Saint Thomas d’Aquin - Somme Théologique

Supplément = 5ème partie

Question 99 : De la miséricorde et de la justice de Dieu par rapport aux damnés (Il est de foi que les peines des damnés seront éternelles de telle sorte qu’elles ne doivent jamais avoir de fin)

 

          Nous devons ensuite nous occuper de la justice et de la miséricorde de Dieu par rapport aux damnés. A cet égard cinq questions se présentent : 1° La peine éternelle est-elle infligée aux pécheurs d’après la justice divine ? — 2° La miséricorde divine mettra-t-elle un terme à la peine des hommes et des démons ? (Cet article est une réfutation de l’erreur d’Origène qui prétendait que les damnés et les impies seraient un jour délivrés de leurs peines par la miséricorde divine, ce qui est contraire à la foi catholique.) — 3° La peine des hommes du moins aura-t-elle un terme ? (D’après saint Thomas et la doctrine des thomistes il n’y aura pas de mitigation dans les peines de l’enfer ; la miséricorde s’exercera à l’égard des damnés en ce qu’ils seront toujours punis moins qu’ils le méritent, quelle que soit la sévérité du châtiment qui leur sera infligé.) — 4° La peine des chrétiens du moins en aura-t-elle un ? — 5° La peine de ceux qui ont fait des œuvres de miséricorde cessera-t-elle ? (Il est de foi que ceux qui ont fait des œuvres de miséricorde et qui sont morts en état de péché mortel devront être punis éternellement.)

 

Article 1 : La justice divine inflige-t-elle une peine éternelle aux pécheurs ?

 

          Objection N°1. Il semble que la justice divine n’inflige pas une peine éternelle aux pécheurs. Car la peine ne doit pas excéder la faute (Deut., 25, 2) : La mesure des coups sera proportionnée à l’étendue des fautes. Or, la faute est temporelle. La peine ne doit donc pas être éternelle.

          Réponse à l’objection N°1 : La peine ne doit pas être égale à la faute selon l’étendue de la durée, comme on le voit d’après l’application des lois humaines. — Ou bien il faut dire, comme le saint Grégoire (Dialog, liv. 4, chap. 44, ant. med.), que quoique la faute soit temporelle d’après l’acte, elle est cependant éternelle d’après la volonté.

 

          Objection N°2. De deux péchés mortels l’un est plus grand que l’autre. L’un doit donc être puni par une peine plus grande que l’autre. Et comme il n’y a aucune peine plus grande que la peine éternelle, puisqu’elle est infinie, la peine éternelle n’est pas due à tout péché mortel ; et si elle n’est pas due à l’un, elle n’est due à aucun, puisque leur distance n’est pas infinie.

          Réponse à l’objection N°2 : L’étendue de la peine répond à la gravité du péché d’après l’intensité. C’est pourquoi les péchés mortels inégaux auront des peines inégales en intensité, mais égales en durée.

 

          Objection N°3. La peine n’est infligée par un juste juge que pour qu’on se corrige. D’où il est dit (Eth., liv. 2, chap. 3) que les peines sont des médecines. Or, que les impies soient punis éternellement, ce n’est pas une chose qui serve à leur correction ni à celle des autres, puisqu’alors il ne doit plus y avoir personne qui puisse être corrigé par là. La justice divine n’inflige donc pas une peine éternelle pour les péchés.

          Réponse à l’objection N°3 : Les peines qui sont infligées à ceux qui ne sont pas absolument exclus de la société ont pour but leur correction ; au lieu que les peines qui retranchent absolument les individus de la société ne se rapportent pas à cette fin. Mais elles peuvent avoir pour but la conservation et la tranquillité des autres citoyens qui restent dans l’Etat. Ainsi la damnation éternelle des impies a pour fin la correction de ceux qui sont maintenant dans l’Eglise ; car les peines corrigent non seulement quand on les inflige, mais encore quand on les détermine.

 

          Objection N°4. Toutes les choses qu’on ne veut pas pour elles-mêmes on ne les veut que dans un intérêt quelconque. Or, Dieu ne veut pas les peines pour elles-mêmes, car il ne s’y délecte pas. Donc puisqu’il n’y a aucun avantage à retirer de la perpétuité des peines, il semble qu’on ne doive pas infliger ce châtiment au péché.

