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Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.  télécharger

Livre 4 : La Vérité et la Gloire de la Chair du Christ, sa descente en enfer


CHAPITRE 1 : On propose une première controverse sur la science de l’âme du Christ (p.401 latin)                                                                      [à finir de traduire]

CHAPITRE 2 : Preuves tirées de la Sainte Ecriture            [à traduire]
CHAPITRE 3 : Preuves tirées des Pères de l'Eglise           [à traduire]
CHAPITRE 4 : Preuves Rationnelles                                  [à traduire]
CHAPITRE 5 : On répond aux arguments des adversaires [à traduire]
CHAPITRE 6 : On propose une deuxième question : la descente aux enfers (p.408 latin)
CHAPITRE 7 : Que descendre aux enfers ne veut pas dire être complètement anéanti
CHAPITRE 8 : Jésus n’a pas souffert les peines des damnés.
CHAPITRE 9 : On propose une troisième erreur à réfuter au sujet de la descente du Christ dans les enfers.
CHAPITRE 10 : Les enfers sont des lieux souterrains distincts des sépulcres
CHAPITRE 11 : Les âmes des justes n’ont pas été dans le ciel avant l’ascension du Christ.
CHAPITRE 12 :Que le Christ soit vraiment descendu dans les enfers, on le prouve par l’Écriture.
 

24 juillet 2017, 21h19 début

Livre 4 : La Vérité et la Gloire de la Chair du Christ (p.401 latin)

CHAPITRE 1 : On propose une première controverse sur la science de l’âme du Christ

Nous avons disserté jusqu’à présent de la divinité du Christ et de l’incarnation. C’est maintenant le temps de parler de son âme. Car, nous ne parlons pas de tout ce dont les théologiens ont coutume de traiter, mais nous nous attaquons seulement aux vérités que les hérétiques d’aujourd’hui ont mises en doute. Or, il y a, à notre époque, deux controverses sur l’âme du Christ. Une sur sa perfection, l’autre sur sa descente aux enfers. Parlons d’abord de la première. Une hérésie antique, celle des agnoites, eut pour auteur le diacre Themistius, comme le rapportent le bienheureux Libère (dans le bréviaire, chap 19), et le bienheureux Grégoire (livre 8, chap 12). Ils enseignaient que le Christ ignorait le jour du jugement. Ce n’est pas à la divinité du Christ, mais à son humanité qu’ils attribuaient cette ignorance, comme on le voit par leur argument. Voici comment ils raisonnaient. Le Verbe a reçu un corps corruptible pour nous libérer de la mort en mourant pour nous. Il a donc reçu aussi notre ignorance, c’est-à-dire l’esprit humain ignorant, pour nous libérer de l’ignorance.


Suivent cette hérésie à peu près tous les hérétiques de ce temps. Ils affirment, en effet, que l’âme du Christ a appris petit à petit les choses qu’elle ignorait vraiment, et qu’elle a même fait des choses qui exigeaient d’être corrigées. Ils n’osent pas dire qu’elle ait péché, mais elle fit vraiment un péché, si elle a du être corrigée. Martin Luther (dans son sermon sur la nativité du Seigneur) explique un passage de Marc 13 : « de ce jour » : « Quelques-uns nous racontent ici des histoires à dormir debout quand ils disent que « le Christ ne savait » pas signifie que « le Christ ne voulait pas savoir ». Quel besoin avons-nous de ces commentaires ? Le Christ a été un homme véritable. C’est pourquoi, comme tout homme véritable même saint, il ne pensa pas à tout, il ne dit pas tout, il ne voulut pas tout, il ne comprit pas tout en tout temps ». Et plus bas : « Car il n’a pas tout vu, tout entendu, tout senti en tout temps, il ne connut pas, non plus, dans son cœur toutes choses, mais dans la mesure où le Seigneur le lui faisait comprendre ». Le même Luther dit des choses semblables dans son homélie du premier dimanche après l’épiphanie, en expliquant que « il grandissait en sagesse et en grâce ».


Zwingli (dans sa confession à Charles V, art 1) dit que la sagesse du Christ a cru peu à peu. Bucer (dans chap 24 de Matt) a écrit : « Comme, ayant été fait en tout semblable aux hommes, à l’exception du péché, il a reçu en lui toutes les autres choses de l’infirmité humaine, il a aussi pris sur lui la science humaine et l’ignorance, c’est-à-dire une connaissance humaine qui se développe, croit ou diminue. C’est selon cette ressemblance aux autres hommes qu’il avoue ne pas savoir quelque chose. Et c’est pour cela qu’on dit ailleurs « qu’il croissait en sagesse, en âge et en grâce ».

 

Calvin (au chapitre 24 de Matt ) : « C’est pourquoi, il serait trois fois et quatre fois insensé celui qui porterait péniblement le poids d’une ignorance, que le Fils de Dieu lui-même n’a pas refusé de porté pour nous. » Il dit des choses semblables (dans le chapitre 2 de Luc), et emploie le même argument que les agnoites. Quand on lui objecta (dans son livre sur les deux natures du Christ contre André Jacob) qu’il attribuait de l’ignorance à l’âme du Christ, Théodore de Bèze ne le nia pas, mais répondit qu’il suivait, en cela, Luther et Calvin.

 

Calvin (dans le chapitre 24 de Matt) dit : « que la prière du Christ dans le jardin fut un vœu antithétique. » Et plus bas : « Il fut agité par la crainte, et troublé par l’anxiété, au point que, au milieu du flot des violentes tentations, il lui fut nécessaire d’osciller entre deux vœux contraires. Voilà pourquoi, quand il essayait de détourner la mort par des prières, il s’interdisait bientôt cette demande, se soumettant à la volonté du Père. Il repoussait et rappelait ce vœu qu’il venait tout juste d’émettre.  » Notons les mots : « subitement émis », et « repousse et rappelle ». Et plus bas : « Nous voyons que, tout de suite après avoir été affecté par les mêmes angoisses, il réprouvait son sentiment, et s’efforçait de se ramener à l’ordre ». Au même endroit : « Ce ne fut pas une prière méditée, mais c’est la violence et l’impétuosité de la douleur qui lui ont arraché cette parole impulsive, à laquelle il donna une correction immédiate. Surtout cette véhémence du décret céleste lui enleva la mémoire. » (phrase non complétée).
 

 

(il manque ici quelques pages)


Saint Anselme, saint Bernard et les autres enseignent que le Christ croissait en sagesse, en âge et en grâce, selon l’opinion des hommes, auxquels il faisait, de jour en jour, apparaître davantage sa sagesse. Comme le soleil. Plus il avance vers le milieu du ciel, plus on dit qu’il croit en lumière et en chaleur, non parce qu’il devient lui-même plus brillant ou plus chaud, mais parce que sa vertu apparaît davantage. Saint Jean Damascène (à l’endroit cité), ajoute que comme on dit que l’évêque progresse dans ses homélies, quand le peuple progresse, et qu’on dit d’un docteur universitaire qu’il progresse quand il rend ses élèves plus savants, de la même façon on peut dire que le Christ progresse, quand il fait progresser les autres.


Mais Calvin insiste : L’écriture dit que le Christ a cru « devant Dieu et les hommes ». Or, il n’a pas progressé dans l’opinion que Dieu avait de lui, et il n’a pas fait progresser Dieu. Je réponds que ce « devant Dieu et les hommes » doit être associé au progrès en grâce, non au progrès en sagesse et en âge. Car nous n’avons pas l’habitude de dire que quelqu’un croit en sagesse ou en âge devant Dieu et les hommes. Car l’âge et la sagesse sont des choses absolues qui ne dépendent pas d’un autre. Mais nous disons avec raison que quelqu’un croit en grâce devant les autres auxquels il est chaque jour plus agréable. On dit donc que le Christ croissait devant Dieu et les hommes parce que, à chaque jour, il était de plus en plus aimé par les hommes, et recevait des signes de la bienveillance de Dieu et des hommes, comme on disait de Samuel (1 Rois 2) : « L’enfant progressait, croissait et plaisait à Dieu et aux hommes. »


De plus, il progressait aux yeux des hommes par la sagesse, dans la mesure où, multipliant les œuvres de sa sagesse, il faisait progresser les autres, et apparaissait lui-même à chaque jour plus savant. En deuxième lieu, par les œuvres pleines de sagesse et de grâce qu’il opérait, il croissait vraiment en sagesse et en grâce auprès de Dieu et des hommes, parce qu’il faisait des œuvres très dignes, et très méritoires, tant au jugement de Dieu qu’au jugement des hommes. Or, sur le quatrième témoignage des Écritures, les Pères ont pensé différemment. Saint Ambroise (livre 5, de la foi, chapitre 8) et saint Jérôme (Matt 24) soupçonnent que ce « ni le Fils » a été ajouté par les Ariens, du fait qu’on ne le trouve pas dans tous les codex grecs. Mais, comme tous l’ont en Marc 13, il faut répondre autrement. Première explication. On la trouve dans le commentaire de saint Grégoire le grand (livre 4, épitre 42 à Euloge) où il approuve l’opinion d’Euloge selon laquelle ce n’est pas en sa personne propre, mais en celle de l’Église que le Christ est dit ne pas connaître le jour. Car, beaucoup de choses qu’on dit du Christ doivent s’entendre du corps, et non de la tête. On pourrait objecter à cela que, alors, le Seigneur n’aurait pas du dire « ni les anges, ni le Fils », car les anges sont-ils aussi contenus dans le corps de l’Église ? Il suffisait donc de dire que le Fils ne le connaissait pas. Et c’est peut-être pour cette raison que saint Grégoire le grand propose d’autres explications. Peut-être ne le satisfaisait-elle pas.


L’autre explication est aussi celle de saint Grégoire, au même endroit, et de saint Ambroise (Luc, chap 17), de saint Grégoire de Naziance (discours 4 sur la théologie,) et de saint Cyrille (livre 9, thèse, chap 4). On dit que l’homme Christ ne connaissait pas l’heure, parce qu’il ne la savait pas en tant qu’homme, c’est-à-dire de science humaine, mais par une révélation divine ou infuse. Mais même cela ne semble pas satisfaire complètement. Car, c’est du Christ que les apôtres voulaient apprendre le jour. Or, il répondit qu’ll ne le savait pas, et que, pour cette raison, il ne pouvait pas le leur enseigner. Mais, s’il le savait de révélation divine, il pouvait certes le leur enseigner.


