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La Luxure en Théologie Morale Catholique

article du Dictionnaire de Théologique Catholique

LUXURE. – I. Notion. II. Gravité. III. Espèces. IV. Conséquences. V. Remèdes.

I. NOTION.

La luxure est le péché ou le vice opposé à la chasteté. Voir CHASTETE.
Elle consiste dans l’appétit et l’usage déréglés de la délectation vénérienne ou charnelle,
Noldin, De sexto præcepto et de uso matrimonii, 16e édit., Inspruck, 1920, n° 5.
Le mot appetitus indique les péchés internes, et usus les péchés externes.

Afin de mieux faire comprendre la nature de cette délectation, les théologiens font mention d’autres délectations qui en diffèrent radicalement. Mais, dans l’énumération et la description de cette délectation, ils sont loin d’être unanimes. Pour ne pas se méprendre sur leurs opinions, il faut se rendre bien compte du sens attaché à leurs définitions.

Il nous semble que la meilleure manière de classer les différentes délectations est la suivante.
Partant d’une définition, admise par tous les théologiens, nous entendons par délectation en général : la complaisance et la jouissance qu’éprouve l’appétit dans la présence ou la possession de son bien.

On distingue un double appétit : l’appétit supérieur et l’appétit inférieur.

La délectation qui naît dans l’appétit supérieur de l’âme par la possession ou la présence d’un bien spirituel, s’appelle délectation purement spirituelle.
Quand celle-ci, par suite de son intensité, se déverse sur l’appétit sensitif et se fait sentir dans le corps, on l’appelle délectation spirituelle sensible (spiritualis sensibilis). Tels sont les sentiments de tendresse qu’on éprouve, parfois même physiquement, à aimer Dieu ou un ami auquel on est attaché par une affection toute honnête.

La délectation qui réside directement dans l’appétit sensitif peut être ou bien simplement sensitive, ou bien sensuelle, ou bien charnelle.

La délectation simplement sensitive ou organique est celle qui provient de la perception d’un objet agréable à l’un des sens, objet qui de sa nature n’éveille pas la sensation charnelle. Telle est la jouissance qu’on éprouve à respirer le parfum d’une fleur, à entendre de la belle musique, à contempler un beau paysage, etc. En soi, cette délectation est moralement indifférente.

Par la délectation sensuelle, que certains auteurs appellent sensibilis carnalis, nous entendons celle qui est provoquée par la vue et surtout par l’attouchement d’une personne aimée d’une affection sensible pour sa beauté ou ses charmes. Quoique souvent accompagnée d’une commotion du cœur et du sang, elle n’est cependant pas charnelle, mais elle excite facilement cette dernière. Voilà pourquoi, tout en étant en soi, spéculativement parlant, indifférente, elle est facilement péché à cause de du danger de produire la délectation charnelle déréglée.

La délectation charnelle ou vénérienne, appelée aussi libidineuse, est celle qui se fait sentir dans les organes sexuels,  qui nait de l’ébranlement des organes et des humeurs qui servent à la génération,  et qui est perçue  dans l’accouplement lui-même et dans l’éjaculation, etc.
[ = quæ orta est ex commotione organorum et humorum generationi inservientium, qualisque percipitur in ipsa copula, pollutione, etc.] Cf. Sporer-Bierbaum, Theologia moralis, 2e édit., Rome-Bruges, 1921, n. 28 : La délectation vénérienne  est la délectation propre  à la génération commencée ou consommée.  La commotion  vénérienne   est une modification physique du corps  qui apporte cette délectation. = Delectatio venerea est propria generationis inchoatæ vel perfectæ delectatio. Motus venereus est physica corporis immutatio, quæ delectationem istam affert

La délectation charnelle diffère donc réellement de la délectation dite proprement sensuelle, même de celle qui est accompagnée d’une commotion du cœur et du sang ou d’une simple érection des organes sexuels.

La délectation charnelle n’est péché de luxure que si, comme le dit la définition, elle est déréglée. Or, elle a ce caractère si on la cherche en dehors du mariage ou bien dans le mariage au mépris de ses lois. Nous ne traiterons ici que de la luxure extraconjugale. Pour les péchés d’impureté conjugale voir EPOUX (Devoir des) t. V col. 374.

II. GRAVITE.

Distinction entre fautes de luxure et fautes d’impudicité. – Quand on parle des péchés, contre la chasteté ou la pureté, il faut distinguer entre péchés de luxure proprement dite et péchés contre la pudicité ou la pudeur. Les premiers sont ceux qui impliquent la délectation charnelle déréglée et tout ce qu’elle renferme ; y sont donc comprises la pollution et la copula. Les péchés contre la pudicité sont ceux qui n’impliquent pas la délectation charnelle, mais qui y exposent et souvent la provoquent : L’impudicité signifie en gros  l’application volontaire des facultés aux choses  qui mènent à la jouissance charnelle.  Ces facultés sont au nombre de quatre :  le cœur,  la bouche,  les yeux,  et le toucher  qui se rapporte aux baisers et aux étreintes. Impudicita generatim dicitur voluntaria occupatio potentiarum circa provocantia ad libidinem, et quadruplex distingui potest scil. cordis, oris, aspectus, tactus quo spectant oscula et amplexus. Sporer-Bierbaum, op. cit., tr. I, n. 373, 9.

Les péchés d’impudicité, comme nous le verrons plus loin, ne sont pas nécessairement des péchés mortels ; ils admettent la légèreté de matière. Les actes contre la pudicité, de leur nature, ne sont pas mauvais en eux-mêmes.

Gravité des fautes de luxure. Elles n’admettent pas de légèreté de matière. – Les actes de luxure proprement dite sont intrinsèquement mauvais, ils sont des péchés graves ex toto genere suo =  Ils sont des péchés graves de leur nature. » (ex toto genere suo est un vocabulaire technique de théologie morale), et n’admettent pas de légèreté de matière. S’il est établi que la délectation charnelle extraconjugale n’admet pas de légèreté de matière, on comprendra facilement que la pollution et la copula, en dehors du mariage, sont aussi toujours des péchés graves.

1. Unanimité des théologiens sur ce point. – Ainsi il est hors de doute, et tous les théologiens l’enseignent, que provoquer directement ou accepter librement la délectation charnelle en dehors du mariage est un acte intrinsèquement mauvais. Car c’est agir contre l’ordre de la nature, puisque cette délectation a pour seul but d’accompagner et de favoriser l’acte de la génération, acte licite uniquement dans le mariage.

La même unanimité des théologiens, il est vrai, n’a pas toujours existé par rapport à la gravité de ce péché. Quelques théologiens des XVIe et XVIIe siècles, comme Caramuel, Theologia moralis fundamentalis, l. II, c. VI, fundamentum 58 ; Commentaris in regul. S. Benedicti, disp. LXIX et LXX ; Jean Sanchez, Selectæ disputationes, disp. XXI, n. 19, enseignent qu’il peut y avoir légèreté de matière dans la délectation charnelle. Cf. De Cardenas, Crisis theologiæ bipartitæ, tr. V, De castitate, disp. LXV. Thomas Sanchez, De matrimonio, l. IX, disp. LXVI, n. 9, ne partageait pas cette opinion ; mais il la révoqua dans son Opus morale, l. V, c. VI, n. 12 ; dans la nouvelle édition du traité De matrimonio, loc. cit., publiée à Lyon en 1654, donc quarante-quatre ans après sa mort, nous lisons : Tout bien considéré,  et après avoir soupesé toutes les raisons alléguées,  nous jugeons qu’il faut tenir comme très certain  qu’il n’est pas possible de trouver de la légèreté de matière  dans la délectation vénérienne. = Re bene considerata rationibusque perpensis, tanquam certissimu tenendum judicamus, nullam reperiri parvitatem materiæ in delectatione venerae.

Mais le plus grand nombre des anciens et tous les théologiens modernes s’accordent à dire que cette délectation directement voulue ou acceptée n’admet pas de légèreté de matière, au moins pratiquement parlant ; l’accord disparaît toutefois quand il s’agit d’en donner les motifs.

Quelques-uns raisonnent de la manière suivante : toute délectation charnelle, qu’elle soit intense ou légère, a son origine dans la commotio seminis, de sorte que toute délectation, même légère, est déjà un commencement de pollution, pollutio inchoata. Or, comme la pollution volontaire est de sa nature péché grave, il s’ensuit que la pollutio inchoata est également péché grave. – Billuart, Tract. de temperantia, diss. V, de luxuria, a. 2, entre autres n’admet pas ce raisonnement, et à juste titre. Il est certain que les impubères et les vieillards qui n’ont pas de semen peuvent néanmoins exciter la délectation charnelle. Elle se produit donc, dans ce cas, sans qu’il y ait un ébranlement ou une commotion  de la semence = commotion seminis, et, par le fait même, elle ne peut pas être une pollution commencée = pollutio inchoata. Puis, comme le fait remarquer Vermeersch, op. cit., n. 352, ce commencement, cette inchoatio [inchoata :  commencée, inchoatio : commencement] peut être éloignée ou prochaine, accentuée ou modique. De quel droit étend-on la gravité de l’acte consommé à tout commencement de cet acte, même quand ce commencement n’est qu’éloigné ou léger ?

Un grand nombre de théologiens, tels que Lehmkuhl, Noldin, proposent en substance l’argument suivant : tout ce qui expose l’homme au danger prochain de pécher gravement est péché mortel. Or, la délectation charnelle, directement recherchée ou librement acceptée, même si elle n’est que légère, expose l’homme à ce danger, car, une fois librement recherchée ou acceptée, elle entraîne naturellement et nécessairement à la délectation complète, dont la gravité est admise par tous les théologiens. – Présenté de la sorte, l’argument ne semble pas non plus absolument probant. Il n’est pas universellement vrai que tout ce qui implique un danger prochain de péché grave soit péché grave ; ainsi tel attouchement, par exemple, peut créer un danger prochain de délectation charnelle complète, et peut n’être pas péché dans le concret, comme nous le verrons plus loin. On fera remarquer peut-être que les auteurs, qui donnent l’argument en question, supposent que l’acte ou l’objet dont ils parlent dans la majeure est au moins véniellement mauvais en soi, et non indifférent comme un attouchement. Il faudra donc, pour que la preuve soit convaincante, donner à l’argument la forme suivante : c’est un péché grave que de vouloir directement une chose mauvaise en elle-même qui implique de sa nature un danger prochain de péché grave. Or, la délectation charnelle directement voulue ou acceptée est mauvaise en elle-même, puisqu’elle est contre l’ordre établi, et elle contient essentiellement ce danger prochain ; car, une fois voulue ou acceptée, elle entraîne naturellement et, pour ainsi dire, irrésistiblement l’homme jusqu’à la délectation complète.

