Les Merveilles Divines dans les Ames du Purgatoire
Les Merveilles Divines dans les Âmes du Purgatoire du Père Rossignoli
Introduction
La charité bien comprise nous fait un devoir très-pressant
de subvenir
aux nécessités des âmes du Purgatoire 1
1 - Excellence des suffrages en faveur des morts 6
2 - Ne pas soulager les défunts par des aumônes,
c'est se priver soi-même
de grands avantages
spirituels 10
3 - Dieu exauce les prières des communautés ferventes
en faveur des
défunts 15
4 - La conversion renvoyée au soir de la vie conduit
l'âme à la cruelle
faim du Purgatoire
18
5 - La miséricorde envers les défunts procure
le salut de l'âme, et souvent
même celui du
corps 21.
6 - Le purgatoire des paroles inconvenantes 24
7 - Une âme du Purgatoire rappelée à l'expiation
sur la terre 27
8 - Combien les âmes du Purgatoire sont soulagées
par le jeûne et l'oraison 30
9 - Intercession d'une femme pleine de foi 33
10 - La protection du Ciel en faveur de l'homme de bien 36.
11 - Martyre de charité de sainte Christine-l'Admirable pour
la délivrance
des âmes du
Purgatoire 40
12 - La Mère de Dieu mère des âmes du Purgatoire
44
13 - Dieu accorde à ses saints de grandes grâces en faveur
des âmes du
Purgatoire 47
14 - Comment les prières d'un saint délivrent quantité
d'âmes 50
15 - La peine transférée d'un défunt à
un vivant 54
16 - C'est se délivrer soi-même que de secourir les âmes
du Purgatoire 57
17 - Les souffrances du Purgatoire bien que passagères paraissent
extrèmement
longues 61
18 - Les peines du Purgatoire conformes aux fautes commises 64
19 - Le Ciel bénit ceux qui prient pour les morts 68
20 - Ingratitude des héritiers envers leurs bienfaiteurs 70
21 - Actions de grâces des âmes du Purgatoire envers leurs
libérateurs 74
22 - Il faut travailler par soi-même à éviter le
Purgatoire 77
23 - Traits divers de charité 81
24 - Souffrances des âmes qui ont donné du scandale 84
25 - Pour entrer au Ciel il faut être exempt de la moindre faute
87
26 - Admirable commerce de charité entre les vivants et les
défunts 91
27 - Traits divers 96
28 - Traits merveilleux sur la mort et sur le Purgatoire 99
29 - Les indulgences 102
30 - La protection des saints utile, après la mort à
qui l'a invoquée ici-bas 105
31 - Reconnaissance des âmes pour leurs bienfaiteurs 108
32 - Celui qui souffre pieusement ici-bas va tout droit au repos éternel
111
33 - Sainte usure de ceux qui appliquent leurs oeuvres au soulagement
des défunts 114
34 - Le sang de Notre-Seigneur dans l'Eucharistie 117
35 - Il vaut mieux mourir avec la certitude d'aller en Purgatoire
que de vivre en danger
de péché 120
36 - Les justes eux-mêmes ne sont pas irrépréhensibles
devant Dieu 125
37 - On ne sort du Purgatoire qu'après une expiation entière
et complète 128
38 - La dévotion du saint Rosaire 131
39 - Tourment apaisé 135
40 - Protection des âmes du Purgatoire 137
41 - Oeuvres d'insigne charité envers les âmes du Purgatoire
140
42 - Supplication merveilleuse 143
43 - Bienfaits des âmes du Purgatoire envers ceux qui les assistent
145
44 - La sainte communion pour les morts 148
45 - La divine Eucharistie154
46 - Le pardon d'une offense soulage les âmes souffrantes 154
47 - Valeur du saint sacrifice en faveur des âmes du Purgatoire
157
48 - Obéissance à la volonté divine 160
49 - Délivrance d'une âme 162
50 - Bonté des anges pour les pauvres du Purgatoire 165
51 - Reconnaissance des âmes du Purgatoire 168
SECONDE PARTIE
Introduction 172
52 - Grand pêcheur délivré par une âme du
Purgatoire 176
53 - Défunt répondant aux prières qu'on fait pour
eux 180
54 - La divine Marie et le Scapulaire 182
55 - Accusations du démon contre les morts 185
56 - Un Purgatoire plus long à qui n'a pas prié pour
les morts 188
57 - Rigueur de la justice divine 191
58 - Protection miraculeuse 194
59 - Apparitions et révélations 196
60 - Mérite de la sainte obéissance 199
61 - Dévouement charitable 203
62 - Suffrages conformes aux bonnes oeuvres accomplies pendant la vie
206
63 - Idée du feu du Purgatoire et des leçons qu'il nous
donne 208
64 - Marie au jour de son Assomption 211
65 - Récompense du bien accompli pendant la vie 214
66 - Combien effrayants sont les tourments du Purgatoire 216
67 - La crainte du Purgatoire fait taire la volupté 220
68 - Les plaintes douloureuses des âmes du Purgatoire 224
69 - La plus grande souffrance du Purgatoire est la privation de la
vue de Dieu 228
70 - Les peines du Purgatoire conformes aux fautes commises.234
71 - Reconnaissance des âmes du Purgatoire 237
72 - L'oeil de la justice divine 241
73 - Supplications des âmes pour obtenir qu'on les secoure 244
74 - Récompense de ce que l'on fait pour les âmes du Purgatoire
247
75 - Dévotion extraordinaire envers les âmes 251
76 - Petites aumônes faites de bon coeur 254
77 - Le besoin que nous avons d'être purifiés 257
78 - Iniquité convertie en oeuvre méritoire 261
79 - L'amour du prochain doit s'étendre au delà de cette
vie 265
80 - Révélations sur l'autre vie 268
81 - Prix des souffrances d'ici-bas 271
82 - L'intercession des justes apaise la colère divine 275
83 - Un rayon de la lumière céleste dans le Purgatoire
278
84 - Utilité des sacrements pour nous purifier devant Dieu 282
85 - Prières exaucées 285
86 - Dieu instruit les vivants sur les mystères de l'autre vie
288
87 - Combien la prière est utile aux âmes du Purgatoire
292
88 - Efficacité de la prière des justes en faveur des
âmes 296
89 - Protection spéciale de Marie 301
90 - L'or et l'argent des vertus doivent être souvent purifiés
par le feu 304
91 - Récompense assurée à l'aumône pour
les âmes du Purgatoire 308
92 - Supplications des âmes du Purgatoire pour qu'on se souvienne
d'elles 312
93 - Combien Dieu aime qu'on prie pour ses parents défunts 316
94 - La peine du Purgatoire prolongée jusqu'à l'acquittement
des dettes 319
95 - Les âmes délivrées venant au-devant de leurs
bienfaiteurs 323
96 - Double prodige 326
97 - Purgatoire imposé à ceux qui résistent à
la parole de Dieu 330
98 - Zèle pour les âmes du Purgatoire 334
99 - Communion sainte entre la terre et le Purgatoire 337
100 - L'affection pour les amis et les parents ne meurt point avec
eux 341
101 - C'est une erreur de s'en remettre sur les autres du soin d'apaiser
la
colère
de Dieu 346
Conclusion 351
APPENDICE
Recueil de pratiques et de prières en faveur des âmes
du Purgatoire
I - Intentions 356
II - Pratiques 359
III - Prières 363
Prière pour obtenir une
bonne mort 371
Exercice pour se disposer à
bien mourrir 374
Les Merveilles Divines dans les Ames du Purgatoire
de l'abbé Rossignoli -
PREMIERE PARTIE
1
Les Merveilles Divines dans les Âmes
du Purgatoire
PREMIERE PARTIE
Introduction.
La charité bien comprise nous fait un devoir très pressant
de subvenir aux
nécessités des âmes du Purgatoire.
Ordinavit in une charitatem : Dieu m'a placé
sous l'étendard de la charité ( Cant.2,4 ).
Il ne peut entrer dans ma pensée de réduire ici à
quelques lignes tout ce
qu'il y a de parfait dans la charité envers les pauvres âmes
du Purgatoire
je me borne à quelques considérations rapides toute charité
est d'autant
plus grande que les misères qu'elle soulage le sont elles-même
là ou le
besoin est extrême l'obligation d'y porter remède devient
plus pressante or
quelle plus douloureuse nécessité se peut-il concevoir
que celle d'âmes
plongées dans un océan de tourments vouées aux
souffrances les plus atroces
aux plus inexprimables angoisses ? Les commentateurs appliquent au
Purgatoire ce mot de Mala-
2
chie,III,3 : "Sedebit conflans, et Purgabit filios levi , et colabit
eos
quasi aurum : Le messie sera comme un homme qui s'assied pour faire
fondre
et pour épurer l'argent ; il purifiera les enfants de Lévi
et il les rendra
nets comme l'or qui a passé par le feu ;" le comparent à
un alambic de
toutes les peines imaginables d'ici-bas comme si Dieu à l'exemple
de ces
savants qui distillent de diverses substances les esprits les plus
purs pour
en composer un extrait qui les représente dans toute leur force
avait réuni
dans le Purgatoire par une opération semblable les différentes
espèces de
maux dont nous souffrons davantage dans cette vie les maladies naturelles
les supplices violents les tortures les tourments infligés aux
martyrs etc
et en avait exprimé l'essence et l'activité c'est ce
que paraît avoir
indiqué le prophète Isaie, IV, 4, dans ce passage :"Abluet
Dominus sordes
filiurum Sion in spiritu ardoris :Le Seigneur purifiera les souillures
de la
fille de Sion dans l'ardeur du feu." Ce feu est doué d'une puissance
surnaturelle d'une activité et d'une violence cent fois plus
grandes que
celles du nôtre parce qu'il a été choisi pour instrument
de la divine
justice Tertullien appelle même le Purgatoire un enfer momentané
: car
observe-t-il les deux peines principales celle du sens et celle du
dam y
sont réservées aux âmes avec seule différence
de la durée les damnés ne
devant jamais voir finir leurs tourments le feu est le même suivant
saint
Augustin :" Eodem igne purgatur justus et torquetur damnatus." Combien
donc
n'est-ce pas une charité excellente d'apporter du soulagement
à ces âmes
infortunées il ne s'agit pas seulement de nourrir un affamé
de couvrir celui
qui man -
3
que de vêtements de délivrer un malade de sa fièvre
mais de retirer des
malheureux de l'abîme immense de tous les maux cette charité
est plus
précieuse encore si l'on considère le grand bien dont
ces âmes vont être
mises en possession l'histoire a enregistré comme un prodige
de bonté
l'action du grand Théodose qui tira de son abjection la pauvre
jeune fille
Athénais pour la faire monter sur le trône impérial
David a exprimé de mille
manières sa reconnaissance pour la divine miséricorde
qui l'avait ôté à la
garde des troupeaux et établi chef de son peuple Oh combien
meilleure est la
charité qui procure à une âme la possession de
l'éternelle béatitude ne
pourrait-on pas dire dans un certain sens qu'elle est aussi élevée
que le
bien même qu'elle assure ? il est vrai que nous ne pouvons guère
en saisir
toute l'étendue ignorants comme nous le sommes de ces célestes
profondeurs
mais ces âmes bénies sont placées mieux que nous
pour cela elles savent tout
ce qui est caché sous ces simples mots voir Dieu face à
face Dieu le premier
principe et la fin dernière s'unir entièrement à
cet objet souverainement
aimable après lequel elles soupirent de tout ce qu'elles ont
d'intelligence
et d'amour cette ardeur ce désir invincible cette flamme brûlante
leur cause
un tourment plus insupportable que la flamme extérieure et vengeresse
qui
les consume l'illustre Tertullien explique admirablement cette vérité
par
l'exemple de Job image sensible de l'âme du Purgatoire ainsi
que l'Eglise le
fait entendre elle-même en lisant son histoire dans l'office
des morts tout
le corps de ce prophète de la patience était couvert
d'ulcères douloureux
qui le
4
tourmentaient de la tête aux pieds et cependant celui de tous
ses organes
qui le faisait le plus cruellement souffrir et dont il se plaignait
le plus
haut c'était la vue qui n'aperçevait plus le bien
suprême (C. XVIII, 2 )
:"In amaritudinibus moratur oculus meus : cur faciem tuam abscondis
? Mon
oeil est plongé dans l'amertume : Oh! pourquoi me cachez-vous
votre visage
?" Comme s'il avait dit : Mon supplice le plus amer c'est de ne vous
voir
plus ; ô mon Dieu!"On plaint l'oeil tout entier dans les tourments"
dit
encore Tertullien ainsi l'âme souffrante du Purgatoire n'a point
de torture
qui l'éprouve autant que la privation de la présence
visible de son Dieu les
autres peines auprès de celles-là ne lui semblent rien
or que fait la
charité dont nous parlons ? elle met fin à cet état
d'horrible souffrance
elle apaise cette soif ardente elle comble ces immenses désirs
en leur
assurant la possession de leur céleste objet l'amour de Dieu
y est
d'ailleurs intéressé lui-même directement Dieu
veut souverainement avoir
auprès de lui ces âmes qu'il aime afin de les faire participautes
de sa
gloire " Deliciae meae esse am filius hominum, dit-il au livre des
proverbes, VIII, 31 : Mes délices sont d'habiter avec les enfants
des hommes
; " comme si la compagnie de ses créatures ajoutait quelque
chose à sa
félicité éternelle, et qu'il ne fût point
complètement heureux tant qu'il ne
la communique pas ces âmes en effet sont ses chères filles
les épouses du
Sauveur rachetées au prix de tout son sang et adoptées
par lui il se réjouit
donc de les délivrer de la prison ou elles gémissent
et de les introduire à
la lumière de son paradis pensez un peu quelle serait la consolation
d'un
roi
5
6
1ère Merveille
9
éprouvent une entière contrition ; elles sont rentrées
en grâce avec Dieu, auquel elles sont présentement agréables,
ayant recouvré le titre de ses amies et de ses filles. Les pécheurs,
eux, sont devant le Seigneur, comme des rebelles et des ennemis. Si donc
la charité bien ordonnée veut que nous nous conformions à
la très sage bonté de Dieu, il va de soi que nous devons
nous attacher davantage à ceux qu’il aime, de préférence
à ceux qui se déclarent en révolte contre lui. »
Bertrand, toutefois, ne se rendait point à ces raisons.
Une miraculeuse apparition le convainquit enfin. Dieu permit que la nuit
suivante, en allant au chœur pour chanter l’office, il vit venir au-devant
de lui une âme du purgatoire sous la forme d’un spectre horrible,
chargé d’un poids qu’il ne pouvait soulevait. L’apparition s’approcha
en se plaignant et en gémissant, et le chargea de cet insupportable
fardeau, sous lequel le bon religieux succombait. Oh ! alors, comme dit
Isaïe, « le tourment lui donna l’intelligence : Vexatio dedit
intellectum ; » et il comprit qu’il devait faire davantage pour les
âmes souffrantes. Le matin, dès qu’il le put, la compassion
dans le cœur et les larmes aux yeux, il monta au saint autel en leur faveur,
et il continua cette pratique le reste de sa vie.
Le grand docteur saint Thomas d’Aquin paraît avoir tranché
la controverse par ces lignes de la Somme théologique (Supp. «
. quaest. 71. art. v. ad 3) : « Les suffrages pour les morts sont
plus agréables que les suffrages pour les vivants, parce que les
premiers se trouvent dans un plus pressant besoin, ne pouvant se secourir
eux-mêmes comme ceux qui vivent encore. » Plusieurs autres
docteurs enseignent la même chose, et on doit
10
tout au moins conclure qu’il faut avoir en grande estime la prière
pour les morts./
10
2ème MERVEILLE
NE PAS SOULAGER LES DEFUNTS PAR LES AUMONES, C’EST SE PRIVER SOI-MEME
DE GRANDS AVANTAGES SPIRITUELS
Noliesse pusillanismis, et facere elcemosypam ne despicias : Ne soyez
point faible
de cœur, et ne méprisez point l’aumône. (Eccli, vii, 3)
Le Docteur angélique, saint Thomas, préfère
au jeûne et à la prière le mérite de l’aumône,
quand il s’agit d’expier les fautes passées. « L’aumône,
dit-il, (In 4, d. 15, q. 3), possède plus complètement la
vertu de la satisfaction que la prière, et la prière plus
complètement que le jeûne. » C’est pourquoi de grands
serviteurs de Dieu et de grands saints l’ont principalement choisie comme
moyen de secourir les défunts. Nous pouvons citer parmi eux, comme
l’un des plus remarquables, le pieux Raban-Maur, premier abbé de
Fulde, au IXè siècle, puis archevêque de Mayence. L’abbé
Thrithème, écrivain distingué de l’ordre de Saint-Benoît,
raconte que Raban avait prescrit aux économes de son monastère
de faire constamment les plus abondantes largesses aux pauvres. Cependant,
le procureur de l’abbaye, appelé Edédard, trop attaché
aux biens de ce monde et moins préoccupés par des indigents,
11
retenait souvent la part qui leur était destinée. Le
saint abbé avait, de plus, et du commun consentement, décrété
que, chaque fois que l’un des religieux passerait à une meilleure
vie, sa portion serait pendant trente jours distribuée aux mendiants,
afin que l’âme du défunt fût soulagée par cette
aumône. L’avare procureur omettait cette distribution, ou bien la
remettait au-delà du trentième jour, malgré la tradition
ancienne observée par saint Grégoire-le-Grand, qui marque
ce temps comme le plus propice aux suffrages pour les morts. Il arriva,
l’an 830, que le monastère de Fulde fut éprouvé par
une sorte de contagion, qui emporta le bon nombre de moines, et même
l’un des supérieurs. Raban-Maur, plein de zèle et de charité
pour ces chères âmes, fit venir Edédard, et lui rappela
la pieuse pratique. « Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions
soient fidèlement observées, et qu’on gratifie les pauvres,
durant un mois entier, de la nourriture destinée aux frères
que nous venons de perdre. Si vous y manquiez, vous seriez très-coupable
devant Dieu, et certainement, il vous en punirait. » Le procureur
promit d’obéir.
Mais, hélas ! combien fatale est la passion de l’avarice,
dans un homme consacré à Dieu surtout ! Edédard, qui
en était dominé, qui avait le cœur étroit et la main
serrée, ne fit point ce qu’il devait, priva les pauvres et resta
sans pitié pour les âmes de ses frères. Dans la crainte,
tout à fait déraisonnable, que les vivants ne vinssent à
manquer, il négligea à la fois les indigents et les défunts.
La justice divine ne laissa point impunie cette infidélité.
Un jour qu’il avait été accablé d’affaires,
le soir venu,
12
comme les religieux s’étaient déjà retirés,
il traversait la salle du chapitre, tenant une lanterne à la main.
Quel fut sont étonnement de voir l’abbé, avec une quantité
de moines, assis à leurs places, tenant conseil malgré l’heure
avancée ! Il ne comprenait pas le sujet d’une réunion semblable,
à pareil moment, lorsque, regardant plus attentivement, il reconnut
le supérieur défunt, avec les autres religieux défunts
aussi. Il est difficile d’exprimer la terreur dont il fut saisi ; un froid
glacial, qui courut aussitôt dans ses veines, le cloua à sa
place, comme une statue sans vie. Mais cette terreur était peu de
chose auprès de ce qui lui était réservé. Le
supérieur et quelques un des morts, se levant, vinrent à
lui, le dépouillèrent de son habit et se mirent à
le frapper à coups de fouet avec tant de violence, qu’il resta privé
de sentiment. En même temps, il lui disaient : « Reçois,
malheureux, reçois le châtiment de ton avarice ! tu en éprouveras
un plus terrible dans trois jours, lorsque tu seras descendu dans la tombe
avec nous. Alors le suffrage qui t’est réservé sera appliqué
à ceux que tu as privés des leurs. » Puis tout disparut.
Pour lui, il était couvert de sang et de plaies.
Il fut trouvé dans cet état par la communauté,
au moment où elle se rendait au chœur, après minuit. On le
porte à l’infirmerie à moitié mort, et on s’empresse
de lui prodiguer tous les soins que réclamait sa position. Mais
lui, dès qu’il put parler : « Hâtez-vous, s’écria-t-il,
appelez tout de suite le père abbé : j’ai plus besoin des
remèdes de l’âme que de ceux du corps. Ces membres ne sauraient
plus guérir ! » Dès que l’abbé fut venu, en
sa présence et devant toute la maison, il raconta le terrible événement,
dont l’état où il était
13
rendait un trop sensible témoignage. Quand il eut ajouté
qu’il devait paraître au tribunal de DIEU dans trois jours, il supplia
qu’on lui administrât les derniers sacrements, en protestant de tout
son regret. Il les eut à peine reçus, avec les marques d’une
grande dévotion, qu’il commença à baisser, jusqu’au
moment où il expira, le troisième jour, au milieu des prières
de ses confrères et des exhortations de l’abbé, qui lui rappelait
les miséricordes de DIEU et la confiance qu’il faut avoir en lui.
On chanta aussitôt la messe des morts, et on distribua,
selon l’usage, la part des pauvres. La punition n’était pas finie
cependant. Le défunt apparut à Raban, pâle, défiguré.
L’abbé, frappé, de cette vision, lui demanda ce qu’il y avait
à faire pour lui. « Ah ! répondit l’âme infortunée,
les prières de notre sainte communauté m’ont procuré
du soulagement, mais je ne puis obtenir ma grâce entière avant
la délivrance de tous ceux de mes frères que mon avarice
a frustrés des suffrages qui leur étaient dus. Ce qu’on a
donné aux pauvres en mon nom leur a profité, et non point
à moi, selon l’ordre de la divine Justice. Je vous supplie donc,
mon père, vous qui êtes si bon, qui m’avez accordé
tant d’intérêt pendant ma vie, de faire redoubler les aumônes.
J’espère que moyennant cela la clémence du Seigneur nous
délivrera tous, eux d’abord, et moi ensuite.
Raban-Maur le promit, et la chose fut faite. Un autre mois était
à peine écoulé, qu’Edédard lui apparut de nouveau,
vêtu de blanc, entouré de rayons lumineux, la joie peinte
sur le visage. Il rendit au monastère les actions de grâces
les plus touchantes pour la charité
14 :
dont on avait usé envers lui, assurant qu’au ciel, où
il s’envolait, il ne cesserait de conjurer le Dieu de toute bonté
pour ses bienfaiteurs.
Combien d’utiles réflexions se présentent à
l’esprit à la lecture de cette histoire ! On y voit, premièrement,
que les pauvres âmes du purgatoire ne peuvent rien pour elles-mêmes
; et Dieu permet, dans cette circonstance, qu’elles viennent châtier
l’oubli qu’on fait de leurs peines. Secondement, dans l’application des
suffrages le Seigneur fait quelquefois une exception contre celui qui a
démérité d’une manière spéciale, alors
surtout qu’on a manqué aux devoirs de prières et de bonnes
œuvres envers les autres, ce qui rend indigne de recueillir pour soi-même
un fruit si précieux. Troisièmement, nous devons exciter
en nous un grand zèle pour ces bonnes et tristes âmes, à
l’exemple des religieux de Fulde, toujours empressés dans cet exercice
de charité. L’historien que nous citons ajoute qu’ils portaient
cette affection si loin, que chacun se privait encore d’une partie de ses
aliments pour les distribuer aux mendiants à la même intention
(V. Trithemus, Vita-Bab-Mauri, I. II ; Théophile Raynaud, jésuite,
Heter. Spirit., p.2, sect. 3, punct. 7)./
15
3ème Merveille
DIEU EXAUCE LES PRIERES DES COMMUNAUTES FERVENTES EN FAVEUR DES DEFUNTS
Oculi Domini super justos, et aures ejus in preces corum : Les yeux
du Seigneur sont ouverts sur les justes ; et son oreille est attentive
à leur prière (XXXIII, 16)
Saint Chrysostome expose quelque part, en développant les promesses
de Jésus-christ à ceux qui sont rassemblés en son
nom, combien sont bonnes et profitables les prières des communautés
ferventes, vivant dans la pratique de l’oraison et de la pénitence.
« Dieu lui-même, dit-il, atteste souvent dans la divine Ecriture
qu’il a les oreilles attentives à ceux qui se sont réunis
pour le prier. » On en vit une preuve for touchante dans une chartreuse
d’Angleterre, comme je vais le raconter.
Un personnage de haute noblesse et de richesses considérables,
étant mort dans ce pays, laissait un fils que cette perte avait
cruellement affecté, et qui, plein de zèle pour le salut
de celui qu’il aimait à si juste titre, se rendit aussitôt
chez les chartreux. C’était dans leur église que s’était
fait l’office des funérailles. Il présenta au prieur une
grosse somme d’argent, à titre d’aumône, avec prière
à la communauté d’avoir un souvenir devant Dieu pour l’âme
de son cher défunt. A l’instant, les religieux sont convoqués
au chœur : « Ser-
16 :
-viteurs de Dieu, leur dit le prieur, unissons nos prières en
faveur du défunt qui a été enterré ici dernièrement
, ce jeune homme, qui nous fait une offrande considérable, nous
le demande. » Les moines alors entonnèrent d’une seule voix
le Requiscat in pace, auquel le supérieur répondit Amen,
puis chacun se retira en silence dans sa cellule.
Le bienfaiteur restait tout étonné. « C’est bien
peu de chose, pensait-il : quoi ! pour une somme aussi importante, un seul
Requiscat in pace ! » Il s’approche donc du prieur avec modestie,
et lui dit d’un ton de plainte respectueux : « C’est là tout,
mon père ? et l’âme de celui que je pleure n’aura point d’autre
suffrages, lorsque j’ai fait preuve envers vous de quelque générosité
, » Le saint homme, surpris à son tour de cette question,
lui répondit avec douceur : « Prétendriez-vous, mon
fils, peser dans la même balance votre aumône, fût-elle
un monceau d’or, et les prières de mes religieux, si courtes soient-elles
, » ? Non certes, reprit le jeune homme ; non, mon père,
je n’entends point établir e comparaison. Cependant, je trouve que
deux ou trois paroles sont bien peu de choses, et que j’ai fait davantage
pour le monastère. ? Je vois que vous doutez encore, mon enfant.
Attendez un moment : vous allez, grâce à Dieu, vous assurer
de votre erreur. »
Se tournant vers le père cellérier : « Allez, lui
dit-il trouver l’un après l’autre nos frères dans leurs cellules
; dites-leur d’écrire sur un morceau de papier leur Requiscat in
pace et de me l’apporter tout de suite. » Il commanda en même
temps à un frère convers d’aller prendre une balance. Il
y mit, d’un côté, l’argent et l’or du jeune homme, et le poids
emporta rapidement
17:
21
qu'il n'y avait point d'autre foi où l'on pût opérer
son salut. Puis il avait désavoué, avec tous les signes
du repentir le plus sincère, les scandales de sa vie mondaine, l'oubli
qu'il avait fait de ses devoirs ; accompagnant cet acte de soupirs et de
gémissements, et assurant qu'il voudrait pour tout au monde verser
sur ces malheurs des larmes de sang. Une si vive et si noble contrition
l'avait préservé de l'enfer, et, quand il s'était
présenté au tribunal de Dieu, il avait trouvé un juge
apaisé, mais non satisfait, qui lui faisait expier dans un douloureux
purgatoire les restes de son infidélité.
Ceci nous montre, une fois de plus, l'inconcevable folie de ceux qui
remettent leur conversion au dernier moment.
(V. Daniel, histoire d'Angleterre, l. v, ch. 7.)
IV MERVEILLE CONTENU ERRONE
21
Ve MERVEILLE
LA MISÉRICORDE ENVERS LES DÉFUNTS PROCURE LE SALUT DE
L'ÂME, ET SOUVENT MÊME CELUI DU CORPS.
Benefacit unimæ suæ vir misericors.
L'homme de miséricorde assure le bonheur
de son âme. (Prov. xi, 29.)
Pour exciter la piété des fidèles à prier
en faveur des âmes de ceux qui ont été mis à
mort par la justice humaine, et qui souffrent dans les flammes de l'expiation,
il n'est peut-être point de trait plus pathétique que celui-ci.
22
Il y avait aux environs de Rome, vers l'an 1620, un jeune homme de
vie dissolue et scandaleuse, qui était devenu à cause de
cela un objet à la fois d'horreur et de terreur. Ses excès,
ses violences continuelles lui suscitèrent des ennemis décidés,
qui résolurent de lui arracher la vie. Le malheureux, au milieu
de ses désordres, avait conservé une grande compassion pour
les âmes du purgatoire, pour lesquelles il faisait dire de temps
en temps des messes, ou donnait l'aumône ; il priait même pour
elles avec toute la ferveur dont il était capable, dans ce triste
état de conscience. Cette unique dévotion devait lui
sauver miraculeusement la vie de l'âme et celle du corps.
Un soir qu'il se rendait à Tivoli, monté sur un bon cheval,
pensant échapper aux embûches qu'il savait dressées
contre lui, il se trouva au contraire qu'il marchait juste au-devant d'elles.
En effet, n'ignorant pas qu'il devait passer par là, ils s'étaient
placés en embuscade armés d'arquebuses, derrière un
petit bois, et attendaient son arrivée pour le tuer. Il approchait
rapidement de ce lieu, quand il aperçut au-dessus de sa tête
les membres d'un criminel attaché aux branches d'un chêne
pour l'exemple des malfaiteurs. Emu de pitié, il s'arrête
afin de réciter quelques prières, suivant sa coutume, pour
cette pauvre âme abandonnée. Mais voici que, comme il
priait, une merveille inconcevable frappe ses yeux, aux derniers rayons
du jour : ces membres décharnés, desséchés,
séparés, se rejoignent, tombent à terre, s'animent,
s'approchent du cavalier sous une forme vivante. Il restait à
sa place, cloué par la terreur. Le fantôme prend la
bride du cheval et dit au jeune homme : « Descends et me laisse
23
monter un moment ; il y va de ton salut ! tu vas m'attendre ici ; je
ne serai pas long. » Tel était son saisissement,
que, sans proférer une parole, il descend et laisse son cheval aux
mains du cadavre ressuscité, qui y monte et le lance en avant.
Au bruit qu'ils entendent, les ennemis s'apprêtent, dressent
leurs arquebuses, les déchargent, et, voyant tomber le cavalier,
s'enfuient au plus vite, avant que le coup n'attirât du monde et
ne les fit découvrir. Ils étaient sûrs d'avoir
enfin tué leur homme. Ils se trompaient. Tout tremblant,
hors de lui, celui-ci n'avait pas bougé, lorsqu'il vit revenir le
spectre, lequel s'arrêtant lui dit : « Tu viens d'entendre
cette décharge d'arquebuses ; elle t'était destinée
: tu serais mort infailliblement : mort quant à la vie présente,
mort quant à l'âme. Les âmes souffrantes du purgatoire,
pour lesquelles tu as une compatissante dévotion, ont obtenu de
Dieu que je vinsse à ton secours dans cet extrême péril.
Reconnais cet immense bienfait, en continuant de prier pour elles, mais
plus encore en changeant de vie et en te conduisant désormais comme
il convient à un chrétien. »
Ce discours fini, le cadavre reprit sa place, comme si une invisible
main le rattachait aux branches. Quant au jeune homme, il n'est pas
besoin de s'étendre sur la révolution qui s'était
opérée en lui. Peu de jours après, il se décida
à dire adieu au monde pour faire pénitence dans un ordre
austère, où il vécut dans une grande perfection.
Combien donc est vraie cette parole de la divine Ecriture : L'homme
de miséricorde assure le bonheur de son âme !
(V. J.-B. Manni Sac. Trig., disc. 12)
6ème MERVEILLE
LE PURGATOIRE DES PAROLES INCONVENANTES.
Ex verbis tuis condemnaberis : Vous serez
Condamné sur vos paroles. (Matth. XII, 37.)
24
Saint Ambroise recommande fortement aux vierges consacrées
à Dieu l'observation rigoureuse du silence, principalement lorsqu'elles
sont au chœur pour le chant des louanges divines, parce que, dit-il, «
l'époux céleste, quand il vient, n'entre dans une âme
qu'autant que les portes en sont fermées aux discours profanes :
Sponsus vult clausam esse januam, cùm pulsat : janua nostra os nostrum
est ; Christo propemodiùm soli debet aperiri : Notre porte, c'est
la bouche, et elle ne doit s'ouvrir que pour le Seigneur. » (De Virg.,
v.) Césaire nous apprend, par un mémorable exemple, combien
les conversations dans le lieu saint déplaisent à Dieu.
Voici ce trait.
Dans un monastère de l'ordre de Citeaux, appelé
Saint-Sauveur, deux jeunes filles de riches maisons firent profession et
vouèrent à Dieu leur virginité. L'une avait
nom Gertrude, l'autre Marguerite. On les avait placées, au
chœur, l'une à côté de l'autre. La première,
Gertrude, quoique très vertueuse, avait le malheureux défaut
du bavardage, et rompait souvent le silence, faute dans laquelle elle entraînait
sa compagne ; ce qui lui attira un sévère châtiment
après sa mort. Une maladie l'emporta à la fleur de
ses années. On l'avait
25
enterrée, suivant l’usage, au fond de l’église. Or, un
soir que les religieuses étaient réunies à chanter
l’office,
la voici qui apparaît devant l’autel, y fait la génuflexion
accoutumée et va s’asseoir auprès de Marguerite. La
bonne sœur, à cette vue, est saisie de frayeur, devient
pâle, tremblante, prête à défaillir. On s’empresse
autour
d’elle, on s’informe du mal qu’elle éprouve, on lui pro-
digue mille soins. Alors, sans dire un mot, elle se pros-
terne aux pieds de l’abbesse, lui demande sa bénédiction
et commence à raconter ce qui lui est arrivé. La dé-
funte, ajoute-t-elle, aussitôt après l’office des vêpres
et
pendant qu’on récitait l’oraison, s’était levée,
avait fait
une grande inclination jusqu’à terre et avait disparu.
La prudente supérieure, craignant que tout cela ne
fût le jeu d’une imagination troublée, ou bien quelque
illusion du démon, lui donna cette consigne : « Si
Gertrude vous apparaît encore, vous lui direz Benedi-
cite, à quoi elle répondra, suivant notre usage, Domi-
nus : nous lui demanderez alors d’où elle vient et ce
qu’elle veut. »
Le jour suivant, à la même heure, nouvelle appari-
tion. Marguerite la salue : « Benedicite ! – Dominus !
répond le fantôme. – Ma chère sœur Gertrude, pour-
suit la religieuse, d’où venez-vous à cette heure et
que
voulez-vous ? – Je viens, dit-elle, satisfaire à la justice
divine dans le même lieu où j’ai péché avec
toi, lorsque
j’ai tant de fois rompu le silence et te l’ai fait rompre
pour des choses futiles, pendant les saintes cérémo-
nies. Le Seigneur équitable veut que je m’acquitte en-
vers lui à l’endroit et dans les circonstances où je
l’ai
offensé. Oh ! si tu savais combien je souffre ! Je suis
tout environnée de flammes ; ma langue surtout en est
26
consumée, sans que je trouve le moindre soulagement.
Ma bien-aimée sœur, profite de mon exemple ; mets un
frein à tes paroles ; oublie que je t’ai donné ce scandale
et n’y entraîne personne à ma suite, parce qu’un
sup-
plice pareil te serait réservé. » Elle disparaût.
Plusieurs fois encore, elle revint réclamer les prières
des religieuses, jusqu’à ce que, délivrée par
leurs suf-
frages, elle dit à sa compagne un tendre adieu et se
dirigea, sous ses yeux, vers le tombeau où on l’avait
ensevelie ; elle en souleva la pierre et s’y coucha pour
toujours.
Ces différentes émotions agirent si fortement sur
Marguerite, qu’elle tomba dans une grave maladie et
ne tarda pas à être à toute extrémité.
On la crut même
morte. Mais ce n’était qu’une sorte d’extase, durant
laquelle il lui fut révélé des choses admirables
de l’au-
tre vie. Elle les raconta, quand elle fut revenue à elle,
à des sœurs étonnées, et les exhorta à
marcher de plus
en plus dans la voie courageuse de la mortification des
sens. De son côté, elle devint d’une scrupuleuse exacti-
tude à la règle du silence, ayant toujours présent
à
l’esprit le châtiment infligé à sœur Gertrude.
Elle veil-
lait tellement sur ses paroles, qu’on aurait pu lui appli-
quer le mont du Prophète royal : « Dixi : custodiam vias
meas ut non delinquam in linguâ meà posui ori meo
custodiam : Je me suis promis de veiller sur moi, afin de
ne point pécher par ma langue, et j’ai mis une barrière
à mes lèvres. »
(V.Césaire, Illustr. Mirac., I, XVIII, ch. 36, Alexis
Segala, Triumph. Purg. , p.II, c. 24, n. 32.)
27
7ème Merveille UNE
AME DU PURGATOIRE RAPPELEE A L’EXPIATION
SUR LA TERRE.
Dedi illi tempus ut paenitentiam ageret : Je lui ai accordé
du temps pour faire Pénitence. (Apocal. II, 21)
Oh ! que ne donneraient pas les âmes du purgatoire
pour avoir quelques moments de ce temps dont nous
prodiguons les heures dans des occupations inutiles et
dans les vanités terrestres ! Quelles pénitences, quels
travaux n’entreprendraient-elles pas volontiers, avec
empressement, pour s’épargner seulement quelques
minutes de leurs cruelles tortures ! Citons un nouvel
exemple, plus admirable à la vérité qu’il n’est
imitable,
celui de la vénérable vierge Angèle Tholoméi,
domi-
nicaine.
Elevée dès le premier âge dans l’amour de
la vertu,
elle fit, par sa correspondance à la grâce, de rapides
progrès dans la perfection. Bientôt elle tomba dange-
reusement malade. Quand elle vit qu’il n’y avait plus
d’espérance du côté de la science humaine, elle
eut
recours à son bienheureux frère, J.-B. Tholoméi,
dont
la sainteté était déjà célèbre
; mais les ferventes oraisons
de ces deux âmes n’obtinrent point ce qu’elles dési-
raient, DIEU ayant d’autres desseins sur sa servante.
On peut dire ici, comme saint Augustin au sujet de
28
Lazare : « Distulit sanare infirmum, ut resuscitaret mor-
tuum : Il tarde de guérir le malade, afin de ressusciter
le mort »
Angèle était donc près de rendre le dernier
soupir,
lorsqu’elle eut une vision. Il lui sembla qu’elle était
transportée dans une lieu très-vaste, où étaient
repré-
sentées au vif toutes les peines du purgatoire. C’étaient
les tourments les plus variés : ici, des flammes arden-
tes ; là, des étangs de glace ; ailleurs, du soufre bouil-
lant, des roues à pointes de fer rougies au feu ; des
bêtes féroces à la dent aiguë, et cent autres
supplices
dont la seule idée fait frémir. Il lui fut montré
en quel
lieu son âme, qui allait sortir de son corps, allait se
rendre pour expier certains défauts qu’elle n’avait pas
assez combattus durant sa vie. En un mot, tel fut cet
horrible spectacle, que, lorsqu’elle retrouva sa connais-
sance, elle frémissait de la tête aux pieds. Elle raconta
tout à son saint frère, le suppliant de lui obtenir par
ses prières assez de vie pour se purifier de ces fautes
et éviter de pareils tourments.
Malgré ces désirs et ces supplications, le Seigneur
marqua le moment final, et elle expira. Mais, pendant
que l’on portait son corps en terre, le bienheureux
Jean-Baptiste, mu par une inspiration d’en-haut, com-
manda à sa sœur, au nom de JESUS-CHRIST , de quitter
les ombres de la mort et de reparaître vivante. O pro-
dige ! à l’instant le corps s’agite, la tête se lève,
la
défunte est ressuscitée !
Elle savait à quel dessein le Ciel avait permis pour
elle un tel miracle. Aussi n’eut-elle plus d’autre souci
que de faire pénitence. Elle ne se contentait pas des
austérités aordinaires, cilices, disciplines, veilles
pro-
29
Longées, jeunes rigoureux ; tout cela lui paraissait insignifiant
auprès de ce qu’elle avait vu, mais elle demandait à l’eau
et au feu une expiation plus complète : au milieu de l’hiver elle
se plongeait dans une étang glacé ; d’autre fois, elle se
mettait dans les flammes et y restait plusieurs secondes, malgré
les plus cuisantes douleurs ; ou bien elle se roulait dans les épines
jusqu'à rester tout en sang. Elle n’était attentive qu’a
rechercher les moyens de mortifier sa chair, de la punir des
moindres fautes. Elle ne se montrait pas moins avides des peines morales
et des contradictions de toutes sortes. Elle était devenue un objet
de pitié et presque d’horreur pour les témoins de son martyres.
Plus d’une fois on lui conseilla de modérer ses austérités,
on lui reprocha d’être trop cruelle pour elle-même. – «
Ah ! Répondait-elle, qu’est-ce que tout cela, en comparaison des
supplices réservés dans l’autre vie au infidélités
qu’on se permet ici-bas si aisément ? Qu’est-ce que cela ? Qu’est-ce
que cela ? Puissé-je en faire cent fois d’avantages ! » Et
elle continuait. Enfin, semblable à l’or purifié par le feu,
elle fut de nouveau appelée par le juge souverain au lieu du céleste
repos, où elle s’envola, il faut le croire, sans passer par une
expiation nouvelle. Combien ce trait nous devrait faire trembler ! Quoi
! Voilà une bonne religieuse, une fervente sœur Angèle, dans
le travail de cette effroyable pénitence ; elle l’accomplit en tremblant
et nous, pêcheurs, nous nous en dormons trantiquellement dans la
mer de nos iniquités ! Quel sommeil ! Quelle illusion ! Quel endurcissement
!
Frère Dominique-Marie Marchesi, Vie de la vénérable
Angelae Tholomeae, 9 nov, au Diario Dominicano
30
8e MERVEILLE.
COMBIEN LES AMES DU PURGATOIRE SONT SOULAGEES PAR LE JEUNE ET L’ORAISON.
Le Seigneur exaucera vos prières, si vous persévérez
dans la prière et le jeûne
(Judith IV, 12)
La charité doit porter tous les fidèles, sans exception,
à s’intéresser aux souffrances des pauvres âmes qui
expirent leurs péchés par le feu ; mais elle créé
un devoir plus pressant encore s’il s’agit de parents, d’amis, de bienfaiteurs.
La reine Gude, épouse de Sanche roi de Léon, l’avait compris.
Ce grand prince venait de triompher d’une révolte par la valeur
de ses armes, et les rebelles étaient amenés à une
entière soumission, lorsque leur chef Gonzalve, voyant qu’il ne
pouvait résister à la force, appela la ruse à son
secours. Il vint se jeter aux pieds du monarque, lui demanda humblement
pardon et l’obtint. Admis dans l’intimité de Sanche, ou du moins
dans ses bonnes grâces, le félon préparait une horrible
trahison : il présente au roi un fruit empoisonné. A peine
Sanche l’eut’il goûté que, se sentant mortellement atteint,
il voulut être reporté tout de suite dans sa capitale ; mais
il expira en route. Ce fut une grande désolation par tout le royaume,
où Sanche était fort
31
aimé ; comment peindre de la douleur de sa femme Gude ? Elle
ne cessait de pleurer, de gémir, de plaindre la victime d’une si
lâche perfidie. Mais, comme elle était chrétienne,
elle s’occupa surtout de prier et de faire prier pour défunt ; c’est
en cela qu’elle plaça le plus grand luxe de ses funérailles,
qui eurent d’ailleurs toute la pompe ordinaire pour de tels personnages.
Le corps avait été porté au monastère de Castillo,
où l’on célébra quantité de messes. La pieuse
veuve ne voulut point s’éloigner de ces chères dépouilles
; elle déposa son diadème et prit le voile de la pénitence
parmi les religieuses, accompagnée dans ce sacrifice par plusieurs
dames de la cour. Elle se dévoua ainsi à Dieu et aux œuvres
saintes, principalement en faveur de son époux défunt.
La nuit aussi bien que le jour, elle faisait monter au ciel les plus
ardentes prières ; mais le samedi jour consacré à
la divine Marie, elle redoublait ses oraisons, ses pénitences, ses
aumônes, la rigueur de son jeûne, afin de délivrer cette
âme des tourments du purgatoire, si elle y était encore détenue.
Un samedi qu’elle était agenouillée devant l’autel de la
Reine du ciel et qu’elle s’acquittait avec ferveur, de ce touchant devoir,
Sanche lui apparut. Il était couvert d’habits de deuil et avait
pour ceinture un double rang de chaînes rougies par le feu. Il commença
par remercier Gude de ce qu’elle faisait pour lui et la supplia en même
temps de continuer cette œuvre de charité, et même de faire
davantage si elle pouvait. « Ah ! lui dit-il s’il m’était
donné ma chère épouse, de vous faire connaître
mes supplices que j’endure dans le purgatoire, combien s’augmenterait votre
zèle pour celui que vous aimez encore ! Par
32
les entrailles de la divine miséricorde, secourez-moi, Gude,
secourez-moi ! Je suis dévoré dans ces flammes, Crucior in
hac flamâ »
On le pense bien, il n’en fallait pas tant pour ranimer le zèle
de pieuse femme ; redoubla de ferveur, de prières, de suffrages
de toutes sortes, par elle-même et par les autres. Pendant quarante
jours sans interruption, elle ne faisait que verser des larmes afin d’éteindre
de feu qui consumait son mari, multiplier les prières afin de faire
tomber ses chaînes, répandre d’immenses largesses dans les
main des pauvres afin de racheter les fautes pour lesquelles il souffrait.
En outre, elle fit dire un grand nombre de messes, et fit présent
pour cela d’un riche ornement, destiné à rehausser la pompe
des cérémonies sacrées.
Au bout de ces quarante jours, un samedi encore, le roi lui apparut
de nouveau, non-seulement délivré de ses liens brûlants,
mais environné d’un éclat céleste, vêtu d’un
manteau d’une éclatante blancheur, dans lequel Gude reconnut l’objet
précieux qu’elle avait donné pour l’église et que
Dieu avait miraculeusement appliqué au salut de Sanche et à
son triomphe. – « Me voici, lui dit-il d’un air heureux ; je
suis libre ; grâce à vous, pieuse reine, je n’ai plus à
souffrir. Soyez bénie à jamais ! Persévérez
dans vos saints exercices. Méditez les peines de l’autre vie, et
plus encore la gloire du paradis, où je vais vous attendre et où
je serai votre protecteur. » Gude tendit les bras vers lui, mais
elle ne put le toucher ; seulement, elle saisit l’ornement, qui resta en
sa possession et qu’elle donna de nouveau à l’église de Saint-Etienne.
Il en avait, en effet, disparu quoique enfermé avec soin, et on
admira par quel pro-
33
CHAPITRE IX VIDE
CHAPITRE X VIDE
11ème Merveille
41
occupons. On ne pourrait croire les pénitences et les austérités
qu'elle s'est imposées pour elles, si le récit n'en était
garanti par les historiens les plus dignes de foi. Ils racontent donc que
l'âme de cette pieuse vierge, séparée de son corps,
fut portée par les anges dans le purgatoire afin de voir les souffrances
qu'on y endure, et qu'elle en prit une compassion inexprimable. De là,
elle fut ravie au ciel, dans la gloire immortelle des élus, et,
présentée à la divine Majesté, elle entendit
ce discours : "Christine, te voici au séjour de la félicité
qui ne finit plus ; je te laisse le choix, ou bien de vivre dès
aujourd'hui éternellement parmi les bienheureux, ou de retourner
sur la terre pendant quelques années, obtenir des mérites,
par tes expiations, en faveur des pauvres âmes que tu as contemplées
au lieu de la douleur. Si tu préfères le premier parti, tu
es au port, tu n'as plus rien à craindre ; si c'est le second, retourne
dans ton corps pour y endurer le martyre de la charité, soulager
des malheureux et embellir d'autant ta couronne".
La généreuse fille répondit : "Retournons
donc, ô Seigneur, retournons à souffrir, à me sacrifier
pour les âmes des défunts ; je ne refuse pour cela aucun calice
d'amertume, aucun martyre".
Elle ressuscita, en présence de tous ceux qui étaient
venus l'ensevelir, et aussitôt commencèrent les pénitences
les plus épouvantables, dont on ne lit point les détails
sans frémir. C'était peu pour elle de rester plusieurs jours
de suite dans un jeûne absolu, de se rouler parmi les épines,
de châtier ses membres délicats par des disciplines affreuses
; elle se jeta plusieurs fois dans des brasiers ardents, d'où elle
ne pouvait sortir vivante
42
que par miracle, et, à peine retirée, elle courait se
plonger jusqu'au cou dans un étang glacé, où elle
éprouvait d'indicibles angoisses. Elle s'exposait, dans cette ardeur
sainte, aux roues des moulins, aux dents de fer des machines, à
tout ce qui pouvait torturer ses sens et expier les délicatesses
des autres. Ce qui l'encourageait dans ces rigoureuses pratiques et les
lui rendait douces (nous n'en citons qu'une bien faible partie), c'est
que Dieu permettait aux âmes qu'elle délivrait de lui apparaître
et de la remercier l'une après l'autre ; elles se manifestaient
quelquefois par troupes entières, et cette vue donnait à
Christine un courage surnaturel.
Rappelons une seule de ces apparitions. Louis, le comte de Léon,
dans la basse Allemagne, seigneur vaillant et renommé dans les conseils,
avait pour Christine une grande vénération, et écoutait
volontiers les reproches qu'elle lui adressait au sujet de bien des écarts
auxquels il s'abandonnait. Etant tombé malade et en danger de mort,
il expédia un messager pour la supplier de venir : car il désirait
ardemment s'entretenir avec elle des intérêts de son âme,
avant de paraître devant Dieu. Elle ne fut pas plus tôt venue,
qu'il se jeta à ses pieds et lui dit, au milieu de ses larmes et
de ses gémissements : "Vous savez bien déjà, servante
de Dieu, quel grand pécheur je suis. Dans peu de temps, d'heures
peut-être, il va me falloir rendre compte au Juge suprême de
mes coupables et nombreuses fautes. Ah ! vous qui êtes si fidèle
au Seigneur, conjurez-le, au nom de sa miséricorde, de m'accorder
un acte de vraie contrition, afin que mes péchés me soient
remis ; et puis, par vos suffrages, je vous en supplie, obtenez à
43
cette pauvre âme quelque diminution dans les peines qu'elle mérite".
La vierge compatissante pria avec toute la ferveur dont elle était
capable, et Louis, plein de regrets, réconcilié par une bonne
confession, rendit l'âme à son Créateur.
Il ne tarda guère à apparaître à Christine
et lui dit : "O servante de Jésus-Christ, si vous saviez à
quels tourments ineffables je suis condamné, combien vous auriez
pitié de moi ! Je vous conjure de nouveau, par les entrailles de
la miséricorde de notre Dieu, de redoubler votre intercession en
ma faveur, afin que je sois délivré". Christine, touchée
de pitié, lui répondit : "Allez en paix, âme souffrante
: je m'offre à endurer dans mon corps la moitié des tourments
qui vous seraient infligés encore par la justice divine".
Elle s'adonna donc à des pénitences nouvelles,
effroyables, le feu, l'eau, la glace, etc. Elle allait sur les lieux mêmes
où elle avait entendu dire que Louis se livrait à des plaisirs
défendus lorsqu'il vivait, et là, par ses larmes, par le
sang qu'elle tirait de ses veines, elle cherchait à expier. Elle
continua ainsi, épouvantant tous les témoins de son courage
et de sa charité, jusqu'à ce que le défunt se montra
à elle de nouveau, mais cette fois environné de gloire. Il
lui rendit de grandes actions de grâces de ce que, par ses souffrances,
il était acquitté envers l'éternelle justice et montait
dans les splendeurs de la patrie. Christine, ravie, l'y accompagna du regard,
et cette nouvelle joie lui fut une compensation de tout ce qu'elle s'imposait
de privations et de misères.
(V. S. Surius, Vie de Christine-l'Admirable, 23 juin ; Denys-le-Chartreux,
De quatuaor novissimis, ch. 50).
44
12ème Merveille
LA MERE DE DIEU MERE DES AMES DU PURGATOIRE.
Ego mater pulchroe ditertionis et sanctus Spei : Je suis la mère
du bel amour et de la sainte espérance? (Eccli. XXIV, 24).
Ce beau nom de Mère des âmes du purgatoire, la Reine
du Ciel se le donne à elle-même, dans les Révélations
de sainte Brigitte : "Je suis, dit-elle à cette sainte, la mère
de tous ceux qui sont dans le lieu de l'expiation ; mes prières
adoucissent les châtiments qui leur sont infligés pour leurs
fautes( liv. IVè, c. 1, 38)".
Et certainement si les saints du paradis peuvent par leur intercession
obtenir la grâce de ces âmes, qui osera nier que Celle qui
est tant au-dessus d'eux ne jouisse de ce privilège à un
bien plus haut degré, alors surtout qu'elle est appelée par
l'Eglise Consolatrice des affligés, Mère de la miséricorde
? Saint Pierre Damien rapporte l'apparition d'une personne sortie du purgatoire,
qui assurait que dans la fête de la glorieuse assomption de Marie
il avait été délivré plus d'âmes (Opusc.
"', 2è p., c. 3). Il raconte, en outre, le mémorable exemple
d'un prêtre à qui il fut donné de voir une admirable
chose dans la basilique de Sainte-Cécile, l'une des plus célèbres
de Rome.
Il sembla à ce prêtre qu'il était tiré
de son sommeil
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par un ami défunt et conduit dans cette église. Là,
il aperçut une troupe de vierges saintes, Cécile, Agnès,
Agathe, et autres, qui se groupèrent autour d'un trône magnifique,
sur lequel la Mère de Dieu vint s'asseoir, environnée d'anges
et de bienheureux qui lui faisaient la cour. Notre-Dame avait un visage
majestueux à la fois et serein, qui faisait la joie de toute la
sainte et silencieuse assemblée. Alors parut une pauvre petite femme
en habits négligés, mais ayant sur les épaules des
fourrures assez précieuses. Elle se mit humblement aux pieds de
la céleste Reine, joignant les mains, les yeux pleins de larmes,
et dit en soupirant : "Mère des miséricordes, au nom de votre
ineffable bonté je vous supplie d'avoir pitié du malheureux
Jean Patrizi, qui vient de mourir et qui souffre cruellement dans le purgatoire".
Trois fois elle répéta la même prière, y mettant
chaque fois plus de ferveur, sans recevoir aucune réponse. Enfin,
elle éleva encore la voix et ajouta : "Vous savez bien, ô
très-miséricordieuse Reine, que je suis cette mendiante qui,
à la porte de votre grande basilique, demandais l'aumône,
dans le cœur de l'hiver, sans autre vêtement qu'un misérable
haillon. Oh! Comme je tremblais de froid : C'est alors que Jean, imploré
par moi au nom de la vierge Marie, ôta de ses épaules et me
donna cette précieuse fourrure, s'en privant lui-même. Une
si grande charité, faite en votre nom, mérite bien quelque
indulgence !"
A cette touchante requête, la Reine du ciel jeta sur la
suppliante un regard plein d'amour. "L'homme pour lequel tu pries, lui
répondit-elle, est condamné pour longtemps à de rudes
souffrances à cause de ses nombreux et graves péchés.
Mais, comme il a eu deux
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vertus spéciales, la miséricorde envers les pauvres et
la dévotion pour mes autels, je veux user de condescendance".