La troisième explication est celle d’Épiphane (dans Ancor) et de saint Bernard (Livre 12 des degrés d’humilité). On dit qu’il ne le savait pas, parce qu’il n’en avait pas une connaissance concrète, comme Adam et Ève qui, avant le péché, ne connaissaient ni le bien ni le mal. On dit que le Père sait parce qu’il le sait concrètement. Comme quand il remit tout jugement au Fils, il avait alors d’une certaine façon déjà jugé. Mais cela ne semble pas non plus cadrer, car les apôtres ne cherchaient pas à savoir concrètement, mais théoriquement. Et c’est pourquoi il importait peu que le Christ en ait eu une connaissance pratique ou théorique.


Il reste donc une dernière explication, celle de saint Grégoire le grand (lieu cité), de saint Ambroise (livre 5 de la foi, chapitre 8), de saint Jérôme, de saint Jean Chrysostome, de Theophylacte (Matt 24), de saint Basile (livre 4 contre Eunome), et de saint Augustin (livre 1 de la Genèse contre Manès, chap 22, et livre 1 de la trinité, chapitre 12). Ils soutiennent qu’on dit que le Fils ne savait pas, parce qu’il ne le savait pas pour le dire aux autres, parce qu’il faisait en sorte qu’ils ne sachent pas ». Cette explication cadre parfaitement avec le contexte. Car Jésus veut donner la raison pour laquelle il n’indique pas le jour; et il dit que la cause en est qu’il ne le sait pas, c’est-à-dire qu’il ne l’a pas appris du Père pour le révéler aux autres, mais pour le garder secret.


De plus, l’Écriture s’exprime souvent ainsi. Genèse 22 : « Maintenant je sais que tu crains Dieu ». Ce qui veut dire : je t’ai montré à toi et aux autres à quel point tu me révères. Jean 15 : « Je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». Et pourtant, il ne leur avait pas dit absolument tout, car, au chapitre 16, il dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant ». Il leur avait donc dit tout ce qu’il avait entendu de son Père dans le but de leur dire. C’est de la même façon qu’il dit, dans ce passage, qu’il ne sait pas : il ne le savait pas pour le leur dire.

Mais Calvin a quelque chose à objecter. Car, quand le Christ a dit « personne ne le sait, ni les anges ni le Fils », si on entend ce « ni le Fils » au sens où il ne le sait pas pour le dire, on pourra également dire des anges qu’ils ne le savent pas pour le dire. On peut aussi faire l’objection suivante. Car, quand nous disons que le Fils ne le sait pas pour le dire, on peut comprendre qu’il ne le sait pas pour le dire à quiconque, ou à ses apôtres. La première supposition est fausse, car il l’a dit à l’Esprit-Saint. Dans le deuxième cas, l’exception (seul le Père) est fausse, car le Père lui aussi, ne le savait pas pour le dire aux apôtres.


Je réponds à la première objection. Nous savons par les paroles du Seigneur que ni les anges ni le Seigneur ne le savent pour le dire. Le savent-ils d’une autre façon ? On ne nous le dit pas ici. Mais, cependant, nous savons d’où le Christ sait, parce que c’est lui qui est établi juge pour ce jour. Et aussi « parce qu’en lui sont tous les trésors cachés de science et de sagesse (Col 2). » Au sujet des anges, nous pensons qu’ils ne le savent en aucune façon, et parce que cette connaissance ne leur est pas nécessaire, et parce que nous ne lisons nulle par que les anges savent tout.


La deuxième objection. Le Fils ne le savait pas pour le dire à absolument personne. Si on se demande comment il ne l’a pas fait connaître au Saint-Esprit, pensons que c’est au sens d’homme que le mot fils ici est pris. On dit que seul le Père sait, parce qu’il a fait que l’homme Christ sache, comme saint Augustin le dit (au livre 1 de la Genèse, contre Manès, chap 22) : « Ce qui convient au Père convient aussi aux autres personnes, qui sont de la même nature que lui. C’est comme s’il avait dit : personne ne le sait, sauf Dieu. »


À la dernière citation de l’Écriture, je réponds que c’est un blasphème impie de dire que le Christ aurait prié ou se serait corrigé sans l’esprit, ou qu’il aurait rétracté sa prière. Car, il est écrit de lui : « Celui qui ne fit pas de péché ». Pierre 1, 7 : « Qui ne connut pas le péché ».(2 Cor 5). Et les pères enseignent souvent que non seulement le Christ n’a pas péché, mais qu’il ne pouvait pas pécher. Voir saint Athanase (discours 2 contre les ariens) saint Cyrille (livre 10 sur Jean chap 11) et saint Augustin (dans enchiridion, chap 36 et 40 etc).


L’écriture raconte qu’il a dit : « Père, si cela est possible ». Ou il savait que c’était impossible, ou il ne le savait pas. S’il ne le savait pas, il ignorait quelque chose. S’il savait que c’était possible, pourquoi parle-t-il comme s’il doutait ? S’il savait que c’était impossible, pourquoi le demande-t-il ? De plus, quand il dit : éloigne de moi ce calice, il semble s’opposer à la saine raison et à la volonté de Dieu, car il était venu pour souffrir. Ensuite, quand il ajoute : « Non ma volonté, mais la tienne », il semble corriger ouvertement ce qu’il avait demandé après.


Je réponds que ce « si possible » signifie, si cela te plait, car il savait très bien que rien n’est rien impossible à Dieu. Mais il demande si cela est possible selon le bon plaisir de Dieu. Et c’est ce que les autres évangélistes nous montrent. Car au « si c’est possible » de Matthieu (26), correspond le « tout t’est possible » de Marc (14), et le « Père, si tu le veux, écarte » de Luc (22). Il dit « si tu le veux » non parce qu’il ignore ce que le Père veut, mais pour montrer une tendance naturelle de sa volonté à fuir la mort, unie à une soumission totale à la volonté paternelle, Car, c’est comme s’il disait : je veux que ne se fasse pas ce que je veux. C’est-à-dire, je veux d’une volonté délibérée tout ce qui concerne l’objet avec toutes ses circonstances, pour que n’arrive pas ce que je veux d’une volonté naturelle, ce qui se rapporte à l’objet secondaire qui n’est que considéré. Ces volontés ne sont pas non plus contraires, car elles ne portent pas de la même façon sur la même chose. Et de plus, l’une est plutôt une velléité qu’une volonté.


Tu diras : pourquoi le Christ, en priant, a-t-il voulu exprimer cette volonté naturelle qu’il savait ne pouvoir être exaucée ? Je réponds avec saint Jean Chrysostome : pour montrer qu’il était un vrai homme, qu’il avait souffert, et qu’il était vraiment mort. Car si, après avoir exprimé si souvent ses affections naturelles, il s’est trouvé plusieurs hérétiques à nier la vraie chair et la vraie passion du Christ, que serait-il donc arrivé s’il n’avait rien manifesté de la sorte ? De plus, il a voulu nous enseigner par là de ne pas perdre patience si nous n’obtenons pas de Dieu ce que nous demandons. Car, dans cette prière, Jésus a été exaucé en partie, et n’a pas été exaucé en partie. Il a été exaucé dans ce qu’il demandait absolument, selon Jean 11 : « Je savais que tu m’écoutes toujours ». Mais il ne fut pas exaucé dans ce qu’il demandait par un sentiment naturel, selon ce mot du psaume : « Je crierai pendant tout le jour, et tu ne m’exauceras pas ».
 

 

CHAPITRE 6 : On propose une deuxième question : la descente aux enfers
 

 

On se demande ensuite si le Seigneur est descendu aux enfers, et comment est-il descendu ? D’abord, tout le monde admet que le Christ soit descendu d’une certaine façon dans les enfers. Car l’Écriture l’enseigne souvent. Comme les actes (2) : « Tu ne laisseras pas mon âme dans l’enfer ». Et Éphésiens (4) : « Il est descendu dans les parties inférieures de la terre ». Et ce plus, dans le symbole des apôtres, nous lisons : « Il est descendu aux enfers ». Il est à observer que cette phrase ne figurait pas autrefois dans le symbole de toutes les églises. Car saint Irénée (livre 1, chap 2), Origène (au début du livre des principes) et Tertullien (au début du livre contre Prax, et dans le livre du voile virginal) n’en parlent pas dans leur explication du symbole.


Ruffin, dans son explication du symbole, lit et explique cette phrase, mais avertit qu’elle ne se trouve pas dans le symbole de l’église romaine, ni dans celui des églises orientales. Il ajoute qu’elle est implicitement contenue dans l’article de la sépulture, car comme le corps descendit dans le lieu des corps, l’âme est descendue dans le lieu des âmes. Mais saint Cyrille de Jérusalem (catéchèses 4 et 14), et saint Jean Chrysostome (homélie 2 sur le symbole) lisent et expliquent cette phrase, qui, à cette époque, se trouve partout. Et c’est ainsi aussi qu’on le lit dans les catéchismes de Luther, (grand et petit), dans ceux de Calvin, de Brentius, et des autres. Et c’est ce qu’ont écrit les auteurs des centuries, (1 livre 2, chap 4,) et Pierre Martyr (dans son livre sur le symbole), et Calvin lui-même (livre 2 Inst. Chap 16, verset 8). Il dit qu’on trouve cet article dans la plupart des symboles.


Dans le symbole de Nicée, cet article de foi ne se trouve pas; mais il se trouve dans celui d’Athanase. Et comme ces deux symboles ne sont pas en guerre l’un contre l’autre, il est certain, au moins implicitement, que cet article de foi ne manquait pas. C’est ce qui a permis à saint Anselme de dire que même si cet article ne figure pas dans le concile de Nicée, il a été reçu unanimement par toutes les églises occidentales et orientales.




CHAPITRE 7 : Que descendre aux enfers ne veut pas dire être complètement anéanti


La première proposition est à l’effet que descendre aux enfers c’est périr et être anéanti. Brentius (catéchèses de 155, dit que descendre aux enfers c’est périr complètement. Et, dans les actes, il introduit le Christ parlant ainsi : « Je descendrai en enfer, j’éprouverai les douleurs de l’enfer, et je semblerai périr complètement ». De même, Calvin (dans pshychèpannychia), voulant prouver que les âmes des justes après leur séparation du corps, ne dormaient pas, n’étaient pas anéanties, comme certains Anapabtistes l’enseignent, et qu’il réfute dans tout son livre. Il le prouve par l’exemple de l’âme du Christ, qui, après la séparation d’avec son corps, n’a pas été anéantie, ni absorbée par la mort, mais est demeurée immortelle. Et il dit que cela est signifié par ces mots : « Tu ne laisseras pas mon âme dans l’enfer ». Ces mots produisent en nous une foi très certaine que le Christ n’a pas pu être anéanti par la mort, même selon l’homme. La vraie mort a été la séparation de l’âme et du corps. De plus, l’âme ne perdit jamais sa vie. Confiée au Père comme elle l’était, elle ne pouvait pas ne pas être sauve. C’est ce que veut dire Pierre dans son sermon quand il enseigne qu’il était impossible qu’il fût retenu par la mort, pour que s’accomplisse l’Écriture : « tu ne laisseras pas mon âme dans l’enfer ». Car son âme a été fortifiée par une vertu divine pour qu’elle ne débouche pas sur la perdition, et que son corps soit conservé dans le sépulcre jusqu’à la résurrection.