          Réponse à l’objection N°4 : Les peines des impies qui doivent durer éternellement ne seront pas absolument inutiles ; car elles servent à deux fins : 1° à faire observer en elles la justice divine qui est agréable à Dieu par elle-même. C’est ce qui fait dire à saint Grégoire (Dial., liv. 4, chap. 44) : Dieu tout-puissant ne prend pas plaisir au tourment des malheureux, parce qu’il est bon ; mais sa vengeance n’est jamais satisfaite à l’égard des impies, parce qu’il est juste. 2° Elles sont utiles en ce que les justes s’en réjouissent, lorsqu’ils contemplent en elles la justice de Dieu et qu’ils reconnaissent qu’ils ont échappé à ces peines. D’où il est dit (Ps. 57, 11) : Le juste se réjouira quand il verra la vengeance, et ailleurs (Is., 66, 24) : Les impies seront là pour la satisfaction de la vue, c’est-à-dire pour satisfaire les saints, comme le dit la glose (interl. et ord.). C’est la pensée de saint Grégoire qui dit (Dial., liv. 4, loc. cit.) : Tous les méchants condamnés au supplice éternel seront punis pour leur iniquité et cependant ils y brûleront encore pour une autre fin ; par exemple, pour que tous les justes voient en Dieu la joie qu’ils goûtent et qu’ils jugent d’après ces peines les supplices qu’ils ont évités : de telle sorte qu’ils se sentent d’autant plus redevables à la grâce divine dans l’éternité, qu’ils voient mieux les maux dont ils ont triomphé par son aide.

 

          Objection N°5. Rien de ce qui existe par accident n’est perpétuel, comme on le dit (De cælo et mundo, liv. 1, text. 15 et liv. 2, text. 18). Or, la peine s’applique à des choses par accident, puisqu’elle est contre nature. Elle ne peut donc pas être perpétuelle.

          Réponse à l’objection N°5 : Quoique la peine réponde à l’âme par accident, cependant elle répond par elle-même à l’âme souillée par le péché. Et parce que le péché subsistera en elle perpétuellement, il s’ensuit que la peine sera perpétuelle aussi.

 

          Objection N°6. La justice de Dieu paraît demander que les pécheurs soient réduits au néant : car par l’ingratitude on mérite de perdre les bienfaits qu’on a reçus. Or, l’être est un des bienfaits que Dieu nous a donnés. Il semble donc juste que le pécheur qui est ingrat envers Dieu perde l’être lui-même. Si les pécheurs sont réduits au néant, leur peine ne peut être perpétuelle. Par conséquent il ne semble pas conforme à la justice divine que les pécheurs soient éternellement punis.

          Réponse à l’objection N°6 : La peine répond à la faute, à proprement parler, selon le dérèglement qui se trouve en elle et non selon la dignité de celui contre lequel on pèche ; parce que dans ce cas une peine infinie en intensité répondrait à tout péché quel qu’il soit. Ainsi, quoiqu’on mérite de perdre l’être par là même qu’on pèche contre Dieu qui est l’auteur de l’être, cependant si l’on considère le dérèglement de l’acte lui-même il ne mérite pas la perte de l’être, parce que l’être est présupposé pour le mérite et le démérite, et qu’il n’est ni détruit ni corrompu par le dérèglement du péché. C’est pourquoi la peine due à une faute ne peut être la privation de l’être.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (Matth., 25, 46) : Ils iront, c’est-à-dire les pécheurs iront au supplice éternel.

          Ce que la récompense est au mérite la peine l’est à la faute. Or, d’après la justice divine une récompense éternelle est due au mérite temporel (Jean, 6, 40) : Quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle. Une peine éternelle est donc due aussi à une faute temporelle d’après la justice divine.

          D’après Aristote (Eth., liv. 5, chap. 5), la peine est déterminée d’après la dignité de celui contre lequel on pèche : ainsi celui qui donne un soufflet à un prince mérite une peine plus grande que celui qui frappe une autre personne. Or, quiconque pèche mortellement pèche contre Dieu dont il transgresse les préceptes et dont il distribue les honneurs à un autre, en plaçant dans un autre sa fin. Et comme la majesté de Dieu est infinie, il s’ensuit que celui qui pèche mortellement mérite une peine infinie, et par conséquent il semble qu’il soit juste d’être puni perpétuellement pour un péché mortel.

 

          Conclusion Puisque les pécheurs pèchent contre Dieu qui est éternel, il est convenable que la justice divine leur inflige une peine éternelle.

