2 septembre 2019
LE LIVRE UNIQUE
DES CONTROVERSES
sur le
SACREMENT D’EXRÊME ONCTION
Les controverses sur le
sacrement de confirmation sont au nombre de sept. La première et la principale qui porte sur
le genre : est-ce un sacrement de la loi nouvelle proprement dit ? La seconde qui porte sur la matière. La
troisième porte sur la forme. La
quatrième sur l’effet. La cinquième sur
le ministre. La sixième sur le récipiendaire.
La septième sur les cérémonies.
CHAPITRE PREMIER
Qu’est-ce que les
hérétiques nient sur ce sacrement ?
Les hérétiques en grand
nombre se sont évertués à rejeter du nombre des sacrements, le rite de l’onction des malades. Le premier est Waldensis (comme le
rapporte Énée Sylvius, dans son livre
sur l’origine des Bohèmes, au chapitre 35,
et Guido Carmelita dans sa Somme sur les hérétiques). Les deuxièmes sont les Albigeois (au
témoignage d’Antonin dans sa somme théologique, part 4, tit 11, chapitre 7,
verset 5). Le troisième Jean Wiclef (au
témoignage de Thomas Waldensis, tome 2, les sacrements, chapitre 163). Et il témoigne suffisamment de lui-même dans
le livre 4 de sa trilogie, chapitre 25. Il affirme, là, que ce sacrement n’a été
institué ni par le Christ, ni par les apôtres;
et qu’il n’est donc pas un vrai sacrement.
C’est ce qu’ont imité les
hérétiques de notre temps. Luther (dans
son livre sur la captivité de Babylone, au chapitre de l’extrême onction) ne
rejette pas ce rite, mais il nie qu’il
soit un sacrement proprement dit.
Calvin (livre 4, chapitre 19, versets 18, 19, 20, 21), et Kemnitius (2 par examen page 1102 jusqu’à 1135) ne font
pas que nier le sacrement : ils s’en
moquent. Melanchton fait la même chose
(dans les lieux, tit onction). Brentius fait aussi la même chose (dans sa confession de Wirtemberg, chapitre
sur l’extrême onction. La même chose les
magdebourgeois (centurie 7, et
suivantes, chapitre 6 sur le rite de la visite aux malades.)
L’église catholique affirme
ouvertement que l’extrême onction est un sacrement véritable et proprement
dit. C’est ce qu’enseignent expressément
le concile de Florence (dans son instruction sur les Arméniens) et le concile de Trente (session 14, canon 1
sur l’extrême onction) et tous les théologiens (livre 4, sentences dist
20). On peut prouver cette vérité par
trois arguments. Un premier tiré de l’Écriture,
un second tiré de la tradition ecclésiastique, un troisième tiré de la raison.
CHAPITRE 2
On prouve par l’Écriture que
l’extrême onction est un sacrement proprement dit
Le premier texte est celui
de saint Marc, chapitre 6. Sur ce premier texte, tous ne sont pas d’accord.
Quand les apôtres oignaient d’huile les malades et les infirmes et les
guérissaient, faut-il y voir une onction sacramentelle, ou seulement une figure ou une ombre de ce
sacrement ? Parmi ceux qui soutinrent la
première sentence, on trouve saint Thomas, Waldensis, au lieu cité, Alphonse de Castro (livre sur les hérétiques,
au mot extrême onction). La raison qu’ils
en donnent, comme Bède, Theophylactus, Oecumenius, dans leurs
commentaires sur saint Marc et sur saint Jacques semblent dire, est que, dans le premier texte, l’onction est la même que celle qui se fait
dans l’autre texte. Mais l’autre
sentence est plus probable, celle de
Ruardus (dans son explication , art 12) et de Jansénius (chapitre
6), et de Dominique a Soto (dist 23
quest 1 art) et des autres. C’est celle
aussi que je préfère, d’autant plus que
Luther, Calvin, Kemnitius sont, dans les
lieux cités, de la première opinion.
Car, ils estiment que l’onction des malades, en saint Marc et en saint
Mathieu, est la même onction.
Je vais prouver brièvement
la deuxième sentence. D’abord, l’onction
qu’utilisaient les apôtres se rapportait
principalement ou uniquement à la guérison d’une maladie corporelle,
comme on le voit par ce passage où étaient guéris tous ceux qui avaient été
oints. Or, les sacrements se rapportent par eux-mêmes à l’âme, et au corps par accident, ou
certainement en second lieu. Ensuite, à
cette époque, les apôtres n’étaient pas encore prêtres. Et même si le Christ aurait pu conférer ce
sacrement par des non prêtres, il n’est pas probable qu’il l’ait fait, et nous
ne voyons jamais qu’il ait fait quelque
chose de semblable dans des sacrements beaucoup plus nécessaires, comme ceux de
pénitence et d’eucharistie.
Il importe peu que les apôtres aient baptisé
avant d’avoir été prêtres, car ce n’est pas de l’essence du baptême que le
ministre soit un prêtre, comme ce l’est
pour l’extrême onction. En effet, le
baptême est ratifié s’il est donné par
un laïc, mais l’extrême onction ne l’est pas si elle est donnée par un
laïc. Qu’à cette époque les apôtres n’aient
pas encore été prêtres, on le sait avec certitude, car ils ne l’ont été qu’à la
dernière cène, comme l’enseigne le concile de Trente (session 22, chapitre
1). Il est à noter aussi que les apôtres
oignaient indifféremment n’importe
lequel malade ou infirme, tandis que le sacrement de l’extrême onction n’est
donné qu’à ceux qui sont alités, et en danger de mort, comme tous le concèdent.
Quatrièmement, les apôtres ne se demandaient pas si ceux qu’ils
oignaient avaient été baptisés; et il
est probable que beaucoup de ceux qui étaient oints ainsi étaient des
infidèles. Or, il est certain que, sans
le baptême aucun sacrement n’est profitable, et qu’on ne peut pas, sans
pécher, donner un sacrement à un non
baptisé. Ne vaut pas l’objection qu’on
nous fait (Actes 10) à savoir que Corneille a été confirmé avant d’avoir été
baptisé, et que c’est Dieu qui l’a voulu
ainsi. Car, ce n’est pas le sacrement
de confirmation que Corneille a reçu avant le baptême, mais l’effet du
sacrement, octroyé immédiatement par
Dieu sans sacrement. Enfin, le concile
de Trente (session 14, canon 1) dit que ce sacrement a été insinué en Marc 6.
On dit qu’est insinué quelque chose qui
n’est pas expressément proposé, mais ombragé seulement, et indiqué
obscurément. Et c’es de cette façon qu’on
doit comprendre les anciens qui unissent Marc 6, à Jacques 5. Car, ils veulent
dire que dans le premier texte, sont posés les fondements d’un sacrement qui n’a
été proposé explicitement que dans le
second. Car, quand, en Matthieu 19 et
ailleurs, le Christ impose les mains, nous ne disons pas qu’il a institué alors
le sacrement de confirmation, ou d’ordination,
mais nous reconnaissons cependant que ce fut une ombre d’un sacrement
futur. De la même manière, quand le
Seigneur ordonna aux apôtres de guérir des malades ou des infirmes avec de l’huile,
nous comprenons que cela signifiait qu’il y aurait un temps, dans le futur, où l’huile serait un sacrement des malades.
Venons-en maintenant à l’autre
passage, celui de saint Jacques 5 : « Quelqu’un parmi vous est-il
malade ? Qu’il fasse venir les prêtres
de l’église, pour qu’ils prient sur lui
en l’oignant avec de l’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera
le malade, et le Seigneur le soulagera;
et s’il a des péchés, ils lui
seront remis. » Nous avons ici tout
ce qui est requis à l’essence d’un sacrement, à savoir le symbole, la promesse
de la grâce, et l’institution divine. Ce
sont ces trois choses, comme nous l’avons dit dans la première controverse sur
la confirmation, que les adversaires requièrent. Le symbole externe est l’onction
de l’huile avec la prière de la
foi. La promesse est le soulagement du
malade, et la rémission des péchés. L’institution divine on la prouve par cette
promesse formelle de l’apôtre qu’il n’aurait jamais osée faire sans mandat ou
institution du Christ. L’apôtre Jacques
n’a pas seulement institué le sacrement, mais il exhorte à recevoir ce qu’il
savait avoir été institué par le Christ.
Parce que Kemnitius (2 par
examen, pages 41 et 42) en requiert cinq autres, bien que les trois ci-devant citées soient
les principales, nous montrerons qu’on trouve aussi les autres dans l’extrême
onction. En plus des autres , il
requiert, en effet, que le rite soit commandé dans le nouveau testament, en
tant qu’il se distingue des cérémonies de l’ancien testament. C’est ce que nous voyons manifestement dans
ce texte, puisqu’il a été démontré que
le livre de saint Jacques est un livre du nouveau testament, et qu’un tel rite
n’a jamais existé dans l’ancien testament.
