JesusMarie.comSexe
Faire l'amour à sa copine, à sa fiancée est-ce un péché ?
étude sur la Fornication

 Article du Dictionnaire de Théologie Catholique
Notre intention n'est pas de juger ou de blesser les personnes qui ont l'habitude des relations sexuelles de ce type, il s'agit d'éclairer le point de vue catholique, d'éclairer ceux qui désirent suivre la Sagesse de Jésus.

[intégrer les passages latins, nov 2009]
 

FORNICATION. - I. Notion. II Espèces. III. Gravité. IV. Conséquences.

Selon les Pères de l'Eglise, les péchés sexuels sont :
la grande avenue de l’idolâtrie
une des sources de la haine des hommes contre Dieu et son Eglise.
Ils brûlent d’anéantir les institutions divines qui lui sont opposées.

Les Pères de l'Eglise considèrent aussi le péché de fornication comme la grande avenue de l’idolâtrie, comme une des sources les plus authentiques de la haine des hommes corrompus contre Dieu et la sainte Eglise. Les âmes dépravées conspirent toujours contre le législateur qui les condamne et contre le gardien du décalogue qui les flétrit. Ils immolent tout à cette animosité. Autant ils adorent l’idole de la volupté, autant ils brûlent d’anéantir les institutions divines qui lui sont opposées. Le culte du dieu infâme, dit Tertullien, ne consiste pas seulement dans l’offrande de vulgaires parfums, mais dans celle de la personne elle-même. Ce n’est plus l’immolation d’une brebis, mais bien celle de l’âme. O homme, tu sacrifies sur son autel ton intelligence ! Tu verses pour lui tes sueurs, tu épuises tes connaissances, tu deviens plus que le prêtre de la volupté ; par ton ardeur, tu en es, à ton tour, la divinité.De idolatria, c. VI, P. L., t. I, col 668-669.

I Cor., III, v. 16 Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? v. 17 Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes vous-mêmes.
Dieu menace ceux qui profanent le temple du Seigneur qui est le corps humain. Comme le dit saint Augustin, par cet acte on provoque Dieu dans son sanctuaire, le corps humain devenu Temple de l'Esprit Saint.

Jésus-Christ se trouve blessé par la fornication, car, par le baptême,  nous sommes devenus ses membres ; il est notre tête et nous adhérons à sa personne. Par le péché de luxure, l’homme divorce avec son chef divin pour s’unir à des créatures. Aussi, avec quelle véhémence l’apôtre met-il en lumière ce point de vue.  Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? Prendrai-je donc les membres du Christ pour en faire les membres d'une prostituée ? Loin de là ! I Cor., VI, 15.
Les commentateurs font remarquer que notre union avec le divin rédempteur reste scellée par le mystère de l’Incarnation et couronnée par la sainte Eucharistie, qui nous unit au Seigneur. Les péchés sexuels [dits péchés d’impureté] rompent ce triple lien, dénoncent ce contrat si honorable pour l’homme et provoquent la répudiation.

Enfin, la gravité de ce péché se complète par la souillure qu’il inflige à la personne humaine elle-même. L’apôtre saint Paul s’exprime énergiquement sur ce point : Esca ventri et venter escis. Deus autem hunc et has destruet. Corpus autem non fornicationi, sed Domino ; et Dominus corpori. . . Fugite fornicationem. Omine peccatum quodcumque fecerit homo, extra corpus est ; qui autem fornicatur in corpus suum peccat. I Cor., VI, 13, 18. De fait, lorsque l’homme, [col.608 fin/col.609 début] prévarique sur les autres points, c’est l’âme qui triomphe de l’âme, mais, à l’occasion de la fornication, c’est le corps, la partie matérielle, qui subjugue l’âme, la partie spirituelle. S. Ambroise, In Epist. I ad Cor., VI, 18, P. L., t. XVII, col. 214-215. C’est le renversement de l’ordre providentiel. Aussi, ce péché est la plus humiliante des prévarications. Il trouble l’organisation essentielle des choses, puisqu’il porte obstacle à la régulière éducation des enfants.
 
 

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I. NOTION.
Définition.
Etymologiquement, le nom latin de fornicatio a été donné par les écrivains de l’Eglise latine aux relations avec les prostituées, parce qu’on appelait à Rome et à Pompéi fornices (de fornix, voûte, chambre voûtée) les chambres où on descendait de la rue et qui servaient de lieux de prostitution.Art. fornix, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Darenberg et Saglio, Paris, 1896, t. II, p. 1264, et dans Real Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft de Pauly-Wissowa, Stuttgart, 1910, t. VII, col. 11. La fornication est définie par les théologiens : Copula soluti cum soluta, ex mutuo consensu ; c’est l’union sexuelle accomplie avec consentement mutuel, par deux personnes libres de lien. [Deux personnes, un homme et une femme, non liées par les liens du mariage.]

Ainsi, la fornication se distingue des fautes charnelles que l’on comprend sous le nom générique de péchés de luxure consommée. Saint Matthieu qualifie de cette façon même le crime d’adultère : Quicumque dimiserit uxorem suam, excepta fornicationis causa, facit eam mœchari, V, 32.

Voir J. Knabenbauer, Evangelium secundum Matthæum, Paris, 1892, t. I, p. 226-230 ;
M. Hagen, Lexicon biblicum, Paris, 1907, t. II, col. 310.

Mais la définition commune circonscrit la notion de ce crime et lui assigne les limites de la simple fornication, telle que l’entendent les moralistes et telle que nous l’envisageons ici.

Le terme copula indique le genre qui assimile cet acte avec tous ceux qui ont trait à la génération par l’union sexuelle complète.
Si l’acte était volontairement interrompu, il prendrait le caractère d’un attentat contre nature [onanisme ou masturbation] et ne serait plus la fornication elle-même. Les autres termes de la définition ont pour objet de classer ce péché dans son cadre spécial. Les mots consensu muto écartent toute idée de violence, qui tendrait à confondre la fornication avec le rapt ou le viol.

