Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 8 : Du ministre de la confession

 

          Nous devons ensuite nous occuper du ministre de la confession. A ce sujet sept questions se présentent : 1° Est-il nécessaire de se confesser à un prêtre ? (Les vaudois et les wiclefistes ont prétendu que tout laïque en état de grâce pouvait entendre les confessions et absoudre, et Luther a aussi avancé que tout fidèle, même les femmes, était ministre de la confession. Ces erreurs, condamnées dans les conciles de Florence et de Constance, l’ont encore été par le concile de Trente en ces termes (sess. 14, can. 10) : Si quis dixerit, non solos sacerdotes esse ministros absolutos, sed omnibus et singuli Christum fidelibus esse dictum : Quæcumbe ligaveritis, etc., quæcumque solveritis, etc., quorum verborum virtute quilibet absolvere possit peccata, etc. ; anathema sit.) — 2° En certains cas est-il permis de se confesser à d’autres qu’aux prêtres ? — 3° Hors le cas de nécessité peut-on sans être prêtre entendre la confession des péchés véniels ? — 4° Est-il nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre ? (Par le propre prêtre on entend celui qui a charge d’âmes, ou l’autorité ordinaire sur celui dont il est le propre prêtre, comme les curés dans leur paroisse, les évêques dans leur diocèse et le pape dans l’Eglise entière.) — 5° Peut-on se confesser à un autre qu’à son propre prêtre d’après un privilège ou une permission d’un supérieur ? — 6° Un pénitent qui est à l’extrémité peut-il être absous par tout prêtre ? (Le concile de Trente s’exprime sur cette question absolument de la même manière que saint Thomas : Ne hâc ipsâ occasione aliquispereat, in eadem Ecclesia Dei custoditum semper fuit, ut nulla sit reservatio in articulo mortuis ; atque ideo omnes sacerdotes quolibet pœnitentes à quibusvis peccatis et censuris absolvere possunt (sess. 14, chap. 7).) — 7° La peine temporelle doit-elle être déterminée selon l’étendue de la faute ? (Le Rituel romain s’exprime ainsi au sujet de la pénitence que le prêtre doit imposer : Confessarius salutarem et convenientem satisfactionem, quantùm spiritus et prudentia suggesserit injunget, habitâ ratione statûs, conditionis, sexûs et ætatis. Le concile de Trente veut aussi que la pénitence soit proportionnée à la qualité des péchés et à la faculté des pénitents (sess. 14, chap. 8).)

 

Article 1 : Est-il nécessaire de se confesser à un prêtre ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire de se confesser à un prêtre. Car nous ne sommes obligés à la confession que d’après l’institution divine. Or, l’institution divine nous est promulguée dans ces paroles de saint Jacques (5, 16) : Confessez l’un à l’autre vos péchés, où il n’est pas fait mention du prêtre. Il n’est donc pas nécessaire de se confesser à un prêtre.

          Réponse à l’objection N°1 : Saint Jacques présuppose l’institution divine, et parce que l’institution divine avait préalablement établi qu’on devait faire sa confession aux prêtres, par là même que c’était à eux qu’on avait donné dans la personne des apôtres le pouvoir de remettre les péchés comme on le voit (Jean, chap. 20), il s’ensuit qu’on doit entendre par là que saint Jacques a averti que l’on devait se confesser aux prêtres.

 

          Objection N°2. La pénitence est un sacrement nécessaire comme le baptême. Or, dans le baptême tout homme est ministre, parce que ce sacrement est nécessaire. Il en est donc ainsi de même pour la pénitence, et, comme on doit se confesser au ministre de la pénitence, il s’ensuit qu’il suffit de se confesser à un individu quel qu’il soit.

          Réponse à l’objection N°2 : Le baptême est un sacrement plus nécessaire que la pénitence quant à la confession et à l’absolution ; parce que quelquefois on ne peut pas omettre le baptême sans danger pour le salut éternel, comme on le voit dans les enfants qui n’ont pas l’usage de raison ; mais il n’en est pas de même de la confession et de l’absolution qui n’appartiennent qu’aux adultes, dans lesquels la contrition avec le dessein de se confesser et le désir de l’absolution suffit pour les délivrer de la mort éternelle. C’est pourquoi il n’y a pas de parité entre le baptême et la confession.

 

          Objection N°3. La confession est nécessaire pour qu’on détermine au pénitent la manière dont il doit satisfaire. Or, quelquefois celui qui n’est pas prêtre pourrait indiquer au pénitent la manière de satisfaire plus sagement que beaucoup de prêtres. Il n’est donc pas nécessaire que la confession soit faite à un prêtre.

          Réponse à l’objection N°3 : Dans la satisfaction non seulement il faut considérer l’étendue de la peine, mais encore sa vertu selon qu’elle est une partie d’un sacrement. A cet égard elle exige un dispensateur des sacrements ; quoique l’étendue de la peine puisse aussi être déterminée par un autre que par un prêtre.

 

          Objection N°4. La confession a été établie dans l’Eglise pour que les chefs connussent mieux la face de leur troupeau. Or, quelquefois un chef ou un supérieur n’est pas prêtre. La confession ne doit donc pas toujours être faite à un prêtre.

          Réponse à l’objection N°4 : Il est nécessaire de connaître le visage du troupeau pour deux fins : 1° pour les ranger sous la direction du Christ ; cette connaissance du visage du troupeau appartient à la vigilance et à la sollicitude pastorale dont sont quelquefois chargés ceux qui ne sont pas prêtres. 2° Pour lui donner les remèdes qui conviennent à son salut. Il appartient ainsi de connaître le visage du troupeau à celui qui doit donner le remède du salut, c’est-à-dire le sacrement de l’eucharistie, et les autres sacrements de cette nature ; par conséquent cela appartient au prêtre. Et c’est pour donner cette connaissance du troupeau que la confession est établie (Marin a pensé à tort que la faculté de confesser avait été autrefois accordée aux diacres. Voyez la réfutation de cette opinion dans Billuart (dissert. 6, art. 1).).

 

          Mais c’est le contraire. L’absolution du pénitent qui est le motif pour lequel il se confesse n’est donnée que par les prêtres auxquels les clefs ont été confiées. La confession doit donc être faite à un prêtre.

