Comme pour d'autres éléments de la foi catholique, l'Ecriture contient les éléments correspondant à la réalité du purgatoire, mais pas le mot "purgatoire" , mot donné par les théologiens pour définir et préciser ce point de foi.
les principaux textes de la Bible évoquant le purgatoire sont les suivants :
Second livre des Maccabées,
XII, 43-46
"Le vaillant Judas Maccabée
fit une collecte et envoya deux mille drachmes d'argent à Jérusalem
afin qu'on offrit un sacrifice pour les péchés des morts.
Belle et noble action inspirée par la pensée de la résurrection,
car s'il n'avait pas espéré que les soldats tombés
dussent ressusciter, il serait superflu et ridicule de prier pour les morts.
(...)
Voilà pourquoi il fit faire
pour les morts ce sacrifice expiatoire, afin qu'ils fussent délivrés
de leurs péchés."
(2 Macc. 12, 39-46: sacrifice
offert par Judas Maccabée pour des soldats morts au combat en portant
sur eux des objets idolâtriques)
1 Cor. 3, 11-15 salut "par le feu" de ceux qui auront bâti "avec du bois, du foin et de la paille" sur le Christ, fondement de l'édifice ;
1 Cor. 15, 29 Saint Paul parle du "baptême pour les morts" ;
2 Tim. I, 16-18 prière pour Onésiphore, qui semble déjà mort.
Luc 12, 48 et 16 9.
Retenons seulement les points essentiels.
Les Grecs et les premiers auteurs
latins s'intéressent surtout à l'efficacité de la
prière pour les morts et à l'exigence d'une purification
après la mort.
Les Latins, à partir d'Augustin,
commencent à parler de « purgatoire »; mais le terme
est d'abord un adjectif, employé dans des formules comme «
ignis purgatorius », "poenae purgatoriae", « loca purgatoria
».
C'est seulement au 12° siècle, dans un nouveau milieu culturel, que le terme « purgatorium» apparait comme substantif. J, Le Goff place « la naissance du [du mot] purgatoire [comme nom]» entre 1 170 et 1 180 et croit trouver les premiers emplois du substantif dans un sermon de Pierre le Mangeur (Jerusalem quae aedificatur, PL 171, 741, attribué par erreur à Hildebert de Lavardin), dans le sermon 42 de diversis de saint Bernard (éd. Leclercq-Rochais, Opera, t. 6/1, Rome, 1963, p. 259), qui serait selon Le Goff de Nicolas de Clairvaux (+ 1176), et dans une lettre de Nicolas de Saint-Albans à Pierre de Celle (PL 202, 624) ; cf. La naissance..., p. 209-17 et AppendiceII, p. 489-93.
Mais, d'après A. Bredero, qui conteste aussi les vues idéologiques et sociologiques de Le Goff, le mot serait un peu plus ancien et remonterait au moins à saint Bernard (+1153), celui-ci étant le véritable auteur du Sermon 42 De diversis ; cf. RHE, 1983, p. 443-46.
Notons que le terme allemand Fegfeuer
désigne « le feu purificateur », la connotation de «lieu
» étant dérivée.
Dès le 13° siècle, la conception du purgatoire comme lieu de purification après la mort devient commune aux théologiens (Alexandre de Halès, Bonaventure, Albert le Grand, Thomas d'Aquin) et aux prédicateurs (Jacques de Vitry (+1240), Césaire d'Heisterbach (+1240), Étienne de Bourbon (+1261), etc.
C'est aussi alors que commence à se répandre la tradition du fameux « Purgatoire de saint Patrick » (cf. DS, t. 12, col. 479).
Du point de vue liturgique, l'institution de la fête du 2 novembre remonte à saint Odilon de Cluny (DS, t. I l, col. 608-13) ;
son biographe raconte que «
le saint père abbé proposa à tous les monastères
que, le lendemain de la fete de tous les saints, ... on célèbre
partout la mémoire de tous les fidèles pour assurer le repos
de leur âme, que des messes... soient célébrées...,
que les aumônes soient distribuées sans compter pour les pauvres
N (Jotsuald, Vie de S. Odilon, PL 142, 888-89).
A partir du 13° siècle, la fête s'étendit à toute la chrétienté, donnant ainsi aux morts ayant besoin de suffrages leur jour dans le calendrier de l'Église.
Avant 1319, Dante Alighieri assure, pour toujours, au Purgatoire "le triomphe poétique" par la deuxième partie de sa Divine Commedie (Le Goff; p. 450-79).
Dans les documents du magistère, le Purgatoire apparaît au XIIIème siècle.
La lettre d'Innocent IV (6 mars 1254) à Eudes de Châteauroux, légat auprès des Grecs, demande que ceux-ci donnent le nom de « Purgatoire » au lieu où sont purifiées, en bénéficiant des prières de l'Église, les âmes de ceux qui « meurent exempts de péchés mortels, mais avec des péchés véniels » (Denzinger, N° 838).
L'addition à la Profession de foi de Michel Paléologue (second concile de Lyon, 1274) dit seulement que ces âmes sont éprouvées "poenis purgatoiis, sive catherteiis » (Denzinger, N° 856).
C'est au concile de Florence qu'apparaît
la première formulation dogmatique :
"Ceux qui sont morts dans l'amitié
de Dieu avant d'avoir fait de dignes fruits de pénitence sont purifiés
après leur mort poenis purgatoriis et bénéficient
des suffrages des vivants" (Decretum pro graecis, 6 juillet
1439, Denzinger, n. 1304).
La Bulle Exsurge Domine de Léon
X (15 juin 1520) réprouve plusieurs positions de Luther, dont celles-ci
:
"On ne peut prouver l'existence
du Purgatoire par un écrit canonique"
(le second livre des Maccabées
est en effet "deutéro-canonique" );
"les âmes du Purgatoire ne
sont pas assurées de leur salut" (Denzinger, n. 1487-90).
Au concile de Trente, le Purgatoire
est d'abord mentionné dans le canon 30 du Décret sur la justification
(6° session, 13 janvier 1547) :
"est anathème quiconque nie
la permanence d'un « reatus poenae temporalis, à dissoudre
en ce monde ou en l'autre dans le Purgatoire, avant d'accéder au
Royaume des cieux" (Denzinger, n. 1580).
Le sujet fut repris, après une brève discussion, dans la dernière séance du concile (3-4 décembre 1563) où fut voté le Decretum de purgatorio, dont le texte mérite d'être cité autant pour sa valeur doctrinale que pour les mises en garde concernant la prédication :
« Puisque l'Église catholique,
instruite par l'Esprit Saint, a enseigné selon les saintes Lettres
et l'antique tradition des Pères, dans les saints conciles et tout
récemment dans ce concile oecuménique (cf. Denzinger, n.
1580), qu'il y a un purgatoire et que les âmes qui y sont retenues
sont aidées par les intercessions des fidèles et surtout
par le sacrifice propitiatoire de l'autel, le saint concile prescrit aux
évêques d'apporter tous leurs soins à ce que la saine
doctrine du purgatoire, transmise par les saints Pères et les saints
conciles, soit crue par les fidèles, enseignée et prêchée
en tout lieu.
Dans les milieux
peu instruits, on exclura toutefois des sermons populaires les questions
trop ardues ou trop subtiles qui ne prêtent pas à l'édification
et, la plupart du temps, n'amènent pas à la piété.
Ils ne laisseront
ni exposer ni répandre des idées douteuses ou teintées
d'erreur.
Quant à
celles qui n'éveillent que la curiosité ou la superstition,
ou celles qui ont un relent de gain désavouable, ils les interdiront
comme scandaleuses et blessantes pour les fidèles » (Denzinger,
n. 1820 ; trad. G. Dumeige, La Foi catholique, éd. nouv., Paris,
1969, p. 515).
Dans les textes de Vatican II, le mot « Purgatoire » ne figure pas explicitement ; mais la doctrine est affirmée dans le ch. 7 de Lumen gentium sur « le caractère eschatologique de l'Église ».
Dans l'attente de la venue glorieuse du Seigneur, « certains de ses disciples sont en pèlerinage sur terre, d'autres sont purifiés après leur mort, d'autres déjà glorifiés voient tel qu'il est le Dieu en trois Personnes » (n. 49).
Le concile affirme la communion entre
tous les membres du Corps mystique et la valeur de la "mémoire des
défunts" (50, citant 2 Macc. 12, 46) ;
il rappelle enfin les décrets
de Florence et de Trente et en maintient la valeur dogmatique (51 ; la
note 22 mentionne le Decretum de purgatorio de Trente, seule occurrence
du terme dans les textes du concile).
L'histoire du développement de la doctrine, chez les Pères (Tertullien, Cyprien, Clément d'Alexandrie, Origène, les Cappadociens, Jean Chrysostome, Augustin, Grégoire le Grand, etc.) et les théologiens du moyen âge, a été maintes fois étudiée.
Voir surtout
A. Michel, art. Purgatoire, DTC,
t. 13/I, 1936, col. 1163-1326 ;
M. Jugie, Purgatoire dans l Église gréco-russe après le concile de Florence, col. 1326-52 ;
Chez les Nestoriens et les Monophysites, col. 1352-57.
Cette histoire a été
reprise dans un ouvrage de J. Le Goff,
La naissance du
[mot]
Purgatoire
[comme nom propre], Paris, 1981 ;
voir les mises au point de L. Génicot
(RHE, t. 78 1983 p. 421-26)
et A. Bredero (Le Moyen Âge
et le purgatoire, ibid., p. 429-52) ;
voir aussi J.-G. Bougerol, Autour de La naissance du P. (AHDLMA, t. 50, 1983, p. 7-59) qui ajoute des compléments sur la première moitié du 13ème siècle et publie une série de textes inédits.
Excellent résumé de
cette histoire dans l'art. Fegfeuer, TRE, t. 11, 1983, p. 70-75 (E. Koch).
les orthodoxes et les protestants
1) Les chrétiens orthodoxes admettent pleinement la validité des suffrages de l'Église pour les défunts, spécialement dans l'Eucharistie ; cependant ces suffrages n'apportent aux défunts qu'un « adoucissement » de leur peine, sans qu'on puisse préciser en quoi il consiste. Ils rejettent explicitement l'existence du purgatoire et celle d'un « feu purificateur » comme contraires à l'Écriture et à la tradition patristique ; pour eux, les âmes des défunts (sauf celles des saints) attendent dans l'Hadès jusqu'à la résurrection des corps et au jugement dernier qui fera la séparation entre élus et réprouvés.
La contestation du purgatoire fut assez vive au concile de Florence, de la part des Grecs qui s'opposaient à l'union, spécialement Marc Eugénicos ; voir les textes rassemblés par L. Petit et G. Hofmann, De purgatorio disputationes in Concilio Florentino habitae = Concilium Florentinum, t. 8/2, Rome, 1969.
