SAINT VINCENT DE PAUL

DOCUMENTS

TOME XIII

 

PREMIERE PARTIE

DOCUMENTS RELATlFS A SAlNT VlNCENT

 

1. — LETTRES DE TONSURE

(20 décembre 1596)

Salvatus Diharse, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Episcopus Tarbiensis, omnibus notum facimus quod nos, die infrascripta, in jejuniis quatuor temporum post festum Beatae Luciae, sacros generales ordines in ecclesia collegiata de Bidachen, Aquensis Dioecesis, de licentia Dominorum Canonicorum et de capitulo ecclesiae cathedralis Aquensis, Sede Episcopali vacante, celebrantes, dilecto nostro Vincentio de Paul, filio legitimo et naturali R… de Paul et Bertrandae du Moras, parochiae de Podio, Aquensis Dioecesis, ex legitimo matrimonio procreato, ac in aetate et litteratura sufficienti, tonsuram in Domino contulimus clericalem, ac eum militiae clericali adscripsimus, mediantibus litteris dimissoriis. In cujus rei fidem praesentes, sigillo nostro parvo minutas, per commissum graffarii dicti capituli fieri et expediri fecimus in dicta ecclesi. a, die vigesima mensis de

Document 1. — Dossier de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 1712 à l’occasion du procès de beatification.

<Nous, > Salvat Diharse, Évêque de Tarbes par la grâce de Dieu et du Saint Siège Apostolique, faisons savoir à tous qu’au jour indiqué ci-dessous, au jeûne des Quatre-Temps après la fête de Sainte Lucie < 13 décembre >, pendant la célébration générale des saints Ordres dans l’église collégiale de Bidache, diocèse de Dax, avec la permission des seigneurs Chanoines et du Chapitre de l’église cathédrale de Dax, le siège épiscopal étant vacant, nous avons conféré la tonsure cléricale à notre bien-aimé Vincent de Paul, fils légitime et naturel du R. de Paul et de Bertrande du Moras, de la paroisse de Pouy, diocèse de Dax, procréé de mariage légitime, et d’âge et instruction suffisants, et nous l’avons inscrit dans la milice cléricale, avec l’intermédiaire des lettres dimissoriales. En foi de quoi, nous faisons faire et expédier à la dite église les présentes, munies de notre petit sceau, par le commissaire du greffier du dit chapitre, le vingtième jour de décembre de l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt seize.

S. DIHARSE, Évêque de Tarbes.

Par mandement du dit Seigneur Évêque de Tarbes.

DEPAGADOY, commissaire greffier.

<Les traductions de ces 8 documents d’ordinations sont de B. Koch >

XIII. —

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cembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo sexto.

S. DIHARSE, Episcopus Tarbiensis.

De mandato dicti Domini Episcopi Tarbiensis.

DEPAGADOY, commissarius graffarius.

 

2. — LETTRES DES ORDRES MINEURS

(20 décembre 1596)

Salvratus Diharse, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Episcopus Tarbiensis, omnibus notum facimus quod hac die infrascripta veneris, in jejuniis quatuor temporum Beatae Luciae, anno et mense infrascriptis, sacros generales ordines in ecclesia collegiata de Bidachen, Diœcesis Aquensis, de licentia Dominorum Canonicorum et de capitulo ecclesiae cathedralis Aquensis, Sede Episcopali vacante, infra missarum solemnia celebrantes, dilectum nostrum Vinœntium Paulum, Dioecesis Aquensis, remissum, in examine suffilcientem et idoneum repertum, ad acolytatum caeterosque minores ordines rite et canonice in Dornino promovimus, mediantibus litteris dimissoriis. In cujus rei fidem praesentes litteras, sigillo parvo nostro minutas, per commissum graffarii dicti capituli expediri fecimus in dicta ecclesia, die vigesima mensis decembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo sexto.

S. DIHARSE, Episcopus Tarbiensis.

De mandato dicti Domini Episcopi Tarbiensis.

DEPAGADOY, commissarius graffarius.

Traduction

<Nous, > Salvat Diharse, Évêque de Tarbes par la grâce de Dieu et du Saint Siège Apostolique, faisons savoir à tous qu’en ce vendredi au jeûne des Quatre-Temps de Sainte Lucie, l’année et le mois indiqués ci-dessous, faisant la célébration générale des saints Ordres dans l’église collégiale de Bidache, diocèse de Dax, avec la permission des seigneurs Chanoines et du Chapitre de l’église cathédrale de Dax, le siège épiscopal étant vacant, pendant la Messe solennelle, nous avons promu à l’acolytat et aux autres ordres mineurs, selon les rites et canoniquement, notre bien aimé Vincent de Paul, du diocèse de Dax, muni des dimissoriales, et reconnu suffisant et capable, après examen, avec l’intermédiaire des lettres dimissoriales. En foi de quoi, nous faisons faire et expédier à la dite église les présentes lettres, munies de notre petit sceau, par le commissaire du greffier du dit chapitre, le vingtième jour de décembre de l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt seize.

S. DIHARSE, Évêque de Tarbes.

Par mandement du dit Seigneur Évêque de Tarbes.

DEPAGADOY, commissaire greffier.

Document 2. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 22 jauvier 1712 à l’occasion du procès de béatification.

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3. — LETTRES DIMISSORlALES POUR LE SOUS-DIACONAT

(10 septembre 1598)

Guillelmus de Massiot, in jure pontificio baccalaureus, canonicus ecclesiae cathedralis vicariusque generalis Aquensis, Selde Episcopali vacante, dilecto nostro Vincentio de Paul, Dioecesis Aquensis, salutem in Domino.

Ut aquocumque Domlino Archiepiscopo, Episcopo seu Antistite catholico gratiam et communionem sanctae Sedis Apostolicae obtinente, quem malueris, et apontificali officio non suspenso nec secluso, sacrum subdiaconatus ordinem, tempore a jure statuto, recipere possis et valeas, tibi de recipiendo, et denique Domino Archiepiscopo, Episcopo seu Antistiti de conferendo, harum serie licentiam et facultatem impartimur spectalem, tanquarn idoneo, sufficienti, legitimae aetatis et bene intitulato reperto.

Datum Aquis, sub signo nostro manuali sigilloque capitulari Aquensi et signo graffarii nostri infrascripti, die decima mensis septembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo octavo.

G. DE MASSIOT, Vicarius praedictus.

De mandato dicti Domini Vicarii.

DARTIGUELONGUE, grafferius.

Traduction

Guillaume de Massiot, bachelier en Droit Pontifical, chanoine de l’église cathédrale et Vicaire Général de Dax, le siège épiscopal étant vacant, à notre bien-aimé Vincent de Paul, du diocèse de Dax, salut dans le Seigneur.

Pour que vous puissiez et soyez capable de recevoir, au temps fixé par le Droit, l’ordre sacré du sous-diaconat, de par n’importe quel seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife catholique, que vous préférerez, qui ait la grâce et la communion du Saint Siège Apostolique et ne soit pas suspens ni interdit de ses fonctions pontificales, nous vous accordons, à ces suites, permission et faculté spéciale, à vous, de le recevoir, et enfin au seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife, de le conférer, comme étant capable, suffisant, reconnu d’âge légitime, et bien pourvu d’un titre < canonique >.

Donné à Dax, sous notre seing < = signature > manuel et le sceau du Chapitre de Dax et le seing de notre greffier soussigné, le dixième jour de mois de septembre, l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt dix huit.

G. DE MASSIOT, Vicaire susdit.

Par mandement du dit seigneur Vicaire.

DARTIGUELONGUE, greffier.

Document 3. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 1712 à l’occasion du procès de béatification.

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4. — LETTRES DE SOUS-DIACONAT

(19 septembre 1598)

Salvatus Diharse, miseratione divina Episcopus Tarbiensis, universis et singulis notum facimus quod nos, die sabbati quatuor temporum post festum Sanctae Crucis, mensis et anni infrascriptorum, in nostra ecclesia cathedrali Tarbiensi, sacros generales ordines infra missarum solemnia celebrantes, dilectum nostrum Vincentium de Paul, Dioecesis Aquensis, remisgum, suficienter. et idoneum repertum, ad sacrum subdiaconatus ordinem rite et canonice duximus promovendum et promovimus.

Acturn et datum Tarbiae, sub sigillo parvo nostro cera rubea impendenti, et signo manuali secretarii nostri infrascripti, die decima nona mensis septembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo octavo.

S. DIHARSE, Episcopus Tarbiensis.

De mandato praefati Domini mei Episcopi.

DE CASENAVE, secretarius.

<Nous, > Salvat Diharse, Évêque de Tarbes par la miséricorde divine, faisons savoir à tous et chacun que le samedi des Quatre-Temps après la fête de la Sainte-Croix < 14 septembre >, l’année et le mois indiqués ci-dessous, faisant la célébration générale des saints Ordres dans notre église cathédrale de Tarbes, pendant la Messe solennelle, nous avons jugé devoir promouvoir et avons promu à l’ordre sacré du sous-diaconat, selon les rites et canoniquement, notre bien aimé Vincent de Paul, du diocèse de Dax, muni des dimissoriales, et reconnu suffisant et capable.

Fait et donné à Tarbes, sous notre petit sceau trempé de cire rouge et le seing manuel de notre soussigné secrétaire, le dix-neuvième jour du mois de septembre, l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt dix huit.

S. DIHARSE, Évêque de Tarbes.

Par mandement du dit Monseigneur Évêque.

DE CASENAVE, secrétaire.

5 — LETTRES DIMISSORIALES POUR LE DIACONAT

(11 décembre 1598)

Guillelmus de Massiot, in jure pontificio baccalaureus, canonicus ecclesiae cathedralis Aquensis, vicariusque generalis in spiritualibus et in temporalibus Reverendissimi in Christo Patris et Domini Domini Joannis Jacobi Dusault, Dei, et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Epi-

Document 4. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 1712 à l’occasion du procès de béatification.

Document 5. — Arch de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 1712 à l’occasion du procès de béatification.

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copi Aquensis, et Christianissimi Regis a secretis Consiliarii, dilecto Maglstro Vincentio de Paul, Dioecesis Aquensis, salutem in Domino. Ut a quocumque Domino Archiepiscopo, Episcopo seu Antistite catholico gratiam et communionem Sanctae Sedis Ap, ostolicae obtinente, quem malueris, et a pontificali officio non suspenso nec secluso, sacrum diaconatus ordinem, tempore a jure statuto, recipere possis et valeas, tibi de recipiendo, eidemque Domino Archicpiscopo, Episcopo seu Antistiti de conferendo, harum serie licentiam et facultatem impartimur specialem, tattquam ido, neo, sufficienti, legitimae aetatis et bene intitulato reperto. Datum Aquis, sub signo nostro manuali, sigilloque nostro vicariatus, ac signo graffarii nostri infrascripti, die undecima mensis decembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo octavo.

G. DE MASSIOT, Vicarius praedictus.

De mandato dicti Domini Vicarii Generalis.

DARTIGUELONGUE, gralf arius.

Traduction

Guillaume de Massiot, bachelier en Droit Pontifical, chanoine de l’église cathédrale de Dax et Vicaire Général au spirituel et au temporel du Révérendissime Père et seigneur dans le Christ, le seigneur Jean-Jacques Dusault, Évêque de Dax par la grâce de Dieu et du Saint Siège Apostolique, et Conseiller du Roi Très Chrétien > en son Conseil ? > secret, au bien-aimé Maître Vincent de Paul (1), du diocèse de Dax, salut dans le Seigneur.

Pour que vous puissiez et soyez capable de recevoir, au temps fixé par le Droit, l’ordre sacré du diaconat, de par n’importe quel seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife catholique, que vous préférerez, qui ait la grâce et la communion du Saint Siège Apostolique et ne soit pas suspens ni interdit de ses fonctions pontificales, nous vous accordons, à ces suites, permission et faculté spéciale, à vous, de le recevoir, et au même seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife, de le conférer, selon l’enchaînement de ces fonctions, comme étant capable, suffisant, reconnu d’âge légitime, et bien pourvu d’un titre < canonique >.

Donné à Dax, sous notre seing manuel et le sceau de notre Vicariat, et le seing de notre greffier soussigné, le onzième jour de mois de décembre, l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt dix huit.

G. DE MASSIOT, Vicaire susdit.

Par mandement du dit seigneur Vicaire Général.

DARTIGUELONGUE, greffier.

6. — LETTRES DE DIACONAT

(19 décembre 1598)

Salvatus Diharse, miseratione divina Episcopus Tarbiensis, universis et singulis notum f. acimus quod nos, hac die sabbati quahtor temporum post festum Sanctae Luciae, mensis et anni infrascriptorum, in nostra ecclesia cathedrali Tarbiensi, sacros generales ordines infra missarum solemnia celebrantes, dilectum nostrum Vin-

Document 6. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 12 janvier 1712 à l’occasion du procès de héatification

 

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centium de Paul, Dioecesis Aquensis, remissum, sufficienem et idoneum repertum, ad sacrum diaconatus ordinem rite et canonice duximus promovendum et promovimus.

Actum et datum Tarbiae, sub sigillo parvo nostro cera rubea impendenti, et signo manuali secretarii nostri infrascripti, die decima nona mensis decembris, anno Dornini millesimo quingentesimo nonagesimo octavo.

S. DIHARSE, Episcopus Tarbiensis.

De mandato.

DE CASENAVE, secretarius.

Traduction

<Nous, > Salvat Diharse, Évêque de Tarbes par la miséricorde divine, faisons savoir à tous et chacun qu’en ce samedi des Quatre-Temps après la fête de Sainte Lucie, l’année et le mois indiqués ci-dessous, faisant la célébration générale des saints Ordres dans notre église cathédrale de Tarbes, pendant la Messe solennelle, nous avons jugé devoir promouvoir et avons promu à l’ordre sacré du diaconat, selon les rites et canoniquement, notre bien aimé Vincent de Paul, du diocèse de Dax, muni des dimissoriales, et reconnu suffisant et capable.

Fait et donné à Tarbes, sous notre petit sceau trempé de cire rouge et le seing manuel de notre soussigné secrétaire, le dix-neuvième jour du mois de décembre, l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt dix huit.

S. DIHARSE, Évêque de Tarbes.

Par mandement. DE CASENAVE, secrétaire.

 

7. — LETTRES DIMISSORIALES POUR LA PRETRISE

(13 septembre 1599)

 

Guillelmus de Massiot, in jure pontificio baccalaureus, canonicus ecclesiae cathedralis Aquensis, vicariusque generalis in spiritualibus et temporalibus Reverendissimi in Christo Patris et Domini Joannis Jacobi Dusault, miseratione divina Aquensis Episcopi, dilecto nostro Vincentio de Paul, clerico ad ordinem diaconatus promoto, Dioecesis Aquensis, salutem in Domino.

Ut a quocumque Domino Archiepiscopo, Episcopo seu Antistite catholico, gratiam et communionem Sanctae Sedis Apostolicae obtinente, quem malueris, et a pontificali officio non suspenso nec secluso, sacrum presbyteratus ordinem, tempore a jure statuto, recipere possis et valeas, tibi de recipiendo, eidemque Domino Arshiepiscopo, Episcopo seu Antistiti de conferendo, harum serie licentiam et facultatem impartimur specialem, tanquam idoneo, sufficienti, legitimae aetatis et bene intitulato reperto.

Document 7. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 1712 à l’occasion du procès de béatification.

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Datum Aquis sub signo nostro manuali sigilloque capitulari Aquensi ac signo graffarii nostri infrascripti, die decima tertia mensis septembris, anno Domini millesimo quingentesimo nonagesimo nono.

G. DE MASSIOT, Vicarius praedictus.

De mandato dicti Domini Vicarii Generalis.

DARTIGUELONGUE, graff arius.

Traduction

Guillaume de Massiot, bachelier en Droit Pontifical, chanoine de l’église cathédrale de Dax et Vicaire Général au spirituel et au temporel du Révérendissime Père et seigneur dans le Christ Jean-Jacques Dusault, Évêque de Dax par la miséricorde divine, à notre bien-aimé Vincent de Paul, clerc du diocèse de Dax promu à l’ordre du diaconat, salut dans le Seigneur.

Pour que vous puissiez et soyez capable de recevoir, au temps fixé par le Droit, l’ordre sacré du presbytérat, de par n’importe quel seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife catholique, que vous préférerez, qui ait la grâce et la communion du Saint Siège Apostolique et ne soit pas suspens ni interdit de ses fonctions pontificales, nous vous accordons, à ces suites, permission et faculté spéciale, à vous, de le recevoir, et au même seigneur Archevêque, Évêque ou Pontife, de le conférer, comme étant reconnu capable, suffisant, d’âge légitime, et bien pourvu d’un titre < canonique >.

Donné à Dax, sous notre seing manuel et le sceau du Chapitre de Dax, et le seing de notre greffier soussigné, le treizième jour de mois de septembre, l’an du Seigneur mille cinq cent quatre vingt dix neuf.

G. DE MASSIOT, Vicaire susdit.

Par mandement du dit seigneur Vicaire Général. DARTIGUELONGUE, greffier.

8. — LETTRES DE PRETRISE

(23 septembre 1600)

 

Franciscus de Bourdeille, miseratione divina Petracoriensis Episcopus, notum facimus universis quod nos, die infrascripta missam sacrosque ordines generales celebrantes in ecclesia Sancti Juliani, Castri nostri Episcopalis (1), dilectum nostrum Vincentium de Paul, diaconum Aquensis Dioecesis, sufficientem et idoneum, debiteque a suo Episcopo nobis remissum, prout in litteris dimissoriis continetur, ad sacrum presbyteratus ordinem rite et canonice duximus promovendum et in Domino promovimus, Spiritus Sancti gratia suffragante.

Datum ubi supra, sub sigillo nostro, et signo secretarii nostri infrascripti, die sabbati, in jejuniis quatuor temporum post festum Sanctae Crucis, vigesima tertia septembris, anno Domini millesimo sexcentesimo.

De mandato Domini mei Reverendissimi Episcopi.

J. JOURDANEAU, secretarius.

Traduction

<Nous, > François de Bourdeille, Évêque de Périgueux par la miséricorde divine, faisons savoir à tous qu’au jour indiqué ci-dessous, célébrant la Messe et l’ordination générale dans l’église Saint Julien de notre château épiscopal, nous avons jugé devoir promouvoir et avons promu dans le Seigneur à l’ordre sacré du presbytérat, selon les rites et canoniquement, et avec l’aide de l’Esprit-Saint, notre bien aimé Vincent de Paul, diacre du diocèse de Dax, suffisant et capable et à nous envoyé par son Évêque selon les formes dues, comme c’est contenu dans les lettres dimissoriales.

Donné au lieu susdit, sous notre sceau et le seing de notre soussigné secrétaire, le samedi du jeûne des Quatre-Temps après la fête de la Sainte-Croix < 14 septembre > vingt-troisième jour de septembre, l’an du Seigneur mille six cent.

Par mandement de mon révérendissime Seigneur Évêque.

J. JOURDANEAU, secrétaire.

 

Document 8. — Arch. de la Mission, copie authentiquée prise le 22 janvier 17l2 à l’occasion du procès de béatification.

1). Aujourd’hui Château-l’Evêque, près de Périgueux ; l’évêque de Périgueux y avait sa maison de campngne.

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Voir SAINT VINCENT PREND À BAIL L’ABBAYE DE SAINT LÉONARD DE CHAUMES (14 mai 1610) à la fin du volume ;

Doc. 9 a : Minutier Central : Arch. Nat., Etude LXXXIV, vol. 52, folio 265-266.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 260-262

 

9 — RESIGNATION DE L’ABBAYE SAINT-LÉONARD

DE CHAUME EN FAVEUR DE SAINT VINCENT

(17 mai 1610)

Je soussigné, archevêque d’Aix, conseiller du roi en son conseil d’Etat (1), confesse avoir promis et promets à Messire Vincent de Paul, conseiller et aumonier de la reine Marguerite, duchesse de Valois, de résigner en sa faveur mon abbaye de Saint-Léonard de Chaulmes, Ordre de Cîteaux, diocèse de Saintes, si tel est le bon plaisir de Sa Majesté.

En conséquence de laquelle résignation, je consens titres et documents servant au recouvrement des droits et revenu temlporel de ladite abbaye lui être délivrés tant par le sieur de Lamet (2), bourgeois de La Rochelle, qui a ci-devant joui de ladite abbaye, que par toutes autres personnes ès mains desquelles lesdits titres et documents pourront être trouvés, et, à cet effet, fournirai, en tant que de besoin, toutes procurations nécessaires.

Accorde pareillement, en conséquence de la susdite résignation, que tous les fruits, droits et revenus de ladite abbaye et arrérages d’iceux lui soient baillés et délivrés, même par spécial les arrérages des cens et

Document 9. — Arch. de la Mission, original, et, pour la dernière pièce, copie authentiquée. Ces documents ont été publiés par Louis Audiat dans Le Diosèse de Saintes au XVIIIe siècle, Paris, 1894, in.8, p. 180-185. Des bâtiments de l’abbaye de Saint-Léonard il ne reste plus qu’une ferme, située sur la commune de Vérines, près de la Rochelle.

1). Paul Hurault de l’Hospital, archevêque d’Aix de 1599 à 1624. Nicolas Nicou, moine de Cîteaux, lui avait cédé l’abbaye Saint-Léonard en 1609.

2). Gabriel de Lamet, seigneur de Condun et de Cheusse, échevin de La Rochelle et protestant. Il fut nommé abbé de Saint-Léonard par brevet du roi le 22 février 1583. I, es papiers de l’abbaye étaient encore entre ses mains.

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rentes foncières par moi retenus, pour telle part que je me suis réservée en iceux par la transaction passée avec ledit de Lamet, de nous signée et reconnue par devant notaires le… (3) jour de février dernier. passé, à l’effet de laquelle transaction et droits à moi appartenants à cause d’icelle, j’ai subrogé et subroge ledit sieur de Paul en mon lieu et place de tout à toujours, aux conditio, ns suivantes :

A savoir que moi dit de Paul, soussigné, promets fournir audit seigneur archevêque d’Aix un bénéfice simple, non litigieux, de valeur et ferme de douze cents livres portées par chacun an, toutes charges faites, au deçà des rivières de Somme et Loire.

Ce que je serai tenu effectuer et accomplir devant ie dernier jour de décembre que l’on comptera mil six cent treize pour toutes préfixions et délais. Et cependant consentirai valablement et par effet la création en cour de Rome d’une pension de pareille somme de douze cents livres chacun an sur le revenu temporel de ladite abbaye, tant en vertu des bulles de provision que j’en pourrai obtenir, que de signature ou bulle qui sur ce sera particulièrement expédiée, telle et si valable que l’on s’en puisse contenter, et par spécial en vertu de brevet de Sa Majesté, que je serai tenu poursuivre et obtenir en la forme ci-après transcrite, noin autrement ; l’original duquel demeurera ès mains dudit seigneur archevêque jusques à ce que ledit bénéfice lui ait été par moi actuellement fourni, le tout à ce qu’en vertu desdites pièces ledit seigneur archevêque soit effectuellement payé de ladite pension, qui lui sera fournie par chacun an aux termes de Noël et saint Jean, également et par moitié, à commencer du premier jour de janvier, année prochaine.

3. La place du mot est restée en blanc sur l’original.

 

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Laquelle bulle ou signature de création de pension je serai tenu fournir audit seigneur archevêque d’Aix d’hui en six mois et auparavant que je puisse prendre possession de ladite abbaye, en vertu des provisions que j’en pourrai obtenir. Même serai tenu faire obliger solidairement avec moi au payement de ladite penslon de douze cents livres tous et chacuns les fermiers qui par moi seront mis en ladite abbaye, droits et membres d’icelle, dont leurs baux feront expresse mention.

Ne pourra ledit seigneur archevêque, ue prétendre aucune augmentation de ladite pension de 1200 livres pour quelque cause que ce soit, même pour n’avoir eu bonne connaissance des droits de ladite abbaye, à cause des usurpations desdits droits pendant les guerres civiles.

Comme aussi je ne pourrai prétendre aucune diminution de ladite pe, nsion pour cause de stérilité, dégât, perte de titres, non-jouissance et hostilité, et généralement pour quelque cause que ce soit, et ce en considération que je pourrai retirer ci-après à mon profit plusieurs grands droits appartenants à ladite abbaye, qui en ont été excipés et usurpés, et aussi que, sans ces clauses expresses et réciproques, le présent accord n’eût été fait.

Serai moi dit de Paul tenu d’entretenir le bail du revenu ternporel de ladite abbaye fait par ledit seigneur archevêque à Arnaud d’Ozier, marchand à Paris, et passé par devant… (4) notaires au Chatelet de Paris, le quatorzième des présents mois et an, même à l`égard du divin service, nombre et entretènement des religieux, chapelle, ornernents, réparations et méliorations de ladite abbaye ; toutes lesquelles choses demeureront particulièrement appropriées au divin service et bien de

4. La place des noms est restée en blanc sur l’original.

 

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ladite maison, sous quelque cas qui puisse arriver ci-après.

D’autant qu’en considération du présent accord et à condition qu’il soit par moi effectué, non autrement, ledit seigneu, r archevêque m’a remis les frai~s de ses bulles, voyages, expéditions, frais de son économat et des procès par lui intentés, tant à La Rochelle qu’en cette ville de Paris, pour raison de ladite abbaye. Je promets, à défaut de payement de la susdite pension de douze cents livres par une année entière et de satisfaire de point en point au présent accord, rendre et rétrocéder audit seigneur d’Aix ladite abbaye avec tous les fruits qui en seront lors dus, et, outre, payer les frais des bulles qu’il lui conviendra de nouvel obtenir, liquidés, de notre consentement, à la somme de mille livres, le tout sans répétition des frais qui auront été par moi faits et sans que, pour raison de ce, ledit seigneur d’Aix soit tenu me faire aucune sommation, signification, ni autre mandement, que la sim~ple teneur de ces, présentes. Ne pourra tou. tefois ladi~te pension être transférée, sinon de mon consentement.

Tout ce que dessus avons respectivement promis effectuer de bonne foi, sans dilfférerld, ni procès. Et pour l’exécution des présentes, circonstances et dépendances, avons élu nos domiciles irrévccables en cette ville de Paris, à savoir moi dit archevêque d’Aix en la maison de Messire Antoine de La Loire, procureur ès parlement, sis rue Quincampoix, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs ; et moi dit de Paul en la maison de Messire Jean de La Thane, maître de la monnaie de Paris, sis rue de la Monnaye, paroisse Saint-Germain-de l’Auxerrois. Esquels lieux nous voulons et consentons tous exploits qui y seraient faits pour cet effet valoir comme si, faits étaient à nos propres personnes, nonobstant mutations de propriétés ou locations.

 

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En témoin de quoi nous avons signé les présentes à Paris, ce dix-septième jour de mai mil six cent dix.

PAUL, ar. d’Aix. VINCENT DEPAUL.

 

Aujourd’hui… (5) le roi étant à Paris, désirant gratifier et favorablement traiter le sieur Vincent de Paul, conseiller et aumônier de la reine Marguerite, duchesse de Valois, Sadite Majesté a eu pour agréable la résignation que le sieur archevêque d’Aix, conseiller de Sadite Majesté en soin conseil d’Etat, entend faire en sa faveur de l’abbaye Saint-Léonard de Chaaulmes, Ordre de Cîteaux, diocèse de Saintes, à la réserve de douze cents livres de pension, que, du consentement dudit de Paul, Sadite Majesté veut et entend être payée par chacun an audit seigneur archevêque, sur les fruits et revenus temporels de ladite abbaye, tant en vertu des bulles ou signature de création de ladite pension en cour de Rome, que ledit de Paul, de son consenternent, sera tenu d’en obtenir, que de particulier brevet ; m’ayant Sadite Majesté commandé de lui en expédier toutes lettres de nomination et autres nécessaires, et particulièrement ledit présent brevet ; et a voulu signer de sa main et faire contresigner par moi, son conseiller secrétaire d’Etat et de ses commandements.

PAUL, ar. d’Aix. VINCENT DEPAUL.

 

Aujourd’hui sont comparus par devant les notaires et gardes-notes du roi au Châtelet de Paris soussignés, Révérend Père en Dieu Messire Paul Hurault de l’Hospital, archevêque d’Aix et abbé de l’abbaye de SaintLéonard de Chaulmes, Ordre de Cîteaux, diocèse de Saintes, logé de présent en cette ville de Paris, rue Cou-

5). L’indication du jour fait défaut sur l’original.

 

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tellerie, paroisse Saint-Médéric, d’une part, et discrète personne Messire Vincent de Paul, prêtre, aumônier de la reine Marguerite, duchesse de Valois, demeurant à Paris, rue de Seine, en la maison où pend pour enseigne l’image Saint-Nicolas, lesquels ont reconnu et confessé avoir signé les noms et signatures ci-dessus, qu’ils promettent entretenir, sans y contrevenir, et à ce y ont obligé chacun en droit soi, leurs biens, etc… ; renonc, ant, etc…

Fait et passé en la maison dudit sieur archevêque, après midi, l’an mil six cent dix, le lundi dix-septième jour de mai ; et ont signé :

PAUL, ar. d’Aix. VINCENT DEPAUL.

GRANDRYE. MOTELET.

 

Aujourd’hui, dixième de juin, l’an mil six cent dix, le roi étant à Paris, la reine régente sa mère présente, désirant gratifier le sieur archevêque d’Aix, Sa Majesté a eu bien agréable la résignation qu’il a faite de l’abbaye Saint-Léonard des Chaulmes, Ordre de Cîteaux, diocèse de Saintes, en faveur de Vincent de Pau, l, prêtre, bachelier en théologie, à la charge et réserve de douze cents livres de pension par chacun an sur le revenu de ladite abbaye.

En témoin de quoi, Sadite Majesté m’a commandé en expé, dier le présent brevet, qu’elle a voulu signer de sa main et fait contresigner par moi, secrétaire d’Etat et de ses commandements et f~nances.

LOUIS. BRULART.

9 b. Saint Vincent poursuivi par Mgr Paul Hurault de l’hôpital au sujet de l’abbaye de Saint-Léonard de Chaumes (28 mai 1611)

Doc. 9 b : Minutier Central : Arch. Nat., Etude LXXXIV, vol. 54, folio 234.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 262-263

Voir le texte à la fin du volume

10. — DON DE SAINT VINCENT A L’HOPITAL DE LA CHARITE

(20 octobre 1611)

Par devant Pierre de ~riquet et Denis Turgis, notaires et gardes-notes du roi, notre sire, en son Châtelet de Paris, soussignés, fut présent et comparut personnellement Messire Vincent de Paul, abbé co~mandatairede l’abbaye Saint-Léonard, pays d’Aunis, diocèse de Saintes, conseiller et aumânier de la reine Marguerite, étant de présent en cette ville de Paris, logé ès faubourg Saint-Germain-des-Prés, rue de Seine, près l’hôtel de ladite dame reine, lequel, de son bon gré, franche et libre volonté, pour la dévotion et l’affection qu’il a portées à l’hôpital Saint-Jean-Baptiste, de l’Ordre du Bienheureux Jean de Dieu, fondé par la reine régente èsdit faubourg Saint-Germain-des-Prés-lez-Paris, et pour donner plus de moyen aux prieur et religieux dudit hôpital de traiter et panser les pauvresmalades qui vont et viennent journellement se réfugier et faire panser audit lieu, même aussi pour leur subvenir, tant à l’acquit du payement de ce qui est dû par ledit-hôpital pour reste du bâtiment qu’ils y ont fait faire, que pour continuer icelui bâtiment, afin de pouvoir comlnodément loger lesdits religieux audit hôpital, et pour autres bonnes et saintes considérations, a donné, cédé, quitté et trarlsporté, donne, cède, quitte et transporte par ces présentes, en pur et vrai don irrévocable, fait entre vifs, sans espérance de le révoquer, auxdits ~rieur et religieux dudit hôpi~tal de Saint-Jean-Baptiste, fondé èsdit faubourg Saint-Germain-des-Prés, ce acceptant par frère Gabriel Desartes, prieur dudit hôpital, à ce présent, la somme

Document 10. — Arch. nat. Y 151, f° 323, registre des insinuations au Châtelet.

 

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de quinze mille livres, que ledit sieur abbé donateur a dit et affirme lui appartenir, comme en ayant droit par transport de Messire Jean de La Thane, maître particulier de la monnaie en cette ville de Paris, par acte passé par devant Choguillot et Tulloue, notaires audit Châtelet, le dix-neuvième des présents mois et an, auquel La Thane ladite somme appartenait, comme en ayant aussi droit et transport de Jacques Ducasse, maître particulier des monnaies de Navarre et Béarn, bourgeois de la ville de Bordeaux, par contrat passé par devant le, dits Choguillot et Tulloue le dix-huitième juin dernier passé ; laquelle somme appartenait audit Ducasse, comme étant subrogé au lieu et droits de François Treilles, Girault Treilles, Jean Mercaddé et Pierre Stabot, propriétaires du navire ci-après déclaré ; icelle somme de quinze mille livres tournois due par le roi pour récompense, valeur et estimation d’un navire du port de trois cents tonneaux, appelé la Domingue, de Biarritz, qui aurait été perdu et mis à fond en combattant contre l’Espagnol, suivant le rapport et estimation faite d’icelui par devant Monsieur le lieutenant général de la sénéchaussée de Guyenne.

En conséquence de quoi, icelui Ducasse aurait été assigné par Sa Majesté, par lettres patentes données à Paris le vingtième mars 1599, signées "pour le roi en son conseil, Thuillier" vérifiées en ladite chambre des comptes de cette ville de Paris par arrêt d’icelle du neuvième décembre mil cinq cent quatre-vingt-dix-neuf, narratives d’un mandement qui aurait été réclamé audit Ducasse,, portant acquit patent de ladite somme de quinze mille livres adressantes à Messire Balthazar Gobelin, trésorier de l’Epargne, pour le payement de ladite somme, datées du vingtième janvier 1595, sur l’avis et jugement donné par les juges de l’amirauté au siège de la table de marbre du Palais à Paris, du vingt-unième octobre mil cinq cent quatre-vingt-quatorze, contenant aussi la valeur et perte

 

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dudit vaisseau, mentionné en certain audit arrêt de ladite Chambre des comptes, daté du dix-septième mai audit an mil cinq cent quatre-vingt-dix-neuf, toutes lesquelles lettres, arrêts, contrats, subrogations et transports ci-dessus mentionnés ledit sieur donateur a présentement baillés et délivrés audit sieur prieur, l’en faisant porteur et de ladite somme de quinze mille livres tournois, aussi par lui donnés, comme ont été, vrai acteur, demandeur, procureur, pourchasseur, receveur et quetteur, l’a mis et subrogé du tout en son droit et lieu, noms, raisons et actions pour, par lui et lesdits religieux dudit hôpital, en faire et disposer à leur volonté et comme de choses à eux appartenantes ; cette présente donation ainsi faite, comme dit est par ledit sieur donateur, pour les causes susdites, ensemble pour être participant aux prières et biens faits dudit hôpital, et outre, pource que ledit sieur et donateur a voulu et lui plaît dans y ce faire pour aucunes autres bonnes et justes causes et considérations à ce le mouvant.

Et pour faire insinuer ces présentes partout où besoin sera, lesdits sieurs donateur et prieur ont fait et constitué leur procureur irrévocable l’un d’eux l’autre, ou le porteur des présentes, auquel ils donnent pouvoir de ce faire et d’en requérir tel acte que besoin sera, pro mettant, obligeant, renoncant, etc…

Fait et passé ès études desdits notaires souscrits, l’an mil six cent onze, le vingtième jour d’octobre, après-midi. Et ont lesdits sieurs donateur et prieur signé la minute des présentes avec lesdits notaires souscrits dénommés, par devant ledit Turgis, l’un d’iceux.

BRIQUET. TURGIS

 

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11. — ACTE DE PRISE DE POSSESSION DE LA CURE DE CLICHY

(2 mai 1612)

Anno Domini millesimo sexcentesimo duodecimo, die mercurii secunda mensis maii, post meridiem, ego Thomas Gallot, clericus Parisiensis, in pontificio et caesareo juribus licentiatus publicus auctoritate apostolica, venerabilisque curiae Episcopalis Parisiensis notarius juratus, subsignatus, in registris Episcopatus et Praefecturae Parisiensis, insequendo edictum regium, descriptus et immatriculatus, Parisiis, in vico novo Beatae Mariae Virginis commorans, vigore et virtute certae signaturae apostolicae provisionis parochialis ecclesiae sanctorum Salvatoris et Medardi de Clichiaco in Garenna, Parisiensis Dioecesis, factae et concessae per Sanctissimum Dominum nostrum Papam Paulum quintum, venerabili et discreto viro Magistro Vincentio de Paul, prebytero, Dioecesis Aquensis, in sacra Theologiae falcultate baccalaureo, medio resignationis Domini et Magistri Francisci Bourgoing, nuper seu alias ultimi et immediati ejusdem parochialis ecclesiae de Clichiaco rectoris pacifici, seu ejusdem Domini Bourgoing ad id legitime constituti procuratoris, sic signatae "Fiat ut petitur. C.", sub data "Romae, apud Sanctum Petrum, pridie idus novembris, anno septimo pontificatus" ejusdem Sanctissimi Domini Papae Pauli quinti et in forma gratiosa quam dicunt expeditae ; eumdem Dominum et Magistrum Vincentium de Paul, propter hcc personaliter comparentem et id a me requirentem, in possessionem corporalem, realem et actualem praedictae curae seu parochialis ecclesiae Sancti Salvatoris et Sancti Medardi de Cli-

Document 11. — Archives de la Mission, original.

 

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chiaco in Garenna, per liberum ingressum et egressum in et extra eamdem parochialem ecclesiam, sumptionem et aspersionem aquae benedictae, precum fusionem, genibus flexis, tam ante venerandam Crucifixi imaginem quam majus et praecipuum altare ipsiusmet ecclesiae, ejusdem altaris et libri missalis super ipsomet altari existentis osculum atque tanctum, tactum etiam tam sacrarii sive armarii in quo asservatur et custoditur venerandum Christi corpus, quam fontium baptismalium, sessionem in sede parocho ipsiusmet ecclesiae in choro illius affecta et dsbita seu destinata, pulsum campanarum et alias in similibus observari solitas et consuetas debite observatas solemnitates, ut et pariter per liberuan ingressum et eglressum in et extra domum presbyteralem ejusdem loci, iposui et induxi, rogatus et requisitus. Quam quidem possessionis adeptionem per dictum Dominum de Paul factam et dicti Domini Bourgoing resignationem alta et intelligibili voce, juxta regis edictum, publicavi et notificavi, nemine praemissis sese opponente vel eisdem contradicente.

Et de eisdem praemissis omnibus et singulis actum dicto Domino de Paul id a me requirenti et postulanti, sibi, loco et tempore, et prout de jure oonvenerit, valiturum et inserviturum, ego praedictus et subsignatus notarius dedi et concessi.

Acta fuerunt haec in dicta ecclesia et domo presbyterali de Clichiaco in Garenna, praesentibus ibidem magistro Ægidio Beaufils, presbytero Carnotensis dioecesis, vicario, honestis viris Joanne Moreau, matriculario dictae ecclesiae et procuratore fiscali dicti loci de Clichiaco, Joanne du Mur, Joanne Soret, seniore, Joanne Vaillant, seniore, Laurentio Bega, parochianis et incolis dictae ecclesiae, et aliis in dicto pago de Clichiaco commorantibus testibus ad præmissa vocatis et rogatis.

T. GALLOT

 

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12. — RECONNAISSANCE D’UNE DETTE

(7 décembrce 1612)

Fut présent Messire Vincent de Paul, prêtre, abbé de Saint-Léonard, demeurant en cette ville de Paris, rue de Seine, à Saint-Germain-des-Prés, lequel confesse devoir… à Messire Jacques Gasteaud, docteur en théologie, demeurant à La Rochelle, absent, ou au porteur, Messire Jacques Croppet, procureur en la cour de Parlement, à ce présent, stipulant et acceptant pour lui, la somme de trois cent vingt livres tournois…

Fait et passé en l’étude dudit procureur l’an mil six cent douze, le septième jour de décembre, après midi, et ont signé :

V. DEPAUL. CROPPET.

TRONSON J. DE TROYES.

Voir 13 a - ST VINCENT DE PAUL, CURE DE GAMACHES (Ven. 28 fév. 1614)

Arch. Seine-Maritime. G. 9574, folio 77 verso et 78.Voir (Miss Ch. n° 8, oct.1962, 495)

13 — SAINT VINCENT DE PAUL, CHANOINE D’ECOUIS (1)

(1615-1616)

Die mercurii, vigesima septima mensis maii, anni Domini millesimi sexcentesimi decimi quinti, congregatum est capitulum, ad pulsum campanae, in loco solito in ecclesia Sanctae Mariae Virginis d’Escouis, in quo Faesidebat Dominus ac Magister Jacobus Desmay, presbyter, doctor theologus societatis sorbonicae, decanus, assistentibus sibi Dominis ac Magistris Joanne Fu-

Document 12. — Arch. de la Mission, copie prise sur l’original chez M. Julien Durand, 20, rue Cassette, Paris.

Document 13. — Arch. du presbytère d’Ecouis, copie prise au XVIII siècle sur les registres des délibérations capitulaires, qui sont aujourd’hui perdus

1). Localité de l’arrondissement des Andelys (Eure) L’histoire de la collegiale d’Ecouis a été écrite par Louis Régnier. (L’Eglise Notre Dame d’Ecouis, autrefois collégiale, 1913, Paris, in-8.)

 

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vée, cantore, Georgio de La Faye, Joanne Mallet, Francisco Le Clerc, Carolo de Framez, Joanne Caron et Vincentio Grosmoulu, presbyteris et canonicis.

Comparuit discretus vir Dominus ac Magister Vincentius de Paoul (2), presbyter Dioecesis Aquensis, baccalaureus theologus, per Magistrum Joannem Morin, procuratorem suum, juxta actum procurationis datum coram Andrea Le Nariel, notario apostolico immatriculato, Parisiis commorante, die vigesima tertia mensis et anni praedictorum ; qui quidem praedictus Morin, nomine quo supra, obtulit Domini. s decano, canonicis et capitulo praedictis litteras Nobilissimi ac Illustrissimi Domini Domini Philippi Emmanuelis de Gondy, locum tenentis Christianissimi Regis Franciae in galeris supra mare orientale et oocidentale, comitis de Joigny, baronis de Plessis juxta Ecouis et patroni praedictae ecclesiae, qui suo jure et in turno suo conferebat beneficiis thesaurariae et canonicatus, vacantium in praedicta ecclesia per obitum Magistri Joannis Le Roux, ultimi illius possessoris pacifici, prout constat carta collationis, data Parisiis die vigesimo maii praesentis anni, subsignata "P. E. de Gondy" et sigillis armonrum praedicti patroni munita ; quo jure postulabat praedictus Morin, procurator, nomine quo supra, quatenus praedictum Magistrum Vincentium de Paoul in realem, personalem et actualem praedicti beneficii et officii thesaurariae et canonicatus ponerent, aut poni facerent, possessionem praedicti decanus et capitulum.

Lectis igitur actibus tam praedictae collationis quam procurationis, nos decanus et canonici, capitulariter congregati. ad pulsum campanae, posuimus praedictum Magistrum Vincentium de Paoul, per praedictum Magistrum Joannem Morin, presbyterum, procuratorem

2). C’est le nom donné à Vincent de Paul.

 

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suum, comparentem, in personalem, realem et actualem possessionem praedicti beneficii et officii thesaurariae et canonicatus, solemnit. atibus ad id requisitis plene observatis, salvis juribus praedictorum decani, canonicorum et capituli, modo tamen praedictus de Paoul juramento firmet servaturum omnia quae in fundatione praedictae ecclesiae continentur et omnes constitutiones quae ad officium thesaurariae et beneficium canonicatus spectant et pertinent, et subiturum omnia munia qu. ae praedictum officium thesaurariae sequuntur, prout tam a prima fundatione quam post fundationem Dominae reginae Clementiae et Domini delphinatus Humberti in praedicta ecclesia observari perpetuo jure digno feruntur, protestando per praedictos decanum, canonicos et capitulum praesentes provisionem et possessionem fore sine praejudicio jurium sibi a fundatore collatorum et sine consequentia in posterum, praecipue in his quae spectant ad assumptionem seu electionem per dominos patronos unius personae de capitulo ad dignitatem et officia, necnon vicariatum, quando vacare contigerit.

Datum in Capiltulo nostro die et anno praedictis

Il a été ordonné que l’on récrira à M. le général pour répondre à sa lettre ; ce qui a été fait dans la teneur qui ensuit :

Monseigneur, nous avons reçu vos lettres et avons exécuté le contenu d’icelles. Nous envoyons à Monsieur Vincent de Paoul, préceptcur de messieurs vos enfants, un extrait de nos registres de chapitre, qui lui servira d’acte de sa prise de possession à la trésorerie et chanoinie, desquels il vous a plu le pourvoir. Dieu veuille lui donner la grâce d’accomplir ce que nous attendons de lui pour le bien et décoration de votre église ! La présence des bénéficiers fasse que le service divin soit accompli avec plus d’honneur en votre église, où nous con-

 

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tinuerons à supplier la bonté divine de vous assister de sa grâce, ensemble Madame et messieurs vos enfants, demeurant, Monseigneur, vos très humbles orateurs et serviteurs.

le doyen, chanoines et chapitre d’Ecouis.

 

Du susdit chapitre d’Ecouis, ce 27 mai 1615.

Ce mercredi, 16 de septembre 1615, le chapitre général a été assemblé, etc…

Maître Vincent de Paoul, prêtre, bachelier en théologie, à présent trésorier de cette église, ayant ci-devant fait prendre possession de ladite trésorerie par procureur, s’est présenté en personne, afin de faire le serment de fidélité ; ce qu’il a fait, et a signé ; de faire les charges contenues en une feuille ci-devant écrite, a demandé à faire faire ces charges, ce qui lui a été accordé, et donné l’osculum pacis, et a prié la compagnie de dîner demain, qui est le jour de la dédicace de cette église, pro suo jucundo adventu, suivant la coutume de ce chapitre.

Ce mercredi 20è d’avril 1616, le chapitre assemblé, présidant M. le chantre, assisté de MM. de La Faye, Mallet, Le Clerc, Nourquier, Caron, Grosmoulu et Dupré, ledit chapitre, assemblé à la requête de haut et puissant seigneur messire Pierre de Roucherolles, baron de Pont-Saint-Pierre, Marigny et Dampierre, et co-patron de l’église et collège de ce lieu, où, en sa séance, a représenté au chapitre, conformément aux promesses qu’il avait par ci-devant solennellement faites en sa prise de possession de patronage de ladite église et collège, de satisfaire à l’obligation de l’entretien et maintien de la fondation, ainsi que le chapitre lui avait fait promettre et jurer sur ladite fondation et sur les saints Evangiles ; à laquelle promesse ne pouvant satisfaire en dissimulant et tolérant, à son sens, ladite fondation être

 

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enfreinte en un point qui menace la ruine entière de ladite église et fondation, à savoir en la résidence actuelle de tous les chanoines en général, à quoi contreviennent tout du coup les sieurs Desmay, doyen, de Paoul, trésorier, et Blondel, chanoine, a protesté l’absence des susdits sieurs être contre son consentement, et partant que, pour son fait, il y désirait donner ordre suivant son possible, mais, que, pour cette fin, il était nécessaire, selon la teneur de la susdite fondation, que l’absence des messieurs dont est question fût jugée par le chapitre, et que, pour cet effet, il s’était transporté exprès ici, où il requérait le chapitre et le sommait, au nom de Dieu, de procéder à cette affaire tant importante d’un même pied que lui, comme y ayant pareil intérêt que lui et semblable obligation, afin que, sur le jugement qui en serait fait, il avisât d’y remédier selon Dieu et sa conscience ; de laquelle sienne réquisition et ordonnance sur ce fait en suivant a demandé acte ; et ce qu’ayant dit, ledit seigneur est sorti.

Sur laquelle représentation et requête les voix étant recueillies, étant toutes unanimes, faisant droit tant à la déclaration et réquisition dudit seigneur et patron, a ordonné que, dans le chapitre général prochain, qui sera le mercredi prochain d’après la fête de la Pentecôte prochaine, les sieurs Desmay, doyen, de Paoul, trésorier, et Blondel, chanoine, viendront dire ou enverront les causes de leur non-résidence et faire droit à la requête dudit seigneur et patron. Et afin que les susdits sieurs ne prétendent cause d ignorance de la présente réquisition et ordonnance, il est commandé au notaire du chapitre de leur envoyer copie de la présente réquisition et ordonnance dans la huitaine du jourd’hui, et de délivrer acte audit seigneur et patron de tout ce que dessus.

 

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Le mercredi, 18e de mai, le chapitre assemblé, présent, M. le chantre, etc…

Je, Frédéric Le Roux, prêtre chapelain de l’église collégiale Notre-Dame d’Ecouis, certifie à qui il appartiendra avoir bien et dûment signifié par copie, que j’ai baillée à messieurs les d. oyen, trésorier et Blondel, qu’ils eussent à venir dire ou envoyer leurs excuses de non-résidence en ce chapitre, ou dedans le chapitre général, qui sera le mercredi d’après la fête de la Pentecôte prochaine, et ce suivant l’ordonnance de ce chapitre, en date du vingtième d’avril dernier p. assé 1616. Ce que j’atteste avoir fait et être véritable.

Fait ce 18e de mai 1616.

 

Ce mercredi 25e de mai 1616, le chapitre général a été assemblé, auquel présidait M. le doyen, assisté de Messieurs le chantre, La Faye, Mallet, Le Clerc, Nourquier, Fr. amez, Blondel, Caron, Grosmoulu et Dupré.

M. Mallet a présenté une lettre envoyée de la part de madame la générale, et Le Roux, receveur de Monseigneur le duc de Retz, co-patron de cette église, une autre de la part dudit seigneur et co-patron, lecture desquelles ayant été faite, suivant laquelle il appert qu’ils… (3) la présence de M. de Paoul, trésorier de cette église, encore quinze jours et que l’on retarde le jugement de sa cause jusques à ce temps. Sur quoi le chapitre ayant délibéré, leur a accordé ce qu’ils demandent par leurs dites lettres, et a ordonné que lesdites lettres seront gardées dans le greffe et que l’on signifiera la présente ordonnance audit Roux, receveur dudit seigneur et co-patron.

3) Il y a ici un blanc sur la copie.

 

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14 — SERNON DE SAINT VINCENT SUR LE CATÉCHISME

Je ne monte point en chaire pour vous faire une prédication, comme l’on a accoutumé, mais pour vous dire quelque chose du catéchisme, parce que monsieur le comte (1) l’a désiré, avec la permission de monsieur le curé… afin de disputer un peu avec eux des choses de la foi, pendant qu’il sera ici, sachant que Dieu n’a pas seulement établi les seigneurs pour retirer les cens et les rentes de ses sujets, mais pour leur administrer la justice, maintenir la religion et les faire aimer, servir et honorer Dieu et apprendre sa sainte volonté.

Encore que la fin de toute prédication soit d’attirer les âmes au ciel, si est-ce que ceux qui en ont fait des traités en remarquent. de trois sortes : l’une pour enseigner, l’autre pour exhorter, et l’autre, mixte, pour enseigner et pour exhorter tout ensemble. Celle qui est poulr enseigner a pour matière les choses de la foi ; celle qui est pour exhorter a pour sujet la vertu et le vice ; et la mixte, enseigner et exhorter, c’est-à-dire elle enseigne les choses qui appartiennent à la foi et donne de l’amour de la vertu et de l’horreur du vice. La première est pour ceux qui ne savent pas ce qu’il faut qu’ils sachent ; la seconde, pour ceux qui le savent et qu’il faut faire bons ; la 3è, pour ceux qui ne sont pas trop bien instruits et qui ont besoin d’être retirés du vice et être échauffés à la vertu. La première s’appelle catéchiser et regarde les petits enfants et les infidèles ; la 2e et 3 regardent les catholiques qui sont déjà grands et aucunement instruits. Nous ne traiterons point les deux dernières, pource que

Document 14. — Doc. aut. — Arch. de la Mission, original. Cet entretien semble avoir été écrit entre 1613, date de l’entrée de saint Vincent chez les Gondi, et 1616, date de la résignation de l’abbaye Saint-l. éonard de Chaume, plutôt vers 1616.

1). Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny.

 

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vous avez des sermons ordinairement à cette fin, mais nous plarlerons de la première, qui est de catéchiser, c’est-à-dire d’instruire les petits enfants, assurant néanmoins les grands qu’ils y feront du fruit. Quicumque crediderit, etc… (2). Sine fide impossibile est cuicumque placere Deo (3). Quicumque vult salvus fieri, ante omnia opus est ut teneat catholicam fidem (4),

Le catéchisme, c’est ce petit livre que vous voyez, où est contenu ce que le chrétien est obligé de savoir et de croire et qui a été dressé pour l’instruction du peuple, afin qu’il sache ce qu’il doit savoir et faire. Il enseigne qui est celui qui mérite le titre de chrétien, la fin pour laquelle l’homme a été créé, comme il y a un Dieu en trois personnes et trois personnes en un Dieu, les commandemants de Dieu et de son Eglise, les sacrements et : l’exercice du chrétien ; qui, est enfin tout ce que nous sommes obligés de savoir, le tout réduit en si petit volume et en telle méthode qu’on l’apprendra en peu de temps.

La fin pour laquelle il a été dressé du commencement, c’est pour instruire les infidèles ; mais il est arrivé depuis qu’il a fallu le pratiquer envers les chrétiens mêmes et que les gens d’église sont obligés à l’enseigner aux petits enfants, parce que les pères et les parrains et marraines qui sont obligés de leur enseigner les choses de la foi ne s’en acquittent pas comme il faut, et qu’aussi plusieurs y seraient bien emipêchés eux-mêmes pour n’avoir pas aussi été instruits et 4ue, par ce moyen, la plus grande partie des âmes est au chemin de perdition. Quicumque non crediderit condemnabitur. "` (5)

Et ne pensez pas que ce soit chose nouvelle en l’Eglise.

2. Evangile de saint Marc XVI, 16.

3. Epître aux Hébreux XI, 6.

4. Symbole de saint Athanase.

5. Evangile de saint Marc XVI, 16.

 

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Origène, qui, vivait bien l’an 200, sous Sévère, pratiquait le cathéchisme. Saint Basile, qui vivait sous Julien l’Apostat, 350 ; saint Ambroise, sous Théodose, 320 ; saint Augustin, sous Arcade et Honoré, l’an 400 ; et saint Cyrille Alexandrin, l’an 430, sous Valentinien III ; tous ceux-là ont enseigné le catéchisme, comme moi aujourd’hui, et ont fait des livres entiers, et cela pource qu’ayant considéré les chrétiens être les uns spirituels et les autres charnels, les charnels qui vaquaient beaucoup aux choses du corps et peu à celles de l’âme, et qu’il était aussi nécessaire pour les petits enfants. Mais que dis-je ? Notre-Seigneur même, le Fils de Dieu, n’a-t-il pas insinué d’instruire les petits enfants et de les catéchiser en quelque façon quand, en saint Matthieu, 19, il prêche les juifs et les apôtres, voulant empêcher les petits enfants d’aller à lui ? Il s’en prend garde et dit : Sinite patvulos venire ad me et nolite prohibere eos, talium est enim regnum caelorum. (6) Et les embrassant, il les bénissait. Il leur donne des anges gardiens ; Angeli eorum semper vident faciem Patris (7). Il les rend propres héritiers du ciel : Talium, etc… Il donne une peine notable à ceux qui les scandaliseront. Ceux qui les reçoivent le reçoivent lui-même. Qui sont des prérogatives qu’il a données aux petits enfants, si nous croyons à l’Evangile. Amen, amen dico vobis, nisi conversi fueritis et efficiamini sicut parvuli isti, non intrabilis in regnum caelorum. Quicumque se humiliaverit sicut parvulus iste, major erit in regno caelorum. Qui autem susceperit unum parvulum in nomine meo me suscipit. Qui autem scandalizaverit unum de pusillis istis, expedit ei ut suspendatur mola asinaria in collo ejus. (8) Pour la nécessité, chacun la connaît ; je vous en ferai

6). Evangile de saint Matthieu XIX, 14.

7). Evangile de saint Matthieu XVIII, 10.

8). Evangile de saint Matthieu XVIII, 3-6.

 

vous-mêmes juges, savoir si tous savent ce qu’il faut qu’ils croient. N’est-il pas vrai que l’ignorance est si grande, que je me suis trouvé avec des personnes chrétiennes et catholiques auxquels j’ai demandé s’ils savaient les com~mandements de Dieu, qui répondaient qu’ils n’avaient jamais été à l’école, et d’autres au’ils les savaient bien lire dans les heures ? O ignorance crasse ! O aveuglement du diable que nous soyons venus jusques à ce point qu’un chrétien ne sache Ipoint en qui il croit !

Quand il n’y aurait autre chose sinon que nous voyons que les huguenots, nos ennemis, nous ont ôté les armes des poings pour nous en ruiner, ne devrions-nous point les reprendre pour nous en défendre ? Car savez-vous avec quel soin ils l’enseignent et l’apprennent ? Ils l’ont tel, qu’ils l’enseignent tous les dimanches, l’après-dînée, à leurs enfants, et les enseignent de façon qu’il n’y a celui qui ne rende raison de sa foi et qui n’en dispute pertinemment, ou, pour mieux dire, pertinacement (?). Ceux qui sont piqués de l’aspic reprennent le même aspic et l’écrasent sur la plaie et guérissent par ce moyen. Les huguenots se servent du catéchisme pour ruiner notre foi. Reprenons le même catéchisme et l’écrasons sur la plaie.

L’utilité en est infinie. Premièrement, le catéchisme nous enseigne la foi. Il nous fait mettre nos espérances en Dieu en nos adversités. Il nous fait aimer et craindre Dieu et notre prochain, nous assure contre les tentations du diable, nous rend assurés contre les ennemis de la foi et finalement nous obtient le paradis.

Et surtout, pères et mères, apprenez que vos enfants vous seront beaucoup plus obéissants qu’ils ne sont. Comment pensez-vous que l’Italie ait conservé la foi en sa pureté, que par le catéchisme ? Et comment l’Espagne ? Et comment le Canada, le Pérou et le Brésil

 

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sont [-ils] réduits à la foi, que par le c. atéchisme ? Comment, d’ailleurs, pensez-vous que l’on conserve la foi en France, où il y a des huguenots, que par le catéchisme, comme à La Rochelle ? O chose digne d’un grand peuple ! Il y a à La Rochelle environ 1500 catholiques, et tout le reste de la religion. Ces catholiques ne savaient en qui ils croyaient il y a quinze ou seize ans jusques à ce que Dieu y envoyât un bon docteur, qui commença à catéchlser les enfants, et a fait si bien peu à peu, par la grâce de Dieu et de ce petit catéchisme, qu’il a rendu ce peuple si bien, que j’ai honte moi-même, lorsque je me trouve parmi eux et vois qu’ils me surpassent beau, coup en charité.

L’on qn’objectera : "Qu’avons-nous à faire de votre catéchisme ? Nous sommes chrétiens, car nous allons à l’église, nous entendons la messe, vêpres ; nous nous confessons à Pâques ; qu’est-il besoi. n d’autre chose ?" Que je n’ai point trouvé en toute la Sainte Ecriture qu’il soit assez à un chrétien d’ouïr la messe, vêpres et se confesser, et que j’y ai trouvé que quiconque ne croit à tout ce qui appartient à la foi n’est pas sauvé. Et puis quel fruit tire de la messe celui qui ne sait pas ce que c’est, ni de la confession celui qui ne sait en quoi elle consiste ?

La disposition qu’il faut de notre côté, c’est celle qu’il faut à un vase pour conserver la liqueulr en sa bonté. Il faut premièrement que le vase soit net, en terre et bouché. Vos cœurs sont des vases, et la doctrine chrétienne la liqueur. Comme le vase qui a des ordures dedans, ne conservera la liqueur en sa pureté, de même l’enfant superbe, gourmand et opiniâtre ne conservera point la doctrine en sa pureté. Si le vase est fendu, la liqueur verse. Ainsi, si, quand vous êtes au catéchisme, vous pensez à autre chose, vous êtes un vase fendu et tenez point ce qui vous est enseigné. Il faut donc que

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ceux qui voudront apprendre renoncent aux vices et aux péchés, qui sont comme des ordures de l’âme, et dans peu de temps ils loueront Dieu d’avoir appris ce qu’ils apprendront et ne voudraient pour tout ce qui est au monde.

Partant donc j exhorte les pères et mères qui sont ici présents et qui ont des enfants de les y envoyer et d’y venir eux-mêmes, pensant au regret que vous aurez un jour si vous et vos enfants êtes damnés, faute de savoir ce qui est nécessaire de savoir, en ayant même le moyen si facile.

L’ordre que je tiendrai pour enseigner sera si facile qu’un chacun en sera capable, aussi bien les indoctes comme les doctes et les petits comme les grands, rejetant toute sorte de questions vaines et inutiles et toutes enquêtes même superflues.

La question est d’un docteur qui demande à un enfant s’il est chrétien. L’enfant répond qu’oui, par la grâce de Dieu. Vous, chers petits enfants, quand vous dites qu’oui, par la grâce de Dieu, [vous dites] que c’est Dieu seul qui vous a faits chrétiens, par sa grâce, et non pas que vous l’ayez mérité, ni que ce n’est pas votre père qui vous a faits chrétiens, mais que vous en avec l’obligation à Dieu seul, qui vous pouvait faire naître d’un paien. Vous apprendrez aussi que ce n’est pas la doctrine d’un homme qui le fait chrétien, mais Dieu.

Gratia Dei sum id quod sum.

 

15. — SERMON DE SAINT VINCENT SUR LA COMMUNION

Qu’il ne faut recevoir le corps de Notre-Seigneur in-

Document 15. — Doc. aut. — Arch. de la Mission original. Ce sermon semble n’être qu’un premier jet du suivant ; ils sont écrits à la suite l’un de l’autre. L’écriture a beaucoup plus de traits de ressemblance avec les deux premières lettres de saint Vincent qu’avec les suivantes.

 

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dignement. Il faut réserver la démonstration en son lieu

Le Père éternel a témoigné avec quel soin nous nous devons disposer pour recevoir notre Créateur en nos âmes, puisque lui-même, l’envoyant en ce monde, lui a voulu disposer un palais remlpli de toutes perfections,. qui est le ventre virginal de sa bienheureuse Mère Le Saint-Esprit a voulu aussi démontrer ce même respect qu’on doit au corps de Notre-Seigneur, puisqu’ayant rejeté les moyens de la nature pour la formation de ce corps, il a voulu lui-même etre l’ouvrier en prenant le plus pur du sang de la Vierge. Si le Père et le SaintEsprit ont tant voulu contribuer à cette dispos ltion, que doit avoir l’homme qu’il n’y contrlbuât, lorsqu’il lui veut faire cette grâce de se communiquer à lui, eu égard même aux conditions de l’un et de l’autre, de celui qui reçoit et de la chose reçue, celui-ci infini et tout-puissant, celui-là, au contraire, étant un pauvre ver de terre et une simple vapeur ! Et ne faut pas que nous nous excusions sur quelque grand attirail qu’il semble que la chose requiert, et quelque extraordinaire son qui réponde à cette action tant extraordinaire. Non, il n’y faut que la disposition du cceur, un oubli des vanités passées, une vive appréhension du grand amour que Dieu nous a témoigné en ce sacrement et une réciprocation et correspondance d’amour de notre côté ; ce qui se fait sans se remuer d’une place. Partant il ne faut point aller aux Indes, se faire couvrir de poussière et de cendre pour la conquête de ce grand bien. Le pauvre laboureur, faut qu’il gagne sa pauvre vie à la sueur de son visage. Le méchant passe la mer pour gagner un peu d’argent, qu’il perd le plus souvent d’un coup de mer. Mais ici où il s’agit d’un gain, non d’un peu de pain, non d’un peu de terre blanche décuite, comme est l’argent, mais de tous les trésors du monde, il n’est nécessaire que de la pure application de son cœur ; car ce

 

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n’est pas recevoir un breuvage médicinal, qui peut faire aussitôt mal que bien ; ce n’est pas prendre un dîner, qui. ne regarde que cette misérable carcasse du corps, mais la nourriture de l’âme, qui doit vivre éternellement.

Notre-Seigneur a institué à cet effet cet auguste Sacrement, vraie base et centre de la religion, la nuiit avant sa passion, par un testament solennel qu’il iit en la présence des. apôtres, où il estima ne pouvoir assez exprimer l’amour qu’il a pour l’homme qu’en lui Laissant son corps ; ce qu’il a fait afin que, comme nous sommes réconciliés à Dieu par sa mort et passion, nous en ressentions les effets tous les jours par la réception de son corps, la misèrs de l’homme étant telle que, s’il n’a quelque antidote pour son âme, il se laisse facilement emporter à ses mauvaises inclianations et à son sens corrompu et dépravé. O digne et admirable iinsti. tution, qui passez la capacité de l’entendement humain, que les anges ne peuvent qu’admirer et que nulle langue ne peut exprimer, ni nul entendement comprendre, combien tu es digne de grande vénération, qu’un Dieu infini se veuille tant rabaisser que de se laisser contenir par une créature finie, que celui que le ciel ne peut comprendre, qui est porté sur les ailes du vent, veuille abréger son admirable grandeur dans une pauvre chétive âme, que le soleil même retire sa splendeur dans un petit antre creux de la poitrine humaine ! Non, c’est chose qui ne se peut, ni ne se doit seulement penser ; car qui a-t-il de si extraordinaire au monde ! L’on voit bien le père laisser son bien à ses enfants, s’exposer au danger de la mort pour leur conservation ; mais de leur donner son corps à manger, il ne s’en trouve point.

Ces choses donc considérées, quel châtiment mérite celui qui le reçoit indignement ! L’enfant quil a mis des poids sur un degré pour faire tomber son père, qui descend de bonne foi, est déshéritable selon la loi, et

 

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ceux qui ont seulement conspiré la mort du roi sont coupables de mort. A combien plus forte raison le doit être celui qui vcudrait recevoir son Dieu dans son âme remplie d’ordures et vilenies ! Les anciens tyrans attachaient un corps vivant à un mort pour le faire mourir mille fois en un moment. Celui [-là] fait le même qui veut mettre son Créateur vivant avec son âme morte par le péché. Oh ! que ceux [-là] sont donc grandement heureux qui le mangent comme il faut. Car, premièrement, le mérite de la passion de Notre-Seigneur leur est infiniment appliqué. Ladite âme, d’immonde et sale, est devenue nette et agréable à Dieu, et, de hôtesse qu’elle était des démons, elle est venue le temple du Saint-Esprit et le siège de la divinité. Mais, au contraire, ceux qui le reçoivent indignement sont coupables de la mort et passion de Notre-Seigneur, et partant dignes du feu éternel en l’autre monde, et, en cedui-ci, de la peine que saint Paul dit, savoir de maladies et pauvreté, et mort avant le temps. Car quelle indignité fait-on, je vous supplie, à Notre-Seigneur et aux anges qui l’assistent de les vouloir loger partiquote avec le diable ! Qui est icelui d’entre nous qui ne recevrait un extrême regret si, allant voir un ami qui l’aurait convié, il le mettait dans une chambre avec un sien ennemi qui y serait déjà avec des épées et des poignards !

Le même traitement fait celui qui le veut loger avec le diable.

 

16. — SERMON DE SAINT VINCENT SUR LA COMMUNION

Qu’il ne fout recevoir le corps de Notre-. Seigneur indignement.

Document 16. — Doc. aut. — Arch. de la Mission, original.

XIII. — 3

 

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Dieu, createur et souverain architecte de toutes choses, ayant créé l’hom, me à son image et semblance, composé de corps et d’âme, a, par même moyen, créé un aliment pour l’entretien du corps et en a institué un autre pour le nourrissement de l’âme. L’aliment du corps est le pain et le vin, celui de l’âme le corps de Notre-Seigneur, parce que, tout ainsi que le conps ne pourrait subsister sans nourriture matérielle, ainsi l’âme ne pour rait être en état de grâce sans la nourriture. Cet aliment a été institué de Notre-Seigneur, lequel, voyant qu’il lui fallait subir le supplice de la croix, prit du pain, après avoir soupé, le soir avant sa passion, en la présence des apôtres, le bénit et rompit et en donna à ses apôtres, leur disant : "Tenez, ceci est mon corps ; faites ceci en mémoire de moi." Il accomplit, ce soir, ce qu’il avait prédit longtemps auparavant en saint Jean, c. 6, où il déclara en vérité que, s’ils ne mangeaient la chair du Fils de l’homme et ne buvaient son sang, qu’ils n’auraient point vie en eux, que qui mangera sa chair et boira son gang, il aura la vie éternelle et le ressuscitera au dernier jour, que le pain qu’il devait donner serait la chair qu’il donnerait pour la vie du monde ; par où nous concluons que nous ressusciterons et aurons la vie éternelle par le mérite de sa chair, et que partant nul ne peut ni avoir la grâce, ni la vie éternelle, s’il ne nourrit son âme de cette céleste pâture. Mais, parce que ce n’est pas tout de la recevoir, mais qu’il faut la bien recevoir, et que ceux qui la reçoivent indignement sont coupables de sa mort, ainsi que dit saint Paul, c’est ainsi qu’il faut que tous chrétiens sachent et soient avertis de quelle importance il est de le recevoir dignement ; ce qui se verra clairement par ce qui s’ensuit.

Le Père éternel, ayant prévu de toute éternité la chute de l’homme, au moyen de laquelle il se rendrait indigne du paradis, tout bon et miséricordieux comme il est, se

 

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proposa d’envoyer son propre Fils en ce monde pour se charger de la nature humaine et se rendre caution et responsable de ses péchés, tant afin d’apaiser la justice divine, que pour montrer aux hommes quelle manière d’être lui serait la plus agréable. Mais, comme ainsi soit que Dieu soit le père de la providence et que l’office de la providence ne soit pas seulement de penser à la fin, mais de désigner les moyens pour y parvenir, c’est ainsi qu’en prévoyant et décrétant qu’il enverrait son Fils ici-bas, il détermina aussi les moyens pour y parvenir.

