2018 02 25 20h52 début
CHAPITRE 1
Il est très utile de traiter des notes de l’Église
Il reste la controverse sur les notes de la vraie Église,
qui est d’une extrême utilité car tous admettent que c’est dans la
seule vraie église que se trouvent la vraie foi, la vraie rémission des
péchés, la véritable espérance du salut éternel, et cela, au point
que la simplicité de certains prélats a fait dire à saint Cyprien
: « Ils ne peuvent pas demeurer avec Dieu ceux qui n’ont pas voulu
être avec les autres chrétiens dans l’église de Dieu. S’ils sont
rôtis à petit feu, s’ils sont jetés dans des brasiers ardents, s’ils
remettent leur âme à Dieu après avoir été livrés aux bêtes, ce ne
sera pas pour eux la couronne de la foi, mais la peine de leur perfidie.
De tels hommes peuvent être tués, mais couronnés, jamais ! » Tous les
pères enseignent des choses semblables; et les hérétiques ne le nient
pas, non plus. Car, chaque hérésie draine à elle seule toute l’église,
et place tous les autres en dehors de l’église, comme l’enseigne Lactance
(livre 4, dernier chapitre) : « L’église catholique est la seule qui
retienne le vrai culte. Elle est la fontaine de vérité, la maison de
la foi, le temple de Dieu. Si quelqu’un n’y entre pas, ou s’il
en sort, il devient étranger à la vie et au salut éternel. Et,
pourtant, tous les membres des sectes hérétiques se croient des chrétiens
par excellence, et pensent que leur église est la catholique. » Voilà
pourquoi si nous tombons tous daccord sur cette question, toutes les autres
se résoudront facilement. Il faut donc parler de deux choses. La première.
La réfutation de la doctrine des hérétiques de nos jours sur les notes
de l’église. La deuxième. La présentation et l’explication de la
position des catholiques.
CHAPITRE 2
Réfutation de la sentence des hérétiques
Dans la dernière partie de son livre sur les conciles
et l’église, Luther propose sept notes :
N°1 La prédication de l’évangile véritable et non
corrompue.
N°2 L’administration légitime du baptême.
N°3 Le rite légitime de l’eucharistie.
N°4 L’usage légitime des clefs.
N°5 L’élection légitime des ministres qui prêchent
et administrent les sacrements.
N°6 La prière publique, la psalmodie, le catéchisme,
mais dans une langue que tous comprennent.
N°7 Le mystère de la croix, c’est-à-dire des tribulations
à l’intérieur et à l’extérieur, de sorte qu’à l’intérieur
on trouve la douceur, la pusillanimité, et les terreurs et, à l’extérieur,
la pauvreté et le mépris, le fait d’être considérés comme
des démons par les hérétiques.
Il est à noter que Luther s’est
bien gardé de ne nommer aucune des notes qui se trouvent dans le concile
de Constantinople. Mais c'est pourtant par ces notes que tous les anciens
conciles ont distingué la vraie église des sectes hérétiques.
Les autres hérétiques de nos jours n’ont coutume
de proposer que deux notes, qui comprennent les cinq premières notes de
Luther, c'est-à-dire, la prédication sincère de la parole de Dieu,
et l’usage sincère des sacrements. Avec ces deux notes, chaque secte
se démontre à elle-même qu’elle est la vraie église. C’est ce qu'enseigne
la confession augustinienne (article 6) et son apologie, Brentius
(dans sa confession de Wittemberg, livre 4, chapitre 1, versets 9, 1- et
11), les centuriates (centurie 1, livre 1, chapitre 4, colonnes 173, 174;
et centurie 1, livre 2, chapitre 4, colonne 279-381.) À ces deux notes,
ils en ajoutent deux autres, qu’on peut ramener à la cinquième et à
la septième de Luther, c’est-à-dire la constance dans la profession
de la foi, ou la persévérance, et l’obéissance aux ministres du verbe,
en tant qu’ils sont des administrateurs de la parole.
Ces notes sont tous à fait insuffisantes. Car, tout
d’abord, elles n’indiquent la véritable église que conjecturalement,
puisque nous ne pouvons pas savoir qui sont les élus et les justes. Elles
nous montrent plus où l’église se cache que ce qu’elle est. De plus,
ces notes sont si générales que chaque secte peut s’en servir comme
preuves. Je réponds donc que les notes doivent être propres à la seule
vraie église, et non communes à toutes les prétendues églises. Car,
si je voulais te décrire un homme que tu n’as jamais vu, pour que, quand
tu l’apercevras, tu le distingues des autres, je ne devrai pas te dire
qu’il a deux yeux, deux mains et deux oreilles, car ce sont là des choses
que tous possèdent. Je ne dois pas, non plus, te le décrire par des notes
qui, bien qu’elles soient réellement propres à cette personne, ne le
sont pas, cependant, selon l’opinion des autres, parce que plusieurs
les revendiquent pour eux. Car, même de cette façon, on ne pourrait pas
trouver, non plus, celui qu’on cherche. En effet, une prédication sincère
de la vérité est une note commune à toutes les sectes, selon l’idée,
du moins, qu’elles s’en font. Car, ou bien elle doit être une
prédication exempte de toute erreur, ou bien elle ne doit être vraie
que pour les choses essentielles et fondamentales.
Selon la première hypothèse, nous tirons de cette note
la conclusion que l’église n’est chez aucun luthérien, car ils admettent
eux-mêmes que leurs églises ne manquent pas de taches ou de verrues.
Dans son livre sur l’église, Luther dit clairement que la parole de
Dieu est connue, même si elle est prêchée avec plus ou moins de pureté.
Calvin enseigne la même chose (livre 4, chapitre 1, verset 12 de ses institutions).
Selon la seconde hypothèse, cette note sera commune à beaucoup de sectes.
Il est certain que les disciples de Luther et de Zwingli ne différent
pas sur le fondement principal de la foi, la trinité et l’incarnation.
Les pélagiens eux-mêmes auraient eu la vraie foi, car, avant d’avoir
enfanté les nestoriens, ils admettaient ces deux mystères. Et c’est
par ce raisonnement que Célestin (selon saint Augustin,livre 2, chapitre
22, sur le péché originel) s’efforçait de démontrer qu’il n’était
pas en dehors de l’église universelle. Et pourtant, il n’y a personne
que les luthériens et les calvinistes exècrent autant que les pélagiens;
et ils nous placent, nous, en dehors de l’église, parce qu’ils nous
voient comme des pélagiens. De plus, même si, selon cette deuxième
hypothèse, cette note ne convient pas réellement à quelques-uns, comme
aux anabaptistes, elle convient à tous, selon l’idée qu’ils se font
d’eux. Car, y a-t-il jamais eu une secte qui ait affirmé ne pas avoir
une prédication sincère de la vérité ? Saint Augustin (dans son épitre
sur le fondement, chapitre 4), dit qu’on peut connaitre l’église
catholique par plusieurs notes; que les hérétiques n’ont rien d’autre
que la promesse d’enseigner la vérité. C’est-à-dire qu’ils
ne font que promettre que leur prédication est vraie et sincère.
Ensuite, les notes doivent être plus connues que la
chose dont elles sont les notes, car autrement, elles ne seront pas connues,
mais ignorées. Voilà pourquoi les adversaires eux-mêmes ne veulent pas
seulement la prédication externe de la parole, mais sa réception.
Car, ils disent que la vraie église est celle où est prêchée, écoutée
et crue la parole de Dieu. Mais qui peut savoir où la parole est crue
? De plus, par la prédication externe, on connait surement
plus qui est la vraie église que quelle est la véritable prédication
du Verbe, car cela, c’est de l’église que nous l’apprenons, comme
l’enseignent saint Irénée, Tertullien, saint Augustin, et tous
les anciens. Saint Irénée (livre 3, chapitre 4) : « Si une dissension
surgit au sujet d’un point de doctrine, ne faudrait-il pas recourir aux
plus anciennes églises, et recevoir d’elles une réponse certaine et
limpide. » Tertullien (dans son livre sur la prescription)
: « Ce que les apôtres ont prêché, ce que le Christ leur a révélé,
j’ai déjà écrit à ce sujet qu’on ne peut le démontrer autrement
que par les églises fondées par les apôtres, celles qui l’ont été
vraiment. Il appert donc que toute doctrine de foi qui concorde avec ce
qu’enseignent les églises apostoliques, maternelles et originelles,
doit être réputée vraie. Le reste, c’est la prédication du mensonge."
Nous allons prouver la même chose par la raison. Car
la vraie prédication est en même temps une prédication et une interprétation
de la vraie Écriture divine. Or, quelle est la vraie Écriture, et quel
est son vrai sens, nous ne pouvons le savoir sans le témoignage de la
vraie Écriture, comme le dit saint Augustin (dans son livre contre le
fondement, chapitre 5; et dans son livre sur l’utilité de croire, chapitre
14). Ainsi que Brentius (dans sa confession de Wittemberg, au chapitre
sur l’Écriture), et Philippe (lieux cités, chapitre sur l’église)
qui requiert le témoignage de l’église pour mettre fin aux litiges.
Mais le gardien du trésor doit être plus connu que le trésor,
le docteur plus que la doctrine, et non l’inverse. L’église est donc
plus une note de la vraie prédication que la prédication ne l’est de
la vraie église.
Troisièmement. Les vraies notes sont inséparables
de la vraie église. Les églises auxquelles écrivait saint
Paul, celle des Corinthiens et des Galates, étaient de vraies églises,
mais elles n’avaient pas toujours la vraie prédication de
la parole, comme on l’apprend par les lettres de saint Paul aux
Corinthiens et aux Galates, puisque les uns enseignaient qu’il
n’y avait pas de résurrection des corps, et les autres qu’il fallait
conserver la loi de Moïse avec l’évangile. Mais, tu diras : comment
ont-elles pu être de vraies églises si elles ont enseigné l’hérésie
? Je réponds que autre est errer quand on est prêt à apprendre
ce qu’on ignore, et à obtempérer quand on a appris; et autre
est ne pas vouloir apprendre quand on entend la vérité, et ne pas obtempérer.
Aucune de ces attitudes ne peut se trouver dans l’église universelle,
mais, dans une église particulière, il ne faut pas se surprendre de voir
la première. Mais la seconde, ni dans l’une, ni dans
l’autre; seulement dans les synagogues de satan, et dans
les églises des mauvais. Mais, dans une fausse église, il peut
y avoir une doctrine exempte de toute erreur, car les schismatiques,
comme les lucifériens et les donatistes, avaient, au début, la doctrine
intacte, ce qui ne les empêchait pas d’être en dehors de l’église.
Si on dit qu’ils n’avaient pas la doctrine parfaite, parce que la vraie
doctrine enseigne qu’il faut demeurer dans l’unité de l’Église,
il nous faut montrer notre désaccord, parce que ce serait faire
une pétition de principe, car c’est dans cette même note que
se trouve être dans l’église. De plus, les schismatiques
croient qu’il faut être dans la vraie église, et obéir à la
vraie tête, même s’ils ne le font pas. Ils n’errent donc pas
dans la foi, mais manquent de charité.
Mais, au sujet de cette note, Brentius, Philippe
et Calvin nous opposent certains passages de l’Écriture. Comme
Jean 10 : « Mes brebis entendent ma voix. » L’Église est donc
là où on écoute la parole de Dieu. De même, aux Éphésiens
5 : « La purifiant par l’eau du baptême dans la parole de vie. »
L’Église est purifiée dans la parole. Donc où se trouve une
parole purifiante, là est l’Église. C’est ce que dit Philippe
dans l’apologie. Calvin (livre 4, chapitre 1, verset 9) se contente
de ce passage de Matt 18 : « Où sont deux ou trois… »
Brentius (dans sa confession de Wittemberg, chapitre sur l’église) :
« Il appelle dieux ceux à qui ce discours a été adressé. »
Et, au chapitre 15 : « Vous, vous êtes purs à cause de la parole que
je vous ai dite. » L’Église est celle qui est pure devant Dieu.
Et saint Paul (aux Romains) : « L’évangile est, pour tout croyant,
une vertu de Dieu menant au salut. » Saint Jean Chrysostome
ajoute (homilie 49 sur Matthieu) : « Celui qui veut savoir quelle est
la véritable église du Christ, comment la connaitra-t-il si ce n’est
par les Écritures ? » Et saint Augustin (épitre 166) : « Dans
l’Écriture nous apprenons le Christ; dans l’Écriture, nous
apprenons l’église. » De même (dans le livre de l’unité de
l’église, chapitre 2 : « Une question est posée parmi vous : où est
l’Église ? Que vais-je donc faire ? Vais-je chercher la
réponse dans nos paroles, ou dans les leurs ? Je pense que nous
devrons plutôt chercher dans les paroles de celui qui est la Vérité,
et qui connait très bien son corps. » Et, dans le troisième chapitre
: « N’écoutons pas : je dis cela ou tu dis cela, mais plutôt : voici
ce que dit le Seigneur. » Et plus bas : « Je ne veux pas qu’on
me démontre la sainte église avec des documents humains, mais avec
des oracles divins. »
Je réponds que le premier passage n’enseigne pas où
est l’église, mais il enseigne plutôt qui sont les élus, ceux
qui écoutent de tout leur coeur en persévérant, et qui retiennent la
parole, comme l’enseigne saint Augustin. Puisqu’on ne peut pas
savoir quels sont ceux qui écoutent de tout leur cœur, cela ne peut pas
être une note de l’église visible. C’est une note qui
suffit à chacun pour connaitre conjecturalement son élection.
Le deuxième texte ne prouve rien, car cette purification est invisible,
et aussi parce que saint Paul ne veut pas enseigner ce qu’est, mais où
est la vraie église. De plus, si être rassemblé au nom du Christ
est une note de l’Église, il ne s’agit certes pas d’un rassemblement
quelconque. Au nom du Christ ? Toutes les hérésies
et tous les schismes se rassemblent au nom du Christ. Ce sera
donc être rassemblé par ceux qui jouissent de l’autorité de
Dieu, comme les évêques légitimement ordonnés, qui ont
succédé à ceux qui avaient été légitimement ordonnés, et cela,
en remontant jusqu’aux apôtres, qui ont été placés chacun par Dieu
dans leur territoire de mission. Cette note coïncide avec nos notes,
comme nous le verrons plus loin. Le quatrième texte ne prouve
rien, car on parle là des seuls princes de Dieu à qui Dieu a confié
quelque chose. Car, c’est cela devenir la parole de Dieu pour quelqu’un.
Ensuite, parce que la parole de Dieu ne fait pas des dieux, si elle
n’est que prêchée; il faut aussi qu’elle soit reçue et crue.
Mais cela, c’est quelque chose d’invisible. Le cinquième
texte est semblable au second, celui où Brentius dit que l’église est
pure devant Dieu, c’est-à-dire, non devant les hommes. Il n’indique
pas qu’il découle de cette note que l’église apparait
manifestement devant Dieu et non devant nous.
Le sixième texte ne prouve rien, car l’effet produit
par l’évangile est invisible. Mais Calvin insiste. La parole
de Dieu est féconde, et partout où elle est prêchée, elle fructifie.
Donc l’Église se trouve partout où la parole de Dieu est prêchée.
Je réponds que si ce raisonnement prouve quelque chose, il ne prouve
que partout où la parole est prêchée, il y a de bonnes personnes.
Mais, ces personnes-là nous ne les connaissons pas. Mais il
ne prouve même pas cela, car la parole de Dieu fructifie toujours
quand elle est légitimement prêchée, c’est-à-dire quand elle est
prêchée par des prédicateurs envoyés par le pouvoir ordinaire.
Autrement, il ne poussera que de l’ivraie et de la zizanie, si
elle est prêchée par les hérétiques des différentes sectes.
J’ai souvent répondu à la citation de saint Jean Chrysostome.
Et, au sujet du texte de saint Augustin, je réponds qu’on prouve où
est l’église par l’Écriture, non par la note de l’église, mais
parce que l’Écriture enseigne quelles sont les notes, en enseignant
quelle elle est, où elle a commencé, et comment elle s’est développée.
Tu en concluras que l’Écriture est antérieure,
et plus connue que l’église, puisque c’est elle qui la
fait connaitre comme vraie. Je réponds que, absolument
parlant, l’église est antérieure et plus connue que l’Écriture.
Car, l’église a existé avant l’Écriture, et c’est
à elle que l’Écriture a été donnée par Dieu; que c’est elle
qui la communique aux autres, et qui l’explique. Mais, à un certain
point de vue, on peut dire que l’Écriture est plus connue, quand elle
est reçue, et quand elle s’exprime clairement sur une question
qui se pose sur l’église. On peut dire la même chose de l’église
quand elle est reçue et connue, et qu’une question se pose sur l’Écriture.
L’une est donc prouvée par l’autre. Exemple. Quand
on disputa du baptême des hérétiques, dont l’Écriture parle
obscurément, alors que l’Église était bien connue, saint
Augustin prouva que le baptême était licite selon les Écritures par
le fait qu’il l’était pour l’Église. Inversement, quand on
discuta de l’Église en se demandant si elle existait dans la seule Afrique,
saint Augustin alla chercher dans l’Écriture des preuves claires
admises par tout le monde.
La seconde note est réfutée par ces mêmes arguments.
Car, d’abord, tous la revendiquent comme leur appartenant en propre.
En effet, en plus de l’être des catholiques, les calvinistes sont
séparés des luthériens, tout en pensant avoir seuls le vrai sacrement
de l’eucharistie. Les anabaptistes sont séparés des uns et des
autres, car ils pensent être les seuls à avoir le vrai usage du baptême.
De plus, les pélagiens avaient tous les sacrements, ainsi que l’ont
tous les schismatiques. Ensuite, l’usage légitime des sacrements
est moins connu que l’église. Car l’usage légitime
des sacrements est celui qui est conforme à l’Écriture, comme eux-mêmes
l’enseignent. Or, les Écritures dépendent de l’église, et
non le contraire, comme nous l’avons souvent dit. Troisièmement,
l’Église des Corinthiens était une vraie église, et pourtant
(1 Corinthiens 2), saint Paul leur reproche de ne pas recevoir avec sincérité
le principal des sacrements. On peut dire la même chose des églises
africaines, au temps de saint Cyprien et des 36 évêques dont il rapporte
la sentence dans la lettre à Quirinus. Elles étaient, elles aussi,
de vraies églises. C’est ce qu’enseignent saint Augustin et
saint Jérôme contre les Lucifériens qui ne prenaient pas au sérieux
le sacrement du baptême.
La sixième note à réfuter est la psalmodie et la prière.
Si on parle de l’invocation qui vient du cœur, c’est une note invisible.
Si on parle de l’invocation externe et de la psalmodie externe,
c’est une note qui est commune à toutes les églises et à toutes les
sectes. Car, à notre époque, toutes les sectes, même celle
des anabaptistes, disent l’oraison dominicale, et chantent des psaumes
en langue vulgaire, comme le faisaient autrefois aussi les ariens, au témoignage
de Socrate (livre 6, chapitre 8), et de saint Ambroise (les basiliques
qu’il fallait livrer aux ariens par ordre de l’empereur.)
Ajoutons que, à cette époque, on pouvait considérer comme une note de
la vraie église le chant des cantiques en langue latine. Cette
note, seule la possède encore l’antique église catholique, qui
ne change pas à chaque jour comme les sectes des hérétiques.
La quatrième note à réfuter est la septième
de Luther, à savoir la douceur, la pusillanimité, les persécutions externes,
et la persécution interne qui vient du fait d’être appelé
hérétique. C’est évidemment une fausse note. Car
les persécutions internes sont invisibles, si elles sont vraiment
internes. On peut dire aussi que la pusillanimité est un vice.
Et saint Paul exhorte partout à la joie interne, et dit que le royaume
de Dieu est joie dans l’Esprit Saint. Voir Romains
14, Coloss 3, Philippe 4, Éphésiens 5. Mais la persécution
externe n’est pas une note perpétuelle, même s’il est vrai que dans
les premiers siècles, l’Église en a souffert beaucoup.
Car, par la suite, elle a été triomphante, comme tout cela avait
été prédit. Voir saint Augustin épitre 50.
La cinquième note est celle des centuriates, selon lesquels
la vraie église se trouve chez ceux qui persévèrent dans la confession
de la foi jusqu’à la mort. Ce qui a été déjà réfuté,
car la confession de la vraie foi n’est pas plus une note de l’église
que la prédication de la vraie écriture et l’usage légitime des sacrements.
Ensuite, parce qu’on pourrait en conclure qu’elle n’existe pas chez
les luthériens, puisqu’ ils disent que, pendant plusieurs siècles avant
la venue du Luther, la confession de la vraie foi avait cessé, et
que l’église s’était conservée dans des refuges ou dans des cachettes,
et qu’elle a donc été invisible. L’église de Luther est neuve,
et donc fausse. Cette note, nous la voyons dans toutes
les sectes, et dans aucune moins que celles des luthériens. Car,
d’abord, notre église a des martyrs innombrables, qui ont persévéré
avec constance dans la profession de la foi. Les montanistes
se glorifiaient aussi de leurs martyrs, comme le rapportent Eusèbe (livre
5, chapitre 18 de son histoire de l’église), et Tertullien dans
son livre sur la fuite dans la persécution, qu’il a écrit contre les
catholiques quand i l était devenu montaniste, leur reprochant de mal
agir en fuyant. De même les Messaliens, d’après Épiphane
(hérésie 80). On leur donna même le nom de « martyriens », parce
qu’ils se glorifiaient extrêmement du nombre de leurs martyrs.
Saint Augustin constate la même chose au sujet des donatistes (épitre
68) : « Ils vivaient comme des voleurs, et étaient honorés comme des
martyrs. » Au sujet des anabaptistes qui vivaient de son temps,
saint Bernard écrit ceci dans le sermon 66 sur les cantiques des cantiques
: « On admirait le fait qu’ils étaient conduits à la mort non
seulement avec constance, mais allègrement. » Au sujet des adamites,
Énée Sylvius écrit (dans son livre sur l’histoire des Bohémiens,
chapitre 41) : « Les hommes avec leurs épouses avaient coutume de se
diriger vers le bucher en riant et en chantant. » À notre époque,
personne n’ignore que les anabaptistes occupent le premier rang dans
leur obstination de mourir pour leur perfidie. Mais c’est le dernier
rang qu’occupent les luthériens, qui sont les seuls à proposer
cette note de la vraie église.
CHAPITRE 3
On propose les notes de la vraie Église
Après avoir réfuté brièvement ces pseudos notes,
il nous reste à proposer les vraies notes. Il faut noter,
au tout début, que l’Église catholique est comme un soleil, qui
darde des rayons de lumière translucides dans toutes les parties de l’univers,
qui la font connaitre facilement. Car, elle a plusieurs notes,
ou témoignages ou signes, qui la distinguent de toutes les fausses
religions des païens, des Juifs et des hérétiques. Ces notes
ne démontrent pas avec une certitude absolue qu’elle est la vraie église
de Dieu, mais elles rendent cela évidement crédible. Comme
chacun sait, évidemment vrai, et évidemment crédible, ce n’est
pas la même chose. Car, évidemment vrai se dit de ce qui est vu
en soi ou en ses principes. Évidemment crédible se dit
de ce qui n’est pas vu en soi, ni dans ses principes, mais qui
a des témoignages si nombreux et si importants, qu’un sage se
doit d’y croire. Comme, par exemple, si un juge voit un homme être
tué par un voleur de grands chemins, ou être blessé mortellement, et
puis après, expirer, il a l’évidence de la vérité que ce larron est
un homicide. Mais s’il n’a pas vu le meurtre, mais a vingt
témoins très véridiques qui disent l’avoir vu tuer, il a une évidence
de crédibilité.
Nous disons donc que les notes de l’Église que nous
présentons ne produisent pas une évidence de vérité au sens fort du
terme, car, autrement, ce ne serait pas un article de foi que cette église
est la vraie église. Et il n’y aurait personne qui le nierait,
comme on ne trouve personne qui nie les axiomes. Mais, elles produisent
une évidence de crédibilité, selon le psaume 92 : « Tes témoignages
sont grandement crédibles. » Chez ceux qui acceptent
les Écritures divines, elles font aussi une évidence de vérité.
Car, même si la vérité d’un article de foi ne peut pas nous
être totalement évidente, elle peut l’être par hypothèse, en
présupposant la vérité des Écritures. Car, ce qui est déduit
avec évidence des Écritures est évidemment vrai, si on présuppose
que les Écritures sont vraies.
Ces notes reçoivent différents noms de différents
auteurs. Saint Augustin (dans son livre contre l’épitre
du fondement, chapitre 4), présente six notes. Et saint Jérôme,
dans son livre contre les lucifériens, à la fin, n’en présente que
deux. Vincent de Lérins, lui, trois. Parmi les plus récents,
Driedo (livre sur l’église et les dogmes, livre 4, chapitre 2, part
2), Petrus a Soto (première partie de sa défense, chapitre
44, et ailleurs), trois. Le cardinal Hosius, dans l’explication
du symbole, 4. Nicolas Sanderus (livre 8, chapitre 50 de la monarchie
visible,) six. Michaël Medina (livre 2 de la foi droite),
dix. Et, dans son livre 7, au chapitre 66, il en ajoute une onzième.
Cunerus Petri (dans son petit livre sur les notes de l’église), en met
douze, si je ne m’abuse. Car, quand nous avons écrit ceci nous
n’avions pas son écrit entre nos mains. Nous, nous proposons
15 notes, que l’on pourra, si on y tient, réduire à quatre, celles
qui sont attribuées au concile de Constantinople : une, sainte, catholique
et apostolique.
CHAPITRE 4
On explique la première note
La première note est le nom lui-même de l’église
catholique et de chrétiens. Car, comme saint Augustin l’enseigne (dans
son livre contre l’épitre du fondement, chapitre 14),
même si toute hérésie veut être considérée comme église catholique,
quand des païens demandent à des hérétiques où est l’église
catholique, personne n’ose montrer sa maison. C’est ce
que dit saint Cyrille, dans sa catéchèse 18 : « Si tu vas dans une ville,
tu ne demanderas pas où est l’église ou la maison de Dieu, car
les hérétiques disent qu’ils ont, eux aussi, une maison de Dieu.
Mais tu demanderas où est l’église catholique, car c’est là
le nom qui est propre à l’unique sainte église, la mère de nous tous.
Si tu demandes cela, aucun hérétique ne t’indiquera son église. »
Pacianus dans l’épitre à Symprhonien, qui porte sur le nom catholique
: « Ce mot catholique ne désigne ni Marcion, ni Apelles, ni Montan.
Les hérésiarques ne se l’ont pas attribué. » Et plus bas :
« Mon prénom est chrétien, mon nom de famille catholique.
Le premier m’appelle, le deuxième me montre. » Et,
au même endroit, il dit que le nom catholique est à la cime et
au tronc de cet arbre, d’où plusieurs branches sortent en leur
temps. Car, les sectes hérétiques sont des branches, c’est-à-dire
des parties de l’arbre qui ont été coupées. L’arbre lui-même,
qui se nourrit de sa racine, demeure toujours le même.
Il est ce qu’on appelle catholique. De la même façon, il
n’est pas d’hérésie qui ne reçoive pas son nom d’un homme qui
est son auteur, et qui ne laisse pas le nom catholiques à ceux qu’elle
a quittés. Ainsi en était-il des schismatiques au temps de saint
Paul (1 Cor 3) : « Je suis de Paul, je suis de Céphas, je suis d’Apollon.
»
Saint Justin dans Tryphon, dit : « Et ils sont différents
par leurs noms, ayant été dénommés par quelqu’un qui a été
l’auteur d’une nouvelle doctrine. Quelques-uns, parmi eux, s’appellent
marcionistes, valentiniens, d’autres basiliens, d’autres saturniens,
d’après le nom de ceux qui ont inventé leurs dogmes. » Saint
Irénée (livre 1, chapitre 20) : « Ils tirent leur nom du dit Simon,
le prince de leur doctrine impie. » Lactance livre 4, chapitre 30
: « Quand ils se sont nommés marcionistes ou ariens, ils
ont cessé d’être chrétiens, eux qui, après avoir perdu le nom du
Christ, se sont affublés d’autres noms. » Athanase (semon
2 contre les Ariens) : « Ce n’est jamais de ses évêques que le peuple
a reçu son nom, mais du Seigneur dans lequel il a cru. Il est certain
que nous n’avons pas tiré nos noms des saints apôtres, nos précepteurs,
mais du Christ Jésus. Ceux qui tirent d’ailleurs l’origine de
leur foi ont raison de préférer le nom de leur auteur. Comme c’est
du Christ que nous nous disons et que nous sommes chrétiens, quand
Marcion inventa son hérésie, ceux qui restèrent fidèles au Christ
retinrent le titre de chrétiens et ceux qui ont suivi Marcion n’ont
plus été appelés chrétiens, mais marcionistes. Il en de même
des autres hérétiques, qui ont pris le nom de leur secte. »
Saint Jean Chrysostome (homélie 33, dans les actes des
apôtres) : « Eux ont quelqu’un de qui ils tirent leur nom. Car
la secte porte le nom de son hérésiarque. Nous, aucun homme ne
nous a donné notre nom, mais la foi. » Saint Jérôme contre les
lucifériens, à la fin, dit : « Quand vous en entendez qui se disent
chrétiens , et qui ne tirent pas du Christ leur nom, mais d’un autre,
qui s’appellent, par exemple, martionites, ou valentiniens,
sachez que ce n’est pas l’église du Christ, mais la synagogue de l’antichrist.
» Comme donc les hérétiques de nos jours se disent
maintenant martinistes, luthériens, zwingliens, et calvinistes,
et comme aucun de nous ne s’est jamais appelé d’après un homme,
il appert que seule la nôtre est la vraie église du Christ.
Mais, ils nous répliquent, vous êtes souvent
appelés papistes, romains, romanisants. Je réponds que, même
autrefois, les catholiques ont été appelés homoousiniens (« consusbstantialistes
»), mais c’était pour attester une vérité par ce nom. Ce ne
fut pas le nom d’un nouvel auteur, ou d’un hérésiarque, comme
le sont leurs noms à eux. Homoousinien signifie celui qui croit
que le Fils est consubstantiel au Père, ce qui est un dogme archi vrai.
