Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 8 : Du ministre de la confession
Nous
devons ensuite nous occuper du ministre de la confession. A ce sujet sept
questions se présentent : 1° Est-il nécessaire de se confesser à un prêtre ? (Les
vaudois et les wiclefistes ont prétendu que tout
laïque en état de grâce pouvait entendre les confessions et absoudre, et Luther
a aussi avancé que tout fidèle, même les femmes, était ministre de la
confession. Ces erreurs, condamnées dans les conciles de Florence et de
Constance, l’ont encore été par le concile de Trente en ces termes (sess. 14,
can. 10) : Si quis
dixerit, non solos sacerdotes
esse ministros absolutos, sed omnibus et singuli Christum fidelibus esse dictum : Quæcumbe ligaveritis, etc., quæcumque solveritis, etc., quorum verborum
virtute quilibet absolvere possit peccata, etc. ; anathema sit.) — 2° En certains cas est-il permis de se
confesser à d’autres qu’aux prêtres ? — 3° Hors le cas de nécessité peut-on
sans être prêtre entendre la confession des péchés véniels ? — 4° Est-il
nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre ? (Par le propre prêtre on entend celui qui a charge d’âmes, ou l’autorité
ordinaire sur celui dont il est le propre prêtre, comme les curés dans leur paroisse,
les évêques dans leur diocèse et le pape dans l’Eglise entière.) — 5° Peut-on
se confesser à un autre qu’à son propre prêtre d’après un privilège ou une
permission d’un supérieur ? — 6° Un pénitent qui est à l’extrémité peut-il être
absous par tout prêtre ? (Le concile de Trente s’exprime sur cette question
absolument de la même manière que saint Thomas : Ne hâc ipsâ occasione aliquispereat, in eadem Ecclesia Dei custoditum semper fuit, ut nulla sit reservatio in articulo mortuis ; atque ideo omnes
sacerdotes quolibet pœnitentes
à quibusvis peccatis et censuris absolvere possunt (sess. 14, chap. 7).) — 7° La peine temporelle
doit-elle être déterminée selon l’étendue de la faute ? (Le Rituel romain
s’exprime ainsi au sujet de la pénitence que le prêtre doit imposer : Confessarius salutarem et convenientem satisfactionem, quantùm spiritus et prudentia suggesserit injunget, habitâ ratione statûs, conditionis, sexûs et ætatis. Le concile de Trente veut aussi que la
pénitence soit proportionnée à la qualité des péchés et à la faculté des
pénitents (sess. 14, chap. 8).)
Article
1 : Est-il nécessaire de se confesser à un prêtre ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire de se confesser à un prêtre. Car
nous ne sommes obligés à la confession que d’après l’institution divine. Or,
l’institution divine nous est promulguée dans ces paroles de saint Jacques (5,
16) : Confessez l’un à l’autre vos péchés,
où il n’est pas fait mention du prêtre. Il n’est donc pas nécessaire de se
confesser à un prêtre.
Réponse
à l’objection N°1 : Saint Jacques présuppose l’institution divine, et parce que
l’institution divine avait préalablement établi qu’on devait faire sa
confession aux prêtres, par là même que c’était à eux qu’on avait donné dans la
personne des apôtres le pouvoir de remettre les péchés comme on le voit (Jean,
chap. 20), il s’ensuit qu’on doit entendre par là que saint Jacques a averti
que l’on devait se confesser aux prêtres.
Objection
N°2. La pénitence est un sacrement nécessaire comme le baptême. Or, dans le
baptême tout homme est ministre, parce que ce sacrement est nécessaire. Il en
est donc ainsi de même pour la pénitence, et, comme on doit se confesser au
ministre de la pénitence, il s’ensuit qu’il suffit de se confesser à un
individu quel qu’il soit.
Réponse
à l’objection N°2 : Le baptême est un sacrement plus nécessaire que la
pénitence quant à la confession et à l’absolution ; parce que quelquefois on ne
peut pas omettre le baptême sans danger pour le salut éternel, comme on le voit
dans les enfants qui n’ont pas l’usage de raison ; mais il n’en est pas de même
de la confession et de l’absolution qui n’appartiennent qu’aux adultes, dans
lesquels la contrition avec le dessein de se confesser et le désir de
l’absolution suffit pour les délivrer de la mort éternelle. C’est pourquoi il
n’y a pas de parité entre le baptême et la confession.
Objection
N°3. La confession est nécessaire pour qu’on détermine au pénitent la manière
dont il doit satisfaire. Or, quelquefois celui qui n’est pas prêtre pourrait
indiquer au pénitent la manière de satisfaire plus sagement que beaucoup de
prêtres. Il n’est donc pas nécessaire que la confession soit faite à un prêtre.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans la satisfaction non seulement il faut considérer
l’étendue de la peine, mais encore sa vertu selon qu’elle est une partie d’un
sacrement. A cet égard elle exige un dispensateur des sacrements ; quoique
l’étendue de la peine puisse aussi être déterminée par un autre que par un
prêtre.
Objection
N°4. La confession a été établie dans l’Eglise pour que les chefs connussent
mieux la face de leur troupeau. Or, quelquefois un chef ou un supérieur n’est
pas prêtre. La confession ne doit donc pas toujours être faite à un prêtre.
Réponse
à l’objection N°4 : Il est nécessaire de connaître le visage du troupeau pour
deux fins : 1° pour les ranger sous la direction du Christ ; cette connaissance
du visage du troupeau appartient à la vigilance et à la sollicitude pastorale
dont sont quelquefois chargés ceux qui ne sont pas prêtres. 2° Pour lui donner
les remèdes qui conviennent à son salut. Il appartient ainsi de connaître le
visage du troupeau à celui qui doit donner le remède du salut, c’est-à-dire le
sacrement de l’eucharistie, et les autres sacrements de cette nature ; par
conséquent cela appartient au prêtre. Et c’est pour donner cette connaissance
du troupeau que la confession est établie (Marin a pensé à tort que la faculté
de confesser avait été autrefois accordée aux diacres. Voyez la réfutation de
cette opinion dans Billuart (dissert.
6, art. 1).).
Mais
c’est le contraire. L’absolution du pénitent qui est le motif pour lequel il se
confesse n’est donnée que par les prêtres auxquels les clefs ont été confiées.
La confession doit donc être faite à un prêtre.
