Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 53 : De l’empêchement du vœu et de l’ordre

 

          Nous devons ensuite nous occuper de l’empêchement du vœu et de l’ordre. A cet égard quatre questions se présentent : Le vœu simple dirime-t-il le mariage ? — 2° le vœu solennel le dirime-t-il ? — 3° L’ordre empêche-t-il le mariage ? (D’après le concile de Trente, ceux qui sont dans les ordres sacrés, c’est-à-dire les sous-diacres, les diacres, les prêtres et les évêques, ne peuvent contracter mariage validement. Toutefois cet empêchement n’est que d’institution ecclésiastique, et le pape peut en dispenser, quoiqu’il le fasse très rarement et seulement pour des causes très graves.) — 4° Peut-on recevoir les ordres sacrés après le mariage ?

 

Article 1 : Le mariage contracté doit-il être dirimé par l’obligation du vœu simple ?

 

          Objection N°1. Il semble que le mariage contracté doive être dirimé par l’obligation du vœu simple. Car un lien plus fort porté préjudice à un lien plus faible. Or, le lien du vœu est plus fort que le lien du mariage ; parce que l’un se rapporte à l’homme et l’autre se rapporte à Dieu. le lien du vœu préjudicie donc au lien du mariage.

          Réponse à l’objection N°1 : Le vœu est un lien plus fort que le mariage, quant au sujet auquel il se rapporte et à la chose à laquelle il oblige. Car par le mariage l’homme est obligé envers la femme ad redditionem debiti, tandis que par le vœu il s’oblige envers Dieu à la continence. Cependant, quant au mode d’obligation, le mariage est un lien plus fort que le vœu simple ; parce que le mariage met actuellement l’homme au pouvoir de la femme, tandis qu’il n’en est pas ainsi du vœu simple, comme nous l’avons dit (dans le corps de l’article.). Or, la condition de celui qui possède est toujours préférable. Sous ce rapport le vœu simple oblige de la même manière que les fiançailles. C’est pourquoi les fiançailles doivent être dirimées à cause du vœu simple.

 

          Objection N°2. Un précepte de Dieu n’est pas moindre qu’un précepte de l’Eglise. Or, le précepte de l’Eglise oblige tellement que si l’on se marie contrairement à lui le mariage est dirimé, comme on le voit à l’égard de ceux qui se marient dans un degré de consanguinité prohibé par l’Eglise. Par conséquent puisqu’il est de précepte divin d’observer le vœu, il semble que si l’on se marie contrairement à un vœu que l’on a fait, le mariage doive être par là même dirimé.

          Réponse à l’objection N°2 : Le précepte qui interdit le mariage entre parents n’a pas la vertu de dirimer le mariage qui doit être contracté, en tant que précepte de Dieu ou de l’Eglise, mais il a cette vertu en tant qu’il fait que le corps d’une parente ne peut pas passer au pouvoir de son parent. Mais le précepte qui prohibe le mariage après un vœu simple ne produit pas cet effet, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (dans le corps de l’article et Réponse N°1). C’est pourquoi cette raison n’est pas concluante ; car elle donne pour cause ce qui ne l’est pas.

 

          Objection N°3. Dans le mariage, l’homme peut avoir des relations charnelles sans pécher. Or, celui qui a fait le vœu simple de chasteté ne pourra jamais avoir des relations charnelles avec sa femme sans pécher. Par conséquent, le vœu simple dirime le mariage. La mineure est prouvée comme suit. Il est manifeste que c’est un péché mortel de se marier après avoir fait un vœu simple de continence, puisque, selon saint Jérôme, d’après saint Augustin (De bono viduit., chap. 9), pour ceux qui ont fait vœu de virginité, il est condamnable, non seulement de se marier, mais encore d’en avoir même le désir. Or, le contrat de mariage n’est pas contraire au vœu de continence, excepté en raison des rapports charnels. Celui qui a fait ce vœu et qui a des rapports charnels avec sa femme pour la première fois pèche donc mortellement ; et de même pour toutes les autres fois, parce qu’un péché commis en premier lieu ne peut pas être excusé par un péché ultérieur.