Il prévit donc que, comme il fallait que son Fils prît chair humaine par une femme, qu’il était convenable qu’il la prît par une femme digne de le recevoir, femme qui fût illustrée de grâces, vide de péchés, remplie de piété et éloignée de toutes mauvaises affections. Il se ramena donc déjà pour lors devant les yeux toutes les femmes qui devaient être et n’en trouva pas une digne de ce grand ouvrage que la très pure et très immacu~ée Vierge Marie. C’est pourquoi il se proposa donc de toute éternité de lui disposer ce logis, de l’orner des plus rares et dilgnes biens que pas une créature, afin que ce fût un temple digne de la divinité, un palais digne de son Fils. Si la prévoyance éternelle a jeté la vue si loin pour découvrir ce réceptacle de son Fils et, l’ayant découvert, l’a orné de toutes les grâces qui pouvaient embellir la créature, comme il le fit lui-même déclarer par l’ange qu’il lui envoya pour ambassadeur, à combien plus forte raison devons-nous prévoir le jour et la disposition requise à le recevoir ! Combien, d’ailleurs, devons-nous soigneusement orner notre âme des vertus requises à ce grand mystère et que la devobion nous peut acquérir ! Le Saint-Esprit ne voulut pas que cette action se passât sans y contribuer du sien et voulut choisir le plus pur du sang de la Vierge pour la conception de

 

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ce corps. Les anges firent résonner l’air de chants et de louanges, lorsqu’il vint au monde ; saint Jean lui fit hommage, étant encore dans le ventre de sa mère ; les mages, qui représentent la science humaine, y contribuèrent aussi leur reconnaissance ; les bergers, symbole de la simplicité, y rapportèrent aussi leur révérence. Mais, ô chose étrange ! que dirons-nous des animaux irraisonnables ? Ils n’ont pas voulu être exilés de cette reconnaissance. Mais, ce qui est plus étrange encore, c’est que les choses imanimées, qui n’ont point de reconnaissance, ont fait un effort en la nature pour en avoir, afin d’y contribuer aussi leur foi et hommage.

Si Dieu le Père, si le Fils, si le Saint-Esprit, si les anges, les petits enfants, les hommes grands en dignité et rares en savoir, si les simples, si les animaux irraisonnables et les choses inanimées ont contribué les uns à la prévoyance, les autres au faire, les autres à l’ceuvre, et chacun [selon] son savoir-faire, à la naissance du Fils de Dieu, à combien plus forte raison doit l’homme prévoir, travailler et se disposer à la récepticon de ce même créateur. Devons-nous pas bander à cela tous nos sens ? Ce faisant, il faut bannir à cette heure-là de la mémoire tout ressouvenir que celui de Dieu, de notre ente dement toute connaissance et de notre volonté tout amour que celui de Dieu, considérant qui nous sommes et quel est celui que nous recevons, comme nous ne sommes que des vers de terre, qu’une vapeur, qu’un sac rempli d’ordure et la spélonque de mille mauvaises pensées ; et Notre-Seigneur, au contraire, un être éternel et infini, la splendeur de la gloire et la fontaine et source de toute grâce et beauté. Et cependant, ô bonté divine ! ores que tel, il ne demande pas les appareils du banquet d’Assuérus, ni la disposition qu’il requérait de ses femmes, qui était de six mois avant qu’elles dussent coucher avec lui, mais il demande seulement que nous

 

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lui donnions notre cœur, n’espère d’autre amour que du sien et de celui de notre prochain. Il n’y a donc point de la difficulté pour ceux qui s’y disposent, ni aucune sorte de peine. La peine est pour ceux qui, ayant l’âme cautérise et remplie d’affections caduques et péricsables de la chair et des biens de ce monde, ont un extreme regret et comme un Prométhée qui leur ronge l’âme à cause de leur indignité, indisposition et indévotion qu’ils ont lorsqu’ils s’approchent de ce sacré banquet.

Celui qui a à recevoir un plus grand que soi est en une peine et un soin extrêl~e à penser à le recevoir dignement. Il accommode son logis, le nettoie, le tapisse, le range, donne ordre que rien n’y soit de vilain. Faut qu’il envoie à la boucherie pour de la chair, à la chasse pour la venaison, et mille autres soins qu’il a. Mais, pour Notre-Seigneur, rien n’est nécessaiire de tout cela : point de travail, ni d’embarras ; mais, sans se mouvoir, chacun se peut disposer, pensant seulement en son cœur à vider les ordures de son âme par une contrition et à faire une ferme proposition de ne plus offenser Dieu.

 

17. — RÉSIGNATION PAR SAINT VINCENT DE L’ABBAYE

SAINT-LEONARD DE CHAUME

(29 octobre 1616)

Par devant Philippe Richer et Jacques Fardeau, notaires et gar. des-notes du roi notre sire en son Châtelet de Paris, soussignés, fut présent en sa personne noble et discrète personne Messire Vincent de Paul, prêtre, demeurant à Piaris, rue des Petits-Champs, paroisse Saint-Eustache (1), lequel reconnut, confessa et confesse

Document 17. — Arch nat. Y 157, f° 383, registre des Insinuations au Châlelet.

1). Saint vincent était alors l’hôte de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères ; il le suivra plus tard rue Pavée. (Cf. Arch nat. Y 156, f° 213 v°.)

 

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avoir donné, cédé, quitté, transporté et délaissé, donne, cède, quitte, transporte et délaisse dès maintenant à toujours par donation irrévocable faite entre vifs et en la meilleure forme que faire se peut, sans toutefois aucune garantie qu’elle fût faite par promesse seulement, à noble personne Messire François dc Lanson, prêtre, conseiller et aumonier du roi et prieur du prieuré Saint-Etienne d’Ars en l’île de Ré, demeurant à Paris, rue des Cordiers (2) paroisse Saint-Etienne-du-Mont, à ce présent et acceptant, tous et chacuns les droits, noms, raisons, actions, pétitions, commandes, restitutions de fruits et autres choses généralement quelconques tant échues qu’à échoir, présentes et à venir, jugées et à juger, que ledit sieur donateur eût pu et pourrait prétendre et demander, à cause de la jouissance qu’il aurait eue par ci-devant de l’abbaye de Saint-Léonard de Chaume comme abbé et vrai titulaire d’icelle abbaye, à l’encontre de telles personnes que ce soient, tant à cause de la restitution des fruits et revenus temporels de ladite abbaye que ledit sieur de Paul prétend lui être dus, pour raison de quoi il aurait intenté plusieurs procès contre divers détenteurs et usurpateurs du domaine de ladite abbaye, que autrement, en quelque sorte et manière que ce soit, concernant les fruits et revenus de ladite abbaye seulement, que pour raison desquels ledit sieur donateur a ci-devant intenté divers procès à l’encontre de plusieurs personnes, tant par devant messieurs des requêtes du palais, que ailleurs, que aussi pour les restitutions des fruits que ledit sieur de Lanson pourra prétendre à cause de ladite abbaye, même du temps que ledit sieur de Paul a été abbé d’icelle, ensemble tous les frais, dépens, dommages et intérêts qui audit sieur

2. Petite rue aboutissant d’un côté à la rue Saint-Jacques, de l’autre à la rue qui porte aujourd’hui le nom de Victor-Cousin.

 

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donateur pourraient être adjugés, à l’encontre desdits détenteurs et usurpateurs du domaine de ladite abbaye, à quelque somme que le tout se pu, isse monter ; sans aucune chose en excepter, retenir, ni réserver, faisant pour cet effet ledit sieur de Lanson vrai acteur, demandeur, pourchasseur, receveur et quitteur, et a certifié, l’a mis et subrogé, met et subroge pour ce du tout en son lieu, droits, noms, raisons et actions, pour, par ledit sieur de Lanson, en poursuivre et recouvrer le payement et en faire et disposer comme de chose à lui app, artenante, au moyen des présentes ; ces don, cession et transport faits pour la grande affection que ledit sieur donateur a dit avoir et porter audit sieur donataire et pour les bons offices d’amitié qu’il a reçus dudit sieur donataire et, pource que telle est sa volonté. Et pour faire insinuer, en tant que besoin sera, la présente donation en tous lieux que besoin sera suivant l’ordonnance, lesdits sieurs donateur et donataire, l’un en l’absence de l’autre, ont substitué leur procureur irrévocable le porteur des présentes, auquel ils ont donné pouvoir et puissance de faire tout ce qui au fait appartiendra, sera requis et necessaire, et généralement promettant et obligeant, renonçant, etc…

Fait et passé en la maison dudit sieur donataire devant déclaré, le vingt-neuvième jour d’octobre, après midi, l’an mil six cent seize. Et ont signé la minute des présentes, demeurées vers ledit Fardeau, Vigne, Richer et Fardeau.

L’an mil six cent dix-sept, le samedi vingt-cinquième jour de janvier, le présent contrat de donation a été apporté au greffe du Châtelet de Paris, et icelle insinuée, acceptée et eue pour agréable aux charges, clauses et conditions y apposées et scellées et contenues en icelle, par Jacques Ceyffat, porteur-dudit contrat.

 

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18. — ACTE DE RÉSIGNATION DE LA CURE DE CHATILLON

EN FAVEUR DE SAINT VINCENT

(19 avril 1617)

Personaliter constitutus Venerabilis Dominus Joannes Lourdelot, presbyter, rector parochialis ecclesiae Sanctorum Martini de Buenens et Andlreae de Chastillon, ejus annexae, Lugdunensis Diœcesis, gratis et sponte suos fecit et constituit, facitque, creat et constituit procuratores suos generales et speciales, generalitati et specialitati non derogante, necque contra, videlicet… (1) absentes tanquam praesentes et eorum quemlibet in solidum specialiter quidem et expresse, ad, ipsius domini constituentis nomine et pro eo, dictam suam parochialem ecclesiam, quam obtinet, pure et simpliciter in manibus Ordinarii, nempe Illustrissimi et Reverendissimi Domini nostri Archiepiscopi Lugdunensis, seu in Sanctissimi Domini nostri Papae, ejus vice cancellerii aut alterius ad id potestatem habentis, in favorem tamen Domini… (2) et non alias, aliter nec alio modo, sponte et libere resignandum et renunciandum, jurandumque in animam Domini ipsius constituentis, in resignatione hujusmodi non intervenisse fraudem neque interventurum dolum seu simoniae labem aut quamvis illlegitimam pactionem, et generaliter omnia et singula faciendum quae ipsemet dominus constituens faceret, si praesens esset, promittens juramento suo se ratum et gratum habere omne id et quidquid [per] praedictos suos procuratores aut eorum alterum actum dictumque fuerit in prae-

Document 18. — Arch. dép. du Rhône, Insinuations ecclésiastiques reg. 81, f° 92 v°. Le document a élé publié par Philippe Cordenod dans Saint Vincent de Paul à Chatillon-les-Dombes, Bourg" 1908, p. 12, note l.

1). La place des noms est restée en blanc.

2). Jean Lourdelot ignorait encore, le l9 avril, en faveur de qui il résignait la cure de Châtillon.

 

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missis, sub obligationibus, renunciationibus et submissionibus in tallibus requisitis.

Acta haec Lugduni, in domo Congregationis Oratorii, die decima nona aprilis, anno millesimo decimo septimo, praesentibus ibidem testibus Josepho Mauriec et Josepho Dumont, clericis Lugduni commoranbibus et vocatis.

LOURDELOT

JOSEPH DUMONT. JOSEPH MAURICE.

Et me notario jurato in Archiepiscopatu Lugdunensi recipiente. MICHAUD.

 

19 — ACTE DE NOMINATION DE SAINT VINCENT DE PAUL

A LA CURE DE CHATILLON

(29 juillet 1617)

Thomas de Meschatin La Faye, [camerarius canonicus et comes Ecclesiae Lugdunensis, consiliarius in suprema Parlamenti Dombarum curia, officialis primatialis et vicarius generalis in spiritualibus et temporalibus Illustrissimi et Reverendissimi in Christo Patris Domini Dyonisii Simonis de Marquemont, miseratione divina et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Archiepiccopi et Comitis Lugdunensis, Galliarum primatis ac in supremo Regis nostri Christianissimi consilio] consiliarii. dilecto nobis in Christo Venerabili Domino Vincentio de Paul, presbytero, iln theologia baccalaureo, Aquensis Dioecesis, salutem in Domino.

Litterarum scientia, vitae [ac morum honesta, aliaque

Document 19. —. Arch.-. dép. du Rhône, reg. Prov., n° 8, p 319 v° et reg. 81 des Insinuations, f° 93. Le document a été publié par Phi-lippe Cordenod, op. cit., p. 12.

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laudabilia probitatis et virtutum merita, super quibus apud nos fide digno commendari. s testimonio, nos inducunt ut illa tibi favorabiliter concedamus quae tuis commoditatibus fore conspicimus opportuna ; horum igitur meritorum tuorum intuitu] et favore, parochialem ecclesiam Sancti Martini de Buenens et Sancti Andreae de Chastillon, ejus annexae, dicti Lugdunensis Dioecesis, ad praesens liberam et vacantem, propterea quod personaliter constitutus magister M. atheus Chevallier, procurator et procuratorio nomine magistri Joannis Lourdelot, illius ultimi possessoris, illam in manibus nostris ac secretarii Sedis Archiepiscopalis Lugdunensis infrascripti et testium infrascriptorum praesentia pure et simpliciter resignavit (quam resignationem admisimus et admiltimus per praesentes) tibi, tanquam benemerito et idoneo, praesenti et acceptanti, ac, ea de re monitus et certior factus, personalem in dicta parochiali ecclesia residentiam facere atque ab ea sine causa legitima in scriptis approbata non abesse, sub poena privationis ejusdem parochialis ecclesiae, promittenti, pleno jure contulimus et conferimus, ac de illa suisque juribus universis providimus et providemus, teque in et de ea instituimus et investimus ac in possessionem vel quasi ejusdem posuimus et induximus tenore et per concessionem praesentium litterarum, jure cujuslibet alterius salvo, ipsius parochialis ecclesiae et jurium suorum universorum regimen et administrationem in spiritualibus et temporalibus tibi plenarie committendo. Nos enim a te recepimus juramentum ilntalibus praestari solitum. Mandantes propterea dieta auctoritate, primo presbytero aut notario puiblico, super hoc requirendo, quatenus te, seu procuratorem tuum pro te et nomine tuo, in corporalem, realem et actualem possessionem dictae parochialis ecclesiae, et jurium istorum universorum ponat et inducat,

 

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servatis solemnitatilbus consuetis. In cujus rei testimonium sigillum camerae praefati Illustrissimi Domini Archiepiscolpi, liltteris praesentibus duximus apponendum.

Actum et datum Lugduni, die vigesima nona Julii, anno Domini millesimo sexcentesimo decimo septimo, praesentibus ibidem magistris Boneto Alix, practico, et Michaele Combret, theollogo, Lugduni commorantibus, testibus ad praemissa adstantibus et vocatis, subsignatis V. Depaul, Meschatin L. a Faye, Chevallier, procuratore.

Per Reverendum Dominum Vicarium Generalem praefatum.

LIVET.

 

20. — ACTE DE PRISE DE POSSESSION DE LA CURE

DE CHATILLON-LES-DOMBES

(1er août 1617)

A tous soit notoire que, le premier jour du mois d’aout, après midi, mil six cent dix-sept, devant moi notaire royal soussigné et en présence des témoins sous-nommés, s’est présenté devant la grande porte de l’église paroissiale de Buenens, fondée sous le vocable de Saint-Martin, vénérable personne Messire Vincent de Paul, prêtre et bachelier en la sainte et sacrée théologie, du diocèse d’Acqs, lequel adressant sa parole à Messire Guillaume Sauvageon, prêtre, vicaire en ladite église de Buenens et en celle de Saint-André de Châtillon, son annexe, lui a dit et remontré que, suivant la résignation à lui faite par Messire Mathieu Chevallier, procureur, et ce au nom de Messire Jean Lordelot, dernier possesseur de la cure de ladite église de Buenens et Saint-André dudit Châtillon, et en conséquence des lettres patente,

Document 20. — Arch. dép. du Rhône, reg. des insinuations, t. LXXXI, f° 93 Le document a été publié par Philippe Cordenod, op. cit., p.15.

 

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par lui sur ce obtenues de Messi~re Thomas de Meschatin La Faye, chambellan, chanoline et comte de l’église Saint-Jean de Lyon et vicaire général de Monseigneur l’archevêque dudit Lyon, en date du vingt-neuvième juillet prochain passé, signées Meschatin La Faye, de Paul, Che-vallier, procureur, et Livet, et scellées au grand sœau en cire rouge, qu’il a réellement produites et exhibées audit Messire Sauvageon, le requérant, en vertu desdites patentes, de le vouloir mettre en la pleine et réelle possession et jouissance de la cure desdites églises de Saint-Martin de Buenens et Saint-André dudit Châtillon. Ce que ledit Messire Sauvageon a accepté et offert de faire, sans préjudice toutefois des fruits et revenus dépend, ants de ladite cure, qu’il prétend recevoir jusques à ce aujourd’hui, pour l’avoir desservie avec Messire Hugues Rey, son associé au vicariat. Et au même instant a ledit Mes. sire de Paul pris par la main dextre, et, après avoir ouvert la grand’porte de ladite église de Buenens, aspergé d’eau bénite et sonne trois coups à la grosse cloche d’icelle, fiait sa prière au devant le grand autel, puis, icelui baisé, ayant aussi traité et manié entre ses rnains les ornements de ladite église, et autrement, tout ainsi que mieux a pu et dû, a ledit de Paul requis moi, notaire royal soussigné, de tout acte, pour lui servir et valoir en temps et lieu comme de raison, que je lui ai octroyé.

Fait en ladite église de Buenens, présents Messire Jean Besson et Pierre Genoud, prêtres sociétaires en ladite église Saint-André dudit Châtillon, honorable Jean, fils de feu honnête Jean Beynier, honnêtes Jean et Jacques Beynier, frères, bourgeois, tous dudit Châtillon, témoins.

DEPAUL. SAUVAGEON.

BESSON. GENOUD.

BLANCHARD BEYNIER.

 

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Ledit jour et au même instant, ledit Messire de Paul, est parti dudit Buenens et venu audit Châtillon, assisté dudit Messiire Sauvageon, de moi, notaire, et desdits témoins, puis, s’étant présenté au devant de la grand’porte de ladite église Saint-André dudit Châtillon, a derechef exhibé et présenté ses patentes ci-devant désignées audit Messire Sauvageon, le requérant le vouloir mettre en possession de la cure de ladite égli. se Saint-André, en conséquence de ladite résignation à lui faite par ledit Messire Chevallier, suivant quoi ledit Messire Sauvageon, sous les protestes contenues audit acte, aurait de même pris par la main dextre ledit Messire, puis, étant entré dans ladite église, et après avoir, par ledit Messire de Paul, sonné la grosse cloche trois coups, baisé le grand autel dicelle, traité et manié entre ses mains les ornements et habillements de ladite église, à la forme du précédent acte, il m’a aussi du tout requis acte, qui lui a été octroyé.

Fait en ladite église, présents les témoins, qui tous ont signé, à la forme ci-devant déclarée, et moi, notaire royal, expédiant pour ledit Messire de Paul, ce requérant.

BLANCHARD.

 

21. — RAPPORT DE CHARLES DEMIA SUR LE SEJOUR

DE SAINT VINCENT A CHATILLON-LES-DOMBES

Messire Charles Demia, prêtre, docteur ès saints décrets en l’Université de Paris, demeurant ci-devant au séminaire de la Mission des Bons-Enfants et de Saint-Sulpice de Paris, a recueilli. succinctement, de quelques

Document 21. — Copie de cet acte se trouve dans un des volumes du procès de Béatification de saint Vincent. (Arch. de la Congrég. des Rites.) Collet le date du 7 août 1665 et nous apprend qu’il fut passé devant Pierre Besson et Jean Collet, notaires royaux à Châtillon. (Collet, op. cit., t. I, p. 60, en note.)

 

entretiens qu’il a eus avec les plus anciens et principaux habitants de Châtillon, ce qui s’ensuit concernant ce qui s’est passé pendant que vénérable Vinoent de Paul, prêtre, a séjourné et a été curé dans Châtillon ; ce qu’il a ouï affirmer être véritable et que ceux qui ont su écrire ont voulu signer pour servir plus authentiquement là où. il sera besoin.

En l’année mil six cent dix-sept, la cure de Châtillonies-Dombes, pays de Bresse, étant vacante par la mort du sieur Soyront, bénéficier de Sainte-Croix de Lyon et curé de Châtillon, Messieurs les comtes de Saint-Jean, de qui dépend cette cure, et celui particulièrement auquel échoit la nomination, étant poussé du zèle de la maison de Dieu, s’adressa au Père Bence, supérieur de l’Oratoire, afin de lui incliquer quelque bon ecclésiastique pour l’en pourvoir, lui exposant l’extrême besoin de cette grande paroisse.

Il y avait près de quarante ans que cette cure n’était possedée que par des bénéficiers de Lyon, qui ne venaient dans Châtillon que pour tirer le revenu de ce bénéfice et pour ne pas donner lieu à un dévolu. De plus, Messieurs Beynier, Garron, Guichenon, Alix et les principaux habitants de cette ville étaient huguenots Il n’y avait que six vieux prêtres sociétaires, qui vivaient dans un grand libertinage, n’y ayant aucun religieux ni religieuse en cette ville, où il y avait près de deux mille habitants, la plupart de ces prêtres gardant chez eux des filles et femmes, au scandale de tout le monde, et enfin qu. antité d’autres abus. Ce que monsieur le comte ayant exposé à ce bon prêtre de l’Oratoire, qui, ne voyant de sujet propre à remlédier à tant de rnaux, ni qui même le voulût entreprendre, à cause que cette cure était de grand travail et n’avait de revenu en ce temps-là que cinq cents livres, il en écrivit donc à Monsieur de Bérulle à Paris, le priant de lui indiquer quelque homme

 

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de bien, qui, ne recherchant ses intérêts propres, recherchât purement ceux de Jésus-Christ. Monsieur de Bérulle, ayant proposé tout cela à M. Vincent de Paul, lui fit accepter cet emploi, si bien que, s’étant mis incontinent après en chemin et étant à Lyon, le Révérend Père Métezeau, qui connaissait le sieur Beynier, l’un des principaux de Châtillon, lui remit une lettre qu’il lui adressait en faveur de Monsieur Vincent, le priant, à sa considération, de le servir en tout ce qu’il pouvait.

Monsieur Vincent étant arrivé à Châtillon environ le carême de l’année 1617 et ayant remis la susdite lettre,. le sieur Beynier le retint chez soi et le voulut loger, tant à cause du Père Métezeau, son bon ami, que parce que la maison curiale était inhabitable, pour être toute ruinée.

Le sieur Beynier, étant de la religion prétendue réformée, vivait dans tout le libertinage que la multitude des biens dont il était pourvu abondamment, et la jeunesse lui inspiraient, et que les débauchés fomentaient par leur fréquentation ; mais, s’étant ensuite converti, il fut un exemple de vertu, ainsi que l’on verra après.

Incontinent après que le sieur Vincent fut arrivé à Châtillon, s’étant informé de quelques personne de piété de l’état de cette paroisse, et ayant appris la vérité des désordres que Monsieur de Bérulle lui avait exposés, et en ayant découvert quantité d’autres, il vit bien qu’il avait besoin d’une puissante aide ; ce qui l’obligea d’avoir quelque bon ecclésiastique pour le seconder, qui fut Messire Louis Girard, prêtre, docteur en théologie, de la paroisse Jayat (1) en Bresse, qui était en estime, particulièrement dans la province, tant pour sa vertu, que pour son savoir, lequel depuis succéda à Monsieur Vincent.

1). Localité de l’arrondissement de Bourg (Ain).

 

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Mais, afin de procéder avec plus d’ordre aux déclarations que lesdits habitants de Châtillon nous ont faites ci-devant en divers temps, et sur les demandes que nous leur en avons faites, l’on a estimé qu’il était à propos d’en faire quelques articles particuliers touchant la manière dont il se comporta envers sa famille, envers Dieu, soi-même et les ecclésiatiques, envers ses paroissiens et, en dernier lieu, envers son église.

 

ARTICLE PREMIER

Le manière dont se comporta Monsieur Vincent envers sa famille, les conversions qu’il y fit et ce qui lui arriva.

Auparavant que d’entreprendre de déraciner tous les abus dont nous avons parlé, Monsieur Vincent fit une visite générale de toute l. a paroisse pour en connaître l’état, tâchant de gagner un chacun ou par une cordialité extraordinaire, ou par aumône.

Sachant que celui qui n’a pas soin de ses dcanestiques est pire qu’un infidèle, il travailla au règlement de la maison de celui chez lequel il demeurait comme dans une religion. On se levait à cinq heures ; on y faisaJt demi-heure d’oraison ; après, ils faisaient chacun leurs chambres, qui étaient au second étage, séparément l’un de l’autre, puis ils allaient à l’office, dire la salinte messe, et ensuite continuait la visite de la paroisse. Cet ordre ne fut toutefois bien suivi qu’à la fin.

Mais, comme ceux qu. i sont plus prc~hes d’un soleil ou d’un feu se ressentent plus de la chaleur et participent davantage à ses influences, ainsi la maison et parenté du sieur Beynier recut tant de bénédictions par la demeure de ce vertueux hôte, qu’il est aisé de voir et de dire que la main du Seigneur l’accompagnait, con-

 

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sidérant les changements extraordinaires qui arrivelent pendant le temps qu’il y séjourna.

Toute la famille du sieur Jacques Garron, officier, ci-devant dans la compagnie des gens d’armes de Monsieur le duc de Montpensier, beau-frère du sieur Beynier, était de la religion prétendue réformée. Elle fut totalement convertie par les grands soins de Monsieur Vincent. Jacques et Philibert Garron furent les premiers qui se convertirent, dont le père, ayant plaidé à la chambre de l’édit de Grenoble [contre] les sieurs Vincent et Beynier comme auteurs, en mourut de déplaisir, ledit sieur Vincent, par l’entremise de Jacques Garron, son fils, ayant pris de grands soins pour sa conversion, inutilement toutefois. René et Jean Garron reçurent l’absolution de l’hérésie quelque temps après par Monsieur Vincent. Lesdits Jacques, René et Philibert Garron convertis donnèrent ensuite presque tous leurs biens en œuvres pies, et ont fait des actions remarquables en suite des instructions dudit sieur Vincent, l’aîné se faisant capucin et la fille religieuse ursuline.

Monsieur Beynier se convertit aussi totalement par la demeure de Monsieur Vincent, ayant quitté la religion prétendue réformée et cessé d’être abbé de Malgouvernés (?), où il avait mené une vie fort libertine. Il fit des restitutions à des particuliers, des réparations à l’église et quantité de legs pieux très considérables en suite des avis dudit sieur Vincent. Il vécut clans le célibat jusqu’à quarante-cinq ans, s’appliquant en plusieurs œuvres de charité, notamment pendant la famine et la peste qui survinrent à Châtillon, enfin s’appauvrit par ses aumônes, quoiqu’auparavant il fût très accommodé.

XIII. — 4

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ARTICLE DEUXIEME

Comment Monsieur Vincent se comporta envers Dieu, soi-même, les ecclésiastiques, l’église, etc…

Les déposants disent qu’ils ont toujours vu Monsieur Vincent avec les cheveux et rabat fort courts, la soutane talaire *, fort modeste et recueilli, dans l’église et ailleurs, grandement libéral envers les pauvres, ne contestant point ses droits, et ont reconnu une humilité profonde et une prudence et charité extraordinaires.

Les ecclésiastiques de ce temps-là étaient à la vérité très éloignés des fac, ons de faire de ceux d’à présent : les uns tenaient des filles suspectes, fréquentaient les cabarets et les jeux et faisaient plusieurs autres choses auxquelles Monsieur Vincent apporta un notable changement, tant en leurs actions qu’en leurs mœurs ; et ce fut par une façon de faire bien singulière. Ils chassèrent ces filles par les soins de M. Vincent, qui empêcha les confessions communes à haute voix, le payement qu’on exigeait pour les confessions, et une débauche qu’on appelait le Royaume, qui se faisait au clocher, et plusieurs autres abus et scandales. Il les porta à vivre en commun et empêcha que les biens d’Eglise ne se dissipassent.

Quant aux églises de Châtillon, il n’y en avait pour lors que deux, qui étaient en mauvais état, tant pour les bâtiments qu’ornements. Elles ont été depuis réparées par les soins et conseils que donna Monsieur Vinoent à quelques-uns de ce faire. Il établit qu’on prendrait le dais lorsqu’on porterait le Saint Sacrement aux malades ; ce qui ne se pratiquait pas. Il empêcha les vogues (1) et danses, le jour de l’Ascension et autres, et qu’on ne fît les baptêmes de nuit, que les femmes n’entrassent dans le

* talaire : qui descend jusqu’au talon.

1). Vogue, fête de village.

 

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chœur, que les assemblées de ville ne se tinssent dans l’église, et les fiancailles à la maison, et fit diverses autres choses, tant pour la discipline de l’église, que pour les réparations d’icelle, qu’il serait trop long et qu’on aurait peine de rapporter en particulier.

Quant aux soins que prit Monsieur Vincent de la paroisse, il en fit la visite générale et visita aussi les maîtres et maitresses d’école, leur inspirant beaucoup de dévotion. Les dimanches et fêtes, il faisait, avec Monsieur Girard, vicaire, le prône ou prédication le matin, et le catéchisme l’après-dînée. Les principales fêtes, il faisait venir des Jésuites pour prêcher et confesser. En administrant les sacrements, il faisait souvent des instructions sur les cérémonies. Il était fort assidu aux confessions, auxquelles il venait grand nombre des lieux circonvoisins, pour avoir demeuré longues années sans entendre sermons, catéchismes et ne s’être approchés des saorements. Il apprit à parler bressan pour sa facilité en tous ses exercices. Il pratiquait bien lui-même ce qu’il enseignait aux autres et s’appauvrit par ses excessives charités.

On a remarqué que, par ses exemples et ses discours, ceux de La famille du sieur Beynier et les paroissiens qui ont eu le plus de communication avec Monsieur Vincent ont fait des charités extraordinaires, comme sont les sieurs Beynier, Garron, Blanchard, Mesdemoiselles Baschet de la Chassaigne, de Brie et autres.

Le changement extraordinaire de Monsieur Beynier, du seigneur de Rougemont et des susdites demoiselles de la Chassaigne sont aussi des effets de ses instructions. Ils quittèrent leurs façons de faire mondaines, et, s’étant mis sous la conduite de Monsieur Vincent, ils ont fait des actions très chrétiennes et exemplaires Ledit sieur comte de Rougemont mourut dans l’habit de Capucin, après une longue maladie. Il employa ses

 

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grands biens en fondations de monastères et autres ceuvres pies, et lesdites demoiselles ont de plus contribué à l’établissement des Capucins à Châtillon. Enfin, depuis l’arrivée de Monsieur Vincent à Châtillon, toutes les familles des huguenots qui y étaient sont à présent converties, et les habitants et l’église bien changés.

Le huitième décembre de la susdite année, il établit une compagnie de filles de la Charité à l’occasion de quelques pauvres malades qu’il avait recommandés en l’un de ses sermons. Elle fut approuvée par Monsieur de Marquemont. Les pauvres en ont reçu de grandes assistances, notamment pendant la peste et la famine qui sévirent à Châtillon, et en reçoivent encore des soulagements chaque jour. Il serait difficile de rapporter les fruits spirituels que cette assemblée a causés par les conversions et changements qui sont arrivés aux malades que ces dames ont assistés. A l’exemple de celle de Châtillon, on en a établi à Bourg et autres lieux voisins de semblables.

Voilà comme Monsieur Vincent travaillait à arracher, déraciner et détruire les abus qui restaient dans la vigne où la Prov, idence l’avait mis ; et lorsqu’il se disposait d’y planter, un gentilhomme, venant de la part, à ce que l’on croit, de Monsieur de Bérulle et Monsieur le général des galères, lui remit plusieurs lettres, et entre autres une de Monsieur de Bérulle, laquelle, à la vérité, causa divers mouvements en son âme ; mais, après avoir conféré avec lui et demeuré devant le Saint Sacrement, il partit quelque temps après pour Lyon, tant pour déterminer cette affaire si importante, qu’il recommanda beaucoup aux personnes de piété, que pour obtenir l’approbation de Monseigneur l’archevêque pour la confrérie de la Charité, qu’il obtint, comme nous avons dit. Et au retour de Lyon, il procéda, le huit décembre, jour de l’Immaculée-Conception de Notre-Dame, à l’exé-

 

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cution et établissement de cette confrérie en la chapelle de l’hôpital ; en suite de quoi fut procédé à la nomination des officières, ainsi que se voit par actes des huit et douze décembre, dont la copie a été ci-devant cnvoyée par nous au supérieur du séminaire des Bons-Enfants de Paris.

Peu de temps après, il distribua ses habits et même son linge aux pauvres de cette paroisse, de laquelle il partit pour Paris, après avoir témoigné dans une exhortation que, lorsque la Providence l’amenait à Châtillon il ne croyait point de les quitter, mais qu’en ayant disposé autrement, il fallait qu’ils se conformassent à sa sainte volonté, aussi bien que lui, qu’il demandait instamment leurs prières, dont il avait grandement besoin ; ce qu’il répéta diverses fois avec beaucoup de tendresse. L’on ne peut expliquer les larmes qui furent versées les cris que l’on entendit lorsqu’on vit que Monsieur Vincent les quittait.

Le dernier jour de janvier de l’année suivante, Monsieur Vincent fit une démission pure et simple par acte reçu de Messire Thomas Gallot, notaire de Paris, en suite duquel messieurs les comtes de Saint-Jean nommèrent Messire Louis Girard, vicaire dudit Châtillon, et ce le dixième juillet seulement de la même année.

Enfin les soussignés disent qu il serait impossible de marquer tout ce qui a été opéré en si peu de temps par Monsieur Vincent, et qu’il serait meme difficile de le croire, s’ils ne l’avaient vu et ouï. Ils en ont une si haute estime qu’ils n’en parlent que comme d’un saint. Ils publient hautement que jamais ils n’ont eu et n’auront un pareil curé et qu’il les a bien quittés trop tôt pour eux. Ils croient qu’il y aurait suffisamment pour le canoniser, sachant ce qu’il a fait dans Châtillon, et ils ne doutent point que, s’il s’est plartout comporté comme il a fait en ce lieu, il ne le soit un jour. Et afin de donner une plus

 

authentique preuve de tout ce que dessus, chacun de ceux qui l’ont vu et ouï a voulu signer la présente.

GARRON. BLANCHARD. BESSON.

BUY. ETIENNE TELY.

MICHAUD, recteurde l’Hôtel-Dieu.

DEMIA, prêtre indigne.

 

22. — PRISE DE POSSESSION DE LA CURE DE CHATILLON

PAR LOUIS GIRARD

(18 juillet 1618)

A tous soit notoire que, le dix-huitième jour de juillet, avant midi, mil six cent dix-huit, par devant moi notaire royal sousslgné et en présence des témoins sousnommés, s’est présenté au devant la grand’porte de l’église parochiale de Buenens, fondée sous le vocable Saint-Martin, vénérable personne Messire Louis Girard, docteur en sainte théologie, du diocèse de Lyon, lequel a dit et remontré que, suivant la procuration de résignation passée par vénérable Messire Vincent de Paul, prêtre, curé de ladite église et de l’église de Saint-André de Châtillon, fondée sous le vocable de Saint-André, son annexe, à Messire Combret, pour résigner ladite cure entre les mains de Sa Sainteté, ou autre ayant pouvoir, reçue par Messire Thomas Gallot, notaire épiscopal à Paris, le dernier de janvier, présente année, il a été pourvu de ladite cure de Saint-Martin de Buenens… ainsi qu’il fait apparoir par ses lettres… qu’il a exhibées à Messire Pierre Genoud, prêtre, sociétaire en ladite église Saint-André dudit Châtillon…

Document 22. — Arch. dép. du Rhône, Insinuations ecclésiastiques. reg. 81, f° 240 v°. Il est fait mention, dans les mêmes termes, de la démission de saint Vincent dans l’acte de nomination de Louis Girard, qui a été également publie par Cordenod, op. cit.., p. 43.

 

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23. — BREVET D’AUMONlER GENERAL DES GALERES

(8 février l6l9)

Aujourd’hui, huitième février 1619, le roi étant à Paris, sur ce que le sieur comte de Joigny, général des galères de France, a remontré à Sa Majesté qu’il serait nécessaire pour le bien et soulagement des forçats étant et qui seront ci-après èsdites galères, de faire élection de quelque personne ecclésiastique de probité et suffisance connue, pour le pourvoir de la charge d’aumônier réal, qui ait égard et supériorité sur tous les autres aumôniers desdites galères, Sadite Majesté, ayant compassion desdits forçats et désirant qu’ils profitent spirituellement de leurs peines corporelles, a accordé et fait don de ladite charge d’aumônier réal à Monsieur Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie, sur le témoignage que ledit sieur comte de Joigny a rendu de ses bonnes mœurs, piété et intégrité de vie, pour tenir et exercer ladite charge, aux gages de six cents livres par an et aux mêmes honneurs et droits dont jouissent les autres officiers de la marine du Levant. Voulant Sadite Majesté que ledit de Paul, en ladite qualité d’aumônier réal, ait dorénavant égard et supériorité sur tous les autres aumôniers desdites galères, et qu’en cette qualité il soit couché et employé sur l’état de ses galères, en vertu du présent brevet, qu’elle a voulu signer de sa main et être contresigné par moi, conseiller en son conseil d’Etat et secrétaire de ses commandements.

LOUIS.

PHELIPPEAUX.

Document 23. — Arch. Nat. S 6707, liasse de Marseille, cahier. Ce texte est la reproduction d’une copie collationnée sur l’original le 5 janvier 1644 par les notaires Dorléans et Païsant.

 

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Et au dos est écrit ce qui ensuit :

Aujourd’hui, douzième février 1619, Monsieur Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie, dénommé de l’autre part, a fait et prêté le serment qu’il devait à cause de sa charge d’aumônier réal des galères de France, ès mains de Monseigneur le comte de Joigny, lieutenant général pour Sa Majesté des mers du Levant et général desdites galères, à laquelle il a été reçu par acte séparé des présentes, qui lui a été expédié par mondit seigneur, moi, soussigné, son secrétaire présent

DU FRESNE.

 

24. — PROCURATION POUR LA PRISE DE POSSESSION

DU PRIEURE SAINT-NICOLAS DE GROSSE-SAUVE (1)

(Février 1624)

Par devant les notaires gardes-notes du roi notre sire au Châtelet de Paris soussignés, fut présent en sa personne Vincent de Paul, prêtre, curé de Clichy-la-Garenne, et pourvu par Sa Sainteté du prieuré de Saint-Nicolas, de l’Ordre de Saint-Augustin, diocèse de Langres, lequel a fait et constitué son procureur… Messire Pierre… Mauferet, de Langres, auquel il a donné pouvoir et puissance de pour lui, se rendre audit prieuré

Docurnent 24. — Saint Vincent de Paul, membre du clergé langrois dans la Semaine religieuse de Langres, 1er mai 1897. Un fragment du parchernin sur lequel était écrit cet acte fut utilisé pour rattacher à sa reliure la garde finale d’un Missale Lingonense, dont M. Joseph Royer, de Langres, fit l’acquisition en 1897.

1). Sébaslien Zamet, évêque de Langres, avait uni Grosse-Sauve à lacongrégation de l’Oraloire le 23 juin 1623. malgré les protestations du chapitre de Saint-Mamès, qui s’attribuflit le droit de disposer du bénéfice et porta la question devant lestribunaux. Le procès dura trois ans. A la suite d’une transaction du chapitre, les Oratoriens prirent possession définitive du prieuré le 24 mars 1626 Dans l’intervalle, saint Vincent avait sans doute renoncé à ses droits.

 

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Saint-Nicolas de Grossauve et illec (2) prendre possession réelle et actuelle d’icelui prieuré et de faire les submissions en tel cas requises et accoutumées, et de ladite prise de possession, si besoin est, dresser acte, et le faire insinuer et enregistrer partout et ainsi qu’il appartiendra, et généralement de faire pour la possession dudit prieuré tout ainsi que ferait ledit constituant, si présent en personne y était…

Fait et passé ès études des notaires soussignés l’an mil six cent vingt-quatre, le.. février, et a signé la minute des présentes, demeurée vers Motelet, l’un desdits notaires soussignés.

 

25. — CANEVAS D’UN SERMON DE SAINT VINCENT

SUR LA PROCHAINE VISITE DE L’EVEQUE

Pour annoncer la visite de Monseigneur l’évêque et exhorter le peuple à se bien préparer pour en profiter.

Jean, 12. Benedictus qui venit in nomine Domini.

Luc, I. Benedictus Dominus Deus Israel, quia visitait et fecit redemptionem.

Nous traiterons 3 points : 1° de l’importance qu il y a que vous vous disposiee à la visite de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime évêque votre prélat ; 2° ce qui se pratiquera en cette visite ; 3° des moyens d’en profiter.

2). illec = là.

Documcnt 25 — Doc. aut — L’original appartient à M. le curé de Saint-Vincent-de-Paul à Clichy. On a dit sans raison que le saint avait donné ce sermon dans cette paroisse, alors qu’il en élait curé. Il semhle que le prédicateur se distingue lui-rnême du curé et que l’évêque de ses auditeurs n’était pas le sien.

 

L’importance parait :

1° En ce que l’Eglise, inspirée et gouvernée par le Saint-Esprit, ordonne que les évêques visiteront leurs peuples de temps en temps, et par conséquent oblige les peulples à les recevolr ;

2° A cause des grands biens qui en arrivent à l’Eglise et au peuple : à l’Eglise, pource que l’on voit si toutes choses sont en bon état, et fait son possible de bien y mettre le peuple ; au peuple, pource qu’il leur apporte de grandes grâces et bénédictions, ainsi que vous verrez ci-après.

3° Pource que posuit episcopos regere Ecclesiam Dei. Si l’on fait de si grandes entrées à des hommes qui viennent pour gouverner les corps et les biens des provinces, combien plus en doit [-on] faire à ceux qui sont [pour] gouverner les âmes des provinces !

4° Pource qu’il doit rendre compte de toutes vos âmes, en sorte qu’il doit pâtir pour les vôtres si, par sa faute, les vôtres se perdent. Obedite praepositis vestris qui invigilant super vos quasi rationem reddituri pro animabus vestris ;

5° Pource [que] qui reçoit son prélat reçoit Dieu même. Qui vos recipit me recipit.

2e point. Ce qui se fait en la visite.

I. Le peuple le va recevoir en procession. M. le curé lui donne à baiser la croix, lui présente le goupillon, à ce qu’il prenne à l’eau bénite, et puis lui donne de l’encens. L’on entonne après le Te Deum jusques à l’église, et, à l’entrée d’icelle, l’on chante le répons du patron. L’on conduit le prélat à l’autel, où M. le curé dit une oraison propre. Et puis le prélat donne la bénédiction, visite le Saint Sacrement, puis les fonts baptismaux et les saintes huiles, les autels, les ornements, le cimetière, où il prie pour les morts. Ensuite il fait faire une exhor-

 

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tation, et ensuite les actes de contrition pour recevoir l’absolution générale des péchés véniels. Puis il s’informe de la vie des ecclésiastiques et de celle du peupler ordonne, sur les plaintes qui lui sont faites, tant du côté du peuple que de celui des ecclésiastiques, communie les peuples et les confirme l’après-dînée ; entend ou fait entendre les complies, s’il a le loisir, etc…

D’ici vous voyez les biens qui en arrivent, qui sont :

1° Qu’il met la maison de Dieu en l’état qu’elle doit être ;

2° Qu’il réconcilie le peuple à Dieu par la sainte confession et par la communion ;

3° Qu’il réconcilie les peuples entre eux ;

4° Ordonne des offices, des services et de tout ce qui regarde le culte divin ;

5° Qu’il vous donne les indulgences aux vivants, et aux morts per modum suffragii,

6° Qu’il vous confirme et vous fait vrais soldats de Jésus-Christ ;

7° Bref il ôte le mal d’une paroisse en tant qu’en lui est, et y établit le bien.

Les moyens pour faire qu’un chacun profite de cette visite.

1. De la demander à Dieu. Disons-lui tous du cœur : "Seigneur, faites-nous la grâce de nous bien disposerpour profiter de la visite de notre prélat."

2. Activer sa volonté ; se résoudre de faire tout ce qui vous sera conseillé, et dire à Dieu : "Oui, mon Dieu, je me résous à faire tout ce qui me sera conseillé par ce prédicateur, précurseur de mon prélat, comme saint Jean l’a été de Notre-Seigneur, et de faire tout ce qu’il dira que nvus fassions pour cela."

3. C’est de faire une confession générale de toute la vie passée, ou pour le moins des péchés principaux,

 

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pour avoir une rémission générale de tous vos péchés. Je dis de tous ; voici les motifs :

1° Pource qu’en ces confessions générales nous avons pouvoir de vous absoudre de tous vos péchés, pour encore qu ils soient réservés aux évêques ;

2° Pource qu’il est à craindre que vos précédentes n’aient été bonnes, pour n’y avoir observé les quatre conditions requises :

1° Faute de n’avoir examiné sa conscierlce ;

2° Pour n’avoir eu regret d’avoir offensé Dieu ;

3° Pour n’avoir dit toutes les choses ;

4° Pour n’avoir fait résolution de ne jamais plus offenser Dieu.

Or, le remède à cela, c’est de faire une confession générale de toute la vie passée.

Objection — Oh ! mais, Monsieur, le moyen de me ressouvenir de tous mes péchés !

Réponse. — Ayez seulement bonne volonté, les confesseurs vous aideront.

2 Il sera bon ensuite, et pour conclusion, de me rappeler quelque histoire.

 

26. REÇU D’UNE SOMME D’ARGENT

(20 octobre 1625)

En la présence des notaires du roi notre sire en son Châtelet de Paris soussignés, Messire Vincent de Paul, prêtre, licencié en droit canon (1), demeurant à Paris, rue Pavée, paroisse Saint-Sauveur (2), confesse avoir reçu

Document 26. — Original au Berceau-de-Saint-Vincent-de-Paul.

1. Au procès de Béatification, le frère Chollier présenta les lettres par lesquelles l’Université de Paris nommait saint Vincent licencié en droit. Le saint prend pour la première fois ce titre dans un acte du 2 mars 1624. (Arch. nat.M. 105.)

2. Dans un bail, daté du 22 décembre 1625 (Etude de Me Tollu, 70 rue Saint-Lazare, Paris, reg. f° 550), il est question de "Messire Vin-

 

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comptant de noble homme… (3), conseiller du roi, receveur général et payeur des rentes assignées sur les gabelles et grenier à sel de France la somme de six cent cinquante livres treize sols quatre deniers tournois, savoir cent cinquante livres treize sols quatre deniers pour les revenus dus depuis le troisième juin dernier jusques à ce dernier jour dudit mois de juin, et cinq cents livres tournois pour trois mois depuis échus, qui sont juillet, août, septembre aussi dernier passé, le tout à cause de deux mille livres tournois de rente à lui vendu, ou constitués par messieurs les prévot des marchands, échevins de cette ville de Paris, ledit jour troisième juin dernier, à prendre sur lesdits greniers à sel par contrat passé par devant Herbin et Charles, notaires audit Châtelet, dont et de laquelle somme de six cent cinquante livres trois sols quatre deniers ledit sieur de Paul…

Fait et passé ès études desdits notaires, l’an mil six cent vingt-cinq, le vingtième octobre.

VINCENT DEPAUL.

CHARLES. HERBIN.

 

27. — DONATION DE SAINT VINCENT A SES PARENTS

(4 septembre 1626) (1)

Fut présent Messire Vincent de Paul, conseiller et aumônier royal, principal du collège des Bons-Enfants, fondé en l’Université de Paris, y demeurant, paroisse

cent de Paul, aumônier royal et principal du collège des Bons-enfants, fondé en l’Université de Paris, rue et proche la porte Saint-Victor, y demeurant" Ce fut donc entre le 20 octobre et le 22 décembre 1625 que le saint quitta la maison du général des galères.

3. La place du nom est restée en blanc.

Document 27. — Etude de Maître Tollu, rue Saint-Lazare, 70, Paris.

1). Cette date est également celle du contrat d’association passé entre saint Vincent et ses premiers compagnons. (Voir document 61.) Ne serait-ce pas aussi ce jour-là que le saint donna sa démission de curé de Clichy ?

 

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Saint-Nicolas-du-Chardonnet, natif de la paroisse de Poy, diocèse d’Acqs, en Gascogne, lequel, de son bon gré et bonne volonté, sans aucune contrainte, si comme il disait, a reconnu et confessé avoir donné, cédé, quitté, transporté et délaissé, et par ces présentes donne, cède, quitte, transporte et délaisse par donation irrévocable faite entre vifs, sans aucun espoir ni volonté de la pouvoir révoquer ni rappeler en aucune sorte ni manière que ce soit, du tout, dès maintenant à toujours, et pour plus grande sûreté a promis et promet garantir de tous troubles et empêchernents généralement quelconques à Bernard et Gayon de Paul, frères dudit Vincent de Paul, demeurants en ladite paroisse de Poy, audit pays, absents, les notaires stipulés soussignés stipulant et acceptant pour eux, leurs hoirs et ayants cause à l’avenir, tous et chacuns ses biens, tant meubles que immeubles paternels, audit sieur Vincent de Paul, donataire, appartenants, sis en icelle paroisse de Poy, et tout ce qu’il peut donner selon la coutume dudit pays de Gascogne, et qu’en particulier il donne à chacun d’eux les sommes qu’il se trouvera que Monsieur de Saint-Martin, conseiller au siège présidial d’Acqs, aura employées de sa part et en son nom pour le payement des dettes de la somme de neuf cents livres tournois que ledit sieur Vincent de Paul a avancées en cette ville selon son ordre, à Monsieur de Saint-Martin, fils du. dit sieur de Saint-Martin, et lesquelles il a mandé avoir employées à l’acquit des dettes desdits Bernard et Gayon de Paul et à l’achat d’une métairie sise en la paroisse de Saint-Paul, consistant en une maison et environ trente ou quarante saisons de terre, des héritiers de feu Messire Pierre de La Maignère, quand il vivait maître maçon de la ville d’Acqs, et laquelle métairie ledit Maignère avait ci-devant achetée de Grégoire, mari de Marie de Paul, sœur dudit sieur Vincent de

 

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Paul ; à laquelle Marie de Paul, sa sœur, icelui sieur Vincent de Paul donne, comme dessus, et aux sieurs ladite métairie, à la charge de payer par chacun an, quinze années durant, la quantité de deux conques de seigle à Gayon de Paul, son frère second, d’autant que ledit sieur donataire a déclaré qu’il n’a pas tant eu de lui que son aîné, et aussi donne, comme dit est, à ses neveu et nièce de Paillole, enfants de feu Jean de Paillole et autre Marie de Paul, sa sœur, autres deux conques de seigle pendant ledit temps de quinze années seulement ; et cas advenant que ladite Marie de Paul, femme de Grégoire, meure sans enfants de ses enfants, ou les enfants de ses enfants venant à manquer sans hoirs, ledit sieur donataire veut et entend que ladite métairie retourne et revienne aux enfants et héritiers de sesdits frères, leurs hoirs et ayants cause, pour desdites choses ci-dessus données jouir par les dessusdits, leurs hoirs et ayants cause, et en faire et disposer à leur plaisir et volonté comme de chose à eux appartenante par le moyen des présentes. Cette donation ainsi faite pour la bonne amitié qu’il porte aux dessusdits, joint que son plaisir et volonté a été et est de leur faire icelle, transportant, dessaisissant, voulant procureur le porteur, donnant pouvoir, etc…

Et pour faire insinuer ces présentes au Châtelet de Paris et partout ailleurs où il appartiendra, ledit sieur Vincent de Paul a fait et constitué son procureur irrévocable et perpétuel le porteur des présentes, auquel il donne pouvoir de ce faire et en requérir lettres, promettant, obligeant, renoncant, etc…

Fait et passé ès études, l’an mil six cent vingt-six, le quatrième jour de septembre, avant midi, et ont signé.

VINCENT DEPAUL.

CHARLES. SAULNIER.

 

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28. — ATTESTATION PAR SAINT VINCENT

D’UNE GUÉRISON MIRACULEUSE

(Vers 1628) (l)

Il plaît à l. a bonté de Dieu d’opérer parfois des miracles par ses saints, pour témoigner leur sainteté. J’en mettrai ici un dont je suis témoin, arrivé en la personne de sœur [Claire-Marie Amaury], religieuse de la Visitation de Sainte-Marie, au monastère du faubourg Saint-Jacques, à Paris.

Le fait est qu’il y a environ six ans que ladite religieuse était travaillée d’une horrible tentation d’aversion contre Dieu, contre le Saint Sacrement et contre tous les exercices de la sainte religion (2), de sorte qu’elle blasphémait contre Dieu et le maudissait autant de fois qu’on lui disait qu’elle le louât, ou bien qu’elle l’entendait louer par les autres religieuses ; et, étant au chœur, on lui entendait proférer assez haut et distinctement des blasphèmes et des malédictions étranges contre Dieu. Et comme sa supérieure lui voulait faire faire quelque acte pour s’offrir à Dieu, elle lui répondait qu’elle n’avait d’autre Dieu que le diable. En un mot, elle sentait tant de furie et de rage en elle-même contre sa divine Majesté qu’elle a été plusieurs fois sur le point de se tuer, pour être plus tôt, disait-elle, en enfer, où elle se désirait, pour avoir moyen de maudire Dieu éternellement à son souhait, et que c’étaient là toutes ses délices.

Documen 28. — Abelly, op. cit. I. 11, chap. VII, p.331.

1). Voir note 2.

2). Claire-Marie Amaury commença à ressentir les troubles ici décrits en 1622, alors qu’elle était au premier monastère de Paris, resta dans cet état pendant sept mois et fut guérie le 30 janvier 1623. (Année Sainte, t. X, p. 225.) Du premier monastère elle passa au second, où elle était quand saint Vincent faisait ce récit.

 

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Or, la Révérende Mère supérieure l’ayant fait voir à des prélats et à des pères de religion et autres personnes entendues aux choses intérieures, et, par leur avis, l’ayant même fait voir à des médecins, par l’ordonnance desquels elle lui fit user de quantité de remèdes, et le tout en vain, enfin cette bonne Mère, pleine de confiance que, si elle lui appliquait un peu du rochet du bienheureux évêque de Genève (3) elle en guérirait, fit, en effet, cette application ; d’où la guérison suivit peu de jours après en un instant ; en sorte que l’esprit, qui était ainsi troublé, devint tout à coup tranquille ; le corps, qui était affaibli, reprit ses forces ; comme aussi l’appétit et le sommeil qu’elle avait perdus, lui revinrent, et tout cela se fit en un moment ; tellement qu’elle a toujours eu depuis l’esprit aussi bon et aussi fort, et le corps à proportion, comme si elle n’avait eu aucun mal par le passé, dont il n’a rien paru depuis. Elle s’est trouvée en tel état, qu’elle a exercé avec bénédiction les principales charges du monastère et est encore aujourd’hui maîtresse des novices.

Or, ce qui me fait croire que cette guérison est miraculeuse et qu’elle s’est ensuivie de l’application du rochet du bienheureux évêque de Genève, c’est que les remèdes humains ne lui ont de rien servi ; que son mal augmenta après l’application du rocbet, ce qui arrive ordinairement aux guérisons miraculeuses ; qu’elle a été guérie en un instant, selon la parfaite confiance de la Mère supérieure ; et qu’elle-même croit aussi certainement comme si elle le voyait ou le touchait, que Notre-Seigneur lui a fait cette miséricorde par les mérites de ce bienheureux évêque et par l’application de ce sien rochet. Ce que j’atteste pour avoir parlé à la religieuse

3). Saint François de Sales.

 

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pendant son grand mal et après sa guérison, et en avoir appris les particularités de la Mère supérieure et de la même religieuse bientôt après sa guérison, qui arriva le jour que je faisais la visite dans le monastère, de l’autorité de Mgr l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris.

 

29. — DEPOSITION DE SAINT VINCENT DE PAUL AU PROCES

DE BÉATIFICATION DE SAINT PRANÇOIS DE SALES

(Voir la traduction publiée dans les Annales Salésiennes, 1907, n°5, 6, 7.)

(17 avril 1628)

In nomine Domini. Amen. Anno a nativitate ejusdem Domini millesimo sexcentesimo vigesimo octavo, die decima septima aprilis, indictione undecima, in sacello Sanctae Monicae, in ecclesia monialium Visitationis Beatae Virginis Mariae Conventus ParisiEnsis, examinatus fuit admodum Venerabilis Vincentius de Paulo, Sacerdos Aquensis, Superior Presbyterorum Missionis, necnon Eleemosynarius Regius in triremibus Galliae, pro parte Reverendi Patris Domini Justi Guérin, Congregationis Clericorum Regulari, um Sancti Pauli, hujusmodi Causae Procuratoris, inductus. Qui fuit citatus et per Dominos judices monitus de gravitate perjurii, et juravit, more ecclesiasticorum, manu pectori admota, in manibus dictorum Dominorum judicum, de veritate dicenda, tam super interrogatoriis quam super articulis, a tota praesenti Causa semotis odio, favore, timore, lucro, etc… ; et ad opportunas Dominorum judicum interrogationes respondit ut infra.

Document 29.Processus Remissorialis Parisiensis super vita, moribus et miraculis Servi Dei Francisci Salesii, confectus Parisiis, 1628 (Arch. de la Congr. des Rites.) Ce document a été publié, avec traduction, dans les Annales Salésiennes, 1907, n° 5, 6, 7.

Voir cette traduction à la fin du volume.

 

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Respondit ad primum. — Scio quod perjurium in omnibus Causis, sed praecipue i, n similibus Canonizationum, sit gravissimum peccatum mortale, quod, Deo favente, nolo unquam committere.

Ad secundum. — Ego vocor Vincentius de Paulo ; sum presbyter i, ndignus, Superior Presbyterorum Missionis, et Eleemosynarius Regius in triremibus Galliae, annos quadraginta octo aut circiter natus.

Ad tertium. — Non solum in festo Paschatis confessus sum peccata mea et sumpsi sacram Eucharistiam, sed etiam multis vicibus confiteor in hebdomada et, Dei gratia, fere quotidie Sanctissimum Missae sacrificium celebro.

Ad yuartum. — A nemine fui instructus quomodo aut quid debeam deponere, neque ex his quae in hac Causa dicturus sum aliquid spero emolumentum temporale, sed tantum majorem gloriam Dei, et Servi ejus Francisci de Sales, dum viveret Episcopi Gebennensis.

Ad quintum. — Nunquam, per Dei gratiam, fui de aliquo crimine accusatus, nec inquisitus, nec processatus coram aliquo judice, nec etiam fui unquam nominatim nec publice denunciatus excommunicatus.

Ad sextum. — Huc accessi a Domino Renato Ferrier nomine Venerandarum Dominarum, citatus, ad subjiciendum me examini et jurandum de veritate dicenda de omnibus in quibus a vobis in hac Causa interrogabor.

Et, deveniente ad articulos in Remissoria contentos super iisdem interrogatus, respondit :

A primo articulo usque ad vigesimum tertium inclusive nihil habeo dicere ; ea siquidem quae in eis continentur non sunt de mea scientia.

Ad articulum vigesimum quartum de fide dicti Servi Dei Francisci de Sales interrogatus respondit. — Multoties familiaritate felicis memoriae Domini Francisci

 

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de Sales, Episcopi et Principis Gebennensis, honoratus fui ; et ex iis quae cum eo agens deprehendi, tum etiam ex aliis quae a fide dignis didici qui cum eo diutius commorati sunt, testificor coram Deo et Christo Jesu verissime a me haberi quae sequuntur. Et certe clare mihi constat eum habuisse orthodoxam et in gradu eminenti fidem, et nullis pepercisse laboribus, desiderio eam propagandi, etiam eo usque ut propriam vitam zelo ardentissimo multis periculis exposuerit pro convertendis haereticis qui pullulabant a septuaginta circiter annis in Ducatu Chablasii, Ballinatibus Ternerii et Gallardi, in Sabaudia, prope Genevam, ubi fides omnino desierat, ibique multa haereticorum millia, ejus pio labore et opera, ad Ecclesiam conversa redierunt.

Haec sunt vera, publica et notoria.

Mihi praeterea notum est ejusdem fidei suavitatem Servum Dei in eos transfundere solitum esse qui eum audiebant, tam in digputando, quam in excipiendis confessionibus, adeo ut, sublimioribus mysteriis et obscurioribus lucide et clare explicatis, facile suaviterque ei adhaerebant audientes ; quo factum est ut etiam haereticis ipsis, quamvis alioquin in principio obstinatis, admirationi esset.

Et hoc quoque notorium et publicum.

Nec illud mihi praetereundum censeo quod ex ore proprio accepi, ipsius colloquio, quo familiariter fruitus sum, se solitum lacrymas fundere, relegendo singula, postquam composuerat, librorum suorum capitula ; perspicue enim ea, non de ingenio, sed a Deo optimo infusa, scripsisse videbat. Unde suaviter quaedam in me oriebatur devotio et tener affectus ; sentiebam etenim Servum Dei divinitus illustratum.

Quod verum esse assero.

Addam insuper, eadem qua supra familiaritate hono-

 

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ratus, cor suum aperiens, mihi dixisse se inter concionandum sentire cum aliquis interius tangeretur. "Animadverto enim, aiebat, aliquid ex me exiisse, non motu proprio, sine praevia meditatione, et quod penitus ignoro, sed impulsu divino me illud protulisse."

Eventus hoc probabat. Concionibus enim peractis, eum adibant qui ! erant corde compuncti, verba referentes quibus fuerant intrinsece commoti. Quod verissimum credo, et affirmo ejus testimonium verax, cujus non tantum verba, quae, quasi jacula ardentia, cunctos ineendebant, verum etiam tot erant conciones quot erant ejus actiones.

Haec sunt vera, publica et notoria.

Ad vigesimum quintum articulum de spe. — Ego scio ex certa scientia Servum Dei, tranquillissima pace delibutum, cum ingenti quadam suavitate suos ad patriam gressus direxisse. De cujus abundantia plenus, omnem a se pellebat timorem, excepto illo casto et amoris comite ; et, semper sibi similis, pacatissime bonitati divinae confidens, nullis, quantumvis gravibus, frangebatur aerumnis. Quinimo, eadem spe divina fiducialiter adjutus, ingens inerat illi vis in erigendis aliorum animis, cujus rei testimonium fidelissimum reddunt omnes qui ipsum conveniebant, quique suae directioni feliciter adhaerebant.

Quod constanter, aeque et feliciter Servus Dei cursum consummaverit, ex eo liquet, quod, instante ejus resolutionis tempore, cum interrogaretur num mortem timeret, respondit se in Domino confidere ; rursum, num saltem doleret congregationem monialium Visitationis irnperfectam relinquere, respondit : "Qui incepit, ipse perficiet, perficiet, perficiet." Objicienti illud Ecclesiastici : "O quam amara ! o mors, quam amara est memona tua !" prosecutus est, dicens : "Homini pacem habenti in substantiis suis." Unde apparet lucide eum,

 

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longe a terrenis, soli Deo adhaerere, in quem totam spem suam collocaverat. Et extremam unctionem alacri suscipiens animo, singulis unctionum precibus leniter respondebat.

Haec mihi retulerunt fide digni de quibus etiam fldem faciunt qui ejus vitam scripserunt.

Ad vigesimum sextum articulum, de charitate in Deum. — Famulus Dei ardenti dilectilone Deum amabat ; et argumenta ex quibus haec colligo, haec sunt quae sequuntur :

1° Ex tranquillissima pace, signum esse adhaesionis ipsius qua Deo uniebatur ; quod cum multis diligenter observavi.

2° Labores suscepti ut peccatum destrueret, charitati contrarium, assidue (ut omnes sciunt), indifferenter, tam divitibus quam egenis, sine sexus discri, mine, sacramenta, maxime pœnitentiam, per quam peccatum aboletur, conferendo.

3° Ut honorem Dei (adversario subacto peccato scilicet) magis ac magis promoveret, omnibus, absque personarum delectu, ad se venientibus, tam religiosis quam secularibus et laicis, ipsum consulturis super iis ad conscientiam pertinentibus, facilem se praebebat.

4° Ardentissimam ejus erga Deum charitatem inde colligebam cum pacatissimam observarem Servi Dei tranquillitatem e recollectione sui coram Deo et ardentissimo interioris colloquii desiderio provenientem, quo suavissimas ex familiari divino consortio sententias eructabat ; haec sua scripta iis redolentia testificantur.

5° Colligo ex flagranti desiderio conformitatis imaginis Filii, Dei, cui ita se conformavit hic Famulus Dei, quemadmodum observavi, ut saepissime apud me miratus sim quomodo pura creatura ad tantum perfectionis gradum, quantum fert humana fragilitas, et tam sublime altitudinis culmen attingere posset.

 

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6° Quod et, fruitionis divini amoris abundantia compulsus, in lucem ediderit opus ilmmortale ac plane nobilissimum De amore Dei, ejus ardentissimae erga Deum dilectionis fidele testimonium ; liber certe admirabilis, qui tot praecones de suavitate sui auctoris habet, quot sunt ejus lectores ; quem studiose curavi ut in nostra communitate omnino tanquam remedium universale omnibus languidis, spiculum torpentibus, incentivum dilectionis, scala ad perfectionem tendentibus, legeretur. O utinam, prout dignus est, ab omnibus tractaretur ! Non esset qui se a calore ejus abscondere posset.

Ad vigesimum septimum articulum, de charitate ejus in proximum. — Pro certo scio perfectum fuisse Servi Dei amorem erga proximum. Hujus veritatis argumentum colligo :

1° Ex fragranti desiderio uniuscujusque progressus ad ea quae saluti conveniunt, et ut in se, sic in aliis, ardenti zelo amorem Dei inflammabat. Hoc in illo observavi privatis sermonibus.

2° Quod ille haec Jesu Christi Domini verba : "Quamdiu fecistis uni ex fratribus meis, mihi fecistis", alte imbiberat, clarissime constat, quia neminem unquam a se, tam in rebus temporalibus quam spiritualibus, repulit ; et quidem, inter ea quae pro regimine domesticae rei sapienter instituerat, illud in primis voluit observari ut famuli neminem ad se accedere cupientem prohiberent.

Quod primum attinet de subvenbione egenorum, ifnter multa, quae rcensere longum esset, pietatis opera, omittens vasa argentea quae ea de causa venumdari jussit ut penuria laborantibus subveniret, unicum referam cum quidam sacerdos se oppressum paupertate illi indicasset, statim museolum petens, superindusium exemit, quod sacerdoti tradidit ; ex quo hodie multa fiunt miracula.

 

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Nec minus claruit hic Servus Dei ingenti erga proximum charitate in subministrandis spiritualibus bonis et ad salutem conducentibus ; pro qua nullos recusabat labores. Imo vero alacri et libenti animo quosvis suscipiebat, nihil non movebat, modo aliquis spes salutis esset, etiam cum dispendio propriae sanitatis, duobus stimulis incitatus : primo, ex grandi dolore quo, ob animarum perditionem, cruciebatur ; secundo, ex fragranti zelo salutis earumdem ut vero Pastori perditas restituere posset.

Quae vera esse didici tam ex ipsius privatis colloquiis quam fama publica.

3° Quod finem non fecerit verbum Dei praedicandi, quo animas mirifice, confessiones excipiendo, sacramenta alia administrando, parvulos catechizando, ubique locorum supra nominatorum, recreabat, quamvis multis id faceret incommodis, quibus non parcebat.

4° Illud ipsum mihi constat, et colligo ex maximo honore quo fideles vineae Domini cultores afficiebat, et, e contrario, ex dolore pro amissione alicujus suscepto, cum hanc vitam cum morte commutaret.

5° Hujus Famuli Dei fervor supra modum enituit in suis concionibus publicis (quas ego loquens Evangelium reputabam), vehementem in suis auditoribus spiritualis devotionis flammam accendens ; enituit in privatis et familiaribus colloquiis, a quibus eorum participes pendebant affixi ; capacitati enim cujuscumque ita se, omnibus debitorum se aestimans, accommodabat, ut nullum a se, tam de re gravi quam de scrupulis, et aliis consulen, tem, Ipateretur exire, nisi satisfactum et plenum consolatione. Et in me hujus Servi Dei verba, mente revolvendo, tantam excitaverunt admirationem, ut impellerer credere illum esse hominem qui melius Filium Dei, dum in terra versaretur, reputaverit ; et quod mihi stuporem augebat, hoc imprimis erat, qui, cum talis et tan-

 

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tus esset vir, rebus maximi momenti, ut eis intenderet, necessarius, a quacumque persona, cum alioquin vilis conditionis esset, tamdiu se retineri, nullis parcendo laboribus, pateretur, donec plane satisfacta esset ; tanti pacem animae et tranquillitatem faciebat !

Haec vera sunt, notoria et publica.

Ad vigesimum octavum articulum, de Virtutibus Cardinalibus. 1° De prudentia. Scio ex multis rationibus Famuli Dei prudentiam in eminenti gradu enituisse.

1° Rem domesticam et totam familiam miro ordine et aequis institutis constituit, adeo ut nihil otiosum, nihil turbulentum in sua domo aut familia unquam apparuerit.

2° Suam dioecesim, quamvis sub diversa potestate, nempe Regis Galliarum et Subaudiae Ducis, ita prudenter gubernavit, ut, servata cum utroque pace, temporalilum tranquillitatem cum spirituali conjunxerit.

3° Ex erectione et institutione Ordinis Sanlcti monialium sub titulo Visitationis Sanctae Virginis Mariae, quibus admirabili praevisione, necnon Spiritus Sancti unctione, sanctissimis constitutionibus a se praescriptis et a Sede Apostolica approbatis, formam vivendi admirabilem dedit ; et in his intentionem suam sicut et omnia opera sua rectificando, ad Deum tanquam ad ultimum scopum sic non modo suae, sed etiam domesticorum subditorumque, quorum semper magnam et cordialem curam habebat, salutis consecutionem direxit.

4° In componendis litibus et sedandis animorum passionumque motibus ; in ilis enim Servi Dei prudentiam vehementer enituisse constat, omnes difficultatum nodos, licet multa obscuritate implicatos, sic clare solvendo et luci omnia restituendo, ut cunctis admirationi esset, cui resistere non valentes, manus dabant acquilescendo.

5° Ex mutatione conscientiarum suae directioni com-

 

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missarum ; siquidem experientia probatum est animas Servo Dei obtemperantes brevi tempore tantum in rebus spiritulalibus profectus fecisse, ut, mutato in melius animo, odio haberent prius amata et amore complecterentur quae antea sibi erant odiosa.