          Il faut répondre que la peine ayant une double gravité selon l’intensité de sa violence et selon la durée de son temps, l’étendue de la peine répond à l’étendue de la faute selon l’intensité de sa violence, de telle sorte que celui qui a commis la faute la plus grave doit subir la peine la plus violente. D’où il est dit (Apoc., 18, 7) : Tourmentez-la et affligez-la en proportion de ce qu’elle se sera glorifiée et qu’elle aura vécu dans les délices. Mais la durée de la peine ne répond pas à la durée de la faute, comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 21, chap. 11). Car l’adultère que l’on commet en un instant n’est pas puni par une peine d’un moment, même d’après les lois humaines. La durée de la peine se rapporte plutôt à la disposition du pécheur. Car quelquefois celui qui pêche dans une cité mérite par son crime d’être absolument repoussé de la société des citoyens, soit par un exil perpétuel, soit par la mort. Quelquefois on ne mérite pas d’être absolument exclu de la société des citoyens. C’est pourquoi pour qu’il puisse convenablement être membre de la cité, sa peine est prolongée ou raccourcie selon que sa guérison l’exige, pour qu’il puisse vivre convenablement et pacifiquement dans l’Etat. De même, d’après la justice divine, le péché rend celui qui le commet digne d’être absolument séparé de la cité de Dieu ; et cet effet produit par tout péché par lequel on blesse la charité, qui est le lien qui unit cette cité. C’est pour cela que pour un péché mortel qui est contraire à la charité, on est à jamais exclu de la société des saints et condamné à une peine éternelle. Car, comme le dit saint Augustin (in liv. prædict., ibid. à med.), pour ce qui est de cette cité mortelle, les hommes en sont exclus par le supplice de la première mort ; mais pour ce qui est de cette cité immortelle, ils en sont retranchés par le supplice de la seconde mort. Si le châtiment qu’inflige la cité terrestre n’est pas réputé éternel, cela n’a lieu que par accident, soit parce que l’homme ne subsiste pas perpétuellement, soit parce que la cité elle-même vient à défaillir. Par conséquent si l’homme vivait perpétuellement, la peine de l’exil et de la servitude que la loi humaine inflige subsisterait perpétuellement en lui. Mais pour ceux qui pèchent de telle façon qu’ils ne méritent pas d’être retranchés totalement de la cité sainte, comme ceux qui font des fautes vénielles, leur peine sera d’autant plus courte ou plus longue qu’ils auront plus ou moins besoin d’être purifiés, selon que ces péchés se sont attachés à eux plus ou moins ; ce que la justice divine observe dans les peines de ce monde et purgatoire. — Il y a encore d’autres raisons que les Pères ont données pour faire voir que l’on est à juste titre d’une peine éternelle pour un péché temporel. La première, c’est qu’en méprisant la vie éternelle on pèche contre le bien éternel. C’est aussi ce que dit saint Augustin (in prædict. liv., chap. 12 à princ.). Il s’est rendu digne d’une peine éternelle celui qui a détruit en lui un bien qui pouvait être éternel. Une autre raison c’est que l’homme a péché dans son éternité. D’où saint Grégoire dit (Dialog., liv. 4, chap. 44) : Il appartient à la grande justice du juge que ceux qui n’ont jamais voulu être sans péché en ce monde ne soient jamais sans supplice. Et si l’on objecte qu’il y en a qui pèchent mortellement et qui se proposent de mener une vie meilleure, et que par conséquent d’après ce raisonnement ils n’auraient pas mérité le supplice éternel, il faut répondre, d’après quelques-uns, que saint Grégoire parle de la volonté que l’œuvre manifeste. Car celui qui tombe dans le péché mortel par sa volonté propre se met dans un état dont il ne peut sortir qu’autant que Dieu vient à son aide. Ainsi par là même qu’il veut pécher, il veut conséquemment rester perpétuellement dans le péché. Car l’homme est un esprit qui va, c’est-à-dire qui se jette dans le péché et qui n’en revient pas par lui-même (Ps. 77, 39). C’est ainsi que dans le cas où on se jetterait dans une fosse d’où l’on ne pourrait sortir à moins qu’on ne fût aidé, on pourrait dire qu’on a voulu y rester éternellement, quelques que soient d’ailleurs les autres pensées qu’on ait pu avoir. Ou bien on peut dire et avec plus de raison que par là même qu’on pèche mortellement on met sa fin dans la créature. Et comme la vie entière se rapporte à la fin, on rapporte par là même sa vie entière à ce péché, et on voudrait y rester perpétuellement, s’il était impuni. C’est ce que dit saint Grégoire (Mor., liv. 34, chap. 16) sur ces paroles (Job, 41, 23) : On croirait que l’abime a la chevelure d’un vieillard) : Les pécheurs ont mis un terme à leur péché, parce qu’il y en a eu un à leur vie ; et ils auraient voulu vivre sans fin, pour pouvoir rester sans fin attachés à leurs iniquités, car ils désirent plus vivement le péché que la vie. On peut encore donner une autre raison pour laquelle la peine du péché mortel est éternelle ; c’est que par cette faute on pèche contre Dieu qui est infini. Par conséquent puisque la peine ne peut être infinie en intensité, parce que la créature n’est pas capable d’une qualité infinie, il est nécessaire qu’elle soit au moins infinie en durée. Il y a encore une quatrième raison qui revient au même : c’est que la faute subsiste éternellement, puisque la faute ne peut être remise sans la grâce que l’homme ne peut acquérir après la mort, et que la peine ne doit pas cesser tant que la faute subsiste.

