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Saint Robert Bellarmin

Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.   télécharger

Livre 2 : Distinction personnelle entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit

CHAPITRE 1 : La distinction des personnes dans la même essence

CHAPITRE 2 : Les noms que nous employons pour expliquer ce mystère

CHAPITRE 3 : L’essence (ousia) et le consubstantiel (omousios)

CHAPITRE 4 : Hypostase et substance

CHAPITRE 5 : Les autres mots

CHAPITRE 6 : On montre la distinction des personnes

CHAPITRE 7 Réfutation du premier argument contre la distinction des personnes dans la même essence.

CHAPITRE 8 : Réfutation du 2e argument

CHAPITRE   9 : Réfutation du 3e argument

CHAPITRE 10 : Réfutation du 4e argument

CHAPITRE 11 : Réfutation du 5e argument

CHAPITRE 12 : Réfutation du 6e argument

CHAPITRE 13 : Réfutation du 7e argument

CHAPITRE 14 : Réfutation du 8e argument

CHAPITRE 15 : Réfutation du 9e argument

CHAPITRE 16 : Réfutation du 10e argument

CHAPITRE 17 : Réfutation du 11e argument

CHAPITRE 18: Réfutation du 12e argument

CHAPITRE 19 : Le Fils de Dieu est-il un auto-Dieu ?

CHAPITRE 20 : La procession du Saint-Esprit

CHAPITRE 21 : L’origine de cette hérésie

CHAPITRE 22 : On montre par l’Écriture que l’Esprit-Saint procède du Fils.

CHAPITRE 23 : On le prouve aussi par les témoignages des conciles

Chapitre 24 : On le prouve à partir des pères latins

CHAPITRE 25 : On prouve la même chose avec les pères grecs

CHAPITRE 26 : On le confirme par la raison

CHAPITRE 27 : Réfutation des objections des Grecs

29 juin 2017 à 19:38 début

CHAPITRE 28 : On démontre qu’on a eu raison d’ajouter « et du Fils »

CHAPITRE 29 : On répond aux objections des Grecs

CHAPITRE 30 : On conclut la dispute par un témoignage divin.

29 juin 2017 à 19:38 fin
 
 
Tome 1 : Les règles de la foi : trois controverses générales : 
1ere Controverse :  la parole de Dieu, écrite ou conservée par la tradition (4 livres)
2eme Controverse : le Christ, Tête de l’Église (5 livres)
Livre 1 : Divinité du Christ. (20 chap., p.11 pdf latin)

Livre 2 : Distinction personnelle entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit .(30 chap., p.57 pdf latin)

Livre 3 : Nature humaine et Incarnation du Christ (20 chap., p.92 pdf latin)

Livre 4 : L’âme du Christ et sa descente aux enfers. (16 chap., p.124 pdf latin)

Livre 5 : Médiation et Mérite du Christ. (10 chap., p.145 pdf latin)

3eme Controverse : le souverain pontife, pouvoir spirituel et temporel (5 livres)



[12 juin 2017, 19h51 début] livre 2, chap. 1 – 18

Livre 2 : Distinction personnelle entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit

CHAPITRE 1 : La distinction des personnes dans la même essence

Jusqu’à présent, nous avons montré que le vrai Dieu est non seulement le Père, mais le Fils et le Saint-Esprit. Il nous faut maintenant démontrer que ces trois, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, sont trois suppôts, et non trois noms, ou des êtres de raison. Il faut traiter ce sujet à cause des adversaires, les nouveaux ariens et les nouveaux samosatiens.



Car, si Valentin Gentilis et ses adeptes admettent avec Arius que le Père, le Fils et le Saint Esprit sont trois réalités distinctes, ils ne reconnaissent pourtant pas en Dieu une distinction intrinsèque, qui fait en sorte que la même essence soit dans les trois. Et, en conséquence, ils ne veulent pas dire que le Père est la première personne. Ils disent plutôt que la première personne est une personne sophistique, et ce qui est encore plus horrible, diabolique, comme nous le révèle le livre d’histoire de Benoit Aretus, qui relate le supplice de Valentin Gentilis. Et pour la même raison, ils se moquent des noms essence, personne, relation, propriété etc.



Les transylvaniens, eux, reconnaissent que le Père est distinct du Christ, mais c’est en faisant du Christ un pur homme. Avant l’incarnation, toutefois, ils ne reconnaissent en Dieu aucune distinction, comme ils l’enseignent (livre 2, chapitre 4) en disant que le Verbe et l’Esprit Saint dont parlent les Écritures de l’ancien testament, sont des puissances ou des vertus du Père, qui ne sont pas distinctes de sa personne par la relation ou la propriété. Eux aussi, le seul honneur qu’ils donnent à ces noms, ce sont des risées et des moqueries.



Quant à nous, nous disserterons d’abord de ces noms, et nous montrerons qu’ils ont été tirés de l’Écriture et des pères les plus anciens. Nous prouverons ensuite que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont vraiment trois réalités distinctes, tout en n’étant qu’un seul Dieu, comme nous l’avons montré au livre précédent. Enfin, nous réfuterons quelques objections faites à ce mystère ineffable d’un Dieu unique dans trois personnes réellement distinctes. En quatrième lieu, nous discuterons en particulier de la distinction qui existe entre le Père et le Fils, à cause de ceux qui disent que le Fils est un Dieu autonome. Cinquièmement, de la distinction qu’il y a entre le Fils et le Saint-Esprit, ou ce qui est la même chose, que le Saint-Esprit procède du Fils.



CHAPITRE 2 : Les noms que nous employons pour expliquer ce mystère

Voici quels sont ces noms : essence, consubstantiel, hypostase, substance,

personne, propriété, relation, notion, la circumincession, la trinité. Sur ces mots nous aurons deux choses à dire. Nous rapporterons ce que leur reprochent les transylvaniens (livre 2, chap 9), ensuite nous les expliquerons en ordre, un par un. Voici d’abord ce qu’ils disent : ces mots, tout profanes qu’ils soient, nous les retiendrons pour cinq raisons. D’abord parce qu’ils son utiles pour combattre les hérétiques; ensuite parce que les pères les ont utilisés. Autre raison : non pour dire quelque chose, mais pour ne pas nous taire, Autre raison : parce qu’ils sont utiles pour expliquer les mystères de l’Écriture. Autre raison : même si on ne les trouve pas dans l’Écriture, on les trouve en germe et dans des mots similaires. Enfin, ces raisons qu’ils s’étaient présentées à eux-mêmes, ils les réfutent.



À la première raison, ils répondent qu’on ne peut pas faire un mal pour qu’il en résulte un bien. Et qu’ensuite, les hérétiques que n’ont pas convaincus les Écritures le seront encore moins par ces mots non scripturaires. Mais ils n’exposent pas correctement la position des catholiques, car nous ne disons pas que c’est par ces mots que sont combattus les hérétiques, mais que c’est par eux qu’ils sont condamnés et exclus de l’Église. Car les nouvelles hérésies nous forcent à trouver de nouveaux mots, pour établir une claire distinction entre la foi et les hérésies, et pour que les catholiques sachent ce qu’ils doivent croire. Voir saint Augustin (traité 97 sur saint Jean) où il montre qu’il faut fuir les nouveautés profanes des mots, mais non les nouveaux mots eux-mêmes, qui ont été sélectionnés pour lutter contre de nouvelles hérésies.

À la deuxième raison, ils répondent qu’il faudra donc accepter toutes les erreurs des pères. Mais nous nions cette conclusion, car les pères n’errent jamais tous ensemble, même s’il arrive parfois à l’un d’entre eux d’errer. Nous suivons les pères, nous, quand ils enseignent quelque chose tous ensemble, non quand ils soutiennent des idées particulières qui sont contredites par les autres. Exemple, Nous ne suivons pas saint Cyprien quand il enseigne qu’un baptême donné par un hérétique est invalide, car nous savons très bien que les autres docteurs n’étaient pas d’accord avec saint Cyprien sur ce sujet. Et pourtant nous suivons saint Cyprien quand il enseigne que le Christ est le vrai Dieu, car les Pères enseignent tous cela à l’unanimité.



À la troisième raison, ils répondent qu’il est ridicule de parler pour ne rien dire. Mais ils n’ont pas compris le véritable sens des paroles de saint Augustin (livre 4 de la trinité, chapitre 9) quand il a écrit : « on dit trois personnes en Dieu, non pour dire quelque chose, mais pour ne pas se taire ». Ce que saint Augustin voulait dire, c’est qu’il n’existe aucun mot capable d’expliquer suffisamment ce que sont ces trois. On emploie quand même le mot personnes, non pour exprimer parfaitement ce qu’elles sont en elles-mêmes et ce qu’elles valent, mais pour que nous ne soyons pas condamnés au silence quand on nous demande : qu’est-ce que c’est que ces trois ?



À la quatrième raison, ils répondent que ces noms sont exotiques et fort obscurs, et qu’ils ne servent donc à rien pour l’explication de ce mystère. Mais que cela soit faux nous le démontrerons quand nous parlerons de chacun d’entre eux. On ne peut certainement pas appeler exotiques des noms que l’Église catholique a utilisés pendant tant de siècles. À la cinquième raison, ils répondent en niant que soient présents dans l’Écriture des synonymes de ces mots, ou des expressions équivalentes.



CHAPITRE 3 : L’essence (ousia) et le consubstantiel (omousios)



Le premier mot « essence », ousia en grec, est un mot que nous trouvons dans l’Écriture en Luc 15. C’est là que le cadet demande à son père une part de la « substance » (ousias en grec). Le mot ousias, dans ce texte, signifiait les richesses paternelles. Quelles sont les richesses de Dieu si ce n’est sa propre divinité, laquelle est le bien suprême et infini ? Mais parce que dans ce passage, ce n’est pas la nature de Dieu qu’on appelle « ousia », Épiphane a eu raison de dire (hérésie 73) : « Nous n’avons le mot essence au sens propre, ni dans l’ancien testament, ni dans le nouveau, mais nous trouvons partout ce qu’il signifie ». Oui, si ce mot ne se trouve pas dans l’Écriture, nous avons des synonymes. Car, dans Romains 1, on dit de Dieu : « Éternelle est sa puissance et sa divinité ». En grec : thèiôtès (divinité). Mais qu’est-ce que thèiôtès si ce n’est ousia tou theou (essence de Dieu) ? De même Phip 2 : on trouve « participants à la nature divine », en grec : theias phuséôs (nature divine). Or, l’essence et la nature sont une seule et même chose.



De plus, nous avons le nom lui-même de l’essence (ousias) dans sa racine. Car l’essence vient de « esse » (être), et est la forme abstraite du mot qui, au concret, se dit être. Or, le mot « étant » (ens) et le mot être (esse) sont dits de Dieu dans l’Écriture. Exode 3 : « Je suis celui qui suis », « Celui qui est m’a envoyé à vous ». En grec o ön. Si, dans les Écritures, Dieu est appelé l’être, pourquoi ne pourrait-on pas appeler essence sa nature ? A ce raisonnement, les transylvaniens donnent une réponse risible. Ils disent qu’on peut appeler Dieu « être », mais non « essence », car si on appelait un homme humanité, on ne ferait qu’en rire. Mais ne se rendent-ils pas compte que Dieu est tout à fait simple, et que, pour cette raison, on peut lui appliquer autant les mots concrets que les abstraits ! Car, dans l’Écriture, Dieu est appelé indifféremment vrai et vérité, sage et sagesse, juste et justice. Qu’est-ce qui nous empêche donc de dire, de la même façon, être et essence ? Mais nous ne prétendons pas que l’on puisse donner à Dieu le nom d’essence tout court, mais seulement le nom d’essence qui s’applique à la nature divine, Ce véritable sens n’est pas étranger à l’Écriture, et n’a pas à être répudié comme absurde. C’est de ce mot que vient : omousios, c’est-à-dire de la même essence, mot que détestent grandement les ariens anciens et nouveaux, et parce qu’il n’est pas dans l’Écriture, et parce qu’il leur semblait nouveau. Et pourtant, quand cela faisait leur affaire, ils employaient des mots tout aussi nouveaux, et qu’on ne trouve dans aucune Écriture, comme eterousios (d’une autre essence), et omoiousios, c’est-à-dire d’une nature semblable (mais non égale).



C’est de deux façons que les pères ont réfuté la première calomnie. Ils démontrèrent d’abord que ce mot ne doit pas être rejeté sous prétexte qu’il n’existe pas dans l’Écriture, puisque son sens s’y trouve. Le Seigneur dit en Jean 10 : « Moi et le Père nous sommes une seule chose. » (un seul être). C’est ce qu’a répondu saint Augustin (dans son traité 97 sur Jean, et dans sa dispute avec Pascentius). Et d’abord, saint Ambroise (livre 3 de la foi chapitre 7), prouve que ce nom n’est pas étranger à l’Écriture, parce qu’elle se sert d’expressions semblables. Car le Seigneur a dit dans Luc 6 : ton arton èmôn epiousion. Et Moïse, Deutéronome (6, 14 et 26) appelle les fils d’Israël : laon periousion. Ces mots sont tout à fait semblables : omoiousios, epiousios, et tepiousios, comme en latin super substantiel et consubstantiel. Saint Cyrille (dans le livre 1 de la trinité) prouve que homousion n’est pas étranger à l’Écriture, puisqu’il est tiré de ousia, et que ousia est tiré de ontos. Et il donne pour preuve le passage de l’Exode 3 : « Je suis o ôn. »



Les pères ont réfuté une autre calomnie sur la nouveauté de ce nom, car ils purent démontrer qu’il n’a pas été inventé au concile de Nicée, comme les ariens le leur reprochaient, mais qu’il était autrefois en usage. Car Denys l’alexandrin dans son apologie à Denys le romain (comme le rapporte saint Athanase dans sa lettre sur Denys), reconnait avoir employé ce mot qui, bien que non présent dans les Écritures, est conforme à ce qui en est dit du Père et du Fils. Et ce même Athanase, dans son livre sur le décret du concile de Nicée, proteste que les Ariens se plaignent sans raison d’un mot employé autant par Denys l’alexandrin que par Denys le romain. Et de nouveau, dans son livre sur le synode d’Arménie et de Séleucie, il dit qu’on n’a inventé aucun nouveau mot, mais qu’on s’est servi de mots employés par les pères. Théodoret également (dans le livre 1 de son histoire chap 12 13), prouve que ce vocable n’est pas nouveau, en apportant le témoignage d’Eusèbe de Césarée qui, quoique arien de cœur, reconnaissait que des pères anciens et illustres avaient utilisé ce mot.



Saint Ambroise (livre 3 de la foi, chap 7), raconte que les Pères du concile de Nicée ont emprunté ce mot à l’hérétique arien Eusèbe de Nicomédie, qui avait écrit dans une lettre : « Si nous disons que le Verbe est le vrai Fils de Dieu et incréé, nous commencerons à confesser qu’il est consubstantiel (homousion) au Père. » Saint Ambroise poursuit : « Quand cette lettre fut lue au concile de Nicée, les pères ont mis dans le symbole de la foi ce mot qui semblait si redoutable aux adversaires ». Voyez donc avec quelle impudence les ariens se plaignent d’un mot qu’ils avaient eux-mêmes usurpé. Ce qui nous permet aussi de réfuter le mensonge des transylvaniens qui enseignent (dans le livre 1, chap 3) que le concile de Nicée a introduit un second Dieu, coessentiel au Père, un Dieu donc, récent, et inconnu des pères.



Il y a deux remarques à faire au sujet de ce nom. La première remarque. Ce mot ne déplut pas seulement aux ariens, mais même à certains catholiques qui se souvenaient que les pères du concile d’Antioche avaient, en combattant Paul de Samosate, nié que le Fils était homousion (consubstantiel). Mais cela s’était passé avant l’hérésie arienne. Saint Athanase leur opposa l’autorité du pape saint Denys et de Denys l’Alexandrie, qui étaient plus anciens que le concile d’Antioche, et qui avaient employé le mot homousion. Il finit par gagner à sa cause les opposants en expliquant que les pères du concile d’Antioche avaient nier que Fils était homousion au sens que lui donnait Paul de samosate, et non en condamnant le nom en lui-même.. Car Paul de samosate entendait corporellement ce mot, comme s’il signifiait que le Fils est consubstantiel au Père comme un homme est consubstantiel à un homme : deux substances donc dans une seule espèce. Saint Hilaire de Poitiers en parle lui aussi dans son livre sur les synodes : « Paul de Samosate a mal confessé le homousion, mais les ariens ont-ils mieux fait en le niant ? Ce que quatre-vingt évêques avaient autrefois rejeté, trois cent dix-huit l’ont reçu récemment. Ce que ces quatre-vingt ont réprouvé contre un hérétique, les huit cent n’ont-ils pas pu l’approuver contre un hérétique ? Si en approuvant et en réprouvant, les deux ont défini la même chose, pourquoi vouloir renverser ce qui a été bien statué ? »



La deuxième remarque. Ce mot a été inventé sous l’inspiration divine, puisqu’il détruit à la fois deux hérésies contraires, celle d’Arius et celle de Sabellius. Car, comme l’enseignent saint Athanase (dans le livre du synode d’Arménie et de Séleucie) et saint Basile (dans une épitre à des servantes de Dieu), on n’emploie pas le mot homousios pour toutes les choses qui, de quelque façon que ce soit, ont une seule substance, mais seulement pour les choses dont l’une est de l’autre, et de laquelle elle reçoit la même substance. Sabellius croyait que le Père et le Fils avaient une seule et même essence, mais il niait que l’un vienne de l’autre. Les Ariens, eux, admettaient que le Fils vient du Père, mais ils niaient qu’il reçoive la même substance. Voilà pourquoi saint Athanase (dans son livre sur le décret du concile de Nicée) disait que les ariens toléraient tous les mots à l’exception de celui-là, car tous les autres mots ils pouvaient leur donner un sens qui leur était favorable. Voilà pourquoi le concile de Nicée, dans son symbole, après avoir dit que le Fils est Dieu de Dieu, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non fait, et né de la substance du Père, se crut obligé d’avertir que l’astuce des ariens était capable de détourner tous ces mots de leur vrai sens, et que c’est pour cette raison qu’il fallait ajouter : homousion patri (consubstantiel au Père). Épiphane dans l’ancorato, précise qu’autre est sunousion et autre homousion. Le premier mot peut être accepté par Sabellius, le second, non. Car synousion signifie une unité sans distinction, et homousion une unité avec des distinctions, et la procession de l’un venant de l’autre. De plus, saint Ambroise (dans le livre 3 de la foi, chapitre 7) : « C’est avec raison, dit-il, que nous disons que le Fils est homousion (consubstantiel) au Père, parce que, avec ce mot, nous indiquons et la distinction des personnes et l’unité dans la nature ».



On peut illustrer la chose avec les ante prédicats d’Aristote, où il appelle synonymes ce que nous nommons univoques, et émônuma ce que nous appelons équivoques. Comme un nom univoque est entièrement un et par le mot et par la signification, de la même façon synousion signifie quelque chose qui est un sans distinction, et, comme l’équivoque, un selon le mot, mais multiple par la signification. Ainsi, l’homousion est un dans l’essence, mais multiple dans les personnes.





CHAPITRE 4 : Hypostase et substance



L’hypostase signifie la substance première que tout le monde appelle suppôt, et dans une nature intelligente, une personne. Elle se distingue de l’essence en ceci que l’essence est une forme totale existant dans un autre, et la substance un tout qui n’existe pas dans un autre, mais en lui-même et par lui-même. Il s’ensuit de ces définitions que l’hypostase n’ajoute pas à l’essence un degré de nature ou un acte, mais seulement un mode d’être. Saint Thomas (p.p. q 29, art 2 et 9; de la puissance article 1,) enseigne que nous disons que subsistent les choses qui n’existent pas dans un autre, mais en elles-mêmes. Il découle de cette définition que l’essence est communicable, et l’hypostase incommunicable. Car il répugne de penser que ce qui est en soi puisse être en un autre, car être en un autre c’est ne pas être en soi. Il découle enfin que l’hypostase ajoute à l’essence une certaine propriété, c’est-à-dire, un certain mode d’être qui la rend incommunicable. Toutes ces choses, on peut les trouver dans saint Basile (épitre 43), dans saint Grégoire de Nysse (dans le livre de la différence essentielle et de l’hypostase), dans saint Jean Damascène, (livre 3, chap 3), dans saint Cyrille (livre 1 de la trinité), dans saint Justin (livre de la confession droite de la foi), et dans Théodoret (dans son livre contre Sabellius, que l’on trouve dans le tome 3 des conciles, dans les additions faites au bréviaire de saint Libère. »



Car, même si ces pères ne semblent mettre, entre essence et suppôt, que la même différence qui existe entre l’espèce et l’individu (comme entre homme et Pierre), les mêmes pères professent clairement que Dieu est un par le nombre, non par l’espèce, de sorte que les trois divines hypostases ne peuvent pas être dites trois individus divins en raison de la nature, comme si elles étaient trois déités individuées, mais seulement en raison de cette propriété qu’est l’hypostase. Ce mot, même s’il a pu paraître suspect, parce qu’il peut être induit à ne signifier que la substance, comme on le voit dans la lettre de saint Jérôme au pape Damase, sur le mot hypostase, dans saint Grégoire de Naziance (discours de louanges à saint Athanase) et dans Mario Victor (dans son livre sur l’homousios) peut être accepté sans crainte, et on peut dire en toute sécurité qu’il y a en Dieu trois hypostases.



On le prouve d’abord par la lettre aux Hébreux, où il est dit du Fils : « Qui, comme il est la splendeur de sa gloire et la figure de sa substance (en grec « le caractère de son hypostase »). Le mot hypostase est donc employé par saint Paul lui-même, même s’il semble signifier ici plutôt essence, comme Épiphane semble l’exposer dans l’hérésie 69. Mais c’est avec plus de justesse qu’on y voit la personne du Père, comme l’on fait saint Jean Chrysostome, Théodoret, Théophylactus, et Oecumenius, ainsi que saint Basile (épitre 43) et saint Grégoire de Nysse (dans le livre de la différence entre l’essence et le suppôt). Car le Fils n’est pas l’image d’une essence, mais d’une personne. Il est, en effet, l’image de Celui dont il est le Fils. L’image, en effet, se rapporte à l’exemplaire, comme la chose produite au producteur.



Mais François David accourt (2 disput alba). Voulant montrer que saint Paul n’a pas parlé de personnes en Dieu, il cite d’autres passages de la même épitre, où le mot hypostase n’a pas le sens de personne ou de suppôt. Hébreux 3 : « Nous sommes devenus participants du Christ, si toutefois nous retenons le commencement de sa substance jusqu’à la fin. On lit en grec le mot hypostase. Et Hébreux 11 : « La foi est la substance des choses qu’on doit espérer ». On lit là aussi en grec le mot hypostase. Je réponds que ces mots nous sont favorables, car dans ces passages, le mot hypostase a le sens général de fondement et de base, de ce qui soutient les autres, et qui subsiste par soi. C’est ainsi que (dans 2 Corinth 9, et 11) le même apôtre l’appelle fondement de gloire (hypostase). Dans les commentaires, on a rapporté ce mot à la foi, parce que la foi est le fondement de la justice, et parce que non seulement elle existe par elle-même, mais qu’elle donne la subsistance aux choses espérées. Car, les choses que nous espérons n’existent pas par elles-mêmes, mais semblent exister déjà par la foi. Cela se rapporte donc bien au suppôt ou à la personne, qui est le fondement de la nature, et de toutes les choses qui concourent au bien de la nature. Car toutes les choses existent dans la personne, et la personne existe par elle-même. Donc, quand on dit que le Fils est l’image de l’hypostase paternelle, ce mot ne peut signifier que la personne du Père, qui existe par elle-même. Et c’est dans cette personne, que l’essence, tous les attributs, et toutes les relations subsistent. On peut donc l’appeler fondement et base.



On le prouve ensuite par l’usage qu’en a fait l’Église par les pères. Car, saint Denys l’aréopagite (livre des noms divins, chapitre 1 et ailleurs) donne le nom d’hypostase aux trois personnes. Saint Justin fait la même chose (dans son livre de la confession de la foi droite). La même chose saint Athanase (dans le symbole), ainsi que tous les pères grecs, et le concile 5, chapitre 1. De même saint Hilaire de Poitiers (livre des synodes), et saint Augustin (5 trinité, chap 8 et 9, livre 7, chap 4). Enfin, saint Grégoire de Naziance (dans son discours pour honorer saint Athanase, presque à la fin) rapporte que saint Athanase a démontré que tous les Grecs, en reconnaissant en Dieu trois hypostases, étaient absolument tous du même avis, que les latins pensaient comme eux en parlant de trois personnes divines; et que c’est sans raison que quelques latins avaient pris en grippe le mot grec hypostase, puisque qu’ils s’entendaient tous sur le sens du mot.



C’est en vain qu’on nous oppose le concile de Sardes (Théodoret, livre 2, histoire de l’église, chapitre 8), où nous lisons que les hérétiques enseignent trois hypostases, et les catholiques une. Car le concile explique qu’il ne condamne ce mot que si on lui donne le sens d’essence, comme les hérétiques ont coutume de l’entendre. Mais pour donner plus de poids à notre affirmation, et enlever tout doute, laissons parler le concile lui-même : (le texte cité est en grec sans traduction en latin).



Les transylvaniens nous objectent (livre, chapitre 8) l’autorité de Nicéphore (livre 10, histoire, 15), qui a ceci à dire sur les noms hypostase et essence (ousia). Il enseigne d’abord que le premier à avoir fait mention de ces noms dans des disputes sur Dieu a été Hosius de Cordoue, que l’empereur Constantin avait envoyé en Espagne pour apaiser les soulèvements excités par Arius. Il ajoute que le concile de Nicée ne voulut pas se prononcer sur la différence entre hypostase et essence, comme étant une chose indigne d’être traitée. Il dit ensuite qu’un concile alexandrin célébré un peu après, avait statué qu’il ne fallait pas employer ce mots-là pour parler de Dieu, puisque les mots substance et subsistance ne sont pas dans l’Écriture. Il disait enfin qu’on ne trouve pas, chez les anciens philosophes, le mot hypostase, et que ce mot était barbare. Et il terminait en disant que l’invention de cette distinction (entre essence et hypostase) avait été la source de toutes sortes de misères, et qu’il fallait absolument en interdire l’usage.



Je réponds que ce que Nicéphore raconte il l’a puisé chez Socrate (livre 3, chapitre 5,) et chez Sozomène (livre 5, chapitre 11). Ce ne sont pas tellement ces mots que ces auteurs réprouvent que la nouvelle question de la distinction entre eux. De plus, même si Hosius fut le premier à disserter sur cette distinction, il ne fut pas le premier à réfléchir sur ces mots, puisque nous les trouvons sous la plume de saint Denys et de saint Justin aux endroits cités, et même chez saint Paul (le mot hypostase). Et nous avons déjà montré que le mot homousios, qui vient d’ousia (essence) était très ancien. Mais ce concile n’eut pas ces mots en horreur comme nous le montre le symbole de saint Cyrille (livre 1 sur la trinité), et nous les avons en grec même dans les codex latins. Car, dans ce symbole nous avons les deux mots ousia et hypostase. Pour dire toute la vérité, le concile d’Alexandrie n’a pas prohibé définitivement et absolument l’usage de ces mots, mais n’a fait qu’enlever l’occasion d’affrontements non nécessaires. Qu’il en soit bien ainsi, c’est ce que nous rapportent les historiens eux-mêmes quand ils nous disent que le concile a statué que les catholiques se serviraient de ces mots dans leurs discussions avec les sabelliens, de peur de paraître manquer de mots en discutant avec eux.



Il importe peu que Socrate et Nicéphore appellent barbare le mot hypostase, qu’ils déplorent qu’il soit inconnu des philosophes, et qu’ils prétendent que les disputes qu’ont occasionnées la distinction entre ces mots aient causé toutes sortes de misères. Car, que ce mot n’ait pas été inconnu des philosophes anciens nous le montre un commentaire de Buda qui cite Aristote et Themistium, philosophes des plus célèbres, comme ayant employé souvent ce mot. Et même si aucun philosophe n’avait employé ce mot, ne devrions-nous pas nous contenter de ce qu’il ait été utilisé par saint Paul, le concile de Nicée et tous les grands pères grecs ? Que les discussions sur l’essence et l’hypostase ne soient pas une cause de misères de toutes sortes, c’est saint Basile qui nous l’explique en nous disant que c’est de l’ignorance de cette distinction que sont nées la plupart des erreurs sur la connaissance de Dieu. Et si ces mots ne pouvaient qu’apporter des embarras, pourquoi saint Justin, saint Cyrille, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, Théodoret, saint Jean Damascène et tant d’autres ont-ils parlé si sérieusement et si longuement de cette distinction (entre essence et personne) ?



Nous avons déjà un mot qui est ambigu, le mot substance. Car il signifie tantôt l’essence, tantôt l’hypostase. Ce qui fait qu’on pourrait dire à la rigueur qu’il y a en Dieu trois substances, comme le concède saint Hilaire (dans son livre sur les synodes). Expliquant la foi du concile d’Antioche, il dit que ce n’est pas mal parlé que de dire trois substances en Dieu, en donnant au mot substance le sens d’hypostase plutôt que d’essence, ce qui est le sens courant du mot. Mais en commentant l’épitre aux Hébreux (1, 3, et 11), il dit qu’il faut absolument nier en Dieu trois substances, et n’en affirmer qu’une, car les latins donnent communément au mot substance le sens d’essence. Et, dans le prédicat de la substance, Aristote appelle toujours ousia (essence) ce que nous appelons, nous, substance. De plus, Tertullien (contre Prax) dit toujours qu’il n’y a en Dieu qu’une seule substance. De même saint Jérôme (dans son épitre au pape Damas) et saint Augustin (livre 5 de la trinité, chapitre 9, et livre 7 chapitre 4), et Ruffin (livre 10, histoire de l’Église, chapitre 29), affirment une substance, et rejettent trois substances. Enfin, le concile de Latran (sous Innocent 111, chap 2) et de Toulouse 11 (chapitre 1), définissent qu’il n’y a en Dieu qu’une seule substance.





