Chapitre 1 : Comment on doit entendre que
le Fils vient du Père, comme de la cause.
Chapitre 2 : Comment on doit entendre
que le Fils est le second après le Père et le Saint Esprit,
le troisième.
Chapitre 3 : Comment on doit entendre
que le Saint Esprit est la troisième lumière.
Chapitre 4 : Comment on doit entendre
que l’essence est engendrée dans le Fils et inspirée dans
le Saint-Esprit.
Chapitre 5 : De quelle manière
Jésus est appelle le Fils de l’essence paternelle.
Chapitre 6 : Comme ce qui appartient naturellement
au Père peut appartenir au Fils.
Chapitre 7 : Le Père n’a besoin
ni du Fils ni du Saint Esprit comme complément.
Chapitre 8: Comment le Saint Esprit est
dit non engendré.
Chapitre 9 : Le Saint Esprit est appelé
le milieu entre le Père et Fils.
Chapitre 10 : Comment l’Esprit saint est
l’image du Fils.
Chapitre 11 : Comment le Fils est dans
le Père comme dans son image.
Chapitre 12 : Comment le Saint Esprit
est appelé le Verbe du Fils.
Chapitre 13 : Comment, par le nom de Christ,
on entend l’Esprit saint.
Chapitre 14 : Comment le Saint Esprit
n’envoie pas le Fils.
Chapitre 15: Comment le Saint Esprit opère
véritablement par le Fils.
Chapitre 16 : Comment il faut entendre
ces paroles que Dieu n’était point par sa grâce dans les hommes,
avant l’incarnation de Jésus-Christ.
Chapitre 17 : Comment l’essence divine
et incréée a pu être conçue et naître.
Chapitre 18 : Comment on doit entendre
que la divinité s’est faite homme.
Chapitre 19 : Comment le Fils de Dieu
a pris la nature humaine dans son essence.
Chapitre 20 : Ce qu’il faut entendre lorsque
l’on dit, que l’homme a été pris.
Chapitre 21 : Comment Dieu a fait que
l’homme soit Dieu.
Chapitre 22 : Comment l’image de notre
premier père a été effacée par le Christ.
Chapitre 23 : Comment la créature
ne peut pas coopérer avec le créateur.
Chapitre 24 : Comment la créature
n’est pas propre au créateur.
Chapitre 25 : Comment il faut comprendre
qu’il n’a ni second ni troisième quant à la nature.
Chapitre 26 : Comment, d’après
les paroles de saint Paul, le Séraphim acquiert.
Chapitre 27 : Comment on doit entendre
que le souffle de Dieu sur le visage de l’homme n’est pas l’ame raisonnable,
mais l’effusion du Saint-Esprit.
Chapitre 28 : Comment on doit entendre
que celui qui a blasphémé une fois ne peut plus s’empêcher
de blasphémer.
Chapitre 29 : Comment la foi ne peut être
annoncée.
Chapitre 30 : De quelle manière
la foi ne peut pas nous être donnée par les anges.
Chapitre 31 : Comment la lettre même
du nouveau Testament tue.
Chapitre 32 : Comment, dans la seule décision
du concile de Nicée, les fidèles possèdent la vraie
et unique exposition de la foi.
Le Fils envoie le Saint-Esprit.
Le Saint Esprit reçoit du Fils
lui-même ce par quoi il tient lui.
Le Fils opère par le Saint-Esprit.
Le Saint Esprit est l’image du Fils.
Le Saint Esprit est le caractère
du Fils.
Il procède du Père par le
Fils.
Le Saint Esprit procède du Fils.
Il vient en même temps du Père
et du Fils.
Il est coéternel avec les deux
autres personnes.
Le Saint Esprit est une personne procédant
des deux personnes de la sainte Trinité.
Il est de l'essence du Père et
du Fils.
Il est de la même nature que le
Fils.
Le Fils inspire le Saint-Esprit.
Par la même raison, il est inspiré
par le Père et le Fils.
Il est inspiré éternellement
eut par le Fils.
Le Saint Esprit est inspiré de
l’essence du Fils.
Le Saint Esprit émane du Fils.
Le Saint Esprit découle du et cela
de toute éternité.
Le Fils donne l’origine au Saint-Esprit.
Le Fils est l’auteur du Saint-Esprit.
Le Fils est le principe du Saint-Esprit.
Le Fils est la source du Saint-Esprit.
On conclut de tout ceci que le Saint Esprit
procède du Fils.
Découler ou procéder, est
la même chose, dans les personnes divines.
Les docteurs grecs et latins se servent
des mêmes preuves pour démontrer la procession du Saint-Esprit.
Le Saint Esprit est distingué du
Fils par ce qu’il a de lui.
La distinction des personnes divines est
établie d’après un certain ordre de la nature.
Il est de nécessité de salut
de croire que le Saint-Esprit procède du Fils.
Le Pontife romain est le premier et le
plus grand parmi tous les évêques.
Le même Pontife a la primauté
universelle sur toute l’Eglise de Jésus-Christ.
Le souverain Pontife est, dans l’Eglise,
le souverain pouvoir.
Il a hérité du pouvoir que
Jésus-Christ a donné à saint Pierre.
C’est à lui qu’il appartient de
fixer les articles de foi.
Fin du premier opuscule
Très Saint Père et Vénérable
Pape Urbain, j’ai lu et relu avec soin le petit traité que Votre
Excellence a daigné me communiquer, et j’y ai trouvé une
foule de preuves bien raisonnées à l’appui de notre foi.
Mais j’ai remarqué aussi que l’usage que vous faites de certains
passages des saints Pères, dont l’autorité parait douteuse,
et qui pour- raient fournir matière à l’erreur et devenir
un sujet de disputes fâcheuses, serait capable d’en détruire
le fruit auprès d’un grand nombre de personnes. Et afin qu’après
avoir retranché toute l’ambiguïté des textes cités
dans cet ouvrage, l’on puisse en retirer le fruit le plus pur de la vraie
foi, je me suis proposé d’abord d’exposer ce qu’il y a de douteux
touchant les textes qui y sont contenus et ensuite de montrer comment on
peut, à l’aide de ces autorités, exposer et défendre
la vérité de la foi catholique. J’assigne deux causes à
l’erreur des modernes, qui ont cru trouver des choses peu précises
dans les écrits des anciens Pères grecs. La première,
c’est que les erreurs contre la foi donnèrent occasion aux saints
docteurs de l’Eglise, d’exposer avec beaucoup de circonspection les vérités
de foi, afin d’écarter les erreurs nouvelles, comme il est facile
de le voir par les saints Pères, antérieurs à l’hérésie
d’Arius, qui ne s’exprimèrent pas aussi clairement sur l’unité
de l’essence divine, que le firent les docteurs qui vinrent après
eux: et semblablement des autres hérésies. Ce qui se remarque
non seulement dans les divers écrits des saints Pères, mais
ce qui paraît surtout très clairement dans l’illustre Augustin.
Il parle en effet avec plus de précaution du libre arbitre dans
les livres qu’il écrivait après l’hérésie des
Pélagiens, que dans ceux qu’il fit paraître antérieurement;
dans lesquels défendant le libre arbitre contre les Manichéens,
il avança quelques propositions, dont les Pélagiens s’autorisèrent
pour défendre leur erreur, contre la puissance de la grâce
divine. Il n’est donc point surprenant que les modernes docteurs, après
la naissance de tant d’hérésies, aient écrit si prudemment
et avec tant de discrétion sur les matières de foi, afin
de ne point donner prise à l’erreur. Aussi, s’il se rencontre, dans
les écrits des anciens Pères, quelques termes qui n’aient
point toute la rigueur d’expression observée par les modernes, il
ne faut point les rejeter avec mépris, ni les étendre au-delà
de leur sens véritable, mais les exposer avec respect.
La seconde vient de ce que les termes
qui sont employés convenablement en grec ne le sont pas toujours
en latin, parce que les Grecs et les Latins rendent leurs articles de foi
dans des langues différentes. Les Grecs en effet disent fort bien
et d’une manière très orthodoxe, que le Père, le Fils
et le Saint Esprit sont trois hypostases: mais si quelqu’un dit chez les
Latins qu’ils sont trois substances, bien que le mot hypostase, chez les
Grecs, ait la même signification que celui de substance chez les
Latins, il ne parle pas rigoureusement. Car en latin, substance signifie
plus habituellement essence, que les Grecs confessent avec nous être
une dans les personnes divines. C’est pour cela que, comme les Grecs disent
trois hypostases, nous disons trois personnes, ainsi que le dit saint Augustin
dans le septième livre de son Traité de la Trinité.
Et il n’est point douteux qu’il en soit ainsi dans une foule d’autres cas.
Aussi est-il du devoir d’un bon traducteur, en énonçant les
vérités de foi catholique, de garder le sens, tout en changeant
les formes du langage, selon le génie de la langue dans laquelle
il traduit. En effet, si on traduisait en termes vulgaires, ce que l’on
a écrit en belle latinité, on ferait un ouvrage aussi mauvais
que ridicule. A plus forte raison, quand ce qui a été écrit
dans une langue est traduit dans une autre, et cela mot pour mot, il n’est
point étonnant si l’on y trouve quelquefois de l’obscurité.
Chapitre PREMIER : Comment on doit entendre
que le Fils vient du Père, comme de la cause.
Il peut se faire que quelques personnes
se demandent, d’après les textes cités plus haut, comment
le Père est la cause du Fils et le Père ou le Fils la cause
du Saint Esprit. Et en effet on peut apercevoir d’abord cette difficulté
dans les paroles qu’on attribue à saint Athanase au concile de Nicée
" Tout ce que le Fils tient du Père, il le tient comme la parole
contient la pensée, le soleil la lumière, la source le fleuve
et l’effet la cause. " Mais celui qui dénature ou nie l’effet, nie
par-là même la cause qui le produit. Le Fils engendré
et produit dit en effet: "Celui qui me méprise, méprise celui
qui m’a envoyé; " et ailleurs: "Le Saint Esprit n’est pas sans principe,
c’est-à-dire sans principe et sans cause, " mais il démontre
qu’il est le vrai Dieu, ayant son principe non pas dans le temps, mais
dans le vrai principe de son origine divine. Saint Basile, évêque,
tient le même langage
"Le Saint Esprit, envoyé de Dieu,
a sa cause en lui-même. " De même Théodoret dans son
commentaire sur l’Epître aux Hébreux, dit: "Le Père
est la cause du Fils. " Mais l’Eglise latine ne se sert point ordinairement
de ces paroles: Le Père est la cause du Fils ou du Saint Esprit,
mais seulement le principe ou l’auteur. Et ceci pour trois raisons. La
première, parce qu’on ne peut pas dire que le Père est la
cause du Fils, comme cause formelle, matérielle ou finale, mais
seulement comme cause productive, qui est la cause efficiente. Mais nous
voyons toujours qu’elle diffère de nature avec l’effet qu’elle produit.
Aussi, de peur qu’on ne dise que le Fils n’est pas de la même essence
que le Père, on ne dit pas ordinairement que le Père est
la cause du Fils, mais on emploie des expressions qui signifient une origine
consubstantielle, comme celles-ci, la tête, la source, et autre semblables
dénominations.
La seconde, parce qu’en nous la cause
correspond à l’effet: aussi nous ne disons pas que le Père
est la cause du Fils, de crainte qu’on ne croie que le Fils a été
fait. Car dans les écrits des philosophes, Dieu est appelé
cause première: or ils comprennent sous le nom d’effet ou de produit,
l’universalité des créatures; et si on dit que le Fils a
une cause, on peut le comprendre dans le nombre des effets ou des créatures.
La troisième, parce qu’on ne doit
pas parler des personnes divines autrement que ne le fait la sainte Ecriture.
Or, la sainte Ecriture appelle le Père le principe du Fils; c’est
ainsi que s’exprime saint Jean: "Au commencement était le Verbe.
" Mais jamais il ne dit que le Père est la cause, ou le Fils l’effet.
Et comme cause dit plus que principe, nous ne nous avisons jamais de dire
que le Père est la cause et le Fils le produit. Quant à ce
qui tient à l’origine, rien qui approche du mot principe, n’est
appliqué proprement à Dieu dans les choses divines. Car tout
ce qui est en Dieu est incompréhensible et nous ne pouvons pas le
définir: aussi nous servons-nous plus convenablement et avec moins
de danger d’errer, de termes généraux, que de l’ex pression
propre et particulière. Le nom qui lui convient le mieux est celui
qu’il prend au troisième chapitre de l' Exode, celui qui est. De
même qu’il est plus ordinairement la cause que l’élément,
il est plutôt principe que cause. En effet, le point est le principe
de la ligne et non la cause: voilà pourquoi, en parlant des personnes
divines, nous employons très convenablement le mot principe.
Cependant il ne faut pas croire que les
saints que nous avons cités, qui se servent du terme de cause et
d’effet en parlant des personnes divines, en concluent qu’elles sont de
nature différente et que le Fils est une créature. Ils veulent
seulement montrer par là l’origine des personnes divines, comme
quand nous employons le terme de principe. Ce qui fait dire à saint
Grégoire de Nysse: "Par cause et effet nous n’entendons point la
nature des personnes divines. Car nous n’avons pas l’intention de faire
signifier à ces paroles l’essence et la nature divine, mais nous
voulons exposer la différence qu’il y a entre elles, comme par exemple,
qu’il est faux de dire que le Fils n’a pas été engendré,
et qu’au contraire le Père ne tire son origine d’aucune autre cause.
" Saint Basile S’exprime également ainsi: "Je disque le Saint Esprit
n’a pas été engendré, qu’il n’a point de père,
qu’il n’est point une créature, parce qu’il n’a point été
créé, mais qu’il a Dieu pour cause, de qui il est vraiment
l’esprit et duquel il procède. "
Chapitre II: Comment on doit entendre que
le Fils est le second après le Père et le Saint Esprit le
troisième.
L’autorité des écrivains
que nous citons, établit que le Fils est le second après
le Père et le Saint Esprit le troisième. En effet saint Athanase
s’exprime ainsi dans son discours à Sérapion: Le Saint Esprit
est le troisième à compter du Père et le second après
le Fils. Saint Basile dit aussi: "Le Saint Esprit est le second après
le Fils, par rang d’ordre et de dignité." Mais ceci peut paraître
peu fondé en vérité. Car dans les personnes divines,
il n’y a pas d’autre ordre, comme dit saint Augustin, que celui d’après
lequel l’un n’est pas avant l’autre, mais selon lequel l’un procède
de l’autre. Il n’y a point en effet de mode de priorité, qui puisse
autoriser à dire que le Père est avant le Fils. Le Père
n’a point de priorité de temps,, puisque le Fils est coéternel
avec lui: il ne lui est point supérieur par nature, puisqu’ils sont
de même nature; ni en dignité, puisqu’ils sont tout deux égaux;
ni par l’intellect, puisqu’ils ne diffèrent que par les relations
de personnes. Les relations de l’intellect sont les mêmes, puisqu’ils
sont tous deux le même intellect. Cela est évident, puisqu’à
proprement parler, on ne peut pas dire que le Fils est le second après
le Père et le Saint Esprit le troisième. Nos docteurs disent
donc seulement que le Fils est le second et le Saint Esprit le troisième,
par ordre numérique, ce que soutient saint Basile, qui écrit:
"Nous avons reçu le Saint- Esprit du Père et du Fils, le
troisième en nombre et glorifié par le Fils de Dieu, qui
dit en fixant l’ordre du baptême du salut: "Allez, baptisez toutes
les nations, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Saint Epiphane dit également: "L’Esprit
de Dieu qui procède du Père et du Fils est le troisième
par l’appellation: Au nom du Père du Fils et du Saint Esprit. "
Mais ce qu’avance saint Basile, que le Saint- Esprit est le second en dignité
après le Fils, me semble être une grave erreur, parce qu’il
semble établir des degrés dans la sainte Trinité,
tandis que les trois personnes sont égales en dignité. On
peut le dire peut-être, non de la dignité naturelle, mais
de la dignité personnelle, comme nous disons nous, que la personne
est une hypostase distincte par la dignité qui lui est propre. C’est
en ce sens que saint Hilaire dit que le Père est plus grand que
le Fils, à cause de l’autorité d’origine. Cependant le Fils
n’est pas au-dessous du Père, à cause de l’unité de
substance.
Chapitre III: Comment on doit entendre
que le Saint Esprit est la troisième lumière.
Mais ce qui paraît être encore
bien plus erroné, c’est ce qu’on induit de ces paroles de saint
Epiphane, évêque de Chypre. "L’Esprit saint est l’esprit de
vérité, troisième lumière procédant
du Père et du Fils." Là, en effet, où il y a unité,
il est déplacé de dire premier et troisième. Le Père,
le Fils et le Saint Esprit sont une même lumière, comme un
seul et même Dieu. De même donc qu’on ne peut dire, sans sortir
de la foi catholique, que le Saint Esprit est un troisième Dieu
procédant du Père et du Fils,de même il est impossible
de soutenir, qu’il est une troisième lumière. Il est vrai
qu’on dit qu’il est la troisième personne, mais c’est à cause
de la pluralité des personnes de la sainte Trinité. Il suit
donc en effet de ces paroles Il est une troisième lumière,
qu’il y a trois lumières, ce qu’il dit expressément en ajoutant:
"Les autres sont appelées lumières soit par l’ordre, par
la composition ou par le nom, mais elles ne sont pas semblables à
ces trois divines lumières. Il est vrai qu’on peut dire que toute
lumière implique un sujet d’où elle tire son origine. Car
la lumière est ce qui est répandu par un foyer et qui peut
tirer d’elle- même une autre lumière. Et cette seconde définition
de la lumière peut être appliquée aux propriétés
personnelles de la sainte Trinité, à cause de la propriété
de diffusion, quoique, selon sa nature propre, il appartienne à
l’essence même de la lumière dans les personnes divines: ce
qui ne doit point tendre à une fausse conséquence, mais amener
à cette conclusion, que le Père, le Fils et le Saint Esprit
sont une nième lumière.
Chapitre IV: Comment on doit entendre que
l’essence est engendrée dans le Fils et inspirée dans le
Saint-Esprit.