Sur les positions actuelles de l'Église orthodoxe, voir
J.N. Karmiris, dans Die orthodoxe
Kirche in griechischer Sicht, éd. P. Bratsiotis, t. 1, Stuttgart,
1959 (2° éd. 1970), p. 112-20 ;
P.N. Trembelas, Dogmatique de 1
Église orthodoxe catholique, t. 3, Chevetogne-Bruges-Paris, 1968,
p. 435-55 (original en grec, Athènes, 1961).
2) Du côté des Protestants, Luther, même après sa rupture avec l'Église romaine, admit un certain temps la doctrine du purgatoire qu'il dissociait alors des indulgences (Unterricht auf etliche Artikel, Weimarer Ausgabe = WA, t. 2, p. 70).
C'est seulemes l'occasion de la diète
d'Augsbourg, qu'il la rejette (Ein Widerruf vom Fegfeuer, WA, t. 30/2,
p. 367-90) les Articles de Schmalkalde, en 1537-38, il combat la
doctrine corrélativement avec la valeur expiatoire de la messe et
les indulgences (art. 2, WA, t. 50, p. 204-07 ; trad. franç.
Oeuvres,
t. 7, p. 231-232)
Sur les opinions de Mélanchthon
et Zwingli, voir tre, t. 11, p. 75.
Jean Calvin rejette vigoureusement
le Purgatoire dans l'Institution de la religion chrétienne
III, ch. 5. "Des suppléments que les papistes adioustent aux satisfactions
: assavoir des indulgenceset du purgatoire ».
Il s'oppose à ceux qui, par
souci de paix, voudraient faire silence sur ce sujet.
Les critiques de Congar o.p.
Il est impossible à l'homme de penser les réalités spirituelles sans le secours d'images et de symboles.
Y. Congar, Colloque de Vanves en 1949, Le purgatoire dans Le mystère de la mort et sa célébration, a fait remarquer que les Réformateurs « s'en sont pris au purgatoire de la prédication vulgaire et de la piété populaire... telles que les avaient faites tout un 15° siècle hanté à la fois par la peur de la mort et par l'appel de la souffrance" (p. 291).
Il notait ensuite que la théologie
elle-même avait été amenée à «
une ontologie et une physique des choses dernières », au risque
de « moins bien voir le rapport de ces choses à l'économie
salutaire (p. 311) ;
il critiquait en outre les représentation
du « feu » et des « flammes », le mode de localisation
du purgatoire et surtout la tendance à le concevoir comme «
une vaste organisation de torture (p.316-317), pour indiquer enfin les
conditions d'un "ressourcement cement" théologique (p. 322-26).
Or, si l'on considère les enseignements du concile de Trente, deux points seulement sont de foi définie:
1) l'âme du juste, à sa séparation d'avec le corps au moment de la mort, doit subir une peine qui la purifie des suites de ses fautes ( Denzinger. n. 15801)
2) les suffrages des fidèles
peuvent être appliqués à ces âmes pour les aider
dans cette purification (n.1820)
cf. É. Brisbois,
Durée
du purgatoire...., p. 838.
Un texte d'Origène : «
Que si à toi, qui es un membre. l'allégresse ne semble point
parfaite si un autre membre fait défaut, combien plus notre Seigneur
et Sauveur, qui est la téte et l'auteur de tout le corps, estime-t-il
qu'il n'y a pas pour lui d'allégresse parfaite tant qu'il voit qu'un
des membres fait défaut à son corps !... Il ne veut donc
pas recevoir sa gloire parfaite sans toi, c'est-à-dire sans son
peuple, qui est son corps et ses membres » (Hom. sur Lévitique
7, 2 : trad. M. Borret, SC 286, 1981, p. 319-21).
"L'Eglise enseigne que le jugement
de Dieu bien qu'il soit sans appel dans sa décision fondamentale,
offre pourtant à l'existence humaine, si inachewée et incohérente,
la possibilité de la purification. Elle affirme que, dans l'éternité,
le temps - si l'on peut s'exprimer ainsi - se poursuivra encore aussi longtemps
qu' il sera nécessaire afin de satisfaire à une véritable
justice. L'homme, dont l'intention est agréée par Dieu, mais
dont la vie en son ensemble contient encore du mal, sera purifié
afin de parwenir à un état compatible avec l'éternité"
(R. Guardini,
Die letzen Dinge, p. 28 ; trad. franç. p. 46).
Lieu et temps
- Le purgatoire est un "état intermédiaire" plutôt qu'un lieu ou un temps. Pour expliquer cependant comment on parle de lieu et de temps à son propos.
Y. Congar propose d'appliquer « le principe scolastique d'une si grande profondeur : "Hoc quod facit situs in corporalibus, hoc facit ordo in spiritualibus" (Le purgatoire, p. 317).
Cet ordre se définit évIdemment
par rapport à Dieu : l'enfer est l'éloignement définitif
de Dieu, le purgatoire est l'approximation progressive, le ciel est la
proximité immédiate. Dante, dont la poésie véhicule
une tradition théologique de bon aloi, décrit le purgatoire
comme une montagne formée de diverses corniches en gradins (chacune
représente un des "péchés capitaux"), de plus en plus
étroits à mesure que l'on s'élève vers le sommet,
où se fait le passage au ciel : "Cette montagne est telle que toujours
au commencement elle est rude, mais plus l'homme s'élève,
et moins elle fait mal" (Le Purgatoire IV. 88-90).
Quant au "temps du purgatoire" c'est aussi un temps spirituel, qualitatif et non quantitatif, qui n'obéit pas aux mesures de notre terre conditionnées par le système astronomique » (Y. Congar, ibid.).
Si l'on a parlé d'années et de jours de purgatoire, c'est sans doute par extension des formules d'indulgences, qui correspondaient à des temps de pénitence déterminés (cette tempotalisation » a été supprimée par la constitution Indulgentiarum doctrina, 1er janvier 1967 ; cf. DS, t. 7. col. 1722).
Le temps humain ne s'identifie pas d'ailleurs avec le temps physique ; il y a des temps "pleins" et des temps "vides", selon que chacun vit son existence avec plus ou moins d'intensité intérieure.
C'est par analogie avec ce temps humain, qui implique déjà une valeur spirituelle, que l'on peut avoir une idée du « temps de la purification » après la mort : son intensité peut varier suivant la qualité de « l'intention » (Gesinnung) durant la vie et surtout au moment de la mort (cf. Guardini, Die letzten Dinge, p. 30-33 ; trad. franç., p. 49-57).
état de souffrance ou de joie?
- Sainte Catherine de Gênes (1447-1510), qui assimile son état mystique à celui des âmes du purgatoire (cf. DS. t. 2, col 304-08), écrit à ce sujet :
"Je ne crois pas qu'existe un contentement à comparer avec celui d'une âme du purgatoire, sinon celui des saints dans le paradis. Et ce contentement croit chaque jour par l'action correspondante (conresposo) de Dieu en cette âme, qui consume chaque jour ce qui lui fait obstacle" (Traité du purgatoire, trad. d'après l'éd. comparée des mss par Umile Bonzi da Genova, S. Carerina da Genova, t 2, Turin, 1962. p. 325).
"Les âmes du purgatoire ont leur volonté conformée en tout à celle de Dieu ; par suite Dieu correspond à cette volonté avec sa bonté : elles restent donc contentes quant à la volonté. car celle-ci est purifiée du péché originel et actuel" (p. 331).
Voir aussi J.-J. Surin.
Guide
spirituel VII, ch. 6. éd. M. de Certeau, coll. Christus. Paris.
1963, p. 297-303;
P. de Clorivière,
Considérations
sur l'exercice de la prière et de l'oraison, éd. A. Rayez,
coll. Christus, Paris 1961, 2ème partie, ch. 39, p. 176-81.
Cependant, les âmes du purgatoire souffrent en même temps du désir de Dieu. Catherine l'explique par une comparaison : s'il y avait au monde un seul pain capable de satisfaire la faim de toutes les créatures, celles-ci seraient d'instinct affamées de ce pain : "Les âmes du purgatoire ont la dite faim, parce qu'elles ne voient pas ce pain dont elles pourraient se nourrir, mais elles ont l'espéranoe de le voir et de s'en rassasier pleinement : c'est pourquoi elles restent dans la peine, dans la mesure où elles ne peuvent assouvir leur faim" (p. 333).
Catherine voit ainsi s'accomplir
dans les âmes du purgatoire deux "opérations" , apparemment
mais en fait complémentaires : "La première est qu'elles
souffrent volontiers ces peines, et il leur semble que Dieu leur a fait
grande miséricorde, par rapport à ce qu'elles méritaient";
en effet tout péché mériterait "mille enfers" si la
bonté de Dieu ne tempérait sa justice, celle-ci étant
satisfaite "avec le sang de Jésus-Christ". "La seconde est le contentement
qu'elles éprouvent, en voyant l'ordre de Dieu et l'amour et la miséricorde
qu'il montre envers ces âmes... Et parce qu' elles sont en grâce,
elles perçoivent cela comme elles sont, d'après leur capacité;
et elles en retirent un contentement qui ne leur manque jamais, mais plutôt
va croissant plus elles s'approchent de Dieu" (p. 347-48).
La souffrance va donc de pair avec
la joie. Elle est toujours tempérée par l'espérance,
et même la certitude de la gloire à venir
(cf. Bonaventure,
In
IV Sent., d. 20, p. l, a. 1, q. 4 ; éd Quaracchi, t. 4, 1889.
p. 523b).
Conscience du péché
Cette purification est celle que
désire l'âme quand elle prend conscience de son péché
en face de la sainteté de Dieu.
C'est la réaction d'Isaïe
dans sa vision du temple (6, 5-6),
celle de Pierre après la
pêche miraculeuse (Luc 5, 8).
C'est le sentiment de penthos
cultivé par les Pères du désert
(I. Hausherr, Penthos : la doctrine
de la componction dans l'Orient chrétien, OCA 132, 1944).
Marie de l'Incarnation l'ursuline décrit l'expérience spirituelle qui permet de discerner ce qu'est le Purgatoire :
"Lors en un moment, les yeuz de mon
esprit se sont ouverts et toutes les fautes, péchés et imperfections
que j'avais commises depuis que j'étais au monde, me furent
représentées en gros et en détail, avec une distinction
et clarté plus certaine que l'industrie humaine pourrait l'exprimer.
Au même moment, je me vis toute plongée en du sang et mon
esprit était convaincu que ce sang était le sang du Fils
de Dieu, de l'effusion duquel j'étais coupable par tous les péchés
qui m'étaient représentés...
