Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 89 : De ceux qui jugent et de ceux qui seront jugés dans le jugement général

 

          Nous devons ensuite nous occuper de ceux qui jugent et de ceux qui seront jugés dans le jugement général. A cet égard huit questions se présentent : 1° Y a-t-il des hommes qui doivent juger avec le Christ ? (Il est de foi qu’il y aura des saints qui jugeront avec le Christ. L’Ecriture le dit dans une foule d’endroits, mais elle ne détermine rien au sujet du mode.) — 2° La puissance judiciaire répond-elle à la pauvreté volontaire ? — 3° Les anges doivent-ils aussi juger ? — 4° Les démons exécuteront-ils la sentence du juge contre les damnés ? — 5° Tous les hommes comparaîtront-ils en jugement ? (Sylvius regarde comme certain le sentiment que saint Thomas soutient dans cet article et les deux suivants, ainsi que dans ses Commentaires in chap. 14 ad Rom., lect. 1, et in chap. 5, 2 Cor., lect. 2).) — 6° Y a-t-il des bons qui doivent-être jugés ? — 7° Y a-t-il des méchants ? — 8° Les anges doivent-ils être aussi jugés ?

 

Article 1 : Y a-t-il des hommes qui jugeront avec le Christ ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’aucun homme ne jugera avec le Christ. Car il est dit (Jean, 5, 22) : Le Père a donné au Fils tout pouvoir de juger, afin que tous honorent le Fils, etc. Or, cet honneur n’est pas dû à d’autre qu’au Christ. Donc, etc.

          Réponse à l’objection N°1 : Cette objection repose sur le jugement d’autorité qui ne convient qu’au Christ.

 

          Objection N°2. Celui qui juge a autorité sur ce qu’il juge. Or, les choses qui devront être l’objet du jugement dernier, comme les mérites et les démérites des hommes, ne sont soumises qu’à l’autorité divine. Donc il ne convient à aucun homme d’en juger.

          Réponse à l’objection N°2 : Il faut faire la même réponse que pour la première.

 

          Objection N°3. Ce jugement ne s’exercera pas vocalement, mais mentalement, selon l’opinion la plus probable. Or, il n’y a que la puissance divine qui puisse notifier aux cœurs de tous les hommes les mérites et les démérites, ce qui tiendra lieu d’accusation ou d’apologie, et ce qui déterminera la peine et la récompense qui seront comme l’énoncé de la sentence. Il n’y aura donc pas d’autres juges que le Christ qui est Dieu.

          Réponse à l’objection N°3 : Il ne répugne pas qu’il y ait quelques saints qui révèlent aux autres certaines choses, soit en les illuminant, comme les anges supérieurs éclairent les anges inférieurs, soit en leur parlant, comme les anges inférieurs parlent aux anges qui sont au-dessus d’eux.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (Matth., 19, 28) : Vous serez assis sur douze sièges, jugeant les douze tribus d’Israël. Donc, etc.

          Le prophète dit (Is., 3, 14) : Le Seigneur est venu pour juger avec les vieillards de son peuple. Il semble donc qu’il y aura d’autres hommes qui jugeront avec le Christ.

 

          Conclusion Les hommes parfaits jugeront avec le Christ selon qu’ils renferment en eux les décrets de la justice divine d’après lesquels les hommes seront jugés et selon qu’ils manifesteront aux autres la sentence du juge.