On trouve dans les paroles de ces Pères,
que l’essence du Fils est engendrée et qu’elle est inspirée
dans le Saint Esprit. Saint Athanase dans son troisième sermon sur
les actes du Concile de Nicée, en parlant de la personne du Fils,
dit: "Je dispense aux hommes ton Esprit avec ta divine essence engendrée
de toi. " Et peu après: "Je leur donne le Saint Esprit sorti de
ta divine essence que tu as engendrée en moi. " Et dans sa lettre
à Sérapion: "Le Père gardant en lui toute son essence,
l’a engendrée tout entière clans son Fils d’une manière
inénarrable. " Et encore: "Comme le Père a la vie en lui,
c’est-à-dire une nature vivante et respirante, de même il
a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, c’est-à-dire,
il a engendré dans le Fils, la même nature qui inspire l’esprit
vivant. " Et il ajoute plus bas: "Que le Père et le Fils ont la
même -divinité, qui inspire l’Esprit saint. " D’où
l’on conclut, que la nature divine est engendrée dans le Fils et
qu’elle inspire dans le Père et le Fils. Saint Cyrille, dans son
Trésor contre les hérétiques, écrit ces paroles:
"La vertu incréée et engendrée dans le Fils, est de
toute façon la nature du Père et du Fils. " Puis il ajoute:
"Le Père a donné la vie au Fils, " c’est-à-dire, il
a engendré dans le Fils sa vie naturelle. Saint Basile: "Le Fils
que nous donne le Père est Dieu essentiellement engendré
de Dieu, ayant en lui, par génération, toute l’essence du
Père." Saint Athanase dans sa lettre à Sérapion, en
disant que la nature divine est tout inspirée dans le Saint Esprit,
affirme que le " Saint Esprit est la vraie et naturelle image du Fils par
l’essence divine qui a été inspirée en lui par ce
divin Fils, de toute manière égale à elle-même.
Mais cette manière de parler n’est
pas exacte: et le saint concile de Latran a condamné l’erreur de
Joachim qui a employé cette idée pour combattre le docteur
Pierre Lombard. En effet, Pierre, dans sa cinquième distinction
du premier livre des Sentences, prouve qu’une essence commune n’engendre
pas, n’est pas engendrée et ne procède point, parce qu’il
y a dans les personnes divines, quelque chose de commun qui n’est pas distinct
et quelque chose -de distinct et qui n’est pas commun aux trois divines
personnes. Donc, ce qui est distinct dans les personnes divines ne peut
être attribué à ce qui est commun et indistinct, niais
seulement à ce qui est distinct. Or, il n’y a entre les personnes
divines d’autre différence sinon que l’une engendre, l’autre naît
et la troisième procède. Donc, engendrer, naître et
procéder, ne peut se dire de l’essence divine, qui est commune et
absolument la même dans les trois personnes divines. Ce qui seul
est différent dans les personnes divines, est la personne ou hypostase,
ou le suppôt de la nature divine, c’est-à-dire, l’être
qui a la nature divine. C’est pourquoi ce qui signifie, ou peut supposer
la personne, peut légitimement être appelé génération
ou procession, comme les noms de Père, Fils et Saint Esprit signifient
des personnes distinctes, et ce mot de personne signifie hypostase en général.
D’où il suit qu’ait dit très bien, que le Père engendre
le Fils, que le Fils naît du Père et que le Saint Esprit procède
du Père et du Fils, et de même qu’une personne engendre ou
inspire une autre personne, ou bien est engendrée ou inspirée
par une personne. Or, le terme "à Dieu," qui veut dire une essence
commune par mode concret, veut dire en effet un être qui a la divinité,
peut être pris pour celui de personne par la manière dont
il est employé: on peut donc très bien admettre ces expressions,
Dieu engendre Dieu, Dieu naît ou procède de Dieu. Mais ce
terme essence et divinité et tout autre terme pris par abstraction,
ne renferment point, dans le sens où ils sont employés, ni
la personne ou le sujet, ni les attributs qu’ils lui donnent. Aussi ne
peut-on pas dire que de telles expressions rendent d’une manière
adéquate ce qui appartient aux personnes divines, comme quand on
dit essence engendrant ou engendrée, bien qu’il arrive qu’en un
certain sens elles soient plus applicables aux attributs des personnes
divines, en tant qu’elles expriment les principes des actes qui leur sont
propres, comme lumière, sagesse, bonté et autres semblables.
D’autres fois ces termes les rendent d’une manière moins incomplète,
comme lorsqu’on dit le Fils lumière de lumière, sagesse de
sagesse: mais on ne peut pas aussi bien dire être de l’être.
Mais quoique l’expression soit différente, comme dans ces mots Dieu
et Divinité, cependant l’idée est la même: et à
cause de l’identité de la chose, on emploie indifféremment
ces deux termes l’un pour l’autre, comme dans cette phrase, Dieu est la
Divinité, ou une personne divine, ou le Père est l’essence
divine c’est dans ce sens que les saints Pères emploient l’un pour
l’autre, comme quand ils disent que l’essence divine engendre, parce que
le Père, qui est l’essence divine, engendre, et qu’il est l’être
de l’être, parce que le Fils, qui est l’essence, vient du Père
qui est la même essence divine: c’est ainsi que s’en exprime saint
Cyrille dans son livre des Trésors, par ces paroles profondes "
Le Père en engendrant le Fils de sa vie qui vit de lui-même
et de son être véritablement existant de son propre fonds,
comme de sa véritable source, lui domine naturellement sa vie et
son essence naturelle. " Et lorsqu’il dit également que le Père
a engendré sa nature dans le Fils, il faut entendre qu’il a donné,
par la génération, sa nature à son Fils, comme on
le conclut directement des paroles de ce saint docteur.
Chapitre V: De quelle manière Jésus
est appelle le Fils de l’essence paternelle.
Ce que l’on vient de dire explique comment
saint Cyrille semble dire, dans le même livre: "Comment donc Jésus,
Fils de l’essence de son Père, sera-t-il une créature ? "
On répond, qu’il n’est pas appelé Fils de l’essence paternelle,
comme s’il était engendré par l’essence de son Père,
mais comme recevant l’essence paternelle par la génération.
Et c’est ainsi que l’on doit expliquer tout ce qu’on peut dire de semblable,
comme par exemple: que le Fils et le Saint Esprit procèdent en tant
que, par la procession, ils reçoivent l’essence du Père.
Chapitre VI: Comme ce qui appartient naturellement
au Père peut appartenir au Fils.
On peut se demander ce que veut dire saint
Cyrille dans le même livre, par ces paroles: "Tout ce qui, par nature,
est en propre au Père, appartient également au Fils Sans
doute, il s’agit ici des attributs essentiels, et, dans ce cas, ils ne
sont particuliers ni au Père ni au Fils, mais ils sont communs à
chacune des personnes divines. Et de même, ce qui est propre et particulier
au Père, ne peut appartenir au Fils, comme l’innascibilité
et la paternité appartiennent au Père et nullement au Fils.
Or, il suit de ce qu’il a dit d’abord, qu’il n’entend parler que des attributs
essentiels. Il avance en effet, que tout ce qui est dans le Père,
par nature, est également dans le Fils, comme la vie, la vérité,
la lumière, etc. Or ceci est attribué au Père, non
pas relativement au Fils, ni- comme appartenant au Fils relativement au
Père, mais à l’un et à l’autre par rapport à
la créature, à laquelle, comparativement à Dieu, on
ne peut proprement rien appliquer de ce qui vient d dit, ou est propre
à chacune des personnes divines, non en ce sens qu’il n’appartienne
qu’à une seule, mais convient véritablement et est propre
à une d’entre elles comme personne de la sainte Trinité.
Chapitre VII: Le Père n’a besoin
ni du Fils ni du Saint Esprit comme complément.
Saint Athanase dit dans sa lettre à
Sérapion que "le Père complet en soi, par soi et sans le
concours d’aucun autre, étant Dieu parfait, n’a besoin pour sa perfection
ni du Fils ni du Saint Esprit. Il n’est point douteux en effet que le Père
manque d’aucune perfection, de même que le Fils et le Saint Esprit.
Car ce qui, pris en soi, a besoin de quelque chose pour se compléter,
n’est pas parfait, ce qui ne peut se dire ni du Père, ni du Fils,
ni du Saint Esprit. Mais il est évident que- le Père ne serait
pas parfait, s’il n’avait pas de Fils, parce qu’il ne serait pas Père
sans son Fils et il ne serait pas un Dieu parfait, s’il n’avait le Verbe
et s’il n’avait encore le souffle de vie, comme le dit saint Athanase dans
le troisième sermon des actes du concile de Nicée, en répondant
aux Ariens, qui niaient que le Fils et le Saint Esprit soient consubstantiels
au Père. Ils soutiennent que la nature du Père est stérile
et improductive, elle qui a donné à toutes les créatures
une puissance naturelle et capable de se reproduire. Ils font le Père
muet et sans verbe, lui qui a donné à tous les êtres
raisonnables la faculté de parler. Enfin ils l’appellent mort et
privé d’une nature vivante, en niant que le Saint Esprit est co-essentiel
au Père: ceci prouve parfaitement que le Père ne serait pas
le Dieu parfait, s’il n’y avait en lui ni Fils ni Saint Esprit. Le même
saint Athanase dit dans sa lettre à Sérapion, que " le Père
n’a pu faire la créature sans l’action du Verbe et qu’il ne peut
se communiquer aux créatures pour les diviniser, sans le Verbe,
" et ainsi que le Fils ne peut exister sans le Saint Esprit. Il. y a donc
ceci de commun entre le Père, le Fils et le Sain-t qu’aucun d’eux
n’est incomplet. Il y a encore ceci de commun à chacun d’eux, qu’aucun
ne peut être un Dieu parfait indépendamment des deux autres.
Or saint Athanase s’appuie sur cette raison, pour prouver la perfection
du Père, indépendamment du Fils et du Saint- Esprit, qu’il
ne tire sa perfection d’aucun autre. Mais le Fils et le Saint Esprit tirent
leur complément du Père. D’où il conclut, dans sa
lettre à Sérapion, que "ce n’est pas à cause du Fils
et du Saint Esprit que le Père est un Dieu parfait et bienheureux.
Car il n’a rien au-dessus de lui d’où il tire son existence, et
il n’y a rien au-dessous de lui d’o ii possède ce qu’il a, c’est-à-dire
qu’il n’a rien du Fils et du Saint- Esprit. "
Chapitre VIII: Comment le Saint Esprit
est dit non engendré.
Saint Grégoire de Nazianze, dans
son sermon de l'Epiphanie; dit que " l’Esprit saint, selon sa nature divine,
procède du Père sans être engendré et non le
Fils, terme moyen entre l’engendré et le non engendré. "
Il ne semble pas juste de dire que le Saint Esprit n’est pas engendré.
Car saint Hilaire dit dans son traité des Synodes, " que si quelqu’un
soutient qu’il y a deux personnes non engendrées, il dit qu’il y
a deux Dieux. " De même saint Athanase soutient dans son Epître
à Sérapion, que " le Saint Esprit n’est pas engendré,
parce que l’Eglise catholique réunie à Nycée a parfaitement
et d’une manière très orthodoxe, décidé qu’il
est sans principe d’origine et engendré en Dieu seul, et a ordonné
à l’univers entier, sous peine d’anathème, de ne croire et
de n’enseigner ceci, que du Père seulement. " Mais on peut dire
que le mot, non engendré, peut être pris dans un double sens.
Premièrement, parce qu’il existe sans principe, ce qui n’est applicable
qu’au Père, d’après les paroles de saint Athanase. Secondement,
parce qu’il n’est pas engendré, quoiqu’il ait un principe, et non
seulement saint Grégoire de Nazianze dans les paroles citées
plus haut, mais encore saint Jérôme dans les règles
des définitions contre les hérétiques, dit que " le
Saint Esprit n’est pas engendré.
Chapitre IX: Le Saint Esprit est appelé
le milieu entre le Père " te Fils.
On peu t élever une difficulté
sur ces paroles de saint Grégoire de Nazianze, qui dit que "le Saint
Esprit est le milieu entre l’engendré et le non engendré,
c’est-à-dire du Père et du Fils, puisqu’on dit plus ordinairement
qu’il est le troisième, ou la troisième personne dans la
Trinité." Mais il faut répondre qu’il n’est pas appelé
le terme moyen selon l’ordre de numération, qui correspond au rang
d’origine. Dans ce sens, en effet, le Fils est le milieu entre le Père
et le Saint Esprit, comme étant le lien commun entre les deux autres
personnes, puisqu’il est l’amour mutuel du Père et du Fils. C’est
ainsi qu’il faut expliquer ces paroles de saint Epiphane, dans son livré
de la Trinité, où il dit que " le Saint Esprit est au milieu
du Père et du Fils."
Chapitre X: Comment l’Esprit saint est
l’image du Fils.
Dans plusieurs écrits de ces puissants
docteurs, le Saint Esprit est appelé l’image du Fils, comme saint
Athanase, dans son troisième sermon du concile de Nicée,
dit que " le Saint Esprit est l’image déifique et vivifique du Père
et du Fils; il est la vraie image du Fils, le contenant essentiellement
en lui-même, sous tous les rapports, et le représentant d’après
nature, comme le Fils est l’image du Père. " dans son Epître
à Sérapion: "Le Saint Esprit contient naturellement le Fils
en lui-même, comme sa vraie et naturelle image. " De même dans
saint Basile, " Le Saint Esprit est appelé doigt, inspiration, onction,
souffle, sens de Jésus-Christ, procession, production, émission,
émanation, effusion, évaporation, splendeur, image, caractère,
vrai fli €t encore: "Le Saint Esprit est la vraie puissance du Père
et du Fils nous représente naturellement le Père et le Fils
dont il est la naturelle image. " Les Latins, il est vrai, n’ont pas l’habitude
de dire que le Saint Esprit est l’image du Père et du Fils. Saint
Augustin écrit en effet, at sixième livre de la Trinité
que "par Verbe on entend le Fils seul, qu’il est appelé Verbe aussi
bien qu’image, et que le Fils seul est l’image du Père, de même
qu’il en est le Fils. " Richard de Saint-Victor, dans son traité
de la Trinité, donne la raison pour laquelle le Saint Esprit lie
peut être appelé l’image du Père. "C’est que, dit-il,
bien que le Saint Esprit soit égal au Père par nature, aussi
bien que le Fils, il ne participe pas avec lui à quelques propriétés
re1 comme le Fils s’accord avec le Père, dans l’inspiration active
du Saint Esprit. " A cause de cela, quelques auteurs prétendent
que le Saint Esprit ne peut as être appelé image, parce qu’il
serait l’image du Père et du Fils, puisqu’il procède de l’un
et de l’autre. Mais il ne peut être l’image une et vraie des deux.
Or l’Ecriture s qu’il n’est permis à personne de contredire dans
les matières de foi, dit expressément que le Fils est l’image
du Père. Saint Paul écrit aux Colossiens: "Il nous a transportés
dans le royaume de son Fils bien-aimé, qui est l’image de Dieu,
et dans lequel nous avons la rédemption de nos péchés.
" Et dans celle aux Hébreux, il dit du Fils: "il est la splendeur
de sa gloire et la figure de sa substance. " Mais il faut savoir que les
Pères grecs citent deux textes de l’Ecriture sainte qui emblent
dire que le Saint Esprit est l’image du Fils. Saint Paul aux Romains: "Ceux
qu’il a choisis et prédestinés à 4evenii conformes
à l’image de son Fils:" mais l’image du Fils n’est autre que le
Saint Esprit. Et aux Corinthiens, ch. XV, "comme nous avons porté
l’image de l’homme terrestre, portons c de l’homme céleste, " c’est-à-dire
de Jésus-Christ, on entend par cette image le Saint Esprit, bien
que, dans ces passages, le Saint Esprit ne soit point appelé image.
On peut entendre, en effet, par ces paroles, que les hommes deviennent
conformes à l’image du Fils, ou qu’ils portent l’image de Jésus-Christ,
en tant que recevant le don de la grâce, ces hommes saints deviennent
semblables au Christ et se perfectionnent, selon les paroles de l’Apôtre,
Epître aux Corinthiens, ch. III, "mais nous contemplant la gloire
de Dieu, face à face, nous sommes transformés en la même
image, de clarté en clarté, comme par l’Esprit du Seigneur."
Il ne dit pas que l’image soit l’esprit de Jésus-Christ, mais quelque
chose de l’Esprit de Dieu, qui est en nous. Mais comme ce serait une folle
présomption de notre part, de vouloir aller contre l’autorité
si expresse de tant de savants docteurs, nous pouvons dire en effet, que
le Saint Esprit est l’image du Père et du Fils, en ce sens qu’on
entend par image, ce qui tient son existence d’un autre, et qui porte sa
ressemblance. Que si on entend par image, ce qui tire son existence d’un
autre, produisant, par le fait même de son origine, la ressemblance
de la cause de son existence, en tant que différent de lui-même,
comme Fils engendré, ou Verbe conçu, le Fils seul est appelé
image. Car il est de l’essence du Fils de représenter, dans tous
ses attributs, l’image du Père. Il est aussi de la nature du Verbe,
de représenter ce qui est exprimé par le Verbe, de qui que
ce soit qu’il vienne; mais il n’est pas de la nature de l’esprit, ou de
l’amour, d’être la ressemblance de celui de qui il tient tout ce
qu’il est. Cela seule ment est vrai pour l’esprit de Dieu à cause
de l’unité et de la simplicité de l’essence divine, qui fait
nécessairement que tout ce qui est en Dieu, soit Dieu. L’essence
de l’image n’est pas détruite, parce qu’il y a dans le Saint Esprit
quelques attributs personnels qui ne vont pas avec la qualité de
Père, parce que la ressemblance et l’égalité des personnes
divines ne dépend pas des propriétés des personnes,
mais seulement des attributs essentiels. Et l’on rie doit pas dire qu’il
y a inégalité, selon la différence des propriétés
personnelles, clans les personnes divines, comme le dit saint Augustin,
dans son livre contre Maxime. Aussi quand on dit que le Fils est engendré
du Père, on ne veut, pas dire qu’il y a inégalité
de substance, mais on différencie l’ordre de nature. Ce qui ne s’oppose
nullement à ce que le Saint- Esprit procède des deux autres
personnes. Car il en procède en tant qu’ils ne sont qu’un, puisque
le Père et le Fils sont un seul et même principe du Saint
Esprit.
