentes). Car il y en a beaucoup qui sont sans crime parmi les fidèles baptisés ; au lieu que je n'oserais dire de personne vivant ici-bas qu'il soit sans péché, quelque parti que les pélagiens prétendent tirer de cet aveu pour s'élever et s'emporter contre nous : car nous ne disons pas pour cela qu'il reste en nous quelque péché qui n'ait pu être effacé par le baptême ; mais nous disons seulement que tant que nous sommes ici-bas avec notre penchant pour le mal, nous ne cessons de retomber dans des fautes dont nous devons tous les jours demander le pardon, et que Dieu veut bien aussi nous pardonner tous les jours en ayant égard à nos prières et à nos bonnes œuvres. Voilà la vraie foi catholique, telle que l'Esprit-Saint la répand dans nos cœurs, bien loin d'être, comme les assertions de nos adversaires, le produit de la vanité et de la présomption d'esprit. "
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3. Le même, Lib. VI contra Julianum, c. 13 : " Discutons maintenant cette autre accusation que vous m'intentez, d'avoir dit qu'on n'est purifié que partiellement par le baptême. . . Vous prétendez que j'ai dit que l'homme n'est pas parfaitement renouvelé par la grâce. Mais ce n'est pas là ce que je dis ; pesez bien mes paroles. La grâce renouvelle parfaitement l'homme, puisqu'elle lui procure l'immortalité et la plénitude du bonheur. Je dis de plus qu'elle renouvelle parfaitement l'homme même dès maintenant, quant à la rémission entière des péchés qu’elle nous procure, mais non cependant quant à la délivrance des maux et des misères de notre mortalité, dont le corps qui tend à sa corruption appesantit notre âme (Sag., IX, 15). "
4. Ibidem, c. 14 : " Quoique nous soyons morts au péché et que nous ne vivions plus que pour Dieu, il nous reste cependant quelque chose à faire mourir en nous, pour que le péché ne règne pas dans notre corps mortel, en nous faisant obéir à ses désirs déréglés (Rom., VI, 13), dont nous a justifiés, de manière à ce que nous n'en soyons plus coupables(" A quibus nos solvit, ne his essemus obnoxii, plena atque perfecta remissio peccatorum, et remanserunt in nobis cum quibur gerantur bella castrorum (al. castorum, S. Aug. oper., t. X, col. 1175, édition de Gaume). Je soupçonnerai qu'il faudrait lire ici, au lieu de à quibus nos : à quibus non, ce qui donnerait à la phrase ce nouveau sens : Pour que le péché ne règne pas dans notre corps mortel, en nous faisant obéir à ses désirs déréglés, auxquels ne nous exempte pas d’être toujours sujets la pleine et entier rémission des péchés (reçue dans le baptême), et qui restent en nous pour servir de matière à nos combats. "), la pleine et entière rémission des péchés, et qui sont restés en nous pour servir de matière à nos combats. . . Ainsi, bien que le baptême sanctifie aussi le corps, cette sanctification n'a cependant pour effet que de nous remettre nos péchés c'est-à-dire de nous laver non-seulement de tous les péchés antérieurement commis, mais encore du mal de la concupiscence qui nous reste, avec laquelle tout homme vient au monde nécessairement, et dont il mourrait même nécessairement coupable, s'il n'était auparavant régénéré. Où m'avez-vous donc surpris à dire, ou dans lequel de mes écrits avez-vous lu, que nous ne sommes pas renouvelés par le baptême, mais quasi renouvelés ; que nous ne sommés pas délivrés par le baptême, mais quasi délivrés ; que nous ne sommes pas sauvés, mais quasi sauvés ? Loin de moi cette impiété de frustrer de sa vertu la grâce de ce bain salutaire, ou j'ai reçu de l'eau et de l'Esprit-Saint une nouvelle naissance ; où j'ai
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obtenu le pardon de tous mes péchés, tant de ceux qui étaient le résultat de ma naissance, que de ceux qui étaient l’effet de ma mauvaise vie ! C'est cette grâce, je le sais, qui vient à mon secours pour m'empêcher de succomber à la tentation, en me laissant emporter et attirer dans le mal par la concupiscence (JAC., I, 14), et qui fait exaucer ma prière lorsque je dis avec les autres fidèles : Pardonnez-nous nos offenses. J'espère aussi que celte grâce me fera sentir sa vertu jusque dans l'éternité, alors qu'il n'y aura plus dans mes membres de loi qui combatte la loi de mon esprit (Rom., VII, 23). Je ne cherche donc point à rendre vaine la grâce de mon Dieu ; mais c'est vous, son ennemi, qui semblez chercher à la détruire par votre vaine présomption. "
5. Ibidem, c. 15 : " Dans le baptême donc sont remis tous les péchés, soit contractés dès l'origine, soit commis dans la suite par ignorance ou avec connaissance. Mais lorsque l'apôtre saint Jacques dit ces paroles : Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et qui l'attire dans le mal (JAC., I, 14), et ensuite, quand la concupiscence a conçu, elle enfante le péché (JAC., I, 14-15), il faut bien distinguer dans ces paroles l'enfantement même du fruit de l'enfantement. C'est la concupiscence qui enfante, et c'est le péché qui est enfanté. Mais la concupiscence n'enfante pas avant d'avoir conçu et elle ne conçoit qu'après avoir attiré la volonté dans le mal, c'est-à-dire, obtenu son consentement pour le commettre. Les combats que nous livrons à la concupiscence ont donc pour objet de l'empêcher de concevoir et d'enfanter le péché. Si donc, en même temps que tous les péchés ou tous les mauvais fruits de la concupiscence, sont remis dans le baptême, la concupiscence elle-même était détruite d'où viendrait que les saints, pour l'empêcher de concevoir de nouveau, lui livrent encore tant de combats en matant leur corps, en flagellant leurs membres, en crucifiant leur chair ? "
6. Ibidem, c. 16 : " Vous êtes bien dans l'erreur en prétendant que si la concupiscence était un mal, on devrait en être délivré par le baptême Car, sans être un péché, elle est toujours un mal. Ou, pour m’exprimer plus clairement, c'est un mal dont on cesse d'être coupable, quoiqu'elle soit toujours un mal pour celui qui y reste sujet. Car, quoique baptisé, son corps ne reste-t-il pas sujet à la corruption ? Et n'est-ce pas un mal, que ce qui appesantit l'âme ? Il se serait donc trompé, celui qui a dit : Le corps qui se corrompt appesantit l’âme (Sag ., IX, 15) ? "
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7. Le même, Lib. II contra Pelagium, et Celestium, c. 39 : " La grâce du saint baptême qu'on reçoit maintenant dans l’Eglise de Jésus-Christ nous fera parvenir un jour à la perfection des saints. Car la même renaissance spirituelle qui fait que tous nos péchés nous sont remis, aura éternellement pour effet de nous régénérer même corporellement, en détruisant en nous tout foyer de concupiscence, en même temps que le corps revivra désormais incorruptible. Mais cette parfaite guérison de tous nos maux n'est encore que l'objet de notre espérance et non un avantage dont nous puissions dès maintenant jouir ; ce n'est pas pour nous un bien présent que nous nous flattions de posséder déjà, mais un bien futur que nous pouvons nous promettre, et que la patience nous fait un devoir d'attendre. "
8. Ibidem, c. 40 : " Ainsi nous sommes purifiés par l'eau du baptême, non-seulement de tous les péchés dont nous y obtenons la rémission, et dont nous nous rendons coupables en commettant le mal ou en cédant à de mauvais désirs ; mais encore de ces désirs mauvais, dont nous ne sommes pas coupables, tant que nous leur refusons notre consentement, et dont nous ne pouvons pas nous flatter de nous voir délivrés dès cette vie, mais seulement dans la vie à venir. Les enfants des fidèles même baptisés, tant qu'ils ne sont pas baptisés eux-mêmes, restent donc objets de la haine de Dieu pour ce désordre dont je viens de parler. " Voir d'autres témoignages semblables rapportés plus haut, question III du Baptême, témoignage de la tradition, tome II, page 209-226.
9. Le même, Lib. II de peccatorum meritiis et remissione, c. 28 : " Cette loi du péché que l’Apôtre appelle même péché lorsqu'il dit : Que le péché donc ne règne point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses désirs déréglés (Rom., VI, 12), ne subsiste pas tellement dans les membres de ceux qui ont été régénérés par l'eau et par l'Esprit-Saint, qu'ils n'en aient pas obtenu la rémission, puisque la rémission des péchés est obtenue alors pleine et entière, toute inimitié qui les séparait de Dieu étant détruit en eux ; mais elle subsiste néanmoins toujours dans les débris que nous conservons du vieil homme, comme un ennemi vaincu et frappé de mort, mais qui reprendrait une nouvelle vie si nous lui donnions un consentement coupable, et qui remonterait alors comme sur son trône en nous remettant sous le joug de son ancienne domination. Ces débris du vieil homme dans lesquels a son siège cette loi du péché ou ce péché déjà
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pardonné, sont tellement étrangers à la vie de cet esprit nouveau dans lequel la grâce de Dieu nous régénère par le baptême, que l'Apôtre ne s'est pas contenté de dire que ceux qui sont baptisés ne sont plus dans le péché, mais qu'il a ajouté qu'ils ne sont plus dans la chair (Rom., VIII, 9), et cela, avant même d'être sortis de cette vie mortelle. Ceux donc qui vivent dans la chair, écrivait-il aux Romains, ne sauraient plaire à Dieu : mais pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l'esprit, si toutefois l’Esprit de Dieu habite en vous. Cependant, de même que notre chair, quelque sujette qu'elle soit à la corruption, devient pour nous une occasion de mérites lorsque nous nous servons de nos membres pour faire de bonnes œuvres, mais alors nous ne vivons pas dans la chair en quelque sorte, c'est-à-dire que nos affections et nos sentiments ne sont pas alors charnels ; de même encore que la mort même qui est la peine du péché de nos premiers parents, est une occasion de mérites pour ceux qui l'endurent avec patience et courage pour leurs frères, pour la foi, ou pour quelque autre cause juste et sainte ; ainsi la loi du péché qui, quoique pardonnée, subsiste toujours dans les débris de notre vieil homme, est une occasion de mérite pour des époux fidèles qui ne se laissent point dominer par la concupiscence, en tant qu'ils vivent de la nouvelle vie dont Jésus-Christ est le principe ; mais d'un autre côté, en tant qu'il leur reste encore quelque chose du vieil Adam, ils engendrent à l'état de mortalité des enfants qui plus tard seront régénérés pour une vie immortelle, en leur transmettant le péché dont eux-mêmes, une fois régénérés, ne seront plus coupables, et dont leurs enfants cesseront de l’être quand ils seront régénérés à leur tour. . . "
" N'allez pas vous récrier sur ce que j'ai dit, que la loi du péché subsistant toujours par la concupiscence, la grâce du sacrement en ôte néanmoins toute la culpabilité. Car si, après que le péché, soit de pensée, soit de parole ou d'action, a cessé d’être en nous quant à l'acte même de le commettre, nous en restons cependant coupables, jusqu’à ce que nous en ayons obtenu la rémission ; nous devons dire aussi, quoique dans un sens contraire, que quoique la loi de la concupiscence subsiste toujours en nous, nous ne. cessons pas moins d'en être coupables, du moment où nous recevons dans le baptême la pleine rémission de nos péchés. Enfin, si nous sortons de ce monde aussitôt après voir reçu le baptême, nous n'aurons rien en nous qui puisse
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retarder notre admission dans notre céleste patrie, le baptême ayant brisé tous les liens qui nous tenaient asservis au péché. De même donc qu'on ne doit pas s'étonner que quelqu'un reste coupable de ses péchés de pensées, de paroles ou d'actions antérieurement commis, tant qu'il n'en a pas obtenu la rémission, ainsi ne devons-nous pas être étonnés non plus que, du moment où l'on a obtenu la rémission de ses péchés, on cesse d'être coupable de la concupiscence qui reste toujours. "
10. Le même, Lib. II contra Julianum, c. 9 : " Saint Ambroise fait consister (lib. de fugâ seculi, c. 1) la pratique de la justice pour la vie présente dans une certaine guerre et dans des combats qu'il nous faut livrer non-seulement aux puissances ennemies répandues dans l'air, mais encore à nos propres convoitises, à l'aide desquelles nos ennemis extérieurs cherchent à nous perdre ou à se rendre maître de nous. Il dit (in cap. XII Lucæ) que dans cette guerre notre propre chair est pour nom un ennemi des plus redoutables, quoiqu'elle ait été créée primitivement dans un tel état, qu’il y aurait eu toujours une parfaite harmonie entre elle et l'esprit, si elle n'avait été viciée par la prévarication du premier homme, et ne nous était devenue un obstacle par l'infirmité qu'elle en a contractée. Pour que cette guerre nous réussisse ce saint personnage nous recommande (de fug. sec., c. 1) de fuir le siècle et il s'applique nous faire voir combien cette fuite nous présente de difficultés, et même d'impossibilités si nous ne sommes aidés par la grâce de Dieu. Il dit (Lib. de sacr. regener.) que nos vices sont morts à la vérité par la rémission de tous nos péchés reçue dans le baptême, mais qu'il nous reste à en faire en quelque sorte la sépulture. Dans ce même ouvrage, il fait voir que nous avons un tel combat à livrer à nos vices même morts, qu'ils nous empêchent de faire ce que nous voulons, et qu'ils nous portent à faire ce que nous ne voulons pas ; que le péché opère souvent dans nos membres malgré toutes nos résistances ; que souvent aussi des passions que nous croyions mortes se réveillent ; qu'il nous faut lutter contre la chair, comme faisait saint Paul lorsqu'il disait : Je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit (Rom., VII, 23). Il nous recommande de nous défier de notre propre chair et de ne point croire ce qu'elle nous suggère, puisque l'Apôtre nous dit au sujet de lui-même : Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire dans ma chair, parce que je trouve en moi la volonté de faire le bien,
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mais je ne trouve point le moyen de l'accomplir (Rom., VII, 18). Voilà comment ce généreux soldat de Jésus-Christ, ce fidèle docteur de l'Eglise, Ambroise, pour tout dire, nous dénonce le combat violent que nous avons à soutenir contre nos péchés, même lorsqu'ils sont morts en nous. Et comment pouvons-nous dire que le péché soit mort en nous, lorsqu'il opère en nous et malgré nous tant de tristes effets ? Quels effets, sinon ces désirs inutiles et pernicieux, qui précipitent les hommes dans l’abîme de la perdition et de la damnation (I Tim., VI, 9) ? Désirs qui nous fournissent à coup sûr l'occasion d'un combat et d'une guerre continuelle, si nous avons la constance de les endurer sans y consentir. Et ce combat à livrer, entre quels adversaires ? Entre le bien et le mal et non pas sans doute entre notre nature et notre nature, mais plutôt entre notre nature et le vice qui, quoique mort, nous reste à ensevelir, c'est-à-dire dont il nous reste à nous guérir complètement. Comment donc pouvons-nous dire que ce péché est mort dans le baptême comme le dit aussi cet illustre personnage, et comment pouvons-nous avouer en même temps qu'il réside toujours dans nos membres, et qu'il accomplit en nous beaucoup de mauvais désirs auxquels nous résistons sans même jamais leur donner notre consentement, sinon parce qu'il est mort quant à la culpabilité qui en résultait auparavant pour nous, et que, tout mort qu'il est maintenant, il nous fait éprouver ses révoltes jusqu’à ce qu'il soit complètement enseveli ? D'ailleurs, si on l'appelle encore péché, ce n'est pas en ce sens qu'il continue à nous rendre coupables ; mais en ce sens qu'il est l'effet du crime de notre premier père, et qu'il cherche par ses révoltes à nous rendre criminels nous-mêmes, comme il y réussirait certainement, si nous n'étions aidés par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ à empêcher ses révoltes de le faire revivre en nous, et reprendre un empire que le baptême lui avait fait perdre. "
11. Ibidem, c. 10 : " Dans cette guerre où nous avons à combattre tant que nous sommes dans cette vie, qui est pour l'homme une tentation continuelle, nous ne sommes pas coupables de péché par cela seul que ce que l'Apôtre appelle péché de cette manière produit ses effets dans nos membres, en combattant contre la loi de l'esprit, et sans que de notre côté nous lui donnions notre consentement. Car pour ce qui nous regarde nous-mêmes, nous resterions toujours exempts de péchés, sans même attendre que nous soyons tout-à-fait guéris de ce mal, si nous lui refusions toujours notre consentement pour le péché auquel il
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nous sollicite. Mais comme souvent nous nous laissons vaincre par l'importunité de ses révoltes, sinon d'une manière mortellement coupable, au moins véniellement et par simple fragilité, ce sont ces fautes si faciles à contracter qui nous obligent de dire tous les jours, Pardonnez-nous nos offenses. "
12. Le même, Lib. I de peccatorum meritiis et remissione, c. ultimo ; c'est le passage rapporté plus haut, question III du sacrement de baptême, témoignage 34, t. II, page 224, avec plusieurs autres qu'on trouvera à la suite.
13. Le même, Lib. I de Civitate Dei, c. 25 : " Loin de l'âme chrétienne qui a sa confiance, son espoir, sa force en son Dieu ; loin de cette âme l'ombre d'un consentement impur à la volupté des sens ! que si cette concupiscence indisciplinée qui habite en nos membres de mort, s’émeut comme par sa loi propre contre la loi de l'esprit, n'est-elle pas exempte de péché quand elle se fait sentir ainsi en nous, malgré nous, dans l'état de veille, à bien plus forte raison encore qu'elle n'en est exempte quand elle nous agite dans le sommeil (Cf. La Cité de Dieu, trad. de Moreau, t. Ier, p. 48) ? "
14. Le même, Lib. V contra Julianum Pelagianum, c. 3 : " Quel mal leur en serait-il arrivé de plus, je vous le demande, ou pourquoi l’Apôtre dirait-il, Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs (Rom., I, 24), s'ils étaient d’avance possédés en quelque façon par ces mauvais désirs ? De ce que quelqu'un a de mauvais désirs, est-ce une conséquence nécessaire qu'il y consente ? Autre chose est donc d'avoir de mauvais désirs, autre chose de leur être livré ; et pourquoi leur être livré, sinon pour être mis sous leur tyrannie par le consentement qu'on y donne ? Et c'est ce qui arrive, lorsqu'on est livré à ses désirs par un juste jugement de Dieu. Autrement, ce serait vainement qu'il aurait été dit : Ne vous laissez point aller à vos mauvais désirs (Ecclé., XVIII, 50), si l'on était coupable par cela seul qu'on sentirait en soi les mauvais désirs s'élever et pousser au mal, quand même on leur refuserait son consentement, et qu'on leur livrerait de glorieux combats en se maintenant en état de grâce. Que vous en semble en effet ? Celui qui met à profit cet avis du Sage : Si vous conteniez votre âme dans ses désirs (déréglés sans doute), elle vous rendra la joie de vos ennemis (Ecclé., XVIII, 31), est-il coupable par cela seul qu'il éprouve de tels désirs dont il se refuse à lui-même de jouir, pour ne pas devenir la joie du diable et de ses
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anges, qui sont nos vrais ennemis et nos envieux les plus à craindre ? Lors donc que l'Ecriture dit d'un homme qu'il est livré aux désirs de son cœur ; ce qui fait le crime de cet homme, c'est qu'étant abandonné de Dieu, il cède à ses désirs, qu'il leur donne son consentement, et s'en laisse vaincre, posséder, maîtriser. Car quiconque est vaincu est esclave de celui qui l’a vaincu (II PIERRE, II, 19). "
15. Le même, Lib. VI contra Julianum, c. 23 : " Quand vous m'accusez d'entendre ces paroles de l'Apôtre, Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire dans ma chair, et le reste jusqu’à ces mots, Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort (Rom., VII, 18-24) ? quand vous m'accusez, dis-je, d'entendre tout ce chapitre autrement qu'il ne doit être entendu, vous m'attribuez sans le savoir beaucoup plus que je ne mérite. Car je ne suis ni le seul, ni le premier qui aie entendu ce passage, qui réfute si bien votre hérésie, de la manière qu'il doit être entendu ; au contraire, je l'avais d'abord pris dans un autre sens, ou pour mieux dire, je ne l'avais pas compris, comme l'attestent plusieurs de mes écrits qui me restent de ce temps-là. Il ne me semblait pas en effet que l'Apôtre eût pu dire de lui-même : Je suis charnel, tandis que sa vie était si parfaitement spirituelle ; je ne pouvais pas concevoir non plus qu'il fût captif sous la loi du péché, ni qu'une pareille loi fût dans les membres de son corps. Je me persuadais à moi-même que cela ne pouvait se dire que de ceux qui étaient tellement dominés par la concupiscence de la chair, qu'ils faisaient tout ce qu'elle demande à ses esclaves, ce qu'on ne pourrait croire sans folie d'un si grand apôtre, tandis qu'une multitude innombrable de saints, même des plus vulgaires, opposent les désirs de l'esprit à ceux de la chair, tant ils sont éloignés de vouloir satisfaire ces derniers. Mais plus tard, je me suis rendu à l'avis de plus sages et de plus intelligents que moi, ou plutôt à l’évidence de la vérité même, et j'ai compris que ces paroles de l’Apôtre n'exprimaient autre chose que le gémissement de tous les saints, dont la vie entière est un continuel combat contre les désirs de la chair. Quoique spirituels par les dispositions intimes de leur âme, ils sont cependant toujours charnels quant à ce corps corruptible qui les appesantit (Sag., IX, 15), et ils ne seront spirituels, même quant au corps, que lorsque ce corps, après avoir été mis en terre comme un corps animal, ressuscitera comme un corps spirituel (I Cor., XV, 44). On conçoit fort bien encore que ces même saints sont tenus captifs sous la loi du
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péché, par cette partie de leur cire qui ressent les mouvements de ces désirs auxquels ils résistent. C'est au moyen de ces réflexions que je suis parvenu à entendre ce passage comme l'avaient entendu avant moi les Hilaire, les Ambroise, les Grégoire, et tant d'autres saints et savants docteurs de l’Eglise, qui ont pensé que l'Apôtre lui-même avait eu combattre fortement contre des désirs charnels qu'il éprouvait malgré lui, et que ces paroles avaient pour objet d'exprimer les combats de ce genre qu'il avait à livrer contre lui-même. Vous-même vous avez avoué que les saints livrent de ces glorieux combats pour dompter ces révoltes de la chair qui sans cela les domineraient, et pour pouvoir parvenir insensiblement par ce moyen à les étouffer et à les éteindre. Tâchons donc d'entrer ensemble dans le sens des paroles de ces généreux combattants, si nous sommes nous-mêmes de leur nombre. Car ce ne sera véritablement plus nous qui vivrons, mais ce sera Jésus-Christ qui vivra en nous, si pour ce combat à livrer à outrance à nos désirs charnels, et pour la victoire à obtenir jusqu’à extermination sur ces mêmes ennemis, nous mettons notre confiance en lui, et non en nous. C'est lui, en effet, qui nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption (I Cor., I, 30-31), afin que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur. Il n'y a donc point de contradiction, quoi que vous pensiez, à ce que le même qui a dit, Ce n’est pas moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi (Gal., II, 20), dise aussi, Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire dans ma chair (Rom., VII, 18). Car autant que Jésus-Christ vit en lui, autant demeure-t-il victorieux du mal qui habite dans sa chair, puisque personne ne combattrait comme il faut les désirs de la chair par ceux de l'esprit, si l'esprit de Jésus-Christ n'habitait en lui. Nous sommes donc bien éloignés de dire, comme vous nous en accusez, que l’Apôtre a voulu faire entendre par ces paroles que la volupté l'entraînait quelquefois malgré lui des actions impures, puisque l'Apôtre dit au contraire, Ce n'est plus moi qui fais ce mal que je ne veux pas, montrant par-là que les désirs charnels qu'il ressentait pouvaient bien l'agiter de leurs mouvements, mais non aller jusqu’à le faire consentir au péché. "
16. Le même, Serm. VI de verbis Apostoli, c. 1 : " Et ainsi je suis moi-même soumis à la loi de Dieu selon l’esprit, et à la loi du péché selon la chair (Rom., VII, 25). Par cette conclusion qu'il tire, l'Apôtre fait voir que ce qu'il a dit plus haut, Ce n'est plus
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moi qui fais ce mal, mais c'est le péché qui habite
en moi (ibid., 20), signifiait simplement qu'il ne donnait aucun
consentement dans son esprit aux mouvements de concupiscence qu'il pouvait
éprouver dans sa chair. Car il donne ici le nom de péché
à la concupiscence charnelle, parce qu'elle est la source de tous
les péchés. Tous les péchés en effet qu'on
peut commettre par pensées, par paroles ou par actions, n'ont pour
principe que les mauvais désirs et les plaisirs illicites. Si nous
résistons à leur attrait, si nous leur refusons notre consentement,
si nous ne leur prêtons pas nos membres pour leur servir d'instruments,
le péché ne régnera point dans notre corps mortel.
"
CHAPITRE V.
DE L’IMPUISSANCE DE LA NATURE ET DE LA LOI A OPERER LA JUSTIFICATION DE L’HOMME.
" Pour entendre sainement et dans toute sa pureté la doctrine
de la justification, chacun doit reconnaître et confesser avant tout,
que tous les hommes ayant perdu l'innocence par le fait de la prévarication
d’Adam, étaient devenus impurs, enfants de colère par
le fait même de leur naissance, comme dit l’Apôtre, et
tellement esclaves du péché et asservis à la puissance
du démon et de la mort, que non-seulement les gentils ne pouvaient
s'en affranchir ou s'en relever par les forces de la nature ; mais que
les Juifs eux-mêmes ne le pouvaient non plus par la lettre de la
loi, quoique le libre arbitre ne fût point éteint en eux,
quelque affaibli qu'il fût et si enclin qu'on le suppose vers le
mal. " Concile de Trente, session VI, c. 1.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Corinthiens, XV, 21-22 : " Car comme la mort est venue par un seul homme, la résurrection des morts doit venir aussi par un seul homme. - Et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi en Jésus-Christ. "
2. Romains, V, 12-19 : " Car comme le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et qu'ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché : (car le péché a toujours été dans le monde jusqu’à la loi ; néanmoins la loi n'étant point encore, le péché n'était pas imputé ; - cependant la mort a exercé son règne depuis Adam jusqu'à Moïse, même à l'égard de ceux qui
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n'ont pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, - qui est la figure de celui qui devait venir : - mais) il n'en est pas de la grâce comme du péché ; car si par le péché d’un seul plusieurs sont morts, la miséricorde et le don de Dieu s'est répandu beaucoup plus abondamment sur plusieurs par la grâce d'un seul homme, qui est Jésus-Christ. - Et il n'en est pas de ce don comme du péché ; car nous avons été condamnés par le jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après plusieurs péchés. - Si donc, à cause du péché d'un seul, la mort a régné par un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront dans la vie par un seul, qui est Jésus-Christ. - Comme donc c'est par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la damnation, ainsi c'est par la justice d'un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie. - Car, comme plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul, ainsi plusieurs seront rendus justes par l'obéissance d’un seul. "
3. Ephésiens, II, 3 : " Nous étions, par la corruption de notre nature, des enfants de colère, aussi bien que les autres hommes. "
4. Romains, VI, 14-18, 20 : " Car le péché ne
vous dominera plus, parce que vous n'êtes plus sous la loi, mais
sous la grâce. - Quoi donc ? Pécherons-nous parce que nous
ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce ? Dieu nous en garde
! - Eh ! ne savez-vous pas que de qui que ce soit que vous vous soyez rendus
esclaves pour lui obéir, vous demeurez esclaves de celui à
qui vous obéissez, soit du péché pour y trouver la
mort, soit de l'obéissance pour y trouver la justice ? - Mais Dieu
soit loué de ce qu'ayant été auparavant esclaves du
péché, vous avez obéi du fond du cœur à la
doctrine de l’Evangile, sur le modèle de laquelle vous avez été
formés, - et qu'ayant été affranchis du péché,
vous êtes devenus esclaves de la justice. - Car lorsque vous étiez
esclaves du péché, vous étiez dans l'état d’une
fausse liberté à l’égard de la justice. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. S. CELESTIN I, Epist. I ad episcopos Galliæ, c. 4 (al. 3) : " Par l’effet de la désobéissance d'Adam, tous les hommes ont perdu (Possibilitatem naturalem. M . Rohrbacher traduit ces mots par possibilité ou puissance naturelle (originelle), Fleury par ces mots : pouvoir naturel)
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avec leur innocence leur pouvoir originel de faire le bien, et personne ne peut plus à l'aide de son libre arbitre sortir de l'abîme de cette chute, si la grâce de Dieu ne le relève miséricordieusement, selon ce qu'a défini le pape Innocent d'heureuse mémoire dans sa lettre au concile de Cartilage (epist. 25, vel inter Augustin, 91, al. 181) : " Adam a éprouvé de quoi le libre arbitre est capable, lorsqu'abusant de ses facultés naturelles, il tomba dans l'abîme de la prévarication. La nature humaine n'aurait trouvé aucun moyen de se relever de cette chute, sans la grâce de l'avènement de Jésus-Christ, qui par le renouvellement que produit en nous la régénération que nous recevons au baptême, efface tous les péchés passés et nous donne des forces pour nous établir et nous faire marcher dans la voie du bien. "
2. S. PROSPER, contra Collatorem, c. 22 : " Si ces paroles (Cùm enim gentes quæ legem non habent, etc., Rom., II, 14 et s.) ont été dites de ceux qui, étant étrangers à la grâce apportée aux hommes par Jésus-Christ (alieni à gratiâ christianâ), faisaient par leur propre sagesse des règlements et des lois sur le type des prescriptions légales (ad similitudinem legalium mandatorum proprio judicio sanciebant), parce qu'ils sentaient que les villes et les peuples ne pouvaient subsister dans l'ordre et la bonne intelligence sans récompenses décernées aux bons et sans châtiments infligés aux méchants, qui peut douter que cette sagesse ne soit comme un débris de l'état primitif de l'homme, tel que Dieu l'avait créé (Et de la première révélation par conséquent. Voici les paroles mêmes de saint Prosper : " Quis ambigat hunc sapientiam humano generi ad temporalis vitæ utilitatem ex naturæ à Deo conditæ superesse reliquiis ? " Peut-on croire que Dieu ait laissé aux hommes de ces débris de la sagesse primitive pour l'utilité de la vie temporelle, sans leur en laisser en même temps pour la félicité de l'autre vie ? Et quelle étude peut être plus utile après celle des livres saints et de l’histoire ecclésiastique que la recherche de ces précieux monuments dans l'antiquité même profane et chez les peuples même les plus sauvages ? Honneur donc aux Annales de philosophie chrétienne, qui ont pour principal objet de recueillir ces précieux débris !), laissé au genre humain pour l'utilité de la vie présente ? Car si la raison humaine ne pouvait pas même s’élever à cette prudence terrestre, notre nature (intelligente) ne serait pas simplement viciée, elle serait anéantie. Mais quelque enrichie qu'on la suppose des connaissances et des vertus morales auxquelles il est donné à l'homme d'atteindre, notre raison ne saurait se suffire à elle-même pour se sanctifier ou pour se procurer
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le salut (justificari ex se non potest), parce qu'abandonnée à elle-même, elle ne sait qu'abuser des biens qu'elle a reçus et qui dès-lors deviennent contre elle des titres de conviction de son impiété et de son immoralité, par l'abandon qu'elle aura fait du culte du vrai Dieu, de sorte qu'elle trouve son accusatrice dans cette sagesse même qu'elle serait tentée d'invoquer pour sa défense (quia bonis suis malè utitur, in quibus sine cultu veri Dei impietatis immunditiæque convincitur, et unde se defendi existimat, accusatur). Puis donc que saint Paul déclare qu'aucun homme n'est justifié par les œuvres de la loi (Rom., III, 20), et qu'en Jésus-Christ ni la circoncision, ni l'incirconcision ne sert de rien, mais seulement l'être nouveau que Dieu créé en nous (Gal, VI, 15), pourquoi cet auteur (Cassien, auteur des Conférences combattues dans cet ouvrage par saint Prosper comme entachées de semi-pélagianisme) veut-il justifier par ses principes la raison de l'infidèle abandonnée à sa liberté, et supposer à l'impiété des vertus morales qu'elle a perverties (quid iste impiam infidelium libertatem naturalibus instruit bonis, et propriis vult justificare principiis) ? Pourquoi prétend-il suffisante pour s'initier à une vie nouvelle une science infidèle à sa propre mission, et dépouillée par elle-même de ce qui faisait son ornement (quid ad renovationem miseræ vetustatis idoneam definit prævaricatris scientiæ nuditatem ?) Comme si cette science empruntée, soit aux débris de la sagesse primitive (ex naturæ opibus residua), soit aux préceptes de la loi, pouvait faire par elle-même que celui qui la possède embrasse volontiers et mette en pratique les devoirs qu'elle lui présente comme obligatoires, ou comme s'il y avait d'autres mouvements possibles de bonne volonté (Qui puissent être utiles pour le salut), que ceux que forme en nous l'inspiration de la charité répandue dans nos cœur par l'Esprit-Saint. "
3. S. AUGUSTIN et les autres évêques du concile d'Afrique, Epist. XCV (al. 177) ad Innocentium papam : " Comme donc cette grâce, si connue de tous ceux qu'on peut appeler chrétiens, fidèles et catholiques, est celle dont il s'agissait quand on a reproché à Pélage qu'il était ennemi de la grâce, et qu'on lui dénonçait qu’il eût à cesser de la combattre ; pourquoi, après s'être fait à lui-même cette objection dans son livre, ne répond-il autre chose pour se laver d'un tel reproche, sinon que la nature avec laquelle l'homme a été créé porte en elle-même la grâce
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du Créateur et que ce qu'il entend quand il dit que nous pouvons, avec le secours de la grâce de Dieu, accomplir par notre libre arbitre les devoirs de la justice chrétienne et nous conserver purs de tout péché, c’est que Dieu nous l'a rendu possible par les facultés naturelles qu'il nous a données. Ne sommes-nous pas en droit de lui répliquer : Le scandale de la croix est donc anéanti ? c'est donc en vain que Jésus-Christ est mort (Gal, V, 11) ? Car, quand même Jésus-Christ ne serait ni mort pour nos péchés, ni ressuscité pour notre justification (Gal., II, 21), ni monté au ciel ; quand même il n'aurait point mené la captivité captive (Ephés., IV, 8), et que du haut du ciel il ne distribuerait point ses dons aux hommes (ibid.), ce pouvoir et ces forces de la nature, que Pelage fait tant valoir, n'en seraient pas moins dans chacun de nous. "
" Dira-t-il que les hommes n'avaient pas encore la loi de Dieu, et que c'est pour la leur procurer que Jésus-Christ est mort ? Mais ne l'avait-on pas déjà, cette loi bonne, juste et sainte ? N'avait-il pas déjà été dit : Vous ne vous arrêterez point à de mauvais désirs (Exod., XX, 17) ? N'avait-il pas déjà été dit : Vous aimerez votre prochain comme vous-même (Lévit., XIX, 18) ? Ce qui comprend toute la loi, selon saint Paul (Rom, XIII, 9-10) ; en sorte qu'en accomplissant ce seul précepte on l'accomplit tout entière ? Car celui de nous aimer nous-mêmes est compris dans celui qui nous ordonne d'aimer Dieu, puisque ce n'est qu'en aimant Dieu que nous nous aimons nous-même : et c'est ce qui fait que Jésus-Christ nous a dit que ces deux préceptes renfermaient la loi et les prophètes (MATTH., XXII, 40). Or, ces deux préceptes avaient déjà été donnés aux hommes. Pélage dira-t-il que la récompense éternelle de la justice ne leur avait point été promise ? Il ne saurait le dire non plus, puisqu'il enseigne lui-même dans ses livres, que le royaume du ciel est promis dans l'Ancien-Testament aussi bien que dans le Nouveau. Si donc les hommes avaient déjà, dans les forces de leur nature et dans la faculté de leur libre arbitre, tout ce qui est nécessaire pour accomplir les devoirs de la justice et de la sainteté même la plus parfaite ; s’ils avaient déjà une loi bonne, juste et sainte ; si les récompense éternelles leur avaient déjà été promises, c'est en vain que Jésus-Christ est mort. "
" (Or, Jésus-Christ n'est pas mort en vain), et par conséquent la justice qui nous sanctifie ne vient ni de la loi, ni des forces de la nature, mais de la foi et du don de Dieu accordé en vertu
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des mérites de Jésus-Christ Notre-Seigneur, unique médiateur entre Dieu et les hommes ; en sorte que, si, dans la plénitude des temps, il n'était mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification, la foi des anciens, aussi bien que la nôtre, se trouverait vaine et illusoire. Or, dès qu'il n'y a plus de foi, il n'y a plus de justice, puisque le juste vit de la foi (HABAC., II, 4). Car, depuis que le péché est entré dans le monde, et que par le péché la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché, il est certain que personne n'est, ni n'a jamais été délivré du corps de cette mort, où habite une loi qui combat celle de notre esprit, que par la grâce de Dieu et par la foi en cet unique médiateur entre Dieu et les hommes, qui est Jésus-Christ homme, et qui, s'étant fait homme sans cesser d'être Dieu, a refait et réparé ce qu'il avait fait, et non pas par les prétendues forces d'une nature, qui, devenue esclave et malade par le péché, ne saurait se passer de rédempteur et de médecin. . . . . "
" Si donc, dès le temps de la loi et avant la loi même c'était la grâce qui justifiait par la foi les anciens patriarches, et non pas les forces prétendues d'une nature malade, indigente, corrompue et vendue au péché, comme c'est elle aussi qui nous justifie nous-même, maintenant qu'elle est manifestée et produite au grand jour, il faut que Pélage anathématise ses livres où il l'a combattue (Cf. Lettres de saint Augustin, p. 51-54-59). "
4. S. FULGENCE, De incarnatione et gratiâ Christi, c. 16 : " Personne ne peut être guéri de ce péché que nous fait contracter des le principe notre naissance charnelle ; personne, dis-je, ne peut en être guéri, ni par ses moyens naturels, ni par la lettre de la loi, mais on le peut uniquement par la foi en Jésus-Christ Fils de Dieu, qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Il est mort pour les impies, en s'offrant lui-même pour nous, ainsi que le dit l'Apôtre, comme une oblation et une victime d'agréable odeur (Ephés., V, 2). Dans la personne de ce médiateur établi entre Dieu et les hommes, a été restaurée la nature humaine, comme c'est dans sa personne aussi qu'a été remplie la fin de la loi. Car, premièrement, notre faiblesse naturelle ne pouvait se suffire à elle-même pour la pratique de la vertu, puisque, plongée dans les ténèbres et dénuée de toutes forces, depuis que nos jours s'étaient évanouis (Ps. LXXXIX, 9),
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et que la colère de Dieu nous avait consumés, nous étions sans loi, et nous péchions tellement à l'aveugle, que nous ne savions pas même que nous péchions. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre : Je n'aurais point connu la concupiscence, si la loi n'avait dit : Vous n'aurez point de mauvais désirs (Rom., VII, 8). En second lieu, la connaissance de la loi non-seulement n'arracha personne à la puissance des ténèbres, mais ne fit qu'aggraver la misère des pécheurs et que multiplier le nombre des péchés. Car, sans la grâce de la foi, la connaissance de la loi nous rend plus condamnables que ne le ferait l'ignorance ou l'on vivrait par rapport à elle, puisque, plus on est instruit des prescriptions de la loi, plus on se rend coupable en les violant. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre : La loi produit la colère et le châtiment, puisque, lorsqu'il n’y a point de loi, il n'y a point de violement de la loi (Rom., IV, 15). Le même apôtre dit encore : La loi a été établie pour faire reconnaître les crimes que l'on commettait en la violant (Gal., III, 19,22) ; et : Dieu a comme renfermé tous les hommes sous le joug du péché, afin que ce que Dieu avait promis fût donné par la foi en Jésus-Christ à ceux qui croiraient en lui. Comment donc pourrait-on se promettre même un simple commencement de bien ou de bonne volonté en ne s'appuyant que sur les forces de son libre arbitre, si l'on n'est pas prévenu de la grâce de Dieu, qui refait en nous la bonne volonté et préserve de ses écarts une nature d'autant plus sujette à l'orgueil, qu'elle est plus asservie au péché et à la mort, tandis que même avant qu'il eût été blessé par le péché, notre libre arbitre n'avait pas pu se maintenir fidèle à l'ordre divin, et que depuis qu'il a été blessé, il n'a pas su trouver sa guérison dans le remède que lui présentait la loi, mais qu'au contraire il avait pris occasion de la loi elle-même pour aggraver son crime ? Car la loi est survenue pour donner lieu à l'abondance du péché (Rom., V, 20), dont personne ne peut être délivré que par l'agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. En effet, ni le libre arbitre de l'homme, ni les prescriptions de la loi, quelque saintes, quelque justes, quelque excellentes qu'elles soient en elles-mêmes ne peuvent délivrer l'homme de ce corps de mort ; mais il n'y a à pouvoir le faire que la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur (Rom., VII, 25). Car c'est la loi de t'esprit de vie qui est en Jésus-Christ qui nous a délivré de la loi de péché et de mort (Rom., VIII, 2). "
5. S. AUGUSTIN, Lib. I contra duas epistolas pelagianorum, c, 2 : " Ces manichéens, dit Julien, avec qui nous ne sommes
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plus en communion, c'est-à-dire tous ceux dont nous sommes séparés, disent que par le péché du premier homme ou d'Adam, le libre arbitre a été détruit, et que personne n'est plus le maître de vivre comme il faut, mais que tous sont entraînés dans le péché par la nécessité que leur chair leur impose. Il appelle manichéens les catholiques, à l’exemple de ce Jovinien qui, il y a quelques années, se faisait hérésiarque en attaquant la virginité de Marie, et égalait les mariages chrétiens à la virginité qui se consacre à Dieu. . . . . Mais qui de nous dira que le libre arbitre ait été détruit dans tout le genre humain par le péché du premier homme ? Sans doute le péché nous a fait perdre quelque chose de notre liberté, savoir, la liberté telle que nous la possédions dans le paradis, la liberté de ne point subir la mort et de persévérer dans l’état de parfaite justice ; et c'est pour cela que la nature humaine a besoin de la grâce divine, selon ce que dit le Sauveur : Si le Fils vous délivre vous serez vraiment libres (JEAN, VIII, 36), c'est-à-dire disposé pour vivre saintement et justement. Car tant s'en faut que le libre arbitre soit anéanti dans le pécheur, que c'est par lui-même que nous péchons, et que pèchent surtout ceux qui se complaisent dans le péché, puisque s'ils s'y complaisent et s'ils le commettent, c'est par l'effet de leur libre arbitre. De là ce mot de l’Apôtre : Lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l'égard de la justice (Rom., VI, 20). Ce qui fait voir qu'on ne peut se faire esclave du péché que par l'abus qu'on fait de sa liberté, et par conséquent qu'on est toujours libre. "
6. Ibidem, lib. II, c. 5 : " Nous ne disons pas que le libre arbitre ait été détruit en nous par le péché d'Adam ; mais nous disons qu'étant soumis à la puissance du diable, la force de notre libre arbitre se porte vers le péché, de sorte que toute force lui manque pour vivre selon les lois de la piété et de la justice, si notre volonté elle-même n'est rendue à sa liberté par la grâce de Dieu, et si elle n'est aidée pour toute bonne action, comme pour toute bonne parole et pour toute bonne pensée. "
7. Le même, contra Fortunatum manichæum, disput. II : Augustin. " Je dis qu'il n'y a point de péché, s’il n'est pas le produit de la propre volonté, et qu'il n'y a non plus de récompense que pour le bien que notre propre volonté nous fait faire. Ou bien, si l'on peut mériter un châtiment en péchant malgré soi, on doit donc aussi mériter une récompense quand on fait le bien malgré soi. Mais qui ne sait qu'il n'est accordé de récompenses qu'à
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ceux qui font preuve de bonne volonté en faisant le bien ? Comprenons donc aussi qu'il ne doit y avoir de châtiments que pour ceux qui font le mal par une volonté criminelle. "
8. Le même, Lib. III de libero arbitrio, c. 1 : " Vous vous souvenez, à ce que je crois, qu'il a été suffisamment reconnu dans notre première conférence qu'il n'y a que la volonté propre qui rende l'esprit esclave de la cupidité, et qu'elle ne peut être contrainte à cette honteuse servitude ni par aucune puissance supérieure, ni par aucune puissance égale, parce que l'une ou l'autre deviendrait injuste, et par conséquent moindre, ni par aucune créature d’une puissance inférieure à la sienne, puisque par-là même elle n'en a pas le pouvoir. Il faut donc que ce soit par son propre mouvement que la volonté se détourne du Créateur, et se tourne vers la créature pour en jouir ; et si ce mouvement est coupable, si celui qui en douterait mériterait selon vous qu'on se moquât de lui, il n'est donc pas naturel, mais volontaire. Il ressemble au mouvement par lequel une pierre se porte en bas, en ce qu'il est propre à l'âme comme le mouvement de la pierre est propre à la pierre ; mais il en diffère en ce que la pierre n'a pas le pouvoir d'arrêter ce mouvement, qui l’emporte, au lieu que l'âme peut, quand elle veut, neutraliser ce mouvement par lequel elle se porte à préférer des biens infimes aux biens célestes ; et par conséquent le mouvement de la pierre lui est naturel, au lieu que celui de l'âme est volontaire. Aussi celui qui dirait qu'une pierre pèche en se précipitant de haut en bas, non-seulement serait regardé comme plus stupide que les pierres mêmes, mais on dirait de lui qu'il aurait perdu tout-à-fait l'esprit. Au lieu que nous disons d'une âme qu'elle est coupable, lorsque renonçant aux biens du ciel, elle leur préfère ceux de la terre. Par conséquent qu'est-il besoin de chercher quel est le principe de ce mouvement par lequel la volonté se détache du bien suprême et immuable pour s'attacher à des biens frivoles, puisque nous reconnaissons que ce principe c'est notre volonté même, volonté coupable dés-lors, et que toute l'instruction à donner à ce sujet doit avoir pour objet de condamner et de réprimer ce mouvement, et de détourner notre volonté de tous ces biens caduques pour la faire aspirer à la jouissance du bien éternel et infini. "
Evode. " Je vois, ou pour mieux dire, je touche du doigt la vérité de ce que vous dites ici. Car il n'y a rien que je sente plus fortement et plus intimement que l’existence de ma volonté,
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comme le mouvement par lequel elle se porte à poursuivre ce qu'elle désire ; et je ne vois pas ce qui pourrait m'appartenir, si la volonté par laquelle je veux ou ne veux pas ne m'appartenait point. Par conséquent, si je fais par elle quelque chose de mal, à qui dois-je l'imputer qu'à moi-même ? Car comme c'est un Dieu bon qui m'a fait, et que je ne puis faire quelque bien que par ma volonté, il est assez évident que c'est dans un semblable but que ce Dieu bon me l'a donnée d'un autre côté, si ce mouvement par lequel notre volonté se porte en des sens si divers n'était pas volontaire et ne dépendait pas de nous, il ne mériterait ni éloge lorsqu'il se porte vers les biens éternels, ni blâme lorsqu'il se détourne vers les biens sensibles, et il n'y aurait point à nous recommander de dédaigner ceux-ci, de rechercher ceux-là, de cesser de vivre mal et de nous mettre en devoir de vivre bien. Mais celui qui penserait que l'homme n'a pas besoin de recevoir ces sortes d'instructions mériterait d’être retranché du nombre des hommes (Cf. Les Traités du libre arbitre, p. 177-180). "
9. Ibidem, c. 5 : " Nous ne saurions nier que nous ne sommes privés de pouvoir, qu'alors que ce que nous voulons nous manque ; mais si la volonté même nous manquait quand nous voulons, il ne serait plus vrai dès-lors que nous voudrions. Si donc il ne peut se faire que nous ne voulions pas dans l'instant même ou nous voulons, il suit de là que si quelqu'un veut, c'est que la volonté ne lui manque pas ; et d'un autre côté, rien n'est en notre puissance, que ce qui est à notre disposition quand nous voulons. Notre volonté ne serait donc plus la nôtre si elle n’était en notre puissance Mais si elle est en notre puissance, elle nous est libre : car ce qui n'est pas en notre puissance, ou ce qui peut ne pas y être, ne nous est pas libre. Ainsi nous ne nions pas que Dieu ne voie dans sa prescience les choses futures, quoiqu'il soit toujours vrai que nous voulons ce que nous voulons ; car puisqu'il voit dans sa prescience notre volonté même, il faut donc aussi qu'il y ait volonté de notre part. Or, il n'y aurait pas volonté de notre part, si notre volonté n'était pas en notre pouvoir. Il voit donc aussi ce pouvoir dans sa prescience. Ce pouvoir m'appartiendra même d'autant plus certainement, que celui dont la prescience est infaillible a prévu qu'il m'appartiendrait (Cf. Ibidem, p. 189-190). "
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10. Le même, ibidem, c. 2 : " Une des vérités que Dieu nous a révélées par les saintes Ecritures, c'est qu'il y a dans l'homme un libre arbitre. Mais comment nous l'a-t-il révélé ? C'est ce que je vais vous montrer, non par des raisonnements humains, mais par la parole même de Dieu. Premièrement, à quoi serviraient à l'homme les préceptes divins, s'il n'avait pas le libre choix de sa volonté, par lequel il puisse, en les observant, arriver aux récompenses promises ? Car ces préceptes ont été donnés afin que l'homme ne pût s’excuser sur son ignorance, selon ce que Jésus-Christ dit des Juifs dans l’Evangile : Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n'auraient pas de péché ; mais maintenant ils n’ont pas d'excuse dans leur péché (JEAN, XV, 22). Le péché dont parle ici le Sauveur, n'est autre que le crime énorme dont il prévoyait que ces malheureux Juifs se rendraient coupables en le faisant mourir. Car il ne faut pas s'imaginer qu'ils aient été sans péché, avant que Jésus-Christ fût venu dans la chair. L’apôtre saint Paul dit aussi : L'Evangile nous découvre la colère de Dieu, qui éclate du ciel contre toute l'impiété et l'injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité de Dieu captive. En effet, ils ont connu ce qui peut se découvrir de Dieu, Dieu même le leur ayant fait connaître. Car les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité sont devenues comme visibles depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent, de sorte que ces hommes sont inexcusables (Rom., I, 11 et suiv.). En quel sens l'Apôtre dit-il que ces personnes sont inexcusables ? Sinon en ce qu'elles ne peuvent alléguer cette sorte d'excuse que l'orgueil humain a coutume d'employer, en disant : Si j'avais connu cette obligation, je l’aurais remplie ; je n'y ai manqué que parce que je ne la connaissais pas ; ou bien : Si je savais ce qu'il faut faire, je le ferais ; c'est parce que je l'ignore, que je ne le fais pas. Cette vaine excuse est enlevée à l'homme, quand on lui donne des préceptes ou qu'on lui apprend ce qu'il doit faire pour ne pas pécher. "
" Mais il y a d'autres personnes qui s'excusent d'une manière encore plus criminelle, en rejetant sur Dieu le mal qu'elles font ; ce sont ceux à qui l'apôtre saint Jacques adresse ces paroles : Que personne, quand il est tenté, ne dise que c'est Dieu qui le tente ; car Dieu est incapable de porter au mal, et il ne tente personne. Chacun est tenté par sa propre concupiscence ; c'est elle qui le détourne du bien, et qui l'attire au mal. Ensuite, quand la concupi-
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cence a conçu, elle enfante le péché et le péché étant consommé, engendre la mort (JAC., I, 13). C'est aussi à ceux qui veulent rejeter leurs péchés sur Dieu, que le livre des Proverbes répond : La folie de l'homme corrompt ses voies, et il s'en prend à Dieu, dans son cœur (Prov., XIX, 3). Nous lisons encore dans le livre de l’Ecclésiastique : Ne dites pas : Dieu est cause que je me suis éloigné de lui ; car c'est à vous à ne pas faire ce qu'il déteste. Ne dites pas : C'est lui qui m'a jeté dans l’égarement ; car Dieu n'a pas besoin de l'homme pécheur. Le Seigneur hait toute abomination et tout dérèglement, et ceux qui le craignent n'aiment point ces choses. Dieu dès le commencement a créé l'homme, et l’a laissé entre les mains de son propre conseil. Si vous le voulez, vous observerez ses commandements, et vous garderez avec fidélité ce qui est agréable à Dieu. Il mettra devant vous l’eau et le feu : Portez la main du côté que vous voudrez. La vie et la mort sont devant l'homme ; ce qu'il aura choisi lui sera donné (Ecclé., XV, 11 et suiv.). Dans ces textes de nos livres sacrés, le libre arbitre de l'homme se voit exprimé dans les termes les plus clairs. "
" Que dirai-je de quantité d'autres, où Dieu ordonne de garder ou de pratiquer tous ses commandements ? Comment pourrait-il faire une telle ordonnance, si l'homme n'avait pas de libre arbitre ? Que dirons-nous encore de cette manière de parler de David : Heureux l’homme dont la volonté est attachée à la loi de Dieu (Ps. I, 2) ? Cette expression ne marque-t-elle pas clairement que c'est par sa volonté que l'homme demeure ferme dans la loi de son Dieu ? Combien d'ailleurs n'y a-t-il pas de préceptes qui s'adressent en quelque façon directement à la volonté même ! Par exemple : Ne vous laissez pas vaincre par le mal (Rom., XII, 21) : Ne devenez pas semblables au cheval et au mulet qui sont sans intelligence (Ps. XXXI, 19) : Ne rejetez pas le conseil de votre mère (Prov., I, 8) : Ne soyez pas sage à vos propres yeux (Prov., III, 7) : Ne vous découragez point lorsque Dieu vous châtie (ibid., 11) : Ne négligez point la loi (ibid., 22) : Ne vous dispensez pas de faire du bien au pauvre (ibid., 27) : Ne cherchez point à faire du mal à votre ami (ibid., 29) : Ne vous arrêtez pas à regarder une femme artificieuse (ibid., V, 2) : Il (l'homme) n'a pas voulu apprendre à bien faire (Ps. XXXV, 4) : Ils n’ont pas voulu, recevoir l'instruction (Prov., I, 29). Que montrent ces textes, et une infinité d'autres semblables dont sont remplis les livres saints de l’Ancien-Testament, sinon le libre arbitre de la volonté humaine ? Il en est de même des livres du Nouveau.
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Que signifient entre autres ces paroles de l’Evangile : Ne vous amassez pas de trésors sur la terre (MATTH., VI, 19) : Ne craignez pas ceux qui ne tuent que le corps (ibid., X, 28) : Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce lui-même (ibid., XVI, 24) : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (LUC, II, 24) ? Et celles-ci de l'apôtre saint Paul : Qu'un homme fasse ce qu'il voudra ; il ne pèche pas s'il marie sa fille. Mais celui qui n'étant engagé par aucune nécessité et se trouvant dans une pleine liberté de faire ce qu'il voudra, prend la résolution dans son cœur de conserver sa fille vierge, fait une bonne œuvre (I Cor., VII, 36-37). Et encore : Si c'est de bonne volonté que je fais le bien, j'en aurai la récompense (I Cor., IX, 17). Et dans un autre endroit : Tenez-vous dans la tempérance et dans la justice, et gardez-vous du péché (I Cor., XV, 34). Et ailleurs : Comme votre volonté a été prompte à former la résolution d’assister vos frères, qu'elle ne le soit pas moins pour l'effectuer (II Cor., VIII, 11). Et dans les épîtres à Timothée : Les jeunes veuves, après avoir vécu avec mollesse dans le service de Jésus-Christ veulent se remarier (I Tim., V, 11). Et ailleurs : Tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus- Christ souffriront persécution (II Th., III, 12). Parlant à Timothée lui-même : Ne négligez pas, lui dit-il, la grâce qui est en vous (I Tim., IV, 44). Et dans la lettre à Philémon : J'ai voulu que le bien que je vous propose n’eût rien de forcé, mais qu'il fut entièrement volontaire (Phil., 14). L'Apôtre avertit aussi les serviteurs de servir leurs maîtres de bon cœur et avec une pleine volonté (Eph., VI, 6-7). Saint Jacques s'exprime de même : Ne vous laissez point aller à l'erreur, mes frères (JAC., I, 16). Et : Ne faites pas acception de personnes, vous qui avez foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ (ibid., II, 1). Et encore : Ne parlez pas en mal les uns des autres (ibid., IV, 11). Enfin, saint Jean dit dans sa première épître : N’aimez pas le monde (I JEAN, II, 15). Il y a beaucoup d'autres textes semblables. Or, n'est-il pas évident que, quand Dieu dit à l'homme : Que ta volonté ne se porte pas à ceci ou à cela ; quand, dans les salutaires avis qu'il nous donne, il exige de notre volonté qu'elle fasse ou ne fasse pas telle et telle chose, il nous montre que nous avons un libre arbitre, dont il veut que nous fassions un bon usage ? Que personne donc ne rejette sur Dieu dans son cœur la cause de ses péchés, mais que chacun se les impute à soi-même. Qu'on ne croie pas non plus, quand on fait quelque bien en vue de Dieu, que ce bien soit étranger à notre propre volonté.
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Car une action n'est bonne, que quand on la fait volontairement ; et c'est alors qu'on doit en espérer la récompense de celui dont il est dit dans l’Ecriture, qu'il rendra à chacun à selon ses œuvres (MATTH., XVI, 27) (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p, 187-193). "
11. Le même, Cité de Dieu, liv. V, c. 10 : " Les stoïciens se sont ingéniés à distinguer les causes, à affranchir les unes de la nécessité, à y soumettre les autres, et ils ont rangé nos volontés parmi les causes indépendantes ; car si elles étaient nécessités, elles ne seraient plus libres. En effet, s'il faut entendre par nécessité toute cause qui n'est pas en notre pouvoir et qui agit suivant le sien, et même malgré nous, comme par exemple la nécessité de la mort, évidemment nos volontés qui, selon la direction qu'elles prennent, font que nous vivons, les uns bien, les autres mal, n'obéissent pas à une nécessité de cette nature. Car nous faisons beaucoup de choses qu'assurément nous ne ferions pas, si nous voulions ne pas les faire, et de ce nombre sont nos actes mêmes de vouloir, qui existent, si nous voulons, et qui n'existent pas, si nous ne voulons pas : car si nous ne voulions pas, évidemment nous ne voudrions pas. Mais si nous prenons ce mot de nécessité pour signifier la cause qui nous fait dire : Il est nécessaire que telle chose soit ou arrive ainsi ; nous n'avons, que je sache, aucun lieu de craindre qu'une nécessité de cet autre genre ne dépouille notre volonté de son libre arbitre. Car nous ne plaçons pas sans doute sous l'empire de la fatalité la vie et la prescience de Dieu, lorsque nous disons : Il est nécessaire que Dieu vive toujours, et qu'il connaisse tout par sa prescience ; pas plus que nous ne portons atteinte à sa puissance quand nous disons, qu'il ne peut ni mourir, ni être trompé : car s'il ne le peut pas, c'est que, s'il le pouvait, sa puissance elle-même en serait amoindrie. Et c'est avec raison qu'on l'appelle Tout-Puissant, quoiqu'il ne puisse pas mourir et qu'il ne puisse pas être trompé. Car s'il est tout-puissant, c'est parce qu'il fait ce qu'il veut, et non pas parce qu'il pourrait souffrir ce qu'il ne voudrait pas, puisque s'il souffrait ce qu'il ne voudrait pas souffrir, par-là même il ne serait pas tout-puissant. Ainsi, c'est précisément parce qu'il est tout-puissant, que certaines choses lui sont impossibles. Lors donc que nous disons : " Quand nous voulons, il est nécessaire que cela se fasse par notre libre arbitre, " nous énonçons une
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vérité incontestable, mais nous ne soumettons pas pour cela notre libre arbitre à une nécessité qui nous ôte la liberté. Nos volontés sont donc à nous : elles font tout ce que nous faisons quand nous le voulons, et que nous ne ferions pas si nous ne le voulions pas (Cf. La Cité de Dieu, trad. de Moreau, t. Ier, p. 261-262). "
12. Le même, Exposit. capitis V Epistolæ ad Galatas : " En ce que l’Apôtre dit ici, que la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et que l'esprit en a de contraires à ceux de la chair, et qu'ils sont opposés l'un a l'autre, de sorte que vous ne faites pas les choses que vous voudriez, on s'imagine que l’Apôtre a l'intention de nier l'existence de notre libre arbitre, et on ne veut pas comprendre que ces paroles s'appliquent à ceux qui refusent d'être fidèles à la grâce de la foi, qui seule peut leur donner la force de se conduire selon l'esprit, et de ne pas accomplir les désirs de la chair. C'est en conséquence de ce refus de fidélité qu’ils sont réduits à l'impuissance de faire le bien même qu'ils voudraient. Car ils voudraient faire les œuvres de justice marquées dans la loi ; mais ils sont vaincus dans ce travail par les désirs de la chair, dont les séductions leur font abandonner la grâce de la foi. "
13. Le même, Lib. octoginta trium quæstionum, q. 24 : " Dieu est incomparablement supérieur en bonté et en justice à tous les hommes, quelque bons et quelque justes qu'ils puissent être. Réglant donc et gouvernant tout avec une souveraine justice, il ne souffre pas que personne soit puni injustement, ou injustement récompensé. Or, c'est le péché qui mérite punition, comme ce sont les bonnes actions qui méritent récompense. Mais d'un autre côté, on ne peut imputer justement aucun péché, pas plus qu'aucune bonne action, à celui qui ne fait rien par le mouvement de sa propre volonté. Le péché, comme la bonne action, doit donc être laissé au libre arbitre de l'homme. "
14. Le même, Lib. III Hypognosticon, c. 10, après avoir dit, c. 9 : " L'apôtre saint Paul a dit (Rom., VIII, 26) : L’Esprit de Dieu nous aide dans notre faiblesse : car nous ne savons ce que nous devons demander à Dieu dans nos prières pour le prier comme il faut ; mais le Saint-Esprit lui-même prie pour nous, c'est-à-dire nous bit prier par des gémissements ineffables, saint Augustin ajoute : Il y a donc en nous un libre arbitre, dont on ne saurait nier l’existence sans cesser d'être catholique ; et en même temps,
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c'est être catholique, que de dire qu'on ne peut ni commencer, ni achever sans le secours de Dieu aucune bonne action, j'entends, aucune action qui puisse entrer dans le plan de ses desseins pour notre salut éternel. A quels autres, en effet, qu'à des hommes doués de libre arbitre, est-il dit dans les Psaumes : Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur (Ps. XXXIII, 12), et dans l’Evangile par ces paroles de Notre-Seigneur à ses disciples : Quiconque écoute mes paroles et les met en pratique (MATTH., VII, 24), comme par ces autres : Vous êtes mes amis, si vous faites les choses que je vous commande (JEAN, XV, 14) ; et dans les épitres aux Corinthiens : Cela vous est utile ; et vous n'avez pas seulement commencé les premiers à faire cette charité, mais vous en avez de vous-mêmes formé le dessein dès l'année passée : achevez donc maintenant ce que vous avez commencé dès-lors, afin que comme vous avez une si prompte volonté d'assister vos frères, vous les assistiez aussi effectivement de ce que vous avez (II Cor., VIII, 10-11) ? Il y a bien d'autres passages semblables tant dans l'Ancien que dans le Nouveau-Testament, que je m'abstiens de rapporter pour ne pas fatiguer mes lecteurs. Mais comment serait-il rendu à chacun selon ses œuvres au jour du jugement, s'il n'y avait pas de libre arbitre dans l'homme ? Et c'est pour cela qu'il n'y a pas d'acception de personnes en Dieu. Ainsi tous ceux qui ont péché sans être sous la loi, périront aussi sans être jugés par la loi ; et tous ceux qui ont péché étant sous la loi, seront jugés par la loi (Rom., II, 6, 12). Donc dans toute œuvre sainte agit d'abord la volonté de Dieu, puis la libre volonté de l'homme, c'est-à-dire que c'est Dieu qui opère, et l'homme qui coopère. "
15. ORIGENE, Philocaliæ, c. 21 : " Rejeter sa faute sur les objets qui nous entourent, et s'en tenir soi-même innocent, c'est s'assimiler aux pierres et aux troncs de bois qui ne reçoivent d'action que de moteurs étrangers c'est parler contrairement à la vérité et à la raison ; mais de plus, c'est vouloir altérer en soi la notion du libre arbitre. Car si nous demandons à ces hommes ce que c'est que le libre arbitre, ils rependront que le libre arbitre existe en nous, s'il ne se trouve point d'obstacle extérieur qui nous pousse à faire le contraire de ce que nous voudrions. Accuser la faiblesse de son organisation corporelle, c'est encore évidemment s'élever contre la raison. Car les caractères les plus portés à l'intempérance ou les plus indomptables se corrigent, s'ils écoutent les conseils de
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la sagesse, et tel est souvent l'heureux changement qui s'opère en eux, que devenus d'une chasteté exemplaire de très-incontinents qu'ils avaient d'abord été, ils ne semblent plus être les mêmes hommes qu'on connaissait auparavant. De même on en verra changer leur caractère brutal en de telles habitudes de douceur, que ceux mêmes dont les mœurs n'auront jamais rien eu de rude, paraîtront de mœurs grossières en comparaison de ces hommes en qui se sera opérée cette métamorphose. Nous en verrons au contraire de très-réglés dans leurs mœurs se laisser corrompre par de mauvaises sociétés et, sortant de cette modération de conduite dont ils avaient donné l'exemple dans leurs premières années, donner dans tous les excès, quoique parvenus déjà à un âge mûr, après s’être si bien soutenus dans leur jeunesse malgré l’instabilité propre à cet âge. Il est donc évident que, si nous ne sommes pas les maîtres des choses qui existent en dehors de nous, notre raison est toujours maîtresse de juger de l'usage bon ou mauvais qu'elle en fera. Or, que ce soit en effet notre affaire, et non celle de Dieu, que nous vivions conformément aux lois de l'honnêteté ; que ce soit là ce que Dieu demande de nous, et que les choses extérieures, ou le destin, comme le pensent quelques-uns, ne nous imposent à cet égard aucune nécessité, c'est ce que nous atteste le prophète Michée par ces paroles : O homme, je vous dirai ce qui vous est utile et ce que Dieu demande de vous : c'est que vous agissiez selon la justice, et que vous aimiez la miséricorde et que vous marchiez en la présence du Seigneur avec une vigilance pleine d'une crainte respectueuse (MICH., VI, 8). Moïse dit de même son peuple : Je vous ai proposé le chemin de la vie et celui de la mort, pour que vous choisissiez le bien et que vous y persévériez (Deut., XXX, 19). Isaïe dit aussi (I, 19-20) : Si vous voulez m'écouter, vous serez rassasiés des biens de la terre. Que si vous ne le voulez pas, et que vous m'irritiez contre vous, l'épée vous dévorera : car c'est le Seigneur qui l'a prononcé de sa bouche. David, à son tour, fait dire à Dieu dans les Psaumes : Si mon peuple m'avait écouté, si Israël avait marché dans mes voies, j'aurais pu humilier facilement ses ennemis, et j'aurais appesanti ma main sur ceux qui les affligeaient (Ps. LXXX, 14-15). Ces paroles font voir que ce peuple était laissé le maître d'écouter Dieu et de marcher dans la voie de ses commandements. Et le Sauveur lui-même quand il dit : Mais moi, je vous dis de ne point résister au méchant ; et : Quiconque se mettra en colère contre son frère méritera d’être condamné par le jugement ; et : Quiconque
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aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle, a déjà commis l'adultère dans son cœur (MATTH., V, 39, 22, 28) ; et lorsqu'il énonce tant d'autres maximes, que fait-il autre chose que de nous marquer qu'il est en notre pouvoir d'observer ce qu'il nous prescrit ? Et c'est pour cela que nous méritons d'être condamnés par le jugement, lorsque nous refusons de nous y soumettre. De là encore ces paroles : Celui qui entend les paroles que je dis et qui les pratique sera comparé à un homme sage qui bâtit sa maison sur la pierre, etc. Mais quiconque entend les paroles que je dis et ne les pratique pas, est semblable a un homme insensé qui bâtit sa maison sur le sable, etc. (MATTH., VII, 24 et s.) Et qu'il dit à ceux qui sont à sa droite : Venez les bénis de mon père, etc. Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; montrent évidemment que s'il leur promet des récompenses, c'est qu'ils ont agi pour s'en rendre dignes ; comme les menaces qu'il fait aux autres de leur dire un jour : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel, il les leur fait parce qu'ils auront mérité le blâme. Voyons aussi comment saint Paul fait voir par ce qu'il dit que nous avons la liberté, et que de nous dépend notre salut ou notre damnation : Est-ce que vous méprisez, dit-il, les richesses de la bonté, de la patience et de la longanimité de Dieu ? Ignorez-vous que la bonté de Dieu vous invite à la pénitence ? Et cependant par votre dureté et par l'impénitence de votre cœur, vous vous amassez un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun ses œuvres, en donnant la vie éternelle à ceux qui par leur persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité ; et répandant sa fureur et sa colère sur ceux qui ont l'esprit contentieux, et qui ne se rendent point à la vérité mais qui embrassent l'iniquité. L’affliction et le désespoir accablera l'âme de tout homme qui fait le mal, du Juif premièrement, et puis du gentil (Rom., II, 4-10). Vous trouverez dans les Ecritures mille autres passages qui supposent également le libre arbitre dans l'homme. Mais puisque nos adversaires prétendent trouver, tant dans l'Ancien-Testament que dans le Nouveau, certains passages qui supposent que, même sans libre arbitre, on peut observer les commandements et par-là se sauver, ou les enfreindre et par-là se perdre, nous allons exposer leurs objections et y répondre de manière à ce que les choses que nous allons dire puissent servir à expliquer les autres passages ou la liberté de l'homme semble être également niée,
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Origène rapporte ici jusqu’à six passages de l'Ecriture, et résout les objections qu'on pourrait faire contre l'existence de notre libre arbitre.
