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Saint Robert Bellarmin

Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps

Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos. télécharger
Livre 1 : Divinité du Christ.

[3 mai 2017, 20h, début]

PRÉFACE : Les deux sortes d’ennemis de la divinité du Christ

CHAPITRE 1 : Explication de la doctrine des nouveaux samosatiens

CHAPITRE 2 : On explique la doctrine des nouveaux ariens

CHAPITRE 3 : On démontre par l’Écriture et les Pères que Dieu est unique.

CHAPITRE 4 : La divinité du Fils de Dieu prouvée avec 9 catégories d’arguments

1ère catégorie, les arguments tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament

CHAPITRE 5 : 2e catégorie, les textes de l’Ancien Testament

CHAPITRE 6 : 3e catégorie, les textes du Nouveau Testament

CHAPITRE 7 : 4e catégorie : les noms du vrai Dieu

CHAPITRE 8: 5e catégorie, les attributs de Dieu

CHAPITRE 9 : 6e catégorie, les œuvres

CHAPITRE 10 : 7e catégorie, les Pères

CHAPITRE 11 : 8e catégorie, celle des sibylles

CHAPITRE 12 : 9e catégorie, les divins témoignages des visions et des miracles.

CHAPITRE 13 : La démonstration de la divinité du Saint-Esprit

CHAPITRE 14 : On réfute les arguments des hérétiques

CHAPITRE 15 : Réponse au deuxième argument

CHAPITRE 16 : Réponse au troisième argument

CHAPITRE 17 : Réponse au quatrième argument.

CHAPITRE 18 : Réponse au cinquième argument

CHAPITRE 19 : Réponse au sixième argument.

CHAPITRE 20 : Réponse aux objections contre la divinité du Saint-Esprit

PRÉFACE : Les deux sortes d’ennemis de la divinité du Christ 

[3 mai 2017, 20h] 
M’apprêtant à disserter sur l’Église universelle qui existe sur terre, dans le purgatoire et dans le ciel, j’estime devoir commencer par le Christ, tête suprême et roi de toute l’Église. C’est l’ordre normal des choses qui semble le demander. Je n’ignore point, pourtant, que c’est m’attaquer à la chose la plus ardue et la plus difficile qui soit. Car, sans tenir compte de la raison pour laquelle j’en discute, ce sujet dépasse en importance et en grandeur toutes les matières que j’ai à traiter, comme l’éclatante lumière et la sublime majesté de l’être divin dépasse la splendeur et la majesté de l’Église catholique. Les ennemis qui se présentent à nous sur cette arène sont si nombreux et si variés que, comparés à eux, les autres semblent peu dangereux. Dans les autres controverses, en effet, comme dans des guerres annoncées d’avance et déclarées ouvertement, nous avons toujours eu des ennemis bien identifiés, connus, attaquant de front, portant l’étendard de leur propre chef.


Mais dans cette grande lutte que nous entreprenons au nom du Christ, nous aurons deux ennemis à la fois à affronter, Le premier fait partie de ceux qui s’affichent pour ce qu’ils sont, des ennemis et des adversaires, qui en portent les insignes, et qui se battent en bataille rangée. L’autre est de loin le plus redoutable. Il se compose de traîtres et de fumistes, qui s’arment contre nous avec les symboles et les noms qu’ils ont dérobés à notre camp. Ils s’éclipsent parfois, demeurent à l’affut dans leurs cachettes, pour venir nous encercler au plus fort du combat, et nous assaillir par derrière ou sur les flancs.



Et comme ce n’est pas une petite victoire d’éventer les pièges, de découvrir les cachettes, de distinguer les ennemis des amis, de rendre visibles toutes les troupes des ennemis, j’ai cru qu’il valait la peine, avant d’en venir à la lutte elle-même, de passer en revue les camps des ennemis, d’énumérer les noms des principaux chefs, et d’expulser, si la chose est possible, tous ceux qui, de nos camps, unis par la pensée aux ennemis, lancent sur eux des traits qui nous frappent, et qui retournent contre nous les armes qu’ils avaient prises chez nous.



Commençons donc, si le cœur vous en dit, par ceux qui attaquent la divinité et la seigneurie de notre empereur le Christ, ceux qui, par une erreur déplorable, pensent, comme le dit si bien saint Augustin, ne pouvoir parvenir à la gloire du Père unique que par le déshonneur du Fils unique. Dans ces camps, il y a deux armées, ou deux ailes principales d’une armée.



Le chef et l’empereur de cette première armée est l’espagnol Michel Servet. Il était un jeune homme féroce et audacieux. Comme dans les sermons des luthériens qu’il dévorait, il entendit souvent répéter que la parole de Dieu n’avait pas à être interprétée par les enseignements des pères ou de l’Église, mais qu’elle relevait du témoignage et du jugement du seul Esprit, il se mit lui aussi à se vanter de posséder l’Esprit. Éclairé par cet esprit, il s’étonna de ce que les luthériens et les papistes aient tant de différends sur les sacrements et sur l’Église, mais pas un seul sur le Christ. Il trouvait qu’ils étaient semblables à des gens qui différent sur le corps, mais qui s’entendent sur la tête. Méditant donc d’entreprendre de grandes choses, et craignant que son jeune âge n’empêche qu’on lui prête foi (il n’avait alors que vingt-cinq ans), il pourvut à cet inconvénient par l’autorité et la majesté d’un nom prophétique.



Rempli jusqu’au bord par l’esprit de ténèbres, il se nomma le prophète suprême de toute la terre. Nous avons de cette appellation le témoignage de Calvin dans le livre 4, chap 16, des institutions. Ayant donné libre cours à la liberté prophétique, il édita, sous l’inspiration du même esprit, des livres qu’il intitula : « Les erreurs de la Trinité ». Le résumé en est qu’il n’y a, en Dieu, aucune distinction des personnes; que le Christ est appelé Fils de Dieu parce que sa chair a été conçue et formée dans le sein de Marie de la substance même de Dieu. C’est ainsi qu’en peu de mots, il a détruit la trinité des personnes avec Sabellius, confondu les natures du Christ avec Nestorius, et faussé l’incarnation avec Eutychès.



Si quelqu’un s’enquiert de ce qu’il est devenu, il trouvera qu’il a connu la fin que son impiété et ses crimes postulaient. Car, livré au feu sur la place publique de Genève, il ne supporta pas son supplice avec constance et joie, comme les saints martyrs avaient coutume autrefois de le faire, mais avec une telle hargne et une telle impatience que, au témoignage de Calvin, qui écrivit le récit de sa mort, il remplissait l’air de grands hurlements, ou plutôt, comme l’a dit Calvin, de beuglements. Mais, comme il était tombé sur des juges inexorables, c’est après des souffrances extrêmement longues et extrêmement douloureuses, qu’il s’est éteint en 1555.



Il a eu pour disciples Georges Blandrata, Paul Alciatus, Lelius Socinus, François David, et tout ce ramassis de ministres qui ont établi en Transylvanie le siège de leur erreur, et qui se donnent le nom d’églises consentantes. Dans leurs disputes publiques et dans les livres qu’ils éditent, ils accusent de trithéisme tous les anciens pères, tous les anciens conciles, et la terre toute entière, pour avoir cru pendant 1580 ans à la trinité des personnes en Dieu et à la dualité des natures dans le Christ. Ils osent les taxer de sophistes, et les rejeter impudemment comme antichrists.



Le chef de l’autre armée est Valentinus Gentilis Italus. Affriolé par les choses nouvelles, il quitta Consentia, sa patrie, et se rendit à Genève, attiré, comme il le dit lui-même, par le bruit que faisait l’érudition calvinienne. Mais il ne souffrit pas de demeurer longtemps parmi les disciples et les simples auditeurs. Il avait lui aussi reçu l’Esprit en abondance, et il supportait mal, comme Servet, que les Églises réformées s’entendent avec les papistes sur la foi de la Trinité. Il ne voulut donc pas se faire le disciple de Servet, et il crut indigne de lui de soumettre son esprit au sien. Il concocta alors une nouvelle théorie qui différait de celle de Servet, et qui se rapprochait par les mots de la position catholique.



Il affirma donc qu’il y avait en Dieu une vraie trinité, non seulement de personnes, mais de natures, de façon à ce que les trois soient des esprits divins et éternels, différents par le numéro essentiel. Ce fut autrefois l’opinion de Philippon, si sont vraies les choses que Suidas et Nicéphore ont écrites sur ses erreurs. Valentin fut le premier à venir buter sur cette pierre. Mais il se rendit vite compte que cette trinité de dieux ne pouvait en aucune façon être prouvée par les saintes lettres, car rien dans l’Écriture n’est plus souvent inculqué et répété qu’il n’y a qu’un seul Dieu, en dehors duquel, à côté duquel, avant lequel ou après lequel nul autre dieu n’existe. Il changea donc son opinion, et glissa petit à petit vers l’arianisme. Car, comme on peut le connaître par toutes les professions de foi qui sont dans les mains de tout le monde, c’est le propre de Dieu le Père, dit-il, d’être appelé l’unique et seul Dieu; et il est, à lui seul, le Dieu suprême et le Très-haut que nous prêchent les Écritures. Et c’est le Père seul qui est la vraie essence et la vraie nature de la divinité. Le Fils et le Saint Esprit ne sont donc pas l’essence divine, mais des rejetons de l’essence, et des rejetons de loin inférieurs par l’essence, et, comme il le dit lui-même, limités et circonscrits par le mode de génération ou de procession.



Entraîné à Genève par son esprit dément, il s’affairait à renouveler l’arianisme. Au même moment, un autre esprit poussa Calvin à s’opposer à Valentin, et ces deux esprits entrèrent en conflit. Valentin fut accusé d’hérésie au tribunal de l’hérétique magistrat. Redoutant la sévérité de Calvin, et ayant encore fraîchement en mémoire le souvenir de l’incendie formidable dans lequel, peu avant, dans la même ville, Servet avait péri après le verdict du même juge, il céda au temps, et fit semblant de reconnaître son erreur. Il fut donc condamné par le juge à subir une pénitence publique. Après avoir déposé ses vêtements, s’être revêtu d’une robe, il traversa toute la ville pieds nus, tête nue, portant dans sa main droite un cierge allumé, et précédé par un crieur public. Il demanda ensuite la grâce au juge en suppliant, jeta lui-même son livre dans le feu, et promit par serment de ne pas venir habiter à Genève sans en demander d’abord la permission à la magistrature.



Mais ce grand apôtre arien, après avoir fait honneur à l’arianisme renaissant par une si glorieuse rétractation et une si honteuse inconstance, a voulu l’illustrer par le parjure. C’est pourquoi il sortit précipitamment en catimini de Genève, et mit tous ses efforts à propager son arianisme chez les Français, les Suisses, les Polonais et autres peuples. Et après avoir ajouté un deuxième parjure au premier, et un troisième au deuxième, il fut arrêté par les Zwingliens à Berne, onze ans après la mort de Servet. Condamné à mort, il subit les châtiments que lui avait mérités sa témérité. Pendant qu’il était écroué, il se vantait d’être le premier martyr de sa secte, et se glorifiait d’être le premier à affronter la mort pour la majesté de Dieu le Père. Mais quand il reçut l’annonce de sa mort, il trembla et pâlit au point de rechercher toutes les façons d’échapper à la mort. Il était même prêt à renier sa doctrine, s’il avait pu par là fléchir le courroux de ses juges. Son histoire est inscrite dans les actes publics de la ville de Genève, et un pasteur de Berne a raconté par écrit le récit détaillé de son supplice.



N’ont pas eu une fin meilleure ses adeptes Gentilis Symmistae, Matthieu Gribaldus, Franciscus Lismaninus, et les autres. Théodore de Bèze raconte plusieurs choses sur eux dans sa préface au livre de Calvin contre Gentilis. Dévoré par la peste et abandonné de tous, Gribaldus mourut comme un chien. Lismaninus, l’apostat franciscain, se jeta tête première dans un puits. Franciscus David, enfermé dans une prison, perdit la raison et devint fou furieux avant de sortir de cette vie. Un seul s’en est bien tiré, Jacob Palaelogus, par une singulière bonté de Dieu. Après un grand nombre de débats et de colloques, il retrouva son bon sens, renonça publiquement à toutes ses erreurs, et se réconcilia avec l’Église dans la ville de Rome, en l’an 1583. Les autres imitèrent la mort honteuse de leur parent Arius, et périrent misérablement.



Mais cette race d’hommes renouvela si ouvertement, si librement, si audacieusement, si impudemment l’arianisme, ou un paulianisme encore pire, que Gentilis lui-même n’hésita pas à donner à la trinité des trois personnes en une seule essence le nom de nouvelle idole, de tour de Babel, de Dieu fictif et sophistique. Gregorius Paulus prêcha que l’essence unique de Dieu, ou un seul Dieu en trois personnes, était un stratagème de Satan. Michel Servet (on en a horreur seulement a y penser), appela la sacrosainte trinité un cerbère à trois têtes, et un Gérion à trois faces. Georges Niger donna au symbole d’Athanase le nom de symbole satanique. Dans un colloque public qui eut lieu à Petricovia, les ministres polonais condamnèrent le concile de Nicée; répudièrent saint Athanase, saint Augustin et les autres pères catholiques, maudirent les pieux empereurs Constantin, Gratien, Théodose. Ils dirent qu’ils avaient sur le coeur la condamnation des disciples d’Arius dans ce même concile; et ils donnèrent les plus grandes louanges à Arius, à ses disciples et à l’empereur Constance, le fauteur de l’arianisme. Ensuite, Francis David (comme il est rapporté dans une lettre à Blandrate sur la réfutation du jugement des églises polonaises), progressa au point de dire qu’il fallait ensevelir les évangiles, et retourner à Moïse, à la loi et à la circoncision; que la doctrine de Moïse est la ligne droite, que celle du Christ est une ligne indirecte. Ce n’était pas seulement de vive voix et par écrit mais avec des peintures, qu’ils voulaient que la foi soit attestée par toute la terre.



Est sorti récemment de leur officine, un tableau dans lequel l’Église catholique est représentée sous la forme d’un grand édifice. Sur son toit est assis Luther avec les siens. Il arrache les tuiles et les briques, et les projette au loin. Une fois le toit dénudé, Zwingli, avec sa cohorte de sacramentaires, continue l’œuvre de destruction, en abattant les murs avec un grand déploiement de force. Mais pour détruire les fondations, et jeter à bas l’édifice au complet, ce sont les trithéistes eux-mêmes, nouveaux ariens armés de massues et de houes, et de toutes sortes de pics, qui font le travail de démolition, oublieux de cette parole évangélique, de cette promesse très fidèle du Christ : « Sur cette pierre j’édifierai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ». Je pense avoir dit suffisamment de choses sur les premières troupes d’ennemis.



Venons-en aux autres. Je m’apprête à dire une chose surprenante, presque incroyable, mais je ne veux pas qu’on me croie sur parole. Je me propose, au contraire, de rendre la chose plus claire que la lumière du soleil. À notre époque, se sont soulevés de partout contre les trithéistes les luthériens, les mélancthoniciens, les Zwingliens, et les calvinistes. Dans toute l’Allemagne, dans toute la France, dans toute la Pologne, des livres fusent contre Servet, contre Gentilis, contre Blandratam, contre Grégoire Paul, contre les ministres de Pologne et de Hongrie, disciples d’Arius ou de Paul de Samosate. Cette nouvelle doctrine, comme un étendard apparu au milieu de leurs troupes, ils la combattent par les traits de leurs livres. À Genève, Calvin et Bèze, à Wittemberg, Philippe de Mélanchton, à Tigure, Simlerus et Bullingerus, à Berne Benedictus Arelius, à Lipsis, Alexandre Alesius, à Marpourg, André Hyperius, en Pologne Stanislas Sarnitius, en Hongrie, Petrus Melius. En d’autres endroits, Jean Wigandus, Jacques Sheckius, Francis Stancarus, et qui d’autre ? Tous ces gens-là disent que, sur la trinité, ils sont du même avis que les papistes, qu’ils vénèrent avec eux les six premiers conciles, qu’ils reçoivent les anciens pères avec honneur, qu’ils rejettent Paul de Samosate, Sabellius, Arius, Nestorius, Eutychès et tous les hérétiques du passé. Qui donc ne tombera pas des nues si j’arrive à démontrer qu’ils ont été, autant eux que ceux qu’ils tiennent pour des maîtres et prophètes, Érasme et Luther, ou des ariens, ou des sabelliens, ou des nestoriens, ou des eutychiens ?



Commençons par Érasme, que les ministres hongrois, dans le livre que, en 1567, ils ont présenté au roi Jean, ont appelé, non sans raison, le précurseur de leur prophète Servet. Érasme dit dans ses notes au tome 111 des lettres de saint Jérôme, que ce n’est pas tant une hérésie qu’un schisme que les Ariens ont commis; qu’ils étaient presque nos égaux en nombre, mais qu’ils nous étaient supérieurs en éloquence et en doctrine. Le voilà donc le patron illustre des ariens, qui les lave de toute accusation d’hérésie, et les rend plus savants que les catholiques. Que lui restait-il d’autre à faire que d’appeler les catholiques ariens, et les ariens catholiques ? Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin.



Dans sa préface aux livres de saint Hilaire, le même Érasme dit : « Osons appeler Dieu le Saint Esprit, nom que les anciens n’ont pas osé lui donner ». O mensonge incroyable ! Ce saint Hilaire, dans le livre que tu as préfacé, ne nie-t-il pas qu’il faille ranger l’Esprit Saint parmi les choses créées ? Et s’il n’est pas une chose créée, qu’est-il d’autre, je le demande, que Dieu ? Saint Athanase, dans sa dispute contre Arius, saint Basile dans son livre sur le Saint Esprit, chap 16, saint Grégoire de Naziance dans son discours sur Néron, Didyme l’aveugle dans son premier livre sur le Saint Esprit, saint Ambrois dans son livre 3 sur le Saint-Esprit, chap 2, saint Augustin, livre 1 contre Maximin, saint Grégoire de Nysse dans son livre « que l’Esprit saint est Dieu », et tous les autres pères enseignent très clairement et très fréquemment que l’Esprit saint est Dieu. Mais voyons le reste.



Dans son commentaire de ce texte (9) de l’épitre aux Romains. ( « qui est le Christ selon la chair, lequel est au-dessus de tout, Dieu béni dans les siècles »), j’aurais été fort étonné si Érasme n’était pas passé à l’action, s’il ne s’était pas retourné, s’il ne nous avait pas attaqué, s’il ne nous avait pas arraché ce trait de nos mains. Pour lui, le mot Dieu est un mot adventice. Il dit ensuite que ce passage n’a pas ce qu’il faut pour réfuter les Ariens. Il enseigne qu’on peut l’interpréter ainsi. Après les mots « de qui est le Christ selon la chair », il faut mettre un terme à la phrase par un point. On rend ensuite grâce à Dieu : « que le Dieu qui est au-dessus de tout, c’est-à-dire le Père, soit béni dans tous les siècles » ! Pouvait-il plus clairement entreprendre de défendre la cause des Ariens ?



Dans sa note sur l’Épitre aux Éphésiens 5 : « Dans le règne du Christ et de Dieu. » « Il est vrai, dit-il, et nous vous avons avertis ailleurs, que, selon la manière de parler habituelle des apôtres, c’est le Père qui est visé à chaque fois que Dieu est nommé absolument ». Cette traduction est autant favorable à l’arianisme qu’elle est manifestement erronée. Car, pour ne pas citer tous les autres passages, quand saint Thomas dit « mon Seigneur et mon Dieu », ce n’est pas au Père qu’il s’adresse.



Dans une note sur ce passage de l’épitre aux Philippiens 2, (« il n’a pas pensé que c’était une rapine d’être semblable à Dieu »), il explique que, pour l’arien Maximin, ces mots signifiaient: « Il ne s’est pas attribué par rapine l’égalité avec Dieu ». Il ajoute ensuite : « Je sais que de grands auteurs comme saint Hilaire, saint Augustin et d’autres ont interprété ainsi le texte : « il n’a pas pensé que c’était une rapine d’être égal à Dieu, » Car, comme c’était de nature, cela ne pouvait pas être une rapine, puisqu’il était dans la forme de Dieu, c’est-à-dire vraiment Dieu. Ce texte était l’argument principal avec lequel ils confondaient les ariens qui voulaient que le Père seul soit vraiment Dieu. Or, s’il est permis de dire la vérité, quelle grande chose attribuait-il au Christ si, étant Dieu par nature, il a compris que ce n’était pas par un vol qu’il avait obtenu l’égalité divine, c’est-à-dire qu’il s’est connu comme il est ? C’est une chose évidente que nous ne violentons jamais autant les Écritures que quand nous discutons avec les hérétiques. Il n’y a aucun texte que nous ne détournions de son sens pour nous assurer la victoire. Pour ma part, je ne vois pas comment ce texte peut servir à combattre les Ariens. » Je te demande, Érasme, si tu avais reçu un pot-de-vin des Ariens, pourrais-tu défendre leur cause avec plus de zèle ? Tu rejettes l’explication catholique de saint Augustin, et tu fais tienne celle de l’arien Maximin. Que ce passage soit l’argument massue contre les Ariens, tu ne le nies pas, mais tu ajoutes qu’il ne prouve rien. Que te reste-t-il d’autre à dire sinon que la cause des Ariens est meilleure que celle des catholiques ?



Ajoutons maintenant à cette note celle que tu as faite au dernier chapitre de la première épitre de saint Jean  sur : « Moi et le Père nous sommes un », et sur les paroles du disciple : « Et ces trois sont une seule chose ». Ne dis-tu pas qu’on doit entendre ces mots non au sens de l’unité de la nature, comme tous les Pères l’ont compris, mais du lien de charité, comme les ariens le soutiennent ? Et dans les œuvres de saint Augustin, en marge du premier livre contre Maximin, où est affirmée une seule et même nature de Dieu, qui d’autre qu’Érasme a ajouté en note « non une numériquement ». Et qu’est-ce que les trithéistes ont dit de plus clair ?



Mais laissons-là Érasme, et venons-en à Luther. Écrivant contre Jacques Latomum, il dit : « Mon âme déteste le mot consubstantiel ». Que penserait-il d’autre, que dirait d’autre Arius s’il sortait de l’enfer ? Car toute cette tragédie qui a, pendant tant d’années, déchiré et dévasté l’Église, a été provoquée par ce seul mot. Les pères catholiques, par leurs livres et leurs conciles, ne s’évertuèrent à rien d’autre qu’à établir la doctrine qui enseignait que le Fils est égal en nature au Père (consubstantiel). Les hérétiques, par contre, ne cherchèrent rien d’autre par leurs conciliabules, le feu, le fer, les armes et les armées, que d’abolir ce mot.



Mais écoutons la calomnie inouïe et le mensonge de ce même Luther. Dans ce même livre contre Latomum, il affirme que ce mot déplaisait si fort à saint Jérôme, qu’il y soupçonnait un venin caché. Nous ne pensons pas que Luther ait avancé cela par ignorance ou par un lapsus, car il répète la même accusation dans les mêmes mots dans son livre sur les conciles : « Profondément troublé, Jérôme écrivait des lettres lamentables à Damase, évêque de Rome, dans lesquelles il déclarait vouloir éliminer le mot consubstantiel ». Que faire à des hommes qui ne cherchent à défendre leurs causes que par la fraude et le mensonge ? Car dans la lettre à laquelle Luther nous renvoie, ce n’est pas dans le mot consubstantiel mais dans le mot hypostase que saint Jérôme voit un venin caché. Ce mot, en effet, est ambigu, car il peut signifier aussi bien la substance que la personne. Saint Jérôme était très loin de redouter le mot consubstantiel. Sa seule crainte était qu’en utilisant le mot hypostase, les ariens nous accusent d’enseigner trois natures en Dieu. Et cela est si vrai que saint Jérôme conclut cette lettre en ces mots : « Je supplie ta béatitude, par la croix salvifique, par la trinité consubstantielle, de m’autoriser par ses lettres à dire le mot hypostase ou à le taire. »



Et que dire si ce n’est pas seulement le mot consubstantiel, mais le mot trinité lui-même qui déplaisait à Luther ? Des livres de prières allemands, il a enlevé l’invocation suivante : « Sainte Trinité, un seul Dieu, ayez pitié de nous ! » Et que dire si Luther ne favorise pas seulement Arius, mais même Nestorius et Eutychès ? Dans son sermon sur la naissance du Seigneur, il enseigne que ce sont des ignorants qui ont fait du Christ un homme tout-puissant. Ne pas être un homme tout-puissant qu’est-ce d’autre, pour le Christ que ne pas être un homme Dieu, mais d’avoir deux personnes, comme l’hérésiarque Nestorius l’a prêché ? Dans son livre vrai sur les conciles, part 2, il dit : « Un peu auparavant, j’ai eu affaire avec des Nestoriens, qui discutèrent âprement avec moi. Ils soutenaient que la divinité du Christ ne pouvait pas souffrir. » Et, un peu plus bas : « Il faut dire que c’est cet homme Christ, cette chair et ce sang, qui a créé le ciel et la terre ». Les noms de divinité et de chair sont certainement des noms qui se rapportent aux natures, non aux personnes. Si donc, pour Luther, la divinité souffre et la chair crée le ciel et la terre, qui ne voit que, comme Eutychès, Luther confond les natures ?



Pour investiguer plus profondément la ressemblance qu’il y a entre sa pensée et celles des deux grands hérésiarques, voyons ce qu’il ajoute dans ce même livre des conciles. Il prétend que Nestorius et Eutychès ne se sont trompés que par ignorance, et dans leur seule façon de s’exprimer. Car il attribue à chacun d’eux un bon zèle, une âme sincère, et une foi droite. Il rend les évêques catholiques, saint Léon et saint Cyrille responsables de tout le tumulte, de toutes les tragédies qui ont éclaté à cette époque. Et il alla si loin qu’il a osé dire qu’il craignait que, au jugement général de la fin des temps, les hérétiques ne siègent comme juges, et que périssent éternellement les évêques qui les avaient condamnés dans les conciles. Il n’affirme quand même pas ouvertement que Nestorius et Eutychès jugeront avec le Christ, et que saint Cyrille et saint Léon périront éternellement. Je n’ai pas à faire un commentaire pesant sur ces déclarations, car elles parlent suffisamment par elles-mêmes. Je n’ajouterai qu’une seule chose. Si le zèle de Nestorius était si bon, et son âme si sincère, pourquoi, de son vivant, des vers envoyés par le ciel ont-ils si horriblement rongé toute sa langue ?



Passons à Mélanchton. Dans les lieux communs, folio 8, il dit : « Il est nécessaire qu’il y ait, dans le Fils, quelque chose de la nature divine ». Et au folio 10 : « Il est nécessaire qu’il y ait dans le Christ, une certaine nature divine ». Et dans les « lieux » de l’année 45, folio 35, parlant du Saint Esprit : « Dieu atteste, par Joël, que ce qui a été envoyé n’est pas une agitation créée, mais quelque chose de l’essence de Dieu. Il est nécessaire que soit distinct ce qui est quelque chose de Dieu, mais cependant, ce n’est pas le Père ». Pour Philippe, donc, ou les natures divines sont nombreuses (et les nouveaux trithéistes ont ce qu’ils veulent), ou il y a plusieurs parties de la nature divine (ce qui est une hérésie ancienne plus absurde que celle d’Arius). Saint Augustin l’avait ainsi décrite dans son livre sur les hérésies, chap 74 : «  Il y a une autre hérésie qui affirme que Dieu est triforme, une partie étant le Père, une le Fils et l’autre le Saint Esprit ». Et dans les « lieux » de la même année 45, Philippe dit : « La nature divine n’a été ni blessée ni morte, mais elle obéit au Père, se reposa, et céda à la colère éternelle du Père ». Que peut-on dire de plus clair pour l’hérésie arienne ? Car si la nature divine du fils obéit au Père, la nature du Père et celle du Fils ne sont certes pas une seule et même nature; le Fils de Dieu n’est pas égal au Dieu Père. Il faut bien le reconnaître : les nouveaux ariens ne peuvent entendre rien de plus réjouissant.



Et maintenant, si le cœur vous en dit, examinons les écrits de Calvin. Dans son livre contre Gentilis, quand il réfute la dixième proposition, il ne craint pas de concéder à Valentin que le nom de Dieu par excellence ne s’applique qu’au seul Père. Or, si le Père est le seul à être le Dieu par excellence, comment n’est-il pas plus grand que le Fils ? Il affirme de nouveau, au même endroit, que n’est pas contraire à la vérité la proposition de Gentilis, selon laquelle c’est parce qu’il l’a voulu que Dieu a eu la force d’engendrer le Fils et d’insuffler l’Esprit Saint. Ce n’est pas une chose absurde de dire que le Père a engendré le Fils en le voulant, mais ce l’est de dire qu’il l’a engendré parce qu’il l’a voulu. Ou, ce qui est plus absurde encore, il a eu la force de l’engendrer parce qu’il l’a voulu. Quel homme sain d’esprit dirait cela ? Car si Dieu a engendré son Fils parce qu’il l’a voulu, il ne l’a donc pas engendré nécessairement. Il n’est donc pas le Fils égal du Père. Car, comme pourrait-il se faire que celui qui pouvait ne pas être, soit égal à celui qui existe toujours nécessairement ?



Et que dire de ce que, dans le même livre, le même Calvin dit : «  En raison de sa personne, le Fils ne peut être appelé créateur du ciel et de la terre qu’improprement; seule le Père l’est proprement. Qu’est-ce autre chose cela que de réduire le Christ au rang des choses créées ? Est-ce défendre et promouvoir la foi ou approuver l’erreur et prévariquer ? Est-ce combattre les hérétiques ou jouer et s’amuser avec eux ? Et que dire de ce que, au même endroit, il appelle impropre et dure la parole du concile de Nicée : « Dieu de Dieu, lumière de lumière ». Car, c’est avec ces mots que saint Athanase réprimanda autrefois Arius : « Proprement Fils, proprement Dieu de Dieu, lumière de lumière ». Et dans son livre des institutions 2, chap 14, il s’efforce d’appliquer à l’une et à l’autre nature du Christ, la divine et l’humaine, ces paroles de saint Paul : « Alors, le Fils aussi sera soumis à celui qui s’est soumis toutes choses ». Il n’a pas pu ou n’a pas voulu reconnaître que la nature divine du Fils ne peut pas être soumise à Dieu le Père, à moins qu’on ne la conçoive comme une nature distincte de celle du Père, et de loin inférieure à Lui, et donc une chose créée. Calvin a expliqué d’une façon hérétique tant de passages des Écritures comme « le Père et moi nous sommes un », que les nouveaux disciples de Paul de Samosate, lors d’un débat public sur le sens de ce passage, ne crurent pas pouvoir faire mieux que de le prendre comme juge.



Il reste beaucoup de choses à dire, mais comme je désire faire bref, je me contenterai d’indiquer les erreurs des autres, plutôt que de les commenter. Henri Bullingerum, le successeur de Zwingli, n’a pas eu honte d’écrire dans son livre sur l’autorité de l’Écriture et de l’Église qu’il y a trois personnes dans la divinité, mais qu’elles sont différentes les unes des autres non par le statut, mais par le degré, non par la subsistance, mais par la forme, non par la puissance mais par l’espèce. Il est tout à fait certain que les ariens eux-mêmes n’ont jamais osé dire que les personnes divines différaient par le degré, la forme et l’espèce.



Petrus Melius, celui-là même qui, en Transylvanie a, pendant dix jours entiers, débattu publiquement pour Luther contre Blandratam et Francis David, a dit, dans sa huitième intervention : « L’Écriture distingue le Fils de Dieu du fils de l’homme ». Et ensuite : « Le Fils qui est égal au Père se distingue de celui qui n’est pas égal au Père.  » C’est ce que Théodore de Bèze semble confirmer autant dans ce qu’il a dit contre Brentium sur la toute puissance de la chair du Christ, que dans ce qu’il a dit contre André Jacob sur l’union hypostatique des deux natures dans le Christ. Il enseigne là ouvertement qu’il y a deux unions hypostatiques dans le Christ, une de la chair avec l’âme, et l’autre de Dieu avec l’homme. Qu’est-ce autre chose que de rappeler des enfers un Nestorius déjà enseveli ?



Stanislaus Sarnicius que Calvin comble de louanges dans ses lettres aux Polonais, a affirmé ouvertement dans un colloque public, et a ordonné qu’on écrive que seule la nature divine était pontife et prêtre; et qu’on enseigne que c’est pour cette raison, c’est-à-dire à cause de cette fonction, que le Fils était inférieur au Père, même dans sa nature divine. Ces paroles on les retrouve telles quelles dans le sermon que saint Augustin a prononcé contre les ariens, à la proposition 33. Il y a de quoi s’étonner, car, alors que les calvinistes disent qu’ils combattent les nouveaux ariens, ils empruntent les mots et les phrases des anciens ariens.



Jacobus Sheckius dans son livre contre les trithéistes, défend la foi si vaillamment qu’il ne veut même pas qu’on dise qu’il y a trois hypostases en Dieu, mais une seule avec trois puissances. Or, cela ce n’est pas vaincre les ariens, mais être vaincu et mis en déroute par les sabelliens. Jean Wigandus, dans son livre contre les nouveaux ariens, approuve et défend l’enseignement de Luther voulant que, en Dieu, l’essence engendre et soit engendrée. Il s’ensuit nécessairement de cette proposition, qu’autre est la nature du Père, et autre la nature du Fils, puisque rien ne peut s’engendrer lui-même, et que rien ne peut être engendré par soi-même.



Que dirai-je de Brentius, de Schimedelinus, de Kemnitius, et des autres, de tous ceux qui confondent la chair du Christ avec sa divinité, en lui attribuent la toute puissance, l’omniprésence, et tous les attributs divins ? Que dirai-je de Stancarus et de ses disciples, qui réfèrent la fonction de médiateur au seul homme Christ ? Distinguant ainsi deux personnes dans le Christ, ne sont-ils pas en train de passer dans le camp de Nestorius ? Que dire ensuite des Tiguriens, des ministres genevois, qui foncent sur Stancarum avec une telle ardeur qu’ils mènent tout droit leur bateau sur un écueil plus redoutable encore ? Car, en attribuant à chaque nature du Christ le rôle de médiateur, ils distinguent la nature du Fils de celle du Père, et en font, comme les ariens, une créature.



Les choses étant ce qu’elles sont, tu vois, je pense, lecteur, que n’ont pas pensé autrement que Sabellius, Arius, Nestorius et Eutychès Servet, Gentilis, Blandratam et les autres qui déclarent combattre et pourchasser les nouveaux ariens. Ainsi qu’ Érasme, Luther, Philippe, Calvin, Bulligerum, Martirem, Brentium, Bèze, Sarnicium, Schckium, Wigandum et tous les autres qui vocifèrent qu’ils haïssent et détestent les nouveaux ariens. S’ils les détestaient vraiment et de toute leur âme, ils ne pourraient pas ne pas exécrer leurs doctrines. Ils ne peuvent donc pas nier que non seulement ils ont donné à leurs adeptes une occasion d’entrer dans les camps des ariens, mais qu’ils leur ont ouvert la porte toute grande. Car, que répondront les luthériens et les calvinistes, si les trithéistes les interpellent ainsi : pourquoi poursuivez-vous avec tant de fureur vos parents dans nos fils ? Pourquoi persécutez-vous avec le fer et le sang ceux que vous avez engendrés ? Pourquoi recueillez-vous en maugréant les fruits de votre évangile ? Aucun de nous ne vient des papistes. Mais c’est des luthériens et des calvinistes que nous provenons tous, tant que nous sommes. C’est de vous, non des papistes, que nous avons appris qu’il ne fallait croire rien d’autre que ce qui est expressément écrit dans l’Écriture. Parce que nous ne voyons par les mots consubstantiel, trinité, essence, personne, relation, propriétés, nous sommes donc forcées de les rejeter tous. C’est de vous que nous avons appris qu’il ne faut accepter le jugement ni des pères, ni des conciles, ni de toute l’Église, mais du seul Esprit. C’est cela que l’Esprit saint nous dicte, et nous ne pouvons, en conscience, croire ou dire autre chose. C’est de vous que nous avons appris que le pape est l’antichrist, que les évêques, les moines et les papistes sont tous des membres de l’antichrist. Qui pense que l’antichrist croit dans le vrai Christ? Le vrai Christ peut-il être prêché par l’antichrist ? Si nous voulons être conséquents avec nous-mêmes, il nous faut donc chercher un autre Christ. C’est de vous, non des papistes, que nous avons appris que la divinité du Fils doit obéir au Père, qu’elle peut se sacrifier, souffrir, et mourir, et un grand nombre ce choses du même genre. C’est donc de vous seuls que nous avons appris tout ce que nous enseignons. Que répondront à cela les luthériens ? Laissons-leur le temps d’y penser. Mais nous, nous efforcerons à bien présenter nos doctrines, pour que, avec l’aide de Dieu, nous détruisions ces dogmes horribles et blasphématoires, qui minent à la base la foi chrétienne, et qui ouvrent la voie au mahométisme.





3 mai

L’ordre que nous suivrons dans la dispute sur le Christ.



Elle comporte cinq parties. La première : la divinité du Christ. La seconde : la distinction personnelle d’avec le Père et le Saint-Esprit. La troisième : l’incarnation du Seigneur. La quatrième : son âme. La cinquième : son rôle de médiateur.



La première question. Le Christ est-il numériquement un seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit ? C’est la première et la plus importante de toutes les questions qu’on pose sur le Christ. Elle aura six parties. Dans la première, nous expliquerons la doctrine des nouveaux ariens qui suivent Servet. Dans la deuxième, nous expliquerons la doctrine de ceux qui suivent Valentin Gentilis. Dans la troisième, nous prouverons que la divinité est numériquement une, ou qu’il n’y a qu’un seul vrai Dieu. Dans la quatrième, nous expliquerons que Jésus est ce vrai Dieu. Dans la cinquième, nous expliquerons que le Saint-Esprit est ce vrai Dieu. Puisque tous reconnaissent que le Père est le vrai Dieu, il s’ensuit donc que le Christ est numériquement un seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit. En sixième lieu, on résoudra les objections des adversaires.







CHAPITRE 1 : Explication de la doctrine des nouveaux samosatiens



Comme nous l’avons déjà dit, le fondateur des nouveaux samosatiens a été Michel Servet, qui commença à se faire connaître en 1532, selon ce que rapporte Surius. Il a été brûlé vif à Genève en 1532. Ses disciples ont, pour la plupart, établi leur siège en Transylvanie. Les principaux d’entre eux étaient Georges Blandrata, qui vit encore, et François David qui a été condamné à la prison perpétuelle, parce qu’il avait dit qu’il ne fallait pas invoquer le Christ, et que le Christ ne prenait pas soin de l’Église. Peu après il se mit à délirer, et, .deux ans après son incarcération, il s’est éteint.



La doctrine de Servet est tripartite, et se compose de trois hérésies anciennes. Il enseigne, d’abord, qu’il n’y a pas de distinction personnelle en Dieu. C’est ce qu’il dit dans son livre 5 sur la trinité, page 189, et dans la réponse à l’article 1, et dans les ministres transylvains livre 2, chapitre 4. Et c’est ce qu’enseignèrent autrefois Hermogènes, Praxéas, Noetus, Sabellius. C’est d’eux que se souvient saint Augustin dans son livre 1 sur les hérésies, chap 41. Et ensuite Paul de Samosate et Photin, d’après saint Hilaire, dans son livre sur les synodes. Il dit ensuite qu’avant l’Incarnation, le Christ n’existait que dans la pensée de Dieu, sous forme d’idée. C’est ce qu’il a enseigné dans son livre 3 sur la trinité, page 92, et dans les ministres hongrois, livre 2, chapitre 3. Et c’est ce qu’autrefois avaient enseigné Ébion et Cérinthe, d’après saint Irénée, livre 1, chapitres 25 et 26; et ensuite Paul de Samosate et Photin, selon saint Augustin dans les hérésies 44 et 45. En troisième lieu, il enseigne qu’au Christ homme, Dieu a communiqué la divinité non par une génération éternelle, mais par une onction de grâces et une inhabitation; que l’on peut donner au Christ le nom de Dieu, mais d’un dieu fait et temporel, non éternel, C’est ce qu’ont enseigné ses disciples Blandrata dispute 6, Albana et les ministres, livre 2, chapitre 7. Et c’est qu’a enseigné aussi autrefois Nestorius d’après Théodoret, livre 4 sur les hérésies.



Sont d’accord sur toutes ces choses tous les nouveaux samosatiens; mais c’est l’invocation à Jésus-Christ qui les sépare. Et ils sont divisés comme entre six sectes. Car François David et plusieurs ministres hongrois enseignent qu’il ne faut pas invoquer Jésus-Christ, mais seulement le Père qui est le seul vrai Dieu, et qui est le seul à prendre soin de l’Église. J’ai en main des thèses de François David sur ce sujet, et sa réponse aux raisons de Faustus Socini, qui avait réfuté ses thèses. Dans sa réfutation, le même Faustus affirme qu’on peut invoquer le Christ dans des prières, mais qu’on agit avec plus de perfection si on s’adresse directement au Père.



Ensuite, Georgius Brandrata dans ses thèses, et les ministres polonais dans le jugement qu’ils portèrent sur la cause de François David, enseignent que non seulement on peut invoquer le Christ, mais qu’on doit l’invoquer; et que ce n’est pas une imperfection de se réfugier en lui. Cette dissension entre eux arrive à point nommé, non seulement parce que, comme le dit saint Hilaire, la guerre entre les hérétiques est la paix de l’Église, mais aussi parce que chacun des camps fut mis dans de cruels embarras. Car ceux qui enseignent qu’il faut invoquer le Christ présentent cinquante témoignages de l’Écriture que rejettent leurs adversaires. Ceux qui soutiennent qu’on ne peut pas invoquer le Christ démontrent avec un argument à l’emporte pièce, que leurs adversaires bataillent contre eux-mêmes, eux qui n’acceptent pas d’adorer les saints parce qu’ils ne sont pas de vrais dieux, mais qui ont la volonté d’adorer un Christ qu’ils affirment ne pas être le vrai Dieu.







CHAPITRE 2 : On explique la doctrine des nouveaux ariens



Le second. La doctrine de Valentin Gentilis et des autres qui furent ses compagnons ou ses disciples, enseigne trois choses. Elle déclare d’abord qu’il y a trois esprits éternels, le Père, le Fils et le Saint Esprit, numériquement différents par l’essence. C’est ce qu’enseigne Gentilis dans la prothèse 20, et c’est que rapporte Benedictus Arelius au commencement du récit du supplice de Valentin Gentilis. Et c’est ce qu’enseignait autrefois Peratarum, d’après Théodoret au livre 1, chap 18 de son livre sur les hérésies. Voici ce qu’ils disaient ceux-là : « la trinité est trois dieux, trois esprits » etc. Ce fut aussi l’enseignement de Jean Philipponi, comme le rapportent Suidas et Nicéphore (livre 18, chap 48 de son histoire), lequel précise que Philippon est décédé au temps de l’empereur Phocas, en 604 environ.



C’est le même qui parle d’un certain Gallus, au temps de saint Anselme (1090) contre lequel saint Anselme a écrit dans son livre sur l’incarnation du Verbe. Autour de l’année 1190, un abbé Joachim semble avoir enseigné que les trois personnes en Dieu n’étaient pas une seule chose, ou une seule essence numériquement, mais seulement par association, comme on dit que plusieurs fidèles sont une seule Église. C’est ce qu’on trouve dans le concile du Latran sous Innocent 111, chapitre 2. De plus, au témoignage de Bernard du Luxembourg, Raimond Lulle, en 1260, a enseigné que les trois personnes étaient trois essences. En second lieu, Gentilis et les siens ont enseigné que les trois personnes n’étaient pas égales, mais que le Père était de loin plus grand que les autres. Car c’est qui lui donne l’essence, et les autres la reçoivent de lui. C’est ce qu’enseignait Gentilis dans son livre antidote, antidote 3, folio 26, où il dit que c’est le propre du Père d’être appelé unique et seul Dieu. Voyez la même chose dans les prothèses 8, 10, 22, 24, 38 et 40.



Les nouveaux trithéistes descendent donc d’Arius en passant par Philippon. Car Arius fut le primer à enseigner que le Fils est inférieur au Père, d’après Épiphane, hérésie 69. Arius a fait son apparition environ en 324, au témoignage de Théodoret dans le livre 4 de son livre sur les hérésies. Troisièmement, ils enseignèrent ensuite que le Fils de Dieu n’avait pas été créé à partir de rien, qu’il n’avait pas été engendré dans le temps, mais éternellement, et de la substance du Père. C’est ce qu’enseigne Gentilis dans les prothèses 11 et 24. Et ce qu’enseignèrent les ariens récents. Car, comme le rapporte saint Augustin, au livre 6, chapitre 1 de la trinité, les ariens qui vinrent après Arius concédèrent que le Fils était éternel, même si Arius avait enseigné le contraire. Voilà pourquoi même un Maximin, d’après saint Augustin au livre 1, confesse que le Fils n’a pas été engendré du néant mais de la substance du Père, selon l’enseignement du concile d’Ariminium.



Ce ne sera certainement pas hors contexte si nous ajoutons quelques-unes des prothèses de Valentin, pour que, par ses propres paroles, le lecteur connaisse plus surement la doctrine des nouveaux ariens. Il dit dans prothèse 6 : « Le Père n’est pas une hypostase ou une personne en un seul Dieu, mais il est, comme l’atteste l’apôtre, le seul unique Dieu d’où viennent toutes choses. Seul le Père est le Dieu unique, c’est-à-dire qu’on ne lui trouve aucun principe ou origine. Il est le seul auto Dieu, c’est-à-dire qu’il n’a reçu son essence d’aucune divinité supérieure, mais que c’est de lui-même et par lui-même qu’il est Dieu. Celui qui divise le Dieu unique en trois propriétés ou personnes ou il se fait des illusions, ou il divise nécessairement la substance d’un seul Dieu et la déchire. Dieu a eu la force d’engendrer et d’insuffler parce qu’il l’a voulu. Et c’est pour cela qu’avant les siècles, il a engendré le Verbe et a insufflé l’Esprit. La substance éternelle, a en Dieu son principe et son origine, en tant qu’elle a été engendrée et est distincte, mais non en tant qu’elle est. Car elle n’a pas été créée à partir du néant, ni faite à partir d’une matière préexistante, mais elle a été engendrée par l’immense substance du Dieu suprême. L’engendré diffère de l’engendreur par le nombre substantiel, non par la puissance, pat la sagesse ou la diversité de nature. Le Dieu unique et son Verbe sont deux substances intelligentes de la même nature, c’est-à-dire qu’ils sont tous les deux des esprits consubstantiels éternels, d’un degré semblable, distincts par l’ordre et la propriété. Il ne peut pas y avoir plusieurs esprits d’une immense substance. Seul le Père est un esprit inengendré, l’auteur de l’universalité, et d’une immense substance. Le Fils aussi est un esprit engendré ineffablement par le Père, l’exécuteur de la volonté du Père, et, en raison du mode de sa génération, il est un engendré circonscrit. La confusion des trois en un seul et même esprit est le fondement et l’origine de toutes les erreurs ».