CHAPITRE 5 : Les autres mots



Au sujet du mot personne, il faut noter l’explication de Valla (livre 6, élégan, chap 34) qui affirme que le mot personne signifie une qualité. Car nous disons que c’est à la personne du roi que nous faisons quelque chose, etc. Et il ajoute que si on donne au mot personne le sens de substance, il n’y a pas plus de personne en Dieu que dans un animal, Et il en conclut que ce que les théologiens appellent personnes ce sont trois qualités. Mais Valla parle mal dans la personne d’un théologien, car il y a une personne en Dieu, dans lequel ne se trouve aucune qualité. Mais s’il nous plait d’appeler qualités en Dieu les choses qui sont signifiées par mode qualitatif, ce ne sont pas trois personnes qu’il faudra compter, mais un nombre infini, ou bien il faudra n’en constituer qu’une. Car si, en Dieu, les choses, qui d’une certaine façon peuvent être appelées des qualités, se distinguent les unes des autres non réellement mais par la seule raison, comme les propriétés personnelles en Dieu sont des qualités, il y aura une seule personne divine réelle, et plusieurs qui n’existeront que par le raisonnement. Ou si Valla le préfère, il parle tout à fait comme Sabellius en personne.



Nous savons très bien que le mot personne est souvent pris au sens de qualité et de fantôme par les auteurs comiques. Nous n’ignorons quand même pas que, par l’Écriture et les Pères, ce mot a été souvent employé au sens de substance première. Car, dans l’Écriture, nous lisons souvent que Dieu ne fait pas acception des personnes (Actes 10, Rom 2, et ailleurs). Dans ces passages, la personne signifie l’hypostase humaine elle-même. Car, comme l’explique saint Augustin (livre 2 à Boniface chap 7), il y a acception des personnes dans la distribution des prix quand celui qui distribue ne tient pas compte du mérite, mais des hommes eux-mêmes, c’est-à-dire qu’il accorde plus à l’un qu’à l’autre, non parce que l’un mérite davantage, mais parce qu’il aime plus la personne de l’autre. De plus, Tertullien dit que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois personnes (dans son livre contre Praxeas). Disent la même chose saint Hilaire (livre des synodes), saint Jérôme (dans son épitre à saint Damas), saint Augustin (livres 5 et 7 de la trinité). Ils appellent personne ce que les grecs appellent prosopa.



Et pour que ne se glorifie pas Valla d’avoir, lui au moins, agi en la personne d’un grammairien, qu’on cite Cicéron qui (dans son livre de l’invention des topiques) utilise souvent le mot personne au sens que nous lui donnons, quand il dit qu’autres sont les attributs des choses, autres les attributs des personnes, et quand il ajoute qu’il faut voir une personne en Dieu et une personne dans l’homme. De même Valérien Maximus (livre 2, chapitre 24) accorde à chaque homme le nom de personne. Et que dire de ce que même les grammairiens, dans leurs conjugaisons, distinguent trois personnes, la première, la deuxième et la troisième. Et par le mot de personne, ils n’entendent pas n’importe quoi, mais des réalités distinctes entre elles.



La propriété, la relation, la notion ne sont pas des mots qu’emploie l’Écriture, mais on les déduit de l’Écriture par voie de conséquence évidente. Car, si le Fils est unique (Jean 1), être fils est quelque chose qui lui est propre. La filiation est donc une propriété. Et s’il n’y a qu’un seul Dieu Père (1 Corinth 8), être père est quelque chose qui est propre au Père. La paternité est donc une propriété. Et si l’Esprit saint est le seul à procéder du Père et du Fils (Jean 14), une telle procession sera sa propriété. Se sont servi du mot propre saint Hilaire (livre 2 de la trinité), saint Basile (épitre 43), saint Grégoire de Naziance (discours 3 sur la théologie), saint Augustin (livre 5 de la trinité, chapitres 11, 12 et suivants), saint Cyrille (livre 1 de la trinité), et tous les autres.



Pour une raison semblable, si le Christ est le vrai Fils d’un vrai Père (1 Jean 5), il y aura surement une vraie relation entre le Père et le Fils. Car il est impossible d’imaginer comment pourrait être un vrai fils celui qui n’a aucune relation véritable à un père. Il ne faut donc pas se surprendre que les Pères emploient ce mot, surtout saint Grégoire de Naziance et saint Augustin. De plus, si, selon les Écritures, le père est distinct du Fils, pourquoi ne pourrait-on pas dire que la paternité est une notion du Père, nom par lequel le Père est connu comme distinct des autres personnes? Se servent de ce nom saint Basile (épitre 40), saint Augustin (livre 5 de la trinité, chapitre 6), et c’est d’eux que l’ont reçu les scolastiques, qui énumèrent quatre notions : l’inascibilité, la paternité, la filiation, et la l’insufflation passive. Et quatre relations : la paternité, la filiation, l’insufflation active, l’insufflation passive. Ce n’est pas ici le lieu d’en parler plus longtemps.



La circumincession se dit de l’habitation intime et parfaite d’une personne dans l’autre, et de l’autre dans l’une, dont il est parlé en Jean 14 : « Je suis dans le Père, et le Père est en moi ». De ce mystère insigne parlent saint Hilaire (livre 4 de la trinité), saint Ambroise (chap 13, 2 aux Corinth), et saint Augustin (dans le livre 6 de la trinité, dernier chapitre). Il conclut ainsi : « Chacun est dans l’autre, tous dans chacun et chacun dans tous, tous dans tous, et tous une même chose. Celui qui voit cela en partie, dans une image, ou comme en une énigme, qu’il se réjouisse de connaître Dieu, qu’il l’honore comme Dieu, et qu’il lui rende grâce. Que celui qui ne voit pas cela, qu’il s’efforce, par la piété, de le voir, et non de le calomnier par cécité (comme le font actuellement les transylvaniens). Car Dieu est un tout en étant une trinité, sans que cela ne génère de confusion. De qui, par qui et en qui sont toutes choses. Et c’est à lui seul, non à des dieux, que nous rendons gloire dans les siècles des siècles » Saint Jean Damascène (livre 1 chap 11), a employé le mot grec perikôrseis, d’où les scolastiques ont tiré le mot circumincession.



Le mot trinité, trias en grec, ne se trouve pas comme tel dans les Écritures. Mais, il découle tout naturellement de la fin de l’évangile de saint Matthieu : « Baptisez toutes les nations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Et dans Jean 1, 5 : « Il y a en a trois qui donnent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit. » Et tous les pères se servent de ce nom, même les plus anciens, comme saint Denys l’aréopagite (chapitre 1 des noms divins, et ailleurs, toujours), De même saint Justin (de la confession droite de la foi), saint Grégoire le thaumaturge, (dans sa confession de foi), Tertullien (dans son livre contre Prax). Saint Cyprien (dans son sermon sur l’oraison dominicale), et tous les autres qui sont venus après.



Il est à noter que la trinité ne signifie pas l’unité de trois, comme le pense Valentin Gentilis, mais simplement une triade de personnes, comme le montre le mot grec trias, et cette phrase du symbole de foi d’Athanase : « Nous vénérons la trinité dans l’unité ». Quelle absurdité ne proférerions-nous pas en disant que nous vénérons l’unité de trois dans l’unité ! Si donc le mot trinité exprime formellement l’unité, comment ne pas faire de reproches aux pères qui opposent l’unité à la trinité, et qui enseignent que c’est dans l’essence que se trouve l’unité, et dans les personnes la trinité. N’est-ce pas dans les personnes qu’on peut trouver un nombre qu’on ne peut trouver dans l’essence ? Saint Fulgence (de la dans Pierre, chapitre 1 ) a écrit : « La trinité se réfère aux personnes, l’unité à la nature ». Le concile de Toulouse 11, chap 1 : « C’est dans les personnes qu’on aperçoit le nombre. Mais dans la substance de la divinité, on ne voit rien qu’on puisse compter ». Saint Isidore de Séville (livre 7, étymologies, chap 4, et le livre de la différence chapitre 1). Saint Thomas (l p. q. 31,art 1) dit d’abord que le mot trinité semble à première vue signifier une unité de trois. Mais que ce n’est pas cela son vrai sens, mais plutôt le nombre de trois personnes.



Il faut aussi noter que Genebrardum (livre 2 de la trinité) n’a pas eu raison d’attribuer à Calvin l’opinion que l’essence ne se trouve pas dans les personnes. Comme le montre clairement le livre sur la perfidie de Valentin Gentilis chassé de Genève, et ce passage lui-même que Genebrardum présente (livre 1, institutions, chap 13, 25). Valentin avait dit que la trinité est l’unité de trois, et il avait déclaré que ces trois personnes étaient l’essence, le Fils et le Saint-Esprit. Par ces paroles, il avait placé l’essence à la place de la première personne, et l’énumérait, cette essence, avec les deux autres personnes. Voici quels sont ses propres mots : « Il y en a trois qui concourent à constituer la trinité, l’essence qui est dite Père, le Fils et le Saint-Esprit. Et c’est cela la vraie trinité, une unité de trois, non de quatre, quoi que Calvin puisse dire en sens contraire. » Réprouvant dans ce passage le délire de Calvin, il lui reproche de ne pas faire entrer l’essence dans la trinité, comme étant une des trois, mais de l’inclure dans les trois, ce qui est la vérité même. Puisse Calvin avoir toujours erré ainsi ! Nous disons cela non pour prendre la défense de Calvin, lequel est celui que nous attaquons le plus dans nos écrits, mais pour qu’il ne semble pas apporter une caution à Gentilis qui, en l’occurrence, est le seul à s’être vraiment trompé. Je m’étonne que Genebrardus, homme catholique et pieux, ne s’en soit pas rendu compte. Peut-être n’a-t-il pas lu livre de Gentilis !



CHAPITRE 6 : On montre la distinction des personnes



En second lieu, nous allons prouver que, dans un Dieu un et simple, se trouvent trois choses réellement distinctes que nous appelons personnes ou hypostases. C’est dans cette distinction réelle que trouvent leur fondement toutes les choses dont nous avons déjà parlé, les personnes, les propriétés, les relations. Le Maître (livre 1, dist 2) et beaucoup d’autres présentent comme argument que l’Écriture emploie le mot de dieu au pluriel avec un verbe au singulier. Comme dans Genèse 1 : « Au commencement, les dieux a créé ». Psaume 36 : « Les Seigneurs rira de lui ». Je ne pense pas que cet argument soit solide. L’Écriture a souvent coutume de placer les noms de personnes illustres dans l’énumération d’une multitude, même si les verbes demeurent au singulier. Nous même, les italiens, nous pratiquons une coutume semblable, quand nous disons vous et non tu à une personne respectable, comme si nous parlions à plusieurs personnes, et non à une seule.



Mais pour que ce que je dis ne sonne pas comme du rabbinisme, dont je cherche à m’éloigner le plus possible, je vais présenter les raisons qui motivent mon choix, La première. Je vois que dans l’Écriture cette façon de parler vaut autant pour les hommes que pour les faux dieux. Comme dans Exode 20 : « Tu n’auras pas de dieux étrangers ». En hébreu : « Ne sera pas à toi de dieux étrangers ». Genèse 24 : « Il plaça la main sur la cuisse d’Abraham, son maître. » En hébreu : « de ses maîtres ». Exode 21 : « Le Seigneur lui a donné une épouse ». En hébreu : « Les Seigneur lui a donné une épouse ». S’il y avait un mystère exprimé dans le texte cité, nous ne trouverions pas tant de verbes singuliers avec des sujets pluriels. La deuxième. Si ces mots exprimaient la pluralité, il serait permis de dire qu’il y a plusieurs vrais dieux. Et qui pourrait nous le reprocher si nous ne faisons que suivre l’Écriture ? Car pourquoi, je le demande, serait-il permis d’appeler Dieux en hébreu les personnes divines, et non en latin ?



Tu diras que l’Écriture ne met le mot Dieu au pluriel qu’en le joignant avec un verbe singulier. Je réponds que ce n’est pas vrai. Car nous lisons dans Rois (2, 7) : « La nation d’Israël qu’est-elle, en tant que peuple, pour que Dieu aille la racheter ? » En hébreux nous lisons : « pour que les dieux aillent.» (nom pluriel avec verbe au pluriel, et non au singulier). Et tu peux, ailleurs, en trouver plusieurs cas semblables. /Voici donc quelle est la question que je me pose : pourquoi est-il permis de dire en hébreu, « des divines personnes », « que les dieux allèrent racheter », et non en latin ? On ne peut surement pas trouver d’autre raison que celle-ci : c’est l’usage qui veut qu’un nom pluriel signifie une chose singulière. Les latins, eux, n’ont pas cet usage.



La troisième raison. Jamais les septante, jamais saint Jérôme n’ont osé rendre le mot hébreu par dieux. Et jamais personne après eux. La raison en est que, dans ces passages, le pluriel a le sens d’un singulier. La quatrième raison. Si ces noms au pluriel avaient, partout où on les trouve, le sens d’un pluriel et non d’un singulier, on trouverait dans les paroles de l’Écriture un grand nombre de contradictions manifestes. Car nous lisons aussi souvent qu’il n’y a qu’un seul Dieu, que nous lisons qu’il y en a plusieurs. Il n’est pas croyable que Dieu ait permis que ces contradictions viennent perturber son peuple, et donnent, aux adversaires, une occasion de blasphémer.



Après avoir laissé ces choses de côté, voici quel est le premier argument à valeur démonstrative. Celui qui reçoit l’être d’un autre, est, dans la réalité, nécessairement distinct de lui, et il ne peut arriver que quelqu’un se produise lui-même. Or, le Fils reçoit l’être du Père, et l’Esprit saint de l’un et de l’autre. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit se distinguent donc réellement les uns des autres. De plus, on ne peut concevoir en Dieu rien qui ne soit inhérent ou subsistant, car, en lui, ne se trouve aucun accident ou composé. En conséquence, puisqu’elles sont réellement distinctes, ces trois sont trois subsistances, et donc trois personnes ou hypostases. On prouve la valeur du premier argument par l’Écriture, car les autres sont d’une évidence criante. Que le Fils reçoive l’être du Père, on le prouve par les proverbes 8 : « Le Seigneur m’a possédé, c’est-à-dire m’a acquis par génération ». C’est ce que signifie le mot hébreu. Et pour qu’on ne voie pas dans ce mot la prédestination du Christ homme, ou la prévision de sa génération avant les collines, on trouve ailleurs : « J’étais avec lui ordonnant tout ».



Celui qui n’avait l’être que dans la prédestination ne pouvait pas créer le monde avec le Père. Car, de toute évidence, celui qui n’a l’être que dans la prédestination n’existe pas encore, mais existera dans le futur. Et ce qui n’existe pas ne peut pas agir. On peut donc conclure que celui qui a tout agencé avec le Père existait déjà avant le début du monde, et que c’est par génération qu’il a reçu l’être du Père. De plus, l’Ecclésiaste, 24, dit que « la sagesse est la première-née avant toute créature ». De même en Jean 5 : « Il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même ». On ne peut pas dire que cette phrase se rapporte au Christ homme, puisqu’on lit ensuite : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a donné aussi au Fils d’avoir la vie en lui-même ». On nous enseigne là que la vie a été donnée au Fils par le Père, non de la façon dont les créatures ont la vie, mais comme le Père l’a lui-même. Nous voyons la même chose dans Coloss 1. Le Fils est présenté là comme « l’image et le premier-né de Dieu ». Ces deux mots impliquent nécessairement une distinction et une procession. On ne peut entendre ce passage du Christ homme, car on dit, au même endroit de ce premier-né, qu’en lui et par lui tout a été fait. De même dans Hébreux 1, le Fils est appelé « la splendeur et l’image de l’hypostase paternelle ». Toutes ces choses évoquent une procession. Et pour qu’on ne ravale pas ces paroles à l’humanité, on trouve au même endroit : «par qui il a fait aussi les siècles ».



Enfin, dans Jean 1, 5, nous lisons : « dans son vrai Fils ». Et il est certain que le vrai Fils est vraiment né du Père. Et pour qu’on ne dise pas que cela ne se rapporte qu’à l’homme, saint Jean ajoute : « C’est lui le vrai Dieu, et la vie éternelle, C’est donc une chose tout à fait certaine que le Fils reçoit l’être de son Père, et que, pour cette raison, il se distingue réellement du Père. On prouvera la même chose du Saint-Esprit plus loin, dans la section qui lui sera consacré. Que suffise, entre temps ce que dit Jésus en saint Jean, 15 : « Quand viendra la Paraclet que je vous enverrai de la part de mon Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père ». Il est dit ici, en toutes lettres, que l’Esprit procède du Père, et qu’il s’en distingue donc réellement. Il est dit aussi envoyé par le Fils, et il se distingue donc de lui réellement. Car la mission, dans la divinité, ne peut s’entendre que de la procession, comme on l’a déjà dit et comme on le redira plus tard.



On tire le deuxième argument du mot autre. L’Écriture, en effet, dit que le Père est autre que le Fils, et l’Esprit-Saint autre que le Père et le Fils, mot qui indique une distinction réelle évidente. Jean (5). Le Fils parlant du Père dit : « Il y en a un autre qui m’apporte un témoignage ». Et, au sujet du Saint-Esprit, Jean (14) « Il vous donnera un autre paraclet ». Nous ne dirions pas d’une seule personne qu’un autre est Marc, un autre Tullius, un autre Cicéron. On ne dirait pas non plus de la même personne qu’autre est l’orateur, autre le consul, autre le général d’armée. Il est à noter, cependant, avec saint Fulgence (livre d’objections aux ariens) qu’on peut dire du Père, du Fils et du Saint-Esprit qu’ils sont quelqu’un d’autre et non quelque chose d’autre (distinction entre alium, masculin, et aliud neutre). En disant qu’ils sont quelque chose d’autre on met la distinction dans l’essence; mais en disant qu’ils sont quelqu’un d’autre on met la distinction dans les personnes. C’est pourquoi, dans saint Jean, le Christ a dit : « Moi et le Père nous sommes un (une seule chose) », et non quelque chose d’autre.



Le troisième argument on le tire des prépositions avec lesquelles on exprime une distinction, comme auprès de, avec, dans etc. Dans les Proverbes : « J’étais avec lui composant toutes choses ». Jean 1 : « Et le Verbe était auprès de Dieu » Et aussi Jean 14 : « Je suis dans le Père, et le Père est en moi ». Et en Matth : « Baptisez-les tous au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Isaïe , 48 : « Le Seigneur Dieu m’a envoyé, et son Esprit. » Car si le Père, le Fils et le Saint-Esprit n’étaient que des noms, et non des êtres réels, toutes ces choses seraient synonymes comme Marcus, Tullius et Cicéron. Mais qui dirait jamais que Marcus était avec Tullius, ou auprès de Tullius, ou dans Tullius ? Ou que Marcus et Tullius ont fait cela? Ou que c’est par Marc que nous avons accès à Tullius ?



Ils diront peut-être que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas seulement des noms, mais que le Père est le vrai Dieu, que le Verbe et l’Esprit-Saint sont des vertus ou des attributs du Père, distincts du Père non réellement, mais par la seule pensée. Mais il est clair qu’on ne peut pas voir dans ces phrases des attributs ou des vertus, car qui dirait que la sagesse est auprès de l’intelligence ? Ou que la sagesse a fait cela avec l’intelligence ? Ou que l’homme et sa main ont fait cela ? Il faut donc reconnaître ou que l’Écriture a parlé sans discernement ou qu’est vraie et réelle la distinction entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.



Le quatrième argument on le déduit de ce que l’Écriture fait parler Dieu au pluriel, ou de lui comme d’une autre personne. Genèse 1 : « Dieu a dit : « faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ». Genèse 3 : « Voici qu’Adam est devenu comme l’un de nous ». Ou Genèse 11 : « Venez, descendons et confondons leurs langues ». Genèse 19 : « Le Seigneur a fait pleuvoir par le Seigneur » Osée 1 : « Le Seigneur a dit : je les sauverai dans leur Seigneur Dieu ». Zacharie 3 : « Le Seigneur a dit à Satan : que le Seigneur fasse pénétrer en toi sa condamnation. » Et bien que les rabbins s’en sortent en disant que ce ne sont que des façons de s’exprimer, et qu’il soit difficile de les convaincre, ces textes ont quand même chez les catholiques un grand prestige, d’autant plus que les pères s’en sont servis souvent dans leurs discussions avec les hérétiques. Il ne faut pas oublier non plus le concile de Smyrne (cité par saint Hilaire dans son livre sur les synodes) qui a anathématisé ceux qui veulent expliquer autrement ces passages.



Nous avons, en plus, d’autres passages dans le Nouveau Testament qui s’imposent d’eux-mêmes. Jean 10 : « Moi et le Père nous sommes une seule chose (unum, neutre) » Et jean 14 : « Nous viendrons en lui, et nous établirons en lui notre demeure ». Car une personne qui a plusieurs noms et plusieurs fonctions, ne peut pas dire, en parlant de ces noms et de ces fonctions, nous ferons ou nous viendrons. Car faire et venir sont des mots qui se rapportent à des personnes et non à des noms ou à des fonctions. Et qui ne rirait pas s’il avait entendu Cicéron dire : « Moi et Tullius nous viendrons ».



Le cinquième argument vient de ce que l’Écriture, en parlant de Dieu, emploie souvent le chiffre ternaire. Exode 3 : « Je suis celui qui suis. Celui qui est m’a envoyé à vous ». Au même endroit : « Le Dieu de vos pères m’est apparu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. » Nombres 6 : « Vous bénirez ainsi les fils d’Israël. Que le Seigneur te bénisse et qu’il te garde. Qu’il te montre sa face, et qu’il ait pitié de toi. Que le Seigneur tourne son visage vers toi, et te donne la paix. » Deutéronome 6 : « Le Seigneur notre Dieu est un seul Dieu ». Psaume 66 : « Que Dieu nous bénisse, notre Dieu, que Dieu nous bénisse, et que le craignent tous les confins de la terre ! » Psaume 135 : « Confessez le Seigneur, parce qu’il est bon. Ayez confiance dans le Dieu des dieux. Confiez-vous au Seigneur des seigneurs ». Isaïe 6 : « Saint, saint, saint le Seigneur »



Il faut noter ici avec Théodoret (livre 2 aux Grecs), que, dans l’ancien testament, Dieu n’a pas voulu proposer explicitement le mystère de la sainte trinité, parce que les Juifs en étaient incapables, et parce qu’ils venaient tout juste de sortir d’un pays (l’Égypte) où l’on adorait plusieurs dieux, et parce qu’ils étaient sur le point d’entrer dans la terre de Chanaan où étaient, là aussi, adorés plusieurs dieux. Pour qu’ils ne pensent pas qu’on leur donnait trois dieux à adorer. Il a donc recouvert d’une ombre ce mystère, et cela de plusieurs façons, pour que quand le nouveau testament l’enseignerait, il n’apparaisse pas tout à fait étranger à l’ancien.



Le sixième argument se tire des noms binaires et ternaires présents dans l’Écriture. Jean 8 : « Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est vrai. Me voici, moi qui rends témoignage de moi, et celui qui m’a envoyé rend aussi témoignage de moi», faisant clairement ici, de son père et de lui, deux témoins. Et en Jean 13, il ajoute au sujet du Saint-Esprit : « Il témoignera de moi ». Il y en a trois aussi. Et 1 Jean 5 : « Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ».



On peut ajouter à la fin, des arguments de convenance qui ne démontrent pas la foi, mais qui montrent que ce que nous croyons n’est pas contre la raison. Je n’ai pas l’intention de m’étendre longtemps sur ce genre d’arguments pour ne pas donner l’impression que notre foi se fonde sur eux. Je me contenterai de quelques réflexions. Voici donc la première. C’est le propre du bien suprême infini de se communiquer suprêmement et infiniment. Or, dans la production des créatures, Dieu ne s’est pas communiqué totalement et infiniment. Deuxième raison. La béatitude parfaite comprend tous les biens. Un de ces biens, et des plus importants, est la compagnie de personnes égales. Troisième. Engendrer un semblable à soi est une perfection qui ne doit pas faire défaut à un Dieu qui est en tout point parfait. Quatrième. Il est préférable à Dieu d’avoir produit quelque chose de toute éternité qu’avoir été oisif. Cinquième. On trouve une nature dans une hypostase, comme dans tous les anges, plusieurs en plusieurs, comme en plusieurs anges, plusieurs en une, comme dans les hommes qui ont deux natures, l’âme et la chair, la nature spirituelle et la nature corporelle, qui cohabitent dans une seule hypostase. Il est donc crédible qu’une nature habite en plusieurs personnes, dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Sixième, On tire une preuve des vestiges imprimés par Dieu dans les créatures. Saint Augustin en parle dans son livre sur la trinité livres 9 à 15.



Toutes les choses sont affectées du nombre trois de façon telle qu’elles semblent crier que leur auteur est la Trinité, qui a tout fait avec poids, nombre et mesure. D’abord, il n’y a que trois passions qui soient communes à toutes choses, l’un, le vrai et le bon (les transcendantaux). Ensuite, la totalité des choses se divise en trois parties : tout ce qui existe est soit spirituel, soit corporel, ou un mélange des deux. Les choses spirituelles se divisent en trois hiérarchies; chacune de ces hiérarchies en trois ordres. Les esprits angéliques, ce n’est pas tant un vestige, qu’une image de la trinité qu’ils représentent, puisqu’ils sont dotés de trois facultés : la mémoire, l’intelligence et la volonté. Et d’elles, dans l’esprit, nait une pensée, de laquelle procède un amour. Même dans les êtres incorporels innombrables se trouvent des vestiges de la trinité. Mais ce serait trop long d’entrer dans les détails, et sans aucune nécessité. Venons-en donc aux arguments des adversaires.



CHAPITRE 7 Réfutation du premier argument contre la distinction des personnes dans la même essence.



Le premier argument vient de Valentin Gentilis. Celui qui n’engendre pas, qui n’est pas engendré et qui ne procède pas n’est pas le vrai Dieu. Or, un Dieu unique dans son essence n’engendre pas, n’est pas engendré et ne procède pas. Donc un Dieu qui est un dans son essence n’est pas le vrai Dieu. Mais, pour vous, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont de vrais dieux. Ils ne sont donc pas un seul Dieu dans l’essence. On prouve ainsi la proposition du premier syllogisme. Il n’y a pas de Dieu en dehors du Père, du Fils et du Saint-Esprit. On le Père engendre, le Fils est engendré et le Saint-Esprit procède. Donc celui qui n’engendre pas, qui n’est pas engendré et qui ne procède pas n’est pas le vrai Dieu. On démontre de la façon suivante la valeur du premier syllogisme. Dieu dans sa divinité n’est rien d’autre que cette même essence qui est commune aux trois. Les commentateurs des sentences de Pierre Lombard enseignent qu’une essence ne peut ni engendrer, ni être engendrée, ni procéder.



À cet argument, Jean Wigandus (livre contre les nouveaux ariens) n’a pu répondre qu’en niant que les commentateurs des sentences de Pierre Lombard aient enseigné que l’essence n’engendre pas, et n’est pas engendrée. Et il présente ce qu’il pense être une démonstration, à savoir que le Fils de Dieu est engendré selon les Écritures, et que le Fils de Dieu est, selon les Écritures, une essence vivante, non imagée. Il conclut donc que, selon les Écritures, l’essence est engendrée, et engendre aussi. Il ajoute que s’il avait présenté cet argument, il aurait jeté par terre d’un seul trait tous les commentateurs des sentences. Que la femme, c’est-à-dire la raison, se taise dans l’Église !



Non seulement Wigandus n’a pas réfuté l’argument, mais il est tombé dans une grave erreur. Car, si l’essence engendre et est engendrée, il y a donc deux essences, et on ne pourra pas comprendre comment la seule et même chose procède de soi. Et pour qu’il ne dise pas que cela n’est pas conforme aux Écritures, qu’il se rappelle que c’est uniquement parce que l’un est produit par l’autre qu’on prouve que le Père et le Fils sont, d’après les Écritures, distincts l’un de l’autre, Le concile de Latran (2) était en droit de définir que l’essence n’engendre ni n’est engendrée. Et l’argument de Wigandi ne permet de rien conclure. Car, bien que le Fils inclue l’essence, la raison le distingue d’elle par la relation qu’elle voit ajoutée à l’essence, Et dans la mesure où il est distingué d’elle, il lui convient d’être engendré, même si cela ne convient pas à l’essence. De la même façon, le Père inclut l’essence divine, mais la raison le distingue d’elle par la relation de paternité, qu’elle voit ajoutée à l’essence. Et c’est pourquoi on dit que c’est le Père qui engendre, et non l’essence. On aurait le même sophisme si on disait : l’homme est une espèce, Pierre est un homme, donc Pierre est une espèce. Ou bien : Pierre est un individu, et Pierre est un homme, l’homme est donc in individu.



À l’argument principal on peut apporter une distinction. Car, quand on dit que celui qui n’engendre pas ni n’est engendré ni ne procède n’est pas le vrai Dieu, si, par le mot Dieu, on entend la personne divine, la proposition est vraie. Car celui qui n’engendre, ni est engendré ni ne procède n’est pas une personne divine. De même, si par un seul Dieu dans l’essence on entend l’essence elle-même, la proposition est vraie. Mais on ne fait que conclure que l’essence n’est pas la personne divine formellement; et on ne prouve pas que l’essence ne soit pas le vrai Dieu.



Mais si, dans notre exemple, on présente un seul Dieu au sens de personnes, comme le laissent entendre les mots eux-mêmes, alors la supposition est fausse. Car il est vrai de dire qu’un Dieu à l’unique essence engendre, est engendré et procède, car ce Dieu unique est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, et l’Esprit-Saint qui procède. Si on donne au mot Dieu le sens de déité, ce qui peut arriver quand en Dieu on ne distingue pas la personne de la nature, la proposition est fausse, et la preuve ne démontre rien. Car, sans les personnes, l’essence n’est pas Dieu; elle n’engendre pas, elle n’est pas engendrée et elle ne procède pas, parce qu’elle se distingue des personnes par la raison, auxquelles il revient d’engendrer, d’être engendré et de procéder.



CHAPITRE 8 : Réfutation du deuxième argument



Le deuxième argument vient des transylvaniens (livre 1, chapitre 5). Si trois personnes sont une seule chose dans l’essence, il y aura en Dieu une quaternité, non une trinité. Car l’essence, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont quatre noms différents, et non des synonymes. Ils signifient donc quatre choses. De même, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois. Mais l’essence n’appartient à aucun d’eux, car l’essence n’est pas le Père puisqu’elle n’engendre pas, elle n’est pas le Fils non plus, puisqu’elle n’est pas engendrée, et elle n’est pas le Saint-Esprit, puisqu’elle ne procède pas. C’est donc un tout formé de quatre choses.



