Somme Théologique IIIa Pars
QUESTION 52 : LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS
ARTICLE 8 : Par sa descente aux enfers, le Christ a-t-il libéré
les hommes du purgatoire ?
Objections : 1. S. Augustin écrit : " Des témoignages évidents mentionnent l'enfer avec ses douleurs ; il n'y a aucun motif de croire que le Sauveur y soit venu, sinon pour délivrer de ces douleurs. Mais a-t-il délivré tous ceux qu'il y a trouvés, ou seulement ceux qu'il a jugé dignes de cette faveur, je le cherche encore. Il est pourtant indubitable que le Christ est venu dans les enfers et qu'il a octroyé le bienfait de la délivrance à ceux qui s'y trouvaient dans les douleurs. " Or, ainsi qu'on l'a vu il n'a pas accordé ce bienfait aux damnés. En dehors d'eux, il n'y a, pour souffrir ces peines, que ceux qui sont au purgatoire. Donc le Christ a délivré les âmes du purgatoire.
2. La présence du Christ n'aurait pas eu moins d'effet que ses sacrements. Or, par les sacrements du Christ, les âmes sont délivrées du purgatoire ; surtout par le sacrement de l'eucharistie, on le montrera plus loin. Donc à plus forte raison, par la présence même du Christ qui était descendu aux enfers, les âmes ont été délivrées du purgatoire.
3. Tous ceux qu'il a guéris en cette vie, le Christ les a guéris totalement, ainsi que l'écrit S. Augustin. Le Seigneur lui-même le dit aussi (Jn 7, 23) : " J'ai sauvé totalement cet homme le jour du sabbat. " Or, ceux qui se trouvaient dans le purgatoire, le Christ les a délivrés de l'obligation à la peine du dam, qui les excluait de la gloire. Il les a donc aussi libérés de la peine du purgatoire.
En sens contraire, S. Grégoire écrit : " Après avoir franchi les portes de l'enfer, notre Créateur et Rédempteur en a ramené les âmes des élus ; il ne souffre donc pas que nous allions dans les lieux où il est déjà descendu, pour libérer d'autres âmes. " Or, il souffre que nous allions dans le purgatoire. En descendant dans les enfers, il n'a donc pas délivré les âmes du purgatoire.
Réponse : Nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises. la descente du Christ aux enfers a produit la délivrance en vertu de sa passion. Or, cette passion ne possède pas une vertu temporaire et transitoire, mais une vertu éternelle : " Par une seule oblation, il a parfait pour toujours les sanctifiés " (He 10, 14). Et ainsi, il est clair que la passion du Christ n'a pas eu alors plus d'efficacité qu'elle n'en a maintenant. Voilà pourquoi ceux qui étaient à ce moment dans l'état où sont maintenant les âmes du purgatoire n'ont pas été délivrés du purgatoire par la descente du Christ aux enfers. Si, toutefois, certaines âmes se sont alors trouvées dans la condition où sont actuellement les âmes qui sont délivrées du purgatoire, rien ne s'oppose à ce qu'elles aient été libérées du purgatoire par la descente du Christ aux enfers.
Solutions : 1. Du texte de S. Augustin on ne peut conclure que tous ceux qui se trouvaient dans le purgatoire en ont été délivrés, mais que cette faveur a été octroyée à quelques-uns d'entre eux, c'est-à-dire à ceux qui étaient déjà suffisamment purifiés, ou même à ceux qui avaient mérité durant leur vie, par leur foi et leur dévotion à la mort du Christ, d'être libérés de la peine temporelle du purgatoire, lorsque le Christ descendrait aux enfers.
2. La vertu du Christ agit dans les sacrements par mode de guérison et d'expiation. Le sacrement de l'eucharistie libère donc l'homme du purgatoire autant qu'elle est un sacrifice satisfactoire pour le péché. Or, la descente du Christ aux enfers n'a pas été satisfactoire. Elle agissait pourtant en vertu de la passion, qui, a été satisfactoire, ainsi qu'on l'a vu plus haut ; mais la passion n'était elle-même satisfactoire qu'en général ; sa vertu devait être appliquée aux hommes par des moyens particuliers et spéciaux à chacun d'entre eux. Il n'était donc pas nécessaire que la descente du Christ aux enfers les libère tous du purgatoire.
3. Les faiblesses, dont le Christ guérissait simultanément
les hommes en cette vie, étaient personnelles et propres à
chacun d'eux. Mais l'exclusion de la gloire de Dieu était une déficience
générale qui atteignait toute la nature humaine. Aussi rien
n'empêche que ceux qui étaient dans le purgatoire aient été
délivrés par le Christ de cette peine qu'est l'exclusion
de la gloire, sans être libérés de l'obligation à
la peine du purgatoire, qui est personnelle à chacun. Les saints
patriarches, au contraire, ont été libérés,
avant l'arrivée du Christ, de leurs peines personnelles, mais non
de la peine commune, comme on l'a dit plus haut.
Somme Théologique IIa-IIae
QUESTION 83 : LA PRIÈRE
ARTICLE 4 : Ne doit-on prier que
Dieu ?
3. Si nous adressons des prières à certains saints, c'est
uniquement parce qu'ils sont unis à Dieu. Mais il y a des gens qui
vivent en ce monde ou encore des âmes du purgatoire, qui sont très
unis à Dieu par la grâce. Or, on ne les prie pas. Donc on
ne doit pas prier non plus les saints du paradis.
3. Ceux qui sont en ce monde ou dans le purgatoire ne jouissent pas
encore de la vision du Verbe. Ils ne peuvent donc pas connaître ce
que nous pensons ou disons. C'est pourquoi nous n'implorons pas leurs suffrages
par la prière, sinon en ce qui concerne les vivants, par nos demandes.
ARTICLE 11 : Les saints du ciel prient-ils pour nous?
3. Comme les saints qui sont dans la patrie, nous sont supérieurs,
de même ceux du purgatoire, parce qu'ils ne peuvent plus pécher.
Mais ceux-là ne prient pas pour nous, c'est plutôt nous qui
prions pour eux. Donc les saints du paradis ne prient pas non plus pour
nous.
3. Ceux qui sont au purgatoire, bien que supérieurs à
nous par leur impeccabilité, sont en état d'infériorité
si l'on considère les peines qu'ils souffrent. A ce point de vue,
ils ne sont pas en état de prier, mais plutôt que l'on prie
pour eux.
Somme Théologique IIIa Pars
QUESTION 52 : LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS
ARTICLE 2 : En quel enfer le Christ est-il descendu ?
2. De plus, S. Pierre dit (Ac 2, 24) : " Dieu a ressuscité le
Christ, le délivrant des douleurs de l'enfer ; car il était
impossible qu'il y soit retenu. " Or, il n'y a pas de douleurs dans l'enfer
des patriarches ; il n'y en a pas non plus dans l'enfer des enfants, qui
ne sont pas punis de la peine du sens à cause du péché
actuel, mais seulement de la peine du dam à cause du péché
originel. Donc le Christ est descendu dans l'enfer des damnés, ou
même au purgatoire, où les hommes sont punis de la peine du
sens pour leurs péchés actuels.
1° D'abord, par l'effet qu'on y produit. De cette manière, le Christ est descendu dans chacun des enfers ; mais de façon différente. Car, dans l'enfer des damnés, il est descendu pour les confondre de leur incrédulité et de leur malice. A ceux qui étaient détenus dans le purgatoire, il a donné l'espoir d'obtenir la gloire ; quant aux saints patriarches qui étaient retenus dans les enfers à cause du seul péché originel, il leur a donné la lumière de la gloire éternelle.