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Saint Pierre Canisius
Le Grand Catéchisme
Tome 6
ou Précis de la Doctrine Chrétienne appuyée de témoignages nombreux de l'Ecriture et des Pères
traduction par l'abbé A.-C. Peltier, Besançon et Paris, 1856-1857, 6 volumes, in-8.
édition numérique par JESUSMARIE.com






Question IV
Que penser de l'enfer et des peines de l'enfer ?

Rien de plus triste que la mort, nous l'avons vu; rien de plus terrible que le jugement, surtout pour les enfants de ce siècle qui seront morts dans l'endurcissement du péché, nous l'avons vu encore ; disons de même : Il n'est rien qu'on puisse imaginer de plus funeste et de plus intolérable que l'enfer et les peines de l'enfer. Là, comme le dit l'Ecriture, il y aura des pleurs et des grincements de dents ; là, le ver qui les ronge ne mourra point, et le

 

(1) Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. IV, p.417-418.

(2) Ce sermon est plutôt attribué à Eusèbe d'Emèse. V. NAT. ALEX, Hist. eccles., V soc., p.107.

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feu qui les brûle ne s'éteindra point ; là, une terre ténébreuse couverte de l'obscurité de la mort ; là, à l'ombre funeste de la mort, un désordre complet, et une éternelle horreur ; là, un étang brillant de feu et de soufre, qui est la seconde mort ; là, des tourments qui ne laisseront de repos ni le jour ni la mit, et qui s'étendront dans les siècles des siècles. Là enfin on verra la vérité de ce que le juste jugé a prédit de la manière suivante à tous ceux qui doivent endurer un jour ces tourments : Mes serviteurs mangeront, et vous souffrirez la faim ; mes serviteurs boiront, et vous souffrirez la soif ; mes serviteurs se réjouiront et vous serez couverts de confusion ; mes serviteurs éclateront par des cantiques de louanges dans le ravissement de leurs Cours et vous éclaterez par de grands cris dans l'amertume de vos cours, et en de tristes hurlements dans le saisissement de vos esprits.

C'est pourquoi le prophète royal, s'adressant à tous les rois et à tous les potentats de la terre, leur donne ce grave avertissement au sujet des maux qui menacent les pécheurs : Et maintenant, ô rois, comprenez ; instruisez-vous, vous qui jugez la terre (car les plus grands parmi les hommes seront menacés des plus grands supplices, et ceux qui commandent les autres seront jugés avec le plus de rigueur). Servez le Seigneur dans la crainte et réjouissez-vous en lui avec tremblement. Pensez à vous corriger, de peur qu'enfin le Seigneur ne se mette en colère et que vous ne périssiez hors de la voie de la justice, dans peu de temps, lorsque sa colère se sera embrasée. De là aussi cette parole que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu faire entendre à tout le monde : Craignez celui qui, après avoir ôté la vie, a le pouvoir de jeter dans l'enfer. Oui, je vous le dis encore une fois, craignez celui-là. Car si les plaisirs de la vie ne durent que quelques moments, les tourments de l'enfer sont éternels (IV).

 

IV.

Quid verò de inferno, ejusque ponis.

 

Ut morte quidem nihil miserabilius, ut judicio etiam nihil est terribilius, præsertim filiis hujus sculi obstinatè peccantibus : sic infcrno ejusque ponâ nihil intolerabilius, ac infelicius potest excogitari. Ibi enim (teste Scripturâ divinâ) fletus est et stridor dentium : ibi vermis corum non moritur, et ignis non extinguitur : ibi terra tenebrosa et operta mortis caligine : ibi umbra mortis et nullus ordo, sed sempiternus horror inhabitat : ibi pars illorum

in stagno ardenti igne et sulphure, quod est mors secunda : ibi cruciabuntur die ac nocte in sæcula sæculorum. Ibi demùm verum esse comperietur, quod omnibus apud inferos torquendis justus judex his verbis prædixit : Ecce servi mei comedent, et vos esurietis : ecce servi mei bibent et vos sitietis, ecce servi mei lætabuntur, et vos confundemini : ecce servi mei laudabunt præ exultalione cordis, et vos clamabitis præ dolore cordis, et præ contritione spiritûs ululabitis.

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TEMOIGNAGES DE L'ECRITURE

 

1. MATTHIEU, VIII, 11-12 : « Aussi je vous déclare que plusieurs viendront d'orient et d'occident y et s'assiéront dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob ; - mais que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures : c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

2. Id., XIII, 40-50 : « Comme donc on ramasse l'ivraie et qu'on la brûle dans le feu, il en arrivera de même à la fin du monde. - Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité; - et ils les jetteront dans la fournaise du feu; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents ..... - Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer, qui prend toutes sortes de poissons, etc. - Il en sera de même à la fin du monde ; les anges viendront y et ils sépareront les méchants du milieu des justes, - et ils les jetteront dans la fournaise du feu : c'est 1à qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

3. Id., XXII, 11-14 : « Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table, et y ayant aperçu un homme qui n'avait pas de robe nuptiale? - il lui dit : Mon ami y comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale? Et cet homme demeura muet. - Alors le roi dit à ses gens : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents ; - car il y en a beaucoup d'appe1és mais peu d'élus. »

4. Id., XXIV, 48-51 : « Mais si ce serviteur est méchant et que disant en son cour : Mon maître n'est pas près de venir, - il se mette à battre les autres serviteurs, à manger et à  boire avec les ivrognes, - le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l'attend point, et à l'heure qu'il ne sait pas ; - et il le sépa-

 

Itque propheta regius reges et principes omncs compellat, atque futuras malorum ponas illis proponit cum hâc gravi admonitione : Et nunc reges intelligite, erudimini qui judicatis terram (Fortioribus enim fortior instat cruciatio, et judicium durissimum in his, qui præsunt, fiet). Servite Domino in timore, et exultate ei cum tremore, Apprehendite disciplinam, ne quando irascatur Dominus, et pereatis de viâ justâ, cùm exarserit in brevi ira ejus. Hinc et Christus ipse dictum omnibus voluit : Timete eum, qui postquám occiderit, habet potestatem mittere in gehennam : ita dico vobis, hunc timete. Ut enim est momentaneum, quod in hâc

vitâ delectat, ita sempiternum est quod in

gehennâ excruciat.

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rera de ses autres serviteurs, et lui donnera pour partage d'être puni avec les hypocrites ; et c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

5. Id., XXV, 30 : « Quant à ce serviteur inutile, qu'on le jette dans les ténèbres extérieures ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

6. Luc, XIII, 25-29 : « Et il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes. - Alors vous commencerez à dire : Nous avons bu et mangé avec vous, et vous avez enseigné dans nos places publiques. - Et il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous qui faites des ouvres d'iniquité. - Ce sera alors qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez qu'Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes seront dans le royaume de Dieu, et que vous serez jeté dehors. - Et il en viendra d'orient et d'occident, du nord et du midi, qui auront place au festin dans le royaume de Dieu. »

7. MARC, IX, 42-47 : « Et si votre main vous est un sujet de scandale, coupez-la ; il vaut bien mieux pour vous d'entrer dans la vie n'ayant qu'une main, que d'en avoir deux et d'aller dans l'enfer, dans ce feu inextinguible, - où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. - Et si votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-le ; il vaut bien mieux pour vous d'entrer dans la vie éternelle n'ayant qu'un pied, que d'en avoir deux, et d'être précipité en enfer, dans ce feu inextinguible, - où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. - Et si votre oil vous est un sujet de scandale, arrachez-le ; il vaut bien mieux pour vous que vous entriez dans le royaume de Dieu, n'ayant qu'un oil, que d'en avoir deux y et d'être précipité dans l'enfer, ou le ver qui ronge les impies ne meurt point, et où le feu qui les brûle ne s'éteint jamais. »

8. ISAIE, LXVI, 23-24 : « Toute chair viendra se prosterner devant moi et m'adorer, dit le Seigneur. - Et on sortira pour voir les corps morts de ceux qui ont violé ma loi ; leur ver ne mourra point et leur feu ne s'éteindra jamais, et ils seront exposés à tous les hommes, qui rassasieront leurs yeux de ce spectacle. »

9. Id., XIV, 11-15 : « Ton orgueil a été précipité dans les enfers ; ton corps mort est tombé par terre ; ta couche, ce sera la pourriture, et ton vêtement, ce seront les vers. - Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer, toi qui paraissait si brillant au point du

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jour ? Comment as-tu été renversé sur la terre, toi qui frappais de plaies les nations ; - qui disais en ton cour : Je monterai au ciel, j'établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu ; je m'assoirai sur la montagne de l'alliance, aux côtés de l'aquilon. - Je me placerai au-dessus des nuées les plus élevées et je serai semblable au Très-Haut - Et pourtant tu as été précipité de cette gloire dans l'enfer, jusqu'au plus profond des abîmes.

10. Ecclésiastique, VII, 19 : « Humiliez profondément votre esprit, parce que la chair de l'impie sera la pâture du feu et des vers. »

11. Judith,  XVI, 20-21 : « Malheur à la nation qui s'élèvera contre mon peuple ; car le Seigneur tout-puissant se vengera d'elle, et la visitera au jour du jugement. - Il répandra dans leur chair le feu et les vers, afin qu'ils brûlent et se sentent déchiré éternellement. »

12. JOB, X, 20-22 : « Donnez-moi donc quelque relâche, afin que je puisse un peu respirer dans ma douleur, - avant que j'aille sans aucun retour en cette terre ténébreuse qui est couverte de l'obscurité de la nuit ; - cette terre de misère et de ténèbres où s'étend l'ombre de la mort, où règne un désordre complet et une éternelle horreur. »

13. JUDE, 12-13 : « Ces personnes sont la honte et le déshonneur de vos festins de charité ; ils mangent sans règle, ils ne songent qu'à se rassasier eux-mêmes, etc. Une tempête noire et ténébreuse leur est réservée pour l'éternité. »

14. Apocalypse, XXI, 8 : « Pour ce qui est des pusillanimes, des incrédules, des exécrables et des homicides, des fornicateurs et des empoisonneurs, des idolâtres et de tous les menteurs, leur partage sera dans l'étang de feu et de soufre, qui est la seconde mort. »

15. Ibid., XIV, 9-11 : « Et un troisième ange suivit ces deux, et il dit à haute voix : Si quelqu'un adore la bête et son image, ou qu'il en reçoit le caractère sur le front ou dans la main, - il boira aussi du vin de la colère de Dieu, de ce vin tout pur préparé dans le calice de sa colère ; et il sera tourmenté par le feu et le soufre devant les saints anges et devant l'Agneau. - Et la fumée de leurs tourments s'élèvera dans les siècles des siècles, sans qu'il reste aucun repos, ni jour, ni nuit, à ceux qui auront adoré la bête ou son image, ou qui auront reçu le caractère de son nom. »

16. Ibid., VI1, 5-8 : « Car les péchés de Babylone sont

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montés jusqu'au ciel, et Dieu s'est ressouvenu de ses iniquités. - Traitez-la comme elle vous a traité ; rendez-lui au double toutes ses ouvres ; dans le même calice où elle a donné à boire, faites-la boire deux fois autant. - Multipliez ses tourments et ses douleurs à proportion de ce qu'elle s'est élevée dans son orgueil, et de ce qu'elle s'est plongée dans les délices, parce qu'elle dit en elle-même : Je suis sur le trône comme une reine, je ne suis point veuve, et je n'aurai point à garder le deuil. - C'est pourquoi, en un même jour, les plaies qui lui sont destinées, la mort, le deuil et la famine viendront fondre sur elle ; et elle sera consumée par le feu, parce que c'est le Dieu tout-puissant qui la condamnera. »

17. Ibid., XIX, 20 : « Mais la bête fut prise, et avec elle le faux prophète qui avait fait en sa présence ces prodiges, par lesquels il avait séduit ceux qui avaient reçu le caractère de la bête et qui avaient adoré son image. Et tous deux furent jetés vivants dans l'étang brûlant de feu et de soufre. »

18. Ibid., XX, 9-10, 14-15 : « Et le diable qui les séduisait fut précipité dans l'étang de soufre et de feu, où la bête - et le faux prophète seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles - Et l'enfer et la mort furent précipité dans l'étang de feu. C'est là la seconde mort. Et quiconque ne se trouva pas écrit dans le livre de vie fut jeté dans l'étang de feu. »

19. Psaume X, 8 : « Le Seigneur fera pleuvoir sur les impies des fléaux auxquels ils n'échapperont pas : le feu, le soufre et le vent des tempêtes, voilà la coupe qu'il leur prépare. »

20. Ps. XX, 9 -10 : « Votre main s'appesantira sur tous vos ennemis ; votre droite atteindra tous ceux qui vous haïssent - Au jour de la vengeance, vous les livrerez à un feu dévorant. La colère du Seigneur les dévorera ; ils deviendront la proie des flammes. »

21. Deutéronome, XXXII, 22 : « Ma fureur s'est allumée comme un feu, et elle fera sentir ses atteintes jusqu'au fond des enfers ; elle dévorera la terre avec ses germes, et elle consumera les montagnes jusque dans leurs racines. »

