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Saint Thomas d'Aquin
Chaîne d'Or sur l'Evangile selon Saint Matthieu

CHAPITRE XXI
vv. 1-9.
Remi. Nous avons vu plus haut que Notre-Seigneur ayant quitté la Galilée, se dirigeait vers Jérusalem. Après avoir raconté ce qui arriva dans ce trajet, l’Évangéliste poursuit son récit : « Et lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et qu’ils furent arrivés à Bethphagé, » etc. Bethphagé était un bourg habité par les prêtres, et situé sur un des versants de la montagne des Oliviers, à un mille de Jérusalem. Les prêtres qui desservaient le temple à des jours déterminés, s’y retiraient pour y demeurer, après avoir rempli leur ministère dans l’ordre qui leur était assigné. Ceux qui venaient réclamer leur ministère s’y arrêtaient également, car il était défendu par la loi de faire, le jour du sabbat, plus d’un mille de chemin. — Orig. C’est à cause de cette destination que le nom de Bethphagé est interprété la maison des mâchoires, parce que la mâchoire était la partie de la victime qui était réservée aux prêtres par la loi.

 

« Alors Jésus envoya, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il ne dit pas aux deux disciples : Vous direz : Ton Seigneur ou Notre-Seigneur en a besoin, mais « le Seigneur, » afin qu’ils comprennent bien que je suis le seul Seigneur, non seulement des animaux, mais encore de tous les hommes ; car les pécheurs eux-mêmes m’appartiennent par leur nature, et ils ne sont au démon que par leur volonté. — S. Chrys. (hom. 66.) Ne regardez pas cette circonstance comme de peu d’importance. Car qui a pu persuader aux maîtres de ces animaux de ne pas s’opposer à ce qu’on les emmenât, et, bien plus, de les laisser aller sans mot dire. Jésus veut ainsi apprendre à ses disciples qu’il pourrait, mais qu’il ne veut pas s’opposer aux desseins des Juifs contre lui. Il leur enseigne encore à donner tout ce qu’on leur demandera ; car si des gens, qui ne connaissaient pas Jésus-Christ, ont accordé aussi volontiers ce qui leur était demandé, à plus forte raison les disciples doivent-ils donner volontiers à tout le monde — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces paroles : « Et il les renverra, » peuvent signifier que lorsque Notre-Seigneur fut entré à Jérusalem, il renvoya cet animal à son maître. — La Glose. Ou bien le maître de ces animaux les laissera aller pour qu’ils soient consacrés au service du Seigneur. L’Évangéliste joint à ce fait le témoignage du prophète pour montrer que le Sauveur a fidèlement accompli tout ce qui avait été prédit de lui, mais que les scribes et les pharisiens, aveuglés par la jalousie, n’ont pas voulu comprendre ce qu’ils lisaient.

 

« Or, tout cela s’est fait, afin que cette parole du prophète, c’est-à-dire de Zacharie, fut accomplie. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Car ce prophète, connaissant par avance la malice des Juifs, qui devaient contredire le Christ à son entrée dans le temple, leur a donné ce signe auquel ils reconnaîtraient leur roi : « Dites à la fille de Sion : Voici, » etc. — Rab. La fille de Sion, dans le sens historique, signifie la ville de Jérusalem qui est située sur la montagne de Sion ; mais dans le sens mystique, elle signifie l’Église des fidèles qui fait partie de la Jérusalem céleste. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Voici, est une expression indicative ; voici, c’est-à-dire : considérez les oeuvres de ses vertus, non des yeux du corps, mais des yeux spirituels de l’âme. Bien longtemps avant la naissance de Jésus-Christ, le prophète dit : Voici, pour montrer que celui dont il parlait était votre, roi même avant de naître. Lors donc que vous le verrez, ne dites pas : « Nous n’avons d’autre roi que César. » Si vous le comprenez bien, il vient à vous pour vous sauver ; mais il vient pour vous perdre, si vous ne savez pas le reconnaître. « Il est plein de douceur, » c’est-à-dire qu’il ne vient pas pour se faire craindre par sa puissance, mais pour se faire aimer par sa douceur. C’est pour cela qu’il n’est pas assis sur un char doré, revêtu d’une pourpre éclatante ; il ne monte pas non plus un coursier fougueux, avide de lutte et de combats, mais sur une ânesse, amie de la tranquillité et de la paix : « Monté sur une ânesse, » etc.

 

S. Aug. (de l’accord des Evang., II, 66.) Il y a quelque différence dans la manière dont les Évangélistes rapportent ce témoignage du prophète, saint Matthieu le cite en disant que le prophète fait mention expresse de l’ânesse ; mais dans saint Jean, la citation est différente, ainsi que dans la version de l’Écriture en usage dans l’Église. La raison en est que saint Matthieu écrivit son Évangile en hébreu. Or, il est certain que la traduction des Septante s’écarte quelquefois du texte hébreu, au témoignage de ceux qui connaissent cette langue, et qui ont traduit les livres saints sur ce texte primitif. Si l’on me demande d’où vient cette différence, la meilleure raison qu’on en puisse donner, à mon avis, c’est que les Septante ont traduit les saintes Écritures selon l’esprit qui les avait dictées ; et l’admirable accord qui parut dans leur travail en est une preuve. S’ils présentent dans leur version quelques variantes de mots, tout en restant fidèles au dessein de Dieu, dont ils traduisaient les paroles, cela ne prouve autre chose que ce que nous admirons dans la concordance qui existe entre les Évangélistes, malgré quelques légères diversités ; c’est-à-dire qu’il n’y a rien de contraire à la vérité lorsque le récit de l’un d’entre eux, tout en étant différent d’expressions, n’est cependant pas opposé à la pensée et à l’intention de celui avec lequel il doit s’accorder. Cette observation nous est utile pour notre conduite, elle nous apprend à éviter tout mensonge ; elle n’est pas moins utile pour la foi, en nous enseignant que la vérité n’est ni défendue ni garantie par certaines expressions consacrées, et que Dieu n’attache pas aux mots qui expriment la vérité la même importance qu’à la vérité elle-même. Au contraire, les mots n’ont qu’une importance tellement relative pour exprimer la vérité, que nous ne devrions nullement nous en préoccuper si nous pouvions connaître la vérité sans leur secours, comme Dieu la connaît, et comme la connaissent en lui ses anges.

 

« Les disciples s’en allèrent donc, et amenèrent l’ânesse. » — S. Aug. (comme ci-dessus.) Les autres Évangélistes ne disent rien de l’ânesse. On ne devrait nullement être surpris, alors même que saint Matthieu n’aurait rien dit du petit de l’ânesse, comme les autres n’ont rien dit de l’ânesse elle-même. On doit donc beaucoup moins s’étonner qu’un seul Évangéliste ait fait mention de l’ânesse, dont les autres n’ont rien dit, sans oublier l’ânon dont ils ont parlé. Car lorsqu’on peut admettre que deux faits ont eu réellement lieu, il n’y a plus de contradiction possible, même quand chacun d’eux n’est raconté que par un seul Évangéliste, à plus forte raison lorsqu’un de ces deux faits étant raconté par un seul, un autre Évangéliste les raconte tous les deux.

 

« Et ils les couvrirent de leurs vêtements, et le firent monter dessus » — S. JéR. Il est difficile d’admettre que Notre-Seigneur ait monté sur ces deux animaux dans un si court trajet, et puisque le fait historique présente une impossibilité ou une inconvenance, il faut nous élever plus haut jusqu’au sens spirituel. — REMI. Cependant il n’est pas absolument impossible que le Seigneur ait monté sur ces deux animaux. — S. Chrys. (hom. 66.) Mais ce n’est pas seulement pour une raison mystérieuse que Notre-Seigneur fit son entrée dans la ville sur une ânesse, c’est aussi pour nous donner une leçon d’humilité, et nous apprendre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des chevaux à son service, mais qu’il suffit d’un âne, et qu’il faut se borner à ce qui est indispensable. Or, demandez aux Juifs quel est le roi qui a fait son entrée. dans Jérusalem monté sur un âne, et ils ne pourront vous en montrer d’autres que Jésus-Christ seul.

 

S. Jér. Cette grande multitude de peuples qui était venue de Jéricho à la suite du Sauveur, étendit ses vêtements sur le chemin, et le joncha de branches d’arbres comme le raconte l’auteur sacré : « Une grande multitude étendit ses vêtements, » etc. ils les étendirent là où l’âne devait passer pour qu’il ne vînt point à se heurter contre les pierres, à marcher sur les épines, ou à tomber dans un fossé.

 

 « D’autres coupaient des branches d’arbres, et les jetaient sur la route, » c’étaient des branches d’arbres fruitiers, dont la montagne des Oliviers était couverte. A toutes ces démonstrations, ils ajoutent le témoignage de leurs paroles : « Et tous ensemble, tant ceux qui allaient devant lui que ceux qui le suivaient, criaient : Hosanna au Fils de David. » Expliquons en peu de mots ce que signifie le mot hosanna. Dans le psaume CXVII, qui a évidemment pour objet l’avènement du Sauveur, nous lisons entre autres choses : « O Seigneur, sauvez-moi, Seigneur, faites-moi prospérer (ou soyez-moi propice), béni soit celui qui doit venir au nom du Seigneur. » Dans l’hébreu, au lieu de la version des Septante : « O Seigneur, sauvez-moi, » on lit : Anna, adonai, osianna, ce que Symmaque a traduit plus clairement par ces mots : « Je vous en prie, Seigneur ; sauvez-moi. » On ne peut donc admettre que cette locution soit composée de deux mots, l’un grec, et l’autre hébreu : elle est toute hébraïque. — Remi. Elle est composée d’un mot entier, et d’un autre qui est altéré : du mot osi, qui veut dire sauver, rendre sauf, et anna, qui est comme l’interjection de la prière, interjection qui correspond à l’interjection latine hélas ! — S. Jér. Cette expression signifie aussi que la venue du Christ est le salut du monde, et c’est pour cela que le Psalmiste ajoute : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, » paroles que le Sauveur confirme dans 1’Évangile de son témoignage : « Je suis venu au nom de mon Père. » —  REMI. Car dans toutes les bonnes oeuvres qu’il a faites, il a cherché non sa gloire, mais celle de son Père. — La GLOSE. Voici le sens de ces dernières paroles : « Béni, » c’est-à-dire qu’il soit glorifié ; « celui qui vient, » c’est-à-dire celui qui s’est incarné ; « au nom du seigneur, » c’est-à-dire au nom du Père en le glorifiant. Ils répètent hosanna, c’est-à-dire sauvez-moi, je vous en conjure, et ils déterminent le lieu où ils veulent être sauvés, c’est sur les hauteurs, c’est-à-dire ce n’est pas sur la terre, mais au plus haut des cieux. — S. Jér. Ou bien ce mot hosanna, c’est-à-dire salut au plus haut des cieux, est une preuve évidente que l’avènement du Christ apporte le salut, non-seulement à l’homme, mais à tout l’univers, en. venant réunir le ciel avec la terre. — Orig. (traité 14 sur S. Matth.) Ou bien ils proclament son incarnation comme homme, en disant : « Hosanna au Fils de David, » et son retour dans le sanctuaire éternel, en ajoutant : « Hosanna au plus haut des cieux ! » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il en est qui traduisent encore hosanna par gloire, et d’autres par rédemption. La gloire, en effet, lui est due, et l’honneur de la rédemption lui revient, puisqu’il a racheté tous les hommes. — S. Hil. (can. 23.) La louange que renferment ces expressions, consacre la puissance de rédemption dont le Sauveur est revêtu, et en le proclamant Fils de David, cette multitude le reconnaît pour l’héritier du royaume éternel.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Jamais, jusque là, Notre-Seigneur n’avait eu d’animaux à son service, jamais il n’a accepté cette marque d’honneur de rameaux verdoyants jetés sur son chemin, si ce n’est lorsqu’il fit son entrée dans Jérusalem pour y souffrir. Par ce spectacle, il excita les Juifs qui en furent les témoins envieux, non pas à exécuter un dessein qu’ils avaient déjà conçu, mais à saisir l’occasion d’exécuter ce qu’ils désiraient depuis longtemps. Il leur facilite donc l’exécution de leurs desseins, mais il n’opère aucun changement dans leur volonté.

 

S. Jér. Le Seigneur qui approche de Jérusalem en sortant de Jéricho suivi d’une multitude innombrable, c’est, dans le sens mystique, ce céleste négociant qui, enrichi de marchandises opulentes, après avoir sauvé tous ceux qui croient en lui, désire entrer dans la ville de la paix, et dans le lieu de la vision de Dieu. Il vient à Bethphagé, la maison des mâchoires, figure de la louange qui confesse la gloire de Dieu. Ce bourg était situé sur le mont des Oliviers, là où brille la lumière de la science, où se trouve le repos après les fatigues et les douleurs. Ce village, qui était devant les Apôtres, signifie le monde qui leur était contraire, et qui ne voulait pas recevoir le joug de leurs enseignements.

 

Remi. C’est du mont des Oliviers que le Seigneur envoie ses disciples vers ce village, parce que c’est de la primitive Église qu’il a envoyé dans le monde les prédicateurs de l’Évangile. Il en envoie deux qui représentent deux ordres différents de prédicateurs, et auxquels saint Paul fait allusion dans ce passage : « Celui qui a efficacement agi dans Pierre pour le rendre apôtre des circoncis, a aussi agi efficacement pour me rendre apôtre des Gentils. » (Ga 2.) Ou bien ces deux disciples figurent les deux préceptes de la charité, ou les deux Testaments, ou enfin la lettre et l’esprit. — S. Jér. On peut encore y voir une figure de la spéculation et de la pratique, de la science et des oeuvres. Cette ânesse qui avait été domptée et qui portait le joug, représente la synagogue qui avait porté le joug de la loi, et le petit de l’ânesse, le peuple des Gentils fougueux et indompté ; car dans ce qui concerne le culte de Dieu, la Judée fut la mère des nations. — Rab. C’est pour cela que saint Matthieu, qui seul écrivit son Évangile pour les Juifs, fait mention de cette ânesse qui fut amenée au Seigneur, pour montrer à cette même nation juive que si elle se repentait, elle ne devait pas désespérer de son salut.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est par suite de quelques rapports d’analogie que les hommes, qui ne connaissent pas le Fils de Dieu, ont été comparés à ces deux animaux. L’âne, en effet, est un animal immonde, le moins intelligent presque de tous les animaux, faible, stupide, vil et fait pour porter les fardeaux. C’est ainsi que les hommes, avant l’avènement du Christ, étaient souillés par le dérèglement de toutes les passions, sans intelligence, parce qu’ils étaient privés de la raison du Verbe, insensés par le mépris qu’ils faisaient de Dieu, faibles dans leur âme, sans noblesse dans les sentiments, parce qu’ayant oublié leur céleste origine, ils étaient devenus les esclaves de leurs passions et des démons ; semblables à des bêtes de somme, parce qu’ils portaient le fardeau de l’erreur que les philosophes ou les démons leur avait imposé. L’ânesse était liée, c’est-à-dire retenue dans les liens de l’erreur par le démon, et n’ayant pas la liberté d’aller où elle voudrait. Car avant de pécher, nous sommes libres de suivre le démon ou de lui résister, mais si nous nous laissons une seule fois enchaîner par ses oeuvres en commettant le péché, nous ne pouvons plus lui échapper par notre propre force. Semblable à un vaisseau dont le gouvernail est brisé, et qui devient le jouet de la tempête, l’homme qui a perdu par le péché le secours de la grâce divine, ne fait plus ce qu’il veut, mais ce que veut le démon ; et si Dieu ne brise ses chaînes de la puissante main de sa miséricorde, il restera jusqu’à sa mort captif dans les liens du péché. C’est pour cela que le Sauveur dit à ses disciples : « Déliez-les, » par votre doctrine, par vos miracles, et c’est ainsi que tous les Juifs et toutes les nations ont été délivrés par les Apôtres. « Et amenez-les moi, » c’est-à-dire faites-les servir à ma gloire. — Orig. C’est pour cela encore, qu’avant de monter au ciel, Jésus a ordonné à ses Apôtres de délier les pécheurs, et qu’il leur a donné à cet effet l’Esprit saint. (Jn 20.) Or, lorsqu’ils ont été absous et délivrés de leurs péchés, qu’ils ont fait quelques progrès et se sont nourris de la divinité du Verbe, ils sont jugés dignes d’être renvoyés dans l’endroit d’où la grâce les a tirés, non plus, sans doute, pour reprendre leurs oeuvres anciennes, mais pour annoncer à leur tour le Fils de Dieu ; et c’est ce que signifient ces paroles : « Et aussitôt il les laissera aller. » — S. Hil. (can. 21.) Ou bien, par l’ânesse et son ânon, on peut entendre une double vocation des Gentils : celle des Samaritains, esclaves superbes des observances qui leur étaient particulières, et ils sont signifiés ici par l’ânesse ; et la vocation des autres Gentils, fiers et indomptés, et qui sont ici figurés par l’ânon. Le Seigneur envoie donc deux disciples pour rompre les liens de l’erreur qui les retenaient captifs ; c’est, en effet, par Philippe que la Samarie reçut la foi (Ac 8), et par Pierre, que Corneille, prémice des nations, fut amené à Jésus-Christ. (Ac 10.)

 

REMI. De même que Notre-Seigneur fait alors cette recommandation aux Apôtres : « Si quelqu’un vous dit quelque chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin, » il ordonne encore, maintenant, aux prédicateurs de ne jamais se laisser arrêter par aucun obstacle dans le ministère de la prédication. — S. Jér. Les vêtements des Apôtres, que l’on place sur l’ânesse et sur l’ânon, représentent ou la science des vertus, ou la connaissance des Écritures, ou la variété des dogmes catholiques dont l’âme doit être instruite et ornée pour pouvoir porter le Seigneur. — Remi. Le Seigneur, monté sur l’ânon, se dirige vers Jérusalem, parce que celui que Dieu a chargé du gouvernement de 1’Église ou de la direction de l’âme fidèle, doit la conduire en ce monde, et l’introduire après cette vie dans la vision de la patrie céleste. Les Apôtres et les docteurs qui les suivirent, ont placé leurs vêtements sur l’ânesse ; car ils ont transmis aux nations la gloire qu’ils avaient reçue de Jésus-Christ. La multitude étendait ses vêtements sur le chemin ; car ceux qui, parmi les circoncis, embrassèrent la foi, renoncèrent à la gloire qui vient de la loi. Ils coupaient des branches d’arbres, car ils cueillirent dans les prophètes, comme sur des arbres couverts de verdure, les témoignages favorables au Christ. Ou bien, cette foule qui étend ses vêtements sur le chemin, ce sont les martyrs qui livrèrent à la mort, pour Jésus-Christ, leurs corps, vêtements de leurs âmes ; ou bien encore, ceux qui domptent leurs corps par l’abstinence. Ceux qui coupent des branches d’arbres sont ceux qui étudient les enseignements et les exemples des saints Pères pour leur salut ou celui de leurs enfants. — S. Jér. Dans les paroles suivantes : « Et tous ensemble, tant ceux qui allaient devant lui que ceux qui le suivaient, » l’Évangéliste nous représente l’un et l’autre peuple, celui qui crût au Seigneur avant l’Évangile, et celui qui ne reçut la foi qu’après I’Évangile, et qui tous deux louent le Christ d’une voix unanime. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Car les uns élevèrent la voix pour prophétiser la gloire du Christ à venir, et les autres, pour célébrer l’avènement du Christ qui accomplissait les prédictions.

 

vv. 10-16.
S. Jér. En voyant Jésus qui fait son entrée au milieu de cette multitude, toute la ville de Jérusalem s’émeut, étonnée de ce grand concours de peuple dont elle ignore le vrai motif : « Et lorsqu’il fut entré dans Jérusalem, toute la ville en fut émue ; et chacun se demandait : Quel est celui-ci ? » — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est avec raison qu’ils sont émus à la vue de ce spectacle vraiment surprenant, un homme recevait les honneurs dus à Dieu, mais c’était Dieu qui était honoré dans cet homme. Je pense, toutefois, que ceux qui proclamaient ainsi ses louanges, ne connaissaient pas celui qui en était l’objet, mais que l’Esprit saint, se répandant tout à coup dans leur âme, leur dictait ces paroles de vérité. — ORIG. (traité 13 sur S. Matth.) Lorsque Jésus fit son entrée dans Jérusalem, les puissances célestes, dans l’étonnement, disaient : « Quel est ce roi de gloire ? » — S. Jér. Tandis que les autres sont dans le doute et interrogent, c’est le bas peuple qui proclame la royauté de Jésus : « Le peuple, au contraire, disait : « Celui-ci est Jésus, » etc. Cette déclaration n’est que le prélude d’une profession de foi plus parfaite, car ils le proclament ce prophète dont Moïse avait prédit l’avènement en disant qu’il serait semblable à lui. (Dt 18.) Ils ajoutent : « De Nazareth en Galilée, » parce qu’il y avait été élevé, comme la fleur des champs dans la fleur des vertus. — RAB. Remarquons que l’entrée de Jésus à Jérusalem eut lieu cinq jours avant la Pâque ; car saint Jean (chap. 12) raconte que ce fut six jours avant la Pâque qu’il vint à Béthanie, et que le lendemain il fit son entrée à Jérusalem, monté sur un âne, ce qui nous donne lieu d’admirer la concordance parfaite entre l’Ancien et le Nouveau Testament, non-seulement quant aux faits, mais quant aux temps et aux dates. En effet, c’est le dixième jour du premier mois que l’agneau, qui devait être immolé à la fête de Pâque, était amené dans la maison d’après la loi (Ex 12), parce que c’était aussi au dixième jour de ce même mois, c’est-à-dire cinq jours avant la fête de Pâque, que le Sauveur devait faire son entrée dans la ville où devait avoir lieu sa passion et sa mort.

 

« Et Jésus entra dans le temple. » — S. Chrys. Il était du devoir d’un bon fils de courir d’abord à la maison de son père, pour lui rendre ses hommages. Et vous aussi qui êtes devenu l’imitateur de Jésus-Christ, lorsque vous entrez dans une ville, empressez vous d’aller tout d’abord à l’église. C’était aussi le devoir d’un bon médecin, en entrant dans cette cité malade qu’il voulait sauver, d’aller d’abord à la source du mal. Or, de même que c’est du temple que sort toute espèce de bien, c’est aussi du temple que viennent tous les maux possibles. Si le sacerdoce a conservé son intégrité, toute l’Eglise est florissante, mais s’il est corrompu, la foi est languissante dans tous les cœurs. Lorsque vous voyez un arbre dont les fleurs jaunissent, vous jugez qu’il est malade dans sa racine ; ainsi, lorsque vous voyez un peuple vivant sans règle et sans frein, soyez certain que le sacerdoce est atteint de quelque vice secret. « Et il chassait tous les vendeurs. » — S. JER. Disons tout d’abord que dans toute l’enceinte du temple auguste du Seigneur, où affluait une foule immense de Juifs venus de toutes les parties de la Judée, on immolait, d’après les préceptes de la loi, surtout aux jours de fêtes, une multitude innombrable de victimes, de taureaux, de béliers et de boucs. Les pauvres, pour ne pas rester sans sacrifice, offraient des petits de colombes et des tourterelles. Or, comme ceux qui venaient de loin, n’avaient pas de victimes, les prêtres cherchèrent les moyens d’exploiter la religion du peuple, en faisant commerce de tous les animaux nécessaires pour les sacrifices, d’abord pour les vendre à ceux qui n’en avaient pas, et pour les reprendre ensuite à ceux qui les avaient achetés. Mais cet artifice, ou plutôt cette fraude qui s’exerçait en sens. contraire, était souvent rendue inutile par l’indigence de ceux qui arrivaient sans avoir de quoi fournir aux frais des sacrifices, et qui n’avaient ni victimes, ni argent pour en acheter. Ils établirent donc des comptoirs de changeurs qui prêtaient de l’argent sous caution. Mais la loi, défendant de prêter à usure, ils ne retiraient ainsi aucun avantage de leur argent prêté, et ils perdaient quelquefois le capital ; ils eurent donc recours à un autre artifice ; à la placé des changeurs, ils mirent des collybistes, terme dont la langue latine n’explique pas la propriété, le mot collybe signifie chez les Juifs ce que nous appelons desserts ou petites denrées, comme sont les pois chiches grillés, les raisins secs, les fruits de toute espèce. Ce nouveau genre d’usuriers, ne pouvant recevoir l’intérêt de leur prêt, recevaient à la place toute espèce de denrées, et ce qu’il leur était défendu de recevoir en argent, ils le recevaient en denrées qui s’achètent avec de l’argent, comme si le prophète Ezéchiel n’avait pas défendu formellement ce trafic : « Vous ne prêterez point à usure, et vous ne recevrez rien au delà de ce que vous avez prêté. » Or, le Seigneur, voyant dans la maison de son Père, ce commerce illicite, ou plutôt ce brigandage, poussé par une sainte ardeur, chasse du temple cette innombrable multitude. — ORIG. Nous devons apprendre de là que ceux qui se réunissent dans la maison de prière, doivent le faire, non pour vendre ou pour acheter, mais pour prier. « Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière. » — S. Aug. Que personne donc ne s’occupe dans l’oratoire ou dans le lieu de la prière, d’autre action que de celle qui est sa raison d’être, et qui lui a donné son nom.

 

 « Pour vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. » — S. JER. En effet, on est un voleur, et on fait du temple de Dieu une caverne de voleurs, lorsqu’on fait de la religion un instrument de trafic et de gain. Pour moi, de tous les miracles que le Seigneur a opérés, celui-ci me paraît le plus admirable, c’est-à-dire qu’un seul homme, qui était alors un objet de mépris, à ce point qu’il fut bientôt crucifié, en présence des scribes et des pharisiens déchaînés contre lui, et qui le voyaient détruire tout le fruit de leur infâme trafic, ait pu, armé seulement d’un fouet, chasser toute cette multitude. Sans doute, un feu céleste rayonnait de ses yeux, et la splendeur de la majesté divine reluisait sur son visage. — S. Aug. (de l’accord des Evang., II, 67.) Il est, du reste, incontestable que ce prodige s’est répété deux fois, dans une première circonstance racontée par saint Jean (2), et dans cette dernière, rapportée par les trois autres Évangélistes. (Mc 11, 45 ; Lc 19, 45, 46, 47.) S. Chrys. (hom. 67.) Et c’est ce qui rend les Juifs plus coupables, eux qui ont persévéré dans leur conduite insensée après avoir été deux fois témoins de ce prodige.

 

ORIG. Dans le sens mystique, le temple de Dieu c’est l’Église de Jésus-Christ. Il en est beaucoup dans son sein qui, au lieu de vivre spirituellement comme ils le devraient, sont encore esclaves de la chair, et qui, de cette maison de prière construite avec des pierres vivantes, font par leurs actes une caverne de voleurs. S’il faut expliquer d’une manière plus précise quelles sont ces trois espèces de gens que Notre-Seigneur a chassés du temple, nous dirons : Les chrétiens, qui ne s’occupent toute leur vie que d’acheter et de vendre, et qui ne s’appliquent presque jamais à la prière ou aux autres bonnes oeuvres, sont ceux qui vendent et qui achètent dans le temple de Dieu. Les diacres qui n’administrent pas fidèlement les revenus de l’Église, et qui s’enrichissent du bien des pauvres, sont les changeurs dont Jésus-Christ renverse les tables couvertes d’argent. (Nous voyons, en effet, dans les Actes, que les diacres étaient préposés aux tables dressées pour les pauvres, à l’aide des revenus de l’Église) (Ac 6, 16). Les évêques, qui livrent la direction des églises à ceux qui en sont indignes, sont figurés par ceux qui vendent des colombes, c’est-à-dire la grâce de l’Esprit saint, et dont le Sauveur renverse les siéges. — S. JÉR. A prendre les choses simplement, d’après ce qui avait lieu, les colombes n’étaient pas sur des chaires, mais dans des cages, à moins qu’on ne dise que les marchands de colombes étaient assis dans des chaires, ce qui est absurde. Les chaires signifient bien plus naturellement la dignité de ceux qui enseignent, dignité dont ils détruisent le prestige en se laissant aller à l’amour du gain. Observez aussi que par suite de l’avarice des prêtres, les autels du vrai Dieu sont appelés justement des tables de changeurs. Or, ce que nous disons des Églises, que chacun de nous se l’applique à soi-même ; car l’Apôtre nous dit (2 Co 6) : « Vous êtes le temple de Dieu. » Qu’il n’y ait donc dans la demeure de votre cœur ni esprit de trafic, ni désir des richesses, de peur que Jésus n’en sorte plein de colère et de sévérité, et qu’il ne puisse le purifier autrement qu’en employant Je fouet, pour faire de cette caverne de voleurs une maison de prière. — Orig. Ou bien ce sera lors de son second avènement qu’il chassera, ou qu’il renversera tous les gens indignes qu’il trouvera dans le temple de Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il renverse les tables des changeurs pour nous apprendre encore que dans le temple de Dieu, il ne doit y avoir que des pièces de monnaies spirituelles qui sont à l’image de Dieu, et qui ne portent aucune empreinte terrestre. En renversant les tables de ceux qui vendaient des colombes, Jésus semble dire par cette action : Que font dans le temple toutes ces colombes que l’on vend, alors que la colombe unique, qui se donne gratuitement, est descendue dans le temple de mon corps.

 

Or, ce que la foule proclame hautement, le Seigneur l’établit par des faits : « Alors des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui, » etc. — Orig. Dans le temple de Dieu, c’est-à-dire dans l’Église, tous ne voient pas, tous, non plus, ne marchent pas droit ; mais ceux qui, parmi ces infirmes, comprennent qu’ils n’ont besoin pour être guéris que du secours du Christ, obtiennent leur guérison en s’approchant du Verbe de Dieu. — REMI. Ils sont guéris dans le-temple, ce qui signifie que les hommes ne peuvent être guéris que dans l’Église qui a reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier. — S. Jér. S’il n’avait pas renversé les tables des changeurs, et les siéges de ceux qui vendaient des colombes, jamais ni les aveugles ni les boiteux n’auraient pu obtenir les uns le bienfait de la vue, les autres le libre usage de leurs membres.

 

S. Chrys. (hom. 67.) Cependant les princes des prêtres ne se rendent pas à tant d’évidence, mais les autres prodiges qu’il a opérés, et ses louanges que les enfants proclament, ne font qu’augmenter leur indignation. « Mais les princes des prêtres, voyant, » etc. — S. Jér. Ils n’osent se saisir de sa personne, ils s’attachent donc à calomnier ses oeuvres ainsi que le témoignage que lui rendaient le peuple et les enfants qui criaient : « Hosanna au Fils de David ! béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » parce qu’on ne peut ainsi parler que du Fils de Dieu seul. Que les évêques et les autres saints personnages considèrent à quel danger ils s’exposent en acceptant de semblables louanges, puisque dans un temps où la foi des fidèles n’était pas encore bien-affermie, on en fait un crime au Seigneur, à qui elles convenaient si justement à toute sorte de titres. — S. Chrys. (sur S. Matth.) De même qu’une colonne, pour peu qu’elle penche d’un côté, s’incline bien davantage lorsqu’on la surcharge d’un nouveau poids, ainsi le cœur humain, qui est déjà perverti, loin de s’affermir dans le bien, conçoit une jalousie bien plus violente lorsqu’il voit ou lorsqu’il entend louer les oeuvres d’un homme juste, telle fut la cause de la jalousie des prêtres contre Jésus-Christ, lorsqu’ils viennent lui dire : « Entendez-vous bien ce que disent ces enfants. » — S. Jér. Mais la réponse de Jésus fut pleine de modération, il ne dit point (ce que les scribes auraient bien désiré) : « Ces enfants font bien de me rendre témoignage, » il ne dit pas non plus : « Ils se trompent, ce sont des enfants, vous devez pardonner à leur âge. » Mais il cite un passage du Psaume 8, pour que le témoignage des Écritures, suppléant à son silence, vienne confirmer les paroles des enfants : « Oui, leur dit Jésus, mais n’avez-vous pas lu : Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est-à-dire : « Soit, qu’il y ait de ma faute à ce que les enfants poussent ces cris ; est-ce ma faute aussi, si tant de mille ans auparavant, le prophète avait prédit cet événement ? » Or, comme les enfants, et ceux qui sont à la mamelle, ne peuvent ni connaître ni louer personne, on donne ce nom d’enfants à ceux qui le sont, non par leur âge, mais par la simplicité de leur cœur, et on dit qu’ils sont à la mamelle, parce qu’ils faisaient entendre ces cris, excités par la joie qu’ils éprouvaient à la vue de ces merveilles, comme des enfants charmés par la douceur du lait qui les nourrit. On peut comparer, en effet, les miracles au lait, car ils n’occasionnent aucun travail à ceux qui en sont témoins, mais leur vue seule les remplit d’admiration et de joie, et les attire doucement à la foi. Le pain, au contraire, c’est la doctrine de la justice parfaite, et on ne peut s’en nourrir que lorsque l’esprit s’est longtemps exercé dans les choses spirituelles. — S. Chrys. (hom. 67.) Nous trouvons là encore une figure des Gentils, et en même temps le sujet d’une grande consolation pour les Apôtres. Ils pouvaient être inquiets de la manière dont ils annonçaient l’Évangile, eux qui étaient sans instruction ; l’exemple de ces enfants dissipe leur crainte, en leur apprenant que celui qui a mis la louange sur leurs lèvres leur donnera également la puissance de la parole. Ce miracle prouve encore que le Christ est le Créateur de la nature, car les enfants font entendre des paroles pleines d’une haute signification, tandis que le langage des hommes faits ne respire que la folie et la colère.

 

vv. 17-22.
S. Chrys. (sur S. Matth.) On triomphe plus facilement de la malice en lui cédant qu’en essayant de lui résister ; car les discours, loin de l’éclairer, la rendent plus violente. Aussi le Seigneur cherche-t-il a apaiser, en s’éloignant, ceux que ses paroles n’ont pu calmer : « Et les ayant laissés là, il sortit de la ville, et s’en alla à Béthanie. » — S. Hil. Nous devons conclure de là que Notre-Seigneur était si pauvre, et d’ailleurs si éloigné de flatter personne, que dans une si grande ville, il ne trouva pas un seul hôte, une seule demeure, et qu’il fut obligé de se retirer dans un petit bourg, chez Lazare et ses sœurs ; ce bourg qu’ils habitaient, s’appelait Béthanie. « Et il y demeura, » ajoute le texte sacré. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Afin de trouver le repos du corps là où il jouissait du repos de l’âme, car c’est un des caractères des saints d’aimer à se fixer dans les maisons où brille, non le luxe des splendides festins, mais l’éclat de la vertu et de la sainteté.

 

S. Jér. Lorsque les ténèbres de la nuit furent dissipées, le Seigneur étant revenu à Jérusalem, éprouva le besoin de la faim. « Le matin, dit l’Évangéliste, comme il retournait dans la ville, il eut faim ? » et il donnait ainsi la preuve qu’il s’était vraiment revêtu de la nature humaine. — S. Chrys. (hom. 67.) Car en laissant son corps souffrir ce qui est dans sa nature, il prouvait qu’il était sujet à la souffrance. — BÈDE. Remarquez le zèle toujours croissant de cet ouvrier infatigable, il retourne le matin à la ville pour y prêcher de nouveau, et gagner quelques âmes à son Père. — S. Jér. Or, le Seigneur, avant de souffrir à la vue du peuple et de porter le scandale de la croix, voulut raffermir l’âme de ses disciples par un miracle qui précédât ses humiliations. « Et voyant un figuier, il s’en approcha. » — S. CHRYS. (hom. 67.) Ce n’est point parce qu’il avait faim, qu’il s’en approchait, mais dans l’intérêt de ses disciples, car comme il répandait partout ses bienfaits, sans jamais châtier personne, et qu’il fallait cependant donner des exemples de sa justice toute-puissante, il choisit, non pas les hommes, mais un arbre pour en établir la vérité. — S. Hil. (can. 21.) C’est en cela qu’il nous donne une preuve de sa bonté. En effet, lorsqu’il voulut prouver par des exemples qu’il venait sauver le monde, il fit sentir les effets de sa toute-puissance aux corps des hommes, établissant ainsi l’espérance des biens futurs, et le salut des âmes par la guérison des maux de cette vie ; mais maintenant qu’il veut donner un exemple de sa sévérité contre les rebelles opiniâtres, c’est en faisant mourir un arbre qu’il nous donne l’image des châtiments futurs : « Et il lui dit : Qu’éternellement, aucun fruit ne naisse de toi. » — S. Jér. Ou « dans aucun temps ; » car le mot grec peut recevoir l’un et l’autre sens.

 

S. Chrys. (hom. 67.) Ce fut seulement dans l’opinion des disciples que ce figuier avait été maudit, parce qu’il ne portait point de fruit ; mais pourquoi donc fut-il maudit ? pour l’instruction des Apôtres, qui apprenaient ainsi que le Sauveur pourrait mettre à mort ceux qui le crucifièrent. Il est dit, en effet : « Et au même moment le figuier se sécha. » Ce ne fut pas sur un autre arbuste, mais sur celui de tous qui a le plus de sève qu’il fit ce miracle, pour le rendre plus éclatant. Or, lorsque vous voyez que des plantes ou des animaux sont l’objet de semblables prodiges, ne demandez pas comment ce figuier a été desséché avec justice, si ce n’était pas le temps des fruits ; cette question serait de la dernière folie, puisque dans de semblables objets, il ne peut être question ni de faute ni de peine, mais considérez attentivement ce miracle, et admirez la puissance de celui qui l’opère. C’est ce que font les disciples : « Ce que les disciples ayant vu, ils furent saisis d’étonnement, » etc. — La Glose. Le Créateur ne commet pas d’injustice à l’égard de celui à qui appartient un objet quelconque, en usant de sa créature comme il l’entend pour l’utilité des autres. — S. Chrys. (hom. 67.) Or, pour vous apprendre que c’est pour l’utilité de ses disciples, c’est-à-dire pour exciter en eux une grande confiance, qu’il a opéré ce miracle, écoutez ce qu’il ajoute : « Alors Jésus leur dit : Je vous le dis en vérité, si vous avez de la foi, » etc. — S. Jér. Les chiens des Gentils aboient contre nous, en affirmant que les Apôtres n’ont pas eu la foi, puisqu’ils n’ont pu transporter des montagnes. Nous leur répondons que Notre-Seigneur a fait un grand nombre de miracles qui ne sont pas rapportés par les Évangélistes, et nous croyons également que les Apôtres ont opéré des prodiges de cette nature, mais que les auteurs sacrés n’ont pas rapportés, pour ne pas donner aux infidèles une nouvelle occasion de contredire les vérités chrétiennes. Demandons leur, en effet, s’ils croient ou non aux miracles écrits dans l’Évangile, et, en voyant leur incrédulité à cet égard, nous serons autorisés à conclure qu’ils n’auraient pas cru davantage à de plus grands prodiges.

 

S. Chrys. (hom. 67.) Or, c’est à la prière et à la foi que le Seigneur attribue cette puissance, et c’est pour cela qu’il dit de nouveau : « Toutes les choses que vous demanderez. » — Orig. Car les disciples de Jésus-Christ ne demandent rien qui ne soit digne d’être demandé, et pleins de foi dans leur divin : Maître, ils ne demandent que des biens supérieurs aux biens périssables et mortels. — Rab. Or, toutes les fois que nos prières ne sont pas exaucées, cela vient de ce que nous avons demandé des choses contraires à notre salut ; ou de ce que les mauvaises dispositions de notre âme nous ont rendu indignes d’obtenu ce que nous demandions pour les autres ; ou bien enfin, Dieu diffère de nous accorder l’effet de notre prière, pour accroître nos désirs, et nous faire recevoir d’une manière plus parfaite les grâces que nous demandons.

 

S. Aug. (de l’accord des Evang., 2, 68.) Remarquons que les disciples s’étonnèrent de ce que le figuier s’était desséché, et que le Seigneur leur fit connaître l’efficacité de la foi, non pas le deuxième jour où il maudit cet arbre, mais le troisième jour, comme saint Marc le rapporte. En effet, cet Évangéliste raconte que le second jour, Notre-Seigneur chassa les marchands du temple, ce qu’il avait omis le premier jour ; le second jour, il dit que le soir étant venu, Jésus sortit de la ville, et que le lendemain matin les Apôtres virent en passant le figuier desséché. D’après le récit de saint Matthieu, au contraire, tout se serait passé le second jour. Lors donc que cet Évangéliste dit : « Et aussitôt le figuier fut desséché ; » et que passant tout les événements du second jour, il ajoute immédiatement : « Ce qu’ayant vu les disciples, ils furent saisis d’étonnement, » il faut l’entendre en ce sens que ce n’est pas le même jour que le Seigneur vit et maudit le figuier que les disciples furent dans l’étonnement. En effet, ce n’est pas au moment qu’ils le virent desséché que le figuier se dessécha, mais aussitôt qu’il eût été maudit ; car ils ne le virent pas se desséchant, mais tout à fait desséché, et c’est ce qui leur fit comprendre qu’il s’était desséché tout d’un coup, à la parole de leur divin Maître.

 

Orig. (traité 16 sur S. Matth.) Dans le sens mystique, le Seigneur, ayant quitté les princes des prêtres et les scribes, sort de la Jérusalem terrestre, ce qui fut la cause de sa ruine. Il vient à Béthanie, la maison de l’obéissance, c’est-à-dire dans l’Église. Lorsqu’il s’y est reposé, après avoir jeté les premiers fondements de l’Église, il retourne dans la ville qu’il avait quittée auparavant, et c’est en y retournant qu’il eut faim. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or, si la faim qu’il éprouvait avait été naturelle et avait eu pour objet la nourriture du corps, il ne l’aurait pas ressentie le matin ; cette faim du matin, c’est donc la faim du salut des âmes. — S. Jér. Cet arbre qu’il rencontre dans le chemin, c’est la synagogue ; elle était le long du chemin, parce qu’elle avait la loi, mais elle ne croyait pas à la voie véritable qui est Jésus-Christ.

 

S. Hil. (can. 21.) Elle est comparée au figuier, parce que les Apôtres, qui furent les premiers d’entre les Juifs pour croire en Jésus-Christ, précéderont les autres, comme des figues précoces, par la gloire et 1 époque de leur résurrection. — S. Chrys. La figue, qui renferme une multitude de grains sous une même enveloppe, est comme la réunion de la multitude des fidèles. Or, le Seigneur ne trouve sur le figuier que des feuilles, c’est-à-dire les traditions pharisaïques, et toutes les prétentions orgueilleuses de la loi, sans aucun fruit de vérité. — ORIG. Et comme cet arbre, pris au figuré, était pour ainsi dire animé, Notre-Seigneur lui dit, comme s’il était capable de l’entendre : « Que jamais fruit ne naisse de toi. » C’est ainsi que la synagogue des Juifs est frappée de stérilité, et qu’elle demeurera sans fruits jusqu’à la fin du monde, jusqu’à ce que la multitude des nations soit entrée dans l’Église, Ce figuier s’est desséché pendant que Jésus-Christ était encore sur la terre, et les Apôtres, voyant avec les yeux de l’âme ce mystère de la foi frappé de stérilité, furent saisis d’étonnement, et immédiatement, en fidèles disciples de Jésus-Christ, et sans la moindre hésitation, ils abandonnent la synagogue qui se dessèche aussitôt, parce que les Apôtres portent aux Gentils toute la sève vivifiante de la grâce. De même encore lorsqu’ils amènent quelqu’un à la foi, on peut dire qu’ils transportent une montagne, c’est-à-dire Satan, et la précipitent dans la mer, c’est-à-dire dans l’abîme. — S. Chrys. (hom. 67.) Ou bien la mer signifie la grande confusion du monde où se trouvent des eaux Salées, c’est-à-dire des peuples impies. — Rab. Car Satan se venge d’être chassé du milieu des élus en se déchaînant avec plus de fureur Contre les réprouvés. — S. Aug. (Quest. évang., 1, 29.) Ou bien, c’est le langage que le serviteur de Dieu doit tenir à la montagne de l’orgueil pour la repousser loin de lui. Ou bien encore, comme c’est par les Apôtres que l’Évangile a été prêché, le Seigneur, qui est appelé la montagne, a été jeté par les Juifs au milieu des Gentils comme au sein de la mer. — Orig. Tout homme aussi qui se rend docile à la parole de Dieu, est Béthanie, et Jésus-Christ repose dans son cœur. Il abandonne les méchants et les pécheurs, mais lorsqu’il sera au milieu des justes, il ira encore vers d’autres sans quitter les premiers ; car il n’abandonne pas Béthanie en venant à Jérusalem. Or, le Seigneur éprouve toujours le besoin de la faim dans les justes, et désire se nourrir en eux des fruits de l’Esprit saint, qui sont à la fois la charité, la joie et la paix (Ga 5). Ce figuier, qui n’avait que des feuilles sans porter de fruits, était près du chemin. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est-à-dire dans le monde ; car celui qui vit selon le monde ne peut produire les fruits de la justice. — Orig. Or, si le Seigneur vient au milieu des tentations et des épreuves pour recueillir des fruits, et qu’il rencontre un chrétien qui n’ait que la profession extérieure de la foi, c’est-à-dire des feuilles sans fruits, ce chrétien est bientôt frappé de stérilité, et perd même jusqu’au caractère extérieur du christianisme. Tout disciple peut dessécher ainsi un figuier en lui montrant qu’il est tout à fait vide de la sève vivifiante de Jésus-Christ. C’est ainsi que Pierre dit à Simon le Magicien : « Votre cœur n’est pas droit devant Dieu. » Il vaut bien mieux qu’un figuier trompeur qui n’a que l’apparence de la vie, et qui ne porte aucun fruit, soit frappé de stérilité par la parole des disciples de Jésus-Christ, que de tromper et de dérober par un faux semblant de religion la confiance des cœurs simples et innocents. Il y a aussi dans tout cœur incrédule une montagne proportionnée à son incrédulité, et que la parole seule des disciples de Jésus-Christ peut faire disparaître.

