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Théologie du Purgatoire
édition numérique par Dominique Vandal

II. LA TRADITION ORIENTALE JUSQU'A LA FIN DU IIIe SIÈCLE. -1. FONDEMENT. -1° L'expiation personnelle dans l'économie de la rédemption. -1. L'héritage de la théologie juive. -L' Ancien Testament, avons-nous dit, tout au moins jusqu'à l'époque d'Esdras, est orienté vers les rétributions collectives de ce monde: la Loi a pour but de rappeler au peuple élu de Dieu le rôle qu'il doit jouer ici-bas, pour y conserver et propager le culte du vrai Dieu. Les fautes contre la Loi ont pour compensation des expiations d'ordre légal, expiations purement rituelles par le sacrifice extérieur, indépendant, semble-t-il, des sentiments de pénitence intérieure qui devraient les commander.

Toutefois, à côté de l'expiation rituelle par le sacrifice extérieur, moyen officiel d'expiation, on devine souvent, on saisit parfois un autre moyen d'expiation, celui-là d'ordre intérieur: l'expiation du péché par la prière et la pénitence et souvent par l'intermédiaire du juste en faveur du pécheur. La Bible offre ainsi des exemples de pardon accordé en considération des mérites des justes: voir l'intercession d'Abraham en faveur des villes coupables, Gen., XVIII, 17; l'épisode d'Abimélech, Gen., XX; la médiation de Moïse en faveur du peuple rebelle Num., XIV, 13-19; Samuel priant pour le peuple d'Israël, 1 Reg., XII, 19 sq. D'autres fois, c'est le coupable lui-même qui expie par la prière et la souffrance sa propre faute: le livre des Juges et les livres des Rois contiennent maints exemples de ces expiations salutaires, soit collectives,
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III. PROFESSION PLUS EXPLICITE DU DOGME DANS LES ÉGLISES ORIENTALES À PARTIR DU IVe SIÈCLE.
 

-Le dogme du purgatoire apparaît dans l'Église orientale sous les deux aspects que nous lui connaissons déjà: une expiation purificatrice dans l'au-delà, la prière des vivants offerte à Dieu pour l'allégement des souffrances des morts. Sous son premier aspect, le dogme conservera toujours plus ou moins les obscurités que nous avons relevées dans ses formules archaïques: projection de l'expiation future dans l'unique perspective du jugement et, par voie de conséquence, lorsque l'imminence de la parousie ne s'impose plus à l'attente religieuse, situation mal définie des âmes déjà séparées du corps mais non encore soumises au jugement final. Ces caractères inconsistants de l'expiation dans l'au-delà provoqueront peu à peu entre l'Église orientale et l'Église occidentale des malentendus qu'il sera difficile de dissiper.

1° L'EXPIATION PURIFICATRICE DANS L'AU-DELA. -1° Saint Cyrille de Jérusalem ne se contente pas (comme la plupart des Pères que l'on va citer) d'inviter les chrétiens à prier pour les défunts (voir plus loin); il enseigne expressément qu'un fleuve de feu purifiera nos œuvres inconsistantes, conformément à l'enseignement de I Cor., III, 15. L'archange le proclamera et dira à tous: «Levez-vous, au-devant du Seigneur. David l'a dit: Dieu viendra manifestement; notre Dieu (viendra) et il ne gardera pas le silence. Un feu s'allumera en sa présence, et, autour de lui, s'élèvera une tempête violente. » Ps., XLIX, 3. (Dans le psaume, comme dans la pensée de Cyrille, il s'agit du jugement.) Le Fils de l'homme viendra, selon l'Écriture qu'on a lue, vers son Père, dans les nuées du ciel, accompagné du fleuve de feu, dans lequel seront éprouvés les hommes. Si quelqu'un a des œuvres en or, il deviendra plus brillant; mais si quelqu'un ne présente que des œuvres semblables à la paille et sans consistance, il sera brûlé par le feu (??????????? ??ò ??? ?????). Cat., xv, n. 21, P. G., t. XXXIII; col. 900. Il y a ici, de toute évidence, la même conception que chez Origène. Le feu est bien celui de la conflagration générale du dernier jour, mais il servira en même temps à la purification des œuvres que Paul a comparées à la paille, au foin, au bois. Il n'est pas question du feu de l'enfer, qui attend les damnés.

2° Saint Basile fait écho pareillement aux enseignements antérieurs sur le «baptême par le feu», dans son traité De Spiritu sancto. Après avoir établi la différence entre le baptême de Jean dans l'eau, en vue de la pénitence, et le baptême de Jésus-Christ, dans l'Esprit-Saint et le feu, il rapproche ce dernier baptême par le feu de l'épreuve qui se fera au jour du jugement. Invoquant l'autorité de l'Apôtre, I Cor., III, 15, il rappelle que le jour du Seigneur révélera ce qui sera manifesté par le feu. C. xv, n. 36, P. G., t. XXXII, col. 132. Ce que sera la conclusion de cette épreuve par le feu, Basile nous le déclare dans ses homélies sur les psaumes: «Celui qui est à l'article de la mort, sachant qu'il n'existe qu'un sauveur et un libérateur, lui dit : J'ai espéré en toi, sauve-moi de mon infirmité et délivre-moi de la captivité (cf. ps. VII, 1). J'estime que les vaillants athlètes de Dieu, qui, pendant toute leur vie, ont beaucoup lutté contre 1es ennemis invisibles, une fois placés au terme de leur vie, seront jugés par le prince du siècle; s'ils sont trouvés ayant gardé quelques blessures, suite de leurs combats, ou quelques taches ou des vestiges de péché, ils seront enfermés; mais s'ils sont trouvés sans tache et sans blessure, invaincus et libres, ils reposeront sous le Christ.» In ps. VII, n. 2, P. G., t. XXIX, col. 232. On retrouve ce texte dans le De futuro judicio (inséré en appendice des œuvres de saint Basile), recueil de sentences basiliennes par Siméon le Métaphraste, P. G., t. XXXII.

Dans ces textes, l'expiation reste au premier plan; la nature du feu du jugement est incertaine. Mais le Commentaire sur Isaïe est moins réservé: faut-il toutefois y voir une œuvre authentique de Basile ou simplement l'ouvrage d'un contemporain? Voir BASILE (Saint), t. II, et aussi Rev. des sciences rel., t. X, 1930, p. 47sq. On y distingue différents jugements de Dieu sur les pécheurs. Certains qui jusqu'à la mort ont offensé Dieu par malice sont condamnés au feu éternel; mais il existe un feu purificateur pour ceux qui ont péché légèrement ou qui, pendant cette vie, ont fait pénitence de leurs fautes graves. Ainsi, «en attachant notre âme aux plaisirs défendus, nous l'entraînons loin de Dieu et nous la soumettons à la cruelle tyrannie du démon inexorable, lequel, condamné au feu éternel, s'efforce d'avoir des compagnons de son supplice.» In Isaiam, x, 20, P. G., t. XXX, col. 550. Mais Dieu a préparé un feu pour d'autres fautes: «S'il livre des attaches terrestres au feu vengeur, c'est par manière de bienfait pour l'âme... Dieu ne la menace pas de ruine totale, mais il indique la purification selon le mot de l'Apôtre: si l'ouvrage de quelqu'un est consumé... (allusion à I Cor., III, 15). Ce feu purificateur ne saurait cependant consumer les péchés demeurés à l'état d'herbe verte, mais seulement ceux qui, par la pénitence, ont été desséchés à l'instar du foin: «Ainsi, en découvrant le péché par la confession, nous en faisons un grain aride, qui sera dévoré par le feu purificateur (??? ?????????? ?????).» En conséquence, si nous ne desséchons pas ainsi notre péché comme une herbe aride, le feu ne pourra le dévorer et le brûler.» Ibid., IX, 16 sq., col. 519. Enfin, commentant Is., IV, 4, l'auteur s'empare de la double expression du prophète: sanguinem Jerusalem purgabit in media eorum IN SPIRITU JUDICII ET COMBUSTIONIS. Il expose que trois acceptions sont possibles du baptême: la purification des souillures, la régénération par l'Esprit-Saint et cette probation dans le feu du jugement, qui doit être rapportée au temps de la conflagration finale, (? ?? ?? ???? ??? ??????? ???????). Col. 342.

