Mgr Jean-Baptiste Bouvier, évêque du Mans (1834-1854), théologien, né le 16 janvier 1783 à Saint-Charles-la-Forêt (Mayenne), professeur de philosophie au collège de Château-Gontier (1808), appelé au grand séminaire du Mans (1811) où il fut d’abord professeur de philosophie et, peu après, de théologie morale, puis supérieur (1819), et enfin vicaire général (1820) jusqu’au moment de son élévation sur le siège du Mans [il devient évêque du diocèse de Mans, dans la Sarthe, en France] (1834) ; [Par attachement à son diocèse, il refuse sa nomination sur le siège archiépiscopal de Tours. Un des diocèses les plus prestigieux de France à cette époque.] Il meurt à Rome le 28 décembre 1854.
Par l’influence intellectuelle considérable qu’il a exercée sur le clergé de son temps, grâce à la diffusion dans presque tous les séminaires de France, des quinze éditions de ses Institutiones Theologicae [Institutions Théologiques], Mgr Bouvier mérite une place à part, et une place d’honneur, dans l’histoire de la théologie au 19ème siècle. Sa théologie a eu la rare fortune d’être le premier, et, pendant longtemps, l’unique manuel qui convînt à la période de transition (1830-1870) caractérisée par l’agonie des deux erreurs, gallicane et janséniste, et par l’aurore des justes restaurations dans tous les ordres de la vie ecclésiastique : philosophie, théologie, droit, histoire, liturgie, etc. (…)
Au point de vue de la morale, l’œuvre de l’évêque du Mans était, au contraire, et est restée tout à fait remarquable. Elle prend nettement position contre le jansénisme ; elle introduit les doctrines de saint Alphonse de Liguori dans l’enseignement, et si cette réaction, aussi méritoire que courageuse, contre les sévérités de Collet [Pierre Collet, +1770] et d’autres innombrables manuels de casuistique plus ou moins issus de la même source, n’atteint pas du premier coup, et sur tous les détails, la perfection de nos théologies morales actuelles, on doit dire cependant que Mgr Bouvier en a été, avec le cardinal Gousset, parmi les théologiens français, le plus puissant initiateur.
Article du Dictionnaire de Théologie
Catholique, éditions Letouzey et Ané, Paris.
JEAN-BAPTISTE BOUVIER,
ÉVÊQUE DU MANS - DISSERTATION SUR LE SIXIEME COMMANDEMENT ET SUPPLEMENT
AU TRAITE DU MARIAGE
Avertissement
Dans ce livre, destiné uniquement aux
prêtres et aux diacres, nous avons essayé de recueillir ce que les prêtres
ne peuvent ignorer, sans danger , au confessionnal et ce qui ne peut être
ni développé dans les cours publics des séminaires, ni confié décemment
et indistinctement aux jeunes élèves. Ce traité roule sur le sixième
commandement et sur les devoirs des époux [la vie sexuelle des époux];
il agite une foule de questions d'une pratique journalière qui laissent
dans l'embarras les confesseurs les plus savants et les plus expérimentés.
Ils ne les trouvent pas facilement
ailleurs exposées et résolues avec ordre et clarté ; les auteurs de
théologie morale qu'ils ont pu consulter jusqu'à ce jour se trouvant
trop rigides ou trop peu explicites. Aussi avons-nous cru rendre service
aux diacres et aux jeunes prêtres, en leur offrant un traité spécial
des péchés opposés à la chasteté et des devoirs mutuels des époux.
Après avoir lu un grand nombre
de livres de théologie sur cette matière, nous avons pris un juste milieu
entre le relâchement et la sévérité. Nous n'avons pas arbitrairement
agi, mais nous avons pris pour base les raisonnements des meilleurs auteurs.
Quiconque, donc, ne partagerait pas notre manière de voir pourra consulter
les ouvrages que nous indiquons, peser les diverses opinions et adopter,
avec connaissance de cause, la décision qui lui paraîtra la plus probable.
Il est certain que nos intentions sont droites ; nos lecteurs en jugeront.
Nous les prions instamment de ne pas nous accuser de faiblesse, de ne pas
abuser de nos principes, de nos décisions et de nos exceptions, pour se
livrer à un relâchement fatal aux mœurs. Qu'ils procèdent avec précaution
et qu'avant de juger, toujours guidés par la prudence, qui est l'œil
des autres vertus, ils pèsent mûrement et nos raisons et les circonstances
dans lesquelles ils se trouvent. Du reste, nous les supplions, au nom de
la vérité, de vouloir bien nous faire connaître nos erreurs s'ils en
reconnaissent.
On nous a souvent demandé de mettre
cet opuscule dans nos œuvres complètes intitulées : Institutions Théologiques,
mais la raison fondamentale qui, dès le principe, nous en a détourné
existe toujours et toujours exige qu'il soit isolé d'une œuvre qui est
mise sous les yeux de tous les séminaristes indistinctement ; nous persistons
dans cette manière de voir.
Dissertation sur le Sixième Commandement
Luxurieux point ne seras
De corps ni de consentement
Cette matière lubrique étant toujours dangereuse, à cause de notre fragilité [du fait du péché originel, l’homme cède plus facilement au mal qu’au bien], on ne doit l'étudier que par nécessité, avec prudence, pour une fin louable et après avoir invoqué l'assistance divine. Quiconque présume trop de ses propres forces s'y livrerait en téméraire et sans discernement, s'exposerait à des chutes presque inévitables, d'après la sentence des livres saints (Ecclésiastique 3.27) : celui qui aime le danger y périra. Il faut invoquer fréquemment le secours de la très Sainte Vierge, surtout au commencement des tentations qui peuvent surgir. Il faut recourir à une prière comme la suivante :
O Vierge très pure, par votre très sainte virginité et votre conception immaculée, purifiez mon cœur et ma chair.
Le sixième et le neuvième précepte
du Décalogue qui se trouvent renfermés au chapitre 20 de l'Exode, versets
14 et 17, ayant évidemment le même objectif, nous avons cru devoir les
traiter dans un seul titre [Exode 20, 14-17 : Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne voleras pas. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne désireras pas la maison de ton prochain ; tu ne désireras pas sa
femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni
aucune de toutes les choses qui lui appartiennent.]
6ème Précepte
Luxurieux point ne seras de corps ni de
consentement
9ème Précepte
L'œuvre de chair ne désireras qu'en
Mariage seulement
De même qu’en prohibant le vol,
on défend toute usurpation du bien d’autrui, de même, en prohibant
l’adultère on réprouve tout acte opposé à la chasteté.
La chasteté, qui tire son nom du
mot châtier parce qu’elle refrène les concupiscences, dit Saint Thomas
2a 2ae [Somme Théologique 2ème partie de la 2ème partie], question 151,
article 1, [la chasteté] est une vertu morale qui met les plaisirs sexuels
sous l’empire de la raison.
C’est une vertu spéciale car
elle a un but distinct ; elle a pour annexe la pudeur qui, par respect
pour les hommes, couvre d’un voile discret même les choses permises
.
On peut considérer la chasteté
à un triple point de vue : la chasteté conjugale, celle des veufs et
celle des vierges [vierges correspond ici aux célibataires]. La chasteté
conjugale subordonne à la raison l’usage du mariage. Celle des veufs
consiste dans l’abstention de tout plaisir vénérien après la dissolution
du mariage. La chasteté virginale ajoute à cette parfaite abstinence
l’intégrité de la chair [l'hymen n'a pas été rompu par la pénétration
du pénis dans le vagin]. La virginité peut donc être considérée comme
un état ou comme une vertu. Comme état, elle consiste dans l’intégrité
de la chair, c’est-à-dire dans l’abstinence de tout acte vénérien
consommé ; comme vertu, c’est la parfaite abstinence de toute action
volontaire ou de tout plaisir opposé à la chasteté avec la résolution
de rester toujours dans cette abstinence. L’état de virginité est donc
très distinct de la vertu de ce nom.
L’état de virginité peut-être
détruit par des actes involontaires comme le viol, et, une fois perdu,
il ne peut se recouvrer, car on ne saurait rétablir l’intégrité de
la chair . Aussi, ceux et celles qui ont été mariés ou les gens qui
ont accompli l’œuvre de chair [l’acte sexuel] hors du mariage ne peuvent
être appelés vierges, seraient-ils devenus saints par le repentir.
La vertu virginale, au contraire,
lésée par le péché qui lui est opposé, mais qui n’a pas été consommé,
ou par un projet de mariage, se rétablit par la remise du péché, ou
par le retour à la résolution de rester chaste à l’avenir. Et, comme
la vertu ne consiste pas dans une disposition du corps, mais bien de l’âme,
elle se conserve malgré des actes involontaires qui font disparaître
l’état de vierge. D’où il suit que l’auréole de gloire préparée,
dans le ciel, pour les vierges, ne sera jamais décernée à ceux ou celles
qui, bien que saints, auront été mariés ou qui auront accompli volontairement
l’œuvre de chair hors du mariage ; mais elle sera le partage de ceux
et de celles qui auront conservé cette vertu ou qui l’auront recouvrée.
Ce n’est donc nullement par un fait involontaire et par suite de violences
que les vierges ont repoussées de toutes leurs forces, qu’elles perdent
leurs droits à cette auréole.
La luxure, qui aurait pu être consommée
bien qu’elle ne l’ait pas été, qu’elle soit naturelle ou non, est,
en général, contraire à la chasteté. C’est pourquoi nous traiterons
:
1° De la luxure en général.
2° Des différentes espèces de luxure consommée.
3° Des différentes espèces de luxure consommée contre nature.
4° Des péchés de luxure non consommée.
5° Des causes et effets de la luxure,
de ses remèdes.
CHAPITRE 1 : DE LA LUXURE EN GENERAL
La luxure, qui tire son nom du mot
luxer, est ainsi appelée parce que le propre de ce vice est de relâcher,
de détruire les forces de l’âme et du corps : aussi l’appelle-t-on
quelquefois dissolution ; et on dit de ceux qui s'y livrent avec déséquilibre,
qu’ils sont dissolus. On définit la luxure ainsi : l’appétit désordonné
des plaisirs vénériens .
Ces plaisirs sont appelés vénériens
parce qu’ils ont pour but la génération à laquelle les païens faisaient
présider la déesse Vénus .
PROPOSITION. — La luxure est de sa nature un péché mortel.
Cette proposition se prouve par l’Écriture sainte, par l’avis unanime des Pères de l’Église et des théologiens et par la raison.
1° Par l’Écriture sainte : lettre
aux Galates, 5, 19 et 21 : Je vous déclare en vérité, comme je l’ai
déjà fait, que ceux qui pratiquent les œuvres de chair, qui consistent
dans la fornication, l’impureté, l’impudicité, la luxure… et autres
choses semblables, n’entreront pas dans le royaume de Dieu.
2° Les pères de l’Église et
les théologiens sont unanimes pour enseigner que, de sa nature, le péché
de luxure est mortel [mortel pour la grâce sanctifiante déposée gratuitement
par Dieu en notre âme].
3° Par la raison : Les plaisirs
vénériens, dans l’intention du Créateur, sont uniquement destinés
à la propagation du genre humain : Tout ce qui va à l’encontre de ce
but constituant en soi un grave désordre, est donc un péché. [...]
[Propagation du genre humain signifie
procréation et éducation. Mgr Bouvier dit plus loin : il ne suffit pas
de donner le jour à des enfants, il faut encore les nourrir, les soigner,
les élever, les instruire ; de là, pour les parents, l’obligation naturelle
de remplir des devoirs nombreux, qui exigent, du reste, une longue cohabitation.
Pour la bonne éducation, il faut donc que les parents persévèrent dans
la vie commune, c’est un des buts d’une vie sexuelle de qualité :
éloigner les dangers de séparation et de divorce.]
CHAPITRE 2 : DES DIFFERENTES ESPECES DE
LUXURE NATURELLE CONSOMMEE
La luxure est naturelle lorsqu’elle
n’est pas en opposition avec la propagation du genre humain. L’union
des deux sexes en dehors du mariage est donc un acte purement charnel à
la condition d’être pratiqué d’une manière propre à la génération.
Cet acte est accompli par le fait de l’écoulement de la matière séminale
de l’homme dans l’intérieur des parties sexuelles de la femme.
On compte six espèces de luxure :
la fornication,
le stupre [ou défloration],
le rapt,
l’adultère,
l’inceste
et le sacrilège.
Nous allons traiter ci-après, de chacune
de ces espèces en particulier.
ARTICLE 1 : DE LA FORNICATION
La fornication est l’union intime et d’un consentement mutuel d’un homme libre et d’une femme libre ayant déjà perdu sa virginité [l'homme et la femme décident d’un commun accord de faire l'amour].
Nous disons
1° d’un homme libre, c’est-à-dire
qui ne soit pas empêché de commettre la faute par aucun lien spécial
de mariage [aucun des deux n'est marié], de parenté, d’affinité, d’ordre
sacré ou de vœu, mais seulement par le précepte de chasteté.
2° D’une femme libre ayant déjà
perdu sa virginité, comme fornication simple, elle se distingue du stupre
dont nous aurons bientôt occasion de parler.
3° D’un consentement mutuel,
par ces mots, la fornication se distingue du rapt [ou l'un des deux n'agit
pas librement mais est forcé par l'autre].
Il y a trois sortes de fornication
: la fornication simple, le concubinage [nommé aussi union libre] et la
prostitution ; nous allons en traiter dans un triple paragraphe.
§ 1. — De la fornication simple.
La fornication simple est celle qui
résulte d’un commerce passager [relation sexuelle momentanée] avec
une ou plusieurs femmes. [Ou relation sexuelle d’une femme avec un ou
plusieurs hommes].
Les Nicolaïtes et les Gnostiques
; hérétiques impurs des premiers siècles [de l’histoire de l’Eglise
catholique], s’appuyant sur des raisons diverses, ont prétendu que la
fornication
simple était licite. Durand [Guillaume Durand de Saint-Pourçain +1334]
s’appuyant sur le droit naturel, la regardait comme un péché seulement
véniel, qui ne devenait mortel qu’en présence du droit positif. Caramuel,
venu après lui, disait qu’intrinsèquement elle n’était pas une action
mauvaise, mais défendue seulement par le droit positif.
PROPOSITION. — La fornication simple est intrinsèquement une action mauvaise et constitue un péché mortel.
Preuve. Cette proposition admise par tous les moralistes chrétiens, se prouve par l’Écriture Sainte, par le témoignage des Pères de l’Église, par l’autorité des conciles et des pontifes [les papes] et par la raison.
1° Par l’Écriture Sainte : Parmi
les textes nombreux que nous pourrions rapporter, choisissons-en seulement
quelques-uns :
1ère Lettre aux Corinthiens, 6, 9-10
: Ni les fornicateurs, ni ceux qui s’adonnent au culte des idoles, ni
les adultères ne posséderont le royaume de Dieu ;
Lettre aux Galates, 5, 19-21 : Or les
œuvres de la chair sont manifestes : c’est la fornication, l’impureté,
l’impudicité, la luxure, l’idolâtrie, les maléfices, les inimitiés,
les querelles, les jalousies, les animosités, les rixes, les dissensions,
les factions, l’envie, les meurtres, l’ivrognerie, les débauches,
et les choses semblables, dont je vous prédis, comme je l’ai déjà
fait, que ceux qui les commettent ne seront pas héritiers du royaume de
Dieu.
Lettre aux Ephésiens, 5, 5 : sachez que
ni les fornicateurs ni les impurs n’auront de place dans le royaume du
Christ et de Dieu. Saint Jean, dans L’Apocalypse, 21, 8, place les fornicateurs,
dans la vie future, dans un étang de feu et de souffre .
Il est certain, d’après ces textes,
que la fornication, l’impureté et l’adultère et le culte des idoles
sont, intrinsèquement, des actions mauvaises, et constituent des péchés
mortels.
2° Par le témoignage des Pères
[de l’Église] : Saint Fulgent, lettre 1, chap. 4 : La fornication ne
peut jamais exister sans un grave péché. Saint Chrysostome Homélie 22
sur 2ème aux Corinth. : Autant de fois tu auras fréquenté les femmes
de mauvaise vie, autant de fois tu auras prononcé ta propre condamnation.
3° Par l’autorité des conciles
et des souverains pontifes. Concile de Vienne, Clément, liv. 5, t. 3,
ch. 3, condamne cette proposition des Béguins : le baiser d’une femme,
lorsque la nature n’y porte pas, est un péché mortel, mais l’acte
charnel n’est pas un péché lorsque la nature commande, et surtout lorsque
la tentation porte à s’y livrer. Le concile de Trente, session 24 sur
le mariage, chapitre 8 « des Peines du Concubinage » déclare que le
concubinage est un péché grave.
Innocent XI, en 1679, a condamné
la proposition suivante de Caramuel : Il est de la plus haute évidence
que la fornication ne porte, en soi, aucune malice, et qu’elle est seulement
mauvaise, parce qu’elle est interdite, afin que toute opinion contraire
paraisse tout à fait opposée à la raison.
4° Par la raison : L’union charnelle
ne peut être permise que dans le but de la production de l’espèce ;
c’est à cette seule fin qu’elle a été instituée ; or, il ne suffit
pas de donner le jour à des enfants, il faut encore les nourrir, les soigner,
les élever, les instruire ; de là, pour les parents, l’obligation naturelle
de remplir des devoirs nombreux, qui exigent, du reste, une longue cohabitation.
Or, la simple fornication est évidemment contraire à ces devoirs, puisque,
de sa nature, elle est un acte passager, et qu’un accouplement pareil
n’oblige, par aucun lien, à la cohabitation. Donc, elle est intrinsèquement
mauvaise.
En outre, le bonheur de la société
dépend de l’honnête institution des familles ; or, l’honnête institution
des familles suppose le mariage ; donc, la simple fornication qui détruit
les droits, les devoirs et les avantages du mariage est très mauvaise
de sa nature.
De plus, la fornication avec un
infidèle ou un hérétique constitue un péché bien plus grave, à cause
de l’outrage fait ainsi à la véritable religion.
Mais, diriez-vous : 1° Dieu ordonne
à Osée 1.2, de prendre pour épouse une femme débauchée ; et, d’après
les Actes des Apôtres 15.29, la fornication est défendue comme l’usage
de la chair des victimes, des animaux étouffés et du sang ; donc, la
fornication n’est une action mauvaise que d’après le droit positif.
Réponse : Je nie la conséquence.
En effet : 1° Dieu ordonna à Osée, non pas de forniquer, mais de prendre
pour épouse une femme débauchée, ce qui est bien différent. 2° La
fornication est expressément prohibée par les apôtres, parce que les
gentils [ex : les Grecs, les Romains, etc., tous les non juifs.] prétendaient
qu’elle était licite ; et il n’est pas dit, dans les Actes, qu’elle
n’est pas défendue par le droit divin et naturel ; l’ancienne loi
l’avait déjà plusieurs fois interdite : 1° par le sixième précepte
du décalogue [le 6ème commandement] ; 2° la jeune fille qui se laissait
déflorer [enlever sa virginité] était lapidée, parce qu’elle avait
commis une infamie dans Israël (Deutéronome 22.21) ; 3° Dieu avait dit
à Moïse : que les fils d’Israël ne se livrent pas à la débauche
(Deutéronome 23.17).
2° Ceux qui, me direz-vous, se
livrent volontairement à la fornication ne font injure à personne ; donc,
ils ne font pas une chose mauvaise de sa nature. [Argument de ceux qui
disent que deux adultes consentants, homme et femme, qui décident librement
de faire l'amour ne font de mal à personne]
Réponse. Je nie la conséquence,
car la fornication est mauvaise, non parce qu’elle fait tort à quelqu’un,
mais parce qu’elle viole un ordre divin.
Vous objecterez qu’il est préférable
de créer des enfants par la fornication que de les laisser dans le néant
et qu’ainsi on ne viole pas les ordres divins.
Réponse. Je nie la conséquence.
Nous avons déjà vu qu’il ne suffit pas d’avoir l’intention de créer
des enfants pour en conclure qu’on a obéi à un ordre divin ; d’un
autre côté, cette allégation tendrait à prouver que l’adultère est
permis, et qu’il vaut mieux avoir des enfants par l’adultère que de
ne pas en avoir.
La prostitution et le concubinage
se rattachant à la fornication, nous en parlerons en peu de mots.
§ 2. — Du concubinage.
Le concubinage est le commerce [la
relation sexuelle] d’un homme libre avec une femme libre, et qui demeurant,
soit dans la même maison, soit dans des maisons séparées, vivent ensemble,
comme s’ils étaient mariés. [C'est-à-dire : « font des actes sexuels
comme s’ils étaient mariés ».]
Il est certain que le concubinage
ainsi compris étant un péché beaucoup plus grave que la fornication
simple, à cause de la disposition au péché dans laquelle l’esprit
se trouve habituellement, cette circonstance doit être dévoilée dans
la confession.
Le Concile de Trente, sess. 24,
c. 8 sur le mariage, a décrété des peines très graves contre ceux qui
vivent en concubinage, et dans la sess. 25, c. 14 de la manière de procéder
contre les clercs concubinaires, contre les clercs qui se livrent honteusement
à ce vice. Mais ces peines doivent être prononcées par une sentence,
et plusieurs d’entre elles n’ont jamais été admises en France, telles
que l’expulsion hors de la ville ou hors du diocèse des personnes vivant
en concubinage, le secours du bras séculier [la force publique] invoqué
au besoin. Et pourtant, ce mal n’a pas été jugé moins grave chez nous
que chez les étrangers.
On demande si celui qui vit en concubinage
peut être absous avant d’avoir renvoyé sa concubine.
Rép. 1° Si le concubinage a été
public, ni l’une ni l’autre des personnes qui vivent dans cet état
ne peut régulièrement être absoute, bien qu’elle paraisse avoir le
repentir, avant qu’une séparation publique ait eu lieu car outre la
séparation, il est nécessaire de donner une satisfaction proportionnée
au scandale, et, ordinairement, cette satisfaction ne peut être obtenue
que par la séparation .
De là plusieurs auteurs ont conclu
que celui qui est réputé vivre en concubinage, bien qu’il soit accusé
à tort, ou que les rapports intimes aient cessé depuis longtemps, n’en
est pas moins tenu, à cause du scandale , de chasser ou d’abandonner
la femme sur laquelle pèse une si abominable réputation. Voir Billuart,
t. 13, p. 351.
Cela est encore plus nécessaire
lorsqu’il s’agit de clercs qui doivent soigneusement conserver leur
réputation, car, lorsque la bonne renommée est une fois atteinte, ils
ne peuvent la recouvrer qu’en rompant aussitôt toute relation avec la
femme suspecte.
J’ai dit régulièrement parce
que si celui qui vit en concubinage se trouvant à toute extrémité ne
pouvant renvoyer sa compagne ou s’il est tellement délaissé qu’après
l’avoir renvoyée il ne trouve personne qui ne veuille le servir, alors
il doit être absous et muni des derniers sacrements, pourvu qu’il soit
jugé véritablement repentant et que, devant les assistants, il promette
que, rendu à la santé, il chasse cette même femme, et n’aura plus
aucune relation avec elle ; dans une pareille nécessité, le scandale
se répare comme il peut l’être, car à l’impossible, nul n’est
tenu.
A plus forte raison les sacrements
de l’Église doivent être administrés à la concubine qui se repent
de sa vie passée avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir,
si elle ne peut sortir de la maison de celui avec lequel elle vit en concubinage,
ou si elle se trouve atteinte de douleurs trop violentes, ou qu’elle
se trouve dans un danger imminent de mort ou qu’elle soit privée de
tout refuge.
Mais, ces cas exceptés, la séparation
doit être exigée même in extremis et la confession du moribond ne doit
être entendue que lorsqu’il a été donné satisfaction à Dieu et aux
hommes par le renvoi de la femme ou par son départ volontaire.
Rép. 2° Mais si le concubinage
est secret, que le commerce [les actes sexuels] ait déjà cessé ou non,
on doit d’abord fortement conseiller la séparation parce qu’il est
moralement impossible qu’une pareille cohabitation n’amène pas quelque
danger de rechute. Cependant, nous sommes d’avis qu’elle ne doit pas
être exigée sous peine de refus de l’absolution, surtout si on prévoit
qu’il doive en résulter un scandale, le déshonneur ou autre grave danger.