Il semble que, dans ce texte, Calvin entende par enfer l’extinction complète de l’âme, car il prouve que l’âme du Christ n’a pas été éteinte dans la mort du corps, parce que son âme n’a pas été absorbée par l’enfer. Qu’est-ce donc pour Calvin être absorbé par l’enfer si ce n’est l’extinction totale de l’âme ? Mais un peu après, il exprime plus clairement sa pensée. Voici ce qu’il dit : « Le Christ nous apporte un autre argument de l’immortalité de son âme, car il présente comme un type de sa mort Jonas immergé pendant trois jours dans le ventre d’un cétacé. Ce ventre est la mort; il eut donc l’âme qui demeure sauve dans la mort ». Et plus bas, il prouve par le sacrifice d’Isaac : « Pourquoi Isaac ne meurt-il pas si ce n’est parce que ce qui est propre à l’homme, l’âme, le Christ l’a rendue immortelle ? Un bouc est un animal irraisonnable, qui est substitué au corps pour mourir à sa place. »


Cet enseignement ne nécessite pas de réfutation, car il est le fondement de l’athéisme. Car, si c’est parce qu’il était fortifié par une vertu divine, qu’il retint une âme immortelle dans la mort du corps, les autres hommes, qui ne bénéficient pars de cette vertu divine sont donc complètement exterminés par la mort. L’âme humaine n’est donc pas immortelle. Tu diras que les pieux ne sont pas exterminés par la mort parce que le Christ a vaincu la mort pour eux. Donc, tous les impies, au moins, sont exterminés totalement. Et c’est cela descendre en enfer. Mais Calvin nie cela à la fin de son livre où il dit que même les impies vivent après la mort, même si c’est dans les peines. Or, cela ne concorde pas bien avec ce qui précède. Car, ou il n’a pas bien prouvé que l’âme du Christ est demeurée immortelle parce que, étant unie à la divinité, il ne lui fut pas permis de se précipiter dans la fournaise de feu, ou il s’ensuit surement que les âmes des impies qui se précipitent en enfer sont complètement anéanties. De plus, dans les actes, saint Pierre n’a pas dit que l’âme du Christ n’est pas allée en enfer, mais qu’elle n’y a pas été laissée longtemps. Et ne lisons-nous pas dans le symbole qu’il est descendu dans les enfers. Si donc descendre dans les enfers c’être périr, même l’âme du Christ a péri, même si elle a été ressuscité après coup.. C’est ce que veulent les anabaptistes. La doctrine de Calvin se détruit donc elle-même, et ouvre la voie à l’athéisme.




CHAPITRE 8 : Jésus n’a pas souffert les peines des damnés.


L’autre proposition est de Calvin (livre 2 des institutions, chap 16, versets 8, 9, 10, 11, 12)l dans le petit catéchisme, et dans la psychopannychia, et dans l’harmonie évangélique, chap 17, Matt). Il enseigne qu’on dit que le Christ est descendu aux enfers parce qu’il a souffert les peines des âmes damnées. Pour que cela se comprenne plus facilement, faisons quelques observations préliminaires. Il faut d’abord noter que, selon Calvin, il n’y a pas de lieu sous-terrain pour les impies, ni, non plus, de purgatoire, ni des limbes des pères. Car, (au livre 2, Inst. Chap 16, verset 9), il dit que tout ce que nous dirons bientôt là-dessus, ce ne sont que des fables pour enfants. Dans le livre 3 de ses institutions, (dernier chapitre), et dans la psychopannychia, il dit que les peines des damnés ne sont rien d’autre que la terreur et l’anxiété de la conscience, à la pensée que Dieu est irrité et courroucé.


Notons, ensuite, que le Christ, selon Calvin, est descendu aux enfers parce qu’il redoutait un Dieu irrité et courroucé à cause de nous, et parce que la crainte de perdre son propre salut lui fit éprouver une incroyable anxiété, la même que souffrirait quelqu’un qui se sait condamné pour toute l’éternité. Il affirme même qu’il a prononcé des paroles de désespoir (inst. chap 16, verset 10). « Il a souffert, dans son âme, les angoisses extrêmes de l’homme damné et perdu. » Et, au verset 11, il dit qu’il n’était pas certain de son salut. « Pleurant avec larmes et à grands cris, il a été libéré de sa crainte, non pour qu’il soit exempt de la mort, mais pour qu’il ne soit pas absorbé par elle comme un pécheur, car il était là à notre place. Et sûrement, on ne peut imaginer d’abime plus redoutable que te se sentir abandonné et rejeté par Dieu, et de ne pas être exaucé quand tu l’invoques, comme s’il conspirait pour ta ruine. » Et plus bas : « Engageant le combat avec la puissance du diable, avec l’horreur de la mort, et les souffrances de l’enfer, il arriva qu’il leur assigna la victoire ». Et au verset 12 : « Ici, des esprits nébuleux et incultes, poussés plutôt par malice que par ignorance, m’accusent de faire une injure atroce au Christ, parce qu’il n’y a pas de consentement unanime que le Christ ait craint pour son salut ». De même, dans Harmonie, commentant le chapitre 27 de Matthieu, il dit que le Christ n’a pas désespéré de son salut, mais qu’il a émis une parole de désespoir quand il a dit : « Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »


Notons, en troisième lieu, que, selon Calvin, le Christ commença à tomber en enfer au moment où, dans le jardin des oliviers, il commença à s’attrister et à prier. Il descendit ensuite plus profondément quand, sur la croix, il cria : « Mon Dieu etc.. ». Et encore plus profondément quand il comparut devant le tribunal de Dieu, comme coupable d’une mort éternelle, et qu’il eut à soutenir le jugement très sévère d’un Dieu irrité. C’est ce qu’il enseigne (dans institut. chap 16, verset 12) : « Si quelqu’un demande : le Christ est-il descendu aux enfers quand il invoqua la mort ? Je réponds que cela ne fut que le début. Tu peux déduire de là quels cruels et horribles tourments il endura quand il eut conscience de se tenir debout, en tant que coupable, à cause de nous, devant le tribunal de Dieu ». En voilà assez. Et même s’il ne dit pas combien de temps il est demeuré dans l’enfer, il laisse quand même entendre qu’il y ait resté jusqu’à la résurrection.


Notons, en quatrième lieu, que c’est à cette peine infernale que Calvin attribue presque toute notre rédemption, de sorte que, sans la descente aux enfers, la mort sur la croix n’aurait pas été suffisante. C’est bien ce qu’il dit (livre 2, institut. chap 16, verset 10) : « Rien n’aurait été accompli si le Christ n’était mort que d’une mort corporelle. Mais elle devait contribuer à payer le prix de notre rachat, pour que le Christ expérimente la sévérité de la vindicte divine. » Et plus bas : « Voilà pourquoi il a du lutter aussi contre les troupes infernales, l’horreur de la mort éternelle, comme si elles étaient des armées alliées, liguées contre lui. Il répète la même chose, et plus au long, dans le chapitre 27 de Matthieu.


Voilà quelle est la doctrine de Calvin, que Melanchton et Brentius semblent avoir suivie en partie. En effet, Mélanchton (dans le chapitre du Fils), dit deux fois que le Christ a lutté intensément contre la tentation du désespoir. Brentius (dans le chapitre 2 des actes) dit que le Christ a souffert les douleurs de l’enfer. Et dans son livre sur la majesté du Christ, 2 par), où il parle de l’ascension, il n’enseigne presque rien d’autre que les enfers ne sont pas un lieu certain, mais qu’ils sont l’état d’âme des damnés. Il ajoute même que les enfers sont partout où sont les impies qui sont tentés au sujet de leur damnation éternelle. Et c’est de là que vient l’incroyable blasphème d’un certain apostat (dont se souviennent Jean Cochlaeus dans les actes luthériens, et Laurentius Sirius dans son histoire de l’année 1527) qui assurait que le Christ avait désespéré et avait été damné. Et c’est peut-être comme peine de ce péché que Calvin désespéra à sa mort, et maudit le jour où il commença à écrire des livres, comme nous le lisons dans sa vie, au chapitre 22. Voici ce que dit son biographe : « Ayant invoqué les démons, maudissant et blasphémant, il expira misérablement. Ont rendu de lui ce témoignage ceux qui sont restés à son chevet jusqu’à son dernier souffle ». Il a dit aussi qu’il détestait, qu’il exécrait les jours et les heures qu’il avait employés aux études et aux écrits ». C’est ce que raconte Jérôme Hermes Bolsec, clerc de Lyon, qui a écrit la vie de Calvin.


On réfute cette impiété nouvelle et inouïe. D’abord parce que les Écritures attribuent la totalité de notre salut au sang et à la mort corporelle du Christ; et que, après la mort corporelle du Christ, elles ne reconnaissent aucune peine supplémentaire. Philipp 2 : « Il s’est humilié, en devenant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. À cause de quoi Dieu l’a exalté. ». Vois qu’ici, on ne fait aucune mention des enfers, mais qu’on a tout attribué à l’obéissance jusqu’à la mort, que suivit de près l’exaltation. Dans le psaume 21, et dans Isaïe 53, on décrit une par une toutes les afflictions du Christ, sans faire aucune mention de l’enfer. Matt 20, Marc 10, Luc 18, le Seigneur prédit à ses apôtres sa passion, il parle de la flagellation, des crachats, de la croix et de la mort. Mais, il ajoute tout de suite après : « Et le troisième jour, il ressuscitera ». Et où, je le demande, a-t-il laissé les souffrances des damnés, et les tourments de la géhenne ? Aux Romains 5 : « Il nous recommande sa charité car, c’est quand nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous. » Ephes 1 : « Dans lequel nous avons la rédemption par son sang ». Coloss 1 : « Pacifiant par le sang de sa croix autant ceux qui sont sur terre que ceux qui sont au ciel ». Hébreux 9 : « Il est entré par son propre sang dans le sanctuaire, après avoir procuré la rédemption éternelle. » Pierre 1 : « Vous n’avez pas été rachetés par des choses corruptibles, par de l’or ou de l’argent, mais par un sang précieux, celui du Christ, qui est comme un agneau immaculé et non contaminé. » Jean 1 : « Son sang purifie de tout péché ». Enfin l’apocalypse, 5 : « Les saints s’écrient dans le ciel : tu nous a rachetés pour Dieu dans ton sang ».


