Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique
Supplément =
5ème partie
Question 87 : De la connaissance que les ressuscités auront
de leurs mérites et de leurs démérites au jour du jugement
Après
avoir parlé des choses qui accompagneront la résurrection, nous devons nous
occuper de celles qui la suivront. La première chose que nous ayons à
considérer, c’est la connaissance que les ressuscités auront de leurs mérites
et de leurs démérites au jour du jugement. Nous parlerons : 1° De la
connaissance que les ressuscités auront de leurs mérites et de leurs démérites
au jour du jugement ; 2° du jugement général lui-même, du temps et du lieu
où il se fera ; 3° de ceux qui jugeront et de ceux qui seront jugés ; 4° de la
forme sous laquelle viendra le juge pour juger ; 5° de l’état du monde et des
ressuscités après le jugement. Sur la première de ces considérations trois
questions se présentent : 1° Tout homme connaîtra-t-il dans le jugement tous
ses péchés ? (Sur la connaissance que l’on aura de ses fautes et de celle des
autres, voyez le sentiment général de l’Eglise et des théologiens qui se trouve
parfaitement exprimé dans la prose de l’office des morts : Dies iræ, etc.) — 2° Tout le monde
pourra-t-il lire toutes les choses qui sont dans la conscience d’un autre ? — 3°
Pourra-t-on voir d’un seul coup d’œil tous ses mérites et tous es démérites ?
Article
1 : Après la résurrection tout le monde connaîtra-t-il les péchés qu’il a faits
?
Objection
N°1. Il semble qu’après la résurrection tout homme ne connaîtra pas tous les
péchés qu’il a faits. Car tout ce que nous connaissons, ou nous le percevons de
nouveau par les sens, ou nous le tirons du trésor de notre mémoire. Or, après
la résurrection tous les hommes ne pourront percevoir leurs péchés au moyen des
sens, parce que leurs péchés sont des choses passées et que les sens ne
perçoivent que les choses présentes. Il y a aussi beaucoup de fautes qui sont
sorties de l’esprit du pécheur et qui ne pourront plus être tirées du trésor de
sa mémoire. Celui qui ressuscitera n’aura donc pas la connaissance de tous les
péchés qu’il a faits.
Réponse
à l’objection N°1 : Quoiqu’il y ait beaucoup de mérites et de démérites qui
aient échappé à la mémoire, cependant il n’y en aura aucun qui ne subsiste
d’une certaine manière dans son effet. Car les mérites qui n’ont pas été
frappés de mort subsisteront dans la récompense qui leur sera accordée. Ceux
qui l’ont été subsistent dans la dette de l’ingratitude qui s’augmente par là
même que l’homme a péché après avoir reçu la grâce. Il en est de même aussi des
démérites. Ceux qui n’ont pas été effacés par la pénitence demeureront dans
l’obligation de la peine qui leur est due ; quant à ceux que la pénitence a
effacés, ils subsistent dans le souvenir même de la pénitence que l’on
connaîtra simultanément avec les autres mérites. Ainsi dans tout homme il y
aura donc quelque chose qui pourra servir à lui rappeler ses œuvres. —
Toutefois, comme le dit saint Augustin (loc. sup. cit.), ce sera la puissance
divine qui agira principalement à cet égard.
Objection
N°2. Comme le dit le Maître des sentences (4, dist. 43), il y a les livres de
la conscience dans lesquels on lit les mérites de chacun. Or, on ne peut lire
une chose dans un livre dans un livre qu’autant que ce livre en contient la
marque. Cependant les péchés ne laissent pas d’autres traces dans la conscience
que la dette de la peine qu’ils méritent, ou que la tache qu’ils impriment,
comme on le voit (Rom., chap. 2 in glos. Orig. sup. illud : Testimonium reddente, etc.). Par conséquent puisque dans un grand
nombre la tache et la dette de beaucoup de fautes ont été effacées par la
grâce, il semble que chacun ne puisse pas lire dans sa conscience tous les
péchés qu’il a faits, et par conséquent, etc.
Réponse
à l’objection N°2 : Il y a des marques qui subsistent dans la conscience de
chacun au sujet des œuvres qu’il a faites ; il n’est donc pas nécessaire que
ces marques soient exclusivement l’expression de ce qu’ils doivent, comme on le
voit (Réponse N°1).
