Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 12 : De la satisfaction quant à son essence

 

          Après avoir parlé de la confession nous devons nous occuper de la satisfaction. A cet égard il y a quatre choses à considérer : 1° sa nature ou son essence ; 2° sa possibilité ; 3° sa qualité ; 4° les choses par lesquelles l’homme satisfait à Dieu. Sur son essence il y a trois questions à faire : 1° La satisfaction est-elle une vertu ? (Le concile de Florence et le concile de Trente supposent que la satisfaction est un acte de vertu, puisqu’ils disent qu’elle est un des actes de la vertu de pénitence (sess. 14, can. 4) : Si quis negaverit ad integram et perfectam peccatorum remissionem requiri tres actus in pœnitente, videlicet contritionem, confessionem et satisfactionem, quæ tres pœnitentiæ partes dicunturanathema sit.) — 2° Est-elle un acte de justice ? (Saint Thomas explique dans cet article comment la satisfaction est un acte de justice qui se rapporte à la pénitence.) — 3° La définition de la satisfaction que donne le Maître des sentences est-elle convenable ? (Cette définition de la satisfaction, donnée par le maître des sentences sous le nom de saint Augustin, est de Gennade de Marseille.)

 

Article 1 : La satisfaction est-elle une vertu ou un acte de vertu ?

 

         Objection N°1. Il semble que la satisfaction ne soit ni une vertu, ni un acte de vertu. Car tout acte de vertu est méritoire. Or, la satisfaction n’est pas méritoire, à ce qu’il semble, parce que le mérite est gratuit ; tandis que la satisfaction se rapporte à une chose due. Elle n’est donc pas un acte de vertu.

          Réponse à l’objection N°1 : Quoique la satisfaction soit de devoir considérée en elle-même, cependant, suivant que celui qui satisfait agi volontairement, elle devient une chose gratuite par rapport à celui qui l’opère, et qui fait ainsi de nécessité vertu. Car ce qui est dû tend à diminuer le mérite, parce qu’il impose une nécessité qui est contraire à la volonté. Par conséquent, si la volonté consent à cette nécessité, la raison du mérite ne sera pas détruite (Autrement rien de ce qui est de devoir ne serait méritoire.).

 

          Objection N°2. Tout acte de vertu est volontaire. Or, quelquefois on satisfait pour une chose malgré soi ; comme quand on est puni pour une offense qu’on a commis contre un autre. La satisfaction n’est donc pas un acte de vertu.

          Réponse à l’objection N°2 : L’acte de vertu ne requiert pas le volontaire dans celui qui pâtit, mais dans celui qui agit, parce que l’acte appartient à ce dernier. C’est pourquoi, puisque celui contre lequel le juge exerce la vengeance remplit à l’égard de la satisfaction le rôle de patient et non celui d’agent ; ce n’est pas en lui, mais dans le juge qui l’exécute que la satisfaction doit être volontaire (Dans ce cas la satisfaction n’est pas méritoire pour le patient, puisqu’elle est forcée et nécessaire ; mais elle n’existe que dans le juge qui l’impose.).

 

          Objection N°3. D’après Aristote (Eth., liv. 8, chap. 13), dans la vertu morale, la chose principale c’est l’élection. Or, la satisfaction n’est pas produite par l’élection, mais elle se rapporte principalement aux causes extérieures. Elle n’est donc pas un acte de vertu.

          Réponse à l’objection N°3 : Ce qu’il y a de principal dans la vertu peut se considérer de deux manières : 1° on peut considérer ce qu’il y a de principal en elle comme vertu ; dans ce sens, ce qu’il y a de plus principal dans la vertu, ce sont les choses qui appartiennent à son essence ou qui s’en approchent davantage. Ainsi, l’élection et les actes intérieurs sont ce qu’il y a de plus principal dans la vertu considérée comme telle. 2° On peut considérer ce qu’il y a de plus principal selon qu’elle est telle ou telle vertu particulière. En ce sens, ce qu’il y a de plus principal en elle, c’est l’objet d’où l’acte intérieur tire sa détermination ; et dans certaines vertus, l’acte intérieur est déterminé par les actes extérieurs, parce que l’élection, qui est commune à toutes les vertus, devient propre à cette vertu par là même qu’elle a pour objet tel acte. C’est ainsi que dans certaines vertus les actes extérieurs sont les actes principaux, et il en est ainsi pour la satisfaction (Car elle se trouve déterminée par les œuvres extérieures que l’on enjoint au pénitent.).