6° Ex hoc quod, rebus omnibus bene compositis, veluti corpori, jam formato suis salutaribus consiliis, quibus mire praeditus erat, amoris incentivum, tanquam spiraculum vitae, in eas spiraverit. Haec vera sunt, publica et notoria.

7° De justitia. Ipse eam sedulo cum proximo, secundum Summi Dei volitum, omnibus omnia factus, cum pace profundissima servavit. Suae dioecesi fidelem praesentiam corporalem, suo muneri vigilantiam, Summo Pontifici et Ecclesiae obedientiam, Deo reverentiam de beneficiis sibi collatis et supremum cultum exhibuit ; et, ut magis glorificaretur, omnibus bonis praelucebat exemplis, adeo ut admirationi esset cunctis Servum Dei considerantibus.

Deinde capacitati beneficia, etpersonas beneficiis conferebat, secundumque Sacrum Concilium Tridentinum, munus ecclesiasticum nemini dabat, nisi habito prius de probitate vitae et morum testimonio, examine insuper adhibito.

Haec sunt vera, publica et notoria.

3° De fortitudine. Maxima fortitudine praeditum fuisse constat ex arduis laboribus ab ipso susceptis et exantlatis per totum vitae curriculum, ut a personis fide dignis didici, maxime ex iis quae, per triennii spatium, in convertendis haereticis tam in Ducatu Chablasii quam Geneva, quo, de mamdato Summi Pontificis, semel et iterum se contulit, aggressus est, licet magnis vitae propriae periculis, nullisque quibusvis parcens difficaltatibus, ut praesertim haeresiarcum Theodorum Bezam

 

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(hoc enim dicti Summi Pontificis mandatum ferebat) Ecclesiae gremio restitueret ; se denilque vilefaciens, modo gloriam Dei, a, nimarum salutil incumbendo, Sacratissimum Eucharistiae et Pœnitentiae Sacramentum ministrando, promoveret.

4° De temperantia. Oculatus testis sum qua moderatione in sedandis animae passionibus, necnon animi delectationibus usus fuerit, abstinendo se ab omnibus iis quae corpori superflua sibi, ab aliis necessaria, videbantur. Sic autem animi passiones et motus rationis imperio subdiderat, ut non solum in victu eumdem semper tenorem servaret, sed nec facies quidem in diversa prosperis mutaretur aut adversis.

Ad vigesimum nonum articulum, de caslitate. — Illi Servo Dei castitas adeo cordi fuit, ut omnibus aeque ac milhi virgo habitus sit.

Accepi a fide dignis, et referunt qui ejus vitam scripserunt, Servum Dei quasdam mulieres blande sollicitasse ut eum attraherent, a quo, compunctae, cum lacrymis, ab ipso admonitae, exibant.

Ad trigesimum articulum de humilitate. — Ut paucis multa complectar, hic beatus Dei Famulus honorem omnibus deferebat, in audiendis consiliis pronus et semper paratus ; suo sensui minus quam alterius credidit. Consortium vilium personarum, si profectus spiritualis spes affulgeret, nunquam vitavit. Perfectum denique et verissimum mihi Servus Dei humilitatis exemplar videbatur.

Ad trigesimum primum articulum de patientia. — Patientiam admirabilem in eo deprehendi : nullis afficiebatur injuriis, nullis frangebatur aerumnis, nullis movebatur infirmitatibus, animo forti molestias et persecutiones perferebat ; contumelias, tentationes varias, tanquam lucrum ingens cum gaudio suscipiebat pro Christo. Christum sequendo, pati cupiebat ; animam denique in suis manibus, sibi semper similis, habebat.

 

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Ad trigesimun secundum articulum, de mansuetudine. — Admirabilem in Servo Dei mansuetudinem fuisse in hoc elucet, quod iram sibi nunquam dominare permiserit ; quam semper esse subjectam rationi adeo coegit, ut sine felle vulgo diceretur, quamquam medici contrarium assererent, eumque, vi virtutis, iram reprimere dicebant ; quod tandem approbaverunt, exenterato ipsius corpore, in quo fel in lapillos mutatum repererunt. Vidi ego aliquos, qui servantur tanquam reliquiae.

Hoc est verum, publicum et notarium.

Ad trigesimum tertium articulum de oratione. — Scio inter sua exercitia spiritualia sedulo orationem tam vocalem. quam mentalem coluisse, cum tanta sui recollectione, animi tranquillitate et pace, ut in choro, cui cum canonicis, divinas laudes recitaturus, assistebat, omnium in se oculos raperet, pietati devotionique excitaret, tanta corporis et animi compositioni inerat modestia cum gravitate conjuncta. Addo quod, sacrosanctum missae sacriificium celebraturus (quod numquam, licet gravissimis occupationibus teneretur, interponebat), maxima cum suavitate in se habitans, sibi praesens erat ; quod fecit etiam pridie quam ex hac vita ad Deum migraret. Quotidie Coronam in honorem Beatissimae Virginis Mariae singulari quadam devotione recitabat ; cui servitio cum meditatione adeo suaviter affixus erat, ut verbis explicari non possit.

Haec sunt vera, publica et notoria.

Ad trigesimum quartum articulum, de dilectione inimicorum. — Servus Dei hanc virtutem semper sibi comitem habebat ; in nulla enim occasione visus est unquam ab ea derelinqui. Fidem faciunt exempla quam plurima. Unicum, quod a persona fide dignissima et eminenti virtutis gradu constituta, didici, referam. Nobilis quispiam, falso suspicatus testatorem quemdam impulsum fuisse a Beato Francisco de Sales aliquid domui Visita-

 

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tionis urbis suae legare, ipsius cubiculum ingressus, minaci vultu, gravibus injuriis etiam paratus, pugno ad os ejus admoto, eum percutere aggressus ; postea vero, apud se cogitans Servum Dei mansisse pacatum et imperturbabilem, intrinsece vehementer compunctus, confusione perfusus, rediit, et coram eo, flexis genibus, veniam petiit ; a quo benigne susceptus : "Jamjam peperci", inquit, eumque verbis suavissimis affatus est.

Ad trigesimum quintum articulum, de zelo fidei et praedicatione verbi Dei. — Hic servus fidelis familiae, super quam a Domino fuerat constitutus, spiritualem alimoniam, pro capta uniuscujusque, grandioribus concionando, parvulis catechizando (quibus finem non fecit) suo tempore sedulo ministravit, tanto zeio ac pietatis ardore ut ipsemet sua manu cedulas pro pueris, ut se pararent super iis quae explicaturus erat, scriberet. Cui diligenter parebant parvuli, capti suavi dulcedine, qua pro modulo suo omnia audiebat. Unde uberriimi fructus provenerunt : multos enim haereticos, iis allectos, ad fldem convertit ; multos peccatores ad meliorem vitam revocavit.

Haec sunt vera, notoria et publica.

Ad trigesimum sextum articulum de operibus miserieordiae. — Absque ullo discrimine, prout sibi licebat, infirmos omnes, sua praesentia visitando, consolabatur ; sua bona eils liberalissime tam in domibus privatis et carceribus, quam in hospitalibus, largiebatur ; nemo suo desiderio fraudabatur, pauperes enim eleemosynis sublevabat, animo pusillanimes confortabat, afflictos suavitatis abundantia, qua plenus erat, deliniebat, mœstos spiritualibus deliciis reddebat ; animos supplicio extremo addictos divinis colloquiis roborabat, exhortando ut fortiter sustinerent ; illis interim, tenerrime compatiendo, ab ipsis requisitus, sacramenta administrabat.

Haec sunt vera, et est fama communis.

 

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Ad trigesimum septimum articulum, de compositione litium et discordiarum. — Hunc articulum tetigi in articulo vigesimo octavo. Hic unicum ex multis exemplum refero. Fama Servi Dei de zelo obtinendae pacis et reconciliandi etiam pelliciebat haereticos ; adeo potens erat ad conciliandos animos, rebus bene compositis. A viro nobili Gebennensi haeretico sustinere partes arbitri pro diffLcultate solvenda inter se et Dominum Comitem de Sancto Albano rogatus est ; quam tanta efficacia et felicitate dissolvit, ut uterque, et catholicus et haereticus, de lite satisfactus, quod rarum, discesserit.

Ad trigesimum octavum articulum de religione. — Servus Dei cordi affixam in gradu eminentissimo religionis virtutem possidebat ; quam iln omnibus actionibus suis, praesertim ad cultum Dei pertinentibus, sacra mysteria et quae functioms suae erant, ostendebat, tam privatim quam publice, cum maxima et dulci recollectione, humilitate gravi, attentione devota, majestate humili, ut facile intuentibus eum omnes suas actiones divinis mysteriis habere immersas appareret ; talique exemplo sic aliis praelucebat ut omnium oculos in admirationem sui raperet et ad devotionem inflammaret.

Et ne minus videar coram Deo et Angelis dixisse quam par est de ipsius zelo divini cultus, nato ex consideratione dilectionis divinae, hic commemorabo tantam in eo redundasse suavitatem bonitatis, ut ex abundantia, ob exemplum devotionis, leniter in eos qui ejus conversatione fruebantur, cum ingenti gaudio deflueret ; quarum deliciarum particeps ego factus, memini me, cum aliquo morbo, jam a sex circiter annis, jacerem correptus, in mente saepe revolvisse et apud me ipsum ruminasse quanta esset bonitas Dei ! "Quam bonus es, Deus, Deus meus, quam bonus es, quando quidem in

 

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Domino meo Francisco de Sales, tua creatura, tanta est suavitas !"

Experti sunt omnes et est fama communis.

Ad trigesimum nonum articulum de resignatione in Deum. — Ex certa scientia teneo quod hic Servus Dei sublimi prudentia praeditus erat, non tam naturali quam supernaturali, a Deo donata, in discernendis internis animorum motibus, necnon absconditis animae recessibus. Invitatus fuit aliquando a superiore religionis, cujus nomini ob reverentiam parco, ut novitium, primo inter privatos parietes concionantem, dignaretur audire ; deinde quid sentiret tertio interrogatus, suspirando respondit : "Timeo hunc adolescentem fletu dignum." Infelix enim ille intra annum in apostasiam incidit, religionem abnegavit ; quod cum Dei Servo renunciatum esset, ingemuit, et, aliquantulum in se reversus, ait, spiritulm resumendo : "Spero quod tandem misericordiam Dei consequetur." Spes ejus non vana fuit ; non enim multo post elapso tempore, juvenis, pœnitentia ductus, rediilt domum unde exierat, lacrymis uberrime fusis ; ubi receptus.

Haec sunt vera et referunt qui ejus vitam scripserunt.

Ad quadragesimum articulum interrogatus de discretione spirituum, nihil respondit Venerabilis Dominus Vincentius de Paulo.

Ad quadragesimum primum articulum de magnanimitate animi. — Magnanimitatem animi in famulo Dei claruisse constat in heroicis ac arduis rebus a se peractis, tam prosperis quam adversis, quibus neque elatus, neque depressus visus est ejus animus ; sicut enim suaviter, sic fortiter, inter potentes, inter haereticos, inter suae vitae insidiatores, semper, eodem tenore procedendo, se gessit, omnia, longe a terrenis, ad honorem Dei dirigendo, Ecclesiae utilitati, suae saluti proximi-

 

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que consulendo, in quibus omnibus, servata tranquillitate, cor humile, in prosperis animatum, et generosum in adversis, retinuit.

Haec sunt vera et publica.

Ad quadragesimum secundum articulum, de zelo animarum sibi commissarum. — Zelus animarum sibi commissarum cor Servi Dei non inflammaverat modo, sed adeo, rodebat ut earum saluti consuleret ; nihil intentatum relinquebat, nihil non movebat, sibi ipsi non parcebat ; illi rei maxime ad id conducenti, nempe in excipiendis confessionibus, totus incumbebat, etiam cum periculo sanitatis, sine delectu quarumcumque personarurn aut sexus, usque ad amicorum et personarum gravium admirationem ; namque, quamvis oppressus incommodis necnon laboribus esset, quia illi rei necessario conjunguntur, unde fructus Deo delectabiles colliguntur, nempe confessionis, utrumque amplectebatur.

Haec sunt vera et publica.

Ad quadragesimum tertium articulum, de zelo perfectionis monialium. — Hic Servus Dei fidelis vehementer dolebat sponsas Christi ab adversario turpiter possideri. Unde, zelo zelatus, manum adhibuit operi quo eas a nequissima tyrannide in libertatem filiorum Dei revocare posset. Quod feliciter successit. Multas etenim domos religiosas reformavit. Sed quia non omnes, ideo non secundum votum, qui nihil inimico generis humani, religiosarum maxime personarum, relinquere volebat, cum vero quarumdam domorum clausuram, unde multa prodibant scandala, et eas observantiae propriae restituere difficile cernebat, Ordinem Monialium Visitatilonis Beatae Mariae Virginis, divino afflatus impulsu, instituit, quem adeo sanctis constitutionibus, a Summo Pontifice Urbano octavo approbatis, stabilivit, ut veluti ex horto amaenissimo suavissimi odores exhalent ; quibus suaviter

 

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animas ad numerum viginti octo monasteriorum attraxit.

Haec sunt vera et publica.

Ad quadragesimum quartum articulum, de zelo animarum in genere. — Servus Dei ignem celare in suo slnu ita non potuit quin erumperet aliquando. Scripsit notabili personae, Dominae de Chantal, plurium Congregationum Visitationis B. V. Mariae fundatrici et superiori, his verbis : "Quam dulcis est mihi et quam delectabilis labor causa salutis animarum susceptus !" Quare mirum non est, si tot animae ex multis provinciis, hac dulcedine spiritulali illectae, suae directioni se commiserint. Sed hic fervens animarum saluti, s amator, videns se tot secularibus et religiosis ex diversis locis longe a se distinctis sufficere non posse, divino consillio impulsus, ut illis et omnibus vitam ingredi cupientibus adjutor fieret, librum Introductionis ad vitam devotam, licet multis occupatus negotiis, componere aggressus est ; quo in lucem edito, ita suavem, utilem et necessarium omnes invenerunt, ut mirabundi, quoquo Servus Dei transiret, quamvis longinquas regiones, digito publice eum ostemdebant, dicentes : "Ecce magnum Franciscum a Geneva, qui scripsit librum Introductionis ad vitam devotam !"

Haec sunt vera et publica.

Ad quadragesimum quintum articulum, de contemptu mundi. — Hic Servus Dei, favo mellis divini gustato, terrena quae magni penduntur apud homines, omnino contemnebat ; un, de multa beneficia, pensiones oblatas recusavit ; quinquies a Rege Galliae in Franciam venire rogatus, ut munus quod susceperat reilinqueret, adduci, eti~m magnis ab ipso rege pollicitationibus, non potuit ; honores et dignitates libenti animo sprevit, ut melius, aiebat, et liberius vacare, pro voto, ad gloriam Dei magis amplificandam et animarum salutem promovendam va-

XIII. — 6

 

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leret ; quae causa fuit, ut arbitror, cur in quadam suarum epistola scripserit : "Elegi abjectus esse in domo Dei mei magi. s quam habitare in tabernaculis peccatorum.".

Haec sunt vera et notoria.

A quadragesimo septimo articulo usque ad quinquagesimum secundum articulum inclusive interrogatus, Dominus Vincentius de Paulo respondit. — Ad ea quae in istis articulis continentur nihil habeo dicere, partim cum multa ibi contenta non sint de mea scientia, partim cum id quod scio jam in aliis articulis dixerim.

Ad quinqtagesimum tertium et quinquagesimum quartum articulum, de honore et reliquiis. — Scio quod statim ut anima beati Servi Dei separata fuit a corpore, multi concurrerunt ad locum ubi erat. Flexis genibus, devotissime illum, tanqluam sanctum, invocabant ; quidquid poterant, sive sanguinis, corpore exenterato, sine illius aut vestimentorum, pro reliquiis accipiebant ; quibus multa fiunt miracula, quorum aliqua referuntur a piis qui vitam ejus scripserunt.

Ad reliquos articulos interrogatus, respondit. — Scio devotionem magnam esse erga Servum Dei multarum provinciarum, ob sanctitatis aestimationem et miraculorum multitudinem ; et praeter quae publice fiunt, unum notavi quod evenit in Congregatione Visitationis Beatae Virginis Mariae hujus urbis. Monialis, incognito morbo correpta, blasphemias in sanctos, in Sacratissimum Eucharistiae Sacramentum, in Deum ipsum, quoties laudum praeconia celebrare admoncretur, evomebat, blasphemias, inquam, et execrabiles maledictiones, dum ad sacram synaxim accederet, adeo distincte et tali voce proferendo, ut a circtlmstantibus facile audiretur. Superiori suae admonenti aliquem actum elicere quo se Deo offerret, respondit se Deum alium non habere nisi diabo

 

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lum. Denique tanta violentia rabidoque furore percellebatur corpore et mente in divam Majestatem, ut saepe ad interitum sui induceretur, ut citius ad infernum properaret, et ibi Deum (horribile dictu !) Ipro voto suo maled-lctionibus prosequeretur ; in hoc aiebat omnes suas delicias contineri. Dicta Reverenda Superior, compassionis et doloris plena, nihil non tentavit : consulit Praelatos, Patres religionum, omnes qui famosi in spiritualibus erant, et, eorum judicio, medicos, quorum remediis in vanum adhibitis, tandem dicta Superior ad intercessionem Servi Dei recurrit. Partem rochetti ipsius brachio laborantis applicat ; et ecce in momento liberatur monialis, magna fuit in anima tranquillitas, et pauaatim appetitus et somnus quem perdiderat redditur paulo post, integra sanitas, quae durat ad hodiernum usque diem, bona valetudine, sano et acri judicio, ita ut praecipuas religionils functiones, velut si nihil sentisset unquam, exercuerit. Nunc novitias suae directioni habet subjectas. Haec vera esse ad verbum didici tam ab ipsa religiosa quam a sua dicta superiore, domum ingressus visitationis causa.

Et pro majori certitudine veritatis, de mandato dictorum Dominorum judicum, supradictam depositionem de verbo ad verbum repetendo, clare et distincte relegi ego notarius pro teste Domino Vincentio de Paulo, auscultante, coram dictis Dominis judicibus ; qui, dixit et de novo affirmavit haec supradicta fuisse et esse vera, publica et notoria, et de his esse veram famam, publicam et notoriam et dictum commune. Et pro fide ipse testis deponens, propria manu subscripsit coram dictis Dominis judicibus, qui et ipsi signarunt manu propria, et ego Notarius in hac Causa deputatus me propria manu subscripsi et pro fide meum consuetum signum tabellionatus apposui.

 

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Acta fuerunt haec Parisiis in loco, anno, diebus, mense, indictiane et pontificatu quibus supra.

Sic signatum in minuta originali praesentium.

Ego Vincentius Depaul, presbyter Aquensis dioecesis in Vasconia, ita pro veritate deposui et attestatus sum.

VINCENTIUS DE PAULO.

 

30. — NOMINATION DE SAINT VINCENT

COMME SUPÉRIEUR DE LA VISITATION DE PARIS

(9 mai 1628) (l)

Jean-François de Gondy, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique archevêque de Paris, à notre cher bien-aimé en Notre-Seigneur, maître Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie, salut en Notre-Seigneur.

Savoir vous faisons que, nous inclinant à la supplication et requête qui nous avait été présentée par nos chères et bien-aimées sœurs et filles les supérieure et religieuses de la Visitation Sainte-Marie de cette ville de Paris, à ce qu’il nous plût, conformément à notre autorité et à leurs règles et constitutions, commettre telle personne de suffisance et probité connue que jugerions à propos pour être leur père spirituel et supérieur sous nous ; à ces causes, nous, pleinement confiant en vos sens, expérience, capacité, piété et intégrité de vie, vous avons commis et député, commettons et députons par ces présentes père spirituel du monastère desdites Filles

Document 30. — Arch. nat. LL 1716, f° 17 v°.

1) Saint Vincent était supérieur de la Visitation de Paris depuis 1622. (Cf Abelly, op. cit. II, chap. VII, p- 314.) Le premier acte de nomination, que nous n’avons plus, limitait vraisemblablement ses fonctions à une durée de six ans.

 

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de la Visitation, pour icelles régir et conduire de par nous, suivant et conformément au pouvoir attribué aux pères spirituels de leurs monastères par lesdites règles et constitutions, tant et si longuement qu’il nous plaira.

En témoin de quoi nous avons fait signer les présentes par notre secrétaire soussigné et sceller du scel de notre chambre.

Donné à Paris le neuvième jour de mai, l’an mil six cent vingt-huit.

Pour Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris.

BAUDOUYN.

 

31. — REÇU D’UNE SOMME D’ARGENT

(27 juillet 1630)

Fut présent vénérable et discrète personne Messire Vincent de Paul, prêtre, principal du collège des Bons-Enfants, fondé en l’Université de Paris, y demeurant, près la porte Saint-Victor, ci-devant curé de la cure de Clichy-la-Garenne, lequel confesse avoir reçu de Messire Jean Souillard, prêtre, à présent curé de ladite cure de l’église dudit Clichy, par la résignation que ledit sieur de Paul lui en a faite, à ce présent, la somme de quatre cents livres tournois, laquelle somme ledit sieur de Paul lui a remise et quittée, et pour l’extinction de cent livres tournois de pension que ledit sieur de Paul s’était réservée et avait retenue sur ladite cure (1), et de

Document 31. — Etude de Maitre Paul Tollu, rue Saint-Lazare, 70, Paris, registre.

1). Abelly a donc eu tort d’écrire que saint Vincent "remit purement et simplement" sa cure à Jean Souillard "sans en retenir aucune pension". (Op. cit, L. I, chap. VI, p. 27.) Ces quatre cents livres tournois représentent un arriéré de quatre ans ; il y avait quatre ans que le saint n’était plus curé de Clichy.

 

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laquelle somme de quatre cents livres tournois audit sieur de Paul payées, comptées, nombrées et délivrées comptant par ledit Souillard en écus, sol parisis et demi-sols et commune monnaie, le tout bon d’or et argent ; et avec la présente somme icelui sieur de Paul s’est tenu et tient pour content et bien payé, et en a quitté et quitte ledit Souillard et tous autres, promettant, obligeant, renonçant, etc…

Fait et passé ès études desdits notaires soussignés avant midi, l’an mil six cent trente, le samedi vingt septième jour de juillet, audit collège des Bons-Enfants, en la chambre dudit sieur de Paul, et ont signé.

VINCENT DEPAUL. SOUILLARD.

CAPITAIN. CHARLES

 

32. — TÉMOIGNAGE DE SAINT VINCENT

AU SUJET DE L’ABBÉ DE SAINT-CYRAN

(31 mars, ler et 2 avril 1639)

Je, Vincent Depaul, supérieur de la congrégation des prêtres de la Mission, âgé de 59 ans ou environ, après serment de dire vérité sur mes saints ordres, reconnais que voici les faits et les réponses que j’ai faites ensuite par devant M. Lescot, docteur en théologie et professeur du roi en icelle, et député par Monseigneur l’Eminentissime cardinal duc de Richelieu, en vertu de la commission qui a été donnée à Son Eminence par Mon

Document 32. — Bibliot. maz., ms. 2481, f° 287-291. On a dit que ce document était l’œuvre des jansénistes du XVIIIe siècle. Son authenticité ressort des mots " âgé de 59 ans, ou environ". Au XVllIe siècle, les jansénistes croyaient, comme tout le monde, que saint Vincent était né en 1576 ; et par suite le faussaire aurait écrit "agé de 63 ans, ou environ". (Cf. La vrai date de la naissan~e de saint Vincent de Paul, Dax, 1922, in-8 ; Rapports de saint Vincent de Paul avec l’abbé de Saint-Cyran, Toulouse, 1914, in-8, p. 30 et suiv.)

 

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seigneur l’Illustrissime et Révérendissime Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, sur le sujet du procès qui se fait contre M. l’abbé de Saint-Cyran, détenu prisonnier au château du Bois de Vincennes, à cause des opinions particulieres et contraires à l’Eglise qu’il est accusé de tenir.

Je reconnais que la lettre qui m’a été représentée par ledit sieur Lescot (1), et laquelle j’ai signée et paraphée de ma main, est celle-là même qui m’a été écrite et envoyée par ledit sieur de Saint-Cyran, datée de Paris, du 20 novembre 1637, souscrite du nom de l’abbé de Saint-Cyran et comprise en 4 pages et demie.

Plus, je dis que je connais ledit sieur de Saint-Cyran depuis 15 ans ou environ, et que, pendant ledit temps de 15 ans, j’ai eu assez grande communication avec lui, et j’ai reconnu un des plus hommes de bien que j’aie jamais vu.

Que sur la fin de l’année 1637, environ le mois d’octobre, je fus trouver ledit sieur de Salnt-Cyran en sa maison à Paris, vis-à-vis les Chartreux, et lui donnai avis des bruits qui couraient de lui, savoir de quelques opinions ou pratiques contraires à la pratlque de l’Eglise, qu’on disait être tenues par lui, et ne me ressouviens pas du nombre, mais seulement me souviens d’une, qui est qu’il faisait faire pénitence à quelques personnes 3 ou 4 mois avant que de leur donner l’absolution, et de quelques autres qui sont ici dessous.

Lequel avis il reçut assez paisiblement, et ne me ressouviens point de la réponse qu’il me fit pour lors distinctement. Ce qui se passa entre ledit sieur de Saint-Cyran et moi seulement, et sans qu’aucune autre personne y fût présente.

1) Voir cette lettre au t. I, p.401.

 

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Qu’il me semble que M. l’abbé Olier et M. l’abbé Caulet et M. l’abbé de Prières (2) m’avaient dit que M. de Saint-Cyran tenait la pratique susdite, et m’avaient dit quantité d’autres choses de lui, dont je ne me ressouviens pas.

Que M. l’abbé Caulet m’ayant dit qu’il avait communiqué avec M. l’abbé de Saint-Cyran et qu’il lui avait paru quelques opinions particulières en lui, et me demandant, à ce qu il me semble, s’il devait prendre direction de lui, je dis audit sieur Caulet que, puisqu’il trouvait difficulté auxdites opinions, ils ne se soumît point à sa direction, et je ne sais si je lui dis qu il ne le fréquentat pas.

Je ne sais en quel temps je reçus ladite lettre, ni par qui elle m’a été adressée, ni rendue.

Jamais il ne m’a dit ce qu’il trouvait à redire en notre congrégation, ni des manquements dont il parle dans sa lettre susdite.

Je ne me ressouviens point d’avoir jamais défendu à ceux de notre congrégation de fréquenter ledit sieur de Saint-Cyran. Je ne sais ce qu’il veut dire par sadite lettre, d’avoir blâmé les com-mencements par lesquels notre congrégation s’est établie aux lieux où elle est, ni aussi quelle est cette contestation publique qu’il dit en sadite lettre avoir eue, et y avoir fait changer d’avis par force de raisons celui à qui nous avons toute l’obligation de notredit établissement, s’il n’entend parler du procès que nous avons eu contre ceux de Saint-Victor et de l’assistance qu’il nous y rendit.

Je ne sais aussi quelle est cette persécution qu’il dit dans la même lettre avoir eue et en laquelle il dit que

2). Jean Jouhaud, secrétaire de l’abbé de Cîteaux.

 

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je l’ai abandonné, nl lluel est ce soulèvement, ni cette triple cabale qu il dit avoir été faite contre lui.

Je ne sais aussi quel est ce bon office qu’il dit avoir voulu rendre à notre congrégation, et avoir été empêché par moi, si ce n’est qu’il entende de ce qu’il dit, que je n’ai voulu suivre ses avis touchant notre congrégation. Or, ne m’en a-t-il jamais donné aucun touchant la direction de la Compagnie.

J’ai vu une fois ledit sieur de Saint-Cyran dans sondit logis à Paris depuis son retour, où nous ne parlâmes point du contenu de la lettre, sinon que d’abord je lui dis que je le remerciais de ce qu’il s’était déchargé à moi, par ladite lettre, de la fâcherie qu’il en avait eue.

Je ne me ressouviens point d’avoir dit à personne que j’eusse reçu ladite lettre et que je la gardasse, sinon à M. Dauzenat, qui lors était aumônier de Madame la duchesse d’Aiguillon, et maintenant argentier de mondit seigneur le cardinal.

J’ai gardé ladite lettre pour montrer que je ne participais point à ladite pratique dudit sieur de Saint-Cyran, ni aux opinions dont on le blamait, au cas qu’il en fût recherché.

Dès que M. de Laubardemont m’eut parlé de ladite lettre, de la part de mondit seigneur Le cardinal, ou deux jours après, j’apportai ladite lettre à Son Eminence et dis à mondit sieur Lescot, le même jour, que je l’avais.

M. Barcos ni M. Singlin ne me sont venus voir pour me prier de ne rien dire contre M. de Saint-Cyran.

Jamais je n’ai appelé mondit sieur de Saint-Cyran mon maitre.

Je ne sais pourquoi ladite lettre n’a point été fermée ; bien suis-je mémoratif qu’elle était dans une enveloppe de papier cacheté et qu’il n’y avait aucune autre lettre qui l’accompagnât.

 

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J’ai appris depuis 3 jours d’un nommé M. Tardif qu’une copie de ladite lettre s’était trouvée entre les papiers dudit sieur de Saint-Cyran, qui furent saisis lors de l’emprisonnement dudit sieur de Saint-Cyran et que ladite copie était écrite de la main de la supérieure de la Visitation de Poitiers (3), et pense qu’il ajouta que l’original m’avait été envoyé par ladite supérieure ; mais je n’en sais rien.

Je n’ai jamais reçu aucune lettre de ladite supérieure touchant les opinions et pratiques qu’on impute audit sieur de Saint-Cyran, ni même touchant ladite lettre, non plus que pour aucun autre sujet, sinon une ou deux que je reçus, il y a 4 ans, ou environ, touchant l’établissement de la Visitation à Poitiers, auquel je m’employai vers ledit sieur de Saint-Cyran pour en écrire à Monseigneur de Poitiers. Et c’est tout ce que je sais touchant ladite lettre. Et pour ce qui est des quelques autres articles sur lesquels j’ai aussi été interrogé par ledit sieur Lescot, je dis que, touchant celui qui est si je n’ai pas ouï dire au sieur de Saint-Cyran que Dieu détruit son Eglise depuis 5 ou 600 ans, alléguant ces paroles de Salomon : tempus destruendi, et que la corruption s’y est glissée, même dans la doctrine ; je réponds lui avoir ouï dire une fois seulernent ces paroles, que Dieu détruit son Eglise, et aussi que, selon cela, il semble que ceux qui la soutiennent fassent contre son intention. Et il disait cela, ce me semble, en suite de quelques discours des jugements de Dieu, de la corruption des mœurs. Et d’abord cette pro~osition me fit peine ; mais j’ai pensé depuis qu’il le disait au sens qu’on m’a dit que le Pape Clément VIII. disait qu’il pleurait de ce qu’il voyait que,

3) La R.M. Anne de Lage.

 

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tandis que l’Eglise s’étendait aux Indes, il lui semblait qu’elle se détruisait de deça. Et pour ce qu’il dit qu’il semble que ceux qui l. a soutiennent fassent contre l’intention de Dieu, je pense que cela se doit expliquer par les actions de la vie du, dit sieur de Saint-Cyran, qui étaient la plupart pour le soutien de l’Eglise. Témoins ses écrits et ce qu’il faisait faire pour le salut des âmes. Et pour le reste de l’article, je ne lui en ai jamais ouï parler.

Sur la demande si je n’ai pas ouï dire audit sieur de Saint-Cyran que le Pape et la plupart des évêques, curés, etc…, ne font pas la vraie Eglise, étant dépourvus de la vocation et de l’esprit de la grâce ; je réponds ne lui avoir jamais ouï dire ce qui est contenu dans ladite demande, si ce n’est une fois seulement, que plusieurs. évêques étaient enf. ants de la cour et n’avaient point de vocation. Jamais néanmoins je n’ai vu personne plus estimer l’épiscopat que lu, ni quelques évêques, comme feu M. de Comminges (4). Il avait grande estime aussi de feu François de Sales, évêque de Genève, et l’appelait bienheureux.

Enquis si je ne lui ai pas ouï dire que le concile de Trente a changé et altéré la doctrine de l’Eglise et n’est pas un concile légitime ; je réponds ne lui avoir jamais ouï dire cela, oui bien qu’il y avait eu des brigues dans ledit concile. Interrogé si je ne lui ai pas ouï dire que c’est un abus de donner l’absolution incontinent après la confession, suivant la pratique ordinaire, et qu’il f. aut satisfaire auparavant ; je réponds ne lui avoir jamais ouï dire que ce fût un abus d’en user de la sorte que dit la demande. Je lui ai bien ouï parler de la pénitence avant l’absolu

4). Barthélemy de Donnadieu de Griet.

 

tion, mais je ne me ressouviens pas en quels termes. Mais l’expérience fait voir comme il entendait ce qui est contenu en ladite demande, parce qu’il nous a fait faire la mission dans les paroisses qui dépendent de son abbaye de Saint-Cyran et nous a offert maintes fois un prieuré qu’il a auprès de Poitiers, pour faire de même dans l’évêché dudit Poitiers ; et chacun sait que nous faisons le contenu de ce que dit l’article.

Enquis si je ne lui ai pas ouï dire que le juste ne doit avoir autre loi que les mouvements intérieurs de la grâce pour vivre en la liberté des enfants de Dieu, et que les vœux sont imparfaits, s’opposant à cette liberté de l’esprit de Dieu ; je réponds que je ne lui ai jamais ouï dire les paroles, que le juste ne doit avoir autres lois que les mouvements intérieurs de la grâce, et alléguer ces paroles de saint Paul : justo lex non est posita. Mais je ne me ressouviens pas en quels termes il parlait avantageusement des mouvements intérieurs de la grâce, ni à quel propos il alléguait les paroles de saint Paul. Et pour les vœux, je suis en doute si je lui ai ouï dire lesdites paroles de la demande. Je sais néanmoins qu’il a assisté un sien neveu pour se faire Capucin dans la province de Toulouse, et mené lui même le fils d’un de ses amis aux Carmes réformés.

Enquis s’il n’avait pas dit que les Jésuites et les autres nouveaux religieux qui se mêlent des fonctions cléricales doivent être ruinés ; je réponds lui avoir ouï blâmer qùelques opinions des Jésuites, notamment touchant la grâce, et me semble lui avoir ouï dire que, s’il était dans son pouvoir de ruiner les Jésuites, ou quelqu’un d’eux, il le ferait, quoique je lui aie ouï dire beaucoup de grandes louanges des premiers de leur Ordre ; et me semble, de plus, lui avoir ouï dire qu’il ne voulait point de mal à la Compagnie desdits Jésuites et qu’il donnerait sa vie pour icelle et pour chacun d’eux ; qui

 

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fait que j’estime qu’il voulait dire pas ruiner les Jésuites, que, si cela dépendait de lui, il leur ôterait la faculté d’enseigner la théologie. Mais, pour le reste de l’article, je ne sais ce que c’est.

Touchant plusieurs articles, comme si la contrition parfaite est absolument nécessaire au sacrement de pénitence ; si on ne peut donner l’absolution sacramentelle qu’à ceux qui sont vraiment contrits ; que l’absolution ne remet pas le péché, mais déclare seulement qu’il est déjà remis, savoir en vertu de la contrition qui a précédé, et doit précéder l’absolution ; que les péchés véniels ne sont point matière suffisante de l’absolution sacramentelle ; qu’il n’est pas nécessaire de confesser le nombre des péchés mortels, ni les circonstances qui changent l’espèce du péché ; que la vraie foi n’est point distinguée de la charité ; que l’Eglise depuis 600 ans n’est point la vraie Eglise ; touchant ces articles, dis-je, et plusieurs autres sur lesquels j’ai été enquis par ledit sieur Lescot, je réponds n’en avoir jamais ouï parler audit sieur de Saint-Cyran. Qui est tout ce que je sais touchant ledit sieur de Saint-Cyran.

J’ai écrit tout ce que dessus de ma main propre, et, après l’avoir relu, j’y ai persisté et signé.

VINCENT DEPAUL.

 

33. — INTERROGATOIRE DE L’ABBÉ DE SAINT-CYRAN

(14-31 mai 1639)

1. — Interrogé s’il n’a point eu communication et fa-

Document 33. Recueil de plusieurs pièces pour servir à l’histoire de Port-Royal, ou Supplément aux Mémoires de Messieurs Fontaine, Lancelot et du Fossé, Utrecht, 1740, in-l2, p. 22 et suiv. Le texte publié dans cet ouvrage est le même que la copie conservée à la Bibl. nat. (fr. 17 804). Nous ne donnons de cet interrogatoire que ce qui intéresse les rapports de l’abbé de Saint-Cyran et de saint Vincent.

 

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miliarité particulière avec Monsieur Vincent, supérieur des prêtres de la Mission ;

A dit que, lorsque le sieur Vincent logeait au collège des Bons-Enfants, ils se voyaient plus souvent que depuis qu’il loge à Saint-Lazare, ne l’ayant vu depuis ce temps-là qu’en passant ; qu’il venait quelquefois dîner chez lui, même depuis qu’il est à Saint-Lazare ; que, depuis quelques années, il n’y a pas grande communication ni familiarité entre eux, et qu’il y a trois ou quatre ans

5. — Interrogé si M. Vincent ne lui, a point fait quelques remontrances, ou donné quelques avis charitables touchant choses qui concernaient lui sieur Saint-Cyran A dit que ledit sieur Vincent, venant dire adieu à lu répondant, qui était sur le point d’aller en son abbaye (1), lui parla de quatre choses. La première est que ledit sieur Vincent dit à lui S, aint-Cyran qu’autrefois ledit sieur Saint-Cyran lui avait dit que la pénitence remise à la fin de la vie et étant en maladie n’était pas fort assurée. L’autre que lui répondant lui avait dit aussi qu’il voulait donner audit sieur Vinoent quelques avls touchant la direction de la Compagnie dont il est superieur. Les deux autres, à ce qu’il dit, sont encore moindres, et dit ne s’en souvenir.

6. — Interrogé si ledit sieur Vincent ne lui a point éarit depuis touchant les choses susdites ;

A dit que ledit sieur Vincent ne lui a point écrit, mais bien lui répondant a écrit audit sieur Vincent.

7. — Interrogé si, dans la lettre qu’il écrivi’t audit sieur Vincent, lui rélpondant ne lui parla point d’autres choses ;

A dit que non.

8. — Avons représenté audit sieur Saint-Cyran une

1) En note : "C’était au mois d’octobre précédent".

 

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lettre dont la suscription est "A Monsieur Vincent, supérieur de la Mission", commençant par ces mots : "Monsieur, depuis la dernière fois que j’eus l’honneur" et finissant "pour prendre celle de Monsieur, votre, etc", datée de Paris, du 20 novembre mil six cent trente-sept, contenant cinq pages, écrite de la main dudit sieur de Saint-Cyran, ainsi qu’il nous a dit ; et enquis s’il n’a pas écrit ladite lettre audit sieur Vincent ;

A reconnu avoir écrit ladite lettre, laquelle il a paraphé avec notre greffier, et que c’est celle dont il a parlé ci-devant.

9. — Interrogé de quelle personnemourante ledit sieur de Saint-Cyran a entendu parler au commencement de ladite lettre, lorsqu’il dit qu’il avait "toujours été malade, un mois durant, d’une impression maligne que lui avait faite, comme il croit, une personne mourante, qu’il avait assistée le long d’une nuit" ;

A dit que c’était Madame d’Andilly, laquelle mourut d’un flux de sang.

10. — Interrogé ce qu’il entend par ces mots "d’une impression maligne" ;

A dit qu’il entendait parler de l’infection de la chambre où ladite dame mourut, laquelle lui causa un pareil flux de sang.

11. — Interrogé ce qu’il entend par "les derniers discours" qu’il dit "ledit sieur Vincent avoir eus avec lui" ;

A dit que c’étaient ces quatre choses dont il a fait mention ci-dessus.

12. — Interrogé ce qu’il veut dire par ces mots de ladite lettre : "J’en avais d’autres dans l’âme, que vous ignorez, pour lesquelles j’ai sujet de craindre les jugements de Dieu" ;

A dit qu’il entendit parler de la mémoire de ses pé-

 

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chés, lesquels il avait en l’esprit, dans l’incertitude du succès de sa maladie périlleuse.

13. — Interrogé ce qu’il entend par ces-mots a des vérités catholiques qui passaient pour mensonges et faussetés parmi ceux qui aiment plus la lueur et l’éclat que la lumière de la vérité et de la vertu" ;

A dit que par ces mots de "vérités catholiques", etc…, il entendait parler des quatre choses ci-dessus mentionnées, entre lesquelles la première est si véritable que les anciens Pères et docteurs et les directeurs de ce temps s’accordent tous en cela, saint Augustin disant au nom de tous : Poenitentia morituri moritura, et Grenade allègue, dans un discours entier qu’il fait sur ce point, cinq raisons de Joannes Scotus ; et que les trois autres points ne sont pas de plus grande conséquence, ni moins reçus d’un chacun.

14. — Interrogé, s’il est ainsi que, par ces quatre vérités qu’il dit être tellement reconnues et avouées d’un chacun, il n’entend autre chose que ce qu’il dit, comment il est possible que ces vérités "passent pour des mensonges et faussetés parmi ceux qui aiment plus la lueur et l’éclat que la lumière de la vérité et de la vertu", étant certain d’ailleurs que ceux qui aiment la lueur et l’éclat de la vertu se gardent bien de croire qu’il fallait attendre à l’extrémité de la vie, dans une forte maladie, à faire pénitence ;

A dit avoir dit ces choses fort simplement, et autant de la première vérité que des autres, dont il ne se souvient pas. Et quoique ledit répondant ne se souvienne pas de toutes les idées qu’il avait écrivant ladite lettre et que les paroles ci-dessus aient été peut-être écrites sur les sujets des deux autres points, qu’il a oubliés, elles peuvent encore fort bien s’entendre de ceux qui se contentent de l’extérieur de la religion, sans se soucier de faire une vraie pénitence, se confiant trop en la misé-

 

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ricorde de Dieu. Il a pu avoir aussi lors en l’esprit ces paroles de saint Augustin : Veritatem coruscantem amant, redarguentem oderunt, et dit que, s’il se souvient des autres choses oubliées, il les dira fort librement.

15, — Interrogé ce qu’il entend par ces mots "la disposition d’humilité que vous avez au fond du cœur pour croire à ce qu’on vous ferait voir dans les livres saints, me fait assez connaître qu’il n’y avait rien de plus facile que de vous faire consentir, par le témoignage même de vos yeux, à ce que vous détestez maintenant comme des erreurs" ; et particulièrement interrogé ce qu’il entend par ces derniers mots, "ce que vous détestez maintenant comme des erreurs" ;

A dit qu’il entendait parler de ces quatre choses dont est fait mention ci-dessus, comme il est clair par la suite, et que, croyant ledit sieur Vincent vraiment humble, il les recevrait volontiers. les voyant écrites dans les livres saints et dans les Pères.

17. — Interrogé ce qu’il entend par "cette cinquième correction" qu’il dit que ledit sieur Vinænt lui avait "faite et ajoutée aux autres quatre" ;

Dit qu’elle n’est autre que celle qui a été auparavant mise la dernière entre les quatre.

18. Interrogé si les choses dont il parle en ces termes : "Je jugeai que ce n’était pas le temps de se défendre et de vous éclaircir, par des preuves même sensibles et inartificielles, l’importance de ces choses que vous trouvez mauvaises jusques à les condamner hardiment sans les entendre" sont toutes les mêmes choses dont il a parlé ci-dessus ;

A dit que sont toutes les mêmes choses, et non autres.

20. — Interrogé s’il ne tient pas M. Vincent pour homme de bien, d’honneur, homme discret, judicieuxet bien avisé ;

XIII. — 7

 

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A répondu qu’il le tient pour homme de charité, de bonne volonté et faisant profession d’être prudent.

21. — Interrogé s’il le croyait en effet prudent et homme de bien ;

A dit qu’il croit ledit sieur Vincent prudent, mais qu’il se peut tromper par faute de lumières et intelligence dlans les choses de la doctrine et de la science, et non faute de bonne volonté, et qu’il le tient homme de bien.

22. — Interrogé si c’est sur les quatre points ci-dessus mentionnés qu’il a souffert la persécution qu’il dit dans ladite lettre avoir endurée ;

A dit que non et que ce fut pour les mécontentements qu’on avait eus de ce qui s’était passé en la maison du Saint-Sacrement (2).

23. — Interrogé s’il ne se souvient pas pour le moins que ces quatre points fussent d’importance ;

A dit qu’ils étaient frivoles et de nulle importance et tels que les plus grands ennemis de lui répondant ne lui ont jamais reproché, autant qu’il ait pu s’en souvenir, et qu’il était si facile d’y répondre qu’icelui sieur Saint-Cyran les ayant rapportés, sitôt que ledit sieur Vincent fut parti, à un homme savant, il trouva étrange que lui répondant avait traité ledit sieur Vincent avec tant de douceur.

24. — Interrogé comme il est possible qu’il ait oubli’ces points, puisqu’il se souvient si bien que ces points étaient frivoles et de nulle conséquence, et que même il en parla à un homme savant, et que cet homme savant

2). L’Institut du Saint-Sacrement avait été fondé à Paris, rue Coquillière, par Sébastien Zamet, évêque de Langres, avec la collaboralion de Marie-Angélique Arnauld. Les religieuses qui en faisaient partie honoraient tout spécialement Jésus eucharistique par l’adoration perpétuelle de nuit et de jour. (Voir sur cet Institut les excellentes pages de Louis N. Prunel, Sébastien Zamet, p. 208 et suiv.)

 

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s’étonna de ce qu’il n’avait pas répondu audit sieur Vincent assez fortement, et quel était cet homme savant ;

A dit qu’il arrive souvent qu’on oublie la substance des choses et qu’on peut se ressouvenir des circonstances, et que l’homme savant dont il parle est un sien neveu, nommé M. de Barcos.

25. — Interrogé encore comment il se peut faire que ces points lui soient échappés de l’egprit, attendu que ledit sieur Vincent fut voir lui répondant chez lui, et qu’icelui répondant écrivit audit sieur Vincent une longue lettre, ci-dessus mentionnée, touchant lesdits points, et ne lui aurait écrit ladite lettre qu’"après avoir laissé passer le temps nécessaire pour évaporer la chaleur qui était montée à la tête" de lui Saint-Cyran, ainsi qu’il dit par ladite lettre, de manière qu’il aurait pensé et médité longtemps sur ce que ledit sieur Saint-Cyran lui aurait dit, et s’il est croyable qu’il ait oublié ces points ainsi circonstanciés, mais encore des points que lui répondant dans ladite lettre appelle des "vérités catholiques" et lesquels il dit être "détestés" par M. Vincent comme des erreurs ;

A dit qu’il a oublié pourtant et qu’il n’a tardé à ecrire ladite lettre audit sieur Vincent que pour lui rendre un témoignage de son amitié. Car, au lieu qu’il n’a rien dit aux autres, ni des autres qui l’ont tant persécuté, il lui a voulu faire sa plainte, tant afin qu’il ne crût pas qu’il eût aucun ressentiment de ce qu’il lui était venu dire chez lui répondant, que pour faire connaître audit sieur Vincent qu’il avait tort de croire que lui sieur de Saint-Cyran eût des erreurs, vu que la première chose qu’il lui avait reprochée, comme lui ayant autrefois été ditè par ledit sieur Saint-Cyran est une vérité catholique, tenue pour telle tant par les anciens que par les docteurs de ce temps.

26. — Interrogé comment il est possible que M. Vin-

 

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cent, que ledit sieur Saint-Cyran a dit être homme de bien, homme d’honneur, fort avisé, et fort discret, et qui,. comme ledit répondant dit dans ladite lettre, fait "profession d’être si doux et retenu par tout" ait osé venir en la maison dudit sieur Saint-Cyran pour lui reprocher cette proposition, que la pénitence remise à la fin de la vie et dans une maladie mortelle n’était pas fort assurée ; laquelle proposition, ainsi que ledit répondant a dit ci-dessus, est si véritable qu’elle est tenue par les. anciens Pères et par tous les docteurs de ce temps, et, quelques autres propositions que ledit répondant a dit ci-dessus n’être, pas moins certaines et qui ne l’empêchaient pas davantage que la proposition ci-dessus ;

A dit que, quoiqu’il ait usé du terme de "reprocher" dans sa lettre, il n’a pas cru que ledit sieur Vincent lui. était venu d : ire ces choses avec cette intention, mais qu’à son avis, étant venu pour lui dire adieu, étant ledit répondant sur le point d’aller en son abbaye, il les lui dit par occasion, plutôt pour se couvrir du reproche que ledit sieur de Saint-Cyran lui avait fait, de l’avoir. abandonné, que pour l’accuser d’aucune erreur ; et la suite fait voir que ledit sieur Vincent avait désir d’ôter au répondant tout sujet de plainte et s’accommoder avec lui, parce qu’à sa sortie il lui offrit un cheval en don pour son voyage, lequel lui répondant accepta, pour lui rendre au retour, afin de lui témoigner qu’il voulait vivre en amitié avec lui, comme de coutume. Et quant aux autres deux. propositions oubliées, ledit répondant a dit qu’elles étaient frivoles et de nulle conséquence, parce qu’elles étaient semblables à la première ci-dessu, mentionnée et qu’il était facile de les regarder comme étant ou des vérités catholiques, ou des erreurs faussement attribuées audit sieur Saint-Cyran.

27. — Interrogé comment ledi¢ sieur Saint-Cyran peut croire que ledit sieur Vincent, qui est homme discret,

 

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pour se remettre entièrement avec ledit sieur Saint-Cyran, ait condamné des propositions telles, que lui dit Saint-Cyran ait tenu les propositions contraires pour des mensonges et faussetés et les ait détestées comme des erreurs, ainsi que l’a dit ledit sieur Saint-Cyran, et que ledit sieur Vincent soit demeuré en ce sentiment et se soit départi d’avec lui en cet état ;

A dit que, s’il est vrai que ledit sieur Vincent lui ait objecté la proposition ci-dessus mentionnée comme une erreur et qu’il ait inféré des avis que lui répondant voulait donner à sa Compagnie, quelque chose de m. auvais et qui fût au désavantage de la doctrine dudit sieur Saint-Cyran, il a pu de même se tromper dans les deux autres ; et néanmoins, comme il faisait cela de bonne volonté et innocemment vers ledit sieur Saint-Cyran, il s’arrêta tout court, après avoir entendu la première réponse de lui sieur Saint-Cyran, qui fut sans toucher les points en particulier dont ledit sieur Vincent lui avait parlé. Et cela fut cause qu’icelui sieur Vincent ayant reconnu que ledit répondant était un peu ému, il voulut le rapaiser, et, à ce dessein, lui offrit un cheval pour faire son voyage en son abbaye.

28. — Interrogé s’il reconnut lors que ledit sieur Vincent changeât d’avis et se déportât des propositions qu’il avait crues auparavant ;

A dit que l’offre que ledit sieur Vincent lui fit de son cheval lui fit croire que peut-être icelui sieur Vincent se repentait de les avoir avancées et d’avoir causé quelque émotion à lui répondant.

29. — Interrogé comment donc ledi, t sieur Saint-Cyran, écrivant au sieur Vincent, lui parle comme à un homme qui est encore dans les mêmes erreurs par ces termes : "Il n’y a rien de plus facile que de vous faire consentir par le témoignage même de vos yeux à ce que vous détestez maintenant comme des erreurs" ; et plus bas :

 

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Je jugeai que ce n’était pas le temps de se défendre et de vous éclaircir, par des preuves mêmes sensibles et inartificielles, l’importance de ces choses que vous trouvez mauvaises jusqu’à les condamner hardiment sans les entendre" ;

A dit qu’après les propositions faites par ledit sieur Vincent audit sieur Saint-Cyran et le rebut qu’en fit en général avec quelque petite émotion ledit sieur Saint-Cyran, comme se tenant surpris, il ne fut dit rien en particuller pour l’éclaircissement de ces propositions, et ledit sieur Vincent, ayant fait une saillie extraordinaire à son humeur, se remit quant et quant en sa froideur et silence ordinaire ; ce qui fut cause que ledit sieur Saint-Cyran lui écrivit ladite lettre pour l’éclaircir avec tranquillité d’esprit de ses sentiments touchant lesdites propositions ; et il est vraisemblable qu’il y avait quelque autre proposition semblable à la première, car, autrement, il n’eût eu garde de parler de cette façon, bien qu’il suffise que la première y soit, pour rendre véritables les paroles de sa lettre, dans laquelle il a usé du mot de "détester" par forme d’ironie, car ledit répondant sait assez que les mouvements dans ledit sieur Vincent ne sont pas si forts, ni les paroles si exagérantes.

30. — Interrogé quelle ironie il peut trouver aux derniers mots par lesquels lui répondant dit que ledit sieur Vincent tenait les propositions de lui répondant "mauvaises jusqu’à les condamner hardiment sans les entendre" ;

A dit qu’étant des vérités et non des erreurs, c’est une moquerie de les détester ; et néanmoins ledit répondant écrivait audit sieur Vincent en ces termes, parce qu’icelui sieur Vincent ne s’était pas ouvertement départi de ces propositions qu’il avait faites au répondant, n’ayant

 

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été rien avancé de part ni d’autre pour l’éclaircissement de la vérité ou fausseté desdites propositions.

31. — Interrogé s’il a reconnu que ledit sieur Vincent pensât que les avis que lui répondant voulait donner à la Compagnie dudit sieur Vincent étaient mauvais et au désavantage de la doctrine de l’Eglise, comme ledit sieur Saint-Cyran semble insinuer dans une réponse qu’il a faite ci-dessus ;

A dit qu’une des choses qui offensa davantage ledit sieur Saint-Cyran était de ce qu’après que ledit sieur Vincent lui eut parlé de la proposition touchant la penitence des mourants, il ajouta aussi qu’autrefois ledit sieur répondant avait dit audit sieur Vincent qu il voulait lui donner un avis touchant sa Compagnie ; ce qui donna sujet audit sieur répondant de croire que ledit sieur Vincent pensât qu’il pourrait y avoir quelque chose de mauvais dans lesdits avis ; ce que lui répondant dit laisser à ce qu’en dira ledit sieur Vincent.

32. — Interrogé s’il ne se souvient pas, au moins confusément, qu’entre les points dont il a été parlé ci-dessus, il y eût quelque chose de contraire à la doctrine ou pratique commune de l’Eglise ;

A dit que non.

33. — Ledit sieur Saint-Cyran, averti de dire vérité et déclarer naïvement et sincèrement ce qu’il entend par ces quatre points dont il dit ledit sieur Vincent lui avoir parlé n’étant pas du tout vraisemblable, par tout ce que dessus, qu’on puisse entendre ces points ainsi qu’il a dit ;

A dit qu’il a dit la vérité comme devant Dieu et comme ayant parlé autant qu’il lui a été possible par mouvement de Dieu, ayant toujours dans le cœur ces paroles de l’Apôtre : Coram Deo in Christo loquimur, devant, il professe qu’il s’est mis en prières, tachant de se ressouvenir de ces propositions et qu’il est très marri de les avoir oubliées, s’assurant qu’elles ne contenaient

 

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rien de contraire à la vérité catholique et à La pratique de l’Eglise.

34. — Interrogé si ledit sieur Vincent n’a point depuis parlé à lui répondant de ces quatre points, ensemble de la lettre écrite par icelui répondant audit sieur Vincent ;

A dit que, ledit sieur Vincent l’étant venu voir à son retour, icelui sieur Vincent dit au répondant qu’il n’avait jamais reçu un plus grand témoignage d’amitié de lui sieur Saint-Cyran que lorsqu’il lui a écrit ladite lettre, et lui demanda ledit sieur Vinoent si ledit sieur Saint-Cyran avait fait voir ladite lettre à quelques autres personnes. A quoi ayant répondu que non, ledit sieur Vincent lui en fit remerciement, lui en témoigna grande obligation ; et croit le répondant que ledit sieur Vincent dîna ce jour-là avec lui.

35. — Interrogé si, en cette entrevue, ils ne parlèrent point de ces points ;

A dit qu’ils n’en parlèrent point du tout, autant qu’il s’en peut souvenir.

36. — Interrogé quels sont ceux qu’il dit "aimer mieux la lueur et l’éclat que la lumière de la vérité et de la vertu" ;

A répondu qu’il a dit cela en général, sans avoir personne en particulier dans l’esprit, et que cela lui est demeuré de la lecture de l’Evangile de saint Matthieu, chapitre XXIII, et de saint Luc, chapitre XI, où le Fils de Dieu reproche aux juifs qu’ils ont plus soin d’embellir le dehors que le dedans, et les compare à des sépulcres blanchis ; et ailleurs, parlant des vierges folles et sages, qui figurent toute l’Egllse, il nous apprend que tant les bonnes que les mauvaises avaient leurs lampes, omnes ; mais les unes les avaient sans huile dedans.

37. — Interrogé quel est "le bon office" qu’il dit avoir voulu rendre audit sieur Vincent et à toute sa maison" ;

 

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A dit que sous ce mot de "bon office" il a entendu parler des avis ci-dessus mentionnés ; à quoi il s’estimait obligé tant par l’inclination qu’il a d’assister toutes les communautés qui sont de sa connaissance, que par l’obligation qu’il avait de servir ledit sieur Vincent et sa Compagnie, à cause qu’il était venu lui-même le premier demander au répondant son amitié peu après la mort de M de Monthelon, ami dudit sieur Vincent, et aussi à cause du bonheur qu’il a eu de l’assister à son établissement de Saint-Lazare ; ce qu’il n’eût jamais fait, cornme n’étant qu’une chose temporelle, dont il ne se mêla jamais, et ne s’y fût mêlé s’il n’eût cru le servir aussi dans le spirituel, comme ll avait été engagé par les mémoires que ledit sieur Vincent envoya à Rome, par l’avis du répondant, sans vouloir maintenant parler de ce que ledit répondant a voulu donner audit sieur Vincent.

38. — Enquis ce qu’il voulait donner audit sieur Vincent ;

A dit qu’il lui voulait donner un prieuré et qu’il n’a tenu qu’audit sieur Vincent qu il ne l’ait eu (3),

39. — Enquis quels sont les avis qu’il voul. ait donner audit sieur Vincent et à la Compagnie, et s’il les lui a donnés ; A dit que, depuis que ledit sieur Vincent a été établi à Saint-Lazare et a pris le gouvernement des ordinands, il ne lui a donné aucun avis ; ce qui arriva un an après que la Comlpagnie du sieur Vincent a été reçue par la cour et établie au collège des Bons-Enfants.

40. — Interrogé si, devant ledit temps, il n’a pas donné quelque avis audit sieur Vincent et à sa Compagnie ;

3). En note : "Le prieuré de Bonneville, que M. de Saint-Cyran possédait avant son abbaye."

 

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A dit que non et que ledit sieur Vincent ne s’est aucunement gouverné par l’avis du répondant et qu il semble que ledit sieur Vincent, depuis son établissement à Saint-Lazare, a fui de demander avis du répondant, non pas tant faute de surveillance que peut-être par crainte qu’il a eue qu’icelui répondant ne donnât des conseils trop forts et disproportionnés à l’intention que ledit sieur Vincent avait d’établir et conduire doucement sa Compagnie ; ce qu’il lui a fait davantage paraître depuis que des mauvais bruits ont été sem~és contre icelui répondant, se contentant de le voir de loin à loin.

41. — Interrogé quels étaient les avis qu’il lui voulait donner ; A dit qu’il n’en sait rien en particulier et qu’on sait assez qu’il est aussi lent à donner des avis qu’il paraît quelque fois ardent à les vouloir donner, et qu’il ne les prend jamais que de la source, après avoir considéré les règles et directions que Dieu nous a laissées en son Eglise.

42. — Interrogé ce qu’il entend par cette source ;

A dit que c’est Dieu, qui a pour un de ses titres Consiliarius.

43. — Interrogé s’il croit qu’il ne donne jamais de conseils qui ne viennent de Dieu ;

A dit qu’il n’entend autre chose, sinon qu’avant de donner quelque conseil, il prie Dieu longtemps.

44. — Interrogé s’il improuve l’établissement du sieur Vincent et de sa Compagnie et le soin que ledit sieur Vincent prend des ordinands ;

A dit qu’il n’a garde de l’improuver, puisqu’il l’a assisté au procès qu’il a eu pour la maison de Saint-Lazare, sachant bien que M. de Paris n’y consentait qu’à cette condition ; mais qu’il a trouvé seulement étrange qu’il ait ajouté cela à son premier dessein, un

 

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an après avoir été reçu, et qu’il croit qu’il a pu avoir bonnes raisons pour ce faire, lesquelles lui sieur Saint-Cyran révère, quoiqu il les ignore.

45. — Interrogé comment il a pu dire ci-dessus qu’il ne se souvenait point en particulier des avis qu’il voulait donner audit sieur Vincent, vu qu’il vient de dire que] edit sieur Vincent ne lui demandait point ses avis, pour la crainte peut-être que ledit sieur Vincent avait que lui repondant ne lui donnât des avis trop forts et disproportionnés à son Institut ;

A dit que cela n’implique pas et que cela naît peut-être d’une fausse opinion qu’a ledit sieur Vinœnt de la trop grande sévérité du répondant, qu’il juge peut-être peu condescendant ; ce que ledit répondant laisse à ce qu’en pense ledit sieur Vincent.

46. — Interrogé quelle est cette persécution qu’il dit dans sa lettre avoir endurée ;

A dit que cela ne fait rien à l’affaire présente.

48. — Interpellé encore de nous dire quels sont ces persécuteurs et quelle est cette persécution ;

A dit que le chef de cette persécution est celui qui a présenté un mémoire contre lui répondant à Son Eminence, que d’autres s’y sont joints pour intérêts particuliers qu’ils avaient.

49. — Interrogé qui est ce chef qui a présenté le mémoire, quel est ce mémoire et d’où il sait que ce mémoire ait été présenté par ledit chef à Son Eminence

A dit que ledit mémoire avait été présenté av. ant la détention de lui répondant par M. de Langres (4) le nom duquel il avait voulu taire.

55. — Interrogé quelle étailt la persécution élevée contre lui et dont ledit sieur de Langres était le chef ;

4). Sébastien Zamet.

 

A dit que cette persécution consistait en faux bruits qu’on faisait courir de lui.

56. — Interrogé quels faux bruits on a fait courir contre lui ;

A dit qu’on l’accusait de fausse doctrine, comme de rejeter le concile de Trente, de condamner toute l’Eglise en ses pratiques et sacrements touchant les sacrements de pénitence et de l’Eucharistie, et que lui répondant : soutenait que le prêtre n’absolvait point, mais qu’il déclarait que l’absolution était jà donnée, que le sacrement de confirmation faisait tout et qu’icelui sacrement effaçait la coulpe et la peine, et qu’outre toutes ces choses, dont les bruits sont publics, ledit sieur de Langres a en secret, par des voies inconnues au répondant, inspiré plusieurs mauvais rapports contre icelui répondant, se servant de toutes sortes de personnes qu’il croyait propres pour cela.

57. — Interrogé quels sont ces derniers rapports ;.

A dit que c’était que ledit sieur de Langres avait acheté son évêché, ou son père pour lui… (5)

77. — Interrogé s’il ne s’est pas logé près les Chartreux, afin de visiter les religieuses du Port-Royal plus souvent ;

A dit qu’il ne sortit de la maison du Cloître-Notre-Dame que par force et qu’il fit tout ce qu’il put pour se loger en une autre maison du Cloître, et ne pouvant en

5. En note : "Cette réponse est embarrassée, et M. de Saint-Cyran le fit exprès. On en verra la raison dans une lettre qui est après cet interrogatoire. Au reste, il y a tout lieu de croire que quelqu’un des quatre avis que M. de Saint-Cyran donna à M. de Langres, lorsqu’il fut malade, regardait la manière dont il était entré dans l’épiscopat. Le prélat les reçut fort bien, et, lorsqu’il fut guéri de sa maladie, il écrivit à M. de Saint-Cyran pour quitter son évêché. Cet abbé, ne voulant pas se mêler de cette affaire, ne lui fit point réponse ; ce qui fâcha M. de Langres, qui lui écrivit une seconde fois et lui donna avis qu’il voulait traiter avec M. Olier. M. de Saint-Cyran entremit M. Vincent dans cette affaire."

 

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trouver, pria M. Vincent de lui prêter quelque chambre dans le collège des Bons-Enfants pour y passer l’hiver ; ce que ledit sieur Vincent n’ayant pu lui accorder, il fut contr. aint de se laisser aller, à la prière de M. de Marcheville, de prendre la moitié de son logis, sis près les Chartreux, que M. d’Igou avait laissé vide.

80. — Interrogé comment il connaissait la supérieure de la Visitation de Poitiers, la Mère Anne de Lage

A dit qu’ayant été prié à Paris par Mademoiselle d’Abain, fondatrice de ladite maison, de traiter avec les Filles de la Visitation de Paris de la fondation qu’elle prétendait faire à Poitiers de l’une de leurs maisons, ne pouvant leur refuser cet office, pour les obligations qu’il a à M. de Poitiers, il pria M. Vincent de le faire ; ce que ledit sieur Vincent fit.

90. — Interrogé comment et pourquoi M. Vincent a abandonné le répondant, ainsi qu’il dit en ladite lettre par lui écrite aucdilt sieur Vincent, dans la "persécution" que ledit répondant dit avoir endurée ;

A dit que ledit sieur Vincent l’a fait par timidité, craignant d’offenser beaucoup de gens de condition, ennemis de lui répondant, comme ledit répondant croit.

91. — Interrogé quel est le "soulèvement de la triple cabale" qu’il dit avoir été faite contre lui répondant ; A dit qu’ill entend la cabale de l’abbé. de Prières, qui a engagé, plusieurs religieux et autres en son parti ; la seconde, de M. de Langres, avec Madame de Pont-Carré, demeurant à Port-Royal ; la troisième est celle des Pères Jésuites et de quelques-uns de l’Oratoire qui ont pris part aux bruits qu’on a fait courir contre lui répondant touchant les maximes susdites. Et dit, sur ce enquis, que lesdits sieurs de Langres et abbé de Prières avaient d’abord leur cabale séparément, mais que, depuis, ils se sont joints ensemble, et que, pour les Jésuites, ils ont agi plus secrètement, en sorte néanmoins qu’ils

 

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ont plus nui au répondant que les autres, sans qu’ll leur en ait jamais donné aucun sujet. Au contraire, sans alléguer maintenant les autres services qu’il leur a rendus, il a toujours refusé de donner à plusieurs le titre du grand ptieuré dépendant de l’abbaye de Saint-Cyran, à cause que lesdits Pères Jésuites en jouissaient depuis vingt ans, ou environ.

92. — Interrogé s’il n’est pas vrai que ledit sieur Vincent lui alla parler de ces maximes et pratiques contraires à l’Eglise dont est fait mention ci-dessus, attendu que le réndant, par la susdite lettre, mande audit sieur Vincent qu’il a pris sujet du soulèvement fait contre lui répondant, et qu’il s’est joint aux autres pour l’accabler, ajoutant cela aux excès des autres qu’il a entrepris de lui venir dire à lui répondant en son propre logis ce que nul des autres n’avait osé faire. Et derechef interpellé de nous dire si cela ne s’entend pas desdites maximes et pratiques ;

A dit qu’il le semble ainsi, mais que pourtant il en est autre chose, et qu’il veut que ledit sieur Vincent lui ait dit les mêmes choses, et que, pour cela, il ne souscrit autre chose, sinon qu’il les a apprises par le bruit de ladite cabale et de ceux qui faisaient cette persécution contre lui répondant.

94. — Interrogé quel est "cet excellent évêque de la maison" du, quel il dit écrire audit sieur Vincent ;

A dit que c’est M. de Poitiers et qu’il écrivit ladite lettre à Dissay, sa maison des champs, à trois lieues de Poitiers. 95. — Interrogé pourquoi ladite lettre est datée de Paris ; A dit que c’est par méprise et qu’il l’a écrite de Dissay.

96. — Interrogé pourquoi ladite lettre n’est point fermée, ni ne paraît l’avoir été ;

 

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A dit qu’elle fut couverte d’une enveloppe.

97. — Interrogé par qui il a fait tenir cette lettre à M. Vincent ;

A dit que ce fut par l’adlesse de la Mère Anne de Lage, supérieure de la Visitation de Poitiers, à qui il envoya ladite lettre, pour la faire tenir audit sieur Vincent, lequel elle connaît tres particulièrement, à cause qu’il est visiteur de la maison de Paris.

98. — Interrogé ce qu’il entend par la "réparation copieuse" qu’il dit lui avoir été "faite par Madame de Longueville, un mois avant la mort de ladite dame, devant une personne de nom qui en gouverne plusieurs autres" et qu’il dit "n’être pas inconnue" audit sieur Vincent ;

A dit que ladite dame de Longueville a été longtemps offensée contre lui, à cause de la sortie de la demoiselle de Chamesson de la maison du Saint-Sacrement, avec laquelle demoiselle ladite dame avait une particulière fréquentation et croyait, aussi, bien que ledit sieur de Langres, que lui Saint-Cyran était auteur de cette sortie ; ce qui lui fit croire facilement les mauvais rapports que ledit sieur de Langres lui fit de la doctrine de lui, Saiint-Cyran, et alla donner avis a. M. Desclaux, chez M. de Laubardemont, qu’il y avait un grand désordre en la maison du Saint-Sacrement, causé par lui SaintCyran, qui tenait les filles six mois sans les confesser, ou ordonner qu’elles fussent à d’autres ; à quoi ledit sieur Desclaux répondit que lui sieur Desclaux les avait confessées presque toutes les semaines. Ce que ladite dame disait audit sieur Desclaux, afin que Son Eminence en fût informée ; et dit le répondant qu’il allait toutes les semaines confesser lesdites religieuses. Et ladite dame de Longueville, un peu avant sa mort, dit à l’abbesse de Maubuisson qu’on avait fait courir beaucoup de

 

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faux bruits contre lui Saint-Cyran, mais qu’elle reconnaissait qu’ils n’étaient pas véritables.

99. — Interrogé s’il n’a jamais été longtemps sans confesser ou faire oonfesser les religieuses tant du Saint-Sacrement que du Port-Royal,

A dit que non et qu’il les a confessées toutes les semaines ; et pour celles qui ont voulu renouveler une fois toute leur vie et passer un temps en pénitence pour mieux satisfaire à Dieu, il a eu un grand soin de les voir plusieurs fois la semaine, dans le temps du délai de l’absolution dont il est parlé ci-dessus, pour mieux reconnaître le progrès qu’elles faisaient, ou comment elles employaient ce temps-là.

