Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 11 : Du sceau de la confession

 

          Nous devons ensuite nous occuper du sceau de la confession, et à cet égard cinq questions se présentent : 1° Est-on tenu de cacher dans tous les cas ce qu’on possède sous le sceau de la confession ? (Le confesseur est tenu au secret de la confession par toutes les lois positives divines et humaine. Le concile de Latran, sous Innocent III, s’exprime ainsi à ce sujet (chap. 24) : Caveat autem omnino, ne verbo vel signo, vel alio quovis modo prodat aliquatenùs peccatoremquoniam qui peccatum in pœnitientiali judicio sibi detectum præsumpserit revelare, non solùm à sacerdoti officio deponendum decernimus, verùm etiam ad agendam perpetuam pœnitentiam ina rctum monasterium detrudendum.) — 2° Le sceau de la confession s’étend-il à d’autres choses qu’à celles qui regardent la confession ? — 3° N’y a-t-il que le prêtre qui soit obligé au sceau de la confession ? — 4° Un prêtre peut-il avec la permission du pénitent faire connaître à un autre une faute qu’il connaît sous le sceau de la confession ? (Tous les théologiens reconnaissent en général qu’un confesseur peut parler des choses qu’il a entendues en confession si le pénitent lui en donne la permission ; mais il faut une permission expresse, une permission tacite ou présumée ne suffirait pas, et le confesseur ne doit demander cette permission que pour des motifs raisonnables. Si le pénitent la lui refuse, même quand il aurait tort de le faire, il ne peut passer outre.) — 5° Est-on tenu de cacher ce qu’on connaît par la confession, quoiqu’on l’ait appris autrement ?

 

Article 1 : Un prêtre est-il tenu dans tous les cas à cacher les péchés qu’il connaît sous le sceau de la confession ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’un prêtre ne soit pas tenu de cacher dans tous les cas les péchés qu’il connaît sous le sceau de la confession. Car, comme le dit saint Bernard (implic. in tract. De præcepto et dispensat., chap. 2 à med.) : Ce qui a été établi pour la charité ne combat pas contre elle. Or, en cachant une confession, on irait dans certain cas contre la charité ; par exemple, si on sait par la confession que quelqu’un est hérétique et qu’on puisse l’amener à cesser de corrompre le peuple. Il en est de même de celui qui sait par la confession qu’il y a affinité entre des personnes qui veulent se marier. Dans ce cas on doit donc révéler la confession.

          Réponse à l’objection N°1 : Il y en a qui disent que le prêtre n’est tenu de garder sous le sceau de la confession que les fautes à l’égard desquelles le pénitent promet de se corriger ; que pour les autres il peut les dire à celui qui peut être utile au pénitent et qui ne peut lui nuire. Mais cette opinion est erronée parce qu’elle est contraire à la vérité du sacrement. Car comme le baptême est un sacrement, quoiqu’on s’en approche avec de mauvaises dispositions et qu’on n’y change rien pour ce motif de ce qui lui est essentiel ; de même la confession ne cesse pas être sacramentelle, quoique celui qui se confesse ne se propose pas de se corriger. C’est pourquoi sa confession n’en doit pas moins être conservée sous le secret. Toutefois le sceau de la confession n’est pas contraire à la charité. Car la charité n’exige pas qu’on apporte un remède à un péché qu’on ignore. Or, ce qu’on sait sous le sceau de la confession est comme une chose qu’on ne sait pas, puisqu’on ne le sait pas comme homme, mais comme Dieu. Cependant dans les cas précités on doit remédier au mal, autant qu’on le peut, sans révéler la confession ; par exemple, en donnant des avis à ceux qui se confessent, et en donnant des soins aux autres pour qu’ils ne laissent pas corrompre par l’hérésie. On peut aussi dire à un prélat à veiller avec plus de soin sur son troupeau, mais toutefois sans rien échapper qui trahisse soit de vive voix, soit par signe, celui qui s’est confessé.

 

          Objection N°2. Il n’est pas nécessaire d’observer une chose à laquelle on n’est obligé que d’après un précepte de l’Eglise, du moment que l’Eglise donne un ordre contraire. Or, le secret de la confession n’a été établi que d’après un statut de l’Eglise. Si donc l’Eglise ordonne à celui qui sait quelque chose d’un péché de le dire, celui qui le sait par la confession doit le faire.