Les expressions soluti cum soluta signifient que les coupables sont libres de tout lien provenant du mariage, de la parenté, de l’affinité, du vœu et des ordres sacrés, car, dans ces cas, il ne saurait plus être question de la simple fornication, mais bien respectivement de l’adultère, de l’inceste et du sacrilège.

Plusieurs théologiens exigent que, pour justifier la définition de la simple fornication, la faute ait été commise avec une personne déjà compromise. Si le péché, disent-ils, a lieu avec une personne encore vierge, ce n’est plus le cas de fornication, mais cette défloration spécifique connue sous le nom de stupre. Voir plus bas.

2° Erreurs.  Plusieurs erreurs ont été soutenues, en divers temps, à propos du caractère intrinsèque de la fornication au point de vue de sa moralité, ou plutôt de son immoralité.

Les païens et, sous l’influence de leurs doctrines, certains gnostiques, les nicolaïtes, prétendaient que les unions libres n’étaient prohibées par aucune loi. La simple fornication passait pour une chose indifférente et les moralistes se contentaient de blâmer les excès. Dans les Adelphes de Térence, I, 2, 21, Micion exprime en ces termes la pensée des Grecs et des Romains : Non est flagitium, mihi crede, adolescentulum, scoriari.
Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., III, 3, P. G., t. VIII, col. 586 ;
Cf. S. Ambroise, In Epist ad Rom., I, 29, 30, P. L., t ; XVII, col. 62.

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En Orient, les temples de certaines divinités abritaient ce désordre moral.
Cf. J. Lagrange, Etude sur les religions sémitiques, 2e édit., Paris, 1905, p. 130, 241, 444.

Au XVIe siècle, les anabaptistes, et de nos jours les libres penseurs, proclament la parfaite légitimité des pratiques de ce genre. Durand de Saint-Pourçain, le doctor resolutissimus, sans tomber dans une erreur aussi grossière, a soutenu que, de droit naturel, la fornication constituait seulement une faute vénielle : si elle est considérée comme mortelle, c’est par suite des sanctions de la loi positive.

Enfin, Caramuel, Theol. Moral., l. III, n. 1600, et quelques autres théologiens se sont efforcés de démontrer que le péché de luxure n’était point intrinsèquement mauvais : il était condamnable parce que le droit positif l’interdisait, en vue des désordres qu’il pouvait introduire dans la société.

Doctrine commune.
Tous les théologiens établissent comme vérité révélée et de foi catholique que la simple fornication est intrinsèquement mauvaise et constitue une faute grave.
Ils s’appuient sur son opposition foncière à la loi divine et naturelle. Aussi concluent-ils qu’en aucun cas, il n’est permis de s’y livrer, parce qu’elle n’est pas mauvaise seulement en raison d’une prohibition positive, mais qu’elle est prohibée à cause de sa malice essentielle. De telle sorte que, même dans les cas de mutuel consentement, chaque acte renouvelé entraîne l’obligation de l’aveu sacramentel réitéré.

1. Preuves scripturaires.

Les oracles sacrés sont formels. Attende tibi ab omni fornicatione ; et præter uxorem tuam nunquam patiaris crimen scire. Tob., IV, 13. Le saint patriarche Tobie qualifie de crime l’infidélité conjugale. Non erit meretrix de filiabus Israel, nec scortartor de filiis Israel. Non offeres mercedem prostibuli, nec pretium canis in domo domini tui. . . , quia abominatio est utrumque apud Domini Deum tuum. Deut., XXIII, 17-18. En déchargeant les chrétiens, convertis de la gentilité, des pratiques juives, les apôtres, dans la réunion de Jérusalem, leur imposent toutefois l’abstention de la fornication. Act., XV, 29. Le mot ____ n’a probablement pas dans cette décision la signification juive de mariages mixtes ou des mariages à des degrés prohibés qu’on lui donne quelquefois ; il faut plutôt l’entendre au sens ordinaire, puisque la lettre de l’assemblée était adressée à des gentils, qui n’étaient pas initiés au langage des écoles juives, et avait pour but d’écarter de leur vie ce qui était regardé comme une trop criante abomination. J. Thomas, Mélanges d’histoire et de littérature religieuse, Paris, 1899, p. 93 ; K. Six, Das Aposteldecret, Inspruck, 1912, p. 39-40 ; F. Zorell, Novi Testamenti lexicon græcum, Paris, 1911, p. 476.

Saint Paul qualifie les hommes coupables de ce forfait comme dignes de mort: repleti fornicatione. . . digni sunt morte. Rom., I, 29, 32.
Il écrit rudement aux Corinthiens : Neque fornicarii. . . neque adulteri, etc., regnum Dei possidebunt. I Cor, VI, 9.

2. Décisions des papes et des conciles.  Au commencement du XIVe siècle, parmi les rêveries des bégards et des frères du libre esprit, on relevait la proposition suivante : Mulieris osculum, cum ad hoc natura non inclinat est mortale peccatum ; actus autem carnis, cum ad hoc natura inclinat peccatum non est : maxime cum tentatur exercens. Le concile de Vienne frappe d’anathème ces extravagances.
Clémentines, De hær., c. III, Ad Nostrum, l. V ; Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 477.
Innocent XI condamna la thèse qui soutenait que la fornication n’était pas intrinsèquement mauvaise : Tam clarum videtur fornicationem secundum se, nullam involvere malitiam et sollum esse mallam quia interdicta, ut contrarium, omnino rationi dissonum videatur. Cette audacieuse affirma-
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-tion, ainsi proscrite, a réapparu depuis, surtout de nos jours, sous des formes variées. Mais la saine raison, loin de la favoriser la réprouve et toute illusion sur ce point est impossible.