 

         Mais c’est le contraire. La satisfaction appartient à la pénitence. Or, la pénitence est une vertu. Donc la satisfaction est aussi un acte de vertu.

          Il n’y a qu’un acte de vertu qui contribue à effacer le péché, parce que le contraire est détruit par son contraire. Or, le péché est totalement anéanti par la satisfaction. Donc elle est un acte de vertu.

 

          Conclusion On dit que la satisfaction est non seulement un acte de vertu matériellement, puisqu’elle n’a pas de malice implicite et qu’elle ne manque d’aucune des circonstances exigées, mais encore formellement, puisqu’on dit que son nom renferme la forme et la nature d’une vertu.

          Il faut répondre qu’on dit qu’un acte est un acte de vertu de deux manières : 1° matériellement. De la sorte on peut appeler acte de vertu tout acte qui n’a pas de malice implicite ou qui ne manque d’aucune des circonstances exigées, parce que la vertu peut se servir de tout acte semblable pour atteindre sa fin, comme marcher, parler, etc. 2° On dit qu’un acte est un acte de vertu formellement, parce qu’il renferme dans son nom même la forme et la nature particulière de certaine vertu. C’est ainsi que supporter une chose courageusement est considéré comme un acte de force. Or, ce qu’il y a de formel dans toute vertu morale, c’est le milieu rationnel qu’elle désigne. Par conséquent, tout acte qui implique un milieu rationnel est appelé un acte de vertu formellement. Et parce que l’égalité est un milieu que la satisfaction implique d’après son propre nom (car on dit qu’on satisfait suivant qu’on établit une proportion d’égalité avec une chose), il en résulte que la satisfaction est aussi formellement un acte de vertu.

 

Article 2 : La satisfaction est-elle un acte de justice ?

 

          Objection N°1. Il semble que la satisfaction ne soit pas un acte de justice. Car la satisfaction se fait pour réconcilier l’homme avec celui qu’il a offensé. Or, la réconciliation étant un acte d’amour, elle appartient à la charité. Elle est donc un acte de charité, et non de justice.

          Réponse à l’objection N°1 : La satisfaction, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (dans le corps de l’article.), est la compensation d’une injure. Par conséquent, comme l’injure causée conduisait immédiatement à l’inégalité de la justice et par conséquent à l’inégalité opposée à l’amitié, de même la satisfaction mène directement à l’égalité de la justice et à l’égalité de l’amitié par voie de conséquence. Et comme un acte procède d’une manière élicite de l’habitude dont il a la fin pour objet immédiat, tandis qu’il procède d’une manière impérative de celle dont il tend en dernier lieu à atteindre la fin, il s’ensuit que la satisfaction est produit élicitement par la justice, tandis qu’elle résulte de la charité impérativement.

 

          Objection N°2. Les causes des péchés sont en nous les passions de l’âme par lesquelles nous sommes portés au mal. Or, la justice, d’après Aristote (Eth., liv. 5, chap. 2 et 3), n’a pas pour objet les passions mais les opérations. Par conséquent, puisqu’il appartient à la satisfaction de détruire les causes des péchés, comme le dit le Maître des sentences (4, dist. 15), il semble qu’elle ne soit pas un acte de justice.

          Réponse à l’objection N°2 : Quoique la justice ait principalement pour objet les opérations, cependant par voie de conséquence elle se rapporte aux passions, selon qu’elles sont les causes des opérations. C’est pourquoi comme la justice comprime la colère pour empêcher de nuire aux autres injustement, et comme elle comprime la concupiscence pour empêcher qu’on ne viole le lit conjugal, de même la satisfaction peut aussi détruire les causes des péchés (En corrigeant les passions ; c’est pour cela que la satisfaction n’est pas seulement une vertu expiatoire, mais encore une vertu médicinale.).

