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Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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2018 01 11 a22h51 debut

4ème Controverse Générale : Les Conciles
Livre 1 : La Nature et la Cause des Conciles (21 chap.)

CHAPITRE 1
L’ORDRE suivi dans  LA DISPUTE

Nous avons disserté, jusqu’à présent, sur la tête de l’église militante.  Il nous faut maintenant disserté de l’Église elle-même.  L’Église peut-être envisagée de deux façons,  en tant qu’elle est réunie en conciles, ou en tant qu’elles répartie sur toute la surface de la terre.   Nous parlerons donc d’abord des conciles, et ensuite seulement de l’Église elle-même.  Nous plaçons la dispute sur les conciles avant celle sur l’Église, même si l’ordre de la nature semblerait nous persuader du contraire, parce que la dispute sur les conciles a des rapports plus étroits avec la dispute sur le souverain pontife,  que n’en a la dispute de l’Église.  La dispute sur les conciles portera sur deux points : la définition d’un concile légitime, et ceux qui n’attribuent aucune autorité aux conciles.  Toute cette dispute sera divisée en trois parties.  Nous ferons d’abord quelques réflexions préliminaires qui permettront de mieux comprendre. Quels sont ceux qui ont écrit sur ce qu’est un concile,  quand et combien de conciles il y a-t-il eu ?  Toutes ces choses nous les exposerons sans argumenter, à la manière d’un simple récit.   Nous définirons ensuite ce que postule proprement la nature d’un concile légitime, en traitant de la matière, de la forme, de la fin, et de la cause efficiente des conciles, ainsi que des choses que les adversaires requièrent dans les conciles.  Enfin, nous disserterons de l’autorité des conciles, en elle-même,  et comparée avec l’autorité de l’Écriture et du pape.
                                                                           CHAPITRE 2
                                                        Ceux qui ont écrit sur les conciles
 Pour commencer par le commencement, ceux qui traitent de ce sujet, d’abord et avant tout :  les livres eux-mêmes des conciles, qui ont été hélas mal conservés, qui souffrent de plusieurs lacunes, et qu’on doit corriger par le recours aux anciens manuscrits.  Nous avons aussi beaucoup de décisions de conciles dans les décrets de Gratien,  de Juonis, Burchard, Martin Bracarenfissité.  On peut en lire certains extraits dans le livre des synodes de saint Hilaire, dans le livre 6 d’Isidore (Étymologie ca 16),  dans Bède (livre des six états, à Constantin 1V), dans Freculphum (fin de la chronique),  Jean Psellum et Photin (livre des sept conciles).
 En plus de ces anciens, on trouve un grand nombre d’écrivains modernes, comme  Thomas Waldensis  (livre2, doctrine de la foi, chapitre 26, verset 27),  Jean de Turrecremata (livre 3, les sommes de l’Église),  Jean Gerson (différents traités du pouvoir de l’Église et des conciles),  Denys le Chartreux (trois livres sur les conciles),  Jean Eck (enchiridium), Iodocus Chichrouaeus (dans la défense du concile de (Sienne), Iodocus Titelatanus (dans la défense du concile de Trente), Jean Cochlaeus (livre des conciles) Jean Roffensis  (contre l’article de Luther 28 et 29).  Cajetan (dans les opuscules),  Albert Pighius (livre 6 de la hiérarchie ecclésiastique), le cardinal Hosius (explication du symbole, chapitre 24, livre 2, contre les prolégomènes de Brentius),  Pierre a Soto (la défense de confession contre Brentius), Jean Antoine Delphin (livre 2 sur l’Église),  Melchior Cano  (les lieux théologiques),  Hugo (dans l’œuvre appelée  synodes hugoniens).  De même Jacobatius (dans son livre sur les conciles), Gaspar Villa-pandaeus (dispute pour le concile de Trente), Alfonse Castro (livre 4 des hérésies), Guillaume Lindanus (livre 3, chapitre 7, panoplie évangéliques).
                                                                            CHAPITRE 3
                                                        Le nom et l’origine du concile
 Dans l’Église, le mot concile a le même sens que, dans la société civile, le mot comices, ou  états généraux. Car, quand  surgit une controverse dans une république, les princes du royaume et les magistrats se rassemblent en un seul corps,  et statuent sur la façon d’y faire face.  Il en est ainsi dans l’Église.  Quand on soulève une controverse sur un sujet religieux,  les préposés aux Églises se rassemblent, et prennent en commun une décision sur les remèdes à porter.  C’est ce que nous voyons rapporté par les actes 15, quand, à Jérusalem a été célébré le premier de tous les conciles généraux, lequel fut suivi par plusieurs autres.  Quant à l’origine des conciles, même si un Albert Pighius (livre 6, chapitre 1 de la hiérarchie céleste) soutient  qu’elle est pleinement humaine, et qu’elle a été conçue par la raison humaine,  il est plus probable qu’elle soit divine.  Car le concile de Chalcédoine (dans la lettre à Léon), et le sixième synode (acte 17),  le pape  Célestin (dans l’épitre au concile d’Éphèse), et le concile de Tolède 2, pas loin du début) enseignent tous que c’est des conciles que parlait le Christ quand il a dit : « Quand deux ou trois seront réunis en mon nom, je suis au milieu de vous. »   De plus, il est croyable que les apôtres, qui étaient remplis du Saint-Esprit,  ne se soient pas réunis en concile sans en avoir reçu l’admonition du Saint-Esprit.  Ne disent-ils pas : « Il a semblé bon à l’Esprit- Saint et à nous (actes 15) » ?  De plus, même si c’est la raison naturelle qui dicte que, dans les choses douteuses, les princes consultent des hommes compétents,  le fait que seuls les évêques soient convoqués, et qu’ils le soient non à titre de conseillers, mais de juges, cela ne semble pas être une invention de la seule raison humaine.  Il est, de toute façon, certain  que la célébration de conciles,  qu’on retrouve à tous les siècles de l’histoire de l’Église, descende d’une tradition apostolique.  Les traditions apostoliques  je n’oserais pas, pour ma part, les appeler des inventions humaines.
 Le nom latin de concile on le trouve et dans l’ancien et dans le nouveau testament,  pour désigner les assemblées de Juifs.  Mais le nom  grec (synode)  ne se trouve pas dans l’Écriture. Le nom grec, synode,  apparait cependant dans les cannons des apôtres  (canon 38), où il est commandé à tous les évêques de célébrer des conciles deux fois à chaque année.  On le trouve ensuite dans  Eusèbe (livre 5, chap 23, de son histoire de l’église), et puis dans tous les auteurs.
                                                                        CHAPITRE 4
                                                             Les sortes de conciles
 Il y a quatre sortes de conciles : les généraux, les nationaux, les provinciaux, et les diocésains.   Saint Augustin parle des trois premiers dans son livre 2 sur le baptême contre les donatistes, où il dit que les conciles provinciaux,  et les plus grands comme les régionaux, peuvent être amendés par les conciles pléniers.  Le concile de Tolède 4, canon 25, se souvient de la dernière catégorie de conciles.  On appelle généraux les conciles qui peuvent et doivent intéresser les évêques de toute la planète,  à moins qu’ils ne soient légitimement empêchés, et qui ne sont présidés légalement que par le souverain pontife, ou par un de ses légats.  On les appelle oecuméniques,  c’est-à-dire planétaires.  On appelle nationaux les conciles qui rassemblent les archevêques et les évêques d’un royaume ou d’une nation, qui sont présidés par un patriarche ou primat,  comme les conciles romains, tolèdains et africains.  Il faut noter que même s’ils sont distincts des généraux et des provinciaux,  ces conciles nationaux sont de vrais conciles. Car, on les appelle souvent des conciles universels, comme pour les conciles romains tenus par le pape Symmaque. En effet, on lit toujours : « concile général présidé par le pape Symmaque », même si les seuls participants étaient des évêques d’Italie.  Il en va de même pour le concile de Tolède 3 (canon 18).  On y lit : « prescrit ce saint et vénérable synode », alors que, à ce concile, seuls participèrent les évêques d’Espagne.  Il en va de même aussi pour le concile de Carthage 4.  On appelle ces conciles généraux ou universels, non au sens fort du terme, mais seulement parce qu’ils étaient généraux dans tel royaume.  Ils sont appelés provinciaux par Gratien (dist. 3, canon) parce qu’ils sont limités à certaine provinces, et ne s’étendent pas à tous,  comme ceux qui sont vraiment généraux.
 On appelle provinciaux les conciles où ne se réunissent que les évêques d’une seule province, sous la  présidence d’un archevêque ou d’un métropolitain. On trouve un grand nombre de conciles de ce genre dans les tomes des conciles.  Les diocésains ne réunissent que les prêtres d’un seul diocèse, et ils sont présidés par l’évêque.  On trouve peu de ces exemples dans les tomes des conciles.  Et avec raison, car il n’y a là, en dehors de l’évêque qui préside, personne qui ait une juridiction.  L’autre division des conciles répartit les conciles en quatre.  Certains ont été approuvés par le siège apostolique, et ont été reçus par l’Église universelle,  certains ont été complètement réprouvés, d’autres approuvés en partie, en partie réprouvés,  d’autres enfin n’ont été ni approuvés ni réprouvés.
                                                                          CHAPITRE 5
                                                       Les conciles généraux approuvés
 On peu compter un par un les conciles généraux qui ont été jusqu’à maintenant approuvés : il y a en a dix-huit.   Le premier est celui de Nicée qui a été célébré en l’année du Seigneur 327, et qui a pris fin en 330, qui fut la quinzième année de papauté de saint Sylvestre, et la vingtième de l’empereur Constantin.  Ce concile réunit 318 pères, dont les patriarches Alexandre d’Alexandrie,  Eustache d’Antioche, Macaire de Jérusalem, et Métrophanes de Constantinople, même si ces deux derniers n’étaient pas patriarches, et ne l’ont été que longtemps après.  Certains, comme Métrophanes, ne participèrent pas en personne au concile, mais par le délégué Alexandre,  qui lui succéda par la suite.  Voir Metaphrate dans son sermon sur ce qui s’est passé à Nicée.  On a mis fin à deux controverses, une sur le jour de Pâque,  l’autre  sur la divinité du Christ, contre l’hérésie des Ariens. Or, cet Arius, le prince des hérétiques est décédé subitement, dix ans après, dans les latrines,  quand il allait à la selle.
 De plus, que le concile de Nicée ait été célébré avant la mort d’Arius, ce n’est pas tout à fait certain.  Car, Épiphane (hérésie 69) dit explicitement  que, contrairement à ce que racontent les historiens Ruffin (livre 10 chapitre  13) et Socrate (livre 1, chapitres 19 et 25) et d’autres,  le concile de Nicée a été célébré après la mort d’Arius. On ne peut pas concilier ces deux récits divergents en disant qu’il  y a eu deux Arius, comme le suggère Sulpitius  (livre 2 de l’histoire sacrée).  Car, même s’il y a eu deux Arius, c’est le même Arius qui a péri dans les latrines et qui est placé par les uns avant le concile, et par les autres, après.  Et il semble que les historiens ont été mieux informés, surtout parce que dans le synode 5, on s’est demandé s’il était permis de condamner quelqu’un après sa mort.  On ne se serait certainement pas posé cette question si Arius avait été condamné par le concile de Nicée après sa mort.  Mais c’est quelque chose qui importe peu, et il n’y a aucune raison de s’y attarder davantage.
 Le deuxième synode est celui de Constantinople.  Il fut célébré sous l’empereur Théodose senior et le pape Damase,  contre Macédoine qui niait la divinité du Saint-Esprit. Cent cinquante évêques y participèrent, provenant de diverses provinces, dont les patriarches de Constantinople Nectaire,  d’Alexandrie Timothée, d’Antioche Meletius, et de Jérusalem Cyrille. Selon la chronologie de Prospère, ce concile se tint pendant le consulat des Augustes Gratien et Théodose, c’est-à-dire, en l’an du Seigneur 383, ou en 84, comme le veut Socrate, ou 81, selon Onufrius.  Pfellus (dans son livre sur les sept synodes) met un intervalle de 56 ans entre le premier synode et le second.  Si on ajoute le nombre d’années 56 à 327, date à laquelle le concile de Nicée a commencé, nous obtenons 383, le chiffre que Prospère nous présente dans sa chronique.  Il est  à remarquer que ce concile ne fut formé que d’Orientaux : aucun évêque d’Occident n’y a participé.  Le pape Damase avait convoqué un synode d’Occidentaux, et y avait invité les évêques orientaux qui s’étaient rassemblés à Constantinople.  Mais les évêques orientaux n’ayant pas pu venir pour des raisons valables,  le pape a accepté leurs excuses, et ces deux synodes, qui poursuivaient les mêmes buts et usaient des mêmes termes,  furent fondus ensemble, et n’en devinrent qu’un.  Et c’est à cause de cette fusion des deux synodes que le concile de Constantinople a été considéré comme légitime et oecumique. Voir Théodoret (livre 5, chapitres 9 et 10 de son histoire).
 Le troisième concile est celui d’Éphèse 1, qui a été convoqué sous l’empereur Théodose junior et le souverain pontife Célestin.  Deux cents évêques s’y rendirent, dont les patriarches Cyrille d’Alexandrie, qui tenait la place du pontife romain, Jean d’Antioche, et Juvénal de Jérusalem.  Jean était encore en route quand le décret du concile a été voté.  Il commença donc par s’opposer à Cyrille,  puis se réconcilièrent ensuite, pensant et s’exprimant de la même façon.  La cause du concile  fut la nouvelle hérésie de Nestor, évêque de Constantinople, qui  divisait le Christ en deux personnes.  Ce concile fut célébré pendant le consulat de Bassus et d’Antiochus, comme le rapportent Prospère (dans sa chronique) et Socrate (livre 7, chapitre 34), c’est-à-dire en l’année du Seigneur 434.  Ajoutons que Vincent Lérins (dans son livre sur les nouveautés profanes de mots, vers la fin) dit : « Trois ans avant, un concile a été célébré à Éphèse, pendant le consulat des illustres Bassus et Antiochus. »  Quoi de plus clair.  Pour tout ce synode, voir Liberatum (dans le bréviaire chapitres 5, 6, 7, 8),  Socrate (livre 7, chapitre 34), Évagre (livre 1, chapitre 4), et le synode lui-même traduit récemment du grec au latin, et qui est compilé en deux volumes.
 Le quatrième synode est celui de Chalcédoine qui a été convoqué contre l’hérésie de l’archimandrite Eutychès,  qui ne reconnaissait dans le Christ, après l’incarnation, qu’une seule nature, la nature divine.  Ce concile se tint sous le pontife Léon 1, et l’auguste Maxime et Martien, pendant le consulat de ce même Martien, comme l’atteste le concile.  Or, le consulat de ce Martien eut lieu  en l’an du Christ 454, selon la computation de Mattaeus Pelmerius, de Grégoire Haloandrus. Ou en 452, selon Onuphrium   (dans son livre sur les pontifes romains).  Pfellus met trente ans entre le troisième et le quatrième synodes.  Sic cent trente évêques furent présents, dont le patriarche Dioscurus d’Alexandrie, qui fut éjecté par la suite,  Maxime d’Antioche, Anatholius  de Constantinople,  et Juvénal de Jérusalem.  Voir Liberatum (dans le bréviaire c. 11)  et Evagrium (livre 2, chapitres 2, 3, 4 de son histoire).
 Le cinquième synode général fut, comme plusieurs le pensent, célébré sous Agapet et Memnas.  Dans le second tome des conciles, il porte le nom de cinquième concile, et contient quatre actes.  Mais il fut réellement un concile particulier qui précéda le véritable cinquième concile, comme nous l’apprennent Zonaras (dans la vie de Justinien) et Nicéphore (livre 17, chapitre 9. » Le cinquième vrai concile s’est réuni  à Constantinople,  sous le pape Vigile et l’empereur Justinien senior, l’an 12 après le consulat de Basile, comme nous le lisons au commencement de ce même concile, qui se tint en l’an de l’incarnation du Seigneur 553 ou 556, selon Pfellus, qui le veut postérieur de 102 ans au quatrième concile.  Cent soixante cinq évêques y participèrent, comme le rapporte le même Pfellus, dont les patriarches Eutychès de Constantinople, Apollinaire d’Alexandrie,  Domnius d’Antioche, et Eutochyus de Jérusalem, lequel n’a pas participé personnellement, mais par ses légats; et il l’a confirmé par un opuscule, comme Nicéphore le rapporte  (livre 17, chapitre 27).   La cause de la convocation de ce concile fut l’hérésie d’Origène qui sévissait alors.  Origène fut donc condamné, ainsi que  Didyme l’aveugle, Évagre et leurs sectateurs.  On condamna également les écrits de Théodore de Mopsuète,  et de Thédoret de Cyr, ainsi que la lettre dite d’Ibas à Marie la perse.   Voir, au sujet de ce synode,  Zonaras (lieu cité),  Nicéphore (livre 17, chapitre 17), saint Grégoire (livre 1, épitre 24),  Évagre (livre 4, chapitre 38), Liberatum (dans le bréviaire, chapitres 23 et 24, même si on ne peut pas facilement croire tout ce qu’il dit). De toute façon, son récit ne concorde pas avec les autres.
 Le sixième synode fut célébré à Constantinople la douzième année de Constantin 1V, (comme l’indique Paul diacre dans sa vie), laquelle était  la 681 ou 685ième année du Seigneur, selon Pfellus, qui intercale 129 années entre les cinquième et sixième synodes.   Dans le concile lui-même, on trouve qu’il  a eu lieu en la vingt-huitième année de Constantin.  Ce n’est pas une erreur des copistes, comme le pense Illyricus (centurie 7, chapitre 9).  Car même s’il ne devint empereur après la mort de son père qu’à l’âge de 17 ans, il régna plusieurs années avec son père, comme l’explique Zonaras,  puisqu’il avait été couronné par son père avant le départ de celui-ci pour la  Sicile.  Il date donc le concile en comptant les années de règne de Constantin depuis son premier couronnement;  alors que Paul le diacre compte les années de règne à partir de la mort de son père.  Deux cent quatre-vingt-neuf évêques y participèrent, selon Paul diacre, et selon aussi le texte du synode 7, actes 3.  Bède le vénérable, cependant, (dans son livre des six états, près de la fin), Rhegino (livre 1), Ado de Vienne et Freculphus dans sa chronique ne comptent que 150 pères.  Il y eux deux patriarches seulement de présents, celui de Constantinople, Georges, et d’Antioche, Macaire, car ceux d’Alexandrie et de Jérusalem envoyèrent des légats.  Le souverain pontife Agathon fut présent et présida par ses légats.  Dans ce synode fut condamnée l’hérésie de ceux qui ne reconnaissaient qu’une volonté dans le Christ.  Voir, au sujet de ce synode, les auteurs précités, Albert Pighius dans la diatribe,  et dans l’apologie de François de Turrin pour le sixième et le septième synode.  Albertus présente aussi les deux symboles six et sept comme ils nous sont parvenus,  en affirmant, contrairement à Turrien,  qu’ils ont été faussés et modifiés.   Ce qui nous semble  plus vrai, comme nous l’avons déjà expliqué dans le quatrième livre du souverain pontife.
 Le septième synode a été réuni à Nice en l’an 8 de Constantin et d’Irène, comme l’écrivent Paul  le diacre (livre 23 sur les choses romaines) et Cedrenus dans son aperçu historique.  Ce fut en l’année 781 de la naissance du Christ, selon le diacre Paul,  ou 786, selon Cedrenus, ou 789, selon Onuphrius.  Pfellus le place en la dixième année de Constantin et la 789 du Christ.  Il compte soixante-ans entre le sixième concile et le septième, ce qui n’a aucune chance d’être vrai. Faute de copistes ?  Les pères furent au nombre de 350, dont un seul patriarche, celui de Constantinople, Tharasius, car les autres patriarches se firent représenter par des légats.  Le pape Hadrien présida par ses légats, et condamna avec le reste du synode, ceux qui privaient d’honneur les images sacrées du Christ et des saints.  Reportez-vous à ce que nous avons dit là-dessus quand, lors du concile de Francfort, nous avons discuté du culte des images.
 Le huitième concile est le quatrième de Constantinople.   Il a été célébré sous le pontificat du pape Hadrien 11, et le règne de Basile 111, comme on le voit écrit dans les actes du synode; et en l’an 870.  Les évêques participants furent au nombre de 383, dont le patriarche Photius,  et ensuite Ignace de Constantinople.  Les autres patriarches se rendirent présents par leurs légats.  Il faut se rappeler qu’en ce lieu,  trois synodes ont été célébrés dans la cause de Photius.  Une au temps du pape Nicholas  et de Michel l’empereur, dans lequel fut déposé Ignace et ordonné Photius, ce dont nous parle  Zonaras dans la vie de Michel.   On ne peut douter que ce synode ait été profane, comme les lettres des papes Nicholas 1 et Adrien 11 nous le montrent.   L’autre concile est celui que nous appelons le huitième.  Il est conservé, tout imparfait qu’il soit, dans les tomes des conciles.  Dans ce concile, on a déposé Photius et rappelé Ignace.  C’est Zonaras qui nous parle de ce concile dans la vie de l’empereur Basile.   Le troisième est celui que, au temps du même Basile, a célébré Jean V111 par ses légats.  Dans ce synode, le successeur d’Hadrien, à la mort d’Ignace, rétablit Photius.  Et s’il est vrai ce que les Grecs ont dit au concile de Florence, les actes  du précédent concile auraient été résiliés pour qu’on enlève le « et du fils » du symbole des apôtres.   Mais cela n’a aucune vraisemblance.  Voilà pourquoi je me persuade facilement qu’a été inventé de toutes pièces ce que l’on dit de Jean V111 (comme saint Antonin l’enseigne dans sa somme ecclésiale, p3, titre 22 chapitre 13, verset 10) ou qu’il est vrai que Photius ait été, après la mort d’Ignace, ramené sur le siège de Constantinople par  les légats du pape Jean V111.  Et Turrianus montre que ce sont des fictions, des inventions et des mensonges des Grecs.  Ce qui me confirme dans cette opinion c’est que Zonaras se souvient du rétablissement de Photius, et non de l’abrogation du concile 8, ni du retrait de « et du Fils » du symbole des apôtres.  Et aussi parce que les Grecs, au concile de Florence (session 6) ne reconnurent pas comme concile œcuménique ce synode tenu sous Jean V111, même s’il eut été très avantageux pour eux de reconnaitre sa légitimité.  Passons maintenant des conciles orientaux aux occidentaux.
 Le neuvième est celui du premier concile du Latran.  Il a réuni au-delà de 900 évêques, en 1123, dans le but de récupérer la terre sainte occupée par les Sarrasins, au temps des empereurs Calixte et Henri.  Platina et Onuphrius n’en parlent pas.   Le dixième est celui de Latran 2, qui réunit 2000 évêques contre des antipapes, et pour le droit du clergé, au temps des empereurs Innocent et Lothaire.   Platina et Onuphrius n’en parlent pas.  Le onzième est celui de Latran 111, qui rassembla environ 300 évêques, pour la réformation de l’Église, et contre les Vaudois, en l’an 1180, au temps des empereurs Alexandre 3 et Frédéric 1, comme le rapportent Onuphrius, Guillaume de Tyr,  qui fut présent (livre 10, chapitre 26, de la guerre sainte.) Le douzième est celui de Latran 1V, qui rassembla 1283 pères, dont 472 évêques, l’an 1215, contre différentes hérésies, et pour la terre sainte,  au temps d’Innocent 111 et de l’empereur Frédéric 2, selon Matthieu Palmerius, Platina, et Onuphrius.   Le treizième est celui de Lyon 1, l’en 1245,  contre l’empereur Frédérique, et pour la terre sainte, au temps d’Innocent 1V et de Frédéric 11, selon Matthieu Palmerius, Onuphrius et Platina.  Quelques décrets de ce concile ont été conservés, dans les décrétales du sixième.  Le quatorzième est celui de Lyon 2.  Le nombre de participants a été de deux mille, dont les 500 évêques.  Il a été convoqué en 1274 contre l’erreur des Grecs au temps de Grégoire X et de l’empereur Rodulphe,  selon Palmerius, Platina et Onuphrius.   Il reste, de ce concile quelques-uns des décrets dans le sixième.
 Le quinzième est celui de Vienne, qui a réuni 300 évêques en l’an  1311, contre différentes hérésies, au temps de Clément et de l’empereur  Henri V11.  Palmerius, Platina, Onuphrius ont conservé les décrets de ce concile qu’ils appellent Clémentines.  Le seizième est celui de Florence (j’omets celui de Pise, de Constance et de Bâle, dont nous parlerons plus loin),  en l’année 1439.  Cent quarante et un pères ont soussigné, et plusieurs autres qui divergeaient d’opinion avant la signature. Il portait sur les erreurs des Grecs, et il eut lieu au temps du pape Eugène 1V et de l’empereur Albert, selon Matthieu Palmerius, et Platina.  Le dix-septième est celui du Latran V,  qui a réuni 144 pères contre des schismes et différentes affaires,  au temps de Jules 11 et de Léon X et de l’empereur Maximilien, de 1512 à 1517.   Le dix-huitième est celui de Trente, commencé en 1545 et fini en 1563 contre les erreurs des luthériens, au temps des papes Paul 111, Jules 3, et Pie 3 et des empereurs Charles 5 et Ferdinand.  Le nombre des participants est décrit ainsi par  Gaspard Villalpandaeus, dans la dispute cinq du concile de Trente : « Furent présents six cardinaux, quatre légats, trois patriarches, trente-deux archevêques, deux-cent vingt-huit évêques, cinq abbés, sept ministres généraux d’ordre, plusieurs procureurs d’évêques. »   Il n’y a aucun article de ces conciles qui n’ait pas été approuvé  par le pape et reçu par les catholiques.  Car, pour les huit premiers, le prouve le décret  dist 16, le canon les saints 8.   Pour les neuf autres, il est facile de constater qu’ils ont été approuvés parce qu’ils ont été  présidés par le souverain pontife. Le dernier a été confirmé par Pie 1V.    Les Grecs, eux, ne reçoivent que  les sept premiers conciles, comme on le voit dans le concile de Florence (sessions 5 et 6).  Les luthériens, eux, ne reçoivent que les cinq premiers, comme nous le montrent les madgebourgeois (centurie 8, c. 9, et centurie 9, chapitre 9.)  Les euthychiens qui existent encore en Asie, ne reçoivent que les 3 premiers.   Les quelques nestoriens qui existent encore n’acceptent que les deux premiers.  Les trinitaires qui vivent en Hongrie et en Pologne n’en acceptent aucun.
                                                                             CHAPITRE6
                                                             Les conciles généraux réprouvés
 Le premier concile général réprouvé est le concile d’Antioche, en 345, en l’an cinq de Constance, comme le rapportent Socrate (livre 2, chapitre 5) et Sozomène (livre 3 chapitre 5), dans lequel fut condamné saint Athanase et ouverte la voie au renversement du concile de Nicée.  Il est à noter que la somme des conciles confond ce concile avec les autres, car il y en a eu sept en tout à Antioche.  Le premier et le second contre Paul de Samosate, au temps du pape Denys, à peu près en 269.  Voir Eusèbe (livre 7, chapitres 23, 24, 25 et 26).   Le troisième fut un concile arien, au temps de Jules en 345, comme nous l’avons dit plus haut.   Le quatrième qui  est macédonien à cause de son hérésie, eut lieu en l’an 367, au temps du pape Libère (chronique de saint Jérôme).  Le cinquième est un concile provincial catholique  composé de 30 évêques, dont les 25 canons sont dans le premier tome des conciles.  Il semble avoir eu lieu au temps de Julien et de Libère. Voir Sozomène (livre 6, chapitre 4).  Le sixième est inséré dans l’acte 14 du concile de Chalcédoine.
 Le deuxième concile général est celui de Milan, en l’an 354, au temps de ce même Constance, dans lequel, d’une façon détournée, fut condamnée la foi catholique par 300 évêques.  Ruffin (livre 10, chapitre 10), Socrate (livre 2, chapitre 29).  Le troisième général est celui d’Ariminium en 363, sous le même Constance, en présence d’au moins 300 évêques. Ruffin  (livre 10, chapitre 21), Socrate (livre 2, chapitre 29), Basile (épitre 5 à Athanase).  Le quatrième est celui d’Éphèse 2, au temps de Théodose junior, en l’an 449, dans lequel a été tué, par la faction de Dioscore,  Flavien, évêque de Constantinople, pendant que fuyaient les légats du pape Léon 1. Ce concile confirma l’hérésie d’Eutychès.  Ce synode a été condamné par le pape Léon  dans ses épitre au clergé et au peuple de Constantinople, à Théodose, et à Pulchérie, qui sont les 22, 23, 24, 25ièmes.  Voir le bréviaire de Libératus (chapitre 12), Évagre (livre 1, chapitres 9 et 10).  Le cinquième est le concile de Constantinople sous Léon l’Isaurien, en 730, contre les saintes images, en la treizième année de son règne.  Ce concile est réprouvé, car aucun patriarche n’y participa à l’exception de saint Germain, qui cependant ne consentit pas. C’est pourquoi il fut éjecté de son siège de Constantinople.  Le sixième est le concile de Constantinople sous Constantin Copronyme, en l’an 755, auquel participèrent 755 évêques, mais aucun patriarche, à l’exception du pseudo évêque de Constantinople.  On définit, dans ce concile, qu’il fallait abolir les images du Christ et des saints.  Ce concile a été réprouvé  par le synode 7, acte 6.  Au sujet de ces deux conciles de Constantinople, voir Paul diacre (livre 21 et 22, des choses romaines), et Zonara (dans ses annales).
 Il est à noter que ce synode est faussement appelé par certains le troisième concile d’Éphèse, comme par l’auteur de la somme des conciles (au début du synode 6) et par Sixte de Sienne (livre 5 de la bibliothèque sainte, annotation 247). Car tous les anciens lui donnent le nom de Constantinople, comme cela parait clairement par le titre du concile, qui a été inséré dans le concile 7, acte 6.  La cause de l’erreur semble avoir été la suivante.  C’est l’évêque d’Éphèse, Théodose,  qui présida à ce synode profane.  Le septième est le concile de Pise, en l’an 1511, convoqué par l’empereur et le roi de France et d’autres cardinaux contre Jules 11.  Il a été réprouvé peu après dans le concile du Latran sous Jules 11 (sessions 2 et 3).  On peut compter comme huitième concile celui de Wittemberg, que les luthériens appellent général,  qui eut lieu en présence de 300 pasteurs, et qui a été présidé par Luther, en l’année 1536.  Voir Cochlaeus dans les actes de Luther, et Surium dans son commentaire sur les choses accomplies sur la terre en 1536.
                                                              CHAPITRE 7
                                     Les conciles en partie confirmés et en partie réprouvés
 Le premier concile à moitié confirmé et à moitié réprouvé est celui de Sardaigne en l’an 351, au temps de Constance et de Jules 1, en présence de 376 évêques.  Parmi ces évêques, les 300 évêques occidentaux confirmèrent la foi catholique, comme  l’explique saint Hilaire dans son livre des synodes; les évêques orientaux qui restaient ont souscrit à la foi arienne. Voir Socrate (livre 2, chapitre 16), Sozomène (livre 3, chapitres 10 et 11 de son histoire) et Théodoret  (livre 2, chapitres 7 et 8).  Le deuxième est le concile de Smyrne, qui a été célébré cinq ans après celui de Sardaigne, c’est-à-dire en l’année du Seigneur 356, sous le pontificat du pape Libère et pendant le règne de Constance.  Dans ce concile, deux formules différentes de foi furent éditées : une composée en grec par Marcus Aurethusius qui subit ensuite un illustre martyre sous Julien, qui semble celle que présente saint Hilaire dans son livre sur les conciles, et qu’il appelle catholique.  D’autres en composèrent une autre en latin qui est tout simplement blasphématoire, et que rejette saint Hilaire au début de son livre.  Dans ce même concile, l’hérésie de Photius fut condamnée, et cette condamnation fut approuvée par toutes les églises.  Voir Socrate (livre 1, chapitre 24), Sozomène (luivre 4, chapitres 5 et 6).  Voir aussi Épiphane (hérésie 71) qui semble avoir pris Sardaigne pour Smyrne.  Le cinquième est le concile quinisexte, dans lequel sont contenus les canons de Trullo.  Car on apprend des réflexions de Tharasius sur le septième synode (acte 4) que le synode 6, célébré au temps de l’empereur Constantin 1V, n’avait édité aucun canon; mais, qu’après quelques années, au temps de Justinien, les évêques sont retournés à Constantinople, et ont, dans le palais appelé Trullo, composé 102 canons dit trulliens.  Ce concile a été appellé par Balsamonus  quinisexte, parce qu’il n’est ni le cinquième ni le sixième concile, et qu’il a ajouté des canons au cinquième synode et au sixième.  On n’est pas absolument certain de la date de ce concile, car Théophane, qui est un historien,  citant François Turrianus (dans son livre du synode 6), enseigne que le concile a été célébré 17 ans après la fin du vrai synode 6, la deuxième année du règne de Justinien.  Mais  Tharasius (dans le synode 7, acte 4) et Épiphane, dans le même synode (acte 6, tome 1) disent que c’est cinq ans après la fin du concile que les canons ont été composés, ce qui semble plus probable, car autrement, je ne verrais pas ce que fut ce synode erratique de Constantinople qui eut lieu au temps de Justinien et du pape Serge, et qui a été réprouvé par le pape, comme le rapporte Bède le vénérable (dans son livre des six états), Paul diacre (livre 6, chapitre 4), Othon Fringensis (livre 5, chapitre 13), Rheginon (livre 1), et Adon de Vienne (dans sa chronique, en l’an 17 après la dissolution du concile.  Car, 27 ans après la clôture du concile, ce n’est pas Serge qui était pape, mais Constantin.  Et il est certain que Bède et Tharasius sont plus anciens que Theophane, d’autant plus que Bède vivait au temps où Serge était pape.
 Ces canons nous disons qu’ils sont partiellement approuvés et partiellement réprouvés, parce que le pape ne fut  présent, ni en personne, ni  par ses légats, quand ces canons furent votés.  Et le pape Serge qui régnait à ce moment, réprouva explicitement ce synode erratique, comme le dit Bède le vénérable  (dans son livre sur les six états au mot justinien).  Ils ont été aussi approuvés en partie parce que même si, par eux-mêmes, ces canons n’ont aucune valeur, quelques-uns d’entre eux ont été par la suite approuvés par le pape ou par d’autres conciles légitimes, comme le canon 82 sur la peinture des images.  Ceux qui ont été reçus pas Hadrien et par le synode 7, comme on le voit par les actes 2 et 4 du septième synode. Revoir ce que nous avons dit contre ce synode quinisexte (cinq-sixième), dans le livre 2 du souverain pontife (chapitre 18).   Le quatrième est celui de Francfort, célébré en l’an 794, près de Reins (livre 2) par le pape Hadrien 1 et Charlemagne, roi des francs.  Ce concile a été confirmé par le pape seulement là où il définit que le Christ n’est pas fils adoptif de Dieu.  Mais le souverain pontife réprouve l’autre partie du concile qui taxe d’erreur le septième concile œcuménique.  Voir ce que nous avons dit là-dessus dans le livre 2 des conciles, chapitre 9.
 Le cinquième est le concile de Constance qui réunit presque mille pères, dont plus de 300 évêques.  Il fut commencé en 1414 sous Jean XX111, et prit fin en 1418 sous le pape Martin 5 et l’empereur Sigismond.  À cause des premières sessions où il a été défini que le concile était supérieur au pape, il a été réprouvé par le concile de Florence, et par le dernier du Latran.  Mais les dernières sessions de ce concile sont reçues par tous les catholiques, ainsi que  tout ce qu’a approuvé Martin 5.  Le sixième est le concile de Bâle, commencé en l’an 1431, et continué à Bâle, et ensuite à Lausanne jusqu’à l’année 1449.  Le pape arrêta alors et condamna ce concile, ainsi que  le pape Félix V  qui avait été fait pape, de façon schismatique, par le concile.  Voir les actes du concile et la bulle de Nicholas V.  Aucun décret de ce concile n’a été ratifié ou approuvé, sauf certaines dispositions qui concernent les bénéfices ecclésiastiques, faites par le concile et approuvées par le dit  Pape Nicolas V.  Mais le concile lui-même a été réprouvé par le dernier concile du Latran (session 11).
                                                             CHAPITRE 8
Le concile qui n’a été ni manifestement approuvé, ni manifestement réprouvé.
Le concile qui n’est ni approuvé ni réprouvé semble être celui de Pise en l’année 1409.  Il a déposé Grégoire X11 et Benoit X111, et élut Alexandre V.  Saint Antonin (3 part tit 22, chapitre 5, versets 2 et 3 de sa somme historique)  déclare que ce concile fut illégitime et non un vrai concile ecclésial.  Ce que les circonstances semblent démontrer, car c’est  pour enlever le schisme, qu’il a été convoqué.  Mais loin de l’enlever, il ne fit que l’augmenter.  S’il avait été, hors de tout doute,  réprouvé, Alexandre V1 ne se serait certainement pas appelé le sixième de ce nom, mais le cinquième.  Ajoutons  que l’opinion commune est à l’effet qu’Alexandre et son successeur furent de vrais papes.  Et il est certain que parmi les trois qui se disaient alors papes, ces deux étaient reconnus comme vrais papes.  Pour chacun de ces conciles en particulier,  voir les tomes des conciles, et le décret de Gratien (dist 16, canon synode 6, et dist 20, canon des guerres, ainsi que la chronique d’Onuphrius,  et le second livre de la chronologie  de Genebrard.).
                                                        CHAPITRE 9
    L’utilité et la nécessité de la célébration des conciles.
Après nous être acquittés de ces pré-requis,  il faut expliquer en quoi consistent les conciles.   On peut les réduire à quatre causes : la cause finale des conciles, la cause efficiente, la cause matérielle et la cause formelle. Commençons par la cause finale, qui est la première des causes. Nous exposerons d’abord les raisons pour lesquelles les conciles sont convoqués.  Nous nous demanderons ensuite si la convocation d’un concile est nécessaire, ou simplement utile.  Nous énumérerons  enfin six raisons pour lesquelles on convoque des conciles.
La première cause est une hérésie nouvelle, c’est-à-dire qui n’a pas encore été condamnée. Et c’est pour cette cause que furent convoqués les sept premiers conciles généraux.  L’Église a tellement vu dans les nouvelles hérésies un grand péril pour la foi qu’elle n’a pas pensé pouvoir y résister efficacement sans que tous les princes de l’Église joignent leurs forces, et forment une armée  capable de se ruer sur les ennemis de la foi.  La seconde cause a été le schisme entre les pontifes romains. Et c’est pour cette raison que fut célébré un concile au temps du pape Corneille, un autre au temps du pape Damase, ainsi qu’au temps de Symmaque, d’Innocent 11, et d’Alexandre 111.   Et au temps de Grégoire X11 et de Benoit X111, celui de Pise et de Constance.  Car  il n’y a pas de remède plus puissant qu’un concile, comme la preuve en a été donnée plusieurs fois.   La troisième est la résistance à un ennemi commun à toute l’Église.  C’est de cette façon qu’ont été convoqués  des conciles pas Urbain 11, Calixte 11, Eugène 111 et par d’autres pontifes, pour la guerre contre les Sarrasins.  Des conciles ont aussi été célébrés pour déposer des empereurs, comme Grégoire 111 contre Léon 111, Grégoire V11 contre Henri 1V, Innocent 1V contre Frédéric 11.
La quatrième cause. Si on soupçonne le pape d’être un hérétique, ou un tyran incorrigible.  Il faudrait alors convoquer un concile soit pour déposer le pape s’il était convaincu d’hérésie,  soit pour lui faire une remontrance, s’il parait incorrigible dans sa conduite morale.  Car, comme on le dit dans le synode 8 (acte ultime, chapitre 21), les conciles généraux peuvent s’enquérir  des controverses suscitées autour du pontife romain, mais non porter audacieusement un jugement sur lui.  Ne lisons-nous pas qu’un concile a été convoqué dans les causes du pape Marcellin,  de Damase, de Sixte 111, de Symmaque, et Léon 111 et 1V, et qu’aucun de ces papes n’a été condamné par un concile; que Marcellin s’est lui-même imposé une pénitence devant le concile,  et que les autres se purgèrent ? Voir Platina, et les tomes des conciles.    La cinquième cause est le doute sur l’élection d’un pontife romain.  Car, si les cardinaux ne pouvaient pas ou ne voulaient pas créer de pape, si tous périssaient ensemble, ou si un doute persistait  sur ceux qui étaient qualifiés pour procéder à une élection, on devrait renvoyer l’élection d’un nouveau pape à un concile général,  même s’il n’est pas vraisemblable qu’une semblable hypothèse se réalisât jamais.  La sixième est la réforme générale des abus et des vices, qui pénètrent dans l’Église.   Même si le pape peut, à lui seul, prescrire des lois valant pour toute l’église, les choses se font plus harmonieusement si c’est avec l’approbation d’un concile général que le pape impose ces nouvelles lois.  Voilà pourquoi nous avons vu que presque tous les conciles passent des lois  sur la réforme des mœurs.  Voir, à ce sujet, Jean de Turrecremata  (livre 3, chapitres 9 et 10).
                                                          CHAPITRE 10
Les conciles généraux sont, par eux-mêmes, nécessaires, mais non en toutes circonstances et toujours.
À la vue de ces différentes causes d’une convocation de conciles, il sera facile de juger    s’ils sont utiles ou nécessaires à la conservation de l’Église.  Voici donc ce que je déclare au sujet des conciles généraux : ils sont très utiles, et d’une certaine façon nécessaires, mais non absolument.  Ce qui m’incite à penser ainsi est le fait bien attesté que, pendant les trois premiers cents ans, l’Église a survécu sans conciles généraux.  Comme elle a pu vivre sans conciles pendant trois cents ans, elle aurait pu le faire encore pendant encore trois cents autres ans, et pendant encore trois cents ans, et jusqu’à aujourd’hui.  Car, à cette époque, ne firent pas défaut les hérésies, les schismes, les vices et les abus, qui n’ont pu, malgré l’absence de conciles, opprimer et détruire l’Église.  On peut en tirer la conclusion que pour aucune des causes énumérées un concile n’est absolument nécessaire.   Car l’épuration des mœurs peut normalement se faire par les lois des souverains pontifes,  ou par les décrets des conciles provinciaux, même si un concile général serait plus efficace. Car la cause alléguée pour l’élection d’un souverain pontife est purement théorique, et a peu de chance de se présenter dans la réalité.  Qui pense vraiment qu’il soit possible que des cardinaux ne peuvent ni ne veulent créer un pontife; et que si la chose arrivait, on ne saurait plus quels sont ceux qui sont capables d’élire un pape ?  Car, comme c’est  un évêque romain qui est élevé au pontificat suprême de l’Église, il est certain que ceux qui ont le pouvoir d’élire un pape sont précisément ceux qui ont le pouvoir d’élire un évêque romain.  Or, il est évident que, sans tenir compte des constitutions pontificales, ceux qui élisent l’évêque de Rome sont les mêmes que ceux  qui, ailleurs, élisent les autres évêques.  Mais on reparlera de cela plus tard.
Et c’est un fait que jamais aucun concile n’a été convoqué pour cette raison.  On peut dire la même chose pour la quatrième cause. Car, aucun concile, ni général ni provincial,  n’a jamais été convoqué parce qu’on aurait soupçonné que le pape enseigne une hérésie, ou  scandalise par ses mœurs.  Et on ne voit pas d’ailleurs comment cela conviendrait à un concile général, puisqu’un vrai pape ne peut pas être jugé par un concile, à moins que lui-même n’accorde à un concile le pouvoir d’examiner sa cause, et de porter une sentence indicative non coercitive.  Ce pouvoir le pape peut le donner aussi bien à un concile particulier qu’à un concile général.  La troisième cause n’exige pas la convocation d’un concile général pour deux raisons. D’abord, parce qu’il n’est pas absolument nécessaire qu’on résiste à un ennemi commun, comme les Turcs.  Car si l’Église a pu se conserver pendant les persécutions inhumaines de Néron, Domitien,  Dèce et Dioclétien, pourquoi ne le pourrait-elle pas dans des persécutions infligées par les Turcs ?  Et qui ne voit que, sans concile général, on peut livrer la guerre à un ennemi commun, comme cela se fait presque toujours.  Que ni la première ni la seconde cause ne peuvent nécessairement exiger la convocation d’un concile général, l’histoire l’atteste.   Car, si, pour éteindre sept hérésies, sept conciles généraux ont été célébrés, le siège apostolique à lui seul, ou avec l’appui de conciles particuliers,  a éteint une centaine d’hérésies.  Et si un seul schisme a été combattu par le concile de Constance, vingt-cinq schismes au moins ont été résolus sans concile général.
Et saint Augustin (livre 4, contre 2 épitres de Pélate), affirme que peu d’hérésies  ont exigé, pour être surmontées, la convocation de conciles généraux d’Occident et d’Orient.  Saint Léon (lettre 43 à Martien) loue l’auguste Martien d’avoir jugé nécessaire le concile général  qu’on lui avait demandé.  Saint Isidore, dans sa préface des conciles, écrit qu’avant l’époque de Constantin, l’église avait été attaquée par plusieurs hérésies, et qu’à cause des constantes persécutions, il n’était pas permis aux évêques de se réunir en concile. Il parle, évidemment, des conciles généraux, car il est bien connu qu’avant le concile de Nicée, beaucoup de conciles particuliers ont été tenus.  C’est pourquoi Isidore semble vouloir dire que les conciles généraux sont absolument nécessaires à l’extirpation des hérésies.  Parlent dans le même sens saint Eugène évêque de Carthage, comme le témoigne Victor (livre 2 de la persécution des Vandales). Quand le roi Hunéric  le pressa de débattre de la foi en public avec les Ariens,  il répondit que la cause de la foi est commune à toute l’Église, et qu’il fallait donc convoquer les évêques de toutes les parties de l’Église, et saisir de ce sujet l’église romaine, qui est la tête de toutes les églises.  Par cette réponse, saint Eugène indique que pour élucider  les questions de foi,  un concile général est absolument nécessaire.  Enfin, cette antique question  du rebaptême des hérétiques ne prit fin qu’après la convocation d’un concile général, même si s’étaient prononcés là-dessus  des conciles provinciaux  et des papes.  On voit donc que pour terminer des controverses de foi, des conciles généraux sont nécessaires.
C’est de quoi parle saint Augustin (livre 1, chapitre 7, sur le baptême contre les donatistes : «  Dans les premiers temps de l’église,  bien avant  le schisme de Donat, l’obscurité de cette question  amena de grand hommes, et des évêques remplis d’une grande charité, à disputer et à vaciller, tout en gardant la paix,  de telle sorte que pendant longtemps, dans leurs régions,  divers conciles émirent des décrets différents, jusqu’à ce qu’un concile général, que tous appelaient de leurs vœux, confirma la doctrine en éliminant tous les doutes. »  Et au chapitre 18, il écrit : « Au sujet du baptême,  nous croyons pieusement  ce que l’Église universelle conserve loin du schisme sacrilège.   Il est arrivé  que les uns pensaient une chose, les autres d’autre chose là-dessus,  tout en conservant la paix, jusqu’à ce qu’un concile général tranche, pour que la charité de l’unité excuse l’erreur de la fragilité humaine. »   Et (livre 2, chapitre 4) : « Ni nous, non plus, nous n’oserions  affirmer rien de tel sans être confirmés par l’autorité de l’Église,  à laquelle  lui-même (saint Cyprien) aurait cédé si, de son temps, la vérité de cette doctrine avait été définie par un concile général. »
Mais, il n’est pas difficile de répondre au premier témoignage de saint Augustin.  Car, il n’enseigne pas que les conciles généraux sont en tout temps absolument nécessaires, mais qu’ils sont nécessaires d’une certaine façon, c’est-à-dire pour apporter plus suavement et plus facilement la paix dans l’Église.  Si, en cet endroit, saint Augustin enseigne que pour réprimer l’hérésie arienne, un concile général fut nécessaire, il écrit, au même endroit, qu’on a pu réprimer l’hérésie pélagienne et plusieurs autres sans le recours à un concile général.  Si tu demandes pourquoi l’hérésie arienne exigea un concile général alors que l’hérésie pélagienne n’en a pas eu besoin,  saint Augustin ne dira pas que l’hérésie arienne était plus obscure que la pélagienne.  Cela, en effet, ne semble pas vrai, car les témoignages sur la divinité de Jésus qu’on trouve dans l’Écriture sont beaucoup plus clairs que ceux qui portent sur le péché originel.  Il dira plutôt que, par la volonté et la disposition de Dieu,  l’hérésie pélagienne fut condamnée dès le début par l’église universelle qui jouissait de la paix,  c’est-à-dire, par le pape, les conciles orientaux de Palestine, et occidentaux d’Afrique.  L’hérésie arienne  eut, par contre, à ses débuts comme promoteurs plusieurs évêques, qui  semblaient ne pouvoir  être réduits au silence que s’ils étaient contraints par l’autorité de toute l’Église.  Un concile général ne fut donc pas nécessaire pour venir à bout de l’hérésie pélagienne, mais il s’imposa pour l’hérésie arienne, qui continua encore à faire des ravages pendant plusieurs siècles.
Au témoignage de saint Léon on peut répondre.  Il jugea nécessaire le concile de Chalcédoine, pour pouvoir détruire par son autorité, le tort causé par le deuxième concile d’Éphèse.  Que cette nécessité n’ait pas été absolue, mais relative, on le constate par l’annulation du concile d’ariminensis.  Or, le concile d’ariminensis fut un concile général et très important par le nombre des pères, et bien plus célèbre que celui d’Éphèse 2.  Mais, il a pourtant été invalidé par le pape Damase, sans le conseil d’aucun concile général.  Voir à ce sujet, la lettre de Damase aux évêques d’Illyricum, (et l’épitre 51 de Basile à Athanase.)  C’est de la même façon qu’on est forcé d’expliquer le témoignage d’Isidore de Séville.  Il dit il est vrai qu’avant le concile de Nicée, l’église était troublée par un grand nombre d’hérésies et qu’elle ne convoquait pas de concile parce qu’elle ne pouvait pas le faire à cause des constantes persécutions.  Si on prend cette assertion à la lettre, elle est manifestement fausse, car avant le concile de Nicée, plusieurs hérésies ont été supprimées par des conciles d’évêques;  et, après l’époque de Constantin, ne manquèrent pas les nouvelles hérésies qui vexèrent longtemps l’Église.  Il est certain que les hérésies de Nestorius et d’Eutychès ne purent jamais être complètement éradiquées, et elles sont pourtant apparues après l’époque de Constantin,  et pour les extirper plusieurs conciles ont vainement peiné.  Ce qu’Isidore veut dire,  Victor d’Utique l’exprime au même endroit.   Il écrit qu’Eugène a fait mention d’un concile général et des églises d’outre mer, quand on lui a demandé d’engager un débat public avec des ariens,  non parce qu’il n’y avait pas, en Afrique d’hommes suffisamment savants, qui auraient été capables de jouter avec les évêques ariens,  mais parce qu’il estimait que les docteurs d’outremer seraient plus libres de défendre la foi, s’ils traversaient le détroit de Gibraltar,  puisqu’ils n’étaient pas, comme les évêques africains,  des sujets des rois vandales.  Il n’a quand même pas menti Eugène quand il a dit que la cause de la foi était commune,  et qu’il ne pouvait pas défendre sa foi sans la présence des évêques d’outremer.  Car, même s’il lui était permis de conférer avec les Ariens sur la foi,  ce que faisaient souvent d’ailleurs les catholiques avec les donatistes,  c’est une chose, qui, dans les circonstances présentes ne convenait pas, et ne pouvait se faire sans un grand risque.   Eugène ne pouvait donc pas, sans ses collègues d’outremer,  relever le gant, non par manque d’autorité, mais d’opportunité.  Ce ne fut pas de la lâcheté, mais de la prudence. Il voulait par l’ambigüité de sa réponse éluder la demande de ce tyran.
Il reste l’ultime objection, celle du baptême des hérétiques, qu’on peut résoudre de deux façons.   La première.   Il n’est peut-être pas vrai que saint Augustin pensait vraiment que cette question ne pouvait pas être résolue sans la convocation d’un concile général.  Car le premier concile général fut le concile de Nicée, célébré au temps de l’empereur Constantin.  Or, saint Jérôme a écrit un dialogue contre les lucifériens, ces mêmes évêques qui avaient décrété avec saint Cyprien qu’il fallait rebaptiser les hérétiques,  et qui avaient ensuite émis un décret contraire.  On peut déduire de ce dialogue que, finalement, ces évêques  ont acquiescé à la décision du pontife romain Étienne,  lesquels sont pourtant tous morts avant le concile de Nicée.   Le même saint Jérôme (dans son livre des écrivains ecclésiastiques), écrit que Denys d’Alexandrie se rallia à l’opinion de Cyprien au sujet du rebaptême des hérétiques (ce que confirme Eusèbe livre 7, chapitre 4).  Mais on sait que, peu après, il a changé d’idée, et qu’il n’osa plus rebaptiser personne, quand il pouvait avoir la preuve qu’un tel avait été réellement baptisé, comme le rapporte Eusèbe (livre 7, chapitre 8, histoire de l’Église).   Et que dire de ce que saint Augustin se doutait que Cyprien avait rétracté son erreur, comme il le dit dans sa lettre 48 à Vincent.  Il est donc possible que, même avant le concile de Nicée,  cette question ait été réglée dans toute la chrétienté par l’autorité du siège apostolique, mais que, avant la décision d’un concile général, elle ne soit pas vraiment devenue universelle.   Car même si ne manquait pas d’autorité le siège apostolique appuyé par les conciles provinciaux, les souverains pontifes préférèrent remettre à un temps plus opportun la décision définitive sur cette question plutôt que d’exclure de l’Église de si nombreux et de si grands hommes.   Et parce qu’une telle opportunité ne s’est pas présentée avant le concile de Nicée, voilà pourquoi saint Augustin répète souvent que c’est par un conseil plénier universel que la question a été définitivement réglée.
