Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 45 : Du consentement du mariage considéré en
lui-même
Nous
devons ensuite nous occuper du consentement. Nous traiterons : 1° du
consentement considéré en lui-même ; 2° du consentement affermi par le serment
ou par des relations charnelles ; 3° du consentement contraint et traditionnel
; 4° de l’objet du consentement. A l’égard du consentement considéré en
lui-même il y a cinq questions à examiner : 1° Le consentement est-il la cause
efficiente du mariage ? (Le consentement est la cause efficiente du mariage.
C’est ce qu’a ainsi exprimé le pape Eugène IV dans son décret contre les
Arméniens : Causa efficiens
matrimonii regulariter est mutuus consensus per verba de præsenti expressus.) — 2° Faut-il
que le consentement soit exprimé par des paroles ? — 3° Le consentement exprimé
per verba de futuro
produit-il le mariage ? — 4° Le consentement exprimé extérieurement per verba de præsenti
produit-il véritablement le mariage si le consentement intérieur fait défaut ?
— 5° Le consentement donné secrètement per verba de præsenti produit-il le mariage ?
Article
1 : Le consentement est-il la cause efficiente du mariage ?
Objection
N°1. Il semble que le consentement ne soit pas la cause efficiente du mariage.
Car les sacrements ne viennent pas de la volonté humaine, mais ils sont
d’institution divine, comme nous l’avons montré (Sent. 4, dist. 2, quest. 2, art. 4, et 3a pars, quest.
64, art. 2). Or, le consentement appartient à la volonté de l’homme. Il n’est
donc pas la cause du mariage, comme il n’est pas non plus la cause des autres
sacrements.
Réponse
à l’objection N°1 : La première cause des sacrements est la vertu divine qui
opère le salut en eux, mais les causes secondes ou instrumentales sont les
opérations matérielles qui tirent de l’institution divine leur efficacité, et
c’est ainsi que le consentement est cause dans le mariage.
Objection
N°2. La même chose n’est pas la cause d’elle-même. Or, le mariage ne paraît pas
être autre chose que le consentement ; parce que le consentement signifie
l’union du Christ avec l’Eglise. Le consentement n’est donc pas la cause du
mariage.
Réponse
à l’objection N°2 : Le mariage n’est pas le consentement lui-même, mais l’union
de deux personnes qui tendent à une même chose, comme nous l’avons dit (quest. préc. art. 1) ; le consentement produit cette union. Le
consentement à proprement parler ne signifie pas l’union du Christ avec
l’Eglise, mais la volonté du Christ par laquelle il est arrivé qu’il s’est uni avec l’Eglise.
Objection
N°3. La cause de ce qui est un doit être unie. Or, le mariage est un entre deux
individus, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 1). Or, les consentements de deux individus sont
divers, parce qu’ils appartiennent à des sujets divers et qu’ils ont pour
objets des choses différentes, car d’un côté le consentement se rapporte à
l’homme et de l’autre à la femme. Le consentement mutuel n’est donc pas la
cause du mariage.
Réponse
à l’objection N°3 : Comme le mariage est un par rapport à l’objet auquel
l’union se rapporte, quoiqu’il soit multiple du côté des sujets qui sont unis ;
de même le consentement est un relativement à la chose à laquelle on consent,
c’est-à-dire relativement à l’union elle-même, quoiqu’il soit multiple à
l’égard des parties contractantes. Le consentement ne se rapporte pas
directement à l’homme, mais à l’union avec l’homme de la part de la femme, et
de même il se rapporte à l’union avec la femme de la part de l’homme.
Mais
c’est le contraire. Saint Chrysostome dit (alius auctor, hom. 32 in op. imperf.) : Ce n'est pas l’acte charnel mais la volonté qui
produit le mariage.
On
n’obtient pouvoir sur ce qui appartient librement à une autre que par son
consentement. Or, par le mariage les deux époux ont pouvoir sur le corps l’un
de l’autre, comme on le voit (1 Cor.,
chap. 7), tandis qu’auparavant ils avaient l’un et l’autre toute liberté sur
leur corps. Donc le consentement produit le mariage.
Conclusion
L’union matrimoniale se faisant à la manière des obligations qui se forment
dans les contrats matériel que la réciprocité du
consentement produit, il en résulte que cette union ne peut avoir lieu
qu’autant que l’homme et la femme y consentent mutuellement.
Il
faut répondre que dans tous les sacrements il y a une opération spirituelle qui
se produit par l’intermédiaire d’une opération matérielle qui en est le signe.