          Réponse à l’objection N°2 : Le précepte du secret de la confession est une conséquence du sacrement lui-même. C’est pourquoi comme le précepte de faire la confession sacramentelle est de droit divin et qu’on ne peut en être exempté ni par une dispense, ni par une loi humaine ; de même personne ne peut être contraint par un homme de révéler la confession, ni y être autorisé. Par conséquent, si on ordonne sous peine d’excommunication déjà portée de dire ce qu’on sait sur tel ou tel péché, on ne doit pas le faire ; parce qu’on doit penser que l’intention de celui qui promulgue cet ordre c’est qu’on révèle ce qu’on sait comme homme, et que dans ce cas on ne sait rien comme tel. Et quand même on serait interrogé au sujet de la confession, on ne devrait pas répondre (Même quand on serait menacé de mort, on devrait plutôt mourir martyr du sceau sacramentel que révéler directement ou indirectement la confession d’un pénitent.), et on n’encourrait pas l’excommunication ; parce qu’on n’est soumis à son supérieur que comme homme, et qu’on ne sait pas cela comme homme, mais comme Dieu.

 

          Objection N°3. On doit suivre sa conscience plutôt que de sauver la réputation d’autrui, parce que la charité bien ordonnée le prescrit. Or, quelquefois on ne peut cacher le péché d’un autre qu’au détriment de sa propre conscience ; comme quand on est appelé en témoignage pour un péché qu’on sait par la confession, et qu’on est obligé de jurer qu’on va dire la vérité, ou quand un abbé sait par la confession le péché d’un prieur qu’il a sous sa juridiction, et qui doit être pour lui une occasion de ruine s’il lui laisse son prieuré. Alors il est tenu de lui enlever la dignité de sa charge pastorale, quoiqu’en la lui enlevant il paraisse rendre publique sa confession. Il résulte donc que dans certain cas il soit permis de rendre la confession publique.

          Réponse à l’objection N°3 : On n’est appelé en témoignage que comme homme. C’est pourquoi sans blesser sa conscience on peut jurer qu’on ignore ce qu’on sait seulement comme Dieu. De même un prélat peut aussi sans blesser sa conscience laisser impuni un péché qu’il sait seulement comme Dieu, ou il peut le laisser sans remède, parce qu’il n’est tenu de remédier à une chose que selon la manière dont elle lui est déférée. Ainsi pour les choses qui lui sont déférées au for de la pénitence, il doit y remédier là autant qu’il le peut. Par exemple, dans le cas précité, un abbé doit avertir le prieur de résigner son prieuré, ou s’il refuse, il peut profiter d’une autre occasion pour le délivrer de sa charge (Mais il ne faut pas que ce qu’il a appris par la confession influe sur sa détermination, parce qu’il y aurait en cela une sorte de révélation indirecte.), de telle sorte cependant qu’il évite tout soupçon au sujet de la révélation de la confession.

 

          Objection N°4. Un prêtre peut, au moyen de la confession d’un pénitent qu’il a entendu, avoir la conviction que cette personne est indigne d’une charge. Or, tout le monde est tenu de faire opposition à la promotion des sujets indignes, si l’occasion s’en présente. Par conséquent, puisqu’en faisant de l’opposition on paraît rendre suspect de péché et révéler ainsi d’une certaine manière la confession, il semble qu’on doive la révéler quelquefois.

          Réponse à l’objection N°4 : Il y a beaucoup d’autres causes que le péché qui rendent quelqu’un indigne de l’office d’une prélature telles que le défaut de science, le défaut d’âge ou tel autre défaut semblable. C’est pourquoi celui qui fait de l’opposition ne fait pas soupçonner une faute, et ne révèle pas la confession.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (Decret. de pœnit. et rem., chap. Omnis utriusque, etc.) : Que le prêtre prenne garde de faire connaître le pécheur par un mot, par un signe ou de quelque autre manière que ce soit.

          Le prêtre doit se consacrer à Dieu dont il est le ministre. Or, Dieu ne révèle pas les péchés qu’on découvre par la confession, mais il les cache. Le prêtre ne doit donc pas les révéler.

 

          Conclusion Comme Dieu tient toujours voilé le péché de celui qui se soumet à lui par la pénitence, de même le prêtre doit toujours cacher les péchés de celui qui se confesse ; puisque la confession extérieure qui se fait au prêtre est le signe de la confession intérieure qui se fait à Dieu.