Des autres bienheureux qui étaient présents intercédèrent
à leur tour. Marie ordonna qu'on amenât Patrizi au milieu
de l'assemblée : aussitôt, une troupe de démons l'introduisirent,
pâle, défiguré, chargé de chaînes qui
lui déchiraient les membres. La Sainte Vierge leur commanda de le
délier à l'instant même et de le mettre en liberté,
afin qu'il pût se joindre aux saints qui faisaient la couronne de
son trône. Quand cet ordre eut été exécuté,
tout disparut, et l'église rentra dans son silence ordinaire.
Le bon prêtre qui avait joui de cette vision ne cessa plus,
à partir de ce moment, de prêcher en tous lieux la clémence
de la divine Marie envers les pauvres âmes qui n'ont pas encore acquitté
toute leur dette, pourvu qu'elles aient été charitables et
qu'elles l'aient servie.
(V. Pierre Damien, Opusc., 34 c. 4 . Théophile Raynaud, Heter.
Spirit. 2è partie, sect. 3, 2è point q. 2).
47
13ème Merveille
DIEU ACCORDE A SES SAINTS DE GRANDES GRACES
EN FAVEUR DES AMES DU PURGATOIRE.
Mirificavit Dominus sanctum suam ; Dominus exaudict me cum clmavero
ad eum : Le Seigneur a exalté son serviteur ; il m'exaucera lorsque
je crierai vers lui (PS. IV. 4).
Il ne serait pas inutile d'examiner ici, comment et par quels suffrages
les bienheureux déjà couronnés peuvent secourir les
âmes de l'Eglise souffrante. Il est certain, et tel est l'enseignement
des maîtres de la théologie saint Augustin et saint Thomas,
que les saints sont très puissants à cet égard par
voie de supplication, ou, comme on dit, d'impétration. C'est tout
ce qu'il nous suffit de savoir, et nous nous bornerons à rapporter
un nouvel exemple de ce pouvoir dans la personne du roi de France Dagobert
1er. Le récit est emprunté à Théophile Raynaud,
qui ajoute, à titre de confirmation, que les détails en sont
sculptés sur le tombeau du prince dans la basilique royale de Saint-Denys
près Paris. (1) Dagobert avait construit cette église en
636, et on y a depuis enseveli les Rois Très-Chrétiens.
Ansoald, évêque de Poitiers, avait fait le voyage
de
(1) Ces sculptures s'y voient encore aujourd'hui, et les archéologues
les considèrent comme symboliques. (Trad.).
48
Sicile pour s'acquitter d'une ambassade et traiter quelques affaires
de son Eglise. Comme il revenait satisfait, se dirigeant vers Marseille,
une tempête s'éleva, qui le força de s'arrêter
dans une petite île à moitié déserte. Là
vivait en ermite un fidèle serviteur de Dieu, qui s'appelait Jean
et qui était en lointaine réputation de sainteté ;
on venait de toutes parts se recommander à ses prières et
réclamer son intercession, à laquelle on attribuait des miracles
nombreux. Ansoald, quittant le vaisseau, se rendit à cet ermitage
et se plut à interroger le pieux solitaire sur les choses célestes,
et spécialement sur la gloire qui nous est réservée
dans le paradis. Après ces conversations spirituelles, Jean s'informa
du pays de l'évêque, du sujet de son voyage, de sa navigation,
etc. Quand il eut appris qu'il était français, qu'il retournait
de Sicile dans son diocèse et les autres particularités,
il lui demanda s'il connaissait la vie édifiante du roi Dagobert.
"Sans aucun doute", répondit le prélat et il raconta
tout ce qu'il en savait : que, après des guerres malheureuses, il
s'était adonné à la piété, à
la glorification de l'Eglise, à la construction de temples magnifiques
et à l'embellissement des saintes cérémonies. Il parlait
avec âme. Mais Jean l'interrompit bientôt : "Vous ignorez,
ce semble, dit-il, que ce prince est passé à une meilleure
vie ?" Comme l'évêque paraissait étonné de cette
nouvelle, et même incrédule, l'ermite lui raconta une vision
qu'il avait eue. Un matin que, fatigué de ses longues veilles, il
s'était laissé gagner par le sommeil, il avait vu paraître
un vénérable personnage en cheveux blancs, qui, le secouant,
lui disait : "Levez-vous tout de suite et vous mettez en oraison afin d'implorer
la divine miséricorde en faveur du roi
49
Dagobert, dont l'âme est sortie aujourd'hui même de son
corps". Le serviteur de Dieu avait commencé effectivement à
prier, lorsqu'il aperçut sur les flots de la Méditerranée
une troupe de monstres infernaux qui semblaient conduire le prince dans
une barque, par une permission spéciale du Seigneur. Ils le poussaient
avec fureur vers l'île volcanique du Stromboli, d'où s'élancent
des flammes continuelles, d'un cratère célèbre, et
en même temps ils le frappaient avec beaucoup de cruauté,
et de diverses manières. L'infortuné roi appelait à
son secours, avec de grands cris, les martyrs Denys et Maurice, le saint
évêque Martin, qu'il avait honorés particulièrement
durant sa vie et auxquels il avait élevé trois magnifiques
églises ; il espérait qu'ils le tireraient des mains de ses
bourreaux. Un moment après, voici que le ciel se couvre, l'orage
accourt, la foudre gronde, d'horribles éclairs sillonnent l'air
et frappent les démons au visage ; puis, au milieu de la tempête,
trois personnages vêtus de blanc, éclatants comme le soleil,
se montrent à Dagobert et le regardent avec des marques de compassion.
Il les interroge, toujours suppliant : "Oh ! qui êtes-vous ? Venez-vous
me délivrer ?" Ils lui répondent qu'ils sont Denys, Maurice
et Martin, qu'ils descendent à son appel et qu'ils le tireront de
ce péril pour le conduire à l'éternelle félicité.
Aussitôt, ils lèvent contre les esprits infernaux un bras
menaçant, leur arrachent leur victime toute tremblante, les mettent
en fuite ; après quoi, ils l'embrassent tendrement, le consolent
et l'emportent avec eux au ciel en chantant avec le Prophète et
d'une voix d'une angélique douceur : "Beatus quem elegisti et assumpsisty,
Domine ! inhabitabit inotriis tuis ; replebi-
50
tur in bonis domûs tuoe ; sanctum est templum iuum, mirabile
in oequitate : Bienheureux, Seigneur, celui que vous avez choisi et attiré
à vous ! il habitera dans vos parvis ; il sera rassasié des
biens de votre maison ; votre demeure est sainte, et on l'admire parce
que les justes seuls y sont reçus".
Tel fut le récit du bon anachorète Jean, et c'est
à la suite de la connaissance qui en fut répandue en France
par Ansoald que l'on exprima sur le marbre de Saint-Denys toute l'histoire,
afin que la mémoire en fût conservée et que les princes
apprissent de-là à s'assurer la protection des saints en
les priant et en honorant leurs autels.
(V. le chroniqueur bénédictin du XIè siècle,
Aymon, Histoire des Français, liv. IV, ch. 24 ; Raynaud, Heter.
Spirit., 3è p., sect. 3, 2è point, q. 2.).
50
14ème Merveille
COMMENT LES PRIERES D'UN SAINT DELIVRENT
QUANTITE D'AMES
Millet tible auxilium de sancto : Dieu vous enverra son secours du
fond du santuaire (PS. XIX, 3).
Ce que nous venons de voir de la puissante intercession des saints
en faveur des âmes du purgatoire, me remet en mémoire tout
ce qu'a opéré dans le même genre le grand serviteur
de Dieu Jean de Nivelle, cha-
51
noine primicier de la cathédrale de Liège (1). Thomas
de Catimpré s'étend au long sur les œuvres apostoliques de
ce pieux personnage, qu'il loue extrêmement. Bornons-nous à
ce qui touche notre sujet.
Un prédicateur plein de zèle, prêchant en
Angleterre, se livrait à des mouvements oratoires très vifs
contre les impies qui osent outrager en face la divine Majesté.
Une femme du monde, livrée à de grands désordres,
assistait à ce sermon ; elle y fut tellement touchée de la
grâce du Saint-Esprit et de la terreur des jugements de Dieu, qu'elle
voulut donner devant tout le monde la preuve de son repentir et de sa contrition.
"Mon père, s'écria-t-elle à haute voix et
en versant des larmes, mon père ! la confession, la confession tout
de suite pour cette malheureuse pécheresse !" Celui-ci, dans l'admiration
de cette grande foi, l'invita cependant à se taire jusqu'à
la fin du discours et à ne point troubler le recueillement des autres.
Elle le fit pour un moment ; mais, le repentir oppressant de plus en plus
son cœur, elle s'écria de nouveau : "Oh ! je vous en prie, serviteur
de Dieu, descendez un seul instant pour me donner l'absolution des mes
crimes, de mes énormes offenses !". Le prêtre lui imposa encore
silence, ajoutant qu'il n'avait plus que peu de chose à dire, et
qu'il serait ensuite à sa disposition, pour la consoler et rendre
la
(1) C'est le même, dit-on, qui a donné lieu au proverbe
si répandu du chien de Jean de Nivelle. Ce fidèle animal
l'accompagnait dans toutes ses courses apostoliques, et devint à
Liège une vraie célébrité. On le battait tellement,
pendant la dernière maladie de son maître, pour l'empêcher
de sauter sur son lit, qu'il finit par s'enfuir chaque fois qu'il apercevait
un visage nouveau, quelques caresses qu'on lui fit. (Trad.).
52
paix à sa conscience troublée. Il termina en récapitulant
brièvement ce qu'il venait d'exprimer touchant la gravité
du péché ; mais, à ce tableau qui la saisissait, cette
femme se leva et recommença ses cris, comme hors d'elle-même
: "Point de retard, mon père ! tout de suite, tout de suite ! la
douleur me brise, et je me meurs…" Et, en effet, elle tombe sur le pavé
de l'église et expire au milieu de ses sanglots.
Grande fut la stupeur de l'assistance et le trouble du prédicateur.
Il regrettait de ne s'être pas rendu immédiatement à
la prière de cette pauvre pécheresse convertie qui soupirait
après la parole du pardon. Après ce premier moment d'agitation,
il se recueillit, et, s'adressant aux auditeurs, il leur demanda de se
mettre en prières pour supplier la divine Majesté d'user
de miséricorde envers cette âme et de daigner lui faire connaître
en quel état elle se trouvait, afin qu'on pût mériter
pour elle des suffrages si elle en avait besoin. Quant il fut rentré
dans son monastère, il s'enferma dans sa cellule pendant trois jours,
à prier continuellement, sans prendre ni repos ni nourriture; la
troisième nuit, la défunte lui apparut toute glorieuse, le
visage resplendissant d'allégresse, et elle lui dit : "Voici la
pécheresse pour laquelle vous faites tant de prières : je
suis délivrée des peines que m'avaient méritées
mes innombrables fautes. Rendez plutôt d'éternelles actions
de grâces à la bonté divine, qui m'a si promptement
accueillie. Oui, je vole pour toujours dans le magnifique séjour
du ciel, et j'y serai votre protectrice". Et comme le bon père paraissait
douter de la vision et craindre que tout cela ne fût un rêve
de son imagination, elle ajouta : "Afin que vous n'hésitiez point
à
CHAPITRE XV VIDE
CHAPITRE XVI VIDE
CHAPITRE XVII
65
D’avoir péché par la langue, en prononçant des
mots obscènes, des serments et des malédictions ; le troisième,
d’avoir péché en actions, par toute espèce de souillures
et larcins. L’ange prit sa défense et rappela les actes de vertu
qu’il avait produits : les prières fervent souvent récitées,
les aumônes abondantes distribuées aux malheureux, les jeûnes
et les mortifications qu’il s’imposait au milieu même des camps.
Il a jouta spécialement qu’au moment de la mort il avait recouru
avec grand abandon à la Mère ses miséricordes, à
la Reine du ciel, et qu’elle lui avait fait produire les actes d’une vraie
contrition.
Après ce double plaidoyer, le juge souverain prononça
que l’accusé serait exempt des peines éternelles, mais qu’il
ferait un douloureux et long purgatoire, dans ce sens que l’expiation serait
parfaitement conforme aux fautes commises. « Il faut, dit-il, que
cette âme soit entièrement purifiée, et elle subira
un châtiment en rapport avec ses faiblesses. La peine des yeux sera
de contempler des objets affreux ; celle de la langue d’être percée
de mille pointes et tourmentée de la soif ; celle du toucher, d’être
plongé dans un océan de feu. »
A ce moment parut l’avocate des pêcheurs, la Mère de DIEU,
pour demander en grâce à son divin Fils un adoucissement à
tant de supplices réunis ; elle rappelait que ce soldat avait jeûné
les veilles de ses fêtes, récité son office souvent,
et recouru à sa protection par de dévotes prières.
Le Sauveur, touché de cette intervention, consentit à adoucir
la sentence, et ajouta que pour obtenir davantage encore il faudrait, de
la part des vivants, des prières, des aumônes et des pénitences
:
66
La seconde vision fut celle d’une noble demoiselle, dont Brigitte vit
les grands tourments et entendit les plaintes. La sainte était livrée
à une haute contemplation lorsqu’elle se trouva tout à coup
ravie extase en présence des peines de l’autre vie. Parmi bon nombre
de personnes, elle observa une jeune fille de condition distinguée,
qui se désolait au sujet de sa mère dont l’excessive indulgence,
pire que la haine, l’avait laissée trop à elle-même
et à ses goûts de dépense, de délicatesse et
de vanité. En outre, elle l’avait conduite aux spectacles, aux festins,
aux réunions mondaines et licencieuses. En un mot, au lieu de retenir
une jeunesse déjà portée d’elle-même au plaisir
et à l’oubli des devoirs sérieux du christianisme, cette
mère aveugle l’avait pour ainsi dire introduite dans la vie légère
et sans retenue qui ruine les âmes.
Il est vrai, ajoutait la malheureuse condamnée, que ma
mère me conseillait de temps en temps quelques actes de vertu et
plusieurs dévotions utiles ; mais, comme d’autre part elle consentait
à mes égarements, ce bien se mêlait au mal ; c’étaient
des aliments, sains d’eux-mêmes, empoisonnés et rendus mauvais.
Toutefois, je dois rendre grâces à l’infinie miséricorde
du Sauveur, qui n’a pas permis ma damnation éternelle, que je méritais
si bien par tant de fautes.
Avant de mourir, touchée de repentir, je me suis confessée
; et quoique cette conversion fût l’effet de la crainte, au moment
où j’entrais en agonie je mes ressouvins de la douloureuse Passion
du Sauveur, et cette pensée me porta à une sincère
contrition. Je m’écriai donc, de cœur plus que de bouche : «
Seigneur, JESUS, je crois que vous êtes mon DIEU. Ayez pitié
de moi, ô Fils de la Vierge Marie, au nom de vos douleurs du Calvaire.
J’ai un vif regret de mes péchés, et je souhaiterais de les
réparer si j’avais pour cela du temps.
67
En disant ces mots j’expirai. J’ai été délivrée
de l’enfer, mais précipitée dans les plus graves tourments
du purgatoire. »
Après ce discours, que DIEU fit entendre distinctement
à la saintes, afin qu’il servit d’instruction à tous, l’âme
continua d’expliquer ce qu’elle endurait en rapport avec ses fautes : «
Maintenant, disait-elle, cette tête qui se plaisait aux parures et
à la vanité, qui cherchait à attirer les regards,
est dévorée de flammes à l’intérieur et à
l’extérieur, et de flammes si cuisantes, qu’il me semble que je
suis le point de mire de toutes les flèches du ciel. Ces épaules
et ces bras que j’aimais à découvrir sont cruellement étreints
dans des chaînes de fer. Ces pieds, ornés pour la danse, et
objets de vanité, sont entourés de vipères qui les
mordent et les souillent de leur bave immonde. Tous ces membres, chargés
de colliers, de bracelets, de fleurs, de joyaux, se trouvent plongés
dans des tortures qui leur font éprouver à la fois la consomption
du feu et l’insupportable froid de la glace. »
L’infortunée poursuivant ce tableau, afin d’émouvoir
la compassion de Brigitte et d’obtenir ses suffrages. La sainte raconta
tout à une cousine de la défunte qui s’abandonnait elle-même
à la mondanité ; ce qui fit sur elle une telle impression,
qu’elle commença par renoncer à ses vains ajustements, et
plus tard se voua à la pénitence dans un ordre extrêmement
austère, où elle n’avait de bonheur que dans les mortifications,
les jeûnes et les prières, tant pour elle-même que pour
soulager sa pauvre parente.
(V. Révélations de sainte Brigitte, liv. VI, ch. 38 et
52).
68
19ème MERVEILLE
LE CIEL BENIT CEUX QUI PRIENT POUR LES MORTS
Bénis soyez-vous du Seigneur, vous qui avez exercé la
miséricorde.
Avant de quitter sainte Brigitte, je veux rapporter une autre
de ses visions, qui montre clairement combien sont bénis des anges
et des élus ceux qui s’occupent généreusement à
prier en faveur des défunts. Ils reçoivent, à bien
meilleur titre encore, l’expression ardente de la reconnaissance de David
envers les habitants de Jabès : Bénis soyez-vous du Seigneur,
vous qui avez usé de miséricorde envers votre maître
Saül et qui lui avez donné la sépulture !
Brigitte vit donc, une autre fois, ouvert devant elle le lieu
où les âmes sont purifiées comme l’or dans le creuset,
avant de monter au séjour de l’éternel repos. Elle y entendit
la voix d’un ange qui disait parmi ses prières : « Béni
soit celui qui, vivant encore sur la terre, aide les âmes de ses
oraisons et de ses bonnes œuvres ! car l’infaillible justice de DIEU exige
que les âmes soient purifiées par les tourments du purgatoire
ou délivrées par les bonnes œuvres de leurs amis. »
Alors la sainte entendit un chœur de voix suppliantes : «
O Seigneur JESUS-CHRIST, très-juste juge, au nom de
69
votre infinie miséricorde n"ayez point égard à
nos innombrables fautes mais
aux mérites de votre très précieuse passion
inspirez un sentiment de vraie
charité au coeur des ecclésiastiques ces religieux des
prêtres et des
prélats afin que par leurs prières et leurs sacrifices
par les aumônes par
les indulgences ils nous secourent dans notre triste situation ils
peuvent
s'ils le veulent adoucir et abréger nos tourments ineffables
et faire que
nous soyons plus tôt près de vous ô Dieu !" Enfin
de l'abîme de ce lieu de
souffrance d'autres supplications frappaient l'oreille :"Grâces
et mille
fois grâces à ceux qui nous envoient du soulagement dans
notre malheur !"
Puis une sorte de lumière brillante d'un côté nuageuse
de l'autre descendit
d'en-haut et pénétra dans le Purgatoire pour faire comprendre
que le
soulagement venait avec des prières mais non parfait encore
et de nouvelles
voix chantaient :"O Seigneur Dieu, que votre puissance infinie rende
au
centuple le bien que nous font ceux qui pensent à intercéder
pour notre
délivrance et à contribuer à nous introduire dans
votre céleste et douce
lumière !" Voilà donc la récompense assurée
de ceux qui prient pour les
morts voilà les intercesseurs qu'ils s'attachent ce sont des
âmes qui
envoyées par eux dans la félicité éternelle
n'oublient jamais un pareil
service et le rendent en prières semblables admirable communion
des fidèles
entre eux qui fait de l'Eglise une seule famille étroitement
unie source
assurée de grâces pour qui sait comprendre plaise à
Dieu que chacun de mes
lecteurs éprouve quelque chose des sentiments de compassion
et de faveur
dont ces visions remplirent la grande
70
sainte Brigitte jusqu'à la fin de sa vie hélas combien
nous avons besoin de
nous assurer un appui dans l'autre monde nous que tant de fautes exposent
aux rigueurs de la divine colère !"
(V. Révélations de sainte Brigitte, liv. IV, ch.7 ;
Théophile Raynaud, LLeter.Spirit, 2e partie;sect.
1,7epoint.)
70
20ème MERVEILLE.
Ingratitude des Héritiers envers leurs bienfaiteurs.
Ingrati fuerunt et qui proeparavit eis vitam :
Ils se sont montrés ingrats envers celui de qui ils tiennent
la vie.(Esdr.)
Si Dieu doit juger sans miséricorde celui qui n'a pas eu de
miséricorde
envers les autres Judicium sine misericordia illi qui fecit misericordiam
(s.Jacques,11,13.)
quelle sera sa rigueur à l'égard de ces héritiers
qui font à l'âme de leurs
bienfaiteurs cette injustice de n'acquitter point leurs legs pieux
? je
n'hésite pas pour ma part à leur appliquer le mot du
IVe concile de Carthage
et à les appeler Egentium necatores meurtriers des malheureux
on va voir
dans ce chapitre un exemple du châtiment réservé
à leur impiété et à leur
criminelle usurpation car enfin tout ce qu'ils ont retenu de la sorte
ne
leur appartient pas c'est un bien dérobé oh combien de
71:
fois ces héritages manqués au cachet de l'ingratitude
n'ont-ils enfanté pour
leurs possesseurs que labeurs et peines a Milan une propriété
peu éloignée
de la ville avait été affreusement tourmentée
et désolée par la grèle
pendant que les campagnes voisines étaient demeurées
intactes et
florissantes on ignorait la cause de ce désastre particulier
lorsque
l'apparition d'une âme du Purgatoire fit connaître
que c'était un châtiment
de la justice divine sur des enfants ingrats qui n'avaient point exécuté
la
dernière volonté de leur père relativement à
des oeuvres pieuses on raconte
aussi et sur le nombre il y a certainement des faits prouvés
que maintes
fois les âmes des défunts ont fait entendre dans les maisons
des bruits
effrayants ont bouleversé les meubles et autres choses semblables
pour le
même motif a Ferrare un des plus beaux palais de la ville était
resté
inhabitable par suite du tapage nocturne qui s'y faisait régulièrement
et
dont la cause naturelle avait échappé à toutes
les investigations le
propriétaire voyant la perte considérable qui en résultait
pour lui chaque
année avait tout employé mais inutilement un étudiant
en droit fatigué de
ses plaintes et persuadé qu'il n'y avait au fond que de ridicules
terreurs
s'offrit hardiment à demeurer dans cette maison seul et à
prouver la vanité
des craintes générales pourvu qu'on lui garantit un logement
gratuit pendant
dix ans l'une des chambres le propriétaire y consentit bien
volontier
l'étudiant s'installa au palais le jour même après
y avoir fait porter ses
livres et tout son bagage la nuit vient notre jeune homme plein de
courage
72:
se mit à étudier tranquillement il avait à soutenir
le lendemain une thèse
importante et son esprit n'était rempli que de cette idée
comme il avait
d'ailleurs de la piété il avait fait bénir le
cierge qui l'éclairait
persuadé qu'au cas ou le démon tenterait quelque chose
contre lui ce saint
objet le préserverait de malheur il étudiait donc sinon
sans émotion du
moins sans crainte appréciable lorsque vers le milieu de la
nuit un bruit
singulier se fait entendre dans tous les appartements on eût
dit d'un
mouvement de chaînes trainées lourdement sur le parquet
sans s'émouvoir
notre étudiant s'apprête à voir ce que c'est
et attend avec impassibilité
car il distinguait l'approche de ce bruit qui venait de son côté
il tenait
les yeux fixés sur la porte prêt à interpeller
le nouveau-venu lorsque cette
porte s'ouvre et qu'aperçoit-il ? un spectre hideux des fers
aux pieds et
aux mains qui sans lui adresser une parole ni répondre à
ses questions
s'assied à côté de lui et le regarde avec des yeux
terribles le jeune homme
commençait à trembler bien fort mais ayant fait une prière
intérieur à Dieu
il se rassied à son tour et continue de consulter ses livres
et d'écrire
"que cherches-tu donc avec tant de soin ? demanda enfin le fantôme
d'une
voix sépulcrale - je cherche un texte de loi qui m'est indispensable
pour ma
thèse de demain. -Ce n'est pas dans ce livre que tu le trouveras
reprend
l'effrayant visiteur ; je vois là, sur la table, un darthole
à tel endroit
tu auras ce que tu veux - je vous remercie".
Et il poursuit son travail
je n'oserais dire qu'il le fit en toute liberté d'esprit on
ne pouvait pas
l'exiger de lui dès que la première lueur du jour parut
le spectre
73
se leva faisant de nouveau résonner ses chaînes et sortit
comme il était
venu mais le jeune homme se lève à son tour sa lumière
à la main et le suit
pas à pas jusqu'à une sorte de cave ou la terre sembla
s'ouvrir et ou la
vision s'évanouit il laisse son cierge bénit à
cet endroit et remonte dans
sa chambre aussitôt que l'heure le lui permit il sortit
et alla raconter
l'histoire à ses amis on se rend au palais on visite les lieux
on descend ou
était le cierge on creuse et on trouve un cadavre dont personne
ne put
indiquer l'origine on appela donc un prêtre ces restes ignorés
furent
déposés dans un cercueil et inhumés en terre sainte
après les cérémonies et
les prières ordinaires on dit pour le défunt un grand
nombre de messes et
depuis ce moment le palais demeura libre de tout ce qui l'avait rendu
inhabitable tout le monde fut persuadé que Dieu avait permis
à une âme
abandonnée dans le Purgatoire de solliciter ainsi les suffrages
de ses
frères.
(v.Jacques Hautin,Patroc,defunet,1.II,art.5;
Nicolas Lagus, Mirac.SS.Sacram,1r. VII,dist. 4, ch.27. )
(1) Cette histoire paraîtra presque incroyable mais les livres
les plus
sérieux et les plus dignes de foi en contiennent de semblables
à toutes les
époques et dans tous les pays voyez par exemple la Mystique
divine du
célèbre Goerrés traduite par M.Sainte-Foi ou le
savant critique a rassemblé
une foule de traits plus étonnants encore et authentiquement
prouvés nous
rappelerons que Pline dans une de ses lettres raconte une apparition
du même
genre à laquelle il déclare positivement croire Suétone
en a plusieurs dans
ses Douze Césars notamment au n° 59 de sa Vie de Caligula.(note
du traduct.)
74:
21ème Merveille
Actions de grâces des âmes du Purgatoire envers leurs libérateurs.
Salvasti nos de affigentibus nos, et odientes nos confudisti
Vous nous avez délivrés de nos persécuteurs, et
vous avez confondu ceux qui nous
haissaient.Ps .XIIII,8.
Des âmes que l'illustre saint Nicolas de Tolentino avait délivrée
par ses
prières lui adressèrent les paroles du psaume que je
viens de prendre pour
épigraphe une des plus grandes vertus de cet admirable serviteur
de Dieu fut
sa charité son dévouement pour l'Eglise souffrante pour
elle il jeûnait
souvent au pain et à l'eau il se donnait des disciplines cruelles
il se
mettait autour des reins une chaîne de fer étroitement
sérrée ce fut surtout
lorsque l'obéissance l'eut forcé à se laisser
ordonner prêtre qu'il
témoigna cet empressement et ce zèle en offrant l'auguste
sacrifice aussi
les âmes qu'il soulageait par tant de suffrages lui apparurent-elles
plusieurs fois pour en réclamer de lui la continuation il demeurait
à
Vallimanèsé près de Pise tout occupé de
ses excercices spirituels lorsqu'un
samedi pendant la nuit comme il s'était retiré pour prendre
un peu de repos
il vit en songe une personne toute dolente qui le supplia de monter
pour
elle au saint autel la matinée suivante et aussi pour quelques
autres mes
qui souf-
75:
fraient d'une manière affreuse dans le Purgatoire Nicolas reconnaissait
la
voix mais ne pouvait se rappeler distinctement celui qui l'interpellait
il
lui demanda donc qui il était.-"Je suis, répondit l'apparition,
l'âme de
votre défunt ami le frère l'ellégrino d'Osima,
qui ai pu éviter, par la
divine miséricorde, les châtiments éternels dus
à mes fautes, mais non pas
l'expiation douloureuse qui leur est réservée pour un
temps. Je viens, au
nom de beaucoup d'âmes aussi malheureuses que moi, vous supplier
de dire
pour nous demain la sainte Messe, et nous espérons de là
ou notre délivrance
entière ou du moins un grand soulagement." Le saint lui répondit
avec sa
bonté accoutumée :"Que le Seigneur daigne vous secourir
par les mérites de
son sang, par lequel il vous a rachetées ! Mais pour cette messe
de Requiem,
je ne puis la dire demain : c'est moi qui dois chanter au coeur la
messe du
couvent, et le dimanche il ne nous est pas permis de faire l'office
des
morts." Alors l'âme soupirant et gémissant ajouta :"Ah
! venez avec moi, je
vous en conjure pour l'amour de Dieu ; venez contempler nos souffrances,
et
vous ne me refuserez plus: vous êtes trop bon pour nous laisser
dans de
pareilles angoisses." Il lui sembla qu'il était transporté
dans une plaine
immense ou il aperçut une grande multitude d'âmes de tout
état de tout âge
et de toute condition livrées à des tortures diverses
et épouvantables du
geste et de la voix elles imploraient tristement son assistance. -"Voilà,
lui dit le frère Pellégrino, la malheureuse situation
de ceux qui m'ont
député auprès de vous. Nous avons la confiance
que le Seigneur ne refuserait
rien à vos sacrifices, et que sa divine miséricorde nous
délivrerait."
76:
Le serviteur de Dieu à ce spectacle trois fois lamentable ne
pouvait
contenir son émotion il se mit aussitôt à genoux
et pria avec grande ferveur
pour tant d'infortunés il eût voulu que ses larmes éteignissent
le feu qui
les consumait le matin venu dès qu'il fut réveillé
il courut chez le prieur
lui raconter en détail toute sa vision et lui exposer la demande
que le
frère Pellégrino lui avait faite d'une messe de Requiem
ce jour-là même le
père ne put l'entendre sans partager sa vive émotion
et cédant à ce
sentiment il le dispensa non-seulement pour ce jour-là mais
pour toute la
semaine suivante de la messe conventuelle afin qu'il pût vaquer
au
soulagement des âmes qui paraissent l'avoir imploré heureux
de cette
permission Nicolas se rendit incontinent à la sacristie et célébra
avec une
extraordinaire ardeur de plus il passa le jour et même la nuit
à toutes
sortes de bonnes oeuvres dans la même intention macérations
jeûne
disciplines oraisons prolongées l'auteur de sa vie assure que
le démon le
troubla plusieurs fois visiblement dans ce saint exercice mais en vain
il
continua ainsi toute la semaine alors il revit l'âme du frère
Pellégrino
mais non plus dans son état de douleur dans ses flammes dans
sa tristesse
une robe blanche le recouvrait il était environné d'une
splendeur toute
céleste dans laquelle se jouaient une quantité d'autres
âmes aussi heureuses
toutes ensemble lui rendaient grâce et l'appelaient leur libérateur
puis
elles s'élevèrent au Ciel en chantant : Salvâsti
nos de affligentibus nos,
et odientes nos confudisti !
(V. Surius, Vita S. Nicol. Tol., 10 sept ;jourdain de Saxe,Vies des
fr. erm. de S- Augustins.)
77
22ème Merveille
Il faut travailler par soi-même à éviter le purgatoire
« Tout ce que vous pouvez faire, hâtez-vous de l’accomplir
: car ni le travaille si la volonté de vous suivront après
la mort » (Ecclés. 13,10)
C’est avec grande raison que Thomas à Kempis nous avertit de
ne pas trop compter sur les suffrages de nos amis et de nos parents après
notre mort, et de prendre nous-mêmes le plus grand soin de notre
salut. Ne vous fiez point à vos amis et à vos proches, dit-il
dans l’Imitation (Liv 1, chap. 23) : car ils vous oublieront plus que vous
ne pensez. Si vous ne vous occupez pas de vous même actuellement,
qui s’occupera de vous quand vous aurez disparu ? Je ne sache pas qu’il
y ait souvenir plus sacré que celui d’un père dans le cœur
de sa fille. Et pourtant, il s’est trouvé des filles même
vertueuses, qui ont oublié ceux de qui elles tenaient le jour !
un exemple entre plusieurs autres.
Archangèle Panigorola, prieure du monastère de Sainte
Marthe à Milan, avait une zèles extraordinaire pour le soulagement
des âmes du purgatoire ; elle priait et faisait beaucoup priez en
leur faveur. Cependant elle ne songeait que rarement et presque sans
78
effet à l’âme de son père Gothard, bien qu’elle
l’eut tendrement aimé pendant sa vie. L’idée lui venait bien
quelquefois, et elle prenait la résolution de le recommander particulièrement
: puis elle pensait à autre chose ou à d’autres âmes,
et l’oubli persévérait. Un événement inattendu
et merveilleux la tira de cette insensibilité.
Le jour de la tête des morts, elle s’était renfermée
dans sa cellule à prier pour eux et à faire en leur faveur
divers actes de pénitence. Tout d’un coup son ange gardien lui apparaît,
la prend par la main la conduit en esprit au purgatoire. Là, parmi
les âmes qu’elle aperçut, elle reconnut celle de son père,
plongée dans un étang d’eau glacée. A peine eut-il
reconnu lui-même sa fille, qu’il se souleva vers elle en criant :
« Hélas ! Archangèle ma fille, comment as-tu pu oublier
si longtemps ton malheureux père, dans les tortures qu’il souffre
ici ? Tu te montres animée d’une douce charité envers les
étrangers ; j’en ai vu beaucoup monter au ciel par les suffrages
: et pour moi qui suis ton père, à qui tu dois tant, qui
t’ai aimée, élevée, favorisée, tu n’as pas
le moindre sentiment de compassion ! Ne vois-tu pas que je suis transi,
avec d’insupportables douleurs, dans ce lac de glace, pour châtiment
de ma tiédeur au service de Dieu et de mon indifférence à
l’égard de sa loi et du salut des âmes ? Ah ! sois donc émue
une seule fois de pitié pour ton père, et fais par la ferveur
de tes prières qu’il obtienne enfin miséricorde et monte
au séjour de la gloire et du repos ! »
Archangèle demeura interdite à ces proches, qu’elle reconnaissait
mériter ; bientôt sa douleur se répandit en un torrent
de larmes, et c’est parmi les san
79
glots qu’elle put répondre ce peu de mots : « Je ferai,
ô mon bien-aimé père, tout ce que vous me demandez,
et je ferai immédiatement. Plaise au Seigneur que mes supplications
vous délivrent ! »
L’ange la conduisit alors dans un autre lieu. Elle lui demanda comment
il se faisait que, ayant eu souvent l’intention et formé la
résolution de prier pour son père elle l’avait le plus souvent
oublié, et pourquoi Dieu avait permis une telle distraction. «
Je me rappelle même, dit-elle, qu’un matin, comme je me mettais à
intercéder pour lui, je fus ravie en esprit, et il me sembla que
je lui offrais un pain très blanc, mais qu’il le regardait d’un
air dédaigneux et refusait de le prendre. Ce qui me fit craindre
qu’il ne fût damné. Le fait est que je ne songeai pour plus
guère à prier pour lui, tandis que j’y songeai pour tant
d’autres qui ne me sont attachés par aucun lien. L’ange lui répondit
: « Votre oubli a été permis de Dieu en punition du
peu de zèle de votre père, quand il était en vie,
à travailler à son salut. Il n’avait point de mauvaises mœurs,
cela est vrai ; mais il ne montrait non plus aucun empressement pour les
œuvres pieuses que le Ciel lui inspirait, et quand il en accomplissait
quelqu’une, c’était sans l’attention ni l’intention désirables.
Dieu impose pour l’ordinaire cette peine à ceux qui ont ainsi passé
leur existence, sans empressement pour le bien : il permet qu’on se conduise
envers eux comme ils se sont conduits envers le Seigneur. Oubli pour oubli.
Tel était le sens de ce refus du pain qui vous a été
montré. Mais maintenant, il faut multiplier vos suffrages en sa
faveur, et obtenir de la divine miséricorde qu’elle le dire de ce
lieu de tourments. »
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Archangèle revint à elle, mais si émue, si brisée
de chagrin, qu’elle n’eut plus un instant de calme ; il lui semblait toujours
entendre les gémissements et les cris de son pauvre père,
et elle versait toutes les larmes de ses yeux. Nous ne pouvons dire combien
de prières, de jeûnes, de macérations elle fit pour
cette âme si chère. Elle avait coutume de demander la délivrance
des âmes au nom du sang très–précieux du Sauveur et
de l’amour infini qu’il nous a témoigné sur la croix ; elle
ajouta désormais une nouvelle invocation, celle des mérites
de la divine Mère, lorsqu’au calvaire elle contemplait son fils
expirant. Enfin, lorsque l’éternelle justice eut été
satisfaite, l’âme de Gothard lui apparut, lumineuse, inondée
de joie ; elle la remercia dans les termes les plus touchants ; après
quoi elle s’éleva triomphante au ciel, laissant Archangèle
aussi heureuse qu’elle avait pu auparavant éprouver de chagrin et
de regrets.
(V. Vie de la sœur Archangèle Panagorala, par le R.P Octave
Ivitiati, de la compagnie de Jésus, 1er Partie, ch. 11e)
81
23ème Merveille
Traits divers de Charité
« Mon âme se réjouis dans le Seigneur, parce qu’il
ma revêtu du manteau du salut »
(Is LXI, 40)
Ente le père Jules Mandnelli, de la Compagnie de Jésus,
et les âmes du purgatoire, il y avait un tel échange de prières
d’une part et de visites de l’antre, qu’on ne saurait en redire tous les
détails. Je me borne ici à quelques-uns.
Rien de gracieux comme ce qui lui arriva avec l’âme de l’archevêque
de Capone, César Costa, son oncle du côté maternel.
Ce prélat, le voyant mal vêtu dans une fonction ecclésiastique,
et jugeant qu’il devait souffrir de froid, lui donna de l’argent pour se
procurer un manteau meilleur et plus chaud. Le Père Pachela et le
mit sur ses épaules pour faire visite accoutumée des malades,
à travers la ville. Un jour, après la mort de l’archevêque,
comme il était déjà sur le pas de la porte pour sortir,
ayant son luisant manteau, il voit venir les défunt, environné
de flammes, qui le supplie de lui prêter un moment ce vêtement.
Le bon Père, tout étonné, de lui donne ; et le prélat
s’en entoure comme s’il voulait s’y cacher et comme s’il y trouvait un
rafraîchissement délicieux. Mandnelli comprit que cette âme
souffrait dans le purgatoire, et qu’elle voulait marquer par-là
que son unique soulagement était dans la charité dont elle
avait preuve envers lui. C’est pourquoi il lui promit de prier pour elle
avec plus de zèle, à partir de cette heure, ajoutant qu’il
fallait lui rendre son manteau, parce qu’il était envoyé
quelques part pour la gloire de Dieu et que la chose pressait.
Un autre jour, c’est le baron de Montfort, qui, ayant été
lié d’amitié avec le Père, lui apparut quelques temps
après sa mort et se recommanda à lui avec une confiance toute
amicale. Il revint plusieurs fois pour le même objet, jusqu'à
ce que, après une messe de Requiem qu’il avait demandée,
il cessa de se faire voir : ce qui donna au Père l’assurance qu’il
était délivré.
Il avait eu pour maître Antoine Ugolino, qui fut depuis un prélat
distingué de la cour de Grégoire XIII. Après sa mort,
cet ancien professeur apparut à Mancinelli avec tous les attributs
ordinaires de l’âme souffrante, visage pâle et défait,
flammes autour de lui, chaînes étroites et présantes,
etc., et il supplia, au nom des leçons qu’il lui avait données
autrefois, d’intercéder pour lui dans l’extrémité
où il se trouvait, et d’offrir le saint sacrifice. Le pieux jésuite
s’empressa de faire de grand matin, le jour suivant, il monta dans cette
intention au saint autel, afin d’immoler l’hostie de propitiation. Il put
contempler ensuite cette même âme dans la plus belle gloire,
au milieu de rayons célestes, respirant une félicité
ineffable et lui témoignant pour sa charité une reconnaissance
vive et sans bornes.
Et vraiment, on peut le dire, les sacrifices offerts par ce digne religieux
semblaient avoir auprès du Seigneur
83 à suivre
CHAPITRE 24 VIDE SUR LE SITE
87
25ème Merveille
88 :
Elle tenait les yeux baissés, avec une certaine honte, comme
si elle eut peur de contempler en face la gloire de l’adorable Majesté
; elle semblait même chercher à se cacher et à fuir
les regards de son Rédempteur. Gertrude, émue de voir sa
fille spirituelle trembler ainsi devant l’Eternel Epoux, se tourna vers
lui et lui adressa cette invocation : »Très doux Jésus,
pourquoi donc votre infinie bonté n’invite -t’elle pas celle qui
s’est donnée à vous parfaitement, à s’approcher et
à entrer dans la joie qui lui est réservée ?pourquoi
ne l’attirez-vous pas dans vos bras, et la laissez-vous ainsi seule, triste,
craintive ? »Le Seigneur aussitôt fit signe à la bonne
religieuse de s ‘avancer, avec un sourire de tendresse. Mais elle, plus
troublée encore, hésitait, tremblait, et enfin, après
une profonde inclination, se retira.
L’étonnement de Gertrude était au comble. Elle
s’adressa cette fois à l’âme et lui dit : »Comment,
ma fille ! vous vous éloignez du Sauveur qui vous appelle !vous
voilà en possession de ce que vous avez désiré toute
votre vie ; et c’est pour vous en séparer avec cette froideur !
Ne voyez-vous pas ce que Jésus attend de vous ? »La jeune
fille lui répondit : »Ah ! ma mère, je ne suis pas
encore assez digne de paraître devant l’Agneau immaculé ;
il me reste des taches terrestres. Il faut être plus pur que la lumière
pour s’unir au Soleil de la justice, et je n’ai pas cette pureté
parfaite sur laquelle se reposent avec complaisance ses regards. Je vous
assure que, quand même la porte du ciel m’eût été
toute grande ouverte et que j’eusse pu m’y élancer d’un bond, je
n’aurais pas osé le faire avant d’être entièrement
délivrée des plus légères imperfections ;il
me
89 :
semble que les chœurs de vierges qui suivent Notre-Seigneur m’eût
repoussée.- Et comment cela, reprit l’abbesse, puisque je vous vois
environnée de lumière et de gloire ? – Ah ! répondit-elle,
tout ceci n’est encore que la frange du dernier vêtement de l’immortalité
; c ‘est bien autre chose quand on voit Dieu, qu’on vit de lui, qu’on en
jouit pour toujours ! mais pour cela il ne faut pas une tache ! »
L’autre vision est à peu près semblable. Elle
eut pour objet la sœur de cette même religieuse, un peu plus jeune,
mais non moins vertueuse. Elle était morte dans la fleur de l’âge,
chargée d’œuvres saintes et de mérites. Elle s’était
fait remarquer surtout par une dévotion toute singulière
envers le très-saint Sacrement. La communauté s’empressa
de prier pour son âme et d’offrir à cette intention des pénitences
et des oraisons nombreuses. Gertrude la vit, brillante aussi, agenouillée
devant le Roi de gloire, de qui s’échappaient cinq rayons enflammés
qui allaient doucement frapper les cinq sens de la défunte. Mais
elle n’en avait pas moins sur le front comme un nuage de chagrin et une
tristesse visible. La sainte, s’adressant de nouveau à Notre-Seigneur,
lui demanda comment il pouvait illuminer de la sorte toute sa servante
, sans qu’elle éprouva aussitôt une joie parfaite. Jésus
lui répondit que, jusqu’à ce moment, cette pieuse fille était
digne seulement de contempler sa divine humanité et de jouir de
la vue de ses cinq plaies, mais qu’elle ne méritait pas encore la
vision béatifique de la divinité, parce qu’il restait en
elle certaines taches légères contractées dans l’observation
des règles. Gertrude supplia le Seigneur d’user envers elle d’indulgence,
de lui pardonner ces misères
90 :
et de l’admettre au sort le plus heureux, après lequel nous
soupirons tous ? Notre-Seigneur répondit que à moins de suffrages
en sa faveur, la divine justice exigeait l’entier accomplissement de la
peine , laquelle d’ailleurs était si bien comprise de cette âme
et lui était si agréable, qu’elle ne consentirait point à
en être exemptée. Elle fit signe effectivement, qu’il en était
ainsi, et le sauveur, en signe de bienveillance, étendit sa main
sur sa tête.
Dès cet instant, la sainte abbesse s’imposa plusieurs
pratiques méritoires, afin de soulager et de délivrer l’âme
de sa sœur ; elle pensait à elle principalement au saint sacrifice,
et il lui semblait alors la voir s’élever peu à peu au ciel.
Un jour, l’âme lui apparût et lui dit : « la dévotion
que j’ai eue au divin Sacrement, durant ma vie , me fait recueillir des
fruits particuliers de l’adorable Hostie quand on l’offre pour moi. C’est
pourquoi je suis sur le point d’être introduite à jamais au
séjour où m’attend le céleste époux pour me
couronner. Oh ! que je suis heureuse du culte que je lui ai rendu pendant
les courtes années d’une si passagère existence : et quel
bon maître nous servons ! » Par ces paroles , elle enflamma
d’un nouvel amour pour la sainte eucharistie toute la communauté
que dirigeait Gertrude, et on y conçut en même temps un plus
scrupuleux éloignement pour les moindres fautes, puisqu’il n’en
est aucune qui ne doive être expiée.
(V. Louis de Blois Monite spirituale, ch.13.)
91
26ème Merveille
ADMIRABLE COMMERCE DE CHARITE ENTRE LES VIVANTS ET LES DEFUNTS
Vigilate in oratioibus, mutuam in vobis-
Metipsis charitatem habentes: Veillez dans
la prière, exerçant la charité les uns envers
les autres(1Petr. Iv, 7.)
Il ne serait pas facile de décider à qui la prière
pour les morts est le plus utile, ou aux morts eux-mêmes ou à
ceux qui travaillent à leur délivrance. En effet, si d’une
part les âmes du Purgatoire sont puissamment soulagées par
nos suffrages, de l’autre elles nous obtiennent elles-mêmes des grâces
non moins précieuses. La vie de la vénérable Mère
Marie-Françoise du Saint-Sacrement qui avait la plus grande dévotion
à ces pauvres âmes, peut fournir d’utiles éclaircissements
sur ce sujet.
Elle avait été élevée dans cette
sainte pratique, et tant qu’elle vécut elle y resta fidèle
; elle était tout cœur, tout dévouement envers ces âmes
souffrantes ; pour elles chaque jour elle récitait le rosaire, qu’elle
avait coutume d’appeler son aumônier, et elle en terminait chaque
dizaine par le Requiescant in pace. Les jours de fête, où
elle était plus libre de son temps, elle y ajoutait l’office des
morts. La meilleure partie de l’année, elle se condamnait pour elles
au jeûne au pain
92 :
et à l’eau, sans parler des cruelles disciplines dont elle accablait
son corps ; ainsi, elle ne quittait jamais son rude cilice. Le repos qu’elle
était obligée de prendre, elle le troublait encore par plusieurs
genres de mortifications. Toutes les fonctions dont elle s’acquittait,
les travaux qu’elle faisait, les pensées de son esprit, le souffrances
intérieures, les fatigues du corps, les persécutions continuelles
des démons, elle consacrait tout aux âmes des défunts.
Ce n’est pas tout. Elle s’unissait avec les religieuses qu’elle
fréquentait davantage, afin de former avec elles une sorte de ligne
de bonnes œuvres et de prières. Quand des ecclésiastiques
venaient au monastère, elle les exhortait à dire des
messes de Requiem ; elle en faisait autant envers les laïques qu’elle
voyait, les engageant à répandre beaucoup d’aumônes
dans le même but. En un mot, pour les secourir , elles avait renoncé
au mérite personnel de ses œuvres ; elle présentait chaque
jour à la justice divine, pour leur soulagement, les oraisons, les
pénitences , les privations qu’elle s’imposait, et les indulgences
qu’elle gagnait. Le matin esprit s’efforça de lui suggérer
une pensée de regret ; il lui représenta qu’en se dépouillant
ainsi de tous ses mérites elle n’en aurait plus aucun quand elle
paraîtrait devant Dieu, et devrait par conséquent souffrir
elle-même un long purgatoire. Mais il ne réussit point ; tout
retour d’intérêt propre était impossible à cette
âme généreuse et ferme comme le diamant : les défunts
qui lui apparaissaient l’assuraient d’ailleurs qu’ils sauraient bien compenser
cette différence par leur intercession quand ils seraient délivrés,
et que Dieu ne ferait point tourner contre elle son héroïque
charité.
93 :
Ceci nous amène à dire encore un mot de la reconnaissance
des âmes du purgatoire envers les bienfaiteurs. Un la vit dans cette
sainte femme. Ces âmes la visitaient fréquemment, non-seulement
pour solliciter ses suffrages, mais pour l’en remercier. Des témoins
ont assuré que , plusieurs fois, elle l’attendrirent visiblement
à sa porte, quand elle se rendait à l’office de matines,
pour se recommander à elle ; d’autres fois, elles pénétrèrent
dans la chambre, afin de lui présenter leur requête ; elles
se rangeaient autour de son lit jusqu’à ce qu’elle s’éveillât.
Pour elle, elle ne témoignait aucune crainte devant ces apparitions,
qui auraient rempli tout autre de frayeur. »Nos peines sont adoucies,
disaient les âmes, rien que par votre présence. »Elles
lui disaient en entrant, afin qu’elle ne se crût point le jouet de
quelque rêve ou d’une illusion du démon : »Nous vous
saluons, servante de Dieu, épouse du Seigneur : que Jésus
soit avec vous toujours ! »Puis elles témoignaient leur vénération
pour une grande croix et pour les reliques que leur bienfaitrice conservaient
dans sa cellule. Si elles la trouvaient récitant le rosaire, ajoutent
les mêmes témoins, elles le lui prenaient des mains et semblaient
le baiser avec respect et confiance, comme un instrument de salut et de
délivrance. Elles la prévenaient des artifices se Satan ,
des pièges qu’il dressait contre elle et des tentations ou des illusions
qu’il lui préparait, afin qu’elle se disposât à les
déjouer par les sacrements et par la prière.
Dans le but de la toucher davantage, elles se montraient à
elles sous des formes particulières. C’était ordinairement,
accompagnées des signes ou des instruments de leurs péchés,
devenus ceux de leur châtiment.
94 :
Tantôt c’étaient des évêques la mitre en
tête, la crosse à la main, revêtus de la chasuble, et
en même temps environnés de flammes ; ils lui disaient : «
Nous souffrons tout ceci pour avoir recherché ambitieusement les
dignités, et n’avoir point correspondu aux obligations qu’elles
nous ont fait contracter. »D’autres fois, c’étaient des prêtres
avec leurs ornements en feu, l’étole transformée en chaîne,
les mains couvertes d’ulcères : ils s’accusaient d’avoir traité
avec irrévérence le divin corps du Seigneur, et d’avoir administré
sans respect les sacrements. UN religieux se fit voir entouré d’objets
précieux, d’écrins, de fauteuils, de tableaux,,tout enflammés,
parce que, manquant à son vœu de pauvreté, il avait rassemblé
ces futilités dans sa cellule. Elle vit aussi un notaire de Soria
avec tous les insignes de sa profession, qui, accumulés autour de
lui et enflammés le tourmentaient terriblement : « J’ai employé
cet encrier, cette plume, ce papier, dit-il, à des actes illégitimes,
contraires à la justice et à l’équité. J’avais
aussi la passion du jeu : et ces cartes tout en feu que je suis obligé
de tenir dans les mains font ma punition. Cette bourse brûlante contient
mes gains illicites et me les fait expier. Au moment de mourir, j’aurais
infailliblement couru à ma damnation, si une sincère contrition
n’avait rempli mon cœur. Du moins suis-je condamné à un long
et rigoureux purgatoire, si vous ne consentez charitablement à l’abréger
par vos bonnes œuvres. »Ces apparitions causaient un grand chagrin
à la servante de Dieu ;mais d’un autre côté, elle éprouvait
une immense consolation lorsque les âmes délivrées
venaient la remercier avant de monter au ciel.
Nous ne pouvons passer sous silence le trait qui
95 :
concerne Christophe de Ribéra, évêque de Pampelune.
CE prélat, ayant appris que la Mère Françoise était
animée d’une grande dévotion pour l’Eglise souffrante, et
qu’elle avait eu révélation
que trois de ses prédécesseurs sur ce siège
étaient encore dans le purgatoire, s’empressa de prier pour eux,
mu par un sentiment de vive compassion ; et, comme c’était le moment
où l’on distribuait dans toute l’Espagne les bulles dites de la
Croisade, qui contiennent pour ce royaume des privilèges spirituels,
il en envoya quatorze à la servante de Dieu, en lui faisant dire
d’en appliquer trois pour les évêques, et les onze autres
suivant son inspiration. La nuit suivante, les trois prélats apparurent
à Françoise et lui rendirent grâces ; ils la prièrent
de remercier pour eux Christophe de Ribéra. D’autres âmes
lui demandèrent de leur appliquer le fruit des autres bulles : ce
qu’elle fut heureuse de leur accorder. Les apparitions se multiplièrent
dans cette circonstance, et, par son empressement à intercéder
et à mériter, la sainte rendit de nouveau gloire à
Dieu.
(Vie de Françoise du Saint –Sacrement par le frère Joachim
de Sainte-Marie,I. II..)
27ème Merveille
TRAITS DIVERS
Est qui multu redimat modiro pretio :On
Peut racheter beaucoup avec peu de chose.
(Eceli xx,12.)
Les âmes qui gémissent dans le feu du Purgatoire ne nous
demandent pas toujours des mérites extraordinaires, des aumônes
considérables, des jeunes rigoureux, de dures privations, ou d’autres
pénitences austères ; souvent elles trouveraient leur soulagement
dans les petites choses, de courtes prières, des pratiques faciles
; et on les leur refuse !De sorte qu ‘elles en sont tout affligées,
et qu’elles pourraient bien dire avec le poète :
Quodque magis deleo : non nos mare separat ingens, Exiguà prohibemeur
aqua :
Ma douleur augmente de ce que ce n’est point la mer qui nous sépare,
mais un peu d’eau… »Ce qui veut dire qu’elles n’auraient plus besoin
que d’un léger effort pour arriver jusqu’au Seigneur qui les attend
pour les couronner, et qu’elles ressentent tristement l’indifférence
qui refuse de le faire pour elles.
J’ai lu quelque part qu’un saint évêque vit en
songe un enfant, lequel, avec un hameçon d’or et un fil d’argent,
tirait du fond d’un puits une femme qui s’y
97 :
noyait. A son réveil, jetant les yeux par la fenêtre,
il aperçut ce même enfant agenouillé, priant sur une
tombe du cimetière. Il l’appela et lui dit : »Que fais-tu
là mon ami ?.- Monseigneur, je dis un Pater et un Miserere pour
l’âme de ma mère, dont le corps repose en ce lieu. »Le
prélat comprit aussitôt que Dieu avait voulu lui montrer l’efficacité
de la prière la plus simple ; il crut que l’âme de cette mère
venait d’être délivrée, que l’hameçon d’or était
le Pater, et le Miserere le fil d’argent de cette ligne mystique.
On rencontre deux traits du même genre, plus frappants
même, dans les Chroniques des Frères Mineurs. Le P.Conrad
D’Offida, religieux de l’ordre séraphique, grand serviteur de Dieu,
était resté une nuit devant un autel privilégié,
à faire oraison. Un frère du couvent, qui était mort
peu auparavant, lui apparut et le conjura ; au nom des services qu’il lui
avait rendus lui-même en lui donnant autrefois des règles
et des conseils de perfection, de travailler maintenant à le délivrer
des supplices auxquels il se voyait condamné. « Vous savez
bien, ajouta-t-il, que le Seigneur a pour agréable vos prières
, et vous ne serez pas cruel pour me les refuser. »Aussitôt,
le charitable Père récita le Pater et le Requiem oeternam.