22. JOB, XXIV, 19-20 : « Il passera tout d'un coup des eaux froides de la neige à une chaleur excessive, et son péché le conduira jusqu'aux enfers. Que la miséricorde le mette en oubli, que les vers soient sa douceur et ses délices ; qu'on ne se souvienne point de lui, mais qu'il soit retranché comme un arbre qui ne donne point de fruits. »

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23. Romains, II, 6-9 : « Il rendra à chacun selon ses ouvres ;  - en donnant la vie éternelle à ceux qui, par leur constance dans les bonnes ouvres cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité - et en répandant la colère et son indignation sur ceux qui ont l'esprit contentieux, et qui ne se rendent point à la vérité mais qui embrassent l'iniquité - Tribulation et angoisse sur tout homme qui fait le mal. »

24. ISAIE, XIII, 21-22 : « Elle (Babylone) deviendra le repaire des bêtes féroces ; ses palais seront remplis de serpents ; les autruches y viendront habiter ; les boucs sauvages y prendront leurs ébats. - Les hiboux y feront retentir leur voix lugubre, et des monstres occuperont ses palais de délices. »

25. Proverbes, XIX, 29 : « Le jugement est préparé pour le moqueur, et la verge pour le dos de l'insensé. »

26. Ecclésiastique, XXI, 10-11 : « L'assemblée des méchants est comme un amas d'étoupes et ils seront à la fin consumé par la flamme. - La voie des pécheurs est unie et pavée ; mais au bout est l'enfer, et les ténèbres et les supplices. »

27. Apocalypse, XX ; comme ci-dessus, témoignage 18.

28. Ibid., IX, 6 : « Dans ces jours, les méchants chercheront la mort, et ne la trouveront point ; ils la désireront et elle fuira loin d'eux. »

29. JOB, VII, 9 : « Comme une nuée se dissipe et passe sans qu'il en reste de traces, ainsi celui qui descend dans l'abîme ne remontera plus. »

30. Ibid., XX, I, 4-5, 14-16, 18, 22, 26-29 : « Sophar de Naamath répondit en disant : «  Ce que je sais, ce qui a toujours été également vrai depuis que l'homme a été créé sur la terre, - c'est que la gloire des impies est bientôt passée et que la joie de l'hypocrite n'est que d'un moment. - La nourriture qu'il prend s'altère dans son sang, et se change en un venin mortel. - Il vomira les richesses qu'il aura dévorées et Dieu les lui arrachera des entrailles. - Il sucera le venin de l'aspic, et restera atteint de la dent de la vipère. - Il souffrira les peines des maux qu'il a faits sans en être consumé et l'excès de ses tourments égalera celui de ses crimes. - Après qu'il se sera bien rassasié, il se trouvera dans des étouffements qui le déchireront et les douleurs l'accableront de toutes parts. - Les ténèbres les plus épaisses sont cachées dans le secret de son âme ; il sera dévoré par un feu qui ne s'allume point, et du fond de sa tente il fera éclater ses gémissements - Les cieux révèleront

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son iniquité et la terre s'élèvera contre lui. - Les enfants de sa maison seront exposés à la violence ; ils seront retranchés au jour de la colère de Dieu. - Voilà le partage que Dieu réserve à l'impie ; tel est 1'héritage que lui promet le Seigneur. »

31. Psaume XLVIII, 15 : « Ils seront enfermés comme un troupeau dans l'abîme ; la mort sera leur pasteur. »

32. ISAIE, XXXIII, 11-14 : « Vous vouliez embraser Jérusalem ; vos efforts seront vains, et votre souffle allume le feu qui vous dévorera. - Et ces peuples ressembleront aux cendres qui restent après un incendie, et à un faisceau d'épines qu'on jette dans le feu. - Vous qui êtes loin, apprenez ce que j'ai fait ; et vous qui êtes proche, reconnaissez ma puissance. Les impies ont été saisis d'effroi en Sion ; la frayeur s'est emparée des hypocrites. Qui de vous pourra habiter dans le feu dévorant? Qui de vous pourra subsister dans les flammes éternelles ? »

33. MATTHIEU, III, 10-12 : « Car déjà la cognée est mise à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. - Pour moi, je vous baptise dans l'eau pour vous porter à la pénitence mais celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers ; c'est lui qui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu. - Il tient son van à la main, et il nettoiera entièrement son aire ; il amassera son froment dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais. »

34. Id., XXV, 41, 46 : « Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges ; et ces derniers iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle. »

35. II Thessaloniciens, I, 8-9 : « Lorsqu'il viendra au milieu  des flammes tirer vengeance de ceux qui ne connaissent pas Dieu, et qui n'obéissent point à l'évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; - qui souffriront la peine d'une éternelle damnation à la présence du Seigneur et devant l'éclat de sa puissance. »

36. II PIERRE, II, 4-6, 9 : « Si Dieu n'a point épargné les anges qui ont péché, mais les a précipités dans l'abîme, où ils sont enchaînés pour être tourmentés et tenus comme en réserve jusqu'au jour du jugement ; - s'il n'a point épargné le monde des premiers temps, mais n'a sauvé que sept personnes avec Noé, prédicateur de la justice, en amenant les eaux du déluge sur le monde des pervers ; - s'il a puni les villes de Sodome et de Gomorrhe, en les ruinant de fond en comble et les réduisant

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en cendres, pour les faire servir d'exemple à ceux qui vivraient dans l'impiété, etc. : - le Seigneur sait délivrer ceux qui le craignent des maux par lesquels ils sont éprouvés et réserver les pécheurs au jour du jugement pour leur peine à subir. »

37. ISAIE, LXV, 13 ; comme dans le corps de la réponse.

38. Luc, VI, 24-26 : « Néanmoins, malheur à vous, riches, qui avez votre consolation. - Malheur à vous qui êtes dans l'abondance, car vous aurez faim. Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous pleurerez et répandrez des larmes. - Malheur à vous, lorsque les hommes vous applaudiront. »

39. Id., XVI, 22-26 : « Le riche mourut aussi, et il eut l'enfer pour tombeau. - Et lorsqu'il était dans les tourments, il leva les yeux en haut, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. - Et s'écriant, il dit ces paroles : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau pour me rafraîchir la langue : car je souffre extrêmement dans ces flammes. - Mais Abraham lui répondit : Mon fils, souvenez-vous que vous avez reçu des biens dans votre vie et que Lazare n'a eu que des maux ; c'est pourquoi maintenant il est dans la consolation, et vous êtes dans les tourments. - De plus, il y a entre vous et nous un grand abîme, de sorte que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le pourraient, comme on ne peut passer ici du lieu ou vous êtes. »

40. Psaume II, 10 ; comme dans le corps de la réponse.

41. Sagesse, VI, 2-9 : « Ecoutez donc, ô rois, et comprenez ; instruisez-vous, juges de la terre. - Prêtez l'oreille, vous qui gouvernez les peuples et qui vous complaisez dans la multitude de vos sujets. - Considérez que la puissance vous a été donnée par le Seigneur et la force par le Très-Haut qui interrogera vos ouvres et scrutera vos pensées. - Car, étant les ministres de son royaume, vous n'avez pas jugé équitablement, vous n'avez pas garde la loi de la justice, et vous n'avez pas marché selon la volonté de Dieu. - Il vous apparaîtra soudain et dans un appareil formidable : car un jugement très rigoureux est réservé à ceux qui commandent aux autres ; on a pitié des petits, mais les puissants seront puissamment tourmentés - Dieu n'exceptera personne des lois de la justice, et il ne respectera aucune grandeur ; car il a fait les grands comme les petits, et il a également soin de tous. - Mais aux plus grands sont destinés les plus grands supplices. »

42. ISAIE, V, 14 : « L'enfer s'est élargi et a ouvert ses

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gouffres immenses : ils y descendront, ces premiers de la nation, ces hommes revêtus de gloire, confondus avec le peuple. »

43. Luc, XII, 5 ; comme dans le corps de la réponse.

44. MATTHIEU, X, 28 : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent faire périr l'âme ; mais craignez plutôt celui qui peut précipiter le corps et l'âme dans l'enfer. »

 

TEMOIGNAGES DE LA TRADITION.

 

1. S. CHRYSOSTOME, Epist. V ad Theodorum lapsum : « Les douleurs et les chagrins de la vie passent en un moment ; au lieu que les siècles à venir n'auront jamais de fin, et on ne saurait mesurer la différence qui se trouve entre la vie future et la vie présente.

« Quand vous entendez parler du feu de l'enfer, ne vous persuadez pas qu'il ressemble à celui que vous voyez, qui diminue peu à peu et qui s'éteint ; l'autre brûle sans cesse avec la même activité, il est impossible de l'éteindre. Ceux qui ont péché sont revêtus comme les autres de l'immortalité, mais ce n'est pas pour leur gloire : c'est afin qu'ils puissent toujours souffrir. Il n'y a point de termes pour exprimer un état si violent. Les petites choses peuvent nous donner quelque idée des grandes. Si vous vous jetez dans un bain trop chaud, songez aux peines de l'enfer ; lorsqu'une fièvre ardente vous tourmente, souvenez-vous du feu qui brûle les réprouvés. Si la fièvre, si un bain trop chaud nous paraissent si incommodes, quel supplice ne sera-ce pas d'être englouti dans un torrent de feu ? Ce tourment insupportable fera grincer les dents et causera des douleurs infinies, sans que personne puisse songer à y apporter du secours : nous répandrons des larmes amères au milieu de ce fleuve de feu ; nous n'aurons devant les yeux que des damnés et une effroyable solitude.

«  Qui pourrait expliquer les horreurs de ces ténèbres et l'effroi qu'elles nous causeront? Ce feu, qui ne pourra s'éteindre, n'éclairera point : les peines se succèderont les unes aux autres, et on sera accablé par divers genres de supplices. On voit même ici-bas des corps qui résistent à des maladies longues et violentes, et ainsi il n'y a pas de quoi s'étonner qu'une âme immortelle subsiste au milieu de tant de peines. La mort n'arrive que par la défaillance du corps, et nullement par celle de l'esprit ; si bien que quand l'âme sera réunie à un corps incorruptible, rien ne pourra les empêcher de souffrir éternellement. La violence des maux que nous souffrons en abrège la durée, à cause de la fai-

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blesse du corps, qui s'use à la fin. L'immortalité supplée à ce défaut et nous rendra capables de souffrir des maux violents et éternels sans que notre âme périsse ou que le corps soit consumé par ces tourments, qui n'auront jamais de fin.

« Voudriez-vous jouir pendant cent ans de tous les plaisirs du monde pour être ensuite condamné à des peines si cruelles ? Quelle comparaison peut-il y avoir entre un espace si court et une infinité de siècles ? Les plaisirs de la vie présente sont comme un songe d'une nuit, en comparaison des biens de l'éternité. Voudrait-on souffrir des tourments éternels pour être heureux pendant un songe ? Il faudrait être bien dépourvu de raison pour faire un échange si mal entendu.

« Je ne vous parle point encore de l'amertume qui empoisonne les plaisirs du monde : vous en êtes trop préoccupés et ce n'est pas ici le lieu de vous détromper. Je vous en ferai voir la vanité et le ridicule, quand vous aurez la force de goûter mes raisonnements. L'entêtement où vous êtes vous ferait rire, si je me mettais en devoir de vous prouver que les plaisirs sont fades et dégoûtants. Quand la grâce de Dieu vous aura guéri de cette maladie, vous comprendrez mieux la vérité des maximes que je vous propose, et que j'approfondirai dans un autre temps.

« Mais supposons que les plaisirs du monde soient de véritables plaisirs, et qu'ils ne soient jamais détrempés de fiel ; que dirons-nous des tourments qui leur succèderont ? Que ferons-nous, lorsque quelques jours d'une joie imaginaire seront punis par des supplices éternels. Il ne tient qu'à nous de les éviter et de mériter à peu de frais des récompenses infinies. Car la divine Providence a disposé les choses de telle façon que nos combats durent peu, puisqu'ils finissent avec cette vie qui est si courte, tandis que les joies qu'elle nous prépare dureront dans toute la suite des siècles.

« Voilà ce qui tourmentera les réprouvés quand ils feront réflexion qu'ils se sont condamnés eux-mêmes à des peines éternelles, parce qu'ils n'ont pas voulu employer quelques moments à la pénitence. Ne nous exposons pas à ce cruel repentir ; profitons du temps que Dieu nous donne ; ceux qui persévèreront dans le vice souffriront tous les maux que je viens de vous décrire et qui sont encore bien plus violents que nous ne pouvons l'imaginer, et que tout ce que l'on fait souffrir aux scélérats. C'est un si grand sujet de désespoir d'avoir perdu par sa faute des biens infinis, qu'il n'en faut pas davantage pour tourmenter les réprouvés et pour les rendre infiniment malheureux. »

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2. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ : « Je crains pour moi-même l'enfer, à cause de la durée sans fin de ses tourments. Ses supplices me font horreur, à cause de la chaleur insupportable qu'on y endure ; ses ténèbres me causent une vive frayeur, parce qu'elles sont sans mélange de lumière. Je redoute le ver qui y ronge les damnés parce qu'il ne meurt point.