De plus, l’essence est la source des personnes. C’est d’elle qu’émanent les relations, et donc les personnes, qui sont constituées par les relations. Or, la source et les ruisseaux se distinguent réellement les uns des autres. L’essence se distingue donc réellement des autres personnes. Elle forme donc avec elles le chiffre quatre. De plus, les papistes disent que trois personnes résident en un seul Dieu, et qu’un seul Dieu s’est manifesté en trois personnes. Qui est donc ce Dieu ? Ce n’est surement ni le Père, ni le Fils, ni le Saint-Esprit, car aucun d’eux ne s’est manifesté en trois personnes, et en aucun d’eux ne réside les trois personnes. Il y a donc un quatrième dieu.



Je réponds que nous ne posons aucune quaternité en Dieu. Loin de là, car je préférerais anathématiser tous ceux qui adorent vraiment une quaternité en Dieu. Et les arguments proposés ne démontrent rien du tout. Répondons donc à la première raison invoquée. Ces mots ne sont pas synonymes, mais ne signifient pas pour autant quatre choses différentes, mais une seule, si c’est de la réalité absolue qu’on parle; ou trois seulement si on parle des réalités relatives. C’est ce que semble indiquer saint Thomas (livre un de la doctrine du Christ, chapitre 5) quand il dit : « Les réalités dont nous jouirons, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et la sainte Trinité sont une seule et même chose ». Saint Anselme le dit encore plus clairement (de l’incarnation du verbe, chapitre 3). Il enseigne que les trois personnes sont trois réalités et une seule réalité : trois réalités relatives et une absolue. Il n’est pas rare de voir plusieurs noms non synonymes signifier une même chose, mais de différente manière.



Tu diras : si ces noms signifient une chose absolue et trois relatives, ils signifient donc quatre choses. Je réponds que la conclusion qu’il en tire est nulle, car la chose absolue ne se distingue pas réellement des trois relatives, mais par la relation. Il y a donc en Dieu une unité d’essence et une trinité de personnes, mais pas de quaternité. À la deuxième, je dis que l’essence est les trois, et que les trois sont l’essence. Que l’essence n’engendre pas, tandis que le Père engendre, cela ne démontre pas une distinction réelle, mais de raison seulement. Car, même l’homme et l’humanité sont une même chose, et pourtant, l’homme engendre et l’humanité n’engendre pas. À la troisième, je nie que l’essence est la source des personnes, ou des relations, car les personnes sont produites par les relations, mais les relations n’ont pas été produites. Elles sont produites par elles-mêmes du fait de la production des suppôts. Voir saint Thomas (1.p.q. 40 art 4, et dans les sentences dist 27, quest art. 3). Saint Augustin (livre 4, chap trinité, chap 20) parle apparemment en sens contraire quand il dit que le Père est le principe de toute la divinité. Mais il ne veut pas dire, évidemment, que la divinité est produite, mais que le Père est le premier principe des personnes divines. Car quand le Père produit le Fils par la génération, et le Saint-Esprit par l’insufflation, il n’est, lui, engendré ni insufflé par personne.



À la troisième, je réponds que cet argument milite contre Benoit Aretium, le Zwinglien. Car c’est lui qui, (dans l’histoire du supplice de Valentin Gentilis, chapitres 5 et 11), eut recours aux services d’une virgule, qu’il inséra entre Dieu et le Père, parce qu’il ne savait pas répondre à l’argument de Gentilis, qui prouvait que seul le Père est le Dieu unique, parce qu’on dit dans le symbole : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant ». Or, les catéchismes catholiques n’ont pas cette virgule, et n’en n’ont pas besoin. En expliquant le symbole des apôtres, les pères ont toujours dit un seul Dieu Père, comme saint Irénée le rapporte (livre 1, chap 2), saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 16), Ruffin dans son explication du symbole, et d’autres. Même en distinguant le Père de Dieu par l’ajout d’une virgule, on n’introduirait pas de quaternité, car ici le mot Dieu est distinct de Père : il ne signifie pas seulement le nom de Père, mais aussi le Fils et Saint-Esprit. Appeler Dieu le Père ne répugne pas à la divinité du Fils, comme nous l’avons déjà expliqué plus haut, surtout quand dans le même symbole on dit du Fils qu’il est notre unique Seigneur. Les catéchistes, pour la plupart, lisent et dans Jésus-Christ son Fils unique. Mais Ruffin, lui, dans son commentaire du symbole, explique que le mot unique peut se rapporter aussi bien au mot Fils qu’au mot Seigneur. Car le Christ est vraiment le Fils unique de Dieu, et notre unique Seigneur.



À la cinquième, je réponds Quand nous disons que Dieu s’est manifesté en trois personnes, nous voulons dire que Dieu est trois personnes, et que cela nous a été divinement révélé. Quand ils demandent : Qui est ce dieu ? Le Père ou le Fils ? Je réponds : c’est la divinité, ou c’est la trinité, ou c’est le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Que l’on donne une de ces trois réponses, on répond correctement. Pour une raison semblable, ceux qui disent, même parmi les catholiques, que trois personnes résident en un seul Dieu, et qui ne veulent rien dire d’autre que les trois personnes sont d’une seule déité, d’une seule essence, d’une seule nature, il ne faut pas engager avec eux de controverse, même pas au sujet des mots, comme nous le fait remarquer saint Augustin (livre premier des rétractations, chapitre 15),



CHAPITRE 9 : Réfutation du troisième argument



Le troisième argument. Le Père est inengendré, et le Fils est engendré, Ils ne sont donc pas un seul Dieu, car autrement un Dieu serait inengendré et un autre Dieu serait engendré, ce qui est contradictoire. De même. L’engendrable et l’inengendrable diffèrent plus que par le genre; c’est plutôt comme le corruptible et l’incorruptible qu’ils diffèrent. Le Père et le Fils diffèrent donc plus que par le genre. De même. L’engendré et l’inengendré sont des accidents ou des substances. Dans le premier cas, il y a des accidents en Dieu, et dans le second, le Père et le Fils diffèrent substantiellement.



Je réponds à la première raison : si les deux propositions sont affirmatives, elles sont vraies toutes les deux, et il n’y a aucune contradiction. Car Dieu est engendré, et Dieu est inengendré ne sont pas deux propositions contradictoires, parce que dans la première, Dieu signifie le Fils, et dans l’autre le Père. Mais si on disait : Dieu engendre et Dieu n’engendre pas, nous aurions alors deux propositions contradictoires dont l’une est vraie et l’autre fausse. La raison en est que le mot Dieu tout court désigne les trois personnes indistinctement. Mais, quand on dit que Dieu engendre ou que Dieu est engendré, le mot ainsi employé restreint la notion de Dieu en ne lui faisant signifier qu’une seule personne. Et c’est ainsi qu’il est vrai que Dieu engendre, en limitant le nom de Dieu au seul Père. Mais quand la proposition est négative, le sujet n’est pas restreint par le prédicat, car, alors, on n’affirme rien, mais on nie. C’est pourquoi, quand nous disons que Dieu ne génère pas ou qu’il n’est pas engendré, le sens de la phrase est qu’aucune personne divine n’engendre et qu’aucune personne divine n’est engendrée. Ce qui est faux.



Je réponds à la deuxième. Celui qui est engendrable par le mouvement diffère par le genre de l’inengendrable. Car cet engendrable est corruptible par sa nature, Mais l’engendrable sans mouvement et sans changement ne diffère pas nécessairement de l’inengendrable. Mais on peut répondre plus simplement : l’engendrable et l’inengendrable ne différent par le genre que quand la nature qui est engendrée est produite par la génération, et non quand n’elle n’est que communiquée de l’un à l’autre. Or, le Fils est dit engendré, non pas parce que sa nature est engendrée ou produite, mais parce que c’est par la génération que le Fils a reçu la nature. Car, le Fils ne se distingue pas du Père par la nature, mais seulement par la manière d’avoir cette nature. Exemple, Adam n’a été produit par aucun homme; Ève, du seul Adam; Caîn d’Adam et d’Ève; mais ils étaient les trois de la même nature spécifique. Cet exemple est présenté par saint Justin (de ka confession de la foi droite), par saint Grégoire de Naziance (livre 5, de la théologie), par saint Jean Damascène (livre 1, chap 9) et par saint Augustin (livres 1 et2 contre Maximin).



À la troisième, je dis que engendré et inengendré ne sont ni des substances ni des accidents, car inengendré est la négation d’une procession quelconque, et engendré indique une relation. Sont, de même, des relations la paternité, et l’insufflation active et passive. Les relations divines sont des relations substantielles et elles sont réellement la substance elle-même de Dieu. Mais, cependant, comme elles se distinguent de l’essence par la raison, on ne les appelle pas substance, parce que la relation, en tant que telle, n’est pas une substance. On ne les appelle pas non plus des accidents, car en Dieu il n’y a pas d’accident. C’est ce qu’a répondu saint Augustin (livre 5 de la trinité, chapitres 3, 4, 5), quand il a répliqué aux Ariens : « Quand on dit : moi et le Père nous sommes un, le Père et le Fils sont-ils nommés selon la substance ou selon un accident ? Si c’est selon la substance, le Père et le Fils sont d’une seule et même substance. Si c’est selon des accidents, il y a donc en Dieu des accidents ». Et il a conclu par ces mots : « Ces choses ne sont pas dites selon la substance, mais selon quelque chose de relatif, et ce relatif n’est pas un accident ». Voir aussi saint Thomas (1p.q. 28, art. 2) où il enseigne qu’en Dieu il y a deux prédicats selon la raison du genre propre, substance et relation.



Mais tu diras : Si engendrer et être engendré n’appartiennent pas à l’essence et à la substance de Dieu, pourquoi ne seraient-ils pas des accidents ? Je réponds avec le même saint Augustin. Il ne peut pas y avoir en Dieu d’accidents, car tout accident dit composition et mutation. Il faut donc concéder et que c’est le propre de Dieu, et que c’est naturel à Dieu d’être Père, Fils et Saint-Esprit, et qu’une personne est inengendrée, une autre engendrée, et une autre procédant. Mais, cependant, il est naturel et essentiel à Dieu que ces personnes ne fassent pas partie proprement et formellement de son essence. Exemple, Dans les choses créées, il est naturel et obligatoire à l’animal d’être raisonnable ou irraisonnable. Et pourtant, ni l’un ni l’autre ne font partie de son essence. Mais le contraire est vrai : l’animal fait partie de l’essence de l’un et de l’autre, de l’homme et de la brute. C’est donc ainsi que l’essence divine est essentiellement incluse dans les relations, car il n’y a rien en Dieu qui ne soit pas essentiellement Dieu. Autrement, il serait essentiellement une créature. Mais, au contraire, la relation n’est pas incluse essentiellement dans l’essence, ni n’existe sous la forme d’accident, comme on l’enseigne. Et pour rendre notre propos plus clair : la paternité, la filiation et l’insufflation sont des relations. Or, la relation, selon sa raison formelle, se démarque de la substance et de l’accident, car en Dieu la relation est une substance, et dans les créatures un accident. Voir saint Thomas (1 p. q. 28, art 1, et de la puissance, question 8, art 5) et Franc Ferrarieu (en 4 contre les Gentils, chap 14, pas loin de la fin ».



CHAPITRE 10 : Réfutation du quatrième argument



Le quatrième argument. Engendrer est, pour un vivant, la perfection suprême. Cette perfection, le Père l’a, le Fils ne l’a pas. Le Fils n’est donc pas égal au Père; le Père et le Fils ne sont pas de la même nature, et il n’y a donc pas en Dieu des personnes ayant la même essence. Et on confirme ainsi. Le produit implique une dépendance intrinsèque d’un autre, et il est postérieur à celui qui l’a produit, si non dans le temps, du moins par nature. Or le vrai Dieu est un être qui ne dépend de personne, et qui n’est postérieur à personne. Le Fils n’est donc pas le vrai Dieu, puisqu’il a été produit et dépend du Père.



Je réponds qu’engendrer exprime une perfection, et que cette perfection ne fait pas défaut au Verbe. Car, il y a dans le Fils toute la perfection d’une génération active, même s’il n’y a pas en lui de génération active, puisqu’il n’en est pas besoin. Car il a, de l’essence, toute la perfection qu’a la génération, puisque le Fils a l’essence divine totale, Comprendra plus facilement celui qui observera que comme le principe de la génération active est l’essence divine, et, qu’en conséquence, la génération active est d’une infinie perfection, de la même façon le terme de la génération passive est l’essence divine, et est aussi cette essence qui est d’une perfection infinie, et qui est la même perfection infinie.



Tu diras : Si le terme de la génération divine est l’essence, l’essence est donc engendrée au moins par accident. Je réponds qu’on ne peut tirer cette conclusion. En effet, dans les créatures, la nature qui est le terme est engendrée par accident, car la nature qui est communiquée au fils n’est pas numériquement la même que celle qui est dans le père, mais une nouvelle nature, qui ne peut exister qu’à moins d’être produite. Mais l’essence divine est numériquement une dans le Père, et est communiquée au Fils, Elle n’est donc pas produite par la génération. Pour confirmer, je réponds. Dans les créatures, le fils dépend du père parce qu’il reçoit une nature numériquement autre que celle que possède le Père. Dans les choses divines, ce genre de dépendance n’existe pas, parce que c’est la même nature, qui est d’elle-même tout à fait indépendante, qui est communiquée au Fils par le Père, et cela, naturellement et nécessairement. Donc, tout ce qu’il y a, c’est une relation mutuelle du Père au Fils, et sans aucune dépendance dans l’être.



Pour une raison semblable, il faut nier que tout produit est nécessairement postérieur. Car la production ne requiert de soi que l’ordre entre le producteur et le produit. Non la priorité, à moins que ce soit par accident dans les créatures, là où une nouvelle créature est produite. Mais entre les personnes divines, il ne peut y avoir ni priorité ni postérité, puisque ces personnes n’ont que l’essence et la relation, et que l’essence est identiquement la même en tous. Les relations, elles, demandent, d’exister simultanément avec la nature.



CHAPITRE 11 : Réfutation du cinquième argument



Le cinquième argument. Quand le Fils a été engendré, ou il était ou il n’était pas. S’il était, pourquoi a-t-il été engendré ? S’il n’était pas, il fut un temps où le Fils n’existait pas. Il n’est donc pas le vrai Dieu; et les personnes ne sont pas de la même essence. De même. Ou le Fils est toujours engendré, ou il a été toujours engendré, ou il est engendré à un certain moment. S’il est toujours engendré, il n’atteindra jamais le terme et la perfection ultime. S’il est engendré depuis toujours, comment a-t-il pu, sans voie, se rendre au terme ? S’il a été engendré à un certain moment, il ne s’est pas toujours comporté de la même façon, mais a changé, choses absurdes en Dieu. Il ne faut donc pas affirmer qu’il y a plusieurs personnes en Dieu, De même. Ou le Fils a préexisté dans le Père en acte, en puissance ou d’aucune autre manière. Si c’est en acte, il a donc existé avant d’avoir été engendré, Si c’est en puissance, il y a donc en Dieu une puissance passive. Si c’est d’une autre manière, il a donc été fait de rien.



Je réponds avec saint Basile à la première raison (livre 2 contre Eunome) qu’il faut nier que le Fils ait existé avant d’avoir été engendré, et concéder qu’il a existé quand il a été engendré. Il ne s’ensuit pas, pour autant, que le Fils ait été engendré pour rien. Car qu’il existe avant d’avoir été engendré, cela se ferait pour rien, bien plus, cela ne pourrait pas se faire. Mais qu’il existe pendant qu’il est produit, cela ne se fait pas pour rien. Il est certain que dans les choses créées, il y a des moments du temps où elles sont quand elles deviennent, et où elles deviennent quand elles sont. Mais il ne suit pas de cela que le Fils n’a pas toujours existé, si on nie qu’il a existé avant d’être engendré, car c’est depuis toujours qu’il a été engendré, et il a ainsi toujours existé.

À la seconde, c’est Calvin qui a répondu (livre 1, institutions, chap 13, à la fin. Il dit que, pour le Fils, être engendré et ne pas être encore engendré, c’est la même chose. Il dit que c’est une sottise d’imaginer un acte continu d’engendrement. Mais, en parlant ainsi, Calvin contredit saint Augustin (épitre 174 à Pascent, chapitre 4) qui enseigne que « le Père engendre toujours; le Fils nait toujours ». Et la raison qu’il apporte est excellente. Il explique que si le Père engendrait et cessait ensuite, il aurait donc commencé à engendrer quand il n’engendrait pas. Et le Fils ne serait donc pas éternel. Saint Augustin répète la même chose (livre 13 questions : question 37) ainsi que saint Grégoire le grand (livre 29 moral, chap 1) : « Il est préférable de dire que le Fils de Dieu nait toujours, plutôt que dire qu’il est né depuis toujours. Car, même si dure toujours l’acte de génération et de naissance, il est quand même toujours parfait et consommé. »



Je réponds à l’argument en disant que dans la génération divine, la perfection se trouve dans le cheminement (la voie) et dans le terme de la génération, toute imperfection étant exclue. Dans la voie qui est exprimée par le terme il naît, se trouve la perfection de l’acte de naître, et l’imperfection de l’absence du terme. Dans le terme qui s’exprime par il est né, se trouve la perfection de la chose produite, mais il manque la perfection de l’acte de naissance. En Dieu, donc, la naissance est toujours là, mais à l’état parfait, car le Fils de Dieu naît toujours, tout en étant toujours parfait. Et c’est cela être né depuis toujours.



Je réponds à la troisième. On dit de deux façons qu’une chose est en puissance. Une première manière : dans la puissance active de l’agent; et cela convient proprement aux suppôts qui sont produits. L’autre manière : dans la puissance passive de la matière; et cela convient à la forme. Si donc tu considères le suppôt lui-même du Fils, tu comprendras qu’il a préexisté dans la puissance active du Père; et cela ne place en Dieu aucune imperfection. Car si la puissance passive implique une imperfection, la puissance active indique la perfection. Si tu penses à la forme du Fils, c’est-à-dire à son essence (que l’apôtre Paul appelle forme de Dieu, Philipp 2), tu comprendras qu’elle a préexisté en acte dans le Père, non en puissance, car elle est commune à l’un et l’autre. À l’objection qui dit que s’il a préexisté en acte, il a donc existé avant de naître, je réponds que cette forme (essence divine) n’a pas été faite, mais communiquée; et qu’il n’est pas absurde –que c’est même nécessaire—que préexiste ce qui a à être communiqué. Force nous est d’entendre toutes ces choses qui se rapportent à la priorité selon notre façon de comprendre. Car, dans la réalité, il n’y a pas de priorité, puisque le Père a toujours engendré en acte, et il continue à engendrer le Fils.



CHAPITRE 12 : Réfutation du sixième argument



Le sixième argument. La personne en Dieu est soit finie, soit infinie. Si elle est infinie, il n’y en a qu’une seule; si elle est finie, il devrait y avoir un nombre infini de personnes pour exprimer l’infinité de l’essence. De plus. La multiplication des suppôts est nécessaire pour conserver l’espèce ou pour qu’un suppôt obtienne d’un autre sa perfection. Or, comme il est éternel, Dieu n’a besoin ni d’être conservé, puisqu’il est éternel, ni d’être perfectionné, puisqu’il est la perfection. De plus. La personne, en tant que personne, signifie une perfection ou non. Si elle signifie une perfection, il y aura donc en une personne une perfection qui n’existe pas dans une autre. Et comme elle n’est pas un accident, elle sera une perfection substantielle dans une et non dans une autre. Si la personne, en tant que personne, ne signifie pas une perfection, la personne humaine sera plus parfaite que la personne divine; car il est certain que la personne humaine est une perfection. Je réponds que la personne divine, en tant que telle, est infinie, et qu’elle signifie donc la perfection suprême. Je réponds à l’objection en disant qu’on ne peut pas déduire de là qu’il n’y a qu’une seule personne, mais uniquement qu’il n’y a qu’une seule perfection dans toutes les personnes. Car, dans les personnes, il y a une seule et même perfection, mais pas de la même manière : dans le Père cette perfection est la paternité, dans le Fils la filiation etc.



À la deuxième objection, je réponds qu’il n’y a pas plusieurs suppôts dans la divinité pour conserver l’espèce ou pour que l’un soit perfectionné par l’autre, mais parce que c’est ce que demande la nature de l’être intelligent, qui a deux façons de produire quelque chose à l’intérieur de lui-même, la connaissance et l’amour. Et c’est pour cette raison qu’il n’y a que trois personnes et qu’il n’y en a ni plus ni moins : car l’une doit produire sans avoir été produite, une doit être produite par l’intelligence, l’autre par l’amour. Je réponds à la troisième objection que toutes les personnes signifient toutes la même perfection, mais de différentes manières. Tu demanderas peut-être : Cette manière ou cette relation exprime-t-elle une perfection ? Je réponds que la relation au sens propre n’exprime pas une perfection, puisqu’elle est abstraite de l’être réel et est un produit de la raison. Mais une relation réelle exprime la perfection, et la relation divine une perfection infinie. Or, les divines relations n’expriment pas des perfections différentes, mais toutes signifient la même perfection : l’essence divine.



CHAPITRE 13 : Le septième argument



Le septième argument. L’intelligence et la volonté divines sont une seule et même chose, ainsi que l’intellection et la volition. Sont donc une même chose le Verbe et l’Amour, le Fils et le Saint-Esprit. D’un ne procède qu’un. De plus. L’Intelligent en Dieu et l’intellection sont une seule et même chose, ainsi que l’amant et l’amour. Donc le Père et le Fils ne se distinguent ni entre eux ni d’avec le Saint-Esprit. De plus, Ou le Fils pense ou il ne pense pas. S’il pense, il produit un verbe; s’il ne pense pas, il n’est pas Dieu. Le Verbe n’est donc pas Dieu, car ne peut pas être Dieu celui qui ne pense pas. On peut dire la même chose du Saint-Esprit. S’il aime, il produit un amour, en s’aimant soit lui-même soit un autre. S’il n’aime pas, il n’est pas Dieu, car à Dieu ne peut pas faire défaut un acte de volonté.



Je réponds à la première raison qu’une distinction plus petite est requise dans les principes que dans les termes, comme il ressort avec évidence de ce qu’un seul Dieu a créé tant de genres de choses, de ce que notre âme produit tant de concepts, et un seul tronc produit tant de rameaux. Il s’ensuit de cela que la distinction de raison entre l’intelligence et la volonté est suffisante pour qu’on ait des termes distincts dans la réalité. La deuxième prouve seulement que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un dans une même essence. Car, en Dieu, le connaissant, ou plutôt le disant, et le verbe sont semblables, à l’exception de la relation du producteur et du produit. Semblablement, l’amant et l’amour sont une seule et même chose, à l’exception de la relation du producteur d’amour et de l’amour produit.



À la troisième, je dis que le Fils pense, mais qu’il ne produit pas de Verbe, que l’Esprit Saint aime mais ne produit pas d’amour. Car il faut noter que penser et produire un verbe, aimer et produire un amour sont, dans la réalité, deux choses semblables qui ne se distinguent que par la raison. Car penser et aimer signifient et une orientation et un objet, c’est-à-dire, « vers » la chose qui est connue et aimée. Produire un concept et un amour signifie l’orientation vers une chose qui est produite, c’est-à-dire à ce verbe et à cet amour. Ainsi, sont semblables la connaissance et le verbe, mais ne se distinguent que par la raison. Car un concept dit une orientation vers l’objet, le mot dit l’orientation à celui qui dit. Car le Père pense déjà dans l’une et l’autre direction, et il est donc aussi produisant. Le Fils comprend, mais de la première façon, non de la seconde, car il a une direction opposée. C’est pourquoi il n’est pas disant un verbe, mais produisant un verbe.

Pour une raison semblable, le Père est une idée mais non un verbe. Le Fils est concept et parole, parce qu’il a la dimension d’un produit que n’a pas le Père. C’est ce qui permet à Saint Augustin de dire (livre 15 de la trinité, chapitre 14) : « Ils se connaissent l’un l’autre le Père et le Fils, l’un en engendrant, l’autre en naissant ». De la même façon, le Saint-Esprit comprend et est lui-même une connaissance, mais sans les relations de produisant et de produit. Il n’est donc pas disant, il n’est pas Verbe. Je dis la même chose de l’amour, car le Père et le Fils aiment avec la relation de produisant l’amour, et le Saint-Esprit aime avec la relation d’amour produit.



Chapitre 14 : Huitième argument



Huitième argument. En Dieu, il n’y a que l’essence et la relation. Mais ni l’une ni l’autre n’engendre ni n’est engendrée. Donc, en Dieu, rien n’engendre et rien n’est engendré. Il n’y a donc pas en Dieu plusieurs personnes. De même. Un vrai Fils doit être semblable à son père. Mais le Verbe n’est pas semblable au Géniteur, mais à l’objet, comme cela est bien connu. Donc, le Verbe de Dieu n’est pas le vrai Fils de Dieu; et n’est donc pas de la même essence que le Père. De plus, l’Esprit Saint est semblable au Père dans l’essence, ou dissemblable. Il n’est pas semblable, car il serait un Fils, et alors le Verbe ne serait plus Fils unique. Il est forcément alors dissemblable, et n’est donc pas le vrai Dieu. Il n’y a donc pas trois personnes dans un unique vrai Dieu.



Je réponds à la première raison que ce n’est ni l’essence ni la relation, séparément prises, qui engendrent ou qui sont engendrés, mais un composé des deux. C’est le composé d’essence et de paternité qui engendre, et c’est le composé d’essence et de filiation qui est engendré. Il en va de même dans les créatures. Ce n’est ni l’essence ni la subsistance qui engendre. Mais la personne est le principe qui engendre, l’essence est le principe par lequel on engendre, et la subsistance est la condition sans laquelle il ne saurait y avoir de génération. À la première confirmation (le verbe n’est pas semblable à celui qui pense, mais à l’objet; il n’est donc pas le Fils de celui qui pense), je réponds qu’en comprenant qu’il produit un verbe et donc une idée à laquelle ressemble le mot, il est lui-même le Dieu qui produit le Verbe. Mais tu diras : le Verbe n’est pas semblable à Dieu en tant que comprenant mais en tant que compris; et Dieu n’engendre pas en tant qu’intellect, mais en tant qu’intelligent. Le Verbe n’est pas semblable au Géniteur, et n’est donc pas Fils. De plus, le Père est semblable au Fils dans l’essence ou dans la propriété. Non dans l’essence, car il est une seule et même chose dans l’essence. Non dans la propriété, parce qu’en cela, il est dissemblable. Il ne lui est donc semblable d’aucune façon.



Je réponds que le Père doit produire un Fils semblable par l’essence, non semblable par la relation de celui qui le produit, car il ne produit pas son Père, mais son Fils. Le Verbe ne doit donc pas être semblable au Père en tant que Père disant, mais en tant que Père ayant telle nature qui est exprimée en disant. À ce qu’on ajoutait (l’essence du Fils est la même que celle du Père; elle n’est donc pas semblable), je réponds que le Fils est le même, et qu’il est semblable. Car, en tant qu’un et l’autre ont la même essence, ils sont les mêmes dans l’essence. Mais en tant que les deux sont distincts l’un de l’autre, ils participent aussi à la même essence, C’est pourquoi, quand les ariens acceptaient de dire que le Fils était semblable au Père, mais non de la même substance, les Pères répondaient qu’on pouvait dire que le Fils était semblable au Père, mais sans nier qu’il était de la même substance que le Père (omoiousion : d’une nature semblable ; omoousion : d’une nature identique). Voir saint Hilaire dans son livre sur les synodes, vers la fin.



Et à la dernière raison qui portait sur l’Esprit Saint, je réponds que, dans sa production, l’Esprit Saint est semblable, dans l’essence, au Père et au Fils, mais n’est pourtant pas un Fils, sans qu’on en connaisse la raison avec certitude. L’Écriture nous enseigne beaucoup de choses, mais elle a gardé le silence sur cette question, comme sur d’autres questions d’ailleurs, pour qu’elle nous maintienne en recherche, et nous garde humbles. Voir saint Athanase (dans son épitre à Sérapion), saint Grégoire de Naziance (livre 5 de la théologie), saint Basile (livre 3 contre Eunome), saint Damase (livre 1, chap 10), saint Augustin (livre 5 de la trinité, chap 27; livre 3 contre Maximin, chap 14, et traité 99 sur saint Jean). Ils enseignent que c’est un sujet trop élevé pour que nous puissions le comprendre parfaitement. Et pourtant, saint Augustin a trouvé deux raisons qui peuvent satisfaire le chercheur. Dans le livre 5 de la trinité, chapitre 14, il dit que l’Esprit saint n’est pas un Fils car il ne procède pas comme un né, mais comme un donné. Il ajoute ensuite (au livre 15, chapitre 26), qu’il ne peut pas être appelé Fils, parce qu’il procède de deux personnes qu’on ne peut appeler ni deux pères, ni l’un père et l’autre mère.



Saint Thomas (1 part, question 27, art 4, et dans la question de la puissance que 10, art 2, argument 22) semble avoir expliqué la chose avec plus de clarté. Il dit, en effet, que le Fils de Dieu est le Verbe de Dieu parce que, en procédant par l’acte de l’intelligence, il procède comme la similitude et l’image de celui qui le produit. Car on ne comprend pas une chose sans produire une notion, ou verbe, qui soit une similitude de la chose que l’on comprend. Mais le Saint-Esprit, enseigne toujours saint Thomas, n’est pas Fils de Dieu car, bien qu’il soit semblable au Père et au Fils, il n’est pas semblable en vertu de la production, puisqu’il procède d’un acte d’amour. L’amour, en effet, n’est pas, de sa nature, une similitude de la chose aimée, mais une pulsion vers la chose aimée.



CHAPITRE 15 : Le neuvième argument



Le neuvième argument. La subsistance est de la raison intrinsèque de l’essence ou elle ne l’est pas. Si elle l’est, l’essence est donc incommunicable, ou si elle communicable, la subsistance elle-même sera communiquée. Et alors, les personnes ont, en plus de cette subsistance qu’elles reçoivent avec l’essence, une autre qui leur est propre, ou elles n’en reçoivent pas. Si elles en ont, il y aura quatre subsistances et donc quatre personnes. Si elles n’en n’ont pas, il n’y aura alors qu’une seule subsistance et donc une seule personne. Et si la subsistance n’est pas de la raison de l’essence, l’essence n’est pas vraiment infinie, car elle ne contient pas toutes les perfections. Et, de plus, les personnes divines seront composées d’essence et de subsistance, ce qui est tout à fait absurde.