Deuxièmement, il requiert que ce rite ne dure pas un certain temps
seulement, mais qu’il soit perpétuel. C’est
ce que nous avons dans ces mots : Quelqu’un parmi vous est-il malade
? Nous en concluons donc que ce rite
durera, tant qu’il y aura des malades
dans l’église.
Troisièmement, il requiert
qu’une promesse de grâce soit annexée, et comme revêtue d’un symbole, de façon à ce qu’on comprenne que la grâce
est donnée quand le symbole externe est
exhibé. C’est que ce Kemnitius exige
contre les calvinistes qui veulent que les sacrements soient les symboles d’une
grâce passée et déjà reçue. Et c’est ce
que nous avons dans ce passage, quand saint Jacques dit : « Les
oignant au nom du Seigneur, le Seigneur les soulagera, et s’ils ont des péchés
etc. » Cela est dit de la même
façon qu’on parlait du baptême en Marc , paragraphe ultime : « Celui
qui croira et sera baptisé sera sauvé. »
Quatrièmement, il requiert que cette promesse ne porte pas sur n’importe
laquelle grâce, mais sur la rémission
des péchés. Or, cela est clairement
exprimé : « et s’il a des péchés » etc. Cinquièmement, il requiert que ce ne soit
pas seulement une promesse générale, mais qu’elle soit appliquée en particulier
à celui qui reçoit le sacrement. Nous
avons cela aussi, car c’est en particulier qu’il est dit : « les
oignant. »
CHAPITRE 3
Nous réfutons les solutions
que les hérétiques donnent à certains textes de l’Écriture
À cet argument, les
hérétiques ont coutume d’apporter quatre solutions.
La première. Cette épitre n’est pas canonique, et n’a
donc pas été inspirée par l’Esprit
Saint. C’est ce que prétend Luther au
lieu cité, auquel Kemnitius donne son assentiment à la page 1113. Il dit là que cette épitre n’est pas d’une
autorité assez sure pour pouvoir
instituer des sacrements sans témoignages de l’Écriture canonique. Et il le prouve avec saint Jérôme qui, dans
son livre sur les écrivains ecclésiastiques, a écrit, au mot Jacques, que les
anciens avaient jugé que cette épitre n’avait
pas été écrite par saint Jacques, et avec Eusèbe (livre 3, chapitre 23 de son
histoire), qui dit de cette
épitre : « Il faut savoir qu’elle est une bâtarde. »
Or, cette première solution
est le refuge des miséreux. Car, tous
les anciens qui ont écrit des catalogues de livres saints, énumèrent
toujours cette épitre avec les autres,
comme par exemple saint Clément (le dernier canon des apôtres), Innocent 1, (épitre 3), Gélase 1 (dans un
concile de 70 évêques). De même, les
conciles de Laodicée (dernier canon), de Carthage 3 (canon 47), de Florence et de Trente, (session 4). Ensuite les pères Origène (homélie 7 sur Josué), saint Athanase (dans
sa synopsis), Épiphane (hérésie
76), saint Jérôme (épitre à Paulin),
saint Augustin (livre 2, chapitre 8 sur la doctrine chrétienne), Ruffin (dans son symbole) Isidore de Séville (livre 4 des étymologies,
chapitre 18), et saint Jean Damascène
(livre 4, chapitre 18 sur la foi).
Si un si grand nombre d’auteurs
ne constitue pas une autorité, l’autorité des autres livres devra s’écrouler. Car nous ne savons pas autrement que par la
tradition que les autres livres sont canoniques, ainsi que par le
témoignage des anciens pontifes, des conciles et des pères. De ceux surtout qui se sont astreints à
faire des collections de livres saints.
Et nous n’avons jamais lu aucun écrivain qui aurait déclaré formellement
que l’épitre de saint Jacques n’est pas canonique. Car, saint Jérôme, que Kemnitius cite en sa
faveur, dit, il est vrai, qu’à certains
auteurs cette épitre avait paru douteuse, mais qu’au cours du temps, elle avait
gagné ses épaulettes. Eusèbe dit bien
que, selon l’opinion de certains, cette épitre est bâtarde, mais il ajoute
aussitôt après : « Nous savons, nous, qu’elle a été reçue
publiquement dans un grand nombre d’Églises. » Et il est certain que l’autorité publique des
églises a plus de valeur qu’une obscure
opinion quelconque qui, au témoignage d’Eusèbe,
rejetterait cette épitre.
La deuxième solution est
celle de Luther : « Si la lettre était de l’apôtre Jacques, je dirais
qu’il n’est pas permis à un apôtre d’instituer un sacrement de sa propre
autorité, c’est-à-dire donner une promesse divine avec un mot annexé, ce qui n’appartient
qu’au seul Christ. » Cette solution
est de loin plus faible que la précédente, car Luther ose défier l’apôtre saint
Jacques, lui résister en face comme s’il avait erré ouvertement, et s’était arrogé ce qui ne lui revenait pas. Or, saint Jacques ne prétend pas avoir fait
ce dont Luther l’accuse. Car, il n’a
pas institué un sacrement, mais a exhorté à utiliser un sacrement déjà
institué. Et à supposé même qu’il se
serait arrogé ce droit, il faudrait le croire lui plutôt que Luther, car il ne
peut pas se faire qu’après avoir reçu le Saint-Esprit, un si grand apôtre ait erré à ce point. Et
cette erreur n’est pas semblable à celle de Pierre, qui se trompa dans un
comportement, non dans la doctrine.
Saint Jacques, lui, aurait erré dans la doctrine, ce qui n’est pas
possible. Voilà pourquoi, même si saint
Jacques avait dit que le sacrement avait été institué par lui, il aurait fallu
croire qu’un privilège spécial lui avait été concédé par le Christ. Mais on n’est pas obligé d’en venir à ces
expédients.
La troisième solution est
celle du même Luther au même endroit, ainsi que de Wiclef, de Philippe, de
Brentius, de Calvin, et d’autres. Saint
Jacques parlait de l’onction dont on se servait à l’époque pour guérir les
maladies corporelles. En effet, Wiclef
pense que l’apôtre parle d’une cure naturelle, qu’il nomme l’huile parce que c’est une cure
naturelle, et qu’elle abonde dans cette région.
Philippe estime qu’il parlait d’une huile qui guérissait en partie
naturellement, et en partie par un don divin.
Voilà pourquoi il dit qu’Abraham, Isaac
Jacob, Isaïe et les autres prophètes étaient par profession des
médecins, qu’ils avaient un grand nombre
d’herbes naturelles à vertu curative, et qu’ils
étaient dotés du don des miracles.
Cependant, Luther, Calvin, Brentius et Kemnitius expliquent la cure par un don de Dieu, et c’est pourquoi ils soutiennent que cette
onction ne fut pas plus un sacrement que ne l’ont été la piscine probatique, la
boue ou le crachat, ou l’eau de
Siloé. Et ils ajoutent que quand ce don
cessa, non seulement l’huile ne fut plus un sacrement, mais qu’elle devint une chose inutile et
superstitieuse.
Leur arguments sont au
nombre de trois. Le premier . C’est de l’évangile de saint Marc que saint
Jacques prit ce qu’il enseigne de l’onction
de l’huile. Or, saint Marc parle de l’onction
dont se servaient ceux qui avaient le don de guérir. Le deuxième. Parce que saint Jacques se sert
de paroles qui relèvent de la santé corporelle.
Le troisième. Parce que saint
Jacques ne parle qu’aux hommes de son temps,
quand durait encore la grâce des guérisons. Cela appert du fait qu’il n’a ajouté aucune
particule qui aurait laissé entendre que ce rite concernait aussi ceux qui
viendraient après, comme les Écritures le font
quand elles parlent des vrais sacrements, comme, par exemple, le
baptême (Matth fin): « Je
serai avec vous jusqu’à la consommation du monde. » Ou (1 Corinthiens 11)
de l’eucharistie : « Toutes les fois que vous mangerez de ce pain ou
boirez à ce calice, vous annoncerez la
mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. »
Mais à ces arguments, nous
pouvons en opposer de plus nombreux et de meilleurs. Le premier argument. Il est facile de prouver, contre Wiclef et
Philippe, qu’on ne parle pas d’une cure
naturelle, et que les prophètes n’avaient pas coutume de traiter les malades à
la façon des médecins. D’abord, même si
l’huile était une médecine naturelle, elle n’est pas une panacée universelle
capable de guérir toutes les maladies, car à plusieurs elle sera inutile ou
peut-être même dommageable. Or, l’apôtre
parle en général, et ordonne à tous les malades de recevoir ce traitement. Ensuite, quand ils guérissaient, les prophètes et les apôtres se servaient ,
la plupart du temps, de choses nuisibles par nature, et certainement non
salvifiques, pour que tous comprennent que la guérison était due à Dieu et non
à la nature. C’est ainsi que Moïse
érigea un serpent d’airain, pour que ceux qui avaient été mordus par des
serpents soient guéris en le regardant.
