Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 39 : Des empêchements du sacrement de l’ordre
Nous
devons ensuite nous occuper des empêchements du sacrement de l’ordre. A cet
égard, six questions se présentent : 1° Le sexe féminin empêche-t-il de
recevoir l’ordre ? (Il est de foi contre les cataphrygiens
qu’on ne peut conférer les ordres à une femme.) — 2° Du défaut de raison. — 3° De
la servitude. — 4° De l’homicide. — 5° De la naissance illégitime. — 6° Des
défauts du corps.
Article
1 : Le sexe féminin empêche-t-il de recevoir l’ordre ?
Objection
N°1. Il semble que le sexe féminin n’empêche pas de recevoir l’ordre. Car
l’office du prophète est plus grand que celui du prêtre ; parce que le prophète
est médiateur entre Dieu et les prêtres, comme le prêtre est médiateur entre
Dieu et le peuple. Or, les femmes ont rempli quelquefois l’office de prophète,
comme on le voit (4 Rois, chap. 22).
Donc l’office du prêtre peut aussi leur convenir.
Réponse
à l’objection N°1 : La prophétie n’est pas un sacrement, mais un don de Dieu.
Par conséquent, on n’exige pas là la signification, mais seulement la chose. Et
parce que sous le rapport de la chose, à l’égard des biens qui appartiennent à
l’âme, la femme ne diffère pas de l’homme, puisque l’on trouve quelquefois des
femmes qui valent mieux qu’une foule d’hommes quant à l’âme, il s’ensuit
qu’elles peuvent recevoir le don de prophétie et d’autres dons de ce genre,
quoiqu’elles ne puissent pas recevoir le sacrement de l’ordre.
Objection
N°2. Comme l’ordre appartient à une certaine prééminence, de même aussi
l’office de supérieur, le martyre et l’état religieux. Or, on confie des
charges de supérieures aux femmes dans le Nouveau Testament, comme on le voit à
l’égard des abbesses, et dans l’Ancien Testament, comme on le voit par
l’exemple de Débora qui jugea le peuple d’Israël (Juges, chap. 4). Le martyre et l’état
religieux leur conviennent aussi. Donc l’ordre de l’Eglise leur convient
également.
Objection
N°3. La puissance des ordres repose sur l’âme. Or, le sexe ne se rapporte pas à
l’âme. La diversité des sexes ne produit donc pas de distinction à l’égard de
ceux qui reçoivent les ordres.
Mais
c’est le contraire. L’Apôtre dit (1 Tim., 2, 12)
: Je ne permets pas aux femmes
d’enseigner publiquement, ni de prendre autorité sur leur mari.
Pour
les ordinands on exige préalablement qu’ils aient la tonsure, quoiqu’elle ne
soit pas de nécessité de sacrement. Or, la tonsure ne convient pas aux femmes,
comme on le voit (1 Cor., chap. 11).
Il ne leur convient donc pas non plus de recevoir les ordres.
Conclusion
Puisque les femmes ont un état de soumission et que par conséquent on ne peut
représenter en elles la signification du sacrement de l’ordre, elles ne peuvent
recevoir ce sacrement d’aucune manière.
Il
faut répondre qu’il y a des choses qui sont requises dans celui qui reçoit
l’ordre comme étant nécessaires au sacrement. Si elles manquent, on ne peut
recevoir le sacrement, ni la chose du sacrement. Il y a d’autres choses qui
sont requises non de nécessité de sacrement, mais de
nécessité de précepte par convenance pour le sacrement lui-même. Sans ces
conditions on reçoit le sacrement, mais on ne reçoit pas la chose du sacrement.
On doit donc dire que le sexe masculin est requis pour recevoir les ordres, non
seulement de la seconde manière, mais encore de la première. Ainsi quand même
on ferait à une femme tout ce qu’on fait dans les ordres, elle
recevrait cependant pas ce sacrement. Car un sacrement étant un signe à
l’égard des choses qui se font dans le sacrement, on requiert non seulement la
chose, mais encore sa signification. C’est ainsi que nous avons dit (quest. 32,
art. 2), que pour l’extrême-onction on exige qu’on soit malade pour signifier
qu’on a besoin de guérison. Par conséquent comme dans le sexe féminin on ne
peut signifier une supériorité de degré, parce que l’état de la femme est un
état de soumission, il s’ensuit qu’elle ne peut recevoir le sacrement de
l’ordre. — Il y en a qui ont dit que le sexe masculin est de nécessité de précepte,
mais qu’il n’est pas de nécessité de sacrement. Car dans le droit (chap. Mulieres, dist.