Le mot papiste est déduit du mot pape, ce que Pierre a été, et
même le Christ. Les mots romains et romanisants ont été, pendant
1100 ans synonymes de catholiques, comme l’oraison funèbre de
Satyre, le frère de saint Ambroise nous le montre. Ajoutons que
saint Jean Chrysostome (homélie 33) enseigne qu’il n’y a pas
de mal à ce que les catholiques soient appelés du nom de ceux qui
gouvernent l’église au nom du Christ, pourvu qu’ils ne prennent
pas le nom d’un homme privé, comme le font les hérétiques. Il
semble là avoir prévu qu’il nous faudrait un jour porter le nom de
papistes. Mais il faut ajouter que les seuls à nous donner ce nom
sont les luthériens de Germanie, nos voisins. Ce n’est pas ainsi
qu’on nous appelle en Grèce, en Asie, en Afrique, dans les
Indes, sans parler de l’Italie et de l’Espagne.
CHAPITRE 5
La deuxième note
La deuxième note est l’antiquité. Car,
sans aucun doute, la vraie église est plus ancienne que la fausse, comme
Dieu a existé avant le diable. C’est pourquoi on nous dit, en
Matthieu (13) que la bonne semence a été semée avant la zizanie.
L’église est dite catholique parce que, en tout temps, elle a
été et est purement et simplement catholique, puisqu’elle a été fondée
par les apôtres, et est donc très ancienne. Que notre église
est plus ancienne que tous les conventicules des païens, Tertullien le
démontre dans son apologie, chapitre 19 et 20, et saint Augustin (dans
la cité de Dieu, chapitres 37 et 38). Que notre église que
nos adversaires appellent papiste, est celle-là même que le Christ
a instituée, et est donc plus âgée que toutes les sectes des hérétiques,
on peut le déduire du raisonnement suivant. Dans tout changement
majeur de religion, on peut toujours démontrer six choses.
La première, son auteur. La deuxième, son nouveau dogme.
La troisième, le temps où il a commencé. La quatrième.
Le lieu où il a commencé. La cinquième. Qui s’y
est opposé. La sixième. Un petit cercle d’adeptes
au début, qui s’accroit peu à peu par l’arrivée d’autres
recrues. Nous trouvons toutes ces choses même dans l’église du
Christ, qui ne fut pas une nouvelle religion, mais seulement une
mutation du statut ecclésial, selon les prédictions des prophètes.
Nous savons, d’abord, que l’auteur en fut le Christ, d’où
le nom de chrétiens que nous portons. En second lieu, on a commencé
alors à croire explicitement aux nouveaux dogmes de la trinité et de
l’incarnation. Troisièmement, on a commencé à prêcher ces choses
en l’an 15 du règne de Tibère César. Quatrièmement, elle
a commencé en Judée. Cinquièmement. Elle fut très tôt
combattue cette religion par les scribes et les pharisiens, et ensuite
par les Gentils, avec rage et férocité. Sixièmement, nous savons
qu’au début, quand la séparation a été faite, les chrétiens
étaient moins nombreux que les Juifs. Si donc dans le changement
de statut de cette église, on peut démontrer ces six points, on
pourra les démontrer plus facilement encore dans n’importe quelle autre
mutation. Toutes ces choses nous les démontrons aisément au sujet
de chacune des sectes hérétiques; les adversaires n’ont jamais
pu en démontrer aucune au sujet de notre église, après les temps
apostoliques.
Et pour illustrer la chose par des exemples. Nous
savons que le fondateur de l’arianisme fut Arius, un prêtre d’Alexandrie,
que Nestor, évêque de Constantinople, fut le père des nestoriens,
que Luther, moine de l’ordre de saint Augustin, fut celui des luthériens.
Deuxièmement, nous savons quels dogmes ils ont inventés. Arius,
en effet, enseigna que le Fils de Dieu était une créature; Nestorius,
que, dans le Christ, il y avait deux personnes; Luther, que
les hommes étaient justifiés par la foi seule, mot qu’il entendait
d’une façon toute spéciale, c’est-à-dire par le seul fait
qu’ils se croyaient justes. Il a nié aussi que l’eucharistie
était un sacrifice. Troisièmement, nous connaissons
les temps. Arius commença son hérésie en l’année du Seigneur
324, Nestorius en 431, Luther en 1517. Quatrièmement, nous
connaissons les lieux. L’arianisme commença en Égypte,
l’hérésie nestorienne en Thrace, le luthérianisme, en Saxe.
Cinquièmement, nous savons que les ariens ont été très tôt combattus
par le pape Sylvestre, par le concile de Nicée, par Athanase, Hilaire
et les autres. L’hérésie nestorienne a été combattue
par le pontife Célestin, par le concile d’Éphèse, par saint Cyrille,
et par beaucoup d’autres. L’hérésie luthérienne a été
combattue par le pape Léon X, par le concile de Trente, par un grand
nombre de professeurs et de docteurs catholiques. Sixièmement.
Nous savons que les débuts de ces sectes hérétiques furent minimes,
que, au début de la séparation, les catholiques répandus par toute
la terre étaient incomparablement plus nombreux, --ce que ne nient pas
les hérétiques eux-mêmes.
Il est absolument certain qu’ils ne peuvent démontrer
aucune de ces choses à notre sujet. Car, d’abord, ils ne
nous objectèrent jamais d’avoir eu un auteur de notre secte,
ni de tirer notre nom d’un homme particulier, ce qu’ils auraient certainement
fait s’ils avaient pu le faire. Ensuite, ils ne dénoncèrent jamais
l’origine première de notre dogme. Bien plus, les centuriates,
dans chacune de leurs centuries, au chapitre 4, vers la fin, écrivent
en note les noms des auteurs qui défendent nos dogmes qu’ils combattent,
sans trouver d’origine autre que celle des apôtres. Car
ils nomment aussi saint Justin et saint Irénée parmi nos auteurs,
qui étaient proches du temps des apôtres. Et, au chapitre 5, dans
chacune de leurs centuries, ils énumèrent les hérésies
de chacun des siècles, sans trouver jamais une hérésie inventée
par un souverain pontife, mais plutôt des hérésies condamnées
par lui. Ils ne nous opposent pas non plus beaucoup d’hérésies.
Il est vrai que Tilmann Heshusius a un livre sur
les six cents hérésies des papistes. Car ces pseudos hérésies,
si on ignore les mensonges de Tilmann, sont des dogmes très anciens,
dont on peu prouver l’ancienneté par les centuries elles-mêmes.
Car, Illyricus trouve nos dogmes dans tous les livres des pères.
Mais ce qu’il appelle dans les pères, taches ou verrues,
il les appelle dans nos livres, des hérésies. L’astuce
de nos adversaires consiste en cela. Pour montrer que nous sommes
en dehors de l’Église, ils appellent nos dogmes des hérésies; et pour
ne pas sembler se séparer de l’enseignement des pères, ils appellent
taches ou verrues ces mêmes dogmes, quand ils sont enseignés
par eux. Troisièmement. Ils n’ont jamais pu indiquer
le temps précis de notre sortie de l’église. Ils disent qu’après
les premiers cinq cents ans, cette secte a commencé à croitre, mais quand
eu lieu ce commencement, ils n’ont jamais pu le dire. Quatrièmement,
ils ne montrèrent jamais en quel lieu elle a commencé. Car,
après les premiers cinq cents ans, a vécu saint Grégoire, avec lequel
toute la terre était en relations épistolaires. On peut s’en
rendre compte par ses lettres qu’il envoyait dans toutes les provinces.
De même, après la mort de saint Grégoire, fut célébré le sixième
concile général. Ce qui nous fait comprendre que, à cette
époque, tout l’Orient et l’Occident étaient unis au pontife
de Rome, comme les membres à leur tête.
Cinquièmement, ils ne nommèrent jamais ceux
qui se sont opposés à une hérésie papale, comme venant de naître,
et les conciles qui la condamnèrent. Ils nous opposent le
concile de Constantinople sous Copronyme, qui semble avoir
été général, celui qui a condamné les images que les romains défendaient.
Mais ce concile ne fut pas un véritable concile général, puisqu’aucun
vrai patriarche ne fut présent. De plus, ce concile
ne condamna pas un dogme nouveau qui venait d’apparaitre, mais un dogme
antique, reçu dans toute l’église. Car, il ne statue pas
que ne soit pas reçu le culte des images, mais qu’il soit aboli,
c’est-à-dire que les images, qui y étaient déjà, soient chassées
des temples. Voir Cedrenus, Zonara, Paul diacre. Sixièmement.
On ne peut, en aucune façon, montrer que notre église se soit jamais
séparée d’une plus grande église, de sorte que ceux qui adhéraient
au pape auraient été beaucoup moins nombreux que les autres
chrétiens, car les lettres que saint Grégoire envoyait partout nous montrent
que l’Orient et l’Occident étaient d’un seul cœur et d’une
seule âme avec lui.
Cet argument de l’antiquité ou de l’ancienneté,
les pères l’ont utilisé abondamment contre les hérétiques, pour démontrer
la vraie église. Tertullien, dans son livre sur la prescription
: « Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Quand êtes-vous venus
? Où vous êtes-vous cachés pendant si longtemps ? »
Optatus (livre 2, contre Parménien, dit : « Montrez l’origine de votre
chaire, vous qui revendiquez le nom de sainte église ! »
Saint Jérôme (dans son épitre à Pammachius et à Océanus : « Toi
qui es un promoteur de nouveaux dogmes, je te demande d’épargner les
oreilles romaines, d’épargner la foi qui a été louée par la
bouche apostolique. Pourquoi, après quarante ans, t’efforces-tu
de nous enseigner ce que nous ne savions pas avant? Jusqu’à
ce jour, sans votre doctrine, le monde a été chrétien. »
Et, dans le livre contre les lucifériens, à la fin, il dit : « Du seul
fait qu’ils ont été institués après, ils indiquent qu’ils
sont ceux que l’apôtre a prédits devoir apparaitre plus tard.
» Voilà pourquoi saint Augustin, dans son livre contre l’épitre
du fondement, chapitre 4, place l’ancienneté parmi les notes de l’Église.
Ils répondent quatre choses à cet argument.
La première. Calvin affirme (livre 4, chapitre, 2, verset
3 des institutions) qu’on ne peut pas tirer d’argument de l’antiquité,
car Ismaël fut plus âgé qu’Isaac, et on a, quand même, dit : « Faites
sortir la servante et son fils. » Or, Ismaël ne fut pas la figure
d’une fausse religion, mais de l’ancien testament, qui était bon,
et qui venait de Dieu. Mais parce que le statut des hommes
de ce testament était celui de serviteurs, qui étaient motivés
par la crainte, un nouveau testament plus parfait a du lui succéder,
auxquels appartiennent des hommes libres, conduis par l’amour.
Galates 4 : « Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, ce qui a été
dit par allégorie, ces deux fils étant deux testaments. »
Ils disent ensuite au sujet de notre église, qu’on ne peut montrer en
quel temps, en quel lieu, et par quel auteur elle a commencé précisément,
non parce qu’elle n’était pas réellement neuve, mais
parce que la mutation ne s’est pas faite tout d’un coup, les erreurs
pénétrant sans qu’on s’en aperçoive, et pendant le sommeil des pasteurs.
Que ces mutations n’aient pas été toutes faites en même temps, mais
peu à peu, c’est Luther qui nous le fait comprendre, lui qui, au début,
ne nia que les indulgences. Et pourtant, nous savons de chacune
quand et comment elles sont nées. De plus, en Matthieu 13, on ne
dit pas que la zizanie est née pendant le sommeil des hommes, mais qu’elle
a été semée pendant leur sommeil, qu’elles poussèrent vite
et qu’on les connue rapidement. Comment donc concevoir que nos
hérésies n’aient pas été détectées pendant mille ans ? Ce
ne sont pas seulement les pasteurs qui ont dormi, mais Dieu lui-même,
si pendant tant de siècles, il ne s’est trouvé personne pour résister
à ces erreurs. Il faudrait aussi effacer cette phrase de l’évangile
: « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Ils répondent, en troisième lieu, que même si
on ne peut montrer quand a commencé le début de cette dépravation,
on peut quand même montrer quand une insigne mutation a été opérée.
Car, au début de l’année 600, le pape s’est ouvertement transformé
en antichrist quand le pontife romain obtint de l’empereur Phocas d’être
nommé tête des évêques, quand il ouvrir le panthéon le temple de tous
les dieux. C’est ce qu’enseignent les magdebourgeois (centurie
7, chapitre 1,) avec la plupart des adversaires. Car même
Theodore Bibliander (dans les tables de sa chronologie, au début des années
600), place à cette époque l’apparition de l’antichrist,
c’est-à-dire du pape. Luther, dans sa supputation des temps,
veut que saint Grégoire ait été le dernier pape; et la plupart
des calvinistes et luthériens étendent la pureté de l’église jusqu’aux
premières 500 ou 600 années. Or, après l’année 679,
longtemps après le temps de Phocas, a été célébré un concile général
(le sixième) que les adversaires non seulement reçoivent, mais appellent
sacrosaint, comme on le voit pas la confession des Tiguriens et les centuries
des magdebourgeois. Dans ce concile, le pape Agathon occupa le premier
plan, car sa sentence et sa lettre lues et expliquées par les légats,
ont été suivies par tous, comme les centuriates eux-mêmes le décrivent
(centurie 7, chapitre 9). Ou le pape n’était donc pas encore
l’antichrist, ou toute l’église et le saint concile ont
vénéré et suivi l’antichrist.
De plus, il est faux que Phocas soit le premier à attribuer
au souverain pontife le nom de tête de l’Église.
Justinien sénior, qui vécut à peu près cent ans avant Phocas, (dans
sa lettre à Jean 11), l’appelle, entre autres, « tête de toutes
les églises ». On trouve la même chose dans la lettre de
Jean11, en réponse à celle de Justinien, où le pape rappelle tous
les titres que l’empereur lui a donnés. On trouve
ces deux lettres dans le code (livre 1, lois 4 et 5) » Les centuriates
n’étaient pas sans le savoir car, ( à la centurie 10, chapitre 10,
colonne 670), ils se sont souvenus de la quatrième loi du code,
laquelle est tirée de la lettre du pape Jean. Ils ont donc
menti contre leur conscience. Ensuite, avant le temps de
Justinien, le concile de Chalcédoine, dans l’épitre à Léon,
l’appelle « la tête de tous les évêques ». Et
saint Léon lui-même (sermon 1 sur saint Pierre et saint Paul), parle
ainsi : « Par le siège sacré de Pierre, tête de l’univers,
présidant plus loin par la religion divine que par la domination terrestre.
» Et plus bas : « Ce que l’effort de guerre t’a conquis
est plus petit que ce que la paix chrétienne t’a soumis. »
Phocas n’est donc pas le premier à attribuer ce nom au pontife romain,
mais le premier à avoir abaissé la superbe de l’évêque de Constantinople,
qui voulait s’égaler au pontife romain.
Et au sujet de l’église dite Panthéon, je réponds
d’abord que c’est plutôt un argument à retourner contre les adversaires.
Car, en Daniel 2, nous lisons que l’antichrist luttera contre
tous les dieux, et qu’en secret seulement il adorera le dieu Maosie.
Et saint Paul (e Thess 2) enseigne qu’il s’élèvera lui-même contre
tout ce qui se dit dieu. Si donc le pape a, comme vous le prétendez,
ouvert un temple à tous les dieux, il ne peut pas être l’antichrist.
De plus, avant que le panthéon ait été consacré à Dieu, en mémoire
de tous les saints, il y avait à Rome des temples de saint Pierre,
de saint Paul, de saint Laurent, de saint Sébastien etc.
Mais Mélanchton objecte dans sa confession et dans son apologie (article
21), que l’invocation aux saints n’existait pas avant l’époque
de saint Grégoire le grand, et que c’est alors qu’elle débuta.
Je réponds que c’est un mensonge flagrant, car plusieurs pères
parlent de l’invocation aux saints, comme nous en avons déjà
abondamment parlé.
Quatrièmement, Calvin répond que son église
n’est pas neuve, mais très ancienne, celle-là même que le Christ a
fondée; qu’elle a été sans vie pendant plusieurs
siècles, et qu’elle est apparue maintenant.
Saint Augustin raisonne en sens contraire contre les donatistes (livre
3, chapitre 2, le baptême). Ou cette église qui apparait maintenant,
avait péri avant et ressuscite aujourd’hui; ou elle n’a pas
péri, mais se cachait seulement, et maintenant sort de son trou. Ce ne
peut pas être la première hypothèse, car ils n’auraient pas pu renaître
si la mère avait péri : « Si elle a péri, dit-il, d’où donc Donat
est-il apparu ? De quelle terre a-t-il germé ? De quelle mer
a-t-il émergé ? De quel ciel est-il tombé ? » Et
aussi, fausses seraient les promesses du Christ en Matthieu 16 : « Je
suis avec vous jusqu’à la fin des siècles. » La seconde hypothèse
non plus. Car, cette église cachée professait sa foi, ou
ne la professait pas. Si elle la professait, elle n’était pas
cachée, mais visible à l’œil nu. Si elle crevait
les yeux, comment se fait-il que personne ne l’ait remarquée ?
Comment n’étaient ils pas attrapés et écroués par les
inquisiteurs qui avaient commencé d’exister dans l’église de Dieu
longtemps avant le temps de Luther ? Comment se fait-il qu’il ne
reste aucun vestige, aucun souvenir d’eux ? S’ils ne professaient
pas la foi publiquement, mais se cachaient dans lieux retirés, ils
ne furent donc pas l’église, et il n’y eut pas, dans le monde,
de vraie église. Car, ils le disent eux-mêmes, la confession de
foi est une notre de la vraie église. Romains 10 : « C’est par la bouche
que se fait la confession qui mène au salut. »
S’il en est ainsi, comment se fait-il que, à
l’apparition de Luther ou de Calvin, on n’ait trouvé personne qui
se joigne immédiatement à eux à part ceux qu’il aurait
séduits ? Si plusieurs calvinistes , plusieurs luthériens
étaient cachés, ils devaient, à la prédication de Luther et de
Calvin, connaître rapidement leurs compagnons, accourir à eux, sans même
avoir été appelés. Mais, les choses ne se sont pas déroulées
ainsi. Ils avouent avoir été auparavant des nôtres,
et n’avoir jamais pensé à la nouvelle doctrine. Bien plus, Luther
lui-même avoue qu’il fut un temps où il n’était pas Luther, mais
un moine catholique, qu’il a célébré la messe pendant quinze
ans, et dévotement. Voir le livre sur la messe angulaire,
ou Jean Cochlaeus, dans les actes de Luther en l’an 1534. De même,
le livre 2 de Luther contre Zwingli, ou le soixante-dixième de Jean
Cochlaeus, chapitre 14.
De plus, si l’égalise était cachée, comme le dit
Calvin, il s’ensuivrait que l’église du Christ pourrait être pire
ou plus misérable que n’importe laquelle secte, et même que le
peuple des Juifs après la destruction de Jérusalem, ce qui est
certainement un blasphème, puisque Dieu, par ses prophètes, a prédit
souvent la gloire de l’église, et a promis qu’il demeurerait
toujours avec elle. Les conséquences qu’il faut en tirer sont
claires. Car, chaque secte hérétique a eu ses temples,
ses évêques, ses sacrements. Et les Juifs eurent toujours
des synagogues où ils purent pratiquer librement leurs cérémonies, comme
saint Grégoire nous l’apprend (livre 7, épitre 5). Et on
ne les a pas contraints, la plupart du temps, à adorer d’autres
dieux. Or l’église que Calvin imagine cachée, pendant à
peu près mille ans, n’eut, pendant tout ce temps, ni de temples, ni
sacrements, ni évêques, ni même un coin de terre où exercer librement
les actes de sa religion. Et, ce qui est pire encore, elle aurait
été forcée de servir des dieux étrangers, d’adorer des idoles, de
communier à des sacrifices. N’est-ce pas là une captivité plus
horrible et plus longue que n’a jamais été celle des Juifs ?
Cette église n’est-elle pas plus difforme que les ruines mêmes de la
synagogue ?
CHAPITRE 6
La troisième note
La troisième note est une longue durée jamais interrompue.
Car, l’Église est dite catholique, non seulement parce qu’elle a toujours
été, mais aussi parce qu’elle sera toujours, selon ces paroles
de Daniel 9 : « Un règne qui ne cessera jamais pendant toute l’éternité.
» Et dans les actes 5 : « Si ce projet ou cette entreprise vient
des hommes, il se dissipera. S’il vient de Dieu, vous ne pourrez
pas l’abattre. » Au sujet des hérétiques, saint Paul dit (2
Tim 3 : « Mais ils n’avanceront pas plus loin. » Saint Cyprien
(livre 4, épitre 2) dit que les schismatiques en resteront toujours
à leurs débuts, qu’ils ne pourront pas avoir de véritable croissance,
mais s’écrouleront, avec leur ambition dépravée. » Et
saint Augustin (psaume 57, commentant ce verset : « Ils n’aboutissent
à rien, comme de l’eau qui coule », écrit : « Que ne vous terrifient
pas, frères, certains cours d’eau qu’on appelle torrents.
L’eau y circule à flots pendant un certain temps, mais elle cessera
bientôt. Ils ne peuvent pas durer longtemps. Beaucoup
d’hérésies sont déjà mortes, elles ont coulé dans leur rivières
tant qu’elles ont pu. Elles ont reflué, leurs rives sont
sèches, on en conserve à peine un souvenir, on ne se souvient même
plus de leur existence. » Il est prouvé et établi que notre Église
a duré depuis le début du monde jusqu’à aujourd’hui.
Et si on s’en tient à l’église du nouveau testament, elle a
duré depuis le Christ jusqu’à 1577. C’est en vain que l’ont
attaquée les Juifs, les païens et les hérétiques. Non seulement
elle a duré, mais elle s’est développée grâce aux persécutions.
C’est comme pour les eaux du déluge. Elles renversèrent
les palais des rois, et mirent tout en pièces, mais elles soutinrent
d’autant plus puissamment l’arche de Noé. De la même façon,
les persécutions détruisent les royaumes terrestres, mais le royaume
du Christ qui est l’église, non seulement elles ne le détruisent pas,
mais elles l’exaltent. Voilà pourquoi saint Justin dans
le Tryphon, dit que les persécutions de l’église sont comme l’émondage
de la vigne : l’une et l’autre favorisent la fertilité et la fécondité.
C’est un fait que l’église croit par les persécutions. Tertullien,
dans le dernier chapitre de son apologie, en une formule célèbre,
appelle « le sang des chrétiens la semence des martyrs ». C’est
ce qu’explique saint Léon dans son sermon 1 sur saint Pierre et saint
Paul : « L’église n’est pas diminuée par les persécutions, mais
elle est augmentée. Et le champ du Seigneur se revêt d’un froment
plus abondant quand sont multipliés les grains qui tombent seuls. »
Bien que les hérétiques de notre époque ne concèdent
pas que notre église ait duré jusqu’ l’année 1577, ils admettent,
cependant, qu’elle a duré, sans interruption, jusqu’à saint Grégoire
le Grand, c’est-à-dire environ six cents ans. Si cette
durée de l’église était la seule et la plus longue, elle serait quand
même plus longue que celle de toutes les hérésies. Mais, il est
faux qu’elle n’ait pas duré plus longtemps, car ils ne peuvent
même pas montrer, par aucune histoire ou par aucun écrit des anciens,
qu’il se soit fait une mutation de l’église romaine au temps
de saint Grégoire le grand. Que notre église est la
vraie, on peut aussi le prouver par l’argument suivant. Avant
le temps de Luther, les seules religions qui existaient dans le monde
étaient le paganisme, le judaïsme, le mahométisme, le grécisme,
le nestorianisme, l’hérésie des Hussites, et l’église romaine.
Or, il est certain que la vraie église du Christ n’a été dans aucune
de ces religions ou sectes. Elle était donc dans l’église romaine,
ou la vraie église visible aurait péri et serait disparue, ce qui ne
peut pas arriver, comme nous l’avons déjà démontré. Or
toutes ces fausses religions ou ces sectes ont eu la vie brève, et n’existent
que dans les livres d’histoire.
Theodoret rapporte dans son livre sur les fables
des hérétiques soixante-dix-sept hérésies différentes apparues
avant lui. Et au livre 3 de cette même œuvre, il atteste que toutes
sont éteintes, à l’exception de quelques-unes. Saint Augustin
(dans son livre sur les hérésies), énumère 88 hérésies, dont un grand
nombre ont péri, comme il l’atteste dans son commentaire du psaume
57. Jusqu’au temps de Luther, nous énumérons, nous,
200 familles différentes d’hérétiques. De toutes ces hérésies,
ne survivent que quelques églises nestoriennes et eutychiennes en
Orient, et hussites en Tchécoslovaquie. Toutes les autres
sont complètement disparues. Il faut grandement admirer la providence
de Dieu, parce que les deux cents hérésiarques qui avaient attiré à
eux plusieurs évêques, qui avaient contrôlé plusieurs églises,
et reçu la protection de puissants personnages, des empereurs et des rois,
qui avaient écrit des livres innombrables, et semblaient ne devoir
jamais cesser, sont disparus au point que leurs écrits, leurs livres,
leurs dogmes, et même leurs noms, ne survivent que dans les livres des
catholiques. Et cela est si vrai que si les catholiques n’avaient
pas écrit les noms de ces hérésiarques dans leurs livres, on ne saurait
plus s’ils ont jamais existé. Quelles profondes
racines ne semblait-elle pas avoir poussé l’hérésie arienne au temps
de saint Athanase et de saint Hilaire ? Et maintenant, je le demande,
où est-elle ? Elle s’est évaporée. Elle est comme la poussière
que le vent a projetée loin de la terre. Au douzième siècle, régnait
en Gaule l’hérésie des Albigeois, qui, en plus des richesses de leur
doctrine, jouissait de l’appui et du secours des soldats
et des princes, plus que n’en a jamais connu
l’hérésie des calvinistes, comme le rapporte Paul Émile dans son livre
6 sur les choses gauloises. Mais où sont aujourd’hui les albigeois
? Qui pense à eux, qui même les nomme ?
Les luthériens, à peine nés, commencèrent à croitre.
Le règne de Luther commença en l’an 1517. Mais, il n’a
régné pacifiquement que pendant sept ans. Car, en l’an 1525,
survint Zwingli, et après deux autres années, les anabaptistes,
qui séparèrent de Luther la plus grande partie des luthériens pour l’amener
à eux. Les luthériens qui demeurèrent changèrent
à ce point la doctrine de Luther que c’est à peine si on trouvait encore
de vrais luthériens. C’est de quoi se plaint amèrement Illyricus
dans les préfaces de ses centuriates. Mais Zwingli ne régna
pas non plus très longtemps. Car en 1538, Calvin est apparu
qui, en peu de temps, sut s’imposer tellement qu’il ne laissa aux zwingliens
que quelques villes de la Suisse. Par la suite, le nombre des calvinistes
a été réduit progressivement par les libertins en France, les
puritains en Angleterre, les trinitaires en Pologne, les Samosatènes
en Transylvanie.
Calvin, qui était perspicace, prévit que
son règne ne durerait pas longtemps, et il le prédit, dans la préface
du catéchisme de Genève, qu’il envoya à ses ministres dans la Frise
orientale : « De la postérité je suis à ce point anxieux que
j’ose à peine y penser. À moins que, dans sa grande miséricorde,
Dieu ne nous secoure du haut du ciel, il me semble qu’une grande
barbarie menace de frapper notre terre. Je crains que,
dans quelque temps, nos fils n’arrivent à penser que cette parole évangélique
a été une conjecture plutôt qu’un discours prophétique.
» Cette anxiété de Calvin démontre assez clairement que sa secte
était une chose humaine, qui n’avait pas été conçue par l’esprit
de Dieu, mais par l’ingéniosité et la témérité humaines.
Qu’elle était donc loin de l’Esprit qui dit : « Sur cette pierre
j’édifierait mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront
point sur elle. »
Les centuriates aussi, dans la préface de la seconde
centurie, prédisent la même chose de leur luthéranisme : « Des
variations et des détournements semblent s’insinuer
dans la doctrine la plus importante. Et c’est ce que méritent
les péchés des hommes, qui sont chaque jour plus atroces qu’au temps
du prophète germanique Martin Luther, par la voix et le ministère duquel
la lumière de l’évangile a été rappelée des ténèbres égyptiennes
au temps des apôtres. Mais maintenant, après l’avoir laissé
de côté, nous semblons être entrés dans un autre âge de
l’évangile, dans lequel plusieurs fanatismes commencent
à pulluler, et à régner petit à petit. » Et, dans la préface
de la centurie 5, il déplore que les principaux articles du
libre arbitre, de la foi justifiante, des bonnes œuvres, ne soient
plus défendus par la plupart des luthériens, mais compris
dans le sens des papistes. Nous concluons donc,
avec saint Jérôme, dans son dernier dialogue avec les lucifériens :
« Je vais exposer ma pensée en mots brefs et clairs : il faut demeurer
dans l’église qui a été fondée par les apôtres, et qui
dure jusqu’aujourd’hui. » Et avec saint Augustin, dans son livre
sur l’utilité de croire, chapitre 17 : « Hésiterons-nous à
demeurer dans le sein de cette église qui, par le siège apostolique et
la succession des évêques, obtint la victoire sur les vains assauts des
hérétiques ? »
CHAPITRE 7
La quatrième note
La quatrième note est l’amplitude, ou la multitude
et la variété des fidèles. L’église catholique
n’a pas seulement embrassé tous les temps, mais aussi tous les lieux,
toutes les nations, toutes les sortes d’hommes. C’est ce
qu’enseigne Vincent de Lérins, quand il explique ce que c’est qu’être
chrétien. Il dit que sont des catholiques ceux qui tiennent
ce qui a été tenu toujours, partout et par tous. Et c’est ce
qui avait été prédit dans le psaume 2 : « Je te donnerai les nations
pour ton héritage et ta possession, tous les territoires de la terre.