Chapitre XI: Comment le Fils est dans le
Père comme dans son image.
Mais ce qui est encore plus embarrassant,
est ce que dit saint Athanase, dans son Epître à Sérapion:
"Le Fils est dans son Père comme dans sa propre image. Car le Père
n’est pas l’image du Fils, mais bien le Fils, celle du Père. " On
doit répondre qu’ici le terme image est pris pour exemplaire. On
l’emploie quelquefois aussi. par un abus de mots.
Chapitre XII: Comment le Saint Esprit est
appelé le Verbe du Fils.
Saint Basile semble aussi commettre une
erreur dans son livre contre l’hérétique Eunomius. Ce que,
dit-il, le Fils est à l’égard du Père, le Saint Esprit
l’est à l’égard du Fils. Et à cause de cela, le Fils
est appelé le Verbe du Père et le Saint Esprit le Verbe du
Fils. " L’Apôtre dit: "Il porte tout par le Verbe de sa puissance.
" - " Mais le Verbe, dit saint Augustin, dans son Traité de la Trinité,
est le Fils seul. " Et saint Jean se sert indifféremment du nom
de Verbe pour celui de Fils. Car il dit au commencement de son Evangile:
"Au commencement le Verbe était. " Et dans sa lettre Canonique:
"Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père,
le Verbe et le Saint Esprit. " Peu importe qu’on change de mots et qu’on
mette parole au lieu de verbe. Car la faculté que nous avons de
parler, est notre verbe. Ainsi comme le Fils seul dans la Divinité
est le Verbe, seul aussi il est la parole. Mais il faut dire que le Verbe
de Dieu est appelé quelquefois parole divinement inspirée
et proférée. Et c’est de cette parole que saint Basile veut
parler, quand il dit que " le Saint Esprit est le Verbe, ou la parole véritable
du Fils, en tant que les saints inspirés par lui, ont fait connaître
le Fils, " selon ce que dit saint Jean du Saint Esprit, au chap. XVI: "Tout
ce qu’il apprendra, il le dira. " Et il suit de ce qu’il ajoute ensuite,
que c’est là la pensée de saint Basile, par ces paroles où
il appelle, d’après l’Apôtre, la parole du Fils, le glaive
de l’esprit, qui est le Verbe de Dieu. Car le Verbe de la foi, prononcé
par les saints, est appelé ouvertement le glaive de l’esprit.
Chapitre XIII: Comment, par le nom de Christ,
on entend l’Esprit saint.
Comment saint Cyrille, dans son livre
des Trésors, semble-t-il dire que le Saint Esprit est appelé
Christ, en disant: "L’Apôtre a appelé Christ le Saint Esprit,
en lui donnant ce nom: car il dit: Si le Christ est en vous, le corps est
mort. Et un peu plus bas l’Apôtre dit que "l'esprit en opérant
au nom du Christ et en représentant en lui-même le Christ,
reçoit le nom de Christ et est fait Christ." Or, on ne peut donner
le nom d’une personne à une autre, sans détruire la distinction
des personnes. De même, en effet, que le Père n’est jamais
le Fils, ni en sens inverse: de même le Fils n’est jamais le Saint-
Esprit, ni le Saint Esprit ne peut être le Fils. On ne peut donc
pas donner le nom de Christ au Saint Esprit: ni le prendre pour le Saint
Esprit. Mais il faut dire que saint Cyrille, par le nom de Christ, dit
que le Saint Esprit est appelé Christ, ou reçoit le nom de
Christ et est appelé Christ; non pas qu’il entende que le Saint
Esprit est le Christ, et en sens inverse: ce serait tomber dans l’hérésie
des Sabelliens; mais le Saint Esprit est appelé Christ, par raison
de concomitance, parce que partout o est le Christ, il y a l’esprit du
Christ:comme partout ou est le Père, se trouve aussi le Fils. D’où
il conclut: est-ce qu’en cela, le prédicateur de la vérité,
c’est-à-dire l’Apôtre, confond la vérité des
personnes qui ne peuvent pas être confondues, dans le sens des Sabelliens?
Non, sans doute: mais il a voulu plutôt enseigner aux fidèles,
que l’Esprit saint n’est pas étranger à la nature du Verbe.
Chapitre XIV: Comment le Saint Esprit n’envoie
pas le Fils.
On peut élever une difficulté
sur ces paroles de saint Athanase, dans son troisième sermon du
concile de Nicée, en parlant des Ariens: Le Saint Esprit ne donne
point et n’envoie point le Fils, comme l’affirment des hommes séparés
de la grâce de Dieu et dénués de l’esprit du Seigneur,
à cause de ce qu’ils ont lu dans les saintes Ecritures: "Et maintenant,
le Seigneur et son esprit m’ont envoyé " (Isaïe, XLVIII); et
ailleurs: "l’Esprit du Seigneur est sur moi" (Isaïe LXI). Ceci semble
être, en effet, en opposition avec ce que dit saint Augustin, dans
son livre de la Trinité, que " le Fils est envoyé par le
Saint Esprit. " Et il le prouve par différents textes. Il démontre
qu’il n’est pas envoyé seulement par le Saint Esprit, mais encore
par lui-même, parce qu’il tient sa mission de la sainte Trinité
tout entière. Mais il faut dire qu’il y a deux choses à considérer
dans la mission de la personne divine. 1° L’autorité de la personne
qui envoie, sur celle qui est envoyée. 2° L’effet sur la créature,
qui est le motif de la mission de la personne envoyée. Comme, en
effet, les personnes divines sont partout par leur être infini, par
leur présence et leur puissance, on dit qu’une personne divine a
été envoyée, et ensuite qu’elle a commencé
à être dans la créature, d’une nouvelle manière
et par un effet extraordinaire, comme on dit que le Fils a été
envoyé dans le monde, eu tant qu’il a commencé à être
clans le monde, d’une autre façon, c’est-à-dire en revêtant
une chair visible, selon ces paroles de saint Paul, dans son Epître
aux Galates, ch. IV: "Le Seigneur a envoyé son Fils, formé
de la femme et soumis à la loi. " On dit aussi qu’il est envoyé
visiblement et spirituellement à quelqu’un, lorsqu’il commence à
habiter en lui par le don de sagesse, comme il est dit de cette mission,
au livre de la Sagesse, ch. IX: "Envoie la," c’est-à-dire cette
sagesse, du trône de votre grandeur, afin qu’elle Sait et qu’elle
travaille avec moi. " On dit également que le Saint Esprit est envoyé
à quelqu’un quand il commence à habiter dans une âme,
par le don de charité, selon ces paroles de saint Paul aux Romains,
V: "La charité de Dieu a été répandue dans
nos coeurs, par le Saint Esprit qui nous a été donné.
Si donc, dans la mission de la personne
divine, on considère l’autorité de celui qui envoie sur la
personne qui est envoyée, la personne qui est une avec la personne
envoyée, peut seule en envoyer une autre. D’après ceci, le
Père envoie le Fils, le Fils le Saint Esprit, mais le Saint- Esprit
n’envoie pas le Fils: et c’est aussi la pensée de saint Athanase.
Mais si dans la mission de la personne divine on considère le motif
pour lequel elle est envoyée, comme le but est commun à toute
la Trinité, car toute la Trinité a produit l’humanité
de Jésus-Christ, et opère la sagesse et la charité
dans les saints, alors on peut dire que la personne divine est envoyée
par toute la Trinité, et c’est ainsi que l’entend saint Augustin.
Cependant il faut savoir que, malgré qu’on dise quelquefois, au
rapport de saint Augustin, " que la personne divine est envoyée
par celle de qui elle ne procède pas," il ne faut pas soutenir qu’elle
puisse être envoyée par celle de qui elle ne procède
point. Car le Père, parce qu’il ne procède d’aucun autre,
n’est pas envoyé par une personne de la sainte Trinité, malgré
qu’il puisse habiter dans l’homme, par l’effet de quelque nouveau don de
la grâce, et qu’on dise qu’il vient vers l’homme, selon ces paroles
de saint Jean, ch. XIV: "Mon Père l’aimera, nous viendrons en lui
et nous y fixerons notre demeure. " Il faut donc que la personne qui est
envoyée, procède éternellement d’une autre personne:
il n’est pas nécessaire qu’elle procède éternellement
de celle qui l’envoie, mais il faut que cette personne s’intéresse
au but de la mission, et je le dis dans le sens qu’en parle saint Augustin.
Mais d’après les Grecs, la personne divine n’est envoyée
que par celle de qui elle procède éternellement: d’où
il suit que le Fils n’est envoyé par le Saint Esprit, qu’en sa qualité
d’homme. A cause de cela saint Basile cite les autorités que nous
avons nommées, afin que, par esprit, on entende le Père,
en tant qu’il est pris essentiellement pour l’Esprit, se]on ces paroles
de saint Jean, ch. IV: "Dieu est Esprit. " C’est aussi de cette façon
que l’entend saint hilaire dans son Traité de la Trinité.
Chapitre XV: Comment le Saint Esprit opère
véritablement par le Fils.
Saint Basile semble avancer une erreur
dans son livre contre Eunomius, en disant que " le Saint Esprit opère
véritablement par le Fils. " Car on dit qu’une personne opère
par celle de qui elle vient, comme le Père par le Fils, mais non
en sens inverse. Mais il faut entendre que le Saint Esprit opère
par le Fils, selon la nature humaine, mais non selon la nature divine.
Chapitre XVI: Comment il faut entendre
ces paroles que Dieu n’était point par sa grâce dans les hommes,
avant l’incarnation de Jésus-Christ.
Ce que saint Athanase écrit à
Sérapion paraît douteux. " Il était impossible, dit-il,
que selon la détermination de la raison divine, l’Eglise du Seigneur
reçût une forme invisible, et immédiatement incorporelle
et insaisissable; mais le Seigneur a fondu sa substance avec l'Eglise,
en prenant sa forme dans son être. " D’où l’on voit clairement,
qu’avant l’incarnation de Jésus-Christ, Dieu n’habitait point, par
sa grâce, dans les hommes. C’est ce que certains hérétiques
ont prétendu à l’occasion de ce qui est dit dans le ch. VII
de l’Evangile de saint Jean: "Le Saint Esprit n’était point envoyé,
parce que Jésus n’était point encore glorifié. " Il
faut entendre ces deux phrases dans le même sens. Car on dit que
le Saint Esprit ne nous était pas encore donné, parce qu’il
ne l’était pas dans toute la plénitude avec laquelle les
Apôtres le reçurent après la résurrection de
Jésus-Christ. De même, l’Eglise n’a pu le recevoir avec la
même abondance, d’après l’ordonnance divine, qu’elle le reçut
par l’incarnation de Jésus-Christ. Parce que " la grâce et
la vérité sont venues par Jésus-Christ, " comme le
dit saint Jean, ch. I. C’est ce que dit saint Athanase dans son sermon
sur le concile de Nicée: "Il est impossible que les hommes soient
parfaits et consommés dans la sainteté, si, comme Dieu dit,
je ne prends moi-même l’homme pour le rendre parfait. " Ce qu’il
faut entendre dans le sens des paroles citées plus haut. C’est pourquoi
il dit selon la détermination divine, parce qu’il était possible
à Dieu, dans le sens de sa puissance absolue, de communiquer, autrement
que par l’incarnation de Jésus-Christ, la perfection de la grâce
divine au genre humain: mais supposé le dessein de Dieu, le genre
humain ne pouvait obtenir autrement la plénitude de la grâce.
Chapitre XVII: Comment l’essence divine
et incréée a pu être conçue et naître.
Ce que saint Athanase écrit encore
dans la lettre à Sérapion, savoir: "Que l’essence divine
incréée, a été conçue et est liée
de la sainte Vierge Marie, " pouvait être faux. Le maître des
Sentences écrit dans sa 3me Sentence, distinction 8m que " ce qui
n’est pas engendré par un père ne peut naître d’une
mère, " de peur qu’on attribue une filiation dans l’humanité,
à ce qui n’en a pas dans la Divinité. Et puisque l’essence
divine n’est pas née d’un père, on ne peut pas dire qu’elle
le soit d’une mère. Mais il faut répondre que, comme on dit
improprement que l’essence divine engendre, ou est engendrée selon
la génération éternelle, en tant que l’essence est
prise pour la personne, afin de comprendre que l’essence divine engendre,
parce que le Père qui est l’essence engendre; on dit de la même
manière, que l’essence divine est née de la Vierge Marie,
parce que le Fils de Dieu qui est l’essence divine est né de la
Vierge Marie.
Chapitre XVIII: Comment on doit entendre
que la divinité s’est faite homme.
On peut élever une difficulté
sur ces paroles de saint Athanase, dans la même Epître, que
"Dieu fait homme a rendu l’Eglise conforme à lui-même par
son Esprit. " Or, Pierre Lombard, dans le troisième livre des Sentences,
soutient qu’on ne peut pas dire que la nature di vine se soit faite chair,
comme on dit que le Verbe s’est fait chair, car on dit que le Verbe s’est
fait chair, parce qu’il s’est fait homme. On ne peut donc pas dire, que
l’essence divine ou la Divinité se soit faite homme, mais bien qu’elle
ne s’est point faite homme, en ce sens que la nature divine se soit changée
en nature humaine, qu’elle a pris la nature humaine dans une personne,
c’est-à-dire celle du Verbe. De même saint Damascène
écrit que (da nature de la Divinité s’est incarnée
dans une de ses personnes, ou bien unie à la chair. " Cependant
il est bon de savoir que le Verbe est homme et la Divinité est homme,
pour une autre raison. Car quand on dit, le Verbe est homme, cela veut
dire par infusion, parce que la personne du Verbe subsiste dans la nature
humaine. Mais lorsqu’on dit que la Divinité est homme, cela ne veut
pas dire que ce soit par information, parce que la nature humaine ne renferme
pas dans sa forme la nature divine: cela signifie par identité,
comme lorsqu’on dit: "l’essence divine est Père, l’essence divine
est Fils, " l’homme est pris pour la personne du Fils, comme quand on dit:
Dieu est homme: et par la même preuve, lorsqu’on dit, Dieu s’est
fait homme, parce qu’il a commencé à être la personne
incarnée du Fils, ce qui veut signifier seulement sa qualité
d’homme, parce qu’il n’a pas commencé à être la personne
du Fils. Car Dieu a toujours été Fils et il n’a pas été
toujours homme.
Chapitre XIX: Comment le Fils de Dieu a
pris la nature humaine dans son essence.
Il s’élève un doute sur
ces mots de saint Athanase dans son troisième sermon sur le concile
de Nicée, en parlant du Fils de Dieu: "Il a pris en lui-même,
c’est-à-dire dans son essence, notre nature humaine." Comme cet
abaissement du Fils de Dieu a pour terme l’union avec nous, de même
que cette union ne s’est pas faite dans la nature mais dans la personne,
de même la nature humaine n’a pas été prise dans l’essence
du Fils de Dieu. Il faut donc dire que cette expression est impropre, et
qu’on doit l’entendre ainsi. Il a pris notre nature en lui-même,
c’est-à-dire afin qu’elle fi unie à sa nature dans une personne.
Chapitre XX: Ce qu’il faut entendre lorsque
l’on dit, que l’homme a été pris.
Saint Athanase dit encore dans le même
discours, en parlant de la personne du Fils, que l’homme a été
pris: "J’ai donné aux hommes, à la place de l’humanité
tout entière que j’ai prise en ma personne, l’Esprit saint complet
et parfait. " Et dans son Epître à Sérapion: "La communion
de l’essence divine vient du Père par le Fils dans le Saint Esprit,
par opération divine, et Dieu fait homme qui a été
revêtu par le même Fils de Dieu. " Mais il faut savoir que
ne prenant rien pat’ lui-même, il y a une parfaite différence
entre celui qui prend et celui qui est revêtu, entre celui qui reçoit
et celui qui est reçu. Si donc on dit que l’homme est pris par le
Fils de Dieu, il faut nécessairement que ce qu’on entend par le
nom d’homme, soit différent de celui qu’on appelle Fils de Dieu.
Sous le nom d'homme on peut supposer ou une personne humaine complète,
ou quelque suppôt d’homme qui n’a pas les attributs de la personne.
Si on dit que le Fils de Dieu a pris l’humanité dans tout ce qui
constitue une personne humaine, il s’ensuit que la personne divine a pris
une personne humaine, et alors il y aura deux personnes dans le Christ,
ce qui est l’hérésie de Nestorius. Aussi, saint Augustin
dit-il, dans son Traité de la Foi à Pierre, que " Dieu le
Verbe n’a pas pris la personne de l’homme, mais la nature. " Quelques-uns,
pour éviter cette erreur, ont dit qu’en avançant que l’homme
a été pris par le Verbe, par le mot homme, on entend un suppôt
de la nature humaine, qui est un homme en particulier, mais n’est pas une
personne humaine: parce qu’il n’est pas un être séparé
et existant en lui-même, mais bien quelque chose d’uni à un
être plus élevé que lui, c’est-à-dire au Fils
de Dieu. Et parce que ce suppôt qu’on dit avoir été
ajouté à l’homme, à cause de ces expressions, l’homme
a été pris par un autre suppôt que celui du Fils de
Dieu, on conclut qu’il y a deux suppôts dans le Christ, mais non
deux personnes. Mais, dans ce cas, il suit que cette proposition est fausse:
"le Fils de Dieu est homme. " Car il est impossible que deux êtres,
dont l’un diffère du suppôt de l’autre, puissent être
une et même chose. Aussi pense-t-on communément, qu’on ne
comprend qu’un seul suppôt sous le nom d’homme et sous le nom de
Fils de Dieu. D’où il suit que cette proposition est fausse ou inexacte,
l’homme a été pris, et qu’elle doit être entendue en
ce sens, le Fils de Dieu a pris l’homme, c’est-à-dire la nature
humaine.