Ce trait de l'amour est si pénétrant
et si inexorable pour ne point relâcher la douleur que je me fusse
jetée dans les flammes pour le satisfaire.Et ce qui est le plus
incompréhensible, sa vigueur semble douce"
(Relation de 1654, Écrits
spirituels et mystiques, éd A. Jamet, t 1. Paris-Québec,
1930, p. 182-83; textes cités dans l'art Péché-pécheur,D.S.,
t 12, coll 841.)
Le feu du purgatoire et ses équivalences
- Jésus a dit "Tout homme
sera salé par le feu" Marc 9,49; Doit-on en conclure que le feu
est-il le même en enfer au purgatoire et au paradis?
Les Pères de l'Église
ont souvent interprété ce feu divin d'après deux textes
de l'Ecriture:
Ps. 66,12. "nous sommes passés
par le feu et par l'eau"
Isaïe 43,2 : "Si tu traverses
le feu, tu ne t'y brûleras pas et la flamme ne te consummera pas,
car je suis Yavhé ton Dieu, le Saint d'Israël, ton Sauveur"
(cf. Origène, In Ps. 36. hom. 3, 1, PG 12, 1337bc).
"Tous ceux qui désirent retourner au paradis doivent être éprouvés par le feu... Tous doivent traverser les flammes... Un seul ne put sentir le feu : c'est le Christ, justice de Dieu; parce qu'il était sans péché ; le feu ne put rien trouver à brûler en lui" (Ambroise, Expositio in Ps. 118, XX, 12 et14,PL 15, 1487b-88a).
« Lorsque nous aurons dépassé
l'ère présente parvenus à la fin de la vie, et qu'ensuite
nous serons devenus quoique ce soit après être passés
au feu, soit au feu des "traits enflammés du malin" (cf. Éph.
6, 16), soit au feu divin, puisque notre Dieu est aussi "un feu destructeur"
( Hébr. 12,29), alors... nous ne pouvons plus être refaits
et notre état n'est plus susceptible d'amélioration" (Origène,
Hom.
sur Jérémie 18,1, SC 238, 1977, p. 178-79).
Pour Grégoire de Nazianze, "les damnés verront comme feu Celui qu'ils n'ont pas reconnu comme lumière" (Oratio 21, 2, PG 1084d).
Pour Isaac de Ninive, « il n'est pas juste de dire que les pécheurs de l'enfer soient privés de l'amour de Dieu... Mais l'amour agit de deux manières. ll tourmente les pécheurs... Et il réjouit ceux qui ont fait ce qui convient". (Discours ascétiques 84; trad. franç., Paris, 1981, p.415)
La méme idée apparait
chez Isidore de Séville (+636)
" le Christ éclaire les croyants
que vivifie l'esprit de foi, mais il brûlera de l'ardeur d'un feu
éternel ceuxqui le nient" (De natura rerum. éd. J.
Fontaine, Bordeaux, 1960, p.229)
On la retrouve bien plus tard chez
Abelard (Dialogus..., PL 178, 1673-1675 ; trad. M. de Gandillac, paris,
1945, chez Jacob Boehme (Mysterium magnum, Sämmtliche Werke, Leipzig,
1831-1846, t 5, p. 38), etc.
Jean de la Croix identifie plutôt le feu du purgatoire à celui du ciel : « Le feu qui s'unira un jour à l'âme pour la glorifier et celui qui l'envahit d'abord pour la purifier ne sont qu'un seul et même feu d'amour » (Llama I, 19).
Les théologiens d'aujourd'hui retiennent cette manière de voir : « Dans son essence inchangée, le même Feu divin qui pour celui-là est Supplice, est Purification pour cet autre, pour cet autre enfin Béatitude » (H. de Lubac, De la connaissance de Dieu, 2° éd., Paris, 1948, p. 132).
« Le même principe, qui
est l'Amour éternel, est le ferment de ces trois états que
l'imagination (sic) appelle : ciel, purgatoire, enfer. Partout où
il n'y a pas de résistance qui s'oppose à sa touche, cette
Energie apparaît comme Lumière et elle donne la joie complète.
Là où une résistance lui est opposée, elle
apparaît comme Feu... Le feu du purgatoire est un feu de joie, celui
de l'enfer un feu de tourment. L'Amour nous enveloppe toujours : c'est
nous qui, par notre attitude envers lui, le transformons en Feu ou en Lumière
»
(J. Guitton, L'enfer et la mentalité
contemporaine, dans le vol. collectif L'enfer, Paris, 1950,
p. 346-47).
Le purgatoire des mystiques
Catherine de Gênes compare
son expérience à celle des âmes du Purgatoire, comme
le disent ses biographes au début du Traité (= ch. 41 de
la Vie) :
« Cette âme sainte,
encore en sa chair, se trouvait placée dans le purgatoire du feu
de 1'amour divin, qui la brûlait tout entière et purifiait
en elle tout ce qui restait à purifier, afin qu'au sortir de cette
vie, elle pût paraître en présence du Dieu très
doux ; et par le moyen de ce feu d'amour en son âme, elle comprenait
dans quel état se trouvaient les âmes du purgatoire, pour
y purifier toute rouille et toute tache de péché »
(éd. citée, p. 321-22).
Dans son autobiographie, Thérèse
d'Avila parle de ses premières épreuves spirituelles, après
un temps de lumière :
« Or le Seigneur me dit de
ne pas craindre, et d'estimer cette faveur plus que toutes les précédentes,
car l'âme se purifiait dans cette peine, elle y était travaillée
et affinée comme l'or dans le creuset, pour qu'il pût mieux
y placer l'émail de ses dons ; elle y purgeait en outre la peine
qu'elle aurait dû subir en purgatoire » ( Vida 20, 16).
Thérèse connait une
expérience semblable, lorsque, dans les Sixièmes Demeures,
elle évoque la peine que subit l'âme par suite du désir
intense de la rencontre et de la possession de Dieu, peine qu'elle ressent
comme la blessure d'amour d'une « flèche de feu » :
« Cette douleur se fait sentir non dans le corps mais dans l'intérieur
de l'âme. Aussi cette personne (Thérèse elle-même)
comprit alors combien les tourments de l'âme passent ceux du corps.
Elle vit en outre que ceux du purgatoire sont de cette sorte... (L'âme)
est comme une personne suspendue en l'air, qui ne peut se reposer sur rien
de la terre ni monter au ciel. Embrasée de la soif de voir Dieu,
elle ne peut arriver jusqu'à l'eau qui la désaltérerait...
Elle ne veut l'éteindre qu'avec l'eau dont Notre Seigneur parla
à la Samaritaine ; et cette eau, on ne la lui donne pas... Il est
juste que ce qui vaut beaucoup coûte beaucoup, surtout quand il s'agit
de se purifier pour être apte à entrer dans la septième
Demeure ; c'est de la sorte que l'on se purifie dans le Purgatoire avant
d'entrer au ciel ; mais la souffrance qui étreint l'âme est
si peu de chose auprès des faveurs dont elle est enrichie, que c'est
à peine comme une goutte d'eau comparée à l'océan
» (Moradas VI, 11, 3-6).
Jean de la Croix, dans le second
livre de la Nuit obscure, décrit la « nuit de l'esprit
» par des images et des formules qui évoquent le purgatoire,
voire l'enfer :
« L'action divine investit
l'âme afin de la renouveler pour la faire divine... ; elle brise
et défait de telle façon la substance spirituelle, l'absorbant
en une profonde et abyssale obscurité, que l'âme se sent consommer
et fondre à la vue de ses misères par une cruelle mort d'esprit
; de même que si, une bête l'ayant avalée, elle se sentirait
digérée dans son ventre ténébreux, souffrant
les mêmes angoisses que Jonas dans le ventre de la bête marine...
Quand cette contemplation purificatrice serre et étreint, l'âme
sent fort au vif l'ombre de la mort, les gémissements de la mort
et les douleurs de l'enfer... Dieu ici purifie l'âme selon la substance
sensible et spirituelle et selon les puissances intérieures et extérieures...
La partie sensitive se purifie en la sécheresse, et les puissances
dans le vide de leurs appréhensions, et l'esprit en ténèbre
obscure. Et Dieu fait tout cela par le moyen de cette contemplation obscure
: en laquelle l'âme ne soutire pas seulement le vide et la suspension
de ses appuis naturels et de ses appréhensions - ce qui est une
souffrance très angoisseuse (comme si on pendait et retenait quelqu'un
en l'air sans le laisser respirer) ; mais elle va purifiant l'âme,
anéantissant ou évacuant ou consumant en elle (comme le feu
fait à la rouille et aux taches du métal) toutes les affections
et toutes les habitudes imparfaites qu'elle a contractées en cette
vie » (Noche II, 6, 1-6).
Dans cette nuit, il arrive que l'âme
croie « tout perdu pour elle », et ici Jean de la Croix compare
explicitement cet état à celui des âmes du purgatoire
:
« Telle est la cause pour
laquelle ceux qui gisent au purgatoire souffrent de grands doutes s'ils
en sortiront jamais, ou si leurs peines doivent avoir une fin. Car, encore
qu'ils aient comme habitus les trois vertus théologales, foi, espérance
et charité, l'actualité du sentiment de leurs peines et de
la privation de Dieu ne les laisse point jouir du bien actuel et de la
consolation de ces vertus » (Noche II, 7, 7).
Plus loin, Jean de la Croix montre
« comment la lumière et sagesse amoureuse qui doit être
unie à l'âme et la doit transformer est la même qui,
au commencement, la purifie et la dispose ; ainsi que le même feu
qui transforme le bois en soi, s'incorporant en lui, est celui qui l'allait
disposant premièrement pour le même effet » (II, 10,
3).
« D'ici, nous pouvons tirer
en passant la manière de souffrir des âmes du purgatoire.
Car le feu n'aurait point de pouvoir sur elles, encore qu'on le leur appliquât,
si elles n'avaient des imperfections pour lesquelles elles doivent pâtir
- qui sont la matière où le feu se prend, laquelle étant
consommée, il n'y a plus rien à brûler » (II,
10, 6).
Dans la Vive flamme, la rigueur
de la purification mystique est à nouveau comparée à
celle du purgatoire, mais dans la perspective immédiate de l'union
:
« Cette purification se fait
avec cette véhémence en fort peu d'âmes : seulement
en celles que le Seigneur veut élever à un plus haut degré
d'union ; parce qu'il dispose chaque âme avec une purification plus
ou moins forte, selon le degré auquel il la veut élever et
selon le besoin qu'en a l'âme en raison de son impureté et
imperfection. C'est pourquoi cette peine ressemble à celle du purgatoire
: tout comme les esprits se purifient là afin de voir Dieu en l'autre
vie avec une claire vision, ainsi, à proportion, les âmes
se purifient ici afin de se pouvoir en cette vie transformer en lui par
amour M (version B, I, 24).
D'autres mystiques ont fait de semblables expériences. Citons
sainte Véronique Giuliani
(1660-1727) qui vécut après la Pentecôte 1705 un «
purgatoire d'amour".