          Il faut répondre que le mot juger s’entend de plusieurs manières. 1° On peut l’entendre causalement, de manière que le mot juger signifie la chose qui fera voir le jugement qui devra être porté sur celui qui doit être jugé. En ce sens on dit que quelqu’un juge par comparaison, selon que sa comparaison avec d’autres fait voir comment ceux-ci doivent être jugés, comme on le voit d’après ces paroles (Matth., 12, 41) : Les Ninivites se lèveront au jour du jugement contre cette génération et la condamneront. Il appartient également aux bons et aux méchants de juger de la sorte son jugement. 2° Le mot juger s’entend en quelque sorte d’une manière interprétative. Car nous supposons que quelqu’un fait une chose du moment qu’il y consent. C’est ainsi qu’on dira que ceux qui consentent au jugement du Christ en approuvant sa sentence jugent ; il appartient à tous les élus de juger la sorte. D’où il est dit (Sag., 3, 8) : Les justes jugeront les nations. 3° On dit qu’on juge pour ainsi dire à titre d’assesseurs et par imitation, parce qu’on a la ressemblance du juge selon qu’on est assis sur un lieu élevé comme lui. C’est ainsi qu’on dit que les assesseurs jugent. Il y en a qui disent que les hommes parfaits auxquels on a promis la puissance judiciaire jugeront de cette manière (Matth., chap. 19), c’est-à-dire qu’ils seront assesseurs, parce que dans le jugement on les verra au-dessus des autres allant au-devant du Christ dans l’air. Mais cela ne paraît pas suffisant pour accomplir la promesse du Seigneur qui a dit : Vous serez assis jugeant (Math., 19, 28). Car il semble que le jugement doive s’ajouter à l’honneur d’être ainsi assis près du juge. C’est pourquoi il y a une quatrième manière de juger qui conviendra aux hommes parfaits, selon qu’ils renferment en eux les décrets de la justice divine d’après lesquels les hommes seront jugés, comme si l’on disait que le livre qui renferme la loi juge. D’où il est dit (Apoc., 20, 4) : Le juge est assis et les livres sont ouverts. C’est de cette manière que Richard de Saint-Victor cette puissance de juger (in tract. De judiciar. potest.). Ainsi il dit : Ceux qui se livrent à la contemplation divine, ceux qui lisent chaque jour dans le livre de la sagesse et qui en transcrivent pour ainsi dire dans leurs cœurs tout ce que l’intelligence claire qu’ils ont de la vérité leur en a fait comprendre ; et plus loin : Les cœurs de ceux qui jugent ayant été instruits par Dieu de toute vérité sont-ils autre chose que ses décrets et ses lois ? Mais comme juger implique une action qui s’étend à un autre, il s’ensuit qu’à proprement parler, on appelle juge celui qui porte oralement une sentence sur un autre. C’est ce qui se fait de deux manières : 1° On le fait de son autorité propre. C’est ainsi qu’il agit celui qui a sur les autres une domination et une puissance à l’administration de laquelle sont soumis ceux qui sont jugés ; d’où il lui appartient de porter sur eux une sentence. Il n’y a que Dieu qui juge ainsi. 2° On juge en faisant parvenir à la connaissance des autres la sentence portée par celui qui a autorité, ce qui revient à énoncer cette sentence. C’est de cette manière que jugeront les hommes parfaits, parce qu’ils amèneront les autres à la connaissance de la justice divine, pour qu’ils sachent ce qui leur est dû justement d’après leurs mérites. D’où Richard de Saint-Victor dit (loc. cit.) : Pour les juges, ouvrir les livres de leurs décrets devant ceux qui doivent être jugés, c’est faire voir ce qu’il y a dans leur cœur à tous ceux qui sont au-dessous d’eux, et leur manifester ainsi ce qu’ils pensent sur ce qui regarde le jugement.

 

Article 2 : La puissance judiciaire correspond-elle à la pauvreté volontaire ?

 

          Objection N°1. Il semble que la puissance judiciaire ne corresponde pas à la pauvreté volontaire. Car cette puissance n’a été promise qu’aux douze apôtres (Matth., 19, 28) : Vous serez assis sur douze sièges, jugeant, etc. Par conséquent puisque tous ceux qui sont pauvres volontairement ne sont pas des apôtres, il semble que la puissance judiciaire ne leur appartienne pas à tous.

          Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 20, chap. 5), parce qu’il est dit qu’ils seront assis sur douze sièges, nous ne devons pas penser qu’il n’y aura que douze hommes qui jugeront avec le Christ, autrement puisque nous voyons qu’on a élu apôtre Matthias à la place du traître Judas, saint Paul, qui a travaillé plus que les autres, n’aurait pas la gloire d’être assis pour juger. Ainsi le nombre douze, selon la pensée du même docteur, signifie toute la multitude de ceux qui jugeront, à cause des deux parties du nombre sept, c’est-à-dire trois et quatre, qui, multipliées par elles-mêmes, font le nombre douze. Le nombre douze est un nombre parfait, parce qu’il se compose du nombre six double, qui est un nombre parfait. — Ou bien, littéralement, il a été question des douze apôtres, dans la personne desquels la même chose est promise à tous ceux qui les suivront.

 

          Objection N°2. C’est une plus grande chose de faire à Dieu le sacrifice de son propre corps que de lui sacrifier ses biens extérieurs. Or, les martyrs et les vierges font à Dieu le sacrifice de leurs propres corps, tandis que les pauvres volontaires ne lui sacrifient que leurs biens extérieurs. La sublimité de la puissance judiciaire répond donc plutôt aux martyrs et aux vierges qu’aux pauvres volontaires.

          Réponse à l’objection N°2 : La virginité et le martyre ne disposent pas à conserver dans son cœur les décrets de la justice divine aussi bien que la pauvreté ; tandis qu’au contraire les richesses extérieures étouffent la parole de Dieu par la sollicitude qu’elles causent, d’après l’Evangile (Luc, chap. 8). — Ou bien il faut dire que la pauvreté ne suffit pas seule pour mériter la puissance judiciaire, mais elle est la première partie de la perfection à laquelle la puissance judiciaire répond. Par conséquent, parmi les choses qui sont une conséquence de la pauvreté et qui appartiennent à la perfection, on peut cependant compter la virginité et le martyre, et toutes les œuvres de perfection. Cependant ces choses ne sont pas aussi principales que la pauvreté, parce que le principe d’une chose en est la partie la plus importante.