          La confession est figurée par la résurrection de Lazare. Or, le Seigneur n’a commandé qu’à ses disciples de le délivrer, comme on le voit (Jean, chap. 11). On doit donc se confesser aux prêtres.

 

          Conclusion Puisqu’il n’y a que le prêtre qui exerce un ministère sur le vrai corps du Christ, on ne doit faire qu’à lui la confession sacramentelle.

          Il faut répondre que la grâce qui est accordée dans les sacrements descend du chef dans les membres. C’est pourquoi les sacrements dans lesquels la grâce se confère n’ont pour ministre que celui dont le ministère s’étend sur le vrai corps du Christ ; ce qui n’appartient qu’au prêtre qui a le pouvoir de consacrer l’eucharistie. C’est pourquoi comme la grâce est conférée dans le sacrement de la pénitence, il n’y a que le prêtre qui soit ministre de ce sacrement. C’est pour cela qu’on ne doit faire qu’à lui la confession sacramentelle qui doit être faite à un ministre de l’Eglise.

 

Article 2 : Est-il permis en certains cas de se confesser à d’autres qu’à des prêtres ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’il ne soit permis en aucun cas de se confesser à d’autres qu’à des prêtres. Car la confession est une accusation sacramentelle, comme on le voit d’après la définition que nous en avons donnée (quest., préc., art. 1). Or, la dispensation d’un sacrement n’appartient qu’à celui qui en est le ministre. Par conséquent, puisque le prêtre est le ministre propre du sacrement de pénitence, il semble qu’on ne doive faire sa confession aucun autre.

          Réponse à l’objection N°1 : Dans le sacrement de pénitence non seulement il y a quelque chose de la part du ministre, comme l’absolution et la satisfaction qu’il enjoint ; mais il y a aussi quelque chose de la part de celui reçoit le sacrement et qui est aussi de l’essence du sacrement, comme la contrition et la confession. La satisfaction commence à venir du ministre, selon qu’il enjoint, et elle procède du pénitent selon qu’il la remplit. Ces deux choses doivent concourir à la plénitude du sacrement, quand cela est possible. Mais quand la nécessité presse, le pénitent doit faire ce qui le regarde, c’est-à-dire s’exciter à la contrition et se confesser à qui il peut. Quoique celui-ci ne puisse pas compléter le sacrement et faire ce qui appartient au prêtre, c’est-à-dire donner l’absolution (Quelqu’un qui n’est pas prêtre ne pourrait donner l’absolution sans commettre un sacrilège et sans encourir l’irrégularité.), le prêtre souverain supplée à ce défaut. Ainsi la confession faite à un laïque à défaut de prêtre est sacramentelle d’une certaine manière (Cette expression et ce que dit saint Thomas, en observation qu’il manque à cette confession, pour être sacramentelle, ce qui vient du prêtre : quod est ex parte sacerdotis ; ce qu’il dit plus loin dans sa réponse au troisième argument et dans un de ses opuscules (Op. 5), ainsi que la proposition générale qu’il établit dans l’article précédent, toutes ces choses prouvent qu’il ne regardait pas cette confession comme sacramentelle. Il ne lui donne ce nom que parce qu’elle se faisait à l’imitation de la confession sacramentelle, ou parce qu’elle était accompagnée du désir de recevoir le sacrement.), quoique le sacrement ne soit pas parfait parce qu’il manque de ce qui se rapporte au prêtre.

 

          Objection N°2. Dans tout jugement la confession se rapporte à la sentence. Or, au for contentieux une sentence qui n’a pas été portée par le juge est nulle ; c’est pourquoi on ne doit faire d’aveu qu’à lui. Or, au for de la conscience il n’y a de juge que le prêtre qui a le pouvoir de lier et de délier. On ne doit donc pas se confesser à un autre.

          Réponse à l’objection N°2 : Quoique un laïque ne soit pas le juge de celui qui se confesse à lui, cependant, en raison de la nécessité, il reçoit absolument le droit de le juger, selon que celui qui se confesse se soumet à lui à défaut de prêtre.

 

          Objection N°3. Dans le baptême tout le monde peut baptiser ; et si un laïque baptise, même sans nécessité, le prêtre ne doit pas réitérer le baptême. Or, si on confesse à un laïque dans le cas de nécessité, on est tenu de se confesser de nouveau à un prêtre, si on échappe à la nécessité. On ne doit donc pas se confesser à un laïque dans le cas de nécessité.

          Réponse à l’objection N°3 : L’homme doit être réconcilié par les sacrements, non seulement avec Dieu, mais encore avec l’Eglise. Mais il ne peut être réconcilié avec l’Eglise qu’autant que la sanctification de l’Eglise parvient jusqu’à lui. Or, dans le baptême, la sanctification de l’Eglise parvient à l’homme au moyen de l’élément extérieur qu’on emploie, et qui est sanctifié par la parole de vie selon la forme de l’Eglise, peu importe à qui il soit donné. C’est pour cela que du moment que quelqu’un a été baptisé une fois par un individu quel qu’il soit, il n’est pas nécessaire qu’il soit baptisé de nouveau. Mais dans la pénitence la sanctification de l’Eglise ne parvient à l’homme que par le ministre, parce que là on n’emploie pas d’élément corporel extérieur qui confère la grâce invisible d’après sa sanctification. C’est pour cela que, quoique celui qui s’est confessé à un laïque dans le cas de nécessité , ait obtenu de Dieu son pardon (Il ne peut l’avoir obtenu dans ce cas qu’au moyen de la contrition parfaite, qui ne dispense pas de se confesser à un prêtre aussitôt qu’on en a l’occasion, mais qui implique au contraire l’intention de le faire.), parce qu’il a rempli comme il a pu le dessein qu’il a conçu de se confesser selon l’ordre de Dieu, cependant il n’est pas encore réconcilié avec l’Eglise de manière à être admis à ses sacrements, s’il n’est absous auparavant par le prêtre ; comme on n’admet pas à l’eucharistie celui qui n’est baptisé que par le baptême de vœu. C’est pourquoi il faut qu’on se confesse de nouveau au prêtre lorsqu’on peut en avoir les moyens, et surtout parce que, comme nous l’avons dit (Réponse N°1), le sacrement de pénitence n’a pas été parfait. Il faut donc qu’on le complète pour qu’on obtienne de la réception de ce sacrement un effet plus abondant, et pour qu’on remplisse le précepte qui nous fait un devoir de recevoir ce sacrement.