16. Le même, Hom. II ex diversis : " Il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu à tous ceux qui l'ont reçu, c'est-à-dire à ceux qui croient en son nom (JEAN, I, 12). Ici ce ne sont plus seulement les êtres doués de raison qu'on distingue des être inanimés, mais ceux qui reçoivent de bon cœur le Verbe incarné, de ceux qui refusent de le recevoir. Les fidèles croient la venue du Verbe, et reçoivent volontiers leur souverain Maître ; les impies au contraire le renient et le repoussent avec obstination, les Juifs par motif d'envie, et les païens par ignorance. A ceux qui le reçoivent il donne le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ; à ceux qui ne le reçoivent pas il accorde le temps de changer leur volonté et de se résoudre enfin à le recevoir. Car personne n'est dans l'impuissance de croire au Fils de Dieu, et de devenir soi-même enfant de Dieu. C'est là une chose qui dépend du choix de l'homme et de sa coopération à la grâce. A qui a-t-il donne le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ? A ceux qui le reçoivent et qui croient en son nom. "
17. Le même, sur le chapitre XIII de saint Matthieu : " Le royaume des deux est dit semblable à un filet jeté dans la mer, non pas dans le sens imaginé par quelques-uns qui enseignent que toutes les choses qui existent sont soumises au destin (Il y a dans la version latine verbo, au lieu de fato que je suppose qu'il devrait y avoir. On en verra la raison dans la suite du contexte ; à moins qu'on ne veuille entendre que, dans l'opinion de ces fatalistes, ce serait le Verbe qui aurait fait les uns de l'espèce des bons, les autres de l'espèce des méchants : ce qui revient au sens que je donne aussi à la phrase), et qui voudraient que ces différentes espèces de poissons que ramasse le filet indiquassent les différentes espèces tant de justes que de méchants. Un tel sens est contredit par les Ecritures, qui témoignent partout que l'homme est libre, et par les reproches qu'elles adressent aux pécheurs et par les éloges qu'elles décernent aux justes, puisque ni les premiers ne seraient dignes de blâme, ni les seconds ne mériteraient des louanges, si leurs bonnes ou leurs mauvaises actions venaient de ce qu'ils seraient, les uns de l'espèce des bons, et les autres de l’espèce des méchants. En effet, que les poissons soient les uns bons et les autres mauvais, cela ne vient point des différentes qualités de leurs âmes,
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mais de ce que le Verbe, qui connaît tout, a dit : Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l'eau (Gen., I, 20), et qu'alors Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux à nageoires que les eaux produisirent selon leur espèce. En ce moment-là donc les eaux produisirent tous les animaux à nageoire dans leurs diverses espèces, la raison de leurs différences n'étant point en eux-mêmes. Au lieu que c'est nous-mêmes qui sommes cause que nous soyons, les uns bons et les autres mauvais, et que nous méritions les uns d'être élus et les autres d'être réprouvés. Car la cause de notre malice n'est pas dans notre nature, mais dans notre volonté qui, étant libre, se porte d'elle-même à mal faire. De même, la cause de notre justice n'est point dans notre nature, qui, s'il en était autrement, ne serait plus susceptible d'injustice, mais dans le verbe (Au lieu de traduire par verbe le mot latin verbum qui se trouve ici, ne serait-il pas plus conforme au sens d'Origène de traduire ce mot, ou plutôt le mot grec, par raison ? Et ce mot grec, qu'il ne m'est pas possible de vérifier, ne serait-il pas ????? qui signifie indiff?remment verbe ou raison ? Il en est de même du mot verbum rapporté plus haut, et auquel correspondait peut-être dans le grec un mol signifiant indifféremment destin ou parole) que nous avons reçu, et qui nous rend justes. D'ailleurs, parmi tous ces poissons qui remplissent les eaux, vous ne les verrez pas passer, les uns d'une mauvaise espèce à une meilleure, les autres d'une bonne espèce à une mauvaise ; au lieu que parmi les hommes vous en verrez toujours passer du mal au bien, comme d'autres abandonner la vertu pour tomber dans le dérèglement. Et dans ces paroles du Prophète : Si le juste se détourne de la voie de la justice qu'il suivait, et qu'il commette l'injustice, etc. (EZECH., XVIII, 24), que nos adversaires nous disent si l'homme injuste qui se détourne de son iniquité pour observer les préceptes du Seigneur, pour pratiquer la justice et la miséricorde, était de la nature des justes lorsqu'il commettait l'injustice ? n'aurait-il pas été plutôt alors de la nature des méchants ? Et de quelle nature devra-t-on dire qu'il sera, lorsqu'il se sera détourné de son iniquité ? Et s'il était d’une nature mauvaise lorsqu'il commettait l'iniquité, comment pourrait-il être ensuite d'une nature bonne ? Vous ne saurez pareillement que dire du juste qui se détourne des voies de la justice pour se livrer à l'iniquité : car assurément il n'était pas d'une nature mauvaise, lorsqu'il était juste et qu'il pratiquait la justice ; et une mauvaise nature ne peut pas plus se porter à ce qui est juste
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qu'un mauvais arbre ne peut produire de bons fruits. De même, celui qui serait bon de sa nature, comme les natures sont immuables, ne pourrait pas se détourner de la pratique du bien pour passer à celle du mal, ou pour faire toutes les iniquités dont l’énumération est donnée par le Prophète. En conséquence, nous devons penser que cette comparaison du royaume des cieux avec le filet jeté en mer a pour objet de marquer les différentes dispositions qui se trouvent dans les hommes par l'effet de leurs propres volontés, et qui les rendent dignes de blâme ou de louange, selon qu'ils se portent volontairement soit au vice, soit à la vertu. "
18. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXX (al. 29) in Matthæum : " Il faut traiter avec une grande douceur les maladies de nos frères, parce que celui qui ne se retire du vice que par une crainte purement humaine, y retombera bientôt. Ce fut pour cette raison que Jésus-Christ défendit d’arracher l'ivraie de son champ, voulant que, par la patience, on invite les pécheurs à faire pénitence. On a vu quelquefois des pécheurs touchés par ce moyen d'un profond regret, et devenir très-vertueux de corrompus qu'ils étaient. Saint Paul, le publicain, le bon larron, en sont des exemples. Ce n'était d’abord que de l'ivraie ; ils furent changés ensuite en grain excellent. Les semences de la terre ne sont point susceptibles de ce changement ; mais les affections des hommes peuvent être ainsi changées : car la volonté n'est point liée ni assujettie aux lois inviolables de la nature, et Dieu l'a gratifiée du don de liberté. "
" Ainsi, lorsque vous voyez quelque ennemi de la vérité, faites tous vos efforts pour le guérit ; ménagez-le, tachez de l'attirer au bien, exhortez-le à la vertu, montrez-lui l'exemple d'une vie pure, parlez-lui d'une manière édifiante, témoignez-lui dans tous ses besoins une charité parfaite ; tentez toutes sortes de voies pour le retirer de son égarement (Cf. Homélies de saint Chrysostome sur saint Matthieu, t. II, p. 15-16 ; S. Joannis Chrysostomi opera, t. VII). "
19. Le même, Hom. IX in Joannem, expliquant ces paroles du chapitre I : Dedit eis potestatem filios Dei fieri : " Partout l’Evangile nous fait voir, comme ici, que nous ne sommes point forcés ou contraints, soit au mal, soit au bien, mais que nous sommes là-dessus tout-à-fait libres. "
20. Ibidem, Homélie XI : " Le corps de l'homme est sans
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doute admirable dans sa structure ; mais l'âme l'est bien davantage à cause de l'excellence de sa nature particulière ; et non pas seulement pour cette raison, mais aussi parce que, tandis que le corps reste invariablement ce que l’a fait le suprême ouvrier, ou n'oppose aucune résistance aux mouvements qu'on veut lui imprimer, l'âme, au contraire, est maîtresse de ses actions, et n'obéi à Dieu lui-même qu'autant qu'elle le veut ; car Dieu ne veut point nous rendre bons et vertueux, malgré nous, puisqu'alors ce ne serait même plus vertu en nous, mais il veut que nous soyons bons par le propre mouvement de notre volonté, et que nous embrassions de nous-même le parti de la vertu. Aussi les soins à donner à l'âme présentent-ils plus de difficultés que ceux que réclame le corps. "
21. S. CYRILLE de Jérusalem, Catéchèse IV : " Sachez bien que l'âme est maîtresse de ses actions, c'est-à-dire douée de liberté ; qu'elle est un des plus beaux ouvrages de Dieu, créée immortelle à l'image de son créateur, qui l'a gratifiée lui-même d'immortalité, avec le pouvoir de faire ce qu'elle veut. Car vous ne péchez pas par une suite nécessaire de ce que vous êtes au monde, et ce ne sont point, comme le prétendent quelques-uns, les mouvements des astres qui vous forcent à commettre l'impiété. Pourquoi refuser de vous accuser vous-même ? Pourquoi rejeter votre faute sur des astres qui en sont innocents ? . . . "
" Nous péchons par l'effet de notre propre volonté. N’écoutez point ceux qui vous débitent là-dessus des fables. Vous savez bien dire : Je fais ce que je ne veux pas (Rom., VII, 15) ; mais rappelez-vous aussi ces autres paroles de l’Ecriture : Si vous le voulez et que vous m’écoutiez, vous serez rassasiés des biens de la terre (Isaïe, I, 19) ; et ces autres encore : De même que vous avez fait servir vos membres à l’injustice et à l'iniquité, faites-les servir maintenant à la justice pour votre sanctification (Rom., VI, 19). . . "
" L'âme est douée de libre arbitre : le démon peut bien la solliciter, mais il ne saurait du tout la forcer. Qu'il vous suggère des pensées impures, vous y consentirez si vous le voulez ; vous y résisterez si vous n'en voulez pas. Car si c'était par nécessité que vous vous porteriez au mal, pourquoi Dieu aurait-il fait l'enfer ? Et si vous pratiquiez la justice par nécessité, et non par votre propre volonté, pourquoi Dieu vous promettrait-il des couronnes ? Le mouton est un animal fort doux, et cependant on ne le récompense point pour sa douceur, parce qu'en effet elle lui vient, non de sa volonté, mais de sa nature. "
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22. S. JEROME, contre les Pélagiens, prologue : " Nous répondons brièvement aux calomniateurs, qui jettent contre nous leurs méchantes paroles, qu'il appartient à des manichéens de condamner la nature de l'homme, et d'ôter le libre arbitre, et de supprimer le secours de Dieu ; que c'est encore une insigne folie de dire que l'homme est ce qu'est Dieu, qu'il faut entrer dans la royale voie, de manière à n'incliner ni à gauche, ni à droite, et qu'il nous faut croire que les mouvements de notre volonté sont toujours gouvernés par le concours de Dieu (Cf. Œuvres choisies de saint Jérôme, trad. par Collombet, t. VIII, p. 278-279). "
23. Le même, Lib. II adversùs Jovinianum, c. 2 : " Dieu nous a faits libres, et nous ne sommes nécessités ni à la vertu ni au vice. Autrement, si nous y étions nécessités, il n'y aurait plus matière ni à châtiments, ni à récompenses. De même que c'est Dieu qui amène nos bonnes œuvres à la perfection (car il ne dépend, ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (Rom., I X, 46), que nous puissions les accomplir), ainsi, en fait de désordres et de péchés, c'est nous qui semons le mal en nous, et c'est le démon qui l'achève. "
24. Le deuxième concile d'Orange, canon 13 : " Le libre arbitre ayant été affaibli dans le premier homme, et rendu comme malade, ne peut être réparé que par la grâce du baptême. "
25. Ibidem, canon 25 (ou plutôt, conclusion des vingt-cinq décrets) : " Nous devons donc enseigner et croire, suivant les passages de l’Ecriture rapportés ci-dessus, et les définitions des anciens Pères que, par le péché du premier homme, le libre arbitre a tellement été abaissé et affaibli, que personne depuis n'a pu aimer Dieu comme il faut, croire en lui, ou faire le bien en vue de lui, s'il n'a été prévenu par la grâce et par la miséricorde divine. "
26. S. AUGUSTIN, et les autres évêques, dans leur lettre synodale au pape Innocent I (Epist. XCV, al. 77, inter Epist. S. Augustini) : " Nous prions Dieu que cet esprit, dont nous avons reçu le gage, vienne au secours de notre faiblesse, afin que nous puissions surmonter les tentations et nous défendre du péché. Aussi est-il clair que, lorsque nous disons à Dieu : Ne nous laissez pas succomber à la tentation, nous ne le prions, ni de nous faire hommes, puisque c'est notre nature même que de l’être, ni de
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nous donner le libre arbitre, puisque nous l'avons reçu dès le premier moment de notre existence, ni même de nous pardonner nos péchés, puisque c'est ce que nous demandons plus haut par ces paroles de la même prière : Pardonnez-nous nos offenses ; ni enfin de nous donner sa loi, puisque succomber à la tentation c’est pécher, et que pécher c'est aller contre la loi, contre une loi, dis-je, déjà existante. Mais ce que nous demandons, c'est de ne point pécher, c'est-à-dire, de ne faire aucun mal, comme l’Apôtre demandait pour les fidèles de Corinthe : Je prie Dieu, leur disait-il, que vous ne fassiez aucun mal (II Cor., XIII, 7). Par-là il est évident, qu'encore bien que nous ayons un libre arbitre, comme personne ne saurait en douter, il ne suffit pas que nous fuyons pour ne point pécher, c’est-à-dire pour ne point faire de mal, si la grâce ne nous aide et ne soutient notre faiblesse. "
" La prière même que nous faisons est donc une preuve des plus claires du besoin que nous avons de la grâce. Que Pélage reconnaisse cette grâce que tous les jours nous demandons à Dieu, et alors nous nous réjouirons de le voir dans des sentiments si orthodoxes, soit qu'il les ait eus d'avance, soit qu'il y revienne après les avoir quittés. "
" Il faut bien distinguer entre la loi et la grâce. Le propre de la loi, c'est de commander, et celui de la grâce, c'est d'aider et de secourir ; et de même que la loi ne nous ordonnerait rien si nous n'avions pas de volonté à nous, la grâce ne viendrait point à notre aide, si notre volonté se suffisait à elle-même. "
" L'Ecriture nous ordonne de ne point faire le mal, lorsqu'elle dit en propres termes : Evitez le mal (Ps. XXXVI, 27) ; et cependant elle nous enseigne qu'il faut demander à Dieu la grâce de ne point le faire : Nous ne cessons, dit saint Paul, de prier le Seigneur que vous ne fassiez aucun mal (II Cor., XIII, 7). Elle nous ordonne de faire le bien, lorsqu'après avoir dit : Evitez le mal, elle ajoute : Et pratiquez le bien ; et cependant nous prions Dieu qu'il nous accorde la grâce de le pratiquer, puisque c'est ce que faisait saint Paul quand il disait aux Colossiens : Nous ne cessons de prier Dieu pour vous. . . , afin que vous vous conduisiez d'une manière digne de Dieu, cherchant à lui plaire en toutes choses, par toutes sortes de bonnes œuvres et de propos édifiants (Col., I, 10). De même donc que nous reconnaissons le libre arbitre de l'homme dans le devoir qui lui est imposé d'observer tous ces préceptes, que Pélage reconnaisse aussi la néces-
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sité de la grâce dans toutes ces prières faites à Dieu, pour qu'on puisse les observer (Cf. Lettres de saint Augustin, t. V, p. 44-47). "
27. S. PROSPER, Lib. I de Vocatione gentium, c.
8 : " Il n'est pas à propos que l'homme combatte son ennemi sans
protecteur, puisqu'ayant déjà perdu la victoire, il ne doit
pas s'aventurer à mesurer ses forces avec celles d'un ennemi victorieux,
à qui il n'a pas fait résistance lorsqu'il les avait saines
et entières, mais il doit attendre le secours, et espérer
la victoire de celui qui seul l'a remportée sans se laisser vaincre
lui-même par aucun ennemi. Or, s'il la désire, qu'il ne doute
point que ce désir ne lui soit donné par avance de la même
main qui lui donne la victoire ; et qu'il ne croie pas qu'il ait perdu
son libre arbitre, pour s'être laissé conduire par l'esprit
de Dieu, puisqu'il ne l'avait pas même perdu quand il s'était
assujetti à la tyrannie du démon qui lui avait à la
vérité corrompu le jugement, mais qui n'avait pu le lui ôter.
Il n'est donc pas croyable que le divin médecin nous ôte,
en nous guérissant, ce que notre ennemi n'a pu détruire en
nous par toutes les plaies qu'il nous a faites ; croyons plutôt qu'à
guérir nos plaies, sans porter atteinte à l'intégrité
de notre nature. Mais ce que la nature a perdu, ne saurait être réparé
que par son auteur (Cf. Saint Prosper, disciple de saint Augustin, de
la Vocation des gentils, p. 13). "
CHAPITRE VI.
DE LA CONDUITE DE DIEU DANS LE MYSTERE DE L’AVENEMENT DE JESUS-CHRIST.
" De là il est arrivé que le Père céleste, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui même avant la loi avait promis son Fils Jésus-Christ, et qui ensuite, dans le temps de la loi, s'en était de nouveau expliqué à plusieurs saints patriarches, l'a envoyé aux hommes lorsqu'enfin les temps se sont trouvés heureusement accomplis, et pour qu'il rachetât les Juifs qui étaient sous la loi, et pour que les Gentils, qui ne recherchaient point la justice, parvinssent à en obtenir le bienfait, et qu'ainsi tous les hommes fussent adoptés comme enfants de Dieu. C'est lui que Dieu a proposé pour être par la foi que
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nous aurions dans la vertu de son sang, la victime expiatoire de
nos péchés, et non-seulement des nôtres, mais aussi
de ceux du monde entier. " Concile de Trente, ses. VI, c. 2.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. II Corinthiens, I, 3-4 : " Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes, et le Dieu de toute consolation, - qui nous console dans tous nos maux. "
2. Galates, IV, 4-7 : " Mais lorsque les temps ont été accomplis. Dieu a envoyé son Fils formé d'une femme, et assujetti à la loi, - pour racheter ceux qui étaient sous la loi, et pour nous faire recevoir l'adoption des enfants de Dieu. - Et parce que vous êtes des enfants de Dieu, il a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, qui vous fait crier : Abba (mon Père). - Aucun de vous n'est donc plus serviteur, mais enfant ; s'il est enfant de Dieu, il est aussi son héritier par Jésus-Christ. "
3. Romains, IX, 30 : " Que dirons-nous donc ? Que les gentils qui ne cherchaient point la justice, ont embrassé la justice, cette justice qui vient de la foi. "
4. Galates, IV ; comme ci-dessus, témoignage 2.
5. Romains, III, 23-26 : " Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu. - Etant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, - que Dieu a proposé pour être la victime de propitiation, par la foi qu'on aurait en son sang, pour faire paraître la justice qu'il donne lui-même en pardonnant les péchés passés, - qu'il avait soufferts avec tant de patience ; pour faire, dis-je, paraître en ce temps la justice qui vient de lui ; montrant tout ensemble qu'il est juste, et qu'il justifie celui qui a la foi en Jésus-Christ. "
6. Ibid., V, 8-14 : " Mais Dieu a fait éclater son amour pour nous en ce que, lors même que nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous dans le temps marqué. -Maintenant donc que nous sommes justifiés par son sang, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu. - Car si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort, de son Fils, à plus forte raison, étant maintenant réconciliés avec lui, nous serons sauvés par la vie de son même Fils. - Et non-seulement nous avons été réconciliés, mais nous nous glorifions même en Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui nous avons, obtenu maintenant cette réconciliation. "
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7. I Timothée, II, 8 : " Car il n'y a qu'un Dieu et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme ; - qui s'est livré lui-même pour la rédemption de tous, en rendant témoignage dans le temps marqué. "
8. I JEAN, II, 1-2 : " Si quelqu'un pèche, nous avons pour
avocat envers le Père, Jésus-Christ qui est juste. - C'est
lui qui est la victime de propitiation pour nos péchés, et
non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde.
"
CHAPITRE VII.
QUELS SONT CEUX QUI SONT JUSTIFIES PAR JESUS-CHRIST.
" Quoique Jésus-Christ soit mort pour tous, tous néanmoins
ne profitent pas du bienfait de sa mort ; mais ceux-là seulement
en recueillent le fruit, à qui les mérites de sa passion
sont appliqués. Car de même que les hommes ne naîtraient
pas pécheurs, s'ils ne tiraient leur origine d'Adam, puisque c'est
par suite de cette descendance, qu'ils contractent, au moment où
ils sont conçus, l'injustice dont il s'est rendu coupable et qui
leur devient propre, de même ils ne seraient jamais justifiés,
s'ils ne renaissaient en Jésus-Christ, puisque c'est par cette renaissance,
qu'en vertu des mérites de la passion du Sauveur, la grâce
qui a pour vertu de les justifier leur est conférée. C’est
pour ce bienfait que l'Apôtre nous exhorte à rendre de
continuelles actions de grâces à Dieu le Père qui,
en nous éclairant de sa lumière nous a rendus dignes d’avoir
part au sort et a l'héritage des saints ; qui nous a arrachés
de la puissance des ténèbres et nous a fait passer dans le
royaume de son Fils bien-aimé, par le sang duquel nous avons été
rachetés, et avons reçu la rémission de nos péchés.
" Concile de Trente, session VI, chapitre 3.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. II Corinthiens, V, 14-15 : " Car l'amour de Jésus-Christ nous presse : considérant que si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts ; - et que Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux. "
2. Colossiens, I, 12-14 : " Rendant grâces à Dieu le Père, qui en nous éclairant de sa lumière, nous a rendus dignes d'avoir part au sort et à l’héritage des saints ; - qui nous a arrachés à
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la puissance des ténèbres et nous a transférés
dans le royaume de son Fils bien-aimé, - par le sang duquel nous
avons été rachetés, et avons reçu la rémission
de nos péchés. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. PROSPER, in Responsionibus ad capitula objectionum Gallorum, c. 9 : " Le Fils de Dieu donc, après avoir pris notre nature sans en prendre les péchés toutefois, nous a procuré, à nous autres pécheurs en même temps que mortels, cet avantage d'échapper aux liens du péché et de la mort, pourvu que nous recevions en lui une nouvelle naissance. De même donc qu'il ne suffit pas pour notre renouvellement que Jésus-Christ soit venu sur la terre, si nous ne renaissons dans le même Esprit dont il a été conçu lui-même, ainsi il ne suffit pas pour notre rédemption que Jésus-Christ ait été crucifié, si nous ne mourons avec lui et ne sommes ensevelis avec lui par le baptême. Autrement, il n’eût pas été nécessaire, dès là que le Sauveur était né avec une chair semblable à la notre et avait été crucifié pour nous tous, que nous reçussions une nouvelle naissance et que nous fussions entrés en lui par la ressemblance de sa mort ; mais comme personne sans ce sacrement ne peut obtenir la vie éternelle, personne aussi ne peut être sauvé par la croix de Jésus-Christ, s'il n'est crucifié en lui. Or, on ne saurait être crucifié en Jésus-Christ à moins d'être membre de son corps, et de se revêtir de lui par l'eau et l'Esprit-Saint. C'est ainsi qu'il a voulu entrer en part de notre infirmité et de notre mortalité, pour nous faire part à nous-même de sa vertu et de sa résurrection. Quoiqu’il soit donc très-convenable de dire que le Sauveur a été pour la rédemption du monde entier, puisqu'il a pris véritablement notre nature, et que tous les hommes avaient été perdus par la faute du premier homme, devenue la faute de tous, on peut dire cependant aussi qu'il a été crucifié pour ceux-là seulement à qui sa mort a été profitable. Car l'Evangéliste nous dit que Jésus devait mourir pour la nation juive, et non-seulement pour cette nation, mais aussi pour réunir en un seul peuple les enfants de Dieu qui étaient dispersés (JEAN, XI, 51-52). Il est venu dans ses propres foyers, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais il a donné à tous ceux qui l'ont reçu et qui croient en son nom, le pouvoir d'être faits enfants de Dieu, ne recevant alors leur naissance ni du sang, ni des ardeurs de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu lui-même (JEAN, I, 12-14). "
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2. S. AUGUSTIN, Epist. LXXXIX (al. 157) ad Hilarium, q. 3 : " Comme donc c'est par le péché d'un seul que tous les hommes ont encouru la condamnation, dont les enfants ont par conséquent autant besoin que les autres d'être délivrés par le baptême, de même c'est par la justice d'un seul que tous les hommes reçoivent la justification et la vie (Rom., V, 18). Si l’Apôtre emploie le mot tous dans ce dernier membre comme dans le premier, ce n'est pas que tous les hommes soient participants de la grâce de la justification, dont Jésus-Christ est l'auteur, puisqu'il y en a tant qui n'y ont aucune part, et qui meurent de la mort éternelle ; mais c'est parce que, de la même manière que de tous ceux qui naissent pour la condamnation, il n'y en a aucun qui naisse autrement que par Adam, ainsi, de tous ceux qui sont régénérés et justifiés, il n'y en a aucun qui le soit autrement que par Jésus-Christ. Voilà ce qui fait que l’Apôtre emploie le mot tous d'un côté comme de l'autre ; et c'est par la même raison qu'un peu plus bas il emploie de part et d'autre celui de plusieurs. Comme plusieurs, dit-il, sont devenus pécheurs par la désobéissance d’un seul, ainsi plusieurs sont rendus justes par l'obéissance d’un seul (Rom., V, 19) ; manière de parler où il est clair que le mot plusieurs est employé à l’égard d'Adam pour celui de tous, comme celui de tous est employé plus haut à l'égard de Jésus-Christ pour celui de plusieurs. "
" Voyez, je vous prie, comme l'Apôtre s'attache à nous faire remarquer un homme de chaque côté, Adam de l'un, et Jésus-Christ de l'autre, et de les mettre en opposition : Adam comme le principe de la condamnation, et Jésus-Christ comme celui de la justification. Car quoiqu'il ne soit venu au monde sous une chair mortelle que si longtemps après Adam, l'Apôtre rapporte toute justification à Jésus-Christ, pour nous foire entendre que même ce qu'il y a eu de justes dans le temps de l'ancienne loi n'ont été délivrés et justifiés que par la même foi par laquelle nous le sommes, c'est-à-dire par la foi en l'incarnation de Jésus-Christ, qui leur était prédite en ce temps-là, comme elle nous est annoncée présentement. "
3. Le même, Lib. I de peccatorum meritis et remissione, c. 20 (al. 28, n. 55) : " La vie éternelle, que Dieu, qui ne saurait tromper, a promise à ses saints ou à tous ceux qui lui seront fidèles, et que nous ne pouvons attendre que de Jésus-Christ, en qui seul tous ceux qui y auront part seront vivifiés, comme c'est en Adam que nous étions tous morts (I Cor., XV, 22). Car de même que ce n'est qu'en Adam, en qui tous ont péché, que
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meurent tous ceux sans exception qui descendent de lui par l'effet de la génération charnelle, ainsi ce n'est qu'en Jésus-Christ, en qui tous sont rendus à l'état de justice, que peuvent être sanctifiés tous ceux sans exception qui reçoivent le bienfait de la régénération spirituelle. De même en effet, comme le dit l'Apôtre (Rom., V, 18), que tous ont été condamné par la faute d'un seul, tous ont désormais à être rétablis dans un état de justice par le bienfait d'un seul (Rom., V, 18). "
4. Le même, De naturâ et gratiâ, c. 41 : " De même qu'il a été dit : Comme tous ont été condamnés par la faute d'un seul, tous, dis-je, sans exception, de même tous sans exception sont compris dans ce qui est ajouté immédiatement après : Ainsi tous ont désormais à être rétablis dans l’état de justice par le bienfait d'un seul ; non que tous croient en lui, que tous aient part à son baptême, mais parce que personne n'est effectivement rétabli dans l'état de justice, à moins de croire en lui et de recevoir le baptême en son nom. Ce mot tous a donc été mis ici pour indiquer que personne ne peut être sauvé par un autre moyen que par Jésus-Christ. "
5. Le même, contra Julianum, lib. VI, c. 4 : " De même donc que c'est par le péché d'un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c'est par la justice d'un seul que tous reçoivent la grâce de la justification, avec la vie qui en est l'effet (Rom., V, 18). Ainsi d'un côté tous les hommes, et de l'autre côté tous les hommes aussi, parce que comme tous les hommes doivent la mort au premier Adam, tous également ne peuvent devoir la vie qu'au second : Car comme tous sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul, tous seront de même rendus justes par l'obéissance d'un seul (ibid., 19). "
6. Ibidem, c. 34 : " Personne n’échappera à cette colère de Dieu, s'il n'est réconcilié à Dieu par la vertu du médiateur. C’est ce qui a fait dire à ce divin médiateur lui-même : Celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui (JEAN, III, 36). Il ne dit pas que la colère de Dieu viendra, mais il dit qu'elle demeure dès maintenant. C'est pourquoi la foi et la confession de la foi est exigée des petits enfants comme des grandes personnes, de ceux-ci par leur propre cœur et par leur propre bouche, et de ceux-là par la bouche des autres, pour qu'ils puissent être réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, et pour que la colère de Dieu ne demeure pas sur eux, depuis que le vice de leur origine les a rendus coupables devant lui. . . . . "
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" Lorsqu’après avoir dit : Le péché est passé
à tous par un seul, l’Apôtre ajoute que beaucoup ont
été rendus pécheurs par la désobéissance
d'un seul, il attache à ce mot beaucoup le même
sens qu’à ce mot tous. De même lorsqu'après
avoir dit : Par la justice d'un seul, tous les hommes ont reçu
la grâce de la justification avec la vie qui en est l'effet,
il dit de nouveau : Beaucoup seront rendus justes par l'obéissance
d'un seul, il ne faut pas entendre ce mot beaucoup comme si l’Apôtre
faisait exception de quelques-uns, mais il faut lui donner la même
étendue de signification : non que tous les hommes soient justifiés
de fait en Jésus-Christ, mais parce que tous ceux qui sont justifiés
ne peuvent l'être qu'en lui. De la même manière qu'on
peut dire que tout le monde entre dans une maison par une même porte,
non que tous les hommes entrent de fait dans cette maison, mais parce que
tous ceux qui y entrent ne peuvent le faire que par cette porte. Tous ont
donc été précipités dans la mort par Adam,
et tous sont rappelés à la vie par Jésus-Christ ;
parce que, de même que tous meurent en Adam, tous aussi seront justifiés
en Jésus-Christ (I Cor., XV, 22), c'est-à-dire que
depuis qu'il y a des hommes, personne ne meurt que par suite du péché
d’Adam, et que personne n'hérite d'Adam autre chose que la mort
; et personne d'un autre côté ne peut revenir à la
vie que par Jésus-Christ, et ne peut recevoir de Jésus-Christ
autre chose que la vie. Mais vous (pélagiens), qui ne voulez pas
que tous, mais que plusieurs seulement aient été, soit condamnés
par la faute d'Adam, soit délivrés par la grâce de
Jésus-Christ, vous renversez le christianisme par votre monstrueuse
doctrine. Car si quelques-uns peuvent être sauvés ou justifiés
sans Jésus-Christ, Jésus-Christ est donc mort en pure perte.
"
CHAPITRE VIII.
EN QUOI CONSISTE LA JUSTIFICATION DE L’IMPIE, ET DE QUELLE MANIERE ELLE S’OPERE SOUS LA LOI DE LA GRACE.
" Ces paroles (de l'Apôtre aux Colossiens, I, 22) font voir que la justification de l'impie n'est autre chose que le passage de l'état où nous naissons enfants du premier Adam, à l'état de grâce qui nous rend enfants adoptifs de Dieu par le second Adam, qui est Jésus-Christ notre Sauveur. Or, depuis que l’Evangile a été promulgué, ce passage d'un état à l'autre ne peut se faire
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sans l'eau de la régénération ou sans le désir
d'y être lavé de ses péchés, conformément
à ces paroles, que si un homme ne renaît de l'eau et du
Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le royaume dans Dieu. " Concile
de Trente, session VI, chapitre 4.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Galates, IV ; comme ci-dessus, chapitre VI, témoignage 2.
2. Tite, III, 5-7 : " Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions pu faire, mais à cause de sa miséricorde, par l'eau de la renaissance, et par le renouvellement du Saint-Esprit, - qu'il a répandu sur nous avec une riche effusion, par les mérites de Jésus-Christ notre Sauveur, - afin qu'étant justifiés par sa grâce, nous devinssions les héritiers de la vie éternelle, selon l’espérance que nous en avons. "
3. JEAN, III, 5 : " Si quelqu'un ne, etc. " (Comme dans le corps de la réponse.)
Les témoignages relatifs à la même nécessité
du baptême, ont été rapportés plus haut, lorsque
nous avons eu à traiter du sacrement de Baptême, question
1 ; quant à ceux où se trouve décrite en particulier
la justification du pécheur, on les trouvera rapportés plus
bas, chapitre IX.
CHAPITRE IX.
DE LA NECESSITE QU’IL Y A POUR LES ADULTES DE SE PREPARER A LA GRACE DE LA JUSTIFICATION, ET D’OU PROCEDE CETTE NECESSITE.
" De plus, la justification, dans les adultes, ne peut avoir d'autre principe que la grâce prévenante de Dieu, méritée aux hommes par Jésus-Christ, c'est-à-dire, la grâce qu'il leur fait de les appeler, sans qu'aucuns mérites aient précédé de leur part. Par cette prévenance ou cet appel que Dieu leur fait, ces pécheurs qui jusque-là vivaient dans l’éloignement de Dieu, se trouvent excités et aidés à revenir à lui, et disposés par-là même à obtenir leur justification, qui ne s'accomplit pas néanmoins sans concours de leur part et sans coopération à la grâce : de sorte que, Dieu faisant pénétrer dans le cœur de l'homme des rayons de lumières de l'Esprit-Saint, ni l'homme n'est purement passif sous l'inspiration divine, puisqu'il peut absolument la rejeter, ni il ne saurait pourtant, sans cette grâce, se porter vers la justice par un mouvement de sa volonté libre, de manière à en être
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justifié devant Dieu. De là ces paroles de l'Ecriture
: Convertissez-vous à moi, et je me convertirai à vous, doivent
nous rappeler que nous sommes libres ; en même temps que ces autres
qu'elle nous met à la bouche à nous-même : Convertissez-nous
à vous, Seigneur, et nous serons convertis, doivent nous porter
à reconnaître le besoin que nous avons d'être prévenus
de la grâce. " Concile de Trente, session VI, chapitre V.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Corinthiens, III, 9 : " Nous sommes les coopérateurs de Dieu. "
2. Ibid., XV, 10 : " Mais c'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce n'a pas été stérile en moi ; mais j'ai travaillé plus que tous les autres, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi. "
3. II Corinthiens, VI, 1-2 : " Etant donc les coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu. - Car il dit lui-même : Je vous ai exaucé au temps favorable, et je vous ai aidé au jour du salut. "
4. Ibid., VII, 1 : " Ayant donc reçu de telles promesses, mes très-chers frères, purifions-nous de toute souillure de corps et d'esprit, achevant l'œuvre de notre sanctification dans la crainte de Dieu. "
5. II Timothée, II, 21 : " Si quelqu'un donc se garde pur de ces choses, il sera un vase d'honneur, sanctifié et propre au service du Seigneur, préparé pour toutes sortes de bonnes œuvres. "
6. Hébreux, XII, 12-13 : " Relevez donc vos mains languissantes et vos genoux affaiblis. - Conduisez vos pas par des voies droites, afin que s'il y en a quelqu'un parmi vous qui soit chancelant, il ne s'écarte pas du chemin, mais que plutôt il se redresse. "
7. JEREMIE, VII, 3-5 : " Voici ce que dit le Seigneur des armées, le Dieu d'Israël : Redressez vos voies, corrigez votre conduite, et j'habiterai dans ce lieu avec vous. - Car si vous avez soin de redresser vos voies et de corriger voire conduite, si vous rendez justice à ceux qui plaident ensemble, etc. "
8. EZECHIEL, XVIII, 21-32 : " Si l'impie fait pénitence de tous les péchés qu'il avait commis, s'il garde tous mes préceptes, et s’il agit selon l’équité et la justice, il vivra certainement ; non, il ne mourra point. - Je ne me souviendrai plus de toutes les
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iniquité qu'il avait commises ; il vivra, grâce aux œuvres de justice qu'il aura faites. - Est-ce que je veux la mort de l'impie, dit le Seigneur Dieu ? et ne veux-je pas plutôt qu'il se convertisse, qu'il se retire de sa mauvaise voie, et qu'il vive ? Et lorsque l'impie se sera détourné de l'impiété ou il avait vécu, et qu'il agira selon l'équité et la justice, il rendra ainsi la vie à son âme, - Comme il a considéré son état, et qu'il s'est détourné de toutes les œuvres d'iniquité qu'il avait commises, il vivra certainement et ne mourra point. - C'est pourquoi, maison d'Israël, je jugerai chacun selon ses voies, dit le Seigneur Dieu ; convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne vous attirera plus votre ruine. - Ecartez loin de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables, et faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. - Et pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël ? - Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu. Revenez à moi et vivez. "
9. Proverbes, XVI, 1, 5-6 : " C'est à l'homme à préparer son âme, et au Seigneur à gouverner sa langue. - Tout homme insolent est en abomination au Seigneur ; et lors même qu'il a les mains l'une dans l'autre, il n'est point innocent. - Le commencement de la bonne voie est de pratiquer la justice, et elle est plus agréable à Dieu que l'immolation des victimes. "
10. Ecclésiastique, II, 20 : " Ceux qui craignent le Seigneur prépareront leurs cœurs, et sanctifieront leurs âmes en sa présence. "
11. Sagesse, IX, 10 : " Envoyez votre sagesse du ciel où est votre sanctuaire, et du trône où éclate votre grandeur, afin qu'elle soit avec moi, qu'elle agisse avec moi, et que je sache ce qui vous est agréable. "
12. Psaume XXVI, 9-10 : " Ne détournez pas de moi votre face, et ne vous éloignez point de votre serviteur dans votre colère. - Vous êtes mon soutien : ne me délaissez point, ô Dieu, mon Sauveur ! "
13. MATTHIEU, XXIII, 37 : " Jérusalem, Jérusalem, toi qui mets à mort les prophètes et lapides ceux qui sont envoyés vers toi, combien de fois n'ai-je pas voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et que tu ne l'as pas voulu ? "
14. Actes, XIII, 46 : " Alors Paul et Barnabé leur dirent hardiment : Vous étiez les premiers à qui il fallait annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez
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mêmes indignes de la vie éternelle, nous nous en allons présentement vers les Gentils. "
15. JEREMIE, XVIII, 11-12 : " Dites donc maintenant aux habitants de Juda et de Jérusalem : Voici ce que dit le Seigneur : Je vous prépare plusieurs maux, je forme contre vous des pensées et des résolutions. Que chacun quitte sa mauvaise vie, et faites que vos voies soient droites et vos œuvres justes. - Ils m'ont répondu : Nous avons perdu toute espérance ; nous nous abandonnerons à nos pensées, et chacun de nous suivra l'égarement et la dépravation de son cœur. "
16. Id., XXV, 4-5, 7 : " Et le Seigneur s'est hâté de vous envoyer tous les prophètes, ses serviteurs ; et vous ne l'avez point écouté, et vous n'avez point incliné l'oreille pour l'entendre, - lorsqu'il vous disait : Que chacun de vous se retire de sa mauvaise voie et du dérèglement de ses pensées criminelles, et vous habiterez de siècle en siècle dans la terre que le Seigneur vous a donnée à vous et à vos pères. - Cependant vous ne m'avez point écouté, dit le Seigneur. Au contraire, vous m'avez irrité par les œuvres de vos mains pour attirer sur vous tous ces maux. "
17. Id., XXXI, 33 : " Ils m'ont tourné le dos, au lieu de me regarder, lorsque je prenais un grand soin de les instruire et de les corriger, et ils n'ont voulu ni m'écouter ni recevoir le châtiment. "
18. Id., XXXV, 13-17 : " Voici ce que dit le Seigneur des armées, le Dieu d'Israël : Va, et dis au peuple de Juda et aux habitants de Jérusalem : Ne vous corrigerez-vous jamais, et n'obéirez-vous jamais à mes paroles ? dit le Seigneur. - Les paroles de Jonadab, fils de Réchab, par lesquelles il commanda à ses enfants de ne point boire de vin, ont fait une telle impression sur eux, qu'ils n'en ont point bu jusqu'à cette heure, et qu'ils ont toujours obéi au commandement de leur père : mais pour moi je vous ai parié et je n'ai point manqué de vous instruire de bonne heure, et cependant vous ne m'avez point obéi. - Je vous ai envoyé tous mes prophètes mes serviteurs ; je me suis hâté de vous les envoyer dès le point du jour, vous disant : Convertissez-vous ; que chacun quitte sa voie corrompue ; redressez vos affections ; ne suivez point de dieux étrangers, et ne les adorez point, et vous habiterez dans la terre que je vous ai donnée et que j'avais donné à vos pères. Et cependant vous n'avez point voulu m'écouter et vous avez refusé de m'obéir. - Ainsi les
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enfants de Jonadab, fils de Réchab ont exécuté inviolablement l'ordre que leur père leur avait donné ; et ce peuple, au contraire, ne m'a point obéi. - C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur des armées, le Dieu d'Israël : Je ferai tomber sur Juda et sur tous les habitants de Jérusalem tous les maux que j'avais prédit devoir leur arriver ; parce que je leur ai parlé, et ils ne m'ont point écouté ; je les ai appelés, et ils ne m'ont point répondu. "
19. ZACHARIE, I, 4 : " Ne soyez pas comme vos pères auxquels les prophètes qui vous ont devancés ont si souvent adressé leurs cris, en disant : Voici ce que dit le Seigneur des armées : Convertissez-vous, quittez vos mauvaises voies et la malignité de vos pensées corrompues : et cependant ils ne m'ont point écouté et ils n'ont point fait attention à ce que je leur disais, dit le Seigneur. "
20. ZACHARIE, I, 3 ; comme dans le corps de la réponse.
21. MALACHIE, III, 7 : " Quoique des le temps de vos pères vous vous soyez écartés de mes lois, et que vous ne les ayez point observées, revenez à moi, et je me tournerai vers vous, dit le Seigneur des armées. "
22. Actes, II, 38 : " Pierre leur dit : Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés. "
23. Ibid., III, 19 : " Faites donc pénitence et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés. "
24. Ephésiens, V, 14 : " C'est pourquoi il est dit : Levez-vous, vous qui donnez, sortez d'entre les morts ; et Jésus-Christ vous éclairera. "
25. JACQUES, IV, 7-8 : " Soyez donc soumis à Dieu ; mais résistez au démon, et il s'enfuira de vous. - Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. Lavez vos mains, pécheurs, purifiez vos cœurs, vous qui avez l'âme double. "
26. MATTHIEU, XI, 28-29 : " Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. - Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos à vos âmes. "
27. JEREMIE, III, 1, 12, 22 : " Vous vous êtes corrompue avec plusieurs qui vous aimaient ; cependant revenez à moi, dit le Seigneur. - Allez, et criez vers le nord ; faites entendre ces paroles : Revenez, peuple rebelle, dit le Seigneur, et je ne détournerai point mon visage de vous, parce que je suis saint, dit le Seigneur, et que ma colère ne durera pas éternellement. -
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Convertissez-vous, enfants, revenez à votre père et je guérirai le mal que vous vous êtes fait en vous détournant de moi. Nous voici, nous revenons à vous : car vous êtes le Seigneur notre Dieu. "
28. Id., IV, 14 : " Jérusalem, purifie ton cœur de sa corruption, afin que tu sois sauvée. Jusqu’à quand les pensées mauvaises demeureront-elles en toi ? "
29. Id., XVIII, 11 : " Dites donc maintenant aux habitants de Juda et de Jérusalem : Voici ce que dit le Seigneur : Je vous prépare plusieurs maux, je formule contre vous des pensées. Que chacun quitte sa mauvaise vie, faites que vos voies et vos œuvres soient droites. "
30. ISAIE, I, 16-17 : " Lavez-vous, purifiez-vous ; ôtez de devant mes yeux la malignité de vos pensées ; cessez de faire le mal : -apprenez à faire le bien ; examinez tout avant de juger ; assistez l'opprimé, faites justice à l'orphelin, défendez la veuve. - Si vous voulez m'écouter vous serez rassasié des biens de la terre. "
31. Id., XL, 3 : " Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits dans la suite les sentiers de notre Dieu. "
32. Id., XLV, 22 : " Convertissez-vous à moi, peuples de toute la terre, et vous serez sauvés, parce que je suis votre Dieu, et qu'il n'y en pas d'autres que moi. "
33. Id., XLVI, 8 : " Rappelez ces égarements à votre mémoire et rougissez-en de confusion ; rentrez dans vos cœurs, violateurs de ma loi. "
34. Id., LV, 1, 3, 6, 7 : " Approchez, vous tous qui avez soif, venez aux eaux ; vous qui n'avez point d'argent, hâtez-vous ; achetez et mangez ; venez, achetez sans argent, et sans aucun échange le vin et le lait. . . - Prêtez l'oreille et venez à moi, et votre âme trouvera la vie. Je ferai avec vous une alliance éternelle pour rendre stable la miséricorde que j'ai promise à David. - Cherchez le Seigneur pendant qu'on peut le trouver ; invoquez-le pendant qu'il est proche. - Que l'impie quitte sa voie et l'injuste ses pensées et qu'il retourne au Seigneur, et il lui fera miséricorde ; qu'il retourne à notre Dieu, parce qu'il est plein de bonté pour pardonner. "
35. BAHUCH, IV, 4, 5 : " Ici est le livre des commandements de Dieu et la loi qui subsiste éternellement. Tous ceux qui la gardent arriveront à la vie, et ceux qui l'abandonnent tombe-
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ront dans la mort. - Convertissez-vous, ô Jacob! et embrassez cette loi ; marchez dans sa voie à l'éclat qui en rejaillit et à la lueur de sa lumière. - N'abandonnez pas votre gloire à d'autres, ni votre dignité à une nation étrangère. "
36. EZECHIEL, XVIII, 30-32 : " Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne vous attirera plus votre ruine. - Ecartez de vous toutes les prévarications dont vous vous êtes rendus coupables, et faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Et pourquoi mourrez-vous, ô maison d'Israël ? Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu. Revenez à moi et vivez. "
37. I Sam., VII, 3 : " Car Samuel dit à toute la maison d'Israël : Si vous revenez au Seigneur de tout votre cœur, ôtez du milieu de vous les dieux étrangers Baal et Astaroth ; préparez vos cœurs pour le Seigneur, et ne servez que lui seul, et à vous délivrer de la main des Philistins. "
38. JEREMIE, V, 20 : " Annoncez ceci à la maison de Jacob, faites-le entendre à Juda, et dites-leur : - Ecoute, peuple insensé, qui es sans entendement et sans esprit, qui as des yeux et ne vois point, qui as des oreilles et n'entends point. "
39. JEREMIE, XXXI, 18-19 : " J'ai entendu Ephraïm lorsqu'on
le transférait : Vous m'avez châtié (me disait-il),
et j'ai été instruit par mes maux comme un jeune taureau
indompté. Convertissez-moi, et je me convertirai à vous,
parce que vous êtes le Seigneur mon Dieu. - Car après que
vous m'avez converti, j'ai fait pénitence, et après que vous
m'avez ouvert les yeux, j'ai frappé ma cuisse, j'ai été
confondu et j'ai rougi. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. II contra duas epistolas pelagianorum, c. 9 : " Que Dieu nous détourne de cette folie de nous mettre avant lui dans ses dons, et de ne le mettre qu'après nous : car sa miséricorde me préviendra, dit le Prophète (Ps. LVIII, 11), et c'est à lui que s'adressent ces paroles fidèles et véridiques : Vous l'avez prévenu de bénédictions et de douceurs (Ps. XX, 4). Et quelles sont ces bénédictions et ces douceurs, sinon ce désir du bien dont parle le Psalmiste dans cet endroit ? Donc cette bénédiction et cette douceur, c'est la grâce de Dieu, qui fait que nous ayons du goût et du plaisir à faire ce qu'il nous commande, mais sans laquelle, ou si elle ne nous prévenait pas, non-seulement nous ne pourrions pas l'accomplir, mais nous ne pourrions
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pas même le commencer. Car si nous ne pouvons rien faire sans lui, nous ne pouvons ni rien commencer ni rien achever sans lui. Or, que nous ne puissions rien commencer sans lui, c'est ce qu'indiquent ces paroles : Sa miséricorde me préviendra (Ps. LVIII, 11) ; et que nous ne puissions rien achever sans lui, c'est ce que veulent dire ces autres : Sa miséricorde viendra à mon appui (Ps. XXII, 6). "
2. Ibidem, c. 10 : " Pourquoi donc, à la suite de cela, venant à rendre compte de leurs propres sentiments, disent-ils qu'ils reconnaissent à la vérité que la grâce vient en aide au bon propos que chacun peut former, mais non qu'elle puisse inspirer le goût de la vertu à celui qui n'y apporte aucune bonne volonté ? C'est qu'ils prétendent que l'homme peut avoir de lui-même sans le secours de Dieu ce bon propos et ce goût de la vertu, et qu'ainsi les mérites de l'homme, antérieurs à toute grâce, sont ce qui le rend digne d’être ensuite aidé de la grâce. . . "
" Sans doute qu'une grâce subséquente vient en aide au bon propos de l'homme ; mais ce bon propos lui-même n'existerait pas, si la grâce ne le prévenait. Pareillement, le goût que l'homme peut sentir pour la vertu a besoin, lorsqu'il commence à se former en nous, d'être secondé par la grâce ; mais de plus, pour qu'il commence à se former en nous, il faut que ce soit la grâce qui nous l'inspire, c'est-à-dire Dieu lui-même auteur de la grâce, celui dont parle l'Apôtre quand il dit (II Cor., VIII, 16) : Je rends grâces à Dieu, qui a mis dans le cœur de Tite les mêmes goûts pour vous (Saint Augustin traduisait ainsi ce passage : Gratias autem Deo, qui dedit idem studium pro vobis in corde Titi. La Vulgate, au lieu de idem studium, a substitué camdem sollicitudinem (II Cor., VIII, 16)). Si c'est Dieu qui met dans nos cœurs les goûts que nous pouvons ressentir pour les autres, quel autre que Dieu mettra donc en nous ceux que nous pourrons éprouver pour lui-même ? "
5. Le même, De prædestinatione Sanctorum, c. 2 : " L'Apôtre parlant de cette grâce qui n'est donnée en considération d’aucuns mérites, mais qui produit ce qu'il y a en nous de bons mérites, dit : Nous ne sommes capables d'avoir aucune bonne pensée comme de nous-mêmes ; mais c'est Dieu qui nous en rend capables (II Cor., III, 5). Ces paroles ne sauraient être trop mûrement méditées et pesées par ceux qui pensent que le commencement de la foi vient de nous, et que son accroissement vient de Dieu. Car il n'y a
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personne qui ne voie que la pensée précède nécessairement la croyance, puisqu'on ne croit jamais qu'après avoir pensé qu'il faut croire. Il est bien vrai que souvent la pensée ne précède la volonté de croire que d'un instant, et que ce moment est si rapide, qu'il semble que la pensée et le consentement se forment tout à la fois. Mais il faut toujours, pour croire quelque chose, que la pensée marche la première ; ce qui n'empêche pas que la pensée ne subsiste encore avec la croyance, qui n'est autre chose qu'une pensée accompagnée du consentement. Car quoique tous ceux qui pensent ne croient pas, et qu'au contraire il arrive souvent qu'on ne pense que pour ne pas croire, cependant quiconque croit pense à ce qu'il croit ; il pense en croyant, et il croit en pensant. Si donc, dans tout ce qui regarde la religion et la piété, nous ne sommes capables selon l'Apôtre d'avoir aucune pensée comme de nous-mêmes, et si c'est Dieu qui nous en rend capables, il s'ensuit que nous ne sommes pas capables de croire comme de nous-mêmes, puisqu'il est impossible de croire sans penser, et que c'est Dieu qui nous rend capables de commencer même à croire (Cf. De la Prédestination des saints, dans les Traités choisis, tome II, p.42-44). "
4. GENNADE, prêtre de Marseille, Lib. de ecclesiasticis dogmatibus, c. 44 : " Si quelqu'un prétend que, sans la lumière et l’inspiration du Saint-Esprit, qui donne à tous cette suavité intérieure qui fait qu'on embrasse la vérité et qu'on y ajoute foi, il puisse, par ses forces naturelles, penser comme il faut, se porter à faire quoi que ce soit de bon par rapport au salut et à la vie éternelle, se rendre à la prédication salutaire, c'est-à-dire à celle de l'Evangile, il faut que l’esprit d’erreur et d'hérésie l'ait séduit, puisqu'il n'entend pas la voix de Jésus-Christ même, qui dit dans l’Evangile : Vous ne pouvez rien faire sans moi (JEAN, XV, 5) ; ni celle de l'Apôtre, qui disait : Nous ne sommes capables d'avoir aucune bonne pensée de nous-mêmes, comme de nous-mêmes, mais c'est Dieu qui nous en rend capables (II Cor., III, 5) (Tout ce passage n'est que la copie textuelle du 7e canon du second concile d'Orange (V. le Dictionnaire universel des conciles, tome II, col. 135). C'est une addition faite après coup à l'ouvrage de Gennade, qui, étant lui-même semi-pélagien, ne pouvait pas enseigner cette doctrine. V. NAT, ALEX., Hist. eccl., t. V, p. 103). "
5. S. FULGENCE, De incarnatione et gratiâ Christi, c. 18 : " Si,
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comme ils (les semi-pélagiens) le prétendent, la volonté de croire doit être en nous avant que la grâce de Dieu vienne à notre aide, c'est sans raison qu'on donne à celle-ci le nom de grâce, puisqu'alors elle n'est plus un don gratuit accordé à l'homme, mais une récompense décernée à la bonne volonté. Car il faut, disent-ils, que la grâce trouve en nous cette bonne volonté, sans que ce soit elle-même qui l'ait donnée ; mais tout au contraire, s'il en est ainsi, c'est, nous-mêmes les premiers qui donnons à Dieu la bonne volonté de nous aider de sa grâce, et ainsi nous recevons la grâce de Dieu, non comme un don de sa miséricorde, mais comme une équitable rétribution de sa justice. Et pourtant, qui lui a donné quelque chose le premier pour en prétendre récompense (Rom., XI, 35) ? Personne assurément, puisque personne ne peut rien recevoir, qui ne lui ait été donné du ciel (JEAN, XIX, 44). Car qu'est-ce que l’homme peut avoir autre chose que ce qu’il a reçu ? et s'il l'a reçu, pourquoi s'en glorifie-t-il, comme s’il ne l'avait pas reçu véritablement (I Cor., IV, 7) ? De plus, ce ne serait jamais la miséricorde de Dieu qui nous préviendrait si ce n'était pas elle qui formerait en nous la bonne volonté, mais qu'au contraire elle dût attendre qu'elle pût trouver en nous cette bonne volonté toute formée. Et que deviennent alors ces paroles de David : Mon Dieu, sa miséricorde me préviendra (Ps. LVIII, 11) ? Or, en quoi la miséricorde de Dieu nous prévient-elle, ou en quel état nous trouve-t-elle au moment où elle nous prévient, c’est ce que le Docteur des nations nous fait voir, non dans la personne de quelque autre, mais dans sa propre personne, lorsqu'il dit : Moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur et un ennemi outrageux ; mais j'ai obtenu miséricorde de Dieu, parce que j'ai fait tous ces maux dans l'ignorance, n'ayant pas la foi (I Tim., I, 13). "
6. S. AUGUSTIN, Enarrat. II in Psalmum XXVI : " Aidez-moi, ne m'abandonnez pas ; car je suis dans la voie. Je ne vous demande qu'une chose : c'est de demeurer tous les jours de ma vie dans votre maison pour y contempler vos délices, et pour être protégé dans votre temple comme sous un abri assuré. Je ne vous fais que cette prière ; mais pour arriver à ce grand bien, je suis encore dans la voie. Vous me direz peut-être, ô mon Dieu : Marchez, efforcez-vous ; je vous ai donné voire libre arbitre ; vous êtes le maître de vos actions : avancez dans le chemin ; faites le bien, fuyez le mal, aimez la paix, cherchez-la avec ardeur. Ne vous écartez pas de la voie, ne vous y arrêtez point ;
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ne regardez point en arrière ; marchez-y avec persévérance, parce que celui-là seul sera sauvé qui persévérera jusqu’à la fin. Vous donc qui avez reçu de Dieu le libre arbitre, vous croyez peut-être pouvoir marcher de vous-même ; mais ne présumez rien de vos propres forces. Si Dieu vous abandonne, vous perdrez courage au milieu de la voie ; vous tomberez ; vous vous y égarerez ; vous vous y arrêterez. Dites-lui donc : Il est vrai, ô mon Dieu, que vous m’avez donné une volonté libre ; mais, sans vous, tous mes efforts ne sont rien. Aidez-moi, ne m’abandonnez pas, et ne me rejetez pas, ô mon Dieu, qui êtes mon Sauveur. Oui, Seigneur, vous m’aiderez, vous qui m’avez fait ; vous ne m’abandonnerez pas, vous qui m’avez créé. "
7. Le même, Serm. XIII de verbis apostoli, c. 9 : " L’Apôtre ayant dit : Si vous mortifiez par l’esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; c’est-à-dire, si vous mortifiez ces désirs charnels auxquels il y a tant de mérites à ne pas consentir, et dont il est encore plus parfait d’être exempt ; si vous mortifiez par l’esprit ces œuvres de la chair qui sont autant de maladies de l’âme et qui tendent à lui donner la mort, vous vivrez ; il est à craindre d’un autre côté que quelqu’un n’ose présumer de son propre esprit dans le dessein qu’il forme de mortifier les œuvres de la chair. Car il n’y a pas que Dieu qui soit esprit ; mais votre âme aussi est esprit, votre intelligence est de même un esprit. Et lorsque vous dites : Je suis soumis à la loi de Dieu selon l’esprit, et à la loi du péché selon la chair (Rom., V, 25), attendu que l’esprit a des désirs contraires à ceux de la chair, comme la chair en a de contraires à ceux de l’esprit (Gal., V, 17), gardez-vous de présumer de votre propre esprit tout en voulant mortifier les œuvres de la chair, et de vous perdre par orgueil, qui trouverait en Dieu une résistance invincible, au lieu de sa grâce que vous obtiendriez par humilité. Car Dieu résiste aux orgueilleux, et il donne sa grâce aux humbles (JAC., IV, 6). "
Ibidem, c.10 : " Pour prévenir donc en vous la domination de cet esprit d’orgueil, voyez ce que l’Apôtre prend soin d’ajouter. Après avoir dit (Rom., VIII, 13) : Si vous mortifiez par l’esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; pour empêcher l’esprit humain de s’élever et de se croire capable par lui-même de conduire heureusement tout seul une telle entreprise, il ajoute aussitôt (ibid., 14) : Tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu, ce sont ceux-là qui sont enfants de Dieu. Vous donc qui vous éleviez déjà dans votre esprit, à ces premières paroles de l’Apôtre : Si vous
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mortifiez par l'esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; car vous alliez dire : Voilà ce que peut ma volonté, voilà ce que peut mon libre arbitre ; eh ! quelle volonté ? eh ! quel libre arbitre ? si Dieu ne vous soutient, vous tombez ; s'il ne vous relève, vous restez à terre. Comment donc pouvez-vous entendre de votre propre esprit ce que dit l’Apôtre : Si vous ne mortifiez par l'esprit les œuvres de la chair, etc., lorsque vous l'entendez vous dire en même temps : Tous ceux qui sont conduits par l'esprit de Dieu, ce sont ceux-là qui sont enfants de Dieu ? Vous voulez être vous-même votre conducteur, vous voulez que ce soit votre esprit qui vous pousse à mortifier les œuvres de la chair ! Quel avantage résultera-t-il pour vous de n'être pas épicurien, si c'est pour vous faire stoïcien ? Epicurien ou stoïcien, vous ne compterez pas parmi les enfants de Dieu. Car les enfants de Dieu, ce sont tous ceux qui se laissent conduire par son esprit. Ce ne sont donc ni ceux qui vivent dans les désirs de leur chair, ni ceux qui vivent selon les mouvements de leur propre esprit, mais : Tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu, ce sont ceux-là qui sont enfants de Dieu. "
Ibidem, c. 11 : " Quelqu'un me dira : Ce n'est donc pas nous qui nous conduisons, qui agissons, puisque nous sommés conduits, nous sommes poussés. Je réponds : Nous sommes conduits, et nous nous conduisons nous-mêmes en même temps. Et le moyen pour vous de vous bien conduire, c'est de vous laisser conduire par le bon esprit. Car l'esprit de Dieu, qui vous conduit alors, vient en aide, non pas à ceux qui restent inactifs, mais à ceux qui agissent eux-mêmes ; les noms seuls qu'il prend d'adjutor, d'auxiliator, vous indiquent assez que vous agissez aussi, ou que de votre côté vous faites aussi quelque chose. Comprenez ce que vous demandez, ce que vous faites profession de croire, lorsque vous dites : Venez à mon aide, ne m'abandonnez pas (Ps. XXVI, 9). C'est Dieu sans doute que vous appelez ici à votre aide. Or, on n'est aidé qu’à condition de faire quelque chose de son côté. Tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu, dit l’Apôtre, ce sont ceux-là qui sont enfants de Dieu. Il ajoute ailleurs (II Cor., III, 6) : Non pas suivant la lettre, mais suivant l'esprit ; non pas suivant la lettre de la loi, qui enjoint, qui menace, mais suivant le mouvement de l'esprit, qui exhorte, qui éclaire, qui aide en un mot. Nous savons, a dit le même apôtre, que tout contribue à l'avantage de ceux qui aiment Dieu (Rom., VII, 28). Dieu ne contribuerait pas, si vous ne
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contribuiez vous-même. Mais faites bien attention ici à ce que votre esprit ne se prenne pas à dire : Si Dieu me retire sa coopération et son secours, mon propre esprit fera la chose tout seul ; et s'il la fait avec quelque peine, avec quelque difficulté, encore la fera-t-il et pourra-t-il en venir à bout ; de même que quelqu'un dirait : Nous arriverons au port à l'aide de nos rames, mais avec quelque peine ; oh ! si nous étions aidés par les vents, qu'il nous serait bien plus facile d'y arriver ! Telle n'est pas l'aide que Dieu nous prête, l'aide que nous prête Jésus-Christ, que nous prêt l'esprit de Dieu. Si cette aide nous manque, nous ne pourrons rien faire de bien. Si Dieu ne vous aide pas, vous pourrez encore agir par le mouvement de votre volonté libre ; mais ce que vous ferez, vous le ferez mal. C'est à cela qu'est bonne votre volonté, qui s'appelle une volonté libre, mais qui, en se conduisant mal, devient une esclave digne de la damnation. Quand je vous dis que, sans l'aide de Dieu, vous ne pouvez rien faire, sous-entendez, rien faire de bien. Car, pour faire le mal, sans être aidé en cela de Dieu, vous avez votre volonté libre, quoiqu’après tout elle ne soit plus libre. Car on devient l'esclave de celui par qui on se laisse vaincre ; et quiconque commet le péché est esclave du péché (JEAN, VIII, 34) ; au lieu que, si le Fils vous délivre, alors vous serez vraiment libres (ibid., 36). "
Ibidem, c. 12 : " Soyez bien convaincus que vous agissez de même par le mouvement de votre bonne volonté, parce que vous êtes vivants, et il est certain que vous agissez. Car Dieu ne vous aiderait pas, si vous n'agissiez en rien ; il ne coopérerait pas à ce que vous faites, si vous ne faisiez rien vous-mêmes. Sachez cependant que vous agissez de telle manière dans le bien que vous faites, que c’est l'esprit de Dieu qui vous conduit, en même temps qu'il vous aide de son secours. Car s'il vous manquait, vous ne pourriez rien faire de bien. . . "
" Lorsque vous entendez ces paroles : Tous ceux qui sont conduits par l'esprit de Dieu, ce sont ceux-là qui sont enfants de Dieu, ne concevez pas pour cela de trop bas sentiments de vous-mêmes. Car si Dieu veut faire de vous son temple, ce n’est pas qu'il vous considère comme des pierres privées de mouvement qui leur soit propre, et que le constructeur soulève et met à leurs places sans action de leur part. Il n'en est pas ainsi de pierres vivantes ; et vous êtes, vous, des pierres vivantes (I PIERRE, II, 5), qui entrez avec les autres dans la structure du temple de Dieu (Ephés., II, 22). Laissez-vous conduire, mais
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courez en même temps ; laissez-vous conduire, mais suivez tout à la fois ; car en cela même il sera vrai que vous ne pouvez rien sans lui. "
8. Le même, Lib. I retractationum, c. 22 : " J'ai dit dans un autre endroit (Lib. contra Adimantum, c. 20) : " On ne peut faire le bien, à moins que l’on ne change sa volonté, chose qui est en notre pouvoir, comme Dieu nous le fait entendre qui il dit ailleurs : Ou dites que l'arbre est bon, et que le fruit est bon aussi ; ou dites que, l'arbre étant mauvais, le fruit en est mauvais (MATTH., XII, 33). " Ces paroles ne contredisent point ce que nous enseignons au sujet de la grâce de Dieu. Car il est au pouvoir de l'homme de changer en mieux sa volonté ; mais ce pouvoir lui-même ne peut venir que de Dieu, dont il est dit : Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (JEAN, 1, 12). Car, comme ce que nous faisons, quand nous voulons le faire, est certainement en notre pouvoir, rien n'est mieux en notre pouvoir que notre volonté même ; mais cependant cette volonté a besoin que Dieu la prépare. De cette manière donc, le pouvoir que nous avons nous vient toujours des Dieu. On doit entendre dans le même sens ce que j'ai dit ensuite, " qu'il est en notre pouvoir de mériter, ou d'être enté (sur l'olivier franc) par la bonté de Dieu, ou d'en être retranché par sa justice ; " puisque cela seul est en notre pouvoir, qui dépend de notre volonté. Lors donc que Dieu nous a préparé une volonté forte et puissante, nous trouvons facile ce qui, sans ce secours divin, nous eût été difficile et même impossible. "
9. S. LEON-LE-GRAND, Serm. V de Quadragesimâ : " Quoique nous ne puissions subsister sans le secours du Créateur et sans une protection particulière de celui qui nous a formés : cependant, comme nous entrons dans cet édifice en qualité de pierres vivantes et de matière animée, il faut que nous coopérions aux soins bienveillants de notre Créateur ; il faut que notre obéissance seconde sa grâce, et que nous demeurions toujours attachés à celui sans lequel nous ne pouvons rien faire de méritoire (Cf. Sermons de saint Léon). . . "
10. S. FULGENCE, Lib. de incarnatione et gratiâ Christi, c. 20 : " La grâce ne nous ôte pas le libre arbitre, mais elle le guérit en nous ; elle ne le renverse, pas : mais elle le redresse ; elle ne l'anéantit pas, mais elle l’éclaire ; elle ne le dépouille pas de sa vertu, nais elle lui vient en aide et le conserve dans son inté-
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grité, afin que, débarrassé de ce qui faisait sa faiblesse, il agisse avec une pleine vigueur ; qu’il rentre dans le droit chemin, après qu’il s’en est écarté ; qu’il recouvre la perception de la lumière, après qu’il l’a perdue ; enfin que, prévenu et aidé de la grâce, il serve la justice pour notre sanctification, après qu’il a servi l’impureté et l’injustice en nous faisant commettre l’iniquité. "
11. S. AUGUSTIN, De gratiâ et libero arbitrio, c. 2 ; ce passage a déjà été rapporté plus haut, chapitre V, témoignage 10, page 301.