« Celui qui se trouvera avoir vécu dans une molle oisiveté entendra cette dure parole appliquée à lui-même : Que l'impie disparaisse, et qu'il ne voie pas la gloire du Seigneur (ISAÏE, XXVI, 10). Ce sera alors un jour de colère, un jour de tristesse et d'angoisse, un jour d'affliction et de misère, un jour de ténèbres et d'obscurité (SOPH., 1, 15). Alors l'âme abandonnée des saints anges de Dieu sera saisie par de noirs démons qui la frapperont rudement, l'entraîneront dans des lieux obscurs, dans les abîmes de la terre qui s'ouvrira devant elle, et l'y enchaîneront avec de durs liens. Là seront plongées les âmes des pécheurs pour y brûler pendant toute l'éternité ainsi que Job le témoigne par ces paroles : Dans une terre ténébreuse, couverte des obscurités d'une nuit éternelle (JOB, X, 21). Là, point de lumière ; point de vie pour les malheureuses victimes qui s'y trouvent condamnées ; mais une désolation sans remède, une douleur sans terme, des pleurs sans fin, des grincements de dents sans interruption, des gémissements inconsolables. Là, un malheur, un désespoir éternels. Les malheureux y crient sans cesse : Hélas ! hélas ! et personne ne vient à leur secours ; ils demandent du soulagement, et personne ne les soulage. Ces peines sont au-delà de toute expression ; aucune bouche humaine ne saurait exprimer la terreur dont on y est saisi, ou égaler les expressions à la grandeur des maux qu'on y endure. Ils gémissent sans cesse, et personne n'a pitié d'eux. Ils crient du fond de l'abîme et personne n'est sensible à leurs cris. Ils se lamentent, sans que personne les délivre. Ils se désolent sans que personne compatisse à leurs peines. Que sont devenues désormais ces vanités mondaines, cette vaine gloire, ces plaisirs, ces voluptés, cette pétulance, cette ambition, etc. ?

« De quelles ténèbres ne se verront-ils pas enveloppées lorsque le souverain juge leur parlera dans sa colère lorsqu'il leur adressera ces terribles paroles : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges (MATTH., XXV, 41) ! Hélas, de quelle douleur, de quelle anxiété,

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de quelle terreur, de quel tremblement ne seront-ils pas saisis, lorsque toutes les puissances célestes s'élèveront contre eux, et s'écrieront de concert : Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer (Ps. IX, 18) ! Malheur! malheur! voilà quel sera leur éternel cri, tandis qu'ils se verront précipités dans d'éternels tourments. Ah! que l'abîme qui les recevra est horrible! Là, des pleurs et des grincements de dents ; Satan lui-même, à l'aspect de ces lieux, est saisi d'effroi. Ah ! quel tourment que ce feu qui ne s'éteint point, qui brûle éternellement sans jamais donner de lumière. Quel monstre effrayant que ce ver qui ne meurt point, qui ne dort point ! Quelle horreur que ces ténèbres extérieures et sans jour ni aurore ! Quelle terreur m'inspirent ces anges sans pitié qui ont pour mission de tourmenter les coupables, de les insulter, de les accabler de reproches ! Alors ces malheureux redoublent leurs cris, mais personne ne s'occupe de leur délivrance. Ils crient vers le Seigneur, mais le Seigneur n'écoute point leur voix. Alors ils reconnaissent enfin que tout n'est que vanité dans les biens de la vie présente, et que ce qui y semble devoir causer le plus de joie et procurer le plus de bonheur, est ce qui renferme le plus de fiel et d'amertume. O tribulation ! ô calamité ! ô malheur sans remède ! C'est dur que de se voir séparé de la société des saints; mais c'est bien plus dur encore de se voir séparé de la société de Dieu. Quelle ignominie aussi de se voir les mains et les pieds liés. Il est pénible de se voir jeté dans les ténèbres extérieures, d'être réduit à ne faire que grincer les dents, de souffrir sans fin , d'endurer des flammes éternelles. Il est triste de demander une goutte d'eau, et d'en essuyer le refus, de s'écrier continuellement du milieu des flammes, sans que personne vienne au secours ; de se voir englouti dans un abîme dont on ne pourra jamais se retirer ; renfermé dans une prison, sans moyen de fuir, sans moyen de s'en évader ou d'en rompre les liens ; éternellement en proie à des flammes vengeresses, impitoyables ministres de la justice de Dieu ; resserré dans de dures courroies, déchiré avec des ongles de fer, fouetté sans miséricorde, plongé dans la poix bouillante, ne respirant que l'odeur du soufre, sillonné par des vers dégoûtants enchaîné à un bûcher dont les flammes ne s'éteignent point. »

3. S. PROSPER (ou plutôt, Julien Pomère, véritable auteur de l'ouvrage cité ici, V. NAT. Alex., Hist. Eccl., t. V, p.130), Lib. III de vita contemplativâ, c. 12 : « Que

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veulent dire ces paroles, être réduit au silence et lié par les pieds et les mains, sinon être privé de toute action dans l'enfer, où il n'y a personne qui chante les louanges du Seigneur ; de même que d'être jeté dans les ténèbres extérieures, signifie être rejeté de Dieu qui est la lumière de nos esprits ? Les pleurs et les grincements de dents indiquent les douleurs cuisantes de ces malheureux damnés voués au supplice d'une mort éternelle et privés du sens de la vue pour n'avoir plus d'autre sentiment que celui de leurs souffrances. Leurs  gémissements continuels, leurs tortures horribles, leurs supplices sans fin ne leur laissent la vie que pour être eux-mêmes éternels ; et si ce feu qui ne s'éteint point n'éteint pas non plus en eux la flamme de la vie, c'est pour qu'ils conservent éternellement le sentiment de leurs souffrances, pour rendre immortelle cette seconde mort qui perpétuera éternellement ses horreurs. Ce que dit l'Evangile, que le ver qui les ronge ne mourra point, et que le feu qui les brûle ne s'éteindra point, comprend l'ensemble des peines des damnés qui tourmentera éternellement le feu d'une pénitence stérile et que dévorera de même sans fin le ver rongeur d'une conscience bourrelée. Lors donc qu'on parle de celle seconde mort des damnés, on ne veut pas dire que la vie les abandonne, mais seulement qu'ils souffrent tout ce que la mort fait souffrir de plus affreux. Se repaître volontiers de ces pensées, en faire le sujet de ses entretiens ou de ses lectures, y croire fermement, prévoir sans trouble ces châtiments qui nous menacent, afin de les éviter penser quel mal ce serait pour nous d'être à jamais privé du bonheur de voir Dieu, de la société des saints, du repos de la céleste patrie ; d'être morts à la vie bienheureuse, et de ne vivre que pour mourir sans fin ; d'être précipité avec le diable et ses anges dans un feu éternels où la vie n'est qu'un supplice ; de n'éprouver des propriétés de ce feu que celle qu'il a de faire souffrir, et non celle qu'il pourrait avoir d'éclairer de n'entendre plus rien autre chose que le pétillement de ces flammes dévorantes ; d'être comme aveuglé par leur noire fumée ; d'être plongé dans un étang de feu ; d'être éternellement rongé par les vers : penser, dis-je, à tout cela, c'est prendre la résolution de renoncer au vice, et de réprimer à l'avenir toutes les révoltes de la chair. Mais ne nous arrêtons pas, croyez-moi, à occuper notre esprit de ces châtiments, qui frappent l'esprit des fidèles d'une terreur salutaire, qui les obligent à renoncer aux plaisirs défendus, et dont les voluptueux ne pourront du reste faire

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l'expérience que, lorsque, pour comble de malheur, ils ne pourront plus ni s'en garantir, ni se corriger ; ne nous arrêtons pas, dis-je, à nous occuper de ces pensées, mais songeons de plus au bonheur qu'il nous est ordonné d'espérer, aux biens célestes qui doivent être l'objet de nos désirs ; et puisque ceux qui veulent faire des progrès dans la vertu doivent, après avoir commencé par se bien pénétrer d'une crainte salutaire, entrer par degrés dans les secrets de l'amour divin, nous devons donc aussi parler maintenant des motifs d'aimer Dieu, après nous être étendu suffisamment, à ce qu'il nous semble, sur ceux que nous avons de le craindre. »

4. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Lib. IV dialogorum, c. 28 : « Si vous croyez sur la parole de Dieu que les âmes des saints sont dans le ciel, vous devez croire de même que celles des méchants sont dans l'enfer ; car la même souveraine justice qui demande que les justes soient glorifiés exige aussi que ceux qui ont commis l'injustice en portent la peine. Et de même que vous croyez que les élus jouissent de la béatitude ainsi devez-vous croire que les réprouvés endurent le supplice du feu, à partir du jour de leur mort. »

Pierre. « Eh ! quelle raison peut nous obliger à le croire, puisqu'une substance immatérielle ne donne sur elle-même aucune prise à un feu matériel ? »

5. Ibidem, c. 5 : Grégoire. « Si votre âme, toute immatérielle qu'elle est, est dans votre corps tant que vous vivez, pourquoi l'âme du damné ne pourrait-elle pas aussi, après la mort, être dans un feu corporel, quoiqu'incorporelle elle-même ? »

Pierre. Si l'âme, quoiqu'immatérielle réside dans le corps d'un homme tant qu'il vit, c'est qu'elle est en lui le principe de la vie. »

Grégoire. « Eh bien ! si une âme immatérielle peut résider dans un corps pour être en lui un principe de vie, pourquoi ne pourrait-elle pas aussi résider dans un corps pour y souffrir les douleurs de la mort ? Or, nous disons que l'âme du damné est dans le feu, pour y recevoir, par les tourments qu'elle y éprouve la peine de ses crimes. Le feu la fait souffrir par cela seul qu'elle le voit, et elle y brûle par cela seul qu'elle voit qu'elle y brûle. Et c'est ainsi qu'une substance corporelle peut en brûler une autre qui est incorporelle, le feu, tout visible qu'il est par lui-même, causant à l'âme une douleur invisible, de telle façon qu'on peut dire que ce feu matériel allume dans l'âme un feu

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immatériel ; quoique, après tout, les textes évangéliques puissent aussi nous fournir la preuve, que l'incendie dont l'âme du réprouvé est dévorée, résulte pour elle non-seulement de ce qu'elle voit, mais encore de ce qu'elle sent. Car c'est la vérité elle-même qui nous déclare que le riche, après sa mort, fut enseveli dans l'enfer. Or, que son âme y éprouve le contact du feu, c'est ce que donne à penser cette prière qu'elle adresse à Abraham : Envoyez-moi Lazare, pour qu'il trempe dans l'eau le bout de son doigt, et qu'il en rafraîchisse ma langue, car je soufre horriblement dans ces flammes (LUC, XVI, 24). Puis donc que la Vérité même nous déclare que ce riche réprouvé est condamné au supplice du feu, quel homme sensé voudra nier que le feu soit le supplice qu'endurent les âmes des réprouvés ? »

Pierre. « Je le vois, la raison et l'autorité m'obligent de concert à vous croire ; mais que vous me laissiez un moment penser librement, je retombe aussitôt dans mon incrédulité. Car je ne saurais comprendre comment ce qui est matériel peut affecter ce qui est immatériel et lui causer du tourment. »

Grégoire. « Dites-moi, je vous prie, pensez-vous que les esprits rebelles, précipités du ciel dans les abimes, soient corporels, ou qu'ils soient incorporels ? »

Pierre. « Quel homme de bon sens pourrait dire que des esprits fussent corporels ? »

Grégoire. « Direz-vous que le feu de l'enfer soit incorporel, ou n'avouerez-vous pas plutôt qu'il est corporel ? »

Pierre. « Je ne doute pas que le feu de l'enfer ne soit corporel, puisqu'il est certain qu'il fera le tourment des corps des damnés. »

Grégoire. « Assurément la Vérité dira aux réprouvés à la fin du monde : Allez au feu éternel, préparé pour le diable et pour ses anges (MATTH., XXV, 41). Si donc le diable et ses anges, tout incorporels qu'ils sont, doivent être tourmentés par un feu corporel, que trouvez-vous d'étonnant à ce que les âmes des reprouvés, avant même d'être réunies à leurs corps, puissent de même éprouver les atteintes d'un feu matériel ? »

Pierre. « Cette raison que vous donnez est évidente et je dois m'interdire toute question ultérieure. »

6. Ibidem : c. 42 : « Puisqu'il n'y a sous terre personne qui, au témoignage de l'Apôtre (Apoc., V, 3), ait été trouvé digne d'ouvrir le livre, je ne vois rien qui empêche de croire que l'enfer a son siège dans les lieux souterrains. »

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7. Ibidem, c. 43 : « Le feu est le même pour tous les damnés, mais il ne les tourmente pas tous de la même manière. Car chacun en est tourmenté à proportion des fautes dont il est resté coupable. Et de même que dans ce monde tous jouissent de la vue du même soleil, sans que tous éprouvent également pour cela l'ardeur de ses rayons, chacun en ressentant les atteintes selon la manière particulière dont il se trouve disposé ; ainsi, en enfer, quoique le feu soit pour tous le même, il ne cause pas à tous les mêmes tourments ; mais ce qui est ici l'effet de la diversité des tempéraments ou des humeurs, est en enfer l'effet de la diversité des crimes, et c'est à cette diversité de crimes qu'il faut attribuer la différence des tourments, quoiqu'il n'y ait aucune différence dans le feu lui-même qui en fait la matière. »