32, et chap. Diaconissam
27, quest. 1), il est fait mention d’une diaconesse et d’une femme qui était
prêtre (presbyter).
Mais dans cet endroit on appelle diaconesse (On appelait ainsi des femmes qui
avaient dans l’Eglise des charges qui avaient quelques rapports avec celles du
diacre, ou du prêtre, ou de l’évêque.) celle qui participe aux fonctions du
diacre, c’est-à-dire celle qui lit les homélies dans l’église, et on donne le
nom de presbytera
à une veuve, parce que le mot presbyter signifie vieillard.
La
réponse à la seconde et à la troisième objection est par là même évidente.
D’ailleurs il est dit des abbesses qu’elles n’ont pas une supériorité
ordinaire, elles ne l’ont que par commission à cause du péril qu’il y aurait de
faire cohabiter des hommes avec des femmes. Quant à Débora
elle a eu l’autorité dans l’ordre temporel, mais non pour les choses
sacerdotales, comme maintenant encore les femmes peuvent temporellement
dominer.
Article
2 : Les enfants et ceux qui n’ont pas l’usage de raison peuvent-ils recevoir
les ordres ?
Objection
N°1. Il semble que les enfants et ceux qui n’ont pas l’usage de raison ne
puissent recevoir les ordres. Car, comme on le voit (4, dist. 25), les canons
ont établi un âge certain et un temps déterminé à l’égard de ceux qui reçoivent
les ordres. Or, il n’en serait pas ainsi si les enfants pouvaient recevoir le
sacrement de l’ordre. Donc, etc.
Réponse
à l’objection N°1 : Tout ce qui est de nécessité de précepte n’est pas de
nécessité de sacrement, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.).
Objection
N°2. Le sacrement de l’ordre est plus noble que le mariage. Or, les enfants et
ceux qui n’ont pas l’usage de raison ne peuvent contracter mariage. Ils ne
peuvent donc pas recevoir les ordres.
Réponse
à l’objection N°2 : Le mariage est produit par le consentement qui ne peut
exister sans l’usage de raison. Mais dans l’ordre on ne requiert pas d’acte de
la part de ceux qui le reçoivent, ce qui est évident puisqu’on n’exprime aucun
acte de leur part dans leur consécration. C’est pourquoi il n’y a pas de
parité.
Objection
N°3. La puissance appartient au principe auquel se rapporte l’acte, d’après
Aristote (De somn.
et vigil.,
chap. 1). Or, l’acte de l’ordre requiert l’usage de raison. Donc la puissance
d’ordre aussi.
Réponse
à l’objection N°3 : L’acte et la puissance appartiennent au même principe, mais
cependant quelquefois la puissance précède son usage, comme le libre arbitre.
Et c’est aussi ce qui a lieu dans la circonstance actuelle.
Mais
c’est le contraire. Ceux qui ont été promus aux ordres avant l’âge de
discrétion, on leur permet d’en remplir les fonctions sans qu’on réitère leur
ordination, comme on le voit (extra, De cler. per saltum
prom.). Or, il n’en serait pas ainsi, si elle
n’avait pas reçu l’ordre. Un enfant peut donc recevoir les ordres.
Les
enfants peuvent recevoir d’autres sacrements qui impriment caractère, comme le
baptême et la confirmation. Pour la même raison ils peuvent donc aussi recevoir
les ordres.
Conclusion
Puisque dans le sacrement de l’ordre il n’y a aucun acte de la part de celui
qui le reçoit qui soit nécessaire au sacrement, mais qu’il confère seulement de
la part de Dieu un pouvoir spirituel, les enfants qui n’ont pas l’usage de
raison reçoivent aussi véritablement les ordres pour ce qui est de l’essence du
sacrement, quoiqu’on doive les éloigner des ordres majeurs, d’après les lois de
l’Eglise.
