Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 21 : De la définition de l’excommunication, de sa
convenance et de sa cause
Nous
devons ensuite nous occuper de l’excommunication. A son sujet nous
considérerons : 1° sa définition, sa convenance et sa cause ; 2° celui qui peut
excommunier et celui qui peut l’être ; 3° la participation avec les excommuniés
; 4° l’absolution de l’excommunication. Sur la première de ces considérations
il y a quatre questions : 1° L’excommunication est-elle convenablement définie
? — 2° L’Eglise doit-elle excommunier quelqu’un ? (Il
est de foi que l’Eglise a le pouvoir d’excommunier et qu’elle doit user de ce
pouvoir, car elle en a fait usage dans tous les temps, depuis les apôtres
jusqu’à nos jours.) — 3° Doit-on être excommunié pour un dommage temporel ? (Le
concile de Trente recommande de n’en venir aux censures dans cette circonstance
que quand il n’est pas possible de faire justice autrement : In causis verò judicialibus mandatur omnibus judicibus eccelsiasticis, cujuscumque dignitatis existant ut quandocumque
excecutio realis vel personalis in qualibet parte judicii propriâ auctoritate ab ipsis fieri poterit,
abstineant seu à censuris ecclesiaticis, seu interdicto (sess. 25,
chap. 3).) — 4° L’excommunication portée injustement a-t-elle un effet ?
Article
1 : L’excommunication est-elle bien définie ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas convenable de définir l’excommunication comme
on l’a fait en disant que : l’excommunication
est une séparation de la communion de l’Eglise à l’égard de ses fruits et de
ses suffrages généraux (Les théologiens modernes définissent en général
l’excommunication une censure par laquelle un chrétien est séparé de la
communion des fidèles et privé des biens spirituels qui sont à la disposition
de l’Eglise, ce qui revient à la définition que donne ici saint Thomas.). Car
les suffrages de l’Eglise sont utiles à ceux pour lesquels on les fait. Or,
l’Eglise prie pour ceux qui sont hors de l’Eglise comme pour les hérétiques et
les païens. Donc elle prie aussi pour les excommuniés qui sont hors de
l’Eglise, et par conséquent ses suffrages sont valides pour eux.
Réponse
à l’objection N°1 : On prie pour les infidèles, mais ils ne reçoivent le fruit
de la prière qu’autant qu’ils se convertissent à la foi. De même on peut prier
pour les excommuniés (On peut faire des prières particulières, mais ils n’ont
pas de part aux prières publiques ou aux suffrages de l’Eglise.) quoiqu’ils ne participent pas aux prières que l’on fait
pour les membres de l’Eglise. Toutefois ils n’en retirent pas de fruit tant
qu’ils sont excommuniés, mais on prie pour qu’ils reçoivent l’esprit de
pénitence et qu’ils soient absous de l’excommunication.
Objection
N°2. On ne perd les suffrages de l’Eglise que par une faute. Or,
l’excommunication n’est pas une faute, mais une peine. Donc on n’est pas séparé
des suffrages généraux de l’Eglise par l’excommunication.
Réponse
à l’objection N°2 : Les suffrages de quelqu’un valent pour un autre selon
qu’ils lui sont continués. Or, l’action de l’un peut être continuée en faveur
d’un autre de deux manières : 1° par la puissance de la charité qui unit tous
les fidèles pour qu’ils ne fassent qu’un en Dieu, selon cette expression de
David (Ps. 118, 63) : Je suis lié de société avec tous ceux qui
vous craignent. L’excommunication ne brise pas cette continuité d’union,
parce qu’on ne peut être excommunié justement que pour une faute mortelle, par
laquelle on a déjà été séparé de la charité même sans être excommunié. Mais une
excommunication injuste ne peut enlever à quelqu’un la charité ; puisqu’elle
fait partie des plus grands biens qu’on ne peut enlever à quelqu’un malgré lui.
2° L’action peut être continuée par l’intention de celui qui fait les suffrages
et qui se porte sur celui pour lequel on les fait. L’excommunication rompt
cette espèce de continuité. Car l’Eglise par la sentence d’excommunication
sépare les excommuniés de la société générale des fidèles pour lesquels elle
fait des prières. Par conséquent, ils ne tirent aucun avantage des suffrages
qui sont faits pour l’Eglise entière, et la prière ne peut pas être faite pour
eux au nom de l’Eglise parmi les membres de l’Eglise (Il y a des docteurs qui
pensent qu’on peut offrir le saint sacrifice de la messe pour un excommunié non
dénoncé, mais il faut que son excommunication ne soit pas notoire dans la
paroisse et qu’il y ait espérance de le voir se réconcilier avec l’Eglise.) ; quoiqu’une personne privée puisse par son intention diriger
quelque suffrage pour leur conversion.