La majeure, telle que nous la donnons, est inattaquable et échappe à l’objection faite ci-dessus. En effet dès que l’acte ou l’objet est mauvais en soi, ne fût-il qu péché véniel, on ne peut plus recourir au principe du volontaire indirect, et, puisqu’il contient le danger de péché grave, cet acte ou cet objet sont aussi gravement coupables. Vermeersch, op. cit., n. 353, ne reconnaît pas, cependant, la solidité de cet argument. Il est d’avis que le danger de la délectation complète n’est pas la raison décisive qui exclut la légèreté de matière dans la délectation charnelle. Voici son raisonnement :
Tout acte vénérien en tant que tel  est directement ordonné à l’union conjugale  ou à l’acte légitime parfait.  Sa préparation initiale est naturelle.  Cet ordre est  supprimé par  toute délectation vénérienne hors mariage recherchée ou admise  délibérément.  Tout acte contraire à l’ordre  entraîne une faute grave, quand cet ordre est essentiel. »   Pour lui l’intensité de la délectation n’entre pas en ligne de compte  dans l’appréciation de la gravité de la délectation, car, dit-il : «   La considération de la quantité ou de l’intensité a son utilité  lorsque,  en raison du peu d’intensité,  la qualité elle-même de l’action se trouve affectée  de façon à ce que une action  qui aurait été en soi contraire à l’ordre ne pèche que contre son intégrité, c’est-à-dire qu’elle ne viole qu’accidentellement un ordre naturel.  Dans tout recours aux   plaisirs vénériens hors du mariage  est incluse cette inversion de l’ordre naturel  par laquelle  un acte propre à l’espèce est posé comme s’il ne relevait que de l’individu,  et la raison est dévoyée par la passion  au point de violer la subordination  que l’homme doit à l’espèce en tant que partie de cette espèce.

Latin : Quilibet motus venereus, qua talis, ad copulam conjugalem seu ad actum perfectum legitimum, ordinem habet essentialem : est naturale ejus initium præparatio. Omni autem deliberate quæsita aut admissa delectatione venerea extra matrimonium ordo iste tollitur ; atque in solum bonum individuale, contra relationem ad speciem, delectatio venerea quæritur vel acceptatur. Omnis autem actus contra ordinem inducit gravem reatum, quando ordo iste essentialis est. Pour lui l’intensité de la délectation n’entre pas en ligne de compte dans l’appréciation de la gravité de la délectation, car, dit-il : Quantitatis consideratio tunc utilis est, quando, propter modicam qauntitatem seu intensitatem, ipsa actionis qualitas ita mitatur ut actio quæ contra substantiam ordinis fuisset jam non sit nisi contra ejus integritatem, seu ordinem essentialem accidentaliter tantum violet… In quolibet autem usu venereorum extra matrimonium, continetur ea inversio ordinis essentialis qua actus speciei quasi opus singularis hominis exercetur, et ratio passione abripitur ad violandam subordinationem qua homo ut pars sepciei sub specie constitutus est.

2. Décisions ecclésiastiques. – A l’appui de la doctrine qui nie la légèreté de matière dans la délectation charnelle, les auteurs invoquent d’ordinaire l’ordre donné par les papes Clément VIII et Paul V de dénoncer à l’inquisition ceux qui prétendent que le baiser donné, l’embrassement et l’attouchement faits en vue de la délectation charnelle ne sont pas péchés mortels. Plus souvent encore on cite la proposition condamnée, au moins comme scandaleuse, par Alexandre VII en 1666 : C’est une opinion probable celle qui taxe de péché véniel  le baiser  donné en vue  d’une délectation charnelle et sensible  provenant du baiser lui-même,  s’il n’existe pas de danger  de consentement ultérieur  et d’union charnelle – Denzinger-Bannwart, n. 1140.

Latin : Est probabilis opinio, quæ dicit, esse tantum veniale osculum habitum ob delectationem carnalem et sensibilem, quæ ex osculo oritur, secluso periculo consensus ulterioris et pollutionis. – Denzinger-Bannwart, n. 1140.

L’ordre donné par Clément VIII et Paul V et la condamnation portée par Alexandre VII équivalent-ils à une réelle réprobation de la thèse qui affirme la légèreté de matière dans la delectatio carnalis ? Il semble que non. Une proposition est condamnable dès qu’elle contient une seule erreur. Or, dans la proposition condamnée, on ne distingue pas entre délectation forte et légère, et il est certainement faux de dire qu’il est probable que toute délectation, même une forte délectation, n’est que péché véniel. Pour la même raison, Clément VIII et Paul V pouvaient émettre l’ordre mentionné ci-dessus. En outre, il faut noter que, dans cette proposition, il n’est question que de la délectation recherchée, et qu’il n’y est pas fait mention de la délectation simplement acceptée.

On doit rappeler ici que le P. Aquaviva, général de la Compagnie de Jésus, avait déjà publié en 1612 le décret suivant :
Parce que l’opinion de certains de nos membres  selon laquelle  une délectation vénérienne légère délibérément recherchée est exempte  de tout péché mortel en raison de la légèreté de la matière,  peut apporter un grand obstacle non seulement  au renom de notre compagnie mais aussi à la pureté des mœurs..…Et à cause du grand péril qui en provient,  et de l’impossibilité morale de distinguer  concrètement dans une chose si lubrique entre le léger et le grave,  les docteurs les plus graves de notre société avec qui nous avons communiqué  ont jugé cette opinion fausse dans la pratique,  hautement dangereuse,  et grandement contraire à la pureté.   Après mûre réflexion,  nous sommes venus à la conclusion devant Dieu  qu’il fallait interdire  à quelque membre de notre société que ce soit  de l’enseigner à l’avenir,  pour aucune considération,   en privé ou en public,  comme une doctrine vraie  ou probable  ou simplement tolérable,  ou de montrer qu’on s’y complait,  ou de s’en inspirer  dans les conseils donnés aux âmes.  Cette décision,  nous l’imposons à tous  en vertu de la sainte obéissance,  et sous peine d’excommunication,  de privation d’enseignement,  de voix active ou passive,  d’incapacité à exercer une charge quelconque,  et sous la menace d’autres peines  que nous infligerons de notre propre mouvement.   Que ceux qui soutiennent cette opinion sachent  qu’ils ne seront pas admis à la profession. La neuvième congrégation générale de la Compagnie a étendu cette défense à la délectation librement acceptée. Cf. Cardenas, Crisis theol. bipartitæ, tract. V, disp. XLV, c. I.

Latin : Quia nonnullorum opinio, qui docent etiam in re venerea exiguam aliquam delectationem deliberate quæsitam propter levitatem materiæ excusari a peccato mortali, plurimum obesse posset non solum bonæ Societatis existimationi, sed etiam puritati morum… Et quia propter periculum in quod inducit, ac moralem impossibilitatem distinguendi practice in re tam lubrica levem a gravi, a doctis admodum gravibusque Societatis patribus, cum quibus negotium hoc communicavimus, in praxi omino falsa, maxime periculosa, ac puritati valde contraria judicatur ; re mature considerata, statuendum in Domino duximus, ne quis in Societate in posterum vel publice, vel privatim, non modo ut veram, vel ut probabilem, sed ne ut tolerabilem quidem, ulla ratione eam doceat, aut placere sibi significet, aut secundum illam consilium cuiquam det. Quod omnibus in virtute sanctæ obedientæ præcepimus, et sub pœna excommunicationis, ac privationis lecturæ, vocis activæ et passivæ, necnon etiam inhabilitatis ad quælibet officia, ac aliis pœnis arbitrio nostro infligendis ; et ad professionem tales intelligant, se minime esse admitendos. La neuvième congrégation générale de la Compagnie a étendu cette défense à la délectation librement acceptée. Cf. Cardenas, Crisis theol. bipartitæ, tract. V, disp. XLV, c. I.

Au sujet du décret du P. Aquaviva, les réviseurs romains de la Compagnie ont donné en 1659, au nom du P. général Nickel, aux Pères de la province franco-belge la réponse suivante :
Un homme savant  qui s’accuse de péchés vénériens  qu’il considère,  sans vouloir changer d’idée, comme véniels,  en raison de la légèreté de la matière,  peut et doit recevoir l’absolution de son confesseur,  en dépit du décret ».

Vir doctus qui se accusat de venereis tamquam de peccatis sua opinione (quam non vult deserere) solum venialibus ob levitatem materiæ (non obstant decreto) a confessario Societatis absolvi potest et debet.

Le P. Platel, S. J., qui relate cette réponse, ajoute : Compte tenu de la probabilité à tout le moins extrinsèque  résultant du jugement de différents théologiens,  et du consentement tacite de l’Eglise,  il a raison. Synopsis cursus theol., part. II, c. XIII, § 5, n. 252.
Supposita probabilitate saltem extrinseca, quantum variorum doctorum judicio, Ecclesia non improbante, possidet. Synopsis cursus theol., part. II, c. XIII, § 5, n. 252.

Quoi qu’il en soit des raisons spéculatives qu’on invoque comme preuves que la délectation charnelle, directement voulue ou librement acceptée, est péché grave ex toto genere suo, il est certain que pratiquement il ne peut y avoir parvitas materiæ dans cette délectation. Sporer-Bierbaum, op. cit., tr. IX, n. 690. Et, comme le fait remarquer Lehmkuhl, Theol. moralis, 11e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. I, n. 1208, cette doctrine est si universellement adoptée, que la probabilité extrinsèque fondée sur l’opinion contraire de certains anciens théologiens ne peut plus être invoquée.

Traduction d'expressions latines
Parvitas materiae : légèreté de la matière.
Ex parte objecti :  de la part de l’objet.
Ex parte subjecti :  de la part du sujet.
Ex parte cognitionis vel consensus : du point de vue de la connaissance ou du consentement.
 

Deux remarques restent encore à faire pour être complet :

a) Du fait que la délectation charnelle directement voulue ou librement acceptée ne comporte pas de légèreté de matière, il s’ensuit que tout acte, mauvais ou non, posé dans l’intention d’exciter cette délectation, même légère, est péché mortel, par suite de l’intention gravement coupable. –

b) Quoiqu’il n’y ait pas de légèreté ex parte objecti, il peut bien y en avoir ex parte subjecti, c’est-à-dire ex parte cognitionis vel consensus. Le défaut de consentement peut provenir non seulement des défauts de connaissance ou d’advertance, mais encore, dans certains cas, de la véhémence spontanée de la passion avec une surexcitation du système nerveux telle que celui qui en est affecté est entraîné comme nécessairement à l’acte coupable en soi. Par là, nous n’entendons aucunement exempter de toute responsabilité dans leurs actes tous ceux qui, par suite d’une tare héréditaire, ou d’une vie déréglée, ou pour toute autre cause, sont atteints d’hyperesthésie ou de perversité sexuelle. Ils peuvent et doivent lutter contre leurs tendances perverses ; la lutte persévérante et les moyens, surtout surnaturels, les aideront à triompher des tentations. Cf. Gemelli, Non mœchaberis, disquisitiones medicæ in usum confessariorum, 6e édit., Milan, s. d., c. III, § 4, p. 123 sq.