3. Arguments de raison Dans le passage cité de la 1ère épître aux Corinthiens, l’apôtre excluait du ciel ceux qui se livraient à la fornication. Or, continuant son enseignement moral, Saint Paul ajoute : " Vous vous êtes rendus coupables de ces crimes ; mais vous avez été purifiés, sanctifiés, justifiés en Notre Seigneur Jésus-Christ. " Les Corinthiens, avant leur conversion, étaient livrés à toutes les pratiques idolâtriques : ils ne considéraient pas la fornication comme faute grave. Or l’apôtre leur déclare que, de ce fait, ils étaient exclus du ciel et que leurs âmes, souillées de ce crime, avaient été purifiées, sanctifiées, justifiées, par les mérites du Sauveur et qu’ils ne devaient plus le commettre. Le raisonnement de l’apôtre montre la malice inhérente à ce péché, qui rend indignes du ciel ceux qui s’y livrent.

Saint Thomas, Sum. Théol., IIa IIæ, q. CLIV, a. 2, donne à ce sujet une réponse fondamentale que nous résumons en ces termes.
Les actes de la génération ont pour but, non seulement de procréer le corps de l’enfant, mais de pouvoir permettre son instruction et son éducation morale. Tout procédé qui nuirait à ce double objectif troublerait l’ordre naturel établi par le créateur ; or, la fornication est loin de favoriser le progrès du chiffre de la population ; bien plus, la vie de désordre ne permet pas à ceux qui s’y livrent de pourvoir à l’éducation de leur progéniture d’occasion. Le père ou la mère y fait défaut, et souvent, tous les deux, alors que, cependant, l’instinct naturel réunit la plupart des créatures inférieures elles-mêmes, en société temporaire, tant que leur progéniture a besoin d’être nourrie et protégée par ses deux auteurs. Par conséquent, ce qu’on appelle aujourd’hui les unions libres constitue un attentat direct au droit naturel, un désordre essentiellement criminel.

On a voulu ruiner cette argumentation, en imaginant le cas d’une entente mutuelle qui aurait pour objet l’éducation de l’enfant. L’argument est sans valeur. D’abord, dans la plupart des cas, les intéressés, surtout parmi les classes populaires, ne pensent point à ce détail. En outre, les lois générales ne visent que les situations ordinaires, celles qui doivent être conformes aux règles providentielles : elles ne peuvent pas s’occuper des exceptions qui peuvent se produire ou non : id quod cadit sub legis determinatione judicatur secundum id quod communiter accidit et non secundum id quod in aliquo casu potest accidere. S. Thomas, ibid. D’ailleurs, l’adoption de ces mesures préventives indique que les situations irrégulières, considérées en elles-mêmes, sont impuissantes à réaliser le but de la nature.

4° Une proportion arithmétique, établie entre les autres fautes commises contre Dieu et le prochain et le péché de fornication, complétera la notion de cette dernière.

La fornication simple ne revêt pas le caractère odieux des fautes opposées aux vertus théologales. En effet, les péchés sont caractérisés par leur opposition au bien prescrit par la vertu correspondante. La faute contre la religion ou les vertus théologales blessent Dieu lui-même, le souverain bien. La simple fornication lèse directement les droits de l’homme, comme nous l’avons prouvé, et seulement, par voie de conséquence, l’autorité du législateur suprême.

La fornication simple n’est pas non plus criminelle, comme l’homicide. Par son attentat, l’assassin s’attaque à la vie présente, réelle, de la victime. Le fornicateur ne met en péril que l’existence régulière [col.602 fin/col.603 début] d’une créature à venir. En outre, le forfait commis par l’homicide est irréparable ; les conséquences de la fornication peuvent se réparer, tant du point de vue moral que matériel.

Mais la fornication simple est plus gravement coupable que le vol. Ce dernier acte trouble l’homme dans la possession des biens temporels ; la fornication porte atteinte aux droits supérieurs de l’âme. De plus, si le vol blesse la vertu de justice, la fornication blesse les deux vertus de tempérance et de justice.

5° L’interdiction de la fornication étant ainsi fondée sur le droit naturel, l’ignorance invincible peut-elle être admise au sujet de son caractère criminel ? A s’en rapporter au système traditionaliste, il faudrait, sans hésitation et sans restriction, affirmer que pareille ignorance, non seulement peut exister théoriquement, mais qu’elle existe de fait. Les philosophes traditionalistes posent en principe que, sans la révélation divine, l’homme ne peut connaître aucune vérité morale. Or, il existe encore des contrées où la prédication évangélique n’a pas pénétré, où, par ailleurs, la révélation primitive est oblitérée. Par conséquent, la vérité sur le caractère de la fornication simple peut être parfaitement ignorée, et ceux qui pratiquent ce vice sont excusables.

Nous n’avons pas à insister sur ce principe, qui est faux et qui a été condamné par l’Eglise, pas plus que la conséquence inadmissible qui s’en déduit logiquement.

La question concernant l’ignorance invincible de l’immoralité de la fornication rentre dans cet ordre de problèmes qui concerne l’ignorance même de la loi naturelle : à savoir, les principes de la loi naturelle peuvent-ils être ignorés ? Ou bien il s’agit des règles touchant les principes les plus universels inscrits par le créateur au fond de tous les cœurs, comme, par exemple, les axiomes qui ne souffrent pas contestation :
il faut éviter ce qui est mal ; il ne faut point faire aux autre ce qu’on ne voudrait pas que l’on fît à soi-même ; il faut respecter les supérieurs. Ou bien il est question des règles de conduites qui se déduisent immédiatement et sans difficulté de ces principes évidents ; par exemple : il faut respecter le bien d’autrui ; il ne faut pas recourir au mensonge.
Les philosophes et les théologiens rangent, dans cette seconde classe de vérités faciles à découvrir, la défense de commettre la fornication. Ou bien, enfin, il s’agit de ces préceptes qui ne découlent des vérités évidentes que par voie de raisonnement laborieux, par l’intervention des autorités constituées, telles que la législation concernant la loi des contrats et celle de la transmission des héritages.

