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Sermons de Saint Pierre Chrysologue
docteur de l'église catholique
406 - 450

Première traduction française des 176 Sermons de saint Pierre Chrysologue par JesusMarie.com, 19 août 2014
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Sermons 36 à 70





36ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

C’est le propre d’un débiteur honnête de rembourser rapidement ses dettes, de ne pas faire languir son créditeur par sa négligence ou son insouciance, de ne pas se jouer de lui par des atermoiements ou des échappatoires. Comme le récit du chef de la synagogue et celui de la femme hémorroïsse sont imbriqués l’un dans l’autre et ne forment qu’un seul tout, nous avons préféré, pour ne pas déroger à la brièveté habituelle de nos sermons, ne pas partager en deux développements notre exposé, de peur qu’il serve moins à ranimer les courages qu’à chatouiller vos oreilles.

Le chef de la synagogue est venu au devant du Seigneur, et a fait une grande prostration sur le sol. Il indique le motif de sa venue, il éveille la sympathie, touche le cœur de Celui qui l’écoute, et Le presse de partir et de venir guérir sa fille. A l’inverse, le Seigneur se retourne en marchant vers la femme hémorroïsse, sans avoir été sollicité, et détecte une occasion d’apporter le salut. En se taisant, Il reconnaît le besoin de celle qui se tait, et voit les plaies occultes de celle qui les cache. Entre le Seigneur et la femme se traite la grande affaire d’un salut furtif . Et tandis que, après avoir été supplié par une demande faite en public, Il se met en route vers la fille de Jaïre, la seule pensée de la foi de l’hémorroïsse pénètre le divin, et le divin pénètre ce qui est secret. Heureuse femme qui, dans une si grande foule, est seule avec le Christ, pour être seule consciente de la santé restituée, et du déploiement divin de force . Bienheureuse est-elle d’avoir repéré un telle voie d’accès, que personne ne peut obstruer. Bienheureuse est-elle pour s’être précipitée et s’être élancée par un tel chemin vers son Auteur. Car avant qu’elle ait été rabrouée par l’homme à cause de cette blessure, avant que cette plaie l’ait sevrée du bonheur, elle savait que les hommes avaient barricadé le chemin du complet rétablissement, eux qui avaient coutume d’exécrer plutôt que de guérir les plaies. Dieu est étranger aux plaies humaines, mais ne les méprise pas. Il n’a pas en horreur les maladies contagieuses : Il les enraye. Il ne déteste pas les immondices du corps humain, mais les purifie. Dieu n’ignore pas ce que fait sa créature, mais ne peut pas en être souillé.

Or l’évangéliste soulève une question quand il dit : Comme Jésus connaissait en Lui-même la vertu qui était sortie de Lui, Il dit en se tournant vers la foule : Qui a touché mon vêtement? Alors qu’Il interroge comme faisant profession d’ignorance, tout en se rendant compte qu’une vertu est sortie de Lui, Il ignorerait à qui elle a été appliquée ? Celui qui est certain qu’une santé a été restituée ne saurait pas à qui cette grâce a été accordée ? Ici, le Seigneur interroge non pour dissiper l’erreur de l’ignorance, mais dans toute la majesté de qui sait et prévoit. Il n’enquête pas pour apprendre ce qui lui est caché, Il démontre au contraire qu’Il sait de quoi il s’agit, parce qu’en posant cette question, Il révèle une chose cachée que tous ignoraient. Il fait apparaître au milieu de la foule une femme qui interpelle en silence, qui s’exprime par ses seules pensées, et qui obtempère aux conseils de sa vertu en se tenant derrière. Il ne fait pas cela comme quelqu’un qui s’informe de ce qu’Il ignore, mais comme quelqu’un qui constate la grâce octroyée. Il fait en sorte qu’elle se tienne devant Ses yeux, pour qu’après lui avoir apporté le salut, Il apporte à tous la foi; et pour que celle qui avait ressenti la vertu divine reconnaisse la Majesté de Dieu. Et pour que, contre son attente, elle ne retourne pas inconnue, après avoir donné une entière connaissance d’elle-même.

Pendant que la plaie rougit de honte, que dans une telle cure, elle a une crainte respectueuse d’elle-même autant que de Dieu, le faible nuage de sa foi ne pouvait pas emporter toute résistance, et la lumière de son esprit elle-même assombrissait la confusion produite par les nuages. La voix du Seigneur qui interrogeait, comme un vent salutaire mit les nuages en fuite, la foi en relief, et celle qui se cachait dans les ténèbres de la nuit, Il la rendit plus claire que le soleil. Serait-elle inférieure au soleil celle qui darde ses rayons sur toute la planète, qui brille et resplendit dans toute l’assemblée ecclésiale ?

Si elle était retournée sans être vue, pardonnez-lui, elle se serait jouée du médecin, elle ne l’aurait pas reconnu.. Et elle aurait pu s’attribuer à elle-même et non au Guérisseur ce qui allait arriver. Elle aurait pensé que c’était elle qui avait arraché la guérison à la frange du vêtement, non à ce qu’il signifiait. . Que croyait-elle qu’était cette chose dont elle sentait en elle-même la vertu, mais dont elle se jugeait trop profane pour la désirer ? Elle qui avant sa cure, se cachait de honte et se jugeait indigne dans son humilité, pourquoi après la cure, n’accourt-elle pas spontanément pour rendre grâces, pour Lui faire honneur, pour Le glorifier pour une telle action ? Et après qu’elle ait vu le Seigneur persister dans son inquisition, et les disciples l’excusant et opposant au Seigneur l’oppression de la foule, après qu’elle eut réalisé qu’elle ne pouvait pas se cacher, après que la peur et les remords de la conscience aient commencé à lui faire des reproches, alors, elle vint au médecin, pour que Celui qu’elle professait secrètement comme médecin, elle Le proclame ouvertement et L’adore comme Dieu, et pour qu’elle devienne, autant pour ses contemporains que pour leurs successeurs, une médecine pour un tel mal, au dire de l’évangéliste : La femme remplie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui s’était passé en elle-même, vint et se prosterna à ses pieds et lui dit toute la vérité.

En vérité, parce qu’un récit historique doit toujours être ramené à une plus sublime signification , et que les figures présentes -le chef de la Synagogue, sa fille et la femme hémorroïsse- font connaître des mystères futurs, il faut expliquer quel genre de sacrement elles représentent en un discours allégorique, sous la forme de ces personnes. La fille du chef de Synagogue à qui le Christ est venu, vers qui Il s’en est allé, a avancé et a cheminé d’un pas humain, qui à cause du lieu ne peut pas être promue à la filiation divine, c’est, sans aucun doute, la synagogue, au dire du Seigneur : Je n’ai été envoyé qu’à ceux qui périssent de la maison d’Israël. Mais pendant que le Christ se dirige vers la Synagogue, l’Eglise, établie dans toutes les nations, après avoir perdu le bien de la nature, perdait et perdait en abondance le sang du genre humain. En s’efforçant de soigner sa langueur, la science humaine ne faisait que l’aviver. Car les efforts pour contrer la fragilité humaine et le lustre de la civilisation ont toujours répandu le sang des peuples sans éradiquer les conflits, sans mettre fin aux guerres civiles, ni supprimer la démence des crimes. Mais elle a été, elle, démolie par de tels soins, par cette cure où elle vit tout ce qu’elle avait de bien englouti : tout ce qu’elle avait, c’est-à-dire son âme, son esprit, son sentiment, son ingéniosité, son travail, sa débrouillardise, sa raison. Nous recommandons cette femme aux médecins des âmes pour leur plus grand profit, car elle a reconnu le Christ pendant qu’Il se déplaçait; elle s’est approchée de Lui par derrière, parce que la pollution de son sang ne lui permettait pas de Le voir. Elle s’est avancée par an arrière, i.e. qu’elle suit l’Aide que la foi lui apporte, et étant la dernière de toutes, elle touche la frange du vêtement du Christ, alors qu’elle n’est pas honorée dans les pères, n’est pas considérée comme sainte dans la loi, ne peut pas se vanter des déclarations des prophètes, n’est pas honorée dans le corps du Seigneur Lui-même, pendant qu’elle se trouve étrangère à l’ordre de la génération du Christ. Par en arrière, i.e. que, en ces derniers temps, elle suit le Christ et reçoit l’approbation du sacrement occulte de la foi. Elle touche vraiment le vêtement qu’elle découvre dans le sépulcre, qu’elle reconnait et prêche comme le signe du Christ ressuscité. Mais pendant que le Christ s’affaire à cette femme en manifestant sa puissance, son aide fait défaut à la fille du chef de la synagogue, et la Synagogue meurt, pour qu’elle renaisse à une vie de perfidie, elle qui était morte par la loi, et avait péri par la nature. Entre temps, arrivèrent de la maison du chef de la Synagogue des gens qui dirent : Ne dérange plus le maître pour rien : ta fille est morte. Aujourd’hui encore les Juifs ne veulent pas importuner le Christ , dont ils ne désirèrent pas la venue et qu’ils condamnèrent à la mort, qui perdirent dans l’infidélité l’espoir de la résurrection. Mais convient à notre interprétation le fait que la fille du chef de la Synagogue ait douze ans révolus, et que la maladie de l’hémorroïsse se soit prolongée douze ans, puisque à l’une et à l’autre le salut et la vie ont été accordées après cette période ultime de temps. Car ce chiffre conclut le temps de la vie humaine. Le chiffre douze fait l’année et on l’identifie et on le compte dans les doigts. De là vient que les Prophètes déclarent que le Christ viendra pendant l’année agréable à Dieu, et l’Apôtre le prouve en disant que le Christ est venu à la plénitude des temps : Quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils. Priez mes frères pour que, comme la Synagogue est morte à elle-même et à la loi, pour que le Christ vive, nous mourions au péché et à la chair pour pouvoir vivre dans le Christ.
 
 
 

37ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue

Frères, les gestes des saints ne doivent pas être considérés comme des évènements fortuits mais comme des signes. Et les actions défectueuses qu’on leur attribue ne doivent pas être envisagées comme des fautes mais comme des mystères, ainsi que la lecture d’aujourd’hui le signale et le fait connaître clairement : Aux foules nombreuses qui l’entouraient, Jésus commença par dire : Cette génération est mauvaise. Elle demande un signe. Il ne lui en sera pas donné d’autre que celui du Prophète Jonas. Comme Jonas fut un signe pour les Ninivites, ainsi en sera-t-il du Fils de l’Homme pour cette génération. Voici que la fugue elle-même du Prophète se change en figure du Seigneur, et ce que le funeste naufrage a célébré c’est un sacrement de la résurrection du Seigneur. Car le texte de l’histoire écrite sur lui montre comment Jonas a tenu et rempli le rôle de type du Sauveur en toutes choses. Jonas a fui loin de la face de Dieu, est-il dit. Pour présenter un visage et une forme d’homme, le Seigneur n’a-t-Il pas fui loin de la face et de la forme de sa propre divinité, au témoignage de l’Apôtre : Comme il était dans la forme de Dieu, il n’a pas considéré comme une rapine d’être égal à Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la forme de l’esclave. Le Seigneur a pris la forme de l’esclave. Pour se cacher au monde, pour surprendre le diable, Il s’est réfugié dans l’homme. Le type du Christ est bien conservé dans ces paroles de Jonas, car il n’est pas dit : Je fuis Dieu, mais : Je fuis loin de la face de Dieu. Dieu qui est partout n’a pas où se fuir Lui-même. Mais le Christ, pour fuir loin de la face de Dieu, en changeant de forme non de lieu, s’est réfugié dans le visage de notre servitude.

Jonas, est-il dit, descendit à Joppé pour fuir à Tharsis. Ecoute Celui qui est descendu : Personne ne monte au ciel si ce n’est celui qui en est descendu. Le Seigneur est descendu du ciel à la terre, Il est descendu de la divinité à l’humanité; la Domination suprême est descendu dans notre servitude. Et cependant celui qui était descendu dans le bateau, est monté pour gouverner le bateau. Ainsi en est-il du Christ. Celui qui est descendu dans ce monde est monté dans le navire de son Eglise par ses vertus et ses miracles. Que peut bien signifier cette violente tempête si ce n’est le démon qui, pénétrant dans le cœur de Judas, a soulevé les rois, les nations, les peuples, les soldats, les juges, les marins, a insufflé en eux la révolte, pour que les vagues montantes et descendantes du siècle foncent sur leur calme Auteur ? Ecoute les vagues du siècle, écoute le Prophète qui dit : Pourquoi frémissent les nations, et pourquoi les peuples projettent-ils des choses insensées ? Les rois de la terre se sont levés, les princes se sont ligués, contre le Seigneur, et contre son Christ. Et parce que le sort de Jonas n’est pas en porte -à -faux avec la révélation, il accomplit la prophétie davidique se rapportant au Christ : Et sur mon vêtement ils ont jeté le sort. Le fait que Jonas est le propre auteur de sa projection dans l’eau, comme il le dit lui-même : Prenez-moi, et jetez-moi à l’eau, ce fait indique la passion volontaire du Seigneur. Car pourquoi sont-ils d’accord pour ordonner qu’il soit traité ainsi, eux qui, dans un tel péril, pouvaient spontanément pourvoir à leur salut ? Quand donc le salut de tous demande-t-il la mort d’un seul? La mort ici demande l’arbitrage de quelqu’un qui périt. Car la volonté de celui qui est sur le point de mourir peut différer la mort collective, si la mort de celui qui met en danger le groupe prévient le péril. Si ici où tout est traité en figure on attend l’autorité du Mourant pour que la mort ne soit pas une nécessité mais une manifestation de puissance. Ecoute le Seigneur qui dit : J’ai le pouvoir de déposer mon âme, et j’ai le pouvoir de la reprendre de nouveau. Personne ne me l’enlève. Comment ? Parce que le Christ ne perdit pas son âme en la remettant, car Celui qui tient et reçoit toutes les âmes dans sa main, on ne voit pas comment Il pourrait perdre la Sienne. Ecoute le Prophète qui dit : Mon âme est toujours dans tes mains. Je remets mon âme entre tes mains. Mais à quoi bon en dire davantage ? Elle court, elle se précipite, elle est présente la bête des profondeurs qui va accomplir et prédire le tout de la résurrection du Christ, bien plus, qui va concevoir et enfanter le mystère. Elle est présente la bête, elle est présente l’image horrible et cruelle de l’enfer, qui est rapportée comme avide d’avaler le prophète. Dans le prophète, elle sentit et dégusta la vigueur de l’Auteur, et la faim inassouvissable accourut pour dévorer. Mais frémissant au plus profond de son cœur, elle dispose et prépare tout pour la demeure de l’Hôte céleste. Celle qui avait été la cause de la rupture, deviendrait elle-même le moyen de transport inouï de la nécessaire navigation, conservant son passager , et le référant après trois jours aux cieux. Et serait donné aux Gentils ce qui serait retranché aux Juifs. Cherchant un signe, les Juifs ont entendu que le Seigneur a décrété de ne donner que ce signe, par lequel ils apprendraient que la gloire qu’ils espéraient trouver dans le Christ était accordée en totalité aux Gentils. Cette génération, dit-Il, est mauvaise. Elle cherche un signe. Il ne lui en sera pas donné d’autre que celui de Jonas. Parce que la perfidie judaïque s’agitant, le Christ a été plongé dans les profondeurs de l’enfer. Et dans une course de trois jours, Il parcourut tous les lieux cachés du tartare, et quand Il ressuscita, Il donna un indice et de la cruauté juive et de sa Majesté et de la destruction de la mort. C’est donc avec raison qu’au jour du jugement se lèveront les Ninivites et condamneront cette génération, car eux se son amendés à la prédication d’un seul prophète naufragé, étranger, inconnu. Eux, après tant de vertus, tant de miracles, et l’éclair foudroyant de la résurrection , i ne viennent pas à la foi, ne sont pas amenés à la pénitence. Ils ne croient pas le signe lui-même de la résurrection, mais cherchent à le discréditer. Leur or ferme les yeux des soldats et corrompt leurs cœurs, pour qu’ils taisent ce qu’ils savent et ce qu’ils ont vu, récompensant ainsi le mensonge pour gommer la vérité. Ils renvoient la responsabilité de leur acte pervers sur les disciples, en disant : Dites que ses disciples sont venus la nuit et l’ont volé. Tu te trompes, Juif, ce ne sont pas les disciples qui ont enlevé le corps, mais le Maître. Il a dérobé Lui-même son propre corps tout claquemuré qu’Il était. Mais je m’étonne que le Juif s’enquiert du Christ qu’Il a sauvagement placé entre deux bandits. Il se comporte mal, il conserve avec impiété, et s’enquiert avec plus d’iniquité encore. Juif, le Christ ne peut pas périr, mais toi tu t’es perdu avec ta scélératesse. Elle viendra, elle viendra en jugement la reine de Saba, et alors, Celui que l’on croyait fou, devenu juge, te condamnera. Car elle est venue de l’extrémité du monde pour entendre la sagesse de Salomon , et toi, le plus misérable des hommes, tu as tué la Sagesse qui venait à toi. Les Ninivites sont une figure des Gentils qui croiraient, la reine de Saba une image de l’Eglise aperçue de loin. Nous sommes heureux, mes frères, car ce qui a précédé dans le type, ce qui a été promis en figure et en image, nous le vénérons, le voyons et le possédons en réalité.
 

38ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue

Ce qu’est la grandeur de la philosophie chrétienne, ce qu’est la vertu de la milice chrétienne, le Seigneur nous l’enseigne aujourd’hui en disant : Si quelqu’un te frappe à la joue droite, présente-lui l’autre. Celui qui ne connaît pas les récompenses réservées à la patience trouve ce conseil impraticable. Est-ce que tu penses que des blessures peuvent faire remporter une médaille de bravoure à celui qui ne veut pas mériter la couronne par une gifle ? Peut-il recevoir la gloire de celui qui meurt au champ d’honneur celui qui accorde plus d’importance à un affront fait à lui-même qu’à l’honneur de Dieu ? Homme, est-ce que les enseignements reçus dans ton enfance étaient aussi puérils ? La paume ou le revers de la main est une arme qu’emploient les enfants, non les hommes faits. L’enfance chrétienne est nourrie de commandements légers, pour que l’adolescence évangélique accède avec toute sa vigueur aux commandements plus exigeants, et que, par les durs labeurs, les souffrances et la mort, elle se réjouisse d’obtenir ce que l’enfance ne pouvait pas acquérir en supportant de petites injustices. Pour se convaincre que ces préceptes ne sont pas exigeants, passons en revue la liste des commandements. Vous avez entendu qu’il avait été dit aux anciens : œil pour œil, dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas répliquer. Si quelqu’un te frappe sur la joie droite, présente-lui aussi la gauche. Et si quelqu’un veut entrer en jugement avec toi, et s’il t’enlève ta robe, remets-lui aussi ton manteau, et celui qui te réquisitionnera pour marcher mille pas avec lui, vas-y, et marche deux fois plus loin. Vous avez entendu ce qui a été dit aux anciens. A quels anciens ? Pour sûr, aux Juifs, que la malice plus que la vétusté avait fait anciens, que la fureur de la vengeance avait rendus si cupides que pour un œil ils demandaient une tête, pour une dent une vie humaine. Voilà pourquoi la loi mettait des freins à l’alternative de la vengeance, pour que ceux qui étaient incapables de trouver de la saveur au pardon de la faute, goûtent la modération dans la vengeance; et que la demande de réparation soit proportionnelle au tort infligé par le délinquant. Mais à nous, les anciens rénovés par la grâce, pourquoi la bonté divine commande-t-elle cela ? Ecoutons-le : Moi je vous dis. A qui ? Pour sûr, aux chrétiens. Ne répliquez pas au mal. En parlant ainsi, Il ne veut pas que nous réprimions les vices avec les vices, mais que nous les surmontions par les vertus, et éteignions en elles la braise mal éteinte de la colère, qui, si elle parvenait à l’incendie généralisé de la folie furieuse, ne pourrait pas être apaisée sans que le sang soit versé. La colère est vaincue par la douceur, la folie furieuse par la mansuétude. La malice est touchée par la bonté, la cruauté se jette aux pieds de la miséricorde, l’impatience est punie par la patience, l’emportement s’avoue vaincu devant la gentillesse, l’humilité étend sur le sol l’orgueil.

Mes frères, celui donc qui veut vaincre les vices, qu’il se revête des armes de la religion, non de la fureur. Et bien que le sage païen puisse se faire une certaine idée des commandements chrétiens relatifs aux injures, cependant, parce qu’ils ne comprend pas qu’en eux se trouvent le sommet de la vertu de la bonté, le faîte de la piété, que c’est le propre d’une philosophie divine non humaine de ne pas rendre le mal pour le mal, mais de vaincre le mal par le bien, de bénir celui qui parle en mal de nous, de ne pas refuser à celui qui nous frappe la possibilité de frapper de nouveau, de remettre notre manteau à qui nous enlève notre tunique, et de faire des largesses à qui nous enlève notre butin. A celui qui nous réquisitionne pour une marche de mille pas, que notre servitude ajoute deux autres mille. Pour que la volonté vainque la nécessité, la piété l’impiété. Voilà en quoi consiste la vertu de celui qui subit la violence de la contrainte. Ces choses enseignent comment les injures entraînent le soldat du Christ à la vertu. Mais pour faire davantage comprendre de quel ordre relèvent ces préceptes, nous devons porter plus loin notre regard. Mes frères, là où la maladie des péchés, la peste des vices, la frénésie de l’impiété s’infiltrent dans les esprits humains, elles éteignent ce qui s’y trouve d’expérience, de bon sens et de raison : une fureur empoisonnée pousse les nations répandues sur toute la terre à fuir Dieu, à suivre les démons, à adorer les créatures, à mépriser le Créateur, à convoiter les vices, à avoir horreur des vertus, à traiter les hommes à coup de bâton, à les couvrir de plaies, à maltraiter les vivants jusqu’à les faire mourir. Les hommes ne pourront pas être assainis à moins qu’armés de toute la patience et de toute la piété du médecin céleste ils ne redeviennent florissants, en supportant les injures de ceux que tourmente la frénésie, en acceptant les malédictions, en supportant d’être flagellées, d’être criblés de plaies, jusqu’au moment où ils redéboucheront sur la sobriété des sentiments, la sincérité de l’esprit, et la santé spirituelle. Comme s’ils avaient tout d’un coup obtenu de chercher Dieu, de fuir les démons, de se rendre compte de ce qu’est la maladie, d’avoir le goût de ce qui est sain, de cultiver les vertus, d’avoir horreur d’infliger des blessures, de détester verser le sang, de rompre le pacte avec la mort, et d’aspirer à la vie.

Et si vous voulez que ce que nous avons dit se comprenne plus complètement, prenons l’exemple des médecins charnels. A chaque fois que l’incendie du choléra enflamme un pauvre homme, la fièvre fait divaguer le malade , trouble sa raison, l’esprit dépérit, la bestialité prend le dessus, l’humanité se retire, et, pour le dire en un mot , la fureur vit dans l’homme mourant. Le voilà qui grince des dents, met en pièces ses parents, déchire ceux qui sont près de lui, donne des coups de poignard, invective et blesse en paroles ceux qui le cajolent. Alors le médecin s’arme de patience , à la louange de la vertu, à la gloire de la science , pour porter sa réputation à son comble. Il fait vœu de tolérance, fait fi des injures, supporte les invectives, accepte de longues heures de travail. Ce ne sont pas de légères peines qu’il tolère pour libérer de la fièvre celui qui souffre. Il le frotte avec de l’huile, ne ménage pas ses efforts, lui donne la saignée, certain que le malade quand il recouvrera la santé récompensera ses soins par une récompense honorable. Je demande, quelle plus grande frénésie, quelle plus grande folie furieuse y a-t-il que de frapper, par démence, la joue d’un saint homme, de heurter la face d’un frère débonnaire, de percuter , par la triste envie, la gentillesse du visage d’un frère sans malice, de dépouiller un homme du seul vêtement qui le couvre ? Et pour ce vilain butin , ne rien laisser à l’homme, à la nature, à la pudeur. Quelle plus grand frénésie y a t-t-il que de réquisitionner un homme déjà débordé de travail, et trouver sa consolation dans la peine d’autrui? Donc, mes frères, quand quelqu’un se porte à de tels excès, nous savons qu’il est atteint du délire de la fièvre. Obéissons donc au Christ et les morsures des frères en délire, les coups et les fardeaux supportons-les avec toute la vertu de la piété, pour libérer nos frères du châtiment, et pour obtenir la récompense que mérite une patience inlassable. Que le serviteur ne dédaigne pas de recevoir de ses compagnons en servitude ce que le Seigneur a daigné accepter de la part de ses esclaves et pour ses esclaves. Il n’a pas soustrait sa face aux soufflets. A celui qui Lui enlevait sa tunique et son manteau, Il a remis aussi son corps. Avec reconnaissance et en toute liberté , Il a suivi jusqu’à la mort celui qui l’avait réquisitionné pour un dur travail. Donc, frères, si le Seigneur a jugé qu’il est honorable et digne de souffrir, comment l’esclave pourrait-il estimer cela indigne de lui ? Nous nous trompons, nous nous trompons, mes frères. Celui qui ne fait pas ce que le Seigneur a ordonné attend en vain ce que le Seigneur a promis.
 
 
 

39ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

Les choses divines se suffisent toujours à elles-mêmes. Cette vérité est souvent illustrée par des exemples humains, parce que la Providence céleste ne se demande pas ce qu’elle doit dire mais ce que l’auditeur peut saisir. Ainsi, à sa source, un canal d’eau naturel se fraie un passage, et serpente petit à petit sous la forme d’étroits ruisseaux, jusqu’à ce que, par un juste retours des choses , il se dilate en une grande rivière et s’écoule avec fracas.. Et pour vous parler de nous, à sa naissance, la nature prépare aussitôt au bébé une décoction propre à son âge, puis elle échange la nourriture pour du breuvage, et à l’étonnement de la gorge et à la stupeur des canaux internes, une longue période d’allaitement prépare le bébé à l’ ingestion d’une nourriture plus solide. C’est ainsi que le Seigneur nous rend capables de comprendre les choses divines par des exemples tirés de la vie de tous les jours, comme le font voir ces paroles : Qui de vous ayant un ami qui vient le voir au milieu de la nuit et lui dit : Mon ami, prête-moi trois pains, parce qu’un de mes amis est venu me voir et je n’ai rien à lui offrir, et lui, répondant de l’intérieur : Ne me dérange pas, car la porte est déjà barrée, et mes enfants et moi nous sommes déjà au lit. Comment pourrais-je me lever pour te donner quoi que ce soit ? Et bien moi je vous le dis, s’il ne se lève pas par amitié, il le fera à cause du sans gêne de son ami, et il lui donnera tout ce qui lui est nécessaire. O comme Il veut donner Celui qui accepte de se lever ainsi quand on l’importune ! O comme il montre qu’il se sent obligé de donner ce qu’il peut donner ! O comme Il est impatient d’accourir à celui qui frappe celui qui a placé près de la porte le lit de sa retraite ! O comme Il ne veut rien refuser Celui qui nous montre comment lui extorquer quelque chose contre sa volonté ! O comme ce n’était pas seulement près de la porte qu’était le Seigneur, puisqu’Il est la porte ! Je suis, dit-Il, la porte. Pendant que dorment mes serviteurs, Je suis le premier et le seul à entendre les besoins de celui qui frappe. O comme Il est pieux, comme Il est miséricordieux Celui qui explique et démontre par des exemples ce qu’Il enseigne par ses commandements.

Quand tu fais l’aumône, ne va pas le trompeter. Et encore : Que ta gauche ne sache pas ce que fait ta droite ! Qui de vous a un ami qui vient le voir au milieu de la nuit. C’est peu de chose que la nuit couvre d’un voile celui qui exerce la miséricorde, que le sans-gêne du demandeur cache la générosité du donneur, si l’on passe sous silence le rôle que joue le sommeil pour mettre un comble à la tentative de voiler la charité. Dans cet acte humanitaire, celui qui demande et celui qui dort subissent des nécessités de même nature : l’hôte force l’un à demander et le sommeil force l’autre à donner. De sorte que ce n’est pas l’amitié qui promet de donner à cette heure tardive, mais le sommeil. Il aurait préféré le sommeil qu’il lui soit permis de dormir plutôt que de se complaire à donner à qui demande. Que dire d’autre ? Voici que à celui qui a frappé , le sommeil a été d’un plus grand secours que le cœur. Il ne doit pas être excusé de paresse celui qui ouvre en insistant sur l’heure de la demande, en disant : Qui parmi vous a un ami qui va le voir au milieu se la nuit. Non à la première ou à la deuxième ou à la troisième heure de la nuit, quand un engourdissement délectable, doux aux membres fatigués par le labeur du jour, se communique à tout le corps qui est en train de sombrer dans un profond sommeil , car le réveiller à ce moment-là serait une impolitesse majeure impardonnable. Mais il y a le temps que le jugement du veilleur de nuit indique comme étant celui du zèle. Voilà le temps , que, pressée par les travaux passés et futurs, une âme ardente consacre aux choses divines, et non au repos du corps. Mais avant de terminer les travaux du jour qui vient de se dérouler, elle ébauche et anticipe ceux du lendemain. Voilà l’heure très efficace pour la demande. Le prophète sachant cela, affirme que le temps de sa supplication est arrivé : Au milieu de la nuit, je me lèverai pour me confier à toi. A cette heure, l’Epoux céleste accourt toujours vers ceux qui veillent, Celui dont a dit : Au milieu de la nuit, il y eut une grande clameur : voici que l’Epoux arrive. Il n’a pas pu ne pas demander tout ce qu’il voulait celui qui pour recevoir un hôte, pour le nourrir , s’est interdit tout repos. Et comment à quelqu’un qui demande ainsi, qui frappe ainsi ne répondrait pas celui qui reconnaît avoir été reçu comme hôte, quand Il dit : J’ai été un hôte, et tu m’as reçu. J’estime que c’est celui qui frappe qui a dit cela, ou peut-être que la phrase admet un autre sens : j’ai fait ce que tu as ordonné, rends ce que tu as promis; je t’ai cru quand tu as dit : ne vous souciez pas du lendemain. D’où : il ne m’est rien resté à mette sur la table pour recevoir l’hôte d’hier. Si cela t’embête que je n’en n’aie pas, c’est plus emmerdant pour moi de ne pas en avoir. Et cependant, je n’ai pas pu me refuser à lui car je me suis efforcé de t’obéir. Ici l’embarras de celui qui ordonne est plus grand que la honte de celui qui n’a rien. L’hôte est dans la maison et tu dors, bien plus, tu dors toi qui ne dors pas. Moi j’ai accueilli un hôte. Si tu ne donnes pas de pain, c’est à l’hôte que tu auras refusé du pain. Ce prêteur évangélique a donc méritoirement avancé généreusement autant de pains qu’il a paru nécessaire à celui qui frappait et demandait. Que font ceux qui ne se placent pas dans un lit mais dans un sépulcre ? Qui ne se livrent pas au sommeil mais à la mort ? Ceux que le coq ne réveille pas, que l’étoile du matin n’arrache pas de leur sommeil, que le soleil ne rappelle pas, ne ramène pas à la lumière ? Ceux-ci ont perdu le temps de la supplication, la récompense humaine, et même les œuvres du jour.

Nous nous plaignons, mes frères, quand nous nous tenons debout un peu longtemps devant le Seigneur de ne pas voir avec nous nos fils. C’est au milieu de la nuit qu’a frappé celui dans la maison duquel un hôte était venu. Je demande : toi, pourquoi ne veilles-tu pas un certain temps, toi qui as un hôte dans ta maison ? Accorde-lui gracieusement ce que refuse ta paresse, de bon gré ce que es obligé de faire, toi qui aimes mieux le sommeil que toi-même .

Pour pouvoir veiller pour la vie au lieu de dormir pour la mort, écoute ce qui suit : Et moi je vous dis : demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira. Tous ceux qui demandent reçoivent, tous ceux qui cherchent trouvent, et on ouvre à ceux qui frappent. Tu dis : j’en conviens. Mais savoir quoi demander, comment frapper c’est un secret céleste. Comment? En répétant tes demandes, en attendant la décision du bienfaiteur, en supportant très patiemment le retard du donateur. Parce que quiconque s’indigne de ne pas avoir été exaucé après une première demande n’est pas quelqu’un qui demande en suppliant, mais quelqu’un dont c’est l’office d’exiger de façon autoritaire l’exécution de ce qu’il ordonne. Ecoute le Prophète qui dit : Attends le Seigneur, agis courageusement, et ton cœur reprendra confiance. Et s’il se trouble de nouveau dans le futur, mets patiemment ton espoir dans le Seigneur. Tu veux savoir ce que tu dois demander ? Les richesses sont dans le sein du pauvre, et le royaume des cieux est à l’intérieur de toi. Le Seigneur a dit : Le royaume des cieux est à l’intérieur de vous. Qui est donc l’ami qui dort , et qui est l’ami qui arrive de voyage, et qui sont les enfants qui dorment, et qui est celui qui frappe, et pourquoi demande-t-il un nombre précis de pains, trois seulement? Quand je demanderai, je chercherai, je frapperai, et que sans dormir de la nuit je mériterai dans mon angoisse de recevoir, je ne vous renierai pas, vous, les amis de mon Seigneur. Mais vous me dites : voici que l’ami de ton Seigneur vient à toi. Lui, Il a l’habitude de donner plutôt que de recevoir. Le pasteur avide au viatique plantureux a donc épuise sa besace pour qu’il goûte aux vils mets de notre pauvreté ? Et Il n’ pas supporté que je demande ailleurs l’hospitalité par une nuit de tempête, lui qui est très riche. Il n’y a rien d’étonnant là, mes frères. Le riche veut toujours donner au pauvre quant il est sur son déclin. Il demeure toujours à la porte de l’ami de l’évangile. Dans le lit où il dort avec ses enfants, il persiste à être un bienfaiteur évangélique, celui dans l e cœur duquel le Père, le Fils et le Saint Esprit font et établissent leur demeure pour toujours. Que dire d’autre ? Il est Père. Je crois que c’est par Lui que je demande, en Lui que je cherche, et par Lui que je frappe. Je ne vous ai donc pas promis imprudemment qu’il vous donnerait.
 

40ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue

Quand l’époque annuelle de la brise printanière commence à tout disposer pour la mise à bas des brebis, quand elle entreprend de disperser en grand nombre par les champs, les prés et les chemins les graines nécessaires à la fécondité du troupeau, le bon pasteur plante là son travail ordinaire , et courant anxieusement ici et là, en fredonnant des chants nouveaux, il recueille et rassemble les agnelets nouveaux nés, puis, tout heureux, il les place autour de son cou, sur ses épaules, dans ses bras, pour les transporter, et les ramener tous sains et saufs, pour les conduire en sécurité dans un bercail. Ainsi, nous, frères, quand au printemps souriant du carême, nous voyons le troupeau ecclésiastique produire des enfants en abondance, nous mettons de côté nos chants profanes et les propos de table, et, anxieusement, par un dur labeur, nous nous consacrons totalement à ramasser et à mettre en lieu sûr tous les soins à apporter à la génération céleste. Mais parce que nous voyons que tous les agneaux ont déjà rejoint le troupeau, dans notre joie, nous entonnons de nouveaux chants divins, et présentons un grand nombre de veaux à l’action de grâces de la nourriture du Seigneur. Pour que ceux que nous avons connus comme compagnons de travail nous puissions les voir participer à nos joies. Et parce que notre introduction au bon Pasteur n’a pour but que de présenter Celui qui seul est bon, seul est pasteur, seul est Pasteur de pasteurs, tout le propos de notre sermon et de notre exposé portera sur Lui.