Jusqu’ici, il n’a été question que de la délectation directement voulue ou acceptée. – Que faut-il penser de délectation voulue indirectement (in causa), c’est-à-dire de celle qui résulte, præter intentionem, d’un autre acte librement posé ? Cette délectation comporte une légèreté de matière, elle peut même n’être aucun péché. Ici il faut appliquer les principes du volontaire indirect : a) Elle n’est pas coupable si, en dehors de la délectation, il résulte de l’acte qui la provoque un bon effet qui en découle au moins aussi immédiatement que la délectation. De plus, celle-ci ne doit pas être voulue par la volonté, et il faut une raison proportionnellement suffisant pour poser l’acte. Plus l’influence qu’exerce cet acte sur la délectation est grande et directe, plus la délectation est forte, plus surtout le danger de consentement à la délectation est grand, plus aussi il faut de raisons pour poser l’acte. – b) Si les raisons ne sont pas suffisantes, il y a péché plus ou moins grave à poser cet acte, selon que la disproportion est plus ou moins accentuée entre les raisons d’une part, l’influence de l’acte, l’intensité de la délectation et le danger du consentement d’autre part. –

c) Il y a péché mortel à poser sans aucune raison valable un acte qui par lui-même, directement  et manifestement [per se et proxime ac notabiliter] excite la délectation charnelle, excepté le cas où l’on sait, par sa propre expérience, qu’on ne ressentira sûrement aucun mouvement charnel. Noldin, op. cit., n. 13.
Par contre, il n’y a que péché véniel à poser un acte qui influe par lui-même [per se],  mais de loin [remote],  ou seulement par accident [per accidens] sur la délectation charnelle. Il est clair qu’il faut encore et surtout, comme nous venons de le dire, tenir compte des réactions personnelles et tout spécialement du danger qu’il peut y avoir de consentir à la délectation.

Les théologiens, en partant de la délectation indirectement voulue, disent : la délectation vénérienne, indirectement voulue ou voulu, non pas elle même, mais voulu à travers ce qui cause la délectation vénérienne (on ne veut pas le plaisir lui-même, mais on veut une réalité, une chose, un état qui va ensuite donner accès ou causer le plaisir), cette délectation vénérienne voulue indirectement est un péché dans la mesure où cette cause ou cette occasion entre dans le genre de la luxure [delectatio venerea indirecte seu in causa volita tantum est peccatum quantum est ipsa causa in genere luxuriæ.]

Cette formule dit identiquement ce que nous venons d’établir.
Car un péché rentre dans la catégorie luxure [in genere luxuriæ]en tant qu’il influe de sa nature sur la délectation charnelle. L’action qui, de par sa nature, influe fortement est péché grave, si on la pose sans raisons suffisantes, et celle qui en elle-même [ per se] n’influe que légèrement n’est que péché véniel en matière de luxe [dans le genre de la luxure, in genere luxuriæ], tout en étant peut-être péché mortel pour d’autres motifs.
Exemple : l'alcool et la masturbation :
Quelqu'un qui se saoule en sachant très bien que l'ébriété entrainera la masturbation, fait que son action de se saouler, qui en elle-même peut rester péché véniel [si la personne garde la faculté de discerner entre le bien et le mal et garde le pouvoir de faire le bien] devient péché mortel à cause de la masturbation dont elle devient la cause. Pour une autre personne, l'ébriété modérée ne sera que péché véniel parce qu'elle ne cause pas de péché mortel de luxure. Noldin, op. cit., n. 12.

[Si quis se inebrians prævidet pollutionem in ebrietate secuturam, inebriatio in se est grave peccatum, ratione luxuriæ autem leve, quia leviter tantum in eam influit.]Noldin, op. cit., n. 12.

3. Affirmations de l’Ecriture. – Ces principes fondamentaux sont des principes de la loi naturelle ; comme tels, ils obligent tout homme, et lui font un strict devoir d’éviter les péchés de luxure.

Les Saintes Ecritures font ressortir davantage la malice de ces péchés.

Saint Paul les place expressément parmi ceux qui excluent du royaume des cieux. Manifesta sunt opera carnis, quæ sunt fornicatio, immunditia, luxuria… Qui talia agunt, regnum Dei non consequentur. Gal., V, 19 sq. – Omnis fornicator aut immundus… Non habet hæreditatem in regno Christi et Dei. Eph., V, 5. – Nolite errare, neque fornicarii… Neque adulteri, neque molles (???????), neque masculorum concubitores regnum Dei possidebunt. I Cor., VI, 9 sq. L’Apôtre, il est vrai, ne désigne pas nommément tous les péchés de luxure ; mais, quoi qu’il n’en spécifie que quelques-uns, sa pensée comprend tous les autres, il parle des opera carnis en général.

Saint Pierre n’enseigne pas moins clairement la gravité du péché d’impureté : Novit Dominus… Iniquos… In diem judicii reservare cruciandos ; magis autem eos qui post carnem in concupiscentia immunditiæ ambulant. II Petr., II, 9 sq. ; cf. Apoc., XXII, 15.
 

Chez les chrétiens, ce péché, " qu’on ne devrait pas nommer parmi eux ", Eph., V, 3, revêt un caractère spécial de profanation. Par le baptême ils sont devenus les temples du Saint-Esprit et les membres du Christ, I Cor., VI, 13-15, rachetés par son sang. I Petr., I, 19. En souillant leur corps par l’impureté, ils se rendent coupables d’une profanation, d’autant plus exécrable qu’ils ont été élevés à une dignité plus haute et une union plus étroite avec la sainte Trinité. Tollens ergo membra Christi faciam membra meretricis ? Absit. An nescitis quoniam qui adhæret meretrici unum corpus efficitur ? I Cor., VI, 15. Non enim vocavit nos Deus in immunditiam, sed in sanctificationem. I Thess., IV, 7.

4. Les Pères de l'Eglise.

L’enseignement patristique sur cette matière est en partie le commentaire développé des passages précités. On pourrait aisément multiplier les citations. Contentons-nous de celles-ci, qui sont pour ainsi dire classiques.

Saint Jean Chrysostome commentant le texte de saint Paul, I Cor., VI, 15, écrit : " Si votre corps n’est pas à vous, vous n’avez pas le droit de déshonorer ce corps, qui ne vous appartient pas, et qui surtout est le corps du Seigneur ; vous n’avez pas le droit de souiller le temple du Saint-Esprit. " In Iam ad Cor., hom. XVIII, P. G., t. LXI, col. 147 ; cf. hom. XI, ibid., col. 87 sq. –
 

Saint Jérôme, In Epist. ad Gal., l. III, c. V, ibid., col. 519 sq.

Saint Augustin, Ces actions charnelles que nous commettons  sont des idoles que nous devons mettre en pièces.   Ces mêmes membres de notre corps  doivent être convertis  à de meilleurs usages,  de sorte que comme ils  se sont faits les serviteurs de l’impudicité,  ils se mettent au service de la gratuité de la charité. Serm., CLXIII, P. L., t. XXXVIII, col. 890 ; cf. Serm., CLXII, col. 885 sq.

Ista (opera carnis) in nobis, tanquam idola frangenda sunt. In usus meliores vertenda sunt ipsa corporis nostri membra, ut quæ serviebant immunditiæ cupiditatis, serviant gratiæ caritatis. Serm., CLXIII, P. L., t. XXXVIII, col. 890 ; cf. Serm., CLXII, col. 885 sq.

Saint Grégoire de Nysse : " C’est une maîtresse cruelle et terrible que la luxure, Crudelis enim domina ac rabiosa luxuria est. " P. G., t. LXIV, col. 363.
Cf. Sermon sur ce sujet :  Celui qui fornique pèche contre sa propre personne, t. LXVI, col. 490 sq. Latin : Oratio in illud : qui fornicatur in proprium peccat.

Saint Grégoire le Grand : Dieu a fortement en haine  les souillures  provenant de la luxure, latin : Luxuriæ inquinamenta Deo valde odibilia sunt. In I Reg., l. VI, P. L., t. LXXIX, col. 408 ; et encore : Le crime de la luxure dévore tout et conduit à la perdition.  Et il détruit toutes les vertus.  Lib. Moralium, l. XXI, c. XII, t. LXXVI, col. 201. Latin : Luxuriæ crimen usque ad perditionem vorat, omnesque virtutes destruit.

Voir aussi Cassien,
De cœnobiorum institutis, l. VI,
De spiritu fornicationis, P. L., t. XLIX, col. 265 sq. ;
Collationes, coll. V,
De octo principalibus vitiis, P. L., t. XLIX, col. 609 sq.
 

Morale chrétienne et morale indépendante. – On voit par là quelle différence radicale existe entre la morale chrétienne et la morale dite indépendante.

Les représentants de cette dernière se partagent en deux groupes principaux. Les uns, par rapport à la chasteté, admettent plus ou moins les principes de la saine raison, mais, faisant abstraction de Dieu et de la religion, ils les fondent uniquement sur l’honnêteté naturelle. Que pareille morale soit impuissante à maintenir la vie sexuelle dans les bornes fixées par Dieu, auteur de la nature, on ne saurait en douter. L’expérience quotidienne en fait foi.

Les autres, matérialistes plus ou moins prononcés, nient qu’il y ait une moralité proprement sexuelle. Tout, d’après eux, " se ramène en cette matière soit à des règles d’hygiène, rendues morales indirectement par les principes de tempérance et de dignité, soit à l’application entre les hommes et les femmes des règles générales de sincérité et de bienveillance, soit enfin au respect provisoire des lois existantes, lors même qu’on travaille à en obtenir le changement. " André Lalende, Essai de catéchisme moral. Cette doctrine, qui révolte la saine raison, trouve indirectement sa réfutation dans notre exposé des principes chrétiens.

Nous ne nous attarderons pas à discuter la doctrine exposée par Freud et qui a eu la vogue que l’on sait. D’après lui, toutes les névroses proprement dites sont, sans exception, d’origine sexuelle. Pour Freud, la sexualité confisque à peu près toute la vie affective. La libido est à l’origine de la religion et de la morale. Voir Ch. Blondel, La psychanalyse, Paris, 1924 ; Gemelli, op. cit., p. 29 sq.
 


III. ESPECES. – Les péchés contre la pureté se divisent en péchés externes ou internes. Les péchés externes sont ou des péchés consommés ou bien non consommés. Les péchés consommés peuvent se subdiviser en péchés selon la nature, conforme à la nature [juxta naturam] et en péchés contre la nature, péchés contre-nature  [contra naturam].

Péchés consommés.– Ce sont, dit Noldin, op. cit., n. 14, ceux où il y a émission de la semence. [effusio seminis].
Ils sont, dit-il, Les péchés consommés sont selon la nature quand l’émission  de la semence est de soi apte à engendrer un être humain.  Ils sont contre nature quand  l’effusion est inapte à engendre un être humain. [juxta naturam, quanto effusio seminis ex se apta est ad generationem hominis ; ils sont contra naturam, quanto effusio inepta est ad hominis generationem.]