Il
faut répondre que l’enfance et les autres défauts qui enlèvent l’usage de la
raison sont un empêchement pour l’acte. C’est pourquoi ceux qui sont dans cet
état ne peuvent recevoir les sacrements qui exigent un acte de la part de celui
auquel on les confère, comme la pénitence, le mariage et les autres sacrements
du même genre. Mais parce que les puissances infuses sont avant les actes aussi
bien que les puissances naturelles, quoique les puissances acquises soient
postérieures ; et parce que en enlevant ce qui est après on n’enlève pas ce qui
est avant, il s’ensuit que les enfants et ceux qui n’ont pas l’usage de la
raison peuvent recevoir tous les sacrements dans lesquels on ne requiert pas
d’acte de la part de celui qui les reçoit pour leur validité, mais où l’on
donne de la part de Dieu une puissance spirituelle. Cependant il faut faire
cette distinction ; c’est que pour les ordres mineurs on requiert par
bienséance à cause de la dignité du sacrement l’âge de discrétion, mais il
n’est exigé ni de nécessité ni de précepte (D’après le concile de Trente on ne
doit pas tonsurer les enfants avant l’âge de sept ans, et il exige qu’ils aient
été baptisés et confirmés, qu’ils sachent lire et écrire, et qu’ils connaissent
les éléments de la foi. En France on ne confère les ordres mineurs que vers le
temps où je sujet peut être appelé aux ordres majeurs.), ni de nécessité de
sacrement. Par conséquent, s’il y a nécessité et si on a des espérances de
progrès, on peut promouvoir aux ordres mineurs certains enfants avant l’âge de
discrétion et leur conférer ces ordres sans péché. Car
quoiqu’ils ne soient pas capables de remplir alors les charges qui leur sont
confiées, cependant ils pourront par l’habitude le devenir. Mais pour les
ordres majeurs on requiert l’usage de raison, et par bienséance, et de
nécessité de précepte (Pour le sous-diaconat, il faut vingt-et-un ans accomplis
; pour le diaconat vingt-deux ans accomplis ; pour la prêtrise vingt-quatre ans
accomplis, et pour l’épiscopat trente ans accomplis, d’après le concordat de
1801. Le pape seul accorde les dispenses d’âge.), et à cause du vœu de
continence qui leur est annexé, et parce qu’on leur confie le soin de toucher
les sacrements. Pour l’épiscopat où l’on reçoit pouvoir sur le corps mystique
du Christ, on requiert l’action de celui qui est chargé du soin pastoral des
âmes. C’est pourquoi il est aussi nécessaire pour la consécration épiscopale
qu’on ait l’usage de raison. Il y en a qui disent que l’usage de raison est
requis de nécessité de sacrement pour tous les ordres, mais ils ne prouvent ce
qu’ils avancent ni par la raison, ni par l’autorité (Benoît XIV dit que
l’ordination des enfants avant l’âge de raison est évident, mais que celui qui
a été ainsi ordonné n’a point contracté l’obligation de la continence ni des
autres devoirs que l’ordination impose (Instruct. super dubiis ad ritus Ecclesiæ et nationis Cophtorum.).).
Article
3 : La servitude empêche-t-elle quelqu’un de recevoir les ordres ?
Objection
N°1. Il semble que la servitude n’empêche pas quelqu’un de recevoir les ordres.
Car la soumission corporelle ne répugne pas à l’autorité spirituelle. Or, il y
a soumission corporelle dans l’esclave. Rien ne l’empêche donc de pouvoir
recevoir l’autorité spirituelle que l’ordre confère.
Réponse
à l’objection N°1 : Quand on reçoit un pouvoir spirituel on est obligé de faire
certaines choses corporellement ; c’est pourquoi la servitude corporelle est un
empêchement.
Objection
N°2. Ce qui est une occasion d’humilité ne doit pas empêcher de recevoir un
sacrement. Or, la servitude a ce caractère. C’est pourquoi l’Apôtre conseille
d’en faire bon usage, si on le peut, plutôt que de devenir libre (1 Cor., chap. 8). Elle ne doit donc pas
empêcher d’être promu aux ordres.