 

          Mais c’est le contraire qui est décidé (liv. 4 Sent., dist. 17).

 

          Conclusion On ne peut confesser ses péchés à un autre qu’à un prêtre que dans le cas de nécessité.

          Il faut répondre que comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi la pénitence. Mais le baptême qui est un sacrement nécessaire a deux sortes de ministres : l’un qui est tenu par sa charge de l’administrer, et c’est le prêtre ; l’autre qui n’est chargé de le dispenser qu’en raison de la nécessité. De même le prêtre est aussi le ministre de la pénitence à qui l’on doit se confesser par devoir ; mais, dans le cas de nécessité, un laïque peut aussi remplacer le prêtre de manière qu’on puisse confesser à lui (Avant saint Thomas et de son temps cet usage est en vigueur. Mais actuellement il n’existe plus, et les théologiens pensent qu’il est avantageux qu’il soit aboli, parce que cette espèce de confession n’est nullement de précepte, qu’elle paraîtrait favoriser l’erreur des hérétiques, qui prétendent que tout fidèle est ministre du sacrement, et qu’il n’est pas d’ailleurs avantageux de faire connaître hors du sacrement des fautes graves et secrètes.).

 

Article 3 : Hors le cas de nécessité peut-on, sans être prêtre, entendre la confession des péchés véniels ?

 

          Objection N°1. Il semble que hors le cas de nécessité on ne puisse pas, si l’on n’est pas prêtre, entendre la confession des péchés véniels. Car on confie à un laïque la dispensation d’un sacrement en raison de la nécessité. Or, la confession des péchés véniels n’est pas de nécessité. Elle n’est donc pas confiée à un laïque.

 

          Objection N°2. L’extrême-onction est établie contre les péchés véniels comme la pénitence. Or, elle ne peut être conférée par un laïque, comme on le voit (Jacq., chap. 5). On ne peut donc pas non plus lui faire la confession de ses péchés véniels.

          Réponse à l’objection N°2 : L’extrême-onction n’est pas établie directement contre les péchés véniels, pas plus qu’un autre sacrement.

 

          Mais le contraire est dit par Bède sur ces paroles de saint Jacques Confitemini alter utrum (Sent. 4, dist. 17).

 

          Conclusion Il n’est pas nécessaire de confier ses péchés véniels à un prêtre, puisqu’ils sont remis lorsqu’on les confesse à un laïque, qu’on se frappe la poitrine ou par l’aspersion de l’eau bénite.

          Il faut répondre que par le péché véniel, l’homme n’est séparé ni de Dieu, ni du sacrement de l’Eglise. C’est pourquoi on n’a pas besoin de recevoir une grâce nouvelle pour obtenir le pardon de ses fautes, et il n’est pas nécessaire qu’on soit réconcilié avec l’Eglise. C’est ce qui fait qu’on n’est pas obligé de confesser les péchés véniels à un prêtre. Et parce que la confession faite à un laïque a quelque chose de sacramentel, quoiqu’elle ne soit pas un sacrement parfait, et parce qu’elle provient de la charité (Cette espèce de confession étant inspirée par l’humilité et la détestation des péchés, elle avait, comme tous les sacramentaux, la vertu de remettre les péchés véniels. Mais tous les théologiens disent qu’il est mieux de s’abstenir de cette espèce de confession, quoiqu’on puisse demander conseil à un laïque au sujet de ses fautes ou de certains péchés mortels.), on peut obtenir par ce moyen la rémission des fautes vénielles, comme on peut obtenir par ce moyen la rémission des fautes vénielles, comme on l’obtient en se frappant la poitrine et par l’aspersion de l’eau bénite.

          La solution à la première objection est par là même évidente ; parce que, pour la rémission des péchés véniels, il n’est pas nécessaire qu’on reçoive le sacrement, mais il suffit de quelque chose de sacramentel, comme l’eau bénite ou quelque autre moyen semblable.

 

Article 4 : Est-il nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre. Car saint Grégoire dit (hab., chap. Ex auctoritate, 16, quest. 1) : D’après notre autorité apostolique et le devoir de la piété, nous avons établi qu’il était permis aux prêtres qui sont religieux et qui mènent la vie des apôtres de prêcher, de baptiser, de donner la communion, de prier pour les pécheurs, d’imposer une pénitence et de délier les péchés. Or, les moines ne sont pas les propres prêtres de quelqu’un, puisqu’ils n’ont pas charge d’âmes. Par conséquent, puisqu’on se confesse pour recevoir l’absolution, il suffit de s’adresser à tout prêtre quel qu’il soit.

          Réponse à l’objection N°1 : Saint Grégoire parle des religieux qui ont juridiction, comme ceux auxquels on a confié le soin d’une paroisse, parce qu’il y en avait qui disaient que par là même qu’ils étaient moines, ils ne pouvaient absoudre et enjoindre des pénitences ; ce qui est faux.

 

          Objection N°2. Comme le prêtre est ministre de ce sacrement, de même il est aussi ministre de l’eucharistie. Or, tout prêtre peut consacrer et par conséquent tout prêtre peut administrer le sacrement de pénitence. Il ne faut donc pas qu’on fasse sa confession à son propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°2 : Le sacrement de l’Eucharistie ne demande pas qu’on ait autorité sur quelqu’un ; tandis qu’il en est autrement de la pénitence, comme nous venons de le dire (dans le corps de l’article.). C’est pourquoi cette raison n’est pas concluante. Cependant il n’est pas permis de recevoir l’eucharistie (Ceci s’entend de la communion pascale.) d’un autre que de son propre prêtre, quoique ce sacrement reçu d’un autre soit véritable.