Celui-ci comporte trois degrés
: d'abord un feu purificateur qui consume en elle toute imperfection :
ensuite le feu du désir de Dieu, qui l'attire à lui de manière
indicible : enfin le feu d'un ravissement qui brûle son coeur de
l'amour divin, au point que "cet Amour reste seul à l'oeuvre dans
l'âme". Ce "purgatoire" est ainsi un passage de la purification à
l'union.
(à partir d'içi version non encore
purgée d'erreurs typographiques, déc 2000)
Cf. Véronica Giuliani, Esperienza
e dottrina mistica, textes choisis par L. Iriarte, Rome, 1981, p- 377-82
; le ms Il purgatorio d'amore a été publié
par A. Minciotti, Cità di Castello. 1980.
- Voir art. Epreuves spirituelles,
DS, t. 4, surtout col. 923-25.
Le purgatoire école du désir de Dieu
- Origéne, dans son Traité des Principes, envisage une sorte d'école des âmes après cette vie: « Je pense que les saints qui sortent de cette vie demeurent dans un certain lieu de la terre que l'Écriture appelle "Paradis", comme dans un lieu d'instruction, et pour ainsi dire une école des âmes" (II,11, 6, SC 252, 1978, p. 408-09).
Richard de Saint-Victor (+1173), dans le De quatuor gradibus viotentae caritaris, a décrit cet état de l'âme qui perçoit Dieu dans la ténèbre mais aspire au face à face ; sans parler explicitement du purgatoire. il situe cet état au terme d'une purification qui a déjà fait "quitter l'Égypte et passer la Mer Rouge" (il s'agit encore du "premier degré" de la charité) :
"Si (le Seigneur) révèle
sa présence, il ne montre pas sa face. Il répand sa douceur,
il ne montre pas sa splendeur. On sent sa suavité, mais on ne voit
pas sa beauté. Ce n'est encore autour de lui qu'un nuage obscur
(cf. Ps. 96, 2). Son trône est dans la colonne de nuée (cf.
Sir. 24. 4). Ce qu'on sent est doux et comme une caresse, mais ce qu'on
voit reste plein d'ombre. Il n'apparait pas encore dans la lumière.
Même s'il se montre dans le feu, c'est plutôt un feu qui brûle
qu'un feu qui brille. Il embrase la volonté, mais n'éclaire
pas encore l'intelligence. C'est en cet état que l'âme peut
sentir son bien-aimé, mais ne peut le voir. On l'a déjà
dit. Et si elle arrive à le voir, elle le voit seulement comme en
pleine nuit, elle le voit seulement comme en un nuage, elle ne le voit
que dans un miroir et dans le mystère ( 1 Cor. 13, 12). mais pas
encore face à face. C'est ce qui lui fait dire : "Faites resplendir
votre face sur votre servteur" (Ps. 118, 135) (PL 196, 1218 ; éd.
crit. et trad. G. Dumeige, coll. Textes philosophiques du Moyen Age 3,
Paris, 1955, p. 158-60).
Thérèse de Lisieux
a parlé plusieurs fois du purgatoire dans les derniers mois
de sa vie. Rd cette confidence. avec sa nuance d'amour ~ lique : "Si je
vais en purgatoire, je serai très contente: je ferai comme
les trois hébreux dans la fournaise, je me promènerai dans
les flammes en chantant le cantique de l'amour. Oh que je serais
heureuse si, allant en purgatoire, je pouvais délivrer d'autres
âmes et souffrir à leur place, car alors je ferais du bien,
je délivrerais les captifs" (Derniers entretiens carnet jaune,
8 juillet 1897. Paris, 1971. p. 246).
1. Point de départ scripturaire.
- Kittel, art. nüp, t. 6, 1959,
p. 927-53 (F. Lang).
- DBS, t. 9, 1975, col. 556-65 (C.
Spicq).
Interprétation de 1 Cor.
3, 10-17: H. Crouzel, L'exégèse origénienne de 1 Cor.
3, 11-15 et la purification eschatologique, dans Epektasis (Mélanges
J. Daniélou), Paris, 1972, p. 273-83.
- A. Landgraf, I Cor. 3 10-17 bei
den lateinischen Vdtern und in der Frühscholastik, dans Biblica, t.
5, 1924, p. 140-72.
- J. Michl, Gerichtsfeuer und Purgatorium.
Zu 1 Cor. 3, 12-I5, dans Studiorum Paulinorum Congressus Internationalis
Catholicus (Analecta Biblica 17-18), t. 1, Rome, 1963, p. 395-402.
- Th. Freudenberger, Die Bologneser
Konzilstheologen im Streit über 1 Cor. 13, Ilfj: als Schriftzeugnis
für die Fegf'euerlehre, dans Reformata reformanda (Festschrift H.
Jedin), Münster, 1965, p. 577-85.
- J. Gnilka, Ist I Kor. 3, 10-IS
ein Schriftzeugnis für das Fegfeuer?, Düsseldorf; 1955 (réponse
négative, mais contestée par J. Ratzinger, Eschatologie...,
cf. infra).
- R.D. Kendall, 1 Cor. 3, II-15
: an Example of development in doctrine. extrait de thèse Univ.
Grégorienne, Rome, 1975.
2. Développement de la doctrine.
- Index de Purgatorio, PL 220, 249-56
(Pères latins et auteurs médiévaux).
- L. Allatius, De utriusque Ecclesiae
occidentalis atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio communiane,
Rome, 1655.
- E. Fleischhack, Fegfeuer. Die
christlichen Vorstellungen vom Geschick der Verstorbenen geschichtlich
dargestellt, Tübingen, 1969
G. Anrich, Clemens und Origenes
als Begninder der Lehre vom Fegfeuer, dans Theologische Abhandlungen für
H.J Holtzmann, Tübingen-Leipzig, 1902, p. 95-120
- Kl. Schmôle, Lüuterung
und pneumatische Auferstehung bei Klemens von Alex., Münster, 1974.
- A.J. Mason, Tertullian and Purgatory,
dans Journal of theological Studies, t. 3, 1902, p. 598-601.
- P. Jay, S. Cyprien et la doctrine
du purgatoire, RTAM, t. 27, 1960, p. 133-36 ; Le p. dans 1a prédication
de Césaire d ilrles, RTAM, t. 24, 1957, p. 5-14.
- G. Gavigan, S. Augustini doctrina
de purgatorio, praesertim in... De civitate Dei, dans Estudios sobre la
u Ciutad de Dios u, t. 2 (= La Ciudad de Dios, Madrid, t. 167, 1954), p.
283-97.
- J. Ntedika,. L'évolution
de la doctrine du P. chez Augustin, Paris, 1966 ; L'évocation de
l'au-delà dans la prière pour les morts. Étude de
patristique et de Iiturgie latines (IVe-VIIIe s.), Louvain-Paris, 1971.
- N. Hill, Die Eschatologie Gregors
des Grossen, dissert., Fribourg/Br., 1941.
- Jean Gerson, La complainte des
âmes du P., dans ~uvres, éd. P. Glorieux, t. 7 Paris-Tournai
1966 p. 363-67.
H. Pasquier, Sodalitates ad mortuos
sublevandos medio aevo institutae... (thèse, Angers, 1878).
J. Le Gof~ La naissance du P., Paris,
1981.
- E. Mégier, Deux exemples
de o prépurgatoire o chez Ies historiens, dans Cahiers de civilisation
médiévale, t. 28, 1985, p. 45-62.
Johannes Eck, De purgatorio contra
Ludderum, Rome, 1523.
- Robert Bellarmin, De purgatorio,
Venise, 1599.
G.V. Vincenzi, 11 P. in S. Bernardino
da Siena, Rome, 1965.
- Urbano Barnentos del Nino Jesüs,
Purificacibn y Purgatorio. Doctrina de S. Juan de Ia Cruz sobre el P. a
la luz de su sistema mlstico, Madrid, 1960.
- G. et M. Vovelle, La mort et l'au-delà
en Provence d'après les autels aux âmes du p. (XVe et XXe
s.), dans Annales E.S.C., t. 24, 1969, p. 1602-34.
- V.R. Malatesta, The Catholic Doctrine
of Purgatory according to French Preaching in the post-tridentine Age,
extrait de thèse Univ. Grégorienne Rome, 1977. Philippe de
la Trinité, La doctrine de S. Thérèse de I EnfantJésus
sur le purgatoire, Paris, 1950.
J. Goubert et L. Cristiani, Les
plus beaux textes sur I âu-delà, Paris, 1950, p. 184-225.
- VS, n. 491, t. 108, 1963 (art.
de K. Rahner, G. Lefebvre, A.-M. Roguet...). - Biblia y fe, t. 3, 1977,
p. 249-333.
- Mary Starkey-Greig, The divine
Crucible of Purgatory, Londres, 1940 ; trad. franç., Le creuset
de l'amour : Ie P., Paris, 1950.
3. Problématique récente.
- M. Schmaus, Von den letzten Dingen,
Ratisbonne-Münster, 1948.
- R. Guardini, Die
2666
letzten Dinge, Wurtzbourg, 1949,
p. 26-40 ; trad. franC., Paris, 1950, p. 41-71 ; trad. ital., Rome, 1952,
p. 20-36 (très suggestif).
- Y. Congar, Le purgatoire, dans
Le mystère de Ia mort et sa célébration (Lex orandi
12), Paris, 1951, p. 279-336 ; trad. all. du vol., Francfort, 1955, p.
241-88.
- Le purgatoire, profond mystère
(Bibliothèque Ecclesia 40), Paris, 1957.
- É. Brisbois, Durée
du purgatoire et su,~'rages pour les défunts, NRT, t. 81, 1959,
p. 838-45.
- J.P. Arendzen, Purgatory and Heaven,
New York, 1960.
C. Pozo, Teologia dell'aldilà,
Rome, 1970.
- G. Martelet, L'au-delà
retrouvé, Christologie des fins dernières, Paris, 1975, p.
140-42.
- J. Ratzinger, Eschatologie - Tod
und ewiges Leben, Ratisbonne, 1977, 2° éd. 1978 ; trad. franç.
La mort et I'au-delà, Paris, 1979, p. 236-52 (bibliographie).
DTC, art. Purgatoire, cité
supra.
- EC, t. 10, 1953, col. 330-39 (A.
Piolanti ; W. Wehr). - LTK, Fegfeuer, t. 4, 1960, col. 49-55 (A. Closs,
J. Gnilka, K. Rahner) ; Zwischenzustand, t. 10, 1965, col. 1441-42 (A.
Ahlbrecht).
- NCE, t. 11, 1967, p. 1034-39 (J.
Ryan). - Sacramentum mundi, art. Reinigung, Reinigungsort, t. 4, Fribourg-Bâle-Vienne,
1969, col. 150-56 (E. Klinger).