12. Le même, ibid., c.9 : " Il ne faut pas s’imaginer que, parce que saint Paul dit que c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir, il ait voulu nier le libre arbitre : non, sans doute ; si c’était là sa pensée, il n’aurait pas dit immédiatement auparavant : Opérez votre propre salut avec crainte et tremblement (Philip., II, 12). Car ordonner à l’homme d’agir, c’est lui rappeler qu’il a un libre arbitre. Mais l’Apôtre veut que les fidèles opèrent leur salut avec crainte et tremblement, afin qu’ils ne s’enorgueillissent pas de leurs bonnes œuvres, en se les attribuant à eux-mêmes (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 225-226). "
13. Le même, Ibidem, c.14 et 15 : " Quoique Dieu soit toujours saint et la sainteté même, il est néanmoins sanctifié dans les hommes, quand il leur donne sa grâce et qu’il les sanctifie, en leur ôtant ce cœur de pierre par lequel ils déshonorent son saint nom. Mais afin qu’on ne se figure pas que le libre arbitre demeure sans action sous l’opération de la grâce, Dieu nous dit dans le psaume que j’ai déjà cité : N’endurcissez pas vos cœurs (Ps. CXCIV, 8). Il dit encore à son peuple par le prophète Ezéchiel : Rejetez loin de vous toutes les abominations et les impiétés que vous avez commises contre moi. Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau, et observez mes commandements. Et pourquoi mourriez-vous, maison d’Israël ? Je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu ; revenez à moi, et vous vivrez (EZECH., XVIII, 31-32). Souvenons-nous que, si Dieu dit ici : Convertissez-vous, et vous vivrez, nous lui disons aussi : O Dieu, convertissez-nous (Ps. LXXXIV, 5). Souvenons-nous que Dieu qui dit : Rejetez toutes vos impiétés, est celui qui justifie l’impie (Rom., IV, 5). Souvenons-nous que c’est le même qui nous dit : Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau, et qui dit ailleurs : Je vous donnerai un cœur nouveau et un esprit nouveau (EZECH.,
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XXXVI, 26). Pourquoi donc celui qui dit : Faites-vous, dit-il : Je vous donnerai ? Pourquoi commande-t-il, si c'est lui-même qui doit donner ? Pourquoi donne-t-il, si l'homme doit agir ? sinon parce que Dieu donne ce qu'il commande, quand il aide celui à qui il commande, afin qu'il fasse ce qui lui est commandé (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t, Ier, p. 245-2b7). "
14. Le même, De spiritu et litterâ, c. 34 : " Dieu nous fait vouloir et croire par les idées qu'il nous met dans l'esprit, soit par quelque moyen extérieur, tel que la prédication évangélique, et les préceptes même de la loi, qui ont pour effet d'avertir l'homme de sa faiblesse, et de l'engager par-là à recourir par une foi vive à la vertu sanctifiante de la grâce ; soit par une illumination intérieure et secrète qu'il n'est pas en notre pouvoir de nous procurer par nous-mêmes quoiqu'il dépende de notre volonté d'y acquiescer ou d'y résister. Quand donc Dieu, par quelqu'un de ces moyens, incline l'âme raisonnable à croire en lui ; car, même avec le libre arbitre dont elle est douée, elle ne croira qu'autant qu'une suggestion ou un appel quelconque de Dieu ou de ses ministres lui aura indiqué l'objet de sa foi ; assurément c'est Dieu qui opère en chaque homme la volonté de croire, et ainsi il n'est aucun point sur lequel sa miséricorde ne nous prévienne, quoiqu'il reste toujours, comme je l'ai dit, au pouvoir de notre volonté de donner ou de refuser notre acquiescement à l'appel qu'il nous fait. Cette doctrine n'infirme en rien la vérité de ces paroles de l'Apôtre : Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? bien loin de là, elle les confirme plutôt. Car ce n'est que par le consentement qu'elle y donne que l'âme peut recevoir et posséder les dons auxquels ces paroles font allusion ; et ainsi tout ce qu'elle a, tout ce qu'elle reçoit lui vient de Dieu ; mais ce qu'elle a et ce qu'elle reçoit c'est bien elle-même qui l'a et qui le reçoit. "
15. Le même, Lib. II de peccatorum meritis et remissione, c. 8 : " Il ne faut pas inférer de là que nous devions nous contenter de désirer d’être établis ou confirmés dans l'état de justice, sans apporter à ce travail l'action et l'effort de notre propre volonté. Car Dieu veut bien s'appeler notre aide, adjutor noster, dans l’Ecriture. Or, celui-là seul est aidé, qui fait de son côté quelques efforts. En effet, Dieu n'opère pas notre salut en nous de la manière qu'un maçon façonne une pierre brute, ou que tout autre ouvrier travaille sur des matériaux privés de raison et de volonté. "
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16. Le même, Lib. de prædestinatione et gratiâ (Nous avons déjà fait observer que cet ouvrage n’est pas de saint Augustin. - V. NAT. ALEX., Hist. eccl., t. V, p. 109), c. 9 : " De crainte que l'homme, s'abandonnant à sa lâcheté, ne crût pouvoir parcourir sans peine la carrière de la vertu, si pénible à sa faiblesse, même quand elle est aidée de la grâce, et qu'ainsi il ne fît aucun effort pour son avancement, Dieu a distribué chaque chose de telle façon entre lui et l'homme, que le principe de tout le bien que nous pouvons faire nous vienne de l'inspiration qu'il nous en donne, et qu'une fois éclairés de ses lumières, nous discernions à l'aide de notre raison naturelle la voie de ses commandements, pour la suivre ou nous en écarter au gré de notre libre arbitre. Que si, soutenus de son appui, nous restons fidèles à suivre cette voie, il couronnera à la fin notre obéissance, après que nous aurons triomphé des répugnances que nous aurons pu d'abord éprouver à son service. "
17. S. AUGUSTIN, Serm. VII de verbis Apostoli, c. 1 : " Je vous prie, dit l'Apôtre aux Ephésiens, de ne pas perdre courage en me voyant souffrir tant de maux pour vous, puisque c'est pour votre gloire (Ephés., III, 13). Il les prie de ne pas perdre courage ; ce qu'il ne ferait pas, s'il ne voulait exciter leur volonté. Car si les Ephésiens lui avaient répondu : " Pourquoi nous priez-vous d'une chose que nous n'avons pas en notre pouvoir ? " Cette réponse ne vous paraîtrait-elle pas tout-à-fait juste ? L'Apôtre ne leur aurait pas dit, Je vous prie, s'il n'avait été convaincu qu'il était au pouvoir de leur propre volonté de consentir à sa demande. Et quand même il leur aurait dit, Je vous ordonne, cette parole n'aurait eu encore aucun sens dans sa bouche, s'il n'avait été persuadé que leur volonté était maîtresse d’obéir à l'ordre qu'il leur eût fait. "
18. Le même, Serm. XV, c. 11 : " Cet état de justice, tâchons de nous y maintenir, si nous y sommes entrés ; d’y faire des progrès s'il tend à s'affaiblir, pour qu'il soit perfectionné en nous lorsque nous serons parvenus là où retentiront ces paroles : Où est, ô mort, ta victoire ? Où est, ô mort, ton aiguillon (I Cor., XV, 55) ? Mais ce sont-là autant de grâces que nous devons attendre de Dieu ; non toutefois en n'agissant pas plus que si nous étions plongés dans le sommeil, non sans effort de notre part, sans action de notre volonté. A moins d'un concours de votre volonté, la justice de Dieu ne vous sera point communi-
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quée. La volonté, voilà ce qui est à vous ; la justice, voilà ce qui est Dieu. La justice de Dieu n'a point besoin de votre volonté pour être ce qu'elle est ; mais pour qu'elle vous soit communiquée, elle requiert pourtant le concours de votre volonté. On vous a mis sous les yeux votre devoir à remplir. On vous l'a remontré, on vous l'a enjoint, on vous l'a intimé, et si vous avez un cœur, vous avez compris ce que votre devoir vous prescrivait de faire : demandez la grâce de l'accomplir, si la vertu de la résurrection de Jésus-Christ n’est pas ignorée de vous. Car il a été livré pour nos péchés et il est ressuscité pour notre justification (Rom., IV, 25). Que veulent dire ces paroles, pour notre justification ? C'est-à-dire pour nous justifier, pour nous rendre justes. Vous serez l'ouvrage de Dieu, non pas seulement en tant que vous êtes hommes, mais aussi en tant que vous serez juste. Car être juste vaut mieux que d'être homme simplement. Si Dieu vous a fait homme, et que ce soit vous qui vous fassiez juste, vous ferez donc quelque chose de mieux que ce que Dieu aura fait. Ce qu'il y a de vrai, c'est que Dieu vous a fait sans vous. Car vous n'étiez pas encore là pour consentir à ce qu'il vous fît ce qu'il vous a fait. Mais celui qui vous a fait sans vous ne vous justifiera pas (Saint Augustin n'a pas dit que Dieu ne pourra pas nous justifier sans nous, comme on a quelquefois l'imprudence de le lui faire dire ; mais il dit simplement que Dieu ne nous justifiera pas sans le concours de notre volonté, ce qui est bien différent) sans le concours de votre volonté. Il vous a fait à votre insu: il ne vous justifiera que parce que vous l'aurez voulu vous-même. "
19. Le même, Tract. V in Epistolam I Joannis : " Et quiconque a cette espérance en lui se rend pur, comme lui-même est pur. Remarquez cette manière de parler de notre apôtre, et voyez comme elle met à couvert le libre arbitre de l'homme. Qui est-ce qui nous rend purs, si ce n'est Dieu ? mais Dieu ne veut pas nous rendre purs malgré nous. Donc, c'est nous-mêmes aussi qui nous rendons purs, en associant notre volonté à celle de Dieu. Ce n'est pas cependant par nous-mêmes que nous nous rendons purs, mais par le secours de celui qui vient habiter en nous. Mais comme notre volonté après tout y est pour quelque chose, l'Apôtre a voulu marquer la part que nous devons y prendre. Et s'il nous marque cette part, c'est afin que nous disions à Dieu comme le Psalmiste : Venez a mon aide, ne m'abandonnez pas. Si vous dites : Venez à mon aide, c'est parce qu'a-
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vant même de le dire, vous faites déjà quelque chose ; car si vous ne faisiez rien, comment pourriez-vous être aidé (Cf. Les Traites choisis de saint Augustin sur l’Evangile de saint Jean, etc., t. IV, p. 131-132) ? "
20. Le même, De prædestinatione Sanctorum, c. 3 : " Si j'ai dit (Exposit. quarumdam propositionum ex epist. ad Rom., c. 60) : " L'Apôtre dit bien que Dieu opère tout en tous ; mais il n'est dit nulle part que Dieu croit tout en tous ; " et ensuite : " Quand nous croyons, cela vient de nous ; mais quand nous faisons des bonnes œuvres, cela vient de Dieu, qui donne le Saint-Esprit à ceux qui croient ; " c'est encore une suite de la fausse idée où j'étais alors. Je me serais bien gardé de parler de la sorte, si j'avais su que la foi même est un des dons que Dieu nous fait par le Saint-Esprit. La foi et les bonnes œuvres sont à nous également, a cause du choix libre de notre volonté ; et cependant l'une et l'autre de ces choses nous sont données par l'esprit de foi et de charité. Car ce n'est pas de la charité seule, mais de la charité et de la foi, que saint Paul déclare qu'elles viennent de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Ephés., VI, 23). De même que j'ai dit un peu après : " C'est à nous de croire et de vouloir, mais c'est à Dieu de donner à ceux qui croient et qui veulent le pouvoir de faire le bien par son Saint-Esprit, qui répand la charité dans nos cœurs ; " ces paroles, dis-je, renferment une vérité, mais qu'il faut entendre dans le sens que je viens d’expliquer ; c'est-à-dire, que l'un et l'autre vient de Dieu, parce que c'est lui qui prépare la volonté ; e t que l'un et l'autre vient aussi de nous, parce que ces actions ne se font pas en nous sans que nous le voulions. C'est aussi avec vérité que j'ai dit peu après, que nous ne pouvons vouloir le bien si Dieu ne nous appelle, et que, quand après avoir été appelés, nous voulons le bien, notre bonne volonté et notre empressement a courir ne suffisent pas, si Dieu ne nous donne des forces pour courir, et ne nous conduit au terme ou il nous appelle (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 49-50. Ce même passage se retrouve aussi au livre I des Rétractation de saint Augustin, c. 23). "
21. S. CHRYSOSTOME, Hom. IX in Joannem : " Dieu qui est si bon, si bienfaisant, fait tout, remue tout pour nous rendre vertueux ; et malgré cette volonté qu'il a de nous rendre toujours il n'agit point sur nous par voie de contrainte ou de nécessité, mais c'est par la persuasion, par les bienfaits qu'il
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nous attire doucement à lui, qu'il nous appelle à bien faire nous-mêmes. C'est pour cela que, lorsqu'il est venu dans ce monde, il s'est vu reçu par les uns et rebuté par les autres. Car il ne veut avoir personne à son service qui y soit à contrecœur ou sans le concours de sa propre volonté ; il ne veut à son service que ceux qui s'y mettent par choix et qui lui en savent grâce. Les hommes, parce qu'ils sentent le besoin du service de leurs semblables, peuvent bien les réduire en se les assujettissant par violence, à la nécessité de les servir ; mais Dieu, qui n'a besoin ni de nous ni de nos services, et qui n'agit en tout que dans l’intérêt de notre propre salut, nous en laisse à nous-mêmes le choix et la volonté ; et c'est pourquoi, si nous refusons de le vouloir, il ne nous en fait pas davantage violence. Car il n'a en vue que notre propre avantage. Or, servir Dieu malgré nous n'aurait pas plus de mérite que de ne pas du tout le servir (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, p. 56-57, édit. de Montfaucon ; p. 65, édition de Gaume). "
22. S. BERNARD, Tract. de gratiâ et libero arbitrio : " La grâce éveille la puissance du libre arbitre, en le fécondant par quelque pensée ; elle le guérit en changeant l'objet de ses affections ; elle le fortifie pour qu'il en vienne à l'action ; elle le soutient pour que les forces ne viennent pas à lui manquer. Or, telle est la nature de la coopération que la grâce prête au libre arbitre, qu'elle ne le prévient qu'au premier moment, et que, dans les moments qui suivent, elle se borne à l'accompagner. Si elle commence par le prévenir, c’est pour qu’à partir de là il coopère avec elle. Ainsi, ce que la grâce a commencé, la grâce et le libre arbitre l'achèvent de concert, non par des actes séparés, mais par la fusion de l'action de l'une avec l'action de l'autre ; non par des actes qui se succèdent et se remplacent réciproquement, mais par leurs actes simultanés. La grâce ne fait pas une partie de l'action en laissant au libre arbitre la tâche de l'achever ; mais l'action toute entière est l'ouvrage indivisible, et du libre arbitre, et de la grâce. Tout entière elle appartient au libre arbitre, comme tout entière elle appartient à la grâce ; mais si elle est tout entière au pouvoir du libre arbitre, elle n'a tout entière aussi d'autre principe que la grâce. "
23. S. PROSPER, Lib. III de vocatione gentium, c. 26 : " Ces grâces plus abondantes que les autres, dont nous admettons et pouvons même expérimenter la puissance, ne pensons pas qu'elles
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fassent violence à nos volontés, en sorte que la volonté de Dieu soit la seule qui agisse dans le salut des hommes, puisque les plus petits enfants mêmes ont besoin pour cela du concours de la volonté d'autrui. Il est vrai que la grâce de Dieu est toujours la cause principale de cet ouvrage, par les exhortations qu'elle nous ménage et qui nous sollicitent, par les exemples qu'elle nous met sous les yeux et qui nous servent de leçons, par les dangers dont elle nous signale la présence et qui font naître en nous une crainte salutaire, par les miracles dont elle se sert pour réveiller notre foi, par l'intelligence qu'elle nous donne de nos devoirs, par les bonnes pensées qu'elle nous inspire, par la lumière qu'elle fait pénétrer dans nos cœurs, par les sentiments religieux qu'elle grave dans nos âmes ; mais elle s'aide et se fait accompagner en tout cela de la volonté de l'homme, qu'elle excite par tous ces divers moyens, précisément pour que l'homme coopère lui-même à l'action de Dieu, et qu'il puisse mériter en faisant croître en soi la divine semence, sans pouvoir imputer à d'autres qu’à soi-même ses manquements, et au secours de la grâce ses progrès dans la vertu. Ce secours de la grâce ne manque à personne, quels que soient les moyens divers, publics ou secrets, offerts à chacun pour l’obtenir, et s'il y en a beaucoup qui le rejettent, le malheur ne peut en être imputé qu’à leur malice ; si beaucoup d'autres le mettent à profit, c'est l'effet tout à la fois, et de la grâce divine, et de la volonté humaine. Soit donc que nous considérions les commencements de la foi, ou ses progrès dans les fidèles, ou enfin leur persévérance jusqu’à la fin, nous ne trouverons aucune espèce de vertus qui ne suppose, et le don de la grâce, et le consentement de notre volonté. Car toutes les opérations de la grâce dans l'ouvrage du salut de l'homme ont pour premier objet de préparer la volonté de celui qu'elle appelle à recevoir ses dons et à les faire valoir. Et ceux qui refusent de lui obtempérer sont par cela seul destitués de toute vertu, et on ne peut affirmer qu'ils aient la foi, l'espérance et la charité, dès-là qu'ils refusent d'admettre ces vertus dans leur cœur. "
24. Ibidem, c. 27 : " Notre-Seigneur dit, il est vrai : Personne ne vient à moi, si mon Père qui m'a envoyé ne l'attire (JEAN, VI, 44). Mais il a dit ces paroles, pour que nous sachions bien que la foi sans laquelle personne ne vient à Jésus-Christ, est un don de notre Père céleste, conformément à ce que notre divin Sauveur a dit à son Apôtre : Vous êtes heureux, Simon fils de Jean, parce
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que ce n'est ni la chair ni le sang qui vous ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux (MATTH., XVI, 17). Celui qui inspire la foi à ceux qu'attire le Père céleste, est aussi celui qui leur en inspire la volonté. Car ils ne sauraient être attirés qu'autant que la foi et la volonté agit en eux ; et s'ils n'ont pas la foi, c'est qu'ils ne sont point attirés ; ou s'ils n'ont pas la volonté, c'est qu'ils ne viennent ni n'approchent, mais se retirent. Si donc ils viennent au contraire, c'est que l'amour les a conduits ; c'est qu'ils aiment en même temps qu'ils sont aimés, qu'ils ont cherché et ont été cherchés à la fois, et qu'ils ont voulu ce que Dieu a voulu qu'ils voulussent. "
25. Le même, ibidem, c. 28 : " Ce n'est pas sans motif que non-seulement les commençants, mais même les plus avancés font à Dieu uniformément cette prière : Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal (MATTH., VI, 13). Car tous ceux, quels qu'ils soient, qui demeurent fermes dans la foi et la charité, ne doivent qu'à lui de n'être pas vaincus par la tentation, afin que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (I Cor., I, 31). Et cependant ceux à qui il donne la gloire, il veut aussi qu'on la leur attribue, et que, bien qu'ils ne soient demeurés fermes qu’à cause du secours que Dieu leur a prête, ils n'en aient pas moins le mérite d'être restés debout, à cause que d'eux-mêmes ils pouvaient tomber. De même donc que ceux qui ont déjà la foi, ne l'ont que parce qu'ils ont été aidés à croire, de même ceux qui ne l'ont pas encore, ne l’obtiendront qu'autant qu'ils y seront aidés. Et comme les premiers restent toujours libres d'abandonner la foi, ainsi les seconds sont toujours libres de ne pas l'embrasser. Par-là il est évident que, quelque divers et quelque multipliés que soient les moyens par lesquels Dieu manifeste la volonté que Dieu a de sauver tous les hommes et de les faire parvenir à la connaissance de la vérité, ceux qui viennent à lui ne le doivent qu'au secours qu'il leur prête et ceux qui ne viennent pas ne le doivent qu’à leur propre opiniâtreté. "
26. Le même, contra Collatorem. c. 26 : " Nous devons dire en conséquence que la bonne volonté, c’est-à-dire celle qui fait que nous nous attachons à Dieu, est réellement la nôtre, mais avouer en même temps qu'elle n'est en nous que parce que Dieu nous l'a inspirée. . . "
" Si donc le pécheur, rougissant des vanités qui ont fait son malheur et des plaisirs insensés qui l'ont déçu, vient à com-
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prendre que tout ce qu'il prenait pour lumière et vie, n'est que ténèbres et mort, et s'il cherche de plus à s'en séparer, cette conversion ne l'a pas lui-même pour auteur, quoiqu'elle ne s'accomplisse pas sans le concours de sa volonté, et ce n'est pas par ses propres forces qu'il s'efforce de remonter à la source du salut ; mais tout cela est l'effet de l'action secrète et puissante de la grâce de Dieu, qui, écartant les cendres amassées sur cette urne par les ravages qu'ont causés en elles les pensées terrestres et les œuvres mortes dont elle a été victime, rallume ce tison éteint et l'enflamme du désir de la vérité ; ou pour parler plus clairement, se soumet cette âme convertie, non pas toutefois en lui imposant la servitude, mais en lui faisant désirer son servage ; non pas en abusant de son ignorance, mais en l'attirant à elle par l'éclat de la vérité dont elle l'éclaire. Car c'est en usant toujours de son libre arbitre, de ce même libre arbitre que Dieu a donné à l'homme en le créant, que le pécheur pénitent quitte les vanités qui lui avaient fait abandonner la loi de son Dieu, quoique ce ne soit pas à lui-même qu'il doive cet heureux changement, mais à son Créateur, de sorte que sa guérison spirituelle exige son concours, et ne doit pourtant être attribuée qu'aux remèdes que lui fournit la grâce. C’est ainsi que notre être se trouve renouvelé, et que nous redevenons l'ouvrage de Dieu (Manens enim liberum arbitrium, quod utique cum ipso homine Deus condidit, à vanitatibus suis, in quas neglectâ Dei lege defluxit, non é seipso, sed à Creatore mutatur, ut quicquid in eo in melius reficitur, nec sine illo sit qui sanatur, nec nisi ab illo sit qui medetur, cujus sumus nova creatura, novumque figmentum, creati in Christo Jesu in operibus bonis, quæ præparavit Deus, ut in illis ambulemus), en recevant en Jésus-Christ comme une nouvelle existence pour faire le bien que sa grâce nous met en état d'accomplir (Ephés., II, 10). "
27. S. CYPRIEN, de Oratione Dominicâ : " Poursuivons : votre volonté soit faite en la terre comme au ciel (MATTH., VI, 10). Nous ne voulons pas dire par-là ; Seigneur, faites ce que bon vous semble, mais bien donnez-nous la force d'accomplir votre volonté. En effet, où est la puissance capable d'enchaîner ses desseins ? Mais, comme le tentateur est toujours là pour surprendre notre cœur, et le soulever contre les divines ordonnances, nous demandons à Dieu que sa volonté s'effectue pleinement en nous. Pour cela, nous avons besoin de son secours et de sa protection, car personne n'est fort par soi-même, et la
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miséricorde, ainsi que la grâce de Dieu, peut seule assurer notre salut (Cf. Les Pères de l’Eglise, trad. de Genoude, t. V. L'auteur de ce traité de Oratione Dominicâ, n'est pas saint Cyprien, mais Gufin d'Aquilée). "
28. S. AUGUSTIN, De naturâ et gratiâ, c. 18 : " Pélage avoue que ce n'est qu'avec l'aide de la grâce de Dieu, que nous pouvons expier nos fautes commises, et que nous sommes obligés d'en demander à Dieu le pardon, parce que, de son aveu, les puissances naturelles et la volonté de l'homme, qu'il exalte tant cependant, sont impuissantes pour l'entier accomplissement d'un tel ouvrage ; reste donc le besoin de recourir à l'indulgence de Dieu pour ce qu'on a laissé d'imparfait. Mais il ne dit nulle part un seul mot, pas plus que je n'en lis ici, de la nécessité du secours de la grâce pour nous empêcher de pécher, et le silence qu'il garde sur ce point a vraiment de quoi nous surprendre, puisque l'oraison dominicale nous avertit de demander l'une comme l'autre de ces deux choses, savoir, et que Dieu nous pardonne nos péchés, et que nous ne soyons pas induits en tentation, afin que nous puissions, d'un côté expier le passé, et de l'autre, nous précautionner contre l'avenir. Quoique rien de cela ne se fasse sans le concours de la volonté, notre volonté cependant ne suffit pas toute seule pour l'accomplir, et ainsi la demande que nous faisons à Dieu sur ce double objet, n'est ni superflue, ni impudente. Qu'y aurait-il au contraire de plus insensé que de demander de pouvoir faire une chose dont nous aurions d'avance le pouvoir en main ? "
29. Le même, Lib. II contra duas epistolas pelagianorum, c. 10 : " La grâce subséquente vient aider le bon propos que l'homme a forme en lui-même, etc. " Voir la fin du témoignage 2, rapporté plus haut à l'appui de cette même question, page 329 ; ajouter ce qui suit : " Je ne vois rien, dans toute l'Ecriture, de ce qu'on peut alléguer des commandements faits à l'homme, de la part de Dieu, pour prouver l'existence de notre libre arbitre, qui ne prouve en même temps, ou que Dieu nous donnera dans sa bonté la chose même qu'il demande de nous, ou que nous devons lui demander nous-même le secours de sa grâce pour pouvoir l'accomplir. Et jamais l'homme ne commence à avoir la foi ou à passer du vice à la vertu, si ce changement n'est l'effet purement gratuit de la miséricorde divine. C'est cette miséricorde bienfaisante que rappelle à sa pensée ce
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pécheur pénitent, à qui le Psalmiste met à la bouche des paroles telles que celles-ci : Dieu oubliera-t-il sa bonté compatissante envers les hommes, et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes ? Alors j'ai dit : C'est maintenant que je commence ; ce changement est l'ouvrage de la droite du Très-Haut (Ps. LXXVI, 10-11). Après qu'il a eu dit : C'est maintenant que je commence, il n'ajoute pas : Ce changement est l'ouvrage de mon libre arbitre ; mais : Ce changement est l'ouvrage de la droite du Très-Haut. Telle est l'idée que nous devons nous former de la grâce divine, afin que, depuis les premiers commencements de sa conversion jusqu’à la consommation de son salut, celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur. Car, de même que personne ne peut de soi-même commencer à entrer dans la bonne voie sans le secours de Dieu, personne non plus ne peut y persévérer sans sa grâce. "
30. S. JEROME, Epist. CXXXIX ad Cyprianum, in explicatione psalmi
XCIX : " Si un homme se voyait assailli par une bête féroce,
il ferait tous ses efforts pour échapper au péril qui le
menacerait. Ainsi l’homme, dès le premier moment de sa création,
a besoin du secours de Dieu ; comme il ne doit qu’à sa grâce
d'être au monde, et à sa miséricorde de continuer de
vivre, il ne peut faire aucune bonne œuvre sans être aidé
de celui qui, en lui donnant le libre arbitre, ne lui a pas non plus refusé
sa grâce pour chacune de ses actions, ne voulant pas que l'homme
abusât de sa liberté pour devenir insolent à l'égard
de son créateur, et s'enhardir dans sa résistance à
ses lois, après qu'il n'a été fait libre que pour
se convaincre qu'il n'est rien, à moins que Dieu ne le soutienne.
"
CHAPITRE X.
DE LA MANIERE DONT LES ADULTES DOIVENT SE PREPARER A LA JUSTIFICATION.
" Les adultes se disposent à recevoir la grâce de la justification, lorsqu'excités et aidés par la grâce de Dieu, ils se portent vers lui par un libre mouvement de leur volonté en croyant, d'après la doctrine qui leur est enseignée, la vérité des dogmes révélés de Dieu, et des promesses qu'il nous a faites ; comme de ceci en particulier, que Dieu justifie l'impie, par un effet de sa grâce, en conséquence de la rédemption que nous a méritée Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et ensuite, lorsque se reconnaissant
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eux-mêmes pécheurs, et passant du sentiment de crainte
de la justice divine, dont l'effet salutaire a été de les
ébranler, à la considération de la miséricorde
de Dieu, ils s’élèvent jusqu'à l'espérance
par la confiance qu'ils conçoivent d’obtenir leur pardon en vue
des mérites du Sauveur, et commencent à aimer Dieu comme
source de toute justice, en même temps que, par ce motif même
ils se portent à la haine et à la détestation du péché
et entrent ainsi dans la voie de la pénitence qui doit précéder
la réception du baptême ; enfin, lorsqu'ils se proposent de
recevoir ce sacrement, de mener une vie nouvelle, et de garder les commandements
de Dieu. La nécessité de toutes ces diverses dispositions
nous est marquée par les paroles suivantes de l’Ecriture : Pour
s'approcher de Dieu, il faut d'abord croire qu'il existe, et qu'il récompensera
ceux qui le cherchent. . . . . Mon fils, ayez confiance, vos péchés
vous sont remis. . . La crainte du Seigneur expulse le péché.
. . Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé au
nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés,
et vous recevrez les dons de l'Esprit-Saint. . . Allez, et instruisez tous
les peuples, les baptisant au nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit,
et leur apprenant à garder toutes les choses que je vous ai commandées.
. . Enfin, par ces paroles si expresses que nous y lisons encore :
Préparez vos cœurs au Seigneur. " Conc. Trid., sess.,
VI, c. 6.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, X, 14-15, 17 : " Mais comment l'invoqueront-ils, s'ils ne croient point en lui ? - Comment croiront-ils en lui, s'ils n'en ont point entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, si personne ne le leur prêche ? - Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont envoyés ? - La foi donc vient de ce qu'on a entendu ; et on a entendu, parce que la parole de Jésus-Christ a été prêchée. "
2. Ibid., III, 24-25 : " Etant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, - que Dieu a proposé pour être la victime de propitiation, par la foi qu'on aurait en son sang, pour faire paraître la justice, qu'il donne lui-même en pardonnant les péchés passés. "
3. Ecclésiastique, II, 21 -22 : " Ceux qui craignent le Seigneur garderont ses commandements, et ils auront patience jusqu'à ce qu'ils attirent sur eux ses regards, - en disant : Si nous ne faisons pénitence, c'est dans les mains du Seigneur que nous tomberons, et non dans celles des hommes. "
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4. Hébreux, XI, 6 : " Or, sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ; car, pour s'approcher de Dieu, il faut croire, premièrement qu'il y a un Dieu, et qu'il récompense ceux qui le cherchent. "
5. MATTHIEU, IX, 2 ; comme dans le corps de la réponse.
6. Ecclésiastique, I, 27-28 : " La crainte du Seigneur chasse le péché ; or, celui qui n'a pas cette crainte, ne pourra être justifié, parce que l'émotion de la colère qu'il a dans le cœur est sa ruine. "
7. Actes, II, 38 ; MATTHIEU, XXVIII, 19 ; I Sam., VII, 3 ;
comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. II contra duas epistolas pelagianorum, c. 9 ; voir ce passage rapporté au chapitre précédent témoignage 1, page 328.
2. Le même, de la Prédestination des Saints, c. 20 : " L'Apôtre nous montre encore bien clairement que le commencement même de la foi est un don de Dieu, par ce qu'il dit aux fidèles de Colosses : Priez avec assiduité et vigilance, et accompagnez vos prières d'actions de grâces. Priez aussi pour nous, afin que Dieu nous ouvre une entrée pour faire recevoir sa parole, et pour annoncer le mystère de Jésus-Christ pour lequel je suis dans les liens, et que je le découvre aux hommes comme je le dois (Col., IV, 2 et suiv.). Comment l'entrée est-elle ouverte à la parole de Dieu, sinon quand le cœur des auditeurs s'ouvre à la foi pour croire, et qu'après avoir commencé à croire, il reçoit avec docilité toutes les vérités qui contribuent à édifier et à affermir la doctrine du salut, sans quoi le cœur fermé par l'incrédulité désapprouve et rejette tout ce qu'on lui dit ? "
" L'Apôtre pouvait-il montrer plus clairement que ce commencement de la foi est un don de Dieu, qu'en disant comme il le fait aux Colossiens : Demandez à Dieu pour nous qu'il nous trouve une entrée favorable pour faire recevoir sa parole ? Car on ne ferait pas cette prière à Dieu, si l'on ne croyait pas que c'est lui qui ouvre dans les cœurs cette entrée à l’Evangile. La marchande de pourpre dont il est parlé dans les Actes des Apôtres avait reçu ce don céleste de la grâce, puisqu'il y est dit (XVI, 44), que Dieu lui avait ouvert le cœur pour la rendre attentive aux vérités que Paul prêchait. Elle était donc appelée par cette espèce de vocation intérieure qui fait que l'on croit (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 138-139, 141). "
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3. Le deuxième concile d'Orange (tenu l'an 829), canon 5 : " Si quelqu'un dit que le commencement, comme l'accroissement de la foi, et le mouvement de la volonté qui nous porte à croire en celui qui justifie l'impie, et à obtenir la régénération dans le baptême ne sont pas des effets de la grâce, c'est-à-dire une inspiration du Saint-Esprit qui nous rappelle de l'infidélité à la croyance, et de l'impiété à la piété, mais que ce sont des effets de la nature ; il se montre ennemi de l'enseignement apostolique, et en particulier de ce qu'a dit saint Paul en ces termes : J’ai une ferme confiance, que celui qui a commencé le bien en vous ne cessera de le perfectionner jusqu'au jour de Jésus-Christ (Philip., I, 6). Et encore : C'est une grâce qui vous a été faite, non-seulement que vous croyiez en lui, mais encore que vous souffriez pour lui (ibid., 29). Et ailleurs : C'est par un effet de la grâce que vous êtes sauvés en vertu de la foi ; et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don de Dieu. Ceux en effet qui disent que la foi par laquelle nous croyons en Dieu nous est naturelle, pourraient à bon droit ranger au nombre des fidèles tous ceux qui sont éloignés de l’Eglise de Jésus-Christ (Cf. Dictionnaire universel et complet des conciles, t. II, col. 155, édit. Migne). "
4. Le même, canon 6 : " Si quelqu'un dit que la miséricorde divine nous est conférée comme récompense de notre foi, de notre bonne volonté, de nos saints désirs, de nos efforts, de nos travaux, de nos veilles, de nos études, ou de ce que nous aurions demandé, cherché, frappé, sans que la grâce de Dieu nous eût poussé à le faire, au lieu de confesser que notre foi, notre bonne volonté et tout le reste ne nous est possible que par un effet de l'inspiration et d'une communication des dons du Saint-Esprit ; ou si quelqu'un prétend que la grâce vient seulement en aide à notre humilité et à notre obéissance au lieu d'être le principe de notre humilité et de notre obéissance mêmes ; il contredit ces paroles de l’Apôtre : Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu (I Cor., IV, 7) ? Et ces autres paroles : C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis (I Cor., XV, 10) (Cf. Ibidem). "
5. Le même concile, canon 7 : " Si quelqu'un prétend que, sans les lumières et l'inspiration du Saint-Esprit qui donne à tous cette suavité intérieure qui fait qu'on embrasse la vérité, et qu'on y ajoute foi, il puisse, par ses forces naturelles, penser comme il faut, se porter à faire quoi que ce soit de bon par
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rapport au salut et à la vie éternelle, se rendre à la prédication salutaire, c'est-à-dire à celle de l’Evangile, il faut que l'esprit d'erreur et d'hérésie l'ait séduit puisqu'il n'entend pas la voix de Jésus-Christ même, qui dit dans l’Evangile : Vous ne pouvez rien sans moi. (JEAN, XV, 5) ; ni celle de l'Apôtre, qui dit : Nous ne sommes capables d’avoir aucune bonne pensée comme de nous-mêmes, mais c'est Dieu qui nous en rend capables (II Cor., VI, 5) (Cf. Dictionnaire universel et complet des conciles, t. II, col. 155, édit. Migne). "
6. Ibidem, canon 28 (ou pour mieux dire, conclusion des vingt-cinq canons dogmatiques de ce concile) : " Nous faisons aussi profession de croire que, dans toutes nos bonnes œuvres, ce n'est pas nous qui commençons pour être aidés ensuite par la miséricorde de Dieu ; mais que c'est lui-même qui, sans aucun bon mérité précèdent de notre part, nous inspire le premier la foi en lui et son amour, en nous portant à recourir au sacrement de Baptême, et nous donnant la force, après le baptême reçu, d'accomplir avec son secours les choses qui lui sont agréables. De là il suit évidemment que nous devons croire que la foi du bon larron, rappelé par le Seigneur à la patrie céleste comme celle du centurion Corneille, à qui l'ange du Seigneur fut envoyé, et celle de Zachée, qui mérita de recevoir le Seigneur en personne, ne venait pas de la nature, mais de la pure bonté de Dieu (Cf. Ibidem, col. 158-159). "
7. S. FULGENCE, de incarnatione et gratiâ Christi, c. 17 : " Que chacun croie sans aucun doute, que la foi lui est donnée à l'aide et par un effet de la grâce, sans qu'il puisse seulement s'attribuer à lui-même les commencements de sa foi. Que par faiblesse, plutôt que par force d'esprit, on ne s'attribue pas non plus soi-même le mérite de la pénitence, dont Dieu nous inspire le sentiment pour nous rappeler à la vie, en s'exposant à perdre les avantages d'un aussi puissant remède, par cette ingrate opiniâtreté qui nous porterait à en nier le bienfait, tandis que l'humilité du cœur nous est si fortement recommandée par les divins oracles, qui nous enseignent clairement et avant tout le reste, que c'est le Seigneur qui prépare et dirige ce bon mouvement de volonté, par lequel commence en nous une première velléité de croire. C'est ce que Salomon nous a déclaré en propres termes : La volonté, a-t-il dit, est préparée par le
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Seigneur (Prov., XX, 24). C'est aussi ce que David a célébré dans ses psaumes : Le Seigneur dirigera les pas de l'homme, et sa voie sera approuvée de lui (Ps. XXXVI, 23). "
8. Ibidem, c. 18 : " C'est avec bien de la raison que saint Paul attribue à la miséricorde de Dieu et aux prévenances de sa grâce, non-seulement le commencement de sa foi en Jésus-Christ, mais encore la connaissance qu'il a eue de son incrédulité première. Dieu lui a fait cette grâce dans sa miséricorde, afin qu'éclairé et aidé en même temps, il reconnût son état d'incrédulité et s'appliquât à en sortir. Car le Seigneur est notre lumière et notre salut ; c'est lui qui nous éclaire, afin que nous connaissions nos péchés, et qui nous guérit, afin qu'après avoir renoncé au péché, nous vivions dans la pratique de la justice. C'est pour cela que ce même apôtre qui avoue si humblement avoir obtenu miséricorde pour devenir fidèle (I Tim., I, 12, 13), nous donne cette instruction salutaire : Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (Rom., IX, 16). Et en effet, pour vouloir nous avons besoin du don d'une miséricorde prévenante, et pour courir nous avons besoin du secours d'une miséricorde subséquente. "
9. S. AUGUSTIN, Tract. XXVI in Evangelium Joannis : " Personne ne peut venir à moi à moins d'être attiré par mon Père, qui m'a envoyé (JEAN, VI, 44). C'est bien là nous dire quel est le prix de la grâce. On ne vient point à moins d'être attiré : quel est celui qui est attiré et celui qui ne l'est pas ? Pourquoi celui-ci plutôt que celui-là ? Ne vous embarrassez point de ces questions, si vous ne voulez pas tomber dans l'erreur. Attachez-vous simplement à ce que Jésus-Christ nous apprend là-dessus, et n'allez pas plus avant. Vous n'êtes point encore attiré, priez pour obtenir la grâce d'être attiré. Mais cette expression ne vous parait-elle pas bien dure ? Si nous sommes attirés par un autre à Jésus-Christ, c'est donc contre notre gré que nous croyons en lui ? Mais alors notre volonté serait violentée, et non pas simplement excitée. On peut entrer dans une église, se présenter à l'autel, participer à l'auguste sacrement par contrainte et par violence ; mais croire, non. On ne croit que lorsqu'on le veut. On pourrait croire sans le vouloir, si la foi était une opération corporelle ; mais la foi n'est pas une opération corporelle, c'est une opération du cœur Ecoutez ce qu'en dit l'Apôtre : On croit de cœur pour la justice, nous dit-il (Rom., X, 10). "
10. Le même, de la Prédestination des Saints, c. 11 : " C'est
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un seul et même esprit qui opère tous ces dons, et qui les distribue à chacun comme il lui plaît (I Cor., XII, 11). Or, vous savez qu'entre ces dons, l'Apôtre marque expressément la foi même. Ainsi, comme Dieu exige de nous la mortification des œuvres de la chair, en nous proposant la vie pour récompense, quoique cette application à mortifier les désirs charnels soit un don de Dieu, de même la foi aussi est un don de Dieu, quoique Dieu, en nous disant : Si vous croyez, vous serez sauvé, l'exige de nous, en nous promettant le salut pour récompense. Car le dessein de Dieu, en nous commandant ces vertus, et en nous apprenant en même temps que ce sont des dons de sa grâce, est de nous faire comprendre, et que c'est nous qui faisons ces œuvre de vertus, et que c'est lui qui nous les fait faire (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 91-92). "
11. Le même, De spiritu et litterâ, c. 31 : " Nous sommes fidèles à Dieu, en tant que nous croyons en lui par la foi ; et Dieu nous est fidèle à son tour, en tant qu'il nous tient ses promesses. Voici en effet ce que dit l'Apôtre : Dieu est fidèle, et il ne permet pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces (I Cor., X, 13). Au sujet de cette autre foi qui est en nous-mêmes, et qui consiste à croire à Dieu, ou en Dieu, comme on le voudra, on demande si elle est en notre pouvoir. Car nous lisons : Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice (Gen., XV, 6) ; et : Lorsqu'un homme croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (Rom., IV, 5). Examinez maintenant si quelqu'un croit malgré lui-même ou s'il ne croit pas quand même il voudrait croire. S'il est absurde de le supposer ; car qu'est-ce que croire, sinon donner son consentement à la vérité de ce qui nous est annoncé ? or, donner son consentement, c'est faire acte de volonté ; il est donc en notre pouvoir de croire ou de ne pas croire. Mais, comme le dit l'Apôtre, il n'est point de pouvoir qui ne vienne de Dieu (Rom., XIII, 1). "
12. Ibidem, c. 32 : " Car il est en notre pouvoir de croire ou de ne pas croire, puisqu'on croit dès-là qu'on le veut, et qu'on ne peut croire qu'autant qu'on le veut bien, etc. "
13. Le même, in expositione propositionum quarumdam ex epistolâ ad Romanos, c. 44 : " En disant : Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. . . Que si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi, et je reconnais qu'elle est bonne, etc. (Rom., VII, 16, 20) ; l’Apôtre met suffisamment la
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loi à l'abri de tout reproche. Mais prenons garde que quelqu'un ne s'imagine que, par ces mêmes paroles, l'Apôtre nous refuse le libre arbitre : ce qui est loin de sa pensée. En effet, il s'agit dans cet endroit de l'homme placé sous la loi avant d'avoir reçu la grâce. Dans cet état il est comme vendu au péché, malgré tous les efforts qu'il pourrait faire pour vivre dans la pratique de la justice sans le secours de la grâce de Dieu, qui le délivrerait. Or, il a son libre arbitre pour croire au libérateur promis, et pour recevoir la grâce qui le mettrait en état de ne plus pécher, en usant comme il faut de ce secours libérateur, de cesser par-là même d’être sous la loi, puisqu'il s’élèverait au-dessus de la loi en l'accomplissant par amour pour Dieu ou par le motif de la charité, ce à quoi la crainte était impuissante. "
14. Le même, Lib. I quæstionum ad Simplicianum, q. 2 : " Si Jacob a cru parce qu'il a voulu croire, ce ne sera plus Dieu qui lui aura donné la foi, mais il se la sera procurée à lui-même par sa propre volonté, et il aura quelque chose qu'il n'aura pas reçu. Ou bien n'est-ce pas plutôt que, comme personne ne peut croire sans en avoir la volonté, ni en avoir la volonté sans être appelé, et qu'il ne dépend pas de nous d'être appelé, Dieu en nous appelant nous donne la foi, puisqu'en effet on ne peut pas avoir la foi sans être appelé, quoique la foi ne soit pour personne l'effet de la contrainte ? Car comment croiront-ils en celui dont ils n'auront point entendu. parler ? on comment en entendront-ils parler, si personne ne le leur prêche (Rom., X, 14). Ainsi donc personne n'a la foi qu'il n'ait été appelé, mais tous ceux qui sont appelés n’ont pas pour cela la foi. Car il y a beaucoup d'appelés nais peu d’élus (MATTH., XX, 16). Assurément ceux qui n'ont pas méprisé l'appel qui leur était fait, mais qui y ont obtempéré par la foi, ont cru sans doute par un effet de leur volonté. "
15. S. PROSPER, Lib. II de vocatione gentium, c. 27 : " Notre-Seigneur a dit, à la vérité : Personne ne vient à moi, si mon Père qui m'a envoyé ne l'attire (JEAN, VI, 44). Mais il a dit cela pour nous apprendre que la foi, sans laquelle personne ne vient à Jésus-Christ, est un bienfait dont nous sommes redevables au Père éternel, conformément à ce que Notre-Seigneur a dit à son apôtre : Vous êtes heureux, Simon fils de Jean, parce que ce n'est pas la chair ou le sang qui vous a révélé ceci, mais mon père qui est dans tes cieux (MATTH., XVI, 17). Celui qui inspire la foi à ceux qu'attire le Père céleste etc. " Comme on le voit, ce sont les mêmes paroles que celles du même auteur
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rapportée au chapitre précédent, témoignage 24, pages 342-343.
16. Ibidem, c. 28 : " Dieu, pour nous faire obéir à sa parole, nous en donne la volonté de telle manière, que ceux mêmes qui persévéreront restent libres de ne pas avoir cette volonté. Autrement, il serait inouï qu'aucun fidèle eût jamais apostasié la foi. "
17. EUTHYME, in caput I Evangelii secundùm Joannem, sur ces paroles, Ut omnes crederent per illum : " Jean a rendu témoignage pour que tous eussent la foi, et cependant tous n'ont pas eu la foi. C'est que la foi n'est pas l'effet de la contrainte ; mais elle est volontaire et libre. "
18. S. ISIDORE, Lib. II de summo bono, c. 2 : " La foi n'est extorquée à personne par violence, mais ce sont les raisons et les exemples qui nous en persuadent la vérité. Quand on l'impose par force, elle ne saurait être durable, pas plus que de jeunes arbustes ne gardent longtemps, pour peu qu'on les laisse à eux-mêmes, la direction forcée qu'on a voulu donner à leurs tiges : il suffit qu'on les laisse un instant libres de tous liens, pour qu'ils reprennent leur première direction. De même que c'est volontairement qu'un homme s’éloigne de Dieu, par l'abus qu'il fait de son libre arbitre, ainsi doit-il revenir à Dieu de son propre mouvement, pour rendre ainsi hommage tout à la fois, et au don que Dieu lui a fait de son libre arbitre par le mouvement qu'il imprime à sa volonté, et au bienfait de la grâce par l'adhésion qu'il donne aux vérités de la foi. "
19. S. AUGUSTIN, de Naturâ et Gratiâ, c. 44 : " Notre adversaire dit lui-même que la question n'est pas ici de savoir s'il y a ou s'il y a eu sur la terre des hommes sans péché, mais s'il a pu ou s'il peut y en avoir. Pour moi, quand même je reconnaîtrais qu'il y en a eu ou qu'il y en a encore aujourd'hui, je dirais toujours que cela n'a pu ou ne peut avoir lieu que par un effet de la grâce de Dieu, qui leur aurait été donnée en vertu des méritées de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car c'est cette foi, je veux dire la foi en Jésus-Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, la foi dans la vertu de son sang, dans la vertu de sa croix, la foi en sa mort et en sa résurrection, qui a guéri de leurs péchés les anciens justes, comme elle seule peut nous en guérir nous-mêmes. Ayant donc le même esprit de foi, nous croyons aussi, et c'est pourquoi nous parlons (II Cor., IV, 13). "
20. S. FULGENCE, Lib. I de remissione peccatorum, c. 8 : " Les divins oracles donnent sans cesse aux méchants l’avertissement
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salutaire de ne pas rester dans l'esclavage du péché, mais de recourir à la miséricorde de leur divin juge tandis qu'ils sont dans cette vie. Ils recommandent en même temps aux justes de. servir le Seigneur dans la crainte, et de se réjouir en lui avec tremblement (Ps. II, 11-12), de ne pas négliger non plus de se corriger, de peur qu’à la fin le Seigneur ne se mette en colère et qu'ils ne périssent hors de la voie de la justice. Dieu donc, qui est tout à la fois juste et miséricordieux, en même temps qu'il avertit les méchants de le craindre et de l'aimer à cause de sa justice et de sa miséricorde, pour qu'en se convertissant ils échappent aux châtiments dont sa justice les menace, et reçoivent le pardon que sa miséricorde leur promet, avertit aussi les bons de l'aimer et de le craindre à cause de sa justice et de sa miséricorde, pour que, comme ils ne doivent qu’à sa miséricorde qui les a prévenu l'avantage d'être bons, ils puissent par reconnaissance pour sa miséricorde persévérer dans la pratique des bonnes œuvres et se préserver du péché par la crainte de sa justice ; et pour qu'instruits par la considération de leur propre faiblesse ils ne présument jamais de leurs forces, mais qu'ils implorent avec constance et humilité la puissance de sa grâce. Les bons comme les méchants doivent donc aimer sa miséricorde aussi bien que craindre sa justice ; et les bons en particulier doivent bien prendre garde d'aimer tellement la première qu'ils n'aient aucune crainte de la seconde, et ne tombent ainsi dans les pièges séducteurs du démon ; comme les méchants à leur tour ne doivent pas s'arrêter à considérer la sévérité de la justice divine, sans chercher, comme ils le peuvent par une sincère conversion, à recueillir le bienfait de la miséricorde, et en s'aveuglant de cette manière, non-seulement se refuser à eux-mêmes le pardon de leurs péchés, mais encore les multiplier sans fin. "
21. Ibidem, c. 9 : " Voici le double filet dans lequel le démon a l'adresse d'engager ceux qui ne sont. pas sur leurs gardes : ou bien il les berce de la vaine espérance d'un pardon à venir, et les empêche par-là de se convertir malgré la crainte qu'ils ont de la justice divine ; ou bien il les jette dans le désespoir d’obtenir jamais ce pardon, et fait que, ne songeant plus à se convertir, ils lâchent les rênes à leurs appétits déréglés, et par suite de leur découragement se précipitent dans l'enfer. Et c'est ainsi que cet ennemi rusé du genre humain perd les uns par un désespoir qui leur fait affronter la damnation, et les autres par une vaine présomption qui les séduit. C’est pour cela que saint Paul, ou plutôt
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Jésus-Christ dans la personne de cet apôtre, écrivant à des fidèles dont il louait l'obéissance, leur recommandait néanmoins d’opérer leur salut avec crainte et tremblement : Ainsi, mes chers frères, leur disait-il, comme vous avez toujours été obéissants ayez soin, non-seulement lorsque je suis présent mais encore plus lorsque je suis éloigné de vous, d'opérer votre salut avec crainte et tremblement. Car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir (Philip., II, 12-15). Paroles par lesquelles cet apôtre fait entendre que les fidèles, au milieu des bonnes œuvres qu'ils pratiquent, ne doivent pas perdre de vue la pensée redoutable de la justice de Dieu ; en même temps qu'il relève à nos yeux sa miséricorde en nous rappelant que c'est lui qui opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir. Car, s'il n'était pas juste, il ne serait pas craint avec justice par ceux-là mêmes qui font le bien ; et s'il n'était pas miséricordieux, il ne ferait pas en nous tout ce qu'il y a de bien, tant dans le propos que nous pouvons en former que dans son exécution. C'est cette crainte de la justice divine que l'Apôtre prend soin d'inculquer si fortement aux justes par ces autres paroles : Que celui qui se croit ferme prenne garde de tomber (I Cor., X, 12). "
22. Ibidem, c. 11 : " On ne pourrait compter tous les passages de l’Ecriture où il est fait mention de la miséricorde et de la justice de Dieu : car tous les divins oracles ont pour objet, ou d'avertir les méchants de mettre une prompte fin à leurs désordres par la crainte que doit leur inspirer la justice de Dieu, ou d'engager les justes à persévérer dans leurs bonnes œuvres en usant de vigilance aussi bien que d'humilité : sans doute afin que les pécheurs, redoutant la justice de Dieu, s'empressent de se réfugier dans le sein de sa miséricorde, et que les justes, tout en se réjouissant des effets de sa miséricorde, ne perdent pas de vue le jugement qu'il prononcera avec une douce équité. Car celui qui est la justice et tout la fois la miséricorde même ne peut ni conniver au mal, ni refuser son indulgence à ceux qui reviennent à la pratique de la vertu. "
23. S. PROSPER, Lib. II de vocatione gentium, c. 27 : " Ce consentement que nous donnons (à entrer dans des sentiments de foi, d'espérance et de charité) est amené en nous, non-seulement par l'audition de la parole évangélique et les instructions diverses que nous recevons, mais encore par le motif de crainte, selon ce qui est écrit que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (Prov., IX, 10). Cette crainte, quels que soient les
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moyens dont Dieu peut se servir pour nous l'inspirer, a pour premier effet d'alarmer le pécheur, pour second de tourner sa volonté au bien, et pour troisième de le lui faire même goûter avec délices. De là cette autre parole de l’Ecriture : Heureux l'homme à qui il est donné d'avoir la crainte de Dieu (Ecclé., XXV, 13). Quoi de plus propre, en effet, à nous rendre heureux qu'une crainte qui produit en nous et nous enseigne la sagesse, c'est-à-dire le goût des choses divines, objet digne de toute l'application de notre volonté, dont les progrès dans le bien seront facilités par cette même crainte qui nous aura portés dès le commencement à le faire ? Ainsi, lorsque cette crainte est imprime en nous, elle n'éteint pas notre raison, quelque effrayant que puisse être le sujet qui nous l'a occasionnée, elle ne nous ôte pas l'intelligence ; mais elle dissipe plutôt les ténèbres qui nous enveloppaient, et elle rend la rectitude et la liberté à notre volonté déréglée et captive. De même donc que notre âme est incapable de vertu, tant qu'un rayon de la véritable lumière n'a pas pénétré en elle, ainsi la grâce ne produit aucun fruit en nous, tant qu'elle n'a pas fait pénétrer sa lumière dans notre volonté. "
24. Le même (Ou plutôt Julien Pomère, qui paraît être le véritable auteur de cet ouvrage), Lib. III de vitâ contemplativâ, c. 12 : " Après s'être étendu sur l'effrayant appareil du jugement dernier, sur l'éternité et sur la nature des peines de l'enfer, cet auteur ajoute : " Ecouter ou lire volontiers de pareils sujets, se les remettre sans cesse sous les yeux, croire les vérités qu’ils nous présentent, les craindre sans s'en laisser troubler, penser quel mal c'est que d'être exclu du bonheur de voir Dieu, d'être privé de la société de tous les bienheureux, d'être banni pour toujours de la patrie céleste, de mourir à la vie éternelle, de ne vivre que pour mourir éternellement, d'être précipité avec le démon et ses anges dans le feu éternel, où demeurer c'est subir une seconde mort, et où vivre c'est un supplice ; feu étrange qui semble avoir perdu sa qualité d'éclairer pour ne plus garder que celle de faire souffrir, d'entendre pétiller autour de soi ce feu dévorant, d'en sentir la fumée entrer dans ses yeux, d'être plongé dans un océan de flammes, d'être éternellement la proie des vers, et de ne jamais pouvoir être anéanti : s'occuper de pareilles pensées, c’est dire adieu à tous les vices et réprimer tous les désirs de la chair. Mais nous, si nous avons davantage à cœur notre perfection, ne nous bornons pas à méditer sur ces vérités
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effrayantes qui inspirent à tous les fidèles une terreur salutaire, et les éloignent des voluptés illicites ; vérités dont les voluptueux feront la triste épreuve dans un temps, hélas ! où ils ne pourront plus se corriger ; mais considérons de plus ce sublime bonheur qui fait tressaillir d’espérance ceux qui avancent dans la vertu, et qui leur fait désirer le ciel au mépris de tous les biens de la terre ; et puisque ceux qui font ces progrès ne s’élèvent à la perfection de la charité qu'après avoir commencé par la crainte, nous avons cru devoir aussi commencer par traiter de la crainte, en faveur de ceux qui commencent, pour parler maintenant de la charité que nous demanderons à celui qui en est la source et le principe. "
25. S. AUGUSTIN, in Epist. I Joannis, Tract. IX : " Quelqu'un a-t-il commencé à croire que le jour du jugement viendra ; s'il a commencé à le croire, il a commencé à le craindre, etc. " Voir ce passage rapporté plus haut, question VI des dernières fins de l'homme, témoignage 16, page 203.
26. Le même, de catechizandis rudibus, c. 5 : " La considération de la justice de Dieu, qui a coutume de frapper les hommes d'une terreur salutaire, doit servir elle-même à élever en nous l'édifice de la charité, en ce que nous réjouissant de nous voir aimés de celui que nous avons tant de raisons de craindre, nous sommes par cela même inclinés à l'aimer à notre tour, et que nous l’craignons de déplaire à un Dieu si aimable, quand même nous pourrions le faire impunément. Car il est très-rare, ou plutôt il n'arrive jamais qu'on veuille se faire chrétien, si l'on n'y est d'abord poussé par quelque crainte. "
27. Le même, Lib. L Homiliarum, Hom. L, c. 2 : " Quiconque est en âge de discernement ne peut s'approcher des sacrements offerts aux fidèles pour mener une nouvelle vie, s'il n'a commencé par se repentir de l'ancienne qu'il a menée. Il n'y a que les petits enfants qui soient exemptés de faire cette pénitence, par la raison qu'ils ne sont pas encore capables d'user de leur liberté. Pour tous les autres, ils ne peuvent entrer dans le bercail de Jésus-Christ qu’à condition de changer de vie, et de se repentir de ce qu'ils étaient auparavant. "
28. Le même, ibidem, Hom. XXVII, c. 1 : " Personne ne peut recevoir comme il faut le baptême chrétien, dont la vertu est d'effacer tous les péchés, qu'autant qu'on a commencé par se repentir des égarements de sa vie passée. Car celui-là seul embrasse une vie nouvelle, qui conçoit du regret de l'ancienne. . . . . "
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" Ceux qui se laissèrent toucher du regret de leurs crimes ayant dit aux apôtres : Que ferons-nous donc ? saint Pierre leur dit : Faites pénitence et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et vos péchés vous seront alors pardonnés (Act., II, 38). Si donc il y en a parmi ceux qui m’écoutent, comme nous devons le croire, qui se disposent à recevoir le baptême car ils doivent être d'autant plus empressés à venir entendre la parole de Dieu qu'ils sont plus près d'obtenir le pardon de leurs péchés ; commençons par leur adresser la parole, pour relever leurs cœurs par l'espérance qui doit les animer. Qu'ils s'appliquent avant tout à devenir ce qu'ils ne sont pas encore, et à détester ce qu'ils ont été autrefois. Qu'ils commencent à prendre les traits du nouvel homme dont ils seront bientôt revêtus ; qu'ils ne doutent pas de la possibilité qu'il y a pour eux de se défaire de tout ce qu'ils ont à déplorer de leur vie passée, de tout ce qui fait naître dans leurs consciences de justes sujets d'inquiétude, en un mot, de tous leurs péchés, grands ou petits, publics ou secrets ; de crainte que leur défaut de foi ne leur fasse perdre les avantages du pardon que leur offre la miséricorde divine. "
29. S. CHRYSOSTOME, Hom. XXI ad populum Antiochenum : " Ne retournons donc point à notre vomissement, et apprenons de saint Jean et du chef des apôtres les dispositions qu'il faut apporter au baptême. Saint Jean dit : Faites de dignes fruits de pénitence, ne croyez pas qu'il vous suffise de dire qu'Abraham est votre père (LUC, III, 8). Saint Pierre répond à ceux qui l'interrogeaient : Faites pénitence, et que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Act., II, 38). Le vrai pénitent se détache pour jamais de son péché ; aussi nous est-il ordonné de dire : Je renonce à Satan, comme pour nous dire de rompre pour toujours avec lui (Cf. Homélies de saint Chrysostôme au peuple d’Antioche, trad. de Maucroix). "
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CHAPITRE XI.
CE QUE C’EST QUE LA JUSTIFICATION, ET QUELLES EN SONT LES CAUSES.
" Cette disposition ou préparation est suivie de la justification même, qui ne consiste pas seulement dans la rémission des péchés, mais de plus dans la sanctification et le renouvellement de l'homme intérieur par la réception volontaire de la grâce et des dons qui l'accompagnent : ce qui fait que l'homme devient juste d'injuste qu'il était auparavant, et ami de Dieu de son ennemi qu'il était, pour être selon l’espérance qui lui en est donnée, héritiers de la vie éternelle. "
" Cette justification, si on en recherche les causes, a premièrement pour cause finale la gloire de Dieu et de Jésus-Christ, et la vie éternelle. Pour cause efficiente, elle a Dieu même qui nous purifie et nous sanctifie dans sa miséricorde, sans que nous l'ayons mérité et nous marque du sceau et de l'onction de l’Esprit-Saint, promis dans les Ecritures, et qui est le gage de l'héritage que nous sommes appelés à posséder un jour. La cause méritoire de notre justification, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils unique et bien-aimé de Dieu, qui, par l'amour extrême dont il nous a aimés, tandis que nous étions ses ennemis, nous a mérité notre justification et a satisfait pour nous à Dieu son père, par sa très-sainte passion endurée sur l'arbre de la croix. La cause instrumentale, c'est le sacrement de baptême, qui est le sacrement, de la foi, sans laquelle personne ne peut être justifié. Enfin la cause formelle de la justification, c'est uniquement la justice de Dieu, non celle dont il est juste lui-même, mais celle dont il nous rend justes, et qui, quand une fois nous l'avons reçu de lui, nous renouvelle dans l'intérieur de notre âme, en sorte que nous ne soyons pas seulement réputés justes, mais que nous en portions le nom avec vérité et que nous le soyons véritablement, chacun de nous recevant en soi-même la justice selon la mesure qui lui convient, et selon le partage qu'en fait le Saint-Esprit, comme il lui plaît et suivant la disposition et la coopération que chacun peut y apporter. Car quoique personne ne puisse être juste que celui à qui les mérites de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ sont communiqués, il faut entendre cependant que cela se fait dans la justification du pécheur, lorsqu’en vertu des mérites de cette même passion, la divine
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charité est répandue par le Saint-Esprit dans les cœurs
de ceux qui sont justifiés, et y demeure comme une qualité
qui leur devient inhérente. De là vient que dans cette œuvre
de la justification, l'homme reçoit avec la rémission de
ses péchés tous ces dons infus appelés la foi, l'espérance
et la charité, par son union avec Jésus-Christ, auquel il
est enté pour ainsi dire. Car la foi elle-même, si elle n'est
accompagné de l'espérance et de la charité, ne suffit
pas pour nous unir parfaitement à Jésus-Christ, ni pour nous
rendre des membres vivants de son corps mystique. C'est en ce sens que
nous disons avec beaucoup de vérité, que la foi sans les
œuvres est morte et devient inutile, et qu'en Jésus-Christ, ni la
circoncision, ni l'incirconcision ne sert de rien, mais que ce qui sert
beaucoup, c'est la foi animée de la charité. C'est cette
foi que les catéchumènes, conformément à la
tradition venue des Apôtres, demandent à l'Eglise, lorsqu'au
moment de recevoir le sacrement de baptême, ils demandent la foi
(Voir le Rituel romain) qui puisse leur procurer la vie éternelle
; or elle ne la leur procurerait pas, si elle n'était accompagné
de l’espérance et de la charité. C'est pourquoi, on a soin
aussitôt de leur faire entendre cette parole de Jésus-Christ
: Si vous voulez entrer dans la vie éternelle, gardez les commandements.
Aussi, dès qu'ils ont reçu le sacrement de régénération,
et par son moyen la justice chrétienne et véritable, on leur
recommande de la conserver pure et sans tache, comme une robe d'innocence
qui vient de leur être rendue, en vertu des mérités
de Jésus-Christ, en remplacement de celle qu'Adam a perdue par sa
désobéissance tant pour lui-même que pour sa postérité,
pour pouvoir se présenter avec elle devant le tribunal de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, et parvenir ainsi à la vie éternelle.
" Conc. Trid., sess. VI, c. 7.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Tite, III, 5-7 : " Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions pu faire, mais à cause de sa miséricorde, par l'eau de la renaissance et par le renouvellement du Saint-Esprit, - qu'il a répandu sur nous avec une riche effusion, par Jésus-Christ notre Sauveur ; - afin qu'étant justifiés par sa grâce, nous devinssions les héritiers de la vie éternelle selon l'espérance qui nous en a été donnée. "
2. I Corinthiens, VI, 12 : " C'est ce que quelques-uns d'entre
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vous ont été autrefois ; mais vous avez été lavés, sanctifiés et justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'esprit de notre Dieu. "
3. Ephésiens, I, 13-14 : " Après avoir cru à la parole de vérité, vous avez été scellés du sceau de l'Esprit-Saint qui vous avait été promis, - qui est le gage de notre héritage jusqu'à ce que soit consommée la délivrance du peuple que Jésus-Christ s'est acquis par la louange et la gloire de son nom. "
4. Romains, V, 8-10 : " Mais Dieu a fait éclater son amour pour nous en ce que, lors même que nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous dans le temps marqué - Maintenant donc que nous sommes justifiés par son sang, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu. Car si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons
été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison étant maintenant réconciliés avec lui, nous serons sauvés par la vie de ce même Fils. "
5. Ephésiens, II, 4-6, 13-16 : " Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, poussé par l'amour extrême dont il nous a aimés, - lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a rendu la vie en Jésus-Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés ; - et il nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir dans le ciel en Jésus-Christ. - Mais maintenant que vous êtes en Jésus-Christ, vous qui étiez autrefois éloignés de Dieu, vous êtes devenus proches de lui par le sang de Jésus-Christ. - Car c'est lui qui est notre paix ; c'est lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un ; c'est lui qui a détruit en sa chair le mur de séparation, cette inimitié qui les divisait ; - et qui, par sa doctrine, a aboli la loi de Moïse chargée de tant de préceptes, afin de donner en lui-même un seul homme nouveau de ces deux peuples, en mettant la paix entre eux ; - et afin que tous deux étant réunis en un seul corps, il les réconciliât avec Dieu par sa croix, y ayant détruit en lui-même leur inimitié. "
6. Romains, IV, 25 : " Il a été livré à la mort pour nos péchés et il est ressuscité pour notre justification. "
7. Ephésiens, IV, 23-24 : " Renouvelez- vous dans l'intérieur de votre âme, - et revêtez-vous de l'homme nouveau, qui est créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritable. "
8. I Corinthiens, XII, 11 : " Or, c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, comme il lui plaît. "
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9. Ephésiens, IV, 7 : " Car la grâce a été donnée à chacun de nous, selon la mesure du don de Jésus-Christ. "
10. Romains, V, 5 : " Or, cette espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné. "
11. II Corinthiens, I, 21 - 22 : " Or, celui qui nous confirme el nous affermit avec vous dans la foi en Jésus-Christ et qui nous a oints de son onction, c'est Dieu même ; - et c'est lui aussi qui nous a marqué de son sceau, et qui, pour gage des biens qu'il nous a promis, nous a donné le Saint-Esprit dans nos cœurs. "
12. Galates, V, 6 : " Car, en Jésus-Christ, ni la circoncision, ni l'incirconcision ne servent de rien ; mais uniquement la foi qui est animée de la charité. "
13. JACQUES, II, 14-26 : " Mes frères, que servira-t-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver ? - Si, par exemple, un de vos frères ou une de vos sœurs n'ont point de quoi se vêtir et qu'ils manquent de ce qui leur est nécessaire chaque jour pour vivre, - et que quelqu'un d’entre vous leur dise : Allez en paix ; je vous souhaite de quoi vous couvrir et de quoi manger, sans leur donner néanmoins de quoi satisfaire aux nécessités de leur corps, à quoi serviront vos paroles ? - Ainsi la foi qui n'est point accompagnée des œuvres, est morte en elle-même.- En sorte qu'on pourra dire. : Vous avez la foi, et moi j'ai les œuvres ; montrez-moi votre foi qui est sans œuvres, et moi je vous montrerai ma foi par mes œuvres. - Vous croyez qu'il n'y a qu'un Dieu, vous faites bien ; les démons le croient aussi, et ils tremblent. - Mais voulez-vous savoir, ô homme vain, que la foi sans les œuvres est morte ? - Notre père Abraham ne fut-il pas justifié par ses œuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel ? - Ne voyez-vous pas que sa foi était jointe à ses œuvres, et que sa foi fut consomme par ses œuvres ? - Et ainsi cette parole de l’Ecriture fut accomplit : Abraham crut ce que Dieu lui avait dit, et sa foi lui fut imputée à justice, et il fut appelé ami de Dieu. - Vous voyez donc que l’homme est justifié par ses œuvres et non pas seulement par la foi. - Rahab aussi, cette femme débauchée, ne fut-elle pas de même justifiée par les œuvres, en recevant chez elle les espions de Josué, et les renvoyant par un autre chemin ? - Car comme le corps est mort lorsqu'il est sans âme, ainsi la foi est morte lorsqu’elle est sans les œuvres. "
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14. MATTHIEU, XIX, 16-19 : " Et voici que quelqu'un s'approchant,
lui dit : Bon maître quel bien me faut-il faire pour gagner la vie
éternelle. - Jésus lui répondit : Pourquoi me demandez-vous
ce qui est bon ? Il n'y a que Dieu seul qui soit bon. Au reste, si vous
voulez entrer dans la vie, gardez les commandements. - Et il lui dit :
Quels sont ces commandements ? - Jésus lui repartit : Vous ne tuerez
point ; vous ne commettrez point d'adultère ; vous ne déroberez
point ; vous ne porterez point de faux témoignage ; - honorez votre
père et votre mère, et aimez votre prochain comme vous-même.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. VI contra Julianum, c. 11 : " Ah ! que ne savez-vous du moins goûter assez les dons de Jésus-Christ, pour croire qu'ils pourraient servir à vaincre la concupiscence ! Mais les Juifs, dites-vous, en avaient fait mépris parce qu'ils le voyaient accorder son pardon aux péchés, que leur apprenaient à éviter les seules prescriptions de la loi. Comme si le pardon des péchés avait pour effet de délivrer l’homme de ces luttes de la chair contre l'esprit, qui faisaient dire à l'Apôtre : Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire dans ma chair (Rom., VII, 18), et autres passages de ce genre. Mais vous êtes conséquent à ce dogme de votre secte, d'après lequel la grâce de Dieu, donnée en vertu des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, consiste tellement dans le simple pardon des péchés, qu'elle ne prête aucun secours pour les éviter et pour vaincre les désirs charnels, en répandant sa charité dans nos cœurs, par l’Esprit-Saint qu'il nous a donné. Et vous ne considérez pas que celui qui disait : Je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit (Rom., VII, 23), et qui déclarait ne pouvoir être délivré d’un tel mal que par la grâce de Dieu, accordée en vertu des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, n'était pas Juif, et gémissait en cette occasion, non du malheur d'avoir péché, mais du danger qu'il y avait pour lui de pécher. "
2. Le même, Retractationum lib. I, c. 13 : " La grâce de Dieu non-seulement efface tous les péchés antérieurs dans ceux qui sont baptisés en Jésus-Christ, ce qui est le propre de l'esprit de régénération, mais guérit encore dans les adultes la volonté elle-même, que le Seigneur s'engage à diriger ; ce qui est le propre de l'esprit de loi et de charité. "
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3. S. AUGUSTIN, Epist. CV ad Sixtum : " Ne savons-nous pas qu'après que les péchés ont été remis, si le Saint-Esprit ne demeure dans cette maison qui vient d'être nettoyée et purifiée, l’esprit impur ne manque pas d'y revenir avec sept autres esprits, en sorte que le dernier état de ces hommes devient pire que le premier (MATTH., XII, 15) ? Et quant à cette habitation du Saint-Esprit dans une âme, ne savons-nous pas aussi par l'Evangile, que l'Esprit souffle où il veut (JEAN, III, 8) ? Ne savons-nous pas que la charité de Dieu, sans laquelle personne ne mène une bonne vie, est répandue dans nos cœurs, non par nous-mêmes, mais par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rom., V, 5) ? . . . "
" Personne n'est délivré et justifié que par la grâce de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur ; c'est par elle seule que l'homme est justifié ou délivré, tant du péché que nous tirons de notre origine, que des péchés personnels dont chacun se rend coupable dans le cours de sa vie, soit faute de connaître ses devoirs ou de vouloir les connaître, soit en les violant par une transgression ouverte de la loi connue, ce qui met le comble à l'iniquité. Or, cette délivrance et cette justification, Dieu ne l’opère pas seulement en remettant les péchés, mais en inspirant d'abord la foi et la crainte de Dieu, en donnant l'amour salutaire de la prière, et en accordant à la prière les grâces qu'elle sollicite, jusqu’à ce qu'après avoir guéri toutes nos langueurs, il affranchisse notre vie de toute corruption, et nous couronne pour jamais par l'abondance de ses miséricordes (Ps. CII, 3-4) (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 111, 136-137). "
4. Le même, Epist. CVI (al. 186) ad Paulinum : " C'est la grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui fait passer les enfants nouvellement nés, aussi bien que les adultes, de la mort que nous avons encourue par le premier Adam, à la vie que le second Adam communique ; et cela ne se fait pas par la simple rémission des péchés, mais par un secours qui fait éviter le mal et pratiquer le bien à ceux qui sont en âge d'user de leur libre arbitre ; en sorte que, sans ce secours, nous ne saurions ni accomplir ni vouloir la moindre chose de ce qui regarde la piété et la justice, puisque c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir (Philip., II, 13) (Cf. Les Lettres de saint Augustin, trad. en français, t. V, p. 213-214). "
5. Le concile de Milève, canon 3 (C'est le même que le canon 4 du concile de Carthage de l'an 418. Voir le Dictionnaire universel des conciles, t. Ier, col. 515) : " Quiconque dira que
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la grâce de Dieu, qui nous justifie par Jésus-Christ, ne sert que pour la rémission des péchés déjà commis, et non pour nous aider encore à ne plus en commettre ; qu'il soit anathème. "
6. Ibidem, canon 4 (C'est le même que le canon 5 de ce même concile de Carthage. V. ibidem) : " Si quelqu'un dit que la même grâce de Dieu par Jésus-Christ ne nous aide à ne point pécher, qu'en tant qu'elle nous ouvre l'intelligence de ses commandements divins, afin que nous sachions ce que nous devons faire ou éviter, et non en ce sens que ce soit elle qui nous procure l'avantage d'aimer et de pouvoir accomplir ce que nous savons que nous devons faire ; qu'il soit anathème. Car, puisque l'Apôtre dit que la science enfle, et que la charité édifie (I Cor., VIII, 1), c'est une grande impiété de croire que nous avons la grâce de Jésus-Christ pour ce qui enfle, et que nous ne l'avons pas pour ce qui édifie, puisque l'une et l'autre est un don de Dieu, c'est-à-dire, de savoir d'une part ce que nous devons faire, et d'aimer de l'autre à le faire, afin que la science ne puisse enfler, tandis que la charité édifiera. Et comme il est écrit que Dieu enseigne à l'homme la science (Ps. XXXIX, 40), il est écrit aussi que la charité vient de Dieu (I JEAN, IV, 7). "
7. S. CHRYSOSTOME, Hom. III de pænitentiâ: " Quand Dieu efface les péchés, il le fait de telle manière, qu'il ne reste ni cicatrice, ni même trace de cicatrice, mais il rend au pécheur pénitent toute la fraicheur de sa première innocence. Non content de lui remettre la peine de ses péchés, il met en lui la grâce de la justice, et le traite désormais comme s'il n'avait jamais péché. "
8. THEOPHYLACTE, in caput II Evangelii secundum Marcum : " Levez-vous et emportez votre lit (MARC, II, 9), pour rendre le miracle plus évident, pour faire voir que la guérison n'est pas simplement apparente, et que ce n'est pas même une simple guérison, mais un surcroît de forces. Ainsi Dieu en use-t-il par rapport aux maladies de l’âme. Non-seulement il nous délivre de nos infirmités spirituelles, mais encore il nous remplit de vertu et de force, pour nous faire accomplir ses commandements. " On trouvera plus haut, article du sacrement de Baptême, question III, d'autres témoignages à l'appui de cette même vérité. V. t. II, pages 209-221.
