Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 58 : Des empêchements de l’impuissance, du maléfice,
de la furie ou de la folie, de l’inceste et du défaut d’âge
Nous
devons ensuite nous occuper des cinq empêchements de mariage, à savoir des empêchements
de l’impuissance, du maléfice, de la furie ou folie, de l’inceste et du défaut
d’âge. A cet égard cinq questions se présentent : 1° L’impuissance
empêche-t-elle le mariage ? — 2° Du maléfice. — 3° De la furie ou folie. — 4°
De l’inceste. — 5° Du défaut d’âge.
Article
1 : L’impuissance empêche-t-elle le mariage ?
Objection
N°1. Il semble que l’impuissance n’empêche pas de contracter mariage. Car l’acte
charnel n’est pas essentiel au mariage, puisque le mariage est plus parfait quand
les deux parties observent la continence par un vœu. Or, l’impuissance ne prive
le mariage que de l’acte charnel. Par conséquent, elle n’est pas un empêchement
qui dirime le mariage contracté.
Réponse
à l’objection N°1 : Même si l’acte de l’union charnelle n’est pas essentiel au
mariage, la capacité à le remplir l’est, parce que le mariage donne à chacune
des parties mariées une puissance sur le corps de l’autre en raison de l’union
conjugale.
Objection
N°2. Comme l’impuissance empêche l’acte charnel, l’ardeur en fait autant. Or, l’ardeur
n’est pas considérée comme un empêchement de mariage. L’impuissance ne devrait
donc pas être considérée comme un empêchement non plus.
Réponse
à l’objection N°2 : Une ardeur excessive peut difficilement donner lieu à un
empêchement perpétuel. Si, cependant, il a été prouvé qu’elle a constitué un
empêchement au rapport conjugal pendant une durée de trois ans, elle sera
déclarée être perpétuelle. Néanmoins, puisque la frigidité est un empêchement
plus important et plus fréquent (car elle n’empêche pas seulement le mélange
des semences, mais elle affaiblit aussi les membres qui coopèrent à l’union des
corps), elle est plus considérée comme un empêchement que l’ardeur, puisque
tous les défauts naturels se réduisent à l’impuissance.
Objection
N°3. Toutes les personnes âgées sont impuissantes. Or, les personnes âgées
peuvent se marier. Par conséquent, etc.
Réponse
à l’objection N°3 : Même si les personnes âgées n’ont pas assez d’ardeur pour
avoir des enfants, elles en ont assez pour s’unir charnellement. Pour cette
raison, on les autorise à se marier, tant que le mariage est utilisé comme un
remède, bien qu’il ne leur convienne pas pour accomplir le devoir de nature.
Objection
N°4. Si la femme sait que l’homme est impuissant quand elle se marie avec lui,
le mariage est valide. L’impuissance, considérée en elle-même, n’est donc pas
un empêchement de mariage.
Réponse
à l’objection N°4 : Dans tous les contrats, on est unanime à dire que celui qui
est incapable de satisfaire à une obligation est inapte à faire un contrat qui
requière l’accomplissement de cette obligation. Or, cette incapacité est de
deux espèces : 1° Parce qu’une personne est incapable d’accomplir les
obligations de jure, et une telle
incapacité annule complètement le contrat, que la partie avec qui elle le
contracte le sache ou non ; 2° parce qu’elle est incapable de le remplir de facto, et alors si l’autre partie
avec laquelle elle contracte le sait et, malgré cela, accepte le contrat, ceci
montre que la seconde partie cherche une autre fin du contrat, et le contrat
demeure. Mais si elle ne le sait pas, le contrat est nul. Par conséquent, une
telle impuissance qui fait qu’un homme ne peut pas de facto payer la dette du mariage, ainsi que la condition de servitude,
par laquelle un homme ne peut pas exécuter ce service de facto, sont des empêchements de mariage, quand la partie mariée
ne sait pas que l’autre partie est incapable de payer la dette du mariage. Mais
un empêchement par le moyen duquel une personne ne peut pas payer la dette de
mariage de jure, par exemple la
consanguinité, annule le contrat de mariage, que la seconde partie le sache ou
non. Pour cette raison, le Maître des sentences juge (Sent. 4, dist. 34) que ces deux empêchements, la frigidité et la
servitude, ne rendent pas le mariage complètement illicite.