Réponse
à l’objection N°2 : Il y a beaucoup d’autre choses qui n’empêchent pas de remplir
les fonctions de l’ordre, et dont on peut prendre occasion de s’humilier. C’est
pourquoi cette raison n’est pas concluante.
Objection
N°3. Il est plus honteux qu’un clerc soit vendu comme esclave que de promouvoir
un serf à la cléricature. Or, on peut licitement vendre un serf comme esclave ;
car l’évêque de Nole, saint Paulin, se vendit
lui-même pour être esclave, comme on le voit (in dialog.
Greg., liv. 3, chap. 1). A plus forte
raison un serf peut-il être promu aux ordres.
Réponse
à l’objection N°3 : Saint Paulin agi ainsi poussé par l’esprit de Dieu et
d’après l’abondance de sa charité ; ce que l’événement a prouvé, car par sa
servitude il a affranchi de l’esclavage une multitude d’individus appartenant à
son troupeau. On ne doit pas en tirer de conséquence ; parce que où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté (2 Cor., 3, 17).
Objection
N°4. Mais au contraire. Il semble que la servitude soit un empêchement quant à
la nécessité de sacrement. Car une femme ne peut pas recevoir l’ordre en raison
de sa sujétion. Or, il y a dans l’esclave une sujétion plus grande, parce que
la femme n’est pas donnée à l’homme pour servante, et c’est pour cela qu’elle
n’a pas été tirée de ses pieds. Donc un serf ne peut pas recevoir ce sacrement.
Réponse
à l’objection N°4 : Les signes sacramentels représentent d’après une
ressemblance naturelle. Or, la femme est soumise par nature, mais il n’en est
pas de même du serf. C’est pour cela qu’il n’y a pas de parité.
Objection
N°5. Du moment qu’on reçoit un ordre on est tenu de servir pour en remplir les
fonctions. Or, un serf ne peut pas tout à la fois servir son maître charnel et
remplir ses fonctions spirituelles. Il semble donc qu’il ne puisse recevoir un
ordre, parce que le maître doit conserver ses droits.
Réponse
à l’objection N°5 : Si un serf est ordonné, et que son maître le sache, s’il ne
réclame pas, il devient par là même affranchi. Mais si on l’ordonne à l’insu du
maître, alors l’évêque et celui qui l’a présenté sont tenus de donner au maître
le double de la valeur du serf, s’ils ont su qu’il était serf. Autrement si le
serf a des ressources il doit se racheter lui-même, sans cela il retomberait
sous la servitude de son maître, quoiqu’il fût dans l’impossibilité de remplir
les fonctions de son ordre.
Conclusion
Les serfs n’étant pas maîtres d’eux-mêmes ne peuvent être promus aux ordres
sacrés ; cependant ils les reçoivent véritablement si on les leur confère.
Il
faut répondre qu’en recevant l’ordre l’homme est attaché au service de Dieu. Et
comme on ne peut donner à un autre ce qui n’est pas à soi, le serf qui n’est
pas maître de lui-même ne peut par ce motif être promu aux ordres. Si cependant
on l’ordonne, il reçoit l’ordre ; puisque la liberté n’est pas de nécessité de
sacrement, quoiqu’elle soit de nécessité de précepte ; puisqu’elle n’empêche
pas le pouvoir, mais seulement son acte et son exercice. Il en est de même à
l’égard de tous ceux qui sont liés par rapport aux autres, comme ceux qui sont
enchaînés par des comptes à rendre ou par d’autres affaires.
Article
4 : Doit-on pour cause d’homicide être empêché de recevoir les ordres ?
Objection
N°1. Il semble que pour cause d’homicide on ne doive pas être empêché de
recevoir les ordres sacrés. Car les ordres actuels tirent leur origine de
l’office des lévites comme on le voit (4, dist. 24, quest. 3, art. 1, quest. 1
ad 1). Or, les lévites ont consacré leurs mains en versant le sang de leurs
frères, comme on le voit (Ex., chap.
