Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 29 : Du sacrement de l’extrême-onction quant à son
essence et à son institution
Après
avoir parlé du sacrement de pénitence, nous devons nous occuper du sacrement de
l’extrême-onction. A l’égard de ce sacrement il y a cinq choses à examiner : 1°
les choses qui lui sont essentielles ; 2° son effet ; 3° son ministre ; 4° le
sujet auquel on doit le conférer et sur quelles parties du corps ; 5° sa
réitération. Sur la première de ces considérations il y a neuf questions faire
: 1° L’extrême-onction est-elle un sacrement ? (Il est de foi, contre les
albigeois, les luthériens, les calvinistes et tous les autres sectaires que
l’extrême-onction est un sacrement. C’est ce que le concile de Trente a ainsi
défini (sess. 14) : Si quis dixerit extremam
unctionem non esse verè et propriè sacramentum à Christo
Domino nostro institutum et
à Beato Jacobo apostolo promulgatum ; sed ritum tantùm
acceptum à Patribus, aut figmentum humanum ; anathema sit.) — 2° Est-elle
un sacrement unique ? — 3° Ce sacrement a-t-il été institué par Jésus-Christ ? (Il
est de foi que tous les sacrements ont été institués par Jésus-Christ, comme la
défini le concile de Trente d’une manière générale (sess. 7, can. 1), et d’une
manière particulière au sujet du sacrement de l’extrême-onction lui-même dans
le décret que nous avons rapporté (art. 1).) — 4° L’huile d’olive est-elle la
matière convenable de ce sacrement ? (L’huile d’olive est la matière éloignée
de ce sacrement, comme l’onction faite avec l’huile en est la matière
prochaine, comme l’eau est la matière éloignée du baptême et l’ablution la
matière prochaine.) — 5° Faut-il que l’huile ait été consacrée ? (D’après le
concile de Florence et le concile de Trente, l’huile doit être bénite par
l’évêque. Intellexit Ecclesia, dit
le concile de Trente, materiam esse oleum ab episcopo benedictum (sess.
14). Il y a des théologiens qui croient que cette bénédiction n’est nécessaire
que de nécessité de précepte ; mais d’autres, en plus grand nombre, la croient
nécessaire de nécessité de sacrement, et croient invalide le sacrement qui
serait administré avec de l’huile et qui n’aurait pas été bénite à dessein.
Dans la pratique on ne peut s’écarter de ce sentiment.) — 6° Faut-il que la matière
de ce sacrement soit consacrée par l’évêque ? (Les conciles ayant déterminé que
l’huile devait être bénite par l’évêque, Sylvius en conclut que sa bénédiction
est de l’essence de la matière, et que le souverain pontife lui-même ne
pourrait par une dispense donner ce droit à un autre qu’à un évêque.) — 7° Ce
sacrement a-t-il une forme ? (Le concile de Trente (sess. 14 De ext. unct.,
chap. 1) et le concile de Florence, dans son décret contre les Arméniens,
reconnaissent que la forme de l’extrême-onction consiste dans ces paroles : Per istam sanctam unctionem, etc.) — 8°
La forme de ce sacrement doit-elle être exprimée par une prière déprécatoire ?
(S. Thomas, S. Bonaventure et plusieurs autres docteurs considèrent comme nulle
la forme de ce sacrement qui serait à l’indicatif ; comme Ungo te oleo ; et leur sentiment est fondé
(Voyez à ce sujet S. Liguori, liv. 6, n° 711).) — 9° Cette
prière est-elle la forme convenable de ce sacrement ? (Cette formule indiquée
par le concile de Trente, le concile de Florence et le Rituel romain est le
plus communément employée. Dans certaines Eglises elle peut varier à l’égard de
certaines expressions, mais ces variations ne portent que sur des choses
accidentelles.)
Article
1 : L’extrême-onction est-elle un sacrement ?
Objection
N°1. Il semble que l’extrême-onction soit un sacrement. Car comme on emploie de
l’huile pour les infirmes, de même on en emploie pour les catéchumènes. Or,
l’onction que l’on fait avec de l’huile aux catéchumènes n’est pas un
sacrement. L’extrême-onction qu’on fait avec de l’huile aux infirmes n’en est
donc pas un non plus.
Réponse
à l’objection N°1 : L’huile dont on oint les catéchumènes ne mène pas par cette
onction à la rémission des péchés, parce que cet effet appartient au baptême,
mais elle dispose au baptême d’une certaine manière, comme nous l’avons dit (4,
dist. 6, quest. 2, art. 1, quest. 3, Réponse N°4, et 3a pars, quest.
71, art. 3). C’est pourquoi cette onction n’est pas un sacrement comme
l’extrême-onction.
Objection
N°2. Les sacrements de l’ancienne loi ont été les signes des sacrements de la
loi nouvelle. Or, l’extrême-onction n’a pas été figurée sous la loi ancienne. Elle
n’est donc pas un sacrement de la loi nouvelle.
Réponse
à l’objection N°2 : Ce sacrement dispose immédiatement l’homme à la gloire,
quand on le donne à ceux qui sortent de cette vie. Et parce que sous l’ancienne
loi ce n’était pas encore le temps de parvenir à la gloire, parce que la loi n’a mené à rien de parfait, selon
l’expression de saint Paul (Héb., 7, 19) il
s’ensuit que ce sacrement n’a pas dû être figuré à l’avance par un sacrement
qui lui répondît, comme par une figure du même genre ; quoiqu’il ait été figuré
de quelque manière par des figures éloignées dans toutes les guérisons qui sont
racontées dans l’Ancien Testament.