Objection
N°5. L’ardeur peut prouver une motivation suffisante pour l’acte charnel avec
une personne qui n’est pas vierge, mais pas avec une qui l’est, parce qu’il
arrive à l’ardeur d’être si faible qu’elle s’évanouit rapidement, ce qui est
par conséquent insuffisant pour la défloration d’une vierge. Ou alors elle peut
motiver suffisamment un homme avec une belle femme, mais insuffisamment pour
une autre qui ne l’est pas. Par conséquent, il semble que l’impuissance, même
si elle est un empêchement pour quelqu’un, ne le soit pas absolument.
Réponse
à l’objection N°5 : Un homme ne peut pas avoir un empêchement naturel perpétuel
en ce qui concerne une personne en particulier et pas pour une autre. Mais s’il
ne peut pas accomplir l’acte charnel avec une vierge, alors qu’il le peut avec une
femme qui n’est pas vierge, l’hymen peut être perforé par un instrument
médical, et il pourra ainsi s’unir pleinement avec elle. Ceci ne serait pas
contraire à la nature, car ce ne serait pas fait pour le plaisir mais en tant
que remède. Ne pas aimer une femme n’est pas une cause naturelle, mais une
cause extrinsèque accidentelle. Et par conséquent nous devons avoir le même
jugement qu’en ce qui concerne le maléfice, duquel nous parlerons plus loin
(art. suiv.).
Objection
N°6. De manière générale, une femme est plus sujette à l’impuissance qu’un
homme. Or, on n’interdit pas le mariage aux femmes. On doit donc en faire
autant pour les hommes.
Réponse
à l’objection N°6 : Dans la procréation, le mâle est l’agent et la femelle est
le patient ; pour cette raison, une plus grande ardeur est requise dans le mâle
que dans la femelle pour l’acte de procréation. D’où l’impuissance qui rend
l’homme incapable de procréer ne devrait pas en faire de même avec la femme.
Cependant il peut y avoir un empêchement naturel pour une autre cause, à savoir
la sténose, et nous devons alors juger de la sténose dans la femme de la même
manière que pour l’impuissance dans l’homme.
Mais
c’est le contraire. Il est dit (extra, De
frigidis et maleficiatis,
chap. Quod sedem)
: Comme un garçon qui est incapable d’un rapport conjugal est inapte au
mariage, de même ceux qui sont impuissants sont considérés comme les plus
inaptes au contrat de mariage. Or, les personnes qui sont impuissantes en font
partie. Par conséquent, etc.
Personne
ne peut s’obliger à l’impossible. Or, dans le mariage, l’homme s’oblige
lui-même à l’acte charnel ; parce que c’est dans ce but qu’il donne puissance
sur son corps à l’autre partie. Par conséquent, une personne impuissante, étant
incapable de faire l’acte charnel, ne peut pas se marier.
Conclusion
La frigidité, ou l’impuissance pour s’unir, qui ne provient pas d’un état, mais
simplement d’un défaut de nature incurable, empêche de contracter mariage, et,
de plus, le dirime s’il a été contracté, après un espace d’au moins de trois
ans, d’après le statut de l’Eglise.