Objection
N°3. La cause croissant, l’effet croit aussi. Or, la cause qui fait que nous
nous affligions des péchés que nous nous rappelons, c’est la charité. La
charité étant parfaite dans les saints ressuscités, ils gémiront infiniment sur
leurs fautes, s’ils viennent à se les rappeler, ce qui ne peut pas être, parce
qu’ils n’éprouveront ni douleur, ni
gémissement (Apoc., chap. 21). Ils ne se rappelleront
donc pas leurs propres péchés.
Réponse
à l’objection N°3 : Quoique la charité soit maintenant la cause de la douleur
qu’on a du péché, cependant les saints seront dans le ciel tellement remplis de
joie, que la douleur ne pourra exister en eux. C’est pourquoi ils ne pleureront
pas leurs péchés, mais ils se réjouiront plutôt de la miséricorde divine qui
leur a remis leurs péchés, comme les anges se réjouissent maintenant de la
justice divine qui fait que ceux qu’ils gardent et dont le salut était l’objet
de leur vive sollicitude, ayant été abandonnés par la grâce, tombent dans le
péché.
Objection
N°4. Ce que les damnés ressuscités seront par rapport aux biens qu’ils ont
faits autrefois, les bienheureux ressuscités le seront par rapport aux fautes
qu’ils ont commises. Or, les damnés ressuscités n’auront pas, à ce qu’il
semble, la connaissance des biens qu’ils ont faits autrefois, parce que leur
peine sera par là beaucoup soulagée. Les bienheureux n’auront donc pas non plus
la connaissance des péchés qu’ils ont commis.
Réponse
à l’objection N°4 : Les méchants connaîtront toutes les bonnes œuvres qu’ils
ont faites, et leur douleur n’en sera pas affaiblie, mais plutôt augmentée,
parce qu’on a une très grande douleur d’avoir perdu de grands biens. C’est pour
cela que Boëce dit (De consol.,
liv. 2, pros. 4) que le genre d’infortune le plus élevé c’est d’avoir été
heureux.
Mais
c’est le contraire. Saint Augustin dit (De
civ. Dei, liv. 20, chap. 14) que la puissance divine sera là pour faire que
tous les péchés se présentent à la mémoire.
Ce
que sont les jugements des hommes par rapport au témoignage extérieur, le
jugement de Dieu l’est par rapport au témoignage de la conscience, d’après ces
paroles (1 Rois, 16, 7) : L’homme voit ce qui paraît au dehors, tandis
que Dieu voit le fond des cœurs. Or, un jugement humain ne pourrait être
parfait sur une chose, s’il n’y avait des témoins qui rendissent témoignage sur
toutes les choses dont on doit juger. Il faut donc, puisque le jugement divin
est infiniment parfait, que la conscience soit saisie de tout ce qui doit être
jugé, et comme on devra être jugé pour toutes les œuvres bonnes et mauvaises,
d’après l’Apôtre qui dit (2 Cor., 5,
10) : Qu’il faut que nous soyons tous mis
à découvert devant le tribunal du Christ, il est donc nécessaire que la
conscience de chacun voie toutes les œuvres qu’il a faites bonnes ou mauvaises.
Conclusion
Puisqu’au jour du jugement la conscience de chacun doit lui rendre témoignage
de sa vie, et que tout homme doit être accusé ou défendu par ses pensées et que
toutes ses actions devront être jugées, il faut que chacun ait connaissance de
toutes ses œuvres.