9. S. AUGUSTIN, de spiritu et litterâ c. 9 : " La justice qui
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vient de Dieu nous a été manifestée, dit l'Apôtre (Rom., III, 21) ; il ne dit pas, la justice qui vient de l'homme, la justice qui vient de la propre volonté, mais la justice qui vient de Dieu ; non pas toutefois celle qui fait que Dieu est juste lui-même mais celle dont il revêt l'homme, quand il le rend juste d'impie qu'il était. . . "
" Cette justice que Dieu donne par la foi de Jésus-Christ (ibid., 22), c'est-à-dire par la foi qui nous fait croire en Jésus-Christ. Or, de même que l'Apôtre appelle foi de Jésus-Christ, non celle que Jésus-Christ pourrait avoir lui-même, mais celle qui nous fait croire en lui, ainsi appelle-t-il justice de Dieu, non la justice qui fait que Dieu est juste, mais celle dont Dieu nous rend justes nous-mêmes. Car cette justice comme cette foi est bien la nôtre au fond ; mais l'Apôtre l'appelle cependant la justice ou la foi de Dieu ou de Jésus-Christ, parce que c'est de Dieu ou de Jésus-Christ qu'elle nous est donnée. "
10. Ibidem, c. 11 : " C'est cette justice de Dieu qui, couverte comme d'un voile dans l'Ancien-Testament, nous est découverte dans le Nouveau ; et elle est appelée la justice de Dieu, parce que c'est lui qui nous rend justes en nous la donnant, comme on dit le salut de Dieu (Ps. III, 3), pour signifier le salut qu'il nous procure : et c'est là cette foi venant de la foi dont l'Apôtre nous parle ailleurs (Rom., I, 17), c'est-à-dire la foi des fidèles venant de la foi de ceux qui la leur annoncent, véritable foi de Jésus-Christ, c'est-à-dire mise en nos cœurs par Jésus-Christ, et qui fait que nous croyons que c'est à Dieu que nous devons de vivre dans la justice, comme c'est à lui que nous devrons d'y vivre plus parfaitement un jour ; et de là vient que c'est à lui que nous en rendons grâces, en lui déférant le culte qui n'est dû qu’à lui. "
11. Le même, in Expositione Psalmi CL : " On ne doit pas entendre la justice qui constitue juste Dieu lui-même, par celle qu'il crée en nous lorsque nous devenons justes de sa justice, comme le dit l'Apôtre (II Cor., V, 21). "
12. Le même, Tract. XXVI in Evangelium Joannis : " Que signifie cette justice de Dieu mise en regard de celle de l'homme ? Il faut entendre ici (Rom., X, 5-6) par justice de Dieu, non celle qui fait que Dieu est juste, mais celle que Dieu donne à l'homme, et qui fait que l'homme est juste par le don de Dieu. "
13. Le même, Epist. CXL (al. 120) ad Honoratum, c. 30 : " Ceux qui ne connaissent pas cette justice dont Dieu est l'auteur, ne se sont point soumis à lui pour la recevoir, et ont voulu établir
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leur propre justice (Rom., X, 5). C'est à cette fausse justice que l'Apôtre oppose la justice qui vient de Dieu, c'est-à-dire celle dont nous sommes justes par sa grâce, et qui fait que nous sommes sa justice (II Cor., V, 21), lorsque nous vivons saintement, et que nous croyons en celui qui justifie l'impie. Mais il ne faut pas confondre cette justice que Dieu nous communique, avec la justice éternelle et immuable par laquelle Dieu est juste, et qui n'est autre chose que lui-même. C'est cette même justice, dont nous sommes justes par le bienfait de la grâce et de la miséricorde de Dieu, que David nous désigne quand il dit au psaume XXXV (v. 7) : Votre justice est comme les montagnes de Dieu, ce qui signifie ses saints. "
" De même que, bien que ce salut dont parle David dans le troisième psaume (v. 9), soit appelé le salut du Seigneur, il ne faut pas entendre par-là cette félicité inaltérable dont Dieu jouit, mais celle dont il fait part à ceux qu'il sauve ; de même, quoique cette justice dont parle saint Paul au dixième chapitre de l'épître aux Romains (v. 5), soit appelée la justice de Dieu, il ne faut pas entendre par-là celle dont Dieu même est juste, mais celle dont il fait part à ceux qu'il justifie par sa grâce. Car l'une est la règle de l'autre, et les hommes doivent leur salut à celui à qui ils doivent leur justice (Cf. Lettres de saint Augustin, Paris, 1684, t. III, p. 602, 604). "
14. Le même, de Naturâ et Gratiâ, c. 63 : " Il n'est pas douteux que, même avant la passion de Jésus-Christ, les justes n'étaient justes que par la foi qu'ils avaient en lui, puisque c'est à lui seul que l'homme peut devoir l’Esprit-Saint qui nous a été donné, et a répandu la charité dans nos cœurs : charité qui seule peut rendre justes ceux qui le sont véritablement, à quelque temps d'ailleurs qu'ils appartiennent. "
15. Le même, Lib. I contra Pelagium et Celestium, seu lib. de gratiâ Christi contra prædictos, c. 30 : " Dans tous les écrits que j'ai pu lire de Pélage et de Célestius, je n'ai trouvé nulle part qu'ils admettent de la manière qu'on le doit la grâce dont l'effet est de nous rendre justes, c'est-à-dire, qui répand l'amour de Dieu dans les cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donne. "
16. Le même, Lib. I de peccatorum meritis et remissione, c. 9 : " Jésus-Christ trouve ses imitateurs dans ses saints par le zèle avec lequel ceux-ci s'adonnent à la pratique de la justice. C'est ce qui autorisait l'Apôtre à dire aux fidèles de Corinthe ;
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Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Jésus-Christ (I Cor., IV, 16). Mais outre cette imitation qu'elle nous inspire, sa grâce nous éclaire intérieurement et nous met en état de justice, par ce travail intérieur dont parle le même apôtre lorsqu'il dit : Ce n'est ni celui qui plante, ni celui qui arrose, qui est quelque chose, mais c'est Dieu qui donne l'accroissement (I Cor., III, 7). Car c'est cette grâce qui fait membres de Jésus-Christ les petits enfants, du moment qu'ils ont reçu le baptême, quoique certainement ils ne soient pas encore capables de l'imiter. De même donc que celui en qui tous recevront une nouvelle vie (I Cor., XV, 22), outre ses exemples qu'il propose à notre imitation pour nous faire pratiquer la justice, nous donne cette grâce de l'Esprit-Saint, qu'il répand d'une manière mystérieuse dans l'âme des plus petits enfants ; de même celui en qui tous sont morts, outre son exemple qu'il a laissé à ceux qui violent par leur propre volonté la loi de Dieu, a imprime à tous ceux qui naissent de lui ou de sa race une tache secrète qui a pour foyer la concupiscence. "
17. Ibidem, c. 10 : " Nous lisons (Gal, II, 16), que ceux qui croient en Jésus-Christ sont justifiés en lui : cela se fait par une communication et une inspiration secrète de la grâce spirituelle qui nous unit à Dieu, et fait de nous un même esprit avec lui (I Cor., VI, 17) : ce qui n'empêche pas les saints de se porter de plus à l'imiter. "
18. Le concile œcuménique de Vienne, tenu sous Clément V, in Clementinis, lib. I, tit. I de summâ Trinitate et fide catholicâ : " Comme les théologiens se trouvent avoir soutenu des sentiments contraires les uns aux autres sur ce qui concerne l'effet du baptême dans les enfants, quelques-uns d'eux allant jusqu'à dire que le baptême a bien la vertu de remettre le péché aux enfants, mais non de leur conférer la grâce, d'autres soutenant au contraire, qu'en même temps que le péché leur est remis, la grâce sanctifiante et les vertus divines sont infuses dans leurs âmes, non quant à l'acte ou à l'usage qu'ils auraient à en faire pour le moment, mais quant à l'habitude ; nous, prenant en considération l'efficacité générale de la mort de Jésus-Christ, dont le fruit est appliqué par le baptême également à tous ceux qui le reçoivent, avons jugé, avec l'approbation du saint concile, devoir adopter la seconde opinion, selon laquelle tant les enfants que les adultes reçoivent dans le baptême la grâce sanctifiante et les vertus infuses, comme plus probable, et plus conforme en
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même temps que plus analogue au langage des saints et des théologiens modernes. "
19. S. AUGUSTIN, Epist. XXIX (al. 167) ad Hieronymum (lettre à saint Jérôme) : " A Dieu ne plaise qu'aucun fidèle se persuade que tant de serviteurs de Jésus-Christ, qui pour ne pas se tromper eux-mêmes, et afin que la vérité soit en eux (I JEAN, I, 8), avouent très-sincèrement qu'ils pèchent, n'aient aucune vertu, puisque la sagesse en est une fort grande, et que, dès-là qu'ils ont de la piété ils ont de la sagesse : car la Sagesse même nous apprend que ce qu'on appelle sagesse n'est autre chose que la piété (JOB, XXVIII, 28, selon les Septante). A Dieu ne plaise donc que nous disions que tant de saintes âmes et de serviteurs de Dieu n'aient point de piété. Or, qu'est-ce qu'avoir de la piété, sinon servir Dieu, puisque la piété est appelé en grec ????????, et mieux encore ????????? ? Et qu'est-ce que servir Dieu, sinon l'aimer ? La vertu, et la souveraine vertu, n'est donc autre chose que la charit? qui part d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère (I Tim., I, 5). Aussi est-elle la fin de la loi ; et c'est avec grande raison que l'Ecriture dit qu'elle est forte comme la mort, soit parce qu'elle triomphe de tout obstacle, aussi bien que la mort, soit parce que le comble de la charité est d'aimer jusqu’à souffrir la mort pour ce qu'on aime. . . "
" Il résulte, ce me semble, de ce que je viens de dire que les stoïciens se trompent lorsqu'ils disent que, tant qu'il reste encore des progrès à faire dans la sagesse, on n'a point de sagesse, et qu'il n'est vrai de dire que les hommes en ont, que lorsqu'ils en ont atteint la perfection. Ce n'est pas que les stoïciens ne reconnaissent qu'on peut faire des progrès dans la sagesse ; mais ils soutiennent qu'on ne peut appeler sages que ceux qui sont entièrement sortis des ténèbres de l'ignorance et du vice, et qui se trouvent dans la région pure et sereine de la sagesse. Car, disent-ils, un homme est tout aussi bien noyé avec un pied ou même un pouce d'eau par-dessus la tête, que s'il y en avait mille piques. Il en est de même de ceux qui sont encore dans le gouffre de l'ignorance et du vice : les uns y sont moins enfoncés que les autres ; et parmi ceux-là, ceux qui tendent à la sagesse sont plus rapprochés de la surface ; mais ils n'ont encore ni vertu ni sagesse, jusqu’à ce qu'ils soient tout-à-fait hors de l'eau et qu'ils puissent respirer l'air. Ce sera alors qu'ils posséderont la sagesse dans toute sa plénitude, sans qu'il reste rien en eux de tout ce qui lui est contraire, ni qui puisse être la source d'aucun péché. "
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" Mais cette comparaison, qui consiste à se représenter l'ignorance et les vices comme une eau profonde, et la sagesse comme l'air qui s'élève au-dessus, et où l'esprit qui était comme étouffé tant qu'il était dans cet abîme, respire tout-à-coup et reprend vie quand il s'est élevé jusqu’à cette région, ne s'accorde pas, ce me semble, avec la doctrine de l’Ecriture. Il y en a une autre qui lui convient mieux ; c'est celle qui assimile la sagesse à la lumière et le défaut de sagesse aux ténèbres, si toutefois les objets corporels peuvent fournir des comparaisons qui servent à faire entendre des choses susceptibles de n’être saisies que par l'esprit. Ce n'est, donc pas comme ferait un homme qui s’élèverait du fond de l'eau, et qui se trouverait tout-à-coup au-dessus, que nous passons du vice et de l'ignorance à la sagesse ; mais nous le faisons par un progrès insensible, et semblable à celui par lequel un homme qui sort d'un antre profond passe des ténèbres à la lumière Car dès avant même que cet homme soit tout-à-fait au grand air, il ne laisse pas d'être éclairé peu à peu à mesure qu'il approche de l'orifice, de sorte qu'il y a dans les objets qui s'offrent à sa vue, et quelque chose de lumineux qui tient déjà de la lumière vers laquelle il s'avance, et quelque chose d'obscur, qui tient encore des ténèbres d’où il n'est pas tout-à-fait sorti. Et c'est par-là qu'il est vrai, et que nul homme vivant n'est juste aux yeux de Dieu (Ps. CXLII, 2), et que ceux qui vivent de la foi sont justes cependant (HABAC., II, 4), et que, comme on peut dire d'un côté que les saints sont revêtus de justice, les uns plus et les autres moins, on peut dire aussi d'un autre côté que personne ne vit ici-bas sans pécher les uns plus et les autres moins, et qu'entre ces derniers mêmes on appelle le plus juste celui qui pèche le moins (Cf. Les lettres de saint Augustin, traduites en français, t. IV, p. 594-599). "
20. Le même, Serm. XVI de verbis Apostoli, c. 4 : " Voici des hommes baptisés : tous leurs péchés leur sont remis en conséquence ; les voilà justifiés de leurs péchés, nous ne pouvons en disconvenir ; mais il leur reste à soutenir la lutte avec la chair, la lutte avec le monde, la lutte avec le démon. Or, celui qui est en lutte, tantôt blesse son ennemi, tantôt en est blessé lui-même et est tantôt vainqueur, tantôt vaincu : qu'il fasse attention surtout à se trouver vainqueur au moment où il sortira de la carrière ! Car si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous
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séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous (I JEAN, I, 8). Si nous disons au contraire qu'il n'y ait en nous aucune justice, nous faisons injure aux dons que nous avons reçus de Dieu. Car s'il n'y a en nous aucune justice, il nous manque donc jusqu'à la foi. Si la foi nous manque, nous ne sommes pas chrétiens. Mais s'il est vrai au contraire que nous ayons la foi, il y a donc en nous quelque justice. Ce quelque peu même de justice, voulez-vous en savoir la valeur ? Le juste vit de la foi (HABAC., II, 4). Le juste, dis-je, vit de la foi, parce qu'il croit sans voir encore l'objet de sa foi. "
Ibidem, c. 5 : " Nos chefs dans la voie de la sainteté, les apôtres, ces béliers généreux, non-seulement ont vu de leurs yeux, mais encore ont touché de leurs mains ce qu'ils nous ont annoncé (I JEAN, I, 4) ; ce qui n'a pas empêché Notre-Seigneur, qui nous réservait à nous le don de la foi, du dire à un de ses disciples qui le touchait, qui le palpait, et qui s'écriait en voyant la vérité de ses yeux, Mon Seigneur et mon Dieu : Vous avez cru, parce que vous avez vu ; heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru (JEAN, XX, 29). C'est à nous qu'il songeait en disant ces dernières paroles : nous n'avons pas vu, mais nous avons entendu, et cela nous a suffi pour croire. Quoi ! Nous avons été proclamés heureux par la Vérité même, et il n'y aurait en nous aucune justice ? Notre-Seigneur s'est rendu visible aux Juifs en les honorant les premiers de sa visite, et au lieu de le recevoir, les Juifs l'ont mis à mort ; à nous au contraire il n'est point venu visiblement, et nous l'avons cependant reçu. Un peuple que je ne connaissais pas s'est mis sous mon empire ; il m'a obéi dès qu'il a entendu ma voix (Ps. XVII, 45). C'est nous qui sommes ce peuple, et il n'y aurait en nous aucune justice ? Assurément il y a de la justice en nous. Soyons reconnaissants à Dieu de ce qu'il nous a donné pour qu'il nous donne encore davantage, ou que nous ne perdions pas du moins ce que nous avons reçu de lui. Il faut donc en venir à ce troisième degré. Nous sommes justifiés en ce moment ; mais la justice croîtra en nous, si nous prenons soin d'avancer de vertu en vertu. "
Ibidem, c. 8 : " Et où se trouve la vérité de ces paroles, Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ? Elle se trouve en vous-même, puisque c'est en vous-même que se trouve votre foi. Est-ce que l’Apôtre peut nous avoir trompés en nous disant que Jésus-Christ habite par la foi dans nos cœurs (Ephés., III, 17) ? Présentement il habite en nous par la foi ; plus tard il habitera
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en nous par la claire vision qu'il nous donnera de sa présence. Il habite en nous par la foi, tant que nous sommes dans la carrière, tant que nous ne sommes pas parvenus au terme de notre pèlerinage : car tant que nous sommes dans ce corps, éloigné que nous nous trouvons du Seigneur, nous ne sommes que des pèlerins ici-bas (II Cor., V, 6). "
21. Le même, Lib. II Retractationum, c. 33 : " J'ai composé trois livres dont le titre est, De peccatorum meritis et remissione ; j'y traite plus particulièrement du baptême des enfants, et de la grâce de Dieu qui nous justifie, c'est-à-dire qui nous rend justes. "
22. Le même, de Spiritu et Litterâ, c. 26 : " Qu'est-ce qu’être justifié sinon être fait juste ? et par qui, sinon par celui qui justifie l'impie, en le faisant passer de l'impiété à la justice (Cf. Le livre de saint Augustin de l’Esprit et de la Lettre, p. 100) ? "
23. Ibidem, c. 27 : " Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, et c'est ainsi qu'elle s'est répandue sur tous les hommes par celui en qui tous ont péché (Rom., V, 12). Comme il n'y a donc point à cet égard de distinction entre les hommes, ils ont tous besoin que Dieu fasse éclater sa gloire sur eux (ibid., III, 22), et qu'il leur communique la justice qui se donne gratuitement par sa grâce. C'est cette grâce qui, renouvelant l'homme intérieur, y grave de nouveau la justice que le péché avait effacée. Voilà quelle est la miséricorde de Dieu sur les hommes par Jésus-Christ Notre-Seigneur (Cf. Ibidem, p. 105-106). "
24. Le même, Epist. LVII (al. 187) ad Dardanum, q. 1, n. 17 : " Non-seulement Dieu n'habite pas dans tous les hommes, quoiqu'il soit partout ; mais il n'habite pas même également dans tous ceux en qui il habite. Aussi voyons-nous qu'Elysée demanda que l'esprit de Dieu fût en lui au double de ce qu'il était en Elie (II Rois, II, 9). Tous les saints ne sont donc plus ou moins saints les uns que les autres, que selon que Dieu habite plus ou moins dans les uns que dans les autres. "
Ibidem, n. 19 : " Dieu ne se distribue pas par parties dans les corps ni dans les cœurs des hommes, en sorte qu'une partie de l'être de Dieu habite dans l'un, et une autre partie de son être dans l'autre, comme la lumière se partage et se distribue en plusieurs maisons par les ouvertures qu'elle rencontre ; mais il est plutôt comme le son, qui, tout corporel et tout passager qu'il
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est, a néanmoins cette propriété, qu’étant le même en soi, il est reçu différemment selon les différentes dispositions de ceux mêmes qui se trouvent également à portée de l'entendre : de sorte qu’un sourd ne l'entend point du tout, un homme qui a l'oreille dure ne l'entendra qu'à demi, et d'autres l'entendront plus ou moins, selon qu'ils auront l'oreille plus on moins fine, quoiqu'il les frappe tous également. Or, si cela se trouve vrai du son, à combien plus forte raison n'est-il pas possible que Dieu, qui est une nature incorporelle, vivante et immuable, qui n'est ni divisible ni sujet au temps comme le son, qui n'a nul besoin de l'espace, ni du véhicule de l'air, et qui subsiste éternellement en lui-même et par lui-même, soit présent tout entier à toutes choses, et tout entier chacune, quoique ceux en qui il habite et dont il forme et édifie les cœurs par sa grâce, comme un temple où il se plaît, le possèdent les uns plus, les autres moins, selon la mesure de leur capacité. "
Ibidem, n. 20 : " Il est vrai que saint Paul a dit qu'il y a diversité de dons (I Cor., XII, 4 et s.), et qu'ils se distribuent et se partagent à chaque membre du même corps, dans lequel nous ne sommes tous ensemble qu'un même temple, et où néanmoins chacun de nous est le temple de Dieu, parce que Dieu n'est pas plus grand dans tous que dans chacun. Mais après que l’Apôtre a dit qu'il y a diversité de dons, il ajoute qu'il n'y a qu'un même esprit ; comme après avoir fait plus bas l’énumération de tous ces dons, il ajoute : C'est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, partageant à chacun ses dons selon qu'il lui plaît. Ce sont donc ses dons qui se partagent, et non pas lui, puisqu'il demeure indivisible, toujours un et toujours le même (Cf. Lettres de saint Augustin, trad. en français, t. V, p. 290-293). "
25. Le même, de Spiritu et Litterâ, c. 17 : " C'est la charité qui est cette loi de Dieu, à laquelle la prudence de la chair n'est point soumise, ni ne peut l'être (Rom., VIII, 7). Mais, comme pour réprimer par la crainte cette prudence de la chair, il y a une loi des œuvres, une loi qui tue les prévaricateurs, et qui, par des caractères gravés sur la pierre, ne fait que montrer ce que la charité accomplit ; il y a une loi de la foi, et un esprit qui fait bien davantage : il vivifie ceux qui se conduisent par l'amour ; et cette loi et cet esprit ne sont autre chose que la charité répandue dans le cœur des fidèles. "
" Voyez à présent avec combien de justesse cette différence
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entre l'une et l'autre loi est signalée dans ces paroles de l'Apôtre : Il paraît que vous êtes la lettre de Jésus-Christ, dont nous n'avons cité que les secrétaires et qui a été écrite, non avec de l'encre, mais avec l'esprit du Dieu vivant ; non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, qui sont vos cœurs (II Cor., III, 5). Il fait voir bien clairement par-là que l'une de ces deux lois est extérieure, et écrite au-dehors pour imprimer la terreur à l'homme, et que l'autre s'écrit au-dedans même de l'homme, pour le justifier intérieurement (Cf. Le livre de saint Augustin, de l'Esprit et de la Lettre, p. 66-67). "
26. Ibidem, c. 32 : " D'ou vient donc cet amour, cette charité par laquelle la foi opère, sinon de celui de qui cette même foi l'a obtenue ? A quelque degré que nous l'ayons, nous ne l'aurions pas, si elle n'avait été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rom., V, 5). Et cela ne doit pas s'entendre de la charité par laquelle Dieu nous aime, mais de cette charité par laquelle il fait que nous l'aimions, et qui est appelée la charité de Dieu, de la même manière que la justice par laquelle Dieu nous justifie est appelée la justice de Dieu (Rom., III, 21), et que le salut par lequel il nous sauve est appelé le salut du Seigneur (Ps. III, 9), et comme la foi par laquelle Jésus-Christ nous rend fidèle est appelée la foi de Jésus-Christ (Gal., II, 26). Voilà quelle est cette justice de Dieu, qu'il ne se contente pas de nous enseigner par les préceptes de la loi, mais qu'il nous donne même par l'infusion de son esprit. "
27. Le même, de Naturâ et Gratiâ, c. ultimo : " Une charité initielle est un état initiel de justice ; une charité qui grandit est ce même état de justice qui grandit et s’élève ; une charité abondante, c'est une justice abondante ; une charité consommée est une justice consommée : mais il faut que ce soit une charité qui émane d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère (II Th., I, 5) ; et cette charité devient la plus grande qu'on puisse avoir ici-bas, quand on fait pour elle le sacrifice de sa propre vie : or, je serais étonné si celle-ci même n’était pas encore susceptible de nouveaux degrés de perfection dans le ciel. Quelque part cependant que se trouve cette charité parfaite à laquelle on ne peut rien ajouter davantage, ce n'est point par nos forces naturelles, ou par l'impulsion de notre seule volonté qu'elle peut être répandue dans nos cœurs, mais par l'Esprit-Saint qui nous a été donné, et qui vient en aide à notre faiblesse
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en nous guérissant de nos langueurs. Cette charité parfaite n'est donc autre chose que la grâce qui nous sanctifie en vertu des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ. "
28. S. CHRYSOSTOME, Hom. V (al. 6) in Joannem : " Demandons, avec l'intelligence des mystères et l'orthodoxie de la doctrine, la grâce de mener une vie pure et sainte. Car en vain serions-nous versés dans l'étude des Ecritures, si nous n'avions soin de nous recommander en même temps auprès de Dieu par nos bonnes œuvres. La foi la plus éclairée et la mieux affermie, si elle n'est soutenue en même temps par une conduite exemplaire, ne nous préservera pas des supplices de l'enfer, et de ces feux qui ne s’éteindront jamais. Car de même que ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie éternelle, ceux, au contraire, qui auront commis le mal ressusciteront pour un supplice éternel. Faisons donc tous nos efforts pour ne pas perdre par le dérèglement de nos mœurs tous les avantages de la pureté de notre foi, et pour vivre de manière à paraître avec confiance au tribunal de Jésus-Christ, dont la vue seule fera notre souveraine félicité. Puissions-nous donc, dociles à ces enseignements, rapporter toutes nos actions à la gloire de Dieu (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, p. 44, édit. de Montfaucon ; p. 50-51, édit. de Gaume) ! "
29. S. AUGUSTIN, Lib. III contra duas epistolas pelagianorum, c. 5 : " Quoique la foi ne puisse sauver personne sans les œuvres, car la foi agréable à Dieu est celle-là seule qui opère par la charité ; cependant c'est par elle que nous pouvons obtenir le pardon de nos péchés, puisqu'il est vrai que le juste vit de la foi (HAB., II, 4). "
30. Le même, Hom. XVII, ex L, c. 2 : " Ecoutez l'Apôtre lui-même, cet habile prédicateur de la foi, ce grand défenseur de la grâce, écoutez-le dire à tous les chrétiens : A nos frères la paix et la charité avec la foi (Ephés., VI, 23). Voilà trois grandes choses nommées en même temps : la paix, la charité et la foi. L'Apôtre commence ici par la fin, pour finir par le commencement. Car c'est par la foi qu'on commence, et c'est par la paix qu'on doit finir, puisque c'est la foi qui nous fait croire. Mais cette foi doit être telle, qu'elle convienne à des chrétiens, et non pas seulement celle qui convient aussi aux démons, car, comme l'a dit l'apôtre saint Jacques, les démons eux-mêmes croient et tremblent (JAC., II, 19). Aussi lisons-nous que les démons dirent
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à Jésus-Christ, Vous êtes le fils de Dieu (MARC, III, 12). En cela les démons confessaient ce que les hommes refusaient de croire. Les démons tremblaient devant celui que les hommes ont fait mourir. Quoi donc ! pour avoir dit : Vous êtes le Fils de Dieu, nous savons qui vous êtes (MARC, III, 12), les démons devront-ils régner avec le Fils de Dieu ? Loin de nous cette pensée ! Il faut donc mettre une grande différence entre la foi des démons et la foi des saints, et c'est là une distinction qu'il faut bien établir. Car saint Pierre a confessé aussi que Notre-Seigneur était le Fils de Dieu, lorsqu’à cette interrogation qui lui fut faite, Qui dites-vous que je sois ? il répondit : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant (MATTH., XVI, 16). Et Notre-Seigneur de lui dire alors : Vous êtes heureux, Simon fils de Jean. Mais, Seigneur, les démons vous ont adressé les mêmes paroles ; pourquoi ne les avez-vous pas béatifiés aussi ? Pourquoi ? Parce que les démons n’ont dit que par crainte ce que Pierre a dit par amour. L’œuvre de notre salut doit donc commencer par la foi ; mais de quelle foi s'agit-il ? De celle que l'Apôtre a définie en ces termes : Ni la circoncision, ni l’incirconcision ne servent de rien, mais ce qui sert, c'est la foi (Gal., V, 6). Dites donc, ô apôtre quelle foi ? La foi qui opère par la charité. Cette foi qui opère par la charité, les démons ne l'ont pas ; elle n'est le partage que des serviteurs de Dieu, que des saints de Dieu, que de ceux qui par leur foi sont enfants d'Abraham, que des enfants de dilection, que des enfants du la promesse : c'est pour cela que l'Apôtre l'a identifiée ici avec la charité. L’Apôtre a nommé ces trois choses : A nos frères la paix, et la charité avec la foi. Quel est le principe de la paix et de la charité ? quel est le principe de la charité avec la foi ? Et comment pourriez-vous aimer, si vous ne croyiez pas à l'objet de votre amour ? En nommant d'abord la paix, puis la charité, et enfin la foi, l'Apôtre a donc commencé par ce qui n'est que la fin, et fini par ce qui est le commencement. Pour nous, disons : Foi, charité et paix. Croyez, aimez, régnez. Car si vous croyez et que vous n'aimiez pas, vous ne séparez point encore votre foi de la foi de ceux qui disaient en tremblant : Nous savons que vous êtes le fils du Dieu vivant. Aimez donc ; car c'est la charité avec la foi qui vous obtiendra le bien de la paix. "
31. Le même, lib. V de Trinitate, c. 48 : " Aucun don de Dieu ne surpasse celui de la charité, etc. " Voir ce passage rapporté plus haut, article de la Charité, question I, témoignage 7, tome Ier, page 246.
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32. S. GREGOIRE, lib. VI, epist. 15 ad Gregorium presbyterum et Theodorum diaconum Ecclesiæ Constantinopolitanæ : " Jésus-Christ, en descendant aux enfers, n'a délivré par sa grâce que ceux qui avaient eu foi en sa future venue, et qui avaient conformé leur vie à ses préceptes. Et il est certain que depuis son incarnation personne non plus ne peut être sauvé, si avec la foi on n'a pas la vie de la foi, puisqu'il est écrit : Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres (Tite, I, 16). Et saint Jean a dit de même : Celui qui dit qu'il connaît Dieu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur (I JEAN, II, 4). Jacques, frère de Notre-Seigneur, a dit aussi : La foi sans les œuvres est morte (JAC., IV, 20, 26). Si donc maintenant les fidèles ne sont point sauvés sans bonnes œuvres et que les infidèles et les réprouvés, sans bonnes œuvres à faire valoir, aient été sauvés à la descente de Notre-Seigneur dans les enfers, la condition de ceux qui n'auront pas eu connaissance de l'incarnation du Fils de Dieu aura été meilleure que celle de ceux qui sont venus depuis son incarnation. Or, pour se convaincre combien il serait déraisonnable de parler ou de penser de cette manière il suffit de se rappeler ces paroles que Notre-Seigneur a dites à ses apôtres : Beaucoup de rois et de prophètes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu (MATTH., XIII, 17). "
33. S. FULGENCE, epist. II ad Gallum, c. 8 : " La foi et les œuvres de miséricorde n'auront plus lieu dans l'autre vie, puisqu'alors nous verrons à découvert ce que nous croyons maintenant sans le voir, et que d'ailleurs il ne pourra y avoir personne de misérable parmi les bienheureux, pour qu'il y ait lieu d'exercer la miséricorde à son sujet. Mais si la foi et les bonnes œuvres ne doivent plus être de mise après cette vie, elles sont obligatoires dans celle-ci. Car quiconque sera mort sans avoir la vraie foi ou les bonnes œuvres pour recommandation, quand même sa vie antérieure aurait été celle d'un serviteur vigilant et fidèle n'en perdra pas moins le mérite de tout le bien qu'il aura fait, par cela seul qu'il n'aura pas persévéré jusqu’à la fin. "
34. Le même, lib. de incarnatione et gratiâ Jesu Christi, c. 20 : " La science qui consiste à connaître Dieu de manière à obtenir de la divine miséricorde le pardon de ses péchés, est bien différente de celle de ces hommes qui, connaissant Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ou qui ne lui ont pas rendu grâces, mais se sont égarés dans leurs vains raisonnements, et sont devenus insensés en s'attribuant le nom de sages ; qui ont transféré l'honneur qui n'est
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dû qu'au Dieu incorruptible à l'image
d'un homme corruptible (Rom., I, 21-23). Car comme la connaissance
qu'ils avaient de l’un n’était point accompagnée de la grâce
de la foi qui opère par la charité, cette connaissance même
qu'ils ont eue de lui les a rendus inexcusables. Ceux-là au contraire
sont exempts de reproche, qui connaissent Dieu par la foi. Car, qui
accusera les élus de Dieu ? Personne assurément : aussi
tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu (Rom., VIII,
33, 28). Et personne ne les accuse, parce que c'est Dieu même qui
les justifie, comme c'est lui qui glorifie ceux qu'il a connus d'avance
de toute éternité et prédestinés selon ses
desseins, afin que l'homme n'ayant plus à se glorifier de la loi
des œuvres, celui qui se glorifie ne puisse le faire que dans le Seigneur,
en mettant sa gloire dans la loi de la foi qui opère par la charité.
. . . . C'est lui qui est notre paix, et qui des deux peuples n'en fait
qu'un (Ephés., II, 14). Mais cette paix ne saurait être
obtenue sans la charité et la foi en Jésus-Christ, parce
qu'étant justifiés par la foi, nous avons la paix avec
Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui nous a aussi donné
entré par la foi à cette grâce en laquelle nous demeurons
fermes, et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire promise
aux enfants de Dieu (Rom., V, 1-2). Et cette espérance
ne sera point confondue, parce que l'amour de Dieu a été
répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été
donné (ibid., 5.). "
CHAPITRE XII.
COMMENT IL FAUT ENTENDRE QUE L’HOMME EST JUSTIFIE PAR LA FOI ET GRATUITEMENT.
" Quand l'Apôtre dit que l’homme est justifié par la foi et gratuitement, ces paroles doivent être entendues dans le sens qui a toujours été celui de toute l'Eglise catholique, savoir, que ce qui fait dire à l'Apôtre que nous sommes justifié par la foi, c'est qu'en effet la foi est le commencement du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justification ; que sans elle il est impossible de plaire à Dieu, et d'avoir part à son héritage. Et d'un autre côté, si l'Apôtre a dit que nous sommes justifiés gratuitement, c'est que rien de tout ce qui précède la justification, soit la foi, soit les œuvres, ne peut nous mériter cette grâce même. Car, si c'est une grâce, elle ne vient pas des œuvres ; autrement, comme dit ce même apôtre, une grâce ne serait plus une grâce. " Concile de Trente, session VI, c. 8.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, III, 24, 28 : " (Les hommes) étant justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, par la rédemption qu'ils ont en Jésus-Christ. - Car nous devons reconnaître que l'homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi. "
2. Hébreux, XI, 6 : " Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ; car, pour s'approcher de lui, il faut croire, premièrement, qu'il existe, et qu'il récompensera ceux qui le cherchent. "
3. Romains, XI, 5-6 : " Ainsi Dieu a sauvé en ce temps,
selon l’élection de sa grâce, un petit nombre qu'il s'est
réservé. - Que si c'est par grâce, ce n'est donc point
en considération des œuvres ; autrement cette grâce n'en serait
plus une. "
TEMOIGNAGES DES PERES.
1. S. AUGUSTIN, De prædestinatione sanctorum, c. 7, n. 12 : " Pourquoi saint Paul dit-il que l’homme est justifié par la foi, et non par les œuvres (Gal., II, 16) ? C'est parce que la foi est donnée la première et que c'est par elle qu'on obtient tout le reste de ce qui porte proprement le nom d'œuvres, et qui constitue la vie chrétienne. Car d’ailleurs il enseigne que la foi est un don de la grâce. C'est par grâce, dit-il, que vous avez été sauvés par la foi ; et cela ne vient pas de vous, c'est un don de Dieu (Eph., II, 8). C'est-à-dire, quand je dis que c'est par la foi, n'en concluez pas que cela vienne de vous ; car la foi elle-même est un don de Dieu (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 66-67). "
2. Le même, Serm. XXXVIII de tempore (Ce sermon n'est autre chose, à vrai dire, que le premier livre du traité d'Alcuin sur la Trinité, avec une partie du second. V. NAT. ALEX., Eccl. hist., t. V, p. 105, édit Mansi) : " Toutes les Ecritures ne sont qu'une perpétuelle exhortation à nous élever de la terre au ciel, ce séjour de la vraie et immuable félicité, mais où l'on ne saurait parvenir que par la foi qu'on professe dans le sein de l'Eglise catholique, et à laquelle on joint l'amour de Dieu et du prochain. En deux mots, pour parvenir à la vraie béatitude, la foi est avant tout nécessaire ; et c'est ce qu'enseigne l'Apôtre, lorsqu'il dit : Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu (Rom., XI, 6). Il est donc certain que, comme personne ne peut parvenir à la vraie béatitude sans être agréable à Dieu, personne non plus ne peut être agréable à Dieu sans la foi. La foi est en effet le fondement de tous les biens. La foi est le principe
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de salut de l'homme. Sans elle, personne ne saurait être admis dans la société des enfants de Dieu, parce que, sans elle aussi, personne ici-bas n’obtient la grâce de la justification, ni ne peut mériter la vie éternelle. Et celui qui ne s'aide pas du flambeau de la foi, ne parviendra jamais à voir dans l’éclat de ses perfections l'essence divine. "
On peut voir d'autres témoignages en faveur de la thèse actuelle, dans ce que nous en avons rapporté plus haut à la question IV du chapitre de la foi et du symbole.
3. S. AUGUSTIN, Lib. VI Hypognosticon, c. 4 (Cet ouvrage n'est ni de saint Augustin, ni peut-être non plus du pape Sixte III, à qui l'attribue D. Garnier. V. NAT. ALEX., t. V, p. 47) : " C'est Dieu qui rend l'homme juste, d'impie qu'il pouvait être auparavant ; et il ne se laisse point en cela prévenir par la volonté de l'homme, mais c'est lui, au contraire, qui prévient l'homme dans sa miséricorde. Il est mon Dieu, dit le Psalmiste, sa miséricorde me préviendra (Ps. LVIII, 11). Ecoutez la voix de cet nitre prophète : Convertissez-moi, Seigneur, et alors je serai converti ; guérissez-moi, et je serai guéri (JEREM., XVII, 14). De là ces paroles de l'Apôtre : Etant justifiés gratuitement par sa grâce (de Dieu), par la rédemption qu'ils (tous les hommes) ont obtenue en Jésus-Christ (Rom., III, 24). Retenez bien ce mot, gratuitement, et ne parlez plus ici de mérites. "
4. S. AUGUSTIN, Lib. I quæstionum ad Simplicianum, q. 2 : " Je dois, avant tout, me pénétrer de l'objet que s'est proposé l'Apôtre dans toute cette épître (aux Romains). Cet objet, c'est que personne ne doit se glorifier du mérite de ses œuvres, comme le faisaient les Israélites, qui, parce qu'ils avaient observé la loi que Dieu leur avait donnée, se flattaient d'avoir reçu la grâce de l’Evangile comme chose due à leurs mérites ; ce qui faisait que, considérant les gentils comme indignes d’obtenir cette même grâce, ils prétendaient les obliger à se soumettre préalablement aux pratiques légales. C'est cette même question que nous trouvons résolu dans les Actes des apôtres (XV, 29). Ils ne comprenaient pas que, par-là même qu'il est question de la grâce de l’Evangile, elle ne saurait être due au mérite des œuvres, puisqu'autrement une grâce ne serait plus une grâce (Rom., XI, 6). L’Apôtre revient souvent là-dessus, en élevant la grâce de la foi au-dessus du mérite des œuvres, non pour nier la nécessité de ces dernières mais pour faire voir que
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les œuvres ne sont pas le principe de la foi, qu'elles en sont plutôt la conséquence, et pour que personne ne croie avoir reçu la grâce de Dieu en récompense de ses propres œuvres, puisque nous ne pouvons faire de bonnes œuvres (Par ces bonnes œuvres, il faut entendre celles qui sont méritoires pour le salut ; car, sans avoir ce mérite, nos œuvres peuvent encore être susceptibles d'une bonté morale, et l’Eglise a condamne dans Jansénius cette proposition, que toutes les œuvres des infidèles sont des péchés, comme elle a condamné dans Quesnel cette autre proposition, que la foi est la première grâce et la source de toutes les autres (prop. 27)), sans avoir auparavant reçu la grâce de la foi. Or, l'homme commence à recevoir la grâce quand il commence à croire en Dieu, quand il est mû à croire en lui, soit par la parole extérieure, soit par un secret avertissement. . . . . "
" La foi a donc, elle aussi, ses commencements ; il faut qu'elle soit conçue, pour ainsi dire, avant qu'elle puisse éclore, mais ce n'est pas assez d'être conçu il faut de plus naître à terme, pour parvenir la vie éternelle. Toutefois, rien de tout cela ne se fait sans la grâce miséricordieuse de Dieu ; et si l'homme fait quelques bonnes œuvres, ces œuvres, comme nous l'avons dit, sont la conséquence de la foi, plutôt que d'en être le principe. C'est ce que l'Apôtre s'est appliqué à nous inculquer, en disant encore ailleurs que c'est par la grâce que nous sommes sauvés en vertu de la foi, et que cela ne vient pas de nous, puisque c'est un don de Dieu ; que cela ne vient pas non plus de nos œuvres, afin que personne ne s'en glorifie (Ephés., II, 8-9). Par-là il nous dit assez ce que nous devons penser de ceux qui ne seraient pas encore nés spirituellement. . . . . "
" On demande si c'est la foi qui mérite à l'homme la grâce de sa justification, ou si la divine miséricorde ne précède pas le mérite de la foi elle-même, en sorte que la foi aussi doive être comptée parmi les dons gratuits, puisque, après avoir dit : Non ex operibus (non à cause des œuvres, soit de Jacob, soit d'Esaü) il n'ajoute pas : Sed ex fide dictum est ei quia major serviet minori (à cause de la foi de l'un et de l’infidélité de l'autre, l'aîné sera soumis au cadet), mais il se contente d'ajouter (Rom., IX, 12) : Sed ex vocante (à cause de l'appel et du choix de Dieu). Car personne n'a la foi, qu'il n'ait commencé par être appelé. Mais telle est la miséricorde de Dieu, qu'il nous appelle sans que nous puissions faire valoir même le mérite de la foi, qui, bien loin de précéder cet appel que Dieu nous fait, ne peut
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jamais venir qu’à sa suite. Car, comment croirons-nous en Dieu, si nous n'en avons point entendu parler ? Et comment en aurions-nous entendu parler, si personne ne nous eût prêché (Rom., X, 14) ? A moins donc d'être appelé de Dieu, et prévenus ainsi par sa miséricorde, nous aurions été toujours dans l'impossibilité de croire en lui, et à plus forte raison d'être justifiés ou de faire aucunes bonnes œuvres. Donc tous nos mérites supposent la grâce, et c'est en toute vérité pour des impies que Jésus-Christ est mort (Rom., V, 6). "
5. Le même, Lib. I contra Pelagium et Celestium, c, 31 : " Quand Pelage nous dit que ceux qui usent bien de leur libre arbitre méritent une récompense, et par conséquent aussi la grâce de Dieu, il avoue que Dieu ne fait en cela qu'acquitter ce qu'il leur doit. Que deviennent donc ces paroles de l’Apôtre : Etant justifiés gratuitement par sa grâce (Rom., III, 24) ? et ces autres du même apôtre : C'est par la grâce que vous êtes sauvés (Ephés., II, 8) ? et pour qu'ils ne crussent pas que ce fût en vertu de leurs œuvres, il ajoute : En vertu de la foi. Enfin, pour qu'ils ne crussent pas non plus qu'ils pussent s'attribuer la foi qu'ils avaient, indépendamment de la grâce de Dieu, il dit de plus : Et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don de Dieu (ibid., v. 9). C'est donc sans mérite de notre part, que nous recevons ce qui est en nous le principe de tout mérite, je veux dire la foi. Ou si l'on s'obstine à nier que la foi nous soit donnée, comment expliquera-t-on ces autres paroles : Sicut unicuique Deus partitus est mensuram fidei (selon la mesure du don de la foi que Dieu a départie à chacun de nous) ? Si l'on entend par-là que la foi nous soit donnée de telle manière qu'elle soit déférée au mérite, c'est-à-dire, qu'elle soit l'acquittement d'une dette, et non un simple don, comment expliquer encore ces autres paroles : Vobis donatum est pro Christo, non solùm ut credatis in cum, verùm etiam ut patiamnini pro eo (c'est une grâce qu'il vous a faite, de ce que non-seulement, vous croyez en Jésus-Christ, mais encore vous souffriez pour lui (Philip., I, 29)) ? Car ici l’Apôtre fait une mention expresse de deux dons, l'un qui est de croire en Jésus-Christ, et l'autre qui est de souffrir pour lui. Tandis que nos adversaires revendiquent tellement la vertu de la foi au libre arbitre de l'homme, que la grâce de la foi ne semble plus gratuite, mais plutôt chose due, et que dés-lors ce n'est plus une grâce, puisqu'une grâce ne peut être telle qu’à condition d'être gratuite. "
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6. Le même, Serm. XV de verbis Apostoli, c. 2 : " Il a été livré pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification (Rom., IV, v. ult.). Votre justification, votre circoncision spirituelle ne vient pas de vous. C'est par la grâce que vous êtes sauvés en vertu de la foi (Ephés., II, 8-9), et cela ne vient pas de vous, mais est un don de Dieu. L'Apôtre dit de même ailleurs (Rom., X, 6) : Si c'est par grâce, ce n'est donc point par les œuvres, sans doute pour que vous ne puissiez alléguer que vous avez mérité ce don, et que c'est pour cela que vous l'avez reçu. Ne pensez pas que vous l'ayez reçu en considération de vos mérites, puisque vous ne pouvez mériter qu'en conséquence de ce que vous avez reçu. C'est la grâce qui a précédé vos mérites, et ce n'est pas elle qui est l'effet de vos mérites, mais ce sont vos mérites qui sont l’effet de la grâce. Car si la grâce était l'effet de vos mérites, vous l'auriez achetée, au lieu de l'avoir reçue gratuitement. Pro nihilo salvos facies illos, a dit le Psalmiste (Ps. LV, 8), vous les sauverez pour rien (Le sens que saint Augustin attribue à ces paroles n'est pas celui que leur prêtent d'ordinaire les commentateurs. Sacy les a traduites de la manière suivante : Vous ne les sauverez en aucune sorte, et c'est là le sens littéral de ce passage). Qu'est-ce que ceci veut dire : Vous les sauverez pour rien ? Cela veut dire : Vous les sauverez, quoique vous ne trouviez en eux-mêmes aucun titre de salut. C'est gratuitement que vous leur donnez, et c'est gratuitement que vous les sauvez. Vous prévenez tous mes mérites, et mes mérites mêmes ne sont qu'une suite de vos dons. Vous donnez tout-à-fait gratuitement, vous sauvez de même, puisque vous ne trouvez rien en nous qui mérite le salut, et que vous trouverez beaucoup en nous, au contraire, qui mérite la damnation. "
7. Le même, de Spiritu et Litterâ, c. 26 : " Tous ont péché, et ont besoin de rendre gloire à Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grâce (Rom., III, 23-24). Eh ! comment pourrait-il dire que le Grec qui observe la loi est justifié sans la grâce du Sauveur ? Car on ne peut pas supposer qu'il se soit contredit lui-même, en disant que ceux qui observent la loi seront justifiés (Rom., II, 13), comme s'ils l'étaient par leurs œuvres, et non par la grâce, puisqu'il dit au contraire que l'homme est justifié gratuitement par la foi sans les œuvres de la loi, et que, par ce mot gratuitement, il ne veut faire entendre autre chose, sinon que la justification s'opère indépendamment des œuvres. Car il dit expressément
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dans un autre endroit : Si c'est par grâce, ce n'est donc point par les œuvres ; autrement la grâce ne serait plus grâce (Rom., XI, 6). "
8. S. PROSPER, ad excerpta Genuensium, in responsione ad tria dubia : " Je vois bien que l'écrivain poursuit toujours la même thèse quand il dit qu'il (saint Augustin) pensait mieux dans les premiers temps de sa conversion, en disant alors que la foi par laquelle nous sommes chrétien n'était pas l'effet de la grâce ni d'un don que Dieu nous en eût fait, mais qu'elle venait de l'homme lui-même et de son libre arbitre, et qu'il se trompe au contraire, en affirmant comme il le fait présentement que la foi elle-même est un don de Dieu, et que c'est à la foi comme tout le reste que s'appliquent ces paroles : Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu (I Cor., IV, 7) ? enfin, que c'est sans raison qu'il attribue l’élection de Jacob à un propos formel de Dieu, au lieu de la simple prescience qu'il lui en attribuait autrefois. A cette objection donc il répond qu'il a été dans cette erreur par ignorance, avant qu'il connût la doctrine de la grâce, et qu'on le chargeât de gouverner une église ; mais que dès les premières années de son épiscopat, ayant consulté Simplicien évêque de Milan, de sainte mémoire au sujet de l’élection de Jacob et de la réprobation d'Esaü, il avait étudié avec plus de soin et de succès toute la question relative à ces deux frères, et que tous ses raisonnements l'avaient invinciblement amené à cette conclusion, que l'élection que faisait la grâce n'était précédée d'aucun mérite de la part de l'homme qui en était l'objet, et que la foi, qui est le principe de tous les mérites, était un don de Dieu ; qu'autrement la grâce ne serait plus grâce, si elle était précédée de ce qui doit au contraire être le résultat du don que Dieu en fait l'homme. "
9. HAYMON, in caput III Epist. ad Romanos : " Etant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qu'ils ont en Jésus-Christ (Rom., III, 13). L'Apôtre ajoute ce mot, gratuitement, qui revient à dire, sans aucun mérite qui précède. Par exemple, celui qui se présente pour le baptême n'a jamais fait de bien ; il est baptisé, et sur-le-champ il se trouve justifié. Voilà comment il est justifié gratuitement par la grâce, c'est-à-dire, par l'effet d'un don de Dieu, sans que cela se fasse autrement que par la rédemption que nous avons en Jésus-Christ, au lieu de se faire par les œuvres de la loi. "
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CHAPITRE XIII.
COMBIEN EST VAINE LA CONFIANCE QU’AFFECTENT LES HERETIQUES.
" Or, quoique nous soyons obligés de croire que les péchés
ne sont remis et ne l'ont jamais été que par un don gratuit
de la divine miséricorde et en vue de Jésus-Christ, il ne
faut cependant pas dire que les péchés soient remis ou l'aient
jamais été à personne, par cela seul qu'on se flatte
d'avoir la certitude de la rémission de ses péchés,
et qu'on se repose sur cette confiance vaine et présomptueuse ;
puisqu'elle peut se rencontrer dans des hérétiques et des
schismatiques, comme elle se rencontre effectivement dans ceux de notre
temps, qui s'en font une arme et un sujet de gloire contre l'Eglise catholique.
Il faut bien se garder aussi de soutenir que, pour être réellement
justifié, il est indispensable d'en avoir une assurance exempte
de toute sorte de doute, comme s'il n'y avait personne d'absous de ses
péchés et de justifié devant Dieu, que celui qui croit
l'être avec certitude, et qu'il n'y eût qu'une foi de cette
espèce qui pût pleinement assurer l'absolution et la justification
du pécheur ; comme si enfin celui qui n'aurait pas cette croyance
doutait par-là même des promesses de Dieu, et de l'efficacité
de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Car autant
quiconque a quelques sentiments de piété ne saurait douter
de la miséricorde de Dieu, des mérites de Jésus-Christ,
de la vertu et de l'efficacité des sacrements, autant doit-on se
défier de soi-même, et craindre de n’être pas en état
de grâce, quand on considère sa propre faiblesse et l'imperfection
de ses dispositions, puisqu'aucun homme, quel qu'il soit, ne peut savoir
comme de foi, ou d'une certitude qui exclue tout danger d'erreur, qu'il
est effectivement dans la grâce de Dieu. " Conc., Trid., sess.
VI, c. 9.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. JOB, IX, 28, 30-32 : " Je tremblais à chacune de mes actions, sachant que vous ne pardonnez pas à celui qui pèche. - Quand j'aurais été lavé dans l'eau de neige, et que la blancheur de mes mains éblouirait les yeux par son éclat, -vous me feriez paraître moi-même tout couvert d'ordures, et mes vêtements m'auraient en horreur. - Je n'aurai pas à répondre à un homme semblable à moi, ni à contester avec lui comme avec mon égal. "
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2. Psaume XVIII, 13-14 : " Qui est celui qui connaît ses fautes ? Purifiez-moi donc des souillures que je ne vois pas, et préservez votre serviteur de l'orgueil des étrangers. - Si leur séduction ne m'entraîne point, je serai pur, je serai garanti d'un grand crime. "
3. Ecclésiaste, IX, 1-2 : " Il y a des justes et des sages, et leurs œuvres sont dans la main de Dieu, et néanmoins l'homme ne sait pas s'il est digne d'amour ou de haine. - Mais tout est réservé pour l'avenir et demeure ici incertain, parce que tout arrive également au juste et à l'injuste, au bon et au méchant, au pur et à l'impur, à celui qui immole des victimes et à celui qui méprise les sacrifices. L'innocent est traité comme le pécheur, et le parjure comme celui qui jure dans la vérité. "
4. Ecclésiastique, VII, 3, 6, 7 : " Ne soyez point sans crainte au sujet de l'offense qui vous a été remise, et n'ajoutez pas péché sur péché. - Ne dites pas : La miséricorde de Dieu est grande ; il aura pitié de la multitude de mes péchés. - Car son indignation est prompte aussi bien que sa miséricorde, et il regarde les pécheurs dans sa colère. "
5. Proverbes, XX, 9 : " Qui peut dire : Mon cœur est pur, je suis exempt de péchés. "
6. I Corinthiens, IV, 3-5 : " Pour moi, je me mets fort peu
en peine d'être jugé par vous ou par quelque homme que ce
soit ; je n'ose pas non plus me juger moi-même. - Car encore que
ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour
cela ; mais c'est le Seigneur qui est mon juge. - C'est pourquoi ne jugez
point avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, lui qui
exposera à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres
et qui fera voir les plus secrètes pensées des cœurs et alors
chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, De perfectione justitiæ, c. 15 : " Nous disons que ces paroles : Qui se glorifiera d'avoir un cœur chaste (Prov., XX, 9, suivant une ancienne version) ? ne viennent qu’à dessein à la suite de ces premières, Lorsque le roi de toute justice sera assis sur son trône (ibid., v. 8). Car quel que soit le degré de justice qu'un homme puisse posséder, il doit toujours craindre qu'il ne se trouve matière de blâme dans ce qui lui échappe à lui-même de ses propres dispositions, lorsqu'il se verra cité devant le trône du roi de toute justice, à la connaissance
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duquel ne peut échapper aucune de nos fautes, même de celles dont le Psalmiste a dit : Qui est celui qui connaît ses fautes (Ps. XVIII, 13) ? Lors donc que ce roi de toute justice sera assis sur son trône, qui est-ce qui se glorifiera d'avoir un cœur chaste ou exempt de péchés ? si ce n'est peut-être ceux qui veulent se glorifier de leur propre justice, et non de la miséricorde de ce juge lui-même. Ce qui n'empêche pas d'être vraies ces paroles qu'on nous objecte, et que le Sauveur a dites dans l'Evangile, Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu (MATTH., V, 6) ; et ces autres que David a proférées dans ses Psaumes, Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur, ou qui s'arrêtera dans son saint lieu ? C'est celui dont les mains sont innocentes et le cœur pur (Ps. XXIII, 3) ? Et ailleurs : Faites du bien, Seigneur, à ceux qui sont bons et qui ont le cœur droit (Ps. CXXIV, 4). De même ce qu'on lit dans Salomon : Les richesses sont bonnes à celui dont la conscience est sans péché (Ecclé., XIII, 30) ; et encore : Détournez-vous du péché, redressez vos mains, et purifiez votre cœur de toutes ses fautes (Ecclé., XXXVIII, 10). Et de même aussi dans l'épître de saint Jean : Si notre cœur ne nous condamne point, nous avons de la confiance devant Dieu, et quoi que ce soit que nous lui demandions, nous le recevrons de lui (I JEAN, III, 21-22). Car nous pouvons atteindre cet heureux état par la conversion de notre cœur vers Dieu, par la foi, l'espérance et la charité, par la mortification, par la pratique de l'aumône, par le pardon des injures, par la persévérance dans la prière, par le recours à la grâce de Dieu pour avancer dans la vertu, en lui disant avec vérité : Pardonnez-nous comme nous pardonnons ; ne nous induisez point en tentation, mais délivrez-nous du mal (MATTH., VI, 12). Tout cela a pour but de purifier le cœur, d'effacer tous les péchés, et d’obtenir du roi de justice assis sur son trône sa miséricordieuse indulgence pour les imperfections et les vices cachés qu'il apercevrait encore en nous ; et non-seulement son indulgence, mais encore notre entière guérison, pour qu'un jour nous puissions jouir de sa vue. Car il jugera sans miséricorde ; mais celui qu'il jugera ainsi, ce sera celui qui n'aura pas fait miséricorde (JAC., II, 13). Au surplus, sa miséricorde s'élève au-dessus de sa justice. Eh ! s'il n'en était ainsi, quelle serait notre espérance puisque nous devons toujours nous écrier : Lorsque le roi de toute justice sera assis sur son trône, qui est-ce qui se glorifiera d'avoir un cœur chaste et d'être exempt de tout péché (Prov., XX, 8-9) ? "
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2. Le même, in Psalmum XLI : " Mon âme est troublée en moi-même (v. 8). Est-ce en voyant Dieu que mon âme s'est troublée ? Nullement, c'est en me voyant moi-même. Elle était raffermie et comblée de joie en considérant ce qui est immuable ; elle s'est troublée en voyant ce qui est sujet au changement. Je sais que la justice de Dieu demeure éternellement, mais je ne sais si la mienne subsistera. Car l'Apôtre m'épouvante quand il dit : Que celui qui croit se tenir ferme prenne garde de tomber (I Cor., X, 12). Ainsi, comme ce n'est point par moi-même que j'ai la fermeté où je me trouve, ce n'est point aussi en moi que je dois mettre mon espérance. . . . . "
" Un abîme appelle un abîme (v. 8) ; c'est-à-dire : Un homme appelle un autre homme. C'est ainsi qu'on apprend la sagesse, c'est ainsi qu'on s'instruit de la foi, lorsqu'un abîme appelle un autre abîme. Les saints prédicateurs de la parole de Dieu appellent un abime ; mais ne sont-ils pas un abîme eux-mêmes ? Pour vous montrer qu'ils sont eux-mêmes autant d'abîmes, voici ce que dit saint Paul à son propre sujet : Pour moi, je ne mets fort peu en peine d'être jugé par vous ou par quelque homme que ce soit. Et pour marquer davantage la profondeur de son abîme, il ajoute : Mais je ne me juge pas non plus moi-même (I Cor., IV, 3). "
" Croiriez-vous qu'il puisse y avoir une profondeur de telle nature, qu'elle soit cachée à celui-là même en qui elle se trouve ? Quelle profondeur de faiblesse, par exemple, que celle qui était cachée dans saint Pierre, lorsque, sans connaître ses dispositions les plus intimes, il promettait si témérairement de mourir avec son maître ou pour son maître (JEAN, XIII, 37) ! Quel abîme alors que son cœur ! Et cependant cet abîme si profond était découvert pour les yeux de Dieu, et Jésus-Christ lui découvrit par anticipation ce qu'il n'apercevait pas en lui-même Tout homme donc, quelque juste, quelque saint, et si avancé dans la piété qu'il puisse être, est un abime, et il appelle un autre abîme lorsqu'il instruit un autre homme de la voie de la vérité pour lui faire acquérir la vie éternelle (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, trad. en français, t. II, p. 360, 364). "
3. S. AUGUSTIN, Confessions, liv. X, c. 32 : " Les odeurs me laissent assez indifférent à leur charme. Absentes, je ne les recherche pas, je ne répudie pas leur présence ; je suis disposé à m'en passer. Du moins me semble-t-il ainsi, et je me trompe
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peut-être. Car ne faut-il pas gémir sur cette nuit profonde qui, nous voilant les ressorts de notre être, interdit à l'esprit, lorsqu'il se consulte lui-même sur ce qu'il peut, toute créance facile à ses propres réponses, parce qu'il ignore d'ordinaire ce qu'il recèle en lui, si l’expérience ne le lui découvre ? Et nul homme ne doit être en sécurité dans cette vie, qui n'est tout entière qu'une tentation ; de mauvais devenu bon, rien ne garantit que de meilleur il ne redevienne pire. Il n'est qu'un espoir, qu'une confiance, qu'une promesse sûre : votre miséricorde (ô mon Dieu) (Cf. Les Confessions, etc., trad. nouv. par L. Moreau, p. 371-372). "
4. S. JEROME, Epist. CXXVII ad Fabiolam, mansione 23 : " Etant partis de Makeloth, (les Hébreux) vinrent à Thahath (Nom., XXXIII, 26). Ce mot Thahath peut se traduire par la préposition subter (qui signifie sous ou dessous en français) ; mais nous croyons faire mieux en traduisant par cet autre mot : la frayeur. Vous voici arrivé à l'Eglise (Makeloth) ; vous êtes montés sur cette belle montagne ; votre admiration, votre étonnement silencieux rendent hommage à la grandeur de Jésus-Christ, vous trouvez là plusieurs émules de votre vertu : Gardez-vous bien de vous en enorgueillir et tenez-vous dans la crainte (Rom., XI, 20). Car le Seigneur résiste aux orgueilleux et donne su grâce aux humbles (JAC., IV, 6). Et que celui qui s'élève prenne bien garde de tomber (I Cor., X, 12). Les puissants seront puissamment tourmentés (Sag ., VI, 7). La crainte est la gardienne des vertus ; la présomption occasionne les chutes. De là le Psalmiste, après avoir dit quelque part : C'est le Seigneur qui me conduit ; rien ne pourra me manquer ; il m'a établi dans un lieu abondant en pâturages, mentionne aussitôt la crainte comme gardienne de son bonheur, en prenant soin d'ajouter : Votre verge et votre houlette ont été ma consolation (Ps. XXII, 1, 4). Paroles dont voici le sens : La crainte des châtiments m'a fait conserver la grâce que j'avais reçue (Cf. D. Hyeronimi Stridoniensis Epistolurum, t. III, col. 78-79, édition de Paris, 1578). "
5. S. CCHRYSOSTOME, Hom. XI in Epist. I ad Corinthios, sur ces paroles du chapitre IV : Sed non in hoc justificatus sum : " Mais je ne suis pas justifié pour cela. Quoi donc ? Est-ce que nous ne devons pas nous juger nous-mêmes, porter notre sentence contre nos propres péchés ? Au contraire, nous y sommes obligés quand
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nous nous trouvons coupables ; aussi bien ce n'est pas là ce que dit l'Apôtre ; mais il dit : Ma conscience ne me reproche rien. Contre quel péché devait-il donc porter sa sentence, tandis que sa conscience ne lui reprochait rien ? Il ajoute cependant qu'il n'est pas justifié pour cela. Que diront donc ceux à qui leur conscience reproche mille plaies mortelles qu'ils se sont faites eux-mêmes par leurs péchés et qui ne peuvent se rendre témoignage d'aucun bien qu'ils aient fait, mais plutôt de beaucoup de mal qu'ils ont commis ? Et pourquoi donc, si sa conscience ne lui reproche rien, n'est-il pas justifié dés-lors ? C'est parce qu'il pouvait se trouver coupable, sans savoir cependant qu'il le fût. Inférez de là quelle sera la sévérité du jugement à venir. . . . . "
" Voici deux raisons, ou même trois, pour lesquelles les jugements que nous portons manquent d'exactitude. La première, c'est que, lors même que notre conscience ne nous reproche rien, il nous manque un moniteur sévère qui ne nous passe aucune de nos fautes. La seconde, c'est que la plupart des choses que nous faisons nous échappent. Une troisième qu'on peut ajouter, c'est que beaucoup des actions que font les autres nous paraissent louables, tandis qu'elles sont viciées par la fin qu'ils s'y proposent. Pourquoi donc vous avancez-vous à dire que tel ou tel n'a commis aucune faute, que celui-ci vaut mieux que celui-là ? Car ce sont là des choses qu'on ne peut assurer, pas même de celui à qui sa conscience ne reproche rien, puisque celui-là seul peut porter là-dessus un jugement exact, à qui seul il appartient de juger les secrets des cœurs. En effet, ne l'oublions pas, encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas juste pour cela ; c'est-à-dire je ne suis pas exempt pour cela d'un compte à rendre et d'un jugement à subir. Et l’Apôtre ne dit pas, Je ne suis pas au nombre des justes ; mais il dit : Je ne suis pas pur de tout péché. Car il dit ailleurs : Celui qui est mort est justifié, c'est-à-dire délivré de tout péché (Rom., VI, 7). Or, beaucoup de nos actions seraient bonnes en elles-mêmes qui ne le sont pourtant pas à cause du vice de notre intention (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. X, p. 88-89, 90, édit. de Montfaucon ; p. 104, 106, édit. de Gaume). "
6. THOEDORET, in caput 4 Epist. I ad Corinthios, sur ces paroles, Sed neque meipsum judico : " Je n'ose pas non plus me juger moi-même ; car, quoique ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela, mais celui qui me jugera, c'est le
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Seigneur. C'est comme si l'Apôtre disait : Qu'ai-je besoin de parler des autres ? Moi qui dois surtout me connaître, bien que je n'aie conscience d'aucun crime ou d’aucune infidélité que j'aie commise, je ne serai point assez hardi pour me juger moi-même et me déclarer exempt de péché, mais j'attendrai plutôt la sentence qu'il plaira à Dieu de prononcer sur moi. Qu'on ne s'imagine pas que ces paroles, Je ne suis pas justifié pour cela, contredisent ces premières, Ma conscience ne me reproche rien. Bien loin de les contredire, elles en sont la suite. Car souvent il arrive qu'on pèche sans le savoir, en croyant juste et équitable ce qui ne l'est pas. Mais le Dieu de l'univers voit autrement les choses. "
7. S. BERNARD, Epist. XLII ad Henricum Senonensem archiepiscopum : " Heureux ceux qui peuvent dire avec vérité : Le sujet de notre gloire, c'est le témoignage que nous rend notre conscience (II Cor., I, 12). Celui-là seul peut tenir ce langage, qui se conserve dans l'humilité, et qui, comme dit le proverbe, se rappelle continuellement que les haies pourraient le voir, et que les buissons pourraient l'entendre. Heureux, dit l'écrivain sacré, celui qui est toujours dans la crainte (Prov., XXVIII, 14). Mais ce langage ne saurait être celui de l'arrogant et du présomptueux, qui se conduit comme un évaporé, aspirant la louange à tout propos, et sans cesse affamé de gloire ; qui se réjouit lorsqu'il a fait le mal, qui triomphe dans les choses les plus criminelles (Prov., II, 14). Il s'imagine n'être pas vu, pourvu qu'il se compte plus d'imitateurs que de censeurs, aveugle qui se fait chef d'autres aveugles. Mais, dans son imprudente sécurité, il est aperçu de la société des anges, à qui ne saurait manquer de déplaire sa conduite indisciplinée. Ce ne sera pas l'hypocrite qui pourra dire : Le sujet de ma gloire, c'est le témoignage de ma conscience ; car bien que, par la mesure affectée de son langage, de son air et de son maintien, il réussisse à séduire l'opinion de ceux qui jugent d'après les apparences, il ne lui est pas donné de pervertir de même le jugement de celui qui sonde les reins et les cœurs. Il doit savoir qu'on ne se moque pas de Dieu (Gal., VI, 7). Que celui-là apprenne donc aussi à craindre que le buisson ne l'entende. Sa langue fût-elle muette et ses mains inactives, son cœur parlera toujours assez clair, ses pensées seront toujours assez indiscrètes pour être entendues de celui qui est tout oreilles, et qui sait démêler dans les secrets replis du cœur ce qu'il y a de plus inaccessible aux regards de l'homme.
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Le cœur de tout homme est fait pour donner le change, il est impénétrable (JEREM., XVII, 9), en sorte que personne ne connaît ce qui est en l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui (I Cor., II, 11) ; encore celui-ci ne peut-il le connaitre qu'imparfaitement. Aussi l’Apôtre, après avoir dit : Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous ou par quelque homme que ce soit (I Cor., IV, 3), prend-il soin d'ajouter : Je n'ose pas non plus me juger moi-même. Pourquoi ? Parce que, dit-il, je ne puis porter sur moi-même un jugement pleinement assuré. Car, quoique ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela. Je ne saurais m'en rapporter entièrement au témoignage même de ma conscience, parce que ma conscience elle-même ne pénètre pas dans mon être tout entier. Elle ne peut pas juger le tout, si elle n'entend qu'une partie des rapports. Mais celui qui me juge, c'est le Seigneur ; le Seigneur, dis-je, dont la science embrasse et la sentence juge définitivement les actions mêmes qui échappent à la conscience. Dieu entend, dans le fond du cœur de chacun, la pensée que n'entend pas en lui-même celui-là même qui l'a conçue. L'oreille du prophète entendait à distance, et bien loin hors de sa vue, son cupide disciple réclamer en cachette une rétribution de l'officier guéri de sa lèpre (II Rois, V, 25) ; et moi, de quelque secret que je m'enveloppe pour faire du mal, soit à mon prochain par ma malice, soit à moi-même par ma perversité, ne craindrai-je pas d'être entendu de l'oreille partout attentive ? Oh ! combien n'ai-je pas à redouter cette oreille si intelligente, si active, pour qui le repos même a son mouvement qu'elle apprécie, et le silence son langage qu'elle comprend ! . . . "
" Cependant, qui est celui qui connaît ses fautes (Ps. XVIII, 13) ? Eh ! quand je pourrais dire avec saint, Paul, ce qui est loin de ma pensée, que ma conscience ne me reproche rien (I Cor., IV, 4), je ne pourrais pas, malgré cela, me vanter prudemment d'être justifié. Car ce n'est pas celui qui se rend témoignage à lui-même qui est vraiment estimable ; mais c'est celui à qui Dieu rend témoignage (II Cor., X, 18). Quand même les hommes feraient l’éloge de ma justice, je ne devrais pas en tenir compte, parce que les hommes ne voient que les apparences. L'homme ne voit que ce qui paraît, Dieu pénètre le fond du cœur. Aussi le prophète Jérémie ne se laissait point émouvoir de ce que le peuple pouvait penser de lui, de ce que quelques rayons de cette lumière empruntée venaient se réfléchir sur la superficie de son être ; mais il disait à Dieu avec une modeste confiance : Je n'ai point désiré le
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jour de l'homme, vous le savez (JEREM., XVI, 17). Quand même j'aurais en ma faveur le témoignage de ma conscience, je ne devrais pas pour cela me juger moi-même ; car je ne me connais moi-même qu'imparfaitement. Celui-là seul mérite d'être établi juge des vivants et des morts, qui a formé le cœur de chacun d'eux, et qui a une connaissance exacte de toutes leurs œuvres (Ps. XXXII, 13). Je n'attache d'importance à la sentence d'aucun autre juge, que de celui qui seul est en droit de me justifier. Le Père éternel lui a remis la puissance de juger, parce que lui-même est fils de l'homme (JEAN, V, 27). Moi qui ne suis que le serviteur de ce Fils de l'homme, je n'usurpe point ce pouvoir pour moi, je ne le donne point sur moi aux autres ; je ne me range point parmi ceux dont il se plaint en ces termes : Les hommes ont usurpé sur moi le pouvoir de juger (Tulerunt homines à me judicium. Nous ne savons à quel passage de l’Ecriture le saint abbé de Clairvaux fait ici allusion ; ne serait-ce point au verset 9 du chapitre LIX d’Isaïe, Eleagatum, est judicium à nohis ?). Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils toute puissance de juger. Et moi, je revendiquerais pour moi ce que le Père ne revendique pas pour lui-même ? Il me faudra, bon gré mal gré paraître devant ce juge, et rendre compte de ce que j'aurai fait dans ce monde, à celui à qui n'échappe aucune parole proférée, à qui ne peut être soustraite aucune pensée conçue. Devant cet équitable appréciateur des mérites de chacun, devant cet intime témoin de tous les secrets, qui est-ce qui se glorifiera d'avoir un cœur chaste? La seule vertu qui puisse le faire, c'est l’humilité, qui, parce qu'elle ne sait ni se glorifier, ni présumer de ses forces, ni disputer de ses droits, pourra seule aussi trouver grâce aux yeux de celui qui résiste aux superbes, mais qui donne sa grâce aux humbles. L'homme vraiment humble ne dispute point contre son juge, n'allègue point la prétention d'être juste, mais il se contente de dire : N'entrez point en jugement avec votre serviteur, ô mon Dieu (Ps. CXLII, 2). "
8. Le même, Epist. LXXXV ad Wuilhelmum abbatem sancti Theodorici : " Il peut y avoir de la vérité dans ce que vous me dites, que je vous aime moins que vous ne m'aimez ; mais ce que je sais de toute certitude, c'est que vous n'en avez nulle certitude de vous-même. Comment pouvez-vous donc affirmer comme certaine une chose dont il est certain que vous n'êtes nullement certain ? C'est admirable. Paul ne se fie pas à son propre juge-
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ment : Pour moi, nous dit-il, je ne me juge pas moi-même (I Cor., IV, 3). Pierre pleure toute sa vie la présomption dont il s’était rendu coupable, lorsqu'il avait dit : Quand je devrais mourir avec vous, je ne vous renierai point (MATTH., XXVI, 36). Les autres disciples, insuffisamment rassurés par le témoignage de leurs consciences, par rapport à la trahison de leur maître, lui demandaient chacun avec inquiétude : Est-ce moi, Seigneur, qui vous trahirai ? David confesse l'ignorance où il est de son propre état, lorsqu'il s'écrit au milieu de sa prière : Ne vous ressouvenez pas de mes ignorances (Ps. XXIV, 7). . . . . "
" Seigneur, vous qui avez mis dans nos cœurs ce sentiment d'amitié, vous savez combien vous en avez mis pour moi dans le cœur de cet ami, ou pour lui dans le mien. Et comment l'un de nous deux, sans que vous le lui ayez révélé, ose-t-il dire à l'autre : J'ai tant d’affection pour vous, et vous en avez si peu pour moi (II Cor., XII, 15) ? A moins peut-être qu'il ne voie dans votre lumière celle dont il se dit éclairée, c'est-à-dire dans la lumière de votre vérité, le feu de la charité dont il brûle pour son ami ? Pour moi, Seigneur, content de voir dans votre lumière mes propres ténèbres en attendant que vous daigniez me visiter au milieu des ténèbres et de l'ombre de la mort où je suis assis, et que par vous me soient révélées les pensées des cœurs, que se trouvent éclaircies ces ténèbres épaisses, et que ces ténèbres dissipées ne me laissent plus voir que lumière dans votre lumière, je sens bien que je l'aime grâce au sentiment que vous en avez mis dans mon cœur mais je ne vois pas encore dans votre lumière si je l'aime assez. Car j'ignore totalement si je suis déjà parvenu à ce degré d'amour, le plus élevé qu'on puisse avoir, qui est de donner sa vie pour ses amis (JEAN, XV, 13). Eh ! sans même se donner cette perfection, qui est-ce qui se glorifiera d’avoir un cœur chaste (Prov., XX, 9) ? O Dieu, qui daignez allumer en moi cette lampe, à l'aide de laquelle je vois ces ténèbres qui me remplissent et me font horreur, éclairez mes ténèbres mêmes (Ps. XVII, 29). pour que j'aie le plaisir de voir en moi la charité tellement réglée (Cant., II, 4), que je sache discerner et aimer ce qui est aimable, et dans la mesure, et de la manière que vous m'ordonnez de l'aimer, et que je ne veuille pas être aimé moi-même autrement qu'en vous, et jusqu'au point seulement où il est dans l'ordre que je sois aimé. "
9. Le même, Serm II in Octovâ Paschæ : " Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (II Tim, II, 14), et il est le seul à
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savoir quels sont ceux qu'il a élus dès le commencement. Eh ! quel est l'homme qui sache s'il est digne d'amour ou de haine (Eccles., IX, 1) ? Que si, comme la chose est certaine, la certitude absolue de ces choses nous est refusée, n’est-il pas vrai qu'elles enflammeront d'autant plus nos désirs qu'il nous sera donné davantage de remarquer en nous des signes de cette élection ? "
10. HAYMON, in caput IV Epist. I ad Corinthios : " Mais je ne suis pas pour cela justifié. Sous-entendez, en moi-même ou en Dieu, comme s'il disait en d'autres termes : Quoique je ne trouve en moi rien de mal, rien de répréhensible, de sorte que les uns me déprécient injustement, tandis que les autres m'exaltent peut-être trop par leurs louanges, je ne suis cependant pas justifié pour cela à mes yeux, et je ne me crois pas pour cela justifié non plus aux yeux de Dieu, parce que j'ignore si ce que je fais lui est agréable ou de quel œil il le voit, lui qui connaît bien mieux que moi ce qui est en moi-même car, bien que je n'aie commis aucun de ces énormes péchés d’action, je ne saurais douter du moins que je n'aie péché par pensées. "
11. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Epistolarum lib. VI, epist. 22 ad Gregoriam cubiculariam Augustæ, ce passage a été rapporté plus haut, article des péchés contre l'Esprit-Saint, question III, témoignage 3, tome IV, page 438.
12. CASSIEN, Conférence XXII, ou la seconde de l'abbé Théonas, c. 7, nous donne dans la personne de cet abbé la raison qui suit de l'humilité avec laquelle nous devons nous approcher du sacrement de l'Eucharistie : " C'est, dit-il, parce qu'il n'y a point d'homme qui puisse être tellement sur ses gardes dans cette guerre invisible que nous avons à soutenir ici-bas, qu'il soit à couvert de toutes les flèches du démon, et qu'il n'en reçoive pas au moins quelque légère atteinte, puisqu'il est impossible qu'il ne pèche quelquefois, ou par ignorance, ou par négligence, ou par vanité, ou par surprise, ou par pensée, ou par nécessité, ou par oubli. Car, quand même un homme se serait élevé à une si haute vertu, qu'il pût dire sans vanité comme saint Paul : Pour moi, je ne mets fort peu en peine du jugement que vous, ou quelque autre que ce soit, vous pouvez porter de moi ; je n'ose pas non plus me juger moi-même, car ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien (I Cor., IV, 3) ; quand même un homme pourrait dire cela, il n'en devrait pas moins être convaincu qu'il ne peut être absolument exempt du péché. "
" C'est pour cette raison que le même apôtre ajoute : Mais je
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ne suis pas justifié pour cela, c'est-à-dire : quoique je puisse me croire juste, je ne suis pas pour cela assuré de posséder la véritable gloire ; et de ce que ma conscience ne me reproche aucun péché, il ne s'ensuit pas que je sois exempt de toute souillure ; car il y a beaucoup de choses qui me sont cachées à moi-même, et que Dieu voit en moi, quoique je ne les voie pas. C'est pourquoi saint Paul ajoute : Celui qui me juge, c'est le Seigneur. C'est-à-dire: celui-là seul peut me juger dans la vérité qui voit à nu les taches les plus secrètes. "
13. On peut voir, à l'article cité plus haut des
péchés contre le Saint-Esprit, question III, tome IV,
page 156 et suivantes, les témoignages de plusieurs autres Père
sur ce même sujet. "
CHAPITRE XIV.
DES PROGRES DE LA JUSTIFICATION.
Devenus ainsi amis de Dieu et membres de sa maison, les fidèles
une fois justifiés s’avancent de vertus en vertus, se renouvellent
de jour en jour, comme dit l'Apôtre c'est-à-dire, qu'en mortifiant
leur chair et faisant de leurs membres autant d'instruments de justice
et de sainteté par l'observation exacte des commandements de Dieu
et de l'Eglise, ils croissent par la paralique des bonnes œuvres qu'animent
leurs sentiments de foi, dans cet état même de justice qu'ils
tiennent de la grâce de Jésus-Christ et se trouvent de cette
manière justifiés de plus en plus, conformément à
ce qui est écrit : Que celui qui est juste se justifie encore,
et à ces autres paroles de l’Ecriture : Ne cessez point d'avancer
dans les voies de la justice jusqu'à la mort ; comme à
ces autres encore : Vous voyez que l'homme est justifié par ses
œuvres, et non par sa foi seulement. Or, c'est cet accroissement de
justice que demande l’Eglise, lorsqu'elle dit dans ses prières :
Donnez-nous, Seigneur, une augmentation de foi, d'espérance et
de charité (Orat. Domin. XIII posti Pent.). " Conc.