Il
faut répondre qu’il y a dans le mariage un contrat par lequel quelqu’un est
obligé à payer à un autre la dette conjugale ; pour cette raison, comme dans
les autres contrats, l’obligation est impropre si une personne s’oblige
d’elle-même à ce qu’elle ne peut donner ou faire ; ainsi, le contrat de mariage
est impropre s’il a été fait par quelqu’un qui ne peut pas payer la dette
conjugale ; cet empêchement est appelé du nom général d’impuissance en ce qui
concerne l’union charnelle, et peut survenir, soit d’une cause naturelle et
intrinsèque, soit d’une cause accidentelle et extrinsèque, par exemple le maléfice,
duquel nous parlerons plus loin (art. suiv.). Si elle est due à une cause
naturelle, elle peut se produire de deux façons, soit elle est temporaire et
peut être traitée par des remèdes, ou en laissant du temps, et dans ce cas elle
n’annule pas le mariage ; soit elle est perpétuelle et dans ce cas elle
l’annule, si bien que la partie qui subit cet empêchement restera pour toujours
sans espoir de mariage, pendant que l’autre pourra
se marier à qui elle le voudra, pourvu que ce soit dans le Seigneur (1 Cor., 7, 39). Afin de déterminer si
l’empêchement est perpétuel ou non, l’Eglise a convenu d’une durée fixe pour
vérifier si ce sera toujours le cas, à savoir un espace de trois ans. Si après
ces trois ans, pendant lesquels les deux parties se sont efforcées de remplir
honnêtement le devoir conjugal, le mariage demeure non consommé, l’Eglise
déclare la dissolution de celui-ci. Cependant l’Eglise s’est parfois méprise en
ceci, car trois ans sont parfois insuffisants pour prouver que l’impuissance
est perpétuelle. C’est pour cette raison que si l’Eglise trouve qu’elle s’est
méprise, en voyant que le sujet de l’empêchement a accompli l’union charnelle
avec une autre ou sa femme, elle rétablit l’ancien mariage et dissout celui qui
s’en est ensuivi, même si ce dernier a été contracté avec sa permission.
Article
2 : Le maléfice peut-il empêcher le mariage ?
Objection
N°1. Il semble que le maléfice ne puisse pas empêcher le mariage. Car ces
maléfices sont produits par l’opération des démons. Or, les démons n’ont pas
plus le pouvoir d’empêcher l’acte du mariage que les autres actes corporels
qu’ils ne peuvent empêcher ; parce qu’alors ils feraient périr le monde entier,
s’ils empêchaient de manger, de marcher et de faire d’autres actions
semblables. Le mariage ne peut donc pas être empêché par les maléfices.
Réponse
à l’objection N°1 : La première corruption du péché, par laquelle l’homme est
devenu l’esclave du démon, étant arrivée à nous par l’acte de la puissance
génératrice, Dieu pour ce motif au démon la permission d’user de maléfice à
l’égard de cet acte plutôt que sur les autres ; comme la vertu des maléfices se
montre dans les serpents plutôt que dans les autres animaux, suivant le récit
de la Genèse (chap. 3), parce que c’est au moyen du serpent que le diable a
tenté la femme.
Objection
N°2. L’œuvre de Dieu est plus forte que l’œuvre du diable. Or, le maléfice est
une œuvre du diable. Donc il ne peut empêcher le mariage qui est l’œuvre de
Dieu.
Réponse
à l’objection N°2 : L’œuvre de Dieu peut être empêchée par l’œuvre du démon si
Dieu le permet ; ce qui ne prouve pas que le diable soit plus fort que Dieu au
point de détruire ses œuvres par la violence.
Objection
N°3. Aucun empêchement ne dirime le mariage contracté à moins qu’il ne soit
perpétuel. Or, le maléfice ne peut être un empêchement perpétuel, parce que le
diable n’ayant pouvoir que sur les pécheurs, du moment que le péché n’existe
plus, le maléfice serait détruit, ou bien on pourrait le faire cesser par un
autre maléfice ou par les exorcismes de l’Eglise qui ont été établis pour
réprimer la puissance des démons. Le maléfice ne peut donc pas empêcher le
mariage.