Mais tu diras que le pape Étienne, après avoir convoqué un concile particulier,  ordonna de ne pas rebaptiser,  et qu’il menaça d’excommunication ceux qui rebaptiseraient, comme le rapporte Denys d’Alexandrie, au témoignage d’Eusèbe (livre 6, chapitre 4 de son histoire), et de  saint Augustin (au livre du baptême unique,  chapitre 14).  Le pape voulait donc, avec un concile particulier, régler la question une fois pour toutes, et ne le put pas.   Les conciles généraux sont donc absolument nécessaires.   Je réponds ce que dans le livre 4 du pontife, chapitre 7, j’ai déjà répondu, que Stéphane a ordonné que ne soient pas rebaptisés ceux qui avaient été baptisés par les hérétiques, et qu’il avait pensé excommunier les prévaricateurs, mais qu’il ne les avait pas, à ce moment, excommuniés,  ce qu’on peut apprendre de plusieurs auteurs anciens.  Car, tout d’abord, saint Cyprien, dans sa lettre à Pompée, ne dit pas que Stéphane a excommunié, mais qu’il avait l’intention d’excommunier ceux qui agiraient autrement. « Il pense que les prêtres, en tant que gardiens de la vérité de Dieu, de l’unité du Christ et de l’église, doivent s’abstenir du rebaptême. »  Et dans son épitre à Jubaianus, il dit que « sont en paix ceux qui font le contraire, lui et ses collègues. »  Ce qu’il n’aurait certes pas dit s’il avait pensé avoir été excommunié par d’autres,  ou si lui-même les avait excommuniés. « Nous, dit-il, en autant que cela dépend de nous, nous ne sommes pas à couteaux tiréa, à cause des hérétiques, avec nos collègues et nos coépiscopes,  avec lesquels nous gardons la concorde divine, et la paix du Seigneur. »
Saint Jérôme, dans le dialogue contre les lucifériens dit ceci au sujet de Cyprien : « Il demeura en communion avec ceux qui pensaient autrement que lui. »   Saint Augustin (livre 1, chapitre 7, sur le baptême)  dit que de grands hommes, des pères de l’Église et des évêques, c’est-à-dire Cyprien et Étienne,  ont été d’une opinion différente tout en conservant la paix et la charité.  Pacianus (épitre 2 à Sympronianum, dit : « Cyprien, en concorde avec tous, dans la paix commune, a souffert dans le troupeau des confesseurs. »  Vincent de Lérins dans son opuscule, dit : « O mélange étonnant de choses, les auteurs d’une même communion, des catholiques,  des gens de la même église, sont déclarés hérétiques.   Les maîtres sont absous, les disciples sont condamnés; ceux qui ont écrit les livres seront fils du royaume, la géhenne recevra leurs lecteurs. Car qui doute que cette sainte lumière de tous les saints, des évêques et des martyrs, ne soit pas, avec ses autres collègues, dans le royaume du Christ ?  Ou qui sera sacrilège au point de nier que seront éternellement avec le diable les donatistes et les autres pestes, qui se vantent de rebaptiser de par l’autorité du concile de Cyprien ? »
                                                                   CHAPITRE 11
                       Quelques conciles d’évêques sont absolument nécessaires
Même si les conciles généraux ne sont pas absolument nécessaires,  cependant, quelques conciles,  soit généraux soit particuliers,  sont, on ne peut en douter,  tout à fait nécessaires à la bonne marche de l’Église.   Car s’ « il est nécessaire que viennent les scandales », comme a dit le Seigneur en Matthieu 18,  et « s’il faut qu’il y ait des hérétiques », comme le dit l’Apôtre (1 Corinthien 2), il est nécessaire aussi que, dans l’Église, il y ait un jugement certain qui chasse les scandales, condamne les hérésies, autrement, en un court moment, toutes les parties de l’Église se sépareraient et elle périrait.  Car, « tout royaume divisé contre lui-même sera détruit, » Matt 12.  Même si le souverain pontife est vraiment un juge, et le vicaire du Christ, et que pour toutes les controverses, la fraternité universelle, comme le dit Cyprien,(livre 1, épitre 3), doit lui obéir, comme nous l’avons démontré par toutes sortes d’arguments,  cependant, le souverain pontife ne doit pas, dans les jugements à porter sur les controverses de foi, s’appuyer sur son seul jugement, ou attendre une révélation de Dieu, mais agir avec diligence,  et les moyens ordinaires, comme le requiert la cause en question;  attendre enfin l’assistance du Saint-Esprit et une directive divine.  Or, le moyen ordinaire, et donc nécessaire, est le concile, grand ou petit, un seul ou plusieurs, selon son jugement, comme il est facile de le prouver.
En premier lieu, on le prouve par la promesse divine en Matthieu 18 : « Là où deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu de vous. »  Le concile de Chalcédoine a déclaré que ce texte se rapportait aux conciles (dans son épitre à Léon), ainsi que les autres conciles, dont nous avons souvent parlé dans ce livre.  En second lieu,  par la façon d’agir des apôtres, qui, bien qu’ils aient pu, par eux-mêmes,   dénouer des controverses,  de peur de négliger le moyen ordinaire et prescrit par le Christ, n’ont pas voulu, sans un concile, régler la controverse sur les prescriptions légales de l’ancien testament, qui naquirent à Antioche, Actes 15.  En troisième lieu, par la coutume de toute l’Église, et de tous les siècles.  Car, cette coutume a toujours existé dans l’Église, pour que soient expliquées des choses douteuses par des conciles d’Évêques.  Et les évêques romains eux-mêmes ne condamnèrent jamais une nouvelle hérésie sans un nouveau concile, comme pourront s’en rendre compte ceux qui liront les tomes des conciles ou les histoires ecclésiastiques.   Ce qui a été fait toujours et par tous,  qui pourra nier qu’on puisse le dire ordinaire, et qu’il le soit vraiment.
Mais que se présente la confirmation qui nous vient des pères.   Saint Cyprien (livre 2, épitre 1 à Stéphane) : « Nous avons pensé qu’il était nécessaire de convoquer un concile où se rencontrent en un seul corps plusieurs prêtres. »  Gelase (dans le livre du lien de l’anathème) : « S’il prescrit quelque chose avec le consentement du pontife,    qu’on nous apprenne par qui et où le concile a été tenu, s’il a été célébré selon la règle de l’Église, s’il provient de la tradition des pères, s’il a été édité à la façon des anciens, s’il a été approuvé par un examen compétent, s’il oblige hors de tout doute, s’il a été décrété par une assemblée synodale, ce qui dans la réception du condamné, et l’expulsion du catholique, parce que la cause est neuve, doit certainement être fait. »   De plus, le concile de Tolède démontre, dans sa préface, la nécessité des conciles dans l’Église.  Elle est si grande que si les conciles font défaut, tout sera bientôt rempli de vices et d’erreurs.   Si donc Dieu, par sa puissance absolue, peut confirmer son église sans conciles,  cependant, selon l’ordre de sa providence ordinaire, les conciles sont nécessaires pour une bonne administration de l’Église.
2018 01 11 a22h51 fin
2018 01 16 19h28 début
                                                                               CHAPITRE 12
                                      À qui revient-il de convoquer des conciles ?
 Après avoir parlé de la fin des conciles, il nous faut parler maintenant de la cause efficiente.  Nous admettons, nous et nos adversaires, que les conciles diocésains doivent être convoqués par l’évêque, les provinciaux par l’archevêque, les nationaux par un patriarche ou un primat. Tous les catholiques, à la suite d’Augustin (épitre 217 à Victorin) considèrent que cela est vrai.  Et c’est ce que pensent également Calvin (livre 4, chapitre 7, verset 8 des institutions), et Illyricus (centurie 4, chapitre 7, col 534).   Mais, au sujet des conciles généraux il y a une grande controverse.   Les catholiques veulent qu’appartiennent au pape le devoir et le pouvoir de convoquer des conciles généraux, ou à une autre personne agréée par le pontife; ou qu’il suffise qu’il approuve après coup un concile qu’il n’a pas convoqué personnellement.   De telle sorte que si ce n’est pas lui qui convoque un concile, ou quelqu’un qui a été mandaté par lui, ou si un concile qu’il n’a pas convoqué n’est pas approuvé par lui après coup, on ne donnera pas à cette assemblée le nom de concile, mais de conciliabule.
 Or, les hérétiques de notre époque attribuent ce pouvoir à un empereur.  C’est ce qu’enseigne Luther  (dans son livre sur les conciles, page 58).  Il dit que la raison pour laquelle il y eut des conciles universels,  c’est parce que tous les évêques étaient convoqués par l’empereur, le maître de tous.  Expliquant pourquoi il ne fallait pas recevoir le concile de Trente, Charles Molina (verset 6)  dit qu’il n’ pas été convoqué par l’empereur, mais par le pape.   Le libelle des protestants dit la même chose, quand ils expliquent pourquoi ils ne sont pas venus au concile de Trente.  Calvin et les magdebourgeois enseignent la même chose (lieu cité),  ainsi que Brentius (dans ses prolégomènes contre Pierre a Soto.)  Et, avant eux tous, Nil, dans son livre sur la primauté du pape.    Mais, en toute vérité, c’est au pape, non à l’empereur, à convoquer un concile.  On peut le démontrer d’abord par les saintes lettres.  Car, un concile n’est légitime que s’il est convoqué au nom de Jésus-Christ (Matt 18),  comme l’admet aussi Calvin (livre 4, chapitre 9, versets 1 et 2). Or, convoquer au nom du Christ ne semble être rien d’autre que convoquer en vertu de l’autorité du Christ, c’est-à-dire par celui qui a reçu du Christ le pouvoir de convoquer.  Calvin dit que convoquer au nom du Christ  c’est être convoqué de façon à ce que le Christ seul préside, sans avoir de collègues mais seulement des sujets.  Mais c’est une opinion qui ne vient en aucune façon des Écritures.  Car, dans les Écritures le « au nom de » signifie celui qui est là  par autorité.  Marc : « Ils chasseront des démons en mon nom ».  Jean 5 : « Je suis venu, moi, au nom de mon Père. »   Matt 7 : « N’avons-nous pas prophétisé en ton nom ? »  On ne trouve aucun passage où faire quelque chose au nom du Christ signifie que c’est le Christ qui préside sans collègue.  Mais, quoi qu’il en soit de cela, une chose est certaine, on ne peut pas, par cette voie, découvrir quels sont les conciles légitimes.  Car, s’il est vrai que, dans un concile légitime, le Christ doit présider de façon à n’avoir aucun collègue, mais seulement des sujets, qui jugera, qui discernera  si le Christ préside ainsi, si le concile a été convoqué ou pas ?  Car, manifestement,  le Christ ne préside pas dans un concile sous une forme visible.
Calvin répondra qu’il est facile de le discerner, car le Christ préside sans collègue quand tout est confié à sa parole, et  conduit par son esprit, c’est-à-dire quand les évêques ne définissent rien qu’ils tirent de leur tête, mais de la seule Écriture.  Mais cela aussi est ambigu et obscur, car même les adversaires, dans leurs conciles, affirment avec les catholiques, qu’ils n’ont rien tiré de leur tête mais de la seule écriture. Qui donc jugera s’ils font un vrai concile ? Si être rassemblé au nom du Christ c’est avoir le Christ comme président,  comme le prétend Calvin, nous n’aurons rien qui nous permettra de distinguer un concile légitime d’un faux.  Demeure donc ce que nous avons dit au début : être rassemblé au nom du Christ ne signifie rien d’autre que d’être convoqué par celui qui a reçu du Christ le pouvoir de convoquer.
De plus, quand le Christ monta au ciel, il a privé l’Église de sa présence visible.  Il n’a pas alors remis à l’empereur Tibère le pouvoir de commander dans son église et de convoquer des conciles, mais c’est à l’apôtre Pierre qu’il a dit : « pais mes brebis ! »  Ceux donc qui sont rassemblés par le successeur de Pierre  le sont au nom du Christ;  mais non ceux qui sont réunis par le successeur de Tibère.  Car Pierre, et celui lui succède légitimement, est pasteur de toutes les brebis, et donc aussi des rois, des empereurs et des évêques.  Car, il a inclus tout le monde celui qui n’a exclu personne, quand il a dit : « pais mes brebis ».  Voilà pourquoi saint Léon, à l’anniversaire (3) de son intronisation, disait : « De tout l’univers, un seul Pierre est élu pour la vocation de toutes les nations.  Voilà pourquoi  l’Église, au consentement de tous les pères,  le place avant tous les apôtres.   Et bien que dans le peuple de Dieu il y ait plusieurs prêtres, plusieurs pasteurs,  Pierre régit tous ceux qui sont principalement régis par le Christ. »  Qui ne verra pas que c’est au berger qu’il revient de rassembler les brebis, plutôt qu’aux brebis de convoquer le pasteur ?  Puisque  le pontife  est le pasteur suprême, l’empereur des brebis, ce n’est donc pas à l’empereur qu’incombera le devoir de convoquer un concile, mais au pape.
En second lieu, un concile général doit être convoqué par celui qui a le pouvoir de commander.  Or, aucun empereur n’eut jamais toute l’église comme sujette, même pas au civil,  comme l’a le souverain pontife, au spirituel.   Car l’époque où les empereurs régnèrent sur le plus grand empire fut au temps de saint Léon et du bienheureux Prospère.  Mais, cependant, même alors, les pays soumis au pape étaient plus nombreux que ceux qui l’étaient à l’empereur.  Car c’est ainsi que parle saint Léon (sermon sur saint Pierre et saint Paul) : « Par le siège sacré de Pierre, Rome est devenue la tête du l’univers, ayant étendu sa domination plus loin par la religion que par la conquête militaire. »  Et Prospère, dans son livre sur les ingrats, rime ainsi : « Rome, siège de Pierre,  toi qui, par l’honneur pastoral, es devenue la tête du monde, tout ce que tu n’a pas possédé par les armes, tu le tiens par la religion ! »  Même maintenant, l’empereur ne possède le pouvoir de rassembler les évêques que dans une seule province.  Car, ni les Italiens, ni les Espagnols, ni les Gaulois ne sont soumis à l’empereur, puisqu’ils ont leurs propres rois, et leurs propres princes temporels.  Et qu’arriverait-il s’il n’y avait plus d’empereur, ni même de prince chrétien ? Serait-il impossible, à cause de cela, de convoquer des conciles ?
Troisièmement.  Les conciles provinciaux sont entrepris par le métropolitain,  les nationaux par le primat ou le patriarche, même au témoignage de nos adversaires, comme nous l’avons indiqué plus haut.  Les conciles généraux sont donc entrepris non par l’empereur, mais par le souverain pontife.  Car si c’était l’empereur qui avait le pouvoir de convoquer des conciles généraux, ce serait le roi, le duc ou le magistrat civil qui aurait le pouvoir de convoquer des conciles provinciaux ou nationaux.  Car le rapport que l’empereur entretient avec un concile général est le même que celui qu’entretient un roi envers un concile national, ou un duc envers un provincial.  Or, puisque tous reconnaissent  que ces conciles nationaux ou provinciaux ne peuvent pas être convoqués  par une autorité civile, mais religieuse,  pourquoi nos adversaires ne voient-ils pas que les conciles généraux, ne peuvent pas, pour les mêmes raisons, être convoqués par une autorité civile, mais seulement ecclésiastique ?  Que le pape de Rome soit la tête de toute la chrétienté, nous venons tout juste de l’entendre dire par le pape Léon le grand, ce que d’ailleurs, nous avons suffisamment démontré dans les livres sur le souverain pontife.
Ajoutons que même si le pape n’était pas le vrai prince, le vrai monarque de l’Église, comme nous l’avons enseigné, même seulement l’évêque du premier siège, ou le premier parmi les patriarches,  comme Nil le voudrait,  ce serait quand même à lui que reviendrait le droit de convoquer un concile général.   Car, les primates ne donnent pas, à proprement parler, d’ordres aux autres évêques.  Mais, cependant, puisqu’ils tiennent le premier rang parmi les évêques de leur nation,  ils peuvent, de plein droit, convoquer des conciles nationaux.  Et c’est pour la même raison, parce qu’il préside à toute une province,  qu’un métropolitain peut convoquer un concile provincial.  Le pape peut donc, parce qu’il préside à l’univers entier, convoquer un concile général, comme nous l’explique saint Léon (sermon 3 sur l’anniversaire de son couronnement, et dans son épitre 4 à Anastase, à la fin.)
On le prouve quatrièmement, par un canon antique qui statue que, sans une décision du pontife romain,  aucun concile ne peut être célébré.  Le pape Marcel  (dans son épitre aux évêques d’Antioche) écrit que ce canon est apostolique.  Ce même canon, le concile de Nicée le  prescrit de nouveau, comme l’atteste un synode alexandrin  dans une lettre à Félix et Julien 1 dans une épitre aux évêques orientaux, dont parlent  Socrate (livre 2, chapitre 13), Sozomène (livre 3, chapitre 9), et Nicéphore (livre 9, chapitre 5).  Si donc on ne peut, sans le pape, célébrer des conciles,  il s’ensuit donc que c’est à lui qu’il revient de les convoquer.  Calvin répond ( au lieu cité) que tout ce qu’on peut tirer de ce canon c’est que le pape devait, lui aussi, être convoqué à un synode, parce qu’il était un des principaux patriarches.  Or, s’il en était ainsi, le canon pourrait aussi signifier que sans le consentement des évêques d’Alexandrie et d’Antioche, aucun concile ne pouvait être convoqué, car ils étaient eux aussi des patriarches principaux, et des égaux des évêques de Rome, ou supérieurs, selon Calvin.
 Les magdebourgeois  (centurie 4, chapitre 7, col 533) ont excogité une autre solution.  Ils disent, en effet, que les paroles de Socrate ne signifient pas  que, sans le pape, un concile général ne puisse pas se célébrer, mais que les églises ne devraient pas en convoquer.   Car c’est ainsi qu’on le lit en grec. Or les mots grecs qu’ils citent ne peuvent pas signifier « dédier des temples »,  mais « convoquer une assemblée canonique, ou un concile »,  comme le disent les pontifes Marcel et Jules, qui semblent avoir écrit en latin.  Et c’est ainsi que l’a traduit Cassiodore  (dans son histoire tripartite, livre 4, chapitres 9 et 19), ainsi que Nicéphore (livre 9, chapitre 5).
Mais on peut démontrer clairement le sens du canon, que présente Socrate, par l’épitre de Jules où il reproche aux Orientaux d’avoir célébré le concile d’Antioche sans son assentiment.  Et voulant leur expliquer pourquoi il les réprouvait, il leur cita ce canon.  Ou il faut comprendre que ce canon parle de la convocation d’un concile,  ou déclarer que Jules est stupide. Qui peut hésiter à répondre ?   Ajoutons qu’aucun auteur ancien ne se souvient d’un canon qui interdise de consacrer des églises sans l’autorisation du pape; et qu’aucune coutume de cette sorte n’a jamais existé dans l’Église.  On le prouve en cinquième lieu avec le concile de Chalcédoine (acte 1) où on ordonne à Dioscurus, évêque d’Alexandrie, de ne pas s’asseoir avec les autres évêques, parce qu’il a osé tenir un synode sans l’autorisation du souverain pontife. « Ce qui, est-il dit, n’a jamais été permis, et n’a jamais existé. »  Nous trouvons la même chose dans le concile  général 7 (acte 6), où a été jugé invalide un concile tenu à Constantinople, parce qu’il avait été convoqué par l’empereur sans l’assentiment du pape.   On le prouve en sixième lieu par le concile romain 4 sous Symmaque,  dans lequel le roi Thodoric a dit qu’il avait convoqué un synode  pour que soit jugée la cause du pape Symmaque.   Tous les évêques lui répondirent que c’est par le pape, non par le roi que devait être convoqué le synode, même si c’était le pape qui y était accusé.  Le roi reprit alors que c’est par la volonté et le consentement du pape que le concile avait été convoqué.  Mais les évêques ne le crurent pas avant qu’il  leur montrât  les lettres qu’il avait reçues du pontife, et que le pontife lui-même ne l’atteste en personne.
On le prouve en septième lieu par le témoignage des pontifes anciens.  Saint Léon (dans son épitre à Turbius,  question 93, chapitre 17) : « J’ai donné des lettres aux frères et aux coépiscopes à l’effet que nous convoquions un concile général. »  Pélage (11, épitre 1 aux Orientaux) : « Le pouvoir   de convoquer des synodes généraux a été, par un privilège insigne, accordé au siège apostolique du bienheureux Pierre »   Sixte 111, qui précède Pélage et Léon, écrit dans son épitre aux Orientaux : « C’est par notre autorité que l’auguste Valentinien a convoqué un synode. »  Hadrien 11 (dans l’épitre à l’empereur Basile qui a été lue dans le synode 8, acte 1) : « Nous voulons que par ta piété soit convoqué à Constantinople un concile général. »  Ajoutons à ce qui précède que quand les évêques demandèrent à l’empereur Valentinien de célébrer un concile,  il leur répondit, comme le rapporte Sozomène (livre 6, chapitre 7) : «Il n’est pas permis à moi qui fais partie de la plèbe,  de scruter curieusement ces choses. Que les évêques, qui sont chargés de ces choses, se réunissent dans un lieu comme ils le voudront ! »  S’offrent à nous, à la fin,  plusieurs anciens canons, que l’on trouve dans la dist 17, et plusieurs raisonnements qu’a faits Turrecremata (livre 3, chapitre 6, ) et le dernier concile du Latran sous Léon 1X (session 11) où on affirme qu’il appartient au pontife romain de convoquer des conciles.  Ce décret a été émis un an avant la naissance de l’hérésie de Luther.
                                                                 CHAPITRE 13
                                         On réfute les arguments des adversaires
Il nous reste encore, pour confirmer davantage la vérité,  à réfuter les arguments des adversaires.   Calvin et les magdebourgeois tirent leurs arguments  des trois premiers conciles généraux,  qui ont été convoqués par l’empereur et non par le pape. Car, au sujet du concile de Nicée, Ruffin (livre 10, chapitre 1 de son histoire) écrit : « Alors Constantin convoqua un concile général dans la ville de Nicée. »  Au sujet du premier concile de Constantinople, Theodoret  (livre 5, chapitre 9 de son histoire) écrit qu’il fut décidé par Theodose senior.  Pour celui d’Éphèse, Évagrius (livre,1 chapitre 2, de son histoire)  rapporte que c’est par l’assentiment de Theodose junior qu’il a été convoqué.  Pour celui de Chalcédoine,  Léon dans son épitre (43) et d’autres  affirment  qu’il a été ordonné par l’empereur Martien.  Celui de Sardaigne, par l’empereur Constance, selon Theodoret (livre 2, c 4).  Ils confirment cet argument par le témoignage de Nil. Saint Léon le grand (dans son épitre 43 à l’empereur Théodose) supplie Théodose d’ordonner qu’un concile provincial soit tenu en Italie.  Les magdebourgeois confirment ce même argument par le témoignage du pape Libère, qui, selon Théodoret, livre 2, chapitre 16, reconnait que c’est à l’empereur qu’il revient de convoquer un concile général.  Charles Molina le confirme à son tour par le conseil de ne pas recevoir les décrets du concile de Trente (session 6), et par le témoignage de saint Jérôme (livre 2, apologie contre Ruffin), où, parlant d’un certain synode, il dit, en propres termes : « Dis, quel empereur oserait convoquer ce synode ? »  Nous ajoutons comme quatrième confirmation  que les conciles généraux et les empereurs chrétiens ont commencé à exister ensemble.  Et si on peut en célébrer sans les empereurs, pourquoi n’y en a-t-il pas eu dans les trois premiers siècles ?
Je réponds d’abord que nous serions en droit de ne pas prendre au sérieux ce genre d’arguments, car, pour nos adversaires, les arguments valables ne peuvent être tirés que de la seule Écriture sainte, et non de la tradition ou de la coutume de l’Église.  Or, tous ces arguments ne sont tirés que de la simple tradition ou de la pratique de l’Église, sans aucun témoignage de l’Écriture.  Je dis ensuite que nous pouvons, nous, opposer à une coutume une autre coutume.  Car, si quatre ou cinq conciles avaient été décidés par les empereurs,  plus de douze l’ont été par les papes, comme les adversaires eux-mêmes le reconnaissent.  Je dis enfin qu’aucun concile général catholique n’a été convoqué par le seul empereur, c’est-à-dire sans le consentement et l’autorité du souverain pontife.  Ce que je démontrerai brièvement pour les cinq en question.
D’abord, le concile de Nicée.  Nous lisons dans le synode 6, acte 18, que « Constantin et Sylvestre ont convoqué un grand concile à Nicée».  Damase écrit aussi dans le pontificale,  que « c’est avec le consentement de Sylvestre qu’a eu lieu le concile de Nicée.  »  Et Ruffin (livre 10, chapitre 1 de son histoire) dit que c’est « à la demande des évêques que Constantin a convoqué un concile. »  Ces citations  confirment non seulement ce que nous pensons, mais permettent de conclure  qu’est faux ce qu’a écrit Pighius (livre 6, chapitre sur la hiérarchie ecclésiastique) : «  la convocation de conciles généraux est une invention de l’empereur Constantin ».  Car, ce n’est pas lui qui en a eu l’idée, mais il a mis en application la décision des évêques.  Au sujet de Constantinople 1,  Théodoret rapporte que Théodose ne l’a pas tant convoqué qu’il a envoyé aux évêques  les lettres de Damase qui instituaient un concile général (livre 5, chapitre 9 de son histoire) : « par le mandat de lettres envoyées, l’an passé, par votre révérence au très saint empereur Théodose, nous nous préparons à faire le voyage jusqu’à Constantinople. »  Même si c’est Théodose qui convoqua le concile, il la fit cette convocation  d’après un mandat qu’il avait reçu de lettres apostoliques.  C’est pourquoi, dans le synode 6, (acte 18), les pères disent que Théodose et Damase ont fait obstacle à Macédoine par le deuxième synode, comme il avait dit auparavant que c’étaient Constantin et Sylvestre qui avaient convoqué le premier synode,  pour s’opposer à Arius.
Au sujet du Concile d’Éphèse 1, Prospère, dans sa chronique, indique que  le synode   d’Éphèse a été fait par l’industrie de Cyrille et l’autorité de Célestin.  Il appert même du livre d’Évagre (livre1, chapitre 4) et de la lettre de Célestin à Cyrille (qui se trouve dans les œuvres de Cyrille), et de Phocion (livre des sept synodes), que Cyrille est parti au concile en tant que légat du siège apostolique, ce qui est un argument  à toute épreuve pour démontrer que le concile d’Éphèse ne s’est pas fait sans l’aval du pape.   Au sujet du concile de Chalcédoine,  nous avons une lettre de l’empereur Martien au pape Léon, écrite avant le concile.  Dans cette lettre, l’empereur, sur le point de convoquer un concile, demande au pape de venir lui-même, et de présider le concile. Il précise que s’il ne peut pas venir lui-même, il devrait dire par lettres  ce qu’il veut que l’on  fasse.  Et,  à la fin, il conclut qu’il va écrire à tous les évêques pour qu’ils se réunissent à un lieu déterminé. « Et pour qu’il soit profitable à la religion des chrétiens, et à la foi catholique, qu’ils prennent des dispositions conformément aux règles que ta sainteté a définies. »  Nous sont parvenues  parmi les lettres qui se rapportent au concile de Chalcédoine,  une lettre des évêques à l’empereur Léon, où on lit ceci : « Dans la cité de Chalcédoine, plusieurs saints évêques se réunirent sur l’ordre du pape Léon de Rome, qui est le vrai chef des évêques. »
De plus, Gélase, dans son épitre aux évêques de Dardanus,  affirme que  le siège apostolique à lui seul,  par son autorité propre, a décrété que se tienne le concile de Chalcédoine.  Il faut noter ici le lapsus des magdebourgeois (centurie 5, chapitre 7, col 786). Ne comprenant pas ce que le mot « seul » excluait, ils ont pensé que le pape excluait l’empereur;  et ils en ont profité pour accuser Gélase de mensonge.  Or, par le mot « seul », le pape n’excluait pas l’empereur, mais les autres sièges épiscopaux.  Car, ce n’est ni le siège d’Alexandrie, ni celui d’Antioche,  de Jérusalem ou de Constantinople qui ont voulu qu’existe ce concile, mais le seul siège de Rome.  Et c’est ce qui arriva, même si non sans l’aide de l’empereur.  Au sujet du concile de Sardaigne,  que nous avons dit avoir été décidé par le pape Jules, c’est Socrate qui nous le fait comprendre (livre 2, chapitre 19) quand il dit que les évêques orientaux reportèrent sur le pape Jules la faute de leur absence du concile de Sardaigne,  « parce qu’il avait prescrit un temps trop court. »    On voit donc que ce n’est pas par l’empereur seul, mais aussi par le pape Jules, et par lui principalement,   que le concile a été convoqué.
Nous avons donc fait la preuve que ces premiers conciles ont été convoqués par les empereurs, mais à la demande du pontife, ou avec son assentiment.  Pourquoi donc le pape n’a-t-il pas agi seul dans la convocation de conciles, comme il l’a fait plus tard ?  La raison n’en est pas que, sans l’autorité  d’un empereur, un concile n’aurait pas été vu comme valide par les chrétiens,  comme l’imaginent nos adversaires, puisque saint Athanase dit clairement dans sa lettre aux ermites : « Quand a-t-il été jamais décrété que l’Église ait reçu son autorité de l’empereur ? »  Cela s’est produit pour de nombreuses justes causes.   La première.  Était encore en vigueur l’antique loi impériale qui interdisait les rassemblements ou les attroupements sans autorisation de l’empereur, en raison de la peur qu’avaient les empereurs des séditions et des révoltes populaires. (Voir livre 1 sur les réunions illicites  et les associations, au canon des évêques et des clercs. »  La deuxième.  Même si cette loi n’avait pas existé, comme les empereurs, à cette époque, régnaient sur de grands territoires,  on ne pouvait tenir de concile que dans une cité impériale.  Or, pour aucune raison, il n’était  permis, sans la permission du maître du lieu,  de tenir une assemblée dont les participants venaient de toutes les parties de l’empire.  Cela vaut même pour aujourd’hui, car on ne peut tenir un concile dans un pays quelconque,  sans demander la permission au chef du gouvernement.
La troisième raison.  Les dépenses des conciles, à cette époque, étaient défrayées par l’argent public, surtout en ce qui a trait aux déplacements d’une ville  à l’autre. Ils voyageaient alors à cheval, ou en calèches, aux frais du gouvernement.  C’est ce que rapporte Eusèbe dans sa vie de Constantin.  Il  ajoute même que, pendant tout le temps du concile, les évêques ont vécu des largesses de l’empereur.  Theodoret raconte la même chose (livre 2, chapitre 16.  Car, quand Libère demanda un concile général, il lui fut répondu  que le denier public ne suffirait pas pour subvenir aux besoins de tous les  évêques.  On tire la même chose de la lettre de Constantin 1V au pontife romain, (que l’on trouve au début du concile 6.)  La quatrième raison en est que, bien qu’il fut, au spirituel,  la tête de tous et des même des empereurs, le pontife, à cette époque, était soumis, dans les choses temporelles, à l’empereur, et ne pouvait donc rien faire sans l’autorisation de ce dernier.  Et bien qu’il n’était tenu qu’à demander à l’empereur de l’aider à convoquer un synode,  ou de lui permettre d’en convoquer un, cependant, parce qu’il le reconnaissait comme son maître temporel, il le suppliait de daigner vouloir convoquer un concile.   Mais, dans les siècles suivants, toutes ces contraintes disparurent. .  Aujourd’hui, en effet, cette loi n’est plus en vigueur, et les empereurs ne règnent pas  sur toute la chrétienté. Les conciles ne se tiennent plus aux frais des gouvernements, et il n’y a pas de païens qui peuvent l’empêcher.  Et le pape, qui est la tête dans les choses spirituelles, n’est plus le sujet de chefs temporels, puisque, dans ses provinces,  il est le prince temporel suprême, comme le sont les rois et les princes, ce qui est l’œuvre de la providence, pour que le pape puisse librement remplir son ministère.
À la première confirmation tirée de Nil, dont Illyricus a traduit le livre en latin, je réponds qu’il y a deux fraudes dans ce témoignage de saint Léon, une de Nil, l’autre d’Illyricus.  Car, saint Léon, dans les épitres 24 et 25 à Théodose,  demande un concile général par des mots appropriés. Il dit : « Ordonnez que soit célébré en Italie un concile général. »  En traduisant en  grec cette phrase de saint Léon, Nil a rendu le mot général par spécial,  alors qu’il aurait du dire universel.   Et parce que ce mot « spécial » pouvait recevoir un bon sens, comme voulant dire convoqué pour une raison spéciale,  Illyricus, pour enlever toute ambigüité, traduisit général par « provincial », pour nous forcer à comprendre que le synode que le pape Léon avait demandé à l’empereur n’était pas général, mais provincial.   Cette fraude est réfutée et par les paroles de Léon déjà citées, et par les paroles de Valentinien au même Théodose,  paroles qui se trouvent dans le préambule du concile de Chalcédoine.  Valentinien dit, dans cette lettre, en parlant de ce concile, que le pape Léon a voulu rassembler en Italie les évêques de toutes les parties de l’empire romain.  Ensuite, cette même épitre de saint Léon à Théodose, dans laquelle un concile avait été demandé pour l’Italie, a été écrite au nom du synode provincial de Rome déjà commencé.  Voici quelle en est l’inscription :  « Léo évêque, et le saint synode qui s’est réuni dans la ville de Rome, quand Théodose était encore auguste. »  Si donc Léon avait déjà convoqué un concile  provincial pour l’Italie,  pourquoi demanderait-il à l’empereur un concile provincial ?  Pourquoi a-t-il demandé à l’empereur un concile général ?  On l’a déjà expliqué.
Pour l’autre confirmation je dis que ce sont les magdebourgeois qui mentent,  quand ils disent que Libère a concédé à l’empereur le pouvoir de convoquer des conciles, c’est-à-dire qu’il a reconnu que c’était un pouvoir qui appartenait en propre à l’empereur.  Car, dans tout le dialogue de Libère avec l’empereur, aucune mention n’est faite de cette question (à qui revient-il de convoquer un concile). Le pape ne fait que demander à un empereur dictateur, arien, et donc prévenu contre lui, que se tienne un concile, car il savait très bien qu’il lui était impossible d’en avoir un sans son aval.   À la troisième confirmation je dis que saint Jérôme s’exprime ainsi parce que, en fait, à cause des raisons précitées, ce sont les empereurs qui convoquaient les synodes, mais non sans l’assentiment des papes.   À la quatrième confirmation, je dis que, avant Constantin, ce n’est pas  par manque  d’autorité qu’il n’y a pas eu de conciles généraux,  mais par manque d’opportunité. Il n’était pas possible, non plus, aux chrétiens de se rassembler de partout en un seul lieu à cause des persécutions incessantes, comme l’a fait remarquer saint Isidore de Séville  (livre 6, chapitre 16 des éthymologies).
                                                      CHAPITRE 14
                                               On clarifie des doutes
En  plus de ces arguments des adversaires, les catholiques eux-mêmes ont coutume d’exprimer quelques doutes.  Le premier.  Est-il permis à quelqu’un d’autre que le pape de convoquer un concile, quand le pape ne veut pas le faire, et quand la chose s’impose pour le bien général de l’Église ?  Le deuxième.   Quand le pape est hérétique ou schismatique, et qu’en tant que tel, il ne peut ni ne doit convoquer un concile, quelqu’un peut-il le faire à sa place ?  Le troisième. Y a-t-il quelqu’un capable de convoquer un concile, si le pape est empêché de le faire parce qu’il a été capturé par les infidèles, qu’il est décédé,  est devenu  fou, ou a abdiqué ?  C’est Turrecremata (livre 3, chapitre 8) qui répond au premier doute.  Il dit qu’il est à peine concevable  qu’un pape soit assez méchant pour refuser de convoquer un concile, s’il est évident pour tous qu’il est nécessaire à l’église; et que si jamais la chose arrivait, c’est Dieu lui-même qui pourvoirait,  en le faisant changer d’idée ou en le retirant de ce monde.  Il dit à la seconde, qu’il peut arriver qu’on pape soit soupçonné d’hérésie.  Car, comme le dit le canon (dist 83, erreur et autres choses qui suivent) : « celui qui ne résiste pas à une erreur manifeste, quand il le peut et le doit, est considéré comme l’approuvant. »
Je réponds à la deuxième et à  la troisième, qu’il n’est possible, en aucun cas, de convoquer, sans l’autorisation du pontife suprême, un concile véritable et parfait, qui ait l’autorité de définir des choses de foi.  Car, l’autorité principale est dans la tête,  dans Pierre, à qui il a été commandé de confirmer ses frères, et pour qui le Seigneur a prié (Luc 12) afin que ne défaille pas sa foi.  Dans ces deux cas, un concile imparfait peut être convoqué pour fournir une tête à l’Église.  Car, l’Église a, sans aucun doute, le pouvoir voulu de se procurer une tête, même si sans tête, elle ne peut pas statuer sur beaucoup de choses sur lesquelles elle peut se prononcer en agissant avec sa tête, comme l’enseigne doctement Cajetan dans un opuscule sur le pouvoir du pape (chapitres 15 et 16), et bien avant lui, les presbytres de l’église romaine dans  la lettre à Cyprien (qui est la septième dans le livre 2 des œuvres de Cyprien).  Un concile imparfait pourra avoir lieu s’il est entrepris par le collège des cardinaux, ou si les évêques se rassemblent entre eux dans un endroit.
                                                             CHAPITRE 15
                          Quels sont ceux qu’on doit convoquer à un concile ?
Nous avons traité jusqu’à présent de la cause finale et de la cause efficiente des conciles.  Il nous reste à disserter sur ceux qui en font partie,  à qui on peut donner le nom de matière des conciles.  Il faut noter d’abord deux choses.  La première,  que l’église universelle contient quatre genres d’hommes : les clercs, les laïcs; parmi les clercs, les prélats et les non prélats.  De même, parmi les laïcs, les princes et les hommes privés.  Même si elle n’est pas reçue par les hérétiques de nos jours, cette distinction, ils la reçoivent tout de même en partie, car ils avouent qu’il y a certains hommes qui sont affectés au ministère de la parole, à qui il appartient, d’office, de prêcher et de paître le peuple, et qu’ils appellent ministres.   Et, parmi ceux-là, ils disent qu’il y en a qui sont plus grands que d’autres,  auxquels ils donnent le nom de surintendants, et d’autres plus petits, qu’ils appellent tout simplement ministres.  La deuxième est qu’on peut participer à un concile pour de multiples raisons.  On dit des uns qu’ils ont le suffrage décisionnel, d’autres qu’ils  analysent les difficultés en disputant, d’autres qu’ils agissent comme des notaires, des gardes ou comme des soldats qui défendent le concile, et voient à ce que tout soit paisible à l’intérieur et à l’extérieur.
Nos adversaires disent deux choses. La première.   Devraient y participer toutes les différentes sortes de personnes qui ont suffisamment de connaissances.  Tous devraient être juges,  et avoir un vote décisionnel.  C’est ce qu’explique longuement Luther dans son livre sur les conciles (part 1, page 164), où il veut que, de tous les endroits, on rassemble 300 hommes instruits dans la sainte Écriture.  C’est ce qu’écrivent les protestants dans leur livre qu’ils intitulèrent  « la raison pour laquelle les électeurs et les autres membres de la confession d’Augusta, n’allèrent pas au concile de Trente ».  Car, après avoir dit que la première raison était parce que le concile avait été convoqué par le pape, ils en ajoutèrent ensuite une seconde, parce que seuls les cardinaux, les évêques, les abbés et les généraux d’ordre avaient droit de vote, alors que tous les laïcs instruits auraient du bénéficier d’un suffrage décisionnel.   Caro Molina enseigne la même chose dans son rejet du concile de trente (verset 18).  On trouve la même chose dans les magdebourgeois  (centurie 1, livre 1, chapitre 9, col 548).  En racontant  l’histoire du concile des apôtres (actes 15), ils  disent que, dans ce concile, après les discours, tous les membres ont voté, et que c’est au jugement de tous qu’il a été défini que l’homme peut se sauver par la foi seule, sans les œuvres.   Ils disent ensuite qu’un concile n’est composé que d’électeurs vraiment pieux.  C’est ce qu’enseigne ouvertement Brentius (dans son confession de Wirtemberg, chapitre des conciles) où, après avoir dit que les conciles devaient le céder à l’Écriture, il donne pour raison de ce que nous sommes certains de Écritures, qu’elles sont d’une vérité infaillible.  Mais qu’il n’en allait pas ainsi des conciles,  parce qu’aucun groupe particulier d’hommes n’est la vraie église, parce que tous n’ont pas la foi,  et que tous ne sont pas élus.  C’est ce que sont obligés de dire aussi les confessionistes et les calvinistes qui, comme nous le verrons plus bas, veulent que les élus et les saints participent à l’église. Et il est certain qu’un concile d’église n’est formé que d’hommes d’église.
Mais la doctrine des catholiques est la suivante.  Seuls les prélats majeurs, c’est-à-dire tous les évêques ont,  ordinairement, dans les conciles généraux et provinciaux,  un droit de volte décisionnel;   et, par un privilège spécial et la coutume,  les cardinaux, les abbés et les généraux d’ordre religieux, même s’ils ne sont pas évêques.   Parmi les prêtres et tous les ordres mineurs, on peut appeler quelques savants qui apporteront leur aide dans les discussions, et dans d’autres tâches.   On peut appeler les princes pour assurer la défense du concile, pour que, étant témoins ce qui se décide,  et en en prenant connaissance par eux-mêmes,  ils puissent ensuite punir les transgresseurs et les contumaces par des peines corporelles.  Enfin, parmi les laïcs, on ne peut appeler que ceux qui peuvent être de quelque utilité,  ou dont on a besoin pour une affaire quelconque.  Que cette position soit celle des catholiques, on le constate par les personnes qui furent présentes au concile de trente, et par le livre de Turrecremata (livre 3, chapitre 12, verset 15) et par d’autres auteurs catholiques.
 Venons-en maintenant à la preuve de notre position, et à la réfutation de la position contraire.  La dernière proposition ne nécessite pas de réfutation,  parce qu’il a fallu la réfuter dans la question de la définition de l’Église, et surtout parce qu’elle est si fausse qu’elle  se détruit elle-même.  Car, quand elle dit qu’un concile est composé d’élus et de saints,  elle affirme qu’un concile est quelque chose, et qu’un concile n’est rien.  Car, elle établit qu’un concile existe quand elle explique de quels hommes il est composé.  Brentius présuppose à ce point qu’un concile existe vraiment quand il dit que l’autorité des conciles est grande.  Mais quand il dit qu’u n concile est composé d’élus, il est contraint de dire qu’un concile n’est rien.  Car, faire un concile c’est réunir des hommes en un même endroit pour qu’ils forment un seul corps. Or, dans ce monde, les élus ne peuvent pas se réunir entre eux, car personne ne sait quels sont les élus,   Car, si quelques-uns de nos adversaires ne requièrent pas l’élection dans les vrais membres de l’Église, ils requièrent toutefois  la foi interne et la piété,  et ils ne pourront donc jamais montrer un concile qu’on peut dire certainement chrétien, puisque personne ne voit dans les autres la foi interne et la piété.
 Il nous faut donc réfuter la première proposition.  D’abord, par un texte de l’Écriture.  Définir, dans un concile,  ce qu’il faut croire et faire est quelque chose qui est propre à la charge pastorale. Car c’est cela qu’on appelle paître, et paître veut dire enseigner, et enseigner de telle façon que les autres soient obligés d’y croire.  Que paître signifie enseigner, on le voit par un texte de Jérémie 3 : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, pour qu’ils vous paissent dans la science et la doctrine. »  De même, aux Éphésiens : « les uns pasteurs et docteurs ».  Saint Jérôme et saint Augustin (épitre 59 à Paulin) notent que le mot pasteur est associé au mot docteur, « parce que c’est le propre des pasteurs d’enseigner. »  Or les pasteurs ne sont ni des laïcs, ni de simples clercs, mais des évêques, comme nous le lisons (actes 10) : « Veillez sur vous et sur tout votre troupeau, comme des gens que le Saint Esprit a placés pour  régir l’Église de Dieu. »  Et jésus (dans Jean, à la fin) : « pais mes brebis ! »
 Si quelqu’un soutient que tous les chrétiens sont des évêques,  et que ce qui a été dit à Pierre a été dit à tous les chrétiens, il devra démontrer quels sont ceux qui sont appelés brebis. Car, si tous sont pasteurs, où sont les brebis ?  Si donc certains sont pasteurs, les évêques, et d’autres brebis, les laïcs, seuls les pasteurs doivent se réunir dans les conciles pour définir quels sont les bons pâturages, et quels sont les mauvais.  Il s’ensuit certainement que les conciles relèvent des prêtres, non des laïcs.  Ajoutons que Philippe (dans les lieux, au chapitre du nombre des sacrements), et Calvin (livre 4, chapitre 14, verset 20 des institutions), placent parmi les sacrements de l’église, l’ordination de pasteurs qui s’engagent à paitre, c’est-à-dire à enseigner le peuple.  Et Calvin dit clairement que ce sacrement n’est pas commun à toute l’église, mais seulement à ceux qui sont initiés.  Par leur propre profession, donc, les laïcs ne sont pas ordonnés pasteurs, mais ne sont que des brebis.  Il ne leur convient donc pas d’enseigner, surtout avec cette autorité que possède un concile.
 On le prouve, en second lieu, par le témoignage des anciens.   Les premiers conciles ont été célébrés dans l’Église au temps du pape Victor, au sujet de la question pascale.  Voici ce que dit d’eux Eusèbe (livre 5, chapitre 23 de son histoire) : « Pour cette raison, des assemblées d’évêques et des conciles ont été convoqués dans chacune des provinces. »   Il ne dit pas que ce sont des érudits quelconques, mais des évêques qui ont été réunis en conciles.  C’est aussi ce qu’enseigne saint Cyprien au début de sa lettre à Jubaianus, saint Hilaire (dans son livre sur les conciles), saint Ambroise (dans son épitre 32), saint Jérôme (livre 2 de son apologie contre Ruffin), saint Augustin (épitre 119), saint Léon (épitre 16 et les suivantes),  Ruffin (livre 10, chapitre 1 de son histoire), saint Athanase (dans son épitre aux ermites), et les autres pères qui affirment souvent que les conciles sont du domaine des évêques.   De plus, Théodose junior (dans sa lettre au synode d’Éphèse, que l’on trouve dans le tome 1, chapitre 32 de ce concile), dit : « Il n’est pas permis à ceux qui ne font pas partie de l’ordre des saints évêques de s’immiscer dans les affaires ecclésiastiques. »  L’impératrice Pulchérie (dans sa lettre au stratège de Bythinie, que l’on trouve avant le concile de Chalcédoine)  ordonne que soient expulsés des conciles  les clercs, les moines, les laïcs, à l’exception de ceux que, en petit nombre, les évêques amènent avec eux. »  Dans le concile de Chalcédoine, (acte 1),  quand on envoya quelqu’un demander à l’archimandrite de souscrire, il répondit « qu’il ne lui revenait pas  à lui de signer, mais aux seuls évêques »  Dans le même concile, quand des moines et des laïcs entrèrent pour prendre la défense de Dioscore,  les pères crièrent à plusieurs reprises : « Mettez à la porte les intrus !  Le concile est une réunion d’évêques ! »
 On le prouve, en troisième lieu, par les conciles déjà célébrés.  Car tous les décrets des conciles ont été faits par les seuls évêques, comme le démontrent les signatures.   Car, nous ne trouvons jamais que des signatures d’évêques, sauf parfois celles d’empereurs. Mais différente était leur signature,  car c’est en définissant comme des juges que les évêques signaient, tandis que  les empereurs ne faisaient que consentir à ce qui avait été décidé par les évêques.  Dans quelques conciles, comme ceux de Florence, du Latran et de Trente, des abbés et des supérieurs d’ordres généraux ont signé également.  Tous les autres, quelle qu’ait été leur science ou leur sainteté, n’ont  été utilisés que pour la consultation, à l’exception du concile de Bâle, où les prêtres bénéficièrent d’un suffrage décisionnel, mais illégalement et contrairement à la règle et à la pratique antiques.  Ce concile, d’ailleurs, ne fut pas légitime, comme nous l’avons déjà dit.
 Nous le prouvons, en quatrième lieu, par des raisons.   Car, dès le début, les affaires ecclésiastiques et les affaires civiles ont été traitées respectivement par des personnes ecclésiastiques et civiles.   Ces personnes ecclésiastiques  ce sont manifestement les évêques.  De plus, s’il fallait admettre tous les hommes instruits,  ou il n’y aurait jamais de conciles généraux parce qu’il serait impossible de convoquer tous les doctes de l’Église universelle,  ou si un tel concile avait lieu, il serait impossible de le gérer, en raison de la multitude des participants.  Enfin, les inférieurs seraient plus nombreux que les supérieurs, et le point de vue du grand nombre l’emporterait sur celui des meilleurs.  Ce serait alors les inférieurs qui, dans l’Église,  régiraient les supérieurs, ce qui est d’une grande absurdité.   On peut ajouter aussi que s’il en était ainsi, il serait facile  à un roi ou un prince, dans le territoire duquel se tient un concile, d’y introduire ce que ne peuvent obtenir d’autres rois ou princes éloignés.  Concluons en disant qu’il n’y a pas de république qui, guidée par la seule raison naturelle, n’ait pas un ordre dans ses états généraux,  qui fait en sorte que seuls les princes et les chefs des autres, et non n’importe lequel paysan ou  bourgeois,  puissent y participer et avoir droit de vote.
                                                                          CHAPITRE 16
                                                   On réfute des objections des adversaires
 La première objection est faite par les protestants  dans leur libelle ( intitulé : cause, et témoignage de Luc, actes 15), où, parlant du premier concile des apôtres, saint Luc dit : « Les apôtres et les anciens se rassemblèrent pour en discuter. »  Et plus bas : « Il a plu aux apôtres et aux anciens, ainsi qu’à toute l’église ».  Ce texte semble bien vouloir dire que ce ne sont pas seulement les apôtres  qui ont pris part au premier concile,  mais même les prêtres et les laïcs. »  Je réponds que, dans ce concile, les apôtres ont été présents afin de définir  en tant que juges, et les prêtres en tant que consultants; que le peuple n’a pas été convoqué, mais qu’il a participé  et approuvé, non en définissant ou en donnant son avis, mais en écoutant seulement, et en ne protestant pas.  Que les choses se soient bien passées ainsi, on le prouve de deux façons.  La première.  Par la coutume de l’Église, qui est la meilleure interprète de l’Écriture.  Car, dans tous les conciles qui ont été célébrés après l’époque apostolique,  on a toujours conservé cet ordre suivant lequel seuls les évêques jugent, même si plusieurs autres sont présents,  clercs ou laïcs.  Nous devons donc penser que c’est ce qui s’est passé dans le premier concile.  Car, l’Église universelle,  surtout dans les premiers siècles, ne s’est jamais dissociée de l’exemple des apôtres et de la tradition.
 De plus, on peut démontrer cela par le contexte lui-même.  Car, que les apôtres et les prêtres aient été seul convoqués,  on le comprend par les paroles employées : « les apôtres et les anciens se réunirent. »  Aucune mention n’est faite là de l’assemblée des fidèles.  Ensuite,   que seuls les apôtres ou les anciens aient parlé, et que seuls les apôtres aient émis la décision finale, on le voit pas les noms des intervenants, car, selon le récit de saint Luc, seuls Pierre, Paul, Barnabée et Jacques ont pris la parole.  Et la suite nous montre que personne d’autre n’a parlé,  car après l’intervention de Pierre, on ajoute tout de suite : « toute la multitude gardait le silence, et écoutait Paul et Barnabée. » Et « après qu’ils se furent tus » (Paul et Barnabée), Jacques a répondu.   Et c’est à la fin du discours de Jacques qu’on ajoute : « il a plu aux apôtres etc. »  Ils mentent donc les magdebourgeois quand ils disent  que tous ceux qui étaient présents ont donné leur avis.  Car ce qui suit « il a plu, aux anciens et à toute l’église », doit s’entendre d’un consentement tacite,  qui a du être donné par tous ceux qui étaient présents au concile.  Voir le concile de Carthage dans les œuvres de Cyprien, car dans ce concile aussi furent présents des prêtres, des diacres et des laïcs, avec les évêques; et pourtant, seuls les évêques émirent leur avis.
 La deuxième objection.  Les mêmes objectent, au même endroit, qu’un concile général représente l’église universelle.  Il doit donc y avoir des hommes de tous les états, c’est-à-dire, des évêques, des prêtres, des princes, des primats, des clercs, des laïcs.    Je réponds qu’on peut représenter des gens de plusieurs façons.  Car, comme dans les états généraux, des consuls de plusieurs états ou les seigneurs des cités  ont coutume de se réunir, il en va de même pour l’église, car dans les conciles généraux ce sont tous les évêques qui se réunissent.  Car, chaque évêque représente son église, comme on le voit dans Cyprien (livre 4, épitre 9),  où il dit que «  l’église est dans l’évêque. »  C’est pourquoi Eusèbe, dans sa vie de Constantin (livre 3) appelle un concile de 318 évêques une réunion de toute la terre.  Et saint Augustin (livre 1, chapitre 18 sur le baptême),  appelle «  le consensus des évêques, le consensus de toute l’église. »
La troisième objection est faite par les mêmes au même endroit.  Ils disent qu’une cause commune doit être défendue par les votes et les forces de tous les chrétiens.   Or, la cause de la foi est commune  à tous les chrétiens, et n’est pas plus importante pour les clercs que pour les laïcs.  Les laïcs doivent donc être, eux aussi,  convoqués aux conciles.   Je réponds que la cause de la foi est importante pour tous, mais diversement.   Car, elle appartient aux prélats en tant que docteurs,  et aux autres en tant que disciples, comme dans une guerre la cause de la victoire est commune à tous.  Cependant, c’est au chef qu’il appartient de commander et de guider son armée, et aux autres de se battre.  Quelqu’un pourra nous objecter les paroles de Nicolas 1 dans son épitre à l’empereur Michel (que nous avons dans la canon 96 ubinam) : « Où avez-vous lu que les empereurs vos prédécesseurs aient participé aux assemblées synodales,  si ce n’est peut-être dans quelques-unes où  il était question de la foi qui est universelle, qui est commune à tous, non seulement aux clercs, mais aussi aux laïcs, et qui appartient absolument à tous les chrétiens. »      On peut répondre que,  de ce que la foi est commune à tous, Nicolas en a correctement déduit qu’un empereur doit participer  à un concile,  non en tant que juge,  mais en tant que quelqu’un à qui il incombe de défendre la foi commune par ses édits et ses lois,  et par le glaive même, si nécessaire.
La quatrième objection.  Elle est faite par les mêmes, mais aussi par Charles  Molina (au lieux cités), Brentius (dans son confession de Wittemberg, au chapitre des conciles), par Hermann Hamelmannus (livre 3, chapitre 6 de ses prolégomènes).  Il arrive souvent que la sentence d’un seul homme, et même d’un laïc, passe avant la sentence de tout un concile, parce qu’il était  plus muni de l’autorité de l’Écriture. Et pour cette raison, elle doit donc passer avant toutes les autres.   Les laïcs doivent donc être convoqués  dans des conciles en tant que laïcs.   Ils prouvent l’antécédent  avec Gratien, d’abord,  (36 q. 2 canon ) où nous lisons que l’autorité de saint Jérôme, munie de l’Écriture sainte, l’a emportée sur tout un concile général.  Ensuite, avec Panormitanus (dans le chapitre  tu as signifié, au mot élection), et avec Jean Gerson (partie 1 de l’examen des doctrines), dont l’un enseigne que la sentence d’un homme privé l’emporte sur celle d’un pape,  si l’homme privé est mu par de meilleures autorités de l’ancien ou du nouveau testament; et l’autre qu’un homme docte peut et doit résister à un concile entier, s’il voit qu’il a erré par malice ou ignorance.  Et ils confirment cet argument en expliquant que les évêques sont appelés parce qu’on pense qu’ils sont plus savants que les autres.   Or, si on découvre que plusieurs laïcs sont plus savants que les évêques,  ou également savants,  pourquoi ne les appellerait-on pas à un concile ?
Je réponds à la première raison donnée.  La sentence d’un homme privé peut être placée avant la sentence d’un concile général avant la définition,  pendant qu’on discute librement de la chose.  Car, dans la discussion, l’érudition passe avant l’autorité.   Mais après qu’un concile légitimement convoqué et approuvé ait rendu sa sentence, l’autorité passe avant l’érudition.  Au sujet de cette autre raison tirée de Gratien,  je dis d’abord  que Harmann ment quand il dit que, selon Gratien, l’autorité de saint Jérôme l’a emporté sur tout un concile général, car ce n’est pas d’un concile général dont parlait Gratien, mais d’un particulier.    Je réponds ensuite que les paroles que Gratien attribue à saint Jérôme sont introuvables dans les œuvres du saint, et que personne ne les a jamais vues.   Je dis, en troisième lieu,  que Gratien, en ce passage, a fait une gaffe, car saint Jérôme et le concile ne se contredisent pas, comme le pense Gratien.  Car saint Jérôme dit seulement que, selon la loi ancienne, il était permis à un ravisseur d’épouser, avec le consentement du père,  une folle qu’il avait ravie. Le concile, lui, a statué  que, nonobstant la loi ancienne, il n’était pas permis à un ravisseur de prendre pour épouse une fille qu’il avait ravie.