Le bon pasteur, est-il dit, dépose sa vie pour ses brebis. La puissance de l’amour décuple les énergies , parce que pour l’amour vrai, rien n’est dur, rien n’est amer, rien n’est pénible, rien n’est mortel. Quel tranchant de l’épée, quelles blessures, quelle souffrance, quelles morts parviennent à nous séparer de l’amour parfait ? L’amour est une cuirasse impénétrable qui fait rebondir les javelots et fait tomber les glaives en les secouant. L’amour se rit des dangers et se moque de la mort. Quand l’amour existe, il triomphe de tout. Mais demandons-nous si la mort de ce Pasteur est une chose avantageuse pour les brebis, puisqu’elle disperse les brebis, livre le troupeau sans défense aux loups, abandonne le troupeau chéri aux morsures des bêtes féroces, livre les brebis au pillage, les expose à la mort, comme la mort du Pasteur par excellence, le Christ, l’a démontré. Car Il a déposé son âme pour ses brebis, et Il a permis à la fureur judaïque de Le tuer. Ses brebis parmi les Gentils sont pillées par les incursions des barbares. Elles sont torturées dans les prisons, elles s’enferment dans des cavernes de voleurs. Elles sont lacérées sans arrêt par les persécuteurs comme par des loups enragés; elles sont mordues par les hérétiques, comme par des chiens à la dent empoisonnée. De cela, le chœur des apôtres donne une preuve sans réplique. Le proclame également le sang des martyrs répandu sur toute la terre. Les membres des chrétiens donnés à dévorer aux bêtes fauves, consumés par le feu, jetés à la mer le démontrent clairement. La vie du Pasteur aurait pu empêcher tout ce que Sa mort a apporté. Donc le Pasteur te prouve l’amour par la mort, car comme Il voyait qu’approchait la sélection des brebis, comme Il ne pouvait défendre le troupeau, Il préféra mourir avant de le voir perdu à tout jamais. Mais comment nous exprimer ? Car la Vie n’aurait pas pu mourir à moins de le vouloir. Qui aurait bien pu enlever l’âme à Celui qui a donné l’âme, s’Il ne l’avait pas voulu, selon son propre témoignage : J’ai le pouvoir de déposer mon âme, et j’ai le pouvoir de la reprendre. Personne ne me l’enlève. Il a donc réellement voulu mourir : Celui qui ne pouvait pas mourir permit qu’on Le tue. Demandons-nous donc quelle est la puissance de l’amour, quelle est la raison de cet amour, quelle est la cause de cette mort, quelle est l’utilité de cette passion. Et de toute évidence, la puissance certaine, la vraie raison, la cause du drame est l’utilité escomptée d’un tel sang, car la mort de ce seul Pasteur a dégagé une vertu singulière. Le pasteur est accouru à la mort préparée pour les brebis, pour que, dressant un nouveau traquenard, Il attrape l’auteur de la mort, le diable, en se faisant attraper par lui, le vainque en étant vaincu par lui. le terrasse en Se faisant tuer par lui, et ouvre le chemin de la victoire sur la mort en mourant pour les brebis. Car le démon, en se dirigeant vers l’homme, s’est précipité sur Dieu. Pendant qu’il charge sur le coupable, il tombe sur le Juge. Il rencontre le supplice en infligeant la peine. Il reçoit la condamnation en la donnant. Et vivante, la mort meurt de la nourriture des vivants en dévorant la vie. En absorbant les coupables, elle est absorbée, en déglutissant l’Auteur de l’innocence. Et la mort elle-même enfante, qui avait perdu tout le genre humain en voulant détruire le salut de tous. De cette façon, le Pasteur a précédé ses brebis, Il ne s’est pas éloigné d’elles. Il ne les a pas données non plus aux loups, mais Il leur a livré les loups, en donnant aux siens de choisir les loups comme prédateurs, pour qu’après avoir été tués par eux ils vivent, pour qu’ils ressuscitent après avoir été transpercés, pour que, teints de leur sang, ils brillent d’un éclat rouge écarlate, et que leur vêtement de laine scintille comme de la neige . C’est ainsi que le bon Pasteur a déposé sa vie pour ses brebis : Il ne les a pas perdues. Il a logé les brebis, Il ne les a pas abandonnées. Il ne les a pas laissé périr, mais les a invitées, elles que par des champs mortels, par un chemin de mort, Il a appelées et conduites aux pâturages vivifiants. Mais dira quelqu’un : Quand ces choses auront-elles lieu ? Voici qu’entretemps les brebis, i.e., les apôtres, les prophètes, les martyrs et les confesseurs gisent dans les tombeaux. Les condamnés à mort sont éparpillés sur toute la surface de la terre, recouverts de sang, claustrés dans les sépulcres. Mais qui doute qu’ils ressusciteront et vivront, que règneront les martyrs assassinés, quand le Christ est ressuscité pour eux, est mort et règne après avoir été tué ? Ecoute la voix de ce Pasteur : Mes brebis connaissent ma voix et me suivent. Il est nécessaire que celles qui L’ont suivi jusqu’à la mort, Le suivent jusqu’à la vie; que celles qui L’ont accompagné dans l’ignominie, L’accompagnent dans les honneurs, et soient participantes de la gloire celles qui participèrent à sa passion. Là où je serai, dit-Il, seront mes ministres. Où ? Au plus haut des cieux, là où le Christ est assis à la droite de Dieu. Homme que ta foi ne se trouble pas, que la longueur de l’attende ne te lasse pas! Car il y a une chose qui est certaine pour toi, qui est conservée en Lui-même pour toi par l’Auteur des êtres: Vous êtes morts, dit-Il, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand apparaîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi vous apparaitrez en gloire avec Lui. Tout en travaillant, souviens-toi que ce que tu n’a pas vu dans la semence tu le verras dans la moisson, et que celui qui a versé des larmes sur le sillon jubilera à la vue des fruits.
 
 
 
 

41ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

Nous lisons que la plupart de ceux qui ont remporté des guerres contre d’autres nations n’ont pas pu remporter le combat contre la chair; et nous avons entendu dire qu’ils ont présenté leurs poitrines aux plaisirs ceux qui n’ont pas présenté leurs dos aux ennemis. Hélas ! Les vainqueurs des peuples ont été captifs de leurs vices; les maîtres des nations ont servi de la servitude honteuse des vices. Ils se sont tenus debout au milieu des glaives dégainés, mais se sont écroulés devant les moeurs efféminées. Ils furent la terreur des royaumes, mais ils sont le jouet des péchés. Ils ont broyé les armées adverses à jeun, et avec leur ivresse, ils ont mis en pièces les camps des vertus. Ils se sont étendus par terre après avoir versé le vin, ceux qui ne sont pas tombés sur le sol après avoir versé leur sang. D’où est-ce que ça vient ? D’où ? Parce que cela n’est pas le produit de la raison, mais de la maladie; non de la vie mais de la fièvre; de la frénésie non de la nature. Car, à chaque fois qu’un excès de nourriture affecte les parties vitales, l’estomac est affaibli, les humeurs sont viciées, la jaunisse éclate, et enfin, l’incendie de la fièvre fait des ravages. A chaque fois, le malade perd l’esprit, délire. Il désire l’impossible, il défend le pour et le contre en même temps, il rejette ce qui pourrait lui procurer le salut, jette son dévolu sur ce qui lui est nuisible, et repousse les remèdes.

Alors les médecins s’efforcent de lui venir en aide par le remède de l’abstinence, pour que l’abstinence guérisse ce que la gloutonnerie avait gâté. Et si pour une cure temporelle, les malades obéissent aux médecins, maintiennent la modération bien que péniblement, pourquoi donc pour le salut éternel est-il difficile d’obéir aux Christ qui nous prescrit des jeûnes modérés, de gouverner notre corps avec mesure, de guider notre esprit en nous contentant de peu, de freiner les sens par la sobriété ? Comme les nuages de la terre assombrissent le ciel, les orgies obscurcissent également les âmes. Comme les tornades apportent la confusion dans un pays, ainsi les estomacs surchargés troublent la santé. L’ébriété noie le corps comme les vagues engloutissent un navire. Elle fait descendre l’homme dans les bas fonds, enlève tout profit à la vie, fait subir le naufrage de la mort. C’est donc une fièvre, que le bienheureux Apôtre déplore haleter dans les viscères humains en ces mots : Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Si ce n’est pas le bien, c’est donc le mal.

Quel mal ? La fragilité, certainement, qui s’insinue dans la chair, débouche dans les veines, pénètre dans les os, se cache dans la moelle, bouille dans le sang, et déclenche la frénésie des vices. La fragilité est une fièvre de la nature, la mère des maladies, celle qui engendre les passions. C’est la fragilité qui nous impose ce genre de nécessité. Et où est la nécessité, là n’est pas la volonté. Où la captivité provient de la condition, nul n’est responsable de la perte de sa liberté. La fragilité est ce par quoi l’homme avance non où la volonté invite, mais où la nécessité le conduit. Ecoute l’Apôtre qui dit : Je ne fais pas ce que je veux. La fragilité en préparant à l’homme ce qui est nécessaire le fait parvenir aux choses non nécessaires. Quand elle prépare la nourriture, elle le conduit à l’indigestion. Quand elle lui sert du vin, elle le persuade de s’enivrer. Elle lui présente le sommeil pour l’amener à l’inertie. Elle soigne les maux d’estomac en compromettant la cure de la santé. Elle donne tout à la chair et ne laisse rien à l’âme. Elle fait du corps un cortège de toutes les passions. Elle fait que l’homme meure à lui-même et vive pour les vices. Si donc un tel homme se sent malade, qu’il s’abandonne au Médecin céleste, qu’il acquiesce fidèlement à Ses recommandations, qu’il mange sobrement, qu’il trempe son vin dans l’eau, pour pouvoir surmonter la langueur de la fragilité, fuir la flamme des passions, éviter la fièvre et la frénésie des vices.

L’abstinence est la première médecine de l’homme. Mais pour le succès total de la cure, elle a besoin des dépenses commandées par la miséricorde. L’abstinence éteint la fièvre, mais les membres calcinés par l’incendie de la fièvre ne peuvent retourner à l’intégralité de la santé à moins d’être enduits d’un onguent abondant, à moins qu’on leur applique des baumes odorants, à moins d’être aidés par l’absorption de remèdes. Ainsi bien que le jeûne exclue les morts des vices et repousse au loin les causes des crimes, il n’apporte pas le salut complet aux esprits sans l’onguent de la miséricorde, sans le ruisseau de la pitié, sans les aumônes abondantes. Le jeûne guérit les plaies des pécheurs, mais, sans la miséricorde, il ne fait pas disparaître les cicatrices des plaies. < Ecoute le Seigneur qui dit : Faites l’aumône, et voici que tout est pur pour vous. Par une culture singulière, le jeûne arrache les vices, éradique les crimes, et prépare de bons fruits pour les champs du corps et de l’âme. Mais pas sans avoir posé les fondements de la miséricorde, elle qui est ce qui stimule et vivifie le jeûne. Le jeûne est l’hostie de la sainteté, le sacrifice que demande la chasteté, mais sans l’encens de la miséricorde, il ne peut pas monter en présence de Dieu en odeur de suavité. Ce que l’âme est corps, la miséricorde l’est au jeûne. Quand le jeûne vit de la miséricorde, il vivifie alors le jeûneur. Le jeûne est le navire des vertus, il rapporte des profits à la vie, il transporte les richesses de la vie. Mais il s’engage dans la haute mer de la chair, fend les flots des vices, passe à travers les écueils des crimes, longe les littoraux des passions. A moins d’entrer le plus rapidement possible dans le port de la pitié, il ne peut pas pratiquer les vertus, il ne peut pas avoir les vertus comme profit. Celui qui sait se tenir debout dans le terrain glissant de la vie, celui qui comprend que la route de la chair se traverse en trébuchant, celui qui se sent subjugué par les incartades commandées par l’ignorance et par les chutes dues à la négligence, qu’il maintienne le jeûne sans abandonner la miséricorde. Le jeûne nous ouvre le ciel, le jeûne nous donne accès à Dieu, mais à moins que plaide en notre faveur la miséricorde , nous ne serons pas surs du pardon , nous qui ne pourrons pas faire la preuve de notre innocence, comme le dit le Seigneur : Le jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’a pas eu de miséricorde. . Le jour est agréable, mais il l’est davantage s’il est serein. Notre jeûne sera plus glorieux si la splendeur de la miséricorde donne des jours sereins au Carême. Le Seigneur proclame à haute voix : Je veux la miséricorde. Homme donne à Dieu ce qu’Il veut, si tu veux qu’Il te donne ce que tu veux. Je veux la miséricorde. C’est la voix de Dieu. Dieu nous demande la miséricorde, et si nous la Lui donnons, que dira-t-Il ? Ce que nous lisons aujourd’hui : J’avais faim et tu m’as donné à manger, soif et tu m’as donné à boire. Et puis quoi ? Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé depuis le début du monde. Celui qui donne un pain à un affamé se donnera à lui-même le règne. Il se refusera à lui-même la fontaine de vie celui qui refusera un verre d’eau à un assoiffé. C’est avec l’amour du pauvre que Dieu vend son royaume, et pour que tout homme puisse l’acheter, Il en a fixé le prix à une tranche de pain. C’est parce qu’Il veut avoir tous les êtres qu’Il demande comme prix ce que l’homme a conscience d’avoir. Dieu vend son royaume pour le montant d’une tranche de pain. Qui pourra excuser le non acheteur qu’un si bas prix de vente accuse ? Que notre repas soit la table du pauvre, pour que la table du Christ soit transformée en notre repas, selon la promesse formelle du Christ, en ces termes : Ils mangeront à ma table dans mon royaume. Frères, que les délices des pauvres soient nos jeûnes, pour que notre jeûne temporel puisse être transformé pour nous en délices éternelles. Homme, en donnant au pauvre, tu te donnes à toi-même, parce que ce que tu ne donneras pas à un pauvre, un autre l’aura. Il ne te restera que ce que tu auras donné aux pauvres.
 
 
 

42ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

Dans le sermon précédent, mes frères, en dépit de nos efforts, nous n’avons fait qu’effleurer les bienfaits du jeûne, et c’est dans la conclusion seulement, que nous avons indiqué que la prière est apparentée au jeûne . Mais parce que le jeûne est insuffisant sans la miséricorde, et que le jeûne jeûne sans la piété, parce que sans la miséricorde l’oraison est débile, et que l’oraison sans la bienfaisance est infirme, fortifions notre jeûne par une prestation de miséricorde, sublimons notre oraison en nous mettant à l’écoute de la misère, accordons au jeûne le patronage de la miséricorde, parce que la faim est le jeûne de l’avarice sans miséricorde, la peine de la cupidité. Et un jeûne sans piété, c’est une punition, non une dévotion; ce n’est pas jeûner pour Dieu mais pour le monde; c’est s’émacier par l’abstinence, et s’enfler de l’hydropisie de la cupidité; c’est décharger le ventre du poids des aliments, et alourdir l’esprit par le poids de l’argent. Il agit en homme du monde celui qui ne sait ni proroger ni annuler une dette. L’avarice est la gardienne de ce qui appartient à autrui, non la maîtresse de ses propres biens. Parce qu’elle prépare pour un autre ce qu’elle se refuse à soi-même; et le miséricordieux prélève de l’argent pour celui que l’avare a opprimé.

Celui qui jeûne sans miséricorde est un jardin labouré non ensemencé. Le champ qui n’est que labouré est privé de semences, dépourvu de graines. S’il est vrai qu’il échappe à tout reproche de négligence ou de laisser-aller, sans semence il demeure stérile, le labourage par lui-même ne produisant pas de fruit. Le labour exige un travail pénible mais ne peut pas faire lever le forment. C’est ainsi que cultive le jeûne : il purge les sens, purifie le cœur, déracine les vices, éradique les crimes; il cultive l’esprit, embellit le corps. Mais sans la miséricorde, il ne parvient pas au fruit de la vie, il ne se rend pas à la récompense du salut. Ce qu’un palais est sans le roi, voilà ce qu’est le jeûne sans la libéralité. Dans le palais royal l’or étincelle, le marbre brille, les peintures resplendissent, les appartements sont spacieux, les dômes sont majestueux, les plantes vertes réjouissent l’œil, le silence est imposant. Mais sans le roi le palais n’est pas honoré, la gloire lui manque, c’est une coquille vide, c’est un désert enfermé entre quatre murs, c’est une horrible solitude. Il en va ainsi du jeûne. Il brille d’innocence, irradie la chasteté, illumine par les actes, a des mœurs enchanteresses comme un tableau de grand-maître, embaume avec l’encens, est magnifié comme ornement de la sainteté. Mais sans la miséricorde, il n’a pas de gloire, manque de récompense, n’obtient pas la palme, perd la confiance dans la supplication, ne reçoit pas le mérite de la demande, au témoignage de l’Ecriture qui dit : S’il bouche ses oreilles pour ne pas entendre l’infirme, quand lui-même criera, il n’y a aura personne pour l’écouter. Celui qui ne donne pas à autrui la miséricorde se l’enlève à lui-même. La miséricorde sera à celui qui distribue aux pauvres. Il a distribué, il a donné aux pauvres : sa justice demeure pour les siècles des siècles. Celui qui sème la miséricorde chez le pauvre récolte chez lui.. Ceux qui sèment dans les larmes récoltent dans la joie. Les larmes du pauvre irriguent le jeûne bien plus que la pluie ne pénètre dans la terre. Homme, jette les semences de ton jeûne dans les larmes des pauvres, parce que les vertus du jeûne s’assèchent, les moissons des jeûneurs flétrissent, qui n’ont pas été arrosées par les larmes des pauvres. Les pluies du ciel s’écoulent dans la terre, les larmes du pauvre imprègnent le ciel. Le ciel a donc soif et attend de la lamentation du pauvre sa part de rosée, parce que la miséricorde laboure les champs du ciel et la piété conduit les sillions jusqu’au ciel. C’est là que sème la miséricorde. Car tout ce que la main du pauvre a reçu, c’est ici qu’elle en fait la moisson. C’est ici que recueille le froment celui qui a confié sa semence au pauvre pour qu’elle y soit mise en terre . Heureux celui dont les greniers éternels de la vie perpétuelle sont préparés pour recevoir ce qu’il a semé . L’Apôtre avait ceci à prescrire au semeur  : Voilà ce que je dis : celui qui sème parcimonieusement récoltera parcimonieusement. Et celui dont la semence est bénie sera béni dans sa récolte. Que chacun agisse selon le mouvement de son cœur : non pas poussé par la tristesse ou par la nécessité. Car Dieu aime celui qui donne avec joie. Les œuvres de Dieu sont grandes, mais la grandeur de la miséricorde l’emporte en munificence. Les œuvres du Seigneur sont grandes. Et il ajoute ailleurs : Les miséricordes de Dieu sont sur toutes ses œuvres. La miséricorde, frères, emplit le ciel, couvre la terre. Seigneur, est-il dit, dans le ciel est ta miséricorde. Et le même dit la même chose : La terre est pleine de la miséricorde du Seigneur. Et en vérité, mes frères, Dieu aurait perdu tout ce qu’Il avait fait si la miséricorde n’était pas intervenue. La faute et la punition avaient enlevé tout ce qui était venu dans ce monde. Car la fragilité tendait toujours vers la chute, et le verdict du juge contraignait à punir. C’est ainsi que des villes ont été consumées par un incendie divin. C’est ainsi qu’un peuple tiré de l’Egypte était caché dans le désert. C’est ainsi que la terre avait engouffré le peuple. Et pour ne pas citer des exemples à n’en plus finir, c’est ainsi que le peuple romain a vengé le sang du Christ en détruisant la Judée. C’est la miséricorde Christ, la grande, la large, la seule qui en un jour a différé tout jugement, qui a obtenu une trêve pour donner à l’homme tout le temps voulu pour faire pénitence, pour que ce que l’enfance avait concédé aux vices, l’adolescence l’en délivre, la jeunesse le mette aux fers, ou la vieillesse l’amende. Et que l’homme se repende tu péché quand il comprend qu’il ne peut plus pécher, et qu’il abandonne au moins le crime quand le crime l’aura abandonné. Qu’il fasse de nécessité vertu, qu’il meure dans l’innocence celui qui a toujours vécu dans le crime. D’où vient que le Prophète accourt de tout son être vers la miséricorde, parce qu’il n’avait pas confiance en sa justice. Aie pitié de moi, Seigneur, dit-il, selon ta grande miséricorde. Et pourquoi grande? Parce que ta miséricorde est grande envers moi. Tu as retiré mon âme des profondeurs de l’enfer. Et si Dieu rend par la miséricorde ce qui avait été perdu par le jugement, homme, comment pensais-tu tenir, comment pensais-tu résister sans la miséricorde ? Il a donc été démontré que non seulement le jeûne mais que toutes les vertus sont dénudées sans la miséricorde. L’humanité en feu, en la personne d’Abraham, s’est acquittée à la perfection de son obligation de donner l’hospitalité pour Dieu sans rien lésiner , car en accueillant deux voyageurs à sa table terrestre avec Dieu, elle invitait à la table céleste les peuples d’Orient et d’Occident. Ils viendront, est-il dit, de l’Orient etde l’Occident, et siègeront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume de Dieu. Pace que l’hospitalité a reçu des anges, elle a prévenu le jugement. C’est ainsi qu’elle a vaincu la géhenne dans la chair. Le feu divin ne peut pas brûler le miséricordieux. Il fait donc l’aumône celui qui ne veut pas redouter l’incendie de la géhenne. Jésus, à son arrivée, fera porter son enquête sur la miséricorde avant de se prononcer sur la culpabilité d’un acte. Quand il s’assiéra sur son trône de gloire, il dira : J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger. Il n’a pas dit : vous avez tué vous avez volé, mais J’avais faim, Moi, et vous ne m’avez pas donné à manger. On ne cherchera pas à prouver le crime de celui dont la miséricorde aura été démontrée. Pourquoi ? Parce que : faites l’aumône et tout est pur pour vous. Celui que le juge loue pour sa générosité ne sera pas condamné à des châtiments. Celui qui admet un manque de libéralité exige d’être jugé en toute rigueur. J’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger. Dieu mange dans le ciel le pain que le pauvre a reçu sur la terre. Toutes les fois que vous avez fait cela à un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait. Donne donc du pain, donne de l’eau, donne un vêtement, donne un toit, si tu veux avoir Dieu comme débiteur non comme juge. Rien ne nous nuira sur la terre si au ciel la miséricorde est notre avocate.
 
 
 
 

43ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

Il faut parler au peuple dans le langage du peuple; l’unanimité s’obtient par un discours à la portée de tous; les choses qui sont nécessaires à tous doivent être dites à la manière de tous; la langue maternelle est chère aux simples, et sonne avec douceur aux oreilles des savants; celui qui enseigne dit des choses profitables à tous. Que les experts pardonnent, aujourd’hui, à la parole inexperte.

Il y a trois choses, mes frères, qui consolident la foi, stabilisent la dévotion et maintiennent la vertu : la prière, le jeûne et la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne demande et la miséricorde reçoit. La prière, la miséricorde et le jeûne sont tous trois une seule et même chose qui se donnent mutuellement la vie. Car si le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Personne ne coupe les liens qui les unit : ils ne peuvent pas être séparés. Quelqu’un qui ne possède qu’un des trois ou qui ne les possède pas tous les trois ensemble , n’a rien du tout. Donc, que celui qui prie jeûne, que celui qui jeûne fasse l’aumône. Celui qui espère qu’on écoutera ce qu’il demande, qu’il écoute d’abord celui qui demande. Il ouvre l’oreille de Dieu celui qui ne ferme pas son oreille à la supplication. Que celui qui jeûne comprenne en quoi consiste le jeûne. Celui qui veut comprendre Dieu qu’il comprenne le pauvre. Qu’il soit miséricordieux celui qui veut qu’on le traite avec miséricorde. Celui qui implore la pitié doit commencer par l’exercer. Si quelqu’un veut qu’on lui témoigne de l’affection, qu’il en témoigne à autrui. C’est à toi à fixer la mesure de la miséricorde qu’on exercera envers toi : de quelle façon, en quelle abondance, à quel rythme tu veux qu’on soit miséricordieux envers toi. Plus tu seras prompt à venir en aide aux autres, plus on sera prompt à te venir en aide.

Que l’oraison, donc, le jeûne et la miséricorde soient pour nous un seul et même protecteur auprès de Dieu, un seul et même avocat, une seule et même supplication à trois faces. Ce sont eux mes frères, qui pénètrent dans la citadelle du ciel, qui bousculent le verdict du Dieu juge avant qu’il soit formulé, qui plaident devant le tribunal de Dieu les causes du genre humain, qui demandent l’indulgence pour les injustes, qui méritent le pardon pour les coupables. Celui qui ne reçoit pas l’assistance de ces choses au ciel ne peut subsister sur la terre. Comme elles détiennent le premier rang parmi les choses célestes, elles contrôlent, sur la terre, la totalité des choses. Ce sont elles qui font don de la prospérité, ou déclenchent les fléaux. Elles éteignent les vices, allument les vertus. Ce sont elles qui donnent des corps chastes, des cœurs purs; elles apportent la paix aux membres et le repos aux esprits. Elles sont une école de discipline pour les sens humains. C’est par elles que les cœurs humains s’élèvent jusqu’ à la contemplation dans le temple de Dieu. C’est par elles que l’homme l’emporte sur l’ange, ce sont elles qui confèrent à l’homme les honneurs de la divinité. Que de choses Moïse a faites en Dieu par leur suffrage; tous les éléments avaient été mis à sa disposition pour qu’il remporte des triomphes militaires. Il ordonne à la mer de se retirer, au vagues de se solidifier, au lit de la mer de s’assécher, au ciel de pleuvoir. Il donne la manne, force les vents à parachuter des cailles. Il illustre la nuit par la clarté du soleil, il tempère le soleil par le voile d’u nuage. Il frappe la pierre pour que de la plaie récente, coule de l’eau froide en abondance pour les assoiffés. Il est le premier à donner à la terre la loi du ciel, à écrire la règle de vie, à fixer les limites de la discipline. Par elles, Eli n’a pas connu la mort; il a quitté la terre pour entrer dans les cieux , où il demeure avec les anges et vit de la vie Dieu. Et l’hospitalité terrestre possède les demeures célestes. Par elles, saint Jean Baptiste fut un ange dans la chair, un être céleste sur la terre, et le seul à saisir, tenir et embrasser toute la Trinité avec l’ouïe , la vue et le toucher. Et nous, mes frères, si nous voulons avoir part à la gloire de Moïse, à la vie d’Elie, aux vertus de Jean, et aux mérites de tous les saints, vaquons à l’oraison, astreignons-nous au jeûne, mettons-nous au service de la miséricorde. Celui qui vivra de ces choses, qui aura construit des redoutes avec elles, qui porte donc les armes de Dieu et est le soldat du Christ, ne redoutera pas les javelots du péché, les traits du diable, le bélier du monde, les coins des vices, les maux de la chair, les filets des voluptés, les armes de la mort . Mais nous qui nous mobilisons pour combattre l’incertitude, qui traversons les jours au milieu des embûches, qui supportons le poids du jour, qui sommes emportés dans le flux changeant des choses, qui parlons sans réflexion, dont les actions sont remplies de périls, pourquoi ne voulons-nous pas entrer à l’église le matin ? Pourquoi ne voulons-nous pas demander par une prière matinale le secours pour toute la journée? Pourquoi avons-nous t toujours le goût de nous adonner aux activités humaines et ne sentons-nous pas le besoin de consacrer à Dieu un seul instant ? Ce n’est pas de notre faute, mes frères, ce n’est pas de notre faute. C’est une friponnerie diabolique. Quand il veut commencer à séduire quelqu’un, il ne lui permet pas de se fortifier par la prière. Pourquoi redoute-t-il les revers celui qui ne demande pas la prospérité ? Ecoutons l’avertissement de Dieu : Priez pour ne pas entrer en tentation. Il va vers la tentation celui qui ne va pas à l’église. Sachant cela, le Prophète chantait : Venez, adorons-Le, et approchons-nous de Lui. Pleurons devant le Seigneur qui nous a faits. Penses-tu qu’il est digne de répandre des larmes devant Dieu celui qui ne daigne pas prononcer un seul mot ? Soyons matinaux, prions, par crainte humaine si nous ne pouvons pas prier par amour divin. Si nous ne sommes pas attirés par le bien, que nous ne subissions pas la contrainte du mal. C’est notre mépris de Dieu qui rend les temps mauvais, ce n’est pas le dérèglement des saisons . Ce que donc nous avons perdu par le mépris, reconquérons-le par le jeûne. Immolons nos âmes par les jeûnes, car nous ne pouvons rien offrir de plus prestigieux à Dieu. Le prophète est de notre avis quand il dit : Le sacrifice à offrir à Dieu est un cœur contristé. Dieu ne méprise pas un cœur contrit et humilié. Homme, offre à Dieu ton âme, et offre l’oblation du jeûne, pour que l’hostie soit pure, le sacrifice saint, la victime vivante, qui demeurera en toi et qui sera donnée par Dieu. Celui qui ne donnera pas cela à Dieu n’aura pas d’excuse, car il ne peut avoir que ce que ce qu’il se donne à lui-même. Mais pour que ces choses soient agréables à Dieu, la miséricorde doit fermer la marche. Le jeûne ne germe pas s’il n’est pas irrigué par la miséricorde. Le jeûne s’assèche par l’assèchement de la miséricorde. Ce que la pluie est à la terre, la miséricorde l’est au jeûne. Bien qu’il laboure le cœur, purifie la chair, éradique les vices, met en gerbes les vertus, le jeûneur ne moissonnera rien s’il ne donne pas les cours d’eau de la miséricorde. Jeûneur, ton champ jeûne quand jeûne la miséricorde. Ce que tu auras gaspillé en miséricorde, tu le retrouveras dans les greniers . Homme, pour ne pas perdre en conservant, ramasse en prorogeant. Homme, donne à toi-même en donnant au pauvre, car ce que tu laisseras aux autres, tu ne l’auras plus.
 
 
 
 
 
 
 
 

44ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

A toutes les fois que le médecin expérimenté veut découvrir le remède qui convient à ceux qui sont atteints de diverses maladies, il fait d’abord un diagnostic, investigue la marche cachée d’une peste, montre aux habitants des diverses régions de l’empire comment se protéger contre une épidémie, enseigne les différentes sortes de remèdes, démontre l’efficacité des plantes médicinales, disserte sur les propriétés des médicaments, promet à ceux qui lui font confiance une santé durable. C’est ainsi qu’il persuade les malades et les amène à des cures pénibles et exténuantes. De la même façon, le saint prophète, s’apprêtant à appliquer une médecine céleste au corps et à l’ âme, inspecte les replis secrets de l’impiété, met à nu les maladies occultes des péchés, montre les iniquités, démonte avec une logique admirable les ressorts secrets des virus des vices, en révèle la nature, décèle l’origine des fautes, les racines des crimes C’est ainsi que, par une divine cure, il conduit à une santé stable les esprits malades des mortels, usant d’une modération équitable qui tient compte de l’âge, du sexe, du temps et des forces de chacun.

Le psaume que nous venons de chanter est une préface aux psaumes, et le psaume par excellence. Il est le psaume des psaumes et la dédicace des dédicaces. C’est un thème qui fait naître d’autres thèmes, il est la somme complète des cantiques qui suivent. Et comme, après avoir ouvert la première porte, la clé de la cour d’un prince donne accès à toutes les chambres les mieux verrouillées, de la même façon ce psaume, après avoir ouvert les premières portes de la compréhension, révèle le secret, le mystère de tous les psaumes. Bienheureux l’homme qui ne s’éloigne pas vers les conseils des impies, et qui ne demeure pas dans le chemin des pécheurs, et ne s’assoie pas sur la chaire de pestilence.

Bienheureux l’homme. Comme on promet d’abord des trophées, des récompenses et des couronnes à celui qui doit lutter contre des bêtes sauvages, et relever le défi des combats les plus féroces, le prophète promet la béatitude , pour motiver l’homme à vaincre toute la férocité des crimes, qu’il énumère ensuite. Bienheureux l’homme qui ne s’éloigne pas vers les conseils des impies, et qui ne demeure pas dans le chemin des pécheurs. Ce qu’il appelle s’éloigner vers et demeurer dans le chemin peut paraître absurde, puisqu’on dit plus normalement : se maintenir dans une résolution et s’éloigner du chemin. Aux pervers, toutes les choses sont perverses; ils ne peuvent conserver l’ordre ceux qui n’agissent pas de façon ordonnée . Mais ici le prophète ne parle pas d’un déplacement du corps mais de l’esprit. Il n’interdit pas aux pieds de s’enfarger, mais il détourne des ruines de l’âme. Bienheureux l’homme qui ne s’éloigne pas vers les conseils des impies . Il s’est éloigné, il s’est éloigné de lui-même, de Dieu quand il s’est éloigné en reculant. Il ne demeure pas ferme dans son propos celui qui erre à l’aventure dans les pensées des impies. Cet homme tantôt s’élève jusqu’au ciel, tantôt est redescendu sur la terre; il est balloté par les vagues, englouti dans les profondeurs de l’océan. Comme il voltige toujours en pensée comme un homme ivre, il examine le ciel au lieu de s’examiner lui-même. Celui qui s’imagine se connaître complètement ne se connaît pas lui-même. S’il se connaissait, il n’adorerait jamais le ciel, le soleil, la lune, les arbres et les pierres, qui lui ont tous été donnés et asservis. Mais il adore la pierre, sert le bois, celui qui refuse avec mépris d’adorer le Dieu vivant et vrai. Et pour que nous déroulions les faits de l’impiété à partir du tout début, le conseil de l’impiété a conduit l’ange aux enfers, il a changé le messager du secret céleste en diable, il a transporté l’homme du royaume de la vie à l’exil d’un habitacle mortel. Il a fait déchoir la femme de la gloire de la virginité dans les enfantements douloureux. Voilà pourquoi elle n’ignore pas les douleurs avant de connaître le bonheur, et pourquoi elle doit subir la peine de la faute avant de se réjouir de la naissance d’un rejeton. En multipliant, je multiplierai tes douleurs et tes gémissements. C’est dans la tristesse et les gémissements que tu enfanteras des enfants. Quelle est la fin, quelle est l’origine de la peine ? Quel est donc celui que la joie peut maintenir dans la voie, puisqu’il a passé le début de sa vie dans la tristesse ? Le prophète savait cela lui qui a dit : J’ai été conçu dans les iniquités, et dans les péchés ma mère m’a enfanté. Mes frères, la naissance nous a projetés dans la voie des pécheurs, et à tous les âges de notre vie nous courons dans le chemin des fautes. Pensons aux vanités de l’enfance, aux chutes de l’adolescence, aux ruines de la jeunesse, aux maladies de la vieillesse, et nous réaliserons que ce n’est pas le chemin de la vie que nous suivons, mais la voie des pécheurs. Le Christ parle de cette voie en disant : Quelle est large et spacieuse la voie qui condit à la perdition, et nombreux sont ceux qui entrent par elle. Elargie par les fautes, agrandie par les passions, rendue spacieuse par les crimes, elle est la vraie et véritable voie où présentement, va et vient l’homme. Une génération s’en vient et une génération s’en va, est-il dit, et la terre demeure toujours. Et c’est pour cela qu’il a dit avant : Bienheureux l’homme qui ne s’éloigne pas vers les conseils des impies, et qui ne demeure pas dans le chemin des pécheurs. Il n’a pas dit : il ne vient pas. Car personne ne vient dans le chemin des impies, où nous conduit d’elle-même la loi de la nature de la mort. Mais bienheureux celui qui n’y demeure pas ! Il s’y tient, il y demeure celui qui allège les fardeaux des pécheurs , mais qui, lourdement chargé, parvient tardivement à la maison céleste, et la trouve fermée pour lui. Alourdi par ces fardeaux, le prophète pleurait ainsi : Mes iniquités sont chargées sur ma tête, et se sont toutes lourdement appesanties sur moi. Et comme cela valait pour tout le temps de la vie, il s’exclame : Je suis devenu misérable, et courbé pour toujours. Ce voyageur a traversé la voie des pécheurs. Il a vu les maux de cette vie, mais les a méprisés; il les a ressentis, mais les a foulés aux pieds. II souffre, mais il triomphe, et plus il les fuit, plus il court. Vient à sa rencontre le portier céleste : la maison céleste ne se ferme pas pour lui. Mais pourquoi a-t-il ainsi rejeté le conseil de la voie d’impiété des pécheurs ? Bienheureux l’homme qui ne s’éloigne pas vers les conseils des impies et qui ne demeure pas dans le chemin des pécheurs .Mais bien que, par sa naissance, il soit dès le début venu dans la voie des pécheurs, qu’il soit tombé d’abord, il n’a pas parcouru longtemps la voie du péché. Il l’a quittée dès qu’il a commençé à gouter le venin du péché, à savourer la graisse des péchés. L’impie tend vers Dieu, va vers Dieu quand il pèche. Dieu rejette les pécheurs, qui avaient été avertis auparavant par Lui de ne pas pécher. Les ténèbres fuient la lumière; les ténèbres retournent quand la lumière se retire. Là où est Dieu, il n’y a pas de péché. Là où est le péché, Dieu n’est pas. Et pour que tu saches, homme, que l’homme parcourt la voie des pécheurs sans se sentir regardé par Dieu, écoute le Prophète : Dieu n’est pas devant ses yeux, ses voies sont polluées en tout temps. C’est plus gravement donc que l’homme tombe dans la voie des péchés quand il tombe des précipices de l’impiété. Et qui ne s’assoie pas dans la chaire de pestilence. Il approuve l’impiété celui qui la commet, il l’aime. Il ne peut pas ne pas l’enseigner. Voilà comment, en enseignant l’impiété, il trône dans la chaire de pestilence. Et, avec un discours mielleux, il diffuse chez ses auditeurs le virus d’une doctrine létale, qui enseigne ou la multitude des dieux, ou la non existence de Celui qui est, ou l’impossibilité de Le découvrir; qui donne la créature à la nature, pour que la nature nie l’Auteur. Le pharisien a donné préséance à la chaire de pestilence, en faisant passer les traditions humaines avant les décrets célestes, Il a projeté ainsi sur le peuple juif une lumière blafarde. L’hérétique s’assied dans la chaire de pestilence. Sous prétexte de foi, il déchire, rompt, détruit l’unité. Bienheureux l’homme qui ne s’est pas éloigné vers le conseil des impies, et qui n’est pas demeuré dans la voie des pécheurs, et qui ne s’est pas assis dans la chaire de pestilence. Et tout à fait bienheureux celui qui en rejetant ces trois choses-là, mérite de parvenir à la béatitude de la Trinité. Qu’il médite donc la loi de Dieu, qu’il la médite jour et nuit, pour mériter de voir dans le futur ce qui vient après, et l’entendre exposer plus abondamment à un moment opportun.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

45ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

Votre charité admet et reconnaît avec moi que la supplication du Prophète, que nous avons aujourd’hui chantée dans le répons, correspond parfaitement à notre temps et est adaptée aux maux présents Ne m’inculpe pas dans ta colère, ne me saisis pas dans ta fureur. Dieu bouille-t-Il de colère, brûle-t-Il de fureur ? Loin de nous cette pensée, mes frères. Dieu n’est pas sujet aux passions; Il ne s’enflamme pas de colère, Il n’est pas emporté par la fureur. Mais la colère de Dieu est la punition des pécheurs, les supplices des impies sont la fureur de Dieu. Mes frères, créés à partir de la poussière, façonnés avec de la boue, nous sommes piétinés par les vices, nous sommes les esclaves des péchés, nous sommes harassés par les tracas, nos membres se dessèchent, la mort nous dissout, nous grelottons dans des tombeaux fétides, et nous nous trouvons ainsi inaptes à la vertu, mais très aptes à contracter des vices. Se souvenant de la fragilité humaine, et conscient que la chair est notre substance, le prophète s’est envolé vers le secours de Dieu  il n’avait pas confiance dans ses mérites, pour que le jugement de Dieu sur lui s’inspire de la miséricorde et non de la sévérité. Seigneur, ne me condamne pas dans ta colère. Ce qui revient à dire : juge-moi, mais non dans ta colère. Punis- moi comme un Père, non comme un Seigneur. Juge-moi pour me corriger, non pour me perdre. Punis- moi pour m’amender, non pour me tuer. Et cela, pourquoi ? Parce que je suis faible. Aie pitié de moi, Seigneur, est-il dit, parce que je suis infirme. Qu’y a-t-il de plus infirme, Seigneur, que celui que les sens trompent, que l’ignorance surprend, que le jugement circonvient, que la gloire du monde séduit, que le temps abandonne, que l’âge modifie, que l’enfance rend hébété, que la jeunesse jette à bas, que la vieillesse fracasse? Se fâcher de colère, s’indigner de fureur contre cette infirmité, ce n’est pas le fait d’un Créateur miséricordieux mais d’un Juge intraitable. Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Que veux-tu alors ? Guéris-moi, Seigneur. Le prophète réalise l’état de sa blessure, il sent la morsure du serpent antique, il découvre la ruine du premier parent, il reconnaît avoir hérité de ces infirmités à la naissance. Et parce que la science humaine était incapable d’éliminer la mort, il se voit dans l’obligation de solliciter une médecine divine. Et pour obtenir plus facilement la guérison de sa maladie, il en déclare la cause , il en décrit les symptômes, il en expose la grandeur, exprime l’intensité de la douleur. Guéris-moi, Seigneur. Pourquoi ? Parce que mes os sont troublés. Les os portent toute la structure du corps. Et si les os sont ébranlés, quelle stabilité existe donc pour les membres ? Quelle force dans les nerfs? Où est la substance misérable de la chair ? Les os s’ébranlent, mes frères, par le poids des péchés, par la peur de la mort, par la terreur du jugement. Ecoute le Prophète s’exprimer ainsi en un autre endroit : Il n’y a pas de santé dans ma chair en face de ta colère, il n’y a pas de paix dans mes os à la pensée de mes fautes. Et puis après : Mon âme est remplie d’illusions, et il n’est pas de santé dans ma chair. Il a donc raison d’ajouter : Et mon âme est grandement troublée. Entre les préceptes de Dieu et les passions du cœur, entre les vertus et les vices, entre la prospérité et la calamité, entre les péchés et les récompenses, entre la vie et la mort, mon âme oscille et ballotte. . Je suis dans une armée rangée en bataille, supportant l’assaut, recevant des blessures, rarement debout, frappé mortellement par les sens, troublé dans l’âme. Elle est profondément troublée, l’âme, parce que, alourdie par le poids de la chair, elle devient captive des vices avant d’aller à la vertu. L’Apôtre décrit ces guerres en disant : La chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair. de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez faire. Et ailleurs : Je vois une autre loi dans mes membres qui répugne à la loi de mon esprit, et me rend captif de la loi du péché. Le bienheureux prophète, alléguant donc ces infirmités, ces guerres, ces troubles de l’âme, implore Dieu en ces mots : Et toi, Seigneur, jusques à quand ? Ce qui signifie : Combien de temps supporteras-Tu cela ? Pendant combien de temps feras-Tu Celui qui ne voit pas ? Combien de temps attendras-Tu avant de nous venir en aide? Pendant combien de temps permettras-Tu que ton œuvre se détruise, que ton image se défigure, que périsse ta créature ? Où donc est ton Christ annoncé dans de fois dans la loi, que les prophètes nous ont promis de plusieurs façons ? Qu’Il vienne, qu’Il vienne, de peur que, s’Il attend que périsse le monde, Il ne trouve dans le monde plus rien à restaurer. Qu’il vienne pour enlever le péché, abolir la mort, détruire l’enfer, rendre la vie, donner le ciel, pour que la tache terrestre ne puisse plus trouver en nous où polluer .