 

          Objection N°3. Se tenir en garde contre l’avenir n’est pas un acte de justice, mais plutôt un acte de prudence dont la prévoyance est une partie. Or, ceci appartient à la satisfaction, parce que c’est à elle à repousser tout ce qui peut suggérer le péché. La satisfaction n’est donc pas un acte de justice.

          Réponse à l’objection N°3 : Toutes les vertus morales participent à l’acte de la prudence, parce qu’elle complète formellement en elles la nature de la vertu (Ainsi par la prudence la satisfaction fait que le pénitent prend ses précautions pour ne pas retomber dans les fautes qu’il a commises.), puisque c’est d’après elle que se règle le milieu dans chaque vertu morale, comme on le voit par la définition qu’Aristote donne de la vertu (Eth., liv. 2, chap. 2 et 6).

 

          Mais c’est le contraire. De toutes les vertus, il n’y a que la justice qui ait pour objet ce qui est dû. Or, la satisfaction rend à Dieu l’honneur qui lui est dû, comme le dit saint Anselme (Cur Deus homo, liv. 1, chap. 11 ad fin.). La satisfaction est donc un acte de justice.

          De toutes les vertus, il n’y a que la justice qui puisse établir l’égalité des choses extérieures. Or, la satisfaction en établissant l’égalité entre la réparation et l’offense antérieure. la satisfaction est donc un acte de justice.

 

          Conclusion Puisque le nom de satisfaction désigne une équation proportionnelle, c’est-à-dire l’égalité par rapport à une offense qu’on a commise antérieurement, et que le milieu de la justice se considère suivant l’égalité d’une chose à une autre dans une certaine proportion, il est certain que la satisfaction est formellement un acte de justice.

          Il faut répondre que, d’après Aristote (Eth., liv. 5, chap. 3 et 4), le milieu de la justice se considère suivant l’égalité d’une chose à une autre dans une certaine proportionnalité. Ainsi, le mot de satisfaction impliquant une équation semblable, parce que l’adverbe satis (assez) désigne une égalité de proportion, il est constant que la satisfaction est formellement un acte de justice. Or, un acte de justice, d’après Aristote (Eth., liv. 5, chap. 2 et 4), consiste dans le rapport qu’on a soi-même avec un autre, comme quand on rend à un autre ce qu’on lui doit, ou il consiste dans le rapport d’un autre homme avec un autre, comme quand un juge établit la justice entre deux parties adverses. Quand l’acte de la justice consiste dans le rapport qu’on a soi-même avec un autre, l’égalité se trouve dans celui qui opère cet acte (En payant ce qu’il doit.) ; mais quand elle consiste dans le rapport d’un individu avec un autre, l’égalité s’établit dans celui qui avait souffert l’injustice (Quand on lui rend ce qu’il avait perdu.). Et comme la satisfaction exprime l’égalité dans celui qui l’opère, elle désigne pour ce motif l’acte de la justice qui consiste, à proprement parler, dans le rapport qu’on a soi-même avec autrui. Mais dans les rapports qu’on a soi-même avec les autres, on peut pratiquer la justice soit dans les actions et les passions (Par les actions, en restituant ce que l’on a enlevé ; passivement, par la souffrance d’une peine imposée à l’auteur de l’injure pour réparer son dommage.), soit dans les choses extérieures ; comme on fait aussi injure à autrui soit en lui enlevant ses biens, soit en le blessant par quelque action. Et parce que l’usage des choses extérieures consiste à donner, il en résulte que l’égalité dans l’acte de la justice, selon qu’il l’établit dans les choses extérieures, consiste proprement à rendre. La satisfaction démontre évidemment l’égalité dans les actions, quoiqu’on ordonne parfois une chose pour une autre. Et comme on ne rétablit l’égalité qu’entre des choses qui sont inégales, il s’ensuit que la satisfaction présuppose une inégalité d’actions, et cette inégalité constitue l’offense. C’est pour ce motif qu’elle se rapporte à une offense antérieure. Or, de toutes les parties de la justice, il n’y a que la justice vindicative qui se rapporte à l’offense antérieure. Elle rétablit l’égalité dans celui qui souffre une injustice, sans établir aucune différence entre les personnes ; soit que le patient soit le même que l’agent (comme quand on s’inflige à soi-même une peine), soit qu’il ne soit pas le même, comme quand un juge punit un individu. La justice vindicative se rapporte à l’un et à l’autre. Il en est de même aussi de la pénitence qui implique l’égalité seulement dans celui qui l’opère, parce que le pénitent supporte volontairement sa peine (Ainsi la pénitence est une partie de la justice vindicative, et la satisfaction pénitentielle est un acte de cette même justice.), de telle sorte que la pénitence est en quelque sorte une espèce de justice vindicative. Et par là il est constant que la satisfaction qui implique l’égalité par rapport à une offense antérieure dans celui qui l’exécute est une œuvre de justice relativement à cette partie qu’on appelle pénitence.