La
confession est figurée par la résurrection de Lazare. Or, le Seigneur n’a
commandé qu’à ses disciples de le délivrer, comme on le voit (Jean, chap. 11).
On doit donc se confesser aux prêtres.
Conclusion
Puisqu’il n’y a que le prêtre qui exerce un ministère sur le vrai corps du
Christ, on ne doit faire qu’à lui la confession sacramentelle.
Il
faut répondre que la grâce qui est accordée dans les sacrements descend du chef
dans les membres. C’est pourquoi les sacrements dans lesquels la grâce se
confère n’ont pour ministre que celui dont le ministère s’étend sur le vrai
corps du Christ ; ce qui n’appartient qu’au prêtre qui a le pouvoir de
consacrer l’eucharistie. C’est pourquoi comme la grâce est conférée dans le
sacrement de la pénitence, il n’y a que le prêtre qui soit ministre de ce
sacrement. C’est pour cela qu’on ne doit faire qu’à
lui la confession sacramentelle qui doit être faite à un ministre de l’Eglise.
Article
2 : Est-il permis en certains cas de se confesser à d’autres qu’à des prêtres ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit permis en aucun cas de se confesser à d’autres
qu’à des prêtres. Car la confession est une accusation sacramentelle, comme on
le voit d’après la définition que nous en avons donnée (quest.,
préc., art. 1). Or, la dispensation d’un sacrement
n’appartient qu’à celui qui en est le ministre. Par conséquent, puisque le
prêtre est le ministre propre du sacrement de pénitence, il semble qu’on ne
doive faire sa confession aucun autre.
Réponse
à l’objection N°1 : Dans le sacrement de pénitence non seulement il y a quelque
chose de la part du ministre, comme l’absolution et la satisfaction qu’il
enjoint ; mais il y a aussi quelque chose de la part de celui reçoit le
sacrement et qui est aussi de l’essence du sacrement, comme la contrition et la
confession. La satisfaction commence à venir du ministre, selon qu’il enjoint,
et elle procède du pénitent selon qu’il la remplit. Ces deux choses doivent
concourir à la plénitude du sacrement, quand cela est possible. Mais quand la
nécessité presse, le pénitent doit faire ce qui le regarde, c’est-à-dire
s’exciter à la contrition et se confesser à qui il peut. Quoique celui-ci ne
puisse pas compléter le sacrement et faire ce qui appartient au prêtre,
c’est-à-dire donner l’absolution (Quelqu’un qui n’est pas prêtre ne pourrait
donner l’absolution sans commettre un sacrilège et sans encourir
l’irrégularité.), le prêtre souverain supplée à ce défaut. Ainsi la confession
faite à un laïque à défaut de prêtre est sacramentelle d’une certaine manière
(Cette expression et ce que dit saint Thomas, en observation qu’il manque à
cette confession, pour être sacramentelle, ce qui vient du prêtre : quod est ex parte sacerdotis
; ce qu’il dit plus loin dans sa réponse au troisième argument et dans un de
ses opuscules (Op. 5), ainsi que la
proposition générale qu’il établit dans l’article précédent, toutes ces choses
prouvent qu’il ne regardait pas cette confession comme sacramentelle. Il ne lui
donne ce nom que parce qu’elle se faisait à l’imitation de la confession sacramentelle,
ou parce qu’elle était accompagnée du désir de recevoir le sacrement.), quoique
le sacrement ne soit pas parfait parce qu’il manque de ce qui se rapporte au
prêtre.
Objection
N°2. Dans tout jugement la confession se rapporte à la sentence. Or, au for
contentieux une sentence qui n’a pas été portée par le juge est nulle ; c’est
pourquoi on ne doit faire d’aveu qu’à lui. Or, au for de la conscience il n’y a
de juge que le prêtre qui a le pouvoir de lier et de délier. On ne doit donc
pas se confesser à un autre.
Réponse
à l’objection N°2 : Quoique un laïque ne soit pas le juge de celui qui se
confesse à lui, cependant, en raison de la nécessité, il reçoit absolument le
droit de le juger, selon que celui qui se confesse se soumet à lui à défaut de
prêtre.
Objection
N°3. Dans le baptême tout le monde peut baptiser ; et si un laïque baptise,
même sans nécessité, le prêtre ne doit pas réitérer le baptême. Or, si on
confesse à un laïque dans le cas de nécessité, on est tenu de se confesser de
nouveau à un prêtre, si on échappe à la nécessité. On ne doit donc pas se
confesser à un laïque dans le cas de nécessité.
Réponse
à l’objection N°3 : L’homme doit être réconcilié par les sacrements, non
seulement avec Dieu, mais encore avec l’Eglise. Mais il ne peut être réconcilié
avec l’Eglise qu’autant que la sanctification de l’Eglise parvient jusqu’à lui.
Or, dans le baptême, la sanctification de l’Eglise parvient à l’homme au moyen
de l’élément extérieur qu’on emploie, et qui est sanctifié par la parole de vie
selon la forme de l’Eglise, peu importe à qui il soit donné. C’est pour cela
que du moment que quelqu’un a été baptisé une fois par un individu quel qu’il
soit, il n’est pas nécessaire qu’il soit baptisé de nouveau. Mais dans la
pénitence la sanctification de l’Eglise ne parvient à l’homme que par le
ministre, parce que là on n’emploie pas d’élément corporel extérieur qui
confère la grâce invisible d’après sa sanctification. C’est pour cela que,
quoique celui qui s’est confessé à un laïque dans le cas de nécessité , ait
obtenu de Dieu son pardon (Il ne peut l’avoir obtenu dans ce cas qu’au moyen de
la contrition parfaite, qui ne dispense pas de se confesser à un prêtre
aussitôt qu’on en a l’occasion, mais qui implique au contraire l’intention de
le faire.), parce qu’il a rempli comme il a pu le dessein qu’il a conçu de se
confesser selon l’ordre de Dieu, cependant il n’est pas encore réconcilié avec
l’Eglise de manière à être admis à ses sacrements, s’il n’est absous auparavant
par le prêtre ; comme on n’admet pas à l’eucharistie celui qui n’est baptisé
que par le baptême de vœu. C’est pourquoi il faut qu’on se confesse de nouveau
au prêtre lorsqu’on peut en avoir les moyens, et surtout parce que, comme nous
l’avons dit (Réponse N°1), le sacrement de pénitence n’a pas été parfait. Il
faut donc qu’on le complète pour qu’on obtienne de la réception de ce sacrement
un effet plus abondant, et pour qu’on remplisse le précepte qui nous fait un
devoir de recevoir ce sacrement.