CHAPITRE 3 : On démontre par l’Écriture et les Pères que Dieu est unique.

Troisièmement, nous allons prouver l’unité numérique de Dieu contre Peratas, Philoponum, Joachimum, et les trithéistes de notre temps.



On la prouve d’abord par les Écritures. Deutéronome 4 : « Le Seigneur, dit Moïse, c’est lui qui est Dieu, et il n’y en a pas d’autre en dehors de lui. » Et un peu après : « Sache donc aujourd’hui, et pense dans ton cœur que c’est le Seigneur lui-même qui est Dieu en haut dans les cieux, et en bas sur la terre, et qu’il n’y en a pas d’autre ». Chapitre 6 : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Dieu ». Et au chapitre 32 : « Voyez comme je suis seul, et qu’il n’y en a pas d’autre en dehors de moi ».



On ne peut référer ces choses à une unité spécifique. Car celui qui parle dans les Écritures ce n’est pas un dieu universel, ni l’espèce elle-même de Dieu, mais c’est un Dieu singulier, car seules les choses singulières existent dans la réalité, parlent et agissent. Or c’est faussement qu’un dieu singulier se proclame le seul et unique dieu (en dehors duquel aucun autre dieu n’existe), s’il se trouve d’autres dieux de la même espèce. Car même un Adam n’aurait pas pu dire en toute vérité après avoir engendré des fils : je suis le seul homme; en dehors de moi aucun autre homme n’existe.



On prouve la même chose à partir des livres historiques. 1 Rois 2 : « Nul n’est saint comme le Seigneur, car il n’y en pas d’autre en dehors de toi ». Rois 8 : « Dieu d’Israël, il n’y a pas de dieu semblable à toi en haut dans le ciel, et ici-bas sur la terre ». Or, comment dire que le Dieu d’Israël n’a pas de semblable à lui, s’il y a deux autres natures individuées de la même espèce ? On prouve la même chose avec le psaume 82 : « Tu es le Dieu unique ». La même chose avec les Prophètes. Isaïe 45 : « Avant moi aucun Dieu n’a été formé, et après moi, il n’y en aura pas. C’est moi qui suis le Seigneur Je Suis, et il n’y a pas de Sauveur en dehors de moi. » Chapitre 55 : « Je suis le Seigneur, et il n’y en a plus d’autre. En dehors de moi, il n’y a pas de Dieu ». Et un peu plus bas : « N’est-ce pas moi qui suis le Seigneur, et il n’y a pas d’autre Dieu à part moi. Il n’y a pas en dehors de moi de Dieu juste et qui sauve ».



On trouve souvent les mêmes choses enseignées par tous les prophètes. Des livres sapientiaux. Sagesse 12 : « Il n’y a pas d’autre Dieu que toi ». Eccl. 1 : « Un seul est le Très Haut ». Dans l’évangile. Matt. 4 : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Marc 12 : « Dieu est unique, et il n’y en a pas d’autre en dehors de Lui ». Jean 17 : « Pour qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu ». Car le sens est : tu as la déité, qui est la seule vraie déité. On ne trouve donc pas d’autre déité. Saint Paul. 1 Cor 8 : « Nous savons qu’il n’existe pas de Dieu en dehors du Dieu unique ». Le même au même endroit : « Il n’y a pour nous qu’un seul Dieu ». Gal 3 : « Il n’y a pas de médiateur de celui qui est seul : Dieu lui, est seul ». Tim 6 : « Qui seul est puissant, roi des rois, et seigneur de ceux qui dominent ».



De tous ces passages, comme de chacun d’entre eux, on peut clairement déduire que le vrai Dieu est numériquement un, non un par l’espèce, ou d’autre façon. Car d’un homme seul on ne pourrait pas correctement dire qu’il est le seul homme, ou qu’il est le seul vrai homme, qu’il n’y a pas d’autre homme en dehors de lui, ou qu’il y ait lui et personne d’autre. On ne peut donner de raison à cela que dans le fait que la nature humaine n’existe pas dans un seul individu, mais dans plusieurs. Mais on aurait raison de dire du soleil qu’il est le seul vrai soleil, qui n’a qu’une nature individuée. Car il y a un seul soleil dans le monde, et en dehors de lui, il n’existe pas d’autre soleil.



On peut le prouver, en second lieu, à l’aide des Pères. D’abord, ce sont tous les Pères qui répètent souvent qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Comme Justin, dans le livre de la foi droite, saint Augustin, dans le livre 1 contre Maximin, et les autres. Là-dessus, il n’y a aucun doute. Mais parce qu’on peut répondre que quand les Pères affirment qu’il n’y a qu’un seul Dieu, ils parlent d’une unité spécifique non numérique, nous démontrerons de plusieurs façons que les Pères enseignent que Dieu est numériquement un. Première réflexion. S’il y avait plusieurs individus divins, comme ils le veulent, eux, on pourrait les appeler un seul Dieu, c’est-à-dire une seule espèce divine. C’est ce qu’a dit Porphyre au chapitre 2 : « Puisque plusieurs hommes sont un seul homme, c’est-à-dire, une seule espèce humaine, on ne peut nier qu’on ait raison de dire qu’il y a plusieurs dieux, comme on a raison de dire que Adam, Abel et Caïn sont trois hommes ». Mais les Pères ont toujours nié que les trois personnes étaient trois Dieux. Ils veulent donc que Dieu soit numériquement un. C’est ce qu’affirme clairement saint Athanase, dans le symbole : « Dieu Père, Dieu Fils, Dieu Saint Esprit, et pourtant, non trois dieux, mais un seul Dieu ». Saint Cyrille, livre 9, en Jean chap 30 : « La substance de la déité étant la même, ce ne sont pas trois dieux que nous prêchons, mais un seul Dieu ».



Saint Basile a écrit un discours contre ceux qui nous calomnient en nous faisant dire trois dieux. Saint Grégoire de Nysse a écrit un livre à Ablabium, dans lequel il lui enseigne qu’il ne faut pas dire trois dieux. Saint Augustin dans le livre contre Maximin, chap 1 : « Tiens, avec la foi catholique, que le Père n’est pas le Fils, et que le Fils n’est pas le Père, mais que les deux ensemble ne sont pas deux dieux, mais un seul Dieu ». Et il dit au même endroit que les ariens n’ont pas osé dire deux dieux, même s’ils le pensaient. « Mais, dit-il, même si tu ne nieras pas que vous adorez deux dieux, tu n’as jamais osé le professer ouvertement. Car tu ne comprends que trop que des oreilles chrétiennes n’accepteront jamais d’entendre qu’il faut adorer deux Dieux ».



Pourquoi des oreilles chrétiennes ne peuvent pas supporter d’entende cela, s’il y a vraiment deux dieux numériquement ? Saint Ambroise livre 1, de la foi, chapitre 3 : « Dieu est en Dieu, mais il n’y a pas deux dieux ». Et, au même endroit, il répète souvent que la divinité du Père et du Fils est absolument la même. Et, il ajoute que c’est la nature divine qui clame que Dieu est unique, comme le monde est un. On trouve des choses semblables dans tous les Pères. En second lieu, les Pères nient que se trouve le nombre dans la divinité : ils ne l’admettent que dans les propriétés des personnes. Et il est certain qu’il serait faux que la divinité ne comporte pas de nombre, si la divinité n’était pas une numériquement. Saint Grégoire de Naziance dans son troisième discours sur la théologie : « Ces choses sont trois, mais elles sont une seule et même chose, si tu regardes la divinité. Et cette seule et même chose est trine si tu tiens compte des personnes » » Fulgence, de la foi, à Pierre, chap 1 : « La trinité se réfère aux personnes, l’unité à la nature ». La trinité est certes numérique, non spécifique, même pour nos adversaires. Elle s’oppose donc à l’unité numérique . Saint Athanase dans le symbole : « La foi catholique consiste à vénérer l’unité dans la trinité et la trinité dans l’unité ». Et il explique tout de suite après que la trinité se rapporte aux personnes, et l’unité à la nature divine. Saint Basile dans son épitre 141 à Césaire, dit qu’il faut rejeter tout nombre de l’essence divine. Mais, quand il ajoute que l’unité de Dieu ne lui vient pas d’un chiffre, il veut dire que la nature divine n’est pas un composé contenant en soi un vrai nombre formé de plusieurs unités. Saint Grégoire de Nysse dans son livre sur la trinité à Eustache : « Étendre à la multitude le nombre des déités est le propre de ceux qui souffrent de l’erreur de la multitude des dieux ». Saint Ambroise, livre 1, sur la foi, chapitre 2 : « L’unité de pouvoir exclut la quantité du nombre, parce que l’unité n’a pas de nombres ». Hormisdas dans son épitre à Justin, chap 2 : «  Même si la déité admet le nombre à cause des personnes, dans sa substance on ne le trouve pas ». Saint Athanase dans le livre 1 de la rectitude dogmatique : « Nous disons une trinité de personnes, non d’essences, Car, le Dieu que nous glorifions n’est pas un par les personnes, mais par la nature. Car, ce qui est propre à Dieu est numériquement un. » Et un peu plus bas : « La sainte Trinité est donc un seul Dieu par l’essence, elle est, par les personnes, numériquement trine » Voir les livres de cet auteur dans la patrologie tome 8.



Troisièmement, les Pères disent souvent que Dieu est singulier, ou que sa nature est individuée. Saint Justin dans son livre de la monarchie de Dieu promet de prouver que Dieu est unique à partir des poètes païens. Le premier qu’il cite est Eschyle : « Il est le premier, dit-il, à avoir parlé d’un Dieu singulier » Le titre de son livre (monarchie de dieu) nous fait assez comprendre qu’il ne reconnait qu’un seul Dieu singulier. Car on ne peut pas appeler monarchie le gouvernement de plusieurs d’une même espèce, mais exclusivement d’un homme seul. De même Athénagoras dans son apologie pour le Christ : « Mais chacune de nos paroles célèbre un Dieu unique. » Saint Grégoire de Naziance dans son discours à Évagre sur la divinité : « La nature du Dieu suprême est individuée. » Saint Augustin dans le livre contre Maximin, ou dans son colloque avec Maximin, vers le milieu : « Le Père, le Fils et le Saint Esprit sont une seule et même chose, à cause de la même nature individuée.» Saint Ambroise, livre 1, de la foi, chapitre 2 : « Comme le Seigneur a plu du Seigneur, reconnais l’unité de la déité. Car l’unité de l’opération ne fait pas une divinité plurale ».



Quatrièmement. Ce n’est pas une fois seulement que les Pères ont nié que Dieu soit un par l’espèce. Saint Cyrille, livre 11, dans Jean, chap 20, à la fin, après avoir dit que les apôtres étaient consubstantiels entre eux, et que le Père et le Fils le sont aussi, ajoute : « Bien que la consubstantialité ne se dise pas pour nous de la même façon qu’elle se dit pour le Père et le Fils. » Car, dans notre cas à nous, c’est d’une consubstantialité vraiment et proprement spécifique qu’il s’agit. Mais, dans les personnes divines, elle est numérique. Saint Augustin dans le livre 7 de la trinité, au dernier chapitre, demande : « l’essence divine est-elle un genre ou une espèce ? » Et il dit non à l’un et l’autre. Et ceci pour deux raisons. D’abord, parce que, bien que le genre (comme animal) se divise en espèces (homme, cheval, lion), et bien que l’espèce (comme homme) se divise en individus (Abraham, Isaac, Jacob), un homme ou un animal sont singuliers, et ne peuvent pas être divisés en inférieurs. Or on dit que l’essence de Dieu est une seule essence, et que Dieu est le seul Dieu. Dieu ne peut donc pas être divisé en plusieurs individus. Ensuite, parce que trois hommes valent plus que deux hommes, et deux plus qu’un seul. Or, en Dieu, trois personnes ne sont pas plus que deux personnes, et deux personnes pas plus qu’une seule. Les trois personnes ne sont donc pas des dieux d’une même espèce.



Cinquièmement. Les pères enseignent que la façon dont trois personnes ne forment qu’un seul Dieu est un mystère ineffable. Si elles étaient un seuil Dieu par l’espèce, il n’y aurait là aucun mystère. Saint Grégoire de Naziance dans son discours à Évagre s’efforce de montrer, par plusieurs comparaisons, comment la nature de Dieu, qui est unique et simple, est commune aux trois. Or, il n’aurait aucune question à se poser si la nature divine était une par l’espèce. Il dit la même chose dans son discours à Héron, ou Maxime selon d’autres : « Maintenant, contente-toi d’enseigner la trinité dans l’unité, et l’unité dans la trinité, dont la division et l’union sont tout à fait admirables ». Saint Augustin dans son livre 1 contre Maximin, ou dans son entretien avec Maximin, avant le milieu : « Cette union sublime et ineffable de la trinité montre un seul Dieu, un seul Seigneur ». Dans le livre 7 de la trinité, dernier chapitre, après avoir longtemps expliqué comment trois personnes sont une seule et même essence, et avoir donné congé à toutes les comparaisons, il conlut ainsi : « Si on ne peut le saisir par l’intelligence, qu’on le tienne par la foi. »



Sixièmement. Les Pères (comme saint Basile dans son discours contre Sabellius et Arius, saint Grégoire de Naziance dans son sermon sur la nativité du Seigneur, saint Ambroise dans son livre 1 sur la foi, chapitres 1 et 2) ont fait remarquer que Sabellius appartient aux Juifs, et Arius aux païens; que l’Église se tient dans un juste milieu, elle qui ne croit pas en une seule personne comme les Juifs, ni en plusieurs natures comme les Gentils. Or, l’Église ne tiendrait pas vraiment le juste milieu, si elle multipliait la nature divine. Elle n’aurait donc rien en commun avec les Juifs, mais elle serait d’accord avec les Gentils qui adoraient des dieux d’une même espèce, comme Jupier, Mars, Mercure etc ? Ajoutons que les Pères enseignent aussi que même si les païens, et surtout les gens du peuple, adoraient plusieurs dieux, ils ont pu naturellement connaître l’existence d’un seul Dieu, et cela en partie parce qu’ils étaient naturellement chrétiens. Or si c’est d’un dieu spécifiquement un qu’ils parlaient, et non numériquement un, ils auraient parlé pour ne rien dire. Car, pour le peuple, les dieux n’étaient pas seulement d’une seule espèce, mais apparentés. D’où cette parole de Virgile si souvent répétée, et qui provient d’Homère : « Père des dieux et roi des hommes ».



Cela apparait clairement d’abord, dans les nombreux et célèbres témoignages des anciens poètes, à partir desquels saint Justin a composé son livre sur la monarchie de Dieu; et dans son apologie à Antonin, où il dit que Socrate et Platon ont été partiellement des chrétiens. Athénagoras montre la même chose, en présentant plusieurs témoignages des anciens païens dans son apologie pour le Christ. Saint Irénée, livre 2, chap 5, dit que, quand ils avaient des épreuves, les anciens adorateurs d’idoles levaient les yeux au ciel, et oubliant leurs dieux, ils invoquaient naturellement le Dieu unique. Saint Cyprien enseigne la même chose dans son traité 4 sur la vanité des idoles : «  Prononce un jugement véritable, et examinant toutes les choses que nous voyons, il hésitera plus à croire qu’il y a d’autres dieux qu’il ne sera forcé de croire dans le Dieu dont nous connaissons tous naturellement l’existence, soit quand nous nous exclamons « O Dieu », ou soit quand nous le faisons témoin des malheurs. Et comme s’il nous voyait, nous levons notre tête vers le ciel ». Et dans son livre 3 contre les Gentils, il dit que, parmi les Gentils, beaucoup de Grecs et de Latins ont réfuté la multitude des dieux. Comme Cicéron dans son livre sur la nature des dieux. Il démontre là avec une si grande efficacité qu’il ne peut pas y avoir plusieurs dieux que ne manquèrent pas ceux qui pensèrent qu’il fallait faire abolir ces livres par un décret du sénat. Lactance dans le livre 1, chapitre 3, dit qu’il n’y a personne qui, en réfléchissant, ne comprenne qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Et il le prouve par tout son livre en citant Platon et d’autres philosophes. On voit la même chose dans l’exhortation aux Gentils de saint Clément, dans la préparation d’Eusèbe de Césarée, chap 9. et Théodore.



Ensuite, Paul Orose dans le livre 6, chap 1 de son histoire dit que c’est une sentence commune des sages qu’il n’y ait qu’un seul vrai Dieu; que les autres qu’on appelle dieux, ne sont que ses serviteurs ou ses ministres. Prudence dit à peu près la même chose : « Tous concluent qu’il n’y a qu’un seul Dieu ».



Troisièmement, on le prouve par des raisons. Première raison. Dieu est l’Être suprême, comme le montre l’Exode 3 : « Je suis celui qui suis ». Dieu est donc suprêmement un. De même. Plus parfaitement quelqu’un possède l’être, plus il est éloigné du non-être, et donc de la division, qui est le chemin vers le non-être. Dieu est donc Dieu non par l’espèce, mais par le nombre. Car l’unité la plus grande est celle qui ne peut pas être ultérieurement divisée. Deuxième raison. Dieu est son être, comme on peut le comprendre par le texte cité de l’Exode (« Je suis celui qui suis ») et par le consentement de tous à enseigner qu’il n’est pas composé de parties. Donc, en Dieu l’être et l’essence sont une seule et même chose. La nature de Dieu ne peut donc pas être multipliée, ou divisée en plusieurs individus. Car l’être qui est propre à un seul ne peut en aucune façon être divisé de façon à convenir à plusieurs. Mais l’être de ce Dieu unique est son essence-même. L’essence de Dieu n’est donc pas divisible en plusieurs dieux.



Tu diras que par cet argument, la seule chose que l’on prouve c’est que l’essence de ce Dieu ne peut pas être multipliée, mais non l’essence divine qui est commune à plusieurs. Je réponds que la preuve vaut aussi pour l’essence de Dieu commune à plusieurs. Pour le comprendre, note que l’être ou l’existence n’est pas quelque chose qu’on peut abstraire des inférieurs, comme la nature; que ce n’est pas quelque chose qu’on peut restreindre par des différences, ou à manière d’une différence, mais qu’il est l’actualisation de tout ce qui est dans la chose réelle. De là vient que pour les créatures dans lesquelles l’être et l’essence ne sont pas une seule et même chose, l’un peut être multiplié sans l’autre. Car on peut abstraire des singuliers la nature commune, chaque singulier demeurant dans son existence propre. Mais en Dieu où l’être et l’essence sont absolument une seule et même chose, comme c’est le propre de ce Dieu d’être ce Dieu, c’est de la même façon le propre de ce Dieu d’exister. Et il ne peut pas être abstrait d’une nature commune.



La troisième raison. Dieu est le Très-Haut, comme les Écritures l’enseignent souvent. Psaume 82 : « Tu es le seul Très-Haut ». Eccles 1 : « Un seul est le Très-Haut ». Donc, un seul, car s’il y en avait plusieurs, ou ils seraient tous de la même hauteur, et il n’y en aurait pas de plus grand que les autres; ou un serait plus haut que les autres, et il serait ainsi le seul vrai Dieu. Quatrième raison. Dieu est la fin ultime de toutes les choses. Prov. 16 : « Le Seigneur opère toutes choses pour lui-même ». Et l’apocalypse 1 : « Je suis l’alpha et l’oméga, le principe et la fin ». Dieu est donc unique, car s’il y avait plusieurs dieux, ou ils seraient tous référés à un seul, et c’est celui-là qui serait le vrai Dieu, ou ils ne le seraient pas, et alors il ne serait pas la fin ultime de tous. Cinquième raison. Dieu est infini en essence, en puissance, en sagesse etc. Il est donc numériquement un, car l’Infini comprend tout. Psaume 144 : « Sa grandeur ne peut pas être multipliée ».



Sixième raison. S’il y a plusieurs dieux, ou ils sont tous sans principe, ou l’un vient d’un autre. Or, cela est impossible, car alors il y aurait plusieurs principes premiers disparates, et le monde éclaterait en diverses parties, car ils n’auraient pas entre eux les rapports de connivence, de complémentarité, de complicité qu’apporte une seule et même volonté. Mais l’un pourrait vouloir une chose, un autre une autre. Voilà pourquoi les païens finirent par appeler Jupiter le père des dieux. Or, un vient d’un autre soit par la création, soit par la génération. Si c’est par la création, c’est une créature, et non un dieu. C’est pour cette raison que les nouveaux ariens et les nouveaux trithéistes n’osent pas dire que le Fils est créé, car ils veulent qu’il soit dieu. Mais ils se contredisent quand ils le font un Dieu incréé, et veulent quand même qu’il soit un autre Dieu que le vrai Dieu. Dieu le Père lui a donné toute sa substance ou une partie. S’il ne lui en a donné qu’une partie, Dieu est donc divisible. S’il la lui a toute donnée, le Fils a donc numériquement la même déité.



La septième. Dieu régit le monde. « C’est ta providence qui gouverne, Père ». Sagesse 14. La monarchie est le meilleur gouvernement quand on peut trouver un roi bon et sage, comme tous l’admettent. Enseignent cela parmi les chrétiens saint Cyprien dans son discours aux Gentils, chapitre 4, où il prouve que Dieu est un en disant que la monarchie est le meilleur gouvernement, saint Athanase, dans son discours contre les idoles, saint Jean Chrysostome, à la fin de son homélie sur l’épitre aux Hébreux, saint Grgégoire, livre 4, épitre 52. Parmi les Juifs, Philo, livre de la confusion des langues. Parmi les Gentils, Platon dans politique, Aristote dans le livre 8 de la morale, chap 10, et dans ses métaphysiques. Plutarque dans son opuscule sur la forme de la république, Homère dans Iliade 2, Isocrate dans Nicocle, Hérodote dans le livre appelé Thalia, Jean Stobacus dans le sermon 45 où il en cite beaucoup d’autres. Dieu est donc un monarque, c’est-à-dire le seul et unique principe de toutes les choses créées, et donc, le seul et vrai Dieu.



C’est à partir de ces passages-là qu’il faut entendre certains textes des pères qui sont difficiles à accepter. Par exemple, saint Basile et saint Grégoire de Nysse comparent parfois les trois personnes divines à trois hommes ou à trois anges. Mais ils ne veulent enseigner rien d’autre que l’existence de trois vrais suppôts, trois personnes d’une même nature. Il est évident pour tous que l’identité de nature est de loin plus grande dans les trois personnes divines que dans trois hommes ou dans trois anges. Même si les Pères ne le disent pas clairement, ils ne le nient quand même pas, et il leur arrive de parler comme nous venons tout juste de le faire. Voir saint Anseleme qui dans son livre sur l’incarnation affirme explicitement que les trois personnes sont un seul Dieu numérique.



3 mai fin [3 mai 2017, 20h, fin « L »]

13 mai 2017 début
CHAPITRE 4 : La divinité du Fils de Dieu
Pour la quatrième raison, on va devoir prouver que le Fils de Dieu est le vrai Dieu, et, par conséquent, un Dieu numériquement un avec le Père. Que le Père soit vrai Dieu personne ne le nie. Saint Jean, 17, nous le rappelle : « Pour qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu ». Mais même cela doit être prouvé avec précision, car les nouveaux ariens et les nouveaux samosatiens, ainsi que les Juifs et les musulmans le nient. Nous présenterons neuf catégories d’argument. La première vient de l’ancien et du nouveau testament. La deuxième, de l’ancien; la troisième, du nouveau. La quatrième, des noms de Dieu; la cinquième, des œuvres; la sixième, des attributs. La septième des Pères de l’Eglise, la huitième, des Sybilles, et la neuvième, des miracles.



1ére catégorie d’arguments : les arguments tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament



Nous présenterons d’abord des témoignages de l’ancien testament, qui portent sur le Dieu d’Israël unique et vrai, et des témoignages du nouveau testament qui portent sur le Christ. Argument que personne ne peut réfuter. Nombres 21 : « Le peuple a parlé contre le Seigneur et Moïse, et a dit : pourquoi nous as-tu fait sortir de l’Égypte ? Le Seigneur envoya alors contre le peuple des serpents ignés ». Il s’agit ici, d’un commun accord, du Dieu suprême et vrai que seuls les Juifs connaissaient. Les disciples de Servet comme ceux de Gentilis ont pour axiome que le Dieu d’Israël est le vrai Dieu, et que seul le Père l’est. Mais saint Paul (1 Cor 10), dit que celui-là est le Christ : « Ne tentons pas le Christ comme quelques-uns autrefois l’ont tenté, et qui furent tués par des serpents.» Il faut donc que le Christ soit le Dieu vrai, et un Dieu véritablement un avec le Père.



La deuxième citation vient de l’Exode 20, et de l’épitre de saint Jude. Car il est dit dans l’Exode 20 : « C’est moi qui suis ton Dieu, qui t’ai tiré de la terre d’Égypte ». Et le Deutéronome 32 : « Dieu fut leur seul chef, et il n’y avait pas avec lui de dieu étranger ». Et Jude : « Sauvant son peuple de l’Égypte, Jésus perdit ceux qui ne crurent pas, et les anges… ». Bède le vénérable a vu, lui aussi, l’argument qu’on pouvait en tirer, et l’a noté.



La troisième citation vient du psaume 67, où il est dit du Dieu d’Israël : « Les chars de Dieu sont des milliers de myriades, des milliers qui se réjouissent. Le Seigneur est parmi eux dans le Sinaï, dans le sanctuaire. Tu es monté en haut. Tu as rendu captive la captivité, tu as reçu des dons des hommes. » Tout cela Paul l’attribue au Christ dans Éphésiens 4 : « À chacun de nous est donnée une grâce selon la mesure du don du Christ. C’est pour cela qu’il a dit : montant en haut, il a rendu captive la captivité, il a donné des dons aux hommes ».



La quatrième et la cinquième citations. Psaume 96 : « Adorez Dieu tous ses anges ». Psaume 101 : « Toi, Seigneur, au début tu as formé la terre, et les cieux sont les œuvres de tes mains. Ils périront, mais toi, tu demeures ». Saint Paul applique ces deux passages au Christ, Hébreux 1. Dans cette épitre, il prouve qu’il est plus grand que les anges, parce que dans le psaume 96, on ordonne aux anges d’adorer le Christ. Et dans le psaume 101, le Christ est appelé créateur du ciel et de la terre, ce qui ne peut en aucune façon convenir aux anges.

La sixième citation est de Isaïe 6 : « J’ai vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé, et les choses qui étaient sous lui remplissaient le temple. Les séraphins se tenaient au-dessus, six ailes à l’un, six ailes à l’autre. Avec deux ailes ils se voilaient le visage, et avec deux autres ils voilaient leurs pieds, et ils volaient avec deux autres. Et ils s’écriaient l’un à l’autre : Saint, saint, saint le Seigneur Dieu, remplie est la terre de sa gloire. » Et plus bas : « Et il dit à cette armée : va, et parle à ce peuple : aveugle leurs yeux, et alourdis leurs cœurs ». On ne pouvait pas décrire plus clairement la majesté divine. Et bien que les adversaires attribuent cela au seul Père, saint Jean, chap 12, l’applique au Christ. Car, après avoir cité ces paroles du chapitre 6 d’Isaïe (« il a aveuglé leurs yeux et endurci leurs cœurs, pour qu’ils ne voient pas avec leurs yeux »), il ajoute les avoir entendus chanter : « Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu tout-puissant qui était, qui est, et qui viendra, » Qui donc viendra, sinon le Christ ?



Car c’est de lui ce que l’on lit dans le symbole : « Qui viendra juger les vivants et les morts ». De lui ce que dit saint Paul aux Philippiens 3 : « Nous attendons le Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ ». Et à Timothée 2, 4 : « Par son avènement et son règne ». Et plus bas : « Non seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement ». Et aux actes 1 : Les anges disent : « Ce Jésus qui vous a été enlevé pour monter au ciel viendra de la même façon ». Enfin, rien n’est plus souvent répété dans l’Écriture que la venue du Christ pour juger. Il ne faut pas conclure de tout cela que la triple invocation sacrée ne convient qu’au Christ, car elle se réfère sans doute possible à la trinité des personnes. Car ces paroles (qui était, qui est et qui viendra) peuvent être comprises de trois façons. Le grec Aretas (au premier chapitre de l’apocalypse) réfère « qui est » au Père, « qui était » au Fils, et « celui qui vient » (c’est ainsi qu’il le lit), à l’Esprit Saint. Et avec autant de raison on peut référer « qui était » à l’Esprit saint, et le « qui viendra » au Fils. Bède le vénérable et Rupert (chap 1 apocal) appliquent tout ce passage au Père. Mais, à cause de l’unité de la nature, ils voient, dans le Père, le Fils et le Saint Esprit. Primasius et saint Thomas d’Aquin donnent de ce passage une excellente interprétation. Ils l’attribuent au complet au Fils. Au Fils le « qui est », à cause de son immutabilité, au Fils le « qui était », à cause de son éternité, et au Fils le « qui viendra », à cause du jugement. Comme le note avec raison saint Thomas, parce que, après le supplice de la croix, les Juifs croyaient que le Christ était éteint, c’est fort opportunément que saint Jean dit de lui qu’il continue à vivre, puisqu’il est « celui qui est », et « celui qui était » avant même de naître de la Vierge, et « qui viendra » pour imposer aux impies et aux infidèles les peines qu’ils ont méritées. Mais, cependant, dans le Fils qui seul apparaîtra visiblement pendant le jugement, viendront aussi invisiblement le Père et le Saint Esprit. L’autorité du jugement appartiendra à toute la trinité, même si le Fils exercera seul le jugement dans sa forme humaine. « Car le Père a donné tout jugement au Fils » (Jean 5).



Le septième vient d’Isaïe 8 : « Sanctifiez le Seigneur des armées lui-même, Il est, lui, votre peur et votre terreur. Il sera pour vous sanctification, pierre d’achoppement et de scandale, pour les deux maisons d’Israël, un nœud coulant et une ruine pour les habitants d’Israël, Plusieurs viendront buter sur elle, ils tomberont, et ils seront broyés par elle. » Ici, en toute clarté, de l’aveu même de tous les Juifs, le Dieu suprême et le Seigneur des armées est appelé pour les uns une sanctification, et pour d’autres une pierre d’achoppement et de scandale, un nœud coulant et une ruine.



Or c’est au Christ lui-même qu’attribuent ce texte saint Luc, saint Pierre, et saint Paul. Car on lit dans Luc 2 que Siméon a dit au sujet du Christ : « Il est placé pour la ruine et la résurrection de beaucoup ». Et aux Romains 9 : « Que dirons-nous ? Que les Gentils qui ne cherchaient pas la justice ont accueilli la justice, cette justice qui vient de la Foi. Mais en cherchant la justice dans la loi de la justice, Israël n’est pas parvenu à atteindre la justice. Pourquoi ? Parce que les Israélites ne l’ont pas recherchée avec la foi, mais les œuvres. Car ils ont buté sur la pierre d’achoppement, comme il est écrit : voici que je place en Sion une pierre d’achoppement, une pierre de scandale. » Pierre 11 : « À vous les croyants, l’honneur, mais aux incroyants la pierre d’achoppement et de scandale ».



La huitième vient d’Isaïe 40 : « La voix de celui qui crie dans le désert : préparez un chemin pour le Seigneur, rendez droits dans le désert les sentiers de notre Dieu. » C’est du Dieu d’Israël que ces choses sont dites par Isaïe. Car les Juifs ne donnent pas le nom de Seigneur et de Dieu à d’autres qu’au seul vrai Dieu, surtout les prophètes et les saints. Et pourtant, que cette voix soit celle de saint Jean Baptiste préparant un chemin pour le Christ, tous les évangélistes l’attestent. Matt.3, Marc 1, Luc 1, Jean 1. Le Christ est donc le Seigneur et le Dieu d’Israël dans lequel les adversaires ne voient que le Père. La neuvième vient d’Isaïe 45 : « Je suis Dieu, et il n’y en a pas d’autre, je le jure sur moi-même. Et tout genou fléchira devant moi ». Romains 14 : « Nous nous tiendrons tous debout devant le tribunal du Christ. Car il est écrit : Je vis, moi, le Seigneur. Et tout genou fléchira devant moi ». Tu vois comment, au témoignage de l’apôtre, le Christ est ce Dieu en dehors duquel il n’y en a pas d’autre.



La dixième vient d’Isaïe 41, 44, 48. « Je suis le premier et le dernier. » C’est du Dieu d’Israël que sont dites ces choses. Or, dans l’apocalypse, on lit : « Je suis l’alpha et l’oméga ». Et, un peu plus bas : « Je suis le premier et le dernier; je suis vivant et je fus mort ». La onzième est tirée de Malachie 3. « Voici que j’envoie mon ange, et il préparera le chemin devant ma face ». C’est ainsi que parle le Dieu d’Israël, car tous les codex (hébreux, grecs, chaldéens, latins) ont « devant ma face ». Et, pourtant, le Christ lui-même (en Matt. 11) dit que cet ange est Jean Baptiste, qui prépara un chemin devant la face du Christ. En Luc 1, Zacharie dit : « C’est devant la face du Seigneur que tu prépareras ses voies ». Quoi de plus clair ? À qui saint Jean Baptiste prépara-t-il la voie si ce n’est au Christ ?



Mais il vaut la peine de voir ce que les adversaires objecteront à cela. Même s’ils n’ont pas réagi à chacun de ces points, ils y sont quand même allés de quelques commentaires négatifs. . Les transylvaniens (livre 2, chap 20) répondent vaguement qu’on peut appliquer au Christ les choses qui sont dites de Dieu parce que Dieu a communiqué au Christ sa divinité. A la première citation, ils répondent : « Nous ne tentons pas le Christ, nous, comme eux ont tenté son Dieu ». Ou : « Ne tentons pas réellement le Christ, comme eux l’ont tenté en figure ». Car, dans le même endroit, tout leur arrivait en figure. Je n’ai pas vu de réponse à la deuxième. À la troisième, Franciscus David et Blandratra (5 Alb) répondent que ces paroles (montant en haut) ne sont pas dites du Dieu d’Israël, mais sont une prophétie du Christ futur. À la quatrième, Franciscus David (dispute 3) et Blandratra (dispute 6) répondent que le Christ doit être adoré, parce que Dieu l’a ordonné ainsi, non comme Très-Haut, mais comme fils du Très haut.



Les ministres transylvainiens (livre 2 et dernier chapitre) et Franciscus David (dispute Alb) disent que ces paroles (« et toi, Seigneur, au début tu as fondé la terre ») ne peuvent s’entendre que du Père; qu’aux Hébreux, saint Paul a voulu montrer que le Christ est le fils du vrai dieu, et c’est pour cela qu’il a apostrophé le Père en lui disant : « Et toi, Seigneur ». Et ils prouvent leur interprétation en prétendant qu’autrement saint Paul contredirait le symbole des apôtres, où le Père est présenté comme le seul créateur du ciel et de la terre. Il s’opposerait aussi au Christ qui appelle souvent son Père créateur du ciel et de la terre (Matt 11 : « Je te reconnais, Père, comme le Seigneur du ciel et de la terre ». Il se contredirait également lui-même, car il avait déjà dit que les siècles avaient été faits par le Fils. Ce n’est pas le Fils qui a fait le ciel, mais le Père par le Fils. Enfin, parce que ce serait une ineptie de comparer le Fils à un ange si le Fils était créateur, car la créature n’a rien de commun avec le Créateur.



À la sixième (Isaïe 6, et Jean 12), Basilius répond (sans la dispute 2 Alb) que ce fut une vision en figure. Car nul n’a jamais vu Dieu tel qu’il est. On ne peut donc rien prouver à partir de ce texte. À la neuvième, ils font allusion à la réponse de Francis David (disp Alban 8), où il a dit que tout genou fléchit devant lui non parce qu’il est le Dieu Très-Haut dont parle Isaïe, mais parce que Dieu a exalté l’homme Christ, et « lui a donné un nom au-dessus de tout nom » (Philip 2), c’est-à-dire Jéhova, et pour qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse. A la dixième citation (je suis le premier et le dernier), Franciscus David répond (dispute 3 Alban et 8) que ces paroles n’ont pas le même sens quand elles sont dites du Dieu d’Isaïe (48), et quand elles sont dites du Christ (apocalypse 1 ), car dans l’apocalypse, elles s’appliquent à l’homme Dieu, puisqu’elles viennent après « je fus mort ». On dit que le Christ est le premier parce qu’il est élevé au-dessus de toutes choses; qu’il est le dernier parce qu’il est le complément des œuvres de Dieu.



Mais ces choses se réfutent facilement. La première. On ne peut pas dire que c’est parce que Dieu a communiqué au Christ sa divinité qu’on peut appliquer au Christ ce qui est dit du Dieu d’Israël, car comme ils disent que le Christ n’existait pas avant de naître de Marie, et que c’est dans le temps que Dieu a fait le Christ Dieu, les choses que l’on dit de Dieu ne peuvent donc pas être référées au Christ avant qu’il soit né. Or Paul dit )1 Cor 10), que, en revenant de l’Égypte les Juifs dans le désert ont tenté le Christ. Je demande ensuite. Comment Dieu a-t-il donné au Christ sa divinité ? Car il ne la lui a pas donnée en l’engendrant de toute éternité, puisque cela, ils le nient. Mais il la lui a donnée par inhabitation et onction. Mais, de cette façon Dieu a donné sa divinité même aux anges et aux hommes; et pourtant on ne peut pas leur appliquer ce qui a été dit de Dieu dans les Écritures. De plus, l’inhabitation de Dieu dans le Christ ne peut faire du Christ un Dieu, autrement le Roi serait un palais de dieux. L’onction n’accorde pas non plus la véritable divinité, mais une certaine participation créée, comme cela est bien connu. On ne peut donc pas attribuer à celui qui n’est dieu que par onction tout ce qui est dit du Dieu d’Israël.



Leur réponse à la première citation ne vaut rien, car c’est au même Christ que saint Paul rapporte leurs tentations et la nôtre. Nous ne pouvons pas dire que c’est Dieu qu’ils ont tenté, et nous, le Christ, Et ce qu’ils disent au sujet de la figure ne sert à rien, car les figures de l’ancien testament sont de vraies histoires au sens littéral du terme, qui ont à être comprises comme telles, même si elles peuvent, en plus, signifier autre chose, comme on peut le déduire du chapitre 10 de l’épitre 1 au Corinthiens. Car on raconte que les fils d’Israël ont forniqué et adoré des idoles, et qu’ils ont été pour cela punis par Dieu de diverses façons; et, qu’en cela, ils ont été une figure du peuple chrétien qui sera puni de la même manière, s’il commet de semblables péchés. Mais c’est en toute réalité et à la lettre qu’ils ont forniqué, que les adorateurs d’idoles ont été punis. C’est donc en toute réalité et à la lettre qu’ils ont tenté le Christ, comme il convient de le comprendre. Ajoutons que les transylvaniens ne recourent aux figures que pour ne pas avoir à admettre que le Christ était avant de naître de la Vierge Marie. Et Paul dit là clairement que le Christ a été dans le désert avec Moïse (non en tant qu’homme, mais en tant que Dieu). « Ils buvaient, dit-il, de la pierre spirituelle qui les accompagnait : la pierre était le Christ ». C’est-à-dire que les Juifs buvaient dans le désert de l’eau de la pierre, mais cette pierre n’était pas une pierre matérielle qui fournit par sa propre vertu de l’eau à boire, mais elle était invisible et spirituelle; elle leur était toujours présente, les accompagnait toujours, et leur fournissait toute chose. Cette pierre était véritablement le Christ, et c’est ainsi que tous l’expliquent, et on peut difficilement y trouver un autre sens.



La réponse à la troisième citation ne vaut rien. Car même David (psaume 67) a parlé prophétiquement de la future ascension du Christ. Et pourtant, du même Christ il dit au même endroit qu’il était descendu autrefois au mont Sinaï, et qu’il avait traversé le désert avec son peuple. Toutes choses qui ne pourraient lui convenir s’il n’avait pas existé avant l’incarnation. Saint Jérôme et Théodoret ont donc eu raison de dire, en expliquant ce texte, que David a voulu signifier que c’était la seule et même personne qui était descendue du Sinaï devant les Juifs d’autrefois, et qui était ensuite montée au ciel en présence des apôtres.



La quatrième réfutation n’est pas solide, car notre raisonnement ne portait pas sur l’adoration, mais sur le fait que ce qui a été dit du Dieu d’Israël ((psaume96) est appliqué au Christ par saint Paul. Nous en déduisions que le Christ est le Dieu d’Israël. Nous n’avons pas dit que le Christ est le vrai Dieu d’Israël parce que les anges ont reçu l’ordre de l’adorer (même si ce serait un bon argument, que saint Paul a utilisé), Non, cet argument nous ne l’avons pas fait nôtre. Dans le psaume 96, David dit que le Dieu d’Israël doit être adoré par les anges. Or, saint Paul affirme que celui qui, au témoignage de David, doit être adoré par les anges, c’est le Christ. Donc, au témoignage de saint Paul, David affirme que le Christ est le Dieu d’Israël.



La réfutation de la cinquième citation n’a été obtenue que par une corruption du texte. Car saint Paul n’apostrophe pas le Père, mais il cite divers textes de l’Écriture, parmi lesquels il cite celui-là, comme la conjonction « et » le montre. « Il dit aux anges qu’il fait de ses anges des esprits, et de ses messagers une flamme de feu. Et il dit au Fils : ton trône, Dieu, dans les siècles des siècles, « et » toi, Seigneur, au début, tu as fondé la terre.  » Les raisons apportées par les transylvaniens sont des plus légères, et je m’étonne qu’elles n’aient pas été réfutées par Pierre Melius. Je dis à la première et à la deuxième que le Père du Christ est le Créateur, mais non sans son Verbe, avec lequel il est un seul créateur comme il est un seul Dieu. Car c’est ce même Christ qui a dit (Jean 5) : « Le Père opère toujours, et moi de même ». Et pourtant c’est le même qui dit dans Jean (14)  : « Le Père qui demeure en moi c’est lui qui fait les œuvres ». Chacun d’eux crée vraiment, car chacun a en lui la toute puissance, et la même toute puissance. On dit que le Père crée par le Fils, mais on ne dit pas que le Fils crée par le Père, pace que Dieu a créé le monde par sa puissance et sa sagesse. Le Fils, lui, est appelé par saint Paul Vertu et Sagesse de Dieu (1 Cor 1), et bras du Seigneur par Isaïe, chap 53.



À la quatrième, je dis que Paul a comparé le Christ aux anges parce qu’il était sur le point de dire que, par sa passion, il a été fait inférieur aux anges. Afin que nous ne pensions pas qu’il est, de tout point, inférieur aux anges, il le compare aux anges, et montre qu’ils n’ont entre eux rien de commun, puisque le Christ est le Fils, et les anges sont des serviteurs. Voir le discours 2 d’Athanase contre les ariens. La réponse donnée à la sixième citation ne vaut rien, car même si Isaïe n’a pas vu l’essence de Dieu, cette espèce qu’il a vue ne laisse pas de représenter le Dieu d’Israël. Et puisque pour saint Jean, cette espèce désignait le Christ, il s’ensuit que le Christ est le Dieu d’Israël.



La réponse à la neuvième citation est nulle, parce que saint Paul (Rom 14) ne dit pas seulement que tous les genoux fléchiront devant le Christ (comme il le dit Philipp 2), mais il ajoute que cela a été écrit, et il cite le passage d’Isaïe où Dieu parle de lui-même. Il découle clairement de ces textes que le Christ est le Dieu d’Israël. Il est inutile d’objecter à cela ce que saint Paul dit aux Philippiens 2 : « Il lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom », car, selon le commentaire de saint Ambroise, c’est par une génération éternelle que le Père a donné au Fils un nom qui est au-dessus de tout nom. Selon tous les autres, c’est après la résurrection qu’il a donné au Fils un nom qui est au-dessus de tout nom, c’est-à-dire le nom de vrai Dieu, non parce qu’il ne l’était pas avant, mais parce qu’il n’était pas encore connu comme Dieu. C’est-à-dire que Dieu l’a glorifié de façon à ce que tout l’univers sache que cet homme crucifié est le vrai Dieu. Et qu’il faille entendre ce passage au sens de manifestation du nom, le Christ lui-même nous le fait comprendre quand il demande  (Jean 17) : « Père, glorifie-moi de la gloire que j’ai eue auprès de toi avant que le monde fût. » C’est aussi ce qui est expliqué dans Philip 2 : « Et que toute langue confesse » etc. Mais même avant sa mort on donnait au Christ le nom de Fils du Dieu vivant (Matt 16, Jean 11). Et on l’appelait souvent Seigneur, Jean (13) : « Vous m’avez appelé Maître et Seigneur, et vous faites bien, car c’est ce que je suis ». Ce n’est donc pas par sa mort qu’il a acquis le nom de Fils de Dieu ou de Seigneur, mais seulement la manifestation de ces titres. Voir saint Cyrille dans son livre 4, chapitre 2, sur les trésors, où il fait de ce texte un commentaire admirable.



La réponse à la dixième citation est semblable aux précédentes. Car, il ne faut pas donner à ces paroles (« Je suis le premier et le dernier ») d’Isaïe un autre sens qu’à celles de l’apocalypse, du fait que, dans l’apocalypse on ajoute qu’il est mort. Ce que nous affirmons c’est que celui qui est mort, selon la forme de l’homme, est également le vrai Dieu éternel, le premier et le dernier selon la forme de Dieu, comme le dit Isaïe. Car c’est aux paroles d’Isaïe que saint Jean renvoie. De plus, le Christ est appelé d’une façon absolue premier et dernier, comme sont prises absolument les lettres alpha et oméga. Car si le Christ n’était que le premier parmi les créatures et le complément des œuvres de Dieu, il ne serait pas, absolument parlant, premier et dernier, mais relativement, sous un aspect particulier. Car Dieu est le seul à être, au sens fort du terme, premier principe, et fin ultime de toutes choses.