C’est ainsi aussi qu’Élisée
guérit, par l’eau du Jourdain, la lèpre de Naaman le Syrien. C’est ainsi
aussi qu’Elie guérit l’ulcère d’Ézéchias
avec une pâte de figues, qui était le remède contre-indiqué, comme le note
saint Jérôme (dans son commentaire du
chapitre 38 d’Isaïe). De même, c’est
avec de la vase et un crachat que le Seigneur a guéri l’aveugle-né, saint Pierre, avec l’ombre de son corps, et
saint Paul avec un linge et un ceinturon.
Il s’avère donc que s’ils s’étaient servis habituellement de médicaments aptes à guérir, ils auraient abrogé la foi, et obscurci le
don de Dieu.
Que saint Jacques ne parle
pas d’une onction qui aurait guéri le
corps miraculeusement, mais qui aurait
guéri l’âme, et parfois le corps, par la vertu sacramentelle, contrairement à
ce qu’enseignent Luther, Calvin et les autres, on le prouve par les paroles
elles-mêmes de ce passage. D’abord :
« Quelqu’un de vous est-il malade ».
S’il était question de miracles, il aurait parlé en général, il n’aurait
pas averti seulement ceux qui ont une maladie grave, mais il aurait invité
aussi les aveugles, les sourds, les boiteux, les paralytiques etc. qui ne sont
pas alités, qui ne sont pas en danger de mort, et qui pourtant ont besoin de
guérison. Deuxièmement. « Qu’il fasse venir les
prêtres. » Or, s’il s’agissait de
miracles, il dirait plutôt : qu’il fasse venir les prophètes ou ceux qui
ont un don de guérison, car ce ne sont pas tous les prêtres qui avaient ce don
de guérison, et les prêtres qui l’avaient n’étaient pas les seuls à l’avoir. Il importe peu que, dans le mot
presbytes, les adversaires ne veulent
pas voir des prêtres, mais des anciens,
car tous les anciens n’avaient pas le don des miracles, et le don des
miracles n’est lié à aucun âge et à
aucune dignité, comme il appert de Romains 12, 1, Cor 12, et Éphésiens 4. De plus, il n’est pas probable que l’apôtre
ait ordonné à tous les fidèles de rechercher des miracles , qui sont des signes
pour les infidèles et non pour les croyants.
Troisièmement :
« Qu’ils prient sur lui, en l’oignant
de l’huile ». Or, s’il s’agissait
de miracles, saint Jacques ne prescrirait par une matière. Car, celui qui a le don de guérison, emploie
ce que Dieu lui inspire, et il ne peut pas être lié par la vertu miraculeuse
que possède telle ou telle chose. C’est
ce qui appert clairement des divines lettres, et des exemples de tous les
saints. « Mais, dit Calvin, ce fut
une chose utile de prescrire de l’huile,
pour qu’elle soit un signe que les miracles ne provenaient pas des
forces humaines, mais de la puissance du Saint-Esprit. » Mais l’eau aussi signifiait l’Esprit
Saint. Et de plus, si c’était là la
raison pour laquelle l’huile avait été prescrite par saint Jacques, il aurait
fallu s’en servir dans toutes les cures, et surtout pour la résurrection des
morts. Or, nous n’avons jamais vu que
les morts aient été oints quand on les ressuscitait.
Quatrièmement. « Et la prière de la foi sauvera le
malade, et le Seigneur le soulagera. »
Ne voilà-t-il pas une promesse, une promesse absolue, qui ne peut donc pas être référée
principalement à la guérison corporelle.
Car, ou les malades qui ont été oints ont toujours été guéris, comme
saint Jacques le prescrit, ou pas toujours.
S’ils l’ont toujours été, alors il n’y pas eu de décès au temps des
apôtres, à l’exception de ceux qui n’ont pas obéi à saint Jacques, et qui
devaient être peu nombreux. Et plus,
parce que la santé corporelle n’est pas toujours utile à l’âme, on ne l’obtient
donc pas toujours, quel que soit celui qui prie, même s’il a le don de guérison.
Donc, ou cette promesse absolue
de saint Jacques est fausse, --ce
qui ne se peut pas- ou, ce qui est plus vrai, elle se réfère principalement et
absolument à l’âme. Cinquièmement. « Et s’ils sont dans les péchés, ces
péchés leur seront remis. » Ce
pronom « leur » appartient expressément à l’âme, sans qu’il y ait
aucun lieu de tergiversation. Le don de
guérison, lui, se réfère au corps.
Sixièmement.
Tout ce qu’il y a dans cette épitre, avant ce passage, ou après, ne se
rapporte pas seulement à ceux qui vivaient alors, mais aussi à nous, les futurs
croyants, comme les lignes précédentes le laissent entendre : « Soyez
patients. Confirmez vos coeurs. Ne jurez pas.
Quelqu’un parmi vous est-il triste, qu’il prie ! Est-il en paix, qu’il chante des
hymnes. » On peut dire la même
chose de ce qui suit immédiatement : « Confessez vos péchés les uns
aux autres, et priez les uns pour les
autres, pour que vous soyez
sauvés. » Il est certain que
toutes ces choses s’adressent aussi bien à nous qu’à eux. Donc, la même chose vaut pour les mots qui sont placés entre eux, et qui
font partie du même contexte: « Quelqu’un parmi vous est-il malade
? » Voilà pourquoi il ne s’agit pas
du don de guérison qui est rarissime, et qui n’existe pas toujours, et qui ne
peut pas être facilement procuré, mais
d’un sacrement qui dure toujours, et qui peut être procuré facilement à n’importe
qui.
Les arguments qu’ils
allèguent contre nous ne sont pas, non plus, des plus convaincants. Au premier,
je réponds que l’onction que l’on trouve
dans saint Marc 6 n’est pas la même que celle que l’on trouve en saint Jacques
5. En saint Marc, l’onction est une figure, et en saint Jacques, elle
est le figuré. La différence qu’il y a entre le lavage de l’aveugle
né dans l’eau de Siloé (Jean 9), qui fut une figure du baptême, et le
baptême lui-même de l’eau et du Saint-Esprit (Jean 3), est la même que celle qui existe entre ces
deux onctions. Nous voyons aussi que
dans Marc 6, aucune mention n’est faite de paroles ou de promesse
spirituelle qui sont nécessairement
requises à un sacrement. Or, nous avons
l’une et l’autre en saint Jacques.
Quelqu’un qui veut soutenir à tout prix
que, dans Marc 6, il est question de l’extrême onction, pourrait dire que saint Marc n’a pas tout
exprimé, mais que ce qui lui manque, on
doit aller le quérir chez saint Jacques.
Car, c’est quelque chose qu’on est
souvent obligé de faire quand on étudie la sainte Écriture : ce que
l’un omet le demander à un autre.
Je réponds au second
argument, qui est entièrement grammatical, et qui doit plaire à Kemnitius. Nous ne nions pas que l’extrême onction
procure de temps en temps la guérison corporelle, et que saint Jacques ait pu
placer certains mots qui ont rapport à la guérison corporelle. Cependant,
comme ces deux mots, selon Kemnitius,
se rapportent à la santé du corps,
il y a aussi une phrase entière
qui, sans aucune controverse, se
réfère au salut de l’âme : « et s’il a des péchés, ils lui seront remis. »
Je dis en second lieu, que les deux mots dont parle Kemnitius,
appartiennent principalement à l’âme.
Car, même si egeiro signifie proprement exciter et élever, ce qui se
rapporte au corps, il signifie aussi enlever
la morosité, la douleur, la tristesse, la négligence, la langueur, l’acédie,
et le dégout spirituel. Voici, à ce sujet
des paroles de saint Paul (dans Romains 13) : « L’heure est venue
pour nous de surgir du sommeil : égerthènai. Ephésiens 5 : « Lève-toi, egeirai,
toi qui dors. » Luc 3 :
« Dieu assez puissant pour, de ces pierres, susciter des fils d’Abraham. » Et, cet autre dans 2 Pierre 3 : « J’excite
votre esprit sincère. »
Or, dans ce passage
« allevabit Dominus), le verbe signifie une libération de la torpeur, de
la mélancolie, de l’anxiété, choses qui dépriment ceux qui sont près de la
mort, et qui font tout voir en noir, de façon à
ce que les moribonds ne peuvent pas facilement élever leur cœur à
Dieu. L’autre mot iaô n’est pas employé
par saint Jacques dans la phrase où il est question du sacrement d’extrême
onction, mais un peu plus bas, quand il
dit : « Priez les uns pour les autres, pour être sauvés. » Car , c’est là que se trouve iathète. C’est de façon inepte que Kemnitius le déplace pour le faire entrer dans une
autre phrase. Et même ce mot est pris ici au sens de salut de
l’âme, comme on le voit par ce qui précède.