Mais
c’est le contraire qui est décidé (liv. 4 Sent.,
dist. 17).
Conclusion
On ne peut confesser ses péchés à un autre qu’à un prêtre que dans le cas de
nécessité.
Il
faut répondre que comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi
la pénitence. Mais le baptême qui est un sacrement nécessaire a deux sortes de
ministres : l’un qui est tenu par sa charge de l’administrer, et c’est le
prêtre ; l’autre qui n’est chargé de le dispenser qu’en raison de la nécessité.
De même le prêtre est aussi le ministre de la pénitence à qui l’on doit se
confesser par devoir ; mais, dans le cas de nécessité, un laïque peut aussi
remplacer le prêtre de manière qu’on puisse confesser à lui (Avant saint Thomas
et de son temps cet usage est en vigueur. Mais actuellement il n’existe plus,
et les théologiens pensent qu’il est avantageux qu’il soit aboli, parce que
cette espèce de confession n’est nullement de précepte, qu’elle paraîtrait
favoriser l’erreur des hérétiques, qui prétendent que tout fidèle est ministre
du sacrement, et qu’il n’est pas d’ailleurs avantageux de faire connaître hors
du sacrement des fautes graves et secrètes.).
Article
3 : Hors le cas de nécessité peut-on, sans être prêtre, entendre la confession
des péchés véniels ?
Objection
N°1. Il semble que hors le cas de nécessité on ne puisse pas, si l’on n’est pas
prêtre, entendre la confession des péchés véniels. Car on confie à un laïque la
dispensation d’un sacrement en raison de la nécessité. Or, la confession des
péchés véniels n’est pas de nécessité. Elle n’est donc pas confiée à un laïque.
Objection
N°2. L’extrême-onction est établie contre les péchés véniels comme la
pénitence. Or, elle ne peut être conférée par un laïque, comme on le voit (Jacq., chap. 5). On ne peut donc pas non
plus lui faire la confession de ses péchés véniels.
Réponse
à l’objection N°2 : L’extrême-onction n’est pas établie directement contre les
péchés véniels, pas plus qu’un autre sacrement.
Mais
le contraire est dit par Bède sur ces paroles de saint Jacques Confitemini alter utrum (Sent. 4, dist. 17).
Conclusion
Il n’est pas nécessaire de confier ses péchés véniels à un prêtre, puisqu’ils
sont remis lorsqu’on les confesse à un laïque, qu’on se frappe la poitrine ou
par l’aspersion de l’eau bénite.
Il
faut répondre que par le péché véniel, l’homme n’est séparé ni de Dieu, ni du
sacrement de l’Eglise. C’est pourquoi on n’a pas besoin de recevoir une grâce
nouvelle pour obtenir le pardon de ses fautes, et il n’est pas nécessaire qu’on
soit réconcilié avec l’Eglise. C’est ce qui fait qu’on n’est pas obligé de
confesser les péchés véniels à un prêtre. Et parce que la confession faite à un
laïque a quelque chose de sacramentel, quoiqu’elle ne soit pas un sacrement
parfait, et parce qu’elle provient de la charité (Cette espèce de confession
étant inspirée par l’humilité et la détestation des péchés, elle avait, comme
tous les sacramentaux, la vertu de remettre les péchés véniels. Mais tous les
théologiens disent qu’il est mieux de s’abstenir de cette espèce de confession,
quoiqu’on puisse demander conseil à un laïque au sujet de ses fautes ou de
certains péchés mortels.), on peut obtenir par ce moyen la rémission des fautes
vénielles, comme on peut obtenir par ce moyen la rémission des fautes
vénielles, comme on l’obtient en se frappant la poitrine et par l’aspersion de
l’eau bénite.
La
solution à la première objection est par là même évidente ; parce que, pour la
rémission des péchés véniels, il n’est pas nécessaire qu’on reçoive le
sacrement, mais il suffit de quelque chose de sacramentel, comme l’eau bénite
ou quelque autre moyen semblable.
Article
4 : Est-il nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire qu’on se confesse à son propre
prêtre. Car saint Grégoire dit (hab., chap. Ex
auctoritate, 16, quest. 1) : D’après notre
autorité apostolique et le devoir de la piété, nous avons établi qu’il était
permis aux prêtres qui sont religieux et qui mènent la vie des apôtres de
prêcher, de baptiser, de donner la communion, de prier pour les pécheurs, d’imposer
une pénitence et de délier les péchés. Or, les moines ne sont pas les propres
prêtres de quelqu’un, puisqu’ils n’ont pas charge d’âmes. Par conséquent,
puisqu’on se confesse pour recevoir l’absolution, il suffit de s’adresser à
tout prêtre quel qu’il soit.
Réponse
à l’objection N°1 : Saint Grégoire parle des religieux qui ont juridiction,
comme ceux auxquels on a confié le soin d’une paroisse, parce qu’il y en avait
qui disaient que par là même qu’ils étaient moines, ils ne pouvaient absoudre
et enjoindre des pénitences ; ce qui est faux.
Objection
N°2. Comme le prêtre est ministre de ce sacrement, de même il est aussi
ministre de l’eucharistie. Or, tout prêtre peut consacrer et par conséquent
tout prêtre peut administrer le sacrement de pénitence. Il ne faut donc pas
qu’on fasse sa confession à son propre prêtre.
Réponse
à l’objection N°2 : Le sacrement de l’Eucharistie ne demande pas qu’on ait
autorité sur quelqu’un ; tandis qu’il en est autrement de la pénitence, comme
nous venons de le dire (dans le corps de l’article.). C’est pourquoi cette
raison n’est pas concluante. Cependant il n’est pas permis de recevoir
l’eucharistie (Ceci s’entend de la communion pascale.) d’un autre que de son
propre prêtre, quoique ce sacrement reçu d’un autre soit véritable.
Objection
N°3. La chose à laquelle nous sommes tenus d’une manière déterminée n’est pas
soumise à notre choix. Or, nous avons le droit de choisir un prêtre discret,
comme on le voit par le témoignage de saint Augustin (al. auct., liv. 4, dist. 17).