 

          Objection N°3. La chose à laquelle nous sommes tenus d’une manière déterminée n’est pas soumise à notre choix. Or, nous avons le droit de choisir un prêtre discret, comme on le voit par le témoignage de saint Augustin (al. auct., liv. 4, dist. 17). Car il dit (Lib. de vera et falsa pœnit., chap. 10 à med.) : Que celui qui veut confesser ses péchés pour trouver grâce cherche un prêtre qui sache lier et délier. Il semble donc qu’il ne soit pas nécessaire qu’on se confesse à son propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°3 : Nous n’avons pas le droit de faire choix d’un prêtre discret, comme si nous pouvions le choisir d’après notre volonté, mais nous ne devons faire ce choix qu’avec la permission d’un supérieur, dans le cas où notre propre prêtre paraîtrait moins apte à appliquer le remède salutaire à nos péchés.

 

          Objection N°4. Il y en a qui, comme le pape et les prélats, ne paraissent pas avoir de propre prêtre, puisqu’ils n’ont pas de supérieur. Ils sont cependant tenus à se confesser. On n’est donc pas toujours tenus à se confesser à son propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°4 : Les prélats ayant la charge de dispenser les sacrements qui ne doivent être conférés que par ceux qui sont purs, le droit leur a accordé pour ce motif (chap. Ne pro dilatione, De pœnit. et remis.) le pouvoir de se choisir pour confesseurs leurs propres prêtres qui à cet égard leur sont supérieurs ; comme un médecin est soigné par un autre, non comme médecin, mais comme malade.

 

          Objection N°5. Ce qui a été établi pour la charité ne combat pas contre cette vertu, comme le dit saint Bernard (in tract. De præcepto et dispens., chap. 11, à med.). Or, la confession qui a été établie pour la charité combattrait contre elle, si on était obligé de ne se confesser qu’à un seul prêtre ; comme par exemple, dans le cas où un pécheur saurait que son prêtre est hérétique, qu’il sollicite au mal ou qu’il a du penchant pour le péché qu’on lui confesse, ou dans le cas où il croirait avec probabilité qu’il révèle la confession, ou que le péché dont il doit se confesser a été commis contre lui. Il semble donc qu’il ne faille pas toujours se confesser à son propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°5 : Dans les cas où le pénitent craint avec probabilité un danger pour lui ou pour le prêtre d’après la confession qui lui serait faite, il doit recourir au supérieur ou demander au prêtre lui-même la permission de se confesser à un autre. S’il ne pouvait obtenir cette permission, il devrait se considérer comme celui qui n’a pas la faculté d’avoir un prêtre ; par conséquent, il devrait plutôt choisir un laïque pour se confesser à lui (Il devrait plutôt passer outre et s’adresser néanmoins à un autre prêtre qui pourrait, dans ce cas, présupposer la permission de l’ordinaire, s’il ne pouvait la demander directement, et l’absoudre.). Il ne transgresserait pas en cela le précepte de l’Eglise ; parce que les préceptes de droit positif ne s’étendent pas au-delà de l’intention de leur auteur ; cette intention est la fin du précepte, et la fin du précepte est la charité, d’après l’Apôtre (1 Tim., chap. 1). On ne fait pas non plus injure au prêtre qui mérite de perdre son privilège, parce qu’il abuse du pouvoir qui lui a été accordé.

 

          Objection N°6. A l’égard de ce qui est nécessaire au salut, les hommes ne doivent pas être trop resserrés, dans la crainte qu’ils ne soient détournés de la bonne voie. Or, il semble que ce soit bien de rétrécir le chemin, si l’on est absolument obligé de ne se confesser qu’à un seul homme. Car, par là il y en a beaucoup qui pourraient être éloignés de la confession, soit par crainte, soit par honte, soir par quelque autre motif semblable. Puisque la confession est nécessaire au salut, les hommes ne doivent pas être astreints, à ce qu’il semble, à se confesser à leur propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°6 : La nécessité où l’on est de se confesser à son propre prêtre ne resserre pas la voie du salut, mais cette voie doit toujours être suffisante. Ainsi le prêtre qui ne serait pas facile à accorder la permission de se confesser à un autre pècherait ; parce qu’il y en a beaucoup qui sont tellement infirmes qu’ils mourraient sans confession plutôt que de se confesser à tel ou tel prêtre. Par conséquent, ceux qui sont désireux de connaître par la confession la conscience de leurs ouailles en jettent un grand nombre dans la damnation et par conséquent s’y jettent eux-mêmes (Mgr Gousset cite ces paroles de saint Thomas pour prouver que les curés doivent se montrer faciles à accorder à leurs paroissiens la permission de s’adresser à tout prêtre approuvé.).

 

         Mais c’est le contraire. Le décret d’Innocent III (in conc. Later. 4, gener. 12, can. 21) établit que tous les fidèles de l’un et l’autre sexe se confesseront une fois l’an à leur propre prêtre.

          Ce que l’évêque est pour son diocèse, le prêtre l’est pour sa paroisse. Or, il n’est pas permis à un évêque d’exercer les fonctions épiscopales dans le diocèse d’un autre, d’après les canons (chap. Nullus Primas, 9, quest. 2 et chap. Si quis episcorum, 16, quest. 5). Il n’est donc pas non plus permis à un prêtre d’entendre le paroissien d’un autre.

 

          Conclusion Puisque la juridiction du ministre sur celui qui se confesse est nécessaire au sacrement, on ne doit se confesser qu’à son propre prêtre.