Et pour qu’il ne soit pas surpris qu’un
mot médical soit usurpé pour le salut de l’âme, que Kemnitius pense à combien
de mille fois ce mot à ce sens dans l’Écriture, Psaume
CXLV1 : « Qui guérit les contrits de cœur .» Matthieu 13 : « De peur qu’ils ne
se convertissent et que je les guérisse. »
Voilà pourquoi saint Marc dit 4
a : « Et les péchés leur étaient remis » Et 1 Pierre 2 : « Nous avons été
guéris par ses blessures. »
Au troisième, je dis qu’il
est nécessaire que les sacrements demeurent
aussi longtemps que l’Église demeurera, mais qu’il n’est pas nécessaire que le mot perpétuité
ait été employé dans l’Écriture pour signifier cela. Car, au sujet du baptême, on ne rencontre
jamais ce mot. Qu’on ne nous objecte pas
les paroles du Christ : Voici que je suis avec vous, car le Christ pouvait
être avec nous, même s’il avait institué
un baptême qui n’aurait duré qu’un seul jour.
Nous savons, évidement, que l’onction
dont parle saint Jacques, durera
toujours, car, les malades, les presbytes, les prières, la rémission des péchés
et tout que saint Jacques a énuméré demeureront toujours dans l’Église. Et nous
le savons d’autant plus que, jusqu’ici, cette coutume d’oindre les malades est
toujours demeurée dans l’Église.
La quatrième solution est de
Luther, de Kemnitius et de Calvin. Ils
soutiennent que ce passage ne nous est d’aucun profit, parce que le rite de l’onction
du temps de saint Jacques était différent de celui de notre époque. Et ils le
prouvent cela par les arguments suivants.
Le premier. Saint Jacques demande
qu’on oigne n’importe lequel malade, et non seulement les moribonds. Or, chez nous, l’ onction est dite extrême,
parce qu’elle est donnée à des mourants,
alors que saint Jacques n’a pas voulu qu’elle soit extrême, puisqu’elle est donnée à tous ceux qui veulent être
guéris. Je réponds que l’Église oint
ceux qui sont en danger de mort. Car, c’est
quand il ne reste plus d’espoir dans les remèdes humains, qu’on cherche des moyens surnaturels. Et bien
que les malades soient oints pour qu’ils soient guéris, si cela convient au salut éternel, on a
cependant le droit de l’appeler extrême,
parce que cette onction est la
dernière des onctions que nous recevons dans les sacrements de baptême, de
confirmation et d’ordre.
Et que c’est aussi ce qu’a
voulu saint Jacques, on le voit d’abord par les mots egerei et kamnonta. Car, exciter et faire lever conviennent
proprement à ceux qui sont alités, oppressés,
et alourdis. Et le mot
kamnein signifie défaillir, perdre courage,
et aussi mourir. Et c’est à cause de ce
verbe Kamnein qu’on appelle les morts kamnontes. On voit la même chose dans l’expression
employée : qu’il fasse venir un
prêtre, car s’il n’était pas alité, il pourrait aller le voir lui-même. Et s’il n’était pas alité, et n’était pas
vraiment malade, il n’y aurait pas de raison de faire venir un prêtre. Car, si les prêtres devaient accourir à tous
les malades, ils ne seraient jamais chez eux, puisque le nombre des malades est infini. De plus, il n’est pas crédible que saint
Jacques ait voulu que les chrétiens aient recours à des remèdes surnaturels,
quand ils pouvaient facilement se procurer des remèdes naturels. Ajoutons enfin, que ce passage ne fait que
faire la guerre aux enseignements de nos adversaires. Car, si l’apôtre a
ordonné que tous soient oints, pourquoi n’en oignent-ils pas un seul ?
Leur seconde preuve. Jacques demande qu’on fasse venir les prêtres
de l’église, alors que nous, nous n‘en faisons venir qu’un. Je réponds que, dans le nouveau testament, le
mot presbyte ou ancien est pris au sens de ministre de l’Église. Et Jacques ne
se souciait pas tant du nombre que de la qualité. Car, comme quand nous disons qu’on doit
confesser ses péchés aux prêtres, nous ne voulons pas dire qu’il faut raconter nos péchés à tous, mais à un
seul. Nous ne nions pas, pour autant ,
que ce soit une bonne chose que plusieurs se rendent à un malade, comme cela se
fait à certains endroits.
La troisième preuve de
Calvin. Jacques voulait oindre les
malades avec une huile ordinaire, tandis que nous, nous n’employons que de l’huile
bénite. Kemnitiius ajoute que saint
Jacques n’a pas précisé sur quelle partie du corps, il fallait faire des
onctions, alors qu’aujourd’hui, il faut oindre six membres. Je réponds qu’en ce texte, saint Jacques
parle des malades, non des prêtres. Mais
savoir quelle huile employer ou sur quel membre l’appliquer, cela ne relève pas
du malade mais du prêtre. De plus,
il devrait nous suffire que saint
Jacques ne nie pas que l’huile doive être bénite, ni n’interdise qu’on oigne
les membres qui sont oints aujourd’hui.
Voilà pourquoi ses paroles ne sont pas en opposition avec la coutume de l’Église. Il est pas juste de dire que c’est la coutume
de l’Église qui explique le texte de saint Jacques. J’ajoute que Bède (dans le chapitre 5 de
saint Jacques), explique que saint Jacques parlait d’une huile bénite quand il
dit : les oignant d’huile au nom du Seigneur.
Quatrièmement. Luther, Calvin et les autres prouvent que saint Jacques a attribué l’effet suivant
à la prière de foi : « La prière de foi sauvera le
malade. » Et Luther en déduit que,
chez saint Jacques, l’onction n’est pas un sacrement, et qu’elle n’est pas la
même que la nôtre. Car, les sacrements
et notre onction ne dépendent pas de la foi du ministre. C’est pour cette raison que Calvin et
Kemnitius concluent que cette onction n’est pas semblable à la nôtre. En effet, saint Jacques, selon eux, attribue
tout l’effet à la prière du ministre.
Or, nous, nous attribuons tout à l’onction , quand nous
disons : « Par cette onction
sacrée, etc. »
Je réponds à la conséquence
ou conclusion que Luther en tire, qu’on parle d’oraison de la foi, non parce qu’est
nécessairement requise la foi du ministre, mais parce que cette prière est
dictée par la foi, et qu’elle est comprise par la seule foi. Comme saint Augustin appelle parole de foi la
parole sacramentelle qui, avec l’élément, fait le sacrement; et dit que cette parole opère non parce qu’on
la dit, mais parce qu’on y croit, (traité 80 sur saint Jean). Ajoutons que les miracles ne dépendent pas
toujours et nécessairement de la foi.
Car, saint Épiphane raconte (hérésie
30), qu’un certain Juif du nom de Joseph
avait fait des miracles avec de l’eau bénite et le signe de la croix, même s’il
ne croyait pas. Car, les miracles sont souvent opérés par la seule invocation
du Christ. Donc, si était vrai ce que Luther prétend, qu’on ne peut pas montrer
que saint Jacques parle du sacrement dont nous parlons, nous, on ne pourrait
pas montrer non plus qu’il parle de
miracle, comme le veut Luther.
Au sujet de la conclusion qu’en
tirent Luther et Calvin, je réponds que la prière de foi qui sauve un malade n’exclut
pas l’opération de l’onction, mais
plutôt l’inclut. Car, voici quelle est
la prière de foi : « Par cette saint onction, et par sa très pieuse
miséricorde, que Dieu te soit indulgent. »
Quand quelqu’un demande à Dieu que lui soit donné quelque chose par la
passion du Christ, si l’oraison obtient cela, on dit que l’oraison l’a sauvé,
mais non, évidemment, sans la passion du Christ. J’ajoute aussi que même si, dans cette
prière, n’était faite aucune mention de l’onction, nos adversaires ne
gagneraient quand même rien. Car, même dans les autres sacrements, un
effet de ce sacrement est souvent imparti , bien qu’il soit
établi qu’une partie n’opère pas sans l’autre. Tite 3 : « Il nous a sauvés par le
lavement. » Actes 8 :
« Simon était plein d’envie, parce que,
par l’imposition des mains des apôtres,
l’Esprit Saint était donné. »
Cependant, saint Luc avait dit,
avant, que les apôtres avaient prié pour les samaritains, afin qu’ils
reçoivent l’Esprit Saint.
Cinquièmement, Calvin prouve
avec l’aide de nos témoignages. Car, Sigebert a écrit dans sa chronique que cette onction avait été instituée par
Innocent 3. Elle n’est donc pas celle
dont parle saint Jacques. Mais,
Kemnitius (à la page 335), écrit avec beaucoup plus d’audace ou de
témérité, que l’onction des malades a
été instituée par Félix 4, autour de l’année
528. Mais il n’apporte aucun texte pour
asseoir son affirmation. Je réponds que
le mensonge de Kemnitius a suffisamment été réfuté par Calvin, car Innocent 3
précède Félix 1V de cent ans. Et, dans
sa vie, ni dans aucun de ses écrits, nous ne trouvons un mot sur l’extrême
onction. Il parle, il est vrai, de l’onction
des autels, des basiliques, pendant qu’ils
sont consacrés. Et, dans son épitre 1 au
même pontife, rien sur l’onction des malades.