Nous supposons qu’on juge sincère
la résolution de ne plus pécher et qu’on puisse compter sur la persévérance
dans la bonne résolution. Ainsi pensent Navarrus, Billuart, Saint Alphonse
de Liguori et plusieurs autres.
Si, malgré cette résolution, il
survient des rechutes, l’absolution doit être différée et, ordinairement,
la séparation doit être prescrite car alors la persévérance est, avec
raison, jugée improbable.
Mais si le commerce illicite n’a pas
volontairement cessé, que doit-on faire ?
Rép. 1° Si le pénitent est à
toute extrémité [il va bientôt rendre son âme à Dieu] et déteste
ses péchés, il doit être absous et muni des autre sacrements aux conditions
déjà énoncées dans l’explication du mot régulièrement, sans toutefois
être tenu à la promesse devant témoins.
Rép. 2° Mais si la mort n’est
pas imminente, le pénitent qui vit secrètement en concubinage ne doit
pas, ordinairement, être absous avant que la séparation ait eu lieu,
parce qu’il se trouve dans l’occasion prochaine de pécher : Dieu et
la nature, du reste, nous imposent l’obligation formelle de fuir l’occasion
prochaine de pécher. Aussi Alexandre VII a-t-il condamné la proposition
suivante : Celui qui vit en concubinage n’est pas obligé de renvoyer
sa concubine si elle est par trop utile au charme de sa vie […] si elle
venait à lui manquer, il doit tomber dans un trop grand chagrin ; si des
mets préparés par d’autres doivent lui être insupportables et s’il
lui est trop difficile de trouver une autre servante. Ici, on suppose la
résolution de ne pas tomber dans le péché et cependant, cette proposition
est déclarée fausse.
J’ai dit ordinairement : car il
y a des cas dans lesquels l’absolution doit être donnée sous la seule
promesse de séparation, et même sur la seule résolution de ne plus pécher
par la suite ; à savoir :
1° Si, à différents indices on reconnaît
que le pénitent est véritablement repentant, et qu’au premier ou second
avertissement il promette de cesser le commerce ;
2° Si du refus de l’absolution
il doit résulter déshonneur et scandale grave, si une jeune fille devait
être soupçonnée de mener une mauvaise vie parce qu’elle n’approcherait
pas de la sainte table, ou si un prêtre devait scandaliser le public en
ne célébrant pas la messe de paroisse. On suppose la vraie contrition.
3° On ne doit pas exiger la séparation
quand elle est impossible, par exemple lorsque c’est une fille ou un
fils de famille qui commet le péché avec un domestique ou une servante
de la maison paternelle. On éprouve d’abord ceux qui sont dans ce cas,
en différant l’absolution, et s’ils éloignent l’occasion d’une
faute prochaine et qu’on juge qu’ils ont le repentir sincère du péché,
on devra leur donner l’absolution.
4° Lorsque deux personnes vivant
secrètement en concubinage, ou seulement soupçonnées d’impudicité,
ne peuvent se séparer sans grave danger de déshonneur ou de scandale,
il faut faire de grands efforts pour les amener à résipiscence [« reconnaissance
de sa faute avec amendement » cf. Dictionnaire Le Petit Robert 1.], d’abord
en refusant, ensuite en donnant l’absolution s’ils persévèrent dans
leur résolution. Billuart, t. 13, p. 352, dit que, dans ce cas, il ne
voudrait condamner ni le pénitent, ni le confesseur. Je ne serai pas plus
rigoureux que lui.
§ 3. — De la prostitution.
La prostitution est un métier ou
un acte : comme métier, c’est la condition d’une femme prête à recevoir
le premier venu et ordinairement pour de l’argent ; comme fait, c’est
l’union charnelle d’un homme avec une telle femme, ou d’une telle
femme avec l’homme qui se présente pour forniquer.
Il est certain que la femme qui
se livre à la prostitution commet un plus grave péché que celle qui
se livre à la simple fornication, ou même que la concubine, à cause
de sa disposition d’esprit, du scandale et du préjudice causé à la
propagation de l’espèce. Aussi, les courtisanes ont-elles toujours été
regardées comme la lie et l’opprobre du genre humain. Il ne suffit donc
pas qu’une courtisane déclare en confession le nombre et la nature de
ses fornications, elle doit déclarer son état de courtisane [de prostituée].
Cependant, Sylvius, Billuart, Dens,
et d’autres théologiens enseignent comme très probable que l’homme
qui a forniqué avec une courtisane n’est pas tenu de déclarer cette
circonstance, parce que toutes choses égales par ailleurs, cette fornication,
à leurs yeux, ne constitue pas une faute plus grave.
[Sur ce point, nous pensons que
l'homme qui a eu recours a une prostituée, doit, lors de sa confession
au prêtre, préciser ce fait et non pas seulement dire qu'il a forniqué.
Le versement d'argent pour accéder à l'intimité sexuelle d'une autre
personne, nous semble aggraver la faute. Chaque client(e) cause une souffrance
supplémentaire à la prostituée ou à l’homme prostitué]
Il n’est pas inutile de rapporter
ici les dispositions du code pénal contre les corrupteurs :
« Quiconque aura attenté aux mœurs,
en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la
corruption de la jeunesse de l’un ou de l’autre sexe au-dessous de
l’âge de vingt et un ans, sera puni d’un emprisonnement de six mois
à deux ans, et d’une amende cinquante francs à cinq cent francs. [la
première édition du livre de Mgr Bouvier a été publiée en 1827.]
Si la prostitution ou corruption
a été excitée, favorisée ou facilitée par leurs pères, mères, tuteurs
ou autres personnes chargées de leur surveillance, la peine sera de deux
ans à cinq ans d’emprisonnement et de trois cents francs à mille francs
d’amende. Code pénal [français en vigueur en 1827], art. 334.
En outre, le tuteur sera privé
de la tutelle pour un temps déterminé, et du droit de faire partie des
conseils de famille ; s’il s’agit du père ou de la mère, ils seront
privés des droits énumérés dans le L. 1, T. 9 du Code civil [français
en vigueur en 1827], ibid. art. 335. »
[Faut-il tolérer la prostitution ?]
On demande s’il convient de tolérer
les femmes publiques.
R. Les théologiens expriment à
ce sujet une double opinion.
Beaucoup disent, en effet, que la
chose est permise, afin d’éviter des péchés bien plus grands, à savoir
: la sodomie , la bestialité, les mouvements voluptueux et la séduction
des femmes honnêtes : Faites disparaître les courtisanes, vous mettrez
le trouble partout par la débauche, dit St Augustin, De l’Ordre, L.
2, chap. 4, n° 12, St Thomas, Opusc. 20, L. 4, c. 24, et des auteurs nombreux
se rangent à cette opinion.
Beaucoup d’autres, au contraire,
soutiennent la doctrine opposée, affirmant d’après l’expérience
que la tolérance de la prostitution est une occasion de ruine pour beaucoup
de jeunes gens, en excitant les flammes de la passion, et qu’ainsi les
péchés de luxure se multiplient au lieu de diminuer. Voy. Concina, T.
15, p. 238, et Saint Alphonse de Liguori, L. 3, n° 434.
[Vingt ans d'expérience en tant
que confesseur, dès 1728, ont permis à Saint Alphonse de Liguori de constater
combien la prostitution n'avait pas pour effet de faire éviter certains
péchés sexuels mais qu'elle agissait au contraire comme une sorte d'excitant
pour inciter à en commettre toujours plus, ce qu'il expliqua dans sa Théologie
Morale en 1748.]
Quoique cette dernière doctrine
nous paraisse la plus probable, nous sommes cependant d’avis qu’on
doit absoudre les magistrats qui affirment de bonne foi se trouver
dans l’impossibilité de faire disparaître cette calamité. Dans le
doute, en effet, ce n’est pas au confesseur à décider de la conduite
qu’ont à tenir ceux qui ont les plus difficiles missions, comme les
juges, les magistrats, les généraux d’armée, les rois, les ministres,
les hauts fonctionnaires, etc.
Nous traiterons la question de savoir
s’il est permis de louer une maison à des courtisanes au mot Location,
dans le Traité des Contrats, Tome 6, p. 316.
ARTICLE 2 : DU STUPRE [LE DEPUCELAGE ILLICITE]
On appelle généralement stupre
toute union charnelle illicite : Ainsi, dans le Lévitique 21.9, et dans
les Nombres 5.13, l’union charnelle de la fille d’un prêtre, à l’époque
dont il est question, les prêtres se mariaient et avaient une famille,
et l’adultère sont qualifiées de la même manière. Si quelqu’un
accomplit l’acte charnel en employant la violence, il tombe, pour notre
diocèse [du Mans], dans un cas réservé, comme le porte l’Enchiridion,
p. 7, et la justice civile prononce contre lui la peine de la réclusion.
« Quiconque aura commis le crime
de viol ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé
ou tenté avec violence, contre des individus de l’un ou de l’autre
sexe, sera puni de la réclusion. Code pénal, art. 331.
Si le crime a été commis sur la
personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis,
le coupable subira la peine des travaux forcés à temps, ibid. art. 332.
La peine sera celle des travaux
forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui
ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l’attentat,
s’ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gage [domestiques],
ou s’ils sont fonctionnaires publics ou ministres d’un culte, ou si
le coupable quel qu’il soit, a été aidé dans son crime par une ou
plusieurs personnes. Ibid., art. 333. »
Le stupre, cependant, en tant que
crime d’une nature particulière, est qualifié par beaucoup de théologiens,
violence, et mieux, par d’autre, défloration illicite d’une vierge.
Par le mot vierge, on n’entend
pas ici une personne qui n’a jamais péché contre la chasteté, mais
celle qui a conservé l’intégrité de la chair, ou mieux ce qu’on
appelle — le sceau de la virginité — et qui est aux yeux du monde
d’un prix inestimable.
Il est certain que la défloration
violente d’une vierge, outre l’offense à la chasteté, revêtant une
grave malice et une grande injustice, il est nécessaire de préciser le
cas dans la confession. Quelle est, en effet, la jeune fille honnête qui
n’aimerait mieux perdre une somme d’argent que d’être ainsi déflorée
?
S’il arrivait qu’un homme fût
entraîné, par violence, dans le crime, par des femmes perdues de mœurs,
ce serait un stupre ou quelque chose de semblable qu’il faudrait certainement
déclarer en confession. Mais, le cas étant à peine possible, nous parlerons
seulement du stupre de la jeune fille. [En réalité, le viol d’un homme
par une femme est possible.]
Par le mot violence, on entend non
seulement la violence physique, mais encore la violence morale, telle que
la crainte, la fraude, les prières importunes, les grandes promesses,
les caresses, les attouchements et tout ce qu’un homme rusé sait mettre
en œuvre pour déterminer une jeune fille inexpérimenté à commettre
le péché.
Les théologiens, cependant, ne
sont pas d’accord sur le point de savoir si le stupre d’une jeune fille
vierge consentant librement à sa défloration est un péché spécial
de luxure différent de la fornication simple : D. Soto, Sanchez, Lessius,
Saint Liguori et plusieurs autres disent non ; ils avouent cependant, que
cette fornication est un péché d’une nature spéciale, à cause du
déshonneur qui en résulte, du chagrin des parents, des rixes qu’elle
peut entraîner, et de l’odieux et du scandale qui en résulte.
Le plus grand nombre des théologiens,
et en particulier Saint Thomas, Saint Bonaventure, Sylvius, Collet, Billuart,
Dens, disent qu’à leur avis elle a une malice spéciale opposée à
la chasteté et ils appuient leur décision par les raisons suivantes :
1° Elle outrage les parents de
la jeune fille sous la sauvegarde desquels avait été placée cette intégrité
;
2° En commettant cette faute, la
jeune fille s’expose au danger évident de ne pas trouver à se marier,
et ainsi elle pèche contre la prudence ;
3° Elle entre dans la voie de la
prostitution d’où la détournait la crainte de perdre le sceau de la
virginité ; ce sont les paroles de saint Thomas, 2a 2ae q. 154, art. 6
;
4° Les péchés se spécifient
par opposition à la vertu contraire : Or, la virginité est une vertu
spéciale, et l’intégrité de la chair est un bien spécialement attaché
à cette vertu.
Ces dernières raisons ne sont détruites
ni par le consentement de la jeune fille ni par celui des parents : ce
qui réduit à néant la raison fondamentale des défenseurs de l’autre
système et qui est basée sur cet axiome partout admis : On ne saurait
faire tort à celui qui sait et qui consent. En effet, il est nécessaire
que celui qui sait et qui consent ait la faculté de céder son droit ;
or, dans l’ordre, la jeune fille n’a pas le droit de commettre une
faute contraire à la virginité. D’ailleurs le péché dont il s’agit
ne forme pas une espèce à part, à cause du déshonneur ou de l’injustice
qui en résulte, mais à cause d’un désordre spécial, parce qu’il
est en opposition avec une vertu particulière.
Donc le stupre, même volontaire,
est un péché spécial de luxure, et comme le Concile de Trente, Session
14, Canon 7, a posé en principe qu’il est nécessaire, d’après le
droit divin, de déclarer en confession les circonstances qui changent
l’espèce du péché, il se présente cette autre question qui ressort
d’une pratique continuelle, à savoir si ceux qui sont volontairement
coupables de stupre, soit de fait, soit par désirs, soit par délectation,
sont tenus de déclarer la circonstance de virginité. Les théologiens
se prononcent, en général, pour l’affirmative, et regardent cette nécessité
comme une conséquence du principe admis.
Comme cependant, dit Sylvius, T.
3, p. 835, la décision contraire ne manque pas de probabilité, nous ne
croyons pas damnés ceux qui ne s’informent pas d’une jeune fille qui
se confesse sur ces matières, si elle est vierge ou déjà flétrie.
Billuart, T. 13, p. 357, et avec
lui, Wiggers, Boudart et Daelman, soutiennent que la circonstance de virginité,
dans le stupre volontaire, n’ajoute pas de malice à la simple fornication,
mais seulement une faute vénielle ; que, par conséquent, il n’est pas
nécessaire de la déclarer en confession. En effet, si cette malice était
mortelle de sa nature, à plus forte raison aurait-elle ce caractère parce
que, comme dit saint Thomas, la jeune fille, par la rupture du sceau de
la virginité, serait jetée dans la voie de la prostitution [au sens moral],
ou parce qu’il en résulterait, pour ses parents, un grave déshonneur.
Mais la jeune fille ne paraît pas, par ce fait, être mise dans le danger
immédiat de se prostituer : et si elle se prête librement au stupre,
du consentement de ses parents ou à leur insu, il n’en résulte pour
eux aucune injure grave.
En outre, si la malice du stupre
volontaire était toujours mortelle, la jeune fille, s’accusant de jouissances
vénériennes [masturbations], serait tenue de déclarer si elle est vierge
ou non, en sorte qu’à l’occasion d’une faute purement intérieure
et peut-être douteuse, elle devrait, en quelque sorte, faire une confession
générale ; de même, l’homme qui aurait désiré posséder une femme
serait obligé de déclarer s’il l’avait crue vierge ou déflorée.
Si le pénitent ou la pénitente ne s’expliquaient pas sur le point dont
il s’agit, l’obligation de les interroger incomberait au confesseur
: Or, la chose deviendrait intolérable, et le commun des pénitents et
des confesseurs répugne à cette pratique.
De plus, les auteurs enseignent
généralement que le fait de la virginité, chez l’homme se livrant
volontairement au péché, n’ajoute pas une malice mortelle à la simple
fornication. Or, la différence entre la perte de la virginité chez l’homme
ou chez la jeune fille ne paraît pas si grande, que le stupre soit mortel
dans un cas et non pas dans l’autre. Billuart, T. 13, p. 360, déclare
qu’avant de se ranger à cette opinion, il s’était créé et avait
occasionné aux autres de graves ennuis, en se livrant à ces interrogatoires,
et que, rarement, il en avait obtenu un résultat satisfaisant. J’avoue,
moi aussi, que cela m’est arrivé plus d’une fois, dans les premières
années de mon sacerdoce. C’est pourquoi je m’abstiens prudemment de
ces questions honteuses, toutes les fois qu’elles me paraissent indiscrètes,
en me basant sur les raisons suivantes :
1° La probabilité de l’opinion
exposée ;
2° La difficulté de se ranger
à une autre opinion ;
3° Le danger de scandaliser les
pénitents et de leur donner de l’aversion pour le tribunal sacré [la
confession] ;
4° La bonne foi dans laquelle sont, ordinairement,
les fidèles vis-à-vis de l’obligation de déclarer une pareille circonstance.
D’ailleurs, l’intégrité de la confession
n’oblige pas à s’exposer à de pareils inconvénients.
ARTICLE 3 : DU RAPT
Le rapt, de sa nature, est une violence
faite à toute personne, ou à ses parents, dans le but d’assouvir la
passion [= dans le but de commettre un péché sexuel, un péché en matière
de sexualité]. Cette définition s’applique de la même manière que
le rapt se produise par violence ou par séduction, et elle est conforme
aux définitions que nous avons données, de l’un et de l’autre, dans
notre traité du mariage.
Nous disons : 1°/ Violence, supprimant
la circonstance d’amener d’un lieu dans un autre que les théologiens
exigent ordinairement, parce qu’il peut arriver, en effet, que la violence
soit faite à la femme dans le lieu où elle se trouve. Or, la violence
peut être physique ce qui est facilement compris par tout le monde ou
morale, lorsqu’elle est faite à une mineure, par crainte grave d’une
manière absolue ou relative, par prières importunes, par caresses ou
autres amorces à la concupiscence.
La fornication avec une fille mineure
consentante, à l’insu de ses parents, et sans qu’elle soit amenée
d’un lieu dans un autre, ne constitue pas, à proprement parler, un rapt,
parce qu’il n’est exercé aucune violence ; mais il en résulte une
véritable injure pour les parents qui avaient la garde de la chasteté
de leur fille.
Nous avons dit : 2°/ à toute personne,
parce que toute personne, qu’elle soit vierge ou débauchée, libre ou
mariée, laïque ou consacrée à Dieu, mâle ou femelle, peut être l’objet
d’un rapt.
De même que celui qui ferait violence
à sa fiancée ou qui l’entraînerait contre le gré de ses parents,
si elle était encore mineure, commettrait un véritable rapt, car les
fiançailles ne confèrent pas le droit de faire de telles choses.
Nous avons dit : 3°/ ou à ses parents
: Par ces paroles on entend le rapt de séduction, ainsi que nous l’avons
exposé dans le traité du mariage.
Nous avons dit : 4°/ dans le but d’assouvir
la passion, et non dans le but d’arriver au mariage, car nous avons traité
ailleurs du rapt considéré à ce point de vue.
Le rapt ainsi défini forme une espèce,
à part, de luxure qu’on doit déclarer en confession : car ce péché,
outre qu’il est contraire à la chasteté, constitue une grave injustice
envers la personne qui est l’objet de la violence.
Il diffère aussi de l’adultère, parce
que l’adultère viole la justice d’une autre manière que le rapt.
De même le viol d’une jeune fille endormie ou ivre constitue un grave
péché contre la justice ; ce n’est pas un rapt, mais une tromperie
; il en est de même de la corruption, sans violence, d’une personne
qui n’a pas l’usage de la raison ou qui ignore ce genre de péché.
Le rapt revêt donc une malice spéciale
qui en fait un péché spécial contre la chasteté.
L’excommunication prononcée par le
Concile de Trente, Sess. 24, Ch. 6, de la réf. matr. contre les ravisseurs
et ceux qui leur prêtent la main, est encourue par le seul fait de rapt
de violence, mais non pas de rapt par séduction. Cette excommunication
est appliquée en France.
De plus, le ravisseur est naturellement
tenu de conduire la jeune fille dans un lieu sûr, si elle l’exige, ou
la doter, outre une satisfaction convenable qu’il doit lui offrir, de
même qu’à ses parents.
A défaut du ravisseur, ceux qui ont efficacement
coopéré au rapt sont tenus, envers la jeune fille, soit envers leurs
parents, et autant que faire se peut, à l’entière réparation de l’injustice
causée.
ARTICLE 4 : DE L’ADULTERE
L’adultère, comme son nom l’indique,
dit St Thomas, 2a 2ae, q. 154, art. 8, consiste à entrer dans le lit d’autrui.
Il peut être commis de trois manières :
1° Entre un homme marié et une femme
libre ;
2° Entre un homme libre et une femme
mariée ;
3° Entre un homme marié et la femme
d’un autre ;
L’adultère, dans ce triple cas, est un péché de luxure d’une nature spéciale et certainement très grave, ainsi que l’enseignent l’Écriture Sainte, les saints Pères, la pratique de l’Eglise, le consentement des peuples et la raison.
1° L’Écriture Sainte, livre du Deutéronome
22. 22 : Si un homme a dormi avec la femme d’un autre, que l’homme
et la femme adultères soient mis à mort et vous ferez disparaître un
scandale dans Israël. Dans les versets précédents, une semblable punition
n’est pas appliquée à la fornication, qui est cependant déclarée
une action mauvaise. Dans beaucoup d’autres passages, l’Ecriture distingue
les fornicateurs des adultères et nous les montre comme dignes des peines
les plus graves. Par exemple dans la 1ère lettre de saint Paul aux Corinthiens
6, 9 : Ne vous y trompez pas, ni les fornicateurs… ni les adultères
ne possèderont pas le royaume de Dieu.
2° Les Saints Pères [les Pères de l’Église]
sont unanimes pour enseigner que l’adultère est un grave péché et
différent des autres modes de fornication.
3° L’Église, en décrétant les peines
canoniques, a décidé qu’il devait en être appliqué de bien plus graves
aux adultères qu’aux simples fornicateurs.
4° Le consentement des peuples : On voit,
par l’histoire de toutes les nations, que l’adultère a toujours été
regardé comme une grave faute et distincte de la simple fornication.
Ainsi l’ont décidé les plus célèbres
législateurs, comme Solon chez les Grecs, Romulus à Rome, et les auteurs
de notre Code pénal [français] qui ont écrit dans l’art. 337 : La
femme convaincue d’adultère subira la peine de l’emprisonnement pendant
trois mois au moins et deux ans au plus. Le complice de la femme est passible
de la même peine, et, de plus, d’une amende de 100 à 200 francs.
5° Enfin, par la raison : car, outre
la malice qu’il ajoute à la fornication, l’adultère a pour graves
conséquences la rupture à la foi conjugale [la promesse conjugale] et
le trouble des familles, d’où il résulte une grave injustice.
Il suit de là que l’acte sexuel entre
un homme marié et une femme libre, constitue un péché de luxure d’une
gravité spéciale ; mais l’acte sexuel est beaucoup plus grave, s’il
a lieu entre un homme libre et une femme mariée, à cause du danger d’introduire
des étrangers [un ou plusieurs enfants adultérins] dans une famille.
Il est encore plus énorme si l’acte sexuel a lieu entre deux personnes
mariées, parce qu’il en résulte un double adultère. Ces circonstances
doivent donc être dévoilées dans la confession.
[Si le conjoint approuve l’Adultère]
On demande si la femme qui se livre au
coït avec un autre homme mais avec l’accord de son mari, commet un adultère
?
Réponse : quelques [théologiens] probabilistes
se sont prononcés pour la négative ; ils ont au moins prétendu que,
dans ce cas, il n’était pas nécessaire de déclarer, en confession,
la circonstance d’adultère. Mais Innocent XI a condamné la proposition
suivante : L’union charnelle avec une femme mariée, du consentement
du mari, ne constitue pas un adultère ; il suffit donc de dire, en confession,
que l’on a forniqué.
Cette décision du Souverain Pontife est
basée sur une raison évidente : en effet, le mari, par la force même
du contrat et de la raison qui a présidé à l’institution du mariage,
a le droit de se servir de sa femme selon l’ordre de propagation de l’espèce
[par le coït], mais il ne peut ni la céder, ni la prêter, ni la louer
à un autre [homme], sous peine de pécher contre l’essence du mariage
; son consentement ne peut donc rien enlever à la malice de l’adultère.
Le cas est semblable à celui d’un clerc [un membre du clergé] qui ne
peut valablement renoncer au privilège de la loi canonique qui prononce
l’excommunication contre celui qui le frapperait injustement, parce que
le privilège est attaché à la cléricature elle-même.