Nul doute que l’erreur ne se produise fréquemment pour les principes de cette troisième catégorie. L’ignorance, même invincible, doit être admise dans ce cas. Mais il n’en va pas de même pour les préceptes de la première et de la seconde classe, pour peu que l’homme qui y est obligé jouisse de l’usage de la raison. Les lois primordiales de la nature et leurs conséquences immédiates sont, au point de vue moral, des règles essentielles, comme les axiomes premiers sont les bases de toute démonstration spéculative. Saint Thomas dit à ce sujet : Quisque statit probet audita. In IV Sent., l. III, dist. XXX, q. II, sol 2a. Il suffit d’énoncer ces propositions pour qu’aussitôt chacun en connaisse le bien-fondé. L’opposition de la fornication avec les préceptes de la loi naturelle est de cette espèce. Donc, en principe, son ignorance ne saurait être admise.

Ajoutons aux preuves antérieures celle qui se déduit encore de saint Paul, lorsqu’il déclare inexcusables les païens qui se plongeaient dans les désordres de ce genre, bien qu’ils ne connussent pas la loi évangé-
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lique. Rom., I, 20. Quelques moralistes de l’antiquité, quoique dépourvus des lumières de la révélation, réprouvaient le désordre. Tacite et Suétone fustigent à ce sujet la licence de la société romaine. Cicéron cingle vigoureusement le proconsul Verrès pour le même motif. Toutefois, ils réprimaient plutôt les excès que la faute elle-même.

Le soin qu’on met ordinairement à entourer de mystère un pareil désordre prouve que le verdict de la conscience proteste au fond des cœurs. Et lorsque le vice tout-puissant ou impuni affronte la lumière du jour, les témoins ne manquent jamais de dire : C’est un défi jeté à la pudeur publique.

L’ignorance invincible ne saurait donc être admise en thèse générale. Seule l’ignorance vincible, qui n’atténue pas la culpabilité, peut être source de ce désordre. Et les causes de cette ignorance sont les préjugés admis de confiance, les mauvaises habitudes contractées, l’inertie à combattre les penchants déréglés. Saint Thomas dit excellemment à ce sujet : Ad legem naturalem pertinent primo quidem quædam principia communissima quæ sunt omnibus nota. . . ,quædam autem secundaria præcepta magis propria, quæ sunt quasi conclusiones propinquæ principiis. Quantum ergo ad illa principia communia, lex naturalis nullo modo potest a cordibus hominum deleri in universali. . . Quantum vero ad alira præcepta secundaria potest lex naturalis deleri de cordibu hominum, vel propter malas persuasiones, eo modo quo etiam in speculativis errores contingunt ; vel etiam propter pravas consuetudines et habitus corruptos, sicut apud quosdam non reputabantur latrocinia peccata, vel etiam vitia contra naturam, ut etiam dicit apostolus ad Romanos.
Sum. Theol., Ia IIæ, q. XCIV = question 94, a.6

Les écrivains qui démoralisent le public, les romanciers, les auteurs de pièces de théâtre qui, dans les époques de décadence, favorisent les vices, provoquent au désordre, sous prétexte de la nécessité de donner libre essor aux penchants naturels, trouvent ici leur condamnation justifiée : ils ne préconisent pas les inclinations conformes à la nature rationnelle, mais bien les instincts inavouables.

6° A la simple fornication se rattache le concubinage, voir ce mot, et la prostitution. La prostitution est l’état de vie des femmes [ou des hommes] qui se livrent à tout venant. Les théologiens la distinguent de la fornication simple et lui reconnaissent un degré plus accentué de criminalité. C’est qu’en effet ce genre de désordre fait obstacle non seulement à la bonne éducation des enfants, mais même, comme le prouve l’expérience, à leur procréation. En règle générale, ces femmes restent stériles. Néanmoins, selon les théologiens, il n’est pas besoin de déclarer en confession qu’on a eu rapport avec une personne de ce genre, parce que cette circonstance ne change pas l’espèce et n’est pas notablement aggravante.

1. Des hommes pervers ont voulu arguer contre l’interdiction de la prostitution, en disant que jamais Dieu ne l’aurait tolérée, si elle eût été un mal intrinsèque. Or non seulement il l’a autorisée, mais il l’a prescrite au prophète Osée, I, 2 : Vade, sume tibi uxorem fornicariam, et fac tibi filios fornicationum.

Les redoutables sanctions formulées si fréquemment dans les Ecritures contre ce désordre eussent dû tenir en garde contre une pareille interprétation, qui met en opposition trop flagrante le texte inspiré avec lui-même. Aussi, est-il facile de conclure que, dans cette occurrence, Dieu n’ordonna pas à Osée d’aider la prostituée qu’il devait épouser à continuer son métier, mais au contraire à y mettre fin en la prenant pour femme. Dans un but allégorique, afin de faire voir que le ciel adoptera des hommes rebelles à la loi divine, pour les convertir, le Seigneur
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prescrivait au prophète d’épouser une femme coupable, en contractant une union normale. Aussi, saint Thomas, Sum. Theol., Ia IIæ, q. C, a. 8, ad 3um, affirme avec raison que l’acte commandé à Osée par le Seigneur, loin d’être une prime au désordre, n’avait aucun caractère de culpabilité. Osee nec mæchatus nec fornicatus fuit.

2. Ici se pose une question délicate et fort controversée, surtout parmi les anciens. Peut-on, en saine morale, autoriser la prostitution ? Il faut distinguer les grands centres de populations et les groupements moins étendus. Les arguments que l’on fait valoir pour permettre la prostitution organisée dans les grandes villes n’ont pas leur raison d’être dans les petites localités. Ainsi, les meilleurs auteurs se prononcent absolument contre l’établissement de maisons dites de tolérance dans de petites agglomérations.