Mais à Kemnitius, il est permis d’appeler êtres vivants et existants des
choses qui ne sont pas. Il a peut-être
hérité de cela, par hasard, du supplément des
chroniques de Philippe de Bourgogne.
Car, il écrit celui-là que le pape Félix a averti de conserver la
doctrine de saint Jacques sur l’onction
des moribonds. Mais en quoi cela est-il
contraire aux catholiques? N’est-ce pas
plutôt à leur avantage ?
Et à Calvin je réponds que,
par ces mots, Sigebert réfère aux
paroles qui se trouvent dans l’épitre du pape Innocent 3, (épitre 1, chapitre 8). Il dit, dans cette épitre que « l’onction des malades dont pale
saint Jacques est un sacrement ».
Il ne dit pas que c’est lui qui l’a institué, il dit plutôt le contraire
quand il proclame le témoigne de saint Jacques
pendant qu’il l’appelle sacrement, et pendant qu’il répond à une
question qui lui avait été proposée par
l’évêque Eugubine, sur ce sacrement.
CHAPITRE 4
On prouve par la tradition
des anciens que l’extrême onction est un vrai sacrement
On doit, en second lieu,
prouver la vérité avec les témoignages des pontifes, des conciles, des pères et
des autres auteurs. Parmi les pontifes,
nous avons d’abord Innocent 1 qui (dans son épitre 1 à Decentius, chapitre 8)
se souvient de ce sacrement. Nous
avons ensuite Innocent 111 qui a rendu, lui aussi, un témoignage remarquable
sur ce sacrement (dans le chapitre cum venisset, sur l’onction sacrée). Même s’il était seul, le témoignage d’Innocent
1 devrait amplement suffire, car il est un auteur ancien, a commencé à siéger à
Rome en 402. Et son épitre a été louée
et recommandée par saint Augustin, saint
Jérôme, saint Jean Chrysostome. Il dit
expressément et clairement que « l’onction est un sacrement expliqué
par saint Jacques »; et qu’il ne
faut donc pas le donner à ceux qui ne peuvent pas recevoir les autres
sacrements. Et aucun auteur ancien ne
lui a jamais reproché d’avoir enseigné que l’onction des malades est un
sacrement. Ajoutons que les
magdebourgeois (centurie 5, chapitre 6,
rite de la visitation des infirmes) prouvent avec ce témoignage d’Innocent 1 qu’existait,
en ce siècle, la coutume d’oindre les malades.
Ensuite, Kemnitius qui présente à peu près tous les témoignages
présentés par les catholiques pour ce sacrement, n’a pas osé nommer cet auteur,
mais n’a certes pas pu l’ignorer, puisque tous les auteurs catholiques en
parlent.
De ce témoignage, nous
déduisons la raison pour laquelle il n’existe pas un grand nombre de
témoignages anciens et explicites sur ce sujet.
C’est qu’ils n’ont pas eu d’occasion d’en parler. Car Innocent 1 lui-même n’en aurait pas parlé
si l’évêque Eugubinus ne s’était pas demandé si l’évêque était le seul ministre
de ce sacrement, et si le prêtre pouvait aussi le donner. Car, voilà la
question à laquelle le pape répond. Et
les pères n’auraient pas écrit sur les sacrements qui étaient d’usage
courant, à moins d’être interpellés par
une situation donnée, ou pour répondre à des hérétiques.
Dans les conciles, nous
avons d’abord le concile de Nicée traduit de l’arabe en latin, canon 69, où il
est fait mention de l’onction des malades, et où on la distingue du saint
chrême, et de l’huile des
catéchumènes. Nous avons ensuite des
conciles particuliers, mais très anciens, comme celui de Cabilonense 2, canon
48, qui enseigne, en parlant de ce sacrement, que « les décrets des
pères concordent avec l’épitre de saint Jacques ». Le concile de Worms, canon 72, où sont
renouvelés les décrets d’Innocent 1.
Le concile de Mendensis, d’après Duchardus (livre 4, canon 75. Il ordonne dans le sermon 5, dans la cène du
Seigneur, aux curés « de prendre une ampoule d’huile sainte pour oindre
les malades, selon la tradition apostolique ». Celui d’aquisgranensis 2, au temps de l’empereur
Louis, canon 8. « Qu’on ne néglige
pas ce sacrement dans lequel est contenu le salut des malades. » A des choses semblables celui de
Moguntinus, tenu sous l’archevêque
Raban, canon 26.
Des pères, nous avons deux
genres de témoignages. De ceux, d’
abord, qui ne disent pas expressément
que l’onction des malades est un des sacrements, mais qui disent expressément que les paroles
de saint Jacques nous concernent, et que les presbytes doivent faire aujourd’hui,
comme en tout temps, ce que saint Jacques a
écrit de faire. Comme, par
exemple, Origène (homélie 2 sur le Lévitique), saint Jean Chrysostome (livre 3 sur les sacrements), saint
Augustin (dans le miroir où il inscrit
les seules paroles de l’Écriture qui nous servent en tout temps. Il écrit aussi
cette parole de saint Jacques : quelqu’un parmi vous est-il malade ? Il écrit la même chose dans le sermonm 216
sur le temps : il admoneste les
malades « d’observer le précepte de saint Jacques. » Dit la même chose l’auteur de l’œuvre sur
la visitation des malades (au tome 9 des œuvres de saint Augustin). Et même si cette œuvre est faussement
attribuée à saint à Augustin, on ne peut nier qu’elle soit d’un auteur
ancien. Disent la même chose Bède
(chapitre 6 de saint Marc, et 5 de Jacques),
Theophylactus (chapitre 7 de
Marc), et Oecumenius (chapitre 5 de Jacques).
Ces témoignages prouvent
suffisamment ce que nous voulons démontrer, si on tient compte que les adversaires nient que cette onction
soit un sacrement, principalement pour
la raison que saint Jacques ne s’adressait qu’aux hommes de son temps. Il est certain que c’est ce qu’a enseigné
Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 20) : « Nous exigeons deux
choses dans un sacrement : qu’il
soit une cérémonie instituée par Dieu, et qu’il ait une promesse de Dieu. Nous demandons aussi que cette cérémonie nous
soit transmise et qu’elle se rapporte à nous.
Car, personne ne soutient que la
circoncision soit un sacrement de l’Église chrétienne, même si elle a été
instituée par Dieu, et a une promesse annexée, car ce n’est pas à nous qu’elle
a été prescrite, et la promesse qui lui était annexée ne nous a pas été donnée
sous la même condition. La promesse dont
ils se vantent férocement, ne nous a pas été faite à nous, comme nous l’avons
démontrée. » Donc, les pères
cités qui affirment ouvertement que cette cérémonie et cette promesse nous
concernent, veulent que cette onction soit un sacrement, au témoignage même de
Calvin.
Nous en avons ensuite d’autres
qui énumèrent expressément l’extrême onction parmi les sacrements, comme Alcuin
(livre 2 sur les offices divins, chapitre 12),
Pierre Damien (sermon 1 sur la dédicace du temple), Hugues de saint
Victor (livre 2, sur les sacrements, par
15, chapitres 2 et 3). Il faut noter, en
passant, que cet auteur dit que ce sacrement a été institué par saint
Jacques. Mais il faut entendre par institution, promulgation, et non une véritable institution. Comme il dit souvent que Moïse a été l’auteur de l’ancienne loi, alors qu’il
ne l’a que promulguée. Saint Bernard
(dans la vie de saint Malachie) rapporte même un miracle insigne. Ainsi que
Pierre Lombard (4 dist 23), que tous les autres théologiens ont suivi.
Viennent ensuite les exemples de plusieurs saints qui tinrent à être oints avant de sortir de
cette vie. On peut les lire, chez les catholiques, dans Surius (surtout au tome
2), et chez les hérétiques dans Illyricus (tome 2), centuries 8 et suivantes,
chapitre 6.
Survient ensuite le
témoignage de l’église grecque qui a un poids tout particulier, parce que ce n’est
pas de l’Église romaine qu’elle a reçu ses rites, surtout depuis le temps de sa
sécession. Il est certain que ces témoignages sont plus anciens que les
hérésies et les schismes qui sont nés plus tard après. Que les Grecs reconnaissent que l’extrême
onction est un vrai sacrement, on le voit d’abord par le concile de Florence où
ils reçurent sans protester l’instruction aux arméniens, qui énumère l’extrême
onction parmi les autres sacrements. De
plus, quand Jérémie, le patriarche de Constantinople, a répondu à la confession
des Luthériens, il a placé sept vrais sacrements, en affirmant qu’il n’y en
avait ni plus ni moins. Et parmi ces sept sacrements, il a nommé l’extrême
onction, en l’appelant un sacrement divin, qui a été expliqué par l’apôtre
saint Jean.