          Réponse à l’objection N°3 : Si, après avoir fait le vœu simple un homme contracte mariage per verba de præsenti, il ne peut pas s’unir à sa femme sans péché mortel, parce qu’il est capable d’accomplir le vœu de continence tant que le mariage n’est pas consommé. Or, après que le mariage l’a été, il lui est dès lors illicite de ne pas s’acquitter de sa dette quand sa femme le demande. Pour cette raison, l’obligation de son vœu ne l’empêche plus de payer sa dette, comme nous l’avons dit (Réponse 1). Il devrait néanmoins expier par des pleurs de repentir de n’avoir pas gardé la continence.

 

          Objection N°4. Le mari et la femme devraient être égaux dans le mariage, en particulier en ce qui concerne les rapports charnels. Or, celui qui a fait le vœu simple de continence ne peut jamais demander l’acquittement de la dette sans péché, car ce serait manifestement opposé au vœu de continence auquel il s’est lié. Par conséquent, il ne peut pas non plus payer la dette sans péché.

          Réponse à l’objection N°4 : Après qu’il a contracté mariage, il est toujours obligé de garder son vœu de continence dans tout ce qui ne l’empêche pas de la faire ; si donc sa femme meurt, il est obligé à pratiquer une pleine continence. Et puisque le lien du mariage ne lui impose pas à demander la dette, il ne peut pas la demander sans péché, bien qu’il puisse s’acquitter de la dette sans péché, une fois qu’il s’est exposé à cette obligation par l’union charnelle qui a déjà eu lieu. Et ceci reste valable, que la femme le demande expressément ou indirectement, comme quand elle en a honte mais que son mari sente qu’elle désire qu’il s’acquitte de sa dette, afin qu’il puisse le faire sans péché ; ce qui est particulièrement le cas s’il craint de mettre en danger la chasteté de sa femme. Peu importe qu’ils soient égaux dans le mariage, puisque chacun peut renoncer à ce qui est sien. Certains disent cependant qu’il devrait à la fois demander et payer sa dette de peur que le mariage ne devienne trop contraignant pour la femme qui doit toujours demander la dette ; mais si ceci est exact, cela revient à la même chose que demander indirectement.

 

          Mais c’est le contraire. Le pape Alexandre III dit (hab., chap. Consuluit, De his qui cler. vel vovent.) que le vœu simple empêche le mariage qui doit être contracté, mais qu’il ne dirime pas celui qui l’est.

 

          Conclusion Quoique le vœu simple dirime le mariage qui doit être contracté, cependant il ne détruit nullement celui qui l’est.

          Il faut répondre qu’une chose cesse d’être au pouvoir de quelqu’un par là même qu’elle passe sous la domination d’un autre. Mais la promesse d’une chose n’en transfère pas le domaine à celui auquel on la promet. C’est pourquoi de ce qu’on promet une chose elle ne cesse pas d’être au pouvoir de celui qui la promet. Par conséquent puisque dans le vœu simple il n’y a que la simple promesse que l’on fait à Dieu de son propre corps pour garder la continence, après le vœu simple l’homme reste encore maître de son corps. C’est pour ce motif qu’il peut le donner à un autre, c’est-à-dire à une femme, et c’est dans ce don que consiste le sacrement de mariage qui est indissoluble. C’est pour cela que le vœu simple, quoiqu’il empêche le mariage qui doit être contracté (Le vœu simple n’est pas un empêchement dirimant, mais un empêchement prohibitif. Il rend le mariage illicite, mais il ne le rend pas invalide. Il n’y a d’exception que pour le vœu simple que font les novices de la compagnie de Jésus après deux ans de noviciat, suivant la bulle de Grégoire XIII Ascendente Domino.), parce qu’on pèche en se mariant après avoir fait le vœu simple de continence, cependant comme le contrat est véritable, le mariage ne peut pas être par là dirimé.

