Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 22 : De ceux qui peuvent excommunier et de ceux qui
peuvent l’être
Nous
devons ensuite nous occuper de ceux qui peuvent excommunier et de ceux qui
peuvent l’être. A cet égard six questions se présentent : 1° Tout prêtre
peut-il excommunier ? — 2° Celui qui n’est pas prêtre peut-il excommunier ? (L’excommunication
peut être portée par une légat du Saint Siège, par un archidiacre ou par un
cardinal, et il n’est pas nécessaire que celui qui remplit ces fonctions soit
prêtre, mais il faut pour excommunier être membre du clergé, à moins que le
souverain pontife n’use de la plénitude de sa puissance pour confier ce pouvoir
à quelqu’un qui ne serait pas clerc. On peut voir Sylvest.
au mot Excommunicatio (Tolet., liv. 1, chap. 6) Dominique (dist.
22, quest. 2, art. 1, et chap. Cum Ecclesiis, tit. major et obed.).) — 3° Celui qui est excommunié ou suspendu peut-il
en excommunier un autre ? — 4° Peut-on s’excommunier soi-même ou excommunier son
égal ou son supérieur ? (On peut établir en principe qu’on ne peut excommunier
que les hommes qui sont sur cette terre, qui ont
l’usage de raison, qui sont baptisés et qui ont un supérieur. Ainsi on ne peut
excommunier les morts, les enfants et les insensés, les catéchumènes, les juifs
et les infidèles. Le souverain pontife ne peut être excommunié parce qu’il n’a
pas de supérieur sur la terre.) — 5° Une société peut-elle être excommuniée ? —
6° Celui qui a été excommunié une fois pourrait-il l’être encore ? (La pratique
constante de l’Eglise prouve que l’on peut être excommunié plusieurs fois pour
la même cause et pour des causes différentes, par le même juge et par un autre.
C’est ainsi que les mêmes hérétiques ont été dans une foule de circonstances
excommuniés et anathématisés.)
Article
1 : Tout prêtre peut-il excommunier ?
Objection
N°1. Il semble que tout prêtre puisse excommunier. Car l’excommunication est un
acte des clefs. Or, tout prêtre a les clefs. Donc tout prêtre peut excommunier.
Réponse
à l’objection N°1 : L’excommunication n’est pas un acte de la clef directement,
et elle se rapporte plutôt au jugement extérieur. Mais la sentence
d’excommunication quoiqu’elle soit promulguée dans un jugement extérieur, comme
elle appartient d’une certaine manière à l’entrée du royaume céleste dans le
sens que l’Eglise militante est la voie qui mène à l’Eglise triomphante, il
s’ensuit que cette juridiction par laquelle on peut excommunier peut aussi
recevoir le nom de clef. A cet égard il y en a qui distinguent la clef d’ordre
que tous les prêtres possèdent et la clef de juridiction au for judiciaire que
les juges seuls du tribunal extérieur possèdent. Cependant Dieu a donné l’une
et l’autre à saint Pierre (Matth., chap. 16), et
c’est de lui que ce double pouvoir est descendu sur ceux qui le possèdent.
Objection
N°2. C’est une plus grande chose d’absoudre et de lier au for de la pénitence
qu’au for judiciaire. Or, tout prêtre peut lier et délier au for de la
pénitence ceux qui lui sont soumis. Donc tout prêtre peut aussi excommunier ses
ouailles.
Réponse
à l’objection N°2 : Les curés ont à la vérité juridiction sur leurs paroissiens
quant au for de la conscience, mais non quant au for judiciaire, parce qu’ils
ne peuvent être cité devant eux dans les causes contentieuses. C’est pourquoi
ils ne peuvent excommunier, quoiqu’ils puissent absoudre au for de la
pénitence. Et quoique le for de la pénitence soit plus noble, cependant au for
judiciaire on requiert plus de solennité, parce que là il faut satisfaire non
seulement à Dieu, mais encore aux hommes.
Mais
c’est le contraire. On doit réserver à ceux qui occupent les postes les plus
élevés les choses qui sont les plus dangereuses. Or, la peine de
l’excommunication est excessivement dangereuse si on ne l’applique pas avec
modération. On ne doit donc pas la confier à tout prêtre.
Conclusion
Il n’y a que les évêques et les prélats majeurs qui puissent excommunier et qui
aient juridiction au for judiciaire auquel se rapporte
les choses qui obligent l’homme par rapport à ses semblables.