Les écrivains grecs récents
enseignent la même chose, comme Siméon de Thessalonique (au livre des sept
sacrements), Nicolas Cabasilas, (exposition de la liturgie sacrée, chapitre 26)
et le livre rituel euxologion, a, dans le sacrement, les mêmes rites que
ceux que nous nous avons en latin.
CHAPITRE 5
On prouve la
même chose avec la raison
On tire enfin une raison de
la divine providence, dont se sert le concile de Trente lui-même, (à la session
14). Car, quand Dieu institua les
sacrements, qui nous aideraient comme des divins subsides à l’entrée dans l’Église,
et par la suite, on ne peut croire en aucune façon que la divine providence fit
jamais défaut ni dans l’entrée, ni dans
le passage de l’église temporelle militante à l’église sempiternelle. Surtout qu’on n’a jamais autant besoin d’aide
qu’à l’article de la mort, comme les pères l’enseignent souvent, et surtout
saint Grégoire (homélie 39 sur les évangiles, et livre 24 des morales,
chapitres 17 et 18), Eusèbe Émissenus, ou qui conque est l’auteur de
ce livre, homélie 1 sur les moines, et Jean Climaque ( sur les trente degrés,
le degré 7, car, voyant qu’il ne leur
reste que peu de temps, les ennemis livres alors leur plus furieux combat. Et l’homme n’est jamais plus inepte pour
résister à la douleur et à toutes les souffrances des maladies. Car, si le corps qui se corrompt alourdit l’âme
même quand il est en parfaite santé, il
l’alourdira davantage dans cet acte de corruption. Et l’expérience montre que les moribonds
peuvent difficilement élever leur esprit vers Dieu.
Mais Kemnitius accourt au
début de sa censure des décrets du concile, dans l’extrême onction, en disant qu’on ne doit pas chercher d’autre
aide pour les mourants que celles qui sont données, et qui sont utiles pour les vivants : la
parole de Dieu, les sacrements du baptême et de l’eucharistie. La parole de Dieu, peut, en tout temps,
exciter la foi, ainsi que la mémoire du baptême. Et la réception de l’eucharistie est aussi
profitable aux mourants.
Je réponds que si cette explication avait
quelque valeur, nous pourrions aussi
prouver qu’on n’a pas besoin de l’eucharistie.
Car, selon leur opinion, la
mémoire du baptême justifie toujours.
Pourquoi donc, après le baptême, devrions-nous prendre une eucharistie
? Parce que, après le baptême, à cause des épreuves de cette vie, et la
guerre de la concupiscence, la ferveur reçue au début diminue, et la mémoire du
baptême ne suffit plus à la réparer. C’est
pour cela que Dieu a instituée une nourriture spirituelle. Donc, parce qu’au sortir de ce monde, se
présentent des difficultés spéciales, le Seigneur a institué un secours spécial. Surtout parce qu’il arrive souvent que ceux
qui agonisent ne peuvent pas entendre les paroles d’exhortation, ni recevoir l’eucharistie. Alourdis par la mort et privés de l’usage des
sens, ils peuvent être oints, et percevoir le fruit de ce sacrement.
CHAPITRE 6
On réfute les
arguments des adversaires
Le premier argument est de
Luther. « Si l’onction des malades était un sacrement, elle aurait un
effet infaillible. Or, elle n’en a pas, comme tous le savent, puisqu’un nombre
infirme est sauvé; et la promesse de ce sacrement porte sur la santé
corporelle. » Les catholiques
répondent de deux façons à cette objection.
Quelques-uns, comme Dominique a Soto, (dist 23,quest 1, art 3)estiment
que la guérison corporelle est l’effet absolu et infaillible de ce
sacrement. Mais, ils disent que ce
sacrement ne promet pas la santé intégrale, mais un certain degré d’aide
surnaturelle, qui suffira parfois pour la guérison, et parfois pas. Et que, tout étant égal par ailleurs, celui
qui est oint guérit plus vite que celui qui ne l’est pas.
Cette solution ne me plait
pas, puisque tous les théologiens, les conciles de Florence et de Trente,
déclarent formellement que, dans ce
sacrement, la santé du corps est promise conditionnellement, c’est-à-dire dans
la mesure où cela convient au salut de l’âme.
Il ne faut pas oublier qu’il n’est pas permis de demander absolument des biens temporels, alors qu’on
ne sait pas s’ils nous seront utiles ou pas.
« Mais, dit Scot, il arrive que quand un malade oint prend du
mieux, cela le fait empirer. C’est qu’il avait obtenu, par le sacrement,
une santé qui ne convenait pas à l’âme. »
Je réponds que celui qui est guéri après l’onction, et empire ensuite, a
récupéré la santé non par la grâce du sacrement, mais par la vertu des remèdes
naturels. À moins que celui qui a empiré
reprenne ensuite des forces. Car, on dit
que la santé a été profitable à celui
dont la santé profite selon la prédestination, même si elle semble être
nuisible un certain temps. Je dis donc
qu’on ne doit pas penser que la promesse absolue porte sur la santé corporelle,
mais sur la rémission des péchés, et l’aide spirituel qui est toujours utile,
et jamais nuisible. La santé corporelle
appartient aussi à la promesse de ce sacrement, come conditionnellement, c’est-à-dire
si elle est utile à l’âme.
Le second argument est de
Calvin : « Si de ce que les apôtres oignaient d’huile et guérissaient
des malades, on déduit l’existence d’un sacrement d’onction des malades, on devra aussi tirer un sacrement de la vase
et du crachat dont le Christ s’est servi pour guérir des aveugles. Et on devra
le faire aussi pour d’autres cérémonies semblables. » Je réponds que l’objection
de Calvin présuppose que les catholiques fondent leur argument principalement
sur le passage de Marc, chapitre 6, où il est rapporté que les apôtres ont
guéri un grand nombre d’infirmes et de malades par une onction d’huile. Or, nous avons précisément enseigné le
contraire plus haut. Cependant, comme
certains catholiques se servent du témoignage de saint Marc avec une certaine probabilité, réfutons cet
argument pour leur faire plaisir.
Je dis donc qu’il y a une
très grande différence entre l’onction que décrit saint Marc et les autres
cérémonies dont le Seigneur et les apôtres usaient pour guérir les
maladies. Car, des autres cérémonies, il
ne reste aucun texte dans l’Écriture qui
nous obligerait de les pratiquer, comme on le voit dans Jacques 5. Et pour les autres cérémonies, il n’existe
aucune promesse de grâce spirituelle : ce
que nous avons dans saint Jacques .
Dans les autres cérémonies, on ne désigne pas un ministre particulier. Et nous savons que, dans l’église primitive,
des laïcs ont obtenu le don des guérisons.
Or, pour cette cérémonie (l’onction des malades), sont désignés des
ministres spéciaux, des presbytes.
Le troisième argument est de
Kemnitius. La cérémonie de l’onction,
en dehors du don de guérison, tire son origine en partie des hérétiques, et en
partie des païens. Car, les premiers qui
inaugurèrent cette cérémonie de l’onction
par mode de sacrement, sans le don de guérison, furent les hérétiques
valentiniens, comme on le dit dans saint Irénée
(1 livre 1, chapitre 18). Ensuite,
les païens prirent l’habitude d’oindre leurs morts, comme on le voit dans ce
vers de Virgile : « Ils lavaient le corps de l’être sans vie, et l’oignaient. » Voilà pourquoi Alpucius l’appelle le dernier
lavage (livre 3 sur l’âne d’or). Ces
superstitions sont semblables à celles que raconte Denys (chapitre 7 de l’histoire
ecclésiastique).
Je réponds que le rite de
ces hérétiques fut très différent du nôtre.
Car ils oignaient, eux, quelqu’un
qui n’était pas sur le point de mourir, mais qui était déjà mort, comme
on le voit en comparant ce passage d’Irénée
avec un texte d’Épiphane (hérésie 36).
Car, saint Irénée dit que le mort avait coutume d’être oint par les
hérétiques pour s’acquitter d’un décès, ce qui peut être ambigu. Épiphane dit ouvertement que les défunts
avaient coutume d’être oints. De plus,
ile les oignaient avec de l’eau et de l’huile
mêlées ensemble, pour que cette onction
tienne lieu d’un baptême. Nous séparons,
nous, cette onction du baptême, et nous ne mélangeons pas l’huile avec l’eau.
Ensuite, ils utilisaient des mots inouïs, des mots hébraïques horribles, tandis que
nous nous, nous utilisons une prière simple et compréhensible.