Car il dit (Lib. de vera
et falsa pœnit., chap. 10 à med.) : Que celui qui veut confesser ses péchés pour
trouver grâce cherche un prêtre qui sache lier et délier. Il semble donc qu’il
ne soit pas nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre.
Réponse
à l’objection N°3 : Nous n’avons pas le droit de faire choix d’un prêtre
discret, comme si nous pouvions le choisir d’après notre volonté, mais nous ne
devons faire ce choix qu’avec la permission d’un supérieur, dans le cas où
notre propre prêtre paraîtrait moins apte à appliquer le remède salutaire à nos
péchés.
Objection
N°4. Il y en a qui, comme le pape et les prélats, ne paraissent pas avoir de
propre prêtre, puisqu’ils n’ont pas de supérieur. Ils sont cependant tenus à se
confesser. On n’est donc pas toujours tenus à se confesser à son propre prêtre.
Réponse
à l’objection N°4 : Les prélats ayant la charge de dispenser les sacrements qui
ne doivent être conférés que par ceux qui sont purs, le droit leur a accordé
pour ce motif (chap. Ne pro dilatione, De pœnit. et remis.) le pouvoir de se choisir
pour confesseurs leurs propres prêtres qui à cet égard leur sont supérieurs ;
comme un médecin est soigné par un autre, non comme médecin, mais comme malade.
Objection
N°5. Ce qui a été établi pour la charité ne combat pas contre cette vertu,
comme le dit saint Bernard (in tract. De præcepto et dispens., chap. 11, à med.). Or, la confession qui a été établie pour la charité
combattrait contre elle, si on était obligé de ne se confesser qu’à un seul
prêtre ; comme par exemple, dans le cas où un pécheur saurait que son prêtre
est hérétique, qu’il sollicite au mal ou qu’il a du penchant pour le péché
qu’on lui confesse, ou dans le cas où il croirait avec probabilité qu’il révèle
la confession, ou que le péché dont il doit se confesser a été commis contre
lui. Il semble donc qu’il ne faille pas toujours se confesser à son propre
prêtre.
Réponse
à l’objection N°5 : Dans les cas où le pénitent craint avec probabilité un
danger pour lui ou pour le prêtre d’après la confession qui lui serait faite,
il doit recourir au supérieur ou demander au prêtre lui-même la permission de
se confesser à un autre. S’il ne pouvait obtenir cette permission, il devrait
se considérer comme celui qui n’a pas la faculté d’avoir un prêtre ; par
conséquent, il devrait plutôt choisir un laïque pour se confesser à lui (Il
devrait plutôt passer outre et s’adresser néanmoins à un autre prêtre qui
pourrait, dans ce cas, présupposer la permission de l’ordinaire, s’il ne
pouvait la demander directement, et l’absoudre.). Il ne transgresserait pas en
cela le précepte de l’Eglise ; parce que les préceptes de droit positif ne
s’étendent pas au-delà de l’intention de leur auteur ; cette intention est la
fin du précepte, et la fin du précepte est la charité, d’après l’Apôtre (1 Tim., chap.
1). On ne fait pas non plus injure au prêtre qui mérite de perdre son
privilège, parce qu’il abuse du pouvoir qui lui a été accordé.
Objection
N°6. A l’égard de ce qui est nécessaire au salut, les hommes ne doivent pas
être trop resserrés, dans la crainte qu’ils ne soient détournés de la bonne
voie. Or, il semble que ce soit bien de rétrécir le chemin, si l’on est
absolument obligé de ne se confesser qu’à un seul homme. Car, par là il y en a
beaucoup qui pourraient être éloignés de la confession, soit par crainte, soit
par honte, soir par quelque autre motif semblable. Puisque la confession est
nécessaire au salut, les hommes ne doivent pas être astreints, à ce qu’il
semble, à se confesser à leur propre prêtre.
Réponse
à l’objection N°6 : La nécessité où l’on est de se confesser à son propre
prêtre ne resserre pas la voie du salut, mais cette voie doit toujours être
suffisante. Ainsi le prêtre qui ne serait pas facile à accorder la permission
de se confesser à un autre pècherait ; parce qu’il y en a beaucoup qui sont
tellement infirmes qu’ils mourraient sans confession plutôt que de se confesser
à tel ou tel prêtre. Par conséquent, ceux qui sont désireux de connaître par la
confession la conscience de leurs ouailles en jettent un grand nombre dans la
damnation et par conséquent s’y jettent eux-mêmes (Mgr Gousset cite ces paroles
de saint Thomas pour prouver que les curés doivent se montrer faciles à
accorder à leurs paroissiens la permission de s’adresser à tout prêtre
approuvé.).
Mais
c’est le contraire. Le décret d’Innocent III (in conc.
Later. 4, gener. 12, can.
21) établit que tous les fidèles de l’un et l’autre sexe se confesseront une
fois l’an à leur propre prêtre.
Ce
que l’évêque est pour son diocèse, le prêtre l’est pour sa paroisse. Or, il
n’est pas permis à un évêque d’exercer les fonctions épiscopales dans le
diocèse d’un autre, d’après les canons (chap. Nullus Primas, 9, quest. 2 et chap. Si
quis episcorum, 16,
quest. 5). Il n’est donc pas non plus permis à un prêtre d’entendre le
paroissien d’un autre.
Conclusion
Puisque la juridiction du ministre sur celui qui se confesse est nécessaire au
sacrement, on ne doit se confesser qu’à son propre prêtre.