La vision revint, et on entendit ces paroles : »O mon Père,
si vous saviez quel grand soulagement m’a procuré cette simple invocation,
votre miséricorde vous porterait à la renouveler ! »Le
religieux le fit avec empressement. « Ah !s’écria de nouveau
cette âme, continuez , mon Père, au nom des entrailles de
Jésus-Christ, continuez : voici que mes peines de changent en consolation
! »Sans attendre de nouvelles instances, le bon religieux redit un
grand
98 :
nombre de fois cette prière. Par une miraculeuse permission
du Ciel, il voyait peu à peu le visage du défunt exprimer
un adoucissement, puis un commencement de jouissance, puis une joie extraordinaire
; ses vêtements se modifiaient de la même façon ; ils
devinrent blancs et éclatants ; la lumière environna cette
bonne âme ; et enfin, après mille actions de grâces,
elle s’éleva radieuse vers l’éternel séjour.
Le bienheureux Etienne, du même ordre, avait la même
dévotion, et auprès de Dieu un crédit égal.
Il aimait à passer plusieurs heures de la nuit auprès de
Saint-Sacrement, auquel il faisait sa cour assidue. Une nuit, se retournant,
il aperçut un des religieux assis dans une des stalles du choeur,
le capuchon ramené sur la tête et jusque sur les yeux. Etonné
d’une telle posture, qui n’était, qui n’était pas celle de
la prière, à cette heure du repos général,
il s’approcha et lui demanda pourquoi il se tenait ainsi à l’église
et ce qu’il y faisait. Le moine répondit d’une voix lugubre : »Je
suis un religieux défunt, condamné par la divine justice
à endurer ici un rigoureux purgatoire, à cause des fautes
nombreuses que j’ai commises par des distractions et des tiédeurs
volontaires pendant le chant de l’office. Le Seigneur m’a permis de me
manifester à vous, afin de vous conjurer de faire pour moi quelque
chose :puissé-je sortir de cette captivité douloureuse et
entrer dans la liberté des enfants de Dieu ! »Le bienheureux
Etienne, sans attendre davantage, se remet à genoux et récite
à cette intention le De Profundis avec l’oraison Fidelium. Le défunt
en parut singulièrement soulagé, et pendant plusieurs nuits
encore il vint exciter la charité du bon Etienne, le remerciant
chaque fois avec grande effusion.
99 :
Si bien qu’une nuit, à la suite du Requiem Oeternam, il quitta
la stalle comme un prisonnier qui abandonne son cachot, et s’élança
vers le ciel.
Le bienheureux raconta plusieurs fois ce trait pour exhorter
les religieux à une parfaite modestie et au recueillement en chantant
les louanges de Dieu et dans la prière ; car le Seigneur ne peut
bénir ceux qui ne l’honorent que des lèvres, tandis que leur
cœur est loin de lui.(Isaïe,xxix,13.)
(V. Barthlémy de Pise, liv.i ch.23 ;Chroni-
ques des Frères-Mineurs, liv.iv, ch.30.)
99
28e MERVEILLE
TRAITS MERVEILLEUX SUR LA MORT T SUR LE PURGATOIRE
Ficbat omni anime timor ; multu quoque
Prodigia et sigua fiebunt : Tous les esprits
étaient frappés de crainte ;; il se faisait aussi
beaucoup de prodiges et de merveilles(Act. ii,43)
Le P. Ferdinand de Castille rapporte deux étonnants prodiges
opérées par le Seigneur, dans le couvent de Saint-Dominique,
à Zamorra, ville du royaume de Léon en Espagne ; l’un pour
nous rappeler que nous ignorons le moment de notre mort ; l’autre pou nous
faire comprendre la rigueur des souffrances du purgatoire.
Il arriva plusieurs fois que la cloche du chapitre sonna d’elle-même,
sans être touchée, et l’expérience
100 :
fit connaître que c’était l’avertissement de la mort prochaine
de quelqu’un des religieux. Ainsi, quand on entendait ce son retentir tout-à-coup,
bien qu personne ne fût malade dans le couvent, chacun se disposait
au redoutable passage par la réception des sacrements, par des prières
et des pénitences. Le battement de cœur général ne
cessait que lorsqu’un des religieux était frappé et quittait
la terre. Cette cloche était pour eux cette voix dont, il est parlé
dans Isaïe,38,1 : Mets ordre à la maison ,car tu vas mourir
et ta vie est à son terme.
Le second trait vient plus directement à notre objet. Il y avait,
dans ce même couvent de Saint-Dominique, un religieux de grande vertu
uni d’étroite amitié avec un moine de Saint-François
non moins saint. Leurs goûts de piété et leur commune
aspiration à la perfection les portaient à discourir souvent
des choses spirituelles. UN jour, s’entretenant de la mort à l’occasion
de la cloche merveilleuse, ils s’engagèrent mutuellement à
se visiter quand ils seraient morts, c’est-à-dire que le premier
apparaîtrait au survivant, s’il plaisait à Dieu, pour
l’instruire de sa position et de son sort dans l’autre monde, afin que,
s’il gémissait dans le purgatoire, il pût être soulagé
par les prières de son ami. Ce fut le frère Mineur qui fut
appelé le premier dans l’éternité. Fidèle à
son engagement, il apparut au Dominicain, à l’heure où l’obéissance
l’avait conduit à préparer le réfectoire pour le repas
de la communauté. Après l’avoir salué affectueusement,
il lui apprit que la divine miséricorde l’avait sauvé, mais
qu’il lui restait beaucoup à souffrir pour l’expiation d’une infinité
de choses légères dont il n’avait pas eu un assez vif repentir.
Puis, afin de l’exciter
101 :
davantage à travailler par ses bonnes œuvres à sa délivrance,
il lui laissa entrevoir les flammes cruelles dont il était dévoré.
« Rien sur la terre, lui dit-il, ne peut vous donner une idée
de ces tortures ? En voulez-vous une preuve sensible ? »Il étendit
la main droite sur la table du réfectoire, et la marque s’y enfonça
aussitôt profondément, comme si on y avait passé un
fer rouge. Je laisse à penser l’émotion du bon religieux,
et avec quelle ardeur il s’occupa se son défunt ami. On conservera
la table comme un monument du miracle, et elle se voit encore à
Zamorra au moment où j’écris (1); pour la préserver,
on l’a recouverte d’une feuille de cuivre.
Ces deux merveilles contribuèrent puissamment à
développer chez les religieux de Saint-Dominique le pansée
fréquente et fructueuse de la mort, et la crainte des châtiments
de l’autre vie. Un poète espagnol écrivit à ce sujet
les vers suivants :
Horride fumantem monstrant vestigia dextram,
Inque suis venis flamma cremat.
Vindicis ardorem, quem nulla referre
Lingua patest, poterit sat manus ista toqui.
Ce qui signifie : »Ces terribles marques accusent une main consumée
par le feu, et la flamme qui s’y cache est dévorante. Aucune langue
n’en peut rendre l’ardeur vengeresse, mais la main elle-même a parlé
mieux qu’aucune langue du monde ! »
(V.Ferdinand de Castille, Histoire de Saint Domi
nique, 2e part, I. i, ch 23.)
(1) Vers le milieu du siècle dernier.
29ème Merveilles
LES INDULGENCES
In praesculi tempore, uestra abundantia
Illorum inupiam suppleat : Qu’en ce moment
voite abondance supplée à tout ce qui leur manque(II
Cor.8,14)
Pour faire comprendre le prix des indulgences en faveur des âmes
du Purgatoire, nous mettrons ici le trait admirable du bienheureux Berthold,
prédicateur de l’ordre de Saint-François. Il venait de faire
un sermon très émouvant sur l’aumône, et il avait accordé
à ses auditeurs dix jours d’indulgences, selon le pouvoir qu’il
en avait reçu de Souverain-Pontife, lorsqu’une dame de condition,
qui n’avait conservé de son ancien rang que la crainte d’avouer
sa misère présente, vint la lui exposer secrètement.
Le bon père lui fit la même réponse qu’autrefois saint
Pierre au boiteux de Jérusalem : »Je n’au in argent ni or
; mais ce que j’ai , je vous le donne. Je vous renouvelle l’assurance que
vous avez gagné dix jours d’indulgences en assistant ma prédication
ce matin, car le Saint-Père m’a honoré de ce privilège
pour le bien des âmes que je suis appelé à évangéliser.
Allez donc chez tel banquier, lequel n’a guère en souci jusqu’à
présent des trésors spirituels, et offrez-lui, en retour
de l’aumône qu’il vous fera, de lui céder votre mérite,
afin que les peines qui l’attendent
103
dans le Purgatoire en soient diminuées j'ai tout lieu de croire
qu'il vous
donnera quelques secours." La pauvre femme s'y rendit en toute simplicité
et
avec beaucoup de foi Dieu permit que cet homme l'accueillit avec bonté
il
lui demanda combien elle prétendait recevoir en échange
de ses dix jours
d'indulgence -"Autant répondit-elle, qu'ils pèsent dans
la balance !" Elle
se sentait animée par une force intérieure -"Eh bien,
reprit le banquier,
voici des balances : écrivez sur un papier vos dix jours et
le mettez dans
l'un des plateaux ; je pose sur l'autre un réal (petite monnaie
espagnole valant environ 27 centimes de franc en 1866.) ." O prodige le
premier
plateau ne s'élève pas mais au contraire entraine celui
de l'argent étonné
l'homme ajoute un réal qui ne change rien à ce poids
il en met cinq dix
trente enfin autant qu'il en fallait à la suppliante dans sa
nécessité
actuelle alors seulement les deux plateaux s'équilibrent ce
fut la valeur
des intérêts célestes mais les pauvres âmes
la comprennent bien mieux encore
pour la plus légère indulgence elles donneraient tout
l'or du monde c'est
pourquoi elles les appellent de tous leurs soupirs nous conjurant de
les
leur procurer par charité nous à qui la bonté
divine les prodigue la
bienheureuse Marie de Quito fut ravie en extase et elle vit au milieu
d'une
grande place une table chargée de monceaux d'argent d'or de
rubis de perles
de diamants en même temps elle entendit une voix qui disait :"Ces
richesses
sont publiques ; chacun peut s'approcher et recueillir autant qu'il
lui
convient." Dieu lui fit
104
connaître que c'était une image des indulgences combien
donc ne sommes-nous
pas coupables dans une abondance pareille de rester pauvres et dénués
pour
nous-mêmes et de ne point songer à ceux qui dans le purgatoire
pourraient
être enrichis par nous qui nous supplient avec larmes au milieu
de leurs
tourments ce trésor exige
t-il des efforts pénibles des
jeûnes des voyages des privations insupportables à la
nature ? Quand même
cela serait il faudrait nous y résoudre comme le disait éloquemment
l'illustre P.Ségneri qui oppose à notre insensibilité
le zèle d'un amateur
des arts s'exposant au milieu d'un incendie pour sauver une toile mais
la
bonté infinie de Dieu n'en demande pas tant elle attend de nous
des oeuvres
simples une communion la visite d'un sanctuaire voisin de notre habitation
une petite aumône un mot de cathéchisme dit à des
enfants abandonnés etc et
nous négligeons l'acquisition aisée d'un tel trésor
et nous n'avons point
d'ardeur pour l'appliquer à tous ces malheureux qui gémissent
dans les
flammes un second exemple Sainte Madeleine de Pazzi avait dans son
monastère
de Florence une religieuse d'éminente vertu elle l'assista avec
la plus
grande charité pendant sa dernière maladie et lui ferma
elle-même les yeux
quand le corps eut été porté à l'église
pour les funérailles la sainte se
retira dans la salle du chapitre d'ou elle voyait la bière et
priant pour sa
chère défunte elle fut à ce moment favorisée
d'une vision elle aperçut l'âme
de la religieuse plus belle que le soleil s'élever au Ciel enivrée
de
bonheur -" Adieu, ma soeur, s'écria Madeleine ; adieu âme
bienheureuse, vous
105
vous en allez donc en paradis m'abandonnant dans cette vallée
de larmes Oh
que grande est votre gloire qui pourrait exprimer l'éclat de
ce triomphe et
comme l'épreuve du purgatoire a pour vous été
courte vos restes mortels ne
sont point encore dans leur dernière demeure et déjà
vous entrez dans
l'éternelle patrie vous voyez maintenant la vérité
de ce que je vous disais
que les misères de cette vie et l'expiation passagère
du purgatoire ne sont
rien comparées à ce que l'époux vous réservait
auprès de lui !" il lui fut
révélé par Notre Seigneur que cette âme
n'était restée que quinze heures
dans le purgatoire en vertu des indulgences dont on lui avait appliqué
les
mérites pendant toute la cérémonie de l'enterrement
Madeleine ne put
distraire sa pensée d'un si beau et si consolant spectacle.
(V.Chroniques des frères Mineurs, 2e part, liv,
II, ch. 30; Vie de sainte Madeleine de Pazzi,
1er part, h.39 )
105
XXXe MERVEILLE.
La protection des saints utile.Après la mort, a qui l'a invoquée
ici-bas.
Adaliquem sanctorum couveriere ; vora si
est qui tibi respondent
Tournez-vous vers quelqu'un des saints ;
appelez pour qu'on
vous réponde. (Job. v.)
La dévotion envers les saints qu'elle a eu la fidelité
d'invoquer souvent
pendant la vie est une source d'avantages
106
précieux pour l'âme soumise au feu du purgatoire nous
avons sur ce point une
miraculeuse vision de la bienheureuse Jeanne de la Croix religieuse
de
Saint- François et fidèle épouse de Jésus-Christ
un prélat éminent après
avoir eu pour elle pendant quelque temps de l'affection et du respect
changea entièrement de sentiments et ne la vit plus qu'avec
peine et
répugnance à la suite d'une admonition charitable que
la servante de Dieu
avait été inspirée de lui faire cet ecclésiastique
oubliant parfois les
devoirs de sa profession tombait dans certains défauts de langue
dans une
démarche trop fière et dans l'oubli des âmes qui
lui étaient confiées il
mourut bientôt a peine la vertueuse fille l'eut-elle appris que
voulant
rendre le bien pour le mal elle s'employa à procurer à
cette âme tous les
suffrages en son pouvoir une nuit qu'elle se livrait plus spécialement
à la
prière dans cette intention le défunt lui apparut avec
un visage tout abattu
et lamentable il avait à la bouche des chaines ses vêtements
n'étaient que
de misérables haillons il était humilié au-delà
de toute expression et comme
il ne pouvait parler les soupirs qu'il laissait échapper manifestaient
ses
tourments on voyait sur son front et sur sa tête certaines taches
indices
des péchés qu'il avait commis derrière lui suivaient
quelques âmes qu'il
avait portées au péché par ses exemples de relâchement
les démons
l'environnaient aussi et le tourmentaient de mille façons à
la fois
douloureuses et humiliantes la bienheureuse Jeanne en fut toute consternée
et avec d'autant plus de raison qu'elle ignorait si c'était
les peines de
l'enfer ou celles du purgatoire elle s'adressa à son ange gardien
dont la
présence lui
107
était sensible mais il lui répondit :" Dieu vous le fera
savoir en temps
utile." Elle persévéra donc à prier et à
conjurer la clémence divine d'avoir
pitié de cette âme infortunée pour laquelle elle
espérait encore elle aimait
à se rappeler les bonnes oeuvres qu'elle avait accomplies durant
sa vie et
surtout la tendre dévotion qu'elle avait eue envers un saint
dont
l'historien ne nous a pas conservé le nom. "Seigneur disait
Jeanne vous
savez avec quel empressement et quelle confiance ce prélat servait
le saint
patron qu'il s'était choisi quels devoirs il lui rendait avec
quelle
tendresse il implorait ses suffrages il avait fait dessiner son image
et la
tenait toujours près de lui afin de n'en point perdre le souvenir
ayez égard
je vous en conjure à ces bonnes pratiques de sa foi et le délivrez
des
supplices ou vous me l'avez fait voir." Pendant plusieurs jours
elle redit
cette prière tout -à-coup la porte de sa cellule s'ouvre
l'image du saint se
présente et derrière elle l'âme du prélat
mais non plus dans le même état de
désolation et de souffrance après avoir salué
Jeanne elle lui dit : " Je
suis celui pour lequel vous avez tant prié grâce à
votre intercession et à
celle de mon bienheureux patron dont vous voyez ici l'image le Dieu
de toute
bonté a usé envers moi de miséricorde cette image
a été mon bouclier contre
les assauts du démon le Seigneur allége mes tourments
mon épreuve touche à
sa fin et j'espère que vous travaillerez encore
à l'abréger ô ma soeur
vous que j'ai autrefois méconnue - qu'il
en soit ainsi
s'écria Jeanne et que bénit soit Dieu pour la consolation
que j'éprouve à
vous savoir préservé de l'enfer j'avais redouté
ce sort affreux quand vous
m'êtes apparu pour la
108
première fois." Le défunt lui demanda de nouveau pardon
pour les chagrins
qu'il lui avait causés el la remercia de ses saintes prières
Jeanne continua
d'intercéder en sa faveur jusqu'au moment ou elle connut par
révélation sa
délivrance c'est elle qui fit tout ce récit à
ses religieuses afin
d'augmenter en elles tout à la fois la crainte des jugements
de Dieu la
dévotion aux saints et le zèle pour les âmes du
Purgatoire.
(V. Chroniques des Frères Mineurs par Cimarello,
4e P.liv. II, chap. 18 ; Triomphe des âmes, par Ségala,
2e p., ch.VII, II. 4.)
108
31e Merveille Reconnaissance des âmes pour leurs
bienfaiteurs.
Bené egistis, et reddidistis vicem beneretis ejus :
Vous avez bien agi en rendant le bien pour le bien. (Juges, IX, 16.)
Si le sentiment de la gratitude se rencontre quelque part c'est certainement
dans les âmes délivrées du Purgatoire je
vais en donner une preuve nouvelle
sur la foi de graves auteurs en Bretagne un homme occupé
de toutes les
affaires du siècle menait cependant une vie fort religieuse
parmi ses autres
vertus on remarquait une grande charité envers les pauvres défunts
pour
lesquels il offrait nombre de prières d'aumônes de pénitences
et autres
oeuvres méritoires il ne passait jamais dans
110
ne saurions lui en témoigner assez pour tout le bien que sa
piété généreuse
nous a fait à nous surtout qui attendons dans ce cimetière
la résurrection
suprême ." Aussitôt un fracas extraordinaire eut lieu tout
autour du vicaire
épouvanté il lui sembla que les ossements sortaient des
tombeaux se
réunissaient et que le reste du passage d'Ezéchiel s'accomplissait
:Factus
est sonitus et commotio et accesserunt ossa unumquodque ad juncturam
suam en
même temps l'église paraissait illiminée les morts
se rangèrent dans le
choeur et commencèrent à chanter solennellement quand
il fut fini la même
voix qui avait donné l'ordre au commencement se fit de nouveau
entendre et
prescrivit aux corps de retourner dans leur demeure funèbre
ce qui s'exécuta
pendant que les lumières de l'autel s'éteignaient d'un
seul coup le prêtre
qui était demeuré comme cloué à sa place
osant à peine respirer put alors
rentrer librement dans le lieu saint et y déposer le ciboire
puis il courut
raconter sa vision au curé aussi émerveillé que
lui mais doutant de la
réalité au moment ou il disait :"Au moins faudrait-il
savoir si réellement
le malade est mort ce qui est peu vraisemblable," on frappe à
la porte et un
messager vient apporter la nouvelle du décès qui avait
eu lieu à l'heure
même de la vision l'impression du vicaire fut si forte qu'il
dit adieu au
monde renonça à toute espérance terrestre et alla
s'enfermer dans le
monastère de Saint - Martin à Tours dont il fut plus
tard élu prieur il est
superflu sans doute d'ajouter que tout le reste de sa vie fut employée
à
prier pour les âmes du purgatoire et à demander à
111
Dieu leur délivrance assuré qu'à leur tour
elles ne l'abandonneraient point
au jour du jugement.
(V. Alexis Segala, Trimph, animarum, 2e p., ch. XXII, n. 1 ;
P.
Martin, de Roa, De statu animarum, ch. XXI.)
111
32ème Merveille
celui qui souffre pieusement ici-bas va tout droit au repos éternel.
Esque in tempus sustinchit patiens, et posted redditio juennditatis
:
L'homme patient attendra la fin de ses maux jusqu'au temps destiné
de Dieu pour les faire cesser, et après cela la joie lui sera rendue.
(Eccli. I , 29.)
L'empereur Maurice était bien inspiré lorsque interrogé
miraculeusement par
le Sauveur s'il préférait expier ses fautes ici-bas ou
dans le purgatoire il
répondit avec empressement : " Ici-bas, Seigneur ! j'aime mieux
souffrir
ici-bas !" Un autre personnage n'eut pas la même sagesse c'était
un
religieux de Saint- François un ange se manifesta à ses
yeux et lui dit de
choisir entre une longue maladie et un purgatoire très-court
il se détermina
pour celui-ci parce que déjà depuis longtemps il était
malade en proie à une
extrême tristesse et à charge lui paraissait-il à
ses frères il jugeait donc
meilleur d'abandonner la terre et la prison de son corps. " O mon Dieu
disait-il par pitié appelez-moi hors de ce monde secourez votre
malheureux
112
serviteur je ne trouve de repos ni le jour ni la nuit tant sont cruelles
les
douleurs qui me tourmentent elles augmentent sans cesse je n'ai plus
la
force de les supporter si mes fautes me rendent indigne d'être
délivré ayez
égard Seigneur aux mérites de mes frères qui se
sacrifient autour de mon lit
d'agonie ayez pitié d'eux et de moi et s'il n'y a point d'autre
voie vienne
plutôt la mort je l'accueillerai comme envoyée par votre
clémence c'est
alors que l'ange descendit du ciel pour le fortifier et lui proposer
l'alternative :" Puisque vous vous fatiguez de souffrir dans cette
vie vos
prière ont été entendues Dieu vous permet de décider
vous-même votre départ
immédiat de ce monde ou le prolongement de vos douleurs terrestres
si vous
adoptez ce dernier parti vous avez encore une année de maladie
après
laquelle vous monterez au ciel directement mais si vous préférez
mourir vous
aurez à subir trois jours de purgatoire pour achever de vous
purifier de vos
fautes choisissez librement." Le pauvre religieux tout à sa
souffrance
présente qui lui paraissait insupportable et ne songeant
point à ce qui
l'attendait dans le lieu de l'expiation répondit :" J'aime mieux
mourir au
risque d'être tourmenté dans le purgatoire non pas seulement
trois jours
mais autant qu'il plaira à Dieu car ma vie présente est
une mort de chaque
minute et je ne pense pas que je puisse trouver rien de comparable.
- Eh
bien répondit l'ange il sera fait comme vous le souhaitez.
Vous allez
mourir aujourd'hui. Munissez-vous donc des sacrements au plus tôt."
Le
malade raconta sa vision et réclama les secours de la sainte
Eglise puis il
expira et son âme fut portée au purgatoire.
113
Au bout d'un temps qu'on peut comparer à la durée d'un
jour si toutefois
cette expression de temps et de jour convient à l'éternité
le même ange vint
le visiter et lui demanda que lui semblait de l'épreuve à
laquelle il était
soumis si elle lui paraissait moins pénible que ses souffrances
de la terre
"Oh ! combien j'ai été aveugle ! répondit l'âme;
mais combien aussi vous
avez été cruel, vous qui m'aviez parlé de trois
jours et qui me laissez ici
des siècles !Qu'elles sont longues les années dont je
vois se dérouler pour
moi l'interminable série ! et encore rien ne m'annonce une délivrance
prochaine ! - Eh quoi ! repartit l'ange, est-ce donc ainsi
qu'une âme
infortunée peut tomber dans l'erreur ! il n'y a pas vingt-quatre
heures que
vous êtes au purgatoire, et vous vous lamentez de la sorte, et
vous
m'accusez de vous avoir trompé ! Ce n'est point le temps,
c'est la rigueur
de la peine qui vous fait raisonner ainsi. Un instant vous paraît
un
siècle.Croyez donc bien qu'il n'y a pas encore un jour que vous
souffrez ;
votre corps n'a pas reçu encore la sépulture. Toutefois,
si vous vous
repentez de votre choix, Dieu consent à ce que vous retourniez
sur la terre
pour y subir l'année de maladie qui vous était réservée.
- Oh ! oui,
s'écria l'âme avec joie, oui je préfère
ce parti, je le demande en grâce !
l'expérience a changé mes pensée. Plutôt
deux, trois, quatre années de
maladies affreuses, qu'une seule heure dans ce séjour d'inexprimables
angoisses !" L'ange alors reporta l'âme dans le corps qu'elle
anima de
nouveau à la vue de la communauté saisie d'étonnement
et de crainte dès que
le ressuscité put parler il révéla tout ce qui
était advenu et en prit texte
pour exhorter ses frères à faire une plus rigou -
114
reuse pénitence de leurs moindres fautes afin d'éviter
les tourments que la
divine justice leur a préparés dans l'autre monde pour
lui il supporta avec
joie les souffrances diverses de son infirmité trop heureux
de racheter
par-là les instants plus courts mais si affreux dont il avait
connu
l'amertume au bout d'un an il mourut et on a tout lieu de croire qu'il
monta
droit au séjour du bonheur promis ce trait qui paraît
certain justifie
pleinement le mot de saint Augustin au sujet du purgatoire :" Un seul
jour
dans ce lieu d'expiation peut-être comparé à mille
ans de supplices
terrestres." Et il ajoute ailleurs (in ps.75) : "Le feu y est plus
insupportable que tout ce qu'on peut endurer ici-bàs : Gravior
erit ille
ignis quàm quicquid potest pati homo in hâc vitâ."
(V. Luc de Wadding, Ann. Minor, anno 1183, n° 9).
114
33ème Merveille
sainte usure de ceux qui appliquent leurs oeuvres au soulagement des
défunts.
Benefac justo, et invenies retributianein magnam :
Faites du bien au juste, et vous aurez une grande récompense.
(Eccli. XII, 2.)
Il ne faut pas oublier combien de mérites de prières
et de grâces s'assure à
lui-même celui qui offre ses bonnes oeuvres pour racheter les
âmes du
purgatoire
115
les mettre en liberté et les envoyer au ciel on peut dire qu'il
travaille à
peupler le ciel mais qu'en même temps il s'y prépare des
avocats intéressés
par la reconnaissance à lui obtenir à la fois ce qui
lui est nécessaire
ici-bàs et ce qui assurera son salut dans l'autre vie je dirai
même que les
anges gardiens de ces âmes se trouvent en quelque sorte obligés
à le
favoriser à cause de ce qu'il a fait pour leurs pupilles les
bienheureux le
regardent avec des yeux pleins d'affection parce qu'il a augmenté
leur
nombre la divine Marie le cache sous son manteau pour avoir contribué
à la
couronne de ces âmes qui ont coûté tout le sang
de son Fils Jésus-Christ
lui-même quelles bénédictions quelles faveurs quelle
rémunération ne
versera-t-il pas sur celui qui coopère généreusement
à son oeuvre de
Rédempteur voici à ce sujet une petite histoire il y
avait au récit de
Denys-le-Chartreux une vierge remplie de piété nommée
Gertrude qui chaque
matin par une charité singulière faisait donation aux
âmes du purgatoire de
tout ce qu'elle acquerrait de mérites devant Dieu pendant la
journée sans en
rien retenir pour elle bonnes oeuvres aumônes prières
mortifications etc.
Bien plus dans sa grande foi elle suppliait Notre Seigneur de vouloir
appliquer lui-même ce trésor suivant ses divines lumières
Jésus-Christ lui
fit plusieurs fois connaitre miraculeusement les âmes qui en
avaient le plus
besoin et alors elle redoublait pour elles de ferveur de pénitences
et de
prières et ne s'arrêtait point qu'elle ne crût avoir
procuré leur délivrance
quelques travaux qu'une semblable pratique coûtat à la
nature souvent ces
âmes lui apparaissaient au moment de se réunir au Seigneur
et la comblaient
de bénédictions
116
Elle arriva chargée de mérites plus encore que d'années
à la vieillesse
couchée sur son lit de mort elle fut assaillie de tentations
du démon qui
cherchait à lui persuader qu'elle avait délivré
tant d'âmes du purgatoire
justement pour aller occuper leur place et souffrir plus qu'elles il
lui
représenta les horribles supplices auxquels elle serait soumise
par la
justice divine pour l'expiation de ses moindres fautes puisqu'elle
n'avait
réservé pour elle-même rien de tous les mérites
de sa vie les prodiguant à
des étrangers et à des inconnus elle commença
donc à gémir -" Oh ! que je
suis malheureuse ! se disait-elle : dans peu d'instants je vais mourir
; je
vais rendre de toutes mes actions le compte le plus rigoureux et le
plus
sévère comment pourrai-je être délivrée
après que je n'ai rien gardé pour
moi de mes bonnes oeuvres depuis tant d'années ? j'ai donc en
perspective un
effroyable purgatoire actuelle, sans adoucissement sans réserve
de
compensation actuelle ! Mon Dieu le permettez-vous ?" Pendant qu'elle
était
en proie à cette angoisse elle voit paraître devant elle
Notre Seigneur son
époux céleste qui lui adresse la parole :"Quel est donc,
ô Gertrude le sujet
de ta tristesse ? " Elle répond : " Seigneur je m'afflige parce
que je me
vois sur le point de mourir sans aucun capital de bonnes oeuvres qui
puissent satisfaire pour tant d'offenses que j'ai commises car je me
suis
dépouillée en faveur des âmes souffrantes vous
le savez bien !" Alors le
Sauveur lui souriant doucement la consola "Ma fille Gertrude, lui dit-il
afin que tu saches combien m'a été agréable ta
charité envers ces âmes et ta
dévotion je te remets en ce moment même sans exception
toutes les peines qui
117
t'eussent été réservées de plus moi qui
ai promis cent pour un à ceux
qu'anime mon amour je veux encore te récompenser en augmentant
le degré de
gloire qui t'attend là-haut toutes les âmes que tu as
soulagées viendront
par mon ordre à ta rencontre et t'introduiront dans le Jérusalem
éternelle
au milieu de leurs cantiques de joie." L'allégresse de la sainte
ne put se
contenir à cette belle et toute divine assurance elle eut à
peine le temps
d'en faire part à ses soeurs qu'elle expira le sourire sur les
lèvres les
yeux animés d'une clarté merveilleuse comme une prédestinée
qui ne doute
point de son sort (V. Denys-le-Chartreux, cité par le P.Martin
de Roa dans
son livre De statu. animarum, 20.)
117
34ème Merveille
Le sang de Notre-Seigneur dans l'Eucharistie
Il nous a purifié de son sang (Apocalypse I, 5)
nous avons eu déjà l'occasion de rappeler au lecteur
que de
tout ce qu'on peut entreprendre en faveur des âmes du purgatoire
il n'est
rien d'aussi précieux que l'immolation du divin Sauveur à
l'autel outre que
c'est la doctrine expresse de l'Eglise manifestée dans nombre
de conciles
des faits miraculeux authentiques ne laissent point de doute à
cet égard
118
Il y a à Cologne parmi les étudiants des cours supérieurs
de l'université
deux religieux dominicains d'un talent distingué dont l'un était
le
bienheureux Suzon les mêmes études le même genre
de vie et par-dessus tout
le même goût pour la sainteté leur avaient fait
contracter une amitié intime
et ils se faisaient confidentiellement part des faveurs spirituelles
qu'ils
recevaient du ciel c'est ainsi que le bienheureux dévoila à
son ami un fait
qu'il tenait caché un jour qu'ils s'entretenaient ensemble des
mystères de
la vie de Notre-Seigneur il lui fit voir le nom de Jésus qu'avec
une pointe
de fer il s'était gravé au vif sur la poitrine afin de
ne l'oublier jamais
dans les mouvements de son coeur le bon frère en fut si frappé
si ému qu'il
demanda et reçut la permission d'appliquer ses lèvres
sur cette plaie
glorieuse et il la mouilla de ses larmes quand ils eurent terminé
leurs
études se voyant à la veille de se séparer pour
retourner chacun dans leur
couvent ils convinrent et se promirent mutuellement que le premier
des deux
qui mourrait serait secouru par l'autre une année entière
de deux messes par
semaine : le lundi une messe de Requiem selon l'usage et le vendredi
celle
de la passion autant que le permettraient les rubriques ils s'y engagèrent
se donnèrent le baiser de paix et quittèrent Cologne
pendant plusieurs
années ils continuèrent chacun de leur côté
à servir Dieu avec la plus
édifiante ferveur le frère fut le premier appelé
au jugement et Suzon en
reçut la nouvelle avec de grands sentiments de soumission à
la divine
volonté quant à l'engagement qu'il avait pris le temps
le lui avait fait
oublier il priait beaucoup pour son ami s'imposait en sa faveur des
pénitences nouvelles
119
et bien des oeuvres saintes mais ne songeait point à dire les
messes
convenues un matin qu'il méditait à l'écart dans
une chapelle il voit tout
d'un coup paraître devant lui son cher défunt qui le regardant
tendrement
lui reproche d'avoir été infidèle à une
parole donnée acceptée sur laquelle
il avait droit de compter le bienheureux surpris chercha à s'excuser
sur son
oubli involontaire sur les oraisons et mortifications qu'il avait faites
et
faisait encore pour un ami dont le salut lui était aussi précieux
que le
sien même. " Oh ! non, non, mon frère, reprit l'âme
souffrante ; non cela ne
me suffit pas ! c'est le sang de Jésus-Christ qu'il faut pour
éteindre les
flammes dont je suis consumé ; c'est l'auguste sacrifice qui
me rachètera de
ces tourments épouvantables je vous conjure de tenir votre parole.
Ne me
refusez pas cette justice, ô mon frère." Suzon s'empressa
de lui dire qu'il
s'acquitterait et qu'il dirait encore plus de messes qu'il n'en avait
promis
afin de réparer sa faute involontaire autant qu'il était
en lui dès le
lendemain plusieurs prêtres avertis par le bienheureux s'unirent
à lui au
saint autel et continuèrent plusieurs jours cet acte de charité
le défunt
revint au bout de ce temps mais non plus dans la tristesse et l'abattement
la joie brillait sur son front une vive et pure lumière l'environnait
et il
paraissait parfaitement heureux "Je vous rends grâces, mon fidèle
ami, lui
dit-il du soulagement que je vous dois.Me voici , grâce au sang
du Seigneur,
délivré de l'épreuve
et je monte au ciel ou je pourrai
contempler celui que nous avons si souvent adoré ensemble
sous les voiles
eucharistiques et dont le sang vient encore de me purifier." Suzon
se
prosterna à son tour pour remercier la Dieu de toute
120
miséricorde et il comprit mieux que jamais l'inestimable prix
du sacrifice
auguste de nos autels. ( V. Ferdinand de Castille, Histor. S. Dominici.
2e
p., 1.2, c. 1.)
120
35ème Merveille Il
vaut mieux mourir avec la certitude d'aller en Purgatoire,
que de vivre en danger de péché.
Ils ont mieux aimé mourir que de violer la loi de Dieu
(I Mach. I,63)
Le trait que nous allons rapporter convaincra le lecteur chrétien
qu'on doit
envisager la mort comme un avantage même en étant assuré
de souffrir
beaucoup dans les flammes expiatoires en comparaison d'une vie exposée
à
l'offense de Dieu il y verra de plus le confirmation manifeste de la
doctrine catholique sur le purgatoire et sur la prière pour
les morts car le
miracle a eu pour témoin non pas telle personne mais toute une
ville saint
Stanislas évèque de Cracovie (vers l'an 1070) avait acheté
d'un paysan nommé
Pierre un bien de campagne pour son église il paya intégralement
le prix
convenu sans toutefois exiger de reçu en forme depuis trois
ans déjà le
vendeur était passé de vie à trépas lorsque
ses héritiers voyant que le roi
Boleslas prince injuste et cruel était irrité contre
le saint
121
à cause des remontrances qu'il lui faisait sur sa conduite scandaleuse
songèrent à mettre à profit cette circonstance
ils intentèrent à l'évèque un
procès l'accusant de s'être emparé sans aucun titre
d'un héritage qui leur
appartenait à eux-mêmes le roi admit très volontiers
la cause et comme le
saint avait effectivement négligé les formalités
ordinaires ne pouvant
prévoir tant de mauvaise foi il fut condamné à
payer de nouveau ce qui lui
appartenait légitimement ou à faire aussitôt restitution
pure et simple de
la propriété Stanislas mu par une inspiration déclara
que puisqu'il ne
pouvait obtenir justice des vivants il l'obtiendrait des morts dont
le
témoignage trancherait la question c'est pourquoi il demanda
un délai de
trois jours à l'effet d'invoquer la déposition du vendeur
Pierre que l'on
savait défunt depuis plusieurs années les juges se moquèrent
d'une pareille
réclamation qui leur parut une folie et cependant y firent droit
au milieu
de plaisanteries et de paroles offensantes rentré dans sa maison
Stanislas
assemble ses prêtres les invite à prier avec lui et à
jeuner durant trois
jours sans goûter le sommeil afin d'obtenir de Dieu qu'il prenne
en main la
cause de la justice le troisième jour donc après avoir
célébré
solennellement le saint sacrifice à cette intention gardant
ses ornements
pontificaux il se mit en marche vers le cimetière suivi de tout
son clergé
et d'une foule de peuple que ce spectacle avait attiré arrivé
auprès de la
tombe il ordonna d'ôter la pierre sépulcrale et de creuser
jusqu'au cadavre
qui n'était plus que des ossements arides et sans forme quand
ils eurent été
mis à jour l'évèque s'agenouille lève les
yeux au ciel et conjure le
122
Seigneur de faire un miracle devant cette ville attentive pour la
glorification de son Nom et pour le triomphe de l'équité
puis touchant de
son bâton pastoral ces restes inanimés il leur dit comme
autrefois le
prophète Ezéchiel : "Ossa arida, audite verbum Domini
: Ossements desséchés,
écoutez la parole du Seigneur Dieu !" il leur commande au nom
du Père du
fils et du Saint-Esprit de s'animer de nouveau et de rendre témoignage
à la
vérité O merveille aussitôt ces restes sans nom
s'agitent la poussière se
change en chair le mort se dresse sur ses pieds et sortant du sépulcre
s'avance vers le pontife qui le conduit d'abord à l'église
pour remercier
Dieu au milieu du peuple puis au tribunal dans ce moment-là
même le roi s'y
trouvait entouré des grands et de tous les magistrats on lui
annonce que
Stanislas arrive processionnellement avec son clergé et avec
Pierre
ressuscité le prince n'en veut rien croire mais il faut bien
se rendre à
l'évidence lorsque le prélat entre dans la salle s'arrête
en face du trône
et parle ainsi :" Je vous amène, Sire, l'homme qui m'a vendu
cette terre :
il a quitté la région des morts pour rendre hommage à
la vérité
interrogez-le il parlera lui-même il vous dira si j'ai réellement
acheté son
héritage et si je lui en ai remis la valeur l'homme est connu
son tombeau
est encore ouvert Dieu l'envoie confondre l'imposture sa déposition
vaudra
plus je le pense que la dénégation des autres témoins
et que toutes les
signatures imaginables." Pierre alors élevant la voix attesta
qu'il avait
reçu le prix entier de la terre vendue au saint prélat
pour son église et
que ses trois neveux Pierre Jacques et Stanislas n'avaient
123
aucun droit à le troubler dans sa possession ensuite se tournant
vers
ceux-ci qui étaient présents dans l'auditoire il les
menaça de la justice de
Dieu qu'on ne peut tromper et d'une mort malheureuse avant peu s'ils
ne
cessaient de réclamer ce qu'ils savaient bien ne point leur
appartenir la
stupéfaction de l'assistance ne se peut rendre tous restaient
cloués par la
terreur à la place ou ils se trouvaient les héritiers
demeurèrent confondus
pendant que le roi rendait une nouvelle sentence en faveur de saint
Stanislas le ressuscité était toujours là l'évèque
lui demanda s'il désirait
vivre encore quelques années il espérait en obtenir la
grâce de celui qui
l'avait ressuscité pour peu de moments mais il répondit
qu'il préférait
rentrer au sépulcre et mourir de nouveau plutôt
que de rester dans une vie
si misérable et si périlleuse il assura néanmoins
que son âme était encore
en purgatoire et qu'il lui restait quelque temps à y souffrir
pour se
purifier des dernières souillures de ses fautes que nonobstant
les supplices
cruels auxquels il allait être rendu il les préférait
de beaucoup à
l'incertitude ou l'on est ici-bas de plaire à Dieu et de faire
son salut il
termina en disant que la plus grande grâce que le saint lui pouvait
accorder
c'était de prier le Seigneur d'abréger le temps de son
épreuve et de le
recevoir plus tôt parmi les élus puisqu'il avait l'assurance
d'y être admis
un jour Stanislas le lui promit puis l'accompagna au cimetière
avec tout le
clergé et la foule du peuple on récita sur lui les prières
ordinaires de la
recommandation de l'âme pendant qu'il se couchait dans la tombe
il renouvela
à tous les assistants la demande de prier pour lui ses ossements
se
séparèrent de nouveau la
124
chaire tomba en poussière et on n'eut plus devant les yeux que
les restes
informes de la matinée c'est une croyance dans le pays que saint
Stanislas
obtint très promptement la délivrance de cette âme*
de tout ceci nous devons
conclure avec un saint auteur combien nous sommes insensés de
tant aimer la
vie lorsque nous connaissons les dangers qui nous y menacent du côté
du
salut nous ne savons pas si nous persévèrons jusqu'à
la fin si nous mourrons
dans les conditions nécessaires de contrition et de ferveur
et cependant
nous nous attachons à cette existence fragile et dangereuse
comme s'il n'y
en avait pas d'autre pour nous quel aveuglement étrange quelle
insensibilité
injustifiable !
(V. Laurent Surius, Vies des Saints ; et de plus les Acta
Sanctorum des Bollandistes, 7 mai, vie de saint Stanislas.)
*Ce saint mourut plus tard tué à l'autel par Boleslas
II le hardi et son
cadavre traîné hors de l'église fut mis en pièces
par les satellites du roi.
(Note du Trad.)
120
35ème Merveille Il
vaut mieux mourir avec la certitude d'aller en Purgatoire,
que de vivre en danger de péché.
Ils ont mieux aimé mourir que de violer la loi de Dieu
(I Mach. I,63)
Le trait que nous allons rapporter convaincra le lecteur chrétien
qu'on doit
envisager la mort comme un avantage même en étant assuré
de souffrir
beaucoup dans les flammes expiatoires en comparaison d'une vie exposée
à
l'offense de Dieu il y verra de plus le confirmation manifeste de la
doctrine catholique sur le purgatoire et sur la prière pour
les morts car le
miracle a eu pour témoin non pas telle personne mais toute une
ville saint
Stanislas évèque de Cracovie (vers l'an 1070) avait acheté
d'un paysan nommé
Pierre un bien de campagne pour son église il paya intégralement
le prix
convenu sans toutefois exiger de reçu en forme depuis trois
ans déjà le
vendeur était passé de vie à trépas lorsque
ses héritiers voyant que le roi
Boleslas prince injuste et cruel était irrité contre
le saint
121
à cause des remontrances qu'il lui faisait sur sa conduite scandaleuse
songèrent à mettre à profit cette circonstance
ils intentèrent à l'évèque un
procès l'accusant de s'être emparé sans aucun titre
d'un héritage qui leur
appartenait à eux-mêmes le roi admit très volontiers
la cause et comme le
saint avait effectivement négligé les formalités
ordinaires ne pouvant
prévoir tant de mauvaise foi il fut condamné à
payer de nouveau ce qui lui
appartenait légitimement ou à faire aussitôt restitution
pure et simple de
la propriété Stanislas mu par une inspiration déclara
que puisqu'il ne
pouvait obtenir justice des vivants il l'obtiendrait des morts dont
le
témoignage trancherait la question c'est pourquoi il demanda
un délai de
trois jours à l'effet d'invoquer la déposition du vendeur
Pierre que l'on
savait défunt depuis plusieurs années les juges se moquèrent
d'une pareille
réclamation qui leur parut une folie et cependant y firent droit
au milieu
de plaisanteries et de paroles offensantes rentré dans sa maison
Stanislas
assemble ses prêtres les invite à prier avec lui et à
jeuner durant trois
jours sans goûter le sommeil afin d'obtenir de Dieu qu'il prenne
en main la
cause de la justice le troisième jour donc après avoir
célébré
solennellement le saint sacrifice à cette intention gardant
ses ornements
pontificaux il se mit en marche vers le cimetière suivi de tout
son clergé
et d'une foule de peuple que ce spectacle avait attiré arrivé
auprès de la
tombe il ordonna d'ôter la pierre sépulcrale et de creuser
jusqu'au cadavre
qui n'était plus que des ossements arides et sans forme quand
ils eurent été
mis à jour l'évèque s'agenouille lève les
yeux au ciel et conjure le
122
Seigneur de faire un miracle devant cette ville attentive pour la
glorification de son Nom et pour le triomphe de l'équité
puis touchant de
son bâton pastoral ces restes inanimés il leur dit comme
autrefois le
prophète Ezéchiel : "Ossa arida, audite verbum Domini
: Ossements desséchés,
écoutez la parole du Seigneur Dieu !" il leur commande au nom
du Père du
fils et du Saint-Esprit de s'animer de nouveau et de rendre témoignage
à la
vérité O merveille aussitôt ces restes sans nom
s'agitent la poussière se
change en chair le mort se dresse sur ses pieds et sortant du sépulcre
s'avance vers le pontife qui le conduit d'abord à l'église
pour remercier
Dieu au milieu du peuple puis au tribunal dans ce moment-là
même le roi s'y
trouvait entouré des grands et de tous les magistrats on lui
annonce que
Stanislas arrive processionnellement avec son clergé et avec
Pierre
ressuscité le prince n'en veut rien croire mais il faut bien
se rendre à
l'évidence lorsque le prélat entre dans la salle s'arrête
en face du trône
et parle ainsi :" Je vous amène, Sire, l'homme qui m'a vendu
cette terre :
il a quitté la région des morts pour rendre hommage à
la vérité
interrogez-le il parlera lui-même il vous dira si j'ai réellement
acheté son
héritage et si je lui en ai remis la valeur l'homme est connu
son tombeau
est encore ouvert Dieu l'envoie confondre l'imposture sa déposition
vaudra
plus je le pense que la dénégation des autres témoins
et que toutes les
signatures imaginables." Pierre alors élevant la voix attesta
qu'il avait
reçu le prix entier de la terre vendue au saint prélat
pour son église et
que ses trois neveux Pierre Jacques et Stanislas n'avaient
123
aucun droit à le troubler dans sa possession ensuite se tournant
vers
ceux-ci qui étaient présents dans l'auditoire il les
menaça de la justice de
Dieu qu'on ne peut tromper et d'une mort malheureuse avant peu s'ils
ne
cessaient de réclamer ce qu'ils savaient bien ne point leur
appartenir la
stupéfaction de l'assistance ne se peut rendre tous restaient
cloués par la
terreur à la place ou ils se trouvaient les héritiers
demeurèrent confondus
pendant que le roi rendait une nouvelle sentence en faveur de saint
Stanislas le ressuscité était toujours là l'évèque
lui demanda s'il désirait
vivre encore quelques années il espérait en obtenir la
grâce de celui qui
l'avait ressuscité pour peu de moments mais il répondit
qu'il préférait
rentrer au sépulcre et mourir de nouveau plutôt
que de rester dans une vie
si misérable et si périlleuse il assura néanmoins
que son âme était encore
en purgatoire et qu'il lui restait quelque temps à y souffrir
pour se
purifier des dernières souillures de ses fautes que nonobstant
les supplices
cruels auxquels il allait être rendu il les préférait
de beaucoup à
l'incertitude ou l'on est ici-bas de plaire à Dieu et de faire
son salut il
termina en disant que la plus grande grâce que le saint lui pouvait
accorder
c'était de prier le Seigneur d'abréger le temps de son
épreuve et de le
recevoir plus tôt parmi les élus puisqu'il avait l'assurance
d'y être admis
un jour Stanislas le lui promit puis l'accompagna au cimetière
avec tout le
clergé et la foule du peuple on récita sur lui les prières
ordinaires de la
recommandation de l'âme pendant qu'il se couchait dans la tombe
il renouvela
à tous les assistants la demande de prier pour lui ses ossements
se
séparèrent de nouveau la
124
chaire tomba en poussière et on n'eut plus devant les yeux que
les restes
informes de la matinée c'est une croyance dans le pays que saint
Stanislas
obtint très promptement la délivrance de cette âme*
de tout ceci nous devons
conclure avec un saint auteur combien nous sommes insensés de
tant aimer la
vie lorsque nous connaissons les dangers qui nous y menacent du côté
du
salut nous ne savons pas si nous persévèrons jusqu'à
la fin si nous mourrons
dans les conditions nécessaires de contrition et de ferveur
et cependant
nous nous attachons à cette existence fragile et dangereuse
comme s'il n'y
en avait pas d'autre pour nous quel aveuglement étrange quelle
insensibilité
injustifiable !
(V. Laurent Surius, Vies des Saints ; et de plus les Acta
Sanctorum des Bollandistes, 7 mai, vie de saint Stanislas.)
*Ce saint mourut plus tard tué à l'autel par Boleslas
II le hardi et son
cadavre traîné hors de l'église fut mis en pièces
par les satellites du roi.
(Note du Trad.)
125
36ème Merveille
Les justes eux-mêmes ne sont pas irrépréhensibles
devant Dieu
Aucun homme n'est juste devant vous (Ps. CXI.II,2)
Le livre de l'Ecclésiastique compare le juste au soleil : Quasi
sol refulgens mais de même qu'on découvre des taches dans
cet astre lumineux les saints ont aussi leurs imperfections dont ils doivent
être purifiés dans les flammes du purgatoire avant de recevoir
la couronne de l'immortalité et de jouir pleinement de Dieu
il n'y a point
d'homme si parfait qui ne touche la terre des pieds tout en ayant les
yeux
élevés au ciel dans le couvent des Frères-Mineurs
de Paris mourut un
religieux que sa piété éminente avait fait surnommer
l'Angélique et c'était
véritablement un ange de perfection spirituelle dans une chair
mortelle et
fragile il y avait parmi ses confrères un lecteur de théologie
savant dans
les choses de l'âme lequel bien qu'il n'ignorât pas l'obligation
commune de
célébrer trois messes en faveur de chaque moine qui mourrait
dans la maison
omit de s'acquitter de ce devoir dans cette circonstance il lui semblait
inutile d'intercéder pour une âme dont la vie avait été
si vertueuse et qui
devait être dès maintenant pensait-il au plus haut degré
de
126
la gloire mais au bout de quelques jours comme il se promenait un matin
dans
les allées du jardin tout entier à ses méditations
théologiques il voit
subitement le défunt se présenter devant ses yeux et
il l'entend lui dire
d'un ton lamentable : "Cher maître je vous en conjure ayez compassion
de moi
!" Surpris de cette apparition et de cette demande : "Eh quoi ! âme
sainte
répondit-il quel besoin as-tu de mon secours ? - Je suis
retenu dans les
feux du purgatoire, reprit le défunt dans l'attente des trois
messes que
vous deviez célébrer pour moi. Si vous vous acquittiez
de cette obligation,
je serais tout aussitôt introduit dans la Jérusalem
céleste. - Ah !
répondit le religieux je l'aurais fait avec bonheur si j'avais
pu penser que
vous en dussiez éprouver du soulagement mais en songeant à
la vie si sainte
que vous aviez menée parmi nous je m'imaginais que la couronne
vous avait
été donnée tout de suite au sortir de ce monde
n'étiez-vous pas le premier
et le plus édifiant au choeur au chapitre à l'oraison
? y avait-il un seul
point de la règle auquel vous ne fussiez scrupuleusement fidèle
? chacun
vous admirait il atteindrait la perfection de sa vocation religieuse
ne
faisiez-vous pas en outre de vos obligations des prières et
des pénitences
sans nombre qui rendraient votre vie un acte de vertu continuel ? non
je
n'aurais pu croire qu'il y eût encore à s'inquiéter
pour vous hélas !
hélas ! dit le défunt personne ne croit personne ne comprend
avec quelle
sévérité Dieu juge et punit sa créature
son infinie sainteté découvre dans
nos meilleures actions des côtés par ou elles pêchent
et lui dé-
127
128
37ème Merveille
ON NE SORT DU PURGATOIRE QU’APRES UNE EXPIATION
ENTIERE ET COMPLETE
Il ne faudrait pas croire que les grandes fautes seulement nous conduiront
dans le lieu de l’expiation, et que nous en sortirons aisément si
nous n’avons pas fait tout ce qui est nécessaire pour éviter
le mal. Les moindres imperfections des justes eux-mêmes seront purifiées
par le feu, suivant la parole du prophète Malachie : «
Le Seigneur purifiera les enfants de Lévi, et il les passera au
creuset comme l’or. »
Nous lisons de saint Séverin, archevêque de Cologne, qu’il
se fit voir, après sa mort, à l’un des chanoines de sa cathédrale
pour réclamer le secours de ses prières, parce qu’il avait
été condamné au purgatoire. « Et comment cela
se peut-il ? S’écria le prêtre consterné. Vous si pieux,
vous si zélé pasteur, qui avez accompli tant de bien dans
ce diocèse ! Vous que nous invoquons tous comme notre protecteur
au ciel ! – Ah ! répondit le prélat, DIEU m’a fait la grâce
de le servir de tout mon cœur, et de travailler longtemps dans son héritage
; mais je l’ai offensé Souvent par la manière pressée
dont je récitais mon bréviaire.
129
Les affaires de la cour occupaient mon esprit et mon temps, et, quand
je devais m’acquitter de ce devoir de la prière, c’était
sans assez de recueillement, quelquefois à une autre heure qu’à
l’heure marquée par les règles de l’Eglise. Maintenant, j’expie
ces infidélités, et le Ciel me permet de venir réclamer
vos prières. Me les refuserez-vous ? » C’est saint Pierre
Damien qui rapporte ce fait, dans sa lettre 14è à l’abbé
Désidérius, chap. 7.
Durand, premier abbé d’un monastère, puis évêque
de Toulouse, nous offre un autre exemple du même genre. Il avait
une singulière piété, beaucoup de zèle pour
son avancement spirituel, l’esprit de mortification, la régularité
; cependant, il avait aussi le défaut de veiller trop peu sur sa
langue. Lorsqu’il était simple religieux, il se livrait volontiers
à une excessive gaieté dans la conversation, disant des plaisanteries,
des bons mots, des histoires amusantes qui prêtaient à rire.
Son supérieur, l’abbé Hugues, l’avertit plusieurs fois de
modérer cet entrain qui le portait à la dissipation ; il
lui représentait que ces jovialités conviennent peu dans
la bouche d’un moine qui est en même temps prêtre, dont les
lèvres doivent être vouées aux choses utiles et saintes,
selon le précepte des Livres sacrés (Malachie II, 7). Il
l’avertit même, un jour, que s’il ne se corrigeait pas, il aurait
infailliblement des peines à souffrir en purgatoire pour ces fautes
quotidiennes. Durand attacha peu d’importance à ces avis, et continua,
même étant évêque, à aimer le mot pour
rire et les facéties d’une conversation enjouée. Quelques
personnes en étaient mal édifiées.