Trid., sess. VI, c. 10.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Ephésiens, II, 19 : " Vous n'êtes plus comme des étrangers qui sont hors de leur maison et de leur pays, mais vous êtes citoyens de la même cité que les saints, et vous appartenez à la maison de Dieu. "
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2. Psaume LXXXIII, 7 : " Le divin législateur les bénira, ils iront de vertu en vertu, et ils jouiront dans la céleste Sion de la vue du Dieu des dieux. "
3. Ibid., 6 : " Heureux l'homme qui attend de vous son secours, et qui, en traversant cette vallée de larmes, ne cesse d'élever son cœur vers la cité sainte ! "
4. II Corinthiens, IV, 16 : " C'est pourquoi nous ne perdons pas courage ; mais encore que dans nous l'homme extérieur se détruise, néanmoins l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. "
5. Colossiens, III, 5 : " Faites mourir les membres de l’homme terrestre qui est en vous, la fornication, l'impureté, les abominations, les mauvais désirs et l'avarice qui est une sorte d'idolâtrie. "
6. Romains, VI, 11-15 : " Considérez-vous de même comme étant morts au péché et comme ne vivant plus que pour Dieu, en Jésus-Christ Notre-Seigneur. - Ainsi donc, que le péché ne règne point dans votre corps mortel, on sorte que vous obéissiez à ses désirs déréglés ; - et n'abandonnez point au péché les membres de votre corps comme pour servir d'instruments à l'iniquité ; mais donnez-vous à Dieu, comme devenus vivants, de morts que vous étiez, et consacrez-lui les membres de vos corps comme ne devant plus servir qu'aux œuvres de justice. "
7. Apocalypse, XXII, 11 : " Que celui qui est juste, se justifie encore ; et que celui qui est saint se sanctifie encore. "
8. Ecclésiastique XVIII, 22 : " Que rien ne vous empêche de prier toujours, et ne cessez point de faire des progrès dans la justice jusqu'à la mort. "
9. JACQUES, II, 24 ; comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. de moribus Ecclesiæ catholicæ, c, ultimo : " Le renouvellement de l'homme nouveau commence à la vérité dans les eaux saintes du baptême ; mais c'est pour qu'il croisse ensuite, en faisant sans cesse de nouveaux progrès jusqu’à ce qu'il devienne parfait : ce qui arrive aux uns plus tôt, aux autres plus tard, quoiqu'il soit toujours vrai de dire que beaucoup s'avancent plus ou moins dans ces voies d'une vie nouvelle, comme on s'en convaincra, si l'on veut examiner la chose avec soin et sans passion. "
" Cet ordre est absolument conforme à ces paroles de l’Apôtre :
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Bien que l'homme extérieur se corrompe, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour (II Cor., IV, 16). Saint Paul nous dit donc que l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour, afin de pouvoir devenir parfait ; et vous (Manichéens) vous voulez qu'il commence par la perfection même (Cf. Les mœurs de l'Eglise catholique, p. 131-132). "
2. Le même, Lib. XIV de Trinitate, c. 17 : " Sans doute que ce renouvellement qui est l'effet de la conversion ne s'opère pas en un instant, ou de la manière que s'opère celui qui se fait dans le baptême par la rémission qu'on y obtient de tous ses péchés : car, dans ce dernier cas, il ne reste pas un seul péché qui ne soit remis : mais, de même qu'autre chose est de n'avoir plus de fièvre, autre chose de se rétablir de cet état de langueur qui est la suite ordinaire de la fièvre ; de même encore qu'autre chose est de retirer de son corps une flèche qui s'y trouve enfoncé, autre chose de se guérir entièrement de la plaie que la flèche y a faite, ainsi le premier degré de guérison est d'écarter la cause de son mal, et c'est ce qui s’obtient par la rémission de tous les péchés, le second degré est de guérir le mal lui-même et c'est à quoi l'on parvient en rétablissant peu à peu (Col., III, 10) en soi les traits de la ressemblance divine. Ces deux différents degrés nous sont marqués dans le psaume où nous lisons premièrement ces paroles : C'est lui (le Seigneur) qui vous pardonne toutes vos iniquités ; et c'est ce qui a lieu dans le baptême ; et puis les suivantes : C'est lui qui guérit toutes vos infirmités (Ps. CII, 3) ; ce qui se fait par des progrès journaliers, et à mesure qu'on rétablit en soi les traits de cette ressemblance. C'est aussi ce que l'Apôtre nous a indiqué de la manière la plus claire lorsqu'il a dit : Bien que dans nous l'homme extérieur se détruise, l’homme intérieur ne s'en renouvelle pas moins de jour en jour (II Cor., IV, 16). Or, l'homme intérieur se renouvelle par les progrès que l'on fait dans la connaissance de Dieu (Col., III, 16), c'est-à-dire dans une justice et une sainteté véritable (Ephés., IV, 24), comme le dit l'Apôtre dans les passages cités un peu plus haut. En renouvelant ainsi de jour en jour l'homme intérieur par les progrès que l'on fait dans la connaissance de Dieu, ou dans une justice et une sainteté véritable, on substitue en soi à l'amour des biens du temps celui des biens de l'éternité, à l'amour des objets visibles celui des biens invisibles, à l'amour des objets charnels celui des objets spirituels ; on réprime et on
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affaiblit peu à peu le désir des premiers, et on s'attache en proportion tous les jours davantage à la recherche des seconds. "
3. Le même, lib. II de peccatorum meritis et remissione, c. 7 : " Par rapport à ce que nous lisons, que celui qui est né de Dieu ne pèche point, et ne peut pas même pécher, parce que la semence de Dieu demeure en lui (I JEAN, III, 9), comme par rapport à toute autre semblable expression de l’Ecriture, les pélagiens se trompent beaucoup par le peu d'attention qu'ils donnent à leur véritable sens. Car ils ne songent pas apparemment qu'on devient enfant de Dieu par cela même qu'on commence à le servir dans la nouveauté de l'esprit (Rom., VII, 6), et que l'homme intérieur se renouvelle en nous à l'image de celui qui nous a créés (Col., III, 10). Car il n'est pas vrai que, du moment où quelqu'un se trouve baptisé, toute infirmité soit guérie en lui ; mais le renouvellement se fait en lui d'abord par la rémission de tous les péchés, et ce renouvellement fait ensuite des progrès à mesure que l'on goûte davantage les choses de Dieu. Le reste demeure en espérance jusqu’à ce qu'il puisse s’effectuer, c'est-à-dire jusqu'à ce que le corps lui-même se renouvelle en devenant immortel et incorruptible, ce qui n'aura lieu qu'au jour de la résurrection. . . . . "
" Quoiqu'on reçoive dans le baptême la pleine et entière rémission de ses péchés, cependant si celui qui le reçoit se trouvait aussitôt parfaitement et à tout jamais changé en un nouvel homme ; je ne parle pas ici de son corps, qui, comme il n'est que trop visible, continue de tendre à la corruption et à la mort, et ne sera renouvelé qu’à la fin des temps, alors que tout le sera ; mais, faisant abstraction de son corps, si dans son âme elle-même, qui est l'homme intérieur, le baptême opérait un renouvellement parlait, l’Apôtre ne dirait pas : Bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, l’homme intérieur ne s'en renouvelle pas moins de jour en jour (II Cor ., IV, 16). Car à coup sûr celui-là n'est pas encore tout entier renouvelé qui se renouvelle chaque jour de plus en plus, et il doit y avoir encore en lui du vieil homme, à proportion qu'il reste un renouvellement à y faire. "
4. Ibidem, c. 13 : " Non, mes frères, je ne pense point avoir encore atteint le but vers lequel je ne cesse de tendre. Mais tout ce que je puis faire maintenant, c'est d'oublier ce qui est derrière moi, et d’avancer toujours vers ce que j'ai devant moi, sans cesser de me diriger vers le but proposé à ma course, qui est de remporter le prix de la félicité du ciel, à laquelle Dieu nous a appelés par Jésus-Christ (Philip., III, 13-14). L'Apôtre avoue qu'il n'a pas
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lui-même atteint encore le but où il tend, qu'il n'a pas encore obtenu cette plénitude de justice qu'il voudrait acquérir en Jésus-Christ ; mais qu'il a hâte de s'avancer dans le chemin qu'il lui reste à faire, sans faire attention à celui qu'il peut avoir déjà parcouru ; nous faisant entendre par-là qu'il s'applique à lui-même comme aux autres ce qu'il dit ailleurs, que bien qu'en nous l’homme extérieur se détruise, l’homme intérieur ne s'en renouvelle pas moins de jour en jour (II Cor., IV, 16). Tout parfait voyageur qu'il était, toujours est-il vrai qu'il n'avait pas encore achevé son voyage. Enfin, ce qu'il souhaite à ceux qu'il voudrait avoir pour compagnons de sa course, c'est qu'ils fassent comme lui, ainsi qu'il le leur témoigne en disant immédiatement après : Tout ce que nous sommes donc de parfaits, soyons dans les sentiments, je viens de vous marquer au sujet de moi-même ; et si vous en avez quelques autres, Dieu vous découvrira aussi quel cas vous devez en faire. Toutefois, poursuit-il, pour ce qui regarde le point auquel nous sommes déjà parvenus, suivons toujours la même ligne (ibid., 15-16). Cette ligne qu'il s'agit de suivre ne consiste pas dans la direction à imprimer au corps, mais dans celle qui est indiquée à l'âme pour avancer toujours dans la voie de la justice et parvenir ainsi à en atteindre la perfection, en se renouvelant de jour en jour par les progrès que l'on fait dans la foi, seul genre de perfection qui puisse convenir à notre état de voyage. "
5. Ibidem, c. 27 : " Nous devons songer et nous rappeler à l'esprit que le baptême ne nous procure autre chose que la pleine et parfaite rémission des péchés ; mais que, quant à nos autres dispositions, le changement ne s'en fait pas tout de suite tout entier ; que ce changement s'opère en nous à mesure que les prémices de vie spirituelle que nous avons reçues se développant tous les jours davantage, transforment en elles-mêmes par un renouvellement heureux ce qui nous reste encore du vieil homme, jusqu’à ce que, tout se trouvant enfin renouvelé, le corps lui-même, d'animal qu'il est actuellement, devienne spirituel en devenant immortel et incorruptible. "
6. Le même, lib. VI contra Julianum, c. 7 : " Si celui qui, renonçant à la fornication et à l'ivrognerie, s'abstient à l'avenir de pareilles œuvres, devient bon par cela seul, et d'une bonté véritable, n’est-ce pas à lui que s'adressent ces paroles : Vous voilà maintenant guéri, ne péchez plus (JEAN, V, 14) ? et ne doit-il pas être appelé chaste et sobre ? Ensuite, si en nourrissant en lui ces bons désirs par lesquels il remporte la victoire sur ses
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désirs criminels de fornication et de débauche, il devient tel qu'il n'était pas encore au moment de sa conversion ; si ses désirs criminels s'affaiblissent de plus en plus, s'il lui reste à leur faire de moins en moins la guerre, non que sa vertu faiblisse, mais parce que ses ennemis ne reviennent plus tant à la charge, et non parce qu'il renonce au combat, mais parce que sa victoire devient de plus en plus complète, ferez-vous difficulté de l'appeler meilleur qu'il n'était au moment de sa conversion ? Et pourquoi, je vous prie, sinon parce que ses bonnes qualités ont pris de l'accroissement, et que ses mauvaises ont diminué à proportion ? Il y a donc eu du progrès dans ce qui s'était d’abord formé de bon en lui, et de la diminution dans ce qui lui était resté de mauvais ; et ce progrès a eu lieu depuis son baptême et non dans son baptême même. Ainsi, quoiqu'il ait obtenu dans son baptême une parfaite rémission de ses péchés, il lui est resté cependant matière à amendement et à progrès à faire, par la vigilance il exercer et la lutte à soutenir contre ces légions de mauvais désirs qui continuent, nous n'en pouvons douter, de s’élever dans son âme, ce qui oblige l'Apôtre à nous dire à tous, baptisés ou non : Faites mourir les membres de l'homme terrestre qui est en vous (Col., III, 5) ; et : Si vous faites mourir par l'esprit les œuvres de la chair, vous vivrez (Rom., VIII, 13) ; et encore : Dépouillez-vous du vieil homme (Col., III, 9). Ce n'est point déprécier la vertu du baptême que de dire qu'il reste toujours quelque mal à guérir en celui qui l'a reçu, puisque c'est le baptême lui-même qui a pour effet, non-seulement de commencer en nous cette guérison par rapport au passé, mais encore de nous fournir les moyens de l'achever par rapport à l'avenir. Ainsi c'est avec bon droit qu'on attribuera au baptême notre guérison entière, puisque c'est à son efficacité qu'on en devra et le commencement et la fin. "
7. Le même, Serm. XVI de verbis Apostoli, c. 5 : " Nous voilà devenus justes ; mais nous pouvons croître encore dans cet état de justice. Et comment cela ? c'est ce que je me propose de dire, en conférant là-dessus, pour ainsi parler, avec vous, pour que chacun de vous, déjà établi dans l’état de justice par la rémission de ses péchés, qu’il a reçue dans le baptême avec les dons de l'Esprit-Saint, croisse et profite de jour en jour, jusqu’à ce qu'il parvienne à la consommation, je ne dis pas de ses jours, mais de ses progrès et de sa perfection spirituelle. "
8. S. FULGENCE, Epist. IV ad Probam, c. 3 : " De même que
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l’exilé qui reprend le chemin de sa patrie ne doit pas se lasser de marcher qu'il n'y soit heureusement parvenu ; ainsi, tant que, relégués pour ainsi dire dans ce corps mortel, nous nous trouvons loin de Dieu, loin de notre terme par conséquent (II Cor., V, 6), la vie présente est pour nous comme une route où il nous faut continuellement avancer, jusqu’à ce qu'enfin nous puissions parvenir, avec l'aide de Dieu, à l'immuable séjour de la bienheureuse immortalité. "
9. S. BERNARD, Epist. XCI ad abbates Suessione congregatos, n. 2 : " Personne ne peut jamais être ni trop bon, ni trop saint. Saint Paul était déjà bon ; cependant, n’étant pas encore satisfait, il s'efforçait d'aller toujours en avant, oubliant ce qu'il laissait derrière lui, et travaillant toujours à se surpasser lui-même (Philip., III, 13). Il n'y a que Dieu qui doive ne vouloir pas être meilleur qu'il n'est, parce qu'il ne le peut. "
Ibidem, n. 3 : " Loin de vous et de moi ceux qui disent : Nous ne voulons pas être plus saints que nos pères ! c'est déclarer seulement que ceux-ci ont été lâches et dissolus, comme le sont leurs enfants. On ne se souvient d'eux que pour les maudire : ils ont mangé des raisins trop verts, et les dents de leurs enfants en ont été agacées (EZECH., XVIII, 2) ; ou, s'ils se glorifient à bon droit de leurs pères, dont la mémoire est peut-être en bénédiction, qu'ils imitent donc leur sainteté, et qu'alors ils fassent passer, s'ils veulent, leurs condescendances et leurs dispenses pour des lois. Elie disait : Je ne suis pas meilleur que mes pères (I Rois, XIX, 4) ; mais il n'a pas dit, Je ne veux pas être meilleur. Jacob vit les anges qui montaient et descendaient par une échelle (Gen., XXVIII, 12) ; mais il n'en vit pas un s'y reposer et s'y asseoir. On ne peut demeurer ferme sur la rampe inclinée d'une échelle tremblante ; et, parmi les vicissitudes de cette vie mortelle, personne ne peut demeurer dans le même état. Nous n'avons point ici-bas de cité permanente ; nous ne sommes point encore dans celle que nous devons habiter un jour ; nous la cherchons seulement : il est nécessaire, ou que vous montiez, ou que vous descendiez ; si vous prétendez vous arrêter, vous serez infailliblement précipité. Celui-là n'est pas bon du tout, qui ne veut pas devenir meilleur : si vous ne voulez pas devenir meilleur que vous n'êtes dés-lors vous cessez d'être bon (Cf. Lettres de saint Bernard, trad. de Villefore, p. 322-323). "
10. Le concile œcuménique de Vienne, tenu sous Clément V,
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in Clementinis, lib. V, tit. III de hæreticis, c. 3 : " Nous qui n'avons rien de plus à cœur que de voir en ces jours la foi catholique prospère et la perversité hérétique exterminée du milieu des fidèles, nous avons appris qu'en Allemagne il se trouve une secte d'hommes qu'on appelle Bégards, et de femmes nommées Béguines, dont voici les erreurs : " L'homme peut dans cette vie s’élever à un tel degré de perfection, qu'il ne puisse plus pécher du tout, ni avancer davantage en grâce : autrement, en avançant toujours, il en viendrait à être plus parfait que Jésus-Christ. . . . . "
" Nous, avec l'agrément du saint concile, condamnons et réprouvons
absolument la secte même avec ses erreurs, que nous défendons
strictement d'admettre, d'approuver ou de soutenir à l'avenir. Quant
à ceux qui contreviendraient à cette défense, nous
ordonnons qu'on leur fasse essuyer toute la rigueur des peines canoniques.
"
CHAPITRE XV.
DE L’OBSERVATION DES COMMANDEMENTS DE DIEU, ET DE LA NECESSITE AINSI QUE DE LA POSSIBILITE DE LES OBSERVER.
" Personne, à quelque degré de justice ou de sainteté qu'il soit parvenu, ne doit s'estimer exempt d'observer les commandements de Dieu, ni avancer cette parole téméraire, et proscrite par nos pères sous peine d'anathème, que l'observation des commandements de Dieu est impraticable à l'homme même constitué à l’état de justice. Car Dieu ne commande point l'impossible ; mais en commandant il avertit, et de faire ce que l'on peut, et de demander ce qu'on ne peut pas faire, et il aide afin qu'on le puisse. Ses commandements ne sont point onéreux ; son joug est doux, et son fardeau léger. Car les vrais enfants de Dieu aiment Jésus-Christ, et ceux qui l'aiment gardent sa parole, comme il le témoigne lui-même ; et cela, avec le secours de Dieu, ne saurait être au-dessus de leurs forces. Car quoique dans cette vie mortelle les plus saints et les plus justes puissent tomber quelquefois dans des fautes au moins légères, dans ces fautes journalières qu'on appelle aussi péchés véniels, ils ne cessent pas pour cela d'être justes. Les justes, en effet, doivent, aussi bien que les autres, faire à Dieu cette prière aussi vraie dans son contenu qu'elle est humble dans son énoncé : Pardonnez-nous nos offenses. De là, ils doivent se reconnaître d’autant plus obligés de marcher dans les voies de la justice, que se trouvant d'avance affranchis
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du péché et attachés au service de Dieu, ils peuvent mieux que les autres, en suivant les règles de la piété, de la tempérance et de la justice, faire de continuels progrès dans ces vertus par la grâce de Jésus-Christ, à qui ils doivent d'être entrés dans cet heureux état. Car Dieu n'abandonne point ceux qui sont une fois justifiés par sa grâce, à moins que ceux-ci ne l'abandonnent les premiers. "
" Personne ne doit donc se flatter soi-même d'être héritier du royaume céleste par cela seul qu'il a la foi, ou d’obtenir un jour cet héritage par le mérite de sa foi seule, quand même il ne partagerait en rien les souffrances de Jésus-Christ pour partager un jour sa gloire. Car, comme dit l'Apôtre, Jésus-Christ lui-même, quoiqu'il fût le Fils de Dieu, a appris l'obéissance par l’expérience des choses qu'il a souffertes ; et tout ayant été consommé dans sa personne, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause de leur salut éternel. C'est pourquoi le même apôtre, parlant à des fidèles d'avance justifiés, leur disait : Ne savez-vous pas que tous ceux qui courent dans une arène fournissent leur course chacun de leur côté, et qu'un seul cependant remporte le prix. Courez donc de manière à le remporter vous-mêmes. Pour moi, c'est aussi ce que je fais : Je cours, mais non comme au hasard ; je combats, mais non comme en donnant des coups en l'air ; mais je châtie mon corps et le réduit en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même. Saint Pierre, le prince des apôtres, disait aussi : Travaillez à assurer par vos bonnes œuvres votre vocation et votre élection : car, en agissant de la sorte, vous ne pécherez jamais. "
" Il est évident par tous ces textes, que c'est aller contre la saine doctrine, que de dire que les justes pèchent au moins véniellement dans toutes leurs bonnes œuvres, ou ce qui serait plus intolérable encore, qu'ils méritent, jusque dans le bien qu'ils font, des peines éternelles ; aussi bien que de dire que les justes pèchent dans toutes leurs œuvres si pour ranimer leur langueur et s'encourager à courir avec plus d'ardeur dans la carrière ils se proposent, outre la gloire de Dieu qu'ils ont principalement en vue, d’obtenir aussi pour eux-mêmes la récompense éternelle, puisqu'il est écrit : J'ai porté mon cœur (ô mon Dieu) a l'observation de vos commandements à cause de la récompense que vous m'en faites espérer et que l’Apôtre nous témoigne de Moïse, que cet homme héroïque envisageait de même la récompense. " Concile de Trente, session VI, chapitre II.
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TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, XXVIII, 19-20 : " Allez donc, et instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père et du Fils, et du Saint-Esprit, - et leur enseignant à observer tout ce que je vous ai ordonné. "
2. I JEAN, V, 5 ; comme dans le corps de la réponse.
3. MATTHIEU, XI, 29, ibidem.
4. JEAN, XIV, 12, 23-24 : " En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera encore de plus grandes ; parce que je m'en vais à mon Père. - Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. - Celui qui ne m'aime point, ne garde point mes paroles. "
5. MATTHIEU, VI, 12 : " Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent. "
6. Romains, VI, 17-18 : " Mais Dieu soit loué de ce qu'ayant été auparavant esclaves du péché, vous avez obéi du fond du cœur à la doctrine de l’Evangile, sur le modèle de laquelle vous avez été formés. - Et ainsi ayant été affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. "
7. Tite, II, 11-13 : " Car la grâce de Dieu notre Sauveur a paru à tous les hommes, et elle nous a appris que renonçant a l'impiété et aux passions mondaines, nous devons vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété, - étant toujours dans l'attente de la béatitude que nous espérons, et de l'avenir glorieux de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. "
8. Romains, V, 1-2 : " Etant donc justifiés par la foi, ayons la paix avec Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, - par qui aussi nous avons entrée par la foi à cette grâce dans laquelle nous sommes établis, et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire promise aux enfants de Dieu. "
9. Ibid., VIII, 16-17 : " Et cet esprit rend lui-même témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. - Si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu, et cohéritiers de Jésus-Christ, pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui. "
40. Hébreux, V, 8 ; I Corinthiens, IX, 24 ; II PIERRE, I, 10 ; comme dans le corps de la réponse.
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11. JOB, I, 22 : " Dans tous ces malheurs, Job ne pécha point par ce qui s’échappa de ses lèvres, et il ne dit rien contre Dieu qui fût indiscret. "
12. Ibid., II, 10 : " Vous parlez comme une femme insensée. Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n'en recevrions-nous pas aussi les maux ? Dans toutes ces choses, Job ne pécha point par ce qui s'échappa de ses lèvres. "
13. MATTHIEU, VI, 22 : " Votre œil est la lampe de votre corps ; si votre œil est simple, tout votre corps sera lumineux. "
14. LUC, XI, 24-26 : " Lorsqu'un esprit immonde est sorti d'un homme, il s'en va par des lieux arides, cherchant du repos ; et comme il n'en trouve point, il dit : Je retournerai dans la maison d'où je suis sorti. - Alors il s'en va prendre avec lui sept autres esprits plus méchants que lui ; et entrant dans cette maison, ils en font leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. "
15. I Corinthiens, VII, 25-26, 28 : " Quant aux vierges, je n'ai point reçu de commandement du Seigneur, mais voici le conseil que je donne, comme fidèle ministre du Seigneur, par la miséricorde qu'il m'en a faite. - Je crois donc qu'il est avantageux, à cause des nécessités pressantes de cette vie ; je veux dire qu'il est avantageux à l'homme de ne point se marier. - Si néanmoins vous épousez une femme, vous ne péchez point ; et si une fille se marie, elle ne pèche pas ; mais ces personnes souffriront dans leur chair des afflictions et des peines. Or, je voudrais vous les épargner. "
16. II PIERRE, I, 10 ; comme dans le corps de la réponse.
17. I JEAN, III, 6 : " Quiconque demeure en lui ne pèche pas. "
18. Id, V, 18 : " Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche point ; mais la providence de Dieu le conserve, et le malin esprit ne le touche point. "
19. I Corinthiens, IX, 24-25 : " Ne savez-vous pas que, quand on court dans la carrière, tous courent, mais qu'un seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous remportiez le prix. - Or, tous les athlètes gardent en toutes choses une exacte tempérance ; et cependant ce n'est que pour gagner une couronne corruptible, au lieu que nous en attendons une incorruptible. "
20. Hébreux, XI, 6-8, 10, 24-26 : " Pour s'approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu'il est, et qu'il récompense ceux qui le cherchent. - C'est par la foi que celui qui a reçu le nom d'Abraham obéit, en s'en allant dans la terre qu'il devait
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recevoir pour héritage, et qu'il partit sans savoir où il allait. - C'est par la foi qu'il demeura dans la terre qui lui avait été promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, comme firent aussi Isaac et Jacob, qui devaient être héritiers avec lui de cette promesse ; - car il attendait cette cité bâtie sur un fondement, dont Dieu même est le fondateur et l'architecte. - C'est par la foi que Moïse, lorsqu'il fut devenu grand, renonça à la qualité de fils de la fille de Pharaon, et qu'il aima mieux être affligé avec le peuple de Dieu, que de jouir du plaisir si court qui se trouve dans le péché ; - jugeant que l'ignominie de Jésus-Christ était un plus grand trésor que toutes les richesses de l'Egypte, parce qu'il envisageait la récompense. "
21. Id., XIII, 16 : " Souvenez-vous d'exercer la charité, et de faire part de vos biens aux autres : car c'est par de semblables hosties qu'on se rend Dieu favorable. "
22. Colossiens, I, 4-5 : " Depuis que nous avons appris quelle est votre foi en Jésus-Christ et votre charité envers tous les saints, - dans l'espérance de la béatitude qui vous est réservée dans le ciel, et dont vous avez déjà reçu la connaissance par la parole très-véritable de l'Evangile. "
23. Ibid., III, 22 - 24 : " Serviteurs, obéissez en tout à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, ne les servant pas seulement lorsqu'ils ont l'œil sur vous, comme si vous ne pensiez qu'à plaire aux hommes, mais avec simplicité de cœur et crainte de Dieu. - Faites de bon cœur ce que vous faites, comme le faisant pour le Seigneur et non pour les hommes ; - sachant que vous recevrez du Seigneur l'héritage du ciel pour récompense. C'est le Seigneur Jésus-Christ que vous devez servir. "
24. MATTHIEU, IV, 17 : " Depuis lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. "
25. Id., V, 11-12 : " Vous serez bienheureux, lorsque les hommes vous maudiront et vous persécuteront, et qu'à cause de moi ils diront faussement toute sorte de mal de vous. - Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux. "
26. Id., X, 41-42 : " Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense du prophète ; et celui qui reçoit le juste en qualité de juste, recevra la récompense du juste. - Et quiconque donnera seulement un verre d'eau froide
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à l'un de ces plus petits, parce qu'il est de mes disciples, je vous le dis en vérité, il ne sera point privé de récompense. "
27. LUC, VI, 35-38 : " Aimez vos ennemis ; faites du bien, et prêtez sans rien espérer et alors votre récompense sera très grande, et vous serez les enfants du Très-Haut, parce qu'il est bon lui-même envers les ingrats et les méchants. - Donnez, et on vous donnera ; on versera dans votre sein une bonne mesure bien pressée et entassée, qui débordera ; car on se servira pour vous de la mesure dont vous vous serez servis. "
28. Id., XIV, 13-1 4 : " Lorsque vous faites un festin, conviez-y les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles ; - et vous serez heureux de ce qu'ils n'ont pas de quoi vous rendre, car cela vous sera rendu dans la résurrection des justes. "
29. Ibid., XVI, 9 : " Je vous dis aussi : Faites-vous des amis avec les richesses d'iniquité, afin que, lorsque vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. "
30. I Timothée, IV, 7-8 : " Exercez-vous à la piété : car les exercices corporels servent à peu de chose ; mais la piété est utile à tout, et c'est à elle qu'ont été promis les biens de la vie présente et ceux de la vie future. "
31. II Chroniques, XV, 7 : " Prenez donc courage ; que vos mains ne s'affaiblissent point, et votre persévérance sera récompensée. "
32. Ecclésiastique, XII, 1-2 : " Si vous faites du bien, sachez qui vous le ferez ; ce que vous ferez de bien plaira beaucoup. - Faites du bien au juste, et vous en recevrez une grande récompense, sinon de lui, au moins du Seigneur. "
33. Ibid., XVIII, 22 : " Que rien ne vous empêche de prier toujours, et ne cessez point de faire des progrès dans la justice jusqu'à la mort, parce que la récompense de Dieu demeure éternellement. "
34. Ephésiens, VI, 7-8 : " Servez vos maîtres avec affection, regardant en eux le Seigneur, et non les hommes ; - sachant que chacun recevra du Seigneur la récompense du bien qu'il aura fait, n'importe qu'il soit esclave ou qu'il soit libre. "
35. II Thessaloniciens, I, 4-5 : " De sorte que nous nous glorifions en vous dans les églises de Dieu, à cause de la patience et de la foi avec laquelle vous demeurez fermes dans toutes les persécutions et les afflictions qui vous arrivent, - qui sont les marques du juste jugement de Dieu, pour nous rendre dignes de son royaume, pour lequel aussi vous souffrez. "
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36. Galates, VI, 9 : " Ne nous lassons donc point de faire le bien, puisque, si nous ne perdons point courage, nous en recueillerons le fruit en son temps. "
37. Psaume CXVIII, 112 : " Mon cœur se porte constamment à
l'observation de vos préceptes, dans l'espoir de la récompensé.
"
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. JEROME, in caput ultimum Matthæi : " Leur enseignant à observer tous les préceptes que je vous ai donnés (MATTH., XXVIII, 20). Tel est en effet l'ordre à suivre : les apôtres devaient, premièrement, enseigner tous les peuples ; en second lieu, les admettre au baptême ; en troisième lieu enfin, prescrire les choses à observer à ceux qui croiraient déjà et seraient baptisés. Et pour que vous ne pensiez pas qu'il s'agisse ici de commandements de peu d'importance ou en petit nombre, Notre-Seigneur ajoute : Tous les préceptes que je vous ai donnés, c’est-à-dire, que tous ceux qui auront la foi et qui seront baptisés au nom de la sainte Trinité devront observer tous les préceptes qui nous ont été donnés. "
2. Le vénérable BDED, sur ces mêmes paroles du dernier chapitre de l’Evangile de saint Matthieu : " Il ordonne donc à ses apôtres d'enseigner d'abord les peuples, c'est-à-dire de leur communiquer la science de la vérité, et puis de les baptiser, parce que sans la foi il est impossible de plaire à Dieu (Hébr., XI, 7), et que si l'on ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit, on ne saurait entrer dans le royaume de Dieu (JEAN, III, 5). Il ajoute à la fin, qu'ils devront enseigner aux hommes observer tous les préceptes qu'il leur a donnés, parce que, de même qu'un corps sans âme est en état de mort, ainsi en est- il de la foi sans les œuvres. "
3. THEOPHYLACTE, sur ce même passage : " Leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées. Non une ou deux seulement, mais toutes sans exception. Soyons saisis de frayeur et de crainte, mes frères, puisque, si nous négligeons un seul précepte, nous ne serons pas de parfaits serviteurs de Jésus-Christ. Car l'observation de tous ces préceptes est exigée de nous. Admirez comment ces paroles de Notre-Seigneur embrassent à la fois les deux points culminants du christianisme, la vie active et la vie contemplative. En disant qu'il faut conférer le baptême au nom de la Trinité, il nous invite à la vie contemplative ; et en disant qu'il faut enseigner et garder les commandements, il nous initie à la vie active. "
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4. S. AUGUSTIN, Lib. III contra duas epistolas pelagianorum, c. 4 : " Si l'on excepte les rites de l'ancienne loi, qui n'avaient d'autre raison de leur institution que les mystères dont ils étaient les signes, quoique, à raison même de leur signification spirituelle, la loi qui les prescrivait puisse être appelée spirituelle ; tout le reste qui, intéressant la piété et les bonnes mœurs, ne doit pas être interprété dans un sens figuratif, mais être observé de la manière qu'indique le sens propre de la loi, a sans aucun doute été établi de Dieu pour régler non-seulement la vie de ce peuple, mais aussi la nôtre. Car si Jésus-Christ nous a affranchis du joug onéreux de tant d'observances légales comme de la circoncision charnelle, des sacrifices d'animaux, de la cessation de tout travail même nécessaire au retour de chaque septième jour, et autres semblables, mais a voulu que nous les entendions dans un sens spirituel, et qu'écartant les ombres des figures, nous marchions à la lumière des vérités qu’elles signifiaient ; devrons-nous dire pour cela que ce n'est pas nous que regarde ce qui est écrit, que quiconque aura trouvé une chose perdue, devra la rendre à son maître, et tant d'autres préceptes de cette nature, qui ont pour objet de régler les mœurs, mais particulièrement les dix préceptes du décalogue contenus dans les deux tables, à l’exception de ce qui a trait à l'observation matérielle du sabbat, et qui doit s'entendre de notre sanctification et de notre repos spirituel ? Eh ! qui osera dire que les chrétiens ne sont pas tenus de rendre à Dieu seul le culte religieux, de ne point adorer d'idoles, de ne point prendre en vain le nom de Dieu, d'honorer les auteurs de leurs jours, de ne point commettre d'adultères d'homicides, de larcins, de faux témoignages, de ne désirer ni la femme du prochain, ni rien qui appartienne à autrui ? Qui sera assez impie pour alléguer qu'il n'observe pas ces préceptes par la raison qu'il est chrétien, et qu'il ne vit pas sous la loi, mais sous la grâce ? "
5. S. CYPRIEN, De unitate Ecclesiæ : " Prophétiser, chasser les démons, faire de grands miracles, tout cela est admirable ; et néanmoins, avec tout cela, l'on n'entre point dans le royaume' des cieux, si l'on ne marche dans le droit chemin. C'est ce que Notre-Seigneur déclare quand il dit (MATTH., VII, 22) : " Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N'avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? n'avons-nous pas fait de grands miracles en votre nom ? Alors je leur répondrai : Je ne vous ai jamais connus.
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Retirez-vous de moi, ministres d'iniquité. " Il faut vivre dans la justice, si nous voulons que notre juge nous soit favorable ; il faut obéir à Dieu, si nous prétendons qu'il nous récompense. Notre-Seigneur, dans l'Evangile, voulant abréger le chemin de notre espérance et de notre foi : Le Seigneur votre Dieu, dit-il (MATTH., XXII, 40), est un seul Dieu. Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces. Voilà le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Toute la loi et les prophètes se rapportent à ces deux commandements. Il a enseigné en même temps l'unité et l'amour, et il a enfermé tous les prophètes et toute la loi en deux commandements (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. de Genoude, t. V). "
6. S. CHRYSOSTOME, Hom. LXX in Matthæum : " Pour apprendre aux gentils convertis à l'Evangile que la foi ne leur suffit pas, il leur parle aussitôt de son jugement et de la sévérité avec laquelle il condamnera tous les coupables, soit ceux qui n'auront pas cru, parce qu'ils n'auront pas voulu recevoir la foi, soit ceux qui auront cru, parce que la conduite de leur vie n'aura pas répondu à la sainteté de leur foi. Ensuite le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et ayant aperçu un homme qui n'avait pus la robe nuptiale, il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Et celui-ci ne put répondre. Alors le roi dit à ses gens : Liez-lui les pieds et les mains, emportez-le hors d’ici, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents ; car il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d’élus (MATTH., XXII, 11-14). Cette robe nuptiale dont parle l’Evangile représente notre vie et la pureté de nos actions. Dieu nous appelle par sa seule grâce, et la vocation vient de sa pure bonté, et non de nos mérites. Mais afin que celui qui est appelé conserve ses vêtements blancs, il faut qu'il agisse et qu'il travaille. Puis donc qu'il nous avait prévenus d’une telle grâce, c'était à nous à la reconnaître et à ne pas témoigner tant d'ingratitude et tant de malice après un si grand honneur reçu. "
" Vous direz peut-être que vous n'avez pas reçu de Dieu tant de grâces que les Juifs. Je vous dirai que vous en avez reçu davantage. Il vous a donné dans un moment ce qu'il leur avait promis en beaucoup de siècles, et il vous l'a donné lorsque vous en étiez tout-à-fait indignes. Aussi saint Paul a-t-il dit : Que les nations glorifient Dieu de la miséricorde qu'il leur a faite (Rom.,
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XI, 9), parce qu'elles ont reçu ce qui avait été promis aux Juifs. C'est pourquoi Dieu tirera une effroyable vengeance de ceux qui ne lui auront témoigné que de l'indifférence et du mépris après tant de grâces. Les Juifs ont fait injure à Dieu en refusant de venir au festin de ses noces ; mais vous lui faites encore plus d'outrage lorsque, après y avoir été appelés avec tant de bonté, vous osez vous y présenter avec une vie toute impure et toute corrompue ; car ces habits sales et souillés marquent l'impureté de la vie. Aussi est-il dit dans la parabole que cet homme fut réduit au silence (Cf. Homélies ou Sermons de saint Jean Chrysostôme sur saint Matthieu, t. III, p. 249-251). "
7. Le concile œcuménique de Vienne, tenu sous Clément V, in Clementinis, lib. V, tit. de hæreticis, c. Ad nostrum, condamne l'erreur donnée dans cet endroit pour la troisième des Bégards et des Béguines, et conçue ainsi : " Que ceux qui sont parvenus à ce degré de perfection, ou qui ont reçu cet esprit de liberté, ne sont plus obligés d’obéir aux hommes, ni tenus de pratiquer les commandements de l’Eglise, parce que, disent-ils, la liberté est là où est l'esprit de Dieu. "
8. On trouvera rapporté plus haut, au chapitre des commandements de Dieu et de l'Eglise, question V du Décalogue et question I des commandements de l'Eglise, t. I, page 266, et t. II, pages 2 et suiv., plusieurs autres témoignages qui concernent le devoir d'observer ces divers commandements.
9. S. JEROME, Exposit. Symboli ad Damasum, t. IX, Epist. XVII : " Nous détestons aussi le blasphème de ceux qui prétendent que Dieu a fait à l'homme des commandements impossibles à observer, ou qui ne sont possibles à observer qu'à l'homme en général, et non pas à chaque homme en particulier. " Saint Augustin dit la même chose, Serm. CXCI de tempore : voir cet autre passage rapporté plus haut, question VI du Décalogue, tome I, page 276 (Ce prétendu sermon de saint Augustin n'était autre chose que le Traité des cinq hérésies, comme l'ont remarqué les anciens docteurs de Louvain. V. NAT. ALEX., Hist. eccles., t. V, p. 107). "
10. Le deuxième concile d'Orange, canon 23 (ou pour mieux dire, conclusion de ses décrets) : " Nous croyons aussi que toutes les personnes baptisées peuvent et doivent, avec le secours et la coopération de Jésus-Christ, accomplir ce qui tend au salut de leurs âmes, s'ils veulent travailler fidèlement. "
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11. S. AUGUSTIN, De naturâ et gratiâ, c. 43 : " Dieu ne nous commande pas l'impossible ; mais en nous faisant ses commandements, il nous avertit, et de faire ce que nous pouvons, et de lui demander ce que nous ne pouvons pas. "
12. Le même, Lib. II de peccatorum meritis et remissione, c. 6 : " Dirigez mes pas (ô mon Dieu) selon votre parole, dit le Psalmiste (Ps. CXVIII, 133), et faites que nulle injustice ne me domine. Ceux-là sont affranchis de cette détestable servitude, qui reçoivent Jésus-Christ, et à qui ce divin Sauveur donne le droit d’être appelés enfants de Dieu. Ceux-là étaient appelés à être délivrés de ce joug affreux, à qui il disait : Si le Fils vous délivre alors vous serez vraiment libres (JEAN, VIII, 36). Ces témoignages, et d'autres sans nombre, ne me permettent pas de douter que Dieu ne commande rien d'impossible aux hommes, pas plus qu'il ne peut être impossible à Dieu de nous prêter le secours dont nous avons besoin pour accomplir ce qu'il nous commande : et de cette manière l'homme peut toujours, avec l'aide de Dieu, s'abstenir, s'il le veut, du péché. "
13. S. AUGUSTIN, de gratiâ et libero arbitrio, c. XVI, n. 32 : " Les pélagiens croient nous apprendre quelque chose de bien important, quand ils disent que Dieu ne ferait pas aux hommes des commandements qu'il saurait leur être impossibles. Tout le monde sait cela aussi bien qu'eux. Mais cette vérité n'empêche pas qu'il n'y ait des préceptes que nous n'avons pas la force d'accomplir. Et Dieu nous donne ces préceptes, afin que nous sachions ce que nous devons lui demander ; car c'est la foi qui obtient par la prière la force d'accomplir ce que la loi commande. Enfin le même auteur sacré qui dit au livre de l'Ecclésiastique : Si vous voulez, vous garderez les commandements (XV, 16, selon les Septante), dit aussi dans le même livre : Qui mettra une garde à ma bouche et un sceau de prudence sur mes lèvres, afin que je ne m'en serve pas pour le mal, et que ma langue ne me perde pas (Ecclé., XXII, 33) ?. . . Il est certain que c'est nous qui agissons, quand nous agissons ; mais c'est Dieu qui nous fait agir, en donnant à notre volonté des forces très-efficaces, suivant ce qu'il dit lui-même : Je ferai que vous marchiez dans la voie de mes préceptes, que vous gardiez mes ordonnances et que vous les observiez (EZECH., XXXVI, 27) (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. I, p. 248-249, et p. 251). "
14. S. CHRYSOSTOME, Hom. VIII (al. 6) de pænitentiâ : " Quoi
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que vous puissiez dire, m'objecterez-vous, la loi est quelque chose de pénible à la nature. Quoi donc ? Dieu nous commande-t-il des choses impossibles ? - Taisez-vous, et n'accusez pas votre souverain maître : car ce n'est pas là vous justifier, c'est au contraire ajouter à un premier tort un second encore plus grave. Celui à qui son maître avait confié cinq talents s'approcha de lui et lui en remit cinq autres ; celui qui avait reçu deux talents s'approcha de même et en remit deux autres ; celui enfin qui n'avait reçu qu'un talent, et qui n'en avait point d'autre à remettre qu'il eût gagné, au lieu d'un talent présenta une accusation. Qu'est-ce qu'il dit en effet à son maître ? Je sais que vous êtes un homme dur (MATTH., XXIV, 25). Ingrat serviteur ! Ce n'est pas assez pour lui d'être en faute ; il faut de plus qu'il dresse contre son maître un acte d'accusation. Vous moissonnez, ajoute-t-il, là ou vous n'avez pas semé, et vous recueillez là où vous n'avez rien mis (LUC, XIX, 21). C'est ainsi que ceux qui ne font aucune bonne œuvre pendant la vie présente, ajoutent aux crimes dont ils sont déjà chargés des paroles d'inculpation contre leur souverain maître. Gardez-vous donc bien de l'accuser : il ne vous a point commandé l'impossible. Voulez-vous en avoir la preuve ? C'est que beaucoup font même plus que ce qui vous est commandé ; or, si ce qui leur est commandé comme à vous était réellement impossible, ils ne pourraient à plus forte raison faire davantage par un acte spontané de leur propre volonté. Dieu n'a pas fait un précepte de la virginité, et beaucoup de personnes la gardent cependant ; il n'a pas fait un précepte du renoncement à tous les biens, et beaucoup renoncent à tout ce qu'ils possèdent, témoignant ainsi par les faits combien il est facile d'observer les commandements : car ils n'iraient pas au-delà de ce qui est de précepte, si le précepte lui-même n'était pas facile à observer. . . "
" Tout cela, je ne l'ai pas dit sans me proposer un but ; mais je l'ai dit pour vous faire voir que la loi divine n'est ni difficile, ni pénible, ni intolérable, ni impossible à plus forte raison. Rendons cette vérité encore plus évidente par les paroles de Jésus-Christ lui-même : Celui, nous a-t-il dit, qui regarde une femme avec un mauvais désir a déjà commis l'adultère dans son cœur (MATTH., V, 28). Jésus-Christ voyait bien aussi que beaucoup de personnes rejetteraient leur lâcheté sur la difficulté de la loi ; c'est pourquoi au lieu de présenter cette loi toute seule, et dans la nudité pour ainsi dire, il rappelle en même temps la loi ancienne, pour rendre plus sensible la facilité d'accomplir la nou-
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velle loi par sa comparaison avec l'ancienne, et nous donner par-là une preuve de plus de sa condescendance pour les hommes. . . . . "
" Pourquoi leur rappelle-t-il la loi ancienne par ces paroles qu'il leur adresse : Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens, Vous ne commettrez point d'adultère ? C'est qu'il savait que ce commandement leur était difficile à observer, non de sa propre nature, mais à raison de leur lâcheté à eux-mêmes. Car bien des choses aisées de leur nature deviennent pénibles à raison de notre lâcheté, comme aussi il y a des choses de pénible exécution qui nous deviennent légères et très-praticable par l’effet de l'ardeur avec laquelle nous nous portons à les exécuter : la difficulté alors ne gît pas dans la nature des choses elles-mêmes, mais dans les dispositions de ceux qui les entreprennent. Voici ce qui va vous rendre la chose évidente : le miel est doux et agréable de sa nature, et cependant il présent aux malades un goût désagréable d'amertume, ce qui est l'effet, non de la nature qui lui est propre, mais de l'indisposition de ceux qui le goûtent ; de même, si la loi nous paraît à charge, ce n'est pas qu'elle le soit en elle-même, mais cela vient uniquement de notre lâcheté. Je n'aurai pas beaucoup de peine à démontrer que l'observation de la loi est facile ; je n'ai pour cela qu’à faire voir ce qui la rend de difficile exécution. Voici en effet ce que porte la loi nouvelle : Fuyez l'aspect de la femme, éloignez-vous des occasions de luxure ; tandis que c'eût été rendre la loi difficile à observer que de dire au contraire : Fréquentez les femmes, arrêtez-vous avec complaisance à contempler leur beauté, et en même temps réfrénez vos désir. Voilà, vous dis-je, ce qui serait difficile à observer. Mais vous dire au contraire : Ecartez-vous du foyer, éloignez-vous du feu, n'approchez pas de la flamme, c'est vous faciliter les moyens de ne pas brûler (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. II, pag. 321, 322, 324-325, édit. Montfaucon ; p. 378, 379, 382, édit. Gaume). "
18. S. LEON-LE-GRAND, Serm. V de Quadragesimâ : " Il faut que notre obéissance seconde la grâce, et que nous demeurions toujours attaché à celui sans lequel nous ne pouvons rien faire de méritoire. Si nous trouvons quelque chose de difficile ou d'impossible dans la pratique des commandements de Dieu, pour fortifier notre faiblesse, il faut implorer le secours de celui qui a fait ces commandements. En nous faisant ces préceptes, il excite notre désir et il tient ses secours toujours prêts. Abandonnez au
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Seigneur le soin de tout ce qui vous regarde, et il vous nourrira lui-même (Psaume LIV, 23) (Cf. Sermons de saint Léon, p. 260). "
16. S. AUGUSTIN, De naturâ et gratiâ, c. 69 ; voir ce passage rapporté au chapitre du Décalogue, question VI, témoignage 7, tome Ier, page 278. On pourra consulter aussi dans ce même chapitre les témoignages 2, 3, 4, 5, 8, 9 et 10, pages 273-276.
17. S. BERNARD, Epist. CCCLXXXV, aux moines de saint Bertin : " Rougissons d'aller maintenant avec moins d'empressement à la vie que nous n'allions auparavant à la mort, et de travailler avec moins d'ardeur à notre salut que nous n'avons fait à notre perte. Car, et c'est ce qui nous rend tout-à-fait inexcusables, nous devons savoir que plus on se hâte, plus il est aisé de courir dans la voie de la vie. Plus le joug du Seigneur nous charge, plus il est aisé à porter. Les oiseaux ne sont-ils pas plutôt soulagés que chargés par la grandeur de leurs ailes et par le nombre de leurs plumes ? Retranchez-leur ce soutien, et tout aussitôt le corps, de son propre poids, se précipitera vers la terre. Il en est de même de la loi de Jésus-Christ, de la douceur de son joug, de la légèreté de son fardeau : plus nous nous en déchargerons, et plus nous succomberons, car nous le portons bien moins que ce n'est lui qui nous porte (Cf. Lettres de saint Bernard, trad. de Villefore, t. II, p. 523). "
18. S. CHRYSOSTOME, in psalmum CXI : " Le Psalmiste dit : Heureux l'homme qui craint le Seigneur ; il aura une ardente volonté d'accomplir les commandements divins (Ps. CXI, 1) ; car celui qui craint Dieu comme il doit le craindre reçoit avec empressement tous ses ordres ; de sorte que l'amour qu'il porte à l'auteur de la loi lui rend de facile exécution la loi elle-même, quand même celle-ci présenterait quelque chose de pénible. Et que personne ne s'avise de me reprendre, si je me sers de l'exemple que je vais vous dire ; car saint Paul s'en est également servi, lorsqu'il a dit : Comme vous avez fait servir vos membres à l'impureté, faites-les servir maintenant à la pratique de la justice (Rom., VI, 19). Celui donc qui s'attache à une prostituée supporte avec plaisir les affronts, les injures, les mauvais traitements, le déshonneur, l'exil de sa patrie, le déshéritement des biens paternels, la disgrâce des auteurs de ses jours, et tout autre malheur semblable, pour l'amour qu'il porte à l'objet de sa passion ; que s'il en est ainsi à l’égard de ces sortes de choses, avec com-
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bien de plaisir donc ne doit-on pas embrasser la pratique des commandements de Dieu, qui sont si salutaires, si utiles, si honorables et si avantageux pour ceux qui les pratiquent, sans considérer ce qu'il peut y avoir en eux de pénible. D'autant plus que ce qu'ils peuvent renfermer de semblable n'est point attaché à ces commandements considérés en eux-mêmes, mais n'a d'autre cause que la lâcheté avec laquelle nous nous portons à les observer. De sorte qu'il suffit de les embrasser avec amour pour les trouver aussitôt doux et faciles. C'est ce qui a fait dire à notre divin Sauveur : Mon joug est doux et mon fardeau léger (MATTH., XI, 30). Et pour vous convaincre qu'il en est ainsi, et que la lâcheté de la plupart leur rend pénibles les choses les plus aisées, tandis que la ferveur leur rendrait faciles les choses les plus pénibles à la nature : rappelez-vous d'une part l'exemple des Israélites qui murmuraient et se souhaitaient la mort au moment où la manne leur tombait en abondance, et de l'autre celui de saint Paul, qui surabondait de joie lorsqu'il n'avait pas même de quoi se nourrir. D'un côté, les Israélites disaient : Le cœur nous soulève à la vue de cette chétive nourriture (Nom., XXI, 5) ; vous nous avez amené dans ce désert comme s'il n'y avait pas de tombeaux en Egypte (Exod., XIV, 11). De l'autre, saint Paul disait : Je me réjouis dans mes tribulations, et j’accomplis dans ma personne ce qui manquait encore aux souffrances de Jésus-Christ (Col., I, 24). Et de quelles tribulations s'agissait-il ? Il s'agissait de la faim, de la soif, de la nudité, et de tous les autres maux' dont ce même apôtre a fait ailleurs l’énumération. Voilà ce que lui faisait endurer l'ardente volonté qu'il avait d'accomplir les commandements divins (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. V, p. 277-278, édition de Montfaucon ; p. 332-333, édit. de Gaume). "
19. S. AUGUSTIN, Serm. LXI de tempore (Noël-Alexandre nie que ce sermon soit de saint Augustin pour des raisons qui ne me semblent pas péremptoires. V. Hist. eccl., t. V, p. 105): " De quelque prix que soit le remède que nous trouvons dans la charité véritable et parfaite, il n'est aucun de nous qui ne puisse l'avoir avec l'aide de Dieu. Pour tout le reste l'homme peut alléguer des motifs de dispense ; mais pour la charité il ne peut prétexter aucune excuse. Car s'il y a bien des œuvres corporelles que notre peu de force ne nous permet pas d'exécuter, nous pourrons toujours, avec la grâce de Dieu et pourvu que nous le voulions véritablement, avoir en nous la charité. . . "
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" Mais on dira peut-être : Je ne saurais en aucune manière aimer mes ennemis. Dieu vous déclare au contraire dans toutes ses Ecritures que vous le pouvez. Vous répondez que vous ne le pouvez pas. Voyez maintenant si c'est vous ou Dieu qu'il faut croire là-dessus. Mais comme la vérité ne peut pas mentir, c'est à la fragilité humaine à se désister de ses frivoles excuses : car Dieu étant juste n'a pu rien commander d'impossible, et comme il est aussi infiniment bon, il ne condamnerait pas l'homme pour avoir fait ce qu'il lui aurait été impossible d'éviter. Pourquoi donc tergiverser, comme nous le faisons, en pure perte ? Personne ne sait mieux ce que nous sommes capables de faire, que celui qui nous en a donné le pouvoir. Tant d'hommes, tant de femmes, tant de clercs, tant d'enfants et de jeunes et tendres vierges ont enduré sans laisser échapper une plainte le supplice du feu et celui d’être exposé aux bêtes ; et nous, nous dirons encore que nous ne pouvons supporter les injures que nous adressent quelques insensés ? Nous poursuivons jusque dans leur sang, s'il nous est possible, la vengeance d'une injure que nous en aurons reçue ; de quel front, ou par quel principe de conscience, pouvons-nous donc désirer de partager un jour le bonheur des saints, tandis que nous refusons d'imiter leurs exemples dans les choses mêmes qu'il nous serait le plus facile d'accomplir ? "
20. Le même, Lib. III contra Cresconium Grammaticum, c. 4 : " Les bonnes œuvres font le discernement des bons d'avec les méchants comme elles feront la cause de la différence de leur sort. Si l'homme injuste ne peut pas accomplir ce qu'accomplit le juste, c'est qu'il est étranger à l'amour de Jésus-Christ, qui donne au juste la force d'accomplir sa loi. "
21. Le même, de verâ et falsâ pænitentiâ, c. 5 : " L'Apôtre a dit : Ma conscience ne me reproche rien, mais je ne suis pas justifié pour cela (I Cor., IV, 3). Car, comme il savait que les justes eux-mêmes peuvent tous les jours tomber dans quelques péchés, il ne se tenait point pour assure d'être sans péché, quelque assuré qu'il fût d'être inséparablement uni à Jésus-Christ. Car s'il n'avait pas été convaincu que les justes eux-mêmes ont souvent besoin de pardon, comment aurait-il pu avoir la crainte d'être souillé de quelque faute, lui qui savait qu'il possédait l’esprit de Dieu, et qu'il le servait avec une intention pure ? Et pourquoi Notre-Seigneur aurait-il lavé les pieds à son apôtre et enseigné à son Eglise à suivre le même exemple, si ce n'est parce que,
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comme nos offenses sont journalières, nous devons aussi recourir journellement au pardon ? Pourquoi nous aurait-il appris dire dans nos prières : Pardonnez-nous nos offenses, s'il pouvait se lasser de nous faire miséricorde, tandis qu'il ne veut pas que nous nous lassions de l'implorer ? "
22. Le même, de Spiritu et Litterâ, c. 28 : " Comme certains péchés véniels dont on n'est point exempt en cette vie n'excluent point les justes de la vie éternelle, de même certaines bonnes œuvre mêlées à la vie des méchants ne les préservent point de la damnation, et ne leur donnent nul droit à l'héritage céleste (Cf. Le livre de saint Augustin de l'Esprit et de la Lettre, p. 110). "
23. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. VI in librum I Regum, c. 2, sur ces paroles du chapitre XV du premier livre des Rois : " Je me repens d'avoir fait roi Saül. C'est comme s'il disait : Je ne veux plus qu'il règne sur mon peuple, quoique je l'aie voulu autrefois ; parce que ce même homme que j'ai voulu récompenser de son humilité, je le vois maintenant s'élever et se révolter contre moi avec orgueil. Ces paroles n'ont pas leur application dans toute sorte de pécheurs mais dans ceux-là seulement dont la chute est évidente, sans qu'on puisse prévoir qu'ils fassent un jour pénitence. Car quant aux chutes que peuvent faire les justes, il est dit à leur sujet : Le juste tombera sept fois, et se relèvera (Prov., XXIV, 16). Leurs chutes mêmes sont en quelque sorte ce qui les affermit dans le bien, puisque, si Dieu permet qu'ils tombent, c'est afin qu'ils se tiennent désormais plus fermes. Dieu permet qu'ils tombent quelquefois dans le mal, afin que la vaine gloire ne leur fasse pas perdre leurs éminentes vertus. Ceux-ci assurément, s'ils n'accomplissent pas toujours la volonté de Dieu à leur égard, ne se séparent pas pour cela de lui, parce que Dieu ne les laisse eux-mêmes quelques instants, que pour qu'ils soient à lui toute l'éternité, et que ces actes d'une fragilité momentanée ne doivent pas avoir pour eux de suites graves. "
24. Le vénérable BEDE, in caput XXIV Proverbiorum, vel juxtâ ipsius divisionem, in caput XXVI, sur ces paroles : Le juste tombera sept fois, etc. : " Comment appeler juste celui qui tombe, c'est-à-dire, qui pèche, si ce n'est parce qu'il est question ici de ces fautes légères et journalières, dont les justes eux-mêmes ne sauraient être exempts en cette vie. Car tous les jours, bon
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gré mal gré, nous péchons souvent, et tantôt par ignorance, tantôt par oubli ; tantôt par pensées, et tantôt par paroles ; tantôt par surprise, tantôt par nécessité ou par fragilité. Et cependant le juste se relève car il est juste, et une faiblesse passagère ne peut pas lui faire perdre son état de justice. "
25. On trouvera sur ce même sujet plusieurs passages rapportés déjà, soit à l'article des péchés en général, question III, soit à celui de l'expiation des péchés, questions II et III.
26. Le concile de Milève, canon 7 (C'est le même que le canon 8 du concile de Carthage de l'an 418. V. le Dictionnaire universel des conciles, t. Ier, col. 515-816) : " Quiconque dira que les saints, en disant dans l'oraison dominicale : Remettez-nous nos dettes, ne le disent pas pour eux-mêmes, parce que cette demande ne leur est plus nécessaire, mais pour les autres de leur peuple qui sont pécheurs, et que c'est pour cette raison que chacun des saints ne dit pas : Remettez-moi mes dettes, mais, Remettez-nous nos dettes, pour faire entendre que le juste le demande pour d'autres que pour lui-même ; qu'il soit anathème ! Car l'apôtre saint Jacques était saint et juste, quand il disait : Nous manquons tous en beaucoup de choses (JAC., III, 2). Car pourquoi ajoute-t-il le mot tous, si ce n'est pour être d'accord avec cette parole du prophète David : Seigneur, n'entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous (Ps. CXLII, 2) ; et avec cette maxime du sage Salomon : Il n'y a personne qui ne pèche (II Chroniques, VI, 36) ; et avec cet oracle du livre de Job : Il met comme un sceau sur la main de tous les hommes, afin que tous connaissent leur faiblesse (JOB, XXXVII, 7) ? C'est pourquoi le juste Daniel, après avoir dit au pluriel dans sa prière : Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité (DAN., IX, 5), ce qu'il confesse avec autant de vérité que d'humilité, de peur qu'on ne crût qu'il avait dit cela des péchés de son peuple plutôt que des siens, ajoute un peu plus bas : Lorsque je priais encore, et que je confessais mes péchés à ceux d'Israël mon peuple (ibid. ; 20). Il n'a pas voulu dire nos péchés, mais il a dit les péchés de son peuple et les siens, parce qu'étant prophète, il prévoyait qu'il se rencontrerait dans l'avenir des hommes qui entendraient aussi mal cette parole : Remettez-nous nos dettes. "
27. Ibidem, canon 8 (C'est le neuvième du concile de Carthage de l'an 418. V. le Dictionnaire universel des conciles, 1. Ier, col. 515-516) : " Ceux qui veulent que ces mêmes
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paroles de l’oraison dominicale : Remettez-nous nos dettes, soient dites par les saints uniquement par un motif d'humilité et non pas aussi avec vérité, qu'ils soient anathèmes. Car comment souffrir que quelqu'un dans sa prière mente, non aux hommes seulement, mais à Dieu, en demandant du bout de ses lèvres que ses péchés lui soient remis, en même temps qu'il dit au fond de son cœur qu'il n'a point de péchés dont il ait à demander la rémission ? "
28. S. AUGUSTIN, de naturâ et gratiâ, c. 26 : " Dieu, quand il guérit un pécheur de ses maladies spirituelles, ou qu'il lui rend la vie en le rétablissant dans l'état de justice en vue des mérites du divin médiateur Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il a amené ce pécheur converti à un état de parfaite santé, c'est-à-dire à un état parfait de sainteté et de justice, ne l'abandonne plus ensuite qu'il n'en soit auparavant abandonné, et il ne tient pas à lui qu'on ne conserve jusqu’à la mort la grâce qu'on a une fois reçue. "
29. S. PROSPER, Sentent. VII ad capitula Gallorum : " Celui qui dit que Dieu, après avoir régénéré en Jésus-Christ tels et tels de ses enfants, après leur avoir donné la foi, l’espérance et la charité, ne leur donne pas la persévérance, parce que sa prescience et sa prédestination ne les a pas séparés de la masse de perdition ; s'il veut dire en cela que c'est Dieu qui ne veut pas que ces hommes persévèrent dans les bonnes dispositions où il les a lui-même fait entrer, il fait injure à la justice de Dieu. Car quoique Dieu puisse par sa vertu toute-puissante donner à ces hommes la force de persévérer, sa grâce cependant ne les abandonne pas, qu'elle n'en soit abandonnée toute la première. Et comme il a prévu qu'ils l'abandonneraient en effet par leur propre volonté, c'est pour cela qu'il ne les a pas compris dans le nombre des élus ou des prédestinés. "
30. Le même, ad septimam objectionem Vincentianam, ayant à répondre à cette objection, que la volonté de Dieu serait que la plupart des hommes ni ne voulussent, ni ne pussent se sauver, parle ainsi : " Si vous le dites simplement de ceux qui, abandonnant la règle de la piété et de la foi, se sont attachés irrévocablement à de profanes erreurs ou à un genre de vie dissolu, il n'est pas douteux qu'avec une telle volonté ils ne veuillent pas eux-mêmes se sauver, et que, tant qu'ils ne le veulent pas, ils ne le puissent pas non plus. Mais il n'est nullement croyable que ces hommes soient tombés dans cet état désespéré par la volonté de
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Dieu même, puisque Dieu soutient plutôt tous ceux qui sont près de tomber, et qu'il relève tous ceux qui se sont brisés (Ps. CXLIV, 14). Car personne n'est relevé que par sa grâce, personne n'est soutenu que par sa grâce. La volonté de Dieu est donc que chacun persévère dans sa bonne volonté, puisqu'il n'abandonne personne avant d'en être abandonné, et que souvent il rappelle à lui ceux mêmes qui s'étaient rendus sourds à sa voix. "
31. S. CHRYSOSTOME, Hom. III (al. 4) in Joannem : " Rendons gloire à Dieu, comme nos pères nous ont appris à lui rendre gloire, c'est-à-dire, attachons-nous à le glorifier, et par notre foi, et par nos œuvres. Car il ne nous servirait de rien pour le salut d'avoir des sentiments orthodoxes, si notre vie elle-même n'était rien moins que pure. Appliquons-nous donc à la mettre en harmonie avec la volonté de Dieu, en nous tenant éloignés de toute turpitude, de toute injustice, de toute cupidité, et en nous considérant comme des voyageurs et des étrangers qui n'ont rien à faire ici-bas (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. VIII, p. 31, édit. Montfaucon ; p. 36, édit. Gaume). "
32. Ibidem, Hom. IX : " Il ne suffit pas, pour conserver la pureté de l'âme, d'être baptisé et d'avoir la foi ; mais il nous faut de plus, si nous voulons ne point déchoir de cet heureux état de grâce, mener une conduite qui y répond. . . Car il serait bien à craindre, si nous venions à souiller cette belle robe d'innocence, qu'en punition de notre négligence et de nos manquements, nous ne fussions chassés de la salle du festin, comme cet homme à qui manquait la robe nuptiale, ou exclus, comme les cinq vierges folles, de la chambre de l'époux. Car remarquez, je vous prie, que cet homme qui se vit ignominieusement chassé était pourtant du nombre des convives et avait été invité comme les autres ; mais, parce qu'après avoir reçu cette invitation et obtenu cet honneur, il avait manqué à celui qui l'avait invité, voyez comment il a été puni, et comme son châtiment mérite notre pitié et nos larmes. Après qu'il a été reçu et quand il est déjà placé à cette table si splendidement servie, voilà qu'il se trouve non-seulement exclu du festin, mais de plus lié par les mains et par les pieds, et jeté dans les ténèbres extérieures, où il n'a plus qu'à pleurer et à grincer des dents, sans fin et sans mesure. Gardons-nous donc bien de penser, mes bien-aimés, qu'il nous suffit pour être sauvé d'avoir la foi. Car si nous ne
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donnons pas l'exemple d'une vie pure, si au contraire nous nous montrons avec des vêtements indignes de notre heureuse vocation, rien ne pourra empêcher que nous ne partagions un jour le sort de ce misérable (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, p. 60-61, édit. Montfaucon ; p. 70, édit. de Gaume). "
33. Le même, Hom. LXX in Matthæi : " Pour que les fidèles ne se flattent pas de pouvoir être sauvés par leur foi seule, Notre-Seigneur en vient à parler du châtiment que subiront les méchants. Ainsi exhorte-t-il, d'une part, les infidèles à embrasser la foi ; de l'autre, les fidèle à mener une bonne vie. Car le vêtement qu'on revêt c'est la vie que l'on mène. "
34. Le même, in Psalmum CX : " De peur que quelqu'un ne s'imagine que, pour posséder la sagesse, il suffise d'avoir l'intelligence, le Psalmiste ajoute (Ps. CX, 10) : Tous ceux qui agissent conformément à cette crainte, sont remplis d'une intelligence salutaire. Car la foi ne suffit pas, si l'on ne vit en même temps d'une manière conforme à sa foi. Mais comment la crainte du Seigneur est-elle le commencement de la sagesse ? C'est qu'elle nous détourne de tous les péchés, et qu'elle nous porte à pratiquer toutes les vertus. Ici le Psalmiste entend par la sagesse, non celle qui consiste dans les paroles, mais celle qui se produit par les œuvres. Car les philosophes mêmes profanes ont déni la sagesse, la connaissance des choses divines et humaines. Or, c'est la crainte de Dieu qui nous apprend un art si noble, en nous corrigeant du vice, en nous insinuant la vertu, en nous inspirant le mépris des choses présentes et en nous faisant comme habiter le ciel. Quoi de plus sage qu'une âme établie dans ces excellentes dispositions ? Mais le Psalmiste demande ici, non des hommes qui se bornent à écouter des leçons de sagesse, mais des hommes qui les mettent en pratique ; car tous ceux, dit-il, qui agissent conformément à cette crainte, sont remplis d'une intelligence salutaire ; c'est-à-dire, que l'intelligence n'est salutaire qu'en ceux qui mettent la sagesse en pratique, qui prouvent leur sagesse par l'excellence de leurs actions (Cf. Ibidem, t. V, p. 276, édit. Montfaucon ; p. 330, édit. de Gaume). "
33. Le même, adversùs vituperatores vitæ monasticæ, lib. 4 : " A quoi sert la foi, si la vie n'est pure et régulière ? Mais peut-être que ces principes vous passent, car vous êtes assez peu instruits de nos maximes. Je vous rapporterai donc en peu de mots ce que Jésus-Christ nous a enseigné ; examinez bien si ses
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menaces ne regardent que ceux qui pèchent contre la foi et contre ses dogmes, ou si elles ne tombent pas aussi sur ceux dont la conduite et les mœurs sont déréglés. Lorsqu'il se retira sur la montagne, il dit entre autres instructions à cette multitude infinie de peuple qui accourait vers lui de toutes parts : Tous ceux qui me disent, Seigneur, Seigneur, n'entreront pas pour cela dans le royaume du ciel ; mais celui-là seulement y entrera, qui fait la volonté de mon Père qui est dans le ciel. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? n'avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? n'avons-nous pas fait en votre nom plusieurs miracles ? Et alors je leur dirai hautement : Je ne vous connais point ; retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité (MATTH., VII, 21 et suiv.). . . Celui qui écoute ma doctrine et ne la met pas en pratique, je le compare à un insensé qui a bâti sa maison sur le sable ; et lorsque la pluie est tombée, que les fleuves se sont débordés, que les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, elle a été renversée et la ruine en a été grande. Il disait encore dans une autre occasion : Lorsqu'un filet est plein, les pécheurs le tirent sur le bord, et s'étant assis, ils mettent ensemble tous les bons dans un vaisseau, et jettent dehors les mauvais. C'est ce qui arrivera à la fin du monde : les anges viendront, et sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise (MATTH., XIII, 48-50). Lorsqu'il avait à s'élever contre des hommes impudiques et corrompus, il disait : Ils iront là où le ver qui les rongera ne mourra point, et où le feu qui les brûlera ne s'éteindra point (MARC, IX, 42). Il disait encore : Un roi voulut faire les noces de son fils. . . . . et ayant aperçu un homme qui n'était vêtu que d'habits malpropres, il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici n'ayant point la robe nuptiale ? Et cet homme demeura muet. Alors le roi dit ci ses gens : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures (MATTH., XXII, 2, 13). Ces châtiments, comme je l'ai dit, sont faits pour les impudiques et les gens corrompus. "
" Les vierges folles furent bannies de la chambre de l’époux, en punition de leur dureté ; d'autres ont été condamnés pour de pareilles fautes au feu de l’enfer, préparé pour le démon et pour ses anges. Les paroles inutiles seront châtiées ; c'est ce qui est encore expressément marqué dans l’Evangile : Ce seront vos paroles qui vous condamneront, ou ce seront vos paroles qui vous justifieront (MATTH., XII, 37). Est-ce donc sans raison que je vous recommande tant une conduite pleine de réserve, et cette
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partie de la morale qui vous servira à bien régler votre vie, tandis que je ne le fais qu'après Jésus-Christ dont je vous ai cité les paroles ? Encore ne vous en ai-je rapporté que quelques- unes ; car il en a dit bien davantage. Si je ne craignais de vous ennuyer par des longueurs excessives, je vous citerais les prophètes, et saint Paul, et les autres apôtres, et vous verriez avec quelle particulière attention Dieu nous a recommandé cette partie de nos devoirs (Cf. Les Opuscules de saint Jean Chrysostôme, p. 455-557). "
36. S. FULGENCE, Lib. II de remissione peccatorum : " Il est certain que la rémission des péchés n'est accordée qu'aux pécheurs pénitents qui sont admis dans le sein de l'Eglise catholique. Car la conversion ne peut être véritable que là où la réforme des mœurs s'unit à la pureté de la foi, et où la volonté de bien vivre n'est déparée par aucune attache à l'erreur. Car notre conduite serait faussement appelé bonne, si elle était tristement influencée par quelque fausse croyance, quoique, d'un autre côté il ne suffise pas non plus pour le salut d'avoir une foi pure, si l'on déshonore sa foi par l'impureté de sa vie. C'est ce qui fait dire à saint Jacques, d'une part, que la foi sans les œuvres est une foi morte (JAC., II, 20, 26), et à saint Paul, de l'autre, que tout ce qui ne se fait pas selon la foi, est péché (Rom., XIV, 23) (Saint Fulgence ne veut pas dire ici que toutes les actions des infidèles sont des péchés proprement dits, mais seulement que ce ne sont pas des œuvres méritoires pour le salut, ou des œuvres d'une bonté suffisante pour les justifier. Car il reconnaît, lib. de incarnatione et gratiâ Christi, c. 26, qu'ils peuvent faire eux-mêmes quelques bonnes œuvres). "
37. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. XXIX in Evangelia : " Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné (MARC, XVI, 16). Quelques-uns d'entre vous diront peut-être en eux-mêmes : Je suis de ceux qui croient ; je serai donc sauvé. Cela est vrai, mes frères, pourvu que leurs actions soient conformes à leur foi. Car la foi n'est véritable que lorsque les actions ne démentent point les paroles. C'est pourquoi saint Paul disait, en parlant des faux chrétiens : Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs paroles (Tit., I, 16). Et saint Jean en parle à son tour de cette manière : Celui qui dit qu'il connaît Dieu, et qui n'observe pas ses commandements, est un menteur (I JEAN, II, 4). "
" Ainsi, mes chers frères, c'est par les actions de notre vie
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que nous devons reconnaître la vérité de notre foi, puisque nous ne sommes véritablement fidèles que lorsque nous accomplissons par nos œuvres ce que nous promettons par nos paroles. Car nous avons solennellement promis à Dieu, au jour de notre baptême de renoncer à toutes les œuvres et toutes les pompes du démon, notre ancien ennemi. Que chacun de vous, mes frères, rentre donc en lui-même et s’examine sérieusement ; et, s'il reconnaît qu'il a gardé depuis son baptême ce qu'il a promis avant de le recevoir, qu'il se réjouisse dans l'assurance qui lui en revient d'être véritablement fidèle (Cf. Les quarante homélies de saint Grégoire sur les Evangiles, trad. par le duc de Luynes, p. 312-313). "
38. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium, lib. XXXIII, c. 7 (al. 4) : " Il y en a d'autres que (Béhémoth) ne détourne pas de la règle de la foi, mais qu'il porte à des actions contraires à ce qu'elle enseigne. Il y en a d'autres encore qu'il ne peut porter à des œuvres de péché, mais en qui il altère la rectitude de leur bonne intention, afin que, sortis une fois de la voie royale de la charité, ils s’égarent de plus en plus dans leurs actes. Sans avoir perdu la foi, ils ne vivent plus de la vie de la foi, parce que les choses qu'ils font, ou sont ouvertement criminelles, ou du moins le deviennent, quelque apparence qu'elles aient d'ailleurs de sainteté, par la perverse disposition de leur cœur. "
" Et en effet, comme plusieurs sont fidèles de profession, sans l'être par la pureté de la vie, la vérité elle-même a prononcé cet oracle : Tous ceux qui me disent, Seigneur, Seigneur, n'entreront pas pour cela dans le royaume des cieux (MATTH., VII, 21). Et ailleurs : Pourquoi m'appelez-vous : Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous pas ce que je dis (LUC, VI, 46) ? Saint Paul a dit pour la même raison : Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres (Tit., I, 16). Et saint Jean : Celui qui dit qu'il le connaît, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur (I JEAN, II, 4). C'est encore pour cela que le Seigneur fait entendre ces paroles de reproches contre le peuple qui était autrefois son peuple privilégié : Ils m'honorent des lèvres mais leurs cœurs sont bien loin de moi (MARC, VII, 6 ; ISAIE, XXIX, 13). Et David disait dans un psaume : Ils lui faisaient de bouche des promesses flatteuses, mais leur langue était mensongère (Ps. LXXVII, 36). "
" Que personne donc ne s'imagine que la foi puisse suffire sans
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les œuvres puisque nous savons qu'il est écrit : La foi sans les œuvres est morte (JAC., II, 20, 26). Que personne ne se flatte de pouvoir éviter les morsures de Béhémoth par la seule confession de sa foi ; car bien qu'il ait déjà absorbé le fleuve, il reste encore tout altéré des eaux du Jourdain, et le Jourdain coule dans sa gueule toutes les fois qu'un chrétien se laisse emporter au torrent du vice. Il est bien vrai que la foi nous soutient au-dessus de ce torrent et est un obstacle à ce qu'il nous engloutisse ; mais nous devons bien prendre garde à ce qu'elle ne nous échappe pas elle-même dans le péril que la lubricité de nos œuvres lui fait courir. Si nous marchons sans précaution, ce sera bien en pure perte que la foi nous fera tenir le droit chemin, puisque, encore bien que la céleste prairie en soit le terme, ce terme ne saurait être atteint par ceux qui font, même sans sortir de cette voie, des chutes funestes (Cf. Morales de saint Grégoire, t. IV, p. 583-585). "
39. S. AUGUSTIN, De gratiâ et libero arbitrio, c. VIII, n. 20 : " Apres leur avoir dit (aux Ephésiens, II, 8-9) : C'est la grâce qui vous a sauvés par la foi ; et cela ne vient pas de vous, mais c'est un don de Dieu ; et ce don ne vous a pas été fait en conséquence de vos œuvres, afin que personne ne s'en enfle d'orgueil ; l'Apôtre s'est aperçu que quelques personnes pourraient abuser de ses paroles, et s'imaginer que les bonnes œuvres ne sont pas nécessaires à ceux qui ont la foi, que la foi toute seule leur suffit ; et d'un autre côté, que les hommes pourraient s'enfler de leurs bonnes œuvres, comme n'ayant besoin que d'eux-mêmes pour les pratiquer. C'est pour confondre cette double erreur qu'il ajoute tout de suite : Car nous sommes l'ouvrage de Dieu, ayant reçu un nouvel être en Jésus-Christ pour vivre dans la pratique des bonnes œuvres que Dieu a d'avance marquée à chacun de nous (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 221-222). "
40. S. CYRILLE, Lib. I in Joannem, c. 16, sur ces paroles, Manete in me, et ego in vobis ; sicut palmes, etc. : " Nous voyons clairement par ce passage que c'est par la foi que nous sommes insérés à ce cep divin qui est Jésus-Christ pour devenir comme les branches d'un même arbre. Mais nous ne devons pas apporter un moindre soin à lui être unis par la charité, c'est-à-dire par l'observation de ses commandements, en répétant ces mots du Psalmiste : Mon âme s'est attachée à vous suivre (Ps. LXII, 9). Il ne nous suffit donc pas pour notre perfection, c'est-à-dire pour notre
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sanctification, qui résultera de l'union de nos âmes à Jésus-Christ, d'être comptés parmi les branches dont il est le cep ; mais il nous faut de plus nous attacher constamment à lui par une ardente charité. Car c'est en cela que consiste surtout le mérite de l'union spirituelle que nous sommes obligés d'avoir avec lui. "
41. Voir plus haut d'autres témoignages à l'appui de la même thèse, à l'article des péchés contre le Saint-Esprit, question III, témoignages 6 et suivants, jusqu'au 18e inclusivement, tome IV, pages 141-152, comme aussi à l'article des bonnes œuvres, question I, témoignages 5 et suivants, même tome, p. 277-279.