» Et le psaume 71 : « Il dominera d’une mer à l’autre. »
Et le Seigneur lui-même dans saint Luc et les actes des apôtres, dit
qu’on « doit prêcher l’évangile à toutes les nations, en commençant
par Jérusalem. »
Il faut faire quelques remarques avant de déployer nos
preuves. La première. Pour que l’église soit
catholique, comme l’enseignent saint Augustin (l’unité de l’église,
chapitre 6) et Bède le vénérable (chapitre 6 des cantiques), il
est d’abord requis qu’elle n’exclue aucun temps, aucun lieu,
aucune sorte d’hommes. En quoi elle se distingue de la synagogue,
qui était une église particulière, non catholique, qui était d’une
époque, celle de l’attente du Messie, d’un lieu, c’est-à-dire,
le temple de Salomon, en dehors duquel on ne pouvait pas sacrifier, et
d’une famille, c’est-à-dire les fils de Jacob (et d’une tribu,
celle de David). » En second lieu, notons avec saint Augustin (épitre
80 à Hesychius) que, pour que l’église soit catholique, il n’est
pas requis qu’elle soit dans tous les lieux de toutes les parties de
la terre. Il suffit qu’elle soit connue par toutes les provinces,
qu’elle fructifie en toutes, de sorte que, de toutes les provinces,
il y en ait qui soient dans l’église, car le Christ ne peut pas
revenir avant que cela ne soit arrivé (Matth 24). Troisième
remarque. Comme le dit Triedone (livre 4, chapitre 2, par 2,
les dogmes de l’église), cette note ne requiert pas que tout cela se
fasse simultanément, de sorte qu’il soit nécessaire qu’à une époque
donnée, il y ait des fidèles dans toutes les provinces. Il
suffit que cela se fasse successivement. Il s’ensuit de cela
que si une seule province retenait la foi, on pourrait encore l’appeler
vraiment et proprement église catholique, pourvu que l’on démontre
qu’elle est seule à être la même que celle du passé, comme
aujourd’hui un diocèse est dit catholique quand il est en continuité
avec les autres qui constituèrent autrefois l’église catholique.
Mais tu diras que c’est tomber dans l’erreur de
Petilien et des donatistes. Ils disaient que l’église
avaient été, pendant quelque temps, dans tout le monde, mais qu’elle
avait péri dans toutes les provinces, et n’était demeurée que dans
la seule Afrique. Ce sont ceux-là que blâme saint Augustin (dans
le psaume 101, sermon 2). Il répond que les donatistes se trompent
de deux façons. La première. En voulant que le christianisme
n’existe qu’en Afrique, en un temps où elle était manifestement florissante
par toute la terre. La seconde. Que l’église
africaine ne pouvait pas continuer celle qui avait existé dans toute la
terre, car, dans l’église universelle, il y a toujours eu des
bons et des mauvais, alors que dans l’église donatiste, il n’y a que
des bons. Enfin, notons que même si l’église ne doit pas nécessairement
être présente dans tous les lieux , cependant, en ce temps, elle
doit nécessairement être ou avoir été dans la plus grande partie de
la terre. Car l’église, du consentement de tous et même des hérétiques,
a vieilli.
Si donc, dans son adolescence et sa jeunesse, elle n’a
pas cru, comment croitrait-elle dans sa vieillesse ? Pour qu’elle
ait cru, il faut donc qu’elle ait occupé si non toute la terre,
du moins une grande partie. Que notre église ait occupé
la plus grande partie de la terre, et soit donc catholique, nous l’avons
déjà prouvé. Car, c’est au temps des apôtres qu’elle commença
à fructifier dans tout le monde, comme saint Paul le dit aux Colossiens
1. De même, au temps de saint Irénée, elle était répandue sur
toute la terre, c’est-à-dire dans toutes les provinces alors connues.
C’est ce que rapporte de son temps Tertullien (livre contre les Juifs,
chapitre 3). Saint Cyprien raconte aussi la même chose (dans son
livre sur l’unité de l’église). La même chose saint Athanase
(dans son livre sur l’humanité du Verbe), La même chose,
ensuite, saint Jean Chrysostome (Matt 24) et saint Jérôme (Matt 24),
saint Augustin (épitres 70 et 80 à Hésychius), ainsi que Theodoret (dans
son livre des lois), et saint Léon le grand (sermon 1 sur les saints Pierre
et Paul), et saint Prospère (dans son livre sur les ingrats, il
rime ainsi : « Rome, siège de Pierre, que l’honneur pastoral a fait
la tête du monde, tient par la religion ce qu’elle n’a pas tenu par
les armes. »
Mais cela, peut-être, nos adversaires ne le nieront
pas. Montrons donc la même chose dans les temps qui sont venus
après. Au temps de saint Grégoire le Grand, notre église
a été présente sur tout le globe. C’est une chose connue, et
nous l’avons plus haut démontré grâce aux lettres de saint Grégoire
aux évêques d’Orient, d’Afrique, d’Espagne, des Gaules, de l’Angleterre
et de la Sicile; du commentaire des cantiques de Bède le vénérable,
au chapitre 6, des paroles de saint Bernard, qui, disputant devant le roi
Roger de Sicile, soutenait que, en son temps, obéissaient au pape
tout l’Orient, et tout l’Occident, la France, l’Allemagne,
l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal, et un grand nombre de
nations barbares. (Voir la vie de saint Bernard, livre 2, chapitre 7).
Enfin, à notre époque, en plus de l’Italie, de toute l’Espagne,
de presque toute la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre,
de la Pologne, de la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Grèce, la Syrie,
l’Éthiopie, l’Égypte, dans lesquels on trouve beaucoup de catholiques,
et dans le nouveau monde lui-même, elle a des églises sans aucun hérétique,
et dans les quatre parties du monde : dans l’Orient, les Indes;
en Occident, l’Amérique septentrionale, et la Laponie; au midi,
le Brésil, et la partie externe de l’Afrique. Or, les sectes hérétiques
n’ont jamais occupé toute la planète, mi même la dixième partie.
La secte mahométane, avec les hérésies de Nestor et
d’Eutychès qui survivent en Orient, ne sont jamais passées en
Occident. Les hérésies de Luther n’ont jamais traversé
l’océan, et n’ont vu ni l’Asie, ni l’Égypte, ni l’Afrique,
ni la Grèce. Ce qui nous fait comprendre l’énormité du mensonge
que l’on voit au début de la préface de la concorde des luthériens,
éditée en 1580. Car, ils disent que la confession augustinienne
est parvenue à tout l’univers, qu’elle a été prêchée et
reçue par tous ! Or, de ces trois parties de la terre, deux majeures,
l’Asie et l’Afrique, n’ont jamais entendu le nom de la confession;
en Europe, plusieurs provinces, comme toute la Grèce, l’Italie,
l’Espagne, ou ne savent pas ce qu’il y a dans la confession augustinienne,
ou l’exècrent. La Gaule, la Suisse, et l’Angleterre
ne la reçoivent pas. En somme, rares sont les cités
qui soient possédées complètement par une secte hérétique. Même
si les hérétiques semblent, en ce temps, obtenir une grande partie du
septentrion, cependant, ces pays ne sont pas tenus par une secte,
mais par plusieurs, qui ne sont pas moins en guerre entre elles qu’avec
nous. Saint Augustin a donc raison d’enseigner (dans son livre
sur les pasteurs, chapitre 8) que l’Église est partout, et que l’hérésie,
elle aussi, est partout; mais que, étant une,
l’église est la même partout, alors que, parce qu’elle n’est
pas la même, l’hérésie est multiple, revêt des
formes diverses, qui ne se connaissent pas ou qui se combattent.
L’hérésie ne peut donc pas être catholique. Voilà pourquoi
il compare les hérésies à des branches coupées, qui demeurent là où
elles sont tombées de l’arbre, tandis que, pendant ce temps, l’église,
comme une vigne vivace, étend ses sarments. Il se sert souvent
de cet argument dans son livre contre l’épitre du fondement,
et dans son livre sur l’utilité de croire, chapitres 1 et 17, et ailleurs.
»
Les hérétiques ne peuvent pas espérer que leur secte
occupera toute la terre, car l’église ne peut pas commencer à croitre
quand elle est déjà vieille, comme nous l’avons dit plus haut.
Et si saint Augustin a jugé qu’il serait absurde de penser que l’hérésie
des donatistes, née aux troisième siècle à Carthage, se propagerait,
un jour, sur toute la terre, (livre de l’unité de l’église, chapitres
14 et 15), combien plus absurde encore est-il de penser que,
en l’année 1577, l’hérésie luthérienne ou l’hérésie calviniste
est destinée à se répandre, de Wittemberg et de Genève, sur toute la
terre.
CHAPITRE 8
La cinquième note
La cinquième note est la succession des évêques, dans
l’église de Rome, depuis les apôtres jusqu’à nous. Cette succession
ininterrompue, tous les anciens l’ont utilisée comme un argument
imparable pour démontrer la vraie église. Saint Irénée (livre
3, chapitre 3) énumère tous les évêques de Rome, de saint Pierre à
Éleuthère, qui siégeait en son temps; et affirme que, par cette
succession, les hérétiques sont confondus. Tertullien (au livre
de la prescription), écrit : « Que les hérétiques indiquent les origines
de leurs églises, qu’ils déroulent la succession de leurs évêques,
qu’ils montrent que le premier de leurs évêques provient de l’un
des apôtres, ou a eu comme prédécesseurs des pères apostoliques.
Or, c’est de cette manière que l’église des romains relie Clément
à Pierre. » Eusèbe dans son histoire et dans sa chronique,
saint Jérôme et Prospère, qui continuèrent la chronique d’Eusèbe,
insistent énormément sur la succession des évêques de Rome, pour en
tirer la preuve de la continuité de l’église. Épiphane (hérésie
27, qui est celle de Carpocrate) énumère, par ordre, tous les pontifes
romains, en ajoutant : « Et que personne ne s’étonne que nous
les ayons ainsi nommés dans l’ordre, l’un après l’autre, car c’est
ainsi qu’on démontre la grandeur de l’église romaine. »
Optat de Milet (livre 2, contre Parménien) énumère
tous les pontifes romains jusqu’à Syricius qui siégeait alors, pour
montrer que, chez les donatistes, il n’existe pas d’église capable,
par une succession semblable, de remonter jusqu’aux apôtres.
Et il ajoute : « Montrez-nous l’origine de votre chaire, que vous
voulez revendiquer comme la sainte église ! » Ensuite, saint Augustin
(dans son épitre 165 à Generosus) énumère, dans le même but, tous
les pontifes romains, de saint Pierre jusqu’à Anastase, qui siégeait
alors. Et dans les psaumes, il dit contre le parti de Donat : «
Énumérez les prêtres, qui ont succédé à Pierre sur son siège, dans
l’ordre même de succession, et examinez ses successeurs. C’est
elle la pierre que ne vaincront pas les portes de l’enfer. » Et
(au livre contre l’épitre du fondement, chapitre 4) : « Que le seigneur
Jésus me retienne dans l’église auprès du siège de l’apôtre Pierre,
à qui le Seigneur a commandé de paitre ses brebis jusqu’à son
successeur actuel dans l’épiscopat et le sacerdoce. » Si donc,
pour démontrer la vraie église, les anciens ont fait un si grand
cas de la succession ininterrompue de 12 ou 20 ou 40 souverains pontifes,
ne devons-nous pas attacher une importance encore plus grande à
la succession interrompue de 200 pontifes ? Surtout quand nous voyons
s’effondrer d’autres sièges apostoliques, comme ceux d’Antioche,
d’Alexandrie, et de Jérusalem. Après que, dans les années
900, les Perses ou les Sarazins ont enlevé ces églises
aux Romains, la succession des évêques fut interrompue ou devint
problématique. Or, dans la ville de Rome, où fut changée si souvent
la forme de gouvernement temporel, tantôt par les empereurs, tantôt
par les rois des Goths, les exarques des Grecs, et même des consuls,
dominant justement ou injustement, et qui a même été pillée et
saccagée, le siège de Pierre n’a jamais fait défaut, n’a
jamais été renversé, mais est demeuré toujours immobile.
Mais, pour mieux comprendre cet argument, il faut donner
quelques explications. La première. L’Église ne peut,
en aucune façon, exister sans pasteurs et sans évêques, comme l’enseigne
saint Cyprien (épitre 9, livre 4). Il dit que « l’église est
le peuple de Dieu uni à l’évêque; que l’évêque est dans l’église,
et l’église dans l’évêque. » C’est pourquoi, saint Jérôme
(dans son livre contre les lucifériens) écrit : « Il n’existe pas
d’église qui n’ait pas de prêtres. » Ce que l’on prouve
par un texte de saint Paul (Ephèsiens 4) : « Et lui-même
a donné des apôtres, des prophètes, des pasteurs, des docteurs,
pour le perfectionnement des saints, dans l’édification du corps
du Christ, jusqu’ à ce que etc. » L’apôtre enseigne là qu’il
y a aura des pasteurs dans l’église, jusqu’au jour du jugement.
C’est alors que nous accourrons au Seigneur dans l’unité de la foi,
en un homme parfait, selon la mesure de l’âge de la plénitude du Christ.
Que les évêques soient les pasteurs de ce troupeau, c’est ce
que le même apôtre enseigne (actes 20) : « Veillez attentivement
à tout le troupeau où le Saint-Esprit vous a placés comme évêques
devant régir l’église de Dieu. » Mais même un Luther ne nie
pas cela. Dans son livre sur l’église et les conciles, il
place parmi les notes de l’Église le fait d’avoir de vrais pasteurs.
Il s’ensuit donc nécessairement que n’est pas la vraie église celle
qui n’a pas de vrais pasteurs.
La deuxième explication. Ceux-là seuls
sont de vrais évêques, et sont regardés comme tels, qui peuvent montrer
qu’ils descendent des apôtres par une légitime succession et ordination.
Tous les autres sont des voleurs et des larrons, qui ne sont pas entrés
par la porte, mais par la fenêtre. Car, il est appert que le Christ,
qui a institué l’église du nouveau testament, n’a appelé au
sacerdoce et à l’épiscopat que douze apôtres, et leur a communiqué
un pouvoir semblable d’en ordonner d’autres. C’est ce que montrent
non seulement les historiens anciens, comme Eusèbe, mais les centuries
elles-mêmes des magdebourgeois. Et Paul, qui, en dehors l’ordre
établi par le Christ dans son église, a été fait apôtre par
le Christ lui-même, après son ascension, n’aurait pas été reconnu
par l’Église s’il n’avait pas été baptisé par elle, et
n’avait pas accepté les décisions du concile des apôtres; et
s’il n’avait pas été ordonné par eux, comme nous le montrent
les actes des apôtres (9 et 13) et Galates 1. Comme
dans le peuple de l’ancien testament, qui se propageait par la génération
charnelle, nul n’était du peuple de Dieu sans descendre d’un
des douze fils de Jacob, et nul n’était prêtre sans descendre de Lévi
par Aaron, (et c’est pour cela qu’on conservait soigneusement les généalogies),
de la même façon, dans le peuple du nouveau testament, qui se multiplie
par la génération spirituelle, nul n’est chrétien sans avoir
été converti par les apôtres, ou leurs successeurs, ou leurs légats;
et nul n’est évêque sans succession légitime. Voilà pourquoi
les historiens annotent si scrupuleusement les successions d’évêques.
La troisième explication. Deux choses sont
requises pour qu’on dise d’un évêque qu’il descend légitimement
des apôtres, et qu’il est donc un évêque légitime. La première
est la succession, et l’autre l’ordination. Quant à la succession,
il est nécessaire que quelqu’un qui veut être un vrai évêque, succède
à un apôtre, comme saint Clément a succédé à saint Pierre, et comme
saint Polycarpe a succédé à Jean, ou à quelqu’un que saint
Jean avait fait évêque. Comme saint Ignace a succédé à Évodius,
et Anien à Marc, que Pierre avait faits évêques. Et
s’il s’agit d’un nouvel épiscopat, il suffit que le
nouvel évêque soit ordonné par celui qui a l’autorité apostolique,
l’évêque de Rome. Car, comme saint Augustin le dit dans l’épitre
162, « dans l’église romaine, la principauté de la chaire apostolique
a toujours été en vigueur. » La raison en est que l’institution
de nouveaux épiscopats ne peut pas appartenir à quelqu’un
qui régit une région particulière et limitée, comme les évêques diocésains,
mais à celui qui préside à toute l’église, et à qui incombe, en
propre, le devoir de la propagation de la foi, comme l’ont été
les apôtres. Car Pierre l’a, d’office, et les autres,
par délégation. Et quiconque entre autrement n’est pas de l’église
apostolique, puisqu’il ne peut montrer qu’il origine des apôtres.
Mais nous ne nions pas que les patriarches et les métropolitains puissent
parfois ériger de nouveaux épiscopats, comme l’a fait saint Athanase
en Orient, et saint Boniface en Allemagne, car ils avaient l’autorisation
du siège apostolique.
Quant à l’ordination, il est requis que le candidat
à l’épiscopat soit sacré par trois évêques, qui ont été
eux-mêmes ordonnés par ceux qui ont été ordonnés par les apôtres.
C’est ce que nous voyons clairement exprimé dans le canon 1 des apôtres,
où il est prescrit que l’ordination d’un évêque doit se faire par
deux ou trois évêques, c’es-à-dire par deux évêques assistant le
métropolitain, ou par plusieurs. De même, Anaclet (dans
la lettre 2) enseigne que Jacques a été ordonné évêque
de Jérusalem par Pierre, Jacques et Jean, et que c’est de cette façon,
par au moins trois évêques, qu’un nouvel évêque doit être sacré.
On trouve la même chose dans le concile de Nicée 1, chapitre 4,
et dans celui de Carthage 4, chapitre 2. L’apôtre lui-même
en parle (1 Timothée 4) : « Ne néglige pas la grâce qui est en toi,
qui t’a été donnée par l’imposition des mains du presbytérium.
» Par presbytérium, il entend l’assemblée des évêques,
qui, avec l’ordonnant, imposaient les mains sur la tête de l’ordonné,
comme l’exposent saint Jean Chrysostome, Theophylactus, et Oeconomius.
Il n’est pas étonnant qu’on appelle presbytérium l’assemblée des
évêques, car le mot presbyte était alors un nom commun aux évêques
et aux prêtres, comme on le voit dans l’épitre de saint Irénée à
Victor, (que l’on trouve dans l’histoire d’Eusèbe, livre 5, chapitre
24). Dans cette lettre, saint Irénée appelle presbytes les pontifes
romains Victor, Anicet, Pie, Telephorus, et Xystus. Il
ne peut donc pas y avoir de doute qu’on requière ordinairement trois
évêques pour l’ordination d’un nouvel évêque, sauf le cas d’une
dispense, quand, par exemple, l’évêque consécrateur est accompagné
de deux abbés qui tiennent la place d’évêques, ce qui arrive quand
on a de la difficulté à trouver des évêques.
La quatrième explication. Les hérétiques
anciens avaient coutume d’imiter, la plupart du temps, l’église dans
l’ordination des évêques, comme nous le montrent saint Cyprien (livre
1, épitre 3) et saint Augustin (épitre 165). Voilà pourquoi
les saints pères ne leur ont reproché que le défaut de succession, et
c’est par ce défaut seul qu’ils ont prouvé qu’ils n’étaient
pas de vrais évêques, qu’ils n’appartenaient donc pas à l’église
apostolique, puisqu’ils ne tiraient pas leur origine de la succession
des apôtres. Les hérétiques de notre époque n’ont ni
l’une ni l’autre, c’est-à-dire ni l’ordination, ni la succession;
et c’est avec beaucoup plus d’insolence que les hérétiques anciens
qu’ils usurpent le nom et la charge d’évêques. Nous tirons
de cela l’argument irréfutable, que voici. L’Église
ne peut exister sans évêques, comme nous l’avons prouvé. Or, chez
les luthériens, il n’y a ni évêque, ni succession apostolique,
ni ordination. Il n’y a donc pas chez eux, d’église. Et
ni Luther, qui est considéré comme évêque de Wittemberg, ni Zwingli,
qui est considéré comme l’évêque de Tigurinus, ni Oecolompadius,
qui sur l’épitaphe de son tombeau est appelé évêque de Bâle,
ni Calvin, qu’on appelle l’évêque de Genève, ni aucun des
autres n’ont été ordonnés par trois évêques, ni même pas
un seul, par dispense, en présence de deux abbés. Cela est
très connu, et eux-mêmes ne le nient pas. Donc, au moins
pour les pères de Nicée et de Carthage, qui ont statué qu’un
évêque doit être ordonné par trois évêques, ceux-là
ne sont pas évêques. Et leur va comme un gant ce que Cyprien
a écrit de la simplicité de certains prélats : « Voici ceux qui
s’entendent avec des téméraires, s’avancent sans disposition
divine, qui se constituent préposés sans la loi de l’ordination,
qui, sans avoir reçu l’épiscopat d’aucun évêque, s’arrogent le
nom d’évêques. »
Brentius répond : « Nous avons été, nous, légitimement
appelés par le peuple et la magistrature, c’est par eux que nous avons
reçu l’épiscopat. Nous ne nous sommes pas intronisés nous-mêmes.
» Voici ce qu’on peut rétorquer à cela.
Nous ne discutons pas de l’élection d’un évêque, que nous
savons avoir été faite, par le passé, de différentes façons.
Il est avéré, en effet, que les apôtres et les anciens pontifes romains
ont envoyé des évêques à des peuples sans avoir sollicité, au préalable,
en aucune manière, leur consentement. Il est avéré aussi
que le peuple, avec le clergé, a élu un évêque, et parfois seulement
le clergé. Or, quel qu’ait été le mode l’élection,
l’ordination a toujours été nécessaire, que non le peuple mais
les évêques, au nombre de trois, conféraient. Cela personne
ne l’ignore, sauf ceux qui ne lisent pas. Que Luther dise donc
par quels évêques il a été ordonné évêque de Wittemberg. Que
les autres disent aussi par quels évêques ils ont été ordonnés.
Ils ne le diront pas, parce qu’ils ne peuvent pas le dire.
De plus, qu’ils n’aient pas succédé aux anciens
évêques dans l’épiscopat, cela est tout à fait certain, parce que
dans toutes les villes où ils se sont faits évêques, il y avait alors
et il y a encore, presque partout, des évêques catholiques, qui
avaient succédé légitimement à leurs prédécesseurs. Or, on ne succède
qu’à un évêque défunt ou déposé. Et aussi parce qu’ils
prétendent avoir été les premiers évêques de ces villes.
Certes, à Bâle, est encore debout l’épitaphe du tombeau d’Oecolampadius
où il est écrit, comme je l’ai noté un peu avant, car je l’ai lu
moi-moi-même, et non sans rire : « Oecolampadius premier évêque de
cette ville ! » On peut donc dire d’eux ce que saint Cyprien a dit à
Magnus (livre 1, épitre 6) : « Novatien n’est pas dans l’église,
ni ne peut être compté parmi les évêques, lui qui, après avoir
méprisé la tradition apostolique, a été ordonné par lui-même,
» Et plus bas : « Comment peut-il être considéré comme un pasteur
celui qui, pendant que demeure encore le vrai pasteur dans l’église
de Dieu, se fait président par une ordination factice, ne
succède à personne, commence par lui-même, et devient
étranger et profane ? » Ces textes sont similaires aux citations
que nous avons faites d’Irénée, de Tertullien, d’Épiphane,
d’Optatus et de saint Augustin, au sujet de la succession légitime.
Mais ils nous objectent d’abord que, ayant abandonné
la vraie foi, les évêques papistes ne sont plus de vrais évêques;
que les pieux ministres sont donc en droit de prendre leurs places.
Je réponds à l’objection de Brentius (en admettant qu’il y
ait un doute sur où est la vraie foi, ce qui est, toutefois,
pour nous quelque chose de très certain), que les évêques catholiques
qui, pendant tant de siècles, possédèrent leurs sièges en paix,
ne peuvent en être dépossédés sans qu’ils aient été légitimement
jugés et condamnés. Car, dans toute controverse, la position du
possédant est la meilleure. Or, il s’avère que les
évêques catholiques n’ont été condamnés par aucun tribunal
légitime. Car, qui donc les a condamnés à part Luther ?
Or, ils sont, eux, des accusateurs, non des juges. Car qui les a
constitués nos juges? De plus, même si les nôtres étaient
déjà condamnés, ils ne leur succèdent pas dans la continuité,
puisque personne ne les a institués évêques, personne, dis-je,
qui ait eu l’autorité de le faire. Ils ne sont pas de vrais évêques
puisqu’ils n’ont été ordonnés par personne qui ait le pouvoir de
les ordonner, comme nous l’avons montré plus haut.
Brentius nous faut une seconde objection au même endroit,
c’est-à-dire dans le prolégomène contre Pierre a Soto.
Caïphe a succédé légitimement aux anciens pontifes, et a pu nommer
ses ancêtres jusqu’à Aaron. Cependant, les apôtres ne demandèrent
pas d’être ordonnés par Caïphe, mais malgré Caïphe et tous
les autres pontifes qui l’avaient précédé légitimement, ils ont été
faits évêques et pontifes sans succession. Puisque les évêques
ordinaires d’aujourd’hui imitent Caïphe, il est permis de devenir
évêque sans leur ordination et leur succession. Je réponds que
le sacerdoce d’Aaron fut temporaire, et qu’il n’a duré que
jusqu’au début du nouveau testament. Car, alors a débuté le
sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech institué par le Christ, dont
les prémices sacerdotales furent les apôtres. Ils n’avaient pas
à succéder à Caïphe, mais à être le principe d’un nouveau sacerdoce,
comme on le voit dans le psaume 109 « Tu es prêtre pour l’éternité,
selon l’ordre de Melchisédech », et dans le chapitre 7 de l’épitre
aux Hébreux. Comme d’Aaron jusqu’au Christ ne furent de vrais
prêtres que ceux qui succédèrent à Aaron, de la même façon,
des apôtres jusqu’à la fin du monde, ne seront de vrais prêtres que
ceux qui succéderont aux apôtres. Il est vrai, cependant,
que le sacerdoce d’Aaron a été vénéré et honoré jusqu’à sa sépulture.
Les apôtres eux-mêmes le respectaient, (comme on le voit dans le livre
1 de Cyprien , épitre à Corneille, et dans le livre 4, épitre 9 à Florence
Pupianus) où il cite ce texte des actes des apôtres 23 : « Je ne savais
pas, frères, qu’il était le prince des prêtres. »
Troisièmement, Calvin (au livre 4, chapitre 2,
versets 2 et 3 des institutions) fait l’objection suivante : « Pourquoi
n’énumérons-nous pas les évêques d’Afrique, d’Égypte,
et de toute l’Asie, selon l’ordre de succession ? » Et il répond
avec insolence : « Parce que cette sacrosainte succession a péri »
Je réponds à Calvin en lui posant la question suivante :
du fait que la succession a péri dans ces villes, entend-il conclure
qu’il n’y a plus d’église, ou qu’il y a quand encore une église.
Car, s’il n’y a pas d’églises dans ces villes, parce qu’il n’y
a plus de succession, il reconnait donc qu’il y a une église quand
il y a une succession. S’il y a une église, ceux qui appartiennent
à cette vraie église ne peuvent, il est vrai, montrer la succession
de leurs évêques particuliers, mais ils peuvent montrer la succession
continue des évêques universels qui sont les évêques romains,
à qui ils se déclarent soumis. Voilà la raison pour laquelle les
anciens écrivains se sont souciés surtout de la succession des
évêques de Rome plutôt que de celle des leurs. Saint Irénée
était évêque de Lyon, dans les Gaules, Optatus et Augustin étaient
des évêques d’Afrique, Épiphane de Salamine, en Chypre,
Eusèbe de Césarée en Palestine, et pourtant aucun d’entre eux
n’a pensé à donner la liste de tous leurs évêques successifs, mais
seulement celle des évêques de l’église de Rome. Car il leur
semblait démontrer suffisamment la continuité apostolique
par la succession dans l’église principale, dont ils se réjouissaient
d’être membres.
Quatrièmement. Calvin a encore quelque chose à
nous opposer. L’église grecque a conservé la succession
ininterrompue des évêques, et pourtant, selon nous, elle n’est pas
la vraie église. La succession n’est donc pas une note de la vraie
église. Je réponds d’abord qu’on ne peut pas démontrer
que la succession de leurs évêques n’ait pas été interrompue.
Et Calvin lui-même reconnait qu’en Asie et en Égypte, à Jérusalem,
à Alexandrie et à Antioche, la succession apostolique a été, de fait,
interrompue. De toutes les églises patriarcales, il ne reste
plus que celle de Constantinople qui semble ne jamais avoir été privée
de son patriarche à elle. Or, l’église de Constantinople n’est
pas apostolique, et n’a pas, non plus, d’origine apostolique. Même
si le patriarche Nicéphore, dans sa chronologie, essaie de faire remonter
à saint André la succession des évêques de Constantinople, cette origine
apostolique n’a été rapportée par aucun ancien, et jamais par les
pères de l’église byzantine n’ont donné à l’église de Constantinople
le titre d’apostolique. Au contraire, les pères du premier concile
de Constantinople reconnaissent ouvertement, dans l’épitre au pape Damase,
que l’église de Constantinople « est une nouvelle église »
Elle a, il est vrai, une succession ininterrompue de Constantin à aujourd’hui,
mais non depuis les temps apostoliques. Et c’est ce que nous
recherchons principalement.
Je dis, en second lieu, que l’argument tiré de la
succession ininterrompue nous sert surtout pour démontrer qu’il n’y
a pas d’église là où il n’y a pas de succession. Ce qui est l’évidence
même. Mais on ne va pas jusqu’à lui faire dire que là
où il y a succession, il y a nécessairement une vraie église.
Et c’est par cet argument que nous prouvons qu’il n’y a pas d’église
chez les luthériens. Que chez les Grecs il n’y a pas d’église,
nous le prouvons d’une autre façon. Car, ils ont été légitimement
condamnés de schisme et d’hérésie par trois conciles pléniers, ceux
du Latran, de Lyon, et de Florence. Et surtout de l’hérésie de
la procession du saint Esprit du seul Père, ce qui est une hérésie manifeste,
comme les luthériens et les calvinistes le reconnaissent. Ajoutons
ensuite que toutes ces églises patriarcales ont eu, pendant de longues
époques, des évêques manifestement hérétiques, et que, en conséquence,
la succession a de bonnes chances d’avoir été interrompue.