101. — Interrogé combien de temps pour le plus il a différé l’absolution ;

A dit, comme aupravant, que, quant à lui, il a été toujours prêt de donner l’absolution et qu’il se souvient que quelques religieuses, comme sœur Marie-Angélique et autres, sont demeurées quelquefois trois ou quatre mois sans la recevoir et sans communier, quoique lui répondant ait fait heaucoulp de voyages pour les presser.

103. — Interrogé quelles sont ces "opinions" qu’il dit par ladite lettre devoir "faire passer et autoriser par les suffrages des prélats qui hantent chez ledit sieur Vincent, lorsqu’il plaira" audit sieur Vincent "de leur en parler à loisir" ;

A dit qu’il a parlé un peu hardiment, parce qu’il fait profession de n’avoir point d’autres opinions que celles qui se trouvent dans la succession de la doctrine apostolique et qu’il a dit auparavant audit sieur Vincent de lui faire reconnaître par le témoignage de ses yeux, sans qu’il soit besoin d’employer des preuves artificielles, parce que ces opinions ou vérités sont toutes contenues dans les registres de l’Eglise, qui sont les Ecritures, les Pères et les conciles.

 

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104 — Interrogé si quelques-unes de ses opinions sont différentes des opinions communément reçues dans l’Eglise ;

A dit que non.

105. — Interrogé s’il croit qu’entre les opinlons et pratiques qui sont communément reçues maintenant en l’Eglise, il y en a quelques-unes qui ne soient conformes à l’Ecriture ou aux saints conciles et saints Pères ; de sorte que ceux qui les suivent encourent le reproche qui a été dit ci-dessus, savoir qu’ils ont pondus et pondus.

A dit que non et qu’il y a deux sortes d’opinions et pratiques, les unes que l’Eglise tolère, et les autres qu’elle approuve ; et, ce dit, qu’il tolérait tout ce qu’elle tolère et approuvait tout ce qu’elle approuve.

106. — Interrogé, si ces opinions ne sont point autres que les communes, pourquoi il écrit. audit sieur Vincent qu’il fera passer et autoriser du suffrage desdits prélats toutes ses opinions, lorsqu’il plaira audit répondant : leur en parler à loisir, et pourquoi ledit sieur Vincent l’a été trouver pour l’avertir de ces opinions, si elles étaient communes ;

A dit que ledit sieur Vincent lui a parlé fort innocemment de ces choses-là et plutôt pour lui alléguer quelques raisons de la plainte que lui répondant lui faisait de l’avoir abandonné, que pour aucun mauvais traitement qu’il eût du répondant, et que ledit sieur Vincent lui a peut-être bien reproché ses opinions, mais que cela ne prouve autre chose, sinon qu’icelui sieur Vincent les a apprises des ennemis dudit répondant.

107. — Interrogé quel est le "bon office" que le répondant dit avoir "voulu rendre à la maison de M. Vincent" et lequel M. Vincent n’a voulu recevoir, et même a cru que c’était rendre un bon office à sadite maison que de ne recevoir point celui que ledit sieur Saint-Cyran voulait lui rendre ;

XIII. — 8

 

A dit qu’il ne sait pas en particulier quel avis et quel office il lui eût donné, mais qu’en l’occasion il eût prié Dieu et n’eût rien fait sans se concerter avec lui, comme il faisait en ses affaires temporelles.

108. — Interrogé pourquoi il n’avait "voulu pour rien au monde prendre aucune part" à l’établissement du sieur Vincent dans les lieux où il est ;

A dit avoir dit cela, désirant que les affaires spirituelles, comme sont les communautés saintes, surtout comme celles des prêtres, soient traitées spiri~tuellement et sans faire des concordats qui donnent lieu à des procès, qui détournent les bénbdictions de Dieu.

109 -Interrogé en quoi l’établissement dudit sieur Vincent ès lieux où il est empêche que les affaires Spirituelles ne sont traitées spirituellement ;

A dit que ledit sieur Vincent, pour s’établir en la maison de Saint-Lazare, a fait plusieurs concordats, qui ont causé force procès.

110 — Interrogé pourquoi il a agi "contre le jugement de sa conscience", comme il dit dans sa lettre, n’étant jamais permis d’agir ainsi ;

A dit que sa conccience ne lui eût jamais permis d’entreprendre pour lui-même un tel procès, qui serait cause d’un tel concordat, et qu’il a cru néanmoins pouvoir faire, par condescendance pour autrui, ce qu’il n’eut jamais pu faire pour lui, même.

Et sur ce que lui avons représenté qu’il n’est pas permis de soutenir ou poursuivre une mauvaise affaire, non plus que de l’entreprendre, a dit qu’il avait fait cela dispensatorie, comme dit saint Bernard en cas semblable ; et puis, la conscience dépendant de la connaissance, il veut croire que ledit sieur Vincent a eu de bonnes intentions, appuyées de bonnes autorités et raisons ; et qu’en cela ledit Saint-Cyran lui a voulu témoi-

 

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gner qu’il n’était pas si rigoureux, ni si peu accommodant que ledit sieur Vincent a cru quelquefois.

111. — Interrogé quelles sont les choses qu’il dit avoir "soutenues dans une contestation publique, jusques à faire changer d’avis, par force de raisons et d’importunités, celui à qui ledit sieur Vincent en a toute l’obligation" ;

A dit que ces choses sont tous les incidents du procès que ledit sieur Vincent a eu pour la maison de Saint-Lazare, et que c’est Monsieur l’avocat général Bignon, à qui ledit sieur Vincent en a toute l’obligation ; lequel sieur Bignon trouvait si grandes difficultés dans l’affaire dudit sieur Vincent que ledit répondant eut beaucoup de peine à le gagner par des raisons contraires, qui n’eussent rien servi si ledit sieur Bignon n’eût trouvé un expédient pour faire réussir l’affaire.

112. — Interrogé qui est le "collègue de Monsieur l’avocat général" dont ledit Saint-Cyran parle dans sadite lettre ;

A dit que c’est Monsieur le procureur général.

113. — Interrogé quelles sont les "paroles que le Fils de Dieu dit à ceux qui le maltraitaient" et lesquelles il dit pouvoir être dites par lui pour répondre audit sieur Vincent ;

A dit ne savoir pas quelle idée il avait en écrivant lesdits mots.

114. — Interrogé ce qu’il entend par ces mots : "Je persiste à maintenir et à adorer dans mon cœur ce que la succession de la doctrine apostolique, par laquelle nous ruinons les hérétiques et sans laquelle l’Eglise n’eut pu subsister, m’a appris, par l’org. ane de la même Eglise universelle et catholique, depuis vingt-cinq ou trente ans", et quelle est cette doctrine, et s’il veut dire que M. Vincent ne la tenait pas

A dit que cela n’a été dit par lui que pour se dé-

 

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fendre contre ceux qui ont publié que lui répondant avait des opinions particulières, au lieu qu’il n’en a que de publiques, faisant profession d’être disciple (comme dit saint Grégoire le Grand sur Job), comme tout évêque doit être, de l’Eglise universelle, dans laquelle réside la succession apostolique, et qu’il ne veut pas dire que ledit sieur Vincent ne crût pas cette doctrine, mais lui a parlé de la sorte, de peur que les bruits communs qui couraient de lui répondant, n’altérassent les bons sentiments qu’il avait eus de lui.

A dit de plus le répondant qu’il ne hait rien tant que de parler, de son propre esprit, de choses de la foi et de ce qui concerne la religion et la dévotion catholique ; qu’il serait marri d’avoir rien avancé qu’à la vue de la foi et de la tradition ; tout le reste, quelque beauté et quelque éclat de vérité qu’il semble avoir, lui est suspect ; pour le moins, il s’abstient, autant qu’il peut, de l’approuver, comme aussi souvent de le condamner, pour le respect des personnes qui le disent, jusques-là même que, par l’espace de dix ans, il a souffert qu’on l’ait entretenu de choses frivoles et peu assurées et solides, lesquelles choses néanmoins ledit répondant a souffertes pour n’offenser personne et pour éviter toute contestation.

115. — Interrogé quelles sont les "choses qu’il trouve à redire en l’Institut" dudit sieur Vincent ;

A dit les avoir oubliées, hormis deux : l’une, que l’ayant prié de faire la mission en l’abbaye de lui répondant, il apprit que les prêtres de ladite Mission parlaient trop librement en chaire, à ce qu’il lui semblait, des choses qui concernent la pudicité, pour détourner les hommes de l. a campagne des péchés qui lui sont contraires ; l’autre, qu’on disait qu’ils interrogeaient trop particulièrement en confession de ces mêmes choses. Il semble aussi audit répondant que lesdits prêtres sem-

 

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blaient se contenter que les paysans qui ne se peuvent confesser d’eux-mêmes, disent leurs péchés aux confesseurs, après leur avoir demandé un à un, sans se soucier assez de leur disposition intérieure, sans laquelle le plus souvent les paysans se présentent à la confession, croyant que la déclaration de leurs péchés, après les avoir interrogés, leur suffit.

116. — Interrogé ce qu’il entend par ces mots : "Je prétendais vous ôter certaines pratiques que j’ai toujours tolérées en votre discipline, voyant l’attache que vous y avez, avec une résolution d’autant plus forte de vous y tenir, qu’elles étaient autorisées par d’avis des grands personnages que vous consultez" ;

A dit qu’il croit que, par ces mots ci-dessus, il a entendu parler des choses mentionnées en sa dernière réponse, et que, si d’autres lui reviennent en l’esprit, il les dira. Et puis a dit qu’il se ressouvient que ledit sieur Vincent prenait des prêtres trop jeunes, qui manquaient ou de connaissance ou de vertu pratiquée assez longtemps pour être employés aux confessions, surtout voyant qu’il les envoyait en des lieux fort éloignés pour faire, seuls ou avec un compagnon, les fonctions de la Mission.

117. — Interrogé qui sont ces "grands personnages" par l’avis desquels ces pratiques de M. Vincent étaient autorisées ;

A dit qu’il n’entend autre que feu M. Duval, docteur en théologie et professeur du roi en icelle, duquel le répondant vit bien que le sieur Vincent prenait conseil, par le refus qu’il fit du prieuré que lui répondant offrit audit sieur Vincent, qui lui dit qu’il faisait ledit refus par l’avis dudit sieur Duval.

118. — Interrogé comment il est possi, ble qu’il croie que M. Duval ait approuvé ou conseillé les susdites pratiques, et particulièrement celle par laquelle les prêtres

 

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de la congrégation de M. Vincent avaient soin que les paysans disent leurs péchés aux confesseurs après les avoir demandés un à un, et ne se souciaient point assez de leur disposition intérieure, comme aussi que ledit sieur Duval ait conseillé ou approuvé que ledit sieur Vincent prît des prêtres trop jeunes ;

A dit qu’il n’a rien à dire de M. Duval, mais qu’il a dit son sentiment comme il le pensait.

119. — Interrogé qui est "le bienheureux de notre temps qu’il dit avoir dit des directeurs des âmes de notre temps que, de dix mille qui en font profession, à grand’peine y en a-t-il un à choisir" ;

A dit que c’était Monsieur. de Genève qui l’a dit ainsi au livre qu’il a fait de l’lntroduction à la vie dévote : "Avila, prêtre espagnol, a dit qu’il faut choisir un directeur entre mille ; et moi je dis entre dix mille, car il y en a moins qu’on ne pense."

120. — Interrogé pourquoi, concluant sa lettre, il dit qu’il "laisse à part la qualité de maître pour prendre celle de très humble et très obéissant serviteur" dudit sieur Vincent ;

A dit que cela a été dit gaiement et comme une honnête excuse que fait ledit répondant audit sieur Vincent de ce qu’il semble l’avoir voulu instruire, en lui parlant comme il fait de la tradition de l’Eglise et du reste.

121. — Interrogé si ce n’est pas que ledit sieur Vincent l’appelât son maître ;

A dit que non.

122. — Interrogé s’il n’envoya pas ladite lettre tout ouverte à la sœur Anne-Marie de Lage, supérieure de la Visitation de Poitiers ;

A dit qu’il l’envoya tout ouverte à ladite supérieure.

123. — Interrogé à quel dessein il l’envoya ainsi tout ouverte ;

A dit que l’heure le pressait et que le messager était

 

- 119 -

sur le point de partir et que d’ailleurs il s’assurait que lad ! ltc da. me supérieure ne f. aisait rien que ce que lui répondant lui ordonnait et qu’il avait une entière confiance en elle.

138. -- Interrogé si lui répondant a dit ou cru que les actions faites avec le vœu ne sont pas plus parfaites que celles qui se font sans vœu ;

A dit que les actions faites avec le vœu sont plus parf. ailtes que celles qui se font sans vœu.

139. — Interrogé si lui répondant distingue les conseils d’avec les préceptes ;

A dit qu’oui.

140. — Interrogé si lui répondant approuve la pauvreté volontaire qu’on voue dans les religions ;

A dit qu’il approuve.

141. — Interrogé si lui. répondant a toujours été dans les sentiments ci-dessus mentionnés touchant l’absolution, l’attrition, les vœux, la pauvreté, les conseils et autres choses susdites, et s’il n’a jamais tenu le contraire, ni porté les autres à le tenir ou l’approuver, s’ils le tenaient ;

A dit qu’il n’a jamais eu des sentiments contraires, ni même la moindre tentation, et n’a j. amais porté les autres à des opinions contraires, lesquelles il a toujours désapprouvées en tous ceux qui les tenaient, comme pourraient témoigner les Pères de la Doctrine Chrétienne, qu’il a aidés à s’établir à Paris, les Carmes des Billettes, l’abbé de Saint-Nicolas d’Angers (à la prière duquel il se transporta à Angers pour établir la réforme en ladite abbaye, où, en une assemblée de plusieurs ecclésiastiques et religieux, lui répondant fut seul d’avis d’introduire les Réformés), les Carmes Déchaussés, les Bernardins, les Chartreux, les Bénédictins et autre, chez lesquels il a mené des religieux, la plupart nourris dans sa maison, sans parler des Filles du Calvaire, qu’il

 

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a conservées contre la violence de ceux qui voul. aient avoir leur maison de Poitiers, les Filles de l’Annonciation de Boulogne, desquelles il a dressé les règles, et plusieurs autres.

143. — Interrogé s’il n’a point dit ou cru que ce qu’on dit ordinairement, qu’en la confession un pénitent d’attrit devient contrit, n’est point recevable ;

A dit qu’il n’a jamais condamné cette maxime, qu’au contraire lui répondant dit que, si l’attrition suffit avec l’absolution, comme il a dit ci-dessus qu’elle suffisait, et n’a jamais dit ou eru le contraire, il s’ensuit, par une conséquence nécessaire, que cette maxime est véritable.

144. — Interrogé s’il n’a pas différé de donner l’absolution, comme il a dit ci-dessus, afin que ceux qui n’avaient point de contrition la pussent obtenir ;

A dit que ce n’est pas pour cette raison qu’il a différé de donner absolution, mais pour les raisons qu’il a dites ci-dessus, qui sont les mêmes pour lesquelles l’Eglise l’a fait autrefois.

145. — Interrogé s’il ne croit pas qu’un pénitent s’étant confessé de ses fautes et témoignant s’en repentir et avoir propos de s’en corriger, un confesseur doit l’en croire et lui donner l’absolution, sans attendre que lui pénitent eut la contrition ;

A répondu qu’oui, si ce n’est que le pénitent de luimême ne désire attendre.

146. — Interrogé s’il n’a point dit ou cru que les péchés véniels ne sont point matière suffisante d’absolution sacramentellle ;

A dit qu’il ne l’a jamais dit, ni cru.

147. — Interrogé s’il n’a point dit ou cru qu’il n’est pas nécessaire de confesser le nombre des péchés mortels, ni les circonstances qui changent l’espèce du péché,

A dit que cela ne lui est jamais venu en la pensée.

175. — Interrogé si ledit répondant ne retint pas l’ori-

 

- 121 -

ginal ou la minute de ladite lettre qu’il envoyait audit sieur Vincent, attendu que ladite lettre, qui est de cinq grandes pages toutes pleines, n’a aucune rature et que ladite lettre est bien formée en comparaison de ce qu’il écrit ordinairement en son particulier et pour lui seul ;

A dit avoir fait comme une espèce de minute de ladite lettre, laquelle il étendit en la copie, et qu’il rompit ladite minute comme étant imparfaite, et que rarement lui, arrive-t-il de faire des minutes de ses lettres.

176. — Avons remontré audit répondant que, puisqu’il ne désirait autre chose de ladite religieuse que d’avoir une copie de ladite lettre par lui écrite, il ne devait pas déchirer la minute, quoiqu’imparfaite, comme il dit, mais plutôt il devait la retenir et la remplir, car il l’eût plutôt faite que de la faire copier entièrement par une religieuse, attendu que le messager de Poitiers le pressait fort ;

A dit qu’il était pressé d’aller dîner chez Monsieur de Poitiers et du messager, et que ce fut pourquoi il ne remplit pas ladite minute, et, au reste, qu’il paraît assez que lui répondant désirait que ladite religieuse la vît et en fît une copie.

177. — Interrogé commentilvient de dire qu’il n’était pas curieux de garder les minutes de ses lettres, vu qu’il fut si soigneux d’avoir une copie de celle-ci, que même il veut faire croire qu’il ordonna à ladite religieuse qu’elle lui en fît et lui. en envoyât une copie ;

A dit avoir voulu une copie de ladite lettre, à cause qu’il se défie beaucoup de sa mémoire et qu’il ne voulait pas oublier les points qui regardaient M. Vincent, et qu’il veut protester que personne du monde n’a vu ladite lettre depuis l’arrivée du répondant à Paris.

178. — Interrogé, puisqu’il étailt si curieux de conserver la mémoire des points qui regardaient M. Vin-

 

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cent, comment il l’a sitôt perdue, ainsi qu’il a dit par ses réponses sur ce sujet ;

A dit qu’il a conservé la mémoire des points qui regardent la maison de M. Vincent et que, pour le reste, il s’en rapporte à ce qu’il a dit auparavant.

179. — Interrogé comme il a pu dire ci-dessus que les quatre points sur lesquels ledit sieur Vincent le fut trouver en son logis à Paris et touchant lesquels ledit sieur répondant, étant à Dissay, écrivit ladite lettre audit sieur Vincent, sont points sur lesquels tant les anciens Pères que les docteurs et directeurs de ce temps s’accordent et lesquels sont reçus d’un chacun, vu que ladite sceur Anne de Lage, dans sadite lettre audit sieur de Saint-Cyran, en parle tout autrement par ces mots. "Je vous dirai en vérité, mon Père, que ces ébranlements ne servent qu’à m’affermir davantage dans la créance que vos sentiments sont de Dieu, puisqu’ils sont si rudement persécutés par le monde ou, pour dire mieux, par des intérêts du monde qui se trouvent en des personnes dédiées à Dieu", et que même ledit sieur Saint-Cyran dit hier en ses réponses que ce sont choses qui ne sont pas reçues p. ar les docteurs et directeurs de ce temps et qui ont cessé d’être gardées depuis que les religieux mendiants se sont mêlés d’administrer les sacrements, et un peu auparavant ;

A dit qu’il ne peut pas empêcher ladite fille de parler et d’écrire ce qu’elle veut, surtout ayant une si grande facilité d’écrire ; et quant aux mendiants, lesquels il honore d’ailleurs, nie avoir dit qu’ils eussent introduit cette nouveauté, mais seulement l’avoir ouï dire.

180. — Interrogé quelles sont ces personnes dédiées à Dieu, lesquelles ladite sœur Anne dit persécuter si rudement les sentiments du répondant ;

A dit que c’est Monsieur de Langres et le sieur abbé de Prières.

 

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188. — Interrogé s’il n’a point dit ou cru que le, Pères Jésuites sont grandement nuisibles à l’Eglise et qu’il serait bon pour le bien d’icelle de les ôter, ou choses semblables ;

A dit n’avoir jamais dit cela ; au contraire, il a dit souvent à ses amis qu’il lui pourrait naître quelque occasion de servir lesdits Pères Jésuites, où ceux qui se qualifient leurs amis les abandonneraient, sans parler des services que le répondant a déjà rendus auxdits Jésuites, dont il a reçu des remerciements par le Père Jacquinot, provincilal.

189. — Interrogé si, au moins, il n’a point dit qu’il serait bon d’empêcher que les Pères Jésuites enseignassent la théologie, et que, si cela dépendait de lui, il les empêcherait ;

A dit n’avoir point dit cela, mais être vrai que quelquefois lui répondant s’est plaint à ses amis de ce que lesdits Jésuites. permettaient qu’on mît de certains livres en lumière, composés par quelqu’un de leur Compagnie, sans les vouloir garantir, et qu’à dessein ils n’y mettaient pas l’approbation qu’on avait accoutumé de mettre aux livres.

190. — Interrogé quel sentiment il a du concile de Trente et s’il le tient pour un vrai et œcuménique concile ;

A dit qu’il tient ledit concile pour vrai et œcuménique et qu’il n’en a jamais douté, qu’il l’a ainsi témoigné et publié en une prédication que lui répondant fit en l’église des Pères de la Doctrine Chrétienne, le jour de saint Charles Borromée… Plus ledit répondant a enseigné le catéchisme du concile à trois personnes… Et outre ce, le répondant dit avoir un acte public passédevant notaire, qui contient la profession d’un religieux, à condition que ledit religieux vivra avec les autres selon la forme prescrite par le concile de Trente…

 

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191. — Interrogé s’il croit que lui et tous les fidèles soient obligés de recevoir tous les canons dudit concile comme des décisions et articles de foi ;

A dit qu’il reçoit les canons de foi comme de foi et ceux de discipline comme de discipline, sans s’être jamais mêlé de distinguer les chapitres dudit concile d’avec les canons dudit concile.

193. — Interrogé s’il n’est pas vrai qu’il a dit que l’Eglise n’est pas, comme on croit ordinairement, l’assemblée des fidèles, composée du Saint-Père, des prélats, curés, et telle que nous la voyons à présent, et que l’Eglise est autre chose que ce qu’elle était devant les six cents ans derniers, ou pour le moins devant quelques siècles, et que, depuis ce temps, la corruption s’étant mise non seulement ès mœurs, mais aussi en plusieurs points de la doctrine, tel corps ne peut être censé Eglise en un autre sens, ni pour une autre raison, que pour avoir succédé à la place de la véritable Eglise, de même que si une eau bourbeuse et corrompue, occupant la place et le lit d’une rivière dont l’eau aurait été autrefois claire, vive et salutaire, on donnait à cette dernière eau le nom de la même rivière, quoique changée par la corruption qui s’y serait mise ;

A dit n’avoir rien dit de tout cela.

194. — Interrogé si,, par cette Eglise, qu’il dit devoir durer toujours et être infaillible, il entend l’assemblée des fidèles, composée du Pape, des prélats, etc…, telle que nous l’avons pour le présent ;

A dit qu’il n’entend autre chose.

195. — Interrogé s’il n’a pas dit qu’il y avait quelque corruption en l’Eglise, non seulement quant aux mœurs, mais aussi. quant à quelques points de la doctrine de la foi ;

A dit n’avoir jamais dit cela.

196. — Interrogé s’il a toujours tenu ce qu’il vient

 

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de dire, tant du concile de Trente que de l’Eglise, et n’a jamais avancé ou cru le contraire ;

A dit qu’il l’a toujours tenu et n’a jamais varié en cela.

199. — Interrogé s’il n’a pas dit que Dieu même détruit l’Eglise, ou permet qu’elle se détruise, que le temps d’édification est passé et que celui de destruction est venu, alléguant souvent à ce sujet ce passage : tempus aedificandi, tempus destruendi ;

A dit ne se souvenir pas à qui il a pu dire cela, et que, si lui répondant l’a dit, c’a été en un autre sens que celui qui, est ci-dessus rapporté.

 

34. — VISION DES TROIS GLOBES

(1641)

Nous, Vincent Depaul, supérieur général très indigne de la congrégation des prêtres de la Mission, certifions qu’il y a environ vingt ans que Dieu nous a fait la grâce d’être connu de défunte notre très digne Mère de Chantal, fondatrice du saint Ordre de la Visitation Sainte-Marie, par des fréquentes communications de parole et par écrit, qu’il a plu à Dieu que j’ai eues avec elle, tant au premier voyage qu’elle fit en cette ville, il y a environ vingt ans, qu’en autres qu’elle y a faits depuis, en tous lesquels elle m’a honoré de la confiance de me communiquer son intérieur, qu’il m’a toujours paru qu’elle était accomplie de toutes sortes de vertus et particulièrement qu’elle était pleine de foi, quoiqu’elle ait été, toute sa vie, tentée des pensées contraires, qu’elle avait une confiance en Dieu, la non semblable, et un amour souverain de sa divine bonté, qu’elle avait l’es-

Document 34. — Doc. aut. — Arch. de la Visitation d’Annecy, original.

 

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prit juste, prudent, tempéré et fort en un degré très éminent, que l’humilité, la mortification, l’obéissance, le zèle de la sanctification de son saint Ordre et du salut des âmes du pauvre peuple étaient en elle en un souverain degré, bref que je n’ai jamais remarqué en elle aucune imperfection, ains un exercice continuel de toutes sortes de vertus, et que, quoiqu’elle ait joui en apparence de la paix et tranquillité d’esprit dont jouissent les âmes qui sont parvenues à un si haut degré de vertu, elle a néanmoins souffert des peines intérieures si grandes, qu’elle m’a dit et écrit maintes fois qu’elle avait l’esprit si plein de toutes sortes de tentations et d’abominations que son exercice continuel était de se détourner du regard de son intérieur, ne pouvant se supporter elle-même en la vue de son âme, si pleine d’horreur qu’elle lui semblait l’image de l’enfer, et que, quoiqu’elle souffrît de la sorte, elle n’a jamais perdu la sérénité de son visage, ni ne s’est relâchée de la fidélité que Dieu demandait d’elle dans l’exercice des vertus chrétiennes et religieuses, ni dans la sollicitude prodigieuse qu’elle avait de son saint Ordre, et que de là vient que je crois qu’elle était une des plus saintes âmes que j’aie jamais connues sur la terre et qu’elle est maintenant bienheureuse au ciel et que je ne fais pas de doute que Dieu ne manifeste un jour sa sainteté, comme j’apprends qu’il fait déjà en plusieurs endroits de ce royaume et en plusieurs manières, dont en voici une qui est arrivée à une personne digne de foi (1), laquelle j’assure qu’elle aimerait mieux mourir que de mentir. Cette personne m’a dit qu’ayant eu nouvelle de l’extrémité de la maladie de notre défunte, elle se mit à genoux pour prier Dieu pour elle, et que la première pensée qui lui vint en l’esprit fut de faire un acte de

1. Vincent de Paul lui-même. (Voir t. II, p. 212.)

 

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contrition des péchés qu’elle a commis et commet ordinairement, et qu’immédiatement après il lui parut un petit globe de feu, qui s’élevait de terre et s’alla joindre en la supérieure région de l’air à un autre globe plus grand et plus lumineux, et que les deux, réduits en un, s’élevèrent plus haut, entrèrent et se resplendirent dans un autre globe infiniment plus grand et plus lumineux que les autres, et qu’il lui fut dit intérieurement que ce premier globe était l’âme de notre digne Mère, le second celle de notre bienheureux Père et l’autre l’essence divine, que l’âme de notre digne Mère s’était réunie à celle de notre bienheureux Père, et les deux à Dieu, leur souverain principe.

Il dit de plus que, célébrant la sainte messe pour notre digne Mère incontinent après qu’il eut appris la nouvelle de son heureux trépas, et étant au second Memento, où l’on prie pour les morts, il pensa qu’il faisait bien de prier pour elle, que peut-être elle était dans le purgatoire à cause de certaines paroles qu’elle avait dites il y avait quelque temps, qui semblaient tenir du péché véniel, et qu’en même temps il revit la même vision, les mêmes globes et leur union et qu’il lui resta un sentiment intérieur que cette âme était bienheureuse, qu’elle n’avait point besoin de prières ; ce qui est demeuré si bien imprimé dans l’esprit de cet homme, qu’il la voit en cet état quand il pense à elle.

Ce qui peut faire douter de cette vision, c’est que cette personne a une si grande estime de la sainteté de cette âme bienheureuse qu’il ne lit jamais ses réponse, sans pleurer, dans l’opinion qu’il a que c’est Dieu qui a inspiré ce qu’elles contiennent à cette âme bienheureuse et que œtte vision est par conséquent un effet de son imagination. Mais ce qui fait penser que c’est une vraie vision, c’est qu’il n’est point sujet à aucune et n’a jamais eu que celle-ci.

 

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En foi de quoi, j’ai signé la présente de ma main propre et scellé de notre sceau.

VINCENT DEPAUL.

 

35 — REGLEMENT DES ECCLESIASTlOUES

MEMBRES DE LA CONFÉRENCE DES MARDIS

Mémoire selon lequel se propose de vivre la Compagnie des ecclésiastiques de Paris, moyennant l’aide de Dieu, et sous le bon plaisir de Monseigneur l’archevêque, pour se conserver dans les dispositions qu’il a plu à Dieu leur donner pendant les exercices spirituels qu’ils ont faits pour se disposer à la réception des saints ordres.

1. La Compagnie de messieurs les ecclésiastiques qui s’assemblent tous les mardis à Saint-Lazare, ou au séminaire de la congrégation de la Mission (1), a pour fin d’honorer la vie de.N.-S. J.-C., son sacerdoce éternel, sa sainte famille et son amour envers les pauvres. Ainsi chacun d’eux doit tâcher de conformer sa vie à la sienne, de procurer la gloire de Dieu dans l’état ecclésiastique, dans sa famille et parmi les pauvres, même parmi ceux de la campagne, selon l’emploi et les talents que Dieu leur a donnés.

2. Elle sera composée seulement d’ecclésiastiques promus aux ordres sacrés, qui ne seront admis qu’après une suffisante perquisition de leurs mœurs.

3. Ceux qui désireront être admis en ladite Compagnie feront la retraite spirituelle à Saint-Lazare autant qu’il se pourra, et une confession générale de leur vie passée ; et, s’ils l’ont faite autrefois, ils en feront une depuis leur dernière seulement.

Document 35. — Arch. de la Mission, copie du XVIIè siècle ou du XVIIlè.

1). Le collège des Bons-Enfants.

 

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4. Ceux de la Compagnie se confesseront au moins une fois chaque semaine et toujours au même confesseur, autant qu’ils pourront.

5. Les prêtres célébreront la sainte messe tous les jours, autant qu’ils le pourront faire commodément, et les autres communieront tous les dimanches et fêtes principales de l’année ; et les uns et les autres tâcheront de faire la retraite spirituelle tous les ans.

6. Et afin de se lier davantage à Dieu, à Monseigneur notre prélat et au corps de la Compagnie, chacun fera une oblation, en manière de bon propos, tous les ans, le jour du jeudi saint par laquelle on renouvellera les promesses qu’on a faites à Dieu au saint baptême, celle d’obéissance qu’on a faite à son prélat en prenant les saints ordres, et le bon propos qu’on a fait de mourir en la Compagnie et d’en observer les règlements.

Voici à peu près comme on peut faire cette oblation :

Vive Jésus, vive Marie ! Sauveur du monde, Jésus-Christ, je…. vous choisis aujourd’hui pour l’unique exemplaire de ma vie et vous offre le bon et irrévocable propos de vivre selon les promesses que j’ai faites au saint baptême et prenant les saints ordres, et me propose d’observer les règlements de la Compagnie des ecclésiastiques et de vivre et mourir en icelle, moyennant votre sainte grâce, que je vous demande par l’intercession de votre sainte Mère et de saint Pierre.

7. Ils se représenteront que N.-S. les a liés ensemble d’un nouveau lien de son amour et les unit très parfaitement ; et ainsi ils s’entr’aimeront, s’entre-visiteront, s’entre-consoleront les uns les autres dans leurs afflictions et maladies, et assisteront à l’enterrement de ceux qui décéderont ; et chacun des prêtres dira trois messes, s’il le peut, pour le soulagement de l’âme du défunt, et les autres communieront une fois à leur intention.

8. Ils se lèveront de bon m~tin, et, après s’être habil-

XIII. — 9

 

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lés, ils feront l’oraison mentale pendanlt une demi-heure au moins, et diront Prime, Tierce, Sexte et None, et ensuite ils célébreront la messe, ou l’entendront à] eur heure plus commode.

9. Ils liront tous les matins un chapitre du Nouveau Testament à genoux, tête nue, et feront, avant ou a, près, ces trois actes : 1° adorer les vérités contenues dans ce qu’on lira ; 2° entrer dans les sentiments de ces vérités ; 3° se proposer la pratique de ce qu’elles enseignent ; puis feront une lecture convenable à leur condition. Ils liront aussi quelque livre spirituel par rapport à leurs besoins.

10. Ils feront avant le diner et le souper l’examen particulier sur quelqu’un de leurs principaux défauts, ou sur la vertu qui leur est la plus nécessaire. et examen durera l’espace de deux Miserere, ou environ ; ils prendront ensuite leur repas avec modestie et tempérance, sans oublier, avant ni après, les prières ordinaires.

11. Ils feront tous les soirs l’examen général et liront les points de la méditation du lendemain avant de se mettre au lit.

12. Tous s’assembleront les mardis à Saint-Lazare, ou au séminaire susdit, à trois heures, depuis la Toussaint jusques à Pâques, et à trois heures et demie, depuis Pâques jusques à la Toussaint, s’ils n’ont cause légitime qui les en empêche, dont ils donneront avis au préfet ou à quelque autre de la Compagnie, ou s’en excuseront à la prochaine assemblée.

On commencera la conférence par l’invocation du Saint-Esprit, en récitant l’hymne Veni Cretor, le verset et l’oraison, puis on traitera de quelque vertu propre aux ecclésiastiques, dont on aura donné le sujet dans l’assemblée précédente, et sur laquelle chacun rapportera humblement et simplement, de parole ou par écrit, les pensées que Dieu lui aura données sur les motifs de

 

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cette vertu, sa nature et les moyens de les bien pratiquer ; et l’assemblée finira par une des antiennes de la sainte Vierge. Ce qui se pratiquera dans la modestie et simplicité chrétienne et ecclésiastique. On prendra garde en parlant de ne rien dire qui puisse offenser personne, se contentant de blamer le vice et de s’entr’exhorter à la pratique des vertus.

13. Tous les trois mois, messieurs les officiers s’assembleront avec le directeur pour examiner si, tous les règlements s’observent, qui est-ce qui y manque et en quoi. On traitera aussi des moyens de remédier à ces défauts et de ce qui regarde la conservation de l’esprit primitif de la Compagnie et de son avancement dans la vertu, députera ceux qui seront les plus propres pour les emplois dont la Compagnie serait chargée, comme pour entendre les confessions des malades de l’Hôte-Dieu, etc…, faire des exhortations aux prisonniers, ou quelques missions, soit à la ville ou à la campagne. Ce qui aura été ainsi résolu sera lu publiquement à la conférence suivante, et chacun est exhorté d’y acquiescer.

14. Ceux qui voudront allér en campagne en donneront avis à la Compagnie, si le temps le leur permet, sinon au directeur ou au préfet, et écriront de temps en temps à la Compagnie l’état de leur personne, ce qu’ils auront fait et souffert pour Dieu et le succès de leur voyage, et tâcheront de vivre d’une manière si exemplaire qu’ils soient à édification au prochain. Ils fuiront les mauvaises compagnies et feront choix des bonnes, et ils se comporteront en sorte qu’ils fassent voir qu’ils sont de très dignes membres de la Compagnie.

15. Ladite Compagnie sera attachée à Saint-Lazare et s’y assemblera, comme on a dit ci-dessus, tous les mardis et sera conduite par un directeur, par un préfet et par deux assistants. Le supérieur des prêtres de la

 

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congrégation de la Mission sera à perpétuité le directeur, et, en son absence, un prêtre de ladite congrégation, lequel il députera, et présideront, en l’absence l’un de l’autre, aux assemblées, y auront voix délibérative, colligeront les voix et concluront. Et rien ne se proposera, résoudra, ni ne s’exécutera, que de l’avis dudit directeur, ou de celui qu’il députera.

16. Le préfet, comme tous les autres officiers, sera du corps de la Compagnie et y assistera à toutes les assemblées, s’y rendra des premiers pour conférer avec le drecteur des choses qui seront à proposer. Il aura soin d’observer les règlements et de les faire garder aux autres. Il remarquera les déportements de tous les ecclésiastiques de la Compagnie et les avertira de leurs fautes, les visitera et les fera visiter dans leurs maladies, leur fera administrer les sacrements, assistera et fera assister ladite Compagnie à l’enterrement de ceux qui décéderont, le tout de l’avis dudit directeur.

17. Les assistants aideront de conseil et d’œuvres le préfet et veilleront sur toute la Compagnie, l’avertiront des défauts qu’ils auront remarqués, dresseront ceux qui se présenteront pour être reçus dans ladite Compagnie, assisteront à toutes les assemblées ; et en l’absence du préfet, le premier assistant fera sa charge, et le second fera le même en l’absence de tous les deux.

18. Il y aura, de plus, un secrétaire qui écrira dans un registre toutes les résolutions qui auront été prises, faisant voir auparavant au directeur, ou au préfet en son absence, dans une feuille volante, s’il aura bien redigé ce qui aura été résolu. Il écrira aussi les lettres de ladite Compagnie.

 

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36. — DÉDICACE DU MANUSCRIT

"DIX MÉDITATIONS" DE LOUIS MACHON

(15 avril 1615)

A Monsieur Monsieur Vincent, général des prêtres de la Mission.

Monsieur,

Voici une partie des dépouilles que j’emporte de chez vous pour me faire plus riche, sans appauvrir porsonne. Mon procédé ne serait pas sans blame, ni sans ingratitude, si, après avoir reçu tant de consolations favorables, je sortais très satisfait, sans vous témoigner l’obligation que je vous en ai. Votre vertu a beaucoup de réputation ; mais tous ceux qui en parlent ne font que begayer, et jamais ils ne pourront se la représenter qu’en la voyant et en l’admirant. Votre zèle à l’autel, votre charité envers tout le monde, votre modestie partout, votre égalité d’esprit en tout temps et votre humllité en toutes vos actions m’ont plus persuadé que tous les livres que j’ai lus, ni que tous les prédicateurs que j’ai jarnais entendus. Si les anges se faisaient hommes, assurément ils vivraient comme vous, et s’il se trouve des saints mortels, certa. inement ils sont faits comme vous. Je ne vous flatte point, Monsieur, je dis ce que j’ai vu, et, si mes yeux n’étaient témoins des choses que je mets en avant, je serais le premier qui les révoquerait en doute. Dieu vous réservait, non pas, pour réformer son Eglise, mais pour faire connaître à ses ministres la grandeur de leur caractère et la pureté avec laquelle ils

Document 36. — Le manuscrit, conservé à la bibliot. nat. (f. fr. 17 109), a pour titre : Dix méditations faites par le sieur Louis Machon, archidiacre de Port et chanoine de l’Eglise cathédrale de Toul, pendant les dix jours de sa retraite dans la maison de Saint-Lazare, au faubourg Saint-Denis-lez-Paris.

 

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s’en doivent acquitter. Vous êtes merveilleux à changer les hommes sans rien innover. Une retraite de dix jours fait un exemple de sainteté de celui-là même qui portait le scandale partout. On quitte le vice auprès de vous avec plus de joie et de contenement qu’on ne l’embrasse aux lieux où ses charmes et ses appâts sont les plus puissants ; et je crois qu’il vous est plus facile de faire un homme de bien qu’à tous les débauchés de la terre de se conserver leur semblable qui voudrait vous écouter. La vertu est si belle entre vos mains qu’elle semble vous avoir choisi pour se faire connaître des yeux du corps ; et quand on vous regarde, on ne peut aimer que ce qui vous rend si vénérable et si recommandable. J’aimerais mieux être privé du peu de bien qui, me reste, que des fruits précieux que j’ai cueillis dans votre solitude ; et si Dieu me fait la grâce de me conserver dans l’innocence que je crois y avoir recouvrée, vous aurez mis au rang des plus heureux, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

MACHON.

De votre maison de Saint-Lazare, ce 15 avril 1645.

 

37. — DÉDICACE DE L’"HORTUS PASTORUM"

(23 octobre 1646)

Admodum Reverendo D.D. Vincentio de Paulo, Congregationis Missionis Superiori Generali.

Ubi primum praestantissimi istius Horti flores odorem suum effudere, mira subito alacritate undique exquisitus et exceptus est, sicut et caetera ejusdem auc-

Document 37. — Hortus Pastorum par Jacques Marchant, 10è éd. par Michel Alix, Parisiis, 1651, in-4°.

 

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toris opera (gravissimi nempe, et eruditissimi viri) quae successive in luoem edita sunt. Ea tamen nescio qua quorumdam aviditate, nec ullius connexionis hahita ratione, sed cumulatim huic Horto adjecta sunt ; velut si ad Hortum amplissimum plures alios Hortulos suis muris distinctos ac disjunctos accumules, quos quicumque videndi ac fruendi cupidus prius singulatim debeat transilire. Hos ego muros everti, sicque tot Hortulos in unum collegi, ac in regiones distinctas apertasque areolas redegi, totumve opus ordini debito rectaeque methodo restitui ; adeo ut quod cuique maxime opus est propemodum occurrat ingredienti.

Hujus vero Horti tutor et custos quis futurus esset, diu mihi non fuit inquirendum. Tu confestim occurristi, hac tutela et custodia dignissimus, eo non modo ex titulo, quod et missiones agentibus, simul ac ipsis pastoribus, opus hoc, pariter aptissime conveniat. Sicut enim hi gregi invigilantes ex ipso facile depromunt quae Christus oviculis suis, pabula sanis, remedia languentibus, subministranda praecepit ; ita etilam isti adeo studiose, ubicumque vocati, saluti animarum incumbentes, quaecumque eis necessaria sunt ex eo valeant excerpere. Etenim quid desideres quod desit ? Non enim hic de praecipuis et maxime necessariis fidei capitibus, de sacramentis, de virtutibus atque vitiis, de officiis, tum clericalis, tum pastoralis justitiae doctrina desideratur luculenta ; queis accessit additamentum pastoralium resolutionum, et praxis catechistica, velut corollarium. Verum idcirco hic Hortus tuo nomini, committendus, quia natura et voluntate sic factus sis ad bonitatem. exercitatione sic paratus ad charitatis munia, ut, si qui pastores officii sui mole laborent, statim advoles promptus auxiliator ; et, humero subjecto succedaneave opera, succumbere non sinas ; aut si qui, mente in his

 

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saeculi senescentis tenebris minus illustrata, vacillent, facem directionis et sapientiae laetus lubensque iis praetendas. Alius pietatem, religionem, prudentiam, sinceritatem, curam, laborem quem in Ecclesia praestas indefesse laudet ; ego charitatem silere non possum, cujus fervore incensus, oviculas, non tuas, si quae exerrant, aut perditas, sinu requiris ; inventas et sanatas non tibi reti, nes, sed reducis, imo humeris tuis ad suos pastores reportas ; sicque appares hoc novo genere pascendi sanandique admirabilis. His tot tantisque titulis debitum opus hoc, etsi cogitatione mea studioque jam ante dicatum, nunc iterum dico atque addico. Ratus bene mihi, atque feliciter procedere ubi benevolentia qua me soles complecti, susceperis, studio foveris, judicio testimonioque tuo comprobaris.

Datum Sancti Audoeni, decimo Calendas novembris, anno Domimi millesimo sexcentesimo quadragesimo sexto.

Tibi addictissimus.

Past. Eccl. S. Aud. de Eleemosyna,

MICH. ALIX,

Dioecesis Parisiensis

 

38. — EXTRAITS DES CARNETS DE MAZARIN

(1613-1650)

M. Vincent vuol metter avanti il Padre Gondi (1).

Vanno a trovare M. Vincent, e, sotto pretesto di affe-

Document 38. — Les carnets de Mazarin, tous autographes, sont au nombre de quinze. Le premier est de 1642, le dernier de 1650. On les trouve à la bibliot. nat., fonds Baluze, 174. Victor Cousin les a publiés et étudiés dans le Journal des Savants. (Des carnets autographes du cardinal Mazarin conservés à la bibliothèque imperiale, 1854-1856.) Nous laissons aux noms propres l’orthographe que leur donne Mazarin.

1). 2è carnet, juin et juillet 1643, p. 39.

 

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zione alla Regina, gli dicono che la sua riputazione perde per la galanteria. Dicono che Bovè (2) abbia fatto parlare M… sopra la galanteria (3).

El Padre Gondi habia hablado en mi perjuicio, como lo habia hecho, tambien el Padre Lambert y M. Vincent (4).

Non tener per qualche tempo il consiglio di coscienza (5).

Che M. di Noyers viene con gran disegni, e che sotto pretesto di render conto a S. M. dei bastimenti, li trattava di cose che saranno capaci di farli prender grand risoluzioni. Pretende aver tutta la casa di S. M. per lui, i gesuiti, i monasteri, i devoti, e particolarmente M. Vincent (6).

Il Padre Lambert disse a Ma di Briena che sapeva d luogo sicuro che S. M. mon poteva soffrirlo più (7).

Ma di Briena e Liancourt danno grandi assalti a S. M. per la devozione (8).

M. Vincent nella truppa di Menele (9), Dans, Lambert ed altri, etc… è il canale per il quale tutto passa alle orecchie di S. M. (10).

Il Padre Lambert, tutto di Arno (11), e difensore di Giansenio. S. M. avverte a non esser sorpresa (12).

Due persone differenti sono venute a dirmi che i monasteri, frati, preti, donne ed uomini devoti, sotto pretesto d’infervorare la regina alla devozione, hanno mira

2). L’évêque de Beauvais.

3). 2è carnet, p. 62.

4). 3è carnet, août et septembre 1643, p. 33.

5). 3è carnet, p. 72.

6.) 4é carnet, p. 1. Les 4è et 5è carnets sont des derniers mois de 1643 et des premiers de 1644.

7) 4è carnet.

8). 4è carnet, p. 59.

9). Madame de Maignelay.

10). 4e carnet, p. 77.

11). Antoine Arnauld.

12). 5è carnet, p. 18.

 

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di farle impiegare tutto il temlpo in queste cose, accio non lo dia a suoi affari ed a parlarmi, e che alla fine sperano di venire a fine, facendo dare il colpo, quando tutte le cose saranno disposte, alla Menelé, Dans, la priora di Val di Grazie e Padre Vincenzo (13).

Tutte le donne sono legate insieme, e la Menelé dà spesso des randevù à Otfort (14) e Senese (15).

 

39. ELOGE DE SAINT VINCENT PAR RANGOUZE

(1650)

A Monsieur Vincent, général de la congrégation de la Mission.

Monsieur,

La vertu honore la naissance, égale l’humilité à la grandeur, la soumission à l’empire et la pauvreté aux trésors. Lorsqu’un homme s’est mis au-dessus des atteintes de l’envie par une éminente. perfection, il n’y a personne qui ne l’admire. La vraie sainteté est estimée des esprits profanes. La dévotion sans faste contraint même les impies de la révérer. Dans le désir ardent que la plupart ont de posséder les richesses et les grandeurs, celui qui les sait mépriser et qui ne porte ses affections que dans les choses célestes doit être considéré pour un prodige. Ne vouloir etre que ce que Dieu nous fait, ne désirer que ce qu’il veut, n’avoir point d’autre volonté que la sienne, ni d’autre fin que sa plus grande gloire, c’est trouver les douceurs du paradis sur la terre et ren

13). 5è carnet, p. 24.

14). Madame de Hautefort.

15). Madame Sénecé.

Document 39. — Lettres panégyriques aux princes et prélats de l’EgIise, par le sieur de Rangouze, Paris, 1650, in.8, p. 79.

 

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dre en quelque façon bienheureuse notre condition mortelle. Je ne doute point que Dieu n’ait plusieurs ser-viteurs qui sont cachés aux yeux du monde pour se défendre des mouvements de vanité qu’il inspire. Mais vous, Monsieur, vous paraissez seul de notre temps pourvu des qualités et des avantages qui vous peuvent exempter de cette appréhension. Votre probité n’est pas sujette au changement. Votre bonté est constante et assurée. Vous êtes dans la cour comme si vous en étiez éloigné. Vous êtes humble parmi les grands, petit avec les petits, pauvre parmi les riches ; et ce qui est un miracle continuel, dans la pensée de ceux qui vous connaissent, c’est que vous agréez à tous, encore qu’ils viennent de différentes routes et qu’ils aient des desseins contraires. Le feu roi voulut rendre ses derniers soupirs dans votre sein ; la reine, à son exemple, vous ouvre les plus purs sentiments de son âme. Les ministres d’Etat ont une parfaite créance en votre intégrité, qui ne peut être séduite, ni surprise en la distribution des biens d’Eglise, ni dans le choix de ses prélats. Un homme de bien reconnaît d’abord ceux qui lui ressemblent. A qui donc en pouvait-on mieux remettre la dispensation qu’à celui qui ne cherche autre récompense que la peine qu’il y prend ? Vous avez relevé l’ordre de prêtrise à la gloire qui lui était due, établissant des communautés qui suivent par leurs missions, en prêchant partout, l’exemple des apôtres et des disciples ; que si ce n’est avec tant de miracles, c’est du moins avec beaucoup de zèle et de piété, étant aussi malaisé d’enseigner la science de salut aux fidèles ignorants, que de jeter les premiers fondements de la religion chrétienne. Dans cette heureuse condition, je ferais tort à mon ouvrage si je ne vous donnais séance parmi les prélats. Vous la choisirez telle qu’il vous plaira et me croirez, Monsieur, votre, etc…

 

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40. — OBEDIENCE POUR UNE VISITANDINE

(20 juillet 1650)

Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission et père spirituel des religieuses de la Visitation Sainte-Marie de Paris, à notre très chère et bien-aimée fille en Notre-Seigneur Jésus-Christ, sœur Catherine-Agnès Lionne, religieuse professe du monastère de la Visitation Sainte-Marie du faubourg Saint-Jacques, demandée pour supérieure au nouvel établissement que font les religieuses de La Visitation d’Amiens en la ville d’Abbeville. Nous approuvons la demande qui a été faite de votre personne par lesdites sœurs de votre monastère d’Amiens pour être supérieure audit nouvel établissement d’Abbeville, et, pour ce, vous donnons les congés requis à cet effet, et, afin que le mérite de la sainte obéissance concoure à tout ce que vous ferez pour l’avancement de la gloire de Dieu et profit des âmes, vous ordonnons de vous y acheminer au plus tôt et de vivre en la parfaite observance de vos règles, sous l’obéissance de monseigneur l’évêque d’Amiens, ou de ceux qui vous commanderont de sa part, jusqu’à tant que par nous ou nos successeurs vous soyiez rappelée, si ainsi est jugé à propos. Et priant Dieu qu’il vous conduise et vous tienne sous la protection de sa miséricorde, nous vous bénissons.

Fait à Paris, le vingtième juillet 1650.

VINCENT DEPAUL.

Document 40. — Doc. signé. — Arch. de la Mission, décalque.

 

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41. — CANEVAS D’ENTRETIEN A DES ORDINANDS

Avant les ordres.

1. Reconnaître si on a vocation à l’état ecclésiastique

2 Prier Dieu et le faire prier pour connaître cette vocation.

3. Consulter son confesseur ou quelque notable personnage pour cela.

4. La vocation reconnue, l’embrasser avec pureté d’intention de la gloire de Dieu et de son salut.

5. Avoir un titre qui ne soit ni feint ni faux.

6. Faire publier les bans un mois avant l’ordination ; porter un certificat de la publication de sa vie et mœurs.

7. Se présenter à l’examen avec l’esprit d’indifférence soit à l’admission ou à l’exclusion.

8. Approchant le temps des exercices, produire quantité d’actes de renoncement au monde et de désir de se donner à Dieu.

 

Durant les exercices.

1 Entrer aux exercices avec grand désir d’apprendre les fonctions et les vertus propres de chaque ordre et celles qui sont convenables et communes à tout l’état ecclésiastique.

2, Prieront Dieu chaque jour qu’il leur donne un cœur docile pour bien apprendre ce qui sera enseigne.

3. Feront chaque jour des notes de ce qu’ils auront ap, pris de plus remarquable.

4. Emploieront fidèlement tout le temps pour faire fidèlement tous les exercices

5. Demanderont quelque temps opportun à celui qui

Document 41. — Doc. aut. — Arch. de la Mission, original.

 

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dirige les exercices, pour penser et écrire leur confession générale.

6. Demanderont au même permission de faire quelques humiliations, comme de servir à table ou balayer.

7. Pendant qu’ils recevront les saints ordres, ils s’offriront et consacreront à Dieu sans réserve ni exception aucune, en la manière qui leur sera enseignée.

 

Après les exercices.

I, Rendre actions de grâces de l’ordre qu’ils ont reçu et des instructions qu’ils ont reçues pour cela, à l’exclusion d’un millier d’ecclésiastiques qui ont reçu les ordres en divers quartiers du monde sans cette préparation.

2. Se proposer de bien pratiquer lesdites instructions qu’ils ont reçues ;

3. De dire ou d’ouïr tous les jours la sainte messe.

4. Se confesser deux fois tous les huit jours à un même confesseur.

5. Avoir un emploi de la journée et l’observer.

6. Etudier de sorte qu’on puisse faire tous les d, imanches une prédication ou un catéchisme.

7. Avoir un directeur auquel l’on communique les dispositions de son intérieur.

8. Accepter les charges et conditions auxquelles le prélat emploiera, et y demeurer en attend~nt un autre emploi, tel que le prélat lui voudra donner.

9. Faire son possible pour entrer dans les conférences qui se feront pour conserver la dévotion qu’on a reçue de Dieu pendant les exercices.

 

42. — CONSEILS A UNE PERSONNE DE QUALITE

Etant levé, j’adorerai la majesté de Dieu et lui ren-

Document 42. — Abelly, op. cit., L. III, chap. VIII. p. 71. Abelly a extrait ces mots d’un écrit autographe.

 

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drai grâces de la gloire qu’il possède, de celle qu’il donnée à son Fils, à la sainte Vierge, aux saints anges à mon ange gardien, à saint Jean-Baptiste, aux apôtres, à saint Joseph et à tous les saints et saintes du paradis ; je les remercierai aussi des grâces qu’il a faites à la sainte Eglise, et en particulier de celles que j’ai reçues de lui, nommément de ce qu’il m’a conservé durant la nuit Je lui offrirai mes pensées, mes paroles et mes actions en l’union de celles de Jésus-Christ ; et je le prierai qu’il me garde de l’offenser et qu’il me donne la grâce d’accomylir fidèlement tout ce qui lui sera le plus agréable.

 

43. — REFLEXIONS SUR LA BEAUTE DE DIEU

Qu’est-ce qu’il y a de comparable à la beauté de Dieu, qui et le principe de toute la beauté et perfection des créatures ? N’est-ce pas de lui que les fleurs, les oiseaux, les astres, la lune et le soleil empruntent leur lustre et leur beauté ?

 

44. — REFLEXIONS SUR LA RETRAITE SPIRITUELLE

Par ce mot de retraite spirituelle ou d’exercices spirituels, il faut entendre un dégagement de toutes affaires et occupations temporelles pour s’appliquer sérieusement à bien connaître son intérieur, à bien examiner l’état de sa conscience, à méditer, contempler, prier et préparer ainsi son âme pour se purifier de tous ses pé-

Document 43. — Abelly, op. cit., L. III, chap. VI, p. 51. Abelly a extrait ces mots d’un écrit autographe.

Document 44. — Abelly, op. cit., L. II, chap. IV, sect. I, p. 270. Abelly a extrait ces mots d’un écrit autographe.

 

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chés et de toutes ses mauvaises affections et habitudes, pour se remplir du désir des vertus, pour chercher et connaître la volonté de Dieu, et, l’ayant connue, s’y soumettre, s’y conformer, s’y unir, et ainsi tendre, avancer et enfin arriver à sa propre perfection.

 

45. — RÉFLEXIONS SUR LA VIE DE COMMUNAUTE

Quiconque veut vivre en communauté doit se résoudre de vivre comme un pèlerin sur la terre, de se faire fol pour Jésus-Christ, de changer de mœurs, de mortifier toutes ses passions, de chercher Dieu purement, de s’asservir à un chacun, comme le moindre de tous, de se persuader qu’il est venu pour servir et non pour gouverner, pour souffrir et travailler et non~pour vivre en délices et en oisiveté. Il doit savoir que l’on y est éprouvé comme l’or en la fournaise, qu’on ne peut y persévérer si l’on ne veut s’humilier pour Dieu, et se persuader q~u’en ce faisant, on aura un véritable contentement en ce monde et la vie éternelle en l’autre (l).

 

46. — PLAN D’UN ENTRETIEN AUX SŒURS

DE LA VISITATION

(1655, vers mai)

Ledit entretien est divisé en trois points : au premier, M. Vincent fait voir les raisons pour lesquelles il importe de faire choix d’une bonne religieuse ; au

Document 45. — Abelly, op. cit., L. I chap. XXXIV, p. 162. Abelly a extrait ces mots d’un écrit autographe.

1. Ces pensées sont de l’auteur de Imitation (L. III, chap. XVII), dont saint Vincent traduit les paroles.

Document 46. — Manuscrit des répétitions d’oraison, conférences et entretiens aux missionnaires, f° 13. — Le copiste assure que l’entretien a été prononcé "environ le mois de mai 1655" et dit avoir eu sous les yeux l’original, écrit de la main du saint.

 

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deuxième point, il exprime quelles sont les qualités qui se doivent rencontrer en une religieuse pour être capable d’être élue supérieure et pour se bien acquitter de cette charge ; et au troisième, il donne les moyens pour bien faire ce choix.

Premier point. — La première rais~n est que ce qu’esc l’âme et le cœur à un corps, cela même est la supérieure à la communauté Et ainsi, comme l’âme se trouve en toutes les partles du corps et leur donne le mouvement qu’elles ont et l’action, de même la supérieure doit être dans toute la communauté, par vigilance de son côté, par estime et affection du côté des filles, et par action, par l’observance des pratiques de la communauté. En second lieu, ce qu’est le pilote au navire et à ceux qui naviguent, la supérieure est cela même à sa cornmunauté ; et ce qu’est le général d’armée à son armée, la supérieure est le même à sadite communauté, etc… La seconde raison est que c’est un article de foi, qu’il faut être appelé de Dieu dans le gouvernement des âmes, et que le Fils de Dieu ne s’est pas voulu introduire en son emploi qu’il n’y ait été alppelé. Le concile de Trente, etc…

Deuxième point. — Qualités requises à une religieuse pour être bonne supérieure. La première, que ce soit une fille de bon sens ; 2° bonne chrétienne ; 3° bonne religieuse ; 4° bonne officière ; 5° qu’elle soit zélée pour la gloire de Dieu et la sancti, fication de sa communauté ; 6° vigilante ; 7° et effective ; la première, partout.

Les moyens. — Le premier moyen est la prière à Dieu ; 2° la constante résolution de donner sa voix à la meilleure ; 3° renoncer à l’aversion, etc ; 4° et à l’inclir. ation ; 5° donner sa voix à celle pour qui on la voudrait avoir donnée à l’heure de la mort.

XIII. — 10

 

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47. — DIFFÉRENCE ENTRE L’ESPRIT DU MONDE

ET CELUI DE JESUS-CHRIST

Ex libro Moralium Sancti Gregorii, Papae, L. 10, ch. 16, in caput Xll, Job. Hujus mundi sapientia est cor machinationibus tegere, sensum verbis velare ; quae falsa sunt, vera ostendere, et quae vera sunt, etc…

Elle s’apprend dès l’enfance, et l’on en fait leçon à la jeunesse.

Ceux qui ont cet esprit s’enorgueillissent, se moquent des autres.

L’on déguise cet esprit du nom de civilité.

Ils aspirent aux plus grandes charges, les possèdent avec joie.

S’ils ont reçu du déplaisir, ils s’en vengent ouvertement quand ils ont des forces, et en renards quand ils n’en ont pas ; dissimulent enfin les injures, n’ayant moyen de s’en venger.

Au contraire, l’esprit chrétien consiste à ne rien feindre, ains à être bien candide ;

faire répondre les paroles et les œuvres aux pensées ;

aimer la vérité, fuir le mensonge ;

faire le bien sans attente de récompense,

aimer mieux souffrir du mal que d’en faire ;

estime à avantage d’être méprisé et haï pour avoir bien fait.

Quid enim stultius videtur mundo quam mentem verbis ostendere, nil callida machinatione simulare ;

nullas injuriis contumelias reddere ; pro maledicentibus ornre,

Document 47. — Doc. aut. — Arch. de la Mission, original. Cet écrit traduit ou reproduit en partie deux lecons du bréviaire romain

(Commune Confessoris non Pontificis, aliae lectiones, in ll Nocturno, lectio IV et lectio V.)

 

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paupertatem quaerere ; possessa relinquere, rapienti non resistere ; percutienti alteram maxillam praebere ?.

 

48 — ÉTUDE SUR LA GRACE *

DE LA GRACE

1° Il importe que l’on soit bien instruit sur le différend qui est aujourd’hui en l’Egligse, sur le sujet de la grâce.

2° En quoi consiste ce différend, qui est que l’ancienne opinion de l’Eglise est que lieu donne à tous les hommes, tant fidèles qu’infidèies, des grâces suffisantes pour se sauver, et que l’on peut consentir ou refuser ces grâces. Et ceux qui tiennent les opinions nouvelles soutiennent qu’il n’y a pas des grâces suffisantes qui soient données à tous les hommes, qu’il n’y en a que d’efficaces, qui sont données à peu de personnes, et que ceux auxquels elles sont données n’y peuvent résister.

3° Les raisons pour lesquelles nous croyons, comme a fait l’Eglise jusqu’à présent, qu’il y a des grâces suffisantes données à tous et qu’on y peut résister.

4° Les raisans des adversaires.

5° Les moyens de se confirmer et persévérer dans l’ancienne croyance de l’Eglise.

I. — Quels sant les motifs que nous avons pour nous instruire du sujet proposé ?

1° Que l’on est en danger d’être trompé, en cas d’opinions nouvelles, et de suivre l’erreur au lieu de la vérité ;

Document 48. — Doc. aut. — L’original appartenait en 1913 à M. Lacaille (Paris, boulevard Malesherbes, 50), chez qui nous en avons pris copie. Le développement de la cinquième partie fait défaut.

* Voir en fin de volume les corrections et l’abondant commentaire de Bernard KOCH, 9 nov. 98, ainsi que les lettre à M. DEHORGNY de III, 318-332 et III, 362-374.

 

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et c’est en ce sens que le Saint-Esprit dit que l’ignorant sera ignoré et qu’il pélrira en son ignorance (1). Et c’est ainsi que plusieurs, faute de s’éclaircir à l’abord des opinions de Luther et Calvin, sont tombés dans l’erreur.

2° Qu’il y va de notre salut, lequel consiste à croire tout ce que l’Eglise enseigne, et qu’en quelque façon, ceux qui ne veulent se faire instruire des choses de leur salut tirent à leur damnation.

3° Qu’il y a sagesse de s’éclaircir, en cas de division, dans la religion, et témérité et grand danger d’en user autrement.

En quoi consiste ce différend ?

Nous l’avons dit : que c’est de savoir si Dieu donne aux hommes, je dis à tous, tant fidèles qu’infidèles, des aides, que nous appelons grâces, pour se sauver ; et que les hommes peuvent abuser de ces grâces et les rejeter. Et qiue ceux des opinions nouvelles tiennent le contrailre : qu’il n’y a pas de grâces suf fisantes données à tous, ains seulement d’efficaces, qui ne sont données qu’à quelques-uns, et que ceux à qui elles sont données n’en peuvent abuser en les refusant.

Et pour mieux entendre cette question, il faut noter qu’il y a environ douze cents ans que Pélagius soutenait que l’homme pouvait faire les œuvres Inécessaires à salut par ses pauvres [moyens] humains, sans autre aide de Dieu que celle des prédilcations, lecture de bons livres, et semblables moyens extérieurs, qui nous portent à Dieu. Que saint Augustin, gui lui était contemporain, s’opposa à ces opinions de Pélagius, et soutint que l’homme, par ses propres forces, aidé des moyens extérieurs de la prédication, etc…, ne pouvait faire les choses

1). Première épitre de saint Paul aux Corinthien- XIV, 38.

 

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à salut, et qu’il fallait une grâce actuelle et surnaturelle de Dieu par Jésus-Christ, qui nous fît embrasser le bien nécessaire à salut et fuir le mal. En quoi saint Augustin fut suivi des souverains pontifes et de l’Eglise, peu de personnes exceptées, qui suivirent l’opinion de Pélagius. De cette dispute qui se passa entre saint Augustin et Pélagius, en est sorti, de temps [en temps], d’autres, dépendantes de celle-ci, et en est arrivé comme de certaines maladies malignes, qui ne se guérissent jamais si bien que, de temps en temps, elles en poussent d’autres, comme fait celle d’un certain mal qu’on n’ose nommer, et la fièvre quarte en aucuns.

Celle des semipélagiens parut bientôt après la mort de saint Augustin. Ceux-ci publièrent une opinion mitoyenne, qui s’accordait avec saint Augustin, en soutenant que les hommes ne pouvaient rien sans la grâce de Dieu, et avec Pélagius, en ce qu’ils disaient que les hommes avaient en eux un principe de bonnes œuvres, qui donnait lieu à Dieu de leur donner ses grâces ; et pour cela s’appelèrent semipélagiens, et furent condamnés par l’Eglise.

Quatre cents ans après, cette erreur en produit une autre, qui était que Notre-Seigneur n’était pas mort pour tous ; en sorte que, l’évêque de Troyes (2) ne pouvant assister à l’élection d’un évêque de Paris, il envoya sa procuration pour donner sa voix à un qu’il nommait, au cas qu’il crût que Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était pas mort pour tous, et non autrement. Et cette opinion, que Notre-Seigneur n’était pas mort pour tous, était [sans] contredit pour exclure la grâce suffisante donnée à tous (3).

2). L’évêque Prudence. Le fait mentionné par saint Vincent se passait en 858.

3). Texte de l’original : "Et cette opinion était contredit, que Notre-Seigneur n’était pas mort pour tous, pour exclure la…"

 

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L’an 1560, Baïus, docteur et doyen de Louvain, mit en avant quantité d’opinions, entre lesquelles il y en avait contre la liberté d’indifférence, disant que le volontaire, quoique nécessaire, s’accordait avec la liberté qu’on entend toujours ; pour la liberté d’indifférence ; ce qu’il faisait pour montrer que l’on ne peut résister à la grâce. Et ces opinions furent condamnées par Pie V ; et ayant été encore repoussées sous le pontificat de Grégoire XIII, il condamna derechef les mêmes opinions.

Lesquelles ont recommence à paraître l’an 1640 (4), [par] l’évêque d’Ypres, Jansénius, et ont été favorisées par l’abbé de Saint-Cyran et quantité de personnes qui les ont embrassées. Mais, comme ce qui reste du mauvais mal que nous avons dit, ains un autre, souvent différent en espèce, ainsi les erreurs de Jansénius ne sont pas celles qui se meuvent du temps de saint Augustin, ains sont différentes.

Les opinions de Pélagius étaient contre le besoin de la grâce intérieure pour le salut ; et celles de ces temps sont que Dieu ne donne pas de grâce à tous pour se sauver, et que celles qu’il dorbne à quelques-uns opèrent nécessairement, en sorte qu’on n’y peut résister.

Selon cela, nous avons à prouver que Dieu donne des grâces suffisantes à tous les hommes et que Notre-Seigneur, nous donnant ces grâces, ne nécessite pas notre lilbe arbitre, et lui laisse la liberté de faire bon usage de ces grâces ou d’en abuser.

La preuve de ce que j’avance se tire de la Sainte Ecriture, des conciles, des Pères et de la raison.

Voici celles qui font voir que la bonté de Dieu est si grande qu’elle donne moyen à tous les hommes pour se sauver. Saint Paul dit de Dieu que vult omnes homines salvos fieri (5). Et l’on fait cet argument, que, s’il veut

4). Année de la publication de l’Augustinus.

5). Première épître de saint Paul à Timothée II, 4

 

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que tous les hommes soient sauvés, nécessairement il faut qu’il donne des moyens à tous les hommes pour les sauver, sa~hant bien qu’ils ne le peuvent pas par leurs forces, ayant f. ait dire à saint Paul : Non possumus dicere Abba, Pater, nisi in Spiritu Sancto (6), — La même Ecriture dit de plus de Dieu que neminem vult perire (7). Ce qu’étant posé, il faut qu’il leur donne des aides pour s’en empêcher.

En 3è lieu, nous voyons qu’il a donné un moyen universel pour sauver tout le monde, qui est celui de la mort et passion de Notre-Seigneur : Si unus pro omnibus mortuus est (8) Et saint Jean, en un autre endroit, dit : Mortuus est pro pitiatio pro peccatis nostris, non solum pro nostris, sed etiam pro totius mundi (9).

Et pour montrer que l’Eglise l’entend de la sorte, elle le montre par les paroles de l’oblation du calice : Offerimus tibi, Domine, calicem salutaris, tuam deprecantes clementiam, ut in conspectu divinae majestatis tuae pro nostra et totius mundi salute ascendat.

Et le concile d’Orange dit que : Omnes baptizati cum gratia Christi praeveniente et cooperante possunt et debent operari necessaria ad salutem.

Et saint Augustin, sur ces paroles : llluminat omnem venientem in hunc mundum ; d’où vient que tous ne sont pas illuminés ? il répond : Non quod lumen desit illis, sed quod illi desint lumini.

Et le même, demandant d’où vient que Dieu, donnant sa grâce toujours et bonne volonté à tous les hommes, tous ne se sauvent pas, il répond : quia nolunt, dit-il ; notez qu’il donne cette grâce à tous.

Et son disciple saint Prosper dit, parlant de la grâce,

6). Epître de saint Paul aux Romains Vlll, 15.

7). Seconde épître de saint Pierre III, 9.

8). Seconde épure aux Corinthiens V, 14.

9) Première épître de saint Jean II, 2.

 

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que : Opitulatio haec adhibetur omnibus. Et Paul Orose dit qu’il croit fermement que la grâce est donnée à tous les hommes pour se sauver : Non solum fidelibus, sed etiam universis gentibus ; non solum universis, sed etiam singulis ; et non solum per dies, sed quotidie, per tempora, per horas, per momenta, per atomos. Et puis il conclut : Nemini hominum deesse adjutorium.