Il
faut répondre que, comme le dit l’Apôtre (Rom.,
2, 15), puisque dans ce jour où le Seigneur jugera, la conscience de chacun lui
rendra témoignage, et qu’on sera accusé ou défendu par ses propres pensées ; et
puisqu’il faut dans tout jugement un témoin, un accusateur et un défenseur qui
aient connaissance des choses qui sont jugées, et puisque dans ce jugement
général on jugera toutes les œuvres des hommes, il faut que chacun ait alors la
connaissance de toutes ses œuvres. Ainsi la conscience de chacun sera comme un
livre qui renfermera toutes ses actions ; et c’est d’après cela que le jugement
sera rendu, comme dans la justice humaine on se sert de registres. C’est de ces
livres qu’il est dit (Apoc., 20, 12) : Les livres furent ouverts, et puis on en ouvrit un autre qui était le livre
de vie, et les morts furent jugés selon leurs œuvres d’après ce qui était écrit
dans ces livres. Par ces livres qui furent ouvert, on doit entendre d’après
saint Augustin (De civ. Dei, liv. 20,
chap. 14) les saints du Nouveau et de l’Ancien Testament, dans lesquels Dieu
montre ce qu’il avait ordonné de faire. C’est ce qui fait dire à Richard de
Saint-Victor (in tract. De judic. potest.)
: Leurs cœurs seront comme les décrets des canons. Mais par le livre de vie
dont il parle ensuite on entend les consciences de chacun qui sont appelées un
livre, au singulier, parce que la puissance divine seule fera que tout le monde
se rappellera de ses actions, et cette puissance, selon qu’elle rappellera à
l’homme ses actions, est appelée le livre de vie. Ou bien par les premiers
livres on entend les consciences, et par le second la sentence du juge telle
qu’elle a été arrêtée dans sa providence.
Article
2 : Pourra-t-on lire toutes les choses qui sont dans la conscience d’un autre ?
Objection
N°1. Il semble que tout le monde ne pourra pas lire toutes les choses qui sont
dans la conscience d’un autre. Car la connaissance des ressuscités ne sera pas
plus vive que ne l’est maintenant la connaissance des anges, puisqu’on leur
promet d’être leurs égaux (Matth., chap. 22). Or, les
anges ne peuvent pas voir réciproquement dans leur cœur ce qui dépend du libre
arbitre ; d’où il résulte qu’ils ont besoin de parler pour se notifier ainsi
leurs pensées. Ceux qui seront ressuscités ne pourront donc pas voir ce qui est
renfermé dans la conscience des autres.
Réponse
à l’objection N°1 : Tous les mérites antérieurs ou tous les démérites
produiront un certain degré de gloire ou de misère dans ceux qui seront
ressuscités. C’est pourquoi on pourra voir d’après ce qui se passera à l’extérieur
tout ce qui sera dans les consciences, surtout au moyen de la puissance divine
qui agira pour que tout le monde voie la justice de la sentence.
Objection
N°2. Tout ce qu’on connaît, on le connaît en soi, ou dans sa cause ou dans son
effet. Or, on ne peut pas connaître en soi les mérites ou les démérites qui
sont enfermés dans la conscience d’un autre, parce qu’il n’y a que Dieu qui
pénètre le cœur et qui voie ses secrets. On ne les connaît pas non plus dans
leur cause, parce que tous ne verront pas Dieu, qui seul peut agir sur la
volonté d’où procèdent les mérites ou les démérites. Enfin on ne les connaît
pas non plus dans leur effet, parce qu’il y aura beaucoup de démérites dont il
ne restera aucun effet, la pénitence les ayant totalement effacés. Donc tout le
monde ne pourra pas connaître toutes les choses qui sont dans la conscience
d’un autre.
Réponse
à l’objection N°2 : Les mérites ou les démérites pourront être montrés aux
autres dans leurs effets, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.,
Réponse N°1), ou en eux-mêmes au moyen de la puissance divine, quoique la vertu
d’une intelligence créée n’en soit pas capable.
Objection
N°3. Saint Chrysostome dit (hom. 31 sup. Epist. ad Hebræos, vers. fin.)
d'après le Maître des sentences (Sent.
4, dist 17) : Maintenant si vous vous rappelez vos
péchés et que vous les répétiez souvent en présence de Dieu, et que vous priiez
pour eux, vous les effacerez très vite ; mais si vous les oubliez, alors vous
vous en souviendrez bon gré, mal gré, malgré, quand ils seront publiés et
manifestés en présence de tout le monde, de vos amis et de vos ennemis et des
saints anges. D’où il résulte que cette manifestation est la peine de la
négligence qui fait omettre à l’homme sa confession. Donc les péchés dont
l’homme s’est confessé ne seront pas rendus publics pour les autres.