Cette définition est au moins équivoque, puisqu’elle ne peut s’appliquer aux deux sexes, n’y ayant point chez la femme de semen proprement dit. D’ailleurs, comme nous le verrons, la pollution qui est un péché consommé, contre nature, ne tire pas sa malice à proprement parler de la déperdition volontaire du semen, mais bien du fait qu’elle est un usage complet des organes sexuels en dehors du concubitus. Il serait donc plus exact de définir les péchés consommés : usage inordonné complet des membres génitaux. [Inordatus usus completus membrorum genitalium]. Ce péché est conforme à la nature, [juxta naturam], quand la génération peut en suivre ; il est contre-nature, [contra naturam] quand l’usage en est tel qu’il exclut la génération.

1. Les péchés juxta naturam sont la simple fornication et la fornication qualifiée. Celle-ci diffère de la première en ce qu’il s’y joint une circonstance qui aggrave sa culpabilité ou en change l’espèce. Dans cette catégorie rentrent selon saint Thomas, Summ. Theol., IIa-IIæ, q. CLIV, a. 1, l’adultère, l’inceste, le stupre, le rapt et le sacrilège. Cf. Gratien, Decret. caus. XXXVI, q. I, c. 2 ; P. Lombard, IV Sent., dist. XLI. – De la fornication, de l’adultère, de l’inceste, il a été traité dans des articles spéciaux ; pour le stupre, voir FORNICATION, col. 606. Du rapt et du sacrilège charnel il sera question dans des articles ultérieurs. Il nous reste donc à parler des péchés contre nature.

2. Les péchés contre nature sont : la pollution, la sodomie, la bestialité et l’onanisme. Pour l’onanisme, voir EPOUX (Devoir des). – Ces péchés sont spécifiquement distincts. Voilà Pourquoi le pape Alexandre VII a condamné la proposition suivante :  L’homosexualité,. la sodomie et la bestialité sont des péchés  d’une même infime espèce.  Il suffit donc de dire en confession  qu’on s’est  procuré une pollution. Denzinger-Bannwart, n. 1124.
[Mollities, sodomia et bestialitas sunt peccata ejusdem speciei infimæ ; ideoque sufficit dicere in confessione, se procurasse pollutionem.]

a) Pollution. – Ce péché tire son nom de l’effet physiologique qu’il produit chez l’homme, c’est-à-dire de l’effusion du sperme impliquant une souillure corporelle. Toutefois, cet effet ne constitue pas, comme nous le verrons, la raison propre de ce péché. On l’appelle encore, sans doute à cause d’un mot mal compris de saint Paul, mollities, terme qui signifie mollesse de volonté et de tempérament, et qui marque le défaut dont sont affectés d’ordinaire ceux qui s’adonnent à ce vice. (Saint Paul, I Cor., VI, 10, attache à ce mot un autre sens, il entend par molles (???????) les eff?minés qui servent de patients aux ????????????.)

Masturbation est un autre terme par lequel on désigne la pollution. On veut le faire dériver de manu stupratio ou manuturbatio, cette dérivation doit indiquer la manière dont ce péché se commet d’ordinaire. Enfin, pour des raisons qu’on devine facilement, on appelle encore la pollution péché ou onanisme solitaire.

Saint Alphonse de Liguori, l. IV, n. 465, en donne la définition suivante :
La masturbation ou pollution  est la procuration volontaire du flux séminal sans la copulation, soit qu’il soit émis à l’extérieur comme chez les hommes, ou qu’il soit  répandu à l’intérieur, comme chez les femmes.
[Mollities sive pollutio est cum absque congressa seu copula voluntarie procuratur fluxus seminis, sive ut foras effundatur ut in maribus, sive intus diffluat in feminis.]

N’est donc pas compris dans cette définition le fluxus seminis qui se produit d’une manière imperceptible et sans délectation, comme c’est le cas chez ceux qui souffrent de spermatorrhée, ni celui qui se produit pendant le sommeil, sans qu’il soit volontaire d’aucune manière dans sa cause. – Par contre, il faut entendre par voluntarie procuratus non seulement celui qu’on cause soit directement, soit indirectement, mais encore celui auquel la volonté consent quand il se présente sans qu’on l’ait provoqué volontairement. De cette définition, il ressort que saint Alphonse de Liguori, conformément à l’enseignement commun, range dans la même espèce la pollution de la femme et celle de l’homme.

Le péché de pollution, tel qu’il vient d’être défini, est intrinsèquement mauvais ; car il est contraire à la nature. Aussi le pape Innocent XI a condamné, au moins comme scandaleuse et dangereuse pour la pratique, la proposition : La pollution  n’est pas défendue par le droit naturel, car si Dieu ne l’avait pas interdite,  souvent elle serait bonne et parfois obligatoire sous peine de péché.

[Mollities jure naturæ prohibita non est. Unde, si Deus eam non interdixisset, sæpe esset bona et aliquando obligatoria sub gravi.] Denz.-Bannw., n. 1191.

Il n’est donc jamais ni dans aucun cas permis de provoquer directement la pollution, ou de consentir à celle qui se présente spontanément ; librement voulue ou consentie, elle est toujours péché grave. – Les païens eux-mêmes n’ignoraient pas la malice du péché de pollution, au moins chez l’homme. Les vers bien connus de Martial en font foi :
Tu penses que cela n’est rien. C’est un crime, crois-moi,   et tellement énorme qu’à peine peux-tu t’en faire une idée.   Crois-moi, c’est la nature elle-même qui le dit.   Ce que tu perds avec tes doigts,  Pontice, c’est l’homme.
Hoc nihil putas ! Scelus est, mihi crede, sed ingens, Quantum vix animo concipis ipse tuo, Ipsam, crede mihi naturam dicere rerum, Istud quod digitis, Pontice, perdis, homo est.
Epigr., l. IX, 41.

Aussi les théologiens sont-ils unanimes sur ce point, c’est-à-dire la gravité intrinsèque de la pollution directement volontaire. Mais ils ont loin de l’être dans l’exposé des raisons.

Les uns, entre autres, Billuart, Sporer, Elbel, Gury, Ballerini, en trouvent la raison formelle et décisive dans la frutranea seminis effusio. D’après Thom. Sanchez, De matrimonio, l. IX, disp. XVII, n. 15, c’est même là la raison communément admise. L’auteur de l’ouvrage : De l’ovulation spontanée de l’espèce humaine, dans ses rapports avec la théologie morale, par l’abbé A. L., docteur en sciences naturelles, Louvain, 1873, partage cette opinion, et il en tire logiquement la conclusion que chez la femme il ne peut être question de pollution. En effet, si l’on trouve la raison formelle et décisive dans la déperdition volontaire du semen, on ne peut pas parler logiquement de péché de pollution chez la femme ; car l’humeur qui, en cette circonstance, se sécrète chez elle, peut bien être d’une certaine utilité, mais n’est nullement nécessaire pour la fécondation. – Seulement, l’opinion de ces théologiens ne paraît pas fondée. C’était déjà l’avis de Thomas Sanchez qui disait :
Bien que cette raison soit communément admise,  elle ne me plaît pas
Quamvis hæc ratio communis sit, non omnino placet, loc. cit.

Ne signalons que les deux motifs suivants :

a) Le plus grand nombre de théologiens identifient, au point de vue moral, ce qu’on appelle pollution chez la femme avec celle de l’homme ; et cependant, il n’y a pas de déperdition séminale proprement dite.

b) La frustration de l’émission séminale n’est pas toujours et nécessairement  péché.  [La seminis frustranea emissio n’est pas toujours et nécessairement péché]. Aussi est-ce à juste titre que Vermeersch, op. cit., n. 323, écrit :
La nature elle-même  produit la semence sans le consentement de l’homme.  Pourquoi la même chose ne me serait pas permise pour une juste cause comme l’est la maladie ? A la pensée surtout que cette humeur existe en une telle abondance qu’on ne pourra jamais dire que cette partie émise est nécessaire à la génération. Bien plus, une profusion inutile est permise à ces mêmes hommes,  car dans les corps des personnes stériles, la semence n’en est pas moins prodiguée

[Ipsa natura, vel invito homine, semen istud prodigit. Cur ob justam causam v. g. valetudinis, idem mihi non liceret ? Præsertim cum tanta sit istius humoris copia, ut nunquam dici posset : " hæc pars effusa generationi necessaria est. " Immo inutilis profusio ipsis hominibus permittitur. Namque, non minus quam in pollutione, in copulis sterilium personarum semen prodigitur.]

– Il est vrai que pour prévenir cette dernière objection, Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, 3e édit., Prati, 1898-1901, t. II, tr. VI, sect. 6, n. 1027, déclare :  Il ne suffit pas de dire que la semence a été prodiguée pour rien. Cela peut avoir lieu entre conjoints stériles. Ce qui importe c’est que la frustration  provienne d’un acte contraire à la nature humaine.

Latin : Non sufficit quod semen frustra fundatur ; hoc enim habere potest locum inter conjuges aut steriles ; sed oportet ut frustranea sit eo quod est contra ordinem naturæ.

Il faut, continue-t-il, distinguer dans cet ordre deux choses :

1)  il peut arriver que  la fin de la semence qui est d’engendrer des enfants  ne soit pas  obnubilée par un autre ordre plus universel de la nature….
[Finis seminis qui est generatio protis, qui tamen finis secundum alium naturæ ordinem universaliorem fieri potest ut non oblineatur… ]

2) Le moyen institué par la nature pour parvenir à cette fin est l’union de l’homme et de la femme d’une  façon légitime. La raison prescrit que cette union, pour être honnête, se fasse obligatoirement entre époux. Le mariage qui comporte l’obligation et le droit mutuel à l’union conjugale, confère par lui-même aux époux le droit perpétuel à l’union conjugale, tant que la chose sera possible; et même si des causes accidentelles rendaient impossible la génération,  elles n’empêcheraient pas l’exercice de ce droit.
[Medium a natura institutum pro eo fine consequendo, quod est congressus viri et feminæ in vase debito : quem congressum, ut honestus sit, ratio præscribit debere esse inter conjuges… Conjugium, quod est situm in mutuo jure et obligatione ad copulam, confert per se conjugibus perpetuum jus ad copulam, quamdiu haberi potest, et quamvis, propter accidentales causas, generatio sequi non possit, in non impedit exercitium hujus juris.]

On voit que l’auteur, dans cette argumentation, fait abstraction de l’empêchement apporté à la semence de produire son effet [la frustratio seminis] ; sans quoi l’union conjugale  [la copula]ne serait pas permise aux conjoints stériles.
Il ne voit la malice de la pollution que dans le fait que l’effusion du semen provoqué est contre l’ordre de la nature : L’éjaculation, hors mariage, dit-il, est contre nature.[Effusio seminis, dit-il,extra talem congressum est contra naturam].