130
Lorsque le prélat fut mort, la prédiction du supérieur
se réalisa. Il apparut à un moine de ses amis, le P. Séguin,
et le chargea de prier l’abbé, dont il avait si mal écouté
les conseils, d’intercéder pour lui. Celui-ci, qui était
plein de charité, assembla les religieux, leur dit ce qu’il venait
d’apprendre, et leur demanda de s’imposer pendant toute une semaine, en
faveur de cette âme souffrante, un rigoureux silence. Ils y consentirent.
Cependant, l’un d’eux n’observa pas si bien sa promesse qu’il ne laissât
échapper quelques paroles. Le défunt apparut de nouveau et
se plaignit de cette infraction, qui le privait du fruit de la bonne œuvre.
On recommença dont une autre semaine, avec beaucoup de prières.
A peine s’achevait-elle, que Durand se vit voir à l’abbé,
revêtu de son costume pontifical, la joie peinte sur le visage ;
il lui exprima sa reconnaissance envers tout le couvent, et ajouta que
DIEU le recevait à l’instant même parmi ses élus.
Ce trait est une leçons pour les personnes consacrées
à DIEU ; on peut l’appeler le commentaire vivant de ce passage du
livre de la Considération de saint Bernard : « Parmi les séculiers,
les plaisanteries ne sont que des plaisanteries : parmi les ecclésiastiques,
ce sont comme des blasphèmes. Votre bouche a été consacrée
à l’Evangile : il ne faut donc point l’ouvrir à de telles
inutilités. »
manque référence citation (Vincent de Beanvais, ...
131
38ème Merveille
LA DEVOTION DU SAINT ROSAIRE
Fructifiez comme le rosier planté au bord des eaux
Eccli 39, 17
Ce que Pline assure de la rose, qu’elle reçoit de la nature
non seulement l’office de nous embaumer de ses parfums, mais aussi d’être
utile à notre santé, peut s’appliquer justement à
la dévotion du Rosaire : car cette dévotion, outre le bonheur
qu’elle procure à ceux qui l’embrassent, leur est très profitable
pour les guérir à la fois du mal du péché et
de la peine qui lui est réservée. En voici un exemple très
convaincant.
Dans le royaume d’Arragon, une jeune fille de haute naissance,
appelée Alexandra, assistant aux prédications du grand saint
Dominique, se décida à entrer dans la confrérie instituée
pour cet objet. Mais, livrée à la vanité mondaine,
elle oubliait souvent de réciter son chapelet, préférant
passer des heures entières au miroir et aux conversations inutiles.
Comme elle était fort belle et gracieuse, plusieurs jeunes gens
commencèrent à l’entourer de leurs hommages et à lui
demander sa main, et chacun faisait de son mieux pour attirer ses regards
et son cœur. Il y en avait deux surtout, d’une condition élevée,
qui se montraient plus ardents à sa poursuite, et qui finirent par
se défier en duel. La
132
jeune fille était présente pour décider entre
les combattants, armés chacun d’une longue lance comme pour un tournoi.
Au signal donné, ils se précipitèrent l’un sur l’autre
avec tant de fureur, qu’ils tombèrent tous deux à la renverse,
mutuellement frappés, et ne tardèrent pas à expirer.
Ce fut un sujet de vive douleur pour les deux familles ; unissant leur
colère contre celle qui avait été l’occasion de ce
malheur, elles se jetèrent sur elle, et la battirent jusqu’à
compromettre sa vie. Baignant dans son sang, l’infortunée demandait
grâce et suppliait qu’on la laissât au moins se confesser ;
mais ces furieux, s’animant de plus en plus, l’achevèrent en lui
coupant la tête d’un coup de sabre ; après quoi, afin d’échapper
à la justice, ils jetèrent le cadavre au fonds d’un puits
et se sauvèrent.
Cependant, la divine MARIE, mère des miséricordes,
voulut récompenser les quelques actes de piété de
cette malheureuse enfant envers elle ; elle révéla tous les
détails du crime à saint Dominique, qui se trouvait alors
dans une autre ville. Le saint fut consterné ; il serait parti aussitôt
pour se rendre en ce lieu-là, s’il n’avait été retenu
par les affaires de son ordre. Au bout de quelques jours seulement, il
put venir au bord du puits, y plongea le regard, et, après avoir
fait une prière, se mit à appeler : « Alexandra, Alexandra
! » O prodige inouï ! En présence de plusieurs personnes
que la venue du Père avait attirées, la morte s’anime, la
tête se rapproche du tronc, et la voici qui sort pleine de vie, quoique
couverte de sang ; elle se jette aux pieds de Dominique, et fait avec beaucoup
de larmes une confession générale, en bénissant DIEU
qui lui avait permis de se faire inscrire parmi les servantes de la
133
Reine du ciel.
Elle vécut encoure deux jours, afin de pouvoir réciter
un certain nombre de rosaires qui lui avaient été imposés
pour pénitence. On vint la voir de tous côtés, et elle
ne cessait de prêcher la dévotion à MARIE.
Interrogée par le saint patriarche sur ce qui lui était
arrivé après sa mort, elle raconta trois choses bien mémorables.
La première, que, par les mérites de la confrérie
du Rosaire, elle avait eu la grâce de la contrition au moment d’expirer,
sans quoi elle eût été damnée. Secondement,
quand on lui tranchait la tête, elle s’était vue assaillie
d’une troupe de démons hideux qui voulaient l’emporter en enfer,
lorsque MARIE était accourue à son aide et l’avait délivrée.
En troisième lieu, elle avait été condamnée
par la divine justice, à deux cents années de purgatoire
pour avoir causé la mort des deux jeunes gens ; en outre, à
cause de ses parures vaines et immodestes, qui avaient été
à beaucoup une occasion prochaine de péché, elle avait
à endurer encore cinq cents autres années de souffrances.
« Mais j’espère, ajouta-t-elle, que les confrères auxquels
je m’étais associée pour honorer MARIE prieront pour moi
avec tant de ferveur, que ce temps de terrible épreuve sera miséricordieusement
abrégé. »
Elle mourut de nouveau, après avoir donné les marques
de la plus édifiante piété. On lui fit des obsèques
solennelles. Saint Dominique prit tellement à cœur l’heureuse fin
du miracle que DIEU avait opéré par lui, il fit lui-même
et fit faire à d’autres tant de pénitences, de prières,
d’aumônes et de jeûnes, qu’il obtint la délivrance entière
d’Alexandra. Au bout de quinze jours, elle lui apparut toute éclatante
de lumière, semblable à
134
une étoile.
Elle pria le saint de remercier pour elle ses confrères, qui
lui avaient été autant de bienfaiteurs, et qui avaient par
leurs suffrages hâté son salut. Elle ajouta aussi qu’elle
venait, comme ambassadrice des âmes du purgatoire, le conjurer de
prêcher et d’étendre la dévotion du Rosaire, qui leur
procurait chaque jour un admirable soulagement. « Que les confrères,
dit-elle, appliquent à ces pauvres âmes les indulgences et
les faveurs spirituelles dont il possèdent un trésor si abondant
: ils n’y perdront rien, car les élus à leur tour intercèderont
pour eux quand ils auront reçu la couronne. Les anges se réjouissent
de cette dévotion, et la Reine du ciel s’est déclarée
la tendre mère de tous ceux qui l’embrassent. »
Dominique, ravi de cette révélation nouvelle, en
fit part à ses disciples, et travailla avec un redoublement de zèle
à faire réciter autour de lui le chapelet.
39ème Merveille
TOURMENT APAISE
ps LXV, 12
Dieu, pour récompenser les trois enfants jeté dans la
fournaise de Babylone, en changea les flammes en douce rosée et
un vent rafraîchissant ; quasi ventum rosis flantem ; en sorte que,
loin de souffrir et d’être consumés, ils éprouvaient
une délicieuse jouissance. Par un miracle tout opposé, que
nous allons dire, il fit d’une fontaine une véritable fournaise,
pour la punition d’un de ses serviteurs, à qui il restait à
expier une faute particulière.
Dans les vies des hommes illustres de l’ordre des Cisterciens,
on lit qu’un abbé d’un grand savoir et de beaucoup de vertu avait
connu une amitié trop humaine et trop partiale pour son neveu, élevé
par lui dans le couvent, et formé de bonne heure à l’observance
des règles. Après avoir longtemps administré la maison,
étant réduit à l’extrémité, les religieux,
qui lui étaient fort attachés et qui avaient la plus entière
confiance dans ses lumières, le prièrent de désigner
lui-même son successeur. Bien qu’il fût un modèle de
désintéressement et de prudence, il se laissa aller à
son
40ème Merveille
CHAPITRE 40 VIDE SUR LE SITE
140
41ème Merveille
Oeuvres d'insigne charité envers les âmes du purgatoire
la charité est
patiente elle est bienveillante elle endure tout ( I Cor. XIII.) la
véritable charité est pleine de zèle d'industrie
même pour trouver les
moyens de subvenir aux nécessités du prochain et spécialement
à celles des
âmes du purgatoire nous rencontrons un modèle de cette
disposition dans la
grande servante de Dieu Marie Villani de l'ordre de Saint-Dominique
elle
s'appliquait nuit et jour à inventer de nouvelles oeuvres méritoires
en
faveur de ces pauvres âmes une veille d'Epiphanie elle s'était
adonnée à de
plus longues oraisons et en satisfaction des peines que ces âmes
devaient
endurer pour leurs fautes elle offrait à Dieu les cruels tourments
de la
Passion de Notre Seigneur méditant sur chaque détail
chaque douleur chaque
instrument la nuit suivante le Ciel se plut à lui manifester
combien lui
était agréable cette belle pratique pendant sa prière
elle tomba en extase
il lui sembla voir une longue procession de personnes vêtues
de blanc avec
des manteaux éclatants chacune portant un insigne de la passion
celle-ci les
cordes cette autre les fouets une troisième la colonne une autre
les épines
141
la croix les clous la lance etc en tête marchait une vierge balançant
dans
sa main une palme arrivés à un magnifique autel l'une
après l'autre y venait
offrir et déposer l'instrument en place duquel elle recevait
d'une grande
dame une riche couronne d'or le sens de cette vision lui fut révélé
ces
personnes brillantes et couronnées étaient les âmes
du purgatoire dont les
insignes de la passion marquaient la délivrance par les mérites
du sang de
Jésus-Christ mérites appliqués précisément
en vertu de la prière de Villani
c'était elle qui était figurée par la vierge ayant
une palme à la main et
conduisant à l'autel cette troupe bénie un autre jour
celui de la
Commémoration des fidèles défunts on lui avait
demandé de continuer un livre
qu'elle avait commencé sur des matières spirituelles
mais elle s'en excusa
sur l'intention qu'elle avait de consacrer tout ce jour à
la prière à la
pénitence et aux exercices de piété pour le soulagement
des âmes du
purgatoire Notre Seigneur lui apparut et lui intima l'ordre d'écrire
parce
que telle était sa volonté souveraine et afin qu'elle
le fît plus volontiers
il lui promit que chaque ligne qu'elle tracerait procurerait la délivrance
d'une âme ce jour-là seulement aussitôt la sainte
religieuse se mit avec
joie au travail et s'efforça d'écrire beaucoup le démon
ne manqua pas de s'y
opposer de toutes ses forces même d'une manière sensible
la distrayant de
son ouvrage lui suscitant des embarras des dérangements des
difficultés
matérielles en dépit de lui Villani s'appliqua si bien
qu'à la fin du jour
elle avait terminé son traité les quatres jours suivants
elle ressentit une
telle fatigue qu'elle ne pouvait pas même
142
remuer les doigts de la main on pouvait croire que par-là aussi
elle
méritait pour ses chères âmes et de fait sa grande
charité envers elles ne
se bornait point à des prières des jeûnes et des
pénitences elle désira
prendre pour elle-même une partie de leurs souffrances spécialement
celle du
feu voici un exemple de ce qu'elle fit comme elle priait un jour dans
cette
intention elle fut ravie en esprit et conduite en purgatoire ou parmi
tous
les infortunés qu'elle vit il y en avait un plus cruellement
éprouvé que les
autres par des flammes horribles qui l'enveloppaient de la tête
aux pieds
touchée de compassion elle s'approche de cette âme et
lui demande pour quel
sujet elle est ainsi traitée et si jamais elle n'éprouve
de soulagement " je
suis ici, répondit-elle depuis un long temps effroyablement
punie pour mes
vanités passées et pour mon luxe scandaleux je n'ai pas
obtenu jusqu'à cette
heure, le moindre soulagement parce que le Seigneur a permis que je
fusse
oubliée de mes parents de mes enfants de toute ma famille et
de mes amis ils
ne font pour moi aucune prière quand j'étais sur la terre
livrée aux
toilettes inutiles aux pompes mondaines aux fêtes et aux plaisirs
je n'avais
de Dieu et de mes devoirs qu'un rare et infructueux souvenir les seules
préoccupations sérieuses de ma vie étaient d'accroître
le renom et les
richesses périssables des miens j'en suis bien punie vous le
voyez
puisqu'ils ne m'accordent pas même une pensée !" ce récit
fit sur notre
religieuse une douloureuse impression elle pria cette âme de
lui faire
sentir quelque chose de ce qu'elle endurait a l'instant même
il lui sembla
qu'on la touchait au front avec un doigt de feu et la douleur qu'elle
en
éprouva fut si forte si aigue
143
qu'elle la fit revenir de son extase or la marque lui resta au front
si
profondément marquée qu'on la voyait encore deux mois
après et qu'elle lui
causait une souffrance insupportable Villani offrit cette douleur avec
d'autres prières pour l'âme qui lui avait parlé
cette âme lui apparut au
bout de deux mois et lui dit que délivrée par son intercession
elle montait
au ciel dès ce moment la brûlure du front s'effaça
pour toujours (V. Vita
Mariae Villani, par le P. Domin. Marchi, I. II,5)
143
42ème Merveille
supplication merveilleuse.
Ouvrez la main au pauvre afin que votre
sacrifice d'expiation soit parfait ( Eccli. VII, 56)
parmi les nombreux
prodiges accomplis par le Seigneur à l'occasion des prières
solennelles pour
les morts l'un des plus célèbres est celui qui eut lieu
à Mantoue dans le
monastère de Saint-Vincent en présence de toute la communauté
une religieuse
nommée Paule de l'ordre de Saint-Dominique après une
vie sanctifiée par les
plus excellentes vertus et une mort précieuse aux yeux des hommes
montra que
devant le Seigneur qui sonde les coeurs et les reins il n'y a point
de
perfections humaine qui n'ait ses taches le corps avait été
apporté
144
à l'église et placé selon l'usage au milieu du
choeur toutes les soeurs
faisant autour du modeste catafalque une couronne chantaient pieusement
les
prières ordinaires du Requiem on avait exhorté spécialement
la bienheureuse
Etiennette Quinzana favorisée de dons singuliers à intercéder
avec toute la
ferveur dont elle était capable pour le sa
lut de la défunte et à
d'autant meilleur droit que ces deux saintes filles avaient été
liées
d'amitié spirituelle toute au profit de leurs âmes Etiennette
donc mue d'un
sentiment personnel d'affection s'approcha de la bière les mains
jointes et
se mit à réciter avec grande ardeur les psaumes de circonstance
tout-à-coup
la morte laisse tomber un petit crucifix qu'elle tenait étend
la main gauche
vers la droite de son amie et la serre de telle façon qu'aucun
effort ne la
lui peut arracher la communauté entière qui était
présente demeura
stupéfaite pendant plus d'une heure ces deux mains restèrent
étroitement
enlacées au bout de ce temps intervint le supérieur qui
commanda à la
défunte au nom de la sainte obéissance de laisser la
soeur Quinzana
instantanément il fut obéi comme si la vertu d'une telle
personne n'eût subi
aucun changement au-delà du tombeau que signifiait ce serrement
de main ?
Etiennette le comprit parfaitement soit que Paule eût adressé
miraculeusement la parole soit qu'elle eût agi sur son esprit
l'histoire n'a
point éclairci ce détail toujours est-il que celle-ci
interpréta la chose
par ce discours "Secourez-moi ,ma soeur ,secourez-moi dans les
supplices
auxquels je suis vouée ! Oh si vous saviez la rage de nos ennemis
invisibles
pour nous tenter à l'heure de la mort ! si vous saviez combien
sévère est ce
juge qui
145
exige notre amour parfait quel examen quelle discussion des moindres
fautes
et puis quelle expiation avant la récompense comme il faut être
pur pour
ceindre l'éternelle couronne priez donc pour moi maintenant
placez-vous
entre le Seigneur et sa servante priez priez faites pénitence
à ma place !"
Etiennette entendit ce touchant langage et se mit à accomplir
toutes sortes
d'oeuvres méritoires pour son amie jusqu'au moment ou elle sut
par
révélation que la porte du ciel ouverte à Paule
et que Dieu l'avait enfin
reçue dans son sein comment donc ô Seigneur ne tremblerions-nous
pas pour
nous-mêmes et quel est le sacrifice que nous ne consentirions
point à faire
pour vous apaiser nous dont la vie ne se compose guère que d'offenses
! (V.
Franc. Seghizzus, Vita B. Stephanae, p. 110; J - B Manni, Sacr. Trig.,
disc.
VI, n.27.)
145
43ème Merveille
Bienfaits des âmes du purgatoire envers ceux qui les assistent
soyez miséricordieux car vous amassez ainsi un trésor
pour le jour du besoin (Tob.
IV, 10.)
Plusieurs auteurs ont rapporté le merveilleux secours que reçut
des
âmes du purgatoire Christophe Sandoval
146
archevèque de Séville n'étant encore qu'un enfant
il avait l'habitude de
distribuer aux pauvres en leur faveur une partie de l'argent qu'on
lui
remettait pour ses menus plaisirs devenu grand sa piété
envers les morts
augmenta avec les années il donnait pour eux tout ce dont il
pouvait
disposer jusqu'à se priver de mille choses qui lui eussent été
utiles ou
nécessaires lorsqu'il suivait les cours de l'université
de Louvain ou il
exerçait les mêmes oeuvres il arriva un jour que les lettres
qu'il attendait
d'Espagne ayant tardé il se trouva réduit à une
véritable extrémité n'ayant
pas même de quoi prendre son repas sa peine augmenta beaucoup
en se voyant
obligé de refuser un pauvre qui lui demandait l'aumône
au nom des âmes du
purgatoire ce qu'il n'avait encore jamais fait il en conçut
un si vif
chagrin qu'il entra aussitôt dans une église "Au moins
se disait-il si je
ne puis donner d'argent au nom de ces pauvres âmes je prierai
pour elles
étant pauvre moi-même et dénué de tout il
n'avait pas fini sa prière qu'il
vit venir à lui un beau jeune homme en habits de voyageur qui
lui adressa un
salut à la fois respectueux et empressé Christophe resta
tout interdit
effrayé même comme s'il se trouvait en présence
d'une apparition de l'autre
monde mais il se rassura bientôt lorsque celui-ci lui parlant
avec beaucoup
de politesse lui donna des nouvelles du marquis de Dania son père
de ses
autres parents de ses amis absolument comme s'il arrivait à
l'heure même de
la péninsule il finit par le prier de venir avec lui à
l'hôtel ou il
l'invitait à diner Sandoval ne refuse point cette offre parce
qu'il n'avait
pas mangé de la journée ils se mettent donc à
table et continuent
147
de s'entretenir pendant le repas après lequel l'étranger
lui remit une
certaine somme lui disant d'en faire tel usage qu'il lui plairait parce
que
quand il le voudrait il se la ferait rendre par le marquis son père
en
Espagne puis il prétexte quelques affaires et se retire or quels
que fussent
depuis les soins et les démarches de pieux Christophe il ne
put découvrir
son inconnu ni à Louvain ni en Espagne personne ne l'avait vu
jamais
l'argent ne fut réclamé auprès de sa famille et
il se trouva que c'était
exactement la somme dont il avait besoin pour attendre ses lettres
en retard
il se persuada donc que le Ciel avait fait un miracle en lui envoyant
une de
ces âmes que ses prières et ses aumônes soulageaint
habituellement et il le
crut à d'autant meilleur droit que ce fut aussi l'avis du pape
Clément VIII
auquel il raconta l'histoire en allant à Rome pour ses bulles
d'évèques ce
pontife frappé de ces circonstances lui fit un devoir de les
publier afin
que les fidèles fussent encouragés par là à
intercéder pour les défunts et à
faire grand cas de cet acte de charité le saint archevèque
on le conçoit fut
toute sa vie rempli de zèle à promouvoir dans sa patrie
une si généreuse
dévotion et il réussit à l'inspirer à une
foule de coeurs autour de lui (V.
Martin de Roa, de statu animar., c XXI.)
148
44ème Merveille
la sainte communion pour les morts
déposez votre pain sur le tombeau du juste (Tob.
IV, 18.)
l'objet du présent ouvrage n'est point d'aborder les
questions théologiques ni d'expliquer comment la sainte communion
faite par
les vivants est utile aux morts qui ont encore à expier leurs
fautes les
docteurs ont savamment établi cette doctrine et on les peut
consulter il
nous suffit de rappeler que cet acte pieux le plus sublime de la religion
procure à Dieu une gloire telle qu'elle répare l'injure
du péché dans une
mesure que lui seul définit mais qui est considérable
l'humilité la
contrition la ferveur l'amour dont l'âme se pénètre
alors sont d'ailleurs de
leur nature des oeuvres satisfactoires d'un haut prix principalement
lorsque
le divin Sauveur soleil de justice et foyer de charité réside
au milieu
d'elle et puis de grandes indulgences sont attachées souvent
à la communion
dans une circonstance déterminée c'est d'après
ces diverses considérations
que plusieurs interprètes appliquent à la communion pour
les défunts le mot
de Tobie que j'ai écrit ci-dessus come épigraphe :" Mettez
votre pain sur le
tombeau du juste." Voyons plutôt des exemples
149
Le vénérable Louis de Blois célèbre maître
de la vie spirituelle et homme
d'une remarquable sagesse rapporte dans un de ses livres qu'un dévot
serviteur de Dieu qu'il connaissait et aimait fut visité par
une âme du
purgatoire qui lui fit voir tout ce qu'elle endurait de tourments elle
était
punie pour avoir reçu la divine Eucharistie avec une préparation
insuffisante et beaucoup de tiédeur et en expiation l'éternelle
justice lui
avait ménagé le supplice d'un feu dévorant qui
la consumait " je vous
conjure donc dit-elle vous qui avez été mon ami et qui
devez l'être encore
au nom de notre fidèle union de communier une fois en mon nom
et de le faire
avec toute l'ardeur et la charité dont vous êtes capable
j'espère que cela
suffira pour ma délivrance et qu'ainsi seront compensées
mes coupables
froideurs." Celui-ci s'empressa de le faire l'âme lui apparut
de nouveau
brillante d'un incomparable éclat heureuse et pleine de
reconnaissance "
Enfin lui dit-elle grâce à vous mon adorable Maitre !"
N'est-ce pas le cas
de rappeler le conseil de saint Bonaventure : " Que la charité
vous porte à
communier car, il n'y a rien de plus efficace pour le repos éternel
des
défunts ( De proepar. Missae.)" plus merveilleux encore est
ce qui arriva à
la bienheureuse Jeanne de la Croix religieuse de l'ordre de Saint-François
à
laquelle les anges apportèrent une,hostie consacrée afin
qu'elle communiât
pour la délivrance d'une âme autrefois pleine de dévotion
envers l'auguste
Sacrement pendant une de ses oraisons la sainte fut ravie en esprit
et
demeura quelque temps dans cet état privée de sentiment
une religieuse étant
150
entrée dans sa cellule la tira de cette extase par le bruit
qu'elle fit en
dérangeant un meuble " Retirez-vous lui dit vivement Jeanne
et faites bien
attention de ne pas toucher à l'objet précieux qui est
là sur ce linge car
c'est le divin sacrement apporté ici par les anges et coment
cela peut-il
être ? " demanda la soeur étonnée Jeanne lui fit
alors part de ce qui était
arrivé lui en demandant le secret un pêcheur endurci qui
avait toujours vécu
dans la disgrâce du Seigneur et qui venait d'être condamné
au feu de l'enfer
était mort avec le saint viatique dans la bouche on avait cru
en le lui
donnant à une conversion trompeuse les anges ajouta-t-elle n'avaient
pu
souffrir une telle profanation ni que la divine hostie restât
dans cette
bouche impure et ils l'avaient apportée à la servante
de Dieu " De plus
continua Jeanne ils m'ont ordonné de communier demain matin
en faveur d'une
âme du purgatoire qui eut une grande dévotion pour l'Eucharistie
ce sont les
mêmes anges qui m'ont retirée de mon extase à votre
arrivée afin que je vous
prévinsse de ne point toucher un objet si sacré." Elle
communia en effet de
cette manière dans les sentiments de la plus ardente piété
et elle fut
assurée que l'âme pour laquelle elle avait intercédé
était montée au ciel
(V. Louis de Blois, Monile spirituale, ch. VI ; Alex. Segala, Triumph.
animar., 2e part., ch.6, ex.6; Vie de la bienh. jeanne de la croix,
ch.
VII.)
151
45ème Merveille
la divine eucharistie vous avez préparé pour moi un banquet
contre ceux qui
m'oppriment (ps. XXII, 5.)
puisque nous avons parlé de la sainte communion
nous sommes amené naturellement à dire aussi quelque
chose de celle qui se
fait chaque mois dans les églises de la Compagnie de Jésus
pour le
soulagement des âmes du purgatoire les docteurs ont vu le symbole
du divin
Sacrement dans l'arbre de vie planté au milieu du paradis suivant
saint Jean
(Apoc.XXII) et qui donnait chaque année douze fruits un par
mois ses
feuilles même étaient utiles au salut des nations : Lignum
vitae afferens
fructus duodecim, per menses singulos reddens fructum suum ; et folia
ligni
ad sanitatem gentium." c 'est en particulier l'interprétation
de saint
Thomas d'Aquin (Opusc. de Sacr. alt.VI) " De même dit-il que
la corruption
et la mort nous sont venues d'une nourriture défendue c'est-à-dire
de
l'arbre de la science du bien et du mal ainsi la justification et la
vie
doivent commencer en nous par une nourriture sainte celle de l'arbre
de la
vie qui est le corps du Seigneur." Si donc l'Eucharistie est bien
représentée par ces douze fruits annuels de l'arbre
on voit com -
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51ème Merveille VIDE SUR LE SITE
SECONDE PARTIE
Introduction 172
176
52ème Merveille
177
178
Récité le rosaire, comme il en avait l’habitude malgré
ses tristes débordements, il commença à s’acquitter
de ce tribut de dévotion envers la Mère du Celui qu’il était
sur le point de grièvement offenser, et il le fit en faveur des
âmes de ces malheureux suppliciés, pour lesquels sans doute
personne ne pensait à intercéder. La récompense ne
se fit pas attendre.
Une voix forte lui cria : »Arrêtez, cavalier, n’allez
plus avant ! »Il regarde autour de lui, ne voit que les cadavres
et donne de l’éperon à son cheval. La même voix recommence
: »Arrêtez, vous dis-je ; n’allez pas plus loin ! »La
peur lui était inconnue ; il descend et se met à chercher,
parmi ces hideux restes ; à moitié mangés par les
corbeaux, s’il n’y avait pas quelque condamné vivant encore. En
effet, d’une des potences descend cette supplication : »Cavalier,
je vous prie par pitié de couper cette corde qui m’étrangle.
»Touché de compassion autant que surpris, il donne un coup
d’épée à ce lien , et le corps tombe à terre,
d’où il se relève ; et voilà un homme plein de vie,
qui se répand en remerciements, et proteste qu’il ne quittera plus
son bienfaiteur, son sauveur, qu’il le servira comme un esclave. Le jeune
aventurier refusa tout net cette offre de reconnaissance, et déclara
qu’il voulait aller seul.-« Mais reprit l’autre, ignorez-vous qu’un
danger extrême vous attend au bout de votre course, qu’il y va pour
vous de la vie même ? Je veux vous délivrer. Laissez-moi vous
marquer ma reconnaissance. »Se voyant ainsi découvert, notre
cavalier ne fit pas d’objection. Il remonta à cheval et prit son
nouveau compagnon en croupe. Ils ne tardèrent pas à apercevoir
la maison ; l’échelle était préparée. Le jeune
homme voulait s’y
179
risquer tout de suite. »Non pas, dit son compagnon ; je soupçonne
quelque machine, et , si vous m’en croyez, vous me laisserez monter le
premier, afin que je m’assure de tout. Donnez-moi seulement votre chapeau
et votre manteau. »Quand il les eut, il s’élança à
l’échelle et pénétra par la fenêtre entr’ouverte.
Au même instant on entendit un cliquetis d’armes, des menaces, des
cris de colère, et au bout de quelques secondes, un corps frappé
d’un coup d’épée tombait au pied du mur. Il se releva et
dit au jeune homme stupéfait : »Vite ! vite ! à cheval,
et sauvons-nous ! »Lorsqu’ils furent à quelques distance :
« Avez-vous maintenant, dit le compagnon, vu et compris la belle
réception qu’on voulait vous faire ?Le mari vous attendait out bonnement
pour vous tuer à coups de dague. Et , dites-moi, s’il avait réussi,
où serait-elle allée votre âme ? Rendez donc grâces
à la Mère des miséricordes, qui vous a délivré
à cause de votre fidélité à dire le saint rosaire
chaque jour. Vous devez aussi bénir les âmes du purgatoire
: car vous avez obtenu la délivrance de quelques-unes, alors que
vous étiez en état de grâce, et elles vous le rendent
aujourd’hui. Eh bien ! changez de vie et apprenez à craindre Dieu.
»
Comme il finissait cette exhortation, ils étaient revenus
au lieu es potences. L’inconnu descend du cheval, se rattache au gibet,
et déclare qu’il a été envoyé miraculeusement
de l’autre vie pour ce qu’il vient de faire, et qu’il retourne où
Dieu l’appelle. Un minute après, ce n’était plus qu’un cadavre.
Quant au jeune homme, il est à peine besoin de dire dans
quels sentiments il rentra chez lui. Son cœur tout bouleversé n’eut
point de repos qu’il n’eût fait à Dieu
180 :
le sacrifice de sa vie ; il se dévoua pour le reste de ses jours
à la pénitence et aux œuvres de piété, et il
devint un modèle de sainteté, aussi empressé à
se mortifier et à gagner les âmes au bien, qu’il avait autrefois
recherché les plaisirs et compté pour rie le salut des autres.
(V.J. de alloza, Coelum sict. Mariae I III . ch 3. ex. 60.)
180
53ème Merveille DEFUNTS
REPONDANT AUX PRIERES QU’ON FAIT POUR EUX
Per illum, defunctus adhuc loquitur: Grâ-
ce à sa foi, tout mort qu’il est , il parle encore (Hebr. Xi,4.)
Si c’est une détestable pratique, flétrie par l’Ecriture
Sainte, de se servir de la magie pour interroger les morts, comme nous
le lisons de Simon-le-Magicien et de la pythonis dont il est question au
premier livre des Rois, il est au contraire très louable de réciter
pour eux des prières, auxquelles on les entendus plus d’une fois
répondre. L’histoire est riche en traits de ce genre. C’est ainsi
qu’on raconte du saint évêque Bristano, qui avait pour les
âmes du purgatoire une extrême dévotion, priant exactement
pour elles chaque jour au saint sacrifice, disant des messes de Requiem
toutes les fois que les règles liturgiques le permettaient, se levant
la nuit pour aller faire oraison sur leurs tombes dans les
181 :
cimetières, où il récitait en leur faveur les
psaumes de la pénitence, accompagnés de nombreuses supplications,
que dans une de ces circonstances, comme il achevait le Requiescant in
pace, il distingua clairement une foule de voix qui répondaient
au sein de la terre :Amen ! amen ! amen !
Le bienheureux François de Fabriano, de l’ordre des Frères-Mineurs,
fut témoin d’un semblable miracle. Il avait coutume d’appliquer
en suffrage aux défunts ses œuvres de dévotion et de pénitence
,unies aux mérites de Jésus sur la croix. Sa compassion pour
eux était si grande, qu’il ne pouvait pas même arrêter
sa pensée sur les tourments expiatoires de l’autre vie ; il frémissait
et tremblait, comme si cette image allait le faire mourir. Aussi, avait-il
une ferveur peu commune en priant pour eux, particulièrement au
saint autel. Un jour, il terminait une messe de Requiem par la post-communion
Fidelium Deus omnium conditor, etc., suivis de la formule qui remplace
l’Ite Missa est : Requiescant in pace ; on entendit dans toute l’église,
alors presque déserte, un concert de voix qui répondaient
en chœur : Amen ! Ce que le saint religieux interpréta comme un
cri de joie des âmes délivrées par l’auguste Victime
qu’il venait d’immoler.
Saint Grégoire de Tours rapporte quelque chose de plus
admirable encore. Au diocèse de Bordeaux, dans un bourg dont il
donne le nom, deux vénérables prêtres vinrent à
mourir presque au même moment, après une vie extrêmement
édifiante. Ils furent ensevelis dans la même église,
quoique à des endroits différents, et aux deux extrémités
de la nef. Or, pendant que le clergé partagé en deux chœurs,
chantaient l’office(l’his-
182 :
torien ne dit pas si c’était celui des morts), on entendit très
clairement la voix des deux défunts unie à celles des
chantres, l’un d’un côté, l’autre de l’autre ; et cela avec
tant d’harmonie, une si parfaite suavité d’organe, que les assistants
y prenaient un grand plaisir. On fut persuadé que Dieu permettait
le miracle pour faire connaître que ses serviteurs lui adressaient
leurs dernières supplications avant de monter au ciel, et en même
temps pour affermir la foi de nos ancêtres, qui à cette époque
étaient convertis depuis peu. Qu’on juge combien il y avait de charme
pieux à écouter ces âmes bienheureuses redire le psaume
: « Laetatus sum : Je me suis réjouis à la pensée
que nous irions à la maison du Seigneur. »
(V .j Bagutta, De admir. Orbis christiani. t.
II , chap4 ;saint Grégoire, De glor. Confessor., chap.47.)
182
54ème Merveille LA
DIVINE MARIE ET LE SCAPULAIRE
In me gratia omnis vioe…, in me spes vitoe : En moi est toute
le grâce de la voie, toute l’espérance de la vie.(Eccl. xxiv,25.)
Parmi les dévotions à la très-sainte Vierge qui
nous doivent inspirer la confiance d’échapper aux supplices du purgatoire
et de monter au ciel plus promptement, il faut mettre au premier rang celle
du Scapulaire. La
183
Mère de Dieu elle-même a daigné promettre
au bienheureux Simon que quiconque porterait ce saint habit dans les dispositions
convenables de mortification, de prière et de chasteté, feraient
une courte expiation dans l’autre vie. Cette promesse est rappelée
dans le bréviaire romain, à la sixième leçon
de la fête : Bentissimo Virgo relatos in societatem scapularis, etc.
La bulle pontificale dite Sabbatine fait également mention de ce
fait, et de ce que les associés obtiennent d’échapper aux
flammes du purgatoire, ou d’en être retirés le premier samedi
après leur mort, ce jour de la semaine étant spécialement
consacré à Marie. L’auguste Mère peut donc employer
ici le langage du Seigneur à son peuple, dans le Lévitique
: »In âc dic expiatio erit vestri alque munulatio ab omnibus
peccatis, sabbatum enim requietionis est : Ce jour-là vous aurez
accompli votre expiation et vous serez purifiés de tous vos péchés,
car c’est le samedi du repos. »Les annales des carmélites
contiennent plusieurs faits miraculeux dans ce sens.
A Otrante, ville du royaume de Naples , une dame de la haute
société éprouvait le plus sensible bonheur à
suivre les prédications d’un père de l’ordre des carmes,
grand promoteur de la dévotion envers Marie. Il assurait à
ses auditeurs que tout chrétien portant le scapulaire dans les sentiments
requis, en observant les faciles conditions de l’association, rencontrerait
le divine Mère sur la route de son dernier soupir, et qu’elle viendrait
le délivrer le samedi suivant, pour l’emmener avec elle au séjour
de la gloire. Cette dame donc, émue de si précieux avantages,
se fit inscrire et fit l’engagement d’observer les règles et les
conditions exigées. Sa
184
pété en augmenta considérablement ; sa joie la
plus vive était de prier Marie de jour et de nuit, de mettre en
elle sa confiance, de lui rendre toutes sortes d’hommages. Elle la suppliait,
entre autres grâces de lui obtenir de mourir, un samedi, afin d’être
immédiatement tirée du milieu des tourments mérités
par ses péchés.
Elle fut exaucée. Quelques années après,
cette pieuse dame tomba gravement malade, et, malgré l’assurance
contraire des médecins, elle comprit et déclara que s’était
sa fin, ce dont elle se réjouissait, dans l’espérance de
voir Dieu. Le mal fit de tels progrès, que les hommes de l’art annoncèrent
alors qu’elle ne passerait pas le mercredi suivant ; mais elle leur dit
: »Vous vous trompez encore ; je vivrai trois jours de plus et ne
mourrai que samedi. »L’événement justifia sa parole
et elle employa ses souffrances, comme un trésor inestimable, à
se purifier des restes de ses fautes. Puis, elle rendit l’âme à
son Créateur.
La perte d’une si bonne mère fut extrêmement douloureuse
pour une fille très pieuse qu’elle laissait sur la terre, et qui
se retira aussitôt dans un oratoire, où elle priait pour la
défunte. Elle y reçut la visite d’un grand serviteur de Dieu,
accouru pour la consoler. C’était un homme fameux par les grâces
dont le Ciel le comblait et par les révélations merveilleuses.
»Cessez ô pieuse enfant, lui dit-il, cessez de pleurer, et
que votre tristesse se change en joie. En perdant une mère ici-bas,
vous avez acquis une protectrice au ciel : car je vous assure qu’aujourd’hui
même, aujourd’hui samedi, grâce à la divine Marie, celle
que vous aimez tant est sortie du purgatoire et a été admise
parmi les
185 :
élus. Réjouissez-vous donc, et bénissez l’auguste
Vierge, notre bonne mère à tous ! »
(V. Philocalus Caputus, Histor. Miracul. Imag
. De Vuirg. Carmeli ;, ch XI. Carmelus thaumaturgu s, an. 1643)
185
55ème Merveille ACCUSATIONS
DU DEMON CONTRE LES MORTS
Satanas expedit vos, ut cribraret sicut
triticum :Satan a demandé à vous cribler
comme on crible le froment(Luc , xxii,34.)
Le démon poursuit au tribunal de Dieu, avec une cruelle
instance, les âmes qui viennent de quitter leurs corps et qui entrent
dans la vie éternelle. Il veut les entraîner au moins dans
le purgatoire, quand il ne peut obtenir pour elles l’enfer et la damnation.
On se fera une idée de ce combat d’après le récit
de saint Anselme, au sujet d’un de ses moines, appelé Osbern, qu’il
avait appelé à la parfaite observance des règles,
après une vie peu édifiante. Le converti vécut plusieurs
années dans les meilleures dispositions, à la grande joie
du saint abbé, qui l’aimait beaucoup. Au bout de ce temps et quoiqu’il
fut encore jeune, il fut visité par la maladie qui le devait mettre
au tombeau. Anselme, plein de chagrin, le veilla comme un père ;
puis, le voyant près d’expirer, il lui demanda en grâce de
lui faire savoir, après sa mort, quelque chose de l’état
où il se trouverait. Le moribond le promit, et expira.
186 :
Or, pendant que la communauté chantait les prières
ordinaires autour du corps, l’abbé s’était retiré
dans un coin pour n’être pas distrait, et pouvoir implorer avec plus
de recueillement la miséricorde divine sur le défunt. Là,
versant beaucoup de larmes, multipliant ses soupirs et ses supplications,
il implorait le salut de cette âme avec toute l’ardeur dont il était
capable. Le sommeil le surprit dans cette œuvre de charité ; alors
il eut une vision : il voyait entrer dans la chambre du défunt plusieurs
personnages vénérables, vêtus de blanc, qui s’asseyaient
pour prononcer la sentence ; mais il n’entendait rien, et se demandait
avec anxiété quelle elle serait, lorsque le religieux lui
apparût lui-même, le visage troublé inquiet, bouleversé,
comme quelqu’un qui sort d’un combat ou qui échappe à peine
d’un danger.-« Qu’y a t’il, mon fils ? lui dit l’abbé ; qu’est
ce qui a été prononcé ? » Il répondit
: »L’antique serpent s’est levé trois fois contre moi ; trois
fois il a voulu m’abattre ; mais les oursiers du Seigneur m’ont délivré…
»Le saint s’éveilla et ne vit plus rien.
Anselme comprit que cette vision avait un sens. Il l’interpréta.
Osbern avait été trois fois poursuivi par le démon
devant le juge suprême : la première, pour les péchés
commis depuis son baptême, avant son entrée en religion ;
la seconde, pour ceux dont il s’était rendu coupable depuis sa retraite
dans le monastère ; la troisième, depuis ses voeux jusqu’à
la mort. Mais trois fois l’ennemi avait dû faire retraite : car les
premières fautes avaient été effacées par la
foi et la générosité d’un adieu volontaire au monde
; elles du noviciat, par la ferveur avec laquelle il avait prononcé
ses engagements définitifs ; celles de la dernières époque,
par les
187
sacrements pieusement reçus et la pénitence courageusement
embrassée. L’accusateur maudit avait donc été confondu
sur tous les points, et, en fin de compte, il avait dût retirer son
opposition. Quant à ces oursiers du Seigneur, qui avaient délivré
le défunt, Anselme entendait par là les bons anges, qui ont
mission de museler la bête infernale, et de l’empêcher de déchirer
le troupeau de Jésus-Christ.
Afin de se montrer vrai père spirituel, le bon saint
abbé dit la messe pendant toute l’année suivant en faveur
d’Osbern ; il désirait abréger les peines du Purgatoire auxquelles
il ne doutait guère qu’il eut été condamné,
pour la tiédeur et les infidélités de quelques-unes
de ses années de religion ; s’il était empêché
de célébrer lui-même, il se faisait remplacer dans
cet office de charité. De plus, il recommanda la même intention
à divers monastères. Et ainsi, non-seulement les défunts
en obtinrent du secours, mais les vivants apprirent de ce bel exemple à
prier pour les âmes souffrantes, que nous sommes trop disposés,
hélas ! à oublier.
(V. Acta Sanctorum, 21 avril in, 70.).
188
56ème Merveille
UN PURGATOIRE PLUS LONG A QUI N4A PAS PRIE
POUR LES MORTS
Qui non diligit manet in morte : Celui qui
n’aime moint demeure dans la mort(1 Jean ,iii,14)
Dans la belle Vie de saint Malachie, archevêque d’Armagh, saint
Bernard loue hautement la dévotion du prélat envers les âmes
du purgatoire, mais il blâme au même degré la sœur de
Malachie, animée de tout autres sentiments. Etant encore diacre,
l’archevêque aimait à assister aux funérailles des
pauvres, afin de prier pour eux ; il les accompagnait au cimetière
; souvent même il les ensevelissait de ses propres mains, cet office
lui paraissant propre à développer l’humilité autant
que la pratique de la charité. Mais, comme le saint homme Tobie,
il devait être éprouvé et tenté par la femme,
ou plutôt par l’antique ennemi du genre humain. Sa sœur, toute aux
idées du monde, tenait à déshonneur qu’un membre de
sa noble famille se consacrât à des œuvres si basses, et lui
disait avec colère : »Beau métier tu fais là,
fou et grossier personnage ! est-ce l’occupation d’un homme de ton rang
?Laisse les morts ensevelir les morts, selon le mot du Seigneur… »Et,
abusant de ce texte évangélique, elle le tourmentait de ses
reproches et de ses plaintes.
189 :
Malachie lui répondait avec douceur, mais non sans fermeté
: »Pauvre fille, que dis-tu ? Tu sais les mots du texte sacré,
mais tu n’en pénètres guère le sens. »Et il
continuait de s’acquitter de l’humble fonction, où Dieu le récompensait
par de grandes consolations intérieures.
Cependant me Ciel ne laissa pas impunie l’imprudente témérité
de cette femme. Elle mourut assez jeune et parut devant le Juge terrible,
qui lit jusqu’au fond du cœur et demande compte de ses moindres mouvements.
Malachie avait eu à se plaindre d’elle ; mais ,quand elle fut morte,
il ne pensa plus qu’aux besoins de son âme, et pria pour elle avec
tout le zèle dont il était capable . Une nuit, pendant son
sommeil, longtemps après, il lui sembla la voir dans la cour de
l’église, triste, vêtue de noir, sollicitant sa compassion,
parce qu’il y avait trente jours qu’elle n’éprouvait plus de soulagement.
Le saint homme s’éveille en sursaut, tout plein de ce rêve,
et il se rappelle en effet que depuis un mois il n’a pas dit la sainte
Messe pour sa sœur. On peut croire que Dieu avait encore permis cet oubli
en punition de son insensibilité ancienne envers les défunts.
Le pieux frère se remet donc à ses suffrages,
et dès le lendemain il monte à l’aute l et offre dans ce
but le saint sacrifice. Peu après, la morte se fit voir à
lui dans une autre vision : elle se tenait sur le seuil de l ‘église,
comme s’il ne lui était pas encore permis d’entrer, et elle gémissait.
Il persévéra donc dans ses prières, n’omettant pas
un seul jour l’auguste sacrifice. Alors il la vit entrer, mais elle ne
pouvait avancer jusqu’à l’autel, malgré tous ses efforts.
Bref, le saint ne cessa point de
190 :
célébrer qu’il ne l’eût revue admise auprès
de l’autel magnifiquement parée, brillante, heureuse, parmi une
foule d’âmes éclatantes comme elle, qui paraissaient quitter
aussi le lieu de l’épreuve, après leur expiation terminée.
Ce qui démontre une fois de pluscomme l’observe saint Bernard lui-même,
la puissance de la sainte Messe pour nous purifier de toutes nos fautes
et nous rendre agréables à Dieu : « Hoc plané
sacaramentam, dit-il, potens est peccata consummare, debellare obvias potestas,
inferre coelis revertentes de terrâ »
Mais nous ne devons point ici omettre le récit de la
grâce que valut à saint Malachie sa grande charité
envers les âmes du purgatoire. Il avait un jour convoqué les
personnes dont il dirigeait la conscience à une conférence
spirituelle, où, discourant du dernier passage, il demandait à
chacun où et quand il lui serait plus agréable de mourir.
Les uns indiquaient une fête, les autres une autre ; ceux-là
un endroit, ceux-ci tel autre, etc. Quand ce fut au tour du saint de manifester
sa pensée, il dit que quant au lieu, il ne finirait nulle part plus
volontiers sa vie , hors de l’Irlande, qu’au monastère de Clairvaux(dirigé
par saint Bernard), afin de jouir tout de suite des saints sacrifices de
ces fervents religieux ; et que quant au temps, il préférerait
le jour de la fête des morts, afin d’avoir toutes les prières
qui se font ce jour-là dans le monde catholique pour les défunts.
Ce souhait de sa piété fut accompli de point en point. Comme
il se rendait auprès du souverain-pontife Eugène III ? il
fut surpris que le Seigneur l’exauçait, car il s’écria avec
le prophète : « Voici mon repos pour toujours ; je l’ai choisi
191 :
et j’y demeurerai :Haee requies mea in saaeculam saeculi hie habitabo,
quniam elegi eam. »(Ps. 131.)En effet le lendemain de la Toussaint,
il rendit son ¨me au Créateur, et courut recevoir la récompense
de ses vertus(Nous avons connu une pieuse religieuse, Zénaïde-Pauline
p…, qui attaquée d’une maladie affreuse depuis plusieurs années
, suppliait Notre-Seigneur de lui accorder de mourir le jour de la commémoration
des fidèles défunts, pour lesquels elle avait toujours eu
une grande dévotion. Il lui fut accordé comme elle désirait.
Le 2 novembre au matin, après deux ans de souffrances supportées
avec le courage le plus chrétien, elle se mit à chanter un
cantique d’action de grâce, et expira doucement quelques instants
avant l’haure où commence la célébration des messe
dans touts les églises)
191
57ème Merveille RIGUEUR
DE LA JUSTICE DIVINE.
(Ajoutée par le traducteur de l'italien en français).
Justicia et judicium praeparatia sedis luce :
Le jugement et la justice sont l’appui de votre trône(Ps.lxxxviii,15)
Telle est la sainteté de notre Sauveur, qu’il ne saurait souffrir
souillure dans ceux de ses enfants q’il appelle l’éternelle couronne.
Nous avons à lui rendre compte de tout sans exception, pensées,
actions, omissions volontaires, paroles, aspirations, etc.
192 :
Qui donc ne tremblerait à la pensée de ce jugement que
nul ne pourra éviter ?Qui ne s’appliquerait à préparer
une sentence favorable, en se ménageant des intercesseurs et des
protecteurs ? Voici un fait, tout récent, qui donnera à penser
aux plus insensibles.
En Amérique, grâce aux progrès consolants
du catholicisme, presque tous les ordres religieux ont fondé des
maisons florissantes, où l’ontravaille généreusement,
par la prière, l’aumône et les labeurs de l’apostolat, à
étendre le règne de Jésus-Christ. Les bénédictins,
entre autres, ont une abbaye du nom de Saint-Vincent, au village de Latrobe.
C’est en 1846 que le P.Boniface Wimmer fonda ce monastère, lequel
dix ans après était élevé à la dignité
d’abbaye et agrégé au Mont-Cassin d’Italie. Le bruit courut,
au commencement de 1860, qu’une âme était apparue à
l’un des religieux, afin de réclamer ses prières. Aussitôt
les mauvais journaux de se répandre, selon leur coutume, en plaisanteries
et en grossières impiétés. Le vénérable
Wimmer, affligé de ces scandales, crut devoir faire et publier le
26 février 1860, de déclaration suivante :
« Voici la vérité. Dans notre abbaye de Saint-Vincent,
près de Latrobe, le 18 septembre 1859, un novice a vu apparaître
un moine bénédictin en costume complet de chœur. Cette apparition
s’est renouvelée chaque jour, depuis le 18 septembre jusqu’au 19
novembre, soit de onze heure à midi, soit de minuit à deux
heures du matin. Le 19 novembre seulement, le novice a interrogé
l’esprit, en présence d’un autre membre de la communauté,
sur ce qu’il demandait. L’esprit a répondu qu’il souffrait depuis
soixante-dix-sept ans, pour n’avoir pas dit sept messes d’obligation ;
qu’il était déjà
193
apparu, à diverses époques, à sept autres bénédictins,
qu’il n’avait pas été entendu ; qu’il serait contraint d’apparaître
encore onze années si lui, novice, ne venait pas à son secours.
L’esprit demandait que ces sept messe fussent dites pour lui ; de plus
, le novice devait pendant sept jours demeurer en retraite et garder un
profond silence ; en outre, et pendant trente-trois jours, il devait réciter
trois fois par jour le psaume 50(Miserere mei, Deus), les pieds nus et
les bras élevés au ciel.
« Toutes ces conditions ont été remplies,
à dater du 21 novembre jusqu’au 25 décembre, où, après
la célébration de la dernière messe, l’esprit a disparu.
Pendant cette période, l’esprit s’était montré encore
plusieurs fois, exhortant le novice, dans les termes les plus touchants,
à prier pour les âmes du purgatoire, disant qu’elles souffrent
affreusement, et qu’elles sont profondément reconnaissantes envers
ceux qui concourent à leur rédemption. L’esprit a ajouté,
chose bien triste à dire, que, des cinq prêtres qui sont déjà
morts à notre abbaye, aucun n’était encore au ciel, que tous
souffraient dans le purgatoire. Je ne tire pas de conclusions mais tout
ceci est exact. »
Telle est la déclaration de l’abbé, signée
de sa main. Les conclusions frappent le plus distrait des lecteurs. Préparons-nous
avec tremblement à cette discussion sévère de notre
vie, et, si nous voulons être secourus un jour, secourons nous-mêmes
ceux qui souffrent et qui s’adressent à notre charité.
(V. le journal Le Monde, 4 avril 1860 n.47.)
194
58ème Merveille Protection miraculeuse
quand même je serais attaqué par les forces ennemis
mon coeur ne tremblera point (Ps. XXVI, 3)
Déjà nous avons rapporté le
secours miraculeux accordé par les âmes du purgatoire
à un soldat dévot pour
elles mais de même que la Sainte-Ecriture nous montre plusieurs
fois les
légions célestes volant à la défense des
Israélites contre les armées de
Sennachérib et du roi de Syrie de même dans les annales
de l'Eglise nous
lisons plus d'une intervention de ce genre de la part des pauvres âmes
souffrantes en faveur des princes qui songeaient à leur soulagement
Eusèbe
duc de Sardaigne est un de ces témoins ce prince était
tellement dévoué aux
âmes du purgatoire que indépendamment des aumônes
considérables qu'il
faisait à leur intention il avait consacré à cette
oeuvre les revenus d'une
ville entière ou la piété était en honneur
on l'appelait pour ce motif la
Ville de Dieu et tout l'argent qui en provenait pour le trésor
de l'Etat
servait aux oeuvres saintes à l'entretien d'un certain nombre
de prêtres et
de chapelains chargés de célébrer journellement
en faveur de ces âmes le
démon ne put souffrir une si belle institution et il excita
Ostorge roi de
Sicile qui avait de grandes richesses et
195
des troupes nombreuses à déclarer la guerre à
Eusèbe sous de frivoles
prétextes Ostorge se mit donc en route assiégea cette
ville et s'en empara
dès que le duc apprit cette nouvelle il en éprouva une
aussi vive douleur
que s'il eût perdu la moitié de ses états aussitôt
il assemble ses officiers
tient conseil avec eux et se résout à tout entreprendre
pour chasser
l'ennemi de cette place l'armée se forme bien inférieure
à celle des
Siciliens et l'on marche ce n'était pas sans crainte à
cause de cette grande
infériorité mais voici que les sentinelles avancées
signalent au loin des
légions de cavalerie et d'infanterie vêtues de blanc chevaux
blancs armes et
bannières blanches le duc reste interdit d'une part il
tremblait que ce ne
fussent des renforts siciliens de l'a utre il lui semblait comprendre
que
Dieu lui envoyait du secours il se décide à expédier
des hérauts d'armes au
nombre de quatre pour faire une reconnaissance et découvrir
à qui l'on a
affaire dès qu'ils furent à égale distance des
deux armées quatre hérauts
des nouveau-venus se détachèrent et marchant vers eux
les saluèrent en
disant "N'ayez aucune crainte nous sommes la milice du souverain Roi
et nous
accourons au secours de votre prince qu'il vienne s'entendre avec notre
chef
" le duc s'avança et joignit ses soldats à ceux que le
Ciel lui adressait
ainsi miraculeusement dès qu'Ostorge aperçut les légions
qu'il avait à
combattre ces vêtements blancs ces légions martiales qui
lui étaient
inconnues il fut saisi de terreur des éclaireurs envoyés
à la découverte lui
rapportèrent que ces nouvelles légions ne pouvaient apparaître
que par
miracle personne dans le pays ne comprenant d'ou ni comment
196
elles étaient venues en même temps il fut sommé
de restituer la Ville de
Dieu à son légitime souverain il s'empressa d'accéder
à toutes les
propositions répara le dommage qu'il avait causé et se
retira en toute hâte
Eusèbe rendit à Dieu ses actions de grâces et remercia
les généreux inconnus
leur chef lui répondit : " Sachez prince que presque tous ces
soldats que
vous voyez sont des âmes tirées du purgatoire par vos
suffrages le Seigneur
leur a confié le soin de vous protéger dans cette extrémité
continuez donc
cette charitable dévotion et n'oubliez jamais qu'autant d'âmes
vous délivrez
autant vous acquérez d'amis et de défenseurs au ciel
." Puis tout disparut
le duc se jeta à genoux et bénit le Dieu de toute miséricorde
qui
n'abandonne jamais les siens (V. Henri Grandgermain, Magn. Specul.exem.,
dist. 9, ex. 184.)