Réponse
à l’objection N°3 : La divulgation des péchés pour l’ignominie du pécheur est
un effet de la négligence qu’on commet en omettant de se confesser ; mais la
révélation des péchés des saints ne pourra tourner à leur honte ; comme ce
n’est pas une cause de confusion pour Marie Magdeleine que ses fautes soient
publiquement connues dans l’Eglise, parce que, comme le dit saint Jean
Damascène (De orth.
fid., liv. 2, chap. 15), la honte est la crainte
du déshonneur, qui ne pourra exister dans les bienheureux. Cette promulgation
sera au contraire pour eux un grand sujet de gloire à cause de la pénitence
qu’ils ont faite, comme un confesseur approuve celui qui confesse avec courage
de grands crimes. Cependant on dit que ces péchés sont effacés, parce que Dieu
ne les voit pas pour les punir.
Objection
N°4. C’est une consolation pour quelqu’un de savoir qu’il a beaucoup de
compagnons dans sa faute, et il en rougit moins. Si donc on connaissait le
péché d’un autre, chaque pécheur rougirait moins de son iniquité, ce qui ne
convient pas. On ne connaîtra donc pas les péchés de tout le monde.
Réponse
à l’objection N°4 : De ce que le pécheur verra les péchés des autres, sa
confusion ne sera en rien diminuée, mais elle sera plutôt augmentée, parce que
le blâme qu’essuieront les autres lui fera mieux sentir le sien. Car, si cette
cause affaiblit la confusion, cela provient de ce que la honte se rapporte à
l’opinion des hommes que la coutume rend moins sévères, tandis qu’alors la
confusion se rapportera au jugement de Dieu qui est conforme à la vérité à
l’égard de tout péché, qu’il ait été commis par un seul ou par plusieurs.
Mais
au contraire. Sur ces paroles (1 Cor.,
4, 5) : Qui mettra en lumière les choses
cachées dans les ténèbres, la glose dit : (interl.) : Les actions et les pensées bonnes et mauvaises seront
découvertes à tout le monde et seront connues.
Les
péchés passés de tous les bons seront également effacés. Or, nous saurons les
péchés de certains saints, comme sainte Magdeleine, saint Pierre et David. Pour
la même raison, on connaîtra les péchés des autres élus et beaucoup plus ceux
des damnés.
Conclusion
Puisqu’il faut que la justice divine se manifeste à tout le monde dans le jugement
dernier, il est nécessaire que tout le monde connaisse la récompense ou la
condamnation des autres, et par conséquent les mérites ou les démérites de tout
le monde, par lesquels on voit si la sentence est juste ou injuste.
Il
faut répondre que dans le jugement dernier et général il est nécessaire que la
justice divine, qui est maintenant cachée pour la plupart, se montre avec éclat
aux yeux de tout le monde. Or, la sentence de celui qui condamne ou de celui
qui récompense ne peut être juste qu’autant qu’on la prononce d’après les
mérites ou les démérites. C’est pourquoi comme il faut que le juge et son
assesseur connaissent l’état de la cause pour prononcer une juste sentence, de
même il faut, pour que la sentence paraisse juste, qu’on fasse connaître ses
motifs à tous ceux qui la voient rendre. Par conséquent, comme chacun connaîtra
sa récompense et sa damnation, et qu’on la fera de même connaître à tous les
autres, il faut que comme chacun se rappellera ses mérites et ses démérites,
les mérites des autres se présentent de même à sa connaissance. Cette opinion
est la plus probable et la plus commune, quoique le Maître des sentences dise
le contraire (Sent. 4, dist. 43) en
prétendant que les péchés qui ont été effacés par la pénitence ne seront pas
manifestés aux autres dans le jugement (Ce sentiment du maître des sentences
est contredit par tous les théologiens et par l’Ecriture : Qui mettra en lumière les choses cachées dans les ténèbres, et qui
manifestera les desseins des cœurs (1
Cor., 4, 5).). Mais il suivrait de là qu’on ne connaîtrait pas parfaitement
la pénitence qu’on a faite de ces péchés, ce qui serait très préjudiciable à la
gloire des saints et à la gloire de Dieu qui les a délivrés avec tant de
miséricorde.