Chapitre XXI: Comment Dieu a fait que l’homme
soit Dieu.
II faut expliquer ce que dit saint Athanase
dans cette même Epître: "Afin de ramener l’homme à lui,
le Fils de Dieu en prenant l’homme dans son hypostase, en le déifiant,
l’a fait Dieu. " Et dans son troisième sermon du concile de Nicée:
"Il est impossible qu’ils soient consommés en un, si je ne prends
l’homme parfait et divinisé, et si je ne le fais Dieu avec moi.
" D’où l’on doit comprendre que cette pro position est vraie, l’homme
a été fait Dieu. Mais il faut savoir que, selon cette opinion
qui admet deux suppôts dans le Christ, ces deux propositions sont
vraies, l’homme est fait Dieu, et Dieu est fait homme. Car, selon ceux
qui disent: Dieu est fait homme, le suppôt de la nature divine est
uni au suppôt de la nature humaine. Et, au contraire, lorsqu’on dit
L’homme est fait Dieu, on doit entendre: Le suppôt de la nature humaine
est uni au Fils de Dieu. Mais en admettant que dans le Fils de Dieu il
n’y a qu’un seul suppôt, cette proposition est vraie et exacte: Dieu
s’est fait homme, parce que celui qui a été Dieu de toute
éternité, a commencé à être homme dans
le temps. Tandis que celle- ci, l’homme a été fait Dieu,
n’est pas rigoureusement vraie, parce que le suppôt éternel
qui est mis sous le nom d’homme, a été toujours Dieu aussi
faut-il dire: L’homme a été fait Dieu, c’est-à-dire,
il a été fait que l’homme soit Dieu.
Chapitre XXII: Comment l’image de notre
premier père a été effacée par le Christ.
Ces paroles que saint Athanase, dans la
même Epître, met dans la bouche du Christ, ne sont pas sans
obscurité. " Après la résurrection l’image du premier
père a été effacée en moi et abolie par le
trophée de la croix; et déjà immortel moi-même,
je vous adopte comme Fils de mon Père. " Or, on peut avoir l’image
de notre premier père de trois manières différentes.
D’abord, quant à la ressemblance de nature, comme il est dit dans
la Genèse, chap. V: "Adam vécut cent trente ans et engendra
un fils à son image et ressemblance. " Secondement, quant à
la faute, comme dans saint Paul aux Corinthiens, chap. XV: "Comme nous
avons porté l’image de l’homme terrestre, portons celle de l’homme
céleste. " Troisièmement, selon le châtiment, selon
le prophète Zacharie, chap. XIII: "Je suis un homme qui cultive
la terre, parce que Adam a été mon modèle, dès
mon enfance. " Le Christ a donc pris la première image d’Adam avec
notre nature, et ne l’a jamais déposée; il n’a jamais eu
la seconde; il a pris, il est vrai, la troisième, mais il l’a déposée
dans sa résurrection, et c’est de celle-là que parle saint
Athanase.
Chapitre XXIII: Comment la créature
ne peut pas coopérer avec le créateur.
Ce que saint Athanase écrit dans
son troisième sermon du Concile de Nicée, semble être
faux, " qu’ils nous apprennent comment la créature coopère
avec le créateur. " Ce qui semble être contredit par ce qu’on
dit des saints, " qu’ils sont les aides et les coopérateurs de Dieu,
" selon l’Apôtre. Mais on peut dire qu’une chose coopère avec
une autre de deux manières. La première, en travaillant au
même but, mais par un autre moyen, comme le serviteur avec son maître,
en obéissant à ses ordres, et comme l’instrument entre les
mains de l’ouvrier. D’une autre façon, en tant que faisant la même
oeuvre avec lui, comme font deux hommes qui portent ensemble un fardeau,
ou plusieurs qui remorquent un navire. On peut dire que la créature
coopère avec le créateur, de la première manière,
par rapport à quelques effets qui sont produits par le moyen de
la créature, mais non quant à ceux qui appartiennent immédiatement
à Dieu, comme la création et la sanctification. Mais selon
la seconde manière, la créature ne coopère pas avec
le créateur, mais seulement les trois personnes divines coopèrent
ensemble: parce que leur opération est une, non pas de cette façon
que chacune y emploie sa part de puissance comme nécessaire au complément
de l’opération, comme il arrive pour ceux qui tirent une barque,
mais de telle sorte que chacune des trois personnes divines a une puissance
suffisante pour le complément de l’oeuvre.
Chapitre XXIV: Comment la créature
n’est pas propre au créateur.
Ce que saint Basile avance contre les
Ariens, savoir: que la créature n’est pas propre au Créateur,
est en opposition avec ce que dit saint Jean, au chapitre premier de son
Evangile: "Il est venu dans ce qui lui appartenait, et les siens ne l’ont
pas reçu. " Mais saint Grégoire a résolu cette difficulté
dans une de ses homélies, en disant que " la créature appartient
à Dieu selon sa puissance, mais lui est étrangère
selon la nature, comme étant d’une autre nature que celle de Dieu.
Chapitre XXV: Comment il faut comprendre
qu’il n’a ni second ni troisième quant à la nature.
Saint l3asile semble élever une
difficulté, dans son traité contre Eunomius, par ces paroles:
"Nous disons qu’il y a, parmi les anges, des chefs et des sujets par nature
; cependant, nous ne les classons pas en différents ordres. " Ce
qui fait voir que Dieu les a tous créés égaux, par
nature, comme le dit Origène. Mais nous disons, nous, que comme
ils diffèrent dans les dons de la grâce, de même diffèrent-ils
dans les qualités naturelles. D’accord avec saint Basile, il faut
dire qu’il n’y a point d’ordre et de rang parmi les anges, quant à
la nature, en ce sens que celle de l’un est plus parfaite que celle de
l’autre, parce que tous ont la même nature de genre, quoiqu’ils n’aient
pas la même nature d’espèce.
Chapitre XXVI : Comment, d’après
les paroles de saint Paul, le Séraphim acquiert.
De même, il faut dire que ce que
saint Cyrille soutient dans son livre des Trésors, parait obscur,
à savoir: que "non seulement la raison humaine apprend de nouvelles
vérités, mais encore qu& les mystères du coeur
du Père céleste sont révélés aux intelligences
célestes. " D’où il faut conclure que les hommes révèlent
aux anges, même les plus sublimes, des vérités qui
leur étaient inconnues. Cette assertion s’appuie sur ces paroles
de saint Paul aux Ephésiens, chap. III: "Il m’a été
donné à moi, le dernier des élus, cette grâce
singulière d’évangéliser aux Gentils les richesses
mystérieuses de Jésus - Christ, afin que la sagesse infinie
de Dieu soit connue, par le ministère de l’Eglise, aux principautés
et aux puissances du ciel. " Mais saint Denis enseigne le contraire, au
quatrième chapitre de la Hiérarchie des anges, en prouvant
que "les anges ont eu avant les hommes la connaissance des choses divines.
" Dans le septième chapitre de ce même ouvrage, il dit que
" les Séraphins sont instruits immédiatement de Dieu lui-même."
Saint Augustin, dans son commentaire sur la Genèse ad litteram,
écrit que " les anges n’ont jamais ignoré le mystère
du royaume des cieux, qui nous a été révélé
en temps opportun pour notre salut. " C’est pourquoi il faut dire que,
comme la prescience est un attribut de Dieu seul et non des anges, malgré
qu’ils aient connu le mystère de notre rédemption depuis
des siècles, comme le dit saint Augustin, ils ont ignoré
cependant quelques circonstances de ce bienfait divin; mais une fois accomplies,
ils en ont eu connaissance, comme des différents événements
qui ont lieu actuellement, Il ne faut donc pas entendre que nos saints
mystères ont été révélés aux
anges par l’enseignement de saint Paul, mais que, par sa prédication
et celle des autres apôtres, la connaissance qu’ils en avaient alors
a été complétée, et ce qui devait arriver ensuite
leur était révélé. Et c’est ce que veulent
dire les paroles de l’Apôtre: "que les intelligences angéliques
n’avaient pas parfaitement compris ce divin mystère, jusqu’à
la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, et la prédication
des Apôtres aux Gentils."
.
Chapitre XXVII: Comment on doit entendre
que le souffle de Dieu sur le visage de l’homme n’est pas l’ame raisonnable,
mais l’effusion du Saint-Esprit.
Les paroles de saint Cyrille sur la Genèse,
chap. II, que " Dieu ré pandit sur la face de l’homme un souffle
de vie, afin que l’homme de vînt une âme vivante, " ont besoin
d’explication. Nous n’appelons point âme, ce souffle de vie. S’il
en était ainsi, l’âme serait immuable et ne pécherait
point, parce qu’elle serait de l’essence même de Dieu: mais Moïse
dit que Dieu a donné dès le principe l’effusion du Saint
Esprit à l’âme " humaine, ce qui va contre l’exposition de
saint Augustin, qui dit que ce souffle de vie est l’âme humaine,
et il démontre que, pour cela, elle n’est pas de l’essence divine.
Ce qui est une expression figurée, comme si l’on disait qu’elle
n’a pas été inspirée matérielle ment, mais
qu’il a fait de rien l’esprit, c’est-à-dire l’âme. Et ce qui
est plus fort, c’est que cette explication semble répugner aux paroles
de saint Paul, qui dit dans sa première Epître aux Corinthiens,
chap. XV: "Le premier Adam a été créé âme
vivante, le second esprit vivifiant: mais d’abord, non ce qui est spirituel,
mais corporel. " Et il dit expressément, que cette vie de l’âme
est différente de la vie que donne le Saint Esprit. D’où
il suit que ce souffle, qui fit l’homme âme vivante, ne peut être
entendu de la grâce de l’Esprit saint. Ainsi on doit entendre que
cette explication de saint Cyrille n’est point littérale, mais allégorique.
Chapitre XXVIII: Comment on doit entendre
que celui qui a blasphémé une fois ne peut plus s’empêcher
de blasphémer.
Saint Athanase avance, dans sa lettre
à Sérapion, une parole qui est contraire au libre arbitre
de l’homme, en soutenant que les Ariens qui ont blasphémé
non pas une fois seulement, mais plusieurs fois, ne peuvent s’empêcher
de blasphémer. Impossible veut dire ici très difficile, à
cause de la coutume qui est très malaisée à surmonter,
comme l’expose saint Jérôme, au chap. XIII: "Si l’Ethiopien
peut changer de couleur et le léopard les taches de son pelage,
de même vous pourrez faire le bien, lorsque vous serez accoutumés
à mal faire."
Chapitre XXIX: Comment la foi ne peut être
annoncée.
On doit entendre contre les paroles de
saint Jean Chrysostome, dans son sermon sur la foi, que "la foi ne peut
être annoncée," que la foi ne peut être parfaitement
expliquée par l’enseignement.
Chapitre XXX: De quelle manière
la foi ne peut pas nous être donnée par les anges.
Il y a en effet une contradiction dans
ces paroles de saint Athanase, que la foi ne nous est point donnée
par les anges, ni par les signes et les miracles, avec celles de saint
Paul, dans sa seconde Epître aux hébreux; que " la foi est
annoncée, Dieu l’appuyant par des prodiges et des miracles. " Ceci
doit s’entendre en ce sens que notre foi ne tire son autorité ni
des anges ni des miracles faits à son appui, mais de la révélation
du Père faite par le Fils et le Saint Esprit, quoique les auges
aient révélé quelques dogmes de notre foi à
quelques saints personnages, comme à Zacharie, à la sainte
Vierge Marie et même à saint Joseph, et bien que plusieurs
miracles aient été faits pour la confirmer.
Chapitre XXXI: Comment la lettre même
du nouveau Testament tue.
Il faut expliquer cette phrase de saint
Athanase: "Cette lettre tue. J’ai été créée
dès le commencement, et avant les siècles... ;" et il appuie
ces paroles de plusieurs témoignages de l’ancien et du nouveau Testament.
La lettre du nouveau Testament ne peut être une lettre mortelle,
car elle ne différerait pas de celle de l’ancienne loi, de la quelle
saint Paul écrit, deuxième Epître aux Corinthiens,
chap. III, que " la lettre tue." Mais il faut dire que, ni la lettre du
nouveau Testament ni celle de l’ancien, ne tue que par circonstance. Quelques
auteurs l’entendent de deux manières. La première, parce
que quelques hérétiques ont pris une occasion d’erreur de
la sainte Ecriture même et ceci peut se dire tant de l’ancien que
du nouveau Testament. Ce qui fait dire à saint Pierre, dans le dernier
chapitre de sa lettre Canonique, " qu’il y a dans les Epîtres de
saint Paul, des choses difficiles à comprendre, que les hommes ignorants
et légers détournent de leur vrai sens, comme les autres
Ecritures, pour leur damnation. " La seconde, parce qu’on prend occasion
de mal faire, des préceptes contenus dans la sainte Ecriture, puisqu’il
arrive, par l’effet de la corruption de notre nature, que nous désirons
avec passion ce qui nous est défendu, et que nous sommes privés
de la grâce actuelle: ainsi la lettre de l’ancien Testament est appelée
mortelle, mais non celle du nouveau.
Chapitre XXXII: Comment, dans la seule
décision du concile de Nicée, les fidèles possèdent
la vraie el unique exposition de la foi.
On peut s’élever contre cette assertion
de saint Athanase, dans la même Epître, " que la seule définition
des Pères du concile de Nicée, dans le sens de l’Esprit et
non de la lettre, appartient véritablement et uniquement aux fidèles
orthodoxes. " Car on pourrait induire de là que la décision
du concile de Nicée a plus d’autorité que le texte de l’ancien
et du nouveau Testament, ce qui est tout à fait faux. Mais on doit
entendre que le concile donne le vrai sens de l’Ecriture sainte, que seuls
possèdent les catholiques, malgré que la lettre de l’Ecriture
sainte soit commune aux catholiques, aux hérétiques et aux
juifs.
Après cet exposé, il faut
démontrer comment la vraie foi est prouvée et défendue
contre l’erreur, par les autorités citées dans ce livre.
Il faut considérer, en effet, que le Fils de Dieu est venu pour
détruire les oeuvres du démon, comme le dit saint Jean au
chap. premier de sa première Epître et vice versa, " comment
le démon a mis et met encore toute a puissance, pour détruire
l’oeuvre de Jésus- Christ: ce qu’il a essayé de faire d’abord
par les tyrans qui ont mis à mort les ministres du Sauveur, et ensuite
par les hérétiques qui ont tué les âmes d’un
grand nombre. " D’où il suit que si l’on con sidère attentivement
les erreurs des hérétiques, on voit qu’elles tendent principalement
à diminuer la dignité de Notre Seigneur. Car Arius a affaibli
sa dignité, en niant qu’il. fût coessentiel avec Dieu le Père,
en le faisant une simple créature. Macédonius en a fait autant,
en affirmant que le Saint Esprit a été créé,
ôtant par-là au Fils le pouvoir de faire procéder de
lui cette divine personne. Manès y a dérogé, parce
qu’il a nié que le Fils a tout créé, en soutenant
que toutes les choses visibles ont été faites par un mauvais
principe. Nestorius ôte au Christ ses attributs, en soutenant que
la personne du Fils de l’homme n’est pas celle du Fils de Dieu, et que
le Christ n’est pas une seule et même personne. De même Eutichès,
qui, en voulant faire une seule nature dans l’incarnation de Jésus-Christ,
de la nature divine et de la nature humaine, a détruit l’une et
l’autre. Car ce qui est composé de deux éléments,
ne garde la nature ni de l’un ni de l’autre. De même, Pelage qui,
en voulant que la grâce ne nous fût point nécessaire
pour obtenir le salut, a renié l’utilité de l’incarnation
du Fils de Dieu. Car "la grâce et la vérité nous ont
été données par Jésus-Christ," dit saint Jean,
dans le premier chapitre de son Evangile. Jovinien a également insulté
au Christ, en égalant les vierges à ceux qui sont- engagés
dans le mariage, et n’a pas assez honoré le Christ, pour l’honneur
duquel nous reconnaissons qu’il a eu une vierge pour mère. Vigilantius
est aussi coupable de cette faute, lequel, en combattant la pauvreté
acceptée pour l’amour de Jésus-Christ, nie la perfection
que le divin Maître a enseignée et pratiquée. C’est
donc avec raison que saint Jean dit dans le quatrième chapitre de
sa première Epître: "Tout esprit qui nie Jésus-Christ,
ne vient pas de Dieu, il est un antéchrist. "Et même de notre
temps, on dit qu’il y a des hommes qui essaient de détruire le Christ,
en s’efforçant, autant qu’il est en eux, de diminuer sa dignité.
Ils la diminuent en effet, en niant que le Saint Esprit procède
du Fils, car il l’inspire aussi bien que le Père. Ils détruisent
aussi ouvertement l’unité de son corps mystique, en niant qu’il
n’y a qu’un seul chef de l’Eglise, c’est-à-dire l’Eglise romaine.
Car il ne peut y avoir un seul corps, s’il n’y a point une seule tète:
ni une seule réunion de fidèles, s’il n’y a un seul maître.
Ce qui a fait dire à saint Jean, chap. X, "il n’y aura qu’un seul
troupeau et un seul Pasteur. " Et lorsqu’ils soutiennent que le sacrement
de l’autel ne peut être fait avec du pain sans levain, ils contredisent
manifestement à Jésus- Christ, qui, au rapport des Evangélistes,
institua ce sacrement, le premier jour des azymes, alors que, d’après
la loi, il ne devait y avoir rien de fermenté dans les maisons des
Juifs. Ils semblent aussi insulter à la pureté du corps sacramentel
de Jésus-Christ, à laquelle l’Apôtre, dans sa première
Epître aux Corinthiens, chap. I, exhorte les fidèles de participer,
en disant qu’il " ne faut point se nourrir du levain de méchanceté
et d’iniquité, mais des azymes de la sincérité et
de la vérité. " Ils affaiblissent encore la puissance de
ce sacrement, qui est offert ordinairement dans l’Eglise pour les vivants
et pour les morts, en soutenant qu’il n’y a point de purgatoire; car, s’il
en était ainsi, ce sacre mer ne servirait de rien aux défunts.