196
59ème Merveille Apparitions
et révélations
nous savons que nous avons été
transférés de la mort à la vie. (I Joan, III,
14.)
Quoique déjà nous ayons
cité des apparitions et des révélations terribles
sur les mystères de
l'autre vie pour la confusion de ces impies à qui il plaît
de répéter
197
que personne n'est revenu nous dire ce qui s'y passe je n'hésite
pas à en
rapporter deux autres appuyées sur l'indiscutable autorité
du grand saint
Thomas d'Aquin témoin occulaire cet illustre docteur la gloire
de l'Eglise
et de l'esprit humain était pénétré d'un
grand zèle pour les pauvres âmes et
il pensait à elles dans ses sacrifices ses prières et
ses mortifications
lorsqu'il était lecteur de théologie de l'Université
de Paris il vit
apparaître devant lui l'âme de sa soeur morte abbesse de
Sainte-Marie de
Capoue qui le conjura d'avoir pitié d'elle car elle souffrait
cruellement
dans les flammes de l'autre vie et avait grand besoin d'être
secourue le
saint s'empressa de prier de jeûner de se macérer et de
réclamer les
charitables suffrages de plusieurs de ses amis il obtint la délivrance
de sa
soeur et il en eut l'assurance à Rome ou on l'avait envoyé
elle se fit voir
à lui de nouveau mais cette fois dans tout l'éclat du
triomphe et de la joie
elle lui dit qu'il était exaucé que désormais
elle allait pour l'éternité se
reposer dans le sein de Dieu Thomas saisit cette occasion de lui demander
ce
qu'étaient devenus deux de ses frères morts depuis
quelque temps l'âme
répondit que celui qui se nommait Arnaud jouissait dans le ciel
d'un haut
degré de gloire pour avoir courageusement défendu le
souverain pontife
contre l'empereur Frédéric d'Allemagne et avoir souffert
persécution sur ce
sujet mais que Landolphe était encore dans les peines du purgatoire
ou il
attendait qu'on s'intérressât à lui elle ajouta
:" Pour vous mon frère
hâtez-vous de mettre la dernière main aux saintes choses
que vous avez
entreprises car vous viendrez bientôt vous réunir
à nous dans
198
le paradis ou une place magnifique vous attend en récompense
de tout ce que
vous faites pour l'Eglise." Une autre fois comme le saint faisait oraison
dans l'église de Saint-Dominique à Naples il aperçut
tout-à-coup frère
Romain qu'il avait laissé à Paris dans sa chaire de théologie
pensant qu'il
vivait encore et qu'il venait le voir il se leva pour aller à
sa rencontre
et le saluer en s'informant de son voyage et de sa santé le
bon religieux
l'arrêtant lui dit que sa vie terrestre était achevée
qu'il avait reçu déjà
la couronne et qu'il était envoyé de Dieu pour encourager
Thomas dans ses
travaux celui-ci interdit au premier moment reprit courage et l'interrogea
sur ce qu'il mettait au-dessus de tout : " Suis-je en état de
grâce ? "
demanda-t-il le défunt sourit l'assura qu'il y était
et que ses oeuvres
étaient agréables à la divine Majesté il
l'interrogea ensuite sur son propre
état à lui et Romain lui répondit qu'il jouissait
actuellement de la gloire
après quinze jours de purgatoire pour différentes infidélités
qu'il n'avait
point expiées auparavant enfin il voulut apprendre de cette
âme certains
détails théologiques si par exemple dans le ciel on voit
Dieu par le moyen
de la gloire élevant l'intelligence ou bien par toute autre
action divine il
lui fut répondu seulement par le verset neuvième du psaume
XLVIIe : " Sicut
audivimus sic vidimus in civitate Domini virtutum : nous avons vu dans
la
cité du Dieu puissant selon ce que nous avons appris." En prononçant
ces
mots la vision s'évanouit laissant l'angélique docteur
dans une grande
impatience de monter auprès de son Sauveur adorable on voit
par ce double
trait qu'en assurant que Dieu se sert quelquefois des âmes pour
en faire ses
messagers
199
comme il fait des anges saint Thomas parlait après une expérience
personnelle qui ne pouvait le laisser dans le moindre doute ( V. Vie
de
saint Thomas d'Aquin, par Pierre Mafféi ; Dario Dominicano,
7 mars.)
60ème Merveille mérite
de la sainte obéissance.
Vous serez comme un enfant du Trés-Haut obéissant
et il aura pitié de vous ( Eccl.5 ou 15 ,11.)
Parmi les grands avantages de la
vertu d'obéissance si fortement recommandée par la sainte
Ecriture et par
les saints Pères l'un des principaux est de délivrer
des peines du
purgatoire ou du moins de les adoucir cela se comprend aisément
celui qui
obéit en suivant les ordres du Seigneur qui lui sont intimés
par son
supérieur entre en conformité parfaite avec la divine
volonté c'est pourquoi
il ne saurait être puni pour des actions accomplies selon les
lois de
l'infaillible sagesse Saint Jean Climaque dit de la sincère
obéissance
qu'elle est le bouclier de nos oeuvres au grand tribunal voici un exemple
la
bienheureuse Emilie dominicaine prieure du monastère de Sainte-Marguerite
à
Verceil aimait à développer devant ses religieuses le
mérite de l'obéissance
200
au point de vue spécial du purgatoire un des articles de la
règle
interdisait de boire entre les repas à moins d'une permission
expresse de la
supérieure et celle-ci avait pour pratique ordinaire de la refuser
afin de
fournir à ses soeurs une occasion de pénitence facile
seulement elle
s'efforçait de leur adoucir ce refus en les invitant à
offrir leur soif à
Jésus en croix tourmenté de la même façon
et à un degré bien plus
insupportable elle leur conseillait de réserver cette eau pour
l'autre vie
ou les ardeurs du purgatoire la leur feraient désirer et d'en
confier le
dépôt à l'ange gardien jusqu'à ce
moment-là une des soeurs Cécile Avogadra
étant un jour pressée d'un besoin de ce genre vint demander
à la servante de
Dieu l'autorisation de boire mais inspirée d'en-haut elle ne
la lui accorda
pas et l'exhorta à s'imposer pour Jésus en croix cette
légère car elle se
sentait très-altérée toutefois elle se rendit
à l'obéissance et fit son
offrande de bon coeur au divin Epoux elle mourut peu de temps après
il y
avait trois jours qu'elle était ensevelie lorsqu'elle apparut
toute
resplendissante à la mère Emilie elle lui raconta avec
mille actions de
grâces que devant souffrir en purgatoire pour un attachement
déréglée à ses
parents elle avait été délivrée très
promptement en récompense de ces
quelques gouttes de rafraîchissement qu'elle avait sacrifiées
à l'obéissance
le troisième jour son ange gardien était descendu dans
le lieu des tourments
portant cette eau offerte au Seigneur et la versant sur les flammes
les
avait éteintes pour la conduire avec lui dans l'éternel
séjour
201
nous devons rapporter aussi ce que fit notre bienheureuse à
l'égard d'une
autre soeur appelée Marie- Isabelle qui éprouvait du
dégoût pour le choeur
auquel elle préférait la conversation et d'autres amusements
elle était
toujours la première à sortir après le dernier
verset des psaumes or la
prieure affaire la pressait ainsi de s'éloigner à la
hâte avant toutes les
autres même avant les anciennes la bonne religieuse sans chercher
à feindre
avoua qu'elle s'ennuyait un peu à l'office et qu'elle trouvait
trop lente la
marche de la communauté " C'est très bien reprit la prieure
mais dites-moi
s'il vous en coûte d'être commodément assise au
milieu de nous à chanter les
louanges divines comment donc ferez-vous dans le purgatoire lorsque
vous
serez détenue au milieu des tourments ? je juge nécessaire
de vous éviter
pour l'avenir cette terrible quitter votre place que la dernière."
la soeur
se soumit avec grande simplicité Dieu bénit cette obéissance
pieuse en lui
ôtant le dégoût et l'ennui dont elle se plaignait
elle éprouva au contraire
une consolation extrême à prier longuement et à
rester au choeur après
toutes les autres ce n'est pas tout elle obtint encore à cause
de cela
d'être délivrée du purgatoire avant le temps d'expiation
imposée à ses
défauts et que les heures qu'elle avait ainsi passées
en oraison
d'obéissance fussent comptées pour heures de purgatoire
en quoi sans doute
elle fut aidée par les prières de la bienheureuse Emilie
très efficaces pour
les âmes souffrantes nous savons par son historien qu'elle avait
obtenu de
la sorte par sa fervente intercession que son propre père vît
changer en
202
trois heures seulement les trois jours de purgatoire prononcés
contre lui
(V. Diario Domenicano, 3 mai.)
202
61ème Merveille Dévouement
charitable.
Nous devons pour nos
frères donner notre vie.( I Joan, III, 16.)
Le nom du P. Jean-Eusèbe
Nieremberg (Ce père de l'ordre des Jésuites était
espagnol et vécut de 1590 à 1668.)
est fort connu pour les ouvrages qu'il a publiés en faveur
de la
religion et de la piété on ne sait pas aussi bien peut-être
à quel point il
portait la dévotion aux âmes du purgatoire il s'imposait
pour elles des
mortifications fréquentes accompagnées d'oraisons et
de prières il y avait à
la cour de Madrid parmi ses pénitents une dame de qualité
que sa direction
sage et expérimentée avait conduite à une haute
perfection au milieu du
monde cette dame d'une faible complexion tomba dangeureusement malade
d'une
fièvre maligne à laquelle les médecins ne surent
point trouver de remède
avertie du péril elle en témoigna un profond
chagrin non seulement à cause
des oeuvres utiles qu'elle avait entreprises et qu'il fallait abandonner
mais aussi par la
203
crainte du purgatoire ou elle prévoyait que la divine justice
la retiendrait
le P. Eusèbe qui l'assistait usa de toutes les industries de
sa charité de
tous les raisonnements les plus convaincants pour lui donner du courage
de
la soumission à la volonté de Dieu et l'armer par les
sacrements contre les
derniers combats mais elle toute livrée à son trouble
et à ses terreurs
différait de jour en jour jusqu'à ce qu'elle tomba dans
une sorte de
léthargie privée de connaissance entre la vie et la mort
Alarmé à la pensée
qu'une personne qui avait donné de si saints exemples pût
expirer sans les
secours de l'Eglise reçus en pleine liberté d'esprit
le confesseur se retira
dans une chapelle voisine près de la chambre de la moribonde
il y offrit le
saint sacrifice avec une grande ferveur conjurant le Seigneur d'accorder
à
la malade au moins le temps de se reconnaitre et dêtre munie
des sacrements
avant de paraitre devant lui il s'offrit à la justice
divine pour souffrir
lui-même dans cette vie les tourments qui lui étaient
réservés au purgatoire
afin que délivrée de cette appréhension elle se
résignât plus facilement à
mourir Dieu fut favorable à une si pieuse et si charitable prière
la messe
était à peine achevée que la dame revint à
elle et avec un tel changement de
dispositions qu'elle demanda d'elle-même les sacrements
et les reçut avec
la plus édifiante ferveur quand ensuite elle entendit le P.
Eusèbe l'assurer
qu'elle ne devait plus craindre le purgatoire elle se soumit entièrement
à
la mort et expira dans la plus parfaite tranquilité on vit bien
que la
prière du bon religieux avait été doublement exaucée
car à partir de cet
instant et pendant seize ans qu'il vécut encore son existence
ne fut plus
qu'un
204
martyre et un rigoureux purgatoire aucun remède naturel ne pouvait
soulager
ses douleurs et il n'avait d'autre adoucissement que le souvenir de
la cause
généreuse pour laquelle il les endurait ses prières
n'étaient pas moins
profitables aux âmes déjà condamnées à
ce feu terrible comme on le vit en
plusieurs occasions il ne manquait point de réciter chaque jour
le chapelet
à leur intention et de gagner pour elles le plus d'indulgences
qu'il se
pouvait dévotion à laquelle il invita depuis les fidèles
dans un ouvrage
spécial le chapelet qu'il possédait avait reçu
quantité de bénédictions de
ce genre il eut le chagrin de le perdre et se vit dans la nécessité
d'en
emprunter chaque jour un semblable à l'un de ses amis ce qui
se pouvait
faire alors un jour cependant occupé plus que de coutume à
différentes
affaires qui avaient pour objet la gloire de Dieu il s'aperçut
fort tard
qu'il avait oublié son tribut quotidien de prières et
qu'il ne pouvait plus
à cette heure avancée avoir recours à son ami
ce lui fut une peine
très-sensible il se mit à genoux pour supplier les pauvres
âmes de lui
pardonner leur offrant sa bonne volonté son désir de
gagner sur ce rosaire
les indulgences qui les soulageaient mais il ne l'avait point et ne
pouvait
se le procurer pour ce jour-là il priait encore lorsqu'il entend
un bruit
singulier au plafond de sa chambre il y jette les yeux et aussitôt
il en
voit tomber son propre chapelet avec toutes les médailles qui
y étaient
attachées il ne douta pas que ce ne fussent les âmes pour
lesquelles il
méritait qui le lui eussent renvoyé je laisse à
juger avec quelle ferveur
nouvelle après cette merveille il récita les cinq dizaines
accoutumées et
combien il se fortifia dans une pratique qu'il voyait si utile et si
favorisée du ciel.
205
on a conservé de lui un autre trait non moins précieux
il se tenait une nuit
priant au milieu du choeur de l'église du collége impérial
de Madrid quand
il vit apparaître à ses yeux l'âme d'un père
lecteur de théologie mort
quelques jours auparavant le défunt réclamait une part
de ses suffrages
parce qu'il était condamné à de rudes tourments
dans le lieu d'épreuve il
avoua même que le sujet de ces tourments était d'avoir
souvent rapporté aux
supérieurs avec exagération et sans assez de charité
les défauts du prochain
à cause de cela sa langue était livrée à
un feu cuisant cependant la divine
miséricorde et l'intercession de Marie lui avaient accordé
de venir
solliciter des prières et de servir en même temps
d'exemple aux autres il
espérait donc qu'un si charitable religieux autrefois son ami
dévoué
d'ailleurs aux âmes des défunts aurait compassion de lui
le P. Eusèbe fut
extrêmement touché de ce discours et ayant promis ce qu'on
lui demandait se
hâta de faire part de tout au supérieur le jour suivant
dès l'aube il
célébra la sainte Messe pour cette âme et continua
de prier et de faire
pénitence à son intention bientôt elle lui apprit
que grâce à lui l'instant
du triomphe était arrivé pour elle
(V. Alph. de Andrada. Vita P. Jos. Nierembergii, S. J. c. IX.)
206
62ème Merveille Suffrages
conformes aux bonnes oeuvres accomplies pendant la vie
chacun
recevra ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il
aura faites
pendant qu'il était revêtu de son corps ( II. Cor. v,
10.)
La justice divine
proportionne les châtiments aux fautes celui qui a été
ici-bas dur pour les
pauvres ne trouve plus après sa mort de compassion ni de miséricorde
celui
qui fut idolâtre de son corps ne lui refusant aucune voluptés
après
lesquelles il s'élance se voit condamné à des
tourments atroces sans
adoucissement la même corrélation a lieu de la part de
la bonté céleste à
l'égard des vertus contraires celui qui aima et pratiqua l'aumône
est
soulagé dans le purgatoire par les suffrages de l'aumône
celui qui aima et
pratiqua la mortification est soulagé par les suffrages de la
pénitence et
ainsi du reste nous nous préparons donc à nous-même
notre avenir l'empereur
d'Allemagne Othon IV avait été le généreux
bienfaiteur des maisons
religieuses et en même temps d'une grande austérité
personnelle aussi après
sa mort il reçut un grand soulagement dans ses peines et fut
promptement
délivré en vertu des prières et des
207
mortifications des moines il était mort dans une parfaite réputation
de
religion et chacun le croyait au ciel lorsqu'un matin il se fit voir
à l'une
de ses tantes pour réclamer le secours de ses prières
celle-ci était abbesse
d'un couvent fort régulier et elle exerçait sur
les soeurs non-seulement
l'autorité de sa charge mais celle aussi de son éminente
vertu et des dons
miraculeux de la grâce qui brillaient en elle elle était
donc ce matin-là à
une fenêtre du parloir elle entendit frapper légèrement
à la porte qui
s'ouvrit aussitôt d'elle-même et voici l'empereur qui s'avance
dans
l'attitude d'un suppliant " Je suis lui dit-il d'un ton douloureux
passé à
l'autre vie et je languis dans les peines du purgatoire Ah si vous
avez pour
moi quelque compassion montrez-la je vous en supplie que les monastères
avertis par vous me viennent en aide qu'on récite en ma faveur
le psautier
un grand nombre de fois avec la discipline pendant le De profundis
et de
plus l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique cette expiation
volontaire me purifiera j'en ai l'assurance car j'ai fait du bien aux
ordres
religieux et Dieu veut me délivrer par eux." Le prince pouvait
bien parler
ainsi ayant l'année même de sa mort dans une grande disette
qui régnait par
tout le pays secouru de toutes ses ressources les maisons consacrées
à la
retraite et à la prière avertis par l'abbesse les différents
monastères
accomplirent en hâte ce que le défunt attendait d'eux
les prières et les
austérités comme il les avait demandées en reconnaissance
de sa protection
passée peu de jours s'écoulèrent et l'âme
apparut de nouveau de la même
manière et au même lieu mais quelle différence
une telle lumière émanait
d'elle une gloire si admirable
208
l'environnait que les yeux en étaient éblouis elle exprima
sa gratitude dans
les termes les plus touchants avec mille bénédictions
au Ciel qui daignait
la recevoir parmi les élus éternellement couronnés
(V. Thom. de Catimpré,
Apum, liv, II, c. 35, n°19 ; Théoph. Reynaud, Heier Spirit,
q. II. lect. 3,
6e point, qu. 6e.)
208
63ème Merveille
Idée du feu du purgatoire et des leçons qu'il nous donne
il a mis le feu à mes os,et il m'a instruit (Threni
I, 13.)
la vie de la
bienheureuse Catherine de Racconigi est pleine de visions admirables
de la
gloire du paradis des supplices de l'enfer et des peines du purgatoire
Dieu
daigna lui donner de ces dernières non-seulement des visions
mais une preuve
sensible parce qu'il voulait exciter dans son coeur un zèle
ardent pour la
délivrance des âmes qui y gémissent le Sauveur
lui apparut un jour et tira
du sang de la poitrine de la sainte lui faisant entendre qu'une partie
tombait sur la tête des pêcheurs et l'autre sur les âmes
du purgatoire
Catherine comprit donc que par ses prières ses exhortations
ses pénitences
elle devait convertir beaucoup d'hommes éloignés de leur
Créateur et en même
temps
209
délivrer beaucoup d'âmes du lieu de l'expiation bientôt
ce zèle redoubla
encore à l'occasion du fait que je vais rapporter comme elle
était une fois
étendue dans son lit avec une grosse fièvre elle se mit
à méditer sur les
tourments de l'autre vie bientôt elle se sentit ravie en extase
et conduite
en présence des flammes même du purgatoire là le
Seigneur afin qu'elle
conçut une dévotion plus grande voulut qu'elle regardait
ce terrible feu
elle entendit une voix qui lui disait : " Tu vas ressentir tout cela
pour un
moment." A l'instant même une étincelle se détacha
et vint toucher sa joue
gauche à la vue de quelques-unes de ses compagnes qui se tenaient
autour de
son lit pour l'assister dans sa maladie or la douleur qu'elle
en éprouva
fut telle que son visage tout entier enfla et resta plusieurs jours
dans cet
état elle disait que en comparaison de ce que cette simple étincelle
lui
causait de tourments les souffrances de cette vie n'étaient
absolument rien
dès cette heure elle redoubla de dévouement pour les
pauvres âmes il lui
semblait qu'elle ne faisait jamais assez en leur faveur bien qu'elle
s'imposât les plus dures austérités
et travaillât de toutes ses forces à
les soulager plusieurs de ces âmes lui apparurent pour la remercier
de leur
délivrance et l'encourager dans sa dévotion la première
qu'elle vit ainsi
d'abord dans un cachot obscur puis brillante de célestes clartés
fut celle
d'un prieur de la chartreuse ce religieux était tombé
dans le schisme du
conciliabule de Pise et quoiqu'il eût été relevé
des censures à l'article de
la mort il avait laissé à la communauté quelques
doutes sur sa conversion
210
sincère et sur son salut éternel Catherine manifesta
ce qui lui en avait été
révélé et réclama les prières des
moines jusqu'au moment ou elle acquit la
certitude de la délivrance plus étonnante fut son histoire
avec une soeur du
tiers-ordre laquelle étant passée inopinément
de vie à trépas elle désirait
vivement de savoir en quel état elle se trouvait pendant la
cérémonie de
l'enterrement elle supplia le Seigneur de lui faire connaître
ce mystère et
elle fut exaucée le cadavre qui était exposé à
découvert avait selon l'usage
les mains croisées sur la poitrine la droite se leva saisit
celle de
Catherine qui était près de la bière et la serra
fortement comme si l'eût
conjurée de se souvenir de leur amitié et de lui accorder
le bénéfice de ses
suffrages elle l'entendit ainsi pria beaucoup et finit par voir cette
âme
qui lui apparut directement pour la remercier la bénir et l'assurer
qu'elle
était admise dans le sein de Dieu Catherine recevait elle-même
par le moyen
de ces âmes reconnaissantes des grâces précieuses
particulièrement de
révélations de choses éloignées ainsi par
exemple lorsque l'armée française
descendit en Lombardie en 1525 sous la conduite de François
1er et mit le
siège devant Pavie la reine Claude première femme de
ce prince se fit voir à
notre bienheureuse et lui annonça la prise du roi et la défaite
de ses
troupes et cela afin qu'elle priât et fît prier pour tant
de soldats jetés à
l'improviste entre les mains de leur juge (V. Dario Dominicano, 4 sept.
,
Vie de la bienh.)
211
64ème Merveille Marie
au jour de son Assomption.
En montant au ciel elle emmêne la captivité
captive ( Eph. IV, 8.)
La gloire que l'Apôtre saluait dans le Rédempteur du
monde lorsque montant au ciel au jour de son ascension il y conduisait
avec
lui triomphalement les âmes des patriaches arrachées aux
limbes Acendens in
altum captivam duxit captivitatem cette gloire Gerson l'attribue à
bon droit
à la mère de Jésus dans son assomption elle se
présente au ciel dit-il
suivie d'une nombreuse multitude d'âmes du purgatoire et chaque
année à
pareil jour elle en délivre une troupe nouvelle Saint Pierre
Damien confirme
cette pensée par une vision miraculeuse voici comment il s'exprime
a la fête
de l'Assomption de la divine Vierge le peuple romain a coutume pendant
la
nuit qui précède de visiter pieusement les églises
de la ville un cierge à
la main parmi la foule se trouvait une année une dame de vie
très-édifiante
qui vint ainsi s'agenouiller dans la basilique de l'Ara-Coeli au Capitole
elle y aperçut à une certaine distance d'elle une femme
qu'elle avait
beaucoup connue et qui était morte depuis un peu moins d'une
année sa
surprise on le pense bien fut extrême elle aurait eu le plus
grand désir de
lui parler
212
mais il était fort difficile de fendre la foule pour arriver
jusqu'à elle
c'est pourquoi elle se plaça dans un coin l'attendant à
la sortie et dès
qu'elle put s'approcher lui prenant la main : " N'êtes-vous pas
lui dit-elle
ma marraine Marozie qui m'a tenu sur les fonts du baptême ? -
Oui répondit
l'apparition c'est moi-même - Comment donc vous rencontré-je
aujourd'hui
parmi les vivants lorsque je sais que vous êtes morte l'année
dernière ?
Qu'êtes-vous devenue de l'autre côté du tombeau
?" La défunte lui répondit :
" Jusqu'à ce jour je suis restée plongée dans
un feu épouvantable pour les
fautes de ma jeunesse alors que je me plaisais aux ajustements et aux
pauvres immodestes tenant avec mes compagnes des discours inconvenants
et
m'abandonnant à de coupables affections je m'étais à
la vérité confessée de
toutes ces iniquités mais en recevant la rémission de
la coulpe je ne reçus
pas en même temps celles des peines temporelles que j'avais méritées
et le
purgatoire m'attendait avec de cruelles tortures mais maintenant dans
cette
grande solennité la Reine du ciel émue de compassion
envers les âmes
souffrantes a adressé pour nous ses prières au redoutable
Juge et a obtenu
pour moi et pour beaucoup d'autres la grâce d'être reçues
en paradis le jour
de son assomption et tel est le nombre des âmes que sa toute
puissance
intercession a sauvées dans cette circonstance que celui du
peuple de Rome
n'est pas plus élevé a cause de cela nous toutes ( vous
ne voyez que moi
mais il y en a bien d'autres !) nous nous transportons dans les sanctuaires
dédiés à Marie afin de lui rendre grâces
et de la bénir autant que nous
pouvons pour son immense miséricorde."
213
A ce récit la bonne dame restait comme stupéfaite ne
sachant si elle devait
ajouter foi à ce qu'elle entendait ce que voyant Marozie elle
ajouta : "
Afin que vous ne doutiez point de la vérité de mon histoire
sachez que
vous-même dans un an et à pareille fête de l'Assomption
vous mourrez si vous
passez cette époque tenez tout ceci pour une illusion." Puis
elle disparut
cette dame resta seule dans l'église ne pouvant plus douter
de la grâce que
Dieu lui faisait par cet avertissement dès cette heure elle
renonça à toutes
les vanités mondaines s'habilla modestement revêtit le
cilice vécut dans la
retraite et l'austérité d'une pénitence exemplaire
fréquentant assidûment le
tribunal de la réconciliation et la sainte table elle espérait
abréger de la
sorte le temps du purgatoire que méritaient ses péchés
l'avant-veille de la
fête elle tomba malade et fut rapidement conduite à toute
extrémité le jour
même de l'assomption elle expira et alla éprouver les
effets de la
maternelle bonté de Marie (V. Petri Damiani Opusc. 34, 2e part.,
ch. 3.)
214
65ème Merveille Recompense
du bien accompli.
Avant la mort faites du bien à votre ami donnez
pour reçevoir et établissez la justice dans votre âme
( Eccli. XIV, 13).
Nous
avons vu plus haut un prince récompensé après
sa mort pour le bien qu'il
avait fait à des communautés religieuses le Souverain
-Pontife Benoit VIII
était rempli d'affection et de bienveillance pour le monastère
de Cluny et
pour l'abbé saint Odilon ce qu'il aimait en lui c'était
sa fervente piété et
aussi la dévotion dont il donnait des preuves quotidiennes en
faveur des
âmes du purgatoire il ne se contentait pas pour elles de ses
propres oeuvres
il recommandait encore aux suffrages de tous ceux sur qui il pouvait
avoir
quelque autorité on croit même d'après certains
auteurs que ce fut lui qui
le premier introduisit l'usage de prier spécialement pour les
fidèles
défunts le lendemain de la Toussaint le pape donc dans son attachement
accordait à Odilon les grâces les plus précieuses
et lorsque le pieux abbé
venait à Rome visiter les tombeaux des saints martyrs Benoit
voulait se
charger lui-même de tous les frais de route et d'entretien tant
que durait
le voyage Benoit reçut après sa mort la récompense
de cette
215
sainte affection quelques jours après qu'on l'eut enseveli il
apparut à Jean
évèque de Porto et lui apprit qu'il était condamné
à une terrible expiation
pour n'avoir pas correspondu parfaitement à la grandeur de sa
dignité
suprême il espérait néanmoins éprouver du
soulagement par les suffrages du
saint abbé Odilon si on lui faisait connaître la nécessité
ou il se trouvait
"Je vous supplie donc dit-il de lui donner avis de ce que vous venez
d'entendre si vous me conservez encore quelque attachement avertissez
pour
plus de rapidité mon successeur Jean afin qu'il expédie
tout de suite un
messager à Cluny et que cette vertueuse communauté intercède
pour moi." A
peine saint Odilon eut-il été informé de la vision
que non content de ses
propres prières il recommanda à tout son monastère
de faire de grandes
mortifications et des oraisons plus nombreuses en faveur de leur bienfaiteur
défunt le pape Benoit il fit dire la même chose aux différentes
maisons de
l'ordre et tous se mirent à prier avec une touchante et unanime
ferveur et à
offrir l'auguste sacrifice plusieurs fois chaque matin il y avait quelques
jours que ces saints exercices se poursuivaient lorsque Edelbert procureur
et aumônier du couvent eut une vision comme si elle s'adressait
particulièrement à lui à cause des aumônes
dont il avait été le distributeur
il lui sembla donc qu'il voyait entrer d'abord dans le monastère
puis au
chapitre un personnage de belle et vénérable apparence
couvert d'un brillant
manteau couronné de pierres précieuses et de diamants
accompagné d'un grand
cortège d'hommes vêtus de blanc il se dirigea tout
droit vers le siège de
l'abbé inclina la tête jusqu'aux genoux de saint
216
Odilon comme s'il rendait grâces à lui et à sa
communauté de quelque
signalée faveur Edelbert étant fort étonné
à ce spectacle et désirant savoir
quel était ce personnage qu'il ne reconnaissait point il entendit
une voix
qui disait distinctement : " Celui-ci est le Souverain-Pontife Benoît
délivré par vos suffrages et par ceux de votre saint
abbé avant de monter au
ciel il a voulu venir ici témoigner sa gratitude à ses
bienfaiteurs et les
assurer qu'à son tour il ne les oubliera point auprès
de Dieu." C'est ainsi
que la plus haute majesté du monde celle à qui ont été
confiées les clefs du
royaume céleste et qui distribue les indulgences à tous
les fidèles a besoin
elle-même en présence du juge redoutable de l'intercession
des saints ( V.
Vincent de Beauvais, Specul. Hist. liv. 24, ch. 105.)
216
66ème Merveille Combien
effrayants sont les tourments du Purgatoire.
Pesez bien la rigueur de ce feu. ( Esdr.IV, 5.)
Un célèbre philosophe de l'antiquité disait que
les peines de cette
vie ne sauraient abattre le sage car si elles sont légères
il n'y a pas lieu
d'en parler si elles sont graves elles ont une bien courte durée
Nemo potest
multium dolere et ? Cette pensée est de Sénèque
217
hélas on n'en peut pas dire autant du purgatoire ou les tourments
unissent
la durée à l'intensité là les heures paraissent
des jours les jours des mois
les mois des années les années des siècles " Oui
dit Thomas à Kempis une
seule heure de cette expiation semblera plus insupportable qu'ici-bas
cent
années de la pénitence la plus sévère Ibi
erit una hora gravior in poenà
quàm hic centum anni in gravissimâ poenitentiâ"
Nous trouvons dans les
Annales des pères capucins sous la rubrique 1618 une histoire
terrible sur
ce sujet le père Hyppolyte de Scalvo grand serviteur de Dieu
était animé
d'un zèle brûlant pour le salut du prochain et conséquemment
pour la
délivrance des pauvres âmes il priait et se mortifiait
pour elles et souvent
aussi il prêchait en leur faveur afin d'exciter parmi les fidèles
une
dévotion pareille il voulait que les prémices de ses
actions de chaque jour
fussent pour elles il se levait donc de meilleurs heure et récitait
à leur
intention l'office des morts sans préjudice de ce qu'il faisait
d'actions
saintes jusqu'au soir en pensant à leur soulagement encore n'avait-il
qu'une
idée très-imparfaite des tourments de l'autre vie il
ne se les figurait pas
aussi épouvantables qu'ils sont ce qui lui arriva bientôt
lui donna à cet
égard une effrayante lumière il avait été
envoyé en Flandre avec le titre de
commissaire général pour y établir quelques maisons
de capucins destinées à
protéger par les saintes oeuvres de l'apostolat la foi de ce
pays au moment
ou l'hérésie l'envahissait de toutes parts quand il eut
accompli sa mission
on le maintint dans l'un de ces monastères en qualité
de père gardien et de
maître des novices il mettait
218
un soin scrupuleux à s'acquitter de sa charge et à faire
avancer ces jeunes
gens dans toutes les vertus de leur état parmi eux s'en trouvait
un qui
marchait à grands pas dans la voie de la perfection religieuse
lorsqu'il fut
surpris d'une maladie subite qui le conduisit rapidement au tombeau
par
malheur le père de Scalvo était absent dans ce moment-là
et il ne put lui
donner sa bénédiction avec la dernière absolution
ce qui causa au bon
gardien une vive douleur et l'engagea à prier d'autant mieux
pour cette
chère âme qui n'avait pas achevé la première
année du noviciat il était
revenu le soir même la nuit suivante il s'arrêta suivant
sa coutume à prier
dans le choeur après l'office des matines comme il était
plongée dans une
fervente oraison tout à coup il voit paraître devant lui
le défunt sous la
forme d'un fantôme environné de feux et de flammes horribles
qui
participaient à la fois des ténèbres et de l'éclat
ordinaire au feu la voix
du spectre ne laissait point d'ailleurs de place au doute s'adressant
à son
ancien supérieur avec mille gémissements il s'accusa
d'une faute qu'il avait
commise et qui n'avait rien de grave " Donnez-moi ô mon
Père dit-il vous
qui êtes plein de charité donnez-moi votre bénédiction
afin de me délivrer
de ce manquement pour lequel je satisfais à la justice
divine dans le
purgatoire vous-même imposez-moi la pénitence convenable
ce sera celle que
je ferai la bonté du Seigneur m'y autorisant par une faveur
spéciale Jésus
m'a permis de m'adresser à vous." Le religieux resta comme pétrifié
telle
était son émotion sa terreur en présence de cette
apparition que désirant y
échapper plus vite il répondit précipitamment
219
"Autant que je le puis mon fils je vous absous et vous bénis
et quant à la
pénitence puisque vous m'assurez que j'ai aussi le droit de
la marquer vous
resterez en purgatoire jusqu'à l'heure de prime (c'est-à-dire
jusque vers
huit heures du matin). " En se limitant à ces quelques heures
le saint homme
s'imaginait faire acte de grande indulgence ce ne fut point la pensée
du
mort car à cette réponse il témoigna une sorte
de désespoir comme si la
foudre l'eût frappé il courait dans l'église en
criant " O coeur sans
compassion ô père qui n'avez point de pitié pour
un fils si affligé quoi
punir de la sorte une faute que pendant ma vie vous eussiez jugée
digne à
peine d'une légère discipline vous ignorez donc l'atrocité
des supplices du
purgatoire ô coeur sans compassion O poeniitentia sine misericordiâ
" La
vision avait cessé le père gardien sentait ses cheveux
se hérisser sur sa
tête le regret l'étonnement la crainte se disputaient
son coeur il cherchait
un moyen de revenir sur cette sentence et ne savait à quoi se
résoudre
lorsque Dieu lui inspira une bonne pensée celle de courir
à la cloche du
couvent et d'appeler au choeur les religieux quand ils furent assemblés
à
cette heure inaccoutumée il raconta ce qui lui était
arrivé et demanda que
l'on commençât aussitôt le chant de l'office de
prime ce qui fut fait mais
pendant les vingt années qu'il vécut encore ce souvenir
ne s'effaça point de
sa mémoire il l'avait toujours présent et il répétait
dans ses sermons le
mot de saint Anselme " Après la mort la moindre peine qui nous
attend au
purgatoire est beaucoup plus grande que tout ce qu'on peut concevoir
ici-bas". (v. f. Marcellin de Mâcon, Annal. Capuc., t.III, an.1618,
n.13.)
220
67ème Merveille La
crainte du purgatoire fait taire la volupté.
Ceux qui ont vécu dans les
délices s'en éloigneront dans la crainte des tourments.
(Apoc. XVIII,10.)
L'un des freins les plus puissants aux entrainements de la nature vers
les
délices de la vie est sans contredit la pensée des tourments
qui en seront
un jour l'expiation tout esprit qui a de la droiture dans ses appréciations
devrait se dire avec un saint moine lorsqu'il est tenté de pécher
" Brevis
voluptas dolor perennis : Un plaisir bien court et puis une douleur
éternelle ! Comment hésiter sur le choix ? Ce qui me
coûte maintenant ne
sera qu'un combat d'un moment tandis que la peine durerait si longtemps
!"
Telle fut l'instruction donnée par un défunt après
son expérience
personnelle au vénérable Stanislas Choscoca l'une des
lumières de l'ordre de
Saint-Dominique en Pologne un soir que cet admirable religieux récitait
le
saint rosaire en se promenant au jardin il entendit auprès de
lui des
soupirs et des plaintes comme d'une personne à qui serait arrivé
un grand
accident il se tourne de tous les côtés interroge du regard
et ne découvrant
rien dit à haute voix : "Qui est-ce qui se lamente ici et puis-je
lui être
de quelque secours ?" Point de
221
réponse mais de nouvelles plaintes de nouveaux soupirs Stanislas
suspecta
que ce pouvait être quelque ruse de l'esprit malin pour le distraire
de sa
prière s'armant donc du signe de la croix :" Je t'ordonne au
nom de
Jésus-Christ ajouta-t-il de me dire qui tu es et ce que tu demandes
" Alors
il entendit ces mots :" Je suis une âme du purgatoire condamnée
par la
justice de Dieu à faire ici pénitence et j'y souffre
d'une manière terrible
que ne puis-je te faire comprendre ce qui attend le péché
après le dernier
soupir de l'homme si les chrétiens en savaient une partie seulement
ils
auraient horreur de ces plaisirs mondains qui les environnent de séductions
et qui les trompent misérablement répète partout
car Dieu m'ordonne de te le
dire ce que je te révèle en ce moment les moindres transgressions
se paient
bien cher au-delà de la vie et ces satisfactions mensongères
sont
terriblement expiées." L"historien que nous suivons ne dit pas
si ce fut la
même âme qui apparut une autre fois au même Père
Stanislas il dit seulement
que la voyant tout environnée de flammes au milieu desquelles
elle semblait
consumée il eut le désir de savoir si ce feu était
plus pénétrant que celui
de la terre l'âme répondit que le feu terrestre comparé
à celui du
purgatoire était comme un vent rafraîchissant et doux
: Ignes alii levis
auroe locum tenent si cum ardore meo comparentur. Et comme le bon religieux
avait de la peine à le croire il ajouta :" Je voudrais en faire
l'épreuve si
cela est possible à condition pourtant que ce fût autant
d'ôté à mon
expiation future Ah répondit l'âme un homme encore vivant
n'est point en
état d'en ressentir même une partie cependant pour vous
convaincre éten -
222
dez vers moi la main et je ne doute pas qu'à partir de cet essai
vous ne
fassiez tout pour en éviter les rigueurs."Stanislas sans s'effrayer
étendit
la main sur laquelle le défunt laissa tomber une seule goutte
très petite de
sa sueur ou plutôt d'un liquide qui en avait l'apparence
la douleur fut si
affreuse que le patient jeta un cri perçant et tomba par terre
sans
connaissance comme s'il allait mourir a ce cri les frères accoururent
et lui
prodiguèrent tous leurs soins quand il fut revenu à lui
à force de remèdes
ils s'informèrent de la cause de ce mal subit qui expliquée
par Stanislas
avec l'éloquence que lui communiquait l'effrayant événement
les remplit tous
de terreur et fut la plus puissante leçon de détachement
du monde et de ses
plaisirs il leur recommanda de ne point la garder pour eux seuls mais
de la
faire savoir à tous ceux qu'ils auraient à instruire
afin de les préserver
du malheur d'aller expérimenter par eux-mêmes des châtiments
si redoutables
il vécut encore un an toujours en proie à la douleur
de sa plaie sur le
point d'expier il raconta de nouveau l'événement rappelant
au couvent
assemblé pour l'assister la crainte des jugements de Dieu et
la nécessité de
faire ici-bàs pénitence si l'on veut être sauvé
ce ne fut pas seulement dans
ce monastère mais dans tous les autres que l'effet s'en fit
ressentir chacun
s'anima dans ses résolutions en prit de nouvelles combattit
plus
courageusement ses défauts implora avec plus d'ardeur et d'humilité
le
secours divin et se jugea plus sévèrement devant Dieu
avant de s'approcher
des sacrements nous nous abandonnons trop facilement aux petites fautes
persuadés que le juge éternel en tiendra à peine
compte déolorable erreur
223
dont nous gémirons alors mais qu'il ne sera plus temps de réparer
la majesté
divine est si sainte qu'elle ne souffre pas la moindre tache dans ceux
qu'elle veut couronner près d'elle car ils fuiraient d'eux-mêmes
et
n'oseraient jamais pénétrer dans cette gloire immaculée
pour laquelle ils
ont été crées un poète a composé
quelques beaux vers latins sur ce trait :
Vix in subjectam sudoris guttula dextram Decidit, immensus guttula
visa
rogus oenarum, proh ! quantus erit dolor aequore mersis, Si tantam
poenam
stilla vel una dedit ! Ce qui se traduit ainsi : " A peine une petite
goutte
est-elle tombée sur cette main qu'elle paraît un foyer
consumant Ah quelle
sera donc l'ardeur qui brûlera les victimes jetées dans
l'océan de feu si
une seule goutte produit de telles douleurs !" ( V. J. Hautin, Patroc.
animar. I. I, ch.6; Bzovius, année 1590.)
224
68ème Merveille Plaintes
douloureuses des âmes du purgatoire.
On a entendu le cri du deuil
de la souffrance et des larmes. (Jérém. , XXXI, 15.).
L'ingénieuse cruauté
de Denys-le-Tyran avait fait creuser à grands frais une prison
souterraine
ou l'on ne pouvait proférer un mot une plainte émettre
un soupir sans être
entendu par une ouverture pratiquée avec art dans un certain
endroit de la
voûte ah si les cachots du purgatoire étaient ainsi faits
par rapport à ceux
qui vivent encore sur la terre quels gémissements quelles doléances
quels
cris de douleur arriveraient à leurs oreilles c'est un père
accusant ses
enfants un frère son frère une femme son époux
un mari sa femme pour en être
oubliés dans leur malheur combien d'infortunés testateurs
plongés dans la
mer de feu du purgatoire poussent de lamentables soupirs contre de
cruels
héritiers qui mis en possession de ces biens acquis par tant
de travaux les
oublient absolument et ne feraient pas en leur faveur la plus légère
prière
la moindre mortification ne dépenseraient pas un centime pour
des aumônes ou
pour l'offrande du divin sacrifice combien de pères au fond
de ces
redoutables cachots accusent d'ingrats enfants au moment de la mort
ils
promettaient tout ils devaient tout faire leur
225
reconnaissance se signalerait de mille manières pour une âme
à qui ils
devaient tant et le cadavre à peine déposé en
terre ils ont enseveli avec
lui tout souvenir pas une prière pas un suffrage pas une aumône
pour ceux
qui leur ont donné la vie et laissé le fruit de leurs
sueurs de leur
économie comment donc les plaintes ne s'élèveraient-elles
pas ardentes du
lieu d'expiation l'illustre chancelier de l'Université de Paris
Jean Gerson
personnage aussi saint que savant rapporte le discours qu'une mère
oubliée
ainsi de son enfant lui fit entendre par permission de Dieu "
Mon fils lui
dit-elle mon cher fils ah pensez un peu à votre pauvre mère
écoutez mes
gémissements et prêtez attention à mes prières
considérez les peines et les
tourments que le Seigneur a décrétés contre moi
ce lieu de supplices ou je
suis consumée par un feu cuisant au nom de cet amour que vous
me portiez si
j'ai dû vous croire hâtez-vous de me secourir dans ces
intolérables
souffrances dont aucune langue ne peut rendre l'étendue ni aucun
esprit
comprendre l'intensité donnez-moi la main pour m'en retirer
venez venez non
point corporellement vous ne le pouvez pas mais par les actes de votre
âme
par les prières et les supplications à la divine Majesté
par des aumônes aux
pauvres par des mortifications personnelles une seule larme d'un coeur
contrit versée au souvenir de votre bonne mère suffirait
peut-être pour
éteindre les ardeurs qui me consument ou du moins les mitigerait
beaucoup eh
comment un fils se résoudrait-il à refuser ou à
différer ce soulagement à
celle qui l'à conçu dans son sein enfanté dans
la douleur allaité nourri et
élevé avec tant de dévoûement lorsque je
vivais sur la terre
226
je vous ai toujours trouvé affectionné envers moi obéissant
plein de
gratitude prompt à entreprendre et touché des sollicitudes
dont vous étiez
de ma part le constant objet comment se fait-il qu'après mon
trépas je vous
retrouve oublieux sans affection sans reconnaissance vous qui au lit
de mort
me faisiez de si belles promesses ayant des larmes plein les yeux jurant
que
vous feriez tout pour mon âme si vous m'avez tant aimée
vivante pourquoi cet
amour a t-il maintenant cessé ai-je donc cessé moi d'être
votre mère et vous
parce que vous vivez encore êtes-vous déchargé
des obligations d'un fils
chrétien ah si une seule étincelle reste en vous de l'amour
que vous me
portiez entendez mes gémissements compatissez à mes peines
secourez-moi dans
mes cruels tourments car si un fils ne pense point à soulager
sa mère à qui
pourra-t-elle recourir voilà ce que je vous fais entendre du
fond de ma
triste prison aux plaintes d'une mère ajoutons celles d'un fils
envers sa
mère Thomas de Catimpré raconte de son aieule qu'ayant
perdu un enfant sur
lequel elle avait fondé une partie de son avenir elle
restait inconsolable
jour et nuit elle versait toutes les larmes de ses yeux jusqu'à
être menacée
d'en perdre la vue et on pouvait bien lui appliquer ce mot de Jérémie
"Plorans plorabat in nocte et lacrymoe ejus in maxillis ejus." Et cependant
tout ce beau chagrin ne l'amenait point à la seule chose bonne
en semblable
circonstance c'est-à-dire à être utile à
cette âme par des prières des
aumônes des austérités l'oblation de la sainte
Messe aussi la pauvre âme
gémissait-elle amèrement dans le purgatoire et
227
maudissait cette attache stérile fondée sur des sentiments
purement naturels
et humains qui ne lui servait d'aucune consolation dans son épreuve
elle
suppliait le Seigneur d'éclairer cette mère aveugle et
de la changer Dieu
daigna l'exaucer en envoyant à cette femme une miraculeuse vision
un jour au
plus fort de sa douleur elle fut ravie en esprit il lui sembla voir
au
milieu d'une route une procession de jeunes gens s'avançant
allègrement vers
une magnifique cité comme elle cherchait avidement si par hasard
elle n'y
découvrirait point son propre fils elle l'aperçut en
effet mais après tous
les autres marchant d'un pas appesanti sous le poids de ses vêtements
trempés d'eau et avec une fatigue visible emue à
cet aspect elle lui crie "
Pourquoi donc cher objet de mes douleurs rester de la sorte loin de
cette
troupe brillante ? je te voudrais à la tête de tes compagnons."
L'enfant lui
répondit en soupirant : " Voyez ô ma mère combien
je suis retardé dans ma
route par ces larmes stériles que vous versez sur moi et qui
me désolent
sans fruit aucun cessez de vous livrer à une aveugle et stérile
douleur
affermissez votre coeur et s'il est vrai que vous m'aimez si vous voulez
mettre un terme à mes souffrances dans cette route du ciel appliquez-moi
le
mérite de quelques prières d'aumônes plus abondantes
et de messes dites à
mon intention voilà comment vous me prouverez votre attachement
maternel
c'est par-là que vous me délivrerez du lieu de supplices
ou je gémis et que
vous m'introdurez dans la vie éternelle bien autrement désirable
et heureuse
que cette vie terrestre que vous m'aviez donnée." La vision
s'effaça mais
elle avait produit son effet et dès ce moment la mère
affli -
228
-gée comprit mieux son devoir et s'y appliqua avec une ferveur
toute
chrétienne ( V. J. Gerson, Querela defunctorum ; T. Catimpré,
Apum II, c.
53, n. 17.)
228
69ème Merveille La
plus grande souffrance du purgatoire est la privation de la
vue de Dieu.
Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je venir
et me
présenter devant le visage de mon Dieu ? ( ps. IV, 1 - 2.)
Les peines
temporelles de l'autre vie étant différentes suivant
la culpabilité de
chacun de célèbres docteurs estiment que certaines âmes
n'ont pas d'autre
purgatoire que le châtiment du Dam c'est-à-dire la privation
de la vision
béatifique de Dieu ils apportent pour preuve une révélation
de la divine
Vierge à sainte Brigitte cette grande servante du Seigneur apprit
ainsi
qu'il y a un purgatoire spirituel appelé le purgatoire de désir
dans lequel
ceux qui n'ont point soupiré ici-bas après leur Créateur
ont pour expiation
particulière d'être privés un certain temps de
sa vue après leur mort ce qui
leur paraît cruellement pénible ils se sentent invinciblement
portés vers ce
suprême objet de toute perfection et de toute félicité
une attraction aussi
forte que
229
l'existence elle-même les soulève vers lui ils sentent
que leur unique repos
est là là seulement là pleinement qu'ils n'ont
point d'autre but d'autre
consommation de leur être et un obstacle plus fort encore les
repousse et
les retient au loin frémissants et enchaînés ainsi
le feu serait violemment
maintenu dans un petit espace ou il tenterait vainement avec sa puissance
redoutable de dilatation de s'étendre selon sa nature plusieurs
âmes ont
fait savoir dans des apparitions merveilleuses ce que c'est que ce
supplice
voici l'un de ces protiges arrivé dans le duché de Luxembourg
examiné et
déclaré authentique par le vicaire-général
de l'Electeur -archevèque de
Trèves le jour de la Toussaint une fille pieuse et modeste vit
tout-à-coup
paraître devant elle l'âme d'une dame morte peu de temps
auparavant qui lui
avoua que son plus grand purgatoire était d'être privée
de la vision
béatifique de Dieu elle était vêtue de blanc
un voile également blanc sur
la tête le rosaire à la main en signe de la dévotion
qu'elle avait toujours
professée envers la Reine du ciel elle se fit voir de la sorte
plusieurs
autres fois particulièrement à l'église ou elle
se mettait à genoux auprès
d'elle suivait ses prières et l'accompagnait jusqu'à
la sainte table
témoignant une profonde adoration et un respect sans bornes
elle assistait
au divin sacrifice et au moment de l'élevation son visage
s'enflammait et
brillait d'une telle ardeur que le témoin favorisé du
ciel en était dans
l'admiration et déclarait n'avoir jamais rien vu de si beau
on peut croire
qu'elle choisissait le saint temple parce que ne pouvant voir face
à face le
Dieu après la possession duquel elle soupirait elle voulait
jouir du moins
230
de sa présence voilée sous les espèces sacramentelles
et de plus elle
sollicitait mieux de cette manière les suffrages de la jeune
chrétienne
qu'elle désirait intéresser à son sort celle-ci
en effet ne cessait de prier
de mériter pour elle et allait souvent à l'autel de la
sainte Vierge faire
célébrer à son intention une messe de Requiem
un jour qu'elle était avec
plusieurs de ses compagnes dans une église de Notre-Dame changeant
les
ornements qui couvraient la statue toutes s'inclinèrent pour
baiser les
pieds de la divine Mère quelques-unes engagèrent la jeune
fille à donner
elle-même un baiser de plus en faveur de cette âme qui
lui apparaissait elle
le fit et comme elle se retournait elle vit venir au-devant d'elle
l'âme qui
lui fit un salut empressé pour la remercier elle lui dit qu'elle
avait fait
voeu étant en vie de trois messes à un autel de la Mère
de Dieu qu'elle
n'avait pu l'accomplir et qu'elle la suppliait de faire acquitter en
son nom
cette dette sacrée qui ajoutait à son tourment la jeune
fille s'empressa de
la satisfaire au moment ou la troisième messe s'achevait comme
elle se
retirait elle vit accourir à elle la pauvre âme cette
fois toute joyeuse
toute resplendissante qui lui tendait les bras avec effusion et semblait
vouloir lui donner le baiser de la reconnaissance parce que son expiation
venait d'être abrégée et diminuée a cette
vue la jeune fille s'agenouilla et
les bras en croix se mit à réciter cinq Pater et Ave
Maria aux cinq plaies
du Sauveur en faveur de la défunte et celle-ci s'approcha de
nouveau et lui
soutenait les bras pour l'aider à achever cette dévotion
au reste l'âme qui
apparaissait ainsi et qui trouvait
231
tant de charité dans cette bonne et pieuse chrétienne
ici témoignait sa
gratitude de différentes manières surtout en lui donnant
de précieux
conseils elle lui recommanda par exemple de ne jamais former de voeu
à moins
qu'elle n'eût la certitude de le pouvoir accomplir dans toute
sa teneur
parce que les promesses faites à Dieu sont rigoureusement exigées
elle lui
disait de se garder particulièrement aussi de faire jamais le
moindre
mensonge si léger qu'il parût le juge éternel
qui est la vérité même ne le
pouvant souffrir elle l'exhortait à une filiale dévotion
envers Marie et
spécialement à faire mémoire de ses douleurs au
Calvaire alors qu'elle se
tenait au pied de la croix contemplant dans l'amertume du coeur les
plaies
de son adorable Fils " Ayez soin disait-elle toutes les fois que vous
rencontrez son image de répéter ces trois invocations
de ses litanies :
Mater admirabilis Consolatrix afflictorum Regina sanctorum omnuim plus
vous
aimerez et servirez fidèlement cette auguste protectrice des
chrétiens plus
vous la trouverez favorable et bien-veillante au moment terrible du
jugement
qui fixe notre sort éternel." Elle lui conseillait encore d'appliquer
ses
oraisons ses pénitences ses oeuvres pieuses au soulagement des
âmes du
purgatoire qui reçoivent de tels secours un immense adoucissement
à leurs
maux Or pendant qu'un matin l'âme s'adressait ainsi à
la jeune fille on
entendit sonner à un autel voisin la cloche de l'élevation
aussitôt la
défunte y courut et s'agenouilla dans la plus humble adoration
chaque fois
qu'elle prononçait les noms de Jésus et de Marie elle
s'inclinait avec
respect pratique fort ordinaire autrefois aux bons fidèles et
aujourd'hui
trop négligée
232
Une véritable intimité s'était établie
à la suite de ces apparitions presque
journalières qui n'excitaient plus la moindre terreur la jeune
fille sachant
à quel point son amie de l'autre monde était heureuse
quand elle pouvait
s'approcher du divin sacrement pour l'adorer l'invita familièrement
à venir
avec elle à l'église des Pères jésuites
le 3 décembre fête de saint François
Xavier parce qu'elle y devait faire la sainte communion l'âme
n'y manqua
point et se tenant à côté de son amie l'accompagna
partout elle ne la quitta
qu'après son action de grâces qui fut assez longue et
comme elle savait
qu'elle avait adressé pour elle de ferventes supplications au
Dieu de
l'Eucharistie elle la remercia lui annonçant qu'enfin arrivait
le temps ou
ses désirs allaient être accomplis et ou elle posséderait
son Dieu qu'elle
viendrait le 8 du même mois fête de l'Immaculée
Conception prendre congé
d'elle avant de monter au ciel la chose se fit ainsi ce jour- là
elle
apparut tellement brillante au milieu d'un surprenant éclat
que son amie ne
la pouvait regarder elle assista à la sainte Messe auprès
d'elle lui
recommanda de nouveau la dévotion à la sainte Vierge
et lui promit qu'elle
serait son avocate dans le paradis ou elle attendrait leur réunion
enfin le
10 pendant la Messe de l'Octave elle vint encore plus resplendissante
salua
respectueusement l'autel ensuite la jeune fille et fut emportée
dans les
airs ou un messager céleste qu'on doit croire avoir été
son ange gardien
vint au-devant d'elle l'embrassa avec l'effusion que met une mère
à
embrasser un fils retrouvé après une longue séparation
et l'emporta dans ses
bras aux pieds de l'auguste Trinité
233
Cette histoire vraiment touchante autant qu'elle est véridique
justifie bien
la parole de saint Chrysostôme dans sa quarante-septième
homélie :"
Supportez tous les tourments dit-il vous n'en imaginerez point qui
égale la
privation de la béatifique de Dieu : Plures ponat quis gehennas
tale nil
dicet quale est beatâ gloriâ privari." Un poète
a dit : O quantum manes
aspectum Numinis ardent ! O quanta est tanto carcere poena bono ! Inferni
tormenta minus quam gaudia coeli Excruciant igni saevius urit
amor : "Oh
avec quelle impatience les âmes soupirent après la vue
de Dieu Oh que dure
est au juste la peine de cette étroite prison les tourments
de l'enfer sont
moins douloureux que l'éloignement des joies du paradis l'amour
y consume
plus que le feu " ( V. Eusèbe Nieremberg, De Pulchritudine Dei,
livre II, c.