CHAPITRE 5 : 2e catégorie d’arguments : les textes de l’Ancien Testament



La première citation est du psaume 2 : « Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré ». On applique ce psaume au Christ, d’abord parce que les rabbis l’attribuent au Christ (au témoignage de Galatinus, livre 3, chap 7), ensuite parce que les actes des apôtres l’attribuent aussi au Christ. Et saint Paul ne se serait pas servi de ce psaume comme argument contre les Hébreux s’il n’avait pas su que les Hébreux avaient coutume de reconnaître le Christ dans ce passage : « Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré » Et pour qu’on ne pense pas que le Messie soit Fils de Dieu par adoption comme Israël, qui est appelé le premier né de Dieu, il ajoute : « Et maintenant rois, comprenez, instruisez-vous vous qui jugez la terre, acquerrez la discipline ». Notons que, dans la source hébraïque, que nos adversaires réclament toujours à grands cris, on trouve ; « Embrassez le fils », c’est-à-dire, en signe de sujétion, embrassez une main et un pied du Fils. Les septante ont traduit : « Apprenez la discipline », car ce ne sont pas les mots qu’ils ont considérés, mais le sens, car nous adorons vraiment le Christ, quand nous acceptons sa doctrine.



Notez, de plus, que les mots suivants (« de peur que quand le Seigneur se fâche ») ne sont pas, en hébreu, référés au Père mais au Fils. De peur que quand se fâche le Fils, Ce qui nous fait comprendre que le mot Seigneur qui a été ajouté par les septante se réfère au Fils. Et nécessairement aussi ce qui suit : « Quand sa colère éclatera dans peu de temps, heureux seront tous ceux qui mettront en lui leur confiance ». Voici donc quel est l’argument. Le Messie est le Fils de Dieu qui doit être adoré par tous les rois. Ceux contre qui il se fâchera périront tous; et ceux qui mettront en lui leur confiance seront bienheureux. Le Messie est donc le vrai Dieu. Car le seul le vrai Dieu a un pouvoir de vie et de mort (1 Rois 2). Semblablement, on nous dit souvent dans les Écritures que c’est dans le seul vrai Dieu qu’il faut mettre sa confiance, comme en Jérémie 17 : « Malheur à l’home qui met sa confiance dans l’homme ».



Le Deuxième passage est d’Isaïe 48 : « Écoute-moi Jacob et Israël, que j’invoque, moi. C’est moi-même qui suis le premier et le dernier. C’est ma main qui a fondé la terre, et c’est ma main droite qui maintient les cieux. » Et un peu plus bas : « Venez à moi, et écoutez ceci : je n’ai pas parlé en secret depuis le début. Avant que commence le temps, j’étais là, et maintenant le Seigneur ton Dieu m’a envoyé, et son Esprit ». Il est certain que ce n’est pas le Père qui a été envoyé, et parce qu’il n’y a personne qui puisse envoyer le Père, et parce que le Fils lui-même atteste avoir été envoyé par le Père (Jean 8), et par l’Esprit Saint (Luc 4). Et pourtant nous voyons que celui qui est envoyé c’est le Seigneur Dieu, celui qui a fait le ciel et la terre, celui qui est le premier et le dernier. Il répond à ce passage que lui avaient objecté Paulus Thurius, et Franciscus David (dispute Alban 5) que ces paroles (« et alors le Seigneur m’a envoyé »), le prophète les disait lui-même de lui. Il avait reçu cette explication de Vatablus, et Vatablus, des rabbins.



Voici les preuves que Franciscus David donne en faveur de son opinion. Première réponse. Si ces paroles étaient dites du Christ, le Christ aurait existé avant son incarnation. Or, saint Jean (1, 4) dit que c’est l’esprit de l’antichrist qui enseigne que le Christ a existé sans la chair, et avant la chair. La deuxième réponse. Saint Paul dit aux Hébreux 1 que c’est en dernier lieu que Dieu a parlé dans son Fils. Dans ce texte, ce ne peut pas être le Fils qui parle, car il dit qu’il parle depuis le début. La troisième réponse. Le «là » dans j’étais là, les catholiques ont coutume de ne l’entendre que du mont Sinaï. Aux Galates 3, saint Paul enseigne que la loi a été donnée au Sinaï par les anges, non par le Christ. Mais ces raisons ne prouvent rien, et je m’étonne que Paul Thurium n’ait pas pu les réfuter.



La première. Saint Jean n’a pas dit que le Christ n’a pas existé avant la chair, mais il a dit que c’est l’antichrist qui nie l’incarnation du Christ, comme la niaient alors Ébion et Chérinte, et comme la nient aujourd’hui encore les transylvaniens. Car voici quelles sont les paroles de saint Jean (1 chap 4) : « Tous ceux qui confessent que Jésus Christ est venu dans la chair sont de Dieu, et tout esprit qui dissout Jésus n’est pas de Dieu, et c’est celui-là qui est l’antichrist. » Qu’est-ce que dissoudre le Christ si ce n’est séparer le Verbe de sa chair, et dire que le Fils de Dieu ne s’est pas fait réellement fils d’homme, mais qu’il n’a fait qu’habiter en lui comme dans un temple. Qu’est-ce que c’est vraiment, pour le Verbe, d’être venu dans une chair, si ce n’est que le Verbe de Dieu a assumé une vraie chair dans l’unité de son hypostase, et qu’étant ainsi fait vrai homme, il est venu parmi les hommes ?



À la deuxième. Saint Paul ne nie pas que le Verbe de Dieu n’ait parlé avant l’incarnation. Il dit simplement qu’à la fin des temps, il a parlé par la bouche et la parole du Fils incarné, lequel parlait autrefois par les prophètes. Je dis à la troisième, que la loi a été donnée au Sinaï par Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, par le ministère des anges. Qu’Isaïe parle textuellement du Christ, nous l’apprenons d’abord par les Pères, car nous avons, nous, le consentement de tous les pères. Car, Origène (au livre 1 contre Celsius, un peu passé le milieu), Eusèbe de Césarée au livre de la démonstration, chapitre 6, saint Athanase dans son sermon sur la sainte mère de Dieu, saint Jean Chrysostome dans la sainte et adorable trinité, vers la fin du tome 3, saint Ambroise au livre 2 de la foi, chapitre 4, saint Jérôme et saint Cyrille dans leur commentaire de ce passage d’Isaïe, et saint Augustin dans le livre 20 de la cité de Dieu, dernier chapitre, tous ces pères l’ont tous expliqué ainsi. De plus, c’est le texte lui-même qui le crie « Avant qu’elles deviennent dans le temps, j’étais là, et maintenant le Seigneur Dieu m’a envoyé ». En hébreu nous avons : «  depuis le temps où cela devait être, j’étais là, et maintenant le Seigneur m’a envoyé », c’est-à-dire quand ils devinrent. j’étais là. Les septante ont traduit ou « avant le temps où cela devait être », c’est-à-dire comme l’a traduit saint Jérôme, ou « avant que cela devint, j’étais là ». Qu’est-ce donc que « ce qui doit être » ? Quelques-uns y voient le ciel et la terre, comme saint Jérôme, et alors le sens est : « Avant que ou pendant que devinrent le ciel et la terre, j’étais là ». Et cela ne peut certainement pas convenir à un prophète.



D’autres entendent par le mot « cela » la loi donnée au Sinaï ». Et cela ne convient pas non plus à la personne du prophète, qui est né plusieurs siècles après le don de la loi, pour ne pas dire après la création du ciel et de la terre. Ces deux traductions nous sont donc toutes les deux favorables. D’autres lui font dire : « Quand devint cette prophétie, j’y étais ». Mais cela est ridicule, car qui n’est pas présent à l’endroit où il parle ? D’autres y voient le renversement de Babylone par Cyrus, car c’est de cette chose qu’un peu avant parlait le prophète. Mais « là », c’est-à-dire à Babylone, le prophète n’était pas quand cela s’est passé, car Babylone a été renversée par Cyrus deux cents ans après la mort d’Isaïe. Et pourtant, il parle de cela comme d’une chose déjà arrivée, quand il dit « pendant que cela devenait », ou « avant que cela devienne ». Il ne reste plus qu’à dire que le prophète ait subitement changé de personne, et que quand il disait, dans la personne de Dieu, « avant que cela devienne j’étais là », il disait ensuite, en son propre nom et en sa personne propre, « alors le Seigneur m’a envoyé ». Mais la conjonction « et » s’y oppose, mot que l’on trouve aussi bien dans l’hébreu que dans le grec et dans le latin. Car cette conjonction nous force à tout rapporter au même. En effet, celui qui a dit « avant que cela devienne j’étais là », c’est le même qui ajoute « et maintenant, le Seigneur m’a envoyé ». Si donc il est permis de supposer sans raison des changements de personnes, on ne pourra jamais tirer rien de certain des saintes lettres.



Le troisième passage vient d’Isaïe, 35 : « Dieu lui-même viendra et nous sauvera. Alors s’ouvriront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds entendront. Alors le boiteux sautera comme le cerf, et la langue des muets se déliera ». Il est clair que ce texte se rapporte au Christ. D’abord parce que le Seigneur (en Matt 11) a répondu aux disciples de saint Jean : « Allez rapporter à Jean que les aveugles voient, que les sourds entendent, et que les boiteux marchent ». Deuxièmement, parce que Dieu n’a jamais donné ces signes par aucun prophète. Ceux qui ont fait des miracles pendant le temps de l’ancien testament, ce sont Moïse, Josué, Élie, Élisée et Isaïe. Mais aucun d’eux n’a guéri des aveugles, des sourds, des muets, des estropiés, signes particuliers annoncés d’avance par Isaïe, que Jésus a donnés à plusieurs reprises. Ensuite, Isaïe parle du temps futur : « Dieu lui-même viendra »; et tous ces prophètes qui ont fait des miracles ont vécu avant l’époque d’Isaïe. Enfin, le Seigneur a dit lui-même en Jean 15 : « Si je n’avais pas fait des œuvres que nul n’a faites etc ».



Troisièmement, parce que c’est ainsi que les Pères expliquent le texte. Saint Irénée livre 3, chapitre 22, saint Cyprien livre 2, contre Jul, chap 7, Eusèbe de Césarée au livre 6, chap 21, démonstration, saint Jérôme et saint Cyrille dans leur commentaire de ce passage. Saint Cyrille dans le livre 4 sur saint Jean, chap 28. saint Augustin dans le livre des cinquante hérésies, chap 6, saint Athanase dans l e livre de l’humanité du verbe, un peu passé le milieu. Que le Seigneur Dieu dont parle ce texte soit le Dieu d’Israël, on le déduit directement de ce que le prophète emploie le mot Dieu au sens propre et strict : « Dieu lui-même viendra ». Car les prophètes n’appellent jamais Dieux les faux dieux et les dieux au sens figuré. Et c’est surtout ce « lui-même » qui indique le vrai Dieu, non un ministre quelconque qui viendrait à sa place.



Le quatrième texte est d’Isaïe 32. « Le Seigneur a dit : continuellement, pendant toute la journée, mon nom est blasphémé. A cause de cela, mon peuple saura mon nom en ce jour-là, car me voici moi-même, moi qui parlais ». Il est certain que celui qui parle au début est le Seigneur, car il se sert du nom ineffable, et il se plaint qu’on blasphème son nom. Il s’appelle le Dieu d’Israël, et appelle les Juifs son peuple, et dit, enfin, que c’est lui qui a parlé par les prophètes. Toutes ces choses ne conviennent qu’au Dieu vrai,



Que lui-même soit le Christ, on le prouve ainsi. Car il dit « moi qui parlais, voici que je suis là ». Car quand donc, je le demande, celui qui parlait par les prophètes a-t-il été présent afin de parler par lui-même, si ce n’est quand le Christ est né ? On a grandement raison de lire cette prophétie-là la nuit de la naissance du Seigneur; et tout ce qui suit va dans le même sens. Car, comme s’il voyait le Christ marcher sur les monts de Judée, et évangéliser, le prophète ajoute tout de suite après : « qu’ils sont beaux sur la montagne les pieds de celui qui prêche la paix, qui annonce ce qui est bon». Ensuite : « Ils verront d’œil à œil ». Et, plus bas, expliquant les fruits de sa venue : « le Seigneur a consolé son peuple, a racheté Jérusalem, Il a étendu son saint bras aux yeux de tous les peuples, et tous les confins de la terre verront le salut de notre Dieu ». Et plus bas : « Le Seigneur vous précèdera, et le Dieu d’Israël vous rassemblera. ». Enfin, c’est ainsi que l’expliquent les Pères suivants : Tertullien, livre 4, contre Marcion, un peu avant le milieu, Eusèbe de Césarée au livre 6 de la démonstration, chap 24, saint Ambroise, livre 2, chap 3, de la foi, saint Jérôme et saint Cyrille dans leurs commentaires respectifs de ce passage.



Le cinquième texte est tiré d’Isaïe 45 : « Voici ce que dit le Seigneur : le travail de l’Égypte, le commerce de l’Éthiopie et de Saba, des hommes sublimes viendront vers toi et seront tiens. Ils marcheront après toi, vaincus, ils porteront des menottes, ils t’adoreront et te supplieront. Seulement en toi est Dieu, et nul n’est Dieu en dehors de toi. Tu es vraiment un Dieu caché, Dieu d’Israël Sauveur. » Ces choses sont dites si manifestement par le Seigneur Dieu de son Fils incarné, comme saint Jérôme l’écrit en ce lieu, qu’on ne peut trouver aucune échappatoire à ce texte. Car, même s’il parlait plus haut de Cyrus, et puisque ne convient pas à Cyrus « il n’y a pas de Dieu en dehors de toi », ont doit dire que ces paroles s’appliquent à Cyrus en tant qu’il représentait le Christ, ou directement au Christ. On ne peut pas non plus voir en lui le Père, car c’est le Père lui-même qui dit d’une autre personne : « ils t’adoreront, ils te supplieront ». Et il ajoute les paroles de ceux qui le prient : « c’est en toi seul qu’est Dieu, et il n’y a pas de Dieu en dehors de toi ». Ajoutons qu’on ne pourrait pas pieusement dire au Père : « Ce n’est qu’en toi qu’est Dieu ». Mais au Christ, toutes ces choses conviennent parfaitement. Car Dieu est en lui, puisque son humanité est comme un temple de la divinité, et puisque, en dehors de lui, il n’y a pas de Dieu. Lui seul, en effet, est le vrai Dieu avec le Père et le Saint-Esprit.



Le sixième passage est de Baruch 3 : « Celui-ci est notre Dieu, et personne ne sera estimé qui sera son adversaire. C’est à lui qu’est parvenue toute la voie de la discipline, et il l’a livrée à Jacob, son fils bien-aimé. Après cela, il a été vu dans les terres, et il a parlé avec les hommes ». Il est très clair qu’il s’agit ici du Dieu d’Israël, qui est le seul à ne pas avoir de semblable à lui, et qui, après avoir livré la discipline à Israël, c’est-à-dire la loi sur le mont Sinaï, s’est finalement fait homme, a été vu sur les terres, et a parlé avec les hommes. C’est ainsi que l’expliquent les Pères suivants : Saint Cyprien, livre 2, contre les Juifs, chapitre 5, Eusèbe de Césarée, livre 6 de la démonstration, chapitre 18, saint Ambroise livre 1, chap 2, de la foi, saint Hilaire livre 5, à la fin de son livre sur la trinité, saint Grégoire de Naziance, oraison 4 sur la théologie, saint Basile, livre contre Eunome, non loin de la fin, saint Jean Chrysostome que le Christ est Dieu, saint Augustin dans la cité de Dieu, livre livre 18, chap 33, saint Cyrille d’Alexandrie sans son livre 10 contre Julien, Théodore, dans ce passage. Tout ce qu’ils ont à répondre à ce texte c’est que ce livre est apocryphe, puisqu’il n’existe pas en hébreu. Mais l’autorité de tant de pères qui citent ce livre comme sacré et canonique est de loin plus grande que celle de quelques hérétiques qui le rejettent.



Le septième est celui de Zacharie 2 : « Voici ce que dit le Seigneur des armées. Après la gloire, il m’a envoyé vers les Gentils, qui vous avaient dépouillés, car celui qui vous touchera touchera la pupille de mon œil, car voici que je lève ma main sur eux, et ils seront des proies pour ceux qui leur étaient asservis, et vous connaîtrez que c’est le Seigneur des armées qui m’a envoyé. Chante des louanges et réjouis-toi, fille de Sion, car voici que je viens, et j’habiterai au milieu de toi, dit le Seigneur, et beaucoup de Gentils s’intéresseront au Seigneur en ce jour-là, et ils deviendront mon peuple, et j’habiterai au milieu de toi pour que tu saches que c’est le Seigneur des armées qui m’a envoyé à toi ». Ce passage est d’une grande efficacité, comme l’a noté Eusèbe de Césarée au livre 5 de sa démonstration, chap 25, 26, saint Augustin livre 20, la cité de Dieu, dernier chapitre. De même saint Ambroise, livre 2 de la foi, chapitre 3, saint Jérôme, Théodoret, Rupert, dans le commentaire de ce prophète. Car on dit vraiment que le Dieu des armées est envoyé par le Dieu des armées, et cela est même répété.



Mais Franciscus David, dans sa dispute 8 sur ce passage, a trouvé à redire. Il dit que, bien que le prophète parle au présent, c’est une prophétie qui porte sur le futur. Car il parle de la conversion des Gentils qui s’est faite après l’ascension du Christ. On ne peut donc prouver par ce texte que le Christ a existé avant l’incarnation. Franciscus David nie donc que ce qui a été écrit c’est : Jéhova m’a envoyé moi Jéhova. Mais c’est le contraire qui est vrai. Car nous, nous ne tirons par notre argument de l’emploi du futur ou du passé, mais de ce que celui qui se dit envoyé par le Dieu des armées s’appelle lui-même le Dieu des armées. Et comme il est certain qu’il n’y a qu’un seul Dieu des armées, il s’ensuit forcément et nécessairement que le Christ est, avec son Père, ce même et seul Dieu et Seigneur des armées, même s’ils sont distingués l’un de l’autre par les personnes. C’est donc impudemment que Francis David nie qu’il soit écrit en toutes lettres que Jéhova a envoyé Jéhova, même si cela n’est pas écrit en ces mots-là.



Le huitième texte est tiré de Zacharie chapitre 3 : « Le Seigneur m’a montré Jésus le Grand Prêtre, se tenant debout devant l’ange de Dieu, et Satan se tenant debout à sa droite, pour lui faire la lutte. Et le Seigneur dit à Satan : le Seigneur te fera des reproches, Satan, le Seigneur qui a choisi Jérusalem ». Ici nous voyons clairement que le Seigneur dit au démon : le Seigneur te gourmandera. Il s’ensuit que le mot Seigneur ne représente pas une seule personne mais plusieurs. Que l’une d’entre elles soit le Christ l’enseignent des Pères de l’Église comme Eusèbe de Césarée, livre 5, chap 27 de la démonstration, saint Jérôme, Théodoret et Rupert dans leurs commentaires de ce passage. Et Thédoret explique pourquoi le texte parle du Fils plutôt que du Saint-Esprit. Car, explique-t-il, il a dit « le Seigneur te gourmandera », Or, c’est à Jésus fils de Josédech que Satan s’opposait, ce Jésus qui était un type du Christ. Comme ce Jésus ne pouvait pas par lui-même résister à Satan, c’est le Fils de Dieu, appelé lui aussi Jésus, qui a chassé pour lui Satan. Par cette lutte contre Satan, on annonçait qu’en se faisant chair, le Verbe viendrait livrer la guerre à Satan, ce qu’il a fait en Matthieu quand il a dit : « Va-t-en Satan ! »



Quelqu’un pourrait répondre : c’est l’ange devant lequel se tenait Jésus qui est appelé Seigneur; et c’est lui qui a dit« le Seigneur te gourmandera ». C’est ainsi, en effet, que raisonne Benoit Arias Montanus en commentant ce passage. Cette explication pourrait trouver une confortation dans le fait que, dans l’épitre de Jude, c’est à l’archange Michel qu’est attribuée la parole adressée à Satan : « le Seigneur te gourmandera ». On pourrait ajouter que dans l’Écriture les anges portent souvent le nom de Dieu parce qu’ils sont ses légats, et ils personnifient Dieu, comme on le voit dans la Genèse 18, dans l’Exode 3, dans les Juges 2, et ailleurs. Mais c’est le contraire qui est vrai, car ce n’est pas de cette lutte contre Satan que parle Jude, mais de celle qui a eu lieu entre saint Michel et Satan au sujet du corps de Moïse. Ensuite, on ne donne jamais aux anges le nom de Jéhova, mais de celui qui parle par les anges. qui était le vrai Dieu. Il n’est pas appelé ange en tant qu’il est un ange, mais en tant qu’il représente le Seigneur. Mais soit que, dans ce passage, ce soit Dieu lui-même qui parle ou un ange du Seigneur qui le personnifie, on trouve toujours deux personnes qui sont numériquement un seul Seigneur. Car si le mot Seigneur ne s’appliquait qu’à une seule personne, l’ange qui le personnifie ne dirait pas : « le Seigneur va te morigéner », mais c’est lui-même qui morigénerait puisqu’il personnifierait Dieu.



Le neuvième texte est celui de Zacharie 12 : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de prières, et ils me regarderont moi qu’ils ont cloué » Ce passage s’entend du Christ cloué sur la croix. Et, cependant, celui qui parle est le Dieu d’Israël, qui est le seul à pouvoir répandre sur les hommes un esprit de grâce et de prières. Il n’est pas nécessaire de présenter les témoignages des Pères, car saint Jean lui-même dit que cette prophétie a été accomplie quand le Christ a été crucifié et qu’il a été transpercé par une lance. Et puis, elle parle d’elle-même. Car quand, je le demande, l’auteur de la grâce a-t-il été cloué si ce n’est quand a été crucifié le Christ, vrai Dieu et Seigneur de gloire, comme l’appelle saint Paul. Mais, si cela ne plaît pas à nos adversaires, qu’ils montrent où et quand Dieu le Père a été cloué, pour pouvoir dire en toute vérité : ils me regarderont moi qu’ils ont cloué ».





CHAPITRE 6 : 3ème catégorie, les arguments tirés du Nouveau Testament



Que le premier témoignage soit cette confession de Pierre à partir d’une révélation du Père, en Matthieu 16 : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Il faut noter que ce que saint Pierre affirme ici, c’est que le Christ est vraiment le Fils naturel de Dieu. C’est pour cela qu’il ajoute « vivant », car c’est le propre des vivants d’engendrer un semblable à eux en nature. Ce que d’autres passages viennent confirmer. Car, en Jean 3, il est dit du Christ qu’il est le «Fils unique ». En Romains 8, on lui donne le nom de « propre Fils». En Jean 5, on dit qu’il est « le vrai Fils ». Dans les Col 1, et aux Hébreux 1, on lui donne le titre de « Fils naturel ». Car, on le dit l’image ou l’empreinte de l’hypostase (substance) paternelle, ce qui ne convient pas à des fils adoptifs. Au même endroit, il est un Fils tel que, comparé à lui, les anges sont dits serviteurs, eux qui sont pourtant des fils adoptifs, et certains d’une grande noblesse.



De plus, une des accusations que l’on portait contre Jésus c’est qu’il prêchait qu’il était le Fils de Dieu. Jean 19 : « Nous avons une loi, et d’après cette loi il doit être mis à mort, car il se fait le Fils de Dieu ». Et il est tout à fait certain qu’on ne l’a pas accusé parce qu’il se disait fils adoptif de Dieu, ou fils métaphoriquement, car les Juifs disaient d’eux-mêmes : « Nous avons un seul Père, Dieu » (saint Jean 8). Jésus ne chercha pas à jouer sur les mots. Il a accepté cette accusation comme étant véridique, et il a voulu qu’on le mette à mort à cause d’elle. Or, s’il est le vrai Fils de Dieu, son Fils naturel, propre, unique, il n’a pas reçu seulement une partie de la substance de Dieu, puisqu’elle est indivisible. Il l’a donc reçue au complet. Il est donc numériquement le Dieu unique avec le Père.



Les ministres transylvaniens (livre 2, chap 7, et Blandrata, dispute 6, Albana) répondent que le Christ est le vrai et propre Fils de Dieu, parce qu’il a été conçu du Saint-Esprit; et ils donnent comme preuve le texte suivant : l’Esprit saint surviendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi cet être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu ». Voici ce qu’on peut dire contre. Adam, Ève, tous les anges, n’ont pas été, eux non plus, engendrés à partir d’une semence humaine. Ils ont été créés directement par Dieu. Comment alors le Christ est-il dit Fils unique ? Deuxièmement. Si le Christ est le vrai Fils de Dieu parce qu’il a été conçu dans le sein de la Vierge par l’opération du Saint Esprit, on pourra donc le dire Fils du Saint Esprit, ce que ne permet pas l’Écriture. C’est le contraire qu’elle enseigne, car Jean dit à 15 et ailleurs, que l’Esprit procède du Fils. Troisièmement. Il ne serait pas alors le vrai Fils naturel du Père, car ce n’est pas de sa substance que Dieu a engendré le Christ dans le sein de Marie, mais de la seule substance de la Vierge. Voilà pourquoi la lettre aux Hébreux 7, dit que le Christ est sans père et sans mère : sans père sur la terre, et sans mère aux cieux, comme tous les Grecs et les Latins l’ont compris.



Au texte de Luc 1, je réponds (avec saint Ambroise, sermon 5 sur le psaume 118, saint Grégoire livre 18, moral, chap 12, Bède le vénérable et saint Bernard dans le commentaire qu’ils ont fait de ce texte) que la vertu du Très-Haut est le Verbe de Dieu, qui est descendu dans le sein de la Vierge, et qui s’est revêtu de chair; et que c’est pour cela que le fils de Marie est dit Fils du Très Haut. On pourrait dire que la conception qui vient de l’Esprit Saint est le signe, non la cause de ce que le Christ soit dit Fils de Dieu. Car si le Fils de Dieu voulait devenir fils de l’homme, il convenait qu’il ne naisse de nulle autre femme que d’une vierge. Il convenait également que si une vierge enfantait, ce ne soit que pour donner naissance à Dieu, comme le dit magnifiquement saint Bernard dans son sermon 2, sur il est envoyé.



Jacques Paleologus, qui était un des principaux docteurs des samosatiens, et qui s’est converti à la vraie foi à Rome, comme nous l’avons dit, non seulement ne tenait aucun compte de notre argument, mais le retournait contre nous avec le syllogisme suivant. Aucun vrai Fils de Dieu ne peut être le Dieu vrai. Or, le Christ est le vrai fils de Dieu, il n’est donc pas le vrai Dieu. Il se vantait souvent de ce syllogisme comme s’il s’agissait de la plus irréfutable démonstration. Je l’ai entendu plusieurs fois moi-même. Je lui disais donc que la proposition majeure du syllogisme était à ce point fausse que c’est la proposition contraire qui est tout à fait vraie. Car comme le vrai fils de l’homme est un véritable homme, comme le fils d’un lion est un véritable lion, il est nécessaire que le vrai Fils de Dieu soit le Vrai Dieu.



Il répondait que cela ne vaut que pour la philosophie; que, selon elle, le fils est de la même nature que son père, mais non selon l’Écriture. Selon l’Écriture, les vrais fils de Dieu sont ceux qui sont constitués héritiers, comme cela est dit aussi du Christ dans l’épitre aux Hébreux. Il ne peut donc pas être vrai Dieu, puisqu’il est établi par Dieu héritier. Tu ne t’attends pas, cher lecteur, que je réfute de telles inepties. Car quoi ? Seth n’était donc pas, selon l’Écriture, un vrai fils d’Adam ? Isaac, un vrai fils d’Abraham ? Ruben un vrai fils de Jacob ? N’étaient-ils pas de la même nature que leur père ? Ensuite, l’Écriture ne dit clairement ni qu’un homme est héritier parce qu’il est fils, ni qu’il est fils parce qu’il est héritier. Rom 8 : « Si fils, héritiers aussi, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ. » Et au sujet du Christ, Hébreux 1 : « Il nous a parlé dans son Fils ». Puis, il ajoute : « qu’il a constitué héritier de toutes choses ». Ne va pas entendre ce texte au sens où il aurait été constitué héritier par un héritage temporel, mais par sa génération éternelle.



Le second témoignage est de Luc 1 : « Il convertira beaucoup de fils d’Israël à leur Seigneur Dieu, et lui-même marchera devant lui dans la vertu, et la vertu d’Élie. » Le Seigneur Dieu d’Israël, au jugement de tous et surtout des hérétiques de ce temps, est le seul vrai Dieu. Et l’ange, dans ce passage, appelle le Christ Seigneur Dieu d’Israël. C’est ainsi que l’ont interprété des pères de l’église comme saint Irénée, livre 3, chap 11, saint Ambroise, Bède. Euthymius, et d’autres. On ne peut pas non plus le comprendre autrement. Car ce «  il marchera devant lui », ne peut être référé qu’au Dieu d’Israël qui vient tout juste d’être nommé. Il appert que c’est le Christ que saint Jean Baptiste a précédé, non Dieu le Père. Saint Paul dit dans les actes des apôtres : « Le Dieu d’Israël a amené le Sauveur Jésus, Jean prêchant avant son avènement, un baptême de pénitence ». On peut confirmer la même chose par les paroles suivantes : « Il convertira beaucoup de fils d’Israël à leur seigneur Dieu. » Saint Jean-Baptiste ne cherchait à convertir les hommes à nul autre qu’au Christ; car c’est lui qu’il prêchait avec assiduité. Jean 1 : « Quand Jean vit Jésus, il dit : voici l’agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde ». Et tout de suite après ces paroles, André, qui était disciple de saint Jean Baptiste, s’est tourné vers le Christ, et l’a suivi.



Le troisième témoignage est de Jean 5 : « Les Juifs cherchaient encore plus à le tuer, car non seulement il déliait les Juifs de l’obligation du sabbat, mais il disait que Dieu était son Père, se faisant ainsi l’égal de Dieu ». Si le Christ prêchait qu’il était égal au Père, il est donc le vrai Dieu éternel et très haut. Quelqu’un pourrait répondre à cela que le Christ n’a pas prêché qu’il était égal à Dieu le Père, mais que ce sont les Juifs qui ont pensé cela. Le sens serait donc : les Juifs cherchaient à le tuer, parce que, selon leur opinion, non seulement il détruisait le sabbat, mais, selon leur opinion aussi, il se faisait égal à Dieu. Il importe peu que l’évangéliste rapporte ici ce que pensaient de lui les Juifs, ou ce qu’il avait enseigné de lui. Car, comme le disent les Pères qui ont commenté ce passage (saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Augustin), elle était conforme à la vérité l’opinion que les Juifs s’était formée de lui, et l’évangéliste rapporte précisément qu’ils avaient bien compris. Car si cette opinion des Juifs avait été fausse, comme l’a justement noté saint Jean Chrysostome, le Christ ou les apôtres seraient immédiatement intervenus pour les empêcher de commettre une si grande erreur. Exemple. Quand Jésus a dit qu’il réédifierait ce temple en trois jours, saint Jean a pris la peine d’expliquer qu’il ne parlait pas du temple des Juifs, mais du temple de son corps. Autre exemple. Quand les disciples interprétèrent les dernières paroles que Jésus avait prononcées sur Jean au sens où il ne mourrait pas, saint Jean s’est cru obligé d’expliquer que ce n’était pas vraiment cela que Jésus avait dit. Or, Jésus non seulement n’a pas corrigé l’opinion que les Juifs avaient de lui, mais il a renchéri, et l’a confirmé cette opinion en disant qu’il travaille toujours comme son Père, et que le Fils attire ceux qu’il veut comme le Père attire ceux qu’il veut. Voir tout le commentaire de saint Cyrille, chapitre 5, dans lequel il explique que le Christ a montré de plusieurs façons qu’il est égal au Père.



Le quatrième témoignage est de Jean 10 : « Moi et le Père nous sommes un ». Tous les Pères se sont servis de ce passage contre les Ariens pour prouver que le Père et le Fils ont une seule et même essence. Les transylvaniens (livre 2, chap 9) et Franciscus David ( dispute 2, Albana) enseignent qu’il faut entendre ce texte au sens d’une concorde de charité qui était entre le Père et le Fils. Et ils le prouvent par l’autorité d’Érasme et de Calvin. Ils auraient pu ajouter aussi celle d’Arius et d’Eunome. Leur deuxième preuve, ils la tirent de saint Jean 17, où il est dit des apôtres : « Pour qu’ils soient un comme nous sommes un ».



Que ce texte se rapporte à l’unité de l’essence, je le prouve, d’abord, avec saint Basile (livre 4, contre Eunome, vers la fin) et saint Jean Chrysostome (dans son commentaire de ce passage) par les paroles qui précédent. Pour prouver que ses brebis ne périront pas, Jésus fait ce raisonnement : « Personne ne peut enlever les brebis des mains de mon Père, parce qu’il est plus grand que tous ». Personne ne peut non plus enlever des brebis de ma main, Car le Père et moi nous sommes un. Cet argument ne prouve rien d’autre que ceci : le Père et le Fils ont la même main, c’est-à-dire la même puissance. Si la puissance est la même, l’essence est certainement aussi la même, car en Dieu l’essence et la puissance ne se distinguent pas l’une de l’autre.



Je prouve la même chose ensuite avec saint Augustin et saint Jean Chrysostome : « Après avoir entendu cette parole, les Juifs prirent des pierres pour le lapider. » Ils avaient donc compris que par ce « moi et le Père nous sommes un », il prêchait qu’il est un seul et même être avec le Père. Car ils n’auraient surement pas cherché à le lapider, s’ils avaient compris que le Christ ne parlait que d’une union de concorde avec son Père. Et comme Jésus n’a pas corrigé leur façon de penser, il s’ensuit donc qu’ils avaient bien compris.



Je le prouve enfin en disant que le Christ lui-même a expliqué ce que voulait dire : « Moi et le Père nous sommes un. » Car, comme les Juifs voulaient le lapider pour avoir prononcé cette phrase, il leur dit ; « Vous dites tu blasphèmes parce que j’ai dit que je suis le Fils de Dieu » « Nous sommes un » et « je suis le Fils de Dieu » sont donc une seule et même chose. Le Père et le Fils ne sont donc pas un par la seule concorde des volontés, laquelle peut exister entre des gens qui ne sont même pas apparentés; mais ils sont un, comme sont un ceux qui ont la même nature.



Mais les hérétiques (Franciscus David, d’abord, dispute 8, Albana, et les ministres transylvaniens livre 2 chap 7.) ont une objection à faire. Car, dans les paroles qui suivent, le Christ semble corriger l’opinion des Juifs, et déclarer qu’il est Dieu par la seule grâce. Car, voici ce qu’il dit : « Dans votre loi il est écrit : j’ai dit moi, vous êtes des dieux. S’il appelle dieux ceux à qui la parole est communiquée, celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, vous dites qu’il blasphème parce qu’il dit : je suis le Fils de Dieu ? » Je réponds avec saint Hilaire (livre 7 de la trinité), que ce que le Christ voulait dire c’était ceci. Si on peut appeler dieux ceux qui participent à la divinité par un don de Dieu, parce que la parole de Dieu s’est manifestée à eux, ont été établis par Dieu chefs des autres, et exercent une autorité qu’ils ont reçue de Dieu, je puis, à plus forte raison, m’appeler vraiment Dieu, tout homme que je suis, puisque le Père m’a sanctifié par un don singulier, en me faisant le Saint des saints dans la conception même qui unissait la nature humaine à l’hypostase de son Verbe. Car, comme les Juifs avaient dit : « c’est à cause d’un blasphème que nous te lapidons, car, toi qui es un homme, tu te fais Dieu », le Seigneur a voulu montrer non seulement qu’il était Dieu, mais qu’il était vrai homme et vrai Dieu. Il l’a fait cela en expliquant sa sanctification sublime et singulière, non par une grâce créée, mais par la grâce de l’union hypostatique. Qu’elle fut telle sa sanctification par laquelle il était vrai Dieu, il le prouve par des œuvres qui appartiennent en propre au seul vrai Dieu. Car il a dit : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ». Et plus bas : « Pour que vous sachiez que je suis dans le Père et que le Père est en moi ». Car cette inhabitation mutuelle ne peut s’entendre que de l’identité de nature. On pourrait aussi dire, comme le laisse entendre saint Jean Chrysostome, que le Christ a répondu de deux façons aux Juifs. D’abord. Même si je n’étais qu’un homme, je n’aurais pas pour cela blasphémé en me disant fils de Dieu, puisque, dans l’Écriture on donne le titre de dieux à beaucoup qui me sont inférieurs. Ensuite, après avoir repoussé la calomnie, il prouve par ses œuvres qu’il est vraiment Dieu.



Valentin Gentilis tirait de ce texte un argument pour son erreur, comme l’atteste Calvin dans son livre contre Gentilis. Car le Seigneur n’a pas dit : nous sommes un, mais, nous sommes une seule chose. Ils sont donc de la même nature et de la même divinité, mais ils ne sont pas numériquement un seul et même Dieu. Et il confirme ensuite sa position par Jean 17 où il est dit que les apôtres sont une seule chose comme le Père et le Fils sont une seule chose. Dans ce passage, on dit que les apôtres sont une seule chose, mais ils étaient pourtant numériquement différents. Je réponds que le Christ ne pouvait pas dire : « le Père et moi nous sommes un (unus, masculin)  », car il aurait alors confondu les personnes. Car autre est « moi et le Père nous sommes un (unus, masculin)  », un seul Dieu, un seul Esprit, autre est « moi et le Père nous sommes une seule chose (unum, neutre) ». Car « le Père et moi nous sommes une seule chose », signifie qu’ils n’ont qu’un seul être, une seule nature. Cela ne répugne donc pas à la pluralité des personnes. Semblablement, « nous sommes un Dieu » signifie qu’ils sont une seule chose dans la déité, et cela est vrai, aussi, et ne répugne pas à la distinction des personnes. Mais nous sommes un signifie qu’ils ont une seule et même personne (hypostase), et implique donc une contradiction. (C’est la différence entre un (masculin; unus), et un neutre (unum).



Que ce passage ne plaide pas en faveur de Gentilis mais contre lui, nous allons le prouver en disant d’abord que bien que, absolument parlant et universellement « nous sommes un » ne signifie pas une seule chose par le nombre, mais une seule chose par l’essence, qu’ils soient un par l’espèce ou par le nombre, cependant, cela signifie nécessairement en Dieu quelque chose d’un par le nombre, parce que, comme il a été prouvé plus haut, il n’y a qu’une seule divinité qu’on puisse nombrer. Ensuite, bien que Gentilis semble dire que le Père et le Fils soient une même chose dans l’essence et l’espèce, il est quand même forcé d’avouer qu’il établit une différence essentielle entre le Père et le Fils quand il dit (prothèses 22 et 24) que seul le Père est immense, et que le Fils est circonscrit par le mode de sa génération.



À la citation de Jean 27, répond saint Augustin (livre 2 contre Maximin, et au livre 3, chap 22) que dans les Écritures, on ne dit jamais « ils sont une même chose » au sujet de choses qui ont une nature différente. Car on ne dit pas : « pour que les apôtres et Dieu soient une même chose », mais qu’ils soient un comme eux sont un. Et ensuite : « pour qu’ils soient un en Dieu ». Mais cette remarque, même si elle est vraie, n’est pas du tout nécessaire, car les apôtres étaient bel et bien de la même nature quand Dieu a prié pour qu’ils soient un. Ce « pour qu’ils soient un » ne signifie donc pas, chez les apôtres, une unité de nature, mais de concorde. De plus, pourquoi ne pas demander à Dieu que les hommes et les anges soient un ? Les anges diffèrent pourtant des hommes par l’espèce. Enfin, comme il est dit (1 Cor 6) : « Celui qui adhère à Dieu est un seul esprit avec lui ». Pourquoi ne peut-on pas dire : celui qui adhère à Dieu est une seule chose avec Dieu ? Car un esprit et une seule chose ont le même sens.



Nous pourrions plus facilement dire avec saint Jean Chrysostome (homélie 1 en Jean) et avec saint Cyrille d’Alexandrie (Jean 11, chap 20), que Dieu ne veut pas que les apôtres soient une seule et même chose avec Dieu, c’est-à-dire, qu’ils soient une des divines personnes, mais que, par la grâce de Dieu, ils deviennent un seul être par la concorde de la volonté, et imitent de cette façon les divines personnes qui sont naturellement unies par la volonté et le consentement, et finalement par l’essence. Car des agents libres ne peuvent pas naturellement désirer la même chose, à moins de posséder numériquement la même nature. De plus, du seul fait qu’on dise que le Père et le Fils sont un, il ne s’ensuivrait pas nécessairement qu’ils sont un par l’essence. Mais on peut le déduire de la raison pour laquelle ces mots sont dits.



Le cinquième témoignage est de Jean 14. « Croyez en Dieu, et croyez en moi. » Saint Augustin (livre 1 de la trinité, chap 12) et d’autres commentateurs déduisent de ce texte que le Christ est le vrai Dieu que les Juifs adoraient. Car s’il n’était pas lui-même le vrai Dieu, il ne pourrait s’arroger une foi qui n’est due qu’au seul vrai Dieu. On ne doit pas se laisser troubler par la conjonction « et », comme si le Christ se dissociait de Dieu et se faisait un autre Dieu. Car la conjonction « et » est ajoutée à cause de la nature humaine, par laquelle le Christ est distinct de Dieu. Le sens est donc le suivant. Si vous croyez en Dieu, vous devez aussi croire en moi, que vous voyez ici comme un homme. Car, je ne suis pas seulement un homme, mais aussi ce Dieu dans lequel vous croyez. Au même endroit : « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. » Même chose : « Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. »



Saint Cyrille d’Alexandrie (livre 9, chap 37 sur saint Jean) prouve, par ce texte, que le Christ est une seule chose avec le Père. Car il ne pourrait être vrai qu’on ne puisse connaître le Fils sans connaître le Père s’ils n’étaient pas d’une seule et même nature. Les apôtres connaissaient bien Jésus. Ils savaient qu’il était bon, sage, un prophète, le Christ. Et pourtant ils entendent Jésus dire : « Si vous me connaissiez » Et encore : « Je suis avec vous depuis si longtemps, et vous ne me connaissez pas. » Il leur restait donc à connaître qu’il était le vrai Dieu, et une seule chose avec le Père. Car, le reste, ils le connaissaient déjà. Ensuite, Philippe dit : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit ». Car les apôtres savaient que, sans la connaissance de Dieu, rien ne pourrait suffire à rendre l’homme vraiment heureux. Ils ne doutaient pas que ce vrai Dieu fut le Père. En répondant à la question de Philippe : « Philippe, qui me voit, voit le Père », il n’aurait répondu de façon suffisante à la question posée qu’en voulant dire qu’il était lui-même le vrai Dieu, et une seule chose avec le Père. Et donc, que la béatitude consiste à le connaître, lui, comme elle consiste à connaître le Père.



Franciscus David (dans la dispute 2, Albana) répond que c’est le Christ homme qui a été l’image du Père; et que celui qui voyait le Christ voyait Dieu dans son image. Voici ce que j’ai à objecter à cela. Si Franciscus admettait que le Christ est l’image naturelle du Père, et est de la même essence, il dirait vrai. Mais il pense, lui, que c’est la forme visible et créée du Christ qui est l’image de Dieu. Une telle image est de très loin différente de son modèle, car rien de ce qui est créé ne peut être tout à fait semblable à Dieu, comme on le dit aux Rois 3. 8 : « Il n’est personne de semblable à toi, Dieu » Et Isaïe 40 : « Quelle image ferez-vous de lui ? ». Celui qui voit une image de ce genre ne peut pas dire qu’il voit l’exemplaire. Cela est vrai aussi pour nous. Quand nous voyons des images semblables aux choses, nous ne nous en contentons pas, mais nous sommes incités à voir la chose elle-même. Le Christ reprend Philippe qui pense que celui qui voit le Fils ne voit pas suffisamment le Père. Il ressort de ces paroles que le Christ, en tant que Dieu, a la même forme, la même beauté que le Père.



Le sixième texte est de saint Jean 16 : « Toutes les choses que le Père a sont miennes.» Donc le Fils a l’essence du Père. N’allons pas penser qu’on doive entendre cela des choses qui sont à l’extérieur de Dieu, comme on dit, par exemple, que tout ce qu’un mari a sa femme l’a aussi. Mais un homme peut posséder une sagesse que sa femme n’a pas. Les mots qui précèdent excluent ce sens. Car il avait dit d’abord : « Il me glorifiera, car c’est de moi qu’il recevra ». Ce que l’Esprit Saint reçoit du Père et du Fils est commun aux deux. Qu’est-ce que l’Esprit saint reçoit du Fils ? La science, certainement, car il dit : « Il recevra de moi et vous annoncera ». Et plus loin : « Il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu ». La science du Père et du Fils est la même. Mais, en Dieu, la science et l’essence sont une seule et même chose, comme l’a connu même un Aristote. L’un et l’autre ont donc la même essence. C’est ainsi que commentent ce texte tous les docteurs catholiques, à la suite de saint Jean Chrysostome, de saint Augustin et de saint Cyrille.



Le septième témoignage est de saint Jean 20 : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Saint Augustin se sert de ce témoignage comme d’un argument très efficace dans son épitre 174 contre Pascent. Et il est tout à fait certain que, en ce lieu, Seigneur Dieu signifie le vrai Dieu d’Israël, d’abord parce que, en grec, il y a l’article, ensuite parce que saint Thomas, en bon Israélite qu’il était, ne connaissait pas d’autre Seigneur Dieu que celui dont il est écrit : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Dieu ». Saint Jean Chrysostome (dans son homélie sur la trinité, tome 3) ajoute que saint Thomas, quand il dit cela, accomplit les paroles du psaume 76 : « J’ai cherché Dieu avec mes mains, et je n’ai pas été déçu ». Il ne peut y avoir de doute que c’est du vrai Dieu que parle ce psaume.



Les nestoriens (comme on peut l’apprendre du synode 5, chapitre 12) prétendaient que ces paroles de saint Thomas (mon Seigneur et mon Dieu) s’adressaient au Père, en une exclamation d’admiration à la vue du Christ ressuscité. Mais ce n’est là qu’une corruption de l’Écriture. Car, en grec, le ô n’est pas le signe de quelqu’un qui s’exclame, mais c’est plutôt l’article o qui précède dans l’évangile : Thomas répond et lui dit : mon Seigneur et mon Dieu. Que signifie donc ce : « lui » ? N’est-ce pas : « il a dit au Christ ? », car c’est au Christ que parlait saint Thomas, non au Père. Il est certain que, avec ces mots, saint Thomas voulait confesser ce qu’auparavant, il n’avait pas cru suffisamment. Car, que le Père était Dieu, il l’avait toujours cru. C’est sur la divinité du Fils qu’il pouvait avoir eu certains doutes. Enfin, tous les commentateurs appliquent ces mots à la divinité du Christ. Même un Érasme, dont les transylvaniens font le plus grand cas.