Objection
N°3. Les fruits de l’Eglise ne paraissent pas être autre chose que ses
suffrages. Car on ne peut les entendre du fruit des biens temporels, parce que
ces biens ne sont pas enlevés aux excommuniés. C’est donc à tort qu’on met ces
deux choses.
Réponse
à l’objection N°3 : Les fruits spirituels de l’Eglise ne viennent pas seulement
des suffrages, mais encore de la réception des sacrements et des bonnes œuvres
des fidèles.
Objection
N°4. L’excommunication mineure est une excommunication. Or, l’homme ne perd pas
les suffrages de l’Eglise par elle. Donc cette définition n’est pas convenable.
Réponse
à l’objection N°4 : L’excommunication mineure n’a pas la nature parfaite de
l’excommunication, mais elle y participe sous certain rapport ; c’est pourquoi
il ne faut pas que la définition de l’excommunication lui convienne totalement,
mais seulement en partie.
Conclusion
Puisqu’il s’agit ici de l’excommunication majeure, on peut la définir une séparation de la communion de l’Eglise
quant aux fruits et aux suffrages généraux ; car elle renferme
l’interdiction de la communion des fidèles et des sacrements.
Il
faut répondre que celui que le baptême fait entrer dans l’Eglise est associé à
deux choses : à l’assemblée des fidèles et à la participation des sacrements.
La seconde chose présuppose la première, parce qu’il n’y a que les fidèles qui
puissent participer aux sacrements. C’est pourquoi on peut être mis hors de
l’Eglise par l’excommunication de deux manières : 1° de telle sorte qu’on ne
soit séparé que de la participation des sacrements, et c’est l’excommunication
mineure (Par l’excommunication mineure on n’est privé que d’une partie des
biens spirituels, tandis que par l’excommunication majeure on est privé de tous
absolument.) ; 2° de façon qu’on soit exclu de l’un et de l’autre, et c’est
l’excommunication majeure (Quand les canonistes parlent de l’excommunication
sans rien ajouter, il ne s’agit que de l’excommunication majeure.) que l’on
définit ici. On ne peut faire une troisième hypothèse, c’est-à-dire supposer
qu’on soit exclu de la communion des fidèles, et non de la participation des
sacrements, pour la raison que nous venons de donner. Car il n’y a que les
fidèles qui participent aux sacrements. Mais les communications des fidèles
sont de deux sortes ; l’une consiste dans les choses spirituelles, comme les
prières mutuelles et les assemblées qui ont pour but les choses saintes.
D’autres consistent dans des actes corporels légitimes. Elles sont renfermées
dans ces vers :
Si pro delictis anathema quis efficiatur,
Os, orare, vale, communio,
mensa negetur.
Le mot os interdit le baiser de paix ; on ajoute le mot orare pour que
nous ne priions avec les excommuniés ; vale, pour qu’on ne les salue pas ; communio, pour qu’on ne
communique pas avec eux pour les sacrements ; mensa, pour qu’on ne mange pas
avec eux à la même table (On distingue ainsi trois sortes de communion : la
première purement interne, qui est produite par la grâce ; l’excommunication ne
la détruit pas, mais elle suppose qu’elle n’existe plus. La seconde qui est
interne et externe, et qui consiste dans les prières, les sacrifices qui sont
des choses extérieures, mais dont le fruit est intérieur.
Enfin, la troisième, qui est purement extérieure, consiste dans les actes de la
vie civile dont on vient de parler. On ne peut communiquer, même sous ce
dernier rapport, avec un excommunié dénoncé sans encourir l’excommunication
mineure.). La définition précédente implique la séparation des sacrements, et
c’est ce qu’expriment les mots quant aux
fruits, et la séparation de la communion des fidèles quant aux choses
spirituelles, et c’est ce qu’on désigne par les suffrages généraux de l’Eglise. — On trouve aussi une autre
définition que l’on donne d’après la séparation de ces deux espèces d’actes et
qu’on formule ainsi : l’excommunication
est une séparation de tout communion licite des fidèles.
Article
2 : L’Eglise doit-elle excommunier quelqu’un ?
Objection
N°1. Il semble que l’Eglise ne doive excommunier personne. Car l’excommunication
est une malédiction. Or, il nous est défendu de maudire (Rom., chap. 12). Donc l’Eglise ne doit pas excommunier.