11.)
234
70ème Merveille Les
peines du purgatoire sont conformes aux fautes commises
le fils de l'homme rendra à chacun selon ses oeuvres (
Matth., XVI , 27.)
Les paiens
avaient inventé dans les fables de leur mythologie grossière
des supplices
particuliers dans le Tartare pour certains crimes et pour certains
criminels
tel que Tantale il y avait là-dessous les traces d'une vérité
dont ils ne se
rendaient pas compte et dont les chrétiens ne doutent point
à savoir que
l'expiation de l'autre vie est conforme aux péchés commis
dans celle-ci
c'est le lieu de rapporter ce qui fut révélé à
saint Corprée évèque en
Irlande ce prélat s'étant arrêté dans l'église
après l'office de vêpres à
faire oraison vit subitement se dresser devant lui un spectre
pâle
ténébreux horrible couvert de vêtements étrangers
il portait au cou un
collier de flammes sur les épaules un manteau sale incomplet
qui ne couvrait
que l'un des deux bras cette apparition n'épouvanta pas le saint
qui savait
que Dieu veille sur ses serviteurs regardant en face le fantôme
il lui
demanda qui il était " Je suis répondit-t-il une âme
passée à l'autre vie -
Et d'ou vient ta difformité affreuse ? - Ce sont mes fautes
dit le défunt
qui m'ont
235
attiré cette punition quoique vous me voyiez dans un si misérable
état
sachez que je suis Malachie autrefois roi d'Irlande je pouvais faire
beaucoup de bien dans cette haute position et je n'ai pas su le faire."
Corprée étonné lui demanda encore " Je croyais
que vous aviez fait une
entière pénitence de toutes les fautes de votre vie ?
- Hélas répondit le
spectre je n'ai pas voulu obéir à mon confesseur j'ai
prétendu le plier à
mes caprices et je n'ai pas eu honte de lui offrir dans cette intention
un
anneau d'or et maintenant je porte à cause de cela un cercle
de feu à mon
cou il me brûle cruellement et me tient captif comme un prisonnier
le
confesseur infidèle ne saurait m'être d'aucun secours
car il porte un
collier semblable plus douloureux même et plus brûlant."
Le saint évèque
admirait cette divine justice qui punit l'homme par ou est venue son
offense
il désira savoir de plus ce que voulait dire le manteau déchiré
sale et en
guenilles l'âme répondit que c'était encore une
punition particulière " Ce
misérable vêtement qui ne me couvre qu'à moitié
est l'effet d'une charité
mal faite un mendiant presque nu étant venu me demander l'aumône
je le
renvoyai à la reine qui étant peu compatissante ne lui
donna que cette
espèce de sac dont vous me voyez couvert pour ma confusion."
Le saint lui
demanda alors pourquoi il lui apparaissait et ce qu'il attendait de
lui "
J'étais tourmenté par les démons dit-il ils me
faisaient endurer mille
supplices lorsque le chant des psaumes dont ils ont horreur les a mis
en
fuite ils m'ont abandonné un instant dans ce lieu et Dieu permet
que je me
manifeste à vous pour réclamer vos saints suffrages."
Et aussitôt il ajouta
236
avec de grands cris : " Hélas ! Hélas ! voici que mes
bourreaux reviennent
mais avant de vous quitter mon père pour vous récompenser
des prières que
vous ferez en ma faveur je veux vous indiquer ou j'ai caché
cent onces d'or
et mille d'argent pendant le siège de la ville de Dublin que
je voulais
reprendre sur les Normands vous disposez de cette somme suivant votre
volonté non non répondit le saint pasteur je ne veux
point devenir riche sur
la terre c'est dans le ciel que j'ai placé mon trésor
cela ne m'empêchera
pas de faire pour vous tout ce que je pourrai." A cette promesse le
fantôme
s'évanouit en disant d'une voix forte : " Vae, voe qui bene
non operatur,
dùm tempus benè operandi conceditur ! Malheur, malheur
à celui qui ne fait
pas le bien lorsque le temps lui en est donné !" L'évèque
rassemblant alors
ses douze chamoines leur rapporta toute cette vision et demanda leur
avis
sur ce qu'il convenait de faire en faveur de ces deux âmes on
décida que le
prélat intercèderait pour le prince et les chamoines
en faveur du confesseur
et ils marquèrent certains jeûnes et certaines prières
auxquels ils
s'obligaient volontairement afin d'apaiser la colère de Dieu
depuis six mois
ils y étaient fidèles lorsque le roi se fit voir de nouveau
à l'évèque non
encore triomphant mais à moitié déchargé
du poids de sa punition il
souffrait des supplices beaucoup moins rigoureux quoique l'esprit humain
les
pût à peine comprendre pendant la vie terrestre on continua
donc de prier et
de pratiquer des austérités jusqu'à une troisième
apparition cette fois
décisive et consolante puisque Malachie était resplendissant
comme un astre
et remplie d'une joie céleste il dit à son bienfaiteur
qu'il montait à
l'heure
237
même au paradis et qu'il n'oublierait jamais ce que Corprée
avait fait pour
lui il ajouta que le confesseur le rejoindrait le jour suivant grâce
au
souvenir charitable des prêtres de la cathédrale comme
le saint demandait
pourquoi cette seconde délivrance n'avait pas lieu le même
jour il répondit
que l'intercession du seul évêque avait été
plus agréable au Seigneur que
celle de son chapitre réuni tant il est vrai que Dieu a des
tendresses
particulières suivant la promesse de l'Ecriture envers ceux
qui le servent
avec plus de générosité ( Acta Sanctorum des Bollandistes,
6 mars.)
237
71ème Merveille Reconnaissance
des âmes du purgatoire.
Nous vous récompenserons de ce que
vous avez fait pour nous. (Matth.X ,27)
Le glorieux saint Philippe de Néri
était rempli d'une tendre dévotion pour les pauvres âmes
et l'une de ses
pratiques les plus chères était de prier et de mériter
pour elles surtout
lorsqu'il avait été leur directeur spirituel il se croyait
plus obligé
envers celles-là qu'envers toutes les autres ayant travaillé
par son
ministère à leur purification aussi bon nombre de ces
défunts animés de
confiance dans son intercession et dans les
238
sacrifices qu'il offrait lui apparurent-ils en maintes circonstances
soit
pour le remercier soit pour le solliciter jamais il ne manqua d'avoir
un
souvenir particulier et immédiat pour eux et son historien assure
que ce fut
avec un merveilleux succès il le faisait aussi d'autant plus
volontiers
qu'il reçevait lui-même par ce moyen des grâces
plus singulières après sa
mort un père franciscain d'une grande piété priait
dans la chapelle où l'on
avait déposé ses restes précieux lorsque le saint
se fit voir à lui dans
tout l'éclat du triomphe environné d'une gloire céleste
et au milieu d'une
troupe de bienheureux répondit que toutes ces âmes étaient
celles des
membres de son ordre ou de ceux qui lui avaient fait du bien et qu'il
avait
délivrées lui-même par ses prières elles
venaient au-devant de lui pour
l'introduire dans la Jérusalem éternelle ce dévoûment
aux âmes du purgatoire
passa du fondateur à l'ordre entier des oratoriens le P. Magnanti
entre les
autres qui a laissé une mémoire bénie ne cessait
d'intercéder pour elles et
comme saint Philippe il eut plus d'une fois connaissance du résultat
de ses
prières il y avait dans la ville d'Aquila une fille noble appelée
Elisabeth
plus riche des biens de l'âme que de ceux du monde et qui se
lamentait de ne
pouvoir entrer dans un couvent faute de dot suffisante il lui eût
été
agréable de se consacrer exclusivement au divin époux
des vierges le
serviteur de Dieu la consolait en lui disant que Jésus lui préparait
tout
prochainement des noces admirables auprès de lui et qu'elle
239
eut à s'y disposer sans retard en effet elle fit une courte
maladie et
mourut comme une sainte a peine avait-elle rendu le dernier soupir
que le P.
Magnanti eut l'assurance surnaturelle que cette âme tarderait
peu à être
couronné au ciel au lieu donc d'unir sa douleur à celle
de la famille il
consolait les parents en les félicitant d'avoir bientôt
une céleste avocate
la prédiction fut promptement justifiée car la morte
apparut à l'un de ses
frères dans toute la gloire des prédestinés et
lui dit : "Avertissez mon
père de ne point faire de dépense pour délivrer
mon âme par ses aumônes ;
grâce à l'intercession du P. Magnanti pour moi si rempli
de charité l'heure
de mon salut a sonné." Le zélé religieux répandait
encore des sommes
importantes qui lui étaient envoyées par de pieux chrétiens
soit dans le
sein des pauvres soit dans les églises pour qu'on célébrât
des messes en
faveur des défunts quoiqu'il aimât et pratiquât
personnellement la pauvreté
il avait dans sa chambre une bourse qu'il appelait crumena animarum
le
trésor des âmes imitant en cela le divin Sauveur dont
le vénérable Bède dit
qu'il conservait une bourse des dons des fidèles afin de les
distribuer aux
indigents (In Luc. , c.54). Il ajoutait à ce trésor celui
de ses jeûne de
ses disciplines de ses grandes pénitences de ses veilles habituelles
de son
renoncement absolu aux sens et au monde il poussa même si loin
ce beau zèle
qu'il supplia le Seigneur d'exercer contre lui-même une partie
du châtiment
de ces âmes afin de les décharger d'autant il fut entendu
dans ce voeu
héroïque à partir de ce moment on le vit en proie
à une douleur terrible qui
ne lui permettait presque pas de changer de place ce qui ne l'empêcha
240
pas néanmoins d'entreprendre plusieurs longs voyages dans l'intérêt
du
prochain de sorte qu'on pouvait sûrement lui appliquer le mot
de l'historien
romain au sujet d'un guerrier boitant d'un coup reçu dans une
victoire : "
Singulis gressibus signabat vestigia glorioe : Chacun de ses pas gravait
les
traces de son triomphe." Les âmes n'étaient point ingrates
parmi les grâces
particulières et abondantes que Magnanti reçut du Ciel
il en attribuait le
plus grand nombre à leur intercession entre autres celles de
savoir les
choses éloignées de découvrir les fautes cachées
de déjouer les pièges du
démon et autres semblables mais comme le monde assez peu soucieux
de biens
spirituels estime davantage ceux qui regardent la vie présente
je
rapporterai un péril d'où fut tiré obstensiblement
le serviteur de Dieu par
cette médiation il revenait d'un pèlerinage à
la sainte maison de Lorette et
il était arrivé près de Norcia à une célèbre
église de la sainte Vierge il
voulut malgré l'avis de ses compagnons s'y arrêter pour
célébrer le saint
sacrifice à son intention ordinaire après son action
de grâces on se remet
en route ils avaient à traverser un lieu dangereux où
plusieurs assassinats
s'étaient commis et précisément ils y tombèrent
entre les mains des voleurs
qui les chargèrent de liens et les attachèrent à
des arbres s'apprêtant à
les dépouiller de tout et à leur infliger de cruels traitements
a ce moment
parurent sur la montagne deux enfants inconnus qui se mirent à
pousser des
cris en faveur des captifs comme s'ils voulaient rassembler tout le
pays
pour les délivrer les bandits étaient au nombre de douze
ils coururent
au-devant des enfants déchargeant sur eux leurs armes
241
afin de les tuer ou de les forcer à fuir mais eux sans se laisser
intimider
avançaient toujours en criant plus fort de sorte que les brigands
se
décidèrent à abandonner la partie comme entraînés
par un pouvoir supérieur
les enfants s'approchèrent délièrent les religieux
et les mirent en état de
continuer leur route puis ils disparurent eux-mêmes sans qu'on
pût savoir
qui ils étaient ni d'où ils venaient le saint oratorien
crut fermement qu'il
devait cette délivrance aux âmes du purgatoire et que
Dieu leur avait permis
de prendre cette forme enfantine conformément à la parole
évangélique : Vous
n'entrerez point dans le royaume du ciel à moins de devenir
comme de petits
enfants. Ou bien encore : " Le Seigneur avait montré de nouveau
que pour
terrasser Goliath il lui suffit d'un enfant : Dedit victoriam in manu
pueri." (J. Marcien, Congr. Oratoru, Tit. I, 1. 2, ch.29.)
241
72ème Merveille
L'oeil de la justice divine.
Les cieux même ont des taches à ses yeux. (Job,
XV, 15.)
La
réputation de sainteté d'une personne défunte
ne doit jamais empêcher de
prier pour lui lorsque le soleil brille d'un éclat parfait on
aperçoit dans
l'air une quantité d'atomes de grains de poussières volants
242
qui échappent ordinairement à la vue ainsi les imperfections
et les fautes
que ne découvre point notre jugement obscurci sont visibles
à l'oeil
pénétrant du Seigneur combien d'âmes nous estimons
triomphantes au ciel qui
souffrent encore dans le Purgatoire qui croirait que quelques-uns même
de
ces admirables religieux qui ont vécu dans la stricte observance
des
Constitutions de Saint-Benoît à l'origine de cet ordre
ont dû endurer après
la mort de longs et sévères châtiments ? Le pape
saint Grégoire-le-Grand en
rapporte plusieurs exemples dans ses beaux et intéressants Dialogues
il
parle entre autres dans les termes de l'étonnement du sort de
Paschase
cardinal-diacre de la sainte Eglise romaine il avait vécu dans
une haute
estime de vertu c'était un homme d'une rare édification
actif aux oeuvres
saintes plein de charité pour les pauvres de mépris pour
lui-même de zèle
pour la diffusion de la foi il avait composé pour sa défense
plusieurs
ouvrages que saint Grégoire qualifie de rectissimi et lucutenti
exacts et
précieux à lire cependant lorsqu'il s'était agi
en 498 de l'élection du
Souverain Pontife élection qui causa des troubles dans la ville
de Rome
Paschase fut d'un avis contraire à celui des autres électeurs
il donna sa
voix à Laurent quoique les votes se fussent réunis sur
Symmaque qui fut
reconnu pour légitime vicaire de Jésus-Christ et brilla
sur le Siège
pontifical comme l'un des plus saints papes Paschase n'en persista
pas moins
dans une sorte d'opposition d'ailleurs respectueuse et modérée
quand il
mourut peu après dans les sentiments de la plus tendre piété
243
chacun l'estima un saint et ne douta point que ses vertus ne fussent
couronnées au ciel des miracles confirmèrent cette opinion
universelle le
jour de ses funérailles un possédé du démon
qui s'était approché du
catafalque et qui avait touché la dalmatique déposée
sur le corps fut
aussitôt délivré de l'esprit malin qui s'échappa
en présence de tous les
assistants et abandonna sa victime mais combien les jugements de Dieu
différent de ceux des hommes il y avait peu de temps que tout
cela s'était
passé lorsque saint Germain évêque de Capone étant
tombé dans une grave
maladie reçut de ses médecins le conseil d'aller à
certaines eaux prendre
des bains convenables à son infirmité il y était
quand il vit paraître
devant ses yeux le diacre Paschase sous la forme d'un serviteur réduit
à la
plus dure condition qui lui dit que le Seigneur l'avait condamné
à expier
ainsi ce qu'il y avait eu de trop humain dans sa conduite à
l'égard du pape
saint Symmaque il supplia en même temps l'évèque
d'avoir compassion de sa
misère et de prier pour une âme qui lui en conserverait
éternellement de la
reconnaissance Germain s'empressa d'obtempérer à cette
demande et d'offrir
le saint sacrifice pour le défunt avec des aumônes et
des prières au bout de
quelques jours il eut l'assurance de la délivrance du défunt
qui n'avait
péché au reste par aucune malice mais par suite de l'infirmité
et de
l'imperfection humaine (V. Saint Grégoire, liv. IV. Dialogor
c. 40;
Baronius. Annales, 498.)
244
73ème Merveille
Supplications des âmes pour obtenir qu'on les secours. Vous avez
crié vers
moi et je vous ai tiré de la main de vos oppresseurs (Juges,
X, 12.) Il n'y
a point plus douce à l'oreille de la clémence divine
que celle qui l'implore
humblement aussi a t-elle promis d'exaucer de telles prières
et de leur tout
accorder : Clamabit ad me et ego exaudiam eum : Il criera vers moi
et je
l'exaucerai." Dieu a permis que l'on entendit plusieurs fois sur la
terre
d'une manière sensible les cris et les supplications des âmes
du purgatoire
lui demandant secours dans leur détresse j'en ai cité
précédemment un ou
deux exemples j'en rapporterai ici quelques autres empruntés
à l'histoire de
la Compagnie de Jésus le P. Jacques Rem religieux d'une grande
vertu et d'un
zèle tout apostolique se faisait remarquer encore par sa particulière
dévotion pour les pauvres âmes il demeurait au collège
d'Ingolstadt et
continuellement il s'y appliquait en leur faveur à la prière
au jeûne aux
macérations du corps bien des fois il reçut la visite
de défunts qui le
conjuraient d'intercéder pour eux les apparitions s'approchaient
de son lit
la nuit et murmurant à son oreille ou l'appelant à haute
voix l'engageaient
à se mettre en oraison ce qu'il faisait
245
avec l'empressement le plus dévoué et sans un regret
pour son sommeil
interrompu de plus nombre d'habitants de la ville marchands bourgeois
domestiques ont déposé avec serment avoir entendu de
temps à autre dans le
cimetière voisin des cris sortant du fond des tombes Père
Jacques ayez
compassion de nous nos souffrances sont horribles obtenez-en la fin
procurez-nous ce soulagement au nom de la charité !" On peut
conclure de là
en quel crédit étaient auprès de Dieu ses prières
il avait principalement
recours à l'auguste Marie qui montra de son côté
par plus d'une merveille
combien ce bon serviteur lui agréait au nombre des apparitions
relatées par
ses historiens on cite celle du P. François d'Asti qui vint
visiter son
bienfaiteur et interrogé par lui en quel état il se trouvait
lui répondit :
" In gaudio inenarrabili ; Dans une joie ineffable." ce qui combla
le bon
Père d'une telle consolation qu'il ne parlait jamais de ce fait
longtemps
après sans se sentir tout transporté la dévotion
et les mérites du P. Joseph
Anchieta surnommé l'Apôtre du Brésil ne furent
pas moins édifiants nous ne
nous astreindrons pas à redire ce qu'il faisait pour ces âmes
si dignes de
toute notre piété c'est toujours le même amour
de l'oraison et de la
pénitence comme il était au collège de Bahia il
fut appelé en toute hâte
pour administrer le sacrement de pénitence à un malade
qui habitait un
village assez éloigné de la ville il s'empresse d'y courir
mais au retour la
nuit le surprit en route et arrivé près d'un lac il entendit
un concert de
gémissements qui semblaient sortir de la terre son compagnon
épouvanté ne
respirait plus mais lui habitué à ces manisfestations
246
surnaturelles dit simplement : " Mettons-nous à genoux et récitons
cinq
Pater et cinq Ave aux cinq plaies du Sauveur pour le soulagement
des âmes
qui font en ce lieu leur purgatoire et qui nous implorent par permission
divine." Cette prière achevée on n'entendit plus rien
comme si le
soulagement avait été immédiat du reste jamais
pareil fait ne s'était
produit auparavant ni ne se produisit depuis en cet endroit si tel
était
l'effet des simples prières du P. Anchieta le divin sacrifice
offert par lui
en avait de bien plus considérables le jour de la fête
de saint Jean apôtre
et évangéliste durant l'octave de Noel il avait pris
un ornement noir et dit
une messe de Requiem les fidèles étaient fort étonnés
d'une telle nouveauté
la couleur noire n'étant pas permise pour les solennités
de ce temps le P.
Nobréga supérieur de la maison bien qu'il fût persuadé
qu'un religieux de
tant de science et de sainteté avait quelque grave motif d'agir
ainsi ne
laissa pas de le reprendre tous ses confrères afin d'ôter
à sa conduite le
caractère d'irrégularité qu'elle paraissait avoir
" Comment se peut-il faire
lui dit-il qu'en un jour comme celui-ci vous ayez refusé à
saint Jean de
l'honorer au saint autel avec toute l'Eglise ? Aviez-vous oublié
d'ailleurs
les prescriptions des rubriques et des règlements ecclésiastiques
?" Le bon
Père humble et obéissant répondit que Dieu lui
avait fait connaitre qu'un
prêtre de la Compagnie qui avait été son condisciple
à l'université de
Coimbre et qui se trouvait pour lors en Italie au collège de
la sainte
Maison de Lorette était passé de vie à trépas
cette nuit-là même qu'il
s'était senti inspiré de prier tout de suite pour lui
à l'autel et qu'il
croyait que Dieu l'avait voulu. " Et -
247
bien ! continua le supérieur qui avait la plus haute idée
de la sainteté du
Père savez-vous si ce sacrifice lui a été utile
! - Oui reprit modestement
Anchieta le Seigneur m'a fait voir immédiatement après
la commémoration des
morts lorsque je disais ces paroles : Deo Patri omnipotenti in unitate
Spiritus Sancti omnis honor et gloria ; Cette chère âme
délivrée de toute
peine monter au ciel où l'attendait la couronne." (Jacques Hautin,
Palroc.
animar., ch.11, art.2.)
247
74ème Merveille
Récompense de ce que l'on fait pour les âmes du
purgatoire
On vous remettra selon la mesure que vous aurez employée pour
les
autres (Luc.,VI,38.)
Il y a dans le Lévitique (XXIV,20) une loi qui impose
au criminel un châtiment identique au mal qu'il a commis : "Sic
fict ei :
oculum pro oculo dentem pro dente restituet : Voici comment on le traitera
il rendra oeil pour oeil et dent pour dent." Cette règle s'observe
à la
lettre on peut le dire dans ce qui concerne les suffrages pour les
défunts
ceux qui n'ont pas eu souvenir de leurs souffrances et qui n'ont pas
travaillé à les adoucir par leurs prières éprouveront
un oubli semblable
après leur mort
248
Nous lisons à ce sujet un trait intéressant dans les
Chroniques de
Carmélites-déchaussées au bourg de Los-Angélos
dans la nouvelle-Espagne un
vertueux religieux du monastère de Notre-Dame-du Remède
passa à l'autre vie
si pieux qu'il eût été il avait besoin cependant
de prières et comme on ne
les offrit pas à Dieu pour lui il dut souffrir durant plusieurs
années les
peines du Purgatoire au bout de ce temps Dieu lui permit de recourir
à l'un
de ses amis il apparut donc à un frère lai du même
ordre nommé Pierre de
Sainte- Marie grand serviteur de Dieu lui-même après lui
avoir représenter
l'horreur des tourments qu'il endurait il le supplia d'aller en son
nom
prier le Père prieur de faire célébrer pour lui
plusieurs messes des morts
son bonheur étant à ce prix le frère s'acquitta
aussitôt du message mais le
prieur frère Dominique de la Mère de Dieu ne lui accorda
pas facilement
créance suspectant une imagination frappée ou une illusion
d'esprit faible
il ne fit point dire les messes quoique même dans le doute
il semble que la
charité eût exigé de lui cette concession quelques
jours après l'âme
reparait elle dépeint avec tristesse encore et d'éloquence
ses tortures au
bon frère Pierre le pressant d'aller de nouveau implorer la
pitié du
supérieur celui-ci fut frappé de ces circonstances et
cette fois crut à
l'apparition plusieurs religieux par son ordre montèrent au
saint autel et
offrirent pour leur confrère l'adorable victime dont le sang
efface toutes
les iniquités des hommes bientôt on sut l'effet de cette
charité une nuit
que le même frère se tenait à genoux pendant l'office
de matines et que le
supérieur était dans sa stalle on vit briller tout
249
d'un coup un globe de lumière et au milieu l'âme resplendissante
du défunt
qui s'élevait doucement vers le ciel mais avant de disparaître
elle se
tourna pleine d'allégresse d'abord vers le frère puis
du côté du prieur et
leur fit à l'un et à l'autre un signe de profonde gratitude
comme si elle
leur attribuait sa glorieuse délivrance toutefois le P. Dominique
pour
n'avoir pas voulu se rendre à la première demande éprouva
un châtiment que
nous devons aussi rapporter il fut envoyé dans un autre couvent
où il mourut
au bout de plusieurs années sa vie avait été celle
d'un édifiant religieux
mais qui ne le sait par sa propre et journalière expérience
? nous ne sommes
de nous-mêmes que faiblesse et corruption et nous amassons un
trésor
continuel de petites infidélités suivant le mot de saint
Grégoire : "De
mundano pulvere etiam religiosa corda sordescunt : La poussière
de ce monde
s'attache aux coeurs les plus purs." Il fut donc condamné lui
aussi au lieu
d'expiation et après y avoir souffert quelque temps il lui fut
permis de
venir réclamer ici-bas des suffrages il se fit voir à
un religieux convers
le Frère Joseph de Saint- Antoine au moment où il coupait
du bois dans la
forêt il demanda à ce bon moine qui était
d'une grande simplicité d'avertir
tout de suite le Père prieur que l'âme du P. Dominique
endurait depuis
longtemps l'horrible supplice du feu et qu'elle avait besoin que l'on
offrit
pour elle un certain nombre de messes qu'elle marqua : "Ce sont ajouta
t-elle des intentions que je devais acquitter moi-même et auxquelles
la mort
m'a empêché de satisfaire parce que j'y avais apporté
quelque négligence."
Frère HJoseph accepta la commission
250
et s'en vint trouver le prieur lui racontant naivement toute l'histoire
celui-ci ne savait que croire la chose lui paraissant si extraordinaire
et
d'autre par la bonhomie du frère ne laissant guère lieu
de craindre un écart
d'imagination il négligea l'avertissement Dieu permettant que
la faute du
mort fût châtiée en quelque sorte par elle-même
l'apparition se renouvela et
le frère Antoine revint à son supérieur l'âme
conjurait qu'on eût compassion
de son lamentable état et qu'on lui accordât les messes
demandées elle en
appelait au coeur de tous ses frères et à leur religion
le prieur se rendit
alors et chargea plusieurs Pères d'acquitter les intentions
de frère
Dominique a partir de cet instant le frère Joseph ne vit plus
rien ce qui
fit penser que l'expiation avait cessé et que le défunt
avait été admis dans
le sein du Seigneur sans doute il ne faut pas croire à toute
parole
l'Ecriture-Sainte nous avertissant que cette disposition est un signe
de
legèrté : Qui cito credit levis est corde. ( Eccl. ,
I, 97) mais aussi une
réserve trop grande tient de l'orgueil de l'ignorance ou de
l'étroitesse
d'esprit toutes choses qui mènent à l'infidélité
suivant Isaie : Qui
incredulus est infideliter agit. ( V. P. François de Sainte-
Marie, Chron.
FF, Carm. discale., T.II livre 7, ch.44.)
251
75ème Merveille Dévotion
extraordinaire pour les âmes touché de compassion
il répandit des
larmes au souvenir du défunt (II. Macch. IV, 37.)
Nous ne pouvons omettre
dans ces récits la singulière piété d'un
vénérable serviteur de Dieu animé
d'un zèle également infatigable pour les vivants et pour
les morts et qui
peut servir d'exemple et de stimulant aux pasteurs eux-mêmes
et ce trait
mérite d'autant mieux d'être conservé qu'il s'y
trouve un certain nombre
d'apparitions sur l'authenticité desquelles il n'y a guère
lieu d'élever un
doute ce chrétien admirable s'appelait Gratien Ponzoni membre
de la
Congrégation instituée par Saint Charles Borromée
et ensuite archiprêtre
d'Arona toute sa vie il s'intéressa au soulagement des âmes
du purgatoire il
serait trop long de redire en détail ses ferventes prières
accompagnées de
larmes ses nombreuses et dures pénitences ses jeûnes les
cilices qu'il
imposait à sa chair ses veilles ses disciplines qui allaient
jusqu'au sang
toutes choses que nous trouvons immanquablement dans quiconque veut
apaiser
la colère divine voici seulement ce que la dévotion de
Ponzoni avait de
particulier le respect et la piété qu'il professait pour
les âmes le
252
portaient à imiter Tobie dont il est dit qu'il s'empressait
de donner la
sépulture à ceux qui venaient de mourir ou d'être
tués : Mortuis atque
occisis sepulturam solocotus exhibebat Il ensevelissait donc de ses
propres
mains les pauvres les abandonnés tous ceux que le mépris
ou l'indifférence
du monde poursuit jusque dans le tombeau un mal contagieux qui se déclara
à
Arona fit périr bon nombre de soldats napolitains en garnison
dans cette
ville le fossoyeur dont le devoir était d'ensevelir ces malheureux
ne se
sentait pas le courage d'y mettre la main il s'éloignait avec
terreur
redoutant la contagion le bon archiprêtre le réprimanda
de cette faiblesse
l'encouragea le fit venir dans sa maison pour lui donner à la
fois les
conseils et l'exemple et la nuit il le conduisait avec lui auprès
des
cadavres leur rendre les derniers devoirs de la piété
animé comme il l'était
de cette ferveur qui suivant saint Paul détruit la crainte :
Charitas quoe
foras mittit timorem il méritait aussi que ses oraisons fussent
agréables à
Dieu comme celles de Tobie son modèle et qu'elles fussent portées
au pied du
trône divin par l'ange du Seigneur : Quando orabas et sepeliebas
mortuos ego
obtuli orationem tuam Domino. ( Tob., XII.) Le saint prêtre avait
en outre
et avant tout assisté à l'heure de la mort avec zèle
et une charité tout
apostoliques un grand nombre de ces infortunés puis il avait
veillé à ce
qu'ils fussent convenablement inhumés dans le cimetière
situé près de son
église de Sainte- Marie un jour après l'office de vêpres
comme il passait
auprès de ce cimetière accompagné de don Alphonse
Sanchez alors gouverneur
d'Arona seigneur plein de religion il s'arrêta tout-à-coup
les yeux fixés du
côté
253
des tombes et comme absorbé par un spectacle étrange
le gouverneur regardait
de la même façon et dans un sentiment égal de stupeur
l'archiprêtre se
tournant vers lui lui demanda : " Voyez-vous monsieur le même
spectacle qui
m'est offert en ce moment une procession de morts s'avançant
vers l'église
bien qu'elle soit fermée ? - Oui répondit le gouverneur
comme vous je vois
tout cela et je n'en puis croire mes yeux." Assuré qu'il n'était
point le
jouet d'une illusion le bon prêtre comprit que ces âmes
lui faisaient
connaître le besoin qu'elles avaient d'intercession et de prières
et
aussitôt il fit sonner les cloches pour convoquer le peuple à
l'église il
annonça pour le lendemain un office solennel en faveur des morts
demandant à
tous les fidèles d'intervenir par leurs bonnes oeuvres dans
une telle
occasion : " Car dit-il j'ai lieu de croire que ces âmes sont
celles des
soldats que nous avons perdus." Au reste il ne se contentait pas d'être
lui-même plein de cette dévotion il la prêchait
fréquemment et s'éfforçait
de la faire partager à tous ceux qui l'entendaient particulièrement
parmi
les ecclésiastiques qui professaient pour sa vertu une grande
vénération
c'est aussi dans la même pensée qu'il fit construire une
petite chapelle des
morts dont la partie du cimetière qui touchait à son
église et il y disposa
tout ce qui pouvait porter au souvenir des défunts et faire
réciter pour eux
aux moins une courte prière de la part de chaque passant il
tournait de ce
côté la plupart de ses actions ne jugeant pas rien fût
plus agréable au
Sauveur il permettait quelques jeux dans sa maison aux heures des
récréations après le travail mais outre qu'il
interdisait tous ceux qui ont
un caractère dangereux ou
254
qui passionnent pour les futilités il avait réglé
que tout le gain serait
employé à faire dire des messes pour les pauvres âmes
et à cet effet une
boite était déposée sur la table Personne ne refusait
de souscrire à une si
pieuse condition et ainsi remarque l'auteur qui rapporte cette circonstance
et celui qui gagnait et celui qui perdait concouraient également
charitable
et sainte pourquoi cet exemple n'est-il pas suivi parmi les fidèles
? et
d'où vient que tant de chrétiens demeurent insensibles
aux maux de leurs
amis défunts ? ( V.P. Maroc-Antoine S.J.Rossa, Vita venerabilis
Graziani
Punzoni, c. VIII.)
254
76ème Merveille Petites
aumônes faites de bon coeur.
Si tu as peu de chose donne peu mais volontiers :
tu amasses ainsi une récompense qui sera grande (Tobie, IV,
9.)
L'ange Raphael envoyé au jeune Tobie lui recommanda
spécialement la vertu de l'aumône et le soin des
morts deux choses qui se
donnent la main et se correspondent on lit à ce sujet une histoire
intéressante dans les annales des Pères Augustins-déchaussés
lors de la
fondation du couvent de Sainte-Marie à
255
Aversa le P. Hilarion de Saint-Antoine religieux de grande vertu qui
présidait aux travaux s'était retiré dans un hospice
peu éloigné de l'église
de Saint-François où il célébrait chaque
matin la sainte Messe un jour un
bon laic du nom de Jean-Baptiste employé lui-même à
la construction à titre
d'économe voulut le servir à l'autel il y communia pour
les âmes du
Purgatoire à l'intention desquelles le religieux célébrait
ce matin-là
Hilarion l'invita ensuite à son modeste repas et Jean-Baptiste
se rendit à
l'hospice à l'heure indiquée comme il entrait il trouva
dans la cour
intérieur un jeune homme gracieux d'agréable aspect richement
vêtu qui lui
dit qu'il souhaitait d'entretenir le P. Hilarion d'un sujet important
celui-ci averti s'excusait sur ce que le moment était mal choisi
mais sur
les instances de l'étranger il descendit vers lui s'informa
du motif de
cette visite et reçut pour réponse que le jeune homme
le suppliait pour
l'amour de Dieu de lui faire part en ce moment des aliments de sa table
cette demande étonna le religieux celui qui la faisait paraissant
plutôt en
état de faire du bien aux autres que de se réclamer d'un
pauvre moine pour
manger cependant il se rendit à sa prière lui dit d'attendre
un instant et
courut au panier où il mettait son pain le premier pain qu'il
en tira était
le meilleur le plus blanc quoiqu'il ne l'eût point choisi il
eut la pensée
d'en prendre un autre de qualité inférieure mais il lui
sembla entendre au
fond du coeur une voix qui lui disait : "Pourquoi cette délicatesse
? Qui
sait si ce n'est point un ange du paradis que Dieu t'envoie ? car enfin
il
est entré la porte de la cour étant fermée." Il
prend donc ce pain y ajoute
la meilleure partie de ce qu'il
256
avait sur la table et lui envoie le tout en le priant de l'excuser
du peu
qu'il ne pouvait lui offrir davantage étant pris à l'improviste
en attendant
le Père et Jean-Baptiste se mirent de leur côté
à diner mais sans manger
beaucoup ils étaient sous le poids d'une sorte de frayeur ne
comprenant pas
comment cet étranger d'un air si distingué avait pu s'introduire
dans une
enceinte parfaitement close leur conversation reprenait ce sujet sous
toutes
les formes le religieux revenait à son idée :"Il est
si beau disait-il que
ce pourrait bien être un ange envoyé du ciel. - Et pourquoi
ajouta l'économe
ne serait-ce pas aussi bien une des âmes du purgatoire en faveur
desquelles
nous avons ce matin prié ensemble ? Quand on jugea que le jeune
homme devait
avoir fini Jean-Baptiste descendit pour le saluer et s'informer de
lui
l'étranger se leva à son approche et l'abordant lui dit
:" Eh bien mon frère
rendons grâces à Dieu récitons un Pater et un Ave
en faveur des âmes
souffrante." Et aussitôt se mettant à genoux il joignit
les mains leva les
yeux au ciel et proféra dévotement l'Oraison Dominicale
et la Salutation
Angélique puis il s'achemina vers la porte prenant alors la
main de
l'économe il ajoute :"Allez dire au P. Hilarion de cesser désormais
de prier
pour l'âme de son père elle n'en a plus besoin car elle
monte au ciel à
cette heure même." Et il s'évanouit comme un brouillard
dissipé par le
soleil le brave homme restait cloué à sa place par la
terreur il se mit à
crier :"Père ! Père Hilarion !" Mais la voix s'arrêtait
dans son gosier
comme il est dit de la famille de Tobie (XII, 16) : Cum hoec audissent
turbati
257
sunt et trementes ceciderunt super terram in faciem suam. Le père
s'était
mis à une fenêtre d'où il essayait vainement de
voir quelque chose
s'entendant appeler il descendit rapidement l'escalier et trouva le
pauvre
homme étendu sans connaissance il eut bien de la peine à
le faire revenir et
ce ne fut pas sans une vive émotion qu'il entendit le récit
de l'apparition
ils bénirent d'un commun accord le Dieu de miséricorde
qui avait daigné
faire en leur présence ce touchant miracle où une âme
s'était fait voir avec
quelque chose de la beauté dont le Seigneur revêtira ses
élus dans les
parvis éternels on conserva précieusement les assiettes
qui avaient servi
dans cette occasion les mêmes chroniques assurent que la fondatrice
du
couvent un léger aliment sur l'une de ces assiettes et qu'il
fut
instantanément guéri ( V. P. Epiphanius Chronic, EF August.
Discalo. cap.
28.)
257
77ème Merveille Le
besoin que nous avons d'être purifiés
qui peut dire : Mon coeur est pur je suis exempt de péché
? (prov. , XX, 9.)
Saint Augustin nous avertit aussi bien que l'Ecriture qu'il n'est pas
sur la terre un homme qui ne doive trem -
258
bler si le juge éternel veut scruter sa vie avec rigueur et
sans laisser
dominer la miséricorde même les justes même les
saints :Voe etiam laudabili
vitoe hominum si remotâ misericordiâ discutias ! Point
d'âme si pure qui
n'ait ses taches le fait que nous allons rapporter semblerait incroyable
si
nous ne l'écrivions sur le témoignage formel du cardinal
Jacques de Vitry il
raconte donc que dans un village de la province de Liège vivait
en 1208 une
veuve de moeurs édifiantes de vertu profonde et très-aimée
de la vénérable
Marie d'Oignies célèbre elle-même dans l'Eglise
pour sa sainteté elle avait
élevé ses deux filles dans une grande innocence et pureté
de vie jusque-là
qu'après avoir fait le voeu de virginité ces deux ferventes
épouses de
Jésus-Christ s'étaient consacrées à la
retraite où elles servaient de
modèles à toute la jeunesse de la paroisse la mère
tomba dans une grave
maladie qui la réduisit promptement à l'extrémité
dès que la vénérable Marie
en fut instruite elle accourut au chevet de la malade pour lui porter
quelques paroles d'encouragement et de consolation O prodige en entrant
dans
la chambre elle voit la Mère de Dieu la reine du ciel assise
auprès de sa
servante la soignant d'un air maternel un éventail à
la main avec lequel
elle rafraîchissait son visage brûlant de fièvre
heureuse âme qui dans sa
lutte suprême avait mérité d'être réconfortée
par celle que la voix du monde
chrétien proclame la Consaltrice des affligés Consolatrix
afflictorum la
sainte visiteuse aperçut en même temps une troupe de démons
qui
s'efforçaient d'entrer armés de toutes leurs tentations
et de tous leurs
pièges ordinaires contre les moribonds mais aussitôt parut
l'apôtre saint
Pierre l'étendard de la croix à
259
la main qui les mit en fuite à son approche ils avaient été
comme frappés de
la foudre les grâces miraculeuses ne se bornèrent point
encore à cela
lorsque la vertueuse dame fut morte et qu'on fit ses funérailles
la
bienheureuse Marie d'Oignies vit Marie accompagnée d'une troupe
de vierges
divisées en deux choeurs qui assistaient à la cérémonie
rangées autour du
corps et chantant harmonieusement des psaumes pour le repos de cette
âme il
lui sembla même que Notre-Seigneur avait pris la place du prêtre
officiant
et présidait à l'assemblée chrétienne réunie
au pied de l'autel c'est ainsi
dit le narrateur que l'Eglise triomphante s'unissait à l'Eglise
militante
pour honorer une fidèle servante de Dieu fidèle au culte
de Marie Eh bien
lecteur chrétien vous croirez sans doute qu'une âme si
merveilleusement
favorisée à ce point qu'il n'en est pas une autre dans
l'histoire
ecclésiastique qui l'ait été davantage fut transportée
immédiatement au ciel
par les anges Hélas les jugements du Seigneur sont terribles
et il ne peut
souffrir en nous malgré toute sa miséricorde que dis-je
? à cause même de
cette miséricorde la moindre tache parce qu'elle nous tourmenterait
éternellement la vénérable Marie d'Oignies après
avoir pris part aux
funérailles et assisté à la déposition
du corps se retira pour faire oraison
selon sa coutume dans cette prière elle fut ravie en extase
elle vit l'âme
de la pieuse veuve portée dans le purgatoire et condamnée
à de dures
souffrances afin d'être dégagée parfaitement de
plusieurs imperfections
humaines cette vue épouvanta la sainte elle se hâta
d'avertir les deux
filles de la défunte de s'unir à elle pour satisfaire
à la divine
260
justice par des prières des aumônes des jeûnes et
autres mortifications
elles continuèrent ensemble ces exercices pieux et charitables
jusqu'à ce
que la défunte apparut à Marie d'Oignies environnée
de gloire et dans tout
l'éclat du triomphe céleste elle tenait à la main
un livre celui des
évangiles sans doute pour montrer qu'elle avait été
une fidèle disciple de
la sagesse éternelle venue sur la terre instruire les hommes
et qu'elle
avait consciencieusement observé ses préceptes concluons
de cette histoire
combien nous devons redouter la justice sévère d'un Dieu
qui est la sainteté
même et avec quel soin il convient d'éviter ces fautes
légères que nous nous
permettons si aisément puisqu'enfin il n'en est pas une que
nous ne devuions
expier un jour dans les larmes et la douleur concluons encore avec
quelle
tendresse l'auguste Mère des chrétiens veille sur ceux
qui ont été fidèles à
l'invoquer et qui se sont rangés sous sa maternelle bannière
(V. L.
Surius,23 juin, Maria Ognaciencis, I. 2, ch. 3).
261
78ème Merveille Iniquité
convertie en oeuvre méritoire.
Faites-vous des amis avec l'argent de l'iniquité afin que au
moment où vous manquerez ils vous reçoivent dans les tabernacles
éternels (Luc. XVI, 9.)
Cette leçon du Sauveur de convertir par une sainte alchimie
la boue des biens mal acquis en un or de mérites et
de satisfactions fut pleinement observée par Zachée lorsque
ce converti
rendit à ceux qu'il avait dépouillés quatre fois
autant et donna aux pauvres
la moitié du reste une infinité d'autres à sa
suite usuriers marchands
déloyalement enrichis héritiers d'une fortune douteuse
se sont volontairment
appauvris de ces richesses empoisonnées pour acquérir
les trésor de la grâce
nous avons à montrer comment un fait de ce genre procure la
délivrance d'une
âme dans une ville de Hongrie dont on ne dit pas le nom un soldat
de moeurs
brutales bien mal à propos décoré du nom de Clément
avait commis un homicide
simplement pour satisfaire la vengeance d'un concitoyen qui le récompensa
d'une grosse somme d'argent le remords vint pourtant il accompagne
immanquablement les grands crimes voilà donc ce ferrailleur
tour-
262
menté du désir d'obtenir miséricorde pour son
forfait il va trouver un
confesseur se jette à ses pieds avoue ses iniquités avec
une grande
abondance de larmes et en obtient l'absolution en outre il fait voeu
d'employer les deux cents florins qu'il a reçus à faire
sculpter ce qu'on
appelle une Pitié c'est-à-dire une Vierge tenant entre
ses bras le corps de
son divin Fils détaché de la croix et de plus à
faire célébrer trois messes
de pénitence avec offrande de douze cierges au Saint-Sacrement
Or il tarda
de s'acquitter de ses promesses et la mort le surprit le purgatoire
reçut
cette âme qui avait tant à expier mais par une miséricorde
singulière du
Seigneur il lui fut permis d'apparaître à une sainte fille
nommée Reine qui
vivait dans la virginité et dans la pratique d'une parfaite
vertu elle se
présenta donc à elle et lui dit :" Epouse de Jésus-Christ
je vous supplie
pour l'amour de Dieu d'aller trouver ma femme qui vous remettra deux
cents
florins c'est le prix du sang et voici ce que vous en ferez en mon
nom vous
accomplirez un voeu que j'ai formé durant ma vie pour une statue
de la Mère
des douleurs trois messes à faire dire et douze cierges à
allumer devant le
Saint des saints et ce qui restera de la somme sera distribué
aux pauvres a
ce prix je pourrai être délivré des cruels tourments
auxquels je suis
condamnée présentement." la pieuse fille n'osa point
s'acquitter de ce
message pour un motif et pour un autre le défunt lui apparut
une seconde et
une troisième fois multipliant ses instances et la conjurant
de ne lui point
refuser cette grâce suprême si elle avait quelque amour
pour Dieu cette
vierge ne voulut pas se charger d'une
263
pareille commission elle répondit que cela lui était
impossible qu'on la
laissât en repos et qu'elle détestait ces affaires d'argent
où elle n'avait
aucun titre à produire - " Eh bien reprit l'âme je ne
vous laisserai pas
tranquille jusqu'à ce que vous m'ayez exaucée fuyez où
vous voudrez je
saurai bien vous trouver car c'est à vous seule que j'ai la
permission de
m'adresser."Ces manifestations ne purent demeurer si secrètes
qu'elles ne
vinssent à la connaissance de l'un des premiers de la ville
cet homme touché
de pitié pour la pauvre âme en peine se décida
à faire faire à son compte la
statue promise à l'intention de Clément et pour le décharger
de son voeu il
fait donc venir un sculpteur lui expose son désir et son plan
et lui enjoint
de mettre immédiatement la main à l'oeuvre et de hâter
l'exécution celui-ci
n'ayant point dans sa boutique de bois convenable pour une statue de
ce
genre sortit à la recherche de ce qui pourrait lui convenir
et entra dans un
bois où il examinait l'un après l'autre tous les abres
abattus pendant cet
examen il voit venir au-devant de lui un homme appuyé sur un
bâton les
cheveux blancs le visage pâle qui ressemblait beaucoup par les
traits et par
la démarche au défunt Clément -"Où allez-vous
ainsi et que cherchez-vous ?
dit-il au sculpteur - Je cherche répond celui-ci un bois d'excellente
qualité pour en faire une image de la Vierge de douleurs jusqu'à
présent je
n'ai guère réussi ceux-ci sont trop verts ceux-là
trop peu consistants ou
bien la qualité ne convient point pour le ciseau - Eh bien reprit
l'étranger
ne vous agitez pas davantage c'est moi qui vous conduirai où
il faut à
quelques pas d'ici
264
au milieu de ce bouquet d'arbres à main droite il y a par terre
un arbre
coupé depuis quatre ans bien sec bien dur absolument ce que
vous désirez."
L'artiste y va trouve ce qu'on lui avait annonçé et revient
chez lui tout
content il se met aussitôt au travail le presse vivement et en
très-peu de
temps il était achevé celui qui l'avait commandé
vint le voir le trouva
parfait et lui dit de passer chez lui pour en reçevoir le prix
quand il lui
plairait cependant l'âme de Clément se montre de nouveau
à Reine et lui dit
qu'il est nécessaire que la dépense soit faite à
ses propres frais sur les
deux cents florins qu'il a reçus pour le meurtre parce que l'argent
d'iniquité doit servir à la réparation et non
point un autre que si sa
famille a déjà dépensé la somme il la faut
retrouver en vendant les meubles
sans quoi il continuerait d'être tourmenté dans les flammes
du purgatoire
n'ayant point expié suffisamment son crime abominable cette
fois sa volonté
fut suivie alors on apporta la statue chez Reine on la plaça
sur un petit
autel et au pied on mit les deux cents florins l'âme apparut
encore mais
tout autre rayonnante glorieuse elle se répandit en remerciments
commanda de
prendre les florins d'en donner une partie au statuaire et d'employer
le
reste à l'accomplissement des oeuvres qu'elle avait vouées
et au soulagment
des malheureux cette disposition indiquée elle s'éloigna
mais les prêtres
qui firent la dédicace de l'image racontèrent qu'ils
avaient entendu
distinctement pendant la cérémonie une voix pleine d'allégresse
qui chantait
: " O mon Dieu et mon Seigneur vous êtes ma consolation et mon
refuge vous
êtes ma force et mon espérance et mainte-
265
nant j'entre dans l'éternelle félicité que vous
avez réservée à ceux qui
vous aiment." ( V Ch. Casalicchio, div. timoris, e. LIX)
265
79ème Merveille L'amour
du prochain doit s'étendre au - delà de cette vie
Celui qui aime aime toujours. (Prov.
XVII, 17.)
Ce n'est point aimer véritablement que d'oublier l'ami qui a
disparu aux yeux du corps c'est ce que ne cessait de répéter
aux enfants de
saint Ignace le P. Diégo Lainez second général
des jésuites il voulait que
les intérêts des âmes leur fussent aussi à
coeur par delà le tombeau
qu'auparavant il ne se contentait pas du conseil il donnait aussi l'exemple
une bonne partie de ses prières de ses sacrifices de ses études
de ses
travaux pour la sainte Eglise et pour la dilatation de la foi catholique
étaient appliqués aux suffrages de celles qui souffraient
en purgatoire les
Pères de la Compagnie furent fidèles à cet enseignement
de charité et en
tout temps ils ont montré un zèle particulier pour cette
dévotion comme on
peut le voir dans le livre intitulé Heroes et victimoe charitatis
Societatis jesu duquel je transcrirai une seule page a Munster
en
Westphalie vers le milieu du XVIIe siècle éclata un mal
contagieux qui
faisait chaque jour
266
d'innombrables victimes la crainte empêchait de trouver facilement
des
personnes qui se voulussent dévouer aux malheureux atteints
du fléau alors
le Père Jean Fabricius jésuite se présenta dans
cette noble arène de la
charité et mettant de côté toute préoccupation
personnelle employa ses
journées à visiter les malades à leur faire prendre
les médecines
nécessaires en même temps qu'il les exhortait à
accepter chrétiennement de
la main de Dieu l'épreuve qu'il leur envoyait il les confessait
les
administrait lui-même les ensevelissait de ses mains montait
ensuite pour
eux au saint autel du reste toute sa vie et dans toutes les occasions
il eut
une grande affection pour les âmes souffrantes ainsi parmi ses
exercices de
piété les plus chers pour lui-même et qu'il recommandait
davantage était
celui de dire la messe de Requiem toutes les fois que les règles
ecclésiastiques le lui permettaient ses conseils eurent assez
d'effet pour
engager les Pères de Munster à consacrer chaque mois
un jour pendant lequel
ils tendaient leur église de noir et priaient solennellement
pour les morts
ainsi que Dieu l'a souvent permis cette multitude d'oeuvres méritoires
fut
récompensée en même temps qu'encouragée
par plusieurs apparitions de ces
âmes les unes le suppliaient de hâter leur délivrance
qui tardait celles-ci
le remerciaent de ce qu'il avait déjà fait et lui annonçaient
que l'heure du
triomphe était venue pour elles le plus grand prodige de charité
fut celui
qu'il accomplit à sa mort avec une générosité
qu'on ne saurait assez
admirer il fit le sacrifice de tous les mérites prières
messes indulgences
mortifications que la Compagnie a coutume d'appliquer à ceux
de ses
267
membres qu'elle perd il demanda à Dieu de l'en dépouiller
lui-même pour en
revêtir les âmes souffrantes qu'il daignerait favoriser
de ce trésor
testament en vérité sublime André Simoni de la
même Compagnie avait une
charité égale quoiq'il ne fût pas prêtre
ce désir qu'il avait de leur
appliquer les mérites du divin sacrifice lui en fit trouver
le moyen ce fut
d'entretenir à ses frais plusieurs ecclésiastiques pour
dire la sainte Messe
en son nom comme il était très-pauvre il n'avait d'autre
ressource que de
mendier dans cette intention à la porte du couvent où
il servait et le Ciel
permettait que beaucoup de riches lui donnassent pour cela autant qu'il
était nécessaire à son dessein afin d'y déterminer
mieux encore les prélats
cardinaux étrangers grands seigneurs qui fréquentaient
le noviciat de
Saint-André à Rome où il était concierge
il cultivait un petit jardin rempli
de roses de jacinthes de giroflées d'anémones et autres
fleurs dont il
faisait des bouquets qu'il leur offrait en leur suggérant le
souvenir de ses
chères âmes on se laissait facilement gagner par ce zèle
et cette piété et
on déliait volontiers sa bourse aussi quand il fut à
sa dernière heure les
âmes qu'il avait soulagées le vinrent consoler visiblement
et l'assistèrent
jusqu'au passage terrible à la grande édification des
assistants a ce jardin
si fructueux pour les âmes ne pouvait-on pas bien appliquer le
mot du
prophète Isaie : " Germen plantationis ejus ad glorificandum
: C'est pour
procurer leur gloire qu'il a ainsi cultivé la terre ?." On fit
à son sujet
quatre vers italiens dont voici le sens : " Beau jardin qui de tes
fleurs
soulages les peines
268
d'autrui puisque tu procures un tel bien chacune de ces fleurs vaut
un
trésor." ( V. l'ouvrage cité du Père Phil. Alegambe,
année 1656.)
268
80ème Merveille Révélations
sur l'autre vie
le Seigneur révèle les mystères du royaume de
la
mort ( Job, XII, 22.)