 

Article 2 : Le vœu solennel dirime-t-il le mariage après qu’il est contracté ?

 

          Objection N°1. Il semble que le vœu solennel ne dirime pas le mariage après qu’il est contracté. Car, comme le dit le Droit (chap. Rursus, De his qui cler. vel vovent.), devant Dieu le vœu simple n’oblige pas moins que le vœu solennel. Or, le mariage est maintenu et dirimé d’après le jugement de Dieu. Donc puisque le vœu simple ne dirime pas le mariage, le vœu solennel ne peut pas le dirimer non plus.

          Réponse à l’objection N°1 : On dit que le vœu simple n’oblige pas moins par rapport à Dieu que le vœu solennel, en ce qui regarde Dieu lui-même, comme la séparation de Dieu qui est l’effet du péché mortel. Car celui qui manque à vœu simple pèche mortellement, comme celui qui manque à un vœu solennel, quoique ce soit une faute plus grave de rompre un vœu solennel. Ainsi la comparaison doit se prendre selon le genre et non sous le rapport de l’étendue déterminée de la culpabilité. Mais par rapport au mariage qui oblige l’homme envers l’homme, il n’est pas nécessaire qu’il résulte du vœu simple et du vœu solennel une obligation égale dans son genre, parce que le vœu solennel oblige à certaines choses auxquelles le vœu simple n’oblige pas.

 

          Objection N°2. Le vœu solennel n’ajoute pas au vœu simple autant de force que le serment. Or, le vœu simple, même quand le serment s’y ajoute, ne dirime pas le mariage contracté. Donc le vœu solennel ne le dirime pas non plus.

          Réponse à l’objection N°2 : Le serment oblige plus que le vœu par rapport au nœud de l’obligation elle-même ; mais le vœu solennel oblige davantage quant à la manière d’obliger, dans le sens qu’il livre actuellement ce qui est promis, ce que ne fait pas le serment. C’est pourquoi cette raison n’est pas concluante.

 

          Objection N°3. Le vœu solennel n’a rien que le vœu simple ne puisse avoir. Car le vœu simple pourrait avoir la raison du scandale, puisqu’il peut se faire en public comme le vœu solennel. De même l’Eglise pourrait et devrait aussi statuer que le vœu simple dirime le mariage lorsqu’il est contracté, pour éviter une foule de péchés. Donc puisque le vœu simple ne dirime pas le mariage, le vœu solennel ne doit pas le dirimer non plus.

          Réponse à l’objection N°3 : Par le vœu solennel on livre actuellement pouvoir sur son propre corps, ce qu’on ne fait pas par le vœu simple, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.). C’est pourquoi cette raison est insuffisante.

 

          Mais c’est le contraire. Celui qui a fait le vœu solennel contracte avec Dieu un mariage spirituel qui est beaucoup plus noble que le mariage matériel. Or, le premier mariage matériel contracté dirime celui qu’on contracte ensuite. Donc le vœu solennel le dirime aussi.

          On peut aussi prouver la même chose par une foule d’autorités qui se trouvent (Sent. 4, dist. 38).

 

          Conclusion Puisque par le vœu solennel l’homme a perdu pouvoir sur son corps en se donnant à Dieu pour observer la continence perpétuelle, le vœu solennel dirime par sa nature non seulement le mariage qui doit être contracté, mais encore celui qui l’est.