- DES, t. 2, 1975, p. 1535-39 (D.
Mongillo).
- TRE, t. 11, 1983, p. 69-78 (E.
Koch ; bibliogr.).
DS, art. Ciel ; Enfer ; Eschatologie
; Feu ; Fins dernières ; Indulgences ; Jugement ; Liturgie de la
Mort.
Pierre MIQUEL, historien.
II. Après Trente : la dévotion
1. 17e-18e siècles.
- Avec la Contre-Réforme, le souci des âmes du Purgatoire manifeste une nouvelle sensibilité, un nouveau style. Les décrets de Trente appelaient à une plus grande sobriété, par exemple à propos des indulgences. Devant les critiques des Réformateurs, des théologiens comme Francisco Suarez et Robert Bellarmin défendent la doctrine et la dévotion (cf. DS, t. 5, col. 908) tout en émondant les exagérations et les déviations de la fin du moyen âge.
Si les Jésuites ont beaucoup
favorisé la dévotion du Purgatoire (cf. infra), ils ne furent
pas les seuls. A côté des Carmes, des Capucins, etc., François
de Sales revient souvent sur ce thème, le plus souvent dans le cadre
plus large de la communion des saints (par exemple, lettre 71, 10 mai 1596,
dans Oeuvres, éd. d'Annecy, t. 11, p. 199 ; lettre 219, mai 1604,
t. 12, p. 273-75 ; cf. Tables, t. 27).
Son écrit le plus développé
fait partie des Controverses (nI, ch. 2, t. 1, p. 362-89 ; cf. t. 26, p.
109-10). Ses idées sont reprises et largement divulguées
par J.-P. Camus (L'esprit de saint François de Sales n, ch. 12 «
Du souvenir des trépassés », éd. de 1770, p.
60-61) : nos devoirs envers les défunts font partie des oeuvres
de miséricorde.
« L'évêque de
Genève apparaît d'une étonnante discrétion à
côté d'autres théologiens de la Contre-Réforme,
tel Bellarmin, dont la description précise érige en termes
de jurisprudence l'image d'un pseudo-enfer... Vision elle-même relativement
élaborée, même si l'on songe au parti que Bellarmin
tire encore des purgatoires irlandais, par référence aux
rééditions des récits médiévaux, qu'une
littérature de plus large difiusion popularise alors :
Vincent de Beauvais (éd. en 1624) fait état des confidences d'un ermite qui situe le Purgatoire au mont Etna,
les oeuvres de saint Pierre Damien
(éd. en 1642) décrivent le Purgatoire de Benoît IX
errant sur terre sous forme d'un ours gigantesque, à oreilles et
queue d'âne... » (G. et M. Vovelle, Vision de Ia mort et de
l'au-delà en Provence, d'après Ies autels des âmes
du Purgatoire, dans Cahiers des Annales, n. 29, Paris, 1970, p. 23).
Voir Bellarmin, Controversiae, VI
« De Ecclesia quae est in Purgatorio » II, ch. 11-13 (Opera,
Paris, Vivès t. 3 1870, p. 119-20). - Vincent de Beauvais, Speculum
quadruplex, éd. Douai, 1624, t. 3, Speculum morale II, dist. 10-13,
voir en particulier les exempla, col. 735-57. - Pierre Damien, Opera, Paris,
1642, t. 3, Opusculnm 19 De abdicatione episcopatus, ch. 3, p. 186b. -
Nicolas Lancicius, De fuga peccatorum venialium, ch. 1 1 « Gravissimas
purgatoriae poenae... », dans Opera, t. 2, Ingolstadt, 1724, p. 442-49
(exempla).
1° L' action de la compagnie de Jésus L'Acnorr DE ra CoMPaGNts Ds J~sus s'inscrit dans une tradition qui remonte dès avant sa fondatian : selon N. Lancicius (Gloria S. P. Ignatü, ch. 11, Anvers, 1628 ; cf. Opera, t. 2, 1724, p. 568), Ignace de Loyola, en Espagne (quand exactement ?), « veillait à ce que tous les jours à midi on donne par la cloche le signal de la prière pour ceux qui étaient en péché mortel et ceux qui étaient en Purgatoire ».
On trouve ~ par ailleurs de nombreuses
notations relatives aux ' défunts et aux âmes du Purgatoire
dans le Mémorial du bienheureux Pierre Favre, un des premiers compagnons
d'Ignace (éd. M. de Certeau, coll. Christus, Paris, 1960 ; DS, t.
12, col. 1573-82).
Artisans importants du renouveau
spirituel au lendemain de la Réforme, les Jésuites s'attacheront
à diffuser une presse catéchétique et spirituelle,
et à concilier culture et foi chrétienne dans l'éducation
des jeunes comme des adultes.
1) Cette éducation se fit notamment par l'entremise des congrégations mariales (DS, t. 2, col. 1479-91), pour lesquelles leurs directeurs composent de nombreux ouvrages ; un nombre important de ceux-ci concernent, directement ou non, les âmes des défunts au Purgatoire, spécialement ceux qui relèvent de l'inspiration des anciens Artes moriendi.
Une bonne partie de cette presse
était diffusée sous forme de Strenae, de Xeniae (cf. art.
Étrennes, DS, t. 4, surtout col. 1547-48). Cf. J. de Guibert, La
spiritualité de Ia Compagnie de Jésus, Rome, 1953, p. 383-86.
2) Parmi les nombreux écrits sur le Purgatoire et la manière d'aider les défunts qui y sont comme d'éviter d'y aller, retenons quelques auteurs plus représentatifs et plus répandus (éd. et trad. diverses) :
Étienne Binet j~ 1639, De
l'état hèureux et malheureux des âmes souffrantes en
Purgatoire et des moyens souverains pour n ÿ pas aller... (Paris,
1626) ; malgré les outrances et un style souvent difius, on y reconnaît
l'influence de Catherine de Gênes ;
- J.E. Nieremberg t 1658 (DS, t.
11, col. 328-35), Devociôn con las animas del Purgatorio (à
la fin de son De la a,fliciôn y amor de Jesüs..., Barcelone,
1639) ; - Josse Andries t 1658 (DS, t. 1, col. 557-58), Purgatorium catholice
assertum... (Bruges, 1642), Supplex libellus pro animabus purgatorü
(Anvers, 1642) ;
- James Mumford t 1666 (DS, t. 10,
col. 1840-41) dont nous parlerons plus bas - Carlo Gregorio Rosignoli
t 1727, Maraviglie di Dio nell'anime del Purgatorio (Milan, 1703), au succès
considérable, sans doute en raison du merveilleux dont l'ouvrage
est plein ; une large érudition s'allie ici à un manque total
d'esprit critique. - Etc.
Ces ouvrages sont des traités relativement importants ; ils comportent une part doctrinale, une part plus spirituelle ou "pratique". Le tout est souvent parsemé d'anecdotes qui reprennent nombre d'exempla anciens. Dans le cadre d'une pédagogie qui fait appel aux sens, à l'imagination, l'acuité des souffrances du Purgatoire, lieu de tourment, est décrite avec force et émotion afin de mieux mettre en valeur l'importance et l'efficacité des sutirages et des indulgences.
Parallèlement, l'accent est mis sur "les moyens pour ne point aller en Purgatoire ou de n'y point demeurer longtemps", c'est-à-dire sur une vie chrétienne sérieuse, sur la prière, la charité, etc. La part que l'homme doit prendre au Salut donné en Jésus Christ est souvent par trop soulignée, en ce sens qu'elle laisse peu de place aux aspects plus christologiques et sotériologiques ; ces pages influenceront les 18 - 19ème siècles chrétiens et marqueront la vie quotidienne.
Arrêtons-nous au contenu du
Tractatus
de misericordia fidelibus defunctis exhibenda (Liège, 1647),
dt jésuite James Mumford + 1666, dont les éditions et traductions
sont nombreuses (jusqu'en 1890) L'ouvrage, sobre, solidement charpenté,
basé sur l'Écritme et la meilleure tradition (il élimine
tout exemplum) est centré sur la charité : « Dieu nous
délivrera des mêmes peines dont nous aurons délivré
les autreL Ce n'est point présumer trop de la bonté de Notee
Seigneur... car il regarde le dernier des homms comme un de ses frères,
et si délivrer cet homme d~ flammes du Purgatoire, c'est lui faire
autant de plais~' que si on l'en délivrait lui-même et qu'on
lui ouvrit le ciel, est-il croyable qu'il ne fasse rien de particuüa
pour... son libérateur ? » (trad. M. Bouix, Paris, 1883, p.
94).
Les motifs qui fondent la charité
envers les âmes ~ Purgatoire sont leurs souffrances, la solidarité
hum~ine dans le Salut et la « règle d'or » de la réciprocité
~ « Mettez-vous bien dans l'esprit que ces ârnes qui gémissent
dans les feux du Purgatoire sont les âmes de vos frères ;
qu'elles sont filles du Père éternel, soeur du Fils de Dieu,
épouses du Saint Esprit... Qui sera~ donc si inhumain que de ne
pas écouter les ais déchirants de ces âmes affligéés
qui, du fond de leu prison où elles brûlent jour et nuit,
implorent sa~ assistance ?...
Traitez donc vos frères de
la man~e que vous voudriez qu'ils vous traitassent » (p. 141 Mais
le motif principal est le a pur amour de Dieu a ~ « Dieu est si grand,
si bon, si parfait, qu'il mérile d'être aimé et honoré,
autant qu'il se peut, par sat créatures. De là vient qu'une
âme éprise de son amotne pense qu'à lui procurer de
la gloire... Il lui viesl enfin dans l'esprit que ce qu'elle souhaite tant
est d son pouvoir. Elle songe qu'elle a beaucoup de moyess de tirer du
Purgatoire les âmes qui y sou~ d'horribles tourments, et que, quand
elles seront a~ ciel..., elles l'aimeront de toutes leurs forces et qu'eUes
ne cesseront point, durant toute l'éternité, de chanlQ ses
louanges. C'est ce qui fait que, brûlant du divi~ amour, elle s'écrie
à toute heure, les larmes aux yem ~ Seigneur, délivrez de
la prison et mettez en IibeAé toutes les âmes des fidèles
défunts, afin qu'étart libres, elles glorifient votre saint
nom » (p. 36-37).
L'ouvrage traite ensuite de l'ofl'rande des suffrages, en ta~ qu'accomplissement de toute charité envers soi-méae comme envers les autres, charité qui culmine dans ce qu'ar appellera bientôt le « voeu ou acte héroique de charité s (st lequel nous reviendrons), entrevu selon une note de discrds caritas bien ignatienne : car si je cède tous mes mérites c'd « autant que je le puis, et que la cession que j'en fais mai~ nant peut étre agréable à Dieu et servir à sa plus ga~ gloire » (p. 160-61).