Car il est inutile à ceux qui sont dans l’enfer, où il n’y
a point de rédemption, ni à ceux qui t dans la gloire, qui
n’ont nullement besoin de nos suffrages. Je montrerai donc, en peu de mots,
comment ces erreurs sont combattues, par les autorités que je viens
de citer, en commençant d’abord par la procession du Saint-Esprit.
Le Saint Esprit est l’Esprit du Fils.
Pour montrer que le Saint Esprit procède du Père et du Fils,
il faut remarquer d’abord ce que les hérétiques ne peuvent
nier, puisque cette vérité repose sur le texte même
de la sainte Ecriture, que " le Saint Esprit est l’Esprit du Fils. " Saint
Paul dit dans son Epître aux Galates, chap. IV: "Parce que vous êtes
les enfants de Dieu, il a envoyé l’Es prit de son Fils, qui crie
dans vos coeurs, Abba, Père. " Et aux Romains, chap. VIII: "Si quelqu’un
n’a pas l’Esprit de Jésus-Christ, il ne lui appartient pas. Et dans
le seizième chapitre des Actes des Apôtres: "Lorsqu’ils furent
arrivés en Mysie, ils avaient l’intention d’aller en Bithynie, mais
l’Esprit de Jésus - Christ ne le leur permit pas. " On lit aussi
dans la première aux Corinthiens, chap. Il: "Nous avons le sens
de Jésus-Christ; " ce qu’il faut entendre de l’Esprit saint, comme
le prouve ce que dit saint Paul, précédemment. Saint Jean
appelle aussi le Saint Esprit, l’Esprit de vérité, dans le
chap. XV: "Lorsque le Paraclet que je vous enverrai de mon Père,
qui est l’Esprit de vérité, sera venu. Il l’appelle encore
(Rom., VIII) l’Esprit de vie. La loi est l’Esprit de vie dans Jésus-Christ.
" Et le Fils dit aussi de lui (saint Jean, XIV): "Je suis la voie, la vérité
et la vie. D’où les docteurs des Grecs en concluent qu’il est l’Esprit
de Jésus - Christ. Ce qu’ils appuient étalement sur les paroles
du Psalmiste: "Les cieux ont été faits par le Verbe de Dieu,
et toute leur beauté vient du souffle de sa bouche. " Car la bouche
du Père est appelée le Fils, aussi bien que Verbe. Mais,
dans la crainte qu’on ne puisse dire que le Saint qui procède du
Père, diffère de celui qui vient du Fils, on prouve par les
saintes Ecritures qu’il est le même Esprit, procédant du Père
et du Fils. Car saint Jean dit, chap. XV, qu’il est aussi " l’Esprit de
vérité qui procède du Père. " Et saint Paul,
dans son Epître aux Romains, chap. VIII, après ces paroles:
"Si l’Esprit de Dieu habite en vous, " ajoute aussitôt, pour prouver
qu’il est l’Esprit du Père et du Fils
" Celui qui n’a pas l’Esprit de Jésus-Christ.
" Aussi saint Basile, citant ces paroles de saint Paul, écrit-il
contre Eunomius: "Voilà donc qu’il a vu (saint Paul) un seul Esprit
dans le Père et dans le Fils, Esprit du Père et du Fils.
" Et Théodoret, expliquant ces paroles de saint Paul aux Romains,
dit également: "L’Esprit saint est commun au Père et au Fils.
" Il faut donc examiner comment l’Esprit saint est l’Esprit du Fils, ou
de Jésus-Christ. On peut dire d’abord qu’il est l’Esprit de Jésus-Christ,
comme habitant selon toute sa plénitude dans l’Homme- Christ, selon
ce texte de saint Luc, chap. IV: "Jésus rempli de l’Esprit saint,
de la plénitude duquel nous avons tous reçu, sortit du Jourdain,"
comme dit saint Jean, chap. I. Mais cette réponse est insuffisante,
comme n’appuyant que sur cette raison, pour donner au Saint Esprit le titre
d’Esprit du Christ. Car les docteurs grecs prétendent que l’Es prit
saint est l’Esprit naturel du Fils. Saint Athanase dit, en effet, dans
son troisième sermon du concile de Nicée: "Comme notre nature
vit en Jésus-Christ d’une manière divine, et qu’il règne
en elle; de même sommes-nous dans son Esprit essentiel, et nous y
vivons et y régnons. " De même dans son Epître à
Sérapion: "Vous avez reçu l’Esprit d’adoption, c’est-à-dire
l’Esprit naturel de la nature du Fils naturel de Dieu. " Saint Cyrille
dit dans son commentaire de saint Jean: "Le Fils existe dans son propre
Père, ayant en lui-même le principe qui l’a engendré.
Et ainsi l’Esprit du Père paraît être et est en réalité
et en nature l’Esprit du Fils. Mais le Saint Esprit n’est pas naturel au
Christ selon l’humanité, parce qu’il n’a pas la nature humaine.
Mais il est répandu gratuitement de Dieu dans la nature de l’humanité.
On ne peut donc pas l’appeler l’Esprit du Fils, parce qu’il a comblé
de l’excellence de ses dons Notre Seigneur Jésus-Christ, selon son
humanité. Saint Athanase dit aussi dans son Sermon sur l’incarnation
du Verbe, que " le Christ, en tant que Fils de Dieu, envoyait d’en haut
son Esprit saint, et, qu’en tant qu’homme, il le recevait sur la terre.
" Il y a donc en lui à la fois son humanité et sa divinité,
qui viennent l’une et l’autre de lui. Le Saint Esprit n’est donc pas seule
ment l’Esprit de Jésus-Christ, parce qu’il a rempli son humanité,
mais bien plus parce qu’il est de la même nature divine. On dira
peut-être que l’Esprit saint vient du Fils en tant que Dieu, comme
ayant été donné et envoyé du Fils, mais non
pas comme existant personnellement et éternellement avec le Fils.
Or, cela ne peut se soutenir. Car saint Cyrille écrit, dans son
commentaire sur saint Jean: "Le Saint Esprit est le propre Esprit de Dieu
le Père, mais il ne l’est pas moins de Dieu le Fils, non comme tic
nature différente, étant un autre Esprit." Il dit aussi dans
son Exhortation à l’empereur Théodose: "Le Saint Esprit,
comme il appartient au Père, duquel il procède, appartient
aussi au Fils en toute vérité. " Or, s’il vient du Père,
non seulement parce que c’est lui qui le donne et l’envoie dans le temps,
mais encore parce qu’il existe avec lui de toute éternité;
par la même raison, il procédera du Fils, comme lui étant
coéternel. Saint Cyrille dit encore dans son commentaire sur saint
Jean: "Le Saint Esprit est, dans toute la force de la vérité,
de l’essence du Fils. " Il tient donc au Fils, comme ayant son essence
du Fils. Il est donc évident, que dès lors qu’on avoue que
le Saint Esprit est l’Esprit du Christ, il s’ensuit nécessairement
qu’on doit dire qu’il est coéternel au Fils.
Le Fils envoie le Saint-Esprit.
Il est prouvé par la sainte Ecriture
que le Fils envoie le Saint Esprit. On lit, en effet, dans saint Jean,
XV: "Lorsque le Paraclet que je vous enverrai sera venu, etc., etc. ; "
et au chap. XVI: "Si je ne m’en vais, le Paraclet ne viendra pas vers vous,
et si je m’en vais, je vous l’en verrai. " Il est également prouvé
par la sainte Ecriture que le Père envoie le Saint Esprit. Saint
Jean dit au chap. XIV: "Je prierai mon Père, et il vous enverra
un autre Paraclet. " Mais ce qui prouve que le Fils donne le même
Esprit saint, ce sont ces paroles .de saint Jean, au chap. XX, que " après
la résurrection, le Seigneur souffla sur ses Apôtres et leur
dit: Recevez le Saint Esprit. " Ce que saint Athanase confesse dans soit
sermon du concile de Nicée, en parlant de la personne du Fils: "Comment
seront-ils consommés, si je ne consomme votre Verbe, c’est-à-dire,
si je ne prends l’homme parfait et si je ne le perfectionne en moi, et
si je ne leur donne le Saint Esprit, égal à moi en tout et
coopérant avec moi? " Et dans son Epître à Sérapion:
"O prêtre saint, je crois que vous avez reçu le Saint Esprit
qui vient du Fils. " Il ajoute encore dans la même Epître:
"Tel est l’ordre de la nature divine du Père et du Fils, que celui
qui ne procède point d’eux, n’est envoyé par aucun d’eux;
et celui qui procède d’un autre, ne vient pas en son nom propre,
mais au nom de celui de qui il procède. " Ainsi le Saint Esprit,
qui n’est pas par sa propre nature, n’a pas dû venir de lui-même,
mais au nom de celui par qui il existe et de qui il procède, ce
qui fait que sa personne est Dieu, comme le Fils le dit de lui. " L’Esprit
saint, Paraclet, que mon Père enverra eu mon nom. " Il s’ensuit
donc de ce que le Saint Esprit est envoyé par le Fils, qu’il est
coéternel au Fils et qu’il tient de lui sa nature qui le fait Dieu.
De même Nicétas dit dans son commentaire sur saint Jean "
Le Père n’envoie pas le Saint Esprit en vertu d’un droit que le
Fils ne l’envoie pas, et le Fils ne l’envoie pas en vertu d’un titre que
le Père ne possède point. " Il est donc évident que
le Père et le Fils envoient le Saint- Esprit par le même droit
et au même titre. Si donc le Père envoie le Saint Esprit comme
existant éternellement avec lui, de même le Fils l’enverra
parce qu’il est coéternel avec lui. Saint Athanase dit, en parlant
de la personne du Fils, dans son sermon sur le concile de Nicée:
"Comme vous m’avez engendré, Dieu parfait, et que vous m’avez fait
prendre l’homme complet, de même, donnez-leur l’Esprit parfait qui
est de vous et de ma propre essence. " Il dit encore dans son Epître
à Sérapion: "Comme notre nature qu’il a prise de nous unie
au Fils de Dieu reste en lui, de même il reste en nous par son Esprit
qui lui est coessentiel, qu’il inspire essentiellement de sa propre essence,
et il nous le donne. " Et dans son sermon sur l’Incarnation du Verbe, il
écrit que " le Saint - Esprit fut donné aux disciples du
Sauveur, de la plénitude de la Divinité. " Et Nicétas,
dans son commentaire sur sain t Jean: "Le Fils donne de lui le Saint Esprit,
comme le Père. " On conclut donc de tout ceci, que l’ait doit dire
que: non seulement le Saint Esprit est donné ou envoyé par
le Fils, en tant que le don de la grâce par lequel le Saint Esprit
habite en nous, vient du Fils, mais en tant que le Saint Esprit vient du
Fils. Il est impossible, en effet, qu’un don déjà grâce,
étant quelque chose de créé, soit de l’essence du
Fils mais le Saint Esprit étant coessentiel au Fils, peut être
donné et envoyé par lui. De même, personne ne peut
donner ce qui n’est pas à soi: donc le Saint Esprit est donné
par celui de qui il pro cède, comme on le voit dans le chap. IV
d la première Epître de saint Jean " Nous connaissons que
nous restons en lui, et lui en nous, parce qu’il nous a donné de
son Esprit. " Si donc le Fils donne ou en voie le Saint Esprit, il faut
qu’il soit son Esprit. Or, de ce qu’il est de lui, il s’ensuit qu’il est
éternellement de lui, comme nous l’avons prouvé. Donc, de
ce que le Fils envoie ou donne le Saint - Esprit, il s’ensuit également
qu’il lui est coéternel.
Le Saint Esprit reçoit du Fils
lui-même ce par quoi il tient lui.
Les saintes Ecritures prouvent enfin que
Te Saint Esprit reçoit du Fils, ce par quoi il tient à lui.
Car saint Jean dit au chap. XVI, il me glorifiera, parce qu’il recevra
de moi, et il vous l’annoncera. Mais on peut dire: de ce que le Saint Esprit
reçoive du Fils, il ne s’ensuit pas qu’il le reçoive directement
de lui. Il reçoit, en effet, l’essence du Père, par le Père
lui-même, qui est bien l’essence du Fils. Et partant, le Fils dit:
"il recevra de moi, " CC qui semble être insinué par les paroles
du Sauveur, qui viennent ensuite; car il ajoute, comme en expliquant sa
nature divine: Tout ce que possède mon Père, est aussi à
moi: c’est pourquoi je vous ait dit: il recevra de moi. " Mais on (Tait
conclure nécessairement de cette explication du Seigneur, que le
Saint Esprit reçoit du Fils. Car si tout ce qui est de la nature
du Père est aussi de celle du Fils, il faut que l’autorité
du Père, d’après laquelle il est le principe du Saint Esprit,
soit aussi l’autorité du Fils. De même donc que le Saint-
Esprit reçoit du Père ce par quoi il vient du Père;
de même ii reçoit du Fils ce qui fait qu’il procède
du Fils. C'est ce que dit saint Athanase dans son Epître à
Sérapion: "Jésus-Christ a affirmé, en enseignant à
ses Apôtres et à son épouse la sainte Eglise, que le
Saint -Esprit partage son essence divine et est essentiellement Dieu par
lui-même, en disant il recevra de moi, c’est-à-dire, il a
de moi sa divinité, c’est-à-dire de mon essence, qu’il soit
Dieu, aussi il a de moi l’être et la parole. " De même, saint
Athanase dans le sermon sur le concile de Nicée: "Tout ce qu’a le
Saint Esprit, il le tient du Verbe de Dieu." Et dans son Epître à
Sérapion: "Le Saint Esprit est coessentiel au Fils, duquel il tient
tout ce qu’il n. " Et encore dans la même Epître, le Fils dit:
"Celui-ci, c’est-à-dire le Saint Esprit, me glorifiera, c’est-à-dire
il glorifiera en soi, ma divinité, puisqu’il l’a reçue de
moi, et montrera que je suis un Dieu plein de gloire et de majesté:
comme je glorifie mon Père, c’est-à-dire, comme j’ai en moi
la divinité que j’ai reçue de lui. " Et saint Basile, écrivant
contre Eunomius, dit: "Les dénominations sous lesquelles on désigne
le Père passent au Fils, en sorte qu est appelé Dieu le Fils
du nom de Dieu le Père, Seigneur du Père Seigneur, Tout Puissant
du Père tout-puissant, sagesse du Père infiniment sage, Verbe
de celui qui a la parole souveraine, vertu de la vertu même, le véritable
Fils a en soi tous les noms du Père. De même le Saint Esprit
est Dieu et Seigneur, tout puissant, sage, vertu, le prenant naturellement,
il a du Seigneur Dieu Père et Fils tout ce qu’il est en lui-même
et est donné ou envoyé. " Il est donc prouvé par tout
ce qui fait que le Fils a la divinité, et tout ce qu’il tient du
Père, qu’il est coéternel au Père: Donc le Saint Esprit
a reçu éternellement du Père et du Fils la divinité
et tout ce qu’il est.
Le Fils opère par le Saint-Esprit.
Les saintes Ecritures démontrent
que le Fils opère dans le Saint- Esprit, ou par le Saint Esprit.
L’Apôtre dit en effet, au chap. XV de son Epître aux Romains:
"Car je n’ose rien dire de ce que Jésus Christ a fait par moi pour
la conversion des Gentils, en paroles et en oeuvres, par la vertu des miracles
et des prodiges, dans la puissance du Saint Esprit. " Et dans sa première
aux Corinthiens, chap. li " Dieu nous a révélé par
son Esprit: "or il est l’Esprit du Père et du Fils. Le Père
et le Fils opèrent donc en révélant par le Saint Esprit.
C’est ce qui fait dire à saint Athanase dans son Epître à
Sérapion: "Le Fils de Dieu en nous prévenant de ses misères,
en nous fortifiant dans la foi par sa miséricorde, eu nous remplissant
des dons de sa grâce, en nous révélant les saintes
Ecritures, en nous remettant nos péchés et nous enrichissant
de ses sacrements, nous accorde ses dons, non dans un esprit étranger
et qui n’est pas le sien, mais plutôt dans sou propre Esprit saint.
" Saint Cyrille dit aussi dans son sermon des vérités de
Dieu, que " le Fils a en lui essentiellement le Saint- Esprit lui-même,
et envoyé de lui naturellement, par lequel il opère les divins
miracles, comme par sa propre et véritable vertu. " Or, dès
que le Fils opère par le Saint Esprit, on conclut nécessairement
que le Saint Esprit vient du Fils. Car on peut dire qu’on opère
par quelque chose de deux manières. D’abord, et la première
façon en ce que l’agent de l’action est son propre principe et la
cause efficiente de l’opération, comme on dit que le magistrat opère
par le roi; ou la cause formelle, comme un homme travaille par sou art
de son métier. D’une autre façon, en ce sens que ce par quoi
on opère est la cause productive de l’oeuvre et non la cause qui
fait mouvoir l’agent producteur, comme lorsqu’on dit que le roi opère
par le magistrat et l’artisan avec ses outils. Et alors il faut au contraire
que l’agent soit le principe de la faculté d’opérer dans
celui qui fait l’action, comme le roi pour le magistrat et l’artisan pour
l’instrument de son métier. Et lorsqu’on dit que le Fils opère
par le Saint Esprit, on ne doit pas entendre que le Saint Esprit soit le
principe d’action dans le Fils, parce que le Fils ne reçoit rien
de l’Esprit. Il reste donc que le Fils est le principe d’action dans le
Saint Esprit: or, cela ne peut être qu’en ce sens qu’il lui donne
la puissance d’opérer. Mais il ne la lui donne pas parce qu’il eu
est privé de lui-même, car il la lui donnerait comme s’il
lui manquait cette faculté, et il s’ensuivrait que le Saint Esprit
serait moindre que le Fils. Il reste donc qu’il lui a donné de toute
éternité, et la vertu d’opérer n’est autre chose dans
le Saint Esprit, que son essence même, puisque le Saint Esprit est
simple, comme le Père. Il s’ensuit donc encore que le Fils a donné
de toute éternité l’essence divine au Saint Esprit. Saint
Athanase le prouve très bien dans son Epître à Sérapion,
en disant: "Comme le Père opère par le Fils et dans le Fils
engendré de lui naturellement, et non en sens inverse; de même
le Fils opère dans le Saint Esprit engendré de lui naturelle
ment, comme par sa propre vertu et non le Saint Esprit dans le Fils."