S’il est question de grandes cités, les théologiens se partagent. Les uns, qui se réclament d’autorités graves, admettent la licéité de la tolérance de la prostitution. Le motif sur lequel ils se fondent est qu’en supprimant les personnes vouées au mal par profession, on multiplierait les désordres : les honnêtes femmes seraient fréquemment exposées aux incitations les plus troublantes, aux pires brutalités, aux dangers de toute sorte ; en outre, les actes impurs de sodomie, de bestialité, etc., se multiplieraient, tandis que le système contraire sert, en quelque sorte, d’exutoire à ce mal social. Entre deux maux inévitables, on choisit le moindre.

Ce nonobstant, saint Alphonse de Liguori trouve le sentiment opposé plus probable. Theologia moralis, l. III, tr. IV, n. 434. En effet, les théologiens qui se prononcent pour la négative, par la facilité donnée de satisfaire ainsi les passions, ces dernières, loin de se calmer, s’exaspèrent. Il leur faut toujours un nouvel aliment : elles deviennent insatiables. Les personnes honnêtes n’échappent pas aux obsessions des criminels perdus de vices, altérés de jouissances luxurieuses. Les chutes se multiplient, les ruines s’accumulent, le déshonneur pénètre dans les foyers jusqu’alors les plus respectés : l’exemple et l’impunité font que de malheureuses femmes se déterminent à se jeter dans la redoutable armée du désordre public, où, quelques années durant, elles espèrent réaliser, à peu de frais [lourde erreur : en plus des maladies, il y a risque de se faire assassiner par des clients comme cela arrive régulièrement], des gains considérables [ erreur ] et satisfaire leurs goûts de frivolité [erreur : la prostitution touche des personnes en desespoir familial, éducatif et social] . Pour tous ces motifs, moralistes se refusent à admettre le principe de licéité de la tolérance de la prostitution. Ils invoquent les mêmes raisons pour interdire aux propriétaires la location des maisons dans ces circonstances.
 


II. ESPECES.

A la fornication simple s’oppose la fornication qualifiée, c’est-à-dire la fornication à laquelle est jointe une circonstance qui aggrave sa culpabilité ou en change l’espèce. Dans cette catégorie rentrent, selon saint Thomas, Sum. Theol., IIa IIæ, q. CLIV, a.1, l’adultère, l’inceste, le stupre, le rapt, le sacrilège et le péché contre nature. Ce saint docteur donne également la raison de cette division.

Les actes de luxures, opposés à la vertu de continence, se diversifient selon les manières différentes dont ils blessent cette vertu. Par conséquent, autant il y aura de modes de violation du droit conjugal, autant il y aura de variétés de fornication. Il y aura ainsi, d’abord, les actes directement contraires à la génération, puis ceux qui sont opposés à l’éducation de l’enfant. Le péché qui exclut la génération est le péché contre nature [la nature est programmée pour être féconde, ce qui s'oppose à la fécondité est contre nature] ; celui qui, sans s’opposer à la procréation, compromet néanmoins l’éducation des enfants, est la simple fornication dont nous venons de parler.

Une seconde division, embrasse les cinq cas où le péché de fornication viole non seulement la saine rai-

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son, mais encore les droits, soit des personnes elles-mêmes, soit des tiers. Ainsi l’adultère blesse le droit d’un des époux à la fidélité de son conjoint.
L’inceste méconnaît le respect naturel dû à l’affinité, à la parenté et aux convenances sociales.
Le stupre, ou la défloration d’une personne vierge, outrage le pouvoir protecteur du père et de la mère sur cette personne.
Le rapt ajoute à cet attentat celui de la violence.
Si le crime est commis avec une personne liée par des vœux ou par une loi ecclésiastique, nous nous trouvons en présence du sacrilège.
Les actes impudiques accessoires, tels les attouchements, les familiarités coupables, rentrent dans les catégories correspondantes des fautes que nous venons de signaler.

Les législations civiles forment les classifications de ces fautes en établissant surtout les responsabilités de la femme, tandis que le droit chrétien n’admet pas de différence entre les obligations de la femme et de l’homme. Les devoirs sont égaux pour les conjoints et la culpabilité identique dans les cas de violation de la foi jurée.

Des articles spéciaux [dans le Dictionnaire de Théologie Catholique] ont été  consacrés à l’adultère, à l’inceste, au rapt, au sacrilège et aux crimes contre nature. Il reste seulement à parler du stupre.

Le stupre, stuprum, ou la défloration d’une vierge, signifie, dans son acception générale, tout rapport charnel avec une femme : comme en ce passage des Nombres, V, 13 : Latet adulterium et testibus argui non potest, quia non est inventa in stupro. L’adultère caché ne peut être prouvé, la femme coupable n’ayant pas été surprise dans le stupre. Mais ce dernier péché a un sens plus strict.
Parmi les théologiens, les uns, pour distinguer les espèces de fornication, disent que la fornication simple est constituée par des rapports sexuels avec des personnes libres, qu’elles soient ou non déjà déflorées. Les autres prétendent que la qualification de stupre doit être réservée au crime commis avec une vierge, tandis que la fornication suppose déjà une personne disqualifiée.
Toute une école établit que, même pour le stupre, il faut qu’il y ait eu violence ; sans quoi ce dernier ne différerait pas spécifiquement de la fornication.
Saint Thomas enseigne, au contraire, que le stupre est une espèce distincte par le seul fait de la défloration coupable d’une vierge, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la question de la violence, parce que, dans ce cas, il y a attentat contre l’intégrité de la personne et aussi contre l’autorité de la surveillance paternelle.

Théoriquement, il n’est donc pas aisé de se reconnaître dans ce chassé-croisé d’opinions, appuyées sur les autorités les plus respectables. Il y a moins de difficulté à se tracer une voie pratique au moyen de principes généraux. Là où les espèces diverses n’existent pas d’une façon catégorique, on peut les considérer comme n’existant pas. Aussi, on ne saurait imposer au pénitent l’obligation d’en faire mention spéciale en confession. Cependant, sur certains points, l’accord existe entre les maîtres de la doctrine.