C’est ainsi que dans le baptême l’ablution intérieure spirituelle se fait par
l’ablution corporelle. Par conséquent puisque dans le mariage il y a une
certaine union spirituelle, en tant que le mariage est un sacrement, et une
certaine union matérielle, selon qu’il est un devoir de la nature et de la loi
civile, il faut que la vertu divine opère l’union spirituelle par
l’intermédiaire de l’union matérielle. Par conséquent puisque les liens des
contrats matériels sont formés par la réciprocité du consentement, il faut que
l’union matrimoniale se fasse aussi de cette manière.
Article
2 : Faut-il que le consentement soit exprimé par des paroles ?
Objection
N°1. Il semble qu’il ne soit pas nécessaire que le consentement soit exprimé
par des paroles. Car comme le mariage soumet l’homme au pouvoir d’un autre, de
même le vœu. Or, le vœu oblige par rapport à Dieu, quoiqu’il ne soit pas
exprimé par des paroles. Le consentement produit donc aussi l’obligation du
mariage, même sans être exprimé par des paroles.
Réponse
à l’objection N°1 : Dans le vœu il n’y a pas une obligation sacramentelle, mais
il n’y a qu’une obligation spirituelle, et c’est pour cela que pour être
obligatoire il n’est pas nécessaire qu’il soit fait à la manière des
obligations matérielles, comme le mariage.
Objection
N°2. Le mariage peut avoir lieu entre des personnes qui ne peuvent mutuellement
s’exprimer leur consentement par paroles, soit parce qu’ils sont muets, soit
parce qu’ils parlent diverses langues. L’expression du consentement par paroles
n’est donc pas requise pour le mariage.
Réponse
à l’objection N°2 : Quoique ceux qui sont dans ce cas ne puissent pas
s’exprimer mutuellement leur volonté par des paroles, ils peuvent cependant le
faire par des signes, et ces signes sont considérés comme des paroles (Surdi et muti, dit
Innocent III, possunt contrahere matrimonium per consensum mutuum sine verbsis (chap. Tuæ fraternitati, De sponsal. et matrim.).
Objection
N°3. Si on omet ce qui est de nécessité de sacrement, pour quelque motif que ce
soit, le sacrement n’existe pas. Or, dans certains cas le mariage existe sans
que l’on prononce aucune parole, comme quand la jeune fille garde le silence
par pudeur, lorsque ses parents la présentent à son époux. L’expression des
paroles n’est donc pas nécessaire pour le mariage.
Réponse
à l’objection N°3 : Comme le dit Hugues de Saint-Victor (tract. 7, Sum. Sent., chap. 6 à princ.)
ceux qui se marient doivent consentir de telle sorte qu’ils
s’agréent l’un l’autre de leur plein gré, et on juge qu’il en est ainsi du
moment que dans l’engagement ils ne se contredisent pas (On ne doit pas se
contenter ainsi d’un consentement présumé, mais on doit exiger que les deux
parties expriment clairement et distinctement leur volonté.). Par conséquent
les paroles des parents sont considérées dans ce cas comme si elles
appartenaient à la fille ; car par là même qu’elle ne contredit pas, c’est un
signe suffisant qu’elle les ratifie.
Mais
c’est le contraire. Le mariage est un sacrement. Or, dans tout sacrement on
requiert un signe sensible. Donc aussi dans le mariage, et par conséquent il
faut au moins que les paroles expriment le consentement d’une manière sensible.
Dans
le mariage le contrat se fait entre l’homme et la femme. Or, dans tout contrat
il faut que les hommes expriment les paroles par lesquelles ils s’obligent
mutuellement. Il faut donc aussi que dans le mariage le consentement soit
exprimé par des paroles.
Conclusion
Comme dans les contrats matériels, de même aussi dans l’union conjugale de
l’homme et de la femme le consentement doit être exprimé par des paroles.
Il
faut répondre que, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.), l’union conjugale se fait à la manière de
l’obligation dans les contrats matériels. Et comme les contrats matériels ne
peuvent être faits qu’autant que ceux qui les contractent se manifestent l’un à
l’autre leur volonté par des paroles, il faut aussi pour ce motif que le
consentement que produit le mariage soit exprimé par des paroles ; afin que la
prononciation des paroles soit au mariage ce que l’ablution extérieure est au
baptême.
Article
3 : Le consentement exprimé per verba de futuro produit-il le mariage ?