 

          Objection N°3. Saint Jean dit (Jean, 5, 45) : Moïse en qui vous espérez sera lui-même votre accusateur ; la glose ajoute (interl.) : parce que vous ne croyez pas à sa parole. Et ailleurs (12, 48) : La parole que j’ai dite le jugera au dernier jour. Ainsi de ce que l’on fait connaître la loi ou qu’on exhorte pour l’amélioration des mœurs, on a le droit de juger ceux qui méprisent ces paroles. Et comme cela est le propre des docteurs, il s’ensuit qu’il leur convient de juger plutôt qu’aux pauvres volontaires.

          Réponse à l’objection N°3 : Celui qui a fait connaître la loi ou qui a exhorté au bien jugera causalement, pour ainsi dire, parce que les autres seront jugés d’après les paroles qu’il leur aura dites ou d’après ce qu’il leur aura enseigné. Et c’est pour ce motif que la puissance judiciaire ne répond pas proprement à la proprement à la prédication et à l’enseignement. — Ou bien il faut dire d’après quelques-uns qu’il y a trois choses qui sont requises pour la puissance judiciaire : 1° le renoncement aux affaires temporelles, de peur que l’esprit ne soit empêché de recevoir la sagesse ; 2° une habitude qui contienne la justice divine selon qu’elle a été connue et observée ; 3° qu’on ait enseignée cette justice aux autres, de telle sorte que l’enseignement sera la perfection qui complétera le mérite de la puissance judiciaire.

 

          Objection N°4. Parce que le Christ a été jugé injustement comme homme, il a mérité d’être le juge de toute la nature humaine : Son Père lui a donné la puissance de juger, parce qu’il est le Fils de l’homme (Jean, 5, 27). Or, ceux qui souffrent persécution à cause de la justice sont jugés injustement. Donc la puissance judiciaire leur convient plutôt qu’aux pauvres.

          Réponse à l’objection N°4 : Le Christ s’est humilié en ce qu’il a été injustement jugé . Car il a été immolé parce qu’il l’a voulu (Is., 53, 7), et son humilité a mérité son exaltation judiciaire, parce que tout lui est soumis, comme le dit saint Paul (Phil., chap. 2). C’est pourquoi la puissance judiciaire est due plutôt à ceux qui s’humilient volontairement, en renonçant aux biens temporels, qui sont une source d’honneurs pour les hommes du monde, qu’à ceux qui sont humiliés par les autres.

 

          Objection N°5. Le supérieur n’est pas jugé par l’inférieur. Or, beaucoup de ceux qui font un bon usage des richesses auront plus de mérite que beaucoup de pauvres volontaires. Les pauvres volontaires ne jugeront donc pas quand les premiers seront jugés.

          Réponse à l’objection N°5 : L’inférieur ne peut pas juger son supérieur de son autorité propre, mais il le peut par l’autorité d’un supérieur, comme on le voit pour les juges délégués. C’est pour cela qu’il ne répugne pas que les pauvres qui aient pour récompense accidentelle l’honneur de juger les autres, même ceux qui ont plus de mérite qu’eux par rapport à la récompense essentielle.

 

          Mais au contraire. Il est dit (Job, 36, 6) : Il ne sauve pas les impies et il donne aux pauvres la puissance de juger. Il appartient donc aux pauvres de juger.

          Sur ces paroles (Matth., 19, 29) : Quiconque aura quitté, etc., la glose dit (ord.) : Ceux qui ont tout abandonné et suivi Dieu, ceux-là jugeront ; et ceux qui ont fait bon usage de leurs possessions légitimes seront jugés. Donc, etc.

 

          Conclusion La puissance judiciaire n’est pas donnée à tous les pauvres, mais à celui qui aura tout abandonné et qui aura suivi le Christ conformément à la perfection.

          Il faut répondre que la puissance judiciaire est due spécialement à la pauvreté pour trois motifs : 1° En raison de la convenance. Car la pauvreté volontaire est le propre de ceux qui ne s’attachent qu’au Christ, après avoir méprisé tout ce qui appartient au monde. C’est pourquoi il n’y a rien en eux qui détourne leur jugement de la justice. Ils sont donc capables de juger, selon qu’ils ont aimé par-dessus tout la vérité de la justice. 2° A titre de mérites, parce que l’élévation selon les mérites répond à l’humilité. Et comme parmi toutes les choses qui font mépriser l’homme en ce monde la principale est la pauvreté, il s’ensuit que l’on promet aux pauvres l’excellence de la puissance judiciaire, afin que celui qui s’humilie à cause du Christ soit ainsi exalté. 3° Parce que la pauvreté dispose à ce mode de juger. Car on dira de l’un des saints qu’il juge, comme on le voit d’après ce que nous avons dit (art. préc.), parce qu’il aura le cœur pénétré de toute la vérité divine qu’il pourra manifester aux autres. Or, dans les progrès de la perfection, la première chose qu’on doit abandonner, ce sont les richesses extérieures, parce que ce sont les choses qu’on a acquises en dernier lieu, et que ce qui est le dernier dans la génération est le premier dans la destruction. C’est pour cela que parmi les béatitudes au moyen desquelles on avance dans la perfection, on met la pauvreté au premier rang, et la puissance judiciaire répond ainsi à la pauvreté, selon qu’elle est la disposition première à l’égard de cette perfection. D’où il suit que cette puissance n’est pas promise à tous les pauvres, mais aux pauvres volontaires, mais à ceux qui, ayant tout abandonné, suivent le Christ conformément à la perfection.