Il
faut répondre qu’au for de la conscience la cause se passe entre l’homme et
Dieu, tandis qu’au for du tribunal extérieur la cause se passe d’homme à homme.
C’est pourquoi l’acte de lier ou de délier qui n’oblige un homme que par
rapport à Dieu appartient au for de la pénitence, tandis que celui qui oblige
l’homme par rapport aux autres hommes appartient au for public du tribunal
extérieur. Et comme l’homme est séparé de la communion des fidèles par
l’excommunication, il s’ensuit que l’excommunication appartient au for
extérieur. C’est pourquoi il n’y a que ceux qui ont juridiction au for
extérieur qui puissent excommunier. C’est ce qui fait que les évêques seuls et
les hauts prélats (Les supérieurs des ordres religieux ont le droit de porter
des censures contre ceux qui sont soumis à leur juridiction.), selon l’opinion
la plus commune, peuvent excommunier de leur autorité propre (C’est-à-dire que
ce pouvoir découle de leur institution ordinaire, et qu’ils ne le possèdent pas
en vertu d’une commission temporaire ou d’une simple délégation, mais cela ne
signifie pas que cette autorité soit indépendante d’un autre homme, puisqu’elle
découle de l’autorité du pape, comme S. Thomas l’observe plus loin.), tandis
que les prêtres qui ont une paroisse ne le peuvent qu’en vertu d’une commission
qui leur est donnée ou en certains cas, comme pour le vol, la rapine et dans
les autres circonstances où le pouvoir d’excommunier leur est accordé par le
droit (Ce droit est tombé en désuétude. Les grands vicaires peuvent
actuellement porter des censures, mais ils n’ont ce droit qu’en vertu de la
commission qu’ils tiennent de l’évêque.). Il y a d’autres auteurs qui ont dit
que les curés pouvaient aussi excommunier, mais l’opinion précédente est plus
raisonnable.
Article
2 : Ceux qui ne sont pas prêtres peuvent-ils excommunier ?
Objection
N°1. Il semble que ceux qui ne sont pas prêtres ne puissent pas excommunier.
Car l’excommunication est un acte des clefs, comme le dit le Maître des
sentences (4, dist. 18). or, ceux qui ne sont pas
prêtres n’ont pas les clefs. Ils ne peuvent donc pas excommunier.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoiqu’ils n’aient pas la clef d’ordre, ils ont cependant
la clef de juridiction.
Objection
N°2. On exige plus pour l’excommunication que pour l’absolution au for de la
pénitence. Or, celui qui n’est pas prêtre ne peut pas absoudre au for de la
pénitence. Il ne peut donc pas non plus excommunier.
Réponse
à l’objection N°2 : Ces deux choses sont entre elles comme ce qui dépasse et ce
qui est dépassé ; c’est pourquoi l’une convient à l’un sans que l’autre lui
convienne.
Mais
c’est le contraire. Les archidiacres, les légats et les évêques élus
excommunient, et cependant quelquefois ils ne sont pas prêtres. Il n’y a donc
pas que les prêtres qui puissent excommunier.
Conclusion
Puisque l’excommunication ne se rapporte pas directement à la grâce, et que
ceux qui ne sont pas prêtres ont quelquefois juridiction au for contentieux,
ils peuvent excommunier.
Il
faut répondre qu’il n’appartient qu’aux prêtres de dispenser les sacrements qui
confèrent la grâce ; et c’est pour cela qu’il n’y a qu’eux qui puissent
absoudre au for de la pénitence. Mais l’excommunication ne se rapporte pas
directement à la grâce, elle ne s’y rapporte que par voie de conséquence, dans
le sens que l’homme est privé des suffrages de l’Eglise qui disposent à la
grâce ou qui la conservent. C’est pourquoi ceux qui ne sont pas prêtres, pourvu
qu’ils aient juridiction au for contentieux, peuvent excommunier.
Article
3 : Celui qui est excommunié ou suspendu peut-il en excommunier un autre ?