L'auteur reste cependant tributaire t son époque, en ce qui concerne en particulier les peines et r durée du Purgatoire mises en rapport avec le nombre dd péchés véniels (cf. p. 27-29).
Autres ouvrages de Jésuites
:
Martin de Roa j' 163'~ Estado de
las almas del P. (Séville 1619 ~ nombreuses tcadl =
Marc de Bonnyers t 1645, L âvocat
des âmes du P. (L14 1632, etc.).
- Laurent Chitiet t 1658, Praxis
divini sacri~i et convivü pie obeundi pro fidelibus defunctis (Mùe~
1675).
- Th. Raynaud, Heteroclitorum spiritualium
Coeis tium et Infernorum... Pars secunda, dans ses Opera, t l~ Lyon, 1665,
p. 321-560.
- Nicolas Zucchi t 1670, Praoip~
della vera devozione in aiuto itelle anime del P. (Rome, 16,, etc.).
- Grégoire Ramart t 1670,
Les clefs du P. forgées dans les sacrées playes du Sauveur...
(Lyon, 1669).
- Tobie Lohner t 1697, Allgemeine
Schuell der christlichen Weissheit (t. 3, Lucerne, 1669, p. 255-475).
- Antoine Natale t 1701, Il P. inondato
del sangue de1 divino Agnello (Palerme, 1697, 1703).
Parmi d'autres :
Jérôme Graciàn
de la Mère de Dieu t 1614, Il suJfragio dell ânime de1 P.
(Rome, 1603, etc.).
Barthélemy Quarré
t 1643, Explication de I ô~ce... des trépassés, avec
les remèdes... pour délivrer les âmes du P. (Dijon,
1634).
- Bonaventure Breugne, récollet,
Le commerce des vivants en faveur des âmes du P. (Lyon, 1658).
- Pierre de Laura, Le trésor
des âmes du P. (Lyon, 1679 ?).
- Joseph Boneta y Laplana t 1714,
Gritos del Purgatorio y medios para acallarlos (Saragosse, 1689 ; 14 éd.
dont « Leôn de Francia », 1709).
- Henri-Marie Boudon t 1702 (cf.
infra).
Albert de l'Enfant-Jésus
ocd, Dévotion solide aux âmes du P. (LiBge, 1732).
- Vincenzo Maria De'Nobili t 1758
(DS, t. I 1, col. 376), Considerazioni morali per un apparecchio di nuove
giorni alla solenne commemorazione di tutti i fideli defunti... (Naples,
1732, etc.).
- L. Rouault, Du P., de la rigueur
des tourmens que souf,j`~rent les âmes qui y sont détenues...
(Avranches, 1737).
- M'°° Guyon, Traité
de la purif:cation de l'âme après la mort ou du P., dans Les
Opuscules spirituels, éd. P. Poiret, Cologne, 1720, p. 279-314.
- Th. Mangeart osb t 1762, Lectures
spirituelles sur Ie P. (rééd. par P.J. Goedert, Montligeon-Paris,
1907).
- Benoît XIII t 1730 a prononcé
60 sermons sur les âmes du P. (éd. à Bénévent-Florence,
1729).
Parmi les moniales, on peut relever le cas de
Françoise du Saint-Sacrement, ocd espagnole t 1629 (DS, t. 5, col. 1127), dont l'autobiographie abonde en apparitions des âmes du Purgatoire ;
Juan de Palafox y Mendoza les a commentées (Luz a los vivos y escarmiento a los muertos, Madrid, 1661.
Marguerité-Marie Alacoque t 1690 (DS, t. 10, col. 350-54 ; cf. J.-M. Aubry, Sainte M.-M. auxiliatrice des âmes du P., Toulouse, 1930).
- Marie-Anne Lindmayr, ocd de Munich t 1726, dont le journal de ses relations avec le Purgatoire a été récemment édité (Hauteville-Bulle, Suisse, 1974).
- Véronique Giuliani t 1727
(cf. supra, col. 2663).
- Etc.
2° Px~,~nQt~s ~r Assoc~A~noNs.
- 1) Les pratiques prônées par les ouvrages se recoupent généralement.
Celui d'Henri-Marie Boudon (1624-1702
; DS, t. 1, col. I887-93), indépendamment de sa valeur spirituelle,
otire un bon exemple des pratiques proposées aux fidèles
:
La Gloire de la sainte Trinité
dans les âmes du Purgatoire, opuscule souvent édité
(vg Bruxelles, 1703 ; éd. citée : Au secours des âmes
du Purgatoire, introd. par M.A. Libercier, Paris, 1921).
Après avoir rappelé la règle d'or, faire pour autrui ce qu'on voudrait qu'on fasse pour nous, Boudon commente les moyens principaux à mettre en oeuvre pour aider les âmes des défunts.
La prière d'abord (2e partie, ch. 1), en particulier l'office des morts, les sept psaumes de la pénitence, le chapelet, les oraisons jaculatoires. « On peut... se servir de l'horloge pour s'en souvenir à toutes les heures du jour, la nuit même quand on s'éveille » (p. 69). Boudon conseille de consacrer le lundi de chaque semaine à cette dévotion. Il cite ensuite sans s'y attarder les pèlerinages, neuvaines, quarantaines, et la dévotion mariale.
Autre moyen, qu'on offre des oeuvres
satisfactoires et de pénitence (ch. 2) : jeûnes, cilices,
disciplines, privations diverses, etc. Qu'on utilise encore les aumônes
et les autres oeuvres de miséricorde (ch. 3), qu'on applique aux
défunts les indulgences que l'on gagne (ch. 6) et surtout les mérites
de Jésus Christ qui nous sont offerts dans le sacrifice eucharistique
(ch. 5 : « Ce sang adorable éteint l'ardeur des brasiers du
Purgatoire ; mais il le faut ofirir... N, p. 89).
Boudon insiste aussi sur l'exacte
et rapide exécution des testaments, fondations et legs pieux, même
s'ils sont onéreux pour les héritiers. Enfin, le chrétien
peut « disposer en faveur des âmes soufl'rantes de toutes ses
bonnes actions » (ch. 7), ce qui est l'équivalent de l'acte
héroïque déjà montré par Mumford : «
Nous pouvons ofI'rir pour les âmes du Purgatoire toutes les bonnes
oeuvres que l'on fera, et toutes les peines que l'on souffrira chrétiennement...,
mais encore tout ce que les autres feront et soufl'riront pour nous en
cette vie, et encore après notre mort, selon que Dieu en sera plus
glorifié, et selon son ordre » (p. 102).
2)
Par ailleurs, à l'époque post-tridentine, les fidèles vivent dans un réseau de confréries et d'associations diverses qui les encadrent, les orientent vers une vie chrétienne plus fervente et une charité plus intense, et qui aussi représentent une importante dimension communautaire de la vie religieuse d'alors.
Les tiers ordres ont souvent leur scapulaire, dont le port est une promesse d'une bonne mort ou d'un allègement de la peine du Purgatoire ; la récitation du rosaire est créditée de la méme fécondité.
La dévotion des âmes dn Purgatoire a ses propres associations ;
ainsi la confrérie de l'église Saint-Blaise, à Rome, « sous l'invocation des âmes du Purgatoire ou NotreDame du Sutï'rage H, élevée au rang d'archiconfrérie par Clément VIII en 1594 (cf. M. Annat, Pratiques de piété â l'usage des confréries, Paris, 1850) ;
ainsi l'association de Notre-Dame du Prompt Secours établ.ie à Chalon-sur-Saône en 1681 par le jésuite FranCois Froment (cf. DS, t. 5, col. 1535-36).
En Pologne, S. Papczinski t 1701 fonde une congrégation en partie vouée au secours des âmes du P. (DS, t. 12, col. 165).
Ces confréries ont souvent leur chapelle avec une iconographie appropriée (cf. l'ouvrage cité de M. Vovelle). « Dans toutes les églises assez grandes pour avoir plusieurs autels, une chapelle est réservée à cette dévotion (les défunts du Purgatoire), souvent entretenue par une confrérie spécialisée. L'autel est surmonté d'un tableau qui représente partout à peu près la même scène... : en bas les âmes brûlent au milieu des flammes, les yeux levés vers le Paradis d'où viendra la délivrance. Au-dessus s'ouvre le ciel avec, d'une part le Christ, ou la Vierge et l'Enfant Jésus, et, d'autre part, un ou deux saints protecteurs... Enfin, le dernier groupe est celui des anges qui apportent quelque consolation, l'eau fraîche d'un arrosoir, à ceux dont l'heure n'est pas encore venue, et qui enlèvent au Paradis ceux dont le temps d'épreuve est fini » (Ph. Ariès, L'homme devant Ia mort, Paris, 1977, p. 458).
2. Du 19° siècle à la 2e gaerre mondisle.
- Le 19° siècle voit le plein épanouissement de la dévotion ; elle fait partie intégrante du tissu chrétien. Aucune ne semble plus populaire si l'on en juge par le nombre d'ouvrages, d'associations, de prières et indulgences, de pratiques de toutes sortes, qui voient le jour ou prolongent des pratiques antérieures pour culminer dans la fondation d'un institut à l'intention spéciale des âmes du Purgatoire.
Le fondement anthropologique de cet épanouissement est à chercher, pour une part, dans la transformation de la société et la « révolution du sentiment » opérée par le romantisme. « La famille se substitue à la fois à la communauté traditionnelle et à l'individu de la fin du moyen âge et du début des temps modernes, instaurant un mode de relation très particulier qui s'oppose aussi bien à l'individualisme qu'au sens communautaire. Par ailleurs, l'affectivité prend une valeur jusqu'ici insoupçonnée, concentrée dès l'enfance sur quelques ` êtres chers ' qui deviennent exceptionnels, irremplaçables, inséparables..., êtres avec lesquels on entend rester en relation. Les choses se passent comme si tout le monde croyait à la continuation après la mort des amitiés de la vie. Dans ce fond commun de croyance, ce qui vasie est le degré de réalisme des représentations et surtout le rapport entre vie future et foi religieuse » (Ariès, op. cit., p. 464-66, 603).
La dévotion au Purgatoire est la réponse de foi apportée par le chrétien du 19e siècle aux nouvelles requêtes de la sensibilité. Tout en gardant la faveur populaire, cette dévotion, qui prend en compte des valeurs alors en promotion, correspond aux aspirations d'une certaine élite sociale.
I° DEPLACEMENTS ET TRAITS NOUVEAUX.
- Meme SI , sous beaucoup d'aspects, la dévotion reste largement celle de l'époque tridentine, elle est pourtant marquée de certaines accentuations nouvelles.
1) D'abord, la situation des âmes
dans le Purgatoire prend le caractère d'une oeuvre urgente (cf.