Voyez donc quelle crédibilité il faut attacher aux paroles de Calvin, suivant lesquelles le Christ n’aurait rien accompli par sa mort corporelle, mais plutôt par les souffrances de l’enfer. Ce que nous inculquent les Écritures c’est que nous avons été rachetés par la mort du Christ. Des souffrances de l’enfer,elles ne disent pas un mot. Car nous indiquerons plus loin quels sont les passages sur lesquels Calvin s’appuie, et comme ils n’ont rien à avoir avec ce dont il s’agit.


On le prouve, en second lieu, par les circonstances de la passion du Christ. Car, s’il a été en enfer depuis sa prière dans le jardin des oliviers jusqu’à la résurrection, et s’il considérait que Dieu était irrité et courroucé envers lui, sans être sur de son salut, pourquoi a-t-il dit si audacieusement à Caïphe qu’il verrait bientôt le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel ? Et à Pilate que son royaume n’était pas de ce monde ? Comment peut-il prier pour ceux qui le crucifient ? Comment a-t-il pu promettre le paradis au bon larron ? Comment a-t-il pu remettre son âme entre les mains de son Père ? Certes, ce ne sont pas là des signes de défiance de la bienveillance du Père, encore moins de désespoir, ou de crainte de perdre son salut.


On le prouve ainsi en troisième lieu. Si nous avions été rachetés par les souffrances infernales du Christ, ces souffrances auraient du être prophétisées en figure; et un sacrement devrait avoir été institué en mémoire d’un si grand bien, comme l’est l’eucharistie en mémoire de la passion. L’église devrait aussi célébrer la mémoire de ce grand bienfait, comme elle célèbre la mémoire de la naissance de Jésus, de sa passion, de sa mort, de sa résurrection. On devrait aussi peindre le Christ dans le feu de la géhenne au milieu des damnés, comme on a coutume de le représenter entre deux larrons. Mais nous ne voyons ni ne lisons rien de tel, Ou l’Église a toujours été extrêmement ingrate, ou ce sont des imaginations qu’enseigne Calvin.


Quatrièmement. Tous les pères qui décrivent la descente du Christ aux enfers, le décrivent comme descendant victorieux et triomphant, non comme un coupable; et ils ne laissent jamais entendre qu’il ait eu à souffrir dans les enfers. Saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 14,) : «  La mort est terrifiée, voyant un nouveau mort descendant en enfer, sans être lié par les chaînes qui sont en cet endroit. Pour cette raison, portes de l’enfer, vous eûtes grand peu en le voyant. Quelle crainte inaccoutumée ne s’est-elle pas emparée de vous ! » Saint Ambroise (au livre du mystère pascal, chapitre 4) : « Exempt de tout péché, le Christ descendit au fonds du tartare. Il brisa les serrures de l’enfer, démolit les portes, rappela à la vie, de la forteresse du diable, les âmes vaincues par le péché, après avoir détruit la domination de la mort. Et c’est ainsi qu’a été remporté un triomphe divin aux propriétés éternelles ».


Saint Hilaire dit des choses semblables (livre 10 de la trinité), et saint Augustin (dans son épitre 99 à Évode), saint Jean Chrysostome, Eusèbe, Emissenus, et d’autres dans leurs homélie de Pâque. La doctrine de Calvin est très éloignée de celle des pères, car elle nous présente un Christ coupable, non victorieux, descendant dans les enfers. En cinquième lieu. Faux est le fondement de Calvin, selon lequel être en enfer n’est rien d’autre que redouter un Dieu irrité. Car cette doctrine est une hérésie d’Origène condamnée par l’Église, au témoignage de saint Jérôme (dans son épitre à Avitus). De plus, il s’ensuivrait que beaucoup de vivants seraient en enfer, et seraient damnés, ce qui répugne très certainement au statut de la vie présente. Car combien sont-ils qui sont persuadés que Dieu est fâché contre eux ? Combiens sont-ils qui commencent à désespérer de leur salut éternel ? Tous ceux-là sont déjà plongés dans les enfers ? Qu’est-ce d’autre cela que de nier complètement les enfers, et d’ouvrir une voie à l’athéisme ? Nous montrerons un peu après que les enfers sont de vrais lieux souterrains.


Sixièmement. Si le Christ a prononcé des paroles de désespoir, il a, certes, péché gravement, Comment donc a-t-il pu nous racheter du péché par le péché ? Calvin répondra que c’est selon la chair que le Christ a prononcé des paroles de désespoir et a craint pour son salut, car il ne fut jamais destitué de foi et d’espérance en Dieu, vertus qui le protégeaient contre les tentations de désespoir. Car, s’il a dit : « pourquoi m’as-tu abandonné », il a dit aussi « mon Dieu, mon Dieu », qui sont des paroles de foi et d’espérance. Car voici ses propres paroles sur le chapitre 27 de Matthieu : « Il semble absurde que le Christ ait prononcé une parole de désespoir. La solution à ce problème est facile. Bien que les sens charnels appréhendaient l’extinction, la foi est quand même restée ferme dans son cœur. » Et un peu plus bas : « Ce qui apparaît suffisamment des deux parties de sa supplication. Car, avant d’exprimer la tentation, il déclare se réfugier en Dieu, comme en son secours. » Et plus bas : « Il fut tenté par le désespoir, mais il ne fut pas vaincu ».


Je dis d’abord que le Christ a vraiment expérimenté l’état des damnés, selon Calvin. Car voici ses propres paroles (livre 2, chap 16, verset 10) : « Il supporta dans son âme les terribles tourments de l’homme damné et perdu ». Et ailleurs : « Dans le lieu des scélérats, un prophète signifie un répondant. C’est pourquoi, à l’instar de l’avocat d’un coupable, il supporterait toutes les peines qui étaient dues aux autres, à l’exception d’une seule : qu’il ne pourrait pas être retenu par les souffrances de la mort. » Et dans le petit catéchisme, il enseigne que la différente qu’il y a eu entre le Christ et les damnés, c’est que le Christ n’a souffert les peines de l’enfer que peu de temps, et les autres perpétuellement. Or, la peine des damnés inclut essentiellement la désespérance du salut, comme la félicité inclut essentiellement la certitude de ne jamais perdre le salut. L’espérance ne peut donc jamais cohabiter avec le désespoir. Selon Calvin donc, le Christ a vraiment désespéré de son salut : il ne nous a donc pas libérés.


De plus, quand le Christ proféra des paroles de désespoir, comme Calvin le dit (au chap 27 de saint Matthieu), il le fit de volonté délibérée, ou non. S’il a vraiment parlé de volonté délibérée, il a vraiment désespéré de son salut, et a péché. Si ce n’était pas de volonté délibérée, il y eut donc dans le Christ un désordre des passions, puisque la crainte a pu prévenir la raison, et extorquer une parole de désespoir, sans le consentement de la volonté. Mais, en cela, Calvin milite contre son propre enseignement, (livre 2, institut, chap 16, verser 12), puisqu’il déclare là que la nature du Christ fut parfaite, et qu’il n’y eut en lui aucun désordre des passions.  De plus, comment concevoir que, dans la même phrase, une partie soit délibérée, et l’autre non délibérée ? En effet, dans la même phrase (mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?), les mots « mon Dieu, mon Dieu » sont des paroles de foi et de volonté délibérée, selon Calvin. Comment donc « pourquoi m’as-tu abandonné » pourrait-il contenir des paroles de désespoir et de volonté non délibérée ? Le Christ était-il si imparfait et si inconstant qu’il ne pouvait pas ajouter quatre autres mots avec foi ? Mais, dit-il, c’est la force de la douleur qui les lui a extorqués. Ne souffrait-il donc pas quand il a dit « mon Dieu, mon Dieu » ? Pourquoi donc ces paroles-là n’ont-elles pas été extorquées ?


Ajoutons que le même Calvin (dans le commentaire du psaume 22), dit que ces paroles « mon Dieu, mon Dieu », sont une correction de « pourquoi m’as-tu abandonné ? » Or, qui a jamais entendu parler d’une correction qui précède l’erreur ? La correction ne vient-elle pas toujours après l’erreur ? Ces paroles n’ont donc pas été prononcées de façon indélibérée, et c’est donc de façon délibérée que le Christ désespéra de son salut, s’il y a eu chez lui un désespoir quelconque. Que Calvin pousse donc son audace jusque là, et qu’à ses autres dogmes pervers, il joigne cet autre, et qu’il attribue à l’Agneau de Dieu qui efface le péché du monde, non seulement un péché, mais le plus grand des péchés !


Selon l’enseignement de Calvin, le Christ douta donc de son salut, quand il descendit dans les enfers, comme nous l’avons montré plus haut en le citant (livre 2 institut chapitre 16, verset 12, chap 2, verset 16). Et le même Calvin (livre 3, institu chap 2, verset 16) enseigne que douter de son salut est un péché contre la vertu de foi. Le Christ a dont péché contre la foi. Il répondra que, dans le Christ, le doute ne fut pas délibéré, mais infusé par le diable sous forme de tentation. Car, c’est ainsi qu’il répond (au même livre 3, chap 2, verset 17) au sujet des fidèles qu’il dit avoir supporté avec foi les tentations. Et, au même endroit il enseigne (18), que, bien qu’ils n’éteignent pas la foi, ces doutes proviennent d’une imperfection de la foi. qui, parce qu’elle ne nous remplit pas complètement, ne nous guérit pas non plus parfaitement de toute maladie de défiance. Il est donc obligé d’attribuer au Christ une foi imparfaite, une maladie de défiance, et un doute sur son propre salut. Quel beau combat livre donc Calvin pour la gloire du Christ, quand non seulement il ne lui attribue pas, avec les catholiques, la béatitude, mais même pas une foi parfaite, avec les luthériens !