 

vv. 23-27.
S. Chrys. (sur S. Matth.) Les prêtres, témoins de l’entrée si glorieuse de Jésus-Christ dans le temple, furent en proie à une violente jalousie, et ne pouvant contenir dans leur âme l’ardeur de cette passion qui les dévorait, ils la laissent éclater dans leurs paroles : « Et lorsqu’il fut entré dans le temple, les princes des prêtres et les anciens du peuple vinrent le trouver. » — S. Chrys. (hom. 67.)Ils ne peuvent calomnier ses miracles, ils l’attaquent sur la défense qu’il a faite de vendre dans le temple, comme s’ils lui disaient : Est-ce que vous occupez la chaire des docteurs ? est-ce que vous avez reçu la consécration sacerdotale pour déployer une si grande autorité ? — S. Chrys. (sur S. Matth.) Par les paroles qui suivent : « Et qui vous a donné ce pouvoir ? » ils reconnaissent qu’il y a plusieurs dignités qui ont le droit de conférer sur la terre la puissance extérieure ou même la puissance spirituelle, et ils semblent dire au Sauveur : « Vous n’êtes pas d’une famille sacerdotale ; ni le sénat ni César ne vous ont investi de ce pouvoir. » S’ils avaient cru que tout pouvoir vient de Dieu, ils ne lui auraient jamais fait cette question : « Qui vous a donné ce pouvoir ? » Car tout homme juge les autres d’après lui-même ; le fornicateur ne peut croire qu’il existe un homme chaste ; l’homme chaste, au contraire, ne croit pas facilement à la fornication, c’est ainsi que celui que Dieu n’a point établi prêtre, ne croit pas qu’il puisse y avoir de sacerdoce qui vienne de Dieu. — S. Jér. Ou bien, on peut dire qu’ils renouvellent ici la même calomnie qu’ils avaient faite autrefois lorsqu’ils disaient : « C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. » En effet, ces paroles : « Par quelle autorité faites-vous ces choses ? » ne sont-elles pas un doute formel que ce soit au nom de la puissance de Dieu, et ne laissent-elles pas sous-entendre que c’est au nom du démon que Jésus opère ces merveilles ? Ils ajoutent : « Et qui vous a donné ce pouvoir ? » et ils nient par là ouvertement qu’il soit le Fils de Dieu, en croyant que c’est par une puissance étrangère et non par sa propre vertu qu’il opère des miracles. Or, Notre-Seigneur pouvait réfuter les calomnies de ceux qui le tentaient, par une réponse claire et sans réplique ; mais il aime mieux leur poser une question pleine de prudence, pour qu’ils trouvent leur condamnation, ou dans leur silence ou dans leur science prétendue. « Jésus leur répondit : J’ai moi-même une question à vous faire. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ce n’est pas dans le dessein que leur réponse les rende plus dociles, mais pour les embarrasser et les empêcher de le questionner davantage ; car il avait lui-même donné le précepte de ne pas donner les choses saintes aux chiens. D’ailleurs, eût-il répondu à leur question, c’eût été sans résultat ; car les ténèbres, dont la volupté est environnée, ne lui permettent pas de se laisser pénétrer par la lumière. Il faut éclairer celui qui interroge pour s’instruire ; mais pour celui qui ne questionne que pour tendre des piéges, il suffit de le confondre par une réponse pleine de sens, sans lui faire connaître les secrets du mystère qu’il veut pénétrer. Le Seigneur les embarrasse donc dans la question qu’ils lui ont faite par celle qu’il leur adresse, et comme ils ne pouvaient échapper à cette difficulté, il ajoute : « Et si vous m’y répondez, je vous dirai par quelle autorité je fais ceci. » Or, voici la question qu’il leur pose : « Le baptême de Jean, d’où était-il ? du ciel ou des hommes ? » — S. Aug. (traité 5 sur S. Jean.) Jean reçut le pouvoir de baptiser de celui qu’il baptisa lui-même par la suite, et ce baptême qu’il avait reçu le pouvoir de donner, est appelé ici le baptême de Jean. Il est le seul qui ait reçu une telle faveur, et aucun juste avant lui, aucun juste après lui n’a reçu le pouvoir de donner un baptême qui portât son nom. Car Jean vint baptiser dans l’eau de la pénitence pour préparer les voies au Seigneur, mais sans purifier les âmes, ce que ne peut faire un simple mortel.

 

S. Jér. Or, nous voyons dans ces paroles suivantes : « Mais ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, » le conseil qu’ils tinrent sous l’inspiration de leur malice. S’ils répondaient ; le baptême de Jean venait du ciel, il. était naturel de leur répliquer : « Pourquoi donc n’avez-vous pas reçu ce baptême de Jean ? » S’ils répondaient, au contraire, que ce baptême était d’invention humaine, et n’avait rien de divin, ils craignaient de soulever une sédition parmi le peuple ; car il s’était porté en foule pour recevoir le baptême de Jean, et le regardait comme un prophète. Cette faction d’impiété lui répondit donc, et pour mieux cacher ses intentions perfides, elle a recours à cet aveu plein d’humilité, qu’elle ne savait que répondre. « Ils répondirent donc à Jésus : Nous ne savons. » Cette réponse était un véritable mensonge, et il semble que le Seigneur aurait dû leur rendre la pareille, en leur disant : « Ni moi non plus je ne sais pas. » Mais la vérité est incapable de mensonge. « Il leur répondit donc : Je ne vous dirai point non plus par quelle autorité je fais ceci. » Il leur démontre ainsi qu’ils le savent fort bien, mais qu’ils ne veulent pas répondre, et qu’il sait aussi que répondre, mais qu’il ne veut pas le faire, parce que eux-mêmes ne veulent pas dire ce qu’ils savent.

 

Orig. (Traité XVII Sur S. Matth.) On trouvera peut-être qu’il était ridicule de demander à Jésus par quelle autorité il faisait ces choses, car il était impossible qu’il répondît que c’était au nom du démon. L’homme de péché (2 Th 2), lui-même, ne pourrait répondre, ce qui serait vrai cependant, qu’il agit par la puissance du démon. Dira-t-on que les princes des prêtres ne lui faisaient cette question que pour l’intimider, comme lorsque nous voyons un homme qui entreprend sur notre terrain des choses qui ne nous conviennent pas, nous lui disons pour l’effrayer et le faire cesser : « Qui vous a commandé d’agir ainsi ? » Mais alors, pourquoi le Sauveur leur a-t-il dit : « Répondez d’abord à ma question, et je vous dirai, moi aussi, par quelle autorité je fais ces choses. » Voici donc l’explication vraisemblable de ce passage. On distingue, en général, deux pouvoirs opposés ; l’un qui vient de Dieu, et l’autre qui vient de Satan ; mais, dans les cas particuliers, il faut en admettre un plus grand nombre. Ainsi ce n’était pas la même puissance qui agissait dans les prophètes, lorsqu’ils faisaient des miracles, mais cette puissance était différente dans les différents prophètes. Peut-être cette puissance était moindre pour des choses moins importantes, et plus grande pour de plus grandes circonstances. Or, les princes des prêtres, voyant Jésus opérer une foule de prodiges, voulaient apprendre de sa bouche de quelle espèce et de quelle nature était la puissance au nom de laquelle il agissait. Ceux qui avaient fait des miracles avaient commencé d’agir à l’aide d’un pouvoir limité, et à mesure qu’ils avançaient ils avaient reçu une puissance plus grande ; mais, pour le Sauveur, il a opéré tous ses miracles par la seule et même puissance qu’il a reçue de son Père. Or, comme les princes des prêtres n’étaient pas dignes d’entendre de tels mystères, Jésus ne veut pas leur répondre, et, au contraire il les interroge lui-même. — Rab. Il y a deux raisons de cacher la vérité à ceux qui semblent la chercher, lorsque celui qui interroge est incapable de la comprendre, ou bien lorsque la haine ou le mépris de la vérité le rendent indigne qu’on lui explique ce qu’il demande.

 

 

vv. 28-32
S. Jér. Après les avoir confondus de la sorte, Notre-Seigneur leur propose une parabole destinée à les convaincre d’impiété et à leur montrer que le royaume de Dieu doit être donné aux Gentils, et il la commence en ces termes : « Mais que vous en semble ? » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il choisit pour juges ceux qu’il accuse comme coupables, afin de leur ôter toute espérance d’être absous après qu’ils se seront condamnés eux-mêmes. Il faut avoir une grande confiance dans la justice d’une cause pour en remettre la décision à l’adversaire lui-même. Or, c’est sous les emblèmes des paraboles que Jésus retrace leur conduite, afin qu’ils ne comprennent pas que c’est contre eux-mêmes qu’ils vont prononcer une sentence de condamnation : Et il leur dit : « Un homme avait deux fils, » etc. Quel est cet homme, si ce n’est Dieu le Créateur de tous les hommes ? Cependant, quoique maître et souverain par nature, il aime mieux être aimé comme père que craint comme maître et seigneur. L’aîné de ces deux enfants, c’est le peuple des Gentils, et le second, le peuple juif ; car les Gentils descendaient de Noé (Gn 10), tandis que les Juifs avaient Abraham pour père. « Et s’adressant au premier, il dit : Mon fils, allez-vous-en aujourd’hui, » etc. ; aujourd’hui, c’est-à-dire pendant la durée de la vie présente. Or, Dieu lui a parlé, non pas extérieurement comme un homme, mais intérieurement comme Dieu, en répandant l’intelligence dans son âme. Travailler à la vigne, c’est pratiquer la justice, et je ne sais s’il y a un seul homme qui puisse la pratiquer dans toute son étendue. — S. Jér. C’est d’abord au peuple des Gentils que Dieu dit par la voix de la loi naturelle : « Allez et travaillez à ma vigne, » c’est-à-dire : ne faites jamais à un autre ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit. Mais sa réponse fut pleine d’orgueil. « Et son fils lui répondit : « Je ne veux pas y aller. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) En effet, les nations qui ont abandonné Dieu dès le commencement pour se livrer au culte des idoles et à toutes sortes de péchés semblent dire dans leur cœur : « Nous ne voulons pas accomplir la justice de Dieu. » — S. Jér. Mais ensuite, lors de l’avènement du Sauveur, le peuple des Gentils fit pénitence et travailla dans la vigne de Dieu, et répara par l’activité de son travail l’indocilité de sa réponse, comme nous le voyons dans la suite de la parabole : « Mais après, étant touché de repentir, il y alla. »

 

« Il vint ensuite trouver l’autre et lui fit le même commandement. Celui-ci répondit : J’y vais, Seigneur. » — S. Jér. Ce second fils, c’est le peuple juif qui répondit à Moïse : « Nous ferons toutes les choses que le Seigneur nous a dites. » (Ex 24) — S. Chrys. (sur. S. Matth.) Mais ils se détournèrent ensuite de Dieu et se rendirent coupables de mensonge envers lui, selon ces paroles du roi-prophète : « Des fils rebelles ont menti contre moi, » et c’est ce qui est exprimé par ces mots : « Et il n’y alla point. » Le Sauveur leur fait ensuite cette question : « Lequel des deux a fait la volonté de son père ? Le premier, lui dirent-ils. » Voyez comme ils ont prononcé leur propre condamnation, en reconnaissant que c’est l’aîné des enfants, le peuple des Gentils qui a fait la volonté de son père ; car il est bien mieux de ne pas promettre d’accomplir les commandements de Dieu et de l’accomplir, en effet, que de faire des promesses et d’y être infidèle. — Orig. (Traité 18 sur S. Matth.) On peut donc admettre que le Seigneur, dans cette parabole, a voulu parler de ceux qui ne promettent rien ou presque rien, et qui accomplissent cependant de grandes choses, et condamner ceux qui font de grandes promesses et n’en accomplissent aucune. — S. Jér. Il est bon de remarquer que dans les exemplaires authentiques on lit, non pas « le dernier, » mais « le premier, » et ainsi les Juifs sont condamnés par leur propre jugement. Mais, en supposant qu’il faille lire : « Le dernier, » comme le portent quelques manuscrits, l’interprétation est claire, et nous dirons que les Juifs, tout en comprenant la vérité, ont usé de détours à son égard, et n’ont pas voulu dire ce qu’ils pensaient ; comme nous les voyons refuser de dire ce qu’ils savaient fort bien que le baptême de Jean venait du ciel.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Notre-Seigneur confirme pleinement leur jugement : « Et Jésus leur dit : Je vous dis en vérité que les publicains et les femmes de mauvaise vie vous devanceront dans le royaume de Dieu, » c’est-à-dire : ce n’est pas seulement le peuple des Gentils, mais les publicains et les femmes prostituées qui valent mieux que vous. — Rab. On peut entendre par le royaume de Dieu l’Évangile et l’Église actuelle, dans laquelle les nations ont précédé les Juifs, car elles ont embrassé bien plutôt la foi. — Orig. Toutefois on ne peut conclure de ce fait que les Juifs n’entreront pas un jour dans le royaume de Dieu, mais ce ne sera que lorsque la plénitude des nations y sera entrée que tout Israël sera sauvé (Rm 11). — S. Chrys. (sur S. Matth.) Je pense que les publicains représentent ici tous les pécheurs, et les femmes de mauvaise vie, toutes les femmes pécheresses ; car l’avarice est le péché le plus commun chez les hommes, comme la volupté sensuelle chez les femmes. La femme demeure chez elle comme renfermée dans le repos, et le désordre prend sa source surtout dans l’oisiveté. L’homme, au contraire, dont la vie se passe toute entière parmi les préoccupations d’affaires de tout genre, tombe plus facilement dans le péché d’avarice ; mais il est moins exposé aux désordres de la volupté, à moins qu’il ne soit de mœurs tout à fait dissolues, car les soins et les soucis des affaires particulières aux hommes sont presque toujours un préservatif contre la volupté, qui est par conséquent le vice des jeunes gens inoccupés. Or, le Sauveur donne les raisons de ce qu’il vient de dire en ajoutant : « Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous ne l’avez pas cru. » — Rab. Jean vint pour prêcher la voie de la justice, car il montra du doigt le Christ, qui est la consommation de la loi (Rm 10, 4). Ou bien il marcha d’une manière si éclatante dans la voie de la justice, que sa vie sainte et vénérable fit une profonde impression sur le cœur des pécheurs : « Les publicains et les femmes de mauvaise vie, au contraire, l’ont cru. » Considérez combien la vie sainte d’un prédicateur donne de force à sa prédication, puisqu’elle triomphe des cœurs les plus indomptés. « Pour vous, qui avez vu (la conversion de ces grands pécheurs), vous n’avez pas été touchés de repentir, ni portés à le croire. » C’est-à-dire : Les publicains et les femmes pécheresses ont fait ce qu’il y a de plus difficile en croyant, et pour vous, vous n’avez même pas fait pénitence, ce qui était beaucoup plus facile. Cette explication que nous avons donnée d’après un grand nombre d’interprètes me paraît renfermer une contradiction ; car, si par ces deux enfants il faut entendre les Juifs et les Gentils, après que les prêtres ont répondu à la question qui leur était faite que c’est le premier qui a fait la volonté de son père, Jésus-Christ aurait dû conclure en ces termes : « Je vous dis en vérité, les Gentils vous précéderont dans le royaume de Dieu, » tandis qu’il s’exprime de cette manière « Les publicains et les femmes de mauvaise vie vous précéderont dans le royaume de Dieu, » ce qui paraît indiquer plutôt le sort des gens de basse condition que celui des Gentils. Mais on peut, comme nous l’avons dit, entendre ce passage en ce sens : Le peuple des Gentils l’emporte tellement sur vous aux yeux de Dieu, que les publicains eux-mêmes et les femmes de mauvaise vie lui sont plus agréables que vous. — S. Jér. Aussi en est-il qui pensent que cette parabole a pour objet non pas les Gentils et les Juifs, mais simplement les pécheurs et les justes. Ils se fondent sur ce que les pécheurs, après avoir refusé de servir Dieu en commettant le mal, ont ensuite reçu de Jean-Baptiste le baptême de pénitence, tandis que les pharisiens, qui faisaient profession de justice et qui se vantaient de leur fidélité à la loi de Dieu, méprisèrent le baptême de Jean et ne voulurent pas accomplir ses préceptes. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Jésus leur a proposé cette parabole, parce que ce n’est point pour connaître la vérité, mais pour lui tendre un piège qu’ils lui ont adressé cette question : « Par quelle autorité faites-vous ces choses ? » Or, comme il y en avait un grand nombre qui avaient cru parmi le peuple, il leur propose cette parabole des deux fils pour leur montrer que les hommes du peuple, qui ont toujours mené la vie séculière valent mieux que les prêtres qui ont toujours fait profession de servir Dieu. En effet, les hommes du peuple finissent quelquefois par se repentir et par revenir à Dieu, tandis que les prêtres confirmés dans l’impénitence ne cessent de pécher contre Dieu. Or, l’aîné de ces deux enfants, c’est le peuple, car le peuple n’est pas pour les prêtres, mais ce sont les prêtres qui sont établis pour le peuple.

 

 

vv. 33-44.
S. Chrys. (hom 68.) A cette première parabole le Sauveur en ajoute une autre, pour montrer que les Juifs sont beaucoup plus coupables encore et indignes de tout pardon. Écoutez une autre parabole : « Il y avait un homme, etc. » — Orig. (Traité 19 sur S. Matth.) Cet homme, père de famille, c’est Dieu qui prend le nom d’homme dans quelques paraboles, comme un père qui bégaie avec son petit enfant, et qui descend jusqu’à son langage enfantin pour l’instruire plus facilement. — S. Chrys. (sur S. Matth.) On donne à Dieu le nom d’homme, non pas sans doute qu’il en ait la nature, il l’est par comparaison et non pas en réalité ; et le Fils, qui prévoyait que ce nom qu’il portait lui-même donnerait lieu aux blasphèmes de ceux qui le regardaient comme un simple mortel, a voulu le donner à son Père, Dieu invisible, qui, par nature, est le Seigneur des anges et des hommes et qui en est le père par sa bonté. — S. Jér. C’est lui qui a planté la vigne dont Isaïe a dit : « La vigne du Seigneur des armées est la maison d’Israël (cf. Ps 79). »

 

Suite. — « Et il l’entoura d’une haie. » — S. JER. Cette haie, ce sont les murs de la cité ou les secours des anges. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien, par cette haie, il faut entendre que cette vigne est confiée à la garde des saints patriarches, qui sont devenus comme un rempart pour le peuple d’Israël. — Orig. Ou bien encore, la garde de Dieu, c’est la haie qui entoure cette vigne, et le pressoir le lieu où se faisaient les libations « Et il y fit un pressoir » — S. JER. Ce pressoir c’est l’autel, ou bien les pressoirs qui forment le titre des psaumes huitième, quatre-vingtième, quatre-vingt-troisième ; pressoirs qui désignent les martyrs. — S. Hil. (can. 22.) Ou bien Dieu a préparé les prophètes comme autant de pressoirs dans lesquels les flots de l’Esprit saint devaient se répandre en abondance, comme un vin qui bouillonne. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien encore, le pressoir c’est la parole de Dieu qui crucifie l’homme, malgré les contradictions de la chair.

 

« Et il y bâtit une tour. » — S. Jér. C’est-à-dire le temple, dont le prophète Michée a dit : « Et la tour de la fille de Sion qui est environnée de nuages. » — S. Hil. Ou bien, par cette tour, il faut entendre 1’élévation de la loi qui, sortant de la terre, élevait les hommes jusqu’au ciel, et du haut de laquelle on pouvait découvrir dans le lointain des âges l’avènement du Christ.

 

« Et il la loua à des vignerons. » S. Chrys. (sur S. Matth.) Ce fut lorsque Moïse établit des prêtres et des lévites d’après la loi, et qu’ils reçurent le pouvoir de gouverner le peuple de Dieu. Or de même qu’un fermier, quoiqu’il offre à son maître de ses propres biens, ne peut lui être aussi agréable qu’en lui présentant les fruits de sa vigne ; ainsi le prêtre ne plaira jamais autant à Dieu par sa sainteté personnelle qu’en enseignant au peuple à se sanctifier, parce que la justice du prêtre n’est que la justice d’un seul homme, tandis que la justice du peuple c’est la justice d’un grand nombre.

 

« Et il s’en alla dans un pays éloigné. » — S. Jér. Ce n’est pas que Dieu change de lieu, car il est nécessairement présent partout, puisqu’il (Jr 23, 23) remplit tout de son immensité ; mais il paraît s’éloigner de sa vigne pour laisser aux vignerons toute liberté dans leur travail. — S. Chrys. (hom. 68,) Ou bien il part pour un pays lointain, en usant à leur égard de longanimité, et en ne leur infligeant pas toujours les châtiments que leurs péchés méritaient. — Orig. Ou bien ces paroles signifient que le Seigneur, qui avait marché avec eux sous la forme d’une nuée pendant le jour et d’une colonne de feu pendant la nuit (Ex 13), ne leur apparut plus ensuite de cette manière. Or, dans le prophète Isaïe, c’est le peuple juif qui est appelé la vigne, et c’est à cette vigne que s’adressent les menaces du père de famille dans l’Évangile. Au contraire, ce n’est pas à la vigne qu’il fait des reproches, mais à ceux qui la cultivent. C’est qu’en effet, dans l’Évangile, la vigne est le royaume de Dieu ; la vie exempte de toute faute en est le fruit. La haie qui entoure la vigne, c’est la lettre de l’Écriture, qui cache aux yeux de ceux qui sont en dehors les fruits mystérieux qu’elle renferme ; la profondeur des oracles divins, c’est le pressoir dans lequel ceux qui ont mis à profit la connaissance de la parole de Dieu versent tous leurs soins et toute leur affection comme autant de fruits ; la tour qui est élevé dans la vigne, c’est le Verbe qui vient de Dieu lui-même, par 1’économie divine de l’incarnation ; il a loué cette vigne à des vignerons, c’est-à-dire au peuple qui nous a précédé, tant prêtres que laïques. Or, il part pour un pays lointain, afin de laisser aux vignerons le temps de la cultiver. Le temps de la vendange arrive, et pour chacun en particulier, et pour tout le peuple en général. La première saison de la vie est celle de l’enfance, et alors la vigne, sans rien produire au dehors, n’a encore en elle que la sève de la vie Lorsque l’enfant commence a parler, c’est le temps ou les bourgeons commencent a paraître Or, plus l’âme de l’enfant fait de progrès, plus aussi la vigne, c’est-à-dire la parole de Dieu, se développe, et c’est à la suite de cet accroissement successif qu’elle produit, dans leur maturité, les fruits de la charité, de la joie, de la paix et d’autres vertus semblables Pour le peuple qui reçut la loi de Moise, le temps de la vendange approche également : « Or, le temps des fruits étant proche. »

 

RAB. C’est avec raison qu’il dit : « Le temps des fruits, » et non le temps de recueillir les produits de cette vigne, car un peuple rebelle et opiniâtre ne produit aucun fruit. — S. Chrys. (hom. 68.) Les serviteurs ce sont les prophètes, qui, comme autant de prêtres, offrent au Seigneur les fruits du peuple et les témoignages de son obéissance, qui consiste dans les oeuvres. Or, ces vignerons ont fait paraître toute l’étendue de leur méchanceté, non-seulement en ne portant pas de fruits, mais encore en entrant dans une grande colère contre les serviteurs qu’on leur avait envoyés et en plongeant leurs mains dans le sang. « Mais les vignerons s’étant saisis de ses serviteurs, » etc. — S. JER. Ils les battirent de verges comme Jérémie (Jr 27), les tuèrent comme Isaïe, les lapidèrent comme Naboth (3 R 21) et comme Zacharie, qu’ils immolèrent entre le temple et l’autel. (Mt 23) — S. Chrys. (sur S. Matth.) A chaque degré de la malice des Juifs, Dieu ajoutait un degré de miséricorde ; mais leur malice s’augmentait en proportion égale de la miséricorde divine, et la méchanceté des hommes engageait ainsi un véritable combat contre la clémence de Dieu. « Il leur envoya encore d’autres serviteurs, » etc.

 

S. HIL, (Can. 22,) Ces prophètes envoyés en plus grand nombre que les premiers désignent le temps où, à la prédication individuelle et successive de chaque prophète, Dieu en fit succéder un plus grand nombre, pour annoncer tous en même temps ses oracles. — Ou bien ces premiers serviteurs qui furent envoyés sont Moïse, qui donna la loi, et Aaron, premier grand prêtre, qu’ils renvoyèrent sans leur avoir donné aucun fruit, après les avoir flagellés par leurs plaintes insolentes. Dans les autres serviteurs, vous pouvez voir les chœurs des prophètes. — S. Hil. Le fils envoyé en dernier lieu signifie l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Enfin, il leur envoya son propre Fils. »

 

S. Chrys. (hom. 68.) Pourquoi ne l’a-t-il pas envoyé en premier lieu ? C’était pour leur laisser le temps de se reconnaître coupables des mauvais traitements qu’ils avaient faits aux premiers envoyés, et que, renonçant à leur fureur, ils fussent saisis de honte en voyant le Fils de Dieu lui-même venir à eux. C’est pour cela qu’il dit : « Ils auront quelque respect pour mon Fils. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il le leur envoie, non comme un juge qui porte à des coupables la sentence de condamnation, mais pour offrir le pardon au repentir ; il le leur envoie, non pour les châtier, mais pour les couvrir de honte. — S. Jér. Cette parole : « ils auront quelque respect » ne veut pas dire que le père de famille était dans l’ignorance de ce qui devait arriver ; car que peut-il ignorer lui qui n’est autre que Dieu lui-même ? Si donc Dieu nous est représenté comme sujet au doute, c’est pour sauvegarder la libre volonté de l’homme. — S. Chrys. (hom. 68.) Ou bien le Sauveur exprime ici ce qui aurait dû se faire, car ils auraient dû le respecter, et il montre ainsi toute l’énormité de leur crime et combien ils sont inexcusables. — Orig. Ou bien enfin ces paroles : « Ils respecteront mon fils, » se sont accomplies dans ceux d’entre les Juifs qui connurent Jésus-Christ et crurent en lui ; et quant à celles qui suivent : « Les vignerons, voyant le Fils, dirent entre eux : Voici l’héritier, venez, tuons-le, » elles ont trouvé leur accomplissement dans ceux qui, ayant vu Notre-Seigneur Jésus-Christ, et l’ayant reconnu pour le Fils de Dieu, n’ont pas laissé de le crucifier. — S. Jér. Interrogeons ici Arius et Eunomius : Vous le voyez, leur dirons-nous, on dit du Père qu’il ne sait pas. Tout ce qu’ils pourront répondre en faveur du Père, qu’ils l’appliquent donc au Fils, qui a déclaré ne pas savoir le dernier jour. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il en est qui prétendent que Jésus-Christ reçut le nom de Fils à son baptême, comme les autres saints ; mais le Seigneur lui-même détruit cette interprétation en disant ici : « Je leur enverrai mon Fils. » Or, lors qu’il songeait à leur envoyer son Fils après les prophètes, il était déjà Fils. D’ailleurs, s’il n’est appelé Fils qu’au même titre que tous les autres saints auxquels Dieu a fait entendre sa parole, le Seigneur aurait dû donner aux prophètes le nom de Fils comme au Christ, ou lui donner le nom de serviteur comme aux autres prophètes. — Rab. Cet aveu qu’ils font en disant : « Voici l’héritier, » nous prouve clairement que ce n’est point par ignorance, mais par jalousie, que les princes des prêtres ont crucifié Jésus-Christ. Ils comprirent qu’il était celui à qui Dieu a dit par son prophète : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » L’héritage du Fils est, en effet, la sainte Église formée de toutes les nations, héritage que le Père ne lui a pas laissé en mourant, mais qu’il a conquis lui-même d’une manière admirable par sa mort.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Cependant, ce n’est qu’après qu’il fut entré dans le temple, et qu’il en eut chassé tous ceux qui vendaient les animaux destinés aux sacrifices, qu’ils formèrent surtout le projet de le mettre à mort. Et ils se dirent entre eux : « Venez, tuons-le. » Tel était en effet leur raisonnement : « Cet homme fera nécessairement perdre au peuple l’habitude de sacrifier ces victimes qui font notre profit, pour le déterminer à offrir le sacrifice de justice (Ps 4, 6 ; Ps 59, 20 ; Ml 3, 3) qui tend directement à la gloire de Dieu, et ce peuple cessera ainsi d’être à nous pour être tout à Dieu. Si, au contraire, nous le mettons à mort, alors que personne ne demande à ce peuple les fruits de la justice, on continuera d’offrir des victimes, et le peuple sera toujours sous notre domination. C’est ce qu’ils expriment en propres termes : « Et nous aurons son héritage. » Telles sont les pensées des prêtres qui suivent les inspirations de la chair, et qui, sans se préoccuper que leur peuple s’ive sans péché, n’ont en vue qu’une seule chose : les offrandes qui sont faites dans l’église, et qu’ils considèrent comme le gain du sacerdoce. — Rab. Ou bien les Juifs cherchaient à lui enlever son héritage après l’avoir mis à mort, en s’efforçant d’éteindre la foi dont il est l’auteur, de lui substituer leur justice, qui vient de la loi, et d’en semer les germes dans le cœur des Gentils qu’ils voulaient former eux-mêmes.

 

« Ainsi, s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. » S. Hil. (can. 22.) Jésus-Christ fut jeté hors de Jérusalem, comme hors de la vigne, pour y subir la sentence qui le condamnait à mort. — Orig. Ou bien ces paroles : « Ils le jetèrent hors de la vigne, » veulent dirent, à mon avis, qu’autant qu’il était en eux, ils le traitèrent comme étranger à la vigne et à ceux qui la cultivaient.

 

« Lors donc que le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? » — S. Jér. Le Seigneur leur fait cette question, non qu’il ignore ce qu’ils doivent y répondre, mais pour qu’ils trouvent leur condamnation dans leur propre réponse. Ils lui dirent donc : « Il fera périr misérablement ces méchants, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Si leur réponse est conforme à la vérité, il ne faut pas en attribuer le mérite à ceux qui ont prononcé une sentence aussi juste, mais à la justice de la cause elle-même ; car c’est la vérité qui leur a fait violence. — Orig. Non plus que Caïphe (Jn 11) ; ce n’est pas d’eux-mêmes que les princes des prêtres prononcent contre eux ce jugement prophétique, d’après lequel la parole de Dieu leur sera enlevée pour être donnée aux Gentils, qui produiront des fruits dans leur temps. Ou bien, c’est le Seigneur qu’ils ont mis à mort qui, aussitôt sa résurrection, fit périr misérablement ces mauvais vignerons, et loua sa vigne à d’autres (c’est-à-dire aux Apôtres), qui avaient embrassé la foi parmi le peuple juif.

S. Aug. (de l’accord des Evang., 2, 70.) Saint Marc ne donne pas cette réponse comme venant des Juifs (Mc 10), mais comme une suite du discours du Seigneur, et comme s’il avait répondu lui-même à la question qu’il avait faite. Mais il est facile de lever cette difficulté en disant que leur réponse suivit de si près la question, que l’Evangéliste n’a pas cru devoir la faire précéder de ces mots : « Ils répondirent, » laissant au lecteur le soin de les suppléer ; ou bien que cette réponse a été attribuée au Seigneur, parce qu’étant conforme à la vérité, c’est lui qui, étant la vérité même, a parlé par leur bouche. — S. Chrys. (hom. 68.) Ou bien encore, il n’y a aucune contradiction, car cette réponse a pu être donnée deux fois, d’abord par les Juifs, et puis par Notre-Seigneur lui-même. — S. Aug. (de l’accord des Evang.) Mais une difficulté plus sérieuse, c’est que, d’après saint Luc, non-seulement les Juifs n’ont pas fait cette réponse, mais qu’ils en ont donné une toute contraire ; car voici comment cet Évangéliste s’exprime : « Ce qu’ayant entendu, c’est-à-dire cette sentence tombée des lèvres du Sauveur, ils dirent : A Dieu ne plaise. » Or, on peut lever cette apparente contradiction en disant que parmi le peuple qui l’écoutait, quelques-uns firent la réponse rapportée par saint Matthieu, et d’autres celle de saint Luc : « A Dieu ne plaise. » Et on ne doit pas se laisser ébranler par cette circonstance que saint Matthieu raconte que les princes des prêtres et les anciens du peuple s’approchèrent du Sauveur, et continue sa narration jusqu’à la parabole de la vigne louée aux vignerons sans faire paraître d’autres interlocuteurs. Car on peut très-bien supposer que tout ce discours s’adressait aux princes des prêtres, mais que saint Matthieu, pour abréger, a omis ce que rapporte saint Luc, c’est-à-dire que la parabole de la vigne fut exposée non-seulement devant ceux qui avaient interrogé Jésus sur son autorité, mais encore en présence du peuple, et c’est parmi le peuple qu’il s’en est trouvé pour faire cette réponse : « Il les fera périr, et il donnera sa vigne à d’autres. » Saint Marc attribue cette réponse au Seigneur lui-même, à cause de la vérité qu’elle renferme, ou par suite de l’union des membres avec leur chef, union qui en fait un seul corps. Mais il y en eut aussi qui, entendant cette réponse, s’écrièrent : « A Dieu ne plaise, » parce qu’ils comprenaient que cette parabole était dirigée contre eux. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien encore, saint Luc a rapporté la réponse de leur bouche, et saint Matthieu celle de leur cœur ; car ils le contredirent réellement en face en lui répondant : « A Dieu ne plaise, » tandis qu’ils l’approuvaient dans leur âme, et répondaient intérieurement : « Il fera périr misérablement ces méchants ; » c’est ainsi qu’un homme qui est surpris en faute cherche à excuser sa conduite, qu’il est obligé de condamner dans sa conscience. — S. Chrys. (hom. 68.) On peut dire encore, dans un autre sens, que le Seigneur leur a proposé cette parabole pour leur faire prononcer leur propre condamnation sans le, savoir, comme Nathan le fit à l’égard de David (2 R 22), mais qu’ayant compris que c’était contre eux-mêmes que cette parabole était dirigée, ils s’écrièrent : « A Dieu ne plaise. »

 

Rab. Dans le sens moral, le Seigneur loue à chacun de nous sa vigne pour la cultiver lorsqu’il nous donne le baptême pour que nous lui fassions produire des fruits de justice. Il envoie un serviteur, puis un second et un troisième lorsqu’on nous lit la loi, les psaumes et les prophéties, pour nous exhorter à faire le bien. Mais nous frappons, et nous chassons ces envoyés lorsque nous méprisons ou, ce qui est plus grave encore, lorsque nous blasphémons la parole de Dieu. Tout chrétien, autant qu’il est en lui, met à mort l’héritier lorsqu’il foule aux pieds le Fils de Dieu et fait outrage à l’esprit de grâce. Après le châtiment du premier vigneron, la vigne est louée à un autre, ce qui arrive lorsque l’âme qui est humble reçoit le don de la grâce que le superbe a méprisé.

 

S. Chrys. (hom. 68.) Mais comme les princes des prêtres n’acceptaient pas ce jugement, le Sauveur leur apporte un témoignage de I’Écriture : « Jésus ajouta : N’avez-vous jamais lu dans l’Écriture : « La pierre qu’ont rejetée, » etc. C’est-à-dire : Si vous ne comprenez cette parabole, comprenez au moins ce passage de l’Écriture. — S. Jér. Il leur présente la même vérité sous des paraboles diverses, et ceux qu’il vient d’appeler laboureurs et vignerons, il les présente comme des architectes et des maçons. — S. Chrys. (hom. 68.) La pierre, c’est Jésus-Christ, et ceux qui bâtissent sont les docteurs des Juifs qui l’ont rejeté en disant : « Cet homme ne vient pas de Dieu. » — Rab. Mais c’est justement parce qu’ils l’ont rejeté qu’il devint cette pierre angulaire qui affermit le sommet de l’angle, parce qu’il réunit dans une même foi ceux qu’il avait choisis dans les deux peuples, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Elle est devenue la principale pierre de l’angle. » S. Hil. (can. 22.) Il est devenu la pierre principale de l’angle, parce qu’il a été le lien qui a uni le peuple de la loi au peuple des Gentils.

 

S. Chrys. (hom. 68.) Il veut leur montrer ensuite que rien en cela n’était contraire à la volonté de Dieu, et il ajoute : « Ceci est l’œuvre du Seigneur. » — ORIG. C’est-à-dire c’est Dieu lui-même qui a donné cette pierre à tout l’édifice, et cette pierre angulaire est un spectacle admirable pour nous qui pouvons le voir des yeux de l’intelligence. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est comme s’il leur disait : Comment ne comprenez-vous pas dans quel édifice cette pierre doit devenir le sommet de l’angle. Ce n’est pas dans le vôtre sans doute, puisque vous l’avez rejetée, mais dans un autre. Or, si un nouvel édifice doit s’élever, le vôtre doit donc être abandonné ? Aussi ajoute-t-il : « Je vous déclare donc : Le royaume de Dieu vous sera enlevé, » etc. — Orig. Le royaume de Dieu, ce sont les mystères du royaume de Dieu, c’est-à-dire les divines Écritures que le Seigneur a données aux hommes, d’abord à ce premier peuple à qui ont été confiés les oracles divins (Rm 3, 1-2), et ensuite aux nations qui en ont produit les fruits. Or, Dieu ne donne sa parole qu’à celui qui lui fait produire des fruits, et le royaume de Dieu n’est point donné à celui qui laisse régner en lui le péché. Comment donc a-t-il pu donner ce royaume à ceux qui devaient en être dépouillé ? Remarquons ici que les dons de Dieu sont des dons gratuits. Ceux à qui Dieu n’a fait que louer son royaume, il ne le leur a pas donné comme aux élus et comme aux fidèles ; ceux, au contraire, à qui Dieu l’a donné, l’ont reçu comme étant marqués du sceau des élus.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Jésus-Christ est appelé la pierre, non-seulement à cause de sa force et de sa consistance, mais parce qu’il doit briser et réduire en poudre tous ses ennemis. Voilà pourquoi il ajoute : « Et celui qui tombera sur cette pierre, se brisera, » etc. — S. Jér. Celui qui est pécheur, mais qui croit en Jésus-Christ, tombe il est vrai, sur cette pierre et s’y brise, sans toutefois être entièrement réduit en poudre, car la patience de Dieu lui réserve des occasions de salut. Mais celui sur lequel tombera, c’est-à-dire sur lequel viendra fondre cette pierre, et qui aura tout à fait renié Jésus-Christ, elle le réduira tellement en poudre, qu’il ne restera pas le moindre fragment avec lequel il soit possible de puiser une goutte d’eau (Is 30, 14). — S. Chrys. (sur S. Matth.) Être brisé et être broyé sont deux choses différentes : quand un objet est brisé, il en reste quelque chose ; mais quand il est broyé, il est comme réduit en poussière. Or, ce qui tombé sur une pierre ne se brise pas en proportion de la dureté de la pierre, mais en raison de la violence de sa chute, ou de la force de son poids, ou de la hauteur d’où il tombe ; ainsi la ruine du chrétien qui pêche n’est pas en proportion de ce que Jésus-Christ peut faire pour le perdre, mais en raison de ce qu’il fait pour se perdre lui-même par ses oeuvres, eu raison de l’énormité de ses péchés ou de la grandeur de sa dignité ; la ruine des infidèles, au contraire, n’est qu’en raison de la puissance que Jésus-Christ a pour les perdre. — S. Chrys. (hom. 69.) Ou bien il leur indique ici deux ruines différentes : l’une qu’ils éprouveront en venant se heurter contre cette pierre qui a été pour eux un objet de scandale, et à laquelle il fait allusion en disant : « Celui qui tombera sur cette pierre ; » l’autre qui viendra à la suite de la captivité qui les menace, et qu’il exprime en ajoutant : « Et elle écrasera celui sur qui elle tombera. » — S. Aug. (Quest. évang.) Ou bien, ceux qui tomberont sur cette pierre sont ceux qui l’accablent actuellement de mépris et d’outrages ; ils ne périssent pas sans ressource ; mais ils sont cependant brisés, et ne marchent plus dans les sentiers de la justice ; ceux, au contraire, sur lesquels tombera cette pierre, la verront fondre sur eux du haut du ciel au jour du jugement avec des châtiments sans retour ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Elle les écrasera. » Car les impies seront comme la poussière que le vent disperse de dessus la face de la terre.

 

vv. 45, 46.
S. Jér. Quoique le cœur des Juifs fût endurci par l’incrédulité, ils comprenaient cependant que toutes ces paroles du Sauveur étaient dirigées contre eux. « Et les princes des prêtres, ayant entendu, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Telle est la différence des hommes de bien d’avec les méchants : l’homme de bien qui est surpris en faute s’afflige, parce qu’il a péché ; le méchant, au contraire, est furieux, non pas d’avoir péché, mais de voir son péché découvert ; et non-seulement il n’en fait pas pénitence, mais il n’en devient que plus irrité contre celui qui l’a repris de son crime. Et c’est pour cela que les princes des prêtres, surpris dans leur malice, n’en deviennent que plus ardents pour le mal. « Et voulant se saisir de lui, ils craignirent la foule, parce qu’elle le regardait comme un prophète. » — Orig. Les idées du peuple sur Jésus-Christ, qu’il regarde comme un prophète, ont quelque chose de conforme à la vérité ; mais il ne comprend pas sa grandeur en tant qu’il est Fils de Dieu. Or, les princes des prêtres craignent le peuple, parce qu’il a de Jésus-Christ cette opinion, et qu’il est disposé à le défendre, car eux-mêmes ne peuvent s’élever jusque là, et ne se forment aucune idée convenable du Sauveur. Il faut, du reste, savoir qu’il y a différentes manières de s’emparer de Jésus. Les princes des prêtres et les pharisiens voulaient se saisir de lui, mais d’une autre manière que l’Épouse des cantiques lorsqu’elle dit : « Je l’ai saisi, et ne le laisserai point aller, » et lorsqu’elle doit le retenir encore plus fortement, comme elle l’exprime plus loin : « Je monterai sur le palmier et je saisirai ses rameaux élevés. » Tous ceux qui n’ont pas d’idées justes sur la divinité du Christ veulent s’emparer de Jésus pour le perdre. Quant aux autres paroles différentes de la parole du Christ, il est possible de les saisir, de s’en emparer ; mais pour la parole de vérité, personne ne peut ni la saisir, c’est-à-dire la comprendre, ni s’en emparer, c’est-à-dire l’enchaîner, ni l’arracher de l’esprit des fidèles, ni la faire mourir, c’est-à-dire la détruire. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Tout homme livré au mal, à ne consulter que sa volonté, porte la main sur Dieu et le met à mort ; car celui qui foule aux pieds les commandements de Dieu, celui qui murmure contre Dieu, celui qui lance vers le ciel des regards de colère, ne s’emparerait-il pas de Dieu, s’il le pouvait, pour s’en défaire et pécher en toute liberté ? — Rab. Et cependant nous voyons tous les jours se renouveler cette crainte de ceux qui appréhendent de se saisir de Jésus, lorsqu’un chrétien, qui ne l’est que de nom, n’ose, par un sentiment de honte, ou parce qu’il craint les gens de bien qui l’entourent, attaquer l’unité de la foi et de la paix qu’il déteste dans son cœur.

 

 

CHAPITRE XXII
vv. 1-14.
S. Chrys. (hom. 69.) Jésus venait de déclarer que la vigne du Seigneur serait confiée à une nation qui lui ferait produire des fruits ; il fait ici connaître quelle serait cette nation : « Et Jésus, répondant, » etc. — La Glose. L’Évangéliste se sert de l’expression « répondant » pour montrer que Jésus allait au-devant de la pensée criminelle qu’ils avaient de le mettre à mort (Jn 11). — S. Aug. (de l’accord des Evang., 2, 71.) Saint Matthieu est le seul qui raconte cette parabole ; nous trouvons bien dans saint Luc une parabole analogue, mais ce n’est pas la même, comme le prouve la suite du récit. — S. Grég. (hom. 38.) Ces noces représentent l’Église de la terre, et le souper dont il est question dans saint Luc, le festin éternel qui doit avoir lieu à la fin des temps ; car plusieurs de ceux qui entrent dans la salle des noces doivent en sortir, mais aucun de ceux qui seront admis à ce festin n’en sera exclu. Si l’on veut soutenir cependant qu’il s’agit du même fait dans les deux Évangélistes, il faudra dire que saint Matthieu seul a parlé de celui qui fut renvoyé pour être entré sans la robe nuptiale. Que l’un, d’ailleurs, donne le nom de souper à ce que l’autre appelle dîner, ce n’est pas une difficulté ; car comme les anciens dînaient à la neuvième heure, le dîner s’appelait aussi cène ou souper.