3° Saint Grégoire de Nazianze ne semble-t-il pas faire une allusion à la purification d'outre-tombe, lorsque, faisant l'éloge d'Athanase, il le compare au feu purificateur de la matière vile et perverse, ??? ??????????? ??? ???? ??? ????????? Oral., XXI, in laudem Athanasii,n. 7. P. G., t. XXXV, col. 1089. Le texte suivant, emprunté à l'Oral. XL, in sanctum baptisma, n. 36, le ferait supposer. On a souvent cru trouver, dans ce dernier texte, un écho de l'erreur origéniste. La chose est loin d'être prouvée. Cf. ENFER, t. v, col. 69. Il semble bien que l'orthodoxie {le Grégoire soit indiscutable non seulement ici, mais encore dans tous les textes où il parle d'un feu purificateur devant ouvrir le ciel au pécheur.

D'une part, en effet, saint Grégoire enseigne formellement l'éternité des peines infernales, Oral., XVI, in Patrem tacentem, n. 7, t. XXXV, col. 944; n. 9, col. 946; Carm., II,1, n. 46. t. XXXVII, col. 1380 ; d'autre part, même dans cette Oral. XL, in sanctum baptisma, n. 36, il commence par affirmer, après le jugement terrible, la séparation définitive et le supplice de l'éternelle ignominie. P. G., t. XXXVI, Col 412. Ce n'est qu'ensuite qu'il rappelle ce qu'est «le feu purificateur (du baptême) que le Christ, mystiquement appelé feu lui-même, est venu apporter sur la terre. La propriété de ce feu est de consumer la matière vile et les affections vicieuses de l'âme; aussi le Christ veut-il qu'il soit rapidement allumé... Mais il y a un autre feu, qui ne purifie pas, qui venge les crimes commis: c'est le feu qui a dévoré Sodome et dont Dieu punit tous les pécheurs; c'est aussi le feu qui a été préparé au démon et à ses anges; c'est aussi le feu qui sort de la face de Dieu et qui bn1le autour de Dieu tous ses ennemis; ou bien encore c'est le feu le plus terrible de tous, celui qui est joint au ver sans sommeil, qui ne s'éteint jamais, qui punit éternellement les hommes scélérats. Tous ces feux ont la même force pour perdre et détruire; à moins toutefois qu'on ne veuille comprendre ici un feu plus doux et digne de Dieu, vengeur (du péché).» Ibid., col. 412. L'interprétation suggérée par les éditeurs bénédictins et développée par Billot, De novissimis, Rome, 1903, p. 58, entend séparer complètement la cause du mitior ignis de celle des feux énumérés précédemment. Ce feu plus doux serait soit celui des pénitences acceptées en cette vie, soit celui du purgatoire dans l'autre vie.

Cette interprétation est rendue plus plausible encore par la comparaison des autres textes où vraisemblablement s'affirme là croyance au purgatoire. C'est d'abord, dans l'Oral. III, n. 7, Ad eos, qui ipsum acciverunt ..., une invitation à aimer Dieu, à fuir le vice; à pratiquer la vertu, à suivre les inspirations de l'Esprit-Saint; en un mot, à «édifier sur le fondement de la foi, non du bois, du foin, de la paille, matière légère et facilement combustible, puisque nos actions doivent être jugées ou purifiées par le feu (????? ?? ???? ???????? ?? ??????? ? ??????????), mais de l'or, de l'argent :et des pierres précieuses, matières solides et fermes. P. G., t. XXXV, col. 524. C'est encore la formule archaïque du feu du jugement; mais du moins l'idée de purification morale est incontestable. Ailleurs, Grégoire pleure sur ceux qui se croient absolument purs : au lieu de s'enorgueillir faussement, qu'ils prennent la voie tracée par le Christ: «Dans l'autre monde peut-être seront-ils baptisés dans le feu. Ce feu est le dernier baptême, plus douloureux certes et surtout d'une durée plus considérable, baptême qui dévorera, à l'instar du foin, toute matière vile et qui consumera la vanité de nos vices.» Orat., XXXIX, in sancta lumina, n.19, t. XXXVI, col. 357.

Ces deux derniers textes montrent bien en quel feu purificateur le saint docteur de Nazianze met son espérance dans les Carmina de seipso: I, 523; cf. 340-342; XII, 495; LXXV, P. G., t. XXXVII, col. 1009,995,1202, 1422-1423.

4° Saint Grégoire de Nysse. -S'il est impossible de disculper saint Grégoire de Nysse du reproche d'origénisme (voir ENFER, col. 70-71), on pourrait tout au moins voir en cette erreur même un commencement d'argument en faveur du purgatoire. C'est déjà ce que nous avons indiqué à propos d'Origène. Mais, à côté des textes certainement entachés d'erreur, nous en lisons quelques autres dont le sens obvie se rapporte à une expiation d'outre-tombe, temporaire et destinée à une catégorie bien déterminée de pécheurs. Dans l'opuscule De infantibus qui præmature abripiuntur, Grégoire pose la question de l'état des âmes qui quittent ainsi la terre: «Qu'en devons-nous penser? Une telle âme verra-t-elle le juge? Comparaîtra-t-elle au tribunal avec les autres? Recevra-t-elle la récompense pour ses mérites? Sera-t-elle purifiée dans le feu, selon les paroles de l'Évangile? Sera-t-elle rafraîchie et réconfortée par la rosée de bénédiction?» À ces questions la réponse parait difficile puisque celui qui n'a pas vécu ne peut apporter au jugement divin matière à récompense ou à punition; P. G., t. XLVI, col.168.

Dans le sermon De mortuis – exhortation à ne point se désoler du trépas de ceux qui se sont endormis dans le Seigneur- l'auteur développe sa pensée sur le feu purificateur: Dieu nous a laissé ici-bas notre liberté et, nonobstant les fautes dans lesquelles nous pouvons tomber, le moyen de revenir à la félicité: c'est ou bien de nous purifier, dès la vie présente, par les prières et la recherche de la sagesse, ou, après la mort, d'expier dans l'ardeur du feu purificateur (??? ??? ??? ????? ????????? ???????). Celui qui aura négligé de se préserver du vice en cette vie, pour parvenir au bien après la mort connaîtra la différence qui sépare la vertu du vice et ne pourra devenir participant de la divinité qu'après
avoir laissé toutes ses souillures dans le feu purificateur (??? ????????? ?????). Ainsi, parmi les hommes, les uns, tels les apôtres; les patriarches et les prophètes, ont su garder, malgré leur union au corps et à la matière, une vie vraiment spirituelle et exempte de troubles et de vices, mais d'autres devront, après cette vie, par le feu purificateur, effacer les souillures de la matière et leur propension au mal; et c'est ainsi que, par le désir des vrais biens, ils reviendront à la grâce qui fut concédée au début à la nature humaine. P. G., t. XLVI, col. 524, 525.