Objection
N°1. Il semble que celui qui est excommunié ou suspendu puisse en excommunier
un autre. Car celui qui est excommunié ou suspendu ne perd ni l’ordre, ni la
juridiction. Car on ne l’ordonne pas à nouveau quand on l’absout, et on ne lui
donne pas non plus une nouvelle commission. Or, l’excommunication ne requiert
que l’ordre ou la juridiction. Par conséquent celui qui est excommunié ou
suspendu peut aussi excommunier.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoique celui qui est excommunié ou suspendu (Il s’agit ici
de ceux qui sont excommuniés et suspens et qui
ne sont pas tolérés d’après la constitution ad evitanda. Car ceux qui sont tolérés par l’Eglise excommunient
validement.) ne perde pas la juridiction (Le mot
juridiction désigne ici le pouvoir d’ordre.), cependant il en perd l’usage.
Objection
N°2. C’est une plus grande chose de consacrer le corps du Christ que
d’excommunier. Or, ceux qui sont dans le cas que nous venons de désigner
peuvent consacrer. Ils peuvent donc aussi excommunier.
Réponse
à l’objection N°2 : Le pouvoir de consacrer résulte du caractère qui est
ineffaçable. C’est pour cela que l’homme du moment qu’il a le caractère d’ordre
peut toujours consacrer, quoique cela ne lui soit pas toujours permis. Mais il
en est autrement de l’excommunication qui résulte de la juridiction qui peut
être ravie et entravée.
Mais
c’est le contraire. Celui qui est lié corporellement ne peut en lier un autre.
Or, le lien spirituel est plus fort que le lien corporel. Donc celui qui est
excommunié ne peut en excommunier un autre, puisque l’excommunication est un
lien spirituel.
Conclusion
Puisque l’excommunié est séparé de la communion de fidèles et privé de l’usage
de la juridiction, et que ce qui est suspendu par rapport à la juridiction ne
peut exécuter les choses qui appartiennent à la juridiction, ils ne peuvent
excommunier ni l’un ni l’autre.
Il
faut répondre que l’usage de la juridiction existe par rapport à un autre
homme. C’est pourquoi tout excommunié étant séparé de la communion des fidèles,
est par là même privé de l’usage de la juridiction. Et comme l’excommunication
appartient à la juridiction, il s’ensuit qu’un excommunié ne peut excommunier
(Par là même il ne peut pas non plus déléguer quelqu’un pour le faire.). La
même raison existe à l’égard de celui qui est suspendu par rapport à la
juridiction. Car si on n’est suspendu que par rapport à l’ordre, alors on ne
peut faire ce qui appartient à l’ordre (Ainsi un prélat irrégulier peut
excommunier validement, parce que l’irrégularité empêche de recevoir l’ordre et
d’en faire usage, mais elle n’empêche pas la juridiction.), quoiqu’on puisse
faire ce qui est de juridiction. Au contraire si on est suspendu par rapport à
la juridiction et non par rapport à l’ordre, on ne peut faire ce qui appartient
à l’ordre. Dans le cas où on est suspendu des deux manières, on ne peut ni l’un
ni l’autre.
Article
4 : Peut-on s’excommunier soi-même ou excommunier un égal ou un supérieur ?
Objection
N°1. Il semble qu’on puisse s’excommunier soi-même et excommunier son égal ou
son supérieur. Car un ange de Dieu était plus grand que Paul, d’après ces
paroles de l’Evangile (Matth., 11, 11) : Celui qui est le dernier dans le royaume des
cieux est plus grand que Jean, dont il est dit qu’il était le premier des enfants des hommes. Or, saint Paul a
excommunié un ange du ciel, comme on le voit (Gal., chap. 1). L’homme peut donc excommunier son supérieur.
Réponse
à l’objection N°1 : L’Apôtre parle hypothétiquement,
c’est-à-dire dans la supposition où un ange pècherait. Car dans ce cas il ne
serait pas supérieur à l’Apôtre, mais inférieur. Il ne répugne pas que dans les
propositions conditionnelles dont les antécédents sont impossibles, les
conséquent le soient aussi.
Objection
N°2. Un prêtre excommunie quelquefois en général pour un vol ou pour quelque
chose de semblable. Or, il peut arriver qu’il ait commis lui-même cette faute,
ou qu’elle ait été commise par son supérieur ou son égal. Donc on peut s’excommunier
soi-même, ou excommunier son égal ou son supérieur.
Réponse
à l’objection N°2 : Dans ce cas personne n’est excommunié, parce que l’égal n’a
pas de pouvoir sur son égal.
Objection
N°3. On peut absoudre au for de la pénitence un supérieur ou un égal ; comme
quand les évêques se confessent à leurs subordonnés et quand un prêtre confesse
à un autre des péchés véniels. Il semble donc qu’on puisse excommunier aussi
son supérieur ou son égal.