Objection
N°1. Il semble que le consentement exprimé per verba de futuro produise le mariage. Car
ce que le présent est au présent, le futur l’est au futur. Or, le consentement
exprimé per verba de præsenti
produit le mariage dans le présent. Donc le consentement exprimé per verba de futuro
produit le mariage dans l’avenir.
Réponse
à l’objection N°1 : Quand le consentement est exprimé per verba de præsenti, les paroles sont
présentes et on consent présentement dans le même temps ; mais quand le consentement
est exprimé per verba de futuro
les paroles sont présentes, et le consentement se rapporte à l’avenir ; c’est
pourquoi ils n’existent pas dans le même temps. C’est pour cela qu’il n’y a pas
de parité.
Objection
N°2. Comme dans le mariage les paroles qui expriment le consentement produisent
une obligation, de même aussi dans les autres contrats civils. Or, dans les
autres contrats il est indifférent que l’obligation soit produite per verba de præsenti
ou de futuro.
Donc cela doit être aussi indifférent pour le mariage.
Réponse
à l’objection N°2 : Dans les autres contrats également celui qui se sert
d’expressions au futur ne transfère pas à un autre la possession de sa chose ;
comme s’il disait : Je vous donnerai
; mais il ne la transfère que quand il parle au présent.
Objection
N°3. Par le vœu de religion l’homme contracte un mariage spirituel avec Dieu.
Or, le vœu de religion se fait per verba de futuro et oblige. Donc le mariage charnel peut aussi se
faire de la même manière.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans le vœu de religion l’acte du mariage spirituel,
c’est-à-dire l’obéissance et l’observance de la règle, s’exprimer per verba de futuro,
mais il n’en est pas de même du mariage spirituel lui-même. Si on faisait vœu
au futur de contracter ce mariage spirituel, ce mariage n’existerait pas non
plus ; parce que par là on ne serait pas encore moine mais on promettrait de
l’être.
Mais
c’est le contraire. Celui qui consent à prendre une femme per verba de futuro et qui prend ensuite une
autre per verba de præsenti,
doit, d’après le droit, avoir la seconde pour femme (chap. Sicut ex litteris, De spons. et matrim.). Or, il n’en serait pas inais,
si le consentement per verba de futuro produisait
le mariage. Car du moment que la mariage a été véritablement
contracté avec une personne, on ne peut se marier avec une autre, tant qu’elle
vit. Donc le consentement per verba de futuro ne produit pas le mariage.
Celui
qui promet qu’il fera une chose ne la fait pas encore. Or, celui qui consent per verba de futuro,
promet qu’il contractera mariage avec une personne. Il ne le contracte donc pas
encore avec elle.
Conclusion
Le consentement exprimé per verba de futuro
ne produit pas le mariage, mais les fiançailles.
Il
faut répondre que les causes sacramentelles produisent en signifiant : d’où il
résulte qu’elles font ce qu’elles signifient. Par, conséquent, comme en
exprimant per verba de futuro
on ne signifie pas que l’on se marie, mais on promet de le faire, il s’ensuit
que le consentement ainsi exprimé ne produit pas le mariage, mais la promesse
de mariage qu’on désigne sous le nom de fiançailles.
Article
4 : Le consentement exprimé per verba de præsenti produit-il le mariage, si le consentement
intérieur fait défaut ?
Objection
N°1. Il semble que le consentement exprimé per verba de præsenti produise le mariage,
si le consentement intérieur fait défaut. Car la fraude et le dol ne doivent
servir à personne, d’après le droit (chap. Ex
tenore, De rescriptis,
et chap. Si vir,
De cognat. spirit.). Or,
celui qui exprime par des paroles un consentement qu’il n’a pas dans le cœur,
commet une fraude. Il ne doit donc pas en tirer avantage pour s’affranchir de
l’obligation du mariage.
Réponse
à l’objection N°1 : Il y a là deux choses : 1° le défaut de consentement qui
lui sert au for de la conscience pour le délivrer du lien du mariage, quoiqu’il
ne lui serve pas au for de l’Eglise où l’on juge d’après les preuves alléguées
; 2° la fausseté dans les paroles. Cette fourberie ne sert ni au for de la
conscience, ni au for de l’Eglise, parce que près de l’un et l’autre on est
puni pour cela.