Il n'est point nécessaire d'interpréter ces textes en fonction de l'erreur origéniste: la croyance au purgatoire suffit; aussi pensons-nous qu'il convient d'étendre cette exégèse même à certains passages du De anima et resurrectione, où les critiques trouvent avec raison plus d'une trace d'origénisme. Mais certains passages s'apparentent trop visiblement aux textes d'Origène où nous avons trouvé une manifestation de la croyance au purgatoire pour qu'on puisse leur accorder une signification différente. Grégoire reprend la comparaison de l'or mélangé de matière étrangère: «Pour purifier cet or, il faut passer au creuset non seulement la matière étrangère, mais l'or lui-même, de telle sorte que, cette matière une fois consumée par le feu, l'or demeure seul. Ainsi, tandis que notre défectuosité est détruite par le feu purificateur (??? ?????? ?? ???????? ???? ???????????), il est nécessaire que notre âme qui est unie à cette défectuosité, soit elle-même dans le feu (??? ????????? ???? ???? ?? ?? ???? ?????), jusqu'à ce que la matière étrangère qui lui est mêlée soit détruite, consumée par le feu (?? ?????? ???? ???????????). Et notre auteur conclut que la purification sera plus ou moins longue et pénible selon que l'âme sera plus ou moins attachée à une matière plus ou moins viciée. P. G., t. XLVI, col. 97-100, 101.

5° Un mot jeté en passant par saint Isidore de Péluse souligne la même conception. Expliquant comment le bon grain doit être séparé de la paille, celle-ci devant être brûlée, et celui-là conservé, il exhorte son correspondant Lampétius à ne point s'agiter aux vents de la volupté, leur dispersant ses actions, à l'instar de fétus de paille: «Considère que ton inconstance se terminera dans le feu, ou le feu qui purifie et expie, ou le feu qui brûle pour toujours. (??? ?????? ??? ??? ???? ??????? ?? ????????, ? ????????, ???? ????? ???????)». Epist., 1. I, ep. CCCL, P. G., t. LXXVIII, col. 381.

6° Faut-il rapporter à la même époque l'apocryphe Histoire de Joseph le Charpentier? Cet apocryphe, qui à coup sûr n'est pas antérieur au IVe siècle, est d'origine égyptienne, mais il est conservé seulement en arabe et en copte; il contient, sous la forme d'un entretien de Jésus avec les apôtres, la vie de saint Joseph et surtout sa mort. Relevons dans cette dernière partie l'idée «de la traversé que l'âme doit accomplir après avoir quitté le corps; guidée par l'archange Michel, elle pourra franchir sans encombre les flots de la mer de feu que doivent affronter toutes les âmes.» Cf. É. Amann, Les apocryphes du Nouveau Testament, dans le Suppl. du Dict. de la Bible, t. I, col. 484. N'avons-nous pas ici une affirmation implicite des purifications douloureuses réservées aux hommes avant leur entrée dans le bonheur du ciel?

7° Saint Cyrille d'Alexandrie, contemporain d'Isidore de Péluse, a laissé sur Joa., xv, 2, un commentaire que les théologiens ont retenu comme favorable au dogme du purgatoire. Cyrille rappelle les paroles de l'Évangile: «Je suis la vigne véritable, et mon Père est le vigneron. Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il l'ôte, et tout sarment qui porte du fruit, il le nettoie, afin qu'il porte du fruit davantage.» Et il continue:
 Le chœur des saints lui-même, loin de repousser cette purification, la subit volontiers. Reprenez-moi, Seigneur, dit-il, mais que ce soit dans votre justice et non dans votre colère. Jer., x, 24. C'est dans la colère que sont détruits les sarments improductifs: Dieu les envoie au supplice. Mais dans le jugement... se fait la purification des sarments qui fructifient: dans une modique épreuve abondance et fécondité leur sont restituées... Petite est la tribulation qui nous purifie, et cependant, nous imposant d'en haut sa discipline, elle nous rend bienheureux. David nous en est témoin, lui qui s'écrie: «Bienheureux l'homme que vous aurez vous-même instruit, Seigneur, et à qui vous aurez enseigné votre foi, afin que vous lui accordiez quelque douceur dans les jours mauvais!» Ps., XCIII, 12. Jours à coup sûr indésirables et mauvais, ceux des (pécheurs) totalement retranchés (de la vie de la grâce) et destinés au supplice du feu; jours, dis-je, de ce jugement sévère et sans compromission. Mais alors Dieu se montrera doux à l'égard de ceux qu'il aura repris et corrigés. Car celui qui est tel ne subira en rien la damnation et la peine, car il aura été trouvé sarment non improductif. In Joannem, xv, 2, P. G., t. LXXIV, col. 352.

Ce passage oppose l'état irrémédiable des impies, voués à la damnation (sarments absolument improductifs) à l'état de ceux que l'épreuve corrige et qui ne sont pas des sarments totalement improductifs. Il y a là une indication très nette d'une purification dans l'au-delà. Avec Cyrille, cependant, nous ne sommes plus à la conception archaïque de la rétribution reportée au jour du jugement dernier. Ce Père admet que la rétribution définitive suit immédiatement la mort. Cf. Tixeront, Hist. des dogmes, t. III, p. 270. C'est donc au moment même du jugement particulier qu'aurait lieu la discrimination des œuvres: il n'apparaît pas cependant que la purification même des œuvres moins bonnes soit faite, comme l'insinue Tixeront, loc. cit., dans le jugement même. Les assertions des Pères doivent être, sur ce point, complétées par leur enseignement touchant l'utilité et l'efficacité des prières pour les défunts.

8° Le nom de Théodoret a été souvent cité comme celui d'un témoin de la croyance au purgatoire dans l'Église grecque. Saint Thomas invoque son autorité dans son opuscule Contra errores Græcorum; Gagnée cite un autre texte dans ses scolies des Pères grecs. Les deux textes sont reproduits par Nicolaï dans ses annotations à la Somme théologique. Mais il semble bien que ces deux textes soient apocryphes. Voir la note dans la P. G., t. LXXXIV, col. 445. Les Grecs ne les ont pas reconnus au concile de Florence.

La vraie pensée de Théodoret se trouve exprimée dans son commentaire sur I Cor., III, 15. Elle mérite d'être rapportée, car elle contient deux interprétations dont la seconde au moins pourrait présenter un sens favorable au dogme de la purification dans l'au-delà. Dans la première interprétation, Théodoret distingue le prédicateur de la foi de son œuvre, qui est l'auditeur agissant à sa guise. Au jour du Seigneur, ceux qui auront bien agi et pourront présenter des œuvres, or et argent, ne recevront de l'épreuve du feu qu'une splendeur plus grande: ceux qui auront mal agi et auront fait l'iniquité seront brl1lés comme foin, bois et paille,
tandis que lui, le prédicateur de la bonne doctrine, ne sera jugé digne d'aucune peine et il obtiendra le salut. Le prédicateur sera sauvé, car il ne saurait être tenu responsable du mauvais usage que ses auditeurs auront fait de la bonne doctrine. Mais, «si l'on veut rapporter l'expression tanquam per ignem non à l'œuvre, mais au prédicateur, on devra la comprendre ainsi: le prédicateur n'aura aucune peine à subir pour ses œuvres, mais il sera lui-même conservé, tout en subissant l'épreuve du feu, puisque sa vie est conforme à sa doctrine.» P. G., t. LXXXII, col. 249-252.

9° Dans la deuxième moitié du Ve siècle, Basile de Séleucie exhorte les pécheurs à détester leurs fautes, à l'exemple de David pénitent, afin de ne pas être laissés pour la purification du feu (?? ???????? ??????????? ????). Orat., XVIII, in Davidem, P. G., t. LXXXV, col. 225. L'expression ??????????? enlève toute probabilité à l'interprétation visant le feu de l'enfer.