32). Donc dans le Nouveau Testament on ne doit pas être empêché de recevoir les
ordres, parce qu’on a versé le sang.
Réponse
à l’objection N°1 : La loi ancienne infligeait la peine du sang, mais il n’en
est pas de même de la loi nouvelle. C’est pourquoi il n’en pas des ministres de
la loi ancienne comme de ceux de la loi nouvelle dont le joug est doux, et le fardeau léger (Matth.,
chap. 11).
Objection
N°2. On ne doit pas empêcher quelqu’un de recevoir un sacrement, parce qu’il
fait un acte de vertu. Or, quelquefois on répand le sang par justice, comme le
fait un juge, et celui qui a cette charge pécherait s’il ne le faisait pas. On
n’est donc pas empêché à cause de cela de recevoir un sacrement.
Réponse
à l’objection N°2 : On n’encourt pas l’irrégularité à cause du péché seulement,
mais principalement parce qu’une personne n’est plus apte à administrer le
sacrement de l’eucharistie. C’est pourquoi le juge et tous ceux qui prennent
part à une condamnation à mort sont irréguliers, parce qu’il ne convient pas
aux ministres de ce sacrement de répandre le sang.
Objection
N°3. La peine n’est due qu’à la faute. Or, quelquefois on commet un homicide
sans faire de faute, comme quand on tue quelqu’un en se défendant, ou par
hasard. On ne doit donc pas encourir la peine de l’irrégularité.
Réponse
à l’objection N°3 : On ne fait que les choses dont on est la cause,
c’est-à-dire ce qui est volontaire dans l’homme. C’est pourquoi celui qui tue
un homme sans le savoir d’une manière fortuite, ne reçoit pas le nom d’homicide
; il n’encourt pas l’irrégularité, à moins qu’il ne se soit occupé d’une chose
illicite (Il faut de plus que cette chose ait été dangereuse de sa nature, et
qu’elle eut ainsi par elle-même un certain rapport avec l’homicide.), ou qu’il
n’ait négligé de prendre les précautions qu’il devait, parce qu’alors son acte
devient volontaire. Mais ce n’est pas parce qu’il n’est pas coupable qu’il est
exempt de l’irrégularité, car on l’encourt sans faire de faute. C’est pourquoi,
bien que celui qui commet un homicide ne pèche pas en se défendant, il n’en est
pas moins irrégulier (Autrefois on était irrégulier si on venait à tuer
quelqu’un même dans le cas de légitime défense, comme le dit saint Thomas (2a
2æ, quest. 64, art. 7, Réponse N°5). Mais depuis la Clémentine (tit. Si furiosus), il n’en est plus de même.).
Mais
c’est le contraire. Plusieurs décrets canoniques (chap. Miror et Clericum et chap. De his cler., dist. 1, et chap. Continebatur De homic. volunt.)
et la coutume de l’Eglise y sont opposés.
Conclusion
L’homicide étant ce qu’il y a de plus opposé à a paix, dont l’eucharistie est
le sacrement, ceux qui le commettent sont éloignés des ordres sacrés d’après le
précepte de l’Eglise, mais non par nécessité de sacrement.
Il
faut répondre que tous les ordres se rapportent au sacrement de l’eucharistie
qui est le sacrement de la paix que l’effusion du sang du Christ nous a donnée.
Et comme l’homicide est ce qu’il y a de plus contraire à la paix et que les
homicides ressemblent plus à ceux qui ont mis le Christ à mort qu’au Christ
immolé, auquel tous les ministres du sacrement de l’eucharistie doivent
ressembler, il s’ensuit qu’il est de nécessité de précepte que celui qu’on
ordonne ne soit pas un homicide, quoique ce ne soit pas de nécessité de
sacrement.
Article
5 : Doit-on empêcher les enfants illégitimes de recevoir les ordres ?
Objection
N°1. Il semble qu’on ne doive pas empêcher les enfants illégitimes de recevoir
les ordres. Car le fils ne doit pas porter l’iniquité du père (Ez., chap. 18). Or, il la porterait s’il était empêché à
cause de cela de recevoir les ordres. Donc, etc.