          Il faut répondre que les autres sacrements ne consistent pas en ce que fait celui qui s’approche du sacrement, mais seulement en ce qu’il reçoit comme on le voit évidemment pour le baptême et les autres sacrements. Seulement on requiert un acte de la part de celui qui reçoit un sacrement pour que celui qui est maître de sa volonté en retire de l’avantage, en écartent ce qui peut faire obstacle à son action, c’est-à-dire la fiction. Dans la pénitence, l’acte de celui qui s’approche du sacrement est de la substance du sacrement, parce que la contrition, la confession et la satisfaction sont des parties de la pénitence et sont des actes du pénitent. Or, nos actes ayant en nous leur principe, ne peuvent nous être ordonnés par les autres qu’au moyen d’un commandement. Il faut donc que celui qui est le dispensateur de ce sacrement soit en position de pouvoir commander quelque action. Et comme on ne peut commander quelque chose à un autre qu’autant qu’on a juridiction sur lui il s’ensuit qu’il est nécessaire à ce sacrement, non seulement que le ministre ait l’ordre, comme dans les autres sacrements, mais encore qu’il ait la juridiction (Le concile de Trente fait valoir la même raison : Quoniam igitur natura et ratio judicii illud exposcit, ut sententia in subditos duntaxat feratur ; persuasum semper in Ecclesia Dei fuit et verissimum esse synodus hæc confirmat, nullius momento absolutionem eam esse debere, quam sacerdos in eum profert, in quem ordinariam aut subdelegatam non habet jurisdictionem (sess. 14, chap. 7).). C’est pourquoi, comme celui qui n’est pas prêtre ne peut conférer ce sacrement, de même celui qui n’a pas juridiction ne le peut pas non plus. C’est pour cela que comme il faut se confesser à un prêtre, de même il faut que ce soit à son propre prêtre (D’après Benoît XIV et saint Alphonse de Liguori (liv. 6, n° 564), on satisfait au canon Omnis utriusque du concile de Latran en s’adressant à tout prêtre approuvé ; cependant en France, dans plusieurs diocèses, l’usage exige que l’on ait une permission générale ou particulière du curé pour le temps pascal.). Car puisque le prêtre n’absout qu’en obligeant à faire quelque chose, il n’y a que celui qui peut par son autorité obliger à une chose qui ait le pouvoir d’absoudre.

 

Article 5 : Peut-on se confesser à un autre qu’à son propre prêtre d’après un privilège ou la permission d’un supérieur ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on ne puisse pas se confesser à un autre qu’à son propre prêtre, même d’après un privilège ou la permission d’un supérieur. Car on peut accorder un privilège au préjudice d’un autre. Or, ce serait au préjudice du propre prêtre, si un autre entendait la confession d’une de ses ouailles. On ne peut donc pas obtenir ce droit par une privilège, ou une permission, ou un ordre d’un supérieur.

          Réponse à l’objection N°1 : On ne porte préjudice à quelqu’un qu’autant qu’on lui retire ce qui a été établi en sa faveur. Or, la puissance de juridiction n’a pas été confiée à un homme en sa faveur mais dans l’intérêt du peuple et pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi si les prélats supérieurs croient avantageux au salut du peuple et à la gloire de Dieu, de confier à d’autres ce qui appartient à la juridiction, ils ne causent par là aucun préjudice aux prélats inférieurs, sinon à ceux qui cherchent leurs intérêts et non ceux du Christ (Phil., 2, 21) et qui sont à la tête du troupeau, non pour le faire paître, mais pour se nourrir de lui.

 

          Objection N°2. Ce qui est un obstacle à un ordre de Dieu ne peut être accordé par l’ordre ou le privilège d’un homme. Or, l’ordre de Dieu qui commande aux chefs de l’Eglise de connaître avec soin le visage de leur troupeau (Prov., 27, 23) ne peut être exécuté, si un autre qu’eux entend les confessions de leurs ouailles. Cela ne peut donc être permis par le privilège ou l’ordre d’un homme.

          Réponse à l’objection N°2 : Le chef d’une Eglise doit connaître le visage de son troupeau de deux manières : 1° par l’étude attentive de sa vie extérieure d’après laquelle il doit veiller sur le troupeau qui lui a été confié. A l’égard de cette connaissance il ne doit pas s’en rapporter à la déposition d’une de ses ouailles, mais il doit chercher, autant que possible, à acquérir la certitude du fait. 2° Par la manifestation de la confession. Relativement à cette connaissance, il ne peut pas avoir une certitude plus grande qu’en croyant son paroissien, parce que cela existe pour subvenir à sa conscience. Ainsi au for de la confession on croit l’homme pour lui et contre lui, tandis qu’il n’en est pas de même au for de la justice extérieure. C’est pourquoi à l’égard de cette connaissance il suffit qu’on croie à celui qui dit qu’il s’est confessé à un autre qui avait le pouvoir de l’absoudre. Par conséquent, il est évident que cette connaissance n’est pas empêchée par le privilège accordé à un autre d’entendre les confessions.

 

          Objection N°3. Celui qui entend la confession de quelqu’un est son propre juge ; autrement il ne pourrait le lier et le délier. Or, le même homme ne peut avoir plusieurs personnes qui soient ses propres prêtres ou juges, parce qu’alors il serait tenu d’obéir à plusieurs, ce qui serait impossible, s’ils ordonnaient des choses contraires ou qu’on ne pût faire en même temps. On ne peut donc se confesser qu’à son propre prêtre, même d’après la permission du supérieur.

          Réponse à l’objection N°3 : Il ne serait pas convenable que deux chefs fussent établis également sur un même peuple ; mais s’ils commandent à des titres différents, il n’y a rien qui répugne. C’est ainsi que sur le même peuple sont établis immédiatement le curé de la paroisse, l’évêque et le pape ; et chacun d’eux peut faire les actes des juridictions qui lui appartiennent et confier un pouvoir à un autre. Mais si un supérieur confie ses pouvoirs à quelqu’un, celui qui est d’un ordre plus élevé peut les confier de deux manières : 1° il peut faire qu’il tienne sa place, comme le pape et l’évêque établissent leurs pénitenciers. Alors il est au-dessus du prélat inférieur, comme le pénitencier du pape est au-dessus de l’évêque, et le pénitencier de l’évêque au-dessus du curé de paroisse, et celui qui se confesse est tenu de lui obéir plus qu’aux autres. 2° Il peut l’établir comme le coadjuteur du prêtre ; et parce qu’un coadjuteur se rapporte à celui qu’il doit aider, il s’ensuit que le coadjuteur n’a qu’un rang subalterne. C’est pour cela que le pénitent n’est pas tenu de lui obéir autant qu’à son propre prêtre.

 

          Objection N°4. Celui qui renouvelle un sacrement sur une même matière fait injure au sacrement ou du moins il fait une chose inutile. Or, celui qui s’est confessé à un autre prêtre est tenu de se confesser de nouveau à son propre prêtre, si celui-ci le demande ; parce qu’il n’est pas affranchi de l’obéissance et qu’il est obligé de lui obéir à cet égard. Il ne peut donc se faire licitement qu’on se confesse à un autre qu’à son propre prêtre.