10° À la fin du siècle suivant ou au début du VIIe, la question du purgatoire est plus nettement posée par Maxime le Confesseur († 662), dans ses Quæstiones et dubia, interrog. x. Il s'agit d'expliquer l'expression suivante: «Dans le siècle futur, certains devront être jugés et purifiés par le feu.» «Cette purification, répond Maxime, ne concerne pas ceux qui sont parvenus à un amour parfait de Dieu, mais ceux qui ne sont pas arrivés à la complète perfection et qui ont leurs vertus mélangées de péchés. Ceux-ci comparaîtront au tribunal du jugement et, suivant l'examen comparatif de leurs bonnes et de leurs mauvaises actions, seront éprouvés comme par le feu. Si, dans la balance, le plateau des bonnes œuvres l'emporte, les mauvaises seront expiées dans une juste crainte et peine.»P. G., t. XC, col. 792-793. Encore une fois, il n'est pas dit que cette expiation sera dans et par le feu.

11° Dans l'opuscule De iis qui in fide dormierunt, attribué (faussement d'ailleurs) à saint Jean Damascène, l'auteur narre l'histoire d'un disciple très négligent qui, malgré son peu de préparation au moment de la mort, fut pris en pitié par Dieu, touché des larmes et des prières de son vieux maître. Ce dernier vit son malheureux disciple tout d'abord plongé dans le feu jusqu'au cou, puis, une autre fois, émergeant jusqu'à la ceinture, enfin totalement libéré. N. 11, P. G., t. XCV, col. 256. C'est un peu plus loin qu'on trouve l'histoire de Trajan libéré de l'enfer par les prières de saint Grégoire. Quoi qu'il en soit de ces historiettes, le seul fait qu'elles soient rapportées montre bien la croyance de l'Église d'Orient à une expiation ultra-terrestre.

Conclusion. -Nous arrêtons ici cette première partie de notre enquête concernant l'expiation ultra-terrestre. Désormais, la théologie orientale ira s'obscurcissant de plus en plus par l'apport de considérations plus ou moins erronées. Elle était pourtant déjà loin d'être claire! On l'a constaté par tous les textes qui précèdent: l'influence de I Cor., III, 15, sur la purification des fautes dans l'au-delà est prépondérante. L'influence de l'exégèse d'Origène ne l'est peut-être pas moins et, sauf quelques rares indications concernant un feu métaphorique (voir saint Cyrille d'Alexandrie, in Genesim, l. IV, n. 1, p, G., t. LIX, col. 177 BC), la plupart de nos théologiens n'envisagent que le feu réel de la conflagration générale. II ne saurait être question pour eux d'un feu spécial préparé, dans un lieu spécial. Cette interprétation doit être d'autant plus fermement écartée que, jusqu'au Ve siècle, les Pères sont encore la plupart du temps confinés dans la formule archaïque de l'âme vraisemblablement déjà jugée tout aussitôt après la mort, mais placée dans un état d'attente du jugement définitif, lequel ne se produira qu'à la fin du monde. Voir FEU DU PURGATOIRE, t. v, col. 2252. Sans doute, à partir du IVe siècle, bon nombre de Pères entrevoient déjà la rétribution immédiate, au moins pour les récompenses (voir JUGEMENT, t. VIII, col. 1786. sq.); mais beaucoup retiennent encore les formules archaïques de l'état d'attente. Ces formules trahissent l'embarras du théologien qui ne peut encore adapter complètement ses formules explicatives aux données positives de sa foi. Voir art. cit., col. 1787-1788. Elles nous permettent du moins de constater que les Pères des IVe et Ve siècles, et spécialement saint Cyrille d'Alexandrie et Maxime le Confesseur, auraient facilement adapté leur conception d'une purification dans l'au-delà à notre croyance actuelle au purgatoire.

Pour arriver à une conception plus nette, il aurait fallu que la théologie orientale se dégageât complètement des formules archaïques et notamment de celles qui ont trait à la dilation des châtiments. Mais c'est le contraire qui peu à peu se produira et, lors du schisme du IXe siècle, Photius ne contribuera pas peu à faire accepter cette erreur par tous, creusant ainsi entre la théologie orientale et l'enseignement de l'Église romaine un fossé bien difficile à combler. Cf. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. IV, p. 63 sq. Toutefois, en se dégageant des formules accessoires et que le progrès du dogme eût dû rendre caduques, on constate que le fond de la théologie orientale des IVe et Ve siècles admet la doctrine d'une expiation dans l'au-delà, réservée et proportionnée à certaines fautes qui ne séparent pas définitivement l'âme de Dieu; or, c'est là l'essence même du purgatoire.

Il convient -et ceci renforce encore cette dernière constatation- d'y ajouter l'autre élément du dogme: la prière pour les défunts. Sur ce point, les témoignages de l'Église orientale des IVe et Ve siècles sont pleinement concordants.

II. LES SUFFRAGES POUR LES DÉFUNTS. -À partir du IVe siècle, nombreux sont les témoignages qui se rapportent à la prière faite par les vivants pour les défunts en vue de leur soulagement. Nous interrogerons les Pères, les liturgies et l'épigraphie.

1° Les Pères. -Eusèbe de Césarée rapporte qu'en 337 le corps de Constantin le Grand fut déposé devant l'autel où prêtres et fidèles offrirent à Dieu des prières pour l'empereur défunt. Vita Constantini, 1. IV, c; LXXI; P. G., t. XX, col. 1225.

En 348, saint Cyrille de Jérusalem nous montre quelle est la croyance de l'Église touchant l'offrande du saint sacrifice de la messe à la mémoire de ceux qui ne sont plus. Nous faisons mémoire, dit-il, des saints patriarches, apôtres, prophètes, martyrs, afin de faire accepter par Dieu, grâce à leurs prières et supplications, nos propres prières: ensuite, nous faisons mémoire des saints Pères et évêques et généralement de tous les saints qui reposent parmi nous (le mot «saint» est pris ici pour chrétiens .morts dans la communion de la foi; cf. Rom., XII, 13, xv, 16, etc.), persuadés qu'un grand secours sera accordé à leurs âmes, pour lesquelles est présentée notre prière en présence de la très sainte et très redoutable victime du sacrifice. Catech. myst., v, n. 9, P. G., t. XXXIII, col. 1115. Et Cyrille continue en expliquant par un exemple l'efficacité des prières pour les défunts:
 Beaucoup posent cette question: Quel profit peut tirer de la prière faite à sa mémoire une âme qui a quitté ce monde dans le péché ou sans péché? Si un roi envoyait en exil des sujets qui l'ont offensé et qu'ensuite les proches parents de ces exilés, tressant une couronne, l'offrissent au roi en réparation pour adoucir la peine infligée à leurs amis exilés le roi ne leur ferait-il pas la gracieuse remise des châtiments? C'est de la même façon que nous offrons à Dieu nos prières pour les défunts, même s'ils sont pécheurs: nous ne tressons pas de couronne, mais nous offrons le Christ immolé pour nos péchés (?????ò? ????????????? ???? ???????? ??????????? ???????????), nous efforçant de rendre la clémence divine propice aux défunts aussi bien qu'à nous-mêmes. Ibid., n. 10, col. 1116-1117.