Réponse
à l’objection N°1 : L’irrégularité n’est pas une peine due à l’iniquité. C’est
pourquoi il est évident que quoique les enfants illégitimes soient irréguliers,
ils ne portent pas pour cela l’iniquité de leur père.
Objection
N°2. Un défaut personnel est un empêchement plus grand qu’un défaut étranger.
Or, on n’est pas toujours empêché de recevoir les ordres par une faute qu’on
aurait commise contre les mœurs. On ne doit donc pas non plus en être empêché
par une faute commise par son père.
Réponse
à l’objection N°2 : Les fautes qu’on a commises par ses propres actions peuvent
être effacées par la pénitence et par un acte contraire, mais il n’en est pas
de même des défauts qui viennent de la nature. C’est pourquoi il n’en est pas
d’un acte coupable comme d’une origine vicieuse.
Mais
c’est le contraire. Il est dit (Deut., 23, 2) : Celui qui est bâtard, c’est-à-dire né d’une
femme prostituée, n’entrera point dans l’Eglise du Seigneur jusqu’à la dixième
génération. On doit donc encore moins le promouvoir aux ordres.
Conclusion
Ceux qui sont ordonnés étant élevés au-dessus des autres dans une dignité qui
serait obscurcie par une origine vicieuse, les enfants illégitimes sont
empêchés de recevoir les ordres de nécessité de précepte plutôt que de nécessité
de sacrement.
Il
faut répondre que ceux qui sont ordonnés sont élevés en dignité au-dessus des
autres. C’est pourquoi par convenance on exige un certain éclat non de nécessité de sacrement, mais de nécessité de précepte ; par
exemple, on demande qu’ils aient bonne réputation, que leurs mœurs soient pures
et qu’ils n’aient pas fait de pénitence publique. Et comme l’éclat de l’homme
est obscurci par une origine vicieuse, il s’ensuit qu’on écarte des ordres ceux
qui sont nés d’une manière illégitime ; à moins qu’ils n’aient obtenu dispense
; et la dispense s’accorde d’autant plus difficilement que leur origine est
plus honteuse.
Article
6 : Les défauts corporels doivent-ils être un empêchement ?
Objection
N°1. Il semble que les défauts du corps ne doivent pas empêcher de recevoir les
ordres. Car on ne doit pas ajouter l’affliction à celui qui est affligé. On ne
doit donc pas être privé de recevoir les ordres parce qu’on est affligé d’un
défaut corporel.
Objection
N°2. Pour l’acte de l’ordre on exige plutôt l’intégrité de la raison que
l’intégrité du corps. Or, on peut être ordonné avant l’âge de raison ; on peut
dont l’être aussi avec des défauts corporels.
Mais
c’est le contraire. Sous l’ancienne loi on interdisait le service divin à ceux
qui en étaient là (Lév., chap. 21) ; à plus forte raison
doit-on le leur interdire sous la loi nouvelle. Nous parlerons de la bigamie
dans le traité du mariage (quest. 66).
Conclusion
On éloigne des ordres sacrés ceux qui ont dans leurs membres des défauts notables
ou qui ne pourraient en remplir les fonctions.
Il
faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.), on devient incapable de recevoir les ordres soit
parce qu’on est empêché d’en remplir les fonctions, soit parce que la personne
n’a pas les dehors qu’elle devrait avoir. C’est pourquoi ceux qui ont un défaut
dans leurs membres sont empêchés de recevoir l’ordre, si ce défaut est de
nature à leur imprimer une tache notable qui nuise à la considération
extérieure de la personne, comme si on avait le nez coupé, ou bien s’ils ne
peuvent sans danger remplir les fonctions de leur ordre (Ainsi sont irréguliers
ceux qui sont aveugles, qui n’ont qu’un bras, qu’une main, ou qui ont perdu le
pouce ou l’index, ou qui sont boiteux au point de ne pouvoir se soutenir sans
un bâton, ou dont les mains tremblent, ou qui ne peuvent boire de vin, etc.).
Autrement les défauts corporels ne sont pas un empêchement. Toutefois cette
intégrité est exigée de nécessité de précepte, mais non de nécessité de
sacrement.
La
réponse aux objections est par là même évidente.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous
puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.