          Réponse à l’objection N°4 : Personne n’est tenu de confesser les péchés qu’il n’a pas. C’est pourquoi si quelqu’un s’est confessé au pénitencier de l’évêque ou à un autre qui a reçu de l’évêque des pouvoirs à ce sujet, ses péchés ayant été pardonnés par rapport à l’Eglise et par rapport à Dieu, il n’est pas tenu de les confesser à son propre prêtre, quelque instance que celui-ci lui fasse. Mais à l’égard de la loi de l’Eglise (chap. Omnis utriusque, De pœnit. et remiss.), qui prescrit de se confesser une fois par an à son propre prêtre, il doit se conduire comme celui qui n’a que des péchés véniels. Car celui qui en est là doit ne doit confesser que ses péchés véniels, comme quelques-uns le disent, ou déclarer qu’il n’est coupable d’aucun péché mortel et le prêtre doit le croire au for de la conscience, et il y est tenu. D’ailleurs, quand même on serait forcé de se confesser, on ne se serait pas confessé inutilement la première fois, parce qu’en se confessant à un plus grand nombre de prêtres, on obtient une plus large remise de la peine, soit par suite de la honte de la confession qui est comptée pour une peine satisfactoire, soit d’après le pouvoir des clefs. Ainsi on pourrait se confesser tant de fois qu’on fût délivré de la peine temporelle. Cette réitération ne fait pas injure au sacrement, sinon dans le cas où le sacrement sanctifie, soit par l’impression du caractère, soit par la consécration de la matière. Mais ces deux choses n’existent ni l’une ni l’autre dans la pénitence. Par conséquent il est bon que celui qui entend une confession d’après l’autorité de l’évêque, engage le pénitent à confesser à son propre prêtre ; que s’il s’y refuse il doit néanmoins l’absoudre.

 

          Mais c’est le contraire. Les choses qui appartiennent à un ordre peuvent être confiées à celui qui a le même ordre par celui qui peut les faire. Or, un supérieur, comme l’évêque, peut entendre la confession d’un paroissien de l’un de ses prêtres ; parce que quelquefois il y a des fautes qu’il se réserve, comme étant le principal chef. Il peut donc aussi charger un autre prêtre de l’entendre.

          Tout ce peut l’inférieur, le supérieur le peut aussi. Or, le prêtre peut lui-même donner à son paroissien la permission de se confesser à un autre. A plus forte raison le supérieur le peut-il.

          Le prêtre tient de l’évêque le pouvoir qu’il a sur le peuple. Or, c’est d’après ce pouvoir qu’il peut entendre les confessions. Pour la même raison, un autre prêtre auquel l’évêque aura confié ce même pouvoir, pourra donc les entendre aussi.

 

          Conclusion Puisque celui qui a la juridiction peut confier à un autre ce qui appartient à la juridiction, il s’ensuit que d’après le privilège ou l’ordre du supérieur on peut se confesser à un autre qu’à son propre prêtre.

          Il faut répondre qu’un prêtre peut être empêché d’entendre la confession de quelqu’un de deux manières : 1° à cause du défaut de juridiction ; 2° parce qu’il est empêché de remplir les fonctions de son ordre, comme les excommuniés, les dégradés et tous ceux qui sont dans une position semblable. Or, celui qui a la juridiction peut confier les choses qui appartiennent à la juridiction. C’est pourquoi si on est empêché d’entendre la confession d’une personne par défaut de juridiction, on peut recevoir le pouvoir d’entendre sa confession ou de l’absoudre de la part de celui qui a la juridiction immédiate sur elle, soit de la part du prêtre lui-même (C’est un principe général, dit Mgr Gousset, que ceux qui ont la puissance ordinaire peuvent déléguer. Cependant le concile de Trente, considérant que l’exercice de ce pouvoir entre les mains d’un si grand nombre de prêtres, entraînerait de grands abus, a statué qu’aucun prêtre séculier ou régulier ne pourrait entendre les confessions, ni être réputé apte à cette fonction, s’il n’avait un bénéfice à charge d’âmes ou s’il n’avait été jugé capable par l’évêque et n’avait obtenu une approbation (sess. 23 De reform., chap. 15). Comme aujourd’hui l’évêque délègue en même temps qu’il approuve, le droit des curés est devenu sans exercice.), soit de la part de l’évêque, soit de la part du pape. Mais si on ne peut entendre les confessions parce qu’on est empêché d’exercer les fonctions de son ordre, on peut recevoir le pouvoir de les entendre de celui qui a le pouvoir de lever l’empêchement.

 

Article 6 : Un pénitent peut-il sur la fin de sa vie être absous par tout prêtre quel qu’il soit ?

 

          Objection N°1. Il semble que sur la fin de sa vie un pénitent ne puisse pas être absous par tout prêtre quel qu’il soit. Car il faut pour l’absolution une juridiction, comme nous l’avons dit (art. préc.). Or, un prêtre n’acquiert pas juridiction sur celui qui se repent à la fin de sa vie. Il ne peut donc l’absoudre.

          Réponse à l’objection N°1 : On ne peut user de la juridiction d’un autre d’après sa volonté, parce qu’on peut confier à un autre ce qui est de juridiction. Par conséquent, comme l’Eglise reconnaît que tout prêtre (Cette expression embrasse même les prêtres excommuniés, suspens, hérétiques, schismatiques ou interdits pour une cause quelconque.) peut absoudre à l’article de la mort (Les théologiens n’exigent pas spécialement qu’on soit à l’article de la mort, mais il suffit qu’on soit en danger, parce qu’il y a dès lors nécessité urgente.), il s’ensuit que par là même qu’on a l’usage de la juridiction sous un rapport, quoiqu’on n’ait pas de juridiction.

 

          Objection N°2. Celui qui reçoit d’un autre que de son propre prêtre le sacrement de baptême à l’article de la mort ne doit pas être baptisé de nouveau par son propre prêtre. Si donc tout prêtre peut, à l’article de la mort, absoudre de toute espèce de péchés, le pénitent ne doit pas, s’il en revient, recourir à son propre prêtre ; ce qui est faux, parce qu’autrement le prêtre n’aurait pas connaissance du visage de son troupeau.