Le huitième texte vient de l’épitre aux Romains 9 : « Desquels est le Christ selon la chair, qui est au-dessus de tout, Dieu béni dans les siècles ». Les Pères comme saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, Théodoret, Théophylactus, Origène, Oecuménius et beaucoup d’autres comprennent que dans ce passage le Christ est dit vrai Dieu. Car, au-dessus de toutes choses, il n’y a que le Dieu suprême.



Érasme, en commentant ce passage, tente d’affaiblir la force de ce témoignage, mais avec des raisonnements boiteux. Il dit d’abord que le mot « Dieu » ne fait pas partie du texte, car saint Cyprien (dans le livre 2 contre les Juifs, chap 6) et saint Hilaire (dans le psaume 112), citent ce texte sans employer le mot « Dieu ». Mais Saint Cyprien, Aldi et Morelli ont le mot « Dieu, et il ne peut pas ne pas être là. Car, dans ce chapitre, saint Cyprien veut prouver que le Christ est Dieu, et il cite des textes où le Christ est appelé Dieu. Saint Hilaire, ne fait pas une citation complète, car il omet aussi « selon la chair ». Mais dans ses livres 4 et 8 de la trinité, il cite intégralement ce passage avec le mot Dieu. Mais même si on enlevait le mot « Dieu », le texte garderait toute sa force, car si le Christ est au-dessus de toutes choses, il est certainement Dieu.



Érasme dit, en deuxième lieu, qu’on peut référer au Père le « qui est au-dessus de tout, Dieu », si on met un point final après les mots « desquels le Christ est issu selon la chair », comme il dit l’avoir lu dans un texte de saint Jean Chrysostome. Mais dans le texte grec de saint Jean Chrysostome, je n’ai pas trouvé de point, mais une virgule, celle qui se trouve dans les textes pauliniens grecs et latins. Réfléchissons un peu. À cause d’un point trouvé dans un commentaire de saint Jean Chrysostome, qu’un insecte ou un copiste a pu causer, doit-on corriger tous les codex grecs et latins ? De plus, si indépendamment de ce point, saint Jean Chrysostome lui-même réfère ces paroles (qui est au-dessus de tout, Dieu) au Christ, comme le font tous les commentateurs sans exception, quelle témérité n’y a-t-il pas à vouloir y trouver un nouveau sens ? Car Érasme n’a cité personne qui fût de son avis, mais nous, nous avons une foule de commentateurs. Comme saint Irénée (livre 3, chap 18), Tertullien (livre contre Praxeas). Saint Cyprien, cité plus haut, saint Hilaire (livre 4 et 8 de la Trinité), saint Ambroise (livre 1 du Saint-Esprit, chap 3, et livre 1 de la foi, chapitre 5), saint Augustin (livre 3 contre Faust, chapitres 3 et 6, et livre 6 de la trinité, chap 13), saint Cyrille (livre thes. Chap 5), saint Grégoire (homélie 8 sur Ézéchiel), saint Athanase (discours 2 contre les ariens), Victorin (livre 1, contre l’arien Idacium, livre 1 contre Vadimadum, Cassien, livre 3 de l’incarnation, et tous les autres.



Érasme dit, au même endroit, que saint Paul n’a pas écrit es ôn, mais o ôn. Mais cela n’est pas concluant. Car qui ignore que l’article prépositif est souvent employé à la place du post positif, et que ce qui est ajouté au participe a la valeur d’un relatif ? Dans saint Matthieu, pour ne citer que ce passage, nous lisons au chapitre 6 : « Notre Père, o (qui) en (es) tois ouranois (dans les cieux),



On trouve le huitième témoignage dans l’épitre aux Galates, chapitre 1 : « Je vous fais connaître l’évangile, car il n’est pas selon l’homme, et ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu et appris, mais par la révélation de Jésus-Christ ». Et, au début de cette épitre : « Paul apôtre, ni par les hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ, et Dieu le Père. » Dans ce passage, saint Paul oppose le Christ aux hommes. Ce faisant, il enseigne donc que le Christ n’est pas un pur homme, comme le veulent les transylvaniens, mais Dieu, comme Dieu le Père. Il ne l’oppose pas seulement aux hommes, mais aux anges, et donc, à toutes les créatures. Car il ajoute : « Même si un ange du ciel vous enseignait un évangile autre que celui que je vous ai prêché, qu’il soit anathème. » Il est clair comme le jour que, dans ce passage, saint Paul sépare le Christ en le mettant au-dessus de toutes les créatures, qu’il le réunit plutôt à Dieu le Père, et qu’il enseigne que Dieu est créateur.



Le dixième témoignage vient de l’épitre aux Philippiens 2 « Lui qui, comme il était dans la forme de Dieu, n’a pas jugé un vol d’être égal à Dieu, mais il s’est anéanti lui-même, prenant la forme de l’esclave ». Il semble qu’est clairement expliqué, ici, que le Christ est vrai Dieu, puisqu’il a la forme, c’est-à-dire la nature de Dieu, et que, selon cette forme, ce n’est pas par une usurpation, mais par la nature qu’il est égal à Dieu. Mais accourent les ariens, les transylvaniens, et Érasme. Or, pour procéder avec méthode, expliquons d’abord ce que c’est que « la forme de Dieu ». Ensuite, que ce n’a pas été pour lui un vol de se considérer égal à Dieu. Parlons d’abord de la « forme ». Érasme et Franciscus (dispute 2, Alb), soutiennent que la forme signifie ici les œuvres extérieures dans lesquelles reluisait la divinité. Mais ils n’expliquent pas cela de la même façon. Car, Franciscus voulait qu’on dise que le Christ est la forme de Dieu parce qu’il était l’image visible dans laquelle on voyait le Dieu invisible. Que le mot « forme » signifie l’aspect extérieur, il le prouvait par le Deutéronome : « Vous avez entendu la voix des paroles, mais vous n’avez vu aucune forme ». Érasme, lui veut que le Christ ait été dans la forme de Dieu parce qu’il faisait extérieurement des œuvres divines. Et il le prouve en opposant la forme de Dieu à la forme de l’esclave, qu’il dit avoir été reçue par le Christ. Le Christ, selon lui, n’a pas reçu substantiellement la forme de l’esclave, car il fut toujours Fils et jamais esclave. C’est dans une espèce extérieure qu’il aurait reçu la forme de l’esclave, parce qu’il s’est humilité, et qu’il a permis qu’on le ligote et qu’on le flagelle. Et il prouve son explication par le commentaire de saint Ambroise.



Mais, selon le commentaire commun de tous les docteurs anciens et récents, la forme de Dieu signifie l’essence de Dieu. L’explication de Franciscus est une pure corruption du texte, car elle n’a pour elle personne, même pas Érasme. Car, Érasme prouve avec ce texte, la divinité du Christ. De plus, saint Paul ne dit pas que le Christ est la forme de Dieu, mais qu’il est dans la forme de Dieu. L’opinion d’Érasme est donc manifestement fausse. Car d’abord, le mot grec morphè n’a jamais, dans l’Écriture, le sens de forme extérieure, ou d’œuvre, comme s’en convaincra celui qui parcourra tous les textes. Saint Jean Chrysostome dit même que les autres écrivains grecs n’ont jamais employé ce mot dans ce sens. Le mot morphè a, parfois, chez Aristote, le sens de forme accidentelle, mais plus souvent substantielle, toujours d’une forme inhérente et intrinsèque, et jamais d’une action extérieure. Ce que Franciscus fait dire à 4 Deutéronome est inexact, car ce n’est pas le mot morphè que nous avons en grec, mais o moiôma, similitude, comme en hébreu. À tous les endroits où nous avons forma (forme) en latin, ce n’est pas morphè que nous avons en grec, mais eidos, tupos, ou un autre mot semblable. Deuxièmement, si être dans la forme de Dieu signifie faire des miracles, les apôtres ont pu, eux aussi, être dans la forme de Dieu quand ils ont fait des miracles.



Troisièmement. La forme de Dieu, dans ce passage, s’oppose à la forme de l’esclave. Or, la forme humaine est la nature humaine, non une œuvre quelconque. Car, expliquant ce qu’est « recevant la forme de l’esclave », il ajoute « fait à la ressemblance de l’homme, et trouvé homme par sa condition ». Donc, il reçut la forme de serviteur parce qu’il apparut comme un homme parmi les hommes, semblable aux autres dans sa figure externe. Le mot habitus ne signifie pas ici vêtement, mais figure. Car le mot grec est skèma, et non esthès.



L’argument d’Érasme ne vaut rien non plus. Car, même si le Christ est Fils et non esclave, en ne considérant que l’hypostase, on a quand même raison de l’appeler serviteur à cause de la nature humaine. Car, comme, parce qu’il est Dieu et homme, on le dit égal au Père et inférieur au Père, immortel et mortel, Créateur et créature, on peut dire aussi qu’il est Seigneur et esclave, ou serviteur. Et c’est ainsi qu’il est appelé par Isaïe, chap 49. Saint Jérôme ( 1 chap à Tite) enseigne, au sujet de ce passage, qu’on a raison d’appeler le Christ serviteur à cause de sa nature humaine (Isaïe 42 : « Voici mon serviteur. Je le recevrai ». Matthaeus explique (Matt 12) que le mot hébreu employé signifie serviteur. Et le Christ n’a-t-il pas dit en saint Jean : « Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu ? ».



Enfin, tous les commentateurs, à l’exception de saint Ambroise, dont les commentaires de ce passage sont d’une authenticité douteuse, entendent tous, par forme de Dieu, l’essence de Dieu. En plus des commentateurs, nous avons saint Athanase (sermon 4 contre les Ariens), saint Grégoire de Naziance (discours 5 sur la théologie), saint Grégoire de Nysse (dans son livre sur la montagne, expliquant le première béatitude), saint Hilaire (dans le psaume 138, et au livre 8 sur la trinité, passé le milieu), saint Cyrille (livre 3, thes chap 1 et 2), saint Jérôme (1 chap à Tite), saint Augustin (livre 2, chap 5 contre Maximin). Ensuite saint Ambroise lui-même, dans l’épitre 47 : « Que veut dire la forme de Dieu ? La nature de Dieu ». Il dit la même chose dans le livre 2, chap 4 de la foi. Il est donc fort probable que les commentaires qui lui sont attribués ne soient pas de lui. Quel qu’en soit l’auteur, on ne trouve rien là qui joue en faveur des hérétiques, car ce pseudo Ambroise dit clairement que le Christ est vrai Dieu et égal au Père.



Quant à l’autre partie de la phrase (ce n’est pas un vol), Franciscus David (dispute 2, alb) soutient que le Christ est égal à Dieu le Père, parce que Dieu l’a haussé à son égalité. Mais, cela est contraire à l’Écriture (Isaïe, chap 42) : « Je suis le Seigneur, et ma gloire je ne la donnerai pas à un autre ». Et de plus, il est impossible qu’une créature devienne égale au Créateur, car elle est nécessairement finie, temporelle. C’est pourquoi, le même Franciscus (dispute 4) voyant que ne tenait pas debout ce qu’il avait d’abord proposé, enseigna ensuite que le Fils n’était pas égal au Père en dignité, puisque le Fils adore le Père, et que le Père n’adore pas le Fils; mais qu’il était quand même égal au Père, parce qu’il a la toute puissance qui lui a été communiquée par Dieu le Père. Mais je lui demande, comment a-t-il la toute puissance ? Est-ce intrinsèquement, de façon à ce que l’homme Christ soit tout- puissant; ou extrinsèquement, par l’inhabitation, parce qu’il y a un Dieu tout-puissant qui habite en lui ? Si c’est de la première façon, on débouche sur la même impasse, car si cet homme a intrinsèquement la puissance infinie, donc, l’essence infinie, il est le même unique Dieu que le Père. Si c’est de la deuxième façon, saint Paul parlerait pour ne rien dire, car tous les justes seraient égaux à Dieu, puisqu’ils ont, eux aussi, un Dieu qui habite en eux.



Parce que cette explication ne cadre pas, les ministres transylvaniens (livre 2, chap 6) ont prétendu que saint Paul n’a jamais dit que le Christ était égal à Dieu, mais plutôt le contraire; que le vrai sens était : il ne voulut pas faire un vol en se prétendant égal à Dieu. Comme Érasme a commenté ce texte, et l’arien Maximin avant lui (saint Augustin, livre 2, chapitre 5). Et ils donnent comme preuve le mot « mais », Si nous lisons le texte, disent-ils, en donnant au mot « mais », son sens d’opposition, la phrase que nous traduisons ainsi : « c’est avec raison que le Christ s’est cru égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même », signifie véritablement : le Christ ne pensa pas à usurper l’égalité avec Dieu, mais, au contraire, il s’est anéanti lui-même. Voilà, pour eux, le meilleur sens possible.



Ils vont aussi chercher une preuve chez Tertullien qui, dans son livre sur la trinité, a dit : « Bien qu’il se rappelât qu’il était Dieu de Dieu le Père, il ne s’est jamais comparé à Dieu le Père ». Mais c’est le contraire qui est vrai. Il faut d’abord se rappeler que tous les Pères cités plus haut ont enseigné que le Christ est égal au Père, non par une usurpation, mais par nature. Ensuite, c’est le sens naturel de ce passage, à moins qu’on ne lui fasse violence. Troisièmement, si être dans la forme de Dieu veut dire être dans l’essence de Dieu, comme nous l’avons dit plus haut, saint Paul ne pouvait pas dire que le Fils n’était pas égal au Père, puisqu’il avait déjà dit qu’il était dans l’essence de Dieu.



Je réponds à l’objection tirée du « mais », que ce mot (sed, en latin, et alla en grec) a plusieurs sens. Il a parfois le sens d’une correction, et c’est de cette façon que le comprennent saint Jean Chrysostome, Théodoret, Théophylactus et Oecuméniius. Ces Pères, qui connaissaient parfaitement la langue grecque, voyaient dans le mot alla (mais) une note de correction, d’où le sens qu’ils lui donnaient dans ce passage : comme le Christ était dans la forme de Dieu, non seulement il ne pensa pas que c’est une rapine de s’égaler à Dieu, mais il n’hésita pas à dissimuler sa divinité, et à déposer certains insignes de son égalité, car il était certain de ne pas pouvoir la perdre, puisqu’elle lui était naturelle. Pour bien illustrer la chose, ils donnent les exemples d’un roi et d’un tyran. Celui qui sait qu’il est un roi véritable et légitime ne vit pas dans la crainte. Il dépose facilement ses vêtements royaux pour revêtir un habit du commun, ou par plaisir, ou pour plus de sûreté dans le combat. Il ne craint pas que ce changement d’habit lui fasse perdre son royaume. Mais le tyran qui a usurpé le pouvoir royal n’ose pas, même pas pendant quelques minutes, paraître sans couronne et sans sceptre, de peur qu’on ne le reconnaisse plus pour le roi si on l’aperçoit habillé comme un de ses sujets, et qu’il perde son royaume.



Les latins donnent au mot « mais » le sens d’opposé, Et il équivaut, à peu près, à cependant, toutefois, par contre. C’est ainsi que l’entend saint Augustin (dans le livre 2 contre Maximin, chap 5) : « Comme il était dans la forme de Dieu, il ne considéra pas que c’est un vol de s’égaler à Dieu, mais cependant, il s’est anéanti. C’est-à-dire : bien qu’il soit égal à Dieu, il n’eut cependant pas en horreur la forme de l’esclave. » C’est ainsi que commente saint Ambroise : « Même s’il était égal à Dieu, il ne s’est cependant pas interdit l’égalité, mais il s’est anéanti, c’est-à-dire qu’il ne voulut pas prétexter son égalité avec Dieu, qu’il possédait naturellement, pour récuser l’humilité de la passion et de la mort ».



J’ai deux choses à dire au texte de Tertullien cité. D’abord, le livre sur la trinité qui est attribué à Tertullien, n’est pas de lui, mais plutôt d’un novatien, comme saint Jérôme l’affirme (au livre 2 contre Ruffin, et dans les écrivains ecclésiastiques à Novatien). Je dis ensuite que la phrase de cet auteur ne nous est pas contraire. Car il dit que c’est seulement à cause de l’autorité de l’origine que le Fils ne veut pas se comparer au Père, non à cause d’une différence de nature. En effet, au même endroit, il affirme clairement que le Fils a été dans la forme de Dieu parce qu’il est dans la nature de Dieu, et parce qu’il est comme son Père, au-dessus de tout. Mais, cependant, parce qu’il est du Père, et que le Père n’est pas du Fils, il aura toujours à rendre hommage au Père. Cela n’est pas seulement la pensée de Tertullien, mais de saint Hilaire (livre 9 de la trinité), de saint Basile (livre 1 contre Eunome), de saint Grégoire de Naziance (livre 4, Thélogie), et de saint Cyrille (livre 2, thes, chap 3). Tous ces pères, en parlant du Fils de Dieu, enseignent que c’est non seulement en tant que fils de l’homme, mais même en tant que Fils de Dieu, qu’il considère que le Père est plus grand que lui. Car, ils disent que le Père est plus grand en raison du principe, mais que, cependant, à cause de l’identité de la nature, le Fils ne lui est pas inférieur.



La onzième citation est de Jean 1 : « Il y a en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, et ces trois sont une même chose. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’Esprit, l’eau et le sang. Dans ce passage, saint Jean veut montrer que le Christ est le Vrai Dieu et un vrai homme, et c’est pour cette raison qu’il présente des témoignages divins et humains, Quand il dit, « dans le ciel », il ne pense pas à un lieu céleste, mais à la qualité du témoignage. Car, les anges aussi sont dans le ciel, et ils n’ont pas rendu témoignage au Christ une seule fois; et saint Jean ne place dans le ciel que trois témoins, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit. Par témoins qui sont dans le ciel, il entend donc des témoins divins, qu’il distingue des témoins humains et créés. Et c’est pour cela qu’il dit un peu après : « Si vous recevez le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand ». Donc, comme l’esprit, l’eau et le sang sont des témoignages terrestres et ont démontré la véritable humanité du Christ, quand, à la mort du Christ, l’esprit sortit de sa bouche, et l’eau et le sang coulèrent de son côté, de la même façon, le Père, le Verbe et l’Esprit saint sont trois personnes divines, et ils ont rendu témoignage à la vraie divinité du Christ, souventes fois, et en particulier au baptême et à la transfiguration.



Mais Georges Blandrata (dans la dispute 2 Alb) a des objections à faire. Il dit d’abord que ces paroles (il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel) on ne les lit dans aucun auteur, à l’exception de saint Jérôme, lequel en eut un peu honte. Deuxièmement, on ne dit pas autrement du saint Esprit, de l’eau et du sang qu’ils sont un qu’on le dit du Père, du Verbe et du Saint-Esprit. Or, comme l’Esprit, l’eau et le sang ne sont pas numériquement une chose, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas non plus une seule chose par le nombre ou l’espèce, mais par l’union des volontés. Je réponds en disant que Blandrata n’est pas peu honteux mais grandement impudent. Car, il n’est pas non seulement impudent et incompétent, mais menteur quand il dit qu’il n’a lu cela que dans saint Jérôme. Car c’est ce que lit aussi Higin dans l’épitre 1, saint Cyprien dans son livre sur l’unité de l’Église, Idacius dans son livre contre Varimadum, saint Athanase dans son livre 1 à Théophile sur l’unité dans la divine trinité, l’auteur de la dispute de ce même Athanase avec un arien, laquelle a eu lieu au concile de Nicée, saint Fulgence dans son livre contre les ariens, vers la fin, et Eugène de Carthage dans l’explication de la foi catholique.



En ce qui a trait a « et ces trois sont un », il faut savoir que ces mots ne se trouvent pas dans les codex latins, quand il est question de l’Esprit, de l’eau et du sang. Car dans des bibles de Louvain, on a noté en marge 15 manuscrits qui n’ont pas ces mots. Les manuscrits grecs les ont, mais autrement. Car, pour le Père, le Verbe et le Saint-Esprit, on lit « et ces trois sont une seule chose ». Mais pour l’autre trinité formée du Saint-Esprit, de l’eau et du sang, on lit : « mais ces trois sont dans une seule chose ». Tu vois donc clairement qu’on ne dit pas là que l’Esprit, l’eau et le sang sont une seule et même chose, mais concourent à donner un seul et même témoignage.



La douzième citation est de Jean 1, 5, dans ses derniers mots : « Pour que nous soyons dans son vrai Fils, lui qui est le vrai Dieu et la vie éternelle ». Mais, il y a un seul vrai Dieu. Or, les transylvaniens (livre 2, chap 5), disent que vrai Dieu est le nom propre du Père. Donc, le Christ est le même Dieu que le Père. Les transylvaniens, ces nouveaux samosatiens (livre 2, chap 4 rt 7) ainsi que Servet (dans son livre sur la trinité) répliquent que le Christ est le vrai Dieu, mais temporellement, car c’est dans le temps qu’il a reçu de Dieu la véritable divinité. Mais cela, nous l’avons déjà réfuté ailleurs. Pour qu’une créature puisse être dite vrai Dieu, ce n’est que dans l’hypostase qu’elle peut être unie avec Dieu. Car une union accidentelle ne pourrait pas faire en sorte que la créature adhère intrinsèquement à Dieu, puisque, la chose est bien connue, elle dépendrait alors du sujet. La créature ne peut pas non plus s’unir à Dieu dans l’essence, comme l’âme avec le corps, et la forme substantielle avec sa matière, car elle serait alors une partie d’un tout. Une union extrinsèque ne suffit pas, bien entendu, à l’appellation du nom de Dieu.



Mais Servet nous oppose le texte suivant de l’Apocalypse 5 : « L’Agneau est digne de recevoir la vertu et la divinité, » Je réponds que quelques-uns lisent richesses et non divinité (divitias au lieu de divinitas), comme Primasius. Car, en grec, nous avons ton ploiton (richesse). Mais la vulgate latine a quand même un sens excellent. Car, on peut entendre par divinité, la manifestation de la divinité, non la divinité elle-même. En commentant ce texte, Érasme s’évertue à renvoyer au Père les mots « il est le vrai Dieu », de la façon suivante : Pour que nous soyons dans son vrai Fils. Celui-ci, le Père de ce Fils, est le vrai Dieu. Mais il aurait du citer au moins un Père qui explique le texte de cette façon. De plus, le démonstratif « celui-ci » désigne plutôt une personne rapprochée qu’une personne éloignée. Et il y a surtout que dans le grec, ce « celui-ci » précède immédiatement le nom de Jésus-Christ (texte grec).



De plus, c’est du Fils que parlent les Pères. Saint Hilaire (au livre 6 de la trinité, passé le milieu), après avoir cité ce texte, ajoute 17 lignes : « Et comme celui-ci est pour nous le vrai Fils de Dieu et la vie éternelle » etc. Il voit donc le Fils dans ce « celui-ci », quand il dit que c’est lui qui est la vie éternelle. Saint Jérôme (dans le chapitre 65 d’Isaïe « il jurera en Dieu amen ») dit que ce n’est pas seulement le Père qui est le Dieu amen, c’est-à-dire, le vrai Dieu, mais aussi le Fils, et il le prouve en citant notre passage : « celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle ». Saint Augustin (dans son livre sur la trinité 1, chap 6) dit : « Le Fils n’est pas seulement Dieu, mais il est le vrai Dieu. C’est ce que saint Jean dit clairement dans son épitre : nous savons que le Fils de Dieu est venu et nous a donné de comprendre : Celui-ci est le vrai Dieu etc ». Saint Cyrille (livre 12, thes, chap 13) parle ainsi de ce texte : « Que diront les hérétiques de ces paroles de saint Jean qui déclarent clairement que le Fils est le vrai Dieu ? Car s’il est Dieu substantiellement, il ne l’est pas participation, comme les créatures. Celui qui est vrai Dieu est Dieu par nature ». Bède le vénérable et Oecuménius expliquent le texte de la même façon.



Convaincus par la force de ce texte, les eunomiens du passé, comme le rapporte saint Grégoire de Naziance (discours 3 sur la théologie) ont finalement admis que le Fils était vrai Dieu, mais de façon équivoque, comme le chien terrestre et le chien céleste sont des chiens de façon équivoque, mais véritablement et proprement. Cette opinion est facile à réfuter. Car c’est d’une équivoque parfaite que parle Eunomiux, ou d’une analogie quelconque ? S’il parle d’une équivoque parfaite, comme celle qui existe entre les noms de choses de même espèce, alors le Père ne sera pas plus Dieu, ou un plus grand Dieu que le Fils, ou un Dieu qui lui est antérieur, comme Judas Iscariote n’est pas plus homme ou un plus grand homme que Jude Thaddée. De plus, il y aurait alors plusieurs vrais Dieux, comme Judas Iscariote et Jude Thaddée son plusieurs vrais hommes. Mais l’Écriture n’enseigne qu’un seul Dieu. S’il est question d’une simple analogie, alors le Père ou le Fils ne sera pas vraiment, proprement Dieu, comme un homme peint n’est pas proprement et véritablement un homme. Le chien céleste n’est pas vraiment et proprement un chien, mais on lui donne ce nom parce qu’il ressemble à un chien terrestre. Or le Christ est le vrai Dieu, et le Père est le vrai Dieu. Ce n’est donc pas par la seule analogie que le Fils est Dieu.



Le treizième passage est de saint Jean 1 : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le verbe était Dieu. » Et : « tout a été fait par lui ». On tire de ce texte trois arguments. On tire le premier du nom « Verbe ». Car le Verbe, ou le Logos, est un produit de l’esprit, ou une connaissance ou un concept. En tant qu’il est conçu en nous par l’esprit, on ne l’appelle pas fils, parce qu’il n’est qu’un accident. Cependant, cette production est très proche de la génération. Car l’esprit intelligent tient lieu de père, l’objet de mère, et l’espèce d’une sorte de matière de la génération fournie par la mère. Donc, de l’union de l’esprit et de l’objet, par la médiation de l’espèce, nait une connaissance ou un verbe. Il faut tout de suite noter, comme même un Aristote l’enseigne, que sont une seule et même chose, en Dieu, l’être intelligent, l’intelligence, l’acte de compréhension et l’espèce intelligible, à l’exception des relations mutuelles entre ce qui produit et ce qui est produit. Il découle de cela que le Verbe de Dieu est semblable au Père, qu’il est de la même substance, de la même nature que le Père numériquement.



Le deuxième argument, on le tire de ce que le Verbe est appelé Dieu. Car, en cet endroit, le Verbe de Dieu qui est le Christ est expressément appelé Dieu, et, sans doute possible, le même Dieu que le Père. Car saint Jean, dans tout ce chapitre, recommence une phrase avec le dernier mot de la phrase précédente. Il dit d’abord : au commencement était le Verbe. Pui, il ajoute : et le Verbe était auprès de Dieu. Comme tu le vois, il met le même mot à la fin de la première phrase, et au commencement de la deuxième. De la même manière, parce qu’il avait dit dans la seconde : « et le verbe était auprès de Dieu », il dit dans la troisième « et Dieu était le Verbe ». Il est dit, là, qu’est Dieu et celui auprès de qui était le Verbe, et celui qui était lui-même le Verbe. Il est permis d’observer la même chose dans ce qui suit : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; et la lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise.



Le troisième argument est dans les mots suivants : « tout a été fait par lui ». Il s’ensuit donc, comme le déduit saint Augustin (1 de la trinité, chapire 6) que le verbe n’a pas été fait, qu’il n’est donc pas une créature, et qu’il est donc un seul Dieu avec le Père. Car il n’y a que Dieu et les créatures qui existent.



Mais les ministres transylvaniens ont une réponse toute prête. (livre 2, chapitres 3 et 11), Ils disent que le Verbe, en cet endroit, signifie le Christ homme; qu’on le dit Verbe parce qu’il nous a annoncé les paroles de Dieu. Et voici ce qu’ils avancent comme preuve de leurs dires. Quand on lit « le Verbe s’est fait chair », on a dans le grec egeneto (est devenu), ce qui signifie était ou fut. Car on dit dans le même chapitre : « il fut un homme envoyé de Dieu, », et c’est encore le mot egeneto que nous trouvons. On retrouve encore le même mot dans Luc : « qui a été un prophète » : toujours egeneto. Le sens n’est donc pas que le Verbe a été fait ou est devenu homme par l’incarnation, mais que ce Verbe, dont ont dit tant de choses sublimes, n’est rien d’autre que de la chair, c’est-à-dire un homme quelconque. Comme on dit que saint Jean est une parole, pas parce qu’il est une voix incarnée, mais parce qu’il est un homme qui crie dans le désert.



Au deuxième argument tiré de la citation, Franciscus David (dispute 9. alb) et les ministres transylvaniens (livre 2, chap 11) répondent que c’est à bon droit que le Christ est appelé Dieu, mais qu’il n’est pas le même que le Père. Car, si on dit, là, que le Verbe était auprès de Dieu, ce n’était surement pas auprès du Père qu’il était. Car si le mot Dieu signifiait Père, on dirait, en affirmant que le Verbe était Dieu, que le Verbe était le Père. Et à l’argument tiré de « tout a été fait par lui », ils répondent qu’il faut entendre ce tout de la réparation effectuée par le Christ, qu’on a coutume d’appeler une nouvelle création. 2 Cor 5 : « Si donc il y a dans le Christ une nouvelle créature, les choses anciennes sont passées, voici que tout est fait nouveau ». Ephésiens 1 : « Tout instaurer dans le Christ, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre » Et au chap 2 : « Nous sommes sa créature, créés que nous sommes dans le Christ Jésus dans nos bonnes œuvres ». Mais ils se trompent. D’abord, l’idée qu’ils se font du Verbe est semblable à l’erreur des Eunomiens, que saint Cyrille a réfutée (livre 1 sur Jean, chapitres 4 et 7). Que disait donc cet Eunome ? Le Verbe qui est le Christ, n’est pas quelque chose d’éternel en Dieu ou de subsistant, mais quelque chose de créé. On le dit verbe parce qu’il est semblable au verbe intérieur, et comme son image, et parce que, écoutant les paroles de Dieu, il nous les a fait connaître.



Je vais réfuter l’erreur de l’un et l’autre. D’abord, parce que ce Verbe qui s’est fait chair, était Dieu, et le Dieu créateur de toutes choses. Il n’était donc pas créé. Ensuite, parce que ce Verbe était au commencement auprès de Dieu, avant que le monde ait été fait. Et jamais, dans l’Écriture, on ne dit qu’il a été fait. Enfin, si le Christ n’était que l’image de ce Verbe interne éternel qui est en Dieu, il n’aurait pas pu dire (Jean 10) : moi et le Père nous sommes une seule chose, mais moi et le Verbe nous sommes une seule chose.  Il n’aurait pas pu dire non plus (Jean 14) : celui qui me voit voit le Père, mais voit le Verbe. Pour en lire davantage, voir saint Cyrille au lieu cité.



Au sujet de l’argument tiré du mot grec egeneto (devenu), je réponds que ce mot est ambigu, et tellement qu’il signifie plutôt « devenir ». Comme on le voit dans Jean 2 : « on fit des noces (egeneto) ». Et au chapitre 1 : « et le monde a été fait par lui (egeneto). » Et plus bas, « devenu de l’eau vive ». Dans cette phrase, le mot egeneto signifie devenir, non être. Et le sens du mot egeneto apparait par le contexte. Car si le Verbe était avant la création du monde, il était surement avant la chair. Le verbe n’était donc pas chair quand il assuma la chair, mais c’est après qu’il a été fait chair. Deuxièmement, si saint Jean avait voulu dire « être » et non « devenir », il n’aurait pas dit « fut », mais « est », ou « était ». On dit « fut » uniquement de ce qui a été autrefois, et qui n’est plus maintenant. Or, le Christ est, maintenant, chair. Troisièmement, parce que les pères grecs (saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, Théophylactus, Euthymius) avaient une connaissance parfaite du sens réel des mots grecs, et ils ont tous traduit « a été fait », comme Érasme lui-même, et comme on le trouve dans les bibles de Vatable, que nos adversaires ont en grande estime.



Quant au second argument, saint Jean, comme nous l’avons déjà dit, dans ce chapitre, commence une nouvelle phrase avec les mots qui finissent la phrase précédente. C’est a ainsi que le mot Dieu est écrit deux fois avec la même signification. Et le sens est : le Verbe était auprès de Dieu, c’est-à-dire auprès du Père qui est Dieu, et Dieu était le Verbe. C’est-à-dire, ce même Dieu était aussi le Verbe. Ou, comme d’autres veulent, qui font de Dieu un prédicat et du Verbe un sujet : et le Verbe était ce même Dieu. Il importe peu que dans « auprès de Dieu », on trouve l’article « ton », et que dans « et le Verbe était Dieu », on ne trouve pas cet article. On se souvient qu’Origène usait de ce subterfuge pour conclure que le Père était plus grand que le Fils. Car, comme le note saint Jean Chrysostome (homélies 3 et 5 sur saint Jean), il arrive souvent que le mot Dieu, pris au sens de Père, n’a pas l’article (le to) : « Il fut un homme envoyé par Dieu. » Et plus bas : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ». Et il arrive même que le mot Dieu, pris au sens de Fils, soit précédé de l’article. (1 Jean, 5) : « Celui-ci est le vrai Dieu ». Et à Tite 2 : « L’avènement de la gloire du grand Dieu ».



Et quant à « tout a été fait par lui », je dis d’abord que l’explication des adversaires est tellement neuve qu’elle n’est venue dans la tête d’aucun des anciens. Il est facile de s’en rendre compte en lisant Origène, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Augustin, Théophylactum, Bède le vénérable, Rupert, Euthymius sur Jean. Je dis ensuite, qu’on ne doit pas entendre l’Écriture de façon métaphorique à notre fantaisie, mais seulement quand l’Écriture elle-même nous en donne l’occasion. Autrement, il serait facile de corrompre toutes les Écritures. Et on pourrait, pour une raison analogue, soutenir que dans le chapitre 1 de la Genèse, ce n’est pas la création qui est décrite, mais la révocation des choses. Ne nous contredisent pas les exemples allégués, car, en eux, il est clairement fait mention d’une rénovation, comme le constatera le lecteur. Mais ici, on dit simplement : « Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Je dis, enfin, que même si ce texte pouvait avoir l’un et l’autre sens, les adversaires ne pourraient pas prouver qu’on doive l’entente de la rénovation plutôt que de la première création. Car les raisons qu’ils apportent pour le prouver ne tiennent pas debout.



Voici en quoi consiste leur première preuve. Ils disent qu’il ne s’agit pas de la création, car, quand le monde a été créé, le Christ n’était pas encore né. Mais nous nions qu’il n’était pas déjà né de Dieu le Père, même s’il n’était pas encore né d’une mère. Quand les adversaires s’accordent d’avance ce qu’ils doivent prouver, ne font-ils pas une pétition de principe ? Ils disent ensuite que c’est au Père que l’Écriture attribue l’œuvre de la création. Mais, pas seulement au Père, au Fils également. Proverbe 8 : « J’étais avec lui disposant tout ». Et saint Jean, chap 1 : « Et tout a été fait par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui ». C’est comme s’il disait : tout n’a pas été fait par le Christ, mais seulement les choses qui se rapportaient à sa mission. Voilà les seules choses qu’il a faites. Mais cette restriction est ridicule. Car c’est comme s’il disait : toutes les choses faites par lui ont été faites par lui. Non, ce n’est pas cela qu’a dit saint Jean : « sans lui, rien n’a été fait de ce qui a été fait ». C’est-à-dire aucune chose n’a été faite sans avoir été faite par lui. Saint Jean ajoute cela à cause du Saint-Esprit, pour qu’on ne pense pas qu’il doive être inclus dans les choses qui ont été faites par le Verbe. Ajoutons que cette lecture du texte est probablement celle qu’adopte saint Augustin, pour lequel les mots « qui a été fait » n’appartiennent pas à la phrase précédente mais à la suivante. Ce qui donne : toutes les choses ont été faites par lui, et sans lui, rien n’a été fait. Ce qui a été fait avait la vie en lui, et la vie était la lumière des hommes. Saint Augustin sabote ainsi l’argument de notre adversaire. Faudra-t-il, pour des raisonnements captieux et fallacieux laisser tomber l’explication donnée par tous les Pères ?



Je dis en quatrième lieu que ce texte est expliqué par ce qui suit : « Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu ». Car nous avons ici que ce monde qui n’a pas connu le Christ a été fait par lui. Or, si la fabrication du monde n’était pas une création, mais une rénovation, il serait faux de dire que ce monde ne l’a pas connu, puisque la rénovation se fait par la foi et par la connaissance du Christ. Mais ils répondent avec entêtement que le sens est : Il était dans le monde, c’est-à-dire le Christ homme cohabitait avec les hommes, et le monde ne l’a pas connu, c’est-à-dire que ces hommes, au début, ne le connaissaient pas. Et le monde a été fait par lui, c’est-à-dire qu’il a enseigné aux hommes et qu’il en a fait de nouvelles créatures. Voici ce qu’on peut dire là contre. Les adversaires changent l’ordre des mots, car ils veulent d’abord que le monde ne l’ait pas connu, et que ce soit après cela qu’il ait été fait. Mais l’évangéliste dit d’abord que le monde a été fait par lui, et ce n’est qu’après qu’il note l’ingratitude du monde en disant : et le monde ne l’a pas connu. De plus, dans les Écritures, le monde signifie ou la substance du ciel et de la terre (Eccls 3), (« il livra le monde à leur dispute ») ou les hommes impies, amateurs du monde (Jean 12) : « le prince de ce monde sera chassé. » Jean 17 : « Je prie pour eux, non pour le monde ». Donc, quand on dit que le monde a été fait par lui, ou on donne au monde le sens de ciel et de la terre, comme l’expliquent les Pères, ou le sens sera : par le Christ ont été faits tous les hommes impies, ce qui est un énorme blasphème, quand on entend le mot monde au sens d’impies. Ce monde-là le Christ ne l’a pas fait, mais il l’a détruit, pour faire une nouvelle créature.



La quatorzième citation se trouve dans l’épitre aux Colossiens 1 : « En lui, ont été formées toutes les choses qui se trouvent dans le ciel et sur la terre, les visibles et les invisibles, comme les trônes, les dominations, les principautés, les puissances; toutes les choses ont été créées par lui et en lui, et il est avant tous, toutes les choses créées sont en lui, il est, lui, avant toutes choses, et toutes choses demeurent en lui ». Ce texte est plus clair que le précédent, car il explique quelles sont toutes ces choses que le Christ a créées et qu’il conserve. Et on dit que ce sont absolument toutes les choses terrestres et célestes, jusqu’aux anges les plus sublimes. On peut en déduire que le Christ n’est pas une créature, mais le vrai Dieu.



Les transylvaniens trouvent quand même moyen de répondre (livre 2, chap 12) ainsi que Franciscus David (dispte 7, alb). Ils prétendent que, dans tout ce chapitre, on appelle création la réparation spirituelle qui a été faite par le Christ. Ils donnent comme première preuve que c’est ainsi que l’explique Procopius au chapitre 1 de la Genèse, page 39. Ils disent ensuite que saint Paul enseigne que ce n’est pas le ciel et la terre que le Christ a créés, mais les choses qui sont dans le ciel et sur la terre, c’est-à-dire les anges et les hommes qu’on dit qu’il a créés quand il les a pacifiés et réconciliés entre eux.



Au contraire. Tous les interprètes voient dans ce passage la première création. Voilà pourquoi, après avoir fouillé toutes les bibliothèques, nos adversaires ne purent trouver qu’un seul auteur du nom de Procopius, meilleur rhéteur que théologien, qui n’a pas commenté cette épitre, mais qui, en écrivant sur la genèse, a cité, pour illustrer son propos, une phrase de cette épitre, sans tenir compte ni de ce qui précédait ni de ce qui suivait. Et pour qu’ils ne se glorifient pas d’avoir trouvé un complice dans leur erreur, il est à noter que le même Procopius, dans le folio précédent, quand il expliquait : « faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » a anathématisé ceux qui niaient les trois personnes d’une même essence. Et un peu après, il ajouta : « Le Christ a revêtu la chair humaine pour rétablir et guérir l’homme qu’il avait créé. » Donc, quand un peu après, il dit que, selon les Colossiens, toutes les choses ont été créées dans le Christ, et quand il explique le mot instaurare, il veut dire que le Christ a restauré ce qu’il avait créé avant.



Je le prouve ensuite par ce qui précède. Car, il avait dit que le Christ est le premier né de toute créature, c’est-à-dire qu’il a d’abord été engendré par le Père, avant la création d’aucune chose, comme l’expose correctement saint Jean Chrysostome. Et pour le prouver, il ajoute : « Car en lui sont formées toutes les choses ». Comme si former signifiait restaurer ! Paul ne prouverait rien, car on ne peut pas raisonner ainsi : il a restauré toutes les créatures, donc il a été avant toutes les créatures. Car combien de fois des architectes n’ont-ils pas restauré des édifices qui avaient été construits plusieurs années avant leur naissance ? Donc, pour prouver correctement que le Christ a été le premier né de toutes les créatures, il n’est pas nécessaire de traduire instauravit par restaurer, mais il suffit de le traduire par créer.



On raisonne, en troisième lieu, d’après ce qui suit. Car, après que saint Paul eut dit que tout avait été créé par le Christ, il ajouta un autre titre au Christ en disant qu’il est la tête de l’Église et le premier né d’entre les morts, qu’il a tout instauré par lui-même, et que, par sa croix, il a établi la paix entre les anges et les hommes. À moins qu’on fasse de saint Paul quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il dit, et qui répète toujours la même chose, il faut reconnaître que dans la première partie du chapitre, il traitait de la création, et dans la deuxième de la réparation. Quatrièmement, je le prouve pas le contexte. Car, il dit que tout a été créé par le Christ, même les trônes et les dominations, Mais les anges ne furent pas rénovés par le Christ, eux que le péché n’avait pas vieillis. Il est vrai qu’on dit qu’ils ont été pacifiés avec les hommes, mais pacifier ne signifie pas former ou créer, et on ne peut tirer de cela aucun exemple de l’Écriture.



Il ne faut pas voir comme une objection le texte suivant de saint Paul aux Éphésiens 1, ou il est dit que tout a été instauré par le Christ, tout ce qui est dans le ciel, et tout ce qui est sur la terre. Car le mot grec (anaxefalaiousthai) signifie récapituler, et le sens est : Dieu a voulu unir les anges et les hommes sous une seule tête, le Christ. Et si nous acceptions le mot latin instaurare (restaurer) dans son sens propre, le sens serait alors : Dieu a voulu restaurer dans les cieux par le Christ, non les anges eux-mêmes, qui n’avaient pas besoin de restauration, mais le nombre diminué des anges par la chute des démons, comme l’explique saint Augustin (Enchir chap 61, et 62) où il dit que le Christ n’est pas mort pour les anges. Et, au chapitre 108, il dit que les hommes n’auraient pas eu besoin du Médiateur et de son sang, si Adam n’avait pas péché. Mais ce qu’on dit ici c’est que les anges ont été faits et créés par le Christ. Il s’agit donc de la vraie création, non de la réparation.



La quinzième citation vient de l’épitre aux Hébreux 1, où il est dit du Fils : « Par qui il a fait aussi les siècles ». Et, plus bas : « Toi, Seigneur, au début tu as fondé la terre, et les cieux sont les œuvres de tes mains ». Voilà ici exprimé le plus clairement du monde ce que requéraient nos adversaires dans les deux textes précédents, à savoir que le Christ ait fait le ciel et la terre, et que, en conséquence, il n’est pas une créature, mais l’unique créateur avec le Père. Les ministres transylvaniens (livre 1, chapitre dernier) et Franciscus David (dispute 3, Alb) répondent que, par siècles, il faut entendre les nouveaux siècles, c’est-à-dire la réparation du genre humain. J’ai à répliquer à cela, qu’en expliquant, au chapitre 11, ce que c’était que faire les siècles, saint Paul, a dit : « Nous comprenons par la foi que les siècles ont été modelés sur la parole de Dieu, pour que les choses visibles viennent des invisibles ». Passage qu’on ne peut entendre que de la première création des cieux. Voir plus haut, chapitre 4.

[13 mai 2017 fin]





[24 mai 2017 début]

CHAPITRE 7 : 4e catégorie : les noms du vrai Dieu

Le premier nom divin est Dieu, duquel on peut tirer un argument qui n’est pas de peu de poids. Car l Écriture n’a coutume d’appeler Dieu que le vrai Dieu, comme saint Irénée le note (livre 3, chap 6) : « Ni le Seigneur, ni l’Esprit Saint, ni les apôtres n’ont donné le nom de Dieu, à qui n’était pas dieu. Ils n’ont employé ce mot que pour le vrai Dieu ». Et dans le chapitre 8 : « Une fois réfutée leur calomnie, il est facile de montrer que jamais les prophètes ou les apôtres n’ont donné le nom de Dieu ou de Seigneur à d’autre qu’au seul et vrai Dieu ».



Érasme (au chapitre 5 de son commentaire sur la lettre aux Éphésiens), note que c’est « le Père qu’il faut entendre à chaque fois qu’on emploie le mot Dieu absolument ». Cette remarque d’Érasme est fausse, comme on le verra bientôt clairement. Mais, il me plaît de noter sa pensée pour établir solidement, même avec le témoignage d’un adversaire, que le mot Dieu absolument pris, ne convient qu’au vrai Dieu. Mais même sans le témoignage de saint Irénée et d’Érasme, ce mot parle par lui-même. Car, comme il n’y a rien que l’Écriture ne répète plus souvent que l’existence d’un seul Dieu, ne se contredirait- elle pas elle-même si elle donnait absolument ce nom non seulement au vrai Dieu, mais à n’importe lequel autre dieu ? Isaïe 9 : « Son nom sera appelé admirable, Dieu, fort etc. » Saint Jean, 20, ou saint Thomas s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Les actes des apôtres 20 : « Prenez soin de vous et de tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis les épiscopes, pour régir l’Église de Dieu qu’il a acquise par son sang. » Romains 9 : « Le Dieu qui est au-dessus de tout ». Apocalypse : « Seigneur Dieu tout puissant qui était, qui est, et qui viendra ». Saint Jean 1,3 : « C’est en cela que nous avons connu la charité de Dieu, parce qu’il a déposé son âme pour nous ». Comment donc n’est-il pas le vrai Dieu celui qui est si souvent présenté absolument dans les Écritures ? Et comment concilier le fait qu’on appelle le Christ Dieu absolument, avec ce qui est dit dans l’Exode 20 : « Vous n’aurez pas de dieux étrangers devant moi » ? Et aux Corinthiens 1, 8 : « Pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu. » Comment peut-on dire tout cela si le Christ n’est pas un seul Dieu avec le Père ?