Saint Jean Chrysostome insiste à plusieurs reprises sur l'utilité des prières et du sacrifice eucharistique pour les défunts: «Portons-leur secours, dit-il, et faisons leur commémoraison. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père, pourquoi douterions-nous que nos offrandes pour les morts leur apportent quelque consolation? N'hésitons pas à porter secours à ceux qui sont partis et à offrir nos prières pour eux.» In I epist. ad Cor., homo XLI, n. 5, P. G., t. LXI, col. 361. Et, quelques lignes auparavant, Chrysostome insistait sur la nature de ce secours: pas de larmes, mais des prières, des supplications, des aumônes, des oraisons. Ailleurs, il fait remonter aux apôtres eux-mêmes l'institution du Memento des morts au sacrifice eucharistique: «Songeons au soulagement que nous pouvons obtenir pour les morts. Ce n'est pas en vain que les apôtres ont établi eux-mêmes qu'il serait fait mémoire des défunts au saint sacrifice. Lorsque tout le peuple est assemblé et qu'il prie, les mains levées vers le ciel, et que la victime trois fois sainte se trouve sur l'autel, comment notre voix ne s'élèverait-elle pas avec confiance vers Dieu en faveur des défunts?» In Act., homo XXI, n. 4, t. LX, col. 170. Voir aussi De sacerdotio, l. VI,n. 4, t. XLVIII, col. 680. Chrysostome insiste tellement sur le secours apporté par nos prières aux défunts qu'il ne paraît exclure de leur efficacité aucune catégorie de disparus, pas même les pécheurs les plus coupables et les infidèles. Un passage de l'homélie III sur l'épître aux Philippiens, n. 4,P. G., t. LXIII, col. 203, accentue tellement la pensée de l'orateur en ce sens que certains critiques s'en sont fait une arme pour attaquer l'orthodoxie de l'évêque de Constantinople relativement à la mitigation des peines de l'enfer. On y veut voir «une dernière trace d'origénisme». Voir notre interprétation, MITIGATION DES PEINES DE LA VIE FUTURE, t. X, col. 2001.

La foi de l'Église au IVe siècle, est déjà si fermement établie que saint Épiphane range parmi les hérésies reconnues et condamnées la doctrine d'Aérius affirmant l'inutilité de la prière pour les morts. Voir, t. l, col, 515 :
 Quoi de plus utile que de faire mémoire des morts? Quoi de plus opportun et de plus admirable que cette persuasion où sont les fidèles présents, que les morts vivent et ne sont pas réduits au néant, mais qu'ils existent et vivent près du Seigneur? Quelle prédication plus religieuse que celle qui donne une telle espérance aux vivants priant pour leurs frères, comme s'il s'agissait de voyageurs partis pour l'étranger? .. Nous faisons mémoire des justes et des pécheurs. Pour les pécheurs, nous implorons la miséricorde divine. Des justes nous faisons mention afin de séparer, d'un honneur particulier, Notre-Seigneur Jésus-Christ de l'ordre des humains, et de lui rendre un culte supérieur qui le différencie des mortels, quelle que soit la sainteté pour ainsi dire Infinie dont Ils sont revêtus... Mais, même abstraction faite de ces raisons, je dis que l'Église se doit de faire nécessairement ce qu'elle a reçu comme un rite transmis par les anciens. Et, comme toutes ces choses excellentes et admirables sont établies dans l'Église, rien qu'à ce titre Aérius est convaincu d'imposture. Adv. hær., LXXV, n.8, P. G.,t. XLII, col. 513 B; cf. n. 3, 7, col. 508 C, 513 A.

Une seule phrase pourrait faire difficulté dans ce texte: «Les prières que nous faisons pour les morts leur sont utiles, bien qu'elles ne détruisent pas tous les péchés.» Il n'est pas nécessaire de songer à la mitigation des peines de l'enfer pour trouver à cette formule, même en l'appliquant au purgatoire, un sens acceptable.

Dans le livre ???? ?????? ????? ?????? ??? ?????????, attribué à Macaire d'Alexandrie (IVe siècle), on rencontre plusieurs allusions aux prières liturgiques faites pour les âmes justes des défunts, aux neuvième, trentième et quarantième jours. P. G., t. XXXIV, col. 392.

Au Ve siècle, Théodoret, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte que l'empereur Théodose II fit ramener en grande solennité les reliques de saint Jean Chrysostome et qu'à cette occasion il recommanda ses parents défunts à l'intercession de ce saint. Hist. eccl., 1. V, c. XXXVI, P. G., t. LXXXII, col. 1268.

Le pseudo-Denys enseigne également que le prêtre prie pour les défunts afin de les libérer des fautes échappées à la faiblesse humaine, et qu'il soient placés dans le lieu de lumière, dans le sein d'Abraham, loin de la tristesse et de l'affliction. De hier. eccl., VII, (III, § 4), P. G., t. III, col. 560 AB. Toutefois, l'auteur fait observer que les prières des justes ne peuvent, soit en cette vie, soit après la mort, être utiles qu'à ceux qui en sont dignes. Id., ibid., § 6, col. 560 D.

Eustrate, prêtre attaché à l'église Sainte-Sophie, familier du patriarche Eutychius, dont il prononça l'oraison funèbre en 583, a publié un ouvrage intitulé Discours réfutant ceux qui disent que les âmes humaines, après la séparation d'avec leurs corps, n'ont plus aucune activité et qu'elles ne retirent aucun profit des prières et des sacrifices offerts à Dieu pour elles. Certes, elles en profitent et en tirent du soulagement, ainsi qu'on va le voir dans ce volume. Ce discours a été traduit par Aliatius, d'une manière incomplète, dans son De utriusque Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio consensione, Rome, 1655, p. 319-580 (texte grec et traduction latine). Texte latin dans Migne, Patrologie grecque-latine, t. LXXX, col. 823- 889, et dans Theologiæ cursus completus, t. XVIII, col. 461 sq. C'est d'après le Cursus que nous citons. L'ouvrage est d'autant plus intéressant qu'il réfute la théorie qui devait dans la suite avoir tant de vogue chez les Byzantins, d'un état purement passif pour les âmes entre la mort et le jugement dernier. Bien au contraire, toutes les âmes après la mort, soit les âmes des bons (n. 13 sq., col. 480), soit celles des pécheurs (n. 25, col. 504), manifestent leur activité. L'auteur répond ensuite affirmativement à la question si les prières des vivants sont utiles aux âmes des défunts: la raison en est que l'Église prie pour elles. Et, parce que le peuple d'Israël porta le deuil de Morse pendant quarante Jours, parce que le Christ est ressuscité au troisième jour, parce qu'il est apparu après huit jours à ses apôtres et qu'il est monté aux cieux au bout de quarante jours, l'Église a déterminé que les troisième, neuvième et quarantième jours seraient consacrés à la mémoire de chaque défunt, les solennisant par l'offrande de ses prières et du sacrifice de la messe. Or, elle ne le fait pas en vain puisque déjà le sacrifice offert par Judas Machabée fut agréable à Pieu et que Denys l'Aréopagite, Éphrem le Syrien, Cyrille de Jérusalem, Cyrille d'Alexandrie, promettent tant d'avantages aux défunts par le moyen de la prière et du sacrifice eucharistique. N. 28, col. 508 sq. D'ailleurs, le choix du troisième, neuvième, quarantième jour et du jour anniversaire
était consacré dans l'Église grecque, comme ayant une origine apostolique. Voir Constitutions apostoliques, 1. VIII, c. XLII.

L'auteur du De iis qui in fide dormierunt, rapporte, sous le nom d'Athanase, le texte qu'Eustrate attribue à Cyrille d'Alexandrie. N. 19, P. G., t. XCV, col. 265. Quoi qu'il en soit du véritable auteur qui semble bien n'être ni l'un ni l'autre, ce texte exprime la doctrine courante déjà au VIe siècle.