Mais le mari, dans ce cas, est censé
avoir renoncé à l’indemnité qui lui serait due, de même qu’à la
réparation de l’injure qu’il a subie.
[Sexe avec le ou la fiancé(e) d’un(e)
autre]
Le commerce charnel avec une personne
fiancée à un autre ou de la personne fiancée avec une personne libre
n’est pas, à proprement parler, un adultère, parce qu’il ne consiste
pas à entrer dans le lit d’un autre ; c’est cependant un péché d’injustice
d’une nature spéciale que l’on doit déclarer en confession, à cause
du lien que les fiançailles ont commencé d’établir entre deux personnes
de sexe différent.
ARTICLE 5 : DE L’INCESTE
L’inceste est l’union charnelle entre
parents, par consanguinité, ou par alliance, aux degrés prohibés.
On doit certes, naturellement, le respect
à ses parents, et par conséquent, à ceux qui leur sont unis par des
liens rapprochés du sang ou de l’affinité. C’est pourquoi l’union
illicite avec eux revêt une double malice dont l’une est opposée à
la chasteté et l’autre au respect que l’on doit à ses parents, soit
par consanguinité, soit par alliance. Aussi, ce péché a-t-il toujours
été regardé comme une espèce particulière de luxure et d’ailleurs
très grave. Dans le Lévitique, chapitre 20, il est puni de la peine de
mort. Saint Paul, 1ère lettre aux Corinthiens 5.1, nous dit : On entend
dire qu’il y a parmi vous des fornicateurs comme il ne s’en trouve
pas chez les Gentils [ceux qui ne sont pas juifs] : au point que l’un
d’entre vous a la femme de son père. Voilà pourquoi ce genre d’unions
inspire plus d’horreurs que la simple fornication.
[Une seule ou plusieurs espèces d’incestes
?]
Les théologiens ne sont pas d’accord
sur le point de savoir s’il y a une seule ou plusieurs espèces d’incestes.
Un grand nombre prétendent qu’ils sont de différentes espèces, parce
qu’il y a une malice spéciale dans l’union charnelle entre parents
par consanguinité qu’on ne trouve pas lorsqu’elle a lieu entre parents
par alliance. Lorsqu’il s’agit du coït d’un fils avec sa mère ou
d’un père avec sa fille, l’inceste est encore différent de l’inceste
entre parents d’un degré plus éloigné de consanguinité ou d’affinité.
C’est ainsi que pense Concina, qui dit, t. 15, p. 282, que cette opinion
est la plus ordinaire et la plus probable.
Cependant, l’opinion contraire nous
paraît beaucoup plus probable et plus ordinaire ; tous les incestes, en
effet, sont contraires à la même vertu : le respect dû à ses parents.
Ils diffèrent donc par leur plus ou moins de gravité, mais non par une
malice particulière ; ils sont de la même espèce.
Quoi qu’il en soit de cette controverse,
au point de vue spéculatif, il est certain que l’obligation existe de
déclarer, en confession, si l’inceste a eu lieu entre parents par alliance
ou consanguinité, en ligne directe ou collatérale, et à quel degré
: sans cela, la malice de cet acte ne serait pas suffisamment dévoilée.
Qui persuaderait-on, en effet, que l’union charnelle d’un fils avec
sa mère, d’un frère avec sa sœur, etc., est suffisamment déclarée
sous la dénomination générale d’inceste ? On doit donc déclarer les
divers degrés auxquels le mariage est prohibé. Saint Alphonse de Liguori,
Théologie Morale, livre 6, N°470-471.
Néanmoins, plusieurs théologiens pensent,
avec raison, que le pénitent ne doit être poussé à déclarer les degrés
éloignés de la ligne collatérale, attendu que cette circonstance n’est
pas mortellement aggravante, lorsqu’il s’agit, par exemple des troisième
et quatrième degrés de consanguinité ou d’affinité.
Il y a encore les incestes aux degrés
prohibés de parenté spirituelle ou légale. Non seulement ils sont entre
eux de différente nature, mais ils se distinguent, en outre, de l’inceste
entre parents par consanguinité ou par affinité ; car il est évident
qu’ils sont d’une gravité différente. L’inceste dans la parenté
spirituelle constitue, en effet, une irrévérence envers les sacrements
de baptême ou de confirmation, tandis que l’inceste dans la parenté
légale n’a qu’une certaine ressemblance avec l’irrévérence à
l’égard des parents, que l’on trouve dans l’inceste aux degrés
prohibés de consanguinité ou d’affinité.
L’union charnelle entre personnes qui
ne peuvent contracter mariage pour cause d’empêchement d’honnêteté
publique, se rapporte à l’inceste.
[Péché entre un confesseur et sa pénitente]
Certains veulent même que le péché
de la chair, entre un confesseur et sa pénitente, se rapporte à l’inceste
; d’autres sont d’une opinion contraire. Mais, quelle que soit l’opinion
à laquelle on se range, il est certain cependant, que cette circonstance
est très aggravante et qu’il est, pour cela, nécessaire de le déclarer
en confession, surtout si c’est à l’occasion du sacrement que le confesseur
a séduit une jeune fille (ou un jeune homme), parce qu’il a commis un
horrible péché contre son saint ministère. Il commettrait un péché
encore bien plus grand et plus contraire à la justice s’il induisait
dans le crime une paroissienne dont il sait que le salut éternel lui a
été confié. Une telle action est quelque chose de monstrueux dans l’ordre
moral, qui peut être comparé au seul parricide et qui le surpasse.
De même un tuteur qui corromprait sa
pupille commettrait une espèce d’inceste et serait tenu de dévoiler
cette circonstance en confession.
[Actes sexuels entre personnes de même
sexe]
Enfin, les actes vénériens accomplis
entre personnes du même sexe, liées entre elles par l’affinité, la
consanguinité, ou de toute autre manière participent de la nature de
l’inceste, et les circonstances d’une pareille union doivent être
dévoilées [lors de la confession sacramentelle].
Il convient de faire observer, ici, que
l’inceste entre parents du premier ou de second degré de consanguinité
ou d’affinité constitue, pour notre diocèse [du Mans, en France], un
cas réservé cf. statuts diocésains. De plus, il produit l’affinité.
ARTICLE 6 : DU SACRILEGE
Le sacrilège, en tant que péché de luxure,
est la profanation d’une chose sacrée par l’acte charnel [l’acte
sexuel]. Il constitue, sans aucun doute, une espèce de luxure à part,
car, outre le péché contre la chasteté, il renferme évidemment quelque
chose de contraire au respect dû à Dieu.
Par chose sacrée, on entend : une personne
consacrée à Dieu, un lieu destiné au culte, et autres objets spécialement
consacrés.
1° Une personne est consacrée à Dieu
par un vœu solennel de profession religieuse, ou par les ordres
sacrés ou par le vœu simple de chasteté. Celui donc qui est ainsi consacré
à Dieu est coupable de sacrilège lorsqu’il commet extérieurement ou
intérieurement, un péché contre la chasteté. Il en est de même de
celui qui pèche avec une telle personne ou qui désire la posséder [sexuellement].
Si les deux personnes sont consacrées à Dieu, il en résulte un double
sacrilège parce que l’obligation religieuse est doublement violée.
Les théologiens ne sont pas d’accord
sur le point de savoir si le religieux qui a fait profession solennelle,
et qui serait prêtre en même temps [on peut être moine ou religieux
sans être prêtre], commet un double sacrilège lorsqu’il manque à
la chasteté. Un grand nombre se prononcent pour la négative, prétendant
qu’un tel religieux viole à la vérité deux vœux, mais tous deux prononcés
à la même fin, d’où il suit qu’il pèche contre la même vertu.
D’autres, au contraire, non moins nombreux, affirment qu’en raison
de ces vœux, le prêtre est tenu à la chasteté pour deux raisons : le
vœu solennel et les prescriptions de l’Eglise ; par conséquent, s’il
blesse cette vertu par un péché [sexuel], il viole une double obligation
et commet un double péché. Chacune de ces opinions ayant sa probabilité,
on doit, dans la pratique, se ranger à la plus sûre.
Celui qui a réitéré son vœu de chasteté,
ou qui a ajouté un vœu simple à un vœu solennel, ne commet pas pour
cela, en le violant, un double péché, car il n’y a qu’une seule obligation.
Cependant, celui qui a prononcé un vœu solennel ne s’accuserait pas
suffisamment en disant qu’il a fait vœu de chasteté ; car si la circonstance
de solennité dans le vœu ne change pas l’espèce, elle aggrave du moins
notablement le péché. C’est l’opinion probable d’un grand nombre
de théologiens.
Celui qui, par ses conseils, persuasion,
discours déshonnêtes ou mauvais exemples, induit une personne consacrée
à Dieu dans le péché contre la chasteté, est coupable de sacrilège,
bien qu’il ne commette pas lui-même avec elle le péché de luxure ;
car alors, suivant Dens, tome 4, p. 418 [Pierre DENS, théologien belge,
+1775], la violation du vœu d’autrui doit lui être imputée comme s’il
l’avait causée lui-même par un acte de scandale .
Cependant, si une personne consacrée
à Dieu était la cause d’un péché de luxure commis par une personne
libre, elle serait coupable de scandale, mais non pas de sacrilège, attendu
que c’est sa chasteté [à elle] et non celle d’autrui qu’elle a
fait vœu de garder. C’est l’opinion de Billuart, Dens, etc.
2° Un lieu consacré au culte ou lieu
sacré : On entend par lieu sacré celui que l’autorité publique a destiné
à la célébration des offices divins ou à la sépulture des fidèles
; tels sont les églises et les cimetières bénits.
Sous cette dénomination, on comprend
tout l’intérieur des églises, comme chapelles, confessionnaux, tribunes,
etc., mais non les parties extérieures comme les murs, le toit, les degrés
qui précèdent les portes, les clochers qui ne tiennent ni à l’Eglise
ni au cimetière, les chœurs des moines séparés de l’Eglise. On en
excepte ordinairement les sacristies, quoique quelques théologiens soient
d’une opinion contraire.
Les théologiens diffèrent d’opinion
sur le point de savoir si les oratoires doivent ou non être rangés parmi
les lieux sacrés. Si les oratoires ont publiquement destinés à la célébration
des offices divins et si les fidèles peuvent indistinctement s’y rendre
au son des cloches ou par tout autre mode d’appel, ou s’ils ne sont
pas l’objet d’une propriété privée, le cas ne fait pas l’objet
de difficultés ; ils doivent être réputés sacrés. C’est ainsi que
pensent généralement les auteurs que nous avons lus. On enseigne, d’un
autre côté, que les oratoires privés ne doivent pas être rangés parmi
les lieux sacrés :
1°) parce qu’ils ne sont pas compris
sous la dénomination d’église ; 2°) parce qu’ils ne jouissent pas
des privilèges attachés aux églises ; 3°) et que, par la seule volonté
de leurs propriétaires, ils peuvent être ramenés à un usage profane.
On ne conçoit cependant pas facilement
que l’acte vénérien, accompli dans un tel lieu, ne revête pas une
malice spéciale, et nous sommes d’avis avec Concina, tome 15, p. 287,
qu’une telle circonstance doit être dévoilée [lors de la confession
au prêtre].
On ne doit pas considérer comme lieux
sacrés, relativement au sacrilège dont nous traitons ici, d’autres
lieux bénits mais non destinés à la célébration de la messe et à
la sépulture des fidèles, tels que maisons, monastères, certains oratoires,
etc.
Tout acte vénérien accompli volontairement,
même d’une manière cachée, dans un lieu sacré, entraîne la malice
du sacrilège, attendu, suivant l’opinion générale, que c’est une
irrévérence envers le lieu saint et envers Dieu.
Le lieu saint se trouverait souillé par
la publicité de cet acte et par l’écoulement de matière séminale,
quoiqu’elle ne fût pas répandue sur le pavé [le sol] ; Decret., tit.
68, c. 3, et de la Consécr., tit. 1, c. 20. Ce n’est cependant pas par
la publicité que le lieu est souillé, mais c’est par elle que la profanation
est connue, et l’usage en est interdit jusqu’à la purification. Billuart,
t. 13, p. 304.
Il y a beaucoup d’auteurs qui prétendent
que les regards, les baisers, les discours déshonnêtes et les attouchements
impurs dans le lieu sacré, même sans danger prochain d’orgasme, entraînent
la malice du sacrilège, tant à cause du respect dû à Dieu qu’à cause
du danger de pollution [éjaculation et/ou orgasme] qui en est inséparable.
D’autres appuient l’opinion contraire sur l’axiome suivant : Il ne
faut pas aggraver ce qui a un caractère odieux. Et d’ailleurs c’est
seulement par l’écoulement de la matière séminale que le lieu sacré
se trouve souillé. Il résulte de cette diversité même d’opinions
entre les savants, que la circonstance du lieu sacré doit être dévoilée,
surtout si l’acte est par trop honteux comme de regarder ou de toucher
les parties vénériennes.
En outre, presque tous les théologiens
affirment que de tels actes revêtent la malice du sacrilège s’ils sont
de nature à exposer au danger prochain d’orgasme, attendu que les lois
de l’Eglise prohibant la masturbation dans le lieu sacré défendent,
par cela même, de s’exposer au danger prochain d’une telle infamie
; or, des actes honteux et volontaires exposent évidemment à un pareil
danger.
Les auteurs s’accordent, au contraire,
généralement à reconnaître que les péchés intérieurs contre la chasteté
n’entraînent pas de malice spéciale par la circonstance du lieu sacré,
à moins que l’on n’ait l’intention de les accomplir dans ce lieu
; attendu qu’en dehors de cette intention, il ne peut en résulter d’insulte
au lieu sacré. Dens, t. 4, p. 261.
L’union charnelle, même légitime,
entre époux, accomplie sans nécessité dans le lieu sacré, entraîne
la malice du sacrilège ; les auteurs s’accordent généralement sur
ce point Dist 68, c. 3. Si, cependant, cet acte est accompli dans le lieu
sacré par pure nécessité comme lorsque deux époux y sont détenus en
temps de guerre, et qu’ils sont en danger prochain d’incontinence [danger
de commettre un péché sexuel] s’ils ne pratiquent pas le coït, le
lieu n’est pas souillé et les époux ne pèchent pas, disent un grand
nombre de théologiens, car l’Eglise n’est pas censée prohiber un
acte en soi licite dans une pareille circonstance.
Mais l’opinion la plus ordinaire, et
nous la partageons, est que l’union charnelle entre époux est, dans
ce cas, illicite et sacrilège, parce qu’il est impossible que la nécessité
soit telle que l’Eglise fléchisse sur la sévérité d’une loi qui
a eu pour but le respect dû à Dieu. Chacun d’ailleurs, par la prière,
le jeûne et autres moyens, peut calmer les aiguillons de la chair, comme
il serait tenu de le faire si son conjoint est absente, malade ou décédée.
C’est cette seule opinion qu’il faut admettre dans la pratique. Voir
Billuart, De Temperantia, art. 8 et St Alphonse de Liguori, livre 4, n°
458.
3° Par choses sacrées on entend tous
les objets, autres que personnes et lieux, qui sont consacrés au culte
divin, comme les ornements [liturgiques] et les vases sacrés [calices,
ciboires, patènes]. Il est certain que c’est un horrible sacrilège
d’abuser de ces choses pour commettre des actes honteux, comme de se
servir superstitieusement de l’eau bénite, des saintes huiles ou de
l’Eucharistie dans un but de luxure et d’en frotter les parties sexuelles.
Certains théologiens ont avancé que
le prêtre, qui porte sur lui l’Eucharistie, ne commet pas un sacrilège
s’il pèche intérieurement ou extérieurement contre la chasteté sans
qu’il y ait mépris du sacrement. Mais d’autres plus nombreux, disent
qu’il est coupable de sacrilège, car on doit traiter saintement les
choses saintes. Or, dans ce cas, le prêtre traite le Saint des Saints
non pas saintement, mais d’une manière horrible.
Ainsi encore le prêtre qui, en administrant
les sacrements, en célébrant la messe, ou revêtu des ornements sacrés
pour la célébrer, ou même en descendant de l’autel, se livre volontairement
à la masturbation, ou se délecte dans les plaisirs vénériens, ne peut
être excusé d’un double sacrilège voir Saint Alphonse de Liguori,
livre 3, n° 463.
Concina va plus loin et affirme contre
beaucoup d’autres théologiens que celui qui porte sur soi des reliques
de saint est coupable de sacrilège s’il pèche intérieurement ou extérieurement
contre la chasteté ; car, dit-il, la raison est la même pour les reliques
que pour la sainte Eucharistie, avec cette différence qu’un sacrilège
est plus grave que l’autre.
Plusieurs veulent aussi que le péché
de la chair revête la malice du sacrilège par la circonstance du dimanche
ou d’un jour férié. Mais beaucoup d’autres prétendent que le cas
n’est pas mortel et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire
de le déclarer [en confession], attendu que le précepte de la sanctification
du dimanche n’est pas enfreint par des actes de cette nature.
APPENDICE : DES CLERCS QUI EXCITENT A DES
ACTIONS HONTEUSES
Tous ceux qui sont animés de l’amour
de Dieu et qui ont souci de l’honneur de l’Eglise devraient être saisis
de douleur en entendant dire qu’il se trouve des clercs, et qui plus
est, des prêtres voués au service de l’autel, qui se vautrent d’une
façon indigne ; qui célèbrent les redoutables mystères et tiennent
dans leurs mains l’agneau immaculé, pendant qu’ils brûlent de flammes
impures et se souillent de honte et d’infamie ; qui portent la mort dans
les âmes dont le salut leur est confié, en faisant tourner à leur ruine
le divin ministère dont ils sont revêtus. Quel est celui qui, voyant
une pareille abomination dans un lieu saint, résistera à l’horreur
qu’elle inspire et n’essaiera pas de l’en extirper par tous les moyens
?
Plusieurs souverains pontifes ont
ordonné aux pénitents que leurs confesseurs porteraient à des actions
déshonnêtes, de les dénoncer au tribunal de l’inquisition ou aux évêques
du lieu : nous citerons Paul IV, 16 avril 1561 ; Pie IV, 6 avril 1564 ;
Clément VIII, 3 décembre 1592 et Paul V, 1608, pour le royaume d’Espagne,
du Portugal, etc.
Par sa constitution du 30 août
1622, Grégoire XV étendit cette obligation à tous les fidèles : Il
ordonna, en effet, de dénoncer les prêtres qui, soit en confession, soit
dans le lieu qui lui est destiné, en entendant la confession ou feignant
de l’entendre, exciteraient leurs pénitents à des actions honteuses,
ou leur tiendraient des discours déshonnêtes etc. Il ordonna, en outre,
aux confesseurs, d’avertir leurs pénitents de l’obligation de faire
cette dénonciation.
Alexandre VII déclara, le 8 juillet
1660, que le pénitent était tenu de faire la dénonciation sans avoir,
au préalable, employé les réprimandes fraternelles ni autres avertissements,
et le 24 septembre 1665, il condamna deux propositions qui admettaient
la doctrine opposée.
En 1707 et 1727, la Congrégation
du Saint-Office répondit dans le même sens.
Enfin, Benoît XIV, par sa constitution,
le Sacrement de pénitence du 1er juin 1741, ordonna :
1° De dénoncer et de punir, selon
les circonstances, tous ceux qui, en confession ou à l’occasion de la
confession, par paroles, signes, mouvements, attouchements, écrits à
lire pendant ou après la confession, auraient excité à des actions honteuses
ou tenu des propos déshonnêtes.
2° D’avertir les prêtres chargés
d’entendre les confessions, qu’ils sont tenus d’exiger de leurs pénitents
la dénonciation de ceux qui, de quelque façon que ce soit, les auraient
excités à des actions honteuses.
3° Il défendit de dénoncer, comme
coupables, les confesseurs innocents ou de les faire dénoncer par d’autres,
et se réserva, pour lui et ses successeurs, le cas d’une si exécrable
turpitude, à moins que le coupable ne fût à l’article de la mort.
4° Il déclara que les prêtres
qui se seraient souillés d’un crime aussi infâme ne pourraient jamais
absoudre leurs complices, même en temps de jubilé, à moins que ce ne
fût à l’article de la mort, et à défaut d’autre prêtre, et prononça
l’excommunication majeure réservée au Saint-Siège contre celui qui
oserait le faire.
Ces diverses constitutions pontificales
n’ont jamais été publiées en France, c’est pourquoi elles n’obligent
pas strictement, à moins de statuts diocésains spéciaux.
Dans notre diocèse [du Mans], tout
prêtre complice d’un péché commis publiquement contre la chasteté
ou bien d’union charnelle, d’attouchements impudiques ou de baisers
voluptueux, ne peut jamais absoudre son complice de ces péchés, si ce
n’est à l’article de la mort, et lorsqu’un autre prêtre approuvé
ne peut pas moralement être appelé ; celui qui entreprendrait de donner
l’absolution, malgré cette défense, resterait suspens par le seul fait
et l’absolution donnée serait nulle. [Code de droit canon de 1983, canon
977 : en dehors du cas de danger de mort, l’absolution du complice d’un
péché contre le sixième commandement du Décalogue est invalide.]
S’il avait seulement commis un
péché intérieur ou que le pénitent n’eût pas consenti à la tentation,
il n’aurait pas pour cela perdu sa juridiction, quoiqu’il fût beaucoup
mieux pour lui de ne plus l’entendre en confession, dans la suite, afin
de fuir le danger. Mais il ne pourrait pas l’absoudre d’un péché
de luxure qu’il aurait commis avec lui avant d’être revêtu du sacerdoce.
Cet énorme péché n’est pas
réservé à l’égard des autres confesseurs approuvés pour entendre
indistinctement les confessions ; ceux-là peuvent donc absoudre tant le
prêtre complice que le sacrilège bien disposés.
On demande si l’on est dans l’obligation
naturelle de dénoncer et le corrupteur et le prêtre qui s’est laissé
corrompre.
Réponse. Il faut bien se garder
d’ajouter témérairement foi aux femmes qui accusent un prêtre au tribunal
même de la pénitence. On a souvent vu atrocement calomnier des clercs
quoique innocents par envie, haine, jalousie ou tout autre motif pervers.
C’est pourquoi l’on doit d’abord mûrement peser et examiner toutes
les circonstances de personnes, d’accusations et de crime prétendu et
défendre au complice de s’adresser à ce même confesseur.
Mais, si toutes choses pesées à
la balance du sanctuaire, le prêtre est reconnu coupable, on doit examiner
s’il ne s’agit pas de fautes déjà passées, une fois ou plusieurs
fois commises et expiées, ou, au contraire, s’il s’agit de l’habitude
de se livrer à ce péché ou d’exciter à le commettre ou de tout autre
péché indiquant un homme perdu de mœurs. Dans le premier cas, on ne
doit pas prescrire la dénonciation, supposant et présumant avec raison
que le mal a cessé et ne se reproduira pas et qu’il n’y a pas de raison
suffisante pour nuire à la réputation d’un prêtre.
La seule difficulté est donc de
savoir si, dans le second cas, il y a obligation naturelle de dénoncer.
PROPOSITION. — Celui qui sait qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à les commettre, est tenu, par la loi naturelle, de le dénoncer à l’évêque ou au vicaire général. [Il faut également informer le nonce apostolique, contact@nonciature.fr, et la congrégation du clergé au Vatican (clerus.va, la congrégation peut-être contactée sur facebook et twitter), pour être sur que l’évêque ne puisse pas enterrer l’affaire ou que le prêtre ne puisse pas devenir évêque ou faire carrière.]
Preuve. Tous les théologiens enseignent,
en traitant de la correction fraternelle , que le crime secret doit être
dénoncé, soit dans le but de corriger le coupable, soit dans celui d’éloigner
le mal qui menace le public et les particuliers ; ainsi on doit dénoncer,
sans avertissement préalable, les hérétiques qui propagent l’erreur,
les voleurs, les maraudeurs, les traîtres à la patrie, les empoisonneurs,
les pharmaciens qui vendent des substances vénéneuses, les faux monnayeurs,
les corrupteurs de garçons et de filles, ceux qui trament la mort contre
quelqu’un, etc. Or, il est indubitable que la conduite d’un clerc qui
s’adonne aux actions honteuses prépare sa ruine et est une source très
pernicieuse de déshonneur pour les âmes et pour la religion.