Un autre nom, et qui est très propre à Dieu, est celui que les Grecs appellent le tétragmaton. C’est ce que nous lisons dans Exode 15. On le traduit en latin par son nom tout-puissant. Mais en Hébreu, ce n’est pas le mot tout-puissant que nous avons, mais ineffable. Les transylvaniens sont tellement persuadés que ce nom seul convient à Dieu qu’ils affirment (livre 1, chap 7) qu’il appartient en propre à Dieu le Père; et que les autres noms comme Elohim, Sadai, Adonai sont donnés aussi au Christ, aux anges, et aux choses créées. Nous avons donc à prouver que le nom qui n’appartient qu’à Dieu convient parfaitement au Christ. Jérémie, chapitre 3 : « Et je susciterai David, juste germe, et il règnera en roi, et il sera sage ». Et plus bas : « Et voici le nom qu’on lui donnera : Seigneur, notre juste ou notre justice ». Personne ne nie que cela ne se rapporte au Christ.



Mais les rabbins répondent que ce passage ne parle pas du Christ, mais du temps du Christ. Il signifierait donc qu’à cause du Christ lui-même, les hommes connaîtront que le Seigneur Dieu est notre justice. Comme l’Exode 13 le dit : « Moïse a dressé un autel, et a invoqué son nom : Seigneur mon exaltation ». Et dans Ezech à la fin : « Et on donnera pour nom à Jérusalem : le Seigneur est là ».



Mais il est facile de réfuter tout cela. Car, il est vrai qu’il ne fallait pas appeler le Christ « Seigneur notre justice », comme si ce nom lui appartenait en propre. Mais, on déduit quand même de ce passage, qu’il est vrai Seigneur (mot hébreu), car c’est de lui, non du Père, qu’il est dit « Seigneur notre justice ». C’est lui, en effet, qui a satisfait pour nous à la justice divine. C’est pourquoi on dit dans Isaïe 53 : « Dans sa science, mon serviteur justifiera plusieurs. » Et 1 Cor 1 : « Qui a été fait pour nous sagesse et rédemption ». De plus, ni l’autel ni Jérusalem n’ont droit à ce mot au sens propre. Mais le Christ en reçoit le nom dans Isaïe 40 : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur ». Que le mot hébreu soit bien Seigneur, et que ces mots s’appliquent à saint Jean-Baptiste, tous les évangélistes l’attestent (Matt 3, Marc 1, Luc 1, Jean 1). Et le Christ est souvent appelé de ce nom dans plusieurs passages d’Isaïe, de Zacharie et des psaumes, expliqués dans la première et la deuxième catégories d’arguments.



Il y a, en plus, le nom qui a été déduit du passage de l’Exode 3 : « je serai celui que je serai », ou, comme on le traduit, « je suis celui qui suis ». Car, une fois ajoutée la lettre formatrice d’un nom propre, le iod, on obtient (mot hébreu), mot qui signifie proprement celui qui est la source de l’être, et qui, ne recevant pas l’être des autres, donne l’existence à toutes choses. Voilà pourquoi il y en a qui enseignent que ce verbe, s’il faut à tout prix le conjuguer, sera mieux rendu par le mot ihie, c’est-à-dire « sera ». C’est ainsi (mot hébreu) qu’on peut le lire plutôt que par le mot Jéhova qui a été inventé récemment. Et nous voyons qu’on dit du Christ ce que ce nom signifie. Donc, ce nom lui-même lui convient. On dit dans l’Apocalypse 1, 4, et 11 : « Qui est, qui était et qui viendra ». Et dans Jean 13 : « Je vous le dis d’avance avant que cela n’arrive, pour que vous croyiez que je suis ». Dans la version des septante, ce mot est toujours rendu par kurios, et dans la traduction de saint Jérôme, par Seigneur. Or, les évangélistes donnent au Christ le nom de Seigneur au sens propre. Et lui-même se le donne à lui-même : « Vous m’appelez maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis ».



Le Très-Haut. Nom qui appartient au seul vrai Dieu. Psaume 82 : « Tu es le seul Très-Haut sur toute la terre ». Mais les transylvaniens prétendent que c’est ce nom qui distingue le Père du Fils et du Saint-Esprit, et qui en fait le seul vrai Dieu. C’est exactement ce que disaient autrefois les ariens, au témoignage de saint Jérôme, dans son commentaire du psaume 86. On constate pourtant que ce nom a été attribué au Christ par David, dans le psaume 86 : « Un homme est né en elle, et c’est le Très-Haut qui l’a fondée » C’est au Fils qu’attribuent ce passage saint Jérôme, saint Augustin et les autres commentateurs. Zacharie attribue au Christ le même nom, Luc 1, au témoignage de Bède le vénérable; et les paroles parlent suffisamment par elles-mêmes : « Toi, enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu iras avant lui devant la face du Seigneur pour préparer ses voies. » Saint Jean est présenté ici comme prophète du Très-Haut, parce qu’il le précèdera pour lui préparer la voie. Il a marché devant le Christ, devant nul autre.



De plus, comment est-il donné au Christ un nom au-dessus de tout nom (comme saint Paul le dit aux Philippiens 2) si on ne peut pas lui donner le nom de Très-Haut ? Le même Paul écrit aux Romains 9 : « De qui est le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu, ». Cela peut-il signifier autre chose que le Christ est le Dieu Très-Haut ? Seul le Très-haut est au-dessus de tout.



Invisible. Nom tout à fait propre au vrai Dieu. Car, même si dans le symbole nous disons que Dieu est le Créateur des choses visibles et invisibles, ce nom n’est quand même attribué qu’à Dieu. Timothée 1 : « À l’invisible, au seul Dieu, honneur et gloire ! » Et au chapitre 6 : « Qui habite une lumière inaccessible ». Voilà pourquoi les transylvaniens n’attribuent ce nom qu’au seul Père (livre 2, chapitre 5). Ainsi que les ariens d’autrefois, d’après saint Augustin (livre 3 contre Maximin, chapitre ultime). Et il est tout à fait vrai que seul Dieu est invisible, parce qu’il ne peut être vu que s’il se manifeste lui-même. Car les anges, bien qu’ils soient invisibles pour nous, ne peuvent pas se cacher aux autres anges et à Dieu. Mais le Fils est invisible absolument parlant, comme le Père. Car on dit en Matt 11 : « Personne n’a connu le Fils si ne n’est le Père, et personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler ». Et aux Colossiens 1 : « L’image du Dieu invisible ». Même si le mot invisible est au génitif dans le grec, il n’en est pas moins dit image du Dieu invisible, parce que cette image elle-même est invisible. Étant semblable à l’exemplaire, elle est donc telle qu’il est. Apocalypse 19 : « Car il a un nom écrit que nul ne connait à part lui, et son nom est Verbe de Dieu ». Le Verbe de Dieu est donc quelque chose d’indivisible, du fait qu’il est seul à savoir ce que cela signifie, sans exclure pour autant le Père et le Saint Esprit, qui ont la même essence que Lui.



Il y a un autre nom qui est propre à Dieu, celui de Dieu de gloire, ou même de roi de gloire. Car le Dieu de gloire (actes 7) qui est apparu à notre Père Abraham, tous comprennent que c’est le Dieu d’Israël. Or, dans 1Corinthiens 2, il est dit du Fils : « S’ils l’avaient connu, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire ». Et, dans le psaume 33 : « Enlevez vos portes principales, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera ». Saint Justin applique ce passage au Christ dans son dialogue avec Triphon, saint Jérôme dans son chapitre 2 sur Zacharie, saint Ambroise dans son livre 4 de la foi, chap1, saint Augustin et les autres qui ont interprété ce psaume.



Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ce nom n’est attribué, lui aussi, qu’au seul vrai Dieu. 1Timothée 6 : « Qui seul est puissant, roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Or, on dit du Fils dans l’Apocalypse : « L’Agneau les vaincra, parce qu’il est roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Et au chapitre 19 : « Sur la jambe il a écrit roi des rois et seigneur des seigneurs. » Enfin, les transylvaniens attribuent au Père seul les mots un, vrai, seul, grand, père de tous. Car, au Deutéronome 6, il est écrit : « Le seigneur ton Dieu est un Seigneur unique ». Et en Jean 17 : « Pour qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu ». Deutéronome 32 : « Comprenez que je suis seul, moi, c’est-à-dire le Seigneur. » Job 36 : « Voici le grand Dieu qui triomphe de notre science ». Malachie 2 : « N’y a-t-il pas un seul Père de nous tous ? »



Or, toutes ces choses, on les dit également du Christ. 1 Cor 8 : « Il n’y a pour nous qu’un seul Seigneur Jésus-Christ ». 1 Jean 5 : « Celui-ci est le vrai Dieu ». La lettre de Jude : « Niant le seul dominateur, notre Seigneur Jésus-Christ ». Ce passage, les transylvaniens le citent de travers. Ils réfèrent au Père le seul dominateur, et au Fils notre Seigneur Jésus-Christ. Mais cette interprétation répugne à la langue grecque, car il n’y a qu’un seul article pour les deux noms. On ne peut donc pas référer à deux personnes différentes des choses qui sont unies par le même article. Tite 2 : « Attendant l’espoir bienheureux et l’avènement de la gloire de notre grand Dieu, et de notre Sauveur Jésus-Christ. »



Les transylvaniens, à la suite d’Érasme, réfèrent au Père le grand Dieu. Mais contredit cette interprétation l’unique article qui unit l’un et l’autre nom. C’est pourquoi saint Jean Chrysostome, saint Jérôme et d’autres pères de l’église n’attribuent ces mots qu’au Fils, car ils se rendaient comte qu’un autre sens ne cadrerait pas avec l’agencement des mots. De plus, ce n’est pas du Père dont nous attendons la venue, mais du Fils. Saint Paul dit, en effet, que nous attendons l’avènement de gloire, (hébraïsme) c’est-à-dire l’avènement glorieux du grand Dieu. Le Fils est donc le grand Dieu. Ensuite Isaïe 9 : « Un enfant nous est né, etc et il sera appelé admirable, conseiller …père du siècle futur. » Le Christ est le Père de nous tous. D’où Jean, 14 : « Je ne vous laisserai pas orphelins. » En Matt. 10. et en Jean 13, il appelle petits fils ses apôtres. Comme tous ces noms se rapportent au vrai Dieu, le Christ est donc le vrai Dieu.



CHAPITRE 8: 5e catégorie : les attributs de Dieu



Les principaux attributs de Dieu sont, d’abord, l’éternité. Genèse 21 : « Il a invoqué là le nom du Dieu éternel ». Et 1 Timothée 6 : « Qui seul a l’immortalité ». Le second est l’immensité. Psaume 144 ; « Le Seigneur est grand et excessivement louable, et à son immensité il n’y a pas de fin ». « Je remplis le ciel et la terre » Jérémie 23. Le troisième la puissance. 1 Timothée 6 : « Qui seul est puissant ». Le quatrième, la sagesse. Romain 16 : « Au seul Dieu sage ». Le cinquième, la bonté. Luc 16 : « Nul n’est bon que Dieu seul » Enfin, la majesté digne de culte. Deut 6 et Matt 4 « Tu adoreras ton Dieu, et tu le serviras lui seul ». Presque toutes ces choses, les ministres transylvaniens (livre 2, chapitre 5) les attribuent au Père seul. Si donc nous montrons que ces attributs conviennent au Fils, la preuve aura été apportée qu’il est, avec le Père, le seul et vrai Dieu.



Or, l’éternité est attribuée au Fils par les proverbes (7) : « J’ai été voulue de toute éternité ». Car ici, c’est la sagesse qui parle, mais pas la sagesse essentielle qui est tout à fait semblable à l’essence de Dieu : car elle n’est pas engendrée, celle-là. Une autre dit : « Avant toutes les collines j’étais enfantée. » Ce n’est pas une sagesse créée qui parle ici, car rien n’est créé de toute éternité. Et de plus, cette sagesse-là se distingue des créatures en disant : «Le Seigneur m’a possédée dès le commencement, avant que soit fait quoi que ce soit, au tout début ». Elle est donc nécessairement une sagesse engendrée, le Fils, de laquelle parle 1 Cor 1 : « Le Christ vertu de Dieu et sagesse de Dieu ».



Franciscus David (dispute Alb 2), et les ministres hongrois (livre 2 chap 6, 20) répondent à ceci que le livre des Proverbes n’est pas canonique. Mais c’est faire preuve d’une ignorance crasse inacceptable. Car personne n’a jamais eu de doutes sur ce livre, ni les Juifs ni les chrétiens, comme il appert du prologue de saint Jérôme à l’épitre aux Galates. Ce qui a induit en erreur nos adversaires c’est que la sagesse et l’ecclésiastique ne sont, ne sont reçus ni par les Juifs ni par les luthériens. Ils ont du penser que le même raisonnement valait aussi pour ce livre, puisqu’ils se servent du même argument, et ont coutume de l’attribuer ce livre à Salomon.



Nous avons aussi Michée 5 : « Et toi, Bethléem d’Ephrata, tu es petit parmi les milliers de Juda, De toi me sortira celui qui sera le Dominateur en Israël, et sa sortie est depuis le début, depuis les jours de l’éternité.» Même les scribes des Juifs comprirent que ce texte se rapportait au Messie (Matt. 2).



Franciscus David répond dans sa dispute 3 que ce sont les premiers six jours du monde qui sont appelés jours d’éternité, à cause de la succession continue. On dit que le Christ est sorti alors, parce que c’est à ce moment qu’a été faite la promesse de Dieu à Adam. Mais saint Jérôme, Théodoret, Rupert, et tous les autres commentateurs ont toujours vu dans ce passage la génération éternelle du Christ. Même un Valutablus, qui est fort estimé par nos adversaires. De plus, il n’y a rien qui leur permette de dire que ce sont les premiers jours qui sont appelés jour d’éternité à cause de la succession continue. Aucun exemple, aucune raison, aucun témoignage. Cela vaut aussi pour «  et sa sortie est depuis le début, depuis les jours de l’éternité ». Cette phrase ne peut signifier que la vraie nativité, car on trouve le même mot partout, autant en hébreu qu’en latin.



Nous avons aussi Jean 1 : « Au commencement était le Verbe ». Que veut dire « au commencement était le Verbe », si ce n’est que le Verbe n’a pas commencé à être, mais a toujours été. Les transylvaniens répondent (livre 2, chap 11) que ce « au commencement » ne signifie pas le début de la création des choses, mais de l’innovation qui est faite par le Christ. Voici quel est donc pour eux le vrai sens : « Au commencement de la rénovation de l’Église, le Verbe, c’est-à-dire le Christ homme était dans le monde, parce qu’il était déjà né de la Vierge Marie. Mais il était auprès de Dieu, parce qu’il était caché aux hommes et connu de Dieu seul, jusqu’à ce qu’il soit manifesté par Jean ». Mais à cette explication répugnent les mots : « Tout a été fait par lui ». Om a déjà parlé de cela plus haut.



Jean 8, nous fournit un autre texte, là où le Seigneur dit : « Avant qu’Abraham devienne, je suis ». Ce n’est pas tellement contre les Ariens que vaut ce texte que contre les samosatiens et les trransylvaniens, qui ne veulent pas que le Christ ait existé avant Marie. Voilà pourquoi Franciscus David (dispute 4) répond que le Christ a existé avant Abraham, mais dans des types, et en figure, et dans les diverses promesses de Dieu à l’effet qu’il serait envoyé. S’il en est vraiment ainsi, Jésus ne répond pas à la question posée (« tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? »), quand il dit : « avant qu’il devienne, je suis », c’est-à-dire j’ai vu Abraham, car, avant qu’il naisse, j’étais déjà. Il n’est que trop certain que s’il se cachait dans des figures, il ne l’a pas vu.



En plus de ceux-là, il y en a d’autres auxquels ils ne trouvent rien à objecter. Saint Jean 17: « Glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi-même, de la gloire que j’ai eue avant que le monde soit près de toi ». L’Écriture a coutume de décrire l’éternité par le « avant que le monde soit fait », ou « avant la constitution du monde », comme on le voit dans Éphés 1 : « Il nous a élus avant la constitution du monde ». Et Jean 17 : « Tu m’as aimé avant la constitution du monde. » Il y a aussi Hébr 7 : « N’ayant ni commencement des jours ni fin de vie » Et encore un autre aux Hébr 13 : « Jésus-Christ hier et aujourd’hui, et dans les siècles. » C’est-à-dire : il a toujours été, il est toujours et il sera toujours. C’est ce que l’apocalypse répète souvent (1,4, 11) : « qui était, qui est et qui viendra ». Et saint Jean dans sa première épitre, chapt 5 : « Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle ». Si le Christ est la vie éternelle, il ne peut certes pas ne pas avoir existé, ne pas exister de toute éternité, et ne pas être le vrai Dieu.



L’immensité est attribuée au Fils de Dieu dans Baruch 3 : « Il est grand, sans fin, élevé et immense ». Et un peu après : « Celui-ci est notre Dieu, et sera considéré pour rien tout autre qui s’oppose à lui. » Et un peu après : « Il a été vu dans les terres, et il a parlé avec les hommes ». Saint Augustin se sert de ce passage pour prouver contre Maximin (dans son dernier chapitre) que le Fils est immense. Il importe peu qu’on objecte que le prophète semble parler d’un grand lieu de Dieu, et non de Dieu lui-même, parce qu’il avait dit avant : « O Israël, comme elle est la grande la maison de Dieu, et immense le lieu de sa possession. » Et c’est tout de suite après qu’il ajoute : « Il est grand, et n’a pas de fin ». Car, comme le note Théodoret dans son commentaire de ce passage, il ne parle pas du lieu matériel, mais du lieu spirituel des saints, qui est Dieu lui-même; non d’une possession finie quelconque, mais de la possession du bien infini, qui est Dieu. Autrement, il serait faux de dire que la possession de Dieu est immense, et n’a aucune fin.



L’autre extrait vient de Jean 3 : « Nul ne monte au ciel que celui qui en est descendu, le fils de l’homme qui est dans le ciel. » Si le Christ (car il s’appelle fils de l’homme) était dans le ciel, quand il parlait sur terre, il était donc à la foi dans le ciel et sur la terre. Il n’était pas alors au ciel corporellement, puisqu’il disait qu’il devait monter dans le ciel. Il y avait donc, dans le Christ, en plus de la nature humaine, une autre nature qui ne peut être aperçue par les yeux des mortels, c’est-à-dire la divine, qui est immense, qui remplit le ciel et la terre.



On trouve un autre texte dans Matthieu 18 : « Là où seront deux ou trois réunis en mon nom, je serai au milieu d’eux ». Qui ne voit pas ici de l’immensité ? Car, pour être présent là ou deux ou trois sont réunis en son nom, il faut qu’il soit en même temps dans le ciel et sur la terre, dans tous les pays, les provinces, les villes, les villages et les maisons.



La puissance, ou plutôt la toute puissance est attribuée au Christ très souvent dans l’apocalypse. Chapitre 1 : « Je suis l’alpha et l’oméga, le principe et la fin, dit le Seigneur Dieu, qui était, qui est et qui viendra, le tout puissant ». Chapitre 4 : « Saint, saint, saint le Seigneur, Dieu tout-puissant, qui était, qui est et qui viendra ». Chapitre 11 : «  Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu tout-puissant, qui es, qui était et qui viendras ». Mais les ariens font flèche de tout bois. Jésus a dit en Jean 5 : « Le Fils ne peut faire de lui-même que ce qu’il voit le Père faire ». Je réponds avec saint Grégoire de Naziance (discours 4 sur la théologie) et avec saint Ambroise (livre 4 sur la foi, chap 3) que ces paroles signifient seulement que la puissance du Fils est du Père, et qu’elle est la même que la puissance du Père. Car le texte ne dit pas que le Fils ne peut faire quelque chose que si le Père lui en donne l’ordre, mais uniquement s’il voit le Père le faire. Voilà pourquoi il ajoute tout de suite après : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi semblablement. » Il fait donc toutes les mêmes choses, mais on dit que le Fils les fait en voyant faire le Père, ou qu’il apprend du Père, parce que la science du Fils est du Père, non par l’enseignement d’une doctrine, mais par la génération. Car c’est une seule et même chose pour Dieu que de savoir et d’être. C’est donc la même chose pour le Fils de recevoir la sagesse et de recevoir l’essence.



Les transylvaniens se servent d’une parole de Jésus en saint Matthieu comme d’une arme de combat : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. » Il semblerait découler de ce texte que ce n’est pas de toute éternité que le Verbe ait la toute puissance, puisqu’elle lui a été donnée, mais qu’il la tienne de sa nature humaine, du don de la grâce, et du temps. Je réponds que ces choses sont dites du Christ en tant qu’homme, non en tant que Dieu. Comme c’est le même qui est Dieu et homme, il a, en tant que Dieu, la toute puissance de toute éternité, et c’est de par sa nature qu’il l’a. En tant qu’homme, c’est de Dieu qu’il reçoit la toute puissance dans le temps, mais par un don de grâce incréée, c’est-à-dire l’union hypostatique. Voilà pourquoi ce n’est pas à sa résurrection que le Christ devint Dieu et un homme tout puissant, mais dans sa conception-même. Du même Jésus qui a dit après sa résurrection (Matt 28) « tout pouvoir m’a été donné », il a été dit avant sa passion (Jean 13) : « sachant que le Père a tout mis entre ses mains ».



La sagesse est souvent attribuée au Fils, et les théologiens considèrent qu’elle lui appartient en propre. I Corinthiens 1 : « Le Christ sagesse de Dieu » Coloss 2 : « Dans le Christ sont tous les trésors de sagesse et de science de Dieu ». Jean : « Toi qui sais tout. » Mais les ariens accourent pour citer un passage tiré de saint Matthieu : « De ce jour, personne ne sait rien, ni les anges, ni le Fils, mais seul le Père ». Je réponds que cela a été dit du Christ en tant qu’homme, comme l’enseignent les Pères, comme saint Ambroise (chap 17, Luc), saint Cyrille (livre 9. thes chap 4) et d’autres. Ce texte ne favorise donc en rien les ariens. Comment le Christ a dit ne pas connaître le dernier jour, je l’expliquerai en parlant de la science de l’âme du Christ.



Tu diras que, dans ce passage, seul le Père est dit savoir. Le Fils est donc exclu en tant que Dieu. Je réponds avec saint Augustin (livre 3 contre Maximin, chapitre 13) que l’adjectif seul n’exclut pas les personnes qui sont de la même nature que le Père, mais les choses créées. Cela pourrait toujours se dire si la phrase portait sur l’action qui est propre au Père en raison de sa personne, non en raison de son essence. Car la science convient au Père en tant qu’il est Dieu, non en tant qu’il est Père. Quand on dit que le Père est le seul à savoir, on n’exclut donc pas le Fils et le Saint-Esprit.



Les transylvaniens insistent. Dans Romains 16, il est dit : « Au seul Dieu sage par Jésus-Christ, honneur et gloire ». Ce « seul sage » c’est uniquement du Père qu’il est dit, car, dans ce passage, le Père est clairement séparé du Fils, puisqu’on ajoute après par Jésus Christ. Saint Augustin répond (livre 3, chap 13 contre Maximin), « que le seul sage est dit de toute la trinité, à qui est déféré l’honneur par le Christ. » Car, étant Dieu et homme, le Christ, en tant que Dieu, reçoit des honneurs avec le Père et le Saint-Esprit, et en tant qu’homme, il rend des honneurs. Il a rendu honneur à la trinité quand il la prêcha aux humains, et quand il ordonna qu’on baptise tous les peuples au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.



La bonté est attribuée au Fils dans Sagesse 7 : « La sagesse est plus rapide que tout ce qui bouge. Elle se rend partout à cause de sa pureté. Car elle est une vapeur de la vertu de Dieu, une émanation sincère de sa clarté toute-puissante, et jamais rien de souillé n’y rentre. Elle est la candeur de la lumière éternelle, et un miroir sans tache de la majesté de Dieu, ainsi que l’image de sa bonté. Et, étant unique, elle peut tout ». Semblablement, le Christ dit dans Mathieu : « Ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ? »



Mais les ariens et les transylvaniens rouspètent. Comment donc le Seigneur peut-il dire en Luc, 18 : « Pourquoi dis-tu que je suis bon ? Nul n’est bon que Dieu ». Je réponds avec saint Basile (livre 4, contre Eunome) et saint Ambroise (de la foi, chapitre 1), saint Jérôme et saint Jean Chrysostome (au chap 19 de Matt), que Jésus a répondu au jeune homme selon l’idée qu’il se faisait de lui, car il ne pensait pas que le Christ était Dieu, mais seulement un rabbi.



La majesté adorable est attribuée au Christ (Hébreux 1) : « Que tous les anges du ciel l’adorent ! » Il est à noter que ces paroles Paul les a tirées du psaume 95, où il est question de l’adoration de latrie qui est propre à Dieu seul. Car il avait dit avant : « Que soient confondus tous ceux qui adorent des statues, et qui se glorifient dans des idoles. » Et c’est après cela qu’il ajoutait : « Adorez-le, tous ses anges ! » Ce passage oppose l’idolâtrie au culte de Dieu.



De plus, le Christ a un temple, ce qui est un signe propre de latrie. Malachie 3 : « Alors il viendra vers son saint temple le Dominateur que vous cherchez, et l’ange du testament que vous voulez ». De même, l’invocation de l’absent pour nos adversaires est une adoration de latrie. Or le Christ est invoqué (Jean 14) : « Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai ». Saint Augustin ( tract. 73 sur Jean : « Il est parvenu jusqu’à son Père sans abandonner les indigents, mais en exauçant les suppliants ». Et saint Cyrille (au livre 9, chap 42, sur saint Jean) : « Il montre clairement qu’il est le vrai Dieu, car il dit qu’il recevra les prières des siens, et qu’il leur accordera tout ce qu’ils demanderont ». De même saint Étienne (actes 7) : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit ». Et actes 9, Ananie dit au Christ : « Il a ici le pouvoir de ligoter tous ceux qui invoquent ton nom ». Et saint Paul (2 Cor 12) « Je l’ai demandé trois fois au Seigneur, et il m’a dit : ma grâce te suffit », Qu’en ce lieu c’est le Christ qui est appelé Seigneur, ce qui suit nous le fait comprendre : « Je me glorifierai volontiers de mes faiblesses pour qu’habite en moi la vertu du Christ ». Et dans 1 Cor, comme dans toutes ses autres épitres, saint Paul salue ainsi les chrétiens : « Grâce à vous et paix par Dieu notre Père, et le Seigneur Jésus Christ ». Dans ce passage, les fidèles demandent la grâce et la paix à Dieu le Père et à Dieu le Fils en même temps.



Mais parce que les adversaires récusent cette interprétation à cause de l’ambiguïté du texte grec, où le « au Seigneur Jésus-Christ » peut être lu comme « et du Seigneur Jésus-Christ », ce qui donne : grâce à vous, et paix de la part de Dieu qui est notre Père, et qui l’est aussi de notre Seigneur Jésus-Christ, il faut se rapporter au texte de saint Jean 2, où il est écrit en toutes lettres : « paix par Dieu et par le Seigneur Jésus-Christ », lequel clarifie ce qu’il peut y avoir d’un peu obscur chez saint Paul. De plus, à peu près tous les prophètes ont prédit l’extermination de l’idolâtrie après l’avènement du Messie. Or, l’Église a toujours rendu un culte au Christ par toute la terre, par des églises, des autels, des invocations, des jours de fêtes. Donc, où le Christ est un vrai Dieu digne du culte de latrie, où tous les prophètes se sont trompés. Car, si le Christ n’est pas le vrai Dieu, il n’y a jamais eu une si grande idole dans le monde, et l’idolâtrie n’a jamais été aussi florissante qu’après la venue du Christ. Et pourtant le Saint-Esprit s’écrie (Isaïe 2) : « Le Seigneur sera élevé seul en ce jour-là, et les idoles seront complètement détruites, » Zacharie 13 : «  En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte à la maison de David, et aux habitants de Jérusalem, pour la purification du pécheur et de la menstruée, et il arrivera en ce jour dit le Seigneur des armées, que je disperserai tous les noms des idoles de la terre, et on ne s’en souviendra plus ». Voir aussi Isaïe 31, Ézéchiel 6 et 30, Osée 10, et Mich 1.



Au sujet de l’adoration, les transylvaniens (livre 2, chap 4) et Franciscus David et Blandrata (disputes 4 et 6) répondent qu’on doit adorer le Christ, parce que le Père le veut ainsi, et parce qu’il a en lui une divinité adorable. Je réponds que c’est le contraire qui est vrai. Car si le Christ n’est pas le vrai Dieu, le Père n’aurait pas pu donner l’ordre de l’adorer, car il se contredirait lui-même. En effet, dans le Deutéronome 6, il a ordonné qu’on écrive : « Tu adoreras le Seigneur Dieu, et tu le serviras lui seul ». Et Isaïe 42 : « Je ne donnerai pas ma gloire à un autre ». Comment donc pourrait-il ordonner que nous servions la créature, et que nous communiquions sa gloire à la créature ? De plus, si le Christ est Dieu, mais non le Dieu suprême et le Très-Haut, on ne lui doit donc pas le culte de latrie qui ne convient qu’au Très-Haut. Que Dieu habite dans le Christ, cela ne suffit pas pour qu’il puisse être adoré, car, alors tous seraient adorés, et surtout les saints anges et les plus grands saints, dans lesquels Dieu habite d’une façon toute particulière.



À cause de ce raisonnement, le Franciscus David qui avait d’abord enseigné que le Christ était dieu et qu’on devait l’adorer non comme le Très-Haut, mais comme le fils du Très-Haut, changea d’idée, et se mit à enseigner que le Christ ne devait pas être appelé Dieu, qu’on ne devait ni l’adorer ni l’invoquer. Et il répondit à tous les textes que nous avons cités plus haut (livre contre Faust). Mais il ne convient pas de perde du temps à le réfuter. Car ses arguments, ou ils sont vagues et nébuleux, ou s’ils ont une certaine efficacité c’est contre Blandratam qui veut que le Christ ne soit pas un vrai Dieu, mais qu’on doive quand même l’adorer et l’invoquer. Contre nous, ils n’ont aucun effet, car voici quels sont ses arguments principaux. S’il faut adorer le Christ d’un culte divin et l’invoquer comme Dieu, il faudra dire alors comme les papistes, que le Christ et le Père sont un unique Dieu, et il faudra rétablir la trinité que nous avons jusqu’à présent combattue. De même. Si le Christ n’est pas vrai Dieu, et si l’on doit quand même l’invoquer, le Saint-Esprit est dieu lui aussi, et Marie, et les anges, et les saints qui sont tous invoqués. Faudra-t- il aller jusqu’à accuser les papistes d’idolâtrie, parce qu’ils invoquent les saints ?



Ces arguments sont des démonstrations qui contredisent Blandrata et Faustus, et les autres antitrinitaires. Comme ils ont été manifestement convaincus, par Franciscus David et ses sectateurs, qu’en s’opposant à eux ils viennent se buter sur des raisonnements évidents, ils convainquent à leur tour Franciscus David et ses adeptes qu’ils pervertissent les témoignages de l’Écriture avec une incroyable témérité. J’ai le goût de présenter, à titre d’exemple, les réponses de Franciscus David à cette citation des Actes 7 : « Ils ont lapidé Étienne priant et disant : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ». Il répondit d’abord que cela était un exemple donné par Étienne, une action d’Étienne, non un témoignage de l’Écriture. Or, c’était l’exemple d’un homme qui, au témoignage de l’Écriture, « était plein de foi et du Saint-Esprit (Actes 6 et 7) ». Il répondit ensuite que ce « « Seigneur Jésus » était une invocation du Père. Il veut mettre au génitif le mot Jésus pour que le sens soit : Toi, Père, qui es le Seigneur du Fils Jésus, reçois mon esprit.



Mais nous ne lisons jamais ailleurs l’exclamation « Seigneur Jésus » au sens de « du Seigneur Jésus » (génitif). Car, dans l’apocalypse, à la fin, nous avons : « Viens, Seigneur Jésus ! » De plus, dans les actes 7, saint Étienne voyait Jésus debout à la droite de Dieu quand il s’exclama : « Seigneur, reçois mon esprit ! » C’est donc Jésus qu’il invoquait. Franciscus David répond que ces paroles de saint Étienne peuvent avoir le sens suivant : je crois tellement que Jésus est ressuscité, et qu’il est maintenant dans le ciel, que c’est comme si je voyais Jésus lui-même dans le ciel ouvert. Mais saint Luc a dit : « Regardant vers le ciel, il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la gloire de Dieu, » Il l’a donc réellement vu; il n’a pas seulement pensé qu’il le voyait. Il répond, enfin que ces paroles « Seigneur Jésus » sont dirigées vers le Père, comme c’est le propre du père d’être Seigneur et de sauver. Et quel nom donner à cette témérité qui attribue au Père le nom propre du Fils ? N’est-ce pas confondre le Père et le Fils à la façon de Sabellius ?





CHAPITRE 9 : 6e catégorie : les œuvres



Il y a cinq œuvres qui n’appartiennent qu’à Dieu seul : la création, la conservation, le salut, la précognition des choses cachées, les miracles.



La première œuvre de Dieu est la création. Is 44 : « Je suis le Seigneur étendant les cieux seul, stabilisant la terre, et personne n’est avec moi ». Job 9 : « Pourquoi a-t-il étendu les cieux seul ? » C’est par cette œuvre que Dieu veut se distinguer de ceux qui ne sont pas de vrais dieux. Psaume 95 : « Les dieux des Gentils sont des démons. Le Seigneur, lui, a fait les cieux ». Jérémie 10 : « Les dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre, qu’ils périssent de la terre et de sous le ciel ». Si nous prouvons que le Christ a fait le ciel et la terre, nous prouverons donc qu’il est un seul et même Dieu avec le Père. Nous avons déjà cité quelques passages à cet effet. Jean 1 : « Tout a été fait par lui » Colossiens 1 : « Toutes les choses ont été créées par lui. » Hébreux 1 : «  Et toi, Seigneur, au début tu fondas la terre, et les cieux sont les œuvres de tes mains ».



À ces textes, nous ajoutons proverbe 8 : « Quand il mesurait les fondements de la terre, quand avec une loi certaine il creusait des abymes, quand il affermissait les cieux au-dessus de nous, etc j’étais avec lui, organisant tout » Nous ne pouvons pas voir dans ce texte la sagesse essentielle, comme nous l’avons dit plus haut, parce qu’elle n’est pas engendrée, celle qui dit : « avant les collines j’ai été enfantée ». Il ne s’agit pas non plus de la sagesse créée, car celle-là n’a pas été avant le monde, » On ne peut pas dire, comme le prétendent les transylvaniens, que ce livre n’est pas canonique, car personne n’a jamais douté de l’authenticité de ce livre, ni parmi les Juifs, ni parmi les chrétiens. Un autre passage semblable dans Jean 5 : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi semblablement ». Or le Père crée quotidiennement les âmes des hommes qui naissent, et il a créé autrefois le cosmos.



Les samosatiens et les ariens répondent différemment à cet argument. Les nouveaux samosatiens nient que le Christ soit le Créateur, puisqu’il n’a pas existé avant la Vierge Marie. Et nous avons déjà rapporté et réfuté ce qu’ils objectent à ces textes. J’ajoute une chose contre eux. Si le Christ n’a pas créé le ciel et la terre, ou il n’est pas Dieu, ou il doit être exterminé du monde. Car, il est dit en Jérémie 10 : « Les dieux qui n’ont pas fait le ciel et la terre qu’ils périssent de la terre et des choses qui sont sous le ciel ». Mais les samosatiens ne nient pas que le Christ soit Dieu. Ils doivent donc admettre qu’il est le Créateur.



Les anciens ariens (dans Augustin, livre 1,contre Maximin, et dans son sermon contre les ariens, Valentin Gentilis, rénovateur de l’arianisme (prothèse 24) répondent que seul le Père est l’auteur principal du ciel et de la terre, que le Fils a agi comme un ministre dans l’œuvre de la création. Les transylvaniens (livre2, chap 6) disent que le Christ n’est pas le Dieu éternel, et qu’il n’a rien fait dans la création du monde. Mais s’il leur fallait faire une concession, ils seraient prêts à reconnaître le Fils comme un instrument du Père. Leur argument principal, dont se servent aussi les transylvaniens, est que dans l’Écriture, on dit toujours que le Père a créé par le Fils. Au Père ils attribuent la préposition « de », et au Fils « par ». Corinthien 8 : « Un seul Dieu Père, de qui sont toutes choses. Un seul Seigneur Jésus-Christ, par qui sont toutes choses » Hébreux 1 : « Par qui il a fait les siècles ». Coloss 1 : « Toutes les choses ont été créées par Lui.» Les transylvaniens ajoutent, au lieu cité, que le concile de Smyrne, que saint Hilaire considérait comme tout à fait orthodoxe, et qu’il a expliqué dans son livre sur les synodes, (canon et dernier canon), que ce même concile affirme que le Fils de Dieu le Père a agi comme un ministre dans la création du monde. Et ils ajoutent des citations de saint Irénée (livre 3, chap 8, et livre 4, chap 13), de Tertullien (livre de la trinité), d’Eusèbe de Césarée (livre premier de son histoire, chap 1 et 2), et de Luther qu’il appelle « l’envoyé de Dieu ». dans 1 chap sur la Genèse, où il appelle le Christ un instrument de Dieu.



Il nous faut donc démontrer que Dieu le Fils n’a pas créé le monde comme un instrument, mais comme une cause principale. D’abord, cela découle clairement de Hébreux 1 : « Et toi, Seigneur, au début tu as fondé la terre, et les cieux sont les œuvres de tes mains. Qu’on ne puisse pas entendre cela d’un ministre, je le prouve par le fait que David dit la même chose du Dieu d’Israël, dans lequel les adversaires voient le Père, et qu’ils ne considèrent certainement pas comme un instrument de la création. Ensuite, saint Paul, dans ce chapitre, compare le Christ avec les anges, et dit que la différence qu’il y a entre eux c’est que les anges sont des ministres, et que le Christ n’est pas un ministre. Car, c’est ainsi qu’il parle : « À quel ange a-t-il jamais dit : assieds-toi à ma droite. Ne sont-ils pas tous des esprits administrateurs envoyés en ministère? »



Je le prouve ensuite par Isaïe au chapitre huitième, car celui qui dit « et maintenant le Seigneur m’a envoyé et son Esprit », que, dans la première catégorie d’arguments, nous avons prouvé qu’il est le Fils, c’est celui-là même qui dit : A cause de moi je ferai en sorte qu’on ne me blasphème pas, et je ne donnerai pas ma gloire à un autre » Celui qui agit à son propre compte n’est certes pas un instrument. Troisièmement, nous trouvons un passage de l’apocalypse où le Christ est appelé alpha et oméga, principe et fin, et Seigneur tout-puissant. Car s’il est le principe et la fin comme l’alpha et l’oméga sont la première et la dernière lettre de l’alphabet, il est certes le principe premier et la fin ultime de toutes choses. Il n’est donc pas un instrument, car aucun de ces mots ne convient à un instrument. De même, s’il est tout-puissant, il peut créer le monde comme acteur principal. Il n’est donc le ministre de personne.



Quatrièmement, si le Père crée par le Fils, ou le Père est seul à commander et le Fils seul à exécuter, ou l’un et l’autre font, mais le Père comme cause première, et le Fils comme cause seconde, ou chacun comme cause primaire, le Père par sa volonté, le Fils sur l’ordre du Père. Il n’est pas facile d’imaginer une autre façon avec laquelle le Fils peut concourir à la création avec le Père, sans être une cause principale. Mais aucune de ces manières ne correspond à la vérité. De ce que nous avons déjà di, t il ressort clairement que le Fils est créateur principal comme son Père.



Les ariens d’autrefois disaient que le Père n’avait rien fait par lui-même, tout fait sur l’ordre du Père, du fait que les créatures ne sont pas capables de poser une action divine immédiate. Et parce qu’il est indigne à cette vertu suprême d’entrer dans tous les plus petits détails (comme saint Cyrille le rapporte au livre 5, thès, chap 3). Mais nous pensons juste le contraire, car, dans proverbes 8, nous lisons que le Père lui-même a créé : « Quand il préparait les cieux, j’étais présent ». Et saint Jean 5 : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi semblablement,» De même : « Mon Père opère, et moi aussi j’opère ». Et, au sujet des plus petits (Matt. 10) : « Un moineau ne tombe pas par terre sans votre Père ». Ensuite, on ne lit nulle par que le Père ait donné des ordres au Fils, Ce que nous lisons c’est ce que le Fils a fait en commandant. Baruch 3 dit de celui qui a été vu sur terre et qui a conversé avec les hommes : « Il est celui qui envoie la lumière, et elle s’en va, qui l’appelle et qui lui obéit en tremblant. Les étoiles ont donné de la lumière dans les endroits qu’il protège, elles ont été appelées et on dit : nous voici, et elles ont brillé avec joie pour lui qui les a faites, » Et Luc 8 : « Qui penses-tu qu’est celui auquel la mer et les vents obéissent quand il leur donne des ordres ? »



La raison apportée par les ariens ne vaut rien, car elle a déjà été bien réfutée par saint Athanase (sermon contre les ariens) et saint Cyrille (livre 5 thes chap 2 et 3). Ou le Fils est Dieu ou il est une créature. S’il est Dieu, il ne pouvait pas, selon leur opinion, créer immédiatement. S’il est une créature, il n’a donc pas été créé par le Père immédiatement, à moins qu’ils ne veuillent que le Fils soit un intermédiaire quelconque entre Dieu et la créature, ce qui n’a pas de sens. Car, ou il est produit à partir de rien, ou d’une chose créée, ou de la substance de Dieu. Dans le premier et le second cas, il est donc une créature. Dans le troisième cas, il est donc Dieu; et il n’est pas donné comme un intermédiaire. Nous concluons donc que le Fils aussi bien que le Père ont réellement agi dans la création du monde. Et c’est ainsi que nous réfutons la première façon qu’ils ont de s’opposer à nous.



De nouveau, on ne peut dire que les deux ont agi, mais que le Père a eu la plus grande part de l’action, et le Fils la plus petite. Car cela s’oppose à ce que l’Écriture enseigne dans les proverbes 8 : « J’étais avec lui agençant toutes choses ». Et dans Jean 1 : « Tout a été fait par lui ». Et en Jean 5 : « Tout ce que le Père fait le Fils le fait aussi semblablement ». Donc, l’un et l’autre font tout. De nouveau, on ne peut pas dire que l’un et l’autre font tout, mais le Père en tant qu’agent principal, et le Fils en tant qu’instrument. Car, ou le Fils a, en lui, la force de créer, comme le soleil a la capacité d’illuminer tout en étant un instrument de Dieu, ou il ne l’a pas, et il est semblable à l’ombre de saint Pierre, ou à la ceinture de saint Paul, relativement aux miracles qui se produisaient par elles. Si c’est la deuxième supposition qui est la bonne, le Fils de Dieu n’a donc rien de plus que les autres créatures.



Et de plus, qu’est-ce donc que saint Paul a dit aux Corinthiens 1,1 : « Le Christ est la vertu de Dieu ? » Et aux Hébreux 1 : « Qui porte toutes les choses qui viennent de sa vertu ? » Il a donc en lui le pouvoir de faire ce qu’il fait. Et comme le pouvoir de créer est un pouvoir infini, il ne peut pas être dans un instrument, mais seulement dans l’Artisan suprême et infini. Voilà pourquoi tous les pères rangeaient parmi les hérétiques Basilides et les autres gnostiques qui disaient que le monde avait été créé par les anges. Voir saint Irénée (livre 1, chap 22), saint Athanase (dans le sermon 3 contre les ariens), saint Augustin (dans le livre 12 de la cité de Dieu, chap 24 et 25). Saint Cyrille 2 contre Julien, et saint Damase (livre 2, chap 3). Le Fils est donc Créateur principal.



Tu diras : il a le pouvoir de créer, mais ce n’est pas le pouvoir principal qu’il possède, car le Père agit par une décision qui est la sienne, le Fils par une décision qui lui est étrangère. Au contraire. Voici ce que le Fils dit en Jean 5 : « Comme le Père réveille les morts et les vivifie, le Fils aussi vivifie qui il veut. » De même, le Saint-Esprit agit librement et de sa propre volonté. Si donc le Fils a le même pouvoir de créer que le Père, ce pouvoir est numériquement semblable à celui du Père, ou il est différent. S’il est numériquement semblable, ils sont tous les deux un seul Créateur, et il n’y a, pour l’un et l’autre, qu’une œuvre, qu’une volonté, qu’une essence. Si le pouvoir du Fils est différent de celui du Père, est donc faux ce qui est dit dans 1 Rois 2 : « Nul n’est fort que notre Dieu ». Et ce qui est dit dans Exode 15 : « Qui est semblable à toi parmi les forts, Seigneur ? » Car il se trouve quelqu’un d’aussi fort, le Christ ?



Quant à l’argument tiré des prépositions « de » et « par », je réponds que la préposition « de » est plus souvent attribuée au Père, la préposition « par » au Fils, et la préposition « dans » au Saint-Esprit, non parce qu’une personne est l’instrument d’une autre, mais pour exprimer leurs propriétés. Car, comme l’enseigne saint Basile dans son livre du Saint-Esprit, chapitre 4 , on attribue au Père le « de » pour signifier qu’il est principe sans principe. On attribue le « par » au fils car cette préposition est le signe d’une cause médiate, et le Fils est principe de principe. Car il reçoit du Père d’être principe. Voilà pourquoi on dit que c’est du Père que le Christ fait quelque chose. C’est lui-même qui dit : « Quand viendra l’Esprit que je vous enverrai de la part du Père ». On pourrait aussi dire que la préposition « par » est attribuée au Fils parce que la Sagesse est propre au Fils, et parce que Dieu a tout créé par sa sagesse et son art, comme l’enseigne saint Jean Damascène (livre 1 chap 9). Enfin, le « dans » signifie la capacité de contenir qui est attribuée au Saint Esprit, qui est le lien du Père et du Fils. Mais Dieu a pourvu de deux façons à ce que cette diversité de prépositions ne soit pas une pierre d’achoppement pour notre foi.