Que c’est ce que demande le prophète, le prochain verset le montre : Tourne-toi vers moi, Seigneur. L’homme parle ainsi à Dieu, le coupable au Juge, celui qui a déjà été adjugé au vendeur à l’encan. Tourne-toi vers moi, Saigneur. (Convertis-toi). L’homme pèche, et c’est Dieu qui dont se convertir ? En toute vérité, mes frères, parce que, selon le prophète : Il porte nos péchés, et souffre pour nous. Et le bienheureux Jean-Baptiste a dit : Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde. Il reçoit le péché pour l’enlever, non pour le conserver. Tourne-toi vers moi, Seigneur. Convertis-toi. Comment ? Où ? De Dieu en homme, de maître en esclave, de juge en père, pour que sa conversion t’enseigne plus et mieux que sa puissance ne te menace de choses terribles. Tourne-toi vers moi, seigneur, libère mon âme. Des profondeurs de l’enfer. Sauve-moi à cause de ta miséricorde. Non à cause de mon mérite, que la lassitude affaiblit, que diminuent nos gémissements, que la colère obscurcit, que l’ennemi combat. Mais pour nous faire comprendre plus clairement cela, le saint prophète chante sans arrêt  : Sauve-moi à cause de ta miséricorde. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a personne dans la mort qui se souvienne de toi, personne qui te loue dans l’enfer. J’ai travaillé dans mon gémissement, je laverai mon lit de mes pleurs pendant chacune de mes nuits. Je mouillerai ma couche de mes larmes. Voilà ce que disait saint David au sommet du pouvoir royal. Il a exercé, lui, la plénitude du pouvoir royal en conservant la sainteté de l’esprit et la grâce du prophète. Et nous, ayant mérité toute la colère de Dieu, nous ne savons dire : Seigneur, ne me condamne pas dans ta colère. La terre refuse de donner des fruits, le ciel, un climat tempéré, l’air, la salubrité. La peste est répandue partout dans les villes, dans les campanes, surgit un grand nombre de maladies mortelles de différentes espèces, et malgré tout cela, nous ne disons pas : Seigneur, ne nous condamne pas dans ta fureur, ne nous châtie pas dans ta colère. Le roi David, après ses triomphes militaires, occupait ses jours et ses nuits dans des larmes et des gémissements. Nous qui sommes sous la menace d’un glaive ennemi, nous n’avons pas de temps à donner à Dieu, nous n’avons pas de larmes à répandre devant Lui, en cette heure. Mais nous nous livrons et nous nous adonnons continuellement aux rapines, aux fraudes, aux parjures, aux malversations, aux extorsions , de sorte que nous irritons de plus en plus la colère de Dieu, en l’alimentant par nos vices. Venez, mes frères, venez avec le Prophète. Venez, adorons-Le, avançons-nous vers Lui, et pleurons devant le Seigneur qui nous a faits. Venez, disons : Seigneur, ne nous condamne pas dans ta colère, et ne nous châtie pas dans ta fureur. Pour que se souvenant de sa miséricorde, Il change la colère en miséricorde, rende ce qui a été perdu, libère ce qui est au pouvoir de l’ennemi. Et enfin, qu’Il nous enseigne de Le servir dans la joie, Lui qui vit et règne dans les siècles des siècles.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

46ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 
 
 

Comme une source d’eau froide réjouit et rafraichit le voyageur altéré qui souffre terriblement nde la soif, il en est de même pour nous qui, accablés de tristesse, nous affaissons sous le poids des tribulations : le chant de la voix prophétique nous invite aujourd’hui à la joie. Venez, est-il dit, exultons dans le Seigneur. Venez! Où ? ou : A partir d’où ? A partir de toi-même vers toi-même, là où ce n’est pas le changement de lieu mais la conversion qui repousse les ennemis de la joie , qui met en fuite le découragement, rejette le désespoir, apaise les angoisses, et qui pénètre dans le secret d’un cœur sincère pour préparer la demeure éternelle de la joie divine. Exultons dans le seigneur. Et où est-il écrit ? Bienheureux ceux qui pleurent, ou malheur à vous qui riez ! Tout à fait heureux ceux qui pleurent dans le monde, et malheur à ceux qui rient dans le monde ! Mais heureux ceux qui exultent dans le Seigneur, qui sont étrangers aux vols, aux fraudes, qui ne savent pas se réjouir des larmes du prochain. ! Exultez dans le Seigneur ! Il exulte dans le Seigneur celui qui, en parole et en acte, exulte non pour lui mais pour son Auteur. Exultons dans le Seigneur. Il exulte dans le Seigneur celui dont Dieu seul est toute la joie. Réjouissons-nous en Dieu, notre Sauveur. Ce n’est pas là la voix des brebis, mais du Pasteur, qui par une douce jubilation et une harmonieuse cantilène, mène ses bêtes aux pâturages, ou repose son troupeau fatigué à l’ombre d’un orme. Il lui arrive de condescendre à leur désir de plantes plus salubres en les exhortant à gravir des collines, ou, au contraire, de descendre dans les vallons de toute urgence. Mais heureuses sont ces brebis qui accueillent la voix de leur pasteur, qui le suivent, le nourrissent et se regroupent à son appel. Elles se réjouissent de leur vrai pasteur, et remuent ciel et terre pour donner au Seigneur de leur troupeau une progéniture.

. Prévenons sa face dans la confession. Et qui prévient le spectateur des péchés, le scrutateur des cœurs, le connaisseur des pensées, Celui qui est la récompense de l’avenir et qui est toujours présent partout ? Mais on doit le prévenir non par la proximité corporelle, mais par la sagacité de l’esprit. Non par la vitesse des pieds, mais en anticipant l’hommage de notre confession. Mais il n’a pas dit seulement : Prévenons-le, mais prévenons sa face dans la confession. Tant qu’il y a encore lieu d’espérer en sa miséricorde, tant que dure le temps du pardon, tant qu’il est possible de faire pénitence, confessons-nous au Père pour ne pas avoir à affronter le Juge. Révélons à la Miséricorde ce que nous avons fait, de peur d’être obligés de découvrir à la Sévérité ce que nous avons caché. Disons au bon moment nos fautes à l’Indulgence, de peur de recevoir la sentence de condamnation. Pourquoi en dire davantage, mes frères ? Ce n’est pas le juge mais le jugement que le prophète très clément nous exhorte de prévenir. Et dans des psaumes, est-il dit, jubilons en lui, afin qu’on ne croie pas que soit irrationnelle la joie prescrite à nos coeurs. Jubilons dans des psaumes. Pour que dans les psaumes résonne le sacrement divin, et tout ce qui entraîne les âmes des auditeurs à progresser dans la voie du salut. Parce que Dieu, est-il dit, est un grand Seigneur. Ici il révèle le sacrement du corps du Seigneur, parce que, même dans notre corps, Dieu est un grand Seigneur. Et un grand roi au-dessus de tous les dieux. D’après ceci : Qui sera semblable à Dieu parmi les fils de Dieu ? Parce que toutes les vertus célestes qui en régissent d’autres sont régies par le Christ. Parce que dans ses mains sont tous les confins de la terre. Car les choses qui sont dans la main de Dieu ne peuvent subsister si elles outrepassent leurs limites, transgressent leurs frontières. Mais si nous, chrétiens, nous désirons rappeler des choses disparues , nous demandons à Dieu avec les ressources de la foi, ces choses que nous avons perdues en L’offensant. Et par la propitiation de Celui qui donne et enlève comme Il veut, elles reviennent plus amples qu’auparavant. S’Il ne pouvait pas les restituer, Il ne serait pas tout-puissant. Il fait beaucoup de choses à l’instigation de sa magnificence, et pour nous donner un exemple d’amendement et de correction. Notre Roi n’a pas besoin de secours de l’étranger, et ne reçoit pas d’aide de l’extérieur. Parce que la mer lui appartient, c’est Lui qui l’a faite, pour que vous ne pensiez pas qu’elle a été explorée, découverte et non créée par Dieu. La mer est à Lui, c’est Lui qui l’a faite, et ses mains ont formé la terre. Où sont-ils donc ceux qui s’imaginent que Dieu a formé le monde à partir de la matière, et surtout à partir de l’eau ? Notre Dieu dans le ciel et sur la terre a tout amené à la perfection à partir du néant, non comme un découvreur mais comme un créateur de la matière. Venez, est-il dit, adorons-le.

Ce qui suit laisse croire aux ignorants que le prophète a vite oublié son exultation, puisqu’il convie aux pleurs ceux qu’il venait tout juste d’inciter à la joie. Venez, adorons-Le, prosternons-nous devant Lui, et pleurons devant le seigneur qui nous a faits. Il avait dit : Venez, exultons. Ce prophète veut que nous versions avec lui des larmes de joie, car les larmes coulent avec abondance autant dans les grandes tristesses que dans les grandes joies. Toutes les deux manifestent et extériorisent le sentiment intérieur. Après avoir connu le vrai Dieu, celui qui se prosternait devant les pierres et devant les arbres veut que nous adorions Dieu, que nous nous prosternions devant Lui , et que, en versant des larmes, nous Lui rendions le constant hommage de notre dévotion.- ce que nous avons négligé de faire pendant longtemps. Le prophète pleure quand il se repent du passé, se réjouit du présent, et craint pour le futur. Que les larmes aient été des larmes de joie parfaite, ce qui suit le démontre : Venez, adorons-Le et prosternons-nous devant Lui, et pleurons devant le Seigneur qui nous a faits. Et comme si on demandait : pourquoi ? Il en explique le pourquoi, il en donne les raisons : Parce que c’est Lui qui est notre Dieu, et nous, le peuple de son pâturage, et les agneaux de son troupeau. Autant il est dévot s’il se réjouit de cela, autant il est ingrat s’il s’en contriste. Mais écoutons plus attentivement sa mise en garde : Si vous entendez aujourd’hui sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme au jour de l’irritation, comme au jour de la tentation dans le désert, où vos pères m’ont tenté. Ils ont constaté et ont vu mes œuvres. Pendant quarante ans, j’ai été proche de cette génération, et j’ai dit : ils errent toujours dans leur cœur. Ils n’ont pas connu mes voies et j’ai juré dans ma colère qu’ils n’entreraient pas dans mon repos. Quand Il dit aujourd’hui, c’est toi qu’Il désigne, c’est à toi qu’Il parle. Qui que tu sois, tu es un auditeur. Après avoir entendu sa voix, garde-toi bien de commettre la faute du mépris, le crime de contumace, si ni les préceptes ni les exemples ne t’ont corrigé. Car, à ce sujet, il a raconté dans un long développement la dureté judaïque, pour te rendre plus prudent, toi avec qui Dieu ne cohabite pas et ne séjourne pas seulement pendant quarante ans, mais se manifeste pendant toute ta vie, et combat pour ton salut.
 
 
 
 
 
 
 
 

47ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

Le Christ notre Dieu en faisant le ciel, la terre , la mer et les nombreuses, magnifiques et variées créatures qui les habitent a donné des preuves admirables de sa puissance. En revêtant la nature humaine, en agissant en tant qu’homme, en entrant dans le temps, en traversant les divers âges de la vie, en enseignant avec une parole humaine, en guérissant avec sa vertu, en racontant des paraboles, en donnant des exemples, Il a fait pencher la balance de notre cœur vers Lui, et a montré que se trouvait en Lui une charité ineffable débordante de tendresse humaine. . Voilà pourquoi Il illustre les réalités célestes avec des exemples terrestres; Il nous fait goûter les choses futures au moyen des présentes, et fait comprendre les choses invisibles par des démonstrations visibles. Le prouvent les paraboles que nous propose aujourd’hui la lecture de l’Evangile. Le royaume des cieux est semblable à un marchand qui cherche des perles de grand prix. Après en avoir trouvé une, il s’en retourne, vend tout ce qu’il a, et l’achète.

A l’audition de cette parabole, personne n’est choqué par le mot marchand.. Le marchand dont on parle est quelqu’un qui est miséricordieux, non par quelqu’un qui ne donne toujours que les profits de ses exactions . Il distribue les parures des vertus, non les stimulants des vices. Il affecte la gravité des mœurs, non la dureté des pierres. Les bijoux qu’il porte ne sont pas le fruit de l’usure mais de l’honnêteté. Il ne met pas sa joie à faire parade des différentes sortes de volupté, mais dans les marques distinctives de la discipline. Ce marchand donc propose les perles du cœur et du corps non comme un commerce humain mais un exercice divin., non pour un avantage présent, mais pour négocier le futur. Non en vue de la gloire terrestre, mais de la céleste. Et cela, dans la mesure où il peut acheter le royaume des cieux en récompense de ses vertus, et racheter la perle de la vie éternelle au prix d’un grand nombre de biens terrestres.

Le Seigneur ajoute une autre comparaison : Le royaume des cieux est aussi semblable à des filets que l’on jette à la mer, et qui se remplissent de poissons. Quand ils sont pleins, on les ramène au bord, et assis sur la grève, les pêcheurs choisissent les bons qu’ils mettent dans des barils, puis rejettent les mauvais. Le royaume des cieux est semblable à des filets jetés à la mer. Cette parabole nous fait comprendre pourquoi le Christ a choisi des pêcheurs pour l’apostolat, et comment, de preneurs de poissons, Il a fait des pêcheurs d’hommes. Il voulait donner un type du jugement divin par le métier de la pêche. La pêche capture les poissons sans discrimination, mais le tri met les élus dans des barils. C’est ainsi que l’appel divin rassemble les justes et les injustes, les bons et les mauvais. Mais l’élection divine fait la distinction entre les bons et les mauvais. Le royaume des cieux est semblable à des filets jetés à la mer. Le Christ a envoyé ses pêcheurs, i.e. Pierre, André, Jacques, Jean et ceux qui pratiquaient ce métier, à la mer de ce siècle gonflé d’orgueil, enflé par la hauteur de ses prétentions , agité par les sectes, fluctuant par l’ignorance, bruyant de rixes, frémissant de colère, sinistre de perfidie, qui a fait le naufrage du péché et est descendu dans les abîmes de l’impiété. Venez, suivez-moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. Il envoya donc ses pêcheurs portant des filets noués avec les préceptes de la loi et de l’évangile, frangés d’avertissements, agrandis et élargis par les dons des vertus et de la grâce, réunissant sans fin dans le sein évangélique la capture.

Cela se produit de notre temps, mes frères. Les filets sont tirés de l’eau, maintenant, chez toutes les nations et les peuples chrétiens, et capturent des êtres humains sans aucune discrimination par toute la terre. Mais la fin du monde est proche, et au rivage du jugement, les filets apportent les poissons de notre pèche, i.e. des hommes. Ils ont vagabondé avec férocité et sans frein jusqu’aux bas fonds, mais décontenancés par la sécheresse du littoral, i.e., troublés par la proximité de la fin, ils se heurtent les uns les autres. Ils avaient constaté que les nations impies prospèrent et triomphent , que les peuples chrétiens sur toute la terre sont enferrés captifs dans l’angoisse de leur âme, que les impies se réjouissent de leur prospérité, que les pieux sont foulés aux pieds par une succession continuelle de maux, que les maîtres sont asservis, que les esclaves dominent leur maîtres, que les fils se rebellent contre leurs parents, que le vieillard est méprisé par les jeunes, que tout s’est effondré : l’ordre social, la supériorité que donnent la naissance, les offices, les dignités et le talent. Les choses étant ce qu’elles sont, elles ne perturbent pas les forts, mais les faibles. Elles ne peuvent pas troubler les forts parce qu’ils puisent leurs forces dans la parabole, leur courage dans la comparaison. Tirés des profondeurs de l’eau, les poissons tournent sur eux-mêmes sur le littoral de leur confusion, mais le tri dont on a déjà parlé rejette les mauvais et choisit les bons. Ce mélange passager de bons et de mauvais, et qui va bientôt passer, n’apporte pas le trouble. Ainsi en est-il du tri suprême qui envoie les méchants aux peines, qui s’empare des bons pour les porter aux nues, conduit les impies dans le tartare, et transfère les pieux au royaume. Les pères, les vieillards, les justes et les élus seront consolés de leur brève abjection et court avilissement par une gloire perpétuelle. Cette parabole démontre cela en disant : A la consommation du siècle, les anges sortiront, et sépareront les mauvais du milieu des justes.

A la consommation du siècle. Celui qui croit à la consommation du siècle, qui est causée par la dégradation du monde,- qui a confiance que le jugement suivra, pourquoi cherche-t-il à posséder des choses transitoires ? Mes frères, le monde tire son principe de la fin. La créature est renouvelée par la fin, elle ne cesse pas d’exister. Le monde ne s’éloigne pas du Créateur mais du crime. Les éléments prennent fin non pour les justes mais pour les pécheurs. A la consommation du monde, les anges sortiront pour séparer les justes. Personne ne doute que c’est pour les saints que les anges apparaîtront, ces saints à qui le Christ a promis de faire honneur, car c’est Lui qui a dit : Je me ceindrai, et je vous servirai. Les anges sortiront et sépareront les mauvais du milieu des justes. Justes, concédez , accordez une trêve, car ce bref amalgame de bons et de mauvais sera compensé par une longue séparation. Ils sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise de feu. Voilà la demeure que se sont choisie ceux qui expulsent leurs voisins, qui mettent à la porte les hôtes; voilà quelles délices ils se préparent par la faim du pauvre et les souffrances des autres. Leur plaisir d’un moment leur a allumé un feu Là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Il grincera des dents là-bas celui qui a ri d’un mauvais rire ici-bas.. Et celui qui se réjouit des maux du pauvre pleurera sur les biens accordés aux pauvres. Car il aurait pu se réjouir avec le pauvre, mais il ne l’a pas voulu. Vous qui restez fidèles, réjouissez-vous toujours dans le Seigneur !

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48ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Voulant aujourd’hui raconter la jalousie du peuple Juif à l’endroit de Jésus, l’évangéliste commence ainsi : Jésus vint dans sa patrie, et il leur enseignait dans leur synagogue. Ils furent saisis d’étonnement et dirent : D’où lui vient cette sagesse et cette vertu ? N’est-ce pas là le fils du menuisier? Sa mère n’a-t-elle pas pour nom Marie, et ses frères ne s’appellent-ils pas Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? D’où lui viennent donc toutes ces choses ? Les nuages n’obscurcissent pas autant le ciel, la nuit le jour, les ténèbres le soleil, que l’envie n’aveugle et n’enténèbre l’entendement. Le prouve cette jalousie judaïque, qui s’admire la sagesse du Christ, s’étonne de son pouvoir, porte aux nues ses œuvres, écoute avec attention ses paroles, mais met l’accent sur les noms de ses parents humains, de peur de voir en Lui la divinité, de peur de reconnaître en Lui la déité. Jésus est venu dans sa patrie. Que personne ne s’étonne si le Créateur de toutes choses , le Seigneur des cieux, le Dieu de tous les êtres, obtient du sort un lieu et une patrie, puisqu’Il s’est enfermé dans un utérus, a réduit sa grandeur aux dimensions d’un berceau, puisqu’Il a été allaité au sein, puisqu’Il a été porté dans des bras, puisqu’Il ne mesurait pas plus d’une brasse. Pour soulager les hommes de leurs misères et de leurs contraintes humaines, Il s’en est fait don, Il se les a appropriées. Ce faisant, Dieu s’est déposé Lui-même pour toi; en agissant ainsi, Il marche sur tes traces. C’est par ces faiblesses humaines qu’Il te recherche sans cesse. Pour qu’Il réforme par l’exemple Celui qu’Il a formé en le façonnant. Pour que celui que sa justice avait rejeté, son amour le rééduque, et pour qu’Il conserve en Lui celui qu’Il voyait dépérir en dehors de Lui.

Jésus vint dans sa patrie, et il leur enseignait dans leur synagogue. Pas dans Son temple, mais dans leur synagogue. Ne pouvaient pas être Son temple les synagogues dans lesquelles s’assemblaient les foules de la perfidie, non celles de la foi . Où se réunissait le peuple de la jalousie non de l’amour. Où siégeait le conseil des méchants, non le conseil de la bonne discipline. Il enseignait dans leurs synagogues de façon à susciter leur admiration. Leur étonnement provenait de l’indignation, non de la grâce. Leur stupéfaction ne provenait pas de l’admiration mais de l’envie. Ils enrageaient, parce que ce qu’ils ne pouvaient pas savourer des banquettes de leur orgueil, ils auraient pu l’accepter s’ils s’étaient tenus humblement debout. De telle sorte qu’ils étaient dans un grand étonnement et qu’ils disaient : D’où lui vient cette sagesse ? C’est ainsi que parle celui qui ignore le Dieu de qui procède la sagesse et la vertu. C’est ainsi que parle celui qui ne sait pas que le Christ est la sagesse de Dieu, la vertu de Dieu.

Salomon a démontré d’où vient la sagesse . Après avoir hérité de la puissance suprême dans sa jeunesse, il a voulu la sagesse qui vient de Dieu, afin de pouvoir régir le peuple à lui confié par la vertu et non le faste, par la sagesse et non par l’orgueil, avec le cœur et non avec le cerveau. Il l’a demandée, et il l’a obtenue. D’où lui vient cette sagesse et ce pouvoir ? Cette vertu qui donne des yeux que la nature n’a pas donnés, qui redonne l’ouïe obstruée par une malformation, qui libère les muets des entraves de la parole, qui fait courir les boiteux, qui force les âmes déjà enchaînées dans les enfers à retourner à leurs corps, cette vertu-là vient de Dieu . Seul celui qui est jaloux du salut peut le nier. Mais les Juifs savaient que les œuvres du Christ étaient d’une vertu divine, et qu’elles étaient impossibles à réaliser à un être humain. Mais le brouillard de la jalousie, la fumée de la malice obnubilaient la vue des spectateurs et leur cachaient la lumière du Christ, le temps de l’Evangile. Ils disaient : N’est-ce pas là le fils du menuisier ? Ils disaient : voici le fils du menuisier pour que l’art du Créateur soit caché par un vil art, et que le nom d’un métier voile le nom de la divinité. Le Christ était le fils de l’Artisan, mais de celui qui a fabriqué le monde non avec un marteau mais par un commandement; qui a agencé les membres non par la réflexion mais par un ordre, qui n’a pas formé la masse du monde par fusion avec du charbon, mais par son autorité. Qui n’a pas allumé le soleil avec un feu terrestre, mais avec une chaleur céleste. Qui a formé la lune, les ténèbres et la nuit et le temps. Qui a diversifié les étoiles par des lumières différentes. Qui a tout fait de rien, et a fait, o homme, que tu reconnaisses l’Artisan en admirant l’œuvre. Mais toi, Juif, tu décèles le fils du menuisier, alors que tu devrais récompenser le Fils de l’Artisan, pour tant de bienfaits. Tu n’acceptes pas les choses futures, parce que pour les choses présentes tu manifestes de l’ingratitude. N’est-ce pas là le fils du menuisier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie ? De nouveau, Juif, tu cries le nom de la mère pour occulter celui du Père . Tu dis père sans indiquer son nom. Tu l’appelles artisan, sans parler du son œuvre. Juif, ces choses t’incitent en erreur, mais elles ne feront pas trébucher pas les futurs croyants. Sa mère n’est-elle pas Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Judas ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? Si la mère, les frères et les sœurs sont parmi vous, ou-donc est le Père ? Il n’est pas avec vous, parce que Dieu hait les hypocrites, abandonne les envieux, s’éloigne des ingrats, Il ne permet pas aux cruels et aux impies d’habiter avec Lui. Et ses frères et ses sœurs ne sont-ils pas tous parmi nous ? C’est avec beaucoup d’astuce que tu exhibes des frères, que tu fais ostentation de sœurs, pour cacher la virginité de Marie sous plusieurs maternités, pour que soit entachée l’intégrité de sa virginité ; pour qu’on ne voie dans le Fils qu’un être humain comme les autres, un homme qui n’a rien de divin. Juif, ceux que tu appelles frères et sœurs de Marie sont les enfants de la sœur de Marie, l’épouse de Cléophas , non de Marie, mère de Jésus. Et il appelle frères les neveux. C’est ainsi que le voulait la loi et le système juif de parenté . Ce n’est donc pas la virginité de Marie qui a enfanté ceux que l’on appelle " frères " du Christ, puisque Marie est demeurée vierge après l’enfantement. On ne désigne par là que le lien de parenté. Si la bienheureuse Marie avait eu d’autres fils, elle n’aurait pas été confiée au disciple au temps de la croix; à l’article de la mort, elle n’aurait pas été remise à un étranger.

La jalousie a rejeté l’ange du ciel et a chassé l’homme du paradis. C’est elle qui, au tout début, a contaminé la terre en versant le sang fraternel. C’est elle qui a poussé des frères à vendre leur frère. C’est elle qui a fait fuir Moïse. Elle poussa Aaron à être injuste envers son frère. Elle a entaché Marie de l’envie de son frère. Et pour tout dire en une phrase, ce qui épouvante l’esprit, aveugle la vue, et assourdit l’ouïe-elle a ciblé le sang du Christ et l’a obtenu. L’envie est le pire de tous les maux. Ceux qu’elle a saisis ne peuvent pas être libérés. Ceux qu’elle a blessés ne peuvent pas être guéris. La jalousie est le venin des méfaits, le virus des crimes, la mère des péchés, l’origine des vices. Celui qui ne l’a pas vue voit le bien. Celui qui ne la connaît pas ne connaît rien du mal. Celui qui la fuit vit. On peut vaincre la jalousie par la fuite, on ne peut pas l’emporter sur elle dans une bataille rangée.

Mais écoutons ce que le Seigneur répond : Le prophète n’est sans honneur que dans sa patrie et dans sa maison. Le Seigneur est venu dans sa patrie et dans sa maison, parce qu’il est écrit : Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu. Il a donc raison de dire : Un prophète n’est sans honneur que dans sa patrie et dans sa maison. Avoir de la puissance au milieu des siens est une morsure, une brûlure. Exceller au milieu de ses citoyens, de ses proches est marquer au fer rouge la gloire de ses citoyens. Si les proches doivent honorer leur prochain, qu’ils misent sur la servitude. Et il ne fit pas là de grands miracles à cause de leur incrédulité. Il n’y a pas de manifestation de pouvoir là où l’incrédulité ne le mérite pas. Et bien qu’Il trouve normal la reconnaissance, Il ne l’exige pas. Il s’indigne cependant quand au lieu d’honneurs on lui adresse des injures, parce que Dieu est béni et glorieux au-dessus de tout pour les siècles des siècles. Amen.
 
 

Même sujet que le précédent mais selon saint Marc
 
 
 
 

49ième sermon de
 
 

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

A toutes les fois que l’Evangéliste raconte des choses humaines que le Seigneur saint a faites ou subies, il apporte le trouble dans les esprits comme fait un orage ou une tempête. Ceux qui ont l’esprit débile ne savent pas entendre, discerner et divulguer les mystères qui se rapportent au corps du Seigneur, comme la lecture d’aujourd’hui le montre en ces mots : Après être parti de là, Il vint dans sa patrie. Il sort de la façon dont il entre Celui qui n’est contenu ni enfermé dans aucun lieu. A quelle patrie va-t-Il Lui qui a fait la terre et possède l’univers ? Comme le dit le Prophète : A toi sont les cieux, et à toi est la terre. C’est toi qui as fait la terre et tout ce qu’elle contient. En vérité, Il ne sort pas de Lui-même pour aller vers Lui-même, mais Il sort par toi (dans ton humanité) et pour toi, et Il entre jusqu’à ce qu’Il te rappelle, toi qui a été expulsé; qu’Il te fasse entrer toi qui a été exilé; et te ramène toi qui a été banni. Jésus s’éloigna en direction de sa patrie. Non pour se redonner à Lui-même une patrie, mais pour te redonner ta patrie qu’Adam avait perdue. Il s’éloigna en direction de sa patrie. S’Il est né, comment ne pourrait-Il pas être un homme ? S’Il est un homme, comment ne pourrait-Il pas être un citoyen ? S’Il est un citoyen, comment s’étonner qu’Il ait une patrie ? Parce que Celui qui est et qui était avant les siècles, notre Dieu, notre Père, a voulu naître dans les derniers temps pour que Sa miséricorde sauve ceux que Sa puissance avait créés, et que sa compassion récupère ceux que sa justice avait bannis. Tout ce que nous lisons que le Christ a fait ou subi ou supporté dans son humanité, nous n’entendons pas que ce fut au détriment de sa divinité, mais à la gloire de l’Homme-Dieu. Et ses disciples le suivaient. Ils avaient bien raison les disciples de suivre Jésus qui retournait dans sa patrie, eux qu’une telle élection et une si grande plénitude de grâce avaient fait citoyens de la patrie céleste, avaient inscrits sur le rôle d’évaluation du royaume céleste, conformément à la parole du Seigneur : Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux.

Et le jour du Sabbat, Il commença à prêcher dans la synagogue, et plusieurs de ceux qui l’écoutaient s’étonnaient de sa doctrine en disant : D’où lui vient tout cela, et quelle est donc cette sagesse qui Lui a été donnée ? Et tous ces prodiges opérés par ses mains ? Terrible et horrible méchanceté de la pensée juive, toujours plus prompte à contester qu’à croire. Les prodiges divins ne la sollicitent pas à croire, ne l’amènent pas à la foi mais à la calomnie, car elle n’a mérité que d’entendre la sagesse. Mais où se trouve une démarche inquisitoriale pointilleuse et malicieuse, qui croit facilement au mal et tient le bien pour suspect, la doctrine est méprisée plutôt qu’admirée. Elle méprise les préceptes qu’elle approuve. Elle biaise et temporise dans le culte qu’elle doit rendre à Dieu, à cause de l’attirance qu’elle ressent envers les idoles. Elle est fermée aux choses divines, mais complètement tournée vers le bois et la pierre. Rebelle aux prophètes, mais se fourvoyant dans ce qui est contraire à la vérité, les augures mensongers. A qui cela pose-t-il un problème qu’un aveugle voie? Qui peut être troublé par le fait qu’un mort ressuscite ? Où est la difficulté de croire qu’un muet parle ? Assurément, personne n’ignore que c’est par Dieu seul que toute l’infirmité humaine est guérie par un commandement . Moïse a fait plusieurs miracles, Elie a donné de grandes preuves de sa puissance, et Elisée en a fait autant. Pourquoi personne ne fait-il pas d’investigation sur l’auteur du miracle ? Pourquoi personne ne met-il pas en question l’évènement ? Pourquoi la curiosité et l’ingratitude ne font demander à personne : Qui étaient-ils ? D’où venaient ces prodiges, et par qui les faisaient-ils ? Jésus est le seul à être jugé, qui n’a pas voulu juger pour ne pas punir. On discute sur Lui avec une sévérité déplacée, Lui qui n’a rien demandé avant d’exercer sa miséricorde. Et , comme étant seul innocent, Il trouva tous les autres coupables, Il préféra se rendre aux raisons apportées par une immense piété, plutôt que de simplement abroger la sentence de condamnation. Et cela, pour rendre aux mortels la vie autrefois perdue, et restaurer ceux qui ont été tués. Il est vrai de le dire avec l’Apôtre : C’est un grand sacrement de piété que le Christ se soit manifesté dans notre chair. Mais cette animosité charnelle aiguise sa curiosité, elle dont la pensée est toujours ennemie de la vérité. Et elle n’accepte pas de croire en la divinité du Christ à cause de sa doctrine et de ses miracles, mais en s’appuyant sur l’affinité, la fraternité, la parenté, la proximité, elle se borne à ne voir, ne comprendre, ne reconnaître en Jésus qu’un homme, en disant : Celui-ci n’est-il pas le fils du menuisier et de Marie ? Ses frères ne sont-ils pas Jacques, Joseph, Jude et Simon? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? Caïphe a prophétisé d’une bouche profane, et comme il était grand-prêtre, il a vaincu le sens de la fausseté par sa fonction de vérité. Balaam prouve sa sentence non par son autorité de maître mais par sa condition d’esclave. Poussé par un bénisseur médisant et entraîné vers la méchanceté, il révèle tous les mystères de la vérité. Et comme une rose fleurit dans les épines, et comme sur des arbrisseaux hérissés germent des fleurettes d’un parfum merveilleux, de la même façon, les sens des pires hommes sont parfois attirés malgré eux vers ce qui est bien selon Dieu. Ce qu’ils disent ne provient pas de leur mérite mais d’un mystère céleste. C’est ce que nous voyons se réaliser dans la malice judaïque. Elle met en épingle le métier du menuisier Joseph, pour avilir la génération du Seigneur. Elle n’a d’yeux que pour la menuiserie. Mais en parlant ainsi, elle proclame et confesse la qualité de son vrai Père, quand elle dit : Celui-ci est le fils du menuisier. Elle a su taire la personne en représentant le père par le métier, en disant non Joseph, mais fils du menuisier. Et qui est un Artisan comme Celui qui a fabriqué tout l’univers à partir du néant ? Ou quel est le meilleur Ouvrier que Celui qui est l’auteur de tous les métiers, qui les a produits à Lui seul ? Dis donc, Juif, fils de l’artisan pour nommer malgré toi le Fils de Dieu. Appelle-Le fils de Marie, pour que tu sois disposé à Le confesser comme vrai homme et Fils de la vierge. Dis frères, pour que tu prêches et professes la si grande dignité de ton Créateur. Et bien que, avec cela, tu t’efforces d’occulter les vertus de la sainte mère, la vérité de l’évangéliste démontre à souhait que ceux que tu appelles frères de Jésus sont les fils non de Joseph et de Marie, mais de Cléophas et d’une sœur de Marie du même nom. D’après la coutume en vigueur même de notre temps, le nom de frères est donné aux frères et aux fils des frères : on appelle frères les cousins. N’aurait-ce pas été contre l’ordre de la piété que Jésus ait confié du haut de la croix la mère du Seigneur à un étranger, i.e. Jean, si elle avait eu d’autres fils ? Mais Il a confié une vierge à un homme chaste, pour qu’il ne soit question entre eux que de ce qui se rapporte au sacrement, pour qu’ils ne soient réunis que par la seule religion. Pour qu’un tel disciple ne se préoccupe pas des évènements mondains. Pour que, ayant à prêcher dans le futur l’enfantement virginal, il ait à la portée de la main de quoi convaincre les sceptiques. Jacques a régi de façon admirable l’église de Jérusalem au tout début de l’Eglise, et pendant que faisait rage la fureur judaïque. En sa qualité d’évêque, n’avait-il pas tout ce qu’il fallait pour prendre en charge une femme , et une mère si Marie avait été la sienne ? Le Seigneur ajoute avec raison : Un prophète n’est sans honneur que dans sa patrie. Voilà comment savent apprécier un prophète des citoyens charnels ! Voilà comment les parents mondains le reconnaissent et l’honorent ! Bienheureux celui qui mérite d’avoir Dieu pour Père ! Il ne désire rien en dehors de la patrie céleste.
 