Aussi l’Eglise, avant l’ordination,
annonce-t-elle aux assistants, par la voix du pontife [l’évêque du
diocèse], que si quelqu’un a des griefs contre les ordinands [ceux qui
vont devenir prêtres], il doit, de par Dieu et pour Dieu, se montrer et
le dire en toute assurance (Pontifical Romain). C’est pour cela que dans
plusieurs diocèses les noms des jeunes gens qui doivent être ordonnés
sont publiés à la messe, comme les bans de mariage, afin que ceux qui
connaissent quelque empêchement à l’ordination les révèlent. Donc,
et à plus forte raison, ceux qui savent qu’un prêtre ou un clerc commet
des actions honteuses ou excite à la débauche, doivent le faire connaître.
Cette doctrine est expressément enseignée par Saint Thomas d’Aquin
[dans son commentaire des Sentences de Pierre Lombard] lorsqu’il dit
dans la Sent. IV, tit. 19, q. 2, art.3: Mais si ce péché déteint sur
les autres, il faut le signaler au prélat afin qu’il mette en garde
son troupeau.
Pontas, au mot dénoncer, cas 5,
enseigne la même doctrine quoiqu’au mot confesser, cas 17, il ne donne
pas la même solution dans un cas identique.
On peut objecter : 1°) que les supérieurs
ecclésiastiques ne peuvent pas, ordinairement, retirer le ministère sacré
à un prêtre ainsi dénoncé ; 2°) qu’une telle dénonciation rend
la confession odieuse ; 3°) qu’elle expose les complices au déshonneur
et aux reproches ; 4°) qu’il doit tellement répugner à un complice
de faire une pareille révélation, qu’il préfère souvent s’éloigner
des sacrements de l’Eglise ; que, par conséquent, il n’est pas prudent
de prescrire une pareille dénonciation.
Réponse à la 1ère objection :
Je nie la conséquence ; quoique le prêtre ainsi dénoncé ne puisse pas
être aussitôt interdit, en raison des murmures, du scandale et des autres
désagréments qui pourraient s’ensuivre, une telle dénonciation n’est
cependant pas inutile. Les supérieurs étant prévenus surveillent le
prêtre ou le font surveiller ; ils le font appeler, le réprimandent,
l’exhortent, lui ordonnent de fuir l’occasion du péché et d’éloigner
l’objet du scandale. Ils le mettent dans un autre poste, et ne lui donnent
pas l’avancement qui lui était destiné. S’il s’endurcit dans sa
dépravation, ils prennent de nouveaux renseignements et, enfin, le rejettent
ignominieusement du sanctuaire comme une peste.
2ème objection : Je nie l’antécédent
; en effet, celui qui réfléchira attentivement à ce qu’on doit penser
devant Dieu, d’un prêtre corrompu et corrupteur, jugera aussitôt que
c’est plutôt un ministre du démon que du Christ, et qu’il est établi
pour la ruine des âmes et non pour leur sanctification ; il reconnaîtra
facilement qu’il est dans l’obligation naturelle de le dénoncer, comme
il dénoncerait un voleur ou un maraudeur, afin de rendre service à son
prochain. L’obligation de dénoncer un prêtre dépravé ne rend pas
la confession plus odieuse que l’obligation de dénoncer les voleurs
et les maraudeurs.
3ème objection : Je nie l’antécédent.
La révélation peut, en effet, être faite avec tant de prudence que le
complice ne soit pas connu. C’est ordinairement ainsi qu’elle doit
être faite : Si le pénitent sait écrire, il doit mettre sur une feuille
de papier, le nom seulement de celui qu’il dénonce et remettre le papier
soigneusement cacheté à son confesseur ; celui-ci le transmet à l’évêque
ou au vicaire général avec une lettre dans laquelle il expose le fait
et donne son opinion sur la sincérité de la personne qui a fait la dénonciation
; il doit avoir bien soin de ne pas faire connaître cette dernière au
supérieur et lui-même ne doit pas s’enquérir du nom du prêtre corrompu.
Mais, si la personne qui a l’intention
de faire la dénonciation ne sait pas écrire on doit, après lui avoir
remis une lettre attestant sa sincérité, l’engager à se rendre auprès
des supérieurs et à leur découvrir la vérité, sans se faire connaître,
si elle désire rester inconnue.
Lorsqu’elle trouve que cette manière
de procéder est trop pénible, elle peut désigner le prêtre impudique
à son confesseur en le laissant libre de le dénoncer. Il y a encore une
autre manière de signaler le coupable aux supérieurs : Le complice qui
ne sait pas écrire peut, sous un prétexte quelconque, faire écrire le
nom d’un tel prêtre, en disant, par exemple, que cela lui est demandé
par quelqu’un. Alors, il remettra à son confesseur le papier cacheté.
Le coupable, blâmé par son supérieur,
reprochera fortement à son complice ou à sa complice de l’avoir dénoncé
mais ce désagrément peut-il être comparé au mal que fait un prêtre
corrompu ?
4e objection : Je nie l’antécédent
: il y a beaucoup de personnes que l’on amène à révéler les turpitudes
d’un prêtre par les raisons qu’on leur fait valoir, par les prières,
et les exhortations, et en leur faisant entrevoir l’intérêt de la religion
et le salut des âmes. D’ailleurs, si l’objection présentée avait
quelque valeur, il s’ensuivrait que tant de pontifes qui ont ordonné
de faire cette dénonciation ont été insensés.
Aussi, le confesseur bien pénétré
des devoirs que lui impose sa charge, doit-il, dans ces cas déplorables,
faire tous ses efforts pour amener prudemment la dénonciation en suspendant,
ou même en refusant l’absolution. Si cependant il se rencontre une pénitente
ou un pénitent qui ne se laisse persuader, par aucune raison, qu’il
est tenu de faire la dénonciation, nous pensons qu’il faut finalement
l’absoudre, lorsqu’on juge prudemment que le fidèle est dans la bonne
foi : car si, dans ce cas, on n’absolvait pas le pénitent, on le priverait
des sacrements et on n’obtiendrait pas la dénonciation du corrupteur.
Il est donc beaucoup plus prudent que le confesseur, tout en engageant
fortement le pénitent à faire la dénonciation, ne lui dise pas qu’il
y est tenu sous peine de péché mortel.
Sont dans la même obligation de
faire connaître un prêtre corrompu, les femmes et les jeunes gens qu’il
aurait excités à la débauche, ainsi que tous ceux qui auraient eu connaissance
de pareilles infamies par d’autres voies que par celle de la confession.
Il est certain, par les mêmes raisons,
qu’il faut dénoncer un prêtre ou autre clerc qui, par des fautes inconnues
de ses supérieurs, causerait ou pourrait causer un grave préjudice à
la religion et au salut des âmes.
CHAPITRE 3 : DES DIFFERENTES ESPECES DE
LUXURE CONSOMMEE CONTRE NATURE
La luxure consommée contre nature
consiste dans l'effusion de la matière séminale d'une façon contraire
à la génération, soit en dehors de l'union charnelle, soit dans cette
union [sexuelle]. On en compte trois espèces différentes : Les plaisirs
voluptueux ou masturbation, la sodomie et la bestialité.
ARTICLE 1 : DE LA MASTURBATION
La masturbation , qu'on appelle aussi plaisirs
voluptueux ou incontinence secrète, consiste dans l'effusion de la semence
en dehors de toute union charnelle. La semence est une humeur gluante [et
d’apparence laiteuse] que le Créateur lui-même a destinée à la génération
et à la conservation de l'espèce [humaine]: elle diffère donc essentiellement
de l'urine […].
Il y a trois sortes de pollution
1°/ La pollution simple ou qualifiée;
2°/ La pollution volontaire ou involontaire;
3°/ La pollution volontaire en soi ou
volontaire dans sa cause.
1°/ Masturbation simple ou qualifiée
La masturbation est simple quand il ne
vient pas s'y ajouter une malice supplémentaire, comme lorsque quelqu'un,
dégagé de tout lien avec un homme ou avec une femme, trouve son plaisir
dans la masturbation. On la dit « qualifiée » lorsqu'à sa propre malice
vient s'en ajouter une autre, soit de la part :
a) de l'objet auquel on pense [pendant
la masturbation]
b) de celui sur lequel on pratique,
c) de celui qui pratique la masturbation.
a) La masturbation revêt la malice de
l'adultère, de l'inceste, du stupre, du sacrilège, de la bestialité
ou de la sodomie selon que celui qui s'y adonne pense à une femme mariée,
à sa parente, [à une personne vierge, à une personne consacrée à Dieu,
ou à une personne du même sexe].
b) De la part de celui sur lequel on pratique
la masturbation, s'il est marié ou consacré à Dieu par un vœu ou par
les ordres sacrés.
c) De la part de celui qui pratique la
masturbation, si, par exemple, c'est un religieux ou un prêtre.
Toutes ces circonstances doivent nécessairement
être
dévoilées en confession, parce qu'elles changent l'espèce du péché.
2°/ Orgasme volontaire ou involontaire
La pollution [l’orgasme] volontaire est
celle qu'on pratique directement ou dont on recherche volontairement la
cause. Elle est involontaire lorsqu'elle se produit sans la coopération
de la volonté, soit à l'état de veille, soit pendant le sommeil.
Comme l’éjaculation (ou l’orgasme)
tout à fait involontaire ne peut être un péché, nous n'en parlerons
pas ici, en tant que péché. C'est pourquoi nous traiterons
1°/ De l’orgasme volontaire en soi ;
2°/ De l’orgasme volontaire dans sa cause ;
3°/ De l’orgasme nocturne ;
4°/ Des mouvements désordonnés
[érections, excitations] ;
5°/ De la conduite des confesseurs à l'égard de ceux qui sont dans l'habitude de se livrer à la masturbation.
1°/ L’orgasme volontaire en soi
Plusieurs [théologiens] laxistes ont prétendu, avec Caramuel, que la masturbation n'était pas défendue par la loi naturelle ; que l'éjection de la semence pouvait être comparée à un excès de sang, de lait, d'urine et de sueur, et que, par conséquent, si ce n'étaient les prohibitions de la loi positive, il serait permis de la provoquer et que même ce serait une nécessité toutes les fois que la nature le demanderait. En cela, ils sont contraires à l'opinion de tous les théologiens.
Propositions - La masturbation considérée
en elle-même est un grave péché contre nature.
Cette proposition est conforme à l'Écriture
Sainte, à l'autorité d'Innocent XI, à l'opinion unanime des théologiens
et à la raison.
On lit dans la 1ère lettre [de saint
Paul] aux Corinthiens [6, 9-10] : 9Ne savez-vous pas que les injustes
ne posséderont pas le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les
impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, 10ni les efféminés,
ni les infâmes, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les
médisants, ni les rapaces, ne posséderont le royaume de Dieu. [= Ils
iront en enfer.]
Et dans la lettre [de saint Paul] aux
Galates [5,19-21]: 19Or les œuvres de la chair sont manifestes : c’est
la fornication, l’impureté, l’impudicité, la luxure, 20l’idolâtrie,
les maléfices, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités,
les rixes, les dissensions, les factions, 21l’envie, les meurtres, l’ivrognerie,
les débauches, et les choses semblables, dont je vous prédis, comme je
l’ai déjà fait, que ceux qui les commettent ne seront pas héritiers
du royaume de Dieu.
Par ceux qui se livrent aux plaisirs voluptueux,
tout le monde entend ceux qui se masturbent ou qui se font masturber par
d'autres . Cette action infâme doit certainement être mise au rang des
impuretés et des impudicités. Or l'apôtre, déclarant que ces péchés
excluent du royaume céleste, ne les donne pas comme transgressant le droit
positif, mais comme outrageant la nature.
Innocent XI a condamné le 2 mars 1679
la proposition suivante de Caramuel : Les plaisirs voluptueux ne sont pas
défendus par le droit naturel, et, si Dieu ne les avait pas interdits,
ils seraient souvent bons et même obligatoires.
Les théologiens sont unanimes pour enseigner,
contre quelques probabilistes, que la masturbation est un péché contre
nature [= contraire à la fécondité].
Par la raison : il a été certainement
dans l'esprit du Créateur d'affecter la semence humaine [le sperme] et
l'acte vénérien tout entier à la procréation et à la perpétuité
de l'espèce. S'il était permis de se livrer une fois à la masturbation,
il n'y aurait pas de raison pour ne pas recommencer, et c'est ce qu'on
ne peut pas admettre.
De plus, on est exposé, par le plaisir
qui est inséparable de la masturbation volontaire, au danger d'en contracter
l'habitude; et nous établirons plus loin que c'est une grave faute de
se livrer à une pareille habitude, à cause des fâcheux résultats qu'elle
entraîne. L’orgasme ou l’éjaculation, en dehors de l'union naturelle,
est donc évidemment un acte contre nature comme les païens eux-mêmes
l’ont reconnu.
D'où on doit conclure qu'il n'est jamais
permis de causer directement une éjaculation ou un orgasme, même quand
il s'agit de conserver la santé ou la vie, car, pratiquée même dans
ce but, la fornication est un acte illicite, et la comparaison faite par
Caramuel de la semence humaine avec le sang, le lait, l'urine et la sueur
n'a pas de valeur, puisque la destination de l'une est tout à fait différente
de celle des autres. On ne doit pas non plus se fonder sur ce qu'il est
quelquefois permis de pratiquer une saignée, ou d'amputer un membre et
même les vases spermatiques, car le sang et les membres sont subordonnés
à la santé de l'individu, et peuvent être enlevés pour la conserver.
La semence, au contraire, n'a pas été créée en faveur de l'individu,
mais bien pour la conservation de l'espèce (…).
[Instruction Donum Vitae sur le Respect
de la Vie Naissante et la Dignité de la Procréation, datée du 22 février
1987, cf. vatican.va : pour les mêmes raisons, le « simple case », c’est
à dire une procédure de FIVETE homologue purifiée de toute compromission
avec la pratique abortive de la destruction d’embryons et avec la masturbation,
demeure une technique moralement illicite, parce qu’elle prive la procréation
humaine de la dignité qui lui est propre et connaturelle.]
2°/ De l’orgasme volontaire dans sa cause
On distingue ordinairement deux causes
d’éjaculation ou à l’orgasme : une [cause] prochaine et une [cause]
éloignée. Les causes prochaines tendent [à causer] par elles-mêmes
l’éjaculation, comme les attouchements des parties génitales sur soi
ou sur autrui, les regards que l'on porte sur elles, les paroles obscènes
ou amoureuses et les pensées honteuses.
Les causes éloignées influent d'une
manière moins directe sur l’éjaculation ou l’orgasme ; ce sont les
excès dans le boire et le manger, l'étude des questions vénériennes,
la confession , etc. Ces causes peuvent être licites, véniellement ou
mortellement mauvaises; aussi peuvent-elles, de près ou de loin, influer
sur l’éjaculation. […]
[Remarque pour les caractères inquiets
ou scrupuleux]
[Beaucoup de personnes tombent dans une
grande confusion d'idées et sont tourmentées de scrupules parce qu'elles
confondent sentir et consentir, penser à une chose mauvaise et se délecter
dans cette chose : elles doivent faire des études afin de sortir triomphantes
de ces ténèbres et de ces anxiétés.
Ceux qui aiment sincèrement la chasteté
peuvent demeurer certains qu'ils n'ont pas consenti aux mouvements de concupiscence
toutes les fois qu'il est resté dans leur esprit confusion ou incertitude
; car s'ils avaient consenti aux dits mouvements, ils auraient remarqué
le changement survenu dans leurs résolutions, et ils en auraient gardé
le souvenir.
Ceux, au contraire, qui ont la pernicieuse
habitude de se livrer [en acte physique, concret] aux plaisirs des sens
doivent, lorsqu'ils ne sont pas sûrs de s'être prêtés aux mouvements
de concupiscence, décider qu'ils y ont consenti, car s'ils avaient résisté
à leur penchant ils n'auraient pas perdu le souvenir de leurs efforts
: et comme les péchés de luxure se multiplient en peu de temps outre
mesure, ils peuvent, avec raison, dire avec le prophète pénitent : Mes
iniquités se sont emparées de moi ..., elles sont plus nombreuses que
les cheveux de ma tête, Psaume 39,13. Cf. Mgr Bouvier, Chapitre 4 : Des
Péchés de Luxure non consommée, article 1 : de la délectation morose.]
[…] Examinons maintenant si l’orgasme produit par une cause licite ou véniellement mauvaise constitue un péché, et quelle espèce de péché.
1° C'est pécher mortellement que de faire,
sans nécessité ni utilité, une action licite en soi mais que l'on prévoit
devoir entraîner l’éjaculation ou l’orgasme, parce que l'on coopère
d'une manière efficace à un résultat mortel, sans excuse légitime.
2° Pèche mortellement, s'il s'expose
à donner son consentement au danger prochain, celui qui, pour son propre
avantage ou celui d'autrui, fait une action en soi licite, qui, en raison
de ses dispositions [personnelles], aurait une influence prochaine sur
l’éjaculation ou sur l’orgasme. Tout le monde reconnaît qu'on pèche
mortellement en s'exposant à un semblable danger, à moins de graves nécessités.
3° En cas de grave nécessité, l'action
qui tend à un but légitime ne fournit pas matière à péché, car, dans
un cas grave, on peut faire un acte qui produise un double résultat :
un bon et un mauvais, à la condition de se proposer le bon et d'éloigner
tout consentement au mauvais. Ainsi, ne pèche pas le chirurgien qui, pour
guérir une infirmité ou faire un accouchement, touche ou regarde les
parties pudiques [= parties sexuelles] d'une femme et qui, à cette occasion,
éjacule ou éprouve un orgasme, pourvu cependant qu'il n'y consente pas,
s'exposerait-il même au danger du consentement. Mais il serait dans l'obligation
de renoncer à son art s'il tombait fréquemment dans ce danger, car la
nécessité de son propre salut l’emporte sur toutes les autres.
4° Ne pèche pas celui qui, pour son
utilité ou celle d'autrui, fait une action qu'il prévoit devoir amener
l’éjaculation ou l’orgasme, mais qui ne se met pas dans le danger
prochain de consentement, car on doit supposer qu'il a la volonté d'éloigner
tout résultat mauvais qu'il ne poursuit ni n'approuve. Ainsi pensent saint
Thomas et les théologiens en général.
Aussi est-il permis d'étudier, dans un
but honnête, les choses vénériennes, d'entendre les confessions de femmes,
de converser avec elles d'une manière utile et honnête, de leur rendre
visite et de les embrasser à la manière des parents, de monter à cheval,
d'user modérément d'une potion échauffante prescrite pour la santé,
de donner des soins aux infirmes et de les mettre dans un bain, d'exercer
la chirurgie, etc., bien qu'on prévoie que l’éjaculation ou l’orgasme
doive s'ensuivre, à la condition de ne pas viser à ce résultat, d'avoir
la ferme résolution de ne pas y consentir, et l'espoir de persévérer
dans sa résolution.
[Le seuil d’excitabilité a bien changé
depuis le XIXème]
Cependant, si pour des causes futiles
ou sous de légers prétextes d’utilité, on se portait à des actes
influant sur l’éjaculation ou l’orgasme, on devrait s'en abstenir
sous peine de pécher véniellement ou mortellement, selon qu'ils influeraient
sur l’éjaculation ou l’orgasme d'une manière légère ou grave. Si,
par exemple, le café, l'eau-de-vie, le vin pur, etc., sans être utiles
à la santé, comme c'est l'ordinaire, vous excitent à la masturbation,
vous êtes dans l'obligation de vous en abstenir, sous peine de péché
véniel si son influence est seulement probable, et sous peine de péché
mortel si, pour des raisons qui vous sont personnelles, cette influence
est prochaine et que l'effet en soit comme moralement certain.
5° On pèche mortellement en faisant
une action véniellement mauvaise, si elle influe sur la pollution [le
risque de masturbation ou d’éjaculation ou d’orgasme] d'une manière
prochaine; cela résulte de ce qui vient d'être dit. Aussi, celui qui
est trop sensible aux aiguillons de la chair, qui éjacule [ou a un orgasme]
lorsque ses regards se portent sur certaines parties du corps d’une femme,
ou lorsqu’il touche ses mains ou s’il presse ses doigts, en parlant
avec elle ou quand il l’embrasse d'une manière honnête mais sans motif,
ou lorsqu’il assiste à des bals, etc., celui-là devra s'abstenir de
ces actions sous peine de péché mortel.
6° Mais si des péchés véniels en matière
de luxure, et à plus forte raison en d'autres matières, influent sur
l’éjaculation ou l’orgasme d'une manière seulement éloignée, par
exemple, si elle ne se produit que rarement, dans les cas dont il s'agit,
la chasteté ne se trouve que véniellement blessée. Quant à savoir si
elle serait mortellement blessée, soit dans l’éjaculation elle-même,
soit dans sa cause, on peut répondre par une double négation : non, d'abord,
lorsqu'il est à supposer qu'il y a absence de consentement actuel ; non,
ensuite, dans l'hypothèse, si la cause est légère et influe sur l'acte
d'une manière seulement légère. C'est ainsi que, contre un petit nombre,
pensent généralement les théologiens avec saint Thomas.
7° Un péché mortel, autre qu'un péché
de luxure, la colère et l'ivrognerie, par exemple, qui influe sur l’éjaculation
ou l’orgasme d'une manière éloignée, n'est regardé que comme péché
véniel de luxure. La raison seule peut faire la part de l'influence. Or,
dans ce cas, on la suppose légère. C'est l'opinion de saint Alphonse
de Liguori, livre 3 n°484 et beaucoup de théologiens pensent comme lui.
On devrait évidemment adopter l'opinion contraire dans le cas où l'on
jugerait que le péché, par sa fréquence, influe sur l’éjaculation
ou sur l’orgasme d'une manière prochaine.
3°/ De l’éjaculation ou orgasme nocturne
Par pollution nocturne [éjaculation ou
orgasme nocturne], on entend celle qui se produit pendant le sommeil. Si
le sommeil est imparfait, l’éjaculation ou l’orgasme peut être semi-volontaire,
et le péché, par conséquent, véniel. L’éjaculation (ou l’orgasme)
n'étant nullement volontaire dans le sommeil parfait ne peut entraîner
de péché, car, dans ce cas, elle ne peut être mauvaise que dans sa cause.
Il est certain que celui ou celle qui
a préparé une cause, dans l'intention de provoquer l’éjaculation ou
l’orgasme pendant le sommeil, en prenant certaines positions dans son
lit, ou par des attouchements voluptueux, ou par des lectures de romans,
etc., pèche mortellement.
Ce cas excepté, on doit examiner quelle
est la cause de l’éjaculation ou l’orgasme nocturne et de quelle manière
elle influe sur l’éjaculation ou l’orgasme. Saint Thomas 2a 2ae q.154
art.5 et d'autres théologiens en distinguent trois : une [cause] corporelle,
l'autre [cause] spirituelle intrinsèque et la troisième [cause] spirituelle
extrinsèque.
1°/ Par cause corporelle, on entend :
1° L'excès de matière séminale dont
la nature se dégage par l'écoulement lorsqu'elle est surchargée .
2° Les fantômes imprimés sur l'imagination
par l'excès même de la matière, ou par toute autre disposition du corps.
3° L'excès dans le boire ou le manger,
ou les propriétés trop échauffantes [aphrodisiaques] des mets [de la
nourriture] et de la boisson.
4° Les causes diverses qui préparent
le flux de la matière, telles que l'équitation, la vue ou le toucher
des parties honteuses.
5° Certaines âcretés d'humeurs, un
sang trop échauffé, l'irritabilité des nerfs, les attouchements pendant
les rêves, la souplesse du lit, etc.
6° La faiblesse des organes, qui peut
provenir soit d'une constitution défectueuse ou débile, soit de l'habitude
qu'on a contractée de se masturber (…).
2°/ La cause spirituelle intrinsèque, appelée par saint Thomas animale parce qu'elle réside dans l'âme, est la pensée, avant le sommeil, d'une chose honteuse : par là on entend les désirs, la délectation morose, les mauvaises conversations, la fréquentation des femmes, l'assistance aux spectacles et aux bals, la lecture des livres obscènes, etc.