Mais alors revient la question : pourquoi est-elle, toujours contre-nature en dehors de cette union de l'homme et de la femme [congressus, contra naturam], puisque la privation du semen fécondant [frustratio seminis] n’est pas nécessairement et toujours contre-nature [contra naturam] ? Et pourquoi la pollution volontaire est-elle intrinsèquement mauvaise et toujours péché grave ? Questions auxquelles il s’agissait de répondre.

Voyant l’insuffisance des raisons données par les théologiens dont nous venons de parler, d’autres – et c’est le plus grand nombre – trouvent la malice intrinsèque principalement dans la délectation vénérienne complète qui accompagne la pollution. Telle est, entre autres, l’opinion de Noldin, op. cit., n. 29, Eschbach, Disputationes physiologico-theologicæ, 3e éd., Rome, Paris, disp. V, c. IV, a. 1 ; Thomas Sanchez, De matrimonio, l. IX, disp. XVII, n. 16 ; Salmaticenses, Cursus theol. moralis, tr. XXVI, c. VII, n. 18. Ils s’appuient sur les deux raisons suivantes : procurer directement la pollution, c’est agir contre l’ordre de la nature, puisque c’est détourner indirectement le semen de sa destination naturelle. De plus, la pollution est de sa nature accompagnée de la délectation charnelle. Si donc la pollution n’était pas gravement illicite, il en résulterait un grave dommage pour le genre humain puisque les hommes, se contentant de jouir en cette délectation solitaire, s’abstiendraient trop souvent du mariage avec ses charges. Cf. Noldin, op. cit., n. 34.

Nous convenons volontiers que la pollution est péché grave quand on la provoque voluptatis causa, puisque, comme nous l’avons montré plus haut, la délectation charnelle est intrinsèquement mauvaise et n’admet pas de légèreté de matière. Mais la simple frustratio seminis, nous venons de le voir, n’est pas une raison suffisante pour fonder la malice intrinsèque de la pollution dans tous les cas. D’autre part, si cette malice se trouve, de fait, uniquement dans la délectation qui accompagne la pollution, on ne voit pas comment la pollution diffère spécifiquement de la simple délectation charnelle.

Il semble donc que Vermeersch a raison quand il voit la raison spécifique de la malice grave et intrinsèque de la pollution volontaire dans le fait que celui qui provoque la pollution exerce, pour son bien individuel, un acte qui de sa nature est essentiellement destiné au bien de l’espèce. Autant l’homme que la femme qui se polluent,  exercent en tant qu’individus  un acte qui doit être produit en commun  comme un acte propre à l’espèce.  En violant sa subordination essentielle à l’espèce  pour leur délectation individuelle,  ils vident  l’acte de sa relation essentielle à l’espèce.
Latin : Tam vir quam mullier qui se polluunt, exercent qua SINGULI actum qui communi opera ut actus speciei exercendus erat. Igitur violando essentialem suam subordinationem ad speciem, propter suam individualem delectationem, actum sua essentiali relatione ad speciem privant.

Le consentement librement donné à une pollution fortuite est de même gravement coupable :
Un consentement de cet ordre n’est pas  une pure approbation intellectuelle  d’un fait physiologique,  mais il déclenche la participation de l’esprit.  Ce consentement influe  sur  la délectation  en l’augmentant, et la modifie physiquement.  De telle sorte qu’une pollution corporelle qui n’était que partielle  devient  complète et achevée. Vermeersch, op. cit., th. X.

Latin : Consensus hujusmodi non est mer intellectualis approbatio facti physiologici, sed participationem mentis affert, consensum præbet qui in ipsam commotionem delectabilem, eam augendo, influit, eamque physice mutat ; ita ut pro corporali vel partiali pollutione, jam completam habeas. Vermeersch, op. cit., th. X.

 «  »    Le consentement  librement donné à une pollution fortuite  est de même gravement coupable :  «  »
 
 
 
 
 

Cette preuve trouve un puissant confirmatur dans la considération des graves inconvénients qui en résulteraient pour le genre humain, si la pollution n’était pas gravement illicite : moins de mariages, moins d’enfants dans le mariage, dépérissement physique des adultes avant le mariage, etc., seraient des conséquences désastreuses de ces actes de luxure solitaire. Cf. Vermeersch, op. cit., n. 325. Ce que dit saint Thomas, IIa IIæ , q. CLIII, a. 3, de la luxure en général trouve ici parfaitement son application.  Plus une chose est nécessaire,  plus il importe de conserver à son égard l’ordre de la nature.  Elle est donc plus vicieuse  si  l’ordre de la nature est enfreint.  Les actes vénériens,  comme l’on dit,  sont hautement nécessaires au bien commun, qui est la conservation du genre humain.  Mais,  l’ordre de la raison  doit y être respecté au maximum.
Latin : Quanto aliquid est magis necessarium tanto magis oportet ut circa illud rationis ordo servetur ; unde per consequens magis vitiosum est, si ordo rationis prætermittatur. Usus autem venereorum, sicus dictum est, est valde necessarius ad bonum commune, quod est conservatio humani generis. Et ideo circa hoc maxime attendi debet rationis ordo.

Nous appuyant sur cette raison, nous pouvons en déduire avec Vermeersch, n. 328, les corollaires suivants :

 1-  « La pollution,  du point de vue moral, est correctement définie par  Waffelaert : l’usage complet des membres génitaux en dehors du mariage.   Lehmkuhl  et d’autres sont contre.
1. Recte a Waffelaert, De virtutibus cardinalibus, Bruges, 1889, De temperantia, n. 161, definitur pollutio moraliter considerata : Usus completus membrorum genitalium, extra concubitum.

2- Il n’y a pas de différence spécifique entre la pollution masculine et la pollution féminine.  Lehmkuhl  et d’autres sont contre.
2. Pollutio viri et mullieris specie non differunt. Contra Lehmkuhl et alios.

 3-  Il n’y a pas de différence spécifique entre  la pollution d’un adolescent et d’un vieillard,  de qui est pubère et de qui ne l’est pas,  mais qui est cependant capable de copulation, ou d’un eunuque,  tant qu’il demeure capable de copulation. Noldin et certains autres sont contre.
3. Pollutio juvenis et senis, puberis et impuberis, qui tamen copulæ capax sit, et eunuchi, quamdiu copulæ capax maneat, specie inter se non differunt. Contra Noldin et quosdam alios.

4-  Diffèrent par l’espèce de ces pollutions, les pollutions des enfants et des impuissants dont l’absence d’érection rend incapables de copulation.
4. Ab illis pollutionibus specie differunt pollutiones infantium, impotentium qui, deficiente erectione, copulæ capaces non sunt.

La divergence dans la manière de produire la pollution ne constitue pas une différence spécifique de ce péché. On n’est donc pas obligé de dire en confession comment on l’a provoquée. Il est évident que la pollution commise avec un affectus specialis v. gr. ad fornicationem, ad sodomiam, etc., contracte la malice de cet affectus ; quand elle est produite par des attouchements sur une autre personne qui en a conscience, elle revêt en outre la malice du péché de séduction ou de coopération :
Ainsi définie,  elle diffère  non seulement de la pollution physiologique mais de celle qui a une valeur morale.  Si elle a lieu sans délectation vénérienne,  on ne doit pas en faire de cas. Il n’existe pas non plus d’obligation  de se prémunir contre ce qui la cause.  Mais  si elle s’accompagne d’une délectation,  voulue pour elle-même,  c’est un péché grave,  autant pour la délectation vénérienne elle-même  qu’à cause du  danger d’une pollution à venir.   Indirectement voulue,  c’est un péché ou non  selon  qu’est présente ou absente  une raison proportionnellement importante de poser la cause d’où  provient la délectation. Cf. Noldin, op. cit., n. 40. – Il faut dire la même chose de la pollution indirectement voulue.  Pour ce qui est de la pollution nocturne, on la juge selon qu’elle est volontaire ou involontaire

Latin : Sic dicta a pollutione non solum physiologice sed et moraliter considerata specifice differt. Si fit absque delectatione venerea de ea curandum non est, neque existit obligatio ejus causam cavendi. Si vero cum delectatione contingit, directe volita est peccatum grave tum propter ipsam delectationem veneream tum propter periculum pollutionis secuturæ. Indirecte volita est peccatum aut nullum peccatum prout adest aut non ratio proportionate gravis ponendi causam ex qua fluit distillatio. Cf. Noldin, op. cit., n. 40. – Idem dic de pollutione indirecte volita. De pollutione nocturna judicandum est prout est voluntaria (directe aut indirecte) aut invlountaria.

La pollution volontaire est un péché contre nature ; elle est donc, en tant que péché de luxure, plus grave que la fornication. Néanmoins, celle-ci, prise dans son entité concrète, constitue une faute plus grave parce qu’elle implique le danger de génération illégitime, un péché de complicité, une volonté plus obstinée à trouver et à gagner un complice. Vermeersch, op. cit., n. 342.

b) Sodomie.

La sodomie est de deux sortes :  la sodomie proprement dite, appelée parfaite,  et la sodomie imparfaite ou  improprement dite.  La sodomie parfaite  est l’union libidineuse avec une personne du même sexe que soi [un homme avec un homme, une femme avec une femme].   La sodomie imparfaite est l’union libidineuse avec une personne d’un sexe différent  mais  contraire à la nature.
[Un homme avec une femme mais sans utiliser le vase que la nature a prévu pour que la copulation se réalise] L’union conjugale  n’exprime pas seulement  le simple attouchement  mutuel,  mais une union des corps telle  qu’au moins   un membre génital s’applique  au corps de l’autre.

La sodomie  peut être commise de deux façons,  ou avec  (ou un semblant de)  ou sans effusion de sperme.  La sodomie qui tire son nom du vice des sodomites, en soi et selon la raison,  est un péché de coopération beaucoup plus grave  que la simple pollution.  C’est clair comme le jour.   Ce crime est puni de mort dans le Lévitique,  XX, 13. et il est recensé par l’Apôtre parmi les péchés  qui excluent du royaume des cieux.  1 Cor. V1, 9.  Sa malice spécifique  consiste dans l’accès à un sexe interdit par la loi.  La sodomie parfaite et l’imparfaite diffèrent entre elles par l’espèce.

La sodomie parfaite entre personnes de même sexe  peut être commise de différentes façons.   Mais elle est toujours de la même espèce , soit que l’union se fasse dans l’organe idoine   ou dans une autre partie du corps.