 

Article 2 : La miséricorde divine mettra-t-elle un terme à la peine des damnés, des hommes aussi bien que des démons ?

 

          Objection N°1. Il semble que la miséricorde divine mette un terme à toute la peine des hommes aussi bien que des démons. Vous avez pitié de tous, Seigneur, parce que vous pouvez tout (Sag., 11, 24). Or, entre tous les êtres on comprend les démons, qui sont des créatures de Dieu. La peine des démons eux-mêmes sera donc limitée.

          Réponse à l’objection N°1 : Dieu a pitié de tout le monde autant qu’il est en lui. Mais parce que sa miséricorde est réglée par sa sagesse, il s’ensuit qu’elle ne s’étend pas à ceux qui s’en sont rendus indignes, comme les démons et les damnés qui se sont obstinés dans leur malice. Cependant on peut dire que la miséricorde s’exerce aussi sur eux, en ce qu’ils sont punis moins qu’ils le méritent, mais non en raison de ce qu’ils sont totalement délivrés de la peine.

 

          Objection N°2. Il est dit (Rom., 11, 32) : Dieu a tout compris sous le péché pour avoir pitié de tout le monde. Or, Dieu a renfermé les démons sous le péché, c’est-à-dire il a permis qu’ils y fussent renfermés. Il semble donc qu’il aura aussi pitié des démons.

          Réponse à l’objection N°2 : Cette répartition doit s’entendre de chaque genre d’individu et non de tous les individus de chaque genre, de manière que ce passage s’applique aux hommes tels qu’ils sont ici-bas. Car Dieu a eu pitié des Juifs et des gentils, mais il n’a pas eu pitié de tous les Juifs et de tous les gentils.

 

          Objection N°3. Comme le dit saint Anselme (Cur Deus homo, liv. 2, chap. 4) : Il n’est pas juste que Dieu laisse absolument périr la créature qu’il a faite pour la béatitude. Il semble donc, puisque toute créature raisonnable a été créée pour la béatitude, qu’il n’est pas juste qu’il permette qu’elle périsse entièrement.

          Réponse à l’objection N°3 : Saint Anselme veut dire que cela n’est pas juste par rapport à ce qui convient à la bonté divine, et il parle de la créature selon son genre. Car il ne convient pas à la bonté divine qu’un genre tout entier de créature n’atteigne pas la fin pour laquelle il a été fait. Ainsi il n’est pas convenable que tous les hommes ou que tous les anges soient damnés. Mais rien n’empêche que parmi les hommes ou les anges il y en ait qui périssent éternellement ; parce que ce que la volonté divine avait en vue s’accomplit dans les autres qui sont sauvés.

 

          Mais le contraire, c’est ce qui est dit (Matth., 25, 41) : Allez, maudits, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. Ils seront donc punis éternellement.

          Comme les bons anges sont devenus bienheureux en se tournant vers Dieu ; de même les mauvais anges sont devenus malheureux en se détournant de lui. Si donc le malheur des mauvais anges vient à finir un jour, la béatitude des bons aura aussi une fin ; ce qui répugne.

 

          Conclusion La miséricorde divine ne mettra un terme à aucune peine des hommes et des démons, soit d’après le témoignage de l’Ecriture, soit parce que d’une part la miséricorde s’étendait trop loin et que de l’autre elle serait trop resserrée.

          Il faut répondre que comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 21, chap. 17 et 23) : Ce fut l’erreur d’Origène de croire qu’un jour la miséricorde de Dieu délivrerait les démons de leurs peines. Mais cette erreur a été condamnée par l’Eglise pour deux raisons : 1° Parce qu’elle est manifestement contraire à l’autorité de l’Ecriture qui s’exprime ainsi (Apoc., 20, 9) : Le diable qui les séduisit fut jeté dans un étang de feu et de soufre, où la bête et les faux prophètes seront tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles. Par ces paroles l’Ecriture a coutume de désigner l’éternité. 2° Parce que d’une part elle donnait trop d’extension à la miséricorde de Dieu, et que de l’autre elle la resserrait trop. Car il semble que c’est la même raison qui fait que les bons anges subsistent dans la béatitude éternelle, et que les mauvais anges sont éternellement punis. Par conséquent tout en supposant que les démons et les âmes des damnés devront être un jour délivrés de leur peine, il supposait de même que les anges et les âmes des bienheureux devront être un jour précipités de la béatitude dans les misères de cette vie.