42. S. AMBROISE, in caput I Lucæ, sur ces paroles, Erant ambo justi ante Deum, etc. : " Ils étaient tous deux justes devant Dieu, et ils marchaient sans reproche dans la voie de tous les commandements et de toutes les ordonnances du Seigneur (LUC, I, 6). Que répondront à cela ceux qui prétendent se consoler des péchés qu'ils commettent, en donnant pour excuse qu'il est impossible à l'homme de vivre exempt de péché dans cette vie, et qui allèguent ce verset du livre de Job : Personne n'est exempt de souillures, quand il ne vivrait qu'un jour sur la terre (JOB, XIV, 4, selon la version italique et celle des Septante) ? Il faut leur répondre qu'ils aient à expliquer d'abord ce qu'ils entendent par être exempt de péché, et s'ils entendent par-là n’avoir jamais péché, ou bien avoir cessé de pécher. Car s'ils pensent que ce soit être exempt de péché que d'avoir cessé de pécher (Il y a sans doute ici une incise pour une autre, et il nous semble, d'après la suite des idées qu'il faudrait lire ici numquàm omninó peccasse, n'avoir jamais pécher au lieu de desisse peccare, avoir cessé de pécher), je me trouverai d'accord avec eux, puisque (comme le dit l’Apôtre) tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu (Rom., III, 23). Mais s'ils entendent par être exempt de péché s’être corrigé de ses égarements et vivre de manière à ne plus pécher désormais, je ne puis pas me rendre à leur sentiment, puisque nous lisons au contraire que Notre-Seigneur a aimé l’Eglise et s'est livré à la mort pour elle. . . . . , pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais toute sainte et parfaitement exempte de souillures (Ephés., V, 25, 27). . . . . "
" Ce n'est pas sans motif que l’Evangéliste ajoute ces deux mots : Ils étaient justes devant Dieu. Car tous ceux qui sont justes devant les hommes ne sont pas pour cela justes devant Dieu. Les hommes voient d'une manière, et Dieu d'une autre ; les hommes s'arrêtent
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à l'extérieur et Dieu pénètre le l'fond de l'âme. Il peut donc fort bien arriver que quelqu'un me paraisse juste en prenant à mes yeux un air de bonté, et que pourtant il ne soit pas juste devant Dieu, si sa justice apparente n'est l’effet que de son hypocrisie, au lieu d'être la naïve expression de l’état de son âme : car, dans ce dernier cas, ses dispositions intimes resteront un mystère pour les autres hommes. La perfection de nos mérites consiste donc à être justes devant Dieu. C'est ce qui a fait dire à l'Apôtre que le vrai circoncis tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu (Rom., II, 29). Heureux est celui dont notre divin Sauveur a daigné dire : Voici un vrai Israélite, un homme sans déguisement et sans artifice (JEAN, I, 47). Car le vrai Israélite est celui qui voit Dieu en tout, et qui, bien convaincu que Dieu le voit, lui révèle les secrets de son cœur. Car celui-là seul est parfaitement vertueux, dont la vertu est éprouvée par celui dont le jugement est infaillible. Les jugements de Dieu sont toujours vrais, ceux des hommes au contraire sont souvent trompeurs ; et souvent ils croient justes des hommes couverts d'injustice, en même temps qu'ils poursuivent des justes de leur haine, ou les décréditent par leurs mensonges. Mais le Seigneur connaît les voies dans lesquelles marchent ceux qui se conservent purs : il ne prend point un homme vicieux pour un homme vertueux, ni un homme de bien pour un méchant, mais il n'attribue à chacun que les qualités ou les défauts que chacun peut avoir. Car il est témoin à la fois et de nos actions extérieures et de nos intentions intimes ; et ses jugements portent beaucoup plus sur les dispositions de l’âme de celui qui est juste à ses yeux, que sur le résultat de ses œuvres. "
43. ORIGENE, Hom. II in Lucam, dit à peu près les mêmes choses sur ce sujet que ce qui vient d'être rapporté de saint Ambroise (Saint Ambroise n’aurait-il pas été ici le traducteur d’Origène ?). "
44. S. AUGUSTIN, Præfat enarrationis in Psalmum XXXI : " La fin de la loi est la charité qui naît d’un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère (I Tim., I, 5). Pour l’espérance, l'Apôtre a mis ici la bonne conscience, etc. " Et le reste déjà rapporté plus haut, première partie, chapitre II, question II, témoignage 4, t. Ier, p. 162, et dont voici la suite : " Qu'un impie vienne donc vanter ses œuvres ; qu’il dise : Je donne l’aumône aux pauvres ; je ne prends rien à personne ; je ne désire point la
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femme d'autrui ; je ne tue personne ; je ne fais tort à qui que ce soit ; je rends les dépôts qu'on m'avait confiés même sans aucun témoin. Qu'il me dise tout cela, et je lui demanderai s'il est juste ou impie. Comment puis-je être impie, me répond-il en vivant ainsi ? Vous pouvez l'être comme l'ont été ceux dont il est dit : Ils ont rendu à la créature l'adoration et le culte souverain, au lieu de le rendre au Créateur qui est béni dans tous les siècles (Romains, I, 28). Comment suis-je impie, dites-vous ? Ce sera, si dans toutes ces bonnes œuvres dont vous vous glorifiez, vous espérez ce qu'il est effectivement bon d'espérer, mais en ne l'attendant pas de celui de qui vous devez l'attendre, ou si vous espérez autre chose que ce que vous devez espérer, quand même vous l’attendriez de celui dont vous devez en effet attendre la vie éternelle. "
" Vous attendez pour récompense de vos bonnes œuvres une félicité terrestre et passagère ; vous êtes donc impie. Ce n'est pas là la récompense promise à la foi. La foi est une chose précieuse, vous la mettez à trop bas prix ; ainsi vous êtes impie, et toutes vos œuvres ne sont rien. Quelque force que vous témoigniez, et avec quelque vitesse que vous conduisiez votre navire, c'est vers un écueil que vous le précipitez. Si vous espérez ce que vous devez en effet attendre, c'est-à-dire la vie éternelle, mais en ne l'attendant pas de Dieu par Jésus-Christ, par qui seul nous l’obtenons, et que vous croyiez au contraire pouvoir l’obtenir par la milice du ciel, ou par le soleil et la lune, par les puissances de l'air, de la mer, de la terre et des étoiles, vous êtes un impie. Mais croyez en celui qui justifie l'impie, afin que vos bonnes œuvres deviennent parfaitement bonnes (Rom., IV, 7). "
45. Le même, in Psalmum XCIII, sur ce verset, Numquid adhæret tibi sedes iniquitatis, qui fingis laborem in præcepto : " Le temps de cette vie est pour vous un temps de travail : ce n'est qu’à la suite de ce travail qu'on vous promet le repos. Vous considérez le travail que vous endurez ici-bas ; mais considérez de même quel repos Dieu vous promet là-haut Pouvez-vous seulement vous le figurer ? Si vous le pouviez, vous reconnaîtriez que ce que vous souffrez n'est rien en comparaison des biens que vous attendez. Ecoutez ce qu'en dit saint Paul, qui voyait ces biens en partie. Que dit-il, ce saint Apôtre ? Le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (II Cor, IV, 17). Quel est ce poids d'une souveraine gloire ? A qui Dieu le prépare-t-il ? C'est ce que l'Apôtre
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va nous dire ensuite : A nous qui ne considérons point les choses visibles, mais les invisibles, parce que les choses visibles sont temporelles, au lieu que les invisibles sont éternelles (ibid., 18). Ne soyez point lâche et paresseux dans un travail qui passe vite, et vous goûterez une joie qui ne passera jamais. Dieu vous promet une vie qui n'aura jamais de fin. Jugez par quels travaux vous devez l'acheter. "
" Ecoutez ceci, mes frères. Ce que je possède est à vendre, vous dit Dieu ; ce que j'ai est à vendre : achetez-le. Qu'est-ce que Dieu peut avoir à vendre, demanderez-vous ? Il a un repos à vendre : achetez-le par le travail. Ecoutez-moi, je vous prie, afin qu'au nom de Jésus-Christ nous devenions des chrétiens courageux (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, trad. en français, t. V, p. 155-156). "
46. Le même, in Psalmum CXX : " Que veut dire cette parole : Que votre gauche ne sache pas ce que fait votre main droite (MATTH., VI, 5) ? Elle veut dire : quand vous faites une bonne œuvre, faites-la en vue d’obtenir la vie éternelle. Car si vous ne faites cette bonne œuvre qu'en vue de jouir des biens de la terre, votre gauche sait alors ce que fait votre droite, vous mêlez la main droite avec la gauche. N'agissez qu'en vue de la vie éternelle, et vous agirez avec sûreté : car c'est ce que Dieu a commandé. "
" Si vous n'agissez qu'en vue des choses de la terre, et seulement pour la vie présente, il n'y a que la gauche qui agit. Si au contraire vous n'agissez que pour la vie éternelle, c'est votre droite seule qui travaille. Si vous avez en vue la vie éternelle et qu'il se glisse néanmoins en vous un désir secret de cette vie temporelle, en sorte que vous en teniez quelque compte dans le bien que vous faites, en souhaitant que Dieu vous en récompense dès ici-bas, c'est alors la gauche qui s'immisce avec votre droite, et c'est ce que Dieu défend (Cf. Ibidem, t. VI, p. 395). "
47. S. CYPRIEN, Epist. IX ad martyres et confessores : " Emules de ce bienheureux martyr (Mappalique), comme lui fermes dans la foi, patients dans la souffrance, vainqueurs au milieu des tortures, puissiez-vous lui ressembler jusqu'à la fin ! Unis ici-bas par les liens de la même confession, par les preuves du même cachot, soyez unis là-haut par la consommation de vos mérites
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et l'éclat de la couronne ! Par la joie que vous lui donnerez, séchez les larmes de l'Eglise votre mère qui pleure sur des ruines si multipliées ; consolidez par vos exemples les bonnes résolutions de ceux qui sont restés debout. Si vous êtes rappelés sur le champ de bataille ; si l'heure du combat sonne pour vous, que votre bravoure égale votre constance à la pensée que vous avez pour témoin le Seigneur, qui vous contemple ; que confesser son nom c'est parvenir à sa gloire ; qu'il ne se contente pas de regarder ses serviteurs, mais que c'est lui qui combat dans nos personnes, lui qui couronne et est couronné dans nos triomphes. Si la miséricorde divine ramène la paix avant le jour de votre combat, vous garderez toujours le mérite de vos désirs et la gloire de votre dévouement. "
48. Le même, Epist. XVI ad Moysen et Maximum presbyteros : " Mais votre gloire n'est pas moindre, vous qui, retenus encore sur le champ de bataille, et foulant les traces sanglantes de vos devanciers, soutenez la lutte avec une foi inébranlable et donnez tous les jours à Dieu le spectacle de vos vertus. Plus votre combat se prolonge, plus votre couronne sera éclatante : ce n'est qu'un combat, mais grossi d'une infinité de combats. Vous maîtrisez la faim ; vous vous jouez de la soif ; vous foulez courageusement aux pieds le dénuement de votre cachot et l'horreur de votre supplice. Là, on dompte les tortures ; là, on affronte les châtiments ; là, au lieu de redouter la mort, on la désire, parce qu'on en triomphe dans l'espérance de l'immortalité, et que le vainqueur remporte pour couronne la vie éternelle. Quelle est en ce moment l’élévation de votre âme ! Qu'il est profond, qu'il est vaste le cœur où s'agitent de si grandes choses, et qui ne connaît d'autre sujet de méditation que les préceptes de Dieu et les récompenses du Christ ! Là, rien que la volonté de Dieu ; quoique vous habitiez encore la prison du corps, vous vivez non plus de la vie du monde présent, mais de la vie du monde à venir. "
49. Le même, Epist. LVI ad Thibaritanos : " Vous serez bienheureux quand les hommes vous haïront, qu'ils vous rejetteront, vous diront des injures et repousseront votre nom comme mauvais, à cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous en ce jour-là et soyez dans l'allégresse : voici que votre récompense est grande dans le ciel (LUC, VI, 22-23). "
" Pourquoi le Seigneur nous ordonne-t-il de nous réjouir dans la persécution ? Parce que c'est alors que la foi obtient des
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couronnes, alors que les soldats de Dieu sont mis à l’épreuve, alors que les cieux s'ouvrent aux martyrs. N'avons-nous été enrôlés dans la milice céleste que pour aspirer aux douceurs de la paix, et décliner le combat, quand Notre-Seigneur, ce maitre de la résignation, de l'humilité et des souffrances, a marché le premier dans la voie de la douleur, afin de pratiquer ce qu'il enseignait, et de souffrir pour les hommes ce qu'il les exhortait eux-mêmes à souffrir ? Rappelez-vous constamment, frères bien-aimés, que celui qui seul a reçu du Père le pouvoir de juger et qui doit venir pour proclamer ses jugements, a déjà prononcé d'avance (MATTH., X, 22) l'arrêt qu'il doit rendre à la fin des siècles : J'avouerai devant mon Père pour mes disciples ceux qui m'auront avoué pour leur maître ; je renierai ceux qui m'auront renié. Si nous pouvons échapper à la mort, à la bonne heure, craignons de mourir. Mais puisqu'il est dans la nature d'un mortel de mourir, embrassons avec amour l'occasion que nous offre la divine miséricorde ; achetons l'immortalité par la mort, et ne craignons point d'être immolés, puisqu'après l'immolation vient la couronne. "
80. Le même, Epist. LXXXI ad Rogatianum et cæteros : " Que les supplices du temps disparaissent devant les béatitudes de l'éternité, car il est écrit (Ps. CXV, 15) : " La mort du juste est précieuse devant le Seigneur. " Et ailleurs (Ps. L, 19) : " Le sacrifice que Dieu demande est une âme brisée de douleur. Dieu ne méprise pas un cœur contrit et humilié. " Ecoutez encore l'Ecriture, lorsqu'elle parle des tourments qui consacrent les martyrs et les purifient au creuset de la douleur. " Si devant les hommes ils ont souffert des tourments, leur espérance est pleine d'immortalité. Leur affliction a été légère, et leur récompense sera grande, parce que Dieu les a éprouvés, et les a trouvés dignes de lui. Il les a éprouvés comme l'or dans la fournaise, et les a reçus comme un holocauste. Il les regardera favorablement quand l'heure sera venue. Les justes brilleront comme la flamme qui court dans le chaume aride. Ils jugeront les nations, ils domineront les peuples, et leur Seigneur règnera à jamais (Sag., III, 4-8). "
" La pensée qu'un jour vous serez des juges et des rois siégeant avec Notre-Seigneur, ne doit-elle pas vous transporter d'allégresse et vous aider à fouler aux pieds les tortures présentes, dans l'attente des biens à venir ?. . . . . Saint Paul aussi compare le temps présent avec les splendeurs de l'autre vie : " Les souffrances de la vie présente n'ont aucune proportion avec
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cette gloire qui doit un jour se manifester en nous (Rom., VIII, 48). " Les yeux constamment fixés sur ces clartés divines, prenons en patience les adversités présentes. L’Ecriture sainte nous l'enseigne encore (Ps. XXXIII, 20) : " Quelles que soient les afflictions des justes, la délivrance est certaine de ceux qui mettent leur confiance en Dieu. . . "
" Imitateurs de cette foi, et méditant ces beaux exemples
et le jour et la nuit, élancez-vous vers Dieu de toute l'ardeur
de vos désirs, foulant aux pieds un monde qui passe, pour n'ouvrir
votre âme qu’à la pensée de l’éternité,
d'un royaume sans fin, des chastes embrassements de Notre-Seigneur, et
de la contemplation bienheureuse de Dieu (Cf. Les Pères de l’Eglise,
trad. Genoude, t. V). "
CHAPITRE XVI.
COMBIEN ON DOIT SE DONNER DE GARDE DE PRESUMER TEMERAIREMENT QU’ON EST PREDESTINE.
" Personne, quel qu'il soit, tant qu'il est dans cette vie mortelle,
ne doit présumer tellement du mystère caché de la
prédestination divine, qu'il se tienne pour entièrement assuré
d’être soi-même du nombre des prédestinés, comme
si, une fois justifié on devait, ou se trouver dans l'impossibilité
de pécher désormais, ou se promettre comme chose sûre
que, si l'on pèche, on reviendra à résipiscence. Car
on ne peut savoir que par une révélation spéciale
quels sont ceux que Dieu s'est choisis. " Concile de Trente, session VI,
chapitre 12.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, XXIV, 11-12 : " Il s’élèvera aussi plusieurs faux prophètes qui séduiront beaucoup de personnes. - Et parce que l'iniquité sera venue à son comble, la charité de plusieurs se refroidira. "
2. EZECHIEL, XVIII, 24-26 : " Si le juste se détourne de sa justice, et vient à commettre l'iniquité et toutes les abominations que l'impie commet ordinairement, vivra-t-il alors ? Toutes les œuvres de justice qu'il avait faites seront oubliées, et il mourra dans la perfidie où il est tombé, et dans le péché qu'il a commis. - Car, lorsque le juste se sera détourné de sa justice, qu'il aura
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commis l'iniquité, et qu'il sera mort en cet état,
il mourra dans les œuvres injustes qu'il aura commises. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. VI Hypognosticon, c. 7 (Cet ouvrage, ainsi que nous l'avons dit, n’est pas de saint Augustin) : " Nous n'ignorons pas que plusieurs, mêmes des plus parfaits, après nombre d'années passées dans les exercices laborieux de la vertu, sont tombés et se sont perdus malheureusement à la fin ; que d'autres, après avoir perdu dans le désordre et le crime leur vie entière, depuis leur plus bas âge jusqu’à une extrême vieillesse, ont changé tout-à-coup par l'effet de la grâce divine, et au moment de leur mort sont entrés dans le repos du royaume des cieux. Nous savons aussi que parmi de petits enfants qui n'ont pas encore l’usage de leur raison, qui sont incapables de faire le discernement du bien et du mal, portés par leurs parents sur les fonts baptismaux, quelques-uns, au moment où le prêtre étendait sa main pour leur conférer le sacrement de la foi, ont tout-à-coup rendu l'âme entre les mains de leurs parents, sans avoir pu participer à la grâce du Sauveur. Quel est le sage qui comprendra ces choses, ou qui pourra expliquer ces mystères ? Disons avec David : Le Seigneur est juste dans toutes ses voies, et saint dans toutes ses œuvres (Ps. CXLIV, 13). Que vos œuvres sont grandes, Seigneur ! Que vos pensées sont profondes et impénétrables (Ps. XCI, 6) ! Disons aussi avec l'apôtre saint Paul : O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont impénétrables, et ses voies incompréhensibles (Rom., XI, 33) ! "
Ibidem, c. 8 : " Que personne ne se glorifie, que personne ne se désespère. Car Dieu est le seul qui sache qui sont ceux qui lui appartiennent. Mais, autant qu'il dépend de nous, exhortons tous les hommes à mener une bonne vie ; ne jetons personne dans le découragement ; prions les uns pour les autres ; humilions-nous devant Dieu en lui disant : Que votre volonté soit faite. Il sera toujours le maître de révoquer à notre égard le jugement de condamnation qu'il aura d'abord prononcé, et de nous accorder la grâce de la prédestination, sans que nous l'ayons méritée. "
2. S. AUGUSTIN, De correptione et gratiâ, c. XIII, n. 40 : " Y a-t-il quelqu'un, dans la grande multitude des fidèles, qui, tant qu'il est sur la terre, soit assuré d'être du nombre des prédestinés ?
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Aussi est-il à propos que le décret de Dieu nous demeure caché en cette vie, où l'enflure de l'orgueil est tellement à craindre, qu'un saint Paul même, pour en être préservé, recevait des soufflets d'un ange de Satan (II Cor., XII, 7). C'est pour cacher ce secret divin, que Jésus-Christ disait à ses apôtres : Si vous demeurez fidèles à ma parole (JEAN, XV, 7), quoiqu'il fût assuré de la persévérance de leur fidélité. Dieu dit de même par un prophète : Si vous voulez m'écouter et me croire (ISAIE, I, 19), quoiqu'il connût parfaitement qui étaient ceux en qui il produirait lui-même cette volonté (Philip., II, 13). L'Ecriture est pleine de textes semblables. Il faut croire que c'est parce qu'il est utile aux élus d’ignorer ce secret, ou afin que personne ne soit tenté de s’élever au-dessus des autres, mais qu'au contraire ceux même qui courent avec ardeur dans la voie, soient toujours dans une crainte humble et salutaire, dans l'impuissance où ils sont de savoir s'ils arriveront effectivement au but ; que c'est, dis-je, à cause de l'utilité de ce secret, que quelques-uns des enfants de perdition, qui n'ont point de part au don de persévérance, commencent par vivre de la foi qui opère par l'amour, et continuent encore quelque temps à marcher dans la voie de la piété et de la justice, après quoi on les voit tomber dans le péché, au lieu d'être retirés du monde avant cette chute malheureuse (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 384-385). "
3. S. PROSPER, ad duodecimam objectionem Vincentianam : " La prédestination divine, quoiqu'elle reste incertaine pour nous tant que nous sommes exposés aux dangers de la vie présente est immuablement certaine pour celui qui a ordonné d'avance toutes les choses à venir. "
4. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. XXXVIII in Evangelia : " Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus (MATTH., XXII, 14). Ce mot, mes frères, doit nous faire trembler. Nous tous, en effet, qui sommes ici, avons été appelés par la grâce de la foi, pour avoir part aux noces du roi du ciel, nous croyons tous et nous confessons le mystère de son incarnation ; nous recevons tous l'aliment de sa divine parole (" Divini verbi epulas suminus. " Ces expressions sont équivoques et pourraient signifier également le banquet de l'Eucharistie) ; mais, au jour du jugement, le roi entrera dans la salle du festin. Nous savons bien que nous sommes du nombre des appelés mais nous ne savons pas si
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nous sommes du nombre des élus, chacun de nous doit donc s'humilier d'autant plus justement, qu'il ignore s'il est élu. Car il y en a qui ne commencent pas même comme il faut ; d'autres commencent par bien faire, mais ne persévèrent pas dans le bien qu'ils ont commencé. Un autre passera sa vie presque entière dans le dérèglement ; mais sur la fin, il reviendra et se corrigera de ses désordres par une pénitence sévère. Un autre semblera mener la vie d'un élu : mais, à la fin de sa vie, il aura le malheur de s'engager pour jamais dans les filets de l'erreur. Un autre commencera bien, et finira encore mieux. Un autre s’exercera dans le mal dès ses premières années, et ne fera que se dépraver davantage, à mesure qu'il avancera dans la vie. Que chacun craigne donc pour soi-même avec d'autant plus de sollicitude, qu'il ignore complètement ce qui lui sera réservé ans l'avenir. Car il faut souvent se le redire, et ne l'oublier jamais, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. . . . . "
" Aucun de nous ne sait ce qui se passe à son égard dans les secrets jugements de Dieu ; car s'il y en a beaucoup d'appelés, il y en a peu d'élus. Puis donc que personne n'est assuré de se trouver de ce dernier nombre, il ne nous reste à tous d'autre parti à prendre que de craindre pour l'imperfection de notre vie, de n'avoir de confiance que dans la miséricorde de Dieu, et de ne présumer jamais de nos propres forces (Cf. Les quarante Homélies de saint Grégoire, trad. par le duc de Luynes, p. 489-490, 496). "
5. S. BERNARD, Serm. II in octavis Paschæ : " Il est un autre témoignage donné ici-bas pour faire le discernement entre ceux qui s'y sentent exilés de la patrie et ceux qui s'y trouvent comme dans leur patrie, c'est-à-dire entre les citoyens du ciel et les habitants de Babylone. Quand est-ce en effet que Dieu pourrait laisser ses élus sans témoignage ? Ou bien, quelle pourrait être leur consolation dans la perplexité qui les tiendrait continuellement suspendus entre l'espérance et la crainte, s'ils ne pouvaient obtenir aucun témoignage de leur élection ? Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui, et seul il sait quels sont ceux qu'il a élus dès le commencement. Mais quel est l'homme qui puisse savoir de soi-même s'il est digne d'amour ou de haine ? Que si, comme on ne peut en douter, notre incertitude là-dessus est certaine, ne devrons-nous pas n'en attacher que plus de prix aux signes qui pourront nous être donnés de cette élection ? "
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6. S. AUGUSTIN, de hæresibus, ad Quodvultdeum, hæres LXXXII : " Cette hérésie (des jovinianistes) s'est élevée de notre temps, ou du temps de notre jeunesse, ayant eu pour auteur un moine nomme Jovinien. Celui-ci, à l'exemple des stoïciens, disait que tous les péchés sont égaux et qu'un homme ne peut plus pécher quand une fois il a reçu le baptême. "
7. S. JEROME, Lib. II adversùs Jovinianum, c. 1 : " La seconde proposition de Jovinien est celle-ci, que ceux qui sont baptisés ne peuvent pas être tentés par le démon. Et pour qu'on ne puisse l'accuser d'avoir dit cela sans réflexion, il ajoute : " Que s'il y en a néanmoins qui soient tentés, cela fait voir qu'ils ont été baptisés dans l'eau, mais non dans l'Esprit-Saint, comme nous le lisons de Simon. De là aussi ces paroles de Jean : Quiconque est né de Dieu ne pèche point, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu (I JEAN, III, 9). Et c'est en cela que paraît la différence entre les enfants de Dieu et les enfants du diable (ibid., 10). Le même Apôtre dit à la fin de son épître : Quiconque est né de Dieu ne pèche point, mais la naissance qu'il a reçu de Dieu le conserve pur, et le malin esprit n'a sur lui aucun pouvoir (ibid., V, 18). " Voilà certes une forte objection, et qui serait insoluble, si la solution n'en était fournie par saint Jean lui-même. Car cet apôtre ajoute aussitôt après (ibid., 21) : Mes petits enfants, gardez-vous des idoles. Si tous ceux qui sont nés de Dieu ne pèchent point, et qu'ils ne puissent être tentés par le démon, que signifie cette recommandation qu'il leur fait de prendre garde à ne pas se laisser tenter ? Il dit encore dans cette même épître : Si nous disons que nous sommes sans péché nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous. Mais si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les remettre, et pur nous purifier de toute iniquité. Que si nous disons que nous n'avons point de péché, nous le faisons menteur, et sa parole n'est point en nous (ibid., I, 8-10). Je pense que ce Jean est un homme baptisé qui écrit à d'autres baptisés ; je pense aussi que tout péché vient du démon. Il confesse cependant qu'il est pécheur, et il espère la rémission de ses péchés même après son baptême, tandis que Jovinien me dit de son côté : Gardez-vous de me toucher, car je suis pur. Quoi donc ? Est-ce que l'Apôtre se contredit lui-même ? Pas du tout, car il montre en même temps pourquoi il s'est exprime de la sorte, quand il dit : Mes petits enfants, je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez
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point. Si cependant quelqu'un pèche, qu'il sache que nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le juste par excellence, qui est la victime de propitiation pour nos péchés (I JEAN, II, 1-2), et non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde. Or, ce qui nous assure que nous le connaissons véritablement, c'est de pouvoir nous rendre ce témoignage que nous observons ses commandements. . . Il est évident par tous ces textes qu'on peut pécher même après qu'on a reçu le baptême. Car ce serait bien vainement que nous aurions un avocat en Jésus-Christ, s’il y avait pour nous impuissance de pécher. "
8. Ibidem, c. 2 : " L'apôtre saint Pierre, à qui le divin maître avait dit : Celui qui est déjà lavé n'a plus besoin d'être lavé de nouveau (JEAN, XIII, 10), et : Vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (MATTH., XVI, 18) ; effrayé par une simple servante, renie son divin maître. Et Notre-Seigneur lui-même lui avait dit : Simon, Simon, Satan vous a demandé pour vous cribler comme on crible le froment, mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point (LUC, XXII, 31-32). Et encore : Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez en tentation ; l'esprit est prompt, mais la chair est faible. Que si vous vous rejetez sur ce que ces paroles ont été dites avant que Jésus-Christ fût mort en croix, je vous répliquerai que c'est depuis qu'il est mort en croix, que nous disons tous les jours : Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, et ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. Si nous ne péchons plus dès qu'une fois nous sommes baptisés, pourquoi demandons-nous à Dieu qu'il nous pardonne des péchés, qui d'avance nous ont été pardonnés dans le baptême ? Pourquoi demander la grâce de ne point succomber à la tentation, et d’être délivrés du mal, si le diable ne peut plus nous tenter du moment où nous sommes baptisés ? Ce serait autre chose, si cette prière n'était que pour les catéchumènes, et si elle ne convenait pas aussi aux fidèles et aux chrétiens. Paul, ce vase d’élection, châtia son corps, et le réduit en servitude, de peur qu'après avoir prêché les autres, il ne se trouve réprouvé lui-même (I Cor., IX, 27). Et Dieu a permis, ajoute-t-il, que je ressentisse dans ma chair un aiguillon, qui est comme l'ange et le ministre de Satan, pour me donner des soufflets (II Cor., XII, 7). Il écrivait encore aux Corinthiens : J'ai peur, qu'ainsi que le serpent séduisit Eve par ses artifices, vos esprits aussi ne se corrompent, et ne dégénèrent de la simplicité chrétienne (II Cor., XI, 5). Et
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ailleurs : Ce que vous accordez à quelqu'un, par indulgence, je l’accorde aussi. Car si j’use moi-même d'indulgence, j'en use à cause de vous, au nom et en la personne de Jésus-Christ afin que Satan ne remporte sur nous aucun avantage : car nous n'ignorons pas ses desseins (II Cor. II, 10-11). . . "
" Et il viendra quelqu'un nous dire que nous devons dormir en sécurité quand une fois nous avons reçu le baptême ! "
" Saint Paul écrivait aussi aux Hébreux : Il est impossible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du ciel, qui ont été rendus participants du Saint-Esprit, qui se sont nourris de la sainte parole de Dieu, et de l'espérance des grandeurs du siècle à venir, et qui après cela sont tombés : il est impossible, dis-je, qu'ils se renouvellent par la pénitence, parce qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu, et l'exposent à l’ignominie (Hébr., VI, 4-6). Certes, nous ne dirons pas que des gens qui ont été éclairés, qui ont goûté le don du ciel, qui ont été rendus participants du Saint-Esprit, qui se sont nourris de la sainte parole de Dieu, ne soient pas des gens baptisés. Mais si des gens baptisés sont dans l'impuissance de pécher, comment se fait-il que l'Apôtre ajoute ici, Et qui après cela sont tombés ? Ces témoignages de l'Ecriture, ainsi que beaucoup d'autres semblables, servent comme d'autant de textes à saint Jérôme pour réfuter cette même erreur ; mais il serait trop long d'entrer nous-même dans tout ce détail. "
9. S. AUGUSTIN, de correptione et gratiâ, c. VI, n. 9 et 10 : " Si celui qu'on reprend d'une faute a déjà été régénéré et justifié, et que par sa propre volonté il soit retombé dans le péché, il ne peut pas dire assurément : Je n'ai pas reçu la grâce, puisqu'après l'avoir reçue, il l'a volontairement perdue par son libre arbitre, qui est toujours libre pour le mal. . . "
" Il est indubitable, que quiconque demande Dieu la persévérance dans le bien, reconnaît par sa prière même que cette persévérance est un don de Dieu (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 319-325). "
10. Ibidem, c. VII, n. 11 : " Quoiqu'il soit certain que la persévérance est un don de Dieu, c'est cependant avec justice que l'on corrige et que l'on reprend ceux qui, après avoir bien vécu, ne persévèrent pas dans cette bonne voie. Car comme c'est par leur propre volonté qu'ils ont changé de conduite et passé du bien au mal, on a raison de leur en faire des répri-
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mandes ; et si ces réprimandes ne leur profitent pas, et qu'ils persistent dans le mal jusqu’à la mort, ils méritent que Dieu les condamne à la peine éternelle (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 325-326). "
11. Le même, Lib. de dono perseverantiæ, c. VI, n. 10 : " On ne doit dire de personne qu'il ait reçu le don de persévérance finale, qu'après qu'il a terminé sa course, et qu'il a effectivement persévéré jusqu’à la fin. Nous disons fort bien d'un homme que nous connaissons pour chaste, qu'il est chaste, soit qu'il doive continuer ou qu'il cesse plus tard de l'être. Nous disons la même chose de toutes les autres vertus, qui sont autant de dons de Dieu, mais qu'on peut perdre ou conserver. Nous disons qu'un homme a ces vertus, tant qu'il les conserve ; et s'il vient à les perdre, nous disons qu'il les a eues. Mais, pour la persévérance finale, comme personne ne l'a que celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, il est clair que de tous ceux qui peuvent l'avoir personne ne peut la perdre (Cf. Ibidem, t. II, p. 165-166). "
12. Le même, de Genesi ad litteram, lib. VI, c. 28 : " Les apôtres et tous les autres justes, quoique leurs corps fussent de chair comme les nôtres, vivaient cependant de la vie de l’esprit, la connaissance du vrai Dieu ayant rétabli en eux l'image de celui qui les avait créés ; mais ils n'étaient pas impeccables pour cela, puisqu’il leur restait la liberté de consentir au mal. Car que les hommes même spirituels puissent succomber à la tentation de pécher, c'est ce que nous prouvent ces paroles de l'Apôtre: Mes frères, si quelqu'un est tombé en quelque péché, vous autres qui êtes spirituels, ayez soin de le relever dans un esprit de douceur, chacun de vous faisant réflexion sur soi-même, et craignant d'être tenté aussi bien que lui (Gal., VI, 1). Si je fais cette observation, c'est pour que personne ne juge impossible qu'Adam ait péché sous prétexte qu'il menait une vie spirituelle, quoique revêtu d'un corps de chair. "
13. S. PROSPER, ad decimam quartam objectionem Vincentianam : " Si quelqu'un vit dans la sainteté, s'il avance dans la vertu, s'il persévéra dans le bien, il est évident qu'il en est redevable à la grâce divine, sans laquelle on ne saurait acquérir aucuns mérites. Si au contraire on s'éloigne du bien et qu'on tombe dans le dérèglement, on ne peut pas en faire le reproche à Dieu, qui n'a point envoyé la tentation à laquelle on aura succombé
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et qui n'abandonne le pécheur qu'après que celui-ci l'a abandonné le premier, qui fait tout plutôt pour n'être pas abandonné de lui, ou pour le rappeler à lui, quand il a eu le malheur de l'abandonner. Mais pourquoi Dieu retient-il l'un dans le devoir sans y retenir l'autre, c'est ce qu'il ne nous est ni donné de comprendre, ni permis d'examiner, puisqu’il nous suffit de savoir, et que c'est à lui que nous devons notre persévérance dans le bien, et que ce ne serait qu'avec injustice que nous pourrions lui imputer nos chutes. "
14. S. BERNARD, epist. XLII ad Henricum Senonensem archiepiscopum : " Interrogez ceux qui disent que ceux qui ont une fois reçu la grâce ne peuvent plus la perdre. La vérité a dit au sujet de quelques-uns : Ceux-ci n'ont point, de racines, parce qu'ils croient pour un temps, et qu'ils se retirent au moment de la tentation (LUC, VIII, 13). D'où est-ce qu'ils se retirent, et où s'en vont-ils ? Ils se retirent du parti de la foi pour prendre celui de l'infidélité. Je demande de plus : Pouvaient-ils être sauvés dans cette foi qu'ils ont quittée, ou bien ne le pouvaient-ils pas ? S'ils ne le pouvaient pas, quelle injure ont-ils faite au Sauveur, ou quelle joie ont-ils pu causer au tentateur, en se retirant de là où il n'y avait point de salut pour eux ? Car le Sauveur n'est pas animé d'un autre zèle que de celui de nos âmes, et l'esprit malin ne nous envie pas non plus autre chose que notre salut. Mais s'ils pouvaient se sauver dans la foi qu'ils ont quittée, comment pouvaient-ils n'avoir pas la charité en même temps que la foi, puisqu'on ne peut être sauvé sans la charité ; ou comment, en abandonnant la foi, n'ont-ils pas abandonné ou perdu en même temps la charité, puisque la charité et l'infidélité ne peuvent subsister ensemble ? Ils abandonnent donc la foi, puisque la vérité nous l'assure : Recedunt (loc. cit.), Ils abandonnent par conséquent le salut de leurs âmes, puisque le Sauveur les condamne : Qui non crediderit condemnabitur (MARC, XVI, 16). Nous concluons de là qu'ils abandonnent aussi la charité, sans laquelle le salut ne saurait s’obtenir. Ceux-ci, dit Jésus-Christ, n'ont point de racines. Il ne nie pas qu'il n'y ait quelque bien en eux, mais il leur reproche plutôt de n'être pas enracinés dans le bien. Enfin, c'est ce qu'il dit en propres termes : Parce qu'ils croient pour un temps, ajoute-t-il. Ils font le bien, mais plût à Dieu que ce bien fût durable ! Car ce n'est pas celui qui aura commencé, mais bien celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, qui sera sauvé (MATTH., X, 22). Si ceux-là ne persévèrent pas, c'est parce qu'ils se retirent
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au moment de la tentation. Heureux, s'ils avaient été enlevés dans l'intervalle, avant que leurs esprits eussent été corrompus par la malice ! L'Ecriture dit encore : La fournaise éprouve les vases du potier, et l'épreuve de l'affliction les hommes justes (Ecclé., XXVII, 6), c'est-à-dire les hommes qui vivent de la foi. Car le juste vit de la foi (Rom., I, 17 ; HABAC., II, 4), à condition sans doute que cette foi soit vive : car une foi morte ne saurait donner la vie. Il n'y a donc que la foi des justes, c'est-à-dire une foi vive dans des hommes vivants aux yeux de Dieu, qui puisse sortir éprouvés de la fournaise des tentations. Mais une justice qui dure dans les siècles des siècles n'est pas le partage de tous, puisqu'il y en a qui ne croient que pour un temps, et qui se retirent au moment de la tentation. . . . . "
" Il me semble suffisamment démontré par ce que je viens de dire que tous ceux qui ont la charité ou la grâce ne persévèrent pas pour cela dans la charité. Autrement, ce serait vainement que Notre-Seigneur aurait donné l'avertissement suivant à ses disciples : Demeurez dans mon amour (JEAN, XV, 9). Car, ou bien ils ne l'aimaient pas encore, et alors il n'aurait pas dû leur dire, Demeurez, mais plutôt, Soyez dans mon amour ; ou bien ils l’aimaient déjà, et dès-lors il n’était plus besoin de les avertir de persévérer, puisque, s'il faut en croire ceux que nous combattons, ils ne pouvaient plus déchoir de leur heureux état. "
15. S. CYRILLE d'Alexandrie, lib. X in Joannem, c. 46 : " Après leur avoir dit qu'ils étaient purs à cause de la parole qu'ils avaient entendue de sa bouche ; pour qu'ils ne crussent pas qu'une fois purifiés, ils ne pouvaient plus déchoir de cet heureux état, Jésus-Christ leur recommande de lui demeurer fidèles. Ce qui revient, du moins me semble-t-il, à ce mot de saint Paul : Que celui qui se croit ferme prenne garde de tomber (I Cor., X, 12). Car mille dangers menacent ceux-là mêmes qui sont debout, s'ils ne savent user de vigilance. Nous devons donc faire de continuels efforts, et employer tous les moyens, pour faire sans cesse de nouveaux progrès. "
16. THEOPHYLACTE, in caput XXVI Matthæi : " Un des douze, dit l’Evangéliste (XXVI, 47), pour marquer son étonnement de ce que c'était un de ses principaux disciples, choisi par lui-même, qui s'était donné au démon. Vous donc, ô homme, quelque favorisé que vous puissiez être des communications de votre Dieu, craignez aussi de vous relâcher, de vous oublier et de vous perdre. "
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17. Le concile de Vienne sous Clément V, in Clementinis, lib. V, tit. de hæreticis, c. 3 ; ce passage a été rapporté plus haut, chapitre XIV de cet appendice, témoignage 10, page 403.
18. S. FULGENCE, De fide ad Petrum diaconum, c. 3 ; ce passage a de même été rapporté plus haut, chapitre des péchés contre le Saint-Esprit, question III, témoignage 4, tome IV, page 139.
19. S. BERNARD, Serm. XXXVIII ex parvis sermonibus ; voir ibidem, témoignage 5, page W.
20. S. AUGUSTIN, Tract. XXXIII in Joannem ; v. ibidem,
témoignage 16, page 147. Voir encore d'autres témoignages
sur cette même question, qui peuvent être également
cités à l'appui de notre thèse actuelle.
CHAPITRE XVII.
DU DON DE PERSEVERANCE.
" Il en est de même du don de persévérance, au sujet duquel il est écrit, que celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, sera sauvé. C'est une grâce qu'on ne doit attendre que de celui qui peut, et donner la stabilité à celui qui est debout, de manière à ce que celui-ci puisse demeurer ferme jusqu'a la fin, et relever de ses chutes celui qui tombe. Que personne ne se promette là-dessus rien d'assuré, au moins d'une certitude absolue, quoique ce soit un devoir pour tout le monde de ne point se lasser d'espérer avec une confiance sans réserve dans le secours de Dieu. Dieu, en effet, à moins que nous ne fassions nous-mêmes défaut aux invitations de sa grâce, amènera à sa perfection le bon ouvrage qu'il a commencé, en opérant en nous le vouloir et le faire. Cependant, que ceux qui se croient fermes prennent garde de tomber, et qu'ils opèrent leur salut avec crainte et tremblement, dans les travaux, dans les veilles, dans les aumônes, dans les prières, dans les sacrifices, dans les jeûnes et dans la pratique de la chasteté. Car, pénétré de cette pensée que leur renaissance spirituelle ne leur assure pas encore la possession de la gloire, mais seulement l'espérance de l’obtenir un jour, ils doivent craindre pour l'issue du combat qu'il leur reste à soutenir contre la chair, contre le monde et contre le démon, et dont ils ne peuvent sortir victorieux, s'ils ne se conforment, avec la grâce de Dieu, aux sentiments de l'Apôtre qui disait : Nous ne sommes pas redevables à la chair, pour vivre selon la chair : car si
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vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si vous faites
mourir par l'esprit les œuvres de la chair, vous vivrez. " Conc.
Trid., sess. VI, c. XIII.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. MATTHIEU, X, 22, et XXIV, 43 ; comme dans le corps de la réponse.
2. Romains, XIV, 4 : " Qui êtes-vous pour oser ainsi condamner le serviteur d'autrui ? S'il tombe ou s'il demeure ferme, cela regarde son maître ; mais il demeurera ferme, parce que Dieu est tout-puissant pour l'affermir. "
3. Philippiens, I, 3, 6 : " Je rends, grâces à mon Dieu toutes les fois que je me souviens de vous. - Car j'ai une ferme confiance que celui qui a commencé le bien en vous, le perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ. "
4. Ibid., II, 13 : " Car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon qu'il lui plaît. "
5. I Corinthiens, X, 12 : " Que celui donc qui croit être debout, prenne bien garde de tomber. "
6. Romains, XI, 19-22 : " Vous direz peut-être : Ces branches ont été rompues afin que je fusse enté en leur place. - Il est vrai, elles ont été rompues à cause de leur incrédulité ; et pour vous, vous demeurez ferme par votre foi ; mais prenez garde à ne pas vous élever, et tenez-vous dans la crainte. - Car si Dieu n'a point épargné les branches naturelles, vous devez craindre qu'il ne vous épargne pas non plus. - Considérez donc la bonté et la sévérité de Dieu ; sa sévérité envers ceux qui sont tombés, et sa bonté envers vous, si toutefois vous demeurez ferme dans l'état où sa bonté vous a mis : autrement, vous serez aussi retranché. "
7. Philippiens, II, 12 : " Ainsi, mes très-chers frères, comme vous avez toujours été obéissants, ayez soin, non-seulement lorsque je suis présent parmi vous, mais encore plus en mon absence, d'opère votre salut avec crainte et tremblement. "
8. II Corinthiens, VI, 4-8 : " Mais agissant en toutes choses comme des ministres de Dieu, nous nous rendons recommandables par une grande patience dans les maux, dans les nécessités pressantes et dans les extrêmes afflictions ; - dans les plaies, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes ; - par la pureté, par la science, par une douceur persévérante, par la bonté, par les fruits du Saint-
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Esprit, par une charité sincère, - par la parole de vérité, par la force de Dieu, par les armes de la justice, pour combattre à droite et à gauche ; - parmi l'honneur et l'ignominie, parmi la mauvaise et la bonne réputation ; comme des séducteurs quoique sincères et véritables comme inconnus, quoique très connus. "
9. Romains, V, 2 : " Par qui aussi nous avons entré par la foi à cette grâce dans laquelle nous sommes établis, et nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire promise aux enfants de Dieu. "
10. Romains, VIII, 12-13 ; comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, De dono perseverantiæ, c. 1, n. 1 : " Je dis que la persévérance, par laquelle on demeure en Jésus-Christ jusqu'à la fin, est un don de Dieu. Par la fin, j'entends le terme même de la vie présente, pendant laquelle seulement on est en danger de tomber. Ainsi, tant qu'un homme est vivant, il nous est impossible de savoir à son sujet s'il a reçu ce don. Car si, avant de mourir, il tombe dans le péché, on dit de lui qu'il n'a pas persévéré, et on le dit avec vérité. Or, comment pourrait-on dire d'un homme qui n'a pas persévéré qu'il a reçu ou qu'il a eu la persévérance (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 148-149) ? "
2. Ibidem, c. XIII, n. 32 et 33 : " Comment (ceux qui refusent d'admettre que la persévérance finale est un don particulier de Dieu) expliqueraient-ils ce qu'ils voient arriver tous les jours, que des enfants sortent de ce monde sans être régénérés (par le baptême) et se trouvent condamnés à la mort éternelle ; que d'autres, au contraire, après avoir été régénérés, sortent de cette vie pour entrer dans la vie éternelle ; qu'entre ceux qui sont régénérés, il y en a qui sortent de ce monde après avoir persévéré jusqu’à la fin ; que d'autres restent sur la terre jusqu’à ce qu'ils tombent dans le péché, chute qu'ils n'auraient pas faite s'ils étaient morts un peu plus tôt ; qu'enfin, entre les justes qui sont tombés, il y en a qui continuent de vivre jusqu’à ce qu'ils reviennent à la justice, et qui seraient perdus pour toute l'éternité, s’ils mouraient avant ce moment marqué pour leur retour ? Il suffit de ces exemples pour faire voir clairement que la grâce de commencer dans la pratique du bien, et celle d'y
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persévérer jusqu’à la fin, ne nous sont pas données en conséquence de nos mérites, mais selon la volonté de Dieu, qui n'est pas moins impénétrable que juste, sage et bienfaisante (Cf. Traités choisis de saint Augustin, p. 211-212). "
3. Le même, De correptione et gratiâ, c. VI, n. 10 : " Si nous disions qu'un don aussi estimable et aussi désirable que ce don de persévérance vient tellement de l'homme, qu'il ne le reçoit pas de Dieu, ce serait d'abord anéantir la vérité de cette parole que Jésus-Christ dit à saint Pierre : J'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille pas (LUC, XXII, 32). Car quel était l'objet de cette prière, sinon d’obtenir que saint Pierre persévérât jusqu’à la fin ? Et faudrait-il demander à Dieu cette persévérance si l'homme ne la tenait que de lui-même ? De plus, quand l'Apôtre écrit aux fidèles : Nous demandons à Dieu que vous ne commettiez pas de mal (II Cor., XIII, 7), c'est encore assurément la persévérance qu'il demande pour eux à Dieu. Car on ne peut pas dire que celui qui quitte le bien pour se tourner vers le mal, dont il devrait toujours s’éloigner, ne commette pas de mal, en ne persévérant pas dans le bien. De même, quand l'Apôtre écrit dans une autre de ses épîtres : Je me souviens toujours de vous dans toutes mes prières. Je vous recommande tous avec joie à mon Dieu, en lui rendant grâces de l'intérêt que vous prenez a la propagation de l’Evangile, depuis le premier jour de votre vocation jusqu’à présent, ayant une ferme confiance que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre, la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ (Philip., I, 3 et s.) ; quand, dis-je, il parle ainsi aux fidèles, quel autre bien leur fait-il espérer de la miséricorde de Dieu, que la grâce de persévérer dans le bien jusqu’à la fin ? Dans un autre endroit, il dit aux Colossiens (IV, 12 et s.) : Epaphras, qui est de votre pays, vous salue ; c'est un serviteur de Jésus-Christ qui s'emploie toujours avec ardeur pour vous dans ses prières, afin que vous demeuriez fermes, que vous soyez parfaits et pleins de zèle pour accomplir tout ce que Dieu exige de vous ; que signifient ces paroles : Afin que vous demeuriez fermes, sinon : Afin que vous persévériez ? Car les fideles de Colosses, à qui saint Paul écrivait de cette manière, étaient déjà fermes dans la foi. C'est en ce même sens qu'il est dit du démon qu'il n'est pas demeuré ferme dans la vérité (JEAN, VIII, 44), parce qu'il a été dans la vérité, mais qu'il n'y a pas persévéré. Ainsi, quand nous demandons à Dieu que ceux qui sont fermes demeurent fermes,
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que lui demandons-nous autre chose, sinon qu'ils persévèrent ? Quand l'apôtre saint Jude dit (v. 24) : Gloire à celui qui est tout-puissant pour vous préserver de tout scandale, et pour vous faire comparaître en sa présence et exempts de toute tache et remplis de joie, ne montre-t-il pas aussi très-clairement par ces paroles, que la persévérance dans le bien jusqu’à la fin de la vie est un don de Dieu ? Car lorsque Dieu préserve un juste de tout scandale, et qu'il le fait comparaître en sa présence exempt de tache et rempli de joie, quel don lui fait-il, sinon celui de la persévérance dans le bien ? Les Actes des Apôtres nous enseignent la même vérité par ces paroles que nous y lisons : Les gentils, entendant la prédication de l’Evangile, furent remplis de joie, et reçurent la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle embrassèrent la foi (Act., XIII, 48). Car personne ne peut être prédestiné à la vie éternelle sans que Dieu lui ait préparé de toute éternité le don de la persévérance, puisque, suivant la parole de Jésus-Christ, il n'y aura que celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, qui sera sauvé (MATTH., X, 22), c'est-à-dire, qui recevra le salut et la vie éternelle. Enfin, quand, dans l'oraison dominicale, nous disons à Dieu, notre Père céleste : Que votre nom soit sanctifié (MATTH., VI, 9), que lui demandons-nous, sinon que son nom soit sanctifié en nous ? Mais cette précieuse sanctification avait déjà été opérée dans les fidèles par le sacrement de baptême ; pourquoi donc réitèrent-ils tous les jours la même prière, sinon pour obtenir de persévérer dans la sainteté qui a été produite en eux ? C’est ainsi que le bienheureux martyr Cyprien entend ces paroles, dans l'explication qu'il a faite de l'oraison dominicale : " Quand, dit-il, nous faisons cette demande : Que votre nom soit sanctifié, ce n'est pas que nous souhaitions à Dieu qu'il soit sanctifié par nos prières, mais nous lui demandons que son nom soit sanctifié en nous. Car, comment Dieu pourrait-il être sanctifié, lui qui est le principe de toute sainteté ? Mais, comme il a dit lui-même : Soyez saints, parce que je suis saint (LEVIT., XIX, 2), nous lui demandons et le supplions, en disant ces paroles, qu'après avoir été sanctifiés dans le baptême, nous persévérions dans la sainteté où le baptême nous a fait entrer. " Vous voyez que, selon la pensée de ce saint martyr, par cette prière : Que votre nom soit sanctifié, les fidèles demandent la grâce de persévérer dans la sainteté où Dieu a commencé de les établir. Or, il est indubitable que quiconque demande à Dieu la persévérance
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dans le bien, reconnaît par sa prière même que cette persévérance est un don de Dieu (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 321-325). "
4. Le même, Lib. L Homiliarum, hom. 35 : " Tant que nous vivons ici-bas, nous ne saurions porter de jugement assuré sur nous-mêmes, je ne dis pas par rapport à ce que nous serons demain, mais par rapport à ce que nous sommes aujourd'hui ; combien donc ne devons-nous pas nous mettre encore moins en peine des jugements des autres que de celui de notre propre conscience, qui peut au moins nous rendre témoignage de nous-mêmes ? "
5. Le même, Cité de Dieu, liv. XI, c. 12 : " Qui oserait nier de nos premiers parents qu'ils fussent heureux dans le paradis terrestre, quoiqu'ils ne sussent pas si leur bonheur devait durer des siècles ou une éternité ? Or, ils eussent été éternellement heureux, s'ils n'étaient pas tombés dans le péché, et aujourd'hui encore n'avons-nous pas raison d'appeler heureux ceux que nous voyons, avec l’espérance que nous avons tous de notre immortalité future, passer saintement leur vie, sans aucun de ces crimes qui portent le ravage dans la conscience, et obtenant sans peine de la divine miséricorde le pardon des péchés qui sont une suite inséparable de notre condition présente ? Cependant, quoique assurés de la récompense promise à leur persévérance, ils n'ont aucune certitude de leur persévérance elle-même. Car quel homme peut savoir qu'il persévérer jusqu’à la fin dans les voies de la justice, à moins qu'il n'en soit assuré par quelque révélation : révélation que, pour des raisons profondes et mystérieuses, Dieu n'accorde pas à tous, mais qui ne saurait tromper ceux qu'il en favorise. "
6. Ibidem, liv. XX, c. 7 : " L'ange me semble avoir voulu signifier par-là (il s'agit de ce verset de l'Apocalypse, XX, 3 : Et clausit, et signavit super illum, ut non seducat ampliùs genties) qu'il nous est impossible, d'après les desseins de Dieu, de savoir quels sont ceux qui appartiennent au parti du démon ou qui n'y appartiennent pas. Car c'est là un mystère impénétrable pour toute la vie présente, et nous ne pouvons assurer, ni de ceux que nous voyons debout qu'ils ne feront pas quelque funeste chute, ni de ceux que nous voyons tombés qu'ils ne se relèveront pas à la fin. . . . . "
" Dieu connaît ceux qui sont à lui (II Tim., II, 19), et aucun
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de ces derniers n'a à craindre l'éternelle damnation. Car c'est de cette manière que Dieu les connaît ; et il les connaît comme un Dieu, à qui rien n'est caché des choses à venir, et non comme un homme qui ne voit son semblable que dans le présent et encore seulement par ce qui en paraît au dehors, et qui, par rapport à l'avenir, ne se voit pas lui-même. "
7. Le même, Epist. CXXI (al. 130) ad Probam, c. 2 : " Où trouver seulement un homme dont la vertu et les autres dispositions présentent ici-bas des garanties certaines ? Car nous ne connaissons pas les autres comme nous nous connaissons nous-mêmes, et nous-mêmes cependant nous ne nous connaissons pas assez pour pouvoir répondre de ce que nous serons d'un jour à l'autre. Aussi, quoiqu'il soit vrai que bien des hommes se font connaître par leurs fruits, en sorte que les uns donnent de la joie a leur prochain par leur bonne vie, et que d'autres nous attristent par leurs dérèglements, il y a toujours quelque chose de si caché et de si peu sûr au fond du cœur de chaque homme, que c'est avec grande raison que l'apôtre saint Paul nous avertit de ne juger personne avant le temps, et d'attendre pour cela la venue du Seigneur, qui tirera au grand jour ce qui est enseveli dans les ténèbres, et découvrira les plus secrètes pensées des cœurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due (I Cor., IV, 5-6). Il faut donc que, tant que nous serons dans les ténèbres de cette vie mortelle, où nous sommes éloignés du Seigneur et comme hors de notre patrie (II Cor., V, 6-7), et où nous marchons dans l'obscurité de la foi, et non à la clarté du soleil des intelligences, une âme chrétienne se regarde comme dépourvue de toute consolation, afin qu'elle ne cesse point de prier, et que, jusqu’à ce que le jour s’élève et que l’étoile du matin commence à briller dans nos cœurs, elle s'accoutume à tenir l'œil de la foi arrêté sur les saintes Ecritures, comme sur un flambeau placé dans un lieu obscur pour l'éclairer (II PIERRE, I, 19) (Cf. Lettres de saint Augustin, t. III, p. 301-302). "
8. S. CHRYSOSTOME, Hom. XI in epist. ad Philippenses : " Pour lâcher enfin, dit saint Paul (Philip., III, 11), de parvenir à la résurrection des morts. Que dites-vous, grand apôtre ? Cette résurrection à laquelle vous tâchez, dites-vous, de parvenir, nous y parviendrons tous ; tous, vous l'avez écrit vous-même (I Cor., XV, 5), nous ne dormirons pas, mais tous nous serons changés (La leçon grecque suivie par saint Chrysostôme diffère en cet endroit de la leçon adoptée dans la Vulgate) ; et
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non-seulement nous ressusciterons tous, mais nous deviendrons tous incorruptibles, les uns pour la récompense, les autres pour le châtiment. Si donc nous devons tous ressusciter, et non-seulement ressusciter, mais en outre n'être plus sujets à la corruption, pourquoi parlez-vous de vos efforts pour parvenir à la résurrection, comme s'il s'agissait d'un privilège singulier ? C'est pour cela, dites-vous, que j'endure ces souffrances, pour tacher de parvenir à la résurrection. Et en effet, à moins de mourir, vous ne ressusciterez certainement pas. Que signifient donc ces paroles ? Elles semblent faire allusion à quelque chose de grand, et même de si grand, que l'Apôtre n'ose pas même en faire la déclaration explicite, mais se contenir de dire en termes couverts : Pour tâcher d’obtenir, si je le puis, par quelque moyen, E? ???. Je crois en lui et en sa r?surrection, et non content de cela je souffre pour lui ; toutefois, je ne puis encore être assuré de ma résurrection. De quelle résurrection veut-il donc parler ici ? De celle qui doit procurer la société de Jésus-Christ. J'ai dit que je crois en lui et dans la vertu de sa résurrection ; j'ai dit que je suis entré en participation de ses souffrances, que je me suis rendu conforme à sa mort : après tout cela, cependant, je n'ai pas encore d'assurance. Cela revient à ce qu'il dit ailleurs : Que celui qui croit être ferme prenne bien garde de tomber (I Cor., X, 12) ; et encore : Je crains qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même (I Cor., IX, 27). "
" Ce n'est pas que j’aie déjà reçu ce que j'espère, ou que je sois déjà parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher d'atteindre où le Seigneur Jésus-Christ m'a destiné en me prenant (Philip., III, 12). Ce n'est pas que j'aie déjà reçu. Quelle est cette chose qu'il n'a pas encore reçue ? La récompense, veut-il dire. Si après avoir enduré tant de souffrances, tant de persécutions, après avoir tant mortifié son corps, l'Apôtre manquait d'assurance par rapport à cette résurrection bienheureuse, que devrons-nous dire de nous-mêmes ? Que veulent dire ces paroles, Pour tâcher d'atteindre ? La même chose que les précédentes. Pour tâcher de parvenir à la résurrection des morts, c'est-à-dire, Pour tâcher d'atteindre la résurrection, en endurant, si je le puis, autant de souffrances, en m'efforçant de l'imiter, de me conformer à lui ; comme il a lui-même souffert, comme il a enduré les crachats, les soufflets, les coups de verges, la mort enfin. Voilà la carrière que vous avez à parcourir vous-mêmes ; c'est
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par tous ces combats qu'il vous faut passer pour partager la gloire de sa résurrection (Cf. Sancti Joannis Chrysostomi opera, t. XI, pag. 287, édition de Montfaucon ; p. 329-330, édit. de Gaume). "
9. S. AMBROISE, in Psalmum XXXVII : " Quelle que puisse être l'innocence de notre vie, ce serait témérité de nous croire assurés de notre salut, avec tant d'ennemis redoutables à combattre tous les jours. Et ainsi tout en nous réjouissant de ce bon témoignage de notre conscience, nous devons gémir en même temps de tant de combats à soutenir. "
10. S. BERNARD, Serm. de duplici baptismo, et de relinquendâ propriâ voluntate : " Il a donné à tous ceux qui l’ont reçu le pouvoir d'être faits enfants de Dieu (JEAN, I, 12). Ce n'est pas là un pouvoir sans effet ou sans vertu, puisqu'il nous donne la certitude que ni la mort, ni la vie, ni les vertus, ni les anges, ni tout ce qu'il y a de plus haut ou de plus profond ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ (Rom., VIII, 35-39). Mais faites attention à l’énumération que fait ici l'Apôtre, car ce sont ces paroles que je vous ai citées ; prenez garde seulement de rien ajouter à ces paroles, comme je n'y ai rien ajouté moi-même. Telle est donc la liberté dont Jésus-Christ nous a mis en possession, qu'aucune créature ne puisse nous séparer de lui malgré nous, ou nous faire violence en ce point. Si nous effectuons cette séparation, ce ne peut plus être que par l'effet de notre propre volonté, en nous laissant emporter et attirer dans le mal par notre propre concupiscence (JAC., I, 14). Voilà désormais le seul ennemi que nous ayons à craindre. Enfin chacun de nous, du moment où il est baptisé, tant qu'il n'a pas acquis l'usage de la raison, ne peut en aucune manière être séparé de l'amour de Dieu : il peut vivre tranquille à l'ombre de la protection du Seigneur son Dieu ; il n'a rien à craindre de qui que ce soit de ses ennemis. Et lors même que parvenu à l'âge de discernement il devient maître de lui-même, il n'a encore rien à redouter de la violence que les autres voudraient lui faire : le seul ennemi qu'il lui reste à craindre, c'est celui qui dort dans son sein, sa propre volonté. Le péché pourra bien s'embusquer, pour ainsi dire, aux portes de son âme, mais sa concupiscence sera sous lui (Gen., IV, 7), et son unique tache sera de s'opposer à ce qu'il entre, en lui refusant son consentement. "
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11. S. AUGUSTIN, Epist. CVII (al. 217) ad Vitalem : " Après même qu'on a embrassé la foi, on doit demander pour soi-même la grâce d'y persévérer. Car il est utile à tous les fidèles, ou du moins à presque tous, pour les tenir dans l'humilité qui nous est si nécessaire, d’ignorer ce qu'ils seront dans la suite. C'est pour cela que l’Apôtre dit : Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber (I Cor., XI, 12). C'est pour nous conserver dans une crainte si salutaire, de peur qu'après avoir été régénérés et avoir commencé à vivre dans la piété nous ne venions à nous élever, comme si nous étions déjà dans une parfaite assurance de notre salut ; c'est pour cela, dis-je, que Dieu, par un ordre admirable de sa providence, a permis que les fidèles qui doivent persévérer se trouvent mêlés avec d’autres qui ne persévèrent pas ; afin que, saintement effrayés de leur chute, nous marchions avec crainte et tremblement dans la voie de la justice, jusqu’à ce que nous passions de cette misérable vie, qui n'est qu'une tentation continuelle, à cette vie bienheureuse où il n'y aura plus d'orgueil à réprimer ni de combat à soutenir contre ses assauts et ses funestes suggestions (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 425-426). "
12. Le même, De dono perseverantiæ, c. 8 : " A ne consulter que les hommes, il semblerait que ceux qui paraissent de bons fidèles devraient recevoir de Dieu la grâce de persévérer jusqu'à la fin. Mais Dieu en pense autrement : il a jugé plus à propos de mêler au nombre déterminé de ses élus quelques justes qui ne persévèrent pas jusqu’à la fin. Et c'est afin que ses élus, à qui une entière sécurité ne serait pas avantageuse au milieu des tentations de cette vie, ne se crussent pas dans une entière assurance. Car c'est un excellent remède contre le venin mortel de la présomption que cet avertissement de l'Apôtre : Que celui qui croit être ferme ne prenne garde de tomber (I Cor., X, 12). Or, c'est par sa propre volonté que tombe celui qui tombe, et c'est par la volonté de Dieu que celui qui est ferme demeure ferme : car Dieu est tout-puissant pour l’affermir (Rom., XIV, 4). Ainsi ce n'est pas l'homme qui se donne la fermeté dans le bien, mais c'est Dieu qui la lui donne. C'est pourquoi l'avantage de l'homme est de ne pas s'élever, mais de se tenir toujours dans une humble crainte (Rom., XI, 20). De plus, personne ne tombe ou ne demeure ferme sans que quelque pensée ait précédé dans son esprit ; or, c'est un oracle de saint Paul. . . . . que nous ne sommes
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capables de former aucune bonne perde comme de nous-mêmes, mais que c'est Dieu qui nous en rend capables (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 179-180). "
13. S. CHRYSOSTOME, Lib. II de compunctione cordis : " Pour vous exciter à la componction, il vous suffit, à vous qui êtes avancé dans la vertu, de vous rappeler les bienfaits de Dieu, d'oublier vos bonnes actions à vous-mêmes, de vous examiner avec sévérité sur les fautes mêmes les plus légères qu'il peut vous arriver de commettre, de prendre pour objet de votre émulation tant de grands hommes qui se sont rendus agréables à Dieu par leur constante fidélité à ses lois ; d'ajouter à toutes ces considérations l'incertitude de votre avenir, le penchant qui nous entraîne tous au péché, et doit nous faire craindre à chaque instant une chute funeste ; ce qui faisait dire à saint Paul lui-même : Je crains qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même (I Cor., IX, 27) ; ce qui le portait à ajouter : Que celui qui croit être ferme prenne garde de tomber (I Cor., X, 12). Ce sont aussi les considérations que faisait David, et qui le portaient à s'écrier au souvenir des bienfaits de Dieu : Qu'est-ce que l'homme, pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l'homme pour que vous le visitiez ? Vous ne l'avez qu'un peu abaissé au-dessous des anges ; vous l'avez couronné de gloire et d'honneur, et vous l'avez établi sur les ouvrages de vos mains (Ps. VIII, 5-6) (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, tome Ier, page 152, édition de Montfaucon ; page 187, édition de Gaume). "
14. S. AUGUSTIN, De naturâ et gratiâ, c. 27 : " Les autres péchés n'ont de prise que sur le mal ; l’orgueil seul est à craindre même dans le bien que l'on fait. De là vient que l'Apôtre avertit les Philippiens de prendre garde de trouver leur ruine dans les dons mêmes de Dieu, en se les attribuant à eux-mêmes et en s'en faisant gloire, ce qui leur deviendrait plus fatal que de ne rien faire de bien : Opérez, leur écrivait-il, votre salut avec crainte et tremblement, car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir (Philip., II, 12). Pourquoi donc cette crainte et ce tremblement, et non pas plutôt cette assurance, si c'est Dieu qui opère, sinon parce que notre volonté, condition nécessaire pour que nous fassions le bien, peut nous porter à nous prévenir de cette pensée que le bien que nous faisons nous appartient exclusivement, et à dire dans notre abondance : Je ne serai jamais ébranlé (Ps. XXIX, 7). C'est pourquoi celui qui, par un effet de sa
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volonté, avait affermi dans un état florissant celui qui tenait ce langage, n'eut qu’à détourner un peu son visage de lui, pour qu'aussitôt il tombât dans le trouble, parce que l'enflure de l'orgueil ne peut être guérie que par (les humiliations ou) les souffrances. "
18. Le même, De dono perseverantiæ, c. 13 : " Tant qu'on est en cette vie mortelle qui, selon l’Ecriture, est une tentation continuelle (JOB, VII, 1), celui qui paraît vivre debout doit craindre de tomber (I Cor., X, 12). C'est même pour cette raison, comme je l'ai déjà dit (voir plus haut, témoignage 12), que Dieu, par une conduite très-salutaire de sa providence, veut que les justes qui ne persévéreront pas soient mêlés avec ceux qui persévéreront jusqu'à la fin. Par-là il veut nous apprendre à ne pas nous élever en nous-mêmes, mais à nous tenir dans l’humilité (Rom., XII, 16), et à opérer notre salut avec crainte et tremblement (Philip., II, 12-13) (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 212-213). "
16. S. BERNARD, Serm. III in Vigiliâ Nativitatis Domini : " Qu'on ne s'imagine pas être une lumière ardente et luisante dans une maison ou cette lumière n'ait point à craindre d'être atteinte par les vents ; mais qu'on se figure plutôt être en plein air, et avoir besoin de ses deux mains pour garder allumée et en sûreté la lumière que l'on porte, quand même il ne ferait pas de vent pour le moment. Car au premier moment, et l'instant où l'on s'y attend le moins, l’état de l'air peut changer, et pour peu qu'on retire sa main, la lumière sera éteinte. Quand même on se brûlerait quelque peu, comme il arrive quelquefois, en tenant sa main trop près de la lumière, il vaudrait mieux souffrir ce mal que de retirer ses mains, parce qu'il suffit d'un instant pour que la lumière qu'on porte soit soufflée. Nous n'aurions, à la bonne heure, rien de semblable à craindre, si nous étions dans une maison qui, comme les demeures célestes, ne serait point faite de main d'homme et durerait éternellement (II Cor., V, 1). Mais présentement, au contraire, nous sommes exposés à trois vents extrêmement violents et extrêmement malins, savoir, la chair, le démon et le monde, qui cherchent à l'envi à éteindre notre lumière allumée, en soufflant dans nos cœurs des désirs coupables, des mouvements désordonnés, et qui répandent si inopinément le trouble dans notre esprit, que nous pouvons à peine reconnaître où nous venons et où nous allons. Bien que deux de ces vents cessent assez fréquemment de souffler, il en
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est un troisième qui ne laisse à notre âme ni paix ni trêve. Protégeons donc contre lui notre âme de nos deux mains, je veux dire de la main du cœur et de celle du corps, de peur que sa lumière, si toutefois elle est en ce moment allumée, ne s'éteigne malheureusement. Gardons-nous bien de lâcher pied ou de revenir sur nos pas, quand même la violence des tentations aurait porté le ravage dans notre esprit et dans nos sens tout à la fois, mais ne nous lassons pas de dire avec un saint : Mon âme est toujours entre mes mains (Ps. CXVIII, 109). Préférons brûler, plutôt que de céder. Et de même qu'il n'est pas aisé d'oublier ce qu'on porte dans ses mains, ainsi n'oublions jamais l'affaire de notre âme, et que ce soit là l'objet de notre sollicitude la plus vive. Une fois que nous aurons ceint nos reins de cette manière, et que nous verrons notre lampe allumée, veillons avec circonspection pendant la nuit de la vie présente à la garde du troupeau de nos pensées et de nos actions, afin que le Seigneur nous trouve toujours prêts, soit qu'il vienne à la première, ou à la seconde, ou à la troisième veille. "
17. Le même, Serm. V in Psalmum, Qui habitat : " Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation (MARC, XIV, 38). Vous savez quel est celui qui a dit cela : vous savez aussi en quel temps il l'a dit : c'est le Seigneur lui-même qui a dit ces paroles aux approches de sa passion. Et remarquez que c'était lui qui allait souffrir, et non ses disciples, et pourtant ce n'est pas pour lui qu'il leur dit de prier, mais pour eux-mêmes. C'est dans ce même sens qu'il disait à Pierre : Satan vous a demandé pour vous cribler comme on crible le froment ; mais j’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point : lors donc que vous serez converti, ayez soin d'affermir vos frères (LUC, XXII, 31-32). Si ces apôtres avaient tant à craindre au moment de la passion du Sauveur, que n'avons-nous donc pas nous autres à craindre de nos propres passions ? Veillez donc et priez, pour ne pas succomber à la tentation ; car de tous côtés nous en sommes assaillis. C'est ce qui a fait dire à Job, que la vie de l'homme sur la terre est une tentation continuelle (JOB, VII, 1). Si donc notre vie est si fort remplie de tentations, qu'on peut avec raison l'appeler tout entière une tentation continuelle, nous avons besoin d'une extrême vigilance et d'une extrême assiduité à, la prière si nous voulons ne pas y succomber. De là aussi ces paroles de l'oraison dominicale : Ne nous laissez pas succomber à la tentation. . . "
" J'ai voulu vous rappeler d'avance qu'aucun de nous ne sera
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exempt de tentations tant qu'il vivra sur la terre, afin que, si nous nous voyons délivrés d’une tentation, nous en attendions sans trouble, si ce n'est pas sans crainte, une autre à venir, et qu'ainsi nous priions tellement Dieu de nous en délivrer, que nous n'allions pas jusqu’à nous flatter d'en être jamais parfaitement exempts tant que nous serons attachés à ce corps de mort. "
18. Le même, Meditationum, c. 14 : " Venez à mon secours, ô mon Dieu, parce que mes ennemis, qui sont mon propre corps, le monde et le démon, tiennent mon âme continuellement assiégée. Je ne puis ni fuir mon propre corps, ni le mettre lui-même en fuite. Il faut que je le porte partout avec moi, parce qu'il m'est attaché par un lieu que je ne puis détruire. Il m'est défendu de lui donner la more ; je dois même entretenir sa vie et ses forces, et en l'engraissant comme je le fais, c'est mon ennemi que je nourris à mes dépens. Si je le nourris suffisamment, et que sa force en soit accrue, il tourne contre moi sa force et son embonpoint. Le monde à son tour m'assiège de tous côtés, et par cinq portes principales, qui sont mes cinq sens, savoir, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher, il décoche contre moi ses flèches, et la mort entre dans mon âme par mes propres fenêtres. Mon œil jette un regard en arrière et il détourne l'attention de mon esprit. L'oreille écoute, et elle incline avec elle les affections de mon cœur. Mon odorat amuse et retarde par-là même ma pensée. Ma bouche lâche des paroles, et c'est pour me tromper. Mon toucher réveille à la moindre occasion l'ardeur de mes passions, et si elles ne sont immédiatement réprimées, elles portent en un instant le ravage et l'incendie dans tout mon être. D'abord, elles présentent une pensée qui porte le trouble dans les sens ; bientôt l’âme se trouve souillée par le plaisir impur que ce trouble même occasionne, et le consentement qu'elle donne à ce plaisir défendu achève de la rendre l’esclave de la passion impure. Pendant ce temps-là, le démon que je ne saurais voir, et contre lequel pour cette raison je puis moins me mettre en garde, a tendu son arc, en y ajustant ses flèches pour les lancer contre moi ; il a dressé en même temps ses filets perfides pour m'y faire tomber en disant en lui-même : Qui pourra voir les filets que je dresse ainsi dans le secret ? Ces filets qu'il dresse contre nous, c'est l'or, c'est l'argent, en un mot, tout ce qui prête matière à nos désordres, par l'abus que nous en faisons, par la folie que nous commettons d'y placer notre bonheur. Il
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ne tend pas seulement des filets contre nous ; il tend aussi des gluaux. La glu dont il se sert, c'est l'amour du bien qu'on possède, l'attache qu'on a pour ses proches, le désir des honneurs, les plaisirs de la chair, autant de gluaux qui retiennent l’âme quand elle s'y est une fois engagée, et qui l'empêchent de voler vers la céleste patrie sur les ailes de la contemplation. Les flèches du démon sont la colère, l'envie, la luxure, et les autres passions dont l'âme peut être atteinte. Et qui est-ce qui peut éteindre l'ardeur de ces flèches brûlantes ? Hélas ! trop souvent il arrive qu'une âme même fidèle soit mortellement atteinte de ces traits funestes. Malheureux que je suis, de me voir ainsi assailli de toutes parts, de ne voir partout autour de moi que pièges, que tentations, que périls. De quelque côté que je me tourne, je ne vois rien qui me rassure. Qu'une chose me plaise et me charme, qu'une autre m'attriste et me chagrine, j'ai un égal sujet de craindre et de me défier : le rassasiement aussi bien que la faim, le sommeil aussi bien que l'état de veille, le travail comme le repos, tout combat contre moi. La prospérité, par l’appât qu'elle me présente, m'inspire une sécurité trompeuse ; l'adversité à son tour, par les amertumes dont elle est la source, provoque mes répugnances et mes dégoûts. "
19. Ibidem, c. 15 : " Ma chair est formée de boue, et c'est pour cela qu'elle m'inspire des pensées sales et lubriques ; le monde me suggère les pensées vaines et curieuses, et le démon celles d'envie et d'orgueil. Voilà les trois ennemis qui s'attachent à me combattre et à me poursuivre, tantôt à découvert, tantôt en cachette, toujours avec malice. Le démon compte surtout sur l'appui que la chair lui prête : car rien n'est plus dangereux qu'un ennemi domestique. La chair de son côté, pour me perdre plus sûrement, fait alliance avec le démon, d’autant plus naturellement qu'elle est née du péché, qu’elle a été nourrie dans le péché, qu'elle a été viciée et corrompue dès l'origine, et qu'elle l'est beaucoup plus encore par de perverses habitudes. De là ces désirs violents qu'elle oppose aux désirs raisonnables que l’esprit forme en nous-mêmes, ces murmures continuels qu'elle laisse échapper, cette aversion pour la règle, ce penchant qu'elle témoigne pour tout ce qui est défendu, cette résistance obstinée à tout ce qui est raisonnable, cette impudeur qui ne peut être retenue par aucune crainte. La chair vient donc en aide, et sert en même temps d'instrument au perfide serpent, ce perpétue1 ennemi du genre humain, qui n'a d'autre désir, d'autre occupa-
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tion, d'autre soin que de perdre nos âmes. Il ne
pense qu’à faire le mal, nous tient à toute occasion un langage
insidieux, nous suggère mille projets funestes, met enfin toutes
ses ruses à contribution pour nous tromper. Il excite en nous des
mouvements déréglés, porte l'incendie dans notre âme
par les pensées qu'il nous suggère, pousse a la guerre, attise
les haines, éveille la gourmandise, allume en nous le feu de la
volupté, encourage les désirs de la chair, fait naître
les occasions de pécher, et ne cesse d'offrir à notre cupidité
mille moyens variés de faire le mal. Ainsi a-t-il pour tactique
de nous battre avec nos propres armes, de nous lier les mains avec nos
ceintures mêmes, et de faire de la chair, qui nous a été
donnée pour nous servir, la cause de notre perte comme de nos chutes.