Il
faut répondre que les autres sacrements ne consistent pas en ce que fait celui
qui s’approche du sacrement, mais seulement en ce qu’il reçoit comme on le voit
évidemment pour le baptême et les autres sacrements. Seulement on requiert un
acte de la part de celui qui reçoit un sacrement pour que celui qui est maître
de sa volonté en retire de l’avantage, en écartent ce qui peut faire obstacle à
son action, c’est-à-dire la fiction. Dans la pénitence, l’acte de celui qui
s’approche du sacrement est de la substance du sacrement, parce que la
contrition, la confession et la satisfaction sont des parties de la pénitence
et sont des actes du pénitent. Or, nos actes ayant en nous leur principe, ne
peuvent nous être ordonnés par les autres qu’au moyen d’un commandement. Il
faut donc que celui qui est le dispensateur de ce sacrement soit en position de
pouvoir commander quelque action. Et comme on ne peut commander quelque chose à
un autre qu’autant qu’on a juridiction sur lui il s’ensuit qu’il est nécessaire
à ce sacrement, non seulement que le ministre ait l’ordre, comme dans les
autres sacrements, mais encore qu’il ait la juridiction (Le concile de Trente
fait valoir la même raison : Quoniam igitur natura et ratio judicii illud exposcit,
ut sententia in subditos duntaxat feratur ; persuasum semper in Ecclesia Dei
fuit et verissimum esse synodus
hæc confirmat, nullius momento absolutionem eam esse debere, quam sacerdos
in eum profert, in quem ordinariam aut subdelegatam non habet jurisdictionem (sess. 14, chap. 7).). C’est pourquoi,
comme celui qui n’est pas prêtre ne peut conférer ce sacrement, de même celui
qui n’a pas juridiction ne le peut pas non plus. C’est pour cela que comme il
faut se confesser à un prêtre, de même il faut que ce soit à son propre prêtre
(D’après Benoît XIV et saint Alphonse de Liguori
(liv. 6, n° 564), on satisfait au canon Omnis utriusque du concile de Latran en s’adressant à tout
prêtre approuvé ; cependant en France, dans plusieurs diocèses, l’usage exige
que l’on ait une permission générale ou particulière du curé pour le temps
pascal.). Car puisque le prêtre n’absout qu’en obligeant à faire quelque chose,
il n’y a que celui qui peut par son autorité obliger à une chose qui ait le
pouvoir d’absoudre.
Article
5 : Peut-on se confesser à un autre qu’à son propre prêtre d’après un privilège
ou la permission d’un supérieur ?
Objection
N°1. Il semble qu’on ne puisse pas se confesser à un autre qu’à son propre
prêtre, même d’après un privilège ou la permission d’un supérieur. Car on peut
accorder un privilège au préjudice d’un autre. Or, ce serait au préjudice du
propre prêtre, si un autre entendait la confession d’une de ses ouailles. On ne
peut donc pas obtenir ce droit par une privilège, ou une permission, ou un
ordre d’un supérieur.
Réponse
à l’objection N°1 : On ne porte préjudice à quelqu’un qu’autant qu’on lui
retire ce qui a été établi en sa faveur. Or, la puissance de juridiction n’a
pas été confiée à un homme en sa faveur mais dans l’intérêt du peuple et pour
la gloire de Dieu. C’est pourquoi si les prélats supérieurs croient avantageux
au salut du peuple et à la gloire de Dieu, de confier à d’autres ce qui
appartient à la juridiction, ils ne causent par là aucun préjudice aux prélats
inférieurs, sinon à ceux qui cherchent
leurs intérêts et non ceux du Christ (Phil.,
2, 21) et qui sont à la tête du troupeau, non pour le faire paître, mais pour
se nourrir de lui.
Objection
N°2. Ce qui est un obstacle à un ordre de Dieu ne peut être accordé par l’ordre
ou le privilège d’un homme. Or, l’ordre de Dieu qui commande aux chefs de
l’Eglise de connaître avec soin le visage
de leur troupeau (Prov., 27, 23)
ne peut être exécuté, si un autre qu’eux entend les confessions de leurs
ouailles. Cela ne peut donc être permis par le privilège ou l’ordre d’un homme.
Réponse
à l’objection N°2 : Le chef d’une Eglise doit connaître le visage de son
troupeau de deux manières : 1° par l’étude attentive de sa vie extérieure
d’après laquelle il doit veiller sur le troupeau qui lui a été confié. A
l’égard de cette connaissance il ne doit pas s’en rapporter à la déposition
d’une de ses ouailles, mais il doit chercher, autant que possible, à acquérir
la certitude du fait. 2° Par la manifestation de la confession. Relativement à
cette connaissance, il ne peut pas avoir une certitude plus grande qu’en
croyant son paroissien, parce que cela existe pour subvenir à sa conscience.
Ainsi au for de la confession on croit l’homme pour lui et contre lui, tandis
qu’il n’en est pas de même au for de la justice extérieure. C’est pourquoi à
l’égard de cette connaissance il suffit qu’on croie à celui qui dit qu’il s’est
confessé à un autre qui avait le pouvoir de l’absoudre. Par conséquent, il est
évident que cette connaissance n’est pas empêchée par le privilège accordé à un
autre d’entendre les confessions.
Objection
N°3. Celui qui entend la confession de quelqu’un est son propre juge ;
autrement il ne pourrait le lier et le délier. Or, le même homme ne peut avoir
plusieurs personnes qui soient ses propres prêtres ou juges, parce qu’alors il
serait tenu d’obéir à plusieurs, ce qui serait impossible, s’ils ordonnaient
des choses contraires ou qu’on ne pût faire en même
temps. On ne peut donc se confesser qu’à son propre prêtre, même d’après la
permission du supérieur.
Réponse
à l’objection N°3 : Il ne serait pas convenable que deux chefs fussent établis
également sur un même peuple ; mais s’ils commandent à des titres différents,
il n’y a rien qui répugne. C’est ainsi que sur le même peuple sont établis
immédiatement le curé de la paroisse, l’évêque et le pape ; et chacun d’eux
peut faire les actes des juridictions qui lui appartiennent et confier un
pouvoir à un autre. Mais si un supérieur confie ses pouvoirs à quelqu’un, celui
qui est d’un ordre plus élevé peut les confier de deux manières : 1° il peut
faire qu’il tienne sa place, comme le pape et l’évêque établissent leurs
pénitenciers. Alors il est au-dessus du prélat inférieur, comme le pénitencier
du pape est au-dessus de l’évêque, et le pénitencier de l’évêque au-dessus du
curé de paroisse, et celui qui se confesse est tenu de lui obéir plus qu’aux
autres. 2° Il peut l’établir comme le coadjuteur du prêtre ; et parce qu’un
coadjuteur se rapporte à celui qu’il doit aider, il s’ensuit que le coadjuteur
n’a qu’un rang subalterne. C’est pour cela que le pénitent n’est pas tenu de
lui obéir autant qu’à son propre prêtre.