          Réponse à l’objection N°2 : On n’est pas obligé de recourir à son propre prêtre pour être de nouveau absous des péchés (On n’est pas obligé de les confesser de nouveau, même pour les cas réservés.) dont on a reçu l’absolution à l’article de la mort, mais pour lui faire connaître qu’on a été absous. De même il n’est pas nécessaire que celui qui a été absous de l’excommunication se présente au juge qui aurait pu l’absoudre auparavant, pour lui demander de l’absoudre, mais pour lui offrir de satisfaire (S’il ne se présentait pas pour se soumettre à ses ordres, il retomberait de nouveau sous les mêmes censures.).

 

          Objection N°3. Comme il est permis à un prêtre étranger de baptiser à l’article de la mort, de même c’est aussi permis à celui qui n’est pas prêtre. Or, celui qui n’est pas prêtre ne peut jamais absoudre au for de la pénitence. Un prêtre ne peut donc pas non plus absoudre à l’article de la mort celui qui n’est pas soumis à sa juridiction.

          Réponse à l’objection N°3 : Le baptême tire son efficacité de la sanctification elle-même de la matière. C’est pourquoi on reçoit ce sacrement, peu importe par qui il soit conféré. Mais la force sacramentelle de la pénitence consiste dans la sanctification du ministre. C’est pour cela que celui qui se confesse à un laïque, bien que de son côté il remplisse ce qui appartient à la confession sacramentelle, cependant il n’obtient pas l’absolution sacramentelle. C’est pourquoi ce qui est produit par le mérite et la peine de la confession lui est compté et diminue d’autant la peine temporelle à laquelle il est tenu, mais il n’obtient pas la diminution de cette peine qui résulte du pouvoir des clefs ; et c’est pour ce motif qu’il est tenu de se confesser de nouveau à un prêtre. Et celui qui meurt après s’être ainsi confessé est plus puni après cette vie que s’il s’était confessé à un prêtre.

 

          Mais c’est le contraire. La nécessité spirituelle est plus grande que la nécessité corporelle. Or, on peut à la dernière extrémité faire usage des choses des autres, même malgré leurs maîtres, pour subvenir à une nécessité corporelle. On peut donc aussi à l’article de la mort, pour subvenir à une nécessité spirituelle, être absous par un autre prêtre que le sien.

          C’est aussi ce que démontrent les passages cités (Sent. liv. 4, dist. 20).

 

          Conclusion La nécessité n’ayant pas de loi, un pénitent, à l’article de la mort, peut être absous par tout prêtre non seulement de tous ses péchés, mais encore de toute excommunication, peu importe par qui elle soit portée.

          Il faut répondre que tout prêtre, pour ce qui est du pouvoir des clefs, a puissance indifféremment sur tout le monde et relativement à tous les péchés ; mais qu’il ne peut pas absoudre tout le monde de tous les péchés, parce que, d’après l’ordre établi par l’Eglise, il a une juridiction limitée, ou même il n’en a aucune. Mais parce que la nécessité n’a pas de loi, il s’ensuit que quand la nécessité presse, on n’est point empêché d’absoudre par les prescriptions de l’Eglise, du moment qu’on a sacramentellement le pouvoir des clefs, et le pénitent retire autant de fruit de l’absolution d’un prêtre étranger (On suppose dans ce cas que le propre prêtre est absent, suivant la remarque du Rituel romain : Si periculum mortis immineat, approbatusque desit confessarias (De sacram. pœnitent.).) que de l’absolution qu’il aurait reçue de son propre prêtre. Dans ce cas il peut être absous par tout prêtre, non seulement de ses péchés, mais encore de l’excommunication, peu importe par qui elle ait été portée ; parce que cette absolution appartient aussi à la juridiction qui est restreinte par les lois établies par l’Eglise.

 

Article 7 : La peine temporelle est-elle proportionnée à l’étendue de la faute ?

 

          Objection N°1. Il semble que la peine temporelle, dont l’obligation subsiste après la pénitence, ne soit pas proportionnée à l’étendue de la faute ; car elle est mesurée sur l’étendue de la délectation que l’on a eue dans le péché, d’après ces paroles (Apoc., 18, 7) : Multipliez ses tourments et ses douleurs à proportion de ce qu’elle s’est enorgueillie et qu’elle a vécue dans les délices. Or, là où la délectation est la plus vive, la faute est moindre, parce que les péchés charnels, qui procurent plus de délectation que les péchés spirituels, sont moins coupables, d’après saint Grégoire (implic. Mor., liv. 23, chap. 11, circ. med.). La peine n’est donc pas fixée d’après l’étendue de la faute.

          Réponse à l’objection N°1 : Dans ce passage on touche à deux choses que l’on doit considérer par rapport à la faute : la gloire qu’on en retire et le plaisir ou la délectation. La première de ces deux choses se rapporte à l’orgueil qui fait que par le péché on résiste à Dieu ; la seconde appartient à la jouissance qu’on trouve dans le péché lui-même. Or, quoiqu’il y ait quelquefois une délectation moindre dans un péché plus grand, cependant il y a toujours plus d’orgueil, et c’est pour ce motif que ce raisonnement n’est pas concluant.

 

          Objection N°2. Les péchés mortels obligent à une peine sous la loi nouvelle de la même manière que sous la loi ancienne. Or, sous la loi ancienne, on était tenu pour certains péchés à une peine de sept jours ; de telle sorte qu’on était impur pendant ce temps pour un seul péché mortel. Par conséquent, puisque sous le Nouveau Testament on impose une peine de sept ans pour un seul péché mortel, il semble que l’étendue de la peine ne se rapporte pas à l’étendue de la peine.