C'est un combat bien terrible et bien périlleux, que celui que nous
avons soutenir contre cet ennemi domestique, et d'autant plus fort, qu'il
est ici-bas sur son propre terrain, tandis que nous nous y trouvons loin
de notre patrie. Quels dangers n'avons-nous pas en outre à courir
dans ces luttes fréquentes, ou plutôt continuelles, qu'il
nous faut soutenir contre un ennemi aussi rusé qu'est le démon,
dont l’extrême habileté qui convient avant tout à la
subtilité de sa nature, est nourrie en outre par sa longue pratique
de tous les mauvais stratagèmes. "
CHAPITRE XVIII.
DE CEUX QUI SONT TOMBES DEPUIS LEUR BAPTEME, ET DE LEUR RENTREE EN GRACE.
" Quant à ceux qui par leurs péchés sont déchus de la grâce de la justification qu'ils avaient reçue, ils pourront être justifiés de nouveau, si, obéissant à l'inspiration divine, ils se mettent en devoir de recouvrer par le sacrement de Pénitence, en vertu des mérites de Jésus-Christ, la grâce qu'ils ont perdue. Ce mode de justification est en effet celui qui convient pour les relever de leurs chutes, et c'est bien justement que les saints Pères ont appelé le sacrement de Pénitence la seconde planche après le naufrage de la grâce. Car Jésus-Christ a institué ce sacrement pour ceux qui retombent dans le péché après leur baptême lorsqu'il a dit : Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. Nous devons dire en conséquence, que la pénitence
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du chrétien après sa chute est bien différente
de celle qui a pu précéder son baptême, et qu'elle
exige de lui, non-seulement qu'il cesse de pécher, et qu'il déteste
ses péchés passés, ou qu'il en ait le cœur humilié,
contrit, mais encore qu'il en fasse la confession sacramentelle, au moins
in voto, et dans le temps prescrit, qu'il en reçoive de plus
l'absolution de la main du prêtre, et qu'il satisfasse à la
justice divine par des jeûnes, des aumônes, des prières,
et les autres pieux exercices de la vie spirituelle, non pas, il est vrai,
pour se racheter des peines éternelles, qui ont dû lui être
remises avec ses péchés, ou par le sacrement, ou en vertu
du vœu qu'il a formé de le recevoir, mais pour obtenir la rémission
des peines temporelles, qui, comme nous l'enseignent les divines Ecritures,
ne sont pas remises toujours ni en entier, comme elles l'ont été
dans le baptême, et ceux qui, payant Dieu d'ingratitude pour la grâce
qu'ils ont reçu de lui, ont contristé l'Esprit-Saint, et
profané en eux-mêmes le temple de Dieu. C'est de cette pénitence
qu'il a été dit en particulier : Souvenez-vous de l'état
d'où vous êtes déchu, faites pénitence et rentrez
dans la pratique de vos première œuvres. Et encore : La tristesse
qui est selon Dieu produit pour le salut une pénitence stable.
Et ailleurs aussi : Faites pénitence. Et ailleurs encore
: Faites de dignes fruits de pénitence. " Conc. Trid.,
sess. VI, c. 14.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. JEAN, XX, 23 ; comme dans le corps de la réponse.
2. Psaume L, 18 : " Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un cœur touché de repentir ; vous ne rejetterez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié. "
3. Nombres, XII, 9-45; voir ce passage rapporté plus haut, question VII du sacrement de Pénitence, témoignage 9, tome III, page 72.
4. II Samuel, XII, 7-17 ; v. ibidem, témoignage 13, page 74.
5. Ibid., XXIV, 10-17 ; v. ibid., témoignage 14, p. 74 et suiv.
6. Ephésiens, IV, 30 : " Et n'attristez point le saint Esprit de Dieu, dont vous avez été marqués comme d'un sceau pour le jour de la rédemption. "
7. I Corinthiens, III, 16-17 : " Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un viole le temple de Dieu, Dieu le perdra. - Car le temple de Dieu est saint, et c'est vous qui êtes ce temple. "
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8. Apocalypse, II, 4-5 : " Mais j'ai un reproche vous faire ; c'est que vous avez abandonné votre première charité. - Souvenez-vous donc d'où vous êtes déchu ; revenez à vos premières œuvres. Sinon, je viendrai à vous, et j’ôterai votre chandelier de sa place, si vous ne faites pénitence. "
9. II Corinthiens, VII, 10 : " La tristesse qui est selon Dieu produit pour le salut une pénitence qui ne laisse point de regrets ; au lieu que la tristesse conçue dans l'esprit de ce monde produit la mort. "
10. MATTHIEU, IV, 17 ; comme dans le corps de la réponse.
11. LUC, III, 8 ; comme dans le corps de la réponse.
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, Lib. L Homiliarum, hom. 50, c. S: " Si, désespérant de votre salut, vous accumulez péchés sur péchés, selon ce qui est écrit (Prov., XVIII, 3) : Lorsque le méchant sera venu au plus profond des péchés il méprisera tout ; ne commettez pas vous-même cette faute de mépriser tous les remèdes et de vous jeter dans l'abîme du désespoir ; mais du fond même de vos désordres poussez un cri vers Dieu, et dites-lui : Du fond de l'âme, Seigneur, j'ai crié vers vous ; Seigneur, écoutez ma voix. Que vos oreilles soient attentives à la voix de ma prière. Si vous examinez nos iniquités, Seigneur, Seigneur, qui pourra subsister devant vous ? Mais vous êtes plein de miséricorde (Ps. CXXIX, 1-7). C'est du fond d'un pareil abîme que les Ninivites ont crié, et ils ont obtenu cette miséricorde au point que, pour révoquer par rapport à eux la menace de son prophète, Dieu n'a pas attendu l'achèvement de leur pénitence. Vous direz peut-être ici : Mais j'ai été baptisé en Jésus-Christ, qui m'a pardonné tous mes péchés passés ; j'ai eu la bassesse de rentrer dans la voie corrompue de mes dérèglements, et je ne suis plus aux yeux de Dieu qu'un vil animal qui retourne à ses vomissements impurs (Prov., XXVI, 11).Où irai-je pour me dérober à la lumière de son esprit, et où m'enfuirai-je de devant sa face (Ps. CXXXVIII, 7) ? Où me demandez-vous, mon frère ? Pas ailleurs que dans le sein de sa miséricorde, en témoignant votre repentir à celui dont vous avez méconnu la puissance en vous abandonnant au péché ; car on ne saurait mieux s'enfuir de devant sa face, qu'en se réfugiant dans ses bras, ni de devant sa justice, qu'en recourant à sa bonté. Eh ! pourrez-vous trouver dans votre fuite un asile, où vous ne retrouviez pas sa présence ? Si vous montez au ciel, il y est ; si
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vous descendez aux enfers, il y est encore. Prenez vos ailes, et sans vous détourner ni à droite ni à gauche, allez vous réfugier aux extrémités du monde ; c'est encore sa main qui vous y conduira, son bras qui vous donnera la force d'y arriver. Quelques péchés que vous ayez commis, de quelques forfaits que vous vous soyez souillés, vous êtes encore du nombre des vivants, dont Dieu vous eût sans doute retranché déjà, s'il ne voulait pas votre guérison. Pourquoi donc oublier que la patience de Dieu vous invite à la pénitence (Rom., II, 4) ? Les cris qu'il vous a fait entendre n'ont dû vous persuader de ne pas vous éloigner de lui ; revenez à lui du moins à présent qu'il vous crie de le faire par l'offre qu'il vous fait de son pardon. "
2. Pour les autres témoignages que nous pourrions faire valoir, v. plus haut, tome III, chapitre du sacrement de Pénitence, questions I et II, jusqu'au témoignage 8, de cette deuxième question exclusivement.
3. Les témoignages des Pères qui ont appelé la pénitence une seconde planche après le naufrage de la grâce, ont été recueillis dans le chapitre cité tout-à-l’heure, question II, depuis le témoignage 8, jusqu’à la fin.
4. La nécessité de la contrition a été
prouvée questions III et IV du sacrement de Pénitence ; et
celle de la confession l'a été de même, questions V
et VI ; celle de la satisfaction enfin, questions VII et VIII.
CHAPITRE XIX.
TOUT PECHE MORTEL FAIT PERDRE LA GRACE, MAIS NE FAIT PAR PERDRE POUR CELA LA FOI.
" Pour déjouer les malins artifices de certains esprits, qui par des paroles douces et flatteuses séduisent les âmes simples, il est à propos aussi de bien établir que la grâce de la justification qu'on a reçu peut se perdre, non-seulement par le crime d'infidélité, qui fait perdre jusqu’à la foi, mais encore par tous les autres péchés mortels, quoique ceux-ci puissent laisser la foi intacte. Nous ne ferons en cela que soutenir la doctrine de la loi divine, qui exclut du royaume du ciel non-seulement les infidèles mais les fidèles aussi, s'ils sont fornicateurs, adultères, efféminés, sodomites, voleurs, avares, ivrognes, médisants ravisseurs du bien d'autrui, et tous autres sans exception qui commettent des
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péchés mortels dont ils peuvent s'abstenir par le secours
de la grâce de Dieu, et qui leur attirent pour châtiment d'être
séparés de la grâce de Jésus-Christ. " Conc.
Trid., sess. VI, c. 15.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. Romains, XVI, 17-18 : " Mais je vous prie, mes frères, de vous tenir en garde contre ceux qui causent parmi vous des divisions et des scandales en s'éloignant de la doctrine que vous avez apprise, et d'éviter leur société. - Car de tels hommes ne servent pas Jésus-Christ notre Seigneur, mais sont esclaves de leurs sens, et par des paroles douces et flatteuses ils séduisent les âmes simples. "
2. JACQUES, II, 10 : " Quiconque ayant gardé toute la loi, la viole en un seul point, est coupable comme l'ayant violée tout entière. "
3. MATTHIEU, VII, 21-25, 26-27: " Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas dans le royaume des cieux ; mais celui-là y entrera qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. - Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N'avons-nous pas chassé les démons en votre nom, et n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en votre nom ? - Et alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui faites des œuvres d'iniquité. - Mais quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les pratique pas, sera semblable à un homme qui a bâti sa maison sur le sable ; - et la pluie est descendue, et les fleuves se sont débordés, et les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle est tombée, et la ruine en a été grande. "
4. Id., XXV, 1-3, 11-13 : " Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, s'en allèrent au-devant de l'époux et de l’épouse. - Il y en avait cinq d'entre elles qui étaient folles, et cinq qui étaient sages. - Les cinq folles ayant pris leurs lampes, ne prirent point d'huile avec elles. . . . . - Enfin les autres vierges vinrent aussi, et lui dirent : Seigneur ; Seigneur, ouvrez-nous. - Mais il leur rependit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais point. - Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour, ni l'heure. "
5. LUC, XII, 47 : " Car le serviteur qui aura su la volonté de son maître, et qui néanmoins ne se sera pas tenu prêt et n'aura point exécuté ses ordres, sera battu rudement. "
6. JEAN, XII, 42-43 : u Plusieurs cependant, et même des
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principaux des Juifs, crurent en lui ; mais à cause des pharisiens ils n'osaient le reconnaître publiquement, de peur d’être chassés de la synagogue : - car ils aimèrent mieux la gloire des hommes que celle de Dieu. "
7. I Corinthiens, XIII, 1-2 : " Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges mêmes, si je n'avais point la charité, je serais comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante. - Et quand j'aurais le don de prophétie, que je pénétrerais tous les mystères, et que j'aurais une parfaite science de toutes choses ; et quand j'aurais toute la foi possible, au point de me rendre capable de transporter les montagnes, si je n'avais pas la charité, je ne serais rien. "
8. JACQUES, II, 14, 19-20 : " Mes frères que servira-t-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les œuvres. La foi pourra-t-elle le sauver ? - Vous croyez qu'il n'y a qu'un Dieu ; vous faites bien : les démons le croient aussi, et ils tremblent. - Mais voulez-vous savoir, ô homme vain, que la foi sans les œuvres est morte ? "
9. I Corinthiens, VI, 8-11 : " Mais c'est vous-mêmes qui faites le tort ; c'est vous qui usez de tromperie, et cela à l'égard de vos propres frères. - Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l'injustice n'hériteront point du royaume de Dieu ? ne vous y trompez pas, ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, - ni les impudiques, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les voleurs n'hériteront du royaume de Dieu. - C'est ce que quelques-uns de vous ont été autrefois ; mais vous avez été lavés, sanctifiés et justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu. "
10. Galates, V, 18-21 : " Si vous vous conduisez par l'Esprit de Dieu, vous n'êtes pas sous la loi. - Or, il est aisé de connaître les œuvres de la chair, qui sont : la fornication, l'impureté, l'impudicité, la dissolution, - l'idolâtrie les empoisonnements, les inimitiés, les dissensions, les jalousies, les animosités, les querelles, les divisions, les hérésies, les envies, les meurtres, les ivrogneries, les débauches et autres semblables énormités, au sujet desquelles je vous déclare, comme je vous l'ai déjà dit, que ceux qui les commettent n'hériteront point du royaume de Dieu. "
11. Ephésiens, V, 5-7 : " Sachez que nul fornicateur, nul impudique, nul avare, autre espèce d'idolâtres, n'héritera du royaume de Jésus-Christ et de Dieu. - Que personne ne vous séduise par de vains discours : car c'est pour cela que la colère
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de Dieu tombe sur les hommes rebelles à la vérité. - N'ayez donc rien de commun avez eux. "
12. Apocalypse, XXI, 8 : " Pour ce qui est des timides, des
incrédules, des exécrables, des homicides, des fornicateurs,
des empoisonneurs, des idolâtres et de tous les menteurs, leur partage
sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre, qui est la
seconde mort. "
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. S. BASILE, Lib. I de Baptismo, part. 2 : " J'ajouterai ici quelques mots à ce que j'ai déjà dit du royaume des cieux, pour que rien ne nous empêche de participer un jour à ce bonheur. Car, dans les choses de la vie, ce n'est pas rien qu'un rien manque pour arriver, comme l'a dit un de nos sages, et comme la plupart des gens ont pu en faire par eux-mêmes l'expérience outre que cela nous est encore plus fortement inculqué par la sévérité des règles prescrites dans l'ancienne loi pour le choix des ministres sacrés et des victimes à offrir en sacrifice (Lévit., XXI, 18 ; XXII, 21), où il suffisait d'une tache, ou de la mutilation, je ne dis pas d'un membre entier, mais d'une partie de membre, et comme porte le texte sacré, d’un petit bout d'oreille, pour exclure un homme du sacerdoce, ou un animal du nombre des victimes convenables pour le sacrifice. Or, comme l'a dit l'Apôtre, Toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, et elles ont été écrites pour nous servir d'instruction à nous autres, qui nous trouvons à la fin des temps (I Cor., X, 6, 11) ; et Notre-Seigneur a expressément enseigné l’excellence de la loi nouvelle au-dessus de l'ancienne, par ces paroles : Il y a ici quelque chose de plus grand que le temple (MATTH., XII, 6) ; comme il nous a fait entendre encore plus particulièrement que nous devons avoir plus de soin de notre âme que de tout le reste, quand il a dit : On fera rendre un plus grand compte à celui à qui on aura confié plus de choses (LUC, XII, 48). "
Après avoir produit à l'appui de sa thèse beaucoup d'autres textes, saint Basile ajoute : " Tout cela aboutit à prouver, qu'il suffit qu'une chose manque, pour que le tout soit en péril. Car si Notre-Seigneur a dit : Tout ce qui est dans la loi s'accomplira parfaitement jusqu’à un seul iota et i un seul point (MATTH., V, 18) ; combien cela ne doit-il pas mieux encore se dire de l'Evangile, dont Jésus-Christ a dit de même : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point (MATTH., XXIV,
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35). C'est ce qui a fait dire à l'apôtre saint Jacques avec tant d'assurance : Quiconque ayant gardé toute la loi, la viole en un seul point, est coupable comme l’ayant toute violée (JAC., II, 10). Ce qui lui a appris à tenir ce langage, c'est la menace qu'il entendit son divin maître faire à Pierre, qu'il avait pourtant déclaré bienheureux, à qui il avait rendu un témoignage si supérieur à tous ceux qu'un homme peut rendre, à qui enfin il avait fait de si magnifiques promesses (MATTH., XVI, 17-19), que s'il ne se laissait laver les pieds, il n'aurait point de part dans son royaume (JEAN, XIII, 8). De même l'apôtre saint Paul, qui accomplissait dans sa chair ce qui reste à souffrir à Jésus-Christ, en souffrant lui-même pour son corps qui est l’Eglise (Col., I, 24), nous déclare, comme parlant au nom de Jésus-Christ, quels sont les principaux péchés pour lesquels on peut être exclu du royaume de Dieu et encourir la sentence de mort, tantôt lorsqu'il dit en termes précis que ceux qui font de telles choses sont dignes de mort (Rom., I, 32),(et pourquoi n'a-t-il pas dit : Ceux qui font ces choses, mais : Ceux qui font de telles choses ?) tantôt lorsqu'il dit d'une manière plus générale que les prévaricateurs ne seront point héritiers du royaume de Dieu (I Cor., VI, 10) ; et ailleurs encore, Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a déclaré dans l’Evangile selon saint Luc, que quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde derrière soi, n'est point propre au royaume de Dieu (LUC, IX, 62). Il est indispensable d'observer ici, que ce n'est pas contre une multitude de manquements, mais contre un seul manquement qu'est prononcée cette terrible et inévitable sentence, et qu'elle porte sur des choses permises en elles-mêmes, et sur un simple délai, ne fait-il que d'un instant, à l'obéissance prompte, sans réserve et sans bornes, qu'on doit à Dieu à tant de titres (Cf. S. Basilii opera, t. II, p. 629-631, édit. de D. Garnier). "
2. Le même, Lib. II de Baptismo, c. 9 : " Est prévaricateur quiconque n'observe pas la loi entière, quand même il ne violerait qu'un seul commandement. Car c'est assez qu'une chose manque, pour que le tout soit en péril. En effet, une chose à laquelle il manque un point pour qu'elle se fasse, manque de se faire par-là même. De même que celui à qui il ne s'en est fallu de rien pour qu'il soit mort n'est point mort, ou que celui à qui il ne s'en faut de rien pour qu'il vive, n'est point vivant, mais est mort, ou que celui à qui il ne s'en est fallu de rien pour qu'il soit entré,
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n'est point entré, et telles ont été en particulier les vierges folles ; de même, celui à qui il ne s'en est fallu de rien pour qu'il ait observé la loi, ne l'a point observée, mais il est prévaricateur. C'est pourquoi il est nécessaire, dans la conduite à tenir à l’égard de ceux qui se rendent coupables de prévarication, nous fussent-ils unis par les liens du sang, d'obéir au commandement de l'Apôtre, qui nous dit tantôt que, si celui qui est du nombre de nos frère est fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou médisant ou ivrogne, ou ravisseur du bien d'autrui, nous ne devons pas même manger avec un homme de cette espèce (I Cor., V, 11) ; et remarquez ici que ce n'est pas seulement avec celui qui se serait rendu coupable de tous ces crimes à la fois que l'Apôtre nous défend de communiquer, mais il nous interdit de le faire même avec celui qui n'aurait commis qu'un seul de ces crimes, et c'est pour cela qu'il ne dit pas, Vous ne devez pas même manger avec un tel ou tel, ?????, mais : Vous ne devez pas même manger avec un homme de cette espèce, ???????. Tant?t le même Apôtre nous dit de mortifier les membres de l'homme terrestre qui est en nous, la fornication, l'impureté, les abominations, les mauvais désirs et l'avarice qui est une idolâtrie, puisque ce. sont de tels excès qui font tomber la colère de Dieu sur les hommes rebelles à la vérité (Col., III, 5). Remarquez encore ici qu'il dit en termes généraux sur les hommes rebelles à la vérité, nous avertissant par-là de ne point nous rendre complices de leur prévarication (Ephés., V, 7) (Cf. S. Basilii opera, t. II, p. 370-371, édit. de D. Garnier). "
3. S. AUGUSTIN, Lib. XV de Trinitate, c. 18 : " Il n'y a que la charité qui nous rende la foi profitable ; car sans la charité, etc. " Voir le reste de ce passage au chapitre III de la Charité, question I, témoignage 7, tome I, page 247.
4. Le même, Tract. X in Epistolam I Joannis : " Nous ne trouvons que gens qui disent, Je crois ; mais la foi sans les œuvres ne sauve pas. Or, l'œuvre de la foi, c'est la charité elle-même, si nous voulons en croire l'Apôtre, qui recommande la foi, mais la foi agissante par la charité (Gal., V, 6). . . C'est là ce qui s'appelle croire que Jésus est le Christ, comme le croient les vrais chrétiens, dont la vie répond à leur croyance, et non pas comme le croient les démons, dont un apôtre nous apprend, non-seulement qu'ils croient, mais même qu'ils tremblent (JAC., II, 19). Comment les démons pouvaient-ils mieux exprimer leur
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croyance au sujet de Jésus-Christ, qu'en disant : Nous savons que vous êtes le Fils de Dieu (MARC, I, 24 ; III, 12) ? Saint Pierre ne s'est pas exprimé d'une autre manière lorsque Notre-Seigneur demanda à ses disciples quelle opinion avaient les hommes de ce qu'il était. . . Il y a donc une grande différence entre croire à Jésus-Christ pour s'attacher à lui, et confesser Jésus-Christ pour l’éloigner de soi. Et ainsi vous voyez que, quand l'Apôtre dit : Celui qui croit (I JEAN, V, 1), il entend parler d'une foi revêtue des conditions qu'elle doit avoir, et non d'une foi semblable à celle de la plupart de ceux qui font profession de croire. Après cela, mes frères, que les hérétiques ne viennent pas nous dire : Si vous croyez, nous croyons aussi. Si je vous ai rapporté ici l'exemple de la foi des démons, c'est pour vous engager à examiner la conduite des hommes qui vous tiennent ce langage, avant de vous réjouir de ce qu'ils partagent votre croyance. "
" Voyons donc la différence qu'il y a entre croire en Jésus-Christ, et croire que Jésus est le Christ. Celui, dit notre Evangéliste, qui croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu (I JEAN, V, 1). Mais qu'est-ce que cet apôtre appelle croire que Jésus est le Christ ? Il nous l'apprend par les paroles suivantes : Quiconque aime celui qui a engendré, aime aussi celui qui en a été engendré. Vous voyez, mes frères, que l'Apôtre joint tout de suite la charité à la foi, parce que la foi sans la charité ne sert de rien. La foi des chrétiens est celle qui est accompagnée de la charité. Sans cela, ce ne serait qu'une foi de démon. Ceux donc qui n'ont point du tout de foi, sont pires, ou plus lents à croire, que les démons eux-mêmes. Celui qui ne veut pas croire n'en est pas encore arrivé à égaler les démons. Que si quelqu'un croit en Jésus-Christ mais sans l'aimer, ce n'est point l'espérance d'en être récompensé qui lui fait confesser sa foi en Jésus-Christ, mais la crainte d'en être puni : et en cela, il n'est qu’égal aux démons, que la crainte qu'ils avaient de Jésus-Christ portait à lui dire : Qu'y a-t-il entre vous et nous, Fils de Dieu que vous êtes ? Etes-vous venu pour nous perdre avant le temps (MARC, I, 24) ? Il faut donc ajouter l'amour à la foi qu'on a en Jésus-Christ, afin qu'elle soit telle que la demande l'Apôtre, c'est-à-dire qu'elle soit agissante par la charité. Si vous trouvez en ce monde un véritable chrétien, un citoyen de la vraie Jérusalem, un concitoyen des anges, un voyageur qui soupire après sa patrie pendant qu'il est sur la route qui y conduit, joignez-vous à lui et marchez ensemble à grands pas vers le but de votre pèlerinage. Il sera
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votre compagnon de voyage, pour peu que vous partagiez ses dispositions (Cf. Les Traités de saint Augustin sur l’Evangile de saint Jean et son épître aux Parthes, t. IV, p. 307-313). "
5. S. FULGENCE, De incarnatione et gratiâ Jesu
Christi, c. 26 : " Il peut arriver qu'on croie en Dieu sans aimer Dieu
; mais il ne peut se faire qu'on aime Dieu sans croire en lui ; on peut
bien croire qu'une chose existe sans l'aimer ; mais on ne peut pas l'aimer
sans croire qu'elle existe. Or, l'Apôtre nous dit que, sans la charité,
la foi et toutes les bonnes œuvres ne peuvent servir de rien ; voici ses
paroles : Quand j'aurais toute la foi possible jusqu’à transporter
les montagnes. . . ; quand j'aurais distribué tout mon bien pour
nourri les pauvres, et que j’aurais livré mon corps pour être
brûlé, si je n'ai point la charité, tout cela ne me
sert de rien (I Cor., XIII, 2-3). "
CHAPITRE XX.
DU FRUIT DE LA JUSTIFICATION, OU DU MERITE DES BONNES ŒUVRES, ET DE LA NATURE DE CE MERITE LUI-MEME.
" Les hommes étant donc justifiés de cette manière, soit qu'ils aient toujours conservé la grâce une fois reçue, soit qu'ils l'aient recouvré après avoir eu le malheur de la perdre, il faut leur mettre devant les yeux ces paroles de l’Apôtre : Employez-vous de plus en plus dans l'exercice des bonnes œuvres, et sachez que Notre-Seigneur ne laissera pas votre travail sans récompense. . . ; car Dieu n'est pas injuste, pour qu'on puisse supposer qu'il oublie vos bonnes œuvres, et l'amour que vous avez fait paraître pour son nom. Et : Ne perdez rien de votre confiance, dont la récompense doit être très-grande. A ceux donc qui persévèrent dans la pratique des bonnes œuvres jusqu’à la fin de leur carrière et qui espèrent en Dieu, on doit leur proposer la vie éternelle, et comme une grâce promise bénignement aux enfants de Dieu en vue des mérites de Jésus-Christ, et comme une récompense qui, en vertu des promesses de Dieu même, doit leur être fidèlement acquittée en considération de leurs bonnes œuvres et de leurs mérites personnels. C'est cette couronne de justice que l'Apôtre disait lui être réservée à la fin de son combat et au bout de sa carrière, et qu'il attendait de son juste juge, comme due non-seulement à
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lui-même, mais encore à tous ceux qui soupirent après son avènement. En effet, Jésus-Christ lui-même, influant pour ainsi dire, et répandant continuellement sa vertu dans ceux qui sont justifiés, comme le chef dans ses membres, et le tronc de la vigne dans ses branches, et cette vertu précédant, accompagnant et suivant toujours leurs bonnes œuvres, qui sans elle ne pourraient nullement être méritoires ou agréable à Dieu, nous devons croire qu'il ne manque plus rien aux fidèles une fois justifiés, pour que, par leurs bonnes œuvres faites ainsi en union avec Dieu, ils soient censés avoir pleinement satisfait à la loi divine, autant que le comporte l'état de la vie présente, et avoir réellement mérité la vie éternelle pour l’obtenir en son temps, pourvu toutefois qu'ils meurent en état de grâce, conformément à ces paroles de Jésus-Christ lui-même : Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif ; mais l’eau que je lui donnerai deviendra dans lui une fontaine d'eau qui rejaillira jusque dans la vie éternelle. Ainsi nous ne prétendons pas que notre propre justice nous soit propre en ce sens qu'elle nous vienne de nous-mêmes ; encore moins pouvons-nous méconnaître ou exclure la justice de Dieu. Car cette justice, que nous appelons notre justice, parce qu'elle nous est inhérente et que c'est par elle que nous sommes constitués justes, est en même temps la justice de Dieu, parce que c'est lui qui la répand en nous en vue des mérites de Jésus-Christ. "
" Mais il ne faut pas non plus perdre de vue, qu'encore que nos livres saints attachent une telle vertu aux bonnes œuvres que, suivant la promesse de Jésus-Christ, un verre d'eau froide donné au moindre de ceux qui lui appartiennent ne restera pas sans récompense et que l'Apôtre nous déclare que le moment si court et si léger des afflictions de cette vie produit en nous la durée éternelle d'une gloire souveraine et incomparable ; un chrétien n'en doit pas moins se garder de se confier ou de se glorifier en lui-même, plutôt que dans le Seigneur, dont la bonté est si grande à l'égard de tous les hommes, qu'il veut bien leur faire un mérite de ses propres dons. Mais comme nous faisons tous beaucoup de fautes (JAC., III, 2), chacun doit se mettre devant les yeux aussi bien la justice et la sévérité de Dieu, que sa miséricorde ; et sa bonté et quand même on ne se sentirait coupable de rien, on ne devrait pas se croire justifiés pour cela, parce que tous les hommes seront examinés et jugés, non d'après leur propre appréciation, mais d'après celle de Dieu, qui produira à
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la lumière ce qui est caché dans les ténèbres,
et qui découvrira les plus secrètes pensées des cœurs
; et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due ; car,
comme il est écrit encore ailleurs, Dieu rendra à chacun
selon ses œuvres. " Conc. Trid., sess. VI, c. 16.
TEMOIGNAGES DE L’ECRITURE.
1. I Cor., XV, 58 ; comme dans le chapitre que nous venons de rapporter du concile de Trente.
2. Hébr., VI, 10 : " Car Dieu n'est pas injuste, pour qu'on puisse supposer qu'il oublie vos bonnes œuvres, et la chanté que vous avez témoignée par les assistances que vous avez rendues en son nom et que vous rendez encore aux saints. "
3. Ibidem, X, 35 ; comme dans le chapitre rapporté tout-à-l'heure du concile de Trente.
4. II Th., IV, 7-8 : " J'ai bien combattu ; j'ai achevé ma course ; j'ai gardé la foi : il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice qui m'est réservée, et que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra en ce grand jour, et non-seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement. "
5. JEAN, III, 21 : " Celui qui fait ce que la vérité lui prescrit s'approche de la lumière, afin que ses œuvres soient produites au grand jour, parce qu'elles ont été faites en conformité avec la loi de Dieu. "
6. JEAN, IV, 13-14 ; comme dans le chapitre que nous venons de rapporter du concile de Trente.
7. MATTH., X, 41-42 : " Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra la récompense du prophète ; et celui qui reçoit un juste en qualité de juste recevra la récompense du juste ; - et quiconque aura donné à boire seulement un verre d’eau froide à l’un de ces plus petits, en sa qualité de l'un de mes disciples, je vous dis en vérité qu'il ne perdra point sa récompense. "
8. II Cor., IV, 17 : " Car le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie, produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire. "
9. I Cor., I, 28-31 : " Il a choisi les plus petits et les plus méprisables selon le monde, et ce qui n'étai rien, pour détruire ce qu'il y avait de plus grand, - afin que nul homme ne se glorifie devant lui. - C'est par cette voie que vous êtes établis en Jésus-Christ, qui nous a été donné de Dieu pour être notre sa-
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gesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption ; - afin que selon ce qui est écrit, celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur. "
10. II Cor., X, 17-18 : " Que celui donc qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur : car ce n'est pas celui qui se rend témoignage à lui-même qui est vraiment estimable, mais c'est celui à qui Dieu rend témoignage. "
11. JAC., III, 2 : " Nous commettons tous bien des fautes. "
12. I Cor., IV, 4-5 : " Car encore bien que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour cela ; mais c'est le Seigneur qui est mon juge. - C'est pourquoi ne jugez point avant le temps jusqu’à ce que le Soigneur vienne, qui produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et découvrira les plus secrètes pensées des cœurs : et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due. "
13. MATTH., XVI, 27 : " Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. "
14. Rom., II, 5-8 : " Et cependant, par votre dureté et par l'impénitence de votre cœur, vous vous amassez un trésor de colère pour le jour de la colore, et de la manifestation du juste jugement de Dieu, - qui rendra à chacun selon ses œuvres : - en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité ; - et en répandant sa fureur et sa colère sur ceux qui ont l'esprit contentieux et qui ne se rendent point à la vérité mais qui embrassent l'iniquité. "
15. Ps. LXI, 12 : " Dieu a parlé une fois, et j'ai entendu ces deux choses : que la puissance appartient à Dieu, et que vous êtes Seigneur, rempli de miséricorde, parce que vous rendrez à chacun selon ses œuvres. "
16. Apoc., XXII, 12 : " J'ai ma récompense avec moi,
pour rendre à chacun selon ses œuvres. "
TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.
1. S. AUGUSTIN, De gratiâ et libero arbitrio, c. VIII, n. 19 et 20 : " Si la vie éternelle, dira-t-on, est donnée en conséquence des bonnes œuvres comme l’Ecriture le déclare formellement, en disant que Dieu rendra à chacun selon ses œuvres (M ATTH., XVI, 27), comment peut-on dire que la vie éternelle est une grâce, puisque le propre caractère de la grâce, c'est de n'être point.
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donnée en conséquence des œuvres, mais gratuitement et sans aucun mérite ? C'est l’Apôtre lui-même qui la caractérise ainsi : Ce qui est donné à quelqu'un pour ses œuvres, dit-il, est donné à titre de récompense et n'est point réputé une grâce, mais une dette (Rom., IV, 4). . . . . "
" Je ne vois pas qu'on puisse résoudre autrement cette difficulté qu'en reconnaissant la vérité que j'ai établie jusqu'ici, que nos bonnes œuvres elles-mêmes, en conséquence desquelles nous attendons la vie éternelle, doivent être attribuées à la grâce. Jésus-Christ nous enseigne positivement cette vérité quand il nous dit : Sans moi vous ne pouvez rien faire (JEAN, XV, 9). . . . . Si donc la bonne vie que nous pouvons mener n'est rien autre chose qu'une grâce de Dieu, par une suite nécessaire la vie éternelle, qui est accordée en conséquence de la bonne vie, est aussi une grâce de Dieu : car elle est elle-même donnée gratuitement, puisque la bonne vie, en conséquence de laquelle elle est accordée, est un don gratuit de la bonté de Dieu. Il y a néanmoins cette différence, que la bonne vie est seulement une grâce, au lieu que la vie éternelle qui est donnée en conséquence de la bonne vie, et à titre de récompense, est tout à la fois grâce pour grâce et récompense justement méritée, en sorte qu'il est pareillement vrai que Dieu rendra a chacun selon ses œuvres (Apoc., XXII, 12). "
2. Ibidem, c. IX, n. 21 : " David se dit à lui-même dans un psaume : Le Seigneur le couronne dans une abondance de miséricorde et de bonté (Ps. CII, 4). Cela veut-il dire que la couronne n'est pas donnée en conséquence des bonnes œuvres ? Ce n'est assurément pas le dessein de l’Ecriture. Mais elle parle ainsi, parce que c'est Dieu même qui produit dans les justes leurs bonnes œuvres, selon cette parole de saint Paul : C'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir (Philip., II, 13). Voilà pourquoi David dit que Dieu couronne par une abondance de miséricordes, parce que les bonnes œuvres que Dieu couronne sont un effet de sa miséricorde (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 220-221, 223, 225). "
3. Le même, Epist. CV (al. 194) ad Sixtum presbyterum : " De même que dès notre entrée dans la foi nous avons reçu miséricorde, etc. " Voir ce passage déjà rapporté précédemment, article des bonnes œuvres, question II, témoignage 8. Expliquant ensuite ces paroles de l'Apôtre (Rom., VI, 23), Stipendium peccati
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mors (la mort est la solde du péché) il se demande à lui-même pourquoi l'Apôtre n'avait pas ajouté que la vie éternelle était aussi la solde de la justice. " Ou bien, poursuit-il, si l’Apôtre ne voulait pas dire que la vie éternelle est la solde de la justice, il pouvait dire au moins qu'elle est la solde de la foi, puisque le juste vit de la foi (Rom., I, 17 ; HABAC., II, 4). Mais non : car il y a beaucoup d'endroits des divines Ecritures où la vie éternelle est appelée une récompense ; au lieu qu'il ne s'en trouve pas un seul où la justice et la foi soient appelées de ce nom de récompense. Et la raison en est que la justice et la foi sont ce qui est récompensé, et que ce qui est récompensé n'est pas la récompense. Or, si la vie éternelle est appelée une récompense, elle peut être aussi appelée une solde, puisque la récompense est pour l'ouvrier ce qu'est la solde pour le soldat. "
" Mais le saint apôtre était continuellement attentif à prévenir les surprises de l'orgueil, qu'il savait être toujours prêt à se glisser dans les plus saintes âmes. Il connaissait d'autant plus la grandeur de ce danger, qu'il nous apprend au sujet de lui-même que, pour l'empêcher d'y tomber, il lui avait été donné un ange de Satan qui le souffletait. Appliqué en conséquence comme un fidèle soldat de Jésus-Christ à combattre un ennemi toujours disposé à s’élever et à profiter des moindres avantages : La mort, dit-il, est la solde du péché. Elle mérite véritablement ce nom, parce qu'elle est due au péché, qu'elle lui est infligée avec justice, qu'elle répond enfin à ses mérites. Mais ensuite, de peur que le juste ne s'enflât du mérite de sa justice, comme d'un mérite qui lui viendrait de son propre fonds, de même que le mauvais mérite du péché vient indubitablement du pécheur, l’Apôtre change de langage, et il ne suit pas la loi des contraires en disant que la vie éternelle est la solde de la justice ; mais il dit qu'elle est une grâce. Et afin qu'on ne croie pas que cette grâce puisse s’obtenir par une autre voie que par le divin médiateur, il ajoute : En Jésus-Christ Notre-Seigneur (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 122-123). "
4. Le même, Epist. LII (al. 155) ad Macedonium : " C'est par le don de ces vertus (la prudence, la force, la tempérance et la justice), qui nous sont communiquées par la grâce de Jésus-Christ notre médiateur. . . , que nous menons ici-bas une bonne vie, et que nous en méritons la récompense qui nous sera rendue dans le ciel, et qui consiste dans la vie heureuse, et par con-
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séquent éternelle, puisque rien ne saurait être heureux s'il n'est éternel. "
" Les vertus du ciel et celles d'ici-bas sont les mêmes ; mais ici nous nous y exerçons et nous avançons dans la pratique, et là nous les posséderons dans toute leur plénitude : ici elles font nos mérites, et là elles feront notre récompense ; ici nous en pratiquons les œuvres, et là nous jouirons de ce qui en est la fin (Cf. Lettres de saint Augustin, t. IV, p. 389-391). "
5. Le même, Lib. 1 contra adversarium Legis et Prophetarum, c. 16 : " Ce qu'on donne en aumône est très peu de chose ; mais si on le donne avec piété, on mérite par cela seul des biens éternels. "
6. Le même, Lib. de moribus Ecclcsicæ catholicæ, c. 23 : " Aimons donc Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit, si nous nous sommes proposé d'acquérir la vie éternelle. Car la vie éternelle est toute la récompense qui nous est promise : or, la récompense ne peut pas précéder le mérite, ou être donnée à l'homme avant qu'il en soit digne, puisque ce serait une injustice, et que Dieu est la justice même. Nous ne devons donc pas prétendre l’obtenir avant de mériter de la recevoir (Cf. Des Mœurs de l’Eglise catholique, p. 89, trad. d’Ant. Arnauld). "
7. Le même, Lib. de correptione et gratiâ, c. XIII, n. 41 : " Nous aurons encore besoin (au jour du jugement) de la miséricorde de Dieu, qui rend l’homme heureux en ne lui imputant point ses péchés (Ps. XXXI, 2) ; mais alors cette miséricorde sera accordée par un juste jugement à proportion du mérite des bonnes œuvres. Car saint Jacques, en disant que celui qui n'aura pas fait miséricorde sera jugé sans miséricorde, montre clairement que ceux en qui se trouveront des œuvres de miséricorde seront jugés avec miséricorde, et qu'ainsi cette miséricorde même sera la récompense du mérite de leurs bonnes œuvres. Il n'en est pas de même en cette vie, puisque c'est sans qu'aucune bonne œuvre ait précédé, ou plutôt après une multitude de péchés que la miséricorde divine prévient l'homme pour le délivrer et des péchés qu'il a commis, et de ceux qu'il commettrait encore s'il n’était régénéré par la grâce, et des maux éternels qu'il aurait à souffrir, s'il n’était arraché de la puissance des ténèbres pour être transféré dans le royaume du Fils bien-aimé de Dieu (Col., I, 13). Cependant, comme le grand Apôtre donne le nom de grâce à la
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vie éternelle elle-même (Rom., VI, 23), quoiqu'il soit certain qu'elle est une récompense due aux bonnes œuvres au lieu que la grâce est donnée gratuitement, et non en considération des œuvres, il ne faut point douter que la vie éternelle soit appelée une grâce en ce sens, que les mérites dont elle est la récompense sont des dons de la grâce. Aussi peut-on fort bien entendre que c'est la vie éternelle qui est appelée dans l’Evangile grâce pour grâce (JEAN, I, 16), parce que les mérites auxquels elle est accordée sont l'effet de la grâce (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 387-388). "
8. Le même, Tract. de Epicureis et Stoicis, c. 3 : " La vie bienheureuse est la récompense du bien qu'on aura fait : le bien, voilà l’œuvre à faire ; la béatitude, voilà la récompense à gagner. Dieu commande l'œuvre à l'homme, et lui propose la récompense. Il lui dit : Fais ceci, et tu recevras cela. "
9. S. CYPRIEN, De opere et eleemosynis : " Quelle sera, mes bien-aimés, la gloire des âmes miséricordieuses, quelle sera leur allégresse dans ce jour où le Seigneur, faisant le dénombrement de son peuple, et accordant à nos mérites et à nos œuvres les récompenses qu'il a promises, nous rendra les biens du ciel en échange des biens de la terre ; des trésors qui ne périssent pas, au lieu des trésors du temps ; pour d'humbles sacrifices, d'immenses rémunérations ; dans ce jour où il nous présentera à son Père, auquel il nous a réconcilié en nous sanctifiant par sa grâce, et où, fidèle à ses engagements, il nous rétablira dans notre patrie, nous ramènera en triomphe dans la Jérusalem céleste, et nous mettra en possession de cette immortalité bienheureuse qu'il nous a conquise par son sang ! Gravons profondément ces pensées dans notre mémoire, nourrissons-en notre foi ; portons-y toute l'affection de notre cœur achetons-la réalisation de telles promesses par la générosité de nos œuvres. "
" L'aumône, mes bien-aimés, est donc une œuvre excellente et divine, la consolation des fidèles, l'ancre du salut, le bouclier de la foi, le fondement de l'espérance, le remède du péché. Tout à la fois sublime et facile, elle est praticable pour tous ; couronne de la paix, elle ne redoute pas les épreuves de la persécution ; un des plus grands dons de la Providence, nécessaire aux faibles, glorieux aux forts, utile à tous. Par elle, le chrétien porte jusqu'au terme de sa vie le trésor de la grâce, se rend Jésus-Christ favorable au jour du jugement, et fait son débiteur
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de Dieu lui-même. Combattons à l'envi pour remporter cette palme immortelle ; nous avons Dieu et son Christ pour spectateurs ! Courons à grands pas dans la carrière de la charité et de la miséricorde, et puisque nous avons commencé à nous élever au-dessus du siècle et du monde, que la cupidité du monde et du siècle n’arrête pas la rapidité de notre marche. Si le jour du combat ou des rétributions nous trouve franchissant d'un pas libre l'arène ouverte devant nous, la récompense que Dieu nous a promise selon nos mérites ne nous fera point défaut. Aux triomphateurs qui auront vaincu pendant la paix par l'aumône et la charité, il donnera la couronne de lis ; aux victimes de la persécution, il promet de plus la couronne de pourpre (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. de Genoude). "
10. Le même, Epist. LVI ad Thibaritanos : " Armons notre main du glaive spirituel, afin qu'elle repousse avec un généreux dédain des sacrifices abominables, et que, fidèles à l'Eucharistie, cette même main qui a reçu le corps du Seigneur (Ceci fait allusion à l'usage où les fidèles étaient alors de recevoir l’Eucharistie dans la main droite pour s'en communier eux-mêmes), embrasse sa personne même pour recevoir ensuite de lui la récompense des célestes couronnes. Quel grand, quel illustre jour, frères bien-aimés, que celui où le Seigneur commencera le recensement de son peuple, examinera les mérites de chacun au flambeau de la lumière divine, précipitera les coupables dans les enfers, consumera dans l'ardeur des flammes éternelles nos persécuteurs, et nous assignera à nous-même les récompenses de la foi et du dévouement ! Quelle gloire ! quelle allégresse d'être admis à l'honneur de contempler Dieu, de goûter une félicité sans fin avec Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu ! . . . "
" Que ces pensées, frères bien- aimés, demeurent gravées au fond de vos cœurs ! Méditez-le et le jour et la nuit. Ayez toujours présent à vos yeux, et les supplices des méchants, et les récompenses des justes, et les menaces que Notre-Seigneur adresse aux lâches qui le renient, et la gloire qu'il promet aux fidèles qui le confessent. Si le jour de la persécution nous trouve occupés de ces saintes pensées, le soldat de Jésus-Christ, formé par ses préceptes et ses avertissements, ne tremblera point sur le champ de bataille ; il est prêt pour la couronne (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. de Genoude). é
11. Le même, Epist. LX ad episcopos Numidas : " Puisque Jésus-Christ a dit dans son Evangile : J'ai été malade, et vous
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m’avez visité, avec combien plus de satisfaction pour lui et d'avantages pour nous, ne nous dira-t-il pas : J’ai été captif, et vous m'avez racheté ! Et puisqu'il dit encore : J'ai été en prison, et vous êtes venus à moi, combien ne nous sera-t-il pas plus glorieux de l'entendre nous dire : " J’étais captif chez les Barbares, renfermé dans un cachot, chargé de liens, et vous avez brisé les chaînes et ouvert la prison de ma captivité ; " lorsque viendra le jour du jugement, et que nous pourrons recevoir la récompense des mains du Seigneur (Cf. Les Pères de l’Eglise, trad. de Genoude) ? "
12. S. CHRYSOSTOME, Hom. XLII in Genesim : " Si nous voulons être en grâce avec Dieu, imitons le patriarche (Abraham), et ne remettons pas d'un jour à l'autre à embrasser le parti de la vérité ; mais saisissant toutes les occasions qui se présentent à nous d'en exercer les actes, sachons nous y adonner avec une telle ardeur, que nous attirions sur nous le regard vigilant de Dieu, qui nous accordera infailliblement la récompense promise. Car celui qui connaît le secret de nos cœurs, quand il verra notre volonté fermement déterminée à affronter toutes les difficultés que présentera l'accomplissement de nos devoirs, nous prêtera sur-le-champ le secours de sa grâce, qui allègera pour nous le poids de nos travaux, fortifiera notre faiblesse, et nous ménagera d'abondantes récompenses. Dans les combats olympiques, vous ne trouverez jamais un avantage de cette espèce offert aux athlètes : le directeur de ces jeux est bien là spectateur des luttes qu'ils soutiennent les uns contre les autres ; mais il ne fait rien de plus pour contribuer à leurs succès, il attend seulement la victoire à se déclarer. Au lieu que notre divin maître se conduit tout autrement à notre égard ; car il combat avec nous, nous tend la main, nous soutient de son bras, fait tout en quelque sorte pour renverser notre adversaire à nos pieds, et ne néglige rien pour nous procurer la victoire, et nous faire mériter la couronne de l'immortalité. Car une couronne de grâce sera posée sur votre tête, vous dit l'Esprit-Saint (Prov., I, 9). Dans les jeux olympiques d’ailleurs, la couronne qu'on reçoit après la victoire n'est autre chose qu'une branche de laurier, avec les applaudissements bruyants de la multitude, toutes choses que le jour qui s'écoule emporte avec lui, et dont il ne reste plus rien quand le soir est venu ; au lieu que la couronne promise aux combats de la vertu n'a rien de matériel, rien qui ait quelque chose à craindre des
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révolution du temps ; mais c'est une couronne impérissable, immortelle, qui ne se flétrira jamais. Et tandis que le travail lui-même n'aura duré qu'un temps fort court, la récompense qui y est attaché n'aura point de fin, et sera hors de toute atteinte (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. IV, pag. 424, édition de Montfaucon ; pag. 490-491, édit. de Gaume). "
13. Le même, Hom. XLIII in Epist. I ad Corinthios : " C'est quelque chose de grand que de se montrer compatissant et vertueux dans la prospérité ; mais c'est quelque chose de plus grand encore, de ne point dévier de ses devoirs dans les épreuves de l’adversité. Ceux-là seuls sont capables de cet héroïsme, qui ont Dieu en vue dans tout ce qu'ils font. De quelques dangers donc que nous soyons environnés, et quelques maux que nous ayons à souffrir, attachons- nous avec une ardeur proportionnée aux actes pénibles de la vertu. Car le temps présent n'est pas celui de la récompense. Par conséquent, ne demandons point à recevoir dès ici-bas des couronnes, de peur d'amoindrir notre récompense pour le temps où il nous sera donné de les recevoir. Car, de même que les ouvriers qui se nourrissent à leurs propres frais tout en s'acquittant de leur travail, reçoivent un plus fort salaire que ceux qui sont nourris par ceux qui les font travailler, ainsi les saints, qui font mille bonnes œuvres et endurent en même temps mille contradictions, reçoivent leur salaire sans diminution, et obtiennent une récompense beaucoup plus grande, tant à cause des bonnes œuvres qu'ils ont faites, qu’à cause des maux qu'ils ont endurés, au lieu que celui qui, par lâcheté, préfère vivre dans la mollesse, est loin de mériter des couronnes aussi brillantes. Ne cherchons donc point ici notre récompense, mais réjouissons-nous plutôt, lorsque nous nous voyons maltraités pour avoir fait le bien. Car alors Dieu nous récompensera, non-seulement pour le bien que nous aurons accompli, mais encore pour les traverses que nous aurons essuyées. "
" Pour mettre cette vérité dans un plus grand jour, supposons deux riches portés à faire l'aumône, et la faisant effectivement aux pauvres ; que dans la suite un de ces deux hommes demeure en possession de ses richesses, et continue à jouir de toute sorte de prospérités ; que l'autre, au contraire, soit visité par la pauvreté, la maladie et les autres accidents, et qu'au milieu de toutes ces traverses il persévère à rendre grâces à
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Dieu. Quand une fois ces deux riches seront au pied du tribunal de Dieu, lequel pensez-vous que ce soit des deux qui recevra la plus grande récompense ? N’est-il pas évident que ce sera celui qui aura enduré la maladie et la pauvreté, parce qu'en faisant le bien malgré le mal qu'il aura souffert, il se sera élevé au-dessus de ce que peuvent les forces humaines ? Cela est de toute évidence. Car on peut le comparer à bon droit à une statue de diamant, et c'est lui qu'on peut vraiment appeler un serviteur bon et fidèle (Cf. S. Joannis Chrysostomi opera, t. X, p. 404-405, édition de Montfaucon ; p. 470-471, édit. de Gaume). "
14. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Hom. XVII in Evangelia : " Il faut faire attention à ce qui est ajouté ici (LUC, X, 7) : Celui qui travaille mérite sa récompense. Car, dans la récompense de celui qui travaille, peut entrer la nourriture qu'on lui donne pour se sustenter ; et ainsi l'ouvrier évangélique reçoit dès ici-bas un commencement de récompense de son travail, qu'achèvera le bonheur de voir Dieu, dont il jouira dans le ciel. Remarquons ici qu'un même travail obtient une double récompense : l'une dans ce lieu de pèlerinage, l'autre dans la patrie céleste ; l'une dont l'objet est de nous donner des forces pour le travail, et l'autre exempte de toutes charges, qui nous sera décernée au jour de la résurrection. Par conséquent, la récompense que nous recevons dans la vie présente doit avoir pour effet de nous faire travailler avec plus de force pour mériter celle de la vie future. Un vrai prédicateur de l'Evangile ne prêchera donc pas pour recevoir une récompense mortelle ; mais il recevra cette récompense en vue de pouvoir continuer à prêcher l’Evangile. Et le prédicateur qui aurait pour but de s'attirer des louanges ou d’obtenir quelque don ou quelque salaire, se priverait certainement de la récompense éternelle. Mais s'il ne cherche à plaire à ses auditeurs, que pour les attirer par-là à aimer Dieu bien plutôt que lui-même, ou s'il n'accepte l'honoraire des prédications qu'il donne, que pour que l'indigence ne le mette pas hors d’état de continuer son ministère, ce qu'il reçoit ainsi pour s'aider à accomplir son pèlerinage, ne peut pas lui faire perdre sa récompense dans la céleste patrie. "
15. S. AUGUSTIN, Lib. L Homiliarum, hom. 14 : " Ecoutons l’apôtre saint Paul nous dire, etc., " comme plus haut, chapitre des bonnes œuvres, question II, témoignage 12, tome IV, p. 301.
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16. Le même, in Psalmum LXXXIII ; voir au chapitre tout-à-l’heure cité, même question, témoignage 13, page 301; à quoi il sera bon d'ajouter l'extrait suivant de cette même paraphrase sur le psaume LXXXIII : " C'est Dieu lui-même qui se rend notre débiteur. Il nous doit, non qu'il ait rien reçu de nous, mais parce qu'il s'est engagé lui-même à nous par ses promesses. On ne lui dit point : Rendez-nous ce que nous vous avons donné ; mais : Rendez-nous ce que vous nous avez promis. Il m'a fait miséricorde, dit ce saint Apôtre, afin de me rendre innocent ; car j'ai été autrefois un blasphémateur, un persécuteur, un outrageux ennemi de l'Eglise ; mais sa grâce m'a rendu innocent à ses yeux. Celui qui d'abord m'a fait miséricorde pourrait-il ensuite me refuser ce qu'il me doit ? Il aime la miséricorde et la vérité. "
" Il donnera la grâce et la gloire. Quelle grâce donnera Dieu, sinon celle dont l'Apôtre vient de parler, lorsqu'il a dit : C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis (I Cor., XV, 10) ? Quelle gloire donnera-t-il ensuite, sinon celle dont il parle lorsqu'il dit : Il me reste maintenant à attendre la couronne de justice (II Th., IV, 8) (Cf. Sermons de saint Augustin sur les Psaumes, t. IV, p. 479). "
17. Le même, Tract. III in Evangelium Joannis : " Ecoutez l'Apôtre, etc., " passage cité plus haut, article des bonnes œuvres, question II, témoignage 15, tome IV, page 303.
1 8. THEOPHYLACTE, sur ces paroles de la deuxième épître à Timothée, c IV, Quam reddet mihi, etc. : " L'Apôtre ne dit pas : La couronne de justice que le Seigneur me donnera, mais : que le Seigneur me rendra comme à titre de dette. Car comme il est juste, il ne laissera aucun travail sans récompense. Cette couronne est donc une dette, qu'acquittera le juste juge. "
19. OECUMENIUS, sur ce même passage : " Observez que saint Paul réclame cette couronne comme une dette que le juste juge ne lui donnera pas simplement, mais qu'il lui rendra. "
20. Le deuxième concile d'Orange, canon 18 : " La récompense est due aux bonnes œuvres mais la grâce n'est due à personne, et elle prêchée à nos bonnes œuvres dont elle est le
principe. "
21. S. AUGUSTIN, De correptione et gratiâ, c. 13 ; ce passage a déjà été rapporté plus haut, témoignage 7, page 476.
22. Le même, De gratiâ et libero arbitrio, c. 6 : " Nous avons
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trouvé l'Apôtre dénué de tous bons mérites, chargé au contraire d'une multitude de mauvais mérites. C'est l'état où il était quand il a été favorisé de la grâce de Dieu, qui rend ainsi le bien pour le mal. Considérons-le maintenant dans un autre état dans le temps où sa mort étant proche, il écrivait ainsi à Timothée : Je suis sur le point d'être immolé et le moment de ma dissolution approche : j'ai bien combattu ; j'ai achevé ma carrière, j'ai gardé la foi (II Tim., IV, 6). Cet Apôtre qui, après de mauvais mérites, avait été favorisé de la grâce, parle maintenant de bons mérites qui sont en lui, en conséquence desquels il compte obtenir la couronne. Mais faites, je vous prie, attention à ce qu'il ajoute : Il ne me reste qu’à recevoir la couronne de la justice, cette couronne que le Seigneur, ce juste juge, me rendra en ce grand jour. A qui Dieu, en qualité de juste juge, rendrait-il la couronne de la justice, si, en qualité de père miséricordieux, il n'avait donné la grâce comme un pardon ? Et comment cette couronne serait-elle véritablement la couronne de la justice, si cette grâce qui justifie l'impie n'avait été accordée d'abord ? Comment enfin cette couronne serait-elle rendue comme une récompense à la justice, si la grâce n'avait été donnée auparavant comme une faveur toute gratuite (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. Ier, p. 213-214) ? "
23. Le même Serm. XV de verbis Apostoli, c. 2, comme plus haut, question XII, témoignage 6, page 384.
24. S. FULGENCE, Lib. I ad Monimum, c. 11 : " L'Apôtre déclare que cette grâce demeure, non-seulement en cette vie, par la justification qu'elle procure au pécheur, mais encore dans la vie à venir par la récompense qu'elle assure aux élus, et il ajoute que cette grâce, effet de la bonté que Dieu nous a témoignée en Jésus-Christ, abonde par-dessus nous, c'est-à-dire qu'elle surpasse tous les mérites de quelque homme que ce soit. Voici ses paroles (Ephés., II, 7) : Ut ostenderet in sæculis supervenientibus abundantes divitias gratiæ suæ in bonitate super nos in Christo Jesu (Saint Fulgence donne ici à ces deux mots, super nos, dans la traduction que nous venons d'essayer de ses paroles, un sens que ne leur donnent pas les autres commentateurs. Sacy a traduit simplement : " Pour faire éclater dans les siècles à venir les richesses surabondantes de sa grâce par la bonté qu'il nous a témoignée en Jésus-Christ. "). La grâce est donc un bienfait que Dieu accorde en cette vie aux méchants, c’est-à-dire aux impies qu'il lui plaît de justifier, et à qui il impute leur foi à justice. C'est de ce
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bienfait que veut parler David, lorsqu'il dit dans un de ses psaumes : Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits (Ps. CXV, 3) ? La grâce est encore cette récompense promise aux bons, et par laquelle il les glorifiera en les faisant passer à un état meilleur. Car cela même sera l'ouvrage de la grâce. En effet, pour que les justes parviennent à mériter cette récompense, il faut que la grâce les prévienne et les attire d'abord, qu'elle les accompagne et les soutienne ensuite. L'Ecriture appelle aussi cette grâce du nom de miséricorde. C'est d'elle que David a dit ces paroles : Mon Dieu, sa miséricorde me préviendra (Ps. LVIII, 11) ; et ces autres encore : Votre miséricorde me suivra tous les jours de ma vie (Ps. XXII, 6). La grâce prévient donc l'impie pour qu'il devienne juste, et puis elle le suit ou le soutient, pour qu'il ne redevienne pas impie. Elle prévient l'homme aveugle, en lui donnant la lumière qu'il ne pourrait trouver s'il était abandonné à ses ténèbres ; elle s'attache aux pas de l’homme une fois éclairé, pour l'empêcher de perdre la lumière qu'il a trouvée. Elle prévient l'homme tombé, pour que celui-ci se relève ; elle le suit quand une fois il s'est relevé, pour qu'il ne tombe pas de nouveau. Elle nous prévient en nous donnant la bonne volonté, elle nous suit, en nous donnant de plus les moyens d'accomplir le bien que nous voulons. Cette miséricorde que Dieu exerce envers l'homme en le soutenant après avoir commencé par le prévenir, ne fait que donner suite à de premiers dons qu'elle lui a conférés. Et ainsi, non-seulement elle le rappelle de ses égarements dans la droite voie en le rendant juste d'impie qu'il était d’abord, mais encore elle le protège et le soutient lorsqu'il est une fois dans le chemin qu'il doit suivre, pour arriver au glorieux séjour qui lui est préparé dans l'éternité. "
23. Ibidem, c. 12 : " Dans cette voie laborieuse de la justification, les saints iront et marcheront en pleurant et jetant la semence en terre (Ps. CXXV, 6). Parvenus au terme heureux de leur glorification, ils reviendront avec des transports de joie en portant les gerbes de leur moisson (ibid., 7). Dans la première de ces deux stations, ils sont comme les ouvriers du père de famille occupé à sa vigne ; dans l'autre ils recevront sans aucun doute le denier qui sera le prix de leur travail. Dieu donne dès cette vie la grâce de la justification, pour qu'ayant davantage le sentiment de son indignité, l’homme reçoive cette grâce comme ne lui étant pas due et comme étant en même temps le principe de
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tous ses mérites ; il réserve pour l'autre vie la glorification de ses élus, pour que ceux-ci se trouvent dignes de la recevoir comme récompense de leurs mérites, après avoir reçu le principe de leurs mérites mêmes lorsqu'ils étaient indignes de cette faveur. "
26. S. AUGUSTIN, Sentent. CXIII apud Prosperum (Ex libro tertio contra duas épistolas Pelagianorum, c. 7) : " La justice dont le juste est animé pour vivre de la foi est une justice véritable, parce qu'elle vient de Dieu, étant inspirée à l'homme par l’esprit de grâce. Quoiqu'on puisse la dire parfaite ou consommé en certains justes, autant du moins qu'elle peut l'être en cette vie, elle est au fond très-faible, si on la considère par rapport à cette justice éminente, à laquelle sont élevés les anges, et dont l'absence faisait confesser son imperfection à celui qui s'en voyait encore privé, quoiqu'il pût en même temps se dire parfait par rapport à cette autre justice, propre à la vie présente, à laquelle il était déjà parvenu. Celle-ci constitue le mérite, celle-là constitue la récompense. Celui qui ne s'attache pas à la première se flattera vainement d’obtenir la seconde. "
27. Le même, de Prædestinatione Sanctorum, c. V, n. 10 : " Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu (I Cor., IV, 7) ? L'Apôtre prévoyait que les hommes pourraient s'enfler d'orgueil les uns contre les autres, en disant : C'est ma foi, c'est ma justice, ou quelque autre bonne qualité semblable qui me discerne. C'est pour prévenir de pareilles pensées que cet excellent docteur réplique : Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? Et de qui l'avez-vous reçu, sinon de celui qui vous discerne de tel autre, à qui il n'a pas donné ce qu'il vous a donné. Et si vous avez reçu ce que vous avez, ajoute-t-il, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l'aviez pas reçu ? N'est-il pas évident que saint Paul n'a pas d'autre but que de porter celui qui se glorifie à se glorifier dans le Seigneur ? Or, rien n'est plus contraire à cette disposition que de se glorifier de ses propres mérites comme les tenant de soi-même, et non de la grâce : je parle de la grâce qui discerne les bons d'avec les méchants, et non de celle qui est commune aux uns et aux autres. Qu'on donne, si l'on veut, le nom de grâce à la nature qui nous distingue des bêtes, en nous rendant capables d’agir par raison. Qu'on donne encore le nom de grâce à certaines qualités naturelles qui distinguent les beaux hommes de ceux qui sont difformes ou contrefaits, les hommes d’esprit de ceux qui ont l'esprit pesant, et à d'autres pareils dons de cette
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espèce ; mais ce n'est pas là de quoi il s'agissait dans le discours de saint Paul. Les Corinthiens qu'il reprend ne s'enflaient pas d'orgueil par rapport aux brutes ; ils ne s’élevaient pas non plus au-dessus des autres hommes pour des avantages naturels qui peuvent se trouver dans les plus scélérats. Leur orgueil consistait en ce qu'ils s'enflaient de certains avantages auxquels la piété pouvait trouver son compte, et qu'ils s'attribuaient à eux-mêmes au lieu d'en rapporter la gloire à Dieu. C'est à cette occasion que saint Paul leur dit : Qui est-ce qui vous discerne ? Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 61-62) ? "
28. Le même, De gratiâ et libero arbitrio, c. VI, n. 13 : " Tous ces témoignages de l'Ecriture sainte, et une multitude d'autres semblables, prouvent clairement que ce n'est pas en conséquence de nos mérite que la grâce nous est accordée, en nous faisant voir qu'elle a été donnée et qu'elle l'est tous les jours, non-seulement sans qu'aucun bon mérité ait précédé, mais encore à la suite de quantité de mauvais mérites. Mais lorsque nous avons le bonheur d'avoir reçu ce don précieux, nous commençons à avoir de bons mérites, mérites cependant dont il est le principe. Car si la grâce se retire, l'homme tombe aussitôt, et son libre arbitre, loin de le soutenir, ne fait que le précipiter. Que l'homme donc, alors même qu'il commence à faire de bonnes œuvres et à s'enrichir de bons mérites, se garde bien de se les attribuer à lui-même au lieu de les restituer à Dieu ; mais qu'il dise à Dieu avec le Psalmiste : Soyez mon secours, ne m'abandonnez pas (Ps. XXVI, 9). En disant : Ne m'abandonnez pas, David nous apprend que, si Dieu l'abandonne, il n'est plus capable de faire par lui-même rien de bon (Cf. Ibidem, t. Ier, p. 210-211). "
29. S. CELESTIN Ier, Epist. I ad Episcopos Galliæ, can. 11 : " Telle est la honte de Dieu pour tous les hommes, qu'il veut que nous nous fassions des mérites de ses propres dons, et qu'il nous promet des récompenses éternelles en retour de ces dons mêmes qu'il nous a faits. Car il agit en nous pour que nous voulions et que nous fassions ce qu'il nous commande, et il ne permet pas' que nous rendions inutiles par notre négligence des dons que sa volonté est que nous fassions valoir, pour être nous aussi les coopérateurs de sa grâce. "
30. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 107 (al. 29),
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n, 28 : " Il faut conclure des paroles de l'Apôtre (Rom., VI, 23), que les bons mérites de l'homme sont eux-mêmes des dons de Dieu ; et que, quand la vie éternelle est donnée aux justes en conséquence de leurs mérites, ce n'est autre chose qu'une grâce accordée en conséquence d’une autre grâce (Cf. Traités choisis de saint Augustin, t. II, p. 457). "
31. Le même, Epist. CV (al. 194) ad Sixtum presbyterum : " De quels mérites pourra donc se prévaloir l'homme juste, etc. " Voir ce passage rapporté précédemment, article des bonnes œuvres, question II, témoignage 8, tome IV, page 297.