Nous traitons ici d’une question très difficile, sur laquelle les pères n’ont pas pu se mettre d’accord. Car saint Augustin (au livre 7 de la trinité, chap 4), dit que c’est une autre chose, en Dieu, d’être père, et une autre chose d’être Dieu. Mais il enseigne, au même endroit, que subsister se dit pour soi-même et non pour quelque chose d’autre, et qu’il est en conséquence, absolu et commun aux trois. Il ajoute ensuite qu’il y a en Dieu un seul subsister, comme il y a un seul savoir ; et que, comme il n’y a pas en Dieu trois sagesses, il n’y a pas non plus trois subsistances. Et, au chapitre 6, il dit qu’être une personne est quelque chose d’autre qu’être Dieu. On voit là que saint Augustin distingue la subsistance de la relation ; qu’il enseigne que la subsistance est une, et les relations multiples.



Saint Anselme dit la même chose dans son monol chap 43. Il dit que les personnes divines subsistent, savent et vivent par leur sagesse, leur essence et leur vie. Et Boèce (dans le livre des deux natures) : « Subsiste ce qui n’a pas besoin d’un autre pour être. C’est pourquoi ce que les Grecs appellent ousian, nous l’appelons subsistance. Richard enseigne des choses semblables (au livre 4 de la trinité, chap 18 et 19). Et saint Thomas lui-même (question 9, de la puissance, articles de 5 à 13) enseigne que c’est de l’essence que les relations reçoivent de subsister, et que, à l’inverse, ce n’est pas des relations que l’essence reçoit d’exister. Chose qu’il enseigne ailleurs à plusieurs reprises. Et (dans 1 sent dist 26, quest 1, art 1 à quatre), il dit clairement que « la subsistance est une comme l’essence ».



On peut aussi le démontrer par la raison. Car, subsister est le propre de la substance, non de la relation. Ce n’est donc pas de la relation que l’essence tire la subsistance, mais d’elle-même. Et de plus, si elle la recevait de la relation, on ne pourrait pas expliquer comment existe en Dieu une vraie génération, car la relation vient après la génération, et c’est en elle qu’elle a son fondement. Un suppôt subsistant précède la génération, car seul un suppôt peut agir. Comment le Père pourra-t-il engendrer s’il n’a un être subsistant que par la relation, relation qu’il n’a eue qu’après la génération ? D’un autre côté, saint Jean Damascène (livre 1, chap 6, de la foi orthodoxe) dit mot pour mot ceci : « Le Verbe de Dieu se distingue de Celui par qui il a la subsistance par le fait de subsister par lui-même. » Il est assez clair qu’il admet plusieurs subsistances. De même, dans le synode général 6, on a ordonné de lirre l’épitre de Sophrone, et de la recevoir ensuite (article 13). Dans cette lettre on dit deux fois, qu’ « il y a du nombre dans la trinité en raison des personnes subsistantes. »



De plus, dans le symbole d’Athanase, et dans presque tous les pères grecs, on dit qu’autre est l’hypostase du Père et autre celle du Fils. On ne pourrait surement pas dire trois hypostases, à moins qu’il n’y ait plusieurs subsistances. Donc, comme on ne peut pas dire plusieurs dieux, parce qu’il n’y a pas plusieurs déités, (car, on ne multiplie des substantifs concrets que si on multiplie les formes), semblablement, s’il n’y a pas trois subsistances, comment distinguer réellement les personnes ? Car une relation réelle ne peut pas trouver place là où il n’y a pas d’existences distinctes, au de subsistances. Il est certain que les personnes divines ne se distinguent pas l’une de l’autre par des existences, auquel cas l’incarnation n’aurait été faite que dans l’hypostase du seul Fils. Enfin. Si, en Dieu, avec une seule subsistance, existent plusieurs personnes à cause de la seule multiplication des relations opposées, pourquoi, dans le Christ n’y a-t-il pas plusieurs personnes à cause de la multiplication des natures opposées, c’est-à-dires les natures de Créateur et de créature ? Ajoutons que (p,p, question 40, art 3) saint Thomas enseigne que les relations apportent avec elles les hypostases, qu’elles ne les présupposent pas ; et que si on abstrait les relations de l’essence, il ne reste plus d’hypostase.



Voilà donc de qu’on en dit. Je dirai maintenant ce qu’il m’en semble. La subsistance divine est en partie une, en partie plusieurs ; en partie absolue, en partie relative ; en partie commune aux trois, en partie propre à chacun ; et donc en partie de la raison de l’essence, et en partie non de la raison de l’essence. Pour faire comprendre plus facilement ce que dis, faisons quelques observations préliminaires. D’abord, pour saint Thomas (quest 8 de la puissance, articles 3 à 7), la subsistance a deux fonctions : une qui consiste à constituer le suppôt, et à le faire exister en lui-même, c’est-à-dire ne pas dépendre d’un autre ; et une autre fonction qui consiste à le distinguer des autres suppôts. Ces deux fonctions sont bien différentes l’une de l’autre. Car quelqu’un peut exister avant un autre, comme on le voit dans le cas d’Adam. Quand il était seul, il avait en lui-même son existence, mais il ne se distinguait pas des autres. Il y a aussi quelque chose qui distingue sans constituer, comme dans l’insufflation active en Dieu.



Je note, en second lieu, qu’autre est de parler de la subsistance en rapport à l’essence, et autre, par rapport aux personnes. Car, si c’est de l’essence que nous parlons, elle n’est pas constituée par la relation, et elle n’en reçoit pas la subsistance. De sorte que si, par la pensée, nous séparons les relations de l’essence, celle-ci sera existant en elle-même, et distincte de toutes les autres essences, même si elle n’a pas en elle des personnes distinctes. Je note, en troisième lieu, qu’il est certain que les personnes se distinguent des relations, et qu’elles ont donc une subsistance pour remplir la deuxième fonction. Car on doit distinguer les personnes divines par une infime distinction, comme l’enseignent saint Cyrille (livre 1 de la trinité), et saint Thomas (p.p. quest 40, articles 2 et 3). Ils disent que la plus infime distinction est celle qui se fait par la relation. Et cela, les pères et les conciles l’enseignent aussi quand ils disent que, en Dieu, seule la relation effectue la distinction et le nombre.



Mais d’où les personnes divines ont-elles la subsistance, par rapport à la fonction première ? Cela, les Pères ne l’ont pas expliqué avec autant de précision. Nous disons, quand même, avec saint Thomas, que les personnes ont toute la subsistance par la relation, mais pas de la même façon. Car la relation inclut l’essence, et ajoute une autre dimension, celle d’être pour un autre. En tant qu’elle inclut l’essence, elle constitue la personne, et lui donne d’être en elle-même. En tant qu’elle oriente vers un autre, elle distingue. Que ce soit là la position de saint Thomas ne le niera pas celui qui le lira attentivement. Car il enseigne partout que c’est la relation qui constitue et qui distingue les personnes. Mais elle la constitue pour s’identifier avec l’essence, et, en tant qu’elle est une relation, elle s’en distingue.



Voir saint Thomas (de la puissance, question 8, articles 3-7 ; question 9, articles 5 à 13, et question 10, articles 5 à 12. La somme contre les Gentils : livre 1, chap 21 et 22, livre 4, chapitres 10, 14, et p.p. quest 3, art 3, et quest 29, art 4, et question 40, art 2 et 4, et 1 dist. 26, quest 1, articles 1 à 4). Mais j’ai le goût de transcrire quelques paroles de saint Thomas. Voici donc ce qu’il dit (dans la question 8 de la puissance, articles 3 à 7) : « Même si elles constituent les hypostases, les relations le font, cela, en tant qu’elles sont l’essence divine. » Il dit la même chose au 9 : « La relation distingue en tant qu’elle est relation ; et elle constitue en tant qu’elle est l’essence ». Et (questions 9 à 13) : « Les propriétés personnelles ne sont pas le principe de la subsistance de la divine essence. Car, c’est par elle-même que subsiste la divine essence. Mais, à l’inverse, c’est de l’essence que les propriétés personnelles ont de subsister. »



Tu diras : si c’est en tant qu’essence que la relation constitue, et non en tant que relation, c’est donc l’essence qui constitue, et non la relation. Je réponds qu’il n’en est pas ainsi, car le principe qui constitue et qui distingue doit être le même, même si ce n’est pas de la même manière qu’il constitue et qu’il distingue. On s’entend pour dire que le principe distinctif est la relation, Mais la relation doit aussi constituer, mais non sans inclure l’essence.



Il faut noter, en quatrième lieu, qu’en remplissant sa première fonction qui est de constituer la personne, la subsistance fait deux choses. Elle donne d’exister par soi, et elle accorde l’incommunicabilité. La relation divine ne donne pas, au sens propre du terme, d’être par soi, parce que, étant d’une perfection infinie, la divine essence inclut essentiellement non seulement l’être, mais l’être par soi. Elle donne quand même l’incommunicabilité, et constitue le suppôt. Car, bien qu’elle subsiste par elle-même, la divine essence est communicable en raison de son infinité. Elle n’est donc pas un suppôt. Et, par la relation, cette substance essentielle est comme terminée et modifiée de façon à ce que le composé d’essence et de relation soit désormais incommunicable. C’est pourquoi, bien que ce soit en tant qu’essence et non en tant que relation que la relation constitue, quand le mot constituer signifie être par soi ; c’est en tant que relation qu’elle constitue, quand le mot constituer signifie être par soi-même d’une façon incommunicable. Donc, comme il y a, en Dieu, une seule subsistance commune et absolue, (comme l’enseignent saint Augustin, saint Anselme, Richard et saint Thomas), il y a également trois subsistances propres et relatives, comme on l’apprend de saint Athanase, de saint Sophrone, de saint Jean Damascène, et de saint Thomas. Il n’y a quand même pas quatre subsistances, mais une et trois, parce que ces trois relatives sont réellement semblables à l’absolue. Ce qui met fin aux arguments de part et d’autre.



Au premier : donc l’essence est incommunicable. Je réponds en niant la conclusion. Car l’essence n’est pas communiquée de façon à commencer à être en un autre ce qu’elle était en elle-même, car elle est toujours en elle-même, et jamais dans un autre, puisqu’elle extrêmement simple, et que c’est dans sa nature de subsister. Mais plutôt de façon à ce qu’elle soit en elle-même d’une autre façon. Exemples. L’essence du Père est en elle-même, mais avec la relation de celui qui produit ; l’essence du Fils est en elle-même, mais avec la relation de celui qui est produit etc. Venons-en maintenant à l’argument suivant : « ou ils ont la subsistance propre d’une personne, en dehors de celle de l’essence, ou ils ne l’ont pas ». Je réponds que les personnes singulières n’ont que des subsistances singulières, qui, en partie, sont de la raison de l’essence, et en partie ne le sont pas. Et à l’autre : « donc l’essence ne sera pas infinie en sens fort du terme ». Je réponds en niant la conclusion, Car l’essence contient intérieurement tout ce que la subsistance a en fait de perfection. Car, comme nous l’avons déjà dit, les relations n’expriment aucune autre perfection que celle qui se trouve dans l’essence.



Et cet autre : « alors la personne sera composée. » Je réponds en niant la conclusion, Car, en tant qu’elle se distingue de l’essence, la subsistance du Père est un pur regard vers l’autre. Elle n’est donc pas alignée vers l’essence, mais seulement vers le terme. Venons-en maintenant à l’argument que l’on dit insoluble. La constitution du suppôt précède la génération, et la génération précède la relation. Le suppôt n’est donc pas constitué par la relation. Je réponds que la constitution du suppôt précède la génération, mais que la distinction du suppôt vient après la génération. Et c’est pour cela que nos disons que la relation qui suit la génération, en tant que telle, ne constitue pas le suppôt, mais le distingue des autres ; que ce qui constitue le suppôt, selon notre manière de voir, c’est la relation en tant qu’elle s’identifie avec l’essence, et précède la génération.



Tu diras : s’identifier avec l’essence c’est aussi une relation. Si c’est une relation, elle requiert un fondement. Autrement, il n’y aura aucune raison pour laquelle elle soit plutôt paternité qu’une autre espèce de relation. Or, on ne peut trouver à la paternité d’autre fondement que celui de la génération. Donc, la paternité ne peut en aucune façon précéder la génération, et constituer un suppôt. Je réponds que les relations qui sont des accidents requièrent toujours un fondement. Car, comme personne ne demande pourquoi l’homme est un animal raisonnable, parce que c’est son essence, de la même façon personne ne doit demander pourquoi la première personne divine est une paternité subsistante, parce que c’est son essence. Et pourtant, nous lui assignons un fondement, la génération, comme raison pour laquelle cette première personne est formellement Père, et se distingue du Fils.



Mais tu demanderas : saint Thomas a dit (p,p, 40, art. 3) que, si nous faisons abstraction des relations, il ne demeurera plus d’hypostases en Dieu. Donc, la subsistance n’est en aucune façon de la raison de l’essence. Je réponds que saint Thomas veut dire qu’il ne restera pas d’hypostases distinctes, car il ajoute tout de suite après que l’hypostase signifie quelque chose de distinct.



CHAPITRE 16 : Le dixième argument



Le dixième argument. La relation distingue les personnes en tant qu’elle se distinguent de l’essence. Mais en tant qu’elle se distingue de l’essence, la relation n’existe pas dans la réalité, mais seulement dans l’esprit. Car la relation n’ajoute rien de réel à l’essence, mais n’existe que dans la pensée. Autrement, elle serait en Dieu quelque chose de réellement distinct de l’essence. Les personnes ne se distinguent donc pas réellement entre elles, mais par la seule raison. De plus, ou toute la réalité qui est dans le Père est aussi dans le Fils, ou elle n’y est pas. Si elle est toute dans le Fils, le Père n’est pas réellement distinct du Fils, Si elle n’y est pas, il y a donc une chose dans le Père qui n’est pas dans le Fils. Les transcendantaux (l’un, le vrai, le bon et le beau) sont réellement dans le Père, et non réellement dans le Fils.



Je réponds que la dimension que la relation ajoute à l’essence distingue les personnes, et que cette dimension est dans la réalité et non seulement dans la pensée ; et que c’est dans la réalité que se fait la distinction entre les personnes, et qu’elle perdure même si l’intelligence arrête de penser. Voilà pourquoi je dis que les personnes ne se distinguent pas par les relations en tant que les relations se distinguent de l’essence, mais en tant qu’elles sont des relations réelles, c’est-à-dire en tant qu’elles sont une seule et même chose avec l’essence, et qu’elles sont rendues distinctes par la raison. À la confirmation, je dis que toute la réalité absolue qui est dans le Père est aussi dans le Fils, et dans le Saint-Esprit, mais pas toute la réalité relative. Car il y a vraiment trois entités réelles, mais relatives, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.



On a dit, en guise de preuve, que les transcendantaux (l’être, le vrai et le bien) sont convertibles etc. Je réponds que ces trois entités sont aussi trois êtres, trois vrais, trois bons, si nous considérons ces noms comme des adjectifs. Ce qui veut dire qu’ils sont trois à avoir la vérité et la bonté. Mais il n’y a pas en eux trois bontés, trois vérités, mais une seule. Et la raison en est que la relation n’exprime pas une perfection en tant qu’elle est tournée vers autre chose, mais en tant qu’elle est quelque chose tourné vers quelque chose. En Dieu, ce quelque chose de relatif s’identifie avec l’essence, et la relation en Dieu n’exprime donc pas une autre perfection que l’essence elle-même qui est une.



Et voilà pourquoi quand nous disons qu’en Dieu il y a trois entités ou trois choses, ou trois subsistances ou trois personnes, nous ajoutons toujours, ou nous sous-entendons :  relatives. Et nous ne multiplions ni ne comptons jamais les absolus, car la relation est seule, de sa nature, à apporter une vraie distinction sans multiplier les perfections, car, en raison de son « vers », elle a l’opposition, et donc la distinction. Mais, pourtant, par la seule raison de son « vers », elle n’exprime aucune perfection. En tant qu’elle exprime une perfection, elle s’identifie avec l’essence. Voir saint Anselme (livre de l’incarnation, chapitre 3), où il enseigne qu’on peut dire que le Père et le Fils sont deux choses, pourvu que par choses on entende des relations et non des substances. Et le concile de Tolède (X1, chap 1), : « C’est dans les relations qu’on voit le nombre, mais dans la substance de la divinité, on ne trouve rien qu’on puisse compter ». Car, là où on admet un vrai nombre, il faut nécessairement admettre plusieurs entités.



CHAPITRE 17 : Onzième argument



Le onzième argument. Les actes de l’intelligence et de la volonté, sont immanents, et donc stériles, comme l’enseigne le philosophe (livre 9, métaphy tex. 16). Ils ne produisent donc rien. Or, si le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas produits par l’intelligence et la volonté, ils ne seront produits en aucune façon. Car il n’est pas facile d’expliquer comment ils pourraient autrement être produits, et pourquoi deux seules personnes sont produites, et pourquoi l’une est dite verbe, et l’autre amour. Je réponds que toutes les actions immanentes, et donc les actes de l’intelligence et de la volonté, que nous pouvons appeler intellection et dilection, ne produisent rien qui demeure après l’acte. Mais quelque chose qui est apparenté à l’acte est produit, qui peut porter le nom de cette action. On peut entendre le mot acte de deux façons. Une première façon : de l’acte lui-même et en lui-même, selon sa définition propre. L’autre façon : de l’acte uni avec une certaine qualité, qui se comporte comme son terme. Exemple. Nous appelons la caléfaction une action, bien que, par sa définition, elle ne corresponde pas à une action, mais inclue une certaine chaleur acquise.



De la même manière, l’intellection et la dilection ne sont pas des actes à l’état pur, mais elles incluent quelque chose d’acquis par le moyen de la qualité, qui est comme son terme. Car si l’intellection était une action à l’état pur, comment celui qui pense deviendrait-il semblable à ce qu’il pense ? La similitude n’a-t-elle pas pour fondement la forme ou la qualité ? C’est pour cela que le philosophe ne dit pas que rien n’est produit par les actions immanentes, mais que rien n’est produit qui demeure après l’action ; comme par les actions transitives est produit quelques de distinct de l’action, et qui demeure après l’action.



Donc, le Verbe est produit par l’intellection, et l’Amour par la dilection, lesquels sont en nous des accidents, mais en Dieu la substance. Car, en Dieu, mais non en nous, la connaissance et l’essence sont une seule et même chose. Voilà pourquoi les saints Pères affirment souvent que Dieu le Père a engendré son Verbe de toute éternité, parce qu’il est sage depuis toute éternité. Ils n’auraient pas dit cela s’ils n’avaient pas cru que le Verbe de Dieu est produit par un acte de l’intelligence. Voir saint Athanase (sermons 1, 2, 3 contre les Ariens), saint Basile (livre 4 contre Eunome), saint Grégoire de Naziance (livre 3 de la théologie), saint Cyrille d’Alexandrie (thes c. 5, et livre 12, chap 7). Saint Ambroise (livre 4, de la foi, chapitre 4), saint Augustin (livre 6 de la trinité, chap 1, et livre 7, chap 1).



Il n’est pas rare que les Pères enseignent explicitement que Dieu le Verbe est produit par l’intelligence, comme saint Basile (dans son homélie sur saint Jean, au début), Saint Cyrille (livre 1 sur Jean, chap 5), Théodoret (aux Grecs chap 2), et saint Jean Damascène (livre 1, chap 6). Enfin, saint Augustin, dans tout le livre 9 de la trinité, appelle le Fils Sagesse, et le Saint-Esprit Amour. Et le concile de Tolède donne au Saint-Esprit le nom de Charité.



CHAPITRE 18 : Douzième argument



Le douzième argument. Ce mystère détruit trois principes connus naturellement. Le premier principe. On est ou on n’est pas. Car la paternité est la même chose que l’essence, et l’essence la même chose que la filiation. La paternité est donc, dans la réalité, la même chose que la filiation. Elle ne peut pourtant pas l’être si elle se distingue réellement de la filiation. Le deuxième principe. Ceux qui sont semblables à un tiers sont semblables entre eux. Or, la paternité et la filiation sont réellement semblables à l’essence, sans pourtant être réellement semblables entre elles. Le troisième principe. Quand nous disons que cette essence est le Père, que cette essence est le Fils, on peut que conclure que le Père est le Fils. Mais cette conclusion est fausse, si la foi est vraie.



Au premier principe je répons en niant la première conséquence, car l’essence se comporte à la manière d’un terme commun, car, bien qu’elle soit singulière, elle est vraiment en plusieurs suppôts. Voir saint Thomas (p.p. quest 39, art 4, 1). Exemple, Ce syllogisme ne vaut pas : l’homme est réellement semblable à l’animal, l’animal est réellement semblable à un cheval, l’homme est donc réellement semblable à un cheval, Ne vaut pas mieux le syllogisme suivant : la paternité est réellement semblable à l’essence, et l’essence est réellement la même chose que la filiation. La paternité est donc la même chose que la filiation.



Au deuxième principe, je dis que cette maxime n’est pas vraie universellement. Elle ne vaut que quand des choses sont adéquatement semblables à un tiers, comme en mathématiques. Si deux lignes sont égales à une tierce, elles seront universellement égales entre elles, parce qu’il y a ici une adéquation totale. Si tu dis que, étant réellement semblables à un animal, l’homme et le cheval sont réellement semblables entre eux, cette conclusion ne vaut rien car l’homme et le cheval ne sont pas adéquatement semblables. De la même façon, l’essence et la paternité ne sont pas semblables adéquatement, parce que l’essence s’étend à plusieurs. Ce n’est même pas vrai que cette maxime est le fondement de tout discours humain, si on n’y ajoute pas quelles limites. Autrement, c’est pour rien qu’existeraient un si grand nombre de syllogismes qui cherchent à expliquer comment on doit réunir deux extrêmes avec un centre, pour pouvoir conclure qu’ils sont unis entre eux. Ajoutons que même si cette maxime était universellement vraie dans les choses finies, elle n’est pas tenue à être vraie dans le Dieu infini. Car, si l’âme raisonnable, parce qu’elle est spirituelle, est naturellement dans plusieurs parties du corps réellement distinctes, ne vaut pas le syllogisme suivant : les mains et les pieds sont au même endroit que l’âme, ils sont dont semblables entre eux par le lieu. À plus forte raison Dieu, Esprit infini, peut être partout dans plusieurs suppôts.



Le troisième principe. Je rejette la valeur de ce syllogisme. Car l’essence se comporte à la manière d’un terme commun, comme on le dit habituellement. C’est pourquoi, comme ne vaut pas : un certain homme est Pierre, un certain homme est Paul, donc Pierre est Paul, de la même façon ne vaut pas : cette essence est le Père, cette essence est le Fils, donc le Père est le Fils, Jusqu’à présent nous avons disserté de la trinité en général. Nous parlerons maintenant de la distinction qui existe entre le Père et le Fils.



[12 juin 2017, 19h51 fin]



24 juin 2017 à 00:55 début

CHAPITRE 19 : Le Fils de Dieu est-il un auto-Dieu ?

Il y a une nouvelle hérésie qui n’existe peut-être qu’en paroles. Genebrardus (dans le livre 1 sur la trinité) réfute en bonne et due forme l’hérésie de ceux qu’il appelle les autothéistes, c’est-à-dire l’hérésie de ceux qui disent que le Christ est Dieu par lui-même, non par le Père. Et cette hérésie, il l’attribue à Calvin et à Théodore de Bèze. Et, d’après la préface de leurs livres, il soupçonne que François Stancarum a été le premier auteur de cette hérésie. Guillaume Lindanus (dans son deuxième dialogue), Dubitantius et Pierre Canisius (dans la préface du livre sur saint Jean-Baptiste) ont attribué cette erreur à Calvin. Il s’ensuit clairement de cette erreur ou que le Fils ne se distingue pas personnellement du Père, (ce qui est l’erreur de Sabellius) ou qu’il se distingue par la nature, qu’il n’est pas le Fils de Dieu, mais un autre principe quelconque. Cette erreur s’apparente à celle des manichéistes. Je dirai donc ce que je pense de toute cette affaire.



D’abord, dans les écrits de Stancarum, je n’ai rien trouvé de tel. Je reconnais, cependant, ne pas avoir lu toutes ses œuvres, mais seulement celles qui traite de la trinité et du médiateur. Au sujet de Calvin, j’estime qu’il s’est, sans aucun doute, trompé dans sa manière de parler, et qu’il a ainsi prêté flanc aux critiques que les nôtres lui ont adressées. Car, voici ce qu’il dit (dans le livre 1, inst, chap 13, verset 19) : « Les écrivains ecclésiastiques enseignent tantôt que le Père est le principe du Fils, et tantôt que le Fils a de lui-même la divinité et l’essence ». Et plus bas : « Donc, quand nous parlons exclusivement du Fils, sans tenir compte du Père, il est bon et juste d’affirmer que le Fils a de lui-même son existence. » Et, au verset 23, parlant du Fils : « Comment le Créateur qui donne l’être à tous ne sera-t-il pas par lui-même, mais recevra d’ailleurs son essence ? » Et le même Calvin, (dans son épitre à Polon, et dans son livre contre Gentilis), affirme que le Fils est auto Dieu, c’est-à-dire Dieu-par-lui-même, et improprement, et, dans le Symbole, qu’il est Dieu de Dieu et Lumière de Lumière.



Mais quoi qu’il en soit, quand je réfléchis à tout cela, et que j’examine de près les propositions de Calvin, je n’ose pas facilement prononcer qu’il a été dans l’erreur. Il semble que ce qu’il enseigne c’est ceci. Le Fils existe par lui-même par rapport à l’essence, non pas rapport à la personne; la personne est engendrée par le Père, l’essence n’est ni engendrée ni produite par le Père, mais existe par elle-même. De sorte que si tu enlevais au Fils la relation au Père, il ne resterait que l’essence qui existe par elle-même. Pourquoi je pense que telle est la pensée de Calvin, je l’exposerai en quelques mots. Ce n’est pas tant pour le défendre ou l’excuser, --puisqu’il s’est rendu indigne de toute défense par ses si nombreuses hérésies--, que pour montrer qu’il n’est pas nécessaire de s’attarder sur une question, quand la question ne porte pas sur la chose.



D’abord, Calvin déclare (livre 4 des institutions, chap 13, verset 13) que la nature divine est numériquement une en trois personnes distinctes. Il dit là également que le Fils a été engendré par le Père. On ne peut certainement pas comprendre comment le Fils est du Père, et a la même nature que le Père, et ne l’ait pas du Père. Car, on ne peut pas dire non plus que le Fils est une pure relation, mais quelque chose de subsistant dans la nature divine. De plus, au même endroit, il dit clairement que l’essence est communiquée au Fils par le Père : « S’il y a une distinction dans l’essence, qu’il réponde : ne l’a-t-il pas communiquée au Fils ? Il n’a pas pu faire cela par une partie de lui-même, car il n’est pas permis de penser qu’on ait fabriqué un demi-dieu. Ajoutons que l’essence divine aurait été lacérée. Reste donc qu’elle était complète, et qu’elle est, en totalité, commune au Père et au Fils ». Après voir dit cela, il répète que le Fils est la Sagesse engendrée, et le Père la fontaine de la déité.



De plus, ceux qui prétendent que le Fils a son essence par lui-même se trompent à un point tel qu’ils sont forcés ou de faire du Fils un inengendré, et la même personne que le Père, ou de multiplier les essences, ou de distinguer réellement une essence par la personne, et d’introduire ainsi une quaternité. Or, Calvin (livre 1 des institutions, chap 13, verset 19), affirme que le Fils est engendré par le Père, et il place une seule essence dans les trois personnes. Il enseigne aussi, au verset trois, que l’essence du Père a été communiquée au Fils. Enfin, au verset 25, il n’établit pas, entre l’essence et les personnes, une relation réelle, mais de raison.



Je vais apporter, ensuite, comme preuve, la raison pour laquelle il a parlé ainsi. La voici cette raison. Valentin Gentilis répétait partout que seul le Père était un auto Dieu. Et, par ce nom, il enseignait que seul le Père a l’essence divine et incréée; que le Fils et le Saint-Esprit avaient une autre essence produite par le Père; et qu’ils n’étaient donc pas, quant à l’essence, auto dieux. Voulant s’opposer à Gentilis, Calvin affirma le contraire, à savoir que le Fils aussi est auto Dieu, au sens que Valentin rejetait.



Je le prouve, en troisième lieu, par la doctrine de ses disciples. Car Théodore de Bèze (dans les axiomes sur la trinité, axiome 14) dit que « le Fils est du Père par une communication de toute l’essence, de toute éternité ». Et pourtant, lui aussi, comme son maître Calvin, fait du Fils un auto Dieu. Nous pouvons dire la même chose de Josias Simlerus, adepte de Calvin. Dans son épitre à Polon, il défend l’auto essence du Fils, et explique ainsi sa position et celle de Calvin : « Nous ne nions pas que le Fils ait son essence du Dieu Père, mais nous nions que l’essence ait été engendrée ». Cette sentence de Josias, je ne vous pas pourquoi on ne l’appellerait pas catholique.



Il ne reste qu’à répudier la façon de parler de Calvin, qui lui fait dire que le Fils a de lui-même son essence. Car cette façon de s’exprimer milite contre la parole de Dieu (Jean 5) : « Le Père a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. » Or, si le Père a donné la vie, il a surement aussi donné l’essence, car, en Dieu être et vivre sont une seule et même chose. De même (Matth 11) : « Tout m’a été communiqué par mon Père ». Pourquoi pas aussi l’essence ? Et Jean 7 : « Moi, je le connais, parce que je suis de Lui. » Et, au chapitre 8 : « Ce que j’ai entendu du Père, c’est cela que je dis au monde ». Or, on ne peut comprendre comment le Père communique au Fils la science sans lui donner aussi l’essence, comme nous l’avons montré plus haut avec des citations de saint Augustin.



Cette façon de s’exprimer milite aussi contre les conciles. Car, tous les conciles qui ont eu lieu après celui de Nicée, ont reçu le symbole de Nicée avec les mots Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, comme ceux de Sardaigne, de Constantinople 1, d’Éphèse 1, et tous les autres. Il est surement intolérable l’orgueil de Calvin qui lui fait blâmer la de parler que tous les conciles ont approuvée. Sur ce point, Calvin ne se distingue pas des ariens. Car dans le concile d’Aquila, saint Ambroise n’a pas pu amener deux hérétiques à dire que le Fils est vrai Dieu de vrai Dieu. Car ils répondaient toujours que le Fils est un vrai engendré, un vrai Fils de Dieu, et d’autres expressions semblables. Ils n’auraient jamais accepté de dire vrai Dieu de vrai Dieu, même si on les avait interrogés cent fois. Et dans le concile de Lausanne, on n’a jamais pu amener Calvin à dire que le Fils est Dieu de Dieu. C’est ce que, dans sa lettre au cardinal Lothaire, rapporte Pierre Charles, qui fut présent à ce concile.