Réponse
à l’objection N°3 : Un maléfice est perpétuel dans le sens qu’il ne peut être
détruit par un remède humain, quoique Dieu puisse y remédier en contraignant le
démon, ou que le démon puisse le faire cesser en se désistant. Car ce qui a été
produit par un maléfice ne peut toujours être détruit par un maléfice, comme
l’avouent eux-mêmes les faiseurs de maléfices. Et d’ailleurs quand on pourrait
y remédier par un maléfice, le maléfice serait néanmoins considéré comme
perpétuel, parce qu’on ne doit d’aucune manière invoquer le secours du démon
par un maléfice. De même si par un péché on a donné au diable pouvoir sur
quelqu’un, il n’est pas nécessaire, quand le péché cesse, que son pouvoir cesse
aussi ; parce que la peine subsiste quelquefois, après que la faute est
effacée. De même les exorcismes de l’Eglise n’ont pas le pouvoir de réprimer
toujours les démons par rapport à toutes les tribulations corporelles qu’ils
causent, suivant que le jugement de Dieu l’exige. Mais ils ont du pouvoir
relativement aux attaques des démons contre lesquelles ils ont été
principalement établis.
Objection
N°4. L’union charnelle ne peut pas être empêchée, à moins qu’il n’y ait un
empêchement à la puissance génératrice qui est son principe. Or, la puissance
génératrice d’un homme est la même avec toutes les femmes. Par conséquent, un
maléfice ne peut pas être un empêchement à l’égard d’une femme sans l’être de
même avec toutes les autres.
Réponse
à l’objection N°4 : La sorcellerie cause parfois un empêchement avec toutes les
femmes, ou seulement avec une seule ; parce que le diable est une cause
volontaire qui n’agit pas à cause d’une nécessité naturelle. — De plus,
l’empêchement qui résulte de la sorcellerie peut provenir d’une impression
faite par le démon sur l’imagination d’un homme, par laquelle il est privé du
mouvement de la concupiscence qui le fait choisir une femme en particulier et
non pas une autre.
Mais
c’est le contraire. Il est dit (Decret. 33, quest.
1, chap. 4) : Si à cause de sorciers ou
de maléfices, et plus loin, s’ils
sont incurables, ils doivent être séparés.
Le
pouvoir des démons est plus grand que celui des hommes (Job, 41, 24) : Il n’y a pas de puissance sur la terre qui
puisse être comparée à celui qui a été créé pour ne craindre personne. Or, par
l’action de l’homme, une personne peut être rendue incapable d’accomplir
l’union charnelle, que ce soit par une puissance quelconque ou par la
castration ; et ceci est un empêchement de mariage. Par conséquent, la
puissance du démon peut faire bien plus.
Conclusion
L’impuissance qui provient d’un maléfice perpétuel, et qui, après une période
de trois ans, peut empêcher l’union charnelle, est un empêchement au mariage.
Il
faut répondre qu’il y en a qui ont dit que le maléfice
n’existait dans le monde que d’après l’opinion des hommes qui attribuaient à
des maléfices les effets naturels dont les causes sont occultes. Mais ce
sentiment est contraire à l’autorité des Pères qui disent que les démons ont
pouvoir sur les corps et sur l’imagination des hommes, quand Dieu le leu
permet. Les enchanteurs peuvent donc produire certains signes par leur
intermédiaire. Cette opinion a eu pour source le défaut de foi ou
l’incrédulité, parce qu’on a cru que les démons n’existaient que dans l’opinion
du vulgaire de telle sorte qu’on leur imputait les frayeurs que l’homme se
cause à lui-même par la pensée et qu’on pensait les avoir vus parce qu’il ne
faut qu’une imagination vive pour se représenter sensiblement certaines figures
telles qu’on les pense. Mais ce sentiment est rejeté par la foi véritable
d’après laquelle nous croyons que les anges sont tombés du ciel, que les démons
existent, et que par suite de la subtilité de leur nature ils peuvent beaucoup
de choses que nous ne pouvons pas : et ceux qui les portent à faire ces choses
sont appelés des faiseurs de maléfices. — C’est pour cette raison que d’autres
ont maintenu que la sorcellerie peut générer un empêchement à l’union
charnelle, mais qu’aucun empêchement de ce genre n’est perpétuel ; par
conséquent, il n’annule pas le contrat de mariage, et ils disent que les lois
qui l’affirment ont été révoquées. Mais ceci est contraire à l’expérience et à
la nouvelle législation qui s’accorde avec l’ancienne. Nous devons donc faire
une distinction : car l’incapacité à s’unir causée par la sorcellerie est soit
perpétuelle, et dans ce cas elle annule le mariage, soit elle n’est pas
perpétuelle et dans ce cas elle n’annule pas le mariage. Et afin d’être fixée à
ce sujet, l’Eglise a convenu d’un espace de trois ans, de la même manière que
nous avons dite pour l’impuissance (art. préc., dans le corps et Réponse N°2). Il y a cependant cette
différence entre un maléfice et l’impuissance, qu’une personne qui est
impuissante l’est avec n’importe qui, et par conséquent quand le mariage est
dissous, il ne lui est pas permis de se marier à une personne ; tandis qu’à
cause de la sorcellerie, un homme peut devenir impuissant avec une femme mais
pas avec une autre, et par conséquent, quand l’Eglise a déclaré que le mariage
doit être dissous, il est permis à chaque partie de chercher un autre
partenaire de mariage.