3°/ D'après saint Thomas et tous les
autres docteurs, la cause spirituelle extrinsèque est une opération par
laquelle le démon provoque l’éjaculation ou l’orgasme en frappant
l'imagination et en mettant en mouvement les esprits génitaux [provoquer
une forte excitation sexuelle]. Ces derniers orgasmes ne peuvent en aucune
manière être imputées à péché [être comptés comme péché] à ceux
qui les éprouvent, s'il n'y a pas de consentement actuel, puisqu'ils procèdent
d'une cause étrangère à la volonté.
Il n'y a pas non plus de péché dans
les orgasmes provenant d'un excès d'humeurs spermatiques, de la faiblesse
des organes génitaux, d'un état nerveux accidentel, et même d'une habitude
de masturbation suffisamment délaissée, car, dans l'hypothèse, ces orgasmes
n'ont pas leur source dans une volonté libre et sont privées de tout
consentement.
Mais, pour les autres orgasmes, il faut
étudier soigneusement si leur cause est licite, véniellement ou mortellement
mauvaise, prochaine ou éloignée; ainsi on jugera prudemment s'il y a
péché et quelle en est la gravité. Pour excuser une action, même licite,
qui porte d'une manière prochaine à l’orgasme, il ne suffit pas qu'elle
soit utile, il faut qu'elle soit nécessaire; mais s'il s'agit d'un danger
éloigné, un motif raisonnable suffit.
On demande : 1° Ce que doit faire celui
qui, en s'éveillant, s'aperçoit qu'il éprouve la pollution ? [= qu’il
ou elle est en train de jouir.]
Réponse. Il doit élever son esprit vers
Dieu, l'invoquer, faire le signe de la croix, s'abstenir de provoquer l'écoulement
de la semence, renoncer au plaisir voluptueux. Pourvu qu'il agisse ainsi,
il peut se considérer comme exempt de péché, et il n'est pas tenu de
contenir l'impétuosité de la nature, car déjà la sécrétion des humeurs
s'est faite dans les vases spermatiques. Il est donc nécessaire que l'écoulement
ait lieu immédiatement ou plus tard, sans quoi la semence venue des reins
se corromprait au détriment de la santé. [Les spermatozoïdes sont fabriqués
par les testicules et non par les reins].
On demande : 2° S'il est permis de se
réjouir de l’éjaculation (ou de l’orgasme) lorsqu'elle se produit
dégagée de tout péché, en tant qu'elle décharge la nature, ou [s'il
est permis] de la désirer à ce point de vue.
Réponse. Les auteurs enseignent généralement
qu'il est permis de se réjouir des bons effets de l’éjaculation (ou
de l’orgasme) involontaire, qui se produit soit pendant le sommeil, soit
pendant la veille. Car, sous ce rapport, elle opère un bon résultat.
Ils affirment plus généralement et d'une manière plus probable, et par
les mêmes motifs, qu'il est permis de se réjouir des bons résultats
que produira l’éjaculation ou l’orgasme.
Mais est-il permis de prendre plaisir
à l’éjaculation (ou à l’orgasme) que l'on éprouve ou que l'on éprouvera,
en dehors de toute participation de la volonté, et en la considérant
comme soulagement de la nature ?
Un grand nombre de théologiens se prononcent
pour l'affirmative, par la raison qu'à ce point de vue elle n'est défendue
par aucune loi. Ainsi dit saint Thomas Commentaire du 4ème livre des Sentences,
titre 9, q.1. art.1 : On ne croit pas qu'elle soit un péché, si elle
est agréable [l’éjaculation], parce qu'elle décharge ou qu'elle soulage
la nature. Remarquez qu'il ne dit pas si l'effet de l’éjaculation ou
de l’orgasme est agréable. […]
4°/ Des mouvements désordonnés [érections, excitations] […]
5°/ De la conduite des confesseurs à l'égard de ceux qui se livrent à la masturbation
Il n'y a pas de vice plus nuisible, sous tous les rapports, aux jeunes gens et aux jeunes filles, mais surtout aux jeunes gens, que l'habitude de se livrer à la masturbation. En effet, ceux qui ont pris cette mauvaise habitude tombent dans l'endurcissement [de cœur], l'hébétement, le dégoût de la vertu et le mépris de la religion. […]
Les confesseurs doivent donc apporter toute leur sollicitude à prémunir contre de si grands maux et à arracher à cette infâme habitude ceux qu'ils croiraient en être atteints ou l'avoir contractée. Ils doivent surtout prendre garde, en interrogeant les jeunes gens, et particulièrement les jeunes filles, de ne pas blesser imprudemment leur imagination et de les faire tomber ainsi dans des actions honteuses, comme cela arrive souvent. Il serait de beaucoup préférable de s'exposer au danger de ne pas obtenir une confession entière, que de corrompre les âmes ou de les blesser au détriment de la religion. […]
[Les Remèdes à la Masturbation]
A la masturbation positivement reconnue,
il faut opposer des remèdes convenables : les uns sont physiques et les
autres moraux.
Les remèdes physiques peuvent servir
à la guérison de l’éjaculation volontaire ou involontaire: ils consistent
dans une grande sobriété, un genre de vie bien réglé, l'abstinence
d'aliments échauffants, de liqueurs spiritueuses, l'usage de l'eau et
du lait, peu de sommeil [au contraire, le manque de sommeil cause un état
de fatigue qui dans de nombreux cas, fragilise les forces de résistance
de la personne face à la tentation] un lit peu moelleux, des bains froids.
[…]
Les remèdes moraux sont surtout la fuite
des objets qui ont provoqué les mauvaises idées, la vigilance sur soi-même,
la garde des sens, la mortification de la chair, la méditation sur les
maux qu'engendre l'habitude de la masturbation, la pensée de la mort,
du jugement de Dieu, de l'enfer et de l'éternité, la fuite de l'oisiveté,
le silence, la vie solitaire, la prière, la confession fréquente, etc.
[…].
[Désespoir des Confesseurs]
L'exécrable habitude de la masturbation,
quand elle est invétérée, jette les confesseurs dans une espèce de
désespoir. Il est très difficile de juger prudemment si l'on peut - si
l'on doit - admettre aux sacrements de pénitence et d'Eucharistie les
pénitents livrés à ce vice. Il est à craindre qu'ils s'éloignent de
la confession et deviennent plus mauvais si on les traite sévèrement.
Mais si on les accueille avec trop d'indulgence, ils s'endormiront dans
la fange du vice.
Il faut donc user d'une très grande prudence
et d'un grand zèle, afin que ces malheureux pénitents s'approchent souvent
du sacré tribunal de la pénitence [le sacrement de la confession], par
exemple toutes les semaines, se repentent de leurs fautes et renouvellent
fréquemment le bon propos de ne plus pécher.
Il faut examiner attentivement si les
rechutes proviennent de la malice, de l'indolence ou du défaut de bon
propos, ou bien de la faiblesse de la chair et de la violence de la tentation.
Dans le premier cas [la malice], on doit
différer l'absolution jusqu'à un amendement réel ; mais dans le second
[les différents cas de faiblesse], il faut aller au secours des malheureux
pénitents qui luttent contre une passion tyrannique et ont la contrition
: on doit leur accorder l'absolution et la sainte Eucharistie. Par là,
on diminue peu à peu les rechutes et on finit par faire disparaître l'habitude
; tandis qu'au contraire une trop grande sévérité, éloignant les pénitents
des sacrements, les jetterait dans le gouffre de la corruption et enlèverait
presque tout espoir d'amendement. […]
Mais, en règle générale, on ne saurait
déterminer le délai : il dépend de la prudence du confesseur, qui le
prorogera ou l'abrégera selon qu'il le croira utile à l'amendement du
pénitent. Remarquez bien que les pauvres pécheurs qui désirent sincèrement
leur salut ne doivent pas être confondus avec les endurcis, ni jetés
dans le désespoir par une sévérité hors de saison. Les confesseurs
doivent y bien prendre garde et user de la plus grande prudence.
[Mariage : remède le plus efficace]
Parfois, il faut conseiller le mariage
à ceux qui peuvent le contracter comme le remède unique, ou au moins
le plus efficace.
[Pas d’entrée au Séminaire ou au Monastère
avant plusieurs années de continence]
On doit user d'une grande circonspection
lorsqu'il s'agit de jeunes gens qui doivent faire vœu de continence perpétuelle
[ex : prêtres, moines, religieuses]. Ceux qui sont atteints d'un tel vice
et se livrent souvent à des pollutions [masturbations] seraient ordinairement
disposés au vœu téméraire et imprudent de chasteté ils doivent donc
être éloignés de la profession religieuse et, à plus forte raison,
de l'état ecclésiastique [diacres, prêtres], à moins qu'ils ne donnent
des signes extraordinaires de conversion et que, par une longue épreuve
de plusieurs années, ils ne témoignent de la fermeté de leur résolution
et de leur persévérance.
ARTICLE 2 : DE LA SODOMIE
Saint Thomas définit ainsi cette monstrueuse
corruption qui tire son nom des habitants de Sodome : Accouplement entre
deux personnes du même sexe, par exemple d'un homme avec un homme, ou
d'une femme avec une femme. Somme Théologique, 2a 2ae q.154 art.11.
Ce crime est d'une énormité évidente
:
- Par l'horreur qu'il excite chez tout
le monde ;
- Par sa difformité naturelle et manifeste
;
- Par les châtiments inouïs que Dieu
infligea aux cinq villes qui en étaient souillées, cf. Genèse, chapitre
19 ;
- D'après la lettre de saint Paul aux
Romains, chapitre 1 verset 18 et suivant, où il est dit qu'en punition
de leur orgueil les gentils [les non-juifs] ont été livrés à
d'ignobles passions, faisant ce qui ne convient pas, et brûlant de désirs
les femmes pour les femmes et les hommes pour les hommes ;
- Par les graves peines décrétées dans
le droit canon et dans la bulle de saint Pie V, Horrendum illud scelus,
contre les clercs qui pratiquent la sodomie ;
- Suivant tous les pères de l'Église
qui ont attaqué ce grand crime avec une extrême violence : saint Chrysostome,
dans sa 4ème Homélie sur la lettre de saint Paul aux Romains, foudroie
les sodomites de son éloquence et leur reproche d'être plus infâmes
que les chiens.
Peu importe le vase dans lequel pratiquent
le coït les mâles entre eux ou les femmes entre elles : que ce soit dans
celui de devant [vagin] ou dans celui de derrière [anus], ou sur une autre
partie du corps, puisque la malice de la sodomie consiste dans l'affection
pour le sexe interdit, et que, dans son genre, elle est complète par l'application,
en manière d'union charnelle, des parties génitales sur une partie du
corps d'une personne du même sexe. […]
La sodomie revêt la malice de l'adultère,
de l'inceste ou du sacrilège, selon que les personnes qui s'y livrent
sont mariées, parentes par consanguinité ou par alliance, ou consacrées
à Dieu.
Des théologiens nombreux disent que le
pénitent est tenu de déclarer si, dans l'acte de sodomie, il a été
agent ou patient [actif : celui ou celle qui sodomise ou passif : celui
ou celle qui se fait sodomiser], parce qu'autre chose est se laisser volontairement
polluer [laisser l’autre nous donner une éjaculation et / ou un orgasme],
et autre chose est de participer à l’orgasme d'autrui, et que, d'ailleurs,
les rôles naturels sont gravement intervertis lorsque la femme devient
agent [active] et l'homme patient [passif].
Beaucoup d'auteurs, cependant, avec plus
de probabilité, rejettent cette nécessité, prétendant que la nature
du péché est suffisamment exprimée par la déclaration du fait : c'est
l'opinion du père Concina lui-même très peu suspect de relâchement.
Comme en cette matière il convient d'éviter
les questions superflues, nous nous abstenons toujours d'interrogations
de cette nature [lors de la confession].
[Sodomie Hétérosexuelle]
Il y a une autre espèce de la sodomie
qui consiste dans l'union charnelle entre personnes de différents sexes,
mais hors du vase naturel : dans la partie de derrière, c’est à dire
dans l’anus, ou dans la bouche, entre les seins, entre les jambes ou
les cuisses, etc. Quoique ce genre d'infamie ne tombe pas sous les peines
portées contre la sodomie proprement dite, il n'en est pas moins certain
que cet acte contre nature constitue un crime énorme. Aussi, dans notre
diocèse [du Mans, en France], cette sodomie comme l'autre [sodomie entre
deux femmes ou sodomie entre deux hommes], forme un cas réservé, n'eussent-elles
été consommées ni l'une ni l'autre, mais tentées par un acte qui pouvait
y amener. [« cas réservé » = seul l’évêque peut absoudre ce péché].
ARTICLE 3 : DE LA BESTIALITÉ
La bestialité résulte de l'accomplissement
des actes vénériens avec des êtres appartenant à l'animalité [avec
des animaux]. Voir saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, 2a 2ae q.154
art.11. Le Lévitique, chapitre 20, versets 15 et 16, nous montre la bestialité
comme un très grand péché lorsqu'il dit : Que celui qui aura pratiqué
le coït avec une bête soit puni de mort : vous tuerez aussi la bête.
Si une femme s'est prostituée à une bête, qu'elle meure avec la bête.
Que leur sang retombe sur eux.
Ce crime horrible étant plus opposé
aux règles de la raison que tous les autres péchés contre la chasteté,
il est regardé comme beaucoup plus grave et inspire de l'horreur à tout
le monde. La loi civile condamnait autrefois à mourir dans les flammes,
avec la bête elle-même, celui qui n'avait pas reculé devant l'accomplissement
d'une pareille infamie. Aujourd'hui, celui qui se rendrait coupable de
ce crime en public, ou d'un autre du même genre, serait puni, pour outrage
aux mœurs, à de la prison et à une amende.
Quelle que soit l'espèce à laquelle
appartienne l'animal, le péché ne change pas de nature, et la différence
des sexes ne l'aggrave pas beaucoup parce que sa malice vient de ce qu'il
est contre nature. Il n'est donc pas nécessaire de faire connaître en
confession l'espèce, le sexe et les autres qualités des bêtes, mais
il faut dire si le péché a été accompli par l'écoulement de la semence,
ou s'il y a eu seulement essai. Dans notre diocèse, l'un et l'autre de
ces cas est réservé.
[Actes Sexuels avec le Démon]
Tous les théologiens parlent du commerce
avec le démon sous la forme d'un homme, d'une femme ou d'une bête, ou
seulement présent dans l'imagination ; ils disent qu'un tel péché doit
être mis au rang de la bestialité, et qu'il a une malice spéciale qu'il
faut déclarer en confession, à savoir un sacrilège consistant dans le
pacte avec le démon. On trouve nécessairement, dans ce crime, une double
malice : une contre la chasteté, une autre contre la religion. Il est
certain que l'acte de sodomie accompli avec le démon sous la forme d'un
homme est une troisième espèce de péché. Si le démon se présente
sous l'apparence d'une parente ou d'une femme mariée, il y a inceste ou
adultère, et bestialité si c'est sous la forme d'une bête.
[Nécrophilie]
L'horreur qu'on éprouve du fait incroyable
du coït pratiqué sur une femme morte nous oblige à nous demander dans
quelle catégorie on doit ranger cet acte. Certains veulent que ce soit
la bestialité, d'autres la fornication, et d'autres la masturbation. Ce
crime est si horrible que, la question spéculative mise de côté, il
nous semble évident que la circonstance d'une femme morte doit nécessairement
être déclarée, comme aussi la qualité qu'elle avait, étant vivante,
de parente par consanguinité ou par alliance, de femme mariée ou de religieuse.
CHAPITRE 4 : DES PÉCHÉS DE LUXURE
NON CONSOMMÉE
La luxure non consommée est celle qui
n'arrive pas jusqu'à l'écoulement de la semence [dans le cas des femmes,
la luxure non consommée est celle qui ne va pas jusqu’à l’orgasme].
A cette espèce se rapportent :
la délectation morose ou contemplative,
les baisers,
les attouchements et regards impudiques,
la parure des femmes,
les peintures et sculptures indécentes,
les paroles déshonnêtes,
les livres obscènes,
les danses, bals, les spectacles. [...]
CHAPITRE 5 : DES CAUSES, EFFETS ET
REMÈDE À LA LUXURE
§ 1. Des causes de la Luxure
Les causes principales et les plus fréquentes des péchés de luxure sont les suivantes :
1°) L'intempérance dans le manger et surtout dans le boire Le vin est une source de luxure et l'ivrognerie est tumultueuse : quiconque y met son plaisir ne sera pas sage (livre des Proverbes 20.1) ; Ne vous enivrez pas de vin, c’est de la débauche ; mais remplissez-vous du saint Esprit (lettre aux Éphésiens 5.18) ; Le libertinage et la luxure sont les accessoires de l'intempérance (Tertullien, Du Jeûne ou Contre les Psychiques). L'expérience confirme cette doctrine.
2°) L'oisiveté enseigne beaucoup de malice (Livre de l’Ecclésiastique, 33.29), un sommeil prolongé, la mollesse ou la chaleur du lit, les jeux, les agréments et les délices de la vie.
3°) La familiarité entre personnes de
sexe différent , même sous prétexte de mariage, les regards, les attouchements,
les embrassements, les entretiens voluptueux, suivant ces paroles de l'Ecclésiastique,
9.11 : Beaucoup, pour avoir admiré la beauté d’une femme étrangère,
ont été réprouvés ; car sa conversation brûle comme un feu.
4°) Les bals, les comédies et autres
spectacles profanes, la lecture des livres obscènes et des romans, les
discours déshonnêtes, les chansons amoureuses, les vêtements immodestes
ou superflus, la fréquentation des cabarets, toutes ces choses, dit Tertullien,
indiquent la perte de la chasteté.
[Autres causes :
►l’absence d’éducation sexuelle
catholique,
►l’ignorance de l’Écriture Sainte,
Saint Jérôme : Aime l’Ecriture Sainte
et tu vaincras l’impureté (c’est à dire les péchés sexuels).
Saint François de Sales, Introduction
à la Vie Dévote, 3ème partie, Avis pour conserver la chasteté : Occupez-vous
souvent de la lecture des Livres Sacrés ; car la Parole de Dieu est chaste
et rend chaste ceux qui l’aiment : c’est pourquoi David la compare
à cette pierre précieuse, qu’on appelle topaze et dont la propriété
spéciale est d’amoindrir l’ardeur de la concupiscence.
►l’ignorance des enseignements officiels
de l’Eglise sur la sexualité, l’ignorance des écrits des docteurs
de l’Église, des pères de l’Église et des grands mystiques catholiques
sur le sujet.
►l’erreur sur nos besoins véritables
: pour être équilibré et épanoui nous avons besoin d’amour de personne
à personne et non pas d’une ration hebdomadaire ou mensuelle d’orgasmes,
à défaut de laquelle notre équilibre serait soit disant fragilisé ou
remis en cause.
►la concupiscence de la chair,
►les mauvais exemples,
►Le mauvais amour propre, source de
tous les vices selon les pères de l’Église,
►l’orgueil,
►le refus de quitter les occasions prochaines,
►la paresse pour la prière et la pénitence,
►l’abus de la miséricorde divine,
►la présomption d’être sauvé sans
mérite,
►le refus de croire aux paroles de saint
Paul : les débauchés n’hériteront pas du Royaume des Cieux (1Corinthiens
6, 9-10) ; ceux qui commettent ces fautes-là n’hériteront pas du Royaume
de Cieux (Galates 5, 19-21) ; Ni le fornicateur, ni le débauché n’ont
droit à l’héritage dans le Royaume du Christ et de Dieu (Ephésiens
5, 5). Paroles reprises par la Vierge Marie à la bienheureuse Jacinthe
de Fatima : ce sont les péchés de la chair qui conduisent le plus d’âmes
en enfer. Cf. Témoignages sur les Apparitions de Fatima, Giovanni de Marchi,
éd. Missoes consolata, 1974, p.279.]
§ 2. Des effets de la luxure
Saint Thomas, 2a 2ae, q.153, art. 5 après
saint Grégoire, donne huit filles à la luxure. Quatre dans le domaine
de l'intelligence :
1°) L'aveuglement, dont Salomon lui-même
nous a donné un exemple terrible [sa luxure le conduisit à l’idolâtrie,
cf. 1 Rois 11.1-13] ;
2°) La précipitation, qui pousse l’homme
à des actions inconvenantes qu’il n’eut pas faites s’il avait pris
le temps d’en calculer la portée ou de demander conseil.
3°) Le défaut de réflexion, qui fait
mal juger de la fin qu'on se propose et des moyens pour y arriver.
4°) L'inconstance, celui qui est adonné
à la luxure veut et ne veut pas, comme s'il était dans l'engourdissement
(livre des Proverbes, 13.4), et il ne persiste pas dans sa résolution
de mener une vie meilleure.
Les quatre filles que saint Thomas donne
à la luxure, comme produites par la volonté, sont les suivantes :
1°) L'amour démesuré de soi-même.
Celui qui se livre à la débauche place sa fin dernière dans les plaisirs
de la chair, et il applique toutes ses pensées aux moyens de s'y livrer.
2°) La haine envers Dieu, qui proscrit
les péchés contraires à la chasteté et les punit de peines graves.
3°) L’amour du monde présent, dans
lequel le débauché trouve les plaisirs dont il désire faire sa principale
occupation.
4°) L'horreur de l’autre monde, le
débauché sait qu'à la place des plaisirs obscènes, il trouvera dans
l’enfer, comme punition, des supplices atroces. Cette pensée l’obsède,
le pousse au désespoir, parce qu'il lui semble impossible d'abandonner
les plaisirs de ce monde. Ceux qui arrivent à ce désespoir se jettent
dans toutes sortes d'obscénités ; c'est ce qui a fait dire à Paul :
Ayant perdu tout sens moral, ils se sont livrés à l’impudicité, à
la pratique de toute espèce d’impureté et à l’avarice (lettre aux
Ephésiens, 4.19) et à David : Dieu n’est pas devant ses yeux ; ses
voies sont souillées en tout temps. (Psaume 10.5) C'est comme s'il disait,
écrit Sylvius, tome 3, p.821, une fois qu'il a mis de côté le respect
et la crainte de Dieu, il mène la vie la plus impure.
Outre ces effets moraux, il en est d'autres,
physiques, que nous avons indiqués dans nos articles précédents, sans
compter les horribles maladies vénériennes, ainsi nommées parce qu'elles
sont la conséquence de l'abus des plaisirs vénériens.
§ 3. Des Remèdes aux péchés de luxure
Il est d'abord nécessaire de faire disparaître
les causes, que nous avons déjà énumérées, des péchés de luxure.
En outre, il convient de prescrire les moyens suivants :
1°) La prière fréquente et fervente
: Voyant que je ne pouvais avoir la continence sans le secours de Dieu
..., je suis allé vers lui et je l'ai prié. (Livre de la Sagesse 8.21).
2°) La lecture des livres de piété,
les méditations sur la Passion du Christ et sur les supplices réservés
aux débauchés dans l'autre monde : Dans toutes tes actions, souviens-toi
de ta fin et tu ne pécheras jamais. (Ecclésiastique 7.40).
3°) S'abstenir d'une nourriture délicate
et abondante : Les iniquités de Sodome furent le résultat de l'orgueil,
de l'abondance et de l'oisiveté. (Ézéchiel 16.49).
4°) La garde des sens, surtout de celui
de la vue : N’arrête pas tes regards sur une jeune fille, de peur que
sa beauté ne te soit un sujet de chute. (Ecclésiastique 9.5).
5°) Fuir l'oisiveté et éviter avec
soin les occasions : Celui qui aime le danger y périra (Ecclésiastique
3.27).
Que les parents ne permettent pas à des
enfants de sexe différent, même frères et sœurs, de coucher dans le
même lit, car l'expérience prouve que cet usage est très pernicieux
pour la chasteté.
6°) Les macérations de la chair et les
jeûnes, car les contraires se guérissent par les contraires. Cette sorte
de démons ne se chasse que par la prière et le jeûne. (Évangile selon
saint Matthieu 17.20).
7°) Les aumônes et autres actes de charité,
qui sont la source de grâces abondantes.
8°) L'approche fréquente des sacrements
de pénitence [la confession] et d'Eucharistie [la messe].
9°) L'assiduité à se mettre en la présence
de Dieu et à se rappeler l'éternité.
10°) La résistance aux premiers mouvements
de la volupté, ayant soin de diriger son attention vers un autre objet,
surtout vers un objet saint : Résistez au diable et il fuira loin de vous.