 

Article 3 : La définition de la satisfaction qui se trouve dans le Maître des sentences est-elle convenable ?

 

          Objection N°1. Il semble que la définition de la satisfaction telle qu’elle est dans le Maître des sentences (4, dist. 15) n’ai pas été convenablement donnée par saint Augustin (Gennade de Marseille) quand il dit (liv. De eccles. dogmat., chap. 54) que la satisfaction consiste à détruire les causes des péchés et à ne pas donner accès à leurs suggestions. Car le foyer de la concupiscence est la cause du péché actuel. Or, nous ne pouvons pas en cette vie détruire ce foyer. La satisfaction ne consiste donc pas à retrancher les causes des péchés.

          Réponse à l’objection N°1 : On doit considérer les causes prochaines du péché actuel, qui sont de deux sortes : les unes intérieures, comme la passion qui résulte de la coutume ou de l’acte du péché et ce qu’on appelle les restes du péché ; les autres extérieures, telles que les occasions extérieures qui portent au mal, comme le jeu, la mauvaise société et d’autres causes semblables. Les causes de cette nature sont enlevées ici-bas par la satisfaction (Car la satisfaction ayant une vertu médicinale, la première chose à faire pour que cette vertu opère, c’est de s’éloigner autant que possible de toutes les influences extérieures qui peuvent être funestes.), quoique le foyer de la concupiscence qui est la cause éloignée du péché actuel ne soit pas totalement détruit en cette vie par la satisfaction, bien qu’il soit affaibli.

 

          Objection N°2. La cause du péché est plus forte que le péché lui-même. Or, l’homme ne peut pas par lui-même détruire le péché. Donc il peut encore beaucoup moins en extirper les causes, d’où résulte la même conséquence qu’auparavant.

          Réponse à l’objection N°2 : La cause du mal ou d’une privation n’étant à titre de cause qu’un bien qui manque de quelque chose, et le bien étant plus facilement enlevé que produit, il s’ensuit qu’il est plus facile d’enlever les causes du mal ou d’une privation que d’écarter le mal lui-même ; parce qu’on n’écarte le mal qu’en établissant le bien, comme on le voit à l’égard de la cécité et de ses causes. — Toutefois les causes du péché que nous venons de citer ne sont pas des causes suffisantes, puisque le péché n’en résulte pas nécessairement, mais ce sont des occasions. De plus la satisfaction ne peut avoir lieu non plus sans le secours de Dieu, parce qu’elle ne peut exister sans la charité, comme on le dira (quest. 14, art. 2).

 

          Objection N°3. La satisfaction étant une partie de la pénitence se rapporte au passé et non à l’avenir. Or, fermer l’entrée aux suggestions des péchés est un acte qui se rapporte à l’avenir. On ne doit donc pas le faire entrer dans la définition de la satisfaction.

          Réponse à l’objection N°3 : Quoique la pénitence se rapporte au passé d’après sa première institution ou son but primitif, cependant elle se rapporte aussi à l’avenir par voie de conséquence, dans le sens qu’elle est une médecine préservatrice ; et il en est de même aussi de la satisfaction.

 

          Objection N°4. La satisfaction se dit par rapport à une offense passée. Or, dans cette définition il n’est fait aucune mention d’une offense antérieure. Elle n’est donc pas convenablement donnée.