Cinquièmement. Calvin revient à la charge. Les anciens pères qui
démontraient l’église par la succession des évêques de Rome, le faisaient
parce que, à cette époque, la foi n’avait pas connu de mutation
à Rome. Mais, aujourd’hui, c’est le contraire que l’on constate.
Je réponds ceci à Calvin. Pense-t-il que, à
cette époque, les catholiques seuls ou bien les catholiques et les
hérétiques ensemble se rendaient compte que la foi n’avait jamais changé
à Rome. S’il dit que seuls les catholiques le notaient,
il parle pour ne rien dire, car, aujourd’hui aussi, les catholiques
considèrent que l’église de Rome n’a jamais changé. S’il dit que
les hérétiques s’en rendaient compte autant que les catholiques,
il ment ouvertement, car il n’y aurait jamais eu d’hérétiques
s’ils avaient été persuadés que la vraie foi était toujours à Rome.
De plus, les donatistes combattaient l’église romaine, comme le font
aujourd’hui les luthériens et les calvinistes. Optatus (live
1 contre Parménien) écrit : « D’où vient que vous, les donatistes,
vous cherchiez à usurper les clefs du royaume, vous qui, avec votre
présomption et votre audace sacrilège, militez contre la chaire
de Pierre. » Et saint Augustin (livre 2 contre Petil, chapitre 51)
: « Que t’a donc fait la chaire de l’église romaine, dans laquelle
a siégé Pierre, et dans laquelle siège maintenant Anastase
? Pourquoi appelles-tu la chaire apostolique une chaire de pestilence
? » Or, c’est avec cette succession que saint
Augustin et Optatus argumentèrent contre les donatistes, comme nous
l’avons déjà dit.
CHAPITRE 9
La sixième note
La sixième note est l’enseignement de la même doctrine
que celle de l’église antique. Car, la vraie église est dite
apostolique, au témoignage de Tertullien (dans son livre de la prescription),
non seulement à cause de la succession ininterrompue des évêques depuis
les apôtres, mais à cause de la ‘consanguinité’ de la doctrine,
pour employer son expression. Parce qu’elle conserve la même doctrine
que celle que les apôtres ont enseignée. Il est certain que, pendant
les cinq premiers siècles, l’église antique a été la vraie
église, et qu’elle a donc retenu la doctrine des apôtres.
2018 02 25 20h52 fin
2018 03 03 22h24
Sozomène loue l’empereur Théodose (livre 7,
chapitre 12 de son histoire) pour la façon astucieuse avec laquelle il
a confondu les hérétiques de son temps. Il a ordonné aux chefs
des sectes de se réunir, et il leur demanda s’ils estimaient que les
anciens pères qui ont dirigé l’église avant la séparation avaient
la vraie foi, et étaient de vrais saints et de vrais apôtres ceux qui
les avaient suivis. Et, sur leur réponse positive, il ajouta
: « Examinons donc votre doctrine d’après leurs écrits, et si
elle concorde avec la leur, on la retiendra; quand elle diffèrera, on
la rejettera. »
Nous pouvons de deux façons prouver, avec cette note,
que c’est notre église qui est la vraie, et non celle des adversaires.
La première, en présentant les sentences des anciens avec lesquelles
nous confirmerons chacun de nos dogmes, et réfuterons nos adversaires.
L’autre est plus courte et plus sure. En montrant, par la confession
de nos adversaires, que nos dogmes sont la doctrine des anciens.
Et ensuite, que les dogmes de nos adversaires sont des hérésies connues
et condamnées par les anciens.
Commençons donc. Quand Calvin nous combat
dans son livre, il admet souvent qu’il rejette toute l’antiquité.
D’où il suit que notre doctrine concorde avec celle de l’antiquité.
Voici ce qu’il dit (livre2, chapitre 2, verset 4) : « Chez les latins,
le mot libre arbitre a tout jours existé; les Grecs ont un mot encore
plus prétentieux. » Et plus bas : « Quant à moi, je ne
voudrais jamais faire mien un mot semblable, et je conseillerais aux autres,
s’ils me demandent mon avis, de s’en abstenir. » C’est ce
que tous les anciens disent, à l’exception de saint Augustin.
Il a soit exalté les forces humaines et le libre arbitre, quand il écrivit
contre les manichéens, ou exalté la grâce, quand il
écrivit contre les pélagiens, de telle sorte qu’on ne peut rien
tirer de certain de ses livres. Voilà pourquoi Calvin professe
ne suivre aucun ancien, sauf saint Augustin. Car (livre 2, chapitre
3, verset 7), il réprouve la sentence de saint Augustin (tirée de l’épitre
106), selon laquelle on coopère à la grâce par notre volonté, non en
la prévenant, mais en l’accompagnant. Car il n’admet pas la
coopération sous forme d’accompagnement : il remet tout à la grâce.
Et (au livre 3, chapitre 11, verset 15) : « On ne peut pas accepter en
tout la doctrine de saint Augustin, qui réfère la sanctification à la
grâce, car c’est par l’Esprit que nous sommes régénérés à une
vie nouvelle. » De même, dans l’article sur la grâce et
le libre arbitre, il admet que toute l’antiquité lui répugne.
Et (au livre 2, chapitre 14, verset 3) : « On ne peut pas excuser l’erreur
des anciens, qui, ne considérant pas la personne du Médiateur,
font fi de toute la doctrine que nous lisons dans l’évangile de saint
Jean, et s’impliquent eux-mêmes par de longs discours. » Calvin
enseigne, en cet endroit, que le Fils de Dieu est sujet au Père même
selon la divinité. Parce que tous les anciens enseignent le contraire,
il dit qu’ils ont erré, et que leur erreur est inexcusable.
Il dit la même chose (livre 2, chapitre 16, verset 9)
: « La fable du lieu sous terrain qu’on appelle limbe, même si elle
est enseignée par de grands auteurs, n’est rien d’autre qu’une fable.
» Ce sont les anciens pères qu’il appelle de grands auteurs; les scolastiques,
il a coutume de les appeler des sophistes. De même (livre 3, chapitre
3, verset 10) : « Quand les lecteurs veulent connaitre l’opinion des
anciens sur un sujet, ils ne le demandent qu’à saint Augustin.
Or, entre lui et nous nous voyons cette différence. Pour lui, la
maladie de la concupiscence ne devient un péché que quand la volonté
cède à la convoitise. Mais nous, nous considérons que la concupiscence
est un péché, parce que de n’importe quel désir désordonné l’homme
tire un plaisir contraire à la loi de Dieu. En somme, cette concupiscence
qui engendre en nous toutes les cupidités, nous affirmons qu’elle est
un péché. » Calvin affirme ici clairement qu’il est contraire
à tous les pères, et même à saint Augustin, sur cette question de la
concupiscence. C’est une question fondamentale, car c’est
de là qu’ils déduisent que nous n’avons pas la justice véritable,
mais seulement l’imputative; qu’il n’y a pas de mérites, et
que toutes les actions sont des péchés.
De même (au livre 3, chapitre 4, verset 38) : « Presque
tous les anciens dont les livres ont survécu, ont parlé de la satisfaction
en termes trop forts ou trop durs. » De même (livre 3, chapitre
5, verset 10) : « Avant le treizième siècle, il était d’usage de
prier pour les défunts. Mais je pense que les anciens écrivains
ont erré. » De même (livre 3, chapitre 15, verset
2) : « Où sont les anciens docteurs qui ont mérité ce nom ? »
Et plus bas : « Il a rendu un mauvais service à la sincérité de la
foi celui qui a inventé ce mot. » De même ( au livre 4,
chapitre 4, verset 10) : « L’antiquité a péché par une sévérité
excessive, en exigeant plus d’un évêque que ce que Paul
exigeait de lui, et surtout le célibat, au cours de siècles. »
De même (livre 4, chapitre 12, verset 8) : « On ne peut excuser en aucune
façon l’austérité excessive des anciens, qui outrepassait le précepte
du Seigneur. Et elle était grandement périlleuse la pénitence
solennelle de trois, quatre ou sept ans ou perpétuelle qu’ils infligeaient
au pécheur. » Notons que la raison pour laquelle Calvin trouve
cela si excessif, c’est qu’il pense qu’un homme est justifié par
la foi de façon telle qu’il ne reste rien à expier.
Si cela était vrai, il aurait raison d’accuser tous les anciens.
Il s’ensuit donc que, selon le jugement de Calvin, la satisfaction qu’il
reste à faire après que la faute a été remise est la doctrine des anciens.
De même (livre 4, chapitre 11, verset 20) : « Je n’ose
pas excuser en tout les anciens, eux qui ont jeté certaines semences de
superstition, et ont fourni une occasion à la tyrannie qui est née après.
Ils ont parfois jugé superstitieuse l’observance quadragésimale,
par laquelle le peuple estime faire une offrande insigne à Dieu, et que
les pasteurs recommandent comme une chose sainte à imiter. » Et
plus bas : « Ce fut donc une pure lubie, pleine de superstition,
qu’ils avaient ordonnée soi disant pour imiter le jeûne du Christ.
» De même (verset 23) : « Que le mariage ait été
interdit aux prêtres, cela a été fait par une impie tyrannie. »
Il inscrit en marge l’époque où le mariage aurait été interdit selon
lui, au temps du pape Syricius dans une lettre aux évêques d’Espagne.
Or, Syricius a vécu au quatrième siècle. Et plus bas, il ajoute
au sujet de cette loi : « Cette chose qui semblait devoir faire respecter
les prêtres, a été reçue avec applaudissements par l’antiquité,
je l’avoue. » De même (livre 4, chapitre 15, verset 20) : «
Je constate que c’est depuis de nombreux siècles, et même depuis le
début de l’église que, en péril de mort, les laïques
baptisent, si aucun prêtre n’est présent. Et je ne vois pas par quelle
raison solide on pourrait le défendre. » De même (livre 4, chapitre
18, verset 21) : « Je ne vois pas comment on peut excuser les anciens
de tout péché, car ils ont imité la coutume judaïque du sacrifice,
plutôt que ce que le Christ avait commandé, ou plus que ce que
la bonne nouvelle de l’évangile ne permettait. » Voilà
pour Calvin.
Les centuriates, dans chacune de leurs centuries, annotent,
à la fin du chapitre 4, presque tous les docteurs du passé qui
ont enseigné les dogmes que nous tenons aujourd’hui, dogmes qu’ils
appellent des taches ou des verrues des saints pères. Et parce qu’il
serait trop long de tout dire, je ne citerai que certaines passages
des 2, 3, 4, ,5 centuries. Dans la seconde centurie, (chapitre 4,
colonne 59) sur le libre arbitre, ils disent que ceci a été admis
par tous les auteurs de ce siècle : « De la même manière, Clément
affirme partout le libre arbitre. Et il semble bien que non
seulement tous les auteurs de son siècle l’ont suivi dans ses ténèbres,
mais que, pendant les siècles qui ont suivi, ces ténèbres ont
augmenté et se sont épaissies. » Il faut noter que les luthériens
ont pour fondement de leur doctrine, un article sur le libre arbitre.
Car, Luther, dans la présentation de l’article 36 dit que cet article
est excellent, et le sommet de toutes choses, comme on peut appeler des
lubies ou des nuages les articles sur le pape ou les conciles. Donc,
dans cette controverse de première importance, les anciens nous sont favorables,
au témoignage même des magdebourgeois. De plus, (colonne 60) :
« La doctrine de la justification a été présentée par ces auteurs
négligemment et obscurément, c’est-à-dire qu’ils n’enseignent
pas que nous sommes justifiés par la seule foi. » Et
(dans la centurie 3, chapitre 4, colonne 83) : « Tu verras dans les écrits
des docteurs de ce siècle des vestiges non obscurs de l’invocation des
saints. » Et la colonne 85 : « Tous les docteurs de ce siècle
ont porté aux nues le martyre, sans aucune retenue. » Car
les luthériens ne veulent pas que le martyre soit une sorte de baptême,
ou qu’on puisse expier quoi que ce soit par le martyre. »
Accédons, maintenant, à une autre partie. Disons
d’abord que, dans l’église ancienne, les erreurs proviennent
des hérésies que l’on trouve dans les catalogues d’Irénée, de Jérôme,
d’Épiphane, de Philastrion, d’Augustin, de Theodoret, de Damascène,
et d’autres docteurs approuvés. Car ces doctes étant aussi des
saints, ils n’auraient jamais osé recenser dans leurs catalogues des
dogmes considérés douteux dans l’église. Et de plus, nous n’avons
jamais vu personne qui conteste la justesse du jugement porté par les
pères sur ces hérétiques. Cela dit, consultons maintenant le catalogue.
Saint Irénée (livre 1, chapitre 20), rapporte que les Eunomiens
enseignaient que les péchés ne pouvaient nuire à personne, pourvu qu’on
ait la foi. Saint Augustin dit la même chose (livre des hérésies,
chapitre 54, et aussi dans le livre de la foi et des œuvres, chapitre
14). Il affirme que cette hérésie de la seule foi qui suffit pour
le salut sans les œuvres, a pris naissance au temps des apôtres,
par une mauvaise compréhension de saint Paul; et que c’est contre cette
hérésie que les apôtres ont lancé leurs attaques dans leurs lettres
: Pierre, Jean, Jacques et Jude. Cette doctrine était celle de tous
les sectaires de cette époque.
Luther, dans le livre de la captivité de Babylone, au
chapitre de l’eucharistie : « L’homme ne peut pas communiquer avec
Dieu, agir, ou croire, par une autre voie. Dieu ne se soucie
pas des œuvres. » Au même endroit : « Le chrétien est tellement
riche qu’il ne peut pas périr même même s’il le voulait, quelle
que mauvaise que soit sa vie, à moins qu’il ne veuille plus croire.
» Même si Brentius, Calvin et d’autres tentent d’adoucir cette sentence
en disant que les bonnes œuvres étaient nécessaires en tant qu’effet
de la foi, ils continuaient à hériter de la même erreur.
Car, même après avoir indiqué cette nécessité, ils n’enseignent
pas moins que les œuvres ne méritent en aucune façon la vie éternelle,
même si Dieu les requiert comme témoignages de foi.
C’est la même hérésie que celle de Simon le magicien, qui disait
que l’homme était sauvé par la grâce, non par les œuvres justes.
De plus, même après avoir enseigné la nécessité des œuvres, tous
les sectaires enseignent la même chose : si après avoir commis
tous les crimes quelqu’un a la foi en acte, aucun péché ne lui est
imputé, ce qui n’est pas différent de ce qu’enseignent Eunome et
Luther. Ajoutons que l’hérésie de Florin enseignait
que Dieu est la cause des péchés. Saint Irénée, d’après Eusèbe,
livre 5, chapitre 20 de son histoire) disait que c’était plus qu’une
hérésie, mais un blasphème. Cette hérésie, Vincent de Lérins
l’attribue à Simon le magicien. C’est ce qu’enseigne Calvin
(livre 1, chapitre 18, verset 2 de ses institutions) sans rougir
: «Ce n’est pas seulement par la permission de Dieu, mais par la volonté
expresse de Dieu que les hommes pèchent, de sorte qu’ils ne font
rien d’autre en délibérant que ce que Dieu avait en lui-même
décrété et constitué par une décision secrète. » Et, (au livre
3, chapitre 23, verset 24), il dit qu’Adam est tombé dans le péché
non seulement de par la prévision ou la permission de Dieu, mais aussi
de par la volonté de Dieu. » Et plus bas (chapitre 24, verset 14
: « Que quelques-uns méprisent la parole de Dieu, cela vient de leur
méchanceté, mais ils sont conduits par Dieu dans cette méchanceté,
pour qu’il montre en eux sa puissance et sa sévérité. »
Luther a enseigné la même chose ouvertement dans son
livre sur le serf arbitre, où il dit que cette volonté qu’eut Judas
de vouloir trahir le Christ fut l’œuvre de Dieu, et qu’il ne
fut au pouvoir ni de Judas ni d’aucune autre créature de changer cette
volonté. Pierre martyr a enseigné la même chose dans son commentaire
(chapitre 2, livre 1, Rois), et Philippe Mélanchton dans son commentaire
de l’épitre aux Romains (chapitre 8) où il dit que la trahison
de Judas fut l’œuvre de Dieu de la même façon que la conversion de
Paul. Ce commentaire plut à Luther au point où il lui sembla
que Philippe venait en deuxième après Paul. Mais pourtant, Phiippe
rétracta plus tard cette erreur dans ses lieux et dans son apologie (art
19 de la confession augustinienne.) Selon l’hérésie d’Origène,
Adam a perdu l’image de Dieu avec laquelle il avait été créé, au
témoignage d’Épiphane (hérésie 64.) Calvin enseigne la même chose
(livre 1, chapitre 1, verset 5 de ses institutions) : « Par le péché
du premier homme a été oblitérée la céleste image. » Une autre
erreur d’Origène fut que l’enfer n’était rien d’autre que l’horreur
de la conscience, au témoignage de saint Jérôme (dans son épitre à
Avitus). Calvin enseigne la même chose (livre 3, dernier chapitre,
dernier verset).
Les hérétiques Péputiens, selon saint Augustin
(livre sur les hérésies, chapitre 27), accordent aux femmes le pouvoir
au point de les honorer elles aussi du sacerdoce. Luther (article
13 des choses que Léon a condamnées) dit que, dans le sacrement de pénitence,
une femme ou un enfant peuvent absoudre aussi bien qu’un évêque ou
un pape. Chez les calvinistes et en Angleterre, une femme est
pontife suprême. L’hérétique Proclus, d’après Épiphane (hérisie
65) enseignait que, dans les renés, le péché vivait encore; que
la concupiscence, qui est un vrai péché, n’était pas enlevée par
le baptême, mais seulement par la foi. Les hérétiques messaliens
enseignèrent la même chose, selon Theodoret (livre 4 sur les fables hérétiques).
C’est exactement ce qu’a enseigné Luther (articles 3 et 31, et dans
les introductions de ses articles). Philippe a enseigné aussi la
même chose (lieux communs, chapitre sur le péché originel), et Calvin
(livre 4, chapitre 15, verset 10 de ses institutions).
La principale erreur des novatiens ne consistait pas dans l’assertion
que l’église ne possédait le pouvoir de réconcilier les hommes à
Dieu que par le baptême, cars ils soutenaient aussi que le baptisé ne
devait pas être oint de chrême par l’évêque. C’est ce que
rapportent Théodoret (livre 3 sur les fables hérétiques) et le pape
Corneille, d’après Eusèbe (livre 6, chapitre 33 de son histoire).
La première partie de cette proposition appartient expressément
aux calvinistes. Car, Calvin (livre 4, chapitre 19, verset
17), enseigne que, après le baptême, le sacrement de pénitence
n’a aucune raison d’être. : « Ce que dit Jérôme, que le baptême
est une seconde arche après le naufrage, est tout à fait impie,
et absolument inexcusable. » L’autre partie appartient aux
luthériens. Car Luther, dans sa captivité de Babylone, ne reconnait
que trois sacrements : le baptême, la pénitence et le pain. Cependant,
plus bas, au chapitre de l’extrême onction, il rejette la pénitence.
La confession augustinienne (article 12) rejette explicitement la
confirmation. Et Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 5, et souvent
ailleurs), dit que notre saint chrême est « une huile du diable
polluée par des mensonges » Voilà pourquoi les calvinistes
oignent leurs jambières avec cette huile, quand ils le peuvent.
Sabellius a enseigné qu’il n’y avait qu’une seule personne dans
la trinité, au témoignage d’Épiphane (hérésie 56). Michel
Servet enseigna la même chose en notre temps (livre 1 de la trinité)
en toute clarté. Et cette proposition trône en reine maintenant
en plusieurs endroits.
La huitième hérésie des manichéens, selon saint Jérôme,
(préface du dialogue contre les pélagiens), consiste en ce que « la
nature des hommes est condamnée, et le livre arbitre enlevé. »
Et saint Augustin (livre sur les hérésies, chapitre 46), écrit : «
Les manichéens n’attribuent pas l’origine des péchés au libre arbitre.
» C’est ce qu’enseignent ouvertement tous les sectaires.
Luther (article 36) enseigne que le libre arbitre n’est quelque
chose que par le seul titre. Dans les explications de cet article
il précise que c’est un titre sans la chose, et que toutes choses adviennent
selon une nécessité absolue. Et voilà pourquoi (dans le
livre qu’il écrit qu’il a écrit contre le libre arbitre pour réfuter
Érasme), il a inventé le mot « serf arbitre ». Calvin (livre
2, chapitres 2, 3, verset 4), enseigne qu’un libre choix n’est permis
à l’homme en aucune chose, au point où il ne peut même pas en tolérer
le mot. Calvin se révèle un plus grand impie que Manès,
parce que c’est à un dieu mauvais que Manès attribuait l’origine
des péchés, alors que c’est au Dieu bon que Calvin l’attribue.
De plus, les manichéens accusèrent souvent les pères
de l’ancien testament comme Abraham, Samson, Rébecca, et d’autres,
comme l’atteste saint Augustin contre Faust (livre 22), et dans ses deux
livres contre les adversaires de la loi et des prophètes). Or, Calvin
a fait la même chose. Car (livre, 3, chapitre, 3, verset 31), il écrit
: « Sara a péché de plusieurs façons, quand elle a proposé sa servante
à son mari. Rébecca par des fraudes et des impostures a corrompu
la vérité de Dieu, quand avec un méchant artifice, elle procura la bénédiction
de son fils, trompa son mari, et força son fils à mentir. »
De même (livre 3, chapitres 5 e 7) : « Ce que Judas Macchabée a fait
ne manque pas de superstition et de zèle fanatique quand il offrit, à
Jérusalem, une oblation pour les morts. » De même, (livre 3, chapitre
20, verset 15) : « Quand Sanson dit : « Fortifie-moi, Seigneur », ce
fut une cupidité vicieuse dominée par la vengeance. » De même (livre
4, chapitre 14, verset 11), où il dit qu’Abraham « a été un idolâtre.
» De même (livre 4, chapitre 15, verset 22), après avoir déclaré
qu’il n’était permis, en aucun cas, à la femme de baptiser, il ajoute
: « On ne doit pas prendre pour exemple la sotte femme Séphora,
qui circoncit elle-même son fils, péchant gravement en cela, de plusieurs
façons. »
Les donatistes ont voulu que l’église ne contienne
que des justes. De quoi ils déduisaient que l’église visible
avait péri sur la surface de la terre, et était demeurée dans la seule
Afrique, comme saint Augustin l’enseigne (au livre de l’unité de l’église,
chapitre 12. Les mêmes trucidaient cruellement les chrétiens.
Ils haïssaient surtout les moines et les évêques, qu’ils appelaient
pharisiens, et plus que tout l’évêque de Rome, dont ils appelaient
le siège une chaire de pestilence. Ils brisaient les autels, pillait
les églises, vendaient les vases sacrés, donnaient les saintes hosties
aux chiens, jetaient à la poubelle le saint chrême, comme nous le raconte
saint Augustin (livre 2 contre Petilianus, chapitres 51 et 61, livre 3,
chapitre 40, épitre 163, et ailleurs.). Optatus rapporte la même
chose (livres 2 et 6 contre Parménien). Il est certain que la doctrine
et la vie des calvinistes sont tout à fait les mêmes. Car, Calvin
enseigne que l’église ne contient que des bons (livre 4, chapitres 1,
verset 7). Il enseigne la même chose à l’article 7 de la confession
augustinienne. Il écrit que l’église visible a péri depuis plusieurs
siècles, et que maintenant, elle existe seulement dans les pays
septentrionaux où ils sont eux-mêmes. Tous enseignent cela, surtout
Calvin (livre 4, chapitre 2, verset 2). De plus aucun
des blasphèmes, aucune des cruautés, aucun des sacrilèges qu’ont commis
en paroles ou en actes les donatistes sur les sacrements et les autels,
n’a été omis par les calvinistes. Mais qu’ils en firent
encore plus et de pires, l’histoire de Surius nous le montre,
le livre récemment apparu intitulé : des fureurs gauloises, et d’autres
autorités dignes de foi.
Les Ariens enseignaient que le Fils de Dieu est inférieur
au Père, selon Épiphane (hérésie 69). De plus, les mêmes ariens
ne recevaient aucunement les traditions non écrites, comme l’enseigne
l’évêque des ariens Maximin, d’après saint Augustin (livre 1, chapitre
2 et dernier contre Maximin. » Cette hérésie plusieurs l’ont
imitée par la suite, comme Nestor, Dioscore, Eutychès, comme on le voit
dans le septième concile œcuménique à l’acte 1. De plus, ces
mêmes ariens commirent de plus grands sacrilèges que les donatistes
dans les sacrements, les autels, les prêtres, les moines, les religieuses,
comme nous le révèlent l’apologie d’Athanase sur sa fuite, Ruffin
(livre 2, chapitre 3 de son histoire), Theodoret (livre 4, chapitres 19
et 20 de son histoire,) Victor Uticensus (livres 2 et 3 de la persécution
des vandales. »
Enseignent l’hérésie arienne plusieurs auteurs
de notre temps qui se disent trithéites, comme on peut l’apprendre des
Prophètes de Valentin Gentilis. Même si Luther, Philippe, Calvin
et les autres tiennent Arien pour un hérétique, on ne peut nier que dans
leurs écrits se trouvent les semences de cette hérésie, d’où ont
pu sortir plus tard de nouveaux ariens qu’ils combattent, comme nous
l’avons montré dans les livres sur le Christ. De plus les
hérétiques de notre temps enseignent tous l’autre erreur.
Car, tous les sectaires de notre temps rejettent la tradition, comme nous
le montrent Brentiius dans les prolégomènes, Calvin (livre 4, chapitre
8, verset 8 des institutions). De plus, les crimes sacrilèges commis
par les donatistes sont absolument semblables à ceux commis par les calvinistes.
Les hérétiques ariens, au témoignage d’Épiphane, (hérésie 77) et
d’Augustin (livre sur les hérésies, chapitre 33) enseignèrent
trois erreurs : « Il ne faut ni prier ni offrir d’oblations pour les
morts. Il ne faut pas observer les jeûnes institués solennellement,
mais que chacun jeûne quand il le voudra, pour ne pas paraitre être sous
la loi. » De plus on ne doit faire aucune différence entre les
évêques et les prêtres. Épiphane ajoute qu’ils ont plutôt
l’habitude, eux, le vendredi, pendant le carême, et surtout pendant
la semaine sainte, de manger gras; et que quand ils veulent jeûner, ils
préfèrent le faire le dimanche plutôt qu’à tout autre jour.
Les calvinistes et les luthériens enseignent et font
la même chose. Calvin, (livre 3, chapitre 5, versets 6 et
7, et dans les suivants) disserte doctoralement contre la prière pour
les morts. Le même (livre 4, chapitres 12 et 20), argumente
contre le jeune quadragésimal, et l’appelle surérogatoire. Ensuite
(livre 4, chapitre 3, verset 8), il dit : « Les évêques, les presbytes,
les pasteurs, et les ministres ont la même fonction et la même province.
» Les centuriates (centurie 4, chapitre 5, colonne 401), quand
ils énumèrent les erreurs des autres hérétiques, ont coutume
d’omettre ceux qu’ils reconnaissent pour leurs. Quand ils en
vinrent à Aetius et qu’ils s’aperçurent que ces trois erreurs seulement
avaient été attribuées en propre à Aetius par Épiphane et saint Augustin,
ils n’ont pas pu les omettre. Ils les présentèrent donc,
mais peu après, ils ajoutèrent que ces propositions n’étaient pas
des erreurs, mais tout le contraire. Ils avouent donc qu’ils ont
en commun ces trois sentences avec Aetius, même s’ils ne nient pas qu’elles
aient été condamnées comme hérétiques par l’église antique.
Jovinianus soutenait que l’homme ne pouvait pas pécher après le baptême,
s’il avait été vraiment baptisé, c’est-à-dire s’il avait vraiment
reçu la foi et la grâce de Dieu. Ensuite, que l’abstinence
et le jeune n’étaient pas méritoires; que le mariage égalait, en dignité
et en mérite, la virginité consacrée. Voilà pourquoi quelques-unes
de leurs nones se marièrent après les avoir entendus exalter le mariage.
De même, ils disent que toutes les récompenses des bienheureux sont égales.
Enfin, ils enseignaient qu’en enfantant, la sainte Vierge avait perdu
sa virginité, selon saint Jérôme (livres 1 et 2 contre Jovinianus) et
saint Augustin (livre des hérésies, chapitre 81).
La première de ces erreurs est celle de Calvin qui (livre
2, chapitre, versets 11 et 12). Il dit là que la vraie foi qui,
une fois obtenue, ne peut pas, selon son opinion, être séparée
de la grâce, ne peut jamais être perdue. La deuxième est aussi
celle de Calvin (livre 4, chapitre 12, verset 19). Il réprouve
tous les anciens qui ont loué le jeune comme quelque chose de méritoire.
On trouve cette même erreur de Jovinien dans la confession augustinienne(
à l’article 24, et dans les lieux de Philippe, au chapitre de la mortification.)
La troisième erreur est celle de Martin Luther dans l’épithalame, où,
expliquant le chapitre 7 de la première épitre aux Corinthiens,
il fait quatre comparaisons. La première : la chasteté et le mariage,
en eux-mêmes. Il avoue que la chasteté est un don plus noble.
La deuxième : la chasteté et le mariage devant Dieu. Et il déclare
qu’ils sont égaux. La troisième. Une femme mariée et une
vierge, et il dit : « Il faut admettre que, devant Dieu, une femme mariée
l’emporte sur une vierge. » La quatrième. L’état des époux et celui
des religieux, et le célibat prétendu des ecclésiastiques.
Il déclare que l’état des époux est, de par sa nature, spirituel,
divin, céleste, et comparable à de l’or; que celui des célibataires
est séculier, terrestre, et comparable à de la boue. La confession
augustinienne dit des choses semblables (à l’article 23), ainsi que
Calvin (livre 4, chapitre 13, verset 3). Au sujet de ces erreurs,
les centuriates (centurie 4, chapitre 5, colonne 381) reconnaissent qu’elles
ont été condamnées par saint Jérôme et saint Augustin, et qu’ils
seraient hérétiques s’ils pensaient le contraire.