32. Le même, De gratiâ et libero arbitrio, c. VI, n. 15 : " Quand les pélagiens disent que la grâce de la rémission des péchés est la seule qui ne soit pas donnée selon nos mérites, et que celle qui est donnée à la fin de notre course, c'est-à-dire la vie éternelle, n'est donnée qu'en conséquence des mérites qui ont précédé, voici ce qu'il faut leur répondre. Si, lorsqu'ils parlent de mérites, ils reconnaissaient que ces mérites sont des dons de Dieu, ce que nous venons de rapporter qu'ils soutiennent n'aurait rien de répréhensible ; mais comme, quand ils parlent de mérites, ils entendent des mérites que l'homme a de son propre fonds, l'apôtre saint Paul leur ferme la bouche par ces paroles : Qui est-ce qui vous discerne ? Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? Et si vous avez reçu ce que vous avez, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l'aviez pas reçu (I Cor., IV, 7) ? On a donc lieu de dire en toute vérité à quiconque pense de la sorte : Vous vous trompez ; ce que Dieu couronne, ce sont ses dons. Il ne couronne pas vos mérites si ce sont des mérites qui viennent de vous et dont il ne soit pas l'auteur ; car de tels mérites sont mauvais, et Dieu, ne les couronne pas. Si au contraire ces mérites sont bons, ce sont des dons de Dieu, puisque l'apôtre saint Jacques nous assure que tout bien excellent et tout don parfait vient d'en-haut, et descend du Père des lumières. C'est aussi ce qu'enseigne le saint Précurseur. L'homme, dit-il, ne peut rien recevoir, si cela ne lui est donné du ciel (JEAN, III, 27), de ce ciel d'où le Saint-Esprit est descendu depuis que Jésus-Christ y est monté, emmenant avec lui les captifs qu'il a délivrés et répandant de là ses dons sur les hommes (Eph., IV, 8; Ps. XXXVII, 49) (Cf. Ibidem, t. Ier, p. 214.). "
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TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE SIXIEME ET DERNIER VOLUME
DEUXIEME PARTIE.
PRINCIPES DE LA JUSTICE CHRETIENNE.
SECTION III. Des quatre fins dernières de l'homme, p.1-212.
Question 1. Qu'entend-on par les quatre fins dernières de l'homme, p.1-7.
Trois choses réservées à la fin des jours de l'homme des plus propres à inspirer la crainte - Comparaison tirée d'un animal - Pourquoi la mort est à craindre - Pourquoi le jugement l'est aussi - Pourquoi l'on doit craindre l'enfer - La crainte des fins dernières est le commencement de la sagesse - La crainte est plus efficace que la honte et que le regret pour initier l’homme à la sagesse, p.3-5 : S. BERNARD. - Le jugement particulier aura lieu aussitôt après la séparation de l’âme d'avec le corps - De l'état des âmes après la mort - Différence des lieux où les morts seront placés selon l'état de leur cause - La joie des bons s'augmentera, et les tourments des méchants seront doublés à la résurrection - Différentes époques de l'entrée des âmes des justes dans leur repos, p.5-6 : S. AUGUSTIN.- Les âmes, au sortir de ce monde, paraîtront devant le tribunal de Dieu, p.6-7 : S. CHRYSOSTOME. -Les bons et les méchants ici-bas mangent et boivent tous ensemble le corps et le sang du Sauveur - La robe nuptiale est le symbole de la charité, p.7 : S. AUGUSTIN. - La robe nuptiale ne saurait signifier la foi ni le baptême, p.7 : S. GREGOIRE.
Question II. Que nous enseigne l’Ecriture au sujet de la mort, p.8-42.
La mort est l’effet du péché, p.16 : le concile de MILEVE. - Elle est la peine du péché, p.16 : S. AUGUSTIN. - Pourquoi le moment de la mort est incertain pour chacun de nous - Le vrai moyen de vaincre la mort, c'est de la craindre, p.16 : S. GREGOIRE. - C'est par l'effet d'une grande miséricorde que Dieu nous laisse ignorer le jour de notre mort - N'augmentons pas nos péchés par une espérance présomptueuse - Comment la mort varie ses formes - Certains de mourir un jour, nous ne savons ni où ni quand, ni comment nous mourrons, p.16-17 : S. AUGUSTIN. - Partout la mort nous attend, attendons-la partout, p.17 : HUGUES DE SAINT-VICTOR ou S. BERNARD. - Le temps de cette vie n'est qu'une course vers la mort - Combien la mort est pénible à endurer - La seconde mort est le pire de tous les maux- Les damnés ne seront ni jamais vivants, ni jamais morts, mais ils mourront sans fin, p.18 : S. AUGUSTIN. - La nécessité de mourir est un châtiment infligé aux hommes - La peine est certaine, l'heure en est incertaine - De tous les événements humains, la mort est le seul certain pour nous, p.19 : le même. - Combien la mort est proche de nous - Cette vie mortelle n'est qu'une mort vivante, p.19-20 : INNOCENT III. - Rappelez-vous votre nature, et vous cesserez de vous enorgueillir - Impossibilité de faire dans la mort la distinction entre le riche et le
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pauvre, p.19 : S. AUGUSTIN. - Le dernier jour de notre vie doit nous inspirer la même crainte que celui du jugement général. - Cette parole, Veillez, s’adresse également à tous - Le dernier jour ne nous trouvera prêt qu'autant que nous l’aurons été au moment de notre mort, p.20-21 : S. AUGUSTIN. - Celui qui n'a pas pensé qu'il devait mourir, ne mérite pas de recevoir des consolations au moment de sa mort, p.21 : S. CYPRIEN. - Pourquoi Dieu a voulu que le jour de notre mort fût incertain, p.21-22 : S. AUGUSTIN. - Le seul nom de la mort nous saisit de crainte - Cette crainte est-elle raisonnable - Il y en a qui semblent plus aimer la mort, qu'ils n'aiment la vie - Folie de ceux qui désirent une bonne mort, et qui refusent de mener une bonne vie - La mauvaise vie et la bonne mort s'excluent réciproquement - La mort des martyrs bonne ou mauvaise, selon qu'on la considère des yeux du corps ou des yeux de la foi - La mort du mauvais riche bonne en apparence et mauvaise en réalité, et réciproquement celle de Lazare mauvaise en apparence et bonne en réalité, p.22-24 : S. AUGUSTIN ou VALERIEN. - Devoir imposé aux médecins de faire appeler auprès des malades les médecins des âmes - Il leur est défendu de conseiller à un malade des choses qui pourraient nuire au salut de son âme, p.24 : le concile de LATRAN. - Dieu a pourvu au salut des mourants par le sacrement de l'Extrême-Onction - Le démon ne met jamais plus en jeu contre nous ses ruses et ses finesses, que lorsqu'il nous voit sur le point de sortir de ce monde - Effets de l'extrême-onction, p.25 : le concile de TRENTE. - Obligation imposée aux prêtres de visiter les malades - Aspersion de l'eau bénite -Chant des sept psaumes de la pénitence - Exhortation faire aux mourants - Confession des péchés - Testament à faire, p.23-26 : le concile de NANTES. - Un parfait chrétien ne doit pas sortir de ce monde sans avoir fait une pénitence proportionnée à ses péchés passés - Saint Augustin mourant fait écrire les sept psaumes de la pénitence sur la muraille pour les avoir toujours devant ses yeux - Il dispose de tout son temps pour la prière - Paroles de saint Ambroise mourant - Paroles de résignation d'un autre évêque à son lit de mort - Vision rapportée par saint Cyprien, p.26-27 : POSSIDIUS. - Ce n'est que durant cette vie que chacun se rend digne ou de pouvoir être soulagé, ou d'être traité avec rigueur après la mort - La nuit dans laquelle personne ne peut agir, c'est l'état où seront les damnés après le dernier jugement - et par-là même celui ou ils se trouvent dès l'instant qui suit leur mort, p.28-29 : S. AUGUSTIN. - Danger de différer sa pénitence jusqu’au moment de la mort -Difficulté de concevoir en ce moment une véritable douleur de ses fautes - Importance de régler de bonne heure ses affaires - Différence entre la mort du juste et celle du pécheur, p.29-30 : le même. - Tableau de la séparation de l’âme d'avec le corps - Fureur des démons - Frayeurs de l'âme - Colloque entre la Prudence et la Crainte ou la Pensée de la mort - Livres, crocs et chaînes de fer présentés par les démons, p.30-32 : HUGUES DE SAINT-VICTOR ou S. BERNARD. -Quatre espèces de douleurs endurées par les méchants au moment de la mort, une du corps et trois de l'âme - La vue du bien ou du mal qu'on a fait - La perspective des tourments de l'enfer - L'aspect des démons, p.32-33 : INNOCENT III. - Triste mort de Chrisorius -L'affreuse vision qu'il eut doit nous servir à nous-mêmes, p.33-34 : S. GREGOIRE. - Exemple du danger qui se trouve à remettre sa conversion au moment de la mort - Nécessité
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de la confession et du changement de vie pour les pécheurs - Livre blanc et livre noir - Enfer ouvert, p.34-37 : BEDE - Visions consolantes dont les justes peuvent être souvent favorisés au moment de la mort, p.37-38 : S. GREGOIRE. - Folie de s'attacher à la vie présente - La mort nous délivre de bien des maux et de bien des dangers - Quels sont ceux à qui la mort est à redouter - Le jugement divin saisit l'homme dans l'état où il le trouve à sa dernière heure -Obéir à la volonté de Dieu - Manquer de résignation au moment de la mort, c'est imiter les esclaves qui ne se courbent que malgré eux sous le joug de leur maître - La mort dans le temps est le passage à l'éternité - Un chrétien ne doit pas aimer la vie présente - La mort nous ménage le retour dans notre patrie - Les saints dans le ciel s'intéressent à notre destinée, p.38-40 : S. CYPRIEN. - Trois sortes de mort - la mort du péché - mort mystique - la mort naturelle - La crainte que nous avons de la mort naturelle doit être imputée à notre faiblesse -La mort nous met à même de nous réunir à Jésus-Christ - La mort est un bien, ses avantages - L'impie ne prolonge ses jours que pour pécher de plus en plus - C’est moins la mort qui est terrible, que l’idée qu'on se forme de la mort - Il n'y a rien dans la mort qui soit à craindre pour nous, s'il n'y a rien à craindre dans les actes de notre vie - La mort nous réunit à l'assemblée des patriarches, p.40-42 : S. AMBROISE.
Question III. Quels avertissements l'Eglise nous donne-t-elle au sujet du jugement que nous avons à subir, p.42-93.
Combien nous devons craindre le jugement de Dieu - Comment nous pouvons nous y soustraire - Privilège de la pauvreté volontaire, p.58 : S. BERNARD. - Les œuvres que les hommes ont pu faire pendant leur vie sont pesées comme dans une balance au moment de leur mort - Vision de Pierre le Publicain, p.58-59 : S. JEAN DAMASCENE. - Utilité de la pensée de la mort - Fureur des démons à la mort d'un fidèle, p.59-60 : LEONCE. - Sévérité de l'examen qui précèdera le jugement - Explication du verset 12 du chapitre 1 de Sophonie -du verset 3 du psaume LXXIV - Moyen d’échapper à la sévérité de l'examen et du jugement de Dieu, p.60-61 : S. JEAN DAMASCENE - La pensée de l'examen à subir après la mort produit la crainte, p.61-62 : S. GREGOIRE. - Nous devons craindre à la pensée des jugements de Dieu - Nous ne pourrons ni tromper ni corrompre notre divin juge, p.62-63 : S. AUGUSTIN. - Il sera trop tard alors pour faire pénitence - pour implorer les saints - pour présenter des excuses, p.63-64 : JULIEN POMERE. - Alors seront réformés les iniques jugements des hommes - Une bonne conscience sera d'un plus grand poids dans la balance que la bourse la mieux garnie, p.64 : S. BERNARD. - Comment ne pas craindre un juge infiniment puissant, infiniment sage, infiniment juste - à qui rien n'échappe - qui ne laisse aucun mal impuni, pas plus qu'aucun bien sans récompense, p.65 : INNOCENT III. - Quel sera le jour du jugement proprement dit, et pourquoi - Alors sera dévoilé la justice de tous les jugements de Dieu - Evènements qui devront s'accomplir alors, ou aux approches de ce jugement - Il ne nous appartient pas de savoir le nombre des années qui restent à s'écouler jusqu'à cette époque - Vouloir en être instruit, c'est vouloir l'impossible - Ce jour ne viendra qu'après que l'Evangile aura été prêché par toute la terre - Quand même nous saurions avec certitude que l'Evangile aurait déjà été prêché à toutes les nations, nous ne saurions pas pour cela combien il
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reste de temps à s'écouler jusqu'à la fin du monde - Dieu n'a pas voulu qu'on prêchât ce qu'il était inutile de savoir, p.66-68 : S. AUGUSTIN. - Au temps de l’Antechrist, les temples de Dieu seront profanés et l'iniquité prévaudra partout - Les moines n'auront plus de goût que pour les plaisirs du siècle - L'Antéchrist naîtra de la tribu de Dan - Hénoch, Elie et Jean précéderont l'avènement de Jésus-Christ - L'Antechrist proscrira le signe de la croix, et imprimera sur tous les fronts son caractère à la place - Deuil général dans toute l'Eglise chrétienne - Apparition du signe de la croix dans les airs - Condamnation des impies -Jugement de Dieu exposé à la vue de tous, p.69-71 : l'auteur du livre De consummatione mundi.- Le nom d'antéchrist, pris dans un sens large, s'applique à tous ceux qui refusent de croire en Jésus-Christ - l’Antéchrist mettra à découvert l'impiété des Juifs - Il placera son siège dans le temple des Juifs- Il aspirera en lui-même tout le venin de Satan - Il ne sera pas le diable incarné - mais ce sera un homme né de la fornication - Son règne - ses faux miracles - Prédication d'Hénoch et d'Elie - Mort de l'Antéchrist, p.71-73 : S. JEAN DAMASCENE. - L'embrasement de l'univers consumera les qualités des éléments corruptibles - Les cieux eux-mêmes seront renouvelés - Où seront les saints au moment de l'incendie universel - Quelles seront les propriétés de leurs corps, p.73-74 : S. AUGUSTIN. - Hâtons-nous de faire pénitence avant le jour de la mort et du jugement - Les âmes, au sortir de ce monde, paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés - Pourquoi Dieu ne punit pas tous les méchants dans ce monde et en punit cependant quelques-uns - Les injustices du monde présent preuve de la justice à venir - Combien ce dernier jugement est craindre - Alors la vie entière de chacun sera produite à la vue de l'univers - Angoisse qu'on éprouvera - Intolérable supplice, que celui de se voir exclu du royaume des cieux, p.74-76 : S. CHRYSOSTOME. - Nous n'aurons pour nous défendre que nos bonnes œuvres -Nos pensées, nos paroles et nos actions seront manifestées au jour du jugement - Alors les justes sembleront des arbres couverts de fruits mûrs - Fruits hideux que présenteront les pécheurs - Combien ce jugement sera terrible - Les justes seront tout étonnés de leur propre gloire - Apparition de la croix - Spectacle terrible - Incendie général - Frayeur de tous - Ouverture des livres - Il faudra montrer exempt de taches le sceau du baptême qu'on aura reçu, et pure de toute hérésie la foi qu'on aura professée - La vie des prélats sera soumise à l'examen comme celle des simples fidèles - Tous seront interrogés sur leurs propres œuvres - Séparation douloureuse - Anges exécuteurs des vengeances divines - Diversité de peines dans l'enfer, p.76-81 : S. EPHREM. - Combien est effrayante la pensée du jugement dernier - Ingratitude des méchants envers le Sauveur - Séparation des bons d'avec les méchants - Exhortation à la pénitence, p.81-82 : S. AUGUSTIN. - Jésus-Christ n'a pas voulu faire connaitre à ses disciples le jour du jugement - Au jour du jugement, les impies ne verront pas Jésus-Christ dans sa nature divine - Il paraîtra à chacun doux ou terrible, selon que les consciences seront disposées - Les uns seront jugés, les autres n'auront point à l'être, p.82-83 : S. ISIDORE. - La venue de l'Antéchrist précèdera le dernier avènement de Jésus-Christ -Quand est-ce qu'il viendra - Il envahira l'empire romain - Il règnera trois ans et demi - Sa mort - Fondement de celle doctrine dans les Ecri-
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tures - La quatrième monarchie de la prophétie de Daniel indique l’empire romain - L’Antéchrist siègera dans le temple des Juifs - Le signe du Fils de l'homme c'est la croix - Ce n'est pas assez d'avoir la foi, p.83-85 : S. CYRILLE de Jérusalem. - Idée terrible du jugement - Triomphe des pauvres et des simples en ce dernier jour, p.85-86 : S. JEROME. - Combien il est utile de se rappeler la pensée du jugement - Terreur et confusion dont les méchants seront pénétrés en ce jour - Allégresse des justes, p.86-88 : S. GREGOIRE. - Différence entre l'état des justes et celui des réprouvés - Parmi ceux-ci comme parmi ceux-là, il y en aura qui seront jugés, et d'autres qui n'auront pas à l’être - Un prince ne punit pas un ennemi de la même manière qu’il punit ses sujets, ainsi en sera-t-il de la diversité des châtiments réservés, soit aux infidèles, soit à ceux qui auront eu la foi, p.88-90 : le même. - Révélation des consciences, p.90 : S. AUGUSTIN. - L’impie, au jour du jugement, ne verra que sujets de perplexité, p.90 : S. .ANSELME. - Quels seront ses accusateurs - Manifestation des œuvres - Ver de la conscience - Sentence irrévocable - Bourreaux tout prêts pour saisir les coupables - Tous les supplices surpassés par celui d’être privé de la vue de Dieu, p.90-92 : S. BERNARD ou HUGUES DE SAINT-VICTOR. - Nécessité de prévenir le jugement de Dieu - Le souverain juge ne se laissera ni fléchir ni tromper - Moyen de le gagner avec de l'argent, p. 92 : S. CHRYSOSTOME. - Le pécheur appréhende sa vue, et le juste au contraire le désire avec ardeur, p.92-93 : S. GREGOIRE. - L'oubli des jugements de Dieu est un premier châtiment du péché, p.93 : S. AUGUSTIN.
Question IV. Que penser de l’enfer et des peines de l'enfer, p.95-134.
Le feu de l’enfer diffère de celui que nous voyons - Triste immortalité des damnés - Tourments de l’enfer - Grincement de dents - Pleurs - Société des damnés avec les démons -Ténèbres intérieures et extérieures - Variété et multiplicité de peines - Comment il se fait que l’âme puisse subsister éternellement au milieu de si grands supplices - Le corps ne sera pas non plus consumé par ces tourments qui n'auront jamais de fin - La pensée de ces peines éternelles est bien propre à nous dégoûter des plaisirs du monde - Ce qui tourmentera les damnés, ce sera de voir qu'ils n'ont pas voulu, pour éviter ces tourments, employer quelques Moments à la pénitence - Le sujet de leur désespoir, ce sera d'avoir perdu par leur faute des biens infinis, p.102-103 : S. CHRYSOSTOME. - Craindre l'enfer - L'âme du damné sera entraînée dans l'enfer par les démons - Les damnés crient, sans pouvoir être exaucé - Sentence irrévocable - Pleurs et grincement de dents - Feu sans lumière - Ver qui ne meurt point - Ténèbres extérieures - Bourreaux - Séparation d'avec Dieu et les saints - Cachots de l'enfer, p.104-105 : S. CYRILLE d'Alexandrie - Ce que signifie être réduit au silence et lié par les pieds et les mains - Les pleurs et les grincements de dents - Utilité de la pensée de l’enfer, p.106-107 : S. PROSPER ou JULIEN POMERE. - Des esprits, quoiqu'immatériels, peuvent être atteints par un feu matériel - Le feu est en cela l'instrument de la justice divine -Les âmes des réprouvés peuvent aussi bien souffrir les atteintes du feu que les démons -L'enfer a probablement son siège dans les lieux souterrains - Le feu de l'enfer ne tourmente pas également tous les damnés - Ce n'est pas simplement par manière de menace que Notre-Seigneur a dit que ces tourments seront éternels - Pourquoi des crimes d’un moment seront-ils punis toute
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l’éternité - Dieu est en même temps bon et juste - Utilité qui revient aux justes de la pensée de l'éternité des peines - Raison pour laquelle les saints ne prient pas pour les réprouvés - On ne prie pas pour ceux qui sont morts dans l'infidélité ou dans l'impiété - Pourquoi les saints verront d'un œil impitoyable les supplices des méchants, p.107-111 : S. GREGOIRE. - Deux sortes de peines des damnés - Le feu de l'enfer sera-t-il sans lumière - Les ténèbres elles-mêmes y seront un supplice - Les damnés coupables des mêmes crimes seront mis ensemble comme en faisceau - La pensée du bonheur des justes ajoutera à leurs tourments, p.111-112 : S. ISIDORE. - Pourquoi l'enfer est appelé une terre ténébreuse - Ce ne sont pas des peines imaginaires qu’on y endure - Terre de misère et de ténèbres - Le feu de l'enfer sera sans lumière - Comment les supplices des réprouvés pourront-ils être un désordre complet, puisqu'il y aura proportion entre leurs crimes et leurs châtiments - Ceux qui se seront unis pour le mal seront unis pour le supplice - Diversité de peines, à proportion de la diversité de crimes - Ombre de la mort, horreur sans fin - Différence entre les châtiments de la vie présente et ceux de l'éternité - Justice et ordre dans la distribution des supplices - Les damnés meurent sans mourir, et renaissent incessamment à leurs peines - Les démons et les réprouvés, unis dans les mêmes crimes, le seront aussi dans les mêmes tourments - Moyen de nous rendre utile la pensée de leurs peines, p.112-115 :S . GREGOIRE. - Description des peines de l’enfer - Hideux aspect des démons - L'existence des damnés n'est prolongée que pour perpétuer leurs tourments - Peine réservée aux blasphémateurs - Mort immortelle, p.115-116 : CASSIEN. - Places différentes en enfer, p.116-117 : S. EPHREM. - Différence entre le sort des justes et celui des pécheurs, p.117-118 : S. CYRILLE d'Alexandrie. - Même sujet - Réponse à ceux qui répugnent à croire à l'éternité des peines - Quel supplice ce sera d’être séparé de la vie de Dieu - La mort des damnés sera sans fin, comme la vie des saints sera éternelle - Combien la pensée de l'enfer est propre à éteindre les flammes de la volupté -Le feu de l'enfer ne s'éteint jamais, pas plus qu'il n'éteint l'existence de ses victimes - Pour échapper à ces peines, nous n'avons besoin que de faire pénitence du mal que nous pouvons avoir commis - Deux principales espèces de tourments pour les damnés - Les autres en sont la suite - Privation du bonheur de voir Jésus-Christ, la plus grande de toutes les peines, p.118-120 : S. AUGUSTIN. - Eternité de tourments - Pourquoi les damnés resteront immortels - Leur désespoir - Leur repentir trop tardif - Sentence irrévocable, p.120-121 : S. CYPRIEN. - Eternité des supplices des damnés en rapport avec l'inflexibilité de leurs dispositions perverses, p.121 : S. BERNARD. - Description des peines de l'enfer - Ce qu'on y entend - ce qu'on y voit - Mort éternellement vivante, et vie éternellement mourante - A nous de choisir entre la vie et la mort, p.121-122 : le même, ou HUGUES DE SAINT-VICTOR. - Ce qui se passera au moment où les élus seront séparés des réprouvés - Quelles seront les causes de leurs pleurs et de leurs grincements de dents - Comment il se fera que les saints se réjouissent du supplice des réprouvés, p.122-124 : S. BERNARD. - Autre description de l'enfer - La haine sera le seul sentiment qui puisse animer les réprouvés - On n'entendra d'autres cris que celui-ci : Malheur, p.123-125 : HUGUES DE SAINT-VICTOR. - Le ver rongeur et le supplice du feu - Péni-
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tence infructueuse - Diversité de tourments, le feu, le froid, l'infection, les vers, les marteaux, les ténèbres palpables, la confusion que ressentiront les réprouvé, l'aspect des démons, les chaînes de feu - Chacune de ces peines appropriée à chaque espèce de délits - Nature du feu de l'enfer- Ce feu est sous terre - Ce feu est sans lumière - Chaque membre aura ses tourments particuliers - Ténèbres extérieures et intérieures - La détresse où seront les damnés ne leur permettra pas d’avoir d'autre pensée que celle de leurs tourments - Unique question qui devra s’agiter en enfer - Oubli de Dieu - Il y aura de l'ordre dans la quantité des peines, mais non dans la qualité des choses - Mort éternellement réitérée - Désirs stériles appelant la mort - Passages des psaumes CII ct CXLIV, et d'Isaïe objectés contre l'éternité des peines -Réponse et explication - Volonté de toujours pécher justement punie par une éternité de supplices, p.125-131 : INNOCENT III. - Quelles classes d'âmes devront aller, soit en purgatoire, soit au ciel, soit en enfer, p.131 : le concile de FLORENCE. - Nécessité pour nous d’être menacés de l'enfer - Utilité de cette pensée - Les menaces que Dieu nous fait de l'enfer nous prouvent le désir qu’il a de nous le faire éviter, p.131-132 : S. CHRYSOSTOME. - Malheur d’être séparé de Dieu - Que les supplices épouvantent du moins ceux que n'attirent pas les récompenses - Différence du feu de l'enfer d'avec le feu terrestre, p.132-133 : S. AUGUSTIN. - Eternité des peines en harmonie avec l'immortalité de notre nature, p.133-134 : S. BERNARD.
Question V. Que nous enseigne l'Ecriture au sujet du royaume du ciel, p.134-178.
Les travaux ne durent que le temps de cette vie passagère, et l'éternité au contraire est la mesure de la durée des récompenses - Les maux de toute espèce bannis du séjour de la vie éternelle - Accord parfait entre tous les bienheureux - Lumière qui les éclaire - Société des anges - Vision intuitive de Dieu - Récompenses proportionnées aux mérites de chacun - A quel pris il nous sera donné d’acquérir ce royaume, p.145-147 : S. AUGUSTIN. - Le ciel est notre patrie - Nos frères nous y attendent rassurés sur leur propre destinée, mais inquiets sur la nôtre, p.147 : S. CYPRIEN. - Description de la vie éternelle - Exemption de tous maux - Bonheur complet - Société de Jésus-Christ et des saints - Qualités des corps ressuscités - Nulle adversité à craindre - Transfiguration de Jésus-Christ, faible image de l'éclat de la gloire céleste - Joie multiple, p.148-150 : S. CHRYSOSTOME. - Moyen d’exhorter un homme sans lettres au désir de l'éternelle félicité - On aura dans le ciel tout ce qu'on pourrait désirer, on n'y aura rien de tout ce qu'on pourrait craindre - Conformité de toutes les volontés - Amour réciproque -Tous seront autant de rois - Moyen de commencer ce règne dès ici-bas, p.150-151 : S. ANSELME. - Pourquoi faire ici-bas des œuvres de justice - Réponse générale à cette question - Autre réponse plus précise - Les biens de la vie présente peuvent nous servir de point de départ pour arriver à connaître ceux du ciel - Quatorze éléments de béatitude - Sept de ces éléments se rapportent au bien-être corporel, et les sept autres au bien-être spirituel - ce n'est que dans l'autre vie qu'on possédera tous les éléments de bonheur, sans aucun de misère - beauté - agilité - force - liberté - santé - plaisir - longévité - sagesse - amitié - concorde - honneur - pouvoir - sécurité - joie - Tous ces éléments de béatitude mis en parallèle avec
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les quatorze éléments de misère des damnés, p.154 -157 : EADMER. - Sept choses qui concourent à la félicité des bienheureux - la vie - la sagesse - l'amour - la joie - la louange -l'agilité - la sécurité - Chacune de ces choses hors des atteintes de son contraire, p.157-158 : HUGUES DE SAINT-VICTOR. - Quelle sera l'occupation des bienheureux - ils loueront Dieu - Si l'on pouvait cesser d'aimer Dieu dans l'autre vie, on pourrait cesser de le louer, p.158-159 : S. AUGUSTIN. - Vision de Dieu, p.159-160 : le même. - Vie que Dieu prépare à ceux qui l'aiment - Degré de gloire - Charité parfaite, p.160 : le même. - Les biens que Dieu nous accorde dans cette vie mortelle doivent nous servir à comprendre quels biens il nous prépare dans l'éternité - Joie sans mélange - Royaume de la béatitude éternelle -Vision intuitive, p.161-163 : le même. - Symphonie céleste - Exemption de tous maux - Vie éternellement heureuse - Société des saints - Voir Dieu face à face, p.163-166 : le même. - Les saints louent Dieu sans dégoût ni fatigue, p.166 : le même. - Différence entre les plaisirs du corps et ceux de l'âme - Explication de la parabole du festin - La considération des biens qui nous sont promis dans le ciel sert à nous faire mépriser ceux de la terre -Joies des habitants de la patrie céleste, p.166-169 : S. GREGOIRE. - Idée de la vie future - Principe de la joie des anges - On parvient à la vie contemplative des bienheureux par les mérites des bonnes œuvres - Joie qu'on y goûte - Connaissance des cœurs - Nature reformée à la ressemblance de la nature divine - Qualités glorieuses des corps ressuscités - Diversité de mérites et inégalité de récompense - Chacun content de la sienne propre - Envie bannie du ciel - Quels sont ceux qui désirent véritablement d’obtenir cette souveraine félicité - Les bienheureux seront assimilés aux anges - consommés dans l'amour - exempts de toute crainte - remplis d'une éternelle joie - Leur volonté sera droite et leurs cœurs purs de toute passion, p.169-172 : JULIEN POMERE. - Nous devons désirer de jouir de la vue des saints - Abondance de biens dont on jouira dans le ciel - Sagesse et science dont on y sera doué, p.172-173 : S. BERNARD. - Quel sera l'avantage des saints - En quoi consiste le bien de l’homme - Quelle sera l'occupation des bienheureux - Qui sera trouvé digne de telles faveurs, p.173-175 : le même. - Explication de ces expressions figurées de l’Evangile, se ceindre, s'asseoir à table, servir en passant de l'un à l'autre, p.175-176 : S. GREGOIRE. - La vision de Dieu est ce qui nous fixera dans le bien, p.176-177 : S. BERNARD. - Conduite insensée des enfants de ce siècle - Paix dont on jouit dans le ciel, p.177-178 : le même.
Question VI. Quel usage doit-on faire et quel fruit peut-on retirer de tout l'ensemble de la doctrine des fins dernières, p.178-210.
La vue d'un aveugle et d'un lépreux fournit l'occasion de sages réflexions à un fils de roi - Celle d'un vieillard lui fait naître l'idée de la mort et des fins dernières - Brièveté de la vie et nécessité de mourir - Incertitude du moment de la mort - La pensée de la mort rend fades les plaisirs de la vie, p.181-182 : S. JEAN DAMASCENE - Rien n'est stable en ce monde - Raisons de le haïr - Combien le monde est infidèle, ingrat et trompeur - A qui comparer les esclaves et les plaisirs du monde - Utilité des bonnes œuvres pour le moment de la mort, p.182-187 : le même. - Vanité du monde prouvée à l'aide d'une comparaison, p.187-189 : le même. - Explication de ces paroles de l'Ecclésiaste Vanité des vanités,
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p.189- 191 : S. JEROME. - Comment on peut dire que tout est vanité, p.191 : S. GREGOIRE. - La pensée de la mort est propre à retirer du péché, p.191 : S. AUGUSTIN. - Ce serait un des plus terribles châtiments du péché, que le malheur qu'on aurait d'oublier le châtiment à venir - Imprudence de s'appuyer sur l'exemple du bon larron pour remettre sa conversion au moment de la mort - Sagesse de se mettre tous les jours en garde contre la mort - Besoin de se préparer à la mort, p.191-193 : le même. - Combien il nous deviendrait funeste d’oublier nos fins dernières - Combien il nous importe de redouter les jugements de Dieu, p.193-195 : S. GREGOIRE. - Pourquoi nous devons penser à la mort - Incertitude du moment de la mort - Des morts subites - La mort et les supplices réservés aux méchants doivent servir aux autres - Les justes eux-mêmes sont souvent saisis de frayeur au moment de mourir - Différence entre la mort des bons de celle des méchants - Doit-on pleurer les morts, p.195-196 : S. ISIDORE. - Nécessité de penser à nos fins dernières, p.196-197 : S. BERNARD. - Utilité de la crainte de l'enfer - Cette crainte chasse de notre cœur les passions criminelles, et y introduit toutes les vertus - Pourquoi il vaut mieux entrer dans une maison de deuil que dans une maison de festin - La crainte est pour nous un rempart assuré, p.197-198 : S. CHRYSOSTOME. - Vaut-il mieux faire le bien en vue des récompenses qu'en vue des châtiments - Combien il nous est utile de penser à nos fins dernières - de craindre l'enfer - Moyen d'acquérir cette crainte - Il est bon de penser à l'enfer et d'en parler au milieu même des repas - La pensée de l’enfer nous rend le péché comme impossible - La crainte des châtiments fait plus d’effet sur les esprits que l'espoir des récompenses - Fausse délicatesse - Que les enfants apprennent de bonne heure qu'il y a un enfer - Ramener ce sujet dans les conversations, p.199-203 : le même. - Heureux effets que produit la crainte du jugement - La crainte prépare la voie à la charité, p.203-205 : S. AUGUSTIN. - La crainte qui est chaste subsiste avec la charité - Crainte mondaine - Crainte servile - Utilité de cette crainte - En quoi la crainte chaste diffère de la crainte servile, p.205-206 : le même. - La crainte est l'esclave de l'amour, et lui assure la possession du cœur de l'homme, p.206 : le même. - La crainte de l'enfer est légitime - Jésus-Christ lui-même nous la recommande - Elle est comme une garde qui est placée à l'entrée de notre cœur, p.206-207 : le même. - Quelle est la sorte de crainte que bannit la charité parfaite, p.207 : le même. - Utilité de la crainte des châtiments, p.207-208 : le même. - Souhaitons de mourir de la mort des justes plus encore que de vivre de leur vie - Manière profitable et nécessité tout à la fois de penser au passé, au présent et à l’avenir, p.208-210 : S. BERNARD.
Question VII. A quoi peut se réduire toute la doctrine contenue dans cet ouvrage, p.210-212.
APPENDICE, ou Traité de la chute de l’homme et de sa justification, p.213-487.
Chapitre I. De l'état primitif et de la chute du premier homme, p.213-233.
Erreur répandue dans le vulgaire - Arbre de la science du bien et du mal, pourquoi ainsi appelé - En quel état Adam avait été créé - Ce qu'il est devenu par la malice du diable, p.213-217 : S. AUGUSTIN. - L'homme doué de libre arbitre au moment de sa création - S'il eût persévéré dans l'obéissance, il n'aurait point été sujet à la mort même du corps - Sa
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désobéissance lui a attiré la mort et du corps et de l'âme, p.217-218 : S. FULGENCE. - Quatre principales vertus dont l'homme fut orné au moment de sa création - la miséricorde - la vérité - la justice - la paix - Depuis qu'il en a été dépouillé, il ne saurait les recouvrer que par Jésus-Christ - Distinction à établir entre l'image et la ressemblance de Dieu - Comment l'homme a perdu la justice - Deux actes de justice à distinguer - Comment il a perdu la miséricorde, la vérité et enfin la paix, p.218-221 : S. BERNARD. - Science du bien perdue par le péché, p.221-222 : S. PROSPER. - Adam mortel par l'effet de son péché et non par la nécessité de sa nature, p.222 : le concile de MILEVE. - De quelle mort Dieu avait menacé nos premiers parents - Adam aurait été immortel s'il n'avait pas péché - Par le péché il devint sujet à la mort - Fausses explications d'un passage du chapitre VIII de l'épître aux Romains réfutée - La mort du corps est l'effet du péché et la vie de l'esprit l'effet de la justice, p.222-225 : S. AUGUSTIN. - En principe, l'homme n'était pas né mortel, mais il l'est devenu par une faute qui elle-même n'était pas inhérente à sa nature - Si l'homme n'avait pas péché, jamais il ne serait mort, p.225-226 : TERTULLIEN. - La mort du corps est la suite de la mort de l'âme, p.226 : S. FULGENCE. - Comment la menace de Dieu a été vérifiée dans la personne d'Adam, p.226-227 : S. CHRYSOSTOME. - La mort n'a suivi que parce que le péché a précédé - Peine du talion subie par le premier homme, p.227 : S. BERNARD. - C'est justement que l'homme a été réduit sous la puissance du démon - L'homme a encouru la mort en perdant sa rectitude primitive - L'injustice du démon devenue l'instrument de la justice de Dieu, p.227-229 : S. AUGUSTIN. - C'est la coutume des hérétiques de préférer leur propre sentiment au sentiment commun de tous les Pères - Tous les hommes assujettis par le péché à la puissance du démon - Droit acquis au démon sans aucun droit de sa part, p.229-232 : S. BERNARD. - Le péché d'Adam a nui à l'homme tout entier, p.232 : le deuxième concile d'ORANGE. - Changement de condition causé à l'homme par le péché, p.232-233 : S. AUGUSTIN.
Chapitre II. De la transmission du péché d'Adam à sa postérité, p.233-268.
Adam a transmis à sa postérité avec la mort du corps, le péché lui-même, p.235 : le deuxième concile d'ORANGE. - Tous les hommes qui naissent par la voie de la concupiscence charnelle contractent le péché originel - Le péché d'Adam ne lui a pas nui à lui seul - La nature étant une fois viciée par le péché, il n'en sort qu'une nature vicieuse, p.235-237 : S. AUGUSTIN. L'homme se reproduit tel qu'il est devenu par son péché - L'homme transmet avec le sang sa corruption et sa peine - De l'abus de notre libre arbitre a daté l'ère de nos malheurs - Grandeur du crime de nos premiers parents, p.237-238 : S. AUGUSTIN. - Quelle effroyable corruption est sortie de la prévarication du premier homme - La grâce de Dieu nous aide dans la connaissance comme dans la pratique de nos devoirs - Nous avons tous péché dans la personne d'Adam - Nous avons perdu dans la personne d'Adam tout ce qu'il a perdu lui-même, p.239-241 : S. PROSPER. - La nature commune à tous les hommes a été viciée dans la personne du premier homme - La foi est la première vertu que nous ayons à recouvrer, comme c'est la première que nous ayons pu perdre, p.241 : le même. - Tous ont péché en Adam, avant même d’être nés ou de
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pouvoir pécher par eux-mêmes - La venue du Sauveur a eu pour fin de nous délivrer des liens du péché originel, p.241-242 : S. FULGENCE. - Chacun de nous, en tant qu'enfant d'Adam, nait méchant et charnel, p.242-243 : S. AUGUSTIN. - Comme la mort est passée tous les hommes, il faut que le péché soit passé aussi à tous les hommes - La peine que nous subissons est le résultat de la condition de notre naissance, p.243-244 : l’auteur du livre de la Prédestination et de la grâce. - Saint Augustin, à partir de l'époque de sa conversion, a toujours cru à la vérité du péché originel - Ce péché est la cause de notre état de misère - Réponse à l'objection tirée de la différence de condition des démons d'avec nous - Le péché originel est commun à tous les hommes, p.244-247 : S. AUGUSTIN. - C'est faire Dieu injuste, que de nier le péché originel dans les enfants - A ce compte, les enfants n'auraient besoin, ni de la grâce du Sauveur, ni du sacrement de Baptême - Le baptême conféré aux enfants comme aux adultes prouve l'état de péché dans les premiers comme dans les seconds - Etat primitif de nos premiers parents, p.247-249 : S. FULGENCE. - Contraste entre Adam et Jésus-Christ - Adam nous a transmis sa faute en même temps que la solidarité de son châtiment, p.249-250 : JULIEN POMERE. - La communauté de châtiment indique une communauté de crime - Nous avons été enveloppés dans la chute de notre premier père, p.250-251 : S. PROSPER. - Il ne saurait naître d'un esclave que des esclaves, p.251 : PIERRE DIACRE. - Erreur de Pélage qu'Adam n'a pu nuire à ses descendants qu'en leur donnant l'exemple de pécher comme lui - Sentiment opposé de l’Eglise catholique, p.252-253 : S. AUGUSTIN. - Suivant les pélagiens, la mort corporelle ne serait point la suite du péché d'Adam - et son péché lui-même n'aurait point été transmis à sa postérité - Autres sont les péchés propres à chacun, autre le péché commun à tous - Le péché originel contracté en Adam - Les paroles de l'épître aux Romains excluent l'explication de Pélage - Le seul péché originel suffisait pour la condamnation de tous les hommes - Il suffit pour nous assujettir tous à la mort - De quelle abondance de grâce et de justice l’Apôtre a-t-il voulu parler, p.253-257 : S. AUGUSTIN. - En quel sens nous sommes enfants de colère par le fait de notre naissance - Le péché d'Adam a nui à tout le genre humain, p.257-258 : l'auteur de l’Hypognosticon. - Réfutation par les paroles de l’Apôtre du sentiment soutenu par Pelage, p.258-260 : S. AUGUSTIN. - Ce n'est pas Adam, mais le démon qui a péché le premier - Nous étions en Adam comme l'arbre dans sa racine - C'est en Adam, et non dans le démon que tous les hommes ont péché - Les péchés de nos parents peuvent nous être étrangers en un sens, et personnels en un autre, p.260-263 : le même. - Tout homme une fois conçu naturellement ne peut naître qu'avec le péché originel, p.263 : S. FULGENCE. - Saint Augustin, toutes les fois qu'il parle de péchés, excepte de ce qu'il en dit la sainte vierge Marie, p.263-264 : S. AUGUSTIN. - Dignité de la sainte Vierge - Fête de la conception - Peines portées contre ceux qui contrediraient publiquement le dogme de l'immaculée conception, p.263-267 : SIXTE IV et le concile de TRENTE. - Définition de ce dogme, p.267-268 : PIE IX.
Chapitre III. Du remède au péché originel, p.268-278.
L'âme, après qu'elle est tombée dans le péché par sa propre volonté, ne peut s'en relever que par la grâce de Dieu - Il n'y a pas une seule âme
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qui n’ait besoin du divin Médiateur - Les enfants, non plus que les autres, ne sauraient être délivrés de la servitude du péché que par Jésus-Christ - Le péché d'Adam ne peut être effacé que par Jésus-Christ, p.271-272 : S. AUGUSTIN. - Personne ne peut s'affranchir du péché originel, soit par ses moyens naturels, soit en s'attachant à la lettre de la loi, p.272 : S. FULGENCE. - La manière dont nous avons été délivrés de la servitude du péché satisfait à la justice de Dieu, p.272-273 : S. BERNARD-. Misère de notre état natif - Miséricorde singulière dont cette misère extrême avait besoin, p.273-274 : le même. - Quiconque naît d'une chair rebelle, a besoin d'être régénéré spirituellement - L'erreur des pélagiens égale à celle des manichéens quoiqu'en sens opposé - Nous avons tous péché en Adam, parce que nous étions tous renfermés en lui - Les enfants sont délivrés par le baptême de l'esclavage du démon - Sens des exorcismes qu'on fait sur eux, p.274-278 : S. AUGUSTIN.
Chapitre IV. Des restes du péché originel dans les personnes baptisées, p.278-291.
Le baptême ne rase pas seulement à la surface de l'âme, mais il efface les péchés - La concupiscence n'en reste pas moins aux personnes baptisées pour leur servir de matière de combat - Il ne reste en nous aucun péché qui n'ait pu être effacé par le baptême, p.281 : S. AUGUSTIN. - Le baptême ne nous purifie pas que partiellement, mais il nous délivre de tous nos péchés - La concupiscence qui reste en nous après le baptême n'est pas un péché quoique les péchés en soient le fruit - Nous ne sommes pas coupables des mauvais désirs que produit en nous la concupiscence, tant que nous leur refusons notre consentement, p.282-284 : le même. - Toute inimitié avec Dieu est détruite en nous par le baptême - Quoique la loi du péché subsiste toujours en nous par la concupiscence, la grâce du baptême nous en ôte toute la culpabilité - La concupiscence qui nous reste ne retardera pas toute seule notre admission dans notre céleste patrie, p.284-286 : le même. - Combat qu'il nous faut livrer à nos propres convoitises - Il nous reste à faire la sépulture de nos vices, après que le baptême leur a donné la mort - Combat à soutenir contre nos péchés même morts en nous - En quel sens la concupiscence est appelée péché - Elle ne nous rend coupables qu'autant que nous lui donnons notre consentement - Autre chose est d'avoir de mauvais désirs, autre chose d'y consentir, p.286-289 : le même. - Les saints eux-mêmes ont à lutter contre les désirs de la chair - Saint Paul a voulu parler de ces sortes de combats qu'il éprouvait en lui-même - La concupiscence charnelle est appelée du nom de péché parce qu'elle est la source de tous les péchés, p.289-291 : le même.
Chapitre V. De l'impuissance de la nature et de la loi à opérer la justification de l'homme, p.291-315.
Nous avons tous perdu notre innocence par l'effet de la désobéissance d'Adam - La nature humaine n'a en soi aucun moyen de se relever de sa chute originelle, p.292-293 : S. CELESTIN I. - Notre nature intelligente a été, non anéantie, mais simplement viciée par le péché - Quelque enrichie qu'on la suppose de connaissances et de vertus morales, abandonnée à elle-même, elle ne saurait qu'abuser des biens qu'elle a reçus, p.293-294 : S.PROSPER.- Ce que Pélage entendait par le mot de grâce - Réfutation de son erreur - La justice ne s'acquiert ni par les forces naturelles, ni par
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l'accomplissement de la loi - Nos forces naturelles ont besoin pour être aidées du secours médicinal de notre divin Rédempteur, p.294-296. S. AUGUSTIN. - Personne ne peut être guéri du péché originel ni par ses moyens naturels, ni par la lettre de la loi - La seule connaissance de la loi n'a jamais arraché personne à la puissance des ténèbres, p.296-297 : S. FULGENCE. - C'est calomnier les catholiques, que de les accuser de soutenir que notre libre arbitre a été détruit par le péché d'Adam - Quelle est la liberté que nous avons perdue alors - On ne pèche que par le libre arbitre dont on abuse - Toute force nous manque pour vivre selon les lois de la justice, si notre volonté n'est rendue à sa liberté par la grâce de Dieu - Il n'y a de péchés comme il n'y a d'actes de vertu, que ceux que notre propre volonté nous fait faire, p.297-299 : S. AUGUSTIN. - Il n'y a que la volonté propre qui rende l'esprit esclave du péché - Nos actes, s'ils n'étaient pas volontaires, ne pourraient mériter ni éloge ni blâme - Si notre volonté nous appartient, c'est parce qu'elle est toujours doué de liberté, p.299-300 : le même. - C'est une vérité révélée de Dieu, qu'il y a dans l’homme un libre arbitre - Les préceptes divins ne nous serviraient à rien, si nous n'avions pas le libre choix de notre volonté - L'existence de notre libre arbitre se prouve, et par l'Ancien-Testament, et par le Nouveau - Une action n'est bonne, que quand on la fait volontairement, p.301-304 : le même. - Les stoïciens ont rangé nos volontés parmi les causes indépendantes - Sorte de nécessité compatible avec notre liberté - C'est précisément parce que Dieu est tout-puissant, que certaines choses lui sont impossibles, p.304-305 : le même. - C'est en refusant d'être fidèle à la grâce, qu'on se rend impuissant à faire le bien - Le péché, comme la bonne action, est laissé au libre arbitre de l'homme - Il y a en nous un libre arbitre, mais qui ne peut ni commencer ni achever aucune action méritoire sans le secours de Dieu - Dans toute œuvre sainte agit d'abord la volonté de Dieu, et puis la libre volonté de l'homme, p.305-306 : le même. - C'est notre affaire, et non celle de Dieu, que nous vivions conformément aux lois de l'honnêteté - L'acte de foi dépend du choix de l'homme et de sa coopération à la grâce - La cause de notre malice n'est pas dans notre nature, mais dans notre volonté, p.306-311 : ORIGENE. - Pécheurs devenus plus lard des modèles de vertu - La volonté n'est point assujettie aux lois inviolables de la nature - L'âme l'emporte sur le corps en ce qu'elle est maîtresse de ses actions, p.311-312 : S. CHRYSOSTOME. - L'âme est douée de liberté - Ce ne sont point les mouvements des astres qui nous forcent à commettre l'impiété - Le démon peut bien solliciter notre libre arbitre, mais il ne saurait le forcer, p.313 : S. CYRILLE de Jérusalem. - Erreurs des manichéens sur le libre arbitre - Si nous étions nécessités, il n'y aurait plus matière ni à châtiments, ni à récompenses, p.313 : S. JEROME. - Le libre arbitre affaibli par le péché du premier homme, p.313 : le deuxième concile d'ORANGE. - Sans la grâce, notre libre arbitre ne nous suffirait pas pour ne point pécher, p.313-315 : S. AUGUSTIN. - Le démon a bien pu corrompre le jugement de l'homme, mais il ne peut pas le lui ôter, p.315 : S. PROSPER.
Chapitre VI. De la conduite de Dieu dans le mystère de l'avènement de Jésus-Christ, p.315-317.
Chapitre VII. Quels sont ceux qui sont justifiés par Jésus-Christ, p.317-321.
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Personne ne peut être sauvé par la croix de Jésus-Christ s'il n'est crucifié en lui, p.318 : S. PROSPER. - Personne n'est régénéré et justifié que par Jésus-Christ - Les justes de l'ancienne loi n'ont été délivrés et justifiés que par la même foi par laquelle nous le sommes - Nous ne pouvons attendre que de Jésus-Christ la vie éternelle - Personne n'est rétabli dans l'état de justice à moins de croire en Jésus-Christ et de recevoir le baptême en son nom - Tous les hommes doivent la mort à Adam, tous également ne peuvent devoir la vie qu'à Jésus-Christ - Personne n'est réconcilié à Dieu que par la vertu du Médiateur - Les petits enfants confessent la vraie foi par la bouche de ceux qui répondent pour eux, p.319-321 : S. AUGUSTIN.
Chapitre VIII. En quoi consiste la justification de l'impie, et de quelle manière elle s'opère sous la loi de grâce, p.321-322.
Chapitre IX. De la nécessité qu'il y a pour les adultes de se préparer à la grâce de la justification, et d'où procède cette nécessité, p.322-346.
Si Dieu ne nous prévenait, nous ne pourrions pas même commencer le bien qu'il nous commande de faire - Les pélagiens prétendaient que l'homme peut former un bon propos en lui-même sans le secours de Dieu - Grâce prévenante et subséquente, p.328-329 : S. AUGUSTIN. - Le commencement de la foi ne vient pas de nous, mais de Dieu, p.329-330 : le même. - L'homme ne peut rien sans Dieu dans l'affaire du salut, p.330 : le deuxième concile d’ORANGE. - La grâce précède notre volonté, p.331 : S. FULGENCE. - Si Dieu ne nous soutient, nous tombons - Nous sommes conduits et nous nous conduisons nous-mêmes en même temps - L'esprit de Dieu vient en aide, non à ceux qui restent inactifs, mais à ceux qui agissent eux-mêmes - Si l'aide de Dieu nous manque, nous ne pourrons rien faire de bien - Nous devons nous laisser conduire, mais suivre tout à la fois, p.331-335 : S. AUGUSTIN. - Notre volonté a besoin que Dieu la prépare, p.335 : le même. - Il faut que nous coopérions aux soins bienveillants de notre Créateur, p.335 : S. LEON. - La grâce ne nous ôte pas le libre arbitre, mais elle le guérit, p.335-336 : S. FULGENCE. - L'homme agit lui-même dans le bien qu'il fait - Il dépend de notre volonté d'acquiescer ou de résister à la voix de Dieu, p.336-337 : S. AUGUSTIN. - Celui-là seul est aidé qui fait de son côté quelques efforts - Il est au pouvoir de notre volonté de consentir aux bonnes exhortations qui nous sont adressées - A moins d'un concours de notre volonté, la justice de Dieu ne nous sera point communiquée - Dieu qui nous a créés sans nous, ne nous justifiera pas sans nous - Dieu ne veut pas nous rendre purs malgré nous - La foi et la charité nous viennent en un sens de Dieu et en un sens de nous, p.337-340 : le même. - C'est par la persuasion que Dieu nous attire à lui - Il ne fait violence à personne, p.340-341 : S. CHRYSOSTOME. - La grâce éveille la puissance du libre arbitre, et puis elle le soutient, p.341 : S. BERNARD. - Les grâces mêmes les plus abondantes ne font pas pour cela violence à nos volontés - La grâce elle-même agit pour que l'homme coopère à l'action de Dieu -Toute espèce de vertus suppose, et le don de la grâce, et le consentement de notre volonté - La bonne volonté n'est en nous que parce que Dieu l'a lui-même inspirée, p.341-344 : S. FULGENCE. - Nous avons besoin du secours de Dieu pour que sa volonté s'effectue pleinement en nous, p.344 : RUFIN. - Le secours de la grâce nous est nécessaire pour nous empêcher de pécher - Jamais on ne pourra passer du
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vice à la vertu, si ce changement n'est l’effet de la miséricorde divine, p.345-346 : S. AUGUSTIN. - Nous ne pouvons faire aucun bien, à moins que Dieu ne nous soutienne, p.346 : S. JEROME.
Chapitre X. De la manière dont les adultes doivent se préparer à la justification, p.346-359.
Le commencement même de la foi est un don de Dieu, p.348: S. AUGUSTIN. - La grâce est le principe de notre obéissance - C'est Dieu qui nous inspire la foi en lui, et qui ensuite l'entretient en nous, p.348-350 : le deuxième concile d'ORANGE. - Les commencements de la foi doivent être attribués à la grâce, p.350-351 : S. FULGENCE. - Nous devons prier pour obtenir la grâce d'être attirés, si nous ne le sommes pas encore - On ne croit que lorsqu'on le veut - La foi est un don de Dieu, et c'est de nous cependant qu'il l'exige - Il est en notre pouvoir de croire ou de ne pas croire - L'homme a son libre arbitre pour recevoir la grâce, p.351-353 : S. AUGUSTIN. - Personne ne peut croire sans en avoir la volonté, ni avoir la foi sans être appelé, p.353 : le même. - La foi n'est pas l'effet de la contrainte, mais elle est volontaire et libre, p.354 : EUTHYME. - C'est la foi en Jésus-Christ qui a guéri de leurs péchés les anciens justes, comme elle seule peut nous en guérir nous-mêmes, p.354 : S. AUGUSTIN. - Les bons comme les méchants doivent aimer la miséricorde de Dieu et craindre sa justice - Double filet dans lequel le démon essaie de nous engager, la présomption et le désespoir - Les pécheurs, amenés une fois à redouter la justice de Dieu, sont engagés par-là à se réfugier dans le sein de sa miséricorde, p.354-356 : S. FULGENCE. - Utilité de la crainte - Elle produit en nous et nous enseigne la sagesse, p.356-357 : S. PROSPER. - La pensée du jugement dernier et de l'enfer est propre à nous inspirer une terreur salutaire - On commence par la crainte pour s'élever ensuite à la perfection de la charité, p.357-358 : JULIEN POMERE. - Il n'arrive jamais qu'on veuille se faire chrétien, si l'on n'y est d'abord poussé par quelque crainte - Quiconque est en âge de discernement ne peut s'approcher des sacrements pour mener une nouvelle vie, s'il n'a commencé par se repentir de l'ancienne, p.358-359 : S. AUGUSTIN. - Formule d'abjuration avant le baptême, p.359 : S. CHRYSOSTOME.
Chapitre XI. Ce que c'est que la justification, et quelles en sont les causes, p.360-379.
La grâce de Dieu donnée en vertu des mérites de Jésus-Christ ne consiste pas dans le simple pardon des péchés - Elle guérit la volonté en même temps qu'elle efface les péchés antérieurs - Personne ne mène une bonne vie sans la charité de Dieu, qui elle-même, est répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit - La justification ne s'opère pas en nous par la simple rémission des péchés, mais par un secours qui fait éviter le mal et pratiquer le bien, p.364-365 : S. AUGUSTIN. - Dieu ne se contente pas de remettre au pécheur qu'il justifie la peine de ses péchés, mais il met en lui la grâce de la justice, p.366 : S. CHRYSOSTOME. - Non-seulement il nous délivre de nos infirmités spirituelles, mais encore il nous remplit de vertu et de force, p.366 : THEOPHYLACTE. - La justice qui nous vient de Dieu n'est pas celle dont il est juste lui-même, mais celle dont il nous rend justes - Elle est appelée la justice de Dieu, parce que c'est lui qui nous la donne - Nous sommes sa justice, en ce sens que notre justice est un bienfait de sa grâce - La charité seule peut rendre justes ceux qui le
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sont véritablement - La grâce qui nous rend justes est celle qui répand l'amour de Dieu dans nos cœurs - Elle se répand d'une manière mystérieuse dans l’âme des plus petits enfants, p.367-369 : S. AUGUSTIN. - Les enfants aussi bien que les adultes reçoivent dans le baptême la grâce sanctifiante et les vertus infuses, p.369-370 : le concile de VIENNE. - Il y a dans les justes une piété ou une vertu proprement dite - Erreur des stoïciens et sa réfutation -Ceux qui font des progrès dans la justice sont déjà en état de justice - Ils en sont revêtus les uns plus et les autres moins - Il leur reste une triple lutte à soutenir - La justice est inhérente à ceux qui vivent de la foi - Dieu nous justifie, c'est-à-dire qu'il nous rend justes - La grâce grave en nous de nouveau la justice que le péché avait effacée, p.370-373 : S. AUGUSTIN. -Dieu n'habite pas à un égal degré dans le cœur de tous les justes - La loi de l'esprit vivifie ceux qui se conduisent par amour - La charité répandue dans nos cœurs n'est pas celle par laquelle Dieu nous aime, mais celle par laquelle il fait que nous l'aimions - Elle est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint, p.373-376 : S. AUGUSTIN. - La foi sans les bonnes œuvres ne nous préservera pas des supplices de l'enfer, p.376 : S. CHRYSOSTOME. - La foi des chrétiens doit être tout autre que celle des démons - C'est celle qui opère par la charité, p.376-377 : S. AUGUSTIN. - Vie de la foi, p.378 : S. GREGOIRE. - La foi et les bonnes œuvres sont obligatoires l'une et l'autre dans la vie présente, p.378-379 : S. FULGENCE.
Chapitre XII. Comment il faut entendre que l'homme est justifié par la foi et gratuitement, p.379-385.
La foi est le fondement de tous les biens et le principe du salut, p.380-381 : S. AUGUSTIN. - Dieu prévient notre volonté - Objet que se proposait saint Paul dans son épître aux Romains - Les bonnes œuvres ne précèdent pas la grâce mais viennent à sa suite - La foi peut-elle nous mériter la grâce de la justification - Tous nos mérites supposent la grâce, p.381-383 : le même. - Nous recevons le don de la foi sans l'avoir mérité - Nos mérites mêmes ne sont qu'une suite des dons de Dieu - La justification s'opère indépendamment des œuvres, p.383-384 : le même. - L'élection de la grâce n'est précédée par aucun mérite de l'homme, p.385 : S. PROSPER.
Chapitre XIII. Combien est vaine la confiance qu'affectent les hérétiques, p.386-396.
L'homme le plus juste doit toujours craindre qu'il n'y ait quelque péché caché dans son cœur -Moyens de purifier son cœur des péchés qui pourraient le souiller, p.387-388 : S. AUGUSTIN. - Personne ne peut être assuré de sa persévérance dans la justice - Chacun de nous est un abîme pour lui-même - Les ressorts de notre être nous sont cachés, p.389-390 : le même. - La crainte est la gardienne des vertus ; la présomption occasionne les chutes, p.390 : S. JEROME. - Raison de l'incertitude de nos jugements - Celui même à qui sa conscience ne reproche rien, ne doit pas pour cela se croire pur de tout péché, p.390-391 : S. CHRYSOSTOME. - Attendons la sentence qu'il plaira à Dieu de prononcer sur nous, p.391-392 : THEODORET. - Notre conscience elle-même ne pénètre pas notre être tout entier, p.392-396 : S. BERNARD. - Nous ne saurions nous conserver exempts de tous péchés dans cette vie, p.396-397 : CASSIEN.
Chapitre XIV. Des progrès de la justification, p.397-404.
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Le renouvellement de l'homme nouveau, commence au baptême, se perfectionne ensuite par les progrès que l'on fait dans les œuvres de justice - Il ne s'opère pas en un instant - mais par des progrès journaliers, p.399-400 : S. AUGUSTIN. - Il commence par la rémission des péchés et se perfectionne ensuite de plus en plus - Saint Paul lui-même avouait qu'il lui restait du chemin à faire - Ce renouvellement commence au baptême, p.400-401 : le même. - Celui qui est déjà juste doit travailler à devenir meilleur - Le progrès qu'il fait n'a pas lieu dans son baptême, mais depuis son baptême - Le baptême en est la première cause - Chacun de nous doit croître et profiter de jour en jour, p.402-403 : le même. - La vie présente est pour nous comme une route où il nous faut continuellement s'avancer, p.402-403 : S. FULGENCE. - Celui qui ne veut pas devenir meilleur qu'il n'est cesse dès-lors d'être bon, p.403-404 : S. BERNARD. - Erreur des Bégards et des Béguines condamnée, p.404 : le concile de VIENNE.
Chapitre XV. De l'observation des commandements de Dieu, et de la nécessité ainsi que de la possibilité de les observer, p.404-435.
Obligation pour les chrétiens d'observer les commandements fondée sur la prescription de Jésus-Christ même, p.410 : S. JEROME. - Ce qu'il exige de nous, c'est que nous observions tous ses préceptes, p.410 : THEOPHYLACTE. - Les préceptes moraux de l'ancienne loi regardent aussi les chrétiens, p.411 : S. AUGUSTIN. - Il faut obéir à Dieu, si nous prétendons qu'il nous récompense, p.411-412 : S. CYPRIEN. - Ceux même qui auront cru en Jésus-Christ seront condamnés si la conduite de leur vie ne répond pas à la sainteté de leur foi, p.412-413 : S. CHRYSOSTOME. - Erreur des Bégards et des Béguines condamnée, p.413 : le concile de VIENNE. - C'est blasphémer que de prétendre que Dieu a fait à l'homme des commandements impossibles à observer, p.413 : S. JEROME. - Dieu nous avertit de faire ce que nous pouvons, et de lui demander ce que nous ne pouvons pas - L'homme peut toujours, avec l'aide de Dieu, s'abstenir du péché s'il le veut, p.414 : S. AUGUSTIN. - Dieu ne commande point l'impossible - Beaucoup même ont la force de faire au-delà de ce qui leur est commandé, p.414-416 : S. CHRYSOSTOME. -S'il y a de la difficulté dans l'observation des commandements de Dieu, sa grâce nous aide à la surmonter, p.416-417 : S. LEON. - Plus nous accepterons pleinement le joug du Seigneur, plus nous le trouverons léger, p.417 : S. BERNARD. - L'amour qu'on porte au législateur rend facile l'observation de sa loi, p.417-418 : S. CHRYSOSTOME. - Il n'est aucun de nous qui ne puisse avoir la charité avec l'aide de Dieu - Dieu n'a pu rien commander d'impossible -L'amour donne au juste la force d'accomplir la loi, p.418-419 : S. AUGUSTIN. - Les justes eux-mêmes peuvent tous les jours tomber dans quelques péchés - Comme nos offenses sont journalières nous devons aussi recourir journellement au pardon - On n'est point exempt en cette vie de commettre des péchés véniels, p.419-420 : le même. - Les chutes mêmes que font les justes sont en quelque sorte ce qui les affermit dans le bien, p.420 : S. GREGOIRE. - Une faiblesse passagère ne fait pas perdre l'état de justice, p.420-421 : BEDE. - C'est pour eux-mêmes que les justes disent à Dieu, Pardonnez-nous nos péchés - et ils le disent avec vérité, p.421-422 : le concile de MILEVE. - Dieu n'abandonne aucun pécheur, qu'il n'en soit auparavant abandonné, p.422 : S. AUGUSTIN. - Ce n'est pas Dieu qui s'oppose à ce que celui qui l'abandonne persévère plutôt dans le bien, p.422-423 : S. PROSPER. - Nous
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devons glorifier Dieu par nos œuvres comme par notre foi - Il ne suffit pas pour être sauvé d'avoir la foi - On doit vivre d'une manière conforme à sa croyance, p.423-424 : S. CHRYSOSTOME. - La foi ne sert de rien, si la vie n'est pure et régulière, p.425-426 : le même. - Quels sont les véritables fidèles - A la foi qu'on professe il faut joindre la vie de la foi, p.426-428 : S. GREGOIRE. - Les bonnes œuvres sont nécessaires à ceux qui ont la foi comme aux autres, p.428 : S. AUGUSTIN. - Il ne nous suffira pas d'être compté parmi les branches dont Jésus-Christ est le cep, p.428-429 : S. CYRILLE d'Alexandrie. - C'est être impie que de n'attendre de ses bonnes œuvres qu'une félicité terrestre - Il faut agir en vue de la vie éternelle, p.430-4532 : S. AUGUSTIN. - La couronne ne s'obtient que par la victoire -C'est en confessant le nom de Jésus-Christ qu'on parvient à sa gloire, p.432-433 : S. CYPRIEN. - Plus le combat se prolonge, plus la couronne sera éclatante - Le vainqueur remportera pour couronne la vie éternelle, p.433 : le même. - La foi obtient ses couronnes par l'épreuve qu'elle soutient dans les persécutions - L'immortalité s'achète par la mort, p.433-434 : le même.
Chapitre XVI. Combien on doit se donner de garde de présumer témérairement qu'on est prédestiné, p.435-445.
Plusieurs même des plus parfaits se perdent après nombre d'années passées dans les exercices de la vertu - D'autres, après avoir perdu dans le désordre leur vie entière changent tout-à-coup au moment de la mort - Que personne ne se glorifie, que personne ne se désespère - Personne même parmi les fidèles n'est assuré d'être du nombre des prédestinés - Ceux même qui courent avec ardeur dans la voie doivent se tenir toujours dans la crainte, p.436-437 : S. AUGUSTIN. - La prédestination divine, incertaine pour nous, est immuablement certaine pour Dieu, p.437 : S. PROSPER. - Nous savons que nous sommes du nombre des appelés mais nous ne savons pas si nous sommes du nombre des élus, p.437-438 : S. GREGOIRE. - Notre incertitude au sujet de notre élection est certaine, p.438 : S. BERNARD. - Une des erreurs de Jovinien consistait à soutenir qu'on ne peut plus pécher quand une fois on a reçu le baptême, p.439 : S. AUGUSTIN. - On peut pécher même après qu'on a reçu le baptême, p.439-441 : S. JEROME. - On peut retomber dans le péché par sa propre volonté après avoir été régénéré par le don de la grâce - La persévérance est un don de Dieu - C'est par notre propre volonté que nous pouvons passer du bien au mal - La persévérance est la seule chose qu'on ne puisse perdre quand une fois on l'a obtenue - Les hommes même spirituels peuvent succomber à la tentation de pécher, p.441-442 : S. AUGUSTIN. - Si l'on tombe dans le dérèglement, on ne peut pas en faire le reproche à Dieu, p.442-443 : S. PROSPER. - Quelques-uns perdent la foi, et par conséquent aussi la charité - Tous ceux qui ont la charité ne persévèrent pas pour cela dans la charité, p.443-444 : S. BERNARD. - Une fois purifié, on peut déchoir de cet heureux état, p.444-445: S. CYRILLE d'Alexandrie.
Chapitre XVII. Du don de persévérance, p.445-460.
La persévérance est un don de Dieu, dont on ne peut savoir si on l'a reçu tant qu'on est vivant - Ni la grâce de commencer dans la pratique du bien, ni celle d'y persévérer jusqu'à la fin, ne nous sont données en conséquence de nos mérites - La persévérance est un pur don de Dieu, p.447-449 : S. AUGUSTIN. - Personne ne saurait porter de jugement assuré
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sur soi-même - Nos premiers parents, avant leur péché, n'étaient point assurés de leur persévérance - Assurés de la récompense promise à notre persévérance, nous n'avons aucune certitude de notre persévérance elle-même - Nul homme ne peut savoir s'il persévèrera, à moins d'en être assuré par quelque révélation - Nous ne pouvons assurer ni de ceux qui sont debout qu'ils ne feront pas quelque chute, ni de ceux qui sont tombés qu'ils ne se relèveront pas à la fin - Nous ne nous voyons pas nous-mêmes par rapport à notre avenir - Nous ne nous connaissons pas assez pour pouvoir répondre de ce que nous serons d'un jour à l'autre, p.450-451 : le même. - Nous ne pouvons pas être assurés de notre salut, p.451-452 : S. CHRYSOSTOME. - Quelle que puisse être l'innocence de notre vie, ce serait témérité de nous croire assurés de notre salut, p.453 : S. AMBROISE. - Aucune créature ne peut nous séparer de Jésus-Christ malgré nous, nous ne le pouvons que par l'effet de notre propre volonté, p.453 : S. BERNARD. - Il nous est utile d'ignorer ce que nous serons dans la suite - Les chutes de ceux qui ne persévèrent pas sont pour nous des avertissements de marcher avec crainte et tremblement dans la voie de la justice - Une entière sécurité ne nous serait pas avantageuse, p.454 : S. BERNARD. - Un moyen de nous exciter à la componction, c'est de considérer l'incertitude de notre avenir, p.455 : S. CHRYSOSTOME. - L'orgueil à craindre même dans le bien que l'on fait - Dieu a voulu, par une conduite très-salutaire de sa providence, que les justes qui ne persévéreront pas soient mêlés avec ceux qui persévèreront jusqu'à la fin, p.455-456 : S. AUGUSTIN. - Nous sommes exposés dans cette maison terrestre à trois vents très-violents et extrêmement malins, dont un en particulier ne nous laisse ni paix ni trêve - Aucun de nous ne sera exempt de tentations tant qu'il sera sur la terre, p.456-458 : S. BERNARD. - Quels sont nos ennemis - Filets du démon, ses gluaux, ses flèches - Pensées que nos ennemis divers excitent en nous - Notre ennemi domestique est le plus h craindre, p.458-460 : le même.
Chapitre XVIII. De ceux qui sont tombés depuis leur baptême, et de leur rentrée en grâce, p.460-463.
Besoin pour le pécheur de recourir à la miséricorde divine, p.462-463 : S. AUGUSTIN.
Chapitre XIX. Tout péché mortel fait perdre la grâce, mais ne fait pas perdre pour cela la foi, p.463-470.
Il suffit qu'une chose manque pour que le tout soit en péril, p.466-468 : S. BASILE. - Il y en a qui ont la foi, mais sans avoir la charité - La foi des chrétiens est celle qui est accompagné de la charité - La foi sans la charité est une foi de démon, p.468-470 : S. AUGUSTIN. - On peut croire en Dieu sans l'aimer, mais on ne peut pas 1'aimer sans croire en lui, p.470 : S. FULGENCE.
Chapitre XX. Du fruit de la justification, ou du mérite des bonnes œuvres et de la nature de ce mérite lui-même, p.470-487.
La vie éternelle est donnée en conséquence des bonnes œuvres - Nos bonnes œuvres elles-mêmes doivent être attribuées à la grâce - La vie éternelle est aussi une grâce de Dieu - En quel sens la récompense céleste est due aux bonnes œuvres, p.473-474 : S. AUGUSTIN. - Ce qui est récompensé n'est pas la récompense - La vie éternelle est la récompense de la bonne vie - Une légère aumône peut mériter des biens éternels -
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La récompense ne peut pas précéder le mérite - La miséricorde sera accordée à proportion du mérite des bonnes œuvres - La vie éternelle est une grâce et tout à la fois une récompense - Le bien, voilà l'œuvre à faire ; la béatitude, voilà la récompense à gagner, p.474-477 : le même. - Dieu accordera à nos mérites et à nos œuvres les récompenses qu’il a promises - Eloge de l'aumône - Elle est un don de la Providence - A ceux qui auront vaincu dans la paix sera accordée la couronne de lis, aux victimes de la persécution la couronne de pourpre - Récompenses de la foi et du dévouement, p.477-478 : S. CYPRIEN. - Dieu nous vient en aide dans nos combats, et puis nous décerne la couronne après la victoire - Cette couronne sera immortelle - Ne demandons point à recevoir des couronnes dès ici-bas - Dieu nous récompensera et pour le bien que nous aurons accompli, et pour les traverses que nous aurons essuyées - Couronnes plus éclatantes les unes que les autres, p.479-481 : S. CHRYSOSTOME. - Un même travail peut obtenir une double récompense, p.481: S. GREGOIRE. - Dieu s'est rendu notre débiteur, non qu'il ait rien reçu de nous, mais parce qu'il s'est engagé à nous par ses promesses, p.482-483 : S. AUGUSTIN. - Saint Paul faisant l’énumération de ses mérites et se repaissant de l'espérance d'obtenir des couronnes, p.483 : le même. - La grâce accordée aux impies qu'il plaît à Dieu de justifier - Autre sorte de grâce promise aux justes pour récompense - Pour que les justes parviennent à mériter leur récompense, il faut que la grâce les prévienne d'abord et les soutienne ensuite - Bienfaits multiplies de la grâce - La grâce de la justification réservée pour cette vie, et la glorification préparée pour l'autre, p.483-485 : S. FULGENCE. - La justice dont nous sommes capables ici-bas est d'un degré inférieur à celui auquel on sera élevé dans le ciel - L'une constitue le mérite, l'autre constituera la récompense - Nous ne devons point nous glorifier de nos mérites comme si nous les tenions de nous-mêmes -La grâce est le principe de nos mérites, p.485-486 : S. AUGUSTIN. - Dieu veut que nous nous fassions des mérites de ses propres dons, p.486 : S. CELESTIN. - Les mérites de l'homme sont des dons de Dieu - C'est ce que les pélagiens refusaient de reconnaître Dieu couronne en nous ses dons, et non des mérites qui ne viendraient que de nous, p.486-487 : S. AUGUSTIN.
FIN DE LA TABLE DU TOME SIXIEME.