Le Saint Esprit est l’image du Fils.
Il est prouvé par l’Ecriture sainte
que le Saint Esprit est l’image du Fils, selon le sens des docteurs grecs,
comme nous l’avons dit plus haut, qui le prouvent par ces paroles de saint
Paul aux Romains, chap. VIII: "Ceux qu’il a destinés à devenir
conformes à l’image de son Fils, " et encore dans la première
aux Corinthiens, chap. XV " Comme nous avons porté l’image de l’homme-
terrestre, portons l’image de l’homme céleste, " par image, ils
entendent l’Esprit saint, ils disent formellement " le Saint Esprit est
l’image du Fils. De là, saint Athanase, dans sa lettre à
Sérapion, dit en parlant de la personne du Fils: "Recevez mon image,
le Saint Esprit de science. " Et Grégoire de Césarée
dit: "Le Saint Esprit est l’image du Fils par fait. " Or il est constant
que l’image tire sa source de l’objet qu’elle représente. Il suit
donc de là que le Saint Esprit est l’image du Fils, que le Saint
Esprit vient du Fils. Mais on pourrait dire qu’il est l’image du Fils,
en tant qu’il est assimilé au Fils à cause de quelque opération
qui vient de lui, comme le Fils, ou bien parce qu’il vient du Père
comme le Fils: mais ceci est réfuté par les écrits
des saints Pères qui disent que le Saint Esprit est l’image naturelle
du Fils. Car le Saint Esprit ne peut être appelé l’image naturelle
du Fils, si ce n’est, en tant qu’il est semblable au Fils en nature, recevant
sa nature de Fils duquel il procède. Car il faut toujours que la
forme de l’image soit les traits de celui qu’elle représente. De
là saint Athanase dit dans sa même lettre "De même que
Dieu s’est consubstantialisé avec l’Eglise, en revêtant sa
forme, de même il l’a glorifiée surabondamment et divinement
par son image naturelle, c’est-à-dire, par le Saint- Esprit qui
participe de sa nature. " Saint Cyrille dit dans son livre des Trésors:
"Celui qui reçoit l’image naturelle du Fils, c’est-à-dire
le Saint Esprit, possède véritablement par le Saint Esprit
même, le Fils et le Père. Comment donc pourra-t-on assimiler
le Saint Esprit aux créatures, puisqu’il est la naturelle et incommutable
image du Fils de Dieu. " De même saint. Basile écrit contre
Eunomius " L’image naturelle du Fils est le souffle de son Esprit. "
Le Saint Esprit est le caractère
du Fils.
Par ces mêmes raisons, ces saints
docteurs disent que le Saint- Esprit est le caractère du Fils. Saint
Anathase dit eu effet dans l’Epître citée plus haut, que "le
Fils a imprimé l’Esprit saint comme un caractère et son image,
pour réformer l’Eglise et se la rendre conforme en la pénétrant
divinement de sa grâce. " Et saint Basile dit dans son traité
contre Arius et Sabellius: "De même que le Fils nous a conquis au
Père, par le Père même, de même le Saint Esprit
nous a acquis au Fils par la foi, imprimant en nous dans le baptême,
le caractère du Fils, duquel il procède et de qui il est
le vrai caractère et l’Esprit. " il est le cachet du Fils.
On dit encore que le Saint Esprit est
le sceau du Fils. Saint Athanase écrit, en effet, dans cette même
Epître " Le Saint Esprit est l’onction et l’empreinte de l’image
qui est en lui. Et Dieu imprime le Verbe dans son Saint Esprit comme sur
son sceau, c’est-à-dire dans l’image de sa nature, à l’Eglise,
son épouse, et la marque de son sceau, par l’impression de son image.
" Et plus bas: "Le Christ oint et con sacre de son propre Esprit l’Eglise,
son épouse, et la marque de son Esprit, qui contient son essence,
comme de son sceau. " Or, il est clair que le caractère et le sceau
appartiennent à celui qu’ils désignent. Donc il est prouvé
par les saints Pères que nous avons cités, que le Saint Esprit
vient du Fils. Et leur assertion est encore appuyée de l’autorité
des saints Livres. Saint Paul dit, en effet, dans sa première aux
Corinthiens: "Il nous a oints et nous a marqués, et a donné
à nos coeurs le sceau de l’Esprit saint. " On peut entendre ceci
du Père et du Fils, puisque l’un et l’autre donnent le Saint Esprit,
comme nous l’avons prouvé; et comme le dit saint Paul aux Ephésiens:
"Après avoir cru en lui, c’est-à-dire en Jésus-Christ,
vous avez été scellés du sceau de l’Esprit saint qui
avait été promis, qui est le gage de notre héritage.
Il procède du Père par le
Fils.
Les docteurs grecs nous enseignent que
le Saint Esprit vient du Père par le Fils. Saint Cyrille, dans son
livre des Trésors, dit: "Le Père, de sa propre main, c’est-à-dire
par sa sagesse et sa puissance, a fait de telle sorte que tout fùt
renfermé dans sou seul, vrai, vivifiant et divinisateur Esprit,
coessentiel avec lui, qu’il a inspiré essentielle ment de lui-même,
par ce même Fils qui lui est naturellement coéternel. " Et
saint Basile: "Le Fils n’est pas l’Esprit du Fils, parce qu’il vient de
Dieu, c’est - à - dire, du Père par le Fils. " Et encore
contre Eunomius " Si de ta parole et de ton intellect tu produis une pensée,
ô persécuteur de la vérité, comment peux-tu
clouter que le Père produise le Saint - Esprit, par son Fils unique
le Verbe. " Et plus "Le Fils se nomme lui-même le Verbe du Père,
et affirme que le Saint- Esprit venant de lui Verbe de Dieu, nous est donné
par le Père.
Il s’ensuit donc nécessairement
que le Saint Esprit vient du Fils. Nous avons écrit plus haut que,
quand on dit de quelqu’un qu’il opère au moyen de quelque chose,
il faut que le principe d’action soit dans celui qui agit, ou au moins
qu’il soit le principe de l’opération, en tant qu’elle tend à
sa fin. Or le Fils ne peut être le principe de l’action du Père,
parce que si le Père inspire le Saint Esprit par le Fils, il s’ensuit
que le Fils est le principe du Saint Esprit. Saint Grégoire de Nysse
le prouve également par ces paroles " Nous croyons que le Saint
Esprit vient du Père, par l’intermédiaire du Fils. " Le Saint
Esprit est dit, en effet, venir du Père par le Fils, en tant que
le Père est le principe du Fils, et le Fils le principe du Saint
Esprit.
Le Saint Esprit procède du Fils.
Il faut citer maintenant les textes des
docteurs grecs, qui prouvent expressément que le Saint Esprit vient
du Fils. D’abord saint Athanase, dans sa lettre à Sérapion,
écrit: "Le Christ a dit de son Esprit Il ne parle pas de lui-même,
mais il dit tout ce qu’il apprend, c’est-à-dire en ce sens qu’il
est un Esprit sans principe d’existence, ce qui n’appartient qu’au Père
mais surtout et particulièrement il vient du Fils, duquel il possède
ce qui le fait Dieu essentiellement avec lui, et duquel il apprend ce qu’il
dit. " Saint Basile dit ces paroles contre Arius et Sabellius " Comment
le Saint - Esprit se confond - il en nature avec le Fils, s’il diffère
du Père et du Fils? Comment peut-il, étranger qu’il est,
habiter dans ceux que Jésus-Christ a rachetés, si vous le
faites venir d’un autre que du Fils? "
Il vient en même temps du Père
et du Fils.
Dans la crainte de laisser croire que
le Saint Esprit vient d’une façon du Père, et de l’autre
du Fils, nos auteurs affirment qu’il vient également et en même
temps de l’un et de l’autre. En effet, saint Epiphane dit dans son traité
de la Trinité " Dieu, Saint Esprit vient de Dieu Père et
Fils. "
Il est coéternel avec les deux
autres personnes.
Mais si quelqu’un soutient qu’on dit que
le Saint Esprit vient du Père et du Fils, seulement comme envoyé
dans le temps par l’un et l’autre, mais non comme existant avec eux et
en eux depuis l’éternité, nous répondrons avec saint
Epiphane, tians son écrit sur les vêtements de peau d’Adam
et d’Eve: "Comme le Christ dit: L’Esprit de vérité qui procède
du Père, recevra aussi de moi. Donc le Saint Esprit procède
éternellement des deux personnes divines. " Il dit encore, dans
son sermon sur l’Incarnation du Verbe: "Comme le Père a été
toujours, le Fils a toujours été, le Saint Esprit a toujours
procédé du Père et du Fils. Donc, il est éternel
aussi bien qu’eux. "
Le Saint Esprit est une personne procédant
des deux personnes de la sainte Trinité.
Les auteurs cités prouvent que
le Saint - Esprit est une personne procédant des personnes du Père
et du Fils. Saint Athanase, dans son sermon du concile de Nicée,
dit: "Notre sainte mère l’Eglise, ici réunie, condamne les
auteurs de cette hérésie, c’est-à-dire les Ariens,
et affirme que le Saint Esprit est incréé, vrai Dieu, personne
procédant des personnes du Père et du Fils." Saint Epiphane
dit dans son traité intitulé l’Ancre: "Le Saint Esprit est
une hypostase véritable, qui ne diffère en rien de l’essence
du Père et du Fils, qui ne leur est étrangère en aucune
façon, et tirant sa nature de leur propre essence; mais une personne
distincte en soi et procédant des personnes du Père et du
Fils. " II n’est donc point du Père et du Fils, d’après le
don de la grâce, selon lequel il est donné ou envoyé,
mais à raison de sa personne. Il est donc coéternel au Père
et au Fils.
Il est de l'essence du Père et
du Fils.
Les mêmes écrivains prouvent
qu’il est de l’essence du Père et tin Fils. Saint Athanase dit encore
dans son sermon du concile de Nicée: "Tous les péchés
et tous les blasphèmes sont pardonnés dans le Saint- Esprit,
qui est, comme nous l’avons dit, de l’essence du Père et du Fils,
partageant leur puissance, créant et gouvernant tout et partout
avec eux. " Et dans sa lettre à Sérapion: "Le Christ a inspiré
le Saint- Esprit, existant coéternellement avec le Père et
lui, et partageant leur commune essence. " Et plus loin: "Le Christ nous
donne tout dans son propre Esprit, uni avec lui, comme nous l’avons dit,
dans la même nature. " Et dans la même lettre: "II n’y a qu’un
seul Fils et le Saint Esprit, Dieu avec le Père et le Fils."
Il est de la même nature que le
Fils.
Saint Cyrille le prouve ainsi: "Qui est
la vie? Le Christ, sans doute, qui dit: Je suis la voie, la vérité
et la vie; et par ces mots établit cette loi de génération
spirituelle, que le Saint Esprit est naturellement de lui et en lui, "
Tout ceci prouve que le Saint Esprit vient du Fils, non pas comme donné
et envoyé dans le temps par le Fils, mais comme procédant
de lui éternellement et recevant de lui, de toute éternité,
son essence et sa nature. On peut encore l’induire de cette façon
de parler de nos saints docteurs, qui non seulement disent que le Saint-
Esprit vient du Fils, ce que l’on pourrait appliquer à sa mission
temporelle, mais encore qu’il existe par le Fils, ce qui ne peut s’entendre
que de la procession éternelle. Car toute chose existe selon son
essence propre. En effet saint Cyrille, patriarche de Jérusalem,
dit que "le Saint Esprit procède du Père, et existe de la
divinité du Père et du Fils. " Et saint Basile contre Eunomius:
"Le Saint Esprit tient l’existence du Fils, et de lui-même la possession
et le droit de nous annoncer la vérité."
Le Fils inspire le Saint-Esprit.
On conclut des écrits des mêmes
auteurs, que le Fils inspire le Saint Esprit. C’est saint Athanase qui
écrit dans sa lettre à Sérapion " Le Fils engendré
du Père, de l’immensité de son essence, non hors de lui,
mais en lui, inspire le Saint Esprit, Dieu immense comme lui. " C’est saint
Cyrille dans son exhortation à l’empereur Théodose: Ce que
le Fils inspire est propre à sa personne.
De peur qu’on ne dise que le Fils n’inspire
pas proprement et de lui-même le Saint Esprit, il est appelé
par nos écrivains grecs, inspirateur du Saint Esprit, comme ayant,
de son propre fond, le principe d’où procède le Saint - Esprit.
Car saint Athanase dit dans la lettre à Sérapion: Les hérétiques
blasphèment le Fils lui-même, inspirateur du véritable
Esprit Paraclet, et ils osent le nier. " Et dans la même lettre:
"Celui qui blasphème contre l’Esprit saint, blasphème contre
celui qui l’inspire, c’est-à-dire contre le Fils lui-même,
et par le Fils contre son Père. " Et saint Basile contre Eunomius:
"Nous croyons, sans hésitation aucune, que le Fils inspire et donne
le Saint Esprit."
Par la même raison, il est inspiré
par le Père et le Fils.
Pour prouver que le Saint - Esprit tire
sa procession du Père et du Fils, saint Athanase dit dans sa lettre
à Sérapion, que le Fils l’inspire avec le Père, en
se servant de ces termes: "Dieu le Père inspire le Saint Esprit,
Dieu parfait et bienheureux, vivant et divinisé, non comme par un
sens, ce qu’à Dieu ne plaise, mais par l’Esprit vivant et divinisé
coessentiel à son essence, véritablement vivante et divine."
Il est inspiré éternellement
eut par le Fils.
De peur qu’on ne dise que l’inspiration
n’est qu’une procession temporelle, les saints docteurs disent qu’il est
éternellement inspiré par le Fils. Saint Athanase écrit
dans son sermon du concile de Nicée, en parlant de la personne du
Fils: "Afin que le monde entier croie que l’Esprit Paraclet est éternellement
inspiré de mon essence. " De même saint Cyrille dans le livre
des Trésors: "Nous croyons et nous confessons que le Saint Esprit
est un Dieu éternellement et essentiellement inspiré par
le Christ.
Le Saint Esprit est inspiré de
l’essence du Fils.
Les mêmes écrivains prouvent
que Dieu inspire le Saint Esprit de l’essence du Fils. Car saint Athanase
dit dans le sermon du concile de Nicée: "Nous adorons le Dieu Saint
Esprit, inspiré coéternellemerit de l’essence du Fils. "
Et dans le même endroit: "Dieu a inspiré le Saint Esprit de
son essence. " Et dans sa lettre à Sérapion: "Les hé
rétiques sont déshérités du Fils, parce qu’ils
ne reçoivent pas le Saint- Esprit, fait Dieu de son essence. " Et
dans le même traité, comme s’il parlait de ce qu’il dit de
son essence, c’est-à-dire de l’essence qui vient de lui: "Le Fils
né du Père, ayant en lui l’essence du Père, a conservé
en effet le titre, non de paternité, mais de communication clans
l’ordre de la nature, afin d’inspirer non le Fils par voie de génération,
mais le Saint Esprit, Dieu égal eu toutes choses et coéternel.
" Et on peut induire cette conséquence de ses écrits. D’où
il est clair que quand on dit, que le Saint Esprit est inspiré par
le Fils, on ne peut pas rapporter ces paroles seulement à la procession
temporelle, mais à l’éternelle, selon laquelle le Saint Esprit
a reçu son essence divine du Fils.
Le Saint Esprit émane du Fils.
D’après ces auteurs, on doit entendre
sous le nom d’émanation la procession du Saint - Esprit venant du
Fils. Saint Athanase dit dans cette même lettre à Sérapion:
"Le Saint Esprit, émanation vivante et vertu indéfectible
du Dieu fort, est répandu d’en haut sur l’Eglise. " De même,
Théodoret, dans son commentaire sur l’Epître de saint Paul
aux Ephésiens " Le Saint Esprit émane d’en haut de Jésus-Christ,
et est donné libéralement à tous ceux qui le reçoivent."
Le Saint Esprit découle du et cela
de toute éternité.
Nos saints docteurs, pour démontrer
la procession du Saint Esprit comme émanant du Fils, se servent
du terme écoulement. Saint Athanase, parlant de la personne du Christ,
dans son sermon du concile de Nicée " J’envoie les Apôtres
‘tans le monde, non par la vertu d’un homme, mais par la puissance de l’Esprit
saint qui découle de mon essence. " Et dans le même sermon:
"Si on ne doit pas croire et dire du Saint Esprit, qu’il est la vérité
du Père et du Fils, coessentiel à l’un et à l’autre,
émanant de leur essence, comment notre Dieu sauveur dirait- il,
dans le symbole du baptême du salut, que le Père et le Fils
ont coopéré, de concert avec lui, à notre salut. "
Et dans son Epître à Sérapion: "Le Saint Esprit a fait
croire et dire par les Pères du concile de Nicée, que le
Fils est coessentiel au Père, dont il est l’Es prit, coessentiel
avec lui, et émanant de son essence. " Et saint Cyrille an livre
des Trésors: "Quand le Saint Esprit est répandu en nous,
il montre que nous sommes faits à l’image de Dieu il émane,
en effet, du Père et du Fils. " D’où l’on conclut que le
Saint Esprit vient du Fils, comme tirant son essence de lui.
Le Fils donne l’origine au Saint-Esprit.
Le concile de Nicée dit que " le
Fils, en tant que Dieu, donne naissance de lui-même et comme coessentiel
au Saint Esprit, en l’inspirant. " Et dans son Epître à Sérapion,
il écrit que " le Fils opère, comme par sa propre puissance,
par le Saint Esprit tiré naturellement de lui, " ce qui ne peut
convenablement s’appliquer à la procession temporelle. Car on tire
son origine de celui de qui on tient l’existence. Donner son origine à
quelque chose est, en effet, lui donner naissance.