 

Article 3 : La miséricorde divine souffrira-t-elle que les hommes soient punis éternellement ?

 

          Objection N°1. Il semble que la miséricorde divine ne souffre pas du moins que les hommes soient punis éternellement. Car il est dit (Gen., 6, 3) : Mon esprit ne demeurera pas éternellement dans l’homme, parce qu’il est chair, et le mot esprit se prend dans cet endroit pour l’indignation, comme l’observe la glose (interl.). Donc puisque l’indignation de Dieu n’est rien autre chose que son châtiment, l’homme ne sera pas puni éternellement.

          Réponse à l’objection N°1 : Ce passage doit s’entendre de l’homme selon son genre ; parce que l’indignation de Dieu a été un jour éloignée du genre humain par l’avènement du Christ. Mais ceux qui n’ont pas voulu rester dans cette réconciliation que le Christ a opérée ont perpétué la colère divine en eux ; puisqu’il n’y a pas pour nous d’autre mode de réconciliation que celui qui nous est accordée par le Christ.

 

          Objection N°2. la charité des saints ici-bas fait qu’ils prient pour leurs ennemis. Comme ils auront alors une charité plus parfaite, ils prieront donc pour leurs ennemis qui seront damnés. Et leurs prières ne pouvant pas être vaines, puisqu’ils sont très agréables à Dieu, il s’ensuit qu’elles obtiendront de la miséricorde divine que les damnés soient un jour délivrés de leurs peines.

          Réponse à l’objection N°2 : Comme le disent saint Augsutin (De civ. Dei, liv. 21, chap. 24) et saint Grégoire (Mor., liv. 34, chap. 16 et Dialog., liv. 4, chap. 44), les saints ici-bas prient pour leurs ennemis, afin qu’ils se convertissent à Dieu, puisqu’ils peuvent encore le faire. Car si nous savions qu’ils sont réprouvés, nous ne prierons pas plus pour eux que pour les démons. Et parce qu’après cette vie ceux qui meurent sans la grâce ne seront plus en mesure de se convertir, ni l’Eglise militante, ni l’Eglise triomphante ne priera plus pour eux. Car ce que l’on doit demander pour eux, d’après l’Apôtre (2 Tim., 2, 25) : C’est que Dieu leur donne l’esprit de pénitence, et qu’ils sortent des pièges des démons.

 

          Objection N°3. La prédiction que Dieu a faite de l’éternité de la peine des damnés appartient à la prophétie comminatoire. Or, cette prophétie ne s’accomplit pas toujours ; ce qui est évident d’après ces paroles de Jonas (chap. 3) au sujet de la ruine de Ninive qui ne fut pas renversée, comme l’avait prédit ce prophète qui en fut contristé. Il semble donc que la menace de la peine éternelle sera beaucoup plus commuée par la miséricorde divine en une sentence plus douce, puisqu’elle ne pourra attrister personne et qu’elle sera au contraire pour tous un sujet de joie.

          Réponse à l’objection N°3 : La prophétie comminatoire d’une peine n’est changée que quand les mérites de celui contre lequel la menace est faite changent eux-mêmes. D’où il est dit (Jérem., 18, 7) : En un instant je prononce l’arrêt contre un peuple et contre un royaume pour le perdre et pour le détruire jusqu’à la racine. Si cette nation fait pénitence des maux pour lesquels je l’avais menacée, je me repentirai aussi moi-même du mal que j’avais résolu de lui faire. Par conséquent puisque les mérites des damnés ne peuvent changer, la menace de la peine s’accomplit toujours en eux. — Néanmoins la prophétie comminatoire s’accomplit toujours dans un sens. Car comme le dit saint Augustin (in prædict. liv., ibid.) : La Ninive qui était mauvaise fut renversée et la bonne qui n’existait pas fut édifiée ; car tout en laissant debout ses murailles et ses maisons, la cité dont les mœurs étaient déréglées fut anéantie.

 

          Objection N°4. C’est aussi ce que démontrent ces paroles (Ps. 76, 8) : Dieu sera-t-il irrité éternellement ? Or, la colère de Dieu est sa punition. Donc, etc.

          Réponse à l’objection N°4 : Ce passage des Psaumes se rapporte aux vases de miséricorde qui ne se sont pas rendus indignes de cette faveur ; parce que dans cette vie (qui est quelquefois appelée la colère de Dieu à cause de ses misères) il change en les améliorant ses vases de miséricorde. C’est pourquoi le Psalmiste ajoute : Ce changement est l’œuvre de la droite du Très-Haut. — Ou bien il faut dire que cela s’entend de la miséricorde qui remet quelque chose de la peine, et non de la miséricorde qui en délivre totalement, en s’étendant aux damnés. Ainsi il ne dit pas : continebit ab ira misericordias sua, mais in ira ; parce que la peine ne sera pas détruite totalement ; mais pendant qu’elle subsistera, la miséricorde opérera en la diminuant.