De ces auteurs de langue grecque, il faut rapprocher le témoignage du Syrien saint Éphrem (IVe siècle), dans son Testament: il demande qu'on se souvienne de lui, une fois mort, dans les prières des vivants. Il le demande surtout au trentième jour, car, dit-il, «les morts sont aidés par l'offrande faite par les vivants.» Testamentum, n. 72, éd. Assemani, Opera græce et latine, t. II, p. 401.

2° Liturgies orientales. -1. Le «Memento» des morts. -«La prière pour les morts, ainsi que leur mémoire pendant les offices sacrés, est une pratique perpétuelle et commune chez tous les chrétiens orientaux, qui la font remonter aux apôtres.» Ainsi parle Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, t. I, p. 193, que nous citons d'après la 2e édition, plus correcte, Francfort-sur-Mein, 1847.

Les Constitutions apostoliques auxquelles se réfèrent les Orientaux sont, on le sait, une compilation qui, tout au moins dans son terminus a quo, remonte au début du Ve siècle. Dans la liturgie du VIIIe livre, on trouve la prescription suivante: «Prions pour le repos de tel (ou; telle), afin que le Dieu bon, recevant son âme, lui remette toutes ses fautes volontaires et involontaires et que, dans sa miséricorde, il la place dans le lieu des âmes saintes.» C'est d'ailleurs, à peu de chose près, la formule qu'on rencontre dans toutes les liturgies orientales et qui correspond à notre Memento des morts: après la lecture des diptyques qui renfermaient les noms des évêques et des fidèles morts dans la paix du Christ, le célébrant récitait l'oraison dite Oratio post nomina par laquelle prêtres et assistants demandaient à Dieu pour ces âmes le repos éternel.

La messe de saint Basile .fait prier le prêtre «pour tous ceux qui se sont endormis dans l'espérance de la résurrection future». Il demande à Dieu «de les faire reposer dans le lieu de lumière, d'où s'enfuit la tristesse». Goar, ?????????? sive rituale Græcorum, éd, de Venise, 1730, p. 145 AB. La messe de saint Jean Chrysostome, si importante dans le rite byzantin, emploie des termes presque identiques. Ibid., p. 63 ?.

Toutes les messes transcrites par Renaudot dans sa collection contiennent des prières analogues et souvent plus développées. Ainsi, parmi les liturgies d'Alexandrie (coptes), celle de saint Basile: «Souvenez-vous aussi, Seigneur, de tous ceux qui se sont endormis et reposent, prêtres ou laïques dans tous les ordres. Daignez, Seigneur, accorder à leurs âmes le repos dans le sein d'Abraham, Isaac et Jacob dans le paradis de volupté», t. I, p. 22; la liturgie de saint Grégoire de Nazianze: «Souvenez-vous, Seigneur, de nos pères et frères qui se sont endormis déjà dans la foi orthodoxe donnez-leur à tous le repos, avec vos saints... », p. 33; la liturgie de saint Cyrille: «Souvenez-vous, Seigneur, de nos Pères, les archevêques orthodoxes, qui déjà sont morts, et de tous ceux... dont la mémoire ne nous est pas présente, mais qui dorment et reposent dans la foi du Christ. Daignez, Seigneur, accorder que leurs âmes reposent toutes dans le sein de nos pères...» p. 41. Voir des prières analogues dans les liturgies coptes, transcrites du ms. grec-arabe, Bibl. nat., ms. 3023; la liturgie de saint Basile, Renaudot, op. cit., t. l, p. 71; celle de saint Grégoire, p. 103-104; la liturgie grecque dite de saint Marc, p. 135-136. La liturgie éthiopienne contient des formules semblables: «Nous vous prions aussi, Seigneur, pour ceux qui déjà se sont endormis, afin que vous leur donniez le repos.» P. 483.

Les liturgies jacobites présentent les mêmes particularités : les deux textes, ordo communis et ordo generalis, traduits par Renaudot, contiennent expressément le souvenir des défunts: «Souvenez-vous, Seigneur, de ceux qui sont morts, et donnez-leur le repos, à eux qui vous ont revêtu dans le baptême et vous ont reçu de l'autel.» Le diacre continue cette prière du célébrant en formant le vœu que ceux qui ont mangé le corps et bu le sang du Sauveur reposent avec Abraham, à la table de Dieu (nous dirions aujourd'hui au banquet éternel). On doit souligner la dépendance ici marquée entre la communion eucharistique et le salut éternel. T. II, p. 10; cf. p. 37. La liturgie de Jacques, frère du Seigneur, contient une prière caractéristique: «Voici l'oblation présentée, et voici que les âmes sont purifiées. Que par elle soit accordé le repos aux défunts pour qui elle a été offerte. Cette oblation, présentée à Dieu par les vivants pour les défunts, expie l'iniquité de l'âme et par elle leur sont remis leurs péchés... Agneau de Dieu et pasteur mort pour vos brebis, donnez, Seigneur, par votre grâce, le repos aux fidèles défunts... Joie dans les sphères supérieures, espérances heureuses dans les inférieures, par les oblations que font les vivants pour leurs défunts.» Ibid., p. 43. Dans la liturgie de saint Xyste, pape romain, laquelle appartient néanmoins aux liturgies orientales, le souvenir des défunts intervient; on demande pour eux à Dieu «une résurrection bénie d'entre les morts et, dans le royaume des cieux, une vie nouvelle et éternelle.» P. 137. La liturgie de saint Pierre, prince des apôtres, fait mémoire de tous les défunts du lieu où l'on prie et de tous lieux, mais principalement de ceux pour qui est offert le sacrifice. P. 150; cf. p. 158. Sous une forme différente, la liturgie de saint Jean l'Évangéliste insiste sur l'aspect universel de cette prière pour les morts: «Souvenez-vous, Seigneur, par votre grâce, de ceux qui sont séparés de nous et ont émigré vers vous, qui ont reçu votre corps et votre sang précieux, et ont été marqués de votre caractère, depuis le temps de la première institution chrétienne jusqu'à nos jours.» P. 167. Voir aussi la liturgie des douze apôtres, dite de saint Luc, p. 173, et celle de saint Marc, p. 181, où l'on rencontre des traits analogues. Celle de saint Clément, p. 195-196, contient un très long memento des morts: elle prie, demandant une. mémoire honorable et la félicité pour tous corps, âmes et esprits de tous nos pères, frères et maîtres, temporels et. spirituels, qui sont morts dans n'importe quelles régions ou cités ou provinces, ou qui ont été étouffés dans la mer ou les fleuves, ou qui sont morts en voyage et dont aucune Église constituée sur la terre ne fait mémoire.» Cette insistance à prier pour tous, en développant sous divers aspects cette universalité, est ici très caractéristique.

D'autres formules analogues et tout aussi touchantes se lisent dans la liturgie de saint Denys, évêque d'Athènes, p. 208-209, de saint Ignace, p. 221, du pape romain, Jules, p.226,230; de saint Jean Chrysostome, p. 247, de Marouta, évêque de Takrit († 649), p. 266; de Dioscore, p. 292, de Philoxène de Mabboug, p. 304, de Sévère d'Antioche, p. 326, de Jacques Bar Adal, p. 338. La liturgie de Jacques de Saroug, évêque de Batnan, est aussi touchante que possible: « Souvenez-vous,Seigneur, de tous ceux qui déjà se sont endormis dans la vraie foi, depuis Adam jusqu'à ce jour... Donnez, Seigneur, le repos aux âmes de ceux dont nous faisons mémoire; inscrivez leurs noms dans votre livre de vie... Que personne d'entre eux, que personne parmi nous ne soit condamné, rejeté, exclu de votre royaume céleste! Seul est apparu sur terre, exempt de péché, votre Fils unique et. Notre Seigneur et Dieu, Jésus-Christ: par lui, et à cause de lui, nous aussi espérons obtenir miséricorde et pardon des péchés, tant pour nous que pour eux.» P. 363-364. Voir également la liturgie de Jacques d'Édesse, p. 376, et de quelques autres jacobites. P. 395, 404, 415.