          Il faut répondre que dans les sacrements les choses qui se font extérieurement sont les signes de celles qui se passent intérieurement. C’est pourquoi la confession par laquelle on se soumet à un prêtre est le signe de la soumission intérieure par laquelle on se soumet à Dieu. Or, Dieu cache le péché de celui qui se soumet à lui par la pénitence. Il faut donc qu’il y ait dans le sacrement de pénitence un signe de cette action. C’est pour ce motif qu’il est nécessaire au sacrement qu’on cache la confession, et que celui qui la révèle pèche comme ayant violé un sacrement. Indépendamment de cette considération, ce secret a encore d’autres avantages ; parce que les hommes sont par là même plus engagés à se confesser, et qu’ils confessent aussi plus simplement leurs fautes.

 

Article 2 : Le sceau de la confession s’étend-il à d’autres choses qu’à celles qui concernent la confession ?

 

          Objection N°1. Il semble que le sceau de la confession s’étende à d’autres choses qu’à celles qui appartiennent à la confession. Car il n’ya que les péchés qui soient l’objet de la confession. Or, quelquefois en disant ses fautes on raconte beaucoup de choses qui n’appartiennent pas à la confession. Par conséquent, puisqu’on dit ces choses au prêtre comme à Dieu, il semble qu’elles soient aussi comprises sous le sceau de la confession.

 

          Objection N°2. Quelquefois on dit à quelqu’un un secret et celui-ci le reçoit sous le sceau de la confession. Donc le sceau de la confession s’étend à des choses qui n’appartiennent pas à la confession.

          Réponse à l’objection N°2 : On ne doit pas facilement recevoir quelque chose de cette manière ; si cependant on le fait, on est tenu par sa promesse de le cacher comme si on le savait par la confession, quoiqu’on ne possède pas ce secret sous le sceau de la confession.

 

          Mais c’est le contraire. Le sceau de la confession est quelque chose d’annexé à la confession sacramentelle. Or, les choses qui sont annexées à un sacrement ne s’étendent pas au-delà de ce sacrement. Donc le sceau de la confession ne s’étend qu’aux choses dont la confession sacramentelle est l’objet.

 

          Conclusion Le sceau de la confession étant quelque chose d’annexé à la confession sacramentelle, il ne s’étend directement qu’aux choses qui sont l’objet de la confession sacramentelle, quoiqu’il comprenne indirectement à cause du scandale les choses qui n’appartiennent pas à la confession sacramentelle.

          Il faut répondre que le sceau de la confession ne s’étend directement qu’aux choses qui sont l’objet de la confession sacramentelle, mais il comprend indirectement ce qui n’appartient pas à la confession, comme les choses qui pourraient faire connaître le pécheur ou le péché (Ainsi le secret de la confession ne comprend pas seulement les péchés mortels ou véniels, mais encore les vices, les penchants, les imperfections, les tentations, les défauts naturels ou accidentels, en un mot tout ce qui pourrait faire de la peine d’une manière quelconque au pénitent, et lui rendre la confession difficile ou odieuse.). Néanmoins on doit tenir secrètes ces choses-là avec le plus grand soin, soit à cause du scandale soit à cause du penchant qui pourrait résulter de l’habitude où l’on serait d’en parler.

          La réponse à la première objection est par là même évidente.

 

Article 3 : N’y a-t-il que le prêtre qui soit tenu au sceau de la confession ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’il n’y ait pas que le prêtre qui soit tenu au sceau de la confession. Car quelquefois dans une nécessité pressante, on se confesse à un prêtre par interprète. Or, l’interprète, à ce qu’il semble, est tenu de cacher la confession. Il n’y a donc pas que le prêtre qui possède une chose sous le sceau de la confession.

 

          Objection N°2. Dans le cas de nécessité on peut quelquefois se confesser à un laïque. Or, il est tenu de tenir secret les péchés qu’on lui confesse, puisqu’on les lui dit comme à Dieu. Il n’y a donc pas que le prêtre qui ait le sceau de la confession.

 

          Objection N°3. Quelquefois il y en a qui se disent prêtres pour pénétrer au moyen de cette fraude dans la conscience d’un autre. Or, celui qui agit ainsi pèche, à ce qu’il semble, s’il révèle la confession. Il n’y a donc pas que le prêtre qui ait le sceau de la confession.