          Réponse à l’objection N°2 : Cette peine de sept jours n’expiait pas toute la peine due au péché ; par conséquent, si on était mort après ce temps-là, on aurait été encore puni dans le purgatoire ; mais elle expiait l’irrégularité qui était détruit par les sacrifices de la loi. Néanmoins, toutes choses égales d’ailleurs, l’homme pèche plus grièvement sous la loi nouvelle que sous la loi ancienne, parce qu’il est plus sanctifié par les grâces qu’il reçoit dans le baptême et parce que Dieu a accordé au genre humain de plus grands bienfaits. Ce qui est évident d’après ces paroles de l’Apôtre (Héb., 10, 29) : Combien croyez-vous que celui-là sera jugé digne d’un plus grand supplice, qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu et qui aura tenu pour une chose vile et profane le sang de l’alliance par lequel il avait été sanctifié ? Toutefois il n’est pas vrai universellement qu’on exige pour tout péché mortel une pénitence de sept jours ; c’est une règle commune qu’il convient d’appliquer dans le plus grand nombre des cas ; mais on peut cependant l’omettre en considérant les différentes circonstances des péchés et des pénitents.

 

          Objection N°3. Le péché d’homicide dans un laïque est plus grand que celui de la fornication dans un prêtre, parce que la circonstance qui se tire de l’espèce du péché est plus aggravante que celle qui se tire de la condition de la personne. Or, on impose sept ans de pénitence à un laïque pour un homicide et on en impose dix à un prêtre pour une fornication, d’après les canons (chap. Si quis homicidum, dist. 50, et chap. Presbyer, dist. 82). La peine ne se mesure donc pas d’après l’étendue de la faute.

          Réponse à l’objection N°3 : Un évêque ou un prêtre pèche avec plus de péril pour lui et pour les autres. C’est pour cela que les canons l’éloignent du péché avec plus de sollicitude que les autres, en lui imposant une peine plus grande à titre de remède ; quoique quelquefois il n’en mérite pas à titre de justice aussi grande ; par conséquent dans le purgatoire on n’en exigera pas de pareille.

 

          Objection N°4. Le plus grand péché c’est celui qu’on commet contre le corps même du Christ ; parce que la faute qu’on fait est d’autant plus grave que celui contre lequel on pèche est plus élevé. Or, on impose à celui qui répand le sang du Christ contenu dans le sacrement de l’autel une pénitence de quarante jours ou un peu plus, au lieu que pour une fornication simple on enjoint une pénitence de sept ans, selon les canons (chap. Si per negligentiam, De consecrat., dist. 2, et chap. Presbyter, dist. 82). L’étendue de la peine ne répond donc pas à l’étendue de la faute.

          Réponse à l’objection N°4 : Cette peine doit s’entendre du cas où cet accident arrive au prêtre involontairement ; car s’il répandait le précieux sang spontanément il mériterait une peine plus grave (Toutes les pénitences extérieures rappelées dans ces différentes objections ne sont plus en usage aujourd’hui, mais le prêtre pourra les rappeler au pénitent pour lui faire sentir la gravité de ses fautes et l’engager à faire plus volontiers la pénitence qui lui est imposée. Indépendamment de la pénitence d’obligation il pourra lui conseiller de suppléer à l’insuffisance de la satisfaction par d’autres œuvres de pénitence volontaires.).

 

          Mais c’est le contraire. Le prophète dit (Is., 27, 8) : Lorsque la maison de Jacob sera rejetée, vous la jugerez avec mesure. Donc l’étendue de la punition portée contre le péché est proportionnée à l’étendue de la faute.

          L’homme est ramené à l’égalité de la justice par la pénitence qui lui est infligée. Or, il n’en serait pas ainsi, si l’étendue de la faute et celle de la peine n’étaient pas proportionnées. Donc l’une répond à l’autre.

 

          Conclusion Quoique la peine considérée comme le payement d’une dette doive être déterminée selon l’étendue de la faute, cependant si on la considère comme un remède pour celui qui a fait le péché ou pour les autres, on ne doit pas toujours la fixer d’après l’étendue de la faute, mais quelquefois selon la condition des personnes.

          Il faut répondre qu’après le pardon de la faute on exige une peine pour deux motifs, pour acquitter ce que l’on doit et pour fournir un remède (La pénitence doit être afflictive et médicinale. Habeant præ oculis sacerdotes, dit le concile de Trente, ut satisfactio quam imponunt, non sit tantùm ad novæ vitæ custodiam et infirmitatis medicamentum, sed etiam ad præteritorum peccatorum vindictam et castigantionem (ibid.).). On peut donc considérer la détermination de la peine relativement à ces deux choses. 1° Par rapport à la dette. En ce sens l’étendue la peine répond radicalement à l’étendue de la faute avant qu’elle n’ait été en rien pardonnée, de telle sorte que si la première des choses qui sont de nature à obtenir la remise de la peine a eu beaucoup d’effet, il reste moins à faire pour les autres actes. Car plus la remise de la peine qu’on a obtenue par la contrition est abondante et moins ce qui reste à acquitter par la confession est considérable (Le confesseur doit tenir compte aussi des œuvres expiatoires qui ont été faites avant la confession, et ensuite des faveurs attachées à un jubilé ou à une autre indulgence plénière.). 2° On peut considérer la peine comme un remède pour le pécheur et pour les autres. A ce point de vue on impose quelquefois une pénitence plus forte pour un péché moindre ; soit parce qu’il est plus difficile de remédier au péché de l’un qu’au péché de l’autre, c’est ainsi qu’on impose une peine plus forte pour une fornication à un jeune homme qu’à un vieillard, quoique son péché soit moins grave ; soit parce que dans l’un le péché est plus dangereux, comme le péché est plus dangereux dans un prêtre que dans un autre ; soit parce que la multitude est plus portée à une faute, et alors il faut par la peine de l’un en détourner les autres. On doit donc déterminer la peine au for de la conscience à ce double point de vue. C’est pour cela qu’on n’impose pas toujours une peine plus grande pour un péché plus grave. Mais la peine du purgatoire a seulement pour but d’acquitter la dette, parce qu’il n’y a plus lieu alors de pécher. C’est pourquoi cette peine n’est fixée que d’après l’étendue du péché, après avoir considéré toutefois l’étendue de la contrition, la confession et l’absolution ; parce que toutes ces choses contribuent à remettre une partie de la peine. Par conséquent, le prêtre doit aussi les considérer en imposant la satisfaction.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.