 
 
 
 
 

50ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

La lecture d’aujourd’hui nous montre que dans ses actions humaines Jésus a accompli des mystères divins, et que par le moyen des choses visibles il a réalisé des oeuvres invisibles. Il monte dans un bateau, traverse et arrive dans sa ville. N’est-ce pas Celui qui, après avoir chassé les eaux de la mer, en dénuda le fond, pour que le peuple Israélite traverse à pied sec au milieu de vagues immobilisées, creuses et rondes comme des montagnes? N’est-ce pas Celui qui a fait s’affaisser d’énormes vagues aux pieds de Pierre, pour préparer, par grâce, à ses pieds humains le secours d’un chemin liquide solide ? Mais pourquoi rejette-t-Il le service servile de la mer à son endroit pour faire une courte traversée sur un petit lac ? Il monte dans un bateau et traverse. Et qu’y a-t-il là d’étonnant, mes frères ? Le Christ est venu pour prendre sur Lui nos infirmités, et nous conférer ses vertus : chercher les choses humaines et apporter les divines; recevoir des injures et rendre des honneurs; supporter les dégoûts et rendre les santés. Car un médecin qui n’a pas eu à supporter des infirmités, ne sait pas comment les guérir. Et celui qui n’a pas été infirme avec l’infirme ne peut pas apporter la santé à l’infirme. Si le Christ s’était limité à faire des prodiges et des miracles , Il n’aurait eu rien de commun avec les hommes. Et s’Il n’avait pas vraiment assumé la condition humaine, son incarnation aurait été inutile. Il s’est donc soumis à ces nécessités, pour démontrer par les besoins humains qu’Il était vraiment homme. Il monte dans un bateau. Jésus monte dans le navire de son église pour toujours apaiser les flots déchaînés du monde, pour qu’une paisible navigation conduise dans la patrie céleste ceux qui croient en Lui , et pour faire citoyens de Sa ville ceux qu’Il avait fait participants de Son humanité. Le Christ n’a donc pas besoin de navire, mais c’est le navire qui a besoin du Christ, parce que sans pilote divin, il ne pourra pas parvenir au port céleste , voyageant en haute mer en grand danger de perdre la vie. Ce que nous venons de dire se rapporte à la compréhension spirituelle de l’évènement. Tenons-nous en maintenant à la succession des évènements.

Il monta dans un navire, traversa et arriva dans sa ville. Le Créateur des êtres, le Seigneur du monde, après s’être enfermé pour nous dans notre chair, a commencé à avoir une patrie humaine, a commencé à être citoyen d’une ville judaïque. Il commença à avoir des parents, Lui le Père de tous les parents, pour que l’amour invite, que la charité attire ceux que la toute-puissance avait mis en fuite; pour que l’affection convainque et que l’humanité persuade ceux que la crainte avait dispersés et que la justice avait bannis. Il vient dans sa ville, et voici qu’on Lui apporte un paralytique, étendu sur un grabat. Jésus regarda et vit leur foi. Puis il dit au paralytique : Aie confiance, mon fils. Tes péchés te sont remis. Le paralytique entend le pardon et se tait. Il ne remercie en aucune façon, parce qu’il recherchait plus la guérison du corps que celle de l’âme. Et il déplorait plus les misères temporelles d’un corps atrophié que les peines éternelles d’une âme paralysée, estimant la vie présente plus importante que la future. C’est avec raison que le Christ a eu égard à la foi des porteurs, et ne tint pas compte de la démence de celui qui était alité, pour que l’âme du paralytique soit guérie avant le corps par le suffrage d’une foi étrangère. Regardant leur foi. Vous voyez dans ce cas-ci , mes frères, que Dieu ne cherche pas les volontés de ceux qui sont déraisonnables, n’attend pas la foi des ignorants, ne scrute pas les désirs insensés des infirmes, mais Il n’a pas empêché que ce qu’Il conférait par la seule grâce soit une réponse à la foi d’un autre. Et en vérité, mes frères quand donc le médecin des maladies cherche-t-il à complaire à ses patients, quand l’infirme demande toujours et exige des choses contraires à sa santé ? Voilà pourquoi il présente et applique à ceux qui ne le veulent pas le fer, ou le feu ou un brevage amer, pour qu’une fois guéris, ils se réjouissent de la cure qu’ils ne pouvaient pas supporter quand ils étaient malades. Et si le médecin fait fi des injures, méprise les malédictions pour apporter de plein gré le salut et la vie aux malades et aux infirmes, à bien plus forte raison le Christ- médecin attire-t-Il malgré eux au salut par sa bonté divine, ceux qui sont infectés par les péchés, et sont atteints de la frénésie des crimes. O si nous voulions, mes frères, si nous voulions observer attentivement toute la paralysie de notre esprit, examiner notre âme privée des vertus étendue dans les sentiers des vices, il nous arriverait de comprendre comment le Christ regarde continuellement nos volontés coupables, nous attire aux remèdes salutaires, et nous harcèle malgré nous. Mon fils, tes péchés te sont remis. En parlant ainsi, Il a voulu qu’on Le considère comme le Dieu que l’homme cachait aux yeux humains. Par les prodiges et les miracles, Il était comparable aux prophètes qui eux aussi, mais par Lui, avaient opéré des prodiges. Que pardonner aux péchés est une chose qui n’appartient pas à l’homme mais est une prérogative divine insigne , Dieu l’avait gravé dans les cœurs humains. La jalousie des Pharisiens en est une preuve : Tes péchés te sont remis. Les Pharisiens répondirent : Il blasphème! Qui peut remettre les péchés sinon Dieu ? Pharisien, toi qui ignores en sachant, qui renies en professant, tu réfutes en attestant. Si c’est Dieu qui remet les péchés, pourquoi le Christ n’est-Il pas Dieu pour toi , Lui qui par l’apport de sa seule miséricorde a enlevé tous les péchés du monde. Nous en avons la preuve. Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. Pour que tu puisses comprendre de plus grandes marques de sa divinité, rends-toi compte qu’Il a pénétré le secret de ton cœur. Reconnais qu’il s’est introduit jusque dans les replis de ta pensée. Comprends qu’Il a mis à nu les projets camouflés de ton cœur. Et quand Jésus vit leurs pensées, il leur dit : Pourquoi ces mauvaises pensées dans vos cœurs ? Qu’est-ce qui est plus facile de dire : tes péchés te sont remis, ou bien : lève-toi et marche ! Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés, il dit au paralytique : lève-toi, prends ton grabat et retourne dans ta maison. Et il se leva et retourna dans sa maison. Le scrutateur des âmes prévient les pensées malicieuses, et donne la preuve de sa divinité en faisant un miracle. Il raccorde les membres épars de son corps, resserre les nerfs, emboite les os, complète les viscères, ajuste les articulations, et répare le pied pour la course dans le cadavre redevenu vivant de ceux qui étaient ensevelis. Prends ton grabat. Ce qui signifie : porte Celui qui porte, chante l’ambivalence de ton action, pour que ce qui est un témoignage de l’infirmité soit une preuve de la santé, pour que le lit de ta douleur soit le signe de ma guérison, et que la grandeur du poids du lit atteste la grandeur de la force reçue. Va dans ta maison, de peur qu’une fois guéri par la foi chrétienne, tu demeures dans les voies de la perfidie judaïque.

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51ème sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Parce que, plus qu’à l’accoutumée, nous avons été accablés par une chaleur intense, je me suis tu pendant un certain temps, de peur que la cohue qui naît du désir d’entendre n’engendre l’incendie d’une chaleur caniculaire. Maintenant que la température automnale a rafraichi l’air, nous revenons, avec l’aide du Seigneur, à la parole de Dieu.

Quand un homme amenait au Seigneur, pour qu’Il le guérisse, son fils possédé par la fureur d’un esprit sourd et muet, l’évangéliste rapporte que le Seigneur, contrairement à sa patience habituelle, en fut tellement troublé qu’avant de partir pour délivrer le fils, Il songea d’abord à soigner la plaie du père. Quelqu’un de la foule répondant dit : Je t’ai amené mon fils qui a un esprit muet. A quelque endroit qu’il se saisit de lui, il le jette à terre et il écume, grince des dents et devient raide. Et j’ai di à tes disciples de l’expulser, et ils n’en ont pas été capables. Jésus répondit et dit : O génération incrédule ! Quelqu’un de la foule répondant. Comment expliquer qu’un seul interroge, mais que tous sont blâmés ? Comment se fait-il que tous soient accusés d’incrédulité quand un seul a parlé ? Pourquoi, à la voix d’un seul, toute une génération est déclarée perfide et orgueilleuse ? Pourquoi ? Par qu’elle n’était pas venue vers Dieu mais vers le maître, et exigeait la cure non de la vertu divine mais de la science médicale. Parce qu’elle imputait le retard de la cure au soigneur, non à la vraie cause. En attribuant l’incapacité des disciples du Maître à l’inexpérience, l’envieuse jalousie des scribes, par une telle prétention, clamait au peuple sa satisfaction. Et j’ai dit à tes disciples de le chasser et ils n’ont pas pu. Ce qui revient à dire : Il y a un démon qui ne redoute pas le Christ. Il y a un démon qui possède plus de pouvoir que n’en possède le petit nom du Christ. Car les disciples chassaient les démons du corps des possédés, non en leur nom, mais au nom du Christ. Le fait que le démon ne cédait pas aux injonctions des disciples, la faute n’en revenait pas aux disciples mais à la faiblesse du nom du Christ. Voyant donc Jésus que les escadrons de Juifs qui l’entouraient pensaient ainsi, que la perfidie des pères se communiquait aux fils, que les germes empoisonnés pullulaient dans les pères : O génération incrédule ! Le Seigneur allant vers ses disciples vit près d’eux une grande foule, et les scribes qui discutaient avec eux. Et aussitôt tout le peuple en voyant Jésus fut étonné et accourut à sa rencontre. Les scribes craignaient que l’arrivée du Maître ne leur fasse perdre ce qu’ils avaient gagné en se moquant des disciples, et qu’une fois le démon mis en fuite, ce qui, à cause des disciples, leur fut un sujet de gloire leur devienne un sujet de honte. Voilà pourquoi Jésus répondit à l’interrogation d’un seul : O génération incrédule!

Combien de temps serai-je parmi vous ! A cause de leur incrédulité, aucun démon n’était chassé des corps des possédés. Combien de temps serai-je parmi vous ? Et je n’enverrai pas aux Gentils ? Là où à la voix d’un seul de mes disciples, les temples s’écroulent, les idoles s’enfuient, les autels sont ravagés, les statues fracassées, les feux des vestales éteints , et là où est muselée toute l’ancienne puissance des démons. La prophétesse gémissant et tremblant sur les sièges de la divination s’enfuit en criant. Les temples d’idoles sont métamorphosés en églises, les autels païens sont convertis en autels chrétiens, les victimes des taureaux morts sont transmuées en hostie vivante du cœur, les augures, les divinations et les songes en la seule volonté de Dieu. Combien de temps serai-je parmi vous ? Combien de temps aurai-je à vous supporter ? Ce n’est pas la difficulté de l’entreprise, son incapacité ou la peur de ne pas réussir qui le font souffrir : sa patience, sa miséricorde et sa confiance sont mises à rude épreuve. Il supporte cela, Il le prend sur Lui et Il attend, Lui qui veut le retour de l’impie et non sa perte.

Apportez-le moi. Comme s’Il ne pouvait pas guérir quelqu’un à distance !... Mais apportez la cause de votre incrédulité, la raison de votre infidélité, le document de votre perfidie. Apportez-le. Pour que vous qui n’avez pas voulu croire à l’enseignement de Dieu vous croyiez en la profession de foi du démon; et que vous compreniez que vous êtes pires que le démon, quand vous le verrez Le confesser, et redouter la présence de Celui qui le connaît. Et ils le lui apportèrent. Sitôt qu’il vit Jésus l’esprit secoua violemment l’enfant qui tomba à terre et s’y roulait en écumant. L’homme se roulait, mais le démon était mis à la torture. La cure tourmentait l’envahi, mais la majesté du Juge condamnait l’envahisseur. Le captif était accablé, mais l’ennemi était puni. La peine du démon apparaissait dans les tortures du corps humain. Il nous faut, mes frères, il nous faut la lumière de Dieu de peur que les yeux humains ne faillent à l’oeuvre divine. Et il interrogea son père. Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? Et il répondit : depuis son enfance. L’auteur du temps s’enquiert du temps de la souffrance, le Médecin veut savoir la durée de la maladie. Non parce qu’Il l’ignore, mais pour que Celui qui le sait l’apprenne à ceux qui ne le savent pas. Par une telle interrogation, Il remonte le cours du temps, indique l’âge, et pointe l’enfance. Pour que la cause d’un tel mal n’accuse pas l’enfant mais le père, car le gage que Dieu lui avait donné il l’avait remis au bon plaisir du diable, à l’honneur des démons, au dire même de l’Ecriture : Et ils offrirent leurs fils et leurs filles aux démons. Pour que l’enfance loge en elle le démon, quel crime reconnaît-elle, quelle faute ? Mais les enfants sont remplis des démons quand ils sont offerts aux démons par leurs parents; ils sont remis par eux aux soins du diable. Vient un moment où il est libéré par la foi du père celui qui avait été lié par l’infidélité du père. Voici comment résonne la voix du père : Si tu peux quelque chose, aide-nous, aie pitié de nous ! Ce qui veut dire : aide-nous, aie pitié de nous, nous dont les crimes accablent l’innocent, nous dont la punition a rejailli en souffrance sur l’enfant. Et Jésus fait bien de solliciter la foi des parents en disant : Si tu peux croire. Tout est possible à ceux qui croient. Et le père : Je crois, Seigneur, mais viens en aide à mon manque de foi. Le père a cru. Et comme nous avons dit, la foi du père a délivré celui qui avait été condamné par l’infidélité du père. Car celui à qui la foi du père a été avantageuse, comment son infidélité n’a-t-elle pas pu lui être nuisible ?

Comment a-t-il été guéri, pourquoi ses disciples qui avaient chassé plusieurs démons n’ont-ils pas pu chasser celui-là ? C’est ce que nous rechercherons avec l’aide de Dieu dans le prochain sermon.
 
 
 
 
 
 
 

52ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 

Le devoir d’un docteur est de commenter les lectures de la Bible, et d’élucider par un exposé limpide les obscurités mystiques, de peur que là où il pouvait et devait apporter une connaissance salutaire, une information insuffisante ne cause du dommage à l’auditeur. Voici donc à quoi ressemble la lecture d’aujourd’hui. Et un de la foule répondant lui dit : Maître, j’ai apporté mon fils qui a un esprit sourd et muet. (Marc) Il n’a pas dit : j’ai apporté mon fils qui est sourd et muet, mais j’ai apporté mon fils qui a un esprit sourd et mauvais. La méchanceté spirituelle qui est étrangère à nos membres peut-elle être engouffrée dans les sens humains pour subir nos faiblesses et nos passions ? Elle ne pourrait pas voir à moins de passer par les fenêtres des yeux et les trous des oreilles ? Elle ne pourrait pas s’exprimer s’en proférer un discours avec la langue ? Et comment un esprit peut-il partager l’état misérable d’un sourd et muet, puisque sa nature ténue et aérienne ne connaît pas la chair, n’a pas besoin d’ossature, traverse toute la terre en une seconde comme un tourbillon, assume diverses apparences, se transforme de plusieurs façons, pénètre les cœurs, séduit les âmes, inspire les pensées impies et honteuses ? Il ne perçoit pas par les sens où il va et d’où il vient; et, tel un javelot volant, il transperce avec une grande facilité les âmes innocentes , et leur inflige une blessure mortelle. Il aurait peu importé que le père ait été le seul à le dire en suppliant le Seigneur, J’ai apporté mon fils qui a un esprit sourd et muet- si le Seigneur lui-même n’avait pas utilisé les mêmes mots en expulsant l’esprit impur : Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de Lui. Mais portons-nous vers les réflexions qui peuvent nous amener à solutionner cette question. Dieu qui va roussir les démons dans un incendie perpétuel, qui déjà, en personne, resserre leurs liens, les angoisse à la pensée des tourments qui les attendent, les oppresse de châtiments, peut à n’importe quel moment, les rendre complètement débiles, et rendre sourds, aveugles et muets ceux qui voient, entendent et parlent.

Mais en ce passage, est déclaré ce que le démon a fait à l’homme. Dès que l’apostat antique s’est aperçu que Dieu était venu sur la terre, il a obstrué les oreilles des hommes, s’est emparé de leur langue, et après avoir verrouillé les sens des humains sauvages, il s’est fait dans leur cœur un antre qui lui sert d’abri, et s’en est ainsi rendu maître, estimant que sans l’audition de la parole, la vertu du nom divin ne pourrait pas opérer. En même temps, comme il est rusé et sournois, il pensait pouvoir attraper le père et tromper les parents par un tel procédé, pour qu’ils désespèrent de la cure de qui ne pouvait ni entendre ni parler. Et pour qu’ils pensent que ce qui venait de l’action diabolique était une faiblesse humaine; pour qu’ils l’attribuent au sort, et rendent responsable la nature de ce que l’ennemi lové avait saisi. Ensuite, comme Matthieu le rapporte, il montre le père accablé par d’autres roueries de ce misérable. Car il le suppliait ainsi : Seigneur, aie pitié de mon fils, parce qu’il est un lunatique et est méchamment torturé.. Le démon a voulu que ce qui venait de ses artifices passe pour provenir de la nature humaine ou d’un astre, attribuant aux chars de Junon les passions humaines. Il vexait les corps par les croissants de lune, pour que l’on croie que vient de la lune ce qui procédait de la fureur criminelle du diable. C’est ainsi qu’il trompa les hommes, circonvint les ignorants, vitupéra la lune auprès des désoeuvrés, elle qui par sa lumière pâlotte ne peut pas brûler les hommes, mais est plutôt forcée de les aider en une servitude perpétuelle. Après la venue du connaisseur des choses cachées, du scrutateur très consciencieux des cœurs, à qui les pièges les mieux dissimulés du démon ne pouvaient pas échapper, on amène l’enfant pour qu’il soit guéri par une prescription divine, pour que tout ce que le démon avait conquis soit délivré par le Christ. L’ennemi a agi de façon à ce que la possession diabolique paraisse être l’œuvre de la nature.

Mais pourquoi les disciples n’ont-ils pas pu l’expulser ? Parce que cet homme est présenté comme une figure du peuple des Gentils. Car selon l’Apôtre, le peuple des Gentils avait un esprit aérien de cette sorte. L’esprit de l’air qui opère maintenant dans les fils de l’incroyance. Le Gentil était donc sourd et muet, qui ne pouvait ni écouter la loi , ni ne pouvait confesser Dieu; il était dans le feu de la géhenne, lui qui était balloté toujours par les flots d’un gouffre amer. Il ne pouvait être guéri ni par les disciples ni par aucun être humain, car c’est le Christ depuis longtemps qui était appelé la vie et la rédemption des Gentils, la confession du salut, et l’accueil de la foi. Là donc où le commandement du Christ met le démon en fuite, les portes s’ouvrent, les chaînes tombent, la parole est rendue, l’ouïe revient, l’homme est réparé. Et il n’y a que le démon qui se lamente d’avoir été privé d’une possession durable. Voilà pourquoi , à son arrivée, par l’imposition des mains et l’exorcisme, il est d’abord purgé du démon, reçoit l’ouverture des oreilles, et peut comprendre la parole de la foi. Afin de pouvoir parvenir au salut en suivant le Seigneur.
[Hésitation de traduction entre Junon ou Lunon ds texte latin. Mais c’est sans conséquence pour le sens.  Il s’agit de Junon.  Il y avait un grand J majuscule et des voyelles qui pouvaient se rapporter à Junon.  Il n’est pas impossible que le J ait été un l et soit la première du mot lune.  On parle après explicitement du rôle assigné à la lune.  Junon pouvait représenter symboliquement la lune puisque les philosophes grecs ou latins païens qui donnaient une explication naturaliste des dieux considéraient que Junon désignait la lune, et Jupiter le soleil. Que Junon y soit ou n’y soit pas,  le sens demeure le même.]
 
 
 
 
 

53ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue
 

Bienheureux les pacifiques, dit l’Evangéliste, mes très chers, parce qu’ils sont appelés fils de Dieu. C’est à juste titre que les vertus chrétiennes verdissent dans celui qui a l’harmonie de la paix chrétienne. La paix, mes très chers, est ce qui arrache l’homme à la servitude, ce qui fait d’un homme un homme libre. Elle fait que la personne change de condition aux yeux de Dieu : d’un serviteur, elle fait un fils; d’un esclave, un homme libre . La paix entre les frères est la volonté de Dieu, la joie du Christ, la perfection de la sainteté, la règle de la justice, la maîtresse de la doctrine, la gardienne des mœurs, et une louable discipline en toutes choses. La paix est le suffrage des prières et le garant des supplications. Elle est un chemin impénétrable, la plénitude rêvée de tous les désirs. La paix est la mère de la dilection, le lien de la concorde, et le signe évident d’une âme pure. Elle exige de Dieu pour elle-même ce que Dieu cache. Elle demande tout ce qu’elle veut et reçoit tout ce qu’elle demande.

Des préceptes divins nous enjoignent de conserver la paix, selon ces paroles du Christ Notre-Seigneur : Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce qui revient à dire : Je vous ai quittés dans la paix, je vous trouverai dans la paix. En partant, Il a voulu donné ce qu’Il désirait trouver chez tous à son retour. Conserver ce qu’Il a donné est un mandat céleste  qui se résume en une seule phrase : Je trouverai ce que J’ai laissé. Planter la paix jusqu’à la racine est l’œuvre de Dieu; l’arracher complètement est l’œuvre de l’ennemi. Car comme l’amour fraternel vient de Dieu, de la même façon, la haine vient du démon. Il faut donc condamner les haines, parce qu’il est écrit : Celui qui hait son frère est un homicide. Vous voyez donc, frères très chers, pourquoi il faut aimer la paix et affectionner la concorde. Ce sont elles qui engendrent et nourrissent la charité. Vous savez que, d’après l’Apôtre, la charité est de Dieu. Il est donc sans Dieu celui qui n’a pas la charité. La paix du peuple, très chers, est la gloire du prêtre; la charité parfaite des fils est une joie pleine de paix. C’est le devoir du prêtre de dénoncer les manquements; le devoir du peuple est d’écouter ses exhortations. C’est le devoir du pasteur de prohiber tout ce qui n’est pas permis; c’est le devoir du peuple d’écouter et de vouloir s’amender. Si les deux remplissent leurs devoirs, tout va pour le mieux. . Dieu ne trouve pas alors dans le peuple de quoi punir, et le prêtre n’a rien qui le contriste. Conservons donc, mes frères, les préceptes, qui sont des préceptes de vie. Que la fraternité se maintienne dans les liens d’une profonde paix, et que le lien salutaire de la charité la fixe dans la dilection mutuelle, laquelle recouvre la multitude des péchés. Il faut donc tendre vers la charité de tous nos désirs, puisqu’elle possède autant de biens que de récompenses. Il faut garder la paix avant toutes les autres vertus, parce que Dieu est toujours dans la paix. Ne donnons pas d’occasion à l’ennemi, pour qu’il ne puisse pas semer de la zizanie dans le champ où le blé a été semé, de peur que le cultivateur insouciant, frustré de l’espoir de son long travail, ne perde lors de la maturité de la moisson les fruits escomptés. Ou de peur que le mélange de la lie avec un vin rendu plus savoureux par l’âge ne le transforme en une liqueur de perfidie. Ou que la douceur de l’eau miellée ne soit empoisonnée par l’amertume du fiel. Loin de nous les affrontements, loin de nous les rixes, loin de nous les malédictions! Parce que la langue du médisant et de l’hypocrite est un filet de mort, que chacun épargne son âme ! Qu’il ne s’attache pas avec les liens de la mort à son instrument de supplice! Aimez la paix et tout sera paisible. Pour que les joies que vous vous réservez soient pour nous des récompenses, et pour que l’Eglise de Dieu fondée sur l’unité de la paix garde une discipline parfaite dans le Christ.

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54ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

Le bienheureux Evangéliste en décrivant tout dernièrement la vie d’un riche inhumain, a ému et affligé les êtres humains. Mais aujourd’hui, en relatant la foi et l’humanité de Zachée, il nous élève et nous attire à une joie céleste. Et étant entré, est-il dit, Jésus parcourait Jéricho. Pourquoi parcourait-Il la ville, et pourquoi ne marchait-Il pas ? Pourquoi ? Jésus traversait là où Moïse avait marché. Et le peuple que Moïse avait mis en route Jésus l’amenait vers le repos promis du séjour. Il traversait (ou parcourait) Jéricho. Jéricho est la ville que Josué a jetée par terre en jouant sept fois de la trompette. Mais comme Jésus est venu sauver ce qui périssait, il entre dans Jéricho, pour que ce que la terrible vocifération de la loi avait jeté par terre, la pieuse clameur de sa prédication le redresse. Jésus, est-il dit, étant entré, parcourait Jéricho. Et voici un homme du nom de Zachée, qui était publicain en chef, et riche. Le prince des publicains dans la cité perdue s’est vu assigné la principauté par son œuvre perdue. Le lieu, la personne et le bureau de percepteur manifestent la grandeur de la faute, pour que la grandeur du crime fasse resplendir la grandeur de Celui qui le remet. Et il cherchait à voir Jésus. Celui qui cherche à voir le Christ regarde le ciel d’où vient le Christ, non la terre où se trouve l’or. Le riche, donc, qui regarde en haut ne transporte pas son or sur son dos, mais le foule aux pieds. Son dos n’est pas affaissé par les richesses, mais il est allégé par elles. Et il se sert des richesses pour soulager la misère d’autrui par des largesses, non pour s’asservir à un amour désordonné des richesses. Car l’avare n’est pas le maître mais l’esclave des richesses. Et le riche miséricordieux prouve avoir autant de serviteurs qu’il a de deniers. Il cherchait à voir Jésus, et il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il avait une petite taille. Il était déjà passablement grand par l’âme celui qui semblait petit à cause de son corps. Car il atteignait les cieux par la pensée celui qui n’était pas à la hauteur des hommes. Que personne donc ne se soucie de la petitesse de sa taille, à laquelle on ne peut rien ajouter, mais qu’il mette toute son attention à ce que l’esprit soit éminent. Et courant en avant, il grimpa dans un arbre. Combien de mètres penses-tu qu’il a comptés avant d’atteindre les branches d’un très grand arbre ? Cet homme a méprisé la terre, s’est élevé au-dessus de l’or et a transcendé l’avarice. Il est monté au-dessus de toute la masse des richesses, pour que bondissant sur l’arbre du pardon, il saisisse les fruits de la miséricorde; et pour que, de l’observatoire de sa confession, il aperçoive l’Indulgent qui pardonne. Il grimpa dans un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là. Il a raison d’employer le mot passer, car le Christ n’était pas venu pour demeurer sur les routes humaines et dans les labeurs humains. Quand Jésus fut arrivé au lieu, levant les yeux, il le vit. Comme s’Il n’aurait pas vu s’Il n’avait pas levé les yeux Celui qui, absent, a vu Nathanaël de loin sous le même arbre. Mais Il l’a vu. Il l’a vu pour lui apporter le pardon. Il a fixé ses yeux sur lui pour lui communiquer la grâce. Il l’a regardé pour lui donner la vie. Il l’a contemplé pour lui procurer le salut. Dieu ne cherche pas à connaître celui qu’Il voit comme s’Il l’ignorait, mais Il veut voir celui qu’Il connaît pour l’amener dans sa gloire.

Il le vit et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car aujourd’hui, il me faut demeurer dans ta maison. S’il avait bien fait de monter, pourquoi lui est-il commandé de descendre ? L’Evangéliste a dit plus haut : Courant en avant, il grimpa dans un arbre. Le serviteur court devant son maître, car Zachée est monté dans l’arbre avant que le Dominateur ne monte sur la croix. Voici pourquoi on lui a dit : Hâte-toi de descendre. Si tu comprends la signification de ton geste, hâte-toi de descendre. Descends avant le Seigneur de l’arbre d’Adam, pour que tu montes après sur la croix de la passion du Seigneur. A moins que quelqu’un ne porte sa croix et ne me suive. Il n’a pas dit : ne me précède. Descends donc, pour déposer le fardeau d’une si grande fraude, les poids de la cupidité, la masse des usures, le magistère du publicain, la principauté d’une exaction extrêmement cruelle. Une fois désencombré, tu entreras dans l’école de la pauvreté, dans le service de la miséricorde, dans la pratique de la vertu de piété, dans la discipline de la patience, dans l’exercice fervent des vertus, dans la science de la divinité, dans la maîtrise des passions, dans la philosophie qui prépare une bonne mort, pour que, quand tu seras parfait, tu montes dans les parties périlleuses de l’arbre de vie. Descends, car, aujourd’hui, il me faut demeurer dans ta maison. Celui dans la maison duquel le Christ n’entrera pas ne parviendra pas à la demeure divine. Et celui à la table duquel le Seigneur ne s’assiéra pas ne prendra pas place à la table céleste. Il se hâta de descendre et le reçut tout joyeux. Il se réjouit parce qu’il reçoit Celui qui le reçoit, pait son Berger, parce que le coupable incite le juge à un verdict dicté par l’humanité, parce qu’en lui fournissant gratuitement le breuvage et la nourriture il en fait son débiteur. Et il advint que le publicain ne perdit pas son gain, mais le transmua.

A la vue de ce qui se passait, tous murmurèrent, disant : il s’est arrêté chez un pécheur. Et qui est sans péché ? Et si personne ne l’est, il se refuse à lui-même le pardon celui qui accuse Dieu parce qu’Il entre chez un pécheur. Quand Dieu recherche un pécheur, c’est l’homme qu’il recherche non les péchés. Il le fait pour mépriser le péché qui est l’œuvre de l’homme, et ne pas perdre son œuvre à Lui qui est l’homme. Ecoute le Prophète qui dit : Détourne ta face de mes péchés. C’est-à-dire, de mes œuvres mauvaises. Et parlant de lui : Ne méprise pas les œuvres de tes mains. Quand le Juge veut pardonner, il regarde l’homme, non la faute. Quand le père veut se montrer miséricordieux envers son fils, il se rappelle l’ affection qu’il lui porte, non le délit commis par le fils. De la même façon, dans l’homme, Dieu se souvient de son œuvre, afin d’oublier l’œuvre de l’homme. Toi donc qui fais des reproches, qui murmures, parce que le Christ s’est arrêté chez un pécheur, qu’une telle visite te fasse saisir la voie du salut, un exemple de pardon, l’espérance en la miséricorde divine. Et que ce qui est pour toi une occasion de salut ne soit pas pour toi une raison de blasphémer , prends-y garde ! Où va le médecin si ce n’est chez le malade !.... Ce ne sont pas les gens en santé qui ont besoin de médecin, mais les malades et les infirmes. Et à quoi s’essouffle le pasteur si ce n’est à la recherche de la brebis perdue ? Quand un roi se mêle-t-il aux ennemis si ce n’est quand il veut libérer un captif ? Et celui qui perd une perle précieuse ne dédaigne pas d’entrer dans les lieux souillés, et n’éprouve pas de honte à la chercher lui-même dans le fumier. Dans quel précipice ne s’engage pas la mère à la recherche du fils? Et s’agissant de Dieu qui a créé l’homme à son image et à sa ressemblance on demande : pourquoi la charité du Créateur recherche-t-elle l’homme au milieu des péchés ? Tu te demandes en murmurant, ô homme, pourquoi Dieu cherche l’homme au milieu des péchés? Que feras-tu quand tu Le verras pénétrer, pour l’homme, dans les ténèbres elles-mêmes du Tartare ?

Ecoute, entre temps, ce qu’a opéré l’entrée du Christ chez un pécheur. Se tenant debout, Zachée dit . Vois comment il s’est redressé celui qui gisait. Nous gisons dans nos vices, et nous gisons oppressés. Que les bonnes œuvres nous fassent tenir debout; redressons-nous pour progresser. Se tenant debout, Zachée dit : je donne la moitié de mes biens aux pauvres. Celui qui dès ici bas transfère à la vie future la moitié de ses biens croit qu’il vaincra après la mort. S’il est vrai de dire que seul est parfait celui expédie d’avance là où il remportera la victoire, la totalité de ce qu’il possède ici-bas, celui qui donne la moitié de ses biens est quand même le compagnon des vertus, l’escorte de la prudence, le participant de la foi, car ce que l’homme laisse là, il ne le perd pas. Et en toute vérité, mes frères, comme celui qui transfère ses biens là-bas croit qu’il vit là-bas, de la même façon, il ne croit pas qu’il remportera la victoire à cause de toi celui qui ne prépare pas ici-bas ce dont il aura besoin là- bas. Car si nous sommes à peine capables de supporter la pauvreté temporelle, qui supportera d’être mendiant pendant toute l’éternité ? Quel soldat n’envoie pas à la patrie ce qu’il a conquis à la sueur de son front en se battant, pour que le labeur de l’adolescence assure une vieillesse agréable ? Et le chrétien pour qui la vie dans le siècle est un combat, pourquoi ne pourvoit-t-il pas à ce que les périls terrestres lui procurent la consolation d’un loisir céleste ? La façon dont doit se comporter le chrétien, Zachée le démontre par la parole et par l’exemple. Je donne la moitié de mes biens aux pauvres. Et si j’ai fraudé quelqu’un je lui rends le quadruple. Celui qui distribue les biens d’autrui dilapide plus en donnant qu’en volant. Il ne tarit pas les lamentations des pleureurs, mais les provoque. J’ose dire que celui qui offre à Dieu un bien acquis frauduleusement met le comble à ses crimes; il ne les expie pas. Car, dans de pareils dons, Dieu perçoit les dépouilles des pauvres, non des gestes de miséricorde. Il pleurera devant Dieu sans espoir de gagner sa cause celui que la plainte du pauvre dénonce justement. Voici la voix de Dieu : Si tu as pris la tunique de ton frère en gage, rends-la lui avant le coucher du soleil. Comme la lumière révèle le voleur, ainsi le soleil accuse les fraudeurs. Si nous voulons offrir à Dieu nos biens, si nous voulons posséder auprès de Dieu ce qui nous appartient, méritons nous aussi d’entendre ce que Zachée a entendu : Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que lui aussi est fils d’Abraham. Le riche inhumain qui est fils d’Abraham était devenu fils de la géhenne. Et bien qu’il ait été le fils de la rapine, en donnant ses biens et en restituant les biens d’autrui, il est devenu fils adoptif d’Abraham. Que personne ne pense cependant qu’en donnant la moitié de ses biens, Zachée a atteint le faîte de la perfection. Par la suite, il a donné tous ses biens et s’est donné lui-même à Dieu . Chargé de l’honneur de l’épiscopat, il est passé de l’opulence de la table du publicain à la table du corps du Seigneur. Et abandonnant les richesses frauduleuses du monde, il a trouvé dans la pauvreté du Christ les vraies richesses du monde.
 