Réponse
à l’objection N°1 : La malédiction peut se faire de deux manières. 1° On peut
maudire en s’arrêtant par l’intention au mal qu’on souhaite ou qu’on exprime.
Cette espèce de malédiction est défendue de toutes les manières. 2° On peut
maudire de manière que le mal qu’on prononce en maudissant ait pour but de
ramener au bien celui que l’on maudit. Cette espèce de malédiction est quelquefois
permise et salutaire. C’est ainsi qu’un médecin fait du mal à un malade, par
exemple des incisions, pour le délivrer de sa maladie (C’est pour ce motif
qu’on doit appliquer cette peine avec beaucoup de modération et de prudence : Quamvis excommunicationis
gladius, dit le concile de Trente, nervus sit ecclesiasticæ disciplinæ, et ad continendos ni officio populos valdè salutaris ; sobriè tamen magnâque
cicumspectione exercendus
est ; cùm experientia doceat, si temerè aut elvibus ex rebus incutiatur, magi contemni quàm formidari,
et perniciem potiùs parare quàm salutem
(sess. 25, chap. 3).).
Objection
N°2. L’Eglise militante doit imiter l’Eglise
triomphante. Or il est dit (Jude, 1,
9) que l’archange saint Michel dans la
contestation qu’il eut avec le diable touchant le corps de Moïse, n’osa porter
contre lui une sentence d’excommunication, mais qu’il dit : Que le Seigneur
exerce sur toi son empire. L’Eglise militante ne
doit donc pas non plus porter contre quelqu’un une sentence de malédiction ou
d’excommunication.
Réponse
à l’objection N°2 : Le diable est incorrigible. C’est pour cela qu’il n’est pas
susceptible d’être amélioré par la peine de l’excommunication.
Objection
N°3. On ne doit livrer personne entre les mains de l’ennemi, à moins qu’il ne
soit absolument désespéré. Or, par l’excommunication on est livré aux mains de
Satan, comme on le voit (1 Cor.,
chap. 5). Par conséquent, puisqu’on ne doit désespérer de personne en cette
vie, l’Eglise ne doit pas excommunier qui que ce soit.
Réponse
à l’objection N°3 : Par là même qu’on est privé des suffrages de l’Eglise, il
en résulte trois désavantages qui correspondent aux trois espèces de fruits
qu’on en retire. Car ils sont utiles pour augmenter la grâce dans ceux qui
l’ont ou pour la mériter à ceux qui ne l’ont pas, et à cet égard le Maître des
sentences dit (4, dist. 18) que la grâce de Dieu est retirée par
l’excommunication. Ils servent pour la garde de la vertu, et sous ce rapport il
dit qu’on est privé de protection, ce qui ne signifie pas que l’excommunié est
absolument mis en dehors de la providence de Dieu, mais qu’il n’a plus cette
protection dont elle environne d’une manière plus spéciale les enfants de
l’Eglise. Enfin ils sont bons pour nous défendre de l’ennemi, et il dit dans ce
sens que le diable a reçu une plus grande puissance pour sévir contre lui
spirituellement et corporellement. Ainsi, dans la primitive Eglise, quand il
fallait amener les hommes à la foi par des signes sensibles, comme le don de l’Esprit-Saint se manifestait sous des signes visibles, de
même l’excommunication se faisait connaître par des vexations corporelles du
démon. Il ne répugne pas qu’on donne à l’ennemi quelqu’un dont on ne désespère
pas ; parce qu’on ne le lui donne pas pour qu’il soit damné, mais pour qu’il se
corrige ; puisqu’il est au pouvoir de l’Eglise de l’arracher de ses mains quand
elle le voudra.
Mais
c’est le contraire. L’Apôtre commande lui-même (1 Cor., chap. 5) d’excommunier un
pécheur ou de livrer à Satan.
Il
est dit (Matth., 18, 17) de celui qui méprise les
ordres de l’Eglise : Qu’il soit pour vous
comme un païen et un publicain. Or, les païens sont hors de l’Eglise. Donc
ceux qui méprisent ce que dit l’Eglise doivent être mis hors de son sein par
l’excommunication.
Conclusion
L’Eglise tenant sur la terre la place de Dieu, et son
jugement étant conforme au sien, elle peut légitimement excommunier en séparant
le pécheur de la communion de l’Eglise ou des suffrages, et des autres biens
spirituels.