En ce qui a trait aux
superstitions ethniques, Kemnitius pèche
doublement. D’abord, toute sa dispute
est hors propos. Car, nous,
nous parlons d’une onction des vivants,
et lui, il tire son argument d’une onction des morts. Et il aurait pu, avec cet argument, militer
contre le sacrement du baptême, parce qu’après la mort, les corps étaient lavés
par les Gentils, et ils sont maintenant
lavés aussi par les chrétiens, comme les Actes 9 nous en donne un
exemple : Thalita avait été lavée par les chrétiens après sa mort. Ensuite, il dit faussement que le rite de
Denys a été tiré de superstitions ethniques, puisque ce sont plutôt les Gentils
qui ont imité les Hébreux, qui étaient beaucoup plus anciens qu’eux. En effet, les Hébreux oignaient les corps des
morts, comme on le lit dans l’Évangile.
Car, dans Matthieu 26, le Seigneur dit en louant la piété de Marie qui l’avait
oint : « C’est pour mon ensevelissement qu’elle a fait
cela. » Et, en Jean 19, où on nous
raconte que le corps du Seigneur avait été enseveli avec des onguents. Et on ajoutait : « Comme c’est la
coutume chez les Hébreux. » Et
nous savons que dans les temps éloignés,
on avait fait usage de cette coutume,
lors de l’ensevelissement des patriarches Jacob, Joseph etc. (Genèse, dernier chapitre).
Le quatrième argument du
même Kemnitius : « L’évolution de cette onction au cours des âges enseigne
ouvertement qu’elle n’est pas un sacrement.
Car, au tout début, les apôtres oignaient les malades avec de l’huile ordinaire dans le
but de les guérir. Ensuite, quelques-uns
ont commencé à ajouter une bénédiction, et à consacrer l’huile. Mais ils continuaient cependant à s’en servir
pour la même fin que les apôtres, c’est-à-dire
guérir les malades par un miracle divin, comme il appert des miracles
produits avec de l’huile bénie par saint Martin. Et par d’autres saints, comme on le lit dans
la vie de saint Martin par Saint Sulpice, dans l’histoire lausiaque de
Palladius, et dans l’histoire religieuse de Theodoret. Enfin, quand les miracles tarirent, pour que
cette cérémonie de l’onction ne soit pas oiseuse, Félix 1V a voulu qu’on oigne les malades. »
Je réponds que cet argument
repose en partie sur de simples
conjectures, et en partie sur des faussetés.
Car, que les apôtres se soient servi d’une huile ordinaire, Kemnitius ne le prouve pas, et ne peut pas le
prouver, si ce n’est à sa façon : l’Écriture ne parle pas d’huile
bénie. Mais nous, nous avons saint
Clément qui attribue aux apôtres la doctrine de l’eau bénite, au livre 8 des
constitutions, chapitre 35, et saint Basile, qui dit que « la bénédiction
de l’huile est une tradition apostolique » (livre sur le Saint-Esprit,
chapitre 27), et Bède (au chapitre 5 de Jacques), où il dit que « saint
Jacques prescrit de l’huile bénite ».
Et il est certain qu’il est préférable de croire trois témoins qu’une
infinité de non-disant. Que Félix 1V ait
institué l’huile des malades, c’est un mensonge, comme nous l’avons montré plus
haut. C’en est un également d’après le témoignage de Calvin, et des magdebourgeois.
Que la cérémonie d’oindre
les infirmes par mode de sacrement soit née de cette onction qui opérait par
mode de miracle, la seule preuve que
Kemnitius en donne est que c’est ce qu’il
pense. Mais nous c’est d’une toute autre façon que nous conjecturons comment s’est faite l’évolution de cette huile. C’est qu’il
arrivait souvent que, dans le sacrement de l’extrême onction, des hommes
étaient guéris. Alors, pour guérir des
malades, des saints commencèrent donc à
se servir, en dehors du sacrement, d’une huile non bénie par un évêque, mais
simplement sanctifiée par un signe de croix.
C’est, en effet, ce qui est arrivé pour l’eau. Parce que, dans le baptême, les hommes
étaient guéris parfois de maladies
corporelles, comme saint Augustin l’atteste dans l’épitre 23, et qu’il en donne
des exemples dans la cité de Dieu (livre 23, chapitre 8), alors, quelques-uns commencèrent à user de cette eau
en dehors du baptême pour guérir les malades.
Ce dont nous donnent plusieurs
exemples Palladius, Theodoret et d’autres.
Le cinquième argument est
celui de Kemnitius et d’Illyricus (aux centuries 2, 3, 4, 5, 6, chapitre 6).
Il n’existe pas d’exemple de saints, parvenus à l’article de la
mort, qui aient demandé à être oints d’une
huile bénite. Je réponds que nous n’en
avons pas d’exemple, parce qu’on ne
mettait pas par écrit les choses les plus quotidiennes les plus connues. Car, il est certain que saint Bernard n’a
jamais omis l’extrême onction, puisqu’il est établi qu’il faisait grand cas de
ce sacrement. Et pourtant dans la vie de
saint Malachie qu’il a écrite, il n’en dit pas un mot, alors qu’il est certain
que Malachie avait eu tout le temps voulu pour recevoir ce sacrement, puisqu’il
avait non seulement prévu, mais prédit sa mort.
CHAPITRE 7
La
matière et la forme de ce sacrement
La matière de ce sacrement
est de l’huile d’olive bénite par l’évêque.
C’est ce que nous lisons dans le concile de Florence (instruction des
Arméniens), dans le concile de Trente (au lieu cité), et dans les conciles, les
pontifes et les pères ci-haut cités. Ce
qui veut dire que, dans ce sacrement, la
consécration et la bénédiction épiscopale
sont de l’essence de la matière du sacrement; et non un accident, comme la consécration de
l’eau dans le baptême. Les conciles de
Florence et de Trente qui, à cause des
hérétiques, ont expliqué toutes ces choses plus complètement, disent que, dans
le baptême, la matière est l’eau simple, sans ajouter le mot bénite. Mais dans l’extrême onction, comme dans la
confirmation, il s enseignent que l’huile
est consacrée par un évêque.
La forme consiste dans les mots suivants : « Par cette
sainte onction, et par sa miséricorde pieuse, Dieu te pardonne tout ce que tu
as fait de mal par la vue etc » C’est
cette formule que nous transmettent les conciles de Florence et de Trente, et
les scolastiques. Il y a ici trois
précisions à faire. La première. Par ces paroles, est expliqué tout ce qui
doit être expliqué dans la forme du sacrement : la cause principale, qui
est la miséricorde de Dieu, et la cause instrumentale qui est l’onction
sacrée; l’effet, qui est la rémission
des péchés, et en conséquence, la santé corporelle, qui dépend de la rémission
parfaite du péché, comme la mort dépend du péché. Voilà pourquoi le Seigneur (en saint
Matthieu 9), dit d’abord au paralytique qu’il voulait guérir : tes péchés
te sont remis, pour que tous comprennent que ses péchés avaient été la cause de
cette maladie. Comme c’était aussi le
cas pour le paralytique guéri par Jésus à la piscine de Siloé (en Jean 5) : « Voici que tu as
recouvré santé. Ne pèche plus, de peur
qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. »
La deuxième précision. Dans cette formule, il n’est pas nécessaire de prononcer
distinctement toutes les syllabes, comme
si chacune faisait partie de l’essence.
Car ce n’est que la phrase qui fait partie de l’essence, et qui a la
forme d’une déprécation, puisque saint Jacques a dit expressément : qu’ils
prient sur lui. Et de plus, il exprime l’effet
du sacrement en déterminant la matière
qui est l’onction. Bien que tous les
mots ne fassent pas partie de l’essence, cependant on ne doit pas les omettre,
et on ne peut le faire sans péché, puisque nous avons de l’Église un précepte
clair, et une coutume séculaire.
La troisième précision. On peut assigner plusieurs raisons pour
lesquelles la forme doit être déprécatoire. Celle qui semble être la principale
est que ce sacrement est un complément du sacrement de pénitence, et comme la
pénitence des malades, qui ne peuvent
plus faire d’œuvres de pénitence. Voilà
pourquoi la différence qu’il y a entre
ces deux sacrements, est que le sacrement de pénitence requiert la confession
et la satisfaction, et des œuvres laborieuses de la part de celui qui reçoit le
sacrement. Donc, dans l’un est la
justice et la miséricorde, et dans l’autre, seulement la miséricorde. Voilà pourquoi le prêtre dit :
« Que Dieu te pardonne. » Pour
bien signifier que, dans ce sacrement, la rémission des péchés est l’œuvre de
la seule miséricorde.
CHAPITRE
8
L’effet du sacrement
Les théologiens conviennent
que ce sacrement a deux effets. Le
premier. La guérison du corps, si elle convient à l’âme. L’autre.
L’effacement des restes des péchés.