Et certes, je ne sais comment Dieu, étant une bonté infinie, qui a tous les jours les bras [ouverts] pour embrasser les pécheurs : Quotidie expandi manus meas ad populum non credentem et contradicentem, etc…, aurait le cœur de refuser des grâces à tous ceux qui les lui demanderaient, et se laisserait surmonter par la bonté de David, qui était en peine de trouver quelqu’un de la maison, son ennemi, pour lui faire miséricorde.

Ajoutez à cela que, si, Dieu dénie ses grâces à quelques-uns, qu’il n’aurait pas raison de leur commander l’observance des commandements de Dieu, qu’il sait qu’ils ne peuvent point observer sans son aide ; et ce qui noterait Dieu d’injustice, c’est s’il les damnait pour cela ; ce qui n’est pas vraisemblable ; il s’ensuivrait qu’il n’y aurait point d’enfer pour les hommes.

Selon cela, il s’ensuit que Dieu est si bon que, comme il ne tient pas au soleil que tout le mo~nde ne voie, mais au défaut de la vue, ou à ce qu’on ferme la fenêtre ou les yeux, qu’ainsi Dieu envoie des grâces à tout le monde, et qu’il ne tient pas à lui que tout le monde ne se sauve.

Le bienheureux éveque de Genève montre cela par la comparaison de quelqlues pèlerins qui, s’étant endormis et ayant été tous éveillés, les uns se lèvent, marchent et arrivent heureusement au lieu où ils allaient ; et les autres, s’étant endormis, s’éveillèrent tard, et, s’étant égarés dans la nuit, ils furent pris et maltraités des voleurs ; or, tous furent éveillés, et ne tint pas au soleil

 

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que tous ne se levassent et n’arrivassent heureusement au lieu où ils allaient (10)

Voici ce que l’on objecte contre :

L’on dit que saint Augustin a dit que : Deus non vult omnes salvos fieri. Il dit vrai à l’égard de ceux qui n’ont pas voulu observer ses commandements, et non a l’égard des autres qui les ont observés. Dieu désire que tout le monde soit sauvé, et donne des moyens à tous pour cela ; mais, s’ils ne les observent, ce n’est la faute de Dieu, mais la leur.

L’on objecte de plus que :

Nous avons dit que la seconde difficulté consiste en l’opinion qu’ont ces sectateurs des nouvelles opinions, que la grâce de Dieu opère de telle sorte que notre libre arbitre n’y peut résister.

Voici les raisons contre :

Le concile de Trente dit le contraire à la session 6 (c’est De la justification), fulmine anathème contre ceux qul croient que notre volonté ne peut résister au mouvement de la grâce (11), et se fonde sur la Sainte Ecriture, qui dit : Quousque resistilis Spiritui Sancto ? Vocavi et renuistis. Jerusalem, Jerusalem, quoties volui congregat filios tuos, sicut gallina congregat pullos suos, et noluisti ! et sur saint Augustin, disant (comme il est dit ci-dessus) que les hommes n’observent pas les commandements de Dieu, quia nolunt. Et le même dit d’Esaü : Noluit Esaü currere, et non cucurrit, sed, si voluisset, cucurrisset, et ad paradisum pervenisset, nisi, vocatione contempta, reprobus fieret. Et le même saint Augustin encore, parlant de Pharaon et de Nabuchodonosor, il dit : "Tous deux étaient rois, tous deux persécuteurs de Dieu, et Dieu les a affligés tous [deux] par

10). Saint Francois de Sales, Traité de I’Amour de Dieu, L. IV, chap. V.

11) Canon IV.

 

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sa clémence infinie" ; Alter ingemuit, alter libero contra Dei misericordissimi vetitatem pugnavit arbitrio.

Le bienheureux évêque de Genève, pour exprimer comment cela se fait, se sert de la comparaison des apodes (12) qui, [ne] se pouvant lever pour voler qu’à la faveur du vent et en étendant leurs ailes, ils peuvent, s’ils Se plaisent au lieu où iLs sont, ne pas étendre leurs ailes ; et le vent aura beau souffler, il ne les enlèvera pas, s’il ne le veulent et n’étendent leurs ailes. Cela paraît encore par la comparaison des pèlerins sus alléguée, par celle de nos yeux, qui peuvent refuser les rayons du soleil, et par les navires qui sont sur mer, lesquels peuvent refuCer l’effet du vent en n’étendant pas les voiles.

Voici des raisons pourquoi Dieu a laissé la liberté aux hommes de lefuser sa grâce.

C’est qu’autrement l’hom. me aurait tout fait par nécessité, et n’aurait pas eu par conséquent de mérite. Quel mérite a un forçat de saluer le général des galères ! Un gentilhomme libre de la province lui fera plus d’honneur en le salua, nt que dix mille forçats.

Selon tout cela, il s’ensuivrait que l’homme n’a point de mérite au bien qu’il fait, ni au mal qu’il évite, et par conséquent qu’il n’y a, point de récompense, ni par conséquent de paradis, et que, n’y ayant pas non plus d’enfer, comme il a été dit, nous travaillons en vain, faisons le bien et fuyons le mal sans espérance de récompense, ni crainte d’un châtiment.

Bref, il s’ensuit, comme dit saint Thomas au livre De Lege Evangelica, que notre religion est vaine et purefolie ; et de là vient peut-être que l’un des auteurs de ces belles opinions (13) dès qu’il entra là-dedans, il quitta le jeûne et l’abstinence, et [cessa de] célébrer la sainte

12). Traité de l’Amour de Dieu. L. II, ch. IX.

13). Vraisemblablement l’abbé de Saint Cyran.

 

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messe, qu’il célébrait aup. aravant tous les jours, et que son autre lui-même ll n’a jamais fait aucun acte extérieur de vertu aux ~-eux de ceux qui l’ont fréquent~.

Voici ce qu’ils objectent :

Selon saint Augustin, Deus agit animam inflexibiliter, insuperabiliter et indeclinabiliter ; donc notre libéral arbitre ne se peut défendre de cette motion de Dieu.

— Je réponds que, ex parte gratiae, elle agit de la sorte, mais que, ex parte voluntatis, il n’est pas de même, comme le soleil agit facultatem videndi insuperabiliter, etc…, mais qu’il a beau que d’opérer de la sorte, que l’homme, en fermant ses paupières, il empêche l’effet de la splendeur du soleil.

Saint Augustin dit que Dieu ne donne point à présent aux hommes la grâce de vouloir et de non-vouloir, comme il a fait à Adam, à cause de son péché et du déchet de la vertu du libre arbitre. — Mais je réponds qu’encore que nous n’ayons pas cette grâce inhérente en nous, pour la raison alléguée, que Dieu nous en donne au besoin. Car, comment le concile de Trente dirait-il, autrement, que l’homme contribue au mouvement de la grâce et la refuse, s’il veut, et fulmine anathème contre ceux qui disent le contraire ?

Saint Augustin établit la liberté dans la délectation à faire le bien et fuir le mal, et non en l’indifférence. Je réponds que les autorités ci, dessus d’Esaü et des deux rois qu’il allègue, font voir qu’ils peuvent faire le bien et fuir le mal.

Ils disent que le volontaire nécessaire est (15) la liberté qu’on entend toujours d’indifférence. — Je réponds que cette opinion est condamnée, et cette autre qui dit que

14). Saint Vincent aurait-il en vue Antoine Arnauld, ou Barcos, neveu de l’abbé de Saiut-Cyran ?

15). Texte de l’original : "lls disent que le volontaire le nécessaire et…"

 

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cette sorte de liberté ne se trouve point dans les Ecritures. Qui posuit transgredi et non est transgressus, facere mala et non fecit (16). Ecce posui ignem et aquam : porrige manum ad quemcumque volueris (17).

Saint Augustin est formellement contre les opinions anciennes de l’Eglise touchant la grâce. — Il semble ainsi à ceux de ce partilà ; les passages sus-allégués font voir le contraire. Quis te discernit (18). C’est une autre objection. — Je réponds que non ego, sed gratia Dei mecum (l9)

La justification est œuvre de Dieu, et non des hommes : Non est volentis. neque, etc… (20), _ Je réponds que cela est vrai de nos propres forces, mais non avec la grâce de Dieu, avec laguelle nous contribuons à notre justification.

L’opinion moderne est plus humble, et l’ancienne tient de la gloire. — le réponds ce que di, t saint Paul : Qui gloriatur, in Domino glorietur (21) que nous ne pouvons chose quelconque sans la grâce, et par ainsi que toute la gloire lui en est due, comme au maître écrivain qui tient et mène la main de l’enfant pour le faire écrire.

 

49. — INSTRUCTION DONNEE AUX PAUVRES DU NOM DE-JESUS

(Été de 1653) (l)

Le dimanche…, Monsieur Vincent alla au Nom-de-

16). Livre de l’Ecclésiastique XXXI, 10.

17). Ibid. XV, 17.

18.). Première épître aux Corinthiens IV, 7.

19). I~bid. XV, 10.

20). Epître aux Romains IX, 16.

21). Première épître aux Corinthiens I, 31.

Document 49. — Dossier des Filles de la Charité, original, écrit par une sœur.

1). L’entretien n’est pas daté ; le contenu montre qu’il fut prononcé l’année même de la fondation de l’hospice du Nom-de-Jésus, pendant les grandes chaleurs.

 

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Jésus pour commencer à enseigner aux pauvres ouvriers de la famille de Jésus la doctrine chrétienne. Etant arrivé, il leur dit : "Nous dirons présentement le chapelet et ensuite nous ferons quelque instruction." Et, après l’avoir récité, il commença et dit :

Mes enfants, je pense que nous ferons chose agréable à Dieu de nous entretenir de la doctrine chrétienne, et pour cela je vous interrogerai des principaux mystères de la foi et du signe de la croix. Mais il ne faut pas que vous vous étonniez si vous ne le savez pas bien faire ; oh ! non, mes enfants, mais il faut faire votre possible pour bien apprendre ; et la raison de cela est que votre instituteur, votre père nourricier (2) vous a mis céans à cette intention et a visé particulièrement au salut de vos âmes. C’est donc là la raison qui vous oblige à faire votre possible pour bien apprendre ce qui vous sera enseigné.

C’est le dessein de votre instituteur ; voici, ce qu’il m’a dit : "Monsieur, je ne regarde point le corps, mais je regarde l’âme. Ce n’est pas seulement pour les retirer de leur misère que je donne mon biien pour les entretenir ; mais mon dessein est qu’ils soient i~nstruits et aue l’on leur apprenne les choses qui leur sont nécessaires à salut."

Voyez, mes enfants, si cela n’est pas beau de dire que Dieu ait donné ces pensées-là à un homme et à uin homme du monde. Faut-il pas avouer que Dieu est bien bon de donner tels sentiments à ses serviteurs pour vous ?

Voilà donc la première raison que vous avez de bien apprendre. Une autre, c’est que, sans cela, il n’y a point de salut. Vous êtes donc obligés de savoir les principaux mystères de la foi, si vous voulez être sauvés

 

2). Le bourgeois de Paris qui avait fondé l’hospice.

 

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Voyez si. ce n’est pas là un puissant motif pour bien apprendre, et estimez le grand bien que ce vous est que Dieu vous ait mis, par sa bonté, dans un lieu où vous en avez tant de moyens et en. aurez encore davantage, comme je l’espère.

Mes enfants, il faut donc faire votre possible pour bien retenir les jnstructions que l’on vous fera, dans la croyance que vous y êtes obligés en qualité de chrétiens et d’enfants de Dieu Le docteur angélique, saint Thomas, dit que personne ne peut être sauvé sans savoir et croire qu’il y a un Dieu en trois personnes. Et les théologiens en donnent la raison : parce que ce sont moyens nécessaires à salut. Or, qui. néglige les moyens qui aident à se sauver ne le peut être.

Voilà donc les deux principales raisons que vous avez de bien apprendre. Je m’en vais commencer à vous interroger ; et encore que vous ne puissiez pas bien répondre, ne vous troublez pas pour cela. Je vous demanderai si vous savez bien faire le signe de la croix ; et quand vous ne le sauriez pas, il ne faut pas que cela vous fasse peilne. Vous n’êtes pas seuls. Combien y en a-t-il dans la cour, peut-être des présidents, qui ne Je savent pas faire ! Cela vous doit encourager à surmonter la vergogne que nous avons d’ordinaire quand noui ne savons répondre -à ce que l’on nous demande. Et c’est l’orgueil qui nous cause cette honte, parce que nous voulons toujours paraître quelque chose. Il vous faut faire comime ces bonnes gens des champs qui témoignent tant de désir d’apprendre qu’ils se viennent présenter à nous et disent : "Monsieur, j’ai bien peur que je ne sache pas ce qu’il faut que je sache. Je n’ai pas été instruit. Interrogez-moi, s’il vous plaît, pour voir ce que je sais." Voyez, mes enfants, comme ces bonnes gens ne sont pas honteux de paraître ignorants. C’est ainsi qu’il faut faire.

 

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Monsieur Vincent, après avoir dit ce que dessus, commença à interroger ces bonnes gens les uns après les autres touchant le signe de la sainte croix et à leur montrer comme il le faut faire, le faisant lui-même plus eurs fois pour enseigner autant par exemple que par parole. Il dit :

Le signe de la croix, qui. est le signe des chrétiens, a toujours été fort usité depuis le temps des apôtres et disciples de Notre-Seigneur, lesquels se donnèrent ce signe pour se connaitre les uns les autres, de sorte que, quand deux chrétiens se rencontraient en quelque lieu, pour savoir s’ils étaient disciples de Notre-Seigneur ils faisaient le signe de la croix, et par ce signe ils se reconnaissaient, sans mot dire, parce qu’ils ne s’osaient pas découvrir ouvertement. Mais, comme ils s’étaient donné ce signe pour se connaître, personne ne s’en apercevait qu’eux, qui voyaient aussitôt que c’étaient des chrétiens. Et pour lors ils s’embrassaient, ils se caressaient et se disaient des paroles de consolation. Voilà comme les chrétiens de la primitive Eglise en usaient.

Après que Monsieur Vincent eut enseigné à bien faire le signe de la croix, il demanda s’ils savaient le mystère de la très Sainte Trinité, les interrogea tous les uns après les autres, et, pour leur faire mieux comprendre, il leur dit :

Mes enfants, je vais vous donner une comparaison qui a été enseignée par saint Augustin, et c’est du soleil. Tout de même qu’au soleil il y a trois choses et que ces trois choses ne font pas trois soleils, ainsi dans la Sainte Trinité il y a trois personnes, qui toutes trois ne font qu’un seul Dieu. Il y a donc trois choses au soleil, qui sont le corps du soleil, la lumière, la chaleur.

Le corps du soleil, c’est ce bel astre que nous voyons au ciel. La lumière, c’est ce qui nous éclaire et tous ceux qui sont sur la terre, qui dissipe les ténèbres de la nuit

 

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et enfin qui réjouit tout le monde ; car, si l’on était dans les ténèbres, quel contentement aurait-on ? La troisième chose qu’il y a au soleil, c’est la chaleur, une grande chaleur, qui procède du corps du soleil et de la lumière. C’est cette grande chaleur qui cuit les fruits et autre :, choses dessus la terre. Quand vous voyez un temps chaud, étouffant, comme il faisait quand nous sommes entrés ici, c’est du soleil que procède cela.

Par cette comparaison vous voyez comme il n’y a qu’un Dieu et trois personnes en Dieu, qui sont inséparables les unes des autres, comme le soleil est inséparable d’avec la lumière et la lumière d’avec la chaleur. Ces trois choses ne se quittent point ; ce que vous savez par expérience. Pourquoi ne fera-t-il pas si chaud ce soir qu’il fait à cette heure ? C’est parce que le soleil se sera retiré ; et comme la chaleur est inséparable d’avec le soleil, l’on ne la sentira plus, parce que le soleil se sera retiré.

Il commença à interroger les hommes, et, s’adressant à un petit garçon, il lui demanda :

Qu’est-ce que Dieu, mon enfant ? — Monsieur, c’est le Créateur du ciel et de la terre et le seigneur de toutes choses.

— Bon, voilà qui est bien répondu. C’est le Créateur du ciel et de la terre. Qu’entendez-vous par ces mots : Créateur du ciel et de la terre ? —

J’entends celui qui a tout fait.

— Oui, quand l’on dit : "Créateur du ciel et de la terre", c’est à dire celui qui a tout fait. Il faut bien retenir cela, mes enfants. Quand vous l’entendrez prononcer, vous vous souviendrez que Créateur vaut autant à dire que celui qui a tout fait. Mais vous pourrez dire. "Quoi ! Dieu a-t-il tout fait ce qui est sur la terre ?" Oui, il a tout fait. "Mais, Monseur, Dieu a fait tant de diverses créatures que nous voyons ?" Il a fait tout

 

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cela, et pour le service de l’homme. Il n’y a si petite créature qu’il n’ait f. aite, jusqu’à un ciron, qui est bien pctit ; il a créé cela. "Quoi ! Monsieur, est-il possil, le que Dieu ait créé cela ?" Oui, cela est vrai qu’il a créé ce ciron qui court entre la chair et la peau, et ces petite fourmis que vous voyez courir ; il a créé tout cela.

Ceux qui sont allés instruire ces pauvres sauvages qui ne savaient ce que c’était que Dieu, quand l’on leur a enseigné qu’il y avait un Dieu en trois personnes, ils ne savaient comprendre cela, ni répondre. Quand l’on leur demandait : "Qu’est-ce que Dieu ?" ils ne savaient que répondre, ni comprendre, sinon quand on leur disait que c’est le Créateur du ciel et de la terre, celui qui a tout fait. Quand on leur demande ce que c’est que Dieu, ils disent : "C’est celui qui a tout fait." Voyez, mes enfants, quel bonheur vous avez d’être nés dans un pays chrétien, où l’on connaît Dieu autant que la faiblesse de nos esprits le peut permettre.

Mon enfant, combien y a-t-il de dieux ?

— Il n’y en a qu’un, mon Père. — Et combien il y a de personnes en Dieu ?

— Il y en a trois, qui toutes trois ne font qu’un seul Dieu.

— Me donneriez-vous bien un exemple, qui fasse connaître cela. —

Monsieur, celle d’u, n cierge me servira parce qu’tl s’y trouve trois choses : la cire, la mèche et le feu, et toutes ces trois choses ne font qu’un cierge.

— Dieu vous bénisse mon fils ! Le petit garçon donne l’exemple d’un cierge où se trouvent trois choses, qui ne font qu’un cierge allumé. Tout de meme, encore qu’il se trouve trois personnes en la Sainte Trinité, ce ne sont pas trois dieux, mais un seul. Souvenez-vous de cela, qu’il n’y a pas trois dieux, qu’il n’y en a pas six, qu’n’y en a pas dix ni vingt, comme tiennent les païens,

XIII. — 11

 

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parce qu’ils croient qu’il y a plusieurs dieux ; non, il n’y en a qu’un seul en trois personnes.

-Puis, s’adressant à une femme, il lui demanda : Qu’est-ce que Dieu ?

— C’est le Créateur du ciel et de la terre.

— Que veut dire cela : Créateur ? Qu’est-ce créer quelque chose ?

— C’est faire quelque matière de rien.

— Oh ! vous êtes bien savante, m’amie ; vous voulez dire que créer c’est faire quelque chose de rien ; et cela n’appartient qu’à Dieu de faire quelque chose sans matière. Les hommes peuvent bien faire quelque ouvrage ; mats cela s’entend d’une chose en faire une autre, comme, par exemple, faire cette maison, c’est faire quelque ohose. Mais, parce qu’il faut des pierres, du cilment et d’autres matériaux, cela ne s’appelle pas créer, mais faire. Et voilà la différence qu’il y a entre faire et créer : c’est que pour faire il faut avoir de la matière, et pour créer il ne faut rien que la toute-puissance de Dieu, qui peut faire tout ce qu’il lui plaît.

Voilà, mes enfants, les raisons qui vous obligent à bien apprendre l’intention de votre instituteur ; c’est que sans cela il n’y a point de salut. Voyez si cela ne mérite pas que vous travailliez à cela pour reconnaître les grâces que Dieu vous a faites de vous avoir pourvus des choses nécessaires tant pour le corps que pour l’âme. Que pouvez-vous souhaiter davantage ? L’on vous donne votre nourriture, non pas comme à des présidents, mais assez pour la nécessité. Combien y a-t-il de pauvres dans Paris et ailleurs qui n’ont pas le bonheur que vous avez ! Combien de pauvres nobles qui se tiendraient bien heureux s’ils avaient la nourriture que vous avez ! Tant de pauvres laboureurs qui travaillent depuis le matin jusqu’au soir, qui ne sont pas si bien nourris que vous ! Tout cela vous doit obliiger à tra-

 

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vailler manuellement tant que vous pourrez, selon vos forces, bien loin de penser : "Je n’ai que faire de me mettre en peine de rien faire, d’autant que je suis assuré que rien ne me manquera." Ah ! mes enfants, faut bien vous garder de cela et dire plutôt qu’il faut travailler pour l’amour de Dieu, puisque lui-même nous en donne l’exemple, travaillant continuellement pour nous.

C’est donc là le fruit que vous devez tirer de cette instruction : d’aimer le travail, à l’exemple de Notre-Seigneur, qui a tant travaillé pour nous, et d’apprendre les choses qui sont nécessaires à salut, et bientôt, de peur que la mort ne vous surprenne. Il y a plusieurs personnes qui désirent apprendre ; mais c’est quand ils sont au lit de la mort ; pour lors ils disent : "Apprenez-nous, dites-nous les actes qu’il faut que nous fassions." Mais il est trop tard bien souvent pour eux. Faisons en sorte que ce malheur ne nous arrive pas et tâchons de faire tout ce que nous pourrons pour faire profit des grâces que Dieu nous a faites. Je prie sa bonté qu’il nous fasse la misérioorde de nous aider à faire ce qu’il demalnde de nous, et à moi de m’acquitter de mon devoir, vous donnant les instructions nécessaires, pulsqu’il m’a choisi, quoique je sois un misérable pécheur, pour vous servir.

Sancta Maria, succurre miseris…

 

50. — EXHORTATION A UN PRETRE POUR L’ENGAGER

A PAIRE FONCTION D’AUMONlER A L’HOTEL-DIEU

(20 mai 1655)

Le jeudi 20 mai 1655, un prêtre l’étant venu voir, après lui avoir parlé, il s’en retourna. M. Vincent, étant

Document 50. — Manuscrit des répétions d’oraison, conférences et entretiens aux missionnaires, f° 17 v°.

 

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sur le point de s’en aller à la ville, demanda où était ce prêtre, et lui ayant été rapporté qu’il s’en était allé, il partit aussitôt et fit avancer le carrosse pour attraper ce bon prêtre, et l’ayant attrapé dans le faubourg de Saint-Denis, il le convia à monter dans le carrosse. Ce bon homme s’en voulant excuser, M. Vincent lui dit : "Monsieur, mettez-vous ici, je vous en prie ; aussi bien j’ai quelque chose à vous proposer." Ayant condescendu, M. Vincent commença par lui dire :

Monsieur, j’ai pensé de vous prop~ser si vous voudriez bien accepter une petite condition où il y a besoin d’un bon ecclésiastique. Voici ce que c’est. Dans l’Hôtel-Dieu de cette ville, il y a d’ordinaire six prêtres, qui y sont entretenus à l’effet de s’employer à entendre et faire faire confession générale à tous les pauvres qui vont à l’Hôtel-Dieu. C’est un lieu où il y a de grands biens à faire et beaucoup de services à rendre à Dieu. Les dames de la Charité donnent pour cela cent cinquante livres à chacun, et puis, à cette heure, on est nourri à la communauté. Voici le pour et le contre qui vous doit ou porter à accepter cette condition, ou à la laisser :

I° Les grands biens qu’il y a à faire ; car de tous les pauvres qui vont là, ou ils y meurent, ou ils y guérissent. S’ils y meurent, il y a sujet d’espérer qu’ils sont sauvés, après la confession générale qu’ils y ont faite en entrant ; et ainsi voi, là des âmes au salut desquelles vous avez coopéré et qui prieront Dieu pour vous. S’ils guérissent, il y a sujet d’espérer qu’ils se garderont davantage de retomber dans leurs péchés et qu’ils feront usage des bons avis aue vous leur aurez donnés. Et ainsi, Monsieur, vous voyez que de côté ou d’autre, le bien en est bien grand et bien agréable à Dieu.

Le contre à cela et qui vous pourra empêcher de vous donner à Dieu pour travailler à cette bonne œuvre, ce

 

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sera peut-être l’appréhension du mauvais air qui est là dedans parmi les malades, et que vous n’aurez pas de temps pour aller de côté et d’autre à la ville vaquer a vos affaires. Or, je vous dirai, Monsieur, que, pour répondre à cette première objection, je ne sais point qu’il y soit mort qu’un prêtre ou deux depuis sept ou huit ans. Et toute la difficulté qu’il y a c’est un peu au commencement que l’on est là. Mais puis après, comme l’on vient à s’accoutumer à cet air, on n’a plus de peine par après. Et puis Dieu assiste d’une manière particulière ceux qui se sont donnés à lui pour le servir de la bonne manière. Après tout, nos vies ne sont-elles pas à lui ? Saurions-nous mieux faire que de les employer à son service ?

Pour l’autre chose, il est vrai qu’il faudrait vous débarrasser de toutes les affaires que vous pourriez avoir en ville, à cause que, depuis que l’on est là, on n’en sort pas facilement, à raison qu’il y a toujours à travailler à l’égard des pauvres qui y abondent.

Voilà ce que j’avais à vous dire. Je vous ai dit le pour et le contre : d’un côté, les grands biens au’il y a à faire, et l’excellence de cet emploi, qui est si agréable à Notre-Seigneur que lui-même est venu, comme il dit, pour évangéliser les pauvres ; et de l’autre, ce qui vous peut détourner d’embrasser ce saint emploi. Voyez, Monsieur. Je vous prie d’y penser entre ci et samedi, que vous me viendrez trouver pour me dire ce que vou., aurez résolu là-dessus, pource que la chose presse un peu. Cependant allez-vous-en tout de ce pas trouver dc ma part Monsieur Ladvocat et lui dites le sujet pour lequel le vous envoie vers lui, afin qu’il n’en arrête point d’autre. (1)

1. L’ecclésiastique accepta l’emploi que saint Vincent lui proposait.

 

51. — ALLOCUTION AUX PRETRES DE SAINT-SULPICE

A L’OCCASION DE LA MORT DE LEUR FONDATEUR

(Avril 1657)

J’aurais voulu, mes chers frères, voyant l’affliction dans raquelle vous êtes plongés par la mort de votre cher Père, vous le rendre pour essuyer vos larmes. Mais, ne pouvant vous donner son corps vivant, j’ai cru devoir vous présenter son esprit, qui est la meilleure partie de lui-même. La terre conserve son corps, le ciel son âme, son esprit est pour vous ; et si Dieu l’a jugé digne d’être mis dans son paradis avec les anges, vous ne devez pas le trouver indigne d’avoir place aussi dans vos cœurs. Il aura volontiers quitté son corps pourvu que son esprit puisse habiter en vous. Ç’a été tout son désir et son souhait pendant sa vie ; après sa mort, vous pouvez le rendre content. Il était dit dans la loi que, si un frère mourait sans enfants, son autre frère devait suscitare semen. Votre Père, que je peux aussi appeler votre frère (à cause de son âge), est mort, pour ainsi dire, sans enfants, vu le désir qu’il avait de convertir tout le monde et de sanctifier le clergé. Il vous a laissé son épouse, qui est cette maison sainte qu’il a acquise par son sang, par sa mort, étant mort en lui voulant donner sa vie. Suscitez-lui des enf. ants, faisant connaître Jésus, et lui assurant, s’il y a moyen, autant de serviteurs qu’il y a d’hommes, et lui donnant autant de saints sa-

Document 51. — Vie de M. Olier [par Faillon], 4è éd., Paris, 1873, 3 vol. in-8, t. III, p. 476. Faillon écrit au sujet de cette allocution : "M. Leschassier nous apprend que ce saint prêtre, après la mort de M. Olier, leur donna des consolations qui tempérèrent un peu leur douleur, et l’on a tout lieu de croire que les paroles suivantes, recueillies de la propre main de M. de Bretonvilliers, sont un fragment de cette touchante allocution." Le biographe de M. Olier ajoute avec raison que le style du discours ressemble plus à celui de M. de Bretonvilliers qu’à celui de saint Vincent.

 

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crificateurs qu’il y a de prêtres dans l’Eglise. Fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est.

 

52. — CONSEILS A UN AMI QUI SOUHAITAIT UN ACCORD

AVEC LES JANSÉNISTES

Monsieur, lorsqu’un différend est jugé, il n’y a point d’autre accord à faire que de suivre le jugement qui en a été rendu. Avant que ces messieurs fussent condamnés, ils ont fait tous leurs efforts afin que le mensonge prévallût sur la vérité, et ont voulu emporter le dessus avec tant d’ardeur qu’à peine osait-on leur résister, ne voulant pour lors entendre à aucune composition. Depuis même que le Saint-Siège a décidé les questions à leur désavantage, ils ont donné divers sens aux Constitutions pour en éluder l’effet. Et quoique d’ailleurs ils aient fait semblant de se soumettre sincèrement au Père commun des fidèles et de recevoir les Constitutions dans le véritable sens auquel il a condamné les propositions de Jansénius, néanmoins les écrivains de leur parti qui ont soutenu ces opinions et qui ont fait des li, vres et des apologies pour les défendre n’ont pas encore dit ni écrit un mot qui paraisse, pour les désavouer. Quelle union donc pouvons-nous faire avec eux, s’ils n’ont une véritable et sincère intention de se soumettre ? Quelle modération peut-on apporter à ce que l’Eglise a décidé ? Ce sont des matières de foi qui ne peuvent souffrir d’altération, ni recevoir de composition, et par conséquent nous ne pouvons pas les ajuster aux sentiments de ces messieurs-là. Mais c’est à eux à soumettre les lumières de leur esprit et à se réunir à nous par une même créance et par une vraie et sincère soumission au Chef de l’Eglise. Sans cela, Monsieur, il n’y a rien à faire qu’à prier D~eu pour leur conversion.

Document 52. — Abelly, op. cit., L. II, chap. XII, p. 438.

 

53. — DEDICACE A SAINT VINCENT DE L’OUVRAGE

"DICTIONNAIRE DE LA LANQUE DE MADAGASCAR"

(1658)

A Monsieur Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission.

Monsieur,

Les pauvres insulaires de Madagascar auront à jamais obligation de leur conversion, après Dieu, à votre maison seule, et particulièrement aux soins, à la charité et au zèle que vous avez de leur procurer ce grand bien, en leur envoyant plusieurs de vos missionnaires, ainsi que vous avez fait, pour leur enseigner les mystères de notre religion, pour leur apprendre à prier et servir Dieu, et pour les adresser dans les voies de leur salut. Et de même que de la famille de l’illustre Compagnie de Jésus sont sortis les Ignace, les Xavier et tant d’autres grands personnages, qui ont employé leurs jours, ou par eux-mêmes, ou par leurs enfants, dans la conversion des hérétiques, dans la prédication de l’Evangile par toute l’Europe et dans la propagation de la foi parmi les nations les plus barbares et les plus reculées de la terre ; aussi, Monsieur, par vos soins et par ceux de votre charitable con, grégation, dans ses premiers commencements, l’on a déjà vu se disperser par toute l’Erurope quantité d’excellents et zélés personnages qui ont travaillé depuis vingt ans et qui travaillent incessamment au salut des fidèles, à l’instruction des ipeuplles de la campagne et à rappeler les hérétique., dévoyés de la vérité. Témoins en sont non seulement la France et l’Italie, mais encore la Pologne, l’Hibernie,

Document 53. — Cette dédicace se trouve en tête de l’ouvrage qui a pour auteur Etienne de Flacourt.

 

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I’Ecosse, les Hébrides, la Barbarie et cette grande île Madagascar, où l’on voit déjà les fruits bien avancés qu’ont plantés, par leurs soins, veilles et fatigues, les feus sieurs Gondrée, Nacquart, Mousnier, Prévost et Dufour, qui y ont fini glorieusement leurs jours, et à quoi faire le sieur Bourdaise, qui, est le seul prêtre de cette congrégation resté en cette île, ne perd pas un moment de temps. Il instruit, il exhorte, il baptise et il administre les autres sacrements de l’Eglise journellement aux nouveaux convertis. Les peines sont si grandes qu’il est à craindre, s’il n’est promptement secouru, qu’il n’y succombe, ainsi qu’a fait feu Monsieur Nacquart, qui, se voyant seul missionnaire, se laissa emporter à son zèle et hasarda sa vie pour convertir ces pauvres insulaires, en sorte que, dans une année de temps, il baptisa plus de 400 personnes de tout sexe et de tout âge.

Comme les mystères de notre religion, Monsieur, ne se peuvent exprimer que par la parole et concevoir que par l’ouïe, aussi est-il nécessaire que ceux qui désirent passer en cette grande île, afin d’y faire le progrès qu’ils souhaitent, tâchent au plus tôt et avec diligence à apprendre les mots les plus nécessaires de la langue et les termes les plus propres pour exprimer par icelles leurs pensées et conceptions aux originaires. Pour à quoi parvenir, j’ai mis en ordre ce dictionnaire et petit catéchisme et ces premiers bégaiements de la langue que je vous présente, afin que ceux que vous y enverrez, étant sur mer, commencent à apprendre à parler et s’y puissent exercer les uns avec les autres. C’est tout ce que, durant près de sept ans que j’ai conversé familièrement avec ces insulaires, j’ai pu recueillir et apprenldre, tant par les Français mes interprètes, que par les livres que j’ai trouvés parmi les Ombiasses ou écrivains, desquels j’ai appris à lire les caractères arabes qui leur sont communs, où j’ai commencé à concevoir leur manière de par-

 

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ler. Cette langue ayant beaucoup d’affinité avec l’arabesque, tant en ses manières de parler qu’en ses phrases et en ses caractères il est très nécessaire que les prêtres qui passeront en cette île apprennent au moins à lire en arabe, afin que, si quelques livres des Ombiasses leur tombaient entre les mains, ils puissent mieux apprendre, en les lisant, la façon de parler et de s’expliquer dont il faut user en instruisant ces pauvres insulaires.

Recevez, Monsieur, avec mes très humbles respects, ce petit livret, sorti de dessous la presse par les soins et la munificence de Monsieur de Belles, que je vous présente comme les prémices de mon labeur en cette île, en reconnaissance des obligations que je vous ai et de l’amitié dont vous m’honorez à tous moments ; et agréez le zèle que j’ai de me qualifier toute ma vie du titre, Monsieur, de votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur.

DE FLACOURT.

 

54. — RÉCIT D’UNE CONVERSATION AVEC UN PRETRE

FAVORABLE AUX JANSÉNISTES

Considérant devant Dieu ce que je devais faire en cette rencontre, je pensai que, selon la règle de l’Evangile, je devais dire la chose à Damasus (1) en secret et par manière de parabole. Traitant donc un jour familièrement avec lui, je lui dis : "Monsieur, comme vous êtes grand prédicateur, j’ai un conséil à vous demander touchant une chose qui nous arrive à nous autres missionnaires, quand nous allons travailler à la campagne où nous trouvons quelquefois des personnes qui ne

Document 54. — Abelly, op. cit., L. III, chap. XVI, sect. I, p. 254, d’après l’original, écrit de la main du saint.

1. Nom de convention.

 

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croient pas aux vérités de notre religion ; et nous sommes en peine de quelle façon nous devons agir pour les leur persuader ; c’est pourquoi je vous prie de me dire Ce que vous jugez que nous puissions faire en ces rencontres, pour les porter à croire les choses de la foi."

A quoi Damasus me répondit avec quelque émotion : "Pourquoi me demandez-vous cela ?"

Je lui répliquai : "C’est, Monsieur, que les pauvres s’adressent aux riches pour avoir quelque assistance et charité ; et co, mme nous sommes de pauvres ignorants, nous ne savons pas de quelle façon il faut traiter les choses divines, et nous nous adressons à vous pour vous prier de nous instruire sur cela."

Damasus s’étant remis tout aussitôt, me répondit qu’il voudrait enseigner les vérités chrétiennes : premièrement, par la Sainte Ecriture ; secondement, par les Pères ; troisièmement, par quelque raisonnement ; quatrièmement, par le commun consentement des peuples catholiques des siècles passés ; cinquièmement, par tant de martyrs qui avaient répandu leur sang pour la confession de ces mêmes vérités ; sixièmement, par tous les miracles que Dieu avait faits en leur confirmation.

Après qu’il eut achevé, je lui dis que cela était fort bien et je le priai de mettre toutes ces choses par écrit tout simplement et sans façon et de me les envoyer. Ce qu’il fit deux ou trois jours après, me les ayant apportées lui-même. De quoi je le remerciai, lui disant : "Je vous suis bien obligé et je recois une joie particulière de vous voir dans ces bons sentiments et de les apprendre de vous-même ; car, outre le profit que j’en tirerai pour mon usage particulier, cela me servira même pour votre justilficatian. Vous aurez peut-être peine de croire ce que je vais vous dire, qui est néanmoins très véritable : c’est qu’il y a des personnes qui sont persuadées et qui disent que vous n’avez point de bonq sentiments touchant les

 

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choses de la foi. Voyez danc, Monsieur, d’achever ce que vous avez si bien commencé ; et après avoir si dignement soutenu votre foi par votre écrit, donnez-vous à Dieu pour vivre d’une manière non seulement éloignée de l’apparence de ce qu’on dit de vous, mais aussi qui puisse être à édification au public." Je lui ajoutai que, d’autant plus qu’une personne était de grande condition, comme lui, elle était aussi plus obligée de s’adonner à la vertu ; que c’était pour cette raison que ceux qui ont écrit la vie de saint Charles Borromée disaient que la vertu était d’autant plus vertu qu’elle se trouvait dans une personne de plus grande qualité ; et qu’il en était comme d’une pierre précieuse, laquelle avait un éclat bien plus brillant étant enchassée dans quelque bague d’or, que si cette bague n’était que de plomb.

Ce que Damasus ayant approuvé, et témoigné que dorénavant il voulait en user de la sorte, il se retira et me laissa fort satisfait de le voir dans une si bonne résolution.

 

55 — OBEDIENCE POUR UNE VISITANDINE

(8 juin 1658)

Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission et père spirituel des monastères de la Visitation de Paris par l’autorité de Monseigneur l’Eminentissime Cardinal de Retz, archevêque de Paris, à notre très chère et bien-aimée fille en Notre-Seigneur sœur Catherine-Agnès Lionne, ci devant supérieure du monastère d’Abbeville, salut en la dilection de Jésus-Christ.

Etant venu à notre connaissance que les sœurs de

Document 55. — Doc. signé. — Arch. de la Mission, décalque.

 

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votre monastère d’Amiens, capitulailrement assemblées, avaient fait éleetion de votre personne pour être leur Mère supérieure, acquiesçant à l’instance et réquisition qu’elles nous ont faite, et à ce qut le mérite de l’obéissance concoure à tout ce que vous ferez pour l’avancement de la gloire de Dieu et profit des âmes, nous vous ordonnans de vous y acheminer au plus tôt et d’y vivre en la parfaite observance de vos règles, constitutioms et coutumes de votre congrégation et selon l’esprit de votre Institut, sous l’obéissance de Monseigneur le Révérendissime évêque d’Amiens, ou de ceux qui vous commanderont de sa part, jusqu’à ce que par nous ou nos successeurs vous soyez rappelée, si ainsi il est jugé à propos. Et priant Dieu qu’il vous conduise et vous tienne toujours sous sa protection, nous vous bénissons.

Donné à Saint-Lazare-lez-Paris le huitième de juin mil six cent cinquante-huit.

VINCENT DEPAUTL.

 

56. — CONSEILS DONNÉS A M. LOGER, PROCUREUR AU PARLEMENT

(2 novembre 1658

M. Vincent ayant été obligé de parler à M. Loger, notre procureur au parlement, pendant la retraite que mondit sieur Vincent faisait cette année 1658 (1) entr’autres choses dont il l’entretint, après lui avoir parlé de l’affaire pour laquelle il l’avait envoyé quérir, qui concernait la maison de Saint-Lazare, il lui fit quelque dis-

Document 56. — Manuscrit des répétitions d’oraison, conférences et entretiens aux missionnaires, f° 82 v°.

1). On lit en marge du manuscrit : "Nota que Monsieur Vincent commença sa retraite spirituelle le samedi 25 octobre 1658 et la finit le lundi 4 novembre audit an."

 

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cours sur le sujet de son état et vocation de procureur, et lui dit qu’il pouvait aussi bien faire son salut dans sa condition de procureur qu’un Capucin dans la sienne ; car, dit-il, qui résiste à l’ordre résiste à Dieu, et qui g, arde et observe l’ordre adhère à Dieu. La justice est établie de Dieu ; et comme il est invisible, il a établi ici-bas sur la terre des personnes visibles pour rendre la justice à un chacun ; et entre ces officiers ainsi établis il y en a qui sont élevés à divers ordres, les uns seulement pour juger, les autres pour aider, disposer et éclaircir les choses qui se présentent à juger, comme font les avocats et procureurs les affaires qui sont à juger.

Dieu vous a fait de ce nombre, par l’ordre de sa Providence. Si, en cet exercice, vous vous comportez selon Dieu et en la manière qu’il le désire, il est certain que vous y trouverez enfin votre salut Car, voyez-vous, Monsieur, un procureur, dans sa condition de procureur, peut aussi bien faire son salut dans cette vocation, pourvu qu’il s’y comporte comme il faut, qu’un Capucin dans la sienne, à cette différence néanmoins que le Capucin a bien plus de moyens de bien faire son petit fait, c’est-à-dire ce à quoi sa profession de Capucin l’oblige, que non pas un avocat ou un procureur, à cause du grand embarras qui se renccbntre dans son emploi et des rencontres fâcheuses qui arrivent parmi le monde où il est obligé de vivre Voyez M. Desbordes ; c’est un auditeur des Comptes et qui est veuf ; c’est une personne de condition, vicomte de Soudé. Cet homme-là aime Dieu plus que je ne vous saurais dire, mais d’un amour sensible. C’est, de plus, un homme qui a une grâce merveilleuse pour accorder les différends.] e sais bien que l’état de Capucin est plus parfait que non pas celui de séculier ; mais néanmoins le séculier, encore bien que son état ne soit pas si parfait que celui

 

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du Capucin, si est-ce pourtant que le séculier peut arriver à un si haut degré de vertu et perfection eu égard à son état de séculier et à sa vocation de procureur, qu’il égalera celle de ce Capucin eu égard a sa profession de Capucin.

 

57. — JOURNAL DES DERNIERS JOURS DE SAINT VINCENT

5 juin1660.

Monsieur Jolly, supérieur à Rome, dans sa dernièrer vous parla-t-il point de l’ordination de Rome (1) ?

— Voici sa lettre, qui nous dit qu’ils sont dans l’ordination de la Pentecôte avec vingt et trois ordinands, qui font assez bien ; mais voici l’affaire : c’est que cette txuvre a sa contradiction, et assez grande. Quelque cardinal m’avait dit que les exercices appartenaient à leur Compagnie, et cela longtemps devant l’ordination ; et le clerc du secrétaire m’a dit que le même examinateur avait dit au même secrétaire qu’il n’y avait pas apparence d’obliger à venir à la Mission tant de personnes de condition et qu’il en ferait parler au Pape ; ce que l’on m’a dit avoir été fait ; mais que le Saint-Père, persuadé des fruits de l’ordination, n’y avait rien voulu chan,,er. C’est une Compagnie qui forme ces obstacles, les Pères jésuites. Que ferait en ce rencontre la misérable nature et la prudence même ?

1. L’on s’irait plaindre à ce corps et à cette Compagnie, ou tous, ou en particulier.

2. L’on s’en plaindrait à Leurs amis mêmes, afin de leur en faire au moins parler par eux.

Document 57. — Arch de la Mission, original. L’écriture est de Jean Gicquel, prêtre de la Mission ; c’est lui sans aucun doute qui est l’auteur de ce journal

1) Cette question est d’un des assistants de saintVincent. La réponse est de ce dernier

 

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3. L’on s’en plaindrait à ses propres amis, afin de les employer et leur autorité.

4. Enfin l’on se rangerait du parti opposé à ce corps ; l’on prendrait parti pour les humilier ; car c’est là le chemin de la nature et du monde.

Et ne pas faire cela, selon les maximes du monde, c’est être bête, sans esprit, sans sentiments, etc…

Mais, comme ces maximes ne sont que du sable mouvant et que les maximes de Jésus-Christ sont toutes autant de fermes rochers, et que la Compagnie a pour maxime et pratique inviolable de suivre ces maximes, je vous en prie, Messieurs, tenons ferme, nen démordons jamais. C’est un paradoxe à la nature ; mais laissons-la gronder et tenons ferme.

1° Et pour cela nous n’en dirons pas un mot à ce corps,

2° encore moins à aucun de leurs amis,

3° et ~pas même un seul mot aux nôtres.

4° Ne point prendre parti ; et non seulement nous ne prendrons pas parti contraire à cette Compagnie ; mais, bien loin de cela, il faut, suivant les maximes de Jésus-Christ, prendre leur parti, chercher de les faire louer, etc… ; car ce ne serait pas assez de demeurer indifférents à leur égard et de dire : "Eh bien ! passe ! il ne s’en faut pas moins servir Dieu, mais laisser là."

Ce langage est de la nature ; il faut faire plus ; car il les faut véritablement servir, et en tout en chercher et souhaiter les occasions.

Ce Père examinateur a dit cela et croit le devoir faire, pensant bien faire, ayant peine à se persuader que des étrangers comme nous, quasi gentils à Rome, car nous sommes si éloignés ! puissent faire fruit en cette m, anière d’emploi.

Une fois, en pareille contradiction, je me sentis touché de cette pensée, et fortement, et je la ressens en

 

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core. Il ne faut que marcher droit et bien faire pour se rendre tout le monde ami et protecteur même.

Et je pense, Messieurs, qu’il nous en faut tenir là, prier beaucoup Dieu qu’il nous fasse la grâce de marcher si droit ici, foncièrement et originairemcnt, et à Rome et ailleurs, tenir si ferme à nos règles et aux maximes de Jésus-Christ que le monde ne puisse rien trouver à redire, nous souvenant de Notre-Seigneur, de qui il est dit que posui te in signum cui contradicetur. Mais que fais-je, misérable, et quelle comparaison ! Oh ! mon Sauveur, pardon. Tenons ferme donc, Messieurs.

— Une Fille de la Charité de cette proche leur maison (2) veut avoir un tel de la compagnie pour son directeur, ou bien elle dit qu’elle n’est pas propre, ou qu elle ne fera pas de communication céans, mais à un prêtre externe, et quoiqu’on lui défende, jusques à se figurer et dire qu’on ne lui garderait pas le secret. Il y a quatre ans qu’elle ne revient point de cette opiniâtreté. Elle est nicce de Monsieur Gautier, le missionnaire (3).

— Avertissez Monsieur d’Hauteville que cet esprit n’est pas propre et qu’elle n’en reviendra pas et que même elle ne ferait pas son salut, et qu’on la renvoie au plus tôt.

— Il y en a une arrivée de Bretagne depuis dix jours, à qui elle a mis même chose en l’esprit ; mais peut-être cela se passera.

— Elle commence trop tôt à s’opiniâtrer ; je pense qu’il la faut renvoyer.

 

6 juin 1660.

- — Monsieur le président de Nesmond (4) et Monsieur

2) C’est-à-dire de leur maison-mère, située vis-3-vis celle de Saint-Lazare.

3. Cette question est de Jean Dehorgny.

4. Ce mot a été raturé sur l’original et nous n’oserions assurer avec

XIII. — 12

 

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l’abbé, qui sortent, vous aurant parlé de nos affaires en particulier.

— Notre entretien a été fort long. Mais en voici le sujet, que je crois être obligé de dire, afin que la Compagnie, pour sa conduite, [ne] se fonde sur cette maxime, qui est pitoyable. Nous avons parlé de rendre justice ; et lui, ayant pris la parole : "Rendre justice, dit-il, faire justice dans la multitude des affaires ne se peut. Il faut ou-trancher et tailler à l’aveugle en prononçant, ou bien ne faire qu’une affaire par semaine et consonner (5) les parties. Et je crois qu’en prononçant à perte on a profité ; c’est plus grande justice de les sortir ; car, dit-il, quand tous les juges mettraient quatre heures à étudier et à résoudre ce qui se résout et est prononcé en un moment, nous n’en verrions ni le fond, ni la vérité ; et ainsi on termine ; et ainsi on les envoie."

Or, Messieurs, nous devons faire grande attention à cette maxime, à prendre de nouvelles résolutions de nous accommoder et faire nos affaires de nous-mêmes. Et la Compagnie, Messieurs, doit profiter de cet avis, qu’il a plu à Dieu de nous donner ; ce qui est vrai ; car tous se plaignent qu’ils tranchent et vont trop vite ; et eux-mêmes non seulement le reconnaissent, mais en font une maxime et, bien plus, se persuadent de ne pas pouoir faire autrement.

— La mère d’un jeune homme, qui est en retraite, ayant appris qu’il est céans, prie qu’on le retienne et qu’on l’enferme avec les prodigues ou libertins (6).

une absolue certitude que notre lecture est la vraie. François-Théodore de Nesmond avait été nommé president à mortier le 20 décembre 1636. Un de ses fils devint évêque de Bayeuux et fut sacré dans l’église de l. a Sorbonne le 19 mars 1662. Le président de Nesmond connaissait depuis longtemps saint Vincent ; sa femme, Anne de Lamoignon, était une des principales dames de la Charité.

5). Consonner, accorder.

6). Dans la prison de Saint-Lazare.

 

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— Lui, étant venu de son bon gré en retraite, il faut dire à sa bonne mère que cela ne se peut et ne se fait jamais ; outre que ce serait perdre le fruit de sa retraite, cela donnerait de l’aversion. Dites qu’on ne peut pas.

7 juin 1660.

 

Présents Messieurs Alméras, Berthe, Gicquel.

— Nous avons aujourd’hui trente et quatre exercitants, ce qui ne se voit guère, et l’on en a différé encore trois ou quatre, tellement que cela pourrait aller à cent, si vous n’y apportiez règlement ; car, outre la dépense, nous n’avons ni assez de lits, ni assez de directeurs ; et leur faut donner des jeunes étudiants pour directeurs à la plupart (7).

— Nous fixer~ns et règlerons le nombre à vingt. La charité étant une vertu, elle ne veut pas que nous excédions.

Ce n’est pas que nous n’ayons grand sujet de nous abaisser à croire que Dieu a eu égard à quelque fidélité que l’on y a apportée, sans laquelle il ne donnerait pas les attraits pour les retraites céans ; et, dans cette venue, la Compagnie se doit estimer bienheureuse. Quand, en faisant le bien, elle se serait anéantie et consommée, elle aurait fait tout ce qu’elle peut prétendre de faire. Se consommer pour Dieu, n’avoir de bien ni de forces que pour les consommer pour Dieu, c’est ce que Notre-Seigneur a fait lui-même, qui s’est consommé pour l’amour de son Père.

J’ai dit tantôt que nous n’avions jamais rien demandé ni refusé, jamais d’emploi que de Dieu, et jamais refusé. Ceci demande explication : je l’entends à l’excès, excepté ce qui était au delà de nos forces. Verbi gratia, la direction du grand hôpital de Paris

7. Cette réflexion est de René Alméras, assistant de la maison.

 

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nous était donnée du roi et du parlement ; et néanmoins nous l’avons refusée ; c’est que cela excédait nos forces. La vertu judiciunt diligit, ne peut excéder m au peu, ni au trop.

— Messieurs de la communauté et paroisse Saiant-Nicolas ont obtenu du roi la moitié des meubles de Monsieur l’archevêque de Trébizonde, qui mourut entre les mains de Monsieur Watebled, supérieur aux Bons-Enfants, auquel il avait donné verbalement 1000 livres, qu’il lui gardait. Ces messieurs demandent les 1000 livres et l’on dit que l’on leur pourrait dire l’intention du défunt et se tenir saisis.

— Le défunt avait baillé cette somme en dépôt et en avait tiré un billet par lequel paraît que c’est un dépôt. Il n’a pas plu à Dieu que vous l’ayez, quoiqu’il vous l’ait dit, parce qu’il aurait écrit ou fait ce qu’il faut pour cela. Le roi, vrai héritier et maître de ce bien, le donne ; ils y ont droit intérieurement et oivilement ; vous n’en avez aucun civilement qui paraisse. Faut leur donner, et de bonne grâce d y a amitié grande entre nous… (8)

 

Mercredi 15 septembre 1660.

— Vous avez déterminé de nommer aujourd’hui à ces bonnes Filles de la Charité leur supérieure. A quelle heure ? Qui sera-ce ? Et comment vous plaît-il qu’elles la reçoivent et elle recevoir les autres ?

— Monsieur Dehorgny, vous les assemblerez, et, après la conférence, vous leur annoncerez le choix que Dieu a fait de notre sœur [Marguerite Chétif] pour supérieure (9), leur disant auparavant qu’elles toutes lui baise

 

8. Les feuillets suivants sont perdus ; de là une lacune du 7 juin au 5 septembre. 9. Saint Vincent avait annoncé à la communauté, le 27 août, le choix qu’il avait fait de Marguerite Chétif comme supérieure ; le 15 septembre eut lieu la cérémonie de l’installation,

 

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ront les mains en signe de reconnaissance, et elle les embrassera ; et vous remarquerez un peu la f ace et la contenance de la communauté et surtout des deux ou trois qui étaient ofrlcières et qui peut-être y pensaient.

— L’on n’a point encore averti les trois qui doivent aller en Pologne ; quand vous plaît-il qu’on les avertisse ?

— Il est temps ; faites-le aujourd’hui. Les pauvres filles sont dans une soumission et souplesse admirables, et ne faut que leur dire.

— Celle qu’on a nommée supérieure n’a fait que pleurer tout le jou, r, et les autres plusieurs. Elle a peine à se soumettre à la charge.

— Dieu soit béni de cette disposition ! Cela se passera.

— Celles qu’on a averties pour la Pologne sont prêtes et demandent seulement quand l’on partira.

— Dites-leur que ce sera vendredi prochain. Que Dieu soit beni, qui a ainsi disposé le cœur de ces pauvres filles ! En Pologne des filles ; et les voilà prêtes ! Il faut que je leur parle et que je leur dépeigne les choses comme elles les trouveront de delà et que je leur dise surtout ce qu’elles auront à faire à l’égard de la reine et du roi, à l’égard des prêtres de la Mission, à l’égard des pauvres, à l’égard des filles, etc…

 

Jeudi 16 septembre 1660.

— Monseigneur de Narbonne veut établir un séminaire ; mais voici l’union qu’il fait de l’église et paroisse de Notre-Dame la Maiour à son séminaire pour y exerœr les ecclésiastiques aux fonstions.

— L’on pourra recevoir la cure avec le séminaire, quolque cela soit un peu au delà de notre Institut, qui est de ne pas confesser aux villes où il y a évêché, etc… — Il met deux autres conditions dans son un on : la première, qu’il pourra renvoyer les prêtres quand bon

 

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lui semblera, et vous obliger d’en fournir d’autres ; la deuxième, que nous ne disposerons du revenu qu’au profit du même séminaire, si ce n’est de son consenternent et de ses successeurs ; ce qui semble sous-entendre une obligation de rendre compte, contre notre pratique.

— Lui représenter que ni en France, ni à Rome mêmc, nous ne sommes en cet usage, mais dans l’usage contraire, et le supplier d’avoir agréable que, si nous avons l’honneur de le servir, que ce soit en la manière que nous le faions partout, et s’en tenir là.

— Mais, Monsieur, s’il renvoyait les missionnaires du consentement du général ou du visiteur, cela adoucirait.

— Nous ne devons pas faire brèche à cette conduite pour quelque condition que ce soit.

— Il demande deux missionnaires, avec les trois, et un coadjuteur, pour faire ses missions et visites, qu’il a indiquées, sur la promesse que vous lui avez faite de lui en envoyer.

— Faut lui donner Monsieur Delespiney, qui est tout à portée, à Marseille, et le frère clerc Parisy, qu’il fera prêtre. Il en est en état. Lui faire excuse que nous manquons de monde.

— Monseigneur de Montauban transfère l’établissement du séminaire de Montech en sa ville et l’unit à la Mission, donnant aux missionnaires la conduite du temporel et spirituel et pouvoir perpétuel de faire des missions dans son diocèse.

— Lui écrire que c’est avec tout le respect possible que nous le remercions d’avoir agréables nos petits services et du ch~ix de nos indignes personnes, que nous lui renvoyons l’acceptation signée, ainsi qu’il lui a plu de le nous ordonner.

— Messieurs les chanoines, qui vendent le fonds où se bâtira l’église et le séminaire, y demandent quatre conditions :

 

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1° Que nous allions en corps aux processions générales ;

2° Que nous demanderons permission d’y porter la croix.

3° Que nous n’administrerons les sacrements qu’à ceux de la maison et du séminaire ;

4° Que nous n’y enterrerons aussi que ceux de la maison et du seminaire ; mais ils ne s’y sont pas tant arrêtés.

— Pour les dcux premières, elles sont à charge et embarrassantes et dé, tournant bien des exercices du séminai, re, et ne pouvons pas les accepter ; mais les deux dernières, bien volontiers ; nous nous y soumettrons d’autant plus volontiers que c’est notre usage.

Les jambes de M Vincent ont été huit ou dix jours sans couler et n’ont pas augmenté ses douleurs. Ces trois jours, elles ont recommencé à couler et ont jeté des morceaux de pus gros comme le doigt.

— Voilà en bas Monsieur Manchon, le second prédicateur du Père… (10), qui viennent de finir cette fameuse et éclatante mission au faubourg Saint-Germain, qui dit que Monsieur le prince de Conti l’envoie vous demander des missionnaires pour travailler au diocèse de Narbonne avec eux et quelques autres que Monsieur le prince y mène.

— Dites que je suis bien fâché, que je ne suis pas en état de lui parler et que, pour la proposition de Monsieur le prince, demain j’enverrai Monsieur Berthe lui rendre compte de ce que nous pouvons, lui faire un renouvellement, etc…, et l’informer qu’il trouvera à Narbonne des missionnaires que nous avons envoyés à Monseigneur l’évêque, qui travailleront où il plaira à Mon-

10). Ici un mot raturé et illisible.

 

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seigneur les employer. J’avoue que les esprits de ces bons messieurs me semblent empressés et animés. Dieu soit notre tout et nous garde de tels esprits dans la Compagnle.

— Que donnera-t-on d’argent aux quatre (11) qui partent demain pour Pologne ?

— Une centaine d’écus ici et une lettre de créance à Rouen pour y en prendre encore autant, au cas que la reine (12) n’ait pas mis ordre à tout l’embarquement.

Vendredi 17 septembre 1660.

— Quel sujet de conférence pour ce soir à la Compagnie ?

— Faites de la retraite. Trois points : l° Les raisons de la bien fairè ; 2° d’où vient qu’on en profite moins ; 3° ce gu’il faut faire devant, durant et après.

— Monsieur Talec, supérieur à Saint-Charles, demande, après s’être purgé céans à l’infirmerie, d’aller quelques jours à Rougemont prendre l’air et se fortifier.

— Cela est juste ; il a travailllé toute l’année. Donnez-lui un écolier, et qu’ils y aillent, et que le pourvoyeur (13) ait soin de les envoyer.

— Monsieur l’abbé de Saint-Jean (14) ne se porte pas bien ; si vous lui ordonniez, il irait assurément.

— J’ai crainte qu’étant si faible et oppressé de la poitrine, il ne vienne plus mal ; mais voyez-le ; et si vous pouvez lui persuader, vous me ferez plaisir ; et, en ce cas, envoyez-y un frère pour faire la cuisine.

Samedi 18 septembre 1660.

— Monsieur Watebled, supérieur aux Bons-Enfants,

11). Aux quatre sœurs.

12). La reine de Pologne.

13). Le procureur.

14). Claude-Charles de Rochechouart de Chandenier, abbé de Moutiers-Saint-Jean.

 

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demande un régent et un procureur à la place de Monsieur de Brière.

— J’ai appris que la scholastique que l’on enseigne aux Bons-Enfants est peu ou point utile ; et j’ai pensé de l’ôter, d’autant plus que du collège l’on va à Navarre ou en Sorbonne entendre la scholastique ; et ainsi faut faire deux leçons de morale et exercer à la pratique des fonctions. Je sais que cela fera peine à Monsieur Watebled ; mais quoi ! il faut aller à l’utile.

Voilà en Paris quatre maisons qui font la même chose : l’Oratoire, Saint-Sulpice, Snint-Nicolas-du-Chardonnet et la gueuserie (15) aux Bons-Enfants. Ceux de Saint-Sulpice tendent et font tout viser à déterrer les esprits, les dégager des affections de la terre, les porter aux grandes lumières, sentiments relevés ; et nous voyons que tous ceux qui y ont passé tiennent beaucoup de cela ; et en plusieurs cela diminue et augmente ; et je ne sais s’ils font de scholastique. Ceux de Saint-Nicolas n’élèvent pas tant, mais tendent au travail de la vigne, à faire des hommes laborieux dans ies fonctions ecclésiastiques, et pour cela tiennent : 1° toujours dans la pratique ; 2° toujours bas, balayer, laver les cuillers, écurer, etc… ; bas ; et ils en ont le moyen, pource que la plupart y sont gratis, et ainsi autant qu’ils font bien

Samedi, 18 septembre 1660.

L’Oratoire, laissons-le là, et n’en parlons point. De toutes ces 4 maisons celle qui réussit mieux sans contredit, c’est Saint-Nicolas, où sont autant de petits soleils partout ; et onques je n’ai vu s’en plaindre, mais partout édification. Voilà donc la plus utile ; et nous y devons tendre et à tout le moins tâcher de les imiter. Vous savez qu’ils

15). La congrégation de la Mission.

 

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ne firent jamais de scholastique, mais seulement morale et conférence de pratique ; et ainsi je penche beaucoup à ce qu’il plaise à Dieu nous faire la grâce de les suivre.

M. Vincent a communié toute la semaine, fors aujourd’hui, à la messe à la chapelle et s’est bien mieux porté que la précédente, quoique le départ de Pologne, l’élection de la superieure de la Charité et la sortie de quelques prêtres de la maison l’aient obligé de plus travailler.

Dimanche, 19 septembre 1660.

— M. Watebled, supérieur, demande qu’on rappelle M. Le Vazeux ancien, qui est aux Bons-Enfants, où il gâte tout : déréglé, médisances, murmure continuel et toujours à sortir.

— Ce pauvre monsieur fera de la peine à la Compagnie ; faut recourir à Dieu et le prier. Ecrivez-lui que nous allons commencer la retraite et qu’il s’en vienne pour en être.

— M. Le Vazeux a été surpris de ce que vous le rappelez ; et voyant que vous venez de congédier autre moins coupable, il s’est défié et a prié M. Watebled de vous venir apporter une lettre et vous dire de bonne heure comme il vous prie de lui donner son congé et qu’il se retire :

1° Pource que son père est caduc et qu’on ruine sa famille, faute de défenses ; 2° qu’il a toujours une aversion horrible contre nos vœux, qu’il croit devoir être la perte de la Compagnie ; 3° en un mot, c’est qu’il ne se saurait contraindre, ni suivre les règles de la communauté, et qu’il ne repose nullement depuis 8 mois.

— O mon Sauveur, quelle grâce vous nous faites de nous décharger d’un tel esprit, brillant jusqu’à être altier, hautain ! O messieurs, quelles grâces rendrons-nous à Dieu ! Je vous prie, à la sainte messe en particulier,

 

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remercions, adorons et ayons grande reconnaissance vers Dieu.

O mon Dieu, que vous savez bien conduire votre ouvrage, que vous faites bien voir que c’est à vous ! Oh bien ! Messieurs, encore une fois remercions. Je lui écris que très volontiers, pour chercher son repos et son soulagement je consens qu’il se retire.

M. Vincent, les 4 ou 5 jours suivants, répéta souvent à chaque assemblée : "Quel sujet de remercier Dieu de nous avoir délivrés, etc… !"

Dimanche, 19 et 26 septembre 1660.

Ce jour, je suis entré en retraite et y ai été jusques au dimanche 26, auquel jour M. Vincent, s’étant fait lever et habiller, quoique déjà un peu assoupi, se fit porter à la messe, où son assoupissement s’augmenta, en sorte qu’en le rapportant, le médecin le jugea en danger. On lui donna quelque purgation douce, et l’après-midi le mal s’augmenta, en sorte qu’à 6 heures et demie M Dehorgny lui administra l’extrême-onction, présents Messieurs de Beaumont, Bajoue, Maillart, Gicquel et autres.

Tous étant entrés, M Dehorgny l’interrogea :

— Monsieur, voulez-vous pas recevoir les derniers sacrements ?

— Oui.

— Croyez-vous tout ce que l’Eglise dit ?

— Oui.

— Croyez-vous un seul Dieu en trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit ? — Oui.

Quoiqu’il fît grand effort pour s’appliquer à répondre en se surveillant, il ne pouvait néanmoins prononcer que deux ou trois paroles intelligibles ; le reste, nous ne l’entendions pas.

 

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On continua toutes les demandes ordinaires.

— Demandez-vous pardon à tous ?

— De tout mon cœur.

— Pardonnez-vous à tous ?

— Jamais personne… voulant dire : ne m’a offensé. Après, tous les actes de foi, d’espérance, de confiance, de regret, d offrande et d’amour.

— Monsieur, nous allons dire Confiteor pour vous, et vous direz seulement Mea culpa, frappant votre poitrine.

Et ramassant toutes ses forces, il dit son Confiteor tout entier.

Après, on commence les onctions et il répond : Amen.

A chaque onction, il fait un effort pour écouter et répond : Amen, mais tout bas.

Sur la fin de l’administration, il revient un peu à lui et, levant les yeux, envisage tous ceux qui étaient présents avec un visage joyeux.

Nous lui demandons sa bénédiction pour tous ses enfants, et il répond :

Ce n’est pas à moi…

Et voulant parler et dire qu’il était indigne, l’assoupissement le reprend, et il demeure en cet état, assis, la tête appuyée sur une serviette, soutenue par un de nos frères, Prévost, Survire ou Ducournau, toute la nuit, pource que la tête lui tombait sur le devant pendant l’assoupissement.

Sur les neuf heures du soir, Messieurs Bécu, Grimal, Boucher et les autres anciens viennent. Chacun lui dit un mot : Paratum cor meunt, et il le rénète.

Autre question et dernière. Messieurs Dehorgny et Berthe lui demandent sa bénédiction pour tous ses enfants, amis et bienfaiteurs, et il répond : "Dieu vous bénisse" ; et cela distinctement.

Ses enfants, consolés par cette bénédiction, se retirent

 

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et sortent de la chambre, où tous étaient à genoux, partie en prières, mais la plupart les yeux collés sur cet aimable père.

De quart en quart d’heure et quelquefois de Miserere en Miserere, Monsieur Gicquel ou Monsieur Berthe lui disent : Mater gratiae, mater misericordiae. Il le répète : Mater gratiae, etc…

Et sur tout il témoigne joie et répète toujours : Deus, in adjutorium meum intende, etc… ; ensuite, d’autres fois : Mater Dei, memento mei, il répète aussitôt.

Vers les onze heures, une sueur le met tout en eau ; et incontinent après son pouls se retire ; et cette sueur change et devient froide ; et l’on appelle Messieurs Berthe, Boucher, Dehorgny, Bécu et Demonchy. L’on fait les recommandations de l’âme. Gicquel lui crie : "Jésus". et il répète : "Jésus". Deus in adjutorium, etc…. ; et il répète tout bas : Deus in adjutorium.

Cette froideur passe, et son pouls revient un peu.

On lui présente quelque jus d’orange, et il serre les dents.

On lui met en la bouche un peu de confiture, et quelque temps après il la repousse. Le frère Alexandre lui souffle dans le nez quelque peu de poudre céphalique pour le réveiller. Cela le fait éternuer et aller au bassin. Et puis il s’en retourne à son assoupissement.

Monsieur Dehorgny lui dit : Propitius esto, et il répète : Propitius esto.

A minuit et un quart, frère Nicolas Survire lui dit haut : "Monsieur."

Et à œ mot, il s’éveille et, envisageant doucement le frère, il lui dit : "Eh bien ! mon frère" ; et puis se rassoupit.

A une heure, Monsieur Maillart va célébrer ; on lui dit et il répond : "Grâce"

A une heure et demie, une seconde fois on lui de-

 

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mande la bénédiction pour sa famille, et il répond : "Dieu la bénisse", en levant la main, et dit : "Qui caepit opus perficiet."

Monsieur Dehorgny lui demande pour les Conférences et Messieurs les ecclésiastiques qui y assistent ; et il répond : "Oui."

— Pour les dames de la Charité. — Oui.

— Pour les enfants trouvés.

— Oui.

— Pour les pauvres du Nom-de-Jésus.

— Oui.

— Pour tous les bienfaiteurs et amis.

— Oui.

A 2 heures, une deuxième sueur ; il paraît vermeil et tout lumineux, et puis devient blanc comme la neige.

Monsieur Gicquel lui dit trop souvent : Deus in adjutorium, et se réveillant, il dit : "C’est assez", d’un mot, voulant dire qu’on lui parlait trop et que cela lui était distraction ; car il paraissait toujours appliqué, quoiqu’à demi assoupi.

On lui dit : Credo in Deum Patrem, et il répète Credo, baisant son crucifix.

Credo in Jesum Chrisfum ; et il répond : Credo, en baisant le crucifix. Credo in Spiritum Sa~c~um ; et il dit : Credo, ebc. ; et les autres articles. On lui dit : Spero, in te speravi, in Domino confido ; et il répond gaiement : Confido, baisant son crucifix.

Vers les trois heures et demie, Monsieur Berthe s’approche et Gicquel se retire.

Monsieur Berthe lui dit : In manus tuas, et il répète : In manus tuas, etc… In manus tuas, etc…

Un peu devant quatre heures, une troisième rougeur vermeille et agréable lui couvre le visage, et il paraît

 

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tout en feu, et ensuite il devient blanc comme la neige ; et le voyant dans les approches de la mort on lui répète : Deus in adjutorium, etc… ; et avec effort il répète, mais sans plus fermer les lèvres, les remuant seulement : Deus in adjutorium, etc…

On lui dit : "Jésus" ; et il répète : "Jésus", de même façon, en remuant les lèvres.