Au sujet des paroles de Panormitanus et de Gerson, je dis, d’abord,  qu’ils parlent conditionnellement, comme l’apôtre, quand il dit aux Galates 1 : « si nous, ou des anges du ciel apportions un autre évangile ».  Comme de la sentence conditionnelle de saint Paul, il n’est pas permis de conclure que l’apôtre ou des anges pouvaient réellement enseigner un autre évangile que celui du Christ,  de la même façon, du fait que Panormitanus et Gerson  enseignent qu’il est permis à quiconque de résister à un concile ou au pape s’il constate qu’ils errent,  il n’est pas permis de conclure directement que les conciles et les papes peuvent errer, et que des hommes privés doivent être appelés aux conciles.  Je dis, ensuite, qu’ils parlaient de la résistance qui peut être faite à un concile ou à un pape, pendant la période de libre discussion, avant la décision,  ou quand un concile est illégitime.     À la  confirmation, je dis  qu’on doit élire comme évêques les plus savants et les meilleurs des prêtres, mais que leur pouvoir de juger ne leur vient pas de ce qu’ils sont les plus savants,  mais de ce qu’ils sont des personnes publiques, c’est-à-dire des princes  ayant une juridiction ecclésiastique.  Il en va de même chez les princes et les juges séculiers.  On exige d’eux la probité et le jugement prudentiel.  Cependant, il ne sera pas permis, à cause de cela, à un homme privé meilleur et plus savant qu’un prince ou un juge, de les expulser et de  prendre leur place.
La cinquième objection est celle d’Hermann Hamelmannus  (lvre 1,chapitre 10 des prolégomènes).  Il cite plusieurs témoignages d’anciens auteurs  rapportant que des causes, en matière de foi, ont été présentées devant le peuple agissant comme juge.  C’est ainsi que disputent l’apôtre Pierre  et Simon le magicien dans le livre attribué à Clément (livres 1 eet 2, des reconnaissances), ainsi que l’évêque Archelaus et Manès, selon Épiphane (hérésie 56), le pape Sylvestre et les Juifs, selon Zonaras dans la vie de Constantin, Athanase et Arius,  selon l’évêque Vigile de Trente, saint Augustin et Maximin (Augustin, livre 1, chapitre 1, contre Maximin).  Que même pendant le concile de Nicée, il y a eu plusieurs laïcs et docteurs à adresser la parole, c’est Nicéphore qui nous le rapporte (livre 8, chapitre 14).  Ensuite, que le peuple ait exercé le rôle de juge, Ambroise l’enseigne clairement dans l’épitre 31 où il écrit : « La cause de la foi, dans l’Église, qui refusera de la défendre ?  Si quelqu’un confesse, qu’il vienne là ! »  Et, un peu après : « Que le peuple décide, celui qui dans le cœur a la loi divine, non l’humaine.   Non la loi écrite sur un parchemin, mais l’esprit du Dieu vivant. »  Et plus bas : « Mais sachant très bien que vous n’êtes pas ignorants dans les choses de la foi, Auxentius fuit votre examen. »
Pour la solution, il faut noter deux choses.  La première.  Il y a deux sortes de jugements, l’un public, et l’autre privé.    Est public celui qui est prononcé par un juge public  avec autorité, de façon que les autres soient tenus d’acquiescer à sa décision.  Est privée une sentence que quelqu’un tient pour vraie, mais qui n’oblige personne.  Comme dans les disputes entre théologiens et philosophes.  Après avoir écouté le pour et le contre, les auditeurs jugent. Chacun choisit ce qu’il préfère, mais nul ne peut imposer à quiconque d’être de son sentiment.  La seconde. Un jugement public dans une cause de foi n’a jamais été rendu par le peuple, tandis qu’un jugement privé est parfois attribué à des hommes pieux et saints,  mais cela seulement quand on ne peut faire autrement.   Car, les peuples sont tenus à suivre les jugements de leurs pasteurs.  Mais, cependant quand des hérétiques  se mêlent impunément aux catholiques, et en séduisent plusieurs, il convient parfois d’engager des débats publics avec eux en présence du peuple, et de laisser le jugement au peuple,  pour qu’ils suivent ceux qui emploieront de meilleures raisons, comme a fait Élie (livre, 3, chapitre 18 des rois).  Comme il ne pouvait autrement détourner le peuple du culte de Baal,  il lança un défi aux prophètes de Baal en présence de tout le peuple, en disant : « Celui qui exaucera les demandes par le feu, ce sera lui le Dieu. Si le c’est Seigneur qui exauce, que ce soit lui le Dieu, et suivez-le !  Si c’est Baal, qu’il soit dieu, et suivez-le ! »
Ces précisions une fois faites, je dis que, dans tous les passages cités, le peuple a donné un jugement privé, non public, et cela, parce qu’on ne pouvait pas faire autrement.   C’est ce qu’on peut comprendre de la lettre de saint Ambroise, car voici ce qu’il dit : « Qu’ils viennent publiquement à l’église, s’ils sont tels, qu’ils écoutent avec le peuple,  non  pour rendre un verdict  comme un juge à son tribunal,  mais pour que chacun se fasse une opinion en son âme et conscience, et choisisse ce qui lui parait le meilleur. »  Tu vois, dans ce texte, qu’un jugement privé est accordé à ceux à qui on refuse un jugement public.  Et pourquoi saint Ambroise leur accordait-il un jugement privé ?  Parce que l’empereur de Milan favorisait alors les Ariens, et qu’il ne pouvait pas obtenir de jugement public.  On peut dire la même chose de tous les textes cités. Mais il faut préciser qu’au concile de Nicée, les laïcs n’ont pas été convoqués,  et qu’ils n’ont pas  pris part aux autres conciles. À Nicée, ils étaient venus d’eux-mêmes, pour discuter avec les évêques en dehors des sessions du concile, car ils avaient entendu dire qu’ils s’étaient réunis là de partout pour débattre entre eux de la divinité du Verbe.  Voir Ruffin (livre 10, chapitre 3).
                                                             CHAPITRE 17
                       Quel nombre d’évêques est-il requis pour un concile général ?
En plus de ces arguments soulevés par les hérétiques, certains catholiques expriment un doute sur ceux qui doivent participer à un concile.   Pour un concile général, faut-il que soient présents des évêques de toute la chrétienté, ou quelques-uns seulement ?  S’il faut que tous soient présents, il n’y a jamais eu, jusqu’à présent, de vrai concile général; et il semble bien qu’il n’y en aura jamais.  Si quelques-uns suffisent, lesquels ?  Il ne semble pas qu’il existe de bonnes raisons de préférer l’un à l’autre.  Je réponds qu’il ne peut pas  y avoir de meilleure réponse à cette question  que la coutume de l’Église.  Cette coutume de l’Église nous enseigne que quatre conditions sont requises et suffisent pour qu’il y ait un vrai concile général.  La première, que la convocation soit générale,  c’est-à-dire qu’elle soit connue  par toutes les provinces chrétiennes les plus importantes.  Il appert que cette condition a toujours été respectée jusqu’au septième concile (acte 6), qui  juge que le concile de Constantinople contre les images ne fut pas général,  parce qu’il n’a pas été connu par toute la chrétienté.    La seconde.   Il faut qu’aucun évêque ne soit exclu, de quelque province ou ville qu’il soit, pourvu qu’il soit vraiment évêque, et n’ait pas été excommunié.   La troisième.  Il faut que, en plus du souverain pontife,  soient présents,  par eux-mêmes ou par des légats, les quatre principaux patriarches : de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, car c’est à eux qu’obéissent tous les autres évêques.  C’est ce que nous indique le synode 7 (acte 6) où on jugea que le concile de Constantinople contre les images n’était pas légitime, parce que ne fut présent aucun patriarche.   Ainsi que le synode 8 (acte 9) qui reçoit avec joie le vicaire du patriarche d’Alexandrie,  comme si, sans lui, aurait fait défaut la plénitude du synode.  Mais, toutefois, cette troisième condition n’est pas absolument nécessaire. Elle vaut plutôt  pour le mieux être du concile.  Car, le troisième synode a, sans le patriarche d’Antioche, condamné Nestorius de Constantinople.  Et, de nos jours, ces patriarches ne sont plus nécessaires, car ils sont certainement schismatiques.
La quatrième.  Il faut que la plus grande partie des provinces chrétiennes aient des représentants.  Quand les conciles se tinrent en Orient, on a toujours considéré qu’il suffisait  que, de toutes les provinces orientales, les évêques se rassemblent en grand nombre,  et que, de l’Occident, soient envoyés des légats par le souverain pontife, qui tiennent la place des autres. Mais, par contre, quand les conciles étaient célébrés en Occident, on trouvait normal  qu’un grand nombre d’évêques participent de chacune des provinces de l’Occident, et un petit nombre d’évêques orientaux, qui représentaient les autres.  Ainsi, dans le concile de Nicée, il n’y eut, de l’Occident, que deux prêtres italiens,  un évêque gaulois, un évêque espagnol, et un africain.   Dans les conciles 2 et 3, il n’y eut aucun représentant de l’Occident, mais les papes Damase et  Célestin les confirmèrent en leur nom, et au nom des évêques d’Occident, qu’ils avaient eux-mêmes réunis en concile à Rome.  Dans le synode 4, les légats du pape Léon furent les seuls à être présents.  Mais le pape envoya, en plus, le consentement des autres évêques d’Espagne, de Gaule et d’Italie,  qui, après avoir célébré des conciles dans leurs pays respectifs,  avaient écrit au pape Léon qu’ils suivaient en tout sa doctrine.  Voir le tome des conciles.
À l’inverse, aux conciles occidentaux du Latran, sous Innocent 3, de Lyon sous Grégoire 1X,  de Vienne, sous Clément 5, et récemment de Trente, un grand nombre d’évêques vinrent de tout l’Occident, mais quelques-uns seulement de l’Orient.  Il s’ensuit que des conciles  nationaux peuvent être supérieurs à des conciles généraux d’après le nombre des participants,  mais inférieurs en autorité.  Car, le concile de Constantinople  n’eut que 150 participants d’Orient, et le concile national  de Carthage, au temps de saint Augustin, 217, selon la chronique de Prospère (à l’année 420).
                                                        CHAPITRE 18
                                              Inquisition ou jugement

Suit, sur la forme des conciles,  une dernière question en deux parties.    Il faut d’abord expliquer  si les conciles ont une forme de jugement ou d’inquisition.  Ensuite, une fois défini qu’ils ont la forme d’un jugement, on doit se demander quel ordre existera entre les juges.  Car, comme, dans un corps, la forme est dite une figure, quand l’ordre est respecté, et que chacun est mis à sa place,  de la même façon, dans une assemblée d’hommes, la forme est dite un ordre, quand préside celui qui doit présider, et se soumet celui qui doit se soumettre.   Voilà donc quelle est la première partie de la question.  Le concile est-il vraiment un procès, et les évêques de vrais juges, de sorte qu’on doive s’en tenir aux décisions qu’ils prennent, comme on le fait pour les jugements d’un préteur dans les causes politiques ? Ou bien, ne fait-on, dans un concile, qu’une simple inquisition, de sorte que la seule valeur d’un décret soit celle  de la raison sur lequel il s’appuie ? Comme il en va des décisions des docteurs, qu’ils exposent dans leurs écrits ou leurs commentaires.  Or, les hérétiques de ce temps enseignent presque tous d’une même voix qu’un concile ne fait qu’une inquisition, et que seul  le Christ et sa parole ont un suffrage décisionnel.  Ils disent, en conséquence,  qu’il ne faut pas compter le nombre de votes, et qu’il est  souvent préférable de ne suivre qu’une seule personne qui a, pour elle, la parole de Dieu, plutôt que tout un concile.  Et ils en déduisent qu’il est permis à chacun d’examiner les décrets des conciles, de les recevoir ou de ne pas les recevoir, à leur guise.  C’est ce que Luther enseigne  dans l’assertion de l’article 29, et d’après Cochlaeus (livre 4, chapitre 9, verset 8, institutions).  Brentius écrit la même chose (dans sa confession de Wittemberg, chapitre de l’Écriture, et chapitre des conciles), ainsi que Kemnitius (examen,  4ième session du concile de Trente.)  Il reproche souvent aux catholiques d’accorder aux évêques une autorité qui leur permette de porter un jugement dans les controverses.
Ensuite, le libelle des protestants,  expliquant les causes pour lesquelles ils ne sont pas venus au concile de Trente,  enseigne explicitement qu’on ne doit pas se rassembler en concile, pour définir des questions de foi par des votes et des suffrages, mais  trouver, parmi le grand nombre, quelqu’un capable d’indiquer , par l’Écriture,  quel chemin on doit suivre, et préférer cet individu au concile le plus populeux, même s’il l’emportait sur lui par le nombre des votes.  Par cette sentence, les hérétiques montrent le peu de cas qu’ils font des conciles, et qu’ils ne désirent rien d’autre que de laisser les questions dans le flou , d’être perpétuellement en recherche, et ne jamais rien conclure.  Nous disons, nous, qu’il est accordé aux évêques,  dans les conciles légitimes, d’être de vrais juges, et qu’on doit suivre leurs lois et leurs décrets.  On prouve cela d’abord par trois textes de l’Écriture.  Le premier est tiré du Deutéronome (17) où on ordonne à ceux qui ont des doutes de recourir au concile des prêtres : « Celui qui n’obéira pas à leur décision, sera condamné  à mort. »   Les second est de Matthieu  (18) : « S’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme un publicain ou un païen. »  Le mot église, dans ce  passage, même s’il admet plusieurs explications, peut  certainement  être entendu  au sens de concile général.  C’est du moins ce que pensent tous les pères.  Le troisième est tiré des actes des apôtres (15 et 16), où Paul, traversant différentes cités, leur enseignait à tous de garder les dogmes  qui avaient été décrétés par les apôtres dans le concile de Jérusalem.
Au sujet du concile de Jérusalem, il y a trois choses à noter. La première.  Dans ce concile, on n’est pas parvenu à une décision par des citations de l’Écriture, mais par les suffrages des apôtres.   Car, la question n’était pas, comme se l’imaginent les adversaires,  est-ce que c’est la foi seule qui justifie ou la circoncision, et, est-ce que les cérémonies légales sont nécessaires aux chrétiens ?  Cela, c’est l’occasion du synode qui nous le fait comprendre : « Surgirent donc des membres de la secte des pharisiens qui crurent, et qui dirent qu’il fallait circoncire les païens, et ordonner d’observer la loi de Moïse.  Les apôtres et les anciens se rassemblèrent donc pour voir à cela. »  Nous le fait comprendre aussi l’épitre du concile, dans laquelle rien d’autre n’est ordonné que l’abstinence du sang, de la suffocation, et des viandes consacrées aux idoles.   La seconde.  La décision des apôtres ne fut pas remise à l’examen des disciples, mais  on leur a simplement ordonné d’obéir, comme il appert clairement des textes cités (actes, 15, 16).   C’est pourquoi, les adversaires qui veulent que les prescriptions des conciles soient examinées par chaque homme privé, sont manifestement en opposition avec l’Écriture.   La  troisième.  La décision de ce concile apostolique fut une véritable loi obligeant en conscience. De quoi nous avons parlé plus haut, dans le quatrième livre sur le souverain pontife.  Ce que Luc indique assez clairement,  quand il appelle ces définitions  des préceptes, des décrets, des dogmes.
On peut le prouver en second lieu par les conciles eux-mêmes.   Car, tous les conciles disent anathème aux désobéissants;  appellent leurs cannons décrets ou lois ecclésiastiques.  Et tous les évêques disent, en souscrivant : « Moi, un tel, je souscris en tant que définissant. »   De plus, dans le concile de Chalcédoine, (acte 4), quand dix évêques d’Égypte ne voulaient pas se rendre au jugement de la majorité, on les a considérés comme des hérétiques.  Toutes ces choses sont des arguments très convaincants  à l’effet que les conciles sont de vrais tribunaux.  On le prouve, en troisième lieu, de la façon suivante.  Même si dans les conciles, on ne votait pas, il serait quand même évident que seuls les évêques peuvent porter une sentence, puisqu’il revient aux gens instruits de disserter  sur des questions de foi, qu’ils soient évêques ou pas. Nous avons démontré le contraire de cela plus haut.  Car, c’est sans raison qu’on a qualifié  de frustres et de simples, certains évêques qui participèrent au concile de Nicée (Ruffin, livre  10, chapitre 3 de son histoire).  Ajoutons que dans ce libelle, les protestants militent contre eux, car ils y enseignent que les laïcs doivent, tout comme les évêques, avoir un suffrage décisionnel.  Au même endroit, ils disent un peu après qu’on ne doit rien définir dans les conciles par le nombre des suffrages, mais seulement par le témoignage des Écritures.   Nous ajouterons d’autres choses plus tard, quand nous nous demanderons si les conciles peuvent errer.
Et ils nous objectent l’exemple de Paphnutius , d’après Socrate (livre 1, chapitre 8) et Sozomène (livre 1, chapitre 22).  Lorsque le concile de Nicée voulut prohiber  aux prêtres les relations sexuelles avec leurs épouses, Paphnutius fut le seul à résister, et son opinion prévalut.  Luther, article 115 (Cochlaeus chapitre 24) : « C’est une chose insensée que les conciles veuillent conclure et statuer ce que l’on doit croire.  Puisque souvent, il n’y a personne qui ait reçu le Saint-Esprit, ou qui soit devenu médecin,  comme cela est arrivé au concile de Nicée.  On discutait et on voulait faire des lois sur l’état ecclésiastique  pour empêcher les prêtres de vivre en hommes mariés.  Alors que tous étaient dans le faux,  se lève un homme bon, du nom de Paphnutius, qui les réfuta tous, en leur disant : « Non, pas ainsi.  Cela, n’est pas chrétien ».  Alors, le concile a du se désister de sa conclusion. »   Je répons d’abord que ce récit est incertain, puisque des écrivains plus anciens ne le rapportent pas, comme Eusèbe, Athanase, Épiphane,  Ruffin.   Je réponds ensuite que, si ce récit est vrai, il montre aussi que c’est avant la décision du concile que Paphnutius a fait valoir ses réticences.   C’est ce que les auteurs eux-mêmes déclarent.   Cet exemple est donc présenté mal à propos.  Je dis, en troisième lieu, que Paphnutius n’a pas cité l’Écriture, mais que c’est avec son seul jugement personnel qu’il a contesté l’avis du grand nombre;  et que, d’après le jugement de nos adversaires, il n’y avait aucune obligation de se ranger à son avis.  J’ajoute, en quatrième lieu, que Paphnutius a seulement désiré que ne soit pas interdit l’usage des femmes à ceux qui en avaient déjà;  mais qu’il a quand même exhorté le concile à inciter sévèrement les prêtres et les moines à ne pas se marier après l’ordination sacerdotale ou la profession monastique, comme l’attestent les même Socrate et Sozomène.  Et  il y a de quoi s’étonner  de ce que ces paroles de Paphnutius ne fassent pas rougir les luthériens, eux  qui,  contre son avis, convolent en justes noces  même après l’ordination sacerdotale  ou la profession monastique.
J’ajoute finalement, que le concile a statué le contraire de ce qu’ils rapportent de Paphnutius.  Car, il a statué ( au canon 3) que, dans les maisons des prêtres, ne soit présente aucune femme, en dehors de la mère, de la sœur ou d’une parente.  Voilà pourquoi  Épiphane (hérésie 59) dit que c’est contraire aux canons qu’un prêtre, un diacre ou un sous-diacre ait des enfants.  De plus, Luther, militant contre lui-même à sa façon accoutumée,  écrit, dans la première partie de son livre des conciles, que le concile de Nicée a prohibé aux prêtres l’usage de leurs épouses, et qu’il ne comprenait pas pourquoi l’Esprit Saint, dans ce concile, interdisait la castration et les relations matrimoniales.
Quelques catholiques font l’objection suivante.  Si tous les juges étaient des juges, le pape, en tant que président du concile, serait tenu à suivre l’opinion de la majorité des évêques, ce qui est certainement faux, puisque le pape Damase a invalidé les actes du concile d’Arminensis, auxquels avaient consenti la majorité des évêques, comme nous le montre la lettre du pape Damase aux évêques d’Illyricus.   Le pape Léon, également,  a annulé un certain décret du concile de Chalcédoine, comme il l’atteste lui-même dans les lettres 53, 54, 55.   Je réponds d’abord qu’il n’est jamais arrivé qu’un pape ait pris partie pour la minorité d’un concile, quand les évêques votaient sans fraude et sans crainte.  Car, dans le concile d’Arminensis, les pères ont été trompés par l’obscurité du mot grec employé (adorer pour vénérer); et, au concile de Chalcédoine, il y a eu de la fraude, comme les actes de ce même concile le montrent (actes 16). Les vicaires du pontife romain, en effet,  se sont plaints de ce qu’un certain décret ait été adopté  en leur absence.  Je dis, en second lieu, que le président d’un concile, en tant que président, doit, en formulant un verdict, suivre la majorité des votants.  Cependant, le pontife, non en tant que président, mais en tant que prince suprême de l’Église, peut rétracter ce jugement.  Et, en conséquence, s’il agit en tant que président du concile, il peut, non en tant que président, mais en tant que prince suprême, ne pas suivre la majorité.  De la même façon  que, dans les jugements civils, un préfet établi par un roi doit suivre la majorité des juges, tandis que le roi, en tant qu’autorité suprême, peut annuler tout jugement.  Et cela se produit surtout dans le cas du pape, à qui il appartient de confirmer et de diriger ses frères, et qui a, pour cela, l’assistance du Saint-Esprit pour ne pas errer, selon Luc 22 : « J’ai prié pour toi … »  Voir Jean de Turrecremata (livre 3, chapitre 63, eet 64, et le livre 5 des canons, chapitre 5, question 2.
 2018 01 16 19h28 fin
 

2018 01 20 a22h32 début
CHAPITRE 19 : À qui revient-il de présider les conciles généraux ?
  Quelqu’un doit-il présider ?  Et qui ?  Les hérétiques de notre temps enseignent que le président ordinaire des conciles doit être l’empereur, ou quelqu’un envoyé par lui; et que, si l’empereur n’envoie personne, ce sera au concile à le choisir.  Ils vont même jusqu’à affirmer que dans les conciles antiques, ce n’est jamais un pape qui a présidé, mais un empereur, ou son légat, ou un patriarche plus ancien, ou l’évêque du lieu, comme l’enseignent les magdebourgeois (centurie 4, chapitre 7, colonne 536), et  Calvin (livre 4, chapitre 7, versets 1 et 2 des institutions).   Charles Molina (dans son livre sur «  il ne faut pas recevoir le concile de trente »,  verset 4),  ment froidement  quand il dit que les légats pontificaux ont toujours, dans les conciles, siégé après les autres évêques, alors que dans aucun concile on ne les voit assis à la dernière place. De même  Harmann Hamelmannus (livre 1, chapitre 8  des prolégomènes) et Brentius sans ses prolégoménes contre Petrus a Soto.
 Tous les catholiques, par contre, enseignent que c’est le rôle propre du pape de présider à un concile, par lui-même personnellement, ou par un délégué, pour pouvoir tout mener  à bien, en tant que juge suprême.   Nous disons par lui-même ou par un légat, car le souverain pontife n’a jamais été présent à un concile oriental.  Et cela ne s’est pas fait par hasard, mais pour une raison bien précise, comme on peut le voir par la lettre de saint Léon (17) à Théodose, et 47 au concile de Chalcédoine,  dans laquelle il explique qu’il n’ira pas au synode, parce que la coutume ne le souffre pas,  et parce que ses prédécesseurs n’ont laissé aucun exemple de cette sorte.   Ajoutons que le pape Vigile était à Constantinople quand eut lieu, dans cette cité, le cinquième concile général.  Il ne voulut pourtant pas y prendre part personnellement, mais il confirma par écrit les actes du concile, comme l’écrit Photius dans son livre sur les sept conciles.   Les empereurs eux-mêmes, quand ils ordonnaient un concile, convoquaient les autres évêques par un édit,  mais ne faisait qu’inviter le pontife romain, pour qu’il daigne y venir,  selon son bon plaisir, comme on le voit dans la lettre de l’empereur Martien  au pape Léon, laquelle  fut écrite avant le concile de Chalcédoine.  Quelle fut la raison de cette conduite  des papes, la chose demeure incertaine, e t les raisons que donnent Turrecremata (livre 3, chapitre 11) ne me semblent pas pertinentes.
 J’imagine, pour ma part, qu’ont joué deux causes principales. Une première.  Parce qu’il ne semblait pas convenir que la tête suive les membres, puisque ce sont  les membres qui doivent suivre la tête.  Voilà pourquoi le pape a été présent aux conciles romains, et à d’autres qu’il avait convoqués à l’endroit où il demeurait lui-même;  et n’a voulu ni du aller à d’autres conciles convoqués ailleurs.   L’autre raison.  Parce que, dans les conciles orientaux, l’empereur fut toujours présent, ou un de ses légats.  Bien que ni l’empereur ni son légat ne présidassent comme juges  au sens strict du terme,  ils présidaient quand même en raison du lieu qu’ils occupaient.  Et même si le souverain pontife avait été là, ils auraient quand même voulu que l’empereur préside de cette façon, comme on l’a bien vu au concile de Florence.  Les Grecs voulaient à tout prix que leur empereur occupe la place d’honneur, et qu’il précède le souverain pontife.  Et bien qu’on ait pu tolérer que des rois ou des princes s’assoient dans un concile devant les évêques, cela ne convient en aucune façon pour le souverain pontife.  On ne pouvait tout simplement pas tolérer cela, et il fallait éviter les contestations qui pouvaient facilement en résulter.  Voilà, semble-t-il,  pourquoi le pape n’allait pas à ces conciles, mais envoyait des légats.
 Que ce soit au souverain pontife qu’appartienne, de droit,  la présidence d’un concile général,  on le prouve, d’abord, par une raison tirée de l’Écriture.   Le souverain pontife est le pasteur et le père de l’Église universelle,  de façon telle que même tous les évêques et les princes sont dits ses brebis et ses fils, comme nous l’enseigne saint Jean : « Pais mes brebis ».  Et on le confirme par le fait que les conciles l’appellent père, et qu’il appelle parfois fils les évêques réunis dans un concile, comme le rapporte Theodoret (livre 5, chapitre 10 de son histoire).  Il raconte que, répondant aux évêques du second concile général, Damase commença ainsi : « Vous avez montré la vénération due au siège apostolique, ce qui est honorable à vous, vénérables fils. »   De même, par la lettre du concile d’Antioche à Jules, qui commence ainsi : « Au seigneur très bienheureux et honorable, père Jules. »  Et Stéphane, l’archevêque de Carthage, ainsi que les trois conciles ont écrit : « Au seigneur très bienheureux, et saint père de pères, Damase ! »  Et le concile de Chalcédoine dans sa lettre à Léon : « Nous te demandons d’honorer notre jugement par tes décrets, pour que ta fermeté assure ce qui convient à des fils. »  Or, qui pourrait jamais imaginer que ce soient les pères qui doivent obéir aux fils, les pasteurs aux brebis, plutôt que les fils aux pères, et les brebis aux pasteurs ?
 On le prouve ensuite par le concile des apôtres de Jérusalem.  Dans sa lettre à saint Augustin, saint Jérôme affirme que saint Pierre (actes, 15) présida le concile.  Il déduit ce fait de ce que saint Pierre est le premier à se lever, le premier à prendre la parole, le premier à définir la question, et de  ce que tous ont accepté sa décision.  On le prouve, en troisième lieu, à partir des actes des huit conciles généraux.  Car, que dans les autres, c’est le pontife romain qui a présidé, même les adversaires l’admettent.  Au sujet du président du premier concile, celui de Nicée, il y a quatre opinions.  Les uns veulent que ça ait été l’empereur, comme Brentius;  d’autres, Eustathius d’Antioche, comme les magdebourgeois (au lieu cité, ainsi que Luther (livre sur les conciles, partie seconde); d’autres Athanase, comme le dit Calvin (lieu cité); d’autres l’évêque Hosius et les presbytes légats du pontife romain, Vitus et Vincent.   La première opinion est d’une grande fausseté.   Car, d’abord, Constantin souscrivit  après tous les évêques, comme l’atteste l’empereur Basile (à la fin du synode 8). Or, c’est le président qui souscrit en premier.  De plus, Constantin n’osa pas s’asseoir, même pas sur un siège  moins honorable que ceux  des évêques, malgré l’insistance des évêques.  C’est ce que rapportent Théodoret (livre 1, chapitre 7 de son histoire) et Eusèbe (livre 3 de la vie de Constantin).  Enfin, l’empereur protesta, dans ce concile, que c’était à lui à être jugé par les évêques, non à lui de les juger;  qu’il était leur sujet, non leur supérieur, comme l’écrit Ruffin (livre 10, chapitre 2).   Comment  n’aurait-il pas perdu la face,  s’il avait voulu présider dans un concile d’évêques ?
 Saint Ambroise  le confirme  par sa lettre 32.  Il dit que Constantin, dans le concile de Nicée, ne s’est pas fait juge, mais a laissé les évêques librement juger.  Saint Athanase, dans sa seconde apologie, dit la même chose.  Il affirme qu’ « il ne peut pas y avoir de  concile présidé par un comte, et non par un évêque ».  Et dans son épitre aux ermites,   il reproche avec force à Constance de vouloir tenir le premier rôle dans les conciles : « Si c’est un jugement qui relève des évêques, qu’a de commun avec lui l’empereur ? »  Et dans ses lettres précédentes, il rapporte ce que Hosius a écrit au même Constance : « Dans ce genre de choses (les temporelles), donne des ordres.  Mais les autres choses (les spirituelles) apprends-les plutôt de nous.  À toi, Dieu a donné l’empire, à nous,  il a remis les choses ecclésiales. »  Et (pas très loin de la fin) : « Car qui,  voyant un empereur  se faire, en décrétant, le prince des évêques,  ou présider aux assemblées ecclésiastiques,  ne dira pas, avec raison,  que c’est cela l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel ? »   Il appelle clairement en cet endroit Constance antichrist,  parce qu’il a osé présider à un jugement ecclésiastique.  Svidas dit aussi, dans la vie de sain Léon, que quand Léonce le vit présider et parler dans un concile, il lui dit qu’il s’étonnait qu’il négligeait ce qui lui appartient en propre, la guerre et l’administration civile, pour montrer tant de curiosité dans les affaires ecclésiastiques qui lui étaient étrangères. »  Et il est certain que  Athanase,  Hosius, et  Léontius n’auraient  jamais reproché à Constance d’avoir voulu présider dans des conciles, si son père Constantin avait présidé à Nicée.
 Qu’Eusthatius ne fut pas président du concile de Nicée, on le prouve d’abord parce qu’il n’a pas signé le premier, ni le deuxième, ni le troisième, mais après beaucoup d’autres.  Ensuite, parce qu’était présent l’évêque d’Alexandrie, Alexandre,  qui était plus grand et plus digne que celui d’Antioche.  Il n’y avait donc rien qui lui permette de présider.   Mais les magdebourgeois objectent que, d’après Eusèbe (livre 3 de la vie de Constantin),  nous lisons que celui qui était immédiatement à la droite de l’empereur, avait à faire un discours pour louanger l’empereur.  Or, il appert qu’Eusthate est  celui qui fit le discours, selon Theodoret (livre 1, chapitre 7 de l’histoire).   Je réponds  qu’Eusthate fut le premier à droite de l’empereur, parmi les évêques, mais pas le premier  tout près de l’empereur.   Saint Athanase, dans sa lettre aux solitaires,  nous rapporte qu’Hosius fut le prince de ce concile,  et qu’il s’est donc assis avant Eusthate.  En effet, les sièges étaient disposés de trois façons. Un était à droite, un à gauche,  et le troisième en avant de tous.  C’est dans ce troisième que siégeait, au milieu, l’empereur, entres les évêques Hosius, le légat du Pape, et Alexandre, évêque d’Alexandrie, ainsi que les légats apostoliques, Vite et Vincent.   Ensuite, Eusthate, évêque d’Antioche,   siégeait à droite, comme étant  le premier de son ordre.  Pour l’autre ordre qui était à gauche, siégeait, en premier, Macaire évêque de Jérusalem.  C’est de cette façon qu’on respectait l’ordre de dignité entre les patriarches.  Il est très probable que c’est cette disposition qui a été adoptée dans le concile.   Mais, on peut aussi répondre qu’on a donné à Eusthate le siège le plus honorable à cause de l’ancienneté de son siège et de sa sainteté personnelle.  Mais il  n’a pas, pour autant, présidé au concile.  Car, autrement, c’est l’empereur qui aurait présidé aux conciles 6 et 7, puisqu’il occupait le siège le plus élevé.  Ce n’est donc pas tant le siège que la signature qui est à même de nous renseigner sur la présidence d’un concile.   Car,  il arrive souvent que, pour reconnaitre les mérites de quelqu’un,  on fasse siéger en premier celui qui ne détient  pas le premier rang.
 Qu’Athanase n’ait pas été président, est-ce vraiment nécessaire de le prouver ?  Calvin est le seul à le prétendre, et sans donner aucune raison.   Tous savent qu’Athanase n’était alors qu’un diacre qui accompagnait son évêque;  qu’il ne s’est pas assis parmi les évêques, et qu’il n’a pas signé.  Voir Ruffin (livre 10, chapitre 14 de son histoire), Sulpice  (livre de son histoire sacrée), Grégoire de Naziance (dans son discours sur Athanase), et saint Athanase lui-même dans sa seconde apologie.  De plus, on n’a jamais entendu dire  qu’un diacre ait siégé avec des évêques,  qu’il ait présidé un concile d’évêques, à moins qu’il ne remplace son évêque. Or, saint Athanase ne remplaçait certainement pas son évêque, puisqu’il était présent, et qu’il l’accompagnait.   Dans les signatures, on trouve celle d’Alexandre, évêque d’Alexandrie près de celle des presbytes de Rome.  Mais la signature d’Athanase diacre n’apparait nulle part.
 Que les légats du pape aient présidé,  l’évêque d’Espagne Hosius et les prêtres Vite et Vincent, on le prouve d’abord par les signatures.   Car ce sont ces trois qui ont signé les premiers.  On le prouve ensuite  par Cedrenus (une compilation d’historiens) et Photius (livre des sept synodes) qui disent que «  Sylvestre a exercé son autorité sur ce concile par ses légats ».  En troisième lieu, par l’épitre d’Athanase aux ermites, où il écrit qu’Hosius a été le prince dans ce concile, et que c’est lui qui a composé le symbole dit de Nicée.   Comme Hosius était un simple évêque, et donc inférieur aux patriarches, qui étaient présents au concile, il n’aurait certainement pas occupé la première place n’il n’avait pas agi comme représentant du pape.  C’est pourquoi, dans la préface du concile de Sardaigne, (que l’on trouve dans le tome 1 des conciles, ce qui a peut-être été écrit par Denys le petit , un grand érudit) on lit qu’Hosius de Cordoue a agi, dans le concile de Nicée, en tant que légat du pape.   On peut voir la même chose dans le codex grec  qui est conservé dans la bibliothèque vaticane. Voir dans le deuxième livre du concile de Nicée, édité par Alphose Pisano, jésuite, en 1581.
 Le deuxième concile général fut celui de Constantinople 1, dans lequel il appert qu’aucun empereur romain n’a présidé,  et que seules ont été envoyées par le souverain pontife des lettres aux évêques pour les convoquer au concile, comme nous l’explique la lettre du concile au pape Damase, d’après Theodoret (livre 5, chapitre 9).  Il est établi aussi que ce n’est pas le pontife romain qui a  présidé,  mais Nectare, évêque de Constantinople, parce que le pontife romain ne s’y rendit présent ni par lui-même ni par ses légats.  Car,  le pape Damase  avait convoqué les évêques d’Orient à Constantinople, mais il voulait, que, de ce lieu,  ils viennent à Rome, ou il tiendrait lui-même un concile d’évêques orientaux, pour qu’il devienne à Rome un concile universel.    Mais les évêques orientaux déclinèrent l’invitation, invoquant des raisons jugées valables,  et ils s’unirent avec les Occidentaux par la pensée et les décrets, mais non par la présence corporelle.   Voir les épitres de Damase au concile de Constantinople,  et du concile à Damase, dans Theodoret (livre 5, chapitre 9, verset 10 ).   Que Damase aurait présidé s’il avait été présent, le révèlent les deux lettres citées, où les évêques orientaux appellent Damase leur père, et lui mes fils.
 Le troisième concile fut celui d’Éphèse.  Il est certain que l’empereur ne l’a pas présidé,  mais le pontife romain par ses légats.   Que ce ne soit ni l’empereur, ni un des siens, nous le révèle l’épitre de Théodose junior au synode d’Éphèse (premier tome 1 de ce concile, chapitre 32). Il écrit, là, qu’il a envoyé le comte Candidien au concile, non pour qu’il se mêle des choses ecclésiastique,  mais pour  assurer la défense du concile.  Voir l’épitre de Nicolas 1 à l’empereur Michel.   Que le pontife romain Célestin ait présidé par son légat saint Cyrille, tous les historiens l’attestent, Évagre (livre 1, chapitre 4),  Photius (dans le livre des 7 synodes),  Prospère (dans sa chronique),  Nicéphore (lire 14, chapitre 34), l’abbé Liberatus (dans son bréviaire, chapitre 15).  Ensuite, Justinien dans un édit,  et Nicolas dans son épitre à l’empereur Michel, et le pape Célestin  lui-même dans une épitre à Cyrille (que l’on trouve dans le synode, tome 1, chapitre 16, et dans les œuvres de Cyrille.
 Calvin répond que  c’est par un certain artifice, que Célestin a réclamé le titre de président du concile, puisque la chose n’a pas pu se  passer ainsi.  Après avoir envoyé ses propres légats, il a délégué Cyrille, qui de toute façon,  allait présider, comme son représentant, afin qu’il semble présider par lui.  Il est facile de réfuter cette insinuation de Calvin qu’il avance sans preuve.  D’abord,  par Prospère qui dit  que «  Nestor a résisté surtout à la science de Cyrille et à l’autorité de Célestin ».  Ensuite, par la lettre de Célestin, dans laquelle Célestin mandate Cyrille comme son représentant, e t cela, bien avant qu’il ait envoyé des légats. Enfin, par Nicéphore (lieu cité), qui raconte que les évêques orientaux prirent tellement au sérieux   ce privilège que Cyrille reçut de Célestin, qu’ils lui donnèrent  la tiare et le nom de pape, et l’appelèrent  juge de tout l’univers. Il ajoute aussi qu’il transmit ces ornements à ses successeurs.  On le prouve aussi par le même synode, comme le rapporte  Évagre (livre 1, chapitre 4) et  la sentence elle-même (que l’on trouve  au tome 2, chapitre 10 de ce synode). Quand il voulut prononcer une condamnation contre Nestor, il se prémunit des autres canons ecclésiastiques, surtout des lettres du pape Célestin, quand il fut placé dans l’obligation de rendre cette sentence.   Demeure aussi la lettre du synode à Célestin dans laquelle il remet au jugement du pape la cause de Jean, évêque d’Antioche,  pour qu’il porte lui-même une sentence sur lui.  Ces citations sont toutes de solides preuves qui démontrent  que c’est Célestin qui présida ce concile.
 Le quatrième concile est celui de Chalcédoine, dans lequel fut présent, au début, l’empereur Martien, qui s’assit dans le premier siège.   Mais il ne présida pas, en tant que juge, comme lui-même l’atteste dans son discours au synode (qui nous est parvenu)  dans lequel il dit (acte 4) qu’il est venu pour confirmer la foi, comme avait fait autrefois Constantin le grand, c’est-à-dire qu’il n’était pas venu pour expliquer la foi, ou juger des controverses, mais pour confesser fermement et fortement la foi expliquée par le concile, et la défendre par les ressources et l’autorité de l’empereur.  Furent donc présents, dans certains actes, au nom de l’empereur,  des juges séculiers,  qui n’étaient pas des juges des controverses de la foi, mais qui veillèrent à ce qu’il n’y ait ni fraude, ni violence,  ni escarmouches.  Il faut se rappeler que, lors du concile d’Éphèse 2, l’évêque Dioscore fit entrer des soldats  qui contraignirent les évêques à signer.  Mais dans ce concile, c’est pour empêcher la violence  que furent présents l’empereur et son vicaire.  C’est ce qui apparait clairement dans le concile lui-même, car ils ne portèrent aucune sentence, ils ne signèrent pas,  et approuvèrent toutes les décisions des évêques.  Furent placés en premier, comme juges ecclésiastiques,  les légats du pape Léon.  Ce sont eux qui, dans tous les actes, sont nommés les premiers, qui s’assoient les premiers, qui parlent les premiers,  qui signent les premiers.  Ce sont eux qui, au nom du pape et du concile,  ont proposé la sentence définitive contre Dioscore (acte 3) par les mots suivants : « Le très saint et bienheureux pape, Léon, chef de l’église universelle,  par nous, ses légats, le saint synode consentant,  muni de la dignité de l’apôtre Pierre, qui est appelé fondement de l’Église, pierre de la foi, et portier du royaume céleste,  prive Dioscore de la dignité épiscopale, et le rend inapte à tout travail sacerdotal. »  C’est ce qu’atteste saint Léon et tout le concile.  Léon dans une lettre au concile de Chalcédoine (acte 1) : « Dans ces frères Paschasinus et Lucentius, les prêtres Boniface et Basile,  qui sont mandatés par le siège apostolique, votre fraternité a estimé que c’était moi qui présidais le synode. »    Le concile de Chalcédoine, dans une épitre à Léon (acte 1, dont on trouve parfois certains exemplaires à  la fin du concile) écrit : « Toi, comme par tes membres, tu présides en ceux qui en avaient reçu de toi le mandat.  Les empereurs, eux,  avaient une présidence purement honorifique. »
 Calvin répond qu’il est vrai que, dans ce concile, les légats du pontife romain ont présidé,  mais par un privilège de l’empereur que le pape Léon avait extorqué : «  Car, comme cela s’est passé au deuxième concile d’Éphèse,  Léon n’a pas osé demander le premier siège dans le concile, mais il a envoyé des légats,  et supporta qu’ils viennent après l’évêque d’Alexandrie, Dioscore qui présidait.  Parce que la chose finit mal, et que Dioscore n’a pas correctement  gouverné le navire, Léon sauta sur l’occasion,  demanda à l’empereur qu’il permette qu’un autre concile soit tenu,  lequel  serait présidé par ses légats.  Voyant qu’il n’y avait pas, en Orient, d’autres évêques capables d’une telle responsabilité, l’empereur  remit, par défaut de personnes,   la présidence aux légats romains. »   Cette histoire à dormir debout, que Calvin raconte sans aucune preuve, est pleine de mensonges.   Le premier.  Que Léon n’ait pas osé demander le premier siège dans le concile d’Éphèse, c’est un mensonge.  Car, voici ce qu’écrit Liberatus dans son bréviaire (chapitre 12) : « Les légats du pontife romain n’ont pas voulu s’asseoir dans le concile, quand ils virent que c’était Dioscore qui présidait, et que la première place n’était pas donnée au saint siège de Rome ».  De plus, c’est Dioscore qui, contre tout droit, a extorqué de l’empereur cette présidence, comme l’écrivent Zonaras (dans la vie de Théodose)  et Évagre (livre 1, chapitre 10.)   Nous avons aussi les épitres  de Léon 14, 25, et 26 à Theodose et Pulcharie, dans lesquelles il répète souvent que Dioscore, dans ce concile, a revendiqué pour lui  la présidence.  Il atteste aussi  que l’évêque de Constantinople, Flavien,  a appelé du concile au siège apostolique;  qu’il avait remis aux légats romains un libelle.   Comment donc Léon n’aurait-il pas osé demander la présidence dans un concile, duquel on faisait appel à lui comme à un plus grand ?  Ensuite, que Léon aurait demandé à l’empereur que ses légats président au concile de Chalcédoine,  et que l’empereur ait concédé cela par manque de personnes idoines en Orient,  ce sont des mensonges impudents.   Car, aucun historien ne raconte rien de tel.  Ce que nous lisons, plutôt, c’est que Léon a envoyé ses légats tout simplement pour qu’ils président, sans avoir cherché de consentement préalable,  et sans avoir demande de permission à personne.
 Le cinquième concile fut celui de Constantinople 11.  Dans ce concile, ne présida pas Mena, comme Calvin l’enseigne faussement.  Le concile que Mena a présidé fut un concile particulier, non général, comme nous l’avons démontré plus haut.   Mais c’est  le successeur de Mena, Eutychius, qui le présida,  lui qui reconnut  et qui professa  que la présidence était due au pontife romain, s’il daignait se rendre en personne au concile.  Voilà pourquoi Zonaras, dans la vie de Justinien, s’exprime ainsi : « le cinquième concile réunit cent soixante cinq évêques, dont le prince fut Vigile, le pape de Rome. »  Et le patriarche Eutychius lui-même, dans sa lettre à Vigile (que l’on trouve à la fin du premier tome du concile 5) dit : « Nous demandons à votre béatitude qui préside à ce concile, de nous enquérir et de discuter des trois chapitres. »  Ces paroles du patriarche Eutychius non seulement réfutent le mensonge de Calvin, (qui écrivit que Mena a présidé dans ce concile), mais même cet autre d’Illyricus (qu’il a affirmé dans la centurie 6, chapitre 9, colonne 509), où il écrit que le pape n’a pas voulu participer personnellement au synode, pour ne pas avoir à s’asseoir à la deuxième place, après Eutychius.  Or, comment pouvait-il redouter pareille chose puisque Eutichius lui-même lui offrait la présidence ?
 Le sixième concile fut celui de Constantinople 111, dans lequel présidèrent les légats du pontife romain Agathon, les prêtres Pierre et Georges, et le diacre Jean.  C’est ce qu’affirme Zonaras dans la vie de Constantin 1V, et c’est ce que raconte le synode lui-même, où, dans chacun des actes, les noms de tous ces légats sont nommés, et dans lesquels ils parlent et signent.   L’empereur Constantin fut présent dans ce synode, comme quelques seigneurs du premier rang.  Il présida, c’est-à-dire s’assit sur le premier siège, mais ne fut en aucune façon un juge ou un président, car il ne prononça aucune sentence,  et signa le dernier de tous, non comme définissant, mais comme consentant.    Le septième concile est celui de Nicée dans lequel, sans controverse possible,  les présidents furent les légats du pape Hadrien 1, l’archiprêtre Pierre, l’abbé de sainte Saba, Pierre.  Ce sont ceux-là qui sont nommés les premiers, et qui ont signé les premiers.  On ne lit pas que l’empereur ait fait quoi que ce soit.
 Le huitième concile est celui de Constantinople 1V, dans lequel, sans controverse aucune, les légats d’Hadrien 11 présidèrent, les évêques Donat et Stéphane, et le diacre Marie,  qui sont les premiers à être nommés et à signer.  Dans le premier acte, le concile leur demanda d’exhiber les lettres du pape qui leur donnaient la présidence,  et les légats obtempérèrent. Ensuite, à la fin du concile,  le premier signa ainsi : « Moi, Donat,  par la grâce de Dieu,  évêque d’Hostiensis,  tenant la place de monseigneur Hadrien, pape universel, présidant à ce synode saint et universel, j’ai promulgué, par ma main propre,  tout ce qu’on lit plus haut, et j’y ai souscrit. »  L’empereur Basile fut présent, il est vrai,  mais à la fin du concile, il a attesté, par un long discours,  que ce n’était pas à lui ni à aucun homme laïc, de s’immiscer dans les jugements ecclésiastiques.  Il signa, cependant,  après tous les patriarches, non comme définissant, mais comme consentant.  Le préfet devait, signer lui aussi avant lui,  après tous les évêques, comme l’avaient fait autrefois Constantin,  Thedose et Martien.   Mais ils ont signé tout de suite après les patriarches, parce que les évêques avaient daigné leur laisser cet honneur.
 Si à ces conciles, nous ajoutons les autres conciles généraux,  dans lesquels, sans aucun doute possible, les pontifes romains présidèrent, nous serons en mesure de conclure  que la coutume constante de l’Église nous enseigne que c’est proprement au pontife romain qu’il appartient de présider à un concile général.  Et pour le reste, pour le protocole,  les vêtements des évêques dans un concile,   les procédures,  voir Jean de Turrecremata (livre 3, chapitres 16 et 27), et le début des conciles de Constance et de Bâle.
                                                                          CHAPITRE 20
                                                 On réfute les arguments des adversaires
Calvin tire ses arguments de la pratique de l’Église.  Il nomme cinq conciles qui n’ont pas été présidés par le pape, celui de Nicée, présidé par Athanase,  le cinquième présidé par Mena, Éphèse par Dioscorus, le  carthaginois  6, présidé par Aurelius, même s’il y avait des légats romains; celui d’Aquilée,  où Ambroise présida, et non Damase.   Mais nous avons déjà répondu aux trois premiers.   Au sujet du quatrième concile, je dis  que c’est seulement dans les conciles généraux qu’il est nécessaire que  le pape préside, et non dans les conciles nationaux ou provinciaux, comme le furent les conciles de Carthage.  Car, nous ne nions pas que, pour ces conciles, la présidence revienne  à l’archevêque ou au primat du lieu.  J’ajoute que les légats romains n’y furent pas envoyés pour qu’ils président,  mais pour qu’ils traitent de certaines affaires au nom de l’église romaine.  Au cinquième, je réponds que l’argument est composé de deux mensonges de Calvin, qui constituent  la proposition majeure et la mineure. On n’en peut conclure que des mensonges.    Le premier mensonge est que le concile d’Aquilée ait été un concile général.  Car, s’il avait été un concile général, il aurait été le deuxième, et, en conséquence, celui de Constantinople, qui vint après lui,  aurait été le troisième, et non le deuxième.  Ensuite, un très petit nombre d’évêques y participèrent, trente en tout, nombre tout à fait insuffisant pour un concile général.  De plus, dans la lettre de ce concile à l’empereur,  les pères expliquent qu’il n’avait pas été nécessaire de convoquer un concile général, mais que, pour le but qu’ils se proposaient, il  avait été abondamment suffisant de réunir quelques évêques,   surtout parce qu’ils venaient de toutes les provinces de l’Occident.  Ce fut donc un concile provincial,  mais qui reçut l’aide de légats d’autres provinces.
 Le second mensonge est que c’est saint  Ambroise qui a présidé.  Or, celui qui est nommé en premier c’est Valérien, évêque d’Aquilée,  et le second, Ambroise de Milan.  Ce qui prouve, sans conteste,  que c’est à Valérien qu’a été donnée la première place.  Cette conclusion n’est pas contredite par le fait que, dans ce concile,  c’est saint Ambroise qui a discuté tout seul avec les hérétiques, car on avait coutume de confier la charge de disputer, non de présider, au plus docte.   Brentius tire ses arguments de l’ancien testament,  dans lequel il appert que les principaux juges, même dans les choses spirituelles,  ont été des princes ou des rois, comme on le voit chez Moïse, Josué, David, Salomon,  Ézéchias et Josias.   Il arrive que Dieu confie à des princes la charge de gardien de la loi divine,  comme il est dit dans les Romains : « Si tu as mal agi, crains, car ce n’est pas pour rien qu’il porte un glaive. »   Il revient donc aux rois de déterminer  comment ont doit  conserver la loi de Dieu, comment on doit punir les transgresseurs.   Mais cet argument a déjà été réfuté par nous (dans le livre 3 du verbe de Dieu, et le livre 1 du pontife romain).   Mais comme les adversaires ne se fatiguent pas à ressasser les mêmes arguments,  nous ne nous fatiguerons pas, nous non plus, à répéter les mêmes réponses.
 Je réponds d’abord,  que Moïse ne fut pas seulement un chef politique, mais aussi un prêtre, comme le psaume 98 nous le montre : « Moïse et Aaron parmi ses prêtres. »  Les autres, Josué,  David, Salomon et quelques autres, ne furent pas seulement des rois, mais des prophètes, à qui Dieu confiait, hors de l’ordinaire, ce qui appartenait aux prêtres par leur fonction.  C’est de cette façon que Salomon rejeta Abiathar du sacerdoce, et mit Sadoc à sa place ( 3, rois 4).    Car, cela, il le fit non en tant que roi, mais en tant que prophète, par inspiration divine.  On y ajoute, d’ailleurs la cause : « Pour que soit accomplie la parole du Seigneur, qu’Il avait prononcée sur la maison d’Hélie, à Silo. »   Mais ce n’est pas à cause de ces cas exceptionnels qu’il faut effacer la loi générale du Deutéronome (chapitre 17) qui ordonne à tous, en cas de doute sur la loi, de recourir aux prêtres,  ni cette sentence  de Malachie 2 : « Les lèvres du prêtre garderont la science, pour que ce soit de sa bouche que  les Juifs s’enquièrent de la loi. »
 Je dis ensuite que les autres rois de la synagogue qui furent bons, ne se mêlèrent jamais des affaires ecclésiales.  Et quand ils s’y immiscèrent, ils furent punis, comme il appert du très bon roi Josaphat,  qui (2 paralipmon 19) distingue clairement les fonctions, en disant : « Le prêtre et pontife  Amarias présidera dans tout ce qui se rapporte à Dieu.  Zabadias, lui,  qui est chef dans la maison de Juda, supervisera les choses qui sont du domaine du roi. »   Mais, quand  le roi Ozias  (rois 1, paralipom 16) voulut usurper  la tâche épiscopale, il fut rapidement frappé par Dieu,  devint lépreux, et demeura ainsi jusqu’à sa mort.   J’ajoute, pour confirmer, que les rois sont les gardiens de la loi divine,  mais non les interprètes, et que c’est à eux qu’il revient, par leurs lois et par leurs décrets,  d’ordonner de conserver la foi  que les prêtres enseignent qu’il faut tenir, et d’infliger  des peines temporelles à  tous ceux que l’Église juge hérétiques.  Comme l’enseignent saint Augustin dans ses épitres (48, 50 et 166,)  et les pieux empereurs Constantin, Théodose, Martien. Et c’est ce qu’ils firent souvent, comme on le voit dans « tous les peuples, » dans « la sainte trinité et la foi catholique », dans tout le titre des hérétiques, dans le même code.
 Herman tire ses arguments  de différents exemples des anciens.  Le premier, de la dispute d’Athanase avec Arius, présidée par un juge, homme laïc, et non encore chrétien, que l’empereur Constantin avait envoyé.  Cette dispute existe encore aujourd’hui à l’état imparfait dans les œuvres d’Athanase, mais à l’état parfait dans les œuvres de Vigile, évêque de Trente,  qui vécut autour de 500.   Je réponds qu’une telle discussion n’a jamais eu lieu réellement, mais que Vigile l’a inventée de toutes pièces  sous forme de dialogue, contre les ariens,  comme lui-même le reconnait au livre 5 contre Eutychès, non loin du début, et comme la chose elle-même le proclame.  Car la dispute a eu lieu entre quatre hommes, Sabellius, Arius, Photin et Athanase, alors évêque, comme on le voit par le commencement de l’épitre de l’empereur,  qu’au début de la dispute il imagine avoir été envoyée à Probus.  Or, Sabellius est mort avant  que ne soit connu aucun des trois autres,  comme nous l’explique Eusèbe (livre 7, chapitre 5 de son histoire).  Puisque c’est au temps de Constantin que mourut  Arius, avant que Constance ne commence à régner, (Socrate, livre 1, chapitre 12),  il ne put donc pas se rencontrer avec Athanase avant le temps de Constance, comme eux l’imaginent.  Quelques-uns disent qu’il y a eu deux Arius, et que c’est avec le dernier que s’est tenue  la dispute avec Athanase.  Mais Vigile lui-même suffit pour réfuter cette hypothèse, puisqu’il précise que la discussion en question  s’est tenue avec celui qui a le premier exprimé l’hérésie arienne.