 
 
 

    55ième  sermon  de
   Saint     Pierre    Chrysologue

 Les préceptes de la loi, colligés en volumes et partout répandus,  ne sont pas parvenus à nous gagner à l’amour divin, en raison de la dureté du cœur des hommes.  C’est par des comparaisons et des exemples  que s’insinue  et pénètre insensiblement  l’affection que Dieu porte aux humains.  Qui parmi vous donnera une pierre à qui demande du pain à son père? Ou s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent à la place du poisson ? S’il demande un œuf,  lui donnera-t-il un scorpion ?  Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes chose à vos fils, à plus forte raison, votre Père céleste donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le demandent.     Qui parmi vous donne une pierre à celui qui demande du pain à son père ?   La charité  ne connaît pas la dissimulation..  La bonté  ignore la fraude.  L’affection n’accueille pas  le mensonge.   S’il est père,  il ne peut pas ne pas aimer.  S’il aime, il ne sait donner que ce qui est bon.   Il renie le père celui qui suspecte sa générosité.  Il ignore qu’il est fils celui qu’inquiètent  les dons paternels.   Il rejette la piété en totalité celui qui  ne croit pas que lui est salutaire tout ce que le père lui donnera.  Comment le père pourrait-il donner  des choses mauvaises au fils,   et non de bonnes choses  lui qui est toujours prêt à supporter les maux que lui inflige le fils,  qui ne refuse pas de mourir pour lui, et  qui ne recule devant aucun danger ?   Dieu donc t’a fait père.  Il a voulu que  l’homme soit procréé par toi.  Bien que,  t’ayant fait, toi, à partir de la terre, Il  aurait pu en faire un grand nombre de la même façon.     Mais Il a fait en sorte que, en engendrant,  tu connaisses la grandeur de l’affection  de celui qui engendre,  et que tu éprouves en toi l’amour de ton Auteur,   dans la mesure où,  étant toi-même auteur d’enfants,  tu t’efforces de leur consacrer toute ta vie et toutes tes énergies.   Dieu n’a pas voulu seulement que tu  ressentes en toi ce qu’est   l’amour paternel,  mais Il a voulu que tu le voies dans les bêtes sauvages,  dans les bêtes à cornes et dans les oiseaux.   Après les avoir faits de la terre par un seul commandement,  Il a les a forcés par la suite à éprouver les peines de la génération ,  à changer de patrie,  à s’emparer de lieux aptes à  devenir des gites,  à bien camoufler ou protéger  le nouveau-né, à  se consumer pour leur progéniture,  à pourvoir à leur nourriture par un travail épuisant,  et à  ne pas refuser de s’exposer à la mort pour défendre leurs petits menacés de capture.   Si donc l’exemple de l’homme ne suffit pas à te faire comprendre la sincérité de la charité paternelle,  que te l’apprenne le comportement des bêtes sauvages,  des animaux domestiques et des oiseaux.   Si donc tu crois en Dieu,  et Le reconnais Père,  crois que t’est salutaire  tout ce qu’Il te demandera et choisira pour toi .   Il n’est pas permis de contester ce que te donne ta mère.  Il ne t’est pas avantageux de  récuser les avertissements de ton père.   Le commandement du père peut avoir un aspect revêche,  mais il t’est toujours utile et profitable.    Ainsi en fut-il d’Abraham .  Il crut dans la paternité de Dieu.   Il ne s’arrêta pas à l’aspérité et à l’âpreté   du commandement.  Il reçut avec respect la circoncision.  Il ne discuta  pas les choses que le Père céleste ordonna,  mais  les jugea glorieuses.  Un infanticide est pour lui un très grand crime,  mais parce que c’est Dieu qui le commande,  il remet tout à la piété.   Quand Isaac vit  au-dessus de lui le glaive du père, il s’en est réjoui,  alors qu’il aurait pu regarder avec horreur et douleur son destin d’hostie.  La fille de Jephté également,  a accompli  en mourant dans l’action de grâces,  la promesse et le vœu de son père.   Pourquoi donc celui qui connaît Dieu ergote-t-il  au sujet des dons que lui faits Dieu,  alors que le tout petit et l’innocent enfant demande à son père  les biens présents et futurs,  au lieu de prétendre  les choisir lui-même ?

   Mais poursuivons pour découvrir pourquoi Dieu nous donne de tels exemples.   Qui parmi vous donnera une pierre à qui demande un pain à son père ?    Il aurait pu dire :  Qui donne de l’ivraie  car elle se rapproche du pain et  lui est semblable,  même si elle donne des malaises.   Mais le Christ était venu pour les fils,  i.e.,  les Juifs,  qu’Il se plaignait  en ces termes d’avoir engendrés.   J’ai engendré des fils et je m’en  suis réjoui. Mais ils m’ont méprisé.    Il était donc venu pour les fils.  Il était venu le Pain du ciel qui a dit :  Je suis le pain descendu du ciel.   Mais pour les Juifs,  Il a été changé en pierre d’achoppement, et en pierre de scandale, au dire du Seigneur :   Voici que je pose en Sion une pierre d’achoppement, et une pierre de scandale.    Pourquoi une pierre ?   Parce qu’ ils mettaient leur plaisir à mordre la pierre,  non à demander du pain au Père.  Les chiens enragés m’ont entouré.    Après qu’il ait été démontré que  les Juifs, d’hommes qu’ils étaient,  se soient transformés en chiens,  le Pain céleste s’est transformé pour eux en pierre,  non par l’impuissance du donneur, mais par la malice  du destinataire.    Ce pain  ne les rachèterait pas,  mais les tuerait.   Et placé à la base de l’édifice, le Christ  ne les hisserait pas au sommet,  mais les enfouirait dans les profondeurs de la terre, et  entraînerait la ruine de  ceux  qui complotaient le meurtre de leur Père.

 Il ajoute une autre comparaison.  Donnera-t-il un serpent au lieu d’un  poisson ?   Le Christ était également un poisson  pris du lit de la rivière du Jourdain,  déposé sur les charbons de ses souffrances,  qui, après la résurrection, a procuré aux siens, i.e. ses disciples, une nourriture salvifique.  Mais,  pour les Juifs,  ce poisson s’est changé en serpent,  au dire du Seigneur : Comme Moïse a élevé un serpent dans le désert,  le Fils de l’Homme doit être élevé de la même façon.   Les Juifs voyaient un serpent dans le Christ,  parce que l’œil de l’impie ne peut pas voir Dieu;  il ne peut pas voir sa miséricorde.   Il a employé une troisième image. :  S’il te demande un œuf,  lui donneras-tu un scorpion ?    C’est une coutume et presque un rite  que les enfants demandent des œufs à leurs parents,  et que les parents leur en donnent.    Mais  comme le Christ était venu rassembler les siens comme la poule rassemble ses poussins,  il présenta l’œuf de sa parole,  avec laquelle Il nourrirait son Eglise  de saints germes.  Mais parce qu’au lieu de s’en nourrir, le Juif voulait le gaspiller,  il y découvrit un scorpion,  d’après l’Apôtre :  Le commandement qui devait les conduire à la vie, les a amenés à la mort.    Pour illustrer sa bonté,  le Seigneur a présenté et expliqué trois exemples,  comme les témoignages de trois témoins,  pour nourrir chez les pieux la foi dans son amour,  et pour confondre les impies.    Si ces derniers  n’ont pas reçu la grâce,  ce n’est pas par  manque de charité  de la part du Père,   mais par l’absence de leur charité à eux.
 
 
 
 
 
 

56ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Me troublerait la tempête subite et confuse d’un enfantement improvisé , et m’inquiéterait l’immaturité des rejetons si, à cause du relâchement des mœurs, par le vol à main armée du pauvre, et par des coups de poignard, ceux qui ont â naître cherchaient et attrapaient en naissant des profits instantanés. De là vient que souvent le bébé, méprisant la date limite du dixième mois, abandonne, dès le septième mois, l’exiguïté de sa première maison, et la déserte complètement, pour que, nouveau combattant, il se réjouisse de s’être évincé avant le temps, avant d’avoir payé jusqu’au bout la dette de sa servitude. Et si cela est permis à la nature humaine, qui pourra l’interdire à la nature céleste et divine ? Et que ne peut l’Esprit Saint si la chair peut cela? Ou comment la grâce spirituelle n’effectue pas ce que la fragilité humaine réalise et parachève ? Saint Paul n’a-t-il pas porté douloureusement atteinte à la voie et au cœur de notre mère, pour que par un tourbillon céleste et un violent ouragan il prévienne les temps où l’Eglise devait enfanter, et naisse subitement et sur le chemin, lui qui devait indiquer aux Gentils le chemin de la foi ? Il s’appelle avec raison un avorton, et s’étonne d’être né sans avoir été porté dans le sein pendant neuf mois. Car quand, encore ennemi, il tomba à l’extérieur du sein de la sainte mère, et quand, dans sa naissance même il recueillit des gages de vénération, il fut tout d’un coup transformé en un saint rejeton, lui qui était un des plus féroces persécuteurs de cette progéniture. Même l’eunuque est régénéré par Philippe sur la route. Celui que la témérité humaine avait asservi à l’homme, la chasteté imposée l’avait accrédité dans le palais du roi. Mais la chasteté volontaire vouée à Dieu le promeut et le transfère dans la gloire du palais céleste, pour qu’il vénère et adore le Roi éternel. Bienheureux celui à qui il est donné de ne pas perdre les médailles et les rubans du palais terrestre, mais de les échanger pour de plus précieux.

Cela, c’est la raison qui le dit, mes fils, pour que vous, que nous avons reçus tout tristes du sein de votre mère, nous vous rendions au comble de la joie en un seul instant. Ecoutez la foi, apprenez la prière. Empêchés par les circonstances, nous ne pouvons pas vous révéler le mystère, et vous ne pouvez pas non plus nous redire ce qui est transmis. Contentez-vous pour le présent d’apprendre les paroles du symbole. Au temps pascal, ces choses seront enseignées plus complètement, et vous pourrez pénétrer au cœur du mystère. Recevez ce que vous voulez, envahissez ce que vous désirez, car le royaume des cieux souffre violence, et ceux qui déploient de la force s’en emparent. Recevez ce que vous voulez. Et ce dont la violence peut s’emparer, la grâce le prodigue. Le seuil de la vie, la porte du salut, l’entrée de la foi l’enseigne à merveille une profession individuelle, innocente et pure, comme le dit le Prophète : Entrez par ces portes dans la confession. Ayant reçu le même genre d’avertissement, le Prophète demande l’entrée de la maison du Dieu qui parle eu lui, en disant : Ouvrez-moi les portes de la justice, et une fois entré, je confesserai le Seigneur. Vous voyez que ne peut pas confesser Dieu celui qui n’est pas entré dans cette demeure du salut et de la foi. La confession l’y introduit, l’apostasie l’en chasse.

Mais écoutons comment nous devons confesser notre foi. L’Apôtre dit : On croit du fond du cœur pour obtenir la justice. La confession orale a en vue le salut. Et il montre ce que l’on doit croire. Si tu crois, dit-il, et si tu confesses le Seigneur Jésus dans ton cœur et de vive voix, tu seras sauvé. La foi du cœur obtient la justice, la confession orale se fait en vue du salut. Nous voyons ici, mes fils, un grand résumé de notre foi, car tout le sacrement du salut humain se joue entre le cœur et la langue. Tu as ici comment tu dois croire : croire avec le cœur pour obtenir la justice. Tu as comment tu dois professer : faire une confession orale en vue du salut. Et que dire ? L’homme qui se possède a tout en lui. Celui qui possède Dieu se possède . Il possède Dieu celui qui croit et professe que Dieu est son Auteur. Signez-vous ! La foi qui est captée par l’oreille est crue par le cœur, elle est dirigée vers le salut par la bouche, est déposée au plus intime de l’âme,. et doit être confiée aux richesses vitales de notre cœur. De peur que lorsqu’elle est écrite sans soin sur un parchemin, elle ne conduise pas des croyants à la vie, mais des perfides à la ruine. C’est en toi, homme, que tu dois conserver ce qui, à l’extérieur de toi, pourrait dépérir.
 
 
 
 
 
 

57ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Le bienheureux Isaïe, qui n’est pas moins évangéliste que prophète, déplore avoir les lèvres impures et habiter au milieu d’un peuple ayant les lèvres impures, en disant : Misérable que je suis ! Je suis tout troublé car, bien que je sois un homme et que j’aie les lèvres impures, et que j’habite au milieu d’un peuple ayant les lèvres impures, j’ai vu de mes yeux le Roi et Seigneur Sabaoth. Cet homme est foudroyé par une détresse inhumaine, parce que ce qu’il entend et voit de Dieu il ne peut pas en parler, il ne peut l’annoncer, il ne peut le déclarer. La chair se contracte, l’âme resserre les lèvres, seule la langue peut se faire pendant un bref moment l’interprète de l’esprit. Dans la chair, un feu séquestré halète, se vaporise dans les veines, enflamme les viscères, consume la moelle, incendie sans arrêt toutes les parties internes. Car ce que le mouvement passionné de l’âme contemple ne peut pas être exprimé par la bouche, ne peut pas être articulé par les lèvres, ni balbutié par la langue. En somme, il est absolument impossible d’en faire un exposé. C’est pourquoi Isaïe, quand il vit le roi du ciel qui est le Christ et perçut par une claire vision que c’est Lui qui était le Seigneur Sabaoth, déplora que ses lèvres et celles de son peuple étaient impures. Car la confession de la divinité du Christ illumine les cœurs, rince la bouche, purifie les lèvres, mais la négation de la majesté du Christ les pollue. Mais écoutons le gémissement émis par ce prophète : Et m’a été envoyé un des séraphins, qui tenait dans sa main un charbon, qu’il avait pris de l’autel avec des tenailles , et il toucha mes lèvres en disant : voici que tes lèvres ont été touchées par ce charbon : il a enlevé tes iniquités, et t’a purgé de tes péchés sur tout le pourtour de tes lèvres. Ce n’est pas le moment de se demander pourquoi un seul a été envoyé, et quel est celui qui a été envoyé, et quelle est la grandeur de celui qui manipule ainsi sans crainte le charbon du feu céleste, et qui va même jusqu’à tempérer l’ardeur du feu en le touchant, de façon à purifier les lèvres du prophète et non à les calciner.

Mais nous maintenant, avec toute la ferveur de notre âme, suscitons en nous des sentiments de componction , et dans cette misère de notre chair, reconnaissons que nous sommes misérables, et déplorons par de pieux gémissements que nous avons des lèvres impures, pour qu’un de ces séraphins, avec les tenailles de la loi de la grâce, nous apporte de l’autel céleste le sacrement igné de la foi. Pour qu’en calmant l’ardeur du feu, il touche les commissures de nos lèvres, enlève les iniquités, nous purge de nos péchés, et allume ainsi dans notre bouche la flamme d’une confession pleine et entière. Pour qu’il nous apporte le salut et non la torture. Demandons aussi que, jusqu’à nos cœurs, parvienne la chaleur de ce charbon, pour que la suavité d’un tel mystère ne soit pas seulement goûtée par les lèvres, mais que les sens et l’esprit en soient rassasiés. Après la purification des lèvres, Isaïe parle de l’enfantement ineffable de la Vierge en ces mots : Voici qu’une Vierge recevra dans l’utérus et enfantera un Fils. De la même façon nous, nous proclamons la gloire du sacrement de la passion et de la résurrection.

Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant. C’est avec raison qu’aujourd’hui, vous professez croire en Dieu en vous réjouissant d’avoir fui des dieux et des déesses sexués et de sexe opposé, d’un nombre indéterminé, populaciers, sans noblesse d’âme, célèbres par leurs turpitudes, d’une impiété consommée et l’emportant sur tous par leurs infamies. Ils ont atteint la notoriété par leurs crimes, et ont été convaincus, par leurs tombeaux, de n’être que des hommes . Car c’est le comble de la misère, de la douleur et du malheur d’avoir supporté la domination de tels et de si nombreux esclaves. Mais vous vous réjouissez d’être parvenus à un Dieu qui est unique, vivant et vrai, mais non solitaire, en disant : Je crois en Dieu le Père. Il confesse déjà le Fils celui qui nomme le Père. Car Celui qui a voulu être appelé et être dit Père montre le plus naturellement du monde qu’Il a un Fils, qu’Il n’a pas reçu du temps, qu’Il n’a pas engendré dans le temps, et n’a pas accueilli pour un temps déterminé. La divinité ne reçoit pas de commencement, et ne subit pas de fin. Elle n’admet pas de succession celle qui n’a pas de déclin. Dieu n’a pas enfanté un Fils dans les douleurs, mais Le rend présent par sa puissance. Celui qui vient de Lui, Il ne L’a pas fait à partir que de quelque chose situé en dehors de Lui , mais Il L’a engendré. Dans la mesure où Il est en Lui-même, Il Le manifeste et Le révèle. Le Fils procède du Père sans s’en éloigner. Il n’est pas né pour succéder au Père, mais pour demeurer toujours dans le Père. Ecoute Jean qui dit : Il était au commencement. Et ailleurs : Celui qui fut depuis le début. De toute évidence, Celui qui était n’est pas devenu. Il est clair que Celui qui fut n’a pas commencé à être. Je suis, est-il dit, le Premier, et je suis le Dernier. Celui qui est le premier ne vient pas après un autre. Celui qui est le dernier ne laisse personne après Lui. Mais en disant cela, Il n’exclut pas le Père, mais renferme tout en Lui et dans le Père.

Mais accédons à ce qui suit : Et dans le Christ Jésus son Fils Unique, notre Seigneur. Comme les empereurs sont appelés d’après les titres de leurs triomphes, et ont conquis de nombreux surnoms par les noms des peuples qu’ils ont subjugués, de la même façon, le Christ est nommé d’après les titres de ses bienfaits. De l’onction, Il est appelé oint, Lui qui, en tant que pieux médecin, répand l’onguent de la divinité sur les membres asséchés des mortels. Et comme le Christ est appelé Oint à cause de l’onction, Il est appelé Jésus à cause de salut, car Il nous a appliqué l’onguent divin pour apporter la certitude du salut aux malades, et l’éternité de la santé aux moribonds. Et dans le Christ Jésus, son fils unique. Même si nombreux sont ceux qui sont fils par la grâce, Un seul l’est par nature. Notre Seigneur. Il a cherché à nous libérer de l’esclavage d’une foule de maîtres cruels et ignobles, et sa victoire ne nous ramène pas à notre condition primitive, mais nous envoie sous bonne garde vers la liberté perpétuelle.

Qui est né du Saint-Esprit. Telle est la façon dont le Christ est né pour toi, afin que devenu homme, Il change pour toi l’ordre de la naissance, et soit pour toi une nouvelle naissance dans la vie, toi chez qui demeurait toujours dans la mort l’antique décadence. Qui est né du Saint-Esprit de la Vierge Marie. L’Esprit engendre, la vierge enfante. C’est une action toute divine : rien là d’humain. L’infirmité n’a pas sa place là où la Vertu se joint à la vertu. Adam a été endormi pour qu’une vierge soit tirée de l’homme. La Vierge est tombée en extase pour que l’homme soit réparé à partir de la Vierge. Qu’est-ce qu’une telle naissance permet à la nature de revendiquer ? Pendant qu’elle voit se renouveler son ordre, elle constate que tous ses droits sont transformés; elle réalise dans l’étonnement que son Auteur est venu dans sa descendance. Les perfides regardent cela avec dédain, mais les croyants y voient un grand sacrement. Qui a été crucifié et enseveli sous Ponce Pilate. Tu entends le nom du juge pour que tu reconnaisses le temps de la passion. Tu entends qu’Il a été crucifié pour que tu reconnaisses, qu’en périssant, Il a nous a restitué le salut que nous avions perdu, et pour que tu voies que la Vie des croyants pend là où la mort des perfides L’avait suspendu. Tu entends dire qu’Il a été enseveli, pour qu’on ne puisse pas mettre en doute la réalité de sa mort. En ceci apparaît la vertu divine : quand la mort est morte par la mort, l’auteur de la mort est tronqué par sa propre épée, le prédateur est attrapé par sa proie, l’enfer est dépecé et englouti par la vie. Le troisième jour, il est ressuscité des morts. Ces trois jours de sépulture le Christ les a passés en voyageant dans trois demeures : l’enfer, la terre et le ciel. Dans le ciel, pour préparer des places pour ses élus, sur la terre, pour réparer ce qu’il y avait à réparer, et dans l’enfer pour apporter la rédemption. En même temps, par ce triple sacrement, Il a révélé aux hommes la grâce de la Trinité donnée pour le salut. Il est monté aux cieux. Il n’est pas monté pour se rapatrier Lui qui demeure toujours dans le ciel, mais pour t’y amener, toi qu’Il a absous quand tu étais vaincu, et t’a arraché de l’enfer. Comprends pour que toi, qui es un homme, tu sois élevé par Dieu, pour que tu obtiennes la stabilité dans les cieux, toi qui étais dissolu et chancelant sur la terre. Il est assis à la droite du Père. Mais le Père n’a rien à sa gauche. Notre profession de foi ne porte pas sur des lieux divins plus ou moins honorables, mais sur le signe de la puissance divine. Dieu ne se déplace pas, la Divinité ne se connaît pas de gauche. D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Passe pour les vivants, mais les morts comment pourra-t-Il les juger ? Mais ils vivent ceux que nous comptons au nombre des morts. Croyez donc qu’ils ressusciteront pour être jugés, ceux que l’infidélité estime être anéantis. Pour que ceux qui ont été morts, et sont trouvés vivants, rendent compte eux aussi de leur vie et de leurs actes.

Je crois dans le Saint-Esprit. Après avoir confessé le sacrement de l’incarnation, il te faut confesser la divinité du Saint-Esprit, pour que l’unité harmonisée de la Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit conserve et garde, dans notre confession, la vérité intégrale de la vertu de foi. La sainte église catholique. Car la tête n’est pas séparée des membres, ni l’époux de l’épouse. Mais par une telle unification réalisée par l’Esprit, Dieu devient un, Il devient toutes choses et est en toutes choses. Donc, celui-là croit en Dieu qui confesse en Dieu la sainte église. Et la rémission des péchés. Il s’accorde à lui-même le pardon celui qui croit que le Christ peut lui remettre ses péchés. La résurrection de la chair. Tu crois correctement si tu crois que Dieu peut te ressusciter de la mort, toi en qui les éléments se renouvellent constamment. Comme le temps vient du temps, le jour de la nuit, de la même façon, la semence vient de la sépulture. Tu ne pourras pas périr tant que ces choses reprennent vie. Il n’est pas difficile à Dieu de faire de toi, parvenu à la vieillesse, ce que tu fais toujours toi-même de la semence. La vie éternelle. Cette foi, ce sacrement ne doit pas être confié à des parchemins, ne doit pas être écrit avec des lettres, car les lettres des parchemins plaident plus éloquemment en faveur de l’accusation que du pardon. En vérité, là où est la grâce de Dieu , le don divin, la foi suffit pour garder le pacte, la noblesse du cœur suffit pour conserver le secret. De cette façon, l’arbitre divin connaîtra ce symbole de salut, ce pacte divin, et le faux témoin l’ignorera. Signez-vous ! Que le Seigneur notre Dieu Lui-même garde vos sens et votre cœur, et dans les choses qu’Il vous prescrit, qu’Il vous vienne en aide et vous assiste !

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58ième sermon de

SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE
 
 
 
 

Celui qui cherche la foi ne cherche pas la raison. Celui qui demande les choses divines dépose les choses humaines. Celui qui naît du Dieu Père transcende la nature; et ne doit rien au temps celui qui mérite l’Auteur du temps. Nous constatons que vous voulez que les germes pieux de la foi naissent avant d’avoir été conçus, que vous désirez prendre part au royaume des cieux avant d’avoir éprouvé les douleurs de l’enfantement, que vous aspirez aux joies de la patrie avant d’avoir traversé les souffrances de la maternité. Et vous n’estimez pas être un avortement une naissance que vous jugez naturelle, et que vous attribuez au Christ. L’Apôtre Paul, qui est né adulte par la foi, se proclamait un avorton né avant le temps. Recevez donc la foi par la seule foi. Ne demandez pas que vous soit élucidée la raison de votre foi, puisque cette raison vous vous êtes hâtés de l’enclore dans votre foi. C’est à la foi, mes fils, qu’aujourd’hui la foi de votre Auteur invite, qui remplit la foi de sa promesse avant qu’Il reçoive la foi de votre engagement solennel. Et Il a restitué cela aux choses humaines, comme Il l’avait promis autrefois par cette parole du Prophète : Dilate ta bouche et je l’emplirai. Ce qui signifie : dilate ta bouche en professant ta foi, et je l’emplirai du sacrement de cette confession; je l’enrichirai d’un discours mystique, et je la remplirai de toute l’éloquence des secrets célestes. Et en vérité, mes frères, tout ce que professe l’obéissance de celui qui écoute la parole de Dieu et y donne son assentiment rejaillit sur la grâce du Dieu qui donne et qui enseigne.

Etant sur le point donc de recevoir le symbole, c’est-à-dire le pacte de la vie, les maximes du salut, et un lien indissoluble entre vous et le Dieu de la foi, préparez votre cœur, non un papier lustré, aiguisez votre ouïe non votre plume, et n’écrivez pas avec de l’encre les paroles que vous entendez, mais avec l’aide de l’Esprit. Car le secret céleste éternel ne peut pas être confié à des instruments caducs et corruptibles, mais doit être logé dans l’arche de l’âme, dans la bibliothèque de l’esprit qui est en nous, de peur que ne survienne un juge profane, un indigne raisonneur qui le défigurerait. Ce qui a été donné pour le salut de celui qui croit et qui pratique deviendrait la ruine de l’ignorant et de l’incroyant. Mais au Prophète qui te dit : Dilate ta bouche et je l’emplirai, tu peux répondre : J’ai caché dans mon cœur tes paroles pour que je ne pèche pas contre toi.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant. Celui qui a confessé le Père confesse aussi le Fils, parce que sans Fils Il ne peut pas être dit Père. Dieu ne peut recevoir ni augmentation ni agrandissement : le Fils a toujours été parce que le Père a toujours été. Le Fils ne connaît pas de commencement parce que le Père ne connaît pas de fin. L’engendré croît sans que vieillisse l’Engendreur. La substance éternelle et coéternelle du Père et du Fils ne peut pas être pensée dans des catégories humaines, elle relève de la puissance infinie de Dieu. Dans le Christ Jésus son Fils unique, notre Seigneur. Ne va pas t’imaginer que le Christ a été oint d’une huile ordinaire, mais d’une huile sainte qui L’a fait naître du Saint Esprit. Qui est né du Saint-Esprit. Par une telle nativité, l’humanité est consacrée en Dieu, mais une telle dignité ne diminue pas en l’homme la divinité. Qui est né du Saint-Esprit de la Vierge Marie. La virginité a cru en Dieu, car ce n’est que par Dieu que la même femme a pu être vierge et mère. Qui a été crucifié sous Ponce Pilate et enseveli. Il indique le juge pour désigner le temps. Il mentionne qu’Il a été crucifié pour nous présenter la valeur de sa passion. Et ainsi la foi réunit la preuve de la divine vertu et de la vraie résurrection, là où l’impiété conjecture un motif d’ignominie et une occasion d’erreur. Crucifié sur la croix, et élevé bien haut à la vue de tous ses ennemis qui jetaient sur Lui des regards farouches, Il a reçu la mort. Il a subi la sépulture, pour que les impies ne l’accusent pas d’avoir feint la mort afin de tromper tout le monde, et ne nient pas qu’Il a connu la mort pour vaincre la mort. Enseveli, Il est ressuscité le troisième jour. Et si sa passion nous a démonté qu’Il avait la vraie substance de notre chair, la figure de trois jours nous indique qu’Il est ressuscité à la gloire totale de la très sainte Trinité. Il est monté aux cieux. Il n’est pas monté en se transportant, en se déplaçant Lui qui ne s’est jamais éloigné du Ciel. Il s’assoit à la droite du Père. Il ne s’agit pas ici d’un protocole humain, mais d’un rang divin. Ainsi, le Fils s’assoit à droite pour que le Père ne s’assoie pas à gauche.La façon dont Dieu siège lui est particulière et n’a rien de commun avec la nôtre. Le Tout-Puissant ne peut pas avoir près de Lui une gauche sinistre. (la gauche en latin se dit : sinistra) D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Que les hommes cessent, que les hérétiques cessent de juger leur Juge ! Qu’ils espèrent le pardon, qu’une telle présomption n’entraîne pas leur condamnation ! Je crois dans le Saint Esprit. Ta confession se parfait dans la confession de la Trinité, quand ta parole confesse fidèlement le Saint Esprit qui avec le Père et le Fils est d’une seule et même substance. Et la sainte église. Car elle est unie au Christ d’une façon telle qu’elle est transférée dans toute la gloire de la divinité. La rémission des péchés. Acquiers par ta foi le pardon, car il est grandement ennemi de lui-même celui qui ne croit pas pouvoir se donner à lui-même ce que promet la bénignité de Celui qui accorde libéralement le pardon. La résurrection de la chair. Crois en la résurrection de la chair, car celui qui n’y croit pas n’a pas foi dans les prédictions, comme celle de l’Apôtre : Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ n’est pas ressuscité non plus. Quels sont ceux que Dieu jugera, sur qui règnera-t-Il si la résurrection ne rend pas à la vie, au jugement, ce que la mort a enlevé au monde ? La vie éternelle. Il est évident que la vie éternelle succédera à la mort de la mort.
 
 
 
 
 
 
 
 

59ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 
 
 

Vous avez entendu la voix du Père, vous avez entendu la voix de Celui qui appelle. Venez, fils, venez, venez, parce qu’est arrivé le temps de la foi, le jour de la croyance, l’heure de la confession. Venez, vous qui demandez la foi, apportez un cœur sincère, une âme purifiée, une voix honnête , pour qu’une sainte écoute vous permette de saisir ce que vous communique notre parole de salut. La foi vient de l’écoute, l’écoute procède de la parole. Les articles de la foi, le pacte de la grâce, le symbole du salut pénétrez-en le sens en toute simplicité, pour qu’au moment de la confession, vous puissiez non seulement l’écouter mais en témoigner. Car le savoir par cœur c’est le posséder. Celui qui peut redonner le don divin ne l’a pas perdu. Avant de donner la loi Dieu a ordonné que le peuple se lave et lave ses vêtements, qu’il se purifie intégralement de toute contagion charnelle, parce que l’homme ne peut pas approcher de Dieu le corps tout barbouillé, pollué par une crasse mondaine. Si la loi, qui est l’ombre et la figure de la grâce, a raison d’exiger une telle purification, une telle pureté, à ceux qu’est présentée la totalité du sacrement de la divinité, quelle pureté du corps et de l’âme ne faut-il pas ! Purifions donc nos cœurs, mortifions nos corps, ouvrons-nous les yeux, taillons nos sens jusqu’au vif, ouvrons toutes grandes les portes de notre âme. pour que nous puissions entendre, comprendre, retenir, et garder secret dans le plus intime de notre cœur le symbole qui est le pacte de la foi.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant. Nous croyons en Dieu si nous rejetons les dieux, si nous renonçons aux idoles, si nous renions le diable et ses anges. Ecoute Israël, est-il dit, le Seigneur ton Dieu est unique. Et de nouveau : Tu n’auras pas d’autres dieux en dehors de Moi. Il aura donc le Dieu vrai, le Dieu unique celui qui n’aura pas d’autres dieux. Nous croyons en Dieu et nous confessons qu’il est Père, pour que nous croyions qu’Il a toujours eu un Fils. Il a eu un Fils sans le concevoir, sans l’ébaucher, un Fils qui n’a pas grandi au cours des années, qui n’est pas inférieur en dignité, qui ne vieillit pas, mais qui demeure, en tant que Fils, pendant toute l’éternité dans le Père éternel. Je suis dans le Père, est-il dit, et le Père en moi. Nous avons entendu parler du Père, croyons aussi dans le Fils qui est né par la vertu divine, d’une façon qui n’est pas humaine, mais divine et mystérieuse, non d’après la raison mondaine, non d’après la loi du siècle, mais par une puissance suprême. Il n’est pas permis de discuter ce qu’il est permis de savoir. Il ne convient pas de disséquer ce qu’il convient de croire. C’est parce que nous pensons que rien n’est impossible à Dieu que nous disons que Dieu est tout-puissant. Et en Jésus-Christ son fils unique notre Seigneur. Il est appelé oint à cause de l’onction, comme il est appelé Sauveur (Jésus) à cause du salut. Parce que l’onction des rois, des prophètes et des prêtres qui autrefois était donnée en figure est répandue dans toute la plénitude de la divinité de l’Esprit sur ce Roi des rois, sur ce Prêtre des prêtres, sur ce Prophète des prophètes. Pour que le royaume et le sacerdoce qu’Il avait envoyés préalablement dans le temps par l’intermédiaire d’autrui, refluent et retournent à leur Auteur éternel. Et Jésus, c’est-à-dire le Sauveur, est correctement appelé salut, parce qu’après avoir donné l’être aux humains, Il a sauvé ceux qui périssaient. Son fils unique. C’est en Lui-même que se trouve son Fils unique, qui est le seul à posséder par nature ce qu’Il donne aux autres par sa grâce. Notre Seigneur. Comme nous l’avons déjà dit, le Seigneur est Dieu. L’unité de la divinité subsiste dans le Christ, car tout ce qui en Lui relève de l’humanité et de la divinité est un seul Dieu. La diversité des substances a disparu dans le Christ là où la chair a commencé à être ce qu’est l’esprit, l’Homme ce qu’est Dieu, et là où notre corps et la divinité sont une seule Majesté. Qui est né du Saint-Esprit de la Vierge Marie. Qu’y a-t-il de terrestre dans une naissance où une vierge est appelée à enfanter sous l’opération du Saint-Esprit ? Qui ne considérera pas divine cette naissance quand celle qui enfante n’éprouve rien d’humain ? La femme portait Dieu dans le temple de sa virginité. Voilà pourquoi elle acquit l’honneur de la maternité, sans perdre la gloire de la virginité. Qui a été crucifié sons Ponce Pilate et a été enseveli. Nous disons le nom du juge pour indiquer le temps de la passion et marquer le caractère historique de l’évènement. Il a été crucifié. Pour que comme la mort était venue du bois, la vie revienne du bois. Et il a été enseveli. Pour remplir toutes les exigences de la mort, pour que la mort meure par la mort, pour que de la semence de ce corps, toutes les semailles des corps humains poussent et lèvent pour une moisson vivante. Le troisième jour Il est ressuscité des morts. Pour que dans les trois jours soit manifesté le don de la Trinité, pour que par ces trois jours, soit sauvée la génération humaine des trois époques : avant la loi, sous la loi, et dans la grâce. Il est monté aux cieux. Non comme y allant, mais comme y retournant, car personne ne monte au ciel si ce n’est celui qui en est descendu. Il est assis à la droite du Père. Mais Il n’a pas le Père à sa gauche. Le trône de la Divinité ne comporte aucune gauche. Il est assis à la droite du Père. Comme étant d’une seule divinité avec le Père. Il est assis à la droite du Père. Pour qu’Il ne soit pas inférieur par le rang ni second en dignité, mais qu’Il règne en commun avec le Père dans l’unité de la divinité et dans l’égalité de la puissance, comme il est écrit : Moi et le Père nous sommes un. D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Si nous croyons que le Juge va venir, préparons-nous pour être innocentés par le Juge. Il nie l’existence d’un Juge celui qui ne croit pas qu’Il viendra. Celui qui vit mal montre assez clairement qu’il fait fi du jugement. Il juge les vivants et les morts, les morts i.e. ceux qu’il ressuscite précisément dans le but de les juger.

Je crois dans le Saint-Esprit. Jusqu’à présent, nous avons confessé le mystère de la nativité de Notre-Seigneur, de sa passion, de sa résurrection, de son ascension et de sa venue à la fin du monde. Venons-en maintenant à la confession du Saint-Esprit. Nous croyons du Saint-Esprit ce que nous croyons du Père et du Fils, car nous prêchons dans la Trinité une seule divinité, une seule puissance, une seule gloire. Et la sainte église. Nous croyons aussi dans l’église que le Christ a reçue et confirmée, et nous proclamons sa gloire. La rémission des péchés. Celui qui renaîtra pour devenir un autre homme, qu’aura-t-il encore de la faute antique, du péché atavique ? Celui qui ne croit pas que ses fautes passées lui sont remises n’est pas certain de posséder les biens futurs. La résurrection de la chair. Crois o homme que tu peux ressusciter de la mort, parce qu’avant de vivre tu n’étais rien. Ou pourquoi doutes-tu que tu ressusciteras, lorsque tout ce qui est dans les choses ressuscite à chaque jour sous tes yeux ? Le soleil disparaît et réapparait; le jour est enseveli et revient à la vie. Les mois, les années, les époques, les fruits, les plantes meurent quand ils s’en vont; et quand ils reviennent, il revivent à partir de leur propre mort. Comme l’exemple du perpétuel retour printanier t’enseigne que tu vas ressusciter, à chaque fois que tu d’endors et que tu te réveilles tu meurs et tu ressuscites. La vie éternelle. Amen. Il est forcé que celui qui ressuscite vive éternellement, car s’il ne vivait pas éternellement il ne ressusciterait pas pour la vie mais pour la mort. Signez-vous ! Ce pacte de l’espérance, cette charte du salut, ce symbole de vie, ce garant de la foi que l’esprit le retienne, que la mémoire le conserve, de peur qu’un vil parchemin ne discrédite le don précieux de la divinité; de peur qu’un auditeur indigne et profane n’ait sous ses yeux le secret de Dieu. Si votre charité m’écoutait toujours ainsi en silence, vous pourriez saisir les moindres détails de mon sermon. Que le Seigneur Jésus me donne à moi la confiance voulue pour parler, et à vous, le désir d’entendre !