 

Orig. (traité 20 sur S. Matth.) Le royaume des cieux est semblable à un homme qui est roi, si l’on considère celui qui règne ; et fils de roi, si nous considérons celui qui partage son pouvoir ; si notre attention se porte sur ce qui compose son royaume, il est semblable aux serviteurs et à ceux qui sont invités à la noce, parmi lesquels il faut compter l’armée du roi. Il ajoute : « A un homme roi, » parce qu’il veut parler aux hommes un langage humain, et gouverner comme homme ceux qui ne veulent point du gouvernement de Dieu. Mais le royaume de Dieu cessera d’être semblable à un homme lorsqu’il n’y aura plus ni envie, ni esprit d’opposition, en un mot, ni passions, ni péchés, que nous aurons cessé de nous conduire d’après les inspirations de la nature, et que nous verrons Dieu tel qu’il est ; car nous ne le voyons pas maintenant tel qu’il est, mais tel qu’il a daigné se faire pour notre salut.

 

S. Grég. (hom. 38.) Dieu le Père a célébré les noces de Dieu son Fils lorsqu’il l’a uni à la nature humaine dans le sein d’une vierge ; mais gardons-nous de croire, parce que toute union conjugale suppose deux personnes, que la personne du Rédempteur a été formée par l’union de deux personnalités distinctes. Nous disons que la personne de Jésus-Christ est composée de deux natures, et qu’il existe en deux natures, mais nous évitons comme un crime de dire qu’il y avait en lui deux personnes. Nous sommes certains d’éviter toute erreur eu disant que ce Père, qui est roi, a fait des noces à son Fils qui est également roi, en l’unissant parle mystère de l’incarnation à la sainte Église, et ce fut le sein de la Vierge qui fut le lit nuptial de ce divin époux. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien, dans un autre sens, lorsque la résurrection des saints sera consommée, alors la vie, qui est le Christ, s’unira intimement à l’homme en absorbant dans son immortalité tout ce qu’il a de mortel (1 Co 15, 54). Maintenant nous avons déjà reçu l’Esprit saint comme les arrhes de cette union future, mais alors nous recevrons Jésus-Christ lui-même dans toute sa plénitude. — Orig. Ou bien, par cette union de l’époux avec l’épouse, c’est-à-dire de Jésus-Christ avec l’âme fidèle, vous pouvez entendre la parole de Dieu qui est reçue dans l’âme, et par l’enfantement, les bonnes oeuvres. — S. Hil. Nous avons raison de considérer ces noces comme étant accomplies déjà par le Père ; car cette société, qui doit durer éternellement, et cette union avec un corps nouveau, ont déjà reçu leur parfait accomplissement en Jésus-Christ.

 

« Et il envoya ses serviteurs pour appeler aux noces ceux qui y étaient conviés, mais ils refusèrent d’y venir, » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Vous voyez donc qu’ils étaient déjà invités lorsqu’il envoya ses serviteurs ; car Dieu avait invité les hommes dès le temps d’Abraham, à qui l’incarnation du Christ était promise. — S. Jér. « Il envoya son serviteur. » Ce fut probablement Moïse, par qui Dieu donna la loi à ceux qui étaient invités. Si nous lisons : « Ses serviteurs » au pluriel, comme le portent la plupart des exemplaires, nous devrons entendre cette expression des prophètes ; car ceux qu’ils invitèrent ne répondirent point à leur invitation. « Et il envoya de nouveau d’autres serviteurs, en leur disant : Dites aux invités. » Si le mot serviteur est au singulier, il est plus naturel de voir dans ceux qui ont été envoyés une seconde fois les prophètes que les Apôtres. Si, au contraire, nous lisons « ses serviteurs » au pluriel, ces serviteurs envoyés la seconde fois sont nécessairement les Apôtres. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Le Seigneur les envoya lorsqu’il leur dit : « Vous n’irez pas dans la voie des nations ; mais allez plutôt vers les brebis égarées de la maison d’israël. » Orig. Ou bien ces serviteurs qui sont envoyés pour appeler aux noces ceux qui étaient invités, sont les prophètes qui parleurs prophéties en convertirent un grand nombre parmi le peuple à la joie de voir l’Église rentrer sous la possession du Christ. Ceux qui, parmi ces premiers invités, refusèrent de venir, sont ceux qui ne voulaient pas écouter les paroles des prophètes. Les serviteurs qui furent envoyés une seconde fois sont un nouveau choix de prophètes. — S. Hil. Ou bien, les serviteurs envoyés en premier lieu vers les invités sont les Apôtres ; ceux qu’ils appellent à répondre à l’invitation qui leur a été faite, c’est le peuple d’Israël ; car il a été appelé par la loi à la gloire de l’éternité. Or, le but de la mission des Apôtres était d’avertir ceux que les prophètes avaient invités. Quant à ceux qui sont envoyés de nouveau pour intimer l’ordre positif de répondre à cette invitation, ce sont les hommes apostoliques qui ont succédé aux Apôtres.

 

S. GREG. (hom. 38.) Mais, ceux qui ont été invités en premier lieu ayant refusé de venir au festin des noces, le roi fait dire dans la seconde invitation : « Mon festin est préparé. » — RAB. Ce festin préparé, ces bœufs et tous ces animaux engraissés sont une figure des richesses de ce roi, destinée à nous faire comprendre les biens spirituels sous le voile des objets matériels ; ou bien on peut y voir la grandeur des vérités divines, et la doctrine toute pleine de la loi de Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Lorsque Notre-Seigneur dit à ses disciples : « Allez et prêchez, en disant que le royaume des cieux est proche, » il ne leur donne pas d’autre mission que par ces paroles : « Dites que j’ai préparé mon festin, c’est-à-dire j’ai couvert les tables des Écritures des mets de la loi et des prophètes. « Mes bœufs » — S. Grég. (hom. 38.) Les bœufs représentent les patriarches de l’Ancien Testament, à qui la loi permettait de frapper leurs ennemis à l’aide de la force matérielle (Dt 33, 17) ; le mot latin altilia signifie les animaux qu’on engraisse, on les appelle en latin altilia ou quasi alita, du verbe alere, nourrir. Or, ces animaux engraissés figurent les patriarches du Nouveau Testament qui, nourris de l’abondance des douceurs intérieures, élèvent leurs désirs de la terre au ciel sur les ailes de la contemplation intérieure. Ces paroles : « J’ai fait tuer mes bœufs et les animaux que j’avais fait engraisser, » reviennent à celles-ci : « Considérez la mort des patriarches qui vous ont précédés, et pensez aux moyens qui peuvent préserver votre vie. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien, selon un autre sens, il dit : « Les bœufs et les animaux que j’ai fait engraisser, » non pas que les bœufs n’eussent été eux-mêmes engraissés, mais parce que tous les animaux qui étaient engraissés n’étaient pas des bœufs Ces animaux engraissés représentent donc les prophètes qui furent remplis de l’Esprit saint, et les bœufs, ceux qui furent à la fois prophètes et prêtres ; car de même que les bœufs marchent à la tête du troupeau, ainsi les prêtres sont les chefs et les guides du peuple de Dieu. — S. Hil. Ou bien encore, les bœufs sont la glorieuse phalange des martyrs qui ont été immolés à la gloire de Dieu comme des victimes de choix ; les animaux engraissés sont les hommes spirituels, semblables à des oiseaux qui, nourris du pain du ciel, sont devenus capables de prendre leur essor, et de remplir les autres de la surabondance de cette nourriture divine. — S. Grég. Il faut remarquer que dans la première invitation il n’est point fait mention des bœufs ni des autres animaux qui ont été engraissés, tandis que dans la seconde invitation il est dit qu’ils sont tués et préparés, parce que, en effet, le Dieu tout-puissant, lorsque nous refusons d’écouter sa parole, a recours aux exemples pour faire disparaître toutes nos prétendues impossibilités, et nous rendre faciles les difficultés qui nous paraissent insurmontables par l’exemple de ceux qui en ont triomphé avant nous. — ORIG. Ou bien encore, comme ce festin qui est préparé c’est la parole de Dieu, on peut dire que les bœufs sont les parties les plus fortes de la prédication de l’Évangile, et les animaux engraissés celles où règne la douceur et l’onction. Lorsqu’un discours sur une matière quelconque, manque de corps et de solidité, nous disons qu’il est maigre ; les discours substantiels, au contraire, sont ceux où chaque proposition se trouve appuyée d’un grand nombre de preuves et d’exemples. C’est ainsi que nous comparons avec raison à la tourterelle le discours de celui qui traite de la chasteté ; mais si son discours sur cette vertu surabonde de preuves de raison et de témoignages de l’Écriture, qui plaisent à l’esprit des auditeurs en même temps qu’ils l’instruisent, il devient semblable à ces animaux engraissés.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces paroles : « Le festin est préparé, » signifient que tout ce qui doit contribuer à notre salut se trouve contenu et préparé dans les Écritures. C’est là, en effet, que l’ignorant trouve l’instruction dont il a besoin ; le rebelle, des motifs de crainte ; et celui qui est dans la peine, des promesses qui l’encouragent à supporter le travail et l’épreuve. — LA Glose. Ou bien encore, tout est prêt, c’est-à-dire la porte du royaume, fermée jusqu’alors, est ouverte par la foi en mon incarnation. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien enfin, tout ce qui a rapport au mystère de la passion du Seigneur et à notre résurrection, est préparé. Il dit : « Venez aux noces, » non pas en marchant extérieurement, mais par votre foi et la pureté de vos mœurs.

 

« Mais ils ne s’en mirent point en peine. » Et quelle fut la cause de leur indifférence ? La voici : « Ils s’en allèrent l’un à la maison des champs, » etc. — S. Chrys. (hom. 70.) Ces prétextes paraissent légitimes, mais nous devons apprendre de là que, lors même que les occupations qui nous retiennent sont nécessaires, nous devons les subordonner toutes aux choses spirituelles. Je crois cependant qu’ils avaient recours à ces prétextes pour couvrir leur négligence. — S. Hil. Les hommes sont absorbés tout entiers par les soucis de l’ambition du monde, comme cet homme par les soins de sa maison des champs, et un plus grand nombre encore sont retenus dans les embarras du commerce par le désir de l’argent. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien dans un autre sens, lorsque nous sommes appliqués à quelque travail manuel, par exemple à la culture d’un champ ou d’une vigne, ou à un travail sur le bois ou sur le fer, nous sommes comme cet homme qui travaillait à sa maison des champs ; toute oeuvre, au contraire, qui tend à réaliser pour nous un gain quelconque en dehors de ces travaux manuels, porte le nom général de commerce. O monde que tu es misérable, et qu’ils sont aussi misérables ceux qui te suivent ; car toujours ce sont les oeuvres du monde qui ont exclu les hommes de la véritable vie.

 

S. Grég. Celui donc qui, livré tout entier aux travaux de la terre, ou aux oeuvres du monde, néglige de méditer le mystère de l’incarnation et d’y conformer sa vie, est cet homme qui refuse de venir aux noces du roi, sous le prétexte d’aller à sa maison des champs où à ses affaires ; et souvent, ce qui est plus grave, plusieurs de ceux qui sont appelés, non-contents de rejeter la grâce qui leur est offerte, la persécutent. « Les autres se saisirent de ses serviteurs, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien, par les occupations de la maison des champs, Notre-Seigneur a voulu désigner les gens du peuple parmi les Juifs que les plaisirs du monde ont éloignés de Jésus-Christ ; et, par les soins du négoce, les prêtres et les autres ministres du temple qui ne se sont consacrés au ministère du sacerdoce de la loi que dans des vues toutes d’intérêt, et que l’avarice a détournés de la foi. Aussi le Sauveur ne dit point d’eux qu’ils ont répondu à cette invitation par la méchanceté, mais par la négligence. Ceux qui ont répondu par la méchanceté sont ceux qui, par haine ou par envie, ont crucifié Jésus-Christ. Quant à ceux que les préoccupations des affaires ont empêchés de croire, ils ont fait preuve de négligence, mais non de malice. Cependant le Seigneur ne parle pas ici de sa mort, parce qu’il en avait parlé dans la première parabole, mais seulement de la mort de ses disciples, à qui les Juifs firent souffrir le martyre après son ascension, c’est-à-dire d’Etienne qu’ils lapidèrent, et de Jacques, fils d’Alphée, qu’ils firent périr par le glaive, crimes qui furent la cause de la destruction de Jérusalem par les Romains. Remarquons aussi que ce n’est pas au littéral, mais dans un sens métaphorique, qu’on dit de Dieu qu’il se met en colère ; la colère de Dieu, c’est l’exercice de sa justice. Voilà pourquoi il est dit : « Le roi, l’ayant appris, en fut irrité. » — S. JER. Lorsque ce roi invitait aux noces, et donnait ainsi des preuves de sa bonté, on lui donne le nom d’homme ; mais maintenant qu’il en vient à l’exercice de sa justice, l’homme disparaît, et il n’est plus question que du roi. — ORIG. Que ceux qui blasphèment le Dieu de la loi, des prophètes et de toute la création, nous disent si celui qui nous est présenté ici comme un homme et comme un homme irrité est le Père de jésus-Christ. S’ils avouent qu’il l’est en effet, ils doivent reconnaître qu’on lui prête un grand nombre de sentiments propres à la nature humaine, bien qu’il n’en soit pas susceptible, mais parce qu’il veut s’accommoder à notre nature, sujette à ces impressions. C’est d’après cette explication qu’il faut entendre les sentiments de colère, de repentir et autres semblables que les prophètes prêtent à Dieu dans leurs écrits.

 

« Et ayant envoyé ses armées, il extermina ces meurtriers, » etc. — S. JER. Ces armées sont les armées romaines, qui, sous la conduite de Vespasien et de Tite, firent périr les Juifs, et livrèrent aux flammes leur ville prévaricatrice. — S. Chrys. (sur S. Matth.) L’armée romaine est appelée ici l’armée de Dieu, parce que « c’est au Seigneur qu’appartient la terre et tout ce qu’elle renferme, » et que les Romains ne seraient pas venus à Jérusalem si le Seigneur ne les y avait excités lui-même. — S. Grég. Ou bien, ce sont les légions des anges qui sont les armées de notre roi. Le Sauveur dit que le roi envoya ses troupes pour exterminer les homicides, parce qu’il se sert des anges pour exécuter tous ses jugements sur les hommes. Il fait mettre à mort ces homicides, parce que sa justice anéantit les persécuteurs ; et il livre aux flammes leur cité, parce que non-seulement les âmes, mais aussi les corps qu’elles ont habités, seront livrés aux flammes. — Orig. Ou bien la cité des impies est, dans l’une ou dans l’autre opinion, la réunion de ceux qui s’assemblent sous l’inspiration de la sagesse des princes de ce monde. Le roi livre cette cité aux flammes et la détruit comme un assemblage d’habitations vendues au mal.

 

S. GREG. Mais ce roi qui a vu mépriser ses avances ne laissera pas sans invités les noces de son fils, car la parole de Dieu a trouvé où se reposer : « Alors il dit à ses serviteurs. » — Orig. C’est-à-dire aux Apôtres, ou aux anges à qui Dieu a confié la vocation des Gentils. « Le festin des noces est tout prêt. » — REMI. C’est-à-dire le mystère de la réparation du genre humain est accompli et consommé. Mais ceux qui avaient été invités, c’est-à-dire les Juifs, n’en sont pas dignes ; car, ne connaissant point la justice de Dieu et s’efforçant d’établir leur propre justice, ils se sont jugés eux-mêmes indignes de la vie éternelle (Rm 10, 3 ; Ac 13, 46). Or, le peuple juif ayant été ainsi réprouvé, le peuple des Gentils est invité aux noces pour le remplacer. « Allez donc, est-il dit, dans les carrefours, » etc. — S. Jér. Car les Gentils n’étaient pas dans la voie, sur la route, mais dans les carrefours — Remi. Les carrefours sont une figure des erreurs des Gentils. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien, les chemins sont les diverses professions de ce monde, comme l’enseignement de la philosophie, la carrière des armes, et autres semblables. Le roi dit à ses serviteurs « Allez dans les carrefours, » c’est-à-dire appelez à la foi les hommes de toute condition. De même que la chasteté est une voie qui conduit à Dieu, la fornication conduit au démon, et l’on peut raisonner de même de toutes les autres vertus et de tous les autres vices. Il leur est donc ordonné d’appeler à la foi tous les hommes, quels que soient leur condition, ou leur genre de vie. — S. Hil. On peut aussi entendre par le chemin le temps de la vie présente. Le roi ordonne donc d’aller à toutes les issues des chemins, parce que la vie éternelle se donne à tous comme dans un ordre inverse. — S. Grég. Ou bien encore, la sainte Écriture prenant ordinairement les voies pour les oeuvres, nous pouvons entendre par les carrefours le défaut et l’absence des oeuvres ; car bien souvent ceux qui reviennent à Dieu sont ceux qui n’ont point réussi dans les entreprises de la terre. — ORIG. Ou bien dans un autre sens, je pense que la première invitation a été adressée à certaines âmes aux sentiments plus élevés ; car Dieu invite de préférence au banquet de la parole divine ceux dont l’intelligence est mieux disposée. Mais ils refusent de se rendre à son invitation ; il leur envoie donc d’autres serviteurs pour faire de nouvelles instances, en leur promettant, s’ils consentent à venir, de s’asseoir au banquet que le roi leur a préparé. Il faut remarquer, en effet, que de même que dans les choses extérieures, l’épouse est différente de ceux qui invitent, et ces derniers différents de ceux qui sont invités ; ainsi Dieu, qui connaît rang qu’occupent les âmes, leurs vertus, et les motifs qui les font agir, choisit les unes comme pour en faire autant d’épouses, les autres pour convier aux noces, les autres enfin pour être du nombre de ceux qui sont invités au festin. Or, ceux qui avaient été invités de préférence à tous les autres, se mirent peu en peine de ceux qui les invitèrent, parce qu’ils étaient pauvres d’intelligence, et ils aimèrent mieux suivre leurs idées où ils trouvaient plus de charmes que dans les promesses qui leur étaient faites au nom du roi. Toutefois ils sont moins coupables que ceux qui ont chargé d’outrages et mis à mort les serviteurs qui leur étaient envoyés, c’est-à-dire qui ont embarrassé dans des difficultés et dans des disputes préparées de longue main les envoyés qui n’étaient point prêts à résoudre leurs objections artificieuses, et qui les ont ensuite accablés d’injures et quelquefois mis à mort.

 

« Et ses serviteurs, s’en allant par les rues, assemblèrent, » etc. — Orig. Ces serviteurs sont ou les Apôtres qui sortent de Jérusalem et de la Judée, ou les anges qui viennent des profondeurs des cieux. Ils se répandent dans tous les chemins, figure des divers genres de vie, et ils assemblent tous ceux qu’ils trouvèrent, sans se préoccuper s’ils étaient bons ou mauvais avant leur vocation. Par les bons, nous pouvons entendre simplement ceux qui ont embrassé le culte du vrai Dieu en toute humilité et en toute droiture, et à qui s’appliquent ces paroles de l’Apôtre : « Lorsque les Gentils, qui n’ont pas reçu la loi, font naturellement ce que la loi commande, sans avoir la loi, ils sont à eux-mêmes la loi. » — S. Jér. Parmi les infidèles eux-mêmes, il y a une variété infinie, car les uns ont un penchant plus déclaré pour le vice, tandis que les autres, par la pureté de leurs mœurs, semblent acquis par avance à la vertu. — S. GREG. Ou bien le Sauveur s’exprime ainsi, parce que dans l’Église de la terre les méchants sont nécessairement mêlés aux bons, et les bons aux méchants. Or, on ne peut se flatter d’être bon lorsqu’on ne veut point tolérer les méchants.

 

« Et la salle des noces fut remplie. » — Orig. Les noces, c’est-à-dire celles du Christ et de son Église, furent au complet lorsque les Apôtres rappelèrent à Dieu tous ceux qu’ils trouvèrent, et les firent asseoir au banquet nuptial. Mais comme il avait fallu appeler indistinctement les bons et les mauvais, non pas sans doute que les méchants dussent rester méchants, mais pour leur faire échanger contre les vêtements indignes de la solennité des noces, la robe nuptiale (c’est-à-dire les entrailles de miséricorde, de bonté), etc. (Col 3, 12). Le roi entre, pour voir ceux qui étaient réunis dans la salle du festin, avant que le repas soit servi, pour retenir ceux qui ont l’habit nuptial qui lui est si agréable, et renvoyer ceux qui ne le portent pas. « Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ce n’est pas que Dieu ne soit présent partout, mais nous disons qu’il est présent spécialement là où il fait sentir l’action de son jugement, taudis qu’il paraît absent des lieux où il ne l’exerce pas pour le moment. Or, le jour de la visite est le jour du jugement où il visitera les chrétiens qui sont assis au banquet des Écritures.

 

ORIG. En entrant, il découvrit un homme qui n’avait pas changé de vie, ce que le Sauveur exprime en disant : « Et il aperçut un homme qui n’était point revêtu de la robe nuptiale. » Il ne parle que d’un seul au singulier, parce que tous ceux qui, après avoir embrassé la foi, persévèrent dans la vie mauvaise qu’ils menaient avant leur baptême, sont tous de la même espèce. — S. Grég. Or, que devons-nous entendre par le vêtement nuptial, si ce n’est la charité dont Notre-Seigneur était rempli lorsqu’il vint célébrer son union avec l’Église par des noces toutes divines ? Celui donc qui vient aux noces sans la robe nuptiale, c’est celui qui fait partie de l’Église par la foi sans avoir la charité. — S. Aug. (contre Faust, 28, 19.) Ou bien, celui qui vient aux noces sans le vêtement nuptial, c’est celui qui cherche, non la gloire de l’époux, mais la sienne propre. — S. Hil. (can. 22.) Ou bien, le vêtement nuptial c’est la grâce de l’Esprit et la blancheur du vêtement céleste que nous avons reçu après profession de foi parfaite, et qu’il nous faut conserver sans tache sans souillure jusqu’au jour de la grande réunion dans le royaume des cieux. — S. Jér. Ou bien encore, le vêtement nuptial, ce sont Ies préceptes du Seigneur et les oeuvres conformes à la loi et à l’Évangile, et qui deviennent comme le vêtement du nouvel homme. Or, tout homme qui porte le nom de chrétien et qui au jour du jugement sera trouvé sans ce vêtement nuptial, sera aussitôt repris : « Et il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir le vêtement nuptial ? » Il lui donne le nom d’ami, parce qu’il a été invité aux noces (il est comme ami par la foi) ; mais il lui reproche son impudence de déshonorer, par des vêtements souillés, l’éclat de la solennité nuptiale. — Orig. Et comme tout homme qui pèche et ne se revêt pas de Notre-Seigneur Jésus-Christ est sans excuse, il est dit de cet homme : « Et il demeura muet. » — S. Jér. Car il n’y aura plus alors de place ni pour l’audace effrontée, ni pour les dénégations impudentes, alors que tous les anges et le monde entier seront autant de témoins contre les pécheurs.

 

ORIG. Non seulement celui qui avait fait cet outrage à la solennité des noces en fut honteusement chassé, mais les gens du roi qui avaient le soin des prisons le chargèrent de chaînes, et le privèrent de l’usage de ses pieds dont il ne s’était point servi pour marcher dans la voie du bien, et de l’usage de ses mains qui n’avaient fait aucune bonne oeuvre, et il fut condamné à être jeté dans un lieu obscur appelé ténèbres extérieures. « Alors le roi dit à ses serviteurs : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. » — S. GREG. La sévérité de la sentence divine lie les pieds et les mains de ceux que leurs mauvaises actions tenaient déjà captifs, et qui n’ont point voulu changer de vie ; ou bien ceux que leurs fautes ont enchaînés et empêchés de faire le bien sont alors enchaînés par le châtiment qui leur est infligé.

 

S. Aug. (de la Trin., 6.) Les embarras inextricables, qui naissent d’une volonté perverse et dépravée, sont comme les liens qui enchaînent celui qui mérite, par ses oeuvres, d’être jeté dans les ténèbres extérieures.

 

S. Grég. Nous appelons ténèbres intérieures l’aveuglement du cœur, et ténèbres extérieures la nuit éternelle de la damnation. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien le Sauveur veut par là marquer la différence des tourments que souffriront les pécheurs ; car il y a en premier lieu les ténèbres moins fortes, puis les ténèbres extérieures, et enfin les abîmes couverts d’une nuit profonde.

 

« Là il y aura des pleurs et des grincements de dents. » — S. Jér. Ces pleurs et ces grincements de dents sont une figure empruntée aux souffrances du corps, pour nous montrer la grandeur des supplices de l’enfer ; les mains et les pieds liés, aussi bien que les pleurs et les grincements de dents, sont pour nous une preuve de la vérité de la résurrection. — S. Grég. Par un juste jugement, ceux-là grincent des dents qui mettaient ici-bas toute leur joie dans les plaisir de la table ; ceux-là versent des larmes, dont les yeux se repaissaient de convoitises criminelles, et c’est ainsi que tous les membres du corps sont soumis à autant de supplices qu’ils étaient esclaves ici-bas de vices différents.

 

S. JÉR. Et comme dans un festin nuptial ce n’est pas le commencement, mais la fin, que l’on recherche, il ajoute : « Car il y en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » — S. Hil. Dans l’invitation qui est adressée à tous sans exception, il faut voir la preuve de cette bonté qui voudrait embrasser tous les hommes ; dans ceux qui répondent à cette invitation ou à cet appel, nous devons reconnaître le choix plein de justice qui suit l’appréciation des mérites. — S. Grég. Car il en est qui n’essaient même pas de faire le bien, et il en est d’autres qui ne savent persévérer dans le bien qu’ils ont commencé. Que chacun de nous ait donc d’autant plus de sollicitude et de crainte, qu’il ignore ce qui lui reste encore à faire. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien dans un autre sens, Dieu entre pour voir quels sont les invités, toutes les fois qu’il éprouve son Église, et s’il s’en trouve un parmi eux qui n’ait point la robe nuptiale, il lui fait cette question : « Pourquoi avez-vous embrassé le christianisme, si vous aimez encore de telles oeuvres ? » Jésus-Christ le livre donc à ses serviteurs, c’est-à-dire à des maîtres de séduction, et ils lui lient les mains, c’est-à-dire les oeuvres, et les pieds, c’est-à-dire les mouvements de l’âme, et ils le précipitent dans les ténèbres, c’est-à-dire dans les erreurs soit des Gentils, soit des Juifs, soit des hérétiques. En effet, les ténèbres des Gentils sont plus rapprochées, car ils n’ont jamais entendu parler de la vérité qu’ils méprisent ; les ténèbres des Juifs sont extérieures, parce qu’ils n’ont pas cru à la vérité qui leur était annoncée ; mais les ténèbres des hérétiques sont bien plus extérieures, parce qu’ils persécutent la vérité qu’ils ont connue et professée.

 

vv. 15-22.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) De même que si l’on veut opposer une digue à un ruisseau d’eau courante, cette eau, contrariée par cet obstacle, cherche à se frayer un autre lit, ainsi la malignité des Juifs, confondue d’un côté, revient à la charge par une autre voie. « Alors les pharisiens s’étant retirés, » etc. Ils vont donc trouver les hérodiens. Tel le conseil, tels sont les conseillers. « Et ils envoient leurs disciples avec des hérodiens lui dire : Maître, nous savons que vous êtes véritable et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité. » — La Glose. Ils viennent avec les hérodiens comme avec des gens inconnus pour le tromper plus facilement et le surprendre dans ses discours ; car ils craignaient trop le peuple pour oser le faire par eux-mêmes. — S. Jér. La Judée, qui avait été récemment soumise à la puissance romaine sous César Auguste, en était devenue tributaire depuis le recensement général de l’empire. Il y avait donc grande division parmi le peuple : les uns disaient qu’il fallait payer le tribut aux Romains, parce qu’ils portaient les armes pour la défense de la Judée, et pour assurer la paix et la sûreté générale ; les pharisiens, au contraire, qui se complaisaient dans leur justice, s’efforçaient de persuader que le peuple de Dieu, qui d’ailleurs payait la dîme, les prémices et les autres tributs marqués par la loi, ne devait pas être soumis à des lois humaines. Or, César Auguste avait établi pour roi des Juifs Hérode, fils d’Antipater, qui était un étranger et un prosélyte, pour diriger la perception de l’impôt, et gouverner la Judée sous la dépendance de l’empire. Les pharisiens envoient donc leurs disciples avec les hérodiens, c’est-à-dire avec les soldats d’Hérode, dont ils se moquaient, parce qu’ils payaient le tribut aux Romains, et qu’ilS appelaient par mépris hérodiens et gens étrangers au culte du vrai Dieu. — S. Chrys. (hom. 70.) ils envoient leurs disciples conjointement avec les soldats d’Hérode, pour censurer ses paroles quelles qu’elles pourraient être. Mais ils désiraient surtout qu’il se prononçât contre les hérodiens ; car comme ils n’osaient se saisir de lui par la crainte qu’ils avaient du peuple, ils voulurent le faire tomber dans le piége en le forçant de déclarer qu’il était soumis à l’impôt public.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Le premier artifice des hypocrites, c’est de louer ceux qu’ils veulent perdre, et c’est pour cela qu’ils commencent par cet éloge : « Maître, nous savons que vous êtes vrai, » etc. Ils l’appellent maître dans l’espérance que, sensible à cet honneur et à cette louange, il leur ouvrira simplement les secrets de son cœur par le désir de se les attacher comme disciples.

 

La Glose. Il peut arriver qu’un homme dissimule la vérité de trois manières premièrement par une raison personnelle à celui qui enseigne, s’il ne connaît pas ou s’il n’aime pas la vérité, et c’est contre cette supposition qu’ils s’élèvent en disant : « Nous savons que vous êtes vrai ; » secondement par une raison tirée de Dieu, lorsque des hommes, perdant la crainte de Dieu, n’annoncent pas dans toute sa pureté la vérité qu’ils connaissent, et ils reconnaissent le contraire en Jésus-Christ : « Et vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité ; « troisièmement par une raison tirée du prochain, lorsque, par crainte ou par affection, on n’ose lui dire la vérité, et ils protestent encore contre cette dernière supposition en lui disant : « Et vous n’avez égard à qui que ce soit, car vous ne considérez point la personne dans les hommes. — S. Chrys. (hom. 70.) Par ces dernières paroles, ils désignaient vaguement Hérode et César. — S. Jér. Cette question si flatteuse, mais pleine de fourberie, tendait à provoquer, de la part du Sauveur, cette réponse qu’il craint plus Dieu que César : « Dites-nous donc, que vous semble-t-il, » etc. (Mt 17, 14), car, s’il répond qu’on ne doit point payer le tribut, aussitôt les hérodiens se saisiront de lui comme coupable de révolte contre l’empereur romain. — S. Chrys. (hom. 70.) Ils savaient en effet que d’autres, avant lui (Ac 5, 36-37), avaient été punis de mort comme auteurs d’une pareille rébellion, et ils voulaient, par ces questions captieuses faire peser sur lui de semblables soupçons.

 

« Mais Jésus connaissant leur malice, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Jésus ne répond pas avec douceur à leur question si pacifique et si flatteuse en apparence, mais il s’adresse à leur âme qu’inspire la cruauté, et il leur répond avec sévérité, car Dieu répond bien plutôt à la volonté qu’aux paroles. — S. Jér. La première marque qu’il leur donne de sa puissance, dans sa réponse, c’est qu’il connaît la pensée de ceux qui l’interrogent, et il les appelle, non pas ses disciples, mais hypocrites ; l’hypocrite est donc celui qui veut paraître au dehors ce qu’il n’est pas. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il les appelle hypocrites, pour les forcer de reconnaître en lui le Dieu qui pénètre le secret des cœurs et de renoncer à leurs noirs projets. Remarquez que les pharisiens ont recours à la flatterie pour arriver à perdre plus sûrement le Sauveur, tandis que Jésus les couvre de confusion pour les sauver, car la sévérité de Dieu est plus utile à l’homme que la bienveillance de ses semblables. — S. Jér. La sagesse divine agit toujours d’une manière conforme à sa nature, en permettant que ceux qui le tentent soient confondus par leurs propres paroles : « Montrez-moi la pièce d’argent qu’on donne pour le tribut, et ils lui présentèrent un denier. » Cette pièce de monnaie valait six as, et elle était à l’effigie de César. Aussi Jésus leur dit : « De qui est cette image et cette inscription ? » Ceux qui pensent que les questions du Sauveur ont pour cause l’ignorance, et non pas un dessein plein de sagesse, doivent se convaincre, par le fait dont il est ici question, que Jésus pouvait parfaitement savoir à quelle effigie était frappée cette pièce de monnaie. « De César, lui dirent-ils. » Il faut entendre ici par César, non pas Auguste, mais Tibère, son beau-fils, sous le règne duquel eut lieu la passion du Sauveur. Tous les empereurs romains, depuis le premier Caius-César, qui s’était rendu maître du pouvoir absolu, portaient le nom de César. « Alors Jésus leur répondit : Rendez donc à César ce qui est à César, » c’est-à-dire la pièce de monnaie, le tribut, l’argent. — S. Hil. Si nous n’avons à notre disposition rien qui vienne de César, nous sommes affranchis de l’obligation de lui rendre ce qui est à lui. Mais si nous jouissons des choses placées sous son domaine, et si nous usons des droits que nous garantit son autorité, nous n’avons aucun sujet de nous plaindre de l’obligation de rendre à César ce qui est à César.

 

S. Chrys. (hom. 70.) Lorsque vous entendez le Sauveur déclarer qu’il faut rendre à César ce qui est à César, comprenez qu’il n’a voulu parler que de ce qui ne peut nuire en rien à la religion, car, s’il en était autrement, ce ne serait plus le tribut de César, mais le tribut du démon. Pour leur ôter ensuite tout prétexte de dire : Vous nous soumettez donc tout entier à la puissance des hommes, il ajoute : « Et à Dieu ce qui est à Dieu. » — S. Jér. C’est-à-dire les dîmes, les prémices, les oblations et les victimes. C’est ainsi que le Sauveur paya le tribut pour lui et pour Pierre (Mt 17), et qu’il rendit à Dieu ce qui est à Dieu en accomplissant la volonté de son Père (Jn 7). — S. Hil. (can. 23.) Il faut rendre à Dieu ce qui vient de Dieu, c’est-à-dire le corps, l’âme et la volonté. La monnaie de César c’est la pièce d’or sur laquelle son image est gravée ; la monnaie de Dieu c’est l’homme sur lequel Dieu a empreint son image. Donnez donc vos richesses à César, mais réservez pour Dieu seul la conscience que vous avez de votre innocence.

 

Orig. L’exemple du Sauveur nous apprend ici à ne pas faire attention, sous prétexte de piété, aux choses vantées par le grand nombre, et qu’il paraîtrait pour cela glorieux de suivre, mais à n’estimer que ce qui est conforme à la raison. Nous pouvons encore entendre ce passage dans un sens moral, et dire que nous devons donner à notre corps les soins qui lui sont nécessaires comme nous payons le tribut à César, mais que nous devons rendre à Dieu tous les devoirs en rapport avec la nature de nos âmes, c’est-à-dire ceux qui nous conduisent à la vertu. Ceux donc qui, dans leur enseignement, exagèrent la loi de Dieu, et ne veulent pas qu’on s’occupe des soins réclamés par le corps, sont les pharisiens, qui défendaient de payer le tribut à César ; ce sont eux qui interdisent, par exemple, le mariage et l’usage des viandes que Dieu a créées. Ceux au contraire qui prétendent que l’homme doit accorder à son corps plus qu’il ne lui est dû sont comme les hérodiens. L’intention du Sauveur est donc que ni la vertu ne souffre des soins excessifs que nous pourrions donner à notre corps, ni que notre corps ne soit mis en danger par une pratique exagérée de la vertu. Ou bien c’est le prince de ce monde (c’est-à-dire le démon) qui est appelé César, car nous ne pouvons rendre à Dieu ce qui est à Dieu avant d’avoir rendu au prince de ce monde ce qui est à lui, c’est-à-dire avant d’avoir déposé toute malice. Nous devons apprendre encore de cet exemple qu’en présence de ceux qui nous tentent, nous ne devons pas garder un silence absolu, ni leur répondre avec trop de simplicité, mais que nous devons peser notre réponse en toute prudence, pour ôter tout prétexte à ceux qui cherchent l’occasion de nous perdre, et enseigner d’une manière irrépréhensible ce qui peut conduire au salut ceux qui ont la volonté de se sauver.

 

S. Jér. Or ceux qui auraient dû se rendre au témoignage d’une si grande sagesse, se contentent d’admirer comment leur finesse n’a pu réussir à dresser ses pièges. « Et l’ayant entendu, ils furent remplis d’admiration, et, le laissant là, ils se retirèrent, » remportant tout à la fois leur incrédulité avec leur étonnement.

 

vv. 23-33.
S. Chrys. (hom 70.) Après que les disciples des pharisiens eurent été ainsi confondus ainsi que les hérodiens, les sadducéens se présentèrent. La confusion dont venaient d’être couverts ceux qui les avaient précédés aurait dû les rendre moins empressés ; mais la présomption est un vice qui ne sait plus rougir, qui est opiniâtre, et qui tente l’impossible. Aussi l’Évangéliste s’étonne lui-même de leur démarche insensée et la fait remarquer en ces termes : « Ce jour, les sadducéens vinrent le trouver, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) A peine les pharisiens se sont retirés que les sadducéens s’approchent, probablement après avoir lutté entre eux à qui le surprendrait le premier, ou bien s’ils ne pouvaient triompher de lui par la force de la raison, dans le dessein au moins de le déconcerter par leurs seules instances. — S. Jér. Il y avait deux grandes sectes parmi les Juifs : celle des pharisiens et celle des sadducéens. Les pharisiens étaient sectateurs outrés de la justice qui venait des traditions et des observances légales, et le peuple leur donnait le nom de séparée ; les sadducéens au contraire, dont le nom signifie juste, s’attribuaient une justice qu’ils n’avaient certainement pas et niaient tous les dogmes crus et professés par les pharisiens comme la résurrection du corps, l’immortalité de l’âme, l’existence des anges et de l’esprit. C’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « qui soutiennent qu’il n’y a point de résurrection. » — Orig. (Traité 22 sur S. Matth.) Ils niaient, non-seulement la résurrection de la chair, mais encore l’immortalité de l’âme. — S. Chrys. Le démon voyant qu’il ne pouvait entièrement éteindre la connaissance de Dieu parmi les hommes fit naître la secte des sadducéens, qui niaient la résurrection des morts. Or une semblable négation détruit par avance tout dessein de pratiquer la justice, car qui pourrait trouver sa satisfaction dans les combats qu’il soutient chaque jour contre lui-même, s’il n’avait devant les yeux l’espérance de la résurrection ?

 

S. GRÉG. (Moral., 14, 28.) Il en est qui, en considérant que l’âme se sépare du corps, que la chair tombe en pourriture, que la pourriture se réduit en poussière, et que la poussière elle-même se réduit jusqu’aux plus simples éléments que l’œil de l’homme est incapable de discerner, désespèrent de la possibilité de la résurrection, et, à la vue de ces ossements arides, ils doutent qu’ils puissent un jour se revêtir de chair et reprendre toute la vigueur de la vie. — S. Aug. (Enchir., 38) Mais non elle ne périt pas pour Dieu cette matière terrestre, qui a servi à former la chair des mortels ; et quand elle aurait été réduite en cendre et en poussière, quand elle aurait été transportée au loin par le souffle des vents, quand elle aurait servi à former la substance d’autres corps, ou qu’elle aurait été réduite aux éléments primitifs, quand elle serait devenue la nourriture et comme la chair des animaux ou des hommes, elle sera réunie en un instant à cette âme qui l’a autrefois animée pour former l’homme, lui donner la vie et l’accroissement.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Or les sadducéens croyaient avoir trouvé une raison très-ingénieuse pour soutenir leur erreur : « Et ils lui proposèrent cette question : Maître, Moïse a ordonné, » etc. — S. Chrys. (hom. 71.) Comme la mort était pour les Juifs un mal sans adoucissement, parce qu’ils concentraient toutes leurs espérances dans cette vie, Moïse avait établi dans la loi que, si un homme venait fi mourir sans enfants, son frère fût tenu d’épouser sa veuve, pour lui donner des enfants et ne pas laisser périr son nom (Dt 25, 5-9), ce qui était comme un adoucissement à l’amertume de la mort. Mais ce n’était qu’au frère ou au plus proche parent qu’il était enjoint d’épouser la veuve du défunt ; car, si c’eût été un étranger qui l’épousât, l’enfant qui serait né de cette union n’aurait pu être considéré comme le fils du défunt, et, d’ailleurs l’obligation d’affermir et de perpétuer la maison du défunt ne pouvait être la même pour un étranger que pour le frère à qui la parenté en faisait une espèce de loi,

 

« Or il y avait parmi nous sept frères, » etc. — S. Jér. Comme ils n’admettaient pas la résurrection des corps et qu’ils croyaient que l’âme mourait avec le Corps, il ont recours à cette histoire fabuleuse, pour convaincre d’absurdité ceux qui affirment que les morts doivent ressusciter. Ils objectent donc l’inconvenance de ce fait imaginaire pour détruire la vérité de la résurrection, et ils concluent par cette question ; « Lors donc que la résurrection arrivera, duquel de ces sept sera-t-elle femme ? » Cependant ce fait a pu réellement avoir lieu dans leur pays. — S. Aug. (Quest. Evang., 1, 32.) Dans le sens mystique, ces sept frères représentent les impies, qui n’ont produit aucun fruit de justice pendant les sept âges du monde. Ces sept âges forment la durée de la terre, qui passera elle-même après les sept âges de son existence, comme les impies ont passé sur la terre sans rien produire, à l’exemple des sept maris de cette femme.

 

Jésus leur répondit : Vous êtes dans l’erreur, ne comprenant ni les Écritures ni la puissance de Dieu. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il leur reproche d’abord avec raison leur folie, parce qu’ils ne lisaient pas, et en second lieu leur ignorance, parce qu’ils ne connaissaient pas Dieu, car c’est de la lecture assidue que vient la science de Dieu, et l’ignorance est toujours fille de la négligence et de la paresse. — S. Jér. Il sont donc dans l’erreur, parce qu’ils ne connaissent pas les Écritures, et cette ignorance est cause qu’ils ne comprennent pas la puissance de Dieu.

 

Orig. Il leur reproche d’ignorer deux choses : premièrement les Écritures ; secondement la puissance de Dieu, qui est le principe de la résurrection et de la vie nouvelle qui doit la suivre. Ou bien le Sauveur, en reprochant aux sadducéens de ne pas connaître la puissance de Dieu, leur reproche de ne pas le connaître lui-même, car il était la puissance de Dieu, et ils ne le connaissaient point, parce qu’ils ignoraient les Écritures qui lui rendent témoignage. Ils ne pouvaient, par conséquent, croire la résurrection dont il devait être l’auteur. On peut demander si le Sauveur, en adressant ces reproches aux sadducéens : « Vous êtes dans l’erreur en ne comprenant point les Écritures, » veut dire qu’on lit dans l’Écriture les paroles suivantes : « Après la résurrection les hommes n’auront point de femmes, » etc. On ne trouve point ces paroles dans l’Ancien Testament ; mais nous répondons qu’elles s’y trouvent, sinon en termes exprès, du moins au sens moral, en termes figuratifs, car la loi étant l’ombre des biens à venir (He 10, 1), on doit entendre surtout des noces spirituelles ce qu’elle dit des maris et de leurs femmes. Je ne trouve nulle part non plus dans l’Écriture ces autres paroles : « Après leur mort, les saints seront comme les anges de Dieu, » à moins toutefois qu’on ne les prenne dans un sens figuré, d’après ces autres passages : « Vous irez vers vos pères, » (Gn, 15, 15) et encore « Il fut réuni à son peuple. » (Gn 25, 8 ; 25, 17 ; 35, 29 ; 49, 32.) D’autres disent que Jésus leur reprochait de ne pas lire les Écritures différentes de la loi, et d’être pour cela dans l’erreur ; d’autres enfin prétendent qu’ils ne connaissaient pas les Écritures que contienne la loi de Moïse, parce qu’ils n’en cherchaient pas le sens divin. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien ces paroles : « Au jour de la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris, » etc., se rapportent à celles-ci « Vous ne connaissez pas la puissance de Dieu, » et celles qui suivent : « Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, » à celles-là : « Vous ne savez pas les Écritures. » Or, Si nous avons à discuter avec des hommes qui calomnient, la vérité, opposons-leur d’abord l’autorité de 1’Écriture avant de leur donner les preuves de raison ; si, au contraire, ils nous interrogent parce qu’ils ignorent, commençons par donner les preuves de raison et appuyons-les ensuite de l’autorité des Écritures, car il faut convaincre les calomniateurs et instruire les ignorants. C’est pour cela que le Sauveur répond à cette question qui lui est faite par ignorance « Au jour de la résurrection, a etc. — S. Jér. Les mots grecs que nous avons rendus par les mots latins neque nubent, neque nubentur, c’est-à-dire ni les hommes n’épouseront de femmes, ni les femmes de maris, ne sont pas conformes à l’usage de la langue latine, car le mot nubere, en latin, ne se dit proprement que des femmes ; mais nous appliquerons ici le mot nubere aux hommes qui se marient et le mot nubi aux femmes qu’ils épousent. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Dans la vie présente, les hommes ne cessent de naître et de prendre des épouses, parce qu’ils ne cessent de mourir, afin que ces naissances successives viennent combler les vides faits par la mort ; dans la vie future, au. contraire, il n’y a plus de raison de naître, parce que la nécessité de mourir n’existe plus.