Premièrement, en indiquant que tout convient au même Dieu. Car, il est dit dans Romains 11 : « O hauteur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu…Parce que de lui, par lui et en lui sont toutes choses. » Car, toutes ces choses sont dites d’un seul et même Dieu, comme on le voit par ce qui précède (« de la science de Dieu, de ses jugements, de ses sentiments »), et de ce qui suit (« à lui la gloire dans les siècles ».) Ou ces choses sont donc du seul Père, et alors on voit clairement que la préposition « par » ne signifie pas un ministère; ou du seul Fils, ou du seul Saint-Esprit, et alors le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas des ministres, parce qu’on leur attribue la préposition « de », laquelle convient principalement à l’Auteur, comme ils le reconnaissent eux-mêmes. Ou elles sont dites des trois en même temps, et alors les trois sont ensemble un seul Dieu. C’est ainsi que nous averti saint Ambroise (livre 4 de la foi, chapitre 6), saint Basile sur le Saint-Esprit (chapitre 5) et saint Augustin (livre 2, de la trinité, chapitre 6)



Deuxièmement, il a procédé en mêlant les prépositions. Car le « par » est parfois attribué au Père (1 Cor 1 : « il est fidèle le Dieu par lequel vous êtes appelés dans la société de son Fils »; et Galates 4 : « Si fils et héritier par Dieu ». La prépositions « de » est parfois attribuée au Fils.(Jean 1 « de sa plénitude, nous avons tous reçu. » Coloss 2 : « de qui tout le corps par des articulations ». Jean 16 : « Il recevra de moi ». C’est ce que nous font remarquer saint Ambroise et saint Basile dans lieux cités.



Au canon du concile de Smyrne, je réponds comme saint Hilaire au même endroit, que le Fils est dit ministre non parce qu’il est inférieur au Père, ou sujet, mais parce qu’il vient de Lui. Il a servi non comme un serviteur sert son maître, mais comme un fils son père. Même si, entre le Père et le Fils, il n’y a pas d’inégalité de nature ou de dignité, il y a, quand même, dans le Père, l’autorité du Principe, qu’on ne trouve pas dans le Fils. Car le Fils vient du Père, mais le Père ne vient pas du Fils. Que cette autorité du principe n’entraîne pas une servitude proprement dite, cela est trop clair, car autrement, tous les fils seraient des esclaves ou des serviteurs. J’ajoute que j’ignore quelle autorité possède ce concile de Smyrne, qui a été plus toléré qu’approuvé. Il est certain, en tout cas, que dans l’énumération des conciles catholiques que fait Gratien (dist. 16 et 20), aucune mention n’est faite du concile de Smyrne.



Je réponds la même chose à saint Irénée, Tertullien, Eusèbe et Luther, bien que, dans les choses dogmatiques, l’autorité de Tertullien et d’Eusèbe ne soit pas bien grande; celle de Luther nulle, car tous sont des hérétiques manifestes. Mais si Tertullien et Eusèbe de Césarée étaient très instruits, Luther a plus de faconde que de doctrine solide.



L’autre œuvre qui est propre à Dieu est la conservation de tout le monde, qui est quasiment une sorte de création, dont parlent les actes des apôtres, 17 : «Dans lequel nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes ».  Cela est attribué au Fils dans Hbr 1 : « Qui porte tout par la parole de sa vertu ». Et dans Coloss 1 : « Tout subsiste en lui ».) Ce qui revient à dire, comme l’explique saint Jean Chrysostome, que la subsistance de toute chose dépend du Fils de Dieu, de façon à ce que toute chose ne subsiste que dans la mesure où elle est conservée par le Fils. Autrement, toute chose périrait instantanément. Le Fils est donc le vrai Dieu.



La troisième œuvre est le salut. Isaïe 43 : « Je suis le Seigneur, et il n’y pas en dehors de moi de Sauveur ». Et au chapitre 45 : « Un Dieu juste et sauvant il n’y en a pas en dehors de moi ». Osée 13 : « Je suis le Seigneur Dieu, et il n’y a pas de Sauveur en dehors de moi ». Or, qu’est-ce qui convient mieux au Christ que de sauver ? Matth 1 : « Tu l’appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple ». Car le mot Jésus vient du mot hébreu qui signifie salut. Mais, ne va pas dire qu’il sauve comme un ministre. Écoute plutôt saint Paul qui dit aux Hébreux, chap 1 : « Portant tout par la parole de sa vertu, faisant par lui-même la purification des pécheurs ». Même si « par lui-même » ne figure pas dans le texte latin, il est bel et bien dans le grec ( di auton), et c’est à cet endroit que saint Paul, comparant les anges au Christ, dit qu’ils sont des serviteurs et que le Christ est Seigneur. De même dans Isaïe 35 : « Dieu viendra lui-même, c’est-à-dire par lui-même, non par des légats, et nous sauvera ». De même, les apôtres se disaient les ministres du Christ, non les co- ministes du Christ. I Cor : «  Que l’homme nous considère comme des ministres du Christ ». Et c’est en son nom qu’ils baptisaient, qu’ils réconciliaient, qu’ils faisaient des miracles etc. Afin de montrer qu’ils étaient vraiment les ministres du Christ.



La quatrième œuvre, la prédiction des choses futures, et la connaissance du secret des cœurs. Isaïe 41 : « Annoncez les choses futures, et nous saurons que vous êtes des dieux ». Rois 8 : « Toi seul, connais les cœurs des fils des hommes ». Jérémie 17 : « Le cœur de l’homme est dépravé et impénétrable. Qui le connait ? Moi, le Seigneur, qui scrute les cœurs et qui sondes les reins ». Or, toutes ces choses-là conviennent au Christ. Jean 13 : « Je vous dis cela avant que cela n’arrive, pour quand cela arrivera, vous croyez que Je suis » Et 1 Pierre 1 : « Scrutant en quel temps l’Esprit du Christ avait manifesté cela en eux, annonçant d’avance les choses qui sont pour le Christ des souffrances, et des gloires à venir. » Jean chap 2 : « Il savait, lui, ce qu’il y avait dans l’homme ». Et l’apocalypse 2 : « Et toutes les Églises sauront que je suis celui qui scrute les reins et les cœurs ».



Tu diras que même les prophètes ont prédit le futur, et prévu les pensées des cœurs, comme on le voit chez Élisée, Mais on peut opposer à cela que saint Paul, aux Hébreux 3 compare le Christ à Moïse, le plus grand des prophètes, et dit que Moïse est un serviteur et le Christ le Seigneur. De plus, le Christ a parlé de la même façon que le Dieu suprême, ce qu’aucun prophète n’a jamais osé faire. Car qui a jamais dit, en dehors du Dieu suprême vrai : « Je suis Celui qui scrute les reins et les cœurs. » De plus, si c’est le Saint-Esprit qui a éclairé tous les prophètes (1 Pierre 1), le Christ ne connaissait-il pas les choses cachées beaucoup mieux que les prophètes ?



La cinquième œuvre est la production des miracles. Psaume  : « Qui fait seul des choses merveilleuses ». Et le psaume 85 : « Faisant des choses admirables, tu es le seul Dieu. » Et le psaume 135 : « Qui fait seul des grandes choses admirables. » Sous-entendu, évidemment, de sa propre autorité. Car les apôtres et les prophètes ont fait eux aussi des miracles, mais par l’invocation de Dieu, comme le note en ce lieu saint Hilaire. Mais c’est de sa propre autorité que le Christ faisait des miracles, comme il apparait clairement quand il en donnait l’ordre. Marc 4 : « Il a dit à la mer : tais-toi, tranquillise-toi ! » Et au chapitre 9 : « Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de lui ! » Par sa seule volonté, il guérissait même ceux qui étaient absents, comme le fils du centurion (Matt 8, Jean 4). Enfin, en tant que vrai Dieu de toute la nature, il a accordé à d’autres le pouvoir de faire des miracles (Matt 10), Et les apôtres faisaient des miracles en son nom (actes 3) : « Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche! »

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CHAPITRE 10: 7e catégorie : les Pères.

C’est avec la doctrine des Pères qu’on prouve la vérité catholique. Car même si les adversaires n’attribuent rien ou peu de chose aux Pères, ils considèrent quand même comme les leurs ceux qui oint vécu avant le concile de Nicée, comme saint Ignace, saint Justin, saint Irénée, Tertullien, saint Cyprien. Il leur arrive parfois d’en citer d’autres contre nous (saint Hilaire, saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, saint Cyrille, saint Augustin,) pour montrer que les Pères étaient différents les uns des autres, et que, contraints par l’évidence de la vérité, ils se sont parfois contredits. C’est ainsi qu’ils s’efforcent de renverser notre argument du consensus patristique de tous les âges. Pour notre part, nous présenterons des témoignages consensuels de toutes les époques, et surtout ceux d’avant le concile de Nicée.



Pour le premier âge qui va jusqu’à la fin du premier siècle, nous avons saint Clément, saint Ignace, saint Denys, saint Martial. Présentons d’abord saint Clément.qui (dans le livre 8 des constitutions apostoliques, chap 16) dit que c’est sans intermédiaire que le Père a engendré le Fils avant tout chose, Ce qui revient à dire que la Fils n’a pas été créé, mais que, naturellement et nécessairement, il est sorti du Père. Car, comme l’enseigne saint Basile dans le livre 4 contre Eunome, « aucune œuvre d’artisan n’a été faite immédiatement, car l’action sert d’intermédiaire, et il y a entre Dieu et les créatures la volonté de créer. Car, du seul fait que Dieu existe on ne peut pas conclure immédiatement et nécessairement à l’existence de la créature. Mais si on admet Dieu on admet immédiatement son Verbe ». Au chapitre 17, après avoir écrit saint, saint, saint, il en donne l’explication sans les mots suivants : « Saint Dieu le Père, saint le Fils etc ». À la fin, il dit à Dieu : « À toi, toute gloire, tout honneur, toute adoration, au Fils et au Saint Esprit, maintenant, toujours et dans les siècles des siècles ». Un passage semblable de saint Clément est cité par saint Basile, dans son livre du Saint-Esprit, chap 29



Saint Denys l’aréopagite, disciple de saint Paul (dans les noms divins, chapitre 1) : « Voilà pourquoi, dans toute discussion théologique, nous voyons que la divinité suprême est saintement célébrée comme singulière et unique, et indivisible à cause de sa simplicité et de son unité; et comme trinité en tant qu’elle est l’expression, en trois personnes, de la fécondité super essentielle ». Et, un peu plus bas, il dit que cette essence suprême, a, dans une de ses hypostases, assumé la chair humaine. Il dit des choses semblables à cela dans le chap 3 de la myst Théol.



Saint Martial, dans sa lettre 1 à Bundergalen, chap 10 : « Vous ne trouverez pas de division dans la divinité de la trinité » Et plus bas : « Et le Père, le Fils et le Saint-Esprit qui sont séparés en trois personnes, sont, dans la divinité, un seul Dieu indivisible » J’ai d’excellentes raisons de penser que lettre n’est pas de saint Martial, que l’on dit avoir été disciple du Christ. Mais quel qu’en soit l’auteur, elle n’aide en rien les adversaires, mais nous est, à nous, favorable.



Saint Ignace, disciple de l’apôtre Jean et martyr, a écrit, dans son épitre aux Philippiens : « Il nous faut croire non une seule chose à trois noms, ni en trois incarnés, mais en trois d’un même honneur ». Et plus bas : «S’il est vraiment Dieu et Homme, pourquoi dis-tu qu’il est unique de l’appeler le Seigneur de la gloire, lui qui est d’une nature invariable ? » Et plus bas. Ce si-tu-es-fils-de Dieu est un argument d’ignorance, car s’il l’avait connu réellement, tu aurais su que le Créateur de toutes choses peut tout aussi bien faire ce qui n’est pas que changer ce qui est. » Et dans l’épitre aux Philadelphiens : « Si quelqu’un dit qu’il y a un seul Dieu et confesse Jésus-Christ en pensant qu’il n’est qu’un homme ordinaire, c’est le langage du serpent, car il prêche la fraude et l’erreur, pour la mort des hommes, et voilà quelle est la pensée de l’Inepte (d’Ébion) » Notons, en passant, qu’il luttait contre de nouveaux Ébionites, qui voyaient Jésus comme un homme ordinaire, car même en langue hébraïque Ebion signifie inepte. C’est pourquoi, jouant sur les mots, il a appelé les Ébionites des ineptes.



De nouveau, dans l’épitre aux antiochiens : « Rejetez toute erreur païenne ou juive, qui vous ferait ou introduire une multitude de dieux, ou, sous prétexte d’un seul Dieu, renier le Christ. Car le Moïse, l’ami fidèle de Dieu qui a dit : le Seigneur ton Dieu est unique, et qui n’a prêché qu’un seul Dieu, a confessé tout de suite après notre Dieu en disant : le Seigneur a fait pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du feu et du soufre par le Seigneur. » Et, un peu plus bas : « Quiconque annonce un seul Dieu et enlève au Christ sa divinité est un démon, et un ennemi de toute justice ». Dans l’épître à Polycarpe, il dit ; « Attends le Christ, Fils de Dieu dans le temps, lui qui est en dehors du temps; comme quelqu’un de palpable, même s’il fuit tout contact comme s’il était incorporel. » Toutes ces choses sont tout à fait contraires aux transylvaniens qui font du Christ un homme temporel ordinaire. Ils sont même contraires aux nouveaux ariens et trithéistes qui reconnaissent que le Christ est éternel, mais qui nient qu’il est vrai Dieu. Il est facile de comprendre quel est le vrai sens des passages de saint Ignace que tentent d’apporter pour preuve Valentinus Gentilis et les transylvaniens.



Ils présentent d’abord l’épitre aux Magnésiens où il est dit : « Il a annoncé le seul vrai Dieu, son Père. » Donc, conclut l’hérétique, seul le Père est Dieu. Je réponds que ce « seul » sépare le Père du Christ de tous ceux qui ne sont pas de la même substance que lui. Car, voici quel en est le sens : le Père du Christ est le seul dieu qui soit le Dieu vrai et unique, chose que l’on peut dire et du Fils et du Saint-Esprit. Car, comme il n’y a qu’une seule vraie divinité, et le Père est le Dieu unique et vrai, et le Fils est le Dieu unique et vrai, et le Saint-Esprit est le Dieu unique et vrai. En résumé, saint Ignace ne dit rien d’autre que ce que le Christ avait dit avant de son Père : « Pour qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu ».



Ils présentent ensuite une épitre écrite aux chrétiens de Tarse, où il dit que le Christ est le Fils du Créateur, qu’il n’est pas celui qui est au-dessus de tout, Dieu, mais son Fils. Je réponds que le Christ est Fils du Créateur de façon à être lui-même Créateur, comme le dit saint Ignace dans son épitre aux Philippiens. La raison en est que, en engendrant, le Père a communiqué toute son essence au Fils, et donc toute la puissance et toute la sagesse par lesquelles le monde a été créé. Et si saint Ignace dit que le Père est seul à être au-dessus de toutes choses, c’est à cause de l’autorité que lui donne d’être le principe, et non à cause d’une diversité de nature. Il entrerait, autrement, en conflit avec saint Paul (Romains 9) et avec lui-même, lui qui a affirmé dans l’épitre aux Philippiens qu’au Fils est du le même honneur qu’au Père.



Ils présentent en troisième lieu une épitre aux Philippiens dans laquelle on applique au Père ce qui est dit dans le Deutéronome 6 : « Ton Seigneur est le Seigneur unique ». Et plus, il cite une parole du Christ à Satan : « Je ne connais qu’un seul, je ne sais qu’un seul, je ne suis l’adversaire que d’un seul, dont je confesse l’excellence ». En citant Deut, 6, saint Ignace veut prouver qu’il n’y a qu’un seul Père, et non plusieurs Pères, comme il enseigne plus bas qu’il n’y a qu’un seul Fils, et non plusieurs Fils. Il le prouve excellemment de la façon suivante : le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu (Deut 6), donc, il n’y a qu’un seul Dieu Père, car s’il y avait plusieurs Pères il n’y a aurait pas un seul Dieu. Le Père et le Fils sont un seul Dieu parce que l’un est de l’autre. Donc, le Fils ne confesse l’excellence du Père que pour la raison qu’il est principe. Voilà pourquoi il ajoute tout de suite après : « Je connais l’auteur de ma génération, le Père. » On pourrait aussi entendre ce passage du Christ homme, car le Christ parle au démon, et, alors tout cadre parfaitement. Car, en tant qu’homme, le Christ est vraiment inférieur au Père, il peut l’appeler et son Dieu et son Seigneur, comme il le dit lui-même : « Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu. »



En quatrième lieu, ils rapportent les dernières paroles de l’épitre à Antioche, « Portez-vous bien, en Dieu et dans le Christ ». Je réponds que le Christ est distingué de Dieu à cause de son humanité, car, dans la même épitre il appelle démon celui qui, sous prétexte de l’unité de Dieu, nie la divinité du Christ. La dernière citation il la tire de l’épitre aux Éphésiens : «  Notre médecin est notre seul vrai Dieu, inengendré et invisible ». Je réponds qu’on peut lire ce texte de façons différentes. Car quelques exemplaires plus anciens ont : « Notre médecin est notre unique seul vrai Dieu inengendré et invisible à tous, le Père du Fils unique et l’Engendreur. » On trouve une autre traduction dans Théodoret (dialogue 1) où il cite ce passage : « Un seul est notre médecin, corporel et spirituel, engendré et inengendré, Dieu dans l’homme ». Il explique que, par engendré, il entend incréé. Mais même la première version ne s’oppose pas à notre interprétation. Car, après avoir dit : notre médecin est le seul vrai Dieu inengendré, il ajoute : « Nous avons aussi le médecin Jésus Christ, Verbe unique avant les siècles. » D’où nous déduisons que cette affirmation exclusive (le médecin est le seul vrai Dieu inengendré), n’exclut pas le Fils de Dieu, mais les choses créées qui ne sont pas de la même essence que le vrai Dieu inengendré.



Pour le second âge qui va jusqu’à 200, nous avons quatre Pères : saint Justin, Athénagoras, saint Irénée et saint Clément l’alexandrin, saint Justin dans son livre de la foi droite, au début : « Il n’y a en réalité qu’un seul Dieu de cette universalité que l’on reconnait dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Car comme le Père a engendré le Fils de sa substance, et de la même substance a produit l’Esprit Saint, les choses qui ont une seule et même essence sont dignes, de plein droit, d’une même divinité. » Et, un peu plus bas, il prouve que le Fils et l’Esprit saint ne sont pas des créatures, mais un seul Créateur avec le Père. Dans son apologie au sénat : « Donc, c’est son Fils qui seul est dit proprement fils, Verbe existant ensemble avec lui, et naissant de Lui, car c’est par lui qu’au tout début, il a tout fait et agencé. » Au début de son apologie à Antonin : « Nous professons, nous, que ceux qui ont de tels Dieux, sont ignorants et athées, et non les fils de ce très vrai Dieu, Père de la justice, de la chasteté et des autres vertus. C’est ce Dieu véritable, et le Fils qui vient de lui, et l’Esprit prophétique que nous adorons, les vénérant dans la raison et la vérité. » Il oppose là le culte rendu à la trinité au culte rendu aux idoles et aux faux dieux. Il enseigne donc que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont le vrai Dieu. Au même endroit, passé le milieu, il veut que ces paroles de l’Exode 3 (« Je suis celui qui suis ») aient été dites du Christ : « Ce qui a été dit à Moïse du buisson ardent : (Je suis le Dieu existant, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et le Dieu de tes pères,) signifie que ces morts existent, et que ces hommes appartiennent au Christ ».



Il développe longtemps la même pensée dans son dialogue avec Triphon, où, près de la fin, il enseigne que le Père et le Fils sont de vrais dieux de la même essence : « Cette vertu que le discours prophétique appelle Dieu, non seulement de nom comme la lumière du soleil, mais vraiment par le nombre, comme quelque chose d’autre, comme je l’ai expliqué plus haut. En disant que cette vertu a été engendrée du Père, non par une, scission, comme si elle avait été séparée de l’essence du Père, car toutes les choses qui ont été divisées et coupées ne sont plus les mêmes qu’elles étaient avant avoir été séparées  etc»



Ce texte nous permet de répondre à l’objection faite par Gentilis avec un passage de saint Justin. Car il objecte que, dans le dialogue avec Triphon, saint Justin a dit que le Christ est un autre Dieu, en plus du Créateur du monde. Mais saint Justin ne dit pas cela, il enseigne seulement qu’il y en a un autre, c’est-à-dire une autre personne, qui soit dit Dieu et Seigneur en dehors du Père, à qui est attribuée la création du monde. Voici ses propres paroles : « Il y en a un autre en plus du Créateur du monde qui soit dit Dieu. C’est lui qui est apparu à Abraham, Isaac, et Jacob, qui est nommé par écrit et dit Dieu. Il est un autre que celui qui a tout fait ». Et expliquant bientôt après comment il était autre, il ajoute : par la personne, non par l’essence »



Tu diras que si le Christ se distingue du Créateur du monde, il n’est donc pas le créateur du monde. Je réponds qu’on a coutume d’attribuer au Père la puissance et la création. Car, ailleurs, saint Justin enseigne clairement que le Fils est le Créateur du monde, comme dans son apologie au sénat.



Athénagoras dans son apologie à Antonin, dit : « Le Fils de Dieu est le Verbe, l’idée, l’efficacité du Père. Car, c’est de lui et par lui que toutes les choses ont été faites, puisque le Père et le Fils sont une seule et même chose, de façon à ce que le Fils soit dans le Père, et le Père dans le Fils, » Et plus bas : « Il est le premier engendrement, c’est-à-dire le premier né du Père, une primigénie non faite. Car il est Dieu depuis le début, celui qui est l’intelligence éternelle, le Verbe lui-même en lui-même, ou il a une raison. » Et plus bas : « Qui de nous ne s’étonne donc pas, nous qui prêchons Dieu le Père, Dieu le fils et le Saint-Esprit, d’en trouver trois selon la puissance, Père, le Fils et le Saint-Esprit, mais une seule chose par l’action et l’essence ».



Saint Irénée (livre 3, chapitre 6). « Donc, ni le Seigneur, ni le Saint Esprit ni les apôtres n’ont donné le nom de Dieu définitivement et absolument qu’au seul vrai Dieu. Et ils n’ont jamais appelé personne Seigneur en dehors de celui qui régit toutes choses, Dieu le Père et son Fils ». Et un peu plus bas : « Puisque le Père est vraiment Seigneur et le Fils vraiment Seigneur, c’est avec raison que le Saint-Esprit les a marqués de ce nom. » Livre 3, chapitre 8 : « Celui qui a tout fait avec son Verbe, est dit à juste titre seul Dieu et seul Seigneur. Les choses qui ont été faites n’ont pas droit à ces noms. Elles ne peuvent pas, en toute justice, s’arroger des noms qui appartiennent en propre au Créateur. Livre 3, chapitre 12 : « Les Apôtres annoncèrent que celui-ci était le Christ, fils éternel de Dieu, leur roi. » Et au chapitre 16 : « Comme il a été décrété clairement par les prédicateurs de la vérité et les apôtres de la liberté, qu’on n’appellerait Dieu aucun autre, qu’on ne nommerait Seigneur aucun autre que le seul vrai Dieu, Père et son Verbe, qui a sur toutes choses la principauté, on aura montré clairement en même temps que le créateur du ciel et de la terre, et celui qui a parlé avec Moïse, et lui a donné les dispositions de la loi, qui a convoqué les pères, devait être reconnu comme Dieu et Seigneur à l’exclusion de tout autre etc. » Et au chapitre 20 : «  Est donc exclue totalement la contradiction aperçue par ceux qui disent que si le Christ est né, il n’était donc pas avant. Car nous montrons que le Fils de Dieu n’a pas commencé alors, mais qu’il existait depuis toujours auprès du Père. » Livre 4, chapitre : « Donc, le Christ lui-même est, avec le Père, le Dieu des vivants qui a parlé à Moise et qui s’est manifesté aux Pères ».



Mais Gentilis et les Transylvaniens nous objectent plusieurs textes de saint Irénée. D’abord (livre, chapitre 2) : « L’Église a reçu la foi en un seul Dieu le Père tout-puissant qui a fait le ciel et la terre, les mers, et tout ce qui est en eux, et en un seul Jésus-Christ Fils de Dieu, incarné pour notre salut, et dans le Saint-Esprit. » Il dit là que le Père est le Dieu tout-puissant Créateur, et que Jésus-Christ est le Fils de cet unique Dieu créateur. Il semble donc s’ensuivre que le Christ n’est pas un seul Dieu Créateur avec le Père. Je réponds que le mot « un seul » se rapporte à Dieu et non au Père. Car, le sens n’est pas que le Père seul soit le Dieu Créateur, mais que le Père soit ce Dieu qui est le seul créateur du ciel et de la terre. Qu’on ne dise pas là que le Fils est l’unique Dieu Créateur, cela provient du fait que saint Irénée récite le symbole de la foi; que ce symbole doit être très bref, qu’on ne doit donc pas répéter ce qu’on peut comprendre par ce qui est dit ensuite. Que le Fils soit lui aussi l’unique Dieu Créateur saint Cyrille l’enseigne dans son explication du symbole de Nicée, parce que dans le Père est compris le Fils, et parce que, même si on disait qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, cette foi en un seul Dieu était la foi dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. De plus, ce même saint Irénée, dans les passages que nous avons cités, dit que le Christ est Dieu, Créateur et Seigneur éternel, mais il répète quand même qu’il n’y a qu’un seul Dieu.



Deuxièmement. On cite plusieurs passages du livre 2, chap. 3, du livre 3, chap 6, 9, 11, 11, 16, 18, du livre 4, chap 1, 2, 37, et livre 5 où saint Irénée répète souvent que le Dieu d’Israël créateur du ciel et de la terre est le Père du Christ, et que le Christ aurait été un séducteur s’il avait prêché un autre Dieu que son Père etc. Ils en déduisent que le Christ n’est pas un seul Dieu avec le Père, puisque le Père et le Fils sont distincts, sont deux et non un; et qu’un seul des deux est dit Dieu d’Israël Créateur. Je réponds que saint Irénée a souvent répété ces choses à cause des hérésiarques Marcion et Valentin qui introduisaient un autre créateur et Dieu d’Israël, en plus du Père du Christ. De plus, le fait que le Père du Christ soit appelé créateur et Dieu d’Israël n’implique pas nécessairement que le Fils ne soit pas Créateur et Dieu d’Israël, mais il s’ensuit plutôt qu’il l’est. Car, comme un homme engendre un homme, un roi un roi, ainsi un Créateur engendre un Créateur, et un Dieu un Dieu, avec cette différence que la nature divine est indivisible. Dieu engendre un Dieu qui est le même, mais qui est distinct par la personne, tandis qu’un homme engendre un homme qui ne lui est semblable que par l’espèce.



Troisièmement, ils nous objectent que saint Irénée n’applique qu’au seul Père, et non à toute la trinité, ces mots du Deutéronome 6 : « Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est un Seigneur unique.  » Car, c’est ce qu’il dit aussi au livre 4, chapitre 2 : « Le Christ confesse son Père, que la loi aussi annonce en disant : Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu. » Je réponds que saint Irénée ne dit pas que ce passage doive être entendu du seul Père; et que nous ne l’attribuons pas à la trinité de façon à ce qu’il ne s’applique pas à chaque personne séparément. Car la trinité n’est pas, comme le rêvent nos adversaires, distincte du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Mais tout ce qui est attribuée à une personne appartient aux deux autres, à l’exception des relations. Clément d’Alexandrie (livre 1, pédagogue, chap 5) : « On s’entend pour dire que, étant Dieu, le Fils n’a rien appris. Car personne ne fut jamais plus grand que le Verbe, ni le maître ni le docteur de celui qui est le seul Maître. N’avouent-ils donc pas, malgré eux, que le Verbe est né parfait du Père parfait ? » Livre 3, dernier chapitre : « Nous louons un seul Père, et le Fils avec le Saint-Esprit, qui lui seul est toutes choses, par qui seul sont toutes choses, qui est infiniment bon, infiniment beau, infiniment sage, infiniment juste, à qui la gloire maintenant et dans les siècles des siècles. Amen. » Ensuite, Ruffin atteste dans son apologie en faveur d’Origène, que ce Clément, dans tous ses écrits, a célébré une seule gloire et une seule majesté des trois personnes.



Pour le troisième âge, nous avons six auteurs. Le premier, Origène. Il a été disciple de saint Clément. On trouve, dans ses écrits, des blasphèmes éhontés contre le Fils de Dieu et l’Esprit Saint, comme on le voit pas la lettre qu’Épiphane a écrite à Jean de Jérusalem, et par la lettre que saint Jérôme a écrite à Avitus au sujet des erreurs d’Origène. On a pensé alors que ces erreurs avaient été ajoutées après coup par les Ariens, comme le prétend Ruffin dans son apologie pour Origène. Car on trouve dans ses écrits des phrases tout à fait catholiques. Et saint Athanase, dans sa lettre sur le décret du synode de Nicée, cite Origène contre les Ariens, et ajoute que les ariens n’ont rien pu tirer des Anciens en faveur de leur hérésie.



De plus, Clément, le maître d’Origène, et le disciple d’Origène saint Grégoire le thaumaturge s’expriment droitement sur la trinité. Comment est-il donc probable qu’il ait mal enseigné ? Origène, dans le livre 7 sur l’épitre aux Romains, chap 9 dit : « Je m’étonne comment, en lisant ce que l’apôtre dit : « un seul Dieu Père, de qui toutes choses, et un seul Jésus-Christ par qui toutes choses », certaines personnes nient qu’on doive confesser Dieu le Fils de Dieu, sans craindre de parler de trois dieux. Et que feront-ils de ce passage de l’apôtre dans lequel le Christ est clairement décrit comme Dieu au-dessus de toutes choses ? Ils ne se rendent pas compte ceux qui parlent ainsi qu’en disant que le Seigneur Jésus-Christ n’est pas le Dieu unique, ils font en sorte que Dieu le Père ne soit pas le Seigneur. De la même façon, ils disent que Dieu le Père n’est pas un seul Dieu pour qu’on ne croie pas que le Fils soit Dieu. L’un et l’autre est Dieu » De même : « Celui qui est au-dessus de tous n’a personne au-dessus de lui. Car il n’est pas après le Père, mais du Père. » Et un peu plus bas : « Nous est montré en toute clarté la nature de la trinité et de sa substance, qui est au-dessus de toutes-choses.»



Saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée, dans la profession de foi présentée par Eusèbe, d’après la traduction de Ruffin (livre 7, histoire, chap 25), et d’après saint Grégoire de Nysse dans Grégoire le thaumaturge, et dans le tome du concile 5, dit que «  le Verbe de Dieu est le vrai fils du vrai Père, Dieu de Dieu, invisible d’invisible, éternel d’éternel ». Et il ajoute : « La trinité parfaite n’est en aucune façon divisée par la majesté, l’éternité et le règne. » De même : « On ne trouve dans la Trinité ni serviteur, ni créature, ni ajout,  » Saint Denys, évêque de Rome, a édité de célèbres livres, dont parle Saint Athanase dans sa lettre sur les phrases de Denys évêque d’Alexandrie : « Les volumes de l’évêque de Rome Denys écrits contre ceux qui affirment que le Fils est une œuvre ou une créature de Dieu montrent clairement que l’hérésie des ennemis du Christ, les ariens, n’est pas condamnée aujourd’hui pour la première fois, mais qu’elle l’a déjà été auparavant. » De même, dans son épitre sur le décret du concile de Nicée, le même saint Athanase reprend ces paroles de Denys, évêque de Rome : « J’entends dire que quelques-uns parmi vous, qui sont des maîtres de la parole divine, professent une doctrine qui est diamétralement opposée aux rêveries de Sabellius. Car lui blasphème en disant que le Fils est le Père et que le Père est le Fils, mais eux en confessant trois dieux, en répartissant l’unité sainte en trois substances étrangères, Car il est nécessaire d’unir le Verbe de Dieu au Dieu de tous, et de le faire demeurer en lui, de leur joindre aussi le Saint-Esprit; de constituer et d’unir une sainte trinité dans un seul Dieu plus puissant que toutes choses, comme dans un sommet et un principe. Car la doctrine du séducteur Marcion mettait une scission, une division dans la monarchie en trois principats, mais c’est une institution qui vient du diable, non des vrais disciples du Christ. Eux savent que les saines Écritures prêchent clairement l’existence d’une trinité. C’est pourquoi ils ne disent jamais que c’est l’ancien ou le nouveau testament qui les ont amenés à professer trois dieux. De plus, tu ne trouveras pas moins en faute ceux qui croient que le Fils de Dieu est une œuvre, qu’il est un seigneur créé, alors que les saintes Écritures emploient des mots qui se rapportent à la génération, non à une formation ou une création. » Et plus bas : « C’est ainsi qu’on peut garder ensemble la divine trinité et la profession de la monarchie » Avec ces paroles, prononcées il y a 1300 de cela, il a condamné non seulement les ariens non encore nés, mais même les trithéistes et les samosatiens de notre temps.



L’évêque saint Denis d’Alexandrie, accusé par l’évêque de Rome Denys, d’avoir enseigné que le Fils de Dieu était une créature, écrivit son apologie, dont saint Basile cite certains passages (dans son livre sur le Saint-Esprit, chapitre 29, et dont saint Athanase a fait plusieurs citations, dans son épitre sur la doctrine de Denys d’Alexandrie : « Parce qu’il est la splendeur de la lumière éternelle, il est, à tout point de vue, éternel. » Et plus bas : « De cette façon, l’unité qui est indivisible nous la dilatons en trinité; et en unité, la trinité qui ne peut pas diminuer ». Ensuite, quand on l’accusa de dire que le Fils unique était du nombre des choses créées, et qu’il n’était en aucune façon consubstantiel à son Père : « Je montre qu’il est faux le crime dont on m’accuse, celui de nier que le Christ est consubstantiel à Dieu ». Voilà pour saint Denys.



Tertullien (livre 4 contre Marcion) : « Il dit que tout lui a été livré par le Père. Crois, s’il est le Fils du Créateur, que ce n’est pas à un Fils inférieur que le Créateur a tout livré, mais à Celui par qui il a tout fait. » Et dans son livre contre Prax, chapitre 3 : « Parce que la règle de la foi a été transférée de plusieurs dieux créés à l’unique et vrai Dieu, ne comprenant pas que cet unique Dieu il faut le comprendre selon l’économie, ils ont peur de cette économie. Le nombre et la répartition de la trinité ils les voient comme une division de l’unité, alors que, loin d’être détruite par la trinité, c’est d’elle-même que l’unité dérive en trinité. » Il est à noter que Tertullien appelle économie l’ordre et la disposition des trois personnes. Un peu plus bas, au chapitre 9, il dit : « Voici ce que je dis : autre est le Père, autre est le Fils, autre est le Saint-Esprit. Il interprète mal les personnes, ou en pervertit le sens, celui qui y voit une diversité, et qui fait dépendre la séparation du Père, du Fils et du Saint Esprit de la diversité (des natures). Je me vois contraint de condamner ceux qui, jaloux de la monarchie, s’opposent à l’économie, c’est-à-dire le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui considèrent que c’est par la diversité, non par la distribution que le Père est différent du Fils, pas par la division, non par la distinction, de sorte que le Père et le Fils ne soient pas semblables, mais différents l’un de l’autre par le mode. » Et plus bas : « Comment tu dois recevoir le mot « autre », je l’ai déjà professé, par le nom de la personne, non de la substance, pour marquer une distinction, non une division. Du reste, je tiens partout une seule substance en trois adhérents. » Et plus bas, au chapitre 13 : « Si dans l’Écriture, on ne trouvait le nom que d’une seule personne divine, on aurait raison de ne pas donner au Christ le nom de Dieu et de Seigneur. Car nul autre qu’un seul Dieu n’était prêché. » Et un peu plus bas : «  Je suis bien loin de dire des dieux, ou des seigneurs, mais je marche sur les traces de l’Apôtre. Et s’il faut donner le même nom au Père et au Fils, j’appellerai le Père Dieu et Jésus-Christ Seigneur. Je pourrais appeler Dieu le Christ seul, comme le fait le même apôtre : « desquels est le Christ, Dieu, au-dessus de tout, béni dans les siècles ». Et plus bas, chapitre 17 : « Et le nom du Père est Dieu tout-puissant, le Très-Haut, Seigneur des vertus, Roi d’Israël, Celui qui est. Nous disons que ces titres conviennent au Christ, qu’il a toujours agi conformément à eux, et que c’est en eux qu’il s’est manifesté aux hommes. Car il dit : « Tout ce qui appartient à mon Père est à moi ». Pourquoi pas aussi ces noms ? » Et plus bas : « Ces trois sont une seule chose (unum, neutre), pas un seul (unus, masculin). L’unité se rapporte à la substance, le nombre à la distinction des personnes ».



Ces textes peuvent expliquer les citations apportées, sous forme d’objection, par Gentilis et les transylvaniens. Ils nous opposent d’abord un passage du livre contre Hermogène, pas très loin du début : « Car le Père n’a pas pu exister avant le Fils, ni le juge avant le délit. Il fut un temps où ni le délit ni le Fils n’existaient, qui a fait Dieu juge et Père.  » Je réponds que ces mots ne sonnent pas bien, et qu’il ne faut les revendiquer. Ils ne veulent quand même pas dire que, pour Tertullien, le Fils de Dieu n’a pas toujours existé comme Dieu. Car, dans son livre contre Prax, chapitre 8, il dit : « La parole est donc toujours dans le Père, comme il le dit lui-même : Je suis dans le Père. Et il est toujours auprès de Dieu, comme il est écrit dans saint Jean. La parole était auprès de Dieu, et n’a jamais été séparée du Père, car moi et le Père nous sommes une seul chose » Et au chapitre 5, avait dit : « Avant toutes choses, Dieu seul était. Seul, car il n’y avait avec lui personne ou rien d’extérieur à lui. Mais, du reste, il n’était pas vraiment seul, puisqu’il avait avec lui son logos » Ce Fils dont parle Tertullien contre Hermogène, dont il dit qu’il n’a pas toujours existé, ce n’est pas le Verbe de Dieu, mais le Fils par adoption, c’est-à-dire n’importe lequel saint ange ou saint homme. Car, il ne s’agit pas ici du Christ, mais de la créature douée de raison, qui vient de l’extérieur, et qui, dans le temps, a donné à Dieu le nom de Père. Ou, si ce Fils est le Verbe de Dieu, par le temps où il n’était pas il ne faut pas entendre un vrai temps, mais la priorité d’origine. Car ce que Tertullien veut dire ici c’est seulement qu’on ne peut appeler Dieu Père qu’après qu’il ait eu un Fils. Mais la première explication est plus facile à comprendre et est aussi plus solide.



Ils font une autre objection tirée du livre contre Prax. : « Quand je reconnais le Fils, je confesse le second du Père. » Je réponds qu’il appelle le Fils deuxième, et le Saint-Esprit troisième en raison de l’ordre d’origine, non à cause de degrés différents de nature. Car, dans son livre contre Hermogène, bien avant la moitié, il dit : « La divinité n’a pas de degrés. Elle est unique ». Et dans son livre contre Prax il répète souvent que le Père et le Fils ont une seule et même substance. Voilà pourquoi, quand dans le même livre, il dit que « le Fils se distingue du Père non par le statut, mais par le degré, il entend par degré l’ordre des personnes. Ils font, au même endroit, l’objection suivante : « Le Père est toute la substance, le Fils, une dérivation et une portion du tout ». Je réponds que puisque Tertullien enseigne que la divinité n’a pas de degrés, et qu’il est évident pour lui qu’elle est indivisible, il faut, de toute nécessité, entendre ces paroles de la seule distinction des personnes, qui est le sujet principal de son livre. Il dit que le Verbe est une portion et le Père toute la substance, parce que le Père est la source et le principe des autres personnes, et a, pour cette raison, une certaine supériorité. Et c’est de cette façon qu’il s’explique lui-même au chapitre 9 : « Le Fils est une dérivation et une portion, comme il le reconnait lui-même : parce que le Père est plus grand que moi. Ainsi, et le Père est différent du Fils, et est plus grand que le Fils. Le Père est autre que le Fils et plus grand que lui, comme autre est celui qui engendre et autre celui qui est engendré; autre celui qui envoie, et autre est celui qui est envoyé. » Mais juste avant, quand il parlait de la substance, il avait dit : « Le Fils n’est pas autre que le Père ».



Quatrièmement, autre objection tirée du même livre chap 15 : « Il s’ensuivra que nous concevrons le Père comme invisible à cause de la plénitude de la majesté, et le Fils visible à cause du mode de dérivation. » Il conclut de là que, dans toutes les apparitions de l’ancien testament, c’est toujours le Fils qui a été vu, et que le Père est demeuré invisible. Je réponds que, pour Tertullien, le Père est dit invisible et le Fils visible non parce que, par sa nature, le Fils soit visible, et le Père invisible par sa nature. Mais parce que le Père, comme il le pense, lui, et beaucoup d’autres, n’est jamais apparu sous une forme visible. Tandis que le Fils a souvent, tant dans l’ancien testament que dans le nouveau, assumé pour un temps des formes visibles. Et quand il dit que le Fils est visible par mode de dérivation, il ne parle pas de la dérivation du Fils depuis le Père par une génération éternelle, mais de la dérivation vers nous par l’assomption d’une forme visible. Qu’il en soit vraiment ainsi, on le prouve par ce qu’il dit un peu après : « Nous disons que le Fils est invisible par son nom, en tant que logos, et Esprit de Dieu de la condition de la substance, même maintenant; et, en tant que Dieu, parole et esprit. Il fut visible avant la chair de la façon dont il le dit à Aaron et à Marie : s’il y a un prophète parmi vous c’est en vision que je serai connu par lui ». En second lieu, parce que, un peu plus bas, il dit que c’est du Père qu’a été dit à Timothée : « Au roi immortel des anges, au seul Dieu invisible ». Mais c’est le contraire qui est vrai, car on peut le dire du Fils, puisqu’il est avéré qu’il a été vu mort, là ou on parlement clairement de la forme humaine.



Il faut observer ici que Tertullien cherche à enlever partout une occasion de prouver que le Père est le Fils, contre l’hérésie de Prax. Et parce que l’Écriture dit que Dieu a été vu par Abraham, Jacob, Moïse et Isaïe, et que le Christ a été vu par les apôtres, Tertullien tire de cela un argument pour prouver qu’il y a en Dieu deux personnes, une invisible et une autre visible. Et, pour que l’argument ait plus de poids, il applique au Fils tous les cas où il est dit que Dieu est apparu; et Père tous les endroits où il est dit qu’on ne peut voir Dieu. Son argument n’est pas très convaincant, car la même personne divine peut être dite visible et invisible, visible dans l’espèce créée, invisible dans son essence et dans sa personnalité. Mais nous pouvons quand même en déduire que son intention n’était pas de nier la divinité du Christ, mais d’affirmer sa personnalité propre.



Cinquièmement, ils objectent (dans livre de la trinité) que le seul Dieu des Juifs est le Père du Christ, qu’on ne peut rien comparer au Dieu Père, et que le Fils ne peut pas enlever au Père le privilège d’être le seul Dieu. Je réponds d’abord que ce livre n’est pas de Tertullien, autant parce que sont nommés les sabelliens qui n’étaient pas encore nés au temps de Tertullien, que parce que saint Jérôme (livre 2 contre Ruffin) attribue ce livre à Novatien. Je dis ensuite que ces passages ne nous sont pas contraires. Car il est vrai que le Dieu unique des Juifs est le Père du Christ, vrai qu’il n’a pas enlevé au Père le privilège d’être le seul Dieu,, parce que le Christ n’est pas un second Dieu, mais le même Dieu que le Père. Il est vrai également qu’on ne peut rien comparer au Père, si tu regardes l’origine, puisque il est le principe des autres personnes, et non vice-versa. Ce qui n’empêche pas l’égalité des trois personnes dans la substance.

Saint Cyprien traite de la vanité des idoles : « Dieu est le seul Seigneur de tous, car cette sublimité ne peut avoir d’égal, puisqu’elle tient à elle seule toute la puissance. » Et plus bas : « C’est notre Dieu, c’est le Christ ». Et, au livre 2 à Quirinus, chapitre 6, que le Christ soit Dieu, il le prouve à partir de passages, qui du consentement universel, parlent du Dieu d’Israël. Comme Genèse 35 : « Fais un autel pour le dieu qui t’es apparu quand tu fuyais Ésaü. » De même en Isaïe 45 : « En toi est Dieu, et il n’y pas de vrai Dieu en dehors de toi. Tu es un Dieu caché, Dieu Israël Sauveur ». Même chose aux Romains 9 : « Desquels est le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans les siècles » Ces textes montrent clairement que, pour saint Cyprien, le Christ est le vrai Dieu d’Israël ».



De saint Cyprien, les transylvaniens revendiquent un passage du livre 2, chapitre 6, le seul lieu dans l’explication du symbole où il est dit que Dieu le Créateur est le Père du Christ, qu’il y a un seul Dieu le Père, un seul Seigneur Jésus-Christ, un seul Esprit saint. » Je réponds d’abord que cette explication du symbole n’est pas de saint Cyprien, mais de Ruffin. Car là sont réfutés nominalement Arius, Eunomius et Photin qui, au temps de saint Cyprien, n’étaient pas encore nés. Tu peux par là te faire une idée de l’érudition des transylvaniens, qui n’ont pas encore appris en quels siècles ont vécu leurs prédécesseurs et leurs parents. Je dis ensuite qu’un peu après les paroles citées par les transylvaniens, se trouve une réfutation explicite de leur enseignement. Car voici ce que dit l’auteur : « C’est un conseil provenant de la vanité qui fait enseigner à Paul Samosate, et à son successeur Photin, que le Christ n’a pas existé avant les siècles, mais que Dieu a été fait par un homme. C’est la vanité encore qui leur fait professer que le Christ n’est pas né de la substance elle-même du Père, mais qu’il a été créé à partir du néant; que le Fils a eu un commencement, et qu’il est inférieur au Père ».



Mais on peut dire avec plus de raison que c’est conseillés par la vanité que les transylvaniens non seulement enseignent la même chose, mais qu’ils revendiquent des livres qui les réfutent dans les termes les plus nets. Je dis ensuite qu’étant Fils du Créateur, il est lui-même Créateur, et semblable au Père parce que, en naissant, il a reçu toute l’essence de son Père. Nous ne voyons pas d’inconvénient à appeler le Père le Dieu unique, car on dit aussi que le Fils est le Seigneur unique. Et, pourtant qui nierait que le Père est Seigneur ?