          Il faut répondre que tout le monde avoue que comme le vœu solennel empêche le mariage qui doit être contracté, de même il le dirime après qu’il l’est. Il y en a qui donnent pour cause le scandale. Mais cette raison ne vaut rien, parce que le vœu simple produit quelquefois cet effet, puisqu’il est quelquefois public d’une certaine manière. Et en outre l’indissolubilité du mariage est dans l’ordre des choses qui appartiennent à la vérité de la vie et qu’on ne doit pas omettre à cause du scandale. C’est pourquoi d’autres disent qu’il en est ainsi à cause des lois de l’Eglise. Mais cela ne suffit pas, parce que d’après ce sentiment l’Eglise pourrait également statuer le contraire, ce qui ne paraît pas vrai. Il faut donc dire avec d’autres que le vœu solennel a par sa nature la vertu de dirimer le mariage qui a été contracté, parce que l’homme perd par là le pouvoir sur son corps en le donnant à Dieu pour garder la continence perpétuelle. C’est pourquoi il ne peut pas le mettre au pouvoir d’une femme en contractant mariage. Et comme le mariage qui se fait après un vœu solennel est nul, on dit pour ce motif que ce vœu dirime le mariage contracté (Le concile de Trente anathématise ceux qui disent que les séculiers qui ont fait solennellement profession de chasteté peuvent contracter mariage, et que leur mariage est valide (sess. 24, can. 9).).

 

Article 3 : L’ordre empêche-t-il le mariage ?

 

         Objection N°1. Il semble que l’ordre n’empêche pas le mariage. Car rien n’est empêché que par son contraire. Or, l’ordre n’est pas contraire au mariage, puisqu’ils sont l’un et l’autre un sacrement. Il ne l’empêche donc pas.

          Réponse à l’objection N°1 : Quoique l’ordre sacré ne soit pas contraire au mariage, comme sacrement, cependant il a par rapport à lui une certaine répugnance en raison de son acte qui empêche les actes spirituels.

 

          Objection N°2. Parmi nous l’ordre est le même que dans l’Eglise d’Orient. Or, dans l’Eglise d’Orient il n’empêche pas le mariage. Donc, etc.

          Réponse à l’objection N°2 : L’objection repose sur des faits qui sont faux : car l’ordre empêche partout le mariage qui doit être contracté, quoique le vœu de continence ne luis oit pas partout annexé.

 

          Objection N°3. Le mariage signifie l’action du Christ avec l’Eglise. Or, cette union doit principalement être représentée dans ceux qui sont les ministres du Christ, c’est-à-dire dans ceux qui sont ordonnés. L’ordre n’empêche donc pas le mariage.

          Réponse à l’objection N°3 : Ceux qui sont dans les ordres sacrés représentent le Christ par des actes plus nobles, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (quest. 37, art. 2 et 4), que ceux qui sont unis par le mariage. C’est pourquoi cette raison n’est pas concluante.

 

          Objection N°4. Tous les ordres ont pour but les choses spirituelles. Or, un ordre ne peut empêcher le mariage qu’en raison de sa spiritualité. Par conséquent, si un ordre empêche le mariage, tout ordre l’empêchera, ce qui est faux.

          Réponse à l’objection N°4 : Ceux qui sont dans les ordres mineurs ne sont pas empêchés de contracter mariage par la force de l’ordre. Car quoique ces ordres se rapportent à des choses spirituelles, cependant ils n’ont pas immédiatement accès pour toucher les choses sacrées, comme ceux qui sont dans les ordres sacrés. Mais d’après les statuts de l’Eglise d’Occident l’usage du mariage empêche les fonctions des ordres qui ne sont pas sacrés, pour conserver une plus grande décence dans les charges de l’Eglise. Et parce qu’on est tenu en vertu du bénéfice ecclésiastique de remplir les fonctions de son ordre et qu’on jouit par là du privilège de la cléricature, il s’ensuit que parmi les Latins ces avantages sont enlevés aux clercs qui se marient.

 

          Objection N°5. Tous ceux qui sont ordonnés peuvent avoir des bénéfices ecclésiastiques et jouir également du privilège des clercs. Si c’est là le motif pour lequel l’ordre empêche le mariage, parce que ceux qui sont mariés ne peuvent avoir de bénéfice ecclésiastique, ni jouir du privilège clérical, comme le disent les canonistes (chap. Joannes et sequent., De cler. conjug.), tout ordre devrait dans ce cas l’empêcher, ce qui est faux, comme on le voit (Decret. Alex. III de cler. conjugatis, chap. Si quis). Par conséquent, comme on le voit, aucun ordre n’empêche le mariage.