 

S. HIL (can. 23.) Il suffisait, pour imposer silence aux sadducéens, d’avoir détruit la fausse idée qu’ils avaient des plaisirs des sens après la résurrection, et de leur avoir démontré l’inutilité de ces joies matérielles, alors que les devoirs qu’elles supposaient n’existaient plus. Cependant Notre-Seigneur ajoute : « Ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel. » — S. Chrys. (hom. 70.) Il répond ainsi directement à la question qui lui était faite, car la raison pour laquelle les sadducéens n’admettaient pas la résurrection, c’est qu’ils croyaient que l’état des corps ressuscités serait le même que pendant cette vie ; or, Notre-Seigneur détruit cette supposition en montrant que cet état sera tout différent. — S. Chrys. (sur S. Matth,) Il est à remarquer que, lorsque le Sauveur a parlé du jeûne, de l’aumône et des autres vertus morales, il ne s’est point servi de cette comparaison des anges, et il ne l’emploie que lorsqu’il s’agit de l’affranchissement des devoirs des époux. C’est qu’en effet, de même que toutes les actions qui ont la chair pour principe nous sont communes avec les animaux, mais surtout les oeuvres de la volupté ; ainsi toutes les vertus nous font entrer en société avec les anges, mais principalement la chasteté, qui est le triomphe de la vertu sur la nature. — S. Jér. Ces paroles : « Ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel, » sont une promesse de la vie toute spirituelle qui doit suivre la résurrection. — S. DENYS. (Des noms divins, chap. 1.) Alors, en effet, devenus incorruptibles et immortels, nous serons remplis de la vue de Dieu, qui nous apparaîtra dans de chastes contemplations, et nous jouirons de la lumière spirituelle qu’il répandra sur nous dans une âme impassible et immatérielle, à l’exemple des intelligences qui habitent au-delà des cieux, et c’est pour cela que le Sauveur ajoute que nous serons égaux aux anges (cf. Lc 20, 36).

 

S. HIL. (can. 23.) Il en est beaucoup qui renouvellent la difficulté que soulevaient à tort les sadducéens à propos du mariage, et qui demandent quelle forme la femme doit avoir à sa résurrection ; or, tout ce que les Écritures nous autorisent à penser des anges, nous pouvons l’appliquer à la résurrection de la nature humaine en ce qui concerne les femmes. — S. Aug. (Cité de Dieu, 22, 17.) Mais je préfère, comme plus fondé en raison, le sentiment de ceux qui ne doutent nullement que les deux sexes ne ressuscitent parfaitement distincts, car la concupiscence, qui produit la honte, n’existera plus alors, et c’est ainsi que le premier homme et la première femme étaient nus avant leur péché et n’en rougissaient pas. Mais la nature particulière des deux sexes sera conservée, affranchie toutefois de l’union conjugale et de l’enfantement. Les membres de la femme recevront une destination différente de celle qu’ils avaient en cette vie et seront revêtus d’une beauté toute nouvelle, dont la vue n’excitera point la concupiscence, puisqu’elle n’existera plus, mais, au contraire, portera les hommes à louer la sagesse et la bonté de Dieu qui a donné la vie à ce qui n’existait plus, et a délivré de la corruption ce qu’il a créé. — S. Jér. Personne ne dit ni d’un arbre, ni d’une pierre, ni des choses qui n’ont pas les membres distinctifs des sexes, qu’ils ne se marient ni ne sont mariés ; mais on ne parle ainsi que de ceux qui pourraient se marier et qui ne se marient point pour une raison quelconque. Ce que le Sauveur vient de dire des conditions de la résurrection répond directement à la question qui lui a été adressée, il aborde maintenant le dogme lui-même de la résurrection, et l’établit solidement contre l’incrédulité des sadducéens. — S. Chrys. (hom. 70.) Ils s’étaient appuyés dans la question qu’ils firent à Jésus du nom de Moïse. C’est donc par l’autorité de Moïse qu’il va les confondre : « Et, pour ce qui est de la. résurrection des morts, vous n’avez donc pas lu ces paroles que Dieu vous a dites : Je suis le Dieu d’Abraham, » etc. — S. Jér. Notre-Seigneur aurait pu sans doute, pour établir la vérité de la résurrection, apporter beaucoup d’autres témoignages plus décisifs, tels que ce passage d’Isaïe : « Les morts ressusciteront, et ceux qui sont dans le tombeau revivront (Is 26), » et cet autre de Daniel (Dn 12) : « Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière ressusciteront, » etc. On se demande donc pourquoi il cite de préférence ce passage qui paraît assez peu décisif, ou qui, du moins, ne se rapporte pas directement au fait même de la résurrection, et pourquoi il conclut aussitôt comme si cette preuve était péremptoire : « Or Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » Nous avons dit plus haut que les sadducéens n’admettaient ni l’existence des anges, ni celle des esprits, ni la résurrection des morts, et qu’ils soutenaient que les âmes elles-mêmes étaient sujettes à la mort. Ils ne reconnaissaient d’ailleurs que les cinq livres de Moïse, et rejetaient les oracles des prophètes. Il eût donc été absurde de leur citer des témoignages puisés dans des livres dont ils ne reconnaissaient point l’autorité. C’est donc à Moïse (Ex 3) qu’il emprunte cette citation pour prouver l’immortalité de l’âme, et il conclut aussitôt « Or Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » C’est ainsi qu’ayant prouvé que les âmes survivent à la mort du corps (car Dieu ne pourrait pas être le Dieu de ceux qui n’existeraient en aucune façon), il conclut de là par une conséquence naturelle à la résurrection des corps, qui ont été associés au bien comme au mal que les âmes ont pu faire sur la terre. — S. Chrys. (hom. 70.) Mais comment est-il écrit ailleurs : « Afin qu’il règne sur les vivants et les morts ? » (Rm 14, 9)   Ce passage n’est nullement en opposition avec les paroles de Notre-Seigneur, car nous y voyons que le Seigneur régnera sur les morts, c’est-à-dire sur ceux qui doivent revivre, et non pas sur ceux qui ont disparu à jamais pour ne plus ressusciter.

 

S. Hil. Il faut encore observer que ces paroles avaient été adressées à Moïse, alors que les patriarches étaient morts depuis longtemps ; ils existaient donc cependant, puisque Dieu était leur Dieu, car ils ne pouvaient rien avoir s’ils n’existaient pas. Il est, en effet, dans la nature d’une chose qu’elle existe pour qu’une autre chose lui appartienne. Donc il n’y a que ceux qui sont vivants qui puissent posséder Dieu, puisque Dieu est l’éternité même, et qu’il n’est pas possible aux morts de posséder ce qui est éternel. Et comment donc pourrait-on nier qu’ils existent et qu’ils existeront éternellement alors que celui qui est l’éternité déclare leur appartenir ? — Orig. C’est Dieu encore qui dit : « Je suis celui qui suis. » Il est donc impossible que Dieu se dise le Dieu de ceux qui n’existent pas. Et remarquez qu’il ne dit pas Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Dans un autre endroit, il est écrit : « Le Dieu des Hébreux m’a envoyé vers vous. » (Ex 7.) Ceux qui sont d’une perfection accomplie aux yeux de Dieu, possèdent Dieu tout entier en eux-mêmes, par comparaison avec les. autres hommes, et c’est pourquoi Dieu se déclare leur Dieu, non d’une manière collective, mais individuelle. Ainsi lorsque nous disons : Ce champ leur appartient, nous voulons dire qu’aucun d’eux ne le possède en entier ; si nous disons, au contraire : ce champ appartient à cet homme, nous exprimons qu’il en est seul possesseur. Cette expression : « Le Dieu des Hébreux, » prouve donc que les Hébreux étaient encore imparfaits, et que chacun d’eux aussi ne possédait Dieu que d’une manière imparfaite. Dieu, au contraire, se déclare le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob, parce que chacun d’eux possédait Dieu tout entier. Or, c’est un des plus beaux titres de gloire des saints patriarches que de vivre ainsi aux yeux de Dieu. — S. Aug. (contre Faust, 16, 24.) Le même témoignage qui servit à confondre les sadducéens, peut servir également à confondre les manichéens, car ils nient aussi la résurrection, quoique d’une manière différente. — S. Aug. (traité 11 sur S. Jean.) Dieu est appelé spécialement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, parce que chacun d’eux représente les différentes manières dont sont engendrés les enfants de Dieu. Le plus ordinairement, Dieu se sert d’un saint prédicateur pour engendrer un fils vertueux, et c’est par les mauvais que sont engendrés les enfants vicieux ; c’est ce que figure Abraham qui, de Sara, son épouse libre, eut un enfant qui fut fidèle, et un enfant infidèle d’Agar, sa servante. Quelquefois un saint prédicateur engendre un bon et un mauvais fils, comme Isaac qui, de Rebecca, son épouse légitime, eut deux enfants, l’un bon, l’autre mauvais, Jacob et Esaü. Quelquefois, enfin, Dieu se sert des prédicateurs bons et mauvais pour engendrer des enfants vertueux, ce qui est figuré par Jacob qui eut des enfants vertueux (Gn 29, 30, 35) de ses deux épouses légitimes Lia et Rachel, et de ses servantes Zeipha et Bala. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or, remarquez combien sont faibles les attaques que les Juifs dirigent contre Jésus-Christ, dans la première, ils cherchent à l’effrayer : « Par quelle autorité faites-vous ces choses ? » Le Sauveur leur oppose une grande fermeté. Dans la seconde, ils ont recours à la ruse, et il fallut pour la déjouer une sagesse pleine d’habileté ; mais cette dernière attaque fut plus facile à repousser, car elle était accompagnée de présomption et d’ignorance. Or, il est facile à un homme qui est fort de ce qu’il sait, de confondre celui qui s’imagine savoir lorsqu’il ne sait rien ; ainsi le premier choc de l’ennemi peut être redoutable, mais si on le soutient avec courage, on lui sera bientôt supérieur.

 

« Et le peuple, entendant ceci, admirait sa doctrine. » — Remi. Ce ne sont point les sadducéens, mais la foule qui est dans l’admiration, c’est ce qui arrive encore tous les jours dans l’Église, lorsque les ennemis de l’Église sont vaincus par l’inspiration divine, la multitude des fidèles se livre aux transports de la joie.

 

vv. 34-40.
S. Jér. Les pharisiens ayant été confondus dans la question du tribut, et voyant que la tentative coupable de leurs adversaires avait également échoué, auraient dû renoncer à tendre au Sauveur de nouvelles embûches ; mais la malveillance et l’envie nourrissent et développent l’impudence, comme l’Évangéliste nous l’apprend : « Mais les pharisiens, ayant appris qu’il avait imposé silence, » etc. — Orig. (traité 22 sur S. Matth.) Notre-Seigneur impose silence aux sadducéens pour montrer que l’éclat de la vérité réduit au silence la parole de mensonge. Car de même que c’est un des caractères du juste de se taire lorsque c’est le moment de se taire, et de parler lorsqu’il faut parler, mais de ne point garder un silence absolu, ainsi c’est le propre de tous les docteurs de mensonge de taire la vertu, sans pour cela garder le silence.

 

S. Jér. Les sadducéens et les pharisiens, qui sont divisés entre eux, se réunissent pour mettre Jésus à l’épreuve. — S. Chrys. Ou bien, les pharisiens s’assemblent pour triompher par le nombre de celui qu’ils ne pouvaient vaincre par leurs raisons ; en cherchant ainsi à se faire une arme de la multitude, ils avouèrent qu’ils étaient entièrement dépouillés de la vérité, car ils se disaient entre eux : « Qu’un seul parle pour nous tous, et nous le regarderons tous comme parlant en notre nom. S’il triomphe, nous paraîtrons tous triompher avec lui ; s’il est confondu, lui seul en portera extérieurement la honte ; c’est ce que l’Évangéliste exprime en ces termes : « Et l’un d’eux, qui était docteur de la loi, lui fit cette question, » etc. — ORIG. Tout homme qui vient interroger un docteur, non dans le but de s’instruire, mais pour le tenter, est frère de ce pharisien, selon cette parole du Sauveur : « Ce que vous avez fait au moindre de ceux-ci qui sont à moi, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25)

 

S. Aug. (de l’accord des Evang., 2, 73.) Il ne faut pas s’étonner de ce que saint Matthieu nous dit que ce docteur fit à Jésus cette question pour le tenter, tandis que saint Marc ne parle point de cette circonstance, et conclut son récit en ces termes : « Jésus, voyant qu’il avait répondu sagement, lui dit : Vous n’êtes pas loin du royaume de Dieu. » Car il est possible que ce docteur soit venu avec l’intention de tenter Jésus, et que la réponse du Sauveur l’ait ramené à de meilleurs sentiments ; ou, du moins, nous ne devons pas prendre ici le mot tenter dans cette mauvaise acception, que ce docteur était venu comme pour tromper un ennemi, mais plutôt pour éprouver un homme qu’il ne connaissait pas encore ; car ce n’est pas sans raison qu’il est écrit : « Celui qui croit trop promptement est léger de cœur. »(Qo 14) Or, voici la question qu’il lui fait : « Maître, quel est le grand commandement de la loi ? » — Orig. C’est pour le tenter qu’il l’appelait Maître, car ce n’était pas comme disciple de Jésus-Christ qu’il lui donnait ce nom. Celui donc qui ne veut pas s’instruire à l’école du Verbe, qui ne se donne pas à lui de tout son cœur ? et qui, cependant, l’appelle Maître, est frère du pharisien qui vint tenter Jésus. Il est vraisemblable qu’avant l’avènement du Sauveur, lorsqu’on lisait la loi, on demandait : Quel est le grand commandement de la loi ? Car le pharisien n’aurait pas fait cette question si elle n’eût été parmi eux l’objet de longues discussions avant que Jésus-Christ ne l’eût résolue. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ce docteur demandait quel était le grand commandement, lui qui n’observait même pas le plus petit. Or, on ne doit chercher à connaître les voies supérieures de la justice chrétienne que lorsqu’on en a franchi les premiers degrés. — S. Jér. Ou bien, on peut dire que la question qu’il fait ne s’étend pas à tous les commandements, mais n’a pour objet que ce seul point : Quel est le premier et le grand commandement ? Car, tous les commandements de Dieu étant également grands, quelle que soit la réponse du Sauveur, ce docteur trouvera occasion de le calomnier.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Mais le Seigneur lui répondit de manière à confondre, par ses premières paroles, l’hypocrisie qui lui avait dicté cette question : « Jésus lui répondit : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, » etc. « Vous aimerez, » lui dit-il, et non pas vous craindrez, car aimer c’est plus que craindre : aimer est le propre des enfants, craindre est le partage des esclaves ; la crainte est l’effet de la nécessité ; l’amour s’exerce librement ; celui qui sert Dieu par la crainte évite la peine, il est vrai, mais ne reçoit pas la récompense promise à la justice ; car il fait le bien comme malgré lui, et sous l’impression de la crainte. Dieu ne veut donc pas que les hommes le craignent servilement comme un maître, mais qu’ils l’aiment comme un père qui leur a donné l’esprit d’adoption. Or, aimer Dieu de tout son cœur, c’est n’avoir dans son cœur aucune affection qui l’emporte sur l’amour de Dieu ; aimer Dieu de toute son âme, c’est avoir un esprit solidement établi dans la vérité, et ferme dans la foi ; car l’amour du cœur est tout différent de l’amour de l’âme ; l’amour du cœur est en quelque sorte sensible, et nous fait aimer Dieu sensiblement, ce que nous ne pouvons faire qu’en détachant notre cœur de l’amour des choses de la terre. L’amour du cœur se fait donc sentir dans le cœur, tandis que l’amour de l’âme ne se sent pas, mais se comprend, parce qu’il consiste dans le jugement de l’âme. Car celui qui croit que Dieu renferme tout bien, et qu’en dehors de lui il n’existe aucun bien véritable, aime Dieu de toute son âme. Aimer Dieu de tout son esprit, c’est consacrer toutes ses facultés au service de Dieu ; car celui dont l’intelligence obéit à Dieu, dont la sagesse a Dieu pour objet, dont la aime à s’occuper des choses de Dieu, dont la pensée conserve le souvenir des bienfaits de Dieu, celui-là aime Dieu de tout son esprit. — S. Aug. (de la doct. chrét., 1, 22.) Ou bien dans un autre sens, Dieu vous ordonne de l’aimer de tout votre cœur, en lui consacrant toutes vos pensées ; de toute votre âme, en lui rapportant toute votre vie ; de tout votre esprit, en dirigeant vers lui toutes les forces de votre intelligence, puisque c’est de lui que vous tenez tout ce que vous lui consacrez. Il n’a donc laissé aucune partie de notre vie libre, et dont nous puissions disposer pour l’appliquer à un autre objet. Mais tout ce qui se présente d’ailleurs à notre affection, doit être emporté par l'élan de notre cœur dans le courant général de l’amour ; car l’homme n’atteint vraiment la perfection, que lorsque toute sa vie se dirige vers le bien immuable. — La Glose. Ou bien, vous aimerez Dieu de tout votre cœur, c’est-à-dire de toute votre intelligence ; de toute votre âme, c’est-à-dire de toute votre volonté ; de tout votre esprit, c’est-à-dire de toute votre mémoire, de manière que vous ne vouliez, que vous ne sentiez, que vous n’ayiez à la mémoire rien qui soit contraire à Dieu. — ORIG. Ou bien encore, vous aimerez Dieu de tout votre cœur, c’est-à-dire dans toute l’étendue de votre souvenir, de votre action, de votre pensée ; de toute votre âme, c’est-à-dire que vous serez disposé à la sacrifier pour l’amour de Dieu ; vous l’aimerez de tout votre esprit, en ne tenant jamais de discours qui ne se rapportent à Dieu. Or, voyez si vous ne pourriez entendre par le cœur, l’intelligence qui nous fait comprendre les choses intellectuelles, et par l’esprit, la faculté qui nous sert à les exprimer ; car c’est par l’esprit que nous donnons une expression à toutes choses, et que nous parcourons chacune de ces choses qui reçoivent de notre esprit l’expression de leur réalité.

 

Si le Sauveur n’avait pas fait cette réponse au pharisien qui le tentait, nous aurions pu croire que tous les commandements étaient égaux entre eux ; mais en répondant nettement : « Tel est le premier et le plus grand commandement, » il nous apprend à établir une gradation nécessaire entre les commandements, à commencer par le plus grand jusqu’aux commandements inférieurs, et de là jusqu’aux plus petits (Mt 5, 19). Notre-Seigneur déclare non-seulement que c’est là le grand commandement, mais encore que c’est le premier, non par le rang qu’il occupe dans la sainte Écriture, mais par la sublimité de la vertu qu’il a pour objet. Or, on ne peut entrer en participation de la grandeur et de la sublimité de ce commandement, qu’autant qu’on aime le Seigneur son Dieu, et qu’on l’aime de tout son cœur, etc. Le Seigneur ne s’est pas contenté de nous enseigner quel est le premier et le plus grand commandement, mais encore quel était le second, qu’il déclare semblable au premier. Il ajoute donc : « Et voici le second qui est semblable à celui-là Vous aimerez le prochain comme vous-même. » S’il est vrai que celui qui aime l’injustice hait son âme (Ps 10), il est clair qu’il aime le prochain comme soi-même, puisqu’il ne s’aime pas lui-même. — S. Aug. (doct. chrét., 1, 30.) Il est évident que par le prochain il faut entendre tout homme quel qu’il soit, puisqu’il nous est défendu de faire mal à qui que ce soit. Or, si tout homme, à qui nous devons rendre ou qui doit nous rendre à nous-mêmes les devoirs de la charité, est appelé avec raison notre prochain, il est certain que ce précepte, qui nous oblige à aimer le prochain, s’étend jusqu’aux anges qui exercent à notre égard, d’une manière si admirable, les devoirs de la miséricorde, comme il est si facile de s’en convaincre dans l’Écriture. C’est en vertu du même principe que Notre-Seigneur lui-même a voulu être appelé notre prochain, car il s’est personnifié lui-même dans le Samaritain qui porte secours à cet homme a rencontré à demi mort dans le chemin. — S. Aug. (de la Trin., 8, 6.) Celui qui aime les hommes, doit les aimer ou parce qu’ils sont justes, ou pour les rendre justes ; car il doit s’aimer lui-même ou parce qu’il est juste, ou afin de devenir juste. C’est ainsi qu’il pourra aimer le prochain comme lui-même, sans aucun danger. — S. Aug. (doct. chrét., 1, 22.) Si vous devez vous aimer vous-même, non pas pour vous, mais pour celui qui doit être la fin directe de votre amour, personne ne doit trouver mauvais que vous l’aimiez pour Dieu. Celui donc qui aime son prochain comme Dieu le commande, doit faire en sorte d’aimer aussi Dieu de tout son cœur. — S. CHRYS. (sur S. Matth.) Or, celui. qui aime l’homme est semblable à celui qui aime Dieu ; car l’homme est l’image de Dieu, et c’est Dieu que nous aimons eu lui, comme nous honorons un roi dans l’image qui le représente, c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Voici le second qui est semblable au premier. » — S. Hil. (can. 23.) Ou bien encore, ce commandement est semblable au premier, en ce sens qu’il y a dans tous les deux égalité d’obligation et de mérite ; car ni l’amour de Dieu sans l’amour de Jésus-Christ, ni l’amour de Jésus. Christ sans l’amour de Dieu, ne peuvent conduire au salut.

 

 « Toute la loi et les prophètes sont renfermés dans ces deux commandements » — S. AUG Notre-Seigneur dit « Sont renfermés, » c’est-à-dire s’y rapportent comme à leur fin. — Rab. Tout le Décalogue est compris dans ces deux préceptes, les préceptes de la première table dans le précepte d’aimer Dieu, et dans celui d’aimer le prochain, 1es préceptes de la seconde table (Ex 24, 12 ; 33, 18 et 15 ; 34, 4, 28, 29 ; Dt 4, 13 ; 9, 9, 10, 11, 15 et 17 ; 10, 1, 2, 3,4, 5.). — Orig. (traité 23 sur S. Matth.) Ou bien ces paroles sont vraies, en ce sens que celui qui a fidèlement accompli tout ce qui dans l’Écriture a rapport à l’amour de Dieu et du prochain, mérite d’obtenir de Dieu des grâces privilégiées, pour comprendre que toute la loi et les prophètes dépendent, comme de leur principe, de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.

 

S. Aug. (de la Trin., 8, 7.) Comme il y a deux préceptes qui renferment la loi et les prophètes, le précepte d’aimer Dieu, et celui d’aimer le prochain, c’est avec raison que souvent l’Écriture sainte emploie indifféremment l’un pour l’autre, soit l’amour de Dieu, comme dans ces paroles « Or, nous savons que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8) ; soit l’amour du prochain, comme dans ces autres (Ga 5) : « Toute la loi est renfermée dans ce seul précepte Vous aimerez le prochain comme vous-même, » et cela, parce que celui qui aime le prochain doit, par une conséquence nécessaire, aimer Dieu ; car c’est par un seul et même sentiment de charité que nous aimons Dieu et le prochain, avec cette différence que nous aimons Dieu pour lui-même, et que nous nous aimons, ainsi que le prochain, pour l’amour de Dieu. — S. Aug. (de la doct. chrét., 1, 26.) Mais comme la nature divine est de beaucoup supérieure à notre nature, le précepte qui nous oblige d’aimer Dieu est distinct du précepte de l’amour du prochain. Si vous vous prenez vous-même dans votre être tout entier, c’est-à-dire dans votre âme et dans votre corps, de même que votre prochain, ces deux préceptes renferment tout ce qui peut être l’objet de votre amour. Le commandement de l’amour de lieu nous est donné en premier lieu avec la manière de l’accomplir, et il est suivi du précepte de l’amour du prochain que vous devez aimer comme vous-même, et qui renferme, par conséquent, l’amour que vous devez avoir pour vous-même.

 

vv. 41-46.
S. Chrys. (sur S. Matth.) Les pharisiens, qui ne voyaient dans Jésus-Christ qu’un homme, essayaient de le tenter, ce qu’ils n’eussent l’as fait s’ils avaient cru qu’il fût le Fils de Dieu. Jésus-Christ donc, buis le dessein de leur montrer qu’il connaissait la fourberie de leur cœur, et qu’il était Dieu, ne voulut pas leur dire clairement la vérité, de peur que cette déclaration ne fût pour eux une nouvelle occasion de blasphème et de fureur ; il ne voulut pas non plus garder entièrement le silence, car il était venu pour faire connaître la vérité (Jn 28, 37). Il leur pose donc une question en des termes qui puissent déjà leur faire connaître ce qu’il est. « Or, pendant que les pharisiens étaient assemblés, Jésus leur fit cette question : Que vous semble du Christ ? » Il avait demandé autrefois à ses disciples ce que les hommes disaient du Christ, et ensuite ce qu’ils en pensaient eux-mêmes ; mais il ne fait pas la même question aux pharisiens, car ils n’eussent pas manqué de lui répondre qu’on le considérait comme un séducteur, un méchant, que telle était leur opinion et qu’ils le regardaient simplement comme un homme. C’est pour cela qu’ils répondent que le Christ est le fils de David. « Et ils lui répondirent : De David. » Or le Sauveur blâme cette réponse et cite le témoignage du prophète, qui atteste que le Christ est Seigneur lui-même, qu’il est vraiment Fils, et qu’il est digne des mêmes honneurs que son Père. « Et il leur dit : Comment David l’appelle-t-il, par l’inspiration de l’Esprit saint, son Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur, » etc. — S. Jér. Ce témoignage est emprunté au psaume 59 ; le Christ y est appelé le Seigneur de David, non pas comme étant né de David, mais d’après sa naissance éternelle du Père, qui le rend existant avant celui qui fut son père selon la chair. Or ce n’est ni par erreur, ni par ignorance, ni de sa propre volonté que David l’appelle son Seigneur, mais par l’inspiration du Saint-Esprit. — Remi. Ces paroles : « Asseyez-vous à ma droite, » ne signifient pas que Dieu ait un corps avec une droite ou une gauche, mais que le Fils a la même puissance, la même dignité que son Père. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or je pense qu’en faisant cette question, il eut en vue non-seulement les pharisiens, mais encore les hérétiques, car, s’il était vraiment fils de David selon la chair, il était son Seigneur par sa divinité.

 

S. CHRYS. (hom. 72.) Le Sauveur ne s’arrête pas là ; mais, pour leur inspirer une crainte salutaire il ajoute : « Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marche-pied, » espérant les amener ainsi à la connaissance de sa divinité. — Orig. Si Dieu réduit les ennemis du Christ à lui servir de marche-pied, ce n’est pas seulement pour les perdre, mais aussi pour les sauver. — Remi. Le mot « jusqu’à ce que signifie éternellement, et tel est le sens de toute la phrase : « Asseyez-vous pour l’éternité, et vos ennemis seront éternellement placés sous vos pieds. » — La Glose. (ou S. Anselme). Si le Père soumet au Fils ses ennemis, ce n’est pas une marque d’impuissance dans le Fils, mais une preuve de leur unité de nature, car le Fils lui-même soumet au l’ère ses ennemis, en glorifiant son Père sur la terre. Après avoir cité ce témoignage, il en tire cette conclusion : « Si donc David l’appelle son Seigneur, comment peut-il être son Fils ? » — S. Jér. Nous pouvons faire encore aujourd’hui cette question aux Juifs, car, tout en reconnaissant que le Christ doit venir, ils affirment qu’il n’est qu’un homme, un personnage vertueux de la race de David. Nous donc, qui avons été instruits à l’école de Dieu lui-même, demandons-leur comment David peut l’appeler son Seigneur, s’il n’est qu’un homme, et s’il est seulement le fils de David ? Les Juifs, pour échapper à la vérité que renferme cette question, ont recours à mille explications frivoles : ils vont chercher un certain serviteur d’Abraham, qui eut pour fils Eliézer de Damas. Ce serait au nom d’Eliézer que ce psaume aurait été composé, parce que le Seigneur Dieu, après la destruction des cinq rois, aurait dit à son Seigneur Abraham : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que, » etc. Or, nous n’avons qu’à leur demander comment Eliézer aurait pu appliquer à Abraham la suite du psaume, et les forcer de nous répondre comment Abraham a été engendré avant l’aurore, et comment il fut prêtre selon l’ordre de Melchisédech, alors que Melchisédech offrit à Dieu pour lui du pain et du vin, et qu’Abraham lui donna la dîme de toutes les dépouilles.

S. CHRYS. (hom. 74.) Le Sauveur mit ainsi fin à toutes leurs questions, et ses dernières paroles eurent assez de puissance pour leur fermer la bouche sans retour. « Et qui que ce soit ne put rien lui répondre, et, depuis ce jour-là, personne n’osa plus l’interroger. » Ils se turent ; ce fut bien malgré eux, et parce qu’ils ne savaient que répondre. — Orig. Si leur question eût eu pour motif le désir de s’instruire, Notre-Seigneur ne leur aurait point répondu de telle sorte qu’ils n’osèrent plus jamais l’interroger. — Rab. Ce qui doit nous apprendre qu’on peut triompher de la jalousie la plus envenimée, mais qu’il est difficile qu’elle se calme et reste en repos.

 

 

CHAPITRE XXIII
 

vv. 1-4.
S. Chrys. (sur S. Matth.) Après avoir mis à néant toutes les questions insidieuses des prêtres, et leur avoir montré que leur état était incurable (car ceux qui sont consacrés à Dieu et se détournent de la voie droite, ne reviennent presque jamais au bien, tandis qu’on peut y ramener facilement les simples fidèles), le Sauveur adresse ses enseignements à ses apôtres et au peuple : « Alors Jésus s’adressant au peuple et à ses disciples, » etc., car une parole qui confond les uns sans instruire les autres est une parole stérile.

 

Orig. (Traité 24 sur S. Matth.) Les disciples de Jésus-Christ valent mieux que le reste du peuple. C’est ainsi que, dans l’Église, vous trouverez des âmes qui s’approchent avec plus d’amour du Verbe de Dieu, et qui sont les disciples de Jésus-Christ ; les autres forment son peuple. Tantôt c’est à ses disciples seuls qu’il adresse la parole, tantôt à la foule, et tantôt tout à la fois au peuple et à ses disciples, comme dans ce qui suit : « Il leur dit : Les pharisiens et les scribes sont assis sur la chaire de Moïse. » Ceux qui font profession de suivre la loi de Moïse, et qui se glorifient d’en être les interprètes, sont assis sur la chaire de Moise ; les scribes sont ceux qui ne s’écartent pas de la lettre de la loi ; et ceux qui prétendent à une perfection plus grande et se séparent de la foule comme étant meilleurs que le reste des hommes sont les pharisiens, dont le nom veut dire séparé (cf. Gn 38, 29). Ceux au contraire qui entendent et interprètent la loi de Moïse dans le sens vraiment spirituel sont assis il est vrai sur la chaire de Moïse, mais ils ne sont ni comme les scribes ni comme les pharisiens, ils valent beaucoup mieux qu’eux et sont les bien-aimés disciples de Jésus-Christ.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Il faut cependant considérer de quelle manière un homme occupe la chaire de l’enseignement, car ce n’est pas la chaire qui fait le prêtre, mais le prêtre qui donne l’autorité à sa chaire ; ce n’est pas le lieu qui sanctifie l’homme, mais l’homme qui sanctifie le lieu. Aussi le sacerdoce est pour le mauvais prêtre une source de crimes et ne lui donne aucune dignité morale. — S. Chrys. (hom. 71.) Toutefois afin que personne ne pût excuser sa négligence pour les bonnes oeuvres par les vices de celui qui enseigne, le Sauveur détruit ce prétexte en ajoutant : « Faites tout ce qu’ils vous diront, » etc. Car ce n’est pas leur propre doctrine qu’ils enseignent, mais les vérités divines dont Dieu a composé la loi qu’il a donnée par Moïse. Considérez quel honneur le Sauveur rend ici à Moïse, et comme il fait ressortir l’harmonie qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament. — Orig. Mais si les scribes et les pharisiens, assis sur la chaire de Moïse, sont les docteurs des Juifs, et leur enseignent quant à la lettre les préceptes de la loi, comment Notre-Seigneur peut-il nous ordonner, à nous, de faire tout ce qu’ils disent, alors que les apôtres, comme nous le voyons dans les Actes (15), ont défendu aux premiers fidèles de suivre la lettre de la loi ? C’est que les pharisiens enseignaient la lettre de la loi Sans eu comprendre le sens spirituel. Toutes les choses donc qu’ils nous prescrivent en vertu de la loi divine, nous qui avons l’intelligence de la loi, nous les observons et nous les pratiquons ; mais nous ne conformons pas notre conduite à la leur, car ils ne suivent pas les vrais enseignements de la loi, et ils ne comprennent pas qu’il y a un voile sur la lettre de la loi (2 Co  3, 14). Ou bien cette expression : « Tout ce qu’ils vous diront, » n’a pas pour objet tous les préceptes de la loi, comme ceux par exemple qui ont rapport aux aliments, aux victimes et à d’autres choses semblables, mais seulement les préceptes qui tendent à la réforme des moeurs. Or, pourquoi ne fait-il pas cette recommandation pour la loi de grâce, mais pour la loi de Moïse ? C’est qu’avant la Passion le temps n’était pas encore venu de faire connaître les commandements de la nouvelle loi. Mais il me semble que le Sauveur avait en cela un autre dessein. Il allait, dans le discours suivant, accuser les scribes et les pharisiens. Il commence donc par repousser tout d’abord le soupçon que des insensés auraient pu former contre lui, de vouloir s’emparer de leur autorité, ou d’agir dans un esprit d’hostilité ; et ce n’est qu’alors qu’il leur adresse des reproches pour que le peuple ne tombe point dans les mêmes désordres et ne s’imagine qu’il doit imiter leur conduite comme il est obligé d’écouter leurs enseignements, car il ajoute « Ne faites pas ce qu’ils font. » Or, quoi de plus misérable qu’un docteur dont les disciples ne peuvent se sauver qu’à la condition de ne pas l’imiter, et qui se perdent s’ils marchent sur ses traces ? — S. Chrys. (sur S. Matth.) De même qu’on recueille l’or dans le sein de la terre, et qu’on laisse de côté la terre, les auditeurs doivent recevoir la doctrine et laisser les moeurs de ceux qui enseignent, car il arrive fréquemment qu’un homme vicieux enseigne une doctrine irréprochable. Or, de même que les prêtres aiment mieux enseigner les méchants dans l’intérêt des bons, que de priver les bons d’enseignements à cause des méchants, ainsi les fidèles doivent honorer les mauvais prêtres à cause des bons, pour ne pas s’exposer à faire rejaillir sur les bons le mépris que méritent les mauvais. Il vaut mieux donner aux méchants ce à quoi il n’ont aucun droit, que de refuser aux bons ce qu’ils méritent.

 

S. Chrys. (hom. 72.) Considérez quel est le premier reproche qu’il leur adresse : « Ils disent et ne font pas. » En effet, celui qui a reçu ta puissance d’enseigner et qui transgresse la loi est coupable au premier chef : premièrement, parce qu’il donne l’exemple de la prévarication, alors qu’il doit reprendre et corriger les autres ; secondement, parce que la dignité dont il est revêtu augmente son crime et son châtiment ; troisièmement enfin, parce que son titre de docteur rend son péché plus scandaleux dans ses effets. Une seconde chose que le Sauveur leur reproche, c’est d’être durs et sévères pour ceux qui leur sont soumis : « Ils lient des fardeaux pesants, » etc. Et c’est en cela qu’ils sont doublement coupables d’exiger des autres, sans miséricorde, une vie parfaite et irréprochable, et de se donner à eux-mêmes toute latitude. Or, un bon supérieur doit se conduire tout autrement, c’est-à-dire se montrer juge sévère pour tout ce qui le concerne, et plein de douceur et de bonté pour ceux qu’il dirige. Remarquez encore comme il fait ressortir l’indignité de leur conduite. Il ne dit pas : ils ne peuvent pas, mais « Ils ne veulent pas, » et non-seulement : « Ils ne veulent pas porter ces fardeaux, » mais « Ils ne veulent pas les remuer du bout du doigt, » c’est-à-dire ni s’en approcher ni les toucher.

 

S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces fardeaux pesants et insupportables dont Notre-Seigneur veut ici parler, et que les pharisiens et les scribes imposaient à leurs disciples, sont ces préceptes de la loi dont saint Pierre dit au livre des Actes (Ac 15) : « Pourquoi voulez-vous imposer aux disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? » Ils donnaient, à l’aide de raisons frivoles, une grande importance à ces fardeaux de la loi dans l’esprit de leurs disciples, et les attachaient, pour ainsi dire, sur les épaules de leur cœur, afin que, se regardant comme liés par la raison, ils ne fussent point tentés de rejeter loin d’eux ces fardeaux Pour eux, au contraire, ils n’en accomplissaient pas la moindre partie, c’est-à-dire que, non-seulement ils n’en portaient aucun en réalité, mais qu’ils ne voulaient pas même les toucher légèrement du bout des doigts. — LA GLOSE. Ou bien encore « Ils lient des fardeaux, » c’est-à-dire ils recueillent de toutes parts des traditions qui, loin de soulager la conscience, l’oppriment et l’accablent. — S. Jér. Il faut entendre ici dans un sens spirituel les épaules, le doigt, les fardeaux et les liens qui lient ces fardeaux. Notre-Seigneur s’élève ici généralement contre tous ces docteurs qui imposent aux autres de lourdes obligations, et qui n’accomplissent pas eux-mêmes les plus légères. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Tels sont ceux qui imposent aux pécheurs repentants des pénitences accablantes, et qu’arrive-t-il ? C’est qu’en cherchant à se dérober aux peines de la vie présente, ils méprisent les peines de la vie future. En effet, chargez les épaules d’un jeune homme encore faible d’un fardeau qu’il ne peut porter, de toute nécessité, ou il le rejettera loin de lui, ou il succombera sous le faix. Or, de même, si vous imposez à un homme une pénitence trop pesante et trop rigoureuse, il la laissera nécessairement de côté, ou bien il s’en chargera sans pouvoir l’accomplir, et y trouvera ainsi une cause de scandale et une occasion de plus grand péché. D’ailleurs, en supposant que nous nous trompions en imposant des pénitences trop légères, ne vaut-il pas mieux avoir à rendre compte d’une trop grande miséricorde que d’une excessive sévérité ? Là où le père de famille est si libéral, le serviteur, qui distribue en son nom, ne doit pas être avare. Si Dieu est bon, pourquoi son prêtre serait-il d’une sévérité inflexible ? Voulez-vous être véritablement saint ? Soyez sévère pour vous-même et miséricordieux pour les autres ; que les hommes vous entendent imposer de légères obligations, et qu’ils vous voient en accomplir de grandes. Un prêtre qui, plein d’indulgence pour lui-même, exige beaucoup des autres, ressemble à celui qui, chargé de répartir l’impôt dans une ville, se dégrève lui-même pour charger ceux qui sont dans l’impossibilité de le payer.

 

vv. 5-12.
S. Chrys. (hom. 72.) Après avoir accusé les scribes et les pharisiens de cruauté et tout à la fois de négligence, il leur reproche leur amour de la vaine gloire, qui a été la cause de leur éloignement de Dieu, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Ils font toutes leurs oeuvres pour être vus, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Toute chose créée donne naissance à ce qui doit la faire périr : ainsi le bois donne naissance au ver, et la laine à la teigne. C’est pourquoi, le démon s’efforce de corrompre le ministère des prêtres qui sont établis pour former les peuples à la sainteté, afin de tourner en mal le bien qu’ils font, en leur donnant pour unique motif la gloire qui vient des hommes. Faites disparaître ce vice du milieu du clergé et vous retrancherez facilement tous les autres, car c’est le vice qui rend si difficile la pénitence aux prêtres coupables. Or le Seigneur veut nous apprendre la raison qui les a empêchés de croire au Christ : c’est qu’il font tout pour être vus des hommes, car il est impossible de croire au Christ, qui n’annonce que les biens du ciel, alors qu’on recherche la gloire toute terrestre qui vient des hommes. J’ai lu l’interprétation suivante de ce passage : Les scribes et les pharisiens, tout indignes qu’ils en étaient, ont été établis sur la chaire de Moïse, c’est-à-dire ont été revêtus de la même dignité et du même honneur ; ils expliquaient aux autres la loi qui annonçait l’avènement du Christ, et ils refusaient de le recevoir lorsqu’il était sous leurs yeux. C’est pour cela que le Sauveur exhorte le peuple a écouter la loi qu’ils enseignaient, c’est-à-dire à croire au Christ que prédisait la loi, et à ne pas imiter l’incrédulité des scribes et des pharisiens ; et il donne la raison pour laquelle, tout en annonçant d’après la loi l’avènement du Christ, eux-mêmes ne croyaient pas en lui, c’est qu’ils faisaient toutes leurs oeuvres pour être vus des hommes, c’est-à-dire qu’ils n’annonçaient pas la venue du Christ par le désir qu’ils avaient de son avènement, mais pour paraître les docteurs de la loi aux yeux des hommes. — Orig. Ils font leurs oeuvres afin d’être vus des hommes, en se soumettant à la circoncision extérieure, en faisant disparaître, en présence de. tous, les choses fermentées de leurs maisons, et en agissant ainsi à l’égard de toutes les autres observances, tandis que les disciples de Jésus-Christ accomplissent la loi eu secret, et sort ainsi comme ces Juifs intérieurs dont parle l’apôtre saint Paul (Rm 4, 28.29).

S. Chrys. (hom. 72.) Observez ici avec quelle intention bien marquée le Seigneur leur adresse ce reproche, car il ne dit pas simplement : Ils font leurs oeuvres pour être vus des hommes, mais, « toutes leurs oeuvres. » Il montre ensuite que cette vaine gloire s’attachait, non pas à des choses importantes, mais à de misérables observances : « Ils élargissent leurs bandes de parchemins, » etc. — S. Jér. Lorsque le Seigneur eut donné à son peuple la loi par Moïse, il termina en disant : « Vous lierez mes commandements comme un signe dans votre main, et ils seront toujours devant vos yeux, » c’est-à-dire mes commandements seront toujours dans vos mains par votre fidélité à les accomplir ; ils seront toujours devant vos yeux, comme le sujet de votre méditation le jour et la nuit (Dt 4). Les pharisiens, par suite d’une fausse interprétation de ces paroles, écrivaient sur des feuilles de parchemin le Décalogue de Moïse ou les dix commandements ; ils les pliaient ensuite et se les attachaient au front ou autour de la tête comme une espèce de couronne, afin de les avoir sans cesse sous les yeux. Moïse avait encore ordonné aux Israélites de mettre des franges de couleur hyacinthe aux quatre coins de leurs manteaux, pour distinguer ainsi le peuple Juif des autres nations par les vêtements, comme il l’était dans son corps par la circoncision. Mais ces docteurs superstitieux, pour gagner la faveur populaire et tirer l’argent des bonnes femmes, se faisaient de grandes franges et y plaçaient des épines très aiguës, de manière à en être piqués lors qu’ils marchaient ou s’asseyaient, et à être ainsi rappelés par ce souvenir à la pensée du service de Dieu. Ils appelaient phylactères ces larges bandes, mot qui revient à celui de conservateurs, parce que ceux qui les portaient s’en faisaient comme une armure qui les protégeaient. Les pharisiens ne comprenaient pas que c’est dans le cœur et non sur le corps qu’ils auraient dû porter ces souvenirs. Les armoires et les coffres ont-ils la connaissance de Dieu, parce qu’ils tiennent renfermés les livres ou se puise cette connaissance ? — S. CHRYS. (sur S. Matth.) Il en est un grand nombre qui, à l’exemple des pharisiens, imaginent certains noms hébreux des anges, qu’ils écrivent et qu’ils lient autour d’eux, ce qui paraît merveilleux à ceux qui n’y comprennent rien. D’autres portent autour de leur cou une partie de l’Évangile ; mais est-ce que tous les jours l’Évangile n’est pas lu et entendu dans l’église par les fidèles ? Or, si l’Évangile ne sert de rien à ceux qui l’écoutent, comment peut-il sauver ceux qui se contentent de le porter autour du cou ? car enfin où réside la vertu de l’Évangile ? Est-ce dans la forme des lettres ou dans l’intelligence des sens multipliés qu’il renferme ? Si c’est dans la forme des lettres, vous faites bien de le porter suspendu autour de votre cou ; mais, si c’est dans l’intelligence des sens, il vous sera bien plus utile de le porter dans votre cœur que de le suspendre autour de votre cou. D’autres entendent ce passage dans ce sens que les pharisiens développaient continuellement leur doctrine sur leurs observances particulières, et qu’ils les présentaient continuellement au peuple comme des phylactères (c’est-à-dire des choses conservatrices de la doctrine du salut). Les franges longues et développées de leurs robes sont les parties les plus excellentes de ces mêmes préceptes.