 

          Objection N°5. Sur ces paroles (Is., 14, 19 : Mais toi, tu as été jeté loin, etc.) la glose dit (interl.) : Et quand toutes les âmes auraient un jour du repos, tu n’en auras jamais ; et elle parle du diable. Il semble donc que toutes les âmes humaines seront un jour délivrées de leurs peines.

          Réponse à l’objection N°5 : Cette glose ne parle pas absolument, mais d’après une hypothèse impossible pour faire concevoir la grandeur du péché du diable lui-même ou de Nabuchodonosor.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit tout à la fois des élus et des réprouvés (Matth., 25, 46) : Ceux-ci iront au supplice éternel, tandis que les justes iront à la vie éternelle. Or, il répugne de supposer que la vie des justes ait un jour un terme. Il répugne donc aussi de supposer que le supplice des réprouvés ait une fin.

          Comme le dit saint Jean Damascène (Orth. fid., liv. 2, chap. 4) : La mort est aux hommes ce que la chute est aux anges. Or, les anges n’ont pu être relevés après leur chute. Les hommes ne pourront pas l’être après leur mort et par conséquent le supplice des réprouvés n’aura jamais de terme.

 

          Conclusion Puisque les hommes qui meurent sans la charité sont obstinés dans leur malice de la même manière que les démons, la peine de l’enfer sera perpétuelle pour les uns comme pour les autres.

          Il faut répondre que comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 21, chap. 17 et 18) : Il y en a qui se sont écartés de l’erreur d’Origène en prétendant que les démons seront punis éternellement, mais que tous les hommes seront un jour délivrés de leur peine, même les infidèles. Mais cette supposition est absolument déraisonnable. Car comme les démons sont obstinés dans leur malice et qu’ils doivent être pour ce motif perpétuellement punis ; ainsi il en est des âmes des hommes qui meurent sans la charité, puisque la mort est aux hommes ce que la chute est aux anges, suivant la pensée de saint Jean Damascène.

 

Article 4 : La miséricorde divine mettra-t-elle un terme à la peine des chrétiens qui sont damnés ?

 

          Objection N°1. Il semble que la miséricorde divine mettra du moins un terme aux peines des chrétiens. Car il est dit (Marc (16, 16) : Celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé. Or, tous les chrétiens en sont là. Ils seront donc tous finalement sauvés.

          Réponse à l’objection N°1 : Le Seigneur parle en cet endroit de la foi formée qui opère par l’amour, dans laquelle on ne peut mourir sans être sauvé. Il n’y a pas que l’erreur de l’infidélité qui soit opposée à cette foi, mais encore tout péché mortel.

 

          Objection N°2. Il est dit (Jean, 6, 55) : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. Or, telle est la nourriture commune et tel est le breuvage des chrétiens. Tous les chrétiens seront donc finalement sauvés.

          Réponse à l’objection N°2 : Ces paroles du Seigneur ne s’entendent pas de ceux qui ne mangent que sacramentellement, et qui en le recevant quelquefois indignement mangent et boivent leur jugement, d’après saint Paul (1 Cor., chap. 16). Mais il parle de ceux qui mangent spirituellement et qui lui sont incorporés par la charité, incorporation que produit la manducation sacramentelle, si on s’en approche dignement. Il conduit donc à la vie éternelle pour ce qui est de la vertu du sacrement, quoiqu’on puisse être privé de ce fruit par le péché, même après l’avoir reçu dignement.

 

          Objection N°3. Saint Paul dit (1 Cor., 3, 15) : Si l’ouvrage de quelqu’un est brûlé, il en souffrira un dommage ; néanmoins pour lui il sera sauvé, mais comme ayant passé par le feu, et il parle ainsi de ceux qui ont eu le fondement de la foi chrétienne. Ils seront donc tous finalement sauvés.

          Réponse à l’objection N°3 : Le fondement dans ce passage de l’Apôtre s’entend de la foi formée, sur laquelle celui qui aura bâti des péchés véniels éprouvera une perte, parce que Dieu l’en punira ; mais il sera néanmoins finalement sauvé comme par le feu (Voyez l’explication de ce passage dans les commentaires de saint Thomas sur saint Paul (1 Cor., lect. 3 in chap. 3).), soit de la tribulation temporelle, soit de la peine du purgatoire qui aura lieu après la mort.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (1 Cor., chap. 6) : Les méchants ne posséderont pas le royaume de Dieu. Or, il y a des chrétiens qui sont méchants. Ils ne parviendront donc pas tous au royaume de Dieu et par conséquent ils seront punis éternellement.