Les liturgies de Michelle Syrien, p. 443, et de plusieurs autres, qui terminent le recueil de Renaudot (cf. p. 450, 464, 486, 499, 516, 533, 587, 615), bien que moins expressives, renferment toutes explicitement le souvenir des défunts. Mais déjà, avec ces dernières liturgies, nous avons de beaucoup dépassé l'époque où devait se cantonner notre enquête. Une certitude du moins s'en dégage très nettement, c'est que les Églises orientales ont toutes pieusement gardé la pratique Immémoriale de recommander à Dieu, au saint sacrifice de la messe, les fidèles trépassés.

Sur le rapport de ces liturgies orientales entre elles, on consultera les articles du Dict. d'archéol.: Alexandrie (Liturgie), t. I, col. 1182 sq.; Égypte, t. IV, col. 2483; Grecques (Liturgies), t. VI, col. 1591. Voir sur les liturgies orientales, prières pour les morts, F. Probst, Liturgie der drei ersten christlichen Jahrhunderte, Munster-en-W., 1893; F.-J. Mone, Lateinische und Griechische Messen aus den II.-VI. Jahrhunderten, Francfort-s.-M., 1850; E. Freistedt, Altchristliche Totengedächtnistage, Munster-en-W.. 1928.

2. Prières pour tes morts, spécialement aux funérailles. -Le Sacramentaire de Sérapion, découvert en 1894, est une sorte de rituel ou de pontifical, contenant trente prières, dont quelques-unes sont nommément attribuées à Sérapion de Thmuis († après 362). Nous trouvons une formule d'intercession: «Pour tous les défunts dont on fait la mémoire, nous prions ainsi: Sanctifiez ces âmes, car vous les connaissez toutes; sanctifiez toutes celles qui dorment dans le Seigneur et mettez-les au rang de toutes vos saintes puissances et donnez-leur place et séjour dans votre royaume.» Le même Sérapion a conservé une prière pour l'inhumation: « ... Nous vous prions pour le repos de l'âme de votre serviteur (ou de votre servante); donnez le repos à son esprit dans un lieu verdoyant et paisible et ressuscitez son corps au jour que vous aurez marqué.» Journal of theological studies, t. l, p. 106, 275.

L'euchologe de Goar contient les prières pour les funérailles des fidèles défunts, p; 423-438. On y retrouve exprimés les sentiments; que nous avons trouvés dans la liturgie de la messe ordinaire, au Memento des morts. Voici, par exemple, une prière du début : «Prions le Seigneur. O Dieu de tous esprits et de toute chair! qui, en vainquant la mort, avez vaincu le démon et donné au monde la vie, donnez, Seigneur, le repos à l'âme de votre serviteur N...,défunt, dans un lieu de lumière, dans un lieu agréable, dans un lieu de rafraîchissement, d'où sont exclus la douleur, le chagrin et les soupirs. Pardonnez-lui, Dieu clément, tout délit, commis par lui, soit en parole, soit en œuvre, soit en pensée. Il n'est pas un seul homme qui vive sans pécher; vous seul vous êtes manifesté exempt de faute; votre justice est la justice éternelle; vos paroles sont la vérité. Parce que vous êtes la résurrection et la vie et le repos de votre serviteur, nous vous rendons gloire, ô Christ notre Dieu! ... » 424. On insiste aussi pour que soient pardonnés «les péchés commis sciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement.» 424,426. L'invocation à la sainte Vierge en faveur du défunt revient fréquemment, p. 426, 427, 428, 432, alternant avec les leçons morales que suggère la pensée de la mort et qui, dans l'office oriental, font songer aux leçons de Job de notre Ier nocturne. Et finalement cette prière, qui condense tout le dogme de la communion des saints relativement au soulagement des âmes du purgatoire: «Que, par les intercessions de sa Mère sans tache, des saints apôtres glorieux et célèbres dans tout l'univers, de nos ancêtres bienheureux qui ont porté Dieu sur terre, que le Christ, notre vrai Dieu, qui est ressuscité des morts, place dans les tabernacles des justes l'âme de son serviteur défunt, qu'il la dépose dans le sein d'Abraham, qu'il l'adjoigne aux justes et que, bon et clément, il prenne pitié de nous. Amen!» P. 432-433. Les notes de Goar montrent que ces rites ne sont que l'écho de la doctrine traditionnelle des Pères.

Suivent, dans le même recueil, les prières pour les funérailles des moines, p. 438; des prêtres, p. 451, et, d'après certains euchologes antiques, des textes distincts pour les funérailles des hommes, p. 468, et des femmes, p. 471. Les prières pour les funérailles des enfants apportent ici encore leur valeur dogmatique. Pour les enfants, nulle intercession demandant le pardon de fautes dont ils sont incapables, mais l'expression d'une confiance filiale dans le bonheur concédé immédiatement à leur innocence: «Seigneur, qui dans ce siècle gardez les enfants et, dans le siècle futur, à cause de la simplicité de leur âme et de leur état d'innocence, en remplissez le sein d'Abraham et les faites habiter dans les lieux splendides où séjournent les esprits des justes, recevez aussi dans la paix l'âme de votre serviteur, N... Car vous-même l'avez dit: le royaume des cieux appartient à de telles (âmes).» P. 478. On trouve même, dans les liturgies orientales pour les défunts, des formules qui ressemblent à celles de l'offertoire de nos messes de Requiem: «Délivrez, Seigneur, les serviteurs de votre Église du feu terrible.., des ténèbres denses, des grincements de dents et du ver qui punit toujours.» Office in sabbato animarum, vigile de la Pentecôte. De toute évidence, le contexte exige qu'on interprète ces formules comme nous le faisons nous-mêmes des formules latines. Voir plus loin.

On le voit, dans les liturgies orientales, la prière pour les morts présente exactement les mêmes caractères que les prières des liturgies occidentales. Elles manifestent donc la même croyance relativement aux situations de l'au-delà. On trouvera un bon exposé, en raccourci, de ces prières des liturgies orientales dans Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. IV, p. 89-95.

3º L'épigraphie orientale. -Les documents épigraphiques qu'on a cités dans ce dictionnaire sur les relations de l'Église militante et de l'Église souffrante sont presque tous empruntés aux catacombes romaines ou aux monuments de l'Église latine. Voir COMMUNION DES SAINTS (Monum. de l'antiquité chrétienne), t. III, col. 460. Il est donc utile de rappeler brièvement que de tels documents existent encore dans les Églises orientales et attestent, comme à Rome et en Afrique, la croyance à l'efficacité des suffrages en faveur des âmes des défunts.

Il ne saurait être question de dresser ici un répertoire complet des épigraphes funéraires de l'Orient, ni même de reproduire en fac-similé celles que nous citerons. Le travail a été fait d'une façon abondante par dom Leclercq, dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie. Quelques rappels suffiront ici pour le but théologique que nous poursuivons, et l'on voudra bien se reporter aux articles de dom Leclercq pour retrouver les formules originales.