Elle milite ensuite contre la doctrine des Pères. Car, saint Grégoire le thaumaturge dit, dans son symbole  que le Fils est Dieu de Dieu. Et, avant lui, saint Justin (au début de son livre sur la confession de la foi droite) : « Le Père a l’essence, sans avoir été capable de naître, le Fils en étant capable de naître. » Épiphane (hérésie 69), appelle le Fils, Dieu de Dieu. Saint Hilaire (au début de son livre 4 sur la trinité) : « Le Fils n’a rien qui ne soit né, c’est-à-dire que tout ce qu’il a, il le tient de la naissance ». Saint Augustin (traité 31 sur Jean) : « Tout ce qu’est le Fils, il l’a de ce qu’il est Fils. C’est pour cela que nous disons du Seigneur Jésus, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière ».



Cette façon de parler milite aussi contre la raison, et contre l’enseignement lui-même de Calvin. Car, s’il déclare lui-même que le Père a communiqué son essence au Fils, peut-il raisonnablement dire que le Fils a de lui-même son essence ? De même, s’il dit que le Fils est produit par le Père, comment peut-il nier que, dans le Fils, l’essence et la vie soient du Père ? Car on ne dit pas que le Fils est seulement une propriété, mais une hypostase complète et entière. Ajoutons à cela que ses raisons ne valent rien. Il dit d’abord que ce qui le pousse à parler ainsi c’est l’autorité des Pères, qui enseignent, à certains moments, que le Fils est par lui-même. Il cite saint Augustin (début du psaume 68, et traité 39 sur saint Jean) : « Le Fils est dit vers le Père, Dieu vers lui-même. Comme c’est d’être vers le Fils qui le rend Père, c’est d’être vers soi qui le fait Dieu »



Mais ces arguments ne permettent de rien conclure. Car nous disons que, par rapport aux créatures, le Père et le Fils sont un seul principe. Cette vérité cohabite parfaitement bien avec cette autre qui veut que le Père soit principe sans principe, et le Fils principe de principe, comme l’explique saint Augustin (dans le traité 39 sur Job) : « Toi, qui est-tu ? Le principe qui vous parle aussi ». Le Fils est le principe, mais de principe, comme il est Dieu de Dieu, Lumière de Lumière. Et ce n’est pas exprimer la même chose de dire que le Fils est un Dieu vers lui-même, et un Dieu par lui-même. Car la première affirmation signifie que le nom de Dieu n’est pas relatif, mais qu’il convient quand même au Fils, » Et c’est ce que dit saint Augustin, et il a raison de le dire, car même si le Fils est relatif, il est un relatif subsistant, divin, et qui inclut donc l’essence, laquelle est absolue. Or, que le Fils soit Dieu par lui-même, cela signifierait que le Fils de Dieu n’est pas Fils de Dieu, mais qu’il est inengendré, ce que saint Augustin n’a jamais dit, et ce que Calvin lui attribue faussement.



La deuxième raison de Calvin est la suivante. Si le Fils n’avait pas l’essence de lui-même, il serait un Dieu précaire, voire même un Dieu nominal, et en réalité semblable aux créatures qui reçoivent d’ailleurs leur être. Je réponds que cet argument vaut pour Gentilis, lui qui disait que le Fils n’avait pas une essence de lui-même, parce qu’il pensait qu’il avait une essence créée par le Père. Mais, pour nous, ces conclusions ne mènent à rien. Car, même si nous disons que le Fils a son essence du Père, nous disons qu’il l’a par une communication nécessaire et naturelle. Ce qui ne fait pas du Fils un Dieu précaire mais naturel. Nous disons aussi qu’il a reçu du Père la même essence qu’a le Père, et qu’il n’est donc pas un Dieu nominal, mais vrai et réel.



La troisième raison est la suivante. Puisque le Fils s’appelle aussi Jéhova comme le Père, et puisque ce nom signifie l’être, ou la fontaine de l’être, il existe donc de lui-même quant à l’essence. Je réponds que cet argument vaut contre Gentilis, car si le Fils est la source de l’essence, il n’a pas une essence dérivée d’une autre essence, mais a cette essence unique de laquelle dépendent toutes les essences. Mais comme il est dit Dieu de Dieu, et principe de principe, on peut de dire de lui qu’il est fontaine de l’être de la fontaine de l’être, comme le dit saint Augustin du Fils (livre 7 de la trinité, chap 2, et au livre 15, chap 14) : « Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, Sagesse de Sagesse, Essence d’Essence ». Et cependant, le Père et le Fils sont un seul Dieu, une seule Lumière, une seule Sagesse, une seule Essence. Il faut noter ici que, quand il dit essence d’essence, sagesse de sagesse, il emploie des mots abstraits comme s’ils étaient des mots concrets.



Ajoutons à ce que nous avons déjà dit qu’on peut dire autant du Fils que du Père qu’il est un auto Dieu, mais en donnant à ce mot un autre sens que lui ont prêté Valentin et Calvin. Car si auto Dieu signifiait celui qui est Dieu par lui-même, on ne pourrait l’utiliser ni pour le Père ni pour le Fils, car le Fils n’est pas Dieu par lui-même, et le Père n’est pas non plus Dieu par lui-même, mais par personne. Car être par soi c’est être produit par soi. Or, le Père est inengendré et non produit. Il ne faut pas non plus approuver la façon de s’exprimer de Lactance qui (dans le livre 1, chap 7) dit que Dieu « s’est procréé lui-même ». Auto Dieu peut aussi vouloir dire celui qui est Dieu-même, c’est-à-dire le Dieu très vrai. Comme nous disons : cela est la vérité-même. C’est dans ce sens que l’emploie Épiphane (hérésie 69) : vraiment parfait, vraiment Dieu.



CHAPITRE 20 : La procession du Saint-Esprit

Reste encore à traiter la dernière partie de cette dispute sur la distinction des personnes. Nous expliquerons dans cette partie la distinction et la procession de l’Esprit-Saint du Fils. Cette explication est rendue nécessaire à cause des Arméniens, des Grecs, des Ruthéniens, et des Moscovites, et des autres qui persévèrent dans cette erreur. À cause aussi des nouveaux ariens. Car, Valentin Gentilis (prothèse 36, 37), veut que seul le Père donne l’essence au Fils et au saint Esprit. Et parce que les Grecs non seulement ne croient pas que le Saint-Esprit procède du Fils, mais déplorent le fait que les latins aient ajouté, sans leur consentement, les mots « et du Fils », dans le symbole de foi, nous ferons trois développements. Nous traiterons d’abord de l’origine de cette hérésie et de ce schisme; ensuite, du temps où cette addition a été faite; du pouvoir et du droit que les latins avaient d’ajouter ce mot. Pour toute cette question, voir le Maître des sentences avec ses commentateurs (livre 1, d 11), saint Anselme dans le livre de la procession du Saint-Esprit, saint Thomas dans son opuscule de l’erreur des Grecs; et de la puissance, quest 10, articles 4 et 5, Richard Armachanum (livre 6, question des arméniens), Gennadium Scolarium (dans l’opuscule pour les latins, chapitre 1, et Hugo Etherianum (de la procession du Saint-Esprit) et saint Bessarion (dans son discours sur les dogmes et le concile de Florence),



CHAPITRE 21 : L’origine de cette hérésie

Il semble que le premier auteur de cette hérésie ait été Théodoret, (lequel s’est par après, grâce au pape Saint Léon, réconcilié avec l’Église au concile de Chalcédoine, et a réintégré le siège d’où il avait été expulsé.) et d’autres qui sympathisaient avec Nestorius en 430. Voici ce que, dans les prolégomènes du synode, un certain Justinien évêque de Sicile affirme dans une lettre à Pierre. Il dit que Macedonius enseignait que le Saint-Esprit n’était insufflé que par le Père. Mais cela n’a aucune chance d’être vrai. Car, au témoignage de saint Augustin (les hérésies, chap 52). Macédonius pensait exactement comme les Ariens. Or, les ariens enseignaient que le Saint-Esprit était une créature, comme l’atteste saint Basile (livre 2 contre Eunome) en disant que les ariens avaient coutume d’apporter pour preuve que le Fils est inférieur au Père, l’affirmation gratuite que le Père avait créé un petit dieu, le Fils, et que le Fils n’avait pu créer ni un grand ni un petit dieu, mais seulement le Saint-Esprit, qui n’est Dieu en aucune façon. Ajoutons que le deuxième concile a été convoqué contre Macédonius, et qu’il comporte les mots : procédant du Père. Mais peut-être avons-nous une copie incorrecte de cette épitre, et à la place de spirat (insuffler), devons-nous lire separat (séparer). Car Madedonius séparait l’Esprit-Saint du Père, parce qu’il voulait n’en faire la créature que du Seul Fils.



Ont été conservées les réfutations des anathèmes de saint Cyrille faites par Théodoret, tant dans les tomes des conciles que dans les œuvres de saint Cyrille d’Alexandrie. Dans ces réfutations, Théodoret dit en toutes lettres que « l’Esprit-Saint n’est ni du Fils, ni par le Fils, mais du Seul Père ». Le symbole des nestoriens a été aussi conservé dans les tomes des conciles et dans les œuvres de saint Cyrille d’Alexandrie. Ce symbole professe que « l’Esprit-Saint n’a pas sa subsistance par le Fils, mais ne reçoit son existence que du Père ».



Parce que les ariens disaient cela en passant, et que c’était du Fils surtout qu’on se souciait alors, cette erreur ne semble par avoir poussé de profondes racines. Car on ne voit personne qui parle de ce sujet avant l’an du Seigneur 767. Adon de Vienne écrit dans sa chronique, qu’en cette année, a été célébré un grand concile, et qu’il y eu, en présence du roi Pépin, père de Charlemagne, une dispute entre les Grecs et les Romains au sujet de la trinité et des images. De ce concile, se souviennent aussi dans leurs chroniques respectives Rheginus, Sigibertus et un abbé de Urspergensis. Il ne semble pas qu’on ait pu traiter d’un autre sujet que de la procession du Saint-Esprit. Car, au sujet de la trinité, entre les Grecs et les Romains, il n’y a et il n’y a jamais eu d’autre controverse que celle de la procession du Saint-Esprit.



Environ cent ans après, au temps où Nicolas premier siégeait sur le trône, en l’an 860, les Grecs commencèrent à discuter plus ouvertement de ce sujet avec les Latins. Car c’est à cette époque que vécut Théophylactus. Dans le chapitre sur saint Jean, il s’en prend aux latins qui croient que l’Esprit-Saint procède du Fils, Et Jean le diacre, qui vécut au même moment, dit (au livre 4 de la vie de saint Grégoire, chapitre 75) que les Grecs ont traduit dans leur langue les dialogues de saint Grégoire, mais qu’ils ont raturé les mots « qui procède aussi du Fils ». Deux cents ans après, en 1054, au temps de Léon 1X, commença le schisme parfait, dont n’étaient apparues auparavant que des semences. Cette année-là c’était l’empereur Constantin X, dit Monomachus, qui régnait. Le patriarche de Constantinople, du nom de Michel, voulant devenir réellement le patriarche universel, dont ses prédécesseurs avaient usurpé le nom, se mit à promulguer que le pontife romain et tous les latins étaient excommuniés, parce qu’ils avaient ajouté quelque chose de contraire au symbole du concile d’Éphèse. Il décréta que le pontife romain était éjecté du premier siège, et que la primauté dans l’Église lui appartenait de droit, lui qui était le premier après le romain. Les Grecs ne se sont pas contentés de cela, mais ordonnèrent que soient fermées toutes les églises des latins qui étaient de leur juridiction. L’empereur établit même un prix pour ceux qui écriraient quelque chose contre les latins.



Que cela se soit passé ainsi on peut l’apprendre des lettres de Léon 1X à l’empereur Constantin et au patriarche Michael. Également de saint Anselme qui écrivit, dans le même siècle, son livre sur la procession du Saint-Esprit contre les Grecs. Et de Sigebert (dans la chronique de l’année 1054), et de saint Antonin (dans l’histoire, 3ièmepartie, tome 22, chap 13, verset 11). Voilà en quoi consiste l’origine de cette hérésie. 



À quel moment a été ajouté au symbole « et du Fils », on ne le sait pas exactement. Antonin, au lieu cité, dit que, au temps de Nicolas 1, les Grecs ont protesté parce que le mot « et du Fils » avait été ajouté dans le symbole. Mais, dans les historiens anciens, on ne trouve rien de cela. Et de plus, au concile de Florence (session 7), l’évêque André Colos, qui parlait pour les latins, affirme que les Grecs n’ont pas reproché cela à Nicolas, alors qu’ils cherchaient toutes sortes d’occasions de le vexer. Il est donc certain que cette addition est beaucoup plus ancienne. Le même André dit que, au temps du sixième synode, c’est-à-dire après l’année 600, cette addition a été faite par le pontife romain dans un concile qui réunissait un grand nombre de pères latins, à cause de certaines dissensions qui avaient éclaté en Gaule et en Espagne.



Et bien que nous ne puissions ni donner d’année, ni nommer de pontife, il semble bien que cela ait été fait à cette époque. Car, au concile de Tolède 8, on a récité le symbole avec cette addition. Or ce concile a été célébré environ en 653, et avant cette époque, on ne trouve pas de symbole de Constantinople avec cette addition. Car, au concile de Tolède 3, célébré en l’an 589, on a lu le symbole sans ajout. Un signe de ce que nous avançons est la question débattue entre les Grecs et les Latins au concile de Gentiliacenses. Comme l’Église venait tout juste d’utiliser le symbole avec cette addition, il est raisonnable de penser que les Grecs aient voulu savoir pourquoi. Un autre signe est que, au septième synode général (article 7), le symbole a été récité avec l’addition. Il faut savoir que cette addition a été reçue en Espagne et en Gaule, avant qu’elle ait été reçue à Rome par le souverain pontife. Est conservé dans la bibliothèque vaticane, après les épitres des pontifies colligées par Cresconius, le récit de la rencontre qui a eu lieu entre le pape Léon 111 et les légats de Charlemagne. Dans cette rencontre, les légats de l’empereur ont rapporté au pape que dans les Gaules le symbole se chante avec le « et du Fils ». Ils lui ont demandé d’approuver cette coutume, et d’ordonner que le symbole soit chanté ainsi à Rome. Ce récit concorde totalement avec la chronique d’Adonis, et les annales des Francs écrits par Annonius, croit-on, C’est dans ces annales qu’on nous parle d’un concile célébré à Aquisgranus sur la procession du Saint-Esprit, et d’envoi de légats au pape Léon.



Quelques-uns disent que ce mot (et du fils) a été ajouté dans un concile romain présidé par le pape Damase, au même moment où a été célébré le premier concile de Constantinople; et que ces deux conciles n’en faisaient qu’un. Mais je ne vois comment on peut démontrer cela. Il est vrai que, parmi les œuvres de saint Jérôme on trouve un symbole attribué au pape Damase, dans lequel on trouve « et du Fils ». Mais nous ne nous demandons seulement pas quel est celui qui a écrit, dans son symbole, que l’Esprit-Saint procède du Fils, mais quel est celui qui a fait cet ajout au concile de Constantinople ? Que ce ne soit pas le pape Damase, nous le prouvons par les arguments suivants. Car, s’il en était ainsi, pourquoi ne trouve-t-on aucune mention de cette chose ou dans le premier tome des conciles, ou dans le livre 9, chap 16, dist tripartite ? Comment Théodore, un éminent savant, et qui dans son histoire a inséré les épitres du concile de Constantinople au pape Damase, et de Damase au concile, aurait-il pu ignorer cette addition ? Qu’il l’ait ignorée, on peut le déduire par l’audace avec laquelle il écrit que l’Esprit-Saint ne procède pas du Fils. Autre argument. Pourquoi le pape Léon 111 a-t-il écrit sur une table d’argent, sans aucune addition, le symbole de Constantinople, comme le rapporte Pierre Lombard (dans le livre 1 des sentences, dit. 11) ? Aurait-il ignoré les actes de son prédécesseur, ou voulait-il plutôt définir quelque chose de contraire ? Pourquoi les légats de Charlemagne lui demandent-ils de recevoir le symbole avec « et du Fils » ? Pourquoi le concile de Tolède 111 a-t-il récité le symbole sans addition, si le « et du Fils » avait trouvé sa place dans le synode depuis si longtemps ? Pourquoi les Grecs n’ont-ils pas fait d’objection avant l’année 600 ? Et comment les Grecs auraient-ils osé dire que les latins ont, par l’ajout du mot Fils, péché contre les canons du troisième concile, si cette addition se trouvait déjà présente dans le deuxième concile ? Demeure donc ferme ce que nous avons dit plus haut, à savoir que c’est après l’année du Seigneur 660 que cette addition a été faite.



CHAPITRE 22 : On montre par l’Écriture que l’Esprit-Saint procède du Fils.

C’est d’abord par l’Écriture, qu’il faut démontrer que le Saint-Esprit procède du Fils. Le Seigneur a dit ( en Jean 16) : « Tout ce que le Père a est à moi ». De cette phrase on peut tirer l’argument suivant, selon saint Augustin. Tout ce que le Père a, le Fils l’a aussi, à la seule exception de la relation de paternité. Or, le Père a d’être le principe du Saint-Esprit; le Fils l’a donc lui aussi, « Le Fils (dit saint Augustin, livre 5 de la trinité, chap 14) est tout ce qu’est le Père, sans être toutefois père, parce que l’un est Fils, et l’autre Père ». À la suite de ces paroles du Seigneur, saint Augustin enseigne que le Fils est en tout semblable au Père, à la seule exception de la relation de paternité. Il s’ensuit manifestement que le Fils est, lui aussi, un insufflateur de l’Esprit. Car, cela n’est pas être père, même si ce Père a d’être insufflateur.



De plus, si le Père et le Fils n’avaient pas tout en commun, sauf la relation opposée, ils se distingueraient l’un de l’autre par quelque chose de plus que par la seule relation, et ce serait forcément par la substance. Car, en tant qu’insufflateur, le Père n’est pas en relation au Fils. Si c’est en tant qu’insufflateur que le Père se distingue du Fils, il se distingue donc de lui par l’insufflation, non en tant que relation, mais en tant qu’une certaine forme subsistante dans le Père. Le Père et le Fils diffèrent donc par la substance, ce qui est l’hérésie d’Arius.



On le prouve aussi par les paroles du même chapitre : « Il me glorifiera parce qu’il recevra de moi, et vous annoncera ». Qu’est-ce que l’Esprit-saint recevra du Fils, je le demande, si ce n’est la science ? Car le Seigneur a dit un peu avant : « Il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il entendra ». Et c’est de la science qu’entendent ce passage saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Augustin, ainsi que Théophylactus et Eutymius. Comment l’Esprit-Saint peut-il recevoir du Fils la science, à moins que ce ne soit en recevant l’essence ? Car toute autre explication ne sert qu’à faire du Saint-Esprit une créature.



Theophylactus et Eutymius lancent deux hypothèses. Ils disent d’abord que le Saint-Esprit a reçu du Fils la science, parce qu’il n’enseigne rien de contraire à ce qu’a enseigné le Fils. Ils ajoutent ensuite que le « de moi » signifie « de mon trésor », qui est le Père. Comme si le Fils disait : l’Esprit-Saint recevra d’où j’ai moi-même reçu. Il est certain que la première explication n’explique rien, car le Christ ne dit pas seulement : « Il recevra de moi », mais il précise : « Il ne parlera pas de lui-même ». Il est clairement dit là que la science du Saint-Esprit n’est pas de lui, mais du Père et du Fils. La deuxième explication ne vaut pas mieux, car le trésor de science en Dieu n’est pas la personne du Père, précisément en tant que personne, mais l’essence divine, qui est commune au Père et au Fils, Car le trésor et la science signifient une perfection absolue qui, sans le moindre doute, est l’essence elle-même. Voilà pourquoi saint Paul dit du Fils (Coloss 2) : « Du Christ Jésus, dans lequel sont cachés tous les trésors de sagesse et de science ». Recevant de ce trésor, le Saint-Esprit reçoit donc nécessairement d’une chose qui est commune au Père et au Fils. Il ne le reçoit donc pas plus de l’un que de l’autre. Voilà pourquoi Didyme l’aveugle (livre 2) et saint Cyrille d’Alexandrie déduisent de ce texte que l’Esprit-Saint est du Fils.



Mais, tu demandes : pourquoi dit-il « de moi », et non plutôt « de mon essence, de ma sagesse » ? Et pourquoi met-il le verbe recevoir au futur plutôt qu’au passé ? (Recevra au lieu de a reçu) ? Je réponds qu’il a dit « de moi » parce que, en procédant du Fils, l’Esprit-Saint ne reçoit pas tout ce qui est dans le Fils. Car, il ne reçoit pas la filiation, mais l’essence de laquelle le Fils est aussi constitué par la filiation, selon notre façon de comprendre les choses, Et c’est ce qu’a indiqué le Seigneur en disant : « Tout ce qu’a le Père je l’ai. C’est pour cela que j’ai dit qu’il recevra de moi », c’est-à-dire ce que nous avons en commun moi et le Père, non ce que nous avons chacun en propre. Il a employé le verbe recevoir au futur, parce que cette réception est éternelle, contient virtuellement en elle tous les temps, et peut se rapporter à tous les temps. C’est ce que dit saint Augustin en expliquant ce passage : « Il sera, il fut, il est. Il sera car il ne fera jamais défaut; il a été parce qu’il n’a jamais manqué; il est parce qu’il est toujours ». Comme tous les temps sont contenus dans l’éternité, et que sont vraies toutes les propositions qui portent sur les choses éternelles, l’Écriture choisit différents temps pour exprimer ce qui se produit dans le temps, selon que le demande le sujet. En cet endroit, elle décrit l’Esprit-Saint comme un légat envoyé par le Père et le Fils aux apôtres. Or, c’est quand ils sont envoyés que les légats ont coutume de recevoir leur mandat. Voilà pourquoi il dit : tout ce qu’il entendra, et il recevra de moi.



On le prouve en troisième lieu par le même texte : « Si je ne m’en vais pas le Paraclet ne viendra pas à vous. Mais si je m’en vais, je vous l’enverrai ». Et, au chapitre 15 : « Quand viendra le Paraclet que je vous enverrai de la part du Père. » Toute mission se fait sous forme de commandement, comme quand des serviteurs sont envoyés par leurs maîtres, ou par un conseil, comme on dit que sont envoyés ceux qui sont instruits par des plus sages qu’eux, comme sont envoyés des malades à un médecin pour recevoir des médicaments ou un traitement. Ou par une production naturelle, comme on dit que les arbres envoient des racines, émettent des fleurs etc. Or, il est certain que le Saint-Esprit ne peut pas être envoyé comme l’est un serviteur par un maître, ou un malade à un médecin. Les Grecs aussi bien que nous reconnaissent que l’Esprit-Saint est Dieu. Il faudra donc entendre sa mission selon la procession. Et c’est ce qu’on peut confirmer par un texte de saint Augustin (livre 4, trinité, chap 19, 20, et suivants) : « Être envoyé pour le Fils, c’est naître; être envoyé pour le Saint-Esprit c’est procéder ».



Les Grecs répondent que la mission du Saint-Esprit par le Fils ou du Fils ne signifie pas la procession qui se rapporte à la subsistance interne, mais à la mission externe aux créatures par la communication de dons. Et c’est parce que le Fils donne aux hommes la grâce, la foi, l’espérance et la charité, qu’on dit qu’il donne ou envoie l’Esprit-Saint, car on appelle Esprit Saint les donc qu’il donne. Et pourtant, il est absolument certain que l’Esprit-Saint lui-même est donné, et non seulement des dons créés; qu’avec ces dons, il est lui-même donné véritablement et envoyé. Soutenir le contraire serait une erreur manifeste. Car il est dit dans Rom 5 : « La charité de Dieu est diffusée dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, qui nous est donné ». Dans ce passage, une distinction nette est mise entre l’Esprit-Saint et ses dons. Les deux sont donnés. De même dans 1 Corinth 6 : « Vos membres sont le temple de l’Esprit-Saint qui est en vous, que vous avez de par Dieu » Et plus bas : « Portez Dieu dans votre corps ». Il n’est que trop certain que les dons du Saint-Esprit ne sont pas Dieu; et qu’à nul autre qu’à Dieu n’est du un temple. Et 1 Jean, 4 : « Celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui ». Ce n’est donc pas seulement la charité qui demeure, laquelle n’est pas Dieu, mais c’est le vrai Dieu lui-même qui demeure. Enfin les paroles de Jésus en Jean 16 (« Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous, mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » et 14 : « Il vous donnera un autre Paraclet »), si les mots ont encore un sens, ne peuvent en aucune façon ne signifier que des dons. Les dons ne viennent pas, ne sont pas envoyés non plus, et ne peuvent pas être mis en comparaison avec le Christ, comme un Paraclet avec un autre.



Que vienne à notre secours l’autorité des Pères, de saint Ambroise (livre 1 de l’Esprit-Saint, chap 4 et 5), de saint Augustin (livre 15 de la trinité, chap 26), de saint Jean Chrysostome (chap 5 aux Romains), de saint Cyrille d’Alexandrie (chap 16 sur Jean). Tous ces Pères enseignent que le Saint-Esprit a été envoyé par le Fils. Que vienne aussi à notre secours le raisonnement. Car si on disait que le Saint-Esprit est envoyé par le Fils parce que le Fils est l’auteur des dons, on pourrait dire aussi que le Père est envoyé par le Fils, et même que le Père et le Fils sont envoyés par le Saint-Esprit, parce que chaque personne divine est un auteur de tous les dons. De plus, si l’envoi du Saint-Esprit par le Fils signifie l’octroi de dons, quand nous lisons que le Fils a été envoyé dans le monde par le Père, ceux qui ne croient pas à cette mission pourraient répondre que ce n’est pas le Fils qui est véritablement envoyé, mais quelque don créé. Et l’on évacuerait ainsi à peu de frais le mystère de l’incarnation.



Ils diront peut-être que le Saint-Esprit vient vraiment vers nous, mais qu’on le dit envoyé par le Fils parce que, par ses mérites, il fut la cause de sa venue vers nous. Mais on pourrait, en raisonnant ainsi, soutenir que le Père a été envoyé par le Fils, car c’est aussi par ses mérites qu’il a été la cause de la venue du Père vers nous, selon Jean 14 : « Si quelqu’un m’aime, il observera ce que j’ai dit, et mon Père l’aimera, et nous viendrons en lui. » Pour une raison semblable, s’ils disent que le Saint-Esprit a été envoyé par le Fils parce que le Fils a consenti à ce qu’il vienne, j’en conclurai que le Père est envoyé par le Fils et le Saint-Esprit.



Ne représente pas pour nous une objection le fait qu’Isaïe (48 et 61) enseigne que le Fils a été envoyé par l’Esprit, sans procéder de lui. Car le Fils est envoyé par l’Esprit en tant qu’homme, forme selon laquelle le Fils est du Saint-Esprit, comme d’une cause active. Comme on le voit dans Luc (4) : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, du fait qu’il m’a oint et m’a envoyé évangéliser les pauvres. » L’Esprit-Saint a donc envoyé le Fils sous cette forme selon laquelle il lui est supérieur, et l’a oint. Puisqu’il en est ainsi, il faut soit enlever de l’évangile ces paroles du Christ (je l’enverrai), ou soit concéder que l’Esprit-Saint procède du Fils par une production interne éternelle de son hypostase.



Pourquoi emploie-t-il le mot envoyer au futur, si la procession est éternelle ? L’explication est facile à donner. Car la mission comporte une double relation, une vers celui qui envoie, et une autre vers celui auquel il est envoyé. Quant à la première relation, la mission est éternelle, et vaut pour tous les temps, mais quand à la deuxième, elle est temporelle, Car l’Esprit-Saint est envoyé aux hommes quand il commence à exister en eux d’une nouvelle façon, c’est-à-dire par la connaissance et l’amour : quand il commence à être connu et aimé par ses dons infus. Parce que cette mission se rapportait au futur, même si elle a toujours été, est et toujours sera. C’est pour cela qu’il a dit : j’enverrai.



On donne une quatrième preuve avec ces paroles de Jean (29) : « Il souffla sur eux et dit : recevez l’Esprit-Saint ». Par ce geste, comme l’expliquent saint Augustin (livre 3 contre Maximin, chap 14), et saint Cyrille d’Alexandrie (livre 12, chap 50 sur Job), le Christ a voulu signifier que l’Esprit-Saint procède de lui. Theophylactus (chap 3 sur saint Jean) se moque de ce raisonnement. Mais avec raison ? C’est à lui d’y voir. Car il ne peut donner aucune raison pour laquelle Jésus a posé ce geste. Et de plus, des gens plus savants, plus saints et plus anciens que lui (saint Cyrille et saint Augustin) ont raisonné ainsi. Je ne doute pas que, s’il voulait rire de saint Augustin, ce seraient les Latins qui riraient de lui; et que s’il voulait rire de saint Cyrille, ce seraient les Grecs qui se moqueraient de lui.



Cinquième preuve. Romains 8 : « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il n’est pas un des siens. » Et Galates 4 : « Comme vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans vos cœurs qui crie : abba père. » Pourquoi donc l’Esprit-Saint est-il appelé l’Esprit du Fils ? Certainement pas parce qu’il est son serviteur ou son esclave, ou parce qu’est son frère, mais parce qu’il est insufflé par lui, de la même façon qu’il est dit l’Esprit du Père. Rom 8 : « Si son Esprit qui a suscité Jésus. » Et Matt 10 : « L’Esprit de votre Père qui parle en vous ».



Ils diront peut-être qu’on appelle l’Esprit-Saint l’Esprit du Christ parce qu’il procède du Père en même temps que lui, ou parce qu’il lui est semblable, ou pour toute autre cause que celle de la procession du Fils. Mais, s’il en était ainsi, pourquoi ne pourrait-on pas dire, selon le même raisonnement, que le Christ est le fils ou le verbe du Saint-Esprit ? Ce que nous ne lisons jamais. On ne peut donner comme réponse que le Fils a une relation au Père, et le Verbe au « disant », car l’Esprit-Saint a, lui aussi, une relation à « l’insufflant ». Même s’il n’était pas insufflé par le Fils, le Saint-Esprit pourrait être appelé l’Esprit du Fils, parce qu’il lui est semblable dans l’essence, et procède du Père avec lui. De la même façon, même si le Fils n’était pas engendré par l’Esprit-Saint, il pourrait quand même être appelé Fils du Saint-Esprit, parce qu’il lui est semblable dans l’essence, et procède avec lui du Père. Saint Augustin prit suffisamment au sérieux cet argument (traité 99 sur Jean) pour n’utiliser que lui seul comme preuve que l’Esprit-saint procède du Père et du Fils..