L'ordre vénérable des Théatins s'est toujours
distingué par son zèle pour les âmes du purgatoire
et il lui a fait établir
à ce dessein plusieurs oeuvres charitables c'est un théatin
le Père Jérôme
Méaza qui a composé et publié en latin avec autant
de science sacrée que de
piété l'ouvrage intitulé Stimulus quotidianus
incitans ad defunctorum
suffragia ( Exhortations quotidiennes à prier pour les morts)
c'est dans cet
ordre encore qu'a vécu le grand saint André Avellino
un autre dévot de ces
pauvres âmes et le plus connu lorsque suivant sa sainte et habituelle
pratique il intercédait humblement avec une angélique
ferveur pour les
défunts il lui arrivait parfois d'éprouver comme une
émotion de résistance
intérieure un sentiment d'invincible répulsion d'autres
fois c'était au
contraire une grande consolation un attrait particulier il comprit
bientôt
que la première de ces dispositions montrait que l'âme
269
pour laquelle il s'intéressait était indigne de pardon
et condamnée au feu
éternel tandis que l'autre marquait l'épreuve du purgatoire
de même dans
l'oblation du saint sacrifice où le plus souvent il avait pour
intention la
délivrance des défunts s'il sentait dès son départ
de la sacristie comme une
main qui le retenait il était inutile de prier pour cette âme
mais quand il
était ravi en esprit et excité à une piété
plus grande c'était pour lui
l'assurance qu'il n'intercédait point en vain et puis Dieu se
plaisait à
accorder à son serviteur la connaissance de l'état des
âmes en voici une
preuve un père de cet ordre étant à l'agonie (le
P. Solaro) on entendit dans
sa cellule du bruit et de l'agitation comme si plusieurs personnes
disputaient et combattaient l'une contre l'autre ceux qui assistaient
le
moribond redoublèrent pour lui leurs prières estimant
qu'il avait à
supporter une plus terrible lutte quelques-uns sortirent pour monter
tout de
suite à l'autel à cette intention pressante aussitôt
après la mort le bruit
cessa mais non pas les craintes des bons religieux qui redoutaient
l'issue
finale du combat Saint André était dans une profonde
oraison il en sortit au
bout de quelque temps et s'empressa de les rassurer et de les consoler
l'âme
de Solaro lui était apparue elle lui avait dit qu'en effet elle
avait eu à
soutenir une bataille mortelle avec les esprits infernaux qui la voulaient
perdre à ce moment suprême mais que ces horribles démons
ne trouvant point
en elle les péchés qu'ils y cherchaient avaient été
obligés de s'enfuir
honteusement laissant le malade achever dans la paix le passage de
cette vie
à l'autre l'âme avait dû ensuite rester en purgatoire
quelques heures pour
l'expiation de
270
plusieurs fautes légères mais bientôt la grâce
du Seigneur et les prières de
ses confrères l'avaient délivrée de sorte qu'elle
était montée glorieuse au
ciel cette assurance de la part du bienheureux que l'on savait ami
privilégié de Dieu fut pour toute la communauté
une immense consolation mais
saint André a été l'apôtre de cette dévotion
après sa mort comme il l'avait
été durant sa vie lorsque cet admirable serviteur de
Dieu eut rendu l'âme à
son créateur une religieuse de grande vertu Madeleine Barona
du couvent de
Sainte-Marie-de-la-Sapience à Naples était allée
faire oraison pendant la
nuit au choeur de l'église pendant qu'elle se tenait à
genoux en présence du
Saint-Sacrement récitant les vêpres des morts en faveur
du bon Père au cas
où son âme aurait encore besoin de quelques suffrages
elle vit venir à elle
d'un air très-extraordinaire une abeille laquelle tournait autour
de sa tête
en voltigeant et en faisant entendre le plus doux murmure comme si
elle eût
répondu aux psaumes puis elle se posa sur le bréviaire
d'où elle ne s'envola
qu'à la fin de l'office Madeleine se sentit en même temps
remplie d'une joie
intérieure si vive si étrangère à sa volonté
si inexplicable qu'après avoir
étudié toutes ces circonstances et consulté
de sages directeurs elle ne
douta plus que Dieu ne lui eût ainsi fait comprendre que son
serviteur était
reçu dans le paradis (V. Pentateuchus mortuorum, liv. IV, chap.
29, n.c.)
271
81ème Merveille prix
des souffrances d'ici-bàs
Les souffrances de cette vie ne sont pas
comparables à la gloire future ( rom. VIII, 18.)
On ne lit pas sans une
émotion profonde dans les histoires sacrées les cruelles
souffrances que se
sont imposées certains pénitents pour donner satisfaction
à la justice
divine même pour des fautes qui ne leur auraient assuré
d'autres peines que
celles du purgatoire nous n'irons pas à cette occasion rappeler
les
Chrysostôme les Jérôme les Antoine les Jean-Climaque
les Hilarion etc mais
un trait plus récent tiré des Annales des PP. capucins.Parmi
eux est célèbre
le nom du frère Antoine Corso pour les austérités
que lui inspira son
avidité sainte d'expiation il ne se contentait point de la règle
si dure et
si assujettissante de son ordre où la nature est rudement menée
mais il y en
ajouta tant et de tel caractère qu'on ne croirait pas que le
corps humain
les pût supporter et il ne le peut assurément que
par un secours surnaturel
pendant de longues années il adopta pour vêtement un cilice
de poils de
cheval grossièrement fabriqué avec quantité de
pointes tournées vers
l'intérieur qui le piquaient inévitablement de
272
nuit et de jour durant les plus grands froids de l'hiver il ne portait
qu'un
mauvais manteau mal rapiécé qui le préservait
à peine du vent le plus léger
il ne dormait que trois heures par nuit sur des planches passant le
reste du
temps à genoux dans la méditation des vérités
éternelles son abstinence
paraîtra incroyable presque tout le temps de sa profession religieuse
il
n'eut d'autre nourriture qu'un peu de pain et d'eau et cinq onces de
figues
sèches au lieu de devenir plus délicat avec l'âge
il en arriva à ne manger
que trois fois la semaine un peu de pain avec quelques gouttes d'eau
pure
chaque nuit encore il se flagellait durement en mémoire de la
passion de
Notre-Seigneur lorsque venait la Semaine-Sainte il passait bien cinq
heures
entières à se donner la discipline avec l'intention de
s'imposer le nombre
de coups que reçut Jésus-Christ et que plusieurs saints
ont cru être de
6.666. Pénitence en vérité si rigoureuse que le
démon essaya plusieurs fois
de l'arrêter sans y réussir de lui comme de saint Pierre
d'Alcantara on
pouvait dire selon la leçon du bréviaire de Rome :"Par
de perpétuels veilles
jeûnes flagellations dépouillement et de toute espèce
d'austérités il
réduisit son corps en servitude il avait passé avec lui
cet arrangement
qu'ici-bas il ne lui donnerait aucun repos." Or après une telle
vie vous
croyez certainement lecteur que l'âme d'Antoine fut portée
aussitôt dans le
sein d'Abraham ? Cependant elle eut elle aussi son moment de Purgatoire
ce
n'est pas que ce saint religieux eût à expier d'anciens
égarements car il
avait apporté dans le cloître son innocence il y avait
pratiqué la plus
étonnante perfection ami particulier de la
273
pauvreté de la privation et du dénûment absolu
d'une humilité si profonde
qu'il ne pouvait souffrir l'idée d'être considéré
pour quelque chose et
qu'il lui semblait qu'il aurait dû être mis sous les pieds
de chacun
obéissant et docile jusqu'à l'excès si l'excès
est ici possible d'une
charité d'un zèle d'une ferveur sans égale avec
cela des ravissements
d'esprit pendant lesquels il s'élevait au-dessus de la terre
et des sens à
tel point qu'on l'eût cru en possession de la majesté
suprême qui se réserve
comme éternelle récompense aux élus comment alors
un tel religieux après une
vie semblable avec de telles vertus de telles pénitences une
telle mort a
t-il pu aller en purgatoire ? comment cela est-il possible ? En voici
la
raison rapportée dans l'histoire des Pères Antoine apparut
après son heureux
trépas à l'infirmier du couvent nommé Jean qui
lui demanda s'il ne se
réjouissait pas d'être enfin parvenu au but de tous ses
désirs la possession
de Dieu loin des misères de la vie " Grâce à la
divine bonté répondit l'âme
mon salut est assuré la Passion du Seigneur m'a obtenu cette
faveur bien que
pour une faute de ma vie j'ai été en grand péril
de la perdre je suis
condamné à me purifier entièrement dans les peines
du purgatoire - Comment
dans le purgatoire reprit l'infirmier vous mon frère vous qui
avez fait une
si exemplaire pénitence durant toute votre vie cela n'est pas
possible car
que deviendrons-nous nous autres si imparfaits ? - Ma faute dit l'âme
a été
un manquement à la sainte pauvreté si fortement recommandée
à ses enfants
par notre séraphique père quand on a fondé le
couvent de Saint-Joseph je me
suis hasardé à recher-
274
cher une certaine provision avec un soin différent de celui
qu'exige notre
règle je ne croyais point faire mal mais j'aurais dû m'instruire
davantage
de mes obligations et de la manière de les remplir ma négligence
était donc
coupable et le juge suprême l'a jugée telle car il ne
souffre pas la plus
légère tache dans ses élus." L'infirmier voulut
savoir encore si l'expiation
qui lui était imposée était de la souffrance qu'on
appelle peine du Sens
elle était assez douce mais que celle du Dam ou privation de
la vue de Dieu
lui paraissait insupportable car aussitôt après la mort
l'âme tend
invinciblement vers son créateur et tout ce qui l'en tient éloignée
la
plonge dans une ineffable supplice le religieux ajoutait que sa peine
serait
courte et que bientôt il allait être mis en possession
du divin objet de
tous ses désirs nouvelle leçon du soin avec lequel on
doit expier toutes ses
fautes et du cas qu'il faut faire des moindres manquements ( V. Annales
Pair. Capuc ; J-B Manni, Sacr Trig., disc. 6, n. 20.)
275
82ème Merveille L'intercession
des justes apaise la colère divine
Le Seigneur exaucera les prières des justes (prov. XV, 29.)
Lorsque la divine justice excitée par les
infidélités continuelles des juifs les voulait punir
avec éclat Moise se
mettait en face de Dieu armé de la prière et il était
alors tellement
puissant que Dieu lui-même semblait lui demander la permission
d'agir : "
Dimitte me ut irascatur furor meus contra eos : Laissez-moi exercer
contre
eux ma colère ( Exode, X)." Et de fait le Seigneur se rendit
à ces
supplications aussi humbles qu'ardentes : "Placatusque est Dominus
ne
faceret malum." Le même miracle des miséricordes s'est
accompli bien des
fois dans la loi nouvelle soit à l'égard des vivants
soit au bénéfice des
âmes du purgatoire je donnerai sur ce dernier chef une histoire
racontée par
Thomas de Catimpré Simon Germain qui avait été
d'abord grand seigneur et
savant connu dans le ciel puis moine et abbé dans l'ordre des
Cisterciens
fut un religieux de vie exemplaire mais il avait ce défaut que
voulant
élever à la hauteur de la sienne la ferveur des âmes
il se montra souvent
plus rigide et plus sévère que ne le comportait un sage
et discret
gouvernement de son monastère
276
C'était le zèle d'Elie qui l'animait plutôt que
la mansuétude de
Notre-Seigneur il était en relation de spiritualité avec
la pieuse vierge
Lutgarde qui lui rendit plus d'un utile service soit dans cette vie
soit
après sa mort ainsi qu'on va le voir Germain mourut assez jeune
et fut
condamné par la divine justice à expier son zèle
trop dur dans les flammes
du purgatoire en apprenant cette mort Lutgarde en éprouva une
vive peine
d'autant plus vive même qu'elle craignait que cette grande rigueur
qu'il
avait fait paraître ne fut pour lui une source de souffrances
avant d'entrer
dans le paradis c'est pourquoi elle se condamna à des jeûnes
à des prières à
des mortifications nombreuses pour obtenir du céleste époux
qu'il se montrât
indulgent envers son serviteur et le reçut promptement dans
les éternels
tabernacles Jésus se fit voir à elle et lui dit :"Ayez
courage ma fille
j'aurai égard à votre intercession." Mais comme elle
ne se lassait point de
prier dans la même intention une voix intérieure lui dit
encore : "Soyez
tranquille avant peu Simon sera délivré de ses peines."
Alors la pieuse
fille ajouta :"Sauveur très-clément je vous prie que
toutes les consolations
que par un excès de bonté vous destinez à votre
servante soeint reportées
sur cette âme souffrante car je ne cesserai de gémir et
de me lamenter
jusqu'à ce que je sache positivement qu'elle est introduite
dans la gloire."
Le coeur de l'aimable Jésus ne put souffrir si on peut ainsi
parler ces
plaintes de sa servante et peu après le voilà qui apparaît
de nouveau à
Lutgarde conduisant avec lui l'ame de l'abbé entièrement
délivrée et lui dit
: "Soyez en paix ma bien-aimée voici l'âme pour
277
laquelle vous priez tant." A ces mots la Vierge se jette à genoux
aux pieds
de son Sauveur le front contre terre l'adorant et le bénissant
d'un si grand
bienfait quand à l'âme toute ravie d'allégresse
elle exprimait à Lutgarde sa
gratitude l'appelant sa libératrice et lui disant que sans elle
elle aurait
eu encore pour onze ans de supplices à endurer mais que tout
été fini et
qu'elle courait à la récompense peu de temps après
cette apparition la
fervente chrétienne en eut une autre plus merveilleuse encore
le Vénérable
pontife de sainte mémoire Innocent III venait de mourir après
avoir célébrer
le concile de Latran son âme se fit voir à Lutgarde tout
environnée de
flammes et comme Lutgarde lui demandait qui elle était elle
se fit connaître
" Quoi reprit celle-ci un si grand et si édifiant pontife notre
père et
notre modèle d'où vient ce cruel châtiment ? -
j'expie répondit Innocent
trois fautes pour lesquelles j'aurais perdu entièrement mon
salut si au
dernier moment la Mère des miséricordes ne m'avait obtenu
de son divin Fils
une contrition parfaite qui a couvert mes offenses mais sans me garantir
de
l'expiation temporelle que j'endure présentement elle sera bien
longue
encore si vous ne me secourez de vos prières : Sic oeternam
quidem mortem
evasi sed poenis atrocissimis isquè ad diem Judicii cruciabor
Marie m'a
encore obtenu cette autre faveur de venir vous trouver pour vous intéresser
à mon sort ayez donc compassion de moi je vous en conjure."
La servante de
Notre-Seigneur éprouva de cette révélation à
laquelle elle était loin de
s'attendre une vive douleur elle assemble aussitôt ses religieuses
leur
expose l'événement et réclame le bénéfice
de leurs bonnes
278
oeuvres pour le père commun qu'elles avaient vénéré
sur la chaire de Saint
Pierre chacune s'y employa avec un zèle merveilleux et l'on
croit qu'elles
obtinrent ce qu'elles sollicitaient de la miséricorde infinie
le cardinal
Bellarmin parle de cette apparition comme d'une chose certaine et lui
qui
était à la fois un saint éminent et un savant
théologien écrit à ce sujet :
" Cet exemple me remplit véritablement de terreur toutes les
fois que j'y
songe en voyant un pontife si digne d'éloges qui passa pour
un saint aux
yeux des hommes sur le point de manquer son salut et condamné
aux horibles
tourments du purgatoire jusqu'à la fin du monde quel sera le
prélat qui ne
tremblera de tous ses membres ? Qui ne sondera les derniers replis
de sa
conscience pour en chasser les moindres fautes ? " L'histoire se tait
sur
ces trois offenses d'Innocent III pour lesquelles il eut tant à
expier ( V.
Laur. Surius, 16 juin, Vie de sainte Luigare, liv. III, ch. IV, 7 et
9
.Bellarmin, De Gem. cou. II, c. 9.)
278
83ème Merveille Un
rayon de la lumière céleste dans le purgatoire
la lumière dans les ténèbres ( Joan. I,
5.)
La divine Providence
a daigné plusieurs fois faire connaître comment dans le
purgatoire elle
récompense
279
à la fois les bonnes actions et punit les mauvaises Sainte Madeleine
de
Pazzi vit un jour apparaître devant elle toute brillante d'une
céleste
lumière une religieuse qui venait de mourir ses mains seules
étaient privées
de l'éclat miraculeux parce qu'elles avaient à expier
certaines
imperfections contraires au voeu de pauvreté dans la vie monastique
une
autre vierge lui apparut de même revêtue à l'extérieur
d'une robe brûlante
et à l'intérieur d'un manteau formé de lys la
première comme châtiment du
grand soin qu'elle prenait de sa parure étant sur la terre la
seconde en
récompense de sa constance pureté qui n'avait souffert
aucune tache un
prédicateur défunt de l'ordre des dominicains apparut
à Cologne à l'un des
religieux sous des vêtements magnifiques et ayant sur la tête
une couronne
d'or interrogé sur la signification de ces ornements il répondit
qu'ils
représentaient les âmes sauvées à l'occasion
de ses prédication et que la
couronne d'or en particulier était le prix de sa fidelité
à observer toutes
les prescriptions de la règle qu'il avait embrassée et
de la pureté
d'intention qu'il s'était appliqué à avoir toujours
il fit connaitre ensuite
qu'il souffrait cependant encore pour l'expiation de certaines paroles
légères dites sans autre but que de satisfaire une gaité
trop expansive sa
langue endurait seule les tourments nous devons une mention particulière
à
un autre fait rapporté par le Père François de
Gonzague évêque de Mantoue
dans son livre de l'Origine de la religion séraphique
Dans les îles
Canaries au couvent de la Conception placé sous l'invocation
de
Notre-Dame-de la-Palme le vénérable serviteur de Dieu
frère Jean de
280
Via franciscain le modèle de cette maison tomba dangeureusement
malade pour
le soigner on lui donna un frère nommé Ascensio qui n'était
encore que
novice mais fort avançé dans la perfection religieuse
et qui mit tout son
dévouement et tout son coeur à s'acquitter de sa fonction
le malade malgré
tant de soins expira dans les sentiments les plus édifiants
: Pretiosa in
conspectu Domini mors sanctorum ejus Le bon infirmier après
lui avoir fermé
les yeux et avoir assisté à ses funérailles se
retira à l'écart afin de
prier pour lui et continua cette sainte oeuvre pendant quelques jours
un
soir dans la plus grande ferveur de sa prière voilà qu'il
aperçoit
tout-à-coup devant lui un frère de l'ordre tout baigné
dans de lumineux
rayons dont la cellule resplendit à l'instant même
cette lumière n'avait en
même temps rien que de doux et de suave à la vue puis
tout s'effaça le
prodige se renouvela une seconde fois sans que le bon frère
osât interroger
l'apparition il était trop hors de lui la troisième fois
cependant un peu
enhardi il lui demanda : "Qui donc êtes-vous ? Pourquoi venez-vous
si
souvent en ce lieu ? Au nom de Dieu je vous conjure de me répondre
afin que
je sache la signification de tout cela." Le fantôme répondit
: "Je suis
l'âme du frère Jean de Via qui vous ai tant d'obligation
pour les prières
que vous ne cessez de faire monter au ciel en ma faveur je viens vous
apprendre que grâce à la miséricorde divine je
suis dans le lieu du salut
parmi les prédestinés à la gloire et ces rayons
vous en sont une preuve
cependant je n'ai pas été jugé digne encore de
voir la face du Seigneur pour
un manquement qu'il me faut expier durant ma vie terrestre j'ai oublié
par
ma faute la récitation de certains offices
281
pour les défunts auxquels j'étais obligé par la
règle je vous conjure donc
très-instamment au nom de l'affection que vous me portez et
bien plus encore
au nom de votre amour pour Jésus-Christ de faire en sorte que
ces offices
soient acquittés pour moi afin que dégagé de tout
reste de dette je sois
admis à ma dernière félicité." Le frère
Ascensio courut aussitôt raconter au
père gardien sa triple vision il fut crut sur parole on assembla
les
religieux et on leur imposa de dire immédiatement les offices
en question a
peine étaient-ils terminés que l'âme vint de nouveau
se faire voir au pieux
novice mais plus brillante encore ainsi la lumière du soleil
l'emporte sur
celle des étoiles elle lui adressa l'expression animée
de ses remerciements
lui promit d'être au ciel son avocate et sa gardienne puis lui
montrant deux
Pères couronnés de gloire qui l'accompagnaient elle lui
dit que celui de
droite était leur séraphique fondateur saint François
et l'autre leur saint
frère Bernardin de Sienne venus tous deux pour l'accompagner
dans le séjour
des délices où ils voulaient l'introduire eux-mêmes
en souvenir de sa
fidelité religieuse (Fr. Gonzague, De orig. seraph. relig, 4e,
p.n°7.)
282
84ème Merveille utilité
des sacrements pour nous purifier devant Dieu
Ils ont ignoré les mystères divins et ils n'ont
point espéré la récompense de la justice
( Sap. 11, 22.)
Ce n'est pas ici le lieu d'exposer comment les sacrements sont les
sources perpétuelles d'une eau salutaire et les inépuisables
réservoirs de
la grâce de la justice des vertus et des actes méritoires
non plus que de
faire ressortir l'ingratitude et l'insensibilité de ceux qui
souhaitent les
vrais biens et qui n'ont aucun zèle pour acquérir ces
trésors inestimables
ou la folie de ces malades désespérés qui ne cherchent
point leur guérison
dans ces infaillibles remèdes notre sujet nous amène
seulement à montrer
comment cette indifférence cette ingratitude cette folie et
cette
insensibilité sont punies après la mort nous en voyons
d'abord un exemple
dans une religieuse qui peu soucieuse de sa perfection omettait facilement
de s'approcher du banquet eucharistique in quo mens impletur
gratiâ et
futuroe nobis pignus datur nous en avons un second dans un ecclésiastique
lequel cloué sur son lit par la dernière maladie ne s'empressa
point de
reçevoir le sacrement de l'Extrême-Onction ce bouclier
du salut clypeus
salutis
283
comme il est appelé que Notre-Seigneur nous a réservé
pour la lutte suprême
suivant la doctrine du saint concile de Trente sess. XIVe :
"Extremoe-Unctionis sacremento finem vitae tanquam firmissimo quodam
proesidio munivit." L'an 1599 au monastère de Sainte-Marie-des-Anges
à
Florence mourut une religieuse très-estimée de ses soeurs
qui se fit bientôt
voir à sainte Madeleine de Pazzi pour réclamer son intercession
dans le
rigoureux purgatoire auquel elle était condamnée la sainte
était en prières
devant l'autel du Saint-Sacrement lorsqu'elle aperçut la défunte
agenouillée
au milieu de l'église dans l'acte d'une adoration profonde mais
avec un
aspect assez étrange elle avait autour d'elle un manteau de
flammes qui
semblait la consumer à l'exception de la poitrine que garantissait
une sorte
de voile passé autour du cou Madeleine s'étonnait de
voir une de ses soeurs
dans ce tourments elle voulut savoir ce que cela signifiait et reçut
pour
réponse que cette âme souffrait ainsi pour avoir eu trop
peu de dévotion
envers l'auguste sacrement ne communiant que rarement et avec négligence
malgré les prescriptions contraires de l'ordre que pour cela
la divine
justice l'avait condamnée à venir chaque jour dans l'église
du monastère
rendre ses devoirs à la sainte Eucharistie brûlant de
l'ardeur qui lui avait
alors manqué et s'unissant autant qu'elle le pouvait à
la chair adorable du
Sauveur enfin qu'elle avait une grande reconnaissance envers Dieu qui
lui
avait donné en récompense de sa fidèle virginité
le voile qui la
garantissait en partie du châtiment ce récit toucha la
sainte et la
détermina à subvenir au besoin de cette pauvre âme
par autant de suffrages
qu'il
284
lui serait possible jusqu'au moment où il fut révélé
qu'elle avait été
admise au nombre des élus Madeleine se servit plusieurs fois
de cette
histoire qui lui était personnelle pour exhorter ses filles
spirituelles au
zèle pour la sainte communion le châtiment imposé
à l'écclésiastique fut
plus rigoureux il avait trop tardé à recevoir l'Etrême-Onction
en quoi il se
montra d'autant plus coupable que son confesseur et les assistants
lui
avaient fait part du danger et le pressaient de mettre en ordre tout
ce qui
regardait son salut afin d'avoir la force nécessaire en face
des embûches de
l'ennemi épouvanté à cette idée de mourir
sitôt il voulut différer craignant
que ce sacrement ne hâtât sa fin préjugé
inconcevable dans un prêtre il n'y
avait d'ailleurs pas le moindre mépris dans ce refus mais une
simple
superstition à la vérité déplorable puisqu'elle
le privait des grâces
nécessaires à son état et que nous savons encore
que ce dernier sacrement
rend quelquefois la santé elle-même quand elle est nécessaire
au salut selon
la doctrine du concile de Trente tant et si longtemps tarda-t-il qu'il
mourut sans ce précieux secours de l'Eglise Or pendant qu'on
se disposait à
faire ses funérailles Dieu permit qu'en présence de tous
les invités réunis
autour du corps ses yeux s'ouvrirent et il parla ainsi :"Pour me punir
de
mes retards de la grâce de purification dont je me suis volontairement
privé
le Seigneur m'a condamné à cent années de Purgatoire
à moins que les prières
et les bonnes oeuvres des fidèles ne me viennent en aide si
j'avais reçu le
sacrement des mourants comme c'était mon devoir et j'aurais
eu le
285
temps de faire pénitence." Cela dit les yeux se refermèrent
le mort était
rentré dans son repos suprême (V. Vincent Puccini. Vita
S. Maiae Magdal. de
Pazzi, 1re p. c.29; Mich.Alix, Hortus Pastorum, tract. VI, lect. 2.)
285
85ème Merveille
Prières exaucées
je te consolerai vierge fille de Sion ( Thren.II,13.)
Dieu s'est
plu à éxaucer par des grâces signalées au
profit des âmes du purgatoire les
prières de la sainte veuve Brigitte ainsi que nous le lisons
dans plusieurs
endroits de ses Révélations ouvrage recommandé
par l'Eglise cependant il
parait bien qu'il a accordé plus de faveurs encore à
sa fille Catherine qui
sut conserver même dans le mariage le beau lys de la virginité
Catherine
était un jour à prier à Rome dans la basilique
de Saint-Pierre devant
l'autel de Saint-Jean l'évangéliste elle vit venir à
elle une femme
étrangère couverte d'une tunique blanche avec une ceinture
d'une autre
couleur un voile blanc sur la tête et par-dessus tout cela un
manteau noir
cette femme s'approcha de la sainte la salua et l'exhorta à
intercéder pour
une âme sa compatriote Catherine demanda le nom de cette personne
défunte à
quoi il lui fut répondu que c'était une suédoise
qui lui parlait et qu'elle
lui appor-
286
tait la nouvelle de la mort de Gida femme du prince Charles frère
de
Catherine laquelle avait besoin qu'on s'intéressât à
sa délivrance Catherine
pria l'étrangère de l'accompagner chez sa mère
sainte Brigitte pour lui
annoncer elle-même ce funeste événement mais elle
s'en excusa sur ce qu'il
ne lui était pas permis de faire cette visite qu'elle n'avait
de message que
pour Catherine et que ce message accompli il lui fallait partir tout
de
suite qu'au reste il n'y avait point à douter de la vérité
du fait qui
serait confirmé avant peu par un autre envoyé venu tout
exprès de Suède qui
apporterait en outre la couronne d'or que la défunte avait léguée
par
testament à sa belle-soeur afin d'en obtenir quelque souvenir
et quelques
prières devant Dieu en même temps cette femme s'éloigna
et disparut
tout-à-fait Catherine courut après elle interrogea tous
ceux qu'elle
rencontra mais vainement on n'avait vu personne bien que quelques-uns
eussent entendu dans la chapelle le murmure d'une conversation elle
se
rendit en toute hâte auprès de sa mère à
qui elle fit part de la nouvelle et
des circonstances extraordinaires dans lesquelles elle lui était
parvenue
Brigitte souriant avec douceur répondit que la nouvelle était
certaine que
le Sauveur avait daigné la lui faire connaître à
elle-même pendant son
oraison que cette mort avait été chrétienne et
consolante et que l'étrangère
de la basilique n'était autre que la chère défunte
qui avait obtenu la grâce
de venir auprès des siens solliciter des prières elle
ajouta qu'en
reconnaissance de la couronne d'or souvenir adressé de si loin
elles
devaient l'une et l'autre faire tout ce qu'elles pourraient
287
On ne tarda guère à voir arriver à Rome le courrier
annoncé c'était Ingévald
officier du prince Charles chargé de remettre personnellement
le legs de la
princesse la couronne était belle et fort riche la défunte
avait coutume de
la porter dans les solennités de la cour le secours n'était
point inopportun
les deux saintes se trouvant pour lors dénuées de ressources
elles
continuèrent ce qu'elles avaient commencé dès
le premier jour jeûnes aumônes
actes d'humilité ( on sait que Brigitte mendiait humblement
à la porte des
églises pour distribuer ensuite cet argent aux malheureux) austérités
de
toutes sortes veilles et prières il n'y a point à douter
que ces vertueuses
amies de Dieu n'aient obtenu promptement cette délivrance car
leur vie
abonde en miracles de ce genre assurent leurs historiens dont les
témoignages ont été scrupuleusement contrôlés
( V. Surius ; de plus, Acta
Sanctorum, 24 mars, vie de Ste Catherine, ch. 4.)
288
86ème Merveille Dieu
instruit les vivants sur les mystères de l'autre vie
le Seigneur dévoile ce qui est profond et caché et son
oeil voit dans les ténèbres (Daniel II,22.)
Le Seigneur voulant faire connaître aux hommes pour les
engager à la vertu une partie de ce qui les attend au-delà
du tombeau a fait
plusieurs révélations dont une des plus instructives
est celle qui se lit
dans le procès authentique de la canonisation de saint Bernardin
de Sienne
au diocèse de Nocéra dans le royaume de Naples était
mort un enfant de onze
ans nommé Biagio au moment où l'on accomplissait la cérémonie
des
funérailles voici que le défunt en présence de
tout le peuple agite ses bras
et ses mains se remue tout entier et pousse un gémissement fort
et
douloureux puis il retombe dans son insensibilité cadavéreuse
grande fut la
stupeur de chacun on se jette à genoux à faire des prières
d'autres pensant
qu'il n'est qu'évanoui lui font respirer des sels le frictionnent
l'appellent le secouent et en effet il s'agite de nouveau et soupire
encore
on différa donc l'enterrement et on fit venir les m"decins pour
s'assurer
s'il n'y avait pas moyen de rendre à la vie cet enfant qui paraissait
respirer
289
Tout fut inutile le cinquième jour cependant sa famille eut
recours à
l'intercession du bienheureux Bernardin qui leur obtint la grâce
désirée
Biagio semblant sortir d'un profond sommeil ouvrit les yeux reconnut
ceux
qui l'entouraient et se mit à leur raconter les secrets de l'autre
vie il
demeura dans cet étrange état quatorze jours entiers
immobile comme un mort
n'ayant de libre que la langue avec laquelle il instruisait merveilleusement
les assistants il raconta donc qu'il avait véritablement rendu
le dernier
soupir qu'au moment de sa mort saint Berbardin auquel il avait une
grande
dévotion l'avait appelé à lui et se faisant son
guide lui avait recommandé
de ne rien craindre d'observer attentivement tout ce qu'il verrait
et de le
graver dans sa mémoire afin d'en pouvoir le récit plus
tard alors rapide
comme l'éclair il l'avait transporté en enfer où
il avait vu une troupe
innombrable de damnés parmi lesquels il y en avait de sa connaissance
le
saint lui en nommait d'autres ajoutant que ceux-ci expiaient éternellement
leur orgueil ceux-là leur leur avarice d'autres leur gourmandise
leur dureté
leurs impures habitudes leurs hideux blasphèmes leur déloyauté
etc pendant
qu'il contemplait avec horreur cet épouvantable spectacle il
avait vu une
nouvelle armée de démons trainer violemment un homme
de son pays usurier
connu et qui était précisément mort à cet
instant et le précipiter dans un
brasier ardent où malgré les flammes régnait une
obscurité effrayante le
fils de cet homme qui assistait à ce récit prit aussitôt
la résolution de
distribuer aux pauvres toutes les richesses paternelles et de
290
se retirer dans un couvent à faire pénitence le reste
de ses jours pour se
préparer au jugement l'horreur que ce spectacle causait à
l'âme de l'enfant
était telle que saint Bernardin voulut l'y arracher tout de
suite et le
conduisit au paradis où il pouvait contempler les récompenses
magnifiques
assurées à la fidélité persévérante
des justes il vit donc la glorieuse
armée des martyrs les palmes du triomphe à la main le
choeur des vierges
couronnées de lys la troupe innombrables des anges divisés
en ordres sous le
regard du Seigneur au-dessus de tout cela se tenait la Reine du ciel
un
diadème d'étoiles sur le front ayant pour manteau l'astre
du jour environnée
de tant de splendeurs que rien ne lui pouvait être comparé
si ce n'est la
gloire encore bien plus grande de son divin Fils qui paraissait former
lui
seul tout un paradis aucune expression humaine n'était capable
de rendre la
splendeur de l'aguste Trinité Bernardin lui fit remarquer la
gloire
particulière du séraphique saint François dont
on voyait étinceler les
miraculeux stigmates il avait autour de lui une couronne de ses religieux
dont un grand nombre avaient été délivrés
du purgatoire par l'intercession
du béni patriache François avait le privilège
au jour de sa fête de
descendre dans ce lieu de tourments et d'en retirer quelques âmes
de celles
qui avaient embrassé sa règle ou qui avaient été
les protectrices de l'ordre
mais ce qui doit nous intéresser davantage Biagio fut aussi
conduit par
Bernardin au lieu de l'expiation et il y put étudier les différents
supplices infligés aux différentes fautes il vit plusieurs
de ses parents et
de ses amis tourmentés selon les dettes spirituelles qu'ils
291
avaient à s'acquitter Notre historien applique ici à
la suite de saint
Augustin (De civit. Dei, liv.21, ch. 13.) les vers si connus de Virgile
:
Ergo exercentur poenis veterumque malorum Supplicia expendunt ; alliae
tolluntur inanes Suspensae ad ventos ; aliis sub gurgite vasto Infectum
eluitur scelus, aut exuritur igni. (En.VI,746.) Ces âmes l'aperçevant
le
conjurèrent s'il retournait à la vie de réclamer
pour elles le souvenir de
leurs proches de leurs amis de tous ceux qui les avaient aimées
qu'on
apaisât la colère divine par les oeuvres saintes que recommande
l'Eglise
alors elles verraient finir leurs affreux tourments et béniraient
leurs
bienfaiteurs le jeune enfant après avoir vu tout cela le cinquième
jour au
moment où l'on avait recouru à saint Bernardin avait
été remis en vie et en
état de rapporter chaque chose de point en point il le faisait
avec une
telle justice d'expression une exactitude si remarquable de doctrine
une
telle sûreté de récit qu'on aurait cru entendre
non point un enfant sans
science sans langue et sans expérience mais tout au moins un
théologien
consommé on n'eut aucun effort à faire pour lui accorder
pleine confiance il
disait à l'un :"Ton père qui est mort à telle
époque souffre dans le
purgatoire et se lamente douloureusement à cause que tu n'as
point éxécuté
son testament qui t'obligeait à faire telle aumône à
demander tant de messes
à faire chanter tel office des défunts." A l'autre :
" Ton père enterré
depuis deux mois est cruellement traité dans le lieu de l'expiation
il se
plaint de ton infidelité lors-
292
qu'en héritant de la part de bien qui lui revenait tu lui as
promis et tant
de prières dont la moitié n'a pas encore été
acquittée." Enfin pour ne pas
étendre outre mesure ce récit il apprenait à chacun
distinctement ce qu'il
devait faire pour répondre à ce que des parents
ou des amis espéraient de
lui dans l'autre monde tous s'empressèrent de lui obéir
et le pays entier
prit de ce miracle un nouveau motif de fidelité aux saintes
lois de
l'Evangile et aux inspirations de la charité (V. Acta Sanctorum
des
Bollandistes, Append. ad 20 mai, p. 823, n. 36.)
292
87ème Merveille Combien
la prière est utile aux âmes du purgatoire
la prière de celui qui s'humilie pénètre les cieux.
(Eccli. XXXV, 21.)
Le grand docteur saint Jérôme après avoir décrit
le
sépulture donnée par saint Antoine à saint Paul
premier ermite dans une
petite fosse recouverte simplement avec du sable réprouve le
vain luxe de
ceux qui ambitionnent pour leurs parents ou pour eux-mêmes la
pompe des
funérailles mondaines prodiguant le brocart les tentures précieuses
les
cierges le marbre choisi les mausolées magnifiques à
des cendres misérables
et veulent encore que du haut de la tribune ou
293
de la chaire retentisse l'éloge du défunt en termes éloquents.
" Pourquoi
dit-il tant de riches draperies ? pourquoi cette ambition vivant encore
au
milieu du deuil et des larmes ? Est-ce que les cadavres des riches
ne
peuvent se décomposer que dans la soie et l'or ? Cur motuos
vestros auratis
obvolvitis vestibus ? An cadavera divitum nisi in serico putrescere
nesciunt
?" Voilà pourtant de quoi on se préoccupe beaucoup plus
que de secourir
l'âme par la prière et les oeuvres saintes on témoigne
de la sorte ses
sentiments de regret et d'affection et l'on ne songe point qu'ainsi
exprimés ils ne servent de rien aux morts et nuisent trop souvent
aux
vivants comme une simple aumône une courte prière vaudrait
mieux que tout
cela comme elle serait plus charitable et plus utile un grand seigneur
de
Venise envoya une somme importante en écus d'or au père
Paul Montorfano
prieur des Théatins afin qu'il fit célébrer dans
son église un service
funèbre en faveur des ancêtres de la famille le religieux
attentif aux
règles de simplicité qui sont la loi de la vie monastique
fit la chose avec
plus de dévotion que de magnificence mais toutefois fort concevablement
il
parait que cela ne fut pas suffisant pour le chrétien mondain
car il envoya
au Père un messager se plaindre de la parcimonie apportée
dans une fonction
pour laquelle la famille faisait une telle dépense le prieur
vit bien qu'il
avait affaire à son coeur plus séduit par les vanités
de la terre que touché
des lumières de la foi cet aveuglement lui fit de la peine et
il cherchait
en lui-même comment il pourrait le guider et amener ce seigneur
à des
sentiments plus
294
dignes de la piété il avait lu quelque part une leçon
de ce genre donnée
autrefois dans une circonstance semblable à un fidèle
animé des mêmes
pensées et il espéra que Dieu lui accorderait de la renouveler
puisque son
bras est toujours aussi puissant et son oreille aussi attentive à
nos
demandes : " Non est abbreviata manus Domini neque aggravata est auris
ejus
est non exaudiat*." Plein de son idée il prend le messager par
la main et le
conduit dans une chambre voisine où il tire d'un secrétaire
la somme intacte
qu'il avait reçue le papier qui l'enveloppait n'avait
pas même été touché
puis il se met à écrire sur une autre feuille le psaume
De profundis et
commande à un frère qui l'accompagnait d'aller lui chercher
une balance
quand elle est apportée il place la somme dans l'un des plateaux
le psaume
dans l'autre : ô merveille c'est le plateau de l'or qui cède
deux fois on
tente l'épreuve deux fois elle donne le même résultat
l'envoyé saisi de
crainte fait avec précipitation le signe de la croix puis il
se met en route
pour aller retrouver son maître impatient de lui conter un phénomène
si
surprenant celui-ci n'en fut pas moins frappé il bénit
la divine Providence
de lui avoir fait comprendre par cette voie miraculeuse combien la
plus
simple oraison du coeur l'emporte sur tous les trésors du monde
dès ce
moment il professa une vénération plus grande pour le
P. Montorfano lui fit
demander pardon de ses plaintes inconsidérées et lui
promit qu'à l'avenir il
raisonnerait plus en chrétien et saurait estimer à leur
valeur les pompes de
la vanité
* Cette histoire a été racontée ici même,
Merveille IIIe.
295
En témoignage de l'événement on fit peindre un
tableau où l'on voyait le
religieux la balance à la main et tout le reste de l'histoire
il ne faudrait
pas conclure de-là au reste que de courtes prières soient
suffisantes pour
tirer les âmes de leurs tourments expiatoires elles sont bien
suprieures à
l'or cela est vrai mais l'or n'est rien devant le Seigneur la sainte
épouse
de Jésus-Christ Ursule Bénincasa du même ordre
des Théatins l'avait compris
elle qui pour leur délivrance s'était offerte aux souffrances
les plus
cruelles sa soeur Christine étant à l'agonie Ursule s'apitoyait
sur sa
position au point de vue surtout des épreuves qui vraisemblablement
allaient
purifier sa vertu dans le purgatoire comme elle avait appris que plusieurs
personnes charitables ont souffert elles-mêmes pour ceux qui
devaient être
tourmentés dans l'autre vie sainte Catherine de Sienne entre
autres elle se
résout à imiter cet exemple elle conjura donc Notre-Seigneur
de lui imposer
ici-bàs les peines qui atendaient sa soeur expirante celle-ci
expirait en
effet a l'instant Ursule fut ravie en esprit et quand elle revint à
elle
elle s'écria : "Je vous rends grâces ô mon Dieu
pour cette grande
miséricorde que vous avez faite à ma soeur Christine
de la délivrance en
considération de ma prière." Et elle invita toutes ses
compagnes à chanter
avec elle le Te Deum il n'était jusqu'où peut aller
le dévouement aux
pauvres âmes et comment on a le sentiment de ce que réclame
la divine
justice pour leurs offenses la prière est excellente mais elle
doit être
accompagnée aussi de bonnes oeuvres et surtout de pénitences
courageusement
embrassées
296
On a fait l'histoire du P. Montorfano ces jolis vers latins que nous
tenons
à conserver : " Aurum pars trutinae schedulam pars caetera pensat
Tollitur
illa gravis dùm levis ista cadit Nimirum schedulae pietas dat
candida pondus
Quod fallax auro detrahit ambitio : L'un des plateaux reçoit
l'or l'autre le
léger papier : le premier tout pesant qu'il est s'élève
le papier sans poids
l'emporte c'est que la douce piété donne au billet la
pesanteur qu'il ôte à
l'orgueil humain." (D. Jos. Silos, Histor. ord. Theatin., livre XV,
année
1580 ; P. Bagata, Vita B. Ursulae Benincasa, 2e part. c. 6.).
296
88ème Merveille Efficacité
de la prière des justes en faveur des âmes
vous avez sur la parole du Seigneur
Dieu retiré les morts des lieux bas. (Eccli. XLVIII, 5.)
Le texte que nous
venons de transcrire est extrait du passage du livre sacré où
est loué le
prophète Elie dont la prière était au dire de
saint Augustin come la clef du
ciel clavis coelorum lorsqu'il ressuscita le fils de la veuve de Sarepta
"
Exaudivit Dominus vocem Elioe et reversa est anima pueri intrà
eum et
revixit." ( 3 Reg. XVII, 22.)
297
Ces mêmes paroles sont appliquées à bon droit à
ces chrétiens pleins de
charité qui par leurs pieux suffrages rappellent les âmes
des peines du
purgatoire aux joies du paradis dans ce nombre il faut inscrire au
premier
rang l'illustre sainte Thérèse dont les prières
avaient en leur faveur une
merveilleuse efficacité elle raconte elle-même les efforts
du démon pour la
détourner ou la distraire d'un si charitable exercice " Un jour
dit-elle le
soir même de la commémoration des Fidèles Défunts
je me retirai dans mon
oratoire pour y réciter l'office des morts à ce moment
parut un monstre
horrible qui s'arrêta sur le livre de telle façon que
je ne pouvais plus
lire ni poursuivre mes prières je me défendis par des
signes de croix et
l'esprit maudit se retira par trois fois mais à peine me mettais-je
en
devoir de recommençer la récitation des psaumes qu'il
revenait m'apporter le
même trouble et le même dérangement il m'était
impossible de l'éloigner si
ce n'est en aspergeant le livre d'eau bénite et en jetant même
quelques
gouttes sur lui Oh à ce moment-là il prit la fuite avec
précipitation et me
laissa achever mes prières je les avais à peine finies
que je vis sortir un
certain nombre d'âmes du purgatoire il ne leur avait manqué
jusque-là que ce
léger suffrage et c'est pour cela que le démon jaloux
voulait l'emporter."
Elle eut encore un grand nombre d'apparitions et elle assure que tant
d'âmes
dont le sort lui avait été révélé
elle n'en vit que trois monter directement
au ciel sans passer par l'expiation nous allons donner deux seulement
de ces
récits une religieuse de son couvent venait de son couvent de
mourir Thérèse
empressée de prier pour elle assistait à l'office
298
des morts lorsque au commençement de la première leçon
des matines Parce
mihi Domine elle vit l'âme sortir de l'église et voler
directement vers le
paradis la seconde fois ce fut un religieux de la Compagnie de Jésus
elle
entendait la sainte Messe à son intention offrant à Dieu
avec le prêtre
l'Hostie de propitiation et tout le sang du Sauveur tout à coup
elle voit
apparaître le Sauveur lui-même la bonté et la miséricorde
sur le visage qui
vient prendre cette âme toute rayonnante et l'emmène avec
lui dans la patrie
céleste voyant donc ses prières ainsi exaucées
Thérèse s'enflammait d'une
ardeur nouvelle pour intercéder en faveur des pauvres âmes
et non-seulement
elle le faisait elle-même mais elle mettait tous ses soins à
répandre cette
sainte dévotion dans les monastères de son ordre et elle
y réussit le 2
novembre après avoir chanté l'office de Requiem les religieux
et les
religieuses de leur côté sans doute se rassemblaient
pour entendre une
exhortation sur les âmes du purgatoire et sur les moyens de les
soulager
chacun donnait par écrit la promesse de faire pour elles l'année
suivante
telle et telle oeuvre les uns des mortifications les autres de longues
prières ceux-ci des aumônes spirituelles aux pauvres et
aux abandonnés
suivant que leur zèle ou leur inspiration particulière
les dirigeait en
somme il s'épanouissait là une moisson admirable digne
de la foi qui la
faisait naître Bernardin de Mendoza avait donné
par acte authentique une
maison et un beau jardin à Valladolid pour y fonder un monastère
en
l'honneur de la Mère de Dieu il y appela sainte Thérèse
et la pria
instamment d'en prendre possession et de mettre im-
299
médiatement la main à l'oeuvre comme s'il avait eu le
pressentissement qu'il
lui restait peu à vivre Or cette aumône devait être
bien profitables à son
âme la sainte retenue ailleurs par d'autres fondations de monastères
qui
furent la continuelle occupation de sa vie ne put venir qu'au bout
de
plusieurs mois le donateur surpris par une fièvre maligne qui
lui ôta
l'usage de la parole et ne lui permit même,pas de se confesser
quoi-qu'il
donnât les signes de la plus édifiante contrition était
mort dans
l'intervalle en apprenant cette triste nouvelle à Alcala où
elle se trouvait
Thérèse fut saisie de douleur à la pensée
surtout de la privation des
sacrements que la rapidité du mal n'avait point permis
d'administrer à ce
bon seigneur elle se répandit aussitôt en oraisons
ferventes Notre Seigneur
lui fit connaître que cette mort avait eu lieu dans des conditions
convenables et que la charité du défunt lui avait été
la source de bien des
grâces principalement par l'intercession de Marie à qui
était dédié le
nouveau couvent et que l'âme de Mendoza sortirait du purgatoire
le jour où
l'on y célébrerait la première messe de communauté
cette révélation ne
laissa plus de repos à la sainte elle n'attendait que le temps
de se rendre
à Valladolid d'ouvrir la chapelle et de délivrer le bienfaiteur
de ses
soeurs elle fut obligée cependant d'aller encore auparavant
au monastère
d'Avila et d'y rester plusieurs jours comme elle s'y tenait un matin
en
oraison Jésus daigna la presser lui-même de termùiner
l'affaire de
Valladolid dans l'intérêt de l'âme qui attendait
ce moment pour être
couronnée elle expédia donc tout de suite avant elle
le P. Julien d'Avila
afin d'obtenir promptement de l'autorité ecclésiastique
la permission
300
de commencer la fondation, elle-même arriva peu à peu
et appela des maçons pour construire sans tarder les murs de la
clôture. Mais voyant que tout cela exigerait du temps, elle demanda
l’autorisation de former une chapelle provisoire, à l’usage de quelques
religieuses qui l’avaient accompagnée. Elle l’obtint et le même
P. Julien monta au saint autel. Au moment de communier Thérèse,
il la vit dans une grande extase, comme il lui arrivait souvent dans ce
moment solennel, et il sut ensuite que, à l’instant où elle
quittait sa place pour s’approcher de l’autel, l’âme du défunt
lui était apparue couronnée de gloire, inondée de
joie divine, brillante comme l’astre du jour, l’avait saluée avec
respect et remerciée, dans l’effusion de sa reconnaissance d’avoir
hâté son bonheur ; puis, à ses yeux, elle avait pris
son vol vers le séjour éternel. La joie de la sainte fut
extrême : car elle n’osait espérer encore que cette messe,
dans une église provisoire, avant que la maison fût réellement
érigée et organisée, put être comptée
pour celle qu’attendait la divine justice. Elle ne cessa de bénir
le Seigneur pour cette grâce, que sa charité lui rendait aussi
précieuse que si elle eût été faite à
elle-même
(V. Vie de Sainte Thérèse par elle-même ; s.31
et 38 ; P. Fr. Ribeira Vita Ejusdem, liv. II, chap. 10 et 12)1
On nous permettra de protester ici de nouveau contre l’erreur injustifiable
d’un traducteur contemporain, des œuvres de Sainte Thérèse,
le P. Bouix, qui n’a pas craint de défigurer en français
le nom de cette grande sainte, en l’écrivant, contre toutes les
règles de la grammaire et de la tradition, Térèse.
(Le Traducteur)
301
89ème Merveille PROTECTION
SPECIALE DE MARIE
Posui verba mea in ore tuo in umbrâ manus meae protexi te : J’ai
mis sur vos lèvres mes paroles, je vous ai couvert de l’ombre de
ma main. (Isaie, LI, 16)
La grâce obtenue au siècle dernier, au moment où
le P. Rossignoli écrivait cet ouvrage, par un serviteur de la Sainte
Vierge, n’est pas moins signalée que celle qui fut autrefois accordée
à Saint Grégoire-Thaumaturge. Il faut se rappeler que ce
grand évêque, voulant éviter la persécution
de l’empereur Décius, s’était réfugié au sommet
d’une montagne, où furent conduits les satellites par un traître.
Le saint était en oraison lorsque ses ennemis entrèrent ;
mais ils ne l’aperçurent point : car Dieu l’avait rendu invisible
; en sorte qu’ils furent obligés de s’en retourner sans le prisonnier
sur lequel ils avaient compté. C’est saint Grégoire de Nysse
qui rapporte le fait. Le traître, ajoute t-il, frappé de ce
miracle, se convertit, tirant ainsi d’une cécité matérielle
la vraie lumière spirituelle. C’est d’une faveur analogue que fut
récompensé le fidèle dont nous voulons parler. Il
joignait à son amour envers la divine Marie un zèle extraordinaire
pour les âmes du Purgatoire, pour le suffrage desquelles il ne manquait
jamais de réciter chaque soir les litanies de la Sainte Vierge.
Il avait plusieurs ennemis déclarés, empressés
à lui
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90ème Merveille VIDE SUR LE SITE
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91ème Merveille
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times. Que faire donc et à qui avoir recours? Désolée,
elle entre dans une église pour supplier le DIEU des indigents de
la protéger dans sa détresse, puisqu’elle n’a plus d’appui
sur la terre. Elle était plongée dans sa prière et
dans ses larmes, lorsque par une inspiration sans doute de son bon ange,
il lui vient à la pensée d’intéresser à sa
situation les âmes du purgatoire, don’t elle a entendu célébrer
à la fois les douleurs et ensuite la reconnaissance quand elles
sont délivrées. Raffermie et presque consolée, elle
entre à la sacristie, offre sa petite pièce et demande qu’on
lui fasse la charité d’une messe des morts. Un bon prêtre
qui était là s’empresse de la satisfaire et monte au saint
autel en son nom, pendant qu’elle se répand en prières, prosternée
sur le pavé.
Elle sort avec un baume sur le coeur,
comme si elle se sentait exaucée. Mais voici que, pendant qu’elle
s’en retourne le long des rues de Naples, si bruyantes, si populeuses,
elle se voit abordée par un bon vieillard qui lui demande ce qui
peut causer la tristesse qu’il lit sur son visage. Elle dit tout, en termes
pathétiques. Le bon vieillard se montre fort touché de tant
de misère, lui adresse quelques paroles d’encouragement,et, en se
retirant, lui remet un billet avec ordre de le porter de sa part à
une personne qu’il lui désigne; après quoi il s’éloigne,
La digne femme s’y rend sans tarder, trouve le cavalier et lui fait sa
commission. Celui-ci,ouvrant le papier semble sur le point de se trouver
mal: il a reconnu l’écriture de son père, mort depuis quelque
temps déjà… - “ Et d’où vous vient cette lettre? s’écrit-il
hors de lui. Qui a pu vous donner ces lignes si précieuses à
mon coeur? – Monsieur, répond la bonne
311
femme, ébahie à son tour, c’est un charitable vieillard
qui m’a abordée dans la rue, et qui m’a dit, après avoir
entendu mes malheurs, de vous venir voir de sa part et de vous faire cette
commission. Je ne sais point ce qu’il y a écrit dans le billet,
il ne me l’a pas expliqué. D’ailleurs il avait tels et tels traits,
à peu près comme ceux que je vois dans ce cadre que vous
avez là au-dessus de la porte.”
De plus en plus interdit, le cavalier reprend le billet et relit tout
haut. “Mon fils, votre père vient de quitter le Purgatoire, grâce
à une messe que cette pauvre femme, qui vous portera cette écriture,
a fait célébrer ce matin. Elle est dans une grande nécessité,
et je vous la recommande moi-même.” Il lit et relit ces caractères
tracés par une main si chère et désormais sauvée;
les larmes succèdent à son émotion. Revenant alors
à la messagère qui attendait craintive le résultat
à tout ceci, à quoi elle comprenait peu de chose: “Pauvre
mère, lui dit-il, vous avez, avec une faible somme, assuré
la félicité de celui qui m’a donné la vie; je veux
vous assurer à mon tour la votre. Je me charge de vous et de votre
famille; il ne vous manquera rien, j’en fais le serment.” Je laisse à
deviner les sentiments de ces heureuses gens, et aussi l’instruction qui
découlent pour nous de cette histoire, semblable, pour le fond,
à celle que nous avons déjà rapporté et qui
est de date plus récente. Il n’y a point de petite charité
envers les membres de l’Eglise souffrante, et tout ce qu’on fait pour eux
attire des miracles de miséricorde, comme l’enseigne le pieux cardinal
Hugues: Qui potest commodet, et semen ejus in benedictione erit.
{ V.Carfora, Fortuna hominis, livre 1, ch 9.}
312
92ème Merveille
LES AMES DU PURGATOIRE DEMANDENT UN SOUVENIR.
Orate pro nobis ad Dominum, quia peccavimus Domino, et non est aversus
furor ejus a nobis : Priez pour nous le Seigneur, parceque nous avons péché
contre lui et que sa colère dure encore sur nous. {Baruch,1,13.}
Un interprète sacré assure que les âmes du purgatoire
sont punies de la même façon que fut traité dans ses
malheurs le saint homme Job : les plaies qui l’avaient frappé atteignaient
tellement tout son corps, qu’il ne pouvait faire usage de ses membres ni
se secourir lui-même, n’ayant plus de libre que ses lèvres
pour crier : “Ayez pitié de moi, vous du moins qui fûtes mes
amis : Derelicta sunt tantummodo labia circa dentes meos : miseremini mei.”
Telles sont donc ces pauvres âmes, ces âmes bénies,
incapables de travailler par elles-mêmes au moindre adoucissement
de leurs maux. Ce qui leur est permis, c’est de crier vers les vivants
et de leur demander du secours. Quelquefois même, nous en avons vu
plus d’un exemple, Dieu leur a permis d’apparaître à ceux
qui les pouvaient aider1.