Article
3 : La furie empêche-t-elle le mariage ?
Objection
N°1. Il semble que la furie n’empêche pas le mariage. Car le mariage spirituel
qui se contracte dans le baptême est plus noble que le mariage charnel. Or, les
furieux peuvent être baptisés. Donc ils peuvent aussi se marier.
Réponse
à l’objection N°1 : L’usage de la raison n’est pas exigé pour le baptême, comme
sa cause, ainsi qu’on l’exige pour le mariage. C’est pourquoi il n’y a pas de
parité. Nous avons parlé du baptême des furieux (4, dist. 4, quest. 3, art. 1,
quest. 3 et 3a pars, quest. 68, art. 12).
Objection
N°2. L’impuissance empêche le mariage, parce qu’elle empêche l’union charnelle,
que la furie n’empêche pas. Donc la furie n’empêche pas le mariage.
Réponse
à l’objection N°2 : La furie empêche le mariage en raison de sa cause qui est
le consentement, quoiqu’elle ne l’empêche pas en raison de son acte, comme
l’impuissance. Cependant le Maître des sentences (Sent. 4, dist. 35) traite simultanément de ces deux empêchements,
parce qu’ils sont l’un et l’autre un défaut de la nature.
Objection
N°3. Le mariage n’est dirimé que par un empêchement perpétuel. Or, à l’égard de
la furie, on ne peut savoir si elle est un empêchement perpétuel. Elle ne
dirime donc pas le mariage.
Réponse
à l’objection N°3 : L’empêchement momentané qui empêche la cause du mariage, c’est-à-dire
le consentement, détruit totalement le mariage ; mais l’empêchement qui empêche
l’acte doit être perpétuel pour détruire le mariage.
Objection
N°4. Ces vers, que nous avons cités (quest. 50), embrassent suffisamment les
empêchements du mariage. Cependant, il n’y est pas fait mention de la furie.
Donc, etc.
Réponse
à l’objection N°4 : Cet empêchement revient à l’erreur, parce que dans l’un et
l’autre cas il y a défaut de consentement de la part de la raison.
Mais
au contraire. La furie enlève l’usage de la raison plus que l’erreur. Or,
l’erreur empêche le mariage. Donc la furie aussi.
Les
furieux ne sont pas aptes à faire un contrat. Or, le mariage est un contrat.
Donc, etc.
Conclusion
Le consentement requis pour le mariage ne pouvant exister sans l’usage de
raison, la furie qui précède le mariage le dirime, si le furieux n’a pas des
intervalles lucides ; mais la furie qui le suit ne le dirime d’aucune manière.
Il
faut répondre que la furie précède le mariage ou le suit. Si elle le suit, elle
ne le dirime d’aucune manière ; si elle le précède alors le furieux a des
intervalles lucides ou il n’en a pas. S’il en a, dans ce cas, quoique pendant
qu’il est dans cet intervalle ce ne soit pas une chose sûre que de se marier,
parce qu’il ne saurait pas élever ses enfants, cependant s’il le contracte le
mariage est valide. Mais s’il n’a pas d’intervalles lucides ou s’il se marie
quand il n’en a pas, alors, comme le consentement ne peut exister où l’usage de
la raison fait défaut, le mariage n’est pas véritable.