CHAPITRE 23 : On le prouve aussi par les témoignages des conciles

Je n’en finis plus de m’étonner quand je pense que le Jérémie, qui s’appelle patriarche universel, a osé écrire, dans sa censure de la confession des Luthériens, que le concile de Nicée et tous les autres conciles subséquents ont décrété que le Saint-Esprit procède seulement du Père. Voici ses propres paroles : « Le synode de Nicée et les autres qui ont été du même sentiment, ont tous décrété que l’Esprit-Saint procède du seul Père ». Si cela n’est pas un mensonge flagrant, je ne vois pas ce que l’on peut appeler mensonge. Et pour qu’on n’aille pas soupçonner l’existence d’un canon clandestin, dans lequel cette sorte de décret aurait été inscrit, le même Jérémie ajoute : « La confession sacrée et non corrompue de la foi chrétienne, c’est-à-dire le sacré symbole, explique cela dans les mots les plus clairs : l’Esprit-Saint procède du seul Père. Cette sentence a été confirmée au concile de Nicée par les 318 pères, et à Constantinople, par les 150. Les cinq autres synodes universels, n’ajoutant rien, n’enlevant rien, furent unanimes à approuver par leur signature que le Saint-Esprit ne procède que du Père. »



Feuilletons donc le concile de Nicée, et voyons s’il est vrai qu’il enseigne en toutes lettres que le Saint-Esprit ne procède que du Père. Chez les Grecs, saint Cyrille (livre 1 de la trinité, et le livre de l’explication du symbole), et chez les Latins Ruffin, (livre 10 de son histoire, chapitre 6) ne lisent, au sujet du Saint-Esprit, dans ce symbole que cette phrase : « kai eis to agion pneuma » : « et dans le Saint-Esprit ». Saint Grégoire de Naziance atteste (lettre 2 à Celidonium) que le synode de Nicée n’a pas enseigné la doctrine parfaite du Saint-Esprit, parce que ce n’était pas sur lui que portait l’hérésie. C’est à Jérémie de nous expliquer dans quel concile de Nicée il a lu que le Saint-Esprit procède du seul Père.



Le concile de Constantinople a ajouté ensuite ces mots : « Qui procède du Père. » Mais, il n’a pas dit en termes clairs, comme le prétend Jérémie, qu’il ne procède que du Père. Ce mot « seul », ou « que » est un ajout fait par Jérémie, non par le concile. Pour quelle raison le concile n’a pas ajouté « et du Fils », mais s’est contenté de dire qu’il procède du Père ? La raison en est certainement qu’à cette époque, on ne doutait pas que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils. Car, cela même les hérétiques le concédaient, comme nous le montre saint Basile (livre 2 contre Eunome). Le doute portait sur la procession du Père, car les hérétiques rendaient l’Esprit-Saint complètement étranger au Père, et en faisaient une créature du seul Fils. Pour apporter un remède à la maladie, le concile a donc appliqué le médicament là où le bât blessait.



Nous allons maintenant présenter les conciles qui affirment que l’Esprit-Saint procède du Fils, Pendant que se célébrait le premier concile d’Alexandrie, saint Cyrille écrivit une lettre à Nestorius, dans laquelle se trouvent ces mots : « L’Esprit-saint est appelé Esprit de Vérité, et la Vérité est le Christ. Il procède donc de Lui de la même façon qu’il procède du Père. » Cette lettre se trouve dans le concile d’Éphèse, tome 1, chapitre 14, Et elle a été approuvée par le concile d’Éphèse, par le quatrième synode (acte 5), par le cinquième synode (dernier acte), par le sixième synode (acte 17) et par le septième synode (acte 7). Nous avons donc ici cinq conciles généraux, célébrés chez les Grecs, qui reçoivent, en une phrase claire et limpide, que le Saint-Esprit procède du Fils, comme il procède du Père. Que veulent-ils de plus ? Qu’est-ce donc qu’ils demandent ? Quoi donc, puisque dans le septième concile œcuménique (acte 7) le symbole a été de nouveau lu avec le « et du Fils », un concile composé en grande partie de Grecs ?



Lors du concile de Florence (sessions 5 et 7), les Grecs ont prétendu que le « et du Fils » ne se trouvait pas dans leur codex. Mais les latins exhibèrent un exemplaire très ancien, qui ne comportait aucun signe de corruption. Et ils citèrent, en plus, un ancien historien qui témoignait de la chose. Et il est certain que les latins ne sont pas connus pour corrompre les manuscrits. On ne peut pas en dire autant des Grecs. Mais tu me feras l’objection suivante : si, dans ce concile, le symbole a été reçu avec le « et du Fils », comment expliquer que saint Jean Damascène (livre l, de la foi, chapitre 11), qui a vécu au temps de ce concile, niait si ouvertement que le Fils procède du Fils ? Je réponds qu’il est possible que saint Jean Damascène soit mort avant le 7ièmeconcile, car il vécut surtout au temps de Léon 111, (comme on le voit dans son deuxième discours sur le culte des images). Et c’est en 48, après la mort de Léon 111, que le concile a été célébré. Et, dans ses œuvres, il ne cite les conciles que jusqu’au sixième. Et même s’il avait vécu jusqu’aux temps du septième concile, on ne peut avoir de doute que ces livres sur la foi aient été composés avant le concile, comme on le voit dans l’acte 6, du concile 2 de Nicée.



En plus de ces conciles grecs, plusieurs ont été célébrés chez les latins, dont nous avons encore les actes. Au temps du pape Urbain 11, par exemple, un peu après le début du schisme, vers 1090, a été célébré à Barum un concile composé de Grecs et de Latins. Dans ce concile, saint Anselme, au moyen de raisons irréfutables, parvint à convaincre les Grecs. Saint Anselme lui-même parle de ce concile au chapitre 4 de la procession du Saint-Esprit; et le biographe de saint Anselme (livre 2), qui fut présent au concile, raconte la chose en plus de détail. Le deuxième concile est celui du Latran sous Innocent 111 qui eut lieu en 1215. Ce concile (chapitre 1) a défini que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Les Grecs étaient présents, et ils donnèrent leur assentiment par leur signature, comme le montre le chapitre 4 de ce concile.



Sous Grégoire 1X, en 1273 a eu lieu le troisième concile, celui de Lyon, qui s’est tenu en présence des Grecs. Ces derniers ont exprimé par écrit leur plein accord, et le symbole a été chanté, avec « et le Fils » trois fois en grec, et trois fois en latin. On trouve la définition donnée par ce concile dans le sixième décret, tit 1, chap 1. Le quatrième concile est celui de Florence, tenu en 1438. On y trouve la même définition à laquelle sont parvenus Grecs et Latins après de longues discussions. Ajoutons-y les conciles de Tolède 1 (chap 24), Tolède 111 (chapitre 1), Tolède 1V (chap 1), Tolède V111 (chap 1) et Tolède X1 (chap 1). Tous ces conciles ont été célébrés avant le schisme des Grecs, bien avant l’année 700. De tous ces faits se dégagent deux constations : la doctrine de l’Église universelle, l’entêtement et la légèreté des Grecs qui, tant de fois vaincus dans les débats publics, sont toujours retournés à leur vomissement.



Chapitre 24 : On le prouve à partir des pères latins

Présentons maintenant, les témoignages des Pères latins qui brillèrent par leur doctrine et leur piété avant le schisme et la contestation des Grecs. Ce serait une grande témérité de leur part de ne pas vouloir recevoir ces témoignages, car il n’y a aucune raison qui nous oblige de recevoir les Grecs et non les Latins, s’ils sont de la même antiquité, de la même érudition et de la même sainteté. Nous voyons plutôt que le concile d’Éphèse, pour prouver un dogme ecclésiastique, a cité aussi bien les pères latins que les Pères grecs, à savoir Julius, Cyprien, Ambroise, à côté de saint Basile, saint Grégoire de Nysse, sains Grégoire de Naziance, et saint Athanase. C’est ce que rapporte Vincent de Lérins vers la fin de son opuscule. Les cinquième, sixième et septième conciles œcuméniques ont rapporté, eux aussi, aussi bien des témoignages des pères latins que des pères grecs, C’est ce que fait aussi sains Basile dans son livre sur le Saint-Esprit, et saint Augustin dans ses livres 1 et 2 contre Julien. L’un et l’autre présentent des témoignages tirés des pères grecs et latins.



Quels sont donc ces nouveaux Grecs qui ne font aucun cas des saints pères latins, même des plus anciens et des plus approuvés ? Ne voient-ils pas que, en agissant ainsi, ils accusent de schisme toute l’Église ancienne, et enseignent que les Grecs n’ont jamais été en communion avec les Latins ? Mais les actes des sept conciles généraux témoignent de toute autre chose. Nous y voyons au contraire l’harmonie, la concorde régner en maîtresse entre les grecs et les latins. Mais ces nouveaux docteurs se sont éloignés non seulement de la doctrine de l’ancienne Église, mais aussi de ses mœurs.



Le premier parmi les latins est Tertullien qui dit (livre contre Prax, chapitre 4) : « Je pense que l’Esprit n’est pas d’ailleurs que du Père par le Fils ». Les Grecs répondent à cette citation qu’ils ne nient pas que le Saint-Esprit procède par le Fils, mais du Fils. Car, comme l’enseigne Bessarion (à la fin de son discours dogmatique), les Grecs admettent le « par » le Fils, mais ils l’exposent de trois façons. Que « par le Fils » est ajouté pour indiquer la relation au Père, la consubstantialité du Père et du Fils, et que ce « par » signifie « avec », d’après un certain poète qu’ils citent. La première et la seconde échappatoires sont peu convaincantes. Car, selon cette façon de parler, il serait permis de dire que le Fils procède de l’Insufflateur par le Saint-Esprit. Car nous exprimerions ainsi la relation du père Insufflateur à l’Esprit-Saint, et la consubstantialité du Père et de l’Esprit-Saint. La troisième n’est pas suffisante, car on aboutirait à quelque chose d’absurde, puisqu’on pourrait dire que le Fils procède du Père par l’Esprit-Saint. Et quoi qu’en pense ce poète, dans les Écritures et chez les Pères, et même dans la manière habituelle de parler, le mot « par » signifie une cause, et est souvent employé au sens de « de », comme l’enseigne saint Basile dans son livre sur le Saint-Esprit (chapitre 5). Nous lisons dans la Genèse (4) : « J’ai possédé un homme par Dieu », c’est-à-dire « de par » Dieu. La même chose en Jean 1 : « Toutes choses ont été faites par Lui » Et aux Colossiens 1 : « Toutes choses ont été créées par Lui ». Et aux Hébreux 1 : « Par qui il a fait aussi les siècles ». Si, dans ces passages, le mot « par » signifiait « avec », le sens serait que le Fils a été créé par Dieu, comme une autre de ses créatures. Ce que les Grecs n’admettent pas non plus, à moins qu’ils préfèrent délirer avec les ariens, plutôt que raisonner sainement avec les catholiques. Il est donc clair que, selon les Écritures, être produit par le Fils ne signifie pas autre chose, pour l’Esprit-Saint, que procéder du Fils. Mais passons aux autres.



C’est saint Cyprien qui dit, dans son sermon sur la venue de l’Esprit-saint : « L’Esprit-Saint, procédant du Père, du Père et du Fils, plane sur les quatre éléments, et remplit avec bénignité son rôle de créateur.» Il parle du Saint-Esprit quand, au début du monde, il planait sur les eaux, et formait les quatre éléments. Saint Hilaire (livre 2 de la trinité) parle ainsi : «  Il ne faut pas passer sous silence le Saint-Esprit, mais il n’est pas non plus nécessaire d’en parler. On ne peut pas ne pas en parler à cause de ceux qui ne le connaissent pas, Mais il n’est pas nécessaire d’en parler parce qu’il faut croire qu’il a pour auteurs le Père et le Fils, et parce qu’on n’a pas à démontrer son existence. » Saint Ambroise, que les Grecs ne devraient pas rejeter puisque, au troisième concile œcuménique, on lui a donné le nom de saint docteur, enseigne (au livre 2 du Saint-Esprit, chapitre 12), que tout ce que le Père a le Fils l’a également. Car le Fils a dit : « Tout ce que le Père est mien. Et toutes les choses qu’il a reçues par l’unité de la nature, le Saint-Esprit les reçoit de lui, comme le Seigneur. C’est ce que Jésus déclare du Saint-Esprit : « parce que c’est de moi qu’il recevra. »



Saint Jérôme (dans sa lettre à Hedib q. 9) : « Quand l’Esprit-Saint est envoyé c’est par le Père et le Fils qu’il est envoyé; et, en certains endroits de l’Écriture, l’Esprit de Dieu est appelé l’Esprit du Père et l’Esprit du Fils. » Et, dans le chap 57 d’Isaïe : « L’Esprit sort du Père, et à cause de la communauté de nature, il est envoyé par le Fils. » Ruffin (dans son explication du symbole) enseigne : « L’Esprit-Saint procédant de l’un et l’autre, et sanctifiant tout ». Saint Augustin (trat 99 sur saint Jean) : « Ici, celui-ci recherche peut-être autre chose : est-ce que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils ? » Et plus bas : « Pourquoi ne croirions-nous pas que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils, puisqu’il est l’Esprit du Fils ? » Voyez aussi aux livre 15 de la trinité, chapitres 17, 26, 27, et au livre 3 contre Maximin, chapitre 14.



Saint Prosper (livre 1 de la vie contemplative, chapitre 18, sur le Saint-Esprit) enseigne « qu’Il procède du Père et du Fils ». Saint Léon (dans épitre à Turbium 91, 93, chap 1) : « Autre est celui qui engendre, autre est celui qui est engendré, autre est celui qui procède de l’un et de l’autre ». Ce Léon est bien le Léon le Grand qui, au quatrième synode de 630, composé de presque uniquement des orientaux, a été comblé d’honneurs et de loouanges par les Grecs, qui ont répété plusieurs fois : « Comme Léon croit, c’est ainsi que nous croyons ». Saint Fulgence (livre à Pierre sur la foi, chap 2) : « Le Saint-Esprit a quelque chose qui lui est propre, car il n’est pas né, et est le seul à procéder du Père et du Fils. » Idace Clarus (livre contre Varimad vers la fin : « S’ils te disent : montre-nous d’où l’Esprit-saint tire son origine, réponds que l’origine certaine et évidente de l’Esprit-Saint est le Père et le Fils ».



Boèce (livre 1 de la trinité, chap 12) : « Nous devons penser ainsi : le Fils est du Père, l’Esprit-Saint de l’un et de l’autre ». Le pape Hormisdas (dans son épitre à l’empereur Justin, chap 2) : « C’est le propre du Fils de procéder du Père et du Fils, sous une substance de la divinité ». Le pape saint Grégoire dans le symbole qu’il a édité (qui est rapporté dans sa vie livre 2, chap 12) : « Je crois dans le Saint-Esprit, qui n’est ni engendré ni inengendré, mais coéternel au Père et au Fils, et procédant du Père et du Fils ». Le même saint Grégoire (dans le livre 2 des dialogues, dernier chapitre) : dit que « l’Esprit procède du Père et du Fils ». Il dit la même chose dans ses morales, chapitre 8. Il est étonnant de voir que les Grecs tolèrent ce grand pape dans leur calendrier, et l’honorent même comme un véritable saint, tout en exécrant son enseignement comme hérétique.



Que le dernier des Latins à être cité soit le vénérable Bède. Je n’ai rapporté les paroles que de ceux qui ont vécu avant le schisme. Voici comment en parle Bède (dans son livre des éléments de la philosophie) : « Cet Esprit procède du Père et du Fils ». Il dit la même chose dans ses commentaires sur saint Augustin (Galat 4) : « Il a envoyé l’Esprit de son Fils ». Il rapporte un long débat fait par saint Augustin où est établie la preuve que l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils. Mais, venons-en aux Grecs.





CHAPITRE 25 : On prouve la même chose avec les pères grecs

Le premier à être cité chez les Grecs est saint Grégoire le thaumaturge. Dans son symbole de foi, divinement reçu, et transmis par saint Grégoire de Nysse (dans la vie de saint Grégoire le thaumaturge), il dit : « Un seul Esprit-saint provenant de Dieu et ayant son existence de Dieu, et qui est apparu par le Fils, image parfaite du Fils ». Il ne faut pas partir en guerre contre la préposition « par », et le verbe « est apparu ». Car nous avons déjà montré que la préposition par signifie la cause, ou le principe productif. Et du fait que le Fils a envoyé l’Esprit-Saint aux créatures, il apparait avec évidence que le Saint-Esprit procède aussi du Fils de toute éternité. Il faut noter cette expression : « image parfaite du Fils », Car, bien que le Saint-Esprit ne soit pas plus l’image du Fils que le Fils ne l’est du Père, car il ne procède pas en vertu de la similitude, on ne pourrait, en aucune façon, le dire image parfaite du Fils s’il ne procédait pas de lui, et n’était pas semblable à lui dans l’essence. Car l’image exprime la relation existant entre le produit et le producteur, et sans cette relation aucune similitude ne suffit. Voilà pourquoi on ne dit pas que le frère est l’image du frère, même s’il est semblable en tous points. On ne dit pas non plus d’un œuf qu’il est l’image d’un autre œuf, même si, à cause de leur similitude, on peut à peine les distinguer l’un de l’autre. La similitude ne suffit donc pas, mais il est requis en plus que l’un procède de l’autre, chose qu’on ne trouve évidemment pas dans les frères et les œufs. Donc, quand saint Grégoire le thaumaturge a dit que le Saint-Esprit est l’image parfaite du Fils, il ne pouvait que penser qu’il procédait du Fils. 



Tu diras qu’il n’est pas nécessaire que l’exemplaire soit la cause active de l’image, la ressemblance seule suffisant, comme on le voit dans les statues. Je réponds que dans les choses faites par un artisan ou un artiste, l’exemplaire n’est pas une cause active, comme il l’est dans une production naturelle. Mais il coïncide quand même avec le principe actif, comme on le voit clairement en toutes choses, Car toutes les choses qui agissent naturellement produisent des effets à la ressemblance de leur propre forme. Comme le Saint-Esprit n’est pas produit librement mais naturellement, le principe actif et l’exemplaire sont semblables, dans son cas.



Le second des grecs est saint Athanase, qui s’exprime ainsi dans le symbole : « L’Esprit Saint qui n’est ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais qui (en) procède. » On peut dire deux choses sur ce témoignage. D’abord que ce texte n’est pas de saint Athanase. Mais cela serait réfuté par saint Grégoire de Naziance (dans son discours de louanges d’Athanase), qui affirme que saint Athanase a composé une confession de foi parfaite que tout l’orient et l’occident vénèrent. Cela serait réfuté aussi par saint Augustin qui, nommant par son nom l’évêque d’Alexandrie en commentant le psaume 120, cite au complet le passage de ce symbole; et qui, sans nommer Athanase, fait usage de phrase entières de ce symbole, en les présentant comme archi connues dans l’Église ( livre 5 de la trinité, chap 8, épitre 174 à Pascent, enchiridion chap 36, et sermon 295. sur letemps ». On peut prétendre ensuite que ces mots ont été ajoutés par les Latins. Mais on ne peut même pas dire cela, car on trouve cette préposition dans les symboles grecs. Et dans le concile de Tolède 4, chap 1, on a récité une confession tirée presque mot à mot de ce symbole, où l’on lit « du Père et du Fils ». Ce concile a été célébré autour de l’année 633, et donc avant le schisme de Grecs. Ajoutons que Gennadius Scolarius (dans son livre sur la défense du concile de Florence chap 1, sect 5) dit que les Grecs de son temps avaient coutume d’affirmer qu’Athanase était ivre quand il écrivit cela.



Une seconde citation de saint Athanase (sermon 4, contre les ariens, loin avant le milieu, fol 233) : « Nous n’introduisons pas trois principes ou trois pères, comme les Marcionistes. Nous ne présentons donc pas l’image de trois soleils, mais d’un soleil, de sa splendeur, et de la lumière unique qui vient des deux. » Tu vois clairement qu’il y en a trois : le soleil, sa splendeur, et la lumière qui procède de l’un et de l’autre. Je ne pense pas qu’on puisse douter que par soleil, saint Athanase n’entende le Père, par splendeur le Fils, et par la lumière qui procède de l’un et de l’autre, le Saint-Esprit. Que peut-on répondre à cela, je le demande ?



La troisième citation de saint Athanase (vers la fin de la réfutation de Melèce l’hypocrite) : « Il serait impossible de faire entrer l’Esprit-Saint dans la gloire de la trinité, s’il n’émanait pas de Dieu par le Fils, mais avait été fait par Dieu à la manière des créatures, comme ils le pensent ». Notons que saint Athanase n’a pas dit « du Père » par le Fils, de peur que les Grecs plus récents ne disent que le Fils a été mentionné pour indiquer la relation. Non. Il a dit : « De Dieu par le Fils ». Ils ne peuvent pas non plus rapporter cela à la mission auprès des créatures, puisque cette émanation s’oppose à la création.



La quatrième citation provient de la très longue épitre à Sérapion, où il démontre, contre les macédoniens, qu’on ne peut, en aucune façon, prouver que l’Esprit-Saint est une créature, si le Fils n’est pas une créature. Et c’est ce qu’il explique dans toute sa lettre. Il prouve la même chose par le raisonnement suivant, qu’il présente de différentes façons dans toute l’épitre. Le même ordre et la même union existent entre eux. Il y a entre l’Esprit-Saint et le Fils, le même rang (ordre) et la même union que ceux que l’on trouve entre le Père et le Fils. On peut dire alors que parce qu’il est de Dieu, le Fils est Dieu comme le Père; et parce qu’il est de Dieu Fils, le Saint-Esprit est Dieu comme le Fils. Ou, si l’Esprit-Saint n’est pas Dieu, le Fils ne le sera donc pas; et si le Fils n’est pas Dieu, le Père ne le sera pas non plus. « Donc, comme l’Esprit-Saint a la même dignité, et la même nature que le Fils a du Père, qui pourra empêcher que celui qui considère le Saint-Esprit comme une créature, ne pense la même chose du Fils ? Car si on dit que le Saint-Esprit est une créature du Fils, il faudra nécessairement en conclure que le Verbe de Dieu est une créature ». Saint Athanase est tellement certain que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils qu’il se sert de cette vérité, comme d’un principe très certain et très connu, pour affirmer (ce dont doutaient quelques-uns,) que l’Esprit-Saint est Dieu.



Ils peuvent répondre que la relation (l’ordre) de l’Esprit-Saint au Fils et du Fils au Père consiste en ceci que comme le Père envoie le Fils aux créatures, ainsi le Fils envoie l’Esprit-Saint aux créatures. Mais on ne peut pas dire cela, à moins que, par mission aux créatures, on entende une vraie procession selon l’être. Car, autrement, l’argument de saint Athanase ne vaudrait pas plus que l’argument suivant. Dieu envoie des anges, donc, ou les anges ne sont pas des créatures, ou Dieu est une créature. Cet argument ne vaut rien parce que la mission divine des anges auprès des créatures n’inclut pas une procession éternelle des anges de la substance divine elle-même. Si l’Esprit-Saint est envoyé par le Christ aux créatures, sans procéder substantiellement du Fils et du Père, il n’est donc pas envoyé autrement que ne sont envoyés les anges. Et nous pouvons tirer de cela la conclusion qu’il n’est pas Dieu; que le Fils n’est pas Dieu, comme le faisait saint Athanase. Si donc saint Athanase parlait de la mission auprès des créatures, il n’aurait pas dit « si l’Esprit-Saint est une créature du Fils », car ces mots se rapportent à une production, non à une mission. Mais saint Athanase affirme que le Saint-Esprit a été produit par le Fils, mais non pas créé à partir du néant.



Il dit ensuite au folio suivant : « Il est aussi image du Fils, et il est dit Esprit ». Et plus bas : « Si, parce qu’il est de Dieu et du Père, le Fils est de la propre substance du Père, il est nécessaire que le Saint-Esprit soit de la substance propre du Fils, puisqu’il est dit de Dieu ». Il est évident que quand saint Athanase dit que l’Esprit est « de Dieu », il veut dire de Dieu Fils, autrement la conclusion serait sans valeur. Donc, cette façon d’être, qui est propre au Fils en tant que Fils, est propre au Père, parce qu’elle est du Père. Nous avons encore deux épitres plus brèves au même Sérapion, où il dit la même chose en d’autres mots.



L’autre père grec est saint Basile, que les Grecs estiment plus que tous les autres. Voici ce qu’il dit (dans le livre 2 contre Eunome, vers la fin) : « Rien n’a été laissé par tous dans l’obscurité. Il n’est rien qui ne soit produit par le Père sans aucune opération du Fils; et il n’y a rien dans la nature des choses qui soit présent au Fils et étranger au Père. Car le Fils a dit : tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi. Comment donc attribuer au seul Fils unique la cause du Saint-Esprit ? » Il est certain qu’en prouvant que le Fils n’est pas la seule cause du Saint-Esprit, mais que le Père l’est aussi (parce que tout ce qu’a le Fils le Père l’a), saint Basile enseigne également, ou au moins présuppose, que le Fils est la cause du Saint-Esprit, pour parler comme les Grecs. Cette cause ne peut pas, non plus, être référée aux dons du Saint-Esprit, car l’auteur écrit contre Eunome qui n’en voulait pas aux dons de Dieu, mais à la substance de l’Esprit-Saint, et n’acceptait pour cause du Saint-Esprit que le Verbe de Dieu.



Voici un autre passage de saint Basile (livre 3 contre Eunome, vers le début) : «  Pourquoi serait-il nécessaire que, parce qu’il est troisième par le rang, ou la dignité, l’Esprit-Saint soit le troisième par la nature ? C’est que la dignité qu’il possède est celle du Fils, puisque c’est de lui qu’il a l’être, et que c’est de cette cause qu’il dépend. C’est ce que transmet la pensée pieuse. Qu’il soit troisième en nature, nous n’avons jamais appris cela des saintes lettres, et nous ne pouvons pas le déduire des enseignements de ceux qui nous ont précédés ».



Au concile de Florence, (session 20), les Grecs ont objecté que ce passage avait été corrompu, qu’il ne se trouvait pas dans tous les codex, mais seulement dans certains. Et dans le texte grec édité à Bâle en 1551, sont absents les mots suivants dans lesquels se trouve toute la force de l’argumentation: « comme c’est de lui qu’il a l’être, et qu’il dépend de lui comme de sa cause ». Mais les latins leur répondirent que le codex grec avait pu avoir été corrompu par eux-mêmes; et ils leur montrèrent un codex très ancien, écrit avant les années 600. Il contenait bel et bien, en entier, la phrase incriminée.



De plus, le contexte nous fait comprendre ou que ces mots devaient être présents dans le texte, ou tout au moins leur sens. Car c’est ainsi qu’il continue : « Car, comme le Fils est second par le rang parce qu’il est de lui, et second aussi en dignité parce que le Père est l’origine et la cause de son être, mais nullement second en nature, parce qu’en l’un et l’autre est la déité unique, de la même façon, même si l’Esprit-Saint est, selon la dignité et le rang, second par rapport au Fils, il ne s’ensuit pas qu’il soit d’une nature étrangère ». Et tout cela est dans le grec mot pour mot. Réfléchissez au raisonnement de saint Basile, je vous prie. Il dit que le Saint-Esprit est second par rapport au Fils d’après le rang et la dignité, mais non d’après la nature. Et il prouve cette affirmation en disant que comme le Fils est second par rapport au Père parce qu’il a l’être du Père, de la même façon l’Esprit-Saint est second par rapport au Fils. Or, si on n’ajoutait pas ou si on ne sous-entendait pas ce qui est dans nos codex, à savoir que l’Esprit-Saint a l’être du Fils comme le Fils l’a du Père, le raisonnement de saint Basile ne conclurait rien. Et on ne pourrait, en aucune façon, prouver que le Saint-Esprit est second par rapport au Fils, comme le Fils est second par rapport au Père.



La troisième citation (livre 5 contre Eunome, chap 8) nous montre que l’Esprit-Saint est « l’image vraie et naturelle de Dieu et du Christ ». Ce titre qu’il lui donne indique suffisamment que l’Esprit-Saint est du Père et du Fils. Car, comme nous l’avons déjà expliqué, n’est pas une image naturelle et vraie celle qui n’est pas produite par l’exemplaire lui-même.



La quatrième citation (même livre, chapitre 12). Voici quel est le titre de ce chapitre : « Comme se comporte le Fils par rapport au Père, ainsi se comporte le Saint-Esprit par rapport au Fils ». Et il continue ainsi : « Voilà pourquoi le Fils est le Verbe de Dieu, et l’Esprit-Saint est le verbe du Fils ». Comment donc peut-il dire que l’Esprit-Saint est le verbe du Fils, s’il ne procède pas de lui ? Ou comment le Saint-Esprit peut-il se comporter envers le Fils comme le Fils se comporte envers le Père, si le Fils procède du Père, mais l’Esprit-Saint ne procède pas du Fils ?



La cinquième citation (même livre, chap 12). Il se pose la question suivante : « Pourquoi l’Esprit-Saint n’est-il pas le fils du fils ? » Et il répond : « On ne dit pas qu’il n’est pas le fils du fils parce qu’il n’est pas de Dieu par le Fils, mais pour ne pas multiplier la trinité à l’infini ». Car si on disait que le Saint-Esprit est le fils du Fils, il semblerait logique que le Saint-Esprit ait aussi un fils, et que le fils du Saint-Esprit en ait un, et ce dernier de même, sans qu’il n’y ait de fin à l’engendrement divin.