Objection
N°3. D’après saint Denis (De eccles. hier., chap. 3 et
5) tout sacrement existe pour purifier, pour illuminer ou pour perfectionner.
Or l’extrême-onction n’est établie ni pour purifier, ni pour illuminer, parce
qu’on attribue cela au baptême ; elle n’existe pas non plus pour perfectionner
parce que d’après saint Denis (ibid. et chap. 2) cela appartient à la
confirmation et à l’eucharistie. Donc l’extrême-onction n’est pas un sacrement.
Réponse
à l’objection N°3 : Saint Denis ne parle pas de l’extrême-onction, comme il ne
parle ni de la pénitence, ni du mariage parce que son but n’est de parler des
sacrements qu’autant qu’il est nécessaire pour faire connaître par leur moyen
l’ordre établi dans la hiérarchie ecclésiastique par rapport aux ministres, à
leurs actions, et à ceux qui les reçoivent. Cependant puisque l’extrême-onction
on obtient la grâce et la rémission des péchés, il n’est pas douteux que
l’extrême-onction ait une puissance illuminative et purgative, comme le baptême,
quoiqu’elle soit moindre.
Mais
c’est le contraire. Les sacrements de l’Eglise subviennent suffisamment aux
besoins de tout homme en tout état. Or, il n’y a que l’extrême-onction qui
vienne en aide à ceux qui sortent de ce monde. Donc elle est un sacrement.
Les
sacrements ne sont rien autre chose que des remèdes spirituels. Or,
l’extrême-onction est un remède spirituel, parce qu’elle sert à la rémission
des péchés, comme on le voit (Jacq., chap. 5). Elle
est donc un sacrement.
Conclusion
Puisque l’extrême-onction est utile pour la rémission des péchés et qu’elle se
rapporte pas à un autre sacrement, elle n’est pas quelque chose de sacramentel.
Il
faut répondre que parmi les choses que l’Eglise opère visiblement, il y a des
sacrements comme le baptême, et des choses sacramentelles comme l’exorcisme.
Entre les uns et les autres il y a cette différence, c’est qu’on appelle
sacrement l’action de l’Eglise qui se rapporte à l’effet qu’on a principalement
en vue dans l’administration des sacrements, tandis qu’on appelle sacramentelle
l’action qui n’arrive pas à la vérité à cet effet, mais qui se rapporte
cependant de quelque manière à cette action principale. Or, l’effet qu’on a en
vue dans l’administration des sacrements, c’est de guérir la maladie du péché.
D’où le prophète dit (Is., 27, 9) : Le fruit de toutes ces choses c’est
l’expiation du péché. C’est pourquoi l’extrême-onction arrivant à cet
effet, comme on le voit d’après les paroles de saint Jacques, et ne se
rapportant pas à un autre sacrement, comme une chose qui lui est annexée, il
est constant qu’elle n’est pas une chose sacramentelle, mais un sacrement (Le
concile de Trente donne de l’existence de ce sacrement une raison de
convenance, en disant que Dieu, qui a pris soin de mettre à la disposition de
l’homme tous les secours dont il peut avoir besoin pour opérer son salut, n’a
pas dû le laisser sans ressource à la mort, dans le moment où le démon redouble
d’efforts pour nous ravir le fruit de toutes nos bonnes actions (sess. 14, Doctrina de sacramento
Extremæ-unctionis).).
Article
2 : L’extrême-onction ne forme-t-elle qu’un seul sacrement ?
Objection
N°1. Il semble que l’extrême-onction ne forme pas qu’un seul sacrement. Car
l’unité d’une chose vient de sa matière et de sa forme. Or, la forme de ce
sacrement se répète plusieurs fois pendant qu’on l’administre, et sa matière
est aussi employée plusieurs fois dans les onctions qu’on fait sur les
différentes parties du corps. Elle ne forme donc pas qu’un seul sacrement.
Réponse
à l’objection N°1 : L’unité d’un tout parfait n’est pas détruite par la
diversité de matière ou de forme qui se rencontre dans les parties de ce tout.
Ainsi il est évident que la chair et les os dont un homme est composé n’est ni la même matière ni la même forme. De même dans le
sacrement de l’eucharistie et dans celui de l’extrême-onction la pluralité de
la matière et de la forme ne détruit pas l’unicité du sacrement.
Objection
N°2. C’est l’onction qui est le sacrement, car il est ridicule de dire que
c’est l’huile. Or, il y a plusieurs onctions. Donc il y a plusieurs sacrements.
Réponse
à l’objection N°2 : Quoique ces actions soient absolument multiples, cependant
elles sont unies dans une seule action parfaite qui est l’onction de tous les
sens extérieurs où se trouve la source de la maladie intérieure.
Objection
N°3. Un sacrement qui est un ne doit être produit intégralement que par un seul
ministre. Or, dans certains cas l’extrême-onction ne peut pas être conférée par
un seul ministre, comme dans le cas où le prêtre viendrait à mourir après avoir
fait la première onction. Car dans ce cas un autre prêtre doit continuer. L’extrême-onction
n’est donc pas un seul sacrement.