Le premier argument, il le tire d’Isaïe (chap 59), où il est dit que le Christ a été frappé par Dieu. Il conclut de là que le Christ a du supporter un Dieu irrité et courroucé. Je réponds qu’on du Christ qu’il a été frappé par le Père, non parce que le Père le haïssait, mais parce qu’il a permis qu’il soit tué pour nous, comme l’explique l’apôtre saint Paul : « Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous. » C’est comme pour Abraham. Quand Abraham voulut immoler son fils pour obéir à Dieu, il ne haïssait pas son fils, et le fils ne pensait pas que son père agissait par haine. Je dis ensuite que cette frappe dont parle saint Jérôme et les autres commentateurs, se réfère à la seule mort temporelle, non aux peines de la géhenne, auxquelles aucun des anciens n’a jamais pensé, même en rêve quand ils parlaient de la passion du Christ. Je dis, en troisième lieu, que c’est Calvin qui a imaginé que tous ceux qui sont frappés par un Dieu irrité subissent les peines de l’enfer. Car, combien de fois Dieu flagelle les impies en ce monde, sans qu’on puisse dire pour cela qu’ils sont déjà en enfer ?


Le deuxième argument vient du même Isaïe, 53 : « La correction de notre paix est sur lui. Le christ eut donc à subir toutes les peines que méritaient nos péchés. Or, nos péchés ne méritaient pas seulement la mort du corps, mais aussi la peine de la géhenne. Le Christ a donc subi aussi les peines de la géhenne, car il n’aurait été, autrement, que le rédempteur des corps. Je réponds que si cet argument démontrait quelque chose, il aurait fallu que le Sauveur demeure dans l’enfer pendant toute l’éternité, et souffre un nombre infini de peines. Car, nous avions mérité la damnation éternelle, et nous sommes extrêmement nombreux à l’avoir méritée. Calvin est donc forcé d’admettre qu’une peine temporelle du Christ a satisfait pour plusieurs peines éternelles. Et c’est ce que nous disons. La mort du corps du Christ a pu satisfaire pour la mort de toutes les âmes. Car le prix de la rédemption versé par le Christ ne doit pas être évalué en termes quantitatifs, mais qualitatifs, non par la longueur des peines, mais par la dignité de la personne qui souffrait, et qui le faisait par charité. Il ne s’ensuit donc pas qu’il n’a été le rédempteur que des seuls corps, car le Christ a souffert dans son corps et dans son âme, et une seule peine corporelle était d’un prix infini.


Le troisième argument il le tire de la tristesse et de la crainte que le seigneur a ressenties, dans le jardin des oliviers (Matt 26). Car, s’il n’avait craint que la mort du corps, il aurait été inférieur à beaucoup d’hommes qui supportent la mort sans broncher. Certes, plusieurs martyrs exultaient dans leurs passions. Non seulement les martyrs, mais les voleurs eux-mêmes meurent souvent avec fierté et panache. Ceux qui sont un peu plus timides frissonnent un peu, mais ils ne sont jamais vaincus ou abattus par l’anxiété au point de suer du sang. Mais le Christ, lui, était terrifié, il tombait, il suait du sang, et avait besoin de la consolation d’un ange. Et enfin, rendu presque à l’agonie, il priait longuement. Ou il fut plus faible que tous les autres hommes, ou ce qu’il redoutait ce n’était pas seulement la mort du corps, comme les autres, mais le péril de l’âme.


Je réponds que les saints Pères ont donné plusieurs explications à cette crainte du Christ, mais jamais personne n’a insinué que cette crainte portât sur le salut de son âme. Saint Hilaire (can. 31, Matt) dit que le Christ n’a pas craint pour lui, mais pour ses disciples, dont il prévoyait la trahison; que « quand il a dit : transfère ce calice à d’autres, il voulait dire : fais en sorte que comme je bois joyeusement la coupe, mes amis la boivent pareillement eux aussi » Saint Jérôme (Matt. Chap 26) dit que le Christ a été triste à cause du peuple des Juifs, parce qu’il savait qu’ils pêcheraient gravement cette nuit-là. Éloigne de moi ce calice signifie : fais en sorte que ce ne soit pas eux qui me tuent, mais d’autres. Saint Ambroise (Luc, chap 22) et saint Jean Chrysostome (Matt 26) disent que le Christ a eu horreur de la mort corporelle par un sentiment naturel.


À l’argument de Calvin, je réponds que si le Christ n’avait pas pu ne pas craindre et qu’il aurait été forcé de craindre, il aurait paru plus faible que beaucoup. Mais il n’en pas ainsi. Car il a craint, parce qu’il l’a voulu. Si les autres ne craignent pas, c’est parce que Dieu leur a accordé gratuitement une consolation plus grande que les peines, ou parce que le diable a rendu insensibles ses adeptes, ou parce qu’ils détournent leur âme de la pensée des peines, et s’imaginent être présents ailleurs, même s’ils sont bien rares ces gens-là. Mais, pour que soit plus riche la rédemption, le Christ a voulu subir aussi la peine de la tristesse et de la crainte. Il ne se rendit donc pas insensible, et il ne permit pas que rebondisse dans la partie inférieure la joie de la partie supérieure. Il ne chassa pas, non plus, la pensée de la mort imminente, mais il choisit plutôt volontairement de fixer son esprit sur tous les tourments, ce qui, sans aucun doute, était le signe d’une grande force et d’une grande charité. Car, comme l’a dit l’évangéliste Matthieu (26), « Ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à s’attrister et à gémir ». Pourquoi a-t-il commencé alors, sinon parce qu’il l’a voulu alors ? Car, il savait, avant, qu’il mourrait, puisqu’il l’avait prédit à ses disciples, et qu’il avait institué un sacrement en mémoire de sa passion. Mais, non seulement il ne craignait pas, mais il consolait même ses disciples qui craignaient, comme on le voit en saint Jean (14 et 15). Et c’est pourquoi, après sa prière, il ne craignit plus parce qu’il ne voulait plus craindre. Mais il se présenta joyeusement à ceux qui venaient le chercher pour qu’il soit mis à mort. Et pendant tout le déroulement de sa passion, il ne donna aucun signe de crainte. Voilà pourquoi nous lisons en saint Jean (11) qu’il a été troublé par lui-même. Écrivant sur ce passage (traité 49 sur saint Jean), saint Augustin dit : « Remarque qu’il s’agit ici de puissance. Le Christ s’est troublé parce qu’il l’a voulu. Où se trouve la puissance suprême, l’infirmité s’exprime avec l’autorisation de la volonté. C’est cela se troubler soi-même.» Lisez tout son sermon, dans lequel il dit de bien belles choses.


Le quatrième argument (Matt 27) : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Il semble que Jésus ne pouvait pas prononcer ces mots sans voir en son Père un Dieu irrité et courroucé. Je réponds qu’il n’est fait aucune mention de la colère de Dieu envers le Fils, mais seulement d’abandon. Car la déité a laissé l’humanité seule dans ses peines. Et bien qu’elle ait pu les soulager, elle ne l’a pas voulu, pour ne pas amoindrir le sacrifice qui devait racheter le monde. Le Seigneur a voulu supplier de cette façon pour que nous comprenions qu’il éprouvait de très grandes souffrances, et non par sa faute. Car, c’est ce que signifie le mot « pourquoi. » C’est comme s’il disait : il n’y rien en moins qui cause cette peine.


Le cinquième argument. (Actes 2) : « Que Dieu a ressuscité après l’avoir libéré des souffrances de l’enfer, du fait qu’il était impossible qu’il le retienne ». Car, si le Christ n’a pas subi les souffrances de l’enfer, comment a-t-il pu en être libéré ? Qui est libéré de chaînes sans avoir jamais été enchaîné ? Je réponds d’abord que dans le grec, nous avons les souffrances de la mort au lieu de les souffrances de l’enfer. Et le sens en serait, selon saint Jean Chrysostome et Oecuménium, que, après la résurrection du Christ, Dieu a délivré la mort des douleurs. Car la mort a souffert une douleur quand elle retenait le Christ sans en avoir le pouvoir. Mais le sens serait peut-être plus clair si nous disions que, par sa résurrection, le Christ a détruit et dissous la mort avec toutes les douleurs qui l’accompagnaient. Car, il est ressuscité immortel et impassible.


Ce que Calvin veut comprendre par les souffrances de la mort enfantées par la colère ou la malédiction de Dieu, laquelle est l’origine de la mort, et donc des souffrances des damnés, il va chercher cela beaucoup trop loin. Car si la colère de Dieu fut la cause de la mort, et si c’est à cause d’elle que les douleurs que le Christ a éprouvées dans sa mort étaient celles d’un Dieu irrité, on peut dire la même chose des souffrances des damnés. Pour la même raison, tous ceux qui meurent, même les martyrs, connaîtront un Dieu irrité, et souffriront les peines de la géhenne. La colère de Dieu est donc la cause générale et éloignée de la mort. Cependant, la cause prochaine et particulière est souvent la bienveillance et une grâce spéciale de Dieu, comme saint Augustin le dit (dans le livre 13 de la cité de Dieu, chap 6, et ailleurs). Et David lui-même (psaume 215) le chante : « Précieuse aux yeux de Dieu est la mort des saints ! » Et saint Jean (apoc 14) entendit une voix dans le ciel qui disait : « Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur ! » Enfin, saint Paul (Philip 1) dit que la mort est pour lui un gain.


Je dis ensuite que dans notre édition latine nous avons les peines de l’enfer et non les peines de la mort, lecture qui est peut-être préférable à la grecque. Car, saint Irénée (livre 3, chap 12) lit « douleurs de l’enfer ». Il libère, en effet, le Christ des souffrances de l’enfer non parce qu’il en était détenu, mais pour qu’il ne le soit pas. « Comme on peut, dit saint Augustin, détruire les pièges des chasseurs pour qu’ils n’y tombent pas, non parce qu’ils y sont tombés. » Autre explication. Après avoir libéré des souffrances de l’enfer non lui-même qui ne pouvait pas y être retenu, mais tous ceux qui étaient retenus là, et qu’il savait devoir être libérés. Saint Augustin ne donne pas seulement un commentaire exact de cet texte, mais il enseigne juste le contraire de ce que Calvin essaie de prouver.


Le sixième argument vient des Hébreux 5 : «  Offrant avec grands cris et larmes, aux jours de sa chair, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé à cause de sa révérence. » Calvin veut donner au mot « révérence » le sens de « crainte ». C’est comme s’il disait que le Christ ne priait pas pour ne pas mourir, mais pour ne pas être absorbé comme pécheur, c’est-à-dire, pour ne pas être damné éternellement. Et c’est de cette crainte de perdre son salut éternel qu’il aurait été libéré quand il a été exaucé par le Père.