(Lettre de saint Jacques 4.7).
11°) Les conseils d'un confesseur prudent
et, autant que faire se peut, de son confesseur ordinaire ; car il suggérera
au pénitent des remèdes proportionnés à ses faiblesses et très propres
à surmonter la tentation.
SUPPLÉMENT AU TRAITÉ DU MARIAGE
Il existe des questions nombreuses d’une
grave importance et sur lesquelles on est appelé à se prononcer chaque
jour, concernant le traité du mariage, et que la prudence ne permet pas
d’exposer dans un cours public de théologie. Les prêtres qui sont à
la veille d’être revêtus des redoutables fonctions de directeur des
âmes ne devant pas ignorer ces questions, nous avons l’habitude de les
exposer et de les développer devant nos diacres. On peut ramener ces questions
à deux principales, savoir :
1° De l’empêchement par impuissance.
[...]
2° Du devoir conjugal.
2ème Question. – Du devoir conjugal
Nous divisons cette seconde question en
trois chapitres :
le premier traitera du devoir conjugal
demandé et rendu ;
le deuxième de l’usage du mariage ;
le troisième de la conduite des confesseurs
à l’égard des personnes mariées.
CHAPITRE 1 : DU DEVOIR CONJUGAL DEMANDÉ
ET RENDU
Il est certain que les époux sont dans la stricte obligation de se garder mutuellement la foi conjugale [=le pacte conjugal, tout ce qu’ils se sont promis par leur mariage]; ils en font la promesse solennelle devant le prêtre, lorsqu’il les interroge et les bénit au nom de Dieu dont il est le ministre. D’ailleurs, d’après l’institution du mariage elle-même, l’homme et la femme sont deux dans une seule chair ; l’un des époux ne peut donc avoir de commerce avec une autre chair [avoir une relation sexuelle avec une autre personne] sans faire une grave injure à son époux. D’où il suit que tout acte vénérien [tout acte sexuel] accompli avec une autre personne ou à son propos, l’acte charnel [faire l’amour], par exemple, les attouchements, les baisers, les désirs d’accomplir ces actes ou la complaisance dans ces actes ; toutes ces choses revêtent une double malice qu’il est nécessaire de déclarer en confession, une contre la chasteté et l’autre contre la justice.
Il en est de même des mouvements voluptueux qui sont, a leur manière, contraires à la foi jurée, comme, par exemple l’abus que l’un des époux ferait de son corps [ex : par la masturbation] dont l’autre époux a acquis la propriété pour l’accomplissement des actes vénériens.
Ces préliminaires posés, nous diviserons
le présent chapitre en trois articles : dans le premier nous traiterons
de l’acte conjugal considéré en soi ; dans le second, du devoir conjugal
demandé ; et dans le troisième, du devoir conjugal rendu.
ARTICLE 1 : DE L’ACTE CONJUGAL CONSIDERE
EN SOI
[« L’acte conjugal peut devenir méritoire
s’il est dicté par un motif surnaturel »]
Nous avons prouvé, dans le Traité du
Mariage, tome 4, p.216, 7ème édition, contre plusieurs hérétiques,
que le mariage considéré en soi était bon et honnête : il est donc
certain que l’acte conjugal n’a, par lui-même, rien de mauvais et
peut devenir méritoire s’il est dicté par un motif surnaturel, par
exemple,
pour conserver à son époux la foi promise
en présence de Dieu,
dans un but de religion,
pour avoir des enfants qui servent Dieu
fidèlement, ou
en représentation de l’union du Christ
avec l’Eglise.
Donc, si on rencontre quelque difficulté dans la matière, c’est au sujet du coït pratiqué uniquement par passion ou pour prévenir l’incontinence [pour éviter que l’autre ne commette un péché sexuel, ex : adultère, masturbation, recours à la prostitution.]
§ 1. Du coït pratiqué uniquement par passion.
C’est un péché de se livrer à l’acte conjugal dans le seul but de se procurer du plaisir, mais le péché est seulement véniel [léger] […]
§ 2. De l’acte conjugal pratiqué dans
le but de prévenir l’incontinence.
[pour éviter de commettre un péché
sexuel comme par exemple : la masturbation, l’adultère, etc.]
On demande si c’est un péché de demander
le devoir conjugal dans le seul but de prévenir l’incontinence et quelle
espèce de péché a été commis. Les théologiens sont très divisés
sur cette question ; leurs opinions se résument à deux principales que
Sanchez, liv. 9, disp. 9, et le P. Antoine, Des Obligations des époux,
chap.3, q.5, nouv. édit., t. 4, p. 296, exposent d’une manière assez
claire.
1°/ Beaucoup de théologiens prétendent
qu’il n’y a pas de péché dans le coït entre époux [dans ce cas
là], et ils appuient leur opinion des preuves suivantes :
1°) 1ère lettre aux corinthiens, 7.2
: toutefois à cause de la fornication que chaque homme ait sa femme et
que chaque femme ait son mari. L’apôtre [saint Paul] ajoute, verset
5 : Ne vous refusez pas l’un à l’autre, si ce n’est d’un commun
accord et pour un temps, afin de vaquer à la prière, et ensuite revenez
ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence 6. je
vous dis cela par concession, je n’en fais pas un ordre 7. car je voudrais
que vous fussiez tous comme moi. Saint Paul allègue ici l’incontinence,
seulement pour autoriser l’acte conjugal : or, on ne peut pas dire que
l’Apôtre donne la faculté de faire un acte entaché de péché [donc
ce n’est pas un péché].
2°) Par l’autorité du catéchisme
du concile de Trente qui, dans sa seconde partie, chap. 14, § 3., formule
de la manière suivante la troisième raison qui a fait établir le mariage
après la chute de nos premiers parents [Adam et Eve] : celui qui a conscience
de sa faiblesse et qui ne veut pas combattre les révoltes de la chair,
doit trouver dans le mariage un secours pour son salut. Et c’est ce qui
fait dit à l’Apôtre : Pour éviter la fornication, etc. [Cf. Catéchisme
du Concile de Trente, éditions Dominique Martin Morin p.327.]
3°) L’Eglise bénit chaque jour les mariages de vieillards qui ne sont certainement pas en état d’avoir des enfants ; on ne dit cependant pas qu’ils ne doivent pas user du mariage et l’Eglise ne les détourne, en aucune manière, de l’acte conjugal ; elle pense donc qu’ils doivent pratiquer le coït pour calmer la concupiscence.
4°) Un acte en soi honnête et qui tend à une fin honnête ne peut pas être mauvais. Or, l’acte conjugal est honnête en soi et c’est une fin honnête que de calmer la concupiscence en évitant l’incontinence. Voyez, dans ce sens, St Antoine, Paludanus, Soto, Sylvestre, Saint Alphonse de Liguori, livre 6, n° 882, et beaucoup d’autres dont l’autorité est citée tant par ce dernier que par Sanchez, l. 9, n° 3.
2°/ Mais beaucoup d’autres prétendent que c’est un péché véniel de se livrer à l’acte conjugal pour éviter l’incontinence […].
[Quand la délectation vénérienne constitue
un acte de chasteté]
[« Il faut réagir contre l’idée peu
réfléchie que se font spontanément beaucoup de gens, selon laquelle
la chasteté serait proprement une vertu de célibataire, le mariage ayant
pour effet d’en relâcher les exigences. Bien au contraire, l’état
normal et commun de la chasteté est précisément le mariage, où elle
a un exercice fort positif, celui de garder dans la juste mesure, d’éliciter
[susciter, tirer de] elle-même en leur forme vertueuse les réactions
affectives de l’appétit sensible rattachées à l’exercice de la vie
sexuelle. Dans l’acte matrimonial qu’aucune circonstance ne vicie,
la délectation vénérienne non seulement ne s’oppose en rien à la
chasteté, mais elle est elle-même un acte de chasteté »,
cf. père Michel-Marie Labourdette, o.p.,
Cours de Théologie Morale N°15 La Vie Sexuelle La Chasteté, p.79-80.
D’un point de vue thomiste, la délectation suit la qualification morale
de l’acte d’où elle prend sa source. La délectation est le fruit
de l’acte, elle lui est directement liée. Si l’acte est bon en lui-même,
la délectation qu’il cause est également bonne et vertueuse.] […].
ARTICLE 2 : DE LA DEMANDE DU DEVOIR
Les époux ne sont pas tenus de demander
le devoir conjugal pour eux-mêmes ; car personne n’est tenu d’user
de son droit. Ils y sont cependant quelquefois tenus d’une manière accidentelle,
savoir :
1°) Lorsqu’il est nécessaire d’avoir
des enfants pour prévenir de graves préjudices que pourraient en éprouver
la religion ou la république : c’est de toute évidence.
2°) Si l’un des époux, l’épouse
principalement, fait connaître à certains signes le désir d’user du
remède que la pudeur l’empêche de demander, l’autre époux doit prévenir
le désir, et c’est plutôt, dans ce cas, rendre le devoir implicitement
demandé que le demander réellement.
Mais il existe des cas nombreux dans lesquels
il n’est pas permis de demander le devoir, sous peine de péché mortel
ou véniel : nous allons traiter cette matière dans un double paragraphe.
§ 1. De ceux qui pèchent mortellement en exigeant le devoir conjugal.
L’époux pèche mortellement en exigeant le devoir conjugal dans les cas suivants :
1°/ S’il a fait vœu de chasteté avant
ou après le mariage : car il est tenu, par la force même de son vœu,
de s’abstenir de tout acte vénérien qui ne lui est pas recommandé
par un juste motif, et c’est ainsi établi par les Décrétales, l. 3,
tit. 32, c. 12 : Mais il est tenu de rendre le devoir lorsque son époux
le demande ; en effet, ou il a fait son vœu après avoir contracté mariage
et alors il n’a pu aliéner les droits de son époux ; ou le vœu est
antérieur au mariage, et il a commis un grave péché en se mariant, mais
il n’a pas moins donné à son conjoint ce qu’il avait promis à Dieu,
et l’époux qui n’avait pas connaissance de ce vœu a acquis ses droits
conjugaux ; il peut donc user de ses droits sans que l’autre époux puisse
opposer des refus. C’est l’opinion de tous les théologiens.
J’ai dit, qui n’avait pas connaissance
de ce vœu, car si l’un des époux avait eu connaissance du vœu de l’autre,
avant le mariage, il serait censé avoir consenti à l’observer, et il
ne pourrait pas, en conséquence demander le devoir conjugal d’une manière
licite sans avoir obtenu une dispense de l’Eglise.
Il en serait de même si, pendant le mariage,
un des époux faisait vœu de chasteté avec le consentement de l’autre,
à plus forte raison s’ils avaient tous deux fait vœu d’un consentement
mutuel ; dans ce cas, ni l’un ni l’autre ne pourrait demander le devoir
conjugal sans avoir obtenu préalablement de l’Eglise la permission de
pratiquer l’union conjugale.
Dens, t. 7, p. l96, décide avec raison
qu’il n’est pas convenable que les époux, principalement lorsqu’ils
sont jeunes, fassent des vœux perpétuels de chasteté, car l’amour
conjugal en est affaibli, les liens spirituels se relâchent, et les aiguillons
de la chair se font cruellement sentir. C’est pourquoi un confesseur
ne doit ni conseiller ni autoriser ces sortes de vœux.
Il existe donc, lorsque le mariage est
consommé, des raisons suffisantes, pour demander la dispense de ces sortes
de vœux, afin d’éviter que les époux habitant ensemble ne succombent
à la tentation et ne pèchent ainsi contre l’obligation qu’ils se
sont imposée.
Notez que la dispense du vœu prononcée
par l’un des époux à l’insu de l’autre n’est pas réservée au
souverain pontife : car, en principe, les choses odieuses doivent être
restreintes. Le vœu de chasteté seul est réservé : Or, dans le cas
qui nous occupe, on n’a pas fait vœu d’une chasteté parfaite, puisqu’il
reste l’obligation de rendre le devoir conjugal. Le vœu prononcé avant
le mariage n’est pas non plus réservé ; car le mariage subséquent
ne fait que le rendre imparfait de parfait qu’il était. Il est donc
certain que l’évêque peut dispenser de ces sortes de vœux : mais il
est évident qu’il en serait autrement si le vœu avait été prononcé
par les deux époux ou par l’un d’eux, avec le consentement de l’autre.
Le vœu de ne pas se marier ou d’entrer
dans les ordres sacrés fait après le mariage, et le vœu d’embrasser
l’état religieux fait lorsque le mariage a été consommé, n’empêche
ni de rendre ni de demander le devoir conjugal il n’est donc pas besoin
de dispense dans ce cas, car ces vœux n’obligent qu’après la dissolution
du mariage.
Il faut encore noter que si le vœu de
chasteté perpétuelle fait avant ou après le mariage n’empêche pas
de rendre le devoir conjugal, ce vœu devient parfait par la mort de l’autre
époux, et qu’on ne peut en être délié que par le souverain pontife,
si l’on veut contracter un nouveau mariage.
Celui qui a contracté mariage, après
avoir fait vœu de ne pas se marier, a commis un péché mortel, et cependant
il peut, sans dispense, rendre et demander le devoir conjugal ; mais il
ne pourrait, après la dissolution du mariage, en contracter un nouveau
sans avoir obtenu des dispenses.
2°/ L’époux qui aurait commerce charnel,
naturel et complet avec une personne parente de son conjoint, par consanguinité,
au premier ou au second degré, perdrait le droit de demander le devoir
conjugal et commettrait un péché mortel en l’exigeant ; car il aurait
établi l’affinité entre lui et son conjoint : on appelle cette affinité
empêchement survenant à un mariage contracté d’une manière valide.
L’évêque peut en dispenser par lui-même
ou par ses vicaires généraux ou donner aux confesseurs le droit d’en
dispenser.
Dans notre diocèse [du Mans], les curés
primaires peuvent, en vertu d’une autorisation spéciale encore en vigueur
de Mgr de Pidoll, lever cet empêchement pour tout diocésain, mais seulement
au for de la pénitence, qu’ils donnent ou ne donnent pas l’absolution
sacramentelle. (Stat. Synod., p.21)
Comme cet empêchement, survenant au mariage,
a été établi comme punition, il ne lie pas la partie innocente celle-ci
peut donc demander le devoir conjugal que l’autre partie ne peut pas
refuser. Cependant un grand nombre de théologiens prétendent qu’elle
aurait perdu le droit de demander le devoir conjugal si l’inceste avait
eu lieu avec son consentement, quoique d’autres nient le cas en se basant
sur ce que cette peine n’est pas formellement prononcée par le droit
canonique.
Il est certain que cet empêchement n’est
pas applicable à la femme prise de force, ni à l’homme qui se livre
à l’acte charnel avec une femme qu’il ignore être parente par consanguinité
de son épouse, car, dans le premier cas, il n’y a pas faute, et dans
le second, l’inceste n’est pas formel, puisque, d’après les Décrétales,
l.4, tit.13, chap.1, l’inceste demeure subordonné à la connaissance
des liens de parenté. On conclut des termes de ce même chapitre que l’ignorance
dans laquelle on se trouve des prohibitions de l’Eglise exclut l’empêchement,
car on ne sait pas réellement si on a commis un inceste ; il est cependant
plus sûr, d’après Collet, de demander la dispense à l’évêque,
avant de pratiquer de nouveau l’union conjugale avec son conjoint.
3°/ Celui qui, pendant le mariage, baptise
ou tient sur les fonts baptismaux, soit son propre enfant ou celui de son
conjoint, se met dans un cas d’empêchement de parenté spirituelle et
perd le droit de demander le devoir conjugal. C’est ainsi décidé par
le décret cause 30, q.1re, can. ad. limina, et par les Décrétales, l.4,
tit.11, chap.2. Il est tenu, néanmoins de rendre le devoir lorsque son
conjoint le demande, mais celui-ci aurait, lui-même perdu son droit si,
par des conseils, il, avait consenti à ce que le premier a baptisât ou
tînt l’enfant sur les fonts baptismaux.
L’empêchement n’existerait pas si
l’époux avait baptisé son enfant ou celui de son conjoint dans un cas
de nécessité ou par suite d’une ignorance complète ; c’est ce qui
résulte du chapitre déjà cité, liv. 4 des Décrétales. La nécessité
est censée exister à l’égard du père, disent Pontas, Collator Andeg.,
Collet,
etc., lorsqu’il ne se trouve pas de prêtre, quoiqu’il y ait d’autres
laïques car les choses odieuses doivent être restreintes, et le droit
ecclésiastique ne s’explique pas d’une manière claire sur l’absence
du prêtre. Beaucoup d’autres, au contraire, prétendent que le père
ne se trouve pas dans le cas de véritable nécessité, lorsqu’il y a
près de lui une autre personne, clerc ou laïque et même une femme, sachant
baptiser ; c’est ce que semble indiquer le mot nécessité, et le rituel
Romain porte ce qui suit : Le père ni la mère ne doivent pas baptiser
leur propre enfant, si ce n’est à l’article de la mort, et lorsqu’il
ne se trouve plus personne qui sache baptiser. Il faut donc choisir le
parti le plus sûr, et dans ce cas, il faudrait demander la dispense de
pratiquer l’union conjugale avec son conjoint, comme nous l’avons déjà
rapporté, le curé primaire peut, dans ce cas, au for de la pénitence,
accorder sa dispense à un diocésain.
Celui qui ignore que l’enfant qu’il
baptise ou qu’il tient sur les fonts baptismaux est son enfant ou celui
de son conjoint ne perd pas le droit de demander le devoir conjugal, parce
qu’il n’est coupable d’aucune faute : et il est encore très probable,
qu’il n’encourt pas de peine si, sachant que l’enfant est à lui
ou à son conjoint, il ignore les prohibitions de l’Eglise. Cette opinion
paraît être celle de Dens, t.7, p. 262, et de Saint Alphonse de Liguori,
livre 6, n°152. Il serait cependant plus sûr, dans ce cas, d’obtenir
la dispense.
Il ne suit pas de là que le père qui,
soit par ignorance, soit par nécessité, baptise ou tient sur les fonts
baptismaux l’enfant légitime ou naturel, qu’il soit de lui ou d’un
autre, de la femme avec laquelle il n’est pas marié, n’établisse
pas entre cette femme et lui un empêchement tel qu’il ait besoin d’une
dispense pour se marier avec elle : La raison vient de ce que la parenté
spirituelle, établie hors du mariage, n’a pas été établie comme punition.
4°/ Celui qui sait d’une manière certaine
que son mariage est nul, pour cause d’un empêchement d’affinité provenant
d’un commerce illicite, par exemple, ne peut demander ni rendre le devoir
conjugal sous quelque raison que ce soit, car il commettrait positivement
un péché de fornication : La raison l’indique clairement, et les Décrétales,
l.5, tit.39, chap.44, sont très explicites sur ce point.
Mais s’il a contracté mariage en doutant
de sa validité, ou si, l’ayant contracté, il doute de cette même validité,
il doit rejeter ces doutes comme des scrupules, et il peut demander le
devoir conjugal, s’il vient à s’apercevoir que ces doutes ne sont
fondés sur aucune raison. Si, au contraire, il s’aperçoit qu’ils
reposent sur des raisons qui ont quelque fondement, il doit, pour ne pas
se mettre en danger de fornication, s’abstenir de demander le devoir
conjugal jusqu’à ce qu’il ait acquis la certitude de la validité
du mariage. Mais il est tenu de rendre le devoir conjugal a son conjoint
qui n’est pas dans le doute, parce que : de deux maux qu’on ne peut
éviter à la fois, il faut choisir le moindre : Or, il y a moins de mal
à s’exposer au danger d’une fornication matérielle qu’au danger
d’une injustice envers l’autre époux. Ces décisions se trouvent dans
le livre et au chapitre que nous avons cité plus haut.
On suppose ici qu’il n’existe pas
des raisons légitimes pour refuser le devoir conjugal ou pour s’y soustraire,
car, dans le cas où ces raisons existeraient, on ne serait pas tenu de
rendre le devoir, puisqu’il n’y aurait plus danger d’injustice. De
même, dans le cas où les arguments pour la nullité du mariage seraient
beaucoup plus concluants que les arguments contraires, il ne serait pas
permis de rendre le devoir, car on commettrait très certainement un péché
de fornication. Voyez Dens, t.7, p.199.
Il résulte de ce que nous venons de dire
que si les deux époux doutaient de la validité du mariage, ils ne pourraient,
ni l’un ni l’autre, ni demander ni rendre le devoir conjugal.
§ 2. De ceux qui pèchent véniellement [légèrement] en exigeant le devoir conjugal.
1°/ [Faire l’amour pendant les règles
?]
[…] Il n’y a nul péché à demander
le devoir lorsque cette demande est justifiée par une cause raisonnable,
une grave tentation, par exemple, ou la nécessité de prévenir l’incontinence.
Voyez dans ce sens : Navarrus, Pauldanus, Sanchez, l’école de Salamanque,
Saint Alphonse de Liguori.
C’est pour cela que, si l’écoulement,
qui ne dure pas ordinairement au-delà de deux ou trois jours, était de
trop longue durée et presque continuel, comme cela arrive quelquefois,
le mari pourrait, sans péché, demander le devoir conjugal, car il serait
très désagréable pour lui de toujours s’abstenir du coït.
Selon l’opinion générale, la femme
qui rend le devoir pendant le temps des règles ne commet pas de péché
; bien plus, elle est tenue de le rendre si son mari n’adhère pas à
des observations faites avec douceur, à moins qu’il ne dût en résulter
un grave préjudice pour sa santé, comme cela arrive d’ordinaire lorsque
le flux est abondant. […]
2°/ [Faire l’amour pendant la grossesse
?]
Ce n’est pas un péché mortel de demander
le devoir conjugal pendant le temps de la grossesse, pourvu qu’il n’y
ait pas danger d’avortement ; c’est l’opinion très ordinaire des
théologiens, et c’est la conséquence de ce que nous avons dit au sujet
de la demande du devoir ayant pour but d’éviter l’incontinence [ex
: masturbation]. Comme le fœtus humain se trouve tellement enveloppé
dans la matrice que la semence de l’homme ne peut le toucher, on ne peut
pas facilement présumer le danger d’avortement, et on ne doit pas tracasser
les pénitents sur ce point par des interrogations importunes.
Sanchez, l.9, disp.22, n°6, et beaucoup
de théologiens dont il cite l’autorité, enseignent qu’il n’y a
même pas de péché véniel à demander le devoir pendant le temps de
la grossesse, car autrement on devrait s’abstenir presque toujours à
l’acte conjugal, et le mariage institué comme remède à la concupiscence
serait plutôt propre à enflammer qu’à calmer les passions, et ne serait
qu’un véritable piège. Cependant, Saint Alphonse de Liguori, livre
6, n°924, avec beaucoup d’autres, ont limité cette faculté au seul
cas où il y a danger d’incontinence. […]
Quant à nous, […] nous nous contenterons
de dire qu’il faut les laisser dans leur bonne foi et ne pas les détourner
de leurs habitudes, de crainte qu’ils ne retombent dans des fautes plus
graves.
3°/ [Faire l’amour les dimanches et
jours de fêtes ?]
[…]
Tous les théologiens disent avec St François
de Sales (Introduction à la vie dévote, 2e partie, chap. 20 ) que la
femme qui, ce jour où elle a reçu ou doit recevoir la sainte Eucharistie,
rend le devoir que demande son mari, ne commet pas de péché ; bien plus,
qu’elle est tenue de le rendre si son époux ne veut pas céder à ses
prières.
[Communier si éjaculation ou orgasme involontaire
la nuit précédente ?]
A cette occasion, les théologiens se
demandent si celui qui a éprouvé l’éjaculation pendant le sommeil
peut recevoir la sainte Eucharistie. Ils répondent avec saint Grégoire
le Grand, dans sa lettre au sublime Augustin, apôtre de la Grande-Bretagne,
rapportée dans le Décret, part. 1re, dist. 6, chap. 1, en faisant, la
distinction suivante : Ou cette éjaculation provient d’un excès de
force ou de la faiblesse, et, dans ce cas, il n’y a pas le moindre péché
; ou bien elle provient de certains excès dans l’usage des aliments,
et c’est alors un péché véniel ;
[ou] elle peut encore être le résultat
des pensées [volontaires] qui l’ont précédée et elle peut, dans ce
cas, constituer un péché mortel. Dans le premier cas, on ne doit éprouver
aucun scrupule ; dans le second, elle n’empêche pas de recevoir le sacrement
ou de célébrer les saints mystères si on y est engagé par quelque motif
d’excuse, comme la circonstance d’un jour de fête ou de dimanche :
mais dans le troisième, nous dit saint Augustin : on doit s’abstenir
de participer ce jour-là au saint Mystère à cause d’une telle éjaculation.