Hâtez-vous ! Les minutes sont des siècles ! Chambéry,
1854). Cette urgence interpelle la charité, en particulier vis-à-vis
des âmes les plus abandonnées (cf. l'oeuvre de La Chapelle-Montligeon,
au diocèse de Séez, fondée en 1884 ; les messages
de La Salette ; plus tard Fatima) ; elle a donc un côté apostolique,
non seulement quant aux âmes du Purgatoire, mais aussi par le fait
qu'elle appelle de nombreux chrétiens à « leur venir
en aide » (cf. Notice sur Marie de Ia Providence, Paris, 1872, p.
190), c'est pourquoi tant d'associations se fondent alors dans ce but :
« Ne savez-vous pas que le
soulagement et la délivrance des âmes du Purgatoire comprennent
toutes les bonnes oeuvres recommandées par Notre Seigneur dans l'Évangile
? Ouvrir le ciel à une âme souffrante, c'est lui donner non
pas les miettes de sa table, mais le pain des anges... Vous visitez les
malades pour les assister quand ils ont la fièvre ou quelque maladie,
et moi je veux éteindre l'ardeur des flammes qui dévorent
les défunts... Je veux descendre dans la prison des âmes pour
briser leurs chaînes et leur donner la liberté du ciel »
(Marie Pellerin aux Filles de la Charité, dans Notice sur l'oeuvre
de ta Trinité pour les âmes du Purgatoire, Paris, 1886 ; cf.
Fr. W. Faber, Le Purgatoire, Paris, 1898, p. 91-92).
La Congrégation des Auxiliatrices du Purgatoire est présentée comme « doublement apostolique », puisqu'elle est appelée à soulager « en même temps les membres souffrants du Christ en ce monde et en l'autre » (Commentaire de la règle 2 du Sommaire des Constitutions) et à accomplir toutes les oeuvres de miséricorde à cette fin.
La dévotion ainsi élargie
est mieux référée au Christ (elle permet aux chrétiens
de lui montrer leur amour) et à l'accomplissement du Royaume : «
en gagnant beaucoup d'âmes », c'est-à-dire en les délivrant
du Purgatoire, on étend le règne de Dieu, on construit le
Corps du Christ, on hâte l'avènement du Royaume
(cf. F. Blot, Les Auxiliatrices
du Purgatoire, Paris, 1863 ;
J.-M. Monsabré, 4e conférence
de l'Avent 1869 ; Carême de 1889 ;
Mgr Gay surtout).
Tout cela par Marie, qu'on invoquera sous les vocables de Notre-Dame Auxiliatrice, du Sufirage, de la Providence.
2) Autre insistance : la dévotion est envisagée comme une école de vie spirituelle, comme une voie de sainteté. Pour être plus à même de délivrer les défunts, il faut croître en foi, espérance, charité (cf. Fr. W. Faber, Marie de la Providence). Il faut aussi imiter les âmes du Purgatoire dans leur acceptatioli des purifications et des épreuves ; en ce sens on peut parler d'une imitation (Mgr d'Hulst). Enfin, penser à elles est un bon moyen d'éviter le péché (c'est là une application de la méditation des fins dernières, cf. DS, t. 5, col. 355-82) : elles sont des exemples de détachement, d'abandon, de confiance, de joie (Marie de ~ Providence). Mgr Chollet va jusqu'à inviter à a vivre en leur présence ».
3) Chose nouvelle, le Purgatoire est parfois préscal comme une « douce chose », car il est lieu de l'amo~ (« Là, on aime Dieu à en brûler et on en est aimé; d c'est double bonheur », Chollet, Nos morts..., Pa~i1 1908 ; éd. de 1947, p. 93) ; lieu aussi de parfaite ré~ procité et communion : de même que nous pouwal les aider, elles peuvent intercéder pour nous ; ce aspect, longtemps refusé par fidélité à la doctiri~ thomiste, s'exprime largement.
Avant d'être lues dans la littérature de la dévotion ces orientations ont été vécues par des spirituelia ainsi Victoire-Thérèse Couderc (cf. sa biographie p~ H. Perroy, Paris, 1928, p. 232, etc.), Thérèse i l'Enfant-Jésus (cf. Manuscrits autobiographiqrel Lisieux, 1957), etc.
Cependant, le 19e-siècle offre toujours de bons représes tants de la dévotion populaire aux âmes du Purgatoire s~ ses images spatiales et temporelles ; ainsi le curé d'Ars (ci ~ Pézeril, Pauvre et saint curé d;4rs, Paris, 1959, p. 278-7~/
Une religieuse de Valognes, Marie
de la Croix, rédigp i 1873 à 1890 sous la dictée d'une
de ses soeurs décédées b manuscrit du Purgatoire (rééd.
en 1966 par l'Associatioa i Notre-Dame de la Bonne Mort, Tinchebray) :
ce texte, i dominante ascétique, aide à comprendre ce que
peut repl senter le Purgatoire dans certains milieux de la fin du l9~si
cle.
2° LIrrsRa,TUxE.
- 1) Les ouvrages de quelqr importance, si l'on excepte Les douleurs de la vie, i mort, Ie Purgatoire (Paris-Bruxelles, 1877) de V. Pa~ tel, ne sont plus désormais dépendants du genre i l'Ars moriendi médiéval; d'esprit moins polémiques apologétique, ils sont d'ardents plaidoyers en fave~ de la dévotion, dans un esprit de vulgarisation p~ali que qui reste traditionnel ; la visée doctrinale eà parfois prédominante.
Au milieu du 19c siècle, l'oratorien anglais Fr. ~ Faber (j~ 1863 ; DS, t. 5, col. 3-13) publie son All for Jesus, bientôt traduit (Tout pour Jésus, 1853) ; i comporte un ample chapitre sur le Purgatoire (riai franç., Paris, 1898) qui fait date davantage par il personnalité de son auteur et le lyrisme de sa phs que par l'originalité de la pensée.
A la fin du siài J.-A. Chollet, archevêque de Cambrai, introduisit ~ nouvel accent. Avec pénétration et finesse d'analys~ i scrute les modes de relation qui subsistent entre no~ et « nos chers disparus », selon une ligne néo-thomi! et en intégrnt les acquis de la psychologie. Pour ü le Purgatoire, plus qu'un lieu, est un état dont « l'acl~ principal est d'aimer et d'être aimé » (Nos morts..., ~ 4, éd. de 1934, p. 94).
D'autres ouvrages méritent de retenir l'attentioa L.
-E. Louvet, Le Purgatoire d'après
les révélations 1e saints (Paris, 1880) ;
- F.-X. Schouppe, Le dogmt J Purgatoire
illustré par des faits et des révélations p~i culières
(Bruxelles- Paris, 1888) ;
- J. Cellier, Délictst souffrances
du P. (Paris, 1901 ) ;
- J.-A. Chollet, L psychologie du
P. (Paris, 1901), intégré dans l'ouv~ar plus ample : Nos
morts au P., au Ciel ( 1908) ;
- L Garnguet, Nos chers morts. Essai
sur Ie P. (Ps~i 1915) ;
- M. Jugie, Le P. et les moyens
de 1'évita (4e éd., Paris, 1940) ;
- R. Garrigou-Lagrange, L ds nelle
vie et Ia profondeur de 1'âme (Paris, 1950).
Parmi d'innombrables minores :
A.-R. Devie, P!s souvenir des âmes
du P. (Lyon, 1834) ;
- J. Heymans, O~
des âmes en huit sermons (trad.
du flamand, Bruxelles, 1862) ;
- Théodore de San Remo (Piccone), cap. t 1876, DS, t. 12, col. 1413-14 ;
- A. Sanson, Purgatoire et Ciel (Paris, 1875) ;
- P. Andrieux, Le cimetière et le P. (Paris-Bruxelles, 1879) ;
- Compassion des fidèles trépassés u par l'auteur de la Forteresse imprenable » (Citeaux, 1890) ;
- X. Deidier, Considérations
sur Ie P. (Paris, 1895).
A: M.-P. Ingold, L;4rt divin de
croitre dans la ferveur en gagnant tous Ies mois pour les âmes du
P. un grand nombre de jours d'indulgence (Paris, 1903) ;
- E. Thiriet, Le glas. Souvenir des morts (Paris, 1906) ;
- Ch. Rolland, Le vestibule du Paradis (3° éd., Langres, 1924) ;
- J. de Martin-Donos, Mois des âmes du P. (Avignon, 1927) ;
- J.-M. Dussaut, Les âmes du P. (Toulouse, 1930) ;
- L. Rouzic, Le P. (5° éd.,
Paris, 1935).
On réédite aussi des oeuvres antérieures :
Catherine de Gène (par A.
Monnin, Paris, 1868 ;
par M.-T. de Bussière, 1860,
1913, 1926 ;
par P. Fliche, 1881),
Étienne Binet (par P. Jennesseaux,
1863),
Mumford (par M. Bouix, 1863, 1883),
Rosignoli (adapté par V.
Postel, 1866, 1885), etc.
L'oeuvre maîtresse de Fr. von
Hügel (1852-1925 ; DS, t. 7, col. 852-58), The mystical Element of
Religion as studied in S. Catherine of Genoa (Londres, 1908), comprend
le Purgatoire comme un mouvement pascal de mort à travers la vie
et de vie à travers la mort : thème que le 20e siècle
développera.
2) A côté des ouvrages,
prolifèrent les « Mois des âmes du Purgatoire »,
les « Manuels de la dévotion... », les revues (vg L
Écho du Purgatoire, mensuel fondé par le mariste Ch. Laurent
en 1865), les bulletins des associations, les notices explicatives, etc.
Il faudrait évoquer encore les catéchismes, les sermons,
les prières enrichies d'indulgences, les images pieuses. Cette énorme
divulgation témoigne abondamment de l'expansion de la dévotion.
3° Mo~Ns PR.arIQUEs.
- 1 ) Parmi les moyens à prendre pour secourir les âmes du Purgatoire, de nombreux ouvrages mentionnent les associations ; de nombreuses paroisses et maisons religieuses posséderont de telles associations. La plupart sont centrées sur l'offrande de l'Eucharistie, suffrage par excellence.
Parmi les plus connues, mentionnons :
Archiconfrérie pour le soulagement des âmes du P. sous le titre de l'Assomption de Marie (Rome, église S. Maria in Monterone, 1841 ) ;
- Association Notre-Dame du Suffrage (Nîmes, 1857) ;
- Association de Notre-Dame de Sénanque ou « Pieuse ligue universelle et perpétuelle pour la délivrance des âmes... » (1859 ; devient en 1976 la Communion de Lérins) ;
- ~uvre de la T.S. Trinité pour le soulagement des âmes... (fondée par Marie Pellerin en 1857, confiée aux Lazaristes et placée sous le vocable de Notre-Dame Auxiliatrice) ;
- Archiconfrérie de S. Joseph, protecteur des âmes du P. et patron de la bonne mort (Langres, 1865) ;
- Association de l'Adoration perpétuelle pour les âmes du P., sous le patronage de S. Benoît (abbaye O.S.B. de Lambach, Autriche, 1862) ;
- Association des Croisés du P. (église N.-D. de France, Jérusalem, 1896, soutenue par les Assomptionnistes) ;
- ~uvre de Cluny (à Cluny
par le cardinal Perraud, 1898) ;
- etc.