 

S. Jér. Après leur avoir reproché de porter des bandes de parchemin plus larges et des franges plus longues que les autres, par un motif de vaine gloire, le Sauveur passe à d’autres chefs : « Ils aiment les premières places dans les festins, à être salués dans les places publiques, » etc. — Rab. Remarquez qu’il ne défend pas de recevoir le salut sur les places publiques, ou d’occuper les premières places dans les assemblées ou dans les festins à ceux à qui ces honneurs sont dus en raison de leur dignité ou de leur position ; mais qu’il blâme seulement ici ceux qui exigent outre mesure des fidèles ces marques d’honneur, qu’ils y aient droit ou non, et leur reproche de donner en cela un mauvais exemple qu’il faut éviter. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il ne blâme pas ceux qui occupent la première place, mais ceux qui aiment les premières places, et ses reproches tombent, non sur le fait, mais sur la volonté, car c’est bien inutilement qu’on s’humilierait en prenant la dernière place, si intérieurement on se croit digne de la première. Voici par exemple un homme plein de vanité qui a entendu dire qu’il était louable de prendre la dernière place, et qui s’y asseoit en effet ; non-seulement il ne renonce pas à la vanité, mais il y ajoute encore la prétention à l’humilité, c’est-à-dire qu’il veut paraître juste et humble tout à la fois. Il y a beaucoup d’orgueilleux qui, de fait, sont assis à la dernière place, mais qui, par l’enflure de leur âme, vont s’asseoir à la première, de même qu’il en est beaucoup qui occupent les premières places, et qui, parleurs sentiments d’humilité, ne se croient dignes que de la dernière. — S. Chrys. (hom. 72). Or, considérez dans quels endroits ils se laissent dominer par la vaine gloire, c’est dans les synagogues où ils entraient pour diriger les autres. Cette prétention aurait pu être supportable en quelque sorte dans les festins, quoique celui qui est chargé d’enseigner les autres doive être un objet d’édification, non-seulement dans l’église, mais partout où il se trouve. Or, si l’on est coupable d’aimer ces distinctions, combien plus l’est-on de chercher tous les moyens de les obtenir. — S. CHRYS. (sur S. Matth.) Ils veulent qu’on les salue les premiers, parce qu’ils désirent qu’on les prévienne, qu’on exprime ce salut à haute voix, en disant : « Je vous salue, maître, » qu’on y ajoute les marques extérieures du respect en inclinant la tête, et qu’on choisisse le lieu en les saluant sur les places publiques. « Et ils aiment, dit Notre-Seigneur, « être salués sur les places publiques. » — Rab. Ils sont d’ailleurs coupables encore de se mêler aux disputes de la place publique, eux qui, assis sur la chaire de Moïse, ambitionnent le titre de docteur dans la synagogue et qui veulent être appelés maîtres par les hommes. — S. CHRYS. (sur S. Matth.) Ils veulent être appelés maîtres, mais ils se soucient peu de l’être en réalité. Ils désirent en porter le nom, mais sans en remplir les fonctions.

 

ORIG. Jusque dans l’Église de Jésus-Christ, il en est qui désirent l’intendance des tables, et qui cherchent à se faire nommer diacres. Ils en viennent bientôt jusqu’à ambitionner les premières chaires, qui appartiennent aux prêtres, et quelques-uns même ont recours aux intrigues pour obtenir des hommes le titre d’évêque, c’est-à-dire celui de maître. Or le disciple de Jésus-Christ aime aussi les premières places, mais dans les festins spirituels, pour s’y nourrir des mets les plus exquis ; il aime encore les premières chaires, mais en compagnie des apôtres, qui sont assis sur douze trônes, et il s’efforce de s’en rendre digne par ses bonnes oeuvres. Il aime enfin à être salué, mais dans la grande réunion du ciel, c’est-à-dire dans l’assemblée des premiers-nés qui sont assis dans le ciel (He 12, 22) ; mais le vrai juste ne désire être appelé maître ni par les hommes, ni par aucun autre, parce qu’il n’y a qu’un seul maître de tous les hommes : « Pour vous, ne vous faites pas appeler maîtres, » etc. — S. Chrys. (hom. 72.) Parmi les différents chefs d’accusation que le Sauveur a formulés plus haut contre les pharisiens, il passe sous silence ceux qui étaient les moins importants, et contre lesquels les disciples avaient moins besoin d’être prémunis ; mais il s’attache à mettre dans tout son jour, pour leur instruction, ce qui était la source de tous les autres vices, le désir, l’ambition d’occuper la chaire des docteurs et des maîtres ; et c’est pour cela qu’il leur dit : « Pour vous, ne vous faites pas appeler maîtres. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ne vous faites pas appeler maîtres, pour ne pas usurper ce qui n’appartient qu’à Dieu ; ne donnez pas non plus ce nom de maître aux autres hommes, pour ne pas leur attribuer l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu. Il n’y a qu’un seul maître de tous les hommes, celui qui les enseigne tous par la voix de la nature. Si c’était l’homme qui instruit l’homme, tous ceux qui suivent les enseignements des maîtres apprendraient facilement, mais ce n’est pas l’homme qui enseigne, r’est Dieu. Aussi en est-il beaucoup qui reçoivent les leçons de l’homme, mais peu qui deviennent instruits, car ce n’est pas l’homme qui, par son enseignement, donne l’intelligence, il ne fait qu’exercer par sa parole l’intelligence qu’on a reçue de Dieu. — S. Hil. (can. 74.) Et afin que ses disciples se rappellent qu ils sont les enfants d’un seul et même Père, et que la grâce de leur nouvelle naissance les a élevée au-dessus de leur origine terrestre, le Sauveur ajoute : « Vous êtes tous frères. » — S. JÉR. (contre Helvid.) Or, on peut donner par affection ce nom de frères à tous les hommes, ce qui peut se faire de deux manières : en particulier, pour les chrétiens qui sont tous frères entre eux ; et, en général, pour tous les hommes, car, étant tous sortis d’un même père, nous sommes tous unis par les liens de la fraternité.

 

« N’appelez aussi personne sur la terre votre père, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Quoique sur la terre ce soit l’homme qui donne naissance à l’homme, cependant il n’y a qu’un seul Père qui nous a tous créés, car ce n’est pas le principe de la vie, mais la simple transmission de la vie que nous recevons de nos parents. — ORIG. Mais quel est celui qui ne donne à personne le nom de Père sur la terre ? Celui qui par toutes ses actions accomplies selon la volonté de Dieu lui dit : « Notre Père qui êtes dans les cieux. » — La Glose. Notre-Seigneur venait de leur enseigner clairement quel était le Père de tous les hommes, par ces paroles : « Qui est dans les cieux ; » il veut également leur apprendre quel est le maître de tous les hommes, et c’est pour cela qu’il répète de nouveau ce commandement : « Qu’on ne vous appelle point non plus maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, qui est le Christ » — S. Chrys. (hom. 72.) Il dit que le Christ est le seul maître, non point par exclusion du Père, pas plus que ce n’est par exclusion du Fils qu’il appelle Dieu le Père le seul père de tous les hommes. — S. Jér. On se demande comment, contrairement à ce précepte, l’Apôtre s’est appelé lui-même le docteur des nationS (1 Tm 2), et pourquoi aussi, dans les monastères, les religieux, dans le langage ordinaire, se donnent réciproquement le nom de pères. Nous répondons qu’il y a deux manières différentes d’être père ou maître : l’une par nature, l’autre par condescendance ou par concession. C’est ainsi qu’en donnant à un homme le nom de père nous honorons son âge, sans le reconnaître pour l’auteur de nos jours. Nous l’appelons également maître, à cause de son union avec le véritable Maître, et, pour ne pas me répéter à l’infini, de même qu’un seul Dieu et un seul Fils de Dieu par nature n’empêchent pas que les hommes soient appelés dieux ou enfants de Dieu par adoption, de même un seul Père et un seul Maître ne font pas obstacle à ce que le nom de pères et de maîtres soit donné aux hommes par extension.

 

S. Chrys. (hom. 72.) Le Seigneur ne se contente pas de défendre d’ambitionner les premières places, mais il veut faire entrer ses disciples dans une voie tout opposée, en ajoutant : « Celui qui est le plus grand parmi vous sera le serviteur des autres. » — Orig. Ou bien encore : Celui qui distribue la parole de Dieu, et qui sait à n’en pouvoir douter que c’est Jésus-Christ qui la rend féconde, se considère non pas comme maître, mais comme serviteur. C’est pour cela qu’il ajoute : « Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur, » car Jésus-Christ lui-même, qui était véritablement maître, n’a-t-il pas déclaré qu’il était serviteur en ces termes : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22) ? Or, il termine admirablement tous ses enseignements qui proscrivent l’amour de la vaine gloire par ces paroles « Car quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’humiliera sera élevé. » — REMI. Paroles dont voici le sens : Tout homme qui s’enorgueillit de ses propres mérites sera humilié devant Dieu, et celui qui ne se glorifie que des grâces qu’il a reçues de Dieu sera élevé aux yeux de Dieu.

 

v. 13.
Orig. (Traité 25 sur S. Matth.) Jésus-Christ, comme le vrai Fils de Dieu qui avait donné la loi, pour imiter les bénédictions qui terminent la publication de la loi, a proclamé aussi les béatitudes de ceux qui parviennent au salut ; de même ici, pour imiter les malédictions qui se trouvent également dans la loi, il prononce des malédictions contre les pécheurs (cf. Dt 28, 3-6) : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » Que ceux qui sont obligés d’avouer que ces malédictions prononcées ici contre les pécheurs sont un effet de la bonté de Dieu, comprennent que les malédictions de la loi n’ont point d’autre cause. Ce n’est pas celui qui prédit ces malheurs qui fait que les pécheurs les encourent ; mais ce sont leurs péchés qui les rendent dignes des châtiments que Dieu leur prédit pour les ramener au bien. C’est ainsi qu’un père qui reprend son fils a souvent des paroles de malédiction à la bouche, non qu’il désire que son fils s’en rende digne par ses vices, mais parce qu’il veut au contraire les détourner de dessus sa tête. Or, Notre-Seigneur donne la raison de cette malédiction : « Parce que vous fermez le royaume des cieux, » etc. Ces deux choses sont indissolublement unies, et il suffit, pour être exclu du royaume des cieux, qu’on empêche les autres d’y entrer. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Le royaume des cieux ce sont les Écritures, qui contiennent la science du royaume des cieux ; la porte des cieux c’est l’intelligence qui les fait comprendre. Ou bien, le royaume des cieux c’est le bonheur du ciel ; la porte c’est Jésus-Christ, par lequel on entre dans ce bonheur ; les portiers ce sont les prêtres, qui ont reçu le pouvoir d’enseigner et d’interpréter les Écritures ; la clef c’est la science des Écritures, science qui ouvre aux hommes la porte de la vérité ; ouvrir cette porte c’est interpréter les Écritures dans leur sens véritable. Or, remarquez qu’il ne dit pas : Malheur à vous, qui n’ouvrez pas, » mais qui fermez. » Donc les Écritures ne sont pas fermées, bien qu’elles renferment des obscurités.

 

Orig. (traité 25.) Les pharisiens et les scribes n’entraient donc pas, ni ne voulaient écouter celui qui a dit : « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. » Et non-seulement ils n’entraient pas, mais ils ne laissaient pas entrer ceux qui auraient pu croire aux prédictions que la loi et les prophètes avaient pu faire sur le Christ, et ils leur fermaient la porte en leur inspirant la plus grande terreur. Non contents de ne pas croire en Jésus-Christ, ils contestaient l’autorité de sa doctrine, dénaturaient le sens des prophéties dont il était l’objet, et blasphémaient toutes ses actions comme l’oeuvre du mensonge et du démon. Or, tous ceux qui, par leur mauvaise conduite, donnent au peuple l’exemple de la transgression, et qui, par leurs scandales, causent aux faibles un tort irréparable, ferment aux hommes le royaume des cieux. Ce péché se rencontre parmi les simples fidèles, mais surtout parmi les docteurs qui enseignent en toute justice la saine doctrine de l’Évangile, mais qui sont loin de pratiquer ce qu’ils enseignent. Ceux, au contraire, qui prennent soin de conformer leur conduite à leur enseignement, ouvrent aux hommes le royaume des cieux, et en y entrant les premiers ils excitent les autres à y entrer à leur suite. Mais il en est beaucoup qui, tout en voulant entrer dans le royaume des cieux, ne permettent pas aux autres d’y entrer avec eux : ce sont ceux qui, sans raison, et par un sentiment de jalousie, excommunient ceux qui valent mieux qu’eux, et qui, par cette conduite, ne leur permettent pas l’entrée de ce royaume. Mais ceux qui savent contenir leur âme dans la modération, triomphent de cette tyrannie par leur patience, et quoiqu’on les écarte, ils entrent et possèdent l’héritage du royaume. Il n’en est pas moins vrai que ceux qui, par un excès de témérité, se sont donné la mission d’enseigner avant d’avoir appris, et qui se traînent à la suite des fables juives, en décriant ceux qui s’appliquent à découvrir le sens relevé des Écritures, ferment aux hommes, autant qu’il est en eux, la porte du royaume des cieux.

 

v. 14.
S. Chrys. (hom. 73.) Notre-Seigneur, poursuivant ses invectives contre les pharisiens, leur reproche leur voracité, et ce qui est plus affreux encore, d’arracher, non pas aux riches, mais aux veuves, de quoi satisfaire leurs appétits insatiables, et d’aggraver ainsi l’indigence qu’ils auraient dû soulager. « Malheur à vous, scribes et pharisiens, qui dévorez les maisons des veuves, » etc. — La Glose. C’est-à-dire, malheur à vous qui n’avez d’autre but dans votre superstition que de vous enrichir en dépouillant le peuple sur lequel vous dominez. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Les femmes sont généralement imprudentes, et ne pèsent pas avec la raison tout ce qu’elles voient ou tout ce qu’elles entendent. Elles sont, de plus, faibles, et tournent facilement du bien au mal, ou du mal au bien. Les hommes sont plus prudents et plus fermes ; aussi les hypocrites, qui affectent les dehors de la sainteté, cherchent surtout à exploiter les femmes, parce qu’elles sont incapables de découvrir leurs ruses hypocrites, et suivent en aveugles leur direction par un motif de conscience et de religion. Mais c’est principalement des veuves qu’ils trafiquent, d’abord parce qu’une femme est moins facile à tromper lorsqu’elle a son mari pour conseiller, et qu’ensuite étant en puissance de mari, elle ne peut disposer aussi facilement de ses biens. Or, en couvrant ainsi de confusion les prêtres juifs, le Seigneur avertit les prêtres chrétiens de n’avoir point de relations plus fréquentes avec les veuves qu’avec les autres ; car si l’intention n’est pas mauvaise, cette conduite autorise toujours les mauvais soupçons.

 

S. Chrys. (hom. 73.) Mais la manière dont ils exerçaient leurs rapines était bien plus coupable encore. « En faisant de longues prières. » Tout homme qui fait le mal est digne de châtiment, mais celui qui cherche à couvrir du voile de la religion le mal qu’il fait, mérite une peine bien plus rigoureuse ; aussi le Sauveur ajoute : « C’est pour cela que vous serez jugés plus sévèrement. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) D’abord parce que vous êtes pleins d’iniquité, et parce qu’ensuite vous vous couvrez du masque de la sainteté, et que vous colorez votre avarice des apparences de la religion, et que vous remettez ainsi les armes de Dieu entre les mains du démon, en faisant aimer l’iniquité sous le voile de la piété. — S. HIL. (can. 24.) Ou bien, comme ils ferment l’entrée du royaume des cieux, en continuant à parcourir en maîtres et à exploiter les maisons des veuves, ils subiront un jugement plus rigoureux, parce qu’ils porteront la peine de leurs propres péchés et de l’ignorance d’autrui. — LA GLOSE. Ou bien, ils seront condamnés plus sévèrement, parce que le serviteur qui connaît la volonté de son maître, et qui ne l’exécute point, sera frappé de plusieurs coups. (Lc 12.)

 

v. 15.
S. Chrys. (hom. 73.) A ces reproches, le Seigneur en ajoute encore d’autres, il accuse les pharisiens d’être impuissants pour convertir la multitude, puisqu’ils se donnent tant de mal pour convertir un seul homme, et non-seulement d’abandonner, mais de perdre ceux qu’ils ont convertis, en les corrompant par les exemples de leur vie dépravée : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites qui parcourez la mer, » etc. — S. Hil. Ils parcourent la mer et la terre, c’est-à-dire qu’ils blasphèment en tous lieux l’Évangile de Jésus-Christ en soumettant quelques prosélytes au joug de la loi par opposition à la justification qui vient de la foi. Ces prosélytes étaient ceux qui passaient de l’idolâtrie dans la synagogue, et dont cet unique prosélyte dont parle le Sauveur, représente le petit nombre ; car, même après la prédication de Jésus-Christ, leur doctrine n’a pas entièrement perdu son autorité, mais tout homme qui embrasse la foi des Juifs, devient un enfant de l’enfer. — Orig. Or, tous ceux qui font profession de judaïsme depuis la venue du Sauveur, apprennent à partager les sentiments de ceux qui s’écrièrent alors : « Crucifiez-le, » c’est pour cela qu’il ajoute : « Et après qu’il est devenu votre prosélyte, vous faites de lui un fils d’enfer deux fois plus que vous. » — S. Hil. Il devient digne d’une peine deux fois plus grande, et pour n’avoir pas reçu la rémission des péchés qu’il a commis précédemment, et pour être entré dans la société des persécuteurs de Jésus-Christ. — S. Jér. Ou bien, le zèle des pharisiens et des scribes à parcourir toute la terre, avait pour but de faire un prosélyte parmi les Gentils, pour mêler un étranger incirconcis au peuple de Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ils ne l’instruisaient pas dans un sentiment de miséricorde ou dans le désir de le sauver, mais c’était par avarice, afin qu’il augmentât le nombre de ceux qui fréquentaient la synagogue, et par là même le revenu des sacrifices ; ou enfin par un motif de vaine gloire. Comment, en effet, celui qui s’enfonce lui-même dans l’abîme du mal, peut-il délivrer un autre de ses péchés ? Peut-on avoir plus de miséricorde pour autrui que pour soi-même ? C’est donc par ses oeuvres qu’un homme prouve qu’il veut en convertir un autre ou en vue de Dieu, ou par un motif de vanité. — S. Grég. (Moral., 31, 7.) Les hypocrites, dont la conduite est toujours mauvaise, ne laissent pas d’enseigner une doctrine saine et d’engendrer, par là, des enfants à la foi et à la pratique du bien, mais ils sont incapables de les nourrir par l’exemple d’une vie vertueuse ; car plus ils s’identifient eux-mêmes avec les intérêts et les choses de la terre, plus aussi ils laissent tomber par leur négligence ceux qu’ils avaient enfantés dans une vie toute terrestre, et c’est ainsi qu’ayant le cœur endurci, ils ne donnent aux enfants qu’ils ont engendrés, aucune marque de la tendresse qui leur est due.

 

C’est pour cela que Notre-Seigneur dit ici de ces hypocrites : « Et lorsque vous avez fait un prosélyte, vous en faites un fils de l’enfer. » — S. Aug. (contre Faust, 16, 29.) Et cela, non parce que les prosélytes recevaient la circoncision, mais parce qu’ils imitaient les moeurs corrompues de ceux dont le Sauveur avait défendu à ses disciples de suivre les exemples par ces paroles : « Ils sont assis sur la chaire de Moïse, » etc., paroles où nous voyons à la fois d’un côté, l’honneur extraordinaire qu’il rend à la chaire de Moïse, qui forçait pour ainsi dire les docteurs corrompus qui y étaient assis, à enseigner la vérité, et de l’autre, malgré cela, la damnation du prosélyte qui devenait fils de l’enfer, non pas en obéissant aux enseignements de la loi, mais en imitant la conduite de ceux qui l’instruisaient. Or, il devient fils d’enfer deux fois plus qu’eux, parce qu’il n’observait pas une loi qu’il avait embrassée de son, propre choix. — S. Jér. Ou bien dans un autre sens, lorsqu’il était païen, son erreur était simple et ordinaire, mais maintenant qu’il voit les moeurs dépravées de ceux qui sont devenus les maîtres, il comprend qu’ils détruisent par leur conduite la force de leurs enseignements, et retourne à ce qu’il avait rejeté, redevient païen et prévaricateur, et digne d’un châtiment plus rigoureux. — S. Chrys. sur S. Matth.) Ou bien encore, peut-être que lorsqu’il suivait le culte des idoles, il pratiquait la justice au moins par respect humain, tandis qu’étant devenu juif, il est entraîné par les exemples de ses maîtres pervers, et devient plus mauvais qu’eux. — S. Chrys. (hom. 73.) En effet, lorsqu’un maître est vertueux, ses disciples imitent ses vertus, mais s’il leur donne l’exemple du mal, ils vont plus loin que lui dans la carrière du vice. — S. Jér. Ce prosélyte est appels fils de l’enfer comme on dit : fils de perdition, fils de ce siècle. Tout homme est appelé fils de celui dont il fait les oeuvres. — ORIG. Ce passage nous apprend qu’il y aura une différence dans les tourments de ceux qui tomberont dans les enfers, puisque l’un est appelé simplement fils de l’enfer, et l’autre, fils de l’enfer deux fois plus que lui. Or, il faut considérer si l’on ne devient pas fils de l’enfer en général (comme le Juif ou le Gentil), ou en particulier par les différentes espèces de péchés, de telle sorte, que d’un côté le juste verrait sa gloire s’augmenter en proportion du nombre de ses bonnes oeuvres, et le pécheur ses supplices se multiplier selon la multitude de ses péchés.

 

vv. 16-22.
S. Jér. Les pharisiens, en portant des bandelettes de parchemin et des franges plus larges que les autres, recherchaient la gloire par cette vaine apparence de sainteté, et par la gloire, le profit qui leur en revenait. Notre-Seigneur les accuse encore d’impiété en leur dévoilant une autre fausse tradition qu’ils avaient accréditée, c’est-à-dire que tout homme qui, dans une discussion, dans une contestation, dans un cas douteux, avait juré par le temple, n’était pas réputé coupable de parjure, si, plus tard, il était convaincu de n’avoir pas observé son serment. Et c’est ce qu’il leur reproche ici : « Malheur à vous qui dites : Si un homme jure par le temple, ce n’est rien, » etc., c’est-à-dire : « Il ne doit rien. » Mais s’il jurait par l’or et par l’argent qui étaient offerts aux prêtres dans le temple, on le forçait aussitôt d’accomplir son serment. « Mais celui qui aura jugé par l’or du temple. » etc. — S. Chrys. Le temple a pour objet direct la gloire de Dieu et le salut des hommes, l’or, au contraire, bien qu’il se rapporte à la gloire de Dieu, est offert surtout pour la satisfaction des hommes et l’utilité des prêtres. Les pharisiens prétendaient donc que l’or qui avait pour eux de l’attrait, et les dons qui servaient à leur entretien étaient plus sacrés que le temple lui-même, afin de porter ainsi le peuple à multiplier ces dons plutôt qu’à offrir des prières dans le temple. Aussi Notre-Seigneur leur adresse-t-il ce juste reproche : « Insensés et aveugles ! lequel est plus grand ? » etc. Il est encore aujourd’hui beaucoup de choses que les chrétiens entendent d’une manière déraisonnable. Qu’une occasion se présente, ils considèrent comme de peu d’importance le serment qu’ils font par le nom même de Dieu, et ils mettent bien au-dessus le serment fait par l’Évangile. On peut donc leur dire aussi : « Insensés et aveugles ! car les Écritures existent pour Dieu, et non pas Dieu pour les Écritures. » Dieu qui donne à l’Évangile son caractère de sainteté est donc plus grand que l’Évangile qu’il sanctifie. — S. Jér. Et si quelqu’un encore venait à jurer par l’autel, personne ne le regardait comme coupable de parjure, tandis qu’on lui faisait scrupuleusement observer le serment qu’il avait fait par les dons et les offrandes, c’est-à-dire par les victimes et par les autres choses offertes sur l’autel. Or, toute cette conduite avait pour unique motif l’amour des richesses, plutôt que la crainte de Dieu. « Et quiconque a juré par l’autel, ce n’est rien, » etc. Le Seigneur leur reproche ici leur conduite tout à la fois insensée et pleine de fourberie, parce que l’autel vaut beaucoup mieux que les victimes consacrées sur l’autel.

 

Il ajoute : « Aveugles que vous êtes, lequel est le plus grand ou le don, ou l’autel qui sanctifie le don ? — LA Glose. Dans la crainte de les voir se jeter dans cet excès d’infamie, de prétendre que l’or était plus sacré que le temple, et l’offrande plus sainte que l’autel, il leur oppose cette autre raison préremptoire, que le serment fait par l’autel et le temple, contient le serment qui est fait par l’or et par le don : « Celui qui jure par l’autel, jure par l’autel, et par tout ce qui est dessus. — ORIG. Et comme les Juifs avaient l’habitude de jurer par le ciel, il complète la leçon qu’il leur donne en ajoutant : « Et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu, » etc. Ils n’échappent donc pas, comme ils se l’imaginent, au danger de jurer par Dieu, en jurant par le trône de Dieu, c’est-à-dire par le ciel. — La Glose. Car celui qui jure par la créature qui est essentiellement dans la dépendance de Dieu, jure par la divinité qui gouverne la créature. — Orig. Le serment a pour objet de rendre plus certaines les choses qu’on affirme. On peut donc regarder comme un serment le témoignage des Écritures que nous apportons pour appuyer les choses que nous affirmons. La sainte Écriture serait alors le temple de Dieu ; l’or, le sens qu’elle renferme, et de même que l’or qui n’est pas dans le temple, ne peut être regardé comme sanctifié, ainsi tout sens qui est étranger à l’Écriture n’est point consacré, quelque admirable qu’il paraisse d’ailleurs. Nous ne devons donc point nous servir de nos propres pensées pour confirmer la doctrine de l’Évangile, à moins que nous ne puissions établir qu’elles sont consacrées par l’Écriture sainte où elles se trouvent. L’autel est le cœur qui est la partie la plus noble de l’homme, les dons et les vœux placés sur l’autel sont toutes les choses dont le cœur est le siége, comme la prière, les saints cantiques, l’aumône, le jeûne. Ce qui sanctifie le vœu de l’homme, c’est son cœur qui forme le voeu, et c’est pourquoi le voeu ne peut être plus noble que le cœur de l’homme qui lui donne naissance. Si donc la conscience de l’homme ne lui reproche rien, il doit avoir confiance en Dieu, non à cause des dons qu’il lui offre, mais parce que, pour m’exprimer ainsi, il a bien construit l’autel de son cœur. Nous disons en troisième lieu qu’au-dessus du temple, c’est-à-dire au-dessus de toute Écriture, et au-dessus de l’autel, c’est-à-dire de tout cœur, réside une intelligence qui est appelée ciel, et qui est comme le trône de Dieu, sur lequel, lorsque nous serons dans l’état parfait, nous verrons face à face la vérité à découvert (1 Co 13, 10).

 

S. Hil. (can. 25.) Notre-Seigneur nous enseigne aussi qu’après l’avènement du Christ, toute confiance dans la loi est superflue ; car ce n’est pas la loi qui sanctifie le Christ, mais le Christ qui sanctifie la loi dans laquelle il avait placé comme son trône et son siège. C’est donc une absurdité de vénérer ce qui est sanctifié, et de dédaigner celui qui est la source de toute sanctification. — S. Aug. (Quest. évang., 1, 34.) Nous entendons aussi par le temple et l’autel Jésus-Christ lui-même ; par l’or et les offrandes, les louanges et les sacrifices de prières que nous offrons en Jésus-Christ et par Jésus-Christ ; car ce ne sont pas ces choses qui sanctifient le Christ, mais le Christ qui les sanctifie.

 

vv. 23-24.
S. CHRYS. (hom. 73.) Le Seigneur avait reproché plus haut aux scribes et aux pharisiens de lier des fardeaux pesants, et de les placé sur les épaules des autres, alors qu’eux-mêmes ne voulaient pas les remuer du bout du doigt, il les accuse ici d’être d’une grande exactitude dans de petites choses, tandis qu’ils ne tenaient aucun compte des points les plus importants de la loi. « Malheur à vous, leur dit-il, scribes et pharisiens hypocrites qui payez la dîme, » etc. — S. Jér. Laissant là pour le moment toute interprétation mystique, nous dirons que Dieu ayant ordonné à son peuple d’offrir dans le temple la dîme de tous ses biens pour l’entretien des prêtres et des lévites dont Dieu était le seul héritage, les pharisiens n’avaient d’autre préoccupation que de faire porter dans le temple cette offrande exigée, tandis qu’ils abandonnaient complètement d’autres obligations bien plus importantes, comme Notre-Seigneur le leur reproche : « Et vous avez laissé ce qu’il y a de plus important dans la loi, » etc. Il leur reproche aussi, par là, leur avarice, eux qui exigeaient avec tant de soin la dîme des herbes les plus viles, et qui ne tenaient aucun cas des principaux commandements, comme d’observer la justice dans les différends, la miséricorde envers les pauvres, la foi en Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien dans un autre sens, les prêtres, pleins d’avarice, reprenaient sévèrement celui qui avait négligé de payer la dîme des plus petites choses, comme s’il avait commis un grand crime ; mais s’il avait fait tort à son prochain, s’il s’était rendu coupable d’offense envers Dieu, ils ne songeaient même pas à lui en faire un reproche, uniquement préoccupés de leurs intérêts et pleins d’indifférence pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Car c’est pour sa gloire que Dieu nous a fait un précepte de la justice, de la miséricorde, de la foi, tandis que la dîme n’a d’autre fin que l’utilité des prêtres, et Dieu l’a établie pour que les prêtres pussent se consacrer au service du peuple dans les choses spirituelles, et que les peuples leur fournissent de quoi subvenir à leurs besoins temporels. Mais il arrive que tous se montrent pleins de sollicitude pour leurs intérêts, tandis que l’honneur de Dieu les trouve tout à fait insensibles ; ils défendent leurs droits avec un zèle excessif, mais n’ont pas le moindre souci de rendre à l’Église les services dont ils lui sont redevables. Que le peuple néglige de payer les dîmes, vous les entendez tous murmurer ; mais qu’ils soient témoins de prévarication du peuple, pas un seul ne lui en fera le moindre reproche. Toutefois, comme parmi les scribes et les pharisiens il en était qui faisaient partie du peuple, il n’est pas inutile de donner une autre explication qui puisse s’appliquer à ceux qui payaient la dîme ; car l’expression décimer signifie à la fois celui qui reçoit la dîme et celui qui la paie. Dans ce sens, les scribes et les pharisiens payaient la dîme des moindres choses (Nb 18, 2 et suiv.) par ostentation de religion, tandis qu’ils étaient injustes dans leurs jugements, sans miséricorde pour leurs frères, et incrédules à l’égard de la vérité.

 

ORIG. Mais comme il pouvait arriver que quelques-uns, entendant le Sauveur s’exprimer de la sorte, négligeraient de payer la dîme des choses moins importantes, il ajoute avec sagesse : « Et il fallait observer ces choses, » c’est-à-dire la justice, la miséricorde, la foi, et ne pas omettre les autres, c’est-à-dire la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin. — REMI. Ces paroles de Notre-Seigneur nous apprennent qu’il faut accomplir avec la même fidélité tous les commandements de la loi, les plus grands comme les plus petits. Il condamne en même temps ceux qui s’imaginent que l’aumône qu’ils fontS des fruits de la terre, les rend tout à fait impeccables, tandis que ces aumônes leur serviront de rien, s’ils ne s’efforcent de mettre fin à leurs péchés. — S. Hil. C’était assurément une moindre faute d’omettre de payer la dîme d’une herbe quelconque que de manquer à un devoir de charité, aussi le Seigneur leur adresse ce reproche ironique : « Conducteurs aveugles, qui avez grand soin de passer ce que vous buvez, de peur d’avaler un moucheron. » — S. Jér. Je pense que par le chameau, il faut entendre ici les grands préceptes, la justice, la miséricorde et la foi ; et par le moucheron, la dîme de la menthe, de l’aneth, du cumin et d’autres légumes de vil prix. Nous avalons pour ainsi parler, et nous négligeons les préceptes les plus importants, et sous prétexte de religion, nous déployons beaucoup de zèle pour les petites choses qui nous apportent du profit. — Orig. Ou bien, ils filtrent le moucheron, c’est-à-dire qu’ils se gardent des moindres fautes que Notre-Seigneur compare à des moucherons, tandis qu’ils avalent le chameau en commettant les plus grands crimes qu’il compare à des chameaux, dont la difformité égale la grandeur. Les scribes, dans le sens moral, sont ceux qui ne veulent voir dans l’Écriture que ce que la lettre seule exprime, tandis que les pharisiens sont ceux qui se justifient eux-mêmes, et se séparent des autres en leur disant : « Ne m’approchez pas, car je suis pur. » La menthe, l’aneth et le cumin servent à assaisonner les aliments, mais ne peuvent tenir place des aliments essentiels, et c’est ainsi que dans la vie chrétienne, il est des choses nécessaires pour notre justification, comme la miséricorde, la justice et la foi, tandis qu’il en est d’autres qui sont comme l’assaisonnement de nos actions, et semblent leur donner un goût plus agréable, comme l’éloignement de folles joies du monde, le jeûne, les génuflexions et autres actes semblables. Or, comment ne pas considérer comme aveugles ceux qui ne voient pas ? Car que sert d’être comme un économe fidèle dans les petites choses, si on néglige les plus importantes. Les pharisiens trouvent donc leur condamnation dans les paroles du Sauveur qui ne défend pas d’être fidèle aux moindres observances, mais qui nous commande d’accomplir avec beaucoup plus de soin les points les plus importants de la loi. — S. Grég. (Moral., 1, 7.) Ou bien dans un autre sens, le moucheron pique en bourdonnant, et le chameau s’incline pour recevoir les fardeaux dont on veut le charger. Les Juifs passèrent le moucheron, lorsqu’ils demandèrent la grâce d’un voleur séditieux, et ils avalèrent le chameau en s’efforçant d’étouffer par leurs cris celui qui était descendu volontairement pour prendre sur lui les fardeaux de notre mortalité.

 

vv. 25-26.
S. Jér. Sous des expressions différentes, Notre-Seigneur accuse ici, comme précédemment, d’hypocrisie et de mensonge, les pharisiens qui voulaient paraître aux yeux des hommes tout différents de ce qu’ils étaient dans le secret de leurs demeures : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, » etc. Il ne leur reproche pas une pratique superstitieuse dans l’usage des plats et des coupes, mais d’affecter aux yeux des hommes les dehors trompeurs de la sainteté, ce que prouvent évidemment les paroles suivantes « Au dedans, au contraire, vous êtes pleins de rapine et d’impureté. » — S. CHRYS. (sur S. Matth.) Ou bien, il fait ici allusion à une pratique des Juifs, qui toutes les fois qu’ils devaient entrer dans le temple, ou pour offrir des sacrifices, ou pour une solennité, se purifiaient et lavaient leurs vêtements, et tout ce qui était à leur usage, tandis qu’aucun d’eux ne songeaient à se purifier de ses péchés. Dieu, cependant, n’a ni louanges pour la propreté du corps, ni blâme pour les souillures dont il peut être couvert. Admettez, toutefois, que Dieu a en horreur les taches et les souillures que les corps et les vases contractent nécessairement par l’usage que nous en faisons, pensez-vous qu’il ne verra pas avec plus d’horreur encore les souillures de la conscience, que nous pouvons toujours, si nous le voulons, conserver pure et sans tache ? — S. Hil. (can. 24.) Le Sauveur condamne ici la sotte vanité de ceux qui observent avec un soin scrupuleux des pratiques stériles, et qui négligent les oeuvres si utiles de la perfection. Car dans une coupe, c’est l’intérieur qui sert, et si cet intérieur est malpropre, à quoi peut servir qu’il soit net au dehors ? C’est donc l’éclat intérieur de la conscience qu’il faut chercher pour arriver par là à la pureté extérieure du corps ; et c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Aveugle pharisien, nettoie d’abord le dedans de la coupe et du plat. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Le Sauveur ne veut point ici parler d’une coupe ou d’un plat matériels, mais de cette coupe spirituelle, figurée par ces objets ; cette coupe peut être pure aux yeux de Dieu, sans que l’eau l’ait jamais purifiée, et au contraire, si le péché vient à la souiller, elle sera toujours impure, et misérable devant Dieu, quand bien même toute l’eau de la mer et des fleuves serait employée à la purifier.

 

S. Chrys. (hom. 73.) Remarquez que lorsque Notre-Seigneur parlait de la dîme, il a dit : « Il fallait pratiquer ces choses sans omettre les autres ; car la dîme est une espèce d’aumône, et en quoi l’aumône peut-elle être nuisible ? Toutefois, en s’exprimant ainsi, Notre-Seigneur ne veut point recommander de nouveau les observances légales. Mais en traitant ici des souillures et des purifications légales, il n’ajoute rien de semblable, et se contente de dire que la pureté, extérieure est une conséquence nécessaire de la pureté intérieure, en désignant le corps par l’extérieur de la coupe et du plat, et l’âme par l’intérieur. — ORIG. Apprenons de là qu’il nous faut travailler à être justes, plutôt que de chercher à le paraître. Celui qui ne cherche qu’à paraître juste, nettoie l’extérieur, et prend soin des apparences, mais il laisse son cœur et sa conscience dans l’abandon. Celui, au contraire, qui s’applique à purifier l’intérieur, c’est-à-dire ses pensées, par une conséquence nécessaire, purifie tout ce qui paraît au dehors. Or, tous les maîtres de fausses doctrines sont comme des coupes purifiées à l’extérieur sous les dehors de la religion dont ils se couvrent, mais au dedans ils sont pleins de rapine et d’hypocrisie, et ne tendent qu’à entraîner les hommes dans l’erreur. La coupe et le plat sont des vases dont on se sert, l’une pour boire, l’autre pour manger, et nous figurent tout discours qui est pour notre âme une boisson spirituelle, toute parole qui lui sert d’aliment. Celui donc qui s’applique à faire des discours étudiés, plutôt qu’à les remplir d’un sens utile et salutaire, ressemble à une coupe parfaitement nettoyée au dehors, mais pleine au dedans des souillures de la vanité. Les livres de la loi et des prophètes sont aussi des coupes pleines d’un breuvage spirituel et des plats couverts des aliments nécessaires à notre âme. Les scribes et les pharisiens ne s’occupent que de démontrer la pureté du sens extérieur et littéral, tandis que les disciples de Jésus-Christ s’efforcent de faire briller le sens spirituel dans tout son éclat.

 

vv. 27-28.
Orig. Le Sauveur vient de dire qu’ils étaient pleins de rapine et d’impureté ; il ne craint pas de dire encore ici qu’ils sont pleins d’hypocrisie et d’iniquité, et de les comparer à des ossements de morts et à un amas d’immondices : « Malheur à vous scribes et pharisiens, parce que vous ressemblez à des sépulcres, » etc. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est avec raison que les corps des justes sont appelés des temples, parce que l’âme règne dans le corps du juste comme Dieu dans un temple, ou parce que Dieu lui-même habite dans les corps des justes. Les corps des pécheurs, au contraire, sont appelés des tombeaux de morts, parce que l’âme est morte dans le corps du pêcheur, et qu’on ne peut la considérer comme vivante, puisqu’elle ne produit rien au dehors qui ait l’apparence de la vie ou qui vienne de l’esprit. — S. Jér. Les sépulcres sont enduits de chaux au dehors, recouverts de marbres et parsemés d’or et de peinture ; mais, au dedans, ils sont pleins d’ossements de morts, ce qui fait dire à Notre-Seigneur : « Ils paraissent beaux aux yeux des hommes, mais, au dedans, ils sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture. » C’est ainsi que ces maîtres pervers, dont la conduite dément les enseignements, professent une grande pureté à l’extérieur par la netteté de,,leurs vêtements et l’humilité de leur langage, tandis qu’ils sont pleins, à l’intérieur, de toute espèce de pourriture, d’avarice et de libertinage. C’est ce que le Sauveur exprime clairement en ces termes : « C’est ainsi qu’au dehors vous paraissez justes, » etc. — Orig. En effet, toute vertu, qui n’a que l’apparence, c’est-à-dire qui n’a pas Dieu pour fin, est morte, ou plutôt ce n’est pas même une vertu, pas plus qu’un homme mort n’est un homme, pas plus que les comédiens qui jouent le rôle de personnages étrangers ne sont eux-mêmes les personnages qu’ils représentent, ils renferment donc autant d’ossement de mort et de pourriture que leur intention vicieuse affecte de vertus au dehors. Au dehors, ils paraissent justes aux yeux des hommes, non pas de ceux que l’Écriture appelle des dieux, mais de ceux qui meurent comme le reste des hommes. — S. Grég. (Moral., 26, 23). Au tribunal du juge sévère, ils ne pourront point s’excuser sur leur ignorance, puisqu’en voulant paraître aux yeux des hommes ornés de toutes les vertus, ils déposent contre eux-mêmes qu’ils connaissent les voies de la justice. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or, dites-moi, hypocrites que vous êtes, si c’est une chose louable d’être mauvais, pourquoi ne voulez-vous point paraître au dehors ce que vous êtes en réalité ? Car ce qu’il est honteux de paraître, il est bien plus honteux de l’être en effet ; et, ce qu’il est beau d’être au dehors, il est bien plus beau de l’être en réalité. Soyez donc ce que vous voulez paraître, ou paraissez ce que vous êtes réellement.

 

vv. 29-31.
S. Jér. Le Sauveur, par un raisonnement des plus habiles, convainc les pharisiens d’être des enfants d’homicides, alors que, pour obtenir de la gloire parmi le peuple, et lui donner une haute idée de leur sainteté, ils élevaient des tombeaux aux prophètes que leurs ancêtres avaient tués : « Malheur à vous, leur dit-il,, scribes et pharisiens, hypocrites, qui bâtissez, etc. » — Orig. (Traité 26 sur S. Matth.) Cette malédiction, prononcée contre ceux qui bâtissaient des tombeaux aux prophètes, ne paraît pas motivée, car, en cela, ils faisaient une oeuvre louable, comment donc méritaient-ils cette malédiction ? — S. Chrys. (hom. 74.) Il ne les accuse donc pas d’élever ces tombeaux, mais il condamne l’intention qui les porte à les construire, car ce n’est pas pour honorer ceux qui ont été mis à mort, mais pour chercher dans le meurtre même des prophètes un sujet d’ostentation, et, dans la crainte que, par le laps du temps, la destruction de ces tombeaux ne laissât tomber la mémoire d’un si grand forfait. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien ils se disaient en eux-mêmes : Si nous faisons du bien aux pauvres nous aurons peu de témoins, et ce sera l’affaire d’un instant ; ne vaut il donc pas mieux élever des monuments que tous pourront voir, non-seulement dans le temps présent, mais encore dans la suite des siècles ! Insensé, que vous servira ce souvenir après votre mort, si vous êtes tourmenté là où vous serez, et loué là où vous ne serez pas ! Or, ce reproche, que Notre-Seigneur fait aux Juifs, est en même temps une leçon pour les chrétiens, car s’il n’avait eu en vue que les Juifs dans ces paroles, il se fût contenté de les leur adresser, et ne les aurait pas fait transmettre à la postérité ; elles ont donc été dites pour eux et écrites pour nous. Si donc un homme, indépendamment du bien qu’il fait d’ailleurs, élève des édifices sacrés, il augmente le nombre de ses bonnes oeuvres ; mais, s’il ne peut présenter aucune autre bonne action, il n’a pour mobile de sa conduite qu’un désir de gloire toute humaine, et ce ne peut être pour les martyrs un sujet de joie de voir employer et leur honneur un argent qui coûte tant de larmes aux pauvres. Les Juifs, d’ailleurs, ont toujours professé le culte du passé et des anciens, en même temps qu’ils méprisaient et persécutaient leurs contemporains. En effet, comme les reproches des prophètes leur étaient à charge, ils les persécutaient et les mettaient à mort ; puis ensuite leurs enfants reconnaissaient les fautes de leurs pères, et leur élevaient des tombeaux comme témoignage de l’innocence dés prophètes et des regrets qu’ils éprouvaient de leur mort ; et, en même temps, ils persécutaient eux-mêmes les prophètes, qui leur reprochaient leurs crimes, et ils devenaient leurs meurtriers : « Et vous dites, ajoute Notre-Seigneur : Si nous eussions vécu du temps de nos pères nous ne nous fussions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. — S. Jér. S’ils ne le disent pas en propres termes, ils le disent assez haut par leurs oeuvres, en élevant des monuments magnifiques et fastueux à la mémoire des prophètes que Leurs pères ont massacrés. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Leurs oeuvrés étaient donc la traduction fidèle des pensées de leur cœur. Or, le Sauveur nous révèle ici le défaut habituel de tous les hommes livrés au mal : chacun d’eux voit, à la première vue, les fautes de son prochain, et ne reconnaît que très-difficilement les siennes. En effet, pour juger les fautes des autres, notre cœur est calme et tranquille ; mais, s’agit-il de nos fautes personnelles, il perd ce calme et cette tranquillité, et c’est ce qui fait que nous pouvons tous être facilement de bons juges en ce qui concerne les autres, tandis qu’il n’y a que l’homme vraiment juste et sage qui puisse être son propre juge.