 Mais tu diras que, même si le dialogue est fictif, il n’a pas paru absurde à Vigile qu’un juge laïc préside à un débat portant sur la religion.   Je réponds que Vigile a composé ainsi le dialogue pour montrer que  la vérité catholique était d’une force telle qu’un juge non chrétien pouvait lui décerner la palme de la victoire.   Le second exemple est tiré de Zonara dans la vie de Constantin.  Nous y lisons, que, à la demande d’Hélène, qui essayait de faire passer son fils Constantin de la foi chrétienne au judaïsme,  Sylvestre a disputé avec les Juifs devant certains sénateurs, qui agissaient comme juges, à la demande de Constantin.   Je réponds que ce récit semble incertain, car tous les anciens louent Hélène,  comme une femme très chrétienne.  Et cela non seulement les catholiques, mais même les magdebourgeois (centurie 4, colonne 694) rient de ce récit qu’ils estiment fabuleux.   Et la chronique d’Eusèbe nous montre que, en l’an 325, le bois de la croix avait été trouvé par Hélène.  Et ce dialogue Marianus Scotus le place en l’an 327, nous présentant une Hélène qui, à ce moment, persécutait le Christ.  Ce qui est incohérent.    Le troisième exemple est tiré d’Optatus de Milet et de saint Augustin qui disent plusieurs fois que, dans la cause de Cécilien, les donatistes ont demandé des juges à l’empereur; que l’empereur leur aurait donné l’évêque de Rome avec d’autres évêques; mais qu’ils ont alors fait appel, et qu’ils ont reçu d’autres juges dans la Gaule; et qu’ayant fait de nouveau appel, ils ont été jugés par l’empereur lui-même.    L’empereur est donc le juge suprême dans les causes d’évêques.
 Je réponds qu’il est normal que les hérétiques argumentent à partir d’exemples donnés par des hérétiques, leurs ancêtres.   Car qu’ils aient mal agi en recourant à l’empereur comme à un juge,  et qu’ils aient agi encore plus mal quand ils ont fait appel à lui,  Optat, Augustin et l’empereur lui-même l’attestent.   Saint Augustin  (épitre 48) dit « qu’il fallait grandement reprocher  aux donatistes d’avoir accusé Cécilien auprès de l’empereur Constantin, puisque c’était plutôt aux évêques d’outremer qu’ils devaient aller plaider leur cause ».  Et, au même endroit, il dit que « l’empereur aurait agi plus selon les règles s’il avait envoyé à l’évêque de Rome, Miltiade, les donatistes qui étaient venus vers lui ».   Optatus (dans le livre 1 contre Parmenius) rapporte que l’empereur s’est exclamé :  « O audace rageuse de la fureur ! Comme cela a lieu dans les causes des Gentils,  ils ont fait appel ! »   De même, Augustin (dans son épitre 162) : « À quel point l’empereur les a détestés pour avoir fait ce qu’ils ont fait, vous l’avez entendu vous-mêmes.  Et comme il leur a cédé en jugeant leur cause après les évêques, puisse-t-il par la suite demander pardon aux saints évêques, pour que les donatistes  cèdent à la vérité. »  Tu vois ici que c’est à contre cœur  qu’il a accepté qu’on fasse appel à lui, et qu’il a jugé après l’assemblée des évêques.  C’était pour  freiner la fureur des donatistes quand ils verraient que tous les abandonnent.   De plus, Constantin  a compris qu’il n’avait pas le droit de les juger, mais qu’il ne pouvait le faire que dans l’espoir où les évêques lui donneraient  la permission  qu’il leur demanderait  plus tard.   Que cela ait vraiment été l’intention de Constantin,  nous le montre Ruffin (livre 10, chapitre 2, histoire) disant « qu’il devait être jugé par les évêques, et non les juger. »
 Le quatrième exemple est tiré du breviculum collationum sur le principe, où saint Augustin parle ainsi : « Quand les évêques catholiques  et ceux du parti de Donat disputaient entre eux, sur l’ordre de l’empereur, devant le tribun et notaire Marcellin qui agissait en tant que juge. »  Et à la fin de son récit,  il affirme que Marcellin, en tant que juge, s’est prononcé en faveur des catholiques contre les donatistes.    Le cinquième exemple ils le tirent de Sozomène (livre 4, chapitre 5), et d’Épiphane (hérésie 71).  Ils écrivent tous deux que Photin a demandé et  obtenu des juges de l’empereur,  devant lesquels il plaiderait sa cause.   Je réponds à la quatrième, que, selon la doctrine du même saint Augustin,   ce colloque avec les donatistes a été quelque chose d’exceptionnel,  et que c’est pour répondre à un besoin tout à fait spécial qu’il a été entrepris.   Car, comme l’écrit saint Augustin contre Julien (livre 3, chapitre 1), quand les pélagiens voulurent, au nom de l’empereur,  forcer les catholiques à un débat public semblable à celui tenu entre catholiques et donatistes, saint Augustin répondit que cette rencontre avait été inhabituelle, et qu’elle avait semblé nécessaire parce que les donatistes avaient infecté toute l’Afrique,  qu’on ne pouvait pas autrement les réprimer,  ni les forcer à participer à un concile.  Seul était possible un débat chapeauté  par les pouvoirs publics.   Je dis ensuite que le jugement ne fut pas semblable à celui dont nous parlons.  Car, Marcellinus n’émit pas une sentence qui obligeât l’église universelle, mais qui  n’eut pour effet que de contraindre l’audace des donatistes.   Marcellin, en effet,  avait jugé que les donatistes avaient été réfutés par les catholiques à un point tel  qu’ils ne trouvaient plus rien à leur répondre.  La même chose s’est passée quand saint Augustin discuta avec l’arien Pascentius devant l’arbitre Laurent.  Il ne fit pas de sa décision une chose de foi,  car elle ne servit qu’à confirmer la confusion  de l’arien, qui se reconnut vaincu.  Et on peut dire la même chose de la dispute de l’hérétique Photin, et d’autres semblables.  Ces jugements n’ont jamais été considérés par l’Église  comme des définitions légitimes, comme le sont les décrets des conciles.
 Le sixième exemple il le tire de Socrate, (livre 5, chapitre 10),  de Sozomène (livre 7, chapitre 12).  Nous y lisons que l’empereur Théodose a ordonné que  tous les princes des diverses régions, c’est-à-dire catholiques, ariens  et eunomiens,  lui  présentent une formule écrite de leur foi;  et que, quand ce fut fait, il a prié Dieu  de diriger son âme vers la vraie foi qu’lui fallait choisir; et que, après avoir lu tous les symboles de foi, il n’a approuvé que la catholique, et a ordonné de l’observer elle seule.  Je réponds d’abord  que Théodose n’a pas entrepris de définir une nouvelle controverse,  et qu’il n’a agi en aucune façon comme juge dans les choses de la foi.  Cette chose, en effet, avait déjà été décidée dans le concile de Nicée, dont il était un fervent défenseur, à un point tel qu’il n’a pas voulu être baptisé par l’évêque de Thessalonique, avant de s’assurer qu’il était de la foi de Nicée,  comme le rapporte Socrate (lkvre 5, chapitre 6).  Il ne pouvait donc pas se demander si la foi arienne était supérieure à la foi catholique.  Je réponds ensuite qu’Ambroise (dans la lettre 32) a dit  «qu’ il n’appartenait pas aux empereurs de juger dans les choses de la foi ». Et cela, il le prouve par le témoignage de Constantin, de Valentinien sénior,  et de Théodose.   Saint Ambroise  a dit la même chose  du concile d’Aquitaine, « que l’empereur Théodose a laissé le libre jugement aux prêtres. »   Théodose n’a donc rien défini dans les choses de la foi.  Il a seulement lu les confessions  des sectaires,  pour répondre à leurs désirs, et leur donner satisfaction,  et pour ne pas paraitre les condamner sans les avoir entendus.
 Que Théodose ait demandé à Dieu dans la prière de le conduire vers la vraie foi, comme l’écrit Socrate, j’estime que c’est faux.  Car, puisqu’il a prié en secret, comme l’affirme Socrate,  qui peut savoir ce qu’il a demandé ?  Il est certain qu’il n’a pas prié ainsi, car, en priant de cette façon, il aurait péché d’un péché d’infidélité, en doutant de la foi qu’il avait reçue une fois pour toutes.  Mais, qu’ en faisant ce qu’il a fait, il n’a pas péché,  mais a agi louablement,  tous l’admettent.  Il pria donc non pour qu’on l’amène à la vraie foi,  mais, pour que, dans cette affaire, on le conduise pour qu’il n’agisse pas imprudemment, et n’en vienne pas  à demander pardon à Dieu, s’il avait semblé usurper un droit qui lui était étranger.  Et il a prié en même temps pour qu’il ne soit pas ébranlé en lisant les confessions de tant d’hérétiques.   Le septième exemple est tiré du livre de Théodoret (livre 2, chapitre 23), où nous lisons que lorsque les romains ne voulurent pas  que Flavien soit évêques d’Antioche, l’empereur Théodose en a jugé autrement,  et ordonna que Flavien soit évêque d’Antioche.  Je réponds que cette anecdote démontre admirablement  le primat du pontife romain.   Je dis donc que c’est avec raison que le pontife romain n’a pas voulu que Flavien soit évêque; et que ce que l’empereur a fait, il l’a fait par la puissance, non par le droit.  Je le prouve ainsi.  Quand il y eut un schisme dans l’église d’Antioche (comme le rapporte Socrate, livre 5, chapitre 5),  Meletius  et Paulin, siégèrent ensemble.  Tous furent d’accord pour qu’ils siègent ensemble, mais à la condition que, quand  l’un des deux mourrait,  l’autre demeurerait seul évêque,  personne ne succédant au défunt.  Ce que tous confirmèrent par un serment.   Mais, néanmoins, à la mort de Mélèce,  Flavien lui succéda, et devint donc évêque à sa place, du vivant même de Paulin, ce qui était contraire au serment, et donc illicite, comme tous le savaient.  Comment s’étonner que cette élection illicite ait déplu au pontife romain Damase ?
 Saint Ambroise parle de cela (dans sa lettre 78 à Théophile d’Alexandrie), dans les termes suivants : « Ta sainteté  écrit que Flavius  a eu recours aux suffrages des secrétaires impériaux.  Le labeur de tant de prêtres aura donc servi à rien, puisqu’on retourne aux jugements de ce siècle ! »  Et plus bas : « C’est à juste titre que nous estimons qu’il faille référer  les questions épineuses à notre saint frère prêtre de l’église romaine. »   De plus, saint Jean Chrysostome n’a pas été ordonné à Antioche par Flavien, mais par le prêtre Évagre, le successeur de Paulin (Socrate livre 6, chapitre 3), ce qu’il n’aurait jamais accepté s’il avait considéré Flavien comme un vrai évêque.  De même l’archevêque d’Alexandrie, Théophile, (Socrate livre 5, chapitre 15), demanda au pontife romain, par son légat, de remettre à Flavien le péché qu’il admettait.  Saint Jean Chrysostome raconte aussi quelque chose de semblable (Sozomène, livre 8, chapitre 3).  Il ressort clairement de tous ces textes que Flavien a péché, et que son juge et son supérieur a été le souverain pontife.  De même, saint Jérôme (dans sa lettre à Damase sur le mot hypostase), parlant de ce même schisme,  demande au pontife avec quel évêque il doit communiquer, et il assure qu’il sera en communion avec celui qui est uni au pontife romain.  De plus, de grands et saints pontifes, comme Damase, Syricius, Anastase, comme l’écrit Théodoret (livre 5, chapitre 23) blâmèrent ouvertement l’empereur à ce sujet, et dirent  qu’il lui suffisait d’opprimer diligemment   les tyrans qui s’insurgent contre lui, au lieu de concéder l’impunité à ceux qui agissent en tyrans contre la loi de Dieu.   Cette objurgation si atroce d’aussi saints pontifes ne l’auraient pas adressée à l’empereur s’ils n’avaient pas jugé qu’il avait gravement fauté.  Et que dire de ce que, ému par cette objurgation, l’empereur (comme le rapporte Theodoret), ne s’est pas fâché contre les pontifes romains,  mais ait ordonné deux fois à Flavien de naviguer jusqu’à Rome,  pour se purger devant le  pontife ?
 Enfin, (comme le même Theodoret le rapporte), même si l’empereur a voulu que Flavien soit à Antioche par la force plutôt que par la justice,  cette cause ne s’est jamais terminée,  et les évêques d’Orient et d’Égypte ne voulurent pas communier avec Flavius avant que, à la mort d’Évagre, le pontife romain ne pardonne la faute de Flavius, qu’il promit d’envoyer ses légats, et que Flavius n’envoyât à Rome, comme légats, des évêques, des prêtres et des diacres illustres.
 Nous avons donc ce qui est requis à un concile légitime.  Maintenant, sous forme d’appendice, nous ajouterons ce que les protestants requièrent  dans leur livre intitulé : « la raison pour laquelle  les électeurs, les princes, d’autres, et ceux qui sont adeptes de la confession augustinienne, ne se sont pas rendus au concile de Trente. »
CHAPITRE 21
                          On réfute les conditions que Luther requiert pour la tenue d’un concile

 Les luthériens, qui s’appellent protestants,  proposent huit conditions pour la célébration d’un concile, que Gaspar Villalpandeus  a commentées dans le détail.  Nous les réfuterons, nous, brièvement.  La première.  Avant qu’on puisse tenir un vrai concile, il faut annuler tous les actes du concile de Trente.  La deuxième.  Que le concile se tienne en Allemagne.  Car, selon le canon ecclésiastique de Cyprien (livre 1, épitre 3), les litiges sont jugés là où ils ont pris naissance.  La troisième.   Que ce ne soit pas le pontife romain qui convoque ou préside le concile, mais que ce soit l’autre partie des belligérants, puisque c’est elle qui est accusée, et que personne ne peut être en même temps juge et partie.  La quatrième.  Que les décrets ne procèdent que de la seule Écriture, non de la tradition ou des canons.  La cinquième.  Que les décisions ne se fassent pas sur la base du plus grand nombre de votes, mais qu’elle soit prononcée d’après la norme de la parole divine.  La sixième.   Que le pontife romain libère  tous les prélats  du serment de fidélité qui le lient à lui.   La septième.  Qu’on permette  aux théologiens des princes et des états de la confession augustinienne  le même nombre de voix décisionnelles qu’aux autres évêques.  La huitième.  Que l’empereur donne un sauf-conduit non seulement aux personnes,  mais aussi à la cause principale elle-même,  c’est-à-dire pour  que ne soient pas punis ceux qui n’accepteront pas les décisions du concile, et que la foi des luthériens ne puisse pas être condamnée par le concile, même si les théologiens luthériens ne sont pas capables de la défendre.  Si ces conditions sont respectées,  ils affirment désirer un concile de tout leur cœur,  qu’ils pourront appeler vraiment pieux et libre.
 La première condition est inique, car rien ne peut être annulé avant d’avoir été condamné par un jugement légitime.   Le concile de Trente est, certes, accusé par les hérétiques, mais il  n’a  été condamné par aucun jugement légitime.  Exemples.    Le concile d’Éphèse 2 a été condamné par le concile de Chalcédoine;  le concile de Constantinople iconoclaste a été condamné par le septième concile.  Pour que le concile de Trente soit condamné, il doit être examiné par un autre concile et jugé, et non être invalidé avant la décision d’un concile.   La seconde condition est, elle aussi, inique.  Car, comme les luthériens semblent dans leur droit de demander que le concile  ne se tienne pas en Italie, où les catholiques sont en majorité,  mais en Allemagne où les protestants sont plus nombreux,   c’est en vertu du même droit  que les catholiques demandent que le concile ne se tienne pas dans une Allemagne majoritairement protestante, mais dans une Italie catholique.  Et on ne peut, certes, choisir un lieu meilleur et plus convenable que Trente, qui est aux confins de l’Allemagne et de l’Italie.  Un juge impartial, neutre,  et étranger  à la dispute ne pourrait pas faire de meilleur choix.
 Au sujet du canon de Cyprien, je dis qu’il a été porté en vue des causes particulières, c’est-à-dire, des crimes des hommes privés, qui doivent être jugés là où ils ont été commis, parce qu’il est plus facile de trouver sur place des témoins.   Mais, pour les causes de la foi qui concernent la totalité de l’Église, il en va autrement.  Voilà pourquoi la dispute née à Antioche au sujet des observances judaïques a été réglée non à Antioche, mais à Jérusalem dans le concile des apôtres (actes 15).   Et l’hérésie arienne, qui est née à Alexandrie, en Égypte, a été jugée à Nicée, en Bithynie;  l’hérésie nestorienne née à Constantinople, fut condamnée à Éphèse.  L’hérésie d’Eutychès, née à Constantinople,  a été condamnée au concile de Chalcédoine.  Celles d’Origène, de Didyme et d’Évagre ont été jugées au cinquième synode, à Constantinople, où elles n’avaient en aucune manière pris naissance.  L’hérésie des monothélites, qui est née à Alexandrie,  dont Cyrus a été l’auteur, a été d’abord condamnée  à Rome, dans le concile du pape saint Martin, et ensuite, par le sixième concile œcuménique.   L’hérésie des iconoclastes qui est née, s’est développée et s’est confirmée à Constantinople,  a été jugée et condamnée à Nice en Bithynie,  et même à Rome, auparavant, dans un concile.  Ajoutons qu’il y a eu plusieurs conciles provinciaux , celui de Cologne, de Moguntinus,  et d’autres, dans lesquels ils ont été condamnés.   Les luthériens ne peuvent même pas nous objecter que ces conciles ont été des conciles papistes, car c’est une objection qu’ont faite tous les hérétiques du passé.   Car, dans l’Église, on a toujours procédé de la même manière, c’est-à-dire que les controverses ont toujours été jugées par les évêques qui présidaient alors,  sans, pour de nouvelles questions, créer de nouveaux évêques.
 La troisième question est inique, elle aussi, car on ne peut pas priver le pontife romain de son droit de juger les conciles, et même de les présider, puisqu’il a  exercé ce droit  pendant 1500 ans.  À moins de prouver, dans un concile légitime, qu’il n’est pas  pape.  Que le même ne puisse pas être partie et juge, comme ils le prétendent,  je dis que cela vaut pour les hommes privés, non pour le pontife suprême.  Car, le prince suprême, tant qu’on ne déclare pas,  tant qu’on ne  juge pas  légitimement qu’il a outrepassé son pouvoir,  est toujours le juge suprême,  même s’il est en conflit avec lui-même.  Voilà pourquoi la coutume veut que quand, ils ont un différend avec leur prince, les privés en appellent du prince mal informé au prince mieux informé, comme nous l’apprennent les anciens historiens.  Car, quand Marcellin pécha et qu’un concile fut convoqué à cause de lui,  tous les évêques déclarèrent qu’ils ne pouvaient par le condamner, mais qu’il devait être en même temps et  accusé et juge, comme le rapporte Nicholas 1 (dans sa lettre à l’empereur Michel).  De même quand Sixte 111 fut accusé d’adultère,  l’empereur convoqua un concile, avec le consentement du pontife,  mais, dans ce concile, personne n’osa discuter de la cause du pontife, avant que le pape lui-même déclare qu’il voulait qu’on en discute, comme si cela dépendait entièrement de lui qu’il soit jugé ou qu’il ne le soit pas.  C’est ce qu’on lit dans les actes de ce concile, et dans la lettre de ce même Sixte aux évêques d’Orient.
 De même, nous lisons  dans le quatrième concile romain, sous Symmaque, que tous les évêques ont dit  qu’un concile ne pouvait être juridiquement convoqué que par le pape, même si c’était lui l’accusé.     Arius ne disputait-il pas au sujet de la foi avec Alexandre ? Et pourtant, au concile de Nicée. Alexandre siégea comme juge, parce qu’il était évêque. Semblablement, au troisième synode,  c’est Cyrille qui présida au jugement épiscopal, lui  que les nestoriens considéraient comme appartenant à l’autre partie.  De la même façon, dans le quatrième synode,  ce sont les légats du pape Léon qui ont présidé, alors que la cause portait sur un conflit entre Léon et Dioscore.   Il arrive que, dans un concile, le pontife  ne soit pas le seul juge  mais ait plusieurs collègues,  tous des évêques,  qui, s’ils pouvaient le convaincre d’hérésie, pourraient aussi le juger et le déposer, même malgré lui.    Les hérétiques n’ont donc aucune raison de se plaindre qu’un pontife romain préside à un concile avant qu’il ait été condamné.
 La quatrième condition est inique, elle aussi.  Car, ce qui a été défini une fois,  on ne peut pas le mettre en doute, selon la loi de l’empereur Martien (l nemé,  C de summa trinitate,  et de fide catholica.)   Il appert qu’il a été décrété, dans le sixième synode général, qu’on doit recevoir les traditions non écrites.  Même si cette condition semble inique, on peut cependant l’admettre tant qu’il ne sera pas décidé, dans un synode légitime,  qu’on doit les recevoir comme paroles de Dieu.  Voilà pourquoi, le concile de Trente, avant de passer à autre chose, a défini que les Écritures et les traditions doivent être reçues comme la parole de Dieu.   La cinquième condition enlève presque totalement la raison d’être des conciles, comme nous l’avons montré plus haut, parce qu’on ne peut mettre fin à aucune controverse sans recourir au vote majoritaire.  Car, comme les deux parties en présence citent des textes de l’Écriture, comment  peut-on savoir ce qu’en pense le concile, sans compter les voix, et sans s’en ternir à la majorité ?
 La sixième condition est inique et impertinente.   Inique, parce que les inférieurs ne peuvent pas être libérés du devoir d’obéissance à leur supérieur, avant que celui-là ne soit déposé légalement,  ou ait été déclaré non supérieur.  Inique, en effet, est cette condition, car à toutes les fois que se tiennent des comices impériaux, l’empereur devrait délier de leur serment de fidélité tous les princes qui lui sont soumis.   Que ne soit pas une nouveauté le serment d’obéissance que prêtent les évêques envers le souverain pontife,  nous l’apprennent le pape Grégoire le grand (livre 10, épitre 31),  le canon  significasti, et le concile de Tolède 11 (chapitre 10).  Cette condition est impertinente,  parce que le dit serment n’enlève pas la liberté de parole aux évêques, laquelle est nécessaire dans un concile.  Car, ils jurent qu’ils obéiront au pape tant qu’il agit en pape, c’est-à-dire  tant qu’il ordonne ce que, selon Dieu et les saints canons, il peut ordonner.  Ils n’ont jamais juré de ne pas dire ce qu’ils pensent, dans un concile, ou de ne pas déposer celui qu’ils convaincraient d’hérésie.
 La septième condition, si on l’entend au sens d’un vote décisionnel  à valeur de jugement, répugne à la cinquième condition, et est contre la pratique et le but de tous les conciles, comme nous l’avons montré plus haut.  Si on entend le mot dans un sens impropre, et si l’on veut dire  que la voix vraiment décisionnelle est l’Écriture divine présentée en témoignage d’une sentence, la condition est très équitable, et n’a jamais été niée par les protestants.  Elle a même été présentée trois fois dans le concile de Trente (sessions 13, 15, et 18).    La dernière condition, dans sa première partie, c’est-à-dire en ce qui a trait au sauf-conduit des personnes, a déjà été proposée aux protestants, comme on le voit dans ces mêmes passages du concile de Trente, les sessions 13, 15, 18.  En ce qui a trait à la deuxième partie,  elle est inepte et ridicule.  Car, c’est comme s’ils disaient ouvertement : nous voulons imposer de grandes fatigues aux évêques catholiques,  leur faire faire d’énormes dépenses,  et supporter les fatigues d’un long voyage pour qu’ils se rendent au concile,  mais, cependant,  nous voulons, qu’une fois venus,  ils ne décident rien et ne mettent pas fin aux controverses.

2018 01 20 22h32 fin


2018 01 24 a2031 début
                                                                                            LIVRE 2
                                                                L’autorité des conciles
                                                                          CHAPITRE 1
                                                            L’argumentation et la division de ce livre
 Sur la définition du concile et sur ses causes nous venons tout juste de discuter brièvement.  Il reste à déterminer son autorité.  Il est démontré et par les conciles eux-mêmes qui nous sont parvenus, et par le livre 4 sur le souverain pontife, que des conciles épiscopaux peuvent juger des controverses portant sur la foi ou les mœurs, lesquelles surviennent périodiquement dans l’Église.  Ce n’est pas de cela que nous traiterons ici.   La seule chose que nous entreprendrons d’expliquer est la suivante : les jugements des conciles sont-ils certains et infaillibles ?
Cette étude sur l’autorité des conciles se fera en deux parties.  La première, l’autorité des conciles en elle-même.  La deuxième.  L’autorité des conciles comparée à d’autres principes de foi semblables : l’Écriture, et les décrets pontificaux.
Sur l’autorité des conciles en elle-même deux questions se posent.  La première.  Des conciles, qui ont été confirmés par le souverain pontife, peuvent-ils errer ?  La deuxième. Des conciles non encore confirmés par le souverain pontife, mais légitimement convoqués, peuvent-ils errer ?  Car, des conciles réprouvés, ou en partie réprouvés et en partie approuvés, nous n’avons rien à dire, puisqu’il n’est pas douteux qu’ils ont erré.  On porte sur eux le même jugement que l’on porte sur les conciles approuvés  ou condamnés.
                                                                      CHAPITRE 2
On démontre par l’Écriture que des conciles généraux confirmés par le pape ne peuvent pas errer.
Nous commençons par cette question,  parce que les hérétiques de notre temps ne veulent aucun concile qui ne puisse errer.  C’est ce que Luther affirme (art 28 et 29, et dans le livre des conciles), ainsi que Brentius (dans son confession de Wittemberg, chapitre des conciles),  et Calvin (livre 4, chapitre 9, verset 8 de ses institutions, et au chapitre 8, verset 163, et en plusieurs endroits).  Mais les catholiques, eux, enseignent, comme ils l’ont toujours fait, que les conciles généraux approuvés par le souverain pontife ne peuvent pas errer, ni en expliquant la foi, ni en prescrivant des préceptes moraux pour l’église universelle.  Au sujet des conciles provinciaux, il semble y avoir une dissension entre catholiques.  Car, comme toute leur certitude dépend de l’autorité du souverain pontife, ceux qui disent que le souverain pontife peut errer, doivent dire en conséquence que des conciles de ce genre peuvent errer.   Pour expliquer la chose plus clairement, réduisons-la à deux propositions.
Voici la première. Il faut tenir, de foi catholique, que les conciles généraux confirmés par le pape ne peuvent pas errer, ni en matière de foi, ni en matière de mœurs.  On prouve la première proposition par des témoignages de la sainte écriture qui peuvent être ramenés à quatre classes.  Dans la première, se trouveront les témoignages eux-mêmes.   Dans la seconde, les choses qui prouvent que l’Église ne peut pas errer.   Dans la troisième, les choses qui prouvent que le pape ne peut pas errer.   Dans la quatrième, les choses qui prouvent que tous les docteurs et tous les évêques de l’Église ne peuvent pas errer.
Nous avons trois témoignages à présenter.  Le premier est de Matthieu 18 : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je sui au milieu de vous. »  Calvin ne fait pas grand cas de ce texte, précisément parce qu’il semble nous donner la preuve qu’un concile de deux hommes ne peut pas errer.  Mais il ne va pas jusqu’à mépriser ce témoignage, puisque,  l’argument qu’on peut en tirer ne doit pas être pris de ces seules paroles prises isolément, mais en tenant compte de celles qui précèdent.  Le Seigneur, en effet, venait de dire au sujet d’un homme incorrigible : « Dis-le à l’église, et s’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen ou un publicain. »  Et pour que personne ne pense qu’on doive mépriser l’église ou l’assemblée des prélats, il ajouta tout de suite après : « En vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel. »
Et pour que personne ne doute de l’assistance de Dieu quand les évêques réunis condamnent quelqu’un ou l’absolvent, il dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »  Le sens de ces paroles est le suivant : si deux ou trois qui sont réunis en mon nom obtiennent toujours ce qu’ils demandent à Dieu, à savoir la sagesse et la lumière qui leur suffit pour connaître les choses qui leur sont nécessaires, à  plus forte raison tous les évêques réunis en mon nom obtiendront-ils toujours ce qu’ils demandent justement, c’est-à-dire la sagesse et la lumière pour juger des choses nécessaires à la direction de toute l’Église.  On peut donc conclure que,  qu’Ils  soient nombreux ou peu nombreux, des évêques ou des laïcs, tous ceux qui sont réunis en  mon nom ont tous le Christ présent, et aidant, et ils obtiennent ce qu’il convient qu’ils obtiennent.   Mais, comme dans une assemblée de peu de personnes et de laïcs, le Christ est présent pour les aider dans des choses petites et privées,  dans une assemblée d’évêques, il est présent pour les aider dans des choses grandes et publiques.  C’est de cette façon que, dans sa lettre au pape Léon, (que l’on trouve à la fin de l’acte 3), le concile de Chalcédoine commente ce passage, et qu’il en fait même un argument.  De même, le concile général 6, ( acte 17, le concile de Tolède 3, pas loin du début).  De même le pape Innocent (sur la grâce, dist 20, canon de quibus).  Et Célestin (dans son épitre au concile d’Éphèse 1), et Cyrille, dans son exposition sur le concile de Nicée, près du début.
L’autre citation est celle de Jean 16 : « L’Esprit de vérité vous enseignera toute vérité. »  Et, pour que nous ne pensions pas que cela a été dit pour les seuls apôtres, et non aussi pour leurs successeurs, le Seigneur (ca 14), déclare que le Saint-Esprit demeurera éternellement avec les apôtres, c'est-à-dire avec eux, et avec leurs successeurs, à perpétuité.   Le Saint Esprit n’enseigne pas toute vérité aux apôtres pris séparément;  c’est donc quand ils sont tous rassemblés en un seul corps que le Seigneur leur enseigne toute vérité.  Et comme il n’y a pas, dans l’Église, une chaire d’enseignement, de par Dieu,  différente de la chaire du souverain pontife, auquel s’ajoute le consentement d’un concile général,  si cette chaire peut faillir elle aussi quand elle enseigne à l’église universelle,  je ne sais pas comment sera vraie cette promesse : « Il vous enseignera toute vérité. »
La troisième citation est celle des Actes (15) , où le premier concile dit avec confiance : « Il a paru bon à l’Esprit Saint et à nous ».  Or, si ce concile qui fut le modèle de tous les autres qui ont suivi, déclare que ses décrets sont ceux du Saint-Esprit, peuvent certainement déclarer la même chose les autres conciles généraux qui prescrivent des règles de foi et de morale à l’Église universelle.  Au premier concile a été présent le Saint Esprit, parce que c’était nécessaire pour la conservation de l’Église.  Mais, aux autres époques, à l’apparition de nouvelles hérésies, le Saint-Esprit n’a pas été et ne sera pas moins nécessaire à l’Église.
La deuxième classe de témoignages contient tous les passages qui prouvent que l’Église ne peut pas errer  ni en croyant, ni en enseignant.  Et cela de deux façons.  La première.  Parce que toute l’autorité de l’Église n’est, formellement, que dans les prélats, comme la vue de tout le corps n’est formellement que dans la tête.  C’est donc la même chose de dire que l’Église ne peut pas errer en définissant des choses de foi, et que les évêques ne peuvent pas errer.  Et comme nous l’avons déjà  dit, chacun en particulier et isolément pris, peut errer, mais quand ils sont tous réunis en seul corps, ils ne le peuvent pas.   La deuxième.   Un concile général représente l’église universelle, et possède donc le consentement de l’Église universelle.  Si donc l’Église ne peut pas errer, un concile légitime approuvé ne peut donc pas errer, lui non plus.  Que par un concile général l’Église universelle soit représentée, Calvin le nie, mais on peut facilement le démontrer.   Car, d’abord, dans les 3 Rois, chapitre 8,  est clairement appelée église d’Israël  l’assemblée des princes qui s’étaient réunis avec Salomon, car il ne pouvait se faire que tout Israël, qui était d’un nombre supérieur à mille milliers d’hommes, soit présent dans le temple simultanément.  Et, au début du chapitre, nous lisons que s’étaient assemblés près du roi les prêtres et les chefs des tribus.
De plus, c’est ce qu’enseignent Athanase (dans son épitre sur les synodes d’Ariminum et de Séleucis, et dans son épitre aux évêques africains), Épiphane ( à la fin d’Ancoratus),   Eusèbe (livre 3, sur  la vie de Constantin), saint Augustin  (livre 1 contre les donatistes, chap 18, et livre 2, chapitre 4, livre 4, chapitre 6),  Gélase (dans son épitre aux évêques de Dardanie), saint Grégoire (livre 1, épitre 14 à Jean Eulogium, et aux autres patriarches, ainsi que le huitième concile général (acte 4).  Tous tant qu’ils sont appellent un concile général une assemblée de toute la terre, ou un consensus de toute l’Église.   De plus, Martin 5, à la fin du concile de Constance, a ordonné d’interroger ceux qu’on soupçonnait d’être hérétiques, en leur posant la question suivante : «  croyez-vous qu’un concile général représente l’église universelle » ?  Semblablement,  (livre 4, lettre 9), quand saint Cyprien  a dit que « l’Église est dans l’évêque », il est certain qu’il voulait dire que toutes les églises sont dans tous les évêques.  De plus, si dans un royaume non démocratique, ce que le sénat ou les comices statuent est perçu comme ayant été fait par la totalité du royaume ou de la nation, pourquoi ne dirait-on pas la même chose des décrets ecclésiastiques, qui se font par la décision commune de tous les évêques ?
La troisième classe de témoins contient tous les passages qui prouvent que le pontife romain ne peut pas errer dans la foi.  Comme, par exemple, ce passage de Luc 22 : « J’ai prié pour toi, pour que ne défaille pas ta foi. », et d’autres semblables qui ont été expliqués ailleurs.  De tous ces textes, on déduit clairement qu’un concile approuvé par le pape, ne peut pas errer.  Car, même si quelques catholiques estiment que le pape peut errer, ils disent qu’il ne peut errer que quand il ne prend pas suffisamment la chose au sérieux.  Mais, quand il convoque un concile général, il est certain qu’il veut faire tout ce qu’il peut pour investiguer la question à l’ordre du jour.  Car, que peut-il faire de plus ?  Donc, au consentement de tous, il est certain qu’alors il n’erre pas.
La quatrième classe de témoignages contient ces passages qui enseignent qu’il faut considérer les évêques comme des pasteurs, qu’on doit les écouter comme des maîtres, qu’on doit les suivre comme des chefs.  Comme, par exemple, Luc 10 : « Qui vous écoute, m’écoute ! »  Et Hébreux 13 : « Obéissez à vos préposés, et soumettez-vous à eux ! »  De même, ces endroits où on les appelle pasteurs (actes 1, éphésiens 4).  Quand on leur ordonne de paître, on nous ordonne à nous de les suivre dans les pâturages. Surtout parce que saint Paul nous  dit que les apôtres ont été constitués pasteurs pour que nous ne soyons pas emportés par tout vent de doctrine.  De même, ceux où ils sont appelés docteurs, (Matthieu, à la fin de son évangile) : « Allez enseigner toutes les nations ! »  Et saint Paul (i Timothée 3, et Tite 1).  Par l’ordre qu’ils ont reçu d’enseigner, nous avons reçu l’ordre d’écouter.  De même, dans ce passage d’Ezéchiel (33) où ils sont dit surveillants ou des éclaireurs : « Donnez-le comme surveillant à la maison d’Israël. »  Saint Jérôme et saint Grégoire appliquent ce mot aux évêques.  C’est donc avec quelque raison que le concile de Tolède 8 (chapitre 4) compare les évêques à des yeux. Et saint Ambroise (dans la dignité sacerdotale, chapitre 6).  Si on ordonne aux évêques de nous indiquer la voie en tant que surveillants et yeux, on nous ordonne à nous de marcher dans la voie qu’ils nous indiquent.  De plus, là ou les évêques sont dits des pères, nous sommes dits des fils, comme dans Galates 4, i Jean 2.
À partir de tous ces textes, nous pouvons faire le raisonnement suivant.  Si on nous ordonne d’écouter et de suivre les évêques, comme étant des préposés, des pasteurs, des docteurs, des surveillants, et des pères, il est certain qu’ils ne nous induiront pas en erreur, car nous pourrions renvoyer la faute à Dieu.  Sans aucun doute, chaque évêque, isolément pris, peut errer, et erre parfois;  et il arrive qu’ils ne soient pas tous  d’un même avis sur un sujet, de façon à ce qu’on ne sache plus lequel il faut suivre.  Il reste donc, au moins, que, quand ils sont rassemblés au nom du Seigneur, quand ils enseignent d’une seule bouche, ils ne peuvent pas errer.
                                                                  CHAPITRE 3
                    On prouve la même chose avec les pères de l’Église.
 Que se présente le second témoignage, la tradition des anciens pères.   L’Église et les pères ont écrit beaucoup de choses sur les conciles,  d’où il apert qu’ils ont compris  que les conciles généraux ne peuvent pas errer.    Ils affirment, d’abord, que la sentence d’un concile général est, dans une cause de foi, l’ultime jugement ecclésial, duquel on ne peut pas faire appel; qu’elle ne peut être ni annulée ni rétractée.  Il s’ensuit de là clairement que des conciles de cette sorte ne peuvent pas errer.   Car, autrement, il serait extrêmement inique d’interdire aux chrétiens de faire appel d’un concile qui peut errer.  Voilà pourquoi on retrouve souvent chez les anciens cette première affirmation.  Athanase, dans son épitre à Épictète (que rapporte Épiphane à l’hérésie 77), s’étonne qu’ils osent remettre en question les choses qui ont été définies à Nicée, car ce n’est qu’en se trompant qu’on peut changer les décrets de ce genre de concile. Saint Augustin (dans l’épitre 162) dit « qu’un concile général est l’ultime jugement de l’Église. »  Saint Léon (dans sa lettre 50 à Martien) demande que ce qui a été défini une fois pour toutes dans un concile général ne soit pas rétracté, ce que lui-même a sanctionné par sa loi (nemo C de summa trinitate, et fide catholica).  Le même Léon enseigne la même chose dans sa lettre au concile de Chalcédoine, et dans l’épitre 62 à Maxime d’Antioche.  La même chose Gélase (dans son épitre aux évêques de Dardanie).  La même chose a été statuée dans le concile d’Éphèse, près de la fin, et dans le concile de Chalcédoine (acte 5, dernier canon).
En second lieu,  les pères et l’Église enseignent que sont hérétiques et doivent être excommuniés ceux qui n’acceptent pas les conciles généraux.  Il suit manifestement de cela qu’ils pensaient que les conciles ne pouvaient pas errer.  D’ailleurs, au tout début, tous les conciles généraux anathématisaient les contradicteurs, comme saint Athanase l’atteste du concile de Nicée, dans une lettre aux évêques africains.  Et pour les autres conciles, leurs actes attestent la même chose.  Dans une lettre au prieur de Clidonium, comme les apollinarites niaient qu’ils étaient des hérétiques, et disaient qu’ils avaient été reçus dans un concile catholique, saint Grégoire de Naziance écrivit ceci : « Ils montrent cela, et nous acquiescerons ?  Car il sera évident qu’ils ont donné leur assentiment à la vraie doctrine, car la chose ne peut pas avoir lieu autrement, s’ils obtiennent cela. »   Le bienheureux Léon (épitre 78 à l’empereur Auguste) enseigne qu’on ne peut pas compter parmi les catholiques ceux qui n’acceptent pas le concile de Nicée ou de Chalcédoine.  Le même Léon (épitre 77 à Anatole)  ordonne que le prêtre Atticus accepte le concile de Chalcédoine, ou soit excommunié.  Saint Basile (épitre 78), dans laquelle il explique la foi,  enseigne qu’à ceux qu’on soupçonne d’hérésie, il faut présenter les décrets du concile de Nicée, pour qu’on sache s’ils sont hérétiques ou pas.   De plus, saint Augustin (dans son livre sur le baptême, chapitre 18), donne une seule raison pour excuser Cyprien d’être hérétique, à savoir qu’à son époque, aucun concile général n’avait encore été convoqué pour régler cette question de la  réitération du baptême des hérétiques.   De même, saint Grégoire (livre 1, épitre 14) dit anathème à ceux qui ne reçoivent pas le cinquième concile général, qui est le seul à avoir été célébré de leur temps.
Troisièmement.  Les pères  enseignent que les décrets des conciles généraux légitimes sont divins, et ont été édités par le Saint-Esprit.  D’où il suit qu’ils ne peuvent pas être entachés d’erreur.  De même, Constantin, dans sa lettre aux églises (selon Eusèbe, livre 3 de la vie de Constantin), donne le nom de commandements divins aux décrets du concile de Nicée.  Athanase (dans son épitre aux évêques africains) dit : « La parole de Dieu émise par le concile de Nicée demeure éternellement. »   Saint Grégoire de Naziance (dans son discours à Athanase) dit « qu’au concile général de Nicée, les évêques ont été rassemblés par l’Esprit-Saint. »  Saint Cyrille (dans le livre 1 de la trinité)  dit que «  le concile général de Nicée est un divin et très saint oracle».    Saint Léon (dans son épitre 53 à Anathole, et 54 à l’empereur Marien), affirme que «  les canons du concile de Nicée ont été faits sur l’ordre du Saint-Esprit ». Et dans l’épitre 37 à l’empereur Léon, il affirme que « le concile de Chalcédoine a été convoqué par le Saint-Esprit »  Saint Grégoire (livre 1, épitre 24), affirme « qu’il vénère les quatre premiers conciles comme les quatre évangiles. »  Nicolas premier dans son épitre à l’empereur Michael, appelle les décrets des conciles « des sentences inspirées par la divinité. »  Enfin, les conciles eux-mêmes affirment qu’ils ont été assemblés dans le Saint-Esprit.
Quatrièmement, ils enseignent qu’il est préférable de mourir plutôt que de prendre ses distances avec les conciles généraux de l’Église.  C’est ce que dit saint Ambroise (épitre 32) : « J’adhère au traité du concile de Nicée, de qui ni la mort ni le glaive ne pourront me séparer. »  Saint Hilaire a vraiment souffert l’exil pour la foi dans le concile de Nicée, comme lui-même l’atteste à la fin de son livre sur les synodes.   Et Victor l’Africain, dans ses trois livres sur la persécution des Vandales, décrit plusieurs martyres célèbres de saints, qui sont morts pour la foi expliquée dans un concile général.  Saint Jérôme, dans son livre contre les lucifériens,  dit, en parlant d’Athanase, d’Hilaire, d’Eusèbe, et d’autres saints confesseurs : « Comment auraient-ils pu faire quoi que ce soit contre le concile de Nicée, pour lequel ils subirent des exils ? »
                                                                      CHAPITRE 4
                           On montre la même chose avec des arguments tirés de la raison
Recourrons à la fin à la lumière de la raison naturelle.  Le premier argument.  Si les conciles généraux pouvaient errer, il n’y aurait, dans l’Église, aucun jugement certain qui permette de régler des différends, et de conserver l’unité de l’Église.  Car, il n’y a rien de plus grand qu’un concile légitime approuvé.  Le second.  Si le jugement d’un concile n’était pas infaillible, on pourrait trouver des raisons pour réhabiliter toutes les hérésies condamnées.  Car, Arius dirait que le concile de Nicée a erré;  Macédoine en dirait autant pour le concile de Constantinople, Nestor pour celui d’Éphèse, et Eutychès pour celui de Chalcédoine.  Le  troisième.  Il n’y aurait aucune certitude sur de nombreux livres de la Sainte Écriture.  Car, au sujet de l’épitre aux Hébreux, de l’épitre 2 de Pierre, 3, de Jean, de Jacques, et de Jude, et de l’apocalypse, livres que même les calvinistes reçoivent,  le doute fut permis jusqu’à ce qu’un concile général se prononce catégoriquement là-dessus.   Le quatrième. Si tous les conciles généraux pouvaient errer, il s’ensuivrait certainement que tous admettraient une erreur intolérable, et ne seraient donc dignes d’aucune estime.  Car, c’est une erreur intolérable de présenter comme un article de foi une chose qu’on ne sait pas si elle est vraie ou fausse.   Or, les principaux conciles généraux comme ceux de Nicée, d’Éphèse, de Constantinople,  et de Chalcédoine, formulèrent de nouveaux symboles de foi, ou certainement de nouvelles propositions, qu’ils ont clairement présentées comme articles de foi.  Qui donc oserait dire que ces quatre conciles contiennent une erreur intolérable;  qu’ils ne sont dignes d’aucune considération, alors que nous voyons que les adversaires eux-mêmes les reçoivent avec honneur, et les citent souvent comme témoignage de vraie doctrine ?  Il reste donc que nous croyions que leurs jugements sont surs et infaillibles.
                                                                  CHAPITRE 5
                Les conciles particuliers, approuvés par le pape, ne peuvent pas errer.
L’autre proposition : les conciles particuliers portant sur la foi et les mœurs, qui ont été approuvés par le pape, ne peuvent pas errer. Cette proposition n’est pas reçue comme l’est la première.  La première, aucun catholique ne la nie; la deuxième, il ne manque pas d’auteurs qui la nient.   Nous n’affirmons pas qu’elle soit de foi, et qu’elle doive être tenue par tous les catholiques, parce que nous ne voyons pas  que ceux qui la nient aient été, jusqu’à présent,  condamnés par l’Église comme hérétiques.  Nous avons appris de l’historien Eusèbe (livre 7, chapitres 2 et 3 de l’histoire de l’Église),  que le pape Corneille, avec un concile national formé de tous les évêques d’Italie, avait statué qu’on ne pouvait pas rebaptiser les hérétiques; que la même sentence avait été approuvée par le Pape Étienne,  et qu’il avait même ordonné qu’on ne les rebaptise pas.  Et on apprend du même Eusèbe que saint Cyprien pensait le contraire, et qu’il a défendu sa cause passionnément, comme on le voit dans la lettre qu’il a écrite à Pompée, dans laquelle il démontre que le pape se trompe.  Et, pourtant, saint Cyprien a toujours été considéré comme un  membre de l’Église.
Mais quoi qu’il en soit, et comme nous l’avons expliqué quand nous avons traité du souverain pontife,  c’est une chose téméraire, erronée et proche de l’hérésie,  d’estimer que les conciles particuliers approuvés par les papes, peuvent errer.  On peut le prouver cela par les arguments que nous avons utilisés plus haut, à savoir que le souverain pontife, dans les choses qui se rapportent à la foi et à la morale, ne peut pas errer.   Or, si un pontife romain ne peut pas errer,  un concile qu’il a approuvé, même s’il n’est pas universel,  ne peut pas non plus errer.  On le prouve, en second lieu, en disant  que si ces conciles pouvaient errer, plusieurs hérésies qui n’ont été condamnées que par des conciles provinciaux (comme celle des pélagiens, des priscillianistes, des joviniens,  et d’autres) pourraient prétendre que le concile n’avait pas la compétence pour les condamner.  Troisièmement.  Jusqu’à présent, on n’a pas trouvé un concile qui ait erré sur la foi ou la morale.  Quatrièmement.   Au synode 7 (acte 3) et au synode 8 (dernier acte, canon 1), les pères disent qu’ils vénèrent et reçoivent même les décrets des conciles locaux.  Le septième synode va même jusqu’à les appeler « divinement inspirés ».  Il ne reste donc qu’à exposer et à réfuter les arguments des adversaires.
                                                               CHAPITRE 6
                                    On réfute les arguments tirés de l’Écriture
Les adversaires  nous objectent quatre sortes d’arguments.  Ils demandent l’un à l’Écriture, un autre aux pères, un troisième à des conciles qui semblent contredire d’autres conciles ou l’Écriture sainte, et un dernier à la raison naturelle.  Le premier ne tient pas debout. Nous le réfuterons donc très brièvement.  Dans son institution (livre 4, chapitre 9, verset 3), Calvin nous objecte des textes de l’ancien testament dans lesquels on condamne des pasteurs, des prêtres et des prophètes pour leur malhonnêteté,  leur ignorance ou leur erreur, comme celui d’Isaïe 56 : « Tous les guetteurs sont aveugles et n’ont jamais rien su.  Tous les chiens sont muets, et sont incapables d’aboyer,  ils dorment, étendus par terre.  Ils aiment beaucoup le sommeil.  Les pasteurs eux-mêmes ne savent rien, ne comprennent rien. »  Même chose dans Osée 9.  Même chose dans Jérémie 6 : « Du prophète jusqu’au prêtre, chacun profère le mensonge. » Enfin, Ezéchiel 22 : « La conspiration des prophètes au milieu d’elle est comme un lion rugissant qui ravit une proie.  Les prêtres ont violé ma loi, les prophètes mes choses saintes. »
Mais, on peut répondre à ces citations de trois façons.  La première.  Il arrive très souvent, dans les saintes lettres,  qu’à cause de certaines personnes qui sont mauvaises, on accuse tout le monde, en une figure de style.  Saint Augustin, dans son livre sur l’unité de l’Église (chapitre 12) a noté plusieurs exemples de cette façon de parler dans les livres saints.  Mais qu’un exemple suffise.  L’apôtre écrit aux Philippiens (chapitre 2) : « Tous ne cherchent que leur intérêt personnel, non ceux du Christ. »  Et pourtant, au premier chapitre, il avait dit que quelques uns annoncent en esprit de rivalité, et d’autres dans la charité du Christ.  Et, au troisième chapitre,  il dit : « Soyez mes imitateurs, et suivez ceux qui marchent ainsi, selon l’exemple que vous avez de nous. Car, beaucoup marchent, comme je vous l’ai dit souvent, et maintenant c’est en pleurant que je le dis, comme des ennemis du Christ. »  Et ce qui suit : « Si quelques-uns annoncèrent le Christ mus par la charité, et marchèrent comme le doit un apôtre, ils furent dignes d’être imités par les Philippiens, comme ils le furent en effet. »  Tous ne recherchèrent donc pas leur propre intérêt.  Les textes de l’Écriture allégués ne nous obligent donc pas de penser que, dans l’ancien testament, tous les prophètes, tous les prêtres, tous les pasteurs aient été des menteurs et des scélérats, mais quelques-uns d’entre eux, seulement.
Ensuite, comme on ne dit rien d’eux en tant que réunis dans un concile de prêtres,  mais que c’est séparément et individuellement qu’ils trompaient le peuple, on ne voit pas en quoi ces textes se rapportent à notre propos. Car toute autre est la condition de pasteurs réunis en concile par une autorité publique, qui, après avoir invoqué le nom de Dieu, s’enquièrent diligemment de questions de foi ou de mœurs;  et toute autre est celle de pasteurs isolés,  qui, dans le lieu où ils siègent, portent un jugement.  C’est pourquoi, l’ Écriture qui, tant de fois, se déchaîne sur les mauvais pasteurs, et avertit de se méfier des faux prophètes, est la même que celle qui envoie à un concile de prêtres ceux qui ont des doutes, et qui leur prescrit de mettre en pratique ce qu’auront décidé ceux qui président au lieu qu’a choisi le Seigneur  (Deutéronome 17).  Et même si n’avions pas ces autres passages, il n’y a rien qui nous incite ou nous oblige à appliquer aux prêtres du nouveau testament réunis en concile ce qui est dit des pasteurs, des prêtres et des prophètes de l’ancien testament. Car Dieu a fait des promesses plus sures et plus grandes à son église qu’à la synagogue.  Car, au sujet de la synagogue, nous ne lisons rien qui ressemble à ce que Jésus a dit à Pierre, en Matth 16 : « Sur cette pierre j’édifierai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. »  Ni non plus ce que dit l’Apôtre (1 Timothée 3) : qu’elle est « la colonne et le firmament de la vérité. »  Et ce n’est pas de Caïphe, mais de Pierre  qu’il a été écrit : « J’ai prié pour toi, pour que ne défaille pas ta foi. »
Le même Calvin fait la deuxième objection au même endroit (verset 4 des lieux du nouveau testament, 2 Pierre 2).  Comme il y eut, dans l’ancien testament, des pseudos prophètes, il y aura aussi parmi nous de faux docteurs, faisant allusion aux sectes de perdition (actes 20). « Je sais qu’après mon décès, entreront au milieu de vous des loups rapaces, qui n’épargneront pas le troupeau.  De chez vous se lèveront des hommes qui prêcheront des doctrines perverses,  pour attirer à eux des disciples. » Matthieu 24 : « Et plusieurs pseudos prophètes surgiront et séduiront un grand nombre. »    Il est étonnant qu’en écrivant cela, Calvin ne se soit pas regardé lui-même, et qu’il n’ait pas dit :  que dire si je suis, moi aussi, du nombre de ces misérables pseudos prophètes ?   Car, il est clair que ce sont des hérétiques que saint Pierre et saint Paul appelaient faux prophètes, ceux qui s’opposent à la doctrine transmise par les évêques qui président dans l’église en vertu d’une succession ininterrompue, qui ne craignent pas d’introduire des sectes pour y attirer à eux des disciples,  et se fabriquer un nom sur la terre, de façon à être nommés les uns luthériens, les autres calvinistes. Ils sont bien loin de parler de conciles ces passages qui nous avertissent de nous méfier des faux prophètes, car c’est précisément le rôle des conciles généraux de détecter et de repousser les loups rapaces, et de les tenir loin du troupeau du Christ.
                                                               CHAPITRE 7
                On réfute les arguments tirés des témoignages des pères de l’Église
Ils présentent, en second lieu, des textes des pères de l’Église, et le premier que cite Calvin c’est saint Grégoire de Naziance qui, dans sa lettre à Procopius, parle ainsi : « S’il me faut dire ce qui est vrai, je suis d’une disposition telle que je fuis tous les conciles d’évêques, parce que je n’ai vu aucun concile qui réglât une chose ou statuât définitivement.  Plutôt que de diminuer des maux, ils ne font que les augmenter. »    Je réponds que saint Grégoire de Naziance ne nie pas que les conciles légitimes définissent des vérités qui sont de foi. Mais, il se plaint que, de son temps, aucun concile ne pouvait, de tout point, être légitime, ce qui n’est que trop vrai. Car, sa vie s’est déroulée entre le premier concile général  et le second.  Pendant cette époque, plusieurs conciles ont été tenus, qui, à cause du grand nombre d’évêques qui favorisaient les hérétiques, eurent une issue malheureuse.  Tels furent les conciles de Séleucie, de Tyr, d’Ariminis, de Milan et de Smyrne.   Voyant qu’il  y avait, de son temps,  tant de mauvais conciles, et aucun de bon, quand Procopius, au nom de l’empereur, le convoqua à un concile, il présenta deux excuses pour ne y aller. La première, qu’il n’avait plus d’espoir de voir, à son époque, de concile légitime;  la seconde, qu’il était gravement malade, et près de la mort.  On confirme cette interprétation par saint Basile, son contemporain et ami, qui vécut donc, lui aussi, entre le premier et le second concile.   Écrivant (lettre 52) à Athanase, il disait qu’il lui semblait impossible qu’il y ait de son temps un concile légitime, et que, pour cette raison, il faudrait écrire au pontife romain pour que, de son autorité propre, il invalide les actes du concile d’Arménie.
Ensuite, ce que pensait saint Grégoire de Naziance des conciles généraux légitimes, on peut s’en faire une idée par ses lettres citées plus haut,  et aussi et surtout parce qu’il fut un fervent prédicateur des vérités définies dans le concile de Nicée.  Et cela,  à un point tel que le temple dans lequel il prêchait à Constantinople, fut appelé anastasia, c’est-à-dire résurrection, car, c’est là que ressuscita, par son éloquence,  la foi de Nicée, qui avait été presque éteinte, comme le rapporte l’histoire tripartite (livre 9, chapitre 9).  Il fut ensuite présent au second concile de Constantinople, comme nous le montre sa signature, et le discours qu’il tint devant les 150 pères.