 

Article 3 : Les anges doivent-ils juger ?

 

          Objection N°1. Il semble que les anges doivent juger (Matth., 25, 31) : Quand le Fils de l’homme sera venu dans sa gloire et tous ses anges avec lui. Or, il s’agit là de son avènement pour le jugement. Il semble donc que les anges jugeront aussi.

          Réponse à l’objection N°1 : Comme on le voit d’après la glose (ord.) ils viendront avec le Christ non pour être les juges, mais pour être les témoins des actes humains, les anges sous la garde desquels les hommes se sont bien ou mal conduits.

 

          Objection N°2. Les ordres des anges tirent leur nom des charges qu’ils exercent. Or, parmi les ordres des anges il y a l’ordre des Trônes, qui paraît appartenir à la puissance judiciaire ; car le trône est le siège du juge, celui du roi et la chaire du docteur. Donc il y a des anges qui jugeront.

          Réponse à l’objection N°2 : Le nom de Trône est attribué aux anges en raison du jugement que Dieu exerce toujours en gouvernant tous les êtres de la manière la plus juste. Ce sont les anges qui exécutent d’une certaine manière et qui promulguent ce jugement. Mais le jugement qui sera porté sur les hommes par le Christ comme homme, demande aussi des hommes pour assesseurs.

 

          Objection N°3. Il a été promis aux saints d’égaler les anges après cette vie (Matth., chap. 22). Si donc les hommes ont le pouvoir de juger, à plus forte raison les anges.

          Réponse à l’objection N°3 : On promet aux hommes d’être les égaux des anges quant à la récompense essentielle. Cependant rien n’empêche qu’on donne aux hommes une récompense accidentelle qu’on n’accorde pas aux anges ; comme on le voit pour l’auréole des vierges et des martyrs. On peut en dire autant de la puissance judiciaire.

 

          Mais au contraire. Il est dit (Jean, 5, 27) que Dieu a donné au Christ la puissance de juger, parce qu’il est Fils de l’homme. Or, les anges ne participent pas à la nature humaine. Ils ne participent donc pas non plus à la puissance judiciaire.

          Il n’appartient pas au même de juger et d’être le ministre du juge. Or, dans ce jugement les anges seront les ministres du juge, selon ces paroles (Matth., 13, 41) : Le Fils de l’homme enverra ses anges qui ramasseront et enlèveront de son royaume tout ce qu’il y aura de scandaleux. Les anges ne jugeront donc pas.

 

          Conclusion Puisque les anges ne participent pas, il ne leur convient pas de juger, mais cela convient au Christ, qui est véritablement homme.

          Il faut répondre que les assesseurs d’un juge doivent lui ressembler. Or, on attribue au Fils de l’homme la puissance judiciaire, parce qu’il se montrera à tout le monde, aux bons aussi bien qu’aux méchants, selon sa nature humaine, quoique la Trinité tout entière juge par autorité. C’est pourquoi il faut aussi que les assesseurs du juge aient la nature humaine dans laquelle ils puissent être vus par tous les bons et tous les méchants. Et ainsi il ne convient pas aux anges de juger, quoiqu’on puisse dire d’une certaine manière qu’ils jugent, dans le sens qu’ils approuvent la sentence (Saint Bonaventure est du même sentiment (Sent. 4, dist. 47), mais ces deux docteurs n’examinent pas si les bons anges jugeront les mauvais, ce qui paraît probable à plusieurs théologiens.).

 

Article 4 : Les démons exécuteront-ils la sentence du juge sur les damnés ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’après le jour du jugement les démons n’exécuteront pas la sentence du juge sur les damnés. Car, d’après saint Paul (1 Cor., 15, 24), toute principauté, toute puissance et toute vertu sera détruite. Toute prééminence cessera donc ; et comme l’exécution de la sentence du juge marque une prééminence, il s’ensuit que les démons n’exécuteront pas la sentence du juge après le jour du jugement.

          Réponse à l’objection N°1 : Cette prééminence que l’on dit que le Christ anéantira dans l’autre vie, doit s’entendre dans le sens de cette prééminence qui existe selon l’état de ce monde, d’après lequel les hommes commandent aux hommes, les anges aux hommes, les anges aux anges, les anges aux démons, les démons aux démons et les démons aux hommes, et tout cela pour mener à la fin pour en éloigner. Mais dans ce moment, lorsque tous les êtres seront parvenus à cette fin, il n’y aura plus de hiérarchie pour éloigner de la fin ou pour y conduire, mais elle aura pour but de conserver les bons ou les méchants dans leur état.