 

« Vous vous rendez ainsi témoignage vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont tué les prophètes. » — S. Chrys. (hom. 75.) Quelle raison peut-on avoir de reprocher d’être le fils d’un homicide à celui qui ne partage pas les sentiments de son père ? Aucune évidemment. Si donc Notre-Seigneur s’exprime de la sorte, c’est pour leur faire entendre à mots couverts qu’ils. ont hérité de la malice de leurs pères. — S. Chrys. (sur S. Matth.) En effet, la conduite des parents est en général un témoignage de la conduite des enfants. Ainsi, que le père soit vertueux et la mère vicieuse, ou réciproquement, il arrivera que les enfants imiteront tantôt le père, tantôt la mère ; si le père et la mère ont une conduite semblable, il peut arriver que des parents vertueux donnent le jour à des enfants vicieux, ou que des enfants vertueux sortent de parents vicieux, mais c’est l’exception ; de même qu’il est aussi en dehors des lois ordinaires de la nature qu’un enfant naisse avec six doigts et sans yeux. — ORIG. (Traité 25.) Dans les prophéties, le sens historique et littéral c’est le corps ; mais le sens spirituel est l’âme, et les lettres de la sainte Écriture, aussi bien que les livres, sont comme les sépulcres. Ceux donc qui s’arrêtent au sens historique honorent les corps des prophètes déposés dans les lettres comme dans autant de sépulcres, et on les appelle pharisiens, c’est-à-dire séparés, parce qu’ils séparent l’âme des prophètes de leur corps.

 

vv. 32-36.
S. Chrys. (hom. 75.) Après avoir reproché aux scribes et aux pharisiens d’être les enfants de ceux qui ont tué les prophètes, il leur prouve maintenant qu’ils leur sont égaux en malice, et que c’était un mensonge de dire qu’ils n’auraient point participé à leurs oeuvres, s’ils avaient vécu de leur. temps : « Achevez de combler la mesure de vos pères, » paroles qui ne renferment pas un ordre, mais qui sont une simple prédiction de ce qui doit arriver. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il leur prophétise donc qu’à l’exemple de leurs pères, qui ont versé le sang dés prophètes, ils mettront à mort eux-mêmes le Christ, les apôtres et les autres saints. C’est ainsi que, dans une dispute avec un ennemi, si vous lui dites : « Faites-moi tout le mal que vous voulez me faire, » ce n’est pas un ordre, mais une preuve que vous comprenez ses desseins. Or, quant à l’accomplissement de cette prophétie, les Juifs ont, eu réalité, dépassé la mesure de leurs pères, qui n’avaient mis à mort que des hommes, tandis qu’eux, au contraire, ont crucifié un Dieu. Mais, comme il a subi volontairement la mort qu’il avait choisie, il ne leur en fait point un crime, il ne leur reproche que la mort des apôtres et des autres saints. Aussi il ne leur dit pas : « Dépassez, » mais « Comblez la mesure de vos pères, » car, un juge également juste et bon méprise les outrages dont il est l’objet, pour ne venger que les injustices commises à l’égard des autres. — Orig. (Traité 26 sur S. Matth.) Ils remplissent encore la mesure des iniquités de leurs pères, par cela seul qu’ils ne croient pas eu Jésus-Christ. Or, la cause de leur incrédulité fut qu’ils ne s’attachèrent jamais qu’au sens littéral et historique des Écritures, sans vouloir reconnaître le sens spirituel qu’elles renfermaient.

 

S. Hil. (can. 24.) C’est parce qu’ils doivent combler la mesure des desseins criminels de leurs pères que le Sauveur les appelle des serpents et une race de vipères « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ? » — S. Jér. Jean-Baptiste leur avait déjà tenu le même langage (Mt 3 ; Lc 3). De même, leur dit-il, que des vipères naissent d’autres vipères ; ainsi, vous êtes nés homicides de pères également homicides. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il les appelle « Races de vipères, » parce qu’il est dans la nature des vipères de venir au jour en déchirant le sein de leurs mères, et qu’ainsi font les Juifs, qui condamnent toujours leurs pères et blâment leur conduite. Il leur demande donc : « Comment éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ? » Est-ce en élevant des tombeaux aux Saints ? Mais, le premier degré de la piété, c’est d’aimer la sainteté, et après cela, les saints ; et c’est inutilement qu’on veut honorer les justes en méprisant la justice, car les saints ne peuvent accorder leur amitié à ceux que Dieu regarde comme ses ennemis. Serait-ce le vain nom que vous portez qui vous délivrera, parce que vous faites partie du peuple de Dieu ? Mais je pense, quant à moi, qu’un ennemi déclaré vaut mieux qu’un faux ami ; ainsi Dieu a-t-il plus en horreur celui qui se proclame son serviteur et qui obéit à la volonté du démon. — (Idem hom. 45.) Devant Dieu, celui qui se prépare à commettre un homicide est déjà réellement homicide avant qu’il ait consommé son crime, car c’est la volonté que Dieu récompense ou punit, pour le bien ou pour le mal qu’elle veut faire ; les oeuvres ne sont que le témoignage de la volonté, et Dieu les exige, non pas qu’il en ait besoin pour motiver son jugement, mais pour les hommes, afin que tous comprennent qu’il est juste dans ses jugements. Or, Dieu fournit aux méchants l’occasion de pécher, non pour les forcer à mal faire, mais pour dévoiler aux yeux des hommes leur iniquité ; et il ménage également aux bons l’occasion de faire le bien pour faire connaître la pureté de leurs intentions est ainsi qu’il donne aux scribes et aux pharisiens l’occasion de révéler leurs mauvais desseins, et voilà pourquoi il conclut en ces termes : « C’est pour cela que je vais vous envoyer des prophètes, et des sages, et des scribes. » — S. Hil. C’est-à-dire les apôtres, car ils sont prophètes par la révélation que Dieu leur fait des événements à venir ; sages par la connaissance qu’ils ont de Jésus-Christ ; scribes par leur intelligence de la loi. — S. Jér. Ou bien, il faut voir ici les différentes grâces que Dieu répandit sur les disciples de Jésus-Christ, et que l’Apôtre énumère dans son épître aux Corinthiens (1 Co 12). Les uns sont prophètes et prédisent l’avenir ; les autres sages, parce qu’ils savent le moment où il doivent parler ; les autres scribes, c’est-à-dire très-instruits dans la loi. De ce nombre fut Etienne, lapidé par les Juifs ; Paul, qui périt par le glaive ; Pierre, qui fut crucifié, et les disciples qui furent battus de verges, comme nous lisons dans les Actes, et que les Juifs poursuivirent de ville en ville en les chassant de la Judée, et les forçant de passer chez les Gentils. — Orig. Ou bien encore, les scribes que Jésus-Christ envoie sont ceux que l’esprit de l’Évangile vivifie et que la lettre ne tue pas comme la lettre de la loi (2 Co 3), qui fait tomber ceux qui la suivent dans de vaines superstitions. Or, le simple récit de l’Évangile suffit pour conduire au salut. Les scribes de la loi flagellent par leurs attaques les scribes de l’Évangile dans leurs synagogues, tandis que les hérétiques, qui sont les pharisiens spirituels, flagellent les chrétiens de leurs langues, et les persécutent de ville en ville d’une persécution tantôt extérieure, tantôt spirituelle, en s’efforçant de les chasser des livres des prophètes, de ceux de la loi et de l’Évangile, comme d’une cité qui leur appartient.

 

S. Chrys. (hom. 74.) il leur montre ensuite que ces crimes ne demeureront pas impunis, et leur imprime une crainte indicible par les paroles qui suivent : « Afin que tout le sang innocent qui a été répandu retombe sur vous, » etc. — Rab. C’est-à-dire toute la vengeance que réclame le sang des justes qui a été répandu. — S. Jér. il est hors de doute que cet Abel soit celui qui a été tué par son frère Cain, et à la justice duquel non-seulement le Sauveur, mais le récit de la Genèse, (chap. 4) rendent témoignage. Mais quel est ce Zacharie, fils de Barachie, car nous trouvons dans l’Écriture un grand nombre de personnes qui portent le nom de Zacharie ? Pour nous prémunir ici contre toute erreur volontaire, Notre-Seigneur ajoute : « Que vous avez tué entre le temple et l’autel. » Or, les uns pensent que ce Zacharie est le onzième des douze petits prophètes, et le nom de son père est favorable à cette opinion. Mais l’Écriture ne nous dit pas dans quelle circonstance il a été tué entre le temple et l’autel, d’autant plus que de son temps il restait à peine quelques ruines du temple. D’autres veulent que ce soit Zacharie, père de Jean-Baptiste. — Orig. Une tradition qui est venue jusqu’à nous, nous apprend qu’il y avait dans le temple un lieu où il était permis aux vierges de venir adorer Dieu, mais où l’on ne permettait pas d’entrer à celles qui avaient été dans les liens du mariage. Or, lorsque Marie entra dans le temple pour y prier après la naissance du Sauveur, elle se tint dans l’endroit réservé aux vierges ; ceux qui savaient qu’elle était devenue mère voulurent l’en empêcher, mais Zacharie leur répondit qu’elle était digne d’occuper la place des vierges, puisqu’elle était encore vierge. Ils l’accusèrent donc d’agir ouvertement contre la loi, et le tuèrent entre le temple et l’autel, et c’est ainsi que Notre-Seigneur peut dire en toute vérité à ceux qui étaient présent : « Que vous avez tué, » etc. — S. Jér. Cette explication, toutefois, n’étant pas appuyée sur l’autorité de l’Écriture, peut être rejetée aussi facilement qu’on l’admet. D’autres prétendent qu’il s’agit de Zacharie qui fut tué par Joas, roi de Juda, entre le temple et l’autel, c’est-à-dire dans le parvis ; mais il faut remarquer que ce Zacharie ne fut pas fils de Barachias, mais du grand-prêtre Joiadas. Barachias, dans la langue hébraïque, veut dire le béni du Seigneur, tandis que le nom de Joiadas signifie, en hébreu, la justice. On lit cependant dans l’Évangile dont se servent les Nazaréens, fils de Joiadas, au lieu de fils de Barachias.

 

Remi. Mais pourquoi le Sauveur n’a-t-il parlé que du sang répandu jusqu’à Zacharie, alors que les Juifs répandirent ensuite le sang d’un si grand nombre de saints ? En voici la raison : « Abel, pasteur de troupeaux, fut tué au milieu des champs ; Zacharie, qui était prêtre, fut mis à mort entre le temple et l’autel, » et le Seigneur choisit ces deux personnages, parce qu’ils représentent tous les saints martyrs appartenant soit à l’ordre des laïques, soit à celui des prêtres. — S. Chrys. (Hom. 74.) Il fait encore mention d’Abel pour montrer aux Juifs que c’est aussi par une noire envie qu’ils mettraient à mort le Christ et ses disciples, et il rappelle le meurtre de Zacharie, parce que dans ce meurtre se trouve réuni le double crime d’avoir été commis sur la personne d’un homme juste, et dans le lieu saint. — Orig. Le nom de Zacharie signifie souvenir de Dieu, celui donc qui cherche à éteindre le souvenir de Dieu dans l’âme de ceux qu’il scandalise, répand en quelque sorte le sang de Zacharie, fils de Barachie ; car c’est par la bénédiction de Dieu que nous conservons le souvenir de Dieu. Les impies anéantissent encore le souvenir de Dieu toutes les. fols que le temple de Dieu est déshonoré par le libertinage, et que son autel est souillé par l’indignité des prières qu’on y offre. Abel signifie deuil, celui donc qui ne croit pas à cette parole : « Heureux ceux qui pleurent, » répand le sang d’Abel, c’est-à-dire rejette cette vérité que les larmes sont salutaires. Il en est, en effet, qui répandent la vérité des Écritures comme s’ils en répandaient le sang ; car toute Écriture qui n’est point comprise dans son sens véritable est une Écriture morte.

 

S. Chrys. (hom. 74.) Or, afin de leur enlever toute excuse et tout prétexte de dire : Nous avons été scandalisés de ce que vous avez envoyé les Apôtres aux nations, le Sauveur leur prédit qu’il leur enverra ses disciples, et il fait allusion à la vengeance que Dieu tirera de leur mort en ajoutant : « Je vous le dis en vérité, toutes ces choses viendront sur cette génération, » etc. — La Glose. Cette prédiction ne s’adresse pas seulement à la génération présente, mais à la génération des méchants toute entière dans le passé comme dans l’avenir, parce que tous ne forment qu’une seule cité et qu’un seul corps, la cité et le corps du démon. — S. Jér. C’est un principe dans l’Écriture d’admettre deux générations : celle des bons et celle des méchants. Elle dit de la première (Ps 61) : « La génération des justes sera bénie ; » et dans ce passage, la génération des méchants est appelée génération de vipères. Ceux donc qui se rendirent coupables contre les Apôtres des mêmes crimes qu’avaient commis Caïn et Joas, sont compris dans la même génération. — S. Chrys. (hom. 75.) Ou bien dans un autre sens, comme le supplice de l’enfer, dont le Seigneur les menaçait, devait tarder encore quelque temps, il les menace de châtiments immédiats en leur disant : « Tout cela viendra sur cette race qui est aujourd’hui. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) De même que toutes les grâces que les saints ont méritées dans chacune des générations qui se sont succédé depuis le commencement du monde, ont été accordées à ceux qui, dans ces derniers temps, ont reçu Jésus-Christ ; ainsi tous les châtiments que les méchants ont mérités depuis le commencement du monde, sont venus fondre dans ces derniers temps sur les Juifs, parce qu’ils ont rejeté Jésus-Christ. Ou bien, de même que toute la justice réunie des saints qui ont précédé, et en général de tous les saints, n’a pu obtenir une si grande abondance de grâces que celle que Dieu a répandue sur les hommes par Jésus-Christ ; ainsi les péchés réunis de tous les impies n’ont point mérité d’aussi grands châtiments que ceux qui vinrent fondre sur les Juifs, tels que ceux que les Romains firent souffrir à ce malheureux peuple, et qui furent suivis d’une peine non moins terrible pour toutes les générations suivantes, celle d’être rejetées de Dieu jusqu’à la fin du monde, et d’âtre le jouet et la risée de tous les autres peuples. Car aussi, quel plus grand crime que de ne pas recevoir le Fils de Dieu qui venait à eux avec tant de miséricorde et d’humilité, mais de lui faire souffrir une mort aussi cruelle ? Ou bien, lorsqu’une nation ou une cité se rend coupable, Dieu ne la punit pas aussitôt, mais il attend pendant plusieurs générations, et lorsqu’il a décrété de perdre cette cité ou cette nation, il semble la rendre responsable des péchés de toutes les générations précédentes, parce qu’elle souffre elle seule tout ce qu’ont mérité ces générations. C’est ainsi que la génération actuelle des Juifs paraît punie pour les crimes de ses ancêtres, bien qu’elle ne reçoive que le juste châtiment dû à ses propres crimes.

 

S. Chrys. (hom. 74.) Celui qui a été témoin des prévarications d’un grand nombre, et qui, loin de devenir meilleur, retombe dans les mêmes fautes ou dans de plus graves encore, se rend digne de plus grands châtiments.

 

vv. 37-39.
S. Chrys. (hom. 74.) Le Sauveur s’adresse ensuite à la ville de Jérusalem elle-même pour l’instruction de ceux qui l’écoutent : « Jérusalem, Jérusalem, » répétition qui exprime toute sa compassion et son amour. — S. Jér. Sous le nom de Jérusalem, ce n’est pas aux pierres ni aux édifices de cette ville qu’il s’adresse, mais à ses habitants sur lesquels il pleure avec toute l’affection d’un père pour ses enfants. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il prévoit la destruction de cette ville, et les maux que les Romains doivent lui faire endurer, et il se rappelle en même temps le sang des saints qu’elle avait répandu, et qu’elle devait répandre encore, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Toi qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés. » Tu as scié en deux le prophète Isaïe que je t’avais envoyé, tu as lapidé mon serviteur Jérémie, tu as répandu la cervelle d’Ezéchiel en le traînant sur les pierres. Comment pourras-tu jamais être sauvée, toi qui ne permets à aucun médecin d’arriver jusqu’à toi ? » Et il ne lui dit pas : Toi qui as tué, ou qui as lapidé, mais « qui tues et qui lapides, » c’est-à-dire il est comme dans ta nature de tuer et de lapider les saints ; et en effet, elle a traité les Apôtres comme elle avait autrefois traité les prophètes. — S. Chrys. (hom. 74.) Après s’être ainsi adressé à cette ville homicide, et lui avoir dévoilé toute l’horreur des meurtres qu’elle avait commis, le Sauveur ajoute comme pour s’excuser : « Combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants ! » Comme s’il disait : Non-seulement tu n’as pu par tant de meurtres éteindre l’amour que j’ai pour toi, mais j’ai voulu t’unir intimement à moi, non pas une fois ou deux, mais dans une multitude de circonstances ; et pour lui exprimer la grandeur de sa tendresse, il ne dédaigne pas de se comparer à une poule. — S. Aug. (Quest. évang., 1, 32,) Cet animal a une tendresse excessive pour ses petits, elle s’affecte de leurs infirmités jusqu’à en devenir malade elle-même, et ce que vous trouverez difficilement dans les autres oiseaux, elle couvre ses petits de ses ailes, et les défend contre le milan. C’est ainsi que notre mère, la sagesse de Dieu, devenue infirme en quelque sorte par son union avec notre chair, selon cette parole de l’Apôtre : « Ce qui paraît en Dieu une faiblesse est plus fort que les hommes, » protège notre infirmité, et résiste aux attaques du démon qui voudrait nous enlever.

 

Orig. Le Sauveur appelle les Juifs enfants de Jérusalem dans le sens que nous appelons les enfants des citoyens ceux qui leur succèdent. Il dit : « Combien de fois ai-je voulu, » lorsqu’il est certain cependant qu’il n’a enseigné qu’une seule fois les Juifs dans la vérité de sa chair, parce que le Christ a toujours été présent, et dans Moïse, et dans les prophètes et dans les anges que Dieu envoyait pour sauver les hommes dans toutes les générations. — Rab. Que les hérétiques cessent donc de ne faire remonter l’origine du Christ qu’à sa naissance du sein de la vierge, qu’ils cessent de prêcher un autre Dieu de la loi et des prophètes. — S. Aug. (Enchir., chap. 99.) Où est donc cette puissance par laquelle il fait tout ce qu’il veut sur la terre et dans le ciel, s’il est vrai qu’il ait voulu rassembler les enfants de Jérusalem, et qu’il n’ait pu le faire ? N’est-ce pas plutôt Jérusalem qui ne voulut pas lui laisser rassembler ses enfants, et cependant malgré son opposition, n’a-t-il pas rassemblé réellement tous ceux qu’il a voulu ?

 

S. Chrys. (hom. 74.) Il leur prédit ensuite le châtiment qu’ils avaient toujours redouté, la destruction du temple et de la ville : « Le temps s’approche où votre demeure sera déserte. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) De même que le corps, après sa séparation d’avec l’âme, commence par se refroidir, puis tombe en pourriture et en dissolution ; ainsi notre temple intérieur, lorsque le Saint-Esprit s’en sera retiré, se remplira de troubles, de rébellion jusqu’à son entière destruction. — Orig. Notre-Seigneur Jésus-Christ fait toujours les mêmes menaces à ceux qui n’ont pas voulu se laisser rassembler sous ses ailes : « Voici que votre maison demeurera déserte, » c’est-à-dire votre âme et votre corps. Et si quelqu’un de vous refuse de se réunir sous les ailes de Jésus-Christ, du moment où il se refusera à cette réunion (par l’acte de sa volonté plutôt que par un acte extérieur), il cessera de voir la beauté du Verbe jusqu’à ce qu’il se repente de son obstination et qu’il dise : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » C’est, en effet, lorsqu’un homme se convertit à Dieu, que le Verbe béni de Dieu descend dans son cœur : « Car je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » — S. Jér. C’est-à-dire vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous ayez fait pénitence et reconnu hautement que je suis celui que les prophètes ont annoncé, le Fils du Père tout-puissant, Les Juifs ont donc un temps marqué pour le repentir ; qu’ils confessent que celui qui vient au nom du Seigneur est béni, et ils seront admis à contempler le visage du Christ. — S. Chrys. (hom. 74.) Ou bien dans un autre sens, il annonce ici en termes couverts son second avènement ; alors que tous les Juifs, sans exception, l’adoreront comme leur Dieu ; quant à l’expression « désormais, » elle se rapporte au temps de sa mort sur la croix.

 

 

CHAPITRE XXIV
 

vv. 1-2.
Orig. (traité 27 sur S. Matth.) Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eut prédit tous les maux qui devaient tomber, sur la ville de Jérusalem, il sortit du temple qu’il avait préservé de sa destruction tant qu’il y était resté : « Jésus étant sorti du temple s’en allait. » Chacun de nous aussi devient le temple de Dieu, à cause de l’esprit de Dieu qui habite en lui (1 Co 3, 16 ; 6, 19 ; 2 Co 6, 16), et c’est à lui seul qu’il doit imputer l’abandon où Jésus-Christ le laisse en sortant de son cœur. « Et ses disciples s’approchèrent de lui, » etc. On se demande naturellement pourquoi ils lui montrent les constructions du temple comme s’il ne les avait jamais vues. La raison en est que Notre-Seigneur ayant prédit plus haut la ruine du temple, les disciples qui l’entendirent, s’étonnèrent qu’un édifice de cette grandeur et de cette magnificence dût être entièrement détruit, et ils lui en firent voir la beauté, pour le fléchir en faveur de cet édifice, et l’engager à ne point accomplir les menaces qu’il avait faites. Or, la nature humaine nous offre elle-même une admirable structure, puisqu’elle est devenue le temple de Dieu, et encore aujourd’hui les disciples de Jésus-Christ et les autres saints, proclamant les prodiges que Dieu a opérés en faveur de cette pauvre nature humaine, intercèdent auprès de Jésus-Christ pour qu’il n’abandonne point le genre humain en punition de ses péchés.

 

« Mais il leur dit : Vous voyez tous ces bâtiments ? je vous le dis en vérité, ils seront tellement détruits, qu’il n’y restera pas pierre sur pierre. — RAB. L’histoire nous donne le véritable sens de cette prédiction : quarante-deux ans après la passion du Sauveur, la ville fut détruite avec le temple, sous Vespasien et Tite, empereurs romains. — Remi. C’est par un dessein providentiel que le temple disparut avec les cérémonies de la loi aussitôt la révélation de la loi de grâce ; car autrement, ceux qui étaient encore faibles dans la foi, voyant que les institutions qui avaient Dieu pour auteur, et que les prophètes avaient consacrées, continuaient à subsister, se seraient éloignés insensiblement de la pureté de la foi pour embrasser un judaïsme tout charnel. — S. Chrys. (Hom. 75.) Mais comment s’est vérifiée cette prédiction qu’il ne resterait pas pierre sur pierre ? Ou bien, le Sauveur a voulu parler d’une destruction complète, ou de la destruction des parties du temple qu’ils avaient sous les yeux ; car il est des parties qui ont été détruites jusque dans les fondements. J’ajouterai que ce qui s’est accompli de cette prédiction est pour nous un motif de croire que les autres parties seront elles-mêmes entièrement détruites.

 

S. Jér. Dans le sens mystique, aussitôt que le Seigneur fut sorti du temple, tout l’édifice de la loi et la disposition des commandements ont été entièrement détruits, de manière que les Juifs ne peuvent plus en observer la moindre partie, et que tous les membres privés de leur chef sont dans une lutte continuelle les uns avec les autres. — ORIG. Tout homme qui reçoit dans son âme la parole de Dieu, devient le temple de Dieu. Si après avoir péché, il conserve encore quelque vestige de foi et de religion, ce temple est en partie renversé et en partie debout. Mais, au contraire, si après son péché, il ne prend plus aucun souci de son salut, il tombe en ruines de jour eu jour jusqu’à ce qu’il se sépare tout à fait du Dieu vivant, et alors il ne reste plus en lui pierre sur pierre des commandements de Dieu, et la destruction est complète.

 

vv. 3-5.
Remi. Le Seigneur, continuant son chemin, parvint jusqu’au mont des Oliviers. Or, comme il avait prédit clairement la destruction complète du temple dont quelques-uns de ses disciples lui avaient fait admirer chemin faisant la magnifique structure, lorsqu’il fut arrivé sur Le mont des Oliviers, ils s’approchèrent de lui pour l’interroger, comme le remarque l’Évangéliste : « Lorsqu’il se fut assis sur la montagne des Oliviers. » — S. Chrys. (hom. 75.) Ils s’approchèrent de lui secrètement, parce qu’ils avaient à lui faire d’importantes questions ; car ils désiraient connaître le jour de son avènement par le désir ardent qu’ils avaient d’être témoins de sa gloire. — S. JER. ils lui demandent trois choses : premièrement à quelle époque doit avoir lieu la destruction de Jérusalem : « Dites-nous quand toutes ces choses arriveront ; » secondement, à quel temps le Christ doit venir : « Et quel sera le signe de votre avènement ? » troisièmement, quand doit arriver la fin du monde : « Et quel signe il y aura de la consommation du siècle. » — S. Chrys. (hom. 75.) Saint Luc rapporte que les disciples n’adressèrent au Sauveur qu’une seule question sur la ville de Jérusalem, parce qu’ils pensaient que l’avènement du Christ et la fin du monde suivraient immédiatement la ruine de Jérusalem. D’après saint Marc, ce ne furent pas tous les disciples qui l’interrogèrent sur la ruine de Jérusalem, mais seulement Pierre, Jacques Jean et André qui parlaient à Jésus plus librement et sans crainte.

 

Orig. La montagne des Oliviers est la figure de l’Église, formée de toutes les nations. — REMI. Cette montagne ne porte pas d’arbres stériles, mais des oliviers, dont l’huile entretient la lumière qui dissipe les ténèbres, repose les membres fatigués par le travail, et rend la santé aux malades. Or, Notre-Seigneur, assis sur la montagne des Oliviers, en face du temple, s’entretient de la ruine de ce temple et de la destruction de la nation juive, pour montrer par la position même qu’il occupe, que tout en restant calme et tranquille au milieu de son Église, il ne laisse pas de condamner 1’orgueil des impies. — ORIG. Le laboureur qui est assis sur la montagne des Oliviers, c’est le Verbe de Dieu établi dans 1’Église, c’est-à-dire Jésus-Christ qui ne cesse de greffer les branches de l’olivier sauvage sur l’olivier franc des patriarches. Or, ceux qui mettent leur confiance en Jésus-Christ, désirent connaître quel sera le signe de son avènement et de la consommation du siècle. Il y a deux avènements du Verbe dans l’âme : le premier a lieu par cette prédication du Christ qui paraît une folie, et qui annonce que Jésus-Christ est né, et qu’il a été crucifié ; le second avènement se fait dans les hommes parfaits dont saint Paul a dit « Nous parlons le langage de la sagesse au milieu des hommes parfaits, » et ace second avènement vient se joindre la consommation du siècle dans l’homme parfait, pour qui le monde a été crucifié » (Ga 6).

 

S. Hil. (can 25) Comme les disciples font a Jésus-Christ trois questions différentes, elles sont divisées en autant de propositions distinctes pour le temps où ces événements doivent arriver Notre Seigneur répond d’abord à la question qui a pour objet la destruction de la ville, et il confirme sa réponse par la vérité de sa doctrine, afin que ses disciples ne tombent point dans les pièges que les hommes du mensonge pourraient tendre à leur ignorance : « Et Jésus leur répondit : Prenez garde que nul ne vous séduise, car plusieurs viendront en mon nom, disant Je suis le Christ » — S. Chrys (hom. 75) Il ne leur parle pas immédiatement dans sa réponse de la ruine de Jérusalem, ni de son second avènement, mais il leur signale les dangers contre lesquels il~ fallait tout d’abord les prémunir. — S. Jér. Un des séducteurs, dont il leur parle ici, fut Simon le Samaritain dont il est question dans les Actes des Apôtres (chap. 8), qui se proclamait la grande vertu, et qui avait écrit entre autres choses dans ses ouvrages : « Je suis la parole de Dieu ; je suis le tout-puissant ; je suis tout ce que Dieu possède. » Mais saint Jean l’Évangéliste ne dit-il pas dans une de ses épîtres : « Vous avez entendu dire que l’antéchrist doit venir ; or, il y a maintenant plusieurs antéchrists ? » Pour moi, je pense que tous les hérésiarques sont des antéchrists, qui enseignent, sous le nom du Christ, une doctrine contraire à la sienne, et il n’est pas étonnant que nous en voyions plusieurs qui se laissent séduire par eux, puisque le Seigneur a dit : « Et ils en séduiront un grand nombre. » — Orig. Ils en séduisent un grand nombre, parce que la porte qui conduit à la perdition est large, et qu’il en est beaucoup qui entrent par cette. porte. (Mt 7.) Ce signe est suffisant pour reconnaître la séduction des antéchrists qui viennent dire : « Je suis le Christ, » ce que nous ne voyons pas que Jésus-Christ ait jamais dit ; car les oeuvres toute divines qu’il opérait, la doctrine qu’il enseignait et sa vertu étaient des témoignages plus que suffisants pour établir qu’il était le Christ. Or, tout discours qui fait profession d’expliquer les Écritures selon la règle de la foi, et qui ne contient pas la vérité, est un antéchrist ; car Jésus-Christ est la vérité, tandis que antéchrist n’a que l’apparence de la vérité. Nous trouvons également que Jésus-Christ est la réunion de toutes les vertus, et que l’antéchrist n’a que les dehors trompeurs de ces mêmes vertus ; car toutes les différentes espèces de bien que Jésus-Christ a réellement en lui pour l’édification des hommes, l’antéchrist les a toutes en apparence pour séduire les saints. Nous avons donc besoin du secours de Dieu, pour qu’aucune parole, aucune influence ne puisse nous nuire ; car s’il est dangereux de rencontrer quelqu’un dont la conduite soit contraire à la règle des moeurs, il est bien plus dangereux encore de rencontrer un homme qui est en opposition avec la véritable règle d’interprétation des Écritures.

 

 

vv. 6-8.
S. Aug. (Lettre à Hésych.). Notre-Seigneur répond aux questions de ses disciples en leur faisant connaître les différentes circonstances des événements qui doivent suivre, c’est-à-dire soit de la ruine de Jérusalem à l’occasion de laquelle ils l’avaient interrogé, soit de son avènement par l’Église, dans laquelle il ne cesse de se manifester jusqu’à la fin des siècles, et de se révéler dans les nouveaux membres auxquels il donne naissance tous les jours, soit enfin de la consommation des siècles où il viendra pour juger les vivants et les morts. Or, comme il énumère les signes particuliers à ces trois événements, il nous faut examiner attentivement les signes qui sont propres à chacun d’eux, pour ne point appliquer à l’un ce qui se rapporte à l’autre. — S. Chrys. (hom. 75.) Il leur parle d’abord des combats qui devaient se livrer sous les murs et dans l’enceinte de Jérusalem « Vous entendrez des combats et des bruits de guerre. » — Orig. (Traité 28 sur S. Matth.) Celui qui entend les cris que poussent les combattants, entend les combats ; celui qui entend le récit des combats qui ont lieu dans des pays éloignés, entend des bruits ou des rumeurs de combats.

 

S. Chrys. (hom. 75.) Mais comme cette prédiction pouvait jeter le trouble dans l’âme de ses disciples, il les rassure en leur disant « Gardez-vous bien de vous troubler ; » et il les dissuade de la fausse idée où ils étaient que la fin du monde suivrait immédiatement la guerre qui devait détruire Jérusalem en ajoutant : « Il faut que toutes ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin. » — S. Jér. C’est-à-dire gardons-nous de croire que le jour du jugement est proche, car Dieu le tient en réserve pour un autre temps, et le Seigneur en trace clairement les signes avant-coureurs dans les paroles suivantes : « Car on verra se soulever peuple contre peuple, et royaume contre royaume, » etc. — Rab. Ou bien, il prévient ses Apôtres de ne pas se laisser effrayer lorsque ces choses arriveront, au point de s’enfuir de Jérusalem et de la Judée, car ce ne sera pas encore la fin, mais ce ne sera que dans quarante ans qu’aura lieu la dévastation de toute la contrée qui sera suivie de la destruction sans retour de la ville et du temple, événements auxquels il fait allusion en disant : « On verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume. » Or, il est certain que ces calamités épouvantables désolèrent littéralement cette malheureuse contrée. — S. Chrys. (hom. 75.) Il va plus loin, et pour leur montrer qu’il combattra lui-même contre les Juifs, non-seulement il prédit des guerres, mais les fléaux dont la main de Dieu les frappera. — Rab. Remarquons que ces paroles : « Une nation s’élèvera contre une nation, » expriment surtout la division qui régnera entre les hommes ; ces autres : « Il y aura des pestes, » les diverses maladies du corps ; ces autres : « Et des famines, » la stérilité de la terre, et ces dernières : « Et des tremblements de terre en divers lieux, » les effets de la vengeance divine. — S. CHRYS. (hom. 75.) Et toutes ces calamités n’arriveront pas selon le cours ordinaire des choses humaines, mais par l’effet de la colère de Dieu ; aussi ne les prédit-il pas simplement comme des événements qui doivent arriver en même temps, mais il insiste avec dessein sur cette circonstance : « Et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs, » c’est-à-dire des maux qui doivent fondre sur la nation juive.

 

Orig. Ou bien dans un autre sens, de même que les corps sont travaillés par la maladie avant de mourir, ainsi est-il nécessaire que la terre, tombant pour ainsi dire en langueur, soit ébranlée avant sa dissolution par des tremblements multipliés, que l’air, infecté de vapeurs pestilentielles, exerce partout une influence mortelle, et que la vertu vivifiante de la terre venant à s’éteindre, les fruits soient étouffés dans leur germe, Or, la disette des vivres fera nécessairement tomber les hommes dans l’avarice, et les mettra aux prises les uns avec les autres. Mais comme les révoltes et les guerres ont tantôt pour cause l’avarice, tantôt l’ambition et l’amour de la vaine gloire, on peut donner une raison plus profonde encore de celles qui éclateront à la fin du monde. De même que l’avènement de Jésus-Christ fut une source de paix toute divine pour un grand nombre de nations, de même le débordement de l’iniquité, refroidissant la charité d’un grand nombre, sera cause que Dieu et son Christ les abandonneront ; et l’on verra renaître les guerres, parce que la vertu des saints ne s’opposera plus au développement des causes qui sont comme une semence de dissensions. Les puissances ennemies, de leur côté, ne trouvant plus d’obstacles dans les saints et dans Jésus-Christ, exerceront librement leur puissance sur les cœurs des hommes, et soulèveront les nations contre les nations, et les royaumes contre les royaumes. S’il est vrai, comme le pensent quelques-uns, que les famines et les pestes soient l’oeuvre des anges de Satan, ces fléaux ne feront que s’accroître sous l’action de ces puissances hostiles ; car elle ne sera plus combattue par. les disciples de Jésus-Christ qui sont le sel de la terre et la lumière du monde, et qui étouffaient les germes semés par la malice du démon, comme autrefois les prières saintes (1 R 12 ; Jr 14 et 15 ; 3 R 17 et 18 ; 4 R 2, 3, 4, 7, 8) obtenaient la cessation des famines et des pestes que les péchés du peuple juif attiraient sur lui. Le Sauveur prédit avec raison que ces calamités arriveront en divers lieux ; car Dieu ne veut pas perdre tout d’un coup le genre humain, mais il ne lui fait éprouver que successivement les effets de sa justice, pour lui laisser le temps de se repentir. Or, si lorsque ces calamités se feront sentir les hommes n’en deviennent point meilleurs, elles iront toujours en augmentant : « Et toutes ces choses ne seront que le commencement des maux qui doivent suivre, » et qui feront souffrir aux impies les douleurs les plus aiguës. — S. Jér. Dans le sens mystique, ce royaume qui se soulève, cette peste produite par ceux dont les discours sont comme une gangrène (2 Tm 2) qui répand insensiblement sa corruption, et la faim de la parole de Dieu, et l’agitation de toute la terre, et la séparation de la vraie foi, paraissent devoir s’entendre surtout des hérétiques qui, en combattant les uns contre les autres, assurent la victoire de l’Église. — Orig. Or, il faut que tous ces événements s’accomplissent avant que nous voyions la perfection de la sagesse qui est en Jésus-Christ, mais ils ne seront pas suivis immédiatement de cette fin que nous cherchons ; car cette fin toute pacifique sera bien loin de devenir le partage de tels hommes. — S. JER. Ces paroles : « Toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs, » seraient mieux traduites par « Le commencement des enfantements, » de sorte que l’arrivée de l’antéchrist devrait être considérée comme le moment de la conception plutôt que de l’enfantement.

 

 

vv. 9-14.
Rab. Le Seigneur découvre ici la justice de ce déluge de maux qui viendront fondre sur Jérusalem et sur toute la Judée : « Alors ils vous livreront, » etc. — S. Chrys. (hom. 75.) Ou bien dans un autre sens, les disciples, en entendant les prédictions qui avaient pour objet la ruine de Jérusalem, se croyaient en dehors de ces calamités, qu’ils regardaient comme un châtiment qui leur était étranger, et ils espéraient et désiraient vivement pour eux dans l’avenir un sort plus prospère, or le Sauveur leur annonce de graves épreuves pour leur inspirer une certaine sollicitude. Il les avait prémunis plus haut contre les artifices des séducteurs, il leur prédit maintenant la violence des tyrans : « Alors ils vous livreront pour être. tourmentés, et ils vous feront mourir. » Il entremêle les maux qui leur sont propres au récit des malheurs communs à tous les hommes, pour adoucir ces maux par ce rapprochement, et il ajoute à ce motif de consolation, en leur découvrant la cause de ces tribulations, c’est qu’ils souffriront à cause de son nom : « Et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. » — Orig. Mais comment les chrétiens ont-ils été l’objet de la haine même des peuples qui habitent les extrémités de la terre ? On peut répondre que le mot « tous, » est mis ici par amplification pour « plusieurs. » Ces autres paroles : « Alors ils vous livreront, » offrent une nouvelle difficulté ; car avant l’accomplissement de ces prédictions, les chrétiens ont eu à souffrir bien des tribulations. Nous répondons que les chrétiens seront alors livrés à des tribulations comme jamais ils n’en ont enduré. En effet, ceux qui sont dans le malheur aiment à en rechercher les causes, et à en trouver une raison qu’ils puissent mettre en avant pour se justifier. Il était donc naturel aux idolâtres de dire que ces guerres, ces famines, ces pestes étaient l’effet de la désertion du culte des dieux par cette multitude d’hommes qui se faisaient chrétiens, que les chrétiens étaient même cause des tremblements de terre, et c’est pour cela que l’Église fut en butte aux persécutions.

 

S. CHRYS. (hom. 75.) A ce double combat, que leur livreront et les séducteurs et leurs ennemis, il en ajoute un troisième, c’est celui qu’ils auront à soutenir contre les faux frères. « Et alors plusieurs seront scandalisés, » etc. Ecoutez l’Apôtre gémissant sur cet état de lutte continuelle : « Nous avons souffert des combats au dehors, des frayeurs au dedans. » (2 Co 7). Et ailleurs : « Nous avons été en péril parmi les faux frères, » (2 Co 11) et c’est d’eux qu’il dit dans le même endroit : « Tels sont les faux apôtres, ouvriers trompeurs, » et c’est d’eux aussi que Notre-Seigneur parle en ces termes : « Et il s’élèvera un grand nombre de faux prophètes, » etc. Quelque temps avant la ruine de Jérusalem, on vit paraître plusieurs faux prophètes, qui se disaient chrétiens, et qui en séduisirent un grand nombre ; ce sont ceux que saint Paul appelle de faux frères et saint Jean des antéchrist (1 Jn 2) — S. Hil. (can. 26.) Tel fut Nicolas, l’un des sept diacres, qui en pervertit beaucoup par une apparence hypocrite de vérité, et Simon le magicien, qui, versé dans les opérations diaboliques, corrompit un grand nombre de chrétiens par ses faux miracles.

 

S. CHRYS. (hom. 75.) Et ce qui rendra cette épreuve plus pénible encore, c’est qu’ils n’auront point les consolations de la charité. « Et parce que l’iniquité sera venue à son comble, la charité de plusieurs se refroidira. » — Remi. C’est-à-dire l’amour véritable de Dieu et du prochain ; car, plus un homme se livre à l’iniquité, plus aussi le feu de la charité s’éteint dans son cœur. — S. Jér. Remarquons que le Sauveur ne dit pas que la foi ou la charité seront éteintes dans tous les cœurs, mais dans le cœur d’un grand nombre, car la charité devait persévérer dans les Apôtres et dans leurs semblables, selon cette parole de saint Paul : « Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ. » Et c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Celui qui persévéra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. » — Remi. Jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’à la fin de sa vie, car celui qui aura persévéré jusqu’à la fin de sa vie dans la charité, et dans la confession du nom de Jésus-Christ, celui-là sera sauvé.

 

S. Chrys. (hom. 75.) Il prévient ensuite cette objection de ses disciples : « Comment donc pourrons-nous vivre au milieu de tant de maux ? » Et il leur promet bien davantage, non-seulement ils vivront, mais ils enseigneront partout l’univers : « Et cet Évangile du royaume sera prêché par toute la terre. » — Remi. Le Seigneur savait que ses disciples seraient attristés de la destruction de Jérusalem et de la ruine de leur nation ; il les console donc en leur apprenant que le nombre de ceux qui embrasseraient la foi parmi les nations serait beaucoup plus grand que celui des Juifs qui périraient. — S. CHRYS. (hom. 75.) Voulez-vous être certains que l’Évangile a été annoncé en tous lieux avant la ruine de Jérusalem ? écoutez saint Paul proclamer : « Leur voix a retenti par toute la terre » (Rm 10) ; et voyez-le voler lui-même de Jérusalem en Espagne (Rm 15). Or, si un seul apôtre a pris pour son partage une si grande partie de la terre, jugez de ce qu’ont dû faire tous les autres. Aussi, le même Apôtre, écrivant aux Colossiens les progrès de l’Évangile, leur dit : « Qui croît et fructifie dans toute créature qui est sous le ciel » (Col 1, 6, 23). C’est là une des plus grandes preuves de la puissance de Jésus-Christ, qu’en trente ans environ l’Évangile ait rempli toutes les parties du monde habitable. Mais, quoique l’Évangile ait été prêché en tous lieux, tous cependant n’y ont pas cru ; c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Pour servir de témoignage à toutes les nations, » c’est-à-dire pour être comme une accusation contre ceux qui n’auront pas voulu croire ; car ceux qui auront embrassé la foi déposeront contre ceux qui l’auront rejetée et les condamneront. C’est avec justice que la ruine de Jérusalem est arrivée après que 1’Évangile eût été prêché par toute la terre : « Et alors la fin arrivera, » c’est-à-dire la destruction de Jérusalem. En effet, après avoir vu la puissance de Jésus-Christ briller partout d’un si vif éclat, et parcourir tout l’univers en si peu de temps, quelle excuse pouvaient-ils apporter pour persévérer dans leur ingratitude ?

 

Remi. On peut aussi rapporter tout ce passage à la fin du monde : « Car alors plusieurs trouveront des occasions de scandale » et abandonneront la foi, en voyant le grand nombre des méchants, leur prospérité et les miracles de l’antéchrist ; « et ils persécuteront leurs frères ; » et l’antéchrist enverra « de faux prophètes qui en séduiront un grand nombre ; et l’iniquité sera à son comble, » parce que le nombre des méchants s’augmentera, « et la charité se refroidira » parce que le nombre des bons diminuera. — S. Jér. Le signe de l’avènement du Sauveur sera la prédication de l’Évangile dans tout l’univers, de manière que personne ne puisse apporter d’excuse. Quant à ces paroles : « Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom, » on peut les expliquer en disant que, dès maintenant, toutes les nations se sont réunies contre les chrétiens ; mais lorsque les prédictions du Sauveur s’accompliront, les persécutions, de partielles qu’elles étaient, deviendront générales et s’étendront partout à tout le peuple de Dieu. — S. Aug. (Lettre 80 à Hesych.) Il en est qui pensent que cette prédiction : « L’Évangile du royaume sera prêché dans tout l’univers, » a été accomplie par les Apôtres eux-mêmes ; mais cette assertion ne repose pas sur des documents assez certains, car il est encore dans l’Afrique un grand nombre de peuplades barbares, parmi lesquelles, au rapport des captifs qui viennent de ces contrées, 1’Évangile n’a pas encore été prêché. Cependant, on ne peut dire en aucune manière que la promesse de Dieu leur est étrangère, car ce ne sont pas seulement les Romains, mais toutes les nations, que Dieu a promises par serment à celui qui devait naître d’Abraham (Gn 12, 3 ; 18, 18 ; 22, 18 ; 26, 4 ; 28, 14). Il faut donc que l’Église s’établisse dans toutes les nations où elle n’existe pas encore, non pas dans ce sens que tous ceux qui les composent embrasseront la foi, car alors comment s’accompliraient ces autres paroles : « Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom, » s’il ne se trouvait parmi les nations des hommes pour haïr, et d’autres pour être l’objet de cette haine ? Les apôtres n’ont donc point prêché l’Évangile par toute la terre, puisqu’il est encore des nations où il n’a pas encore pénétré. Quant à ces paroles citées par l’Apôtre : « Le son de leur voix a retenti par toute la terre, » bien qu’elles paraissent se rapporter au passé, elles ont cependant l’avenir pour objet dans la pensée de saint Paul, comme dans celle du roi prophète. Le même Apôtre dit ailleurs que l’Évangile croit et fructifie dans tout l’univers, pour nous montrer jusqu’où il devait s’étendre dans ses développements. Si donc nous ignorons à quel temps l’Evangile doit remplir le monde entier, nous ne savons pas davantage quand doit arriver la fin du monde, car elle n’arrivera certainement pas auparavant. — Orig. Lors donc que toutes les nations auront entendu la prédication de l’Évangile, alors arrivera la fin du monde : « Et alors, dit le Sauveur, la fin arrivera, » car il est encore aujourd’hui, non-seulement des nations barbares, mais des peuples habitant nos contrées, qui n’ont pas entendu prêcher les vérités chrétiennes. — La Glose. On peut admettre toutefois l’une et l’autre de ces deux explications, pourvu que l’on entende cette diffusion de l’Évangile dans deux sens différents. Si, par exemple, on l’entend du fruit de la prédication, qui est d’établir dans toutes les nations l’Église composée de ceux qui croient en Jésus-Christ, comme l’explique saint Augustin, c’est un signe qui doit précéder la fin du monde, mais qui n’a point précédé la ruine de Jérusalem. Mais si on ne l’entend que de la renommée de l’Évangile, cette prédiction s’est accomplie avant la ruine de Jérusalem, car les disciples de Jésus-Christ étaient alors répandus dans les quatre parties du monde, ce qui a fait dire à saint Jérôme « Je ne pense pas qu’il soit resté une seule nation qui ne connaisse point le nom de Jésus-Christ, » et, quand même elle n’aurait pas entendu les prédicateurs de l’Evangile, elle a dû recevoir nécessairement une idée de la foi chrétienne.