Article
4 : Le mariage est-il dirimé si le mari commet un inceste avec la sœur de sa
femme ?
Objection
N°1. Il semble que le mariage ne soit pas dirimé si le mari commet un inceste
avec la sœur de sa femme, car la femme ne devrait pas être punie pour le péché
de son mari. Ce serait cependant le cas si le mariage était dissous. Donc, etc.
Objection
N°2. C’est un plus grand péché de s’unir à l’un de ses parents que de s’unir à
une parente de sa femme. Or, le premier de ces deux péchés n’est pas un
empêchement de mariage. Par conséquent, il en est de même de l’autre.
Objection
N°3. Si le mariage est dirimé en tant que punition du péché, il semblerait que,
si le mari incestueux se marie même après la mort de sa femme, on doive les
séparer ; ce qui n’est pas vrai.
Objection
N°4. Cet empêchement n’est pas mentionné parmi ceux énumérés plus haut (art.
50). Par conséquent, il ne dirime pas le contrat de mariage.
Mais
c’est le contraire. En s’unissant avec la sœur de sa femme, le mari contracte affinité
avec sa femme. Or, l’affinité dirime le contrat de mariage. L’inceste précité
en fait donc autant.
L’homme
sera puni par où il aura péché. Or, un tel homme pèche contre le mariage. Par
conséquent, il devrait être puni en étant privé du mariage.
Conclusion
Si, par l’inceste, on s’unit avec un parent de sa femme en contractant affinité
avant le contrat de mariage, mais après les fiançailles, l’inceste est un empêchement
de mariage ; si c’est après le mariage, c’est un péché moins grave à la vérité,
mais suffisant pour priver du droit à l’union conjugale.
Il
faut répondre que si un homme a une liaison avec la sœur ou une autre parente
de sa femme avant de contracter mariage, et même si c’est après les
fiançailles, le mariage devrait être annulé à cause de l’affinité qui résulte.
Si, cependant, la liaison se produit après que le mariage a été contracté et
consommé, le mariage ne doit pas être complètement dissous ; mais le mari perd
son droit à l’union conjugale, et il ne peut non plus le demander sans péché ;
il doit cependant l’accomplir si sa femme le lui demande, car elle ne devrait
pas être punie pour le péché de son mari. Mais, après la mort de sa femme, il
devrait rester sans aucun espoir de mariage, à moins qu’il ne reçoive une
dispense à cause de sa faiblesse, dans la crainte d’une union illégitime. Si,
cependant, il se marie sans dispense, il pèche en transgressant la loi de
l’Eglise, mais son mariage ne peut être annulé pour cette raison.
Ceci
est suffisant pour les réponses aux objections, car l’inceste est considéré
comme un empêchement de mariage principalement à cause de l’affinité qu’il
cause et non parce qu’il est lui-même un péché. C’est pour cette raison qu’il
n’est pas mentionné avec les autres empêchements, mais qu’il est inclus dans
l’empêchement d’affinité.
Article
5 : Le défaut d’âge empêche-t-il le mariage ?
Objection
N°1. Il semble que le défaut d’âge n’empêche pas le mariage. Car d’après les
lois les enfants ont un tuteur jusqu’à vingt-cinq ans. Il semble donc que
jusqu’à cette époque la raison ne soit pas assez forte pour donner son
consentement, et par conséquent il semble que cet âge soit le temps marqué pour
se marier. Or, on peut se marier avant ce temps. Donc le défaut d’âge n’empêche
pas le mariage.
Réponse
à l’objection N°1 : Pour les choses auxquelles la nature incline on n’exige pas
la même force de raison pour délibérer que dans les autres. C’est pourquoi on
peut être suffisamment éclairé pour consentir au mariage, avant de pouvoir
traiter ses affaires sans un tuteur dans les autres contrats.
Objection
N°2. Comme le lien de religion est perpétuel, de même le lien du mariage l’est
aussi. Or, on ne peut pas faire profession avant l’âge de quatorze ans (chap. Non solùm, De regular. et transeunt.
in 6). On ne pourrait donc pas non plus contracter
mariage si le défaut d’âge était un empêchement.