L’autre texte patristique est celui de saint Augustin qui (au livre 3 contre Maximin, chapitre 14) dit : « Ni moi ni toi nous devons considérer que la cause a été déjà jugée en citant, moi,   le concile de Nicée, toi,  celui d’Arménie.   Car je ne suis pas plus tenu par l’autorité de l’un (celui d’Arménie) que tu ne l’es par l’autorité de l’autre (celui de Nicée). »  Saint  Augustin ne veut pas dire que, en aucune façon, Maximin n’est pas tenu par l’autorité du concile de Nicée, mais qu’il ne l’est pas dans cette dispute, selon la promesse qu’Augustin lui avait faite.  Parce que Marcellin opposait au concile de Nicée celui d’Arménie, et saint Augustin ne voyait pas d’avantage à perdre du temps, à ce moment,  pour prouver que le concile de Nicée était légitime et que l’autre ne l’était pas;  et surtout parce qu’il avait de meilleurs arguments qui provenaient de l’Écriture.  Il dit donc : à ce moment-ci,  je ne suis pas tenu par l’autorité du concile d’Arménie, ni toi par celle du concile de Nicée. C’est-à-dire : je ne veux pas que maintenant nous nous appuyions sur l’autorité des conciles.  Laissons de côté les conciles, et venons-en aux Écritures.   Qu’ailleurs saint Augustin ait pensé que le concile de Nicée avait une grande autorité,  et que tous devaient lui obéir, ses paroles qui précèdent nous le font clairement comprendre : « Ceci est le consubstantiel (homoousion) que les pères catholiques ont défini dans le concile de Nicée contre les hérétiques ariens, par l’autorité de la vérité et la vérité de l’autorité. »  Car, quelle est la vérité de l’autorité si ce n’est une autorité vraie et sure ?
Ils présentent un autre témoignage tiré d’Augustin (baptême, livre 2, chapitre 3), où il  dit que les premiers conciles généraux ont été amendés par les suivants.   On peut dire qu’il parle ici des conciles qui sont improprement dits pléniers, c’est-à-dire des nationaux.  Car,  un peu avant, il avait dit que les conciles régionaux et provinciaux doivent céder le pas aux conciles généraux.  Et il ajoute ensuite, que, parmi les pléniers eux-mêmes, les premiers ont été amendés par les suivants.  Ici exulte Harmann (livre 3, chapitre 16 prolégomènes) : « Car si les conciles les plus anciens et les plus vénérés ont besoin d’émendation, de combien d’erreurs ne seront pas entachés les plus récents ? »    Je réponds d’abord que saint Augustin parle peut-être des conciles illégitimes, qui sont amendés ensuite par leurs successeurs, comme cela est arrivé au concile d’Éphèse 2, lequel a été amendé par celui de Chalcédoine.  Je dis, ensuite, que s’il parle des conciles légitimes, il s’agit de questions de fait et non de droit, dans lesquelles il est admis qu’un concile peut se tromper.  Saint Augustin semble certainement traiter de ces questions-là.   Car la première question débattue entre les catholiques et les donatistes,  portait sur Cicilien : avait-il, oui ou non, livré les livres sacrés aux ennemis de la foi ?   On peut dire, aussi, en troisième lieu, que, si les adversaires soutiennent qu’il parle de questions universelles, quand il dit que les conciles anciens doivent être amendés par les plus récents,  il avait en vue les préceptes moraux, non les dogmatiques.  Car, ces préceptes changent selon les mutations de temps, de lieux et de personnes, et ces changements sont dits des amendements.   Non parce que la législation avait été mal faite, au moment où elle avait été instituée,  mais parce qu’elle a commencé à être mauvaise avec le temps, avec le changement des circonstances.   On peut confirmer l’une et l’autre réponse par des paroles de saint Augustin.  Il dit, en effet, qu’on doit amender des conciles, quand la loi en était à une phase d’essai, et que cette période expérimentale est terminée.  Les lois expérimentales sont celles qui portent sur des faits, ou sur les mœurs, non sur des questions universelles de droit.
Quatrièmement.  Calvin nous présente un texte de saint Léon (épitre 3 à Anathole,  54 à Martien, 55 à Pulchérie).  Saint Léon reconnait que le concile de Chalcédoine a été légitime, mais il n’hésite pas à lui reprocher de l’ambition, et une témérité inconsidérée.  Il pensait donc qu’un concile général pouvait errer.   Je réponds qu’un concile légitime peut errer  dans les choses qu’il traite illégitimement, et qu’il a effectivement erré, puisque le siège apostolique lui fait des reproches.  Le pape Léon fait un reproche au concile de Chalcédoine pour quelque chose de semblable.  Car, comme nous le montrent le dernier acte de ce même concile, et l’épitre  6 du même Léon (que l’on trouve dans le concile de Chalcédoine), le décret qui place l’évêque de Constantinople avant ceux d’Alexandrie et d’Antioche, a été fait en l’absence des légats du siège apostolique, non sans fraude.  Et il a été blâmé par le pape Léon parce qu’il était contraire à la constitution du concile de Nicée.  À cela  Hermann (livre 3, chapitre 13 des prolégomènes),cite Isidore ( Gratien dist 50, canon Domino sancto), qui affirme que quand les conciles se contredisent, on doit s’en tenir aux plus anciens, comme étant plus approuvés.  Or, cette règle est contraire à celle donnée par saint Augustin qui plaçait les conciles récents avant les anciens. On peut aussi déduire de ce texte que les conciles peuvent errer.   Je réponds qu’Isidore parle de conciles à l’autorité incertaine, qui n’ont pas été expressément confirmés par le souverain pontife.  Que les conciles puissent se contredire et errer, nous ne le nions pas. Et saint Augustin ne dit pas le contraire de ce qu’enseigne Isidore, car Isidore parle de la doctrine de foi, et saint Augustin de questions de faits et de préceptes moraux.
Luther, (dans son livre des conciles page 54),   prouve que les conciles militent les uns contre les autres, en se servant du titre d’un décret de Gratien : « la concordance des discordants. »   Je réponds qu’il parle de discordes apparentes, non vraies, car, si elles étaient vraies, il ne pourrait pas les raccorder.    Ils ajoutent, à la fin, d’autres citations de Gratien qui (dist 18, canon 1) dit : « les conciles épiscopaux n’ont pas l’autorité pour définir et constituer  quelque chose, mais ils l’ont pour corriger. »  Je réponds que ce que Gratien appelle conciles épiscopaux ne sont pas des conciles fréquentés par des évêques, mais seulement des conciles provinciaux.  Car sont proprement épiscopaux ceux où seuls les évêques, les archevêques ou les patriarches se rassemblent. Or, les conciles provinciaux ne sont pas ordinairement convoqués pour définir des dogmes de foi, car cela est propre aux conciles généraux, mais uniquement pour rétablir la discipline ecclésiastique et corriger les mœurs.   Ils sont donc, par eux-mêmes, ordinairement inaptes à l’imposition de dogmes de foi.  Mais, si une nécessité urgente les pousse à définir une vérité de foi, et si leur décret est approuvé par le siège apostolique,  ces conciles n’ont pas moins d’autorité que les autres.
                                                               CHAPITRE 8
                             On réfute l’argument tiré des erreurs des conciles
Les adversaires énumèrent les erreurs des conciles, et surtout Hermann (livre 3, chapitres 15 et 16, les prolégomènes), et le livre des protestants (les raisons pour lesquelles les électeurs et les princes….)  Mais, de  toutes les nombreuses erreurs citées, un tiers seulement requiert une réfutation.  Les adversaires discernent trois genres d’erreur dans les conciles.  Certaines de ces erreurs sont vraies et crasses, et réprouvées par les papes, mais elles ont été commises par des conciles illégitimes, comme celui d’Arménie, de Séleucis, d’Éphèse 11.   Ils ne gagnent rien à nous les reprocher, puisqu’ils sont pour nous inexistants.  Voir ce que nous avons dit au sujet des conciles réprouvés (livre 1, chapitre 7 et 8).    Les autres erreurs qu’ils imputent aux conciles généraux, ne sont pas vraies mais fictives.  Ils disent, par exemple, que le concile de Chalcédoine a erré quand il a interdit aux moniales de violer le vœu de continence;  et que celui de Carthage V a erré quand il a statué qu’on n’érige pas d’autels sans  reliques de martyrs.  Mais en disant cela, ils prennent  pour acquis ce qui est à prouver.
Ils détectent d’autres passages des vrais et légitimes conciles qui semblent contenir une erreur, c’est-à-dire qui semblent contenir des phrases qui, à notre jugement et au leur, doivent être jugées erronées. Ces conciles, nous devons donc les examiner et les corriger.  Premier exemple.  Calvin présente le concile des 400 (3 rois 22) prophètes qui ont tous erré, Dieu lui-même attestant avoir envoyé un esprit de mensonge dans leurs bouches.   Mais, je le demande, quelle sorte de concile était-ce donc ?  D’abord, ils n’étaient pas des prophètes du Seigneur.  Car, après que ces pseudos prophètes aient prononcé leurs sentences, ne lisons-nous pas que le roi Josaphat a demandé au roi Achab s’il n’y avait pas un prophète du Seigneur par lequel il pourrait être interrogé ?  Le roi Achab répondit : « Il en est un, mais je le hais. »   Ensuite, un concile n’est pas une réunion de prophètes, mais de prêtres.   Enfin, ce pseudo concile a été réuni par le roi Achab, non par le souverain pontife.  Il n’y a donc pas à s’étonner qu’il ait erré.
Calvin et Brentius présentent en second lieu le concile des Juifs, présidé par le souverain pontife Caïphe, dans lequel furent excommuniés ceux qui confessaient que Jésus est le Christ (Jean 9), et qui a jugé ensuite que le Christ était coupable et méritait la mort (Jean 2, Marc 14).  Je réponds qu’il y en a qui prétendent que la cause que le concile a jugée n’en était pas une  de droit, mais de fait, quand ils se demandèrent si Jésus méritait la mort.  Car nul ne doute que dans ces sortes de jugements, les conciles peuvent errer.   Mais, même si cette question n’en était qu’une de fait, elle impliquait une question très grave de foi, à savoir, Jésus est-il le vrai Messie et le Fils de Dieu, et donc le vrai Dieu ?  Caïphe  a donc erré pernicieusement dans la foi, ainsi que le concile en entier, quand il a jugé que Jésus avait blasphémé en s’appelant Fils de Dieu.  D’autres disent que le concile a erré mentalement, mais non dans la sentence qu’il a portée.  Car, Jésus était vraiment coupable de mort parce qu’il avait pris sur lui nos péchés pour nous en purger, et qu’il convenait vraiment qu’il meure pour le peuple.  Voilà pourquoi Jean dit que Caïphe a prophétisé.  Mais même si certaines paroles de Caïphe peuvent être prises dans un bon sens,  toutes ne le peuvent pas.  N’a-t-il pas dit : « Il blasphème ! Qu’avons-nous besoin d’autres témoins ! »  En prononçant ces paroles, il n’a certes pas prophétisé, mais c’est lui qui a blasphémé.
D’autres disent que ce concile a erré parce qu’il n’a pas procédé selon les règles qui régissent un concile, mais  que c’est par  une conspiration tumultueuse, et  des témoins subornés que Jésus a été condamné.  Ce qui était connu de tous, car même Pilate savait que c’était par jalousie que les pontifes le lui avaient livré (Matth 27).  Cette réponse est vraisemblable.   Mais, comme il n’appartient pas aux inférieurs de juger si les supérieurs ont procédé légitimement, à moins qu’il soit absolument évident qu’une erreur a été commise, il est croyable que Dieu ne permettra pas que des conciles présidés par le pape ne procèdent pas légitimement.  Nous répondrons donc que les pontifes et les conciles des Juifs n’ont pas pu errer avant que vienne le Christ, mais qu’ils ont pu en sa présence; qu’il a été prédit que les Juifs erreraient, et qu’ils nieraient le Christ (Isaïe 6,  Daniel 9 et ailleurs).  Car, comme il n’est pas nécessaire que le vicaire du pape ne puisse pas errer quand le pape lui-même gouverne l’Église, et la défend de l’erreur,  de la même façon, il n’était pas nécessaire que les pontifes juifs ne puissent errer quand le Christ, le pontife suprême de toute l’Église était présent, et administrait l’Église par lui-même.
Luther semble reprocher au concile de Jérusalem ce que l’on trouve au chapitre 15 des actes apôtres.   Il dit, en effet (dans assertions, article 19) que Jacques a changé la sentence de Pierre.    Il estime que la décision de Pierre à l’effet que les Gentils ne devaient pas être forcés à adopter toutes les prescriptions de Moïse,  était bonne et vraie; et que c’est celle que Paul défend dans son épitre aux Galates.  En conséquence, la sentence de Jacques que tout le concile accepta fut fausse et mauvaise, celle qui leur demandait de s’abstenir de sang et de suffocation.  Car ce n’était rien d’autre que leur commander de judaïser.   Luther (dans son livre sur les conciles, première partie) dit beaucoup de choses sur cette loi des apôtres, et bien qu’il n’ose pas affirmer qu’elle était mauvaise, il prouve quand même qu’elle ne fut d’aucune utilité pour le concile, et que c’est une loi qui n’est pas justifiable, à moins de dire que le concile n’imposait aucune obligation.  Je réponds que ne manquent pas les pères qui aient nié que le concile de Jérusalem ait prescrit quoi que ce soit sur le sang, la suffocation.  Saint Irénée (livre 3, chapitre 12), cite deux fois ce texte, et à chaque fois, il omet le mot suffoqué, et, par le mot sang, il semble entendre un  homicide.  Saint Cyprien (livre 3, lettre à Quirinus) dit ouvertement  que les apôtres avaient prescrit seulement qu’on s’abstienne de l’idolâtrie, de la fornication, et l’effusion du sang.  Saint Jean Chrysostome et Oecumenius, commentant ce texte, entendent par suffocation, un homicide.  Néanmoins, dans tous les codex grecs et latins, nous trouvons le sang et le mot suffoqué.  Il appert par Tertullien (apologie, chapitre 9) et par et le concile de Gangres (canon 2) que, pendant de nombreuses années, a été conservé dans l’Église le précepte interdisant aux chrétiens de manger du sang, et des animaux suffoqués.  Et de plus, il n’y avait aucune raison qui aurait amené les apôtres à interdire l’homicide.  Ils ne voulaient prohiber que les choses dont les Gentils se demandaient si elles étaient un péché.  Que l’homicide ait été un péché, personne n’en a jamais douté.
Nous répondons donc que les apôtres ont prohibé d’abord la fornication, car ce n’était pas pour les Gentils un péché, puisqu’elle n’était punie par aucune loi.  Ils leur ordonnèrent ensuite de s’abstenir de viandes immolées aux idoles, de sang et d’animal suffoqué, non en tant qu’observance de la loi ancienne, mais en tant que leurs préceptes à eux, les apôtres, c’est-à-dire pour que l’église puisse plus facilement former un tout à partir des Juifs convertis et des païens.  Car, au tout début, les Juifs n’auraient pas pu  supporter la société des Gentils s’ils les avaient vus manger des viandes immolées aux idoles, du sang et des animaux suffoqués.   Toutes choses   qu’ils avaient en horreur.   Plus tard, quand l’Église crut, et que le but de cette loi cessa, la loi cessa d’elle-même. C’est de quoi parle saint Augustin : «  Si, à ce moment, les apôtres prescrivirent aux chrétiens de s’abstenir du sang des animaux, et de manger de la viande suffoquée, il me semble que c’est parce qu’ils avaient choisi quelque chose qui était facile à observer, et qui n’était pas pénible.  Les Gentils avec les Israélites, à cause de cette pierre angulaire qui portait sur elle deux murs, observèrent ensemble communément quelque chose. »  et plus bas : « Une fois terminé ce temps pendant lequel les deux murs, venant l’un de la circoncision, l’autre du prépuce, vivaient en concorde sur la pierre d’angle, mais avec des propriétés distinctes,  et quand l’église des Gentils fut telle qu’en elle aucun Israélite selon la chair ne fut présent, quel chrétien observa encore de ne pas manger l’animal avec le sang ou un lièvre dont le coup a été cassé avec la main, ou qui fut tué sans blessure sanglante.  Et ceux qui redoutent encore de toucher à ces choses font rire d’eux. »
Le concile n’a donc pas erré, et Jacques n’a pas changé la sentence de Pierre.  Mais, avant que la chose ne fût définie, il a pensé d’ajouter à la sentence de Pierre ce précepte positif et temporaire.  Et après cela, la chose dut définie par une sentence commune.   Voir saint Jérôme dans son épitre à saint Augustin (qui est la onzième des épitres de saint Augustin), où il dit que Jacques et tous les autres ont donné leur assentiment à la décision de Pierre.
Quatrièmement. Ils présentent le concile de Néocésarée, confirmé par Léon 1V (dist 5, canon de libellis)  et reçu par le concile de Nicée 1, comme on le dit dans le concile de Florence (session 7), car dans ce concile (canon 7) on trouve une erreur, celle de prohiber les secondes noces.  Voici les mots du concile : «  Le prêtre ne pourra pas participer au banquet des secondes noces, d’autant plus  que le concile l’oblige d’attribuer une pénitence à ceux qui se marient deux fois. »  Quel sera le presbytre qui,  à cause d’un banquet, ne consentira pas à des secondes noces qu’autorise Paul quand il dit : « Si son homme meurt, la femme sera libre, et épousera qui elle voudra, mais seulement dans le Seigneur. »   Je réponds que le concile parle de celui qui a deux épouses, comme l’explique bien la glose 31, question 1, canon de ceux qui fréquemment.    On peut aussi répondre que ce n’est pas le second mariage qui est prohibé, mais la solennité du second mariage, car c’est à ce mot que se rapportent les noces.  La célébration des noces il convient de ne la faire qu’une fois dans l’église, surtout quand ce sont des vierges qui se marient, comme l’atteste Isidore (livre 2, chapitre 19, de officiis) où il dit que c’est seulement lors des premières noces qu’on donne l’anneau, et le voile, en partie blanc, en partie rouge qu’on appelait flambeau.  Et c’est de ce mot que viennent les noces, parce que les têtes des nouveaux mariées étaient recouvertes de ce voile, comme l’atteste Ambroise (livre, chapitre 9 sur Abraham).  Ce canon défend donc au prêtre de participer aux célébrations du second mariage, au lieu d’infliger une pénitence à ceux qui, contre la coutume de l’Église,  ont fait une fête de leur second mariage.
Cinquièmement. Ils en veulent au concile de Nicée lui-même.  Car Luther (dans la première partie de son livre sur les conciles), dit ne pas comprendre comment le Saint-Esprit aurait été dans un concile qui, dans un de ses canons, déclarent non idoines au sacerdoce ceux qui se sont castrés, et dans un autre interdit aux prêtres d’avoir des épouses.  Et il conclut, finalement, en disant : « À la vérité, le saint Esprit ne fait rien d’autre, dans ce concile, que d’imposer à ses ministres des lois impossibles, périlleuses, et non nécessaires. »   Luther considère aussi comme erroné le canon du concile de Nicée sur l’obligation de rebaptiser les pauliniens, et un canon similaire du concile d’Iconius (livre 7, chapitre 6, histoire de l’église d’Eusèbe).  De même, Luther, Brentius et Hermann affirment que, dans ce concile, la milice est condamnée, que saint Jean-Baptiste avait cependant approuvée comme licite (Luc 3).  Voici les propres mots du concile : « Ceux qui, par la grâce de Dieu, ont été appelés, ont montré au début, leur foi en déposant les armes.  Mais après cela, ils sont retournés à leur vomissement, et pour gagner de l’argent, ils reprirent du service militaire.  Que ces gens-là fassent pénitence pendant treize ans. Après la troisième année, qu’ils soient parmi les auditeurs, c’est-à-dire les catéchumènes. »
Je réponds que le concile de Nicée fut d’une telle autorité parmi  tous les pères de l’Église qu’on a peine à s’imaginer que Luther y trouve à redire.  Mais l’effronterie des hérétiques devait aller jusque là puisqu’ils déblatèrent contre ce que l’Église a toujours vénéré. La  loi de continente imposée aux ecclésiastiques déplait énormément à Luther.   Il en conclut donc que le concile a erré.  Mais, pour nous, c’est Luther qui erre, en paroles et en actes, non le concile.  Sur ce sujet on entreprendra une dispute en temps et lieu.   En blâmant le concile pour avoir imposé l’obligation de rebaptiser les pauliens, il ne fait que manifester son ignorance.  Car, les pauliniens ne voyaient en Jésus qu’un homme ordinaire, et niaient la trinité.  Ils ne pouvaient donc pas baptiser vraiment.  Ensuite, le concile d’Icône  fut un concile particulier, et réprouvé par le souverain pontife, comme le concile de Carthage, célébré au temps de Cyprien. Ces conciles nous ne les défendons pas.
Et en ce qui se rapporte au service militaire dans l’armée, le concile de Nicée ne l’a pas prohibé, à moins qu’il faille faire des gestes d’idolâtrie.  Autrefois, le ceinturon de l’épée était une chose très honorable, et très avantageuse, à cause des grands privilèges concédés aux soldats.  Voilà pourquoi les anciens empereurs païens, au temps des persécutions, avaient coutume d’enlever le ceinturon de l’épée, et de dépouiller de leurs armes ceux qu’on découvrait être chrétiens, et qui ne voulaient pas renier leur foi. C’est ce que nous raconte Eusèbe (livre , chapitre 4 de son histoire), dans lequel il dit que Dioclétien a commencé ses persécutions par les chrétiens qui ne pouvaient plus exercer leur métier militaire  qu’à moins d’offrir des sacrifices aux idoles.  Et (au livre 9, chapitre 10), il dit  que, au début de sa persécution des chrétiens, Licinius a expulsé tous ceux qui se trouvaient dans son palais et dans l’armée.  Ruffin raconte la même chose (livre 10, chapitre 32 de son histoire), où il dit de Julien qu’il avait ordonné de ne donner le ceinturon de l’épée qu’à ceux qui faisaient des immolations aux idoles; et de dépouiller de leurs armures ceux que l’on découvrait être chrétiens, et qui ne voulaient pas renier leur foi.  Comme il appert d’Eusèbe (livre 8, chapitre 4 de son histoire de l’église), où il rapporte que Dioclétien a commencé d’abord à persécuter les chrétiens en imposant aux militaires l’obligation de sacrifier aux idoles.     Et (au livre 11, chapitre 2,) il raconte que Valentinien avait reçu de Dieu l’empire parce qu’au temps de Julien, il avait, pour sa foi, été privé du ceinturon militaire.
Les soldats chrétiens renonçaient donc à leur ceinturon avec toute l’ardeur de la foi, préférant vivre sans honneur plutôt que sans foi.  Mais, ensuite, séduits par le démon, ils étaient prêts  à renier leur foi pour porter de nouveau la ceinturon.  Voilà pourquoi le concile a porté sur eux une sentence aussi sévère.  Qu’il en soit bien ainsi, on le voit par Théodose Balzamonus et Zonara, qui donnèrent cette explication dans leurs commentaires de ces canons.  Ensuite, par Ruffin qui (au livre 10, chapitre 6 de son histoire), énumérant les canons du concile de Nicée, donne à l’un d’entre eux le nom suivant : ceux qui, à cause de la confession, ont rejeté le service militaire.  Troisièmement, par le canon lui-même.  Car, dans tout le canon, il ne s’agit que des apostats.  Ceux, d’abord, qui apostasièrent par crainte de la mort ou de la perte des biens.  À ceux qui avaient renié la foi, le concile impose une pénitence de dix ans.  À ceux, ensuite, qui reprirent le service militaire qu’ils avaient foulé aux pieds à cause de la foi, il impose une pénitence de treize ans, parce que leur faute était plus grande.  Car, les premiers n’avaient que renier, mais c’est après la grâce de la confession que les autres avaient apostasié.  L’ingratitude envers Dieu était donc, chez ces derniers, beaucoup  plus grande.
Sixièmement. Hermman nous objecte le concile d’Arles 2, qui dit dans le deuxième canon : « Il ne faut pas choisir pour le sacerdoce quelqu’un qui est déjà engagé dans les liens du mariage, à moins qu’il n’y ait une promesse de conversion. »  Hermann Hamelmanus note ici deux erreurs.  La première.  Il n’est pas permis aux prêtres d’avoir des relations sexuelles avec leurs épouses, car cela est contraire à ce qu’enseigne le quatrième canon du  concile gangrens qui excommunie ceux qui ne veulent pas participer au sacrifice offert par un prêtre marié.  Or, ce concile a été reçu par le pape Léon 1V (dist 20, canon de libellis).  C’est même contraire au concile de Nicée, qui a approuvé la sentence de Paphnuce qui estimait qu’on ne devait pas interdire aux ecclésiastiques la cohabitation avec leurs épouses, comme le rapporte Socrate (livre 1, chapitre 8).  Il s’ensuit donc nécessairement   qu’un des conciles a erré : celui d’Arles, ou celui de Gangrense et de Nicée.   L’autre erreur, il la voit dans le mot conversion.  On ne se convertit que du mal au bien.  Celui donc qui ordonne à un homme  marié de se convertir condamne le mariage, ce qui est une hérésie condamnée par ce même concile, au premier canon.
Je réponds que ces conciles ne se contredisent pas, et qu’aucun d’eux n’a erré.  Car le concile de Gangrense a promulgué des canons contre ceux qui pensaient que les noces et les relations sexuelles étaient essentiellement mauvaises, et inventées par le diable.  Ce fut l’hérésie de Manès, et ensuite d’Euxthate de Sébaste, et c’est contre elle que le pape Grégoire a tenu un concile.  Les hérétiques haïssaient le mariage à un point tel qu’ils ne pouvaient même pas supporter les prêtres qui avaient des épouses comme n’en ayant pas.  Voilà pourquoi le concile a pensé qu’il fallait ajouter ce canon : « Celui qui pense qu’on ne doit rien recevoir de l’oblation faite par un prêtre qui a eu une épouse, qu’il soit anathème. »  Il s’agit ici de prêtres qui ont eu une épouse, non qui en ont.  Et à ce qu’ils ont tiré du concile de Nicée, nous répondons que Socrate n’a pas rapporté fidèlement cette histoire.  Et, pour omettre d’autres preuves,  devrait suffire ce qu’en dit le concile d’Arles.  Ce concile, en effet, a été célébré  tout de suite après la clôture du concile de Nicée, et c’est dans ce concile que sont reçus les canons du concile de Nicée, comme il apparait par le fait qu’ils sont presque tous reproduits tels quels.  Quand nous lisons un canon dans ce concile, nous pouvons être sur qu’il est conforme aux canons du concile de Nicée, ou qu’il ne lui est certainement pas contraire. Car, aucun catholique n’a jamais reproché quoi que ce soit au concile de Nicée.   Je dis, enfin, qu’une conversion ne se dit pas seulement du passage du mal au bien, mais aussi du bien au mieux.  Voilà pourquoi le pape Grégoire (livre 1, épitre 100) appelle une conversion la profession monastique, et le droit canonique emploie l’expression « conversion des conjoints ».
Septièmement.  Hermann Hamelmannus note que le concile de Smyrne, qui parait reçu parce qu’il a condamné l’hérésie de Photin, a confirmé clairement l’hérésie arienne.  On peut, selon lui, dire la même chose du concile de Sardaigne, qui a été reçu par Léon 1V (dist 10, canon de libellis).  Et cependant, saint Augustin dit (livre 3, contre Cresconium, c, 34) : « Apprends ce que tu ne sais pas. Le concile de Sardaigne fut arien ! »   Je réponds que ces arguments procèdent de l’ignorance des historiens.  En plus de la condamnation de Photin,  plusieurs confessions ont été éditées par le concile de Smyrne, les unes catholiques, les autres hérétiques, comme nous avons vu plus haut, et comme le livre de saint Hilaire de Poitiers sur les synodes nous l’apprend.  Le concile de Sardaigne se divisa rapidement en deux blocs : un qui était formé de 300 évêques occidentaux, avec qui se trouvaient les légats du pape Jules, et l’autre de 70 évêques orientaux, qui, se réunissant à part, condamnèrent la foi catholique et saint Athanase.  C’est de ce bloc d’évêques orientaux dont parle saint Augustin,  qui semble n’avoir lu du concile de Sardaigne que ce que les orientaux avaient envoyé en Afrique pour y faire venir les donatistes.
Le huitième.  C’est le même Harmann Hemalmannus  qui nous objecte le concile de Laodicée, dans lequel il est statué, au premier chapitre, que, « par charité (en se montrant indulgents) , on rende  la communion à ceux qui se sont mariés deux fois. »  Ce texte semble vouloir dire qu’on avait avant interdit la communion  à ceux qui s’étaient mariés deux fois, et qu’on peut la leur rendre en pardonnant leur péché, car c’est ce que le mot « indulgence » signifie. Je réponds en disant que le concile parle peut-être de ceux qui ont solennisé leur second mariage, comme nous l’avons expliqué en parlant du concile de Néocésarée.  Je dis ensuite que le concile n’a pas erré, même s’il ne parle que du second mariage en lui-même, mais qu’il a plutôt corrigé une erreur.  Car, il apparait, dans ce passage, que certains évêques, par un zèle qui n’était pas selon la science, déniaient la communion aux bigames.  Et c’est cette erreur que le concile corrige en ordonnant de rendre la communion aux bigames.  En effet, au début du canon, il appelle libres et légitimes les noces de ces bigames.   Et ce « selon l’indulgence », est tiré de saint Paul (a Cor, 7), qui dit qu’il ne commande pas aux époux l’usage de leurs conjoints, mais qu’il le concède par « indulgence »..  Or, par le mot indulgence, saint Paul ne veut pas dire qu’il pardonne un péché, mais qu’il concède un moindre bien, même s’il préférerait qu’ils choisissent un bien meilleur.  C’est dans ce sens que le concile emploie le mot indulgence, quand il dit qu’il concède les secondes noces comme un bien moindre, même s’il préfèrerait qu’on choisisse la viduité, qui est un bien meilleur que le mariage.
En neuvième lieu, Hermann objecte le deuxième concile général, dans le cinquième canon duquel il trouve deux erreurs, qui sont en opposition avec des décrets d’autres conciles.  La première. Que le pontife romain détient la primauté ecclésiastique.   La deuxième.  Que l’évêque de Constantinople doit être placé immédiatement après  le pontife de Rome.  Ces deux erreurs ont été renouvelées par les derniers actes du  concile de Chalcédoine.  La première erreur contredit le concile de Nicée qui, au canon 7, attribue la primauté à l’évêque de Jérusalem.  Et  le concile 3 de Carthage, (chapitre 26) où il est décrété que personne ne doit être appelé prince des évêques, ou prêtre suprême.   La seconde erreur est en opposition avec le concile de Nicée, qui (canon 6) attribue la deuxième place à Alexandrie, la troisième à Antioche,  canon que cite souvent le pape saint Léon le grand (épitres 53, 54, 55).
Je réponds d’abord, que ce n’est pas une erreur, et qu’il n’y aucune opposition à d’autres conciles.  La citation que fait Hermann du concile de Nicée est hors de propos.  Dans ce canon, on accorde un certain honneur à l’évêque de Jérusalem, mais non la primauté dans toute l’église.  Car, dans ce concile, ce siège est soumis non seulement à celui de Rome, mais d’Alexandrie et d’Antioche, et même à celui de Césarée, où était le siège métropolitain de la Palestine, comme nous l’expliquent les canons 6 et 7 du même concile,  des notations de saint Léon,  et de la lettre de saint Jérôme à Pammachus sur les erreurs de Jean de Jérusalem.  Il montre plus d’impertinence dans ce qu’il ajoute au sujet du concile de Carthage, car ce concile n’était qu’un concile national, et il ne promulguait  pas de lois pour l’église universelle, mais seulement pour les évêques d’Afrique.   Il n’a pas prohibé, et il ne pouvait pas prohiber qu’on appelle le pontife romain le prince des évêques, ou le prêtre suprême, mais seulement qu’on n’appelle pas ainsi aucun métropolitain d’Afrique.
La seconde erreur ne peut  pas être dite proprement une erreur, car comme ce décret sur la préséance des sièges avait été porté par un concile, il pouvait aussi être modifié par un autre concile.   Mais comme c’est sans aucune juste raison qu’il avait été changé par les conciles de Constantinople et de Chalcédoine, les pontifes romains Damase et Léon n’ont pas voulu y donner leur approbation,  et ce décret ne fut pas mis en application au temps de ces pontifes, comme on le voit dans la lettre de saint Léon (53) à Anathole, où, parlant du décret du concile de Constantinople,  il dit : « C’est en vain qu’on  présente le consensus de certains évêques en faveur de celui qui, pendant un si grand nombre d’années, en a nié l’effet. »   Et, dans l’épitre 55 à Pulchérie, parlant du décret du concile de Chalcédoine : « Les ententes d’évêques qui répugnent aux règles des canons décrétés à Nicée,  nous les résilions, et par l’autorité du bienheureux Pierre, et notre décision personnelle, nous les cassons. »
Dixièmement.  Hermann nous objecte le canon 47 du concile de Carthage 3, où sont inclus parmi les livres canoniques sacrés, certains livres apocryphes, comme Tobie. Judith, Baruch, la sagesse, l’ecclésiastique,  les macchabées, contrairement au concile de Laodice qui rejette tous les ces livres du canon.
2018 01 24 a2031 fin
 

2018 01 31 15h48 début
Nous répondons d’abord que le concile de Carthage est d’une plus grande autorité que celui de Laodicée, parce qu’il est plus récent, et surtout parce qu’il est national et composé de 64 évêques, et qu’il a été approuvé par le pape Léon 1X (dist 20,  canon de libellis).  Le concile de Laodicée, pour sa part, ne fut que provincial, n’ayant eu que 22 évêques participants; et il n’a pas été, non plus, confirmé par le souverain pontife.  Il a donc pu arriver, comme le disait saint Augustin, que, dans ce cas-ci,  un concile plus récent amende un plus ancien.  Je dis ensuite qu’aucun de ces conciles n’a erré. Car le concile de Laodicée a placé dans le canon les livres dont les évêques étaient certains, et a omis les autres non parce qu’ils niaient qu’ils étaient canoniques, mais parce qu’ils ne voulaient pas définir une chose douteuse.  Et le concile de Carthage, après de plus amples discussions, a défini ce que l’autre concile avait laissé douteux.
 Onzième.  On nous objecte aussi le concile de Tolède, dans le canon 17,  duquel il est écrit qu’on peut admettre à la communion celui qui a une concubine, pourvu qu’il ne soit pas marié.  Et que ce concile a été célébré sur l’ordre du pape Léon (chapitre 21).  Je réponds que ce qu’on appelle ici concubine c’est une femme mariée sans dot et sans solennité, comme on le voit défini par Gratien (dist 34, canon omnibus).  Ce qui est conforme au droit civil, comme on le voit dans la « nouvelle »  18 de Justinien.  De la même façon,  Agar et Cethura sont appelées concubines d’Abraham, bien qu’elles aient été de vraies épouses  (Genèse 16, au sujet d’Achar, et Genèse 25 au sujet de Cethura.)  Mais tu m’objecteras  que ce même Léon qui a ordonné que  soit ce concile, et qui l’a approuvé, dit (dans une lettre à Rutidus de Narbonne) en parlant d’épouse et de concubine : « La concubine n’est pas une vraie épouse, et leur union n’est pas un sacrement, mais un mariage.  Voilà pourquoi  une femme qui épouse un homme ayant une concubine ne pèche pas comme si elle épousait un homme marié, car on ne peut pas dire d’un homme qui a une concubine qu’il est marié. »   Je réponds que le pape Léon prend ici le  mot concubine dans un autre sens que celui que les pères de ce concile lui ont donné, à savoir  celle qui partage la couche d’un homme sans promesse mutuelle de vivre perpétuellement ensemble.  Le concile, lui, entend par concubine celle qui est épousée avec cette promesse mutuelle, mais exprimée privément, et non formulée publiquement.
 Mais,  diras-tu, si Léon est l’auteur  de ce concile comment a-t-il pu nier formellement qu’on puisse donner le nom d’épouse à une concubine ?  Je réponds que Léon ne fut pas l’auteur de tout le concile, mais de seulement ce canon.  Car, au début du concile, on dit que le concile s’est assemblé au temps des empereurs Honorius et Arcade.  À un moment, donc,   où Léon n’était pas encore pape, puisque c’est au temps de l’empereur Théodose junior qu’il a été sacré, trente-trois ans après la mort d’Arcade (la chronique de Prospère).   Ensuite, dans le dernier chapitre, on insère une explication de la foi que l’on dit avoir été faite sur l’ordre du pape Léon le grand.  Toutes ces choses manquent de cohérence, à moins de dire que le concile de Tolède ait été tenu avant le temps de Léon, et qu’après, au temps de Léon, ait été ajoutée cette explication de la foi, et annexée au même concile.  Car  les évêques qui apposèrent leur signature à cette explication avaient été présents au concile.  Ce qui donne beaucoup de vraisemblance à cette hypothèse c’est de voir, avant cette explication de la foi, les signatures des évêques qui mettaient fin au concile; et ensuite,  après l’explication de la foi, les signatures d’autres évêques.  Saint Léon n’a donc confirmé, de ce concile, que le dernier canon qui a été fait de son temps.
 Le douzième.  Harmann Hamelmannus nous objecte aussi  le concile de Wormatiens, dans le canon 3 duquel on trouve une énorme erreur.   On ordonne que les voleurs occultes soient testés  par la réception de l’eucharistie.  Or, saint Thomas d’Aquin lui-même enseigne que c’est une erreur (par 3, q. 80,  ar. 6, ad 3).  Je réponds que ce fut un concile provincial non confirmé, mais plutôt réprouvé par les souverains pontifes, précisément à cause de canon.  C’est ce que saint Thomas enseigne au même endroit.  Le treizième.   Ils mettent de l’avant d’autres canons du sixième synode, qui semblent avoir été reçus.  Car Hadrien 1 (dans sa lettre à Tharasius, qui se trouve dans la deuxième moitié du concile),  appelle ces canons divins, et légalement prescrits.  De même, Nicolas 1 (dans sa lettre à Michel) et Innocent 111 (ca a multis,extra de etate ordinandorum) et le synode 7  (actes 2-6) se servent ce ces canons.  Mais, dans ces canons, on trouve de graves erreurs.  Car, dans le canon 2,  on reçoit le concile tenu sous Cyprien sur la réitération du baptême des hérétiques, ce que saint Augustin appelle une erreur (souvent dans ses sept livres sur le baptême).  Le canon 71 juge invalides et annulables les mariages entre catholiques et hérétiques, ce qui est une erreur fragrante.   Car, même s’il pèche celui qui épouse une hérétique, le mariage est un sacrement à cause du caractère du baptême que l’hérétique conserve.  Un tel mariage ne peut donc pas être annulé.
 Je réponds que non seulement ces canons,  mais même beaucoup d’autres sont erronés. Il faut pourtant savoir qu’ils n’ont été promulgués par aucun concile légitime et approuvé.  Car Tharasius nous montre que dans l’acte 4 du synode 7, ces canons n’ont pas été promulgués par le synode 6 qui fut tenu au temps de Constantin et d’Agathon, mais plusieurs années après, au temps de l’empereur Justinien 11.  À ce concile ne fut présent le pontife romain ni par lui-même ni par des légats.  Et non seulement il ne confirma pas ce concile, mais il le réprouva publiquement, comme l’attestent Bède le vénérable (dans son livre sur les six états, au mot Justinien), Paul Diacre (dans sa vie de Justinien) et  Platina (dans sa vie de Serge).   Aux paroles d’Hadrien 1,  je réponds qu’il n’a fait que rapporter la sentence de Tharasius, sans la réprouver, parce que ce canon 81 sur les peintures avait une certaine utilité à cette époque.  Aux paroles de Nicholas je réponds qu’elles parlent en notre faveur.  Car il dit qu’il cite ce canon des Grecs  comme saint Paul avait cité des paroles de poètes païens.  Au sujet d’Innocent,  je dis qu’il n’a rien défini, là, au sujet de ces canons, mais qu’il n’a fait que citer un d’entre eux.  Qu’il l’ait cité au nom du synode 6, cela a pu se faire,  soit parce qu’on les nomme ensemble, même s’ils ne le sont pas vraiment;  soit  parce que Innocent a reçu ce canon de  Gratien (dist 32, canon  si quis).  Or, Gratien, dans cette partie, a souvent erré,  attribuant des livres à ceux  qui n’en étaient pas les auteurs.  Je dis au sujet du septième synode,  que ces canons ont été  cités par des hommes privés dans le synode, pendant la période de discussion,  mais qu’ils n’ont pas été définis par le concile.  Car, à l’acte 7, on trouve une définition du concile dans laquelle aucune mention n’est faite de ces canons.  Voir François de Tours, dans son livre sur le septième synode,  et les explications que nous avons données de ces canons au livre 2, chapitre 14 du souverain pontife.
  Un quatorzième est présenté par Hermann Hamelmannus (livre 3, dernier chapitre des prolégomènes),  Calvin (livre 1, chapitre 11, verset 14 des institutions, et dans le livre 4, chapitre 9, verset 9) et les magdebourgeois (centurie 8, chapitre 9), le synode 7, Nicée 11.   Ils disent qu’ils s’opposent à deux conciles, un antérieur, celui de Constantinople, et un autre postérieur, celui de Francfort, sous Charlemagne.  Est--ce qu’il faut suivre la règle de saint Augustin  (livre 2, chapitre 3 sur le baptême),  qui veut que les conciles anciens soient amendés par les récents, ou la règle d’Isidore (que l’on trouve dans Gratien dist 50, canon le Seigneur saint) qui enseigne que les conciles plus anciens doivent être placés avant les plus récents.   Il deviendra donc nécessaire de rejeter le concile de Nicée.   Que le deuxième concile de Nicée s’oppose au concile de Constantinople plus ancien, le concile de Nicée lui-même le reconnait à l’acte 6, dans lequel les pères déclarent que c’était au temps du précédent empereur que fut défini au concile de Constantinople que les images ne pouvaient en aucune façon être vénérées.  Ce qui est en opposition avec le concile postérieur de Francfort, dans lequel les légats du pontife romain furent présents.  Les adversaires le prouvent par des historiens comme Adon, Aimonius, Platina et d’autres, qui, en parlant de l’époque de Charles  et d’Adrien disent que, dans le concile de Francfort, a été condamné le septième concile des Grecs.    Ils le prouvent ensuite par les quatre livres de Charlemagne qui venaient d’être publiés, c’est-à-dire en 1549.   Dans ces livres, Charlemagne milite avec force contre le concile qui a condamné les images, et nous y lisons qu’ils ont été approuvés par le concile de Francfort.
 Je réponds que le concile de Nicée n’est en opposition avec aucun concile légitime.  Et d’abord, en ce qui a trait au concile de Constantinople sous l’empereur Constantin Copronyme,  il est évident que ce concile ne fut pas un concile général, qu’il ne fut légitime en aucune façon, puisque le pontife romain n’y participa , ni par lui-même, ni par ses légats, comme le racontent les historiens Zonaras et Cedrenus dans la vie de Constantin Copronyme.  Et c’est ce que reconnaissent aussi les magdebourgeois  (centurie 8, chapitre 9, colonne 55).   Que sans pontife romain, aucun concile légitime ne peut être tenu, c’est la règle du concile de Nicée qui nous le dit, (que l’on trouve dans le livre 2, chapitre 13 de Socrate ».   Et que dire de ce que ne furent pas présents, non plus, les trois principaux patriarches, celui d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, comme le rapportent Zona, Cedrenus  et les magadebourgeois.  Et comment peut-il être légitime un concile que n’approuvent ni l’Orient ni l’Occident, ni la région médiane, mais seulement quelques évêques de l’Aquilon ?   Comme  ils sont nombreux les historiens, tant grecs (comme Zonaras, Pfellus, Photius, Nicetas, Cedrenus)  que latins, (Rheginus, Sigebert, Adon, Paul diacre,  Urspergensis,) qui réprouvent ouvertement ce concile, ou qui ne le comptent pas parmi les conciles ecclésiastiques.
 Au sujet du concile de Francfort sur lequel misent principalement nos adversaires,   je dis trois choses.  D’abord, tout ce que concile a défini est sans grande importance, car  il ne faut surement pas l’estimer plus grand que le concile de Nicée qui fut  certainement universel et plus ancien, et approuvé par le souverain pontife.  Le concile lui-même nous montre que furent présent les légats du pape Hadrien. Il fut approuvé par Léon 3.  Je dis, en second lieu, que si ce que disent les magdebourgois est vrai (centurie 8, chapitre 9, colonne 639),  ce concile ne nous fait aucun tort.  Car, c’est eux-mêmes qui disent qu’Hadrien n’a pas consenti au synode de Francfort, mais l’a réprouvé, ainsi que ses légats.   Et il est certain qu’un synode que réprouve un pape n’est d’aucune autorité, comme on le voit chez Gélase (dans le tome sur le lien de l’anathème), et par l’expérience.  Car aucun synode réprouvé par le pape  n’a jamais été considéré légitime.  Et que dire si le concile de Francfort enseigne cela lui-même, car les livres carolingiens  montrent que le synode a décrété que le jugement ultime dans les controverses appartenait au pape, et que c’est principalement avec cet argument qu’il rejette le septième synode.  Il estimait, en effet, qu’il avait été célébré sans l’autorisation du souverain pontife.  Selon le témoignage des magdebourgeois, le synode de Francfort se détruit lui-même.
 De plus, les mêmes magdebourgeois disent que le synode de Nicée confirmé par le pape Hadrien réprouve le concile de Francfort fait sans l’autorité du pape.  Donc, au jugement des magdebourgeois, ce n’est pas notre concile de Nicée, mais un autre qui est condamnée par le concile de Francfort.    Au même endroit les magdebourgeois enseignent que n’a pas été décidé dans le concile de Francfort que les images soient enlevées des temples, mais qu’elles demeurent dans les temples sans être « adorées ».  Pourquoi donc, eux, enlèvent-ils les images des temples ?  Pourquoi les brisent-ils ?  Pourquoi ne conservent-ils pas le décret de Francfort ?  C’est ce qui nous permet de réfuter le mensonge de l’apologie des anglais qui enseigne que le concile a décrété qu’on détruise les images, alors qu’il a décrété tout le contraire,  au témoignage des livres carolingiens,  d’Hincmar,  et des magdebourgeois eux-mêmes, à savoir  que soient anathématisés ceux qui veulent détruire les images.   De plus, la chose parle par elle-même.  Car, si le concile avait statué cela, pourquoi ne l’a-t-on pas fait ?  Car, qui, dans l’église occidentale, résisterait à un décret de tous les évêques et de l’empereur ?  Il est plus que certain que rien de semblable n’a été fait, car aucun des historiens ne le rapporte.   À l’exception de Jonas d’Aurélie, qui raconte, comme une chose nouvelle et sacrilège, que Claude Taurin a voulu, dans son diocèse, détruire  des images.
 Je dis, en troisième lieu, que ce qui a été statué définitivement dans le concile de Francfort au sujet des images, demeure incertain.   Car, les anciens auteurs ne sont pas toujours cohérents avec eux-mêmes.  Tout d’abord, le décret lui-même de Francfort qui est cité dans la préface des livres carolingiens, atteste que, dans le concile de Francfort, a été condamné le concile qui s’était rassemblé à Constantinople et qui avait commandé d’adorer les images.  Quand il parle de Constantinople, il semble parler des hérétiques qui sont contre les images; et quand il parle d’un décret ordonnant d’adorer les images, il semble se référer au concile des catholiques.  Semblablement,  les livres carolingiens eux-mêmes disent que, dans le synode de Francfort,  a été condamné le synode qui s’était rassemblé en Bithynie, sans l’autorisation du pape, au sujet de l’obligation d’adorer les images.   Quand il nomme Constantinople, et dit qu’il a été tenu sans l’autorisation du pape, il semble parler du synode des hérétiques.  Mais, quand il dit en Bithynie, et qu’il a été célébré pour les images, il semble parler de notre concile de Nicée, car Nicée est la métropole de la Bithynie, et Constantinople est dans la Thrace.
 Hincmar de Reins (chapitre 20 du livre contre Hincmar de Laudunensen, qui vivait à peu près  à cette époque),  dit que, dans le synode de Francfort, a été condamné le synode qui s’était tenu à Nicée sans l’autorisation du pape, où il met deux choses contraires ensemble, comme le montrent Aimonius (livre 4, chapitre 85, les gestes des Francs),  et l’abbé Urspergensis (dans sa chronique, à l’année 793).  Ils écrivent que, dans le synode de Francfort, a été condamné le septième synode des Grecs, qui s’était réuni à Constantinople sous Constantin et Irène.  Même eux se contredisent aussi.   Plusieurs historiens plus récents  disent que, dans le synode de Francfort, a été condamné le concile qui enseignait d’enlever les images, que les Grecs appelaient le septième.  Ainsi, Platina (dans la vie d’Adrien),  Blondus (décade 1, livre 1), Sabellius (livre8, Enneadis),   Paul Émilien (livre 2 des gestes des Francs).  À cause de cette confusion, Alanus Copus (dialogues 4 et 5) enseigne que, dans le concile de Francfort, seul a été condamné le concile de Constantinople hérétique, que l’autre non seulement n’a pas été condamné, mais qu’il a même été confirmé.  C’est cette version que j’aimerais considérer comme vraie, mais je soupçonne qu’elle est fausse.
 Premièrement, parce que les livres carolingiens ont été faussement attribués à Charlemagne.   Ils ont cependant, sans aucun doute, été écrit au temps de Charlemagne, comme on le voit par la réfutation des livres qu’Adrien 1 a édités.  Et ils semblent avoir été écrits pendant le concile de Francfort, et contenir des actes du concile.  C’est ce qu’affirme Hincmar, un auteur du temps, et ces livres eux-mêmes portent un témoignage en leur faveur.  Que le synode qui dans ces livres est réfuté soit vraiment Nicée 11, on ne peut en douter, si on prend la peine de les lire, eux, ou la réponse d’Adrien.    En second lieu, tous les auteurs anciens sont d’accord pour rapporter que, dans le concile de Francfort, a été réprouvé le septième synode, qui avait décrété qu’il fallait adorer les images.   C’est ce que Hincmar, Aimonius, Rhegino, Adon et d’autres  enseignent souvent.    Dire que tous ces gens-là mentent, ou que leurs œuvres ont été corrompues me semble dur  à avaler.
 Troisièmement, si ces auteurs avaient parlé du faux sixième synode, c’est-à-dire du concile de Constantinople contraire aux images,  ils se souviendraient quand même dans leurs récits du vrai synode de Nicée.  Or, ils ne se sont  souvenus que du concile de Nicée qui a été condamné.   Peu importe que les livres carolingiens, comme l’abbé Urspergensis et Aimonius le disent, réprouvent le synode qui a eu lieu à Constantinople, car le dit abbé a suivi les livres carolingiens, comme aussi Aimonius.    L’auteur de ces livres, par un trou de mémoire ou par incompétence, a mis le mot Constantinople au lieu de Nicée.  Car, quand il dit que le synode a été célébré dans la province de Bithynie, où se trouve Nicée, et non Constantinople, il indique suffisamment que c’est de Nicée qu’ii parle.  Et, il en va de même pour l’abbé et Aimonius.  Quand ils disent que le synode a été célébré sous Constantin et Irène,  ils démontrent clairement qu’ils parlent du concile de Nicée 2, même si, par erreur, ils nomment Constantinople.   Il importe peu, non plus, que Hincmar et les livres carolingiens disent que le synode réprouvé à Francfort  ait été célébré sans l’autorité du pape, ce qui est faux de Nicée, et vrai de Constantinople.   Car Hincmar a suivi les livres carolingiens, comme lui-même le spécifie :  l’auteur de ces livres a inventé de toutes pièces ce mensonge, avec beaucoup d’autres, pour s’opposer au concile de Francfort, comme nous le dirons bientôt.
 Il importe peu, enfin, que Platina, Blondus, Sabellicus, et Paulus Émilianus écrivent que le synode qui a été réprouvé c’est celui qui a commandé d’enlever les images, car ils sont tous plus récents.  De plus, ce qu’ils disent n’est pas en opposition avec ce que disent les historiens anciens.  Car, dans le synode de Francfort, deux synodes ont été réprouvés, celui de Constantinople contraire aux images, et celui de Nicée 2 favorable aux images, comme nous le font voir les livres carolingiens et aussi Hincmar.   Et c’est peut-être pour cette raison que quelques historiens anciens nomment Constantinople, d’autres Nicée, quand ils disent qu’un synode des Grecs a été condamné à  Francfort.  Il me semble donc à moi, que, dans le synode de Francfort, c’est le synode de Nicée 2 qui a vraiment été condamné, mais par erreur, et matériellement, pour une raison semblable à celle qui a poussé le concile d’Ariminensis  a condamner le mot consubstantiel (homoousion).   Car, l’auteur des livres carolingiens a attribué au concile de Nicée 2 deux mensonges.  Le premier.  Le concile a décrété que les images doivent être adorées d’un culte de latrie.  L’autre mensonge.    Ce décret a été fait par les Grecs sans le consentement du souverain pontife.  Après avoir considéré comme vrais ces deux mensonges, le concile de Francfort a condamné à juste titre le concile de Nicée 2 comme profane et illégitime.
 Que le concile ait été persuadé de ces deux choses, les livres carolingiens eux-mêmes nous le font comprendre.  Car, voici ce qu’on lit dans la préface : « Dans le concile de Francfort est revenue sur le tapis la question du nouveau synode des Grecs qu’ils tinrent à Constantinople au sujet de l’adoration des images, dans lequel il est écrit que celui qui s’interdirait d’adorer les images des saints comme on adore la très sainte trinité serait anathématisé.  Nos pères, refusant de toutes leurs forces de rendre aux images, par la parole ou les gestes,  une adoration,  de latrie, se sont tous mis d’accord pour condamner ce concile. »   Voilà ce qu’ils disent à un endroit.  Dans la même œuvre, on fait entrer le concile d’évêques de Chypre qui , dans le concile de Nicée 2, dit anathème à ceux qui n’adorent pas les images comme on adore la très sainte Trinité.  C’est clairement le premier mensonge.    Le même auteur enseigne ouvertement que c’est au souverain pontife qu’appartient le jugement sur les controverses de foi, et que, par conséquent, ce concile ne vaut rien, parce qu’il n’a pas été approuvé par le pape.
 De plus, les auteurs anciens qui rapportent qu’a été condamné un faux synode, entendent surement par le mot vénérer,  adorer d’un culte  de latrie.  Car, ils enseignent, eux aussi, qu’il faut vénérer les images, et pourtant exècrent ce synode qui ordonne d’adorer les images.   Adon (dans sa chronique  à l’année 696) dit qu’au jour de l’exaltation de la sainte croix, le peuple avait coutume d’embrasser la sainte croix et de l’adorer.   Également, dans sa chronique (en l’an 717), il dit que doit être vénérée l’image que l’hérétique Philippe avait enlevée, et que l’empereur catholique Théodose avait restituée. Rhegino (livre 1 de sa chronique, vers la fin)  accepte l’adoration de la sainte croix, et appelle un crime honteux la destruction des images faite par Léon iconoclaste.  Jean Aventinus (au livre 4 de ses annales) raconte que, quand Charlemagne a été nommé empereur, son image a été placée dans le temple et vénérée par le peuple, en sa présence même.  L’abbé Urspergensis (dans sa chronique) se déchaîne contre Léon Isaurien et Constantin Copronyme, à cause de leur rejet des images, et les appelle impies, et précurseurs de l’antichrist.  Et, à l’inverse, il loue le pape Grégoire, et dit qu’il fut un saint, parce qu’il a excommunié l’empereur à cause des images du Christ et des saints.
Que le concile de Nicée n’ait pas été approuvé par le pape, et qu’il ait décrété que les images soient adorées d’un culte de latrie, il est absolument certain que ce sont des mensonges.  Car, dans le concile de Nicée 2, on reproduit les lettres du pape Adrien en faveur des images, et tous ses actes ont tous été signés d’abord par les légats du pape. Ensuite, en ce qui se rapporte au culte de latrie, dans l’acte 1, nous lisons que quand Basile d’Ancyre, qui était autrefois hérétique, reçut et émit la profession catholique, pendant que tout le concile écoutait et approuvait,  il dit qu’dit qu’il rendait un culte aux images, mais pas de latrie, car cela n’était du qu’à Dieu.   Constantin, évêque de Constance de Chypre, parla également de la même façon, dans ce même  synode de Nicée 2. Ainsi que d’autres évêques (actes 4 et 7).   Il n’y a pas à se surprendre que l’auteur des livres carolingiens ait attribué au concile de Nicée ces gros mensonges que le concile de Francfort prenait pour des vérités.  Car, si, de nos jours, les magdebourgeois et Calvin osent écrire que nous adorons les images en leur rendant des honneurs divins, comme si elles étaient des dieux, alors que  tant de livres catholiques, et le concile général latin lui-même qui a été célébré à Trente, aux frontières de la Germanie,  clament ouvertement le contraire, comment se surprendre que la même chose soit arrivée au sujet d’un concile tenu en grec, langue que très peu pouvaient lire, et qui a été célébré en Orient?