 

          Mais c’est le contraire. Le Droit dit (ibid.) : Pour le sous-diaconat et les autres ordres supérieurs, ceux que vous saurez avoir pris des femmes, obligez-les à les abandonner. Ce qui ne serait pas si le mariage était véritable.

          Aucun de ceux qui ont fait vœu de continence ne peut se marier. Or, il y a des ordres auxquels le vœu de continence est annexé, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (Sent. 4, dist. 37). Cet ordre empêche donc le mariage.

 

          Conclusion Chez les Grecs et les autres Orientaux le sacerdoce empêche le mariage qui doit être contracté, mais il n’empêche pas l’usage du mariage contracté ; mais en Occident il empêche celui qui doit être contracté et dirime celui qui l’est.

          Il faut répondre que par convenance l’ordre sacré doit de sa nature empêcher le mariage ; parce que ceux qui sont dans les ordres sacrés touchent les vases sacrés et les sacrements ; c’est pourquoi il est convenable qu’ils conservent par la continence la pureté corporelle. Mais il a cette vertu d’empêcher le mariage d’après les lois de l’Eglise ; cependant il n’en est pas de même chez les Latins que chez les Grecs. En effet chez les Grecs il empêche le mariage qui doit être contracté uniquement par sa seule puissance, tandis que chez les Latins il l’empêche d’après sa vertu et d’après le vœu de continence qui est annexé aux ordres sacrés. Quoiqu’on ne fasse pas ce vœu verbalement, cependant par la même qu’on reçoit l’ordre, d’après le rit de l’Eglise d’Occident, on est censé l’avoir fait. C’est pourquoi chez les Grecs et les autres Orientaux l’ordre sacré empêche le mariage qui doit être contracté, mais il n’empêche pas l’usage de celui qui a été contracté auparavant. Car ils peuvent user du mariage qu’ils ont contracté auparavant, quoiqu’ils ne puissent pas se marier de nouveau. Mais dans l’Eglise d’Occident l’ordre empêche le mariage et son usage ; à moins que l’homme n’ait reçu un ordre sacré à l’insu de son épouse ou malgré elle ; parce qu’il ne peut résulter pour elle aucun préjudice. Nous avons dit (quest. 37, art. 3) comment les ordres sacrés se distinguent de ceux qui ne le sont pas, maintenant et dans la primitive Eglise.

          La réponse à la dernière objection est par là même évidente.

 

Article 4 : Peut-on recevoir un ordre sacré après qu’on est marié ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’on ne puisse recevoir un ordre sacré après qu’on s’est marié. Car ce qui est plus fort porte préjudice à ce qui l’est moins. Or, le lien spirituel est plus fort que le lien corporel. Car ce qui est plus fort porte préjudice à ce qui l’est moins. Or, le lien spirituel est plus fort que le lien corporel. Donc si quelqu’un qui est marié reçoit l’ordre, il en résultera du préjudice pour sa femme qui ne pourra exiger de lui le devoir conjugal, puisque l’ordre est un lien spirituel et le mariage un lien corporel. Par conséquent il semble qu’on ne puisse pas recevoir un ordre sacré après que le mariage est consommé.

          Réponse à l’objection N°1 : Le lien des ordres dissout le lien du mariage en ce qui concerne le paiement de la dette, puisque l’ordre est incompatible avec le mariage pour celui qui est ordonné, parce qu’il ne peut pas demander l’acquittement de sa dette, et son épouse n’est pas forcée de le satisfaire non plus ; mais il ne dissout pas le lien de respect envers l’autre partie, car le mari doit s’acquitter de sa dette envers son épouse s’il ne peut pas la persuader de garder la continence.

 

          Objection N°2. Après que le mariage est consommé l’un des époux ne peut pas faire vœu de continence sans le consentement de l’autre. Or, le vœu de continence est annexé à la réception d’un ordre sacré. Donc si un homme vient à recevoir un ordre sacré malgré son épouse, celle-ci sera obligée de garder la continence malgré elle, parce qu’elle ne pourrait pas se marier à un autre, du vivant de son époux.