 

ORIG. Dans le sens moral, celui qui doit recevoir dans son âme ce glorieux avènement qu’y produit la parole de Dieu, doit s’attendre que les puissances ennemies lui dresseront des embûches selon l’étendue de ses progrès, et se préparer comme un vigoureux athlète. Jésus-Christ, qui demeure en lui, sera un objet de haine pour tous, et moins encore pour les nations de la terre que pour les esprits de malice répandus dans les airs. Dans les discussions, il y en aura très-peu qui parviendront à la plénitude de la vérité ; le plus grand nombre se scandalisera ; on verra se séparer de la vérité, et ceux qui la trahiront, et ceux qui s’accuseront les uns les autres parce qu’ils seront divisés sur le point de la vraie doctrine, et que, par là même, ils se haïront mutuellement. Il s’en trouvera beaucoup encore qui n’expliqueront pas les choses futures et n’interpréteront pas les prophètes d’une manière conforme aux principes de la foi ; ce sont ceux qu’il appelle des prophètes qui en séduiront un grand nombre et refroidiront la charité, qui était auparavant le fruit de la simplicité de la foi. Mais celui qui aura eu le courage de persévérer dans la doctrine de la tradition apostolique sera sauvé ; et c’est ainsi que l’Evangile, répandu dans toutes les âmes, sera en témoignage à toutes les nations, c’est-à-dire à toutes les pensées pleines d’incrédulité.

 

vv. 15-22.
S. Chrys. (hom. 75.) Notre-Seigneur avait parlé précédemment de la ruine de Jérusalem en termes obscurs ; il l’annonce ici ouvertement et cite à l’appui une prophétie qui sera pour eux un motif de croire à la destruction du peuple juif. « Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation, » etc. — S. Jér. Ces paroles : « Que celui qui lit comprenne, » etc., sont dites pour nous inviter à pénétrer le sens caché de ce passage. Or, voici ce que nous lisons dans le prophète Daniel : « Et, au milieu de la semaine, l’oblation et le sacrifice cesseront ; l’abomination de la désolation sera dans le temple, et, jusqu’à la fin du temps, la consommation persévérera sur la solitude. »

 

S. Aug. (Lettre 80 à Hesych.) Saint Luc voulant préciser le temps où cette abomination de la désolation aurait lieu, c’est-à-dire lors du siège de Jérusalem, rapporte ici ces paroles du Seigneur : « Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par une armée, sachez que sa désolation est proche. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est ce qui me fait croire que, dans la pensée du Sauveur, cette abomination c’est l’armée elle-même qui désola Jérusalem la ville sainte. — S. Jér. On peut l’entendre aussi de l’image de César que Pilate fit placer dans le temple, ou de la statue équestre d’Adrien, qui, jusqu’à ce jour, est restée dans le lieu appelé le Saint des Saints. Car, dans le style de l’Ancien Testament, abomination veut dire idole, et le mot de désolation lui est ajouté, parce que l’idole avait été placée dans le temple désert et désolé. — S. Chrys. (hom. 75.) Ou bien, dans cette abomination, on peut voir encore la statue de celui qui désola la cité et le temple, statue qui fut placée dans l’intérieur du temple. Or, pour qu’ils sachent que toutes ces choses arriveront de leur vivant, le Sauveur ajoute : « Lorsque vous verrez, » etc. Admirez ici la puissance de Jésus-Christ et le courage des Apôtres, qui ne craignaient pas de prêcher l’Evangile dans un temps où les Juifs étaient attaqués de toutes parts. Les Apôtres, qui avaient été choisis parmi les Juifs, établirent des lois nouvelles, en face de la puissance des Romains, qui dominaient alors sur la Judée ; les Romains réduisirent en captivité un nombre infini de Juifs, et ils ne purent vaincre douze hommes sans armes et sans défense. Or, comme bien des fois les Juifs s’étaient relevés après de grands désastres, par exemple au temps de Sennachérib (4 R 19, 20 ; 2 Paral., 32 ; Is 27), d’Antiochus (1 M 1, 13 ; 2 M 5, 9, 10), le Sauveur ne veut point que l’on conçoive une semblable espérance, et il commande à ses disciples de s’enfuir : « Alors que ceux qui sont dans la Judée, » etc. — Remi. Il est certain que tous ces événements s’accomplirent aux approches de la ruine de Jérusalem. Lorsque les armées romaines s’avancèrent, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée, avertis par un signe miraculeux, comme le rapporte l’histoire ecclésiastique, s’enfuirent au loin, et, traversant le Jourdain, ils vinrent dans la ville de Pella, où ils demeurèrent quelque temps sous la protection du roi Agrippa dont il est parlé dans les Actes des Apôtres. Cet Agrippa était soumis à l’empire romain avec la partie du peuple juif qu’il gouvernait.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Notre-Seigneur fait voir ensuite que les calamités qu’il vient de prédire, sont inévitables pour les Juifs, et l’extrémité des malheurs qui les attendait : « Que celui qui sera sur le toit ne descende pas, » etc. Il valait beaucoup mieux se sauver sans son manteau que d’être tué en rentrant pour le prendre ; c’est pour cela que le Sauveur ajoute, en parlant de celui qui sera dans les champs : « Et que celui qui sera dans les champs, ne revienne pas, » etc. Si ceux qui se trouvent dans la ville doivent s’enfuir, à plus forte raison ceux qui sont au dehors doivent se garder d’y chercher un refuge. Il est facile encore de faire le sacrifice de ses richesses, et ou peut remplacer ses vêtements, mais comment échapper aux incommodités inséparables de la nature ? Comment une femme enceinte pourra-t-elle facilement prendre la fuite ? Comment celle qui allaite pourra-t-elle abandonner son nouveau-né ? « Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices, » etc. Malheur aux premières, parce que le poids de leur grossesse ralentit leur marche et les empêche de fuir ; malheur aux autres, parce qu’elles sont retenues par l’amour qu’elles ont pour leurs enfants, et qu’elles ne pourront sauver ceux qu’elles allaitent. — Orig. (Traité 29 sur S. Matth.) Ou bien encore, malheur à elles, parce qu’il ne sera plus temps de s’apitoyer ni sur le sort des femmes enceintes, ni sur celles qui nourrissent, ni sur leurs enfants. Et comme Notre-Seigneur parlait ici pour les Juifs qui croyaient ne pouvoir s’éloigner le jour du sabbat qu’à la distance d’un mille, il ajoute donc : « Priez que votre fuite n’arrive pas pendant l’hiver, ni au jour du sabbat. » — S. Jér. Car, pendant l’hiver, la rigueur du froid empêche de s’enfuir dans les lieux solitaires, et de se cacher dans les montagnes du désert ; et le jour du sabbat il y a pour eux transgression de la loi s’ils veulent prendre la fuite, et danger de mort s’ils se déterminent à rester.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Vous pouvez remarquer ici que c’est aux Juifs que s’adresse ce discours ; car les Apôtres ne devaient ni observer le sabbat, ni se trouver dans la Judée lorsque Vespasien vint faire le siége de Jérusalem. D’ailleurs plusieurs d’entre eux étaient déjà morts, et si quelques-uns vivaient encore, ils se trouvaient alors dans d’autres parties du monde. Mais pour quelle raison veut-il que l’on ait recours à la prière ? La voici : « Car l’affliction de ce temps-là sera si grande, » etc. — S. Aug. (lettre 80 à Hésych.) Nous lisons dans saint Luc : « Ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple ; ils passeront par le fil de l’épée, et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations. » Or, au rapport de Josèphe qui a écrit l’histoire des Juifs, ce peuple vit fondre sur lui de si grandes calamités, qu’on peut à peine les croire ; aussi est-ce avec raison que Notre-Seigneur assure qu’il n’y a point eu de tribulation pareille depuis le commencement du monde, et qu’il n’y en aura jamais. Car, en supposant qu’au temps de antéchrist, l’affliction doive être aussi grande ou même plus grande, il faut entendre ici qu’il n’y en aura point de semblable pour le peuple juif. En effet, si ce peuple doit être le premier à recevoir alors antéchrist, il sera bien plutôt l’auteur que la victime de la tribulation.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Je demanderai aux Juifs quelle est donc la cause de ces maux accablants que la colère divine a fait tomber sur eux, et qui surpassent tous ceux qui ont précédé ? Il est évident que c’est le crime audacieux de la croix, et la condamnation prononcée contre Jésus-Christ par le peuple. Mais le Sauveur va plus loin, et leur déclare qu’ils méritaient encore un plus terrible châtiment : « Et si ces jours n’avaient été abrégés, nul homme n’aurait été sauvé. » C’est-à-dire si la guerre des Romains contre Jérusalem avait duré plus longtemps, elle eût fait périr tous les Juifs sans exception. Il parle ici de tous les Juifs, de ceux qui habitaient la Judée, et de ceux qui se trouvaient au dehors ; car les Romains ne faisaient pas seulement la guerre à ceux qui étaient dans la Judée, mais ils poursuivaient encore tous ceux qui étaient dispersés dans les différentes contrées de l’empire. — S. Aug. (lettre 80 à Hésych.) Quelques interprètes me paraissent avoir donné l’explication véritable des jours dont il est ici question, et qui signifieraient les calamités elles-mêmes, de même qu’en d’autres endroits de la sainte Écriture, nous voyons cette expression : « Les jours mauvais. » (Gn 47 ; Ps 93 ; Ep 5) Car ce ne sont pas les jours qui sont mauvais, mais les événements qui arrivent durant ces jours. Or, le Sauveur dit que ces maux seront abrégés, parce que par une grâce de Dieu qui donnera la force de les supporter, ils seront moins sentis, et pour ainsi dire diminués, comme si on abrégeait leur durée.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Les Juifs auraient pu dire que c’était la prédication de l’Évangile et les disciples de Jésus-Christ qui étaient cause de tous ces malheurs ; le Sauveur leur déclare donc que s’ils n’avaient pas au milieu d’eux ses disciples, ils auraient été entièrement exterminés : « Mais en faveur des élus, ces jours seront abrégés. » — S. Aug. (lettre à Hésych.) Nous ne devons pas douter qu’au temps de la ruine de Jérusalem, il n’y eut parmi le peuple juif des élus de Dieu qui avaient passé de la circoncision à la foi chrétienne, ou qui devaient croire dans la suite et que Dieu avait choisis pour ses élus avant la création du monde ; c’est en leur faveur que ces jours seront abrégés ; afin qu’on puisse en supporter plus facilement les épreuves. Il en est qui prétendent que ces jours seront abrégés par une marche plus rapide du soleil, de la même manière que le jour fut autrefois prolongé à la prière de Josué, fils de Navé (Jos 10) — S. Jér. Mais ils oublient cette parole des livres saints : « Par votre ordre, le jour subsiste tel qu’il est. » Il nous faut donc admettre que ces jours ont été abrégés selon leur nature, c’est-à-dire que ce n’est pas leur étendue, mais leur nombre qui a été abrégé, de peur que des épreuves trop prolongées ne vinssent à ébranler la foi des chrétiens. — S. Aug. (lettre à Hésych.) Il ne nous faut pas croire cependant que la succession des semaines de Daniel ait été dérangée, parce que ces jours ont été abrégés ; ou bien qu’elles n’ont pas eu alors leur accomplissement, qui n’aurait lieu qu’à la fin des temps, car saint Luc déclare expressément (Lc 21, 20) que la prophétie de Daniel a reçu son accomplissement à l’époque de la destruction de Jérusalem. — S. Chrys. (hom. 76.) Remarquez ici l’admirable économie de l’Esprit saint ; l’Évangéliste saint Jean n’a rien écrit sur ces événements, pour qu’on ne pût dire qu’il avait écrit après les faits accomplis, puisqu’il vécut encore longtemps après la ruine de Jérusalem. Mais les autres Évangélistes qui sont morts auparavant, et qui n’ont pu voir aucun de ces événements, les ont écrits pour faire éclater de toutes parts, la puissance divine de la prophétie.

 

S. Hil. (can. 25.) Nous pouvons encore, dans un autre sens, Voir tous les signes précurseurs de l’avènement du Seigneur dans ces paroles : « Lorsque vous verrez, » etc. Car le prophète Daniel a eu ici en vue les temps de l’antéchrist. L’antéchrist est appelé abomination, parce qu’il est venu contre Dieu, pour usurper l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu ; c’est l’abomination de la désolation, car il doit désoler la terre par les guerres et les flots de sang qu’il répandra. C’est pour cela même que les Juifs le recevront, qu’il s’assiéra dans le lieu le plus sacré du temple, et que les infidèles lui rendront les honneurs divins dans l’endroit même où les saints adressaient à Dieu leur prière. Et comme le caractère particulier de l’erreur des Juifs sera d’embrasser le mensonge après avoir rejeté la vérité, le Sauveur ordonne à ses disciples d’abandonner la Judée, et de fuir dans les montagnes, pour éviter la persécution ou la corruption auxquelles ils seraient exposés en restant au milieu d’un peuple qui doit croire à l’antéchrist. Quant à ces paroles : « Que celui qui est sur le toit ne descende pas, » etc., on peut les entendre dans ce sens : Le toit est le faîte de la maison, le complément est comme la perfection de tout l’édifice. Celui donc qui est en haut de la maison, c’est-à-dire dans la perfection de son cœur, renouvelé par la régénération, élevé par les sentiments de son âme, ne devra pas céder à la convoitise et descendre aux basses jouissances de la terre. De même : « Celui qui sera dans le champ, » etc., c’est-à-dire celui qui s’applique à l’accomplissement des préceptes, ne devra pas retourner aux occupations de sa vie passée, qui le recouvrirait de nouveau du vêtement de ses anciens péchés. — S. Aug. (lettre à Hésych.) Car il faut prendre garde de se laisser vaincre par les tribulations, et de descendre des hauteurs de la vie spirituelle aux bassesses d’une vie toute charnelle, ou bien de se relâcher et de regarder en arrière, après qu’on a fait des progrès en s’avançant vers ce qui était devant soi. (Ph 3) — S. Hil. Ces paroles : « Malheur aux femmes qui seront grosses, ou nourrices en ce temps-là, » ne doivent pas s’entendre des femmes grosses dans le sens naturel, mais des âmes appesanties sous le poids de leurs péchés, et qui, ne se trouvant ni sur les toits, ni dans les champs, ne pourront éviter la tempête de la colère qui les attend. Malheur aussi à ceux qui sont nourris, cette menace s’adresse à ces âmes faibles qui sont formées à la connaissance de Dieu comme les enfants qui ne se nourrissent encore que de lait ; malheur à elles, parce que ne pouvant fuir devant l’antéchrist, et étant d’ailleurs incapables de souffrir, elles ne pourront ni éviter le péché, ni recevoir la nourriture du pain véritable. — S. AUG. (serm. 2 sur les par. du Seig.) Ou bien, la femme grosse est celui qui désire le bien d’autrui, et la femme qui nourrit, celui qui s’est emparé de l’objet de sa convoitise. Malheur à l’un et à l’autre au jour du jugement ! Notre-Seigneur ajoute : « Priez pour que votre fuite n’arrive point durant l’hiver, ni au jour du sabbat, » etc. — S. Aug. (Quest. évang., 1, 37.) C’est-à-dire que personne ne soit surpris en ce jour, ou dans la tristesse, ou dans la joie que causent les choses de la terre. — S. Hil. Ou bien encore, dans le froid de la mort, que produisent les péchés, ou dans l’oisiveté des bonnes oeuvres ; car le châtiment sera bien sévère, heureusement Dieu abrégera ces jours en faveur des élus, de manière que leur courte durée puisse faire triompher de la violence du mal.

 

ORIG. Dans le sens mystique, l’antéchrist, qui est toute parole de mensonge, se tient fréquemment dans le sanctuaire des Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ceux qui le voient doivent fuir de la Judée, qui est la lettre, sur les montagnes sublimes de la vérité. Or, celui qui se trouvera sur le toit de la parole, et qui se tiendra sur ce sommet, ne doit pas en descendre sous le prétexte d’emporter quelque chose de sa maison ; s’il est dans les champs, dans ce champ où se trouve caché un trésor, et qu’il retourne en arrière, il s’exposera à la séduction de la parole de mensonge, surtout s’il s’est dépouillé de ses vêtements anciens, c’est-à-dire du vieil homme, et qu’il ait retourné sur ses pas pour le reprendre. C’est alors que l’âme qui porte encore dans son sein, et n’a pas encore enfanté les fruits de la parole, encourt la malédiction ; car elle laisse mourir le fruit qu’elle avait conçu, et. elle perd l’espérance qui est fondée sur les actes de la vérité. Il en sera de même de l’âme qui aura enfanté le fruit de la parole, mais qui ne l’aura pas nourri suffisamment. Or, que ceux qui s’enfuient vers les montagnes prient que leur fuite n’ait lieu ni en hiver ni au jour du sabbat. Car les âmes qui sont établies dans le calme et la tranquillité peuvent obtenir de marcher dans la voie du salut ; mais si l’hiver les surprend, elles tomberont au pouvoir de ceux qu’elles veulent éviter. Qu’elles prient donc pour que leur fuite n’arrive ni durant l’hiver, ni au jour du sabbat. Il en est qui observent le repos du sabbat en s’abstenant d’œuvres mauvaises, mais sans en faire de bonnes ; que votre fuite n’ait pas lieu dans ce jour de sabbat, complètement vide de bonnes oeuvres ; car on ne sera pas facilement victime de l’erreur, à moins qu’on ne soit entièrement dépouillé de bonnes oeuvres. Mais quelle tribulation plus grande pour nous que de voir nos frères victimes de la séduction, que de nous voir nous-mêmes plongés dans l’agitation et le trouble ? Les jours, ce sont les préceptes et les dogmes de la vérité ; et toutes les explications que cherche à en donner une fausse science viennent ajouter aux épreuves de ces jours que Dieu abrége par les moyens qu’il choisit dans sa sagesse.

 

vv. 23-28.
S. Chrys. (hom. 76.) Après que Notre-Seigneur a terminé les prédictions qui avaient rapport à Jérusalem, il arrive à ce qui concerne son avènement, et il en fait connaître les signes précurseurs ; connaissance utile, non-seulement pour eux, mais encore pour nous, et pour tous ceux qui viendront après nous : « Alors si quelqu’un vous dit, » etc. Or, de même que lorsque l’Évangéliste dit dans un autre endroit : « En ces jours-là vint Jean-Baptiste, » il n’a point voulu parler du temps qui suivit immédiatement les événements qu’il vient de raconter, puisqu’il y eut trente ans d’intervalle, de même en employant ici cette expression : « Alors, » il passe sous silence tout le temps intermédiaire qui devait s’écouler depuis la ruine de Jérusalem jusqu’aux signes avant-coureurs de la fin du monde. En révélant à ses disciples les signes de son second avènement, le Sauveur leur en lait connaître d’une manière certaine le lieu, en même temps que les artifices des séducteurs. Cet avènement ne se fera plus comme la première fois à Bethléem, dans un petit coin de la terre, et sans que personne en soit prévenu ; mais le Seigneur viendra dans tout son éclat, et il ne sera nullement nécessaire d’annoncer son arrivée ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Si quelqu’un vous dit : Voici que le Christ est ici, ou là, ne le croyez point. » — S. Jér. Il nous apprend par là que le second avènement n’aura pas lieu comme le premier dans l’humilité, mais dans toute la manifestation de sa gloire. C’est donc une folie de chercher dans un endroit limité ou réservé celui qui est la lumière du monde. (Jn 8, 9, 12.)

 

S. Hil. (can. 25.) Et cependant comme les hommes seront livrés à de violentes angoisses, les faux prophètes, affectant de vouloir faire connaître le secours que les fidèles peuvent tirer de la présence du Christ, soutiendront faussement qu’il se trouve réellement dans une multitude d’endroits, pour soumettre au culte de l’antéchrist les hommes accablés et abattus par les tribulations. « Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, » etc. — S. Chrys. (hom. 76.) Le Sauveur veut parler ici de l’antéchrist et de quelques-uns de ses agents, qu’il appelle de faux christs et de faux prophètes, tels qu’on en vit un grand nombre au temps de la prédication des Apôtres. Mais avant le second avènement, ils seront mille fois plus dangereux que les premiers : « Car ils feront de grands prodiges et des choses étonnantes. »

 

S. Aug (Liv. des 83 Quest., quest. 78.) Notre-Seigneur nous avertit ici que même les hommes livrés à toute sorte de crimes peuvent opérer certains miracles que les saints ne peuvent faire, sans qu’ils jouissent pour cela d’un plus grand crédit aux yeux de Dieu. En effet, les magiciens d’Egypte n’étaient pas plus agréables à Dieu que le peuple d’Israël, qui ne pouvait faire les prodiges qu’ils opéraient, bien que Moïse en ait opéré de plus éclatants par la puissance de Dieu. Or, Dieu n’a pas donné à tous les saints ce privilège, pour ne pas exposer les âmes faibles à tomber dans cette erreur que le don de faire des miracles est supérieur aux oeuvres de justice, qui seules nous obtiennent la vie éternelle. Lors donc que les magiciens opèrent des prodiges semblables à ceux que font quelquefois les saints, c’est à des titres et par des motifs différents ; les uns n’y cherchent que leur propre gloire, les autres que la gloire de Dieu ; les premiers agissent alors en vertu d’un certain pouvoir que Dieu a laissé aux esprits de malice, conformément à leur nature, et par certains commerces qu’ils entretiennent avec ces esprits, ou en reconnaissance des services qu’ils leur rendent (Ep 6, 12 ; Col  2, 15) ; les saints, au contraire, n’opèrent ces prodiges qu’au nom de cette puissance souveraine aux ordres de laquelle toute créature est soumise. Qu’un propriétaire soit obligé d’abandonner son cheval à un soldat, qu’il le livre au contraire à celui qui le lui achète, qu’il le donne ou qu’il le prête à qui bon lui semble, ce sont choses toutes différentes. Il arrive encore quelquefois que de mauvais soldats, par une violence que réprouve la discipline militaire, effraient certaines gens en se couvrant de l’autorité de leur chef pour leur extorquer ce que la loi ne les oblige pas de donner ; de même il peut arriver souvent que de mauvais chrétiens, ou des schismatiques, ou des hérétiques, aient recours au nom de Jésus-Christ, aux paroles sacrées, ou aux sacrements de la religion chrétienne pour exiger certaines concessions des puissances infernales. Et lorsque ces puissances cèdent ainsi à l’ordre des méchants, elles ne le font que pour séduire les hommes, dont les égarements font toute leur joies C’est donc par des procédés tout différents que les magiciens, les bons chrétiens et les mauvais opèrent des prodiges. Les magiciens les opèrent au moyen de pactes particuliers ; les bons chrétiens, au nom de la justice divine ; et les mauvais, au moyen des signes extérieurs de cette justice. Et il ne faut pas s’en étonner, car on peut croire sans absurdité que tous les phénomènes extérieurs dont nous sommes témoins sont l’oeuvre des puissances infernales qui sont répandues dans les airs. — S. Aug. (de la Trinité, 3, 8 et 9.) Gardons-nous cependant de croire que tous les éléments visibles obéissent aveuglément à ces anges prévaricateurs ; ils obéissent bien plutôt à Dieu, qui a donné ce pouvoir aux mauvais anges. Nous ne devons pas non plus donner le nom de créateurs à ces mauvais anges ; car d’où vient leur puissance ? De ce que la pénétration inhérente à leur nature leur fait connaître les causes productrices cachées des faits naturels, qu’ils les répandent sous l’influence convenable des éléments, et offrent ainsi l’occasion de les produire ou de leur donner de plus grands développements. Car même parmi les hommes, il en est qui savent quelles herbes, quelles chairs, quels sucs ou quels liquides mélangés ensemble donnent naissance à certains animaux ; mais les hommes ne peuvent que difficilement obtenir ce résultat, parce qu’ils manquent de cette intelligence pénétrante et de cette agilité de mouvements que leur refusent leurs membres tout matériels et privés de l’énergie nécessaire.

 

S. Grég. (Moral., 15, 39.) Lorsque l’antéchrist aura opéré ces prodiges étonnants en présence des hommes charnels, il les entraînera tous à sa suite ; car tous ceux qui placent leurs jouissances dans les biens de ce monde, se soumettront sans restriction à son empire. Voilà pourquoi le Sauveur ajoute : « Jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes. » — Orig. Cette expression : « S’il est possible, » est hyperbolique, car Notre-Seigneur n’a point dit positivement : « De telle sorte que les élus eux-mêmes seraient séduits ; » mais il a voulu nous montrer que les discours des hérétiques sont insinuants et persuasifs, et capables d’ébranler même ceux qui n’obéissent qu’aux inspirations de la sagesse. — S. GREG. (Moral., 23, 27.) Ou bien, comme le cœur des élus peut être agité par un sentiment de crainte, sans que toutefois leur constance en soit ébranlée, le Sauveur renferme ces deux effets dans une même pensée, et il ajoute : « S’il était possible ; » car il ne peut se faire que les élus tombent dans les piéges que leur tend l’erreur. — Rab. Ou bien, ces paroles ne signifient pas que l’élection divine sera sans effet, mais que ceux qui paraissaient être du nombre des élus au jugement des hommes, seront entraînés dans l’erreur.

 

S. Grég. (hom. 35 sur les Evang.) Les traits qui sont prévus font des blessures moins profondes ; aussi le Sauveur dit à ses disciples : « Voici que je vous l’ai prédit. » Notre-Seigneur nous déclare quels seront les maux avant-coureurs de la fin du monde, afin que lorsqu’ils arriveront, ils nous causent d’autant moins de trouble, qu’ils ont été prévus ; c’est pour la même raison qu’il ajoute : « Si donc quelqu’un vous dit : Voici qu’il est dans le désert, » etc. — S. Hil. En effet, les faux prophètes, dont il a parlé plus haut, affirmeront tantôt que le Christ est dans le désert, pour corrompre les hommes par le poison de l’erreur ; tantôt qu’il est dans des endroits retirés pour les asservir plus sûrement au joug tyrannique de l’antéchrist. Mais le Seigneur nous déclare ici qu’il ne se cachera dans aucune retraite, qu’il ne se découvrira point en particulier à un petit nombre de témoins, mais qu’il manifestera sa présence en tous lieux et aux yeux de tous les hommes, comme l’indiquent les paroles suivantes : « De même que l’éclair part de l’Orient, et apparaît jusqu’à l’Occident, » etc.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Le Sauveur, qui a décrit précédemment les circonstances de la venue de l’antéchrist, nous retrace ici les signes de son, propre avènement. De même que l’éclair n’a besoin ni de précurseur ni de héraut, mais brille en un moment dans tout l’univers, même aux yeux de ceux qui sont dans l’intérieur de leurs demeures, ainsi le glorieux éclat qui entourera l’avènement du Christ apparaîtra dans tout l’univers à la fois. Il nous donne encore un autre signe de son avènement en ajoutant : « Partout ou sera le corps, là les aigles s’assembleront, » c’est-à-dire la multitude des anges, des martyrs et de tous les saints. — S. Jér. Le mystère de l’avènement de Jésus-Christ nous est rendu sensible dans un fait naturel dont nous sommes tous les jours témoins. On rapporte que les aigles et les vautours sentent l’odeur des cadavres situés même au delà des mers, et se rassemblent à cette distance autour de cette pâture. Si donc des oiseaux privés de raison, et par le seul instinct naturel, sentent l’endroit où gît un cadavre peu considérable, malgré la distance qui les en sépare, avec combien plus d’ardeur la multitude des fidèles s’empressera-t-elle de se réunir autour du Christ, dont l’éclair part de l’Orient et brille en même temps jusque dans l’Occident ? Par le corps (en grec ???? ou ?????, et que le latin rend d’une manière plus expressive par le mot cadaver, parce que le corps tombe sous les coups de la mort), nous pouvons entendre la passion du Christ. — S. Hil. Pour ne pas nous laisser ignorer le lieu où il apparaîtra, il ajoute : « Partout où sera le corps, là les aigles s’assembleront. » Il appelle les saints des aigles à cause du vol rapide de leur corps tout spirituel, et il nous les montre se réunissant sous la conduite des anges, dans le lieu même de sa passion ; car il est juste que le Sauveur révèle la gloire de son avènement dans l’endroit même où il nous a mérité par ses humiliations et ses souffrances la glorieuse éternité. — Orig. (traité 30 sur S. Matth.) Et remarquez qu’il ne dit pas : Partout où sera le corps, là se rassembleront les vautours et les corbeaux, mais : « Les aigles s’assembleront, » pour exprimer ainsi la magnificence et la royauté de tous ceux qui ont cru à la passion du Sauveur. — S. Jér. On donne le nom d’aigles à ceux dont la jeunesse s’est renouvelée comme celle de l’aigle (Ps 52), et qui s’élèvent sur des ailes comme l’aigle, pour se rendre à la passion du Sauveur. — S. GREG. (Moral., 31, 22.) Ces paroles : « Partout où sera le corps, là s’assembleront les aigles, » peuvent encore s’entendre dans ce sens : Comme je suis assis sur le trône des cieux avec le corps que j’ai revêtu dans mon incarnation, je délivrerai les âmes des élus avec leur corps, et je les élèverai jusqu’au ciel.

 

S. JER. Ou bien encore on peut entendre ce passage des faux prophètes, car au temps de la captivité de la nation juive, on vit s’élever des chefs qui affirmaient qu’ils étaient le Christ, à ce point que pendant le siége de Jérusalem par les Romains, le peuple fut divisé en trois factions. Mais il est plus naturel d’entendre ces paroles, comme nous l’avons fait, de la fin du monde. On peut, en troisième lieu, l’entendre des combats des hérétiques contre l’Église, et de ces antéchrists qui s’élèvent contre le Christ, sous le prétexte d’une fausse science. — Orig. Traité 29 sur S. Matth.) En principe, il n’y a qu’un seul antéchrist, mais il se divise eu plusieurs espèces, comme si nous disions : Un mensonge ne diffère pas d’un autre mensonge. Or, de même que le véritable Christ n’avait que de saints prophètes, ainsi chaque faux christ a sous lui une multitude de faux prophètes qui donnent pour la vérité, dans leurs prédications, la fausse doctrine de l’antéchrist auquel ils appartiennent. Lors donc qu’on entendra dire : « Le Christ est ici ou il est là, il ne faudra point porter ses regards au dehors, ailleurs que dans 1’Écriture, car c’est dans la loi, dans les prophètes et dans les écrits des Apôtres qu’ils puisent leurs prétendues raisons à l’appui de leurs erreurs. Ou bien ces paroles : « Voici que le Christ est ici, ou il est là, » s’appliquent dans leur intention, non pas au Christ, mais à quelque imposteur qui se couvrira de son nom, comme serait, par exemple, un sectateur de la doctrine de Marcion, ou de Basilide ou de Valentin. — S. Jér. Si quelqu’un donc vous a donné l’espérance que vous trouveriez Jésus-Christ dans le désert de l’idolâtrie ou dans la doctrine des philosophes, ou dans les réduits ténébreux des hérétiques qui promettent de vous révéler les secrets de Dieu, ne le croyez pas ; mais croyez que la foi catholique brille dans l’Église de l’Orient à l’Occident. — S. Aug. (Quest. évang., 11, 38.) Par l’Orient et par l’Occident, Notre-Seigneur a voulu nous faire comprendre l’univers entier, dans lequel l’Église devait s’étendre. C’est dans le sens de ces paroles : « Vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées, » que Notre-Seigneur se sert ici du mot éclair, parce que c’est du sein des nuées que jaillissent les éclairs. Après avoir établi d’une manière claire et évidente l’autorité de l’Église dans tout l’univers, c’est avec raison qu’il recommande à ses disciples et à tous les fidèles de ne point ajouter foi aux schismatiques et aux hérétiques. Tout schisme, en effet, et toute hérésie s’établit sur un point de la terre et y occupe une place, ou se glisse dans des réunions secrètes et ténébreuses pour tromper la curiosité de l’esprit humain, et c’est ce que signifient ces paroles : « Si quelqu’un vous dit : Le Christ est ici ou là » (ce qui indique une partie ou une contrée de la terre), « ou dans le lieu le plus retiré de la maison, » ce qui signifie les conventicules secrets et ténébreux des hérétiques. — S. Jér. Ou bien ces expressions : « Dans le désert » et « dans les endroits cachés, » signifient que les faux prophètes trouveront moyen de tromper les hommes dans les temps de persécution et d’épreuves.

 

Orig. (traité 29 sur S. Matth.) Ou bien, toutes les fois que les hérétiques citent à l’appui de leurs erreurs des écritures apocryphes et qui ne sont pas reçues dans l’Église, ils semblent dire : « Voici que la parole de vérité est dans la solitude, » tandis que lorsqu’ils s’appuient sur les Écritures canoniques, admises par tous les chrétiens, ils paraissent dire : « Voici que la parole de vérité est dans vos demeures, » Mais ces promesses ne doivent pas nous faire sortir des premières traditions reçues dans l’Église. Peut-être encore le Seigneur veut-il nous prémunir contre ceux dont la doctrine est tout à fait étrangère à l’Écriture par ces paroles : « Si l’on vous dit : Le voici dans la solitude, » ne sortez pas de la règle de la foi ; contre ceux qui se couvrent en apparence de l’autorité des Écritures par ces autres : « Si l’on vous dit : Le voici dans le lieu le plus retiré, ne le croyez pas. » Car la vérité est semblable à l’éclair qui part de l’Orient et paraît jusque dans l’Occident. Ou bien le Sauveur s’exprime de la sorte parce que l’éclair de la vérité est soutenu par tous les passages de l’Écriture. L’éclair de la vérité sort donc de l’Orient, c’est-à-dire des commencements de la vie de Jésus-Christ, et se prolonge jusqu’à sa passion, qui est comme son couchant ; ou bien depuis l’origine du monde jusqu’aux derniers écrits des Apôtres. Ou bien encore, l’Orient est la loi, et l’Occident, la fin de la loi et de la prophétie de Jean-Baptiste. Or, l’Église seule n’ôte rien soit à l’expression, soit au sens de cette vérité qui brille comme un éclair, elle n’ajoute rien non plus sous prétexte de prophétie. Ou bien enfin le Seigneur veut nous mettre en garde contre ceux qui nous disent : « Voici le Christ, » sans nous le montrer dans l’Église, qui seule a vu s’accomplir en elle l’avènement tout entier du Fils de l’homme, dont voici la promesse : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. »

 

S. Jér. Ces paroles nous invitent à méditer la passion de Jésus-Christ, et à nous réunir dans tous les endroits de l’Écriture où il en est question (cf. Ps 21, 18 ; Is 53, 7), afin qu’elle puisse nous conduire jusqu’au Verbe de Dieu.

 

vv. 29-30
LA Glose. Après avoir prémuni les fidèles contre les séductions de l’antéchrist et de ses sectateurs, en déclarant que son avènement sera environné du plus grand éclat, Notre-Seigneur nous en fait connaître l’ordre et les circonstances, « Or, aussitôt après ces jours d’affliction, le soleil s’obscurcira, » etc. — S. Chrys. (Hom. 76.) Il veut parler ici de la tribulation des jours de l’antéchrist et des faux prophètes ; cette tribulation sera grande et proportionnée au grand nombre des séducteurs, mais sa durée ne sera pas longue, car si la guerre contre les Juifs a été abrégée à cause des élus, à plus forte raison Dieu abrégera cette tribulation en leur faveur. Aussi, ne dit-il pas simplement : Après ces jours d’affliction, mais « Aussitôt après, » car il, ne tardera pas à venir. — S. Hil. (can. 20.) Il nous fait comprendre la gloire de son avènement par le soleil qui s’obscurcit, par la lune qui refuse sa lumière, et par les étoiles qui tombent : « Et la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel. »

 

Orig. Lorsqu’un grand incendie commence à éclater, le jour est comme obscurci par les nuages d’une épaisse fumée ; ainsi, on peut dire qu’à la fin du monde, les grands flambeaux du jour seront obscurcis par le feu que la justice de Dieu doit allumer ; et la clarté des étoiles venant à pâlir, la matière dont leur corps est composé ne pourra plus s’élever comme autrefois, lorsque la lumière elle-même semblait les porter dans les vastes plaines de l’air, et elles tomberont du ciel. Lorsque ces événements s’accompliront, les intelligences célestes, dans la stupeur et l’agitation, seront comme bouleversées de se voir privées de leurs anciennes fonctions « Et les vertus des cieux seront ébranlées, et alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans les cieux, » c’est-à-dire le signe qui a fait les choses célestes, en d’autres termes la puissance que le Fils de l’homme a fait éclater lorsqu’il était attaché à la croix. C’est dans le ciel surtout que paraîtra ce signe, afin que les hommes de toute tribu, qui n’ont pas voulu croire à la religion chrétienne, qui leur était annoncée, la reconnaissent dans cette croix qui en est le signe évident,, et qu’ils pleurent et gémissent sur leurs péchés et sur leur ignorance. « Et, à cette vue, tous les peuples de la terre s’abandonneront aux pleurs et aux gémissements. » On donne cette autre explication de ce passage : de même que la lumière d’une lampe s’affaiblit insensiblement, le soleil et la lune s’obscurciront, et les étoiles perdront leur lumière, parce que les corps célestes ne seront plus alimentés, et ce qui en restera tombera du ciel comme une matière toute terrestre. Mais comment peut-on dire du soleil que sa lumière s’obscurcira, alors que le prophète Isaïe prédit qu’à la fin du monde cette lumière deviendra beaucoup plus vive.(chap. 30), et que la lumière de la lune deviendra comme la lumière, du soleil. Quant aux étoiles, il en est qui affirment que toutes ou un grand nombre d’entre elles sont plus grandes que la terre ; comment donc pourront-elles tomber du ciel, puisque la terre ne pourrait suffire à leur étendue. — S. Jér. Ces phénomènes ne seront donc point produits par une diminution réelle de la lumière qui nous éclaire, puisque nous lisons que le soleil aura sept fois plus d’éclat ; mais, en présence de la vraie lumière, tous les objets paraîtront aux yeux couverts de ténèbres. — Rab. Rien cependant ne s’oppose à ce qu’on dise que le soleil, la lune et les autres astres seront alors réellement privés de leur lumière, comme il arriva pour le soleil, à la passion du Sauveur, et c’est ce que prédit Joël en ces termes : « Le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne le grand et terrible jour du Seigneur. »(Jl 2, 31). Du reste, après le jugement, et lorsque la gloire de la vie future répandra ses clartés, et que Dieu aura créé un ciel nouveau et une terre nouvelle (Is 65, 17 ; Ap 21, 1), on verra s’accomplir cette prédiction du prophète Isaïe : « La lumière de la lune sera comme celle du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus grande. » Quant aux étoiles, au lieu de ces expressions : « Et les étoiles tomberont du ciel, » on lit dans saint Marc : « Et l’on verra les étoiles se détacher du ciel, c’est-à-dire privées de leur lumière » (Mc 13).

 

S. JÉR. Par les vertus des cieux, nous entendons la multitude des anges. — S. Chrys. (hom. 76.) C’est à juste titre pie les vertus des cieux seront ébranlées et troublées à la vue d’un si grand bouleverse-nient, du châtiment de leurs compagnons, et de l’univers tout entier comparaissant devant le tribunal redoutable.

 

Orig. De même qu’au moment où s’accomplissait le mystère de la croix, le soleil s’éclipsa, et l’on vit les ténèbres couvrir toute la face de la terre ; ainsi, lorsque le signe du Fils de l’homme apparaîtra dans les cieux, la lumière du soleil, de la lune et des étoiles disparaîtra comme absorbée par la puissance divine de ce signe sacré. « Et alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel. » Ce signe, c’est le signe de la croix, afin que les Juifs, selon le prophète Zacharie (chap. 12) et l’évangéliste saint Jean (chap. 19), puissent voir celui qu’ils ont percé et le signe de sa victoire.

 

S. Chrys. (hom. 76.) Le soleil s’étant obscurci, la croix ne pourrait paraître qu’autant qu’elle serait beaucoup plus brillante que les rayons du soleil. Le Sauveur ne veut pas que ses disciples aient à rougir ou à s’attrister de la croix, et c’est pour cela qu’il la leur annonce comme un signe entouré de gloire. Or, ce signe de la croix apparaîtra pour confondre l’insolence des Juifs, car Jésus-Christ, venant pour juger le monde, ne leur montrera pas seulement ses blessures, mais encore la mort ignominieuse qu’ils lui ont fait souffrir : « Et alors toutes les tribus de la terre s’abandonneront aux pleurs et à la vue de la croix, elles comprendront que la mort du Sauveur ne leur a servi de rien, et qu’elles ont crucifié celui qu’elles auraient dû adorer. — S. Jér. L’expression « Toutes les tribus de la terre, » est des plus justes, car ceux-là seuls seront dans les pleurs et dans les gémissements qui n’ont pas acquis le droit de cité dans les cieux, et dont les noms ne sont écrits que sur les livres de la terre.

 

Orig. Dans le sens moral, on peut dire que ce soleil qui doit s’obscurcir, c’est le démon qui doit être jugé et condamné à la fin du monde, car, bien qu’il ne soit que ténèbres, il affecte de briller comme le soleil ; la lune, qui emprunte sa lumière à ce soleil d’une nouvelle espèce, c’est toute réunion des méchants qui se vante souvent d’avoir et de donner la lumière. Mais alors Dieu la condamnera avec ses dogmes pervers, et elle perdra toute sa clarté. Tous ceux qui promettaient aux hommes la vérité, soit par leurs opinions, soit par de fausses vertus, et ne faisaient que les séduire par leurs mensonges, sont comme les étoiles qui tombent pour ainsi dire de leur ciel dans les hauteurs duquel elles s’étaient établies, en s’élevant coutre la science de Dieu. A l’appui de cette interprétation, nous pouvons citer ces paroles du livre des Proverbes : « La lumière des justes demeure toujours brillante, mais la lumière des impies s’éteindra bientôt » (Pr 4, 18). Mais on verra briller la gloire de Dieu dans tout homme qui a porté l’image de l’homme céleste, et tous ceux qui faisaient ici-bas partie du Ciel, seront dans la joie, tandis que tous ceux qui appartiennent à la terre s’abandonneront aux pleurs et aux gémissements. Ou bien encore, l’Église est tout à la fois le soleil, la lune et les étoiles, elle à qui s’adressent ces paroles : « Vous êtes belle comme la lune, éclatante comme le soleil » (Cant. 4). — S. Aug. (Lettre à Hésych.) Or, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière, parce que l’Église, anéantie pour ainsi dire sous les efforts redoublés des persécuteurs et des impies, ne paraîtra plus. Les étoiles tomberont du ciel et les vertus des cieux seront ébranlées, parce qu’un grand nombre de ceux en qui la grâce de Dieu semblait jeter un vif éclat fléchiront sous le poids de la persécution et feront des chutes honteuses ; quelques-uns même des fidèles les plus affermis seront ébranlés. Notre-Seigneur annonce que ces événements auront lieu après ces jours d’affliction, non pas qu’il veuille dire que les persécutions auront entièrement cessé, mais parce que la tribulation aura précédé et sera suivie de la défection d’un grand nombre ; et comme cette défection se continuera pendant toute la durée de ces jours, il dit qu’elle aura lieu après ces jours d’affliction.

 

v. 31.
S. Chrys. (hom. 76.) En entendant parler de la croix, les disciples auraient pu croire qu’il s’agissait encore d’un supplice ignominieux, il se hâte donc d’ajouter : « Et ils verront le Fils de l’homme, » etc. — S. AUG. (Lettre à Hésych.) Le sens le plus naturel qui s’offre à l’esprit de celui qui entend ou lit ces paroles est que cet avènement sera celui où Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts, revêtu du même corps qu’il a fait asseoir dans le ciel, à la droite du Père, et dans lequel il a voulu mourir, ressusciter et monter aux cieux, alois qu’une nuée le déroba aux yeux de ses disciples, comme nous le lisons dans les Actes des Apôtres (chap. 1). Les Anges dirent alors : « Il viendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel. » Il faut donc croire qu'il viendra, non-seulement revêtu du même corps, mais porté sur les nuées du ciel.