Si tu tires la conclusion que le concile de Francfort, auquel beaucoup d’évêques ont participé,  et qui était légitime, a pu errer, je répondrai qu’il a pu errer,  non dans la doctrine, mais dans une question de faits.  Et, de plus, il n’y a pas à se surprendre qu’il ait erré, car les légats romains ne consentirent pas, comme le disent les magdebourgeois.  Le pape non seulement ne consentit pas, mais il  réfuta le décret de Francfort, comme on le voit  dans le livre d’Adrien à Charlemagne  sur les images, où il réfute tous les mensonges des livres carolingiens.   Et l’enseignement qu’ils tirent des livres carolingiens selon lequel le firmament principal est cause de lui-même, je dis que ces livres ne sont ni de Charlemagne,  ni d’aucune personne à qui on puisse faire confiance.  Qu’ils n’aient pas été écrits par Charlemagne, on le prouve ainsi.  Dans le livre du pape Adrien 1 à Charlemagne qui nous est parvenu, dans lequel ces livres sont réfutés avec précision, il apparait clairement que ces livres ont été composés par un hérétique, et envoyés par Charles au pontife pour qu’il y réponde.   Ce livre d’Adrien on le trouve dans le tome 3 des conciles, et ailleurs, car, dans la quatrième partie de ce décret, on a tiré plusieurs choses de ce livre, au nom d’Adrien.
Deuxièmement.  Les historiens grecs et latins, comme Zonara et Cedrenus (dans la vie de Léon Isaurien), ainsi que le diacre Paul (dans la vie du même), racontent que les pontifes romains Grégoire 111, et Adrien 1, ont refusé leur allégeance aux empereurs grecs,  les ont excommuniés, et ont interdit aux Italiens de leur payer le tribut;  et qu’ils se sont mis sous la protection des Francs, et que c’est à eux qu’ils ont transféré l’empire, surtout parce que les empereurs patronnaient les hérétiques iconoclastes, alors qu’au contraire, les rois francs demeuraient constamment dans la foi antique.  Comment donc est-il vraisemblable que le même Charlemagne ait milité en faveur de cette hérésie, et qu’il ait écrit pour l’erreur des Grecs contre le souverain pontife ?  Mais écoutons les paroles de Zonara : « Le pape Grégoire, ayant soustrait les occidentaux à l’obéissance à l’empereur,  à cause de l’opinion perverse de celui-ci, fit la paix avec les Francs,  comme il l’avait fait plusieurs fois auparavant, pour, par des lettres, retirer Léon de la colère de Dieu,  et le ramener au culte des saintes images. »  Et, plus bas, dans la vie d’Irène : « Après la mort d’Adrien, pape de la vielle Rome, Léon lui succéda, homme vénérable et honorable.  Il se mit sous la protection de Charles, le roi des Francs,  et depuis ce temps, Rome sous la garde des Francs.  Charles fut couronné par Léon, et appelé empereur des Romains. »  Car,  ne voulant rien avoir en commun avec  les impies  gouverneurs de l’église de Constantinople, le pape Grégoire fit la paix avec les Francs.
Troisièmement.  Jonas Aurélien, qui vécut au temps de Louis le Pieux, le fils de Charlemagne, et qui  a écrit un livre sur le culte des images, rapporte que c’est Claude de Tours qui fut le patron de cette hérésie  pendant tout le temps où vécut Charles, mais qu’il n’a jamais osé ouvrir la bouche. Le même auteur  appelle l’empereur Charlemagne un homme très pieux et de sainte mémoire.  Si donc, les iconoclastes, du vivant du Charlemagne, n’osaient pas prêcher leur hérésie, si les défenseurs des images vénèrent Charlemagne comme pieux et saint, quelle impudence ne serait-ce pas d’attribuer à un tel homme des livres contre les images ?  Quatrièmement.   Paulus Émilius  (livre 2, histoire des Francs), ainsi que Rhegino (dans sa chronique) écrivent que dans un concile tenu à Gentiliace, le roi Pépin, le père de Charlemagne, a réfuté l’erreur des Grecs contre les saintes images,  en présence des légats de l’empereur grec.  De ce même Paul, on apprend que, un peu après, au  concile, que le pape Stéphane avait célébré à Rome contre cette erreur des Grecs, Charles avait envoyé douze évêques, de la haute noblesse.  Par quelle audace, donc, les adversaires s’efforcent-ils de transformer un prince très chrétien en un iconoclaste ?  Surtout parce que les magdebourgeois sont du même avis que ce Paul Émile (centurie 8, chapitre 9, colonne 570).
Cinquièmement.  Il appert, de tous les historiens, des lettres, des poèmes et des actions de Charles,  que le pape et Adrien ont toujours été étroitement unis.  Demeure encore l’épitre du pape Adrien composée par l’empereur Charles, qu’on trouve chez Onuphrius  et chez Platina , dont voici le début : « Que ce père de l’Église, l’honneur de Rome, et auteur illustre, le bienheureux pape Adrien, repose en paix !   Homme dont la vie est Dieu, la piété, la loi, la gloire sont le Christ.  Un père apostolique, prompt à  tout bien. »  Et, plus bas : « Pleurant son père, Charles écrit ces vers :  Toi, mon doux amour,  je te pleurs, mon père.  Souviens-toi de moi.  Mon esprit te suivra toujours.  Avec le Christ, règne dans la bienheureuse cité ! »  Est-il donc croyable que Charles ait été d’une autre religion, d’une autre foi que celle d’Adrien; qu’il ait écrit avec tant d’aigreur contre cet Adrien qu’il vénérait tant, et qu’il a loué après sa mort ?
De plus. Il est certain que Charlemagne était versé en latin et en grec, qu’il était prudent, ingénieux.  Or les livres qu’on lui attribue sont barbares, ineptes, simplistes, et presque idiots.  Car l’auteur de ce livre nous dit que Constantinople est une ville très connue de Bithynie, alors que personne n’ignore qu’elle est en Thrace, à moins qu’à cause des nombreux tremblements de terre, elle ait changé de place.  Ensuite, il déclare que le concile en faveur des images a été tenu à Constantinople, alors que personne n’ignore que c’est à Nicée qu’il a été convoqué, sauf celui qui n’a jamais rien lu.  Et, ce qui est plus grave, ces livres, par mensonge et calomnie, attribuent aux pères de Nicée beaucoup de choses qu’ils n’ont jamais dites.  Par exemple : que l’eucharistie soit l’image du corps du Christ, proposition que non seulement les pères du concile de Nicée n’ont jamais avancée, mais qu’ils ont expressément condamnée.  Ils n’ont fait que donner à Calvin l’occasion d’un nouveau mensonge.  Car, parce que les iconoclastes avaient dit qu’il n’y avait qu’une seule image qu’on devait adorer, l’eucharistie, et que le pseudo Charles avait attribuée cela au concile de Nicée, il a plus à Calvin de changer le tout, en disant : « De plus, pour que la fable ne manque pas d’applaudissement solennel (celui du concile de Nicée 2) : qu’ils se réjouissent et qu’ils exultent ceux qui, ayant l’image du Christ, l’offrent en sacrifice ! »  Ce qui est un mensonge extrêmement impudent.  Car, le concile de Nicée 2 est si loin de vouloir offrir des images en sacrifice, qu’il déclare expressément (article 7) que ce n’est pas une adoration de latrie qu’on doit rendre aux images, mais une vénération.
Il s’adonne enfin, que ce livre, comme un autre Melchisédech, est sans père, sans mère, sans généalogie.   Il a vu tout à coup le jour, sans qu’on sache quand, où et comment, et par qui il a été découvert.  Il n’a pas de nom d’auteur, ni d’imprimeur, ni du lieu où il a été imprimé.  Toutes ces choses sont des signes de fraude.  Mais, concédons qu’il est le livre de l’empereur Charlemagne.  Quel avantage en retireront les adversaires ?  Aucun.   Car l’auteur de ce livre s’oppose énergiquement à presque tous les dogmes des calvinistes.  Car, il enseigne clairement que c’est au pontife romain que revient le jugement ultime dans les controverses de la foi; et que c’est non des conciles, mais de Dieu lui-même qu’il a reçu la primauté.   Il veut aussi qu’on pratique un exorcisme pendant le baptême, qu’on invoque les saints, qu’on vénère les reliques, qu’on conserve, dans l’Église l’usage du saint chrême, de l’eau bénite et du sel bénit.  Il dit aussi que, dans l’eucharistie, se trouve le vrai corps du Christ, et qu’il doit être adoré, et qu’on doit l’offrir comme un vrai sacrifice, toutes choses que nient et rejettent  nos adversaires.   Si donc, ils veulent que nous croyions à cet auteur quand il enseigne que le concile de Nicée 2 a erré,  qu’ils y croient donc, eux aussi, quand il enseigne les choses que nous venons d’énumérer.  Car, même s’il était prouvé que Charlemagne est l’auteur de ces livres, et qu’il est d’accord en tout avec les calvinistes, qu’auraient-ils d’autre que le témoignage d’un laïc, et d’un soldat !  Opposer un tel homme à un concile général d’évêques, c’est de la démence !  Car, comme le dit à bon droit saint Jean Damascène (deuxième discours sur les images) : « Le Christ n’a pas confié son Église aux rois, aux empereurs, mais aux évêques et aux pasteurs. »
Le quinzième.   Ils nous présentent deux conciles,  qui se contredisent, et qui ont été tous deux présidés par des légats romains.  Car, le concile romain sous Stéphane 7 a résilié tous les actes du pape Formose, son prédécesseur.  Ensuite, le concile de Ravenne, sous Jean X1,  a annulé tous les actes du concile sous Stéphane 7, et a approuvé les actes de Formose.  Voir Sigebert (chronique à l’an 903), et Platina (dans ses vies de ces deux pontifes).  Je réponds que la question portait sur un fait, à savoir, Formose était-il un pape véritable et légitime ?  Et, parce qu’un Stéphane mal informé, était arrivé à la conclusion qu’il n’avait pas été pape, il a annulé ses actes.   Et, parce que, plus tard, Jacques, mieux informé,  trouva le contraire, il a corrigé l’erreur du premier concile, selon la règle de saint Augustin qui dit que les conciles antérieurs peuvent être amendés par les conciles postérieurs, dans des cas de genre.
Le seizième.  Ils en veulent au concile  romain sous Nicolas 11, dans lequel fut défini que non seulement ce n’est pas uniquement le sacrement du corps du Christ, mais le vrai corps du Christ qui est touché et rompu par les mains des prêtres, et mâché par les dents des fidèles, comme nous l’indique le canon Moi, Bérenger, dans le code dist 2.  Or, ceci est une erreur manifeste contre la résurrection glorieuse de Christ, de laquelle l’apôtre dit : « Ressuscitant des morts, le Christ ne meurt plus. »  Si le corps du Christ est véritablement rompu par les mains et mâché par les dents, il se corrompt donc et meurt.   Je réponds qu’il ne fut jamais question que le corps du Christ soit réellement rompu et mâché.  Car, il est certain  que le corps du Christ qui existe maintenant est incorruptible et ne peut pas être fractionné et broyé, si ce n’est par signe, dans le sacrement, de sorte qu’on dit qu’il est rompu et mâché  quand son signe, c’est-à-dire l’espèce du pain est rompue et broyée.  Or, la question qui se posait était la suivante : le signe qui est rompu et broyé est-il simplement un signe, ou contient-il vraiment le corps du Christ ?  Parce que Béranger avait enseigné que ce n’était qu’un signe,  le concile, en composant une formule d’abjuration de son erreur,  a voulu qu’il dise que ce n’était pas seulement le sacrement, mais le corps véritable du Christ qui est rompu et mâché, voulant dire par là  que ce qui est rompu et broyé ce n’est pas un simple signe, mais le vrai corps du Christ, c’est-à-dire un signe auquel est réellement uni le corps du Christ.  Et aussi que le vrai corps du Christ réellement présent est rompu et mâché non en lui-même, mais dans son signe.  C’est ainsi que nous comprenons ce que saint Jean Chrysostome  a dit dans son homélie 83, sur saint Matthieu : « O combien disent : je  voudrais voir son visage, ses sandales.  Mais c’est lui que tu vois, lui que tu touches, lui que tu manges ! »
 Dix-septième.  Hermann nous présente le concile du Latran sous Innocent 111, dans lequel il est défini  que c’est un article de foi que le pain et le vin dans le sacrement sont transsubstantiés dans le corps et le sang du Christ.  Or, dans le concile d’Éphèse, on dit anathème à tous ceux qui professeraient un nouveau symbole.  Je réponds, d’abord, que le concile du Latran n’a composé aucun symbole, mais qu’il n’a que défini une chose de foi, comme l’ont fait beaucoup de conciles après le concile d’Éphèse.  Je dis, ensuite, que le concile d’Éphèse a dit anathème à ceux professant un autre symbole que celui de Nicée, non un autre qui l’expliquerait et le complèterait.  Je dis, enfin, que le concile d’Éphèse a prohibé la composition d’un nouveau symbole aux évêques et aux conciles particuliers, mais non au pape ou à un concile général.  Car, personne ne possède le pouvoir de commander à un égal ou à un supérieur.  Dix-huitième.  Ils nous présentent le concile de Constance et de Bâle, qui, dans la session 13, a excommunié tous ceux qui communiaient sous les deux espèces, tout en le permettant aux Bohémiens.   Je réponds que, quoi qu’il en soit de l’autorité de ces conciles, ils ne se contredisent pas, car le concile de Constance a excommunié ceux qui communient sous les deux espèces sans la permission de l’Église.  Car, c’est ainsi qu’on entend les préceptes des anciens, car celui qui prescrit ne perd  pas  l’autorité de dispenser.  Le concile de Bâle a porté sur les Bohèmes, et leur a donné l’autorisation de communier sous les deux espèces.
 Enfin, ils présentent les conciles de Constance et de Bâle qui statuent que le concile est au-dessus du pape, alors que le concile du Latran (session 2) enseigne le contraire.  Mais, nous parlerons de ce sujet à la fin de ce livre.
                                                             CHAPITRE 9
                                         On réfute les objections tirées de la raison humaine
 Dans toute assemblée où se trouvent réunies plusieurs personnes,  il arrive souvent que la partie la plus nombreuse vainque celle qui est la meilleure.  Dans un concile d’église, où toutes choses sont définies à la pluralité des voix, il pourra facilement arriver que se glisse une erreur.  Mais qu’il en soit comme vous dites.  Accordons qu’un concile général ne peut pas errer.  Qui saura si un concile est légitime ou pas ?  Aucun concile ne sera légitime à moins d’être composé d’évêques fidèles. Or, qui peur savoir si les  évêques qui répondent à la convocation ont la vraie foi et la vraie ordination ?  De plus, dans les anciens conciles, où les évêques  provenaient de plusieurs provinces, d’où savons-nous si  la question proposée a été examinée avec soin, si  tous ont signé  librement sans être contraints par aucune force externe, s’ils ont fait correctement tout ce qu’exige d’eux un vrai concile.  Nous ne savons que ce que rapportent les historiens.   Mais les historiens (à l’exception des sacrés) mentent souvent,  et on ne peut leur faire une confiance aveugle et absolue.  Il en résulte donc que tous les décrets des conciles sont douteux.
 Je réponds que dans les assemblées humaines,  il arrive parfois que la partie la plus nombreuse vainque la meilleure.   Mais, dans le concile de l’Église, c’est le Saint-Esprit qui préside.  Et nous n’avons rien à craindre de tel là où le Christ est au milieu de ceux qui sont réunis en son nom, et où est présent celui qui a dit : « J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas, et pour que, une fois converti, tu confirmes tes frères. »   Car, même si le plus grand nombre résiste aux meilleurs, comme cela est arrivé aux conciles d’Arimiensis et d’Éphèse 2, il n’est jamais vainqueur, car les actes de pareils conciles sont vite annulés par celui qui a reçu la charge de confirmer ses frères, comme nous l’avons vu dans ces conciles.       Je réponds à l’autre objection qu’il n’est pas nécessaire que nous sachions si les évêques qui sont convoqués à un synode aient la vraie foi et la vraie ordination, mais qu’il suffit que le contraire n’ait pas été prouvé.   Car même si le souverain pontife (ce qui ne peut pas arriver pensons-nous), et tous les évêques assemblés en concile par le souverain pontife, étaient hérétiques de cœur,   ne professaient qu’extérieurement la foi catholique, et n’avaient pas vraiment reçu le caractère  invisible du sacrement de l’ordre, mais une simple imposition des mains, nous savons avec certitude que Dieu ne permettra jamais qu’un concile de ce genre n’erre en formulant des canons.  Car, c’est le Saint-Esprit lui-même qui assiste un concile, non pas tant à cause du concile lui-même, mais à cause de l’église universelle qui est tenue, par un précepte divin, de ne pas contester la décision des évêques, mais de la vénérer.   En conséquence, pour que n’erre pas l’église universelle, la providence divine a fait en sorte que même un concile d’évêques fictifs, bon gré mal gré, propose à l’église universelle, de suivre la vraie foi.  Donc, pour qu’un rassemblement d’évêques  soit légitime et soit considéré comme tel, la seule chose qui est requise  c’est que des évêques se rassemblent, ceux qui président ordinairement dans les églises,  et qui sont considérés publiquement par tous comme des évêques véritables et catholiques,  quoi qu’il en soit de ce qu’ils cachent dans le fond de leur cœur.
 Et parce que nous savons non seulement que Dieu prend soin du salut de son église, et parce que nous apprenons aussi des Écritures que la providence de Dieu dispose tout suavement,  nous croyons fermement que Dieu ne permettra pas que, dans un concile, que l’Église considère légitimement convoqué, la plus grande partie ne soit ni légitime ni catholique.  Ce serait quelque chose de difficile et même de violent (même si non impossible à Dieu qui a corrigé le manque de sagesse de son prophète par une jument) qu’un concile complètement hérétique fasse, contre sa volonté et son intention, un décret catholique.     À la dernière objection certains répondent comme Vega (dans le concile de trente, livre 3, chapitre) qu’un concile est légitime, et doit être tenu par les catholiques comme étant la foi catholique, non parce que c’est ce qu’attestent les historiens, mais parce que c’est ce que  le concile lui-même a défini.  Car les conciles ont coutume, au début des actes, de déclarer que leur assemblée est légitime, et qu’elle a été convoquée par l’Esprit Saint.
Mais cette réponse ne semble pas suffisante.  D’abord, parce que les anciens conciles n’avaient pas l’habitude de déclarer que leur rassemblement était légitime, et opéré par l’Esprit Saint.  Et des conciles postérieurs, comme Constance, Bâle, Latran, Trente et d’autres ont déclaré cela, mais non comme un décret engageant la loi des fidèles.  Car, on ne trouve jamais, dans les canons proprement dits, un canon particulier qui définit que ce concile est légitime.   Deuxièmement.  Ou nous savons, par ailleurs, que tel concile était légitime, alors qu’il aurait pu définir s’il était légitime, ou nous ne le savons pas. Si on le sait, c’est inutilement qu’on aurait ajouté cette sorte de canon; si on ne le sait pas, nous douterions même de ce décret.  Car si je me demande s’il est légitime avant qu’il définisse lui-même qu’il l’est, je me demanderai aussi si le concile ne s’est pas trompé dans le canon dans lequel il déclarait qu’il était légitime.
 D’autres répondent donc que le concile est légitime pour ceux qui sont présents, que la chose est pour eux évidente, et qu’ils n’ont besoin d’aucune autre preuve.  Car ils voient les évêques se rassembler en un seul corps, ceux que tous considèrent comme de vrais évêques, provenant de différentes provinces, et appelés par celui qui a l’autorité de le faire.  Et s’il y avait une autre chose qui serait requise à un vrai concile, ils pourraient la voir aussi cette chose-là, car rien d’invisible n’est requis.   À ceux qui viennent après ainsi qu’à ceux qui étaient absents, cela est connu d’une foi humaine, mais très certaine, qui peut même se comparer à une évidence naturelle.   Car, par exemple, que le concile de Nicée ait été légitime ce n’est pas un seul écrivain ou un seul historien qui l’atteste, mais plusieurs et divers historiens de ce temps, et des siècles postérieurs.   Et l’église d’aujourd’hui affirme la même chose, et il n’y a pas ou il n’y pas eu d’écrivains qui écrivent ou pensent le contraire.    Que Cicéron ait été consul, que Jules César ait été dictateur, qu’Octave ait livré une bataille navale avec Antoine, toutes ces choses, même si elles ne dépendent que d’une foi   purement humaine, sont certaines, et même évidentes.  Il en est de même des conciles de l’Église que nous disons avoir été légitimes.  Ils ont tant de témoignages des autres âges, qu’ils ne laissent dans nos âmes aucun doute.  Nous croyons sans hésiter qu’ils ont existé comme on nous le dit.
 Voilà pourquoi, quand nous tenons, de foi catholique, que les conciles approuvés par le pape ne peuvent pas errer, et quand nous savons, de foi humaine certaine,  par les témoignages et l’histoire,  que le concile de Nicée, le concile de Constantinople,  et d’Éphèse, et d’autres conciles légitimes de cette catégorie ont été approuvés par le souverain pontife, il s’ensuit, en toute certitude, que c’est d’une foi assurée que nous croyons les décrets de ces conciles.  Voir, s’il vous plait, Melchior Cano  (livre 6, dernier chapitre, les lieux,) pour la réfutation du dixième argument.
                                                                            CHAPITRE 10
                   Les conciles particuliers non approuvés par le pape ne sont aucunement dignes de foi
 Vient ensuite une autre question.  Les conciles particuliers, qui n’ont pas été approuvés par le souverain pontife, sont-ils dignes de foi ?  Sur ce sujet, il n’y a pas de controverses entre  catholiques et  hérétiques, ni entre  catholiques et  catholiques.  Nous survolerons donc cette question.  Nous parlerons d’abord des conciles particuliers, et ensuite des généraux.  Au sujet des provinciaux, nous affirmons deux choses selon l’enseignement de la majorité des docteurs catholiques.  La première.  Bien que ces conciles puissent errer du tout au tout, ils sont quand même d’une grande autorité, et cela à un point tel qu’on ne peut pas, sans témérité, refuser d’y acquiescer.  Que ces conciles puissent errer, le témoigne éloquemment  le concile de Carthage, sous Cyprien,  qui fut national, très célèbre, légitime et formé de 85 évêques qui, pour la plupart, étaient des martyrs ou des confesseurs, comme on le voit par la lettre de Cyprien à Juba.   Ce qui ne l’empêcha pas d’errer.   Le témoigne aussi le cinquième concile romain sous Symmaque, où nous lisons que les conciles provinciaux ont perdu leur valeur parce qu’ils n’ont pas  eu la présence du pape.   Autre exemple.  Prospère (dans sa chronique, en l’an 410) écrit que l’hérésie pélagienne, qui a été condamnée au  concile d’Afrique par 217 évêques, n’a pas été condamnée par l’Église de l’univers avant que le pape Zozime n’approuve les décrets de ce concile.  Voilà pourquoi saint Augustin, lui aussi, (livre 2, chapitre 50 des rétractations),  ne dit pas que l’hérésie pélagienne a été condamnée par les conciles africains, qui étaient particuliers, mais par les pontifes Innocent et Zozime, avec la coopération des conciles africains.
 Pourquoi les conciles généraux ne peuvent pas errer ?    Pour deux raisons principales.  La première.  Parce qu’un concile général représente toute l’Église, et que s’il erre, toute l’église erre.  La deuxième.   Parce qu’il n’y a pas de concile général sans souverain pontife, pour lequel le Christ a prié pour que ne fléchisse pas sa foi. Or, aucune de ces raisons ne se trouve dans un concile particulier.  Mais, tu objecteras que (dans le chapitre de l’abolition des hérésies),  sont excommuniés tous ceux que l’église romaine ou un concile provincial ou diocésain juge hérétiques. Les conciles provinciaux et diocésains sont donc capables de faire des dogmes de foi.  Autrement, comment pourrait-il être un hérétique celui qui est condamné par eux ?   Je réponds qu’on peut porter un jugement sur une hérésie  de deux façons.  La première.  Sur l’hérésie elle-même, selon son concept, comme quand on se demande si c’est être hérétique que de dire telle ou telle chose. La deuxième.  En relation avec l’homme hérétique, comme quand on se demande si cela se rapporte  à telle hérésie condamnée par l’Église.  Bien que les conciles provinciaux ou diocésains ne puissent pas faire de dogmes de foi,  ils peuvent quand même juger si quelqu’un a commis une hérésie manifeste, comme le font, par exemple, les inquisiteurs.  C’est  dans ce but que fut assemblé le concile qu’Aquilée, au temps d’Ambroise.  Car, on n’a défini là rien d’autre que : est-ce que Pallade est un vrai disciple d’Arius ?  Et c’est de cela que semble parler le canon sur l’abolition des hérésies, car ce jugement, même s’il n’est pas infaillible, suffit pour l’excommunication
Je dis, ensuite, que les conciles provinciaux peuvent traiter de l’hérésie  en elle-même, quand la chose est facile, et quand il s’git d’une question sur laquelle tous les docteurs s’entendent.  Comme le concile d’Antioche qui a jugé, autrefois, de l’hérésie de Paul de Samos (Eusèbe  livre 7, chapitre 24, histoire de l’église).  Car les évêques se réunirent de partout, non pour éclaircir une chose douteuse,  mais pour expulser, du troupeau du Christ,  un loup  ravisseur.  Car, même si ce jugement n’est pas infaillible, les hommes privés doivent l’accepter jusqu’à ce que n’ait pas jugé autrement le siège apostolique ou un concile général approuvé par le pape.  Je dis, enfin, que les conciles particuliers peuvent définir des dogmes vraiment douteux, et que leurs décrets sont définitifs, s’ils font ce qu’ils font en communion avec le siège apostolique, comme l’ont fait les pères du concile d’Arausicanus 11 et de Tolède 1, au temps de Léon 1 et du synode Complutensis, au temps de Sixte 1V (la somme des conciles).  Ou même s’ils envoient leur décision au siège apostolique, et qu’ils en reçoivent une confirmation.  Comme cela s’est fait pour les conciles de Milet et de Carthage, d’après les lettres de saint Augustin 90-93.  Il est raisonnable de penser qu’aucun concile particulier n’oserait définir une vérité de foi sans l’approbation du siège apostolique.    C’est un peu de tout cela que parle le canon des hérésies à abolir.
Qu’un concile particulier non expressément confirmé  requiert, quand même l’assentiment des fidèles,  c’est évident.   D’abord,  parce que, dans le synode 7 (acte 3) et le synode 8 (dernier acte, canon 1),  on honore les synodes locaux, et on les reçoit, sans faire la distinction entre ceux qui sont confirmés et ceux qui ne le sont pas.  Ensuite, parce que la plupart de ces conciles, (comme ceux de Tolède, de Bracarence, d’Arles et d’Hispalésie) semblent n’avoir été approuvés que par l’usage qu’en fait l’Église.   Si le fait qu’un grand nombre de saints pères de l’Église s’entendent sur un même sujet forme un solide critère de vérité, à plus forte raison, si, après avoir invoqué l’Esprit Saint, 50 ou 60 évêques tombent d’accord sur une question.
                                                       CHAPITRE 11
Les conciles généraux, avant la confirmation du Souverain Pontife, peuvent errer,  à moins qu’en définissant, ils ne suivent les instructions du souverain pontife.
Sur les conciles universels,  les opinions sont variées.   Certains parisiens,   tous ceux qui enseignent que le concile est au-dessus du pape, et d’autres, estiment que les conciles généraux ne peuvent pas errer, même avant la confirmation du Souverain Pontife. D’autres enseignent le contraire, comme Cajetan (part 2, chapitre 21 de son apologie), et Turrecremata (livre 3, chapitres 32, 33, 34, 38.)  Notons deux choses. La première.  Il arrive parfois que les légats soient envoyés à un concile général avec des instructions précises du souverain pontife, comme nous le lisons pour les conciles 4, 5, 7.  Et parfois, sans instruction, comme cela s’est produit au concile de Trente, pour la raison bien simple que, dans ces tout premiers conciles, une seule question était débattue. Il était donc facile d’expliquer clairement aux légats quelle était, sur cette seule question, la position du siège apostolique.  Mais, dans le concile de Trente, les questions étaient si nombreuses et si diverses,  qu’il était moralement impossible de dicter, à l’avance, des réponses précises.   La deuxième.   Une décision peut subvenir de quatre façons.   La première.   Les pères forment leur opinion en commun et légifèrent,  malgré l’opposition des légats pontificaux.  La deuxième.    Les pères définissent une question avec le consentement des légats romains qui agissent contrairement aux  instructions qu’ils ont reçues du pape.  La troisième.  Tous consentent, même les légats romains  qui n’avaient pas reçu des directives précises.  La quatrième.   Les pères consentent ainsi que les légats qui suivent les instructions reçues du pape.
Sur la première et la deuxième façons, aucune difficulté.  Il est clair que de tels conciles peuvent errer.  Car, a erré effectivement le concile d’Éphèse 2 qui a voulu définir ce qui répugnait aux légats romains, comme on le voit pas les lettre du pape Léon 24 et 25.  A erré, de même, le concile de Constantinople,  au temps de Nicolas 1, quand les légats romains agirent contrairement aux instructions qu’ils avaient reçues du pape Léon 1, comme nous le montrent lettre de Nicolas 1 aux patriarches et aux autres évêques orientaux, et Zonara, sans sa vie de l’empereur Michel.   En second lieu, on doit dire de ces conciles que non seulement ils n’ont pas été confirmés, mais qu’ils ont été réprouvés.  Car, être réprouvé explicitement par le pape, ou agir contre l’avis du souverain pontife, c’est la même chose.   Il est admis par tous que les conciles qui ont été réprouvés par les papes ne jouissent d’aucune autorité, comme le montre Gélase, avec beaucoup d’exemples, dans son tome sur l’anathème,  et dans son épitre aux évêques de Dardagne.   Troisièmement, ne peuvent pas être dits légitimes des conciles qui militent contre leur tête, et, semblablement, quand  ils consentent à des légats qui agissent contrairement aux directives qu’ils ont reçues du pape. (lettre 45 de Léon à Pulchérie; d’Agathon à l’empereur, qui a été lue dans le synode 6, acte 4.   Ils affirment qu’ils ne donnent d’autorité à leurs légats que dans la mesure où ils parlent selon les ordres reçus.
Pour la troisième forme, chacun a son opinion.  Pour ma part, j’estime qu’un concile de ce genre peut errer,  et que ses décisions ne sont pas infaillibles avant  que le pape ne les ait confirmées.   D’abord, parce que la décision d’un concile n’est pas le jugement ultime de l’Église.  Or, si elle ne pouvait pas errer,  elle serait le jugement ultime et irrévocable.  Que ces conciles ne soient pas le jugement ultime, c’est évident.   Car, les décisions de ces conciles sont envoyées au pape,  et le pape peut approuver ou réprouver tel concile, comme nous le montre l’épitre du pape Gélase aux évêques de la Dardanie,  et celle du pape Nicolas à l’empereur Michel, et aussi et surtout la pratique constante des conciles demandant au pape la confirmation de leurs décrets.  Et, en particulier la bulle de Pie 1V qui confirme le concile de Trente (Turrecremata, livre 3, chapitre 34.)
De plus, la validité d’un concile nait du consensus : de l’union du corps avec la tête.  Or, la tête  n’a pas encore formulé son opinion, car si les légats parlent au nom du pape,  ils ne sont pas le pape lui-même.  Ils ne savent pas non plus tout ce que pense le pape; et ils n’ont pas le privilège pontifical de l’inerrance.  Troisièmement.   Le concile de Bâle (session 2), de concert avec les légats papaux, statua à l’unanimité que le concile était au-dessus du pape.  Ce qui est certainement, maintenant, jugé erroné.    Quatrièmement.  Un concile peut errer quand il définit quelque chose contrairement à une instruction du pape.  Comme a effectivement erré le concile de Constantinople, avec le consentement des légats du pape, Nicolas 1.   Il peut donc errer aussi quand il n’a aucune instruction.  Car, les évêques ne sont pas tenus de suivre cette instruction, autrement ils ne seraient pas juges, et ils ne seraient pas libres de voter comme ils l’entendent.   Et ils objectent qu’un concile de ce genre est général, légitime et représentant l’église universelle.  Melchior Cano répond que  qu’on ne peut pas dire qu’un concile ne peut pas errer de la même façon que l’Église universelle ne le peut pas.   C’est-à-dire que comme l’Église ne peut pas errer dans les choses que tous admettent comme vraies, de la même façon, un concile ne pourrait pas errer dans les choses que tous les membres enseignent.  Mais, c’est le contraire qui est vrai.  L’Église ne peut pas errer dans la foi professée par les personnes, quand tous croient la même chose.  Mais un concile ne peut errer dans un jugement de foi, c’est-à-dire en promulguant un décret.   Or, le décret d’un concile est véritable quand il est voté par la majorité des voix, même si une minorité s’y oppose.  Il faut donc dire que le concile erre en entier quand erre la majeure partie qui a composé le décret.  Il faut donc répondre à l’objection par un autre raisonnement.
Je dis donc que ne peut pas errer  un concile qui est absolument général, et qui représente l’église universelle.  Aucun concile n’est tel avant la sentence du souverain pontife.  Car, les autres évêques représentent le corps de l’Église, et ce qu’ils font,  le corps de l’Église le fait.  Mais les légats du pape ne représentent pas le pape, la tête de l’Église de façon à ce que ce qu’ils  font eux, on doit penser que c’est ce que le pape fait.  Autrement, aucune confirmation ne serait nécessaire.  Ils ne le représentent qu’en tant que des vicaires et des nonces, qui doivent référer à lui quand se surgissent des doutes, attendre son explication et la suivre.  Puisqu’un tel concile ne représente pas parfaitement et complètement l’autorité de la tête, il ne représente qu’imparfaitement toute l’Église.  Et si quelqu’un voulait absolument qu’un tel concile représente toute l’Église, il pourrait répondre qu’un concile n’est pas considéré comme étant vraiment universel à moins d’avoir été confirmé par le souverain pontife.  Quand on dit qu’un concile général ne peut errer et que ses décrets sont de foi certaine, il faut comprendre :  quand il sera totalement universel,  et approuvé par tous.
Ils objectent ensuite qu’ils disent anathème à ceux qui font le contraire de ce qu’ils prescrivent.  Je réponds qu’ils le disent en effet, mais qu’il faut comprendre que cet anathème n’a de force qu’en autant que le pape le confirme, comme quand un juge, de qui on peut faire appel, porte une sentence de mort sur quelqu’un.  On comprend qu’il devra mourir à moins que loi ne rétracte ce jugement.   Sur la quatrième manière, on ne peut avoir aucun doute.  Car, il est certain qu’un tel concile ne puisse pas errer, parce que, dans un pareil concile, se trouve exprimé le consentement de la tête et des membres, et donc de l’église universelle, qui ne peut certes pas errer.   Il importe peu que l’instruction donnée par le souverain pontife  ne semble par être la sentence définitive du siège apostolique.  Car, quand le concile consent  à ce qu’a décidé le pontife, une décision sera prise.    Le décret formulé par les légats au nom du pape commence alors à être la sentence définitive et ultime non seulement du concile, mais du souverain pontife.  Et même le pontife ne peut la rétracter.  Car, il comprendra  surement que sa sentence venait de Dieu, puisqu’ elle a été approuvée par le concile.  Comme le dit le bienheureux Léon  dans une lettre 63 à Théodoret : « Ce que le Seigneur avait autrefois défini par notre ministère, l’ensemble de votre fraternité l’a confirmé par un consentement irrétractable, pour montrer qu’est vraiment de foi  ce qui a été d’abord formulé par le siège apostolique, pour que  le jugement de toute la chrétienté le reçoive, et pour que les membres concourent eux aussi avec la tête. »
Pour mieux comprendre tout cela, on doit savoir que le pontife a coutume d’envoyer des légats qui sont bien informés de la position du siège apostolique,  pour que si le concile consent à la sentence du siège apostolique, ils formulent un décret, et que s’il ne consent pas,  on remette à plus tard la formulation d’un décret, jusqu’à ce que le souverain pontife, une fois mis au courant, réagisse.   C’est ce qui s’est passé au concile de Chalcédoine. Car comme (acte 3) le concile donnait son assentiment au pontife au sujet de la déposition de Dioscore,  les légats formèrent aussitôt un décret. (texte déjà cité).  Et, à l’acte 16, quand le concile a voulu statuer quelque chose  de contraire à l’instruction qu’ils avaient reçue du souverain pontife,  les légats répondirent qu’il fallait plutôt en informer le Saint Siège.  Quand donc le concile définit quelque chose en suivant la sentence exprimée par le pontife, c’est comme si leur décret avait été approuvé par le souverain pontife.   Autre fait.   Le concile de Chalcédoine, dans son épitre à Léon, (acte 3), dit ouvertement, en demandant la confirmation des décrets, qu’il écrit au pape et qu’il demande la confirmation de ses décrets,  parce que, en plus du décret sur la déposition de Dioscore,  d’autres ont été statués sans la sentence expresse du souverain pontife.  Il ne demande donc la confirmation que de ceux qu’il a définis en marge de la sentence du pontife.  Le même Léon dans sa lettre 61 au concile de Chalcédoine, répondit qu’ils n’avaient pas besoin de sa confirmation, à moins que quelques-uns ne doutent  si le décret de ce concile avait été fait avec son consentement.  Pour cette raison, le pontife a confirmé beaucoup d’autres décrets semblables, non parce qu’ils   pouvaient errer,  mais pour faire savoir à tous que ce que les légats ont fait, ils l’ont fait par un mandat exprès du pape.
Pour des conciles de cette sorte,  il n’y a pas d’autre confirmation du pape à attendre.  L’exécution suit immédiatement.  C’est-à-dire sont condamnés ceux qui pensent le contraire, comme les hérétiques manifestes,  et sont déposés du sacerdoce ou de l’épiscopat.   C’est ainsi que, dans le concile de Nicée, ont été condamnés et envoyés en exil six évêques en même temps qu’Arius, comme l’écrit Ruffin  (livre 10, chapitre 5 de son histoire).  Dans le concile d’Éphèse, a été condamné et déposé Nestorius, comme l’atteste Évagrius (livre 1, chapitre 4).  Dans le concile de Chalcédoine,  a été déposé Dioscore, et (acte 4)  dix évêques égyptiens ont été jugés hérétiques, parce qu’ils ne voulaient pas acquiescer au décret qui leur avait été présenté (acte 3).  Dans les conciles 6, (actes 8 et 11), on condamne, on dépose et on envoie en exil  Macaire, le patriarche d’Antioche, avec quelques-uns de ses disciples.  À l’acte 15, on a condamné et déposé  le presbytre Prolychronius.  Or, si ces conciles avaient pu errer avant la confirmation du souverain pontife, on n’aurait pas pu appeler hérétiques manifestes ceux qui résistaient avant cette confirmation.
                                                   CHAPITRE 12
           L’autorité d’un concile est-elle plus grande que celle de l’Écriture ?
Nous avons parlé de l’autorité des conciles en elle-même.  Il nous faut maintenant en parler en comparaison avec les autres principes de foi,  la parole écrite de Dieu, et le souverain pontife.  Parce que les hérétiques de notre temps crient haut et fort  que nous soumettons l’Écriture aux conciles.  Calvin (livre, chapitre 9, verset 14 des institutions)  écrit : « Soumettre ainsi les oracles de Dieu à la censure de l’homme, de façon à les considérer acceptables parce qu’ils plaisent  à l’homme  c’est le blasphème le plus grand qu’on puisse commettre. »  On trouve souvent des choses semblables chez d’autres hérétiques.  Ces affirmations ne sont certes pas nos blasphèmes mais leurs impostures.  Car les catholiques ne soumettent pas l’Écriture aux conciles, mais les conciles à l’Écriture.  Il n’y a, là-dessus, aucune controverse entre nous. Car, si quelques auteurs catholiques disent que l’Écriture dépend de l’Église et du concile, ce n’est pas quant à son autorité, ou à ce qu’elle est en elle-même et par elle-même, mais quant à l’explication qu’on en donne,  par rapport à nous, donc.
Il faut observer qu’il y a plusieurs façons de nous faire comprendre que l’Écriture passe avant les conciles. La première.  L’Écriture est la parole de Dieu immédiatement révélée et écrite comme sous la dictée de Dieu.  Saint Pierre ( 2,1) : « C’est sous l’inspiration de l’Esprit Saint qu’ont parlé les saints hommes de Dieu. »  Mais pas au sens où les auteurs sacrés nous feraient toujours de nouvelles révélations, et écriraient ce que nous ne connaissions pas.  Car, il appert que les évangélistes Matthieu et Jean ont écrit ce qu’ils ont vu;  Marc et Luc ce qu’ils ont entendu, comme saint Luc le déclare au début de son évangile : « Comme nous l’ont transmis ceux qui l’ont vu depuis le début. »    Les auteurs sacrés disent donc avoir eu une révélation immédiate, et avoir écrit les paroles de Dieu lui-même,  qui étaient nouvelles ou qui leur étaient inconnues, selon le psaume 50 : « Ta sagesse m’a manifesté des choses incertaines et occultes. » Ou bien Dieu lui-même inspirait directement  et poussait les auteurs à écrire ce qu’ils voyaient et entendaient, et les dirigeait pour qu’ils n’errent pas.  Car, on dit que telle épitre est celle d’un prince parce que c’est lui qui l’a dictée, même si son secrétaire savait ce qu’il aurait à écrire.  C’est de cette façon que c’est la parole immédiate de Dieu qui est écrite par les évangélistes, sous l’inspiration et la direction de Dieu, même s’ils rapportent ce qu’ils ont vu et entendu.   Mais les conciles ne reçoivent ni n’écrivent aucune révélation immédiate, ou paroles de Dieu.  Ils  ne font que déclarer quelle est la parole de Dieu qui a été écrite et transmise, et comment on doit la comprendre.  Et, ensuite, par des raisonnements, ils en déduisent des conclusions.  Le rôle des conciles n’est donc pas de rendre infaillibles les livres saints,  mais de déclarer qu’ils sont tels.  Exemple.    Quand le concile de Trente (session 13, chapitre 1), définit qu’on doit entendre au sens propre et non figuré les paroles de Jésus : ceci est mon corps, il n’invente pas un sens, mais déclare le vrai sens.  Et quand le concile de Nicée a défini que le Christ était consubstantiel  (homoousion) au Père, il déduisit cette conclusion des Écritures,  qui enseignent  qu’il n’y a qu’un seul Dieu, que le Père est Dieu et que le Fils est Dieu; que le  Père et le Fils sont d’une seule et même substance et divinité.  Semblablement, quand le sixième concile œcuménique définit qu’il y a, dans le Christ, deux volontés,  la divine et l’humaine, il a tiré cet enseignement des textes de l’Écriture  qui nous montrent que le Christ est Dieu parfait et homme parfait.
Une autre différence. Les écrivains sacrés n’ont pas eu à s’imposer un travail long et ardu  pour composer leurs livres.   Seulement ce qu’il fallait pour écrire ou dicter, ou, au maximum,  pour se rappeler ce qu’ils avaient vu ou entendu et choisir les mots qui convenaient.  Mais, dans un concile, les pères doivent s’enquérir d’une chose, investiguer des conclusions, discuter, lire, réfléchir.  C’est ce que nous voyons dans le premier concile.  Ainsi que dans le concile de Nicée, selon Ruffin (livre 10, chapitre 5 de son  histoire) et les actes 15 du concile. Les pères ont dit : « Il a plus à l’Esprit Saint et à nous. »  C’est-à-dire à l’Esprit Saint aidé  par notre recherche et nos efforts.  Or, les écrivains sacrés n’attribuent qu’à Dieu ce qu’ils écrivent.  Voilà pourquoi les prophètes répètent souvent : Le Seigneur dit.    Une autre différence.   Dans l’Écriture, il ne peut pas y avoir d’erreur, qu’on y traite de foi ou de mœurs;  qu’on affirme quelque chose de général, qui est commun à toute l’Église, ou de particulier qui ne s’applique qu’à une seule personne.  Car, il est certain et de foi que, sans la grâce de Dieu, personne ne peut être sauvé, celle-là même qu’ont eue Pierre, Paul et Stéphane, et les autres qui ont vraiment eu l’Esprit Saint, et qui ont été sauvés.   Mais les conciles peuvent errer dans des cas particuliers.
Une autre différence. Dans l’Écriture, appartiennent à la foi non seulement  toutes les sentences, mais toutes les paroles prises dans leur ensemble, et chacune en particulier.  Nous croyons, en effet, que, dans l’Écriture, il n’y a aucune parole qui ait été vainement ou non correctement dite.  Mais, dans les conciles, la plus grande partie des actes ne se rapporte pas à la foi.   Car, ne sont de foi ni les débats qui précèdent, ni les raisonnements qui sont rapportés, ni les exemples ou les images que nous employons pour nous faire comprendre, mais seuls les décrets, et, dans ces décrets,  seulement ce qui a été proclamé de foi.   Et il arrive même que des conciles ne définissent pas ce qui est certain, mais probable.  Comme le concile de Vienne qui a défini qu’il était plus que probable que les enfants, au baptême, recevaient la grâce et les vertus infuses,  comme le dit Clément (à un de la trinité,  et à la foi catholique). Quand le décret est proposé comme étant de foi, on l’apprend facilement par les paroles elles-mêmes du concile.  Car, ils ont toujours l’habitude de dire qu’ils veulent expliquer la foi catholique, ou que seront hérétiques ceux qui penseront le contraire; ou, ce qui est le plus fréquent, ils anathématisent ou excluent de l’Église ceux qui pensent le contraire.  Quand ils ne disent rien de semblable, il n’est pas certain que la chose définie soit de foi.
Ensuite, dans ces décrets qui sont de foi, ce ne sont pas les paroles mais le sens qui se rapporte à la foi.  Car, ce n’est pas hérétique de dire que, dans les canons des conciles, un tel mot est superflu, ou a été mal placé, à moins que le décret ne porte  précisément sur ce mot, comme dans le concile de Nicée, on a ordonné de recevoir le mot homoousion (consubstantiel), et, dans le concile d’Éphèse : théotokos : mère de Dieu.   La cinquième différence.  L’Écriture n’a pas besoin de l’approbation du souverain pontife pour être authentique, mais seulement pour qu’il reconnaisse son autorité.  Mais les conciles généraux légitimes ne sont ratifiés que par la confirmation du souverain pontife, comme nous l’avons montré dans la question précédente.   Mais quelques-uns objectent que Gratien (d 19, chapitre dans les canons) affirme  que les épitres décrétales des souverains pontifes doivent être comptées parmi les écrits canoniques.  Et (d. 10, canon décrétales) il dit que les canons des conciles ont la même autorité que les épitres décrétales.  Les canons des conciles font donc partie des écritures canoniques.   Les Écritures ne passent donc pas avant les conciles.   Ensuite, saint Grégoire (livre 1, épitre 24) dit qu’il vénère les quatre premiers conciles comme les quatre évangiles.
Je réponds d’abord à Gratien, qu’il a été trompé par un codex corrompu de saint Augustin.  Il attribue en effet à saint Augustin ce canon (livre 2, chapitre 8. Doctrine chrétienne).  Mais les codex vrais et amendés  de saint Augustin n’ont pas ce que Gratien rapporte, mais tout le contraire.  Car saint Augustin ne dit pas que les épitres sont l’Écriture canonique que le siège apostolique a coutume de recevoir ou de donner, comme Gratien le lit, mais que le   jugement sur les livres sacrés appartient aux Églises et surtout à celles qui méritèrent de recevoir les sièges apostoliques et les lettres, comme Rome, où siégea Pierre, et à qui a écrit Paul,  ou celle  où siégea Jean,  et à qui a écrit aussi saint Paul.  Je suis ensuite, que, même en tenant compte de son erreur,  Gratien n’a pas voulu dire que les décrets des pontifes étaient proprement des textes scripturaires ou canoniques, comme sont les évangiles, les psaumes, mais qu’ils étaient des écrits sacrés  en tant que distincts des profanes, et canoniques,  en tant que distincts des écrits des pères qui ne sont pas des règles, et qui n’ont pas l’autorité de commander.   Car, bien que les canons des pontifes et des conciles soient différents des textes de l’Écriture, et viennent après eux, on peut, en quelque sorte, leur donner le nom d’écrits sacrés et canoniques.  C’est ce qu’a fait le septième synode (acte 3) : il a dit que les décrets du concile étaient des constitutions divinement inspirées.   Bien plus, Innocent (ca cum Martha, en dehors de la célébration de la messe) donne le nom d’écriture sainte à cette sentence de saint Augustin (sermon 17 sur les paroles de l’Apôtre) : « Il fait une injure au martyr, celui qui prie pour un martyr. »
À Grégoire, je réponds que ce « comme » indique une ressemblance, non une égalité, comme dans cette parole de Jésus en Matthieu : « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait. »   Et si on veut à tour prix y voir une égalité, il faudra dire que saint Grégoire ne compare pas les conciles généraux aux évangiles en tout point, mais seulement dans la certitude des choses qui sont enseignées dans les Écritures et qui sont définies dans les conciles.   Comme les deux sont d’une vérité infaillible, on peut les dire également certains.
Les conciles ne sont pas d’une autorité plus grande que la sainte Écriture.  Leur autorité est-elle supérieure à celle du pape ?
                                                     CHAPITRE 13
                                Le concile est-il au-dessus du pape ?
Cette question a été soulevée au temps du concile de Pise.
Comme les deux pontifes qui siégeaient ensemble dans le schisme, Grégoire X11 et Benoit V111 n’avaient pas l’intention de mettre fin au schisme par une abdication spontanée,  comme chacun l’avait promis et juré  avant son élection, les cardinaux de l’un et l’autre camps firent sécession à Pise et commencèrent à se demander s’il ne leur serait pas permis, de convoquer un concile général, à l’insu des pontifes, et de les déposer.  Antonin se souvient de cette discussion qui eut lieu à Florence ( 3 part résumé de l’histoire, tit 22, chap 5, verset 2). Ensuite, un peu après le concile de Constance, Jean XX111 qui était le seul à s’être présent  au concile, s’esquiva en secret, et le concile demeura sans tête.     Les pères commencèrent alors à se demander si un concile pouvait juger un pape malgré lui, et le déposer.   Mais, c’est au temps du concile de Bâle que la controverse battit son plein, parce que le pape Eugène 1V voulait dissoudre le concile de Bâle qui ne faisait que commencer, et l’empêcher d’aller plus loin.   Les pères commencèrent alors à se demander s’ils étaient tenus d’obéir au souverain pontife, ou si ce n’était pas plutôt le pape qui était tenu de leur obéir, c’est-à-dire à un concile général.  Ils avaient vu, peu de temps auparavant, deux papes, Jean XX111 et Benoit X111,  être déposés par le concile de Constance, et avoir ainsi mis fin au grand schisme.  Ils commencèrent à craindre que ce pape ne se sente pas tenu d’obéir à un concile, et que le schisme soit renouvelé, et que l’Église demeure privée de tout remède.  En cette occasion,  plusieurs se mirent d’accord  sur la doctrine voulant que le concile soit supérieur au pape.  Mais, en voulant barricader le chemin aux schismatiques,  ils firent un nouveau schisme, couronnèrent le pseudo pape Félix V, qui après avoir reconnu son erreur, abdiqua  la papauté.     La question, par la suite, sembla définitivement réglée par les conciles de Florence et de Latran.   Mais, parce que le concile de Florence ne s’était pas exprimé suffisamment clairement, et même si le concile du Latran a défini la chose avec toute la clarté désirée,  quelques-uns se demandent encore s’il était vraiment un concile général.   Voilà pourquoi, même aujourd’hui, c’est une question qui se pose encore, même entre catholiques.
On peut comparer le pape à un concile œcuménique de deux façons.   La première.  Qu’on prenne, d’un côté, un pape seul, mais vrai et reconnu par tous, et de l’autre, un concile général présidé par le pape en personne ou par ses légats, de sorte que rien ne soit défini sans son consentement.  La seconde. D’un côté le pape seul, de l’autre côté, un concile général qui n’est présidé ni par le pape en personne, ni par ses légats.  J’entends aussi, par non présidé par ses légats, le cas où un légat préside un concile et agit contrairement à la volonté du pape.  Car, alors il n’est plus un légat, même s’il pense l’être encore.  Même si quelques-uns pensent que la question présente porte sur la première comparaison, à savoir ceux qui estiment qu’un concile sans pape n’est pas un vrai concile, et que, en conséquence, le pape est supérieur au concile, la question principale porte sur la deuxième comparaison.  Cette question a été introduite après la déposition des pontifes,  celle de savoir si le pape peut être malgré lui jugé, condamné et déposé.  L’autre question, à savoir est-que le concile avec le pape est plus grand que le pape seul ne nous aide pas à apporter une solution, car qu’il soit plus grand ou moins grand, il ne jugera jamais, il ne condamnera jamais, il ne déposera jamais un pape, malgré lui.   Comment ce concile pourrait-il faire cela, s’il ne peut rien faire sans le consentement du pape.  Un pape voudra-t-il être jugé et condamné malgré lui ?
Ensuite, c’est ce qui ressort du concile de Bâle.  Car, les pères du concile de Bâle qui définirent que le concile est au-dessus du pape, affirmaient être au-dessus d’Eugène, en un temps où ni le pape ni un de ses légats n’étaient présents.  Et c’est un pape qui s’y opposait de toutes ses fortes qu’ils ont entrepris de déposer.  Voici donc quelle est la  principale et seule question à traiter, car en y répondant, on répondra aussi à l’autre.  Car, ceux qui enseignent que le pape est au-dessus d’un concile célébré sans lui enseignent en même temps que semblable est l’autorité qui existe dans le seul pape et dans un concile en présence du pape, même s’il est plus grand en extension.  Le pape ne peut donc pas être jugé ou condamné par un tel concile, ni être lié par ses décrets, ni  en recevoir des ordres, mais seulement des admonestations et des remontrances,-- à part, bien sur, les décrets qui portent sur  la foi,  et qui obligent tous les chrétiens.   La raison de tout cela est qu’un pair n’a pas de pouvoir sur un pair.  Ceux qui enseignent vraiment qu’un concile sans pape est supérieur au pape, enseignent forcément  qu’un concile avec pape est supérieur au pape, et oblige le pape, même si les mêmes reconnaissent  que le pape peut, en tant que ministre de l’Église, dispenser des préceptes d’un concile général,  et être corrigé s’il dispense mal, et être ensuite puni par un concile général.   Laissant donc de côté la première comparaison, ne traitons que de la deuxième.
                                                     CHAPITRE 14
                                        On explique diverses opinions
Relativement à cette proposition,  je trouve, chez les docteurs, trois opinions.   La première.  Le concile est au-dessus du pape.  C’est celle que soutiennent tous les hérétiques de notre temps; et c’est ce qu’Hermann essaie de prouver par plusieurs arguments, au livre 3, chapitre 3 de ses prolégomènes.  Affirment la même chose le cardinal Cameracensis,  Jean Gerson,  Jacques Almainus, et d’autres, dans leurs traités de l’église.   De même Nicolas Cousin, dans son traité sur la concordance canonique (livre 2, dernier chapitre), Panormitanus (dans son chapitre significasti, extra de elections) et, au même endroit, son maître le cardinal Florentin.  De même, Abulensis (chapitre 18 de Matt, question 108).