          Réponse à l’objection N°4 : Saint Augustin (Gennade) définit la satisfaction selon qu’elle se rapporte à Dieu, à qui dans la réalité on ne peut rien enlever, quoique le pécheur lui enlève quelque chose, autant qu’il est en lui. C’est pour ce motif que dans la satisfaction on requiert plutôt l’amélioration pour l’avenir que la compensation du passé, et c’est pour cela que saint Augustin (Gennade) définit la satisfaction à ce point de vue. Néanmoins, d’après le soin qu’on prend pour l’avenir, on peut reconnaître une compensation pour le passé, et cette compensation se rapporte aux mêmes choses, mais en sens inverse. Car, quand nous regardons le passé, nous détestons les causes des péchés à cause des péchés eux-mêmes en commençant par détester le péché ; au lieu que quand il s’agit de se prémunir pour l’avenir, nous commençons par les causes, afin que les causes étant enlevés, nous évitions plus facilement les péchés.

 

          Objection N°5. Saint Anselme en donne une autre (Cur Deus homo, liv. 1, chap. 11) en disant que la satisfaction consiste à rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. Dans cette définition il n’est fait aucune mention de ce que met saint Augustin (Gennade) dans la sienne. Il semble donc que l’une des deux ne vaille rien.

          Réponse à l’objection N°5 : Il ne répugne pas qu’à l’égard de la même chose on donne différentes définitions selon les divers caractères qui se trouvent en elles ; et c’est ce qui a lieu dans la circonstance présente, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (dans le corps de l’article.).

 

          Objection N°6. Un innocent peut rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. Or, il ne convient pas à l’innocent de satisfaire. Donc la définition de saint Anselme est mauvaise.

          Réponse à l’objection N°6 : Par ce qui est dû, on entend ce que nous devons à Dieu en raison d’une faute commise ; car la pénitence se rapporte ainsi à ce qui est dû, comme nous l’avons dit auparavant (art. préc.) (Sylvius, voulant embrasser dans une même définition tous les caractères de la satisfaction la définit : une punition volontaire de soi-même pour répare l’injure faite à Dieu par le péché, et l’apaiser ainsi.).

 

          Conclusion Puisque la satisfaction, considérée par rapport à une faute passée qu’elle prend soin de réparer, est appelée la compensation d’une injure qu’on a faite, selon l’égalité de la justice, il est nécessaire de reconnaître que la définition de saint Anselme est bonne ; c’est-à-dire que satisfaire c’est rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû, et saint Augustin définit aussi parfaitement la satisfaction relativement à la préservation des fautes futures.

          Il faut répondre que la justice ne tend pas seulement à détruire à l’inégalité antérieure, en punissant une faute passée, mais encore à conserver l’égalité pour l’avenir ; car, d’après Aristote (Eth., liv. 2, chap. 3), les peines sont des remèdes. Par conséquent la satisfaction, qui est un acte de justice imposant une peine, est un remède qui guérit les péchés passés et préserve des péchés futurs. C’est pourquoi quand un homme satisfait à un autre homme, il lui donne une compensation pour le passé et prend ses précautions pour l’avenir. D’après cela on peut définir la satisfaction de deux manières. D’abord par rapport à la faute passée qu’on répare par une compensation ; dans ce sens on dit que la satisfaction est la compensation d’une injure qu’on a faite, selon l’égalité de la justice (Billuart admet cette définition pour la satisfaction qui se rapporte au péché considéré en lui-même : Compensatio injuriæ Dei illatæ secundùm justitiæ æqualitatem.). La définition de saint Anselme revient au même quand il dit, que satisfaire c’est rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû, en considérant ce qui lui est dû (Cependant cette définition ne nous paraîtrait pas assez explicite.) en raison des fautes qu’on a commises. On peut ensuite la définir selon qu’elle préserve des fautes futures, et c’est ainsi que la définit saint Augustin (Gennade). Or, on se préserve d’une maladie corporelle en enlevant les causes par lesquelles on peut gagner cette maladie ; car du moment que les causes sont enlevées, la maladie ne peut arriver. Mais il n’en est pas de même des maladies spirituelles, parce que le libre arbitre n’est pas contraint. Par conséquent, quand les causes sont présentes, on peut éviter le péché, quoique avec peine, et quand elles sont éloignées, on peut aussi y tomber. C’est pour ce motif que dans la définition de la satisfaction on met deux choses : le retranchement des causes du péché relativement au premier point de vue, et la résistance du libre arbitre au péché lui-même relativement au second. Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.