Réponse
à l’objection N°3 : Quoique dans l’eucharistie, si un prêtre vient à mourir
après la consécration du pain, un autre prêtre puisse passer à la consécration
du vin, en commençant où le premier en est resté, et qu’il puisse aussi prendre
dès le commencement de la consécration sur une autre matière, cependant dans
l’extrême-onction on ne peut pas reprendre ainsi dès le commencement, mais on
doit toujours continuer ; parce que l’onction faite sur la même partie du corps
est absolument comme une seconde consécration que l’on ferait sur la même
hostie ; ce qui ne doit se faire d’aucune manière. Mais la pluralité des
ministres ne détruit pas l’unicité du sacrement, parce qu’ils n’opèrent
qu’instrumentalement ; comme un changement de marteaux ne détruit pas l’unité
de l’œuvre d’un artisan.
Mais
c’est le contraire. L’onction est par rapport à ce que sacrement ce que
l’immersion est par rapport au baptême. Or, plusieurs immersions ne forment
qu’un seul sacrement de baptême. Donc la pluralité des
onctions ne produit dans l’extrême-onction qu’un seul sacrement.
S’il
n’y avait pas qu’un seul sacrement, après avoir fait la première onction, il ne
faudrait pas pour achever le sacrement qu’on fit la seconde, parce que tout
sacrement a l’être parfait par lui-même. Comme cela
est faux, il s’ensuit qu’il n’y a qu’un seul sacrement.
Conclusion
Quoique l’extrême-onction soit produite par plusieurs actions, néanmoins elle
ne forme qu’un seul sacrement, puisque ces actions ont pour but de signifier et
de produire une seule et même chose.
Il
faut répondre qu’on dit de trois manières qu’une chose est une numériquement :
1° on le dit de l’indivisible qui n’est pas multiple en puissance, tels que le
point et l’unité ; 2° on le dit de ce qui est continu, qui est un en acte, mais
multiple en puissance, telle que la ligne ; 3° on le dit de ce qui est parfait,
et qui se compose de plusieurs parties ; comme une maison qui se compose d’une
certaine manière de beaucoup de choses en acte, mais qui concourent toutes à un
effet unique. C’est de cette manière qu’on dit de tous les sacrements qu’ils
sont un, en ce sens que toutes les choses qui sont dans un sacrement se
réunissent pour signifier ou pour produire le même effet ; car les sacrements
sont tout à la fois causes et signes. C’est pourquoi quand une seule action
suffit pour que la signification soit parfaite, l’unité du sacrement consiste
uniquement dans cette action, comme on le voit pour la confirmation. Quand la
signification du sacrement est possible avec une ou plusieurs actions, alors le
sacrement peut être parfaitement conféré par une action ou par plusieurs, comme
le baptême qui se confère également par une et par trois immersions. Car
l’ablution que le baptême signifie peut avoir lieu par une seule immersion et
par plusieurs. Quand la signification ne peut être parfaite que par plusieurs
actions, alors il faut plusieurs actions pour la perfection du sacrement, comme
on le voit dans l’eucharistie. Car la réfection corporelle qui signifie la
réfection spirituelle ne peut se faire que par le boire et le manger. Il en est
de même dans l’extrême-onction, parce qu’on ne peut signifier parfaitement la
guérison des plaies intérieures qu’en appliquant le remède aux différentes
sources du mal (Ainsi chaque onction est une matière partielle qui tend à
constituer une matière unique, et chaque formule qui répond à chaque onction
est aussi une forme partielle qui tend à une forme unique. Nous verrons
d’ailleurs (quest. 32, art. 6) si chacune de ces onctions est de l’essence du
sacrement.). C’est pourquoi la perfection de ce sacrement exige plusieurs
actions.
Article
3 : Ce sacrement a-t-il été institué par le Christ ?
Objection
N°1. Il semble que ce sacrement n’ait pas été institué par le Christ. Car l’Evangile
parle de l’institution des sacrements que le Christ a établis, comme de
l’eucharistie et du baptême. Mais il ne fait aucune mention de
l’extrême-onction. Donc le Christ ne l’a pas établie.
Réponse
à l’objection N°1 : Le Seigneur a fait et dit beaucoup de choses qui ne sont
pas dans l’Evangile. Car les évangélistes ont pris soin surtout de rapporter
les choses qui sont de nécessité de salut et qui regardent l’ordre de l’Eglise.
C’est pourquoi ils ont raconté l’institution du baptême, de la pénitence, de
l’eucharistie et de l’ordre faite par le Christ, plutôt que celle de
l’extrême-onction et de la confirmation qui ne sont pas nécessaires au salut,
et qui n’appartiennent ni à la disposition ni a la distinction des membres de
l’Eglise. Cependant il est fait mention de l’onction de l’huile dans l’Evangile
(Marc, chap. 6) où il est dit que les apôtres oignaient d’huile les infirmes (Cette action, rapportée par saint
Marc, ne s’entend que de la guérison du corps, mais elle fut le signe du
sacrement des infirmes que le Christ devait instituer plus tard. C’est ce qui a
fait dire au concile de Trente qu’il fut d’abord insinué dans saint Marc, à Christo Domino nostro
apud Marcum quidem insinuatum (sess. 14,
chap. 1).).
Objection
N°2. Le Maître des sentences dit expressément (4, dist. 23) que ce sacrement a
été institué par les apôtres. Donc le Christ ne l’a pas institué par lui-même.
Réponse
à l’objection N°2 : Le Maître des sentences dit que ce sacrement a été établi
par les apôtres, parce que son institution nous a été promulguée par
l’enseignement des apôtres.
Objection
N°3. Le Christ a conféré par lui-même les sacrements qu’il a institués, comme
on le voit à l’égard de l’eucharistie et du baptême. Or, il n’a conféré
l’extrême-onction à personne. Donc il ne l’a pas institué par lui-même.