Réponse
à l’objection N°2 : Il faut faire la même réponse pour la seconde objection
parce que le vœu de religion est une de ces choses qui existent sans que la
nature y porte, et qui présentent une plus grande difficulté que le mariage.
Objection
N°3. Comme le consentement est requis pour le mariage de la part de l’homme, de
même il l’est de la part de la femme. Or, la femme peut se marier avant sa
quatorzième année. Donc l’homme le peut aussi.
Réponse
à l’objection N°3 : La femme arrive à l’âge de puberté avant l’homme, comme le
dit Aristote (De animal., liv. 7, loc. sup. cit.). C’est
pourquoi il n’y a pas de parité entre l’un et l’autre.
Objection
N°4. L’impuissance n’empêche pas le mariage, si elle n’est pas perpétuelle et
ignorée. Or, le défaut d’âge n’est ni perpétuel, ni ignoré. Il n’empêche donc
pas le mariage.
Réponse
à l’objection N°4 : De ce coté, il y a empêchement non seulement à cause de
l’impuissance, mais encore à cause du défaut de raison, qui n’est pas
suffisante pour donner légitimement son consentement à une chose qui doit durer
perpétuellement.
Objection
N°5. Il n’est pas compris dans les empêchements cités (quest. 50), et par
conséquent il semble que ce ne soit pas un empêchement de mariage.
Réponse
à l’objection N°5 : Comme l’empêchement qui vient de la furie revient à
l’empêchement d’erreur ; de même aussi l’empêchement qui résulte du défaut
d’âge, parce que l’homme n’a pas encore le plein usage du libre arbitre.
Mais
c’est le contraire. Le droit canon dit (chap. Quod sedem, De frigid.
et malef.) que l’enfant qui ne peut rendre le devoir
conjugal n’est pas apte au mariage. Or, un enfant ne peut le faire
ordinairement avant l’âge de quatorze ans, d’après l’observation d’Aristote (in
7 Anim., circ. princ.
lib.).
Pour
toutes les choses naturelles il y a un terme de grandeur et d’accroissement
déterminé, comme le dit Aristote (De anim., liv. 2, text.
41), et par conséquent il semble, puisque le mariage est naturel, qu’il doive
avoir un temps déterminé, et qu’il soit empêché quand ce temps vient à manquer.
Conclusion
Puisque pour le mariage on requiert le consentement à l’égard de l’obligation
perpétuelle, si on le contracte avant l’âge de puberté il est nul, à moins que
la force de la nature et de la raison ne vienne à suppléer au défaut d’âge.
Il
faut répondre que le mariage, se faisant à la manière d’un contrat, est soumis
à la loi positive comme tous les autres contrats. Ainsi, d’après le droit (chap.
Tua, De sponsal.
impub.), il a été déterminé qu’on ne se marierait pas
avant l’âge de discrétion, où les deux parties peuvent suffisamment délibérer
leur résolution au sujet du mariage et se rendre réciproquement le devoir
conjugal ; et que si le mariage n’a pas été ainsi fait il est dirimé. Cette
époque est ordinairement l’âge de quatorze ans pour les garçons et de douze ans
pour les filles (D’après le code civil, l’homme ne peut se marier avant
dix-huit ans et la femme avant l’âge de quinze ans révolus (art. 144). Le
défaut d’âge n’entraîne cependant pas toujours la nullité du mariage. Voyez
l’art. 185.). Cependant comme les préceptes de droit positif s’en rapportent à
ce qui arrive ordinairement, si quelqu’un était arrivé à la perfection de
développement voulue avant l’âge fixé, de manière que la vigueur de la nature
et de la raison vînt à suppléer au défaut d’âge, le mariage ne serait pas
dissous. C’est pourquoi si ceux qui se marient avant l’âge de puberté ont eu
des relations charnelles avant le temps fixé, le mariage reste néanmoins
perpétuellement indissoluble.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des
encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications,
il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de
l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et
relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec
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puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au
respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune
évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de
la morale catholique et des lois justes.