 

Orig. (traité sur S. Matth.) Ils verront donc des yeux du corps le Fils de l'homme, revêtu de la nature humaine, et venant sur les nuées du ciel, c'est-à-dire sur les nuées les plus élevées. Lorsqu'il fut transfiguré sur la montagne, une voix sortit de la nuée; ainsi, lors de son second avènement, il sera transfiguré et paraîtra sous une forme glorieuse, et il sera porté, non pas sur une seule nuée, mais sur plusieurs nuées, comme sur un char. Voyez, en effet, lorsque le Fils de l'homme se rendait à Jérusalem, ceux qui l'aimaient étendirent leurs vêtements sur le chemin, pour qu'il ne fut point obligé de fouler la terre aux pieds (Mt 21), et ne voulurent même pas que l'âne qui le portait touchât la terre ; qu'y a-t-il donc d'étonnant que le Père et le Dieu de tout ce qui existe étende les nuées du ciel sous le corps de son Fils qui descend pour la consommation de toutes choses ? On peut dire encore que, lorsque Dieu créa l'homme, il prit du limon de la terre pour en former son corps ; ainsi, pour faire éclater la gloire de son Fils, il emprunta au ciel et à une matière céleste, pour lui donner, dans sa transfiguration, comme un second corps, qui avait l'apparence d'une nuée brillante, et qui apparaîtra à la fin du monde sous la forme de nuées éclatantes. C'est pour cela que ces nuées sont appelées les nuées du ciel, de même que le limon a été désigné par ces mots : le limon de la terre. Il était de toute justice, en effet, que le Père relevât par de tels prodiges les humiliations volontaires de son Fils. Il l'a donc exalté (Ph 2, 9), non-seulement dans son esprit, mais dans son corps, en le faisant descendre sur ces nuées glorieuses; peut-être même ces nuées sont-elles des nuées intelligentes, afin que le char du Fils de l'homme glorifié ne soit point privé de raison. Jésus est venu en premier lieu avec cette puissance qui se traduisait par les prodiges et les miracles qu'il opérait au milieu du peuple (Ac 6) ; mais toute cette puissance était peu de chose auprès de cette puissance extraordinaire qu'il déploiera à la fin du monde. En effet, lors de son premier avènement, c'était la puissance de celui qui s'anéantissait lui-même, il faut donc qu'il paraisse entouré aune gloire plus éclatante que celle qui l'environna dans sa transfiguration sur la montagne, car, alors, il n'eut que trois témoins de sa transfiguration, tandis qu'à la fin du monde, il paraîtra entouré d'une gloire éclatante, afin que tous les hommes en soient témoins.

 

S. Aug. (Lettre à Hesych.) Or, comme nous devons approfondir les Écritures, et ne pas nous contenter d'en avoir une connaissance superficielle, il nous faut examiner avec soin les paroles qui suivent presque immédiatement : « Lorsque vous verrez arriver toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, et qu'il est à la porte. » Nous saurons donc qu'il est proche, non pas lorsque nous verrons seulement quelques-uns des signes qui précèdent, mais lorsque nous verrons réunis tous ces signes parmi lesquels se trouve aussi l'avènement du Fils de l'homme, a Et il enverra ses anges qui rassembleront ses élus des quatre coins du monde. » C'est ce qu'il fait pendant toute la durée de la dernière heure, lors qu'il vient dans ses membres comme sur les nuées (cf. Jn 2, 10). Ou bien, il veut parler de cet avènement continuel qu'il ne cesse de renouveler dans toute son Église, comme sur une immense nuée, et il vient avec une grande puissance et une grande majesté, parce que cette puissance et cette majesté se manifesteront avec plus d’éclat aux yeux des saints, qui eu recevront une force toute divine, pour ne pas être vaincus par une si grande persécution. — Orig. (traité sur S. Matth.) Ou bien encore, Jésus vient tous les jours avec une grande puissance dans l’âme du fidèle, porté sur les nuées prophétiques, c’est-à-dire sur les écrits des prophètes et des Apôtres, qui comprennent et déclarent que le Verbe de Dieu est au-dessus de la nature humaine. C’est ainsi que nous disons nous-mêmes qu’une grande gloire se révèle à ceux qui ont cette intelligence, et cette gloire se manifeste dans le second avènement du Verbe, qui est l’avènement des hommes parfaits. Et c’est ainsi que, si l’on comparait et si l’on discutait avec soin tout ce que les trois Évangélistes ont dit de l’avènement du Christ, on trouverait que tout se rapporte à l’avènement que Jésus-Christ renouvelle tous les jours dans son corps, c’est-à-dire dans son Église, avènement dont il a parlé lui-même ailleurs en ces termes : « Vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » Il faut excepter toutefois les passages où il annonce lui-même le dernier avènement qu’il doit faire en personne.

 

 

v. 31.
Orig. (traité sur S. Matth.) Le Sauveur venait de parler de ces pleurs et de ces gémissements, qui seront comme une sentence et comme une condamnation que les méchants prononceront contre eux-mêmes ; mais de peur qu’on ne crut que là devaient se terminer leurs maux, il ajoute : « Et il enverra ses anges, qui feront entendre la voix éclatante de leurs trompettes, » etc. — Remi. Il ne faut pas prendre cette trompette dans un sens matériel, mais pour la voix des archanges, qui retentira si fort qu’elle fera lever tous les morts du sein de la terre. S. Chrys. (hom. 76.) Le son de la trompette est destiné à donner le signal de la résurrection et à caractériser la joie des uns, l’étonnement et la douleur des autres, qui seront laissés et ne seront pas enlevés dans les cieux sur les nuées. — Orig. Nous lisons dans le livre des Nombres (chap. 10), que les prêtres rassemblaient au son de la trompette, des quatre points cardinaux, tous ceux qui composaient le camp d’Israël, et c’est par allusion à cet usage qu’il est dit ici des anges : « Et ils rassembleront ses élus des quatre coins du monde. » — REMI. C’est-à-dire des quatre parties du monde : de l’orient, de l’occident, du nord et du midi.

 

ORIG. Certains esprits, par trop simples, s’imaginent que les anges ne rassembleront que ceux qu’ils trouveront revêtus de leur corps ; mais il est bien plus rationnel de dire qu’ils rassembleront, non-seulement tous ceux qui ont été appelés et élus depuis l’avènement de Jésus-Christ jusqu’à la fin du monde, mais tous ceux qui l’ont été depuis la création du monde, et qui ont vu le jour du Christ, comme Abraham (Jn 8), et en ont tressailli de joie. La preuve que les élus du Christ, rassemblés par les anges, ne seront pas seulement ceux dont la résurrection trouvera l’âme unie à leurs corps, mais ceux qui en seront séparés depuis longtemps, c’est ce que Notre-Seigneur ajoute : « Depuis une extrémité du ciel jusqu’à l’autre, » paroles qui ne peuvent s’appliquer, à ce que je sache, à aucune personne vivant sur la terre. On peut dire aussi que les cieux désignent ici les saintes Écritures et leurs témoignages divins, dans lesquels Dieu a comme fixé son habitation. Le sommet des Ecritures, c’est le commencement de l’Écriture ; ses extrémités en sont la consommation. Les anges rassembleront donc les saints, depuis le sommet des cieux, c’est-à-dire depuis ceux qui se nourrissent des premiers éléments de l’Écriture jusqu’à leurs extrémités, c’est-à-dire jusqu’à ceux qui vivent dans les profondeurs des saintes Lettres. Ils seront rassemblés au son de la trompette, et d’une voix éclatante, afin que ceux qui l’entendront et y seront attentifs, se préparent à prendre la voix de la perfection qui conduit jusqu’au Fils de Dieu.

 

Remi. Ou bien dans un autre sens, afin que personne ne fut tenté de croire que les élus ne seraient rassemblés que des quatre extrémités du monde, et non pas des contrées qui en occupent le centre, il ajoute : « Et depuis le sommet des cieux, » etc. Le sommet des cieux désigne ici le centre du globe, parce que le sommet du ciel correspond au milieu de la terre ; les extrémités du ciel désignent les parties extrêmes de la terre, car les dernières extrémités de la voûte des cieux paraissent reposer sur la terre. — S. Chrys. (hom. 76.) C’est par honneur pour les élus que Dieu les appelle par le ministère de ses anges. Saint Paul ajoute qu’ils seront enlevés sur les nuées, parce qu’en effet, les anges rassembleront d’abord ceux qui ressusciteront, et les nuées enlèveront ensuite ceux que les anges auront réunis.

 

vv. 32-35.
S. Chrys. (hom. 77.) Comme le Seigneur avait fixé l’accomplissement des événements qu’il avait prédits au temps qui suivrait immédiatement ces jours d’affliction, les disciples pouvaient lui demander de préciser ce temps, il prévient donc cette question en leur disant : « Comprenez ceci par une comparaison prise du figuier » — S. Jér. C’est-à-dire : Lorsque le figuier pousse de nouvelles branches que les bourgeons s’ouvrent pour laisser passage à sa fleur, et que l’arbre se couvre de feuilles, vous comprenez que l’été est proche et que c’est l’époque du printemps et du zéphyr ; ainsi, lorsque vous verrez tous ces événements s’accomplir, ne pensez pas que ce soit absolument la fin du monde, mais considérez-les comme les précurseurs de ce grand jour qui approche, et qui est comme à la porte. « Ainsi, lorsque vous verrez toutes ces choses, » etc.

 

S. Chrys. (hom. 77.) Le Sauveur nous apprend par là qu’il y aura peu d’intervalle, et que l’avènement de Jésus-Christ aura lieu presque aussitôt. Il nous apprend encore qu’après les rigueurs de l’hiver, les justes jouiront des douceurs d’un été spirituel et d’une grande tranquillité, tandis que les pécheurs auront à supporter les rigueurs de l’hiver après les douceurs de l’été. — ORIG. Pendant l’hiver, le figuier renferme en lui-même la force de vie qu’il contient ; mais, lorsque l’hiver est passé, il manifeste cette puissance de vie qu’il tenait caché, en produisant de tendres branches et des feuilles nouvelles. C’est ainsi que le monde et chacun des élus qu’il contient, avant l’avènement de Jésus-Christ, renfermaient en eux-mêmes la vie qui les animait, soumis qu’ils étaient à l’influence de l’hiver ; mais le souffle vivifiant du Christ attendrira les rameaux de leur cœur, et la vertu qu’ils tenaient cachée en eux produira des feuilles et des fruits. Pour ces élus, l’été et l’avènement glorieux du Verbe de Dieu sont proches. — S. Chrys. (hom. 77.) Il se sert encore de cette comparaison pour bien établir la certitude des prédictions qu’il a faites, car toutes les fois qu’il annonce un événement dont l’accomplissement est certain, il apporte pour exemple ce qui arrive nécessairement dans la nature. — S. Aug. (Lettre à Hesych.) Qui pourrait nier, alors que nous sommes témoins des signes prédits dans l’Évangile et dans les prophètes, que nous avons droit d’espérer que l’avènement du Seigneur est proche ? Il approche en effet de jour en jour, mais quel intervalle nous en sépare encore ? Il a répondu lui-même à cette question : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps ou les moments. » Considérez à quelle époque l’Apôtre disait : « Notre salut est plus près que lorsque nous avons cru, » que d’années se sont écoulées depuis ! et cependant on ne peut l’accuser de fausseté ; mais combien plus sommes-nous fondés à dire maintenant que l’avènement du Seigneur est proche, alors que tant de siècles écoulés nous approchent de la fin de toutes choses.

 

S. Hil. (can. 26.) Dans le sens mystique, le figuier est la figure de la synagogue. Les rameaux du figuier sont l’antéchrist, le fils du démon, le partage du péché, le prétendu vengeur de la loi. Or, lorsqu’il commencera à verdir et à se couvrir avec orgueil de ses péchés, comme de feuilles verdoyantes, alors l’été est proche, c’est-à-dire le jour du jugement fera sentir ses premières atteintes. — Remi. Ou bien ce sera lorsque ce figuier se couvrira de nouveau de verdure, c’est-à-dire lorsque la synagogue recevra l’Évangile par la prédication d’Hénoch et d’Elie, que nous devrons comprendre que la fin est proche. — S. Aug. (Quest. Evang., 1, 39.) Ou bien encore, par ce figuier, on peut entendre le genre humain, à cause des vifs désirs qu’excitent les passions de la chair. Lorsque ses branches sont tendres, c’est-à-dire lorsque les enfants des hommes commenceront à produire les fruits de l’esprit par la foi en Jésus-Christ, et qu’on verra briller en eux l’honneur de l’adoption des enfants de Dieu.

 

S. Hil. (can. 36). Pour rendre plus certaine la foi aux événements qu’il vient de prédire, il ajoute : « Je vous le dis en vérité, » car cette expression « en vérité » est un témoignage infaillible des choses qu’il affirme. — Remi. Il en est qui, sans trop de réflexion, appliquent ces paroles à la destruction de Jérusalem, et qui pensent que le Sauveur a voulu parler de cette génération qui a été témoin de sa passion, et dont il affirme qu’elle ne passera pas avant que la destruction de cette cité ne s’accomplisse. Mais je doute qu’ils puissent expliquer littéralement ce passage tout entier dans ce sens, depuis ces paroles : « Il ne restera pas pierre sur pierre, » jusqu’à ces autres : « Il est déjà à la porte. » Ils le pourront pour certains endroits ; mais, pour d’autres, cette explication est tout à fait impossible. — S. Chrys. (hom. 77.) Toutes ces prédictions ont donc pour objet la ruine de Jérusalem, ainsi que ce qu’il a dit des faux prophètes, des faux christs et de tous les événements qui doivent précéder l’avènement de Jésus-Christ. Or en ajoutant : « Cette génération, » il ne veut point parler de la génération contemporaine, mais de la génération composée des fidèles. car c’est la coutume des Écritures de prendre le mot génération comme une expression qui détermine, non-seulement le temps, mais encore le lieu, la religion et la manière de vivre. C’est ainsi que le Roi-prophète dit : « Telle est la génération de ceux qui craignent Dieu. » (Ps 23). Or, dans ce passage, Notre-Seigneur nous apprend que Jérusalem périra, et que la plus grande partie du peuple sera détruite avec elle ; mais qu’aucune épreuve ne pourra triompher de la génération des fidèles. — ORIG. Cependant la génération de l’Eglise traversera tout ce siècle, pour arriver à l’héritage du siècle futur ; mais elle ne passera pas avant que toutes ces choses aient été accomplies. Toutefois, après leur accomplissement, non-seulement la terre mais le ciel lui-même passera. « Le ciel et la terre passeront, » etc., c’est-à-dire, non-seulement les hommes dont la vie est toute terrestre, et qui, pour cela, sont appelés terre, mais encore ceux dont la vie est dans le ciel, et qui portent le nom de ciel. Or, ils passeront aux choses qui doivent arriver, pour parvenir à un sort meilleur ; mais les paroles du Sauveur ne passeront pas, parce qu’elles opèrent et ne cesseront d’opérer selon l’efficacité qui leur est propre. Mais pour les parfaits, qui ne trouvent plus sur la terre de nouveaux moyens de perfection, ils passeront de l’état où ils sont, à un nouvel état qu’ils ne connaissaient pas, et c’est là le sens que le Seigneur ajoute : « Mais mes paroles ne passeront pas. » Peut-être aussi peut-on dire que les paroles de Moïse et celles des prophètes passent, car ce qu’ils ont prophétisé est accompli, tandis que les paroles du Christ conservent toute leur plénitude, et ne cessent de s’accomplir tous les jours et s’accompliront encore dans les saints. Cependant, nous ne pouvons petit-être pas affirmer que les paroles de Moïse et des prophètes ont eu leur entier accomplissement, car ce sont véritablement les paroles du Fils de Dieu, et elles s’accomplissent tous les jours. — S. Jér. Ou bien encore, par cette génération, il faut entendre tout le genre humain, ou la nation juive en particulier. Or, le Sauveur fortifie la foi de ses disciples aux choses qu’il vient de leur dire, en ajoutant : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas ; » c’est-à-dire, il est plus facile de détruire les choses les plus fermes et les plus inébranlables que d’ôter son efficacité à une seule de mes paroles. — S. Hil. Le ciel et la terre, par la nature de leur création, n’ont aucune nécessité d’exister, tandis que les paroles de Jésus-Christ, sorties de l’éternité, contiennent en elles-mêmes la puissance qui leur assure une éternelle durée.

 

S. Jér. Le ciel et la terre passeront, c’est-à-dire qu’ils seront transformés, mais non pas détruits ; car comment le soleil pourrait-il s’obscurcir et la lune refuser sa lumière, si le ciel qui les contient et la terre n’existaient plus ? — Rab. Le ciel qui passera n’est pas le ciel où brillent les astres, mais le ciel atmosphérique qui périt une première fois par le déluge (cf. 2 P 3, 5-7.10.11.15). — S. Chrys. (hom. 77.) Le Sauveur prend pour exemples les éléments de ce monde visible, pour montrer que l’Église lui est plus précieuse que le ciel et la terre, et aussi pour établir qu’il est le Créateur des hommes.

 

 

vv. 36-41.
S. Chrys. (hom. 77.) Notre-Seigneur ayant fait connaître tous les signes précurseurs de son avènement, et conduit pour ainsi dire son récit jusqu’aux portes, ne voulut pas cependant déterminer le jour où ces choses arriveraient : « Personne ne sait ni ce jour, ni cette heure, » etc.

 

S. Jér. Dans quelques manuscrits latins on trouve cette addition : « Ni le Fils ; » mais elle n’existe ni dans les exemplaires grecs, ni dans ceux d’Origène et de Pierius. Comme cependant elle se trouve dans quelques exemplaires, il nous faut l’examiner et l’expliquer. — Remi. L’Evangéliste saint Marc (13, 32) dit que non-seulement les anges ne connaissent pas ce jour, mais que le Fils de l’homme l’ignore. — S. Hil. Ces paroles sont un triomphe pour Arius et pour Eunomius ; car, disent-ils : Celui qui ignore, peut-il être l’égal de celui qui sait ? Nous leur répondrons par ce peu de mots : Jésus, c’est-à-dire le Verbe de Dieu, a fait tous les temps ; (car toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui. (Jn 1). Or, le jour du jugement est contenu dans l’étendue des temps, comment donc le Fils de Dieu, qui connaît l’ensemble, peut-il en ignorer une partie ? On peut encore leur dire : Qu’y a-t-il, de plus grand de connaître le père ou de connaître le jour du jugement ? Or, si le Sauveur connaît ce qu’il y a de plus grand, comment peut-il ignorer ce qu’il y a de moindre ? — S. Hil. Est-ce que Dieu le Père a refusé la connaissance de ce jour à son Fils, puisque le Fils dit expressément : « Toutes choses m’ont été données par mon Père ; » car il ne lui a pas donné toutes choses, s’il lui en a refusé une seule.

 

S. Jér. Nous avons donc prouvé que le Fils de l’homme connaît le jour de la fin du monde, il nous reste à expliquer pourquoi il déclare qu’il ne le sait pas. Lorsque après sa résurrection, ses Apôtres lui demandent quand viendra ce jour, il leur répond clairement (Ac 1) : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments que le Père a disposés dans sa puissance, » preuve évidente qu’il connaît ce jour, mais qu’il n’est pas utile pour les Apôtres d’avoir cette connaissance. — S. Aug. (de la Trinité, 1, 12.) Cette expression : « il ne sait pas, » signifie donc : il ne veut pas faire savoir ; c’est ainsi que l’ange dit à Abraham., ; « Je sais maintenant que. tu crains le Seigneur (Gn 22), c’est-à-dire je te fais savoir ; car cette épreuve lui fit connaître à lui-même ce qu’il était. — S. Aug. (serm. 21 sur les par. du Seig.) Il dit que le Père connaît ce jour, c’est-à-dire en même temps que le Fils le connaît dans le Père ; car que peut-il y avoir dans ce jour qui n’ait été fait dans le Verbe par qui ce jour a été fait ? — S. Aug. (Livre des 83 Quest., quest. 60.) Le sens véritable de ces paroles : « Le Père seul connaît ce jour, » est donc celui que nous avons indiqué, c’est-à-dire qu’il fait connaître ce jour au Fils ; et s’il est dit du Fils qu’il ne sait pas, c’est parce qu’il ne communique point cette connaissance aux hommes. — Orig. Ou bien encore, tant que l’Église, qui est le corps de Jésus-Christ, ignore ce jour et cette heure, il est dit du Fils qu’il les ignore lui-même. Le sens propre du mot savoir est ici le sens que lui donnent ordinairement les auteurs sacrés ; ainsi l’Apôtre dit que le Sauveur n’a point connu le péché, pour dire qu’il n’a point péché. (2 Co 5) Or, le Fils de l’homme ménage la connaissance de ce jour et de cette heure aux cohéritiers de ses promesses, de manière qu’ils sachent tous, c’est-à-dire qu’ils apprennent par leur propre expérience, en ce jour et à cette heure, ce que Dieu a réservé à ceux qu’il aime. — S. BAS. J’ai lu dans un certain auteur que le Fils dont il est ici question n’est point le Fils unique de Dieu, mais le Fils par adoption ; car le Sauveur n’aurait point placé comme il le fait les anges avant le Fils unique : « Ni les anges des cieux, ni le Fils. » — S. Aug. (lettre à Hésych.) L’Évangile déclare que personne ne connaît ni ce jour ni cette heure, et vous, vous ajoutez : On ne peut môme savoir ni le mois, ni l’année. Mais ces paroles paraissent signifier que si l’on ne peut connaître l’année, on peut savoir toutefois dans quelle semaine, ou dans quelle décade d’années ce jour doit arriver, comme si l’on pouvait dire que ce sera dans sept, dans dix ou dans cent ans, ou après un intervalle de temps plus ou moins long. Si vous ne croyez pas avoir atteint le véritable sens de ce passage, nous sommes tous deux au même point.

 

S. Chrys. (hom. 77.) Mais pour vous prouver que ce n’est point par ignorance qu’il garde le silence sur le jour et l’heure du jugement, le Sauveur donne un autre signe avant-coureur de ce jour en disant : « Et il arrivera à l’avènement du Fils de l’homme, ce qui arriva au temps de Noé, » c’est-à-dire que ce jour viendra tout d’un coup et à l’improviste, surprendre les hommes au milieu de leurs désordres. C’est cette même vérité qu’exprime saint Paul, écrivant aux Thessaloniciens : « Lorsqu’ils diront : Paix et sécurité, alors une ruine soudaine les surprendra. » (1 Th 5) C’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Car comme durant les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, » etc. — RAB. Jésus-Christ ne condamne ici ni le mariage, ni les aliments, comme le prétendent faussement Marcion et les manichéens, puisque le mariage est nécessaire à la propagation du genre humain, et les aliments au soutien de la vie ; mais il condamne l’usage immodéré que les hommes eu font.

 

S. Jér. On peut se demander comment Notre-Seigneur dit plus haut : « On verra se soulever peuple contre peuple, et royaume contre royaume, et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieux, » tandis qu’ici il semble nous donner tous les signes d’une paix profonde ; c’est qu’après ces guerres et ces fléaux qui désolent le genre humain, succédera une paix de courte durée qui rétablira partout le calme et la tranquillité, et donnera un nouvel appui à la foi des chrétiens. — S. Chrys. (hom. 77.) Ou bien, cette paix et ces divertissements criminels seront le partage de ceux qui ont perdu tout sentiment. Aussi l’Apôtre ne dit pas : Lorsque la paix existera réellement, mais lorsqu’ils diront : « Paix et sécurité, » voulant ainsi nous peindre l’insensibilité de ces hommes de plaisir, trop semblables à ceux qui existaient du temps de Noé ; alors aussi les méchants se livraient à la débauche, tandis que les justes étaient dans la tristesse et l’affliction. Nous apprenons par là que lorsque l’antéchrist viendra, les méchants seront surpris au milieu des plus honteux plaisirs, dans lesquels ils se seront jetés en désespérant de leur salut. Cet exemple est donc choisi fort à propos par le Sauveur. Car lorsque Noé construisait l’arche, les méchants la voyaient sous leurs yeux, leur annonçant les malheurs (2 P 2, 5) qui devaient arriver, mais ils ne voulaient pas y croire, et se livraient à leurs plaisirs coupables comme s’ils n’étaient menacés d’aucun fléau ; c’est donc parce qu’il en est beaucoup qui refusent de croire aux événements futurs qu’il appuie ses prédictions sur les exemples passés.

 

Il donne encore une autre preuve que ce jour viendra à l’improviste, et qu’il ne lui est pas inconnu : « Alors de deux hommes qui seront dans un champ, l’un sera pris, et l’autre laissé ; » ce qui nous prouve qu’il y en aura de pris et de laissés parmi les serviteurs comme parmi les maîtres, parmi ceux qui se reposeront, comme parmi ceux qui se livreront au travail. — S. HIL. Ou bien, ces deux hommes qui sont dans un champ, représentent les deux peuples des fidèles et des infidèles dans ce monde, et que le jour du Seigneur surprendra au milieu des occupations de cette vie. Ils seront séparés, puisque l’un sera laissé et l’autre sera pris, ce qui nous prouve le discernement qui sera fait des fidèles d’avec les infidèles. Car les saints seront protégés coutre les effets redoutables de la colère de Dieu, et renfermés dans les magasins du père de famille ; mais les impies seront abandonnés et deviendront la proie des feux vengeurs. Il en sera de même de ceux qui tournent la meule. « De deux femmes qui moudront, » etc. La meule c’est l’oeuvre de la loi. Or, comme une partie des Juifs doit croire à la prédication d’Elie, comme ils ont cru à la prédication des Apôtres, et recevoir la justification qui vient de la foi, une partie d’entre eux sera choisie en vertu de cette foi vivifiée par les bonnes oeuvres, tandis que l’autre partie sera laissée au milieu des oeuvres infructueuses de la loi, tournant inutilement la meule sans pouvoir se préparer le pain céleste de la vie éternelle. — S. Jér. Ou bien deux hommes seront trouvés dans un champ se livrant au même travail, et répandant la même semence, mais ils ne recevront pas le même fruit de leur travail. Dans ces deux femmes qui tournent ensemble la meule, on peut voir encore l’Église et la synagogue qui, toutes les deux, paraissent tourner la même meule dans la loi, et moudre avec les mêmes Écritures la farine des commandements de Dieu ; ou bien enfin, les autres hérésies qui semblent moudre tantôt avec les deux Testaments, tantôt avec un seul la farine de leurs doctrines.

 

« Deux seront dans le même lit, l’un sera pris, l’autre sera laissé (Lc 17, 34). » — S. Hil. Ces deux qui sont dans le même lit sont ceux qui prêchent le même repos de la passion du Sauveur (cf. Ps 15. 9 ; Ac 2, 25) ; car les hérétiques et les catholiques ont la même foi sur ce point. Mais la foi catholique proclamera que le Père et le Fils ont une même nature, une même divinité, tandis que la fausse doctrine des hérétiques attaquera cette vérité. Ces deux professions de foi subiront donc l’épreuve du jugement de Dieu, qui prendra l’une et rejettera l’autre. — Remi. Ou bien ces paroles désignent les trois ordres de l’Église : les deux qui sont dans un champ figurent l’ordre des prédicateurs, à qui Dieu a confié la culture du champ de l’Église ; les deux qui tournent la meule, la condition des époux qui, entraînés tour à tour par mille soucis divers, semblent tourner incessamment la meule ; enfin les deux qui sont dans le même lit, l’état de ceux qui ont gardé la continence, dont le repos nous est figuré par le lit. Or, dans ces trois classes différentes, il y a des bons et des mauvais, des justes et des injustes, et c’est pour cela que les uns sont pris, tandis que les autres sont laissés. — Orig. Ou bien dans un autre sens, le corps est étendu comme un malade sur le lit des passions charnelles, tandis que l’âme tourne la lourde meule de la vie, et que les sens du corps travaillent dans le champ du monde.

 

 

vv. 42-44.
S. Jér. Notre-Seigneur explique ici clairement ce qu’il a dit plus haut : « Personne ne sait rien de ce jour, si ce n’est le Père, » car il n’était point utile aux Apôtres de connaître ce jour ; étant toujours au contraire dans l’incertitude, et comme en suspens, ils s’attendaient continuellement à le voir venir, puisqu’ils ignoraient le moment de son arrivée. Ces paroles sont donc la conclusion de celles qui précèdent : « Veillez donc, puisque vous ignorez, » etc. Il ne dit pas : parce que nous ignorons, mais : « Parce que vous ignorez, » pour montrer que quant à lui, il connaît le jour du jugement. — S. CHRYS. (hom. 77.) Il veut qu’ils soient toujours dans une attente pleine de sollicitude : « Veillez » leur dit-il. — S. Grég. (hom. 13 sur les Evang.) Celui-là veille qui tient les yeux ouverts à la véritable lumière ; celui-là Veille, qui traduit sa foi dans ses oeuvres ; celui-là veille qui repousse loin de lui les ténèbres de la langueur et de la négligence. — ORIG. (Traité 31 sur S. Matth.) Un certain interprète assure avec plus de simplicité que de raison, que le Sauveur veut parler ici d’un second avènement, et un autre affirme qu’il est ici question de l’avènement spirituel du Verbe dans l’intelligence de ses disciples, où il n’était pas encore venu, comme il devait le faire Plus tard (cf. Lc 24, 45).

 

S. Aug. (Lettre à Hésych.) Ce n’est pas seulement à ceux qui l’écoutaient alors, que Notre-Seigneur adresse ces paroles : « Veillez, » mais encore à tous Ceux qui sont venus après eux jusqu’à nous, et il nous les adresse à nous-mêmes, ainsi qu’à tous ceux qui viendront après nous, jusqu’au jour de son dernier avènement qui intéresse tous les hommes en bn certain sens. Car cet avènement viendra pour chacun de nous aven le jour où il nous faudra sortir de cette vie tels que nous serons jugés dans ce dernier jour. Tout chrétien doit donc veiller pour que l’avènement du Seigneur ne le surprenne pas au. dépourvu ; car ce jour surprendra, sans y être préparé, celui qui ne le sera pas au dernier jour de sa vie.

 

LA GLOSE. C’est donc sans aucun fondement quelques uns prétendent savoir l’époque de la fin du monde, et que les autres se vantent de connaître la fin de leur vie, ce que personne ne peut connaître sans une révélation particulière de l’Esprit saint.

 

S. Jér. Le Sauveur nous apprend d’une manière plus claire encore, par l’exemple du père de famille, pourquoi il se réserve la connaissance de ce dernier jour : « Car sachez que si le père de famille connaissait, » etc. — Orig. Le père de famille de cette maison, c’est l’intelligence de l’homme ; cette maison, c’est son âme ; le voleur, c’est le démon, il faut regarder comme contraire à la vérité toute doctrine qui n’entre point par la porte dans l’âme inattentive et négligente, mais qui, comme un voleur, perce la maison, en détruisant les murs naturels de l’âme, c’est-à-dire les premières vérités que la nature y a imprimées, et y entre par cette brèche pour la dépouiller. Quelquefois l’homme surprend le voleur au moment où il fait cette percée, il le saisit et le met à mort en tournant contre lui le glaive de la vérité. Or, le voleur ne vient pas dans le jour, lorsque l’âme vigilante et attentive est éclairée par le soleil de justice, mais il vient dans la nuit, c’est-à-dire alors que le mal séjourne encore dans cette âme. Cependant, même au sein de cette nuit, et tout en étant privé des puissants rayons du soleil, cet homme peut encore recevoir quelque clarté du Verbe, qui sera pour lui comme une lampe. Il reste encore dans le mal, il est vrai, mais il a, toutefois, le désir d’une meilleure vie, et il veille pour ne pas laisser détruire ce désir. Ou bien, c’est dans le temps des tentations et des tribulations de toute espèce que le voleur a coutume de venir pour percer la maison de l’âme. — S. Grég. (hom. 13.) C’est à l’insu du père de famille que le voleur perce les murs de la maison ; car tandis que l’âme s’endort et néglige de veiller sur elle-même, la mort vient tomber à l’improviste sur la maison de notre corps, tue le maître qu’elle surprend dans le sommeil, et entraîne comme à son insu au supplice cette âme qui n’a pas su prévoir les maux qui devaient l’assaillir. Si elle avait été vigilante, elle aurait résisté au voleur, car elle se serait mise en garde contre l’arrivée du juge qui enlève secrètement les âmes, et elle l’aurait prévenu par le repentir pour ne point périr dans l’impénitence. Or, le Seigneur a voulu que la dernière heure nous demeurât cachée, afin qu’elle fût toujours devant nos yeux, et que dans l’impossibilité où nous sommes de la prévoir, nous nous y préparions sans relâche, c’est pour cela qu’il ajoute : « Tenez-vous donc toujours prêts, parce que vous ne savez pas, » etc. — S. Chrys. (hom. 77.) En s’exprimant de la sorte, le Sauveur semble condamner les chrétiens qui ont beaucoup moins de soin de leur âme que n’en prennent de leur argent ceux qui craignent les voleurs.

 

vv. 45-51.
S. Hil. (can. 27 sur S. Matth.) Bien que le Seigneur nous ait recommandé à tous en général une vigilance continuelle sur nous-mêmes, il ordonne aux princes du peuple (Ps 46, 18), c’est-à-dire aux évêques, une sollicitude toute particulière dans l’attente de son avènement. C’est ce qu’il veut signifier par ce serviteur prudent et fidèle, placé à la tête de la famille et chargé de pourvoir aux intérêts et aux besoins du peuple qui lui est confié : « Quel est, à votre avis, le serviteur fidèle et prudent ? » etc. — S. Chrys. (hom. 77.) Ce n’est point par ignorance que le Sauveur fait cette question ; car Dieu le Père se sert aussi de l’interrogation en parlant à Adam : « Adam où es-tu ? » (Gn 3.) — Remi. Cette question prouve, non pas qu’il soit impossible, mais simplement difficile d’arriver à la perfection de la vertu. — La Glose. Car il est rare de rencontrer un serviteur fidèle qui serve le Seigneur pour le Seigneur lui-même, qui paisse les brebis de Jésus-Christ, non pour l’appât du gain, mais par amour pour Jésus-Christ lui-même ; un serviteur prudent qui étudie les moeurs et la capacité de ceux qu’il est chargé de diriger ; un serviteur que le Seigneur lui-même a établi, c’est-à-dire qui est appelé de Dieu, et qui ne s’est point ingéré lui-même dans ces hautes fonctions (He 5, 4). — S. Chrys. (hom. 77.) Il exige deux choses de ce serviteur : la prudence et la fidélité ; il est fidèle, parce qu’il ne s’approprie rien des biens de son maître, et ne les emploie à aucune dépense inutile ou superflue ; il est prudent, parce qu’il connaît l’usage qu’il doit faire des choses qui lui ont été confiées.

 

Orig. Ou bien, on appelle ordinairement fidèle, celui qui a fait des progrès dans la foi, bien qu’il n’ait pas encore atteint la perfection ; et prudent, celui qui a reçu de la nature la subtilité et la pénétration d’esprit. — Or, en considérant attentivement, on trouvera un grand nombre d’hommes fidèles, qui sont animés dans leurs actions du zèle de la foi ; mais il en est peu qui soient prudents : « Car Dieu a choisi ce qu’il y a d’insensé selon le monde. » (1 Co 1) Réciproquement, on rencontrera des hommes d’un esprit subtil et prudent, et d’une foi médiocre ; mais il est très-rare de trouver réunies dans une même personne la prudence et la fidélité. Cependant la prudence est nécessaire pour distribuer la nourriture en temps convenable, et la fidélité pour ne point dérober aux indigents leur subsistance. Il n’est point inutile d’avertir, que dans le sens le plus naturel, nous devons être tout à la fois fidèles et prudents pour administrer les revenus de l’Église. Nous devons être fidèles pour ne point dévorer les richesses des veuves, nous souvenir des besoins des pauvres, ne pas nous autoriser de ces paroles de l’Apôtre : « Le Seigneur a établi que ceux qui prêchent l’Evangile doivent vivre de l’Évangile, » pour prendre autre chose que la simple nourriture où les vêtements qui nous sont nécessaires ; et ne pas retenir pour nous plus que l’on ne donne à ceux qui sont dans le besoin. Nous devons être prudents pour examiner et comprendre les causes de l’indigence d’un chacun, pour tenir compte de sa position, de son éducation et de ses besoins ; car il faut une grande sagesse pour administrer avec soin les revenus de l’Église. Le serviteur doit encore être fidèle et prudent en ne prodiguant point par le désir de faire paraître la sagacité de son esprit la nourriture raisonnable et spirituelle à ceux qui n’en sont point capables, c’est-à-dire à ceux qui ont bien plus besoin d’instructions, qui leur apprennent à régler leurs moeurs et à rendre leur vie meilleure, que des lumières spéculatives de la science. Cette prudence est encore nécessaire pour ne pas négliger d’expliquer les hautes vérités de la religion aux esprits plus pénétrants, car en se bornant aux vérités élémentaires, on s’exposerait aux mépris de ceux qui ont naturellement une intelligence plus ouverte, ou qui l’ont exercée par l’étude de la philosophie profane.

 

S. Chrys. (hom. 77.) Cette parabole s’applique également aux princes de la terre, car ils doivent employer tout ce que Dieu leur a donné, sagesse, puissance, et tous les autres dons, pour l’utilité générale, et non pour nuire à ceux qui leur sont soumis, ou pour leur propre perte.

 

Rab. Le maître, c’est Jésus-Christ ; la famille à laquelle il prépose ses serviteurs pour en prendre soin, c’est l’Église catholique. Or. il est difficile de rencontrer un homme qui soit à la fois prudent et fidèle, mais cela n’est pas impossible, car autrement le Sauveur n’aurait pas déclaré bienheureux celui qui ne peut exister : « Bienheureux ce serviteur, si son maître, à son arrivée, le trouve agissant de la sorte. » — S. Hil. C’est-à-dire, obéissant aux ordres de son maître, et distribuant à sa famille, en son temps, le pain de vie qui doit la nourrir pour la vie éternelle.

 

Remi. Remarquons que de même qu’il y a une grande différence entre les bons prédicateurs et les bons auditeurs, il y a aussi une grande différence dans les récompenses qu’ils méritent. Si le Seigneur trouve les bons auditeurs, vigilants et attentifs, il les fera asseoir à sa table, comme nous le voyons dans saint Luc (12, 37) ; mais pour les bons prédicateurs, il les établira sur tous ses biens : « Je vous le dis en vérité, qu’il l’établira sur tous ses biens. » — Orig. C’est-à-dire afin qu’il règne avec Jésus-Christ, à qui son Père a remis toutes choses. Jésus-Christ, établi comme le fils d’un bon père sur tous ses biens, fait entrer en participation de sa dignité et de sa gloire, ses intendants fidèles et prudents, et les établit eux-mêmes au-dessus de tous les hommes. — Rab. Ils ne seront pas les seuls pour obtenir la récompense éternelle, mais ils en recevront une supérieure à toutes les autres, tant pour les vertus qu’ils ont pratiquées, que pour le soin qu’ils ont pris de leur troupeau. — S. Hil. Ou encore, il sera établi sur tous les biens du Seigneur, c’est-à-dire qu’il sera placé dans la gloire de Dieu, ce qui est le comble du bonheur et de la félicité.

 

S. Chrys. (hom. 77.) Non content d’instruire ceux qui l’écoutent par la perspective de la gloire réservée aux justes, le Sauveur ajoute la menace du châtiment qui attend les méchants. « Mais si ce serviteur est méchant, et qu’il dise, » etc. — S. Aug. (lettre à Hesych.) La manière d’agir de ce serviteur nous fait connaître les sentiments qui l’animaient. Le bon Maître a pris soin de nous tracer en peu de mots sa conduite, d’abord son orgueil. « S’il se met à battre les autres serviteurs, » puis sa vie dissolue : « Et à manger et à boire avec des ivrognes, » et ces traits nous font comprendre que si le mauvais serviteur dit : « Mon maître tarde à venir, » ce n’est pas qu’il désire son arrivée, comme le désirait ardemment le Roi-prophète, lorsqu’il disait : « Mon âme a soif du Dieu vivant, quand viendrai-je devant lui ? » (Ps 41.) Ces paroles : « Quand viendrai-je ? » nous montrent combien ce retard lui était pénible. Car l’ardeur de ses désirs lui faisait paraître trop lent le temps qui s’écoule avec rapidité. — Orig. Tout évêque se rend coupable d’offense envers Dieu, lorsqu’il n’administre pas comme étant lui-même serviteur, mais comme maître, lorsqu’il veut dominer par la violence comme un tyran insupportable, lorsqu’il repousse ceux qui ont faim, et fait bonne chair avec des ivrognes, lorsqu’il se repaît de ce rêve que le Seigneur ne viendra que longtemps après. — Rab. Au sens figuratif, frapper ses compagnons, c’est blesser la conscience des faibles par ses discours et par ses exemples (1 Co 8, 12).

 

S. JER. Il dit « Le maître de ce serviteur viendra, » etc., pour leur faire comprendre que le Seigneur viendra au moment qu’ils n’y penseront pas, et pour exciter ainsi la vigilance et la sollicitude de ses intendants. Il ajoute : « Il le séparera, » non pas qu’il le partagera en deux avec le glaive, mais il le séparera de la société des saints. — Orig. Ou bien, il le séparera, lorsque l’esprit (c’est-à-dire le don spirituel), retournera à Dieu qui l’avait donné, tandis que son âme ira dans l’enfer avec son corps. Le juste, au contraire, n’a pas à craindre cette séparation, et son âme se dirige vers le royaume du ciel avec l’esprit, c’est-à-dire avec le don de l’esprit qui l’animait. Quant à ceux qui sont divisés, ils ne conservent plus cette partie du don spirituel qu’ils avaient reçu de Dieu, mais ils en sont réduits à la partie qui leur appartient, c’est-à-dire à leur âme qui sera punie avec le corps. « Et il lui donnera son partage avec les hypocrites. » — S. JER. C’est-à-dire avec ceux qui étaient ou dans les champs, ou occupés à tourner la meule, et qui n’en ont pas moins été laissés ; car nous disons souvent qu’un hypocrite est autre qu’il ne paraît ; c’est ainsi que eaux qui étaient dans les champs ou occupés à tourner la meule, paraissaient faire les mêmes actions, mais on a vu la différence d’intention qui les faisait agir. — Rab. Ou bien, il recevra le châtiment des hypocrites, c’est-à-dire la double peine du feu et celle du froid (cf. Jb 24, 19). « Là il y aura des pleurs et des grincements de dents ; » car les pleurs seront la suite de la peine du feu, et le grincement de dents, l’effet du froid qu’ils endureront. — Orig. Ou bien, les pleurs seront la punition de ceux qui sont livrés aux joies insensées du monde, et le grincement de dents, le châtiment de ceux qui se sont abandonnés au repos outre mesure. Dans les efforts qu’ils font pour résister aux douleurs sensibles qu’ils éprouvent, ils grincent des dents sous l’action Itt châtiment ; tel sera le sort de ceux qui se sont nourris de ce que la malice a de plus acerbe. Apprenez delà que ce ne sont pas seulement ceux qui sont fidèles et prudents que le Seigneur établit pour gouverner sa famille, mais encore les méchants, et que ce qui les sauve, ce n’est pas d’avoir la direction de la maison de Dieu, mais de lui distribuer la nourriture en son temps, et de s’abstenir de mauvais traitements et de débauches.

S. Aug. (lettre à Hésych.) Détournons nos regards de ce mauvais serviteur qui redoute l’arrivée de son maître, et arrêtons-les sur ces trois bons serviteurs qui désirent le retour de leur maître. L’un d’eux attend son maître plus tôt, le second, plus tard, le troisième avoue son ignorance sur ce point ; voyons quel est celui dont la conduite se rapproche le plus des préceptes de l’Évangile, Le premier dit : Veillons et prions, car le maître va bientôt venir ; le second : Veillons et prions, car cette vie est courte et incertaine, bien que le maître doive tarder à venir ; le troisième : Veillons et prions, parce que cette vie est courte et incertaine, et nous ne savons pas quand le maître doit venir. Or, ce dernier ne dit autre chose que ce que dit l’Évangile : « Veillez, car vous ne savez à quelle heure le Seigneur doit venir. » Tous voudraient, par suite du désir qu’ils éprouvent de voir le royaume de Dieu, que ce que pense le premier fût vrai, et si les choses arrivaient ainsi, le second et le troisième partageraient sa joie. Si au contraire, l’événement ne justifie pas la croyance du premier, il est à craindre que ce retard n’ébranle ceux qui l’avaient partagée, et qu’ils n’en viennent à croire, non pas que l’avènement du Seigneur doit tarder, mais qu’il n’aura jamais lieu. Ceux qui pensent comme le second, que le Seigneur doit différer son avènement, supposé que Cette croyance ne soit pas fondée, ne seront point troublés dans leur foi, mais ils seront comblés d’une joie inespérée. Celui enfin qui confesse son ignorance sur toutes ces choses, désire l’arrivée de son maître, en supporte le retard, et ne se trompe dans aucune conjecture, parce qu’il n’en affirme et n’en nie aucune.
 

source: clerus.org
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