Pour bien comprendre cette sentence, il est à noter qu’elle a deux fondements.   Le premier.   Le pape n’est pas proprement la tête de l’église universelle rassemblée,  phrase qu’entendent différemment les hérétiques et les autres auteurs.  Car, les hérétiques veulent que le pape ne soit, en aucune façon, la tête de l’église universelle, mais seulement l’évêque de son église à lui, et, tout au plus, patriarche de l’Occident.  Mais, pour les autres auteurs cités, le pape est la tête et le pasteur de tous les chrétiens et de toutes les églises particulières, quand on les prend séparément.    Mais il n’est pas la tête de toute l’église quand elle est assemblée en entier dans un concile général.   Car, l’Église reçoit alors la forme d’un corps;   et la totalité du pouvoir qui était répartie entre plusieurs membres se retrouve, là,  unifiée.   De sorte que si comparer le pape avec tous les membres de l’Église pris isolément c’est comparer le membre le plus noble avec les membres les moins nobles,  comparer le pape avec un concile c’est comparer une partie avec le tout.  Le pape est donc, pour eux, moins grand qu’un concile.  Et pour qu’on ne dise pas qu’un concile sans le pape est un corps sans tête, ils ajoutent un second fondement :  le pouvoir ecclésiastique suprême,  qui est dans le concile autant que dans le pape.  Mais, dans le concile principalement, plus immédiatement et plus immuablement.  Car, ils disent que le Christ a attribué immédiatement à l’Église le pouvoir de lier et de délier, et que, comme l’Église dure toujours,  c’est en elle que demeure perpétuellement ce pouvoir.  Or, comme l’Église ne peut pas toujours demeurer rassemblée en un seul corps, et exercer par elle-même ce pouvoir, le Christ a institué le souverain pontificat comme instrument général de toutes les actions de l’Église.  Et il a placé en lui ce pouvoir suprême, pour qu’il l’exerce au nom de l’Église.
Ces auteurs ne s’entendent pas tous entre eux.  Quelques-uns posent ce pouvoir formellement et subjectivement dans le pape, comme dans sa fin,  parce qu’il est pour l’église; d’autres comme dans un régulant, car c’est à l’Église qu’il  appartient de régler et de diriger, puisqu’ elle ne peut pas errer, alors que le pape le peut.  Et enfin, en tant que suppléant,  car, en l’absence ou à la mort d’un pape, l’Église supplée à son office.   D’autres veulent que ce pouvoir  soit  principalement dans l’église, formellement et subjectivement,  et, dans le souverain pontife,  instrumentalement seulement.  Ils sont quand même d’accord pour enseigner que ce pouvoir est immédiatement dans l’Église, de telle sorte que, quand un pape est mort ou déposé, le concile n’est pas, pour autant, un corps imparfait, mais parfait.  Et il possède le pouvoir papal de définir ex cathedra, de faire des lois, d’accorder des indulgences.  Ils déduisent de tout cela  que le concile est supérieur au pape, peut le juger et le punir; et que se demander si le pape est plus grand que le concile, c’est se demander si la partie est plus grande que le tout.  Ensuite, ils veulent que le pape soit, dans l’Église, comme le doge de Venise dans la république de Venise, ou le supérieur général dans un ordre religieux.   Il appert que le doge de Venise est supérieur à chacun des magistrats, au-dessus de chacun des sénateurs  et de chacune des cités, mais non, cependant, au-dessus de tout le sénat réuni.  Et, quand le doge meurt, il est certain que toute l’autorité du doge se trouve dans le sénat.  Semblablement.    Un supérieur général est au-dessus de tous ses religieux individuellement pris, même des prieurs et des provinciaux,  mais il n’est pas au-dessus d’un chapitre général, auquel il doit obéir, non commander.
La seconde opinion est celle de certains canonistes qui veulent que le pape soit au-dessus du concile, et qu’il ne puisse être jugé par personne malgré lui; mais qui peut se soumettre au concile et lui donner un pouvoir plus grand que celui qu’il possède.  Et, s’il fait cela, il doit adhérer à la sentence du concile, même s’il statue sur sa déposition.  C’est ce qu’enseigne la glose du canon nos si incompetenter 2, question 7, et dans le canon in synodo ,  d. 63.    La dernière sentence est la plus commune.  Le pape est supérieur au concile,  au point où il ne peut même pas se soumettre à sa sentence, si l’on parle de sentence contraignante.  C’est celle de tous les anciens scolastiques, comme saint Albert le Grand, saint Thomas, saint Bonaventure,  Richard, Paludan, et des autres (dans 4 dist. 19, où il est question des clefs, et où ils en ont parlé comme en passant.)    Saint Antonin enseigne cela, lui, expressément (3 par. Rt 22, cap 10 somme de l’église, et en réponse aux orateurs de Bâle, sur l’autorité du souverain pontife et du concile général).  Alvarus Pelagius (les pleurs de l’église, livre 1, article 6).  Dominique Jacobatius (livre 10, article 7 sur les conciles) traite cette question au long et au large, et réfute soixante arguments des adversaires.  Le cardinal Cajetan (dans son traité sur la comparaison entre le pape et le concile, et dans son apologie pour le dit traité.)  Albert Pighius (livre 6 de la hiérarchie ecclésiastique), François de Ferrare (livre 4, chapitre 76, contre les Gentils), Augustin d’Ancône (dans son traité sur le pouvoir de l’Église),  Petrus de Monte (dans son livre sur le pouvoir du pape et du concile),  François de Tours (dans trois livres qu’il a écrits sur cette question), et presque tous les canonistes (au chapitre significasti, sur l’élection),  et le canon si papa (dist 40), Joanness Anton,  Delphinus (livre 2 sur l’église, dernier chapitre), Thomas Campegius (traité sur le pouvoir du pontife romain, chapitre 22),  Nicolas Sanderus (livre 7, de la monarchie visible, où il traite du concile de Constance,  page 4, verset 40.)
2018 01 31 15h48 fin

2018 02 03 20h02 début
                                                                     CHAPITRE 15
                                      Le souverain pontife est la tête de toute l’Église
Pour déclarer la vérité de cette chose, nous présenterons et nous démontrerons quelques propositions,  dont voici la première :  le souverain pontife a été institué immédiatement par le Christ,   pasteur et  tête de toutes les églises particulières, et même de  l’église universelle rassemblée en un seul corps.  Cette proposition est contraire au premier fondement des adversaires.  Nous l’avons déjà démontrée dans les livres sur la papauté, mais nous la prouverons quand même brièvement.
D’abord, à partir des Écritures.  Pierre est le fondement de l’Église posé par le Christ (Marc 16) : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. »  Il en est donc la tête et le pasteur.  Car, ce qui, dans une maison, est le fondement,  est, dans un corps, la tête, et dans un troupeau, le pasteur.  Car, comme le fondement ne dépend pas de la maison, mais la maison du fondement, de la même façon, la tête ne dépend pas du corps, mais le corps de la tête.  Le pasteur ne dépend pas du troupeau, mais le troupeau du pasteur.  Que par le mot église, en ce passage, on entende l’église universelle, même rassemblée,  comme dans un concile général, on le prouve par Matthieu 18, où le Christ dit de sa même église : « S’il ne les écoute pas, dites-le à l’Église. »  C’est un concile général que les adversaires voient dans ce passage.
 De plus, l’église rassemblée, comme l’est  un concile, est l’église du Christ proprement dite, comme les adversaires eux-mêmes le reconnaissent.  Car, l’église est, de par sa nature, un rassemblement des fidèles. Plus  nombreux  sont les fidèles rassemblés et unis entre eux,   et plus ils sont l’Église proprement dite. Et quand une chose est prononcée d’une autre en termes absolus,  il est stupide d’en excepter ce que signifie proprement cette chose.   Donc, quand le Christ dit : « Sur cette pierre, j’édifierai mon église »,  il est stupide d’en exclure l’église universelle rassemblée, puisque c’est elle qui est proprement l’église.   Ensuite, l’Église du Christ est toujours formellement rassemblée, car elle est un seul royaume, une seule famille, un seul troupeau, même si elle semble dispersée localement.   Donc, si le souverain pontife  est le pasteur et la tête de l’église, il ne l’est certainement pas d’une église dispersée,  qui n’est rien, car c’est d’une église unifiée et rassemblée qu’il est la tête et le pasteur.
 Nous avons la même chose dans le dernier chapitre de saint Jean : « Pais mes brebis. »  Car, même si les adversaires rétorquent que le Seigneur a dit : pais mes brebis, et non pais mon église, l’église, dans son oraison sur le pontife, explique ainsi le mot : « Dieu, pasteur et recteur de tous les fidèles, tu as voulu que ton serviteur un tel préside à ton église en tant que pasteur. »   Et aussi.  L’église universelle rassemblée en un concile général appartient-elle, oui ou non, aux brebis du Christ ?  Si elle y appartient,  Pierre est le pasteur d’une église rassemblée en un concile général.  Si non,  les chrétiens, en se réunissant, cessent d’être des brebis du Christ, ce qui est absurde.
On le prouve, en second lieu, par les conciles.  Le concile de Chalcédoine, dans sa lettre au pape saint Léon le grand, reconnait formellement que le pape est la tête de tout ce concile, lequel fut un des plus grands, et dans lequel toute l’église s’est rassemblée : « Sur lesquels tu présides, comme la tête. »  De même, le concile de Lyons, (dans le chapitre là où il y a un danger dans l’élection, dans 6),  appelle le pape «  recteur de l’église universelle ».  Il n’est donc pas seulement recteur des églises particulières.   Semblablement, dans le concile de Florence, il est défini que «  le pape est la tête de toute l’Église », et qu’il a reçu du Seigneur le plein pouvoir de régir l’Église universelle.  Le concile de Constance (session 15)  a condamné l’hérésie de Jean Hus qui disait « que le pape n’est pas la tête de l’Église. »
On le prouve par trois raisons.   La première.  Le pape est une seule tête, il est donc la tête d’un seul corps.  Or, les églises particulières, prises séparément, ne forment pas un corps.  Donc, le pape est la tête de l’Église universelle.   La deuxième.  L’Église universelle est un seul corps visible. Elle doit donc avoir une tête visible, car, autrement elle aurait l’apparence d’un monstre; et on ne peut pas en imaginer une autre que le pape.   Le pape est donc la tête de toute l’Église réunie en un seul corps.   La troisième.   Le pape est « le vicaire immédiat du Christ », comme il est dit dans les conciles de Lyon et de Florence, déjà cités, ainsi que dans le concile de Constance (session 8) où est blâmée la cinquième hérésie de Wyclif qui disait que le pape n’est pas le vicaire immédiat du Christ, ce que même nos adversaires ne nient pas.  Il préside donc, comme son tenant lieu, sur ceux sur lesquels le Christ préside invisiblement, et sur lesquels il présiderait visiblement, s’il était présent visiblement.  Et cela non seulement sur les églises particulières, mais aussi sur toute l’église universelle, ainsi que sur les conciles généraux. Le pape préside donc, lui aussi, sur les conciles généraux.
                                                          CHAPITRE 16
                          Le concile ne possède pas le pouvoir suprême
Et voici une autre proposition : le pouvoir ecclésiastique suprême n’est pas dans l’église, ou dans  le concile, sans le pape,  ni formellement ni sous mode de suppléance.   Cette proposition est contraire à l’autre fondement des adversaires.    Que ne soit pas formellement dans l’église ou le concile le pouvoir suprême, comme il est dans le pape, on le tire des Écritures.   Car, selon les Écritures, l’Église n’est ni une démocratie, ni une aristocratie, mais une monarchie, ou le royaume du Christ, selon le psaume 2 : « J’ai été établi roi par lui sur Sion, sa sainte montagne. »  Et saint Luc, 1 : « Et son règne n’aura pas de fin. »  Et, en Jean 18, quand on lui demanda s’il était roi, il ne répondit pas : je ne suis pas roi, ou mon royaume n’est pas « dans » ce monde, mais « de » ce monde.  C’est-à-dire, qu’il est dans ce monde, mais n’est pas tel que tu le penses, semblable à celui d’Hérode, ou à d’autres rois de la terre.   Ensuite, l’Écriture appelle souvent le Christ roi, et l’Église son royaume.  Il s’ensuit que l’Église  doit être régie par un seul roi, et non par plusieurs, comme sont gouvernés tous les royaumes.    Que cette autorité ne soit pas dans l’Église d’une façon supplétive, on peut le démontrer par la raison suivante.  Cette autorité, l’Église ne l’a ni d’elle-même, ni d’un autre.  Elle ne l’a donc en aucune façon.  Qu’elle ne la possède pas d’elle-même, le prouve manifestement la différence qui existe entre le royaume du Christ et les autres royaumes.   Car, l’Église n’est pas un royaume semblable  aux royaumes de ce monde, dans lesquels le pouvoir suprême, qui est dans le roi, vient et dérive du peuple.  Car, c’est le peuple qui fait le roi, et sans lui, il ne serait qu’un homme privé comme les autres,  puisque tous les hommes sont naturellement libres et égaux.  Et nul ne pourrait commander aux autres, à moins qu’ils ne se soumettent à lui, et ne lui donnent un pouvoir sur eux.
Or, le Christ est Dieu et homme, et, en tant que Dieu, il est naturellement Seigneur et roi de toutes les créatures.   En tant qu’homme, il a reçu de Dieu tout pouvoir.  Ce n’est pas l’Église qui le fait roi, mais c’est plutôt lui qui fait de l’église son royaume.  C’est l’apocalypse qui le dit : « Tu as fait de nous un royaume pour notre Dieu ».   Voilà pourquoi, le royaume du Christ qui est l’église est comparé à une famille, pour qu’on ne pense pas qu’il est semblable aux autres.   Matthieu 24 : « Quel est le serviteur fidèle et prudent que le Seigneur a établi sur sa famille ? »  Et, Hébreux 3 : « Moïse a été fidèle dans toute la maison de Dieu, comme un serviteur;  le Christ, lui, a été fidèle dans toute sa maison,  en tant que Seigneur. »    Il est évident que ce n’est pas de sa famille que le père a reçu son autorité, mais de lui-même, car il n’est pas constitué père par la famille, mais se fait à lui-même une famille en engendrant des enfants, et en engageant des serviteurs.   En conséquence, même si le père de famille est tyrannique, il ne peut pas être jugé ou expulsé, comme le peut le roi quand il se transforme en tyran.   Ce royaume, on le compare aussi à un troupeau (Jean 10), ainsi qu’à un corps, et à une épouse (Éphésiens, 4, 5) pour que nous comprenions que comme le berger ne reçoit pas son autorité des brebis, le corps de la tête, l’époux de l’épouse,  le Christ, non plus, ne  reçoit pas son autorité de l’Église.
Ce qui précède nous amène à penser que l’Église n’a aucune autorité d’elle-même, mais que toute l’autorité est dans le Christ,  et dans ceux à qui le Christ l’a communiquée.  Qu’elle ne la reçoive  que du Christ, on le prouve ainsi.     On lit du Christ qu’il a donné à Pierre les clefs du royaume des cieux, (Matt 16), et l’a fait présider sut tout le troupeau;  qu’il a donné aux autres aussi (dernier chapitre de Jean) le pouvoir de prêcher, de baptiser, d’enlever les péchés,  et de faire d’autres choses qui se rapportent à la charge de pasteur.  Mais ce pouvoir, le Christ l’a donné à chacun des apôtres en particulier, de façon  que chacun puisse l’exercer sans la réunion avec d’autres personnes.  Il est bien connu, en effet, qu’on ne lit nulle part que quelque chose de ce pouvoir ait été attribué à l’Église elle-même,  c’est-à-dire, à l’universalité des fidèles, en raison de sa totalité.   Nous lisons, au contraire, qu’il a été prescrit  au peuple, de se soumettre aux pasteurs  (Hébreux 13, et ailleurs).  Si à l’église universelle il n‘a été donné aucun pouvoir, il n’en a pas été donné, non plus, à un concile général en tant qu’il représente l’église universelle. Dans un concile, ne se trouve donc pas l’autorité suprême, ou papale, mais seulement épiscopale ou archiépiscopale, selon la qualité des personnes qui y sont assemblées.  Or, nos adversaires ne placent l’autorité suprême ou papale dans le concile que dans la mesure où le concile est le représentant de l’église universelle.  Si donc l’église universelle, séparée du pape, ne possède pas l’autorité universelle, comment le concile pourrait-il la posséder ?
On le prouve, en second lieu, en disant que si un concile général, sans la présence du pape, avait l’autorité papale formellement et de façon supplétive,  il n’aurait pas besoin de la confirmation du pape. Or, il est connu que tous les conciles ont demandé la confirmation du pape.  Troisièmement.   Un concile sans le pape peut errer, même dans les décrets sur des matières de foi, comme cela est arrivé au concile de Smyrne, à qui a souscrit Hosius lui-même, le président du concile de Nicée 1 !  À Milan, à Arménie, à Éphèse 2, à Constantinople, sous Justinien 11, à Constantinople sous Léon l’Isaurien,  et à un autre sous Constantin Copronyme.  Or, un concile présidé par le pape  personnellement ou par ses légats, ne peut pas errer.   Un concile ne peut donc pas, sans le pape, tout ce qu’il peut avec le pape. Tu ne peux pas répondre que ces conciles ont erré parce qu’ils n’étaient pas légitimes, car, il ne manqua à la plupart que l’assentiment du pontife.  Bien plus, Éphèse 11 fut, en tout point, semblable à celui de Bâle, et l’un et l’autre furent convoqués par le pape.  Dans l’un et l’autre, le légat du pape fut présent au début, et dans l’un et l’autre cas, il se retira  peu après.  Dans l’un et l’autre cas le légat fut excommunié, c’est ce que nous raconte Énée Sylvius, pour le concile de Bâle. Pour le concile d’Éphèse, il faut consulter la lettre du pape Léon (12, 13, 15, 21, 22), dans le concile de Chalcédoine (acte 3).  Et que le concile d’Éphèse 2 ait erré, nos adversaires eux-mêmes ne peuvent pas le nier.
Quatrièmement.  Si le pouvoir suprême était dans l’Église principalement et formellement, et dans le pape instrumentalement, en tant que ministre de l’Église, comme eux le disent, il s’ensuivrait que le pape ne serait pas le vicaire immédiat du Christ, mais un vicaire intermédiaire seulement.  Car, si l’Église était elle-même immédiatement vicaire du Christ, le pape serait le vicaire immédiat de l’Église, ce qui est expressément contraire au concile de Constance (session 8), où l’on condamne l’hérésie 5  de Wyclif qui disait « que le pape n’est pas le vicaire immédiat du Christ. »
                                                          CHAPITRE 17
                   Le pontife suprême est absolument au-dessus du concile
La troisième proposition : le souverain pontife, absolument parlant, est tout à fait au-dessus de l’église universelle, et d’un concile général, de façon telle qu’il ne reconnait sur la terre aucun juge qui lui soit supérieur.
Que cette proposition soit presque de foi, on le prouve  par les deux propositions précédentes.  Car, si le pape est la tête de l’Église universelle, même rassemblée en un seul corps, et si l’église universelle, même rassemblée en un même lieu, ne reçoit aucun pouvoir du fait de son intégralité, il s’ensuit que le pape est au-dessus du concile, et au-dessus de l’église, non le contraire.  On le prouve, en second lieu, par une raison tirée de l’Écriture.  Car, tous les noms  attribués au Christ, dans l’Écriture, qui nous font comprendre qu’il est au-dessus de l’Église, sont attribués également au pontife suprême.   Le Christ est le père de famille de sa maison, qui est l’Église, le pontife suprême en est l’intendant, c’est-à-dire père de famille à la place du Christ (Luc 12) : « Quel est l’intendant fidèle et prudent que le Christ a établi sur toute sa maison ? »  Ici, par intendant, on entend le mot évêque.  C’est ainsi qu’interprètent ce mot saint Ambroise, saint Hilaire, saint Jérôme dans 24 Matth, où l’on trouve une phrase semblable.  Et bien que les pères ne parlent pas explicitement de l’évêque romain, il est certain que cette phrase de l’Écriture s’applique à lui.   Car, comme les évêques particuliers sont des administrateurs dans leurs diocèses respectifs,  le pape l’est, lui, dans l’église universelle.  Voilà pourquoi saint Ambroise, en expliquant ce passage (1 Tite 111) : pour que tu saches comment il te faut de comporter dans la maison de Dieu, dit : « La maison de Dieu c’est l’Église, dont Damase est aujourd’hui le recteur. »  Et saint Jean Chrysostome (livre 2 sur le sacerdoce, au commencement) : applique au pape le texte : « qui est le pourvoyeur fidèle ».
Que l’intendant est au-dessus de la famille, et qu’il ne peut être ni jugé ni puni par elle, le même passage nous le fait comprendre : « Si ce serviteur se dit à lui-même : mon maître tarde à revenir, se met à frapper les serviteurs et les servantes, à bambocher, à boire, à s’enivrer, le maître de ce serviteur viendra au  jour qu’il n’avait pas prévu.  Il l’éloignera de lui,  et le placera avec les infidèles. »  Vous voyez, dans ce texte, que le Seigneur s’est réservé à lui le jugement sur son serviteur, et ne l’a pas remis au jugement de la famille.   Il enseigne aussi que toutes les familles n’ont qu’un seul maître; que dans aucune famille il n’est  permis  aux serviteurs, même rassemblés, de punir ou d’expulser l’intendant, même s’il est mauvais, car cela n’appartient qu’au seigneur unique de toute la famille.   L’autre nom du Christ est pasteur.  Jean 10 : « Je suis le bon pasteur. »  C’est la même chose qu’il communique à Pierre en saint Jean : « Pais mes brebis. »  Il est évident que c’est le pasteur qui préside sur les brebis, et qu’en aucune façon il ne peut être jugé par elles.   Le troisième : tête du corps de l’Église (Éphésiens 4).  Il communique la même chose au pape.  Comme nous l’avons dans le concile de Chalcédoine (acte 3) où les légats prononcent une sentence contre Dioscore, et dans l’épitre du concile à Léo.  Or, que la tête soit régie par les membres, et non les membres par la tête, c’est contre nature.  Il est contre nature aussi que les membres tronçonnent la tête quand elle est gravement malade.
Le quatrième : l’homme ou l’époux (Éphésiens 5) : « Hommes, aimez vos épouses, comme le Christ aussi a aimé son Église, et s’est livré pour elle. »  C’est ce qui convient aussi à Pierre, comme on le dit dans le concile de Lyon (au chapitre ubi periculum de electione, in sexto).  Parlant de l’élection du pontife romain, le concile déclare : « Qu’on accélère tout ce qui est utile et nécessaire pour que,  le plus tôt possible, soit donné à l’église un époux idoine. »  Or, c’est une chose contraire à l’enseignement de saint Paul (Éphésiens) et à  l’ordre naturel que l’épouse commande à son mari, au lieu de lui être soumise.
On le prouve, ensuite avec les paroles elles-mêmes des conciles et des souverains pontifes.  Comme la controverse porte sur les pouvoir respectifs des papes et des conciles, si les papes et les conciles enseignent la même chose, quel besoin y a-t-il encore d’ergoter ?  Le premier des conciles dont nous parlons est  celui, dont il est écrit : « Au très saint, très bienheureux patriarche universel de la grande Rome, Léon, et au saint concile universel rassemblé dans la cité de Chalcédoine. »  Personne, dans tout le concile, n’a réclamé  en disant qu’on ne devait pas placer le pape avant le concile entier.  Bien plus, à la fin de cet acte, est conservée la lettre du concile au même Léon, dans laquelle les pères l’appellent leur père et leur pasteur.  De plus, dans le même acte, a été condamné Dioscore avec tout le concile d’Éphèse 11, pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu’il avait osé condamner le pontife romain Léon.  Car, comme le dit Nicolas 1, dans sa lettre  à l’empereur Michael,  Dioscore a été condamné non pas tant pour cause d’hérésie, que pour l’horrible présomption qui lui a donné la témérité de porter une sentence de condamnation sur le souverain pontife.  Il est à noter ici que si Dioscore, qui était patriarche d’Alexandrie,  c’est-à-dire le premier après celui de Rome, n’a pas pu, avec un concile général, juger le pape, il s’ensuit, certes, avec évidence qu’un concile général n’est pas au-dessus du pape.  Car, pourquoi n’a-t-il pas pu juger le pontife s’il était au-dessus de lui, et même son juge, comme le veulent les adversaires ?
De même, le concile romain V, sous Symmaque, reçut et approuva comme ses décrets le livre d’Énnode le diacre, dans lequel nous lisons : « Les autres causes des hommes Dieu a voulu les terminer par des hommes.  Mais il s’est réservé à lui seul de juger le détenteur du siège apostolique.  Il a voulu que les successeurs de l’apôtre Pierre ne doivent qu’au ciel leur innocence. »   Dans le synode général V111 (acte 7), nous lisons que le pontife romain est le juge de tous les évêques, mais que personne ne l’a jamais jugé.   Comprenons « légitimement » jugé, comme l’Église l’a toujours entendu.  Platina (vie de Léon 111) et Paulus Émilius (livre 3, histoire des francs) écrivent que quand Charlemagne vint  à Rome pour s’enquérir des  nombreux crimes qu’on reprochait au pape Léon, et qu’il convoqua, pour cette raison, un grès grand concile, tous les évêques  ont crié d’une seule voix qu’il n’était permis à aucun homme  de juger le souverain pontife.  Charlemagne s’est alors désisté  de son projet, et a laissé le pape sr purger  lui-même par un serment.  On peut aussi citer le concile de Latran, sous Alexandre 111, où on lit dans le chapitre « il est permis en dehors d’une élection » : « Dans l’église romaine quelque chose de spécial  a été institué, car on ne pourra pas avoir recours à une autorité qui lui soit supérieure. »  Ce concile enseigne en cet endroit  qu’on doit élire un pontife romain, avec un plus grand soin que pour les autres églises, «  car si, ailleurs, est élu un mauvais évêque, il peut être corrigé ou déposé par le souverain pontife.  Mais si on élit un mauvais évêque de Rome, il n’existe aucun remède,  car il n’a pas de supérieur qui puisse le déposer ».  De même, dans le concile de Constance, a été promulguée la bulle de Martin V, avec l’approbation du concile,  dans laquelle on ordonne d’interroger ceux qu’on soupçonne d’hérésie, en leur demandant s’ils croient que le pape a, dans l’Église, le pouvoir suprême.  Et il est certain  que rien n’est plus grand ou égal à ce qui est suprême.
De plus, le dernier concile du Latran, sous Léon 1X, (session 2), enseigne clairement  que le pape est au-dessus de tous les conciles, et réprouve le décret contraire  émis par le concile de Bâle : « Il est avéré  que seul le pontife romain, en tant qu’ayant l’autorité sur tous les conciles, a le plein droit et le plein pouvoir de convoquer, de transférer, de dissoudre les conciles, et cela, d’après le témoignage de la sainte Écriture, des écrits des pères, et des autres pontifes romains, et  de l’aveu de ces mêmes conciles. »  On ne peut rien répliquer à ce concile, si ce n’est qu’il n’a pas été un concile général,  ou qu’il n’a pas été approuvé par l’Église, ou qu’il n’a pas défini cela de foi.   Mais on ne peut absolument pas dire qu’il n’a pas été un concile général.  Car, même si les évêques ne furent pas très nombreux, car ils ne furent même pas cent, le concile était ouvert à tous, et avait appelé tout le monde.  Et surtout, dans ce concile, le pape saint Paul qui fut un vrai pape, et non un pape douteux,  présidait en personne.  Qu’il n’ait pas été reçu par tous, il importe peu, car les décrets des conciles n’ont pas besoin de l’approbation du peuple, puisque ce n’est pas de lui qu’ils reçoivent leur autorité.  Il est vrai que si les décrets qui portent sur les mœurs ne sont pas reçus,  le pontife peut convenir qu’ils ont  été abolis par la coutume.  Mais cela n’arrive pas du fait qu’ils requièrent l’approbation du peuple, mais parce que ce sont des décrets modifiables.  Quand le pontife constate qu’ils n’ont pas été observés pendant une longue période temps, et se tait, on considère qu’il les a abrogés.  Mais les décrets qui portent sur la foi sont immuables, et, après avoir été statués,  ne peuvent en aucune façon être abrogés.
Se présentent maintenant les témoignages des pontifes.   Léon (épitre 84 à Anastase, à la fin) : « Par une sage disposition de Dieu, il a été pourvu à ce que tous ne revendiquent pas tout par eux-mêmes, mais que dans chacune des provinces il y en ait certains qui aient le pouvoir de porter une première décision, et que d’autres, placés dans des villes plus peuplées, reçoivent la charge d’un plus grand nombre,  par lesquels le soin de l’église universelle confluerait à l’unique siège de Pierre, pour que jamais rien ne soit privé de sa tête. »  Si le soin de l’église universelle appartient à Pierre,  certainement aussi celui d’un concile qui représente l’église universelle.  Gélase, dans son épitre aux évêques de Dardagne 1, écrit : « Toute l’Église, de par le monde, sait que le sacrosaint siège romain a le pouvoir de juger de toutes choses et de tous, et qu’il n’est permis à personne de juger  son jugement. »  Nicolas 1, dans son épitre à l’empereur Michel, répète la même chose : « Il appert que le jugement du siège apostolique, qui ne connait pas d’autorité qui lui soit supérieure, n’a jamais du être rétracté par personne. »    Saint Grégoire 1 (livre 9, épitre 39 à la patricienne Theorita, écrit : «Si  le bienheureux Pierre est accusé par les fidèles, il pourrait répondre, en considérant  l’autorité qu’il a reçue sur la sainte église, que les brebis ne devraient pas oser rependre leur pasteur. Mais si, dans une querelle avec des fidèles, il faisait allusion à son pouvoir, il ne serait pas un docteur de mansuétude. Il devra donc les apaiser, ses brebis,  par une attitude humble. »
Le pape Pascal, (comme on le lit dans le chapitre significasti, à l’extérieur de l’élection), écrit : « On dit que dans les conciles, on ne trouve pas statué que l’église romaine ait imposé une loi à aucun concile, alors que tous les conciles ou sont faits par l’autorité de l’Église romaine, ou sont confirmés par l’église romaine.   Et, dans leurs statuts, l’autorité du pontife romain est clairement exprimée. »  Innocent 111 (sermon 2 de la consécration d’un pontife), écrit : « Voici ce qu’il m’est nécessaire de croire.  Pour tous les autres péchés, c’est Dieu que j’ai pour juge. Mais c’est pour le seul péché commis contre la foi que je pourrais être jugé par l’Église. »  Boniface V111 (extravaganti, une seule sainte, sur la majorité et l’obéissance) : « Si le pouvoir terrestre dévie, il sera jugé par le pouvoir spirituel.   Si le pouvoir spirituel dévie, le plus petit sera jugé par le plus grand. Mais si le pouvoir suprême dévie, il sera jugé par Dieu, et ne pourra pas être jugé par l’homme. » Que se présente le témoignage de saint Boniface, évêque de Monguntinus,  qui même s’il ne fut pas souverain pontife, posséda une grande autorité.  Voici ce qu’il dit ( dist 40, le canon si papa) : « Il jugera tous les autres, mais ne doit être jugé par personne, à moins qu’on ait la preuve qu’il ait dévié de la vraie foi. »
On le prouve en quatrième lieu, des appels faits du  concile au pape.  Sans controverse aucune,  on fait appel d’un moins grand à un plus grand.  Qu’on puisse en appeler du concile au pape, mais non du pape au concile, nous le montre l’épitre de Gélase aux évêques de Dardagne : « De n’importe laquelle partie du monde on doit en appeler au siège apostolique;  mais de lui, personne n’est autorisé à le faire. »  Et pour qu’on ne pense pas qu’il parle de l’appel d’un évêque et non d’un concile,  il ajoute que « les pontifes romains ont souvent innocenté ceux que des conciles iniques avaient condamnés, dont il reste plusieurs exemples célèbres ».   Car, Athanase, évêque d’Alexandrie, et Paul évêque de Constantinople, déposés par un concile, en ont appelé au pape Jules, et ont été par lui restitués dans leur siège, (Sozomène, livre 3, chapitre 7 de son histoire.)  Semblablement Flavien, évêque de Constantinople, en a appelé du concile général d’Éphèse 2 au pape Léon (comme l’atteste la lettre 25 de saint Léon à l’empereur Théodose).  De même, Théodoret, évêque de Cyr,  en appela du même concile d’Éphèse 2, au même pape Léon, comme on le voit par le bréviaire de Libératus (chapitre 11) et par la lettre de Théodoret (que l’on trouve  à la fin des œuvres de Léon.)  Enfin, saint Jean Chrysostome, déposé par un concile, en a appelé au pape Innocent, comme l’atteste Gélase,  et comme on le lit dans les lettres de saint Jean Chrysostome au pape Innocent.
On le prouve, en cinquième lieu, par l’approbation et la réprobation de conciles.  Car, tous ceux qui sont révoqués le sont au jugement du siège apostolique.   Ceux qu’il approuve sont reçus, et ceux qu’il réprouve sont rejetés, comme l’atteste Gélase dans la même épitre aux évêques de Dardanie.  Et que c’est à la demande des conciles qu’un grand nombre a été approuvé,  les conciles eux-mêmes en témoignent, surtout le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième et le sixième.  Que les papes ont parfois désapprouvé les décrets des conciles, ce qui est un signe manifeste de supériorité, nous le montre la lettre 52  de saint Basile à saint Athanase.  Il se demande si ce ne serait pas une bonne chose d’inciter le pape de Rome à envoyer des délégués en Grèce, pour invalider, par leur autorité, le concile d’Arménie.  Le pape Damase lui-même écrit aux évêques d’Illyrium et leur reproche ce concile.  De la même façon, le pape Léon (dans son épitre 55 à Pulchérie) : « Les ententes d’évêques qui répugnent aux règles établies par les canons promulgués à Nicée, nous les annulons, et, par l’autorité du bienheureux Pierre apôtre, les résilions. »   Le bienheureux Grégoire (livre 4, épitre 34) écrit : « Tous les actes de ce concile qui contredisent la foi apostolique nous les annulons. »
                                                         CHAPITRE 18
 Le pontife suprême ne peut pas se soumettre à une sentence contraignante  des conciles
Quatrième proposition : le pontife romain ne peut  remettre à un concile ou à aucun homme soi disant  supérieur le pouvoir de porter sur lui un jugement coercictif, seulement un directif.  Il est à noter que, dans un jugement parfait, deux choses sont requises.   La première.  Le pouvoir d’investiguer, de discerner et de juger ce que l’on doit faire. La deuxième.  Le pouvoir de contraindre celui qui est jugé  à obtempérer à la sentence portée.  On trouve l’une et l’autre dans un juge proprement dit, tel qu’un prince ou un préteur institué par un prince.  On ne trouve que le premier dans les arbitres.  Les hommes sont liés par les sentences des arbitres,  en vertu du  droit naturel, parce que nous nous sentons obligés  de tenir nos promesses.  Mais non en vertu de la sentence elle-même, car les arbitres ne peuvent contraindre personne.   Le souverain  pontife ne peut donc pas établir un juge proprement dit au-dessus de lui, mais seulement des arbitres.  Et s’il n’obtempère pas à la sentence de ces arbitres,  il fera ce qu’il ne doit pas faire, non ce qu’il ne peut pas faire.
On prouve la première partie ainsi.  D’abord, parce que le pouvoir du pape sur tous est de droit divin, et que le pape ne peut pas accorder de dispense dans le droit divin.  Ensuite, parce qu’un inférieur ne peut pas confier à quelqu’un un jugement qui est réservé à un supérieur.  Car, un évêque ne peut pas charger son pénitencier d’absoudre dans des cas réservés au pape. Or, le jugement dans la cause d’un pontife est réservé à Dieu, comme nous l’avons montré plus haut.  De plus, il s’ensuivrait que le pape serait supérieur et non supérieur à lui-même, ce qui implique une contradiction. Que ce soit bien la conséquence qu’il faille en tirer, on le montre par le raisonnement suivant.  Quand le souverain pontife accorde à quelqu’un le droit de porter un jugement sur lui, il ne cesse pas d’être pape,  il ne cesse donc pas d’être supérieur à n’importe lequel chrétien. Or, s’il peut être contraint par quelqu’un, il ne sera pas supérieur, mais inférieur.  Il sera donc en même temps supérieur et non supérieur.
La deuxième partie de la proposition, on la prouve ainsi.  Quand ceux qui accusaient Sixte 111, Léon 111, Symmaque, Léon 1V et d’autres  ont voulu discuter de leur cas dans un concile d’évêques, comme on le voit dans le canon mandastis, et le canon auditum (  2.q.5, du concile 4), les évêques n’ont pas osé le juger.   Dans le concile  1V, sous Symmaque, tous les évêques ont déclaré par écrit qu’ils remettaient le jugement entier à Dieu.
                                                       CHAPITRE 19
                                On réfute les arguments des adversaires
Il reste à écarter les arguments.  Le premier est celui d’Hermann (livre 3, chapitre de ses prolégomènes).  Il nous objecte certains exemples des Anciens.   Ensuite, quelques arguments de Gerson. Puis, un extrait du concile de Bâle.
Le premier exemple est celui de Marcellin qui, dans le concile de Sinuessanus, a été condamné et déposé par les évêques.   Je réponds d’abord que Marcellin avait été accusé d’un acte d’infidélité.  Dans un cas semblable, un concile peut entendre la cause d’un pontife, et s’il découvre qu’il a vraiment été  infidèle, il peut le déclarer à l’extérieur de l’église et le condamner.  Je dis, ensuite, qu’il est vrai que les évêques ont condamné Marcellin, mais pas avant qu’il se soit condamné lui-même, et qu’il ait abdiqué le pontificat. Car, auparavant, ils avaient déclaré à haute voix, plusieurs fois : « Le premier siège ne sera jugé par personne. Toi qui es coupable et juge,  ne sois pas jugé par nous ! »  Voir Nicolas 1  dans son épitre à l’empereur Michel.
 Le second exemple est celui du pape Melchiade.  L’évêque d’Arles en appela de sa sentence,  comme l’atteste saint Augustin (épitre 162 ad Glorium et Eleusium). Voici ce qu’il dit : « Nous pensons que ces évêques qui ont intenté un procès à Rome n’ont pas été de bons juges.  Il restait encore un concile universel plénier de l’Église, là où la cause peut être débattue avec des juges qui pouvaient renverser la décision de ces évêques  si elle avait été mal faite. »  Au sujet de l’évêque d’Arles, je réponds avec le même saint Augustin, au même endroit.  Cette cause a été jugée de nouveau non parce qu’il le fallait, mais parce que l’empereur a voulu accéder à la demande d’un autre jugement fait par les donatistes, pour savoir si ceux qui avaient été condamnés deux fois devaient être acquittés.  Et au sujet du concile général, je dis qu’Augustin ne compare pas un pape sans concile avec un concile sans pape,  comme nous l’avons fait plus haut,  mais un concile particulier présidé par le pape à un concile général présidé lui aussi par le pape.  Une cause jugée par un pontife dans un concile particulier peut, sans aucun doute, être jugée de nouveau dans un concile général, surtout dans une question de fait, qui dépend des informations reçus, dans lesquelles peut errer l’Église. Telle était la question qu’on traitait alors, comme on le faisait habituellement.   Car ,avant un concile général,  on faisait des conciles particuliers préalables dans les provinces, et même à Rome;  et les choses qui avaient été traitées dans ces conciles particuliers, étaient traitées de nouveau  dans le concile général. Et c’est après tout cela qu’était donnée, par le pontife, la sentence ultime et définitive, avec le consentement du concile.
Le troisième exemple est celui du pape Libère que l’empereur déposa,  et restitua ensuite dans son siège, lui ordonnant de régir l’Église de Rome avec l’évêque Félix.  Le concile de Smyrne ordonna la même chose dans des lettres données à Félix, comme le rapporte Sozomène (livre 4, chapitre 14).   Je réponds que l’empereur arien Constance a agi alors injustement et tyranniquement, comme quand Néron a tué Pierre et Paul.   Le concile de Smyrne n’a pas donné d’ordre,  il a seulement envoyé des lettres d’exhortation à Félix,  pour qu’il accepte que Libère siège avec lui.  N’oublions pas que ce concile fut surtout un concile d’Ariens, et donc de nulle valeur.   Le quatrième est celui de saint Léon.  Un grand nombre d’évêques  ont examiné de près sa lettre au concile de Chalcédoine, comme le rapportent  Eugenius (livre 2, chapitre 18), et le pape Léon (épitre 63).  Il se glorifie de ce que sa lettre ait été approuvée par le concile.   Je réponds qu’on ne peut pas déduire de cela que le concile soit au-dessus du pape.  Car le pape Léon envoya sa lettre au concile non comme contenant la sentence ultime et définitive, mais seulement comme une instruction, avec l’aide de laquelle les évêques pourraient mieux juger.  Tous approuvèrent par la suite la lettre du pape Léon; et c’est, après, que fut promulguée la définition ultime, au nom du pontife et du concile.  Voilà pour les exemples.
Les arguments de Gerson, maintenant.   Le premier.   En Matthieu 18, il est dit : « Si ton frère pèche contre toi, dis-le à l’église. »  Mais le pape est aussi notre frère, puisqu’il est chrétien et doit dire : notre père qui est aux cieux.  Le pape peut donc être appelé en jugement par l’église, être condamné et puni.  Or, comme l’église ne fait rien sans ses prélats, le pape peut donc être jugé par un concile de prélats.  Je réponds que, par église, on peut entendre l’Évêque, selon l’interprétation que donnent de ce passage saint Jean Chrysostome et Innocent 111.  Car, à chaque jour, sont dénoncés à l’Évêque ceux desquels le Seigneur a dit : dis-le à l’Église.  Ou l’assemblée des fidèles avec son chef.   Car, comme saint Cyprien le dit (dans son épitre à Florentium,  9. Livre 4) : « l’église est le peuple sacerdotal rassemblé, un troupeau adhérant à son pasteur. »  Voilà pourquoi, dans n’importe quel diocèse,  les pécheurs sont référés à l’église, à l’église de ce lieu.  Mais si cet évêque pèche, on ne peut pas le référer à cette église, à moins de  le référer à lui-même, puisqu’il est la tête de cette église.  On devra le référer à une église supérieure, présidée par un archevêque, ou un patriarche.    Si le patriarche pèche lui aussi, il ne peut pas être référé à son église, mais à une supérieure, c’est-à-dire à la romaine, ou à un concile général présidé par le souverain pontife.  Si le souverain pontife lui-même pèche, on doit le référer au jugement de Dieu, pour qu’on ne trouve pas, sans lui, une église sans tête.
Mais ils insistent.   Ces paroles : « dis-le à l’église », ont été dites à Pierre.  Donc même Pierre et ses successeurs doivent référer les pécheurs à l’église.  Ils doivent donc reconnaître que le tribunal de l’église est plus grand que le leur.  Je réponds que quand ces choses ont été dites à Pierre, il n’était pas encore pontife, mais un homme privé.  A donc été dit à lui, alors, ce qui convient à ceux qui reconnaissent un supérieur. De plus, le pontife lui-même peut remplir ce précepte à sa façon.  Il doit d’abord corriger privément celui qui a péché, ensuite se procurer des témoins, enfin, le dire  à l’église, c’est-à-dire à lui-même en tant que président, et à l’église à laquelle il préside.  C’est-à-dire l’excommunier publiquement.  C’est ainsi qu’a compris ce passage saint Grégoire (livre 4, épitre 38) dans sa lettre à l’évêque Jean de Constantinople.
Le deuxième argument de Gerson.  Le pape est un membre de l’église; il est donc plus petit que le tout qui est l’église.  Il peut donc et doit même être amputé s’il empoisonne l’Église, parce que c’est le droit de la nature qui veut que les membres qui empoisonnent le corps soient amputés.   Je réponds à la première conséquence.    C’est avec le pape ou sans le pape qu’on entend le mot église,  quand on conclut que le pape, en tant que membre, est plus petit que l’Église qui est le tout.  Si l’on parle d’une église sans le pape, il est faux qu’elle soit le tout.   Car, elle n’est pas le tout, mais une partie, plus grande que la tête par l’étendue, mais plus petite  par la puissance et l’autorité, comme on le voit dans n’importe lequel corps.   Que l’autorité de la tête demeure dans l’Église par mode supplétif, comme le disent les adversaires, cela a été réfuté auparavant.  Si on parle d’une église avec pape,  alors, comme je l’ai déjà dit plus haut, l’autorité de l’Église est plus grande extensivement, qu’avec le pape seul,  mais égale intensivement.  Comme l’être qui comprend Dieu et les créatures n’est pas  plus grand bien que Dieu seul intensivement, même si, extensivement, il  est  plus grand, car il a plus de biens.   De même le Christ, en tant qu’homme,  est la tête homogène de l’Église, et donc une de ses parties.  Et pourtant, l’Église totale n’est pas plus grande que le Christ.
Mais ils reviennent à la charge.   Le pouvoir d’agir est principalement dans le tout, plutôt que dans les parties, qui sont des instruments du tout.  On dit que c’est l’homme qui voit plutôt que l’œil.  Comme l’Église avec le pape est un tout, et le pape une partie, l’instrument de ce tout,  il s’ensuit que le pouvoir ecclésiastique suprême réside dans l’Église plutôt que dans le pape.  Je réponds qu’on doit porter un jugement différent sur le corps de l’église et sur les corps naturels.   Car, dans les corps naturels, la vertu procède de l’essence vers les puissances.  Voilà pourquoi on dit que c’est le tout qui agit plutôt qu’une partie, ou une puissance.  Mais, dans le corps de l’église, la vertu ne procède pas de l’essence vers les puissances,  ou parties, mais de l’extérieur.  Car, le pape qui est la tête de l’Église,  ne reçoit pas de l’Église son autorité, mais de Dieu.  Ensuite, on peut dire que l’agent principal de n’importe lequel corps est toujours son propre suppôt, qui soutient et meut tous les autres membres.  Or, le suppôt du corps de l’Église est le Christ.  Car, quand nous disons : cela est le corps de Pierre ou de Paul, ce « de Pierre et de Paul » se rapporte au suppôt.  De la même façon, quand on dit que l’Église est le corps du Christ,  ce « du Christ » désigne le suppôt.  Il importe peu que le Christ soit aussi la tête de l’église, car, en tant qu’agissant sur tous les membres, il est dit tête, et en tant qu’il sustente et fait mouvoir tous les membres, il est dit suppôt.  Nous concédons donc que, de cette façon, le pape est l’instrument du corps de l’Église, et plus petit que le tout, comme le Christ lui-même l’est dans le tout, en tant que suppôt.
À l’autre conséquence, on peut dire, d’abord, que  c’est le droit naturel qui exige que soient amputés les membres putrides, à l’exception de la tête.   Car, il est préférable d’avoir une tête putride que de n’en avoir aucune.  Mais cette réponse ne satisfait pas vraiment, car, dans les corps naturels, il faut  faire une exception pour la tête, parce qu’une fois amputée,  tout le corps meurt.   Mais le corps de l’Église ne meurt pas à la mort d’un pape.  Voilà pourquoi nous voyons dans les choses publiques civiles, que si un roi dégénère en tyran, il peut, bien qu’il soit la tête du royaume, être déposé par le peuple et remplacé par un autre.    Je dis ensuite que dans un corps naturel et dans les républiques temporelles, on peut couper des membres qui empoissent tout le corps, car c’est de ce corps qu’ils dépendent, et dont ils tirent leur vigueur.  Mais il n’en va pas ainsi pour le corps de l’église, dont la tête ne reçoit pas du corps, mais de Dieu son autorité.  De la même façon qu’il n’est pas permis à une famille de déposer un intendant, même mauvais,  parce que ce n’est pas par la famille mais par le maître de la maison qu’il a été embauché.
Ils rétorquent.  L’Église sera donc seule à demeurer sans remède, si elle a un mauvais pontife suprême; et le pontife pourra impunément égarer et perdre tous les chrétiens,  et personne ne pourra lui résister ?  Je réponds qu’il ne faut pas s’étonner de ce que l’église demeure sans moyen humain efficace, puisque son salut ne s’appuie pas principalement sur l’humaine industrie, mais sur la protection divine.  Car c’est Dieu qui est son roi.    Même si l’église ne peut pas déposer un pontife mauvais, elle peut et elle doit prier intensément et demander à Dieu d’apporter un remède ad hoc.  Et il est certain que Dieu pourvoira à son salut,  en corrigeant ou en éliminant un tel pape avant qu’il ne détruise l’Église.  Il ne s’ensuit pas, cependant, qu’il ne soit pas permis de résister à un pape qui détruit l’Église.  On peut, en gardant le respect qui lui est du, lui faire une remontrance, le réprimander modestement, et même lui résister par la violence et les armes,  s’il veut détruire l’église.  Car, pour résister et repousser la violence par la violence, aucune autorité n’est requise.  Voir, sur ce sujet, Jean de Turrecremata (livre 2, chapitre 106),
Le troisième argument de Gerson rapporté par Hermann, est tiré du concile de Constance.  Le concile de Constance (session 40) a défini que le concile général a reçu de Dieu une autorité immédiate,  à laquelle tous sont tenus d’obéir, tout comme s’il possédait la dignité papale.  Ou ce concile est approuvé, ou il ne l’est pas.   S’il est approuvé,  il est donc vrai, et on doit recevoir ce qu’il a défini.  S’il n’a pas été approuvé,  c’est donc vainement qu’il a déposé Jean XX111, Grégoire X11 et Benoit X111, et élut Martin V,  à qui succédèrent tous les pontifes postérieurs.   Ajoutons, que, dans la dernière session, Martin V confirma tous les décrets de ce concile de Constance qui portent sur la foi.   Ce décret semble donc être de foi.    Je réponds de deux façons.  La première.   Le concile de Constance est légitime et approuvé,  mais ne contredit pas ce que nous avons avancé.  Car, il n’a pas défini de façon absolue que les conciles généraux avaient reçu du Christ un pouvoir au-dessus des pontifes,  mais seulement dans le cas d’un schisme, quand on ne sait pas quel est le vrai pape.  Car, un pape douteux est considéré comme un non pape.  En conséquence, avoir un pouvoir sur lui, ce n’est pas avoir un pouvoir sur  le pape  proprement dit.  C’est ainsi que l’interprètent Turrecremata, Campegius, et Sanderus,  dans les lieux cités.
On peut répondre ensuite que ce n’est pas le concile de Constance qui a fait cette assertion,  comme pouvant définir des choses de foi.  Car, au début, il n’était pas encore un concile général quand n’était présent qu’un tiers de l’église, c’est-à-dire seulement les prélats qui reconnaissaient Jean XX111.  Car, ceux qui adhéraient à Grégoire et à Benoit rejetaient ce que faisait ce concile.   Il n’y avait pas de pape certain dans l’Église, sans lequel on ne peut pas définir de foi des choses douteuses.   Et, dans le concile, aucun pape n’était présent.   Car, Jean XX111 qui avait inauguré le concile, s’en était retiré au début de la quatrième session.   Et il n’est pas vrai que Martin V ait confirmé ce décret.   Car, il a dit explicitement qu’il ne confirmait que les décrets de foi qui avaient été faits collégialement, c’es-à-dire, à la manière accoutumée des conciles, après un examen consciencieux et attentif.   Il appert que c’est sans examen et sans discussion que ce décret a été voté par le concile de Constance. Quand Martin V confirmait les décrets de foi promulgués collégialement, il ne parlait que de la condamnation des hérésies de Wyclif et de Hus
Il ne s’ensuit pas, non plus, que si le concile a erré en cela, il a aussi erré dans la déposition des souverains pontifes.   Car, même si, sans le pape, un concile ne peut pas définir de nouveaux dogmes de foi, il peut quand même juger, en temps de schisme quel est le vrai pape, et pourvoir l’Église d’un vrai pasteur, quand le pape est inexistant ou douteux, comme l’a bien fait le concile de Constance.  Ajoutons que Grégoire et Jean n’ont pas été déposés malgré eux, car ils avaient eux-mêmes spontanément abdiqué la papauté, comme on le voit dans les actes du concile de Constance, aux sessions 12 et 14.   Benoit n’abdiqua pas,  mais, après sa mort, son successeur Clément V111 céda sa place à Martin V, que toute l’Église vénérait comme vrai pasteur.
Enfin,  Hermann nous objecte le concile de Bâle, qui a défini (à la session 33)  qu’il fallait croire de foi catholique  que le concile est au-dessus du pape.  Ce concile a été convoqué par Martin V, (comme on le lit à la première session), et a continué légitimement depuis son début. Il a été ensuite confirmé par Martin V avec tous ses actes.   Je réponds que le concile de Bâle a commencé légitimement, mais s’est terminé illégitimement.  Hermann commet une grosse bourde quand il prétend qu’il a été confirmé par Martin V avec tous ses actes.  Car, le pape Nicolas, comme nous le montre sa bulle annexée au concile, n’a confirmé que les décrets qui portaient sur les bénéfices et les censures ecclésiastiques.  Et ce que le concile de Bâle a décrété au sujet de son autorité qui aurait été supérieure au pape,  aucun pontife ne l’a approuvé.  Le pape Eugène l’a d’abord  réprouvé explicitement, comme on le voit dans le concile de Bâle, (session 38).   Ensuite, le pape Léon X, dans le dernier concile du Latran, (session 38),  ainsi que toute l’église, qui a toujours accepté comme vrai pape Eugène, déposé par les pères du concile de Bâle.  Ensuite, les pères de Bâle eux-mêmes et le pape Félix, qu’ils avaient créé.  Car le pape Félix résigna son poste à Nicolas, le successeur d’Eugène; et les basiliens eux-mêmes qui transférèrent le concile à Lausanne,  se soumirent finalement à Nicolas, comme l’atteste Nicolas dans la dernière bulle.
Plusieurs  arguments ont été proposés qui méritaient une réfutation, mais on leur a déjà répondu dans les livres sur le souverain pontife. Voir aussi ce que nous dirons sur le concile de Bâle dans le prochain livre, au chapitre 16
2018 02 03 20h02 fin

                                                               CHAPITRE 19
                                    À qui revient-il de présider les conciles généraux ?
  Quelqu’un doit-il présider ?  Et qui ?  Les hérétiques de notre temps enseignent que le président ordinaire des conciles doit être l’empereur, ou quelqu’un envoyé par lui; et que, si l’empereur n’envoie personne, ce sera au concile à le choisir.  Ils vont même jusqu’à affirmer que dans les conciles antiques, ce n’est jamais un pape qui a présidé, mais un empereur, ou son légat, ou un patriarche plus ancien, ou l’évêque du lieu, comme l’enseignent les magdebourgeois (centurie 4, chapitre 7, colonne 536), et  Calvin (livre 4, chapitre 7, versets 1 et 2 des institutions).   Charles Molina (dans son livre sur «  il ne faut pas recevoir le concile de trente »,  verset 4),  ment froidement  quand il dit que les légats pontificaux ont toujours, dans les conciles, siégé après les autres évêques, alors que dans aucun concile on ne les voit assis à la dernière place. De même  Harmann Hamelmannus (livre 1, chapitre 8  des prolégomènes) et Brentius sans ses prolégoménes contre Petrus a Soto.
 Tous les catholiques, par contre, enseignent que c’est le rôle propre du pape de présider à un concile, par lui-même personnellement, ou par un délégué, pour pouvoir tout mener  à bien, en tant que juge suprême.   Nous disons par lui-même ou par un légat, car le souverain pontife n’a jamais été présent à un concile oriental.  Et cela ne s’est pas fait par hasard, mais pour une raison bien précise, comme on peut le voir par la lettre de saint Léon (17) à Théodose, et 47 au concile de Chalcédoine,  dans laquelle il explique qu’il n’ira pas au synode, parce que la coutume ne le souffre pas,  et parce que ses prédécesseurs n’ont laissé aucun exemple de cette sorte.   Ajoutons que le pape Vigile était à Constantinople quand eut lieu, dans cette cité, le cinquième concile général.  Il ne voulut pourtant pas y prendre part personnellement, mais il confirma par écrit les actes du concile, comme l’écrit Photius dans son livre sur les sept conciles.   Les empereurs eux-mêmes, quand ils ordonnaient un concile, convoquaient les autres évêques par un édit,  mais ne faisait qu’inviter le pontife romain, pour qu’il daigne y venir,  selon son bon plaisir, comme on le voit dans la lettre de l’empereur Martien  au pape Léon, laquelle  fut écrite avant le concile de Chalcédoine.  Quelle fut la raison de cette conduite  des papes, la chose demeure incertaine, e t les raisons que donnent Turrecremata (livre 3, chapitre 11) ne me semblent pas pertinentes.