 

          Objection N°2. Les démons ont plus péché que les hommes. Il n’est donc pas juste que les hommes soient tourmentés par eux.

          Réponse à l’objection N°2 : Quoique le mérite des démons ne demande pas qu’ils soient mis à la tête des hommes, parce qu’ils se sont soumis les hommes injustement, cependant l’ordre de leur nature par rapport à la nature humaine l’exige. Car les biens naturels subsistent en eux tout entier, comme le dit saint Denis (De div. nom., chap. 4).

 

          Objection N°3. Comme les démons suggèrent aux hommes de mauvaises pensées, de même les bons anges en suggèrent de bonnes. Or, ce ne sera pas l’office des bons anges de récompenser les bons, mais ce sera l’œuvre immédiate de Dieu. Ce ne sera donc pas l’office des démons de punir les méchants.

          Réponse à l’objection N°3 : Les bons anges ne sont pas la cause de la récompense principale des élus, parce qu’ils reçoivent tous de Dieu immédiatement cette récompense. Mais les anges pour les hommes la cause de certaines récompenses accidentelles, en tant que les anges supérieurs éclairent les anges inférieurs et les hommes sur certains secrets de la Divinité, qui n’appartiennent pas à la substance de la béatitude. De même les damnés recevront aussi de Dieu immédiatement leur peine principale, c’est-à-dire l’exclusion perpétuelle de la vision de Dieu ; mais il ne répugne pas que les autres peines sensibles soient infligées aux hommes par les démons. — Il y a toutefois cette différence, c’est que le mérite exalte au lieu que le péché abaisse. Par conséquent, puisque la nature de l’ange est plus élevée que la nature humaine, il y en a qui en raison de l’excellence de leurs mérites seront tellement élevés que cette élévation surpassera celle de la nature et de la récompense de certains anges. D’où il résulte qu’il y aura des anges éclairés par certains hommes, tandis qu’il n’y aura pas de pécheurs qui en raison du degré de leur malice, parviendront à cette supériorité qui est due à la nature des démons.

 

          Mais c’est le contraire. Les pécheurs se sont soumis aux démons en péchant. Il est donc juste qu’ils lui soient soumis pour la peine et qu’ils soient en quelque sorte punis par lui.

 

          Conclusion Comme les bienheureux s’éclairent mutuellement à la façon des anges qui transmettent les matières divines, de même il est probable que les démons tourmenteront les damnés.

          Il faut répondre qu’à cet égard le Maître des sentences (Sent. 4, dist. 47) exprime deux opinions qui semblent l’une et l’autre convenir à la justice de Dieu. Car de ce que l’homme pèche il est soumis avec justice au démon, quoique le démon soit injustement à sa tête. Par conséquent, l’opinion qui suppose que les démons ne seront pas à la tête des hommes pour les punir après le jour du jugement, se rapporte à l’ordre de la justice divine relativement aux démons qui punissent. Mais l’opinion contraire se rapporte à l’ordre de la justice divine de la part des hommes qui sont punis. Nous ne pouvons savoir avec certitude laquelle des deux est la plus véritable. Cependant ce qui me paraît le plus vrai, c’est que comme l’ordre subsistera dans les élus, de manière qu’ils seront illuminés et perfectionnés les uns par les autres, parce que tous les ordres de la hiérarchie céleste seront perpétuels ; de même l’ordre sera conservé dans les châtiments de telle sorte que les hommes soient punis par les démons et que le plan divin d’après lequel les anges tiennent le milieu entre la nature humaine et la nature divine ne soit pas totalement détruit et anéanti. C’est pourquoi comme les lumières divines arrivent aux hommes par le moyen des bons anges, de même les démons seront aussi les exécuteurs de la justice divine sur les méchants. Mais cela ne diminuera en rien la peine des démons parce qu’ils seront tourmentés par cela même qu’ils tourmenteront les autres. Car la société des malheureux n’adoucira pas là la misère, mais elle l’augmentera.

 

Article 5 : Tous les hommes comparaîtront-ils au jugement ?

 

          Objection N°1. Il semble que tous les hommes ne comparaîtront pas au jugement. Car il est dit (Matth., 19, 28) : Vous serez assis sur douze sièges, jugeant les douze tribus d’Israël. Or, tous les hommes n’appartiennent pas à ces douze tribus. Il semble donc qu’ils ne comparaîtront pas tous au jugement.

          Réponse à l’objection N°1 : Comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 20, chap. 5) il ne faut pas croire parce qu’il a été dit jugeant les douze tribus d’Israël, que la tribu de Lévi qui est la treizième ne devra pas être jugée, ou qu’ils ne jugeront que ce peuple et non les autres nations. C’est pourquoi les douze tribus signifient toutes les autres nations que le Christ a appelées à l’héritage des douze tribus.