Calvin doit d’abord prouver que eulabeian, révérence, est employée ici au sens de crainte. Or, ce mot signifie piété et révérence, et même aussi crainte révérencielle. Calvin lui-même (chap 2 de saint Luc) dit de Siméon qu’il était pieux, là où nous lisons, nous, timoré. Et il s’agit du même mot que, aux Hébreux 5, il rendait par crainte : eulabès. Théodore de Bèze, dans ses annotations au même passage, écrit que eulabeia signifie une sorte de crainte, mais qui est jointe avec la révérence plutôt qu’avec un trouble de l’âme; et que c’est ce que les latins appellent la religion. Et s’il en est ainsi, pourquoi, dans Hébreux 5, Calvin et Bèze essaient-ils de donner à ce même mot le sens de crainte de la mort éternelle, associée à un grand trouble de l’âme?


Mais Bèze revient à la charge. Il dit que la préposition apo ne correspond pas à « pour » ou « à cause de », mais à « de » et « par ». Et comme il est absurde de dire que le Christ ait voulu se libérer de sa piété et de sa religion, il estime donc qu’il faut traduire de la crainte de la mort ou de la damnation. Et en expliquant que la préposition apo avec le génitif a le même sens que dia avec l’accusatif, qui, de l’avis de tous, signifie à cause de, il sera plus facile à Bède de montrer que eulabeian est employé ici au sens de crainte de la peine. Car (Matt 13, verset 14, Luc 24, verset 41, et actes 12, verset 14), nous lisons apo xaras, à cause de la joie. Luc (22, verset 45), apo tès lupès, à cause de la tristesse. Maccabée (5, verset 21) apo tès uperèthanias, à cause de l’orgueil. On explique la même chose ailleurs par d’autres mots : dia ton meteôrismon tès xardias, par l’élévation du cœur.


C’’est pourquoi saint Jean Chrysostome, Theophylactus et Oecumenius donnent à ce mot le sens de la vénération qui est due au Christ. Le sens en serait donc : « Il a été exaucé parce qu’il méritait d’être exaucé, puisqu’il était le plus digne d’honneur et de révérence. Ou bien : il a été exaucé à cause de la révérence qu’il montrait envers son Père. » Et certes, les adversaires ne peuvent nier que saint Jean Chrysostome, Thophylactus et oecumenius comprenaient les phrases grecques. Et que dire de ce qu’Érasme lui-même, dans une annotation à ce passage, enseignait qu’il fallait entendre le mot eulabeian au sens de révérence et de piété ? Bien que nous ne sachions pas avec certitude de quelle prière du Christ saint Paul parle en ce passage, il est plus que probable qu’il pense à celle qu’il a répandue dans le jardin des oliviers, tout juste avant sa passion. Il a été exaucé dans ce qu’il demandait absolument, à savoir, que soit faite la volonté de Dieu dans sa mort, ou qu’il soit libéré de la mort par la résurrection.


Le septième argument Calvin le tire de saint Hilaire (livre 2 de la trinité) qui dit : « La croix, la mort, les enfers sont notre vie. » Et au livre 3 : « Le Fils de Dieu est aux enfers. Mais l’homme est référé au ciel ». Et, au livre 4, il dit que, par sa descente aux enfers, le Christ nous a obtenu que la mort soit détruite. » Et, à la fin du livre, il dit : « Détruisant la mort dans les enfers ». Je dis que Calvin fait montre d’une grande impudence en citant saint Hilaire, puisque tous savent qu’il reconnait à peine, dans le Christ, des souffrances corporelles. Et il est certain que des théologiens ont travaillé fort pour montrer que saint Hilaire ne niait pas complètement les souffrances du Christ.


De plus, dans le livre 10 de la trinité, il réfute expressément l’hérésie de Calvin, en enseignant que le Christ n’a pu en aucune façon redouter les souffrances de l’enfer (page 193) : «  Lazare se réjouissait dans le sein d’Abraham, et le Christ aurait craint le chaos de l’enfer ? Ce sont là des choses sottes et ridicules ». Et, à la page 203 : « Peut-on croire qu’il pouvait craindre le chaos infernal, les flammes torturantes, les peines abyssales celui qui a dit au larron : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis.  » Voilà l’enseignement de saint Hilaire. Il ne manque que le nom de Calvin, car, je ne sais pas quelle erreur il réfute. Quand saint Hilaire disait que l’enfer du Christ est notre vie, et que la mort avait été tuée dans l’enfer, il voulait dire que le Christ était descendu dans les enfers pour y arracher les saints.et pour obstruer ce lieu afin que personne n’y descende plus parmi ceux qui croiraient en lui et qui l’aimeraient.




CHAPITRE 9 : On propose une troisième erreur à réfuter au sujet de la descente du Christ dans les enfers.


Vient à la suite une troisième explication, qui est celle de Bucer (chap 27 de saint Matt), et de Théodore de Bèze (chap 2 des actes). Ils enseignent qu’il faut entendre par enfer, « sépulcre ». En conséquence, que le Christ soit descendu dans les enfers ne signifie rien d’autre qu’il a été enseveli. Calvin suit en partie cette explication, et en partie il la rejette. Car, dans le psaume 15 où nous avons, nous : « tu ne laisseras pas mon âme dans l’enfer », il traduit par : « tu ne laisseras pas mon âme dans le sépulcre ». Et, (au livre 2 des institutions, chap 16, verset 9), il dit avec Bucer, que c’est une fable qu’il y ait des lieux souterrains pour les âmes, et que le Christ y soit descendu. Mais, il diffère de lui en ce qu’il ne veut pas que la descente dans les enfers dont parle le symbole soit un sépulcre, mais la descente dans les peines des damnés.


Si quelqu’un demande à Calvin et à Bèze où étaient les âmes des justes avant la mort du Crist, ils répondront qu’elles étaient dans le ciel, même si elles ne voyaient pas encore le Dieu qu’elles ne verront qu’au jour du jugement. C’est ce que dit Calvin dans sa psychopannychia, et Théodore de Bèze (dans son livre contre Brentius sur la majesté du Christ, page 2, là ou il dispute de l’ascension). Pour réfuter cet enseignement, il faudra prouver trois choses. D’abord, que les enfers sont des lieux souterrains distincts des sépulcres. Ensuite, que, avant la mort du Christ, les âmes des morts n’étaient pas dans le ciel, mais dans un enfer souterrain, et que, en conséquence, quand le Christ descendit dans le lieu des âmes, il descendit dans un enfer souterrain. Enfin, que l’âme du Christ est descendue directement dans les enfers, qui sont distincts des sépulcres.




CHAPITRE 10 : Les enfers sont des lieux souterrains distincts des sépulcres


Quant au premier point, par le nom d’enfers qu’emploient les Écritures, en hébreu, en grec ou en latin, on peut apprendre où sont les enfers. Il est certain qu’en latin, le mot enfer est différent du mot sépulcre, et qu’il signifie quelque chose de plus bas et d’en dessous de nous, rien d’autre que le centre de la terre. On entend nécessairement par enfers des lieux profonds souterrains. Mais nos adversaires ne se soucient guère des mots latins, parce que les Écritures n’ont été écrites qu’en grec ou en hébreu.


Le nom grec que nous avons en Matt (11), en Luc (16), dans les actes (2), et partout où, en latin, nous avons enfer, est adès. Théodore de Bèze prétend que ce mot est ordinairement employé au sens de sépulcre, et seulement de temps en temps, chez les poètes, au sens de lieu des damnés. Mais cela est une impudence trop flagrante ! Car, j’omettrai que le mot sépulcre se dit en grec taphos, non adès. De là vient que les latins appellent épitaphes les éloges qu’on a l’habitude d’écrire sur les sépulcres. Et il est certain que ce qui, en Matthieu, (11) est dit de Capharnaüm (« Et toi, Capharnaüm, seras-tu exalté jusqu’au ciel ? C’est jusqu’à l’enfer que tu descendras ») ne peut pas s’entendre au sens de sépulcre. Le mot adès signifie manifestement ici enfer. Car ce serait une antithèse ridicule, puisque le ciel est éloigné d’un grand nombre de stades du lieu où était Capharnaüm, alors que les sépulcres étaient tout proches. Le Seigneur veut dire que cette ville descendra aussi profondément qu’elle semblait être exaltée.


En Luc 16, on nous dit qu’un riche est tourmenté en enfer. C’est encore le mot adès qui est employé. Les seuls qui pourraient donner à ce mot le sens de sépulcre ce sont ceux qui pensent que les âmes sont dans les sépulcres avec les corps. Ajoutons que saint Jean Chrysostome, dans ses homélies sur le pauvre Lazare, entend toujours par le mot enfer la géhenne où était retenu le riche. De plus, Lucien dans son dialogue sur les funérailles) dit que adès est un lieu existant dans les profondeurs de la terre. Platon (dans son livre 2 sur la république), dit en adou dèkèn diôsomen. Ce qui veut dire que c’est dans l’enfer que nous rendons compte de nos actions. Il est certain que ce n’est pas dans les sépulcres que nous rendons compte de nos actions. Enfin, Henri Stéphane (dans sa grande thèse sur la grâce de Bèze) dit qu’on peut donner au mot adès le sens de sépulcre, mais il ne put trouver aucun auteur qui lui ait donné ce sens, alors qu’il en trouva facilement un grand nombre qui lui ont donné le sens d’enfer.


Or le nom hébraïque que nous avons souvent dans l’ancien testament est le suivant (mot hébreu). Bèze soutient que ce mot est souvent employé au sens de sépulcre, mais cela n’est pas vrai, car il signifie abyme, Et le sens ordinaire qu’on lui donne est celui de lieu souterrain des âmes. Ce n’est que rarement, et pour ainsi dire jamais qu’il signifie sépulcre. Je le prouve d’abord par le passage suivant de la Genèse (37) : « Je descendrai en pleurant dans l’enfer vers mon fils. » Le mot hébreu employé ne peut certes pas avoir ici le sens de sépulcre, car il disait qu’il se rendrait vers son fils qu’il croyait mort et dévoré par une bête, et donc, privé de sépulture.