Il y a quelques réflexions à faire sur ce texte. D’abord, le titre lui-même plaide en notre faveur. Car si le Saint-Esprit n’était que du seul Père, l’auteur n’aurait pas à se demander pourquoi on n’appelle pas le Saint-Esprit le fils du Fils. Comme personne ne se demande : Pourquoi n’appelle-t-on pas un frère fils du fils. Il n’existe, en effet, absolument rien, qui nous inciterait à poser une semblable question. Or, quand on se demande sérieusement pourquoi le Saint-Esprit ne s’appelle pas le fils du Fils, cela signifie qu’on admet implicitement au moins que le Saint-Esprit procède du Fils,



Il faut noter en second lieu que saint Athanase (dans Sérapion) et saint Basile (passage cité) ont attaché une grande importance à cette question. L’un et l’autre ont en eu des sueurs chaudes, et cela est même un argument de poids en notre faveur. Car ils pouvaient répondre tout simplement : il n’est pas le fils du Fils parce qu’il n’est pas de lui. Mais cela, ils ne l’ont jamais dit. Ils se sont contentés de déclarer qu’il s’agissait d’un mystère insondable, qu’il nous suffisait de savoir ce que nous avons à croire, et que nous n’avions pas à chercher le pourquoi et le comment de tout.



Il faut noter en troisième lieu que la réponse de saint Basile (non parce qu’il n’est pas de Dieu par le Fils) est un argument qui nous est favorable. Car si cette préposition « par » ne signifiait pas une cause, mais la préposition « avec », comme les Grecs le prétendent, les paroles de saint Basile seraient dépourvues de sens. Car si l’Esprit-Saint était de Dieu non « par » le Fils, mais « avec » le Fils, personne ne pourrait soupçonner qu’il est le fils du Fils, mais plutôt son frère. Notons enfin que la réponse de saint Basile a aussi le sens que le Saint-Esprit est du Fils, mais par un autre mode que la génération, Voilà pourquoi il n’est pas dit le fils du Fils etc.



Sixième citation (livre du Saint-Esprit, chap 17) : « Comme le Fils se comporte envers le Père, ainsi se comporte le Saint-Esprit envers le Fils ». Quelle relation y a-t-il entre le Père si ce n’est celle de producteur et de produit. Car le Père et le Fils sont absolument semblables, à l’exception que le Fils est du Père et que le Père n’est pas du Fils. Il n’y a donc entre l’Esprit-Saint et le Fils que cette seule distinction, à savoir que l’Esprit-Saint est du Fils et que le Fils n’est pas du Saint-Esprit.



Le quatrième auteur grec est saint Grégoire de Nysse, et il nous présentera trois témoignages. Un de ceux-là est cité par Gennadius (dans sa défense du concile de Florence, chap 1, et dans son homélie 4 sur l’oraison dominicale) : « On dit que l’Esprit-Saint est du Père, et on montre qu’il est aussi du Fils ». Gennadius dit que ce passage a été supprimé des codex grecs; et il est vrai qu’on ne le trouve pas dans les manuscrits qui nous sont parvenus.



Bessarion ajoute un autre témoignage (dans son discours, chap 6, livre 1, sur les livres de saint Grégoire de Nisse contre Eunome, livres que nous n’avons plus aujourd’hui en latin) : « L’Esprit-Saint est associé au Père du fait qu’ils sont incréés l’un et l’autre. Mais il se distingue du Père parce qu’il n’est pas le Père. Il est associé au Fils parce qu’ils sont tous les deux incréés, et parce que l’un et l’autre ont leur substance d’un premier principe. Mais il se distingue du Fils par sa propriété, laquelle est qu’il n’est pas produit par le Père comme fils unique, et qu’il est manifesté par le Fils lui-même ». Notons immédiatement que le mot « par » ne peut pas avoir ici le sens de « avec », car en tant qu’il procède du Père « avec » le Fils, l’Esprit-Saint ne se distingue pas du Fils, mais il est uni avec lui. Or, c’est de distinction qu’il s’agit ici. Notons en second lieu, que ce « manifesté » ne peut pas signifier le seul octroi de dons temporels, car, ce dont on parle ici, c’est de ce qui distingue les personnes l’une de l’autre. Or, les personnes se distinguent par leurs propriétés, antérieurement à toute mission externe de l’Esprit-Saint.



Le troisième témoignage se trouve dans le livre à Ablab :( « il ne faut pas dire trois dieux », vers la fin). Après avoir dit que l’unique nature de Dieu est très simple, il ajoute qu’ne faut pas, à cause de cela, confondre les personnes, mais les distinguer par le fait que l’une est de l’autre : « Quand nous considérons la différence entre la cause et le causé, nous ne nions pas que la seule différence que nous voyons entre les personnes est que nous croyons que l’une est la cause d’une autre, que l’autre est de la cause, et une autre de ce qui est de la cause. Nous considérons aussi une autre différence : quelque chose est du premier tout d’un coup et sans intermédiaire, une autre chose est par celui qui est subitement et sans intermédiaire. » Notons d’abord que des mots « par qui seul », on peut facilement déduire que le Fils est la cause ou le principe du Saint-Esprit. Car saint Grégoire de Nysse dit que la seule façon que nous ayons de distinguer les personnes est que l’une soit la cause de l’autre. Il suit de cela que si le Fils n’est pas la cause du Saint-Esprit, le Fils et le Saint-Esprit n’ont pas de quoi se distinguer l’un de l’autre. Les Grecs ne diront donc plus que l’Esprit-Saint est la cause du Fils, ni que l’Esprit-Saint ne se distingue pas du Fils, pour ne pas adorer une dualité au lieu de la trinité. S’ils ont foi en saint Grégoire de Nysse, ils sont forcés d’avouer que le Fils est la cause du Saint-Esprit.



Notons ensuite que par ces mots, (un qui est la cause, un autre qui est de la cause, et un autre qui est de celui qui est de la cause), on désigne les trois propriétés des trois personnes. Car le Père est la cause, le Fils est de la Cause, et le Saint-Esprit est de Celui qui est de la Cause, c’est-à-dire du Fils. Notons, en troisième lieu, que par ces mots (une autre différence encore), on ne présente pas une distinction spécifiquement différente de la précédente, car l’auteur se contredirait lui-même si, après avoir dit que les personnes ne se distinguent que parce que l’une est la cause de l’autre, il ajoutait ensuite une autre différence qui proviendrait d’ailleurs. Cette différence la voici : le Fils est immédiatement du seul Père, le Saint-Esprit l’est immédiatement par le Père, médiatement par le Fils. Il faut donner à cette phrase un sens raisonnable. Car le Saint-Esprit est du Père immédiatement et médiatement. Médiatement, du fait que, en tant que père, le Père le produit par le Fils, mais immédiatement aussi, du fait qu’il le produit de lui-même. La différence consiste donc en ceci que le Fils n’est pas du Père médiatement, mais immédiatement, et que le Saint-Esprit est, en quelque sorte, du père médiatement.



Le cinquième auteur est saint Grégoire de Naziance (oraison 5, la théologie, sur le Saint-Esprit). Il se demande ce qui manque à l’Esprit-Saint pour ne pas être un fils. Il répond ainsi ; « Il ne lui manque rien, car rien ne manque à Dieu. Pour dire le vrai, c’est la différence de leur relation mutuelle qui fait naître des noms différents. » Dans ce passage, saint Grégoire de Naziance donne pour cause de ce que l’Esprit Saint ne soit pas dit fils le fait qu’ils ont des relations différentes, voire même mutuellement opposées. » Il est certain que la seule explication qu’on puisse donner pour expliquer qu’il existe une relation mutuelle d’opposition entre le Saint-Esprit et le Fils, est que l’un est insufflé, et que l’autre insuffle. On ne peut pas répondre que le Fils se distingue du Saint-Esprit par les diverses relations qu’ils ont au père, mais non par celles qu’ils entre eux. Car, saint Grégoire dit clairement que l’Esprit-Saint n’est pas le Fils. Ce qui veut dire qu’il se distingue du Fils par la sorte de lien qui les unit, lequel est une relation d’opposition mutuelle.



De plus, il a écrit un peu plus bas. De la même manière, il ne manque rien au Fils du fait qu’il ne soit pas Père. Mais, il n’est pourtant pas Père, parce le Père et le Fils ont des relations opposées. Et un peu plus bas, il présente l’exemple d’Adam, d’Ève et de Seth : Adam n’est d’aucun homme, Ève de l’homme seul, et Seth, de l’un et l’autre. « Qu’était Adam ? Une créature de Dieu. Qu’était Ève ? Une côte de la créature. Qu’était Seth ? Un germe de l’un et de l’autre. » Comme saint Grégoire comparait ces trois êtres humains aux trois personnes divines, qui ne voit que le Fils est du Père, et le Saint-Esprit du Père et du Fils ?



Le sixième auteur est saint Cyrille de Jérusalem (septième catéchèse, avant le milieu). « Il n’y a qu’un seul et unique Saint-Esprit venant et subsistant, qui est partout présent au Père et au Fils, qui n’a pas été formé par la bouche et les lèvres du Père et du Fils en parlant, ni n’a été insufflé et répandu dans l’air, mais qui est substantiel, parlant et opérant lui-même etc. » Saint Cyrille n’aurait pas dit qu’il n’avait pas été formé par la bouche du Père et du Fils, s’il ne croyait pas qu’il est insufflé par le Père et le Fils. Il lui suffisait, en effet, de dire qu’il n’avait pas été formé par la bouche du Père. Saint Cyrille de Jérusalem veut donc que le Saint-Esprit soit l’Esprit du Père et du Fils, et qu’il procède de l’un et de l’autre, mais d’une manière spirituelle et ineffable.



Le septième est saint Jean Chrysostome (tome 5, homélie 1 sur le symbole de la foi). « Celui-ci est l’Esprit procédant du Père et du Fils, qui communique les biens à chacun comme il le veut. » Et dans l’homélie 2 : « Ce Saint-Esprit nous disons qu’il est égal et au Père et au Fils, et qu’il procède du Père et du Fils ». Et l’homélie 76 sur saint Jean : « Ce n’est pas le Père seul qui a envoyé l’Esprit. Le Fils aussi l’a envoyé ». Et pour que les Grecs ne disent pas que saint Jean Chrysostome parlait de la mission temporelle des dons du Saint-Esprit, le même saint Jean Chrysostome explique (homélie 77) pourquoi l’on dit que l’Esprit-Saint a été envoyé par le Fils : « De plus, dit-il, il montre la différence des personnes, quand il en met deux ». Si la mission signifie la distinction des personnes, c’est vraiment la personne elle-même qui est envoyée, pas seulement les dons. Et comme la distinction des personnes est éternelle, il est nécessaire que cette mission incluse une émanation éternelle. Ensuite, dans son apologie pour le latin (chapitre 1, verset 4), Gennadius ajoute une autre citation de saint Jean Chrysostome, tirée de son homélie sur l’incarnation : « Le Christ est venu vers nous. Il nous a donné l’Esprit qui descend de lui, et il a pris notre corps ».



Octave Épiphanius (hérésie 69, qui est celle des ariens, page 219) : « Mais le Saint-Esprit ne ressemble en rien aux autres esprits, car l’Esprit de Dieu est

unique. Il procède du Père, et il reçoit du Fils. Eux, ils veulent qu’il soit la créature d’une créature ». En ce passage, le « il reçoit du Fils » ne peut signifier rien d’autre qu’il procède du Fils par une émanation éternelle. Car Épiphane oppose ce « il reçoit du Fils » à la création. Il enseigne donc que l’Esprit-Saint n’a pas été créé par le Fils, comme le disaient les hérétiques, mais qu’il a reçu sa subsistance du Fils autrement que par la création. C’est pourquoi, un peu plus bas, il dit de nouveau ; « Comme le Fils n’est pas étranger au Père, puisqu’il est né de lui, l’Esprit-Saint n’est pas, lui non plus, étranger au Père. En toute vérité, le Fils est fils unique, engendré sans commencement, sans temps. Le Saint-Esprit n’est ni engendré ni créé. Il procède du Père, et il reçoit du Fils ». Et à la page 223 : « Tout a été créé par Dieu. Seul le Fils de Dieu a été engendré. Seul l’Esprit-Saint procède du Père et reçoit du Fils, Tout le reste a été créé. Rien d’autre ne procède du Père et ne reçoit du Fils ». Page 229 : « Où il montre que la Fontaine est de la Fontaine, et l’Esprit-Saint du Père et du Fils unique ».



La même chose dans l’ancre (p. 332) : « L’Esprit de Dieu est l’Esprit du Père et l’Esprit du Fils non selon une composition quelconque, comme pour nous l’âme et le corps, mais il est au milieu du Père et du Fils, et occupe le rang de troisième fils ». Page 349 : « Si l’on croit vraiment que le Christ qui est du Père est Dieu de Dieu, et que l’Esprit-Saint est du Christ ou de l’un et l’autre ». Page 351 : « Il appelle Fils celui qui est de lui-même, et Esprit-Saint, celui qui est de l’un et de l’autre ». Et plus bas : « Écoute, o bon, que le Père du véritable Fils est le Père Lumière totale, et que le Fils du vrai Père est Lumière de la Lumière, non par le nom seulement comme les créatures. Le Saint-Esprit est L’Esprit de la Vérité, la troisième lumière (venant) du Père et du Fils. » Et plus bas : « L’Esprit-Saint qui est du Père et du Fils est le seul à être la lumière de vérité ».



Le neuvième est de Didyme l’aveugle (livre 2 de l’Esprit-Saint, passé le milieu) : « Il ne parle pas de lui-même, c’est-à-dire non sans moi et sans l’autorisation du Père, car il est inséparable de ma volonté et de celle du Père, pace qu’il n’est pas de lui-même, mais de mon Père et de moi. Car, pour le Saint-Esprit, subsister et parler, cela vient de mon Père et de moi. » Et un peu plus bas : « L’Esprit saint qui est l’Esprit de Vérité, l’Esprit de Sagesse, ne peut entendre dire au Fils des choses qu’il ignore, puisque c’est lui-même qui est proféré par le Fils, puisqu’il procède de la Vérité, et qu’il est donné comme consolateur par le consolateur. » Et à la page suivante : « L’Esprit-Saint n’a pas d’autre substance que celle qui lui est donnée par le Fils ».



Le dixième est saint Cyrille d’Alexandrie (livre 11 sur saint Jean c.1) : « Comme il est consubstantiel au Fils, et qu’il procède par Lui, il a toute sa vertu. C’est pour cela qu’il dit : « Il recevra de moi. » Et plus bas : « Car, comme il procède naturellement par le Fils, afin d’avoir en propre tout ce qu’il a absolument, on dit qu’il reçoit tout ce qui est à lui ». Notons que le Saint-Esprit procède par le Fils avec tout ce qu’il a absolument. Qu’est-ce que cela signifie d’autre que l’essence divine et toutes les autres perfections absolues qui, dans la procession, ont été communiquées par le Fils ? Et au chapitre 25 : « Provenant de la substance elle-même de Dieu le Père, infusé ensuite aux saints par le Verbe consubstantiel, duquel il est selon une émission qui se rapporte à l’être et le subsister ». Saint Cyrille d’Alexandrie pouvait-il dire plus clairement que le Saint-Esprit procède du Fils ? Car, ce que nous entendons, nous, par une procession qui origine du Fils c’est que le Saint-Esprit a l’être et le subsister par le Fils, ce que saint Cyrille explique doctoralement. De plus (dans le livre 12, chap 36, sur saint Jean) il dit : « La raison pour laquelle il appelle le Saint-Esprit Seigneur, c’est parce qu’il existe naturellement du Fils, et dans le Fils ». Et un peu plus bas. « Nous comprenons donc que le Fils de Dieu est naturellement du Père et dans le Père. Nous croyons également que le Saint-Esprit procède naturellement et essentiellement du Fils comme il procède du Père. » La même chose dans la foi droite à Théodose, à la fin du milieu; et dans les livres 5, 6, 7 de la trinité. Ensuite (au chapitre 2 de Joël, comme le cite Bessarion dans son oraison chapitre 7) : « L’Esprit-Saint est de lui-même (le Fils) et en lui-même, comme il est de Dieu et du Père ».



Siméon Métaphraste, dont il est fait mention avec un grand honneur dans le sixième concile (livre des dogmes droits) : « On appelle l’Esprit-Saint l’Esprit de la bouche de Dieu, car la bouche est le Fils du Père ». Il indique assez clairement, en enseignant qu’il est dit la bouche de Dieu, que c’est ainsi que le Saint-Esprit procède du Fils, comme c’est par notre bouche qu’est émis le souffle. De la même manière, plus bas. « Pour enseigner qu’il n’y a qu’une seule essence tant pour celui qui reçoit que pour celui de qui il reçoit, c’est-à-dire de qui il procède ». Pour que par « celui qui reçoit » nous entendions l’Esprit-Saint, et le Fils dans celui de qui il reçoit, et le Père dans celui de qui il procède. Si l’Esprit-saint reçoit l’essence du Fils, que demandons-nous de plus ? On ne doit pas non plus trébucher sur le mot « il procède », puisque le sens est clair. Voilà pourquoi il ajoute : « Car il n’est pas sorti de qui serait d’une essence étrangère, et il n’a rien reçu ce qui ne lui serait pas consubstantiel. » Et plus bas : « De plus, cet Esprit procède de Lui (le Fils) aussi, et est aussi envoyé par Lui. Non par le Père seul, mais aussi par le Fils ». Et plus bas : « En déclarant que l’Esprit-saint émerge de lui, le Seigneur l’a insufflé sur les apôtres en leur disant : Recevez l’Esprit-Saint ».



Tharasius (dans l’épitre au patriarche d’Orient, que l’on trouve dans le synode 7, art 3) : « Nous croyons dans le Saint-Esprit, qui procède du Père par le Fils ». Maxime, homme saint et très savant dit (au chap 4 sur Zacharie) : « Comme l’Esprit-Saint est selon l’essence de Dieu et du Père, de la même manière il est selon l’essence du Fils, en tant qu’étant essentiellement du Père, et procédant ineffablement par le Fils né. » C’est Bessarion qui cite ce passage au chapitre 6.



Saint Jean Damascène (livre 1 de la foi, chap 18) : « Le Fils est l’image du Père, et l’Esprit-Saint l’image du Fils ». Or, il est certain que c’est de l’exemplaire que l’image a l’être. Et plus bas : « L’Esprit-Saint tient le milieu entre le Géniteur et l’Engendré, et c’est par le Fils qu’il est uni au Père. » Nous avons donc quinze témoins latins, et quinze témoins grecs, qui ont donné, avant le schisme, un témoignage clair et éloquent de la procession du Saint-Esprit par le Père et par le Fils. Ils font apparaître intolérable l’obstination des Grecs actuels.





CHAPITRE 26 : On le confirme par la raison

Saint Thomas d’Aquin donne plusieurs raisons (dans la somme contre les Gentils, chap 24, et question de la puissance, art 4). La raison principale est celle-ci. Si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il ne se distinguerait pas de lui. Ce qui est contraire à la foi, car nous aurions alors une dualité, et non une trinité. Le Saint-Esprit procède donc du Fils. Explication. Toutes les distinctions naissent, en Dieu, des relations d’origine. Or, si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il n’y aurait pas entre eux de distinction d’origine. Si donc le Saint-Esprit ne procède pas du Fils, il ne pourrait pas se distinguer du Fils. Confirmation de cet argument. Il n’y a, en Dieu, rien d’autre que l’essence et la relation, un absolu et un relatif. Or, l’essence et les absolus sont communs aux trois. Ils ne se distinguent donc que par la seule relation. Voilà pourquoi le concile de Tolède 1 (chapitre 11) a décrété que le nombre ne s’aperçoit que dans les seules relations. En conséquence, toute distinction tire son origine des relations, car là où il n’y a pas de distinction, il ne peut non plus y avoir de nombre. De plus, si tout n’était pas absolument commun aux trois, les trois personnes ne formeraient pas une seule entité (chose), comme l’enseigne le concile du Latran (chapitre 2). De même, nous ne pouvons nier la simplicité de Dieu, et nous ne pouvons montrer aucune perfection présente dans une personne qui ne soit pas présente dans une autre. Il n’y a donc pas de raison de douter que la relation seule établisse une distinction dans la Trinité.



Une relation quelconque ne suffit pas à établir une distinction. Car les relations qui ne sont pas opposées ne distinguent pas les personnes les unes des autres. Comme on le voit dans le Père. Dans un Père unique se trouvent deux relations, la paternité et l’insufflation active, Mais ces relations ne forment pas deux personnes. Elles ont donc besoin, pour établir une distinction entre personnes, d’être opposées.



Mais ce n’est pas une opposition quelconque qui suffit pour établir une distinction entre deux personnes. Il faut qu’elles soient réelles. Car, par exemple, la relation d’identité exprime une opposition, mais elle n’établit pas de distinction entre les personnes, parce qu’elle n’exprime pas une opposition réelle. Il est aussi à noter que les relations opposées réelles se fondent ou sur la quantité comme l’égalité, ou sur l’action comme la paternité et la filiation. Mais, en Dieu, il n’y a pas de relation réelle fondée sur la quantité ou sur la qualité. Les seules donc qui restent sont celles qui sont fondées sur l’action : les relations d’origine.



Autre preuve. En Dieu, il y a une certaine égalité et similitude, mais c’est parce que le fondement de ces choses est la seule essence, qui est numériquement une. Ces relations de raison ne sont pas réelles, car il ne peut y avoir de relations là où les fondements ne sont pas réellement distincts. Et même si l’égalité et la similitude étaient des relations réelles, comme le veut Scot, on ne pourrait en tirer aucune distinction de personnes. Car Scot imagine que, pour que les relations soient réelles, il n’est pas nécessaire qu’elles aient des fondements distincts. Et parce que le Père et le Fils sont extrêmement réels, il se croit en droit de conclure que l’égalité et la similitude sont des relations réelles.



Selon cette opinion, les personnes ne sont pas distinctes les unes des autres, parce qu’elles sont égales et semblables par une relation réelle d’égalité et de similitude. Mais il faut dire, au contraire, qu’elles sont égales et semblables par une réelle relation, parce qu’elles sont des personnes distinctes. Il n’y a donc que les relations d’origine qui établissent une distinction réelle entre les personnes. Et il s’ensuit, comme on l’a déjà prouvé, que ou le Saint-Esprit tire son origine du Fils, et est référé à lui par une relation d’origine (ce qui veut dire, procéder de lui), ou il ne se distingue pas de lui, ce que les Grecs eux-mêmes n’ont pas enseigné.



Mais contre cette relation est présentée une objection fort subtile. Il ne semble pas vrai que seules les relations opposées apportent une distinction réelle dans la déité. Car la paternité et l’insufflation passive se distinguent réellement, mais sans s’opposer. Il en est de même de la filiation et de l’insufflation active. Quelques-uns répondent que la paternité se distingue de l’insufflation passive, parce qu’elle s’identifie avec l’insufflation active, laquelle est opposée à la passive. Mais alors, l’insufflation active ne pourrait pas être dans le Fils, parce qu’elle s’identifie avec la paternité, qui est opposée à la filiation. De la même façon, l’essence ne pourrait pas être dans le Fils ou dans le Saint-Esprit, parce qu’elle s’identifie avec la paternité, qui est réellement distincte de la filiation et l’insufflation passive.



D’autres répondent que la paternité et l’insufflation passive sont distinctes parce qu’elles sont dans des suppôts distincts. Mais même cette réponse n’est pas satisfaisante. Car l’insufflation active est aussi dans des suppôts distincts, dans le Père et dans le Fils; mais elle est pourtant la seule et la même dans les deux. Et l’essence elle-même n’est-elle pas dans trois suppôts réellement distincts, tout en étant la seule et la même en tous. Et, de plus, ces suppôts que sont le Père et le Saint-Esprit ne sont pas proprement opposés. Donc toute distinction n’origine pas de l’opposition.



D’autres répondent que la paternité et l’insufflation passive sont opposées virtuellement, parce que la paternité se fonde dans la production de la connaissance, et l’insufflation passive dans la production de l’amour. Ces productions sont opposées parce qu’elles incluent des relations d’origine, car l’amour naît de la connaissance. Voici ce qu’on peut répondre à cela. L’amour ne nait pas, effectivement, de la connaissance, car l’intelligence ne fait que proposer l’objet à la volonté. Or, on ne doit pas placer de distinction réelle entre l’objet et l’acte, comme on le voit dans le cas de Dieu, là où l’essence est l’objet de connaissance et d’amour, et ne se distingue pas de la connaissance et de l’amour.



Je réponds donc que la paternité ne s’oppose pas à l’insufflation passive, mais qu’elle peut s’en distinguer par la relation d’une autre relation opposée. Car il faut noter que, quand deux relations s’opposent, non seulement elles se distinguent elles-mêmes, mais, à cause d’elles, se distinguent entre eux les suppôts relatifs. Ce n’est donc pas seulement l’insufflation active et passive qui se distinguent entre elles, mais également l’insufflateur et l’insufflé. Et parce que ces entités relatives sont des personnes subsistantes, se distinguent, en conséquence, les propriétés constitutives de ces personnes. Autrement, une serait l’autre.



Parce que la paternité est constitutive de la personne insufflante, elle se distingue nécessairement de l’insufflation passive, qui est constitutive de la personne insufflée. Autrement, le Saint-Esprit procèderait de lui-même. Or c’est du Père qu’il procède. Et il serait lui-même le Père si la paternité n’était pas distincte de l’insufflation passive. Je dis la même chose de la filiation. Elle se distingue de l’insufflation passive, parce que la filiation constitue la personne du Fils, et dont de l’insufflateur, si l’Esprit saint procède du Fils. Et c’est l’insufflation passive qui constitue la personne de l’insufflé. S’opposent, en effet, l’insufflateur et l’insufflé. Il y donc des choses en Dieu qui se distinguent entre elles sans opposition relative. Mais la raison de cette distinction est toujours une opposition relative, sans laquelle aucune distinction n’existerait.



Tu diras : si le Saint-Esprit ne procédait pas du Père, mais du seul Fils, il n’y aurait, entre le Père et l’Esprit-Saint, aucune opposition relative, mais l’un se distinguerait quand même de l’autre, car autrement l’Esprit-Saint serait le Père, et produirait son auteur, le Fils. Je réponds qu’on ne peut en aucune façon enlever au Père l’insufflation active, à moins de l’enlever aussi au Fils. Car si le Fils insuffle l’Esprit-Saint, par le fait même le Père l’insuffle aussi, au moins médiatement, et ainsi il est médiatement opposé à l’Esprit-Saint. Et si on enlève au Fils l’insufflation active, on ne l’enlève pas nécessairement au Père. Mais, alors, on ne distinguerait plus le Fils de l’Esprit-Saint. Si on l’enlève de l’un et de l’autre, on enlève en même temps la procession du Saint-Esprit, et donc l’Esprit-Saint lui-même.



On fait une autre objection à notre raisonnement. Être engendré et être insufflé sont deux modes de production qui ne peuvent pas aller ensemble, et sur eux sont fondées des relations impossibles, même si elles ne sont opposées en rien, car rien ne peut être deux fois produit, ou être produit de deux manières différentes. C’est ce que prouvent les exemples suivants. Personne ne peut produire un fils par nature, et produire le même par l’art; ou faire en sorte que le fils et la statue soient semblables, même s’ils ne s’opposent en rien. On fait aussi grand cas de l’autorité de saint Anselme qui ( au livre de la procession du Saint-Esprit, chapitre 1) dit : « Parce qu’il n’apparait pas encore que l’Esprit-Saint soit de lui-même et procède, le Fils n’est pas le Saint-Esprit et le Saint-Esprit n’est pas le Fils, parce que, en naissant, le Fils a l’être du Père, mais ce n’est pas en naissant, mais en procédant que le Saint-Esprit a l’être ». Je réponds. Les choses qui, dans la création, sont diverses et multiples, sont en Dieu une seule chose simple, mais de façon à ne pas enlever l’opposition. Donc, si l’Esprit-Saint ne procédait pas activement du Fils, il ne fait aucun doute que engendrer et insuffler ne seraient pas deux modes d’être, mais une seule chose réelle, que l’on pourrait quand même distinguer par la raison. Car, comme sont semblables en Dieu l’intellect et la volonté, le comprendre et le vouloir, ainsi pourraient être le Verbe et l’Amour, si l’un ne procédait pas vraiment de l’autre. Et comme il ne répugne pas à une personne d’être disant et aimant, c’est-à-dire père et insufflateur, il ne répugne pas non plus à la même personne d’être Verbe et Amour, Fils et Esprit-Saint.



Ajoutons que ne manquent pas les exemples dans les créatures. Car engendrer et enseigner sont des activités formellement différentes. Et, de la même façon, les relations de Père et de Fils diffèrent grandement de celles qu’il y a entre docteur et disciple. Mais pourtant, la même personne peut-être à la fois père et docteur, par rapport à celui qui sera fils ou disciple. Que nous ne voyions pas cela dans l’exemple du fils et de la statue, cela provient de la multiplication et de la distinction de la matière, non d’une impossibilité de cohabitation de relations.



Le raisonnement de saint Thomas est donc très solide. Il est déduit des fondements de la foi, et il est, de plus, semblable à la doctrine des Pères, ce dont don Scot ne s’est pas rendu compte. Car saint Grégoire de Naziance (dans son oraison 5 sur la théologie) ne reconnait que la distinction provenant des relations d’origine. Saint Grégoire de Nysse (à la fin du livre à Ablabium) dit qu’on ne peut distinguer les personnes, en Dieu, que par la cause et le causé. Saint Augustin (livre 1 de la trinité, chap ultime, et livre 15, cap 14) ne veut distinguer les personnes que par le fait qu’une est de l’autre. Boèce (dans le livre 1 de la trinité, chap 12) : « Seule la relation multiplie la trinité ». Saint Anselme ( dans le livre sur la procession du Saint-Esprit, chap 12) : « tout est un quand ne s’oppose pas l’opposition des relations ». Richard (livre 2 sur la trinité) dit que la distinction des personnes naît du nombre de ceux qui produisent, car une produit et n’est pas produite, une produit et est produite, et une troisième est produite mais ne produit pas.



Il est facile de répondre à ces citations de saint Anselme. Car (dans les chapitres 1 et 2) il expose les choses sur lesquelles nous convenons les Grecs et nous, dont l’une est que le Fils se distingue du Saint-Esprit, parce que l’un a reçu l’être en naissant, et l’autre en procédant. Il montre ensuite que ces deux modes ne peuvent pas être distincts à moins que le Saint-Esprit ne soit du Fils, car toutes choses sont une seule et même chose là où n’intervient pas l’opposition de la relation. Il reste encore à présenter les arguments des Grecs. et à les réfuter.