 

          Objection N°2. C’est ce que semblent aussi indiquer ces paroles (Ps. 1, 6) : Les impies ne ressusciteront pas au jugement. Or, il y a beaucoup d’hommes qui sont impies. Il semble donc qu’ils ne comparaîtront tous.

          Réponse à l’objection N°2 : Ces paroles : les impies ne ressusciteront pas au jugement, si elles se rapportent à tous les pécheurs doivent signifier qu’ils ne ressusciteront pas pour juger. Mais si par les impies on entend les infidèles, alors on doit comprendre qu’ils ne ressusciteront pas pour être jugés, parce qu’ils l’ont été déjà (Jean, chap. 3). Mais tout le monde ressuscitera pour comparaître au jugement afin d’y voir la gloire du juge.

 

          Objection N°3. On cite quelqu’un en jugement pour discuter ses mérites. Or, il y en a qui n’ont aucun mérite, comme les enfants morts avant l’âge de raison. Il ne sera donc pas nécessaire qu’ils comparaissent au jugement.

          Réponse à l’objection N°3 : Les enfants morts avant l’âge de raison comparaîtront aussi au jugement, non pour être jugés, mais pour voir la gloire du juge.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (Actes, 10, 42) que Le Christ a été établi par Dieu juge des vivants et des morts. Or, sous ces deux catégories on comprend tous les hommes de quelque manière que les vivants se distinguent des morts. Tous les hommes comparaîtront donc au jugement.

          Il est dit (Apoc., 1, 17) : Voilà qu’il est venu sur les nuées et tout œil le verra. Or, cela n’existerait pas si tous ne comparaissent pas au jugement. Donc, etc.

 

          Conclusion Comme le Christ a souffert pour tous (quoique tous ne sentent pas l’effet de sa passion), de même il convient que tous les hommes comparaissent au jugement dernier pour voir son exaltation dans la nature humaine.

          Il faut répondre que la puissance judiciaire a été accordée au Christ comme homme en récompense de l’humilité qu’il a montrée dans sa passion. Or, là il a répandu son sang d’une manière suffisante pour tout le monde, quoiqu’il n’ait pas produit son effet sur tous à cause des obstacles qu’il a rencontrés dans quelques-uns. C’est pour cela qu’il est convenable que tous les hommes soient réunis au jugement pour voir son exaltation dans la nature humaine, d’après laquelle Dieu l’a établi juge des vivants et des morts.

 

Article 6 : Les bons seront-ils jugés au jugement ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’aucun des bons ne sera jugé au jugement. Car il est dit (Jean, 3, 18) : Celui qui croit en lui n’est pas jugé. Or, tous les bons ont cru en lui. Ils ne seront donc pas jugés.

          Réponse à l’objection N°1 : La punition étant un effet de la justice et la récompense un effet de la miséricorde, on attribue plutôt pour ce motif par antonomase la punition au jugement, qui est un acte de la justice, de telle sorte qu’on prend quelquefois le jugement pour la condamnation elle-même, et c’est ainsi qu’on entend le passage cité, comme on le voit par la glose (or. sup. illud : Ut judicem mundum).

 

          Objection N°2. Ils ne sont pas heureux ceux dont la béatitude est incertaine. D’où saint Augustin prouve (Sup. Gen. ad litt., liv. 11, chap. 17) que les démons n’ont jamais été heureux. Or, les saints sont heureux maintenant. Ils sont donc surs de leur béatitude, et comme ce qui est certain n’est pas cité en jugement, il s’ensuit qu’ils ne seront pas jugés.

          Réponse à l’objection N°2 : La discussion des mérites dans les élus n’aura pas pour effet de détruire la certitude de la béatitude dans les cœurs de ceux qui doivent être jugés, mais de montrer à tous d’une manière manifeste que le bien l’a emporté en ex sur le mal et de faire voir ainsi la justice de Dieu.

 

          Objection N°3. La crainte répugne à la béatitude. Or, le jugement dernier qu’on dit très redoutable ne pourra pas avoir lieu sans inspirer de l’effroi à ceux qui devront être jugés. C’est ce qui fait dire à saint Grégoire (Mor., liv. 34, chap. 7) sur ces paroles de Job (41, 16) : Lorsqu’il s’avance, les anges craignent, etc. Considérons jusqu’à quel point la conscience des méchants sera bouleversée, lorsque la vie des justes elle-même sera troublée. Les bienheureux ne seront donc pas jugés.

          Réponse à l’objection N°3 : Saint Grégoire parle des justes qui existent encore dans leur chair mortelle. C’est pourquoi il avait dit auparavant : Ceux qui se trouveront encore dans leurs corps mortels, quoiqu’ils soient forts et parfaits, cependant par là même qu’ils seront de chair, ils ne pourront être manqué d’être glacés d’effroi dans ce moment de crainte et d’agitation. D’où il est évident que cette terreur doit se rapporter au temps qui précédera immédiatement le jugement, le temps le plus effroyable pour les méchants, mais non pour les bons qui n’auront rien de mauvais à redouter.