Le Fils est l’auteur du Saint-Esprit.
Les Pères grecs soutiennent aussi
que le Fils est l’auteur de l’Esprit saint. Tel Athanase dans son Epître
à Sérapion: "L’Apôtre, dit - il attribue au Fils, son
auteur, ce que fait et opère en lui l’Esprit saint comme le Fils
attribue à Dieu le Père, son principe, ce qu’il fait lui-
même. " Or l’autorité, dans les personnes divines, n’appartient
pas à toutes indifféremment, si ce n’est dans leurs relations
divines et éternelles. Le Saint Esprit vient donc éternellement
du Fils.
Le Fils est le principe du Saint-Esprit.
Les mêmes Pères soutiennent
que le Fils est le principe du Saint- Esprit. Saint Grégoire de
Nazianze dit, en effet, dans son sermon du concile de Constantinople "
Il faut croire à la sainte Trinité, c’est-à-dire au
Père, sans principe, le Fils ayant son principe du Père,
véritable principe, et le Saint Esprit, un seul Dieu en tout et
par-dessus tout, avec le Fils, son principe. " Le Père étant
le principe du Fils; en tant qu’il tient de lui éternellement, le
Saint Esprit vient donc du Fils éternellement.
Le Fils est la source du Saint-Esprit.
C’est encore de ces mêmes auteurs,
qu’on induit que le Fils est la source du Saint Esprit. Saint Athanase
écrit, en effet, dans sou sermon du concile de Nicée: "Le
Saint Esprit est dans le Fils, comme le fleuve dans la source: et le Fils
est dans le Père, comme la lumière dans le soleil qui éclaire
la nature de son éclat: de même les élus sont dans
le Père et le Fils, par la grâce du Saint Esprit. " Et dans
s lettre à Sérapion: "Le Fils est dans le Père une
source et une lumière desquelles le Saint Esprit est le véritable
fleuve et l’éclat de la gloire éternelle.
Il dit encore dans la même Epître:
"Le Saint Esprit n’opère point en Dieu parle Christ, son Verbe,
c’est-à-dire sa source naturelle. " Et plus loin: Le Fils, source
du Saint Esprit, les renferme tous deux en lui-même, c’est-à-dire
le Père et le Saint-Esprit, entre lesquels il tient le milieu. "
Et le même saint Athanase dans son sermon de l’in carnation du Verbe:
"Le prophète David chante dans ses Psaumes.
La source de vie est en vous, parce que
dans le Père et le Fils est la source de l’Esprit saint. " D’où
l’on conclut que le Fils est le principe de l’Esprit saint, qui lui est
coéternel.
On conclut de tout ceci que le Saint Esprit
procède du Fils.
Quelques ennemis de la vérité,
après tant et de si puissantes autorités, veulent refuser
leur assentiment à la vraie foi, en opposant que bien qu’il soit
clair que le Saint Esprit est, tire son origine, est inspiré, émane
et découle du Fils, on ne peut pas convenir qu’il en procède.
Car cette conclusion, disent-ils, ne peut se tirer d’aucun des nombreux
textes des saints Pères, ni de l'Ecriture sainte, qui n’affirme
point que le Saint Esprit procède du Fils, n’assimilant en rien
le Fils au Père, dai cette opération divine, comme, par exemple,
lorsque saint Jean dit au chap. XV: "Lorsque le Paraclet que je vous enverrai
de mon Père, l’Esprit de vérité, qui procède
du Père, sera venu. " Il faut donc prouver que les auteurs que nous
avons cités démontrent que le Saint- Esprit procède
du Fils. Parmi tous les termes qui expriment l’origine des personnes divines,
celui de Verbe est celui qui est employé le plus ordinairement,
et est pourtant celui qui détermine le moins le mode d’origine.
Car, selon le langage habituel, on dit toujours d’une chose qui vient d’une
autre, qu’elle en procède; soit qu’elle en vienne naturellement,
comme on dit que Pierre procède de son père, ou en émane,
comme le souffle de celui qui le pousse; ou qu’il en découle, comme
le fleuve procède de la source; ou bien comme oeuvre, comme un édifice
procède de l’architecte; ou comme d’une chose seulement locale,
comme quand on dit de l’époux qu’il sort du lit nuptial. Mais on
ne peut pas dire d’une chose qui vient d’une autre, de quelque façon
que ce soit, qu’elle est inspirée, engendrée, qu’elle en
découle, qu’elle est envoyée. Et en ce sens, le mot de Verbe
est parfaitement accommodé à l’origine des personnes divines,
parce que, comme nous l’avons dit, on définit mieux les choses divines
par des termes généraux que par des expression propres. Il
suit donc de tout ce que nous avons dit, que le Saint Esprit vient du Fils,
qu’il en découle, qu’il en est inspiré, qu’il en émane,
que le Saint Esprit procède du Fils.
Découler ou procéder, est
la même chose, dans les personnes divines.
C’est l’idée de saint Cyrille,
dans son exposition du Symbole de Nicée: "Le Saint Esprit est coessentiel
au Père et au Fils, et il en découle, c’est-à-dire
qu’il procède de Dieu, comme de la source de la Divinité
et de son Père. " D’où l’on conclut que c’est la même
chose, dans les personnes divines, de découler ou de procéder.
Or, le Saint- Esprit découle du Fils, comme nous l’avons prouvé
plus haut; donc il en procède.
Mais ce qui le prouve encore mieux, ce
sont ces paroles de son Epître adressée à Nestorius,
que " le Christ est la vérité, et que le Saint- Esprit découle
de lui comme de Dieu et du Père. " En effet, si découler
du Père est la même chose que d’en procéder, dès
lors que nous avons démontré qu’il en découle, il
est prouvé qu’il en procède. C’est aussi ce que dit saint
Grégoire, dans son sermon de l’Epiphanie: "Le Saint Esprit procède
d’où il vient; or, il sort du Fils, comme nous l’avons prouvé;
donc il en procède. Saint C dans sou commentaire sur le prophète
Joël: "Le Saint Esprit sort du Fils, il est en lui et de lui, comme
on croit qu vient de Dieu et du Père. " Et le moine Maxime, dans
son sermon du chandelier et des sept flambeaux, dit aussi: "Comme le Saint-
Esprit tient à Dieu par nature et selon l’essence, ainsi vient-il
véritablement du Fils, par nature et par essence, en tant que Dieu,
procédant du Père par le Fils ; " ce qui doit s’entendre
ainsi: il vient du Père comme procédant de lui. Saint Athanase
dit dans sa lettre à Sérapion: "Ce que le Fils est à
l’égard du Père, dans l’ordre de la nature, le Saint Esprit
l’est à l’égard du Fils. " Et dans la même lettre,
en parlant de la personne du Fils " Les mêmes relations d’ordre et
de nature que le Saint Esprit a avec moi Fils, et qui le font Dieu de Dieu,
je les ai à l’égard du Père, et elles me font, comme
lui, Dieu de Dieu. " saint Basile contre Eumomius: "Ce que le Fils est
à l’égard du Père, le Saint - Esprit l’est à
l’égard du Fils. Or les relations du Fils au Père, sont les
relations de procession. " Le Fils dit, en effet, dans l’Evangile de saint
Jean, chap. VIII: "Je procède de Dieu et j’en viens. " Donc le Saint
Esprit procède du Fils. Saint Epiphane emploie le terme même
de procession, dans son traité de ]a Trinité. "Selon le mode
que personne n’a connu le Père, si ce n’est le Fils, ni le Fils,
si ce n’est le Père, de même, je puis dire que personne n’a
connu le Saint Esprit, si ce n’est le Père et le Fils, duquel il
vient et d’où il procède. " Et saint Athanase, dans son Symbole:
"Le Saint Esprit non fait, non créé, non engendré,
mais procédant du Père et du Fils.
Les docteurs grecs et latins se servent
des mêmes preuves pour démontrer la procession du Saint-Esprit.
Il faut faire attention que les mêmes
preuves servent aux Grecs et aux Latins, pour établir que le Saint
Esprit procède du Fils. Saint Anselme, dans son traité de
la procession du Saint Esprit, argumente, pour prouver sa thèse,
de ce que le Père et le Fils sont de même nature, Il s’ensuit
de là que le Père et le Fils ne diffèrent en rien,
si ce n’est que l’un est le Père, et l’autre le Fils. Or, faire
procéder de soi le Saint Esprit, n’est un attribut ni de la paternité,
ni de la filiation. Car le Père n’est point Père parce que
le Saint Esprit procède de lui. Et il ne répugne aucunement
au Fils de ce que le Saint Esprit procède de lui. Il reste donc
que la procession du Saint - Esprit est commune au Père et au Fils.
Saint Athanase, dans son Arche sur saint Jean, fait ce raisonnement " De
ce que le Fils possède essentiellement tout ce qui est au Père,
il s’ensuit qu’il a le Saint Esprit. " Saint Cyrille dans son livre des
Trésors: "L’Apôtre dit avec raison que l’Esprit de Jésus-Christ
et l’Esprit du Père est un et non multiple, parce que tout ce qui
est au Père, passe par droit naturel en vérité et
proprement au Fils. " Ce qui’ dénote suffisamment, que lorsque l’Evangile
dit que l’Esprit saint procède du Père, il donne à
entendre qu’il procède également du Fils, malgré qu’il
ne le dise pas expressément. Ce qui est essentiel au Père
et au Fils, si on l’attribue au Père, doit s’entendre du Fils, quoiqu’on
veuille l’exclure. Comme quand on lit au chap. XVII de saint Jean: "Afin
qu’ils connaissent que vous êtes le seul vrai Dieu. " Et au chap.
VI de la première Epître à Timothée: "Il le
fera paraître de Christ) dans son temps, bienheureux et seul Puissant
Roi des rois et Dominateur des puissances, qui seul a l’immortalité.
" Or on comprend que tout ceci s’applique au Fils, parce que le Père
et le Fils ne sont qu’un, selon la nature, d’après ces paroles de
saint Jean:
"Le Père et moi, nous ne sommes
qu’un." Comme il appartient au Père et au Fils de faire procéder
d’eux-mêmes le Saint Esprit, comme de tout ce qui est de leur essence,
ainsi qu’il est prouvé par l’Evangile que le Saint Esprit procède
du Père, il faut conclure qu’il procède également
du Fils. Par la même raison, quand on lit dans le symbole de Nicée,
que " le Saint - Esprit procède du Père, " il faut entendre
qu’il procède aussi du Fils. De même, quand on voit dans le
même symbole, que le Père est appelé tout-puissant,
créateur des choses visibles et invisibles, " on doit aussi l’entendre
du Fils.
Le Saint Esprit est distingué du
Fils par ce qu’il a de lui.
Les écrits des saints Pères
que nous avons cités prouvent que le Saint Esprit est distingué
du Fils par le côté même de la nature, qui le fait procéder
de lui. Car saint Grégoire de Nysse dit: "En parlant des attributs
de la Divinité, nous avouons que la nature divine est immuable:
mais nous ne nions pas la différence qui existe entre la cause et
l’effet qui la produit, c’est - à - dire la différence qui
est selon le principe, et qui sort du principe lui-même, comme nous
l’avons expliqué plus haut. " Et il ajoute ensuite: "Nous apercevons
encore une autre différence: un produit immédiat du premier
principe, savoir, le Fils du Père, et un autre produit de l’effet
et du principe, c’est-à-dire le Saint Esprit procédant du
Père et du Fils. " Par la première différence, le
Fils et le Saint Esprit sont distincts du Père; par la seconde différence,
le Saint Esprit du Fils, parce que le Fils procède du Père,
mais non par le Saint Esprit, tandis que le Saint Esprit pro cède
du Père par le Fils. Richard de Saint-Victor trouve la différence
des deux processions, en ce que le Fils procède d’un seul, et le
Saint Esprit de deux à la fois. Il résulte donc de ces deux
sentiments, que le Fils et le Saint Esprit ne seraient pas distincts entre
eux, si l’un ne venait pas de l’autre.
La distinction des personnes divines est
établie d’après un certain ordre de la nature.
De même, la distinction des personnes
divines doit suivre un Certain ordre, qui est celui de la nature, comme
dit saint Augustin. Saint Athanase, dans son Epître à Sérapion,
assimile à une chaîne l’ordre qui distingue les personnes
de la sainte Trinité. "En effet, comme celui qui tire le premier
anneau d’une chaîne, tient le milieu et l’autre extrémité,
de même, celui qui blasphème contre le Saint Esprit, c’est-à-dire
la troisième personne de la Trinité, blasphème contre
le Fils, qui est le milieu, et contre le Père, qui est le dernier,
c’est-à-dire l’anneau principal de la chaîne du troisième
ordre divin, distinct et séparé. Ainsi, en sens inverse,
celui qui ci au Saint Esprit et le reconnaît pour Dieu, connaît
le Fils duquel il procède; de même, celui qui tient un anneau
d’une chaîne et le tire à lui, saisit le milieu, et, par le
milieu, saisit l’autre extrémité. " Pour cette raison, il
écrit dans la même lettre: "Nous disons que lé Saint
Esprit Paraclet est le terme du bienheureux et suressentiel ordre divin,
et qu’il atteint infaillible ment sa fin dans sa personne, comme le Père,
en principe, est le chef de cet ordre divin et le principe originel. Le
Fils tient réellement le milieu des deux extrémités
de l’ordre divin, qui sont le Père et le Fils. " Et peu après
" Le Père achève en lui, principe du triple ordre divin,
par le moyen de son Fils engendré de lui, la fin de cet ordre divin
par sa propre essence naturelle, dans le troisième terme qui est
le Saint- Esprit procédant de l’un et de l’autre. " Saint Cyrille
dit dans son livre des Trésors, que " le Saint Esprit procède
du Fils par sa nature, qu’étant envoyé de lui au monde, il
renouvelle l’Eglise et est le terme de la sainte Trinité. " Et il
conclut ainsi " Si Dieu est tel, le Saint- Esprit procède du Fils
de Dieu. " Car si le Saint- Esprit ne procédait pas du Fils, le
Saint Esprit ne serait pas plus le terme de la Trinité que le Fils,
et il ne faudrait pas assimiler l’ordre de la sainte Trinité à
une chaîne, mais plutôt à un triangle. Et Richard de
Saint-Victor insinue cette raison, dans son quatrième traité
de la Trinité, où il prouve qu’il ne peut y avoir qu’une
seule personne de la sainte Trinité, de laquelle ne procède
point une personne divine, et qu’il ne peut y avoir deux personnes qui
procèdent d’une seule. Car l’un et l’autre seraient opposés
à l’ordre que nous voyons entre les personnes divines, et cependant
il faudrait l’admettre si le Saint Esprit ne procédait pas du Fils.
Saint Cyrille, dans son livre des Trésors, démontre cet ordre
des personnes divines, par une autre comparaison prise de l’Ecriture sainte,
qui appelle l’Esprit saint, le doigt de Dieu, lorsque Jésus-Christ
dit dans l’Evangile: "Si je chasse les démons par le doigt de Dieu;
" et en parlant sur le même sujet, dans un autre Evangile "Si je
les chasse par l’Esprit de Dieu. " Le Fils est appelé le bras du
Père: "Bras du Seigneur, revêtez la force " (Isaïe, chap.
Ll): Il dit donc " Comme le bras et la main appartiennent au corps et sont
produits par lui, et que le doigt tient naturellement à la main,
de même le Fils, bras et main de Dieu, sort du Père par génération,
Dieu engendré de Dieu; et l’Esprit saint, doigt de Dieu, procède
du Fils, comme le doigt de Dieu sort naturellement de la main tin Père.
" On peut donc conclure, par toutes les preuves apportées en même
temps par les docteurs latins et grecs, que le Saint Esprit procède
du Fils.
Il est de nécessité de salut
de croire que le Saint-Esprit procède du Fils.
Comme il arrive souvent que dans les discussions
on n’est point d’accord sur certains points, dans la crainte qu’on ne pense
qu’il n’est point de nécessité de salut de croire que le
Saint Esprit procède du Fils, nous allons prouver, parles docteurs
grecs, que c’est un article de foi et de nécessité de salut.
Saint Athanase dit dans sa lettre à Sérapion: "Fuyez un hérétique
après un ou deux avertissements, selon le commandement de l’Apôtre.
Quand même vous les verriez s’élever dans l’air, comme Eue,
ou marcher sur les eaux de la mer, comme saint Pierre et Moïse, s’ils
ne confessent que le Saint Esprit est Dieu, procédant essentiellement
du Fils de Dieu, et que le Fils est engendré éternellement
de Dieu le Père, comme nous le professons, ne les recevez pas. "
Et encore: "N’ayez aucun rapport avec ceux qui blasphèment et qui
nient que 1e Saint - Esprit soit Dieu, procédant de la nature du
Fils de Dieu. " Et saint Cyrille dans son livre des Trésors: "Il
est nécessaire au salut de confesser que le Saint - Esprit est de
l’essence du Fils de Dieu, procédant de lui, selon la nature. "
Et saint Epiphane dans son traité de la Trinité: "Vous vous
séparez de la grâce de Dieu, lorsque vous ne reconnaissez
pas que le Fils est engendré du Père, et que vous niez que
le Saint Esprit procède du Père et du Fils. " il est donc
clair qu’on ne doit point excuser ceux qui nient que le Saint Esprit procède
du Fils.
Le Pontife romain est le premier et le
plus grand parmi tous les évêques.
L’erreur de ceux qui prétendent
que le vicaire de Jésus-Christ, le Pontife de Rome, n’a point la
primauté de l’Eglise universelle ressemble à celle de ceux
qui prétendent que le Saint Esprit ne procède point du Fils.