8. Ibidem, c. 44 : « Puisque c'est la Vérité elle-même qui a dit : Les impies iront au supplice éternel et les justes au contraire iront à la vie éternelle (MATTH., XXV, 46), tout ce qu'elle a promis aux uns ne pouvant être que véritable, on ne saurait non plus tenir pour faux ce dont elle a menace les autres. »

Pierre. « Mais si quelqu'un disait : Dieu n'a menacé les pécheurs d'une peine éternelle que pour les faire cesser de pécher ? »

Grégoire. « S'il nous était permis de considérer comme inexécutables les menaces qu'il fait aux pécheurs, on pourrait aussi considérer comme telles les promesses qu'il fait aux justes. Mais quel est, même parmi les insensés celui qui voudrait penser ainsi ? Et d'ailleurs, si Dieu peut faire aux hommes, pour les ramener au bien, des menaces qu'il n'ait pas l'intention d'exécuter, nous faisons de lui un menteur en voulant sauver sa miséricorde. »

Pierre. « Je voudrais bien savoir comment il peut se faire avec justice, qu'une faute d'un moment soit punie d'un supplice sans fin. »

Grégoire. « Votre réflexion serait juste, si le juste juge n'avait pas égard la disposition d'esprit des hommes, plutôt qu'à leurs actes. Si les méchants n'ont péché que quelques années, c'est qu'ils n'ont vécu que quelques années. Et il n'est pas douteux que si la chose leur eut été possible, ils eussent, voulu vivre sans fin, pour pouvoir pécher sans fin. Ils font bien voir qu'ils voudraient toujours vivre dans le péché, puisqu'ils ne cessent de pécher tout le temps de leur vie. Il est donc de toute justice que le juge souverain condamne à d'éternels supplices des hommes

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qui, tant qu'ils ont vécu, ont voulu être dans le péché. Dieu étant infiniment bon, ne saurait se repaître de nos souffrances ; mais comme il est aussi infiniment juste, il ne peut que punir éternellement une volonté constamment criminelle. Mais de plus, la condamnation des méchants aux supplices éternels, en même temps qu'elle est la juste peine de leur iniquité fait que les justes n'en apprécient que mieux le bonheur dont Dieu les fait jouir, en voyant la rigueur des châtiments auxquels ils ont échappés et qu'ils se reconnaissent d'autant plus redevables à la grâce divine, qu'ils voient que les péchés que sa grâce leur a fait éviter auraient été punis d'un éternel supplice. »

Pierre. « Mais comment peuvent-ils être saints, s'ils ne prient pas pour ceux qu'ils voient brûler dans les flammes, puisqu'il a été dit à tous : Priez pour vos ennemis (MATTH., V, 44) ? »

Grégoire. Ils prient pour leurs ennemis, tant qu'ils peuvent par leurs prières convertir utilement leurs cours à la pénitence, et les sauver par les exemples qu'ils leur donnent. Car qu'ont-ils à demander pour leurs ennemis, autre chose que ce qui est marqué par les paroles suivantes de l'Apôtre : Que Dieu leur donne l'esprit de pénitence pour qu'ils connaissent la vérité, et qu'ainsi ils sortent des pièges du diable, qui les tient captifs pour en faire ce qu'il lui plaît (II Tim., II, 25-26).  »

Pierre. « Je goûte cette doctrine ; comment, en effet, pourraient-ils prier pour des gens qui ne peuvent plus changer de dispositions en quittant le mal pour revenir à la pratique du bien ? »

Grégoire. « Les saints auront alors la même raison pour ne pas prier en faveur de ceux qu'ils verront condamnes au feu éternel que celle que nous avons dès aujourd'hui pour ne pas prier en faveur du diable et de ses anges condamnés à d'éternels supplices ; la même raison encore, que celle que les saints même d'ici-bas ont de ne pas prier pour les infidèles et les impies morts dans leur infidélité ou leur impiété, parce qu'ils ne veulent pas perdre le fruit de leurs prières, en les adressant au juste juge pour ceux qu'ils savent condamnés sans retour et pour l'éternité. Que si dès ici-bas les justes s'interdisent toute compassion pour les réprouvés, quoiqu'ils sachent bien n'être pas eux-mêmes exempts de fautes ; à combien plus forte raison ne verront-ils pas d'un oil impitoyable les supplices des méchants, lorsque purifiés eux-mêmes de leurs anciennes souillures, ils les verront inexorablement enchaînés à l'éternelle justice ? Car, par-là même qu'ils

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adhèrent complètement au souverain juge, les règles de l'équité occupent tellement leurs esprits, qu'ils ne peuvent plus vouloir autre chose que ce qui est parfaitement d'accord avec ces règles. »

9. S. ISIDORE, Lib. 1 de  summo bono, c. 31 : « Les damnés souffrent en enfer deux sortes de peines : la tristesse, qui affecte leurs âmes et est comme un feu intérieur qui les brûle et le feu même qui brûle leurs corps ; et rien de plus juste que cette disposition, puisqu'ayant conçu dans leur esprit le mal dont le corps a été ensuite l'instrument, l'âme doit être punie en eux aussi bien que le corps. Le feu de l'enfer a de la lumière en un sens, et n'en a pas dans un autre : il en a pour faire voir aux damnés les maux qu'ils endurent ; il n'en a pas, quant à la consolation que pourrait leur procurer la vue de la lumière. La fournaise ardente où furent jetés les trois jeunes hommes peut servir à donner une juste idée du feu de l'enfer. De même que ce feu semblait avoir perdu ses propriétés par rapport à leurs corps, qui n'en recevaient aucune atteinte, et qu'il les conservait tout entier pour brûler les liens dont ils avaient été entourés. Ainsi le feu de l'enfer brillera aux yeux des damnés pour augmenter leur supplice, en leur faisant voir toute l'énormité de leurs maux, et il sera en même temps sans lumière pour eux, si l'on entend par-là le plaisir naturel qu'en cause la vue. Grande est la différence des maux d'ici-bas d'avec les maux de l'éternité. Car, dans l'éternité il y aura et tourments et ténèbres ; il peut bien y avoir aussi ces deux choses ici-bas, mais avec cette différence qu'ici-bas la première seule est un mal, au lieu que dans l'éternité il y aura supplice à être dans les ténèbres comme il y aura supplice à endurer les tourments. »

10. Ibidem, c. 32 : « De même que l'on compose de matières semblables les fagots de bois qu'on destine à brûler, ainsi, au jour du jugement, ceux qui auront commis de  semblables fautes seront mis ensemble, afin qu'une semblable peine les lie en faisceau pour ainsi dire, comme ils se sont liés eux-mêmes les uns aux autres pour commettre le mal. Et de même que dans le ciel les saints seront glorifiés à proportion de leurs mérites, dans l'enfer aussi chaque damné sera puni à proportion de ses crimes, et ainsi l'ordre règnera jusque dans leurs supplices, puisque, comme l'a dit aussi le Prophète (Apoc., XVIII, 6), chacun ne sera puni qu'à proportion de ce qu'il aura mérité. Une autre circonstance qui aggravera les peines des damnés sera de voir souffrir aussi leurs proches, comme l'Evangile nous le fait entendre dans

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la parabole du mauvais riche, et comme le Psalmiste l'insinue aussi de Judas lorsqu'il dit à son sujet : Que ses enfants soient errants et vagabonds, qu'ils soient contraints de mendier (Ps. CVIII, 40). Ce qui rendra encore plus cuisantes pour les impies les peines qu'ils  auront à endurer, ce sera de voir les justes en possession du bonheur et de la gloire dont ils seront prives eux-mêmes. »

11. S. GREGOIRE-LE-GRAND, Moralium in Job lib. IX, c. 45 (al. 29) : « Que peut-on entendre par cette terre ténébreuse (JOB, X, 38), sinon les noires prisons de l'enfer, qui sont couvertes de l'ombre de la mort, parce que ceux qui y sont condamnés sont éternellement séparés de la lumière de vie ? »

« Ce n'est pas sans raison qu'on donne le nom de terre à l'enfer, puisque ceux qui y sont une fois entrés y demeurent pour jamais. Et, en effet, l'Ecriture marque la stabilité par la terre, lorsqu'elle dit : Les hommes passent ; une génération succède à une autre génération ; mais la terre demeure stable éternellement (Eccles., I, 4). On donne donc à l'enfer le nom de terre, parce que ceux qui y sont punis n'y ressentent pas des peines imaginaires, mais des tourments très-véritables et éternels. L'Ecriture lui donne aussi quelquefois le nom de lac, comme il parait par ces paroles d'un prophète : Ils sont descendus couverts de leur ignominie avec ceux qui tombent dans le lac (Ezech., XXVI, 20). Ainsi donc il est appelé terre, parce qu'il retient irrévocablement ceux qu'il a une fois reçus et lac, parce qu'il engloutit dans les flots de ses tourments ces misérables qui y sont sans cesse ballotté dans des peines et dans des terreurs éternelles... L'indulgence du père de miséricorde ne s'étend jamais sur ceux que  la rigueur de sa justice a condamnés à ce lieu de supplices (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. II, p. 122-123). »

12. Ibidem, c. 46 (al. 29) : « Job dit ensuite : Dans cette terre de misère et d'une nuit sombre. La misère marque la douleur, et la nuit l'aveuglement. La terre qui reçoit et enferme pour jamais ceux que Dieu a bannis de sa présence, est une terre de misère et de ténèbres parce qu'elle tourmente au-dehors par de cruels supplices ceux qui, séparés de la vraie lumière, demeurent pour jamais dans l'aveuglement.

« Le propre du feu est d'éclairer et de brûler tout ensemble ; mais ces flammes qui sont destinées à punir dans l'autre vie les crimes des hommes, les brûlent sans les éclairer. C'est pourquoi le Sauveur dira aux réprouvés : Allez, maudits, au feu éternel,

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qui est destiné pour le diable et pour ses anges. Et ailleurs il dit dans une parabole, en symbolisant dans un seul individu tout le corps des réprouvés : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. Si donc le feu qui brûle les réprouvés était accompagné de lumière, Dieu ne dirait pas de précipiter dans les ténèbres ceux qu'il rejette de sa présence (Cf. Les Morales de saint Grégoire, p. 123-125). »

13. Ibidem, c. 47 (al. 30), sur ces paroles du chapitre X de Job, verset 39, Ubi nullus ordo : « Comment cette punition serait-elle un désordre complet, puisqu'elle garde une si juste proportion avec la qualité des péchés comme il parlait par ces paroles du Sage : Les puissants seront puissamment tourmentés, et on prépare de plus grands supplices à ceux qui ont commis de plus grands péchés (Sag., VI, 7) ? Et il est dit dans la malédiction portée contre Babylone : Que ses peines et ses tourments égalent son orgueil et ses délices (Apoc., XVIII, 7). Puis donc que la peine est ainsi assortie au péché, il est visible qu'il y a un ordre observé dans les supplices de l'enfer.

« Et, en effet, si la grandeur des tourments n'était pas mesurée sur la grièveté des péchés, le juge éternel ne dirait pas dans l'Evangile à ses moissonneurs : Arrachez premièrement l'ivraie, et liez-la en bottes pour la brûler (MATTH., XIII, 30). Car lier l'ivraie par bottes n'est autre chose que joindre les coupables avec les coupables, et unir dans les même peines ceux qui se sont unis dans les mêmes crimes, ne point séparer dans les supplices ceux qui ne se sont point séparés dans le péché, humilier par les mêmes châtiments ceux qui se sont élevés d'un même orgueil, punir des mêmes tourments ceux qui se sont abandonnés à la même ambition, et jeter dans les mêmes flammes ceux que l'impudicité a fait brûler des mêmes feux.

« Comme dans la maison du Père il y a plusieurs demeures, selon les divers degrés des vertus de ceux pour qui elles sont destinées, ainsi dans l'enfer il y a divers degrés de supplices, selon la diversité des crimes de ceux qui y sont condamnés. Mais quoique l'enfer soit enfer pour tous, ces peines néanmoins ne sont pas pour tous les mêmes. Ainsi nous sommes tous exposés aux rayons d'un même soleil, et cependant nous n'en ressentons pas tous une même impression, puisque le degré de chaleur qu'on en éprouve est proportionné au tempérament et à la disposition du corps de chacun de nous. Il en est de même dans l'enfer, qui, quoique

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toujours le même brûle diversement les réprouvés, la différence de leurs crimes faisant une diversité dans les châtiments qu'ils endurent, comme la différence des tempéraments en fait une dans les effets de la chaleur. Comment donc Job dit-il ici qu'il n'y a aucun ordre dans l'enfer, puisque chacun y est tourmenté selon la juste proportion de ce qu'il mérite ? »

14. Ibidem, c. 48 (al. 30) : « Ce saint homme ne blesse nullement par ses paroles la justice et la sainteté de Dieu. Cette confusion et ce désordre dont il parle, il ne les voit pas dans les supplices même de l'enfer, mais seulement dans l'âme de ceux qui les souffrent. C'est là que l'ordre ne règne jamais. L'ombre de la mort remplit ce lieu de ténèbres ; tout y est sujet d'horreur et d'effroi : car les réprouvés étant livrés aux feux éternels ressentent des maux infinis, et, au milieu de ces maux, ils sont encore tourmentés d'une frayeur continuelle, de sorte qu'ils y souffrent sans cesse ce qu'ils craignent, et ils y craignent sans cesse ce qu'ils souffrent. C'est pourquoi il est écrit dans un prophète : Le ver qui les ronge ne meurt point, et le feu qui les brûle ne s'éteint point (ISAÏE, LXVI, 24).