La quatrième erreur est celle de Bucer et de Molina.
Ce Bucer (dans la troisième partie de l’union évangélique) affirme
que Jésus naissant avait ouvert la vulve de la bienheureuse Marie.
La cinquième est celle de Luther (dans le sermon de la naissance de la
bienheureuse Vierge Marie, et dans le commentaire de la première épitre
de Pierre). Il enseigne que tous les chrétiens sont tous également
saints et justes, comme l’est la mère de Dieu. Il s’ensuit donc
que tous sont également heureux. Vigilantius a enseigné lui aussi
beaucoup de choses. Les prières que les saints font pour les autres
ne sont pas exaucées : c’est en vain qu’on les prie. Les ecclésiastiques
devraient être mariés. Il ne convient pas de tout quitter pour
le donner aux pauvres, ou d’entrer en religion après avoir quitté le
siècle. C’est ce qu’attribue à Vigilance saint Jérôme.
Les sectaires de nos jours enseignent la même chose.
Dans son sermon sur la sainte croix, Luther dit que les reliques des saints
sont pour les fidèles une séduction; on devrait donc les enfoncer
en entier sous terre Dans la livre de l’abrogation de la
messe, il affirme, dans la troisième partie, que Dieu ne se soucie pas
plus du saint sépulcre du Seigneur que de bœufs, dont saint Paul a dit
: « Dieu se soucie-t-il des bœufs ? » Le même Luther dit
aux Uvaldenses que l’invocation des saints est sotte et pernicieuse.
Il dit aussi dans l’épithalame, que le mariage est un précepte
pour tous, de droit divin, et pour les moines qui sentent qu’ils n’ont
pas le don de la continence. Ce qu’il appelle don de la continence
ce n’est pas la grâce par laquelle nous résistons aux tentations charnelles,
mais par laquelle nous ne sommes pas tentés, don que personne ne possède.
De même, dans son livre sur les vœux monastiques, il détourne
explicitement de la religion, et ne permet de demeurer dans les monastères
qu’aux femmes de soixante ans, et aux hommes de quatre-vingt ou de quatre-vingt-dix
ans. La confession augustinienne prescrit la même chose contre l’invocation
des saints (article 21), contre la continence des clercs et des moines
(article 23).
De la même manière, Calvin parle contre l’invocation
des saints. (livre 3, chapitre 20, verset 21) Il dit aussi que les
papistes, dans leurs litanies, dans leurs hymnes et leurs prières,-- dans
lesquelles il n’est rien qu’ils n’attribuent aux saints morts--,
ne font même pas mention du Christ, ce qui est un mensonge éhonté.
Il écrit aussi contre la visite aux reliques des martyrs (livre 4, chapitre
13, verset sept.) Et, dans le livre qu’il a intitulé : « Avertissements
au sujet des reliques ». Et, en fait, les calvinistes ont
brulé et consumé les corps de saint Irénée, de saint Martin, de saint
Hilaire, de saint Bonaventure etc. Il dispute contre le célibat
des clercs et les vœux des religieux (livre 4, chapitres 12, et 13, et
dans tous les chapitres). De plus, les centuriates ne voulurent pas
compter Vigilantium parmi les hérétiques, même s’ils écrivirent sur
lui (centurie 4, chapitre 8, colonne 602). Ils racontent là qu’il
y eut un différend entre deux saints presbytres, Vigilance et Jérôme
au sujet des reliques, et l’invocation des saints etc ; que
Jérôme ne faisait que crier, mais que Vigilance avançait de solides
raisons. Au même endroit, ils ont le front d’attribuer à saint
Grégoire une censure d’Érasme sur le livre de saint Jérôme contre
Vigilance, comme si le saint pape avait désiré un plus de modestie chez
Jérôme. Mais, de cela, ailleurs.
Les pélagiens enseignaient, parmi d’autres, deux choses
en particulier. La première. Il n’y a pas de péché originel,
surtout dans les fils des fidèles, comme le rapporte saint Augustin
dans son livre contre Julien (chapitres 2 et 3, et dans le livre 4 à Boniface,
chapitres 2 et 4). La deuxième. Par n’importe lequel péché,
même le plus léger, on perd la justice; et tout péché est donc un péché
mortel. C’est ce que rapporte saint Jérôme (livre 2, contre les pélagiens).
La première de ces deux hérésies est enseignée clairement par Zwingli
(dans son livre sur le baptême), par Martin Buccerus (chapitre 3
de saint Matthieu), et par Calvin (4, chapitre 15, verset 20 de ses institutions).
À la différence que Zwingli nie le péché originel dans tout homme,
et veut seulement que, par Adam, des misères aient été contractées.
Buccerus et Calvin ne nient le péché originel que dans les fils des fidèles,
qu’ils déclarent saints à leur naissance. Il dit aussi qu’ils se
sauvent sans le baptême. La deuxième erreur tous les sectaires
l’enseignent. Luther (assertions, article 32), Philippe (dans les
lieux, au chapitre de la différence entre le péché mortel et le péché
véniel), Calvin (livre 2, chapitre 8, verset 58; livre 3, chapitre 4,
verset 28.) Tous les autres veulent que le péché soit mortel par
sa nature.
Les nestoriens ont enseigné que dans le Christ, il y
a deux personnes et deux natures, selon Theodoret (livre 4, des fables
hérétiques), ce qui a été condamné par tous les auteurs, au témoignage
de Vincent de Lérins. Or, c’est ce que pensent Luther, Calvin
et les autres. À notre époque, Théodore de Bèze enseigne, soit
par ignorance, soit par malice, dans son livre sur l’union hypostatique
des deux natures, déclare mettre deux unions hypostatiques dans le Christ,
une de l’âme avec la chair, l’autre de l’humanité avec la divinité.
Au même moment, il y en avait quelques-uns, qui étaient peut-être
eux aussi nestoriens, qui enseignaient que, dans l’eucharistie, le corps
du Christ ne demeurait pas, si on le conserve un jour de plus. Ceux
qui pensaient ainsi saint Cyprien (dans sa lettre à l’évêque à Calosiris)
les déclarait fous. Buccer a renouvelé cette erreur en enseignant que,
dans l’eucharistie, le corps du Christ n’est présent que quand on
le mange. Voir Cochlaeus (traité 8, livre 3, mélanges). Philippe
enseigna plus tard la même chose (dans ses lieux, au chapitre de la cène
du Seigneur), ainsi que Calvin (livre 4, chapitre 17, verset 39).
Les eutychiens enseignèrent qu’il n’y avait en Jésus
qu’une seule nature et une seule personne, comme le rapporte Theodoret
(livre 4 des fables hérétiques). Cette hérésie a été enseignée par
plusieurs à notre époque. Gaspard Swenckfeldius (dans le livre
sur la divine majesté de l’humanité du Christ) affirme que, après
la résurrection, l’humanité du Christ s’est convertie en la nature
divine, et qu’elle est désormais un vrai Dieu, et non une créature.
Bremtois semble enseigner quelque chose de semblable ou de pire quand,
dans son sermon sur l’ascension, il enseigne que l’humanité du Christ,
depuis son union hypostatique, a toujours été partout. La même
chose est enseignée par Jacques Smidelinus (dans sa dispute Tubigensis,
au chapitre 34). A ce sujet, voir nos livres sur le Christ.
Le perse Xenaias a été le premier à affirmer
publiquement qu’on ne devait pas vénérer les images du Christ et des
saints, au témoignage de Nicéphore (livre 16, chapitre 27).
La même chose est maintenant enseignée par Calvin (livre 1, chapitre
11, verset 7). Il ne veut en aucune manière que soit érigé le
signe de la croix. Il se montre par là le frère du
diable, et le vainc en impiété. Car le diable exècre la croix
parce qu’il la craint, et en la craignant, il l’honore. Mais
Calvin l’exècre parce qu’il la méprise ou en fait un objet de risée.
Au même endroit (au verset 13), il dit que, dans les cinq premiers siècles,
il n’y a eu aucune image dans les temples des chrétiens. Ce qui
est un mensonge insigne, même au témoigne de Calvin, car, dans la préface
de ses institutions, il dit qu’Épiphane, dans sa lettre à Jean de Jérusalem,
écrit qu’il a vu une image du Christ dans le temple, ou de je ne sais
trop quel saint. De plus, il y a plusieurs écrivains anciens qui
attestent que, de leur temps, il y avait des images de saints dans les
églises, comme Lactance dans sa poésie sur le crucifix, saint Basile
dans son sermon sur Barlaam, vers la fin, Paulin dans la vie de Félix,
Prudence sur saint Cassien, Evodius (livre 2 des miracles de saint Étienne),
saint Athanase à Antioche (question 16). Tous ces saints ont vécu dans
les premiers siècles, comme chacun le sait. Ajoutons que Nicéphore
(livre 14, chapitre 2) dit que l’image de la bienheureuse Marie peinte
par saint Luc, avait été placée dans l’église que Pulchérie, sœur
de Théodose de Constantinople, construisit en l’honneur de la bienheureuse
vierge Marie.
Les lampetiens ont enseigé que les moines devaient demeurer
libres, c’est-à-dire non liés par des vœux perpétuels. C’est
ce que rapporte saint Jean Damascène dans son livre des cents hérésies,
vers la fin. Luther, de nos jours, a enseigné la même chose dans
son livre sur les vœux monastiques. Il a dit qu’on ne pouvait faire
de vœux dans un monastère que de la façon suivante : je fais vœu de
chasteté, d’obéissance et de pauvreté jusqu’à la mort en toute
liberté, c’est-à-dire que je pourrai changer d’idée quand il me
plaira. IL y en a qui nient que l’eucharistie est vraiment
la chair du Christ, et qui ne veulent y voir qu’une figure, ou une image
du corps du Christ, comme le rapporte le synode 7, acte 6, tome 3.
Et saint Ignace, longtemps avant, rapporte que la même chose était enseignée
de son temps, selon Theodoret (dans le dialogue dit impassible. À
notre époque cette hérésie est enseignée par Zwingli, dans son livre
sur les paroles de la cène du Seigneur, et par Calvin (livre 4, chapitre
17, verset 12).
Voilà vingt hérésies d’hérésiarques qui ont été
condamnées par l’église qui vécut dans les premières sept cents années.
Ces hérésies nous les considérons toujours comme des hérésies, tandis
que nos adversaires les tiennent pour des articles de foi. Il s’ensuit
donc que notre doctrine est en continuité avec la doctrine de l’église
antique. Les adversaires, eux, continuent les hérésiarques
anciens.
CHAPITRE 10
La septième note
La septième est l’union des membres entre eux et avec
la tête, car l’église est un seul corps, une seule épouse, un seul
bercail, comme l’Écriture l’enseigne souvent. Aux romains 12,
le cantique 6, saint Jean 10. Et, dans le symbole de Constantinople,
nous disons « une église. » L’unité principale du corps consiste
dans l’union des membres entre eux et avec la tête. Il nous faudra
parler de l’une et de l’autre union. Parce que nous
avons ailleurs traité de la tête de l’Église qui est le pontife romain,
nous ne démontrerons qu’une seule chose, avec quelques citations :
que les anciens ont toujours vu l’union avec le pape comme une note de
l’église. Saint Irénée (livre 3, chapitre 3) dit, en toutes
lettres, qu’il est nécessaire que l’église entière, c’est-à-dire
les fidèles de partout, soit en communion avec l’église romaine
« à cause de sa plus puissante principauté. » Saint Cyprien (livre
1, épitre 3) écrit : « En plus, après s’être donné un pseudo évêque,
les hérétiques osent naviguer vers la chaire de Pierre, à l’église
principale, d’où est née l’unité sacerdotale, pour apporter des
lettres de schismatiques et de profanes, sans penser que ce sont des romains,
chez qui la perfidie ne peut pas avoir accès. »
Et, parlant de la chaire de Pierre (livre 4, épitre
8), il écrit : « On exhorte les nôtres à la reconnaitre et à la ternir
comme la matrice et la racine de l’église catholique. » Saint
Ambroise dans son sermon sur la mort de son frère Satyre : « On lui a
demandé s’il serait du même sentiment que les évêques catholiques,
c’est-à-dire l’église romaine. » Saint Jérôme (dans
son épitre à Damase sur le mot hypostase) : « L’église est divisée
en trois parts, Lui a hâte de venir me chercher. Moi, pendant ce
temps, je m’écrie : si quelqu’un se joint à la chaire de Pierre,
il est mien. Meletiius, Vital et Paulin disent avoir hérité de
toi. Je pourrais le croire si un seul le déclarait. Ou deux
mentent, ou tous mentent. » Et dans sa lettre antérieure
: « Je m’associe à ta béatitude, à la communion de la chaire
de Pierre. C’est sur cette pierre qu’a été édifiée
l’église, je le sais. Celui qui mangera l’agneau en dehors de cette
maison est un profane. Si quelqu’un n’est pas dans l’arche
de Noé, il périra quand surviendra le déluge. Je ne connais pas
Vital, je répudie Mélétius, et j’ignore Paul. Celui qui
ne ramasse pas avec toi disperse. C’est-à-dire que celui
qui n’est pas du Christ est de l’antichrist. » Et, dans l’épitaphe
de Marcelle, il écrit : « Saint Athanase, et son successeur Pierre, évêques
d’Alexandrie, fuyant la persécution de l’hérésie arienne, se sont
réfugiés à Rome, le port commun très sur de leur communion ».
Optatus (dans le livre second contre Parménien), enseigne,
dès le début, et pendant plusieurs pages, que la première richesse de
la vraie église et la principale est la chaire de Pierre, qui est à Rome.
Il en tire la conclusion que les donatistes n’appartiennent pas à la
vraie église, parce qu’ils ne sont pas en communion avec Syricius qui
siégeait alors sur la chaire de Pierre. Saint Augustin
(dans sa lettre 162), parlant de l’évêque Cécilien, écrit :
« Qui pourrait ne pas être angoissé à la pensée de la conspiration
des nombreux ennemis, quand il se voit uni par lettres d’échange avec
l’église romaine, dans laquelle a toujours été en vigueur la principauté
de la chaire apostolique. » Et dans sa préface contre le parti
de Donat : « Venez, frères, si vous le voulez, pour être greffés dans
la vigne ! C’est une grande douleur pour moi de vous voir coupés de
la vigne, gisant par terre. Énumérez les prêtres, depuis la foi
de Pierre, dans l’ordre de ceux qui lui ont succédé. Voyez !
Là est la pierre, dont ne triomphent pas les portes orgueilleuses de l’enfer
! » Saint Léon (épitre 47 aux évêques de la province de Vienne,
écrit : « Le sacrement de la prédication évangélique le Seigneur a
voulu qu’il soit le lot de tous les apôtres, d’une façon telle qu’il
a voulu qu’il habite dans la pierre suprême de tous les apôtres, pour
que de lui, comme d’une tête, il répande ses dons dans tout le corps,
pour que l’on comprenne qu’est étranger au mystère divin celui qui
a osé se séparer de la solidité de Pierre. »
À tout cela, ajoutez l’expérience. Nous voyons que
toutes les églises qui ont fait sécession avec cette église, se sont,
comme des branches coupées d’un arbre, assez tôt asséchées.
Il est certain que les églises asiatiques et africaines étaient
autrefois florissantes au point d’avoir célébré de nombreux
conciles, qu’elles eurent plusieurs hommes qui se sont illustrés
par la doctrine, la sainteté ou par l’une et l’autre. Mais quand
elles firent sécession avec l’église de Rome, elles ne célébrèrent
plus de conciles, elles n’eurent plus d’hommes réputés pour
leur sainteté ou leur doctrine, connus par toute la chrétienté.
Et maintenant, on ignore tout d’eux.
Venons-en, maintenant, à l’union des membres entre
eux. Il est certain que la concorde est un signe du royaume de Dieu
qui doit demeurer toujours; et que la discorde est un signe du règne de
Satan, qui doit toujours être en ruines. Voir Matthieu 12 : « Tout
royaume divisé contre lui-même deviendra une désolation. »
Et 1 Cor 14 : « Dieu n’est pas un dieu de dissension mais de paix. »
Et saint Augustin (dans le livre 18 de la cité de Dieu, chapitre 52),
dit : « Ce que le diable désire effectuer par les hérétiques
c’est que, dans l’église de Dieu, soient autorisées des dissensions,
comme dans les académies des philosophes. Pour que, comme ils se
détruisent par leurs multiples sectes et se dévorent les uns les
autres, la même chose se passe dans l’église. »
Cette note nous fait clairement comprendre que notre
église est la seule vraie église. Dans notre église, d’abord,
tous les auteurs sacrés sont tous sur la même longueur d’ondes, même
s’ils ont écrit dans des lieux, des temps différents, et même dans
des langues différentes. Saint Augustin y voit là le doigt de Dieu (livre
18, chapitre 41, de la cité de Dieu). Ensuite, les décrets des
conciles légitimes et des souverains pontifes concordent entre eux dans
tous les dogmes sans exception, même s’ils ont été promulgués par
des hommes de lieux et de temps différents, ainsi que d’occasions différentes,
contre des hérésies différentes et souvent contraires. Ce qui
est un signe clair d’un unique et même Saint Esprit gouvernant cette
Église. Que cela soit vrai, le démontrent les assauts des
hérétiques qui, en dépit de toutes leurs recherches et leurs tentatives,
n’ont jamais rien pu trouver à redire, comme nous l’avons démontré
dans la dispute des conciles. De plus, maintenant, tous les catholiques
répartis sur toute la terre pensent la même chose sur tous les dogmes
de foi. Et ils ne peuvent pas autrement penser puisque tous
se soumettent à la décision d’un seul et même pasteur suprême, dirigeant
l’église de la chaire de Pierre, en union avec les autres pasteurs.
Que jamais n’ait existé une secte de Gentils ou d’hérétiques dans
laquelle se soit trouvée une telle unanimité, on peut facilement le démontrer.
Au sujet des sectes des païens, saint Augustin
enseigne (férie 2, paroles du Seigneur) que Junon, Hercule et les autres
dieux étaient tous de la même religion, mais étaient divisés
et séparés les uns des autres au point de se combattre. Au
sujet des philosophes, c’est une chose connue de tous, comme le dit saint
Basile (dans le premier sermon de l’œuvre des six jours), que nous n’avons
pas à terrasser les philosophes, car, par leurs mutuelles dissensions,
ils suffisent à eux seuls pour renverser leurs doctrines. C’est
ce que dit aussi Theodoret (dans son livre sur la foi), et saint Augustin
(livre 18, chapitre 41 de la cité de Dieu.)
IL est tout à fait certain, cependant, que ce
soit le comportement habituel des hérétiques. Saint Irénée
(livre 1, chapitre, et souvent ailleurs) enseigne que l’hérésie du
premier hérésiarque Simon se divisa bientôt, et que d’elle naquirent
les sectes des Ménandriens, des basilidiens, des saturniniens, etc.
Dans le livre 1, chapitre 5, il dit, en parlant des valentiniens, que bien
qu’ils aient été très nombreux, deux ou trois seulement s’entendaient
dans les mêmes dogmes. Au sujet des donatistes, saint Augustin écrivait
(dans le livre sur le baptême, chapitre 26) que l’hérésie donatiste
a été, de son temps, fractionnée en plusieurs unités. Les marcionites
ont été encore beaucoup plus divisés. Ils ont donné naissance
aux Lucianites, aux Apellianiens, et aux Sévériens, selon Épiphane (livre
1, tome 3 contre les hérésies). Les montanites ont été divisés
en pépusiens, artotyrites, phrygates etc, comme l’écrit Épiphane (livre
2, tome 1.) Saint Augustin (livre 1 sur les hérésies, 46) atteste
également que les manichéens ont été divisés en sectes différentes.
Les Messaliens ont été divisés en martyriens, sathaniens, enthousiastes,
selon Épiphane (hérésie 80), Théodoret (livre 4 sur les fables hérétiques.)
Les ariens se sont rapidement divisés en acaciens, macédoniens, eunomiens,
comme nous l’explique Ruffin (livre 10, chapitre 25, de son histoire).
Ces mêmes ariens changeaint de foi à chaque année, comme l’écrit
saint Hilaire dans ses deux livres contre Constance. Pour une raison
semblable, les eutychiens furent tellemenet divisés que presque toutes
les sectes qui apparurent par la suite en Orient en proviennent, comme
l’écrit Évagre (livres 3 et 4) et saint Jean Damascène dans son livre
des cents hérésies.
Or, à notre époque, comme nous le révèle le libelle
de Frédéric Staphylus sur la concorde des disciples de Luther, les luthériens,
à peine nés, se sont divisés en anabaptistes, confessionistes, et sacramentaires,
lesquelles sectes se sont divisées en d’autres sectes jusqu’au chiffre
de 34. Et cela, au temps de Staphylus. Actuellement,
on compte une centaine de sectes différentes provenant de Luther.
On peut y voir à l’œuvre la providence de Dieu, car, de cette façon,
les hérésies se détruisent elles-mêmes. C’est pourquoi
il est dit en Isaïe : « J’opposerai les égyptiens aux égyptiens.
» Et saint Hilaire, au livre 7 de la trinité : « La
guerre interne des hérétiques est la paix de l’Église. » Ajoutons
que les auteurs hérétiques ne sont pas toujours d’accord avec
eux-mêmes, ce qui est une note sure de fausse doctrine, comme le même
Luther le dit dans les vœux monastiques : « Tu ne peux pas connaitre
les mensonges avec plus de certitude que quand ils se contredisent eux-mêmes.
Car, il a été ainsi ordonné par Dieu que les impies s’empêtrent
dans leurs nouvelles doctrines, et la dissonance de leurs mensonges témoigne
toujours contre eux. » Or, les innombrables contradictions de Luther
Jean Cochlaeus les a toutes relevées. Et à la fin de son travail, il
ajoutait 36 sentences différentes du même Luther sur le même article,
la communion sous les deux espèces. La confession augustinienne, que tous
tiennent pour sacrosainte, ils l’ont modifiée et éditée de façon
si différente que les luthériens eux-mêmes ne savent plus quelle est
la vraie confession augustinienne. À ce sujet, consulter l’harmonie
de Fabrice Leodius. Vous y verrez que l’édition de l’année
40 est deux fois plus épaisse que celle de l’année 30.
Mais, à cet argument les adversaires répondent comme
ils peuvent. Calvin, dans la préface de ses institutions,
dit qu’il ne faut pas s’étonner que de sa religion naissent des divisions,
et des sectes contraires, car cela est arrivé même à l’église des
apôtres. D’elle naquirent les simoniens, les nicolaïtes.
Car, le démon arrive toujours dès qu’il voit qu’une bonne semence
a été mise en terre, et il sème par-dessus la zizanie. De plus,
le même Calvin (livre 4, chapitre 13 et 14) écrit qu’on peut déduire
de cette note que la vraie église n’est pas parmi nous, car il
y a autant chez nous de conventicules de schismatiques, et de divisions
que de monastères. Autrefois, les moines vivaient séparément,
mais ne participaient pas aux sacrements isolément.. Ils accourraient
plutôt aux églises des ministres ordinaires. Ils assistaient là
avec la foule au saint sacrifice de la messe. Maintenant, chaque
monastère a érigé son hôtel propre, et les moines ne reçoivent pas
la communion avec les fidèles. Ils sont donc séparés du
peuple du Christ, comme on le voit pas les noms qu’ils se donnent : bénédictins,
franciscains, dominicains etc. Il ajoute que nous avons, nous aussi,
plusieurs sectes comme les scotistes, les thomistes, les molinistes.
Je réponds à la première objection en disant que la
différence qu’il y a entre la séparation des hérétiques de l’Église,
et la division existant entre les différentes sectes consiste en ceci.
Dans l’église, on trouve une règle certaine pour régler les controverses,
à savoir la décision du souverain pontife, ou d’un concile plénier.
Et voilà pourquoi une dissension ne provient pas de la doctrine de l’église,
mais de la malice du démon. De plus, partout où nait une hérésie,
elle est rapidement condamnée. Et, une fois l’hérétique expulsé,
la plaie se cicatrise, et la maladie ne fait plus de nouveaux progrès
dans l’église. Mais chez les hérétiques, il n’existe pas de
règle capable de mettre fin aux controverses. Chacun se met avant les
autres, et veut être le juge des autres. Voilà pourquoi une
nouvelle hérésie en engendre aussitôt d’autres, jusqu’à ce qu’elle
soit consumée par de nombreuses divisions, de telle sorte que cela semble
un miracle de voir une hérésie durer longtemps. En résumé, la
doctrine de l’église engendre par elle-même l’union, la cohésion,
l’harmonie, tandis que, de par sa nature, l’hérésie engendre des
divisions et des schismes. Quand donc nous voyons que, à la
façon des autres hérésies, la secte luthérienne a été si rapidement
divisée en un si grand nombre de sectes, et que, jour après jour, elle
continue à se diviser, sans qu’on espère une fin à ces divisions,
nous jugeons que les luthériens sont des hérétiques, car le nom
luthérien est presque disparu.
À la deuxième objection, je réponds que Calvin ment
quand il prétend que les anciens moines n’avaient pas leur propre autel,
mais qu’ils allaient participer aux sacrements dans les églises paroissiales,
avec les fidèles. Car, Épiphane, dans sa lettre à Jean de Jérusalem,
atteste avoir ordonné le prêtre Paulinien dans le monastère de saint
Jérôme, et avoir administré les sacrements aux autres moines dans
le même monastère, parce que saint Jérôme, par une humilité presque
excessive, n’osait pas offrir le sacrifice de l’autel. De même,
Cassien, (dans la conférence 18, chapitre 15, qui est celle de l’abbé
Pyamon), raconte que, dans son ermitage, les moines avaient leurs
prêtres qui étaient aussi moines, qui administraient aux autres les sacrements.
Saint Augustin (livre 1, chapitres 31 et 33 sur les mœurs de l’église),
enseigne que non seulement dans le désert, mais aussi dans les villes
comme Milan et Rome, les moines avaient dans leurs monastères un presbytre
préposé, qui était surement prêtre, qui administrait les sacrements
dans le monastère, pour que les moines ne soient pas forcés de sortir
de leurs maisons pour aller prier dans les églises paroissiales.
De plus, saint Jean Damascène (dans son histoire de Barlaam et de Josaphat),
écrit que l’ermite Barlaam avait célébré le sacrifice de la messe
dans sa cellule, en présence du seul Josaphat. Je dis ensuite que
quelqu’un ne devient pas schismatique à cause d’un autre autel matériellement
différent, mais formellement différent. Autrement, tous les paroissiens
seraient schismatiques, car ils ont des autels différents dans des villes
différentes. Seuls donc sont schismatiques ceux qui érigent
un autel à eux parce qu’ils jugent profane l’autel des autres.
Il est évident que les moines d’aujourd’hui ne sont pas schismatiques,
puisqu’ils obéissent tous au seul souverain pontife, sont ordonnés
prêtres par les évêques ordinaires, et sont reconnus par les fidèles.
De plus les noms de dominicains, franciscains, bénédictins n’ont pas
été donnés par l’auteur d’une nouvelle doctrine, mais par l’instituteur
d’une discipline plus sévère, comme chacun le sait.
À la troisième objection, je dis que les thomistes,
les scotistes et les molinistes ne diffèrent entre eux que dans des choses
qui ne se rapportent pas à la foi, comme saint Augustin l’explique des
dissensions entre les docteurs de son temps, dans le livre premier contre
Julien. Et de plus, tous ces catholiques se soumettent toujours eux-mêmes
et leurs opinions aux définitions de l’église romaine. Voilà
pourquoi, même s’ils semblent se combattre en paroles, ils sont tous
d’accord sur les vérités de foi, puisqu’ils professent tous croire
en une seule et même chose, en ce que l’église catholique a jugé qu’on
devait croire. Or, les hérétiques différent entre
eux sur les principales vérités de la foi, et reconnaissent, cependant,
Luther pour père. Voir, à ce sujet Hosius (premier livre contre
Brentius), et Canisius (dans sa préface aux livres des excuses de Vega
Colonia). Les adversaires ne peuvent pas s’en tirer si facilement.
D’abord, les anabaptistes ne nient pas que, pour les luthériens et les
calvinistes, ils sont des hérétiques. Et pourtant, ils procèdent tous
du même Luther. Les zwingliens sont des hérétiques pour
les autres luthériens, comme on le voit dans le testament de Brentius,
et dans plusieurs livres de Luther. Or, les zwingliens et les
calvinistes n’osent pas exécrer Luther, même s’ils diffèrent de
lui dans des choses très graves, comme on le voit dans les livres de Calvin,
de Bèze et du martyr, sur la cène du Seigneur et sur le corps du Christ.
De plus, les luthériens rigides et les luthériens accommodants
sont en guerre entre eux, comme nous le montrent les livres de Jean Wigandus,
et l’Illyricus contre Georges majeur, et Philippe Melanchton, et
les livres de ces derniers contre les premiers. Voici ce que disent
d’eux les centuriates (dans leur préface à la centurie
5,) : « Même si les docteurs de l’église de Dieu sont dispersés dans
différents lieux, cependant, ils sont enviés, molestés, affligés, affaiblis,
et frappés, non seulement par les fils de ce siècle, mais même par leurs
propres confrères, qui les proclament séditieux, stoïques,
et qui leur imputent les crimes d’hérésie et de sédition. »
Jean Wigandus (dans son livre des erreurs de Georges le majeur),
écrit : « C’est toi, Georges, qui troubles Israël ! Ce n’est
pas nous, qui t’avertissons d’erreurs sur la foi,
qui sommes en lutte avec la parole de Dieu. Car c’est toi la zizanie,
toi qui sèmes et plantes dans l’église tes noires erreurs par
des livres que tu envoies un peu partout. Or, nous, nous exhortons
l’église de Dieu à persévérer dans la pureté de la doctrine de Dieu,
vraie, acceptée et reconnue, qui nous a été présentée par l’organe
du salut, Luther. » Et plus bas : « Car, ce n’est pas de laine
ou de lin que nous discutons, mais des chapitres très graves de la doctrine
chrétienne, qui sont corrompus par Majeur et par d’autres. »
Et, un peu après la quatrième erreur : « Majeur, avec une immense audace,
tu te vantes de ne pas t’être éloigné d’un cheveu de la doctrine
de Luther, et pourtant, tu réprouves toute la doctrine de Luther
sur le serf arbitre. Et tu fais asseoir le démon sur la chaire de
Luther. » Et, un peu plus bas, après la septième erreur : « Ces
erreurs pernicieuses de Majeur, Luther les avait réfutées dans ses écrits
et dans ses débats publics. »
De plus, parmi les rigides eux-mêmes, une question dépravée
est née sur le péché originel. Illyricus soutient que le péché
originel est une substance, et appelle la sentence contraire un spectre
pélagien. Jean Wigandus et Tilmann Heshusius et d’autres qui écrivent
contre Illyricus, l’appellent un manichéen manifeste. Et
il est certain que, au commencement de l’antidote contre Illyricus,
Heshusius enseigne que cette question appartient aux fondements de la foi.