 

          Mais c’est le contraire. Le prêtre seul est ministre de ce sacrement. Or, le sceau de la confession est annexé à ce sacrement. Il n’y a donc que le prêtre qui le possède.

          On est tenu de tenir secrètes les choses qu’on a entendues dans la confession, parce qu’on ne les sait pas comme homme, mais comme Dieu. Or, il n’y a que le prêtre qui soit ministre de Dieu. Il n’y a donc que lui qui soit tenu à ce secret.

 

          Conclusion Quoique le sceau de la confession ne provienne proprement qu’au prêtre, comme ministre des clefs, cependant, comme un laïque qui entend une confession par nécessité, participe d’une certaine manière à l’acte des clefs, de même il participe aussi à l’acte du sceau de la confession.

          Il faut répondre que le sceau de la confession convient au prêtre (Le secret de la confession lie directement d’abord le confesseur qui a entendu la confession, ensuite le supérieur auquel on se serait adressé pour des cas réservés, s’il y avait eu lieu ; ceux que le confesseur consulte avec la permission du pénitent, quand cela est nécessaire ; l’interprète qui sert d’intermédiaire entre le pénitent et le confesseur, quand ils ne parlent pas la même langue ; enfin tous ceux qui sont initiés d’une manière ou d’une autre à la confession du pénitent, avec son consentement.) selon qu’il est ministre de ce sacrement ; ce qui n’est rien autre chose que le devoir de tenir la confession secrète, comme les clefs sont le pouvoir d’absoudre. Cependant comme quelqu’un qui n’est pas prêtre participe en certains cas d’une certaine manière à l’acte des clefs, en entendant une confession par nécessité ; de même il participe aussi d’une certaine façon à l’acte de la confession, et il est tenu au secret (Celui qui aurait entendu par indiscrétion la confession d’un autre, ou qu’il l’aurait lue, serait tenu, d’après certains théologiens, au secret sacramentel ; mais tous reconnaissent qu’il est tenu certainement au secret naturel.), quoique à proprement parler, il ne possède pas le sceau de la confession.

          La réponse aux objections est par là même évidente.

 

Article 4 : Un prêtre peut-il avec la permission de son pénitent faire connaître à un autre un péché qu’il sait sous le sceau de la confession ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’un prêtre ne puisse pas avec la permission de son pénitent faire connaître à un autre un péché qu’il sait sous le sceau de la confession. Car ce que ne peut le supérieur, l’inférieur ne le peut pas non plus. Or, le pape ne pourrait pas autoriser quelqu’un à dire un autre une faute qu’il sait par la confession. Donc celui qui se confesse ne peut pas le lui permettre.

          Réponse à l’objection N°1 : Le pape ne peut pas permettre à un prêtre de dire ce qu’il sait par la confession, parce qu’il ne peut pas faire qu’il le sache comme homme, tandis que le pénitent peut bien le faire.

 

          Objection N°2. Ce qui a été établi pour le bien général de l’Eglise ne peut être annulé par la volonté d’un seul. Or, le secret de la confession a établi pour le bien de l’Eglise entière, afin que les hommes s’approchent de la confession avec plus de confiance. Donc celui qui se confesse ne peut pas permettre au prêtre de parler de ce qu’il lui a dit.

          Réponse à l’objection N°2 : On n’annule pas ce qui a été établi pour le bien commun ; car le sceau de la confession n’est pas rompu quand on dit ce qu’on sait d’une autre manière.

 

          Objection N°3. Si on pouvait donner cette permission à un prêtre, il semble que ce serait un moyen de pallier la malice des mauvais prêtres, parce qu’ils pourraient prétendre qu’on leur a donné cette permission et pécher ainsi impunément ; ce qui n’est pas convenable. Il semble donc que le pénitent ne puisse donner cette permission.

          Réponse à l’objection N°3 : On n’assure pas pour cela l’impunité aux mauvais prêtres ; parce que si on les accuse, ils sont obligés de prouver qu’ils ont révélé la confession d’après l’autorité du pénitent.

 

          Objection N°4. Celui à qui le prêtre révélera ce péché ne le connaîtra pas sous le sceau de la confession, et par conséquent un péché qui est déjà effacé pourra devenir public ; ce qui répugne. On ne peut donc accorder une pareille permission.