Réponse
à l’objection N°3 : On lie et on délie au tribunal de la confession, seulement
par rapport à Dieu, devant lequel celui qui est supérieur à un autre lui
devient inférieur par le péché. Mais l’excommunication appartient au jugement
extérieur dans lequel on ne perd pas sa supériorité par là même que l’on pèche.
Il n’y a donc pas de parité à l’égard de ces deux tribunaux. Cependant, au for
de la confession, on ne peut s’absoudre soi-même (On ne peut s’absoudre
soi-même ni au for intérieur, ni au for extérieur mais on peut absoudre un
supérieur ou un égal au tribunal de la pénitence en vertu des pouvoirs qu’on
possède.), ni absoudre un supérieur ou un égal d’un péché mortel, sinon en
vertu d’une commission qu’on a reçue ; mais on le peut à l’égard des fautes
vénielles (Il y a des auteurs qui ont pensé d’après ce passage que la
juridiction n’était pas nécessaire pour absoudre des péchés véniels, que le
pouvoir d’ordre suffit, mais cette opinion est abandonnée, et on ne peut pas
dire que cette juridiction est donnée à tous les prêtres par le pontife surtout
d’après la restriction exprimée formellement par le concile de Trente (sess.
23, chap. 15).), parce que ces fautes sont remises par tous les sacrements qui
confèrent la grâce. Leur rémission résulte donc du pouvoir d’ordre.
Mais
c’est le contraire. L’excommunication est un acte de juridiction. Or, on n’a
pas de juridiction sur soi ; parce que dans la même cause on ne peut être juge
et accusé, et on n’a pas non plus juridiction sur un supérieur ou un égal. Donc
on ne peut pas excommunier un supérieur ou un égal, ni s’excommunier soi-même.
Conclusion
Puisque par la juridiction, dont l’excommunication est un acte, on devient
supérieur à celui sur lequel on l’exerce, personne ne peut s’excommunier
soi-même, ni excommunier son égal ou son supérieur.
Il
faut répondre que la juridiction établissant celui qui la possède dans un degré
de supériorité par rapport à celui sur lequel il l’exerce, parce qu’il est son
juge ; il s’ensuit que personne n’a juridiction sur soi-même et qu’on n’en a
pas non plus sur sons supérieur ou son égal, et que par conséquent personne ne
peut s’excommunier soi-même, ni excommunier son supérieur ou son égal (Si un
supérieur est excommunié par un inférieur c’est en vertu d’une juridiction
déléguée que ce dernier a reçue.).
Article
5 : Peut-on porter la sentence d’excommunication contre une communauté ?
Objection
N°1. Il semble qu’on puisse porter une sentence d’excommunication contre une
communauté. Car il arrive qu’une société peut
s’accorder pour adhérer tout entière à une faute. Or, on doit lancer
l’excommunication pour une faute à l’égard de laquelle on est contumace.
L’excommunication peut donc être portée contre une société.
Réponse
à l’objection N°1 : La réponse est évidente d’après ce que nous avons dit,
c’est-à-dire qu’il n’est pas croyable qu’une communauté tout entière se rende
coupable d’une faute.
Objection
N°2. Ce qu’il y a de plus grave dans l’excommunication, c’est la séparation des
sacrements de l’Eglise. Or, quelquefois on interdit une cité entière à divinis. On
peut donc aussi excommunier une société.
Réponse
à l’objection N°2 : La suspension n’est pas une peine aussi grande que
l’excommunication. Car ceux qui sont suspendus ne sont pas privés des suffrages
de l’Eglise, comme ceux qui sont excommuniés. Par conséquent on est suspendu
sans avoir soi-même commis de péché ; c’est ainsi qu’on met tout un royaume
sous l’interdit (L’excommunication est toujours personnelle, tandis que
l’interdit peut être local. C’est la distinction que fait Boniface VIII (De
sent. excom. in 6) : Qui verò contrafecerint,
si personæ fuerint singulares, excommunicationis ;
si autem collegium, vel universitæ castri, civilitatis, seu loci alterius
cujuscumque, ipsa civitas, castrum, vel locus interdicti sententias ipso facto incurrant.) pour le péché du
roi. C’est pourquoi il n’y a pas de ressemblance entre l’excommunication et la
suspension.
Mais
c’est le contraire. la glose de saint Augustin (interl. sup. illud : Vis, imus,
etc., et hab. ex Aug. Epist.