De plus, dans la même province de Saxe, apparurent, pendant dix ans, des
sentences contradictoires sur la chose la plus grave de toutes.
Car, dans le synode de Dresde célébré en l’an 1571, a
été condamnée d’un commun accord la doctrine de Brentius, d’Illyricus
et d’autres sur la personne du Christ. Et pourtant, cette sentence
condamnée par eux-mêmes, ils la reçurent, en l’année 1580, dans le
livre de la concorde; et le synode et la concorde ont été publiés ensemble,
en même temps, à Wittemberg, et sous l’autorité du même prince.
CHAPITRE 11
La huitième note
La huitième note est la sainteté de la doctrine.
La vraie église est non seulement catholique et apostolique, une,
mais elle est aussi sainte, comme le professe le concile de Constantinople.
On dit que l’église est sainte parce que sa profession est sainte,
ne contenant rien de faux relativement à la doctrine de la foi, rien d’injuste
par rapport à la doctrine des mœurs. Voilà pourquoi le psaume
18 appelle la loi de Dieu immaculée un témoignage fidèle, un précepte
limpide du Seigneur. Cette note montre qu’il n’existe pas de
vraie église en dehors de la nôtre, car il n’y a aucune secte de païens,
de philosophes, de Juifs, de Turcs ou d’hérétiques, qui ne contienne
des erreurs dénoncées, et manifestement contraires à la raison droite.
Au sujet des adorateurs païens des faux dieux, Minutius Félix,
dans Octave, Arnobes (livres 4, 5 ,6, 7, contre les Gentils) et saint
Augustin (dans la cité de Dieu) montrent en quelles choses absurdes
et honteuses ils crurent. Théodoret, parlant des philosophes
antiques (dans son livre sur les lois, qui est le neuvième chez les Grecs),
dit que les lois de Lycurgue permettaient l’adultère, que celles des
perses permettaient les noces incestueuses de mères, filles, sœurs;
que les lois des massagètes permettaient aux proches de dévorer les moribonds
et les vieux; celles des tibarénens, de lancer les vieux du haut des tours,
celles des hiraniens de jeter aux chiens des cadavres humains, celles des
scythes, d’enterrer vivants avec les morts ceux qui les aimaient.
Les lois de Platon, qui semblent les meilleures à certains, prescrivent
ou louent des vices horribles, comme la communauté des femmes, l’amour
honteux, l’extinction des concepts, les meurtres d’enfants, et d’autres
semblables.
Les mahométans (le Coran, chapitre 2) enseignent que
tous, les Juifs, les chrétiens et les turcs, se sauvent dans
leurs lois s’ils les observent (chapitre 25, 8, 47 et 48).
Et le coran enseigne que la béatitude de la vie future consiste
dans la nourriture, le breuvage, et la multitude des femmes.
Jamais, dans tout le coran, il n’est fait mention d’actes spirituels
de vision et d’amour de Dieu. Au chapitre 43, il est dit
que Dieu et les anges prient pour Mahomet. Le coran contient d’autres
choses aussi absurdes. On sait, par leurs livres, ce que pensent
les Juifs qui ont écrit après l’avènement du Christ. D’abord,
dans le Talmud qui est leur parole de Dieu non écrite, on trouve d’innombrables
erreurs, dont a parlé Sixte Senensis (au livre 2 de la bibliothèque sainte).
Le rabbi Salomon, que les Juifs ont en grande estime, dit, dans soncommentaire
de la Genèse chapitre 2 : « Voilà maintenant un os de mes os. », qu’Adam
s’était uni charnellement avec toutes les bêtes domestiques et sauvages,
et qu’il n’avait pas pu satisfaire sa passion, jusqu’à ce qu’il
parvint à l’étreinte d’Ève. De même, dans le chapitre 28
des nombres, commentant « aux calendes, vous offrirez un holocauste «
au » Seigneur », il lit un holocauste « du » seigneur. Et il
explique que le précepte ordonnait d’offrir un holocauste le jour
de la pleine lune pour le péché que Dieu a commis quand il a diminué
la lumière de la lune. Cette fable Salomon la raconte au chapitre
1 de la Genèse en commentant : « deux grands luminaires ». De
même, au chapitre 4 du Deutéronome, il dit qu’Adam fut tellement grand
qu’avec sa tête il pouvait toucher le ciel. On rencontre des choses
semblables dans les livres des Juifs.
On peut montrer la même chose au sujet des hérétiques
du passé. Il n’y eut aucune hérésie qui n’enseignât des erreurs
manifestes. Les gnostiques enseignaient qu’il fallait fréquenter
les putains, et s’adonner à toute sorte de luxure, mais qu’il fallait
empêcher la conception, et qu’au cas où un fœtus s’ensuivrait,
il fallait l’extraire de l’utérus de la femme enceinte, le déposer
dans un mortier, et le manger après l’avoir fait cuire avec du miel
et du poivre. Ils disaient qu’ils célébraient ainsi une grande
pâque. C’est ce que raconte Épiphane à l’hérésie 26.
Les carpocratiens enseignaient qu’ils étaient tenus à commettre
tous les crimes. Et si, avant de mourir, ils ne les avaient pas tout commis,
ils enseignaient que leurs âmes retournaient à leur corps, et cela, autant
de fois qu’il fallait pour qu’ils remplissent la mesure des crimes.
C’est de cette façon qu’ils expliquaient ce passage de l’évangile
: « Tu n’en sortiras pas tant que tu n’auras pas remboursé le dernier
centime. » C’est ce qu’Épiphane rapporte à l’hérésie 27.
Les montanistes faisaient un sacrifice avec le sang d’un
enfant d’un an. C’est avec une incroyable cruauté qu’ils en extrayaient
le sang avec des ongles de fer. Témoin, Augustin, hérésie 25.
Les manichéens enseignaient qu’arracher une feuille d’un arbre et
tuer un homme était un péché de même nature. Ils affirmaient
aussi que des parties de la divine essence étaient tenues captives par
les princes des ténèbres, et que d’autres devaient être condamnées
pendant toute l’éternité. (Augustin, hérésie 46). Les donatistes,
pour se faire martyrs, se précipitaient du haut des montagnes, ou se jetaient
dans la mer ou dans un brasier. Ou bien ils menaçaient de mort,
et tuaient ceux qui ne voulaient pas se tuer eux-mêmes. C’est
ce que rapportent saint Augustin (épitre 50) et Theodoret (livre 4 sur
les fables hérétiques. Que cela suffise, car on pourrait rapporter
un grand nombre d’extravagances de ce genre.
Venons-en maintenant à nos sectaires. Ils
enseignent que chaque homme est justifié par cette seule foi toute spéciale,
par laquelle chacun croit être juste devant Dieu à cause du Christ.
Ce qui défit tous les paradoxes. Car cela n’est pas au-dessus
ou en marge de la raison, mais tout à fait contraire à la raison.
Car, je fais la demande suivante : quand je commence à croire que je suis
juste, je suis soit juste, soit injuste. Si je suis juste,
je ne suis donc pas justifié par la foi par laquelle je crois que je suis
juste, car cette foi est postérieure à ma justice. Si je suis injuste,
cette foi est donc fausse, et n’est pas la foi divine justifiante, à
moins de dire que les hommes sont justifiés par le mensonge. De
plus, tous les luthériens font un grand cas des prières mentales et orales.
Mais cette foi enlève l’oraison dominicale, car si je crois avec certitude
que je n’ai pas de péché, je mens puisque par cette foi je dis : remettez-nous
nos dettes. De plus, les calvinistes condamnent les anabaptistes,
et pensent qu’ils ne peuvent être ni justifiés ni sauvés, à moins
qu’ils se convertissent de leurs erreurs. Et, cependant, ils savent
pertinemment que les anabaptistes croient dur comme fer qu’ils sont sauvés.
Ils sont donc forcés de dire qu’ils sont en même temps justes et non
justes.
En plus de ce dogme commun, tous ont leurs dogmes
qui leur sont propres, remplis d’une absurdité manifeste.
Les anabaptistes, en plus de beaucoup d’autres choses, ont des conventicules
nocturnes, que Jean Cochlaeus a dévoilés, et ils s’unissent publiquement
à leurs sœurs propres. Voici quel est l’article 11 des anabaptistes
: personne ne doit prêcher en public. L’article 19 : il est permis
à un frère d’épouser sa sœur. Les luthériens ont eux,
aussi, une erreur manifeste. Ils enseignent que, quand ils
sont baptisés, les enfants se servent de leur raison, écoutent la parole
de Dieu, croient et aiment. C’est ce que le synode de Wittemberg
de 1536 a défini solennellement. Cela n’en répugne pas moins
avec la vérité, comme saint Augustin l’écrit à Dardanus (épitre
57). Il dit que c’est faire injure aux sens humains de parler ainsi :
« Comment est-il crédible qu’un enfant qui pleure, qui regimbe tant
qu’il peut pendant qu’on le baptise, comprenne ce qui se passe ? »
De plus, les calvinistes ont cet enseignement, qui répugne non seulement
à la piété mais aussi à la raison, que toutes choses arrivent
nécessairement, que Dieu est la cause des péchés, ce que rejettent presque
tous les luthériens.
Mais l’église catholique n’a aucune de ces erreurs,
aucune de ces turpitudes. Elle n’enseigne rien de contraire à la raison,
même si elle croit à beaucoup de choses qui sont au-dessus de la raison.
De plus, elle est la seule à être absolument sainte, et c’est à elle
seule que convient ce que nous disons dans le symbole des apôtres : «
Je crois dans la sainte église. » C’est ce qu’on démontré
contre les païens Justin dans l’une et l’autre de ses apologies, Tertullien
(dans son apologie, chapitre 36), Arnobius (livres 1, 2, 3 contre
les Gentils), Minutius Felix (dans Octave), et saint Augustin
(dans les livres de la cité de Dieu, contre les païens). Et saint Thomas
dans sa somme contre les gentils, en fait la démonstration contre les
païens et les hérétiques. Concluons donc avec saint Augustin (cité
de Dieu, chapitre 28) : « Dans les églises catholiques, il n’y a rien
de honteux, de criminel qui soit présenté come devant être admiré ou
imité, là où les préceptes de Dieu sont enseignés, ou les miracles
racontés, ou les dons loués, ou les bienfaits demandés. » Et
(au livre 2, chapitre 7) : « La vérité a été persuadée par des moyens
nouveaux, mais qui n’étaient pas contraires à la raison. »
CHAPITRE 12
La neuvième note
La neuvième note est l’efficacité de la doctrine.
Car, seule la vrai église a une doctrine non seulement immaculée, mais
qui convertit les âmes, comme on le dit dans le psaume 18 : « La parole
de Dieu est vivante et pénètre jusqu’à la division de l’âme et
de l’esprit ». Les philosophes anciens, même s’ils faisaient
montre d’une grande sagesse, et d’une éloquence suffisantes
pour persuader le peuple de suivre leurs lois, n’ont jamais pu faire
adopter leurs lois par les villes voisines, comme l’enseignent saint
Athanase (dans le livre sur l’humanité du verbe), et Theodoret (dans
son livre sur les lois), parce que leurs paroles n’étaient pas vivantes,
mais mortes, non selon l’Esprit de Dieu, mais selon l’esprit de l’homme.
Les mahométans en attirèrent un grand nombre, mais par la terreur des
armes, non par la vie et l’efficacité de la doctrine. Voilà pourquoi
Mahomet, dans le Coran, enseigne (aux chapitres 18 et 19), qu’il faut
obliger les hommes à croire. De plus, on ne lit jamais qu’ils
ont converti des Juifs ou des païens à leur foi, mais qu’ils n’ont
perverti que des chrétiens, ce que Tertullien avait à l’avance noté
dans son livre sur la prescription des hérétiques : « Que dirai-je de
l’administration du verbe ? « Comme leur plan était non de convertir
des païens, mais de nous abattre, ils détruisent ce qui est à nous pour
édifier ce qui est à eux. »
Mais, tu répliqueras que, dans sa chronique (tome
2, livre 4, chapitre 20, Freculphus rapporte que, au temps de l’empereur
Valens, toute la tribu des Goths a été, par les ariens, convertie du
paganisme à la foi. Je réponds que les Goths n’ont
pas été convertis par les ariens, mais trompés misérablement.
Car, une fois sortis de leurs territoires, les Goths militaient sous les
drapeaux de l’empire romain. Et, après avoir entendu dire beaucoup de
belles choses des chrétiens, de leur propre mouvement, et sans être contraints
par personne, ils demandèrent à l’empereur des évêques pour qu’ils
leur enseignent leur religion, car ils étaient prêts à croire tout ce
qu’ils leur diraient. Hélas, l’empereur qui était arien,
envoya des évêques ariens. Voilà comment les Goths ont été misérablement
trompés. En voulant devenir chrétiens, ils sont devenus ariens,
mais sans vertu ou miracle des ariens. Car quelle difficulté y a-t-il
à instiller un poison à celui qui est prêt à le prendre ?
Ajoutons que Freculphus ne raconte pas toute l’histoire. Car, on
apprend par Socrate (livre 4, chapitre 27), par Sozomène (livre 6, chapitre
37), par Theodoret (livre 4, dernier chapitre), que la plus grande partie
de ces Goths était chrétienne et catholique, et qu’a elle été ensuite
trompée par les ariens. Les hérétiques n’ont donc pas converti
des hommes à la foi, ni ne le peuvent. Car les hérétiques
ont l’Écriture, mais ils n’ont pas le vrai sens des Écritures, lequel
est un glaive spirituel, car les paroles ne sont pas tant le glaive que
le fourreau qui contient le glaive de l’esprit. Comme ils ne se
battent pas avec le glaive, mais avec le fourreau seulement, quoi d’étonnant
s’ils ne blessent pas les cœurs des infidèles ? Il n’y a pas
non plus à s’étonner qu’ils aient perverti des catholiques, car les
hommes sont disposés à accepter de descendre plutôt que de monter, et
de prendre la voie large et facile qu’ils leur ouvraient. Dieu
a permis cela à cause de l’ingratitude de ceux qui avaient été illuminés,
et qui, après avoir reçu l’illumination, n’ont pas répondu par de
bonnes actions.
Mais l’église est vraiment sainte et apostolique,
elle qui, autrefois, rapidement, par des hommes méprisables, de race et
de culture différentes, sans armes, sans éloquence a attiré à elle
le monde entier, c’est-à-dire des grands et des petits, des savants
et des ignorants, des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes, non
pour jouir des plaisirs de la vie, mais pour croire dans des choses qui
dépassent la raison, pour les disposer à accepter la croix, les
souffrances, une vie parfaite qui répugne à la chair et au sang, et tout
cela pour aucune récompense pendant cette vie, mais seulement dans le
futur. Ils les persuadèrent de préférer perdre plutôt toutes
les richesses, les honneurs, les amis, les terres, la vie même, plutôt
que la foi dans le Christ. C’est ce dont ont parlé saint Athanase
et Theodoret dans les textes cités, et saint Augustin (livre 22, chapitre
5 de la cité de Dieu. Il considère là comme un des plus grands
miracles que quelques apôtres, par la seule efficacité de la parole divine,
sans éloquence, sans armes, ait conquis l’univers. De plus, du
temps de saint Grégoire jusqu’à notre époque, plusieurs ont été
convertis par les nôtres. On peut même le prouver par le témoignage
des adversaires, car qu’au sixième siècle, sur l’ordre du pape saint
Grégoire, ce ne sont pas des hérétiques, qui n’existaient pas alors,
qui ont converti les Angles païens à la vraie foi, mais les moines du
souverain pontife, les centuriates en témoignent (centurie 6, chapitre
2, colonne 37).
De plus, au temps du pape Conon, un envoyé du pape saint
Kilianus, a converti les Francons, comme le reconnaissent les centuriates
(centurie 7, chapitre 2 , colonne 31.) Ensuite, au temps des papes Grégoire
11, Grégoire 111 et Zacharie, une grande partie de l’Allemagne a été
convertie, non par les hérétiques iconomaques, dont le monde abondait
alors, mais par l’évêque martyr saint Boniface, que le pape Grégoire
11 avait envoyé, comme l’admettent les centuriates (centurie 8, chapitre
1, col 20). Ils font même sa louange en ces termes : « En ce siècle,
quand arrive le temps que le Seigneur avait préparé dans sa miséricorde,
de grands fruits furent produits. Car le Seigneur a suscité Winofridus,
que les Romains appellent Boniface, avec ses collègues, pour propager
la foi en Germanie. Cette œuvre c’est par leurs mains qu’il la conduisit
et la promut. » S’ils parlent si bien de saint Boniface à cet
endroit, c’est qu’ils avaient oublié qu’il était papiste.
Car, dans la préface de cette même centurie (blasphème), ils parlent
ainsi en se montrant ingrats envers leur apôtre : « Pour ce projet, le
pape avait à sa disposition des aventuriers illustres, toujours prêts
à ce genre d’emploi, audacieux, téméraires, qui, alléchés
par les honneurs et les récompenses, entreprenaient une œuvre semblable
dans tous les royaumes. » Et plus bas : « Tel fut l’aventurier
Boniface, que l’on appelle l’apôtre des Allemands, qui mit tout son
zèle, son énergie et son savoir faire pour remettre entre les mains du
pape la Germanie entière. Même si, en certains endroits, il semble
avoir éliminé l’idolâtrie païenne, il ne sema pas la religion chrétienne
dans toute sa pureté, et sans aucune corruption. » Et plus bas
: « Ce pseudo apôtre fut enflé d’une telle insolence que non seulement
il méprisa ceux qui lui faisaient des reproches, mais les livra
au tyran des romains comme hérétiques et perturbateurs de l’Église.
» Voici comment ils parlent de l’apôtre de la Germanie, dont
les auteurs contemporains font le plus grand éloge.
Ensuite (à la centurie 9, chapitre 2, colonne 15), ils
reconnaissent que ce sont les moines de Corbeienses qui ont converti les
Vandales, et à la colonne 18, ils admettent que les bulgares, les slaves,
les polonais, les danois et les moraves ont été convertis par les pontifes
romains auxquels ils se sont soumis. C’est donc par des papistes
qu’ils ont été convertis. De même (dans la centurie 11, chapitre
2, colonne 19,) ils enseignent que plusieurs rois et des peuples ont été
convertis à la foi par l’opération d’Henri 1, et du bohémien Adalbert,
et de saint Méthode, l’archiprêtre des moraves. Qu’ils aient
été des papistes, les centuriates ne peuvent pas le nier, puisque ces
convertis étaient soumis à l’évêque de Rome. Ensuite ( à la
centurie 11, chapitre 2, colonne 27, ils enseignent que c’est en ce siècle
que les Hongrois ont été convertis en grande partie, et que c’est le
roi des hongrois Étienne, récemment converti, qui a demandé leur confirmation.
Après ce temps, ne manquèrent pas, même dans l’église catholique,
de semblables conversions. Le pape Adrien 1V, avant son pontificat,
a été envoyé par le pape Eugène, pour convertir la Norvège à la foi,
comme Platina et d’autres le rapportent, ainsi que les centuriates, dans
la centurie 12 qui a été éditée en même temps que la treizième, dit-on.
Mais je ne l’ai pas vu. Par le seul saint Vincent, de l’ordre
des prédicateurs, on a calculé qu’il a converti à la foi 25000 personnes,
y compris des Juifs et des Sarrasins, comme l’écrit saint Antonin (partie
3, 23, chapitre 8, verset 4) qui vécut à la même époque.
De plus, en notre siècle, dans une nouvelle ville, plusieurs
milliers de Gentils sont devenus chrétiens. À chaque année, sont convertis
et baptisés à Rome des Juifs par des chrétiens rattachés au pape.
Et il ne manque pas de gens qui en Turquie ou à Rome sont convertis par
des catholiques. Les luthériens en ont converti un ou l’autre.
Mais ils sont loin de ressembler aux apôtres et aux évangélistes;
et, en Germanie elle-même, ils ont plusieurs Juifs, et en Pologne et Hongrie,
des Turcs tout proches. Saint Augustin (livre 13, chapitre 12, contre
Faust) a raison de comparer les hérétiques à des perdrix qui recueillent
des poussins qu’elles n’ont pas couvés. L’Église, au contraire,
est, comme la colombe, d’une très grande fécondité, puisque, à chaque
jour, elle fait éclore de nouveaux poussins.
CHAPITRE 13
La dixième note
La dixième note est la sainteté de vie de nos auteurs,
ou des premiers pères de notre religion. La vraie église n’a
pas seulement une doctrine sainte et efficace, mais des docteurs saints
et célèbres par la gloire des signes et des miracles. Parlons
d’abord de la probité, puis des miracles. Si quelqu’un
considère les maîtres de l’Église catholique, les patriarches et les
prophètes, ensuite les apôtres, ainsi que les docteurs qui ont lutté
contre chacune des hérésies, ensuite les fondateurs des ordres
religieux, il trouvera que tous étaient si chastes, si pieux, si
saints, si sobres, que les adversaires n’ont rien d’autre à
leur reprocher qu’une trop grande sainteté, comme le dit saint Augustin
des moines de son temps (livre sur les mœurs de l’église, chapitre
31, et le livre 2 sur les docteurs catholiques, contre Julien). Voici
ce qu’il dit : « Ceux-ci sont des évêques, des pasteurs instruits,
graves, saints, ardents défenseurs de la vérité, qui sucèrent la foi
catholique avec le lait, et qui distribuèrent magnifiquement la nourriture
aux petits. Après les apôtres, c’est par de tels planteurs, laboureurs,
constructeurs, pasteurs et nourriciers que l’Église a cru. »
Ajoutons que saint Bernard, saint Dominique, saint François ont été
reconnu comme saints par Luther (livre de la captivité babylonienne, chapitre
2), par Philippe dans son apologie (articles 5 et 17), et par d’autres
hérétiques.
Or, les docteurs des païens furent ou des poètes légers
ou des philosophes superbes. Les uns et les autres étaient impurs,
car les principaux savants grecs furent impurs outre mesure. À un
point tel que même les leurs les considéraient comme infâmes, surtout
à cause des vices contre nature, comme en témoignent Atheneus (livrfe
13, chapitre 27), et, parmi les nôtres, Theodoret (livre des lois), et
même aussi saint Paul (Romains 1). À Mahomet rien ne pouvait sembler
trop incontinent, car, il dit lui-même dans le coran (c.43)
qu’il avait reçu de Dieu, comme privilège spécial, de s’unir à
toutes les femmes qu’il aimait, même à celles qui étaient consanguines
(même ses nièces). Des hérésiarques, on peut dire beaucoup
de choses. Mais, le vice principal qu’ils ont en commun est l’orgueil.
Saint Augustin (livre des pasteurs, chapitre 8) : « Provenant de différents
endroits, ils sont tous différents, mais une mère les a tous engendrés,
l’orgueil, comme notre mère catholique a enfanté tous les fidèles
chrétiens disséminés partout sur le globe. » En effet, aucune
hérésie n’arrive intentionnellement, ou après avoir été recherchée
pour elle-même, mais fortuitement, malencontreusement, comme on pense
que les monstres ont été engendrés.
Au sujet de Theobute, le premier de tous les hérétiques,
Égésippe écrit ceci, d’après Eusèbe (livre 4, chapitre 22) : «
L’Église était alors appelé vierge, parce qu’elle n’avait pas
encore été corrompue par une parole adultère. Mais un certain
Theobute, parce qu’il mérita d’être éloigné de l’épiscopat,
commença à tout troubler, et à tout corrompre. » Après
lui a été Simon le magicien (actes 8). Ayant par ambition, convoité
l’épiscopat, il a voulu l’acheter avec de l’argent. Et quand
il fut exclu de l’église, il conçut une hérésie nouvelle, afin que
celui qui ne pouvait pas dans l’église exercer l’autorité, le fasse
du moins à l’extérieur. Après Simon, est venu Valentin.
Tertulien (dans son livre contre les valentiniens, non loin de la fin)
parle ainsi : « Valentin espérait obtenir l’épiscopat, parce qu’il
était d’une grande intelligence et d’une grande éloquence.
Indigné outre mesure parce qu’un autre avait été choisi en vertu de
la prérogative du martyre, il rejeta la règle authentique de l’église,
comme ont coutume de faire pour se venger ceux qui ont la passion
du pouvoir. » Parlons donc maintenant de Marcion. Voici ce
que rapporte de lui Épiphane (hérésie 42 au début) : « Dévoré par
la jalousie, parce qu’il n’obtint pas la présidence et le premier
rang, il s’inventa une église. » Et plus bas : « Troublé par
l’envie, rempli d’indignation et de superbe, il fit scission, se fabriquant
une hérésie en disant : je séparerai en deux votre église, et j’y
mettrai une fissure perpétuelle. En vérité, ce n’est pas
une petite fissure qu’il pratiqua, mais ce n’est pas l’église qu’il
coupa en deux, mais c’est lui-même qu’il sépara d’elle, lui et
ceux qui lui ont obéi. »
Au sujet de Montan, Theodoret écrit ceci (livre 3 sur
les fables hérétiques) : « Mu par l’ambition, par le désir d’obtenir
la première place, il s’appela lui-même Paraclet. » Il écrit
la même chose au sujet de Novatien, (en citant la lettre de Corneille
à Fabius, livre 6, chapitre 36 de son histoire) : « C’est par le désir
qu’il avait de l’épiscopat, qu’il couvait à l’intérieur de lui,
qu’il prit cette décision. » « Sabellius, selon Épiphane (hérésie
57) rêva d’un plus grand faste, délira au point de dire qu’il était
Moïse, et Arius, son frère Aaron. » Et voici ce que rapporte de
lui Théodoret (livre 4 des fables hérétiques, au début) : « Quand
ils était compté parmi les prêtres de l’église d’Alexandrie, et
qu’il vit le grand Alexandre assis sur la chaire pontificale, il fut
percé par le glaive de l’envie. Et quand il chercha un sujet pour
entrer en compétition avec lui, il trouva une occasion dans l’impiété
des dogmes. » Au sujet de l’hérésie des semi-ariens, Épiphane
parle ainsi (hérésie 37) : « Ils entrèrent en conflit les uns avec
les autres, eux et leurs adeptes. Poussés par la haine et
la jalousie, ils se firent la guerre, luttant pour la première place.
» Au sujet de Aetius, le même Épiphane dit (hérésie 75)
: « Quand Eustache parvint à l’épiscopat, qu’Aetius convoitait grandement,
sans pouvoir l’obtenir, c’est alors que commença la rivalité. »
Dans son livre 4 sur les fables hérétiques, Thedoret écrit que
Nestor employait la majeure partie de son temps à faire la cour au peuple,
avec un habit en lambeaux, une pâleur simulée, des paroles étudiées,
jusqu’enfin il parvienne à l’épiscopat. Au sujet
de l’hérésiarque Sabbatius, Socrate écrit (livre 5, chapitre
20 de son histoire) : « Il brulait du désir d’obtenir l’épiscopat.
»
De la même façon, les sectes de notre époque sont
nées de l’ambition, de l’orgueil, de l’envie, et de la haine.
Cela, les adversaires ne peuvent pas le nier, car le début de toutes
les hérésies de ce temps a été l’envie et l’ambition de Luther,
supportant mal que la prédication des indulgences ait été transférée
des moines de son ordre à ceux de saint Dominique, comme l’écrit Jean
Cochlaeus dans les actes de Luther, en l’année 1517. Voilà pourquoi,
dans le premier débat qui eut lieu à Lipsis, entre Luther et Eck, Luther
s’exclama : « Cette cause n’a pas été commencée à cause de Dieu,
et elle ne finira pas à cause de Dieu. » De même, dans l’épitre
aux Argentins, il dit qu’il nierait volontiers que le corps du Christ
n’est pas présent dans l’eucharistie, si les Écritures n’étaient
pas si claires, car, par ce moyen, il paraitrait incommoder grandement
la papauté. De même, dans son livre contre le roi d’Angleterre,
il s’élève à un tel degré d’orgueil qu’il dit que les rois, les
princes et les pontifes ne sont pas dignes de délier les lacets de ses
chaussures; et que c’est ainsi qu’il sera, qu’on le veuille ou pas.
Il disait aussi qu’il compte pour rien mille Augustins et mille Cypriens.
Et, dans le livre de la messe angulaire, pour montrer que son père est
celui qui est roi sur tous les fils d’orgueil, il dit avoir appris
du diable que la messe était une chose mauvaise, et que, convaincu par
les raison du diable, il avait aboli la messe. De plus, l’arrogance
de Luther fut telle que les siens eux-mêmes ne pouvaient pas la
tolérer. Car, voici ce qu’écrit de lui Conrad Cesnerus dans sa
bibliothèque universelle : « On ne peut pas dissimuler que Luther un
homme violent, emporté, impatient, et qui ne pouvait supporter que
ceux qui acceptaient tout ce qu’il disait. » Et plus bas
: « Le seigneur pourvut à ce qu’il ne fasse pas de tort par la
violence et l’impudence de sa bouche à son église qu’il avait
si heureusement promue autrefois.. »
En réponse au livre que Luther avait écrit contre Zwingli,
les ministres de Turinge écrivent : « Les prophètes et les apôtres
recherchaient la gloire de Dieu, non leur honneur propre, non leur opiniâtreté,
non leur orgueil. Luther recherche, lui, son intérêt, il
a la tête enflée, et est d’une insolence extrême. Dans
ses réprimandes, on remarque plus l’action d’un malin esprit que celle
d’un ami ou d’un père. » Les disciples de Luther sont
semblables à lui. Si de tous leurs livres on enlevait les vantardises,
les mensonges, les menaces, les malédictions, on ferait de gros volumes
de petits libelles.