Cette dernière attaque s’augmente, et, vers quatre heures et demie, il entre dans les hoquets et le travail de l’agonie, qui dura jusques aux trois quarts sans convulsion, symptôme, ni effort.

En expirant, il rendit entre les mains de Notre-Seigneur sa belle âme, et demeura assis, comme il était, beau, plus majestueux et vénérable à voir que jamais.

Il mourut dans sa chaise, tout habillé, proche le feu.

A la même heure, Monsieur Berthe donna à Messieurs Bécu et Dehorgny les deux clefs du coffre secret en présence de Messieurs Maillart, Demonchy, Gicquel, Boucher, Grimal, etc…

Les prières faites, on se retira ; et frères Alexandre, Dubourdieu, Lanier et Survire l’ensevelirent, présents…

On met le corps sur le lit. Six personnes en surp, lis des deux côtés tout le jour et la nuit récitent l’office des morts.

Plusieurs présidents, conseillers viennent en le même jour avec larmes.

A l’obéissance, on avertit tous les prêtres qui n’étaient point du séminaire de se trouver, à une heure, à l’infirmerie Saint-Luc.

A une heure, Monsieur Berthe commence l’assemblée, composée d’environ quarante prêtres. On lit l’article des constitutions pour l’élection du vicaire général.

On fait apporter les clefs et on ouvre le coffret publiquement.

 

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On ouvre le coffret qui contient le billet secret de nomination du vicaire général.

On reconnaît le seing de Monsieur Vincent.

On lit le billet de Monsieur Vincent, par lequel il nomme vicaire général Monsieur Alméras. Monsieur Almeras expose son impuissance et ses infirmités.

Sur ce, on demande les voix pour l’agrément Tous sont d’avis qu’il le soit Il se tourmente, se jette à genoux, dit qu’il est non seulement infirme, mais infiniment malade. On se met à genoux. Il insiste, disant qu’il est impuissant et que, suivant la constitution, c’est un empêchement. Là-dessus on retourne cueillir les voix, si son incommodité alléguée l’empêche.

Tous sont d’avis que non et qu’il s’en faut tenir là. Enfin, à genoux, il baisse la tête et se soumet, finit par l’antienne, l’oraison et donne ou plutôt implore la benédiction de Notre-Seigneur : Benedictio Domini Nostri Jesu Christi descendat super vos et maneat semper, etc…

L’on avertit~partout.

On dispose l’enterrement tout simplement pour le mardi, à neuf heures, qui commença à 10, présents tant de prêtres, abbés et évêques 5ix, Monsieur le prince de Conti, etc…

On l’enterra au-dessus de l’aigle, dans un cercueil de plomb, fermé par un cercueil de bois, et un tombeau maçonné en carré.

Sur le cercueil de plomb est collée une plaque de cuivre, où sont ces mots : Vincentius a Paulo, presbyter, institutor seu fundator et primus superior generalis Congregationis Missionis, obiit de 27a septembris, anno Domini millesimo sexcentesimo sexagesimo. Ses entrailles sont en la nef, en terre, fermées dans une fontaine d’étain, une bande en fer proche, et directement sous le milieu de la cloison du balustre, au droit où se joi-

 

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gnent les deux portes du même balustre du côté de la nef.

 

58. — LETTRE DE GILBERT CUISSOT A JEAN DEHORCNY

SUR LES VERTUS DE SAINT VINCENT

(1661)

Depuis notre départ de Paris (1), j’avais toujours proposé de vous dire, après avoir entendu les remarques qu’on f aisait sur les vertus de notre feu très honoré Père M. Vincent, ce que peut-être l’on a déjà dit et mieux remarqué que moi.

1° J’ai appris de feu M. Coqueret que M. de Genève le bienheureux avait dit de son vivant qu’il ne connaissait point homme plus vertueux que M. Vincent, lequel pourtant a vécu et avancé si visiblement en toute manière près de quarante ans après le susdit prélat.

2° Feu M. de la Salle nous disait une fois que M. Vincent l’appela un jour, s’habillant pour dire la sainte messe, et lui dit : "M. de la Salle, l’Evangile m’apprend qu’allant à l’autel, si on sait que quelqu’un ait du ressentiment contre vous, laissez là votre présent, etc…" Il quitta soudain et les ornements et la sacristie pour aller trouver dans Paris quelqu’un qu’il savait avoir quelque ressentiment contre lui sans sujet.

3° J’accompagnais une fois notre très honoré Père chez M. Gontier, conseiller du parlement, rapporteur de l’affaire pour le recouvrement du Nom-de-Jésus (ayant vu M. Olier auparavant, afin qu’il présentât un placet à ce rapporteur, lequel il me dit n’être pas beaucoup connu de lui, quoique son paroissien et assez voisin), lequel conseiller reçut fort froidement M. Vincent, tint

Document 58. — Arch. de la Mission, original.

1). Où il était allé pour assister à l’Assemblée générale de janvier 1661, qui donna un successeur à saint Vincent.

XIII. — 13

 

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tout à fait le parti de l’autre partie et autres paroles assez contraires à notre droit, comme l’arrêt le témoignait Mondit sieur Vincent ne lui fit que représenter notre droit, l’entretint d’autre chose et ne s’en plaignit point et me parla de tout autre chose en revenant.

4° L’accompagnant une autre fois chez M. du Borné et n’ayant pu l’empêcher (faisant un tour de balcon, attendant le susdit sieur) de se voir dans une fort grande glace de miroir, il s’écria, invectivant contre soi : "Oh ! le gros maroufle ! *"

5° Lors de notre dernière Assemblée de 1651, il me fit la faveur de me prendre avec lui dans son carrosse, afin de me parler en particulier touchant ce qui me regardait et cette famille de Cahors, ayant fait prendre un cheval au frère Ducournau, afin que nous fussions seuls, arrivant à Pontoise. C’était à feu Mgr de Paris (2) à qui il avait affaire et qu’il suivait, car ce seigneur était parti le matin, et M. Vincent l’après-dînée. Il me dit donc qu’il fallait se préparer à quelque mortification ; ce qu’il fit par un recueillement intérieur et extérieur, approchant et entrant dans l’abbaye de Saint-Martin, comme ferait un enfant de famille qui s’attend à une verte correction. Je demeurai et n’entrai pas à cette heure-là dans la chambre de mondit seigneur, lequel était déjà au lit, quoiqu’au partir de la, Sa Seigneurie le fit recevoir, souper et coucher, conforrnement à la grandeur de sa famille, et fort bien accueillir par les domestiques, et, après souper, le fit revenir auprès de son lit, où je l’accompagnai ; et l’entretien de ce bon prélat fut tout cordial et de choses indifférentes.

6° En ce même voyage de Paris, ayant eu ordre de feu Monseigneur de Cahors (3) de lui dire ou mander que,

2. Jean-François de Gondi.

3. Alain de Solminihac.

* Maraud, coquin, frippon. cl

 

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de l’assemblée de quelques prélats et autres ecclésiastiques, ll n’y en avait point de moins affectionné et, je pense, plus contraire à M. Vincent que Monseigneur l’évêque d’Alet (4), sur cela il commença à me dire : "O Monsieur, c’est grand cas que ceux que l’on a servis…" Et voyant qu’il m’allait décharger son cœur, il s’arrêta tout d’un coup par cette mortification intérieure, me fit parler d’autre chose, disant : "Laissons cela là."

7° Durant ce séjour-là de trois mois, ou plutôt avant que je vinsse à Cahors, qui. fut en quarante-sept, il se vint confesser à moi. Après laquelle [confession] j’a’ppris de lui une grâce commune au bienheureux François de Sales, lequel, de son vivant, avait le don d’empêcher les maladies et les peines d’esprit, les unes et les autres bien violentes, par l’imposition de ses mains sur une personne de rare vertu, qui ne trouvait autre soulagement aux susdits maux. La cessation en était entière durant ladite imposition, et [la personne] soulagée par un espace de temps ensuite. La même chose s’opérait en ce temps-là par l’imposition des mains de notre feu très honoré Père (lequel, je crois, était directeur de cette âme depuis la mort de ce grand prélat). L’humilité donc de M. Vincent fut de me dire tout ce que dessus, à raison de quelque soulèvement de la partie intérieure, avec une entière soumission de cesser cet emploi si je le lui conseillais ou ordonnais. Dieu ne me délaissa pas jusque-là, par sa grâce, que d’y apporter le moindre empêchement. Je lui dis absolument de continuer ce bon œuvre.

Suscription. A Monsieur Monsieur Dehorgny, prêtre de la Mission, à Saint-Lazare.

4. Nicolas Pavillon.

 

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DEUXIEME PARTIE

DOCUMENTS RELATlFS A LA CONGRÉGATION DE LA MlSSlON

 

59. — CONTRAT DE FONDATION

DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

(17 avril 1625)

Pardevant les notaires et garde-notes du roi, notre sire, au Châtelet de Paris soussignés, furent présents en leurs personnes haut et puissant seigneur Messire Philippe-E, mmanuel de Gondy, comte de Joigny, marquis des Iles-d’Or, chevalier des ordres de Sa Majesté, conseiller en ses conseils, capitaine de 50 hommes d’armes de ses ordonnances, son lieutenant général ès mers du Levant et général des galères de France ; haute et puissante dame Françoise-Marguerite de Silly, baronne de Montmirail, etc…, et son épouse, dudit seigneur son mari autorisée pour l’effet des présentes ; lesquels, de leur bon gré, franche et libre volonté, ont unanimement et conjointement dit et déclaré que, Dieu leur ayant donné depuis quelques années en cà le désir de le faire honorer tant en leurs terres qu’autres lieux, ils auraient considéré qu’ayant plu à sa divine bonté pourvoir, par sa miséricord, e infinie, aux nécessités spirituelles de ceux qui habitent dans les villes de ce royaume par quantité

Document 59. — Arch. nat., M 209, copie notariée.

 

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de docteurs et religieux, qui les prêchent, catéchisent, excitent et conservent en l’esprit de dévotion, il ne reste que le pauvre peuple de la campagne, qui seul demeure comme abandonné.

A quoi il leur aurait semblé qu’on pourrait aucunement remédier par la pieuse association de quelques ecclésiastiques de doctrine, piété et capacité connues, qui voulussent renoncer tant aux conditions desdites villes qu’à tous bénéfices, charges et dignités de l’Eglise, pour, sous le bon plaisir des prélats, chacun en l’étendue de son diocèse, s’appliquer entièrement et purement au salut du pauvre peuple, allant de village en village, aux dépens de leur bourse commune, prêcher, instruire, exhorter et catéchiser ces pauvres gens et les porter à faire tous une bonne confession générale de toute leur vie passée, sans en prendre aucune rétribution en quelque sorte ou manière que ce soit, afin de distribuer gratuiternent les dons qu’ils ont reçus de la main libérale de Dieu.

Et pour y parvenir, lesdits seigneur et dame, en reconnaissance des biens et grâces qu’ils ont reçus et reçoivent journellement de sadite Majesté divine, pour contribuer à l’ardent désir qu’elle a du salut de, pauvres â, mes, pour honorer le mystère de l’Incarnation, la vie et la mort de Jésus-Christ, pour l’arnour de sa très sainte Mère, et encore pour essayer d’obtenir la grâce de si bien vivre le reste de leurs jours qu’ils puissent espérer avec leur famille parvenir à la gloire éternelle, ont délibéré se constituer patrons et fondateurs de ce bon œuvre ; et, à cette fin, ont lesdits seigneur et dame donné et aumôné, donnent et aumonent ensemblement par ces presentes la somme de quarante-cinq mille livres, de laquelle en a été présentement delivrée comptant ès mains de Messire Vincent de Paul, prêtre du diocèse d’Acqs, licencié en droit canon, la somme de trente-

 

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sept mille livres comptées et nombrées en, présence desdits notaires soussignés, en pièces de seize testons, demi-francs et monnaie de douzains, le tout bon et ayant cours suivant l’ordonnance. Et pour le regard des 8 ooo livres restantes, lesdits seigneur et dame ont promis et promettent les payer et délivrer audit sieur de Paul, en cette ville de Paris, d’hui en un an, sous l’hypothèque de tous et chacuns leurs biens présents et à venir, aux clauses et charges suivantes.

C’est à savoir que lesdits seigneur et dame ont remis et remettent au pouvoir dudit sieur de Paul d’élire et choisir, entre ci et un an prochainement venant, six personnes ecclési~astiques, ou tel nombre que le revenu de la présente fondation en pourra porter, dont la doctrine, piété, bonnes mœurs et intégrité de vie lui soient connues, pour travailler audit œuvre sous sa direction, sa vie durant ; ce que lesdits sieur et dame entendent et veulent expressément, tant pour la confiance qu’ils ont en sa conduite, que pour l’expérience qu’il s’est acquise au fait desdites missions, èsquelles Dieu lui a donné grande bénédiction jusqu’ici ; nonobstant laquelle direction toutefois, lesdits seigneur et dame entendent que ledit sieur Paul fasse sa résidence continuelle et actuelle dans leur maison, pour continuer à eux et à leurdite famille l’assistance spirituelle qu’il leur a rendue depuis longues années en ça ;

Que ladite somme de 45 ooo livres sera par ledit sieur de Paul, de l’avis desdits seigneur et dame, employée en fonds de terre ou rente constituée, dont le profit et revenu en provenant servira à leur entretien, vêtements, nourriture et autres nécessités ; lequel fonds et revenu sera. par eux géré, gouverné et administré comme chose propre ;

Que pour perpétuer ledit œuvre, à la plus grande gloire de Dieu, édification et salut du prochain, ave-

 

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nant le décès dudit sieur de Paul, ceux qui auront eté admis audit œuvre et y auront persévéré jusqu’alors éliront, à la pluralité des voix, tel d’entre eux qu’ils aviseront bon être pour leur supérieur, en la place dudit sieur de Paul, et en useront ainsi successivement de trois ans en trois ans, et pour tel autre temps qu’ils aviseront pour le mieux, ledit cas de mort avenant ;

Que lesdits seigneur et dame demeureront conjointement fondateurs dudit œuvre, et, comme tels, eux, leurs hoirs et successeurs descendant de leur famille jouiront à perpétuité des droits et prérogatives concédés et accordés aux patrons par les saints canons, excepté du droit de nommer aux charges, auquel ils ont renoncé ;

Que lesdits ecclésiastiques et autres qui désireront à présent ou à l’avenir s’adonner à ce saint œuvre s’appliqueront entièrement au soin dudit pauvre peuple de la campagne, et, à cet effet, s’obligeront de ne prêcher ni administrer aucun sacrement ès villes dans lesquelles ill y aura archevêché, évêché ou présidial, sinon en cas de notable nécessité seulement, ou à leurs domestiques, à portes closes, avenant qu’ils eussent quelque maison de retraite en aucune desdites villes ;

Qu’ils renonceront expressément à toutes charges, bénéftces et dignités, à la réserve néanmoins qu’avenant que quelque prélat ou patron désirât conférer quelque cure à l’un d’entre eux pour la bien administrer, celui. qui lui serait présenté par ledit directeur ou supérieur la pourrait accepter et exercer, ayant préalablement servi huit ou dix ans audit œuvre, et non autrement, si ce n’est que le supérieur, de l’avis de la Compagnie, jugeât convenalble de dispenser quelqu’un dudit service de huit ans ;

Que lesdits ecclésiastiques vivront en commun sous l’obéissance dudit sieur de Paul, en la manière susdite, et de leur supérieur à l’avenir après son décès, sous le

 

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nom de Compagnie, Congrégation ou Confrérie des Pères ou Prêtres de la Mission ;

Que ceux qui seront ci-après admis audit ceuvre seront obligés d’avoir intention d’y servir Dieu en la m. anière susdite et d’observer le règlement qui sera sur ce entre eux dressé ;

Qu’ils seront tenus d’aller de cinq en cinq ans par toutes les terres desdits seigneur et dame, pour y prêcher, catéchiser et faire toutes les bonnes œuvres susdites, et que, pour le regard du reste de leur temps, ils l’emploieront à leur volonté le plus utilement qu’ils pourront et en tels lieux qu’ils estimeront les plus convenables à la gloire de Dieu, conversion et édification du prochain et à assister spirituellement les pauvres forçats, afin qu’ils profitent de leur peine corporelle, et qu’en ceci ledit seigneur général satisfasse à ce en quoi il se sent aucunement obligé par le dû de sa charge ; charité qu’il entend être continuée à perpétuilté à l’avenir auxdits forçats par lesdits ecclésiastiques pour des bonnes et justes considérations ;

Qu’ils travailleront auxdites missions depuis le commencement d’octobre jusqu’au mois de juin, en mani~re qu’après avoir servi un mois ou environ en ladite Compagnie, ils se retireront pour quinze jours en leur maison commune, ou tel autre lieu qui leur sera assigné par leurdit supérieur, selon l’exigence des cas, en l’un desquels lieux ils emploieront les trois ou quatre premiers jours des quinze susdits en récollection ou retraite spirituelle, et le reste à disposer les matières qu’ils auront à traiter à la mission prochaine, à laquelle ils retourneront aussitôt ;

Et qu’ès mois de juin, juillet, août et septembre, qui ne sont pas propres à la mission, à cause que les gens des champs sont lors trop fortement occupés au travail corporel, lesdits Pères s’emploieront à catéchiser par les

 

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villages ès fêtes et dimanches et à assister les curés qui les réclameront, et à étudier, pour se rendre d’autant plus capables d’assister le prochain de là en avant pour la gloire de Dieu. Car ainsi le tout a été dit et convenu et accordé entre les partics, promettant, obligeant, chacun en droit, même lesdits seigneur et dame, pour l’entretènement de, présentes, solidairement l’un pour l’autre et chacun d’eux seul et pour le tout, sans divi6ion ni discussion, renonc, ant iceux seigneur et dame audit bénéice de division, ordre de droit de discussion et forme de fidéjussion.

Fait et passé en l’hôtel desdits seigneur et dame à Paris, rue Pavée, paroisse Saint-Sauveur, l’an mil six cent vingt-cinq, le dix-septième jour d’avril après midi et ont signé la minute des présentes, demeurée vers Le Boucher, l’un des notaires soussignés.

P. E. DE GONDY.

FRANÇOISE-MARGUERITE DE SILLY.

VINCENT DEPAUL.

DUPUYS. LE BOUCHER.

 

60. — ACTE PAR LEQUEL L’ARCHEVEQUE DE PARIS

APPROUVE LA CONGREGATION DE LA MISSION

(24 avril 1626)

Jean-Franc, ois de Gondy, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Apostolique archevêque de Paris, conseiller du roi en ses conseils d’Etat et privé, et grand maître de sa chapelle, à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut.

Savoir faisons que, vu par nous le contrat de fonda-

Document 60. — Arch. nat. M 209, original.

 

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tion passé par devant Jean Dupuys et Nicolas Le Boucher, notaires garde-notes du roi en son Châtelet de Paris, le 17 avril 1625, par notre très cher frère Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, marquis des Iles-d’Or, chevalier des ordres du roi, conseiller en ses conseils, lieutenant général ès mers de Levant et genéral des galères de France, et feu notre très chère sœur dame Françoise-Marguerite de Silly, baronne de Montmirail, etc…, son épouse, [au sujet (l)] de quelques ecclésiastiques qui s’emploient aux missions, à catéchiser, prêcher et faire faire confessions générales au pauvre peulple des champs, nous, archevêque de Paris susdit, avons reçu, loué et approuvé ledit contrat de fondation, comme, par ces présentes, nous le recevons, louons et approuvons, consentant que lesdits ecclésiastiques s’établissent et demeurent en cette ville de Paris, à la charge qu’ils n’iront en mission en notre diocèse qu’aux lieux que nous leur assignerons, et après avoir reçu notre bénédiction, ou celle de nos grands vicaires, et qu’ils nous rendront compte, à leur retour, de ce qu’ils auront fait auxdites missions.

Donné à Paris, sous le scel de notre chambre et seing du secrétaire ordinaire de notre archevêché, 1626, le 24 avril.

Signé par mondit seigneur archevêque de Paris.

BAUDOUYN.

 

61 — ACTE D’ASSOCIATION DES PREMIERS MISSIONNAIRES

(4 septembre 1626)

Nous Vincent de Paul,, prêtre et principal du collège des Bons-Enfants, fondé à Paris, joignant la porte

1). Texte de l’original : fait.

Document 61. — Arch. de la Mission, original de la main de M. du Coudray.

 

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Saint-Victor, faisons foi à tous qu’il appartiendra que, selon la fondation faite par Monseigneur Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, général des galères de France, et de feu dame Françoise-Marguerite de Silly, baronne de Montmirail et d’.autres lieux, son épouse, pour l’entretien de quelques ecclésiastiques, qui se lient et unissent ensemble pour s’employer, en manière de mission, à catéchiser, prêcher et faire faire confession générale au pauvre peuple des champs, selon qu’il est porté par le contrat de fondation passé devant Jean Dupuys et Nicolas Le Boucher, notaires et garde-notes du roi. au Châtelet de Paris, le dix-septième avril mil six cent vingt-cinq ; ladite fondation approuvée et autorisée par Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Jean-François de Gondy, arehevêque de Paris, du vingt-quatrième dudit mois mil six cent vingt-six ; par lequel contrat il nous est donné pouvoir de faire choix de tels ecclésiastiques que nous trouverons propres à l’emploi de ce bon œuvre ;

Nous, en vertu de ce que dessus, après avoir fait preuve, un temps assez notable, de la vertu et suffisance de François du Coudray, prêtre, du diocèse d’Amiens, de Messire Antoine Portail, prêtre du diocèse d’Arles, et de Messire Jean de la Salle, aussi prêtre, dudit diocese d’Amiens, avons iceux choisis, élus, agrégés et associés, choisissons, élisons, agrégeons et associons à nous et audit œuvre, pour ensemblement vivre en manière de congrégation, compagnie ou confrérie, et nous employer au salut dudit pauvre peuple des champs, conformément à ladite fondation, le tout selon la prière que lesdits du Coudray, Portail et la Salle nous en ont faite, avec promesse d’observer ladite fondation et le règlement particulier qui selon icelui sera dressé, et d’obéir tant à nous qu’à nos successeurs supérieurs, comme étant sous notre direction, conduite et juridiction. Ce que nous susnom-

 

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més du Coudray, Portail et de la Salle agréons, promettons et nous soumettons garder inviolablement.

En foi de quoi nous avons réciproquement signé la présente de notre propre main et fait mettre le certificat des notaires.

Fait à Paris, au collège des Bons-Enfants, ce quatrième jour de septembre mil six œnt vingt-six.

VINCENT DEPAUL. F. DU COUDRAY

A. PORTAIL. J. DE LA SALLE.

 

Aujourd’hui, date des présentes, sont comparus par devant les notaires et garde-notes du roi notre sire au Châtelet de Paris soussignés, Messire Vincent de Paul, aumônier royal des galères de France et principal du collège des Bons-Enfants, fondé en l’Université de Paris, y derneurant, proche la porte Saint-Victor, d’une part ; Messires François du Coudray, prêtre au diocèse d’Amiens, Antoine Portail, aussi prêtre, du diocèse d’Arles, et Jean de la Salle, aussi prêtre, dudit diocèse d’Amiens, d’autre ; lesquelles parties ont reconnu et confessé avoir écrit, savoir ledit du Coudray, et lui avec eux, signé de leur seing manuel duquel ils ont coutume d’user en leurs affaires, la convention ci-dessus écrite, laquelle ils promettent, chacun de leur part, entretenir et accomplir de point en point, selon sa forme et teneur, sans y contrevenir en aucune sorte et manière que ce soit, promettent et obligeant et renonçant.

Fait et passé en études l’an mil six cent vingt-six, le quatrième jour de septembre, avant midi ; et ont signé

VINCENT DEPAUL.

DU COUDRAY. PORTAIL. DE LA- SALLE.

SAULNIER CHARLES.

 

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62. — LETTRES PATENTES PAR LESQUELLES LE ROI

APPROUVE LA CONGREGATION DE LA MISSION

(Mai 1627)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir salut.

Notre amé et féal conseillEr en nos conseils et chevalier de nos ordres Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, notre lieutenant général ès mers de Levant et général des galères de France, nous a fait dire et remontrer que la feue dame Françoise-Marguerite de Silly, sa femme, mue de charité vers le pauvre peuple, ayant considéré pendant quelques années que les habitants des villes étaient assistés au spirituel par quantité de personnes de savoir et insigne piété, et que ledit pauvre peuple de la campagne demeurait seul privé de cette consolation et assistance, aurait, pour aucunement y remédier, donné et aumôné la somme de quarante-cinq mille livres, pour être mise en rente, et le revenu en provenant affecté et destiné, par manière de fondation, à la nourriture et entretènement de quelques ecclésiastiques de doctrine, piété et capacité ccnnues ; lesquels, associés ensemble et vivant en commun, ayant préalablement renoncé aux conditions et emplois desdites villes, s’appliqueront entièrement et purement à l’instruction spirituelle dudit pauvre peuple, allant, du consentement des prélats de ce notre royaume, chacun en l’étendue de son diocèse, prêcher, confesser, exhorter et catéchiser ces pauvres gens de village, sans en prendre aucune rétribution en quelque sorte ou manière que ce soit, nous suppliant humblement d’avoir ladite fondation pour agréable.

A ces causes, n’ayant rien tant en recommandation que les œuvres de semblables piété et charité, et dûment

Document 62. — Arch. nat. M 210, original.

 

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informé des grands fruits que lesdits ecclésiastiques ont jà faits en tous les lieux èsquels ils ont été en mission, tant au diocèse de Paris qu’ailleurs, et désirant, en cette occasion, gratifier et favorablement traiter ledit sieur général, savoir faisons que nous, de nos grâces spéciales, pleine puissance et autorité royale, avons, en agréant, autorisant et confirmant ladite fondation, dont le contrat est ci-attaché sous le contre-scel de notre chancellerie, permis et permettons par ces présentes, signées de notre main, auxdits ecclésiastiques de faire entre eux ladite congrégation et association pour vivre en commun et vaquer, du consentement desdits sieurs prélats, auxdits exercices de charité, à la charge qu’ils prieront Dieu pour nous et nos successeurs, ensemble pour la paix et tranquillité de l’Eglise et de cet Etat, défendant, à cette fin, à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’apporter aucun trouble et empêchements auxdits prêtres vivant en commun, à l’exercice de leurs fonctions et à leur habitation en tels lieux de notre royaume qu’ils désireront, voulant en outre qu’ils puissent et leur soit loisible d’accepter et recevoir tous legs et aumônes qui leur pourraient ci-après être faits, afin que, par le moyen d’icelles, ils vaquent d’autant plus facilement à l’instruction gratuite de nosdits pauvres sujets.

Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant nos cours de parlement, baillis, sénéchaux, prévôts ou leurs lieutenants etautres nos justiciers, officiers et sujets, faire jouir les prêtres de ladite société et congrégation de l’effet des présentes, et icelles garder et observer inviolablement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements à ce contraires ; car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit ferme et stable à toujours. nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

 

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Donné à Paris, au mois de mai de l’an de grâce mil six cent vingt-sept et de notre règne le dix-septième.

LOUIS.

Par le roi. DE LOMÉNIE.

 

63 ACTE D’UNION DU COLLEGE DES BONS-ENFANTS

A LA CONGREGATION DE LA MISSION

(8 juin 1627)

Joannes Franciscus de Gondy, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Parisiensis Archiepiscopus, Domini nostri Regis in suis Status et sanctiori Consiliis consiliarius, ac capellae regiae magnus magister, universis praesentes litteras inspecturis salutem in Domino.

Notum facimus quod, visis per nos : libello supplici nobis pro parte Magistri Vincentii de Paul, presbyteri Aquensis Dioecesis, in jure canonico licentiati, primarii et capellani primariatus et capellae domus seu gymnasii Bonorum Puerorum, vulgo des Bons-Enfants nuncupati, prope portam S. Victoris, in Academia Parisiensi quondam fundati, nobis porrecto et oblato, tendente ad fines uniendi, annectendi et incorporandi praemissum primariatum seu officium primarii et magistri, capellamque ejusdem collegii Bonorum Puerorum una cum eorumdem primariatus et capellae juribus et pertinentiis et redditibus universis, mediante cessione pura, libera et simplici dictorum primariatus et capellae per praedictum de Paul, gymnasiarcam ejusdem collegii, seu ejus legitimum propter hoc constitutum procuratorem, in manibus nostris, tanquam collatoris ordinarii facta seu facienda Societati seu Communitati presbyterorum Missionis per Illustrissimum et Excellentissimum Dominum Philippum Emmanuelem de Gondy, equitem utriusque ordinis, comitem de Joigny, marchlo-

Document 63. — Arch. nat. M 105, copie.

 

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nem Insularum Aurearum, fratrem nostrum germanum, et Dominam Franciscam Margaretam de Silly, baronissam de Montmirail, conjuges, conformiter ad contractum per eos insuper initum coram magistris… notariis regiis in Praepositura Parisiensi, die decima septima mensis aprilis anni Domini 1625 fundatae ; dicto contractu fundationis ut supra inito ; decreto homologationis praedicti contractus fundationis, quo apparet de approbatione et ratificatione nostris de daa diei vigesimae quartae aprilis anni Domini millesimi sexcentesimi vigesimi sexti, signato J. Baudouyn ; conclusionibus Promotoris ad hunc effectum assumptis ; ordinatione nostra in calce praemissi libelli supplicis apposita, virtute cujus Magister Dionysius Leblanc, insignis Ecclesiae nostrae Parisiensis Canonicus et Archidiaconus Briae, Vicarius noster Generalils, commissus et deputatus in hac parte a nobis, descendit supra loca, factaque eorumdem di. ligenti visitatione, informationes et inquisitiones extruxit super commodo et incommodo praemissae ac requisitae unionis et incorporationis praelibatae Societati et Communitati ; processu verbali praefati nostri Vicarii Generalis suiper praedicto descensu in praesentia Promotoris Curiae nostrae jam dicti confecto ; informationibus seu inquisitionibus super commodo vel incommodo prae missae ac requisitae unionis accuratissime compositis et auctoritate nostra confectis ; testimoniis quamplurimis super desuetudine in usu et antiquata cessatione scholarum in eodem collegio, tum etiam super caducitate et imminentibus ruinis singulorum aedificiorum, ejusdem Promotoris seu Cognitoris causarum officii curiae nostrae, cui omnia ex ordinatione nostra communicata fuere ; conclusionibu. s omnilbus denique et singulis litteris, actis et documentis hujusmodi negotium concernentibus ;

Visis accurate et mature examinatis quae in hac parte

XIII. — 14

 

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visenda erant et considcranda, nos, Parisiensis Archiepiscopatus, praefatus, quia nobis ex praemissis satis superque constitit et constat unionem, incorporationem et annexionem primariatus et capellae collegii Bonorum Puerorum Societati et Communitati presbyterorum Missionis in evidentem utilitatem Ecclesiae vergere et cedere, et propter rei de qua agitur instantem necessitatem et aequitatem juri conformem, verum etiam pro majore Dei gloria totiusque Ecclesiae ampliori et evidentiori commodo et emolumento reipublicae christianae, maxime vero hujus dioecesis longe auctiore et copiosiore bono ; attentis etiam specialibus incrementis et salutaribus fructibus per dictos presbyteros antedictae Missionis annis superioribus productis, tot et tantis laboribus pro fidelium animarum salute exantlatis, tot incredibilibus studiis et curis assiduis per eos susceptis ad levamen et solatium totius reipublicae christianae, nedum hujusce dioecesis, ut frequentibus stationibus in pagis et oppidis diversarum provinciarum hujus regni, tam ad catechisandos et informandos rudium animos, quam ad sublevandas plebeiorum per sacram exomologesim conscientias, praehabitis et expletis, aliisque pietatis, charitatum et religionis innumeris officiis per eos obitis et peractis, atque in posterulm (ut spes est) obeundis et exequendis, praelibatos primariatum seu officium primarii, necnon capellam seu capellaniam collegii Bonorum Puerorum in Universitate Parisiensi fundati ad collationem,, provisionem et quamvis aliam dis. positionem nostram, ratione Archiepiscopalis nostrae Parisiensis dignitatis, pleno jure existentes, liberos nunc et vacantes per resignationem Magistri Vincentii de Paul, illorum ultimi primarii et capellani, possessoris pacifici, hodie in manibus nostris, per Magistrum Petrum de Glanderon, presbyterum, canonicum S. Dionysii de Passu in Ecclesia Parisiensi, ejus procurato-

 

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rem, ad id ab eo specialiter constitutum, pure, libere ac simpliciter factam et per nos admissam, Sociietati et Communitati dictorum presbyterorum Missionis contulimus et donavimus, conferimusque et donamus, ac de illis suisque juri, bus et pertinentiis universis providimus et providemus per praesentes, dictosque primariatum et capellam ut supra vacantes dictae Societati et Communitati presbyterorum Missionis perpetuis et perennibiis temporibus, auctoritate nostra archiepiscopali et ordinaria, univimus, annexuimus et incorporavimus, unimus, annectimus et incorporamus per praesentes, ita ut requisitio et petitio antedicta plene et omnimode suum sortiatur effectum : ad onus tamen missas et divina officia per praedictos Patres Missionis posthac celebrandi seu celebrari faciendi et dicendi, necnon omnia alia exequendi quae per fundationes ejusdem collegii ab antiquo solita et constituta fuere, maxime vero ea quae continentur et praescribuntur in fundatione duorum bursariorum dicti collegii, et in testamento defuncti bonae memoriae Magistri Joannis Pluyette, presbyteri, dum viveret ejusdem collegii primarii ; itemque sub conditione pensionem annuam ducentarum librarum Turonensium, auctoritate apostolica creatam, constitutam et assignatam super omnibus et singulis dictorum prim. ariatus et capellae fructibus, juribus, proventibus, reddltibus et emolumentis universis, Magistro Ludovico de Guyard, doctori theologo, Sanctae Sedis Apostolicae protonotario, quoad vixerit, modo, loco et terminis in signatura apostolica dictae creationis hujusmodi pensionis contentis et expressis, persolvendi ; tandemque omnia et singula ad majorem Dei gloriam et Ecclesiae suae decus et honorem instituta, juxta praescriptum ordinem fundationis, creationis et institutionis praedicti collegii, una cum praemissae Missionis exercitio fovendi, tuendi, observandi, et exacte, integre et inviola

 

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biliter exequendi, sicut viri pietatis et religionis cultores solent, debent et tenentur, et non alias, aliter nec allo modo, statuimus et ordinavimus, statuimusque et ordinamus per prasentes, quamdiu dicta Communitas seu Societas presbyterorum Missionis duraverit ac in hujusmodi Missionis exercitio unita permanserit, praecipuam curam, regimen et directionem dictorum officii primariatusetcapellae saepedicti collegii Bonorum Puerorum, superiori Societatis et Congregationis seu Communitatis et domus dictorum presbyterorum Missionis committentes.

Quocirca primo presbytero vel notario apostolico super hoc requirendo, praesentium tenore mandamus quatenus praefatos presbyteros ejusdem Societatis Missionis in corporalem, realem et actualem possessionem primariatus et capellae praedictorum,, suorumque jurium et pertinentium universorum ponant et inducant, seu ponat et inducat eorum alter, ut moris est, desuper requisitus, in personam Superioris Congregationis seu Societatis dictae Missionis seu ejus procuratoris, nomine et pro eo, adhibitis solemnitatibus assuetis, jureque cujuslibet salvo.

In quorum praemissorum fidem et testimonium, has praesentes litteras per Magistrum Joannem Baudouyn, jure canonico licentiatum, publicum auctoritate apostolica, venerabilisque Curiae Archiepiscopalis Parisiensis notarium juratum, et Archiepiscopatus nostri Parisiensis secretarium ordinarium, fieri et signari, sigillique camerae nostrae fecimus et jussimus appensione communiri.

Datum Parisiis, anno Domini millesimo sexcentesimo vigesimo septimo, in consilio nostro, die octav. a mensis junii, praesentibus ibidem Magistris Petro Heudebert et Guillelmo Thomas, in Ecclesia nostra Parisiensi beneficiatis, testibus ad haec vocatis et rogatis

 

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De mandato praefati Illustrissimi et Reverendissimi Domini mei Domini Parisiensis Archiepiscopi.

BAUDOUYN.

 

64. — PRISE DE POSSESSION DU COLLEGE DES BONS-ENFANTS

AU NOM DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

(15 juillet 1627)

Anno Domini millesimo sexcentesimo vigesimo septimo, die decima quinta mensis julii, ego Petrus Legay, publicus auctoritate apostolica Curiaeque Archiepiscopali. s Parisiensis notarius juratus, debite immatriculatus, Parisiis, in vico novo Beatae Mariae Virginis, commorans, subsignatus, vi et virtute certarum litterarum collationis et provisionis ac unionis, annexionis et incorporationis primariatus et capellae domus seu gymnasii Bonorurn Puerorum, vulgo des Bons-Enfants nuncupati, prope portam S. Victoris, in alma Academia Parisiensi quondam fundati, per Illustrissimum et Reverendissimum Dominum Parisiensem Episcopum Societati seu Communitati presbyterorum Missionis nuncupatae factarum et concessarum, de data diei octavae mensis junii novissimi, de mandato praef. ati Illustrissimi et Reverendissimi Domini mei Domini Parisiensis Archiepiscopi Baudouyn signatarum et debite sigillatarum, eosdem presbyteros Societatis Missionis in corporalem, realem et actualem possessionem praedictorum primariatus et capellae collegii Bonorum Puerorum suorumque jurium et pertinentium universorum in personam venerabilis viri Magistri, Vincentii de Paul, presbyteri Aquensis dioecesis, jure canonico licentiati, superioris dictae

Document. 64 — Arch. nat. M 105, copie. Antoine Portail avait déjà pris possession du collège des Bons-Enfants, au nom personnel de saint Vincent le 6 mars 1624. (Arch. nat. M 105)

 

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Congregationis seu Societatis hujusmodi Missionis, praesentibus et secum assistentibus Magistris Francisco Coudray, Joanne de la Salle, Joanne Bécu et Antonio Lucas, presbyteris ejusdem Societatis, in Dei nomine posui et induxi, idque per liberum ingressum tam dictae domus seu collegii et ejus locorum, quam capellae ejusdem, aquae benedictae acceptionem, fusionem precum Deo, genibus flexis ante altare dictae capellae, ejusdem altaris osculum, campanulae in dicta domo existentis pulsum, obtentionem et exhibitionem praedictarum litterarum collationis et unionis et per alias solemnitates in talibus assuetas, quam quidem possessionis immissionem, ne quis ullam ignorantiae causam praetendere possit, omnibus illic astantibus alta et intelligibili voce, juxta edictum regium, publicavi et notificavi, requisitus, cui nullus se opposuit nec contradixit.

De quibus praemissis idem Dominus Vincentius de Paul, superior dictae Societatis presbyterorum Missionis, petiit a me dicto notario subsignato actum seu publicum instrumentum unum vel plura sibi fieri atque tradi.

Acta fuerunt haec in collegio et capella praefatis, circiter horam octavam matutinam, praesentibus ibidem antedictis Dominis Francisco Coudray, Joanne de la Salle, Joanne Bécu et Antonio Lucas, necnon Joanne Jourdain, laico, Jacobo Regnier, clerico Ambianensis dioecesis, in dicto collegio degentibus, et aliis testibus.

LEGAY,

notatius praedictus.

 

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65. — LETTRES PATENTES DU ROI POUR L’UNION

DU COLLEGE DES BONS-ENFANTS A LA MISSION

(15 septembre 1627)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement à Paris, prévôt dudit lieu, son lieutenant et autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, salut.

Nos bien amés les prêtres de la Mission, fondés le 17 avril mil six cent vingt-cinq en cestui notre royaume, de notre autorité et consentement, par le sieur comte de Joigny, chevalier de nos ordres, notre lieutenant général ès mers de Levant et général des galères de France, et feu dame Françoise-Marguerite de Silly, baronne de Montmirail, son épouse, pour aller de village en village prêcher, confesser, instruire et catéchiser gratuitement le pauvre peuple de la campagne, nous ont fait dire et remontrer que, le sieur archevêque de Paris ayant uni, annexé et incorporé à leur communauté à perpétuité, par acte du 8è juin dernier, le logis, principauté et chapelle du collège des Bons-Enfants, sis en notre bonne ville de Paris, joignant la porte Saint-Victor, sur la résignation qui en avait été faite en ses mains par Messire Vincent de Paul, prêtre du diocèse d’Acqs, licencié en droit canon, dernier titulaire et paisible possesseur desdits collège et chapelle, ils en auraient pris possession par autre acte du 15 juillet en suivant, nous requérant, pour la sûreté et validité de la chose, leur accorder nos lettres à ce nécessaires.

A ces causes, après avoir fait voir en notre conseil lesdits actes d’union et prise de possession y attaché sous le contrescel de notre chancellerie, et dûment infor-

Document 65. — Arch. nat. M 105, copie.

 

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més de la charité que les prêtres de ladite Mission exercent journellement à la consolation et salut des âmes de nosdits pauvres sujets, nous, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, avons loué, gréé, confirmé et approuvé, louons, gréons, confirmons et approuvons par ces présentes, signées de notre main, ladite union de ladite principauté et chapelle dudit collège des Bons-Enfants faite en faveur desdits prêtres de ladite Mission, à condition toutefois que ledit collège demeurera soumis et dépendra du recteur de l’université dudit lieu en la même forme et manière qu’il l’était ci-devant et tout ainsi que les autres collèges de ladite université, et que les prêtres de ladite Mission seront tenus observer et entretenir toutes les charges portées par les fondations desdits collège et chapelle ; voulons et nous plaît que lesdits prêtres de ladite Mission et leurs successeurs à perpétuité en jouissent, ensemble des maisons, droits, honneurs, privilèges, fruits et revenus y appartenants et qui en dépendent, tant et si longuement qu’ils s’appliqueront à l’œuvre desdites missions.

Si, vous mandons et commettons par cesdites présentes que lesdits actes d’union et prise de possession vous ayez à faire registrer au greffe de notredite cour, et du contenu en iceux jouir et user pleinement, paisiblement et à toujours lesdits prêtres de ladite Mission, sans leur mettre, ni souffrir leur être fait, mis ou. donné aucun trouble ou empêchement au contraire ; car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, le 15è septembre, l’an de grâce mil six cent vingt-sept, et de notre règne le dix-huitième

LOUIS.

Par le roi. LE BEAUCLERC.

 

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FACULTÉS ACCORDÉES AUX PRETRES DE LA MISSION PAR L’ARCHEVEQUE DE PARIS

(10 avril 1626)

Joannes Franciscus de Gondy, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Parisiensis Archiepiscopus, Christianissimi Domini Regis in suis Status et Sanctiori consiliis ac capellae regiae magnus Magister, dilecto nostro Venerabili viro Domino Vincentio de Paul, presbytero, jurium licentiato, primario collegii Bonorum Puerorum in Universltate Parisiensi fundati, salutem in Domino.

Nos, de tuis ac sociorum tuorum sufficientia, doctrina, probitate et experientia debite informati, te ad infrascripta commisimus et committimus per praesentes, dantes et concedentes tibi ac aliis, personis ecclesiasticis sociis tuis per te deputatis auctoritatem, potestatem et facultatem eundi per omnes civitates, oppida et pagos hujus nostrae Parisiensis Dioecesis et docendi populum doctrinam christianam, absolvendi quascumque personas a censuris ecclesiasticis et casibus nobis reservatis, erigendi confraternitatem Charitatis in quibus locis utile videbitur, et erectas visitandi, commutandi vota, concedendii indulgentias easdem quas nos ipsi concedere possemus, si praesentes personaliter interessemus, vices nostras in omnibus et singulis tibi in hac parte et pro tempore quo nobis libuerit, donec revocemus, committentes. Quocirca omnibus decanis, capitulis, prioribus, conventibus, curatis, vicariis et praedicatoribus nobis subditis, auctoritate nostra ordinaria, praesentium tenore, mandamus quatenus te et socios tuos ad suprascripta exercenda in suis ecclesiis libenter convocent et praemoneant.

Datum Parisiis sub sigillo camerae nostrae, anno Do-

Document 66. — Arch. hospit. de Brie-Comte-Robert II A 1,

 

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mini millesimo sexcentesimo vigesimo octavo, die decima aprilis.

De mandato praefati Illustrissimi et Reverendissimi Domini Domini Parisiensis Archiepiscopi.

BAUDOUYN.

 

67. — LETTRE DU NONCE AU CARDINAL LUDOVISIO

(21 juin 1628)

Illustrissimo e Reverendissimo Signore e pronipote mio colendissimo,

…I Padri della Missione istituita già dalla defunta marchesa di Giogni, che fu moglie del Generale delle Galere, ora il Padre Gondy nell’Oratorio, domandano l’approvazione della Sacra Congregazione con alcuni privilegi contenuti nell’acclusa loro supplica, quale raccomando riverentemente a Vostra Signoria Illustrissima, in quello che gli parerà ragionevole, potendola avvertire, con ogni franchezza che le persone dei Missionari son d’ottimi costumi, e l’istituto loro è molto necessario, e sarà fruttuosissimo nelle diocesi di questo regno, nelle quali lo praticheranno. E qui faccio fine col baciare a Vostra Signoria Illustrissima umilmente le mani.

Di Vostra Signoria Illustrissima e Reverendissima. umilissimo e devotissimo servitore.

GIOV. FRANCESCO (1)

arcivescovo, vescovo di Cervia.

Da Chives, nel campo sotto la Roccella, li 21 giugno 1628.

Document 67. — Arch. de la Propagande, III, Lettere di Francia, Avignone e Suizzera, 1628, n° 138, fo 28,’original.

1). Jean-François Guidi.

 

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68. — LETTRE DU ROI LOUIS XIII AU PAPE URBAIN VIII

(24 juin 1628)

Très Saint-Père,

Le fruit et grande édification que reçoivent nos sujets de la campagne de la bonne assistance et instruction qui leur est donnée par les prêtres de la Mission fondés pour aller de village en village prêcher, exhorter, confesseret catéchiser le pauvre peuple, sans en prendre aucune rétribution temporelle, nous fait désirer aue cette Mission se forme en un établissement tel qu’elle puisse s’accroître et durer pour l’avenir. C’est pourquoi nous faisons cette lettre à Votre Sainteté pour la supplier de toute notre affection à ce que son bon plaisir soit de favoriser et appuyer par son autorité un si saint, louable et utile dessein, érigeant la Mission desdits prêtres en congrégation formée, selon les instances qui lui en seront faites en notre nom par le sieur de Béthune, notre ambassadeur, auquel nous remettant, nous prions Dieu, très Saint-Père, qu’il veuille Votre Sainteté longuement garder et maintenir conservée au gouvernement et régime de notre mère Sainte Eglise.

 

69. — LETTRE DU ROI LOUIS XIII A M. DE BÉTHUNE.

AMBASSADEUR DE FRANCE PRES LE SAINT-SIEGE

(24 juin 1628)

Monsieur de Béthune,

Vous verrez par la lettre que j’écris au Pape l’appui

Document 68. — Arch. du minist. des Aff. Etrang., Correspondance de Rome, 1628, vol. 41, fol. 124. Il est dit en marge que la lettre est écrite du camp de La Rochelle.

Document 69. — Arch. du minist. des Aff. Etrang, Correspondance de Rome, 1628, vol. 41, fol. 124. On lit cette note en marge de la lettre du roi au Pape : "Au Pape et à M. de Béthune, en faveur des Pères de la Mission, du 24 juin, au camp de La Rochelle."

 

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et instance que je lui fais, à ce qu’il plaise à Sa Sainteté ériger en congrégation les prêtres de la Mission fondés pour aller de village en village prêcher, exhorter, confesser et catéchiser le pauvre peuple de la campagne sails aucune rétribution temporelle, étant comme exhorté à cette instance par le fruit et grande édification que j’apprends que reçoivent mes pauvres sujets des visites, assistances et instructions dedits prêtres. C’est pourquoi je désire que fassiez près Sa Sailnteté et ailleurs où il sera besoin tous les offices nécessaires pour parvenir à l’effet de mon intention, à quoi m’assurant que vous vous emploierez avec soin, comme en chose qui regarde la gloire et service de Dieu et la consolation de mes pauvres sujets, je ne vous en ferai plus longue lettre.

 

70. — LETTRE DU NONCE A MGR INGOLI,

SECRETAIRE DE LA PROPAGANDE

(23 juillet 1628)

Molto Illustrissimo Signor mio,

I presbiteri della Mis. sione istituita dalla defunta marchesa di Giogni, che fu moglie del Generale delle Galere, ora il Padre Gondi, mi hanno dato per inviar costà l’accluse lettere del Re per l’Illustrissimo Signore e per Monsignore di Bettuna, commendatizie della negoziazione dell’approvazione che costi alla Congregazione si tratta dei loro privilegi. Io ho creduto non poterle mandare in miglior mano che in quella di Vostra Signoria che, se ne potrà servire secondo il bisogno, e secondo gli parerà opportuno. Io nel resto gli raccomando la spedizione suddetta molto eficacemente per

Document 70. — Arch. de la Propagande, III, Lettere di Francia, Avignone e Suizzera, 1628, n° 130, f° 33, original.

 

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l’utilità che son certo che apporterà alle anime e ricordandole il mio solito affetto, le bacio di tutto cuore le mani.

Di Vostra Signoria servitore affettuosissimo.

GIOV. FRANCESCO,

arcivesco, vescovo di Cervia.

Da Chives, nel campo sotto la Roccella, li 23 di luglio 1628.

 

71. — LETTRE DU NONCE AU CARDINAL LUDOVISIO

(15 août 1628)

Illustrissimo e Reverendissimo Signore pronipote colendissimo,

Mandai a Vostra Signoria Illustrissima sotto il 21 di giugno passato una supplica diretta all’Illustrissimo Signore dei sacerdoti della Missione istituita dalla Marchesa di Giogni, già moglle del Padre Gondi ; ora i medesimi me ne hanno dato una nuova ed è l’allegata, nella quale hanno aggiunto qualche altra grazia, che chiedono alla Santa Sede, e mi pregano non solo d’inviarla, ma di raccomandarla caldissimamente alla benignità di Vostra Signoria Illustrissima, il qual peso prendo volontieri, conoscendo l’utilità grande, che con probabilissima certezza, si puo sperare da questa congregazione. Le domande delle quali sarà a Vostra Signoria Illustrissima di regolare, come giudicherà espediente, e la presta spedizione, accelererà l’im. piego di questi buoni sacerdoti a ri, durre le anime al grembo di Santa Chiesa, e svilupparle dai peccati ; e qui finisco baciando a Vostra Signoria Illustrissima umilmente le mani.

Document 71. — Arch. de la Propag., vol. III, Lettere di Francia, Avignone e Suizzera, 1628, n° 130, f° 35, original.

 

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Di Vostra Signoria Illustrissima e Reverendissima umilissimo e devotissimo servitore.

GIOV. FRANCESCO,

arcivescovo, vescovo di Cervia.

Dal campo sotto la Roccella, li 15 d’agosto 1628.

 

72. — RAPPORT PRÉSENTÉ A LA PROPAGANDE

SUR LA SUPPLIQUE DE SAINT VINCENT DE JUIN 1628

(22 août 1628 (1))

Della Missione dei Conti de Giogni

I sacerdoti secolari della Missione di Francia dotata dai Conti e contessa di Giogni, sotto la direzi. one e prefettura di D. Vincenzo di Paolo, sacerdote Aquense ; dopo aver raccontati i frutti, che hanno fatto in diverse diocesi di Francia, predican, do e confessando nei castelli e ville di quelle e levando le inimicizie e introducendo la pace, convertendo eretici e facendo diverse altre opere a benefizio del prossimo, e tutto cio con licenza degli Ordinari, risoluti d’erigere e fondare una congregazione di sacerdoti sotto il titolo di missionari, supplicano Vostra Signoria a degnarsi d’approvarla e confermarla con la sua autorità apostolica con le infrascritte condizioni e facoltà.

1. Che Sua Santità faccia Preposito generale il detto D. Vincenzo di Paolo ;

2. Che si possano aggregare altre Congregazioni in altre diocesi a questa principale e in esse ricevere dei soggetti ;

3. Che siano i sacerdoti esenti dalla giurisdizione de-

Document 72. — Arch. de la Propag., III, Lettere dt Francia, Avignone e Suzzera 1628, f° 30

1). Date mise au dos du document.

 

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gli Ordinari ita tamen ut tamenmissionibus et in pertinentibus ad eas siano obbligati ad obbedire ai medesimi Ordinari ;

4. D’istituire confraternite della Carità per sovvenire corporalmente e spiritualmente gli infermi ;

5. Di fare statuti e costituzioni non contrarie alle costituzioni Pontificie e decreti dei Concili, e particolarmente del Tridentino, e di mutarli, come nelle altre con~gregazioni o religioni ;

6. Di queste Congregazioni capaci dei legati e beni, di comunicare loro le facoltà dei Missionari come brevemente si spiega in fine della loro supplica.

Il Nunzio di Francia con lettere della Roccella del 21 giugno 1628 raccomanda quest’opera alla Sacra Congregazione in quello che parerà ragionevole ; accertando che le persone presenti. della Congregazione sono di ottimi costumi e che l’istituto loro è molto necessario, e sarà fruttuosissimo nelle diocesi di quel regno

Osta a questa Congregazione che per introduzione di una nuova Religione e con l’esenzione degli Ordinari, si pregiudica loro notabilmente, perchè moti sacerdoti per fuggirla si ritireranno in questa Congregazione, e in questa maniera il clero secolare si andrà debilitando e scemando, al quale in tanta moltitudine di Religioni è bene aver l’occhio ; acciò si conservi perchè in effetto si vede che i Sacri Canoni hanno sempre avuta questa mira con proibire che i benefizi secolari non si danno ai Regolari, perchè, levati questi, il clero secolare necessariamente cadrebbe, e con ordinare seminari can tanta diliigenza e accuratezza, come si vede nel Sacro Concilio di Trento, che ha voluto anche gravare i Regolari non mendicanti a contribuire all’erezione di quelli, avendo i suddetti Canoni la mira, che restando la Chiesa in mano dei Regolari, che hanno per principal fine di mantenere

 

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e aumentare le loro Religioni, senza aver altro riguardo, facilmente si dissolverebbe la Gerarchi a Ecclesiastica.

Osta ancora che se s’istituisse una Religione, che abbia per iscopo le Missioni, come è appunto questa Congregazione, che poi fatta grossa vorrà esser religione formata, le altre Religioii si sdegneranno, e non somministreranno Missionari alla Sacra Congregazione.

Giudizio

Pero sarei di parere che, atteso i presenti bisogni di Francia, s’istituisca per decreto della Sacra Congregazione, la Missione dei suddetti sacerdoti con facoltà ampie per totum regnum Galliae de licentia 0rdinariorum la quale si potesse aumentare sino al numero di 20 o 25 sacerdoti, e non più, senza darle forma di Congregazione nè di confraternita : perchè non patisce questi titoli, nè questi legami la natura della Missione, essendo necessario spesse volte di mutare le persone dei Missionari per diversi accidenti, e dovendo cessare la Missione, cessando il bisogno, percio si potrebbe servire al nunzio queste e le altre sopraddette conslderazioni, con ordinargli che faccia sapere ai suddetti sacerdoti, che la Sede Apostolica non giudica bene d’istiuire nè Religioni, nè confraternite, nè Congregazioni di Missioni, perchè oltre che a questi legami ripugna la natura delle Missioni, ripugna ancora la perpetuità delle Congregazioni, Religioni e confraternite alle stesse Missioni, che s’istituiscono per bisogni, che cessano con la conversione dei popoli ai quali si mandano.

 

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73. — DECISION DE LA PROPAGANDE SUR LA SUPPLIQUE

A ELLE ADRESSÉE PAR SAINTVINCENT EN JUIN 1628

(22 août 1628)

Die 22 augusti 1628.

Fuit congregatio in Quirinali coram Sanctissimo, Cui interfuerunt sex cardinales, videlicet Millinus, Borgia, Ubaldinus, Bentivolus, Ludovisius et Sancti Onufrii et Reverendissimi Domini Corsius et Toniellus…

9. Referente eodem Illustrissimo Domino Cardinali Bentivolo litteras Nuntii Galliae ac pettiones D. Vincentii de Paulo, Sacerdotis Aquensis, praefecti Missionis institutae ac dotatae a Dominis comitibus de Joigny, Sacra Congregatio, considerans illas petitiones termmos Missionis transgredi ac ad institutionem novae religionis tendere censuit eas esse omnino rejiciendas ac Nuntio praedicto scribendum ut, juxta considerationes in positione hujus negotli recensitas, dicto D. Vincentio ac sociis suadeat ut in simplicibus Missionis terminis permaneant, quia Illustrissimi praesules confirmationem illius a Sanctissimo Domino Nostro et facultates quae pro gallicis missionibus concedi consueverunt, a Sancto Officio procurabunt.

 

74. — LETTRES PATENTES POUR ORDONNER

AU PARLEMENT D’ENTÉRINER LESLETTRES DE MAI 1627

(15 février 1630)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, a nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement à Paris, salut. Par nos lettres patentes du mois de mai mil six cent

Document 73. Acta Congregationis de Propaganda fidee anno 1628 et 1629, fol.110, etc…

Document 74. — Arch. nat. M 210, imprimé.

XIII. — 15

 

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vingt-sept, ci-attachées sous le contre-scel de notre chancellerie, nous aurions, pour la gloire de Dieu et soulagement spirituel de nos sujets résidant en la campagne, agréé, autorisé et confirmé la fondation faite dès le 17 avril 1625 par Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, lors général de nos galères et à présent prêtre de la Congrégation de l’Oratoire, et feu dame Françoise-Marguerite de Silly, son épouse, pour la nourriture et entretènement de quelques ecclésiastiques de doctrine et insigne piété, lesquels, associés ensemble et vivant en commun, se voulussent entièrement adonner à l’instruction spirituelle dudit pauvre peuple, allantr du consentement des prélats de notre royaume, prêcher, confesser, exhorter et catéchiser de village en village, sans en prendre ni recevoir aucune rétribution. De l’effet de nosquelles lettres vous pourriez faire difficulté de laisser jouir lesdits prêtres ainsi associés, sur ce quer tant pour leurs occupations ordinaires que divers empêchements à eux survenus, ils ne vous les auraient pu présenter, ni en demander l’entérinement dans le temps de nos ordonnances ; ce qu’ils désireraient faire maintenant, nous suppliant à cette fin leur accorder autres nos lettres patentes sur ce nécessaires.

A ces causes, et attendu que cette instruction gratuite dudit pauvre peuple est un œuvre purement évangélique et que lesdits prêtres ont causé de très grandes conversions et amendements de vie par tous les lieux où ils ont été en mission, nous voulons et vous mandons par ces. présentes qu’à la présentation que lesdits prêtres associés et vivant en commun vous feront de nosdites lettres d’approbation de leur Institut, vous ayez à les entériner, et du contenu en icelles faire et laisser jouir lesdits prêtres, tout ainsi que s’ils les vous avaient présentées dans les temps de nosdites ordonnances, et qu’elles Ine fussent surannées ; car tel est notre plaisir.

 

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Donné à Paris, le quinzième jour de février, l’an de grâce mil six cent trente, et de notre règne le vingtième.

LOUIS

DE LOMÉNIE.

 

75 — OPPOSITION DES CURES DE PARIS

A L’APPROBATION DE LA CONGREGATION DE LA MISSION

Causes d’opposition que baille par devant vous nos seigneurs tenant le parlement, M. Etienne le Tonnelier, prêtre, docteur en la faculté de théologie, syndic des curés de cette ville et faubourgs de Paris, tant en son nom que, pour et au nom des curés du diocèse opposants à la vérification de certaines lettres patentes du mois de mai de l’an mil six cent vingt-sept, contre les prêtres soi disant et qualifiant prêtres de la Mission, demandeurs, à l’entérinement desdites lettres.

Pour montrer à la cour qu’en cas qu’il lui plaise passer outre à la vérification desdites lettres, autoriser la congrégation et association desdits prêtres et qu’elle soit jugée n’être pas contre la paix et tranquillité de l’Eglise et de l’Etat, du moins qu’ayant égard à ladite opposition et y faisant droit, il plaira à la cour ordonner trois choses.

La première, qu’ils renonceront à tout emploi dans les paroisses et églises de toutes les villes du roy. aume.

La seconde, que, s’employant, comme ils le promettent, à l’instruction spirituelle du pauvre peuple de la campagne, ils ne pourront entrer dans aucune église que par mission expresse de l’évêque du diocèse, congé et attache du curé ou prieur-curé de ladite église, et qu’ils ne pourront faire aucune fonction pendant les heures ordinaires du service accoutumé être fait dans chacune

Document 75. — Arch. nat., M 210, original.

 

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desdites églises et sans, au surplus, pouvoir prétendre aucun salaire ou rétribution, soit sur le bénéfice, soit sur au~un des habitants de l’église en laquelle ils pourraient dire avoir prêché, exhorté, confessé ou catéchisé, et qu’ils seront tenus faire le tout gratuitement, tant pour le présent qu’à l’avenir. Auxquelles fins, l’opposant présente à la cour que les curés de la ville de Paris, avertis que les prêtres soi disant et qualifiant prêtres de la Mission délibéraient d’ériger leur congrégation, et qu’en conséquence des fondations faites par la défunte dame générale des galères pour la nourriture et entretènerrent de quelques ecclésiastiques de doctrine, piété et capacité connues, destinés à l’instruction spiriluelle du pauvre peuple de la campagne, ils poursuivaient l’entérinement des lettres patentes qu’ils ont obtenues à l’effet d’ériger et mettre à sus ladite congrégation, ont résolu de s’opposer à la vérification desdites lettres, et, pour ce faire, ont passé procuration audit Tonnelier, leur syndic, qui est l’opposition laquelle se présente maintenant à faire ; opposition que la cour remarque n’être point contraire à une si sainte institution, ni pour empêcher aucune congrégation tendante au bien de l’Eglise ; car la profession que font lesdits curés est toute contraire. Mais la cour aura, s’il lui plaît, agréable qu’eux, demeurant en cette ville de Paris,. aient entrepris de former cette opposition, non à l’effet d’empêcher cette congrégation, si tant est que la cour le juge être pour la paix et tranquillité de l’Eglise et Etat, et à l’édification et instruction du pauvre peuple, mais afin que, sous le prétexte de piété, il n’arrive point de trouble et de dissention dans les églises sous le prétexte de cette nouvelle institution.

On voudra par aventure dire que les curés de Paris n’avaient que faire de former opposition, vu que l’une des principales clauses et conditions de leur future congré-

 

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gation est que lesdits ecclésiiastiques renonceront à tout emploi dans la ville. Mais ils ont estimé que ce n’était pas assez que lesdits ecclésiastiques y renonceront, si ce n’est qu’il plaise à la cour les obliger et astreindre, et ordonner que nul d’entr’eux ne pourra entrer dans ladite congrégation qu’il ne soit obligé de faire ladite renonciation très expresse, afin qu’à l’avenir ls ne puissent prétexter du défaut de ladite renonciation pour faire des entreprises sur les curés.

Car combien que toutes telles congrégations, de prime abord et en la source de leur première institution, soient très pures et fondées dans l. a considération de la plus éminente piété, si est-ce que, dans la suite des années l’ambition et l’avarice. les change entièrement ; et se peut dire, au fait particulier de cette cause, que, si la cour n’y met bon ordre dès le commencement, cette institution va à faire un partage et à prétendre qu’en une même paroisse il y doive avoir deux supérieurs, l’un pour célébrer le service, faire les fonctilons curiales ; et l’autre qui, ne se mêlant point des services, fera la fonction de prêcher, exhorter et catéchiser. Et lorsqu’il y en aura bon nombre, soit dans les petites villes, soit dans les villages, ils vou. drons partager le revenu des cures et diront que, servant à la même église, il faut qu’ils soient récompensés du même revenu d’icelle, qui est un premier inconvénient, que la cour est suppliée de vouloir pourvoir d’autant plus curieusement, que plusieurs congrégations se trouvent déjà voir été établies sous de pareils prétextes, qui demeurent ou inutiles ou sans fruits, ou, si elles font aucun fruit, c’est en empiétant par ladite congrégation les cures des petites villes et bourgs de la campagne, dont elle s’empare journellement. Et quand bien on voudrait dire qu’au moyen de ce que, dans lesdites lettres patentes, il est fait expresse mention de la renonciation préalable que feront lesdits

 

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ecclésiastiques à toute sorte d’emploi dans les villes, lesdits curés de la ville et faubourgs de Paris sont hors de tout intéret, si est-ce qu’ils ont estimé qu’il était de leur charitable devoir de s’opposer encore, pour tous les curés de la campagne et villages de tous les diocèses de France, à ce que à l’avenir il ne leur puisse arriver aucun trouble en conséquence de ladite nouvelle institution et érection. Et aura la cour, s’il lui plaît, agréable de prendre par la bouche du sieur syndic et curés de Paris ce que lesdits curés de la campagne lui représenteraient s’ils étaient avertis de la procédure qui se fait pour parvenir à la vérification desdites lettres.

Leur premier interêt, que la cour aura agréable de lui être représenté, est que, comme il n’est pas de la décence et de l’ordre de l’Eglise qu’aucun vienne dedans une paroisse pour y célébrer ou faire aucun ministère ecclésiastique, si ce n’est par le congé de celui qui a le titre de curé, qu’aussi il plaise à la cour, en procédant à la vérification, d’ordonner qu’ayant eu mission de l’évêque, ils seront tenus de prendre ladite permission du curé, ainsi que toujours il a été observé, que tous vicaires, chapelains et prêtres qui. ont désir de s’habituer dans une église doivent prendre la permission et licence du curé, et ainsi a-t-on toujours vécu dans l’ordre hiérarchique de l’Eglise, qu’il ne serait pas raisonnable de troubler par l’érection de cette nouvelle congrégation.

Le second intérêt qu’a l’Eglise en la personne de tous les curés en général est que celui qui aura cette mission de l’évêque et permission du curé soit tenu et obligé de déférer aux heures des services de tous temps accoutumés d’être dits et célébrés dans les églises, comme matines et heures canoniales ès églises où elles se chantent, heures de prédication, heures de vêpres, parce que, s’il advenait que ce nouveau prêtre de la Mission vînt à en abuser et à vouloir prendre les heures ordinaires du ser-

 

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vice, il est certain que de cette institution il adviendrait plus d’abus et de scandale que d’édification, pource que ce ne serait que rixes et querelles journalières, lesquelles surviendraient entre les prêtres ordinaires et ceux de cette extraordinaire Mission, laquelle extraordinaire Mission serait inutile si les évêques soigneux à leur troupeau ne donnaient point les cures qu’à personnes de piété et capacité connues Auquel cas, un curé serait suffisant pour célébrer le service, pour prêcher et catéchiser.

Doncques la cour, s’il lui plait, remédiera à ce point, que cette nouvelle Mission extraordinaire ne nuise point aux fonctions de l’ordinaire. Le troisième intérêt, non seulement des curés en leur particulier, mais de toute l’Eglise, est que, par l’arrêt de la cour qui interviendra, soit à tous ces nouveaux prêtres de la Mission retranchée et ôtée l’espérance de pouvoir jamais prétendre, ni demander, soit sur le bénéfice de l’église où ils entreront, soit sur le peuple, aucune rétribution de salaire, ains qu’ils se contenteront des fondations faites pour leur congrégation ; à quoi il est d’autant plus nécessaire de pourvoir, qu’il est certain que, quelque prétexte qu’ils prennent, en cette nouvelle institution, de refuser, leur intention n’est autre sinon de parvenir insensiblement à un partage des bénéfices et à faire dire à l’avenir que le revenu des cures sera divisé et partagé pour en être baillé moitié au curé faisant le service, l’autre moitié à celui qui, aura la mission de l’évêque pour prêcher et catéchiser ; pour obvier auxquels maux la cour est suppliée par sa prudence accoutumée de vouloir remédier et obvier de bonne heure à toute sorte de mauvais desseins que l’on pourrait couver sous le prétexte de cette pieuse institution et congrégation.

 

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Par ces moyens persiste l’opposant aux fins de bonne opposition et conclut.

LE FÉRON.

Le 4 décembre 1630.

 

76. — ENREGISTREMENT AU PARLEMENT DES LETTRES

PATENTES DE MAI 1627 ET DU 15 FEVRIER 1630

(4 avril 1631)

Vu p. ar la cour, les grancles chambres, Tournelle et de l’Edit, assemblées : les lettres patentes données à Paris au mois de mai 1627, signées "Louis" et sur le repli "Par le roi, de Loménie" et scellées sur lacs de soie du grand sceau de cire verte, par lesquelles ledit seigneur confirme la fondation faite par Messire Phililppe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, lors général des galères et à présent prêtre de la congrégation de l’Oratoire de Jésus, et de défunte dame Françoise-Marguerite de Silly, son épouse, pour la nourriture et entretènement de quelques ecclésiastiques de doctrine, piété et caapacité connues, pour faire entre eux une congrégation et association sous le nom de prêtres de la Mission, vivre en commun, vaquer, du consentement des prélats de ce royaume, chacun en l’étendue de son diocèse, aux exercices de la charité et instruction spirituelle du peuple de la campagne, comme plus au long est contenu par lesdites lettres ; autres lettres patentes, du quinzième février mil six cent ttrente, à fin de vérification desdites lettres ; le contrat de fondation passé par devant Dupuys et Boucher, notaires, le dix-septième avril mil six cent vingt-cinq, au bas duquel est le consentement et approbation de François de Gondy, archevêque de Paris, du vingt-quatrième avril mil six cent vingt-six ; requête présentée à la cour par lesdits prêtres de ladite Mission à fin d’entérinement desdites lettres ; acte du

Document 76 — Arch. nat. M. 210, original.