Objection
N°4. Celui qui renouvelle un sacrement sur une même matière fait injure au
sacrement ou du moins il fait une chose inutile. Or, celui qui s’est confessé à
un autre prêtre est tenu de se confesser de nouveau à son propre prêtre, si
celui-ci le demande ; parce qu’il n’est pas affranchi de l’obéissance et qu’il
est obligé de lui obéir à cet égard. Il ne peut donc se faire licitement qu’on
se confesse à un autre qu’à son propre prêtre.
Réponse
à l’objection N°4 : Personne n’est tenu de confesser les péchés qu’il n’a pas.
C’est pourquoi si quelqu’un s’est confessé au pénitencier de l’évêque ou à un
autre qui a reçu de l’évêque des pouvoirs à ce sujet, ses péchés ayant été
pardonnés par rapport à l’Eglise et par rapport à Dieu, il n’est pas tenu de
les confesser à son propre prêtre, quelque instance que celui-ci lui fasse.
Mais à l’égard de la loi de l’Eglise (chap. Omnis utriusque, De pœnit.
et remiss.), qui prescrit de se confesser une fois par
an à son propre prêtre, il doit se conduire comme celui qui n’a que des péchés
véniels. Car celui qui en est là doit ne doit confesser que ses péchés véniels,
comme quelques-uns le disent, ou déclarer qu’il n’est coupable d’aucun péché
mortel et le prêtre doit le croire au for de la conscience, et il y est tenu.
D’ailleurs, quand même on serait forcé de se confesser, on ne se serait pas
confessé inutilement la première fois, parce qu’en se confessant à un plus
grand nombre de prêtres, on obtient une plus large remise de la peine, soit par
suite de la honte de la confession qui est comptée pour une peine satisfactoire, soit d’après le pouvoir des clefs. Ainsi on
pourrait se confesser tant de fois qu’on fût délivré de la peine temporelle.
Cette réitération ne fait pas injure au sacrement, sinon dans le cas où le
sacrement sanctifie, soit par l’impression du caractère, soit par la
consécration de la matière. Mais ces deux choses n’existent ni l’une ni l’autre
dans la pénitence. Par conséquent il est bon que celui qui entend une confession
d’après l’autorité de l’évêque, engage le pénitent à confesser à son propre
prêtre ; que s’il s’y refuse il doit néanmoins l’absoudre.
Mais
c’est le contraire. Les choses qui appartiennent à un ordre peuvent être
confiées à celui qui a le même ordre par celui qui peut les faire. Or, un
supérieur, comme l’évêque, peut entendre la confession d’un paroissien de l’un
de ses prêtres ; parce que quelquefois il y a des fautes qu’il se réserve,
comme étant le principal chef. Il peut donc aussi charger un autre prêtre de
l’entendre.
Tout
ce peut l’inférieur, le supérieur le peut aussi. Or, le prêtre peut lui-même
donner à son paroissien la permission de se confesser à un autre. A plus forte
raison le supérieur le peut-il.
Le
prêtre tient de l’évêque le pouvoir qu’il a sur le peuple. Or, c’est d’après ce
pouvoir qu’il peut entendre les confessions. Pour la même raison, un autre
prêtre auquel l’évêque aura confié ce même pouvoir, pourra donc les entendre
aussi.
Conclusion
Puisque celui qui a la juridiction peut confier à un autre ce qui appartient à
la juridiction, il s’ensuit que d’après le privilège ou l’ordre du supérieur on
peut se confesser à un autre qu’à son propre prêtre.
Il
faut répondre qu’un prêtre peut être empêché d’entendre la confession de quelqu’un
de deux manières : 1° à cause du défaut de juridiction ; 2° parce qu’il est
empêché de remplir les fonctions de son ordre, comme les excommuniés, les
dégradés et tous ceux qui sont dans une position semblable. Or, celui qui a la
juridiction peut confier les choses qui appartiennent à la juridiction. C’est
pourquoi si on est empêché d’entendre la confession d’une personne par défaut
de juridiction, on peut recevoir le pouvoir d’entendre sa confession ou de
l’absoudre de la part de celui qui a la juridiction immédiate sur elle, soit de
la part du prêtre lui-même (C’est un principe général, dit Mgr Gousset, que
ceux qui ont la puissance ordinaire peuvent déléguer. Cependant le concile de
Trente, considérant que l’exercice de ce pouvoir entre les mains d’un si grand
nombre de prêtres, entraînerait de grands abus, a statué qu’aucun prêtre séculier
ou régulier ne pourrait entendre les confessions, ni être réputé apte à cette
fonction, s’il n’avait un bénéfice à charge d’âmes ou s’il n’avait été jugé
capable par l’évêque et n’avait obtenu une approbation (sess. 23 De reform., chap. 15).
Comme aujourd’hui l’évêque délègue en même temps qu’il approuve, le droit des
curés est devenu sans exercice.), soit de la part de l’évêque, soit de la part
du pape. Mais si on ne peut entendre les confessions parce qu’on est empêché
d’exercer les fonctions de son ordre, on peut recevoir le pouvoir de les
entendre de celui qui a le pouvoir de lever l’empêchement.
Article
6 : Un pénitent peut-il sur la fin de sa vie être absous par tout prêtre quel
qu’il soit ?
Objection
N°1. Il semble que sur la fin de sa vie un pénitent ne puisse pas être absous
par tout prêtre quel qu’il soit. Car il faut pour l’absolution une juridiction,
comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, un prêtre
n’acquiert pas juridiction sur celui qui se repent à la fin de sa vie. Il ne
peut donc l’absoudre.
Réponse
à l’objection N°1 : On ne peut user de la juridiction d’un autre d’après sa
volonté, parce qu’on peut confier à un autre ce qui est de juridiction. Par
conséquent, comme l’Eglise reconnaît que tout prêtre (Cette expression embrasse
même les prêtres excommuniés, suspens, hérétiques, schismatiques ou interdits
pour une cause quelconque.) peut absoudre à l’article de la mort (Les
théologiens n’exigent pas spécialement qu’on soit à l’article de la mort, mais
il suffit qu’on soit en danger, parce qu’il y a dès lors nécessité urgente.),
il s’ensuit que par là même qu’on a l’usage de la juridiction sous un rapport,
quoiqu’on n’ait pas de juridiction.
Objection
N°2. Celui qui reçoit d’un autre que de son propre prêtre le sacrement de
baptême à l’article de la mort ne doit pas être baptisé de nouveau par son
propre prêtre. Si donc tout prêtre peut, à l’article de la mort, absoudre de
toute espèce de péchés, le pénitent ne doit pas, s’il en revient, recourir à
son propre prêtre ; ce qui est faux, parce qu’autrement le prêtre n’aurait pas
connaissance du visage de son troupeau.