À Alexandrie même, l'épigraphie funéraire n'offre que rarement des formules intéressantes. En voici cependant deux assez suggestives: «Seigneur, Dieu de nos pères, ayez pitié de l'âme de votre serviteur et faites-la reposer dans le sein de nos pères saints, Abraham, Isaac et Jacob, nourrie du bois de la vie. Le diacre Jean a été enterré au mois de phamenoth ... » G. Botti, Steli cristiane di epoca bizantina esistenli nel museo di Alessandria, dans Bessarione, 1900, p. 438, n. 4. «Que le Seigneur se souvienne de la dormition et du repos de Makara, la très douce; que le lecteur prie (pour elle).» Ibid., p. 277, n.14; Dict. d'archéol., t. la, col. 1157, 1159.

L'épigraphie copte fournit en revanche des spécimens nombreux. En Basse-Égypte, on cité l'inscription suivante (IXe siècle), de dialecte mêlé, mi-bohaïrique et mi-sahidique: «Dieu qui avez fourni le repos de l'âme de nos ancêtres, donnez aussi le repos à l'âme de votre serviteur Abraham, afin qu'il soit nourri dans les verts pâturages, au bord des eaux du rafraîchissement (cf. ps. XXII, 2), dans le paradis de la joie, lieu d'où ont fui la peine et la douleur (cf. Is., LI, 11), dans la lumière de vos saints. Amen!» Bergmann, Inschriftliche Denkmäler, dans Recueil de travaux, 1886, t. VII, p. 195; Dict. d'archéol., t. III b, col. 2835. D'autres, assez nombreuses, demandent à Dieu de «faire miséricorde» au défunt: «Moi, Jean, diacre, j'ai quitté ma mère veuve. Je suis venu dans la ville de Cos, j'y suis mort; on m'a emporté, on m'a placé dans ce tombeau: souvenez-vous de moi, mes bien-aimés, afin que Dieu me pardonne.» E. Revillout, Les prières pour les morts, dans l'épigraphie égyptienne, dans Rev. égyptologique, t. IV. 1885, p. 2, n. 1. . Jeûnez tous pour moi, afin que Dieu (fasse miséricorde) à mon âme. .Ibid., p. 3, n. 2. «Dieu de nos seigneurs les apôtres saints, vous ferez miséricorde avec l'âme du bienheureux Épimaque, le maçon, qui s'est reposée le 14 du mois de pagni de cette année, Xe indiction. Ayez la charité de prier pour moi, vous tous qui me connaissez, afin que Dieu fasse miséricorde à ma malheureuse âme. Amen! Fiat! Jésus-Christ.» Ibid., p. 4, n. 4. C'est par dizaines que l'inscription «Dieu fasse miséricorde» se lit dans les documents épigraphiques publiés jusqu'à ce jour. Voir art. Défunts, dans Dict. d'archéol., t. IV a, col. 450; art. Copte, ibid., t. III b, col. 2836, 2851-2883, passim. Un certain nombre d'épitaphes funéraires invoquent, avec la protection de Dieu ou de la Trinité, celle de la Vierge Marie, des anges et des saints: «Apa Jérémie, apa Énoch, notre mère Sibylle, sainte Marie, tous les saints selon leurs noms, souvenez-vous de notre frère Georges.» Teza, Iscrizioni cristiane d'Egitto, Pise, 1878, p. 5. -Le Père et le Fils et le Saint-Esprit; Sainte-Marie, l'archange Michel et Gabriel, apa Jérémie, apa Énoch, apa Panesneu, ama Sibylle, tous les
saints qui ont fait la volonté de Dieu, implorez le Seigneur pour l'âme de notre défunt frère Callinique, le (notaire), afin qu'il lui fasse grande miséricorde dans les lieux où il se trouve, comme (il fit) à l'âme du larron et de Lazare... » Thompson, n. 84, dans J.-E. Quibel, Excavations at Saqqara (1907-1908), with sections by sir Herbert Thompson and prof. w. Spiegelberg, Le Caire, 1909; les inscriptions coptes publiées par Thompson se trouvent, p. 27-77; Dict. d'archéol., t. III b, col. 2844-2846. Voici la fin d'une longue épitaphe mutilée; c'est le défunt qui parle: «Moi, Victor, le malheureux, j'étais heureux et content au milieu de mes enfants, soudain survinrent les messagers de la mort (cf. Job, XX, 15). Ils se fermèrent les «entendant» et les «percevant» c'est-à-dire le nez qui est défait et n'odore plus, la bouche qui s'est tue et ne parle plus pour toujours. J'ai dit: Il eût été bon pour moi de n'être pas né (Matth., XXVI, 24). Priez donc pour moi afin que Dieu fasse miséricorde à mon âme, car pas un homme n'est exempt de péché, lors même que sa vie serait d'un seul jour sur la terre (cf. Job, XIV, 4-5), pour que je sois digne d'entendre cette parole bienheureuse: Entre dans la joie de ton Seigneur» Biondi, Inscriptions coptes, dans Annales du serv. des antiquités de l'Égypte, t. VIII, 1907, p. 179; Dict. d'archéol., t. III b, col. 2857.

Voici pour terminer cet aperçu sur les inscriptions égyptiennes, un texte qui, pour être du XIIe siècle, n'en reflète pas moins la doctrine traditionnelle de l'Orient sur les suffrages pour les morts. C'est l'inscription du prêtre Marianos, à Assouan (1157). «Dieu des esprits et de toute chair, vous qui avez ennobli la mort, foulé aux pieds l'enfer et dispensé la vie au monde, faites reposer l'âme de votre serviteur Marianos, prêtre, dans le sein d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, où il n'y a ni douleur, ni chagrin, ni soupir; tout acte (répréhensible) qu'il a commis par parole, en fait ou d'intention, oubliez-le, Seigneur, vous qui êtes bon et miséricordieux; pardonnez-lui puisqu'il n'y a pas d'homme qui puisse vivre sans péché; car vous seul, ô mon Dieu! êtes la justice sans défaillance; votre justice est éternelle, Seigneur, et votre parole, qui est la vérité, demeure éternellement; vous êtes la résurrection et le repos... de votre serviteur Marianos, prêtre. Nous rendrons gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit...» Musée du Caire, n. 8396; art. Égypte, dans Dict. d'archéol., t. IV b, col. 2495-2496. On rapprochera le texte de cette stèle de la prière du début des funérailles, citée par Goar dans son Euchologe, voir col. 1209.

Proche de l'Égypte, l'Éthiopie fournit de multiples exemples d'inscriptions funéraires où les vivants demandent à Dieu d'accorder sa miséricorde, un lieu de rafraîchissement et de paix, la lumière et la gloire à ceux qui ne sont plus. Souvent, la sainte Trinité est invoquée; parfois, mais rarement, il est fait mention de la Vierge. Voir les textes art. Éthiopie, dans Dict. d'archéol., t. v a, col. 617-623.

L'épigraphie à Antioche est pauvre. Elle fournit cependant quelques éléments en faveur de l'existence des suffrages pour les défunts. Dom Leclercq reproduit une inscription assez suggestive, publiée par W.-K. Prentice, Fragments of an early christian liturgy in Syrian inscriptions, dans Transactions and proceedings of the American philological Association, t. XXXIII, 1902, p. 96. C'est une prière au Christ: «Toi qui donnes la vie au genre humain et la mort en punition du péché, et qui dans ta bienveillance promets la résurrection et nous en donnes un gage, Christ, daigne visiter par ton salut ton serviteur Antonin, fils de Diogène, Sométia, sa femme, et les autres qui reposent ici, afin qu'ils
 puissent voir le bien de tes élus.» Dict. d'archéol., t. l b, col. 2418-2419. Il semble que cette inscription soit la même que celle qui est rapportée, comme provenant des tombeaux de Hass. Voir ce mot dans Dict. d'archéol. t. VI b, col. 2066-2067.
 
 
 

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