313
C’est une vieille tradition du pays de Worms que, pendant plusieurs
nuits, on avait aperçu des légions d’hommes armés
qui se répandaient dans la campagne les uns à pied, les autres
à cheval, comme si une grande bataille allait se livrer. C’était
ordinairement après l’heure de minuit que commençaient ces
apparitions,
et au point du jour elles s’évanoussaient, comme si les guerriers
se fussent retirés dans une cavité de la montagne, pour en
sorir de nouveau à la nuit suivante. Non loin de là était
le monastère de Limbourg {ou de Limberg}, dont le repos nocturne
était troublé par ces bruits étranges. C’est pourquoi
un saint moine détermina quelques-uns de ses confrères à
sortir une nuit avec lui pour aller au-devant de ces êtres inconnus,
et savoir d’eux qui ils étaient et ce qu’ils voulaient. Après
s’être fortifiés par la prière et avoir imploré
la protection de DIEU sur leur entreprise, ils quittent le couvent un soir
et se rendent à l’entrée de la caverne; et là, au
moment où ces gens armés se précipitaient pour sortir,
le religieux le plus courageux, faisant un signe de croix, les adjure,
au nom de la très sainte TRINITÉ, de dire qui ils sont, et
pourquoi ils viennent ainsi distraire les serviteurs de Jésus- Christ
; quel est leur dessein, leur but, leur intention. A quoi l’un des personnages
répondit : “Nous ne sommes pas des soldats vivants qui se font la
guerre, mais les âmes d’une quantité de morts, tués
en ce lieu en combattant sous les enseignes de nos deux
{1} Nous rappelons pour la seconde fois qu’on trouvera un grand
nombre de faits de ce genre rassemblés dans l’ouvrage traduit de
l’allemand par deux auteurs différents, et dinge de toute l’attnetion
des lecteurs catholiques et sérieux, la Mystique divine de Gorrës,
monument précieux de recherches, de science. de philosophie, auquel
il ne manque qu’un peu plus d’ordre et une marche moins saccadée.
Inutile de dire que Gorrès justifie les traits merveilleux don’t
ces cinq gros volumes sont remplis.
{Le Traducteur}
314
souverains. Nos corps ont été enterrés ici, et
nos âmes y font leur purgatoire. Ce bruit d’armes et de chevaux,
qui fut alors l’occasion de nos fautes et que Dieu permet que vous entendiez
pour notre soulagement, est maintenant l’instrument et la forme de la peine
à laquelle nous sommes condamnés. Vos yeux ne distinguent
point les flammes qui nous entourent et nous consument ; mais elles sont
bien cruelles. »
Le religieux, effrayé à cette révélation,
reprit pourtant courage et demanda : « Nous serait-il possible de
vous secourir dans cette extrémité qui nous émeut
de compassion, et comment le pourrions-nous ? ? Ah ! certainement ! répondit
l’âme ; certainement, vous le pouvez, et c’est pour cela qu’il nous
est donné de nous manifester à vous et de vous implorer.
Vos jeûnes, vos oraisons, vos mortifications de toutes sortes, à
vous qui avez renoncé au monde et qui vivez dans la sainteté,
et surtout le divin sacrifice de l’autel, peuvent aisément procurer
notre délivrance. Nous vous supplions d’y travailler. Nous ne pouvons
rien pour nous-mêmes, infortunés que nous sommes, si ce n’est
de souffrir, et toujours souffrir, jusqu’à la fin de l’épreuve.
» Et à l’instant, comme une seule voix lamentable, toute cette
multitude s’écria : « Priez pour nous, ô pères,
priez pour nous ! » Et puis tout disparut, ainsi qu’un globe de feu
se dissoudrait dans l’air ; mais en même temps le sommet de la montagne
parut s’allumer ; on y voyait comme un incendie immense dont les reflets
étaient effrayants. Les moines, sous l’impression terrible de ce
spectacle rentrèrent chez eux, commencèrent leurs prières
et les suffrages qu’ils avaient promis, et, à partir de ce moment,
tous les bruits nocturnes cessèrent.
315
Nous ajouterons à ce trait un autre événement
aussi étonnant et aussi instructif, qui eut encore un religieux
pour objet. Ce bon moine, toutes les fois qu’il passait auprès de
quelque cimetière, ne manquait jamais de faire pour les défunts
qui y reposaient une petite prière, comme le Requiem aeternam, ou
autre semblable. Un jour cependant, ayant l’esprit occupé d’une
pensée différente, il venait de laisser un cimetière
à sa droite sans s’acquitter de sa charitable pratique, lorsqu’il
y fut miraculeusement rappelé par plusieurs cadavres qui lui parurent
sortir de leurs tombes et qui criaient derrière lui, empruntant
un mot du psaume 128 : « Et ceux qui passaient n’ont point dit :
Que la bénédiction de Dieu soit sur vous : Et non dixerunt
qui praeteribant : Benedictio Domini super vos. » A cette vue, à
ces paroles ; il s’arrête confus de son oubli, et aussitôt
ajoute la fin du verset : « Benedicimus vobis in nomine Domini :
Nous vous bénissions au nom du Seigneur. » Comme si elles
eussent été soulagées par ces simples mots ; tirés
des livres sacrés, les âmes cessent de se rendre sensibles.
Quant au religieux, confirmé sans sa sainte dévotion, jamais
plus il ne lui arriva d’y manquer.
(Trithemius, Chronic. ann. 1058 ; Dauroult Catechismus history., part.
III, c. 8, t; 20 ; Philippe Oultreman, Jésuite, Pedagogus Christianus,
t. I, 2è part. ch 19, §2.)
316
93ème Merveille COMBIEN
DIEU AIME QU’ON PRIE POUR SES PARENTS DEFUNTS
Mutuam vicem rederre parentibus acceptum est coram Deo : Rendre à
ses parents ce qu’on a reçu d’eux est chose agréable au Seigneur.
(I Timoth. v,4)
Pour exciter notre compassion envers les âmes du purgatoire
et nous porter à les soulager selon nos forces, ce devrait être
assez de savoir qu’elles ont une même nature avec nous, ont vécu
sous la même loi, sont comme nous les images de Dieu, et qu’à
ce titre, si nous aimons Dieu, nous devons les aimer aussi ; qu’elles ont
été comme régénérées dans les
eaux du baptême et dans le sang de Jésus-Christ, ce qui nous
les a unies par une parenté toute spirituelle mais réelle.
Or, cela étant, combien le motif ne devient-il pas plus pressant
si à tous ces titres s’ajoute celui des relations si élevées
et si saintes de la famille, d’un fils envers son père, d’un père
envers ses enfants, d’un mari à l’égard de sa femme ou de
celle-ci à l’égard du premier, d’un frère envers une
sœur ou un frère, réciproquement ! Il est évident
qu’ici règne une obligation particulière et plus stricte
d’employer tous les moyens possibles de procurer leur délivrance.
Nous allons reproduire deux traits fort édifiants de ce genre de
charité, ou plutôt d’obligation de conscience. Dans son Trigesimo
sacro, le
317
P. J.-B. Manni en a beaucoup d’autres. Voici donc deux reines, dont
l’une délivre sa mère, l’autre sa fille.
Sainte Elisabeth, fille d’André, roi de Hongrie, et de
sa femme Gertrude, avait naturellement, pieuse comme elle était,
une dévotion vive pour les défunts. De ses propres mains,
elle préparait les suaires pour les ensevelir, payait les frais
des funérailles des pauvres, et souvent accompagnait elle-même
le corps jusqu’au cimetière, pendant que son cœur suppliait le juge
redoutable de faire grâce à ses pauvres créatures.
On peut bien penser que son zèle ne diminuait guère s’il
s’agissait de ses proches, et qu’il prenait au contraire une activité
nouvelle. Lorsque mourut sa mère Gertrude, elle ne cessa d’offrir
pour elle des mortifications, des prières, des aumônes considérables
et sous les formes les plus variées. Une nuit, après ses
exercices, la sainte s’était couchée, et elle allait s’endormir,
lorsqu’elle vit paraître devant elle la défunte, vêtue
de deuil, le visage triste, désolé, suppliant, qui se mit
à genoux et lui dit : « Ma fille, vous avez à vos pieds
votre mère accablée de douleur, qui vient vous conjurer de
multiplier vos suffrages, afin d’être délivrée des
tourments épouvantables qu’elle souffre pour ses manquements dans
l’exercice de l’autorité qui lui avait été confiée.
Ah ! au nom des angoisses au milieu desquelles je vous ai mise au monde,
des fatigues et des veilles que m’a coûtées votre éducation,
je vous supplie de tout faire pour me retirer des supplices où je
suis plongée. » Emue autant qu’épouvantée, Elisabeth
se relève immédiatement pour prier, pleurer, s’humilier,
se frapper en présence du Notre Seigneur. Le sommeil la surprit
dans cet acte de charité, qu’elle ne voulait plus inter-
318
rompre. Or, sa mère revient alors, mais toute différente,
vêtue de blanc, joyeuse, rayonnante d’allégresse, lui rendant
grâces avec effusion de ce que ses ardentes prières lui avaient
ouvert enfin les portes du ciel.
Sainte Élisabeth de Portugal ne fit pas moins pour la reine
Constance sa fille. Cette jeune princesse était reine de Castille,
et une mort inopinée l’enleva à l’affection de sa famille
et de ses sujets. Élisabeth venait d’apprendre ce malheur, et elle
se rendait avec son mari dans la ville de Santarem, lorsqu’un ermite se
mit à courir derrière le cortège royal, en criant
qu’il voulait dire un seul mot à la reine. Les gardes le repoussaient;
mais la sainte, s’étant aperçue de son insistance, donna
ordre qu’on le lui amenât. Dès qu’il fut en sa présence,
il lui raconta que plus d’une fois, pendant qu’il priait dans son ermitage,
la reine Constance lui était apparue et l’avait instamment conjuré
de faire savoir à sa mère qu’elle gémissait au fond
du purgatoire, qu’il fallait dire pour elle la sainte Messe chaque jour
pendant un an. Sa commission faite, l’ermite se retira et ne parut plus.
Les courtisans, qui avaient entendu la communication, s’en moquaient tout
haut et traitaient l’ermite de visionnaire, d’intrigant ou de fou. Quant
à Élisabeth, elle se tourna vers le roi et lui demanda ce
qu’il en pensait. « Je crois, dit-il, qu’il est plus sage de faire
ce qui vous est marqué par cette voie extraordinaire; après
tout, faire dire des messes pour notre chère défunte n’a
rien que de très paternel et de chrétien. » On chargea
donc de ce soin un saint prêtre, Ferdinand Mendez.
Au bout de l’année, Constance se fit voir en songe à
la sainte; elle était vêtue de blanc, éclatante de
lumière,
319
et dit à sa mère : « Maintenant, ô ma mère,
je suis délivrée, par la divine clémence, des tourments
du purgatoire, et je m’envole vers la béatitude éternelle.
» Cette vue et cette assurance remplirent Élisabeth de consolation.
Ne se rappelant point, à ce moment, les trois cent soixante-cinq
messes qu’elle avait fait dire, elle se rendit à l’église
pour remercier le Seigneur, et elle y trouva Mendez, qui lui apprit qu’il
avait fini de la veille les intentions, et lui demanda si elle en avait
d’autres à lui marquer. Elle se souvint alors de tout, comprit ce
qui s’était passé, et répondit qu’il fallait rendre
au Seigneur de solennelles actions de grâces; ce qu’on fit par des
messes chantées, et en versant dans le sein des pauvres des aumônes
nombreuses.
(V. Laur. Surius, Vies des saints, 19 novembre;
Jacques Fuligati, Vita S. Elisabethoe, p. 35).
319
94ème Merveille
LA PEINE DU PURGATOIRE PROLONGÉE JUSQU'À
L’ACQUITTEMENT DES DETTES
Tradidit eum tortoribus, quoadusque redderet debitum : Il le
livra aux exécuteurs jusqu’à ce qu’il acquittât sa
dette. (Matth XVIII, 54.)
Ces âmes surtout sont ordinairement retenues par la justice divine
dans le lieu de l’expiation, qui, après avoir été
miséricordieusement retirées de leur vie mau-
320
vaise, n’ont point satisfait aux obligations de la restitution, étant
surprises par une mort inopinée. Soit que, les créanciers
étant en souffrance, il ne convienne point que les débiteurs
entrent dans la joie suprême; soit que Dieu n’accepte pas volontiers
les suffrages en faveur de ceux qui n’ont causé aux autres que du
dommage, les histoires renferment plusieurs relations, qui paraissent authentiques,
d’apparitions de débiteurs demandant qu’on acquitte pour eux leurs
obligations omises.
Le R.P. Augustin d’Espinosa, de la Compagnie de Jésus, s’était
distingué toujours par son zèle dévoué pour
les âmes du purgatoire; il s’imposait en leur faveur mille prières,
aumônes, jeûnes et mortifications, comme tous ceux qu’animent
des sentiments semblables; nous ne pouvons que nous répéter.
Dieu permit souvent que des défunts lui apparussent, ou bien pour
le remercier, ou bien pour se recommander à lui. Un jour entre autres,
il vit paraître un homme qu’il avait connu fort riche, et qui lui
demanda s’il le reconnaissait. « Sans doute, répondit le bon
père; je me souviens parfaitement de vous avoir administré
le sacrement de pénitence peu de jours avant que vous fussiez appelé
devant le Seigneur. – C’est bien cela en effet, reprit le défunt.
Je viens, par permission du Sauveur, vous conjurer d’apaiser pour moi sa
justice; je ne puis plus rien moi-même pour cela, et j’ai espéré
que vous ne rejetteriez pas mon humble demande. Pour vous mieux renseigner
sur ce qu’il faudrait faire, daignez m’accompagner quelques instants. »
Le religieux répondit qu’il ne pouvait sortir sans la permission
de son supérieur, mais qu’il allait l’obtenir. Il sort aussitôt,
raconte au Père recteur ce qui lui arrive, et lui demande de l’au-
321
toriser à suivre cette étrange affaire. Il reçoit
une réponse favorable; mais en même temps quelques autres
religieux, avertis par le supérieur, se mettent en prières
à la chapelle. L’apparition, qui avait toute la forme d’un homme,
prend Augustin par la main et le conduit, sans prononcer une parole, sur
un pont peu éloigné de la ville. Là, elle s’efface
un moment et revient portant une grande bourse pleine d’argent, dont elle
donne au Père une partie à porter jusqu’à sa cellule,
où ils retournent ensemble.
Dès qu’ils y furent entrés, le mort met le restant entre
les mains du religieux, avec un billet écrit, en lui disant : «
Ce billet vous indiquera à qui et dans quelle proportion vous rendrez
les sommes que je dois, à titre de contrat ou de restitution. Il
marque aussi les œuvres pieuses que je désire être accomplies
en faveur de mon âme. Quant à ce qui restera de la somme,
vous en disposerez, mon père, comme il vous plaira : car vous êtes
plus que personne en état de lui donner une destination sainte et
utile. » En achevant ce discours, l’homme disparut, et le père
s’empressa d’aller retrouver son supérieur et de l’informer de tout.
Sur son avis, on fit venir les créanciers, on leur rappela ce qui
leur était dû, circonstance dont ils se montrèrent
fort étonnés, la chose étant secrète; on les
satisfit parfaitement, et de ce qui restait on fit plusieurs bonnes œuvres.
Huit jours s’étaient à peine écoulés, que
le défunt se présente de nouveau au P. Augustin, pendant
qu’il priait dans un profond recueillement : il le remercie avec effusion
de son empressement et de sa charitable exactitude. Il le bénit
surtout des messes qu’il avait fait dire en sa faveur, qui avaient servi
plus que tout le
322
reste à lui ouvrir les portes du ciel, où il montait
incontinent, et où il conserverait pour son bienfaiteur une impérissable
gratitude. On peut croire que le bon père dut à cette intercession
les grâces dont il fut comblé, et qui firent de lui un des
modèles de la Compagnie.
Ce serait le lieu de terminer cette histoire, avec celui qui l’a écrite
le premier, par une exhortation aux débiteurs de ne point attendre
au dernier moment à s’acquitter des restitutions et des paiements
qu’il sont en état de faire. En s’en remettant pour cela à
leur testament, outre qu’ils jouissent volontairement d’un bien qui ne
leur appartient pas, il se font semblables à ces hideux serpents,
à ces vipères qui ne sont bonnes à rien qu’après
leur mort. C’est au milieu des flammes de la vengeance qu’ils verront combien
cette conduite était blâmable et indigne des serviteurs de
Jésus-Christ. Un écrivain que nous avons cité ici
plusieurs fois a dit sur cette matière une bonne parole : «
Ce que vous donnez vivant et en pleine santé est de l’or; ce que
vous donnez en mourant est de l’argent; mais ce que vous laissez à
distribuer après votre mort n’est plus que du plomb. » Ainsi
parle Vincent de Beauvais.
(V Jos. Nadasi, Ann. dier. memorab., 4 fév.; Jacq. Hautin, Patroc.
de funct., liv. III, chap. 2, art. 3.)
323
95ème Merveille LES
AMES DÉLIVRÉES VENANT AU DEVANT
DE LEURS BIENFAITEURS.
Venientes in occursum ejus, adoraverunt : Et venant au-devant
de lui, ils se prosternèrent. (IV Reg. II, 15).
Lorsque l’Empereur Charles-Quint s’empara de la ville de Tunis, il
remit en liberté vingt mille esclaves chrétiens, réduits
avant sa venue à la plus affreuse condition. Pénétrés
de reconnaissance pour leur bienfaiteur, ils l’entouraient en le bénissant
et en chantant ses louanges. On peut en dire autant de tous ceux qui ont
rendu à la vie, au bonheur, à la liberté, les malades,
les captifs, les indigents; ils ont recueilli des bénédictions
et des chants d’actions de grâces sans fin. Ainsi se comportent certainement
les âmes du purgatoire à l’égard de ceux qui ont été
leurs bienfaiteurs, elles dont la captivité fut bien autrement sévère
et dure que toute captivité, toute indigence, toute maladie terrestre.
Elles viennent surtout à leur rencontre, au moment du trépas,
pour les accompagner et les introduire elles-mêmes dans le lieu de
l’éternel repos. Sainte Marguerite de Cortone, qui avait été
d’abord une grande pécheresse, l’expérimenta, comme je vais
le rapporter.
Parmi les vertus qu’on lui vit pratiquer avec le plus d’ardeur après
sa conversion, on marque sa charité
324
325
326
96ème Merveille VIDE SUR LE SITE
97 2èmer Merveille VIDE SUR LE SITE
98ème Merveille VIDE SUR LE SITE
99 ème Merveille VIDE SUR LE SITE
100 ème Merveille VIDE SUR LE SITE
346
101ème Merveille
347
348
Le même religieux tomba dans un autre oubli, dont l’histoire
ne paraîtra pas moins remarquable. Lorsqu’il reçut la nouvelle
de la mort de son père, il en ressentit une vive affliction à
cause du grand amour qu’il lui portait et de la reconnaissance qu’il lui
avait vouée pour le bienfait de son éducation. Désireux
de savoir en quel état se trouvait, par-delà le tombeau,
cette chère âme pour laquelle il eût tout fait, il supplia
le Ciel de le lui faire connaître. Un soir principalement qu’après
l’office des vêpres il s’était retiré dans l’oratoire
de sa cellule et que là, seul, il priait avec une ferveur tout extraordinaire
la divine Bonté de ne lui pas refuser cette consolation, il entendit
clairement une voix qui lui disait : « Pourquoi donc te laisser tenter
de cette vaine curiosité ? combien il vaudrait mieux employer le
mérite de tes oraisons, non plus à savoir en quel état
se trouve ton père, mais à le délivrer s’il est dans
les flammes du Purgatoire ! Ces oraisons lui seraient utiles alors, et
à toi aussi. » Cette réflexion lui fut un avertissement
précieux; il changea de pensée, et appliqua toute son ardeur
à demander la délivrance de cette âme et son admission
dans le séjour du repos. Certes, il ne tarda pas à s’assurer
que ce parti était de beaucoup le meilleur : car, la nuit suivante,
il vit en songe l’âme de son père, que deux démons
plongeaient au milieu d’une fournaise brûlante, et qui, se tournant
vers lui, criait de toutes ses forces : « Miserere mei ! pitié,
pitié ! ô mon cher fils, ayez compassion de mon état,
et que vos bonnes prières me viennent promptement en aide ! Accomplissez
pour moi des pénitences, des œuvres pieuses; hâtez-vous, ne
perdez pas de vue, un seul instant, cette intention de piété
filiale. » Le religieux redoubla
349
de ferveur, jusqu’à ce qu’il sût avec certitude, et par
une voie miraculeuse, qu’il avait procuré cette délivrance.
Ces apparitions, et d’autres du même genre, augmentèrent
la dévotion de Denys pour les âmes du purgatoire, et il chercha
toujours à l’inspirer à ses moines par ses exhortations quotidiennes.
A la mort du célèbre Jean de Louvain, bien que la sainte
vie qu’il avait menée fît espérer qu’il n’avait pas
grand besoin de suffrage (il avait été un prélat de
mœurs exemplaires, défenseur incorruptible de la justice, propagateur
zélé de l’Évangile, préférant toujours
le bien des autres à son avantage personnel), les Chartreux ne manquèrent
pas de prier beaucoup pour son âme. Il avait été leur
bienfaiteur, comme celui de plusieurs autres monastères, auxquels
il distribuait une partie des aumônes dont il disposait. L’abbaye
de Ruremonde avait reçu beaucoup de ces sommes. Il avait voulu y
être enterré, au milieu du chœur, afin de jouir encore, en
quelque façon, de la compagnie des Chartreux après sa mort.
Un personnage de tant de vertu et de charité ne put cependant éviter
l’épreuve du purgatoire, peut-être à cause des nombreux
bénéfices qu’il avait possédés, source d’obligations
auxquelles on peut ne pas songer, et au sujet desquelles on se repaît
d’illusions. Ce qui est certain, c’est que deux fois il fut montré
manifestement à ses amis qu’il avait besoin d’intercession. La première,
pendant l’office même de ses funérailles, où une nuée
épaisse et en même temps enflammée environna tout-à-coup
le catafalque. Denys, à cette vue, resta tout interdit, en sachant
s’il devait interpréter ce feu comme celui de l’enfer ou comme celui
du purgatoire. Le dé-
350
mon ne manqua pas de lui suggérer que c’était le feu
de la damnation, afin de le faire désister de ses prières
en faveur du défunt. Néanmoins il les continua toute l’année,
sans interrompre aucune des bonnes œuvres qu’il avait entreprises dans
ce but. Comme il y avait fondation annuelle, au jour anniversaire on chanta
encore l’office pour Jean de Louvain. Au même moment que la première
fois, c’est-à-dire au Benedictus, la nuée et le globe de
feu apparurent encore de la même manière, mais beaucoup moins
épais et moins effrayants : d’où le saint religieux inféra
à bon droit que Dieu faisait connaître par ce signe l’adoucissement
apporté aux souffrances du défunt, quoiqu’il fût retenu
encore loin du ciel. Les suffrages furent donc continués avec plus
de confiance, et en effet, au second anniversaire, une belle et éclatante
lumière brilla sur le catafalque et remplit toute l’église
de ses rayons. Le prélat était donc admis dans la troupe
trois fois bénie des élus.
Songeons, nous qui lisons ceci, qu’il faut préparer nous-mêmes
notre jugement, et ne point laisser aux autres la charge de l’adoucir :
car ce serait un calcul à la fois imprudent et trompeur.
(V. Acta Sanctorum des Bollandistes, 2 mars, Vie de Denys-le-Chartreux.)
Conclusion
Sancta ergò et salubris est cogitatio pro defunctis exorare
: Donc, c’est une sainte, une salutaire pensée de prier pour les
morts ! (Mach. XII, 46.)
Puisse ce recueil d’exemples exciter en plusieurs, et renouveler en
d’autres, la piété envers ceux qui nous ont précédés
au tribunal de Dieu ! La variété de ces faits, l’autorité
que leur donnent les graves auteurs auxquels nous les avons empruntés,
offrent une ample matière à nos réflexions, et il
ne sera pas qu’ils ne nous portent à un grand sentiment de compassion
pour les âmes qui gémissent dans l’expiation. Que si le plus
haut degré de la perfection chrétienne réside dans
la charité envers Dieu et envers le prochain, et que sur ces deux
amours, comme sur les deux pôles du monde, tourne le ciel de la vertu
accomplie, en quelle estime ne devra pas être auprès de tout
chrétien le zèle pour la délivrance de ces pauvres
âmes !
D’abord, les suffrages par lesquels nous y travaillons montrent un
grand amour pour Dieu lui-même, dont c’est imiter le plus admirable
attribut, celui de la miséricorde. Notre-Seigneur n’a-t-il pas dit
(Luc, VI, 36) : « Soyez miséricordieux comme votre Père
est miséricordieux : Estote misericordes sicut et Pater vester misericors
est ? (hic.) » Texte au sujet duquel saint Grégoire a écrit
cette réflexion : « Faites en sorte d’être comme
352 :
un Dieu envers celui qui souffre, en imitant la miséricorde
de Dieu. » Or, envers qui cette miséricorde s’exercerait-elle
mieux qu’envers des âmes destituées de tout secours, âmes
d’ailleurs extrêmement chères au Seigneur, ses filles, ses
épouses, les héritières de son royaume, à la
possession duquel elles aspirent légitimement ? Le grand docteur
saint Thomas d’Aquin n’a-t-il pas établi avec solidité que
les actes de miséricorde spirituelle l’emportent de beaucoup sur
la miséricorde purement corporelle ? Si donc la nourriture donnée
à qui a faim, le vêtement à qui est nu, la visite faite
à un prisonnier, sont choses agréables au Maître souverain,
combien plus considèrera-t-il l’acte qui a pour objet d’adoucir
les peines si cruelles d’âmes réduites à l’impuissance
pour elles-mêmes, d’apaiser la soif qu’elles ont de voir Dieu, de
les tirer de leur ténébreuse prison pour les introduire dans
la céleste béatitude !
C’est, en second lieu, un grand amour envers le prochain. Si saint
Pierre Nolasque mérita comme Jérémie le beau titre
d’ami de ses frères, (fratrum amator), parce qu’il consacra sa personne,
son temps et ses biens à briser les chaînes des esclaves chrétiens
sur les côtes de Barbarie, ce titre magnifique n’appartiendra-t-il
pas, à bien meilleur droit encore, au fidèle dont les aumônes,
les prières, les mortifications, ouvrent à ses frères
gémissants la porte du cachot horrible pour les envoyer aux joies
de la parfaite et éternelle liberté ? Certes, c’est une digne
et sainte préoccupation que celle de soulager les misères
variées dont nous sommes partout environnés ici-bas, dans
les pauvres, les malades, les affligés; mais, évidemment,
il est plus parfait encore de se constituer le bienfaiteur de ceux qui
sont autrement
353 :
torturés, et sans rien pouvoir pour eux-mêmes. Tel est
l’ordre de la vraie charité. La charité est essentiellement
ordonnée et réglée, selon le Sage : Ordinavit in me
charitatem. Eh bien ! les docteurs nous l’apprennent, cet ordre exige que
l’on envisage dans la charité : 1o où est la plus grande
obligation; 2 o où est la plus pressante nécessité;
3 o le plus grand mérite des personnes qui en sont l’objet; et autres
circonstances du même genre.
Or, quelle plus grande obligation que de subvenir à une nécessité
extrême, telle que la nécessité de ces âmes cruellement
tourmentées dans les flammes dévorantes ? Quel plus grand
mérite que celui de ces âmes élues, confirmées
en grâce malgré leurs imperfections passées, et prêtes
à monter au ciel pour entrer en possession de la gloire céleste
? Quel acte de miséricorde plus généreux que d’employer
tout notre pouvoir à leur procurer un bien au-dessus de tous les
biens ?
Enfin, si c’est notre intérêt propre que nous envisageons,
il ne saurait y avoir d’acte qui nous soit plus profitable et qui nous
attire plus de grâces. Dieu récompense ordinairement cette
charité dès la vie présente par de grands avantages,
par des faveurs temporelles et spirituelles, un constante augmentation
de la foi, une espérance plus présente et plus vive, une
charité plus ardente, plus féconde, la consolation intérieure
dans les peines, une protection spéciale dans les périls
: on n’a plus de prétexte pour en douter, après la lecture
des pages qui précèdent, et où nous avons recueilli
quelques-uns seulement des traits consignés dans les écrivains
ecclésiastiques. Souvenons-nous, par exemple, de la protection miraculeuse
accordée à Judas Machabée.
354
355
Fin de la Seconde Partie.
APPENDICE
Recueil de pratiques et de prières en faveur des âmes
du Purgatoire
I - Intentions 356
356
APPENDICE.
Recueil de Pratiques et de Prières en faveur des âmes
du Purgatoire
I / Intentions
357
Page 358 :
en pense malheureusement si peu : le prêtre qui nous a baptisés,
ceux qui nous ont instruits au catéchisme, qui nous ont fait faire
notre première-communion, l’évêque qui nous a confirmés,
les confesseurs qui nous ont absous, dirigés, consolés; les
auteurs des livres qui ont fait du bien à notre âme; les prédicateurs
des retraites ou des sermons qui nous ont rappelés à la vertu
ou fortifiés dans nos bonnes résolutions.
4o. Nous prierons pour nos bienfaiteurs, ceux de qui nous tenons
quelque avantage, temporel ou spirituel; qui nous ont donné de bons
exemples ou de bons conseils; qui ont prié pour nous, qui nous ont
rendu quelque service, légué leurs biens; qui nous ont protégés,
défendus, mis en état de nous instruire; nos maîtres,
dont la patience a dû être si grande; un misérable salaire
n’est pas la récompense due à un tel dévouement. Nous
penserons aussi à ceux qui, sans nous faire du bien eux-mêmes,
nous en ont souhaité ou fait faire par d’autres.
5o. Nous prierons pour nos amis, ceux avec qui nous avons passé
notre jeunesse, qui nous ont accompagnés sur les bancs de l’école,
dans nos jeux, et plus tard dans les difficultés de la vie. N’ont-ils
pas droit de compter sur un souvenir ?
6o. Nous prierons pour tous ceux à qui nous avons été
un sujet de scandale ou de mauvais exemple, par des actions, des paroles
légères, des conseils, des livres prêtés, une
tenue peu convenable à l’église, ou de toute autre manière,
peut-être même sans le savoir. Leur accorder nos suffrages
est devoir de justice.
7o. Nous prierons pour tous nos inférieurs en général,
ouvriers, serviteurs, élèves, etc.
Page 359 :
8o. Pour ceux qui sont détenus dans le purgatoire pour
les mêmes fautes qui remplissent notre propre vie et qui nous font
craindre le jugement de Dieu : mollesse, orgueil, avarice, colère,
tiédeur habituelle, immortification, et ce qui s’ensuit, etc. Pratique
excellente pour nous assurer en-haut des protecteurs.
9o. Pour ceux en faveur de qui personne ne prie, qui sont abandonnés
et oubliés de tous. Aimable charité, digne d’un cœur vraiment
instruit à l’école de Jésus-Christ.
10o. Priez enfin pour ceux qui ont droit à votre souvenir
et à vos bonnes œuvres, mais que vous ignorez. Acquérez pour
eux des mérites, gagnez des indulgences, que vous déposerez
entre les mains de la sainte Vierge, afin qu’elle-même les applique.
Quelle garantie que celle d’avoir Marie pour trésorière !
Ces intentions embrassent à peu près tout. On pourrait
les parcourir successivement, une par jour, pendant dix jours : ce qui
les ferait repasser sous les yeux trois fois par mois. Nous recommandons
vivement cette pratique si aisée.
Mais quelle sont les œuvres les plus profitables aux pauvres
âmes ? Nous en indiquerons quelques-unes.
359
II/ PRATIQUES.
1. – Il y a la sainte aumône, sous ses différentes
formes : pauvres, malades, ignorants auxquels on donne le pain de l’instruction,
affligés que l’on console, cœurs battus que l’on relève.
La bénédiction du pauvre est
Page 360 :
une pluie rafraîchissante à ceux que consume le feu de
l’expiation. « C’est l’aumône, dit l’Écriture-Sainte,
qui couvre la multitude des péchés. »
2. – Le saint sacrifice de la Messe, l’auguste Victime, qui est
la rançon du monde, offerte à son Père pour l’acquittement
des dettes humaines.
3. – La prière, la prière fervente, ce cri du cœur
qui est auprès de Dieu une toute-puissante supplication. Non pas
quelques paroles prononcées sans attention et sans confiance, mais
une véritable oraison, toute réfléchie, toute ardente,
toute sainte. La prière, assure Notre-Seigneur, obtient tout. Ah!
Si les âmes du purgatoire pouvaient prier pour elles-mêmes
d’une manière efficace, avec quelle victorieuse ferveur elles le
feraient ! Or, elles attendent que nous les remplacions…
4. – La mortification corporelle : jeûnes, privations,
positions gênantes, travail prolongé, partie de plaisir sacrifiée,
satisfaction légitime repoussée; à plus forte raison,
discipline, psaumes de la pénitence les bras en croix, etc. On peut
appliquer aux mêmes intentions les peines que Dieu nous envoie, en
les acceptant avec résignation et bonheur. C’est s’unir aux souffrances
de Jésus, et mieux expier les satisfactions illicites qui ont attiré
le châtiment sur ces âmes. Oh ! qu’on les soulagerait facilement
par ces petites choses que le sentiment de la piété indique
tout seul : une couche moins douce, un aliment moins recherché,
de l’eau à son repas, etc.
5. – Ne jamais passer devant un cimetière sans réciter
une prière pour les morts. De même à la rencontre d’un
convoi. De même encore pour toutes les morts que l’on apprend, de
quelque façonn que ce soit, dans les
Page 361 :
conversations, dans les feuilles publiques, etc. Ces habitudes sont
faciles à prendre, et, une fois prises, elles ne coûtent rien.
6. – Des pèlerinages aux sanctuaires les plus révérés,
principalement de la Sainte Vierge, avec la fatigue corporelle.
7. – S’associer plusieurs personnes ensemble, dans le but de
soulager les âmes du purgatoire, et s’exciter mutuellement à
la ferveur. Avoir un jour marqué chaque semaine pour s’examiner
là-dessus.
8. – Avoir dans sa chambre un objet quelconque, croix, chapelet,
image, buis bénit, auquel on attache le souvenir de cette dévotion
et qui la rappelle chaque fois qu’on le regarde.
9. – Ajouter à la récitation du chapelet une sixième
dizaine spécialement pour ces âmes. Plusieurs communautés
le font.
10. – Visiter pour elles le Saint-Sacrement, le soir surtout
dans le moment où l’indifférence des hommes laisse Notre-Seigneur
presque seul dans ses tabernacles. Que n’obtiendrait-on pas si on allait,
à cet instant, implorer sa clémence pour les âmes que
sa justice châtie !
11. – Il y a une autre pratique, très-sainte, très-autorisée,
qu’on peut appeler héroïque. Nous la mentionnons avec les autres,
mais en l’expliquant un peu plus au long parce qu’elle est moins connue.
Cette pratique consiste à faire le vœu d’abandonner entièrement
à ces âmes toutes les œuvres satisfactoires qu’on fera durant
sa vie. Vœu d’ailleurs n’obligeant point sous peine de péché,
et malgré cela donnant droit à des privilèges singuliers,
concédés par le pape Benoît XIII le 23
Page 362 :
avril 1728, confirmés par Pie VI, et par Pie IX le 30 septembre
1852; - ce vœu assure aux prêtres qui l’ont fait l’autel privilégié
personnel; - aux fidèles une indulgence plénière chaque
fois qu’ils communient; - une indulgence plénière, avec délivrance
d’une âme du purgatoire, tous les lundis de l’année, en entendant
simplement la sainte Messe à cette intention, et puis en visitant
une église ou un oratoire public, et y priant quelques instants,
la valeur de cinq Pater et Ave, aux intentions du pape. – Il n’y a point,
du reste, de formule particulière pour ce vœu; mais on pourrait
employer la suivante, qui en exprime très-bien l’esprit et la pensée
:
« Afin de concourir à votre plus grande gloire,
ô Seigneur mon Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit; afin aussi
de mieux imiter mon doux Rédempteur Jésus; pour manifester
enfin ma dévotion envers Marie, mère et consolatrice de tous
les fidèles souffrants…, je promets et fait le vœu de coopérer
à la délivrance des âmes du purgatoire qui doivent
encore à la divine justice les peines de leurs péchés;
- sans toutefois m’obliger moi-même sous peine d’aucun péché.
– C’est dans cette intention que je remets entre les mains de la Reine
des saints toutes mes œuvres satisfactoires, ainsi que celles qui me seraient
appliquées par les autres durant ma vie, comme à ma mort
et après mon passage à l’éternité. Daignez,
Seigneur, accepter cette offrande, inspirée par la charité
que vous êtes venu enseigner au monde. Que si toutes mes œuvres satisfactoires
réunies ne suffisent point pour acquitter les dettes des âmes
que la Mère des miséricordes veut délivrer, ainsi
que celles qui me restent à moi-même pour mes propres
Page 363 :
fautes, lesquelles fautes je hais et déteste sincèrement,
je m’offre, mon Dieu, avec votre bon plaisir, à y suppléer
un jour dans les épreuves du purgatoire, m’abandonnant en cela entièrement
entre les bras de votre tendresse. Ainsi me soient en aide la foi qui sauve
et l’espérance qui console ! (Ce vœu a été fait
par sainte Gertrude, sainte Thérèse, sainte Lidwine, sainte
Catherine de Sienne, le pieux cardinal Ximénez, etc. Notre-Seigneur
apparut à sainte Gertrude, et lui dit que par là elle lui
avait été si agréable, qu’il lui remettait absolument
tous ses péchés. – V., ci-dessus, XXVIe et XXXIIIe Merveilles.»
12. – Gagner en faveur des âmes le plus d’indulgences que
l’on peut, et, à cet égard, on peut beaucoup. Nous recueillons
ici un certain nombre de prières auxquelles sont attachés
de grands privilèges; en rappelant la doctrine de l’Église,
que, quand on gagne par exemple cent jours d’indulgence pour les défunts,
cela ne veut pas dire cent jours de moins en purgatoire, mais « cent
jours de la pénitence que l’on imposait autrefois aux pécheurs,
» selon l’antique discipline de l’Église.
363
III/ PRIÈRES.
« Quand, par nos suffrages, écrit sainte Brigitte,
nous délivrons une âme du purgatoire, nous faisons une chose
aussi agréable et aussi chère à Jésus-Christ
que si nous l’avions racheté lui-même. Et quand le temps en
sera venu, pour notre récompense, il nous rendra entièrement
ce bien. » La même sainte entendit
364
PRIERES
364
un jour une voix du purgatoire qui disait : "Qu'il soit béni
et dignement récompensé, celui qui nous soulage dans nos
souffrances !" Et une autre fois : "Dieu tout-puissant, daignez employer
votre pouvoir à rendre cent pour un à ceux qui nous aident
de leurs suffrages, et qui contribuent à nous réunir à
vous !"?
Le De profundis est un psaume de David que l'Eglise met sur les
lèvres de ses enfants pour les défunts. Bien qu'aucune indulgence
ne soit, que nous sachions, attachée à sa récitation,
le choix qui en a été fait le rend la prière la plus
précieuse que nous ayons à recommander : c'est alors, en
quelque sorte, l'Eglise tout entière qui prie avec le simple fidèle.
Les sentiments qu'il renferme sont d'ailleurs d'une confiance, d'une contrition,
d'une humilité toutes célestes.
"C'est du fond de l'abîme que je crie vers vous, ô
Dieu : Seigneur, entendez mes supplications.
Que vos oreilles deviennent attentives à la voix de ma prière.
Ah ! Seigneur, si vous pesez les iniquités, qui pourra,
mon Dieu, soutenir vos regards ?
Mais plutôt la miséricorde règne auprès
de vous, et au nom de votre loi, Seigneur, j'ai espéré en
vous.
Mon âme s'est appuyée sur la divine parole ; mon
365
âme a espéré dans le Seigneur.
Que depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher Israël
espère ainsi dans le Seigneur :
Car auprès du Seigneur est la bonté, et près
de lui se trouve l'abondante miséricorde.
C'est lui-même qui rachètera le peuple élu
de toutes ses iniquités.
Mon Dieu, accordez à ces âmes le repos éternel,
et que la lumière immortelle luise à leurs yeux !
Qu'elles reposent donc en paix. Ainsi soit-il.
PRIONS
Mon Dieu, qui êtes à la fois le Créateur
et le Rédempteur de tous les fidèles, daignez accorder la
rémission de tous leurs péchés aux âmes de vos
serviteurs et de vos servantes, afin que, par nos humbles supplications,
elles obtiennent le pardon entier après lequel elles soupirent :
vous, Sei-
366
gneur, qui vivez et régnez éternellement. Ainsi soit-il.
__________________
INDULGENCE DE 7 ANS ET 7 QUARANTAINES DE JOURS (1) :
Acte de foi. Mon Dieu, nous croyons fermement tout ce que la sainte
Eglise Catholique-Apostolique-Romaine nous ordonne de croire, parce que
c'est vous, ô Vérité infaillible, qui le lui avez révélé,
et que vous ne pouvez ni vous tromper ni tromper.
Acte d'espérance. Mon Dieu, nous espérons avec la plus
ferme confiance que vous nous donnerez, par les mérites de Jésus-Christ,
votre grâce en ce monde, et, si nous observons vos commandements,
votre gloire dans l'autre, parce que vous nous l'avez promis et que vous
êtes souverainement fidèle dans vos promesses.
Acte de charité. Mon Dieu, nous vous aimons, ou du moins nous
avons le plus grand désir de vous aimer, de tout notre cœur, de
toute notre âme et de toutes nos forces ; et nous aimons notre
prochain comme nous-mêmes, pour l'amour de vous.
__________________
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"Que la très-sainte, très-juste et très
aimable volonté de Dieu s'accomplisse ; qu'elle soit louée
et exaltée en toutes choses et pendant toute l'éternité.
Ainsi soit-il".
(1) Toutes les indulgences que nous avons indiquées sont applicables
aux âmes du purgatoire.
367
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"Mon Jésus, miséricorde !"
__________________
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"Jésus, Joseph, Marie,
Je vous donne mon cœur, je vous offre ma vie.
Jésus, Joseph, Marie,
Daignez me secourir en l'extrême agonie.
Jésus, Joseph, Marie,
Qu'avec vous dans la paix je termine ma vie !"
__________________
INDULGENCE PLENIERE, APRES LA CONFESSION ET LA SAINTE COMMUNION, EN
PRESENCE D'UN CRUCIFIX :
"O bon et très doux Jésus, je me prosterne à
genoux en votre sainte présence, pour vous prier et vous conjurer
avec toute l'ardeur dont je suis capable, de daigner imprimer dans mon
cœur de vifs sentiments de Foi, d'Espérance et de Charité,
un vrai repentir de mes fautes et une volonté ferme de m'en corriger
; pendant que je considère et que je contemple en esprit vos cinq
plaies, avec une grande compassion et une grande douleur, ayant devant
les yeux ce que David prophétisait de vous, ô bon Jésus
: Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous
mes os".
__________________
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"Père éternel, je vous offre le très précieux
sang de Jésus-Christ en expiation de mes péchés et
pour les besoins de la sainte Eglise".
368
INDULGENCE DE 100 JOURS,
à gagner une fois par jour (trois fois le jeudi) :
"Loué et remercié soit à chaque instant les très
saint et très divin Sacrement de l'autel!".
__________________
INDULGENCE DE 7 ANS ET 7 QUARANTAINE DE JOURS
Pour accompagner, une lumière à la main, le Saint-Sacrement
porté aux malades.
__________________
3 ANS ET 3 QUARANTAINES :
Pour ceux qui, ne pouvant l'accompagner eux-mêmes, font porter
un cierge.
__________________
5 ANS ET 5 QUARANTAINES :
Pour l'accompagner sans lumière.
__________________
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"O Jésus très miséricordieux, rempli d'amour
pour les pécheurs, je vous en supplie par l'agonie de votre Cœur
très saint et par les douleurs de votre Mère Immaculée,
baignez dans votre sang les pécheurs de toute la terre qui se trouvent
maintenant à l'agonie et qui doivent mourir en ce jour. Amen.
Cœur de Jésus qui avez été en agonie,
Ayez pitié de ceux qui meurent".
369
INDULGENCE DE 300 JOURS,
Pour l'hymne Pange lingua, avec le verset et l'oraison.
100 jours, pour réciter seulement le Tantum ergo, avec le verset
et l'oraison,
__________________
INDULGENCE DE 300 JOURS :
Pour les Litanies de la Sainte Vierge.
__________________
INDULGENCE DE 100 JOURS :
"Ange de Dieu, à qui la divine Providence m'a confié,
soyez aujourd'hui ma lumière, mon gardien, mon directeur et mon
guide. Ainsi soit-il".
__________________
INDULGENCE DE 7 ANS ET 7 QUARANTAINES,
Chaque fois que l'on donnera de la nourriture à trois pauvres
pour honorer Jésus, Marie et Joseph. Si on communie le même
jour, indulgence plénière.
__________________
INDULGENCE DE 300 JOURS,
Chaque fois que l'on récitera pour les fidèles agonisants
trois Pater en mémoire de la passion et de l'agonie de Notre Seigneur,
accompagnés de trois Ave en mémoire des douleurs de la très
sainte Vierge.
__________________
INDULGENCE DE 300 JOURS :
Cinq Pater et cinq Ave pour les morts, en réflé-
370
chissant à la Passion de Notre-Seigneur, avec ces versets :
"Nous vous supplions de venir au secours de vos serviteurs, que
vous avez rachetés par votre précieux sang ;
Donnez leur, Seigneur, votre repos éternel, et que votre
lumière luise à jamais sur eux. Qu'ils reposent en paix.
Amen".
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INDULGENCE DE 500 JOURS,
A tous les fidèles, même non associés, qui
assisteront à un office du saint et immaculé Cœur de Marie,
dans une église où est canoniquement érigée
l'Archiconfrérie de Notre-Dame des-Victoires.
Il y a d'autres et nombreuses indulgences propres aux associés
de certaines œuvres ou de certaines confréries, telles que celles
de la Propagation de la Foi, de la Sainte-Enfance, du Rosaire, du Scapulaire,
des Enfants de Marie, des Jeunes Economes, de Saint-Vincent-de-Paul, de
la Bonne mort, etc., etc. On les connaît en s'y faisant inscrire.
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INDULGENCE DE 300 JOURS,
A qui récite le chapelet pour la conversion du Japon.
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Prières pour Obtenir une Bonne Mort
Composée par Mgr Devie, Evêque de Belley
Dieu tout-puissant, arbitre souverain de la vie et de la mort,
prosterné votre adorable présence, je viens vous demander
la dernière et la plus important de toutes les grâces, c'est-à-dire
la grâce de mourir saintement. Faites, Seigneur, que je meure de
la mort des justes, quoique ma vie ait été trop conforme
à celle des pécheurs. Accordez-moi donc, d'abord, une douleur
sincère de mes péchés. J'en ai fait l'aveu au ministre
de votre miséricorde ; j'en ai obtenu l'absolution, et je les veux
expier par une véritable et sincère pénitence. Plein
de confiance en vos promesses, je puis croire que vous me les avez pardonnées
; pour m'en assurer davantage, je les déteste de nouveau de tout
mon cœur, et je voudrais effacer du nombre de mes jours ceux que je n'ai
pas employés à vous servir.
Mais ce n'est pas assez pour me tranquilliser : la persévérance
est une grâce que nous ne pouvons pas mériter, et que vous
n'accordez qu'à nos instantes prières. C'est pour cela que
je viens la demander, surtout pour le moment suprême où l'ennemi
du salut redouble d'efforts afin de nous effrayer et de nous détourner
de la confiance que nous devons avoir en vous. Ajoutez donc, Seigneur,
à toutes les grâces que j'ai reçues
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celle de me rendre fidèle à la résolution que
je prends d'employer le reste de ma vie à l'accomplissement de tous
mes devoirs. Oui, ô mon Dieu, je veux désormais, à
l'exemple des saints, devenir humble, modeste, charitable, vigilant sur
moi-même, attentif à mes prières et à la pratique
de la vertu qui me manque.
Mais, Seigneur, puis-je bien compter sur mes résolutions
? La triste expérience que j'ai de ma faiblesse ne doit-elle pas
m'inspirer des craintes ? Oui : malgré mes bonnes dispositions présentes,
malgré toues les précautions que je prendrai pour l'avenir,
je crains de m'égarer encore, de m'éloigner de vous par le
péché. Ne m'abandonnez pas alors, ô Dieu de bonté
! frappez à la porte de mon cœur ; éclairez-moi, poursuivez-moi,
punissez-moi s'il le faut ; ne m'épargnez pas, et mettez-moi dans
l'heureuse nécessité de revenir à vous. Ce que je
demande surtout instamment, c'est que vous ne m'appeliez pas à vous
par une mort subite et imprévue, dans ces coupables dispositions
; c'est que vous me laissiez le temps de faire pénitence ; c'est
que vous me fournissiez tous les moyens nécessaires pour faire une
mort chrétienne.
Hélas ! Seigneur, que serais-je devenu si j'étais
mort subitement à telle ou telle époque de ma vie… ? Si vous
ne m'aviez pas guéri de telle ou telle maladie…, préservé
de tel danger… ? Soyez mille fois béni de la miséricorde
dont vous avez usé envers moi ! J'ai été un infidèle,
mais je ne veux pas être un ingrat, et je veux vous témoigner
ma reconnaissance en mettant à profit le délai que vous m'accordez,
en réparant les mauvais exemples que j'ai donnés, le temps
que j'ai perdu. C'est vous, ô mon Dieu, qui m'inspirez ces résolutions
salutaires : accordez-moi aussi la grâce de les accomplir.
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O Jésus, qui êtes mort sur la croix pour nous apprendre
à bien mourir et nous mériter les grâces dont nous
avons besoin dans le moment de notre passage du temps à l'éternité,
je viens aujourd'hui profiter de vos exemples et réclamer votre
puissant secours. Inspirez-moi cette résignation à la volonté
de Dieu qui fut si méritoire pour nous au moment de votre douloureuse
agonie ; donnez-moi ce courage, cette patience héroïque, ce
silence divin dont toutes les personnes qui vous entouraient furent étonnées.
Vous avez promis à un pécheur mourant à côté
de vous de l'introduire dans votre paradis : c'est un pécheur vivant
qui réclame instamment, et avec confiance, la même faveur,
sans laquelle votre rédemption aura été inutile pour
lui, puisque ce n'est que par une sainte mort que notre salut est assuré.
Sainte Marie, Mère de Dieu, ce n'est pas en vain, non
ce n'est pas en vain, que je vous ai demandé, tous les jours et
même plusieurs fois par jour, de "prier pour moi pauvre pécheur".
Quelque faible qu'ai été ma piété dans une
infinité d'occasions en prononçant ces paroles, il m'est
impossible de ne pas reconnaître que vous m'avez obtenu beaucoup
de grâces pendant le cours de ma vie : c'est pourquoi je répète
avec une nouvelle confiance : "Priez pour moi, pauvre pécheur, maintenant
et à l'heure de ma mort".
Mon bon Ange Gardien, c'est principalement au moment de ma mort
qu'il faudra redoubler les charitables soins que vous avez pris de moi
pendant ma vie, parce que c'est alors seulement que je pourrai en recueillir
le fruit d'une manière assurée. Je les réclame aujourd'hui
d'avance, et vous conjure d'oublier toutes mes infidélités,
toutes mes résistances à vos saintes inspiration,
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pour ne vous rappeler que la mission que vous avez reçue de
m'introduire dans le ciel.
Bienheureux saint Joseph, qui avez eu le bonheur de mourir entre
les bras de Jésus et de Marie, et qui avez mérité
par-là d'être le protecteur et le patron des agonisants, je
vous invoque d'avance pour le moment où, n'étant plus que
la moitié de moi-même, je serai peut être dans l'impossibilité
de le faire. Daignez donc m'assister à la mort.
Et vous aussi, mes vénérables Patrons, Saints ou
Saintes dont je porte le nom ou pour lesquels j'ai une dévotion
particulière, demandez pour votre protégé les
grâces dont j'ai besoins pour faire un saint usage du reste de ma
vie que Dieu me laisse afin que rien ne mette obstacle à l'accomplissement
du désir que j'ai de mourir saintement.
Très-doux Jésus, ne me soyez point juge, mais Sauveur
!
(Redire trois fois cette dernière invocation).
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EXERCICE POUR SE DISPOSER A BIEN MOURIR
(par Bossuet)
Vous ferez un acte de foi en la présence de Dieu, et demeurer
en respect devant lui, comme si vous n'aviez plus que ce moment à
vivre ; et en cet état vous l'adorerez profondément, lui
disant :
Mon Dieu, je vous adore de toute ma volonté ; et pour
le faire plus dignement, je m'unis à toutes les saintes âmes
du ciel et de la terre qui le font maintenant ; et je
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crois fermement que vous êtes mon Dieu et mon juste juge, auquel
je dois un jour, et peut-être dans ce moment, rendre un compte exact
de toutes mes pensées, paroles et actions.
ACTE DE FOI
Je proteste aussi, mon Dieu, que je crois tout ce que l'Eglise
croit, et je veux mourir dans la vraie et vive foi de tout ce qu'elle m'enseigne,
étant prêt, par votre grâce, de donner ma vie et de
répandre mon sang, jusqu'à la dernière goutte, pour
confirmer cette divine foi.
ACTE DE DESIR DE VOIR DIEU
Je désire ardemment, ô mon Dieu, de jouir de vous
et de vous voir, puisque c'est vous qui êtes mon bonheur et ma vraie
félicité. Mais je sais, ô mon Dieu, que je ne
le mérite par aucune de mes œuvres, mais uniquement par les mérites
de mon Jésus. C'est aussi pour tout ce qu'il a fait et souffert
pour moi que j'ose espérer, quoique misérable pécheur,
que je jouirai de vous éternellement.
ACTE DE CONTRITION
Toute ma confiance, ô mon Dieu, est dans les mérites
du sang précieux que Jésus-Christ a répandu pour effacer
mes crimes, et c'est en son saint nom que je vous demande pardon, prosterné
aux pieds de ce divin sauveur de mon âme, dans un vrai ressentiment
d'humiliation à la vue de mes résistances à vos grâces
et des infidélités que j'ai commises contre vous. Je vous
en demande pardon, dans la confiance que vous ne pouvez refuser un cœur
contrit et humilié.
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ACTE D'AMOUR
Ah, mon Dieu, faites-moi miséricorde et la grâce
que mon cœur brûle de votre saint amour pour le temps et pour l'éternité.
Je ne le puis que par votre grâce : ô mon Dieu, ne me la refusez
pas, je vous la demande de tout mon cœur, et vous proteste que je veux
et consens d'être séparé, par mort, de tout ce qui
m'est le plus cher, quand il vous plaira et de la manière que vous
le voudrez, puisque vous m'êtes plus cher que tout et que moi-même.
ACTE DE SOUMISSION
Prosterné à vos pieds, cloués pour moi sur
la croix, ô Jésus ! Je proteste que, de toute ma volonté,
j'accepte la mort par soumission à votre sainte volonté et
par hommage à la vôtre, adorant le jugement que vous ferez
de moi. Je vous supplie, par les mérites de votre mort, de me le
rendre favorable, pour je puisse m'unir à vous éternellement
: car, par votre grâce, je vous aime et désire vous aimer
de tout mon cœur, plus que moi-même et que toutes les choses de ce
monde, que je vous sacrifie de toute ma volonté.
Ainsi soit-il.
FIN.