Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 33 : De la réitération de l’extrême-onction

 

          Nous devons enfin nous occuper de la réitération de l’extrême-onction. A cet égard il y a deux questions à faire : 1° Doit-on réitérer l’extrême-onction ? — 2° Doit-on la réitérer dans la même maladie ?

 

Article 1 : Doit-on réitérer l’extrême-onction ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas réitérer ce sacrement. Car l’onction qu’on fait à un homme est plus noble que celle qu’on fait à une pierre. Or, on renouvelle pas l’onction d’une pierre d’autel, à moins qu’elle n’ait été brisée. L’extrême-onction qu’on fait sur l’homme ne doit donc pas se réitérer.

          Réponse à l’objection N°1 : L’onction de la pierre se fait pour consacrer l’autel lui-même ; elle subsiste perpétuellement dans la pierre tant que l’autel existe, et c’est pour ce motif qu’on ne peut la réitérer. Mais l’extrême-onction ne se fait pas pour consacrer l’homme, puisqu’elle ne lui imprime pas de caractère. Il n’y a donc pas de parité.

 

          Objection N°2. Après ce qui vient en dernier lieu, il n’y a plus rien. Or, on appelle cette onction l’onction extrême ou la dernière. Elle ne doit donc pas être réitérée.

          Réponse à l’objection N°2 : Ce qui est extrême selon l’opinion des hommes, ne l’est pas quelquefois dans la réalité. Ainsi ce sacrement est appelé l’extrême-onction, parce qu’on ne doit le donner qu’à ceux dont la mort est prochaine au jugement des hommes.

 

          Mais c’est le contraire. L’extrême-onction est une guérison spirituelle appliquée à la manière d’une guérison corporelle. Or, la guérison corporelle se réitère. Donc ce sacrement peut aussi être réitéré (C’est ce qu’enseigne le concile de Trente (De extrema unctione, chap. 3).).

 

         Conclusion Puisque l’extrême-onction n’a pas d’effet perpétuel, on peut la réitérer sans lui faire injure.

          Il faut répondre qu’on ne doit réitérer aucun sacramental, ni aucun sacrement qui ait un effet perpétuel, parce qu’on montrerait que ce sacrement n’a pas eu l’efficacité de produire cet effet, et par conséquent on lui ferait injure. Mais on peut réitérer sans lui faire injure un sacrement qui n’a pas d’effet perpétuel, afin de recouvrir cet effet qu’on avait perdu en recevant de nouveau le sacrement qui le produit. Et comme la santé du corps et de l’âme qui est un effet de l’extrême-onction peut se perdre, après que ce sacrement l’a produite, il s’ensuit qu’on peut réitérer l’extrême-onction sans lui faire injure.

 

Article 2 : Doit-on réitérer l’extrême-onction dans la même maladie ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on ne doive pas réitérer ce sacrement dans la même maladie. Car on ne doit appliquer à une seule maladie qu’un seul remède. Or, l’extrême-onction est un remède spirituel. on ne doit donc pas la réitérer contre la même maladie.

 

          Objection N°2. D’après cela un malade pourrait être oint pendant toute la journée, si l’on pouvait réitérer ce sacrement dans la même maladie, ce qui est absurde.

 

          Mais le contraire, c’est que quelquefois la maladie dure plus longtemps après qu’on reçu l’extrême-onction, et alors on contracte de nouveau les infirmités spirituelles contre lesquelles ce sacrement est administré. On doit donc la réitérer.

 

          Conclusion On peut donner de nouveau l’extrême-onction à celui qui souffre de la même maladie, mais à des états différents.

          Il faut répondre que ce sacrement ne se rapporte pas seulement à maladie, mais encore à l’état de la maladie, parce qu’on ne doit le donner qu’aux malades qui d’après l’opinion des hommes paraissent sur le point de mourir. Or, il y a des maladies qui ne sont pas de longue durée. Par conséquent si dans une de ces maladies on a reçu l’extrême-onction quand on est arrivé à cet état où l’on est en danger de mort, l’état restant le même tant que la maladie n’est point guérie, on ne doit pas réitérer le sacrement. Mais s’il y avait une rechute, ce serait une autre maladie et on pourrait faire de nouvelles onctions. Il y a aussi des maladies de longue durée, comme la phtisie, l’hydropisie et d’autres semblables ; dans ce cas on ne doit administrer l’extrême-onction que quand il semble qu’on est en danger de mort. Si on échappe à ce danger et que la maladie persévérant on subisse une nouvelle attaque qui rejette le malade dans un état semblable, on peut recevoir l’extrême-onction de nouveau, parce que quoique la maladie ne soit pas absolument différente, c’est pour ainsi dire un autre état (Ainsi quand il y a eu convalescence et qu’il y a ensuite une rechute l’extrême-onction peut être administrée de nouveau, et dans le cas de doute on doit se prononcer pour la réitération, selon le principe : Sacramenta propter homines.).

          Les réponses aux objections sont par là même évidentes.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.