Réponse
à l’objection N°2 : On n’est pas obligé de recourir à son propre prêtre pour
être de nouveau absous des péchés (On n’est pas obligé de les confesser de
nouveau, même pour les cas réservés.) dont on a reçu l’absolution à l’article
de la mort, mais pour lui faire connaître qu’on a été absous. De même il n’est
pas nécessaire que celui qui a été absous de l’excommunication se présente au
juge qui aurait pu l’absoudre auparavant, pour lui demander de l’absoudre, mais
pour lui offrir de satisfaire (S’il ne se présentait pas pour se soumettre à
ses ordres, il retomberait de nouveau sous les mêmes censures.).
Objection
N°3. Comme il est permis à un prêtre étranger de baptiser à l’article de la
mort, de même c’est aussi permis à celui qui n’est pas prêtre. Or, celui qui
n’est pas prêtre ne peut jamais absoudre au for de la pénitence. Un prêtre ne
peut donc pas non plus absoudre à l’article de la mort celui qui n’est pas
soumis à sa juridiction.
Réponse
à l’objection N°3 : Le baptême tire son efficacité de la sanctification
elle-même de la matière. C’est pourquoi on reçoit ce sacrement, peu importe par
qui il soit conféré. Mais la force sacramentelle de la pénitence consiste dans
la sanctification du ministre. C’est pour cela que celui qui se confesse à un
laïque, bien que de son côté il remplisse ce qui appartient à la confession
sacramentelle, cependant il n’obtient pas l’absolution sacramentelle. C’est
pourquoi ce qui est produit par le mérite et la peine de la confession lui est
compté et diminue d’autant la peine temporelle à laquelle il est tenu, mais il
n’obtient pas la diminution de cette peine qui résulte du pouvoir des clefs ;
et c’est pour ce motif qu’il est tenu de se confesser de nouveau à un prêtre.
Et celui qui meurt après s’être ainsi confessé est plus puni après cette vie
que s’il s’était confessé à un prêtre.
Mais
c’est le contraire. La nécessité spirituelle est plus grande que la nécessité
corporelle. Or, on peut à la dernière extrémité faire usage des choses des
autres, même malgré leurs maîtres, pour subvenir à une nécessité corporelle. On
peut donc aussi à l’article de la mort, pour subvenir à une nécessité
spirituelle, être absous par un autre prêtre que le sien.
C’est
aussi ce que démontrent les passages cités (Sent.
liv. 4, dist. 20).
Conclusion
La nécessité n’ayant pas de loi, un pénitent, à l’article de la mort, peut être
absous par tout prêtre non seulement de tous ses péchés, mais encore de toute
excommunication, peu importe par qui elle soit portée.
Il
faut répondre que tout prêtre, pour ce qui est du pouvoir des clefs, a
puissance indifféremment sur tout le monde et relativement à tous les péchés ;
mais qu’il ne peut pas absoudre tout le monde de tous les péchés, parce que,
d’après l’ordre établi par l’Eglise, il a une juridiction limitée, ou même il
n’en a aucune. Mais parce que la nécessité n’a pas de loi, il s’ensuit que
quand la nécessité presse, on n’est point empêché d’absoudre par les
prescriptions de l’Eglise, du moment qu’on a sacramentellement le pouvoir des
clefs, et le pénitent retire autant de fruit de l’absolution d’un prêtre
étranger (On suppose dans ce cas que le propre prêtre est absent, suivant la
remarque du Rituel romain : Si periculum mortis immineat, approbatusque desit confessarias (De sacram. pœnitent.).) que de l’absolution qu’il aurait reçue de
son propre prêtre. Dans ce cas il peut être absous par tout prêtre, non
seulement de ses péchés, mais encore de l’excommunication, peu importe par qui
elle ait été portée ; parce que cette absolution appartient aussi à la
juridiction qui est restreinte par les lois établies par l’Eglise.
Article
7 : La peine temporelle est-elle proportionnée à l’étendue de la faute ?
Objection
N°1. Il semble que la peine temporelle, dont l’obligation subsiste après la
pénitence, ne soit pas proportionnée à l’étendue de la faute ; car elle est
mesurée sur l’étendue de la délectation que l’on a eue dans le péché, d’après
ces paroles (Apoc., 18, 7) : Multipliez ses tourments et ses douleurs à proportion de ce qu’elle
s’est enorgueillie et qu’elle a vécue dans les délices. Or, là où la
délectation est la plus vive, la faute est moindre, parce que les péchés
charnels, qui procurent plus de délectation que les péchés spirituels, sont
moins coupables, d’après saint Grégoire (implic. Mor., liv. 23, chap. 11, circ. med.). La peine n’est donc pas fixée d’après l’étendue de la
faute.
Réponse
à l’objection N°1 : Dans ce passage on touche à deux choses que l’on doit
considérer par rapport à la faute : la gloire qu’on en retire et le plaisir ou
la délectation. La première de ces deux choses se rapporte à l’orgueil qui fait
que par le péché on résiste à Dieu ; la seconde appartient à la jouissance
qu’on trouve dans le péché lui-même. Or, quoiqu’il y ait quelquefois une
délectation moindre dans un péché plus grand, cependant il y a toujours plus
d’orgueil, et c’est pour ce motif que ce raisonnement n’est pas concluant.
Objection
N°2. Les péchés mortels obligent à une peine sous la loi nouvelle de la même
manière que sous la loi ancienne. Or, sous la loi ancienne, on était tenu pour
certains péchés à une peine de sept jours ; de telle sorte qu’on était impur
pendant ce temps pour un seul péché mortel. Par conséquent, puisque sous le
Nouveau Testament on impose une peine de sept ans pour un seul péché mortel, il
semble que l’étendue de la peine ne se rapporte pas à l’étendue de la peine.
Réponse
à l’objection N°2 : Cette peine de sept jours n’expiait pas toute la peine due
au péché ; par conséquent, si on était mort après ce temps-là, on aurait été
encore puni dans le purgatoire ; mais elle expiait l’irrégularité qui était
détruit par les sacrifices de la loi. Néanmoins, toutes choses égales
d’ailleurs, l’homme pèche plus grièvement sous la loi nouvelle que sous la loi
ancienne, parce qu’il est plus sanctifié par les grâces qu’il reçoit dans le
baptême et parce que Dieu a accordé au genre humain de plus grands bienfaits.