          Réponse à l’objection N°4 : Celui qui est admis à la connaissance d’une faute par l’intermédiaire du prêtre, du consentement du pénitent, participe d’une certaine manière à l’acte du prêtre (Il est tenu directement au secret sacramentel, comme nous l’avons observé (art. préc.).). C’est pourquoi il en est de lui comme d’un interprète, à moins que par hasard le pécheur ne veuille qu’il le sache absolument et librement.

 

          Mais c’est le contraire. Un supérieur peut renvoyer de son consentement un pénitent à un prêtre inférieur avec des lettres dimissoires. Un prêtre peut donc aussi révéler à un autre un péché de son pénitent du consentement de ce dernier.

          Celui qui peut faire une chose par lui-même peut aussi la faire par un autre. Or, celui qui se confesse peut révéler par lui-même à un autre le péché qu’il a fait. Il peut donc aussi le révéler au prêtre.

 

          Conclusion Le pénitent pouvant faire que le prêtre sache comme homme ce qu’il a su comme Dieu, s’il lui accorde la faculté de découvrir sa confession, dans le cas où celui-ci la révèle, il ne viole pas le sceau de la confession, mais il doit le faire sans scandale dans la crainte qu’on ne croie qu’il a violé le secret qui lui a été confié.

          Il faut répondre qu’il y a deux motifs pour lesquels le prêtre est tenu de cacher les péchés qu’on lui confesse. Le premier et le principal c’est que le secret est de l’essence du sacrement, en ce sens qu’il sait les péchés comme Dieu, dont il tient la place dans la confession ; un autre motif, c’est pour éviter le scandale. Or, le pénitent peut faire que ce que le prêtre savait comme Dieu, il le sache aussi comme C’est ce qui a lieu quand il lui donne la permission de le dire. C’est pourquoi si le prêtre le dit, il ne rompt pas le sceau de la confession. Mais en le disant, il doit prendre garde au scandale, dans la crainte qu’il ne passe pour avoir brisé ce sceau.

 

Article 5 : Peut-on révéler à un autre ce qu’on sait pas la confession et aussi d’une autre manière ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on ne puisse pas révéler à un autre ce qu’on sait par la confession et encore d’une autre manière. Car on ne rompt le sceau de la confession qu’en révélant un péché qu’on connaît au tribunal de la pénitence. Si donc on révèle un péché qu’on a entendu en confession, de quelque manière qu’on le sache autrement, il semble qu’on rompe le sceau de la confession.

          Réponse à l’objection N°1 : Quand on dit qu’on a vu ce qu’on a entendu en confession, on ne révèle ce qu’on y a entendu que par accident ; comme celui qui sait une chose par l’ouïe et la vue, ne révèle pas ce qu’il a vu, absolument parlant, s’il dit qu’il a entendu, mais il le révèle par accident, parce que ce qu’il a entendu il lui est arrivé de l’avoir vu. C’est pourquoi dans ce cas on ne rompt pas le sceau de la confession.

 

          Objection N°2. Celui qui entend la confession de quelqu’un est obligé envers lui de ne pas révéler ses péchés. Or, si on promettait à quelqu’un de conserver pour soi ce qu’il aurait dit, on devrait ainsi le garder, de quelque manière qu’on l’apprenne ensuite. On doit donc aussi garder pour soi ce qu’on a appris en confession, de quelque façon qu’on le sache d’ailleurs ensuite.

          Réponse à l’objection N°2 : Celui qui entend une confession n’est pas obligé à ne pas révéler les péchés absolument, mais seulement à ne pas les révéler selon qu’il les a connus dans la confession (Il faut avoir bien soin de ne dire que ce qu’on a vu ou entendu hors de la confession, et de ne pas faire usage de ce qu’on sait par la confession, soit pour affirmer le fait d’une manière plus certaine, soit pour en modifier les circonstances.). Car on ne doit dire en aucun cas qu’on a entendu une chose en confession.

 

          Objection N°3. De deux choses celle qui est la plus puissante entraîne après soi le reste. Or, la science par laquelle on connaît un péché comme Dieu est plus puissante et plus noble que celle par laquelle on le connaît comme homme. Elle entraîne donc celle-ci après elle, et par conséquent on ne peut faire de révélation qu’autant que la science par laquelle on sait comme Dieu l’exige.

          Réponse à l’objection N°3 : Ce principe doit s’entendre de deux choses qui sont opposées ; mais la science par laquelle on sait un péché comme Dieu et celle par laquelle on le sait comme homme ne sont pas opposées. C’est pour cela que ce raisonnement n’est pas concluant.