De même, dans les Nombres 16 : « Ils descendirent vivants dans l’enfer, quand la terre s’entrouvrit. C’est du lieu des damnés que saint Épiphane entend ce mot (dans Ancora, dépassé de beaucoup le milieu). Ainsi que saint Jérôme (chap 4 aux Éphésiens), et Bède le vénérable (chap 16 des Nombres). Et, certes, saint Jérôme et Épiphane étaient versés dans l’hébreu. Et c’est le même mot hébreu que nous revoyons encore. De même, au psaume 138 : « Si je monte au ciel, tu es là, et si je descends dans l’enfer, tu es là aussi. » Dans ce texte, sont opposés à la terre où était David, deux lieux très distants l’un de l’autre, le ciel élevé et l’enfer souterrain. Un sépulcre n’est éloigné de la terre que de quelques mètres. On trouve même souvent des sépulcres en marbre sur la terre elle-même. De même. Isaïe dit au roi de Babylone, qui représentait le diable : « Tu disais : je monterai aux cieux etc. Mais, en fait, c’est jusqu’à l’enfer que tu as été rabaissé, dans la profondeur du lac. » Puisque ce passage traite du diable, le mot enfer ne peut pas signifier sépulcre. Il n’est que trop évident que le diable n’est pas dans un sépulcre ! Et même dans le cas du roi de Babylone, le mot enfer ne peut pas signifier sépulcre, parce que l’antithèse serait détruite, et parce que, au même endroit, au dit que le roi sera privé de sépulture.


C’est à cela qu’a abouti le consentement de tous ceux qui ont pu porter un jugement sur cette question. Car les septante ont toujours traduit le mot hébreu enfer par adès (enfer), et jamais par taphos (sépulcre). Saint Jérôme traduit partout enfer, et jamais sépulcre. En chaldéen, le mot hébreu est rendu par géhenne. Rabbi David, (dans le psaume 9), traduit : « Les pécheurs seront réduits à l’enfer » Les Rabbis David et Abenezra traduisent de la même manière le psaume 138 : « Si je descends en enfer, tu es là ». Et le rabbi Lévi (au chapitre 15 des proverbes, et au livre 26 de Job) traduit comme les précédents le mot hébreu enfer par lieu souterrain des âmes. Et que dire du fait que Bèze se soit curieusement réfuté lui-même ? Car, il écrit deux livres qu’on a l’habitude de colliger ensemble. Un contre Sébastien Castalion, au sujet de la traduction de Castalion et de sa traduction à lui. Un autre contre Brentius, au sujet de l’omniprésence de la chair du Christ. Dans ce premier livre, traitant de ce passage d’Actes 2 (« tu ne laisseras pas mon âme dans l’enfer »), il dit que ceux qui ne comprennent pas que enfer signifie sépulcre sont aveuglés par la lumière du jour. Et quand on lui objectait l’évangile du mauvais riche et du pauvre Lazare (Luc 16), il maintenait que, même là, le mot enfer signifiait sépulcre. Et il explique que c’est de façon figurative, que le mauvais riche est dit avoir été dans les tourments. Comme si le Christ nous présentait le sépulcre du riche au milieu de flammes, dans lequel un homme vivant, au lieu d’un cadavre, aurait été placé, bien que, dans la réalité, il n’y eut, dans ce sépulcre, qu’on corps inanimé. Et donner au mot hébreu enfer un autre sens que sépulcre, c’est selon lui, imaginer des divinités infernales, un Pluton et un Érèbe, comme dans les fables des poètes grecs.


Mais dans le livre contre Brentius, il joue tout un autre personnage, et il dit qu’ils s’aveuglent en plein jour ceux qui dans le récit du mauvais riche et du pauvre Lazare ne voient pas un vrai lieu d’enfer ou les méchants sont tourmentés. Et il prend la défense de Bullingerum qui, en s’appuyant sur Nombre 16, avait prouvé que les enfers sont de vrais lieux souterrains, puisque c’était ce que signifie le mot hébreux. Il cite également le psaume 138 (« si je descends dans l’enfer, tu es là ») pour prouver la même chose contre Brentius. Et le mot hébreu est encore celui qui signifie enfer. Enfin, il ne se bat pas là avec moins d’acharnement en faveur de vrais enfers corporels, locaux et souterrains, qu’il n’en a mis ailleurs pour détruire les vrais enfers locaux, ou pour les convertir en sépulcres, afin de s’opposer à nous.


Je prouve, en second lieu, qu’il y a, en plus des sépulcres, des enfers du nom d’abyme. Car, en Luc (8), les démons suppliaient le Seigneur de ne pas les envoyer dans l’abyme, un lieu donc situé sous la terre. Il est évident que le mot ne peut pas signifier ici sépulcre, car qui penserait à donner des sépultures aux démons ? Enfin, il est certain que l’abyme n’est pas quelque chose de spirituel, diffusé un peu partout, comme le veut Brentius, car alors, les démons n’auraient pas demandé de ne pas être envoyés dans l’abyme. Que reste-t-il d’autre sinon que l’abyme soit un lieu souterrain d’une immense profondeur ?


Troisièmement, je le prouve par l’Apocalypse 5 où on nous dit qu’on n’a trouvé personne capable d’ouvrir le livre : « ni dans le ciel, ni sur la terre, ni en dessous de la terre ». Et, plus bas : toutes les créatures louèrent Dieu, celles qui sont dans le ciel, sur la terre, et sous terre. Et Philipp 2 : « Pour qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre, et dans les enfers. Dans tous ces passages, le mot grec employé ne signifie que souterrain. Il est évident que ce ne sont pas les cadavres des sépulcres qui ne pouvaient pas ouvrir le livre scellé, ni non plus ceux qui louent Dieu, ou fléchissent le genou devant lui, Ce sont des esprits qu’on dit souterrains, du fait qu’ils habitent dans des lieux souterrains.


En quatrième lieu, je le prouve par les Pères. Saint Irénée (livre 5, vers la fin) dit que le Christ est descendu dans les parties inférieures de la terre, là où étaient les âmes. Tertullien (dans son apologie, chapitre 45) appelle enfer d’un feu ardent le trésor souterrain. Saint Cyrille (dans son livre de la foi droite à Théodose), appelle l’enfer où étaient les âmes une caverne souterraine. Arnobe (livre 2 contre les Gentils) : « Vous osez rire de nous quand nous parlons de géhennes et de feux inextinguibles ». Et plus loin, il dit au sujet de Platon : « Il n’a pas sans raison soupçonné que les âmes demeuraient dans des fleuves de flammes, sous terre, dans l’abyme. » Saint Ambroise (dans le chapitre 4 aux Éphésiens) dit que le Christ « est allé prêcher aux morts dans l’enfer, après avoir descendu au centre de la terre ». Saint Grégoire de Nysse enseigne la même chose dans son premier sermon sur la résurrection. Saint Jérôme (au chapitre 14 d’Isaïe) : « Nous disons que l’enfer est sous terre ». Saint Augustin (dans le livre 2 de ses rétractations, chap 24) enseigne ce qui suit : « Au sujet de l’enfer, il me semble devoir toujours plus enseigner qu’il se trouve sous terre, que de devoir trouver une raison pour laquelle on croit qu’il est sous terre, ou pour trouver des raisons contraires. » Saint Grégoire (dans le livre 4 de ses dialogues, chap 42), Bède le Vénérable, (livre 3 sur Job, chap 7, Primasius ( chapt 7 de l’apocalypse), et saint Jean Damascène (livre 3, chapitre ultime) enseignent tous que l’enfer est sous terre.




CHAPITRE ONZE : Les âmes des justes n’ont pas été dans le ciel avant l’ascension du Christ.


Au sujet du second point, à savoir que les âmes des justes n’étaient pas dans le ciel avant l’ascension du Christ, on le prouve en constatant que le contraire n’a jamais été enseigné dans l’Église. Ce qui devrait suffire amplement pour réfuter les réfractaires. De plus, dans la Genèse 37, nous entendons Jacob dire : « Je descendrai vers mon fils dans l’enfer ». Jacob était un juste, Joseph l’était aussi. Et pourtant, l’Écriture nous fait comprendre qu’aucun des deux n’était monté au ciel, mais qu’ils sont l’un et l’autre descendus dans l’enfer. De même, dans saint Luc (16), le mauvais riche qui était dans l’enfer, vit de loin l’âme de Lazare dans le sein d’Abraham, et s’entendit dire qu’il y avait entre eux un grand fossé, d’où l’on peut comprendre qu’entre le lieu des damnés et le sein d’Abraham, il n’y aucune muraille impénétrable; que les deux étaient dans le même abyme, mais très éloignés l’un de l’autre. De même, dans le livre des Rois, (chapitre 28), l’âme de Samuel sembla monter de la terre quand elle apparut.


Et même s’il ne manque pas de gens qui nient que ce fût vraiment l’âme de Samuel, l’opinion contraire est, toutefois, plus commune, plus probable et plus sûre. Car c’est ce qu’enseignent Josèphe (livre 6 des antiquités, chap 15), saint Justin (dans son dialogue avec Triphon), saint Basile (épitre 80 à Eustache), saint Ambroise (saint Luc, chapitre 1), saint Jérôme (Isaïe, 7), saint Augustin (du soin à donner aux morts, chap 15). Et les auteurs plus récents Liranus, Abulensis, Dionysius Cartusianus, et Cajetan. Et on le comprend assez clairement à la lecture du texte lui-même de la divine Écriture : « Quand la femme vit Samuel ». De même : « Samuel dit à Saül ». De même : « Saül a donc compris que c’était Samuel. » L’écriture n’aurait certainement pas dit « il comprit », mais « il pensa, il s’imagina », si ça n’avait pas été vrai. De plus, (Eccles chap 460, on loue Samuel pour avoir prophétisé après sa mort, et avoir annoncé au roi des évènements futurs. Or, quelle louange pourrait recevoir Samuel si c’était un démon qui avait prédit ces choses en apparaissant sous la forme de Samuel ? Et il semble incroyable qu’un tel prophète ait été soumis aux incantations d’une sorcière. Ce qui est vrai, ce que l’apparition de Samuel a prévenu les incantations et leur effet. C’est ce qu’on peut déduire du trouble de la sorcière quand elle vit Samuel apparaître avant qu’elle ne l’évoque.


De plus, on déduit la même chose de Pierre 1,3 : « Il vint, en esprit, prêcher à ceux qui étaient en prison, ceux qui furent incrédules, autrefois, quand ils attendaient la patience de Dieu aux jours de Noé, au moment où il fabriquait l’arche. » Il dit là que les âmes étaient en prison. Elles n’étaient donc pas encore dans le ciel, car il serait par trop ridicule d’appeler le ciel prison puisqu’il est le siège de Dieu. Il importe peu qu’il s’agisse ici des esprits des impies, car Calvin admet qu’il s’agit aussi des esprits des justes. Mais nous traiterons de cela plus loin.