Car le Christ, Jésus, Fils de Dieu, consacre son Eglise et la marque
du signe du Saint Esprit comme de son caractère et de son sceau,
comme il est manifeste par les écrits des Pères que nous
avons cités plus haut. Il nous faut donc prouver, par l’autorité
des Pères grecs, que ce Vicaire de Jésus-Christ possède
la plénitude de la piété, sur toute l’Eglise. En effet,
le Canon du concile prouve expressément que le Pontife romain, successeur
de saint Pierre et vicaire de Jésus- Christ, est le premier et le
plus grand de tous les évêques. "Nous con fessons, y est-il
écrit, selon les Ecritures et la définition des Canons, que
le très saint Pontife de l’antique Eglise de Rome, est le premier
et le plus grand de tous les évêques. " Ceci est conforme
à la sainte Ecriture, qui attribue à saint Pierre le premier
rang parmi les Apôtres, tant dans l’Evangile que dans les Actes des
Apôtres. C’est ce qui fait dire à saint Chrysostome, dans
son commentaire de saint Matthieu, sur ces paroles " Les disciples s’approchèrent
de Jésus, en disant: Quel est le pins grand dans le royaume des
cieux? " - "Parce qu’ils étaient scandalisés sans pouvoir
le dissimuler, pas plus qu’ils ne pouvaient comprimer leur orgueil humilié,
parce qu’ils voyaient que saint Pierre avait sur eux la préséance
et l’honneur."
Le même Pontife a la primauté
universelle sur toute l’Eglise de Jésus-Christ.
Il est également démontré
que le Vicaire de Jésus-Christ a la primauté dans l’Eglise
universelle. On lit dans le concile de Calcédoine, que " tout le
Synode s’exclama en disant au pape Léon: Vive le très saint
père Léon, apostolique et icumayrique, c’est-à-dire
patriarche universel." Et saint Chrysostome sur saint Matthieu: "Le Fils
a accordé à saint Pierre le pouvoir qui vient du Père
et du Fils lui-même, sur tout l’univers entier; et il a donné
à un homme mortel, autorité sur tout ce qui est dans le ciel,
en lui en confiant les clefs, pour étendre son Eglise sur toute
la terre. " Et dans son homélie sur saint Jean, chap. VIII " Il
établit saint Jacques pour un seul lieu; mais il fit saint Pierre
maître et docteur de tout l’univers. " Et de même sur les Actes
des Apôtres: "Saint Pierre a reçu du Fils autorité
sur tous ceux qui lui appartiennent, non comme Moïse sur un seul peuple,
mais dans tout l’univers. " Ceci se tire également des saintes Ecritures.
Car Notre Seigneur Jésus-Christ confia à saint Pierre toutes
ses brebis, en disant (Ev. saint Jean, dernier chap.): "Pais mes brebis;
" et au chap. X: " Pour qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur."
Le souverain Pontife est, dans l’Eglise,
le souverain pouvoir.
Il suit des écrits de nos docteurs,
que le souverain Pontife a, dans l’Eglise, la plénitude du pouvoir.
Saint Cyrille, patriarche d’Alexandrie, dit dans son livre des Trésors:
"Comme le Christ issu d’Israël a reçu de son Père le
commandement et le sceptre de l’Eglise des Gentils, et le pouvoir sur tout
ce qui existe, en sorte que tout courbât le genou devant sa souveraine
autorité, de même l’a-t-il accordé entièrement
à Pierre et à ses successeurs. Et encore " Le Christ n’a
accordé qu’à Pierre son suprême pouvoir. " Et plus
bas: "Le pied tic Jésus-Christ est l’humanité, c’est-à-dire
que l’une tics trois personnes a revêtu, dans l’unité de sa
personne, l’homme lui-même, à qui toute l’éternité
a donné l’autorité la plus entière, qu’il a transférée
à son Père, sur tout empire et sur toute principauté,
afin que les anges de Dieu l’adorent ; et qu’il a remis entièrement,
par son sacrement et sa puissance, à Pierre et à son Eglise.
" Et Pierre Chrysologue, répondant à la demande des Bulgares,
dit en parlant tic la personne du Christ: "Je t’interroge trois fois, m’aimes-tu?
m’aimes-tu? m’aimes-tu? parce que, timide et tremblant, tu m’as nié
trois fois. Mais converti maintenant, dans la crainte que tes frères
ne pensent que tu aies perdu la grâce et le pouvoir dès clefs,
parce que tu m’aimes, je te con firme, devant eux, nies pleins pouvoirs.
" Et ceci est encore prouvé par l’Ecriture, car le Seigneur, au
dix-septième chapitre de saint Matthieu, dit sans restriction à
saint Pierre " Tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié
dans le ciel."
Il a hérité du pouvoir que
Jésus-Christ a donné à saint Pierre.
On prouve que saint Pierre étant
le vicaire de Jésus-Christ et le Pontife romain successeur de saint
Pierre, ce dernier a dû hériter de son pouvoir. Il est écrit
au Canon du concile de Calcédoine " Si quelque évêque
est noté d’infamie, qu’il ait la liberté d’en appeler au
bienheureux évêque de l’antique Eglise de Rome. Car nous avons
Pierre, notre père, pour refuge, et qu’à lui seul appartient
le droit, à la place de Dieu, de connaître la criminalité
d’un évêque accusé, par le pouvoir des clefs que Dieu
lui a données. " Et plus bas: "Que tout ce qu’il décide,
soit accepté comme du vicaire du trône apostolique." Saint
Cyrille, patriarche tic Jérusalem, dit en parlant de la personne
du Christ: "Toi pour un temps, et moi éternellement, je serai avec
tous ceux que je mettrai à ta place, par l’autorité et nies
sacrements, de même que je suis avec toi. " Saint Cyrille dit, tians
son livre des Trésors, que " les Apôtres ont affirmé,
dans l'Evangile et tians leurs Epîtres, que, pour la doctrine, Pierre
et son Eglise tenaient la place de Dieu, lui donnant la préséance
dans toute réunion et dans toute assem blée, dans toutes
les élections ett!aiis toutes les décisions. " Et plus bas
" Tous inclinent la tète devant lui (Pierre), de droit divin, et
tous les primats du monde lui obéissent comme au Seigneur Jésus.
" Saint Chrysostome dit, cri parlant de la personne du Fils: "Pais mes
brebis, c’est-à-dire, sois à la tête tic tes frères,
à mon lieu et place.
C’est à lui qu’il appartient de
fixer les articles de foi.
Il s’agit ici de prouver qu’il appartient
au Pontife de Rome de déterminer les articles tic notre croyance.
Or saint Cyrille dit dans son livre des Trésors: "Afin que nous
soyons les membres de notre chef, le trône apostolique des Pontifes
romains, à qui nous devons demander ce que nous devons croire et
professer. " De même Maxime dans son Epître aux Orientaux:
"Toutes les régions de la terre qui ont reconnu sincèrement
le Seigneur, et tous les catholiques de l’univers qui con fessent la vraie
foi, tournent les yeux vers l’Eglise de Rome, comme vers le soleil, et
c’est d’elle qu’ils recevront à bon droit la lumière de la
foi catholique et apostolique. " Car Pierre est le premier qui ait confessé
la perfection de la foi, selon l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ,
comme il est écrit au seizième chapitre de l‘Evangile de
saint Matthieu: "Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. " Et
le Sauveur lui dit aussi: "Pierre, j’ai prié pour toi, afin que
ta foi ne défaille pas."
Il suit également, qu’il est avant
tous les patriarches, de ce que dit saint Cyrille, qu’il " n’appartient
qu’au trône apostolique des Pontifes romains de reprendre, de corriger,
d’établir, de résoudre et de lier, à la place de celui
qui l’a établi. " Saint Chrysostome dit, dans son commentaire sur
les Actes des Apôtres, que " Pierre est le sommet sacré du
bienheureux trône apostolique, et le bon Pasteur. " Cela est évident,
d’après les paroles du Sauve au chap. XXII de l’Evangile de saint
Luc: "Et toi-même étant converti, confirme tes frères
dans la foi."
Il est également prouvé
qu’il est de nécessité de salut, d’être soumis au souverain
Pontife. Saint Cyrille écrit dans son livre des Trésors:
"C’est pourquoi, mes frères, nous imitons Notre Seigneur Jésus-Christ,
afin que nous, ses brebis, nous entendions sa voix, en demeurant dans l’Eglise
de saint Pierre, et que nous ne soyons point enflés du souffle de
l’orgueil, de peur que le perfide serpent ne nous chasse hors de l’Eglise,
à cause de notre entêtement, comme il chassa Eve du paradis.
" Et Maxime dans son Epître aux Orientaux: "Nous soutenons que l’Eglise
est réunie et fondée sur la pierre de la confession de saint
Pierre, selon les paroles du Sauveur, dans laquelle il faut vivre pour
être sauvé et lui obéir, en gardant fidèlement
sa foi et sa religion.
De même que nos hérétiques
pèchent contre l’unité du corps mystique de Jésus-Christ,
en niant le plein pouvoir du Pontife romain, de même ils pèchent
contre la pureté du corps sacré de Jésus-Christ, en
disant qu’on ne peut le consacrer avec du pain sans levain, ce qui est
improuvé par les docteurs grecs. Saint Chrysostome écrit
sur ces paroles de l’Evangile: "Le premier jour des azymes. " - "Il appelle
le premier jour, le jour de jeudi, où les observateurs de la loi
commençaient à manger le pain azyme, pur de tout levain.
Le Seigneur envoie donc ses disciples le jour du jeudi, que l’Evangéliste
appelle le premier jour des azymes, sur le soir duquel le Sauveur mangea
la Pâque, en quoi il montra parfaitement, depuis le jour de sa circoncision
jusqu’au dernier jour de la Pâque, qu’il n’était point l’ennemi
de la loi ; mais, au contraire, il s’y fût montré opposé,
s’il -‘était servi de pain fait avec du levain. " Il est donc prouvé
que, dans l’institution du sacrement de l’Eucharistie, Jésus-Christ
se servit de pain sans levain. Mais il y en a qui prétendent, qu’à
cause de sa mort imminente, Jésus-Christ avait devancé ce
jour, et qu’alors il s’était servi de pain fait avec du levain ce
qu’ils s’efforcent de prouver par deux passages de l’Evangile. D’abord,
par ce qui est dit au chap. XIII de saint Jean: "Que le Seigneur célébra
la Cène avec ses disciples, avant le jour de Pâques, et qu’il
y consacra son corps, " comme l’Apôtre le tilt au onzième
chapitre de la première Epître aux Corinthiens. D’où
il paraît que Jésus-Christ célébra la Pâque
avant le jour des azymes, et qu’il se servit de pain levé, dans
la consécration de son corps. Et ils veulent confirmer ce sentiment,
par ce qui est dit au chap. XVIII de saint Jean " Que le sixième
jour, où Jésus-Christ fut crucifié, les Juifs n’entrèrent
point dans le prétoire de Pilate, pour ne point avoir de tache légale,
afin de pouvoir manger la Pâque." La Pâque est appelée
azyme; donc, disent-ils, la Cène fut célébrée
avant les azymes. Mais saint Chrysostome leur répond, en commentant
ces paroles: s De peur qu’ils ne se souillassent, etc."-s Qu’est-ce que
cela signifie, sinon qu’ils mangèrent la Pâque un autre jour
et violèrent la loi, afin d’accomplir le funeste projet de faire
mourir Jésus-Christ. Le Christ n’observa point le jour consacré
à Jupiter, mais il mangea la Pâque, le jour même de
la Pâque. Mais parce que cela n’est pas très certain, il vaut
mieux dire que, selon l’ordre de Dieu, au douzième chapitre de l’Exode,
la tète des azymes était célébrée pendant
sept jours, entre lesquels le premier était le plus saint et le
plus solennel, qui était le quinzième du mois. Mais parce
que, chez les Juifs, les fêtes commençaient dés le
soir de la veille des solennités, ils commençaient à
manger la Pâque dès le soir du quatorzième jour, et
continuaient pendant les sept jours suivants. " C’est pourquoi il est dit
dans le même chapitre: s Le soir du quatorzième jour du premier
mois de l’année, vous mangerez la Pâque ; jusqu’au soir du
vingt-et-unième jour du même mois, il n’y aura point de pain
fermenté dans vos maisons. " Et le soir du quatorzième jour,
on immolait l’agneau pascal. Le premier jour des azymes est appelé
le quatorzième du mois, par les évangélistes Matthieu,
Marc et Luc, parce que le soir on mangeait les azymes et on immolait la
Pâque, c’est-à-dire l’agneau pascal, c’était, selon
saint Jean, avant la fête de Pâques, c’est-à-dire avant
le quinzième jour du mois, parce qu’il était le plus solennel,
et qu’en ce jour, les Juifs voulaient manger la Pâque, c’est-à-dire
l’agneau pascal et les azymes. Ainsi donc, comme il n’y a aucune discordance
entre les Evangélistes, il est constant que Jésus-Christ
consacra son corps avec du pain sans levain. Ceci est encore prouvé
par cette raison de convenance avec la pureté du corps mystique
de Jésus - Christ, c’est - à - dire l’Eglise, qui est figurée
dans ce sacrement. C’est ce qui fait dire à saint Grégoire
de Nazianze, en parlant de la Pâque du Seigneur
" Célébrons la fête
du Seigneur dans la joie, non dans le vieux levain de malice et d’iniquité,
mais dans les azymes de la sincérité et de la vérité.
" Nous ne prétendons pas dire par là qu’on ne puisse pas
faire ce sacrement avec du pain fermenté. Car le pape saint Grégoire
dit dans son Ordre des cérémonies: "L’Eglise romaine offre
des pains sans levain, parce que le Seigneur a pris notre chair, sans aucun
mélange: mais les autres églises offrent des pains fermentés,
parce que le Verbe du Père s’est revêtu de chair, et qu’il
est vrai Dieu et vrai homme. De même, le levain est mêlé
à la farine, et devient le corps du Dieu vivant, Notre Seigneur
Jésus-Christ.
Ce que c’est que le purgatoire, où
les âmes qui n’ont pas satisfait pleinement pour leurs péchés,
se purifient de leurs fautes.
La vertu de ce sacrement est diminuée
par ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de purgatoire. Car ce sacrement
est le plus grand sou largement qu’on puisse donner aux âmes du purgatoire.
En effet, saint Grégoire de Nysse dit dans son sermon sur les morts:
"Si quelque âme n’a pas pu, dans cette vie mortelle, expier ses péchés,
après un passage plus ou moins long par les flammes du purgatoire,
l’Eglise, sa fidèle épouse, offre à Jésus-Christ,
son époux, ses dons et ses sacrifices, pour les enfants qu’elle
lui a miraculeusement engendrés par la prédication et par
les sacrements, et sa peine lui est remise miséricordieusement,
comme nous l’annonçons et comme nous le croyons, gardiens fidèles
que nous sommes des dogmes de la vérité." Et Théodoret,
évêque de Cyrène, dit sur ces paroles de saint Paul,
dans sa première aux Corinthiens, chap. III: "Si l’oeuvre de quelqu’un
brûle. " L’Apôtre dit " qu’il sera sauvé, comme par
les flammes expiatrices du purgatoire, qui effaceront tout ce qui, à
cause de la fragilité de la nature humaine, a pu rester de cette
poussière soulevée par les pieds du sens terrestre, dans
lesquelles il demeure, jusqu’à ce crue tout ce qui s’est attaché
à elle de terrestre et de mortel, soit entière ment effacé,
pour lequel l’Eglise, notre mère, offre des hosties et des dons
pacifiques; et à cause de ces suffrages, sortant pur de ce lieu
de souffrances, il paraît sans souillure devant les yeux du Dieu
de Sabaoth. "
Voici, très saint Père,
ce que j’ai choisi, selon vos ordres, dans les écrits des docteurs
grecs, et que j’ai cru le plus propre à servir d’ex position et
de preuve à la vraie foi. Il y a, dans ces écrits, des interpolations
déplacées, comme, par exemple, sur ce qui concerne le Verbe;
le traducteur exprime presque partout le sens sous-entendu, lorsqu’il serait
plus convenable et plus conforme à l’usage de la langue latine de
rendre les expressions. Il rend hypostase par personne essentielle. Ce
qui suit rend souvent cette version fausse, comme lorsqu’il dit " Dieu
est tripostase, c’est-à-dire, en trois personnes par essence. "
Or il est tout à fait faux de dire que Dieu soit essentiellement
une trinité de personnes. Il suffira de traduire simplement hypostase,
par personne. Nous nous servons du nom de personne, comme les Grecs du
terme hypostase, dans notre profession de foi, comme dit saint Augustin,
malgré que la signification de ces deux mots ne soit pas tout à
fait la même. Il emploie aussi, à la louange des saints Pères,
des termes qui ne sont pas applicables aux hommes. Il en appelle quelques-
uns, Pères de la foi: ce titre n’appartient qu’à Jésus-Christ,
duquel, selon l’Apôtre, dans sa deuxième aux Hébreux,
la foi a reçu le principe de sa révélation. Les autres
peuvent être appelés docteurs, ou hérauts de la foi,
mais non pas Pères de la foi. Il met en avant, au commencement de
son traité, quelques textes de l’Ecriture sainte qui, s’ils étaient
pris au pied de la lettre, ne prouveraient pas parfaitement que le Saint
Esprit procède du Fils, comme celui-ci, par exemple: "L’Esprit de
Dieu était porté suries eaux. " Il se sert aussi de quelques
locutions qu’il a trouvées dans les écrits des saints Pères,
qu’il faut, comme nous l’avons dit plus haut, respecter dans les écrits
des Pères, plutôt que les employer avec eux, comme, par exemple,
qu’il y a, dans les personnes divines, un premier, un second, un troisième,
une cause et un effet. Il emploie, dans ses explications, plusieurs termes
impropres, comme celui - ci, que le Fils a une double propriété
entre le Père et le Fils, comme si l’ait disait, par manière
de parler, une propriété subalterne. La première est
au Père, comme le sujet à l’attribut; et la seconde, comme
l’attribut au sujet, et de même au Saint- Esprit; ce qui est tout
à fait faux. De même il dit que, dans le grec, l’image est
la seconde entité, qui est on ne peut plus mal employé.
Il dit encore que l’image implique l’origine,
ce qui contredit entière ment ce que dit saint Augustin au quatre-vingt-troisième
livre des Questions. On trouverait peut-être encore beaucoup d’autres
choses, dans ce traité, qui peuvent être obscures et qui ont
besoin d’explication, mais qui étant rapportées à
ce que nous avons dit, peuvent servir utilement à appuyer notre
foi.