Objection
N°2. Le consentement mental d’un autre ne peut être connu de quelqu’un
qu’autant qu’il est exprimé par des paroles. Si donc l’expression des paroles
ne suffit pas, mais que le consentement intérieur soit requis dans les deux
époux, dans ce cas ils ne pourront savoir s’ils sont véritablement mariés, et
par conséquent on deviendra fornicateur quand on usera du mariage.
Réponse
à l’objection N°2 : Si le consentement mental manque de la part de l’un des
contractants, il n’y a mariage ni pour l’un ni pour l’autre, parce que le
mariage consiste dans l’union mutuelle, comme nous l’avons dit (quest. préc., art. 2). Cependant on peut probablement croire qu’il
n’y a pas de tromperie, s’il l’on n’en voit pas des signes évidents ; parce que
le bien doit se présumer de tout le monde si le contraire n’est pas prouvé. Par
conséquent celui de la part duquel il n’y a pas de dol est excusé du péché par
son ignorance.
Objection
N°3. S’il est prouvé qu’on a consenti à épouser une personne per verba de præsenti,
on est forcé par la sentence d’excommunication à la prendre pour épouse,
quoiqu’on prétende qu’on n’y a pas consenti mentalement, quand même on se
serait ensuite marié avec une autre d’après un consentement mental exprimé
verbalement. Or, il n’en serait pas ainsi, si le consentement mental était
requis pour le mariage. Il n’est donc pas nécessaire.
Réponse
à l’objection N°3 : Dans ce cas l’Eglise le force de s’en tenir à sa première
épouse, parce qu’elle juge d’après ce qui se manifeste au dehors : elle n’est
pas trompée sous le rapport de la justice ou du droit, quoiqu’elle le soit sur
le fait. Mais il doit subir l’excommunication plutôt que de s’approcher de sa
première épouse, ou il doit s’enfuir au loin dans d’autres contrées.
Mais
c’est le contraire. Innocent III dit (Decret., chap. Tua nos, De sponsal.
et matrim.) en parlant de ce cas : Sans le
consentement les autres choses ne peuvent consommer l’alliance conjugale.
L’intention
est requise dans tous les sacrements. Or, celui qui ne consent pas de cœur n’a
pas l’intention de contracter mariage. Donc le mariage n’a pas lieu.
Conclusion
Le consentement exprimé par des paroles extérieures ne produit pas le mariage
sans le consentement intérieur.
Il
faut répondre que l’expression des paroles est au mariage ce que l’ablution
extérieure est au baptême, comme nous l’avons dit (art. 2 de cette même
question.). Par conséquent, comme on ne serait pas baptisé si on recevait
l’ablution extérieure sans avoir l’intention de recevoir le sacrement, mais
pour se jouer et tromper ; de même l’expression des paroles sans le
consentement intérieur ne produit pas le mariage (Toutefois on ne peut
autoriser celui qui n’a donné ainsi qu’un consentement simulé à se séparer de
son conjoint, parce que de cette manière on pourrait rendre illusoire toute
espèce d’engagement ; mais il doit vivre avec lui après avoir renouvelé son
consentement, ce qui peut se faire sans aucune formalité, d’après la décision du
pape Pie V.).
Article
5 : Le consentement donné en secret per verba de præsenti produit-il le mariage ?
Objection
N°1.Il semble que le consentement donné en secret per verba de præsenti ne produise pas le
mariage. Car une chose qui est au pouvoir de quelqu’un ne passe pas au pouvoir
d’un autre sans le consentement de celui qui la possédait. Or, la fille est au
pouvoir du père. Elle ne peut donc pas passer au pouvoir d’un mari, par le
moyen du mariage, sans le consentement de son père, et par conséquent si elle
donne son consentement en secret, quand même il serait exprimé per verba de præsenti,
il n’y a pas de mariage.
Réponse
à l’objection N°1 : Une fille n’est pas au pouvoir de son père comme une serve,
au point de n’avoir pas puissance sur son corps ; mais elle est en son pouvoir
comme sa fille pour l’élever, et c’est pour cela qu’en vertu de sa liberté elle
peut se livrer au pouvoir d’un autre sans le consentement du père, comme une
garçon ou une fille peuvent entrer en religion sans le consentement de leurs
parents, puisqu’ils sont libres de leur personne.
Objection
N°2. Comme dans le mariage notre acte est pour ainsi dire de l’essence du
sacrement, ainsi il en est de même pour la pénitence. Or, le sacrement de
pénitence n’est consommé que par l’intermédiaire des ministres de l’Eglise qui
sont les dispensateurs des sacrements. le mariage ne
peut donc être ratifié en secret sans la bénédiction du prêtre.