          Il est dit (2 Pierre, 2, 21) : Il aurait mieux valu pour eux qu’ils n’eussent point connu la voie de la justice que de retourner en arrière après l’avoir connue et d’abandonner la loi sainte qui leur a été donnée. Or, ceux qui n’ont pas connu la voie de la vérité seront punis éternellement. Donc aussi les chrétiens qui l’ont quittée après l’avoir connue.

 

          Conclusion Il n’y a que les chrétiens qui persévèrent finalement dans la foi catholique et qui seront trouvés finalement purs de toutes les autres fautes, qui seront exempts de la peine éternelle.

          Il faut répondre qu’il y a eu des auteurs, comme le dit saint Augustin (in prædicto liv., De civ. Dei, liv. 21, chap. 20 et 21), qui n’ont pas promis à tous les hommes la délivrance de la peine éternelle, mais qui ne l’ont promise qu’aux chrétiens, et ils ont été à ce sujet de sentiments différents. Car il y en a qui ont dit que tous ceux qui ont reçu les sacrements de la foi seront exempts de la peine éternelle. Mis ceci est contraire à la vérité. Car il y en a qui reçoivent les sacrements de la foi et qui n’ont pas la foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (Héb., 11, 6). — C’est pourquoi d’autres ont dit qu’il n’y a que ceux qui ont reçu les sacrements de la foi et qui ont conservé la foi catholique qui seront exempts de la peine éternelle. Mais ce qui paraît contraire à ce sentiment c’est que ceux qui ont la foi catholique et qui s’en écartent ensuite, ne méritent pas une peine plus légère, mais une plus grande ; car il aurait mieux valu pour eux ne pas connaître la voie de la justice que de la quitter après l’avoir connue (2 Pierre, 2, 21). Il est aussi évident que les hérésiarques qui s’éloignent de la foi catholique pour créer de nouvelles hérésies pèchent plus que ceux qui ont suivi une hérésie dès le commencement. — C’est pour cela que d’autres ont dit qu’il n’y aura d’exempts des peines éternelles que ceux qui persévèrent dans la foi catholique, quels que soient d’ailleurs les autres crimes qu’ils aient faits. Mais cela est manifestement contraire à l’Ecriture. Car il est dit (Jac., 2, 20) : La foi sans les œuvres est morte, et ailleurs (Matth., 7, 21) : Ce n’est pas celui qui me dit : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux ; et dans une foule d’autres endroits l’Ecriture menace les pécheurs des peines éternelles. Tous ceux qui persistent finalement dans la foi ne seront donc pas exempts de la peine éternelle, à moins qu’ils n’aient été finalement absous de leurs fautes.

 

Article 5 : Tous ceux qui opèrent des œuvres de miséricorde seront-ils punis éternellement ?

 

          Objection N°1. Il semble que tous ceux qui font des œuvres de miséricorde ne seront pas punis éternellement, mais seulement ceux qui négligent ces œuvres. Car il est dit (Jacques, 2, 13) : Il y aura un jugement sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, et ailleurs (Matth., 5, 7) : Bienheureux ceux qui sont miséricordieux parce qu’ils obtiendront miséricorde.

          Réponse à l’objection N°1 : Ils obtiendront miséricorde ceux qui font des œuvres de miséricorde comme elles doivent être faites. Mais ils ne les font pas comme elles doivent être faites, ceux qui se négligent eux-mêmes en les faisant, ils sont plutôt leurs propres ennemis en agissant mal. C’est pourquoi ils n’obtiendront pas la miséricorde qui absout totalement, quoiqu’ils obtiennent une miséricorde qui retranche quelque chose des peines qu’ils devaient subir.

 

          Objection N°2. L’Evangile (Matth., chap. 25) établit une discussion du Seigneur à l’égard des réprouvés et des élus. Or, cette discussion n’a pour objet que les œuvres de miséricorde qu’ils auront omises, et par conséquent, etc.

          Réponse à l’objection N°2 : La discussion ne roule pas seulement sur les œuvres de miséricorde, parce qu’on sera puni éternellement pour leur négligence exclusivement, mais parce qu’après avoir péché on sera délivré de la peine éternelle, si on a obtenu son pardon par des œuvres de miséricorde, en se faisant des amis avec l’argent de l’iniquité (Luc, chap. 9).

 

          Objection N°3. Il est dit (Matth., 6, 12) : Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés, et plus loin : Car si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi les vôtres. Il semble donc que les miséricordieux qui pardonnent aux autres leurs péchés, obtiendront aussi le pardon des leurs, et que par conséquent ils ne seront pas punis éternellement.