Cependant, si l’éjaculation n’avait pas été mortelle dans sa cause,
ou si le prêtre, réellement repentant avait reçu l’absolution, il
pourrait célébrer les saints Mystères s’il avait quelque raison pour
le faire. [Mgr Bouvier donne ce cours à des diacres qui vont bientôt
devenir prêtres et devoir confesser].
ARTICLE 3 : DE L’OBLIGATION DE RENDRE
LE DEVOIR CONJUGAL
Nous avons à parler :
1° De l’obligation de rendre le devoir
conjugal ;
2° Des raisons qui dispensent de le rendre
;
3° De ceux qui pèchent mortellement
en le rendant ;
4° De ceux qui commettent le péché
d’Onan [la contraception] ;
5° De ceux qui pèchent véniellement
en rendant le devoir.
§ 1. De l’obligation de rendre le devoir.
L’Ecriture sainte et la raison imposent
à chacun des époux la stricte obligation de rendre le devoir conjugal
à l’autre lorsque la demande lui en est faite d’une manière expresse
ou tacite :
1° L’Ecriture sainte : 1ère lettre
aux corinthiens 7.3 Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit,
et pareillement, la femme à son mari. verset 5 : Ne vous refusez pas l’un
à l’autre, si ce n’est d’un commun accord et pour un temps, afin
de vaquer à la prière, et ensuite revenez ensemble, de peur que Satan
ne vous tente par votre incontinence. L’obligation de rendre le devoir
conjugal résulte clairement de ces paroles.
2° La raison : Tout contrat implique l’obligation naturelle de se tenir dans les termes de la convention ; or, le but principal du mariage consiste dans l’abandon mutuel du corps, pour l’accomplissement, selon les règles, de l’acte conjugal ; donc, celui qui, sans motif légitime, refuserait de rendre le devoir conjugal, manquerait gravement à une convention solennellement faite, et confirmée par serment, et, par conséquent, il pècherait mortellement. C’est l’opinion de tous les théologiens.
D’où il résulte :
1° que c’est un péché mortel de refuser, même une fois, sans motif légitime, de rendre le devoir à l’époux qui le demande avec raison et insistance : Mais si celui qui le demande acceptait facilement les motifs de refus et qu’il n’en résultât pas de danger d’incontinence : il n’y aurait nul péché, ou, du moins, le péché ne serait pas mortel, à refuser une fois et même deux fois de se prêter aux désirs de son conjoint.
2° L’un des époux ne peut pas, lorsque l’autre s’y oppose, faire une longue absence, à moins d’absolue nécessité, car une pareille absence équivaudrait au refus de rendre le devoir et la justice en serait gravement blessée.
§ 2. Des raisons qui dispensent de rendre le devoir.
De même qu’un motif légitime dispense quelquefois de la restitution, une raison légitime dispense aussi de rendre le devoir conjugal. On compte plusieurs de ces raisons, savoir :
1°/ Si l’époux qui demande le devoir n’est pas en possession de lui-même, si, par exemple, il est dans la démence ou s’il est ivre, il n’y a pas d’obligation pour le conjoint de lui rendre le devoir, car ce serait céder à la demande d’une brute. Cependant si l’homme qui le demande, étant dans cet état, est capable de consommer l’acte conjugal, la femme doit se rendre à ses désirs ; bien plus, elle est tenue de le faire si elle a des raisons de craindre qu’ayant repoussé son mari, celui-ci ne tombe dans l’incontinence, ne se livre à d’autres femmes, ou ne profère des blasphèmes ou des paroles déshonnêtes devant ses domestiques et ses enfants. Sanchez, l.9, disp.23, n°9, Saint Alphonse de Liguori, livre 6, n°948, etc., pensent ainsi lorsqu’ils disent que la femme, qui est dans un état de démence ou de fureur, ne peut ni demander ni rendre le devoir conjugal à cause du danger d’avortement.
2°/ Celui qui ne peut rendre le devoir
sans grave danger pour sa santé en est dispensé ; car il est préférable
d’exister et d’être bien portant que de rendre le devoir. Il faut
en dire de même lorsqu’il y a grave danger de nuire à la propagation
de l’espèce.
Par conséquent, 1° : Il n’y a pas
d’obligation de rendre le devoir à un mari atteint d’une maladie contagieuse
comme une maladie vénérienne, la peste, la lèpre, etc. Cependant, Alexandre
III dit qu’il faut rendre le devoir à un lépreux, mais Sanchez, l.9,
disp.24, n°17, Saint Alphonse de Liguori, l.6, n°930, et beaucoup d’autres
qu’ils citent, enseignent que cela s’entend ainsi pour le cas où,
en rendant le devoir, on ne se mettrait pas dans le danger de contracter
la lèpre ; car il répugne d’admettre qu’un époux soit tenu de s’exposer
à un pareil danger. Mais les mêmes auteurs exceptent le cas où la lèpre
aurait précédé le mariage et aurait été connue de l’autre époux
: cependant il faut supposer qu’il n’y a pas un danger trop grave,
celui de la mort, par exemple.
Par conséquent, 2° : L’époux malade,
qui ne peut rendre le devoir sans grave préjudice, en est dispensé tant
que dure la maladie : mais il n’est pas permis de le refuser à cause
des inconvénients de la grossesse ou de l’allaitement des enfants ou
des difficultés ordinaires de l’enfantement, car ce sont là des accessoires
du mariage.
3°/ L’époux n’est pas tenu de rendre
le devoir à celui qui a perdu le droit de le demander en commettant un
adultère ; car on ne doit plus fidélité à celui qui a violé ses promesses
; mais s’il était lui-même coupable d’adultère, il ne pourrait pas
refuser le devoir, car les injures se trouveraient compensées. Cela est
vrai pour la femme à l’égard de son mari, mais à un degré moindre
pour l’homme à l’égard de sa femme, car la femme adultère a commis
un péché plus grave que l’homme, à cause du danger d’introduire
des étrangers dans la famille ; le mari est donc plus autorisé que la
femme à refuser le devoir conjugal pour le cas d’adultère.
Du reste, celui qui a pardonné l’adultère
en rendant le devoir après qu’il a eu connaissance de l’infidélité
de son conjoint, ne peut déjà plus refuser le devoir.
[Pas d’obligation de dire au conjoint
qu’on l’a trompé]
Néanmoins, l’adultère peut demander
comme une faveur le devoir à son époux qui n’ignore pas l’infidélité
commise, et s’il l’ignore il n’y a pas obligation de la lui faire
connaître, car personne n’est tenu de s’infliger une grave punition.
[Demande trop fréquente]
4°/ On n’est pas tenu de rendre le
devoir conjugal à celui qui le demande trop fréquemment, plusieurs fois
dans la même nuit, par exemple, car l’abus est contraire à la raison
et peut modifier d’une manière fâcheuse l’état de santé de l’un
et de l’autre conjoint.
[Faire l’amour plusieurs fois dans la
même nuit n’altère en rien la santé sauf en cas maladies vénériennes
ou si le mari ne sait pas préparer adéquatement son épouse ou si cela
réduit de manière trop importante le temps consacré au sommeil.]
La femme doit cependant, autant que la
chose est en son pouvoir, dit Sanchez, l.9, disp.2, n°12, se prêter aux
besoins libidineux de son mari lorsqu’il éprouve de violents aiguillons
de la chair : la charité l’oblige en effet à éloigner de lui autant
que possible, le danger d’incontinence.
5°/ La femme n’est pas tenue de rendre le devoir pendant le flux de ses menstrues ou, celui qui accompagne ses couches, à moins qu’elle n’ait quelque motif de craindre que son mari tombe dans l’incontinence ; si cependant elle ne peut, par ses prières, le détourner de l’acte conjugal, elle doit rendre le devoir ; car il y a toujours à craindre le danger d’incontinence, les disputes et autres désagréments. C’est l’opinion de St Bonaventure et de beaucoup d’autres que cite Sanchez, l.9, disp.21, n°16.
Les théologiens enseignent généralement qu’il est permis de demander et de rendre le devoir conjugal pendant que la femme allaite, car l’expérience prouve que le lait est rarement corrompu par suite de cet acte. [L’union conjugale n’a aucun impact sur la qualité du lait maternel] Sanchez, l. 9. disp. 22, n° 14, et Saint Alphonse de Liguori, l. 6, n° 911.
6°/ Il n’est pas permis de refuser le
devoir conjugal dans la crainte d’avoir un trop grand nombre d’enfants
: les époux chrétiens doivent se confier à Dieu qui donne la nourriture
aux animaux et à leurs petits lorsqu’ils l’invoquent (Psaumes 146.9
) : en bénissant la fécondité, il bénit souvent aussi les biens temporels
et spirituels en permettant que, parmi les enfants, il en naisse un qui
apporte dans la maison des dots importantes et qui fasse le bonheur de
toute la famille.
Cependant, pour le cas ou les parents,
n’auraient pas les moyens de nourrir selon leur condition une famille
trop nombreuse, Sanchez, l. 19, disp. 25, n° 3, et plusieurs autres théologiens
pensent qu’il serait permis de refuser le devoir, pourvu qu’il n’y
eût pas de danger d’incontinence ; mais comme l’époux qui refuse
le devoir ne peut presque jamais savoir si celui qui le demande n’est
pas en danger d’incontinence, le confesseur doit rarement le refuser
sous ce prétexte-là. Il doit toujours exiger que la continence résulte
d’un consentement mutuel, et, nonobstant la résolution de rester dans
une parfaite continence, chacun des époux doit être prêt à rendre le
devoir à celui qui le demande. [...]
§ 3. De ceux qui pèchent mortellement en rendant le devoir conjugal.
[Risquer de répandre la semence hors du
vagin]
1°/ Si l’époux qui réclame de son
conjoint le devoir commettait un péché mortel en le demandant au milieu
de circonstances extraordinaires tenant à l’acte lui-même, par exemple,
en le demandant dans un lieu public ou sacré, ou avec grave danger d’avortement,
ou au détriment de sa propre santé ou de celle de son époux, ou au risque
évident de répandre la semence hors du vase naturel alors qu’il aurait
pu pratiquer le coït d’une autre manière, il est certain que celui
qui rendrait le devoir dans ces circonstances pècherait aussi mortellement
; car il participerait a ce crime et en revêtirait la malice.
2°/ Si […] l’homme accomplissait de temps en temps l’acte charnel, quoiqu’il lui arrivât souvent de ne pas pouvoir l’accomplir, la femme pourrait rendre le devoir et même serait tenue de le rendre, car dans le doute d’un bon résultat le mari ne pourrait pas se priver de son droit : le mari lui-même, dans ce cas, fait un acte licite en demandant le devoir lorsqu’il a quelque raison d’espérer qu’il arrivera a consommer l’acte charnel ; et s’il répand la semence hors du vase naturel, cet accident ne peut pas lui être imputé à péché. Mais il doit certainement s’abstenir lorsqu’il n’y a pas espoir d’arriver à l’accomplissement de cet acte. Voyez Sanchez, l. 19, disp. 17, n° 24, Saint Alphonse de Liguori, l. 6, n° 954, d. 2, et beaucoup d’autres théologiens dont ils rapportent l’autorité.
3°/ Les théologiens se demandent s’il
est permis de rendre le devoir lorsque celui qui le réclame de son conjoint
commet, par une circonstance à lui personnelle, un péché mortel en faisant
sa demande, par exemple, s’il avait fait vœu de chasteté ou s’il
voulait pratiquer l’acte charnel avec de mauvais desseins [ex : pour
scandaliser une personne qui pourrait les voir ou les entendre]. Certains
théologiens pensent que c’est un péché mortel de rendre le devoir
conjugal dans un cas semblable, à moins de graves motifs d’excuse, soit
parce que celui qui demande n’a, dans ce cas, aucun droit sur le corps
de l’autre époux, soit parce qu’en raison du vœu qu’il a prononcé
ou du but pervers qu’il s’est proposé, il ferait un acte mauvais en
se livrant au coït ; l’autre époux ne peut donc pas participer à cet
acte.
Beaucoup d’autres, au contraire, prétendent
que l’autre époux, non seulement peut, mais encore est tenu de rendre
le devoir, parce que celui qui le demande n’a pas perdu son droit par
le vœu [de chasteté]; il demande une chose illicite mais non pas injuste.
Auriez-vous le droit de refuser à votre créancier le paiement d’une
somme que vous lui devez parce qu’il aurait promis ne pas vous la demander
et qu’il l’exige contre sa promesse? Non, certainement l’époux ne
peut pas davantage, disent-ils, malgré le vœu prononcé par son conjoint
et le péché mortel que commet celui-ci, refuser le devoir conjugal lorsqu’il
le demande. Sanchez, 1. 9, disp. 9, n° 4, Saint Alphonse de Liguori, etc.
Il me paraît cependant hors de doute
que l’époux auquel le devoir est demandé, doit avertir charitablement
celui qui le demande et le détourner du péché, pourvu, dit Saint Alphonse
de Liguori, qu’il puisse donner cet avertissement sans crainte de provoquer
de graves querelles, une grande irritation, ou l’incontinence, car ces
inconvénients sont très souvent à craindre : le précepte de la correction
fraternelle n’oblige pas, en effet, lorsqu’il n’y a pas espoir d’amendement
[pas d’espoir que l’autre quitte son péché].
Tous les théologiens s’accordent à
dire que l’époux, qui n’est pas lié par un vœu, peut demander le
devoir, et il y en a un grand nombre qui lui conseillent de le demander
quand il prévoit que son époux est dans l’intention de se livrer au
coït afin de lui éviter ainsi de commettre un péché. […]
§ 4. De ceux qui commettent le péché d’Onan. [La Contraception]
Ce péché a lieu lorsque l’homme retire
son membre après l’avoir fait pénétrer dans la matrice [le vagin]
afin de répandre sa semence hors du vase naturel [le vagin] de la
femme dans le but d’empêcher la génération. Il tire son nom d’Onan,
second fils du patriarche Judas, qui fut forcé d’épouser Thamar, veuve
de son frère Her, mort sans postérité, afin de perpétuer la lignée
de son frère : Onan sachant que les enfants qui naîtraient de la femme
de son frère ne seraient pas considérés comme étant les siens, répandit
la semence par terre pour ne pas donner naissance à des enfants qui porteraient
le nom de son frère. (livre de la Genèse 38.9). Rien n’est aujourd’hui
plus fréquent que cette détestable coutume entre les jeunes mariés qui,
n’étant pas retenus par la crainte de Dieu, foulent aux pieds ce précepte
de l’apôtre : Que le mariage soit honoré de tous et que le lit nuptial
soit sans tâche (lettre de saint Paul aux Hébreux, 13.4) et vivent comme
des chevaux et des mulets qui n’ont pas d’intelligence (Psaumes 31.9).
Recherchant uniquement les plaisirs dans le mariage, ils en évitent les
charges, ne veulent pas avoir d’enfants ou les avoir en nombre déterminé,
et cependant se livrent à la passion honteusement et sans frein, appliquant
leur adresse à éviter les effets du coït en éjaculant hors du vagin.
1°) Il est certain que l’homme
qui agit ainsi, quelle que soit la raison de sa conduite, pèche mortellement,
à moins que sa bonne foi ne l’excuse ; il ne peut pas être absous à
moins qu’il ne se repente de sa faute et qu’il ne prenne la ferme résolution
de ne plus tomber dans le péché : car il est évident qu’il a commis
une énormité contre le but du mariage ; c’est pourquoi Dieu le frappa
de mort (Onan) parce qu’il faisait une chose détestable (Genèse 38.10).
2°) Il est certain par la même raison, que la femme qui engage le mari à agir ainsi ou qui consent à cette action détestable, ou, à plus forte raison, qui fait sortir de son vagin le membre viril contre le gré de son mari, avant que l’écoulement de la semence ait eu lieu, commet un péché mortel et est tout à fait indigne de l’absolution [si elle ne reconnaît pas son péché et ne s’engage pas à ne plus jamais le faire]. Les femmes, très souvent, en accomplissant l’acte charnel, au moment de l’éjaculation, font sortir le membre viril, ou se prêtent complaisamment à la même manœuvre de la part de l’homme, pour éviter de tomber enceinte.
3°) Il est certain que la femme, ordinairement
du moins, est tenue d’avertir son mari, et de le détourner, selon son
pouvoir, de cette action perverse ; la charité l’y oblige.
4°) Il est certain que la femme peut
et doit rendre le devoir conjugal si, averti par elle, le mari promet d’éjaculer
dans la matrice [le vagin], et s’il est fidèle à sa promesse au moins
quelquefois ; car sur le doute de l’abus qu’il peut faire de son droit,
elle ne peut pas se refuser au coït : mais c’est aussi son devoir de
réprimander son mari quand celui-ci retire le membre viril du vagin avant
l’éjaculation ; si elle ne protestait pas contre cette action, elle
commettrait un péché mortel.
La difficulté consiste donc maintenant
à décider si, en sûreté de conscience, elle peut rendre le devoir lorsqu’elle
sait, d’une manière certaine, que son mari retirera son membre du vagin
avant l’éjaculation, lorsqu’elle ne peut pas douter que ses prières
ni ses avertissements ne parviendront à le détourner de sa résolution.
Beaucoup de théologiens prétendent que,
dans ce cas, la femme doit se refuser à rendre le devoir, même pour éviter
la mort dont elle serait menacée :
1° Parce que le mari, en retirant, son
membre du vagin, commet une action essentiellement mauvaise, et que la
femme participerait à sa malice en se rendant à sa demande ;
2° Parce que l’homme, dans l’hypothèse,
ne demande pas l’acte conjugal, mais réclame de sa femme ses complaisances
pour introduire le membre viril dans les parties sexuelles et pour s’exciter
à l’éjaculation.
3° Parce que si le mari exigeait de sa
femme la participation à un acte de sodomie [au sens de pénétration
de l’anus], celle-ci ne pourrait y consentir pour aucun motif, même
pour éviter la mort ; or, dans le cas supposé, la demande du mari se
réduit à l’acte sodomique puisque le parfait accomplissement de l’acte
conjugal en est exclu. Voyez Habert, t. 7, p. 745, Collator de Paris, t.
4, p. 348, plusieurs docteurs de la Sorbonne cités par Collet, t. 15,
p. 244 ; Collator Andeg., sur les Etats, t, 3, dernière partie, Bailly,
etc.
Beaucoup d’autres enseignent que la
femme qui acquiesce a la demande de son mari et qui se prête à l’acte
conjugal dans la position ordinaire est exempte de tout péché si elle
désapprouve entièrement la conduite de son mari, car elle fait une chose
licite et use d’un droit qui lui appartient et dont la malice de son
mari ne peut nullement la priver : car elle ne fait rien qu’elle ne puisse
faire d’une manière licite comme femme mariée. Le mari qui l’approche
et qui introduit son membre dans ses parties sexuelles ne pèche pas en
cela, mais bien en le retirant et en répandant sa semence au dehors :
donc, si la femme désapprouve entièrement cette dernière partie de l’acte
de son mari, elle ne participe nullement à son péché, Voyez Sanchez,
l. 9, disp. 17, n 3, Pontius, l. 10, chap. 11, n° 3, Tamburinus, l. 7,
chap. 3, § 5, n° 4, Sporer, p. 356, n°490, Pontas, mot Devoir Conjugal,
cas 55, Saint Alphonse de Liguori, livre 6, n° 947.
Roncaglius et Elbel, que cite Saint Alphonse
de Liguori, ibid., permettent même à l’épouse de rendre le devoir
conjugal à son mari lorsqu’il a manifesté l’intention de retirer
son membre avant le parfait accomplissement de l’acte charnel, pourvu
qu’elle ne participe pas à son péché en y donnant son consentement,
mais
ils exigent, pour l’excuser, qu’elle ait de graves motifs pour y donner
son consentement [consentement donné au coït et non au retrait].
Cette décision nous paraît la seule
admissible car nous sommes fermement convaincus que la conduite de la femme
n’est nullement répréhensible dans ce cas ; par conséquent, nous croyons
que la décision de Habert et des autres théologiens qui pensent comme
lui est trop sévère et n’est nullement fondée. La femme peut donc,
lorsqu’elle a des raisons suffisantes, pour accéder aux désirs de son
mari, se prêter passivement à ce qu’il exige d’elle ; mais la raison
d’excuse doit être en rapport avec la malice du péché et l’efficacité
de la coopération ; car on ne saurait nier que la femme, dans ce cas,
coopère directement au péché de son mari ; c’est pour cela qu’on
exige un grave motif d’excuse. C’est aujourd’hui le sentiment ordinaire
des confesseurs doctes et pieux, sentiment qui a été partagé par la
Sacrée Congrégation de la Pénitence lorsqu’elle a été interrogée
de la manière suivante :
Une épouse pieuse peut-elle permettre
à son mari de l’approcher lorsque l’expérience lui a prouvé qu’il
pratique le coït suivant l’abominable coutume d’Onan… particulièrement
si, en refusant de pratiquer le coït, elle s’expose à des violences
de la part de son mari ou si celui-ci s’adresse à des courtisanes ?
[prostituées] La Congrégation de la Pénitence a répondu le 23 avril
1822 :
Comme dans le cas proposé la femme ne
fait, de son côté, rien de contraire à la nature, qu’elle se prête
à un acte licite, que tout ce qu’il y a d’irrégulier dans cet acte
doit être attribué à la malice du mari, qui, au lieu de consommer l’acte
conjugal, retire le membre et répand sa semence hors des parties sexuelles
de sa femme : celle-ci peut sans pécher, comme l’enseignent des théologiens
très estimés, se prêter passivement aux désirs de son mari, si les
avertissements qu’elle est dans l’obligation de lui donner, sont demeurés
sans résultat, si le mari insiste et menace sa femme de coups, de la mort,
ou d’autres violences graves, car dans ces circonstances elle tolère
simplement le péché de son mari, et elle a, pour agir ainsi, de graves
motifs d’excuse, puisque la charité qui lui commande de s’opposer
à une pareille conduite de la part de son mari ne l’oblige pas en présence
de pareils inconvénients.
Donc la femme ne pèche pas, dans ces
circonstances, en rendant le devoir, pourvu qu’elle soit excusée par
de graves raisons : or les raisons sont réputées graves :
1° Lorsqu’elle a à craindre la mort,
des coups ou des injures grossières ; la réponse de la Sacrée Congrégation
de la Pénitence, et la raison indiquent clairement qu’il doit en être
ainsi.
2° Lorsque la femme a lieu de craindre
que son mari n’introduise une concubine sous le toit conjugal et ne vive
maritalement avec elle, car il n’y a pas de femme sensée qui ne préfère
supporter les coups que d’assister, dans sa propre maison, a un commerce
aussi injurieux pour elle.
3° Le mari n’entretiendrait-il pas
sa concubine sous le toit conjugal, s’il était à craindre qu’il n’entretint
ailleurs des relations avec une femme, ou qu’il ne fréquentât des courtisanes
[des prostituées], il nous paraît que la femme aurait des motifs d’excuse
légitime, quoique la Sacrée Congrégation de la Pénitence n’ait pas
répondu sur ce point ; car une pareille conduite de la part du mari lui
occasionnerait de graves désagréments tels que disputes, dissensions,
dissipation du bien commun, scandale, etc.
4° Il faut remarquer, cependant, que
la gravité de ces désagréments doit être appréciée selon les circonstances
de personnes.
Ce qui est réputé léger à l’égard
d’une femme peut être très grave à l’égard d’une autre ; ainsi
les rixes passagères, les dissensions, et même les coups, ont peu d’importance
chez certains paysans, mais ce type de sévices serait intolérable pour
une femme timide, ayant une certaine éducation et habituée aux bonnes
manières d’une société raffinée.
Or, la crainte de graves disputes serait,
dans ces circonstances, un motif suffisant de rendre le devoir conjugal
sur la demande du mari.