Pour le quatrième âge, nous avons le concile de Nicée, formé de 318 Pères. Il a rédigé un symbole qui est rapporté par Ruffin (livre 10 de son histoire, chapitre 6). Ce symbole a été repris par le concile de Constantinople (chapitre 1) et expliqué par saint Athanase et saint Cyrille. Presque tous les pères en ont gardé un souvenir honorable. Dans ce symbole, voici ce qui est dit du Fils. D’abord, qu’il est le vrai Dieu. Ensuite, qu’il est de la même substance que le Père, Troisièmement, qu’il est éternel. Quatrièmement, qu’il est, comme le Père, immuable, et inconvertible. Cinquièmement, qu’il a été engendré, non fait. Les Pères ne pouvaient donc pas réfuter plus clairement ceux qui voulaient faire du Fils une créature.



Sur ce symbole les transylvaniens portent un jugement étonnant. Car (au livre 1, chap 1) ils disent que c’est le symbole de l’Antichrist; que ces mots « engendré, non fait » sont un délire de l’Antichrist, puisqu’ils sont si contraires aux mots de saint Paul qui dit (Rom 1) : « Il a été fait de la semence de David ». Et « il a été fait d’une femme (Galates 4). Dans le livre 2 du chapitre 6, ils disent que leur enseignement est contenu dans ce symbole qui dit que « le Père seul est l’unique Dieu Créateur », car il commence ainsi : « Nous croyons dans un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et en un seul Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu. »



Mais dans l’un et l’autre cas ils délirent. Car, quand le symbole dit que le Fils a été engendré et non fait, il parle du Christ en tant que Dieu, car il dit, un peu après : et il s’est incarné et s’est fait homme. Le même symbole enseigne donc que le Christ a été fait et qu’il n’a pas été fait : fait en tant qu’homme, non fait en tant que Dieu. Il n’est que trop évident que quand saint Paul dit qu’il a été fait d’une femme et de la semence de David, il parle de la nature humaine qu’il a assumée dans le temps. Et à un autre endroit, il enseigne qu’il n’a pas été fait d’une matière créée, mais qu’il a été engendré par le Père avant toute créature. De plus, quand on dit ici que le Père est le seul Dieu, comme nous l’avons plusieurs fois répété, et que le Fils est le Seigneur du Seigneur, ce n’est pas pour exclure le Père du nom de Seigneur, ou le Fils du nom de Dieu. Car le sens n’est pas que seul le Père est Dieu, mais que le Père est ce Dieu qui est le Dieu unique.



En plus du concile de Nicée, nous avons, dans le même siècle, le concile de Constantinople formé de 150 pères. Il décréta, de nouveau, que le Fils est consubstantiel au Père. Nous avons aussi, dans ce siècle un grand nombre de pères illustres tant grec que latins. Saint Athanase a écrit cinq longs discours contre les ariens, et toutes ses œuvres combattent l’arianisme. Saint Basile a écrit cinq livres théologiques contre Eunome. Saint Grégoire de Nysse, continuant le travail de son frère, en a écrit cinq autres pour réfuter les eunomiens. Saint Cyrille de Jérusalem a écrit cinq catéchèses sur ce sujet, de la septième à la onzième. Épiphane a écrit avec beaucoup de précision contre Paul de Samosate (hérésie 65), et contre les hérétiques ariens (hérésie 69).



Chez les latins, saint Hilaire a écrit douze livres sur la trinité. Lucifer Calaritanus a écrit un livre pour Athanase contre l’empereur Constance, et un autre dans lequel il enseigne qu’il faut mourir pour le Fils de Dieu. Marius Victorin a écrit quatre livres contre les ariens. Grégoire Béticus un livre sur la foi contre les ariens. Saebadius un livre contre les ariens, Saint Ambroise cinq livres sur la foi, Philastrius, dans un livre sur les hérésies, réfuta brièvement Paul de Samosate et les ariens.



De cette quatrième époque, ils n’ont d’objection à faire qu’aux écrits de saint Hilaire et de saint Ambroise. Car, saint Hilaire (dans son livre 9 sur la trinité) dit que seul le Père est l’unique vrai Dieu, même si le Christ est Dieu.. Saint Ambroise (au chapitre 1, 1 à Timothée) applique au seul Père ces paroles : « Au roi immortel des siècles, à l’invisible et seul Dieu. » Et ailleurs, il applique au seul Père ce qui a été dit par le Seigneur : « Nul n’est bon que Dieu ». Et au chapitre 6, il rapporte au seul Père ces mots : « Qui seul est Puissant, Roi des rois, et Seigneur de seigneurs ». Je réponds que, quand saint Hilaire dit que seul le Père est le vrai Dieu, il ne nie pas que le Fils soit le vrai Dieu, car le Fils est compris dans le Père, puisqu’il est de la même essence que lui. Les paroles que les transylvaniens citent ( au livre 2, chap 6 du livre 9 de saint Hilaire) enseignent ce qui suit : « Mais peut-être que le Père étant seul le vrai Dieu, il n’a pas laissé au Christ d’être Dieu. Il ne lui a pas laissé si le seul Dieu Père ne lui a pas laissé d’être le seul Seigneur. Si Dieu le Père unique ne lui a pas refusé d’être le seul Seigneur, de la même façon le seul vrai Dieu Père n’a pas refusé au Fils d’être vrai Dieu. » Ici, saint Hilaire confesse ouvertement que le Christ est vrai Dieu, une seule chose avec le Père, comme il est l’unique et vrai Seigneur avec Dieu le Père.



Au premier texte de saint Ambroise cité, nous répondons que ce livre n’est pas de saint Ambroise. Je dis ensuite que dans ces commentaires, l’auteur attribue au seul Père ces épithètes (roi des rois, invisible, bon puissant) non parce qu’il est le seul à les posséder, mais parce qu’il est le seul à les avoir de lui-même. Car, au chapitre 6, il s’explique ainsi : « Toutes ces choses le Père les a, et le Fils les a semblablement en tant que reçues du Père » Il attribue au Père seul l’invisibilité, car seul le Père n’est pas apparu sous une forme sensible. Tertullien dit que c’est le Fils qui est apparu en divers lieux, et c’est Tertullien que cet auteur suit. Et parce que les transylvaniens osent faire dire à saint Ambroise qu’il a enseigné la supériorité du Père éternel, notons ce passage (livre 5, de la foi, chapitre ultime) : « C’est vers toi, Père tout puissant, qu’avec des larmes, je dirige ces paroles. Je suis porté à te dire inaccessible, incompréhensible, inestimable, mais je n’ose pas dire que ton Fils est inférieur. » Et un peu plus bas : « Si je disais plus grand que le Fils, comme Arius l’affirme, je parlerais en impie. » De même au chapitre 2 aux Philippiens : « C’est en toute justice qu’il s’est égalé à Dieu. Car, c’est en sachant qu’il était dans la forme de Dieu, qu’il s’est manifesté égal à Dieu. » Quelle impudence c’est donc d’affirmer qu’Ambroise prêche partout la supériorité du Père sur le Fils, quand, en pesant bien ses mots, il n’ose déclarer le Père supérieur ou le Fils inférieur, mais le proclame plutôt égal à Dieu ? Mais ce n’est ni le premier ni le dernier mensonge des hérétiques.



Le cinquième âge va de 400 à 500. Il y a eu, pendant ce temps, deux conciles œcuméniques qui approuvèrent de nouveau le concile de Nicée, le premier concile d’Éphèse contre l’épitre à Nestor, et le concile de Chalcédoine, act 2. Nous avons en suite un grand nombre de Pères qui écrivirent pour enseigner la véritable doctrine christologique. Parmi les auteurs grecs, il y eu saint Jean Chrysostome qui a prêché avec une grande éloquence et une grande doctrine dans son sermon intitulé que le Christ est Dieu, et dans son commentaire sur cette parole de saint Paul : « Alors le Fils lui-même si soumettra à lui ». Dans ses commentaires du chapitre 1 de Jean, aux Colossiens, aux Philippiens, et ailleurs. Il y a eu aussi Théophile d’Alexandrie dans u Pasch. Saint Cyrille édita cinq livres sur la trinité, contre les ariens, et quatorze livres sur le trésor. De plus, dans son commentaire de l’évangile de saint Jean, il ne perd jamais une occasion de réfuter les ariens. Théodoret, livre 4 des hérésies, des fables, livre 2 aux Grecs, Et dans sa lettre su bienheureux Paul, ils parlent contre ceux qui nient que le Christ est le vrai Dieu..



Chez les latins, Gaudence, dans son traité 7 sur l’Exode, et dans sa lettre à Paul sur « le Père est plus grand que Moi », dans laquelle il réfute admirablement bien les ariens. Saint Jérôme s’est souvent opposé aux ariens, et les a convaincus (surtout dans son livre contre Lucifer, et dans son épitre à Marcella), d’enseigner les erreurs de Montan. Et dans une autre à Avitus traitant des erreurs d’Origène, et dans deux lettres au pape Damase sur le mot hypostase. Saint Augustin a écrit cinq livres sur la trinité, trois contre l’arien Maximin, un livre contre les erreurs des ariens, et quelques lettres (comme 174 et les suivantes) dans lesquelles il réfute brillamment les ariens. Enfin, dans son commentaire sur l’évangile de saint Jean, il dénonce souvent l’arianisme. Idacius Clarus a écrit à Varimadum contre les ariens, en sept livres sur l’incarnation, dans lesquels il a beaucoup parlé contre les ariens. C’est ce qu’a fait aussi Prosper (livre 3 des promesses et des prédictions de Dieu, chapitres 2,3,4), saint Léon le Grand dans sa très célèbre épitre à Flavien, et souvent dans ses lettres et ses sermons, principalement le sermon 1 de la Pentecôte, où il détruit l’hérésie arienne. L’évêque Céréale fait la même chose, dans son livre contre l’arien Maximin.



Les transylvaniens nous objectent quelques passages tirés de ces pères. D’abord, saint Jean Chrysostome qui a dit (chapitre 1 de son homélie 4 sur Timothée) : « Le Père a par lui-même d’être le roi des siècles, immortel, invisible, mais le Fils l’a en le recevant du Père ». Ils concluent de ce texte que le Fils a été fait Dieu par un don de grâce, roi immortel. Mais cette pensée répugne à saint Jean Chrysostome. Car il dit : « Le Père l’a par la nature, nous par la grâce. Est-ce la même chose pour le Fils ? Pas du tout. Car ce qui est vrai c’est que le Fils l’a, lui aussi, par nature » Et un peu plus bas : « Quand j’entends que le Père est le roi des siècles, je n’enlève pas non plus la domination au Fils. Car ces choses sont communes au Père et au Fils. »



En second lieu, ils trouvent à redire à un texte de saint Cyrille (livre 10 du trésor, chapitre 4) où il applique au Père, non à la trinité, le passage suivant : « Je suis le premier et le dernier ». Je réponds qu’en disant que ces paroles conviennent au Père, saint Cyrille ne nient pas qu’elles conviennent aussi au Fis. Car, au chapitre 6, il dit : « Ce n’est pas pour rabaisser le Fils que ces paroles sont dites du Père, à moins qu’on pense, comme dans les fables grecques, qu’entre le Père et le Fils, il y a une rivalité et une guerre. Mais c’est pour le rejet des faux dieux, que le Père est appelé premier et dernier, et Dieu éternel, car en l’appelant père il entend nécessairement aussi le fils (puisque le Père et le fils ont la même nature.) » Et au chapitre 4 : « Comme le Fils est lui-même incréé par sa nature, le Seigneur de tous, et le Créateur etc. »



Troisièmement, ils disent de saint Jérôme, que, longtemps réfractaire à la vérité, il a quand même, vaincu par la clarté des textes scripturaires, confessé que c’est le Père qui est le Dieu unique. Car, au chap 4 de l’épitre aux Éphésiens, il dit que ce « un seul Dieu et Père de tous » doit être rapporté à Dieu de le Père. Mais saint Jérôme, au même endroit, réfute cette calomnie. Car il dit en toutes lettres « qu’on n’exclut pas le Fils quand on dit que le Père est Dieu, comme on n’exclut pas le Père quand on dit que le Fils est Seigneur. » « Si, comme l’imaginent les Ariens, Dieu le Père est le seul Dieu, ils devront, par la même logique, soutenir que Jésus-Christ est le seul Seigneur. Et ainsi le Père ne sera pas Seigneur et le Fils ne sera pas Dieu. Mais loin de nous l’idée que, dans la déité, il n’y ait pas de domination, et que dans la domination, il n’y ait pas de déité. Il n’y a qu’un seul Seigneur et un seul Dieu, parce que la domination du Père et du Fils est une seuls divinité. Et c’est pour cela qu’il n’y a qu’une seule foi, parce que nous croyons la même chose du Père, du Fils et du Saint-Esprit »



Enfin, ils essaient même de prendre en faute le grand saint Augustin (livre 6 de la trinité, chapitre 9) : « Que ferons-nous de ce témoignage du Seigneur ? Car il disait au Père, et il donnait le nom de Père à celui à qui il parlait quand il a dit : « Voici quelle est la vie éternelle, qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu. Il faut donc se demander si nous sommes efforcés de comprendre que ce qu’il voulait insinuer par là c’était que seul le Père était le vrai Dieu, et qu’il ne fallait pas donner le nom de Dieu à chacune des trois personnes ? » Saint Augustin semble dire ici que nous sommes forcés d’affirmer que seul le Père est le vrai Dieu. Ce qui fait exulter les transylvaniens au livre 2, chapitre 6, car, en s’opposant à cette vérité, saint Augustin approuverait la leur. Ne supportant pas une lumière si resplendissante, il aurait été contraint, malgré lui, de professer la vérité.



Mais ces pauvres transylvaniens entendent ce qu’ils veulent bien entendre, Car la proposition : seul le Père est le vrai Dieu peut avoir deux sens. Le premier : aucune personne de la trinité n’est vrai Dieu à l’exception du Père. Le deuxième : le Père, même considéré à part, est le seul vrai Dieu. Le premier sens est arien, est c’est celui qu’on adopté les transylvaniens. L’autre est catholique, et c’est celui que saint Augustin entendait communiquer, comme il appert des paroles citées : « il faut peut-être appeler le Père le seul vrai Dieu, pour qu’on ne pense pas que le nom de Dieu ne convient pas à chacune des trois personnes. » De plus, saint Augustin exclut explicitement les ariens qui niaient que le Fils était vrai Dieu. Et il dit en conclusion : « Nous avons démontré, aussi brièvement que nous avons pu, l’égalité de la trinité et l’unique substance semblable. »



Dans le sixième âge, nous avons le synode 5 qui, au chapitre 1, enseigne les trois personnes d’une unique substance; et qui, au chapitre 11 dit anathème à Arius et à Eunome. Nous avons aussi saint Fulgence dans le livre sur la foi à Pierre, chap 1, dans le livre 3 à Monime, et dans un autre livre sur des objections d’Arianor, dans un livre à Transimundum, Nous avons aussi Vigilium tridentinum, livres 3 et 4 contre Eutychès, et dans la dispute d’Athanase, de Sabellius, d’Arius et de Photin. Jean Maxence dans sa profession de foi. Nous avons également Boèce Severinum, qui a écrit un livre profond sur la trinité. Les transylvaniens (livre 2, chap 5) prétendent qu’il a déraillé, et enseigné le sabellianisme parce qu’il a dit que la répétition du même être ne constitue pas une énumération différente, quand on dit Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit. » Mais ici c’est vraiment eux qui délirent, fascinés qu’ils sont par le démon. Car Boèce ne parle pas de la répétition de la même personne mais de la même divinité, ce que nous sommes forcés de professer à moins de vouloir introduire plusieurs dieux comme les païens.



Dans le septième âge, nous avons le sixième concile oécuménique, act 17. Saint Grégoire le Grand, livre 3 des dialogues, chapitres 29 et suivants, Grégoire de Tours, livre 5, chap 43, livre 6, chap 4 de son histoire, Saint Isidore de Séville dans son livre sur la trinité. Au huitième âge, nous avons le septième concile œcuménique, Bède le vénérable, dans son commentaire de Boèce sur la trinité, saint Jean Damascène, livre 1, de la foi orthodoxe, chapitres 2, 6, 8, et presque tout le livre. Au neuvième âge, le huitième concile œcuménique, dernier acte. Photius, Théophylactum, Haimonem et Raban Maure, chap 9 aux Romains, et 1 aux Philippiens, et ailleurs. Dans le dixième âge, qui fut le plus obscur du tous, nous avons Ambrosium Ansbertum dans l’apocalypse, surtout au commencement et à la fin. Et Radulphus Flaviencenses dans le Lévitique, chapitre 2.



Au onxième siècle, nous avons saint Anselme, dans son livre sur la trinité, et Giselbertus dans son livre sur l’altercation entre les écoles et les synagogues (à Anselme). Dans le douzième siècle, nous avons Richard de saint Victor, dans son livre 6 sur la trinité, et saint Bernard dans son épitre 190 à Innocent contre Pierre Abélard. Au troisième siècle, nous avons le concile du Latran, chapitre 1, et plusieurs théologiens célèbres, qui ajoutèrent leurs commentaires aux sentences de Pierre Lombard, et qui composèrent des sommes théologiques, comme Alexandre Alensis, saint Albert le Grand, saint Thomas, saint Bonaventure etc.



Au quatorzième siècle, il y a eu le concile de Vienne, d’où est sorti une clémentine unique sur la sainte trinité et la foi catholique. Au quinzième siècle, le concile de Florence, session ultime sur la procession du Saint-Esprit. Au seizième siècle, le concile de trente, session 3. La foi dans la sainte trinité consubstantielle qui est le seul vrai Dieu a donc duré depuis les temps apostoliques jusqu’à nous. Ce qui est un argument insigne de vérité. Car, aucune hérésie n’a duré aussi longtemps.





CHAPITRE 11 : 8ecatégorie, celle des sibylles

Les sibylles ont expliqué beaucoup de choses plus clairement que n’importe lequel prophète. Les pères qui citent les témoignages des sibylles sont saint Justin, Athénagoras, Clément d’Alexandrie, Lactance, saint Augustin et d’autres anciens. Saint Clément d’Alexandrie (dans son livre 6 des stromata, avant le milieu, dit que l’apôtre Paul a exhorté les Gentils à lire les sibylles. Nous a été conservé un chant très célèbre de la Sibylle Érithrée, dont les lettres capitales font cette phrase : Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, croix, et qui conclut par le distique suivant : « Dieu unique et éternel, qui est ici le conservateur, et le même qui a souffert pour nous en tant que Christ, que les chants proclament.  » Et voilà ce qu’elle dira plus loin du Christ qui viendra juger : « C’est un seul Dieu que regardent l’incrédule et le fidèle ».



Ces chants on a pu les lire dans l’oraison funèbre de Constantin le Grand prononcée, après sa mort, par Eusèbe de Césarée dans l’assemblée des saints. Dans cette oraison, le fils ainé de Constantin déclara que Cicéron avait eu en mains ces prophéties et les avait traduites en latin. On ne les trouve pas, aujourd’hui, il est vrai, parmi les œuvres de Cicéron, mais dans le livre 2 de la divination, il affirme avoir vu les chants de la Sibylle, qui, avec leurs lettres initiales, donnaient un sens. Il dit qu’il les a lus, et qu’ils n’existent plus. Il y a eu, en plus, Lactance, dans le livre 4, chapitre 18, et saint Augustin, dans le livre 18 de la cité de Dieu, chap 23. Tous les deux rapportent ces chants de la sibylle sur la divinité du Christ. : « Idiote, tu n’as pas reconnu ton Dieu, mais tu l’a couronné d’une couronne d’épines, et tu lui a mélangé un fiel horrible ». De même : « Ils donneront à leur Dieu des soufflets avec leurs mains impures.»



De plus, au livre 5 des chants des sibylles, vers la fin, nous lisons : « Quand la maison fera germer la racine de David, dans les mains duquel est tout le monde, le cosmos, la mer et le ciel. » Et plus bas : « Car une saine notion de Dieu te fuit malheureusement. » « O arbre bien heureux sur lequel Dieu lui-même est suspendu, » Et, au livre 7 : « Tu n’as pas connu, misérable, ton Dieu qui a paru autrefois dans le Jourdain. » Au livre 8, sont placées les paroles de l’ange à Marie : « Reçois Dieu dans ton sein pudique, vierge sans tache ! »





CHAPITRE 12 : 9e catégorie, les divins témoignages des visions et des miracles.



Prévoyant que l’hérésie arienne renaîtrait souvent de ses cendres et ferait beaucoup de tort à l’Église, le Saint Esprit a attesté souvent qu’elle était une vraie hérésie. En tout premier lieu, environ cinquante ans avant que ne naisse l’hérésie arienne, la sainte Vierge est apparue au thaumaturge saint Grégoire, avec saint Jean l’Évangéliste. Et sur l’ordre de la sainte Vierge, saint Jean remit à saint Grégoire une confession de foi dans laquelle est enseigné que le Verbe est le Dieu vrai, éternel, invisible, incréé et que la trinité est consubstantielle. Cette vision, c’est Grégoire de Nysse qui la rapporte dans l’éloge qu’il a fait du thaumaturge.



Deuxièmement, un peu avant l’hérésie, Dieu révéla à saint Antoine (comme le raconte saint Athanase dans la vie d’Antoine), que l’hérésie d’Arius apporterait dans l’Église des maux horribles. C’est pour cette raison que saint Antoine ne permettait à aucun arien de monter sur sa montagne, et qu’il les éloignait tous de sa montagne comme une peste. Troisièmement, à peu près au même temps, quand commencèrent à lever les premières semences de l’hérésie arienne, le Christ apparut au saint évêque Pierre martyr emprisonné, avec sa robe déchirée de haut en bas. Saint Pierre lui demanda ce que cela signifiait. Et Jésus répondit : « C’est Arius qui m’a fait cela, car il m’a séparé de mon peuple ». C’est ce qu’en ont écrit Bède le vénérable et Ado dans le martyrologe au 25 novembre.



Quatrièmement, quand il allait se soulager dans une vespasienne de Constantinople, ses intestins crevèrent et il perdit la vie. C’est ce que rapporte saint Athanase dans son discours 1 contre les ariens, Ruffin, dans le livre 10 de son histoire, chap 13, Gaudence dans son épitre à Paul, saint Épiphane aux hérésies 68 et 69, et d’autres. Saint Athanase ajoute, dans sa lettre à Sérapion, que, avant que cela n’arrive, Arius avait affirmé par serment à Constantin qu’il professait la foi catholique; que Constantin lui aurait répondu : « si ta foi est droite, tu as bien fait de jurer; mais si elle est impie, et que tu as quand même juré, que Dieu te condamne pour le parjure ». Ensuite, quand Arius a voulu entrer dans l’église (comme l’écrit saint Athanase), saint Alexandre, évêque de Constantinople, a demandé au Seigneur de l’enlever de ce monde s’il permettait qu’Arius pénètre dans l’église. Toutes ces circonstances nous font comprendre que ce n’est pas par hasard qu’Arius s’est éteint par une mort si dégoutante, mais par une disposition particulière de la providence. Dieu voulait par là réaliser la menace du pieux empereur, et exaucer la prière du saint pontife. Ce qui permet à saint Athanase de conclure : « Dieu lui-même, en se comportant en juge, a condamné l’hérésie arienne ».



Cinquièmement. Quand l’évêque arien Lucius persécutait les chrétiens partout, les moines faisaient des miracles par ces mots : « Au nom de Jésus que Lucius persécute, lève-toi et marche ! » C’est ce que rapporte Ruffin dans le livre 11 de son histoire, chapitre 4. Sixièmement, saint Hilaire, exilé par les ariens, libéra, par son ordre et ses prières, une île infestée de serpents. Il ressuscita même un mort, comme le rapporte saint Fortunat dans sa vie.



Septièmement. Sulpice écrit que saint Marin résista aux ariens au point d’être flagellé publiquement et d’être chassé de sa patrie. Pendant tout ce temps, il brillait par les nombreux miracles qu’il opérait. Huitièmement. Quand on demanda à saint Basile si telle église devait appartenir aux catholiques ou ariens, il accepta de répondre à condition qu’on entoure l’église de chaines et de plaques de fer. Il leur proposa que l’église appartiendrait à ceux qui, en priant au nom de leur foi, en ouvriraient les portes sans l’emploi d’aucune force, par la seule puissance de la prière. La condition étant acceptée, les ariens prièrent d’abord longtemps, selon leur foi, mais ne purent rien obtenir. Or, quand saint Basile pria avec les catholiques, les portes de l’église se sont ouvertes avec une telle puissance que ces paroles semblaient avoir la force d’une tornade ou d’un ouragan. C’est ce que rapporte Amphilochius dans sa vie de saint Basile.



Neuvièmement. Quand l’impératrice arienne Justina persécutait, avec les siens, saint Ambroise et les catholiques, Dieu révéla à ce même Ambroise l’emplacement des corps intacts des saints Gervais et Protais, par l’intermédiaire des quels il donna la vue à un aveugle, et fit beaucoup d’autres miracles. Les ariens en éprouvèrent beaucoup de confusion et de honte (rapporte saint Augustin dans le livre 9 des confessions, chapitre 7), et usèrent de tous les moyens pour décrier et discréditer ces miracles (comme saint Ambroise le raconte dans son sermon sur les saints Gervais et Protais).



Dixièmement. Victor Uticensis (livre 1 de la persécution des vandales) écrit que quand les saints martyrs pour la fois étaient flagellés par les ariens jusqu’à mettre a nu leurs os, il arrivait souvent, que le jour suivant, par un miracle divin, ils retrouvaient une parfaite santé. Dans le livre 2, le même auteur écrit que, par saint Eugène, un aveugle a recouvré la vue pendant le même temps où les ariens vexaient le plus les catholiques. Au livre 3, il raconte que, sur l’ordre d’un roi arien, on avait coupé jusqu’à la racine les langues de plusieurs catholiques; mais que ces confesseurs conservèrent le plein usage de la parole aussi longtemps qu’ils vécurent. Ce miracle, saint Grégoire lui-même le rapporte dans le livre 3 de ses dialogues, chapitre 32. Et il dit qu’il a parlé avec un évêque qui a vu un de ceux qui parlaient sans langue.



Onzièmement. Ce même saint Grégoire, dans le livre 3, chap 29. 30 et 31, raconte trois miracles qui arrivèrent de son temps. Le premier dans la ville de Spolète. Quand un évêque arien voulut entrer dans l’église de saint Paul, et dédier l’église à son erreur, les catholiques, redoutant le pire, éteignirent les lumières et fermèrent diligemment les portes. Mais quand l’arien avec son troupeau s’avança pour entrer par effraction, les portes s’ouvrirent subitement d’elles-mêmes avec fracas, et avec une lumière qui descendait du ciel toutes les lampes s’allumèrent. L’évêque arien fut frappé de cécité, et tous furent saisis d’un tel effroi que personne n’osa entrer dans l’église. Et, pleins de confusion, ils ramenèrent l’évêque devenu aveugle dans sa maison. Le second est arrivé à Rome. Quand, après avoir introduit les saintes reliques, saint Grégoire rendit au culte une église qui avait appartenu aux ariens, le diable sortit sous la forme d’un cochon horrible. De plus, une nuée lumineuse descendit sur l’autel, et en même temps, une odeur d’une grande suavité se répandit dans le lieu, et toutes les lampes s’allumèrent d’elles-mêmes par l’action divine. Le troisième en Espagne. Quand le prince Herménégilde a été tué pour la foi par son père arien, on a vu, près de lui, pendant la nuit, des lampes allumées, et beaucoup entendirent les anges chanter.



Douzièmement. Comme l’écrit saint Grégoire de Tour dans le livre 2 de son histoire des Francs, chap 3, quand, en Afrique, un patriarche des ariens nommé Cyrola persécutait les catholiques, et quand ,au même moment, trois saints évêques, Eugène, Vindemialis, et Longin qui leur résistaient plus que d’autres, brillaient par l’éclat de leurs miracles, un hérétique arien voulut faire un miracle. Il donna donc cinquante pièces d’argent à quelqu’un pour qu’il contrefaire un malade, Il devait feindre d’être un aveugle, et aller à la rencontre de Cyrola pour lui demander de l’aide. Cyrola s’approcha de lui, lui toucha les yeux, lui commandant de voir au nom de la vérité qu’il prêchait. Aussitôt les yeux du misérable jaillirent de leurs orbites avec une telle force qu’il était contraint de les retenir avec ses mains pour les empêcher de sortir.. Il comprit alors qu’il avait été trompé, et confessant la foi catholique à haute voix, il fut guéri par saint Eugène par un simple d’un signe de croix.



Par ces choses et par d’autres témoignages, il a été prouvé assez clairement qu’est ennemie de Dieu la doctrine de ceux qui nient que le Fils de Dieu est le vrai Dieu. Mais le temps est venu de confirmer la divinité du Saint-Esprit.

[24 mai 2017 fin]



31mai2017

CHAPITRE 13 : La démonstration de la divinité du Saint-Esprit


Il nous faut maintenant prouver que le Saint-Esprit est vraiment Dieu, ce que nient les adversaires, même s’ils n’ont pas beaucoup traité le sujet. Ils se veulent les défenseurs de l’excellence du Père. Mais si cette excellence devait être enlevée par la confession d’une personne divine égale au Père, ils pensent qu’il importe peu que cette personne soit unique ou double. Voilà pourquoi Valentin Gentil disait presque toujours que du Saint-Esprit il n’était pas question. Les transylvaniens (livre 2, chapitre 5), nient que le Saint-Esprit doive être adoré ou appelé Dieu. Mais ils ne s’appliquent pas à en faire la démonstration, et ils ne réfutent pas les objections. Nous nous contenterons donc d’établir notre preuve avec les catégories d’arguments dont nous nous sommes servis pour démontrer la divinité du Fils.



La première catégorie est celle de l’ancien testament, qui peut nous fournir plusieurs témoignages; mais, voulant faire bref, nous n’en citerons qu’un seul. Voici ce que dit la Saint Écriture (2 rois 23) : « Ces derniers mots qu’a dit David : l’Esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole par ma langue. Le Dieu d’Israël m’a dit, il a parlé le fort d’Israël, le dominateur des hommes ». Tu vois clairement que celui qui est dit l’Esprit du Seigneur est appelé Dieu d’Israël. Il est donc le vrai Dieu.



La seconde catégorie est du nouveau testament. On pourrait en extraire de nombreux témoignages si besoin était, mais nous suffira celui où le Seigneur dit à ses disciples : « Allez baptiser toutes les nations, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Car, on n’aurait pas joint le Saint-Esprit au Père et au Fils s’il avait été une créature. C’est ce que dit saint Grégoire de Naziance (discours 5 sur la théologie) : « Comment l’Esprit Saint pourrait-il nous régénérer par le baptême, et faire de nous des dieux s’il n’était pas le vrai Dieu ? Car David a dit dans le psaume 83 : « Le Seigneur donnera la grâce et la gloire ».



La troisième catégorie provient des deux testaments. Elle nous fournit un témoignage très clair sur la divinité de l’Esprit Saint. Voici. Celui qu’Isaïe appelle Seigneur des armées, que tous reconnaissent pour le vrai Dieu, c’est celui-là même que l’Apôtre appelle Esprit Saint. Mais écoutons les paroles de l’Écriture  (Isaïe 6) : « Le Seigneur a dit : « Va, dis à ce peuple : écoutez en écoutant, et n’entendez pas. » Or, voici ce que nous lisons à la fin des actes des apôtres : « Le Saint Esprit a bien dit par Isaïe, en disant : va à ce peuple, et dis-leur : vous entendrez avec vos oreilles, et vous ne comprendrez pas. » De plus, quand ils expliquaient leurs discours aux peuples, les prophètes ne répétaient-ils toujours pas d’une même voix : Voici ce que dit le Seigneur Dieu ? Et dans Pierre 2, 1, on lit : « C’est inspirés par l’Esprit Saint qu’ont parlé les saints hommes ». Ce Seigneur Dieu était donc l’Esprit Saint. C’est pourquoi Zacharie dit dans Luc 1 : « Que soit béni le Seigneur, Dieu d’Israël etc » Et plus loin : « Comme il a parlé par la bouche de ses saints prophètes du passé. » Par ces paroles, Zacharie ne pouvait pas exprimer plus clairement que l’Esprit saint est le Seigneur Dieu d’Israël. Il arrive même parfois que les adversaires admettent que ces paroles parlent du vrai Dieu.



La quatrième catégorie vient des noms divins. De cette catégorie nous tirons trois arguments. Un premier négatif. Jamais dans les Saintes Écritures, l’Esprit Saint n’est dit avoir été créé ou fait; et pourtant, en beaucoup d’endroits, on fait des énumérations des créatures les plus importantes, comme dans Daniel 5 (le cantique des enfants), les psaumes 102 et 148, où on invite toutes les créatures à louer Dieu, en les nommant par leur nom : les anges, les cieux, les hommes, les bêtes etc. Or, on ne fait jamais là mention du Saint-Esprit. Dans son épitre aux Colossiens 1, saint Paul énumère les créatures les plus nobles : les trônes, les dominations, les principautés. Et saint Pierre (1, 3) nomme expressément les anges, les puissances et les vertus, pour démontrer que le Christ est plus grand qu’eux tous. Dans ces passages, il aurait fallu absolument qu’on nomme l’Esprit Saint s’il était une créature, et inférieur à Dieu le Fils, comme le prétendent nos adversaires. Non seulement nous ne le voyons jamais nommé avec les créatures, mais toujours avec le Père et le Fils. Beaucoup de pères développent cet argument, comme saint Justin (dans le livre de la vraie foi, au début de la confession), Épiphane dans Ancor, non loin du début, et saint Jean Chrysostome, au tome 5 de son homélie sur : « alors le Fils se soumettra lui-même au Père ».



Le deuxième argument on le tire du nom de Dieu. Car, il n’y a que le vrai Dieu qui soit dit, dans l’Écriture, Dieu tout court, comme nous l’avons montré avec saint Irénée (livre 3, chap 6,). Or, l’Esprit Saint est appelé Dieu tout court. Actes des apôtres, 5 : « Ananie, pourquoi Satan a-t-il tenté ton cœur pour te faire mentir à l’Esprit Saint ? Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, mais à Dieu. » Voici en toutes lettres le nom de Dieu donné à l’Esprit Saint. Ne mentent-ils donc pas, les transylvaniens quand ils disent (livre2, chap 5) que jamais l’Esprit Saint n’est appelé Dieu dans l’Écriture ?



Le troisième, de la confession des adversaires. Les Ariens, en effet, avaient rayé de leurs codex les paroles suivantes de saint Jean 4 : « L’Esprit est Dieu », comme l’atteste saint Ambroise (livre3, chap 11, sur le Saint-Esprit), Ils avaient donc trouvé un endroit de l’Écriture où l’Esprit-Saint est appelé Dieu. Car s’ils avaient pensé que le sens de la phrase était : Dieu est d’une nature spirituelle, auraient-ils effacé ces mots ? Mais leur rature leur nuit plus que la parole de Dieu, au cas où ces mots ne doivent pas s’entendre de la personne du Saint Esprit. Mais leur rature crie haut et fort que les ariens hérétiques donnent aux mots un sens réprouvé, qu’ils pèchent contre le Saint-Esprit quand ils aiment mieux raturer les Saintes-Écritures que déposer leurs erreurs.



La cinquième catégorie vient des attributs divins. Dieu seul est immense et présent partout. Or, du Saint-Esprit ne lisons-nous pas dans le psaume 138 : « Où irai-je loin de ton Esprit ? » Et dans la Sagesse : « L’Esprit du Seigneur a rempli le ciel et la terre ». De plus, seul Dieu est tout puissant. Or, nous lisons du Saint-Esprit, dans la Sagesse 7 : « Ayant toute vertu ». De même, seul Dieu se connait parfaitement. Or, de l’Esprit Saint nous lisons dans 1 Cor 2 : « Les choses qui sont de Dieu nul ne les connait que l’Esprit de Dieu. » Et de nouveau : « L’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu ». De même, seul Dieu est bon. Or, du Saint-Esprit nous lisons au psaume 142 : « Ton bon esprit me conduira dans la terre droite ». De plus, seul dieu a un temple. Or, nous lisons du Saint-Esprit dans 1 Cor 6 : « Vos membres sont le temple du Saint-Esprit ». Et de même : « Portez et glorifiez Dieu dans votre corps ». Commentant ce passage, saint Augustin dit (2 de la trinité, chapitre 6) : « Le Saint Esprit n’est pas une créature, car celui à qui nous présentons notre corps comme un temple, il est nécessaire que nous lui devions un hommage de servitude, de cette servitude qui n’est due qu’à Dieu, à laquelle nous donnons le nom de latrie. » Et (dans son livre 1 contre Maximin, dernier chapitre) : « Ne savez-vous pas que vos corps sont, en vous, le temple du Saint-Esprit ? » Et, au même endroit : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? Quand tu entends cela, il te faut ne pas nier que l’Esprit Saint est Dieu, de peur de faire des membres du Créateur un temple de la créature ».



La sixième catégorie vient des œuvres. D’abord, la création est l’œuvre du seul Dieu. Et pourtant, on lit dans Job 33 : « C’est l’Esprit de Dieu qui m’a fait. » Et dans le psaume 32 : «  Les cieux ont été affermis par la parole de Dieu, et par l’Esprit de sa bouche toute leur vertu ». Et dans le psaume 103 : « Envoyez votre Esprit, et ils seront créés ». Deuxièmement, seul Dieu conserve sa création. Et pourtant, on lit dans la Sagesse 1 : « L’esprit du Seigneur remplit toute la terre, et ce souffle (pneuma) qui contient toute chose » Troisièmement, seul Dieu sauve et justifie, Et pourtant, ont lit dans 1 Cor 6 : « C’est inspirés par le Saint-Esprit qu’ont parlé les saints hommes ». Et dans la sagesse 1 : « Dieu est le témoin de son rein, et un vrai scrutateur de son cœur, parce que l’Esprit du Seigneur remplit toute la terre, et ce qui contient tout a la science de la parole, c’est-à-dire que la raison pour laquelle Dieu scrute tous les cœurs c’est que l’Esprit Saint est partout, pénètre tout, connait toutes les langues, même ce qui est dans le plus intime du cœur. »



Cinquièmement. Dieu seul fait des miracles. Or, le Christ lui-même c’est dans l’Esprit de Dieu qu’il chassait les démons (Matt. 12). Et saint Paul 1 Cor 12 : fait du Saint-Esprit l’auteur du don des langues et des guérisons. Dans l’épitre aux Hébreux, 2, on appelle distributions du Saint-Esprit tous les miracles qui étaient faits par les apôtres. Sixièmement, Seul Dieu régit l’Église d’un pouvoir absolu. Or, le Saint Esprit gouverne l’Église, le royaume du Christ, comme un Seigneur absolu, et non moins que le Père et le Fils. Nous lisons, en effet, dans les actes 10 : « L’Esprit a dit à Pierre : va avec eux sans rien craindre, car c’est moi qui les ai envoyés ». Or, dans les actes des apôtres 13, on lit : « Le Saint-Esprit a dit : « Mettez-moi à part Saül et Barnabée pour l’œuvre que je leur ai assignée. » Au même endroit : « Eux aussi ont été envoyés par l’Esprit-Saint ». Dans actes 15 : « Il a paru bon à nous et à l’Esprit Saint etc » Actes 16 : « Le Saint Esprit leur a défendu d’aller prêcher la parole en Asie. » Actes 20 : « Veillez sur vous et sur tout le troupeau, dans lequel l’Esprit Saint a placé des épiscopes pour régir l’Église de Dieu ». 1 Corn 12 : « C’est le même Esprit unique qui opère toutes choses, répartissant à chacun comme il le veut.»



La septième catégorie consistera dans une comparaison entre le Christ et le Saint-Esprit. Car, si nous prouvons que le Saint-Esprit est plus grand que le Christ en tant qu’homme, la preuve aura été faite, en même temps, que le Saint Esprit est un seul Dieu avec le Père. Si les adversaires veulent qu’il ne soit absolument rien pour le Christ, qui n’est pour eux qu’un homme ordinaire, il sera le plus grand, Dieu le Père mis à part. Que l’Esprit Saint soit plus grand que l’homme Christ, on le démontre par tous les textes que citent nos adversaires pour prouver que Dieu le Père est plus grand que le Christ. Le Père est plus grand que l’homme Christ qu’il a envoyé : Jean 8. Il a été envoyé par l’Esprit Saint.. C’est ce que nous lisons dans Isaïe 48 : « Et maintenant le Seigneur m’a envoyé et son Esprit ». Le Père a sanctifié le Fils : Jean 10. « Celui que le Père a sanctifié en envoyé dans le monde », le Saint-Esprit l’a sanctifié aussi Isaie 51. Et Luc 4 : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, du fait qu’il m’a oint. Il m’a envoyé évangéliser les pauvres ». De même, le Père a opéré l’incarnation du Fils. Romains 8 : « Il a envoyé son Fils dans la similitude de la chair du péché. » L’Esprit Saint a opéré la même chose. Matt 1 : « Ce qui est né d’elle est du Saint-Esprit ». De même, c’est dans la vertu du Père que le Christ faisait des miracles. Jean 14 : « En demeurant en moi, c’est le Père qui fait les œuvres ». Et Matth dit du Saint Esprit : « Si c’est dans l’Esprit de Dieu que je chasse les démons ». De même, le Père offrit le Fils à la mort. Romains 8 : « Son propre Fils il ne l’a pas épargné.» Or, le Saint-Esprit a fait la même chose, Hébreux 9 : « C’est par l’Esprit Saint qu’il s’est offert lui-même ». Enfin, le Père l’a ressuscité, Act 2. Saint Paul dit la même chose du Saint-Esprit aux Romains 8 : « Si son Esprit qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous. » Il se trouve même qu’il est plus grave de pécher contre le Saint-Esprit que contre le Christ homme (Matt. 12). Il découle clairement de tout cela que le Saint-Esprit est plus grand que le Christ homme, et qu’il est donc le vrai Dieu.



La huitième catégorie : les Pères. Les pères cités pour la divinité du Christ parlent presque tous en même temps du Saint-Esprit. Il suffira donc ici de ne noter que les noms de ceux qui ont écrit dans le seul but de démontrer la divinité du Saint-Esprit. Saint Athanase dans l’épitre à Sérapion. Saint Basile dans les livres 3 et 5 contre Eunome, et dans son livre sur le Saint-Esprit. Saint Grégoire de Naziance dans le livre 5 sur la théologie, saint Grégoire de Nysse, dans le livre à Eustache, « que le Saint-Esprit est Dieu ». Saint Épiphane, hérésie 74. Didyme l’aveugle dans son livre sur le Saint-Esprit. Saint Cyrille de Jérusalem, catéchèses 16 et 17. Saint Jean Chrysostome dans son homélie sur le Saint-Esprit. Saint Cyrille d’Alexandrie au livre 7 de la trinité, au complet. Et aux livres 13 et 14, thes, et dans son livre sur le Saint-Esprit. Saint Hilaire au livre 12 de la Trinité. Saint Ambroise aux trois livres sur le Saint-Esprit. Saint Augustin, au livre 1 de la trinité, chapitre 6, au livre 1 contre Maximin, vers la fin, Saint Thomas d’Aquin, livre 4 contre les Gentils, du chapitre 16 à 27.



La neuvième catégorie provient des miracles. Comme les miracles qui ont été faits pour confirmer la divinité du Christ confirment aussi la divinité de l’Esprit Saint, nous ne répéterons que le dernier miracle mentionné. Voici ce qu’écrit saint Grégoire de Tours dans le livre 2, chapitre 3 de son histoire des Francs : « Vivaient à la même époque que saint Eugène, des hommes très prudents et très saints du nom de Vindemialis et Longinus. Étant tous deux évêques, ils étaient semblables par le rang, et non dissemblables en vertu. Car, on rapporte que saint Vindemialis a ressuscité un mort, que saint Longin a guéri de nombreux malades et infirmes. Saint Eugène, lui, ne repoussait pas seulement la cécité des yeux, mais aussi celle des esprits. Ce que voyant, un évêque arien fit venir à lui quelqu’un qu’il avait lui-même égaré loin de la vérité, et lui dit : « Je ne peux pas souffrir que ces évêques opèrent de grands signes parmi le peuple; et qu’à cause de cela, les nôtres m’abandonnent pour le suivre. Accepte donc de faire ce que je t’ordonne. Reçois d’abord en récompense cinquante pièces en or, puis, va t’asseoir sur la place publique ou je vais passer. Et quand tu me verras approcher, tu mettras la main sur tes yeux fermés, et tu crieras à tue-tête : « Cyrola, évêque de notre religion, je te prie, à ma demande, de manifester ta gloire et ta vertu, pour qu’en m’ouvrant les yeux, je mérite de voir la lumière que j’ai perdue. Il fit donc ce qu’on lui avait commandé. Il s’assit donc sur la place publique, et quand l’hérétique passait avec les saints de Dieu, celui qui pensait se moquer de Dieu cria d’une voix forte : « Écoute-moi, très saint Cyrola. Écoute-moi, saint prêtre de Dieu. Regarde ma cécité. Que je fasse l’expérience des médicaments que les autres aveugles ont mérités de toi, que les lépreux ont éprouvés, que même les morts ont expérimentés. Je t’adjure, par cette même vertu, que tu possèdes, de me restituer la lumière désirée, parce que je suis frappé par une grave cécité. » Il disait la vérité sans le savoir, car la cupidité l’avait aveuglé, et il pensait pouvoir, pour de l’argent, se jouer de la vertu du Dieu tout-puissant.