« En ce monde, la flamme qui brûle éclaire au moins ceux qu'elle brûle mais là, ainsi que le marquent les paroles du psaume (LVII, 9), que nous avons rapportées, elle brûle et aveugle en même temps. Ici la douleur bannit la crainte ; mais, dans l'enfer, la crainte s'unit avec la douleur pour le tourment des damnés. Jugez combien horrible sera leur état et combien épouvantables seront les supplices de l'enfer, où le feu ne peut éclairer, et où la douleur laisse toujours subsister la crainte.

« Et, en effet, n'était-il pas bien raisonnable que la souveraine sagesse de Dieu alliât ainsi les choses qui s'entre-combattent et s'entre-détruisent naturellement elles-mêmes, pour punir plus sévèrement par cette opposition qui les irrite, la témérité de ceux qui ont osé s'opposer à ses ordonnances; que ces supplices tourmentassent infiniment, sans jamais consumer ceux qu'ils tourmentent ; que dans ces tourments on mourût à tous moments sans mourir, et qu'on se vît toujours renaître à ses peines ? Comme donc en enfer la mort tue sans faire cesser de vivre, que la douleur tourmente sans ôter leur peur, que la flamme brûle sans dissiper les ténèbres, il est vrai de dire, en jugeant des choses par les notions de la vie présente, que les supplices y sont sans ordre, puisqu'ils n'y conservent pas leurs qualités naturelles.

15. Ibidem, c. 50 (al. 30-31) : « Quelque différence qu'il y

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ait entre la nature de l'ange et celle de l'homme, comme ils ont été unis dans les mêmes crimes, ils le seront aussi dans la même punition. Mais que nous sort de parler de ces peines, si nous ne nous efforçons de les éviter ? Travaillons donc, par la régularité de notre vie, pendant que nous en avons encore le temps, à fuir ces tourments qui sont éternels. Faites tout ce que vous pourrez faire maintenant, dit le Sage, parce qu'il n'y a plus ni de raison, ni de sagesse, ni de science dans les enfers, vers lesquels vous vous avancez à pas de course (Eccles., IX, 10). Et le prophète Isaïe dit : Cherchez le Seigneur pendant qu'il peut être trouvé ; invoquez-le pendant qu'il est proche (ISAÏE, LV, 6) ; et saint Paul : Voici le temps favorable, voici le jour du salut (II Cor., VI, 2) ; et dans une autre épître : Pendant que nous en avons le temps, pratiquons le bien envers tout le monde (Gal., VI, 18) (Cf. Les Morales de saint Grégoire, t. II, p. 126-133). »

16. JEAN CASSIEN, ou l'auteur quel qu'il soit de la Confession théologique, 3e partie : « Mais qui pourrait dire quels tourments sont préparés aux impies et aux mauvais chrétiens ? Dans cet empire de l'éternelle mort que nous appelons l'enfer, qu'y a-t-il autre chose que des flammes toujours brûlantes des tourments continuels et toute espèce de maux ? Un fleuve de feu et des marais fangeux y remplissent tout l'espace. Là est le séjour de démons atroces, dont les bras sont comme des têtes de dragons, dont les yeux lancent des flammes comme autant de flèches dont les dents semblent des dents d'éléphant et font souffrir ceux qu'elles atteignent, comme le feraient des queues de scorpions. Leur seul aspect cause la terreur, la douleur et la mort. Hé ! que la mort ne vient-elle mettre fin à ces supplices ! Mais ce qu'il y a de plus affreux pour ces malheureuses victimes, c'est que leur

existence n'est prolongée que pour perpétuer leurs tourments. Leurs forces ne se renouvellent que pour fournir une pâture aux serpents, et les rendre sensibles à leurs morsures. Là sont des dragons qui dévorent les lèvres des blasphémateurs ; le basilic déchire leurs poitrines avec ses dents acérées ; d'autres monstres de diverses espèces tourmentent sans fin les âmes des incrédules. Là on n'entend que hurlements, que gémissements, que plaintes et que cris confus, expression forcée de tous les maux qu'endurent ces victimes torturées par toutes sortes d'instruments de supplices, exposées continuellement à l'ardeur des flammes. Ces tourments affreux n'auront jamais ni fin ni trêve mais c'est un

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feu qu'il semble qu'on alimente sans cesse pour entretenir un horrible incendie. Là un ver qui ne meurt point, un feu qui ne s'éteint point, des grincements de dents qui ne finissent point. Là aussi et tout à la fois, un froid glacial, un froid mortel. Là une faim dévorante, une soif que rien ne peut assouvir. Là des douleurs sans fin, des maux sans interruption. Là une peste dont rien n'arrête les ravages, une contagion inouïe. Là des ténèbres épaisses et une nuit d'une obscurité profonde. Là, nulle part de repos, et rien que des maux, rien que des tourments. Là une mort qui ne meurt point, une défaillance qui ne défaille point, une fin qui ne finit point. Quel est donc le fidèle qui ne tremblerait en s'entendant annoncer et en admettant par la foi ces vérités terribles ? »

17. S. EPHREM, Lib,. de verâ pénitentiâ, c. 7 : « Demande : « Tous seront-ils également punis, ou bien y aura-t-il diversité dans les supplices ? » - Réponse : « Il y aura différentes places marquées pour les supplices, ainsi que nous l'apprenons de l'Evangile même. Car puisqu'il y aura des ténèbres extérieures, il y en aura donc aussi d'intérieures. Le feu de l'enfer doit y avoir aussi sa place particulière, les grincements de dents et les vers rongeurs leurs places particulières. L'étang de feu doit y avoir sa place, et le feu inextinguible aussi sa place. Les enfers et la perdition doivent y avoir également leurs limites particulières et les parties inférieures de la terre aussi les leurs. L'enfer où sont jetés les pécheurs, et le fond de cet abîme doit être surtout horrible. Dans ces divers lieux de supplices sont distribuées les victimes, chacune suivant le degré de sa culpabilité, chacun, comme le dit le proverbe, portant la chaîne de sa propre iniquité (Prov., V, 22). C'est à quoi reviennent aussi ces expressions de l'Evangile, dites au sujet des serviteurs plus ou moins infidèles : « L'un sera frappé plus rudement, l'autre sera frappé moins rudement, » Vapulabit multis, vapulabit paucis (LUC, XII, 21-22). Comme les péchés sont inégaux, les peines aussi devront être inégales. « Nous vous prions, reprirent-ils alors, de nous dire en quoi consistera cette inégalité de peines. » Il leur répondit : « Autre sera la peine des adultères, autre celle des fornicateurs, autre celle des homicides, autre celle des voleurs, autre celle des ivrognes, autre celle des menteurs et autre celle des parjures. Quant à celui qui a de la haine pour son frère il sera compté au jour du jugement pour empoisonneur et pour homicide. Ceux qui se laissent infecter de quelque hérésie s'entendront faire l'application de cette sentence : Que l'impie disparaisse, et qu'il ne voie

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pas la gloire du Seigneur (ISAÏE, XXVI, 10, d'après la version des Septante). »

18. Ibidem, c. 8 : « Alors la séparation se fait entre eux, et ils prennent chacun une direction opposée sans espérance de se revoir jamais, etc. ; » comme à la question  précédente, témoignage 29, page 80.

19. S. CYRILLE d'Alexandrie, in Oratione de exitu animæ : « Malheur aux pécheurs ! car autant les justes seront glorifiés, autant les pécheurs seront-ils condamnés. Malheur aux pécheurs ! parce qu'autant les justes seront entourés d'estime, autant les pécheurs seront-ils accablés d'opprobres. Les justes seront en bénédiction et les pécheurs seront exécrés ; les justes seront comblés de louanges, tandis que les pécheurs tomberont dans le mépris. Les justes seront introduits dans la bienheureuse patrie, et les pécheurs seront condamnés à un éternel exil. Aux justes il sera dit : Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous a été préparé de toute éternité. Aux pécheurs, il sera dit au contraire : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. Les justes seront placés dans le paradis ; les pécheurs seront jetés dans un feu ardent qui ne s'éteindra jamais. Les justes nageront dans les délices ; les pécheurs seront plongés dans la peine. Les justes tressailliront de joie ; les pécheurs seront garrottés dans de durs liens. Les justes feront retentir leurs cantiques de joie, et les pécheurs leurs gémissements. Les justes seront trois fois heureux, et les pécheurs trois fois malheureux. Les justes seront dans des palais, et les pécheurs dans des cachots. Les justes seront dans le sein d'Abraham, et les pécheurs entre les horribles griffes de Bélial. Les justes seront en paix, et les pécheurs seront en guerre. Les justes jouiront de l'éclat d'un beau jour, et les pécheurs seront dans la nuit, et dans une nuit de tempête. Les justes joindront leurs voix aux concerts des anges, et les pécheurs rugiront avec les démons. Les justes seront investis de lumière et les pécheurs de ténèbres. Les justes seront visités par l'Esprit consolateur, et les pécheurs seront tourmentés par les démons. Les justes trôneront à côté de Dieu, les pécheurs trôneront dans les ténèbres.

Les justes contempleront sans cesse la face du Tout-puissant, les pécheurs n'auront que les démons en face d'eux-mêmes. Les anges, voilà quelle sera la société des justes ; les démons, voilà quelle sera celle des pécheurs. Les justes se répandront en prières, et les pécheurs en cris lugubres. Les justes seront placés

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dans les hauteurs des cieux, et les pécheurs dans les profondeurs des abîmes. Les justes au ciel, les pécheurs en enfer ; les justes dans une éternelle vie, les pécheurs dans une éternelle mort ; les justes entre les mains de Dieu, les pécheurs sous l'empire du diable ; les justes avec Dieu, les pécheurs avec Satan. »

20. S. AUGUSTIN, Enchirid. ad Laurentium, c. 3 (al. XXXI, 29) : « Après la résurrection et la consommation du jugement universel, les deux cités, celle de Jésus-Christ et celle du diable, celle des bons et celle des méchants, composées l'une et l'autre d'anges et d'hommes, seront chacune à leur terme. Les bons ne pourront plus ni vouloir pécher ni mourir ; les méchants en auront bien la volonté mais ils seront dans l'impuissance de l'effectuer. Les premiers jouiront d'une vie véritable et bienheureuse, qui est la vie éternelle. Les derniers demeureront malheureux pour toujours et dans une mort éternelle, sans pouvoir mourir, parce que l'état des uns et des autres n'aura point de fin. Mais dans la félicité éternelle, il y aura différents degrés de bonheur ; et dans le malheur éternel, il y aura aussi divers degrés de punition (Cf. Le Manuel de Saint-Augustin, dans Les Traités choisis, t. II, page 463). »

21. Ibidem, c. 112 (al. XXXI, 29) : « C'est donc sans fondement et en pure perte que quelques personnes, et même un très grand nombre, touchés du sentiment d'une compassion toute humaine, quand on leur parle de la peine éternelle des damnés et des supplices qu'ils souffrirons sans fin et sans interruption, ne peuvent se persuader qu'il doive en être ainsi. Ce n'est pas que ces personnes aient l'intention de contredire les saintes Ecritures, mais elles suivent un certain mouvement naturel qui les porte à adoucir ce qui leur parait trop dur dans les expressions des auteurs sacrés, et à donner des interprétations plus favorables à ce qu'elles croient avoir été écrit plutôt pour imprimer aux hommes de la terreur, que pour exprimer une exacte vérité.....