5° La femme peut également rendre le
devoir conjugal quand elle sait, d’une manière certaine, que son mari
irrité par son refus blasphémera contre Dieu, contre la religion, qu’il
proférera des injures contre son confesseur et les prêtres en général,
et qu’il prononcera des paroles scandaleuses devant ses domestiques et
ses enfants ; car en voulant prévenir un péché, elle serait cause [ou
plutôt l’occasion] qu’il en serait commis d’autres aussi graves
ou même plus graves, elle n’aboutirait donc à aucun résultat favorable
; par sa résistance, et elle s’attirerait inutilement de graves désagréments.
6° La crainte du divorce, de la séparation,
de la honte ou d’un scandale grave serait, à plus forte raison, une
raison suffisante pour se rendre aux désirs de son mari.
7° Il n’est pas nécessaire que la
femme persiste dans son refus de se prêter au coït jusqu’à ce qu’elle
ait éprouvé les violences, les injures et les autres désagréments dont
nous avons parlé plus haut ; car il lui arriverait souvent, dans ce cas,
de ne pas parvenir à détourner le mal déjà fait, en rendant ou offrant
le devoir conjugal, et, d’ailleurs, elle n’est pas tenue de subir ces
mauvais traitements pour empêcher son mari de commettre un péché : il
suffit donc que ses craintes de mauvais traitements ne soient pas dépourvues
de fondement.
8° La femme n’est pas davantage tenue
d’avertir son mari chaque fois qu’il demande le devoir avec l’intention
de retirer son membre avant l’accomplissement de l’acte charnel, lorsqu’elle
sait par expérience, qu’elle n’obtiendra aucune satisfaction [parce
qu’il ne changera pas sa manière de faire]. Elle doit cependant, du
moins quelquefois, montrer qu’elle ne donne pas son consentement au crime
de son mari. Elle doit, surtout, prendre soigneusement garde de ne pas
y donner un consentement tacite, par crainte d’avoir des enfants, ou
pour tout autre motif. Elle doit être dans la disposition de mourir plutôt
que de s’opposer à la génération lorsque c’est de sa volonté [à
elle] que dépend le fait de l’éjaculation [dans son vagin].
Dans tous ces cas, il est permis à la
femme tout ce qui lui serait permis si le mari accomplissait l’acte conjugal
selon les règles [de la morale catholique].
Nos principes exposés plus haut sont
maintenant admis d’une manière générale. Néanmoins il y a encore
beaucoup de questions inquiétantes que nous avons exposées au Souverain
Pontife, dans l’année qui vient de s’écouler, de la manière suivante
:
Bienheureux Père,
L’évêque du Mans, prosterné aux pieds
de Votre Sainteté, vous expose humblement ce qui suit :
On ne trouve presque pas de jeunes époux
qui veuillent avoir une trop nombreuse famille, et ils ne peuvent cependant
pas, raisonnablement, s’abstenir de l’acte conjugal.
Ils se sentent, ordinairement très offensés
lorsque leurs confesseurs les interrogent sur la manière dont ils usent
des droits matrimoniaux ; on n’obtient pas, par les avertissements, qu’ils
se modèrent dans l’exercice de l’acte conjugal, et ils ne peuvent
se déterminer à trop augmenter le nombre de leurs enfants.
Aux murmures de leurs confesseurs, ils
opposent l’abandon des sacrements de pénitence et de l’Eucharistie,
donnant ainsi de mauvais exemples à leurs enfants, à leurs domestiques
et aux autres chrétiens ; la religion en éprouve un préjudice considérable.
Le nombre des personnes qui s’approchent
du tribunal [la confession] diminue d’année en année, dans beaucoup
d’endroits, et c’est surtout pour cette raison-là, de l’aveu d’un
grand nombre de curés qui se distinguent par leur piété, leur science
et leur expérience.
Quelle était donc la conduite des confesseurs
d’autrefois ? disent beaucoup de personnes. Chaque mariage ne produisait
pas, généralement, un plus grand nombre d’enfants qu’il n’en produit
aujourd’hui. Les époux n’étaient pas plus chastes et néanmoins ils
ne manquaient pas au précepte de la confession pascale.
Tout le monde reconnaît que l’infidélité
d’un époux à l’égard de l’autre et les projets d’avortement
sont de très graves péchés. Or c’est à peine si on peut persuader
à quelques personnes qu’elles sont tenues, sous peine de péché mortel,
de rester parfaitement chastes dans le mariage, ou de courir le risque
d’engendrer un grand nombre d’enfants.
Le susdit évêque du Mans, prévoyant
les grands maux qui peuvent résulter d’une semblable manière d’agir,
sollicite, dans sa douleur, de votre Béatitude, une réponse aux questions
suivantes :
1° Les époux qui usent du mariage de
manière à empêcher la conception commettent-ils un acte en soi mortel
?
2° Cet acte étant considéré comme
mortel en soi, peut-on considérer les époux qui ne s’en accusent pas
comme étant dans une bonne foi qui les excuse d’une grave faute
?
3° Doit-on approuver la conduite des
confesseurs qui, pour ne pas blesser les personnes mariées, s’abstiennent
de les interroger sur la manière dont ils usent du mariage?
RÉPONSE
La Sacrée Congrégation de la Pénitence,
après avoir mûrement examiné les questions qui lui sont posées, répond
à la première :
Lorsque tout ce qu’il y a de contraire
aux règles, dans l’acte conjugal, provient de la malice du mari qui,
au lieu de consommer cet acte, retire son membre et répand sa semence
hors du vase naturel, la femme peut, si après les avertissements qu’elle
est tenue de donner et qui demeurent sans résultat, son mari insiste en
la menaçant de coups et de la mort, se prêter passivement et sans pécher
(comme l’enseignent les théologiens dont les décisions font autorité)
à la condition que, dans ces circonstances, elle permettra simplement
le péché de son mari, et par un grave motif d’excuse, car la charité
qui lui commande de s’opposer à la conduite de son mari, n’oblige
pas lorsqu’il doit en résulter de semblables inconvénients.
La Sacrée Congrégation répond à la
2e et à la 3e question : que le susdit confesseur se rappelle cet adage
: « On doit traiter saintement les choses saintes », qu’il pèse
bien ce que dit Saint Alphonse de Liguori, cet homme savant et très expert
dans la matière, dans sa Pratique des Confesseurs, § 4, n° 7 : « Le
confesseur n’est pas tenu ordinairement, de parler des péchés que les
époux commettent relativement au devoir conjugal, et il n’est pas convenable
de poser des questions sur cette matière, si ce n’est à la femme, pour
lui demander, le plus modérément possible, si elle a rendu le devoir…..
Il doit garder le silence sur tout le reste, à moins qu’on ne lui pose
des questions, qu’il ne manque d’ailleurs pas de consulter les autres
auteurs approuvés.
Donné à Rome, le 8 juin 1842.
On trouve les paroles de Saint Alphonse
de Liguori ci-dessus rapportées à la onzième édition in-4°, au paragraphe
indiqué, mais sous le n° 41.
Il faut remarquer que la Sacrée Congrégation
de la Pénitence : 1° suppose que l’action du mari qui abuse du mariage
est mortellement mauvaise ; 2° reconnaît que la pratique que conseille
St Alphonse de Liguori est très prudente, et que les confesseurs peuvent
la suivre en toute sûreté.
Les confesseurs, les jeunes prêtres surtout,
doivent prudemment s’abstenir de questions indiscrètes qui mettent les
personnes mariées, pour y répondre, dans de grands embarras ; ils doivent
agir et parler avec une extrême précaution, sans cependant blesser la
vérité dans leurs réponses, et [ils doivent] s’abstenir de donner
à tort l’absolution, lorsqu’ils sont persuadés que leurs pénitents
sont dans le cas de péché mortel ; mais il ne faut pas qu’ils décident
sans réflexion qu’il manque à leurs pénitents cette bonne foi qui
excuse de péché mortel. Néanmoins, on doit s’appliquer à amener les
époux à vivre saintement dans le mariage.
L’épouse doit, par tous les moyens
en son pouvoir, les caresses, toute espèce de marques d’amour, les prières
et les exhortations, amener son mari à accomplir l’acte conjugal selon
les règles, ou le décider à s’en abstenir complètement et à vivre
d’une manière chrétienne : l’expérience prouve que plusieurs femmes
sont parvenues à vaincre la résistance de leurs maris en s’attachant
ainsi à gagner leurs bonnes grâces.
On demande 1° Si l’épouse peut demander le devoir à son mari lorsqu’elle sait qu’il en abusera.
Réponse. Plusieurs théologiens affirment que la femme peut demander le devoir conjugal et ne fait qu’user de son droit. C’est l’opinion de Pontius, de Tamburinus, de Sporer, etc. Mais d’autres, avec plus de raison, comme cela résulte de ce que nous avons dit, exigent une raison qui lui permette de demander le devoir d’une manière licite, car sans cela elle donnerait à son mari une occasion prochaine de péché ; mais c’est à peine si cette raison peut se présenter, alors qu’elle peut trouver d’autres moyens de surmonter les tentations. Mais étant posée une cause grave de fait, par exemple, la difficulté de surmonter la tentation, elle ne pécherait nullement ; car il est permis de demander, avec des intentions droites et pour de graves raisons, une chose bonne en soi, à celui qui peut l’accorder sans commettre de péché, quoique l’abus qu’il en fait l’empêche de le faire sans péché ; c’est ainsi que pour des motifs graves, pour des raisons suffisantes, on peut demander à un prêtre indigne l’administration d’un sacrement, de l’argent à un usurier, le serment à un païen, etc.
[Si une nouvelle grossesse risque de tuer la mère]
On demande 2° Si le mari peut répandre la semence hors du vase de la femme, lorsque les médecins ont déclaré que la femme ne peut pas enfanter sans un danger de mort évident.
Réponse. Nous répondons négativement
avec tous les théologiens, parce que l’éjaculation hors des parties
sexuelles de la femme est une action contre nature et détestable. Il faut
accomplir l’acte si le danger de mort n’est pas très probable. Ou
il faut s’en abstenir complètement, si le danger est moralement certain.
Dans ce cas, les époux n’ont pas d’autre moyen de salut que la continence.
Leur condition est déplorable : mais on ne saurait la changer. Alors,
ces malheureux époux doivent s’abstenir de coucher dans le même lit,
afin de rester plus facilement dans la continence et de vivre saintement.
Il est à remarquer que les fornicateurs
et les adultères ne peuvent pas [moralement] s’opposer à la génération
en répandant la semence hors du vase naturel, parce que cette circonstance
est contre nature : il est donc nécessaire de la déclarer en confession
[s’ils le font, ils doivent le préciser en confession].
§ 5. De ceux qui pèchent véniellement en rendant le devoir.
[Ne penser à rien d’autre qu’au plaisir]
1° Lorsque celui des époux qui a demandé
le devoir commet un péché véniel en se livrant à l’acte conjugal,
par exemple, lorsqu’il l’a demandé en vue seulement du plaisir vénérien,
il paraît y avoir certain péché à le rendre, pour le conjoint, lorsqu’il
n’existe pas de motif d’excuse, car on fournit ainsi matière à péché
véniel. Mais lorsque la demande est formelle, celui qui rend le devoir
est suffisamment excusé ; car il doit craindre en refusant, d’exciter
des rixes, des haines, des scandales et de donner naissance au danger de
plus graves péchés. […]
[Fausses couches à répétition]
On demande 1° Si une femme qui n’a
encore mis au monde que des enfants morts peut, néanmoins, demander ou
rendre le devoir.
Réponse. Sanchez, l. 7, disp. 102, n° 8 ; Saint Alphonse de Liguori, livre 6, n° 953, et beaucoup d’autres disent que cette femme ne pèche ni en rendant ni en demandant le devoir car : 1°) elle fait une chose en soi licite et à laquelle elle a droit, tandis que la mort du fœtus est un accident et ne peut pas lui être imputée ; 2°) il vaut mieux donner naissance à un être humain avec un péché originel que de le laisser dans le néant, comme Sanchez essaie de le démontrer dans ses savantes dissertations ; 3°) il arrive quelquefois qu’une femme accouche heureusement après un grand nombre d’avortements. […]
[Danger de mort]
On demande 2° Si la femme qui, de l’avis
des médecins, ne peut pas accoucher sans un danger de mort évident est
tenue de rendre le devoir conjugal à son mari lorsqu’il le demande avec
instance.
Réponse. Nous avons déjà prouvé que
le mari, dans ce cas, ne peut demander le devoir pour quelque motif que
ce soit ; la femme ne peut donc pas davantage le rendre car elle ne peut
pas disposer de sa vie. Mais le péché n’est mortel que si le danger
est manifeste.
CHAPITRE 2 : DE L’USAGE DU MARIAGE
Nous examinerons dans ce chapitre :
1° Quand les époux tombent dans le péché
en usant du mariage [en faisant l’amour].
2° Ce qu’il faut décider des attouchements
voluptueux et réciproques. [Préliminaires et actes qui accompagnent et
suivent le coït]
ARTICLE 1 : QUAND LES EPOUX PECHENT EN
USANT DU MARIAGE
[La Sodomie est interdite également comme
préliminaire]
1°/ Les époux commettent un péché
mortel, non seulement lorsque leur union charnelle a lieu hors du vase
naturel, ou que, par des moyens adroits, ils répandent la semence hors
de ce vase, mais encore lorsqu’ils préludent à l’acte vénérien
dans le vase qui ne lui est pas destiné, par exemple, en introduisant
le membre viril dans l’anus, avec l’intention de terminer la jouissance
dans la matrice [le vagin]; car ils prennent ainsi un moyen qui s’écarte
des voies naturelles, et comme cet acte tend, par lui-même, à faire répandre
la semence hors du vagin, cette pratique n’est pas autre chose qu’une
véritable sodomie [avec, en plus, contamination bactérienne dangereuse
pour le vagin]. Voyez Sanchez, l. 9, disp. 17, n° 4 ; Saint Alphonse de
Liguori, l. 6, n° 916, et beaucoup d’autres dont ils rapportent les
décisions. […]
4°/ Pèchent mortellement les personnes mariées qui pratiquent l’acte conjugal d’une manière qui s’oppose à la génération, par exemple si l’homme répand sa semence hors du vase, comme nous l’avons dit, s’il s’oppose à l’écoulement complet de la semence, si la femme rejette le sperme ou fait des efforts pour le rejeter, si elle reste passive afin d’empêcher la conception, etc.
[Etreinte réservée, Méthode Paul Chanson]
St Antoine, Sanchez et beaucoup d’autres
cités par Saint Alphonse de Liguori, l. 6, n° 918, prétendent qu’il
n’y a pas de péché lorsque le mari, du consentement de sa femme, retire
son membre de la matrice avant l’écoulement de la semence, afin de ne
pas donner naissance à des enfants, à la condition, cependant que ni
le mari ni la femme ne tomberont dans le danger d’éjaculation ou d’orgasme.
Cependant, Navarrus, Sylvestre, Ledesma,
Azor et beaucoup d’autres pensent avec raison que, dans ce cas, le péché
est mortel, tant à cause du danger d’éjaculation dans lequel se trouve
toujours le mari, qu’en raison de l’injure grave faite à la nature
en laissant l’acte conjugal imparfait. C’est cette dernière opinion
seulement qu’on doit suivre dans la pratique [Nous pensons au contraire
que la vérité est du côté de saint Alphonse de Liguori, cf. paragraphe
ci-dessus]. […]
[Adultère en pensée pendant l’union
conjugale]
6°/ Les époux pèchent encore mortellement
lorsque, dans l’accomplissement de l’acte conjugal, ils ont des désirs
adultères, c’est-à-dire s’ils se figurent que c’est une autre personne
qui est présente et s’ils prennent volontairement plaisir en pensant
que c’est avec cette personne que le commerce a lieu. Il en est de même
lorsqu’ils accomplissent l’acte conjugal dans un but mortellement mauvais,
par exemple, si l’homme demande ou rend le devoir conjugal avec le désir
que sa femme meure dans les douleurs de l’enfantement [ou parce qu’il
croit à tort que sa femme, fragile du cœur, pourrait succomber durant
l’union].
7°/ L’acte charnel est un péché mortel lorsqu’il se fait dans le lieu saint [église], même en temps de guerre, à cause du respect dû à ce lieu et de la défense faite par l’Eglise de pratiquer le coït dans le lieu saint ; les personnes mariées, en effet, peuvent parer à cette nécessité par d’autres moyens.
[l’acte conjugal devant d’autres personnes]
8°/ Pèchent encore mortellement les
époux qui pratiquent l’acte conjugal devant d’autres personnes, à
cause du grave scandale qui en résulte [incitation des personnes qui voient
et ou entendent à commettre un péché sexuel] : Ils doivent donc éviter,
avec soin, de faire coucher d’autres personnes dans leur chambre.
Les gens pauvres et les habitants des
campagnes qui n’ont souvent qu’une seule chambre pour eux, leurs enfants
et leurs domestiques, doivent s’observer nuit et jour avec soin, de crainte
qu’en usant des leurs droits [en faisant l’amour] ils ne soient pour
les autres une occasion de ruine. Hélas ! que de servantes, que d’enfants
en bas âge sont déjà perdus de mœurs et doivent leur dépravation au
défaut de précaution de personnes mariées !
[Les jeunes enfants qui surprennent, par
hasard, leur parents en pleine union conjugale s’imaginent souvent avoir
surpris une violente dispute, incapables qu’ils sont de comprendre la
réalité de ce qu’ils ont vu. Ils pensent que le père agresse sa femme.]
ARTICLE 2 : DES ATTOUCHEMENTS ENTRE EPOUX
[Entretenir l’amour mutuel]
[…] 2°/ Les attouchements entre époux
sont des péchés mortels lorsqu’il en résulte un danger d’éjaculation
ou d’orgasme : car la masturbation n’est pas plus permise aux personnes
mariées qu’à celles qui ne le sont pas ; on ne peut donc pas davantage
les excuser de se mettre volontairement dans le danger d’éjaculer ou
de jouir. Mais les embrassements et les autres attouchements honnêtes
que les personnes mariées ont l’habitude de se faire pour entretenir
un amour mutuel ne sont pas des péchés lorsqu’ils ne mettent pas dans
le danger d’éjaculation [dans le sens d’éjaculation surprise hors
du vagin]; ils sont permis, pour de justes raisons, entre personnes non
mariées, même lorsqu’il y a danger d’éjaculation ou d’orgasme
; à plus forte raison le sont-ils entre époux : car lorsqu’ils ont
pour but d’entretenir l’amour mutuel, le motif est suffisant pour excuser
un léger danger, si le danger existe. […]
CHAPITRE 3 : DE LA CONDUITE DES CONFESSEURS
A L’EGARD DES PERSONNES MARIEES
Tout confesseur, principalement un curé,
doit bien se pénétrer de la science dont il a besoin pour discerner les
choses licites des choses illicites, de la pureté qu’il faut avoir pour
ne pas se souiller en écoutant les turpitudes d’autrui, et de la prudence
dont il doit s’entourer pour n’interroger que lorsqu’il le faut et
de la manière qui convient, de peur qu’en voulant éloigner les pénitents
des choses défendues, il ne les mette sur la voie du mal qu’ils avaient
heureusement évité jusque-là.
Deux écueils sont également à éviter
: l’imprudence, qui tient à la curiosité et à l’indiscrétion, et
la timidité, qui fait qu’on ne dit rien de crainte de dire trop. Le
confesseur doit parfois garder un silence prudent si, d’ailleurs, le
pénitent est dans la bonne foi et qu’on prévoie que les avertissements
ne produiront pas d’amendement. Mais sur beaucoup de points, la bonne
foi qui excuse le péché ne se présume pas, par exemple, lorsqu’il
s’agit de la sodomie, des attouchements obscènes et autres lubricités
qui répugnent complètement à la saine raison.
1°/ Les confesseurs doivent, avant le
mariage, avertir les époux des obligations qu’impose l’état qu’ils
embrassent, en leur disant, par exemple :
beaucoup de personnes mariées croient
à tort que tout leur est permis dans l’acte charnel ; elles agissent
comme les chevaux et les mulets : elles commettent des péchés nombreux
; elles attirent dans cette vie, sur elles et sur leur famille, de graves
fléaux, et se perdent misérablement pour toujours [en enfer] : prenez
donc garde de ne pas agir ainsi et de souiller la sainteté de ce divin
sacrement. Sachez que cela seul est permis aux personnes mariées, qui
est nécessaire pour avoir des enfants [et pour pouvoir bien les éduquer].
Je ne veux pas vous en dire plus long en ce moment ; s’il vous survient
des doutes sur certaines questions, ne manquez pas de vous en ouvrir soit
à moi, soit à un autre confesseur prudent.
Ces préceptes généraux donnés avant
que le mariage soit consommé, nous paraissent être suffisants ; car si
le confesseur en disait davantage, il scandaliserait peut-être de jeunes
époux qui ont vécu dans la chasteté ; il troublerait leur imagination
et exciterait chez eux de violents aiguillons de la chair.
Le confesseur doit avoir soin de les faire
revenir au tribunal sacré peu de temps après que le mariage aura été
contracté, et alors il développera d’une manière plus convenable,
les règles exposées plus haut sur l’obligation de rendre le devoir,
sur l’époque à laquelle il faut le rendre et le demander sur la manière
dont le coït doit être pratiqué pendant les règles, la grossesse, etc.
; mais il devra toujours expliquer ces choses avec précaution, d’une
manière chaste et en peu de mots ; il est même souvent beaucoup plus
sûr de ne rien dire et de répondre simplement aux questions posées par
le pénitent.
2°/ L’expérience prouve que beaucoup de personnes mariées ne déclarent pas les péchés commis dans le mariage, à moins qu’elles ne soient interrogées là-dessus. Or, le confesseur peut les interroger de la manière suivante sur les choses permises entre époux : Avez-vous quelque chose à avouer qui répugne à votre conscience ? Si elles répondent négativement et qu’elles paraissent être suffisamment instruites et d’ailleurs timorées, il ne sera pas nécessaire d’aller plus loin. Mais si elles paraissent ignorantes et que leur sincérité soit suspecte, le confesseur devra insister. Il demandera au pénitent s’il a refusé à son conjoint de lui rendre le devoir : Si le pénitent ne comprend pas cette manière de parler, le confesseur peut lui demander : Avez-vous refusé l’acte que l’on fait pour avoir des enfants, le coït ? S’il répond qu’il a refusé, il faut savoir pour quelle raison, et on jugera à ses réponses si le péché est mortel ou véniel ou s’il n’y a pas de péché.
3°/ Le confesseur doit généralement s’enquérir auprès du pénitent s’il s’est livré à des actes déshonnêtes contre la sainteté du mariage. Si le pénitent répond affirmativement, il convient de lui faire dire en quoi consistent ses infractions, de peur de lui enseigner ce qu’il ignore ; on ne devra pas d’abord l’accuser à la légère de péché mortel.
Ce que nous venons de dire sur cette lubrique
matière doit être suffisant. Les curés et confesseurs doivent proclamer
la chasteté, l’honnêteté et la sainteté des devoirs matrimoniaux
; ils doivent souvent dire avec saint Paul : que chacun de vous sache posséder
son corps dans la sainteté et l’honnêteté et non en suivant les convoitises
de la passion comme les païens qui ne connaissent pas Dieu. (1ère lettre
aux Thessaloniciens, 4.4-5.). A ces paroles, les auditeurs comprendront
facilement par où ils ont péché et de quoi ils doivent de s’abstenir
afin d’accomplir le devoir conjugal, d’une manière chaste et sainte,
selon la doctrine de l’apôtre. Concina nous dit, t. 21, p. 248, que
les curés acquerront plus de science pour l’instruction des personnes
mariées, en suivant les doctrines de St Paul qu’en gravant dans leur
mémoire tous les raisonnements imaginés par Sanchez, Diana, Gobatius
et autres. Rien ne nous paraît plus vrai ; c’est pourquoi nous supplions
les jeunes confesseurs d’être prudents, graves et retenus en interrogeant
les personnes mariées, car en agissant autrement, ils pourraient manquer
aux lois de la pudeur et s’exposer eux-mêmes à tomber dans le péché.
[Fin du livre de Mgr Bouvier, évêque
du Mans]
ISBN 978-2-9527104-0-6
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