La violence, exercée sur une personne vierge dans le but d’assouvir la passion, prend un tel caractère de gravité qu’elle constitue une espèce distincte de la simple fornication. Cette conclusion se fonde non seulement sur la brutalité de l’attentat, mais encore sur la violence physique faite à l’intégrité corporelle de la victime et la responsabilité du père : Filiæ tibi suni : custodi corpus eorum. Ecclé, VII, 26.

Certaines expressions ici employées ont besoin d’éclaircissements et de précisions.

Sous la dénomination de vierge, on comprend, non pas la personne qui a conservé intacte l’innocence baptismale, mais spécialement celle qui a conservé les éléments de l’intégrité virginale, signaculum, inte-

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grum virginitatis, quoiqu’elle ait pu commettre des fautes contre la pureté par pensée, par désir, par parole, etc.

Par la violence dont il est ici question, on entend non seulement l’emploi de la force physique, mais aussi la pression morale exercée sur une femme, ordinairement une jeune fille, peu apte à y résister longtemps. Dans cette dernière catégorie, on fait rentrer les instances réitérées, pressantes, les flatteries captivantes prodiguées à cet effet, les promesses de récompense et de présents, les caresses séduisantes, tout cet ensemble de procédés qui finissent par avoir raison de la faiblesse ordinaire des femmes.

Les auteurs se demandent encore si le consentement de la femme enlève le caractère de stupre à la fornication commise avec une vierge. Nombre d’auteurs sont d’avis que, si la personne y consent, nonobstant l’opposition des parents, les éléments constitutifs du stupre font défaut. Ils s’appuient sur le principe général du droit : Scienti et consentienti non fit injuria. En outre, disent-ils, les parents ne sont gardiens de l’intégrité corporelle de leur enfant que d’une façon subsidiaire. La jeune fille est seule directement responsable de sa personne : or, elle accepte volontairement sa défloration, par conséquent, elle ne subit pas d’injure. Quant aux dissensions, haines, troubles, inconvénients de tout genre, qui peuvent surgir de cet évènement, ils ripostent que ce sont là des accidents secondaires, qui éclatent dans les familles, même en dehors de cette circonstance.

Saint Thomas soutient néanmoins que, même après consentement de la jeune fille, la fornication commise la première fois avec une vierge est le stupre. La raison qu’il en donne est de nature à faire impression : c’est que par-là, si le séducteur n’épouse pas la personne séduite, en guise de réparation, celle-ci trouvera plus difficilement à se marier. Ensuite, elle pourra se livrer à la débauche, d’où l’éloignait jusque-là une pudeur intacte. Il maintient cette opinion, lors même que le consentement des parents viendrait s’adjoindre à celui de la jeune personne. La dot qui pourrait par suite être assurée à la jeune fille ne compenserait pas la déchéance morale qui en résulterait pour elle. Néanmoins, dans le cas de consentement, la malice morale du stupre n’aurait pas la gravité requise pour obliger les coupables à en faire mention spéciale dans la confession commune.


III. GRAVITE.

Nous avons déjà traité un aspect de la question, quand nous avons démontré que la fornication était intrinsèquement mauvaise. Il reste à déterminer le degré de cette gravité.

1° Parce que la fornication est intrinsèquement mauvaise, les théologiens concluent que le péché de fornication est absolument grave en soi. On sait qu’il y a des péchés graves ex genere suo : ce sont des fautes qui, tout en appartenant à la même espèce, peuvent être tantôt graves, tantôt non, par exemple, les fautes contre la justice.

Mais il y en a qu’on qualifie de graves ex toto genere suo. Ce sont les péchés qui, considérés en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, restent toujours graves : telles sont, entre autres, les fautes de luxure.
19 Or les œuvres de la chair sont manifestes : ce sont l'impudicité, l'impureté,
le libertinage,
20 l'idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les
emportements, les disputes, les dissensions, les sectes,
21 l'envie, [les meurtres], l'ivrognerie, les excès de table, et autres choses
semblables. Je vous préviens, comme je l'ai déjà fait, que ceux qui commettent
de telles choses n'hériteront pas du royaume de Dieu.
Lettre de Saint Paul aux Galates., V, 19-21.

Voir le motif pour lequel ce péché est classé parmi les capitaux, dans l’enseignement catholique. Qu’il soit seulement interne, ou complété par les actes externes, il est flétri par l’Esprit-Saint. Le sixième précepte du décalogue l’interdit sans réserve : Non mœchaberis. Or la doctrine générale comprend, sous ce mot, tous les actes externes de luxure, consommés ou non.

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ou non. S’appuyant sur l’oracle évangélique, le neuvième précepte du décalogue interdit même les pensées volontairement libidineuses. Qui viderit mulierem ad concupiscendam eam, jam mœchatus est eam in corde suo. Matth, V, 28 ; c’était la révélation nouvelle, destinée à corriger l’erreur des juifs charnels, aux yeux de qui les actes externes étaient seuls prohibés.

Mais le péché de fornication est très grave, même devant les lumières de la simple raison.

Plus un précepte est important pour le bien de la communauté, plus sa violation entraîne de conséquences désastreuses. Or, les dispositions providentielles ont réglé l’usage de l’organisme générateur, pour le bien de l’humanité et la propagation de l’espèce. Par conséquent, l’abus des actes et des fonctions de ce genre blesse l’intérêt général.

De là résulte l’outrage fait à Dieu, souverain régulateur et maître de nos corps.
Nescitis quia templum Dei estis : et Spiritus Dei habitat in vobis ? Si quis autem templum Dei violaverit, disperdet eum Deus. . . templum enim Dei sanctum est, quod estis vos. I Cor., III, 16.
Dieu menace d’extermination ceux qui profanent le temple du Seigneur qui est le corps humain. En effet, comme le dit saint Augustin, par cet attentat on provoque Dieu dans son sanctuaire, lorsque par ailleurs il est invulnérable.