Il
faut répondre que le jugement de l’Eglise doit être conforme au jugement de
Dieu. Or, Dieu punit les pécheurs de plusieurs manières : 1° en les châtiant
par des fléaux pour les amener au bien ; 2° en abandonnant l’homme à lui-même,
afin qu’étant privé de tous les secours qui le détournaient du mal, il connaisse
son infirmité et qu’il retourne avec humilité vers Dieu dont il s’est écarté
dans son orgueil. Dans la sentence d’excommunication l’Eglise imite le jugement
de Dieu sous ces deux rapports. En séparant quelqu’un de la communion des
fidèles pour le couvrir de honte, elle imite le jugement de Dieu qui châtie par
des fléaux ; et en séparant des suffrages et des autres biens spirituels, elle
imite le jugement de Dieu par lequel il laisse l’homme à lui-même, pour
qu’après s’être connu lui-même il revienne à lui par l’humilité (Ainsi le but
pour lequel on prononce l’excommunication, c’est 1° pour venger l’honneur de
Dieu, dont le nom pourrait être blasphémé si l’on voyait les crimes les plus
énormes rester impunis parmi les fidèles ; 2° pour détourner du mal les autres
fidèles qui pourraient être atteints par le même exemple (1 Cor., 5, 6) : Ne savez-vous
pas qu’un peu de levain corrompt toute la pâte ? 3° Pour sauver celui
qui est excommunié.).
Article
3 : Doit-on être excommunié pour un dommage temporel ?
Objection
N°1. Il semble que personne ne doive être excommunié pour un dommage temporel. Car
la peine ne doit pas surpasser la faute. Or, la peine de l’excommunication est
la privation d’un bien spirituel qui l’emporte sur tous les biens temporels. Personne
ne doit donc être excommunié pour des biens temporels.
Réponse
à l’objection N°1 : L’étendue de la faute ne se mesure pas d’après le tort
qu’on cause, mais d’après la volonté avec laquelle on agit contrairement à la
charité. C’est pourquoi bien que la peine de l’excommunication surpasse le
dommage causé, cependant elle ne surpasse pas la gravité de la faite.
Objection
N°2. Nous ne devons rendre à personne le mal pour le mal d’après le précepte de
l’Apôtre (Rom., chap. 12). Or, ce
serait rendre le mal pour le mal, si on excommuniait quelqu’un pour une perte
qu’on a subie. Cela ne doit donc se faire d’aucune manière.
Réponse
à l’objection N°2 : Quand on corrige quelqu’un par une peine, on ne lui fait
pas du mal, mais du bien ; parce que les peines sont des remèdes, comme nous
l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Mais
c’est le contraire. Saint Pierre condamna à mort Ananie
et Saphire pour l’avoir trompé sur le prix de leur
champ (Actes, chap. 5). Il est donc
permis à l’Eglise d’excommunier pour des dommages temporels.
Conclusion
Puisque le péché mortel rend l’homme indigne du ciel, celui qui pèche
mortellement en causant un dommage temporel peut être excommunié pour cela par
l’Eglise, surtout s’il est contumace.
Il
faut répondre que par l’excommunication le juge ecclésiastique exclut du
royaume d’une certaine manière ceux qui sont excommuniés. Ainsi puisqu’il ne
doit exclure du royaume que les indignes, comme on l’a vu d’après la définition
de la clef (quest. 17, art. 2), et qu’on ne devient indigne qu’autant que par
le péché mortel on perd la charité qui est la voie qui mène au ciel ; il
s’ensuit qu’on ne doit être excommunié que pour un péché mortel. Et comme en
faisant tort à quelqu’un corporellement ou dans ses biens temporels, on pèche
mortellement et on agit contre la charité ; il s’ensuit que l’Eglise peut
excommunier quelqu’un pour un tort temporel qu’il a causé. Mais
l’excommunication étant la plus grave des peines, et
les peines étant des remèdes, d’après Aristote (Eth., liv. 2, chap. 3), il est d’un médecin sage de commencer par les
remèdes les plus légers et les moins dangereux. C’est pourquoi on ne doit pas
infliger l’excommunication pour un péché mortel, à moins qu’on ait été
contumace, soit en ne voulant pas se soumettre au jugement, soit en s’en allant
avant la fin du jugement sans y être autorisé, soit en n’obéissant pas à ce qui
a été déterminé. Car alors après avoir averti (Quand il s’agit d’une censure ad homine on
doit faire trois monitions distinctes ou per modum unius,
selon l’expression des canonistes, en assignant un délai et en déclarant que
tels jours sont pour la première, pour la seconde et pour la troisième
monition.), si on refuse d’obéir par mépris, on est réputé contumace et on doit
être excommunié par le juge qui n’a plus d’autre moyen d’action contre le
coupable.