Ce qui est évident d’après ces paroles de l’Apôtre (Héb., 10, 29) : Combien
croyez-vous que celui-là sera jugé digne d’un plus grand supplice, qui aura
foulé aux pieds le Fils de Dieu et qui aura tenu pour une chose vile et profane
le sang de l’alliance par lequel il avait été sanctifié ? Toutefois il
n’est pas vrai universellement qu’on exige pour tout péché mortel une pénitence
de sept jours ; c’est une règle commune qu’il convient d’appliquer dans le plus
grand nombre des cas ; mais on peut cependant l’omettre en considérant les
différentes circonstances des péchés et des pénitents.
Objection
N°3. Le péché d’homicide dans un laïque est plus grand que celui de la
fornication dans un prêtre, parce que la circonstance qui se tire de l’espèce
du péché est plus aggravante que celle qui se tire de la condition de la
personne. Or, on impose sept ans de pénitence à un laïque pour un homicide et
on en impose dix à un prêtre pour une fornication, d’après les canons (chap. Si quis homicidum, dist. 50, et chap. Presbyer, dist. 82). La peine ne
se mesure donc pas d’après l’étendue de la faute.
Réponse
à l’objection N°3 : Un évêque ou un prêtre pèche avec plus de péril pour lui et
pour les autres. C’est pour cela que les canons l’éloignent du péché avec plus
de sollicitude que les autres, en lui imposant une peine plus grande à titre de
remède ; quoique quelquefois il n’en mérite pas à titre de justice aussi grande
; par conséquent dans le purgatoire on n’en exigera pas de pareille.
Objection
N°4. Le plus grand péché c’est celui qu’on commet contre le corps même du
Christ ; parce que la faute qu’on fait est d’autant plus grave que celui contre
lequel on pèche est plus élevé. Or, on impose à celui qui répand le sang du
Christ contenu dans le sacrement de l’autel une pénitence de quarante jours ou
un peu plus, au lieu que pour une fornication simple on enjoint une pénitence
de sept ans, selon les canons (chap. Si per negligentiam, De consecrat.,
dist. 2, et chap. Presbyter,
dist. 82). L’étendue de la peine ne répond donc pas à l’étendue de la faute.
Réponse
à l’objection N°4 : Cette peine doit s’entendre du cas où cet accident arrive
au prêtre involontairement ; car s’il répandait le précieux sang spontanément
il mériterait une peine plus grave (Toutes les pénitences extérieures rappelées
dans ces différentes objections ne sont plus en usage aujourd’hui, mais le
prêtre pourra les rappeler au pénitent pour lui faire sentir la gravité de ses
fautes et l’engager à faire plus volontiers la pénitence qui lui est imposée.
Indépendamment de la pénitence d’obligation il pourra lui conseiller de
suppléer à l’insuffisance de la satisfaction par d’autres œuvres de pénitence
volontaires.).
Mais
c’est le contraire. Le prophète dit (Is., 27, 8) : Lorsque la maison de Jacob sera rejetée,
vous la jugerez avec mesure. Donc l’étendue de la punition portée contre le
péché est proportionnée à l’étendue de la faute.
L’homme
est ramené à l’égalité de la justice par la pénitence qui lui est infligée. Or,
il n’en serait pas ainsi, si l’étendue de la faute et celle de la peine
n’étaient pas proportionnées. Donc l’une répond à l’autre.
Conclusion
Quoique la peine considérée comme le payement d’une dette doive être déterminée
selon l’étendue de la faute, cependant si on la considère comme un remède pour
celui qui a fait le péché ou pour les autres, on ne doit pas toujours la fixer
d’après l’étendue de la faute, mais quelquefois selon la condition des
personnes.
Il
faut répondre qu’après le pardon de la faute on exige une peine pour deux
motifs, pour acquitter ce que l’on doit et pour fournir un remède (La pénitence
doit être afflictive et médicinale. Habeant præ oculis sacerdotes,
dit le concile de Trente, ut satisfactio quam imponunt, non sit tantùm ad novæ vitæ custodiam et infirmitatis medicamentum, sed etiam ad præteritorum
peccatorum vindictam et castigantionem (ibid.).).
On peut donc considérer la détermination de la peine relativement à ces deux
choses. 1° Par rapport à la dette. En ce sens l’étendue la peine répond
radicalement à l’étendue de la faute avant qu’elle n’ait été en rien pardonnée,
de telle sorte que si la première des choses qui sont de nature à obtenir la
remise de la peine a eu beaucoup d’effet, il reste moins à faire pour les
autres actes. Car plus la remise de la peine qu’on a obtenue par la contrition
est abondante et moins ce qui reste à acquitter par la confession est
considérable (Le confesseur doit tenir compte aussi des œuvres expiatoires qui
ont été faites avant la confession, et ensuite des faveurs attachées à un
jubilé ou à une autre indulgence plénière.). 2° On peut considérer la peine
comme un remède pour le pécheur et pour les autres. A ce point de vue on impose
quelquefois une pénitence plus forte pour un péché moindre ; soit parce qu’il
est plus difficile de remédier au péché de l’un qu’au péché de l’autre, c’est
ainsi qu’on impose une peine plus forte pour une fornication à un jeune homme
qu’à un vieillard, quoique son péché soit moins grave ; soit parce que dans
l’un le péché est plus dangereux, comme le péché est plus dangereux dans un
prêtre que dans un autre ; soit parce que la multitude est plus portée à une
faute, et alors il faut par la peine de l’un en détourner les autres. On doit
donc déterminer la peine au for de la conscience à ce double point de vue.
C’est pour cela qu’on n’impose pas toujours une peine plus grande pour un péché
plus grave. Mais la peine du purgatoire a seulement pour but d’acquitter la
dette, parce qu’il n’y a plus lieu alors de pécher. C’est pourquoi cette peine
n’est fixée que d’après l’étendue du péché, après avoir considéré toutefois
l’étendue de la contrition, la confession et l’absolution ; parce que toutes
ces choses contribuent à remettre une partie de la peine. Par conséquent, le
prêtre doit aussi les considérer en imposant la satisfaction.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous
puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.