Jésus-Christ lui-même se trouve blessé par ces déportements, car nous sommes devenus ses membres ; il est notre tête et nous adhérons à sa personne. Par le péché de luxure, l’homme divorce avec son chef divin pour s’unir à des créatures méprisables. Aussi, avec quelle véhémence l’apôtre met-il en lumière ce point de vue ! Nescitis quoniam cor pora vestra memebra sunt Christi ? Tollens autem memebra Christi, faciam membra meretricis ? Absit ! I Cor., VI, 15. Les commentateurs font remarquer que notre union avec le divin rédempteur reste scellée par le mystère de l’incarnation et couronnée par la sainte Eucharistie, qui nous unit au Seigneur. Le péché d’impureté rompt ce triple lien, dénonce ce contrat si honorable pour l’homme et provoque la répudiation.

Les Pères de l'Eglise considèrent aussi le péché de fornication comme la grande avenue de l’idolâtrie, comme une des sources les plus authentiques de la haine des hommes corrompus contre Dieu et la sainte Eglise. Les âmes dépravées conspirent toujours contre le législateur qui les condamne et contre le gardien du décalogue qui les flétrit. Ils immolent tout à cette animosité. Autant ils adorent l’idole de la volupté, autant ils brûlent d’anéantir les institutions divines qui lui sont opposées. Le culte du dieu infâme, dit Tertullien, ne consiste pas seulement dans l’offrande de vulgaires parfums, mais dans celle de la personne elle-même. Ce n’est plus l’immolation d’une brebis, mais bien celle de l’âme. O homme, tu sacrifies sur son autel ton intelligence ! Tu verses pour lui tes sueurs, tu épuises tes connaissances, tu deviens plus que le prêtre de la volupté ; par ton ardeur, tu en es, à ton tour, la divinité. Colis, non spiritu vilissimi nidoris alicujus, sed tuo proprio : nec anima pecudis impensa, sed anima tua. Illis ingenium tuum immolas : illis sudorem tuum libas, illis prudentiam tuam accendis. Plus es illis quam sacerdos. . . , diligentia tua numen illorum es. De idolatria, c. VI, P. L., t. I, col 668-669.

Enfin, la gravité de ce péché se complète par la souillure qu’il inflige à la personne humaine elle-même. L’apôtre saint Paul s’exprime énergiquement sur ce point : Esca ventri et venter escis. Deus autem hunc et has destruet. Corpus autem non fornicationi, sed Domino ; et Dominus corpori. . . Fugite fornicationem. Omine peccatum quodcumque fecerit homo, extra corpus est ; qui autem fornicatur in corpus suum peccat. I Cor., VI, 13, 18. De fait, lorsque l’homme, [col.608 fin/col.609 début] prévarique sur les autres points, c’est l’âme qui triomphe de l’âme, mais, à l’occasion de la fornication, c’est le corps, la partie matérielle, qui subjugue l’âme, la partie spirituelle. S. Ambroise, In Epist. I ad Cor., VI, 18, P. L., t. XVII, col. 214-215. C’est le renversement de l’ordre providentiel. Aussi, ce péché est la plus humiliante des prévarications. Il trouble l’organisation essentielle des choses, puisqu’il porte obstacle à la régulière éducation des enfants.

De toutes raisons, les moralistes déduisent que la fornication, directement recherchée pour elle-même, est toujours et en toute circonstance faute mortelle. Qu’on commette cette faute comme fin poursuivie à raison de la jouissance, ou comme moyen pour se procurer de l’argent ; qu’elle soit consommée ou non, elle est mortelle ex tote genere ; elle n’admet objectivement ni légèreté de matière, ni possibilité de rester dans les limites d’une faute vénielle, tant qu’on la considère en ses éléments intrinsèques.

2° Si le péché de fornication est toujours mortel, considéré objectivement, il ne peut devenir véniel qu’à raison des dispositions subjectives du coupable : c’est-à-dire par défaut de consentement ou d’advertance.

Ainsi, la présomption d’inadvertance existe pour l’enfant qui n’a pas atteint sa septième année ; lorsqu’il s’agit d’une personne dont l’état mental laisse à désirer, ou qu’il est question d’un acte accompli dans un demi-sommeil ; quand la personne d’une conscience par ailleurs délicate doute avoir eu le sentiment de l’acte grave qu’elle commettait ; si un trouble ou une distraction antécédente lui ont fait perdre le sentiment de la situation ; ou bien, lorsque, après l’évènement, rentrée en possession de ses facultés, elle juge qu’à bon escient elle n’aurait jamais commis un acte pareil. L’imperfection du consentement peut se présumer dans les cas suivants : lorsque, pouvant accomplir l’acte, on s’est refusé nettement à le faire ; si l’on juge sérieusement que l’on n’aurait point commis l’action, si l’on n’eût été ou troublé profondément, ou à moitié endormi ; si l’on doute s’être trouvé en sommeil lorsque les mouvements désordonnés se sont produits.

Le péché de fornication a toujours été considéré comme très grave ; aussi, indépendamment des redoutables menaces de l’Ancien et du Nouveau Testament que nous avons citées, le droit canonique en a fait l’objet de ses sanctions. Nosse debent, talem de perjurio pænitentiam imponi debere, qualem et de adulterio et de fornicatione. Decret., causa XXII, q. I, c. 17. On appliquait au parjure, réputé le crime le plus odieux, la répression de l’adultère et de la fornication. Le droit ecclésiastique n’en trouvait guère de plus rigoureuse.


IV. CONSEQUENCES.

Les péchés de fornication n’entraînent pas seulement l’obligation d’en obtenir le pardon, après aveux circonstanciés. Quelques-uns d’entre eux impliquent des questions de justice, qui nécessitent restitution. Mais nous n’avons à nous occuper ici que de l’obligation de restituer résultant de la défloration d’une jeune personne.