 J’imagine, pour ma part, qu’ont joué deux causes principales. Une première.  Parce qu’il ne semblait pas convenir que la tête suive les membres, puisque ce sont  les membres qui doivent suivre la tête.  Voilà pourquoi le pape a été présent aux conciles romains, et à d’autres qu’il avait convoqués à l’endroit où il demeurait lui-même;  et n’a voulu ni du aller à d’autres conciles convoqués ailleurs.   L’autre raison.  Parce que, dans les conciles orientaux, l’empereur fut toujours présent, ou un de ses légats.  Bien que ni l’empereur ni son légat ne présidassent comme juges  au sens strict du terme,  ils présidaient quand même en raison du lieu qu’ils occupaient.  Et même si le souverain pontife avait été là, ils auraient quand même voulu que l’empereur préside de cette façon, comme on l’a bien vu au concile de Florence.  Les Grecs voulaient à tout prix que leur empereur occupe la place d’honneur, et qu’il précède le souverain pontife.  Et bien qu’on ait pu tolérer que des rois ou des princes s’assoient dans un concile devant les évêques, cela ne convient en aucune façon pour le souverain pontife.  On ne pouvait tout simplement pas tolérer cela, et il fallait éviter les contestations qui pouvaient facilement en résulter.  Voilà, semble-t-il,  pourquoi le pape n’allait pas à ces conciles, mais envoyait des légats.
 Que ce soit au souverain pontife qu’appartienne, de droit,  la présidence d’un concile général,  on le prouve, d’abord, par une raison tirée de l’Écriture.   Le souverain pontife est le pasteur et le père de l’Église universelle,  de façon telle que même tous les évêques et les princes sont dits ses brebis et ses fils, comme nous l’enseigne saint Jean : « Pais mes brebis ».  Et on le confirme par le fait que les conciles l’appellent père, et qu’il appelle parfois fils les évêques réunis dans un concile, comme le rapporte Theodoret (livre 5, chapitre 10 de son histoire).  Il raconte que, répondant aux évêques du second concile général, Damase commença ainsi : « Vous avez montré la vénération due au siège apostolique, ce qui est honorable à vous, vénérables fils. »   De même, par la lettre du concile d’Antioche à Jules, qui commence ainsi : « Au seigneur très bienheureux et honorable, père Jules. »  Et Stéphane, l’archevêque de Carthage, ainsi que les trois conciles ont écrit : « Au seigneur très bienheureux, et saint père de pères, Damase ! »  Et le concile de Chalcédoine dans sa lettre à Léon : « Nous te demandons d’honorer notre jugement par tes décrets, pour que ta fermeté assure ce qui convient à des fils. »  Or, qui pourrait jamais imaginer que ce soient les pères qui doivent obéir aux fils, les pasteurs aux brebis, plutôt que les fils aux pères, et les brebis aux pasteurs ?
 On le prouve ensuite par le concile des apôtres de Jérusalem.  Dans sa lettre à saint Augustin, saint Jérôme affirme que saint Pierre (actes, 15) présida le concile.  Il déduit ce fait de ce que saint Pierre est le premier à se lever, le premier à prendre la parole, le premier à définir la question, et de  ce que tous ont accepté sa décision.  On le prouve, en troisième lieu, à partir des actes des huit conciles généraux.  Car, que dans les autres, c’est le pontife romain qui a présidé, même les adversaires l’admettent.  Au sujet du président du premier concile, celui de Nicée, il y a quatre opinions.  Les uns veulent que ça ait été l’empereur, comme Brentius;  d’autres, Eustathius d’Antioche, comme les magdebourgeois (au lieu cité, ainsi que Luther (livre sur les conciles, partie seconde); d’autres Athanase, comme le dit Calvin (lieu cité); d’autres l’évêque Hosius et les presbytes légats du pontife romain, Vitus et Vincent.   La première opinion est d’une grande fausseté.   Car, d’abord, Constantin souscrivit  après tous les évêques, comme l’atteste l’empereur Basile (à la fin du synode 8). Or, c’est le président qui souscrit en premier.  De plus, Constantin n’osa pas s’asseoir, même pas sur un siège  moins honorable que ceux  des évêques, malgré l’insistance des évêques.  C’est ce que rapportent Théodoret (livre 1, chapitre 7 de son histoire) et Eusèbe (livre 3 de la vie de Constantin).  Enfin, l’empereur protesta, dans ce concile, que c’était à lui à être jugé par les évêques, non à lui de les juger;  qu’il était leur sujet, non leur supérieur, comme l’écrit Ruffin (livre 10, chapitre 2).   Comment  n’aurait-il pas perdu la face,  s’il avait voulu présider dans un concile d’évêques ?
 Saint Ambroise  le confirme  par sa lettre 32.  Il dit que Constantin, dans le concile de Nicée, ne s’est pas fait juge, mais a laissé les évêques librement juger.  Saint Athanase, dans sa seconde apologie, dit la même chose.  Il affirme qu’ « il ne peut pas y avoir de  concile présidé par un comte, et non par un évêque ».  Et dans son épitre aux ermites,   il reproche avec force à Constance de vouloir tenir le premier rôle dans les conciles : « Si c’est un jugement qui relève des évêques, qu’a de commun avec lui l’empereur ? »  Et dans ses lettres précédentes, il rapporte ce que Hosius a écrit au même Constance : « Dans ce genre de choses (les temporelles), donne des ordres.  Mais les autres choses (les spirituelles) apprends-les plutôt de nous.  À toi, Dieu a donné l’empire, à nous,  il a remis les choses ecclésiales. »  Et (pas très loin de la fin) : « Car qui,  voyant un empereur  se faire, en décrétant, le prince des évêques,  ou présider aux assemblées ecclésiastiques,  ne dira pas, avec raison,  que c’est cela l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel ? »   Il appelle clairement en cet endroit Constance antichrist,  parce qu’il a osé présider à un jugement ecclésiastique.  Svidas dit aussi, dans la vie de sain Léon, que quand Léonce le vit présider et parler dans un concile, il lui dit qu’il s’étonnait qu’il négligeait ce qui lui appartient en propre, la guerre et l’administration civile, pour montrer tant de curiosité dans les affaires ecclésiastiques qui lui étaient étrangères. »  Et il est certain que  Athanase,  Hosius, et  Léontius n’auraient  jamais reproché à Constance d’avoir voulu présider dans des conciles, si son père Constantin avait présidé à Nicée.
 Qu’Eusthatius ne fut pas président du concile de Nicée, on le prouve d’abord parce qu’il n’a pas signé le premier, ni le deuxième, ni le troisième, mais après beaucoup d’autres.  Ensuite, parce qu’était présent l’évêque d’Alexandrie, Alexandre,  qui était plus grand et plus digne que celui d’Antioche.  Il n’y avait donc rien qui lui permette de présider.   Mais les magdebourgeois objectent que, d’après Eusèbe (livre 3 de la vie de Constantin),  nous lisons que celui qui était immédiatement à la droite de l’empereur, avait à faire un discours pour louanger l’empereur.  Or, il appert qu’Eusthate est  celui qui fit le discours, selon Theodoret (livre 1, chapitre 7 de l’histoire).   Je réponds  qu’Eusthate fut le premier à droite de l’empereur, parmi les évêques, mais pas le premier  tout près de l’empereur.   Saint Athanase, dans sa lettre aux solitaires,  nous rapporte qu’Hosius fut le prince de ce concile,  et qu’il s’est donc assis avant Eusthate.  En effet, les sièges étaient disposés de trois façons. Un était à droite, un à gauche,  et le troisième en avant de tous.  C’est dans ce troisième que siégeait, au milieu, l’empereur, entres les évêques Hosius, le légat du Pape, et Alexandre, évêque d’Alexandrie, ainsi que les légats apostoliques, Vite et Vincent.   Ensuite, Eusthate, évêque d’Antioche,   siégeait à droite, comme étant  le premier de son ordre.  Pour l’autre ordre qui était à gauche, siégeait, en premier, Macaire évêque de Jérusalem.  C’est de cette façon qu’on respectait l’ordre de dignité entre les patriarches.  Il est très probable que c’est cette disposition qui a été adoptée dans le concile.   Mais, on peut aussi répondre qu’on a donné à Eusthate le siège le plus honorable à cause de l’ancienneté de son siège et de sa sainteté personnelle.  Mais il  n’a pas, pour autant, présidé au concile.  Car, autrement, c’est l’empereur qui aurait présidé aux conciles 6 et 7, puisqu’il occupait le siège le plus élevé.  Ce n’est donc pas tant le siège que la signature qui est à même de nous renseigner sur la présidence d’un concile.   Car,  il arrive souvent que, pour reconnaitre les mérites de quelqu’un,  on fasse siéger en premier celui qui ne détient  pas le premier rang.
 Qu’Athanase n’ait pas été président, est-ce vraiment nécessaire de le prouver ?  Calvin est le seul à le prétendre, et sans donner aucune raison.   Tous savent qu’Athanase n’était alors qu’un diacre qui accompagnait son évêque;  qu’il ne s’est pas assis parmi les évêques, et qu’il n’a pas signé.  Voir Ruffin (livre 10, chapitre 14 de son histoire), Sulpice  (livre de son histoire sacrée), Grégoire de Naziance (dans son discours sur Athanase), et saint Athanase lui-même dans sa seconde apologie.  De plus, on n’a jamais entendu dire  qu’un diacre ait siégé avec des évêques,  qu’il ait présidé un concile d’évêques, à moins qu’il ne remplace son évêque. Or, saint Athanase ne remplaçait certainement pas son évêque, puisqu’il était présent, et qu’il l’accompagnait.   Dans les signatures, on trouve celle d’Alexandre, évêque d’Alexandrie près de celle des presbytes de Rome.  Mais la signature d’Athanase diacre n’apparait nulle part.
 Que les légats du pape aient présidé,  l’évêque d’Espagne Hosius et les prêtres Vite et Vincent, on le prouve d’abord par les signatures.   Car ce sont ces trois qui ont signé les premiers.  On le prouve ensuite  par Cedrenus (une compilation d’historiens) et Photius (livre des sept synodes) qui disent que «  Sylvestre a exercé son autorité sur ce concile par ses légats ».  En troisième lieu, par l’épitre d’Athanase aux ermites, où il écrit qu’Hosius a été le prince dans ce concile, et que c’est lui qui a composé le symbole dit de Nicée.   Comme Hosius était un simple évêque, et donc inférieur aux patriarches, qui étaient présents au concile, il n’aurait certainement pas occupé la première place n’il n’avait pas agi comme représentant du pape.  C’est pourquoi, dans la préface du concile de Sardaigne, (que l’on trouve dans le tome 1 des conciles, ce qui a peut-être été écrit par Denys le petit , un grand érudit) on lit qu’Hosius de Cordoue a agi, dans le concile de Nicée, en tant que légat du pape.   On peut voir la même chose dans le codex grec  qui est conservé dans la bibliothèque vaticane. Voir dans le deuxième livre du concile de Nicée, édité par Alphose Pisano, jésuite, en 1581.
 Le deuxième concile général fut celui de Constantinople 1, dans lequel il appert qu’aucun empereur romain n’a présidé,  et que seules ont été envoyées par le souverain pontife des lettres aux évêques pour les convoquer au concile, comme nous l’explique la lettre du concile au pape Damase, d’après Theodoret (livre 5, chapitre 9).  Il est établi aussi que ce n’est pas le pontife romain qui a  présidé,  mais Nectare, évêque de Constantinople, parce que le pontife romain ne s’y rendit présent ni par lui-même ni par ses légats.  Car,  le pape Damase  avait convoqué les évêques d’Orient à Constantinople, mais il voulait, que, de ce lieu,  ils viennent à Rome, ou il tiendrait lui-même un concile d’évêques orientaux, pour qu’il devienne à Rome un concile universel.    Mais les évêques orientaux déclinèrent l’invitation, invoquant des raisons jugées valables,  et ils s’unirent avec les Occidentaux par la pensée et les décrets, mais non par la présence corporelle.   Voir les épitres de Damase au concile de Constantinople,  et du concile à Damase, dans Theodoret (livre 5, chapitre 9, verset 10 ).   Que Damase aurait présidé s’il avait été présent, le révèlent les deux lettres citées, où les évêques orientaux appellent Damase leur père, et lui mes fils.
 Le troisième concile fut celui d’Éphèse.  Il est certain que l’empereur ne l’a pas présidé,  mais le pontife romain par ses légats.   Que ce ne soit ni l’empereur, ni un des siens, nous le révèle l’épitre de Théodose junior au synode d’Éphèse (premier tome 1 de ce concile, chapitre 32). Il écrit, là, qu’il a envoyé le comte Candidien au concile, non pour qu’il se mêle des choses ecclésiastique,  mais pour  assurer la défense du concile.  Voir l’épitre de Nicolas 1 à l’empereur Michel.   Que le pontife romain Célestin ait présidé par son légat saint Cyrille, tous les historiens l’attestent, Évagre (livre 1, chapitre 4),  Photius (dans le livre des 7 synodes),  Prospère (dans sa chronique),  Nicéphore (lire 14, chapitre 34), l’abbé Liberatus (dans son bréviaire, chapitre 15).  Ensuite, Justinien dans un édit,  et Nicolas dans son épitre à l’empereur Michel, et le pape Célestin  lui-même dans une épitre à Cyrille (que l’on trouve dans le synode, tome 1, chapitre 16, et dans les œuvres de Cyrille.
 Calvin répond que  c’est par un certain artifice, que Célestin a réclamé le titre de président du concile, puisque la chose n’a pas pu se  passer ainsi.  Après avoir envoyé ses propres légats, il a délégué Cyrille, qui de toute façon,  allait présider, comme son représentant, afin qu’il semble présider par lui.  Il est facile de réfuter cette insinuation de Calvin qu’il avance sans preuve.  D’abord,  par Prospère qui dit  que «  Nestor a résisté surtout à la science de Cyrille et à l’autorité de Célestin ».  Ensuite, par la lettre de Célestin, dans laquelle Célestin mandate Cyrille comme son représentant, e t cela, bien avant qu’il ait envoyé des légats. Enfin, par Nicéphore (lieu cité), qui raconte que les évêques orientaux prirent tellement au sérieux   ce privilège que Cyrille reçut de Célestin, qu’ils lui donnèrent  la tiare et le nom de pape, et l’appelèrent  juge de tout l’univers. Il ajoute aussi qu’il transmit ces ornements à ses successeurs.  On le prouve aussi par le même synode, comme le rapporte  Évagre (livre 1, chapitre 4) et  la sentence elle-même (que l’on trouve  au tome 2, chapitre 10 de ce synode). Quand il voulut prononcer une condamnation contre Nestor, il se prémunit des autres canons ecclésiastiques, surtout des lettres du pape Célestin, quand il fut placé dans l’obligation de rendre cette sentence.   Demeure aussi la lettre du synode à Célestin dans laquelle il remet au jugement du pape la cause de Jean, évêque d’Antioche,  pour qu’il porte lui-même une sentence sur lui.  Ces citations sont toutes de solides preuves qui démontrent  que c’est Célestin qui présida ce concile.
 Le quatrième concile est celui de Chalcédoine, dans lequel fut présent, au début, l’empereur Martien, qui s’assit dans le premier siège.   Mais il ne présida pas, en tant que juge, comme lui-même l’atteste dans son discours au synode (qui nous est parvenu)  dans lequel il dit (acte 4) qu’il est venu pour confirmer la foi, comme avait fait autrefois Constantin le grand, c’est-à-dire qu’il n’était pas venu pour expliquer la foi, ou juger des controverses, mais pour confesser fermement et fortement la foi expliquée par le concile, et la défendre par les ressources et l’autorité de l’empereur.  Furent donc présents, dans certains actes, au nom de l’empereur,  des juges séculiers,  qui n’étaient pas des juges des controverses de la foi, mais qui veillèrent à ce qu’il n’y ait ni fraude, ni violence,  ni escarmouches.  Il faut se rappeler que, lors du concile d’Éphèse 2, l’évêque Dioscore fit entrer des soldats  qui contraignirent les évêques à signer.  Mais dans ce concile, c’est pour empêcher la violence  que furent présents l’empereur et son vicaire.  C’est ce qui apparait clairement dans le concile lui-même, car ils ne portèrent aucune sentence, ils ne signèrent pas,  et approuvèrent toutes les décisions des évêques.  Furent placés en premier, comme juges ecclésiastiques,  les légats du pape Léon.  Ce sont eux qui, dans tous les actes, sont nommés les premiers, qui s’assoient les premiers, qui parlent les premiers,  qui signent les premiers.  Ce sont eux qui, au nom du pape et du concile,  ont proposé la sentence définitive contre Dioscore (acte 3) par les mots suivants : « Le très saint et bienheureux pape, Léon, chef de l’église universelle,  par nous, ses légats, le saint synode consentant,  muni de la dignité de l’apôtre Pierre, qui est appelé fondement de l’Église, pierre de la foi, et portier du royaume céleste,  prive Dioscore de la dignité épiscopale, et le rend inapte à tout travail sacerdotal. »  C’est ce qu’atteste saint Léon et tout le concile.  Léon dans une lettre au concile de Chalcédoine (acte 1) : « Dans ces frères Paschasinus et Lucentius, les prêtres Boniface et Basile,  qui sont mandatés par le siège apostolique, votre fraternité a estimé que c’était moi qui présidais le synode. »    Le concile de Chalcédoine, dans une épitre à Léon (acte 1, dont on trouve parfois certains exemplaires à  la fin du concile) écrit : « Toi, comme par tes membres, tu présides en ceux qui en avaient reçu de toi le mandat.  Les empereurs, eux,  avaient une présidence purement honorifique. »
 Calvin répond qu’il est vrai que, dans ce concile, les légats du pontife romain ont présidé,  mais par un privilège de l’empereur que le pape Léon avait extorqué : «  Car, comme cela s’est passé au deuxième concile d’Éphèse,  Léon n’a pas osé demander le premier siège dans le concile, mais il a envoyé des légats,  et supporta qu’ils viennent après l’évêque d’Alexandrie, Dioscore qui présidait.  Parce que la chose finit mal, et que Dioscore n’a pas correctement  gouverné le navire, Léon sauta sur l’occasion,  demanda à l’empereur qu’il permette qu’un autre concile soit tenu,  lequel  serait présidé par ses légats.  Voyant qu’il n’y avait pas, en Orient, d’autres évêques capables d’une telle responsabilité, l’empereur  remit, par défaut de personnes,   la présidence aux légats romains. »   Cette histoire à dormir debout, que Calvin raconte sans aucune preuve, est pleine de mensonges.   Le premier.  Que Léon n’ait pas osé demander le premier siège dans le concile d’Éphèse, c’est un mensonge.  Car, voici ce qu’écrit Liberatus dans son bréviaire (chapitre 12) : « Les légats du pontife romain n’ont pas voulu s’asseoir dans le concile, quand ils virent que c’était Dioscore qui présidait, et que la première place n’était pas donnée au saint siège de Rome ».  De plus, c’est Dioscore qui, contre tout droit, a extorqué de l’empereur cette présidence, comme l’écrivent Zonaras (dans la vie de Théodose)  et Évagre (livre 1, chapitre 10.)   Nous avons aussi les épitres  de Léon 14, 25, et 26 à Theodose et Pulcharie, dans lesquelles il répète souvent que Dioscore, dans ce concile, a revendiqué pour lui  la présidence.  Il atteste aussi  que l’évêque de Constantinople, Flavien,  a appelé du concile au siège apostolique;  qu’il avait remis aux légats romains un libelle.   Comment donc Léon n’aurait-il pas osé demander la présidence dans un concile, duquel on faisait appel à lui comme à un plus grand ?  Ensuite, que Léon aurait demandé à l’empereur que ses légats président au concile de Chalcédoine,  et que l’empereur ait concédé cela par manque de personnes idoines en Orient,  ce sont des mensonges impudents.   Car, aucun historien ne raconte rien de tel.  Ce que nous lisons, plutôt, c’est que Léon a envoyé ses légats tout simplement pour qu’ils président, sans avoir cherché de consentement préalable,  et sans avoir demande de permission à personne.
 Le cinquième concile fut celui de Constantinople 11.  Dans ce concile, ne présida pas Mena, comme Calvin l’enseigne faussement.  Le concile que Mena a présidé fut un concile particulier, non général, comme nous l’avons démontré plus haut.   Mais c’est  le successeur de Mena, Eutychius, qui le présida,  lui qui reconnut  et qui professa  que la présidence était due au pontife romain, s’il daignait se rendre en personne au concile.  Voilà pourquoi Zonaras, dans la vie de Justinien, s’exprime ainsi : « le cinquième concile réunit cent soixante cinq évêques, dont le prince fut Vigile, le pape de Rome. »  Et le patriarche Eutychius lui-même, dans sa lettre à Vigile (que l’on trouve à la fin du premier tome du concile 5) dit : « Nous demandons à votre béatitude qui préside à ce concile, de nous enquérir et de discuter des trois chapitres. »  Ces paroles du patriarche Eutychius non seulement réfutent le mensonge de Calvin, (qui écrivit que Mena a présidé dans ce concile), mais même cet autre d’Illyricus (qu’il a affirmé dans la centurie 6, chapitre 9, colonne 509), où il écrit que le pape n’a pas voulu participer personnellement au synode, pour ne pas avoir à s’asseoir à la deuxième place, après Eutychius.  Or, comment pouvait-il redouter pareille chose puisque Eutichius lui-même lui offrait la présidence ?
 Le sixième concile fut celui de Constantinople 111, dans lequel présidèrent les légats du pontife romain Agathon, les prêtres Pierre et Georges, et le diacre Jean.  C’est ce qu’affirme Zonaras dans la vie de Constantin 1V, et c’est ce que raconte le synode lui-même, où, dans chacun des actes, les noms de tous ces légats sont nommés, et dans lesquels ils parlent et signent.   L’empereur Constantin fut présent dans ce synode, comme quelques seigneurs du premier rang.  Il présida, c’est-à-dire s’assit sur le premier siège, mais ne fut en aucune façon un juge ou un président, car il ne prononça aucune sentence,  et signa le dernier de tous, non comme définissant, mais comme consentant.    Le septième concile est celui de Nicée dans lequel, sans controverse possible,  les présidents furent les légats du pape Hadrien 1, l’archiprêtre Pierre, l’abbé de sainte Saba, Pierre.  Ce sont ceux-là qui sont nommés les premiers, et qui ont signé les premiers.  On ne lit pas que l’empereur ait fait quoi que ce soit.
 Le huitième concile est celui de Constantinople 1V, dans lequel, sans controverse aucune, les légats d’Hadrien 11 présidèrent, les évêques Donat et Stéphane, et le diacre Marie,  qui sont les premiers à être nommés et à signer.  Dans le premier acte, le concile leur demanda d’exhiber les lettres du pape qui leur donnaient la présidence,  et les légats obtempérèrent. Ensuite, à la fin du concile,  le premier signa ainsi : « Moi, Donat,  par la grâce de Dieu,  évêque d’Hostiensis,  tenant la place de monseigneur Hadrien, pape universel, présidant à ce synode saint et universel, j’ai promulgué, par ma main propre,  tout ce qu’on lit plus haut, et j’y ai souscrit. »  L’empereur Basile fut présent, il est vrai,  mais à la fin du concile, il a attesté, par un long discours,  que ce n’était pas à lui ni à aucun homme laïc, de s’immiscer dans les jugements ecclésiastiques.  Il signa, cependant,  après tous les patriarches, non comme définissant, mais comme consentant.  Le préfet devait, signer lui aussi avant lui,  après tous les évêques, comme l’avaient fait autrefois Constantin,  Thedose et Martien.   Mais ils ont signé tout de suite après les patriarches, parce que les évêques avaient daigné leur laisser cet honneur.
 Si à ces conciles, nous ajoutons les autres conciles généraux,  dans lesquels, sans aucun doute possible, les pontifes romains présidèrent, nous serons en mesure de conclure  que la coutume constante de l’Église nous enseigne que c’est proprement au pontife romain qu’il appartient de présider à un concile général.  Et pour le reste, pour le protocole,  les vêtements des évêques dans un concile,   les procédures,  voir Jean de Turrecremata (livre 3, chapitres 16 et 27), et le début des conciles de Constance et de Bâle.
                                                                          CHAPITRE 20
                                                 On réfute les arguments des adversaires
Calvin tire ses arguments de la pratique de l’Église.  Il nomme cinq conciles qui n’ont pas été présidés par le pape, celui de Nicée, présidé par Athanase,  le cinquième présidé par Mena, Éphèse par Dioscorus, le  carthaginois  6, présidé par Aurelius, même s’il y avait des légats romains; celui d’Aquilée,  où Ambroise présida, et non Damase.   Mais nous avons déjà répondu aux trois premiers.   Au sujet du quatrième concile, je dis  que c’est seulement dans les conciles généraux qu’il est nécessaire que  le pape préside, et non dans les conciles nationaux ou provinciaux, comme le furent les conciles de Carthage.  Car, nous ne nions pas que, pour ces conciles, la présidence revienne  à l’archevêque ou au primat du lieu.  J’ajoute que les légats romains n’y furent pas envoyés pour qu’ils président,  mais pour qu’ils traitent de certaines affaires au nom de l’église romaine.  Au cinquième, je réponds que l’argument est composé de deux mensonges de Calvin, qui constituent  la proposition majeure et la mineure. On n’en peut conclure que des mensonges.    Le premier mensonge est que le concile d’Aquilée ait été un concile général.  Car, s’il avait été un concile général, il aurait été le deuxième, et, en conséquence, celui de Constantinople, qui vint après lui,  aurait été le troisième, et non le deuxième.  Ensuite, un très petit nombre d’évêques y participèrent, trente en tout, nombre tout à fait insuffisant pour un concile général.  De plus, dans la lettre de ce concile à l’empereur,  les pères expliquent qu’il n’avait pas été nécessaire de convoquer un concile général, mais que, pour le but qu’ils se proposaient, il  avait été abondamment suffisant de réunir quelques évêques,   surtout parce qu’ils venaient de toutes les provinces de l’Occident.  Ce fut donc un concile provincial,  mais qui reçut l’aide de légats d’autres provinces.
 Le second mensonge est que c’est saint  Ambroise qui a présidé.  Or, celui qui est nommé en premier c’est Valérien, évêque d’Aquilée,  et le second, Ambroise de Milan.  Ce qui prouve, sans conteste,  que c’est à Valérien qu’a été donnée la première place.  Cette conclusion n’est pas contredite par le fait que, dans ce concile,  c’est saint Ambroise qui a discuté tout seul avec les hérétiques, car on avait coutume de confier la charge de disputer, non de présider, au plus docte.   Brentius tire ses arguments de l’ancien testament,  dans lequel il appert que les principaux juges, même dans les choses spirituelles,  ont été des princes ou des rois, comme on le voit chez Moïse, Josué, David, Salomon,  Ézéchias et Josias.   Il arrive que Dieu confie à des princes la charge de gardien de la loi divine,  comme il est dit dans les Romains : « Si tu as mal agi, crains, car ce n’est pas pour rien qu’il porte un glaive. »   Il revient donc aux rois de déterminer  comment ont doit  conserver la loi de Dieu, comment on doit punir les transgresseurs.   Mais cet argument a déjà été réfuté par nous (dans le livre 3 du verbe de Dieu, et le livre 1 du pontife romain).   Mais comme les adversaires ne se fatiguent pas à ressasser les mêmes arguments,  nous ne nous fatiguerons pas, nous non plus, à répéter les mêmes réponses.
 Je réponds d’abord,  que Moïse ne fut pas seulement un chef politique, mais aussi un prêtre, comme le psaume 98 nous le montre : « Moïse et Aaron parmi ses prêtres. »  Les autres, Josué,  David, Salomon et quelques autres, ne furent pas seulement des rois, mais des prophètes, à qui Dieu confiait, hors de l’ordinaire, ce qui appartenait aux prêtres par leur fonction.  C’est de cette façon que Salomon rejeta Abiathar du sacerdoce, et mit Sadoc à sa place ( 3, rois 4).    Car, cela, il le fit non en tant que roi, mais en tant que prophète, par inspiration divine.  On y ajoute, d’ailleurs la cause : « Pour que soit accomplie la parole du Seigneur, qu’Il avait prononcée sur la maison d’Hélie, à Silo. »   Mais ce n’est pas à cause de ces cas exceptionnels qu’il faut effacer la loi générale du Deutéronome (chapitre 17) qui ordonne à tous, en cas de doute sur la loi, de recourir aux prêtres,  ni cette sentence  de Malachie 2 : « Les lèvres du prêtre garderont la science, pour que ce soit de sa bouche que  les Juifs s’enquièrent de la loi. »
 Je dis ensuite que les autres rois de la synagogue qui furent bons, ne se mêlèrent jamais des affaires ecclésiales.  Et quand ils s’y immiscèrent, ils furent punis, comme il appert du très bon roi Josaphat,  qui (2 paralipmon 19) distingue clairement les fonctions, en disant : « Le prêtre et pontife  Amarias présidera dans tout ce qui se rapporte à Dieu.  Zabadias, lui,  qui est chef dans la maison de Juda, supervisera les choses qui sont du domaine du roi. »   Mais, quand  le roi Ozias  (rois 1, paralipom 16) voulut usurper  la tâche épiscopale, il fut rapidement frappé par Dieu,  devint lépreux, et demeura ainsi jusqu’à sa mort.   J’ajoute, pour confirmer, que les rois sont les gardiens de la loi divine,  mais non les interprètes, et que c’est à eux qu’il revient, par leurs lois et par leurs décrets,  d’ordonner de conserver la foi  que les prêtres enseignent qu’il faut tenir, et d’infliger  des peines temporelles à  tous ceux que l’Église juge hérétiques.  Comme l’enseignent saint Augustin dans ses épitres (48, 50 et 166,)  et les pieux empereurs Constantin, Théodose, Martien. Et c’est ce qu’ils firent souvent, comme on le voit dans « tous les peuples, » dans « la sainte trinité et la foi catholique », dans tout le titre des hérétiques, dans le même code.
 Herman tire ses arguments  de différents exemples des anciens.  Le premier, de la dispute d’Athanase avec Arius, présidée par un juge, homme laïc, et non encore chrétien, que l’empereur Constantin avait envoyé.  Cette dispute existe encore aujourd’hui à l’état imparfait dans les œuvres d’Athanase, mais à l’état parfait dans les œuvres de Vigile, évêque de Trente,  qui vécut autour de 500.   Je réponds qu’une telle discussion n’a jamais eu lieu réellement, mais que Vigile l’a inventée de toutes pièces  sous forme de dialogue, contre les ariens,  comme lui-même le reconnait au livre 5 contre Eutychès, non loin du début, et comme la chose elle-même le proclame.  Car la dispute a eu lieu entre quatre hommes, Sabellius, Arius, Photin et Athanase, alors évêque, comme on le voit par le commencement de l’épitre de l’empereur,  qu’au début de la dispute il imagine avoir été envoyée à Probus.  Or, Sabellius est mort avant  que ne soit connu aucun des trois autres,  comme nous l’explique Eusèbe (livre 7, chapitre 5 de son histoire).  Puisque c’est au temps de Constantin que mourut  Arius, avant que Constance ne commence à régner, (Socrate, livre 1, chapitre 12),  il ne put donc pas se rencontrer avec Athanase avant le temps de Constance, comme eux l’imaginent.  Quelques-uns disent qu’il y a eu deux Arius, et que c’est avec le dernier que s’est tenue  la dispute avec Athanase.  Mais Vigile lui-même suffit pour réfuter cette hypothèse, puisqu’il précise que la discussion en question  s’est tenue avec celui qui a le premier exprimé l’hérésie arienne.
 Mais tu diras que, même si le dialogue est fictif, il n’a pas paru absurde à Vigile qu’un juge laïc préside à un débat portant sur la religion.   Je réponds que Vigile a composé ainsi le dialogue pour montrer que  la vérité catholique était d’une force telle qu’un juge non chrétien pouvait lui décerner la palme de la victoire.   Le second exemple est tiré de Zonara dans la vie de Constantin.  Nous y lisons, que, à la demande d’Hélène, qui essayait de faire passer son fils Constantin de la foi chrétienne au judaïsme,  Sylvestre a disputé avec les Juifs devant certains sénateurs, qui agissaient comme juges, à la demande de Constantin.   Je réponds que ce récit semble incertain, car tous les anciens louent Hélène,  comme une femme très chrétienne.  Et cela non seulement les catholiques, mais même les magdebourgeois (centurie 4, colonne 694) rient de ce récit qu’ils estiment fabuleux.   Et la chronique d’Eusèbe nous montre que, en l’an 325, le bois de la croix avait été trouvé par Hélène.  Et ce dialogue Marianus Scotus le place en l’an 327, nous présentant une Hélène qui, à ce moment, persécutait le Christ.  Ce qui est incohérent.    Le troisième exemple est tiré d’Optatus de Milet et de saint Augustin qui disent plusieurs fois que, dans la cause de Cécilien, les donatistes ont demandé des juges à l’empereur; que l’empereur leur aurait donné l’évêque de Rome avec d’autres évêques; mais qu’ils ont alors fait appel, et qu’ils ont reçu d’autres juges dans la Gaule; et qu’ayant fait de nouveau appel, ils ont été jugés par l’empereur lui-même.    L’empereur est donc le juge suprême dans les causes d’évêques.
 Je réponds qu’il est normal que les hérétiques argumentent à partir d’exemples donnés par des hérétiques, leurs ancêtres.   Car qu’ils aient mal agi en recourant à l’empereur comme à un juge,  et qu’ils aient agi encore plus mal quand ils ont fait appel à lui,  Optat, Augustin et l’empereur lui-même l’attestent.   Saint Augustin  (épitre 48) dit « qu’il fallait grandement reprocher  aux donatistes d’avoir accusé Cécilien auprès de l’empereur Constantin, puisque c’était plutôt aux évêques d’outremer qu’ils devaient aller plaider leur cause ».  Et, au même endroit, il dit que « l’empereur aurait agi plus selon les règles s’il avait envoyé à l’évêque de Rome, Miltiade, les donatistes qui étaient venus vers lui ».   Optatus (dans le livre 1 contre Parmenius) rapporte que l’empereur s’est exclamé :  « O audace rageuse de la fureur ! Comme cela a lieu dans les causes des Gentils,  ils ont fait appel ! »   De même, Augustin (dans son épitre 162) : « À quel point l’empereur les a détestés pour avoir fait ce qu’ils ont fait, vous l’avez entendu vous-mêmes.  Et comme il leur a cédé en jugeant leur cause après les évêques, puisse-t-il par la suite demander pardon aux saints évêques, pour que les donatistes  cèdent à la vérité. »  Tu vois ici que c’est à contre cœur  qu’il a accepté qu’on fasse appel à lui, et qu’il a jugé après l’assemblée des évêques.  C’était pour  freiner la fureur des donatistes quand ils verraient que tous les abandonnent.   De plus, Constantin  a compris qu’il n’avait pas le droit de les juger, mais qu’il ne pouvait le faire que dans l’espoir où les évêques lui donneraient  la permission  qu’il leur demanderait  plus tard.   Que cela ait vraiment été l’intention de Constantin,  nous le montre Ruffin (livre 10, chapitre 2, histoire) disant « qu’il devait être jugé par les évêques, et non les juger. »
 Le quatrième exemple est tiré du breviculum collationum sur le principe, où saint Augustin parle ainsi : « Quand les évêques catholiques  et ceux du parti de Donat disputaient entre eux, sur l’ordre de l’empereur, devant le tribun et notaire Marcellin qui agissait en tant que juge. »  Et à la fin de son récit,  il affirme que Marcellin, en tant que juge, s’est prononcé en faveur des catholiques contre les donatistes.    Le cinquième exemple ils le tirent de Sozomène (livre 4, chapitre 5), et d’Épiphane (hérésie 71).  Ils écrivent tous deux que Photin a demandé et  obtenu des juges de l’empereur,  devant lesquels il plaiderait sa cause.   Je réponds à la quatrième, que, selon la doctrine du même saint Augustin,   ce colloque avec les donatistes a été quelque chose d’exceptionnel,  et que c’est pour répondre à un besoin tout à fait spécial qu’il a été entrepris.   Car, comme l’écrit saint Augustin contre Julien (livre 3, chapitre 1), quand les pélagiens voulurent, au nom de l’empereur,  forcer les catholiques à un débat public semblable à celui tenu entre catholiques et donatistes, saint Augustin répondit que cette rencontre avait été inhabituelle, et qu’elle avait semblé nécessaire parce que les donatistes avaient infecté toute l’Afrique,  qu’on ne pouvait pas autrement les réprimer,  ni les forcer à participer à un concile.  Seul était possible un débat chapeauté  par les pouvoirs publics.   Je dis ensuite que le jugement ne fut pas semblable à celui dont nous parlons.  Car, Marcellinus n’émit pas une sentence qui obligeât l’église universelle, mais qui  n’eut pour effet que de contraindre l’audace des donatistes.   Marcellin, en effet,  avait jugé que les donatistes avaient été réfutés par les catholiques à un point tel  qu’ils ne trouvaient plus rien à leur répondre.  La même chose s’est passée quand saint Augustin discuta avec l’arien Pascentius devant l’arbitre Laurent.  Il ne fit pas de sa décision une chose de foi,  car elle ne servit qu’à confirmer la confusion  de l’arien, qui se reconnut vaincu.  Et on peut dire la même chose de la dispute de l’hérétique Photin, et d’autres semblables.  Ces jugements n’ont jamais été considérés par l’Église  comme des définitions légitimes, comme le sont les décrets des conciles.
 Le sixième exemple il le tire de Socrate, (livre 5, chapitre 10),  de Sozomène (livre 7, chapitre 12).  Nous y lisons que l’empereur Théodose a ordonné que  tous les princes des diverses régions, c’est-à-dire catholiques, ariens  et eunomiens,  lui  présentent une formule écrite de leur foi;  et que, quand ce fut fait, il a prié Dieu  de diriger son âme vers la vraie foi qu’lui fallait choisir; et que, après avoir lu tous les symboles de foi, il n’a approuvé que la catholique, et a ordonné de l’observer elle seule.  Je réponds d’abord  que Théodose n’a pas entrepris de définir une nouvelle controverse,  et qu’il n’a agi en aucune façon comme juge dans les choses de la foi.  Cette chose, en effet, avait déjà été décidée dans le concile de Nicée, dont il était un fervent défenseur, à un point tel qu’il n’a pas voulu être baptisé par l’évêque de Thessalonique, avant de s’assurer qu’il était de la foi de Nicée,  comme le rapporte Socrate (lkvre 5, chapitre 6).  Il ne pouvait donc pas se demander si la foi arienne était supérieure à la foi catholique.  Je réponds ensuite qu’Ambroise (dans la lettre 32) a dit  «qu’ il n’appartenait pas aux empereurs de juger dans les choses de la foi ». Et cela, il le prouve par le témoignage de Constantin, de Valentinien sénior,  et de Théodose.   Saint Ambroise  a dit la même chose  du concile d’Aquitaine, « que l’empereur Théodose a laissé le libre jugement aux prêtres. »   Théodose n’a donc rien défini dans les choses de la foi.  Il a seulement lu les confessions  des sectaires,  pour répondre à leurs désirs, et leur donner satisfaction,  et pour ne pas paraitre les condamner sans les avoir entendus.
 Que Théodose ait demandé à Dieu dans la prière de le conduire vers la vraie foi, comme l’écrit Socrate, j’estime que c’est faux.  Car, puisqu’il a prié en secret, comme l’affirme Socrate,  qui peut savoir ce qu’il a demandé ?  Il est certain qu’il n’a pas prié ainsi, car, en priant de cette façon, il aurait péché d’un péché d’infidélité, en doutant de la foi qu’il avait reçue une fois pour toutes.  Mais, qu’ en faisant ce qu’il a fait, il n’a pas péché,  mais a agi louablement,  tous l’admettent.  Il pria donc non pour qu’on l’amène à la vraie foi,  mais, pour que, dans cette affaire, on le conduise pour qu’il n’agisse pas imprudemment, et n’en vienne pas  à demander pardon à Dieu, s’il avait semblé usurper un droit qui lui était étranger.  Et il a prié en même temps pour qu’il ne soit pas ébranlé en lisant les confessions de tant d’hérétiques.   Le septième exemple est tiré du livre de Théodoret (livre 2, chapitre 23), où nous lisons que lorsque les romains ne voulurent pas  que Flavien soit évêques d’Antioche, l’empereur Théodose en a jugé autrement,  et ordonna que Flavien soit évêque d’Antioche.  Je réponds que cette anecdote démontre admirablement  le primat du pontife romain.   Je dis donc que c’est avec raison que le pontife romain n’a pas voulu que Flavien soit évêque; et que ce que l’empereur a fait, il l’a fait par la puissance, non par le droit.  Je le prouve ainsi.  Quand il y eut un schisme dans l’église d’Antioche (comme le rapporte Socrate, livre 5, chapitre 5),  Meletius  et Paulin, siégèrent ensemble.  Tous furent d’accord pour qu’ils siègent ensemble, mais à la condition que, quand  l’un des deux mourrait,  l’autre demeurerait seul évêque,  personne ne succédant au défunt.  Ce que tous confirmèrent par un serment.   Mais, néanmoins, à la mort de Mélèce,  Flavien lui succéda, et devint donc évêque à sa place, du vivant même de Paulin, ce qui était contraire au serment, et donc illicite, comme tous le savaient.  Comment s’étonner que cette élection illicite ait déplu au pontife romain Damase ?
 Saint Ambroise parle de cela (dans sa lettre 78 à Théophile d’Alexandrie), dans les termes suivants : « Ta sainteté  écrit que Flavius  a eu recours aux suffrages des secrétaires impériaux.  Le labeur de tant de prêtres aura donc servi à rien, puisqu’on retourne aux jugements de ce siècle ! »  Et plus bas : « C’est à juste titre que nous estimons qu’il faille référer  les questions épineuses à notre saint frère prêtre de l’église romaine. »   De plus, saint Jean Chrysostome n’a pas été ordonné à Antioche par Flavien, mais par le prêtre Évagre, le successeur de Paulin (Socrate livre 6, chapitre 3), ce qu’il n’aurait jamais accepté s’il avait considéré Flavien comme un vrai évêque.  De même l’archevêque d’Alexandrie, Théophile, (Socrate livre 5, chapitre 15), demanda au pontife romain, par son légat, de remettre à Flavien le péché qu’il admettait.  Saint Jean Chrysostome raconte aussi quelque chose de semblable (Sozomène, livre 8, chapitre 3).  Il ressort clairement de tous ces textes que Flavien a péché, et que son juge et son supérieur a été le souverain pontife.  De même, saint Jérôme (dans sa lettre à Damase sur le mot hypostase), parlant de ce même schisme,  demande au pontife avec quel évêque il doit communiquer, et il assure qu’il sera en communion avec celui qui est uni au pontife romain.  De plus, de grands et saints pontifes, comme Damase, Syricius, Anastase, comme l’écrit Théodoret (livre 5, chapitre 23) blâmèrent ouvertement l’empereur à ce sujet, et dirent  qu’il lui suffisait d’opprimer diligemment   les tyrans qui s’insurgent contre lui, au lieu de concéder l’impunité à ceux qui agissent en tyrans contre la loi de Dieu.   Cette objurgation si atroce d’aussi saints pontifes ne l’auraient pas adressée à l’empereur s’ils n’avaient pas jugé qu’il avait gravement fauté.  Et que dire de ce que, ému par cette objurgation, l’empereur (comme le rapporte Theodoret), ne s’est pas fâché contre les pontifes romains,  mais ait ordonné deux fois à Flavien de naviguer jusqu’à Rome,  pour se purger devant le  pontife ?
 Enfin, (comme le même Theodoret le rapporte), même si l’empereur a voulu que Flavien soit à Antioche par la force plutôt que par la justice,  cette cause ne s’est jamais terminée,  et les évêques d’Orient et d’Égypte ne voulurent pas communier avec Flavius avant que, à la mort d’Évagre, le pontife romain ne pardonne la faute de Flavius, qu’il promit d’envoyer ses légats, et que Flavius n’envoyât à Rome, comme légats, des évêques, des prêtres et des diacres illustres.
 Nous avons donc ce qui est requis à un concile légitime.  Maintenant, sous forme d’appendice, nous ajouterons ce que les protestants requièrent  dans leur livre intitulé : « la raison pour laquelle  les électeurs, les princes, d’autres, et ceux qui sont adeptes de la confession augustinienne, ne se sont pas rendus au concile de Trente. »
                                                                          CHAPITRE 21
                          On réfute les conditions que Luther requiert pour la tenue d’un concile
 Les luthériens, qui s’appellent protestants,  proposent huit conditions pour la célébration d’un concile, que Gaspar Villalpandeus  a commentées dans le détail.  Nous les réfuterons, nous, brièvement.  La première.  Avant qu’on puisse tenir un vrai concile, il faut annuler tous les actes du concile de Trente.  La deuxième.  Que le concile se tienne en Allemagne.  Car, selon le canon ecclésiastique de Cyprien (livre 1, épitre 3), les litiges sont jugés là où ils ont pris naissance.  La troisième.   Que ce ne soit pas le pontife romain qui convoque ou préside le concile, mais que ce soit l’autre partie des belligérants, puisque c’est elle qui est accusée, et que personne ne peut être en même temps juge et partie.  La quatrième.  Que les décrets ne procèdent que de la seule Écriture, non de la tradition ou des canons.  La cinquième.  Que les décisions ne se fassent pas sur la base du plus grand nombre de votes, mais qu’elle soit prononcée d’après la norme de la parole divine.  La sixième.   Que le pontife romain libère  tous les prélats  du serment de fidélité qui le lient à lui.   La septième.  Qu’on permette  aux théologiens des princes et des états de la confession augustinienne  le même nombre de voix décisionnelles qu’aux autres évêques.  La huitième.  Que l’empereur donne un sauf-conduit non seulement aux personnes,  mais aussi à la cause principale elle-même,  c’est-à-dire pour  que ne soient pas punis ceux qui n’accepteront pas les décisions du concile, et que la foi des luthériens ne puisse pas être condamnée par le concile, même si les théologiens luthériens ne sont pas capables de la défendre.  Si ces conditions sont respectées,  ils affirment désirer un concile de tout leur cœur,  qu’ils pourront appeler vraiment pieux et libre.
 La première condition est inique, car rien ne peut être annulé avant d’avoir été condamné par un jugement légitime.   Le concile de Trente est, certes, accusé par les hérétiques, mais il  n’a  été condamné par aucun jugement légitime.  Exemples.    Le concile d’Éphèse 2 a été condamné par le concile de Chalcédoine;  le concile de Constantinople iconoclaste a été condamné par le septième concile.  Pour que le concile de Trente soit condamné, il doit être examiné par un autre concile et jugé, et non être invalidé avant la décision d’un concile.   La seconde condition est, elle aussi, inique.  Car, comme les luthériens semblent dans leur droit de demander que le concile  ne se tienne pas en Italie, où les catholiques sont en majorité,  mais en Allemagne où les protestants sont plus nombreux,   c’est en vertu du même droit  que les catholiques demandent que le concile ne se tienne pas dans une Allemagne majoritairement protestante, mais dans une Italie catholique.  Et on ne peut, certes, choisir un lieu meilleur et plus convenable que Trente, qui est aux confins de l’Allemagne et de l’Italie.  Un juge impartial, neutre,  et étranger  à la dispute ne pourrait pas faire de meilleur choix.
 Au sujet du canon de Cyprien, je dis qu’il a été porté en vue des causes particulières, c’est-à-dire, des crimes des hommes privés, qui doivent être jugés là où ils ont été commis, parce qu’il est plus facile de trouver sur place des témoins.   Mais, pour les causes de la foi qui concernent la totalité de l’Église, il en va autrement.  Voilà pourquoi la dispute née à Antioche au sujet des observances judaïques a été réglée non à Antioche, mais à Jérusalem dans le concile des apôtres (actes 15).   Et l’hérésie arienne, qui est née à Alexandrie, en Égypte, a été jugée à Nicée, en Bithynie;  l’hérésie nestorienne née à Constantinople, fut condamnée à Éphèse.  L’hérésie d’Eutychès, née à Constantinople,  a été condamnée au concile de Chalcédoine.  Celles d’Origène, de Didyme et d’Évagre ont été jugées au cinquième synode, à Constantinople, où elles n’avaient en aucune manière pris naissance.  L’hérésie des monothélites, qui est née à Alexandrie,  dont Cyrus a été l’auteur, a été d’abord condamnée  à Rome, dans le concile du pape saint Martin, et ensuite, par le sixième concile œcuménique.   L’hérésie des iconoclastes qui est née, s’est développée et s’est confirmée à Constantinople,  a été jugée et condamnée à Nice en Bithynie,  et même à Rome, auparavant, dans un concile.  Ajoutons qu’il y a eu plusieurs conciles provinciaux , celui de Cologne, de Moguntinus,  et d’autres, dans lesquels ils ont été condamnés.   Les luthériens ne peuvent même pas nous objecter que ces conciles ont été des conciles papistes, car c’est une objection qu’ont faite tous les hérétiques du passé.   Car, dans l’Église, on a toujours procédé de la même manière, c’est-à-dire que les controverses ont toujours été jugées par les évêques qui présidaient alors,  sans, pour de nouvelles questions, créer de nouveaux évêques.
 La troisième question est inique, elle aussi, car on ne peut pas priver le pontife romain de son droit de juger les conciles, et même de les présider, puisqu’il a  exercé ce droit  pendant 1500 ans.  À moins de prouver, dans un concile légitime, qu’il n’est pas  pape.  Que le même ne puisse pas être partie et juge, comme ils le prétendent,  je dis que cela vaut pour les hommes privés, non pour le pontife suprême.  Car, le prince suprême, tant qu’on ne déclare pas,  tant qu’on ne  juge pas  légitimement qu’il a outrepassé son pouvoir,  est toujours le juge suprême,  même s’il est en conflit avec lui-même.  Voilà pourquoi la coutume veut que quand, ils ont un différend avec leur prince, les privés en appellent du prince mal informé au prince mieux informé, comme nous l’apprennent les anciens historiens.  Car, quand Marcellin pécha et qu’un concile fut convoqué à cause de lui,  tous les évêques déclarèrent qu’ils ne pouvaient par le condamner, mais qu’il devait être en même temps et  accusé et juge, comme le rapporte Nicholas 1 (dans sa lettre à l’empereur Michel).  De même quand Sixte 111 fut accusé d’adultère,  l’empereur convoqua un concile, avec le consentement du pontife,  mais, dans ce concile, personne n’osa discuter de la cause du pontife, avant que le pape lui-même déclare qu’il voulait qu’on en discute, comme si cela dépendait entièrement de lui qu’il soit jugé ou qu’il ne le soit pas.  C’est ce qu’on lit dans les actes de ce concile, et dans la lettre de ce même Sixte aux évêques d’Orient.
 De même, nous lisons  dans le quatrième concile romain, sous Symmaque, que tous les évêques ont dit  qu’un concile ne pouvait être juridiquement convoqué que par le pape, même si c’était lui l’accusé.     Arius ne disputait-il pas au sujet de la foi avec Alexandre ? Et pourtant, au concile de Nicée. Alexandre siégea comme juge, parce qu’il était évêque. Semblablement, au troisième synode,  c’est Cyrille qui présida au jugement épiscopal, lui  que les nestoriens considéraient comme appartenant à l’autre partie.  De la même façon, dans le quatrième synode,  ce sont les légats du pape Léon qui ont présidé, alors que la cause portait sur un conflit entre Léon et Dioscore.   Il arrive que, dans un concile, le pontife  ne soit pas le seul juge  mais ait plusieurs collègues,  tous des évêques,  qui, s’ils pouvaient le convaincre d’hérésie, pourraient aussi le juger et le déposer, même malgré lui.    Les hérétiques n’ont donc aucune raison de se plaindre qu’un pontife romain préside à un concile avant qu’il ait été condamné.
 La quatrième condition est inique, elle aussi.  Car, ce qui a été défini une fois,  on ne peut pas le mettre en doute, selon la loi de l’empereur Martien (l nemé,  C de summa trinitate,  et de fide catholica.)   Il appert qu’il a été décrété, dans le sixième synode général, qu’on doit recevoir les traditions non écrites.  Même si cette condition semble inique, on peut cependant l’admettre tant qu’il ne sera pas décidé, dans un synode légitime,  qu’on doit les recevoir comme paroles de Dieu.  Voilà pourquoi, le concile de Trente, avant de passer à autre chose, a défini que les Écritures et les traditions doivent être reçues comme la parole de Dieu.   La cinquième condition enlève presque totalement la raison d’être des conciles, comme nous l’avons montré plus haut, parce qu’on ne peut mettre fin à aucune controverse sans recourir au vote majoritaire.  Car, comme les deux parties en présence citent des textes de l’Écriture, comment  peut-on savoir ce qu’en pense le concile, sans compter les voix, et sans s’en ternir à la majorité ?
 La sixième condition est inique et impertinente.   Inique, parce que les inférieurs ne peuvent pas être libérés du devoir d’obéissance à leur supérieur, avant que celui-là ne soit déposé légalement,  ou ait été déclaré non supérieur.  Inique, en effet, est cette condition, car à toutes les fois que se tiennent des comices impériaux, l’empereur devrait délier de leur serment de fidélité tous les princes qui lui sont soumis.   Que ne soit pas une nouveauté le serment d’obéissance que prêtent les évêques envers le souverain pontife,  nous l’apprennent le pape Grégoire le grand (livre 10, épitre 31),  le canon  significasti, et le concile de Tolède 11 (chapitre 10).  Cette condition est impertinente,  parce que le dit serment n’enlève pas la liberté de parole aux évêques, laquelle est nécessaire dans un concile.  Car, ils jurent qu’ils obéiront au pape tant qu’il agit en pape, c’est-à-dire  tant qu’il ordonne ce que, selon Dieu et les saints canons, il peut ordonner.  Ils n’ont jamais juré de ne pas dire ce qu’ils pensent, dans un concile, ou de ne pas déposer celui qu’ils convaincraient d’hérésie.
 La septième condition, si on l’entend au sens d’un vote décisionnel  à valeur de jugement, répugne à la cinquième condition, et est contre la pratique et le but de tous les conciles, comme nous l’avons montré plus haut.  Si on entend le mot dans un sens impropre, et si l’on veut dire  que la voix vraiment décisionnelle est l’Écriture divine présentée en témoignage d’une sentence, la condition est très équitable, et n’a jamais été niée par les protestants.  Elle a même été présentée trois fois dans le concile de Trente (sessions 13, 15, et 18).    La dernière condition, dans sa première partie, c’est-à-dire en ce qui a trait au sauf-conduit des personnes, a déjà été proposée aux protestants, comme on le voit dans ces mêmes passages du concile de Trente, les sessions 13, 15, 18.  En ce qui a trait à la deuxième partie,  elle est inepte et ridicule.  Car, c’est comme s’ils disaient ouvertement : nous voulons imposer de grandes fatigues aux évêques catholiques,  leur faire faire d’énormes dépenses,  et supporter les fatigues d’un long voyage pour qu’ils se rendent au concile,  mais, cependant,  nous voulons, qu’une fois venus,  ils ne décident rien et ne mettent pas fin aux controverses.
 

 
 ner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, 18 mars 2019.