Réponse
à l’objection N°3 : Le Christ n’a conféré que les sacrements qu’il a reçus
lui-même pour servir d’exemple. Or, il ne convenait pas qu’il eût reçu la
pénitence et l’extrême-onction, parce qu’il était sans péché ; c’est pour cela
qu’il ne les a pas conférés.
Mais
c’est le contraire. Les sacrements de la loi nouvelle sont plus nobles que ceux
de la loi ancienne. Or, tous les sacrements de la loi ancienne ont été établis
par Dieu. Donc à plus forte raison tous les sacrements de la loi nouvelle ont
été institués par le Christ lui-même.
Il
appartient au même d’établir et de détruire ce qui est établi. Or, l’Eglise qui
a dans les successeurs des apôtres l’autorité qu’ont eue les apôtres eux-mêmes,
ne pourrait pas effacer le sacrement de l’extrême-onction. Donc ce ne sont pas
les apôtres qui l’ont établi, mais le Christ lui-même.
Conclusion
Puisque le sacrement de l’extrême-onction tire son institution et son
efficacité qui ne peut lui venir que de Dieu, on doit dire qu’il a été institué
par le Christ comme les autres sacrements, quoiqu’il ait été promulgué par les
apôtres.
Il
faut répondre qu’à cet égard il y a deux opinions différentes. Il y en a qui
disent que le Christ n’a pas établi par lui-même ce sacrement, ni le sacrement
de confirmation, mais qu’il les a laissé instituer par les apôtres (D’après la
décision du concile de Trente on ne pourrait plus soutenir cette opinion. Voyez
d’ailleurs ce que nous en avons dit (3a pars, quest. 64, art. 2).),
parce que comme ces deux sacrements confèrent la plénitude de la grâce, ils
n’ont pu être établis avant que l’Esprit-Saint ne fût
pleinement envoyé. C’est ce qui fait qu’ils appartiennent tellement à la loi
nouvelle, qu’ils n’ont pas été figurés sous la loi ancienne. Mais cette raison
n’est pas très concluante. Car comme le Christ avant sa passion a promis la
plénitude de la mission de l’Esprit-Saint, de même il
a pu instituer les sacrements. — C’est pourquoi d’autres disent que le Christ a
institué tous les sacrements par lui-même ; mais qu’il a promulgué par lui-même
ceux qui offraient le plus de difficulté à être crus, et qu’il a réservé aux
apôtres le soin de promulguer les autres (L’extrême-onction a été promulguée
par saint Jacques, comme l’a dit le concile de Trente. Mais on ne sait à quelle
époque le Christ l’a établie ; on croit qu’il l’a établie après sa
résurrection, quand il parlait du royaume de Dieu avec ses apôtres et qu’il
établit la pénitence dont l’extrême-onction est le complément.), comme
l’extrême-onction et la confirmation. Cette opinion paraît d’autant plus
probable, que les sacrements appartiennent au fondement de la loi, et que pour ce
motif leur institution appartient au législateur. Une autre raison, c’est
qu’ils tirent de leur institution leur efficacité que la puissance divine a pu
seule mettre en eux.
Article
4 : L’huile d’olive est-elle la matière convenable de ce sacrement ?
Objection
N°1. Il semble que l’huile d’olive ne sont pas la
matière convenable de ce sacrement. Car ce sacrement se rapporte immédiatement
à l’incorruptibilité. Or, l’incorruptibilité est signifiée par la baume qu’on met dans le chrême. Donc le chrême serait
plus convenablement la matière de ce sacrement.
Réponse
à l’objection N°1 : L’incorruptibilité de la gloire n’est pas une chose qui
soit contenue dans ce sacrement. Il n’est donc pas nécessaire que la
signification de cette chose réponde à la matière, et par conséquent il ne faut
pas que le baume entre dans la matière de ce sacrement. Car le baume, à cause
de son odeur, se rapporte à la bonté de la renommée dont ceux qui sortent de ce
monde n’ont plus besoin pour eux-mêmes. Il leur suffit d’avoir la pureté de la
conscience qui est signifiée par l’huile (Si le baume ajouté à l’huile était en
assez grande quantité pour que le mélange cessât d’être de l’huile, la matière
ne serait pas suffisante, d’après Palud. (dist. 23, quest. 2, art. 1) ; Domin.
(quest. 1, art. 3.), etc.).
Objection
N°2. Ce sacrement est un remède spirituel. Or, le remède spirituel est signifié
par l’application du vin, comme on le voit dans la parabole du samaritain (Luc,
chap. 10). Donc le vin serait aussi une matière plus convenable pour ce
sacrement.
Réponse
à l’objection N°2 : Le vin guérit en mordant, au lieu que l’huile le fait en
adoucissant. C’est pour cela que la guérison que le vin opère appartient à la
pénitence plutôt qu’à l’extrême-onction.
Objection
N°3. Où le péril est le plus grand, le remède doit aussi être le plus commun. Or,
l’huile d’olive n’est pas un remède très commun, car on n’en trouve pas dans
tous les pays. Puisque ce sacrement se confère à ceux qui sortent de ce monde
et qui sont dans le plus grand danger, il semble que l’huile d’olive ne soit
pas la matière convenable.
Réponse
à l’objection N°3 : A la vérité l’huile d’olive ne se récolte pas partout, mais
on peut facilement la transporter dans tous les lieux. — D’ailleurs, ce
sacrement n’est pas tellement nécessaire’, que ceux qui sortent de ce monde
sans lui ne puissent faire leur salut.