 

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quatrième décembre mil six cent trente, contenant l’opposition formée par Maître Etienne Tonnelier, docteur en théologie en l’université de Paris, curé de Saint-Eustache, syndic des curés de cette ville et faubourgs, à la vérification desdites lettres ; causes et moyens de ladite opposition ; requète desdits prêtres de ladite Mission, contenant leurs réponses et déclaration qu’ils renonçaient à perpétuité à faire la mission et s’employer ès villes de ce royaume où il y aura archevêché, évêché ou présidial, et à tous profits, émoluments, oblations, quêtes, troncs et rétributions de salaires sur le revenu des cures, ou sur les habitants des paroisses où ils iront faire lesdites missions, ni de faire aucunes fonctions dans lesdites paroisses pendant les heures destinées pour la célébration du service divin ; conclusions du procureur général du roi ; et tout considéré ;

La cour, sans s’arrêter à ladite opposition, a ordonné et ordonne que lesdites lettres et contrat seront registrés au greffe d’icelle, pour être exécutés selon leur forme et teneur ; et à la charge néanmoins que lesdits prêtres de la Mission ne pourront s’habituer en aucun diocèse qu’avec la permission de l’évêque diocésain, ni exercer leurs fonctions que du consentement tant dudit sieur évêque que des curés des paroisses où ils iront, et sans pouvoir faire aucunes de leurs fonctions et exercices en icelles pendant le service divin, qui puissent troubler l’ordre d’icelui, ni, pour raison de ce, prétendre aucuns profits, émoluments, récompenses, oblations, quêtes, troncs ou autres rétributions, soit sur les dîmes, curés ou habitants desdites paroisses, auxquelles toutefois ils seront tenus d’aller, quand il leur sera ordonné par les éveques diocésains.

Fait en parlement, le quatrième jour d’avril mil six cent trente-un.

DU TILLET.

 

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77. — CONTRAT D’UNION DU PRIEURE DE SAINT-LAZARE

A LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

(7 janvier 1632)

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Louis Séguier, chevalier, baron de Saint-Brisson, seigneur des Ruaux et de Saint-Firmin, conseiller du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre et garde de la prévôté de Paris, salut.

Savoir faisons que par devant Jean Desnotz et Etienne Païsant, notaires gardes-notes du Roi notre sire au Châtelet de Paris, soussignés, furent présents en leurs, personnes vénérables personnes frère Adrien Le Bon, prêtre, religieux profès et prieur du prieuré conventuel, léproserie et administration des chanoines réguliers de Saint-Lazare, Ordre de Saint-Augustin, lez-Paris, et frère Nicolas Maheut, sous-prieur, Claude Cousin, receveur, Claude Cothereau, dépensier, Richard Levasseur, sacristain, Adrien Descourtils, Jacques Lescellier, François Cacquet et Claude de Morennes, tous frères et religieux dudit prieuré, étant assemblés en leur chapitre à la manière accoutumée, au son de la cloche, d’une part ; et Maître Vincent de Paul, aussi prêtre et supérieur de la congrégation de la Mission, tant en son nom que comme soi faisant et portant fort de tous les prêtres de ladite congrégation, et à la charge de leur faire ratifier les présentes d’hui en un mois prochainement venant, demeurant au collège des Bons-Enfants, sis en cette ville de Paris, près la porte de Saint-Victor, audit nom, d’autre part ;

Disant lesdits sieur prieur et religieux que, depuis quelques années, ayant reconnu les maladies de lèpre,

Document 77. — Arch. nat. M. 212, original.

 

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par la grâce de Dieu, n’être si fréquentes et les lépreux en si grand nombre qu’au temps de l’institution, fondation et érection dudit prieuré, en sorte que le plus souvent et encore à présent il n’y avait aucun lépreux en icelui, et par ainsi la charité qui s’exerçait pour l’hébergement et traitement des pauvres lépreux comme cessée, et d’ailleurs que l’agrégation faite par le prédécesseur dudit prieuré de Saint-Lazare à la congrégation de Saint-Victor-lez-Paris, ainsi que des autres maisons y agrégées, était dissoute et anéantie par le propre fait et seul mouvement des prieurs, religieux et couvent de Saint-Victor, suivant leur déclaration capitulaire faite en date du vendredi 5è jour de décembre 1625, signée et décernée de leur greffier et insérée en fin des présentes, en suite de laquelle tous les exercices de ladite congrégation auraient entièrement cessé et été discontinués, en sorte que, depuis, il n’y a plus eu aucune visite de faite, ni chapitres tenus, selon l’ordonnance desdites congrégations ;

Considérant aussi lesdits sieurs prieur et religieux de Saint-Lazare les revenus dudit prieuré avoir été destinés pour en secourir et assister corporellement les pauvres lépreux, et qu’à leur défaut il serait plus naturel et conforme à l’intention des fondateurs d’appliquer les dits revenus pour subvenir spirituellement le pauvre peuple de la campagne, éloigné des villes, infecté de la lèpre du péché et nullement instruit ès mystères de la foi nécessaires pour le salut ; en quoi lesdits prêtres de la Mission faisaient un fruit singulier en plusieurs endroits de la France, gratuitement et sans aucune rémunération ;

C’est pourquoi, ayant mûrement considéré l’utilité et nécessité de leur institution et leurs heureux progrès en l’exercice de leur mission, ils auraient, pour coopérer à l’établissement et accroissement desdits prêtres, en sorte

 

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qu’ils puissent plus commodément supporter et continuer les exercices et travaux de leur mission et y profiter de plus en plus au public, fait, convenu et accordé avec ledit sieur Vincent, audit nom, sous toutefois le bon plaisir de notre Saint-Père le Pape, Monseigneur l’archevêque de Paris, Sa Majesté très chrétienne et nos seigneurs de Parlement, ce qui ensuit :

C’est à savoir qu’au moyen et pour ce que ledit sieur prieur a promis, sera tenu, sitôt qu’il aura plu à mondit seigneur archevêque de Paris agréer, approuver et consentir les présentes et tout le contenu en icelles, de constituer une ou plusieurs procurations bonnes, valables et irrévocables pour résigner ledit prieuré, léproserie ou administration de Saint-Lazare, avec tous et chacuns les fruits, profits, revenus et émoluments d’icelui, même céder l’administration qu’il en a, entre les mains de notre Saint-Père le Pape (1) et monseigneur son vice-chancelier, ou autre ayant à ce pouvoir canonique, sous toutefois le consentement ci-dessus, pour être uni, annexé et incorporé à perpétuité à ladite congrégation desdits prêtres de la Mission, aux charges, clauses, conditions et réservations qui ensuivent :

A savoir, du logement entier et tel que l’occupe ledit sieur prieur audit prieuré, sans que pendant sa vie il en puisse être dépossédé pour quelque cause et occasion que ce soit, non plus que de sa qualité d’ancien prieur, qu’il retiendra pendant sa vie, avec toute liberté d’aller à l’église, assister au service et y tenir son rang, de même qu’au chapitre et au réfectoire, lorsqu’il voudra y assister ;

Ensemble à la réserve de la terre de Rougemont, dé-

1). Le droit de collation duprieuré appartenant à l’archevêque de Paris, la résignation aurit dû se faire entre ses mains, et non entre cellles du Pape. Adrien Le Bon le comprit plus tard et modifia le concordat en ce sens le 29 décembre 1632.

 

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pendante dudit prieuré, avec toutes ses appartenanoes et dépendances, pour jouir, user et disposer des fruits d’icelle par ledit sieur prieur pendant sa vie, comme de chose sienne, sans qu’il soit tenu d’en compter, rapporter ou restituer ni le tout ni partie, ni qu’il en puisse être dépossédé pour quelque cause ou occasion que ce soit ;

Et outre à la réserve de la pension entre lesdits sieurs prieur et Vincent audit nom convenue et accordée, et qui, sera plus à plein mentionnée en la procuration de résignation dudit sieur prieur, sur tous et chacuns les fruits, profits, revenus et émoluments d’icelui, ladite pension franche, quitte et exempte de tous décimes ordinaires ou extraordinaires, emprunts, subsides, réparations des lieux et autres charges et impositions quelconques, payable par lesdits prêtres à icelui sieur prieur pendant sa vie, aux quatre termes accoutumés, savoir Pâques, saiant Jean-Baptiste, saint Remi et Noël, et par avance, de quartier en quartier, le premier d’iceux commençant au plus prochain suivant après la prise de possession desdits prêtres, et ainsi continuer de là en avant, d’an en an et de terme en terme ;

Pour sûreté de laquelle pension non seulement les fruits dudit prieuré y demeureront affectés, mais aussi tout le bien et revenu de ladite congrégation, et particulièrement la rente de deux mille livres qu’ils ont sur l’hôtel de ville de Paris hypothéquée et obligée ; et, de plus, bailleront et fourniront audit sieur prieur une obligation authentique du R. P. de Gondy, par laquelle il se constituera pleige, caution et fidéjusseur de ladite pension ;

Et encore à la charge de fournir audit sieur prieur une procuration bonne, valable et irrévocable du pourvu et paisible possesseur du prieuré simple de Sainte-Marie-Madeleine de Limouron, Ordre de Saint-Benoît, diocèce

 

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de Chartres, affermé, toutes charges faites, 400 livres de rente, selon le bail fait pour l’année prochaine, que ledit sieur Vincent, audit nom, sera tenu et a promis faire valoir et procéder en sorte que sur icelle ledit sieur prieur en puisse être pourvu et en jouir paisiblement et pleinement et sans aucun trouble ;

ltem, à la réserve de tout ce qui est et sera dû audit prieuré jusqu’au jour de ladite possession, icelui sieur prieur pourra recueillir, prendre et percevoir des déblteurs, et, pour ce, user de toutes les voies en tels cas requises, même sous le nom de ladite congrégation, et réduire et appliquer le tout à ses usages particuliers, de même que le prix des provisions qui se trouveront, lors de ladite prise de possession, en ladite maison, tant de blé, vin, que de bois, que lesdits prêtres de la Mission seront tenus lui payer et rembourser, au dire de personnes à ce connaissantes : le tout pour aucunement récompenser et rembourser icelui sieur prieur des avances par lui faites pour les nécessités de ladite maison et du reliquat de ses comptes, desquels il demeurera quitte et déchargé, de même que de la gestion et administration par lui faite du revenu temporel dudit prieuré depuis le temps qu’elle lui a été commise jusqu’au jour de ladite possession ;

Et au réciproque, ledit prieuré et lesdits prêtres de la Mission aussi quittes vers ledit sieur prieur, sans qu’il puisse désormais prétendre, exiger, ni demander lesdites avances et reliquats de comptes en aucune sorte et manière que ce soit, ains rendre, au temps de ladite possession, ledit prieuré quitte et déchargé de toutes dettes, et, pour le regard des rentes constituées pendant le temps d’icelui sieur prieur au profit dudit prieuré, qu’il en jouira et les percevra, outre ce que dessus, pendant sa vie, sans que lesdits prêtres, ni autres, y puissent prendre aucune part, ni moins en prétendre la restitution, ou

 

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l’empêcher en la libre perception d’icelle, sinon après le décès dudit sieur prieur, qu’ils en demeureront investis et en auront la pleine propriété ; et d’autant que le prix des fermes dudit prieuré et la meilleure partie des cens et rentes dus à icelui ne se paient et délivrent qu’aux jours de saint Remi et saint Martin, et qu’attendant ledit temps, il convient audit sieur prieur prendre de l’argent avec ses amis pour faire les avances des charges audit prieuré, tant pour l’entretien de l’église, de la maison et fermes en dépendants, que nourriture, entretien et chauffage des religieux et serviteurs de la maison, et autres, nécessités semblables, a été convenu que ledit sieur prieur se remboursera sur le prix desdites fermes, cens et rentes à proportion de l’avance qu’il pourrait avoir faite lors de l’actuelle possession desdits prêtres de la Mission ;

Et avenant le décès desdits sieurs prieur et religieux résidants audit Saint-Lazare, que lesdits prêtres seront tenus de les faire inhumer comme tous leurs bienfaiteurs, et tous les ans, à pareil jour du décès dudlit sieur prieur, dire et célébrer à perpétuité, pour le remède de son âme, un service solennel en l’église dudit prieuré, et, pour icelui perpétuer à la postérité, ériger quelqu’épitaphe en ladite église, où l’obligation du service solennel sera insérée ;

Comme aussi lesdits prêtres seront tenus et obligés de dire et célébrer par chacun an deux services solennels pour les fondateurs, bienfaiteurs et religieux dudit Saint-Lazare, dont le premier se célébrera le premier jour vacant après l’octave des Rois, et l’autre le lundi d’après la Trinité ; et pour le regard desdits sieurs religieux, lesdits prêtres diront un service au bout de l’an du décès de chacun religieux ;

ltem qu’il sera loisible auxdits sieurs religieux qui seront de présent audit Saint-Lazare d’y être, rester et

 

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habiter comme par le passé, tant et si longuement qu’ils vivront, sous la juridiction et obéissance de Monseigneur l’archevêque de Paris, et y occuper le département étant sur la grande rue du faubourg, à présent tenu par le sieur Maheut, et autres endroits dudit prieuré les plus convenables, en sorte qu’ils puissent être bien et commodément hébergés. Et pour le dortoir et lieux claustraux, qu’ils en laisseront la libre possession auxdits prêtres de la Mission, sans aucune chose en réserver, et qu’à chacun desdits religieux lesdits prêtres de la Mission seront tenus bailler, payer et fournir, tant pour leur vivre que vestiaire, 500 livres par chacun an, soit de quartier en quartier, ou autrement, se] on que lesdits religieux le désirerent, ou en auront besoin ; et pour faciliter le paiement desdites pensions, tant dudit sieur prieur que des religieux, ledit sieur Vincent a consenti et consent que ledit Cousin continue à recevoir le revenu dudit prieuré jusqu’à ce que La possession desdits prêtres de la Mission audit prieuré soit paisible et établie ; et pour cet effet, ledit sieur Vincent et prêtres de la Mission lui en passeront toutes procurations nécessaires, quand ils en seront requis, qui demeureront irrévocables ; et en cas que lesdits religieux désirent vivre en commun pour la nourriture avec lesdits prêtres, que faire le pourront en diminuant pour eux, de la somme de 500 livres ci-dessus, 200 livres pour leur vivre ; et le surplus leur sera payé pour subvenir à leurs autres nécessités.

Et en cas de maladie tant dudit sieur prieur que des religieux, pourront se faire traiter en l’infirmerie commune, aux dépens desdits prêtres, tant pour les médecins, apothicaires que chirurgiens, remèdes et vivres, à raison et au prorata desdites 200 livres par an seulement.

Et pourront lesdits religieux vivre en particulier au-

 

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dit prieuré, si bon leur semble ; sinon, se retirer où bon leur semblera, pourvu que ce soit en maiscln de quelque religion, ou en quelques bénéfices ou offices, ou aillleurs, sous la permission toutefois de mondit seigneur archevêque de Paris, dont ils pourraient être pourvus, sans que pour cela ladite somme de 500 livres délaisse de leur être payée, de même que s ils restaient en ladite maison ; pour sûreté desquelles pensions et subventions ci-des sus lesdits prêtres de la Mission donneront pour caution ledit R. P. de Gondy, outre l’obligation et hypothèque de leurs effets ci-dessus.

Et avenant le décès d’aucuns d’iceux religieux, que lesdits prêtres demeurerontd’autant déchargésdu payement de ladite somme, sans qu’en leur lieu et place on puisse recevoir ou admettre audit prieuré autres religieux ni novices, pour quelque cause et occasion que ce soit, et qu’en cas dudit décès, les meubles délaissés par ledit défunt retourneront et demeureront au profit et usage des autres religieux restant audit prieuré et y faisant résidence actuelle et personnelle, qui lui auront survécu, et, après tous lesdits religieux, auxdits prêtres de la Mission.

Item, que lesdits prêtres, à l’instant de ladite possession, feront une actuelle et personnelle résidence audit prieuré, y célébreront dignement le service divin à la gloire de Dieu et décharge de leur conscience, comme ils ont accoutumé, qu’ils se chargeront par inventaire de tous les ornements, reliquaires, meubles et autres choses étant dudit prieuré, lesquelles pour cet effet leur seront baillées et délivrées par lesdits sieurs prieur et religieux ; entretiendront tant les maisons que fermes d’icelui de toutes sortes de réparations, sans y rendre ledit sieur prieur, non plus que lesdits religieux, contribuables en aucune sorte et manière que ce soit ; même recevront et hébergeront lesdits prêtres les lépreux, si aucuns se pré

XIII. — 16

 

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sentaient par ci-après, et leur administreront toutes les nécessités spirituelles et corporelles, sans que toutefois ils puissent, pour raison de ce, non plus que des réserves et pensions dessus dites, déduire aucune chose que ce soit.

Ne pourront lesdits prêtres de la Mission, en cas qu’ils sortent dudit prieuré de Saint-Lazare, pourvu que ce ne soit par le fait et faute desdits religieux, répéter, ni demander aucune chose des avances de deniers qu’ils auront faites auxdits sieurs prieur et religieux, ni même des bâtiments et autres choses qui setrouveront pareux avoir été faites et défrayées et déboursées en quelque sorte que ce soit, attendu la jouissance que lesdits prêtres auront eue et doivent avoir, à l’instant de leur possession, de tout ; le revenu entier dudit prieuré, aux charges ci-dessus.

Et audit cas de sortie par lesdits prêtres dudit prieuré, le présent concordat demeurera sans effet, et lesdits prêtres et religieux rentreront en leurs droits et privilèges, comme ils étaient auparavant.

Item, entretiendront lesdits prêtres tous les baux faits des choses dépendantes dudit prieuré, et n’en pourront passer de nouveaux, ni pourvoir aux offices de justice auxquels on a droit de pourvoir à raison dudit prieuré, soit de bailli, greffier, sergents et autres, qu’en présence et par avis et consentement dudit sieur prieur.

Item, qu’ils prendront le soin et la poursuite des procès qui se trouveront lors pendants et intentés, et, pour ce, y feront tous les frais requis et nécessaires, déchargeront de l’événement d’iceux tant ledit sieur prieur que religieux, en prenant pour eux les dépens, si aucuns sont adjugés.

Et d’autant que, pour l’effet et consommation entière de ladite union, il se pourrait passer un long temps et par ainsi le saint et pieux dessein desdits sieurs prieur

 

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et religieux longuement différé, pourront lesdits prêtres de la Mission, à l’instant de la confection et passation, des présentes, confirmatian et approbation d’icelles par monseigneur de Paris, entrer audit prieré et y occuper les lieux claustraux d’icelui, en satisfaisant et occupant de polnt en polnt préalablement le contenu en icelles, en consignant par eux tous les frais nécessaires tant p’our poursuivre, avoir et obtenir ladite union en cour de Rome, que vérification et homologation d’icelles audit Parlement et ailleurs où besoin sera ; et, moyennant ce que dessus, lesdits prêtres de la Mission prendront, recevront, percevront et réduiront à leurs usages tous les fruits, profits, revenus et émoluments dudit prieuré de Saint-Lazare, en quelque sorte et manière que ce soit, et sans aucun en excepter, ni retenir, hormis ceux ci-dessus réservés, dont lesdits sieurs prieur, religieux et couvent leur ont, dès à présent comme dès lors, et dès lors comme dès à présent, fait délivrance, et se sont dessaisis et dessaisissent pour en revêtir et investir lesdits prêtres de la Missian, les subrogeant en leur lieu et place, sans qu’ils aient besoin d’aultre plus ample investiture que des présentes.

Et aura toujours mondit seigneur archevêque de Paris et M. son grand vicaire toute sorte de juridiction, supériorité et autorité sur ladite maison, comme auparavant le présent contrat.

Et avenant que tout ce que dessus, pour quelque cause ou occasion, n’eût lieu et ne sortît son plein et entier effet, en ce cas, ledit sieur prieur rétrocédera ou résignera ledit prieuré de Limouron en faveur de M. Barreau, à présent pourvu d’icelui.

Et fourniront lesdits p ; rêtres de la Mission à chacun desdits sieurs prieur et religieux copie du présent contrat en bonne forme, à leur dépens, dans quinzaine d’hui, car ainsi lesdits sieurs prieur et religieux et Vincent,

 

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audit nom, ont promis et se sont respectivement soumis de l’entretenir, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligeant et renonçant, etc…

En témoin de ce, nous, à la relation desdits notaires, avons fait mettre le scel de ladite prévôté de Paris à cesdites présentes, qui furent faites et passées audit chapitre dudit prieuré de Saint-Lazare, l’an 1632, le mercredi après midi 7 janvier, et ont signé la minute des présentes avec lesdits notaires soussignés, qui est demeurée vers et en la possession de Païsaint, l’un d’iceux.

DESNOTZ. PAISANT.

 

78. — ENTRÉE DES PRETRES DE LA MISSION A SAINT-LAZARE

(8 janvier 1632)

Messire Adrien Le Bon, religieux de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin et prieur de SaintLazare, eut quelque difficulté en l’année 1630 avec ses religieux, qui le porta à vouloir permuter ledit prieuré avec un autre bénéfice. Plusieurs le pressèrent, qui lui offrirent des abbayes et autres bénéfices de revenu ; mais, ayant communiqué ce dessein à des amis, ils l’en détournèrent, disant qu’on pourrait apporter remède au différend qu’il avait avec ses religieux par une conférence de lui avec eux, en présence de quatre docteurs. A quoi il consentit, et ses religieux en convinrent. L’assemblée s’étant faite chez un docteur fort recommandable en mérite et en sainteté, M. le prieur allégua

Document 78. — La relation que nous publions ici, d’après Abelly (op. cit., t. 1, p. 88 et suiv.) a été composée par Nicolas de Lestocq en octobre 1660~ à la demande de René Alméras, et retouchée par ce dernier. Le récit du curé de Saint-Laurent, tel qu’il est sorti de sa plume, nous est connu par un des volumes du procès de béatification.

 

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ses griefs, et ensuite en ouït la réponse du sous-prieur, qui parlait pour les religieux. Après quoi, il fut ordonné que l’on dresserait une formule de vie et un règlement, qu’on suivrait à l’avenir.

Ce qui ayant été exécuté, M. le prieur ne laissa pas de persévérer en la volonté de quitter son prieuré. Et ayant ouï parler de quelques bons prêtres qui s’adonnaient à faire des missions, sous la conduite de M. Vincent, qu’il ne connaissait point, il eut la pensée que, s il les établissait audit prieuré, il pourrait participer au grand fruit qu’ils faisaient dans l’Eglise. Il demanda où ils demeuraient ; et le lieu lui ayant été déclaré, il me pria, comme son voisin et son bon ami, de l’accompagner ; ce que je fis très volontiers, lui représentant qu’il ne pouvait mieux faire et que cette pensée ne pouvait venir que du ciel, qui avait suscité ces bons prêtres pour le bien de la campagne, laquelle availt un extrême besoin d’eux, tant pour l’instruction que les villageois en recevaient, que pour la déclaration de leurs péchés au trbunal de la confession, où ils ouvraient librement et entièrement leurs consciences et découvraient ce qu’ils n’avaient osé dire aux confesseurs du lieu, soit pour n’avoir pas été interrogés sur iceux, ou par honte de les manifester ; que j’en pouvais parler et l’en assurer, pour y avoir été avec eux et l’avoir expérimenté ; qu’au reste il verrait un homme de Dieu en leur Compagnie, qui était leur directeur, entendant parler de M. Vincent, ainsi que lui-même reconnaîtrait.

Etant donc allés ensemble au collège des Bons-Enfants, près la porte de Saint-Victor, M. le prieur, parlant à M. Vincent, lui découvrit le sujet qui l’avait amené, qui était qu’on lui avait fait un récit très avantageux de sa congrégation et des charitables emplois auxquels elle s’appliquait en faveur des pauvres gens des champs ; qu’il serait heureux s’il y pouvait contri

 

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buer ; et qu’il avait la maison de Saint-Lazare, laquelle volontiers il leur céderait pour un si digne exercice.

Cette offre si avantageuse étonna grandement cet humble serviteur de Dieu, en qui elle fit le même effet qu’un éclat de tonnerre imprévu qui surprend un homme soudainement et qui le laisse comme interdit ; en sorte que ce bon prieur, s’en apercevant, lui dit : "Eh quoi ! Monsieur, vous tremblez !" —" Il est vrai, Monsieur, lui répondit-il, que votre proposition m’épouvante ; et elle me paraît si fort au-dessus de nous que je n’oserais y penser. Nous sommes de pauvres prêtres qui vivons dans la simplicité, sans autre dessein que de servir les pauvres gens des champs. Nous vous sommes grandement obligés, Monsieur, de votre bonne volonté et vous en remercions très humblement." En un mot, il témoigna n’avoir aucune inclination d’accepter cette offre et s’en recula si loin qu’il ôta toute espérance de le retourner voir sur ce sujet. Néanmoins la douce et affable réception dont usa M. Vincent, toucha tellement le cœur de M. Le Bon qu’il ne pouvait changer de dessein, et lui dit qu’il lui donnait six mois pour y penser.

Après ce, temps-là, il me pria derechef de l’accompagner et le conjura de vouloir agréer son prieuré et que Dieu lui inspirait de plus en plus de le lui remettre entre les mains. A quoi insistant aussi de mon côté, je priai M. Vincent de ne pas refuser une si belle occasion. Tout cela ne changea point son esprit et son sentiment. Il demeura ferme sur le petit nombre qu’ils étaient, qu’à peine ils étaient nés, qu’il ne voulait pas faire parler de lui, que cela ferait bruit, qu’il n’aimait pas l’éclat, et enfin qu’il ne méritait pas cette faveur de M. le prieur. Sur cela, M. Le Bon, entendant sonner le dîner, dit à M. Vincent qu’il voulait dîner avec lui et sa communauté, comme, en effet, il y dîna, et moi aussi. La modestie de ces prêtres, la bonne lecture et tout l’ordre plut

 

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tellement à M. Le Bon qu’il en conçut une vénération et un amour si grands pour eux, qu’il ne cessa de me faire solliciter M. Vincent. Ce que je réitérai plus de vingt fois dans l’espace de six mois, jusqu’à ce point qu’étant fort ami de M. Vincent, je lui dis plusieurs fois qu’il résistait au Saint-Esprit et qu’il répondrait devant Dieu de ce refus, pouvant, par ce moyen, s’établir et former un corps et une congrégation parfaite dans toutes ses circonstances.

Je ne puis dire avec quelle instance on l’a poursuivi. Jacob n’a pas eu tant de patience pour obtenir Rachel, et tant insisté pour obtenir la bénédiction de l’ange, que M. le prieur et moi en avons eu pour obtenir un oui de M. Vincent, lequel nous pressions de nous accorder cette acceptation. Nous avons crié plus vivement après lui que la Chananéenne après les apôtres. Enfin M. le prieur s’avisa de lui aller dire au-bout d’un an : "Monsieur, quel homme êtes-vous ? Si vous ne voulez pas entendre à cette affaire, dites-nous au moins de qui vous prenez avis, en qui vous avez confiance, quel ami vous avez à Paris à qui nous puissions nous adresser pour en convenir. Car j’ai le consentement de tous mes religieux, et il ne me reste que le vôtre. Il n’y a personne qui veuille votre bien, qui ne vous conseille de recevoir celui que je vous présente."

Alors Monsieur Vincent lui indiqua M. André Duval, docteur de Sorbonne, qui était un saint homme et qui a même écrit la vie de plusieurs saints. "Nous ferons, dit-il, ce qu’il nous conseillera."

En effet, M. le prieur l’étant allé trouver, ils traitèrent ensemble de ce dessein, demeurèrent d’accord des conditions, et ensuite fut passé concordat, le 7 janvier 1632, entre M. le prieur et les religieux de Saint-Lazare d’une part, et M. Vincent et les prêtres de sa congrégation de l’autre. C’est par ce moyen que M. Vincent a cédé enfin

 

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aux importunités qui lui ont été faites, et entr’autres par moi-même, qui pouvais bien dire en cette occasion que raucae factae sunt fauces meae. J’eusse volontiers porté sur mes épaules ce père des missionnaires pour le transporter à Saint-Lazare et l’engager à l’accepter ; mais il ne regardait pas l’extérieur, ni les avantages du lieu et de tout ce qui en dépend, n’étant pas même venu le voir pendant tout ce temps-là ; de sorte que ce ne fut point sa belle situation qui l’y attira, mais l. a seule volonté de Dieu et le bien spirituel qu’il y pouvait faire. L’ayant donc ainsi accepté par ce seul motif après toutes les résistances imaginables, il y vint le lendemain 8 janvier 1632, et tout se passa avec douceur et au contentement de toute la maison. C’est ce qui fait voir que digitus Dei hic est, que c’est la terre de promission où Abraham a été conduit, je veux dire M. Vincent, vrai Abraham, grand serviteur de Dieu, duquel les enfants sont destinés pour remplir la terre de bénédiction, et sa famille subsistera dans les siècles.

 

79. — APPROBATION PAR L’ARCHEVEQUE DE PARIS

DE L’UNION DE SAINT-LAZARE A LA MISSION

(8 janvier 1632)

Joannes Franciscus de Gondy, Dei et Sanctae Sedis Apostolicae gratia Archiepiscopus Parisiensis, Chnstianissimi Domini nostri Francorum et Navarrae Regis in suis Status et Sanctiori consiliis consiliarius, nec non magnus capellae regiae magister, universis praesentes litteras inspecturis et audituris salutem in Domino.

Inter caetera officia quibus pro nostra archiepiscopali dignitate oves nobis concreditas in viam salutis aeternae dirigere possumus, plurimum sane ponderis habet con-

Document 79. — Arch. nat., M 212, original.

 

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tinuum illud studium et sollicitudo perculrrendi pagos, ubi messis multa, operarii pauci, seminandi verbum Dei, et, sanctorum alpogtolorum et discipulorum Christi Domini exemplo, missionum munus obeundi, quod, cum per nos ipsos, ob graves ac multiplices etiam pro salute gregis nobis commissi occupationes, continuo praestare non possimus, nihil nobis debet esse antiquius quam viros praestantes doctrina, pietate insignes et zelo amoris Dei et salutis animarum incensos, deligere, qui sint bonus odor Christi, et quibus laboriosam hanc et fere ab omnibus derelictam provinciam demandemus. Excitavit autem Deus, per suam summam misericordiam, nostris temporibus, in hoc regno Galliae Magistrum Vincentium a Paulo, sacerdotem, et socios congregationis ejus, ultilissimos hujusmodi operarios, viros apostolicos, christianae humilitatis amantissimos, quos ad hoc munus admisimus, quorum opera summo cum fructu utimur ad animarum salutem procurandam, quique divino plane instinctu, relictis urbium incolis, in quibus vident multos, tum seculares, tum regulares, toto pectore in salutem animarum incumbere, et peculiari instituto diversa dioecesis nostrae loca circumeuntes, et quae sunt Jesu Christi quaerentes, in singulis pagis aliquandiu consistunt, non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, sed in ostensione spiritus et veritatis, ad peccatorum omnium superioris vitae universalem confessionem faciendam omnes studiose cohortantur, assidue confessiones audiunt, frequentem Eucharistiae usum commendant, rudiores homines in rebus christianis instituunt, pravos populi mores et abusus e medio tollunt, confraternitatem in singulis parœciis auctoritate nostra instituunt ad pauperum et aegrorum inopiam praescripto ordine sublevandam, disponunt populum ut cum fructu parœcias visitemus, omnes denique ad vitia detestanda et virtutes sectandas verbo et exem-

 

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plo impellunt, ut fere omnes optimates et proceres totius Regni Gallici testari possunt.

Nostrum ergo fuit quantas animus noster potest capere Deo, bonorum omnium auctori, gratias agere, ut quotidie etiam facimus, qui in necessariis Ecclesiae suae Gallicanae providit opportuno tempore, et tam strenuos adjutores ad nostrum pastorale munus sustinendum nobis adjunxit ; nostrae etiam fuit providentiae pastoralis eumdem Deum optimum maximum deprecari ne tam utilibus operariis, qui ad clarissimum hujus congregationis Missionis institutum divinitus vocati videntur, quique, sine ullo stipendio et a solo Deo mercedem expectantes, assiduis vigiliis et indefessis laboribus se totos in hominum etiam rusticorum salutem impendunt, necessaria deessent ; vota nostra audivit Deus, et pro sua bonitate infinita exaudivit ; cum enim diu frustra conati fuissemus eis certam aliquam et fixam sedem in nostra Parisiensi dioecesi stabilire, res. tarnen ut optabamus evenit.

Quidam enim vir, salutis anim. arurn maxime cupidus, cui nomen Adrianus Le Bon, religiosus professus Ordinis Sancti Augustini, prior seu administrator domus et leprosariae S. Lazari nostrae dioecesis Parisiensis in ipso suburbio Sancti Dionysii urbis Parisiensis, cui ab Eminentissimo felicis memoriae Henrico de Gondy cardinale de Retz, praedecessore nostro, commissa fuit ad nutum ipsius cardinalis, administratio reditus praedictae administrationis leprosariae, cujus dispositio ad nos, ratione dignitatis archiepiscolpalis, pleno jure spectat et pertinet, (1) et religiosi ejusdem domus, cum viderint fructus uberrimos ex hujus congregationis. missionibus non tantum in hanc nostram dioecesim, sed etiam in

1). Par ces mots, l’archevêque de Paris proteste contre la phrase du concordat par laquelle Adrien Le Bon dépose l’administration du prieuré "entre les mains de notre Saint-Père le Pape".

 

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univrersam Galliam derivani, rogarunt ipsi nos ut gratum habeamus consensum per eos praestitum unioni dictae domus et administrationis leprosariae et rerum ad eam pertinentium cum communitate congregationis Missionum, prout aiunt inter se convenisse.

Cum autem certissima scientia et experientia cognoscamus omnes omnium ordinum homines, praesertim in pagis commorantes summam ex hac unione utilitatem percepturos, eorum omnium precibus et justae petitioni reluctali non possumus. Quare, sub beneplacito Sanctissimi Domini nostri Papae et Christianissimi Domini nostri Francorum et Navarrae Regis, a quibus bullas et litteras ad id necessarias praedictae Missionis sacerdotes obtinebunt, consen sum praebuimus et praebemus ut praedicta domus Sancti Lazari et administratio praedictae leprosariae nostrae dioecesis Parisiensis uniantur communitati presbyterorum secularium congregationis Missionis Parisiensis, per oppida et pagos ejusdem dioecesis, cum extinctione regularitatis.

Consensum etiarn praebemus ut pensiones per partes reservatae, sub beneplacito ejusdem Summi Pontificis, creentur super reditus dictae domus et leprosariae, solvendae tam dicto Le Bon, priori seu administratori, quam religiosis, terminis quibus inter se convenerunt. Praedictos autem consensus praebuimus et Faebemus sub conditionibus infra ponendis : imprimis ut nos et successores nostri Archiepiscopi Parisienses habeant, ut antea, omnimodam jurisdictionem, auctoritatem et jus visitandi, tam in spiritualibus quam in temporalibus, praedictam domum, leprosariam et ecclesiasticos dictae congregationis in ea degentes (2) et iidem sacerdotes Missionis praedictae teneantur recitare divinum officium in

2. Saint Vincent réussit à se faire dispenser de cette condition.

 

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choro alta voce sine cantu secundum consuetudinem illorum, necnon omnes fundationes praedictae domus Sancti Lazari adimplere, leprosos admittere in ea leprosaria, duodecim saltem presbyteri congregationis residere, quorum octo ad minimum sacerdotes praedictae congregationis, continuo, interposita tamen aliqua quiete necessaria ad tantum laborem sustinendum, praesertim tempore messis, quo rustici impediuntur in colligendis fructibus, occupentur in percurrendis pagis dioecesis Parisiensis, sumptibus dictae congregationis, et in singulis, per unum vel duos menses, pro necessitate loci, commorentur, et ibi fidei mysteria doceant, confessiones, praecipue generales, audiant, rudiores in rebus christianis instituant, animas ad dignam Sacro sanctae Eucharistiae susceptionem praeparent, pacem inter dissidentes componant et alia pia opera exerceant juxta nostram et successorum nostrorum voluntatem et ordinem qui a nobis et successoribus nostris praescribetur ;

Deinde ut, temporibus quibus, de more Parisiensi, conferuntur ordines, teneantur iidem Missionis praedictae, sine praejudicio missionum, admittere per aliquos congregationis presbyteros omnes candidatos ordinum dioecesis Parisiensis, qui per nos ad ipsos mittentur, eisque administrare, spatio quindecim dierum ante ipsos dies ordinationum, quae necessaria erunt ad victum et habitationem. apud ipsos, quos occupabunt in exercitiis spiritualibus, utpote confessione generali, examine conscientiae quotidiano, meditationibus mutationis vitae status et eorum quae propria sunt cujusque ordinis et ecclesiasticos viros decent, et in caeremoniis Eccleslae rite servandis.

Quod si unio dictae domus Sancti Lazari et leprosariae cum communitate dictae con. gregationis Missionum non fieret, volumus praedictum Adrianum Le Bon,

 

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priorem seu administratorem dictae domus et leprosariae, et relibiosos praedictos manere in eodem statu quo antea erant, et praedictum Le Bon habere administrationem, ut antea, dictae domus et leprosariae, juxta commissionem ei factam ab Eminentissimo Domino Henrico de Gondy, cardinale de Retz, praedecessore nostro.

Si autem, quacumque causa seu praetextu, in praejudicium praedictae unionis praedicta administratio leprosariae Sancti Lazari, contra jus et mentem nostram, in beneficium erigeretur, vel si forte, quod Deus nolit, praedictae Missionis sacerdotes nollent admittere clericos dioecesis Parisiensis qui ad sacros ordines promoveri vellent modo supra exposito instituendos, vel nollent missionum functiones per pagos dioecesis Parisiensis exercere, in iis casibus et in eorum quolibet volumus omne quod nos et praedecessores nostri habuerunt ad praedictum prioratum domus et administrationis leprosariae Sancti Lazari omnino devolvi et redire ad nos et successores nostros Archiepiscopos Parisienses, qui poterunt committere cui volent omnimodam jurisdictionem et auctoritatem tam in spiritualibus quam in temporalibus quam antea habebant exercere.

Volumus insuper eum qui hunc consensum nostrum deferet ad praedictam unionem faciendam cum supradictis conditionibus, nostrum hac in re procuratorem esse, qui in Curia Romana apud Sanctissimum Dominum nostrum Papam, sive alibi, hanc esse nostram mentem et voluntatem patefaciat, et, nomine nostro, Reverendissimum Dominum nostrum eumdem vehementer deprecetur ut hos viros egregios qui in vinea magni Patrisfamilias, quae eidem Sanctissimo Domino credita est, pro virili parte laborant, immarcescibilem gloriae coronam a Deo percepturi, benigno vultu excipiat, amplectatur, favoribus prosequatur, et illis et mihi bene-

 

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dictionem impertiri dignetur cui divinus favor aspiret et idem qui caepit in ipsis opus bonum ipse confirmet atque perficiat.

In quorum praemissorum fidem et testimonium, has praesentes litteras, manu nostra obsignatas, per secretanum fieri et signari, sigillique camerae nostrae fecimus et jussimus appensione communiri.

Datum et actum Parisiis, anno Domini 1632, die Januarii.

FRANCISCUS,

Arch. Parisiensis.

De mandato praefati Illustrissimi et Reverendissimi Domini mei Parisiensis Archiepiscopi.

BAUDOUYN.

 

80. — LETTRES PATENTES POUR CONFIRMER

L’UNION DE SAINT-LAZARE A LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

(Janvier 1632)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Nos bien-amés les prêtres de la congrégation de la Mission nous ont fait dire et remontrer que frère Adrien Le Bon, prieur du prieuré conventuel, léproserie et administration des chanoines réguliers de Saint-Lazare, Ordre de SaintAugustin, et les religieux dudit prieuré, sis au faubourg Saint-Denis de cette notre bonne ville de Paris fondé pour héberger et traiter les pauvres lépreux, voyant ladite maladie tellement apaisée qu’il n’y aurait à present aucun lépreux audit prieuré, au moyen de quoi ils se trouvent privés de la charité qu’ils voulaient exercer en leur endroit, conformément à leur institut, et voulant, en tant qu’à eux est, réparer, à la décharge de

Document 80. — Arch. nat. M 212, original.

 

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leur conscience, cette privation de bien par un autre plus grand, auraient finalement résolu, après mûre délibération et plusieurs prières générales et particulières par eux faites, au dessein de convertir et appliquer le revenu temporel dudit prieuré pour subvenir et assister spirituellement le pauvre peuple de la campagne, éloigné des villes et peu instruit des mystères de notre foi absolument nécessaires à salut, estimant ne pouvoir plus dignement satisfaire à l’intention de leur fondateur qu’en cornmuant à la guérison de la lèpre du péché, ce qui aurait par eux été destiné pour l’entretènement des corps qui en étaient entachés ; et s’étant à cet effet adressés auxdits prêtres de la congrégation de la Mission, dont le seul soin est de s’appliquer gratuitement à l’instruction spirituelle dudit pauvre peuple, lesdits sieurs prieur et religieux, en exécution du concordat entre eux passé, sous notre bon plaisir, le 7 de janvier dernier, auraient, ledit jour, fait procuration pour consentir l’union dudit prieuré, fruits et revenus en dépendants, à ladite congrégation desdits prêtres, même ledit sieur prieur, par acte particulier du 8è desdits mois et an, donné procuration spéciale, portant résignation dudit prieuré, léproserie ou administration de Saint-Lazare, fruits, revenus et émoluments d’iceux, pour être unis, annexés et incorporés à perpétuité à ladite congrégation ; et encore ledit prieur autre procuration du 10è desdits mois et an, pour d’abondant consentir l’homologation des Bulles qui seront obtenues pour ladite union ; tous lesdits actes reçus par Desnotz et Païsant, notaires au Châtelet ; laquelle union aurait été agréée par notre amé et féal conseiller en nos conseils et grand maître de notre chapelle, le sieur archevêque de Paris, à la charge de recevoir et entretenir audit prieuré par lesdits prêtres de la Mission des pauvres lépreux de ladite ville de Paris, si aucuns se présentent

 

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ci-après, et qu’outre la fonction desdites missions, iceux prêtres de ladite congrégation seront aussi tenus recevoir audit prieuré les ordinands du diocèse qui leur seront par ledit sieur archevêque envoyés, pour les former, instruire, disposer et rendre capables de dignement recevoir les ordres auxquels ils désireront être promus même les loger et nourrir audit prieuré pendant quinze jours, sans en tirer par lesdits prêtres aucune rétribution ; en la jouissance duquel prieuré néanmoins ils craindraient être ci-après troublés, s’il ne nous plaisait leur accorder sur ce lettres de déclaration de nos vouloir et intention, humblement requérant icelles.

A ces causes, après avoir fait voir en notre Conseil lesdits concordat et procurations desdits prieur et religieux, ensemble] e consentement dudit sieur archevêque, ci-attaché sous le contrescel de notre chancellerie, et ayant été particulièrement informé des grands fruits que lesdits prêtres de la congrégation de la Mission ont faits en diverses provinces de notre royaume depuis leur établissement en icelui, et de ceux qu’ils font encore journellement à la gloire de Dieu et salut des âmes de plusieurs de nos sujets, même qu’aucuns desdits prêtres ont, depuis un an, été envoyés par leur supérieur au diocèse de Montauban, où ils travaillent incessamment à déraciner l’hérésie des lieux qui en restent les plus infectés ;

Nous, de l’avis de notre Conseil et de nos grâces spéciales, pleine jouissance et autorité royale, avons loué, agréé, confirmé et approuvé, louons, agréons, confirmons et approuvons par ces présentes, signées de notre main, ledit concordat d’union dudit prieuré, léproserie ou administration de Saint-Lazare à ladite congrégation des prêtres de la Mission ; voulons et nous plaît qu’eux et leurs successeurs à perpétuité en jouissent, ensemble de tous fruits, droits, revenus et émoluments

 

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y appartenants, aux charges réserves, clauses et conditions tant dudit concordat qu’approbation dudit sieur archevêque, que nous voulons sortir leur plein et entier effet.

Si nous donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement à Paris, prévot dudit lieu, son lieutenant et autres nos justiciers etofficiers qu’il appartiendra, que cesdites présente ils aient à faire registrer ès registres de notredite cour et du contenu en icelles jouir et user pleinement, paisiblement et à toujours, lesdits prêtres de la congrégation de la Mission, sans leur mettre, ni souffrir leur être fait, mis ou donné aucun trouble ou empêchement au contraire. Et à ce que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Metz, au mois de janvier, l’an de grâce 1632, et de notre règne le 22e.

LOUIS.

DE LOMÉNIE.

 

81. — BULLE D’ÉRECTION DE LA CONGREGATION DE LA MISSION

(12 janvier 1632)

Urbanus, episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio officiali venerabilis fratris nostri Archiepiscopi Parisiensis, salutem et apostolicam benedictionem Salvatoris Nostri Domini Jesu Christi, salutis nostrae auctoris et omnis salutaris doctrinae magistri, vices, licet immeriti, gerentes in terris, pro pastoralis officii debito, divini cultus augmento religionis propagationi et animarum saluti intendentes, pia et salubria fidelium quorumlibet praesertim generis nobilitate praeditorum, suas facultates ad ea liberaliter erogantium, et

Document 81. — Arch. nat. M 209, original.

XIII. — 17

 

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piorum ecclesiasticorum virorum, Dei servitio et saluti animarum quaerendae se addicentium, vota, ad institutionem religiosarurn congregationum, per quas rudes in Dei doctrina excoli, salutaria monita et praecepta seminari, et piorum operum exercitium fieri et procurari valeant, ut inde Deo cultus auctior et animabus salus proveniat, tendentia, pii patris affectione amplectimur, ac in easdem congregationes, nostrae approbationis et novae institutionis, aliisque specialibus favoribus et gratiis prosequimur, prout in Domino conspicimus salubriter expedire.

Exhibita siquidem nobis nuper, pro parte dilectorumi filiorum Vincentii de Paul, presbyteri Aquensis dioecesis, Provinciae Auxitaniae, superioris generalis, et universorum clericorum, presbyterorum ac sociorum congregationis Missionis nuncupatae, civitatis Parisiensis, petitio continebat : quod dilectus filius nobilis vir Emmanuel de Gondy, comes de Joigny et praefectus generalis triremium totius regni Galliae, ac dilecta in Christo filia, nobilis mulier Francisca Margarita de la Rochepot, conjuges, secum ipsi reputantes ad christianorum omnium salutem maxime conducere, divinorum praeceptorum et rerum fidei catholicae instructionem, assiduam verbi Dei praedicationem et auditionem, confessionis sacramentalis frequentationem et Sanctissimi Eucharistiae Sacramenti condignam susceptionem ; et iis quidem qui civitates urbesque praecipuas incolunt, praedicatores, adhortatores et monitores non deesse, insigni doctrina et pietate viros qui praedicationibus suis aedificent eos, ac omnia quae ad salutem sunt neœssaria, summa cum laude et fructu animarum eos edoceant ; eorum vero qui in villis, terris, pagis, oppidulis et locis humilioribus habitant, et praesertim ruricolarum non parem curam haberi, eosque fidei catholicae praecepta, modum rite et recte peccata sua confitendi, de-

 

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nique omnià ea quae ad salutem pertinent, ignorare, et ideo majori iauxilio indigere, cum. eorum parochi vix possint tanto muneri satisfacere ; hincque deplorandam animarum, quarum tamen redimendarum gratia Christus Deus et Dominus noster, humana carne assumpta, mortem crucis subire dignitus est, jacturam fieri ; cogitarunt ad salutem animarum utilissimum Deoque optimo maximo gratissimum fore, si aliqua pia proborum et idoneorum virorum congregatio institueretur, qui rusticorum et habitatorum pagorum, oppidulorum et locorum humilium hujusmodi instructionis curam haberent, et de propriis eorum bonis ad hanc congregationem, seu ejus domum, in dicta civitate Parisiensi instituendam seu fundandam, quadraginta quinque millia librarum turonensium erogarunt.

Hocque salutari consilio inito, dictus Vincentius, cui etiam hanc eamdem mentem, bonorum omnium auctor, Deus induxerat, banc, a paucis susceptam, reipublicae tamen christianae utilissimam provinciam, huic congregationi principium daturus suscepit. Et mox, divino favente numine, quamplurimos pios et cordatos hujusce instituti amplectendi cupidos, ecclesiasticos viros, invenit, qui in quamdam domum ad eorum habitationem aptam et commodam in dicta civitate Parisiensi existentem, de licentia venerabilis fratris nostri Joannis Francisci de Gondy, moderni Archiepiscopi Parisiensis, qui, uti pium et vigilem pastorem decet, de commissi sibi gregis salute sollicitus, et sperans ex tam utili instituto maximos fructus in beneficium animarum proventuros, illius institutores paterna benevolentia commendans, pium eorum propositum plurimum in Domino commendavit, se receperunt, atque inibi in communi vixerunt et vivunt sub gubernio et directione dicti Vincentii, qui ejusdem domus et congregationis, quae congregatio

 

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Missionis nuncupatur, superior generalis ad ejus vitam electus seu deputatus fuit, eisque infrascripta capitula et regulas observanda praescripsit ;

Videlicet quod praecipuus hujusmodi congregationis illiusque personarum finis et peculiare institutum sit, divina favente gratia, cum propria salute, in eorum sa lutem incumbere qui in villis, pagis, terris, locis et oppidis humilioribus commorantur. In civitatibus autem et urbibus quae archiepiscopatuum, episcopatuum, parlamentorum et bajulatuum titulis insignitae sunt, clerici et sacerdotes dictae congregationis nulla publica eorum instituti munera obeant, privatim tamen eos qui ad ordines promovendi fuerint, et ad eos, spatio quindecim dierum ante promotionis tempus, ad spiritualia exercitia et confessionem generalem totius vitae faciendam mittentur, ad eosdem ordines digne suscipiendos instituant ; cultusque peculiaris sit Sanctissimam Trinitatem, sacrum Incarnationis mysterium et Beatissimam Virginem Dei Matrem Mariam venerari. Hujus congregationis socii, licet illius superioribus et Generali quoad disciplinam et directionem subsint, subjaceant etiam locorum Ordinariis, quod missiones tantum, ita ut ipsi Ordinarii ab ipsis superioribus designatos ad suarum dioecesum partes sibi bene visas mittere possint.

In iis locis ad qu. ae missi fuerint, ignorantes Dei praecepta doceant, eosque christianae doctrinae rudimentis informent, confessiones etiam generales audiant, ac eis Sanctissimum Eucharistiae Sacramentum ministrent, conciones fauliliares ad populi captum habeant. catechismi munus exerceant, obtenta tamen prius a parochis licentia sine qua praefatis exercitiis se non immisceant.

In locis ubi catechismi et praedicationis munus exercuerint, confraternitates quas vocant Charitatis, Or-

 

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dinarii auctoritatae, institui procurent, ut pauperlbus aegrotis subveniatur ; lites, discordias atque dissidia sedare et componere summa charitate nitantur.

Parochialium ecclesiarum rectores ad spiritualia exercitia et ecclesias suas regendas instrui volentes in domibus dictae congregationis recipiant. Denique operam dent ut ipsi rectores de casibus conscientiae et sacramentorum administratione tractaturi, semel quolibet mense insimul conveniant, quando id pro locorum vicinitate commode et absque eorum curiae detrimento fieri possit ; haecque omnia gratuito et absque ulla spe praemii humani, divinum expectantes, praestent

Porro dicta congregatio laicis, clericis et presbyteris constet. Laici, Marthae officio contenti, domesticas res curent. Clerici decem et septem, seu decem et octo annis, non minores, recipiantur, et, anno probationis exacto, si idonei judicati fuerint, et animum habeant toto vitae suae tempore in dicta congrebatione permanendi, corpori congregationis inserantur et in illius socios admittantur. Quotidie sacrosanctae missae sacrificio intersint, et singulis octo diebus sacramentalem confessionem frequentent ac divinum Eucharistiae Sacramentum sum. ant ; sacerdotes vero quotidie missam celebrent. Omnes vero, tam sacerdotes quam alii, horam integram meditationi impendant, et praeterea conscientiae examine utantur.

Post obitum dicti Vincentii, alius superior generalis de corpore congregationis ab ipsa congregatione eligatur ; idemque superior generalis omnes alios quarumcumque domorum dictae congregationis superiores aliosque ministros inferiores instituendi eosque amovendi, mutandi et transferendi, domos, res et personas ipsius congregationis visitandi et corrigendi, omnem denique auctoritatem et superioritatem quam similium et aliarum congregationum superiores generales in suarum con-

 

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gregationum domos, res et personas habent aut habere possunt vel po- tuerunt, habeat.

Ab ipso itaque ejusdem congregationis Missionis primordio, illius presbyteri in perlustranda dioecesi Parisiensi sese indefesso animorum et corporum studio occuparunt, unum aut alterum mensem in singulis pagis et locis manentes, propositae rusticorum et ignorantium instructioni vacantes, eos Dei praecepta et fidei catholicae rudimenta, modumque rite et recte peccata confitendi edocentes, catechizantes, crebras ad eos de mysteriis fidei conciones habentcs, eis Poenitentiae et Eucharistiae sacramenta administrantes, rectores parochialium ecclesiarum aliosque presbyteros de rebus ad eorum munus spectantibus plenissime informantes, eos qui non longe ab invicem distant, ad, insimul interdum conveniendum et de casibus conscientiae et administratione sacramentorum disserendum et disceptandum adhortantes, eorunlque dliscursus et disceptationes sua praesentia, interventu et opere ac opera adjuvantes, confraternitatum Charitatis institutiones, litium et discordiarum compositiones atque odiorum depositiones procurantes.

Ad hoc, clerici ad Sacros Ordines promovendi, m eorum domo Parisiensi juxta modum praescriptum recepti, de ordinum ab eis recipiendorum importantia et de modo illos digne suscipiendi, in charitate et diligentia instructi, aliaque spir, itualia opera ab ipsius congregationis sociis, juxta praefatum institutum, diversimode exercita fuerunt et incessanter exercentur.

Ex quorum felicibus successibus evidenter apparet hoc pium institutum Deo acceptissimum, hominibus vero utilissimum prorsusque necessarium esse. Ex eo enim, licet non multo adhuc tempore, rarus antea confessionum sacramentalium etiam generalium et Sanctissimae Eucharistiae usus, per Dei gratiam frequens fac-

 

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tus est, confraternitates Charitatis quamplurimis in locis in subventiones aegrotorum institutae, matrimonia clandestina sublata, publica peccata correcta, bona rapta restituta fuisse constat ; sacra templa longe melius ornata visuntur, caeremoniae ecclesiasticae accuratius abservantur, officium divinum cum majori pietatis sensu peragi et audiri aliaque plurima spiritualia bona provenisse cernuntur.

Adeo ut pii hujus instituti fama per Galliam diffusa, multos diversarum civitatum et provinciarum antistites excitarit ad aliquos dictae congregationis Missionis presbyteros et socios ad suas dioeceses accersendos, quorum opera ad subditos suos ad virtutis et pietatis studium excitandos utilissime utuntur ; multique j am variis in locis novas ipsius congregationis domorum institutiones efflagitant, quorum pio et laudabili desiderio ut satisfiat, et sit tam utilis instituti propagatio summopere expetenda, quin etiam procuranda videatur, nostra et Sedis Apostolicas approbatio expectanda visa est.

Cum autem, sicut eadem petitio subjungebat, ex hoc pio instit, uto rn, aximos fructus provenisse experientia docuerit, spereturque adeo felicia initia feliciores in dies progressus habitura, firmius vero subsistant ea quae Sedis praefatae munimine roborantur, nobis propterea, pro parte Vincentii ac clericorum, presbyterorum et sociorum praedictorum fuit humiliter supplicatum, quatenus congregationem praef atam approbare aliasque in praemissis opportune iprovidere de benignitate apostolica dignaremur.

Nos igitur qui divinum cultum crescere, religionem propagari, Ecclesiae ministros augeri, salutis animarum studium ac piorum operum exercitium vigere ubique sinceris desideramus affectibus, Vincentium ac clericos, presbyteros et socios praedictos, eorumque et congrega-

 

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tionis praefatae singulares personas a quibusvis excommunicationis, supensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis a jure vel ab homine, quavis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodati existant, ad effectum praesentium duntaxat consequendum harum serie absolventes et absolutos fore censentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, ex voto venerabilium fratrum nostrorum Sanctae Romanae Ecclesiae cardinalium negotiis Regularium praepositorum, discretioni tuae per apostolica scripta mandamus quatenus congregationem Missionis hujusmodi illiusque institutum et regulas, et in eis contenta, indeque legitime secuta quaecumque, nec non omnia et singula per dictam congregationem, seu illius socios et personas in observantiam et vim dicti instituti facta, necnon lectionem seu deputationem de persona dicti Vincentii in superiorem generalem dictae congregationis Missionis ad vitam, ut praefertur, factam, auctoritate nostra perpetuo approbes et coniirmes, illisque inviolabilis apostolicae firmitatis robur adjicias ; ac omnes et singulos tam juris quam facti, ac solemnitatum, etiam quantumvis substantialium et de jure requisitarum, et quosvis alios defectus, si qui in illis interfuerint, suppleas ;

Et insuper, ad majorem cautelam, in dicta civitate Parisiensi, et domo in qua dicta congregatio Missionis, ut praefertur, instituta fuit, unam praedicti instituti congregationem, Missionis nuncu~pandam, quae laicis, clericis et presbyteris constet, qui institutum praefatum omniaque in praedictis regulis et capitulis contenta observare et adimplere teneantur, et quoad disciplinam et directionem, praefato Vincentio, quem in superiorem generalem ejusdem congregationis Missionis, quamdiu vixerit, de novo, harum serie, apostolica auctoritate deputamus, ac pro tempore existenti ejusdem congregatio-

 

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nis Missionis superiori generali qui, post obitum dicti Vincentii, ab ipsa congregatione ex ejus corpore eligi debeat ; quo vero ad missiones tantum, etiam Ordinariis locorum, ut supradictum est, subesse debeant ; adeo ut in reliquis dictus superior generalis in omnes domos ejusdem congregationis Missionis, ubicumque forsan institutas et instituendas, illarumque res, superiores, ministros et personas omnimodam superioritatem et auctoritatem habeat, de novo, perpetuo, eadem auctoritate nostra, etiam sine parochorum et jurium parochialium et aliorum quorumcumque praejudicio, erigas et instituas, illique sic erectae et institutae, pro ejus dote, omnia et singula illi deinceps et quandocumque donanda et assignanda bona ex nunc, prout postquam donata, relicta et assignata fuerint, ita quod liceat lllius superiori generali, seu ab eo depulato vel deputatis, per se vel per alium seu alios, illorum omnium corporalem possessionem, ipsius congregationis Missionis nomine, propria auctoritate, libere apprehendere et apprehensam perpetuo retinere, fructusque et emolumenta exinde provenientia percipere, exigere et levare et in dictae congregationis Missionis usus et utilitatem convertere, cujusvis licentia desuper minime requisita, similiter perpetuo auctoritate nostra praefata applices et appropries.

Nos enim, si confirmationem, approbationem, novas erectionem et institutionem, necnon applicationem et approbationem, aliaque praemissa, per te, vigore praesentium, fieri contigerit, ut praefertur, ipsi congregationi Missionis illiusque domibus ac Generali aliisque superioribus et personis ipsorumque bonis et rebus, ut omnibus et singulis privilegiis, praerogativis, antelationibus, favoribus, indultis, indulgentiis et gratiis quibus qu, aecumque aliae similes, vel dissimiles congregationes, earumque domus ac Generales et alii superiores

 

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et ministri ac personae, eorumque res, proprietates et bona quaecurnque utuntur, fruuntur, potiuntur et gaudent, ac uti, frui, potiri et gaudere possunt et poterunt quomodolibet in futurum pariter et pariformiter et absque ulla prorsus differentia, dummodo tamen sint in usu, et non revocata, neque sub aliqua revocatione comprehensa, sacrisque canonibus et Concilii Tridentini decretis et aliis apostolicis constitutionibus, dictaeque congregationis Missionis regularibus institutis non repugnent, uti, frui, potiri et gaudere libere et licite possint et valeant,, perinde ac si illa eis specifice et particulariter concessa fuissent, apostolica auctoritate praefata, earumdem tenore praesentium, pariter perpetuo concedas et indulgeas, nec non dicto Vincentio, et pro tempore existenti superiori generali dictae congregationis Missionis, ut, quotiescumque sibi expedire videbitur, quaecumque statuta et ordinationes, felix regimen et gubernium, directionem et ordinationem dictae congregationis Missionis, illiusque domorum, personarum ac bonorum concernentia, licita tamen et honesta, sacrisque canonibus et constitutionibus apostolicis, Conciliique Tridentini decretis et instituto, et regulae supradictae congregationis Missionis hujusmodi minime contraria, et ab Archiepiscopo Parisiensi approbanda, edere et condere, illaque, quoties pro rerum et temporum qualitate expediens videbitur, revocare, alterare, modificare et alia de novo, praeviis tamen examine et approbatione hujusmodi, condere possit et valeat, licentiam et facultatem itidem perpetuo impartimur ; nec non easdem praesentes litteras semper et perpetuo validas esse ct fore, nec sub quibusvis similium vel dissimilium gratiarum revocationibus, suspensionibus, limitationibus, aut aliis contrariis dispositionibus comprehendi, sed semper ab illis excipi, et quoties emanabunt, toties in pristinum et validissimum statum restitutas, repositas

 

- 267 -

et plenarie redintegratas, ac de novo etiam sub quacumque posteriori data, per modernum et pro tempore existentem dictae congregationis Missionis superiorem generalem, socios et personas quandocumque eligendum, concessas esse ; sicque per quoscumque judices, ordinarios et delegatos, quavis auctoritate fungentes, judicari et definiri debere, ac quidquid secus super his a quoquam quavis auctoritate attentari contigerit, irritum decernimus, non obstantibus apostolicis ac provincialibus, synodalibus universalibusque conciliis editis et edendis specialibus vel generalibus constitutionibus et ordinationibus, caeterisque contrariis quibuscumque.

Datum Romae, apud Sanctum Petrum, anno Incarnationis Dominicae millesimo sexcentesimo trigesimo secundo, pridie idus januarii (1) pontificatus nostri anno decimo.

 

82. — DÉCLARATION D’ADRIEN LE BON

AU SUJET DU CONCORDAT DU 7 JANVIER 1632

(29 décembre 1632)

Par devant Jean Coustart et Etienne Païsant, les notaires gardes-notes du roi notre sire en son Châtelet de Paris, soussignés, fut présent en sa personne vénérable frère Adrien Le Bon, prieur et administrateur de la léproserie Saint-Lazare-lez-Paris, y demeurant, lequel a dit et déclaré qu’étant de plus en plus édifié de la vie exemplaire et singulière charité exercée journellement par les révérends prêtres de la Mission, sous la bonne et heureuse conduite du révérend Père Vincent de Paul, supérieur de la congrégation desdits prêtres, et,

1). 12 janvier.

Document 82. — Arch. nat. M 212, original.

 

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pour ce, désirant contribuer, à son possible, pour leur établissement perpétuel en ladite maison de Saint-Lazare, en laquelle ils sont déjà depuis quelques mois demeurants, à l’instante prière et requête et du consentement tant d’icelui frère Adrien Le Bon, que de tous les religieux de ladite maison, sous toutefois les clauses et conditions à plein posées par le concordat de ce fait et passé entre eux par devant Desnotz et Païsant, notaires audit Châtelet, le septième jour de janvier mil six cent trente-deux, suivi tant des lettres patentes de Sa Majesté décernées audit mois de janvier mil six cent trente-deux, et du consentement de monsieur l’évêque de Paris, supérieur médiat et immédiat de ladite maison, du douzième février audit an, que de celui de messieurs les prévôt des marchands et échevins de cette ville de Paris, du vingt-quatrième mars de la même année mil six cent trente deux, pour l’expressse confirmation dudit concordat, clauses et conditions d’icelui, et finalement de deux arrêts de nosseigneurs de la Cour de Parlement, du vingt-unième août et septième septembre audit an mil six cent trente-deux, par le premier desquels ladite Cour, sans avoir égard à l’opposition du prieur de Saint-Victor, au nom qu’il procédait, et à l’intervention de l’abbé de Quincy, aurait ordonné qu’elle verrait lesdits concordat et lettres patentes cidessus, pour, le tout commun, iqué à monsieur le procureur général, faire droit ainsi qu’il appartiendrait ; et par l’aut, re et dernier desdits arrêts ladite Cour aurait ordonné que lesdits lettres et concordat seraient registrés ès registres d’icelle pour jouir par les impétrants de l’effet y contenu, et, pour l’exécution d’icelui, qu’ils se retireraient par devers ledit sieur archevêque de Paris pour obtenir lettres d’établissement à perpétuité avec autres choses plus à plein portées par ledit arrêt. Pour auquel arrêt satisfaire par ledit frère Adrien

 

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Le Bon et donner lieu audit établissement perpétuel et irrévocable desdits prêtres de la Mission en ladite maison et administration de Saint-Lazare, droits, fruits, profits, revenus et émoluments d’icelle, en quelque chose qu’ils se puissent consister et sans aucune excepter, même en la possession, usage et disposition tant de tous les ornements, calices, vases, croix, chandeliers, encensoirs, burettes et autres argenteries et reliques, servant à l’église, que de tous les ustensiles, meubles et autres choses étant en ladite maison, fors et excepté ceux appartenants audit frère Adrien Le Bon et aux autres religieux qui sont à présent audit Saint-Lazare, compr, is tant les ornements, calices d’argent dudit sieur Le Bon, que les meubles de sa chambre et salle, selon qu’ils sont à présent meublés, que icelui sieur Le Bon a réservés et réserve, pour desdites choses réservées tant de lui que desdits religieux en user et disposer par eux comme de choses à eux appartenantes, s’est ledit sieur Le Bon désisté et départi, se désiste et départ même en tant que besoin serait, remet et quitte ès mains dudit sieur archevêque de Paris, messieurs ses grands vicaires, ou autres ayant à ce pouvoir, l’administration qui lui avait été commise de ladite maison, pour la donner, transférer et commettre auxdits prêtres de la Mission sous la conduite dudit Messire Vincent de Paul et ses sucesseurs supérieurs desdits prêtres de la Mission, à la charge expresse, et non autrement, des pensions qu’ils se sont réservées et réservent pendant leurs vies, savoir celle dudit sieur Le Bon, de deux mille cent livres, et pour chacun desdits religieux cinq cents livres, et des clauses, charges et conditions, tant pour ce qui regarde l’habitation et le département que ledit sieur Le Bon et lesdits sieurs religieux se sont réservés audit Saint-Lazare pendant leur vie, que réserve de la terre de Rougemont audit sieur Le Bon et autres choses à plein portées

 

- 270 -

par ledit concordat dudit septième janvier mil six cent trente-deux, lequel demeurera et demeure toujours en sa force et vertu, ensemble tous les actes faits en conséquence d’icelui, hormis pour ce qui regarde l’union qui se devait faire dudit hôpital à ladite congrégation en cour de Rome, dont ledit sleur Le Bon s’est désisté et départi sur ce qu’il a été depuis informé par les titres de l’institution d’icelui, que ce n’était qu’une simple administration temporelle, laquelle pouvait être commise à une personne laïque, et partant ne pouvait être valablement unie en cour de Rome, et à la charge expresse, pour sûreté et entretien inviolable du surplus dudit concordat, pensions et réserves, de faire fournir de nouveau nouvelles soumissions et obligations du Révérend Père de Gondy, qui se constituera pleige, caution, et fidéjusseur desdites habitations, réserves et pensions tant dudit sieur Lebon que desdits religieux, obtenir nouvelles lettres patentes de Sa Majesté confirmatives des présentes et nouveau consentement dudit sieur archevêque de Paris, et le tout faire homologuer en ladite cour, afin que désormais ledit concordat et tout le contenu en icelui, ensemble ces présentes, soient perpétuels, stables et irrévocables, et ne puissent être altérés, enfreints, ni éludés, pour quelque cause et occasion que ce soit.

Et a été la présente déclaration acceptée par ledit Messire Vincent de Paul, prêtre, supérieur de ladite congrégation, Messires Jean Dehorgny, Jean Pillé, Antoine Lucas, Joseph Brunet et Jean Cuissot, prêtres de ladite congrégation de la Mission, pour ce présents et comparants, qui ont requis et demandé acte de ce que dessus, promettant, etc…, obligeant, etc…, renonçant, etc…

Fait et passé audit prieuré Saint-Lazare, en la chambre dudit sieur prieur, l’an mil six cent trente-deux, le vingt-neuvième jour de décembre, avant midi. Et ont

 

- 271 -

lesdits sieurs Le Bon, de Paul et autre, susnommés comparants signé la minute des présentes, demeurée vers ledit Païsant, l’un desdits notaires.

COUSTART.

PAISANT.

 

83. — APPROBATION PAR L’ARCHEVEQUE DE PARIS

DE L’UNION DE SAINT-LAZARE A LA MISSION

(31 décembre1632)

Joannes Franciscus de Gondy, miseratione divina primus Parisiensis Archiepiscopus, Christianissimi Domini nostri Francorum et Navarrae Regis, in suis Status et Sanctiori consiliis consiliarius, ac capellae regiae magnus magister, universis praesentes litteras ingpecturis et audituris, salutem in Domino. Inter caetera officia quibus pro nostra archiepiscopali dignitate oves nobis concreditas in viam salutis aeternae dirigere possumus (continuer comme à la pièce jusqu’aux mots reluctari non posumus ; puis :)

Quare, visis patentibus litteris Christianissimi Domini nostri Ludovici XIII, Francorum et Navarrae Regis, datis Metis mense januario ultimo praeterito, quibus laudavit, approbavit et consentit praedictam domum seu leprosariam S. Lazari uniri in perpetuum congregationi presbyterorum secularium Missionis ;

Item placitis supremae Curiae Parisiensis, de diebus 21a augusti et 7a mensis septembris ultimo praeteritis, circa observationem et executionem concordiae factae et initae inter praedictum priorem et religiosos canonicos

Document 83. — Arch. nat. M 212, original.

1). La déclaration du 29 décembre 1632 modifiant sur un point essentiel le concordat du 7 janvier précédent, toutes les formalités étaient à recommencer ; de là cette nouvelle approbation archiépiscopale, suivie peu après de nouvelles lettres patentes.