Réponse
à l’objection N°2 : Notre acte dans la pénitence, quoiqu’il soit de l’essence
du sacrement, n’est cependant pas suffisant pour produire l’effet le plus
prochain du sacrement, c’est-à-dire l’absolution des péchés. C’est pourquoi il
faut que l’acte du prêtre intervienne pour achever le sacrement. Mais dans le
mariage nos actes sont une cause suffisante pour indiquer son effet le plus
prochain qui est l’obligation, parce que celui qui est maître de lui-même peut
s’obliger à l’égard d’un autre. C’est pour cela que la bénédiction du prêtre
n’est pas requise dans le mariage, comme étant de l’essence du sacrement (Pour
qu’un mariage ne soit pas clandestin, il faut qu’il ait été célébré en présence
de deux ou trois témoins, et par devant le curé de la paroisses où les parties
contractantes ont leur domicile. Voyez le concile de Trente, sess. 24 decret. de reformat. matrim.).
Objection
N°3. Comme on peut baptiser en secret et ouvertement, l’Eglise ne défend pas de
le faire en secret. Or, l’Eglise défend les mariages clandestins (chap. Cum inhibitio,
De spons. clandest.). On ne peut donc pas se marier
en secret.
Réponse
à l’objection N°3 : On a aussi défendu de recevoir le baptême d’un autre que
d’un prêtre, sinon dans le cas de nécessité. Mais le mariage n’est pas un
sacrement nécessaire ; c’est pourquoi il n’y a pas de parité. Les mariages
clandestins sont défendus à cause des dangers qui en résultent ordinairement.
Car souvent dans ce cas il y a fraude ; puis quand on se repent de ce que l’on
a fait subitement, on passe souvent à d’autres alliances, et il en arrive une
foule d’autres maux. D’ailleurs, indépendamment de cela, ils ont quelque chose
de honteux.
Objection
N°4. Le mariage ne peut être contracté entre ceux qui sont parents au second
degré, parce que l’Eglise l’a défendu. Or, l’Eglise a défendu de même les
mariages clandestins. Ils ne peuvent donc pas être de vrais mariages.
Réponse
à l’objection N°4 : Les mariages clandestins n’ont pas été prohibés comme étant
contraires à ce qui est de l’essence du mariage, comme on prohibe les mariages
entre des personnes illégitimes qui n’offrent pas la matière exigée par ce
sacrement. C’est pourquoi il n’y a pas de parité.
Mais
c’est le contraire. En posant la cause, on pose l’effet. Or, la cause
suffisante du mariage c’est le consentement exprimé per verba de præsenti. Donc que ce
consentement soit donné en public ou en secret, le mariage en résulte.
Le
sacrement existe partout où la matière et la forme voulue du sacrement se
trouvent. Or, dans le mariage secret il y a la matière voulue, puisqu’il y a là
les personnes légitimes pour contracter, et il y a aussi la forme voulue,
puisqu’il y a les paroles qui expriment le consentement de præsenti. Le mariage est donc
véritable.
Conclusion
Le consentement donné en secret, quoique mauvais et défendu par le droit,
produit néanmoins le mariage s’il a lieu entre des personnes légitimes.
Il
faut répondre que comme dans les autres sacrements il y a des choses qui sont
de l’essence du sacrement, dont l’omission rend le sacrement nul, et il y en a
d’autres qui appartiennent à la solennité du sacrement, dont l’omission ne
l’empêche pas d’être valide, quoiqu’on pèche en les omettant ; de même le
consentement exprimé per verba de præsenti
entre des personnes capables de contracter produit le mariage. Car ces deux
choses sont de l’essence du sacrement, tandis que toutes les autres
n’appartiennent qu’à sa solennité, parce qu’on ne les emploie que pour le
mariage se fasse plus convenablement. par conséquent
si on les omet, le mariage est véritable, quoique ceux qui le contractent ainsi
pèchent, à moins qu’ils ne soient excusés par une cause légitime (Avant le
concile de Trente les mariages clandestins étaient prohibés par l’Eglise ; ils
étaient illicites, mais valides, comme le reconnaît le concile lui-même ; mais
d’après le décret de ce concile ils ont été annulés dans tous les Etats où ce
décret a été promulgué. Comme la publication en a été faite en France, il
résulte que parmi nous ces mariages ne peuvent être valides.).
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous
puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
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évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.