Mais
c’est le contraire. Saint Jacques détermine l’huile pour la matière de ce
sacrement. Or, on ne donne proprement le nom d’huile qu’à l’huile d’olive. Cette
huile est donc la matière de ce sacrement.
La
guérison spirituelle est signifiée par l’onction de l’huile ; comme on le voit
par ces paroles du prophète (Is., 1, 6) : Cette plaie sanglante n’a été ni pansée ni
adoucie avec l’huile. L’huile est donc la matière convenable de ce
sacrement.
Conclusion
Puisque l’huile d’olive est un lénitif qui se répand et qui pénètre jusque dans
les parties les plus intimes, elle est la matière qui convient pour le
sacrement de l’extrême-onction, qui doit opérer la guérison spirituelle d’une
manière douce et parfaite.
Il
faut répondre que le remède spirituel qu’on prend à la fin doit être parfait,
puisque après celui-là il n’en reste plus d’autres ; et il doit être doux pour
ne pas détruire l’espérance qui est surtout nécessaire à ceux qui sortent de
cette vie, mais pour l’exciter. Or, l’huile est lénitive ; elle guérit
jusqu’aux parties les plus intimes, et elle tend à se répandre. C’est pourquoi
sous ces deux rapports elle est la matière convenable de l’extrême-onction. Et
comme on donne principalement le nom d’huile à la liqueur de l’olive, tandis
qu’on n’appelle ainsi la liqueur des autres plantes que par suite de l’analogie
qu’elles ont avec celle-là ; il s’ensuit que l’on employer de l’huile d’olive
pour la matière de ce sacrement (Le concile de Trente dit expressément que la
matière de ce sacrement est l’huile d’olive ; cujus materia est oleum olivæ. Le catéchisme du concile de Trente est aussi
très formel, et il dit que l’huile désignée par le concile de Trente est
l’huile d’olive : Liquor scilicet non ex quavis pingui et crassa natura, sed ex olearum baccis tantummòdo expressu (De Extrem.-unct. sacramento, n°9).).
Article
5 : Faut-il que l’huile ait été consacrée ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire que l’huile ait été consacrée. Car
ce sacrement a une sanctification produite dans l’usage par la forme des
paroles. Une sanctification reste donc superflue, si elle se rapporte à la
matière.
Réponse
à l’objection N°1 : La première sanctification appartient à la matière
considérée en elle-même, tandis que la seconde appartient plutôt à son usage,
selon qu’elle confère en acte son effet. C’est pourquoi ni l’une ni l’autre
n’est superflue ; parce que les instruments tirent aussi leur efficacité de
l’ouvrier et quand on les fait et quand on les applique à l’acte.
Objection
N°2. Les sacrements ont leur efficacité et leur signification dans leur matière
même. Or, la signification de l’effet de ce sacrement convient à l’huile
d’après sa propriété naturelle, et son efficacité résulte de l’institution
divine. Il n’est donc pas nécessaire que sa matière ait été sanctifiée.
Réponse
à l’objection N°2 : Cette efficacité qui résulte de l’institution même du
sacrement est appliquée à cette matière par la sanctification.
Objection
N°3. Le baptême est un sacrement plus parfait que l’extrême-onction. Car dans
le baptême on n’exige pas que la matière ait été préalablement sanctifiée,
comme condition nécessaire au sacrement. On ne doit donc pas l’exiger non plus
pour l’extrême-onction.
Mais
c’est le contraire. Car dans toutes les autres onctions la matière a été
consacrée à l’avance. Donc, puisque ce sacrement est une onction, il demande
une matière consacrée.
Conclusion
L’huile qu’on emploie pour matière dans l’extrême-onction doit être consacrée.
Il
faut répondre qu’il y a des auteurs qui disent que l’huile simple est la
matière de ce sacrement, et que le sacrement se consomme dans la sanctification
même de l’huile qui se fait par l’évêque. Mais cette opinion est fausse, comme
cela est manifeste d’après ce que nous avons dit sur l’eucharistie (in 4, dist.
8, quest. 2, art. 1, quest. 1, ad 2) où nous avons montré qu’il n’y avait que
ce sacrement qui consiste dans la consécration de la matière. — C’est pourquoi
il faut dire que l’extrême-onction consiste dans l’onction elle-même, comme le
baptême dans l’ablution, et que la matière de ce sacrement est l’huile
sanctifiée. On peut donner trois raisons du motif pour lequel on exige la
sanctification de la matière dans ce sacrement et dans quelques autres. La
première c’est que toute l’efficacité des sacrements descend du Christ. C’est
pourquoi les sacrements dont il a fait usage lui-même tirent leur efficacité de
son usage même ; c’est ainsi qu’il a conféré aux eaux une puissance régénératrice
par le contact de sa chair. Comme il n’a pas fait l’usage de l’extrême-onction
ni d’aucune onction corporelle, il s’ensuit que la sanctification de la matière
est requise pour toutes ces onctions. La seconde cause résulte de la plénitude
de la grâce que ce sacrement confère au point que non seulement il enlève la
faute, mais encore les restes du péché et l’infirmité du corps. La troisième
provient de ce que son effet corporel, c’est-à-dire la guérison n’est pas produite par la propriété naturelle de la matière, et c’est
pour cela qu’il faut que cette efficacité lui soit donnée par la
sanctification.