250, et chap. Si habes,
24, quest. 3, et chap. Romana.
De sent. excom. in 6) dit qu’on ne doit pas excommunier le prince et la
multitude (Innocent IV s’exprime ainsi : In
universitatem, vel collegium proferri excommunicationis sententiam penitùs prohibemus, volentes animarum periculum vitare, quod exindè sequi posset,
cùm nonnunquam contingeret, innoxios hujusmodi sententiâ irretiri, sed in illos duntaxat de collegio, vel universitates,
quos culpabiles esse constiterit, promulgetur (in concil. Lugudn., chap. Romana).).
Conclusion
Puisque Dieu, dont l’Eglise doit imiter le jugement, ne condamne pas le juste
avec l’impie, et qu’il est probable que dans une société tous ne consentent pas
au mal, on ne doit jamais excommunier une société entière quoique chacun des
membres puisse l’être.
Il
faut répondre qu’on ne doit excommunier que pour un péché mortel. Or, le péché
consiste dans l’acte, et l’acte n’appartient pas ordinairement à la communauté,
mais à chacune des personnes qui la composent. C’est pourquoi chacun des
membres de la communauté peut être excommunié, mais la communauté ne peut pas
l’être. Et quoiqu’il arrive quelquefois qu’un acte appartient à une multitude
entière, comme quand une foule d’individus traînent un navire que personne ne
pourrait traîner par lui-même, cependant il n’est pas probable qu’une
communauté consente tout entière au mal, sans qu’il y ait des dissidents. Et
comme Dieu qui juge toute la terre ne
veut pas condamner le juste avec l’impie, selon l’expression de la Bible (Gen., chap. 18), il s’ensuit que l’Eglise,
qui doit imiter son jugement, a défendu avec sagesse d’excommunier une
communauté dans la crainte qu’on n’arrachât le bon grain avec l’ivraie et la
zizanie.
Article
6 : Celui qui est excommunié une fois peut-il l’être encore ?
Objection
N°1. Il semble que celui qui a été excommunié une fois ne puisse plus l’être
encore. Car saint Paul dit (1 Cor.,
5, 12) : Pourquoi entreprendrai-je de
juger ceux qui sont hors de l’Eglise ? Or, les excommuniés sont déjà hors
de l’Eglise. L’Eglise n’a donc pas autorité sur eux
pour pouvoir les excommunier de nouveau.
Réponse
à l’objection N°1 : L’Apôtre parle des païens et des
autres infidèles qui n’ont pas le caractère qui les met au nombre de ceux qui
font partie du peuple de Dieu. Mais comme le caractère baptismal par lequel on
est mis au nombre du peuple de Dieu est indélébile, il s’ensuit que celui qui
est baptisé reste toujours de quelque manière dans l’Eglise ; et par conséquent
l’Eglise peut toujours le juger.
Objection
N°2. L’excommunication est une séparation des choses divines et de la communion
des fidèles. Or, après qu’on a été privé d’une chose, on ne peut pas en être
privé de nouveau. Donc un excommunié ne peut pas l’être de nouveau.
Réponse
à l’objection N°2 : La privation, quoiqu’elle ne soit pas en elle-même
susceptible de plus et moins, en est cependant susceptible par rapport à sa
cause. C’est ainsi que l’excommunication peut être réitérée, et celui qui a été
excommunié plusieurs fois est plus éloigné des suffrages de l’Eglise que celui
qui ne l’a été qu’une seule (Le péché mortel prive absolument de la grâce,
cependant un péché mortel en s’ajoutant à un autre ajoute aussi à la
culpabilité de celui qui le commet et l’éloigne de Dieu de plus en plus.).
Mais
c’est le contraire. L’excommunication est une peine et un remède médicinal. Or,
toutes les peines et tous les remèdes se réitèrent de quand la cause l’exige.
Donc l’excommunication peut être réitérée.
Conclusion
On peut excommunier autant de fois qu’il se présente de causes d’excommunication,
et par là il arrive qu’on est d’autant plus éloigné
des suffrages de l’Eglise.
Il
faut répondre que celui qui a été frappé d’une excommunication peut être
excommunié de nouveau, soit en réitérant la même excommunication pour ajouter à
sa confusion et le faire ainsi sortir du péché, soit pour d’autres causes. Et
alors, il y a autant d’excommunications principales qu’il y a de causes pour
lesquelles on est excommunié.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.