 

          Mais au contraire. Il semble que tous les bons seront jugés. Car il est dit (2 Cor., 5, 10) : Il faut que nous paraissions tous devant le tribunal du Christ pour que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites dans son corps. Or, c’est là être jugé. Donc tous les bons seront aussi jugés.

          L’universel embrasse tout. Or, ce jugement est appelé universel. Donc tous les hommes seront jugés.

 

          Conclusion Tous les bienheureux seront jugés quant à la rétribution des récompenses, mais par rapport à la discussion des mérites, ceux qui n’ont été mêlés au mal d’aucune manière ne seront pas jugés, tandis que ceux qui ont été embarrassés dans les affaires du siècle, mais qui ont expié leurs fautes par des aumônes, seront jugés et sauvés.

          Il faut répondre que deux choses appartiennent au jugement, la discussion des mérites et la rétribution des récompenses. Quant à la rétribution des récompenses tous les bons seront aussi jugés en ce que chacun recevra de la sentence divine une récompense qui réponde à son mérite. Mais les méchants ne se discutent qu’autant qu’il y a un certain mélange de bien et de mal. Ainsi pour ceux qui édifient sur le fondement de la foi l’or, l’argent et les pierres précieuses (1 Cor., chap. 3) et qui se livrant tout entiers au service de Dieu, ne se mêlent d’aucune manière au mal, la discussion des mérites n’a pas lieu à leur égard. Tels sont ceux qui ayant absolument renoncé au monde, ne pensent avec sollicitude qu’aux choses de Dieu. C’est pourquoi ils seront sauvés sans être jugés. Mais pour ceux qui bâtissent sur le fondement de la foi du bois, du foin, de la paille, c’est-à-dire pour ceux qui aiment encore les choses du siècle et qui sont attachés aux affaires de la terre, mais de telle sorte qu’ils ne préfèrent rien au Christ et qu’ils s’efforcent de racheter leurs péchés par des aumônes, il y a en eux un certain mélange de bien et de mal ; et c’est pour cela que la discussion du mérite a lieu à leur égard. Ils seront donc jugés sous ce rapport et ils seront néanmoins sauvés.

          Quant aux raisons données dans le sens contraire elles reposent sur le jugement considéré par rapport à la rétribution des récompenses.

 

Article 7 : Les méchants seront-ils jugés ?

 

          Objection N°1. Il semble qu’aucun des méchants ne sera jugé. Car, comme la damnation des infidèles est certaine, de même celle de ceux qui meurent dans le péché mortel. Or, à cause de la certitude de la damnation des premiers il est dit (Jean, 3, 18) : Celui qui ne croit pas est déjà jugé. Donc pour la même raison les autres pécheurs ne seront pas jugés non plus.

          Réponse à l’objection N°1 : Quoique ceux qui meurent dans le péché mortel soient certainement damnés, cependant comme ils ont des bonnes œuvres annexées à leurs fautes, il faut pour la manifestation de la justice divine que la discussion de leurs mérites ait lieu, et qu’on démontre ainsi qu’ils sont exclus avec justice de cette cité des saints à laquelle ils paraissent extérieurement appartenir numériquement.

 

          Objection N°2. La voix du juge est très terrible pour ceux qui sont condamnés par un jugement. Or, comme le dit le maître des Sentences (Sent. 4, dist. 47), d’après les paroles de saint Grégoire (Mor., liv. 26, chap. 20, int. princ. et med.), la parole ne sera pas adressée aux infidèles. Si donc elle l’était aux fidèles qui doivent être damnés, les infidèles retireraient un avantage de leur infidélité ; ce qui est absurde.

          Réponse à l’objection N°2 : Cette parole considérée en elle-même ne sera pas pénible pour les fidèles qui devront être condamnés, puisqu’elle manifestera en eux des choses qui lui plaisent et qui ne peuvent se rencontrer dans les infidèles ; parce que sans la foi il est impossible de plaire à Dieu (Héb., 11, 6). Mais la sentence de condamnation qui sera portée contre tout le monde sera terrible pour tous.

 

          Mais au contraire. Il semble que tous les méchants doivent être jugés. Car on infligera à tous les méchants une peine proportionnée à leur faute. Or, cela ne peut avoir lieu si le jugement n’a été prononcé. Donc tous les méchants seront jugés.

 

          Conclusion Les fidèles réprouvés subiront un jugement de discussion à cause du fondement de la foi, tandis que les infidèles seront condamnés comme des ennemis par le jugement seul qu’on appelle de rétribution.