Certaines associations se spécialisent.
Le jésuite Pierre Chaignon
(j' 1883 ; DS, t. 2, col. 438-39), à côté de son ~uvre
de S. Michel pour les défunts en général, fonde la
Société de S. Joseph pour les prêtres défunts,
puis celle du Coeur agonisant de Jésus et de la compassion de Marie
pour les mourants de lajournée (1878).
Arrêtons-nous à deux oeuvres très populaires :
a) l'Association du Sacré-Cceur
en faveur des âmes du P., fondée par le picpucien Victor Jouet
en 1896 ; établie à Rome, elle répand nombre d'opuscules
et de feuillets en diverses langues (vg Un petit tour en Purgatoire chaque
jour en compagnie du Sacré-Cceur, 106e
éd. et 530e mille en 1905.
- b) l'oeuvre de Montligeon, «
~uvre expiatoiré pour la délivrance des âmes du P.
les plus abandonnées », fondée sous le patronage de
N.-D. Libératrice par Paul Buguet (1843-1918), curé de La
Chapelle-Montligeon (diocèse de Sées) ; son succès
fut considérable (3 millions d'associés en 1894, 12 en 1904)
; elle édifie une grande basilique (1894-1928) ; elle édite
la revue Chemins d'éternité.
Comme par le passé, les membres
de ces associations sont invités à offrir l'Eucharistie pour
les défunts, à réciter diverses prières comme
le De Profundis, à faire une méditation et à réciter
les vêpres des morts le premier lundi de chaque mois, à faire
des aumônes en vue de célébrer des Messes ;
voir par exemple Pratiques de piété
à l'usage des conjréries érigées en javeur
des âmes du P., par M. Annat, curé de Saint-Merry à
Paris (Paris, 1850).
2) Les indulgences appliquées aux âmes du Purgatoire tiennent une place fort importante dans les esprits : gagner le plus possible d'indulgences, s'aider à cette fin des tableaux qui précisent les conditions de leur obtention (quotidienne, mensuelle, annuelle) est le souci de beaucoup.
Thérèse de l'Enfant-Jésus récita chaque soir, jusque dans sa dernière maladie, six Pater et six Ave indulgenciés en faveur des âmes du P. (Philippe de la Trinité, La doctrine de sainte Thérèse... sur le P., Paris, 1950).
Voir (A. Renard) Les clefs du Purgatoire,
Paris, 1885.
F. Beringer, Les indulgences, leur
nature et Ieur usage (trad. franC. sur la 15e éd. allemande, 4e
éd., 2 vol., Paris, 1925).
3) L'acte héroi'que.
- L'attitude d'offrande en faveur des âmes du Purgatoire culmine dans l'« acte héroïque ». Voir cet article, DS, t. 1, col. 177-78. C'est l'offrande faite à Dieu de toutes les oeuvres satisfactoires acquises durant la vie et des suffrages qui nous seront appliqués après la mort. Faber le fit connaître au grand public à travers son All for Jesus. Nombreux furent les chrétiens fervents de cette époque qui le prononcèrent, de Pierre Olivaint (DS, t. 11, col. 767-71) à Thérèse de l'Enfant-Jésus, sans parler de congrégations entières (Auxiliatrices de l'Immaculée Conception, Auxiliatrices du Purgatoire avec leurs « Dames associées », Franciscaines Missionnaires de Marie).
Ch. Gay (De la vie et des vertus chrétiennes, t. 2, Paris, 1874, p. 575) souligne la portée et le sérieux d'un tel acte. On conseille prudemment de ne faire cette offrande que pour un jour, une semaine, un mois, une année. La mentalité chrétienne du 19° siècle, dans la mesure où elle ambitionne de capitaliser des trésors d'indulgences et de mérites, apparaît souvent dominée par une sorte de comptabilité spirituelle. De ce point de vue, l'acte héroïque opère un complet retournement : le trésor acquis est livré ; on s'en remet, pour soi, à la miséricorde de Dieu.
La plupart des ouvrages cités
paslent de l'acte héroïque
(Louvet, p. 368-83 ;
Garriguet, p. 219-24 ;
Jugie, p. 341-55):
L. Caillol, Le Sacré-Cceur
de Jésus et l'acte héroi'que (Rome, Association du Sacré-Coeur,
1903).
Jugie (p. 356-61) évoque encore,
dans la ligne de l'acte héroïque, l'offrande de soi en victime
pour les âmes du Purgatoire, soit que l'on se livre « à
la discrétion de la justice divine pour souffrir à l'intention
des âmes tout ce qu'il plaira au bon plaisir de Dieu de nous envoyer
H, soit qu'on demande à Dieu « de transporter sur nous la
peine que doit subir telle âme en particulier... Ce transfert est
possible en vertu du dogme de la communion des saints » (p. 356).
Jugie en appelle à l'exemple de Catherine de Sienne et de Gemma
Galgani (p. 358-60).
4° UN ExsMs~ : Marie de Ia Providence et Ies Auxiliatrices du Purgatoire.
- Dans la logique de l'acte héroïque,
a été fondée en 1856 à Paris une congrégation
religieuse, née de la jonction d'une intuition mystique et d'une
expérience apostolique. Eugénie Smet (Marie de la Providence,
1825-1871 ; DS, t. 10, col. 523-25) prend soudain conscience (2 novembre
1853) qu'« il y a des congrégations pour tous les besoins
de l'Eglise militante, mais qu'il n'y en a aucune qui soit entièrement
consacrée à l'Église soufl'rante par la pratique des
oeuvres de zèle et de charité ». Elle fonde les Auxiliatrices
du Purgatoire, auxquelles elle propose l'acte héroïque en tant
que quatrième voeu.
H Gagner des âmes à
Jésus-Christ », « des profondeurs du Purgatoire aux
dernières limites de la terre », afin de hâter la venue
du Royaume, tel est le but qu'elle exprime dans les termes de son époque
: H travailler au soulagement et à la délivrance des âmes
du Purgatoire ». Centrée sur la réalité du Corps
mystique du Christ et de la communion des saints, appuyée sur la
spiritualité ignatienne, elle base sa dévotion sur son expérience
de l'amour de Dieu Providence ; elle envoie ses soeurs soigner gratuitement
les malades et travailler à toute oeuvre apostolique entrevue comme
urgente, empêchant ainsi sa congrégation de se lier à
une ceuvre particulière.
Voir la bibliographie de l'art. cité ; en outre, la plupart des ouvrages de la fin du 19~ siècle et du 20~ que nous avons cités parlent de Marie de la Providence comme d'un exemple.
Avec persévérance, le 19° siècle n'a pas cessé de multiplier et de diversifier les moyens de secourir les âmes du Purgatoire. Le nombre des pratiques peut donner une impression de dispersion, mais il faut surtout prêter attention à ce qui donnait à l'ensemble son unité : grâce à elles, le chrétien pouvait enserrer étroitement sa journée dans un réseau de prière, de pensées, d'actions ; il pouvait orienter sa vie dans une attitude de prière et d'offrande et se trouvait dynamisé au plan apostolique.
4. 20e siècle : Déplacements ou rupture ?
- Telle qu'elle se présente
au 19~ siècle, la dévotion perdure jusque vers 1940, puis
on assiste à sa quasi disparition. Un changement aussi rapide, en
rupture avec une longue tradition, a de quoi surprendre.
En fait, des signes avant-coureurs
montraient que de profonds déplacements s'opéraient.
Au plan de l'iconographie, G. et M. Vovelle (art. cité, p. 56) remarquent : « La guerre de 1914 a tué les autels des âmes du Purgatoire... L'impact de l'hécatombe collective détrône les pauvres âmes souffrantes de la place qu'elles occupaient, de tradition séculaire, dans la sensibilité collective... La plaque des morts de la guerre... a pris place tout naturellement dans la chapelle des âmes du Purgatoire, dont elle occupe un mur ~.
Il faut prendre aussi en compte l'apparition
d'une nouvelle sensibilité religieuse déjà présente
chez Newman (1801-1890) dans le Songe de Gerontius (trad. franç.,
Paris, 1944) et dont la puissante évocation symbolique se retrouve
dans Le creuset de I'amour (Paris, 1950) de Mary Starkey-Greig t 1937.
Elle évolue « d'un monde qui vit dans la familiarité
des morts à un autre qui le voit de plus loin et qui répugne,
en tout cas, aux échanges codifiés d'antan »
(Vovelle, p. 60) ; en ce qui concerne
la prière pour la morts, la liturgie d'après Vatican n va
bien dans ce sens.
Quant à la mort elle-même, pour le chrétien de notre temps, elle n'est plus tant le moment dramatique et redoutable du jugement que passage vers la maison du Père et participation au mystère pascaL Toute perspective de purification « post mortem a s'estompe ; l'accent est mis sur la purification qui s'opère ici-bas. On cherche à « éliminer les résidus d'une pastorale malencontreuse... en rapprochant k Purgatoire de l'expérience chrétienne elle-même » (Br. Moriconi, Il Purgatorio, soggiorno dell'amore, dans Ephemerides Carmeliticae, t. 31/2, 1980, p. 539-78) : K Dio qui purifica è il Purgatorio » (p. 576). Cette évolution entraîne un certain désintérêt pour cet état intermédiaire que représentait le Purgatoire, entre paradis et enfer.
Certes, à l'intérieur
même du Christianisme, il ne manque pas de publications, de type
traditionnalistc par exemple, qui maintiennent les points de vue plus anciens
(par ex. M. Simma, Les âmes
du P. m'ont dit..., éd. Christiana, Suisse, 1969 ; Les âmes
d~ Purgatoire, n. 26 de la revue Dieu est Amouw, Paris, 1980). Dans la
ligne mystique, il faut citer Adriennc von Speyr, Marthe Robin.
On notera en Occident de nos jours une importante littérature de caractère spirite : viendrait-elle s'insérer dans k vide qu'ouvre la quasi disparition du Purgatoire ? Quoi qu'a en soit, l'intérét de nos contemporains plus ou moins en marge de la foi chrétienne vivante pour ce qui concerne u It vie après la vie » ou pour la réincarnation est nettement observable (ef. X. Tillette, Mourir, survivre ? dans Étudet, juillet-août 1985, p. 91.104). Ceci invite à nous interroger sur l'utilité des représentations et des pratiques qu'a si longtemps ` véhiculées la dévotion aux âmes du Purgatoire.
Chantal de Seyssel, archiviste, soeur
auxiliatrice.