La sodomie imparfaite entre l’homme et la femme ne se commet que d’une façon si l’union a lieu dans l’organe approprié [L'organe inapproprié en soi, mais approprié pour la commition du péché de sodomie : l'anus]. Si l’union a lieu dans une autre partie du corps, on ne commet pas de sodomie,  mais une fornication sentimentale aboutissant à une pollution.    Il est au moins plus probable qu’il importe peu  qu’on soit agent ou patient [actif ou passif, faire à l'autre ou se faire faire par l'autre] : le péché est de même espèce.   Lorsque le péché de sodomie est réservé [= quand seul le Saint Siège ou seul l'évêque peut donner l'absolution pour ce péché],  la réservation,  à moins  qu’un autre sens soit spécifiquement indiqué,  porte sur la sodomie parfaite  et consommée qui est commise entre les mâles  avec une pénétration contre nature  et l’éjaculation. »

Latin :  Sodomia est vel perfecta seu proprie dicta, vel imperfecta seu improprie dicta. Perfecta est libidinosus concubitus cum persona ejusdem sexus. Imperfecta est concubitus libidinosus cum persona diversi sexus, sed in vase innaturali seu præpostero. Concubitus non dicit simplicem tactum mutuum, sed talem corporum conjunctionem ut saltem ex una parte membri genitalis applicatio ad corpus alterius locum habeat. Sodomia duplici modo committi potest, aut cum seminis vel quasi seminis effusione, aut sine seminis effusione. – Sodomiam, quæ a vitio Sodomitarum nomen habet, Gen., XIX, 5, tum in se, tum ratione, cooperationis multo gravius esse peccatum simplici pollutione luce clarius patet. Hoc crimen in Lev., XX, 13, morte punitur, et inter ea peccata recensetur ab Apostolo quæ a regno Dei exclundunt. I Cor., VI, 9. Ejus specifica malitia consistit in accessu ad sexum vel ad vas indebitum. Sodomia perfecta et imperfecta specie ab invicem differunt. Sodomia perfecta inter personas ejusdem sexus diversis modis committi potest ; specifice tamen non differt, sive in vase præpostero sive in alia corporis parte concubitus fit. Sodomia imperfecta inter marem et feminam uno tantum modo committitur, si nempe concubitus fit in vase præpostero. Quodsi concubitus in alia corporis parte locum habet, non committitur sodomia, sed fornicatio in affectu, cum pollutione in effectu. – Nihil refert, saltem probabilius, utrum quis agens vel pateins fuerit ; species peccati eadem est. – Quando sodomiæ peccatum reservatum est, reservatio, nisi aliud expressum sit, intelligitur de sodomia perfecta et consummata, quæ committitur inter mares cum penetratione vasis præposteri et cum seminatione ibidem facta. Noldin, op. cit., n. 43 ; Salmaticenses, tr. XXVI, c. VII, 109.

c) Bestialité.
La bestialité est l’accouplement d’un homme avec une bête.  Peu importe la raison pour laquelle cet accouplement a lieu,   soit dans l’organe ad hoc,  soit dans une autre partie du corps, avec ou sans effusion de sperme,  pourvu qu’il ait lieu.

La malice spécifique de la  bestialité consiste dans l’amour envers une autre espèce.
Entre les péchés de luxure c’est le plus grave,  parce qu’il  déshonore au suprême degré l’homme créé à l’image de Dieu,  et qu’il répugne terriblement à notre nature.  C’est pourquoi,  dans le Lévitique,  XX,19,  en haine de ce crime,  non seulement leur auteur,  homme ou femme,  mais  les animaux eux-mêmes sont condamnés à mort.

La diversité de l’espèce ou du sexe de la bête ne modifie pas la malice  du péché.

Les attouchements  impudiques avec une bête  ne sont des péchés de bestialité   que si  l’impact  de l’attouchement   honteux  porte précisément sur la bête, ce qui arrive rarement, car celui qui pèche ainsi  ne cherche habituellement  qu’à assouvir sa passion.  Pour l’essence canonique du péché,  pour que la bestialité soit classée comme un péché réservé [péché réservé = quand seul le Saint Siège ou seul l'évêque peut donner l'absolution pour ce péché], il n’est pas nécessaire que rien de plus grave ne soit confessé : il faut et il suffit  que l’accouplement ait été consommé. » Vermeersch, op. cit., n. 347.

Latin : Bestialitas est concubitus hominis cum bestia. Nihil refert qua ratione concubitus acciderit, sive in vase naturali sive in alia corporis parte, sive cum seminis effusione sive absqua illa, modo concubitus locum haberit ; specifica enim bestialitatis malitia in affectu ad aliam speciem consistit. Noldin, op. cit., n. 44. – Est garvissimum inter luxuriæ peccata, quia hominem ad Dei imaginem conditum maxime dedecet, et naturæ instituto maxime repugnat. Unde in Lev., XX, 19, in odium tanti sceleris non solum illius auctores, vir aut mulier, sed et ipsa bestia ad mortem damnatur. – Diversitas speciei aut sexus bestiæ malitiam peccati non mutat. – Tactus impudici cum bestia non sunt peccata bestialitis, nisi affectus turpis tangentis præcise in bestiam feratur, id quod raro accidit, cum peccans ordinarie solum libidinem expler intendit. Noldin, op. cit., n. 45. – Ad canonicam peccati essentiam, quando ipsa bestialitas reservatur nec severius quidquam declaratum fuerit, requiritur et sufficit concubitus copulæ consummatæ. Vermeersch, op. cit., n. 347.

Péchés externes non consommés. – Ces péchés sont de deux sortes : les mouvements charnels et les péchés externes contre la pudicité.

1. Mouvements charnels. – On entend par là  des commotions des organes génitaux et des humeurs  présentes dans ces organes accompagnées  de volupté. Latin : commotiones genitalium et humorum in illis organis existentium cum voluptate ( scil. venerea) conjunctæ. Noldin, op. cit., n. 48. De ce qui a été dit touchant la différence entre la délectation charnelle et la délectation sensuelle, même accompagnée d’érection, il ressort que les mouvements charnels diffèrent essentiellement des mouvements sensuels. Les mouvements charnels tirent leur malice de la délectation vénérienne qui les accompagne ou qu’ils produisent. Tout ce qui a été dit plus haut de cette délectation trouve donc aussi son application dans les mouvements charnels. Il n’est jamais permis de les provoquer directement, ou d’y consentir quand ils se présentent spontanément ; le faire serait péché grave, quelques légers qu’ils soient pourvu qu’ils restent charnels. Quant à ceux qui ne sont volontaires que dans leur cause, il faut appliquer les règles, déjà plusieurs fois mentionnées, du volontaire indirect.

Si la volonté n’a pas le droit de consentir à ces mouvements, peut-elle, au moins, rester passive et neutre, ou bien est-elle obligée d’y résister positivement ? Pour répondre à cette question, nous émettons les règles suivantes : a) Si ces mouvements sont involontaires, légers et transitoires, surgissent spontanément ou proviennent d’une cause ignorée, on peut simplement les négliger et passer outre, sans leur opposer une résistance positive, car ces sortes de mouvements sont plus facilement réprimés par le simple mépris. D’ailleurs les causes qui peuvent les provoquer sont multiples et fréquentes. L’obligation de réprimer les moindres mouvements charnels serait trop dure et engendrerait une préoccupation qui, loin de les prévenir, les augmenterait. – b) Pour les autres mouvements charnels, quand il n’y a aucune juste raison pour les tolérer, on ne doit pas rester passif ou neutre ; il faut leur opposer une résistance positive. La raison en est que celui qui peut réprimer ces mouvements et ne le fait pas, est censé y consentir au moins virtuellement. Et puis, il y danger de consentement ou de pollution ; aussi selon que ce danger est plus ou moins grand, il y a péché, plus ou moins grave, à ne pas résister positivement. Le simple fait de ne pas se complaire en ces mouvements n’est pas suffisant. La résistance positive est ou bien directe ou bien indirecte. La première, qui consisterait à réprimer décemment les parties excitées, n’est pas à recommander, car cette pression renforce plutôt les mouvements charnels. Il faut donc recourir à la résistance positive indirecte : changer de position interrompre l’occupation commencée, se créer une douleur physique, etc. (résistance externe) ; penser à autre chose, élever son âme vers Dieu, implorer son secours, etc. (résistance interne). Dans l’emploi des macérations corporelles, notamment de la flagellation, il faut user de discrétion ; en certains cas, on pourrait accentuer les mouvements charnels. – c) quand il y a une juste raison de tolérer ces mouvements, même plus violents, il n’y a pas d’obligation de leur résister positivement, parce que cette raison exclut le consentement indirect et virtuel. On peut alors rester passif, c’est-à-dire ne pas approuver ces mouvements et ne pas chercher non plus à les réprimer ; mais il faut toujours être fermement résolu à ne pas y consentir. Voilà pourquoi on n’est pas obligé de réprimer la pollution involontaire et spontanée commencée soit dans le sommeil, soit à l’état de veille, pourvu qu’on ne consente pas à la délectation : cela d’autant plus qu’il est très difficile de l’arrêter. Noldin, op. cit., n. 34, 50 ; Lehmkuhl, op. cit., n. 1043 ; Capellmann-Bergmann, Pastoral-Medizin, 18e édit., Paderborn, 1920, p. 207 sq. ; cf. Ballerini-Palmieri, op. cit., t. I, tr. IV, c. I, n. 595 sq. ; cf. Alphonse de Liguori, op. cit., l. V, n. 6 sq. ; La Croix, Theologia moralis, Paris, 1866-1867, t. III, l. V, n. 109 sq.

2. Les péchés externes contre la pudicité se réduisent à trois catégories : péchés d’attouchements (baisers, embrassements), de regards et de lectures, péchés de paroles et de chansons. Les moralistes s’étendent d’ordinaire en considérations casuistiques pour délimiter la gravité des péchés qui peuvent se commettre sur ces points. Il n’y a pas lieu de les suivre dans ces détails ; il suffira de fixer les principes fondamentaux, grâce auxquels on pourra toujours s’orienter.

a) Toucher, regarder, parler sont des actes qui en eux-mêmes ne sont pas mauvais, mais indifférents. Cependant, de leur nature, ils excitent facilement, en certaines circonstances, des mouvements charnels et la délectation vénérienne. – b) Posés avec une intention honnête et une raison suffisamment proportionnée ils ne sont pas péchés, même si la délectation charnelle ou la pollution en résulte. – c) Posés par pure sensualité, telle que nous l’avons définie plus haut, par légèreté, par plaisanterie ou par curiosité, ces actes sont péché grave ou léger selon qu’il y a danger prochain ou éloigné de provoquer la délectation charnelle, ou danger d’y consentir ou de faire naître de mauvais désirs. Ce dernier danger surtout doit être pris en considération, il est plus important que celui d’exciter la délectation. – d) Quoique indifférents en eux-mêmes, ces actes, lors même que leur influence sur la délectation est minime, sont péchés mortels s’ils sont posés avec une intention libidineuse ; c’est cette intention qui les rend gravement coupables.