          Réponse à l’objection N°3 : Le Seigneur parle ainsi à ceux qui demandent qu’on leur remette leur dette, mais non à ceux qui persistent dans le péché. C’est pourquoi les pénitents seuls obtiendront pleinement leur pardon par des œuvres de miséricorde.

 

          Objection N°4. Sur ces paroles (1 Tim., chap. 4) : La piété est utile à tout, la glose de saint Ambroise dit (alius auct.) : Tout l’abrégé de la doctrine chrétienne consiste dans la miséricorde et la piété : celui qui la suit s’il éprouve l’infirmité de la chair sera sans doute puni, mais il ne périra pas ; au lieu que si on n’a exercé que le corps, on souffrira des peines éternelles. Donc ceux qui se livrent aux œuvres de miséricorde et qui commettent des péchés charnels ne seront pas éternellement punis, et par conséquent, etc.

          Réponse à l’objection N°4 : La glose de saint Ambroise parle de l’infirmité du péché véniel dont on sera absous au moyen des œuvres de miséricorde après les peines du purgatoire qu’il appelle une punition. — Ou bien s’il s’agit du péché mortel il faut l’entendre dans le sens que ceux qui sont encore sur cette terre et qui tombent dans des péchés charnels par fragilité sont disposés à la pénitence par des œuvres de miséricorde. Celui qui en est là ne périra donc pas, c’est-à-dire il sera disposé par ces œuvres à ne pas périr avec le secours de la grâce qu’il recevra du Seigneur qui est béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

          Mais c’est le contraire. Il est dit (1 Cor., 6, 9) : Ni les fornicateurs ni les adultères ne possèderont le royaume de Dieu. Or, il y en a beaucoup qui s’exercent aux œuvres de miséricorde et qui sont dans ce cas. Tous les miséricordieux ne parviendront donc pas au royaume éternel, et par conséquent il y en a qui seront punis éternellement.

          Il est dit (Jac., 2, 10) : Quiconque ayant gardé toute la loi, la viole en un seul point, est coupable comme l’ayant violée tout entière. Donc celui qui observe la loi quant aux œuvres de miséricorde et qui néglige les autres sera coupable de la transgression de la loi, et sera par conséquent puni éternellement.

 

          Conclusion Puisque rien ne peut servir à la vie éternelle sans la charité ; ni la foi, ni les œuvres de miséricorde ne délivreront de la peine éternelle ceux qui sont morts avec le péché mortel.

          Il faut répondre que, comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, liv. 21, chap. 22), il y en a qui ont prétendu que l’exemption de la peine éternelle n’aurait pas lieu pour tous ceux qui ont la foi catholique, mais seulement pour ceux qui se livrent aux œuvres de miséricorde, quoiqu’ils aient d’autres péchés. Mais cela ne peut se soutenir ; parce que sans la charité rien ne peut être agréable à Dieu, et sans elle rien n’est utile pour la vie éternelle. Cependant il y en a qui se livrent aux œuvres de miséricorde et qui n’ont pas la charité. Rien ne leur sert donc pour mériter la vie éternelle ou l’exemption de la peine éternelle, comme on le voit (1 Cor., chap. 13). Cela paraît surtout absurde à l’égard des ravisseurs qui dérobent une foule de choses et qui font cependant quelques œuvres de miséricorde. C’est pourquoi il faut dire que tous ceux qui meurent en état de péché mortel, ne seront délivrées de la peine éternelle ni par la foi, ni par les œuvres de miséricorde, même après un espace de temps quel qu’il soit.

 

Copyleft. Traduction de l’abbé Claude-Joseph Drioux et de JesusMarie.com qui autorise toute personne à copier et à rediffuser par tous moyens cette traduction française. La Somme Théologique de Saint Thomas latin-français en regard avec des notes théologiques, historiques et philologiques, par l’abbé Drioux, chanoine honoraire de Langres, docteur en théologie, à Paris, Librairie Ecclésiastique et Classique d’Eugène Belin, 52, rue de Vaugirard. 1853-1856, 15 vol. in-8°. Ouvrage honoré des encouragements du père Lacordaire o.p. Si par erreur, malgré nos vérifications, il s’était glissé dans ce fichier des phrases non issues de la traduction de l’abbé Drioux ou de la nouvelle traduction effectuée par JesusMarie.com, et relevant du droit d’auteur, merci de nous en informer immédiatement, avec l’email figurant sur la page d’accueil de JesusMarie.com, pour que nous puissions les retirer. JesusMarie.com accorde la plus grande importance au respect de la propriété littéraire et au respect de la loi en général. Aucune évangélisation catholique ne peut être surnaturellement féconde sans respect de la morale catholique et des lois justes.