 

          Objection N°4. Le secret de la confession a été établi pour éviter le scandale et empêcher d’éloigner les hommes de la confession. Or, si on pouvait dire ce qu’on a entendu en confession, quand même on le saurait d’autre part, il en résulterait néanmoins du scandale. On ne peut donc le dire d’aucune manière.

          Réponse à l’objection N°4 : On ne doit pas éviter le péché d’un côté au point de méconnaître la justice de l’autre. Car on ne doit pas abandonner la vérité à cause du scandale. C’est pourquoi quand la justice et la vérité sont en péril d’une manière imminente, on ne doit pas se refuser, à cause du scandale, de révéler ce qu’on a entendu en confession, mais qu’on sait aussi d’autre part. Cependant on est tenu d’éviter le scandale autant qu’il est en soi (Pour éviter le scandale on peut dire dans quelles circonstances on a vu ou entendu ce que l’on raconte, en donner des preuves extérieures, pour que personne ne suppose que cette connaissance este venue de la confession.).

 

          Mais c’est le contraire. On ne peut obliger un autre à une chose à laquelle il n’était pas tenu, à moins qu’on ne soit son supérieur et qu’à ce titre on lui impose un précepte. Or, celui qui a vu de ses yeux la faute d’un autre n’était pas tenu de la cacher. Par conséquent celui qui se confesse à lui, n’étant pas son supérieur, ne peut l’obliger à cacher ce péché par là même qu’il le lui confesse.

          Dans cette hypothèse on pourrait se soustraire à la justice de l’Eglise, si pour échapper à la sentence d’excommunication qui va être portée contre quelqu’un pour un péché dont il a été convaincu, il suffisait de se confesser à celui qui doit porter cette sentence. Or, l’exécution de la justice est de précepte. On n’est donc pas tenu de cacher le péché qu’on a entendu en confession, si on le sait d’autre part.

 

          Conclusion S’il y a nécessité, le confesseur peut faire connaître ce qui lui a été dit en confession, pourvu qu’il ait appris ces choses hors du tribunal avant ou après la confession, mais il doit avoir soin d’en parler comme homme, mais non comme Dieu.

          Il faut répondre qu’à cet égard il y a trois sortes d’opinions. En effet il y en a qui disent que ce qu’on a entendu en confession, on ne peut le dire à un autre d’aucune manière, même quand on l’aurait su d’autre part, soit avant, soit après. D’autres prétendent que par la confession on s’enlève le moyen de pouvoir parler de ce qu’on a su auparavant, mais qu’on reste libre de parler de ces choses, si on vient à les apprendre après d’une autre manière. Mais ces deux opinions en accordant trop au sceau de la confession portent préjudice à la vérité et à la justice qu’on doit observer. Car on pourrait être plus porté à pêcher, si on ne craignait pas d’être accusé par celui auquel on s’est confessé, dans le cas où l’on viendrait à retomber dans la même faute en sa présence. De même la justice pourrait en souffrir beaucoup, si on ne pouvait rendre témoignage sur ce que l’on a vu après que le coupable s’en serait confessé. On ne peut pas dire, comme quelques-uns le font, que le confesseur doit protester qu’il ne tiendra pas secrète telle ou telle faute particulière ; parce qu’il ne pourrait faire cette protestation qu’après que le péché lui aurait été déclaré, et alors tout prêtre pourrait, quand il le voudrait, révéler un péché en faisant une protestation semblable, si cela suffisait pour le rendre libre de faire une pareille révélation. C’est pourquoi l’autre opinion est plus commune ; c’est que pour ce qu’on sait d’autre part, soit avant, soit après la confession, on n’est pas tenu au secret relativement à ce qu’on sait comme homme. Car on peut dire : Je sais cela, parce que je l’ai vu. Cependant on est tenu de le cacher en tant qu’on le sait comme Dieu, car on ne peut pas dire : J’ai entendu cela en confession. Toutefois pour éviter le scandale on doit s’abstenir d’en parler, à moins qu’il n’y ait nécessité (Il y a nécessité de dire ce que l’on sait hors de la confession quand il y aurait danger pour l’Etat, ou dommage notable pour un tiers à garder le silence, ou quand on est appelé en témoignage, ou que l’excommunication est portée contre ceux qui ne révéleraient pas la faute.).

 

 Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.