« A ne considérer même dans cette colère de Dieu (Ps. LXXVI, 10), c'est-à-dire dans la punition des méchants, que ce qu'on pourrait peut-être regarder comme la moindre de leurs peines, je veux dire de n'avoir aucune part au royaume de Dieu, d'être proscrit de la sainte cité de Dieu, d'être exclu de la vie de Dieu, d'être privé de l'abondance des délices ineffables que Dieu a cachées à ceux qui ne sont qu'effrayés de la rigueur de ses châtiments, mais qu'il fait goûter pleinement à ceux qui espèrent en

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lui ; à ne considérer, dis-je, que cette peine qui n'est susceptible d'aucune interruption, elle est si grande, qu'il n'y a aucun des tourments que nous connaissons qui puisse lui être comparé, dès-là qu'elle est éternelle et que ces tourments, quelque longue qu'en soit la durée, n'ont qu'un temps. »

22. Ibidem, c. 113 (al. XXXI, 29) : « Il est certain que la mort éternelle des damnés, qui consiste à être privé de la vie de Dieu, n'aura jamais de fin, et que cette peine sera commune à tous les damnés ; de même que la vie éternelle des saints, qui consiste à vivre de la vie de Dieu, n'aura jamais de fin, et sera commune à tous les saints, quelque différence qu'il y ait dans les degrés d'honneur dont ils jouiront avec une paix et une concorde parfaites (Voyez aussi sur ce sujet les passages de plusieurs homélies de saint Jean Chrysostôme rapportés ailleurs dans cet ouvrage, tome III, pages 378 et suiv.). »

23. Le même, Scrm. CLXXXI de tempore (Ce sermon ne parait pas être de saint Augustin, puisqu'il est composé en partie d'extraits de saint Grégoire-le-Grand.) : « Pensez à ces choses, et aux ardeurs de la passion qui vous agitent peut-être en ce moment, opposez le feu de l'enfer. Le feu qui sert nos usages journaliers consume tout ce à quoi on l'applique ; le feu de l'enfer, au contraire, ne fait que tourmenter ceux qui éprouvent ses atteintes, et les conserve avec toutes leurs forces pour qu'ils continuent de supporter leur supplice. C'est pour cela que nous disons que ce feu est inextinguible, puisque non seulement il ne s'éteint jamais, mais qu'il n'éteint pas non plus l'existence de ses victimes. L'Ecriture dit en effet que les pécheurs (comme les justes) seront revêtus d'incorruptibilité (1 Cor., XV, 53), non toutefois pour en recevoir quelque degré de gloire, mais pour éterniser leur supplice. Aucun langage ne peut rendre la rigueur de ce tourment ou la vertu de ce feu. Car aucun des objets corruptibles ne peut donner l'idée des choses incorruptibles, soit en bien, soit en mal. Que ferons-nous? que répondrons-nous alors ? Ce ne seront plus que grincements de dents, que gémissements, que hurlements ; on voudra se repentir, mais il sera trop tard ; plus de ressources, plus de consolations ; plus rien autre chose que des maux. Il ne s'offrira à nos regards que des bourreaux, que des ministres de supplices. Mais nous pouvons encore, à l'heure qu'il est, non-seulement échapper à ces peines et à ces tourments, mais de plus obtenir un éternel bonheur : nous n'a-

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vons pour cela besoin que de faire pénitence du mal que nous pouvons avoir commis. »

24. S. AUGUSTIN, Lib. de triplici habitaculo, c. 2 : « On peut distinguer dans l'enfer deux principales espèces de tourments : un froid insupportable, et un feu qui ne s'éteindra jamais ; c'est pour cela que nous lisons dans l'Evangile : Là il y aura des pleurs et des grincements de dents (MATTH., VIII, 12 ; XIII, 42, 50 ; XXII, 13 ; XXIV, 51 ; XXV, 30 ; Luc, XXIII, 28). Car les pleurs, qui sont une liquéfaction des yeux, sont l'effet de la chaleur ; et les grincements de dents sont causés au contraire par le froid. De là aussi ces paroles de Job : Ils passeront tout d'un coup des eaux froides de la neige à une chaleur excessive (JOB, XXIV, 19). De ces deux principaux supplices en naissent d'autres sans nombre, tels qu'une soif intolérable, le tourment de la faim, une puanteur infecte, l'horreur, la crainte, la détresse, les ténèbres, la rage des bourreaux, la présence des démons, la férocité des monstres infernaux, la cruauté des ministres des supplices, l'action corrosive des vers, le ver de la conscience, les larmes de sang, les soupirs, les chagrins, des douleurs sans remède, des chaînes sans moyens de s'en délivrer, la mort éternelle, une peine sans fin, la privation du bonheur de voir Jésus-Christ : cette dernière sorte de peines est la plus grande de toutes et la plus insupportable aussi. Malheur donc pour jamais à ceux qui méritent d'endurer tous ces maux sans fin, en savourant le plaisir fugitif d'un rêve d'un moment ; car voilà ce qu'est dans la réalité toute la gloire de ce monde, en comparaison de celle de l'éternité. Il eût mieux valu pour eux, comme il a été dit du traître Judas, n'être jamais nés que de mériter ainsi les tourments de l'enfer. »

28. S. CYPRIEN, Lib. ad Demetrianum : « Une flamme toujours active, toujours dévorante les consumera sans pitié à ces épouvantables tourments, point de fin ni de relâche. Ces corps et ces âmes seront immortels pour la douleur (Cf. Les Pères de l'Eglise, trad. de Genoude, t. V). »

26. Le même (Ce sermon ne parait pas être de l'illustre évêque de Carthage.), Serm. de Ascensione Domini : « Les pleurs que verseront les damnés seront continuels, mais inutiles ; les grincements de leurs dents se feront toujours entendre au milieu des flammes. Ces misérables ne seront immortels que pour brûler éternellement ; éternellement les flammes sillonneront leurs corps exposés à nus à leurs atteintes. Ainsi brûlera ce riche autrefois

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vêtu de pourpre, sans qu'il y ait personne pour mettre une goutte d'eau sur sa langue desséchée. Les voluptés qu'il aura goûtées sur la terre seront la graisse qui nourrira la flamme ; des chaudières bouillantes seront le bain qu'il prendra, et, plus affreux encore que tous les tourments, le désespoir sera tout son soutien dans son supplice. Dieu sera sans pitié pour ses maux, sans oreilles pour ses cris ou pour sa confession trop tardive. La vierge folle, condamnée elle aussi pour n'avoir plus d'huile dans sa lampe, criera en vain ; la porte de l'époux lui sera fermée à jamais. Là plus de rafraîchissement, plus de remède : Jésus-Christ est descendu aux enfers une fois ; il n'a plus à y redescendre. Confinés dans d'affreuses ténèbres, ces malheureux n'auront plus aucun espoir de voir Dieu : leur sentence sera irrévocable, le jugement porté contre eux immuable, et l'arrêt qu'ils subissent n'aura plus qu'à être éternellement exécuté. »

27. S. BERNARD, Epist. CCLIII ad Garinum abbatem : « Dieu punit éternellement le crime d'un esprit inflexible, quoique ce crime n'ait été commis que pendant un temps, parce que ce qui a été court par la durée de l'action, n'en paraîtra pas moins long si l'on considère l'inflexibilité d'un cour opiniâtre ; que si l'on ne mourait pas, on ne cesserait jamais de vouloir pécher et que même on voudrait toujours vivre, pour pouvoir pécher toujours (Cf. Lettres de saint Bernard, traduction de Villefore, tome II, page 223-224). »

28. Le même, Lib. Meditationum, c. 3, ou bien HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib., I de animâ, c. 3 : « Bannis à jamais de la céleste patrie, ils souffriront éternellement dans l'enfer, où jamais ils ne verront la lumière, jamais ils n'obtiendront de rafraîchissement ; mais ils seront continuellement tourmentés pendant des millions de millions d'années sans pouvoir jamais obtenir leur délivrance. La, ni le bourreau ne se lasse jamais, ni la victime ne peut jamais mourir. Car le feu y est de telle nature, qu'il conserve les forces entières de sa victime, tout en la faisant souffrir ; les tourments y sont tellement ménagés qu'ils se renouvellent sans cesse. Cependant, chacun y sera puni à proportion des fautes dont il se trouvera coupable ; et ceux qui seront égaux dans le crime, le seront aussi dans le châtiment. On n'entendra dans ces lieux que pleurs, que sanglots, que gémissements, que cris lamentables, que désespoir et que grincements de dents ;

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on n'y verra rien que des vers, que formes effrayantes de bourreaux, que monstres, que démons effroyables.

 

Vernes crudeles mordebuntintima cordis ;

Hinc dolor, inde pavor, gemitus, stupor et timor horrens.

 

(Des vers cruels rongeront le cour dans ses parties les plus délicates ; la douleur, l'épouvante, les gémissements, le morne silence, la crainte s'y succèderont avec une effrayante rapidité.)

 

« Ils brûleront dans le feu éternel, éternellement et sans fin, Leurs corps seront tourmentés par le feu, et leurs âmes par le ver de la conscience. Ils éprouveront des douleurs in tolérables, des transes horribles, une infection désolante, la mort de l'âme, celle du corps, sans espoir de pardon ou de miséricorde. Ils mourront toujours, en continuant toujours de vivre ; ils vivront toujours, en continuant toujours de mourir. Ainsi l'âme du pécheur doit être ou tourmentée en enfer pour l'expiation de ses péchés ou admise un jour dans le paradis pour y recevoir la récompense de ses mérites. Optons donc maintenant pour l'un des deux, ou de souffrir éternellement avec les impies, ou de nous réjouir éternellement avec les saints. Car le bien et le mal, la vie et la mort, sont présentement devant nous (Eccli., XV, 18), et nous n'avons qu'à étendre la main pour choisir telle chose des deux que nous voudrons. Si la perspective des tourments ne suffit pas pour nous détourncr du mal, qu'au moins celle des récompenses nous invite à la pratique du bien. »

29. S. BERNARD, Serm. VIII in Psalmum Qui habitat in adjutorio Altissimi : « Il est certain que, comme les pécheurs, voyant que Dieu appellera ses élus à la participation de sa gloire, en sècheront d'ennui et en frémiront de dépit et de rage ; ainsi les justes, voyant les maux dont ils sont garantis, en seront comblés de joie. Car Dieu appellera les élus dans son royaume avant de jeter les réprouvés dans les flammes éternelles afin que ces malheureux sentent une plus vive douleur en regardant ce qu'ils auront perdu. Et dans cette terrible séparation qui se fera des boucs et des agneaux, comme la différence que Dieu mettra entre les uns et les autres sera pour les réprouvés l'occasion d'une violente jalousie, la considération de l'éclat déplorable des réprouvés sera au contraire pour les élus un sujet infini de louanges et d'actions de grâces. Car, où les justes pourraient-ils puiser une plus ample matière de rendre grâces Dieu, que

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dans le spectacle qui leur est donné de la punition des méchants en même temps qu'ils se voient assurée a eux-mêmes la jouissance d'une incompréhensible félicité et qu'ils se représentent avec une fidèle et vive reconnaissance, que ce n'a été que par la miséricorde du Rédempteur qu'ils ont été distingués et séparés de ces malheureux? Et d'où les méchants pourraient-ils mieux prendre sujet de s'abandonner à la fureur et au désespoir, que d'en voir d'autres de même nature qu'eux élevés en gloire, en leur présence, dans le royaume de l'éternelle félicité, pendant qu'ils seront réduits, par une inévitable condamnation, à gémir éternellement dans les épouvantables horreurs de l'enfer, dans les tourments d'un feu éternel,  dans les misères d'une mort éternelle ? Il n'y aura dans ce lieu de supplices, comme l'a dit

Notre-Seigneur, que des pleurs et des grincements de dents. Le feu qui ne s'éteindra jamais fera toujours couler leurs pleurs ; et les remords de leur conscience, qui ne pourront jamais finir, et qui les rongeront comme des vers sans les consumer, les pousseront toujours à cet horrible grincement de dents. Car il est certain que les douleurs font répandre des larmes, et que la fureur dont on est agité fait grincer les dents. Il faudra donc que les tourments extrêmes que souffriront les damnés les fassent pleurer sans cesse, et que leur basse jalousie, jointe à leur malice obstinée et incorrigible, les tenant toujours dans la rage, leur cause sans discontinuer cet horrible pincement de dents que leur a prédit le Fils de Dieu. Vous serez donc spectateur de cette punition des méchants afin que, connaissant par eux de quels périls et de quels maux vous avez été délivré, vous ne puissiez jamais devenir ingrat envers votre souverain libérateur.

« Et ce ne sera pas seulement pour celle raison que Dieu voudra que ses élus contemplent de leurs propres yeux le châtiment de ses ennemis ; mais ce sera encore afin de les tenir dans une parfaite assurance et dans un plein repos. Car ils verront par-là, et seront entièrement assurés qu'ils n'auront plus à craindre la malice des hommes ni des démons...

« Ne pensez donc pas que ce soit une chose dure et rigoureuse, que cette promesse que Dieu vous fait de vous faire contempler de vos yeux les supplices des méchants puisque vous en aurez même de la joie, et que vous rirez de leur perte. Ce ne sera pas que vous soyez capable alors de vous complaire dans cette vengeance et dans cette punition des réprouvés par un sentiment toujours blâmable d'inhumanité et de cruauté ; mais

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ce sera parce que l'ordre établi en toutes choses par la divine Providence étant parfait au-delà de tout ce qu'on peut imaginer, il est impossible qu'il ne donne pas un extrême plaisir à tous les hommes qui auront du zèle pour la justice, et qui aimeront l'équité. Quand vous connaîtrez pleinement et parfaitement, par la lumière de la vérité dont vous serez investi, que toutes choses seront on ne peut pas mieux ordonnées, et que chacune sera établie dans le rang qu'elle doit avoir, comment ne vous plairiez-vous pas à les considérer toutes dans cette disposition et ces places différentes qui leur appartiennent, et à donner de hautes louanges au souverain dispensateur de toutes ces choses ? ...