Article
3 : Verra-t-on d’un seul coup d’œil tous ses mérites ou ses démérites propres
et ceux des autres ?
Objection
N°1. Il semble qu’on ne verra pas d’un seul coup d’œil tous ses propres mérites
ou démérites et ceux des autres. Car les choses que l’on considère en
particulier, on ne les voit pas d’un seul coup d’œil. Or, les damnés
considéreront leurs péchés en particulier et les pleureront. D’où il est dit (Sag., 5, 8) : Que nous a servi l’orgueil ? Ils ne les verront donc pas tous d’un
seul coup d’œil.
Objection
N°2. Aristote dit (Top., liv. 2,
chap. 44) : qu’il n’arrive pas qu’on comprenne plusieurs choses à la fois. Or,
on ne verra que par l’intelligence ses mérites et ses démérites propres ainsi
que ceux des autres. On ne pourra donc pas les voir simultanément.
Objection
N°3. L’intelligence des damnés ne sera pas après la résurrection pus lucide que
ne l’est maintenant celle des bienheureux et des anges, quant à la connaissance
naturelle par laquelle ils connaissent les choses au moyen d’espèces innées.
Or, avec cette sorte de connaissance les anges ne voient pas plusieurs choses
simultanément. Les damnés ne pourront donc pas voir simultanément tout ce
qu’ils ont fait.
Mais
au contraire. Sur ces paroles de Job (8, 22) : Seront couverts de confusion, la glose dit (ordin.
Greg.) : A la vue du juge, ils auront sous les yeux de leur esprit tous les
maux qu’ils ont faits. Comme ils verront le juge subitement, ils verront donc
de même les maux qu’ils ont commis et pour la même raison tous les autres.
Saint
Augustin (De civ. Dei, liv. 20, chap.
14) trouve répugnant qu’on lise dans le jugement un livré matériel où les
actions de chacun se trouvent écrites, parce que personne ne peut se figurer
quelle serait la grandeur de ce livre et combien il faudrait de temps pour le
lire. Or, on ne pourrait pas davantage apprécier le temps qu’il faudrait mettre
pour considérer tous ses mérites et tous ses démérites et tous ceux des autres,
si on les voyait successivement. Il faut donc établir que chacun les verra tous
simultanément.
Conclusion
Si on ne doit pas voir instantanément ses mérites ou ses démérites aussi bien
que ceux des autres, cependant on les verra tous en particulier avec l’aide de
la puissance divine dans un temps très court.
Il
faut répondre qu’à cet égard il y a deux sortes d’opinion. Car il y en a qui
disent qu’on verra tout à la fois et instantanément tous ses mérites et tous
ses démérites ainsi que ceux des autres, ce qu’on peut croire facilement des
bienheureux, parce qu’ils verront tout dans le Verbe ; et ainsi il ne répugne
pas qu’ils voient simultanément plusieurs choses. Mais pour les damnés dont
l’intellect n’est pas élevé de manière qu’ils puissent voir Dieu et en lui
toutes les autres choses, c’est plus difficile. — C’est pourquoi d’autres
disent que les méchants verront tout à la fois en général tous leurs péchés et
ceux des autres, et que cela suffit pour l’accusation qui doit avoir lieu dans
le jugement ou pour l’absolution, mais qu’ils ne les verront pas tous
simultanément, en descendant à chaque faute. Mais cela ne paraît pas d’accord
avec les paroles de saint Augustin qui dit (De
civ. Dei, liv. 20, loc. cit.) : Qu’ils énuméreront toutes leurs fautes dans
leur pensée ; car on n’énumère pas ce qu’on connaît en général. — On peut donc
prendre une opinion mitoyenne, c’est qu’ils verront chaque faute, non d’une
manière instantanée, mais dans le temps le plus court avec l’aide de la
puissance divine. C’est ce que dit saint Augustin quand il ajoute (ibid.) qu’ils les verront avec une
grande rapidité. Cela n’est pas impossible parce que dans le temps le plus
court il y a une infinité d’instants en puissance.
La
réponse aux objections dans l’un et l’autre sens est par là évidente.
Copyleft. Traduction
de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par
tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas
latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et
philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en
théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52,
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