De même, Zacharie 9 : « Toi aussi, dans le sang de ton testament, tu as fait sortir les vaincus du lac où il n’y a point d’eau. » Ce passage, saint Jérôme et Rupert l’entendent tous deux de la descente du Christ dans les enfers. Il nous convainc aisément que les âmes des saints n’étaient pas dans le ciel avant le Christ, comme le veulent Calvin et Bèze. On ne peut, en aucune façon, entendre le mot lac au sens de ciel; et il est certain que le Seigneur n’amène pas ses saints hors du ciel, et que dans le ciel il n’y a pas de vaincus.


L’explication que Calvin donne de ce passage n’a aucune probabilité. Il enseigne (institut livre 2, chap 16, verset 9), que ce que Zacharie appelle un lac sans eau est la profondeur de la captivité babylonienne, de laquelle les Juifs ont été libérés. Car, dans les versets précédents, on nous donne une prophétie du Christ : « Exulte, fille de Sion, voici ton roi qui vient à toi etc. », que les évangélistes ont appliquée à l’entrée du Christ à Jérusalem (saint Matt, chap 21, et sainat Jean, chap 12), C’est tout de suite après que vient l’apostrophe au Christ lui-même : « Et toi, dans le sang de ton testament, etc » Quel lien auraient ces deux phrases-là si c’est de la captivité de Babylone qu’il s’agissait ? Et de plus, dans le sang de quel testament ont été libérés de Babylone les Juifs de l’ancien testament ?


Enfin, les Pères d’un commun accord, enseignent cela. Saint Irénée (livre 5, vers la fin), Tertullien (livre 4 contre Marcion), Origène (Rom chap 5), saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 4), saint Cyrille d’Alexandrie (dans le livre de la foi droite à la reine), saint Hilaire de Poitiers (livre 10 de la trinité), saint Basile (psaume 48), saint Athanase (dans l’épitre à Épictète), Épiphane (hérésie 46), saint Ambroise (livre 3 de la foi, chapitre 3), saint Jérôme (Zacharie, chap 9, et Eccel 3), Primasius (chap 5 de l’apocalypse), saint Grégoire (livre 13 de la morale, chap 21), le concile de Tolède 4, chap 1), enfin saint Augustin. Même si dans l’épitre 99, il semble hésiter à savoir si le sein d’Abraham était l’enfer, où s’il se trouvait ailleurs, dans le livre 20 de la cité de Dieu, chapitre 15, il affirme que les âmes des anciens pères étaient dans l’enfer, comme tous les pères de l’Église l’ont enseigné, dont nous rapportons les paroles dans ce paragraphe.


CHAPITRE 12 :Que le Christ soit vraiment descendu dans les enfers, on le prouve par l’Écriture.


La première citation qui ne convainc pas vraiment, mais qui peut probablement persuader, on la trouve dans ces paroles du psaume 107 : « Il défonça les portes d’airain, et détruisit les serrures de fer ». Ce passage, l’entendent au sens de la descente aux enfers saint Hilaire (psaume 138), saint Ambroise (livre sur le mystère de Pâque) et d’autres, mais au sens mystique. Car le sens littéral est certainement celui de la libération de l’Égypte. Une seconde citation provient de Eccl 21, où il est question de la sagesse de Dieu : « Je pénétrerai toutes les parties inférieures de la terre, et j’illuminerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur ». Ce passage ne convainc pas les hérétiques, d’abord, parce qu’ils ne reçoivent pas ce livre, ensuite parce que ces paroles manquent dans le texte grec, et parce qu’il fait autorité auprès des catholiques.


La troisième citation est tirée Matt 12 : « Comme Jonas a été dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, c’est ainsi que sera le Fils de l’homme dans le cœur de la terre ». Calvin (dans sa phsychopannychia), veut voir dans le ventre de la baleine une figure de la mort, qui a retenu le Christ pendant trois jours. Mais le Christ dit, lui, que le ventre de la baleine est semblable au cœur de la terre. Le cœur de la terre n’est pas la mort, mais un certain lieu sous terre.


D’autres disent que c’est un sépulcre qu’on appelle centre de la terre. C’est une explication qui répugne, car le cœur est dans le lieu le plus profond de l’animal, tandis que le sépulcre est tout près de la surface de la terre. D’autant plus que le sépulcre du Christ a été placé dessus la terre, non en dessous, puisqu’il était creusé dans un monument en pierre au-dessus du sol. De même, comme c’est vivant que Jonas a été dans le ventre de la baleine, c’est quelque chose de vivant qui a du être dans le cœur de la terre. Et puisque dans les sépulcres il n’y a que des corps morts, le cœur de la terre n’est donc pas un sépulcre, mais un enfer placé plus profondément qu’un sépulcre, l’âme du Christ étant demeurée vivante pendant ces trois jours. De plus, saint Jérôme (dans le chapitre 2 de Jonas), enseigne : « Comme le cœur d’un animal est au centre, de la même façon l’enfer est placé au milieu de la terre ». Donnent la même explication saint Irénée (livre 5, vers la fin), Tertullien (livre sur l’âme, chapitre 31), saint Grégoire de Nysse (oraison 1 sur la résurrection), saint Ambroise (chap 4, aux Éphésiens).


La quatrième citation vient de Actes 2 : « Ne laisse pas mon âme dans l’enfer, » Bèze traduit : « Ne laisse pas mon cadavre dans le sépulcre ». Et en défense de cette traduction contre Sébastien Castalion, il écrit  : « Personne ne peut douter qu’ici il s’agisse de corps et de sépulcre, à moins de vouloir s’aveugler en plein jour ». Et en avant, expliquant pourquoi il avait changé l’âme en corps et l’enfer en sépulcre, il dit : « Je ne l’ai pas fait avec témérité, puisque ce passage est détourné de son sens par les papistes dans les commentaires qu’ils font de l’Écriture, et que les anciens pères ont imaginé, à partir de là, une descente de l’âme du Christ dans les enfers ». Semble plaire à Bèze le décret des rabbins (qui est rapporté par le rabbin Salomon chap 21, livre 2, des rois) : « il est bon de changer quelque chose de la loi, pour que Dieu soit sanctifié publiquement ». Mais nous, nous avons pour nous la propriété des termes. Car le mot psukè que nous trouvons dans actes 2, n’a jamais signifié autre chose qu’âme, et le mot adès, enfer. Nous n’avons pas de preuves à donner. Qu’on consulte les dictionnaires.


Bèze répondra que même si le mot psukè signifie âme, il peut être employé au sens de corps de trois façons. D’abord, parce que l’âme est synonyme de vie, la vie, à cause du corps, semble enfermée dans le sépulcre autant que le corps. Ensuite, parce par âme on peut comprendre le tout, et que c’est une même de chose de dire tu ne laisseras pas mon âme, et tu ne me laisseras pas. Parce que, en grec et en hébreu, le mot âme a le même sens. Or on voit dans l’Écriture (Levit 21, versets 1 et 11), le mot âme hébreu employé au sens de cadavre. On y lit, en effet : il ne sera pas contaminé sur une âme. Cette loi interdit de toucher des cadavres, et appelle âmes ces cadavres.

Mais ces arguties ne valent rien. Car même s’il était parfois possible de donner au mot âme le sens de corps, on n’aurait pas pour autant prouvé que c’est ainsi qu’on doit l’entendre dans le passage en question. De plus, on fait ici la distinction entre l’âme et la chair, car, on dit, un peu après, que son âme ne sera pas laissée dans l’enfer, et que sa chair ne verra pas la corruption. Le texte grec est tout à fait semblable. L’âme ne peut donc pas, dans cet extrait, être prise au sens de corps. De plus, comme je l’ai expliqué plus haut, le mot adès signifie toujours l’enfer, et jamais un sépulcre. Or, le corps du Christ ne fut pas dans l’enfer, donc c’est son âme qui y a été. De plus, c’est d’âme et d’enfer que parlent saint Ambroise (sermon 64, sur les martyrs), saint Jérôme (psaume 15), saint Augustin (épitre 99 à Évode), et Bède le vénérable (actes chap 2), etc.


Je réponds à la première raison de Bèze que, bien qu’on puisse donner au mot âme le sens de vie, parce qu’elle donne la vie au corps, elle n’est jamais employée au sens de cadavre, puisque, dans le cadavre, il y a une privation de vie. On ne peut pas non plus dire que la vie est dans le sépulcre, car le corps est là sans vie, et les contraires ne doivent pas être placés ensemble.


Je dis à la deuxième raison que je n’admets pas ce genre de sophismes : la partie est prise pour le tout, et le tout pour la partie. Donc, la partie est prise pour la partie, Car les mots son employés comme il plait à chacun, et dépendent de l’usage qu’on en fait. L’usage admet la synecdoque qui nous fait prendre la partie pour le tout et le tout pour la partie, mais non la partie pour la partie. Car, qui supporterait qu’on dise que l’homme voie par les pieds, parce qu’on peut prendre le pied pour l’homme et l’homme pour l’œil ?


À la troisième je dis qu’il y a une grande différence entre le mot âme hébreu et le mot âme grec. Car, le mot hébreu est un mot très général, qui signifie, sans aucune trope, autant une âme qu’un animal, et même le corps, comme on le constate dans plusieurs textes de l’Écriture. Voilà pourquoi on ajoute presque toujours au substantif l’adjectif nephes (vivant), qui est propre à tout le composé. Genèse 1 : « Les eaux produisent le reptile d’une âme vivante, » Au même endroit : « La terre produit une âme vivante ». Chapt 2 : « il a été fait âme vivante ». Dans ces passages, on ajouterait pour rien l’adjectif vivant si le mot hébreu, que l’interprète traduit par âme, ne signifiait pas indifféremment du vivant et du non vivant. C’est pourquoi (dans Nombres 23), Balaam dit : « Que mon âme meure de la mort des justes ! » Et (aux Nombres 31) on dit que toutes les âmes de sexe féminin, au nombre de 33 milles, ont été la proie de Madian.


De plus, l’âme humaine ne peut pas mourir, et elle n’a pas de sexe. Mais, dans ces passages, l’âme ne signifie pas une autre partie de l’homme, mais l’homme tout entier, ou, certainement, le corps lui-même. De même dans Genèse (37) : « Vous ne tuerez pas son âme ». Ici le mot hébreu âme ne signifie pas l’âme proprement dite,


24 juillet 2017, 21h19 fin
 
 



Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, juillet 2017.