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60 ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Si la supplication spontanée et la foi subite de la Cananéenne a obtenu, avec l’aide du Christ, ce qu’elle demandait, et a extorqué ce qui lui était refusé; si l’eunuque éthiopien a découvert le mystère du bain de vie en marchant sur la route, et s’en est emparé en passant ; si le centurion Corneille est parvenu au Christ avant d’entrer dans le baptême; si le larron a envahi le paradis à l’article de la mort, qui vous déniera à vous aussi la vie que vous recherchez en un court laps de temps ? Recevez donc la foi de la foi. Et pour que vous puissiez savoir le mystère de la foi, trimez dur au fur et à mesure qu’approche le temps. Sur le point d’apporter la loi, Moïse invoque le ciel et la terre. Que demandera le prêtre sur le point de communiquer la grâce ? Lui dit : Regarde au ciel, et je parlerai, et la terre entendra mes paroles de ta bouche. Moi je dirai : Regarde, Dieu, je parle, et que l’homme entende les paroles de ma bouche ! Lui a dit : Que mon discours soit désiré comme la pluie, et que mes paroles descendent comme la rosée. Et moi je dirai : Que ton esprit vienne comme la rosée, et que comme un fleuve ta grâce nous inonde; qu’elle arrive aujourd’hui l’onde céleste du Verbe jaillissant en vie éternelle ! Il a dit : Parce qu’il a invoqué le nom de Dieu, magnifiez notre Dieu ! Et moi je dis : Parce que j’ai invoqué la foi, faites confiance à votre Dieu ! Et parce que les navires de nos corps sont maintenus en bon état grâce au jeûne du Carême, il est nécessaire que nous disions déjà la charte de la foi, le symbole du commerce céleste, pour que la certitude de notre espérance conquière au dépends du monde des gains qui demeurent, sur toutes les plaines liquides, et les flots infidèles du monde. Recevez donc la foi, et attendez-en le résultat ! Car celui dont la foi n’a pas précédé, à l’état de semence, ne trouvera pas dans le fruit ce que promet la foi. Signez-vous ! Le sermon crée l’audition, l’audition conçoit la foi, la foi enfante l’assurance, la certitude nourrit la confession, la confession donne le salut perpétuel. On peut donc dire que ce qui s’est passé dans ma bouche se passe dans votre bouche. Comme la foi s’embrasse elle-même, la confiance s’embrasse elle aussi elle-même. Ainsi, le salut se salut avec le baiser de la confession.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant. Cette phrase vous déclare et vous ouvre tout le sacrement de la Trinité. Il dit Dieu, non des dieux, parce que la foi chrétienne croit un seul Dieu dans la Trinité. Elle connaît le Père, elle connaît le Fils, elle connaît le Saint-Esprit, mais elle ne connaît pas des dieux. La divinité est trine en personnes, mais elle est une dans la Trinité. La Trinité est distincte dans les Personnes, mais elle n’est pas divisée par les substances. Dieu est unique, mais dans une trinité, Il est seul mais Il n’est pas solitaire. Ni la divinité ni la trinité ne se divisent, et l’unité n’implique aucune confusion. Voilà ce que croit la foi quand elle dit : Je crois en Dieu. Pour ajouter tout de suite après : Le Père. Celui qui croit que le Père existe confesse le Fils. Que celui qui croit dans le Père et le Fils ne pense pas à l’âge, n’imagine pas des degrés, ne recherche pas de durée temporelle, ne soupçonne pas un fœtus, ne visualise pas un enfantement. Celui qui croit en Dieu confesse des choses divines, non des choses humaines.

Mais dit l’hérétique : comment peut-Il être Père s’Il n’a pas précédé le Fils ? Comment peut-Il être Fils s’il ne vient pas après le Père ? Comment peut-Il engendrer sans donner de commencement ? Comment celui qui est engendré ne reçoit-Il pas un commencement d’être de Celui qui l’engendre ? Voilà ce qu’enseigne la raison, voilà ce que proclame la nature. Tu te trompes, hérétique, c’est la raison humaine qui enseigne cela, mais non la divine. C’est la nature du monde qui est ainsi faite, mais non la nature divine. C’est la fragilité humaine qui est conçue et conçoit, est enfantée et enfante, est engendrée et engendre, qui reçoit un commencement et donne une fin, qui subit la mort, et est refoulée, et qui conserve dans sa descendance tout ce qui appartient à la condition et à la nature humaine. Dieu le Père n’engendre pas dans le temps, parce qu’Il ne connaît pas le temps. Il n’a pas donné de commencement Lui qui ne connaît pas de commencement. Il n’a pas franchi un terme, Lui qui ne connaît pas de fin. Mais Il a engendré son Fils de Lui-même de façon à ce que tout ce qui était en Lui soit et demeure dans le Fils. L’honneur de l’Engendré est l’honneur de l’Engendreur; la perfection de l’Engendré est la substance de l’Engendreur. Toute diminution de l’Engendré se révèle être une injure faite à l’Engendreur. Mais en entendant cela, hérétique, ne va pas dire : Comment est tout cela ? Tu as dit Dieu, tu as cru dans le Père, tu as confessé le Tout-Puissant. Si tu doutes, tu es un menteur. Si tu dis : je crois, pourquoi ne crois-tu pas ? Si tu discutes, si tu penses que c’est impossible, le Tout-Puissant que tu as confessé tu Le rejettes. Mais nous qui confessons que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont d’une seule majesté et d’une seule gloire, passons à la foi dans le Corps du Seigneur.

Et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur. Après que le Fils de Dieu, comme la pluie sur le poil, s’est répandu dans notre chair avec tout l’onguent de sa divinité, le Christ a reçu son mon du mot onguent. Et Il est le seul auteur de ce nom. Cette huile a été répandue et infusée par Dieu de telle façon que l’homme et Dieu soient un seul Dieu. Et le nom de cet onguent s’est appliqué à nous qui portons le nom de chrétiens. Et s’est réalisé ce que l’on chante dans le cantique des cantiques : Ton nom est un onguent répandu. Et en Jésus-Christ son Fils unique. L’un est le nom du sacrement, l’autre du triomphe. Car comme l’oint de Dieu tire son nom de l’onction, quand Il a rendu au monde le salut qui avait été perdu, (en nous sauvant) Il a reçu le nom de Sauveur . Nous avons souvent répété que ce qui se dit Jésus en langue hébraïque se dit sauveur en langue latine. Et en Jésus-Christ son Fils. Le Fils de qui ? De toute évidence, du Père. Donc, quand tu dis : en Jésus, son Fils, tu confesses que Jésus, qui est né de Marie, est Fils de Dieu. Veille à ne plus penser qu’Il fut un homme, mais à o toujours confesser qu’Il est Dieu, selon la parole de l’Apôtre : Et si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant ainsi. Unique, notre Seigneur. Ceci convient à l’un et à l’autre, parce qu’Il est l’unique du Père et notre unique Seigneur. D’autres ont reçu par la grâce d’être fils et seigneur; seul le Christ a et possède d’être Fils et Seigneur par nature. Qui est né du Saint-Esprit de la vierge Marie. D’après l’Evangéliste, ce qui est né en elle est né du Saint-Esprit. Puisque l’Esprit est Dieu, que l’hérétique confesse que c’est Dieu qui est né d’une chair vierge. Et le mystère céleste, l’enfantement de la virginité, qu’il ne le ravale pas aux songeries du monde, qu’il ne lui fasse pas l’injure de le ramener à la fragilité terrestre. Qui a été crucifié sous Ponce Pilate et a été enseveli. Tu entends le nom du juge pour connaître le temps de la passion. Tu entends qu’Il a été crucifié, pour que l’ignominie de sa mort te fasse sentir la grandeur de sa charité, et que tu saches que la mort qui est venue par le bois a été mise à mort par le bois; et que tu croies que de plus grandes choses te sont rendues par l’arbre du Paradis que celles que tu regrettais avoir perdues par l’arbre du paradis. Tu dis qu’Il a été enseveli, pour que la profession de la sépulture démontre non une apparence mais la réalité de la chair et de la mort du Christ . Pour qu’elle prouve qu’Il a reçu la mort pour la vaincre, pour entrer dans les enfers et en ressortir; qu’Il est venu là où le Tartare exerce sa justice pour abolir les droits du Tartare. Cela n’est pas de la fragilité, mais de la puissance. Tu confesseras qu’Il est ressuscité le troisième jour, pour que tu comprennes que la résurrection du Christ a été la victoire de toute la Trinité. Tu dis qu’Il est monté au ciel, pour que tu Le croies le Seigneur du ciel, pour que tu confesses qu’Il est retourné d’où Il venait. Parce qu’après avoir vaincu le démon, terrassé la mort, libéré le monde, le Christ que l’on croyait vaincu sur la terre triomphe au plus haut des cieux. Tu proclames qu’Il est assis à la droite du Père. Pour que la déité du Père et du Fils étant une, égale leur puissance, il n’y ait pas sur le trône céleste l’injure d’un siège à gauche. D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Parce qu’à l’arrivée du Christ, les morts ressusciteront, les vivants se tiendront debout pour qu’ils rendent également compte de leurs actions.

Et parce que nous avons déjà dit le sacrement du corps du Christ, passons à la confession de la divinité du Saint-Esprit. Je crois en l’Esprit Saint, que le Prophète célèbre comme le coopérateur du Père et du Fils : Les cieux ont été affermis par la parole de Dieu, et par l’Esprit de sa bouche, toute leur vertu. C’est le Dieu entier, c’est la totalité du pouvoir de Dieu que l’on prouve être le Créateur de toutes les vertus célestes. Nous croyons en la sainte Eglise. Le Christ l’a reçue en Lui de telle manière qu’il l’a rendue participante de sa divinité. Nous croyons en la rémission des péchés. Car celui qui par le Christ et l’Eglise naîtra à une nouvelle humanité n’aura plus rien du péché antique. Nous croyons à la résurrection de la chair. Nous croyons que le Christ a souffert, est mort et est ressuscité pour que nous ressuscitions des morts. Elle ressuscitera, elle ressuscitera la chair, telle que nous sommes nous-mêmes, pour que l’on puisse reconnaître les personnes, pour que le martyr aussi retire de la joie de la peine que lui a infligée son persécuteur, et que le persécuteur trouve son supplice dans les honneurs rendus au martyr. Nous croyons en la vie éternelle. Parce qu’après la résurrection, ce ne sera pas la fin des biens et des maux. Signez-vous ! La foi que nous croyons et que nous enseignons ne la confions pas à une plume mais au Saint-Esprit, non à un parchemin mais à notre cœur. Déposons-la dans notre mémoire, non dans un livre, pour que les choses humaines ne violent pas le don divin, pour qu’un profane ne s’arroge pas le droit de juger un secret céleste, afin que ce qui conduit les croyants à la vie ne mène pas les perfides à leur perdition. Le soleil n’apporte pas de lumière aux yeux chassieux, mais de l’obscurité. Le vin ne répare pas les forces de ceux qui ont la fièvre, il les énerve. Sans médecin, un remède qui devait donner la vie procure la mort. De la même façon, le sacrement de la foi sans la foi est dommageable à l’âme des perfides. Comme le dit l’Apôtre : La foi est reçue de l’audition et l’audition de la parole. Et la charte de la vie, le pacte de la foi ne sont pas imprimés sur des sens qui vont mourir mais qui sont vivaces..
 
 
 
 
 
 

61ième sermon de

SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE
 
 
 
 

Si la conversion subite et imprévue de saint Paul n’était pas pour moi matière à consolation, j’aurais de la difficulté à croire que vous puissiez passer si facilement de la souillure terrestre à la gloire céleste. Car une confession subite a fait d’un persécuteur un apôtre, et a donné à l’Eglise un docteur insigne, lui qui, écumant de rage à l’énoncé du mot chrétien, dévastait l’église avant de la défendre Ne m’encourage pas moins l’exemple de cet eunuque que la foi a ravi pour le mener à la grâce, avant que son char le ramène chez lui en Inde. S’est produit aussi ce témoignage étonnant du larron qui s’est emparé du paradis quand il était suspendu pour expier ses vols à main armée. Pour préparer, mes fils, le jour de votre régénération, nous ne pouvons pas dire ce qui est nécessaire, et vous ne pouvez pas écouter ce qu’il faut entendre. Mais confiant la foi à foi, nous transmettons brièvement ce que nous ne pouvons pas commenter plus longuement. Car comment pouvez-vous connaître le sacrement du symbole que nous vous présentons quand vous pouvez à peine le retenir de mémoire. ? Nous ne vous donnons que ce seul avertissement : que personne ne consigne par écrit ce qui doit être confié au cœur, pour stimuler la foi. On croit avec le cœur en vue de la justice, la confession orale se fait en vue du salut. Sur le point d’entendre le contenu de la foi, la norme de la croyance, l’ordre dans lequel se fait la confession, disposez à la fois votre corps et votre cœur à écouter. Comme une source au faible débit s’élargit par l’afflux convergeant de plusieurs rivières, de la même façon la foi, depuis la brièveté d’un sermon sur le symbole, élargit considérablement les chemins de la croyance. Et comme une racine fixée en profondeur fait monter la sève jusqu’aux bourgeons, de la même façon la foi qui est enracinée dans le cœur s’élève jusqu’au sommet de la croyance. Expurgez donc de vos cœurs la fange de la perfidie, pour que s’écoule de façon uniforme la pureté des flots de votre foi. Eradiquez à fond les orties et les épines de l’incrédulité pour que croissent en hauteur les robustes plantes de votre croyance. Et parce qu’au témoignage de l’Apôtre, on croit avec le cœur en vue de la justice, et la confession orale se fait en vue du salut, confessez maintenant de vive voix ce que vous croyez déjà dans le cœur.

Je crois en Dieu le Père tout puissant. Celui qui croit en Dieu ne présume pas mener une discussion sur Dieu. Il suffit de savoir que Dieu existe. Celui qui demande : d’où est-Il, combien y a-t-il de dieux, qui est Dieu, celui-là ne Le connaît pas. Le soleil enténèbre un regard téméraire , enténèbre de la même façon une approche de la divinité qui est interdite.. Celui qui veut voir Dieu doit apprendre à garder la mesure dans son regard. Celui qui veut connaître son Dieu qu’il ignore les dieux des nations. Celui qui parle des dieux nie Dieu. La vraie liberté consiste à ne servir qu’un seul Dieu; le service de plusieurs dieux est de l’esclavage. Celui que tu confesses comme Dieu crois qu’Il est Père, pour que croyant dans le Père, tu apprennes qu’un Fils existe, et pour qu’en disant fils, tu apprennes qu’Il a été engendré par le Père. Sachant qu’Il a été engendré par le Père, tu ne chercheras pas à savoir comment Il a été engendré, car tu as dit : Je crois en Dieu le Père tout-puissant. Celui qui est tout puissant peut tout, et s’Il peut tout, qui osera nier qu’Il a toujours son Fils en Lui, de Lui et avec Lui ? La génération de Dieu n’a pas de commencement. L’Engendré ne connaît pas de fin, n’admet pas la mort, dans la mesure où Il persiste toujours à demeurer dans l’Engendreur, au dire même du Seigneur : Je suis dans le Père et le Père est en moi. Le Père et moi nous sommes un. Tu as confessé le Père, tu as confessée le Fils, tu as confessé le mystère caché de la divinité, le sacrement de l’incarnation du Seigneur.

Et en Jésus-Christ son Fils unique. Il est appelé Christ à cause de l’onguent céleste, car Il est rempli de toute la plénitude de la divinité. Le nom de Jésus vient de salut, nom que confesse à genoux, tête penchée, en tremblant, tout ce qui est au ciel et en enfer. Et en Jésus-Christ son fils unique, notre Seigneur. Comme dans le Père et dans le Fils il n’y a qu’une seule divinité, il n’y a qu’une seule puissance. Qui est né du Saint Esprit de la vierge Marie. Le Saint-Esprit et la vierge ne forment pas un couple terrestre, c’est un secret céleste. C’est pour cela que ce qui nait est divin. Il faut donc confesser ce qui est né, et taire le comment de la naissance, car ce qui est secret ne peut pas être connu, ce qui est scellé ne peut pas être ouvert, ce qui est unique ne peut pas être connu par des choses semblables. Qui a été crucifié sous Ponce Pilate et enseveli. Tu entends le nom du juge pour ne pas ignorer le temps. Tu entends dire qu’Il a été crucifié afin que te soit connue la valeur de sa mort, et que tu comprennes quelle épée de Damoclès était suspendue sur ta tête, pour qu’Il accepte pour toi l’ignominie d’une telle mort. Tu as entendu dire qu’Il a été enseveli, pour que tu saches que sa mort n’était pas une affabulation , mais une vraie mort. Ne pas vouloir mourir provient de la peur humaine, ressusciter des morts vient de la vertu divine. Nous ne sommes pas vexés quand nous entendons dire qu’Il est mort, parce que la gloire de la résurrection occulte l’injure de la mort. Il est ressuscité le troisième jour. La mort vient de l’humanité, la résurrection de la Trinité. Il est monté aux cieux. Amenant l’homme là où Il a toujours demeuré. Il est assis à la droite du Père. Il s’assied à droite parce que la déité n’a pas de gauche. D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Il jugera les vivants et les morts parce qu’ils ressusciteront pour être jugés ceux qui pensent ne plus exister après la mort, ceux que la gentilité estimait avoir péri avec le monde.

Je crois dans le Saint-Esprit. Pour que tu croies et comprennes que dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il n’y a qu’une seule divinité. Je crois en la sainte Eglise. Pour que tu confesses que l’Eglise est l’épouse du Christ qui demeurera perpétuellement en compagnie du Christ. Je crois en la rémission des péchés, en la résurrection de la chair. Celui qui ne croit pas dans la rémission des péchés, qui ne croit pas dans la résurrection de la chair, s’interdit à lui-même le pardon, se soustrait à la vie. Ce que vous avez entendu et ce que vous croyez, ce que vous avez confessé, que le cœur le conserve, que la mémoire le retienne, que le parchemin l’ignore, que le scribe n’en sache rien, de peur que le sacrement de la foi ne soit crié sur tous les toits, de peur que le mystère caché de la foi ne dérive vers un infidèle. Que le Dieu qui, par la foi, vous a donné d’entendre le sacrement de la foi et d’y croire, vous fasse Lui-même parvenir au salut éternel !

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62ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 
 

Si le pieux nourricier ne s’engage pas à fond au service de l’enfant, jamais il n’en fera un adulte parfait. Tantôt il affaiblit sa voix, tantôt il se tait et ne parle que par signes. Il met ses sens à rude épreuve, s’affaiblit, s’épuise, va au bout de ses forces. Tantôt il traîne de la patte, tantôt il trouve sa joie non à marcher mais à ramper. Il fait des grimaces, simule la crainte, contrefait la douleur, parce qu’en lui les bouffonneries et les pitreries sont de la piété, l’extravagance est chez lui de la prudence, l’infirmité de la vertu. Je pense que c’est ce qu’a fait Paul quand il a dit : Je me suis fait petit au milieu de vous, comme une nourrisse qui tient au chaud ses fils. Mais quelqu’un s’étonnera-t-il en voyant une nourrisse agir ainsi ? S’il est parent il n’en rira pas; s’il est père, il ne s’en étonnera pas. Celui qui sait ce que c’est qu’aimer ne peut pas appeler cela de la sottise. Je vous implore donc vous qui déjà êtes des pères prudents et forts de souffrir qu’aux petits de mon Seigneur je procure avec soin la nourriture qui leur est due, et que je choisisse aujourd’hui des paroles qui se rapprochent plus à des compliments et à des flatteries qu’à la science des choses divines. Qu’on me permettre de faire des sermons non selon les règles de l’art , mais qui soient clairs et limpides , et de vous les infuser d’une voix faible comme si c’était du lait, selon l’enseignement de l’Apôtre : Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide. Modifier son langage, se plaire à la diversité des sentiments, quoi de meilleur ? Qu’y a-t-il d’autre que de disposer son esprit, son cœur et son corps à se mettre à la portée des esprits imbéciles des tout petits. Mais j’apostrophe déjà les pieux germes avec un sermon prophétique : Venez, fils, écoutez-moi. Je dirai plus : par moi et par ma voix, écoutez les commandements de votre Père, parce que c’est Dieu qui vous parle par ma voix. Venez, fils. D’où venez-vous et où allez vous? Je vous enseignerai, dit-il, la crainte de Dieu. Et qui viendra à la crainte ? Celui qui veut la vie, celui qui désire voir les bons jours, qui veut faire le bien, fuir le mal; celui qui après les conflits de la chair et de l’esprit aspire au repos de la paix divine. Venez, fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte de Dieu. Quel est l’homme qui veut la vie, et désire voir de bons jours ? Détourne ta langue du mal, ainsi que tes lèvres, pour qu’elles ne disent pas de mensonge. Comme les crimes vicient la conscience, le mensonge pollue les lèvres et les malédictions contaminent la langue. Et celui qui a la langue et les lèvres souillées ne peut pas confesser Dieu. Et parce que l’on croit avec le cœur en vue de la justice, et que la confession orale se fait en vue du salut, sanctifiez vos cœurs, purifiez vos lèvres, que votre langue ne dise que des choses justes, pour que la voix de la foi, qui puise sa force dans un cœur totalement purifié, provienne d’un exemple de sainteté. Signez-vous ! La charte ou le pacte qui contient l’espoir du profit futur à venir, nous constatons qu’il est appelé symbole à cause d’un contrat humain. Une entente amicale entre deux personnes est entérinée par un symbole. Cela a été stipulé pour que, rendus prudents par la défiance humaine, personne ne surprenne traitreusement personne, et pour que la perfide qui est toujours l’ennemie des contrats n’escroque personne. C’est entre les hommes, que la fraude lèse toujours, aussi bien celui qui fraude que celui qui est fraudé. Mais entre Dieu et les hommes, le symbole de la foi n’est confirmé que par la foi. On ne croit pas à une signature mais à l’esprit. La foi est confiée au cœur, non à un parchemin, parce que le crédit divin n’a pas besoin de caution humaine. Dieu ne sait pas frauder, Il ne peut pas non plus être victime , car Il n’est pas conditionné par le temps. Il n’est pas vaincu par l’âge, n’est pas induit en erreur par ce qui est caché, mais voit les choses abscondes. Il tient entre les mains ce qui a été volé et possède ce qu’on Lui refuse. La raison de Dieu est toujours sauve, car ce qu’Il pense ne peut pas périr. Si l’homme renie Dieu, ce n’est pas Dieu qui périt mais l’homme. Mais tu dis : Celui qui ne pas être trompé, pourquoi exige-t-Il un gage ? Pourquoi demande-t-Il un symbole ? Il le demande à cause de toi, pas à cause de Lui. Non parce qu’Il doute, mais pour que tu croies. Il demande le symbole parce que comme Il dispose toujours tout convenablement, Il veut que nous soyons ses débiteurs. Il demande un symbole parce que, pour le moment, Il ne te convoque pas aux réalités célestes mais à la foi; et parce que par l’engagement, le présent attire le futur et l’invite au profit. L’Apôtre rappelle cela en disant : De la foi à la foi. Et ailleurs : Le juste vit de la foi. Qu’il n’y ait personne qui ne sache par cœur le symbole ! Que personne n’oublie la charte qui vient de Dieu ! Personne au moment où il reçoit la foi n’exige de recevoir l’objet de la foi. Quand il vient à la foi, pourquoi ne reçoit-il pas, ne conquiert-il pas sur- le- champ ce qu’il espère ? Ecoute l’Apôtre qui dit : Nous sommes sauvés par la foi. , La foi qui est vision n’est pas de la foi, car qui espère voir ce qu’il voit ? Si donc ce que nous espérons c’est ce que nous ne voyons pas, attendons-le patiemment. L’espérance tend vers les choses à venir, la foi nous transporte vers les choses promises. Quand la chose crue apparaîtra, quand les choses promises seront rendues présentes, l’espérance prendra fin, la foi cessera. La lettre est douce , mais aussi longtemps que n’est pas encore arrivé celui qui l’a envoyée. Une facture est nécessaire, mais jusqu’au remboursement de la dette. Les fleurs sont agréables mais seulement avant que ne poussent les pommes. Mais la présence enlève tout le charme de la lettre, mais le paiement congédie la prudence, et les fleurs sont consumées par les pommes. Et c’est pourquoi la foi doit te faire savoir que tu es déclaré , toi personnellement, fils du Père éternel, héritier de Dieu, cohéritier du Christ, participant du royaume céleste, confesseur du Juge divin, habitant du ciel, possesseur du Paradis. C’est dans l’espérance que tu connais maintenant cette promotion, non dans la réalité de la chose. Recevez donc la foi, gardez l’espoir, dites le symbole, pour que vous puissiez parvenir à la réalité des choses que nous vous avons annoncées. Signez-vous ! Aujourd’hui, o homme, ton âme est présentée à Dieu à l’avance.

Je crois en Dieu. Ces choses que pendant longtemps tu appelais Dieu sans Le connaître, tu les nommais dieu, mais tu ne savais rien de Dieu. Tu ignorais, en effet, Celui que tu recherchais dans les pierres et les arbres. Dis donc maintenant, dis : Je crois en Dieu le Père tout-puissant. Aussi longtemps que tu as vu des pierres, tu n’as rien vu en qui croire. Mais Il est vraiment Dieu Celui qui t’a accordé de voir quand tu ne voyais pas, toi que les dieux des nations rendaient aveugle quand tu voyais. Ecoute le Seigneur qui dit : Je suis venu dans ce monde pour un jugement, pour que ceux qui ne voient pas voient, et pour que ceux qui voient deviennent aveugles. Je crois en Dieu le Père. La piété est en Dieu, l’affection est toujours en Dieu, la paternité demeure en Lui. Crois donc que le Fils a toujours existé, pour ne pas blasphémer en prétendant qu’il fut un temps où le Père n’a pas été Père. Mais tu dis : S’il L’a engendré, comment L’a-t-Il toujours eu ? Comment L’a-t-Il engendré ? Si tu poses ce genre de questions, tu renies la foi que tu professes. Tu as dit : Je crois. Si tu crois, d’où vient le comment ? C’est là le discours de quelqu’un qui doute non de quelqu’un qui croit. Tu as dit : Je crois en Dieu le Père tout puissant. S’il y a quelque chose qui ne peut pas être, Il n’est pas tout puissant. Mais tu penses qu’Il L’a engendré à partir d’un autre Celui que tu confesses avoir tout fait à partir de rien ? Car Il l’aurait fait à partir d’un autre s’Il provenait du temps. Si le Père est étranger au temps, le Fils ne connaît aucun commencement. Mais misérable es-tu si tu veux rendre temporel celui qui veut te rendre éternel ! Le Père n’engendre donc pas par une conception temporelle ni dans la douleur des entrailles, mais en nous Le révélant.

Et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur. Observe, o homme, avec quelle révérence la foi t’est inculquée et transmise. Entends qu’Il est Père pour que tu saches, que tu comprennes, que du croies qu’Il est Fils, non pour que tu en dissertes à perte de vue. Et tu confesses qu’Il est, non pas d’où Il est, non depuis quand Il est ou comment Il est. Voilà ce que recherche le fouineur téméraire. Le sermon céleste qui t’annonce le Père te conduit aussitôt par la pensée au Christ, à Jésus, au Fils, à Celui qui est seul à être Notre Seigneur, pour que quand tu verras que tu ne peux pas imiter ce qu’il y a d’humain en Lui, tu n’oses pas capter et saisir ce qu’il y a de divin en Lui. Qui est né du Saint-Esprit de la vierge Marie. Courage, o homme si tu en es un ! Avance avec ton cœur, élève-toi en esprit, dilate tous tes sens, aiguise la pointe de ton âme, mobilise toutes les ressources de ta science, fais appel à tout ce qu’il y a en toi de raison, examine, discute, scrute à la loupe, et découvre ce que, d’une façon stupéfiante , l’Esprit est le seul à engendrer, ce que la Vierge conçoit et enfante, tout en demeurant vierge après l’enfantement. Examine omment le Verbe est devenu chair, Dieu homme; comment l’homme est transféré en Dieu; comment un berceau contient ce que le ciel ne peut contenir; comment est porté dans des bras Celui qui soutient tout l’univers; pourquoi Celui qui a fait toutes choses, qui a produit l’univers, qui gouverne toutes choses, a voulu naître de toi, et être régi par toi; pourquoi Il a décidé d’être nourri et de vivre avec toi comme parent, toi dont Il avait autrefois méprisé la servitude. Et si tu as pu atteindre un peu de la face cachée de la divinité et parler du secret de la déité, pénètre à l’intérieur de toi, monte plus haut, examine avec plus de licence encore , et maintenant, explorateur nouveau, singulier inventeur, révélateur de la divinité, explore les âges du Père, les débuts du Fils. Sois plus grand qu’Isaïe qui a dit : Comme une brebis il a été conduit à l’abattoir, et commet un agneau devant le tondeur qui est sans voix, il n’a pas ouvert la bouche. Son jugement a été offert dans l’humilité, et sa génération qui la racontera ? La génération de qui ? La génération de Celui qui a été conduit à la mort comme une brebis. Le Christ a une génération humaine et en a une divine. Quand tu as voulu comprendre comment Il a été engendré, on ne peut raconter quelles ondes, quels flots t’ont conduit à ce naufrage, quel est l’esprit qui t’a poussé à voleter dans les airs pour ta ruine. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont une seule déité, une seule vertu, une seule éternité, une seule majesté. La naissance temporelle et la croissance dans le temps du Fils, tout ce qui le rend inférieur à son Père, Il le tient de mon corps, non de sa substance. T’étonnes-tu, o homme, qu’Il appelle Dieu son Père Celui qui a daigné avoir une mère sur la terre ? Qui a été crucifié sous Ponce Pilate et a été enseveli. Pourquoi accuses-tu, o homme, Celui qui en Lui-même est égal au Père d’avoir voulu être en toi inférieur à son Père ? Pourquoi crois-tu quand on te dit qu’Il a comparu devant le tribunal de Pilate, qu’Il a été jugé par Pilate qui avait à instruire la cause ? Pourquoi te contentes-tu d’accepter qu’Il a été convaincu de crimes par ses accusateurs, qu’Il a été condamné après avoir été reconnu coupable ? Mais Il a voulu naître de ta chair , être nourri de ton sein, reposer sur ton cœur, sauter sur tes épaules, Celui qui a toujours voulu être aimé par toi, non redouté. Regarde ce qu’Il avait d’abord commandé dans la loi, et tu verras ce qu’Il a demandé dans la grâce. Quand on demanda à Jésus, comme le rapporte l’évangéliste, quel était le premier commandement dans la loi, il répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Il s’est adressé à ton cœur et à ton esprit, parce qu’Il a cherché à être aimé par toi dès le début avec ton cœur, ton esprit et ton corps. Qui a été crucifié sous Ponce Pilate et a été enseveli. Le Juif et l’hérétique nous suivent jusqu’ici. Qu’ils attendent ! Que personne n’ait part aux priorités de ceux qui se repaissent et s’engraissent des injures infligées au Christ. Mais vous, fils, écoutez, pour qu’après la passion de la mort et la douleur de la sépulture, vous vous enfuyiez vers les joies de la résurrection. Il est ressuscité le troisième jour. Pour qu’Il soit la résurrection de notre corps, la vertu, la grâce, le don de la Trinité. Il est monté aux cieux. Il est monté par moi Celui qui par Lui-même n’a jamais quitté le ciel. Il est assis à la droite du Père. Selon l’ordre de la vertu divine, non de l’honneur humain. Nous avons déjà dit que le Fils s’assoit à droite, de façon à ce que le Père ne soit jamais assis à gauche. D’où Il viendra juger les vivants et les morts. Et pourquoi la mort doit-elle être jugée ? Pour qu’elle revienne à la vie, comme elle le doit.

Je crois dans l’Esprit Saint. Il renie le Dieu dans lequel il croit celui qui renie le Saint-Esprit. Dans la sainte église. Parce que l’église est dans le Christ, et le Christ dans l’église. Celui qui reconnaît l’église confesse qu’il a cru dans l’église. La rémission des péchés. O homme, accorde-toi à toi-même le pardon en croyant, toi que le désespoir a plongé dans tous les péchés. La résurrection de la chair. Voilà qui complète le document de la foi, si tu crois que la chair qui était corrompue, qui était putréfiée, qui avait disparue peut revenir, se reformer, ressusciter, par Dieu, par Celui que tu as juré pouvoir tout quand tu L’as confessé. La vie éternelle. C’est une bonne chose que le symbole ajoute la vie éternelle, pour que tu croies qu’il ressuscitera celui qui reprend vie par Celui qui vit et règne avec le Père et le Saint Esprit maintenant et toujours, et pendant les siècles immortels des siècles. Amen.
 
 
 
 

63ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue

A nous qui désirons, après la lecture apostolique, retourner aux vertus évangéliques, Lazare accourt, tout d’un coup, de retour des enfers, en nous apportant le secret de la victoire contre la mort, et en nous proposant un exemple de la résurrection. Si la chose vous agrée, avant de pénétrer au cœur de la leçon, avant de nous attaquer aux questions épineuses, avant de pénétrer la profondeur d’un tel fait, contemplons la figure de la résurrection, parce que nous y voyons le signe des signes, nous y décernons la vertu des vertus et nous y détectons la merveille des merveilles. Le Seigneur avait ressuscité la fille de Jaïre, le chef de la Synagogue, mais son cadavre était encore chaud, et pour ainsi dire, entre la vie et la mort. Il l’a ressuscitée en présence du corps, quand Il était encore un homme demeurant avec les hommes. L’esprit de la défunte était encore en plein vol, et son âme ignorait tout de la prison du tartare. Et Il a rendu la vie à la morte sans préjudice du droit que l’enfer possède sur le grand nombre. Il a ressuscité aussi le fils unique de sa mère, mais porté sur un brancard, avant l’inhumation, avant que le corps ne se corrompe, avant l’apparition de la puanteur, afin de rendre la vie à un défunt avant que le mort n’entre complètement dans les droits de la mort.

Mais ce qui est arrivé à Lazare est tout à fait singulier, car sa mort et sa résurrection n’ont rien en commun avec les cas précités.. Chez lui, la mort s’est épanouie dans toute sa force et dans toute sa plénitude. J’ose même dire que si Lazare était revenu après avoir séjourné trois jours dans les enfers, il se serait emparé de la totalité du sacrement de la résurrection du Seigneur. Mais le Christ revient au bout de trois jours parce qu’Il est le Seigneur; Lazare est rappelé au bout de quatre jours parce qu’il est le serviteur. Mais pour démontrer ce que nous disons, dégustons quelques passages de l’évangile. Les sœurs envoyèrent vers Jésus des serviteurs pour Lui dire : celui que tu aimes est malade. En parlant ainsi, elles frappent à la porte de l’affection, interpellent l’amour et convoquent la charité. Elles s’efforcent de détourner une nécessité par une autre nécessité. Mais le Christ pour qui vaincre la mort compte plus que guérir une maladie, dont l’amour ne consiste pas à soulager un ami mais à le ramener des enfers, n’a pas préparé à celui qu’il aimait une panacée, mais la gloire de la résurrection Quant Il apprit la maladie de Lazare, Il demeura deux jours dans le lieu où il était . Vous voyez comme Il donne carte blanche à la mort, comme Il donne au tombeau toute la latitude possible, comme Il autorise la corruption. Il ne retranche rien à la putréfaction ni aux exhalaisons pestilentielles. Il fait en sorte que tout espoir humain soit anéanti, que le désespoir terrestre soit à son comble, pour que Son intervention ait un caractère divin et non humain. Il demeure dans ce lieu à attendre la mort de Lazare, et jusqu’à ce qu’Il puisse l’annoncer à ses disciples. Alors seulement, Il déclare venir voir Lazare. Car Il a dit : Lazare est mort, et je m’en réjouis. Est-ce cela aimer ? Le Christ se réjouissait, car la souffrance de la mort devait être changée bientôt en la joie de la résurrection. Et je me réjouis à cause de vous. Pourquoi dit-Il à cause de vous ? Parce que dans la mort et la résurrection de Lazare, était peinte toute la figure de la mort et de la résurrection du Seigneur; et parce que ce qui devait bientôt venir après dans le Maître précédait dans le serviteur. Et Il a dit une fois de plus à ses disciples : Voici que nous montons à Jérusalem, et le fils de l’homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort et le livreront aux Gentils pour qu’ils se moquent de Lui, le flagellent, et le crucifient. Et en disant cela, Il les voyait devenir tellement déprimés, bouleversés et comme sevrés de toute consolation. Et Il savait qu’ils seraient accablés outre mesure par le poids de la passion, au point qu’en eux ne demeurerait ni le goût de vivre, ni la foi en rien, ni la moindre lueur d’espoir, mais qu’ils seraient plongés dans la nuit noire de la perfidie. Il prolongea la mort de Lazare jusqu’au quatrième jour, et Il permit à la corruption de foisonner, pour que les disciples ne puissent en aucune façon douter que le Seigneur ne ressuscite après seulement trois jours, eux qui avaient vu le serviteur ressusciter après quatre jours de décomposition. Pour qu’ils croient que Celui qui avait rappelé quelqu’un à la vie pouvait facilement se rendre la vie à Lui-même. Voilà pourquoi Il dit : Je me réjouis à cause de vous. Il était donc nécessaire que Lazare meure, pour qu’avec l’ensevelissement de Lazare, ressuscite déjà la foi des disciples. Parce que Je n’étais pas là. Y avait-il un lieu où le Christ n’était pas ? Et comment n’était-Il pas dans le lieu à partir duquel Il a annoncé la mort de Lazare à ses disciples ? Mes frères, le Christ Dieu était là, mais le Christ homme n’y était pas. Le Christ Dieu était présent à la mort de Lazare, mais le Christ homme venait vers un mort au temps où le Christ Seigneur était sur le point de subir la mort. Il disait donc : Comme je n’étais pas là. Ce qui veut dire : comme je n’étais pas dans la mort, dans le sépulcre, dans l’enfer, là où par moi et par ma mort, toute la puissance de la mort sera renversée. Quand Marthe entendit dire que Jésus venait, elle accourut à Lui en disant : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Femme, tu confesses qu’Il est Seigneur, et du dis : si tu avais été ici ? Les lieux n’ont pas le pouvoir de rendre Dieu absent, et le passé et le futur ne peuvent empêcher Dieu d’être présent. Lazare ne serait pas mort si le Seigneur avait été là où il était ? Ou plutôt, si toi, femme, tu n’avais pas été dans le paradis! Femme, c’est toi qui as sollicité les larmes, toi qui as inventé les gémissements, toi qui as acheté la mort au prix de la gourmandise. Et tu accuses l’absence de Dieu quand tu ne nies pas que c’est ta présence qui a été la cause de la mort ? Quand la mort t’a été préfigurée, c’est alors qu’il y avait lieu de pleurer. Maintenant, la mort est devenue une occasion de vertu, car elle est maintenant donnée comme une punition du péché; elle est maintenant permise en vue de la gloire de la résurrection. Le tartare alors avait acquis un homme, maintenant il le perd. Désormais, femme, cherche à retrouver par la foi ce que tu as perdu par la perfidie. Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais même maintenant que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. Cette femme ne croyait pas, mais fait des efforts pour pouvoir croire, elle dont l’incrédulité trouble la croyance. Tout ce que tu demanderas à Dieu il te le donnera. Dieu donne de Lui-même, Il ne se le demande pas à Lui-même. Femme, pourquoi t’attardes-tu à supplier, pourquoi procrastiner quand Il est déjà disposé à t’accorder ce que du demandes ? Femme, Celui que tu traites comme un avocat, c’est le Juge. En Lui se trouve le pouvoir de donner, non le besoin de demander. Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu il te le donnera. Femme, croire cela, ce n’est pas croire; savoir cela c’est ignorer. L’Apôtre a déjà démontré que quand l’homme pense savoir quelque chose, il ne sait rien. (1,Cor. X1) Mais écoutons ce que le Seigneur a répondu : Ton frère ressuscitera. Et la femme : Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. Marthe, de nouveau tu sais ce que tu ne sais pas. Tu sais que ton frère peut ressusciter au dernier jour, mais qu’il le puisse maintenant, tu ne le sais pas. Se pourrait-il que Dieu qui pourra au dernier jour ressusciter tout le genre humain ne puisse pas maintenant ressusciter un seul mort ? Oui, Dieu peut, par manière de signe temporel, ressusciter un seul mort, Lui qui alors, ressuscitera tous les morts pour la vie perpétuelle. Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera, et je sais qu’il ressuscitera au dernier jour. Marthe, devant toi est la Résurrection que tu renvoies si loin dans le temps. Je suis la résurrection. Pourquoi dire Je suis la résurrection, et non je ressusciterai ? Pourquoi ? Parce qu’Il a assumé l’homme, parce qu’Il a assumé la mort, afin que Celui qui, en commandant, en a ressuscité un, ressuscite en Lui tous les hommes en ressuscitant; et pour qu’à ceux qu’Adam a été un puits de mort, le Christ soit une fontaine de vie. Et pour que soit accompli ce mot de l’Apôtre : Comme tous sont morts en Adam, de la même façon tous seront rendus à la vie par le Christ. Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra, et tous ceux qui vivent et croient en moi ne mourront pas éternellement. Crois-tu cela ? Et la femme : Oui Seigneur. J’ai cru et je crois que tu es le Christ, le fils du Dieu vivant qui est venu dans ce monde. Celui qui est venu pour Lazare, pourquoi se soucie-t-Il tant de Marthe ? Pourquoi ? Pour qu’elle croisse dans la foi avant qu’il soit ressuscité dans son corps. C’est ainsi que se comporte Celui qui est venu pour veiller aux intérêts des vivants et des morts. Et Il ne craint pas de perdre du temps auprès de qui demeurent et la puissance et l’effet du fait. Frères, souffrez que je coupe court à mon exposé, si vous désirez entendre plus tard des développements plus élaborés.
 