          Il faut répondre que le jugement qui consiste dans la rétribution des peines selon leurs péchés convient à tous les méchants, tandis que le jugement qui consiste dans la discussion des mérites ne convient qu’aux fidèles. Car dans les infidèles le fondement de la foi n’existe pas, et ce fondement étant enlevé, toutes les œuvres qui suivent manquent de la droiture parfaite de l’intention. Il n’y a donc pas en eux un mélange de bonnes et de mauvaises œuvres qui exige une discussion. Mais les fidèles dans lesquels subsiste le fondement de la foi ont du moins l’acte de foi qui est louable. Quoiqu’il ne soit pas méritoire sans la charité, il se rapporte néanmoins, autant qu’il est en lui, au mérite ; et c’est pour cela que le jugement de discussion a lieu à leur égard. Par conséquent les fidèles qui ont été du moins numériquement les citoyens de la cité de Dieu seront jugés comme des citoyens contre lesquels on ne portera pas une sentence de mort sans avoir discuté leurs mérites ; tandis que les infidèles seront condamnés comme les ennemis qui ont coutume parmi les humains d’être exterminés sans que leurs mérites soient discutés.

          La raison donnée en sens contraire reposait sur le jugement de rétribution.

 

Article 8 : Les anges seront-ils jugés au jugement dernier ?

 

          Objection N°1. Il semble que les anges seront jugés au jugement dernier. Car il est dit (1 Cor., 6, 3) : Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ? Or, ces paroles ne peuvent se rapporter à l’état de la vie présente. Elles doivent donc se rapporter au jugement futur.

          Réponse à l’objection N°1 : Ce passage de l’Apôtre doit s’entendre du jugement de comparaison, parce qu’il y a des hommes qui seront trouvés supérieurs à certains anges.

 

          Objection N°2. Il est dit (Job, 40, 28) de Béhémoth ou de Léviathan, ce qui désigne le diable : Il sera précipité sous les yeux de tout le monde, et le démon dit au Christ (Marc, 1, 24) : Pourquoi êtes-vous venu nous perdre avant le temps ? Et la glose ajoute (ord. Bedæ) que les démons en voyant le Seigneur sur la terre croyaient qu’ils allaient être jugés. Il semble donc que le jugement final leur soit réservé.

          Réponse à l’objection N°2 : Les démons eux-mêmes seront alors précipités à la vue de tout le monde, parce qu’ils seront à jamais enfermés dans les cachots de l’enfer pour qu’il ne leur soit plus permis d’en sortir ; parce que cela ne leur était pas accordé, sinon en raison de la providence divine qui les a destinés à éprouver les hommes ici-bas.

 

          Objection N°3. Saint Pierre dit (2 Pierre, 2, 4) : Dieu n’a point épargné les anges qui ont péché, mais il les a précipités dans l’abîme où les ténèbres leur servent de chaînes, pour être tourmentés et tenus comme en réserve jusqu’au jugement. Il semble donc que les anges seront jugés.

          Réponse à l’objection N°3 : Il faut répondre de même qu’à l’objection N°2.

 

          Mais au contraire. Dieu, vous ne jugerez pas deux fois pour la même chose, d’après le prophète Nahum (1, vers. 9 selon les Septante). Or, les mauvais anges ont déjà été jugés. D’où il est dit (Jean, 16, 11) : Le prince de ce monde a déjà été jugé. Les anges ne seront donc plus jugés désormais.

          La bonté ou la malice des anges est plus parfaite que celle des hommes sur la terre. Or, parmi les hommes il y a des bons et des méchants qui ne sont pas jugés, comme il est dit (Sent. 4, dist. 17). Donc les anges bons ou mauvais ne le seront pas.

 

          Conclusion Puisqu’on ne peut rien trouver de mauvais dans les bons anges, ni rien de bon dans les mauvais, le jugement de discussion ne leur conviendra d’aucune manière, mais ils ont déjà été jugés quant à leurs propres mérites ; cependant ils seront jugés du jugement de rétribution par rapport aux mérites et aux démérites des hommes qu’ils auront portés à faire bien ou mal.

          Il faut répondre que le jugement de discussion n’a lieu d’aucune manière ni pour les bons, ni pour les mauvais anges ; parce qu’on ne peut rien trouver de mauvais dans les bons, ni rien de bon dans les mauvais qui appartienne au jugement. — Mais si nous parlons du jugement de rétribution alors il faut distinguer deux sortes de rétribution. L’une répond aux mérites propres des anges et elle a été obtenue par les uns et les autres dès le commencement, puisque les uns ont été élevés dans la béatitude et les autres plongés dans la misère. L’autre est celle qui répond aux mérites et aux démérites qui ont été produits par l’intermédiaire des anges. Celle-là aura lieu dans le jugement final. Car les bons anges auront une joie plus grande du salut de ceux qu’ils auront engagé à la mériter, et les mauvais seront plus tourmentés à mesure que se multipliera la chute des méchants qu’ils auront portés au mal. Ainsi, pour parler directement, le jugement ne sera pas le jugement des anges ni de la part de ceux qui jugeront, ni de la part de ceux qui doivent être jugés, mais ce sera le jugement des hommes. Il se rapportera cependant aux anges d’une manière indirecte, selon qu’ils auront été mêlés aux actions des hommes.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.