Différentes hypothèses se présentent dans cette circonstance.

1° Si la personne a consenti à la fornication, plusieurs théologiens concluent à la nécessité de la restitution. Ils se placent au point de vue du droit de surveillance du père. Ce droit est outragé par l’acte du coupable ; l’honneur de la famille est compromis et le chef de famille en est responsable. Donc, concluent-ils, une restitution lui est certainement due.
D’autres contestent ce raisonnement. La personne est maîtresse de son corps : si elle consent au péché, son complice ne lui fait pas injure : scienti et volenti non fit injuria. Tout au plus, dans le cas où la faute serait connue et le
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mariage rendu plus difficile, le coupable serait-il tenu à faire des excuses ou à fournir quelque compensation. Car la personne consentante a aussi bien violé le droit paternel que son complice. Or jamais on ne l’a obligée à quelque réparation de ce chef. Pourquoi obliger l’autre ?

Cette dernière solution vaut pour le cas où la faute resterait secrète. Si la faute venait à être divulguée, il faudrait recourir à une nouvelle distinction. Si la divulgation est le fait de la femme, l’homme ne lui doit rien. Nemini fraus patrocinari debet. Si c’est l’homme qui a ainsi dévoilé la femme, en la déshonorant, en entravant un mariage ultérieur, il est tenu en conscience à réparer le mal qu’il a fait. Il en serait dispensé, si elle avait pu néanmoins se marier.

2° Si la jeune fille ou la veuve, réputées honnêtes, ont été violentées malgré leur opposition, le coupable est, indépendamment des condamnations qu’il peut encourir au for externe, obligé de réparer en conscience toutes les conséquences de son attentat. Or, ces conséquences peuvent être ramenées généralement aux points suivants : outrage fait à la personne qui, à défaut d’une autre réparation impossible, est en droit exiger une compensation pécuniaire ; déshonneur de la famille, que le coupable doit réparer par tous les moyens raisonnables ; très grande difficulté de trouver un parti convenable, pour la personne déflorée. Le coupable doit, s’il le peut, doter sa victime ou l’épouser, dans les cas que nous exposerons bientôt.

Les diverses manières dont on peut exercer violence ou dol sur une personne honnête sont les suivants : l’emploi de la force brutale ; la menace de coups, de blessures, de mort ; la pression de crainte révérencielle occasionnée par un supérieur, un tuteur, un personnage à redouter, constituent le cas de violence. Quelques auteurs ont voulu comprendre encore les prières inopportunes : ce qui est difficile à admettre si la personne est déterminée à repousser énergiquement, comme elle le doit, l’assaillant de sa vertu. La fraude ou le dol se réalisent lorsque le séducteur promet de s’arrêter aux actes seulement externes ; lorsqu’il promet une somme d’argent pour doter la victime, et lorsqu’il se présente comme possesseur d’une grande fortune, d’un nom illustre, etc.

Quid juris, si la séduction a été accomplie sous la promesse d’un futur mariage ?
En règle générale, que la promesse ait été réelle ou feinte, le séducteur est tenu d’épouser sa victime. La jurisprudence ecclésiastique et civile est constante sur ce point. En effet, si la promesse était sérieuse, elle devait de droit naturel amener cette obligation, puisque la condition stipulée était réalisée d’un côté. Si la promesse était feinte, le séducteur est obligé à réparer le dommage causé, la déception occasionnée à la personne, par le seul moyen pratique, l’accomplissement de l’engagement pris au sérieux par la femme trompée.

Cette solution, avons-nous dit, s’impose en principe. Néanmoins, bien que l’obligation d’une réparation essentielle demeure toujours, il se présente des cas où elle n’est guère possible par la conclusion du mariage. Les lois de l’équité elles-mêmes s’y opposent parfois.
En effet,
1. Si la femme a commis une nouvelle faute avec un autre, le premier coupable n’est obligé à rien, conformément au vieil adage : frangenti fidem, fides frangantur eidem.

2. Si la femme a induit en erreur son complice, en se prétendant riche, intacte, quand elle ne l’était pas, elle subit par le refus du mariage le châtiment de son mensonge, la loi du talion.

3. L’obligation de réparer n’existe pas non plus si la femme a pu facilement comprendre, par les circonstances, que la promesse ne pouvait être qu’illusoire. Toutefois, si, en réalité, elle ne l’a pas compris, une compensation lui est due.

4. Dans le cas où surgirait [col.610 fin / col.611 début] un empêchement dirimant du mariage, celui-ci deviendrait impossible. Par exemple, si le séducteur venait à contracter mariage avec une autre. La solution changerait si l’empêchement était prohibant ; le coupable devrait en demander dispense, attendu qu’il est obligé de réparer sa faute, en recourant, du moins, aux moyens ordinaires. Il n’est nullement tenu de réparer sa faute par le mariage, malgré sa promesse, si les parents de l’un ou l’autre parti s’y opposent : si, en contractant cette union, il a à redouter des haines, des rixes, de graves dangers. Ce qui est suffisant pour rompre la promesse des fiançailles suffit à dégager de cet engagement d’épouser semblable personne.

Les auteurs ne sont pas d’accord pour décider,si l'homme lié par vœu simple, est tenu d’en demander dispense, pour remplir la promesse matrimoniale faite à une personne séduite. Il lui suffit de réparer le mal qui en résulterait pour cette personne, de la meilleure façon possible. Dans le cas où un enfant serait né de ces relations volontairement consenties, le père doit pourvoir à ses besoins, sinon pendant les trois premières années, du moins après, jusqu’à ce que l’enfant puisse suffire à lui-même. Si la mère ne peut soigner l’enfant même durant le premier triennat, ou bien si elle a été violentée, le coupable est obligé, en conscience, de pourvoir à tous les frais, depuis le premier jour.

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