Ces quatre principes valent également pour les attouchements, les regards, la lecture et les paroles. Mais, pour être complet, il faut ajouter deux remarques : a) Au sujet des attouchements et des paroles, il faut, en outre, tenir compte du danger de pécher dans lequel on pousse la personne qu’on touche ou avec laquelle on parle (péché de scandale). Même abstraction faite du scandale, les attouchements que l’on se permet sur son propre corps ne sont pas aussi facilement des péchés que ceux qu’on se permet sur le corps d’une autre personne, parce que le danger de d’exciter la délectation charnelle ou de faire surgir de mauvais désirs est moins grand. – Les paroles et les chansons, prises en elles-mêmes, n’ont d’autre malice que celle des pensées et désirs mauvais qu’elles fomentent.

b) Par l’attouchement on entre plus directement et d’une manière plus concrète en contact avec la personne en cause qu’on ne le fait avec une personne qu’on regarde simplement. Ces attouchements coupables sont spécifiquement distincts selon la différence spécifique des circonstances inhérentes aux personnes touchées. Sont, par conséquent, spécifiquement différents non seulement les attouchements sur une personne du même sexe et ceux sur une personne de sexe différent, mais encore les attouchements sur une personne célibataire et ceux sur une personne mariée, ou consacrée à dieu, etc. : circonstances qu’il faut accuser en confession. – Les regards atteignent leur objet d’une manière plus immédiate et concrète. En regardant, on fait d’ordinaire abstraction des circonstances inhérentes à la personne, à moins que la passion libidineuse ne se porte précisément sur telle personne déterminée. Ici, les circonstances de personne mariée, consacrée à Dieu, etc., ne constituent donc pas en général une différence spécifique ; par conséquent, on n’est pas obligé de les indiquer en confession. Par contre, il faut dire si les regards coupables se sont portés sur une personne de sexe différent ; car on peut bien, dans les regards, faire abstraction des dites circonstances, mais non de la différence du sexe. Noldin, op. cit., n. 53 ; Ballerini-Palmieri, op. cit., tr. VI, sect. VI, n. 973 ; Lacroix, op. cit., l. VI, p. II, n. 1030 ; S. Alphonse, op. cit., l. III, n. 421.

Péchés internes. – Ce sont des péchés de pensée, de délectation morose, de plaisir et de désir.

1. Pensées. – On appelle pensées impures celles qui représentent à l’esprit des objets indécents, c’est-à-dire se rapportant à des choses sexuelles. Ces pensées, même complètement volontaires, ne sont pas mauvaises en elles-mêmes. Mais elles deviennent facilement péché : a) à cause du danger de provoquer des mouvements charnels ou la délectation sexuelle ; b) à cause du danger de se complaire dans la chose mauvaise représentée ou dans les mouvements charnels ; c) enfin et surtout à cause du danger de d’exciter des désirs impurs. A raison de ce triple danger, elles sont péché quand on s’y arrête librement sans raison suffisante, même si, dans le cas concret, elles n’excitent, par exception, aucun mouvement charnel ni aucun mauvais désir. La gravité de ce péché se mesure d’après les règles du volontaire indirect. Comme les pensées ne sont mauvaises qu’en raison du danger auquel elles exposent, la diversité des pensées n’entre pas en ligne de compte. On n’est donc pas tenu d’accuser en confession l’objet des pensées ; il suffit de dire qu’on s’est arrêté volontairement sans raison ou sans raison suffisante à des pensées mauvaises qui impliquaient un danger plus ou moins grand de péché. Si l’on avait pris plaisir à la délectation charnelle ou à la pollution qui s’en seraient suivies, il faudrait aussi déclarer ce plaisir consenti ; car les pensées impures ne sont coupables qu’en raison du danger qu’elles impliquent et auquel on s’expose librement sans raison suffisante. La délectation charnelle et la pollution, par contre, sont mauvaises en elles-mêmes ; y prendre plaisir est donc un nouveau péché.

2. Délectation morose. – Par délectation morose, en général on entend la complaisance volontaire (sans désir) dans un objet (acte ou chose) qu’on se représente en imagination. Voir, pour les principes, l’article spécial, t. IV, col. 245 sq.

Appliquée à notre matière, la délectation morose est une complaisance volontaire de re turpi. Cette délectation, comme toute délectation morose, contracte la gravité et l’espèce de l’objet (res turpis) représenté. Revêt-elle aussi la malice des circonstances de l’objet ? Sur ce point les théologiens ne sont pas d’accord. Sans doute, si la délectation se porte aussi sur les circonstances, elles influent sur la malice du péché ; si elle ne s’y porte pas, elle n’en contracte pas la malice. Or, comme la délectation morose fait abstraction de l’exécution de l’acte mauvais représenté en esprit, elle peut aussi faire abstraction des circonstances de l’objet. Noldin, op. cit., n. 62. Cf. S. Thomas, Sum. Theol., Ia-IIæ , q. LXXIV, a. 8.

3. Le plaisir (gaudium) est la joie volontaire qu’on ressent d’un péché commis par soi-même ou par un autre. Cette joie revêt toute la malice de l’objet avec toutes les circonstances dont on se réjouit. Ceux qui se réjouissent d’un péché commis ne se le représentent pas d’ordinaire avec toutes les circonstances, mais plutôt d’une manière confuse, c’est pourquoi ils n’en contractent pas toute la malice.

4. Le désir est une complaisance dans un acte mauvais qu’on veut (désir efficace) ou qu’on voudrait (désir inefficace) accomplir.

De même que la joie, le désir contracte toute la malice de l’objet avec toutes les circonstances connues. Il est facile d’appliquer les règles sur le désir en général à la matière présente. Inutile d’entrer dans plus de détails, , notamment en ce qui concerne le désir inefficace. Voir DESIR, t. IV, col. 624.

De ce qui vient d’être dit, il est clair qu’autre chose est s’arrêter volontairement, sans motif suffisant, à des pensées impures, autre chose se complaire dans la chose (res turpis : une chose honteuse.) représentée (delectatio morosa:  délectation morose.) et autre chose se complaire dans la délectation charnelle elle-même. Ces trois actes diffèrent spécifiquement. La simple délectation morose, ou complaisance dans une action indécente représentée à l’esprit, diffère, théoriquement parlant, du désir inefficace de cette action. Mais en pratique la simple délectation morose est toujours accompagnée d’un désir inefficace.

Ces distinctions subtiles, et pourtant très réelles, échappent souvent aux simples fidèles. Elles n’affectent donc pas leur conscience. C’est ce que se rappellera le confesseur pour ne pas se perdre en des questions superflues, ou même dangereuses.

Voici quelques indications pratiques. Si les pénitents s’accusent de pensées contre la chasteté, on demandera s’ils s’y sont arrêtés librement et sans raison suffisante. Dans l’affirmative on devra demander s’ils ont eu de mauvais désirs ; sinon il n’est pas nécessaire de demander à quoi ils ont pensé, puisque d’ordinaire ils confondent la mauvaise pensée librement admise avec la complaisance dans la mauvaise chose pensée, et ils ne savent pas que la délectation morose tire sa malice de l’objet représenté. Il suffira donc, le cas échéant, de demander s’ils ont éprouvé des mouvements charnels et s’ils y ont consenti. Si, par contre, ils avouent que ces pensées étaient accompagnées de mauvais désirs, le confesseur devra discrètement s’enquérir de leur objet avec les circonstances, mais ici encore il s’imposera une grande réserve pour ne pas scandaliser les pénitents et leur être inutilement à charge ; cela d’autant plus que souvent les simples fidèles ne distinguent pas entre pensées et désirs. Noldin, op. cit., n. 62
 


IV. CONSEQUENCES.

La luxure est un péché ou plutôt un vice capital, comme le prouve saint Thomas, IIa-IIæ, q. CLIII, a. 4 et 5. A la suite de saint Grégoire le Grand, Moral., l. XXXI, c. XLV, P. L., t. XXXVI, col. 621, il énumère huit filles ou conséquences de ce vice.

Du côté de l’intelligence, c’est d’abord l’aveuglement, cæcitas mentis. L’esprit du luxurieux est affaibli, il ne saisit plus dans toute leur clarté les vérités de la vie morale et chrétienne et, sous l’influence de sa passion, il se laisse parfois entraîner au rejet de la foi. Conséquences. Dès que quelqu’un s’adonne à la luxure,  il se met à dévier de la vraie foi.  Il commet ainsi deux crimes majeurs : dans sa chair,  l’opprobre, et dans son esprit,  le sacrilège. Latin : Ubi cœperit quis luxuriari, incipit deviare a fide vera. Ita duo committit maxima crimina, opprobria carnis et mentis sacrilegia. S. Ambroise, Epist., P. L., t. col. 1182.

Puis viennent la précipitation, l’inconsidération et l’inconstance dans le jugement, car les impressions sensuelles ou charnelles le dominent. On ne prend plus le temps de réfléchir, de délibérer, d’arrêter un jugement fondé ; on n’a pas de but précis dans ses actes, on passe d’un objet à un autre sans pouvoir espérer d’aucun une satisfaction durable.

Du côté de la volonté, c’est l’amour désordonné de soi-même, l'amour de soi : amor sui. Le luxurieux ne connaît que soi-même ; il ne cherche que la satisfaction de sa passion. Il devient froid et indifférent envers ceux qui l’entourent. Même l’amour charnel qu’il procure n’est qu’un égoïsme raffiné. Dieu qui, par sa loi morale, lui interdit les satisfactions coupables de sa passion devient pour lui un objet de dégoût, et même de haine, odium Dei. Ayant noyé dans les plaisirs charnels tout goût pour la vertu et les biens surnaturels, il ne vit que pour les biens et les plaisirs de cette terre, affectus præsenti sæculi, et il n’a que de l’horreur pour une félicité qui veut être acquise par le renoncement, horror futuri sæculi. Prov., V, 2 sq. ; Job, XXXI, 1 sq. ; XXXIV, 26 sq. ; Eccli., XIX, 2 sq. Voilà pourquoi ce vice conduit souvent au désespoir, même au suicide ; voilà aussi pourquoi le démon se réjouit tant de ce péché  : On dit que le démon se réjouit  énormément  du péché de luxure,  parce qu’il crée une dépendance, et parce que l’homme peut difficilement s’en libérer. Somme théologique, Sum. theol., Ia-IIæ, q. LXXIII, a. 5, ad 2um.
Latin : Diabolus dicitur maxime gaudere de peccato luxuriæ, quia est maximæ adhærentiæ et difficile ab eo homo postest eripi.

Les funestes conséquences qu’entraîne ce vice pour la santé, pour la vie familiale et pour la société humaine en général, sont suffisamment connues ; inutile d’y insister. Les prétendus graves inconvénients physiologiques de la continence, que prêchent certains médecins matérialistes et des romanciers lubriques, n’existent que dans leur imagination. Debreyne, Essai sur la théologie morale, considérée dans ses rapports avec la physiologie et la médecine, 5e édit., Paris, 1868, p. 56 sq. ; Gemelli, op. cit., c. III ; Vermeersch, op. cit., n. 41 ; Francotte, De quelques points de morale sexuelle dans ses relations avec la médecine, Louvain, 1907 ; Dr Surbled, La morale dans ses rapports avec la médecine et l’hygiène, 12e édit., Paris, 1922, t. I, p. 49.