CHAPITRE 27 : Réfutation des objections des Grecs

Ils tirent leur première objection de ces paroles de Jésus en saint Jean, 15 : « Quand viendra le Paraclet, l’Esprit de vérité que je vous enverrai de la part du Père, qui procède du Père ». Puisque le Seigneur a dit expressément que l’Esprit-Saint procède du Père, sans avoir ajouté qu’il procède aussi du Fils, il semble téméraire d’affirmer que l’Esprit-Saint procède du Fils. Je réponds avec saint Augustin (livre 3, contre Maximin, chap 14) que ce n’est pas pour exclure le Fils que le Seigneur n’a nommé que le Père, mais parce que le Père est l’auteur principal du Saint-Esprit. Car c’est du Père que le Fils reçoit d’insuffler. Que le Fils ne soit pas exclu, même s’il n’est pas nommé, on le prouve d’abord par des textes semblables. Car, en Matth, le Seigneur dit : « Ce n’est ni la chair ni le sang qui t’a révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. » Et pourtant cette révélation a été faite par les trois personnes divines. Et, au sujet du Saint-Esprit, le Seigneur dit en saint Jean 15 : « Il vous enseignera toutes choses.» Et pourtant, le Père et le Fils nous enseignent aussi toutes choses.



Ensuite, quand on dit qu’il procède du Père, on ne peut pas entendre le mot père comme le Père l’est formellement, parce que, alors, le Saint-Esprit serait un fils. Le Saint-Esprit procède donc du Père en tant qu’il a une essence commune avec le Fils : il procède donc du Fils. Troisièmement. Voici quel est le raisonnement convaincant de saint Anselme. Si le sens était que personne ne produit l’Esprit-Saint que le Père, le Fils ne serait pas pour autant exclu, comme on le voit par des phrases semblables. Matt 11 : « Personne ne connait le Fils sinon le Père.» Et pourtant, par cette phrase, ni le Fils ni le Saint-Esprit ne sont exclus de la connaissance du Fils. Et il ajoute ailleurs : « Personne ne connait le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler.» Et pourtant, par cette phrase, ni le Père ni l’Esprit-Saint ne sont exclus de la connaissance du Père, même si le Fils ne leur révèle rien. De la même façon, si on disait que personne ne produit l’Esprit-Saint que le Père, on n’exclurait pas, pour autant, le Fils de cette production. Le Fils est encore bien moins exclu par la simple affirmation que le Saint-Esprit procède du Père, car il n’y a ici aucune exclusion, aucune négation.



Leur seconde objection les Grecs la tirent de ce que, pendant le concile d’Éphèse, on a lu le symbole des nestoriens et le livre de Théodoret contre les anathèmes de saint Cyrille. Dans l’un et l’autre de ces textes on trouve clairement exprimé que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils. Mais les pères conciliaires n’ont pas régi. Il semble donc avoir approuvé. Je réponds d’abord en retournant l’objection, car dans ce même concile d’Éphèse, et plus tard dans le quatrième et le cinquième conciles, on a lu à haute voix une lettre de saint Cyrille avec les anathèmes contre Nestorius, dans laquelle il est dit deux fois que le Saint-Esprit a son être du Fils. Les pères n’ont pas protesté, ils ont donc approuvé. Deuxièmement, Théodoret n’a pas seulement dit que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils, mais qu’il ne procède pas non plus par le Fils. Si donc ils prétendent que, en gardant le silence, le concile a approuvé que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils, (ce qui nous est contraire), ils doivent reconnaître que le concile a approuvé qu’il ne procède pas non plus par le Fils (ce qui leur est contraire). Je dis enfin que même si le concile d’Éphèse n’a pas voulu alors se prononcer expressément sur cette question, (car il avait été convoqué pour autre chose), il a quand même suffisamment exprimé sa pensée en approuvant toute la doctrine de saint Cyrille, et en condamnant la doctrine contraire de Nestorius et de Théodoret. Ce que firent aussi les quatrième et cinquième conciles, et tous les autres qui suivirent.



Le troisième argument ils le tirent des pères. Le premier qu’ils présentent est saint Denys l’aréopagite (noms divins, chap 2, page 1) qui enseigne que le Père « est la fontaine super substantielle de la trinité ». Je réponds que c’est vrai, car le Père ne tient pas d’ailleurs sa divinité. Voilà pourquoi il y en a quelques-uns qui comparent le Père à une fontaine, qui donne et qui ne reçoit pas; le Fils à une rivière qui reçoit et qui donne; le Saint-Esprit à un lac qui reçoit de l’eau, mais ne la communique pas à un autre. Mais c’est pour une autre raison que saint Épiphane appelle le Fils une source (hérésie 69). C’est pour le faire source de la source, comme il est Dieu de Dieu, car il reçoit la même essence qu’a le Père.



Ils mettent de l’avant une lettre de saint Basile (43) : « Le Fils n’a aucune communion avec le Père selon la notion propre. » Il n’insuffle donc pas avec le Père, puisque l’insufflation est une notion. De plus, il dit au même endroit, que « c’est une notion propre au Saint-Esprit d’être connu par le Fils et avec le Fils, et d’avoir sa subsistance du Père ». Je réponds au premier point que saint Basile ne parle pas ici de n’importe laquelle notion, mais de la notion qui est une propriété, comme ses propres paroles nous le font comprendre. Il veut donc dire que, en raison de sa filiation, qui est sa seule notion propre, le Fils diffère du Père et du Saint-Esprit. Je réponds au second point que c’est un passage qui nous est favorable, si on l’entend comme il faut. Car, quand il dit que l’Esprit-Saint est connu par le Fils et avec le Fils, il ne veut pas dire que l’Esprit-Saint est connu par la prédication et la doctrine du Fils. Mais qu’il est connu par le Fils et avec le Fils, comme un relatif par son corrélatif. Car, un peu avant, il avait dit que l’Esprit-Saint dépendait du Fils, et qu’on ne pouvait penser à l’un sans penser à l’autre, ce qui est le propre des relatifs. Ensuite, il disserte, en ce lieu, de la distinction intime et interne des personnes. Car on ne doit pas tirer la distinction éternelle de notre connaissance temporelle. Autrement, les personnes divines n’auraient pas existé avant qu’on les connaisse. Si le Fils et le Saint-Esprit sont des entités relatives, il est nécessaire qu’ils soient relatifs ou parce que le Fils est le Fils du Saint-Esprit, ou parce que l’Esprit-saint est le père, (ce que personne ne dit), ou que l’Esprit-Saint ait été insufflé par le Fils, et que le Fils soit insufflant ou l’insufflateur de l’Esprit-Saint. C’est ce que dit l’Église. Ne s’opposent pas à notre interprétation les paroles de saint Basile à l’effet que l’Esprit-Saint tire du Père sa subsistance. Car il voit dans le Père l’auteur principal du Saint-Esprit, comme le Seigneur lui-même quand il dit : « Qui procède du Père ».



Ils citent ensuite un texte de saint Grégoire de Naziance (dans son discours à l’évêque qui venait d’Égypte) : « Tout ce qu’a le Père, le Fils l’a aussi, à l’exception de la causalité. » Il leur semble découler de ce texte que le Fils n’est pas la cause du Saint-Esprit, mais le Père seul, Je réponds que saint Grégoire parle de la causalité par rapport au Fils, laquelle est la propriété du Père. Comme s’il disait : « Le Fils a tout ce qu’a le Père, sauf d’être Père ». Et que dire de ce que saint Grégoire insinue ouvertement que le Saint-Esprit est du Fils ? Car, comme il comparait le Fils au Père comme un produit à un producteur, il comparait ensuite de cette façon le Saint-Esprit avec le Fils : « Tout ce qu’a le Fils, le Saint-Esprit l’a aussi, sauf la filiation, c’est-à-dire à l’exception de la propriété de sa personne, de laquelle il est lui-même produit. »

[24 juin 2017, 00h55 fin]







[29 juin 2017 à 19:38 début] Le quatrième argument, ils le tirent de saint Jean Damascène, (livre1, chap 11, de la foi) : « Nous disons que le Saint-Esprit est par le Fils, nous ne disons pas qu’il est du Fils ». Saint Thomas (question 10, de la puissance, art 4) rejette Damascène comme quelqu’un qui a suivi Théodoret. Mais cela ne semble pas être vrai. Si Théodoret nie péremptoirement que le Saint-Esprit soit par le Fils ou du Fils, Damascène nie seulement qu’il est du Fls. Je réponds donc comme Bessarius et Gennadius que saint Damascène ne nie pas que le Saint-Esprit procède du Fils puisqu’il a dit que le Saint-Esprit est l’image du Fils, et qu’il est par le Fils; mais qu’il a estimé qu’il était plus sur de dire par le Fils que du Fils, à cause de l’hérésie de Macédonius et d’Eunome, qui enseignait que le Saint-Esprit procédait du Fils comme cause première et unique. Comme nous disons, nous, après l’hérésie de Macédonius que Marie n’est pas mère-du-Christ, mais mère-de-Dieu, non pas parce qu’elle n’est pas la mère du Christ, mais pour qu’on ne pense pas qu’elle soit seulement mère du Christ, et non mère de Dieu. De plus, comme, à cause de l’hérésie de Macédonius, on était en droit de dire alors que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, de la même manière, à cause de l’erreur des Grecs, on est encore plus en droit de dire maintenant que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.



Le cinquième (comme le maître des sentences l’atteste livre 1, d.11). Ils rapportent que le pape Léon 111 ordonna d’écrire sur une tablette d’argent le symbole de Constantinople sans l’addition du « et du Fils » et de la poser sur l’autel consacrée à saint Paul. Or, ce pape a vécu autour de l’année 700, à l’époque où se fit l’addition. Ce pontife l’aurait donc rejetée. Je réponds que ce pape a posé le dit geste pour que soit conservé le souvenir du concile de Constantinople, tel qu’il avait été, et pour faire comprendre que nous ne condamnions pas ce symbole, et qu’il n’était pas contraire au nôtre. Car, l’Église a plusieurs symboles : celui des apôtres, celui de Nicée, celui de Constantinople sans addition, et avec addition, qui sont tous une seule et même chose, même si un est plus clair et plus explicite qu’un autre. Tous ces symboles l’Église les reçoit et les honore. Et, comme par le symbole de Nicée ne fut pas aboli le symbole des apôtres, et comme le concile de Constantinople n’abolit pas non plus celui de Nicée, notre symbole actuel, de toute évidence, n’abolit pas celui de Constantinople. Le pontife romain fit donc preuve d’une grande prudence et d’un grand respect en agissant ainsi, pour que les Grecs ne pensent pas que nous réprouvons le symbole de Constantinople. Voilà pourquoi il ordonna qu’il soit conservé dans l’Église avec honneur.



Ils vont chercher le sixième argument chez Théophylacte (chap 3 Jean) : « Interprétant mal ce texte, et le comprenant mal, les latins disent que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils ». Je réponds que Théophylacte a vécu au temps du schisme. On ne l’accepte donc pas comme une autorité. Autrement, nous serions en droit de mettre de l’avant saint Bernard, Rupert, Richard de saint Victor, saint Thomas, saint Bonaventure, et d’autres grands saints.



Ultimement, ils nous servent leurs raisonnements. Le premier, il le tire de Théophylacte (endroit cité) : « L’Esprit-Saint est unique. Il n’a donc qu’un seul principe, non deux; il ne procède que d’une seule insufflation, non de deux. » Je réponds que cette objection dont les Grecs sont si fiers ne vaut rien. Car, bien que le Père et le Fils soient deux insufflateurs, ils insufflent en une seule insufflation, et sont, à tous les deux, un principe unique du Saint-Esprit. Car rien ne se multiple en Dieu que la relation opposée. Or, l’insufflation par laquelle le Père insuffle ne s’oppose pas à l’insufflation par laquelle le Fils insuffle. Et, à coup sur, si l’argument avait quelque valeur, il s’ensuivrait que le Fils n’est pas le créateur du monde, car le monde est un. Il n’aurait donc qu’un seul principe, et ne serait produit que par une seule action. Donc, si deux personnes ne peuvent pas être un seul principe, ni créer par une seule action, le Fils n’a pas créé le monde; le Père seul l’a fait. Donc, comme le Père et le Fils, et même aussi le Saint-Esprit sont un seul principe du monde, et créent par une seule action, de la même façon le Père et le Fils sont un principe unique du Saint-Esprit, et insufflent d’une seule insufflation, car ils n’ont, à eux deux, qu’une seule puissance d’insufflation.



Deuxième raisonnement. Le Père est un principe suffisant du Saint-Esprit. Il n’a donc pas besoin de l’aide du Fils. Je réponds que le Père est un principe suffisant de la création, et que, nonobstant, les trois personnes créent, parce qu’elles ont la même puissance et la même essence. Le Fils n’insuffle pas avec le Père parce que le Père a besoin d’aide, mais parce que le Père et le Fils ont la même puissance d’insufflation. Ajoutons que le Saint-Esprit procède nécessairement des deux, car autrement, il n’y aurait pas de troisième personne, et elle coïnciderait avec la seconde, comme on l’a déjà démontré. En conséquence, le monde est produit nécessairement par les trois, par la nécessité de celui qui produit, non par celle de celui qui est produit. Le Saint-Esprit, lui, est produit nécessairement par les deux, et par la nécessité de ceux qui produisent, et par celle du produit.







CHAPITRE 28 : On démontre qu’on a eu raison d’ajouter « et du Fils »



Il reste à montrer que les latins pouvaient et devaient expliquer le symbole en ajoutant « et du Fils ». Je montrerai d’abord qu’ils devaient expliquer le symbole. Et ensuite qu’ils pouvaient le faire sans les Grecs.



Qu’ils avaient à expliquer le symbole, on le prouve ainsi. Car, il est nécessaire au salut de croire que l’Esprit-Saint ne procède pas du seul Père. Donc, une fois apparue l’hérésie qui enseignait que le Saint-Esprit procède du seul Père, on a du apporter un remède au moyen d’une explication, car il fallait enlever toute occasion d’erreur.



Voici notre première preuve. Car, dans le symbole où il avait formulé que l’Esprit-Saint était du Père et du Fils, saint Athanase a dit : « Voici quelle est la foi catholique sans l’observation intègre et inviolée de laquelle, nul ne peut aller au ciel ». Et dans l’épitre à Sérapion (citée par saint Thomas dans son opuscule contre les erreurs des Grecs) le même saint Athanase a dit  : « L’apôtre demande d’éviter les hérétiques après un ou l’autre avertissement. Même si tu les vois voler dans les airs avec Élie, et marcher sur les flots comme Moïse et Pierre, tu ne les recevras pas s’ils ne professent pas que l’Esprit-Saint Dieu existe essentiellement du Dieu Fils, comme le Fils est naturellement un Dieu engendré, existant éternellement du Dieu Père, comme nous le professons ». Voyez des exemples semblables tirés de saint Cyrille et d’Épiphane, et cités par saint Thomas dans son opuscule contre les grecs.



On le prouvera ensuite à partir du décret de concile de Florence, qui est comme suit : « Pour que cette vérité de foi soit acceptée et crue par tous les chrétiens, nous définissons que l’Esprit-Saint est éternellement du Père et du Fils. » Et par le raisonnement. Car croire que l’Esprit-Saint n’est pas du Fils, c’est, comme nous l’avons déjà démontré, une erreur contre les Écritures. Il est donc nécessaire de l’éviter. Il faut quand même apporter la précision suivante. Il n’a pas toujours été nécessaire au salut de croire que l’Esprit-Saint soit du Fils. Car avant que ne soit soulevée cette question et qu’une réponse définitive n’y soit apportée, il suffisait de croire que le Saint-Esprit procède du Père, car dans la procession du Père était incluse la procession du Fils. On n’était pas non plus obligé de se demander : procède-t-il aussi du Fils, oui ou non, car nous ne sommes pas tenus de tout savoir. Mais nous sommes toujours tenus de ne pas affirmer des erreurs. C’est pourquoi, après que cette question ait été débattue, et que plusieurs commencèrent à se fourvoyer, il fut nécessaire d’y apporter un remède. Et c’est ce remède que prescrit le concile de Florence par les paroles suivantes : « Nous définissons, que pour proclamer la vérité, et pour répondre à une urgente nécessité, l’addition au symbole des mots « et du Fils » a été raisonnablement et licitement faite ».



Venons-en maintenant à l’autre partie, et démontrons que cette addition pouvait être faite par les Latins sans le consentement des Grecs. D’abord, l’évêque de Rome, le pape, est le pasteur et le docteur de toute l’Église, comme les Grecs l’ont reconnu dans ce concile de Florence, et comme on le voit dans saint Jean : « Pais mes brebis ! ». Il peut donc, sans concile, définir des articles de foi. Car, comme il est le pasteur et le docteur universel, il ne peut errer quand il enseigne ex cathedra. Autrement, toute l’Église errerait, puisqu’elle est obligée de le suivre. Définir des articles de foi appartient donc à celui qui ne peut errer.



Ensuite, même si le pape n’était pas le pasteur de toute l’Église, et ne pouvait mettre fin à des controverses sans un concile, il n’y aurait aucune obligation pour autant de tenir un concile composé de grecs et de latins. Suffirait amplement un concile d’un certain nombre d’évêques convoqué par le Pape. Car il est (au minimum) l’évêque du premier siège, et sans lui les conciles n’ont aucune force, et ils n’en ont qu’avec lui, comme l’enseigne explicitement Gélase (dans le tome sur les anathèmes). Car la force des conciles ne provient pas de la multitude et de la représentativité des évêques, mais de leur lien avec le pape, selon ce qui a été dit, Luc 22  : « J’ai prié pour toi pour que ta foi ne défaille pas ». Les exemples qui en témoignent ne manquent pas. Car, le concile d’Arménie qui eut lieu en 600 fut composé de Grecs et de Latins, mais parce que le pontife romain ne l’a pas reconnu, il a toujours été considéré comme non avenu tant par les Grecs que par les Latins. Et, par contre, le concile des 150 évêques grecs auquel aucun évêque latin ne participait, a toujours été tenu en honneur parce qu’il a été confirmé par le pape Damase, le même qui avait réprouvé celui d’Arménie.



Troisièmement, même si le pape n’était pas la tête de toute l’Église, ni l’évêque du premier siège, mais un patriarche pas plus élevé que les autres, les Grecs ne pourraient quand même pas se plaindre de cette addition. Car la question porte sur la foi ou sur un rite. Ce qui revient à dire : les Grecs ne veulent pas de cette addition parce qu’elle est fausse et contre la foi, ou bien parce que, même si elle vraie, il ne leur plaît pas qu’elle soit dans le symbole. S’il est question de rites, il est évident qu’il y a entre les Grecs et les Latins, une grande diversité qui a toujours existé sans provoquer de schisme. Or, si un seul évêque peut instituer un rite sans le consentement des autres évêques, à plus force raison toute l’église latine.



Si c’est une question de foi, aucun concile provincial ou national ne peut faire des définitions qui s’imposent à tous. Mais ils peuvent définir, et le devoir des autres n’est pas de se plaindre, mais d’examiner si la chose a été bien définie. Et si on trouvait qu’elle avait été mal définie, il faudrait convoquer un concile général. Car c’est ce que nous avons vu se produire plusieurs fois dans l’Église.



C’est avec peu d’évêques que le concile d’Antioche condamna l’hérésie de Paul de Samosate. Personne ne s’en est plaint, et le concile fut ratifié, comme l’atteste l’historien Eusèbe (histoire de l’église, livre 7, dernier chapitre). Le concile de Constantinople, auquel ne participa aucun latin, condamna l’hérésie de Macedonius. Personne ne s’en est plaint; tous approuvèrent. C’est par des conciles provinciaux, de Milet et de Carthage, que fut condamnée l’hérésie pélagienne. Personne n’a fait alors de schisme sous prétexte qu’il n’avait pas été convoqué. Le concile d’Éphèse condamna l’hérésie de Nestor avant que n’arrivent les latins que le pape Célestin avait envoyés. Les latins ne s’en sont pas plaints. Ils ne cherchèrent qu’à connaître ce qui avait été décrété; et une fois connu, ils l’approuvèrent. Des exemples de ce genre abondent. Les Grecs n’avaient donc pas de raison de se plaindre de ce que la question ait été décidée sans eux; d’autant plus qu’après cette décision, ils ont été convoqués plusieurs fois à des conciles généraux. Et la question a été débatue plusieurs fois en leur présence.



Tu demanderas peut-être : bien qu’il n’ait pas été absolument nécessaire de convoquer les Grecs, pourquoi ne l’ont-ils pas été au début, alors qu’il était possible de le faire ? Je réponds d’abord qu’il n’est pas certain qu’ils n’aient pas été convoqués, comme il est dit dans le concile de Florence. Et comme nous ignorons dans quel concile a été faite l’addition, nous ignorons si les Grecs ont été présents ou pas. Mais s’ils n’ont pas été convoqués, les raisons en seraient les suivantes. D’abord, parce que ce n’était pas nécessaire, puisque c’était une question facile. Rappelons-nous la réponse que saint Augustin a faite à Pélage quand il demandait la convocation d’un concile général (livre 4, à Boniface, chapitre 12) : « Toute hérésie n’est pas telle qu’à cause d’elle, il faille importuner toutes les provinces ». Et cette hérésie sur le Saint-Esprit est précisément de ce genre. Et si on a fait des conciles généraux à cause d’elle, ce fut pour satisfaire les Grecs, non parce que la difficulté de la chose l’exigeait. Je réponds ensuite que la nécessité urgeait, et que les contestations qui ont éclaté en Espagne et dans les Gaules demandaient une solution rapide. Il était assez difficile de faire venir de toute urgence des évêques des régions les plus éloignées. Je réponds enfin, que c’était inutile, car, à cette époque, il y avait peu d’hommes instruits en Grèce. Voilà les trois raisons que donne saint Bonaventure (1.dist, 11, quest 1).









CHAPITRE 29 : On répond aux objections des Grecs



Mais il importe de détruire leurs objections. Voici quelle est la première. Le troisième synode a interdit tout changement au symbole. C’est ce qu’il dit en propres termes : « Le saint synode a décrété qu’il n’est permis à personne de présenter une autre foi, ou d’en proposer une autre en plus de celle qui a été définie par les pères rassemblés par le Saint-Esprit au concile de Nicée. Ceux qui oseront composer, proposer ou professer une autre foi pour convertir les Gentils, les Juifs ou les hérétiques à la connaissance de la vérité, qu’ils soient évêques ou clercs, étrangers ou laïcs, qu’ils soient anathème ! » Voici ce que répondent les nôtres. Ce décret n’interdit pas une explication du symbole, mais il interdit une corruption par addition ou suppression, qui donnerait un sens contraire. On peut prouver cela de plusieurs façons. C’est ainsi qu’on comprend les paroles de saint Paul qui (aux Galates) anathématise ceux qui enseignent autre chose que ce qu’il a enseigné. Car, lui-même enseigna beaucoup d’autres choses après. Et saint Jean écrivit la totalité de son évangile après la mort de saint Paul. Dans son évangile, on trouve beaucoup de choses qu’on ne trouve pas dans saint Paul. Saint Paul n’interdit donc pas d’ajouter de la doctrine, mais une doctrine contraire à ses enseignements.



En deuxième lieu, si le concile d’Éphèse parlait de n’importe lequel changement, le symbole de Constantinople serait déjà abrogé, puisqu’il enseigne en plus que l’Esprit-Saint procède du Père. Il ajoutait donc quelque chose au concile de Nicée. Et pourtant les Grecs ont toujours utilisé le symbole de Constantinople plutôt que celui de Nicée. Troisièmement. Au concile de Chalcédoine, auquel participèrent plusieurs pères qui avaient été présents au concile d’Éphèse, lorsqu’il fut question de mettre la foi par écrit (article 5), les Pères s’écrièrent qu’il fallait ajouter au symbole que sainte Marie était mère de Dieu. Alors fut écrit un nouveau symbole dans lequel plusieurs choses ont été changées, ajoutées, ou extraites des conciles de Nicée et de Constantinople. Et c’est à la fin de tout cela qu’a été intimée cette interdiction : « le saint synode a décrété que…). Faudra-t-il dire que le quatrième concile est en opposition avec le troisième, et que sont excommuniés tous les évêques du quatrième? Personne n’a jamais parlé ainsi jusqu’à présent.



Ajoutons que les Grecs n’ignoraient pas autrefois que les Latins étaient de cet avis. Car Hormisdas, dans une lettre à l’empereur Justin, écrivit en toutes lettres que l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils. Ils ne pouvaient pas non plus ignorer qu’une addition avait été faite. Ils se sont pourtant tus pendant trois cents ans, et n’ont pas fait de schisme parce qu’une addition aurait été faite vers 600. Car après cela, les conciles généraux 6,7, et 8 ont été célébrés d’un commun accord entre Grecs et Latins. Et ce n’est qu’après qu’il leur est venu à l’esprit de tourner contre nous un décret du concile de Nysse. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant ? N’est-ce pas parce qu’ils comprenaient très bien qu’il ne nous était contraire en rien. Mais les Grecs récidivent : le concile d’Éphèse a interdit tout changement qui porte sur la chose et sur les mots.



À notre objection portant sur l’addition faite par le concile de Constantinople au concile de Nicée, ils répondent que, pour le concile d’Éphèse, les symboles de Nicée et de Constantinople n’en faisaient qu’un; et qu’il a prohibé des mutations du concile de Nicée tel qu’expliqué par le concile de Constantinople. À ce que nous avions objecté au sujet du concile de Constantinople, ils répondent que le concile de Chalcédoine a édité une autre confession de foi, mais n’a pas composé un autre symbole qu’on aurait du lire dans l’Église, et enseigner aux catéchumènes. Et c’est de ce symbole dont parle le concile d’Éphèse. L’occasion de ce décret étant que plusieurs écrivaient des symboles farcis d’erreurs, et les enseignaient aux paysans,



Mais voici ce que les nôtres ont à dire là-contre. Si on peut considérer que les symboles de Nicée et de Constantinople ne font qu’un seul symbole, parce qu’ils enseignent la même doctrine, on pourra dire la même chose des autres. De plus, du fait que le concile de Chalcédoine n’a pas composé de symbole devant être utilisé dans les Églises, et ajouta quand même cette clausule (que personne n’ose écrire une autre foi, et l’enseigner aux catéchumènes), les nôtres infèrent que cette prohibition ne doit pas s’entendre d’un changement du symbole qui porte sur les mots, mais sur la chose. Voilà la réponse commune et la plus sûre. Mais peut-être pourrait-on rompre l’os des Grecs. Car même si le concile d’Éphèse parlait des mots du symbole, qui ne devaient ni être ajoutés ni supprimés, cette prohibition ne porterait que sur les évêques et les prêtres individuellement pris, non sur les conciles d’évêques. Car les personnes dont fait mention le concile sont soit des évêques, soit des prêtres, soit des laïcs. Or les conciles ne sont composés que d’évêques, non de clercs et de laïcs. Ce qui est d’ailleurs confirmé par l’occasion qui a fait naître ce canon, à savoir, qu’à cette époque, composaient des symboles des évêques, des prêtres et des laïcs.



Enfin, comment peut-on croire que le concile d’Éphèse ait voulu prescrire une règle au souverain pontife et aux conciles ? Ignoraient-ils ces évêques que personne ne peut imposer une loi à son supérieur ou à son égal ? Le « et du Fils » n’a été ajouté par aucun évêque en particulier, par aucune clerc et par aucun laïc, mais par le pasteur suprême de toute l’Église, et par trois conciles généraux approuvés par lui. Il ne reste donc aucun doute qu’ils avaient le droit de le faire. Mais ils objectent encore que même si les Latins avaient le droit d’expliquer le symbole par cette addition, ils ne devaient pas ajouter cette modification dans le symbole. Car, s’il fallait ajouter au symbole tout ce qui a été défini par la suite (comme la maternité divine), il aurait fallu y faire beaucoup d’ajouts, Je réponds qu’il n’est pas nécessaire de tout mettre dans le symbole, mais que ce « et du Fils » a été correctement ajouté pour deux raisons. Parce que, après l’hérésie, un symbole sans cette addition devenait une occasion d’errer dans la foi. Ensuite, parce qu’on pouvait faire facilement cette addition sans faire un changement notable. Ce qu’on ne trouve pas dans les autres additions alléguées. Je ne nie pas, toutefois, qu’il faille absolument interdire toute nouvelle addition, au cas ou un pape ou un concile général le croirait bon.









CHAPITRE 30 : On conclut la dispute par un témoignage divin.



À la fin de toute cette dispute, il nous plaît de présenter un jugement divin ou un témoignage divin. Car, après l’apparition de ce schisme, Dieu a montré de plusieurs façons quels étaient ceux qui erraient, les Grecs ou les Latins. Il est facile de voir que jusqu’au temps du schisme, il y avait tellement de grecs saints et savants que tous les conciles généraux étaient célébrés chez eux. Mais, après le schisme, pendant environ huit cents ans, il n’y eut plus chez eux de concile, aucun saint remarquable par ses miracles, très peu d’hommes savants. Mais, pendant tout ce temps, par contre, les latins eurent douze conciles généraux, et un grand nombre de conciles particuliers. À tous les siècles, fleurirent des hommes illustres par leur sainteté et leurs miracles, de nouveaux ordres religieux, et beaucoup de savants.



De plus, pendant ce temps, la foi des latins s’est propagée jusqu’aux indes occidentales, et à tous les peuples d’occident. La foi des Grecs diminue de jour en jour. Après avoir été convaincus dans nos conciles, et s’être convertis quatre ou cinq fois, et peut-être plus souvent, ils sont toujours retournés à leur vomissement. Dans les disputes sur la foi et la doctrine, les Latins sont toujours demeurés largement supérieurs. De plus, chez les Latins, des royaumes et des empires puissants sont encore florissants. L’empire des Grecs a été renversé par les Turcs et presque anéanti. Ils ont dégénéré en une misérable servitude, et sont forcés de porter le joug de la captivité. Et pour qu’ils comprennent que la cause de leurs calamités est leur entêtement dans leur hérésie sur la procession du Saint-Esprit, qu’ils se rappellent que ce fut pendant la fête du Saint-Esprit que Constantinople a été prise par les Turcs, l’empereur tué, et l’empire complètement éteint. Car, comme le prouve Gérard Mercator dans sa chronique, c’est le 28 mai 1432 que l’armée de Mahomet fit l’ultime assaut, et c’est le jour suivant qu’il s’empara de Constantinople. En cette année, le jour de la pentecôte tombait le 28 mai, comme il est facile de le prouver. Voilà pourquoi plusieurs comparent l’Église grecque au royaume de Samarie, lequel se sépara du vrai temple, et fut déporté en une captivité perpétuelle.[29 juin 2017 à 19:38 fin]



Fin 2ème livre de la 2ème Controverse sur le Christ (en 30 chap.).

Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, juillet 2017.