La
réponse à la troisième objection est évidente d’après ce que nous avons dit
(dans le corps de l’article.).
Article
6 : Faut-il que la matière de ce sacrement soit consacrée par l’évêque ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire que la matière de ce sacrement soit
consacrée par l’évêque. Car la consécration de la matière dans le sacrement de
l’eucharistie est plus noble que dans celui de l’extrême-onction. Or, un prêtre
peut consacrer la matière dans l’eucharistie. Donc il peut aussi la consacrer
dans l’extrême-onction.
Réponse
à l’objection N°1 : Le sacrement de l’eucharistie consiste dans la
sanctification même de la matière, mais non dans son usage. C’est pourquoi, à
proprement parler, ce qui est la matière de ce sacrement n’est pas quelque
chose de consacré. Par conséquent on n’exige pas une
sanctification de la matière faite préalablement par l’évêque, mais on exige la
sanctification de l’autel, des vases et du prêtre lui-même, et elle ne peut
être faite que par l’évêque. Ainsi dans ce sacrement on montre aussi que la
puissance sacerdotale découle de l’évêque, comme le dit saint Denis (De eccles. hier., chap. 3). C’est pourquoi le
prêtre peut faire cette consécration de la matière qui est en elle-même un
sacrement, tandis qu’il ne peut faire celle qui est comme une chose
sacramentelle qui se rapporte à un sacrement qui consiste dans l’usage des
fidèles ; parce que par rapport au corps véritable du Christ il n’y a pas
d’ordre supérieur au sacerdoce, mais par rapport à son corps mystique l’ordre
épiscopal est au-dessus de l’ordre sacerdotal, comme nous le verrons (quest.
40, art. 4).
Objection
N°2. Dans les œuvres corporelles l’art le plus noble ne prépare jamais la
matière à celui qui l’est moins ; car l’art qui fait usage des choses est plus
noble que celui qui les prépare, comme le dit Aristote (Phys., liv. 2, text. 25). Or, l’évêque
est au-dessus du prêtre. Il ne prépare donc pas la matière pour le sacrement
dont le prêtre a l’usage. Et comme le prêtre dispense l’extrême-onction, ainsi
que nous le dirons (quest. 31), il s’ensuit que la consécration de la matière
n’appartient pas à l’évêque.
Réponse
à l’objection N°2 : La matière d’un sacrement n’est pas la matière avec
laquelle celui qui s’en sert produit quelque chose comme dans les arts
mécaniques, mais la matière en vertu de laquelle un effet est produit. Ainsi
elle participe sous un rapport à la nature de la cause efficiente en ce qu’elle
est un instrument de l’opération divine. C’est pourquoi il faut qu’elle reçoive
cette vertu d’un art ou d’un pouvoir supérieur. Car dans les causes actives
plus l’agent est élevé et plus il est parfait ; tandis que dans les causes
purement matérielles plus elles se rapprochent de la matière et plus elles sont
imparfaites.
Mais
c’est le contraire. La matière est consacrée par l’évêque pour les autres
onctions. Donc elle doit l’être aussi pour celle-ci.
Conclusion
La matière de l’extrême-onction doit être consacrée par l’évêque, pour montrer
que le pouvoir sacerdotal découle du pouvoir épiscopal.
Il
faut répondre que le ministre d’un sacrement n’en produit pas l’effet par sa
propre vertu, comme l’agent principal ; mais il le produit par l’efficacité du
sacrement qu’il dispense. Cette efficacité descend par ordre ou par degrés du
Christ d’abord et ensuite de lui dans les autres, c’est-à-dire dans le peuple
par l’intermédiaire de ses ministres qui dispensent les sacrements, et dans les
ministres inférieurs par l’intermédiaire des ministres supérieurs qui
sanctifient la matière. C’est pourquoi dans tous les sacrements qui ont besoin
d’une matière sanctifiée, la première sanctification de la matière se fait par
l’évêque, et quelquefois l’usage a lieu par le prêtre, pour montrer le pouvoir
sacerdotal découle du pouvoir épiscopal, d’après ces paroles du Psalmiste (Ps. 132, 2) : Comme un parfum précieux répandu sur la tête, c’est-à-dire sur le
Christ, qui descend d’abord sur la barbe
d’Aaron et qui coule ensuite sur le bord de ses vêtements (Si l’on s’était
servi d’une autre huile que de l’huile des
infirmes, et qu’on eût pris par inadvertance du saint chrême ou de l’huile
des catéchumènes, on devrait recommencer le sacrement, mais sans solennité, pour
éviter le scandale. Saint Alphonse pense que dans le cas de nécessité, à défaut
de l’huile des infirmes, on pourrait
conditionnellement se servir de l’huile des catéchumènes ou du saint chrême
(liv. 6, n° 719), sauf à réitérer le sacrement quand on aurait pu se procurer
une matière certaine.).
Article
7 : L’extrême-onction a-t-elle une forme ?
Objection
N°1. Il semble que ce sacrement n’ait pas une forme. Car puisque l’efficacité
des sacrements vient de leur institution ainsi que de leur forme, il faut que
la forme soit donnée par celui qui les institue. Or, on ne trouve pas que la
forme de l’extrême-onction ait été donnée ni par le Christ, ni par les apôtres.
Donc ce sacrement n’a pas de forme.