 
 
 

64ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue
 

Si chacune des paroles de l’Ecriture était reléguée dans chacun des livres, les mystères qu’elles contiennent ne pourraient pas être mis en lumière pour les auditeurs. Et quel fruit peut bien récolter un sermon court et improvisé qui, à la manière d’un éclair, disparait avant d’avoir éclairé les yeux, et apporte aux voyants de l’éblouissement plutôt que de la lumière ? Priez donc pour que nous qui sommes plongés dans l’obscurité du siècle, qui placés dans une chair, remplissons le quart de nuit non de jour, pour que le Christ allume la lumière de sa parole, qui nous fera entrer dans les obscurités prévisibles du mystère céleste; et pour que pas à pas, nous parvenions, autant que nous le pourrons, à la science divine de la charité. Comme ces mages qui, se défiant des yeux de leur esprit, n’osaient pas se commettre à la splendeur du soleil, ou à la clarté divine, mais fixaient de nuit la faible lumière de l’étoile avec leurs faibles yeux, et qui sont ainsi parvenus à la crèche du Christ.

Mais, comme nous vous l’avons promis, continuons l’explication de ce qui reste de l’évangile. Quand Marthe entendit dire que Jésus venait, elle accourut à lui. Il n’était certainement pas un serviteur, ni même un parent, ni seulement un ami le Consolateur qui approchait pour qu’une femme seule, au milieu de la foule, traversant toute sa propriété, accoure, en temps de deuil et à l’extérieur de la ville, au Sauveur qui arrivait. Frères, cette personne, ce ne sont pas des raisons qui l’amènent à courir, mais des sacrements qui sont par là exprimés. La femme qui présentement court à cause de la mort a couru autrefois vers la mort. Elle se hâte vers le pardon celle qui s’était précipitée vers la faute. Elle rejoint le pieux Rédempteur celle qu’avait prévenue le pervers séducteur. Elle recherche la résurrection celle qui a cherché la ruine. Et celle qui a apporté la mort à l’homme, c’est celle-là même qui halète pour rapporter la vie à l’homme. Voilà pourquoi le Christ était resté dans ce lieu, pourquoi Il attendait, pourquoi Il ne s’était pas mêlé à la foule. Voilà pourquoi Il ne s’était pas rendu à la maison, ne s’était pas encore dirigé vers le sépulcre, et ne s’était pas hâté vers Lazare pour qui Il était venu. Mais Il attend la femme, Il se souvient d’abord de la femme. Il accueille la première femme , celle que le tentateur avait d’abord infectée. Il chasse de la femme la perfidie, Il replace sa confiance en elle, pour que celle qui avait été l’instrument de la perdition , devienne ministre du salut; et qu’elle devienne enfin, par Dieu, la mère des vivants celle qui, par le démon, a été la mère des morts. Et parce que la femme avait été l’origine du mal, Il s’attaque à la cause de la mort pour écarter le crime avant d’accorder le pardon; pour enlever la cause de la condamnation avant de prononcer la sentence d’absolution. S’assurant ainsi que l’homme, qui avait été une fois trompé par la femme, ne lui refuse pas le droit de participer à la vie. Et de peur que, si le Christ Seigneur était parvenu d’abord à l’homme, la femme ne périsse dans la perte d’un grand nombre. Voilà pourquoi, mes frères, le Christ nait d’une femme. Voilà pourquoi la femme tire toujours l’homme du sépulcre de son ventre, pour qu’elle rappelle par les douleurs celui qu’elle avait exilé par des caresses, pour qu’elle répare en pleurant ce qu’elle avait perdu en mangeant.

Ensuite, après que Marthe eut confessé le Christ, et que sa pieuse confession eut effacé tout ce qu’il y avait de peccamineux dans la personne de la femme, Il est envoyé vers Marie, parce que sans Marie la mort ne pouvait pas être mise en fuite, et la vie ne pouvait pas être réparée. Qu’elle vienne Marie, qu’elle vienne celle qui porte le prénom de la Mère, pour que l’homme voie que le Christ a habité dans le secret d’un sein virginal, avant que les défunts puissent s’échapper de l’enfer, avant que les morts puissent sortir de leurs sépulcres.

Jésus voyant Marie pleurer, et pleurer aussi les Juifs qui l’accompagnaient, frémit en esprit et se troubla et dit : Où l’avez-vous mis ? Ils répondirent : Seigneur, viens et vois. Et Jésus pleura. Marie pleure, les Juifs pleurent et Jésus pleure aussi. Penses-tu que leur compassion soit de même nature ? Admettons que Marie ait des raisons valables de pleurer , la sœur qui n’a pas pu retenir le frère, qui n’a pas pu soustraire son frère à la mort. Bien qu’elle était sûre qu’il ressusciterait, la privation de toute consolation, la durée d’une si longue absence, la tristesse d’une séparation définitive ne pouvaient retenir ses larmes. Et de surcroit, une image si horrible, si cruelle, si funeste de la mort ne pouvait pas ne pas toucher, ne pas émouvoir son âme en dépit de toute sa fidélité. Les Juifs, eux, pleuraient en se souvenant de leur condition mortelle, et en désespérant de posséder la vie future. La mort qui est déjà amère aux hommes, apporte le trouble seulement à y penser. Mais un exemple secoue davantage. A chaque fois que quelqu’un voit un mort, il prend conscience qu’il est destiné à la mort. Voilà pourquoi un mortel ne peut pas ne pas pleurer devant la mort. Mais qu’a le Christ en commun avec tout cela ? Rien. Et s’Il n’a rien, pourquoi pleurait-Il ? A n’en pas douter, c’est Lui qui a dit  : Lazare est mort, et je m’en réjouis. Celui de la mort duquel Il s’est réjoui , Il le pleurerait au moment où Il le ressuscite ? Celui qu’Il n’a pas pleuré quand Il l’a perdu, Il se lamenterait sur lui quand Il le retrouve ? Il répandrait des larmes mortelles au moment où Il lui infuse de nouveau l’esprit de vie ? Frères, la nature du corps humain a ceci de propre que l’intensité de la joie et de la souffrance produit des larmes. A chaque fois que les viscères vibrent sous le choc d’une trop grande joie ou d’une trop grande tristesse, les yeux déversent des torrents de larmes. Voilà pourquoi les larmes du Christ n’exprimaient pas la douleur de la mort, mais l’anticipation de la joie qu’Il ressentira quand par sa voix, par une seule parole, Il rappellera tous les morts à la vie perpétuelle. Il frémit en esprit, et se trouble de toutes les palpitations de son cœur, parce qu’Il ne pouvait à ce moment ressusciter que Lazare, et non tous les morts. Qui pourrait penser que le Christ a pleuré ici par faiblesse humaine, alors que le Père céleste a pleuré le fils luxurieux à son retour, non à son départ ? Le Christ pleure Lazare au moment où Il le reçoit, non au moment où Il le perd. Il n’a donc pas pleuré en voyant les autres pleurer. Mais quand Il constate par les réponses de ceux qu’Il interroge qu’il ne reste plus de foi, Il dit :  Où l’avez-vous mis ? Et ils lui répondirent : Seigneur, viens et vois. Ils pensaient qu’Il ignorait où Lazare avait été placé sur la terre, Lui qui connaissait les lieux sordides où le tartare le retenait. En interrogeant ainsi, Il exigeait la foi, Il répandait la science, pour que les assistants sachent que la mort, que le tombeau, que la corruption, que la putréfaction, que la puanteur, ne provenaient pas de la sage disposition de Dieu, mais de la faute de l’homme. Car quand Il dit : Où l’avez-vous mis ? Il incrimine les femmes, Il accuse les femmes. C’est comme s’Il disait : Celui que j’ai moi-même placé dans le paradis, dans la région de la vie, où l’avez-vous placé vous-autres ? Mais les Juifs, ne comprenant rien à ce qui était demandé, répondirent  tout candidement : Seigneur, viens et vois. Pourquoi ? Pour commander à la mort ? Pour quelle raison ? Croyaient-ils qu’Il commanderait aux enfers de le laisser sortir, eux qui pensaient qu’Il ne voyait pas ce qu’Il avait sous les yeux, qui se faisaient une fausse idée de ses pleurs ? Celui qui a pu ouvrir les yeux d’un aveugle-né, comment n’a-t-il pas pu faire en sorte qu’il ne meure pas ? Il pouvait empêcher qu’il ne meure, mais Il a permis qu’il meure, parce qu’Il voulait ressusciter le mort, à sa plus grande gloire. Il permit à Lazare de descendre dans les enfers, pour qu’Il apparaisse Dieu au moment où Il ramène un homme des enfers. Mais ô Juifs, vos esprits apparaissent plus cadenassés que les enfers, vos cœurs plus durs que les morts, vos yeux plus sombres que les sépulcres, car la voix qui a ouvert le tartare ne décrypte pas vos arcanes, car le commandement qui a ressuscité les esprits des morts ne réveille pas les vôtres, car la loi qui éclaire votre sépulcre n’illumine pas votre cécité. Mais que cela suffise pour le moment, pour qu’avec plus de patience, nous puissions avec le Christ voir la gloire de la résurrection de Lazare.
 
 
 
 
 
 

65ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 

Après n’avoir fait qu’effleurer, en deux sermons, la mort de Lazare, les pleurs de Marie , les lamentations de Marthe, et le deuil des Juifs, désencombrons nos esprits, mettons de côté nos préoccupations et nos soucis, mettons nos sens au repos, pour que la joie d’une si grande résurrection puisse nous faire saisir et comprendre de toutes les forces de notre esprit ce que raconte l’évangéliste de la venue du Seigneur au tombeau. Jésus, frémissant de nouveau en esprit, vient au tombeau. C’était une grotte, et une pierre était placée à l’entrée. Jésus frémissant vint au monument. Le Christ frémit pour que la chair reprenne vie. La Vie frémit pour que la mort s’enfuie. Dieu frémit pour que l’homme ressuscite. L’indulgence frémit pour que la justice ne la contredise pas. Le Christ frémit en luttant contre la mort, parce qu’Il ne peut pas ne pas frémir en ravissant à l’ennemi une victoire singulière. L’évangéliste dit qu’Il a frémi de nouveau. Il frémit de nouveau pour attirer notre attention sur les germes insignes de la résurrection. Car comme à la voix du Christ, les morts selon la chair sortent de leurs tombeaux vivants, les morts qu’a tués la perfidie renaissent à la vie de la foi. C‘était une grotte. Il aurait suffi de dire qu’il était venu à la tombe. Pourquoi l’évangéliste insiste tellement sur le fait que c’était une grotte ? C’est dans une grotte que le larcin du démon a placé l’homme. C’est dans une grotte que la fraude de la femme a caché l’homme. C’est dans une grotte que la rapacité de la mort avait enfermé l’homme formé par Dieu du limon de la terre. Et une roche était placée à l’entrée. La porte de la dure mort était plus dure que la plus dure des pierres qui bouchait l’entrée. Mais quel profit le tombeau peut-il retirer des pleurs, puisque la voix de celui qui pleure ne pénètre pas dans des obstacles si épais et si compacts ! Chrétiens, lamentons-nous devant Dieu à cause de nos péchés, et puisque les morts n’entendent pas, ne gémissons pas avec les gentils ! Et Jésus dit : enlevez la pierre ! Le Christ demande-t-Il un auxiliaire humain aux vertus divines ? Celui qui a la force suffisante pour mettre la mort en fuite n’aurait pas ce qu’il faut pour écarter une pierre ? Il ne peut pas enfoncer la forteresse d’un tombeau Celui qui avait ce qu’il fallait pour ouvrir les portes du tartare ? Il avait dit par le prophète : J’enlèverai le cœur de pierre de leur chair, et je leur donnerai un cœur de chair. Il ordonne donc que les Juifs enlèvent d’eux-mêmes le cœur de pierre, qu’ils fassent tourner la pierre de perfidie, qu’ils excluent le silex de la dure incrédulité, pour que les âmes que l’infidélité a mises à mort, bondissent hors du sépulcre du cœur. Et pour qu’ils ne se réjouissent pas uniquement de ce que Lazare soit ressuscité, mais qu’ils ressuscitent avec lui. Enlevez la pierre. Enlevez votre déférence et votre complaisance envers l’humanité misérable, pour que reluisent les œuvres de la bienheureuse divinité. Enlevez la pierre. Que vous avez posée vous-mêmes !... afin que je repositionne l’homme que j’avais moi-même placé. Marthe répondit : il sent déjà mauvais. Ce qui pour le corrupteur sent mauvais ne sent pas mauvais pour le Créateur. Il sent déjà mauvais. Celui qui aime son œuvre n’en a pas horreur, mais celui qui détruit l’œuvre d’autrui la déteste. Mais en parlant ainsi, Marthe, tu témoignes contre la mort, que toi, femme, as introduite. Tu cries à la puanteur, pour que la plénitude de la mort fasse savoir aux auditeurs qu’à la résurrection de Lazare son esprit reviendra de loin, mais ne sortira pas de la cachette du corps. Ce sera l’effet d’une vertu divine, non de l’adresse humaine. Pour que les Juifs qui disent que c’est par le prince des démons qu’Il chasse les démons, ne disent pas de nouveau que ce n’est pas par le pouvoir de Dieu que nous ressuscitons les morts mais avec des secours humains. Il sent déjà. C’est le quatrième jour. En parlant ainsi, elle exaspère le désespoir, pour que les spectateurs constatent qu’Il est Dieu Celui qui apporte ainsi le salut aux morts dont ont désespère du salut, qui donne la vie à la pourriture. Levant ses yeux eu haut. Il lève les yeux en haut pour nous léguer la façon de supplier, non pour se préparer à Lui-même un moyen de demander. Car Il regarde en haut Celui qui est toujours en haut avec le Père, dont le Père est toujours en Lui, et Lui toujours dans le Père. Je suis dans le Père et le Père est en moi.

Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé Il rend grâce de quelque chose qui a déjà été accordé. On nous dit ce que le Père a entendu, mais on tait ce que le Fils a demandé. Mes frères, dans la relation Père- Fils, il y a l’amour qui porte à écouter, mais il n’existe aucune nécessité de supplier. Il y a l’assentiment provenant de la charité, mais non l’austérité du commandement. Tout se règle dans l’amour, là où les marques de déférence ne sont pas requises, comme la suite le révèle. Père je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais que tu m’exauces toujours. Mais je dis cela pour le peuple qui m’entoure. Vous voyez qu’en disant de telles paroles, Il exalte l’amour qu’Il porte à son Père et le met en pleine lumière. En rendant grâce, Il parle de l’unité qui existe en Dieu. Il avait dit : Tout ce que mon Père a est à moi. Et si tout ce qu’a Son Père est à Lui comment demande-t-Il ? Celui qui demande ce qui lui appartient ne le fait pas poussé par le besoin, mais par l’amour. Père je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Moi, je savais que tu m’exauces toujours. Mais je dis cela pour le peuple qui m’entoure, pour qu’ils croient que tu m’as envoyé. Il se dit envoyé, pour que les peuples sachent que le Christ est venu du ciel sans s’en être éloigné. Selon la même logique, le Fils reçoit ce qu’il possède, et le Père ne perd pas ce qu’Il donne. Mes frères, ce qui est entendu, ce qui est envoyé, ce qui vient, ce qui reçoit, ce qui naît, ce qui souffre, ce qui meurt et ce qui ressuscite n’appartient pas à la divinité mais à notre infirmité, à notre nature. Tout ce qu’Il a assumé dans notre corps à cause de nous, Il ne l’a pas assumé dans la nature divine de sa Majesté, parce que Dieu en aurait eu besoin.

Mais revenons à notre sujet. Pourquoi dit-Il : Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Oui, pourquoi donc ? Au moment où le Christ commence à déboulonner le portail de l’enfer, à sortir de leurs gonds les portes du tartare, à forcer le pont-levis de la mort, à dissoudre la loi vieillotte de la géhenne, à jeter à bas le droit très ancien des peines, à réclamer l’âme de Lazare, à découvrir le chemin du retour de l’enfer, accourt à Lui en furie toute la puissance du tartare, brandissant l’édit du Prince suprême, exhibant le décret du Roi d’en haut, colportant la sentence séculaire de condamnation portée par Dieu. Et apercevant l’homme, elle se demande qui Il est , ce qu’Il osera, ce qu’Il veut, et pourquoi, seul et sans aucune crainte, assaille-Il et envahit-Il le porche de la mort ? A celui qui demande qui Il est, les ministres de la résurrection, les anges, répondent avec la voix du prophète : Il est le roi de gloire, il est fort et puissant dans le combat. Mais réplique le tartare : Je connais moi, le Roi de gloire qui préside dans les cieux sur toutes les puissances célestes, dont toute la création ne peut pas supporter le moindre signe de tête. Mais Celui-ci, je vois qu’Il vient de la terre, qu’Il a été formé du limon, qu’Il est doté d’un corps mortel, qu’Il est de forme et de condition humaine. Il est même plus vil que les hommes, puisqu’Il doit être livré au sépulcre, et qu’Il s’apprête à tomber sous ma juridiction. Mais les anges persistent et répètent : Celui-ci est le Seigneur des vertus, c’est Lui le roi de gloire. C’est Lui qui préside dans les hauteurs, c’est Lui le créateur du monde, c’est Lui le sauveur du monde. Lui, le Rédempteur de tous, portera la sentence de condamnation sur le vol que tu as commis. C’est Lui qui te piétinera la tête, qui fracassera ton empire, qui te châtiera par son jugement, toi qui après avoir reçu l’ordre de t’emparer des coupables, séduis les innocents, déchires les saints, et portes ton insolence jusqu’à menacer le Fils de Dieu Lui-même. Rends-en donc un avant d’être forcé d’en renvoyer plusieurs. Mais ne croyant pas encore ces choses, le tartare s’adresse au Ciel par le moyen de ses messagers accoutumés, pour porter plainte en un plaidoyer inspiré par l’envie : Moi, Seigneur, même si je suis la dernière de tes créatures, et qu’asservi à ton triste service, j’observe tes préceptes comme s’il s’agissait d’une loi inviolable, je veille à ce qu’aucun novateur téméraire ne porte atteinte au droit antique fondé sur ta sentence de condamnation. Mais un homme est apparu qui se dit le Christ, se vantant d’être ton Fils. Il interpelle tes prêtres, dispute avec les scribes, viole tes sabbats, affranchit de l’observance de ta loi, et force à retourner à leurs corps, dans lesquels ils ont vécu avec scélératesse, les âmes qui vivent sans la chair, qui sont condamnées à la peine et remises à ma charge. Et Il pousse ses audaces si loin qu’Il cherche à faire sortir de l’enfer par effraction Lazare déjà claustré dans notre prison, un vaincu régi par notre loi, relevant déjà de notre code de droit. Hâte-toi d’intervenir, autrement, s’il ouvre une fois les portes, tu perdras tous ceux que pendant des siècles nous avons écroués. A ces paroles, le Fils répondit du sein du Père : Mon Père, il est juste que la prison retienne ceux qui ne sont pas innocents, mais non les innocents. Que la peine ne torture pas les justes, mais les injustes. Pendant combien de temps continuera ce carnivore à attirer à lui en une cruelle vexation, à cause de la faute d’un seul homme, à cause du péché du seul Adam, les patriarches, les prophètes, les martyrs, les confesseurs, les vierges, les veuves, ceux qui ont pratiqué la chasteté dans le mariage, tous les états, l’un et l’autre sexe, et les enfants qui ne connaissent ni le bien ni le mal ? Père, je mourrai pour que tous ne meurent pas. Père, moi, je vais payer la dette d’Adam, pour que par moi ils vivent pour toi, ceux qui par Adam meurent dans l’enfer. Père, à cause de ta sentence de condamnation, je répandrai, moi, mon sang, autant qu’il le faudra pour que ta créature revienne à Toi. Que la valeur de mon sang soit pour toi le prix exigé pour la rédemption de tous les morts. Toute la trinité donna son consentement à ces paroles, et ordonna à Lazare de sortir. Et le tartare reçut l’ordre d’obéir au Christ et de rendre tous les morts. Voilà pourquoi le Fils clame : Je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. L’Apôtre atteste que le Christ, notre avocat, est auprès du Père. Donc quand Il siège, Il juge conjointement avec le Père. Quand Il se tient debout, Il remplit le rôle de l’ Avocat. Le Christ donc, après invoqué son Père, crie d’une voix puissante : Lazare, viens dehors ! Alors le tartare rendit Lazare à la terre, pieds et poings liés. Il craignait en tremblant que s’il ne le libérait pas, s’il temporisait et s’il tardait à en remettre un seul, il serait forcé de les rendre tous. Il fut ainsi un complice de l’évasion des morts celui qui s’était accoutumé à être leur ravisseur. Pourquoi le Christ a-t-Il rompu les chaînes de l’enfer, a-t-il dénoué les liens de la mort, si ce n’est pour nous montrer le redoutable esclavage de l’enfer ? Car si le diable a tenu tête à l’ange au sujet du corps de Moïse, comment le tartare ne se serait-il pas opposé au Christ au sujet de la vie et de la résurrection de Lazare ? Priez, mes frères, pour que nous qui avons gouté à la résurrection, à la coupe de laquelle Lazare a été le premier à boire, nous méritions d’entendre, au retour du Christ, les paroles de la résurrection universelle.

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66ième sermon de

Saint Pierre Chrysologue
 

Nous avons fait lire aujourd’hui un récit rapporté par deux évangélistes différents, pour que votre esprit aille au devant de notre sermon, et pour pouvoir clarifier certains points obscurs. Pourquoi notre réflexion sur la résurrection de Lazare nous a-t-elle poussé à faire mention de l’autre Lazare, vous l’apprendrez par ce qui suit. Nous sommes impatients de vous présenter et de vous montrer les destins étonnants du pauvre Lazare et du riche inhumain, ce qui leur est arrivé à tour de rôle de redoutable, et leurs lamentables conditions, parce que le riche qui a dédaigné d’écouter d’une oreille compatissante le pauvre affligé des maux de la vie présente, n’a pas mérité de trouver un pauvre qui compatirait aux maux de la vie future. Brûlant de soif, il ne reçut pas d’eau pour le soulager celui qui a refusé à la faim du pauvre exténué le réconfort d’un morceau de pain. Quand il était dans les tourments, il éleva les yeux, et vit Abraham au loin, et Lazare dans son sein. C’est en vain qu’il regarde maintenant Lazare en haut celui qui a dédaigné de le voir en bas. De pareilles gens le prophète a dit : Ils ont décidé d’abaisser leur regard sur la terre. Comme il était dans les tourments. Il est aiguillonné par une douleur lancinante celui qui n’a pas été ulcéré par la vue de la misère; les tourments vexent celui que les plaies de Lazare n’ont pas ému. Il ne voit pas pour rien ses peines avivées l’ingrat qui se vautrait dans la pourpre. Il vit Abraham au loin. Abraham était loin de celui qui n’avait pas été proche du pauvre. Le riche a vu un Abraham doté de richesses mais pauvre d’inhumanité. Abraham est riche mais plus par l’humanité que par le recensement. Mais toi, tu as été plus riche d’inhumanité que de richesses. Le nomade Abraham s’est conduit en sédentaire envers ceux qui lui demandaient l’hospitalité . Mais toi qui possédais des palais, tu n’a pas même donné un toit au pauvre. Abraham en accueillant des serviteurs a reçu le Seigneur, et en donnant des pains à tous les hommes, il a eu le Seigneur lui-même comme commensal. Toi parce que tu as refusé à chaque pauvre quelques miettes de pain, tu as perdu la goutte d’eau du rafraîchissement. Et en criant il dit. Il crie là-bas celui qui a dédaigné d’entendre ceux qui criaient ici. Là la réclamation est inutile, et vaine la récrimination. Ecoute le prophète qui dit : Dans l’enfer qui te confessera ? Pour qui l’enfer est-il un lieu de miséricorde ? Dans les tourments, ya-t-il un espoir de pardon ? Et à l’heure de la sentence, qui réclamera l’indulgence ? Père Abraham, aie pitié de moi ! Fils cruel, quelle miséricorde demandes-tu, toi qui, en la refusant au pauvre, te l’as refusé à toi-même ! Et envoie Lazare. Malheureux fils, si Lazare était venu à ta table, tu pourrais toi aussi prendre place à table. Pour qu’il plonge la pointe de son doigt dans de l’eau. Celui qui ferme sa main au pauvre prend un boit de doigt pour une canne; et il a soif d’une goutte d’eau celui qui pour ne pas donner une gorgée de vin dissimule la bouteille dans une citerne . Pour qu’il plonge l’extrémité de son doigt. Celui qui ne donne pas ses richesses au pauvre, qui ne le prend pas en pitié, se soustrait à la miséricorde. Pour qu’elle refroidisse ma langue, parce que je souffre horriblement dans cette flamme. Comme s’il avait une partie du corps qui fut immunisée contre l’incendie. Mais elle brûle davantage la langue de celui qui a négligé de donner des ordres pour que soient exercées les œuvres de miséricorde. Elle ressent plus l’incendie la langue qui a maudit le pauvre et qui a contrecarré la miséricorde. Mais la langue qui souffre le plus de tourments est celle qui, en dérogeant à ce qu’elle doit au pauvre, a blasphémé l’Auteur du pauvre. Mais écoutons ce qu’a répondu Abraham : Fils, souviens-toi que tu as reçu des biens pendant ta vie, et Lazare des maux. Personne ne pensera en entendant ces choses que le riche a reçu des biens en récompense de ses bonnes actions, puisque ces biens ne font que le rendre plus coupable. Car, ayant reçu de Dieu des biens à la place des maux qu’il méritait, il a refusé avec mépris de rendre à Dieu ces biens, en les mettant à notre usage. Car ses si grandes richesses ne lui ont pas donné de quoi prendre le pauvre en charge, ni n’ont fourni la dépense de la plus petite offrande à Dieu. Mais le pauvre, riche de blessures, dépouillé de tout selon le recensement, émacié, revêtu de ses souffrances, offrait constamment à Dieu, comme une hostie, son âme qui était seule à ne pas être recouverte de plaies. Voilà pourquoi ses douleurs lui ont procuré le repos, l’opprobre la gloire, les mépris les honneurs, le dédain humain la faveur divine, ses souffrances l’immortalité, ses plaies des récompenses, sa soif la fontaine rafraîchissante, sa faim les délices sempiternels de la table céleste. Et celui que le portique du riche n’a pas reçu, le sein de la divine consolation l’a accueilli. Toi, riche, qui autrefois resplendissais dans la pourpre, couvre-toi maintenant de fumier, et, au lieu de vêtements d’écarlate, vête-toi de flammes. En souvenir des coussins moelleux des salles de banquets, supporte la dureté des tourments; et à la place des mets somptueux, rassasie-toi de peines. Compense l’abondance par la disette, cuve tes ébriétés avec la soif; et en guise de parfum, asperge-toi de puanteur. Car celui qui a reçu les hommages de la volupté a pour serviteurs les peines. C’est toi qui, en méprisant le pauvre, a opéré cette métamorphose. Abraham a ajouté ceci : Pour toutes ces choses, entre vous et nous un abime immense a été constitué, de sorte que ceux qui veulent traverser d’ici vers vous ne le peuvent pas, ni d’ici transférer ces choses. . En disant cela il déclare qu’avant la venue du Seigneur, les justes aussi bien que les injustes étaient dans les enfers. Il révèle qu’ils n’étaient pas situés dans des directions opposées, mais séparés par des lieux seulement. Après que le Seigneur ressuscité des morts eut ouvert les portes de l’enfer, rendu les cieux accessibles, décadenassé le paradis, Il permit aux saints d’entrer dans le royaume du paradis, de parvenir à la gloire du ciel. Celui qui croit ces choses comprend ce que la venue du Christ a apporté aux mortels. Il était donc fou ce riche de penser pouvoir permuter les lieux dans les enfers, puisque c’est d’après la façon dont il agit ici-bas, en bien ou en mal, qu’il établit les frontières du lieu de la peine ou du repos. Sot pendant sa vie, le riche s’avère plus sot encore au lieu de la punition. Et celui qui n’a pas sur reconnaître le temps de son bonheur ignore dans sa misère celui de ses malheurs. Je te prie, père. C’est maintenant que tu demandes ? Ce n’est plus le temps de demander mais de souffrir. Je te demande, père. Quoi ? D’envoyer Lazare dans la maison de mon père. Avant que Lazare gise saintement près de ta porte, sur laquelle sa faim a gravé les titres de ton inhumanité, où il a honoré ton perron de ses ulcères, et où le pus qui en découlait a entaché tes miettes de pains ? Sois franc , tiens-toi debout à ton tour , et cesse de feindre la pitié! Il est clair comme le jour que tu ne peux pas supporter de voir Lazare dans l’état où il est. Qui ne sait, qui ne comprend que la béatitude de Lazare te brûle plus que l’incendie de la géhenne ! Abraham répondit : ils ont Moïse et les Prophètes. Qu’ils les écoutent ! Ce qui signifie : si Moïse qui renversa les royaumes d’Egypte avec le concours des éléments qui militaient pour lui, qui assécha la mer rouge, qui solidifia les vagues, qui fit jaillir l’eau du rocher, qui tempéra l’ardeur du soleil par une nuée, qui fit briller la lumière pendant la nuit, qui fit pleuvoir des cailles du ciel, qui fit apporter des pains par la rosée, si ce Moïse non seulement ils ne l’ont pas écouté, mais se sont efforcés de le tuer, ces gens-là daigneront-ils écouter Lazare, eux qui ont infligé à Moïse autant de plaies qu’il produisait de prodiges ? Découvre-moi et fais-moi connaître ce que j’ai accompli, et avoue ce que tu as fait. Non père Abraham. En toute vérité, Abraham n’était pas son père, car il n’était pas le fils d’Abraham mais de la géhenne. Non, père Abraham, mais si quelqu’un vient des morts vers eux, ils feront pénitence. Ce que le riche suppose du cœur de tous, ce qu’il attend des désirs de tous, ce qu’il attribue aux voeux de tous les mondains, nous sommes habitués d’entendre tous le susurrer : Oh! Si quelqu’un venait de chez les morts, et rapportait ici ce qui s’y passe, tout le monde le croirait ! Ce genre de discours est celui de personnes qui doutent ! Qui vient ici d’où personne ne vient ? Qui prouvera qu’après la mort on existe encore ? Nous ne disons tous que ce que nous avons entendu; nous ne comprenons que ce qui découle de ce qui a été dit. Car ce que la foi comporte de vrai est enseveli dans les profondeurs. Mais c’est la perfidie non l’ignorance qui nous fait parler de cette façon de ce que nous croyons, c’est ce que démontre la lecture de saint Jean qui suit. Car comme le riche l’avait demandé, Dieu envoya Lazare dans un autre Lazare. Mais pourquoi était-il envoyé, en quoi était-il désiré, qu’avait-il obtenu en ressuscitant, ayez la patience de l’entendre. Les princes des prêtres prirent la décision de tuer Lazare parce que plusieurs à cause de lui s’éloignaient d’eux et croyaient en Jésus. Comme si sa renaissance avait été désirée pour qu’il réitère les souffrances de sa mort. Ils ne veulent pas, non, ils ne veulent pas prêter foi à ce qu’ils voient ceux qui ne veulent pas croire à ce qu’ils entendent. Nous savons, nous savons que la vie est préparée pour les bons et des châtiments pour les mauvais. Mais parce que nous sommes retenus captifs des vices, nous ne voulons pas profiter du temps qui nous est donné pour pratiquer les vertus. Nous feignons d’ignorer ce que nous savons, et nous ne voulons pas que quelqu’un vienne des enfers pour nous dire ce qu’il y a après la mort, car le Christ qui vient du ciel et qui retourne des enfers, a enseigné par la parole et a confirmé par l’exemple quels sont les biens qui demeurent pour toute l’éternité dans le ciel, et quels sont les maux que l’on doit s’attendre à trouver en enfer. Mais peut-être que nous ne croyons pas non plus en ces choses, et que nous ne voulons pas que le Christ revienne, parce que nous ne voulons pas que le monde passe, mais surtout parce que nous nous lamentons de la disparition des vices. Le Christ n’est pas venu fuir la vie mais la mort. Il est venu fuir la mort non la vie, rappeler le monde à Lui, non le détruire, anéantir les vices, non réduire à rien sa créature. Mais priez, mes frères, pour qu’à son retour le Christ nous trouve capables de participer à son règne, selon son désir et son commandement.
 
 
 
 

67ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue
 

Vous avez prêté attention à l’exposé de la foi, écoutez maintenant une explication de l’oraison dominicale. Le Christ a enseigné à prier en peu de mots, Lui qui veut accorder promptement ce qu’on demande. Que ne donnera-t-Il pas à ceux qui Lui demandent quelque chose, Celui qui s’est donné Lui-même à ceux qui ne le demandaient pas ? Ou quel retard mettra-t-Il à répondre celui qui prévient les désirs et les demandes en dictant les prières ? Ce que vous allez entendre aujourd’hui stupéfie les anges, émerveille le ciel, époustoufle la terre. La chair ne le tolère pas, l’oreille ne le capte pas, l’esprit ne le saisit pas, la créature entière ne peut le supporter. Je n’ose pas le dire, mais je ne puis pas me taire. Que Dieu vous accorde à vous de pouvoir l’entendre, et à moi, de pouvoir le dire ! Qu’est-ce qui est le plus extraordinaire ? Que Dieu se soit donné à la terre, ou qu’Il vous donne au Ciel ? Que Lui-même entre en association avec la chair, ou qu’Il vous fasse entrer en participation avec la divinité ? Qu’Il ait Lui-même assumé la mort, ou qu’Il vous ait soustrait à la mort ? Qu’Il ait pris sur Lui votre pauvreté, ou qu’Il fasse de vous ses héritiers, ses uniques cohéritiers ? Y a-t-il quelque chose de plus renversant que la terre soit transférée dans le ciel, que l’homme soit mué en la déité, et que le sort de la servitude et de l’esclavage obtienne du sort les droits de la domination et de la suprématie ?. Mais bien que cela soit redoutable, puisque ce n’est pas celui qui enseigne qui en porte la responsabilité, mais Celui qui ordonne d’enseigner, accédons, mes fils, là où la charité nous appelle, où nous attire l’amour, où nous invite l’affection. Que les cœurs expérimentent la présence de Dieu le Père, que la voix résonne au loin, et que tout ce qu’il y a en nous réponde à la grâce, non à la crainte. Car Celui qui a changé le Juge en Père, veut être aimé, non craint.