En ce qui a trait au peuple, il y a, il est vrai, dans
l’église catholique, plusieurs mauvais chrétiens, mais, parmi les hérétiques,
aucun n’est bon. La chose est bien connue de ceux qui connaissent
les mœurs des uns et des autres, et il ne faut pas mépriser ce témoignage
de Luther que lui a arraché la vérité (une note sur l’évangile
du premier dimanche de l’avent)) : « Le monde empire de jour en jour.
Les hommes sont maintenant plus désireux de vengeance, plus avares,
plus éloignés de toute forme de miséricorde, plus immodestes, plus indisciplinés,
beaucoup plus mauvais qu’ils n’étaient sous le pape. » Ce témoignage
est vrai. N’est pas différent le témoignage de Jacques André
Smidelin, (dans le sermon 4 sur le chapitre 21 de Luc. On trouve
une partie de ce discours dans un livre de Canisius, livre 1, chapitre
4, sur les corruptions de la parole de Dieu). Voici comment parle
de ses coreligionnaires luthériens Smidelus : « Pour que le monde entier
sache qu’ils ne sont pas papistes, et qu’ils ne mettent pas leur confiance
dans les bonnes œuvres, ils ne pratiquent absolument aucune de ces
œuvres. Ils boivent nuit et jour, au lieu de faire du bien aux pauvres.
Ils tournent les promesses en jurements et en blasphèmes, et en exécrations
du nom divin, et cela à un point tel que le Christ n’est pas autant
blasphémé par les Turcs que par eux. Au lieu de l’humilité, règne
la superbe, l’orgueil. Et ils disent que ce genre de vie a été
institué par l’évangile. »
Ajoutons le troisième témoignage d’Érasme, qui les
connaissait bien, et qui ne semblait pas avoir tellement horreur de leur
doctrine. Voici ce qu’il écrit à Vulturius Neocomus, en 1529
: « Examine le peuple évangélique, et observe s’il s’adonne moins
au luxe, à la luxure, à l’argent, que ne font ceux que vous détestez.
Montre-moi celui que cet évangile a, de bambocheur, fait un sobre, de
féroce, un doux, de rapace, un libéral, de maudit, un béni, d’un impudique
un chaste. Mais moi je peux t’en montrer plusieurs qui sont devenus pires.
» Et regardez, si le cœur vous en dit, la préface du livre
de Jean Cochlaeus sur les actes et les écrits de Martin Luther.
CHAPITRE 14
2018 03 03 fin
2018 03 07 19h34 début
CHAPITRE 14
La onzième note
La onzième note est la gloire des miracles. Il faut donner deux
explications préalables. La première. Les miracles sont nécessaires
pour la prédication d’une foi nouvelle, ou pour une mission extraordinaire.
La deuxième. Ils sont efficaces et suffisants. Nous déduisons
de la première remarque que la vraie église n’existe pas chez les adversaires;
et de la deuxième, qu’elle est chez nous.
Que les miracles sont nécessaires, nous le prouvons d’abord par
l’Écriture (Exode 4). Quand Moïse a été envoyé au peuple
par Dieu, il a dit : « Ils ne me croiront pas, et ils n’écouteront
pas ma parole. » Dieu n’a pas répondu qu’ils doivent croire,
qu’ils le veuillent ou non, mais il lui a donné le pouvoir de
faire des miracles, en lui disant : « Pour qu’ils croient que le Seigneur
t’a apparu. » Et par le nouveau testament (Matt 10) : « En chemin,
prêchez en disant que le royaume de Dieu est proche. Guérissez les malades,
ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, et chassez les démons !
» Et en Jean 15 : « Si je n’avais pas fait, parmi eux,
des œuvres que personne n’a faites, ils n’auraient pas de péché.
»
De plus, celui qui est envoyé doit montrer son mandat par le sceau
de celui qui l’a envoyé. Autrement, personne n’est tenu de le
recevoir. Car, quiconque est envoyé pour prêcher est envoyé
par Dieu, soit par l’intermédiaire des prélats ordinaires,
soit, exceptionnellement, par Dieu seul. Celui qui est envoyé
par un prélat ordinaire doit montrer un témoignage de ce prélat, c’est-à-dire
des lettres qui portent son sceau. Celui qui est envoyé par Dieu
seul doit montrer le sceau de Dieu, qui n’est autre que le miracle.
Car, c’est ce qui est dit en Marc (fin) : « Étant partis, ils prêchèrent
partout, le Seigneur coopérant et confirmant leurs paroles par de nombreux
signes. » Et cela est tellement vrai que non seulement saint Augustin
(livre 22, chapitre 4 de la cité de Dieu) enseigne que les miracles ont
été nécessaires pour que le monde croie, mais même un Philippe Mélanchton
l’admet. Car, (au chapitre 3 de Matth) il dit que, quand
sont grandes les ténèbres, Dieu appelle de nouveaux docteurs, et
ajoute toujours des miracles pour que nous soyons surs qu’ils ont été
envoyés par Dieu.
Et au sujet de la deuxième, à savoir que les miracles sont un témoignage
suffisant, et que là où sont des miracles, là est la vraie foi,
il est facile de le prouver. Les miracles, en effet, ne peuvent pas
se produire sans l’intervention de Dieu, car un miracle est ce qui surpasse
les forces humaines. Voilà pourquoi il est admirable pour toutes
les créatures. Et voilà pourquoi aussi on les appelle, dans l’Écriture,
des témoignages de Dieu, comme nous l’avons vu plus haut. En conséquence,
ce qui est confirmé par un miracle est confirmé par un témoignage
de Dieu. Et comme Dieu ne peut pas être le témoin d’un mensonge,
ce qui est confirmé par un miracle est nécessairement vrai. On
ne peut pas objecter que les vrais miracles ne servent pas toujours à
confirmer la foi, mais à illustrer la vie des saints, car quand des miracles
se font pour démontrer la gloire de tel saint, ces miracles montrent
que cet homme est saint. Et comme personne n’est saint sans la
vraie foi, (parce que « mon juste vit de la foi, Hebr 10 »), ces miracles
montrent et confirment la vraie foi.
Après avoir posé ces bases, il sera facile montrer que chez les païens,
les turcs, les juifs et les hérétiques, la vraie foi n’est pas présente,
car il n’y a, chez eux, aucun vrai miracle. Et pourtant ils enseignent
tous une nouvelle doctrine et ne sont pas envoyés par les évêques ordinaires.
Chez les païens, on nous parle de phénomènes de peu d’importance,
du genre de ceux que rapporte Valère Maximus (libre 8) : des statues et
des animaux qui parlent, la vierge vestale, de l’eau puisée
avec un crible, des augures, des prophéties. Il est facile de démontrer
que toutes ces choses proviennent de démons. C’est ce qu’ont
fait Tertullien (dans son apologie, chapitres 22 et 23), et saint
Augustin ( livre 10, chapitre 16 de la cité de Dieu).
Au sujet des Juifs, il est connu que, après l’avènement du Seigneur,
ils n’ont eu aucun miracle; et que celui de la piscine probatique,
qui continuait pendant la prédication du Christ, a cessé après.
Au sujet des mahométans, saint Jean Damascène atteste (dans son livre
sur les cents hérésies, vers la fin) que Mahomet n’a pu prouver sa
loi par aucun miracle. Et, dans le Coran, il reconnait qu’au Christ
a été donné des miracles, à lui un glaive. Cependant, au chapitre
64, il dit qu’il a seulement fait un miracle dans la lune, sans
donner plus d’explications. Les commentateurs disent que la lune
était autrefois divisée en deux parties, que Mahomet l’a prise dans
ses mains, l’a réparée et l’a replacée dans le ciel. Mais
Mahomet est le seul à avoir vu ce miracle.
Au sujet des faux prophètes, il n’est pas moins certain qu’après
avoir tenté plusieurs fois de faire des miracles, ils ont toujours été
déboutés de leur espérance. L’histoire des prophètes de Baal
est bien connue. Ils voulaient, par l’évocation de Baal, faire
descendre le feu du ciel, mais échouèrent lamentablement. Elie,
lui, put le faire par la seule invocation de Dieu (livre 3, chapitre 18
des rois). Semblablement, Simon le magicien mordit la poussière
quand il tenta de ressusciter un mort, et de voler dans les airs.
Rien ne lui réussit, comme le rapporte Egésippe (livre 3, chapitre 2,
de la destruction de Jérusalem). Epiphane (hérésie 66) raconte
que Manès a essayé en vain de guérir la fille malade d’un roi.
Grégoire de Tours (livre 2, chapitre 3 de son histoire des francs) écrit
que le patriarche des ariens Cyrola avait rendu aveugle un misérable qui
feignait de l’être, et qui lui demandait de l’aide. Jean Cassien
raconte (conférence 15, chapitre 3) qu’un eunomien a été vaincu par
Macaire dans une compétition publique sur la résurrection d’un mort.
Et les actes du sixième synode (action 15) attestent que le monothélite
Polychronius a tenté en vain de ressusciter un mort.
Les donatistes ont fait un miracle contre eux quand ils ont projeté sur
la pierre l’ampoule du saint chrême, car un ange l’a soutenue de sa
main, et l’a empêchée de se casser; et ceux qui voulaient jeter
l’eucharistie aux chiens, ont été dépecés par ces mêmes chiens.
C’est ce que raconte Optatus (dans son livre contre Parminien).
Theodore raconte dans son livre des sermons 1 que l’eutychien Timothée
Aelurus allait souvent, pendant la nuit, dans les cellules
des moins, vêtu de noir, en leur disant qu’il était un ange envoyé
par Dieu, pour leur faire comprendre qu’ils ne devaient pas communier
avec Proterius (qui était un saint homme, et l’évêque catholique d’
Alexandrie), mais avec Timothée Aelurus.
Le diacre Paul écrit (dans son livre sur les choses romaines) qu’un
iconoclaste était entré dans un sépulcre, et qu’il fit de là
fit un éloge dithyrambique de l’iconoclaste Constantin, pour confirmer
leur hérésie par les témoignages des morts.
On constate la même chose chez les hérétiques de notre époque.
Luther tenta deux fois d’abord de faire un miracle. Il essaya une
fois, de chasser le démon d’une de ses disciples, mais il fut très
prêt d’être tué par le démon. Voir le témoignage de Staphylus
qui fut présent à la tentative d’exorcisme. De plus, comme l’écrit
Jean Cochlaeus (dans les actes de Luther, 1523), il essaya en vain
de rappeler miraculeusement à la vie par ses prières Nesenus qui
s’était malheureusement noyé à Albe. Même si, pendant sa vie,
il ne parvint à faire aucun miracle, mais après sa mort il brilla d’un
grand miracle. On transporta son cadavre en plein hiver, et,
à cette époque, on conservait les corps morts pendant plusieurs jours.
Il était dans un cercueil hermétiquement fermé, en attendant qu’on
l’enterre à Wittemberg. Or, en dépit de la froide température
, il se mit à dégager une odeur si infecte et si repoussante que
personne ne pouvait la supporter. On fut donc forcé de laisser le
corps en chemin. Voir l’histoire de la mort de Luther, qu’on
a coutume d’annexer au livre de Cochlaeus sur la vie et les actes
de Martin Luther. Félicien Ninguarda rapporte un autre miracle dans
le livre contre Anne Burgensen, ainsi que Lindanus dans Indubidantio, et
Alanus coopus (livre 6 des dialogues de ce même ministre).
Ce ministre, en l’an 1558, à la frontière de la Pologne et de la Hongrie,
voulait ressusciter un homme du nom de Matthieu qu’il avait persuadé
de feindre la mort. Et il mourut pour vrai.
Au sujet de Calvin, Jérôme Bolseco raconte la même chose,
mais d’une façon plus détaillée, dans la vie de Calvin (chapitre 13).
Il me plait d’en citer quelques lignes : « Je ne dois pas laisser de
côté cette arnaque, ce tour sinistre qu’il joua à quelqu’un
qui s’appelait Bruleus, originaire d’Ostie. Calvin avait projeté
de ressusciter un mort, pour s’attribuer le nom de saint, de prophète
du Dieu glorieux, et de thaumaturge. En voici donc le récit.
Bruleus avait émigré d’Ostie à Genève. Comme il était pauvre,
lui et sa femme, il escomptait, grâce à Calvin, de devenir
bénéficiaire de la quête faite pour les pauvres. Calvin leur promit
charitablement des subsides s’ils ne cherchaient pas à s’opposer à
un projet qui lui tenait à cœur, et qu’il voulait réaliser par leur
intermédiaire. C’était, disait-il, un travail qui demandait de
la foi et une grande discrétion. Ils s’offrirent à lui, et dirent
qu’ils étaient prêts à faire ce qu’il attendait d’eux. Et
comme Calvin le lui avait demandé, le pauvre simula la maladie.
Calvin lui apprit alors à simuler aussi la mort. Les ministres dans
leurs sermons, demandèrent au peuple de l’aider par leurs prières,
et par leurs aumônes, de venir en aide à la pauvreté. Peu de temps
après, il revêt la personne du mort, c’est-à-dire qu’il feint la
mort.
Calvin en fut averti secrètement. Entouré d’une grande
troupe d’admirateurs, il alla donc marcher par là, comme s’il était
ignorant de tout. Quand il arriva là où retentissaient des cris,
les hurlements de l’épouse, qui la montraient si misérable et si désolée,
il chercha à savoir ce qui se passait. On le supplia,
alors, d’entrer dans la maison. Il se jeta aussitôt à genoux,
lui et toute sa troupe, et récitant des prières à haute voix,
il suppliait Dieu de montrer sa puissance en restituant la vie au mort;
de déclarer ainsi sa gloire à tout le peuple, et de manifester
par là qu’il était, lui, son serviteur tout particulier et agréé,
vraiment et particulièrement appelé par lui à la réforme de son ministère
évangélique et de l’église. Après ces prières, il s’approcha
du mort, et, ayant saisi une main du pauvre homme, il lui commande au nom
du Seigneur de se lever. Il le répète encore plusieurs fois à
voix basse ou à tue tête. Que se passe-t-il donc ? Le mort
n’entend rien, ne dit rien, et ne bouge pas. Car, par le
juste jugement de Dieu, qui déteste les hypocrites et les menteurs,
celui qui feignait d’être mort fut trouvé vraiment mort. Et la
femme, même si elle le secouait, même si elle lui criait dans les oreilles,
ne put obtenir ni de se faire entendre ni de le faire bouger. Il
était entièrement froid et raide. S’étant rendu compte de ce
qui se passait, la femme se mit à avaler ses pleurs et ses cris, et à
invectiver Calvin, le traitant d’imposteur, de sicaire, de larron,
de meurtrier de son mari. Et elle raconta à haute voix, depuis
le tout début, comment tout s’était passé. » Et plus
bas : « Que les disciples de Calvin nient cela tant qu’ils le voudront.
C’est une histoire bien connue et démontrée, et confirmée par l’épouse
elle-même. »
Nous pouvons donc leur opposer ce que dit Tertullien dans son livre
de la prescription : « S’ils prêchent un autre Dieu, pourquoi se servent-ils
des choses et des lettres de celui contre qui ils prêchent ? Peut-il être
en même temps le même et un autre ? Ou qu’ils prouvent
donc qu’ils sont de nouveaux apôtres. Qu’ils disent
que le Christ est de nouveau descendu, qu’il leur a donné le pouvoir
d’opérer les mêmes signes. Je serais prêt à proclamer leurs
vertus, si je ne comprenais pas que leur plus grande vertu est celle de
se faire les émules des apôtres à rebours. Car les apôtres ressuscitaient
des mors, tandis qu’eux apportent la mort aux vivants. »
Calvin répond dans sa préface que nous leur faisons injure quand
nous exigeons d’eux des miracles, puisque la doctrine qu’ils
prêchent a été confirmée par les nombreux miracles des apôtres et
par les martyrs. Mais c’est le contraire qui est vrai.
Nous avons montré plus haut que leur doctrine était nouvelle, qu’elle
était en lutte avec toute l’antiquité. Il est donc avéré qu’ils
enseignent autrement que les pasteurs ordinaires de l‘église; qu’ils
n’ont pas été envoyés par les pasteurs ordinaires de l’église;
que nous ne sommes pas tenus à les recevoir, et que nous ne pouvons le
faire en toute sureté que s’ils prouvent leur mission et leur
apostolat par un témoignage divin. Calvin répond que saint Jean
Baptiste fut un envoyé extraordinaire, mais qu’il n’a fit aucun signe
(Jean 10). Je réponds que même si saint Jean n’a pas fait de
miracles, Dieu en a fait en lui de nombreux et de grands. D’abord
qu’il soit né d’une mère âgée et stérile; ensuite, que sont père
soit devenu muet, et qu’il ait retrouvé sa voix à la naissance de son
fils. Qu’il ait exulté dans le sein de sa mère, qu’il soit allé
vivre dans le désert quand il était encore enfant (Luc 1). Ensuite,
Jean était fils de prêtre, et donc prêtre lui-même, et ministre ordinaire.
De plus, il n’enseigna rien contre la doctrine commune, et ne s’est
séparé ni des prêtres ni du peuple. Et bien que les pharisiens
et les princes le haïssaient parce qu’il prêchait le Christ,
quand le Christ (Matt 21) leur demanda ce qu’ils pensaient du Baptiste,
ils n’ont pas osé le réprouver. Enfin, au livre 18 de l’antiquité,
Joseph atteste que Jean le baptiste a été considéré par les Juifs
comme un homme important, en raison de sa justice et de son honnêteté.
C’est donc un mensonge ce que disent les centuriates (centurie 1, livre
1, chapitre 10, colonne 363) : « que les prêtres et les pharisiens ont
tenu Jean le baptiste comme un hérétique. »
Venons-en maintenant à l’autre partie, et démontrons que notre
église est la vraie église par les miracles attestés qu’elle a eus
en grand nombre, à chaque siècle. Pour les onze premiers siècles, la
chose est claire, selon les magdebourgeois eux-mêmes. Car, dans
chacun de ces siècles, au chapitre 13, ils annotent les miracles
rapportés par les auteurs contemporains. Et, dans chacun de ces siècles,
ils trouvent plusieurs miracles qui confirment des dogmes, comme celui
de la confession sacramentelle, des reliques, des images, de l’eucharistie,
du pontificat, du monachisme, de l’invocation des saints, de la résurrection
etc. Ce sont eux-mêmes qui les rapportent soigneusement, et même si,
après, ils disent que ce sont là des illusions des démons, de faux récits,
ils n’apportent aucune preuve pour appuyer leurs dires, si ce n’est
qu’ils s’opposent à l’évangile de Luther.
Il nous semble profitable de raconter brièvement comment, pendant
tous les siècles, l’église brilla par ses miracles, pour que
nous comprenions que la vraie église est celle qui est semblable à l’ancienne,
c’est-à-dire celle dans laquelle dure ce don. Dans le premier
siècle, nous avons les miracles du Christ, et des apôtres dans les évangiles
et les actes. Dans le deuxième siècle, nous avons les miracles
de l’armée de Marc Antonin, dont parlent Tertullien (dans le livre sur
le scapulaire, et dans son apologie, chapitre 5), Eusèbe (livre 5, chapitre
5 de son histoire), et Orosius (livre 7, chapitre 15 de son histoire),
et la lettre elle-même de l’empereur annexée aux œuvres de saint Justin.
Au troisième siècle, nous avons les miracles de saint Grégoire le thaumaturge,
dont parlent saint Basile (dans son livre sur le saint esprit, chapitre
29, saint Grégoire de Nysse, dans sa vie, saint Jérôme (dans les hommes
illustres) et dans la version d’Eusèbe faite par Ruffin (livre 7, chapitre
25). Au quatrième siècle, nous avons les miracles de saint
Antoine, de saint Hilarion, de saint Martin, de saint Nicolas et d’autres,
racontés par saint Athanase, saint Jérôme, saint Sulpice, et d’autres.
Dans le cinquième, nous en avons un grand nombre que rapporte saint Augustin
au livre 12, et au chapitre 8 de la cité de Dieu. Au sixième, nous
avons les miracles que raconte saint Grégoire dans ses dialogues, dont
deux faits par des papes, Jean et Agapet (livre 3, chapitres 2 et 3).
Au septième, nous avons les miracles faits en Angleterre par saint
Augustin et ses compagnons, dont parlent Grégoire de Tours et Bède le
vénérable (livre 1, chapitre 31 de son histoire). Et par le roi
Oswald, le roi de la croix (livre 3, chapitre 2). Dans le huitième,
les miracles de saint Cuthberg et de saint Jean en Angleterre, au témoignage
de Bède le vénérable (livres 4 e 5 de son histoire.) Au neuvième,
les miracles de Tharasius, écrits par Ignace de Nicée. Ensuite
une quantité innombrable de miracles de toutes sortes faits dans la cité
de suessionsis lors de la translation des reliques de saint Sébastien
martyr, qui a été faite en l’année du Seigneur 826, dont parlent les
annales des Francs écrits par un auteur digne de foi, qui vécut à cette
époque. Dans le dixième siècle, nous avons les miracles de saint
Romuald, écrits par Pierre Damien, ainsi que ceux du roi des bohémiens
Wenceslas, de saint Uldaric et de saint Dunstan, selon Surius. Nous
avons, au onzième siècle, les miracles du roi saint Édouard, et
de la sainte Vierge, de saint Anselme, du pape Grégoire V11, et
d’autres. Au douzième siècle, l’église catholique brilla par
les miracles de saint Bernard, et de saint Malachie. De saint Malachie,
légat du pontife romain, saint Bernard parle ainsi, dans sa vie : « Par
quelle sorte de miracles des anciens Malachie n’a-t-il pas brillé ?
Si nous y regardons de plus près, les prophéties, les révélations ne
manquèrent pas, ni la grâce des guérisons, ni le changement des cœurs,
ni même la résurrection des morts ».
Le saint moine Bernard lui-même, et père de moines, et très ferme
soutien des papes, s’est rendu célèbre par plus de miracles que n’en
ont faits les autres saints dont la vie est racontée par écrit.
Car, on rapporte qu’un jour, dans le diocèse de Constance, il a rendu
la vue à onze aveugles, a guéri dix manchots, dix-huit boiteux.
C’est ce qu’a écrit Gotfritd qui a vécu avec lui au livre 4, chapitre
4 de sa vie. Il est impossible de les énumérer tous, car ses cinq
livres en sons pleins. Au treizième siècle, il y a plus plusieurs
grands saints dans l’église catholique, mais surtout saint François
d’Assise, dont la vie a été remplie de miracles, selon le témoignage
de saint Bonaventure. Saint Dominique, dont la vie n’est pas parfaitement
racontée, a quand même ressuscité trois morts. Furent célèbres
aussi, pendant ce siècle, pour leurs miracles Pierre le martyr, saint
Thomas de l’ordre des prêcheurs, saint Bonaventure de l’ordre des
mineurs, d’après saint Antonin (troisième partie, chapitres 23 et 24
de son histoire). À la fin de ce siècle, a été connu aussi pour
ses miracles saint Célestin V, autant avant son pontificat qu’après,
selon le cardinal Pierre qui écrivit sa vie.
Au quatorzième siècle, s’illustrèrent par de nombreux miracles
saint Bernardin, Catherine de Sienne, Nicolas de Tolentino, dont a parlé
le même Antonin. Au quinzième siècle, saint Vincent Ferrier a
fait sur les vivants et les morts de nombreux miracles. Saint Antonin
précise même qu’il a ressuscité 38 morts (part 3, tit 23 de son histoire).
Ce même Antonin a été connu pour ses miracles, qu’a racontés Surius.
Dans notre siècle, ont fait de nombreux miracles saint François de Paule,
(bulle de canonisation par Léon X), saint François Xavier, prêtre de
la société de Jésus. On apprend par les lettre que ses compagnons
d’apostolat ont écrites qu’il a guéri des paralytiques, des sourds,
des muets et des aveugles, et qu’il aussi rappelé à la vie un
mort. Et quand, après sa mort, on transportait son cadavre de Malacca
à l’île Goam, une tempête s’est déchainée, et, quinze mois après,
son corps a été trouvé, intègre, dégageant une suave odeur.
Et on a toutes les raisons de penser que, jusqu’à ce jour, son
corps s’est conservé intact et intègre.
Que l’on compare tout cela avec la vie et la mort de Luther.
Sa vie. Luther a abandonné son monastère, a pris femme après
avoir fait vœu de continence perpétuelle, a déclaré la guerre au pape.
François, après être entré dans un ordre religieux, a conservé soigneusement
son vœu de chasteté, et s’est lié au pape par un voeu spécial d’obéissance.
Le pape l’envoie au bout du monde, et il y va. Il est certain que
ces deux là ont suivi des chemins différents, et il faut que l’en des
deux soit sorti de la voie droite. Qui pourra être un meilleur juge
que Dieu, qui scrute les reins et les cœurs ? Comment Dieu pouvait-il
plus clairement exprimer son jugement qu’en attribuant à l’un
un don singulier de miracles, et en conservant son corps sans corruption,
tandis que l’autre ne pouvait même pas ressusciter une mouche, et que
son corps a commencé rapidement à se putréfier. Et c’est en hiver,
quand tout était congelé, que son corps dégageait une telle puanteur
que nul ne pouvait la supporter ! C’est avec raison que saint Augustin
(dans son livre sur l’utilité de croire, chapitre 17, et dans celui
sur le fondement, chapitre 4) déclare qu « ’il faut se sentir
lié par les chaines des miracles ». Et Richard de Saint Victor
(dans son livre 1, chapitre 2 sur la trinité), ose dire : « Seigneur,
s’il y a une erreur dans ce que nous croyons, c’est par toi que nous
avons été trompés. Car cela a été confirmé par des signes et des
prodiges qui ne pouvaient avoir été faits que par toi. »
Mais Calvin répond dans sa préface des institutions, et les magdebourgeois
dans chacune de leurs centuries, que les miracles des saints sont fictifs
ou imaginaires. C'est-à-dire que les choses ne se sont pas vraiment
passées ainsi, mais que les historiens en ont fait une fausse narration;
et que, dans les cas où les choses se seraient déroulés comme ils les
racontent, c’était l’œuvre du démon. Les magdebourgeois (centurie
5, chapitre 10, colonne 1393) disent que s’ils sont vrais les miracles
de saint Martin rapportés par Sulpice Sévère, Martin a été un
nécromancien. Or, ceux qui disent que ces miracles ont été fictifs,
ne font que l’affirmer sans apporter aucune preuve. Ils s’efforcent
de prouver que ces pseudo miracles étaient l’œuvre du démon en affirmant
que les vrais miracles confirment l’évangile, tandis que ces faux miracles
confirment l’idolâtrie, le culte des reliques et des images, l’invocation
des saints, le sacrifice eucharistique, et autres choses semblables.
Ils ajoutent, en second lieu, qu’on ne peut pas tirer des miracles,
d’argument solide pour prouver la v raie foi, ce qu’ils démontrent
par quatre arguments. Le premier, parce que l’antichrist fera des
miracles et de grands prodiges, (Matt 24, Apocalypse 13, et 2 Thess 2).
Le second. Dans son traité 13 sur saint Jean, saint Augustin
dit qu’on ne pourrait pas croire les donatistes même s’ils faisaient
des miracles. Et, par mépris, il les appelle des « mirabiliaires ».
Et, dans son livre sur l’unité de l’église (chapitre 16), après
avoir dit qu’il ne faut pas croire aux miracles opérés par des donatistes,
il ajoute qu’il ne faut pas croire non plus à ceux opérés par des
catholiques : « Ceux qui sont tels dans l’église, on les approuve parce
qu’ils sont dans l’église. On n’approuve pas l’église parce qu’ils
sont en elles. » Le troisième. Les miracles qui se faisaient autrefois
sur la tombe de Jérémie étaient faits par les démons, car ils
étaient faits pour l’utilité de ceux qui rendaient un culte à Jérémie
plutôt qu’à Dieu par des sacrifices et des honneurs divins.
Le quatrième. Suétone raconte que l’empereur Vespasien a rendu
la vue à un aveugle, la marche à un boiteux, à son retour. De
même les centuriates (centurie 5, chapitre 13, colonne 1463) citent l’historien
Socrate, livre 7, chapitre 17 de son histoire) qui rapporte un miracle
de l’évêque novatien Paul. On ne peut pas, à cause de ces miracles,
conclure que la religion que pratiquaient Vespasien et le novatien est
vraie.
Nous répondrons à chacune de ces preuves. Le premier.
Je réponds que quand ils nient les miracles rapportés par les nôtres,
ils agissent honteusement. Car, il est fou de croire plutôt à Calvin
et à Illyricus se prononçant sur des choses anciennes, dont ils n’ont
pas été témoins, qu’à saint Bernard, qu’à saint Bonaventure, ou
saint Antonine, qui étaient des contemporains. De plus, comme
saint Augustin répondit aux païens qui niaient les récits de nos miracles,
(au livre 10, chapitre 18 de la cité de Dieu), que s’il est permis
de nier sans raison ces faits miraculeux, la confiance dans
tous les livres périra, et ce n’est pas seulement notre religion qu’on
enlèvera, mais toutes les autres. Car tous ceux qui se considèrent
comme dieux persuadent le monde de leur divinité, vraie ou fausse,
par des œuvres merveilleuses. Le second. Quand ils parlent de prodiges
du démon, je dis d’abord que c’est une ancienne calomnie, car c’est
ainsi que les pharisiens et les scribes parlaient des miracles du Christ
(Matt 12) et que les païens dénaturaient les miracles des martyrs, en
les attribuant à des magiciens ou des nécromanciens. Les ariens,
les eunomiens et les vigilantiens disaient la même chose des miracles
des catholiques, comme l’attestent saint Ambroise (dans son sermon sur
les saints Gervais et Protès), saint Jérôme (conre Vigilantius) et Victor
(dans la livre 2 sur la persécution des vandales). Enfin, il n’y
a aucune probabilité que saint Martin et saint François qui étaient
des hommes très simples, aient utilisé l’art magique.