Réponse
à l’objection N°1 : L’Ecriture sainte est communément
mise à la disposition de tout le monde. C’est pourquoi la forme du baptême qui
peut être conféré par tout le monde doit y être exprimée, et il en est de même
de la forme de l’eucharistie qui exprime la foi à l’égard de ce sacrement,
laquelle est de nécessité de salut. Mais les formes des autres sacrements ne se
trouvent pas dans l’Ecriture ; l’Eglise les a reçues de la tradition des
apôtres qui les ont reçues du Seigneur, comme le dit saint Paul (1 Cor., 11, 23) : Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis, etc.
Objection
N°2. Les choses qui sont de nécessité de sacrement sont observées de la même
manière par tout le monde. Or, il n’y a rien de plus nécessaire pour un
sacrement qui a une forme que cette forme même. Par conséquent puisqu’il n’y a
pas de forme généralement observée par tout le monde dans ce sacrement, car on
se sert de paroles diverses, il semble qu’il n’ait pas de forme.
Réponse
à l’objection N°2 : Les paroles qui sont de l’essence de la forme, c’est-à-dire
la prière déprécatoire, sont dites par tout le monde ; mais les autres qui sont
de bienséance ne sont pas ainsi universellement observées.
Objection
N°3. Dans le baptême la forme n’est requise que pour la sanctification de la
matière. Car l’eau a été sanctifiée par la parole de vie pour effacer les
péchés comme le dit Hugues de Saint-Victor (De
sacr., liv. 2, part. 6, chap. 2. Or
l’extrême-onction a une matière qui a été sanctifiée à l’avance. Elle n’a donc
pas besoin d’une forme verbale.
Réponse
à l’objection N°3 : La matière du baptême a par elle-même une certaine
sanctification qui provient du contact même de la chair du Sauveur, mais elle
reçoit de la forme des paroles une sanctification qui sanctifie en acte. De
même après la sanctification de la matière de l’extrême-onction considérée en
elle-même, on requiert la sanctification dans l’usage par laquelle elle
sanctifie en acte.
Mais
c’est le contraire. Le Maître des sentences (4, dist. 1) que tout sacrement de
la loi nouvelle consiste dans les choses et les paroles. Or, les paroles sont
la forme du sacrement. Donc puisque l’extrême-onction est un sacrement de la
loi nouvelle, il semble qu’elle ait une forme.
L’usage
général de l’Eglise universelle c’est qu’on fasse usage de certaines paroles en
conférant ce sacrement.
Conclusion
Puisque la signification de la matière est commune à beaucoup de choses, et
qu’elle n’est déterminée à un effet positif et certain que par la forme des
paroles, il est évident que la forme des paroles de l’extrême-onction, comme
des autres sacrements, doit être déterminée.
Il
faut répondre qu’il y en a qui ont dit qu’il n’y avait
pas de forme nécessaire pour ce sacrement. Mais cette opinion paraît déroger à
l’effet de l’extrême-onction, car tout sacrement agit en signifiant ce qu’il
opère. Or, la signification de la matière n’est restreinte à un effet déterminé
que par la forme des paroles, puisqu’elle peut se rapporter à une foule de
choses. C’est pourquoi dans tous les sacrements de la nouvelle qui produisent
ce qu’ils figurent, il faut qu’il y ait des choses et des paroles (Selon
l’expression du concile de Florence : Omnia sacramenta tribu perficiuntur ; videlicet rebus tanquam materia, verbis tanquam forma, et persona ministri.).
En outre saint Jacques (chap. 5) paraît constituer toute la vertu de ce
sacrement dans la prière qui en est la forme, comme nous le dirons (Réponse N°2,
et art. 8 et 9 suiv.). C’est pour ce motif que cette opinion paraît
présomptueuse et erronée. Il faut donc dire que, comme on le fait communément,
que l’extrême-onction a une forme déterminée ainsi que les autres sacrements.
Article
8 : La forme de l’extrême-onction doit-elle être prononcée à l’indicatif et non
d’une manière déprécatoire ?
Objection
N°1. Il semble que la forme de l’extrême-onction doive s’exprimer à l’indicatif
et non d’une manière déprécatoire. Car tous les sacrements de la loi nouvelle
ont un effet certain. Or, la certitude de l’effet ne s’exprime dans les formes
des sacrements que par l’indicatif ; comme quand on dit : Ceci est mon corps ou Je vous
baptise, etc. La forme de ce sacrement doit donc être à l’indicatif.
Réponse
à l’objection N°1 : Ce sacrement, comme les autres, est certain considéré en
lui-même, mais son effet peut être empêché par les mauvaises dispositions de
celui qui le reçoit ; quoiqu’il se soumette au sacrement par l’intention il
peut n’en retirer aucun effet. C’est pour cela qu’il n’y a pas de parité à
l’égard de ce sacrement et des autres dans lesquels on obtient toujours un
effet.
Objection
N°2. On doit exprimer dans les formes des sacrements l’intention du ministre
qui est requise pour le sacrement. Or, on n’exprime l’intention de conférer un
sacrement que par l’indicatif. Donc, etc.
Réponse
à l’objection N°2 : L’intention est suffisamment exprimée dans l’acte même que l’on
fait entrer dans la forme en disant : Par
cette onction sainte, etc.
Objection
N°3. Dans certaines Eglises on dit ces paroles en conférant ce sacrement : J’oins ces yeux avec l’huile sanctifiée au
nom du Père, etc., et cette formule est conforme aux autres formes des
sacrements. Il semble donc que ce soit dans ces paroles que consiste la forme
de ce sacrement.