Tous conviennent que ce sacrement
n’a pas pour effet, un caractère, et qu’il peut donc être répété, autant de
fois que quelqu’un retombe dans un péril de mort. La seule question que se pose les théologiens
est celle-ci : que faut-il entendre par restes des péchés ? Tous ne le conçoivent pas de la même
manière. Quelques-uns veulent qu’il s’agisse
des péchés véniels, mais sans probabilité,
car ces péchés peuvent être effacés sans sacrement; et pour les effacer, une nouvelle infusion de
grâce n’est pas requise, ce qui est l’effet de tous les sacrements. Si donc c’était cela l’effet propre et principal
de cette onction, nous aurions de la difficulté à prouver qu’elle est un
sacrement; et saint Jacques n’aurait pas
dit : si quelqu’un a des péchés, ils lui seront remis. Car, des péchés véniels, tous en ont. C’est lui-même qui le dit, au chapitre
2 : « Nous offensons tous Dieu en beaucoup de choses. » Il n’est
donc pas à conseiller de restreindre aux
péchés véniels ce que saint Jacques appelle un péché en général, et ce que le
prêtre dit : « tout ce en quoi tu as péché. »
D’autres, par reliques ou
restes, entendent la tendance au péché ou un habitus laissé par le péché. Mais sans grande probabilité. Car, on ne peut pas entendre d’un habitus les
paroles claires de saint Jacques : si tu as des péchés, ni la formule
sacramentelle : tout ce en quoi tu as péché. On ne voit pas, non plus, que, par ce
sacrement, soit enlevé cet habitus. Car,
il arrive souvent que ceux qui guérissent
ressentent la même tendance au péché.
Et non pour rien, car des habitus contractés par la répétition de
certains actes, ne peuvent être enlevés
que par la répétition d’actes opposés.
Je dis donc que les restes des péchés sont
doubles, et que l’effacement de l’un et l’autre appartient à l’effet proprement
dit de ce sacrement. Le premier
sens. On appelle reliques ou restes ce
qui reste après tous les autres sacrements, mortels ou véniels. Il peut se faire que quelqu’un retombe dans
le péché après s’être confessé et avoir communié, et ignore qu’il soit en état
de péché mortel. Une nouvelle confession
ne pourra donc pas expier ce péché. Il pourra se faire que quelqu’un se
confesse et communie non correctement,
sans s’en rendre compte. Voilà
quelles sont les reliques qui sont enlevées par ce sacrement, si on n’y met pas
d’obstacle. Et c’est ce qu’indique saint Jacques quand il dit : « et
ses péchés lui seront remis. » Et c’est
ce qu’enseigne le concile de Trente (session 11, chapitre
2) : « Sil reste encore des délits à expier ». On oint les
cinq sens qui sont comme quatre portes
par lesquelles les péchés entrent dans l’âme, pour que soit faite une
expurgation générale de tout ce qui reste de péché. Ce qui nous fait comprendre à quel point il
ne faut pas mépriser ce sacrement, puisqu’il peut se faire que soit sauvé par
ce sacrement quelqu’un qui autrement aurait été damné.
Quelqu’un dira :
enlever les péchés c’est une chose qui est commune à tous les sacrements, pourvu qu’on n’y mette
pas d’obstacle, parce que tous les sacrements confèrent la grâce, qui ne peut
pas cohabiter avec un péché mortel. Ce n’est
donc pas quelque chose qui soit propre à
ce sacrement. Je réponds que tous les
sacrements font cela, mais par accident,
tandis que l’extrême onction le fait par elle-même et proprement, car c’est
pout cela qu’elle a été particulièrement
instituée à la fin de la vie.
Deuxièmement. Avec le nom de
reliques des péchés viennent aussi les noms de torpeur, mélancolie, qui sont
des restes des péchés, et qui peuvent
vexer un moribond. C’est d’elles que parle le concile de Trente, au lieu cité,
et saint Jacques quand il dit : « Le Seigneur le
soulagera. »
CHAPITRE 9
Le ministre et celui qui reçoit le
sacrement de l’extrême onction
Le ministre est le presbyte,
c’est-à-dire le prêtre et aussi l’évêque, s’il le veut. C’est ce qu’enseignent tous les conciles et
les pères cités plus haut. Et c’est ce
que l’on reçoit de saint Jacques : « Qu’il fasse venir les presbytes
de l’Église. Car, même si le mot grec
presbuteros est ambigu, et peut
signifier autant une séniorité d’âge que de dignité, cependant selon l’usage du
nouveau testament et de l’Église, il ne signifie que prêtres. 1Timothée 4 : « Aves l’imposition
des mains du presbyte. » Et même
les adversaires comprennent qu’il s’agit de ministres de l’Église et non d’anciens
laïcs.
Il y a quand même une chose douteuse dans ce
texte, parce qu’Innocent 1 (dans son épitre 1, chapitre 8), dit que ce ne sont
pas seulement les prêtres qui peuvent se servir de l’huile sainte, mais aussi
les laïcs pour leurs besoins propres.
Cette sentence Bède la cite telle qu’elle au chapitre 6 de saint
Marc, ainsi que le concile de Worm,
canon 72. Thomas Waldensis répond (livre 2 sur les sacrements, dernier
chapitre) qu’il faut entendre les paroles de Innocent 1 pour les lieux et le
temps où il n’y a aucun prêtre. Il
serait alors licite aux laïcs d’administrer ce sacrement. Mais cette explication est rejetée par tous.
Et avec raison, car il n’y a aucun sacrement qui ne requiert pas un ministre
prêtre, à l’exception du baptême et du mariage, qui consiste essentiellement
dans le consentement mutuel des mariés.
Dominique a Soto (dist 23
quest 7, art 1) entend qu’Innocent parle de l’usage de l’huile sainte en dehors
du sacrement, pour la guérison des malades.
Mais cela semble être contraire à la pratique de l’Église, car elle ne
donne pas aux laïcs de l’huile sainte pour leur usage personnel. Les exemples qu’on lit au sujet des miracles opérés par les
saints ermites avec de l’huile sainte, ne prouvent pas qu’ils aient utilité l’huile
qui est bénite par l’évêque dans une cérémonie solennelle, pour qu’elle soit la
matière de ce sacrement. Ils pouvaient
aussi se servir d’une huile qu’ils
bénissaient avec le signe de la croix.
D’autres, avec plus de raison, comme Jansénius (chap 6 de Marc) disent
qu’innocent parle du récipiendaire, non du ministre; et qu’il veut dire qu’il
est permis à tous les chrétiens de se servir de l’huile sainte pour leurs
besoins et leurs nécessités, d’appeler les prêtres, de recevoir l’onction sacrée,
non de l’administrer.
De celui qui peut recevoir
le sacrement, il doit d’abord, la chose est évidente, être un chrétien, car
saint Jacques dit : « Parmi vous ». Il faut ensuite qu’il soit malade, car, ceux
qui se portent bien peuvent faire pénitence.
L’extrême onction est une miséricorde spéciale qui est accordée aux
malades, qui ne peuvent déjà plus faire pénitence, comme nous l’avons dit plus haut. Troisièmement. Le malade doit être gravement malade, de
façon à ce que l’on craigne pour sa vie, comme les conciles l’enseignent, et
comme nous l’avons montré plus haut.
Quatrièmement. Le malade doit
être un adulte et avoir l’usage de sa raison.
Car, les enfants, et ceux qui ont toujours été privés de l’usage de leur
raison n’ont pas de reliques ou de
restes è faire effacer, et ils ne sont
capables ni de la joie et du soulagement que le sacrement apporte, et ce ne serait pas sans irrévérence
que le sacrement leur serait administré.
Cinquièmement, un pécheur ne doit
pas être excommunié avant la confession ou l’absolution, s’il appert qu’il est
retenu par un péché qui n’a pas encore été absout. C’est ce qu’enseigne
Innocent 1 (dans son épitre 1 à Decentius).
CHAPITRE 10
Les
cérémonies
Il y a deux cérémonies
usitées dans ce sacrement. La
première. La récitation des
litanies, et d’autres prières avant l’onction. La deuxième.
L’onction de sept parties du corps : les yeux, les oreilles, les
narines, la bouche, les mains. Ensuite les reins, où est le siège de la
concupiscence, et enfin les pieds, comme le membre de la marche et de l’exécution. C’est ce que prescrit le concile de Florence.
Au sujet de ces onctions, beaucoup pensent qu’elles font partie de l’essence,
mais qu’il suffirait, pour l’essence du sacrement, que le malade soit oint à
quelque part. Le reste appartiendrait au
rite et à la solemnisation. Cette
dernière interprétation est une conception personnelle, et est donc moins
sécuritaire. Certains pensent que toutes
ces onctions sont de l’essence. Mais
voici l’opinion la plus commune, qui est
celle de saint Thomas. La
seule onction qui fait partie de l’essence, est celle des cinq sens, car
là est l’origine de tous les péchés.
Car, la force appétitive dépend à peine de la force cognitive, qu’elle soit progressive ou
exécutive ou l’une et l’autre. Et pour des raisons de pudeur, il
semble honnête de ne pas oindre les reins aux femmes. Le concile ne prescrit donc pas que telle ou
telle partie soit ointe, mais ne fait qu’énumérer les parties qu’on a coutume d’oindre
d’après un rite ecclésiastique variable.