Article
4 : L’excommunication portée injustement a-t-elle un effet ?
Objection
N°1. Il semble que l’excommunication portée injustement ne produise d’effet
d’aucune manière. Car l’excommunication enlève la protection et la grâce de
Dieu qui ne peuvent être retirées injustement. Donc
l’excommunication portée injustement n’a aucun effet.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique l’homme ne puisse pas perdre injustement la grâce
de Dieu, il peut cependant perdre injustement les choses qui dépendent de nous
et qui disposent à la grâce comme on le voit si on retranche à quelqu’un la
parole de vérité qui lui est due. C’est de cette manière qu’on dit que
l’excommunication retire la grâce de Dieu, comme on le voit d’après ce que nous
avons dit (art. 2, Réponse N°3).
Objection
N°2. Saint Jérôme dit (sup. illud Matth.,
chap. 16 : Tibi dabo claves)
que c’est une présomption de la part des pharisiens de croire lié ou délié
celui qui est lié ou délié injustement. Or, leur présomption était orgueilleuse
et erronée. Donc l’excommunication injuste n’a aucun effet.
Réponse
à l’objection N°2 : Saint Jérôme parle ainsi quant à la faute et non quant aux
peines qui peuvent être infligées injustement par ceux qui sont à la tête des Eglises.
Mais
c’est le contraire. D’après saint Grégoire (Hom. 26 in Evang.), on doit redouter la
sentence du pasteur, qu’elle soit juste ou injuste. Or, on ne devrait pas la
redouter si une sentence injuste ne nuisait d’aucune manière. Donc, etc.
Conclusion
Si l’excommunication a été portée injustement de la part de son auteur, soit
par colère, soit par haine, elle n’en produit pas moins son effet ; mais si
elle pèche du côté de la sentence elle-même, de telle sorte que cette erreur la
rende nulle, elle n’est d’aucun effet.
Il
faut répondre qu’on peut dire que l’excommunication est injuste de deux
manières : 1° de la part de celui qui la fulmine, comme quand on excommunie par
haine ou par colère. Dans ce cas l’excommunication n’en a pas moins son effet
quoique celui qui en est l’auteur pèche, parce que le coupable subit la
sentence justement, quoique l’autre agisse injustement. 2° Elle peut être
injuste de la part de l’excommunication elle-même, soit parce que la cause de
la sentence est illégitime (Ainsi par exemple, s’il ne s’agissait que d’une
faute vénielle, la sentence serait nulle par défaut de matière.), soit parce
que la sentence elle-même a été rendue sans observer les règles du droit (Le
vice de forme est accidentel ou substantiel. S’il est accidentel, comme si les
trois monitions n’avaient pas été faites toutes les trois ou si la sentence
n’avait pas été portée par écrit, l’excommunication est néanmoins valide. Mais
s’il est substantiel, comme dans le cas où celui qui porte la sentence n’a pas le
droit de le faire ou s’il trouve en opposition avec des lois qu’il doit
respecter, la sentence est nulle.). Dans ce cas si l’erreur du côté de la
sentence est telle qu’elle la rende nulle, l’excommunication n’a pas d’effet,
parce qu’elle n’existe pas. Mais si l’erreur n’est pas telle qu’elle annule la
sentence, elle a son effet et l’excommunié doit humblement obéir (et cela lui
sera méritoire), ou il doit recourir à un juge supérieur (Il doit user du droit
d’appel et respecter, en attendant que sa cause soit de nouveau jugée, la
sentence qui l’a frappée.), ou demander l’absolution de celui qui l’a frappé. S’il
méprisait la sentence portée contre lui, il pècherait par là même mortellement.
Mais il arrive quelquefois la cause est légitime de la part de celui qui
excommunie, tandis qu’elle ne l’est pas de la part de celui qui est excommunié
comme quand on est excommunié pour un crime faux qui a été prouvé en jugement
(Dans ce cas on doit observer la sentence pour éviter le scandale ; mais
Sylvius, major et Cajétan, et un très grand nombre de
théologiens pensent qu’on participe néanmoins aux biens spirituels de l’Eglise,
et qu’on n’est pas pour cela retranché de la communion des fidèles.). Alors si
on supporte humblement sa condamnation, le mérite de l’humilité compense le
tort causé par l’excommunication.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
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évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.