Réponse
à l’objection N°3 : Ces paroles à l’indicatif que quelques-uns ont coutume de
mettre avant la prière ne sont pas la forme de l’extrême-onction, mais elles
sont une disposition à cette forme, dans le sens que ces paroles déterminent
l’intention du ministre à l’égard de cet acte.
Mais
c’est le contraire. Ce qui est la forme d’un sacrement il faut que tout le
monde l’observe. Or, les paroles que nous venons de citer ne se disent pas
d’après la coutume de toutes les Eglises, mais on ne se sert que de cette forme
déprécatoire : Que le Seigneur vous
accorde par cette onction sainte et par sa pieuse miséricorde le pardon de
toutes les fautes que vous avez faites par la vue, etc. La forme de ce
sacrement est donc déprécatoire.
Il
semble que cela résulte aussi des paroles de saint Jacques qui attribue
l’efficacité de ce sacrement à la prière. La
prière de la foi, dit-il, sauvera le
malade (5, 15). Donc puisque l’efficacité du sacrement vient de la forme,
il semble que la forme de l’extrême-onction soit déprécatoire.
Conclusion
Puisque ce sacrement n’a pas d’effet qui résulte toujours de l’action du
ministre (même quand tout ce qui appartient au sacrement a été convenablement
rempli), sa forme ne peut pas s’exprimer à l’indicatif, mais on doit la rendre
déprécatoire.
Il
faut répondre que la forme de ce sacrement est déprécatoire, comme on le voit
par les paroles de saint Jacques et d’après l’usage de l’Eglise romaine qui
n’emploie que des formules déprécatoires dans l’administration de ce sacrement.
On peut en donner plusieurs raisons. 1° Parce que celui qui reçoit ce sacrement
est privé de ses propres forces et par conséquent il a besoin d’être aidé par
ses prières. 2° Parce qu’on le donne à ceux qui sortent de ce monde, qui
cessent déjà d’être de l’Eglise, et qui reposent dans les mains de Dieu seul. C’est
pour cela qu’on les lui recommande par la prière. 3° Parce que ce sacrement n’a
pas d’effet qui résulte toujours de l’action de celui qui l’administre, même
quand tout ce qui est de l’essence du sacrement a été bien accompli, comme le
caractère dans le baptême et la confirmation, la transsubstantiation dans
l’eucharistie, et la rémission du péché dans la pénitence, quand on a la
contrition qui est de l’essence du sacrement de pénitence et non de l’essence
de l’extrême-onction (S. Thomas ne veut pas dire ici que la contrition n’est
pas essentielle à celui qui reçoit ce sacrement, et qu’il peut être pardonné
sans elle, mais il veut dire qu’elle n’est pas de l’essence de
l’extrême-onction comme de l’essence de la pénitence, dans le sens qu’elle
n’est pas la matière de ce sacrement et une de ses parties essentielles et
intégrantes.). C’est pourquoi la forme ne peut pas être à l’indicatif dans ce
sacrement, comme dans les autres.
Article
9 : Cette oraison déprécatoire est-elle la forme qui convient au sacrement de
l’extrême-onction ?
Objection
N°1. Il semble que l’oraison déprécatoire ne soit pas la forme qui convienne à
ce sacrement. Car dans les formes des autres sacrements il est fait mention de
la matière, comme on le voit dans la confirmation, et il n’en est pas parlé
dans la forme qui nous occupe.
Réponse
à l’objection N°1 : La matière de l’extrême-onction peut être désignée par
l’acte de l’onction, tandis que la matière de la confirmation ne l’est pas par
l’acte exprimé dans la forme. C’est pourquoi il n’y a pas de parité.
Objection
N°2. Comme l’effet de l’extrême-onction est produit en nous par la miséricorde
divine, de même celui des autres sacrements. Or, il n’est pas fait mention de
la miséricorde divine dans les formes des autres sacrements, mais on parle
plutôt de la Trinité et de la passion. Il devrait donc en être de même dans
cette formule.
Réponse
à l’objection N°2 : La miséricorde se rapporte à la misère, et parce qu’on
donne l’extrême-onction dans un état de misère c’est-à-dire d’infirmité, c’est
pour cela qu’il est fait mention de la miséricorde dans ce sacrement plutôt que
dans les autres.
Objection
N°3. Ce sacrement a un double effet d’après le Maître des sentences (4, dist.
23). Or, dans la formule dont nous parlons il n’est fait mention que d’un seul.
Elle parle de la rémission des péchés, mais non de la guérison du corps à
laquelle saint Jacques rapporte la prière de la foi, en disant (5, 15) : La prière de la foi sauvera le malade.
Donc cette forme n’est pas convenable.
Réponse
à l’objection N°3 : On doit exprimer dans la forme l’effet principal et qui est
toujours produit par le sacrement, à moins qu’il n’y ait faute de la part de
celui qui le reçoit. C'et effet n’est pas la santé du corps, comme on le verra
(quest. suiv., art. 1 et 2) quoiqu’il soit produit
quelquefois. C’est pour cela que saint Jacques attribue cet effet à la prière
qui est la forme de ce sacrement.
Conclusion
La forme convenable pour l’extrême-onction est celle dont l’Eglise se sert en
disant : Per istam sanctam, etc.
Il
faut répondre que la prière que nous avons citée est la forme convenable de
l’extrême-onction. Car elle indique le sacrement par ces mots : Per istam sanctam unctionem ; elle
désigne ce qui opère dans le sacrement en ajoutant : divinam misericordiam, et elle en fait connaître
l’effet par les mots remissionis peccatorum.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.