On sait que l’Eglise, gardienne de la morale chrétienne, a de tout temps frappé certains crimes de luxure de peines spéciales ; le Code canonique en contient encore aux canons 2354-2359.

V. REMEDES. – Les remèdes à la luxure sont les moyens qui servent à contenir la concupiscence de la chair, et qui aident à triompher des tentations et à cultiver la chasteté.

Nous ne nous arrêterons pas à l’éducation physique et morale de l’enfant, en vue de maintenir l’équilibre et l’harmonie entre les différentes tendances qui font apparition à un certain âge : harmonie qui demande la sujétion de l’instinct sexuel à la domination de la raison et de la volonté.

Que cette éducation comprenne aussi ce qu’on appelle la révélation des mystères de la vie, faite à l’adolescent (garçon ou fille) à l’âge voulu, par une personne discrète et compétente, c’est là une vérité qui semble hors de doute ; mais elle devra toujours se faire individuellement et confidentiellement, et non aux jeunes gens en commun.
Vermeersch, op. cit., n. 168 sq. ;
Gemelli, op. cit., c. IV, p. 139 sq. ;
Dr Capellmann-Bergmann, op. cit., p. 15 sq. ;
F-W. Fœrster, Sexualethik und Sexualpædagogik, 25e-26e mille, Kempten, 1920 ;
Gillet, O. P., Innocence et ignorance, éducation de la pureté, Paris, 1912 ;
Guitton, S. J., De la chasteté, Lyon-Paris, s. d. ;
vicomtesse d’Adhémar, Nouvelle éducation de la femme, Paris, 1898.
 

Ne nous étendons pas, non plus, sur les remèdes pharmaceutiques ou d’hygiène qu’en certains cas d’hyperesthésie on peut employer avec quelque succès sous la direction d’un médecin consciencieux. Cf. Gemelli, op. cit., c. IV et V, p. 139 sq.

Nous considérerons plus spécialement les moyens d’ordre moral. Ceux-ci peuvent se classer en moyens qui font éviter les tentations (moyens préventifs) et moyens qui fortifient la volonté pour la lutte.

Moyens préventifs.

1. Le premier moyen préventif consiste à bannir de son esprit toute pensée ou toute représentation impure. Puisqu’il est impossible  que ne pénètre pas dans les sens  la chaleur innée des humeurs,  celui-là mérite des louanges,  celui-là est proclamé bienheureux  qui,  dès que surgissent des images malsaines,  tue immédiatement ses pensées  et se réfugie vers la pierre qu’est le Christ. Saint Jérôme, Epist., XXII, ad Eustochium, n. 6, P. L., t. XXII, col. 398.
latin : Quia enim impossible est in sensum hominis non irruere innatum medularum calorem, ille laudautur, ille prædicatur beatus, qui ut cœperit cogitare sordida, statim interficit cogitatus et allidit ad petram : petra autem Christus est.

Cf. Cassien, De cænobiorum institutis, l. VI, c. II, P. L., t. XLIX, col. 269 ;
et Collationes, coll. V, c. IV, ibid., col. 611 sq.
 

2. Non moins importante est la fuite des occasions dangereuses. Telles sont :

    Les regards indiscrets sur des personnes de sexe différent. Eccli, IX, 8-11 ; XXIII, 4.

    Les conversations et relations superflues et familières avec ces personnes. II Reg., XI, 2 sq. ; Job, XXXI, 1 ; Prov., VI, 27 ; Eccli., XLII, 12. – S. Ambroise, Expos. in psalm. CXVIII, serm., XVI, n. 37, P. L., t. XV, col. 1423 ; S. augustin, Epist., CCXI, n. 10, P. L., t. XXXIII, col. 961 ; S. Grégoire le Grand, Moral., l. XXI, c. II, P. L., t. LXXVI, col. 189 ; Cassien, De cænobiorum institutis, l. VI, c. XII-XIII, P. L., t. XLIX, col. 282 sq.

    Les danses et spectacles dangereux, les lectures frivoles ou obscènes, la vue d’images et de statues indécentes. S. Clément d’Alexandrie, Pædagog., l. III, c. XI, P. G., t. VIII, col. 626 sq. ; S. Jean Chrysostome, Expos. in psalm. CXIII, 4, P. G., t. LV, col. 310 ; S. Augustin, Confessiones, l. I, c. XVI, P. L., t. XXXII ;

3. le troisième moyen est la fuite de l’oisiveté. Eccli., XXXIII, 29. On connaît la recommandation de saint Jérôme : « Livre-toi toujours à quelque travail pour que le démon te trouve occupé. »    latin : Facito aliquid operis, ut te semper diabolus inveniat occupatum. Epist., CXXV, ad Rusticum, n. 11, P. L., t. XXII, col. 1078.

Le danger de l’oisiveté n’a pas échappé à Ovide  même, Remedia amoris :

« Si tu enlevais le loisir,  l’arc de Cupidon périrait;
les torches méprisées gisent sans lumière par terre »
Otia si tollis, periret Cupidinus arcus,
Contemptæque jacent, et sine luce, faces.
Moyens fortifiant la volonté.

1. Il faut mentionner, en premier lieu, la sobriété et la tempérance. Celui qui pratique une saine tempérance dans le boire et le manger s’évite bien des tentations charnelles. (Sine Cerere et Libero friget Venus), et il apprend en même temps à maîtriser les convoitises de la chair. Rom. XIII, 14 ; Ephés., V, 18 ; Tertullien, De jejunio, c. I, P. L., t. II, col. 954 sq. ; S. Grégoire le Grand, Regul. Pastor., part. III, c. XIX, P. L., t. LXXVII, col. 81 sq. ; Cassien, Collationes, coll. V, c. X, P. L., t. XLIX, col. 524.

2. La volonté se fortifiera tout spécialement par la pratique persévérante du renoncement et de la mortification des sens. Elle saura rester ferme au moment de fortes tentations.

3. L’humilité est le fondement de toutes les vertus, mais surtout de la chasteté. Si l’esprit par sa superbe se récolte contre Dieu, il est tout naturel que la chair se révolte contre l’esprit.
Voir :
Rom., I, 26. – Per humilitatis custodiam servanda est munditia castitatis.
S. Grégoire le Grand, Moral., l. XXVI, c. XVII, P. L., t. LXXVI, col. 364 ;
Cassien, De cœnobiorum institutis, l. VI, c. VIII, P. L., t. XLIX, col. 288.

4. Un moyen absolument nécessaire, c’est la prière confiante et persévérante.
S. Augustin, Confessiones, l. VI, c. XI, P. L., t. XXXII, col. 728 sq. ;
Cassien, De cœnobiorum institutis, l. VI, c. VI, P. L., t. XLIX, col. 272.
Une source toute spécialement abondante de grâces et de forces se trouvera dans la réception des sacrements de pénitence et d’eucharistie, Catechismus romanus, part. III, c. VII, q. 4-7.

S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. CLIII et CLIV ; De malo, q. XV ;
Cajetan, Commentarii in Sum. S. Thomæ, Anvers, 1567, t. II, q. CLIII et CLIV ;
Fr. Sylvius, Commentarii in Sum. S. Thomæ, Douai, 1628, t. II, q. CLIII et CLIV ;
Thom. Sanchez, De matrimonio, Lyon, 1621, l. IX, disp. XVII, XLV et XLVI ;
du même, Opus morale in præcepta decalogi, Venise, 1623-1625, tit. I, c. II, n. 17-25 ; tit. II, c. VI, n. 12 ;
Lessius, De justitia et jure cæterisque virtutibus cardinalibus, Anvers, 1612, l. IV, c. III ; Salmaticenses, Cursus theol. moralis, Venise, 1734, tr. XXVI, et Cursus theologicus, Paris-Bruxelles, 1877, t. VIII, disp. X, n. 25 sq. ;
Billuart, Cursus theologiæ, t. XIII, Wurzbourg, 1858, Tract. de temperantia et virtutibus illi annexis, diss. V, de luxuria ;
Lupellus, Tractatus de castitate, 2 vol., Paris, 1858 ;
Noldin, De sexto præcepto et de usu matrimonii, 16e édit., Inspruck, 1920 ;
A. Vermeersch, De castitate et de vitiis contrariis, 2e édit., Rome-Bruges, 1921 ;
Eschbach, Disputationes physiologico-theologicæ, 3e édit., Rome-Paris, s. d., disp. V, De colenda castitate in cœlibatu ;
Alberti, De sexto et nono præcepto et usu matrimoni, 2e édit., Rome, 1914 ;
Van Roey, Quæstio specialis de sexto decalogi præcepto, Rimini, 1906 ;
Waffelaert, De virtutibus cardinalibus, Bruges, 1889, l. III, De temperantia ;
Debreyne, Essai sur la théologie morale considérée dans ses rapports avec la physiologie et la médecine, 5e édit., Paris, 1868 ;
Gemelli, Non mœchaberis, Disquisitiones medicæ in usum confessariorum, 5e édit., Milan, s. d. ; Antonelli, Medicina Pastoralis in usum confessarorium et curiarum ecclesiasticarum, 4e édit., Rome, 1920 ;
Capellmann-Bergmann, Pastoral-Medizin, 18e édit., Paderborn, 1920 ;
Sporer-Bierbaum, Theologia moralis, Paderborn, 1901-1905, t. I, n. 373 sq. ; t. III, n. 568 sq. ;
La Croix, Theologia moralis, Paris, 1866-1867, t. II, n. 886 sq. ; t. III, n. 77 sq. ;
S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis (édit. Gaudé), Rome, 1905-1912, t. I, n. 412 sq. ; Lehmkuhl, Theologia moralis, 11e édit., Fribourg-en-B., t. I, n. 1025 sq. ;
Gury-Ballerini, 5e édit., Rome, 1878, t. I, n. 410 sq. ;
Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, 3e édit., Prati, 1898-1901, n. 959 sq. ;
Génicot, Theologiæ moralis insitutiones, 5e édit., Louvain, 1905, t. I, tr. VI, sect. VI ; Marc-Gestermann, Institutiones morales Alphonsianæ, 17e édit., Lyon-Paris, 1922, t. I, p. II, sect. II, tr. VI ;
Prummer, Manuale theologiæ moralis, Fribourg-en-B., 1915, t. I, n. 680 sq. ;
Berardi, Praxis confessriorum, Faenza, 1879, n. 261 sq.

J. ADLOFF.

Les traductions des passages latins sont une oeuvre de l'esprit réalisée par le site JesusMarie.com, elles sont placées sous lience creative commons. Paris, le 11 novembre 2009.

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