« Il sera donc convenable que vous contempliez de vos propres yeux, et que vous ayez en spectacle la punition des méchants premièrement parce que vous verrez plus clairement par-là quelle est la damnation dont vous aurez été délivré ; deuxièmement, parce que vous reconnaîtrez mieux combien sera complète la sûreté où vous serez établi ; troisièmement, afin qu'en comparant l'état glorieux où vous serez élevé avec la misère épouvantable des méchants, vous connaissiez mieux l'excellence et le prix de la gloire dont vous jouirez ; quatrièmement enfin, afin que vous ressentiez mieux le plaisir et la joie que doit vous donner le zèle parfait de la justice divine, en voyant de vos propres yeux avec quelle équité et quelle perfection elle sera exercée. Car alors ce ne sera plus le temps de la miséricorde, mais celui de la justice. Et nous ne devons pas nous imaginer que, dans un temps où il n'y aura plus aucun espoir d'amendement à l'égard des réprouvés il reste encore pour eux aucun sentiment de compassion (Cf. Les sermons de saint Bernard sur le psaume Qui habitat, etc., p.139-147). »

30. HUGUES DE SAINT-VICTOR, Lib. IV de animâ, c. 13 : « L'enfer est si large, qu'il ne connaît pas de limites ; si profond, qu'on ne saurait en trouver le fond ; si brûlant que l'ardeur d'aucun feu ne saurait lui être comparée, si infect, qu'on ne saurait en supporter l'odeur ; si douloureux, qu'on ne saurait en compter les maux. Là, il n'y a que misères, que ténèbres, que confusion, qu'horreur, que désespoir, que calamités. Ceux qui s'y trouvent condamnés n'ont plus qu'un sentiment qui les anime : la haine qu'ils se portent à eux-mêmes, la haine qu'ils portent aux autres. Là sont réunit toute espèce de tourments, et

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le moindre de ces tourments est plus grand encore que tous ceux qui peuvent être infligés dans ce monde. Là il n'y a que des pleurs et des grincements de dents ; là le passage continuel de l'excès du froid à l'excès du chaud, d'une froidure intolérable à une chaleur qui l'est également. Là ne se trouvent que des victimes livrées aux flammes, et rongées par les vers, sans jamais en être consumées. Le ver qui les ronge ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point. Là ne se fait entendre aucun autre cri que celui-ci : Malheur ! Les bourreaux occupés à y tourmenter les victimes y sont tourmentés eux-mêmes et les maux des uns comme des autres n'auront ni fin ni remède. Tel est l'enfer ; encore l'idée qu'on en donne ici est-elle bien au-dessous de la réalité. »

31. INNOCENT III, Lib. III de contemptu mundi, sive de miseriâ humanæ conditionis, c. 2 : « Le ver rongeur et le supplice du feu (Eccli., VII, 19), voilà la double peine des damnés. Encore chacune de ces peines se divise-t-elle en deux, puisque chacune d'elles est intérieure et extérieure à la fois. En tant qu'intérieure, elle ronge ou brûle le cour ; en tant qu'extérieure, elle ronge ou brûle le corps. Le ver qui les ronge, dit l'Ecriture, ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point (ISAÏE, LXVI, 24). Dieu répandra dans leur chair le feu et les vers, afin qu'ils brûlent et qu'ils se sentent déchirés éternellement (JUDITH, XV I, 21). Le ver de la conscience déchirera les damnés de trois manière : par le souvenir des péchés dont elle leur fera le reproche, par le repentir qu'elle leur en fera naître mais trop tard, et par le désespoir qui en sera la suite. Car ils seront pleins d'effroi au soutenir de leurs offenses, et leurs iniquités se soulèveront contre eux pour les accuser (Sag., IV, 20). Ils diront : De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu'avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses ? Toutes ces choses sont passées comme l'ombre., ou comme un vaisseau qui fend les flots agiles, et dont on ne trouve point de trace après qu'il est passé... Ainsi nous ne sommes pas plus tôt nés, que nous avons cessé d'être : nous n'avons pu montrer en nous aucune trace de vertu, et nous avons été consumés par notre malice (Sag., V, 8, 9, 13). Ils se rappelleront, pleins de trouble, les plaisirs déréglés qu'ils ont goûtés et le sujet de leurs désordres deviendra le sujet de leurs remords. »

32 Ibidem, c. 3 : Ils diront en eux-mêmes, touchés de regret et jetant des soupirs dans le serrement de leurs cours ... : Nous nous sommes donc égarés hors de la voie de la vérité et la lumière de la

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justice n'a point lui pour nous (Sag., V, 3, 6). Alors ils diront aux montagnes : Tombez sur nous ; et aux collines : Couvrez-nous (LUC, XXIII, 30). Leur repentir aggravera leur châtiment, sans leur ménager de pardon. Car il est bien juste que ceux qui n'ont pas voulu bien faire tandis qu'ils le pouvaient, ne le puissent plus alors même qu'ils le voudraient tardivement. »

33. Ibidem, c. 4 : « Les peines de l'enfer sont différentes selon la différence des péchés. La première de ces peines est celle du feu ; la seconde, celle du froid. C'est de ces peines qu'a voulu parler Notre-Seigneur, lorsqu'il a dit : Là il y aura des pleurs et des grincements de dents : les pleurs, en effet, seront causés par la fumée du feu, et le grincement de dents le sera par le froid (Il serait plus moral, ce nous semble et tout à fois plus conforme au véritable sens de l'Evangile, de rapporter ces pleurs et ces grincements de dents à la douleur qu'éprouve les damnés de se voir jeter hors de la salle du festin et dans les ténèbres extérieures. Au reste, cette autre explication se concilie fort bien avec celle que donne ici Innocent III). La troisième de leurs peines sera la puanteur. C'est de ces trois peines qu'il est écrit dans les Psaumes : Le feu, le soufre et la tempête seront leur partage (Ps. X, 7). La quatrième sera le ver qui ne mourra point, comme l'a dit Isaïe : Le ver qui les ronge ne mourra point, et le feu qui les brûle ne s'éteindra point (ISAÏE, LXVI, 24). La cinquième, ce seront les coups de marteaux, comme l'a dit Salomon : La sentence de condamnation est préparée pour les blasphémateurs, et les coups de marteaux pour les corps des insensés (Prov., XIX, 29). La sixième, ce seront des ténèbres palpables, tant intérieures qu'extérieures et dont Job a parlé quand il a dit : Terre de misère et de ténèbres, où habite l'ombre de la mort (JOB, X, 22) ; avant que j'aille en cette terre ténébreuse et couverte de l'obscurité de la mort (ibid., 21). C'est aussi à quoi a fait allusion le Psalmiste, quand il a dit : Ils ne verront jamais la lumière (Ps. XLVIII, 11). Comme il est dit encore ailleurs : Les impies, plongés dans les ténèbres seront réduits au silence (1 Rois., II, 9). La septième sera la confusion que leur causeront leurs péchés. Alors, dit Daniel, les livrets seront ouverts, c'est-à-dire que les secrets de la conscience des pécheurs seront dévoilés à tout le monde. La huitième sera l'horrible aspect des démons, qui leur apparaîtront dans les jets des étincelles que le feu dardera autour d'eux. La neuvième, ce seront des chaînes de feu, dont les impies auront tous leurs

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membres éteints. De ces neuf peines, la première sera spécialement celle dont seront punis les mauvais désirs, la deuxième sera le châtiment infligé à la malignité ; la troisième sera infligée aux voluptueux ; la quatrième aux envieux et à ceux qui nourrissent de la haine dans leur cour ; la cinquième, à ceux qui n'auront pas mis à profit les afflictions de ce monde pour se corriger de leurs fautes, et qui auront tenté et irrité Dieu par leurs iniquités ans nombre. De là vient qu'il est écrit dans un psaume : Le pécheur a irrité le Seigneur, et, à cause de la grandeur de sa colère, il ne se mettra plus en peine de le chercher (Ps. IX, 4). La sixième sera celle de ceux qui, marchant dans les ténèbres auront dédaigné de se tourner vers la lumière véritable, qui est Jésus-Christ. La septième, celle de ceux qui confessent leurs péchés mais sans en faire pénitence. La huitième, celle de ceux qui, tant qu'ils sont dans ce monde, voient d'un oil serein le mal se commettre, et le commettent eux-mêmes volontiers. La neuvième enfin sera destiné à ceux qui s'abandonnent à tous les vices, qui suivent la pente de tous leurs désirs sans jamais résister à leurs convoitises. »

34. Ibidem, c. 6 : « Le feu de l'enfer ne s'entretient point avec du bois et ne s'allume point avec le vent ; mais Dieu l'a fait inextinguible (EZECH., XX, 47) des l'origine du monde. Car il est écrit : Il sera dévoré par un feu qui ne s'allume point (JOB, XX, 27). Or, on croit que ce feu est sous terre, conformément à ce que dit Isaïe : L'enfer s'est levé tout en trouble sous tes pas à ton arrivée (ISAÏE, XIV, 9). Au reste, toute espèce de lieu peut être apte au supplice des damnés, puisque toujours ils portent avec eux-mêmes ce qui fait leur tourment, et que partout ils sont à eux-mêmes leurs propres bourreaux. Je ferai sortir du milieu de vous, leur dit Dieu par son prophète, un feu qui vous dévorera (EZECH., XXVIII, 18). Le feu de l'enfer brûlera toujours, sans jamais donner de lumière il fera toujours sentir ses horribles atteintes, sans jamais consumer ses victimes ; toujours il agira, jamais il ne se trouvera épuisé. Rien n'égale l'épaisseur des ténèbres de l'enfer, la rigueur des peines qu'on y endure, et leur durée sera mesurée à l'éternité de Dieu même. Liez-lui les mains et les pieds, est-il dit dans 1'Evangile, et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; et là il y aura des pleurs et des grincements de dents (MATTH., XXII, 13). Chaque membre aura ses tourments particuliers et analogues aux péchés dont il aura été l'instrument, afin que tous soient punis par où ils auront péché. Car il est

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écrit : L'homme est puni par où il a péché (Sag., XI, 17). Par conséquent, ceux qui auront péché par leur langue, seront punis dans leur langue. Et c'est ainsi que le mauvais riche s'écriait : Père Abraham, ayez compassion de moi, et envoyez-moi Lazare, pour qu'il trempe dans l'eau le bout de son doigt, et en rafraichisse ma langue, parce que je suis tourmenté dans ces flammes (LUC, XVI, 24). Par les doigts, il faut entendre l'action, puisque c'est par ses doigts qu'on agit. C'est comme si le mauvais riche eût dit : Si j'eusse fait une des moindres actions de Lazare, je souffrirais moins que je ne souffre. »

35. Ibidem, c. 7 : « Les réprouvés seront enveloppé non seulement de ténèbres extérieures, mais aussi de ténèbres intérieures ; car ils seront privés à la fois de toute lumière matérielle et de toutes lumières spirituelles, puisqu'il est écrit : Que l'impie disparaisse, afin qu'il ne voie pas la gloire de Dieu ; et : Dieu sera alors l'unique lumière qui luira pendant toute l'éternité (ISAIE, XVI, 19 ; LX, 19). Les réprouvés seront réduits à une telle détresse, qu'ils ne pourront guère avoir d'autre pensée que celle des peines qu'ils endureront ; mais leur attention se portera particulièrement là où la douleur Se fera sentir davantage. On rapporte qu'un certain étudiant, étant mort, apparut dans une vision au maître qui l'avait instruit. Celui-ci, apprenant de lui qu'il était damné, lui demanda si l'on agitait des questions de doctrine dans l'enfer, et il obtint de lui cette réponse : En enfer, on agite seulement cette question : Y a-t-il quelque chose qui ne soit pas une peine ? Salomon a dit de son côté : Il n'y aura plus ni ouvre, ni raison, ni science, ni sagesse dans l'enfer où vous courez (Eccles., IX, 10). Car les impies y seront tellement oublieux, tellement aveuglés, leur raison y sera  tellement troublée, qu'ils ne pourront jamais ou presque jamais s'élever jusqu'à la pensée de Dieu ; à plus forte raison ne pourront-ils pas aspirer à dire ses louanges. Car la louange n'est plus pour les morts, parce qu'ils sont comme s'ils n'étaient plus (Eccli., XVII, 26). Et il est écrit : Ce ne sont pas les morts qui vous loueront. Seigneur, ni aucun de ceux qui descendent en enfer (Ps. CXIII, 17). Ceux qui sont dans l'enfer ne vous béniront point ; les morts ne vous loueront point (ISAÏE, XXXVIII, 18). »

36. Ibidem, c. 8 : « Donnez-moi un peu de relâche, dit Job au Seigneur, afin que je puisse respirer dans ma douleur, avant que j'aille en cette terre ténébreuse et couverte de l'obscurité de la mort, cette terre de misère et de ténèbres où habite l'ombre de la mort,

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où tout est sans ordre et dans une éternelle horreur (JOB, X, 20-22). Il y aura de l'ordre, à la vérité, dans la quantité des peines, chacun devant être mesuré à la mesure à laquelle il aura mesuré les autres (LUC, VI, 38), et être puni d'autant plus grièvement qu'il aura plus grièvement péché ; les puissants seront puissamment tourmentés (Sag., VI, 7). Mais il n'y aura pas d'ordre dans la qualité des choses, puisqu'ils passeront tout-à-coup de l'excès du froid à l'excès du chaud, ce passage subit d'une extrémité à une autre devant encore aggraver leurs tourments. Je sais par expérience que si l'on applique sur une brûlure récente quelque chose de froid, la brûlure n'en devient que plus cuisante. »

37. Ibidem, c. 9 : Ils ont été placés dans l'enfer comme des brebis ; ils deviendront la pâture de la mort (Ps. XLVIII, 15). Ceci est dit par similitude, relativement aux animaux qui ne broutent que la pointe des herbages qui font leur pâture, de sorte que l'herbe venant bientôt à repousser leur fournit une pâture nouvelle. C'est ainsi que les impies, devenus la pâture de la mort, renaissent pour lui servir encore de pâture, et leur mort éternellement réitérée donne lieu à une continuelle résurrection. C'est ainsi qu'Ovide a dépeint le foie de Tityus sans cesse dévoré par le vautour, et sans cesse renaissant et renaissant encore, pour pouvoir être encore dévoré :

 

Sic incompositum Tityi semperque renascens,

Sic perit, ut possit sæpe perire, jecur.