Alors l’évêque des hérétiques se détourna, et, envisageant déjà sa victoire, plein de vanité et d’orgueil, il posa sa main sur les yeux, disant : « Selon notre foi, que nous croyons vraie, que tes yeux s’ouvrent ». Et dès que le sacrilège ouvrit les yeux, son rire se changea en pleurs, et l’arnaque de l’évêque apparut au grand jour. Car, une telle douleur s’empara de ses yeux, qu’avec ses mains, il les empêchait à peine de sortir de leurs orbites ». Alors le malheureux se mit à crier et à dire : « Malheur à moi, misérable, qui ai été séduit par l’ennemi de la loi divine. Malheur à moi, parce que j’ai voulu, pour de l’argent, me moquer de Dieu, et recevoir cinquante pièces d’or pour accomplir cette escroquerie. » Et à l’évêque, il disait : «  Le voici ton or, rends-moi la lumière que j’ai perdue par ton procédé frauduleux.. Et je vous prie, vous glorieux chrétiens, de ne pas mépriser un misérable, mais d’apporter vite secours à quelqu’un qui périt. Car, je sais, maintenant, qu’on ne se moque pas de Dieu ! » Alors les saints de Dieu eurent pitié de lui. Ils lui dirent : « Si tu crois, tout est possible à celui qui croit. » Et lui criait à voix haute : « Que celui qui ne croit pas que le Christ, Fils de Dieu et le Saint Esprit ont une substance et une divinité égale à celle du Père, qu’il souffre ce que j’ai souffert aujourd’hui ». Et il ajouta : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Je crois dans le Fils de Dieu, Jésus-Christ, égal au Père. Je crois en l’Esprit saint coéternel et consubstantiel au Père et au Fils. »



En l’écoutant dire ces choses, et voulant tous avoir l’honneur d’être les premiers à intervenir, il s’éleva entre eux, une sainte émulation, à l’effet de savoir quel serait celui qui imposerait le signe de la croix sur ses yeux. Vindemialis et Longin suppliaient Eugène de le faire, et Eugène incitait les autres à imposer les mains. Alors, quand ils le firent, et qu’ils mirent leurs mains sur sa tête, saint Eugène dit, en faisant le signe de croix sur les yeux : « An nom du Père, du Fils de l’Esprit saint vrai Dieu, que nous confessons trin dans l’égalité et dans la puissance, que tes yeux s’ouvrent ! » Et tout de suite, la douleur disparut, et il retrouva sa santé première. Que cela suffise pour le Saint-Esprit.





CHAPITRE 14 : On réfute les arguments des hérétiques



La première objection des transylvaniens (livre 1, chapitre 1 ) est celle-ci. Le Christ et les apôtres ont prédit que l’antichrist viendrait après la mort du Seigneur, et qu’il abolirait la vraie foi dans le Christ. Mais nous voyons que, après la mort du Christ, par toute la terre, Dieu a été adoré trin dans les personnes, et un dans son essence. Donc, ou la foi dans la trinité est la foi dans l’antichrist, ou le Christ et les apôtres ont menti. Ils prouvent cette conclusion par les textes suivants : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez pas reçu. Si un autre vient en son nom, vous le recevrez. (Jean 3) ». De même Jean 9 : « Tant que dure le jour, il me faut travailler, Vient la nuit pendant laquelle personne ne peut travailler. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde ». Luc 21 : « Voyez à ne pas être séduits. Plusieurs viendront en mon nom disant que c’est moi, et le temps s’en approche, N’allez donc pas après eux. ». Voyez, disent-ils comment le Christ prédit que le temps de son abolition est proche. Actes des apôtres 20 : « Je sais qu’après mon départ, des loups rapaces entreront parmi vous, qui n’épargneront pas le troupeau. » Aux Colossiens 2 : « Veillez à ce qu’on ne vous trompe pas par la philosophie.. » Quelle plus grande philosophie peut-on trouver que des discussions sur l’essence, les hypostases et les relations ? » 2 Thess : « Le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre.» Saint Jean 4 : « Tout esprit qui divise Jésus n’est pas de Dieu. C’est de l’antichrist que vous avez entendu dire qu’il viendrait, et qu’il est déjà dans le monde. » Ils notent que, dans ces passages, on ne dit pas qu’il est venu dans la chair, pour que nous ne pensions pas qu’une personne divine soit descendue et ait assumé une chair. Mais, « dans » la chair, pour que nous comprenions que le Christ n’est rien d’autre que chair, c’est-à-dire un homme. Enfin, dans l’épitre de Jude, il est dit que c’est en leurs temps que se sont introduits des impies qui nient Dieu et le Christ.



Je réponds que grande est l’astuce du démon qui s’efforce de retourner contre nous l’argument que les catholiques tirent de l’antiquité, et le consensus de toute la terre. Mais il est facile de détruire leur première objection. Il saute aux yeux que toute cette argumentation ne tient pas debout. Car, si tout de suite après la mort du Christ, la vraie foi avait été totalement corrompue, pourquoi le Christ est-il venu ? Pourquoi a-t-il travaillé ? Pourquoi a-t-il voulu être mis à mort ? Pour rien ? Ce serait une folie qui ne cadre pas avec la suprême sagesse. De plus, s’il devait en être ainsi, quel besoin y avait-il de nous avertir d’avance de nous méfier de séducteurs qu’on ne pouvait empêcher de corrompre la foi de l’univers. Et où seraient ces promesses de Daniel 2 et de Luc 1 sur ce « règne n’aura pas de fin ? » Et cette autre du Christ en Matthieu : « Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ?» Et à la fin de l’évangile de saint Matthieu : «Je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle ». Que deviendraient donc ces promesses qui veulent que toutes les nations croiraient dans le Christ ? Genèse 22 : « Toutes les nations seront bénies dans sa semence ». Psaume 2 : « Je te donnerai les nations pour héritage, et les confins de la terre pour ta possession ». Le psaume 71 : « Tous les rois l’adoreront et tous les peuples le serviront ». Toutes ces promesses se seraient avérées fausses si le royaume du Christ devait être détruit à sa naissance. Les citations présentées par les adversaires ne prouvent rien, non plus.



Dans le premier texte cité, on ne dit pas que l’antichrist viendra tout de suite, ni que la foi dans le Christ devra être complètement abolie. Mais que l’antichrist viendra en son temps, c’est-a-dire, vers la fin du monde, et qu’il viendra en son nom, non au nom du Père. Or, notre Christ que tout le monde adore, a un Père, reconnait un Père, et vient en son nom. De plus, c’est aux seuls Juifs qu’il parlait quand il a dit : « C’est pour cela que les Juifs cherchaient à le tuer ». Il ajoute : « Le Christ leur dit donc ». Or, les Juifs n’ont pas reçu notre Christ, mais le combattirent de toutes leurs forces. Ils ne pensent pas non plus que le Messie doive être un homme et un Dieu, mais un homme comme les autres. Celui dont le Christ parle, ce n’est donc pas notre Christ vrai Dieu, que les Gentils ont reçu, mais l’antichrist que les Juifs recevront comme Messie. C’est ainsi qu’expliquent ce passage tous les commentateurs, y compris saint Augustin, saint Cyrille et d’autres.



Je réponds au deuxième texte cité, que par « nuit » on n’entend pas le temps qui a été et qui est depuis l’ascension du Christ. Comme si le jour aurait duré pendant le seul temps où le Christ a vécu corporellement sur la terre, et qu’après, il aurait fait toujours nuit. Car, s’il en avait été ainsi, après son ascension, personne n’aurait pu opérer, et personne n’aurait pu se convertir et croire : « Voici quelle est l’œuvre de Dieu, (Jean 6), c’est que vous croyez en Celui qui m’a envoyé ». Or, si personne ne peut croire, pourquoi donc les ministres transylvaniens s’agitent-ils pour nous persuader de leur foi ?



Ce que le Christ a appelé « jour » c’est donc tout le temps de sa vie et la succession de tous les siècles jusqu’à la fin du monde, période pendant laquelle on peut travailler pour son salut éternel. La nuit, par contre, c’est le temps de la vie future. : « parce qu’il n’y aura ni œuvre ni progrès dans les enfers », comme le dit le Sage dans l’Eccl 9. C’est en vain qu’on nous objecte : « tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde », car le Christ est encore maintenant dans le monde » : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation du monde. » Et il est vraiment maintenant dans le monde, car il est présent à tous par la grâce, et il luit pour les justes et les impies. Mais, après le jugement, il ne sera plus dans le monde, car il ne luira plus sur les impies. Voilà pourquoi Isaïe dit au chapitre 55 : « Cherchez le Seigneur pendant qu’on peut le trouver. Invoquez-le pendant qu’il est proche ». Et David dans le psaume 90 : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». Voilà quelle est l’explication donnée par saint Augustin et saint Jean Chrysostome.



Au troisième on peut répondre que « le temps est proche » ne se dit pas du Christ, mais se rapporte aux paroles des séducteurs qui diront que le temps du jugement approche déjà. C’est pour cela que saint Paul avertit les Thessaloniciens 2 : « Ne vous effrayez pas comme si le jour du Seigneur était proche ». Je dis de plus que le temps que le Christ a dit approcher n’est pas celui de l’antichrist, ni du jugement, ni de l’abolition de sa foi, mais des nombreux séducteurs qui usurperont son nom, comme Simon le magicien au temps des apôtres, et après lui, Ménandre. Car l’un et l’autre ont dit être le Christ, au témoignage de saint Irénée, livre 1, chapitres 20 et 21. Il se souvient du grand nombre de ceux qui de son temps ont séduit les Juifs, se sont prêchés eux-mêmes comme s’ils étaient les sauveurs d’Israël.



Au quatrième je dis que Saint Paul parle des hérétiques qui, peu de temps après, allaient surgir d’Asie. Car, il dit : « De chez vous (il parlait aux asiatiques) surgiront des hommes qui diront des choses perverses pour attirer les disciples à eux ». Cela s’est réalisé, à n’en point douter, dans Montan, dans les disciples de Montan, et dans les autres hérétiques asiatiques. Voyez Eusèbe dans la traduction faite par Ruffin, livre 5 de l’histoire ecclésiastique, chapitres 14 et suivants.



Ai cinquième, je dis que saint Paul parle aux hommes de son temps, car n’étaient pas encore nés les scolastiques qui disputèrent de la trinité. De plus, la philosophie n’enseigne pas un Dieu en trois personnes. Et ces mystères sublimes n’ont jamais pu être investigués ou persuadés par la seule lumière naturelle. Et nos docteurs n’ont pas recours à la philosophie pour montrer la trinité, mais pour répondre aux sophismes des philosophes. Saint Paul parle donc de la philosophie des païens qui était alors en vigueur, qui niait la résurrection. et promettait la vie sans le Christ.



Pour le reste, je dis que les apôtres ont prédit les hérétiques, qui vinrent un peu après ces temps, comme les Ébionites, les Marcionistes, et les autres qu’ils appellent antichrists, non parce qu’ils étaient cet antichrist éminent qui viendra à la fin du monde, mais parce qu’ils étaient ses précurseurs, et qu’ils lui étaient semblables dans leur lutte commune contre le Christ. Comme il n’y a qu’un seul Christ suprême et suréminent, mais que tous les prophètes et tous les rois sont appelés christ dans l’ancien testament, selon ce qui est dit :  « Ne touchez pas à mes Christ » (psaume 104), Et c’est cela le mystère d’iniquité qui a commencé au temps de saint Paul, car c’est alors qu’a commencé l’hérésie de Simon le magicien et des gnostiques.





CHAPITRE 15 : Réponse au deuxième argument



La seconde objection des transylvaniens (livre 1, chapitres 1 et 5, et le livre qui explique le chapitre premier de l’évangile selon saint Jean). Au tems des apôtres, Ébion et Chérinte enseignèrent que le Christ éternel était descendu dans l’homme Jésus, comme saint Irénée le rapporte (livre 3, chap 19). Il n’est donc pas vrai de dire, comme on l’affirme communément, que les Ébionites enseignaient que le Christ était un homme comme les autres. Les vrais Ébionites sont donc ceux qui font du Christ un composé de deux natures.



Je réponds que cela aussi est un artifice du démon de nous attribuer l’hérésie ébionite, que les transylvaniens suivent eux-mêmes. Je dis donc que la vraie hérésie d’Ébion fut de ne voir dans le Fils de Marie qu’un homme ordinaire; et à ajouter qu’à l’âgede 30 ans, est descendue et a habité en lui une autre personne qu’Ébion appelait le Christ. Que c’est de cette façon que Jésus a été uni au Christ, par la jonction et l’inhabitation. Et c’est ce que les transylvaniens enseignent. Pour nous opposer à leur mensonge, citons des textes des anciens. Saint Ignace écrit dans son épitre à Philadelphie :. « Si quelqu’un professe le Christ Jésus, mais estime qu’il est un homme ordinaire, il est la même sorte de serpent que l’insensé Ébion ». Saint Irénée (livre 3, chapitre 11) : .C’est selon la sentence nulle des hérétiques que le Verbe s’est fait chair. Et, (au livre 1, chap 25 et 26) il dit que, selon Ébion et Chérinte, Jésus était un homme ordinaire, et que, sous la forme d’une colombe, est ensuite descendu en lui le Christ, pour y habiter. Et au livre 3, chap 20 : « Une fois qu’on a montré que le Verbe qui existe auprès de Dieu, et qui était toujours présent au genre humain, s’est uni a sa créature, et est devenu un homme passible, est exclue l’opposition de ceux qui disent que s’il est né, il n’était pas avant le Christ. » Tertullien, dans son livre de l’incarnation du Christ (chapitre 14) : « Cette opinion pourrait convenir à Ébion qui ne voyait dans le Christ qu’un homme ordinaire. Et, au livre de la prescription des hérésies (chapitre 45) :. « Chérinte soutenait qu’il n’y avait dans le Christ qu’un homme comme les autres, sans divinité ». Et Eusèbe (au livre 3 de son histoire, chapitre 27) dit : « Certains Ébionites firent du Christ le fils de Joseph; d’autres, de la seule Vierge. Tous tombaient d’accord pour enseigner qu’avant Marie, il n’existait pas ». Saint Jérôme (dans son livre des hommes illustres, au mot Jean), dit que saint Jean a été forcé par les évêques d’Asie à écrire son évangile, et à enseigner la génération éternelle du Christ, à cause des Ébionites qui prêchaient alors que le Christ n’était qu’un homme. Saint Augustin (hérésie 10) dit que « les Ébionites enseignent que Jésus n’est qu’un homme ». C’est ce que dit aussi Jean Cassien dans son livre 1 de l’incarnation, ainsi que d’autres auteurs.





CHAPITRE 16 : Réponse au troisième argument



La troisième objection est tirée du livre 2 chapitre 6 : « Le nom de Dieu n’est pas un nom d’essence, mais de dignité et de gouvernement, car, dans l’Écriture, les princes et les juges sont dits des dieux. Mais le Père du Christ détient l’empire suprême sur tous absolument, même sur le Christ. Le Christ a l’autorité sur tous, excepté sur le Père. Le Père est donc le seul Dieu suprême, au sens fort du mot, et le Christ l’est après le Père. Car le Christ dit, en Jean 14 : « Le Père est plus grand que moi ». Et dans Jean 6 : « Je suis descendu du ciel non pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Et dans 1 Cor 15, saint Paul dit que le Christ est sujet du Père, que toutes choses sont soumises au Christ, le Père excepté, qui lui a soumis toutes choses ».



Je réponds que le nom de Dieu, si nous en cherchons l’étymologie, ne signifie pas gouvernement, mais providence. Car le mot Dieu (theos) provient de theassai (voir), ou de theien (courir), car dieu prête secours à tous, comme le dit saint Jean Damascène livre 1, chap 2, chap 12. À moins qu’on préfère l’explication de Théodoret (livre 3 aux Grecs) à l’effet que ce nom ait été inventé par ceux qui pensaient que les étoiles étaient des dieux, parce que les astres courent toujours. Ce serait pour cette raison qu’ils présentèrent dieu comme quelqu’un qui court. En hébreu, l’idée première de Dieu est l’existence, et un autre mot qui signifie jurer, parce que c’est par Dieu qu’on jure. Mais à quelque étymologie qu’on se rapporte, il est clair que ce nom n’a pas été donné pour exprimer le seul gouvernement, l’empire, mais plutôt l’être suprême et sublime.. Autrement, Dieu ne serait pas éternel, car, pendant toute l’éternité, Dieu n’avait personne à qui donner des ordres. De plus, il est faux de dire que le Christ, en tant que Dieu, est soumis au Père, ou qu’il est inférieur au Père. Car, en tant que Dieu, il n’est soumis à personne, mais il domine, comme le Père, tout ce qui existe en dehors de lui, puisqu’il est égal au Père (Jean 5, et Philipp 2).



Au texte cité de saint Jean (14), beaucoup de Pères ont déjà répondu. On dit que le Père est plus grand que le Fils, en raison de l’origine, non de la nature. Car on reconnait une certaine autorité au Père du fait qu’il est le principe du Fils, et non vice-versa. C’est ce qu’enseignent saint Basile (livre 1 contre Eunome), saint Grégoire de Naziance (oraison sur la théologie), et saint Hilaire (livre 9 de la trinité, et le livre du synode). Cette explication n’est pas tout à fait improbable. Mais rien ne nous force de l’accepter, puisqu’on peut plus facilement et plus naturellement voir dans ce texte le Fils en tant qu’homme. C’est de cette façon que l’ont compris saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Augustin, et Gaudence, dans son épitre sur saint Paul.



J’ajoute que saint Jean Chrysostome, et saint Cyrille (livre 2, chap 3 du trésor) et saint Augustin (livre 2, chap 7 de la trinité), ont d’abord fait mention de la première explication, mais lui ont préféré l’autre, pour les deux raisons suivantes. Première raison. Si nous devions dire que le Père est plus grand que le Fils, parce qu’il en est l’auteur, il faudrait dire, pour la même raison, que le Père et le Fils sont plus grands que le Saint-Esprit, ce que nous ne lisons nulle part. La deuxième raison. Le Christ a dit : « Je vais au Père parce que le Christ est plus grand que moi. » C’est donc dans la nature avec laquelle il va vers le Père, que le Fils lui est inférieur. Il est évident pour tous que ce n’était pas en tant que Dieu qu’il allait vers le Père, mais en tant qu’homme. Ajoutons le témoignage du symbole d’Athanase. Voici ce que nous y lisons du Fils de Dieu : « Égal au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l’humanité ».



On peut répondre la même chose à l’autre texte cité. Le Christ est venu faire la volonté de son Père, non sa volonté, car il avait, comme homme, une volonté dépendante de la divine volonté, qu’il avait également en tant que Dieu. Mais tu diras : le Seigneur est descendu du ciel pour faire la volonté de son Père. Or, ce n’est pas comme homme qu’il est descendu du ciel; et, dans le ciel, il n’a jamais été un homme. C’est donc en tant que Dieu qu’il est descendu. Il est donc inférieur au Père en tant que Dieu.



Je réponds que la descente du ciel du Fils de Dieu n’est rien d’autre que son anéantissement, son assomption d’une forme de serviteur. C’est pourquoi ce Fils de Dieu qui est descendu du ciel, obéissait au Père, non selon la forme de Dieu qu’il avait dans le ciel, mais selon la forme de serviteur qu’il a assumée en descendant sur terre. Le troisième texte cité (« et alors le Fils lui-même sera soumis »). Il y en a quelques-uns qui prétendirent que la soumission du Christ au Père après le jugement signifiait que la nature humaine serait alors changée en la nature divine, et complètement absorbée par la divinité. C’est ce que rapporte saint Augustin (livre 1 de la trinité, chapitres 8 et 10). Mais cela est absurde, et ne requiert aucune réfutation. Car la phrase de saint Paul implique tout le contraire, puisqu’une sujétion implique une distinction. Saint Grégoire de Nysse et saint Jean Chrysostome, et saint Cyrille (livre 10, chap 8 su trésor) disent que l’apôtre parle de l’Église, ou du Christ en tant qu’il est dans ses membres. Le sens serait donc le suivant : il arrivera alors enfin que tout le corps du Christ, c’est-à-dire que toute l’église se déclarera soumise à Dieu, sans aucun membre rebelle ou contumace.



Semble répugner à cette explication ce que saint Paul enseigne que serait soumis au Père celui à qui le Père a tout soumis. Il s’agit ici du Fils dans sa personne divine. Saint Ambroise, Oecumenius et Théophylactus voient dans ce texte de saint Paul le Fils de Dieu lui-même, mais ils expliquent que cette soumission ne signifie pas une soumission mais une concorde avec le Père, le Fils étant soumis parce qu’il est du Père, non contre le Père. Mais nous n’avons pas à être réduits à ces arguties. Nous pouvons tout simplement appliquer ce texte à la nature humaine du Christ, qui, elle, est vraiment soumise à Dieu C’est ce qu’enseignent saint Ambroise (livre 5, chap 6 de la foi), et saint Augustin (livre 1, chap 8 de la trinité), Théodoret, Primasius, Seduluis etc.



Mais pourquoi dit-il : « Alors le Fils lui-même se soumettra ? ». L’homme Christ commencera-t-il alors à se soumettre à Dieu son Père ? Ne lui était-il pas plus soumis quand il fut obéissant jusqu’à la mort de la croix ? Je réponds que ce « alors » est une emphase. Car voici quel en est le sens : même alors dans sa gloire, le Christ sera soumis à Dieu comme homme. Tous les Grecs notent que saint Paul écrivait à des Corinthiens qui venaient tout juste de rejeter les fables des Gentils, lesquelles enseignaient que les dieux avaient coutume de se battre entre eux; et que le père Saturne avait été chassé du règne par son fils Jupiter. Parce qu’après avoir dit que le Christ évacuerait toute principauté et toute puissance, saint Paul craignait que les Corinthiens ne pensent que le Christ détrônerait son Père comme Jupiter avait détrôné Saturne. Et c’est pour cette raison qu’il aurait ajouté que tout serait soumis au Christ à part Celui par qui tout lui a été soumis. Et non seulement toutes choses, mais le Christ aussi, Au moment de son triomphe, après avoir tant fait, il se soumettra au Père.





CHAPITRE 17 : Réponse au quatrième argument.



La quatrième objection vient du livre 2, chapitre 6. Seul le Père est l’unique vrai Dieu, comme le Dit Jean 17 : « Pour qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu. » Et saint Paul Cor, 1, 8 : « Pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père,» Et un Tim 2 : « Un seul Dieu, un seul médiateur de Dieu et des hommes ». Si le Père est le seul vrai Dieu, il faut nécessairement que le Fils ne soit pas le vrai Dieu. Ils confirment ce raisonnement par des sophismes. Le Christ est le Fils unique du vrai Dieu, Celui qui n’a pas le Fils Crist n’est pas le vrai Dieu, Or, la trinité n’a pas le Christ Fils, La trinité n’est pas donc pas le vrai Dieu. Ils ajoutent que le Christ est le médiateur de l’unique vrai Dieu. Donc celui qui n’a pas de médiateur n’est pas le vrai Dieu. Mais la trinité n’a pas de médiateur, mais seulement un Père, autrement il serait le médiateur de lui-même. Donc la trinité n’est pas le vrai Dieu, seul le Père l’est. Et ils concluent de la façon suivante : le Christ ne nous a pas enseigné à invoquer la trinité, mais son Père. Et les oraisons de l’Église étaient autrefois toutes dirigées vers le Père, comme en fait foi le concile de Carthage 3, chap 23. Le seul sujet qu’on ait traité est que le Père seul avait un médiateur.



Je donne deux réponses à la première objection. Je répons d’abord que ce passage n’est pas restreint au Père, mais s’étend aussi au Fils. Comme l’expliquent saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Augustin et saint Ambroise (livre 5 de la foi, chap 2). Car il est dit : « Et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». Le sens serait donc : pour qu’ils te connaissent, toi, et Jésus-Christ que tu as envoyé, comme le seul vrai Dieu. Saint Jean Chrysostome signale un passage semblable dans 1 Cor 9 : « Ou moi seul, et Barnabée, nous n’aurions pas le pouvoir de faire cela ? ». Dans ce passage, le mot « seul » n’exclut pas Barnabée.



Je dis, en deuxième lieu, avec saint Hilaire (livre 9 de la trinité) que seul le Père est appelé ici vrai Dieu, mais que, dans le Père, on entend les personnes du Fils et du Saint-Esprit, qui sont les personnes d’une seule et même essence divine. De sorte que ce « seul » n’exclut que les créatures. Ce qui est ajouté (« et celui que tu as envoyé Jésus-Christ ») est dit du Christ en tant qu’homme. Voici donc quel sera le sens : voici quelle est la vie éternelle, c’est-à-dire voici quelle est la voie dans ce monde, et la façon de parvenir à la vie éternelle : que les hommes te connaissent par la foi comme le seul vrai Dieu, toi Père qui es ce Dieu, qui seul as la vraie divinité. Et que, en plus, ils connaissent le seul médiateur de Dieu et des hommes, que tu as envoyé, Jésus-Christ. Au deuxième nous disons que ce seul Dieu exclut les faux dieux, non le Fils; comme le Seul Seigneur Jésus exclut les faux seigneurs, mais non le Père. Au troisième, je réponds que « un seul Dieu », dans ce passage, signifie toute la trinité, de laquelle se distingue le Christ comme médiateur, c’est-à-dire en tant qu’homme. Et c’est pour cela que saint Paul a ajouté l’homme Christ Jésus.



Du premier sophisme, je nie la conséquence. Car il est semblable à ceci : Pierre est fils d’un seul vrai homme. Donc, qui n’a pas Pierre comme fils n’est pas un vrai homme. Car, même si la déité n’est pas aussi universelle que l’humanité, elle est quand même en plusieurs suppôts, et n’a donc pas une valeur universelle. Pout le deuxième sophisme, je nie son affirmation : la trinité n’a pas de médiateur, car le Christ est médiateur en tant qu’homme, non en tant que Dieu. Il serait donc, en tant que Dieu, non seulement le médiateur du Père et du Fils, mais aussi de lui-même.. Mais nous parlerons plus à fond de ce sujet dans le dernier livre.



A la troisième objection je réponds, que les prières sont dirigées vers le Père, pour pouvoir mieux les terminer par les paroles suivantes : par Jésus-Christ, ton fils. Mais, dans le Père, nous invoquons les trois personnes, comme Tertullien l’enseigne (au livre 2 sur l’oraison dominicale) et comme nous l’enseigne la conclusion : « qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit, Dieu ». Il est donc faux de dire qu’on ne veut invoquer que le Père, car le Christ dit en saint Jean 14 : « Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai ». Et à la fin de l’évangile de saint Matthieu, le Christ ordonne de baptiser les Gentils « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Qu’ordonne-t-il d’autre que d’invoquer la trinité ? Et dans les liturgies grecques de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, et même dans la nôtre, la sainte trinité n’est pas invoquée seulement une seule fois. Dans les litanies, et dans cette invocation de plus longtemps reçue dans l’Église (même si, comme les anciens ariens, Luther et Calvin n’en veulent pas) : « Sainte trinité, un seul Dieu, ayez pitié de nous ».



De plus, saint Denys l’aréopagite dans son livre de la théologie mystique, dit : « Trinité super essentielle, dirige-nous ! » Saint Grégoire de Naziance, dans son oraison 2 sur la paix, vers la fin : « O sainte, adorable et longanime trinité (car tu es longanime toi qui supportes pendant si longtemps ceux qui se séparent de toi), puisses-tu accepter aussi ceux qui t’adorent ! » Et dans son discours aux 150 évêques : « Salut, o Trinité, ma méditation, et mon honneur, je voudrais que tu sois conservée par eux, et que tu les conserves ! » Marius Victorin dans l’hymne 3 de la trinité : « Donne aux péchés le pardon, accorde la vie éternelle, donne la paix et la gloire, o bienheureuse trinité ! Libère-nous, sauve-nous, justifie-nous, o bienheureuse Trinité ! » Et saint Augustin, à la fin de son livre sur la trinité : « Seigneur Dieu unique, Dieu Trinité, tout ce que j’ai dit de toi dans ces livres que les tiens le connaissent aussi. Et ce qui est de moi, reconnais-le comme étant de toi ! Amen. »





CHAPITRE 18 : Réponse au cinquième argument



Cinquième objection. Les évangélistes et les apôtres ne cherchent à nous inculquer qu’une seule chose, que le vrai Christ est né de la vierge Marie, a souffert, et est mort. Ils n’en ont pas connu d’autre avant lui. Autrement, saint Matthias, saint Marc et saint Luc n’auraient pas commencé l’évangile à partir de la nativité, mais ils auraient raconté les grands exploits que le Christ a accomplis avant la chair, et saint Jean n’aurait pas dit (2) : « Ce qu’il fit là a été le premier de ses signes », s’il avait existé de toute éternité. De plus, dans les actes des apôtres 2 : « Que sache avec certitude, dit Pierre, toute la maison d’Israël que Dieu a fait et Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié. » Or, le Christ Dieu éternel ne pouvait devenir Seigneur et Christ, puisqu’il l’a toujours été naturellement. Donc, le vrai Christ ne fut pas de toute éternité, et pour cette raison, ne peut pas non plus être le vrai Dieu. Cet argument les transylvaniens le répètent plusieurs fois dans leur livre que nous avons déjà cité.

Pour confirmer cette erreur, nous pouvons ajouter (pour qu’après sa réfutation la vérité brille d’un plus grand éclat) les témoignages que présentaient les anciens ariens. Ils reconnaissaient que le Christ avait existé avant l’incarnation, mais ils démontraient qu’il avait été créé en citant ce passage du proverbe 8, selon les septante : « Le Seigneur m’a créé au début de ses voies ». Et selon l’Eccls 24 : « Alors m’a parlé le Créateur de toutes choses, celui qui m’a créé. Il s’est reposé dans mon tabernacle ». Et selon Jean 1 : « Celui qui viendra après moi a été fait avant moi ». Coloss 1 : « Il est le premier-né de toute créature ». Or, le premier-né est semblable à ses frères dans la nature. Hebre 1 : « Il a été fait autant meilleur que les anges que plus excellent que le leur est le nom dont il a hérité ». Et il s’agit là de la nativité du Père, comme tous l’enseignent (Hébr 2) : « Considérez le pontife de notre confession, Jésus-Christ, qui est fidèle à Celui qui l’a fait ».



Je réponds à l’argument des transylvaniens. Nous ne reconnaissons pas, nous non plus, d’autre Christ que Celui qui est né de Marie, qui a souffert et qui est mort. Car le Christ est unique et non multiple. Mais ce Christ nous croyons qu’il est né deux fois selon ses deux natures. A l’affirmation que les évangélistes ne se souviennent d’aucun Christ avant la chair, je réponds que les évangélistes s’étaient donné pour but de décrire l’avènement du Messie, et les choses accomplies par lui, c’est-à-dire la venue du Dieu incarné, sa vie, sa doctrine, sa mort, sa résurrection etc. Il ne fut donc pas nécessaire qu’ils commencent plus haut. Mais, cependant, pour que nous ne pensions pas que le Verbe n’a pas existé avant l’incarnation, saint Jean l’évangéliste a commencé ainsi : « Au commencement était le Verbe etc ». Et il commence ainsi son épitre 1 : « Celui qui était depuis le début, que nous avons vu etc. » Et dans le chapitre 1 de l’apocalypse : « Qui était, qui est et qui viendra ».



Au passage tiré des actes des apôtres 2, je réponds avec saint Cyrille (livre 9,. Thes c 3) que le Christ a été fait Seigneur par le Père en raison de son humanité. On peut dire aussi qu’il a été fait Dieu, car c’est l’incarnation qui a fait en sorte que cet homme soit Dieu et Seigneur, non par participation et par grâce, mais par l’union du Verbe et de la chair. On peut dire aussi, comme le note saint Cyrille, que le mot « fait » est employé ici au sens de « déclaré », comme en Philippe 2 : « Il lui a donné un nom qui au-dessus de tout nom ». Au sujet du texte des proverbes (le Seigneur m’a créé), les Pères ont répondu de plusieurs façons. La première réponse est donnée par saint Athanase dans son livre sur le décret du concile de Nicée, en parlant des écrits du pape Denys. Le verbe grec, précise-t-il, ne signifie pas ici « faire », mais « faire d’avance ». Le sens alors serait : Le seigneur, au début, m’a créé avant toutes les œuvres qu’il devait créer. La deuxième explication est encore de saint Athanase dans son sermon 3 contre les ariens, et de saint Cyrille (livre 5l, thes chap 6). Ils disent que l’Écriture a employé indifféremment l’un pour l’autre les mots faire, créer, engendrer. Car, au Deutéronome 32, on lit : « Le Dieu qui t’a engendré t’a abandonné. » Et pourtant nous lisons dans la Genèse 1 et 2 : « Dieu a fait l’homme » On ne peut donc pas déterminer le sens de l’Écriture d’après les seuls mots créer et générer, mais par le contexte. Et parce qu’on dit ici que le Fils a été créé avant que Dieu fasse quoi que ce soit, il va de soi que le mot créé a, dans ce passage, le sens d’engendré.



La troisième citation est celle d’Athanse (ibidem), de saint Grégoire de Naziance (discours 4), de saint Cyrille (livre 5 thes chap 4, 5, 6, 7), et saint Augustin (livre 1, de la trinité, chap 12). Ce sont eux qui avertissent qu’est écrit dans ce chapitre : « Avant toutes les collines j’étais enfantée » Ils expliquent ce texte par les deux natures du Christ, la divine (par le enfanté), et l’humaine (par le créé). La quatrième est de saint Basile 2 contre Eunome, et d’Épiphane (hérésie 69 qui est celle des ariens), et de saint Jérôme dans son épitre à Cyprien. Ils nous conseillent de recourir à la source hébraïque, où le mot n’est pas créa, mais posséda. Ce mot a coutume de signifier une vraie génération, comme nous le voyons dans Genèse 4 : « J’ai possédé un homme par Dieu ». a dit Éve quand elle engendra Caïn. Et les mots hébreux signifient : elle a possédé par la génération. Et c’est peut-être ainsi que l’avaient traduit les septante, et le codex aurait été faussé par la modification d’une seule lettre. Car, extise est il créa, et extèse il posséda.



La cinquième est très claire, et elle appuie le témoignage suivant de l’Eccl où on ne peut nier qu’il a été écrit « il créa ». Un concile de l’église orientale, selon saint Hilaire dans son livre sur les synodes, en a donné l’explication au canon 5. Et c’est cette explication qu’a adoptée saint Thomas dans sa somme contre les Gentils, livre 4, chapitre 8. Nous disons donc que la production du Fils de Dieu est tantôt appelée génération, tantôt création parce qu’il n’existe aucun mot qui puisse la décrire telle qu’elle est. Car la génération signifie une production dans la même substance, mais avec une mutation de l’engendreur, La création signifie la production d’une autre substance, mais sans mutation du créateur. Or, le Fils de Dieu est produit de façon à recevoir la substance de l’engendreur; et on peut, pour cette raison, dire qu’il est engendré. Mais il reçoit cette substance sans altération du producteur, et pour cette raison, on peut dire qu’il est créé. L’un et l’autre sont donc dits, et de l’un de l’autre on extrait ce qu’il a y a de plus parfait, et on omet ce qui est moins parfait.



Au sujet des paroles de saint Jean-Baptiste (Jean 1) : « il a été fait avant moi ». Elles ne signifient pas que le Christ a été produit avant Jean, mais qu’il a été présenté et placé avant, comme si saint Jean le Baptiste avait dit : celui qui est venu après moi est plus grand que moi. C’est ainsi que l’explique saint Ambroise (livre 4, sur la foi, cahp 5), et tous les interprètes, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, Théophylactus : il a été fait avant moi parce qu’il était avant moi. C’est-à-dire, il me précède en dignité parce qu’il est éternel, et que moi, je suis temporel. Et au sujet du premier-né de toute créature, saint Cyrille (livre 10, thes 4) a ceci à dire : le Christ est dit premier né en tant qu’homme, comme il est dit Fils unique en tant que Dieu. Il ajoute qu’on peut aussi dire du Christ qu’il est premier né en tant que Dieu, car il est cause que d’autres soient dits fils de Dieu. On appelle, en effet, premier, ce qui est la cause des autres. Mais le commentaire de saint Ambroise et de saint Jean Chrysostome semple plus simple et plus littéral. Ils enseignent tous deux qu’on dit du Fils qu’il est le premier né de toute créature, parce qu’il a été engendré avant la création de toutes les créatures. C’est ce que déclare l’Ecclésiastique 24 en toute clarté : « Moi, je suis sortie de la bouche du Très-Haut, première née avant toute créature ».



Venons-en maintenant au passage de la lettre aux Hébreux 1 : « Il a été fait d’autant meilleur que les anges ». Saint Jean Chrysostome et Théophylactus donnent au mot fait le sens de déclaré. Et avec raison. Car il s’agit ici du statut obtenu après la résurrection. Car c’est ainsi que parle saint Paul : « Après avoir fait la purgation des péchés, il s’assied à la droite de la Majesté dans les hauteurs, étant fait d’autant meilleur que les anges etc. » C’est-à-dire que, après la passion, il a été exalté, et déclaré d’autant plus excellent que tous les anges que la gloire du Fils de Dieu est plus éloignée de la condition de l’esclave, On peut aussi avec saint Cyrille, (livre 8, thes, chap 2), penser que ce « fait meilleur » signifie plus honoré, ou plus estimé. Comme on dit : je fais plus de cas d’un homme honnête que d’un riche, d’un ange que d’un homme etc.



CHAPITRE 19 : Réponse au sixième argument.



Dernière objection. « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ». Comme le Seigneur lui-même l’a dit, au témoigne des actes des apôtres 20, et on peut le démontrer par des raisonnements. Car, donner est le propre du riche et du parfait; recevoir, le propre de l’indigent et de l’imparfait. Mais le Père donne, et le Fils reçoit. Car c’est le Père qui a donné au Fils tout pouvoir (Matt vers la fin) : « Tout pouvoir m’a été donné ». Il lui a donné la vie (Jean 5) : « Il a donné aussi au Fils d’avoir la vie en lui-même ». Au même endroit, il lui a donné la sagesse : « Le Père aime le Fils et lui montre tout ». Et Jean 15 : « Tout ce que j’ai entendu de mon Père je vous l’ai fait connaître ». Enfin, il a tout du Père (Matt 11) : « Tout m’a été livré par le Père ». Le Père et le Fils ne sont donc pas égaux, et ils sont encore moins un seul Dieu.



Ne sera pas satisfaisante la réponse de ceux qui diront que le Père a tout donné au Fils, mais naturellement et nécessairement, non librement et gratuitement. Car il est plus beau de donner que de recevoir seulement quand on donne librement. Que celui qui donne naturellement est plus parfait que celui qui reçoit, nous l’enseignent la forme et de la matière, le ciel et la terre, et les choses semblables. Les ariens ajoutaient que le Fils a tout ce qu’a le Père, mais pas absolument tout. Car le Fils dit, en Mat 20 : S’assoir à ma droite ou à ma gauche ce n’est pas à moi de le donner, mais à ceux pour qui le Père l’a préparé.»



Je réponds qu’il est seulement plus beau de donner que de recevoir quand celui qui reçoit est en puissance à recevoir, et est donc indigent et imparfait. Or, le Fils de Dieu a accepté la vie comme n’ayant jamais été non vivant. Il reçut aussi la sagesse et la puissance sans avoir jamais été infirme ou ignorant. Car, toutes ces choses-là, c’est en naissant qu’il il les a acceptées. Or, c’est de toute éternité qu’il est né et qu’il est parfait. Saint Augustin (dans son livre contre Maximin, chapitre 4) : « Il est plus beau de donner que de recevoir, mais dans cette vie où se trouve le besoin ou la pauvreté, et où la satiété et la richesse sont meilleures ». Voyez saint Augustin et saint Jean Chrysostome au chap 5 de saint Jean. où ils expliquent que le Père montre au Fils non en enseignant, mais en naissant. On dit que le Père montre et que le Fils entend parce que, en communiquant son essence, le Père communique sa science.



Pour la confirmation venant de Matt 20, je dis, avec saint Jérôme, saint Jean Chrysostome et saint Cyrille (livre 10, thes chap 5) que ce que le Christ a voulu dire c’est : ce n’est pas à moi, qui suis juste et sage, de vous donner les premiers sièges, pour la raison que vous êtes mes confidents ou mes amis, car c’est à ceux qui les mériteront qu’ils seront donnés. De toute éternité le Père les a préparés pour ceux-là, et cette prédestination n’a pas été faite sans le Verbe et le Saint-Esprit. Mais, tu diras que ceux-là l’ont mérité, car le Seigneur a dit : « Pouvez-vous boire le calice » Ils répondirent : nous le pouvons. Et Jésus reprit : « Vous boirez le calice, mais siéger .. » Je réponds qu’en buvant le calice ils ont mérité le ciel, mais non nécessairement les premières places. Et que tout appartienne absolument en commun au Père et au Fils, l’évangile nous l’enseigne en Jean 16 : « Tout ce que le Père a est à moi ». Et au chapitre 17 : «  Tout ce qui est à toi est à moi ».





CHAPITRE 20 : Réponse aux objections contre la divinité du Saint-Esprit



Les transylvaniens (livre 2 chapitre 5) n’opposent à la divinité du Saint-Esprit que le fait que l’Écriture ne lui donne jamais le nom de Dieu ou de Seigneur, à la suite des anciens ariens leurs prédécesseurs, au témoignage de saint Grégoire de Naziance (livre 5 de la théologie). Mais il est facile de leur répondre, car il est faux qu’on ne l’appelle jamais Dieu, puisque nous lisons dans les actes des apôtres 5 : « Ananie, pourquoi le diable a-t-il tenté ton cœur, pour te faire mentir à l’Esprit Saint ? Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, mais à Dieu ». Et aux Corinth 1, 6 : « Vos membres sont le temple du Saint-Esprit. » Et un peu plus bas : « Glorifiez donc et portez Dieu dans votre corps ». Et de plus, même si le nom de Dieu ne se trouvait pas dans l’Écriture, ne suffit-il pas, pour prouver que l’Esprit est Dieu, de constater qu’on lui attribue des œuvres que Dieu seul peut faire ? Et que penser de ce que l’Écriture n’ait dit jamais que l’Esprit Saint est une créature ? Ce qui n’enlève pas à nos adversaires l’audace de lui donner ce nom.



Les anciens ariens reprochaient certains textes de l’Écriture auxquels les Pères ont su donner une explication satisfaisante. Première objection, un texte d’Amos : « C’est moi qui confirme par le tonnerre, et qui crée l’esprit. » Saint Basile a répondu qu’en ce passage, le mot esprit signifiait souffle, comme dans le psaume 148 : « Le souffle ou le vent des tempêtes ». C’est de la même manière qu’entendent ce passage saint Jérôme, Théodoret et Rupert. Deuxième objection, Rom 8 : « L’Esprit demande pour nous dans des gémissements inénarrables ». Saint Augustin répond contre Maximin, tantôt dans la collation, tantôt à 13, pas loin du début, par ces mots : «Comprends le sens de la phrase, et tu éviteras le blasphème. Il dit que l’Esprit demande pour nous afin que nous comprenions qu’il nous fait demander par des gémissements inénarrables.. De même, dans un autre endroit, l’apôtre dit qu’il crie abba, Père. Et quand il dit, dans un autre lieu, « dans lequel nous crions abba Père », il explique ce que veut dire « criant abba Père ».en disant « dans lequel nous crions ». Qu’est donc « criant » sinon « faisant crier » ? Saint Jean Chrysostome (homélie 14 sur l’épitre aux Romains) enseigne que par « l’Esprit saint criant » nous devons entendre le don d’oraison par lequel l’âme s’écrie et gémit.



Troisième objection, Joël 2 : « Je répandrai de mon Esprit. » Jean 15 : « Quand viendra l’Esprit de Vérité que je vous enverrai de la part du Père. » Car, comme le rapporte saint Augustin (livre 2 de la trinité, chapitre 5), les ariens enseignaient que celui qui est envoyé est inférieur à celui qui envoie. Et comme ils lisaient que le Fils a été envoyé par le Père et le saint Esprit par le Père et le Fils, ils en concluaient que le Fils était inférieur au Père, et le Saint-Esprit, inférieur aux deux autres. Saint Augustin répondait que ce n’est pas n’importe laquelle mission qui marque la supériorité de celui qui envoie, mais seulement celle qui se fait sous forme de commandement. Or, le Fils et le Saint Esprit, ce n’est pas sous forme de commandement qu’on dit qu’ils ont été envoyés, mais seulement parce que le Fils procède du Père, et le Saint-Esprit du Père et du Fils. De plus, le Fils et le Saint-Esprit commencèrent à un moment donné du temps et d’une nouvelle manière, à être présents aux créatures sous une forme manifeste et visible. Car le Fils apparut dans la chair, et l’Esprit Saint sous la forme d’une colombe, et plus tard, dans des langues de feu. Cette manifestation visible d’une personne invisible ,procédant d’une autre, est appelée mission dans l’Écriture. Cette mission ne porte aucune atteinte à la divinité du Fils ou de l’Esprit Saint, car, comme le dit si bien saint Augustin, l’un et l’autre sont envoyés dans un lieu où ils étaient auparavant dans leur majesté invisible. Car, du Fils, il est dit : « Il était dans le monde, et le monde ne l’a pas connu ». Et ensuite : « Il vint chez lui ». Et il est dit du Saint Esprit dans le psaume 138 : « Où irai-je loin de ton Esprit ? ».



Quatrième objection, Jean 1 : « Tout a été fait par lui ». Saint Jean Chrysostome répond (dans son homélie 4 sur saint Jean) que l’évangéliste a ajouté tout de suite après : « Et sans lui rien n’a été fait de ce qui a été fait », afin d’exclure l’objection des ariens, et de nous faire comprendre que les seules choses faites par le Verbe sont celles qui ont été créées. Saint Cyrille et saint Augustin lisent, eux : « Et sans lui rien n’a été fait. Ce qui a été fait avait en lui la vie etc » Et ils répondent aux ariens : il n’y a aucun doute possible que saint Jean parle ici des créatures, puisqu’il dit que tout a été « fait » par lui. Autrement, même le Père devrait avoir été fait par le Verbe si tout ce qui est doit avoir été fait par le Verbe.



Dernière objection, le raisonnement suivant. Il y a deux façons d’agir : par la nature ou par l’art. Car, par la nature des fils sont engendrés, et par l’art des œuvres sont produites. Or, seul le Verbe a été produit par le Père selon le mode naturel, puisqu’il est Fils unique. Le Saint Esprit procède donc selon le mode de l’art, et est donc un produit artisanal. Nous répondons que le mode d’agir selon la nature est double dans les êtres qui sont dotés d’esprit et d’intelligence, l’un par l’intelligence, l’autre par la volonté. Car l’intelligence produit naturellement une idée, et la volonté un amour. Mais la différence qu’il y a entre Dieu et la créature consiste en ceci qu’en connaissant et en aimant, Dieu produit une substance, alors que la créature ne produit qu’un accident. De là vient que le Verbe et l’Esprit Saint soient de véritables hypostases, tandis que ce que produisent notre intelligence et notre volonté ne peut pas être appelé hypostases. Mais, de cela nous parlerons plus abondamment dans le livre suivant, si le Seigneur nous vient en aide.

[31mai2017 20h21 fin]
 
 

fin livre 1.



Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, juillet 2017.