Notre Père qui es aux cieux. (Matt.V1) Quant tu dis cela, ne l’entends pas au sens où Il ne serait pas sur la terre. Ne va pas penser qu’Il est enfermé dans un lieu, Lui qui renferme tout, mais comprends que tu tires ton origine du ciel, et que ton Père est céleste. Et fais en sorte qu’une vie sainte réponde à la sainteté de ton Père. Il prouve sa filiation divine celui qui n’est pas avili par des vices humains, celui chez qui commencent à luire les vertus divines. Que ton nom soit sanctifié. Celui dont nous sommes la progéniture, reconnaissons-le aussi par le nom. Nous prions donc pour que son nom qui par lui-même et en lui-même est saint soit sanctifié en nous. Car le nom de Dieu est honoré par nos bonnes actions ou blasphémé par nos mauvaises. Ecoute l’Apôtre qui dit : Le nom de Dieu à cause de vous est blasphémé chez les nations. Que ton règne vienne. Et quand donc Dieu n’a-t-Il pas régné ? Nous demandons donc que Celui qui a toujours régné pour Lui-même règne maintenant en nous, pour que nous puissions nous aussi régner en Lui. Le diable a régné, le péché a régné, la mort a régné, et la mortalité a été longtemps captive. Nous demandons donc qu’à la venue du règne de Dieu, le démon obéisse, le péché disparaisse; que la mort meure, que la captivité soit capturée, pour qu’une fois affranchis, nous puissions régner dans la vie perpétuelle. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. C’est le royaume de Dieu quand sur la terre et au ciel, il n’y a plus qu’une seule volonté : celle de Dieu. Quand la Sagesse de Dieu est dans tous les hommes, c’est alors que Dieu agit, que Dieu vit, que Dieu règne. Dieu est tout, selon le mot de l’Apôtre : Que Dieu soit toutes choses en vous tous !

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Celui qui s’est donné à nous comme Père, qui nous a adoptés pour Lui-même comme ses fils , qui nous a fait héritiers de la création, qui nous a ennoblis en nous faisant porter son nom, qui nous fait participants de son honneur et de son règne, c’est le même qui approuve que nous demandions notre pain quotidien. Que cherche la pauvreté humaine dans le royaume de Dieu, parmi les dons divins ? Un père si bon, si compatissant, si généreux n’accorderait le pain à ses fils que dans la mesure où ils l’en supplient ? Mais que dire alors de cette parole de Jésus : Ne vous inquiétez pas de ce que vous mangerez, ni de ce que vous boirez, ni de quoi vous vous vêtirez. Il ordonne de demander ce dont Il nous défend de nous préoccuper, jusqu’à ce que le Père céleste nous exhorte nous, ses fils célestes, à demander le pain du ciel. Car c’est Lui-même qui a dit : Je suis le Pain descendu du ciel. Il est le Pain qui a été semé dans le sein de la Vierge, qui a fermenté dans la chair, qui a été pétri dans la passion, cuit dans la fournaise du sépulcre, conservé dans les églises, offert sur les autels, et qui assure à chaque jour aux fidèles la nourriture céleste. Et remettez- nous nos dettes comme nous remettons à ceux qui nous doivent. Homme, si tu ne peux pas être sans péché, et si tu veux toujours qu’on te remette tout ce que tu dois, remets toujours aux autres ce qu’ils te doivent. Toutes les fois que tu veux qu’on te remette ce que tu dois, remets aux autres ce qu’ils te doivent. Homme, comprends qu’en pardonnant aux autres tu t’accordes à toi-même le pardon. Et ne nous induis pas en tentation. La vie dans le siècle est à elle seule une tentation. La tentation est le lot de l’homme. Demandons donc que notre Père ne nous abandonne pas à notre libre arbitre, mais que dans toutes nos actions Il nous serre paternellement la main, et qu’Il nous maintienne dans le chemin de la vie avec une patience céleste. Mais délivre- nous du mal. De quel mal ? Du diable, sans aucun doute, de qui vient tous les maux. Demandons d’être libérés du mal, car celui qui ne s’est pas privé du mal ne peut pas jouir du bien.

Si ceux qui ne sont pas encore nés, qui se développent dans le sein de leur mère, demandent déjà du pain, attendent déjà le règne, pourquoi se demander à quoi s’occupe constamment le Fils de Dieu dans le sein mystérieux du Père ? Si l’église engendre, il n’y a pas à en chercher la raison, c’est un mystère céleste. Que le Fils de Dieu ait été dans le Père, Il ne l’est pas à la façon dont le conçoit la raison humaine. Les choses divines ne doivent pas être considérées à la façon humaine. Tu as entendu le mot Dieu, ne va pas penser à quelque chose de terrestre ou d’humain. Tu as entendu " le Père du Christ ", crois qu’Il est Fils par nature. Tu as entendu que Dieu est ton père. crois qu’Il l’est par grâce. Il a toujours été en état d’avoir un Fils. Mais c’est tout récemment qu’Il t’a donné d’être fils. Sache donc être fils sans cesser d’être serviteur. Comprends que tu as été rétabli à la ressemblance du Christ, de façon à toujours te souvenir que tu es le sujet du Christ.
 
 
 
 

68ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue
 

Cette condition mortelle, cet organisme terrestre, cette substance argileuse, que la vie et que la mort inquiète, qui est rompue au labeur, rongée par les peines, en un mot, la nature sujette à la pourriture et à la poussière ne peut comprendre, n’a pas ce qu’il faut pour estimer à sa juste valeur ce qu’elle est forcée aujourd’hui de confesser, et qu’elle n’ose rejeter, bien qu’elle ait une peur bleue de le croire. La fragilité humaine ne peut pas découvrir comment elle a pu mériter une si grande gratuité des dons de Dieu, et la munificence de ses promesses. Je pense que le prophète Habacuc n’a pas eu de difficulté à prévoir cela par la vue de l’esprit lorsque, sous le coup d’une si grande commotion, il fut agité de frayeur par ce qu’il avait entendu. Il a dit : Seigneur, j’ai entendu ta parole, et j’ai eu peur. J’ai considéré tes œuvres, et j’ai été épouvanté. Il a eu peur de ce qu’il a entendu non seulement parce qu’ un si grand prophète avait entendu parler le Seigneur, mais parce qu’alors le serviteur a découvert que son Seigneur s’était converti à lui ; et il L’a entendu parler en Père. Il n’a pas été terrorisé en contemplant le cosmos qui forme une harmonie à partir d’éléments dissonants et hétéroclites, mais parce qu’en considérant les œuvres d’une telle miséricorde envers lui, il a tremblé et frémi d’admiration. J’ai considéré tes œuvres, et j’ai été épouvanté. Le serviteur qui avait perdu l’espoir se voit avec stupeur adopté comme un fils. Pour que vous ayez une idée de l’estime et de la vénération que vous devez avoir envers la prière que la Divinité aujourd’hui vous communique et vous infuse, le prophète ose se libérer de la peur qu’avait provoquée en lui la perception des dons célestes. Voyez ce qu’il dit ensuite : J’ai conservé, et mon ventre s’est épouvanté en entendant le discours de tes lèvres. Après qu’il eut réalisé la largesse du don divin, il s’est surveillé lui-même, pour ne pas avoir une fois de plus, comme dans le paradis, à se combattre comme un ennemi, un adversaire, un voleur. Il devint un plus vigilant, un plus vaillant gardien de lui-même, lui qui, après un si grand désastre, conserve un trésor céleste dans des vases fragiles. Et mon ventre a été terrorisé. Ce que ce Prophète appelle ventre, c’est le cœur. Le cœur se nourrit et se remplit de ce que lui apporte les sens, comme le ventre se nourrit d’aliments. Et mon ventre a été épouvanté en entendant le discours de tes lèvres. Si c’est l’intelligence du cœur qui a placé ces mots dans sa bouche, qui a donné à ses lèvres ces paroles, pourquoi ses vœux, pourquoi ses désirs, pourquoi les supplications qu’il s’apprêtait à faire l’ont-ils terrorisé ? Parce que ce n’était pas à l’instigation de son cœur qu’il parlait, mais sous l’inspiration de l’Esprit divin. Ecoute Paul qui dit : Le Seigneur a envoyé l’Esprit de son fils dans nos cœurs, qui crie Abba, Père. Quand le message pénétrait à l’intérieur, il était renversé d’avoir tant mérité, et son cœur battait à tout rompre. Ce n’est pas pour rien qu’il ajoute : Et la crainte entra dans mes os, parce que les viscères elles-mêmes du prophètes étaient atteintes. Et en-dessous de moi, se trouble ma force. Que veut dire : en dessous de moi ? Jusqu’à ce que la grâce ait élevé ce même homme vers le haut, il gisait en dessous par sa nature primitive, et la vertu terrestre ne pouvait pas supporter la vertu céleste. Le mont Sinaï fumait déjà avant que Dieu ne descende sur la montagne pour donner la loi. Qu’aurait pu faire la chair quand Dieu est descendu dans la chair, pour communiquer la grâce à la chair ? Le Père est venu parce que l’homme ne supportait pas Dieu, le serviteur le Seigneur. Et parce qu’Il est fidèle à sa parole Celui qui a dit : J’ai ouvert ta bouche, et je l’emplirai. Ouvrez donc maintenant vos bouches, pour que Lui-même les remplisse d’une telle prière, d’une telle supplication.

Notre Père qui es aux cieux. Où sont ceux qui se méfient de la promesse de Dieu ? Voyez comme elle est rapidement récompensée la confession de la foi : dès que tu as confessé Dieu comme le Père d’un Fils unique, tu es toi-même adopté comme fils de Dieu le Père, pour que tu sois héritier du ciel, toi qui avais été exilé du paradis et de la terre. Et c’est pourquoi tu l’appelles maintenant notre Père qui es aux cieux. Parce que tu as eu un autre père qui t’avait fait ramper dans la vase, qui t’avait amené et incarcéré dans les cachots de l’enfer. Celui qui redemande un Père à la nature céleste qu’il ne demande pas un père à la poussière, qu’il n’accorde aucun droit en lui à ce qui est vil. Et celui qui se croit fils de Dieu, qu’il réponde à une telle filiation par ses actes, pas sa vie , par ses mœurs, par son honnêteté, de peur que, redescendant vers les choses terrestres , il ne fasse injure à un tel père. Que ton nom soit sanctifié Si le nom du Christ donne la vue aux aveugles, la course aux boiteux, la guérison aux malades de différentes maladies, la vie aux morts, et te sanctifie, totalement, toi qui es sa créature, pourquoi demandes-tu qu’il soit sanctifié ? Parce que par le Christ tu es appelé chrétien. E tu pries pour que la prérogative d’un tel nom soit corroborée par tes mérites subséquents. Que ton règne arrive. Il demande la dévotion, Il exige les désirs, Il requiert les vœux Celui dont l’avènement du règne dépend de sa seule puissance. Il est fidèle ce soldat, qui a soif de la présence de son Roi, qui espère qu’il règnera, qui désire vivement et intensément qu’il triomphe. . Mais ici tu demandes qu’il advienne qu’Il règne en toi, toi en qui le diable a tenu et exercé la principauté, la mort son empire et l’enfer sa puissance. Prions donc, mes très chers, pour que le Christ règne toujours dans son soldat, et que le soldat triomphe toujours dans son roi. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Bienheureux le jour qui associera et ajustera les volontés terrestres aux célestes, pour qu’entre des substances disparates existe une seule et même volonté. On peut parler de paix stable, d’union sans heurt, de persévérance dans la grâce quand, sur l’ordre d’un seul Seigneur, une famille aux tempéraments divers devient une par la volonté et le sentiment.

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Après le pain du royaume céleste, qui demande un pain terrestre ? Mais à chaque jour, Il veut que nous demandions le viatique du pain dans le sacrement de son corps, pour qu’Il nous conduise au jour éternel et à la table elle-même du Christ. Pour que ce dont nous avons eu ici-bas l’avant-gout nous nous en rassasions complètement et en plénitude. Et pardonnez-nous nos dettes comme nous pardonnons à nos débiteurs. Celui qui demande ainsi et qui ne remet pas les dettes, c’est sa prière même qui le condamne. Celui qui demande qu’on lui donne et qu’on lui remette dans la mesure même où il donne et remet, contracte avec Dieu un pacte, signe avec Dieu un contrat. Que chacun exige qu’on ne lui rende que ce qu’il aura accordé aux autres. Elles doivent être remises les dettes, mes frères, non seulement d’argent, mais de toutes les fautes, de tous les crimes, de quelle nature qu’elles soient. Quelle que soit la grandeur de l’offense, quand quelqu’un t’aura offensé, pardonne. Et ne nous induis pas en tentation. Nous sommes forcées, mes frères, de demander cela des milliers de fois de multiples façons, pour que la fragilité n’ose pas présumer pouvoir tenir le coup à elle seule, ni compter sur ses propres forces. Car la présomption pourrait la faire tomber dans le combat, et à la fin, un Dieu offensé pourrait livrer aux tentations ceux qu’il abandonne. Mais délivre-nous du mal. Il fait preuve de suffisamment d’humilité, et ne présume pas pouvoir se sauver par lui-même celui qui implore d’être libéré par Dieu du mal. Signez-vous !

Essayez de comprendre , mes fils, la grandeur de la gloire et de la puissance des parfaits et des forts, quand une si grande vertu se découvre dans notre conception et une si grande majesté dans notre naissance. Celui qui n’est pas encore né appelle le père, sollicite la sainteté, demande le règne, donne des droits à la terre, accorde les volontés terrestres aux volontés célestes, et exige déjà dans son zèle la récolte annuelle pour les travaux agricoles futurs. Donne-nous notre pain quotidien. Bienheureux êtes-vous vous qui avez commencé à vaincre avant de combattre, à vivre avant de triompher, à parvenir aux entrepôts du père avant de rejoindre le sein maternel. Qui vous êtes nourris de légumes avant de sucer le lait, qui avez chanté à pleins poumons l’hymne de la victoire avant de vagir et de gazouiller dans le berceau. Ce que dit l’Apôtre n’est que trop vrai : la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes. Qui trouvera les mots pour célébrer le sacrement (le baptême) par lequel la Vierge mère (l’Eglise) enfante dans tout l’univers à chaque jour, sans abandonner à la peine ceux qui viendront après, mais les envoie avant elle à la gloire éternelle.
 
 
 
 

69ième sermon de
Saint Pierre Chrysologue
 

Est-ce que tu penses que le cœur mortel est capable de comprendre la grandeur de la charité que le Seigneur nous porte ? Est-ce que tu penses que l’esprit qui est écrasé par le poids du corps terrestre comprend et sent l’amour divin à notre égard ? Car tout ce qui dans le ciel luit, brille et resplendit en fait d’ornementation , tout ce qui sur la terre embaume dans les fleurs, a de la saveur dans les fruits, tout ce qui nous réjouit dans les animaux a été fait pour que nous l’aimions, pour que tout cela soit affecté à notre service. Mais bien que ce soit de grandes choses, elles sont trop petites pour être pour nous un signe de l’amour divin à notre endroit. Les principautés dans les cieux, les puissances célestes , les dominations sublimes militent en notre faveur, remplissant leur devoir en montant la garde sans se lasser. Mais ces choses sont encore trop infimes et insignifiantes pour nous faire comprendre l’intérêt que Dieu nous porte; elles sont d’autant plus négligeables que la créature est inférieure au Créateur. Le Dieu dont on ne peut contempler le visage, qui échappe à la vue, que les sens ne peuvent appréhender, qui est inaccessible à l’esprit, qui ne peut être connu pleinement par la parole, combien de fois, avec quelle insistance, de combien de façons diverses, ne s’est-Il pas adapté à nos différents blocages ? Comme Il se prête à la communion humaine, comme il s’abandonne à la familiarité humaine, quand Il nous rend participants de sa prise de décision, et quand, voulant châtier le monde, Il nous avertit de l’imminence du déluge; et quand Il place tout l’univers, sous sa garde, dans la semence minuscule de l’arche. Quand il vient vers Abraham comme hôte, invité, Il avance avec courtoisie , ne repousse pas ce qu’on lui offre, accepte les mets comme s’Il était affamé et exténué , et comme s’Il souffrait de la solitude, Il reçoit et accepte la compagnie humaine. Il en est résulté que les membres morts du vieillard sont revenus à la vie aussitôt , que les viscères rabougris de la vieille stérile se sont assainis, et que la nature ensevelie dans un cadavre vivant, s’étant réveillée, a ressuscité son auteur, et, une fois le temps de la génération passé, en a engendré plusieurs par un seul qu’elle croyait son créateur. Pour Moïse, un Dieu igné se met en forme de boule dans le buisson. Il discute ensuite avec son esclave de ce qu’il y a à faire, s’affaire à différents prodiges en Egypte, et se manifeste au moindre signe de celui qui Lui est asservi. Il inflige des fléaux, ou les annule. Et la grandeur qu’il possédait dans la mer, à quel point Il l’a donnée à l’homme, le service obséquieux de l’onde vengeresse le démontre, lorsque, l’abime asséché, elle fléchit devant les pieux, et les vagues s’étant solidifiées , elle prépare un mur, dressant ainsi un rempart pour ceux qui devaient être libérés; et de toute la force de sa nature, elle reflue pour triompher d’un ennemi très cruel. Et, partageant la vie de camp des Israélites dans une étonnante camaraderie, Il frappe un grand nombre de peuples tantôt par la foudre, tantôt par la grêle. Il les abat parfois au seul son de la trompette, pour que sans conflit, sans blessures, Il dirige vers la victoire les armées qu’Il précède. Il a exaucé les désirs et les vœux de chacun en particulier, a répondu sans retard aux interrogations. Il a révélé des secrets, a prédit les évènements à venir , et a fait trouver ce que l’on recherchait. Il a accordé le règne, a donné la prospérité, a modéré les pluies, a rendu les terres fertiles. Il a honoré les époux par une progéniture abondante.

Mais Il a considéré que ce serait bien peu de chose de montrer son affection envers nous en faisant prospérer nos entreprises, s’Il ne nous aidait pas dans nos calamités. Après toutes ces choses, Il entre, pauvre, dans son monde, gît dans un berceau comme homme, implore par son vagissement. Il demande, Il exige la piété que Lui-même t’a accordée. Le Père de tous se sert de toi comme parent; Celui à qui toute grandeur est soumise se soumet à toi; Il a craint Celui que craint ce qui est à craindre. Il a fui Celui auprès de qui tous viennent chercher un refuge. L’Arbitre du ciel est un hôte dans les maisons des pécheurs. Il se repait de pains celui qui pait tout le monde. A quoi bon en dire davantage ? Le Père tout-puissant est retenu par le temps; le fondateur de la terre comparait devant le tribunal humain. Il est jugé Celui qui accorde libéralement à l’humanité le pardon; Il est puni Celui qui donne et restitue la vie. La Résurrection de tous est ensevelie, pour que l’esprit abâtardi de l’homme, et son intelligence paresseuse ait dans la mort de Dieu la preuve de l’amour que Dieu lui porte, s’il n’avait pas encore compris, senti la charité de Dieu envers lui par les nombreux bienfaits de Dieu précités. Celui donc qui a fait l’être, qui a donné de vivre, a enseigné aussi à prier, parce qu’Il a voulu tout disposer Celui qui a voulu être supplié par sa prière à Lui.

Notre Père qui es aux cieux. Voici, ô homme , que, par ta voix, Il t’adopte comme fils pour te faire cohéritier avec Lui de Dieu Père, quand Il dit : Notre Père. Ce qui était une faveur, Il a voulu en faire un droit, d’après cette parole : Et à tous ceux qui L’ont reçu, Il a donné le pouvoir d’être fils de Dieu. Et pourtant Il commande qu’on le dise, pour que l’adoption filiale soit due à la générosité de Celui qui donne plutôt qu’à la témérité de la présomption. Qui es aux cieux. Non qu’Il ne soit pas sur la terre, mais c’est parce qu’Il veut que toi qui invoques déjà ton Père céleste, tu tendes et te diriges vers la nature céleste, pour que notre vie réponde à une telle génération, et de peur ne dégénèrent les mœurs terrestres que la nature céleste a données et octroyées. Que ton nom soit sanctifié. Non qu’Il ait besoin d’être sanctifié par ta prière le nom qui te sanctifie, mais parce que tu as reçu du nom du Christ le nom de chrétien. Mais puisque par le nom du Christ, tu es appelé chrétien, il te faut demander que, par tes actions, ce nom soit sanctifié et soit honoré en toi. Car comme le bon renom des vertus concourt à la glorification du nom, ainsi l’infamie de celui qui fait le mal rejaillit de façon injurieuse sur le nom, comme le dit l’Apôtre : Le nom de Dieu à cause de vous est blasphémé chez les Gentils. Et en toute vérité, mes fils, le gentil déroge à ce qu’exige l’honneur de la foi toutes les fois qu’il voit le Chrétien vivre autrement qu’il professe et dit. Que ton règne vienne. Non pour qu’advienne à Dieu un règne qu’Il détient depuis toujours, mais tu demandes qu’il arrive à toi, toi qui ne le possèdes pas, et pour que tu perçoives ce que dans son affection Dieu t’a promis, quand Il a dit : Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Venez, bénis ! Il n’a pas dit : Venons ! Il a dit recevez, Il n’a pas dit recevons ! Que personne ne s’étonne si même celui qui n’est pas encore né l’appelle Père. Car si Jean exulte, si Jacob lutte avec quelqu’un dans le sein de sa mère, que celui qui a la prudence nécessaire estime ce que peut la nature divine, si la conception humaine peut tant par Dieu.
 
 
 
 
 

69ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue
 

 Est-ce que tu penses que le cœur mortel est capable de comprendre la grandeur de la charité que le Seigneur nous porte ?    Est-ce que tu penses que l’esprit qui est écrasé par le poids du corps terrestre  comprend  et sent l’amour divin  à notre égard ?   Car tout ce qui dans le ciel luit, brille et resplendit en fait d’ornementation ,  tout ce qui sur la terre embaume dans les fleurs,  a de la saveur dans les fruits,  tout ce qui nous réjouit dans les animaux  a été fait pour que nous l’aimions,  pour que tout cela soit affecté à notre service.   Mais bien que ce soit de grandes choses,  elles sont trop petites pour être pour nous un signe de l’amour divin à notre endroit.   Les principautés dans les cieux,  les puissances célestes ,  les dominations sublimes  militent  en notre faveur,   remplissant leur devoir en montant la garde sans se lasser.  Mais ces choses  sont encore  trop infimes et insignifiantes pour nous faire comprendre l’intérêt que Dieu nous porte;  elles sont  d’autant plus négligeables  que la créature est inférieure au  Créateur.  Le Dieu dont on ne peut contempler le visage,  qui échappe à la vue,   que les sens ne peuvent appréhender,  qui est inaccessible à l’esprit,  qui ne peut être connu pleinement par la parole,  combien de fois,  avec quelle insistance, de combien de façons diverses, ne s’est-Il pas adapté à  nos différents blocages ?   Comme Il se prête à la communion humaine,  comme il s’abandonne à la familiarité humaine,  quand Il nous rend participants de sa prise de décision,    et quand,  voulant châtier le monde,  Il nous avertit de l’imminence du déluge;    et quand Il place  tout l’univers,  sous sa garde, dans la semence minuscule de l’arche.  Quand il vient vers Abraham comme hôte,  invité, Il avance avec courtoisie ,  ne repousse pas ce qu’on lui offre,   accepte les mets comme s’Il était affamé et  exténué ,  et comme s’Il  souffrait de la solitude,   Il reçoit et accepte la compagnie  humaine.   Il en est résulté que les membres morts  du vieillard  sont revenus à la vie aussitôt ,  que les viscères rabougris de la vieille stérile  se sont assainis,  et  que la nature ensevelie dans un cadavre vivant,  s’étant réveillée,  a  ressuscité son auteur,  et, une fois le temps de la génération passé, en a engendré  plusieurs  par un seul qu’elle croyait son créateur.  Pour Moïse,  un Dieu igné se met en forme de boule dans le buisson.  Il discute ensuite avec son esclave de ce qu’il y a à faire,  s’affaire  à différents prodiges en Egypte,  et se manifeste  au moindre signe de celui qui Lui  est asservi.   Il inflige des fléaux,  ou les annule.   Et la grandeur qu’il possédait dans la mer,  à quel point Il l’a donnée  à l’homme,  le service obséquieux de l’onde vengeresse le démontre,  lorsque,  l’abime asséché,  elle fléchit devant  les  pieux,  et les vagues  s’étant solidifiées ,  elle  prépare un mur,  dressant ainsi un rempart  pour ceux qui devaient être  libérés;   et de toute la force de sa nature, elle reflue  pour triompher d’un ennemi très cruel.   Et, partageant la vie de camp des Israélites dans une étonnante camaraderie,   Il frappe un grand nombre de peuples tantôt par  la foudre,  tantôt par  la grêle.   Il les abat parfois au seul son  de la trompette,  pour que sans conflit,  sans blessures,  Il  dirige vers la victoire les armées qu’Il précède.   Il a exaucé  les désirs et les  vœux de chacun en particulier,  a répondu  sans retard aux interrogations.   Il a révélé des secrets,  a prédit les évènements à venir , et a fait trouver  ce que l’on recherchait.   Il a accordé le règne,  a donné la prospérité,  a modéré les pluies,  a rendu les terres fertiles.   Il a honoré les époux par une progéniture abondante.

 Mais Il a considéré que ce serait bien  peu de chose  de   montrer  son affection envers nous en faisant prospérer nos entreprises,  s’Il ne nous aidait pas  dans nos calamités.    Après toutes ces choses,  Il entre,  pauvre,  dans son  monde,  gît dans un berceau comme homme,  implore par son vagissement.    Il demande,  Il exige la piété que Lui-même t’a accordée.   Le Père de tous se sert de toi comme parent;   Celui à qui toute grandeur  est soumise  se soumet à toi;    Il a craint Celui que craint ce qui est à craindre.  Il a fui Celui  auprès de qui tous viennent chercher un refuge. L’Arbitre du ciel est un hôte dans les maisons des pécheurs.  Il se repait de pains celui qui pait tout le monde.   A quoi bon en dire davantage ?   Le Père tout-puissant  est retenu par le  temps;   le fondateur de la terre comparait devant le tribunal humain.    Il est jugé Celui qui accorde libéralement à l’humanité le pardon;   Il est puni Celui qui donne et restitue la vie.    La Résurrection de tous est ensevelie,  pour que l’esprit abâtardi de l’homme,  et son intelligence paresseuse  ait dans la mort de Dieu la preuve de l’amour que Dieu lui porte,  s’il  n’avait pas encore compris, senti la charité de Dieu envers lui  par les nombreux bienfaits de Dieu précités.   Celui donc qui  a fait l’être, qui a donné de vivre,  a enseigné aussi à prier,  parce qu’Il a voulu tout disposer Celui qui a voulu être supplié par sa prière à Lui.

 Notre Père qui es aux cieux.  Voici, ô homme , que,  par ta voix,  Il t’adopte comme fils  pour te faire cohéritier avec Lui  de Dieu Père,  quand Il dit :  Notre Père.   Ce qui était une faveur,  Il a voulu en faire un droit, d’après cette parole :   Et à tous ceux qui L’ont reçu,  Il a donné le pouvoir d’être fils de Dieu.  Et pourtant Il commande qu’on le dise,  pour que l’adoption filiale soit due à la  générosité  de Celui qui donne  plutôt qu’à  la témérité de la présomption.   Qui es aux cieux.  Non qu’Il ne soit pas sur la terre,  mais c’est parce qu’Il veut que toi qui invoques déjà ton  Père céleste,  tu  tendes et te diriges vers la nature céleste,  pour que notre vie réponde  à une telle génération, et  de peur ne dégénèrent les mœurs terrestres  que la nature céleste a données et octroyées.    Que ton nom soit sanctifié.   Non qu’Il ait besoin d’être sanctifié par ta prière le nom qui te sanctifie,  mais parce que tu as reçu du nom du  Christ le nom  de chrétien.   Mais puisque  par le nom du Christ,  tu es appelé chrétien,  il te faut demander que,  par tes actions,  ce nom soit sanctifié  et soit honoré en toi.   Car comme le bon renom  des vertus concourt à la glorification du nom,  ainsi l’infamie de celui qui fait le mal  rejaillit de façon injurieuse sur le nom,  comme le dit l’Apôtre :  Le nom de Dieu à cause de vous est blasphémé chez les Gentils.   Et en toute vérité,  mes fils,  le gentil déroge à ce qu’exige l’honneur de la foi toutes les fois qu’il voit le Chrétien vivre autrement qu’il professe et dit.  Que ton règne vienne.   Non pour qu’advienne à Dieu un règne qu’Il  détient depuis toujours,  mais tu demandes qu’il arrive à toi,  toi qui ne le possèdes pas,  et pour que tu perçoives ce que dans son affection Dieu t’a promis,  quand Il a dit : Venez les bénis de mon Père,  recevez le royaume qui  vous a été préparé depuis la fondation du monde.    Venez,  bénis !  Il n’a pas dit :  Venons !     Il a dit recevez,  Il n’a pas dit recevons !    Que personne  ne s’étonne  si même celui qui n’est  pas encore né l’appelle Père.   Car si Jean exulte,  si Jacob lutte avec quelqu’un dans le sein de sa mère,  que celui qui a la prudence  nécessaire estime ce que peut la nature divine,   si la conception humaine peut tant par Dieu.
 
 
 
 
 
 

70ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue

Toutes les paroles et toutes les actions de Dieu que l’on rapporte sont prodigieuses et stupéfiantes; elles inspirent de la crainte aux mortels et de la frayeur aux anges. Mais rien ne stupéfie plus le ciel, n’effraie plus la terre , n’épouvante davantage l’ensemble de la création, que ce que vous allez entendre aujourd’hui de notre bouche. Le serviteur ose donner le nom de Père à son Seigneur; le coupable appelle son juge géniteur; par sa propre voix, la condition terrestre s’adopte fils de Dieu. Celui qui a perdu les biens terrestres se considère héritier de la divinité. Mais nous osons proclamer le mystère, car ce n’est pas la présomption de la part de celui qui le dit mais l’autorité de Celui qui l’ordonne qui nous y pousse. Celui qui veut qu’aujourd’hui nous parlions ainsi est Celui qui veut que nous priions ainsi. Et pourquoi s’étonner que Dieu ait consacré les hommes en les adoptant comme ses fils quand Il s’est donné aux hommes et est devenu leur fils ? Il a transféré la nature de la chair dans la nature divine quand Il a ravalé la divinité à la nature humaine. Il s’est donné dans les cieux l’homme comme cohéritier quand Il s’est rendu participant des choses terrestres, Qu’est-ce qu’Il a refusé d’assumer pour l’amour de l’homme, quel fardeau, Lui qui s’est chargé de tout ce qui était humain, même du péché, et même de la mort ? Ou comment ne rendra-t-Il pas l’homme participant de sa prospérité Celui qui s’est associé à l’homme dans ses adversités ? Homme, retourne à Dieu qui t’aime tellement ! Et donne-toi tout entier à la gloire de Celui qui s’est pour toi livré totalement au déshonneur. Et appelle avec confiance Père Celui que tu découvres tien par un si grand amour, puisque tu sens, que tu comprends qu’Il a t’a engendré.

Notre Père. Que personne ne s’étonne que celui qui n’est pas encore né (le catéchumène) appelle Dieu son Père. Ce qui naîtra bientôt est déjà né de Dieu; ce qui sera est déjà fait par Dieu. Ce qui sera a déjà été . (Eccl)) C’est pour cela que saint Jean reconnut son Auteur dans le sein maternel, et il devint un messager pour sa mère avant d’avoir été conscient d’être en vie. Voilà pourquoi on lit que Jacob a balbutié avant de naître, qu’il a triomphé avant de vivre. Voilà pourquoi appartiennent déjà à Dieu ceux qui n’existent pas encore, eux qui ont été élus avant la constitution du monde. Qui es aux cieux. Non de façon à ne pas être sur la terre, mais pour que le mot cieux te fasse comprendre que tu es un germe céleste. Et si tu reconnais que tu es fils de Dieu, vis en fils de Dieu, pour que tu puisses dédommager, récompenser un tel Père par tes actes, ta vie, tes vertus. Que ton nom soit sanctifié. Parce que le Christ t’appelle chrétien, tu demandes que la prérogative d’un si grand nom soit sanctifiée en toi. Parce que le nom de Dieu qui en lui-même et par lui-même est saint est sanctifié en nous par nos bonnes actions, ou est blasphémé chez les païens par nos mauvaises actions. Que ton règne arrive. C’est Lui qui a dit : Le royaume de Dieu est à l’intérieur de vous. S’il est à l’intérieur de nous, pourquoi demandons-nous qu’il arrive ? Il existe en nous dans la foi, dans l’espérance et dans l’attente, mais nous prions pour qu’il vienne en toute réalité. Qu’il vienne en nous, mais non dans Celui qui règne conjointement avec son Père, car Il règne toujours avec le Père. Mais qu’il vienne en nous ! Venez les bénis de mon Père, et recevez le royaume qui vous a été préparé depuis l’origine du monde ! Nous disons que ton règne arrive Il règnera en nous à partir du moment où la mort cessera de régner en nous, où le péché cessera de régner. L’Apôtre dit que la mort a régné d’Adam jusqu’à Moïse. Et ailleurs : Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Maintenant, sur la terre, beaucoup de choses arrivent pas la volonté du démon, par la malice du siècle, par la convoitise de la chair. Au ciel, au contraire, rien ne se fait en dehors de la volonté de Dieu. Nous demandons donc que le diable une fois paralysé, le monde renouvelé, le corps transformé, l’empire de la mort détruit, la domination du péché abolie, une seule et même volonté, celle de Dieu, existe au ciel et sur la terre, en Dieu et dans les hommes.

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. On ne nous commande pas de demander le pain terrestre après le royaume céleste , car Il nous l’a interdit en disant : Ne vous inquiétez pas dans votre esprit de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez. Mais parce qu’Il est lui-même le Pain qui descend du ciel, nous demandons et nous implorons de pouvoir nous nourrir sans interruption pendant toute l’éternité de ce pain que nous mangeons tous les jours. Aujourd’hui, i.e., dans la vie présente, nous demandons que la réception de ce pain au repas du saint autel fortifie notre corps et notre esprit. Et remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. En parlant ainsi, ö homme, tu te fixes à toi-même le quota de l’indulgence et la mesure du pardon, car je retiens que tu demandes d’être pardonné dans la mesure où tu pardonnes. Pardonne donc totalement à celui qui t’a fait du tort, si tu veux ne rien devoir à Dieu à cause de tes nombreux manquements. Pardonne-toi à toi-même dans un autre, si tu veux éviter la loi du talion. Et ne nous induis pas en tentation. Dieu, est-il écrit, ne tente personne. Mais on dit qu’Il tente quand Il nous abandonne à nous-mêmes, lorsque nous nous jetons tête baissée dans les filets des tentations. C’est ainsi qu’Adam courut vers les pièges du tentateur quand il abandonna les préceptes de son Créateur. Il révèle ensuite d’où vient la tentation et qui est celui qui tente, par les mots suivants  : Mais délivre-nous du mal. C’est-à-dire du diable, qui est l’auteur et l’origine de tout le mal. Le diable, par sa nature, était céleste, il est maintenant la méchanceté spirituelle. Il est plus âgé que le monde, passé maître dans l’art de tendre des traquenards et des guet apens, très expérimenté dans le harcèlement . de sa victime déjà blessée. Voilà pourquoi on ne dit pas qu’il est mauvais, mais qu’il est le mal, de qui provient tout le mal. C’est pourquoi l’homme, lié qu’il est par les chaînes de la chair, ne peut pas se libérer par ses propres forces. Il nous faut donc demander que Dieu nous délivre du diable, Lui qui a fait à la terre le don du Christ pour qu’Il vainque le diable. Que l’homme pousse des cris vers Dieu en demandant : Délivre-nous du mal, pour que nous soyons libérés d’un si grand mal par le seule victoire du Christ.

Notre Père qui es aux cieux. Le thème de la prière, l’objet de la demande, la norme de la supplication te les a procurés en peu de mots Celui-là même que tu dois supplier, pour que en tires la signification de la prière, que tu comprennes ce qui doit être demandé, que tu t’en serves comme d’un étalon pour juger ce que tu dois réclamer, et que dans un court modèle de prière, tu perçoives un très haut enseignement. Et en même temps parce que, pour t’inciter à l’amour, le Roi lui-même a rempli la fonction d’Avocat en dictant Lui-même les prières qu’Il avait à exaucer. Toute hésitation à demander a été enlevée. Bien plus, il faut demander avec une grande confiance ce qui est urgent, puisque Lui-même se lit dans les prières qui Lui font des demandes. La crainte n’a pas sa place, là où le fils demande des choses qui ont été sanctionnées par le Père interprète de la piété.
 
 

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