 

« Alors ce sera une mort qui ne mourra jamais ; ce seront des vivants morts à la vie, et qui ne vivront que pour la mort. Ils chercheront la mort et ne la trouveront point, parce qu'ayant eu la vie ils l'ont perdue par leur faute. Ecoutez saint Jean, disant dans l'Apocalypse : En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ne la trouveront point ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d'eux (Apoc., IX, 6). O mort, que tu serais douce à ceux à qui tu as été si amère. Tu seras uniquement désirée de ceux qui l'avaient uniquement en horreur. »

38. Ibidem, c. 10 : « Que personne donc ne se flatte soi-même, en disant que Dieu ne sera pas toujours en colère et ne gardera pas son indignation pendant toute l'éternité (Ps. CII, 9), mais que sa miséricorde est au-dessus de tous ses ouvrages (Ps. CXLIV, 9). Car,

ajoute-t-on, après qu'il s'est mis en colère, il n'oublie pas de faire miséricorde et il ne hait rien de ce qu'il a fait (Sag., XI, 24). Et on abuse, pour s'autoriser dans son erreur, de ces paroles que

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Dieu a dites par la bouche du prophète Isaïe : Et les ayant ramassés et liés ensemble comme un faisceau de bois, il les jettera dans le lac, où il les tiendra en prison, et il les visitera longtemps après (ISAÏE, XXIV, 22). Et puis, ajoute-t-on, le péché de l'homme n'ayant duré que quelque temps, Dieu ne peut pas le punir d'une peine éternelle. O vaine espérance ! ô présomption téméraire. Que l'homme ne se berce point de cette fausse opinion, qu'il puisse se racheter pour un prix quel qu'il soit ; car dans l'enfer la rédemption n'est plus possible. Les pécheurs seront jetés dans le lac et y seront tenus en prison ; c'est-à-dire qu'ils seront jetés en enfer, mais en âme seulement, jusqu'au jour de la résurrection et longtemps après c'est-à-dire au dernier jour, qui sera celui de la résurrection, Dieu les visitera, non pour les sauver, mais pour leur faire sentir tout le poids de sa vengeance, puisque leurs peines ne feront que s'aggraver à la suite du dernier jugement. C'est ainsi qu'il est dit ailleurs : Je visiterai avec la verge leurs iniquités et je punirai leurs péchés par des plaies différentes (Ps. LXXXVIII, 33).

Pour ce qui est des prédestinés, Dieu ne se met en colère que pour un temps : car Dieu frappe de verges tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants (Hébr., XII, 6). C'est de ceux-ci qu'il faut entendre ces paroles du psaume (CII, 9) : Dieu ne se mettra pas toujours en colère etc. Mais quant aux réprouvés, Dieu garde éternellement sa colère contre eux, parce qu'il est juste que Dieu se venge dans son éternité des prévarications commises par l'impie dans son éternité. Car, encore bien que l'impie n'ait plus la faculté de pécher, il lui en reste toujours la volonté. Voici en effet ce qui est écrit : L'orgueil de ceux qui vous haïssent monte toujours (Ps. LXXIII, 23). Au lieu de s'humilier, en effet, les réprouvés désespèrent désormais  d'obtenir leur pardon, s'exaspèrent contre Dieu de plus en plus, tellement qu'ils voudraient l'anéantissement de celui qu'ils savent avoir prononcé leur malheur. Ils maudissent et blasphèment le Très-Haut, l'accusant de méchanceté, comme s'il les avait créés exprès pour les faire souffrir, et parce qu'il refusera toujours de leur pardonner.

Ecoutez saint Jean, disant dans l'Apocalypse : Une grande grêle tomba du ciel sur les hommes, et les hommes blasphémèrent Dieu à cause de la plaie de la grêle, parce que cette plaie était fort grande (Apoc., XVI, 21). La volonté du damné, quoique réduite à l'impuissance, sera donc toujours disposée pour le mal, et après avoir fait son péché dans ce monde, elle fera son supplice dans l'enfer ; encore peut-on dire qu'elle fera son péché dans l'enfer même,

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mais non pas cependant de manière à lui mériter de nouvelles peines. Donc, puisque l'impie restera toujours coupable des fautes qu'il a commises, il continuera d'en subir toujours le châtiment, et Dieu ne lui remettra point par indulgence ce qu'il n'aura point effacé lui-même par sa pénitence. Il est donc de toute justice que le juge souverain condamne à d'éternels supplices des hommes qui, tant qu'ils ont vécu, ont voulu vivre dans le péché. Car ils font bien voir qu'ils voudraient toujours vivre dans le péché puisqu'ils ont péché tout le temps de leur vie (Ces deux dernières phrases sont copiées de saint Grégoire. V. plus haut, témoignage 8, p109). »

39. Le concile de FLORENCE, dans sa Lettre d'union : « Nous définissons que les âmes de ceux qui meurent avant d'avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence, quoiqu'en état de grâce, sont soumises aux peines du purgatoire, et peuvent être soulagées par le saint sacrifice, par les prières et les autres bonnes ouvres des vivants ; que celles qui n'ont rien à expier sont aussitôt admises dans le ciel au bonheur de voir Dieu, et que celles qui sortent de ce monde avec un péché mortel, ou même avec le seul péché originel, descendent en enfer pour y souffrir des peines diverses (V. Dictionnaire universel des conciles, t. I, col. 919, art. FLORENCE, l'an 1439). »

40. S. CHRYSOSTOME, Lib., 1 de Providentiâ Dei : « J'ajoute que les menaces des châtiments éternels nous sont aussi nécessaires que les promesses de la gloire céleste et que les unes comme les autres doivent être pour nous des preuves de la bonté divine. Car on se mettrait moins en peine de mériter le ciel, si l'on n'avait pas l'enfer à craindre : la crainte n'est pas moins efficace que l'espérance pour nous porter à la vertu (Cf. Opuscules de saint Jean Chrysostôme). »

41. Le même, Hom. V ad populum Antiochenum : « Si la terreur de l'enfer était profondément grave dans vos cours, la crainte de la mort n'y ferait pas une si forte impression, et par ce moyen, en même temps que vous vous délivreriez de son appréhension, vous pourriez échapper aux flammes éternelles : car il est bien difficile que celui qui a sans cesse devant les yeux la terrible image de ces brasiers dévorants en éprouve jamais les rigueurs (Cf. Homélies ou Sermons de saint Jean Chrysostôme au peuple d'Antioche, trad. de Maucroix, chanoine de l'Eglise de Reims, p. 93-94). »

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42. Le même, Hom. LV ad populum Antiochenum : « Ne refusons pas d'entendre vous parler sans cesse de l'enfer, pour que la crainte que cette pensée nous inspirera puisse produire en nous des effets salutaires. Car si Dieu, avant de se déterminer à condamner les pécheurs, n'avait commencé par les en menacer, il y en aurait beaucoup plus encore qui y seraient condamnés effectivement. En effet, si malgré la crainte qui nous en est imprimée, il s'en trouve toujours qui se laissent aller aussi facilement au vice que s'il n'y avait pas d'enfer, que de mal ne se commettrait-il pas dans le monde, si personne n'était retenu par ce motif ? Je ne me lasserai donc pas de répéter que l'enfer ne nous prouve pas moins que le ciel le soin que Dieu prend de nous. L'enfer conspire, pour ainsi dire, avec le ciel, en nous forçant par la crainte à prendre le chemin du ciel ; de sorte que, bien loin de nous faire crier à la barbarie et à la cruauté contre le maître tout-puissant qui nous en menace, il doit plutôt être pour nous un motif de plus d'admirer sa miséricorde, sa bonté infinie et le soin paternel qu'il prend de nous. S'il n'avait averti par Jonas Ninive de sa ruine, Ninive n'aurait pas été conservée. S'il n'avait pas menacé les hommes de l'enfer, tous seraient tombés dans l'enfer. Si le feu éternel ne nous avait été d'avance signifie, personne n'aurait échappé au feu éternel. Dieu annonce ainsi aux hommes le contraire de ce qu'il a dessein d'accomplir, pour plier leurs volontés à ses desseins. Il ne veut pas la mort du pécheur ; et s'il l'en menace, c'est pour la lui faire éviter. »

43. S. AUGUSTIN, in Ps. XLIX : « Quand nous pourrions empêcher que le jour du jugement n'arrivât, nous ne devrions pas pour cela vivre dans le dérèglement. Quand ce feu terrible ne marcherait point devant la face de Dieu, quand les pécheurs n'auraient à craindre que de se voir séparé de lui, dans quelque apparence de délices qu'ils fussent d'ailleurs, ne voyant point celui qui les a créés, et rejetés qu'ils seraient de la vue ravissante de son visage, ils devraient se désoler, quelque éternité et quelque impunité qu'ils pussent se promettre de leurs crimes. Mais que dirai-je ici, ou à qui le dirai-je ? Cette peine ne se comprend que de ceux qui aiment, et non pas de ceux qui n'ont que du mépris pour Dieu. Ceux-là comprennent cc que je dis, qui ont commencé tant soit peu à goûter la douceur de la sagesse et de la vérité ; ils comprennent quelle horrible peine ce serait d'être seulement séparés de la vue de Dieu. Quant à ceux qui n'ont encore aucune expérience de cette douceur, s'ils ne soupirent pas après la vue

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de Dieu, qu'ils craignent du moins le feu, et que les supplices épouvantent ceux que n'attirent pas les récompenses. Si ce que Dieu vous promet vous semble vil et méprisable, que ses menaces du moins vous fassent trembler. On vous dit que Dieu vous fera voir l'ineffable beauté de son visage, et cette proposition ne vous électrise point, ne vous remue point, vous laisse toujours apathique et indifférent ! Que dis-je ? vous vous passionnez pour le désordre ; vous vous délectez dans les plaisirs de la chair ; vous amassez la paille autour de vous : aussi bien le feu viendra. Un feu dévorant le précédera (Ps. XCVI, 5).

« Ce feu ne sera pas semblable à celui que vous voyez ici ; et cependant si l'on voulait vous forcer à y mettre la main, vous feriez pour éviter ce mal tout ce que vous demanderait celui qui vous en ferait la menace. Quand il vous dirait : Signez la condamnation de votre père, signez la condamnation de vos enfants, ou si vous ne le faites, je m'en vais vous faire brûler la main dans ce feu ; vous consentiriez à tout, plutôt que de voir brûler votre main, plutôt que de voir brûler un de vos membres, quoique la douleur que vous en ressentiriez alors ne dût pas être éternelle. Votre ennemi donc vous menace d'un mal si léger, et pour l'éviter vous faites ce qui est mal ; Dieu vous menace d'un mal éternel, et vous refusez de faire du bien ? Pour vous porter à faire le mal, ou pour vous détourner de faire le bien, toutes les menaces du monde devraient être impuissantes. Pour vous détourner au contraire du mal et pour vous porter au bien, Dieu vous menace d'un feu éternel. D'où vient donc votre lâcheté pour fuir l'un et pour vous porter vers l'autre, sinon de votre peu de foi (Cf. Sermons de Saint Augustin sur les Psaumes, etc., t. II, p. 601-603) ? »

44. S. BERNARD, Serm. de conservsione ad clericos, c. 5 : « Le réprouvé reprendra le corps qu'il aura quitté en mourant ; mais il le reprendra pour souffrir les peines de l'enfer, et non pour faire pénitence. En cela je trouve que le péché et le corps seront d'une même condition, puisque, de même que le péché pourra être puni toujours, sans pouvoir jamais être expié, ainsi les tourments du corps ne finiront point, en même temps que le corps ne pourra jamais être consumé par les tourments. Et certes il est bien juste que la punition soit éternelle, puisque la faute sera ineffaçable et que la substance de la chair ne périsse point, pour que les peines auxquelles elle est condamnée ne

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finissent pas non plus. Mes chers frères, celui qui craint de tels supplices a soin de les éviter ; mais celui qui n'y pense pas y tombe infailliblement (Cf. Traduction de trois excellents ouvrages de saint Bernard, p. 20-21). »

 
 

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