          Réponse à l’objection N°2 : Si la femme le sait et que le mari reçoive les ordres sacrés de son consentement, elle est tenue de faire vœu de continence perpétuelle, mais elle n’est pas tenu d’entrer en religion, à moins qu’il n’y ait péril pour sa chasteté. Il en est ainsi parce que son mari a fait un vœu solennel, mais il en serait autrement s’il avait fait un vœu simple. Mais s’il a reçu les ordres sans son consentement, elle n’est pas tenue à faire vœu de chasteté, parce qu’il ne doit résulter de cet acte aucun préjudice pour elle.

 

          Objection N°3. L’homme ne peut vaquer à la prière pour un temps sans le consentement de son épouse, comme on le voit (1 Cor., chap. 7). Or, en Orient ceux qui sont dans les ordres sacrés sont tenus à la continence pendant le temps qu’ils remplissent leurs fonctions. Ils ne peuvent donc pas être ordonnés sans le consentement de leur épouse et encore moins dans l’Eglise latine.

          Réponse à l’objection N°3 : Il semble plus probable, quoique quelques-uns disent le contraire, que les Grecs eux-mêmes ne doivent pas s’approcher des ordres sacrés sans le consentement de leurs épouses, parce qu’elles seraient privées du devoir conjugal au moins pendant le temps de leur ministère, et elles ne peuvent en être privées selon l’ordre du droit, si leurs époux ont été ordonnés malgré elles ou à leur insu.

 

          Objection N°4. L’homme et la femme se jugent de la même manière. Ainsi comme un prêtre grec ne peut épouser une autre femme après la mort de la sienne, il s’ensuit que la femme ne peut pas non plus se remarier après la mort de son mari. Or, la faculté de se marier après la mort de son mari ne peut lui être enlevée par l’acte de ce dernier. Donc un homme ne peut pas recevoir les ordres après qu’il est marié.

          Réponse à l’objection N°4 : Comme on le dit, par là même que la femme consent chez les Grecs à ce que son mari soit ordonné elle s’oblige à ne sa marier jamais avec un autre, parce que la signification du mariage qu’on exige surtout dans le mariage d’un prêtre ne serait pas observée. Mais on l’ordonne sans son consentement, il ne semble pas qu’elle y soit tenue.

 

          Objection N°5. Le mariage est aussi opposé à l’ordre que l’ordre l’est au mariage. Or, l’offre qui précède empêche le mariage qui suit. Donc, etc.

          Réponse à l’objection N°5 : Le mariage a pour cause notre consentement, mais il n’en est pas de même de l’ordre don la cause sacramentelle est déterminée par Dieu. C’est pourquoi l’ordre qui précède peut empêcher que le mariage qui suit soit véritable, tandis que le mariage ne peut pas empêcher l’ordre d’être valide ; parce que la vertu des sacrements est immuable, au lieu que les actes humains peuvent être empêchés.

 

          Mais c’est le contraire. Les religieux sont tenus à la continence comme ceux qui sont dans les ordres sacrés. Or, après qu’il a été marié l’homme peut entrer en religion après la mort de sa femme ou de son consentement. Il peut donc aussi recevoir l’ordre.

          On peut devenir le serf d’un homme après qu’on est marié. On peut donc aussi se rendre le serviteur de Dieu en recevant l’ordre.

 

          Conclusion Celui qui s’approche des ordres sacrés sans le consentement de son épouse les reçoit, quoiqu’il n’ait pas le droit d’en remplir les fonctions ; mais il reçoit ce droit lorsque son épouse y consent ou qu’elle n’existe plus.

          Il faut répondre que le mariage n’empêche pas de recevoir les ordres sacrés. Car si celui qui est marié s’approche des ordres sacrés, même malgré son épouse, il n’en reçoit pas moins le caractère de l’ordre ; mais il n’a pas le droit d’en remplir les fonctions. Mais s’il les reçoit du consentement de son épouse ou après la mort de cette dernière, il reçoit l’ordre et le droit d’en faire usage.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.