Mais ils disent que ces miracles renversent l’évangile. Je
dis que c’est vrai, mais que l’évangile qu’ils renversent n’est
pas celui du Christ, mais de Calvin. Qu’ils prouvent donc ce qu’ils
affirment si effrontément ! Il ne sera pas plus difficile de réfuter
les deniers arguments qui prouvent que les miracles ne font pas une
foi certaine. Je réponds d’abord que les miracles de l’antichrist
seront des mensonges, comme l’apôtre le dit (2 thess 2), c’est à-dire
qu’ils ne seront pas réels, solides, mais purement apparents, tels qu’ils
peuvent être faits par l’art du démon. C’est ce que nous montre
l’apocalypse (chapitre 13). Comme un magicien, l’antichrist fera
descendre de l’eau du ciel, parler des statues etc… Mais les
miracles des saints portent sur des guérisons d’aveugles, de boiteux,
de résurrection des morts, choses que ne peut faire que celui que
célèbre le psaume 135 : « Qui est le seul à faire des choses admirables.
» Je dis ensuite que les miracles faits par les donatistes que saint
Augustin a méprisés n’étaient pas de vrais miracles, semblables à
ceux que font les saints, mais des visions secrètes, sans témoin, dont
on se vantait. Des visions du genre de celle qu’eut Zwingli
qui, dans son livre intitulé « un soutien apporté à l’eucharistie
», raconte avoir vu un esprit, sans pouvoir discerner s’il était blanc
ou noir. C’est une vision semblable qui est rapportée dans le
livre intitulé : querelle ou sommeil de Luther. On raconte, là,
que Luther est apparu à quelques luthériens, le visage triste, se plaignant
de ce que bientôt ses propres disciples allaient abandonner sa doctrine.
Ce n’est donc pas sans raison que saint Augustin appelle ce genre de
miracles des fables.
Que saint Augustin fasse le plus grand cas des vrais miracles,
nous le montre la cité de dieu (livre 2, chapitre 8). Il oppose
aux païens de grands miracles faits par les reliques des saints, surtout
par celles du proto martyr Saint Étienne. À ce qu’a déclaré
saint Augustin qu’on ne démontrait pas l’église par des miracles,
mais par l’Écriture, je réponds qu’il dit exactement le contraire
dans l’épitre du fondement : on démontre l’église par des miracles
non par l’Écriture, parce que l’Écriture est démontrée par
l’Église. Ce n’est pas qu’il se contredise, car dans
les deux textes, il parlait en tenant compte de ce que les manichéens
admettaient les miracles et niaient les Écritures. Car, ils
disaient que l’ancien testament avait été corrompu par le diable, et
le nouveau par des faussaires. Dans son livre contre l’épitre
du fondement des manichéens, saint Augustin démontre l’Église par
les miracles, et ensuite, par l’église, il démontre l’Écriture.
Mais, comme les donatistes croyaient à l’Écriture, tant à celle de
l’ancien que du nouveau testament, se vantaient de leurs visions,
et méprisaient les miracles de l’Église, saint Augustin suivit un autre
chemin contre les donatistes. Il démontre l’Église à partir
de l’Écriture, et, ensuite c’est par l’Église qu’il veut juger
des miracles.
Il est important d’observer qu’on démontre l’Église par les
miracles, et les miracles par l’Église, mais par un genre de démonstration
différent, comme on démontre l’effet par la cause, et la cause par
l’effet. Car, avec les miracles on démontre l’église
non selon l’évidence ou la certitude de la chose, mais selon une évidence
et une certitude de crédibilité. Et la raison en est que, avant
l’approbation de l’Église, il n’est ni évident ni certain d’une
certitude de foi que tel miracle soit vrai. Mais il a tout ce qu’il
faut pour rendre une chose évidemment crédible. Il ne s’agit pas d’une
certitude de foi, car on n’est pas absolument sur qu’il ne soit pas
faux, et produit par le démon. Car, le démon, même s’il ne peut
pas faire de vrais miracles, est fort capable de faire apparaitre vrai
ce qui ne l’est pas. Tu demanderas : pourquoi donc étaient-ils
tenus de croire à la prédication du Christ ceux qui voyaient ses miracles
? Je répons en disant que l’homme ne peut pas se sauver sans croire
au Christ. Ils sont donc tenus à accepter cette foi comme moyen
nécessaire à leur salut. Dieu n’a pas voulu obliger les hommes à croire
des choses incroyables, sans ce que ces choses ne deviennent crédibles
par des miracles ou des raisons de croire similaires. Or, c’est
l’église qui démontrer le miracle quant à la certitude de la chose,
parce que quand l’Église déclare que tel miracle est un vrai miracle,
nous sommes certains qu’il l’est vraiment.
Au troisième, je dis que c’est un mensonge de Calvin que les peuples
ont rendu un culte à Jérémie par des sacrifices et des honneurs divins.
Car, il ne présente aucun témoin de ce fait, en dehors ce que saint Jérôme
a écrit en marge, dans sa préface à Jérémie. Du reste ni dans
la préface de Jérémie traduite par saint Jérôme, ni dans les commentateurs
de la préface de Jérémie, on ne trouve de mention de ce racontar.
Nous a été conservée une autre préface dans les livres de Benoit, pourtant
le nom de Jérémie, à laquelle Calvin semble se référer.
Mais, elle n’est pas de saint Jérôme, et on n’y fait aucune mention
de sacrifices, d’honneurs divins, mais uniquement que des miracles
se sont produits à son sépulcre. De plus, Épiphane et Isidore,
dans la vie de Jérémie, parlent eux aussi des miracles qui
y ont été faits, mais ils ne disent pas un mot sur des sacrifices ou
des honneurs divins. Au quatrième, je réponds que ce
n’est pas un vrai aveugle ni un vrai boiteux qui ont été guéris par
Vespasien, car, comme l’écrit l’historien Tacite, quand on demanda
aux médecins si c’étaient des maladies curables ou incurables, ils
répondirent qu’elles étaient curables. Il n’est donc
pas étonnant que le démon ait guéri des malades qui pouvaient recouvrer
leurs santés naturellement. Ajoutons que, comme Tertullien l’enseigne
dans l’apologétique, (chapitre 22) il est croyable que cette maladie
ait été causée par le démon qui, pénétrant dans l’œil de l’un
et la jambe de l’autre, empêchait l’usage normal des membres, afin
de paraitre guérir ce qu’il cessait de paralyser.
Au dernier qui est celui du miracle du novatien, je réponds
que ce miracle a été fait non pour confirmer la foi novatienne, mais
le baptême catholique. Voici comment Socrate raconte la chose. Quand
un certain imposteur Juif se rendit auprès de l’évêque novatien Paul
pour être baptisé par lui, en se moquant intérieurement du baptême,
l’eau des fonds baptismaux disparut subitement. Ce ne fut donc
pas un miracle de l’erreur novatienne, mais du vrai baptême. On
peut s’en rendre compte par ce que Socrate ajoute : on apprit, peu après,
que ce Juif avait été baptisé dans le rite catholique par l’évêque
de Constantinople Atticus. Donc, parce que Dieu ne voulait pas qu’on
se moque d’un baptême validement reçu dans l’église catholique,
il ne permit pas à l’imposteur Juif d’être baptisé une seconde fois.
CHAPITRE 15
La douzième note
La douzième note est la lumière des prophètes. Comme
le Christ (Marc, à la fin) promit à l’église le don des miracles,
de même, en Joël (comme l’explique saint Pierre, actes 2),
il a promis le don de prophétie, qui est certes un don plus grand, puisqu’il
est certain que, en dehors de Dieu, nul ne connait les futurs contingents.
Isaïe 41 : « Annoncez les évènements futurs pour que nous sachions
que vous êtes dieux. » Et le Deutéronome (18) appelle une fausse
doctrine une prophétie qui ne se réalise pas. Chez les païens
et les hérétiques, il n’y eut aucune vraie prophétie, mais beaucoup
de fausses, à moins qu’elle n’ait été faite en témoignage de notre
foi, comme les prophéties des sibylles et de Balaam. Même si les
païens eurent plusieurs oracles d’Apollon, les prophétesses répondaient
de façon ambigüe quand Apollon ne le savait pas, ou les prédisaient
clairement quand c’était les démons qui allaient les réaliser.
Et les choses qui avaient déjà commencé à se produire elles les prédisaient
à ceux qui ne les connaissaient pas comme devant arriver dans le futur,
et annonçaient d’avance des faits qui avaient des causes
naturelles à nous inconnues, mais que l’intelligence supérieure des
démons comprenait. Voir, sur ce sujet, la vie d’Antoine de saint
Athanase, (au livre de la divination des démons), le livre sur les oracles
de Theodoret.
À toutes les fois que les hérétiques ont voulu prédire quelque
chose, ils se sont trompés. Comme le livre des rois (3, 22) nous le montre
des faux prophètes. Au temps du nouveau testament, il y eut autrefois
Montan, qui voulait être considéré comme prophète, avec deux prophétesses,
Prisca et Maximilla. Ils prédirent que telle chose arriverait.
Mais, c’est le contraire qui arriva, comme le note Eusèbe (livre 5,
chapitres 16 et 18).
À notre époque, Luther, que les luthériens appellent toujours le
prophète allemand, et l’Hélie allemand, prédit (d’après
Cochlaeus, dans les actes de Luther de l’année 1525), que s’il
prêchait encore sa doctrine pendant deux ans, le pape s’évanouirait,
ainsi que les cardinaux, les évêques, les moines, les moniales,
les clochers, les cloches, et les messes. Il prêcha après cela
non pas deux ans, mais vingt-deux ans, car il mourut en l’année 1546.
Mais aucun ne s’évanouit de ceux qu’il avait nommés. De même
Cochlaeus rapporte ceci au sujet d’un certain Thomas Muncerus, qui s’appelait
Gédéon. Il avait armé un nombre infini de paysans pour faire la
guerre aux princes de l’Allemagne. Et il avait prédit une victoire certaine
aux siens s’ils mettaient dans leurs manches une boule de leurs
machines de guerre à lancer des traits. Mais bientôt après,
tous ces paysans sont tombés, Thomas a été capturé, et tué à coups
de hache. Le même Coehlaeus, dans les actes de Luther, écrit en
1535, que les prophètes de Luther avaient prédit que le jugement dernier
allait arriver la même année. Ils avaient même indiqué le jour fatal,
et plusieurs, en ce jour, ne voulurent ni labourer ni traire les vaches.
On a vite découvert que c’étaient des menteurs.
Mais, dans l’église catholique, en plus des prophètes de l’ancien
testament et de ceux qui vécurent pendant les cinq premiers siècles de
l’Église, comme Agabon (actes 11), Grégoire le Thaumaturge (dont parle
saint Basile dans son livre sur le saint Esprit), Antoine (dont parle
saint Athanase dans la vie de saint Antoine), et l’abbé Jean (dont parle
saint Augustin dans la cité de Dieu, livre 5, chapitre 26), il y
eut d’autres aussi dans les siècles postérieurs, pendant lesquels,
selon Luther, l’église avait péri, de vrais prophètes, dévoués au
pontife romain. Au sujet de saint Benoit, voici ce qu’écrit saint
Grégoire (livre 2, chapitre 15 de ses dialogues) : « Saint Benoit reprocha
à un roi ses mauvaises actions, et, dans quelques-uns de ses sermons,
il lui prédit tout ce qui allait lui arriver, en précisant : « Tu
fais de grand maux, tu as fait de grands maux. Il est temps de laisser
l’iniquité reposer en paix. Tu entreras à Rome, tu traverseras la mer,
tu règneras pendant neuf années, et tu mourras pendant la dixième. »
Le même Grégoire atteste qu’il a vu ces prédictions se réaliser.
On dit de saint Bernard (livre 4, chapitre 3 de sa vie), qu’il avait
prédit la conversion à trois personnes qui n’y pensaient pas du tout,
et à un quatrième, qui était fort éloigné de le désirer. Mais,
tout s’est passé comme il l’avait prédit.
C’est une chose admirable aussi ce qu’on raconte d’un
noble. Quand le fils d’un noble demandait à saint Bernard de prier
pour la conversion de son père, le saint lui répondit : « Ne crains
rien. Je l’ensevelirai moi-même à Clairvaux, comme un moine éprouvé.
» Combien de prédictions n’y a-t-il pas dans
cette phrase ! Qu’il deviendrait un jour un moine; qu’il persévérerait
dans l’ordre monastique jusqu’à sa mort; qu’il terminerait sa vie
pieusement et saintement, et cela avant saint Bernard, et à
Clairvaux ; qu’il serait enseveli par les mains de saint Bernard.
Six prédictions en tout. Et toutes se sont accomplies, non sans
une providence singulière de Dieu. Le même auteur continue ainsi : «
Et il devint un moine parfait, et il fut enseveli par un père saint à
Clairvaux (comme il l’avait prédit). Et comme s’il ne pouvait
pas mourir en l’absence du saint, il fut malade pendant cinq mois, et
tint le coup jusqu’au retour de son saint père, qui, comme il l’avait
promis, l’ensevelit lui-même. »
Comme une armée chrétienne était sur le point d’engager
le combat avec les Sarrasins, saint François (comme l’écrit
saint Bonaventure), avertit les chefs de ne pas se battre ce jour-là.
Dieu lui avait révélé qu’en ce jour, la victoire appartiendrait aux
ennemis. Mais les chefs militaires méprisèrent l’avertissement
de saint François, et les chrétiens subirent une défaite écrasante
qu’on on en voit rarement. On pourrait en ajouter beaucoup de ce
genre. Presque tous les saints que l’église vénère ont, en plus
du don des miracles, brillé par celui de prophétie. Mais ces quelques
exemples devraient suffire.
CHAPITRE 16
La treizième note
La treizième note est la confession des adversaires. La
force de la vérité est si grande qu’elle oblige les adversaires à
lui rendre témoignage, selon ce mot du Deutéronome 32 : « Que
notre Dieu ne soit pas comme leurs dieux, nos ennemis eux-mêmes en sont
juges. » Or, on n’a jamais trouvé de catholiques qui aient loué
ou approuvé la doctrine ou la vie des païens et des hérétiques.
Car, nous savons qu’il n’y a qu’une seule foi, et que, sans elle,
il n’y a pas de vraie justice. Voilà pourquoi nous affirmons constamment
qu’errent ceux qui ne suivent pas notre doctrine. Mais ce n’est
pas ainsi que parlent de nous les païens, les Juifs, les Turcs et les
hérétiques.
Nous avons quand même beaucoup de témoignages des païens.
Pline 11, (dans son épitre à Trajan, livre 10 de ses épitres), écrit
que « les chrétiens détestent tous les vices, qu’ils vivent très
saintement; que la seule chose qu’on puisse leur reprocher est qu’il
soient trop prompts à renoncer à la vie pour leur Dieu; qu’ils
se lèvent tôt le matin pour chanter des louanges au Christ. »
Tertullien, dans son apologie, (chapitre 1, verset 2) atteste que les païens
ne voulaient pas intenter de procès aux chrétiens, et qu’ils les condamnaient
sans avoir prouvé leur culpabilité, parce qu’ils savaient qu’ils
ne trouveraient en eux aucune mauvaise action. Et (au chapitre 5,
verset 6), il affirme que les meilleurs empereurs ont été favorables
aux chrétiens (comme Marc Aurèle, Vespasien, Antonin le pieux); et que
ceux qui les ont persécutés ont été considérés, même par les païens,
comme très méchants, comme Néron et Domitien. Il nous reste
encore une lettre de l’empereur Marc Aurèle qui atteste que, quand pendant
cinq jours, l’armée romaine a souffert de la soif, et était entourée
d’une quantité innombrables de Germains, de sorte qu’il était
impossible de s’en sortir par les seules forces humaines, il s’est
réfugié en vain aux dieux de ses pères. Des soldats chrétiens
qui étaient dans l’armée, lui demandèrent alors qu’il leur
permette à eux aussi de prier leur Dieu. Ils se sont alors mis à
genoux en prière, et, aussitôt, une pluie abondante tomba du ciel, et
sur les ennemis, des éclairs mêlés de grêle. Cette lettre de
l’empereur, c’est Tertullien qui la rappelle à la mémoire des romains
dans son apologie.au chapitre 5, et dans le scapulaire. On vient
de la découvrir et de l’imprimer dans les œuvres de saint Justin.
De plus, des saints comme saint Antoine, saint Hilarion, saint Martin
furent honorés et vénérés par les païens, comme l’écrivent
saint Athanase, saint Jérôme et saint Sulpice, dans leur vies respectives.
Au sujet des Juifs, nous avons le témoignage de Joseph, (livre 18, chapitre
6 des antiquités), où il affirme que le Christ a été plus qu’un homme,
et le vrai Messie. Philo écrit un livre remarquable dans lequel
il comble de louanges les chrétiens qui vivaient en Égypte sous la conduite
de Marc l’évangéliste. Que ce livre à la louange des chrétiens
ne s’adresse pas à une secte juive, comme le pensent les centuriates
(centurie 1, livre 2, chapitre 3, colonne 18), l’attestent
Eusèbe (1 histoire, chapitre 16 de son histoire), Épiphane (hérésie
29), c’est ce qu’attestent saint Jérôme (les hommes illustres, Philo),
Sozomène (livre 1, chapitre 12), et Bède (sa préface sur Marc).
Mahomet, dans le Coran, enseigne que les chrétiens se sauvent, (chapitre
2), et que le Christ était le plus grand des prophètes. Saint Bonaventure
atteste aussi qu’un sultan d’Égypte, tout mahométan qu’Il
était, honorait et vénérait saint François, même s’il savait qu’il
était chrétien et catholique. On peut dire la même chose des hérétiques.
Car le catholique saint Benoit a été fort honoré par le roi arien Totila.
Il l’a considéré comme un vrai serviteur de Dieu, et un prophète,
comme l’écrit saint Grégoire (livre 2, chapitre 15, du dialogue).
Et Luther, qui était déjà hérétique, écrit ainsi, dans son livre
contre les anabaptistes, qui, en haine du pape, rejetaient le baptême
des petits enfants : « Nous avouons que sous la papauté, il y a une plus
grande partie du bien chrétien, et même tout le bien chrétien, qui s’est
rendu jusqu’à nous. Nous reconnaissons donc que dans la papauté
se trouve la vraie Écriture sainte, le vrai baptême, le vrai sacrement
de l’autel, les vraies clefs pour la rémission des péchés, le vrai
ministère de la parole, et le vrai catéchisme, comme sont aussi l’oraison
dominicale, les dix commandements, et les articles de foi. Je dis,
en plus, que c’est sous la papauté qu’existe la vraie chrétienté,
le vrai noyau de la chrétienté. »
Calvin (chapitre 10, verset 17 de ses institutions), appelle saint
Bernard un pieux écrivain. Et, il est certain que saint Bernard
fut un papiste; et personne n’est pieux sans la vraie foi. Philippe
(dans son apologie, articles 5 et 27 de la confession augustinienne), dit
que Bernard, François et Dominique sont des saints. Et c’est ce
que dit aussi Luther dans son livre sur l’abrogation de la messe, près
de la fin. De même, comme l’a écrit Cochlaeus dans les
actes de Luther 1531, après plusieurs batailles entre les catholiques
et les hérétiques suisses, un traité de paix avait été signé, et
Luther déclara vouloir renvoyer ses confédérés en paix vers sa foi
catholique ancienne et indubitable. Les catholiques, eux, n’eurent
pas à préciser à quelle foi ils retournaient.
CHAPITRE 17
La quatorzième note
La dixième note est la fin malheureuse de ceux qui combattent l’Église.
Car, si Dieu punit même les siens et les afflige, cependant c’est dans
le feu qu’il projette sa verge. Deutéronome 32 : « Louez nations
son nom, car il venge le sang de ses serviteurs, et montre sa vindicte
aux ennemis des siens. » La misérable fin du Pharaon, premier persécuteur
de l’Église, nous la lisons dans l’Exode 14. Celle de
Dathan et d’Abiron, les premiers schismatiques, nous la lions dans
Nombres 16. Celle de Jézabel, dans 4 Rois 9. Celle d’Antiochus,
dans Macchabées 9, Celle de Pilate, qu’il se soit suicidé lui-même,
c’est Eusèbe qui le rapporte (livre 2, chapitre 7 de son histoire, et
au dernier chapitre). Il raconte brièvement la tragique fin de Jérusalem,
que Josèphe a rapportée tout au long dans sa guerre juive. Joseph
(livre 17, chapitre 9 de ses antiquités) raconte qu’Hérode d’Ascalon
mourut dévoré par les vers, après avoir d’abord tué sa femme
et ses fils, et avoir voulu se suicider lui-même. Joseph dit aussi (livre
18, chapitre 14), qu’après avoir perdu son royaume, Hérode le tétrarque,
fut relégué à un exil perpétuel, et y mourut misérablement.
Au sujet de sa fille, Hérodiade, voir Nicéphore (livre 1, chapitre 20)
. Au sujet d’Hérode Agrippa, voir actes 12.
Néron, Domitien, et tous les autres empereurs qui ont persécuté les
chrétiens, ont été tués cruellement par d’autres, ou se sont tués
eux-mêmes, ou ont misérablement péri, comme nous le révèlent les chroniques
et toutes les histoires. Car, Trajan s’est éteint à la
suite d’une horrible paralysie accompagnée d’une hydropisie.
Dioclétien abdiqua, attristé qu’il était de n’avoir pas pu
détruire tous les chrétiens. Galère Maximien et Maximin étaient
tourmentés par des douleurs si grandes et si insupportables que même
les médecins païens y voyaient une punition divine. Voir Eusèbe
dans sa chronique, et au livre 8 et 9 chapitre ultime de son histoire.
Venons-en maintenant aux hérésiarques et aux apostats.
Pendant qu’il voulait s’envoler, Simon le magicien fut rabattu par
les prières de Pierre, et il mourut peu après, couvert de honte. Témoins
Égésippe (livre 3, chapitre 2, de la destruction de Jérusalem) et Arnobius
(dans sa chronique, et dans son livre contre les Gentils). Le roi
des Perses a arraché la peau à Manès quand il était encore vivant,
non pour la foi, mais parce qu’il tua la fille du roi en la soignant.
(Épiphane hérésie 66). Montan, Theodote et leurs prophétesses
se tuèrent avec leurs nœuds coulants, selon Eusèbe (livre 5, chapitre
16 de son histoire). Quand des donatistes jetèrent des hosties consacrées
aux chiens, ils furent déchiquetés par ces chiens. (Optatus livre 2,
contre Parmenien). Quand Arius voulut entrer dans l’église, il
sentit subitement le besoin d’accéder aux latrines publiques, et avec
les excréments il expulsa ses intestins et son âme. Voir
saint Athanase (discours 1 contre les Ariens), et Ruffin (livre 10, chapitre
13 de son histoire). Julien l’apostat fut tué par Dieu, et privé
de sépulture, car il a été absorbé par la terre soudainement ouverte,
au dire de saint Grégoire de Naziance, son contemporain et condisciple
à Athènes (dans son sermon sur Athanase, vers la fin). L’arien
Valens, qui succéda à Julien dans la persécution des chrétiens,
a été brûlé vivant par les Goths ariens. (Ruffin, livre 2, chapitre
7 de son histoire.) Hunnericus, le roi arien des Vandales,
et le persécuteur de l’Église, a été dévoré vivant par les
vers avant de mourir. Voir Victor livre 3, à la fin. L’empereur
Anastase, soutien des hérétiques eutychiens, mourut après avoir
été frappé par la foudre, comme l’écrivent Cedrenus, Zonaras, et
Paul diacre dans sa vie. Au temps de Léon l’iconoclaste,
une peste suivit la combustion d’images sur la place de Constantinople.
Trente mille hommes en moururent. Voir la chronique de Matthieu Palmerius,
en l’an 741. Au sujet de Constantin Copronyme, voir Paul diacre.
Luther a été enlevé par une mort subite (il se serait suicidé selon
son serviteur) après avoir fait un copieux repas, pendant lequel il s’était
montré joyeux, débordant de vie, et avait provoqué le rire par ses facéties.
La nuit même, il était mort. Voir Cochlaeus dans la vie de Luther.
Zwingli a trouvé la mort dans un combat contre les catholiques.
Peu après, son frère spirituel Oecolampadius s’est couché, un soir,
plein de santé, mais fut trouvé le matin par sa femme, mort dans
son lit. Voir Cochlaeus dans les actes de Luther, l’an 1531.
André Carolstade fut tué par le démon d’après une lettre des ministres
de Bâle qu’ils éditèrent à la mort de Carlostade.
Calvin expira après avoir été dévoré vivant par des vers, comme Antiochus,
Maximin, Hunnericus, comme l’atteste Jérôme Bolsecus dans sa vie.
Il ajoute même que, après avoir invoqué les démons, il mourut en blasphémant
et maudissant.
CHAPITRE 18
La quinzième note
La dernière note est la félicité temporelle accordée divinement
à ceux qui défendirent l’Église. Car les princes catholiques
qui ont vraiment eu foi en Dieu ont toujours triomphé facilement de leurs
ennemis. Sont bien connues les victoires que, dans l’ancien testament
remportèrent Abraham, Moïse, Josué, Samson, Gédéon, Samuel, David,
Ézéchias, Josias, et les Macchabées. Dans le nouveau testament,
Constantin, qui fut le premier des empereurs romains à défendre publiquement
l’Église, battit Maxence à peu près comme Moïse défit le Pharaon.
Voir Eusèbe (livre 9, chapitre 9 de son histoire) : « L’empereur Constantin,
non en suppliant les démons, mais en adorant le vrai Dieu, accomplit de
si grandes choses dans tant de domaines que nul n’aurait osé en désirer
davantage. Il gouverna et défendit à lui seul l’empire romain dans
son entier. Il fut toujours victorieux dans les nombreuses guerres
qu’il mena. Il eut toujours la force voulue pour opprimer les tyrans.
Il réussit dans toutes ses entreprises. Il mourut dans son lit à
un âge avancé, et légua son royaume à ses enfants. » Au
sujet de Théodose sénior, saint Augustin (au chapitre 5 du même endroit)
écrit qu’il était pieux et catholique. Et tout lui réussit à un point
tel que dans les combats qu’il livrait aux ennemis de l’empire,
les traits lancés sur lui retournaient à ceux qui les avaient lancés.
Theodoret ajoute (livre 5, chapitre 24 de l’histoire), que les apôtres
saint Jean et saint Philippe apparurent sur des chevaux blancs pendant
un combat que livrait Théodose, et combattant pour lui.
Honorius, qui était un vrai catholique et qui était très attaché
au pontife romain, comme on le voit par les lettres qu’il écrivit au
pape Boniface, ( saint Augustin, livre 5, chapitre 23 de la cité de Dieu),
a reçu une aide de Dieu si manifeste que, dans un seul combat, plus
de cent mille Goths ont été fauchés, le roi Radagaisus pris avec ses
fils, sans qu’aucun soldat romain n’ait été tué ou même blessé.
Au sujet de Théodose junior, Socrate (livre 7, chapitre 18 de son histoire)
rapporte que quand il se battit contre les barbares, pendant que dans la
ville on avait cessé toute activité pour prier Dieu, environ cent mille
sarrasins périrent misérablement, frappés par les anges à l’Euphrate.
Justinien senior, tant qu’il demeura catholique, gouverna avec
bonheur, au point qu’il restitua à l’empire romain l’Italie, l’Afrique
et d’autres provinces, comme nous le raconte Évagre (livre 4, chapitre
16 de son histoire). Mais, quand il devint hérétique, et qu’il
voulut émettre un édit pour imposer son hérésie, il fut frappé de
mort subite, libérant l’Église d’une grand crainte (Évagre, livre
4, dernier chapitre). Héraclius également, (comme on l’apprend
de Zonare et d’autres historiens), remporta, quand il était encore catholique,
une victoire éclatante sur les Perses, et il reçut la croix du Seigneur
quand tout semblait perdu. Mais quand il tomba dans l’hérésie
des monothélites, il ne rencontra que déboires et échecs; et il
mourut d’une maladie nouvelle et inouïe.
Les historiens montrent clairement que, à partir du moment où, à
cause de leur refus de vénérer les images, les empereurs orientaux se
séparèrent de l’église romaine, ils ont décliné de jour en jour
jusqu’à ce qu’ils perdent le peu qui restait encore de leur empire.
En occident, les historiens montrent que les empereurs ont été florissants
ou pas, selon qu’ils ont été amis ou ennemis de l’église romaine.
Au temps d’Urbains 11, en l’an 1098, les chrétiens firent une guerre
sainte, prêchée par le pape, pour la récupération des lieux saints.
Il y avait un nombre infini de soldats turcs et perses, et les croisés
étaient peu nombreux. Ils étaient si épuisés par la faim que
même les hommes les plus forts marchaient appuyés sur un bâton.
Ils manquaient aussi de chevaux. Godefroid était le seul à posséder
un cheval, et les autres chefs avançaient assis sur des ânes. Or,
Dieu leur révéla où se trouvait la lance sacrée. En l’utilisant
comme étendard, ils remportèrent la victoire, et tuèrent cent mille
Turcs. Ils ne perdirent, eux, que quatre mille soldats. Il
tomba même divinement une rosée qui réanima leurs âmes et leurs corps.
Apparurent même dans le ciel, trois saints qui combattaient pour eux.
Voir Paul Émile (livre 4), et Guillaume de Tyr (livre 6) et Dodechinum,
le continuateur de Marianus Scot.
Au temps d’innocent 111, dans la Gaule, furent tués, en un seul
combat, par huit mille catholiques, cent mille Albigeois hérétiques,
comme l’écrit Émile (au livre 6 de l’histoire des Francs.)
À notre époque, en l’an 1531, les catholiques suisses ont livré
pour la foi cinq combats contre les suisses hérétiques. Les catholiques
vainquirent toujours, même s’ils étaient inférieurs en nombre et en
arme. Voir Jean Cochlaeus dans les actes de Luther, en 1531.
En Gaule aussi, et en Belgique, les catholiques ont remporté, non
sans miracle, beaucoup de victoires contre les hérétiques. Les ennemis
ne furent presque jamais supérieurs quand on livra une guerre juste.
Et voilà pour les notes de l’Église.
2018 03 07 19h34 fin
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en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com,
France, Paris, 18 mars 2019.