 

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regulares Ordinis Sancti Augustini ipsumque Magistrum Vincentium a Paulo, coram Magistris Joanne Denotz et Stephano Païsant, notariis regiis in Castelleto Parisiensi, die mercurii septimo praedicti mensis januarii novissimi ;

Sententia insuper et judicio Domini praepositi mercatorum et scabinorum hujus urbis Parisiensis, qui, stipulantes pro eadern urbe, ex aequo et bono dictam union. em gratam habuerunt, et eam consenserunt de die 24a martii novissimi ;

Visis etiam dicta domo seu leprosaria, ad quam ipsi nos contulimus ad hunc effectum ; promotoris etiam nostri, cui omnia praedicta communicata fuere, conclusionibus ;

His de causis et aliis justis et rationalibus nos et animum nostrum ad id moventibus, et consideratis maximis fructibus spiritualibus quos praedicti presbyteri dictae congregationis Missionis hactenus fecerunt in variis hujus regni provinciis et praecipue in dioecesi Montisalbanensi in extirpanda haeresi calviniana, nos, Archiepiscopus Parisiensis praefatus, ad majorem Dei omnipotentis laudem et gloriam animarumque Christifidelium salutem, postquam dictus prior, ex abundanti et in quantum opus est, dictum prioratum seu administrationem et omne jus sibi in eo et ea competens sponte et libere in manibus nostris resignavit, praedicto Magistro Vincentio a Paulo, presbytero Aquensis dioecesis, dictae congregationis pr. aedictorum presbyterorum Missionis superiori, ipsique congregationi per illum quasi caput representatae, illius domus hospitalis seu leprosariae domos, hortos, fructus, reditus, proventus, obventiones, jura et bona quaecumque et quolibet nomine nuncupentur, eidem congregationi et presbyteris qui sunt et ex. istunt et futuris temporibus existent, in perpetuum univimus, applicuimus et annexuimus, ita ut

 

- 273 -

eis et eorum successoribus eisdem uti, frui et potiri plene et paafice in aeternum liceat et in hunc effectum In supradictam domum hospitalem seu leprosariarn Sancti Lazari prope Parisios introduximus et introduximus per praesentes, et inibi instituimus et constituimus In perpetuum et pro perpetuis futuris temporibus curn libertatibus, franchisiis et privilegiis quibus antiquitus et hactenus hucusque eadem domus hospitalis seu leprosaria usa est, nullis exceptis aut reservatis, sub oneribus, reservationibus, clausulis, cautelis et conditionibus declaratis et expressis per praedictas regias litteras, datas Metis, mense januario, et placita supremi Senatus Parisiensis, die 21a augusti et die 7a mensis septembris, et nostras litteras, de die 8a mensis januarii novissimi, et sub aliis clausulis et conditionibus reservatis per praedictam concordiam, maxime illis quibus convenerunt, et per praesentes convenimus et annuimus, ut dicto Adriano Le Bon, antea priori, bis mille et contum francos turonenses dicti presbyteri Missionis singulis annis suppeditent, insuper reditus et conventiones fundi seu domus Rubeimontis, vulgo de Rougemont, in suos proprios usus convertat et annuatim percipiat caeteris etiam religiosis in dicta hospitali domo degentibus singulis annis 500 l. dare teneantur, et, ut dictorum religiosorum saluti et votorum observationi consulatur, dictus frater Adrianus Le Bon superioris vicibus erga suos religiosos fungatur curamque illorum gerat et administrationem hableat, sicut nos dictis religiosis professis apud nos et dictum priorem obedientiam servandam injungimus ;

Praedictam autem unionem volumus, approbamus et confirmamus sub conditionibus sequentibus : imprimis ut nos et successores nostri Archiepiscopi Parisienses habeamus omnimodam jurisdictionem, auctoritatem et jus visitandi, tam in spiritualibus quam in temporalibus,

XIII. — 18

 

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praedictam domum seu leprosariam et ecclesiasticos dictae congregationis in ea degentes, quorum unus a congregatione in superiorem eligatur, et ut iidem sacerdotes et clerici Missionis praedictae teneantur recitare officium divinum canoniale in choro, voce mediata, sine cantu et januis ejusdem chori clausis, et sanctum missae sacrificium submissa voce celebrare, ut non retardentur ab eorum onere et labore percurrendi pagos ; et incolae dictorum suburbiorum urbis Parisiensis nullam habeant occasionem deserendi parochias suas, sed in eis intersint divino officio et missae sacrificiis quae in eis celebrabuntur ; teneantur etiam iidem presbyteri congregationis Missionis omnes fundationes praedictae domus adimplere, leprosos praedictae urbis, civitatis et Universitatis Parisiensis illarumque suburbiorum admit-tere ; in ea domo seu leprosaria duodecim saltem praedictae congregationis residere, quorum octo ad minimum sacerdotes praedictae congregationis continuo, interposita tamen aliqua quiete necessaria ad tantum laborem sustinendum, praesertim tempore messis, quo rustici impediuntur in colligendis frugibus, occupentur in percurrendis pagis dioecesis, sumptibus dictae congregationis, et in singulis unum vel duos menses, pro necessitate loci, commorentur, et ibi fidei mysteria dosceant, confessiones, praecipue generales, audiant, rudiores in rebus christianis instituant, animas ad dignam sacrosanctae Eucharistiae susceptionem praeparent, pacem inter dissidentes componant, juxta nostram et successorum nostrorum voluntatem et ordinem qui a nobis et suocessoribus nostris praescribetur ; deinde ut, temporibus quibus, de more, Parisiis conferuntur ordines, teneantur iidem presbyteri Missionis praedictae, sine praejudicio missionum quae tunc etiam fient, admittere candidatos ordinum dioecesis Parisiensis, qui per nos ad ipsos mittentur, eisque administrare, spatio

 

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quindecim dierum ante ipsos ordinum dies, quae necessaria erunt ad victum et habitationem apud illos quos occupabunt in exercitiis spiritualibus, utpote confessione generali, examine conscientiae quotidiano, meditationibus mutationis status vitae et eorum quae propria sunt cujusque ordinis et viros eccllesiasticos decent, et in caeremoniis Ecclesiae rite servandis.

Ut autem presbyteri dictae congreg. ationis Missionis promptius et commodius subvenire et satisfacere possint sumptibus et impensis necessariis ratione omnium praemlssorum per dictos presbyteros Missionis faciendis, eisdem presbyteris congregationis Missionis stipulantibus et acceptantibus per dictum Magistrum Vincentium a Paulo, eorum superiorem, concessione perpetua et irrevocabili per hasce praesentes concessimus et concedimus ut omne et quodcumque supererit et residuum remanebit de rerum fructibus supradictis, reditibus, proventibus, juribus, obventionibus et emolumentis annuis et annuatim percipiendis generaliter quibuscumque praedictae domus hospitalis seu lepr~sariae, percipiant et propriis dictae congregationis presbytorum Missionis Parisiensis usibus applicent ; et, attentis praemissis, eosdem presbyteros congregationis Missionis in totum in futurum liberavimus et exoneravimus, liberamus et exoneramus a redditione computorum administrationis hujusmodi, fructuum, redituum et proventuum praedictae domus hospitalis seu leprosariae illiusque annexorum et dependentium.

In memoriam autem hujus nostr. ae uniorlis factae in commodum et utili. tatem dictae congregationis Missionis Parisiensis, volumus ut singuli sacerdotes praedictae congregationis Missionis Parisiensis, singulis annis, die hujus nostrae unionis, singuli unum sacrum pro incolumitate nostra, et die quo ex hac vita decedemus, singuli tria sacra, et singulis annis deinceps sin-

 

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guli unum sacrum pro salute et quiete animae nostrae celebrare teneantur, et haec omnia ad perpetuam rei memoriam insculpantur in tabella marmorea, quae ponatur in choro ecclesiae Sancti Lazari.

Si vero, quacumque ex causa et praetextu, in praejudicium dictae unionis praedicta administratio leprosariae Sancti Lazari, contra jus et mentem nostram, in beneficium erigeretur, vel si quis quocumque modo resignare dictam leprosariam seu administrationem Sancti Lazari, et alius, vi praedictae resignationis, eam habere et possidere praetenderet, vel si forte, quod Deus nolit, praedictae Missionis sacerdotes nollent admittere clericos dioecesis Parisiensis qui ad sacros ordines promoveri vellent modo supradicto instituendos, vel nollent missionum functiones per pagos dioecesis Parisiensis exercere, in iis casibus et in eorum quolibet volumus jus omne quod nos et praedecessores nostri habuerunt ad praedictam domum et administr. ationem leprosariae Sancti Lazari omnino devolvi et redire ad nos et successores nostros Archiepiscopos Parisienses, qui poterunt eommittere cui volent, ut antea, ad nutum, regimen et a. dministrationem domus et dictae leprosariae Sancti Lazari et omnimodam jurisdictionem ecclesi. asticam et auctoritatem tam in spiritualibus quam in temporalibus quam antea habebant exercere.

In quorum praemissorum omnium et singulorum fidem et testimonium has praesentes litteras manu nostra obsignatas per Archiepiscopatusnostri Parisiensis secretarium ordinarium fieri et signari, sigillique Camerae nostrae jussimus et fecimus appositione communiri.

Datum Parisiis, anno Domini 1632, die 31a et ultima mensis decembris.

J. FRANCISCUS,

Archiepiscopus Parisiensis.

 

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De mandato praefati Illustrissimi et Reverendissimi Domini mei Domini Parisiensis Archiepiscopi.

BAUDOUYN.

 

84. — LETTRES PATENTES POUR CONFIRMER L’UNION

DE SAINlT-LAZARE A LA MISSION

(Janvier 1633)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. Nos bien amés les prêtres de la congrégation de la Mission nous ont fait dire et remontrer qu’ayant, en vertu de nos lettres patentes ci-attachées sous le contrescel de notre chancellerie, données à Metz au mois de janvier 1632, portant approbation et confirmation d’union du prieuré, léproerie et administration de Saint-Lazare, sis au faubourg Saint-Denis de notre bonne ville de Paris, obtenu arrêt de notre cour de Parlement, le 21 août dernier, par lequel il aurait été ordonné que, sans avoir égard aux oppositions formées pour empêcher ladite union, notredite cour verrait tant le concordat fait pour icelle union entre les prieur et religieux dudit Saint-Lazare et les prêtres de la congrégation de la Mission, que nosdites lettres, pour, le tout communiqué à notre procureur général, y faire droit ; en suite de quoi notredite cour, par autre arrêt du 7 septembre ensuivant, aurait fait registrer nosdites lettres et concordat pour jouir par lesdits prêtres de la Mission de l’effet et contenu en iceux, et ordonné que, pour l’exécution, ils se retireraient par devers notre amé et féal conseiller en nos conseils et grand maître de notre chapelle, le sieur archevêque de Paris, à ce qu’il leur décernât lettres d’établissement à perpétuité en ladite maison Saint-Lazare ; auquel arrêt

Document 84. — Arch. Nat. M. 212, original.

 

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ledit sieur prieur satisfaisant, se serait, par sa déclaration du 30 décembre aussi dernier, reçue par Coustart et Païsant, notaires au Châtelet, désisté et départi de l’administration qui lui avait été commise de ladite maison Saint-Lazare, même icelle remise ès mains dudit sieur archevêque, pour la donner, transférer, commettre à perpétuité auxdits prêtres de la congrégation de la Mission, sous la conduite et direction de M. Vincent de Paul, supérieur d’icelle maison, et sessuccesseurs à l’avenir ; en conséquence desquels arrêts et déclaration dudit prieur, ledit sieur archevêque aurailt, le dernier dudit mois de décembre, uni, annexé et à perpétuité incorporé ladite maison et léproserie Saint-Lazare auxdits prêtres de la Mission, lesquels, pour la plus grande sûreté et validité de la chose, nous ont très humblement supplide leur vouloir de nouveau sur ce départir nos lettres de confirmation et approbation de ladite union.

A ces causes, désirant, en cette occasion et toute autre qui s’offrira, faire apparaître auxdits prêtres de la Mission l’estime que nous faisons de leur insigne piété, bonne vie, mœurs et déportements, et combien la charité continuelle qu’ils exercent à l’instruction, conversion et salut des âmes de nos sujets résidant à la campagne nous est agréable, nous, après avoir fait voir en notre conseil lesdites pièces ci-dessus énoncées, attachées sous motredit contrescel, avons, de nos grâces spéciales, pleine puissance et autorité royale, loué, gréé, confirmé et approuvé, et par ces présentes, signées de notre main, louons, gréons, confirmons et approuvons ladite union, faite par ledit sieur archevêque, dudit prieuré, léproserie et administration dudit Saint-Lazare à ladite congrégation de la Mission ; voulons et nous plaît que les prêtres d’icelle Mission et leurs successeurs à l’avenir en jouissent à perpétuité, ensemble de tous fruits, droits, revenus et émoluments quelconques y appartenants et

 

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qui en dépendent, aux charges, réserves, clauses et conditions portées tant par le susdit concordat, arrêts, déclaration dudit prieur, qu’approbation et union dudit sieur archevêque, que nous voulons sortir son plein et entier effet.

Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre cour de Parlement à Paris, prévôt dudit lieu, son lieutenant et tous autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, que cesdites. présentes ils aient à faire registrer et du contenu en icelles jouir et user pleinement, paisiblement et à toujours lesdits prêtres de la congrégation de la Mission, sans leur mettre, ni souffrir leur être fait, mis ou donné aucun trouble ou empêchement au contraire. Et à ce que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Saint-Germain, au mois de janvier, l’an de grâce 1633, et de notre règne le 23è.

DE LOMÉNIE. LOUIS.

 

85. — REGLEMENT DES PRETRES DE LA MISSION.

ENVOYÉS AUX ARMÉES A TITRE D’AUMONIERS,

(1636)

Les prêtres de la Mission qui sont à l’armée se representeront que Notre-Seigneur les a appelés à ce saint emploi : 1° pour offrir leurs prières et sacrifices à Dieu pour l’heureux succès des bons desseins du roi et pour la conservation de son armée ; 2° pour aider les gens de guerre qui sont dans le péché à s’en retirer, et ceux qui sont en état de grâce à s’y conserver ; et enfin pour faire leur possible que ceux qui mourront sortent de ce monde en état de salut.

Document 85. — Abelly, op. cit., L. I, Chap. XXXIII, p. 154 et suiv.

 

- 280 -

Ils auront pour cet effet une particulière dévoton au nom que Dieu prend dans l’Ecriture, du Dieu des armées, et au sentiment qu’avait Notre-Seigneur quand il d-lsait : Non veni pacem mittere, sed gladium (1) ; et cela pour nous donner la paix, qui est la fin de la guerre.

Ils se représenteront que si bien ils ne peuvent ôter tous les péchés de l’armée, que peut-être Dieu leur fera la grâce d’en diminuer le nombre, qui est autant que, si l’on disait que Notre-Seigneur devait être encore crucifié cent fois, il ne le sera peut-être que quatre-vingt-dix ; et si mille âmes, par leurs mauvaises dispositions, devaient être damnées, ils feront en sorte, avec le secours de la miséricorde et de la grâce de Dieu, qu’il y en aura quelques-unes de ce nombre qui ne le seront pas.

Les vertus de charité, de ferveur, de mortification, d’obéissance, de patience et de modestie leur sont grandement nécessaires pour cela ; c’est pourquoi ils en feront une continuelle pratique intérieure et extérieure, et notamment de l’accomplissement de la volonté de Dieu.

Ils célébreront la sainte messe tous les jours, ou communieront à cet effet.

Ils honoreront le silence de Notre-Seigneur aux heures accoutumées, et toujours à l’égard des affaires d’Etat, et ne témoigneront leurs peines qu’à leur supérieur, ou à celui qu’il leur ordonnera.

Si on les applique à entendre les confessions des pestiférés, ils le feront de loin et avec les précautions nécessaires et laisseront l’assistance corporelle tant de ceux-ci que des autres malades à ceux que la Providence emploie en ces fonctions.

Ils feront souvent des conférences, après avoir pensé

1). Evangile de saint Matthieu X, 34.

 

- 281 -

devant Dieu aux sujets qui seront proposés, par exemple :

1° De l’importance qu’il y a que les ecclésiastiques assistent les armées ;

2° En quoi consiste cette assistance ;

3° Les moyens de la bien faire.

Ils pourront traiter par la même méthode d’autres sujets qui leur seront convenables en cet emploi, comme de l’assistance des malades, de quelle manière on se comportera pendant les combats et les batailles, de l’humilité, de la patience, de la modestie et des autres pratiques requises dans les armées.

L’on observera le plus exactement que l’on pourra les petits règlements de la Mission, notamment à l’égard des heures du lever et du coucher, de l’oraison, de l’office divin, de la lecture spirituelle et des examens.

Le supérieur distribuera ! es offices à chacun, donnera à l’un celui de la sacristie, à l’autre celui d’entendre les confessions de la Compagnie et de la lecture de table ; à l’autre, des malades ; à l’autre, de l’économie et apprêt du manger ; à l’autre, de la tente et des meubles, pour les faire charger et décharger et mettre en place. Et les uns et les autres seront employés aux prédications et confessions selon que le supérieur le jugera expédient.

Ils logeront et vivront ensemble, si faire se peut, quoiqu’ils soient distribués dans les régiments. Que si on les emploie en divers lieux, comme en l’avant-garde, ou en l’arrière-garde, ou au corps de l’armée, le supérieur qui les distribuera fera en sorte qu’ils logent sous des tentes, si faire se peut.

 

86 — PERMISSION DONNÉE A LOUIS LEBRETON

DE S’ÉTABLIR A ROME

(11 juillet 1641)

Joannes-Baptista de Alteriis, Episcopus Camerinensis ac Eminentissimi et Reverendissimi Domini Vicarii Vicegerens et in Urbe ac ejus districtu judex ordinarius.

Cum Sanctissimo Domino nostro Urbano Papae octavo, pro parte Vincentii de Paul, superioris generalis congregationis Missionis nuncupatae, Parisiis, anno 1632, alpostolica auctoritate institutae, quae sacerdotibus, clericis et laicis constat et cujus praecipuus finis est piae perfectioni acquirendae rusticanorumque tum spirituali tum corporali subventioni vacare, ecclesiasticis in Domino desservire, supplicatum fuerit ut dictam congregationem ad suas functiones in Urbe et ejus districtu exercendas admittere dignaretur, idem Sanct~ssimus Dominus Noster nobis ut cum Reverendissimis D. D. Falconerio, Paulatio et Ingolo negotium hoc dilienter examinaremus, mandavit. Nos itaque, deputatorum dominorum voto et assensu, praevia matura deliberatione, visa erectionis bulla, cognito etiam fructu missionum quas Ludovicus Lebreton, unus de sacerdotibus dictae congregationis, per castella et pastoritia tuguria hujus districtus de nstro mandato obierat, facto insuper verbo cum Sanctissimo Domino nostro, de ejus ordine et mandato, congregationem hujusmodi in Urbe admittendam fore decernimus et de facto ad omnes suas functiones admittimus, et dicto Ludovico Lebreton potestatem facimus ut, pro se et dictae congregationis sociis, domum erigere vel conducere et ibi Deo deservire ecclesiasticorum et rusticanorum saluti

Document 86. — Arch. de la Mission, registre intitulé Fondations de séminaires, f° 100.

 

- 283 -

in Urbe et ejus districtu, juxta suum Institutum, vacare libere et licite valeant ; ita tamen ut, in iis quae circa proximum operantur, Eminentissimo Domino Vicario et nobis ac successoribus nostris immediate subsint, in reliquis superiori suo generali, juxta bullam suae e rectionis, omnimode obediant, ac proinde ut omnibus et singulis gratiis, favoribus ac privilegiis gaudeant quibus similes congregationes in hac alma civitate gaudere solent, nec possint ulla unquam ratione super quoquam horum a quavis persona turbari aut molestari, sub poenis arbitrio nostro imponendis.

In quorum omnium, etc…

Datum Romae ex aedibus nostris, die II julii anni Domini 1641, Ponti, ! icatus vero Sanctissimi Domini nostri Urbani, divina Providentia Papae, octavi, anno decimo octavo.

JOANNES-BAPTISTA,

episcopus Camerinencis, vices gerens.

FRANCISCUS GRAMBERTUS,

secretarius.

 

87. — APPROBATION PAR L’ARCHEVEQUE DE PARIS

DES VŒUX EN USAGE DANS LA MISSION

(19 octobre 1641)

Joannes Franciscus de Gondy, Dei et Sanctae Sedis Alpostolicae gratia Parisiensis Archiepiscopus, dilecto nostro Vincent a Paulo, superiori generali congregationis ecclesiasticorum Missionis, a multis annis per nos approbatae, salutem in Domino.

Cum nobis, pro tua parte, exhibita fuerit peti. tio, continens quod, cum Sanctissimus Dominus Noster Papa

Document 87. — Arch. de la Mission, original.

 

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Urbanus octavus, per bullam erectionis dictae congregationis, a nostro officiali fulminatam, tibi et pro tempore existenti superiori generali, ut, quotiescumque tibi aut successoribus tuis expedire videbitur, quaecumque statuta et ordinationes, felix regimen et gubernium, directionem et ordinationem dictae congregationis Missonis illiusque domorum, personarum ac bonorum convenientia, licita tamen et honesta, sacrisque canonibus et constitutionibus apostolicis, Concilii Tridentini decretis et instituto et regulae supradictae congregationis Missionis hujusmodi minime contraria, et a nobis aut successonbus nostris approbanda, edere et condere possis et valeas, licentiam et facultatem perpetuo impertiri dignatus fuerit ; cumque rerum experientia effecerit ut timeas ne dictae congregationis ecclesiastici, quandiu liberi existunt, recedere cum voluerint ex illa, primis contra vocationem suam tentationibus futuris succumbant, ne etiam, quandiu dubitant utrum sint in illa perseveraturi, quamvis gratiam in illa perseverandi illiusque regulas servandi multis misericors Deus cum benedictione largiitus fuerit, perfectioni ad dictum Institutum requisitae, ut par est, studere negligant ; praeterea, cum conslderaveris quod ipsemet Deus in Veteri Testamento populum sibi electum ad legem suam servandam circumcisione perpetuo obligari voluerit ; quod in Nova Lege sanctum baptisma, toto vitae cursu, nos Jesu Christo Domino Nostro servire obliget ; quod Ecclesia nonnisli hominibus per sacros ordines in statu ecclesiastico per totam vitam permanere se astringentibus splrituale regimen populorum credat, quod eadem Ecclesia nequidem viro uxorem matrimonio credat nisi per quoddam sacramentum ad illius statum tota vita obligans ; praeterea quod omnes communitates et congregahones, paucis exceptis, ut personae in sua vocatione, necnon regularum et constitutionum observatione per-

 

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severare possint, aliquibus votis, in principio quidem simplicibus, a tempore vero Papae Bonifacii octavi solemnibus, astringi necessarium esse semper existimaverint ; tu, supradictis omnibus incommodis, rationibus et exemplis animo propensis, ad efficiendum ut dicti ecclesiastici in dicta congregatione regularumque observaione permanere possint, expedire judicasti et ordinasti ut singuli dictam congregationem deinceps ingressuri, post primum annum probationis in seminario expletum, bonum propositum toto vitae tempore in dicta congregatione permanendi, paupertatem, castitatem et obedientiam servando, coram superiore faciant, et, post secundum pariter probationis annum in dicto seminario expletum, paupertatis, castitatis et obedientiae, necnon stabilitatis, se scilicet reliquo vitae tempore saluti pauperum rusticanorum in dicta congregatione juxta illius regulas et constitutiones applicandi, vatum simplex, indispensabile nisi a Summo Pontifice, vel a te aut pro tempore existente superiore generali, inter missarum solemnia, superiore celebrante et audiente, sed non recipiente, emittant ; ii vero qui in dicta congregatione jam versantur quique dicto voto in illa astringi voluerunt ad illud emitlendum a te aut a tuis successoribus admitti possint et valeant, ita tamen ut dicta congregatio ob dictum votum emissum nequaquam de numero Ordinum religiosorum censeatur, nec de corpore cleri esse desinat. Cum denique in dicta petitione pro parte tua supplicatum fuerit ut dictam tuam ordinationem circa praedicta approbare et confirmare dignaremur, nos, praedictis rationibus mature consideratis, et dictae tuae petitioni amnuere et favere volentes, dictam ordinationem, cum illam sacris canonibus, constitutionibus apostolicis, Concilii Tridentini decretis, necnon Instituto ac regulae dictae congregationis minime contrariam, imo ad personas in dicta congregatione illiusque regularum

 

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observatione conservanda utilem esse constet, et sic nos opus Deo gratum et Ecclesiae fructuosum, divina gratia adjuvante, facturos sperari possit, de nostra gratia approbavimus et confirmavimus et per praesentem confir-mamus et approbamus.

In quorum praemissorum et singulorum fidem et testimonium, dictas praesentes litteras per Archiepiscopatus nostri Parisiensis secretarium fieri et signari sigillique camerae nostrae jussimus et fecimus appositione communiri.

Datum Parisiis, anno Domini millesimo sexcentesi, mo quadragesimo primo, die vero decima nona octobris.

BAUDOUYN.

 

88. — ACCEPTATION PAR LE ROI DE LA BULLE

"SALVATORIS NOSTRI"

(16 mai 1642)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement de Paris, prévôt dudit lieu, ou son lieutenant, et tous nos autres justiciers, lieutenants, et à chacun d’eux sur ce requis, comme à lui appartiendra, salut. Nos chers et bien amés les prêtres de la congrégation de la Mission nous ont fait dire et remontré qu’ayant obtenu de notre Saint-Père le Pape les Bulles ci-attachées sous le contrescel de notre chancellerie, portant approbation de leur Institut, ils désireraient faire mettre à exécution lesdites Bulles, s’il nous plaisait leur en accorder nos lettres à ce nécessaires, humblement requérant icelles. A ces causes, ayant en considération particulière tout

Document 88. — Arch. nat., Section législative et judiciaire, XIA 8 654, f° 383 v°

 

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ce qui touche ladite congrégation pour les grands fruits qu’elle continue de fairc journellement, à la gloire de Dieu, soulagement et salut de nos pauvres sujets de la campagne, avons permis et octroyé, permettons et octroyons par ces présentes, voulons et nous plaît que lesdits prêtres de ladite congrégation de la Mission puissent et leur soit loisible faire exécuter lesdites Bulles et jouir du contenu en icelles de point en point, selon leur forme et teneur.

Si vous mandons que de nos présentes lettres de permission, congé et octroi, vous fassiez, souffriez et laissiez jouir pleilnement et paisiblement lesdits prêtres de ladite congrégation de la Mission présents et à venir, et faisant cesser tous troubles et empêchements au contraire, pourvu que en icelles il n’y ait aucune chose con-traire à nos droits et concordats d’entre le Saint-Siège et nous, privilèges et libertés de l’Eglise gallicane. Car tel est notre plaisir. De ce faire vous donnons pouvoir et mandement spécial.

Donné à Paris, le seiz, ème jour de mai, I’an de grâce mil six cent quarante-deux, et de nobre règne le trente~deuxième.

Par le roi en son conseil.

SAULGER.

 

89. — PROCES-VERBAL DES ACTES DE L’ASSEMBLÉE

TENUE A SAINT-LAZARE EN OCTOBRE 1642

Au non du Père et du Fils et du Saint-Esprit, toute sainte et très adorable Trinité.

Aujourd’hui, treizième du mois d’octobre mil six cent quarante-deux.

Document 89. — Registre des Assemblées, copie du XVIIè siècle. (Arch. de la Mission)

 

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Nous, Vincent de Paul, très indigne supérieur général de la congrégation de la Mission, en la présence de MM. Antoine Portail, François du Coudray, Jean Bécu. Antoine Lucas, Jean Dehorgny, Lambert aux Couteaux, Léonard Boucher, Pierre du Chesne, René Alméras et Jean Bourdet, tous prêtres de notredite congrégation, assemblés en la chambre où nous avons accoutumé de nous assembler, avons fait entendre auxdits prêtres comme, ayant plu à Dieu d’instituer cette petite et pauvre Compagnie il y la environ seize ans, et sa bonté nous ayant fait la grâce d’introduire peu à peu les prati, ques qui s’y observent, qu’il ne nous restait plus à imtroduire que l’usage des congrégations ou assemblées générales en icelle, qui ont accoutumé de se pratiquer par les saintes communautés de l’Eglise de Dieu, à l’instar des conciles et synodes d’icelle ; que j’avais pensé que Notre-Seigneur demandait la même chose de nous, quoique notre Compagnie fût très petite en nombre de personnes et de maisons ; et qu’à cet effet j’avai, convoqué les, dits sieurs Dehorgny, supérieur de notre collège des Bons-Enfants, Jean Bécu, supérieur de notre maison de Toul, Lambert aux Couteaux, supérieur de notre maison de Richelieu, Jean Bourdet, supérieur de notre maison de Troyes, Pierre du Chesne, supérieur de notre maison de Crécy, diocèse de Meaux ; et n’ayant pu convoquer les supérieurs de nos maisons de Notre-Dame de la Rose, diocèse d’Agen, de Luçon, d’Annecy, diocèse de Genève, ni celui de notre maison de Saintes, soit pour la distance des lieux, ou pource qu’il y a peu qu’elles sont établies, ou pource qu’aucuns supérieurs venant d’être envoyés depuis peu auxdites maisons, il y a quelques inconvénients de les retirer sitôt de leurs maisons, nous avons nommé et député en leurs place, lesdits sieurs Portail, du Coudray, Lucas, Boucher et Alméras ; auxquels nous avons fait entendre

 

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les raisons pour lesquelles nous devons faire des assemblées générales de temps en temps ; lesquelles raisons nous avons fondées : [1°] sur la fin pour laquelle elles se font, qui sont l’élection du général, quelque affaire de grande importance et perpétuelle, ou qui regarde la conservation de la congrégation ; 2° sur l’usage de l’Eglise aux conciles et synodes que les apôtres ont commencés, et des communautés.

Nous leur avons dit en quoi consistent lesdites assemblées ; qu’ès assemblées générales il y a six choses à considérer : 1° la fin pour laquelle elle se doit convoquer ; 2° qui y doit assister et avoir voix délibérative à présent ; 3° et qui à l’avenir ; 4° le lieu ; 5° le temps ; 6° et la manière.

Quant à la fin, je leur dis que c’était ou pour procéder à l’élection du génénal, ou pour traiter des affaires de grandes importances et perpétuelles, etc… 2° Que la première se doit faire par le vicaire général qui aura été nommé avant la mort du général défunt pour la direction de la Compagnie jusqu’à l’élection d’un autre général ; que la seconde se doit faiire par le seul général. 3° Qu’il n’y a à présent que les supérieurs particuliers qui doivent avoir entrée dans ladite congrégation. Et s’il plaît à Dieu que la Compagnie se divise ci-après en provinces, alors ce seront les seuls provinciaux qui entreront dans ladite assemblée générale avec deux députés de chaque province. 4° Que le temps de faire ladite assemblée générale pour l’élection du général sera trois mois après la mort du défunt. 5° Que le lieu sera celui que le vicaire général jugera le plus commode. Et pour la manière de l’élection du général, que l’on en fena un écrit à part Et 6°, pour celle de traiter les affaires, qu’elle se fera ainsi.

Que, le jour étant venu, les supérieurs étant assemblés, l’on dira la messe du Saint-Esprit à cet effet, et,

XIII — 19

 

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avant de commencer la première séance, l’on dira le Veni Sancte Spiritus, ou le Veni Creator Spiritus ; puis le supérieur général, ou, s’il est malade, celui qu’il nommera son vicaire général pour cela, commencera cette action par exposer le sujet pour lequel il a convoqué la Compagnie ; 2° les raisons qu’il a eues pour cela ; 3° les moyens qu’on tiendra pour connaître la volonté de Dieu sur le sujet proposé ; et exhortera la Compagnie à pratiquer ces moyens-là ; puis fera mettre les choses proposées, qu’il aura fait mettre par écrit, dans le lieu de l’assemblée, où chacun les puisse lire ; et en la seconde séance, il commencera à prendre les voix et donera à chacun le loisir de raisonner sur le sujet proposé, et continuera les séances jusques à ce que tous aient dit leur avis. 3° Que si tous sont Id’un meme avis, en ce cas il fera écrire la résolution dans le livre destiné à cet effet et la fera lire à l’assemblée. Que si les opinions sont divrerses, en ce cas l’assemblée élira quatre personnes, qui résoudront la chose à la pluralité des voix avec ledit supérieur général, et la Compagnie sera obligée d’acquiescer à ce qu’ils résoudront, ainsi qu’elle le promettra avant l’élection qu’elle fera desdi, tes quatre personnes.

Nous leur dimes de plus que, pour prccéder à cette action avec bénédiction, il fallait beaucoup prier Dieu, et y procéder avec grande humilité ; que nul ne devait proposer aucune chose pour en délibérer ; qu’il était néaessaire que toutes les choses fussent proposées par le supérieur général et de plus qu’il ne fallait parler hors de l’assemblée avec qui que ce soit, non pas même avec ceux qui-en sont, des choses qui se traitent en ladite assemblée, ni d’aucune autre chose qui regarde la conduite de ladite Compagnie, sous quelque prétexte de bien que ce soit.

Sur quoi, ayant demandé à chacun desdits assistants leur opinion sur ce que je venait de leur proposer, ils

 

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ont répondu tous, l’un après l’autre, qu’ils trouvaient bonne la proposit on que je leur faisais, et y acquiesçaient.

Et le même jour, à quatre heures après dîner, la Compagnie étant assemblée, je leur dis que la première chose de laquelle il fallait traiter était des règles de la Compagnie, et leur dis qu’en cet entretien je leur dirai trois choses. 1° Les motifs que nous avons de nous donner à Dieu pour considérer, examiner et arrêter les règles qu’il fallait à la Compagnie pour parvenir à sa fin, dont le premier est pris de la fin desdites règles, qui est d’unir des esprits différents et des hommes de diverses nations ; le deuxième, de la durée desdites règles, qui doit être des siècles entiers. Au 2, je leur représentai le projet des règles et en fis l’exhibition. Au 3è, je leur dis quelgues moyens pour obtenir la grâce de Dieu pour reconnaître sa volonté sur ce projet des règles, qui étaient : le premier, les considérer en la vue de Dieu et de la fin de la Compagnie, ain qu’on vît si c’est un moyen pour y parvenir ; 2° se défaire de ses affections, inclinations et aversions particulières. Et leur ai distribué tous lesdits projets, à ce que chacun les lût, remarquât ce qu’il y avait à corriger, ajouter, diminuer, ou ôter tout à fait ; et qu’après cela l’on examinerait lesdites remarques ; à quoi chacun de ladite Compagnie a acquiescé.

Et le lendemain 14 dudit mois et an, la Compagnie étant assemblée sur les 7 heures du matin jusqu’à 9, elle a travailllé, en la même chambre, à la lecture desdites règles, comme elle a fait depuis 4 jusqu’à 6 heures l’après dînée du même jour.

Et le lendemain,.15 dudit mois, ladite Compagnie a continué ladite lecture et remarques des règles, à pareille heure que dessus, tant au matin qu’après dînée.

 

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Et le lendemain, 16 dudit mois, la Compagnie a continué ladite lecture et remarques sur les règles, depuis 7 heures du matin, et a continué jusqu’à 10 heures.

Et le même jour, de 4 à 6, l’on a continué le même emploi.

Et le lendemain, 17 dudit mois, la Compagnie étant assemblée à 8 heures du matin, a été proposé savoir si, vu la grande quantité de remarques qui ont été faites sur les susdites règles, lesquelles ne se pourraient passer par les voix qu’avec un grand temps, ce qui incommoderait beaucoup les maisons plarticulières desquelles les supérieurs sont absents, il ne serait pas plus à propos de remettre cela à deux ou trois personnes de la Compagnie, lesquelles arrêteraient le tout avec le supérieur général ; et tous ayant fait réponse que c’était leur avis, la Compagnie a nommé M. Portail, M. Dehorgny et Messieurs du Coudray et Lambert, tant qu’ils seront à Saint-Lazare, et, s’ils sortent, l’on substituera M. Alméras en leur place.

2. La Compagnie s’est appliquée à considérer et examiner plus particulièrement les règles du supérileur général, sur lesquelles se sont formées plusieurs questions, qui n’ont pas été résolues.

Et le même jour, après dîner, depuis 4 jusques à 6, sur le susdit sujet des règles du supérieur général, après plusleurs questions qui ont été proposées, la Compagnie a trouvé bon d’en demeurer aux termes de la règle, particulièrement pour ce qui regarde le pouvoir que ledit supérieur général aura sur la Compagnie ; sinon, que l’on ajouterait qu’il n’emprunterait pas somme notable que pour le bien de la congrégatiom, et ce après en avoir donné avis à ses assistants.

Le lendemlain, 18 dudit mois, depuis 8 heures jusques à 10, ont été agitées et résolues deux questions.

 

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La première, savoir si, ès cas portés par les règles du supérieur général, la Compagnie pourrait déposer et renvoyer ledit général, ainsi que porte la règle. A quoi la réponse de la Compagnie sans contredit a été que ce serait le meilleur et pour le bien d’icelle Compagnie et du général même.

La 2e ; savoir s’il serait expédient dès à présent de faire quelques divisions de nos maisons en forme de provinces. La résolution a été affirmative, avec cette modération que, vu la pénurie d’hommes où est à présent la Compagnie, le supérieur général nommerait, pour avoir soin des provinces, un visiteur pour trois ans, plus ou moins, selon qu’il le jugera expédient ; et pource qu’il pourra prendre ou un supérieur d’une maison particulière, ou quelqu’autre, et d’autant que nos maisons de Rome et d’Annecy sont éloignées, qu’elles communiqueront leurs suffrages par lettres, à la manière qui, leur sera indiquée.

Le lendemain, 19 dudit mois, à l’ouverture de l’assemblée, M. Portail a demandé pardoln à la Compagnie de ce qu’ill pensait voir contrevenu à la soumission et condescendance que requiert l’assemblée, en interrompant un autre qui parlait.

Ensuite [1°] on a parachevé de lire et arrêté les règles du supérieur général. 2° On a exposé le chapitre de l’élection dudit supérieur général. Sur quoi a été résolu :

1° Que le supérieur général, dès qu’il serait élu, ferait les exercices spirituels, à la fin desquels, après avoir dit la sainte messe en vue de Dieu, il écrirait en deux papipers à part : en l’un, celui qu’il jugerait propre pour servir à la Compagnie de vicaire général après sa mort jusque, à ce que l’on aurait élu un suplérieur général ; et en l’autre, qu’il en écrirait deux qu’il proposerait à la Compagnie, comme porte le chapitre de l’élection, et

 

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qu’il cachetterait les deux billets et les serrerait chacun dans un coffre à deux serrures différentes, dont il aurait une clef, et le premier assistant une autre. Et au cas que celui qu’il aurait nommé pour vicaire général se trouvât mort, ou empêché par maladie, ou autrement, de travailler incessamment, aimsi que le requiert sa charge, l’assistant qui se trouvera avoir plus d’âge de Compagnie sera censé et reconnu pour vicaire général et prendra le gouvernement de toute la Compagnie. Et a été quant et quant résolu que tout ceci se réduirait en règles entre celles du supérieur général.

2° Que le vicaire général, incontinent après la mort du défunt général, travaillerait au plus tôt à faire la congrégation générale, eu égard à l’étendue de la Compagnie, sans néanmoins que ledit vicaire général puisse outrepasser le temps de cinq mois, de quelque façon que ladite Compagniie se soit étendue.

Le lendemain, 20 dudit mois, au commencement de l’assemblée, ont été confirmées les résolutions prises en la précédente séance, et quant et quant a été arrêté que le vicaire général, outre l’exhortation que, suivant le chapitre de l’élection, il doit faire à l’entrée de la congrégation générale, assemblée pour procéder à l’élection du supérieur général, qu’il en ferait une autre, le jour que la Compagnie procéderait à l’élection, courtement et pathétiquement, là où il ferait voir l’importance de cette action, en laquelle il est question d’aviser aux moyens de conserver, ou de perdre l’œuvre que Dieu a confiée entre les mains de la Compagnie. Et quoi il se donnerait de garde de témoigner quelque pente vers qui que ce soit de la Compagnie.

2. Il a été résolu que les particuliers de la Compagnie s’obligeraient par vœux simples de ne jamais briguer aucune charge ni supériorité dans ladite Compagnie, ni

 

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de bénéfice hors d’icelle ; voire, pour ce dernier, qu’ils voueraient de ne pas seuLement consentir qu’on les élise, ni les aceppter, qu’ils n’y soient contraints par celui qui les peut obliger sous peine de péché ; que lesdits vœux ne se feraient au bout des deux ans du séminaire, ains quelques années après, ainsi qu’il serait jugé à propos par le supérieur général de la Compagnie.

Le lendemain, 21 dudit mois, la Compagnie a parachevé ce qui restait du chapitre de l’élection, et, après avoir satisfait à quelques autres difficultés qui restaient, ladite Compagnie a conclu que ledit chapitre de l’élection demeurerait en la forme qui lui a été donnée, sauf à le mettre au net par les députés de ladite Compagnie pour travailler aux règles et constitutions.

Le lendemain, 22 dudit mois, au matin, a été proposé à la Compagnie et lu le chapitre des congrégations triennales, tant celles des provinces, composées des supérieurs d’icelles, que celles qui se doivent faire au lieu de la résidence du supérieur général, composées des procureurs de chaque province ; et a été résolu sans contredit que l’on suivrait l’ordre que porte le susdit chapitre.

Ensuite la Compagnie a résolu deux choses : la première, que dorénavant on ferait une deuxième probation ; qu’icelle probation se ferait à Saint-Lazare, ou ailleurs, là où le supérieur général aviserait ; qu’elle ne se ferait qu’au bout de 6 ou 7 ans après le séminaire, par l’espace d’un an, sans néanmoins borner la puissance du supérieur général, lequel pourra toujours ou retarder lesdits 6 ou 7 ans, ou abréger ladite année de probation, comme il le jugera expédient pour le bien des particuliers et le besoin de la Compagnie.

La deuxième. La Compagnie a trouvé bon de diviser dès maintenant les maisons des provinces et les a actuellement divisées, savoir Paris et Crécy pour une ; Toul et Champagne pour une autre ; Richelieu, Luçon, Saintes

 

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et Notre-Dame de la Rose pour une autre ; Annecy et Rome pour une autre.

Et le même jour, à huit heures du soir, la Compagnie a confirmé le chapitre des congregations triennales. Elle a arrêté que, considérée la petitesse des provinces, pour le présent le supérieur général pourrait envoyer tel visiteur qu’il jugera à propos et disposer des sujets de chaque province pour les retenir ou envoyer en telles provinces et maisons qu’il pensera que Dieu les appelle, maintenant et pour toujours ; et elle a jugé qu’il fallait laisser audit général le pouvoir d’admettre en nos maisons des externes, pourvu qu’il en use rarement, pour des raisons de très grande importance.

A la fin, Monsieur Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation, après avoir représenté à la Compagnie le peu de suffisance qu’il pensait être en lui pour la conduite d’icelle, l’a suppliée en toute humilité à deux genoux avec instance qu’elle procédât à l’élection d’un autre supérieur général. A quoi ladite Compagnie a fait réponse qu’elle ne pouvait élire un autre supérieur pendant la vie de celui que Dieu, par sa bonté, leur avait élu ; à quoi le susdit a acquiescé après quelques autres instances, protestant que c’était le premier acte d’obéissance qu’il croyait rendre à la Compagnie, la suppliant de l’aider de ses prières. Ce que ladite Compagnie non seulement a promis de faire, ains encore de renouveler la protestation d’obéissance qu’elle lui avait faite.

Il a été aussi résolu par la Compagnie que le supérieur général fera les exercices spirituels tous les ans et qu’alors, ou quand il le jugera expédient, après la confession génénale et la sainte messe qu’il célébrera ensuite, qu’il fera choix devant Dieu de deux personnes de la Compagnie qu’il jugera les plus propres pour lui succéder en] a charge, après que Dieu aura disposé de lui. Il écrira les noms dans un papier cacheté, qu’il en-

 

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fermera dans un coffre à deux clefs différentes, dont il gardera l’une, et le premier assistant l’autre ; et le susdit coffre sera gardé après sa mort par le plus ancien de la maison non assistant, avec la clef qu’avait ledit supérieur général, et ne sera ouvert qu’en la présence des capitulants assemblés pour l’élection dudit supérieur général, après l’élection du secrétaire et assistant élus en ladite assemblée, après laquelle immediatement ledit coffre sera ouvert, le papier décacheté par le nouveau secrétaire en la présence de toute la Compagnie, et lira tout haut les noms qui seront écrits dans ledit papier, et le baillera, pour être lu et reconnu, à chaque personne de ladite assemblée. Et après, les capitulants verront lequel des deux ils choisiront, si ce n’est qu’ils en jugent un autre plus capable, lequel ils pourront prendre, à l’exclusion de ceux que le supérieur a proposés ; et le tout se fera à la pluralité des voix, qui seront colligées par le vicaire général, ainsi qu’il est porté par le chapitre de l’élection.

Le lendemain, 23 dudit mois, la Compagnie étant assemblée, le supérieur général a fait une petite et briève exhortation, où il a fait voir : I° l’importance de faire un bon choix de deux assistants, Ipource que ce sont les deux anges gardiens du supérieur général ; ce sont ceux en qui la Compagnie se repose pour tout ce qui concerne le supérieur et la Compagnie ; 2° les qualiltés qui sont requises en eux, qui sont zèle, discrétion, sagesse, qu’ils aient des lettres et que tous les dons de Dieu reluisent en eux.

Pour le 3° il a proposé si l’on ferait un secrétaire et des assist~nts pour faire cette é ! ection. A quoi la Compagnie a résolu que, pour cette première fois, l’on y procéderait simplement en écrivant, chacun dans un billet, celui à qui il donne la voix, et que ledit supérieur général les verrait, avec les deux qui se trouveraient auprès de

 

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lui ; ce qui a été fait en vue de tous ; et Monsieur Portail a été élu premier assistant et admoniteur du supérieur général, et M. Dehorgny deuxième assistant ; lesquels ont promis ensuite avec serment de donner avis à la Compagnie des déportements du général, au cas qu’ils y soient obligés.

De plus il a été résolu qu’au cas que ledit supérieur général soit obligé par la nécessité des affaires de la Compagnie naissante d’envoyer l’un desdits assistants, ou tous deux, pour affaire d’importance, ou pour être supérieur en quelque lieu éloigné, qu’en ce cas il en mettra d’autres en leur place, il en donnera avis aux provinces, à ce que, si les visiteurs agréent le choix qu’il aura fait des autres, il les continue ; sinon, qu’il recevra ceux auxquels la plupart donneront leur voix par écrit, sans conséquence pour les autres. Fait audit Saint-Lazare-lez-Paris, le vingt-troisième octobre, l’an que dessus 1642.

VINCENT DEPAUL. PORTAIL. DU COUDRAY.

LAMBERT AUX COUTEAUX. A. LUCAS.

JEAN BÉCU. JEAN DEHORGNY. BOUCHER.

ALMÉRAS. BOURDET. DU CHESNE.

 

90. — FONDATION DE L’ÉTABLISSEMENT DE MARSEILL. E

PAR LA DUCHESSE D’AIGUILLON

(25 juillet 1643)

Nous soussignés, Marie de Vignerod, duchesse d’Aiguillon, comtesse d’Agenais et Condomois, d’une part, et vénérable et discrète personne Vincent de Paul, supérieur général des prêtres de la congrégation de la

Document 90. — Arch. nat. S. 6707, copie notariée.

 

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Mission établis à Saint-Lazare de cette ville de Paris, Antoine Portail, François du Coudray, René Alméras et Emerand Bajoue, prêtres d’icelle dite congrégation de la Mission, d’autre part, avons fait, convenu et accordé entre nous ce qui s’ensuit.

C’est à savoir que nous, duchesse d’Aiguillon, ayant eu volonté et dévotion de donner quatorze mille livres tournois pour une fois payées et pour employer à ce qu’ils trouveront plus utile et profitable et qui pourrait rapporter plus de revenus, à l’effet de faire et débourser par eux les frais qu’il conviendra pour l’entretènement, voyages, service des prêtres qui seront employés à ce qui sera ci-après dit : à la charge que lesdits prêtres de la Mission et leurs successeurs en ladite maison de Saint-Lazare soient tenus à toujours et à perpétuité établir, loger, nourrir et entretenir en la ville de Marseille quatre prêtres de ladite congrégatlon de la Mission et, où ils décéderont, d’en envoyer d’autres en la place des décédés, et ainsi successivement à mesure de chacun décédé, lesquels quatre prêtres, suivant la volonté et intention du roi, auront la supériorité des aumôniers et ecclésiastiques proposés et à établir pour administrer les sacrements et faire les prédications et catéchismes, instructions et assistances nécessaires ès galères de Sa Majesté, et lesquels dits aumôniers et ecclésiastiques lesdits quatre prêtres, ou l’un d’eux, auront le pouvoir d’ôter et y en mettre d’autres tels qu’ils les choisiront et selon qu’ils le trouveront plus utile pour la gloire de Dieu ; et lesquels aumôniers et ecclésiastiques desdites galères feront les catéchismes et instructions et administreront les sacrements ;

Convenu encore à la charge que lesdits quatre prêtres de ladite congrégation de la Mission iront de cinq ans en cinq ans sans diminution sur chacune desdites galères étant aux ports de Marseille et autres ports de ce

 

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royaume, pour catéchiser et instruire en l’amour et charité de Dieu les pauvres forçats et autres personnes étant èsdites galères, interroger les aumôniers et ecclésiastiques desdites galères où lesdi, ts aumôniers ou autres ne se trouveront assez idoines et capables, les destituer et, en leurs lieux et places, choisir et établir les plus gens de bien que faire se pourra ; comme pareillement] esdits quatre prêtres de la Mission prendront le soin de l’hopital des pauvres galériens sis en ladite ville de Marseille ;

Item, à la charge expresse d’envoyer par lesdits prêtres de la Mission à toujours et à perpétuité, lors et quand ils le jugeront à propos, des prêtres de ladite congrégation de la Mission en Barbarie, pour consoler et instruire les pauvres chrétiens captifs et détenus èsdits lieux en la foi, amour et crainte de Dieu et y faire par eux les milssions, catéchismes, instructions et exhortations, messes et prières qu’ils ont accoutumé, et aussi à la charge de dire par lesdits prêtres de la Mission deux messes basses par chacun jour de l’année à toujours et à perpétuité, l’une de Requiem, pour le repos de l’âme de Monseigneur le grand cardinal duc de Richelieu, son très honoré oncle et bienfaiteur, et obtenir la bénédiction de Dieu sur toute la maiison de Son Eminence, et l’autre pour ladite dame duchesse pendant sa vie, et après son décès pour le repos de son âme, et pour demander à Dieu sa sainte miséricorde pour nous, duchesse d’Aiguillon, le tout pour honorer la vie laborieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la terre, sa conversation et ses miracles.

Et voulant par nous, duchesse d’Aiguillon, exécuter notredite volonté et dévotion, aurions proposé ce que dessus auxdits prêtres de ladite congrégation de la Mission, qui auraient agréé notre intention et dévotion et dit être prêts d’accepter la susdite somme et, moyen-

 

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nant icelle, effectuer et faire effectuer pleinement et entièrement son intention et dévotion, et, suivant ce, nous dite duchesse d’Aiguillon avons baillé et playé audit Vincent de Paul et autres prêtres de la Mission ci-dessus nommés, que confessons avoir reçu comptant de madite dame duchesse d’Aiguillon, la somme de quatorze mille livres, dont nous contentons et acquittons madite dame la duchesse d’Aiguillon et tous autres, et moyennant laquelle Vincent de Paul et autres prêtres dessus nommés, tant pour ncus que nos successeurs, avons promis, serons tenus et promettons de faire ou faire faire les missions ès lieux dessus désignés, dire ou faire dire lesdites deux messes par chacun jour de l’année et d’accomplir toutes les choses dessus désignées à toujours et à perpétuité, à l’intention, pour les causes, selon et ainsi que dessus est dit ; et si promettons employer icelle dite somme en quelque fonds et revenu annuel, soit sur ce domaine ou autre nature, au profit desdits prêtres de la Mission, à l’effet de percevoir quelque revenu pour l’entretènement de ce que dessus, par l’acte ou contrat de l’acquisition déclarer les deniers qui seront payés pour le prix d’icelle provenir des deniers ainsi reçus de madite dame duchesse d’Aiguillon.

Fait à Paris en l’hôtel chez nous, duchesse d’Aiguillon, le vingt-cinquième jour de juillet mil six cent quarante-trois.

MARIE DE VIGNEROD. VINCENT DEPAUL.

DU COUDRAY. PORTAIL. ALMÉRAS. BAJOUE.

 

NOMINATION DU SUPERIEUR GENÉRAL DE LA MISSION

COMME AUMONIER GÉNÉRAL DES GALERES

(16 janvier 1644)

Aujourd’hui seizième janvier mil six cent quarantequatre, le roi étant à Paris, sur ce que le sieur duc de Richelieu, général des galères de France, a remontré à Sa Majesté qu’attendu le grand fruit et avantage qui a été reçu tant pour la gloire de Dieu que pour l’instruction, édification et salut des âmes de tous ceux qui servent sur lesdites galères, par l’excellent choix qui a été ci-devant fait de la personne de Monsieur Vincent de Paul, supérieur général des prêtres de la congrégation de la Mission, pour la charge d’aumônier réal desdites galères, dont il avait été pourvu par brevet dès le huitième février mil six cent dix-neuf, avec Supériorité sur les autres aumôniers desdites galères, et attendu aussi qu’à cause de ses grandes occupations, tant auprès du roi que de la reine régente sa mère, qui l’appellent souvent à leurs conseils, qu’en sa charge de supérieur général de ladite congrégation, il est impossibe qu’il puisse être toujours à Marseille pour exercer ladite charge d’aumônier réal desdites galères, il serait besoin de luidonner pouvoir de commettre en son absence le supé--rieur des prêtres de la Mission de Marseille et d’affecter cette charge à toujours au supérieur général de ladite congrégation des prêtres de la Mission présents et à venir, Sadite Majesté, ayant agréable la proposition dudit sieur général des galères, de l’avis de la reine régente sa mère, a confirmé ledit Monsieur Vincent de Paul en ladite charge d’aumônier réal desdites galères, avec supériorité sur tous les autres aumôniers desdites

Document 91 — Arch. nat. S 6707 liasse de Marseille, copie.

 

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galères, et, outre ce, a donné pouvoir de destituer les aumôniers qu’il ne trouvera pas propres et d’en mette d’autres en leurs places, comme aulssi de commettre en son absence le supérieur des prêtres de la Mission de Marseille pour en jouir, avec pareilles fonctions, autorité, gages, honneurs et droits, et a affecté a toujours ladite charge d’aumônier réal desdites galères de France, avec pareil pouvoir et autorité, au supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission présent et à venir, voulant sadite Majesté qu’en cette qualité il soit couché et employé sur l’état des galères, en vertu des brevets qui lui en seront expédiés, en conséquence de celui-ci, que sadite Majesté a voulu signer de la main et être contresigné par moi, conseiller de son conseil d’Etat et secrétaire de ses commandements.

DE LOMÉNIE LOUIS

 

92. — FONDATION DE L’ÉTABLISSEMENT DE SEDAN

(14 juin 1644)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens de nos comptes à Paris, salut Savoir faisons :

Le feu roi de très glorieuse mémoire, notre très honoré seigneur et père, ayant, par son testament et ordonnance de dernière volonté, donné et aumôné la somme de soixante-quatre mille livres pour être employées en missions, savoir vingt-quatre mille livres en notre ville de Sedan, tant pour y travailler et affermir les catholiques, que pour essayer de ramener au giron

Document 92. — Arch. de l’hospice civil de Sedan, copie prise sur l’original.

 

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de l’Eglise quantité d’âmes que l’hérésie en avait détournées ; et les quarante mille livres restantes pour vaquer en autres missions ès lieux dont il serait avisé par les Révérends Pères Dinet, provincial de la Compagnie de Jésus, lors confesseur de Sa Majesté, et Vincent de Paul, supérieur général des prêtres de la congrégation de ladite Mission, auquel seul ledit Père Dinet, occupé en divers autres emplois, en aurait, de notre consentement, laissé la direction ; et mettant en considération que, sans aucunement déroger à l’intention de notredit feu seigneur et père, ce bon œuvre, qu’il n’avait destiné que pour dix ans seulement, pourrait être perpétuel.

A ces causes, de l’avis de la reine régente, notre très honorée dame et mère, avons dit et déclaré, disons et déclarons par ces présentes, signées de notre main, voulons et nous plaît que ladite somme de soixantequatre mille livres soit entièrement, par ledit supérieur général de ladite Mission, mise en rentes ou rachats d’héritage, pour le revenu en provenant être, par lui et ses successeurs audit généralat à perpétuité, employé en la nourriture et entretènement de six prêtres et deux frères du corps de ladite Mission, lesquels se. ront actuellement occupés à travailler, conformément aux fonctions de leur Institut, tant en l’étendue de notredlite ville de Sedan, qu’aux lieux circonvoisins d’icelle où ils connaîtront le besoin être plus pressant pour le salut des âmes et accroissement de La religion catholique, apostolique, romaine. Si vous mandons par ces présentes que vous ayez à vérifier et à enregistrer purement et simplement sans aucune restriction ni modification, et du contenu en icelles vous laissiez jouir et user pleinement et perpétuellement ledit Père général des prêtres de la Mission et ses successeurs en ladite charge, ôtant et faisant cesser tous troubles et empêchements au contraire ; car tel est notre plaisir.

 

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Donné à Paris, le 14è jour de juin, l’an de grâce mil six cent quarante-quatre et de notre règne le premier.

LOUIS

Par le roi, la reine régente, sa mère, présente.

DE GUENEGAUD, secrétaire du grand sceau.

 

Aujourd’hui est comparu par devant les notaires gardes-notes du roi notre sire au Châtelet de Paris soussignés, vénérable et discrète personne Messire Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission, demeurant à Saint-Lazare-lez-Paris, lequel a dit et déclaré que, suivant les lettres patentes de Sa Majesté, dont copie, collationnée à l’original, est ci-dessus écrite, il a employé la somme de soixante-quatre mille livres en la construction des bâtiments de treize maisons attenantes l’une l’autre, qu’il a fait bâtir sur une place appelée le champ Saint-Laurent, sise au faubourg Saint-Denis de ladite ville de Paris, au-dessus dudit Saint-Lazare, joignant, d’un côté, au sieur Le Gras, d’autre côté, aux terres dudit Saint-Lazare, d’un bout, par devant, à la chaussée dudit faubourg allant à Saint-Denis en France, étant en la puissance du fief dudit Saint-Lazare, pour lesquelles treize maisons demeurer et appartenir aux prêtres de la Mission de Sedan, auxquels ledit sieur Vincent de Paul promet faire valoir pour toujours annuellement la somme de deux mille deux cents livres par an pour l’entretènement desdits prêtres de la Mission établis audit Sedan, suivant l’intention de Sa Majesté portée par les lettres patentes dont est dit (1) ; et ledit sieur Vincent de Paul a requis et demandé acte à lui octroyé de présent

1). Du vivant même de saint Vincent, ces treize maisons servirent d’asile aux enfants trouvés.

XIII. — 20

 

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pour servir auxdits prêtres de la Mission de Sedan. Fut fait audit Saint-Lazare, l’an mil six cent quarante-cinq, le jeudi vingt-septième jour d’avril, après midi, et a signé.

VINCENT DEPAUL.

PAUZO. ARSAUT.

 

93. — AVIS DE SAINT VINCENT A M. NOUELLY

ET AU FRERE BARREAU AVANT LEUR DEPART POUR ALGER

(1646, vers mai)

Monsieur Nouelly et le frère Barreau, que la Providence de Dieu appelle en Alger pour assister spirituellement et corporellement tous les esclaves chrétiens gui y sont, se représenteront que cet emploi est un des plus charitables qu’ils sauraient exercer sur la terre :

1° Que, pour s’en acquitter comme il faut, ils doivent avoir une particulière dévotion au mystère de l’Incarnation, par lequel Notre-Seigneur est dèscendu sur la terre pour nous assister dans notre esclavage, dans lequel l’esprit malin nous tient captifs.

2° Ils se rendront exacts aux règles de la Compagnie et aux saintes maximes et coutumes d’icelle, qui sont celles de l’Evangile, et travailleront incessamment à l’acquisition des vertus qui font un vrai missionnaire, au zèle, à l’humilité, à la mortification et à la sainte obéissance.

3° Monsieur Nouelly sera le directeur de cette petite Mission et s’emploiera au soin temporel et spirituel des malades, etc…

4° Etant à Alger, ils loueront une maison et y feront accommoder une chapelle.

Document 93. — Mémoires. de la Congrégation de la Mission, t. II, p. 137.

 

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5° Ils tâcheront de vivre avec toutes les précautions imaginables avec le vice-roi, le pacha et le divan et souffriront volontiers les injures qui leur seront faites par le peuple.

6° Ils tâcheront de gagner par patience les prêtres et les religieux esclaves et feront en sorte qu’ils soient conservés dans l’honneur qui leur est dû et dans leurs petits profits.

7° Ils feront leur possible pour maintenir les marchands dans la plus grande union qu’il sera possible.

8° Ils nous donneront de leurs nouvelles par toutes les barques qui viendront en France, non de l’état des affaires du pays, mais de celles des pauvres esclaves et de l’œuvre que Notre-Seigneur leur commet.

9° Que si sans danger ils peuvent aller visiter les pauvres esclaves qui sont à la campagne, ils iront et tâcheront de les confirmer et consoler et leur feront quelques aumônes à cet effet.

10° Ils s’assujettiront aux lois du pays, hors la religion, de laquelle ils ne disputeront jamais, et ne diront rien pour la mépriser.

11° Ils s’instruiront, de ceux qui habitent de longue mlain ce pays-là, de toutes les choses qui peuvent fâcher ceux qui gouvernent, ou leur donner des soupçons, comme aussi des sujets d’avanie, pour les éviter.

 

94. — LETTRES DE PROVISION DU CONSULAT D’ALGER

EN FAVEUR DE LAMBERT AUX COUTEAUX

(5 juillet 1646)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, comte de Provence, Forcalquier et terres adjacentes, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut,

Document 94. — Arch. nat., fonds Marine, B7 49, f° 401.

 

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Savoir faisons que, pour le bon rapport qui nous a été fait de la personne de notre cher et bien-aimé Lambert aux Couteaux, sa suffisance, loyauté, prud’homie, expérience et bonne diligence à icelui, pour ces causes et autres à ce nous mouvants, avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes, signées de notre main, l’état et office de consul pour la nation française en Alger et côte de Barbarie, que naguère voulait tenir et exercer Balthazar de Vias, dernier paisible possesseur d’icelui, avec lequel Charles Moulard aurait traité, par acte passé devant Sausson, notaire à Marseille, le 14 mai dernier, et depuis passé sa résignation ad resignandum en faveur dudit Lambert aux Couteaux, ci-attaché et sous le contre-scel de notre chancellerie, pour ledit office avoir, tenir et exercer, en jouir et user par ledit Lambert aux Couteaux des honneurs, autorités, prérogatives, prééminences et libertés, droits, profits, revenus et émoluments qui y appartiennent, suivant les recolements des consuls dépendants de nous, en partie d’Alexandrie et Tripoli, tant qu’il nous plaira, pourvu que le résignant vive 40 jours après la date des présentes. Si donnons en mandement à notre amé et féal comte le lieutenant de notre amirauté à Marseille qu’après que lui sera apparu de bonne vie, mœurs et religion catholique, apostolique et romaine ledit Lambert aux Couteaux et lui avoir fait tenir le serment en tel cas requis et accoutumé, il le mette et institue, ou fasse mettre et instituer en possession, saisine et jouissance dudit office, et icelui ensemble des honneurs, autorités, prérogatives, prééminences, franchises, libertés, profits, revenus et émoluments susdits, le fasse jouir paisiblement, pleinement, et lui obéir et entendre de tous ceux et ainsi qiu’il appartiendra ès choses touchant et concernant ledit office. Prions à cette fin notre très cher et bon ami le roi d’Alger que icelui Lambert aux

 

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Couteaux il souffre jouir dudit office sans permettre qu’il lui soit donné aucun trouble ou empêchement au contraire ; car tel est notre plaisir.

En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes.

Donné à Paris le 5è jour de juillet, l’an de grâce 1646 et de notre règne le quatrième.

LOUIS.

 

95. — ATTRIBUTIONS DE L’AUMONIER ROYAL DES GALERES

(Juillet 1646)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre… Nous avons par cesdites présentes déclaré que la direction spirituelle pour la consolation des malades, administration des sacrements, célébration de la sainte messe et sépulture des morts appartiendra à l’avenir au supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission et aumônier réal de nos galères, comme elle lui a toujours appartenu en ladite qualité d’aumônier réal, et en a joui sur lesdites galères et sur les officiers, soldats, mariniers et forçats, sous l’autorité des Ordinaires. Voulons qu’en l’absence de notredit aumônier réal, le supérieur de la Mission de notre ville de Marseille ait ladite administration ou direction et exerce ladite charge d’aumônier réal, laquelle, et avec tous ses droits, honneurs, dignités et privilèges, avons unie et unissons à perpétuité à ladite congrégation des prêtres de la Mission pour être exercée par le supérieur général et, en son absence, par le supérieur de la Mission de Marseille, par sa commission ; et afin que les forçats malades en soient mieux assistés, les prêtres de ladite Mission qui seront nécessaires à le servir feront leur

Document 95. — Arch. nat. S 6707, liasse de Marseille, copie.

 

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résidence actuelle dans ledit hôpital… et, pour ce qui regarde le spirituel, non seulement dans l’hôpital, mais encore sur toutes nos galères. Nous voulons et enjoignons très expressément à notredit aumônier réal de tenir la main à œ que chaque galère ait un bon prêtre pour aumônier, qui soit savant, exemplaire et pratique en la charge du gouvernement des âmes, approuvé par l’Ordinaire ; que chaque aumônier visite à son tour les malades de l’hôpital, selon l’ordre qui leur sera prescrit par ledit aumônier réal, que tous lesdits aumôniers, pour mieux s’acquitter de leur charge, vivent ensemble en communauté sous la direction et conduite de notredit aumônier réal. Et en cas que lesdits aumôniers des galères ne se trouvent avoir les qualités et conditions nécessaires, ou qu’ils ne vécussent pas en bons prêtres, ledit aumônier réal pourvoira auxdites galères d’un autre bon prêtre en la place de ceux qu’il ne jugera propres, en vertu du pouvoir que nous lui en donnons par ces présentes ; les gages desquels aumôniers des galères seront mis ès mains de l’aumônier réal, et par lui distribués auxdits aumôniers…

Donné à Fontainebleau, au mois de juillet, l’an de grâce mil six cent quarante-six.

LOUIS.

 

96. — REGLEMENT POUR LES PRETRES DE LA MISSION

DE MARSEILLE CHARGÉS DES GALÉRIENS

Afin que les prêtres de la Mission s’acquittent de leurs devoirs tant envers lesdits aumôniers que forçats des galères, voici les principaux soins qu’ils doivent avoir lorsqu’ils visiteront les galères :

Document 96. — Arch. nat S 6707, cahier. Ce cahier est des environs de 1670. Le règlement est plus ancien ; il est probablement de saint Vincent.

 

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1° Ils doivent s’informer si l’on fait les prières soir et matin sur les galères et si, pendant icelles, chacun demeure en posture décente pour les entendre ;

2° Si personne ne blasphème le nom de Dieu, contre les défenses qui ont été faites, et si les officiers font payer l’amende à ceux qui y contreviennent ;

3° Si les aumôniers ont soin de visiter et consoler les malades souvent, les confesser, aider les moribonds, et si, les bonnes fêtes, ils se présentent dès la veille pour confesser la chiourme.

4° S’informer s’il y a des hérétiques convertis, leur parler particulièrement pour les encourager à perservérer et à fréquenter les sacrements, comane aussi faire le semblable s’il y a des turcs convertis et nouvellement baptisés ;

5° Si les aumôniers disent la sainte messe tous les dimanches et fêtes, et s’ils se trouvent à vêpres, ou s’ils peuvent les dire sans eux.

6° Demander s’il y a des hérétiques qui fréquentent les galères pour entretenir ceux qui sont de leur parti.

7° S’informer aussi s’il y a quelques hérétiques ou turcs qui aient quelque disposition pour entrer dans l’Eglise, afin de leur procurer l’instruction nécessaire.

8° Demander s’il y a des malades et s’ils se sont confessés, si les médecins, chirurgiens les visitent et les traitent en leurs maladies, si on leur donne du potage, de la viande et du pain d’office.

9° S’informer si, les dimanches et fêtes, on fait la débauche, ou si on permet le jeu avant la sainte messe, comme aussi la vente de quelque marchandise ;

10° Si on permet l’entrée des femmes et des jeunes garçons, et si on permet qu’aucuns desdits garçons couchent auxdites galères.

11° Il faut prendre garde si tous les forc, ats ont des chemises, des caleçons, des casaques, des cabans et des

 

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bonnets, des bas, comme aussi remarquer s’il y a double tente dans lesdites galères, demander si le pain qu’on leur donne est du poids qu’il faut, s’il est bon, si on leur donne des fèves tous les jours. Il faut néanmoins s’informer dudit article et des deux précédents hors de présence des officiers.

12° S’informer des invalides qui sont auxdites galères, et se trouver aux visites des commissaires pour solliciter leur élargissement. Lesdites visites se doivent faire deux fois l’année, aux mois de mars et octobre.

13° Se trouver encore dans lesdites galères, particulièrement les avant-veilles et veilles des fêtes principales de l’année, pour exciter les forçats à se confesser, et procurer des confesseurs pour aider les aumôniers, particulièrement les Italiens et Espagnols, et, pour les disposer plus facilement à la confession et communion, leur faire donner, les dimanches précédant lesdites bonnes fêtes, quelques exhortations, comme aussi le plus souvent pendant le cours de l’année.

14° Et finalement on doit tâcher, à chaque visite, de consoler quelques-uns des plus affligés comme ceux qui ont fini leur temps, et offrir à Dieu quelques prières pour eux.

15° Lorsqu’on remarquera quelque chose nécessaire à remédier auxdites galères, on en donnera avis à la Complagnie, et, si la chose presse, on en conférera avec le supérieur d’icelle pour, suivant leur avis, apporter les remèdes nécessaires.

 

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97. — EMPLOIS DES CONSULS ET DES MISSIONNAIRES DE BARBARIE

Le consul a sous sa protection non seulement les Français, mais encore toutes les nations chrétiennes qui ont recours à lui contre les insultes des barbares, et le dit consul remontre au dey, pacha ou à la douane l’injustice qu’on leur fait. Il se plaint du mauvais traitement qu’on exerce en leur endroit. Il négocie le rachat des esclaves, les tire des fers pour les envoyer chez eux. Il termine les différends entre les marchands de ces nations Il veille à ce qu’aucun marchand chrétien n’apporte aux turcs des marchandises de contrebande défendues par les canons de l’Eglise et les ordonnances du roi.

Les prêtres de la Mission veillent aux choses spirituelles. Ils sont missionnaires apostoliques, établis par l’autorité du Souverain Pontife, qui leur donne tout le pouvair et toutes les facultés convenables à cet emploi. Ils sont grands vicaires de l’archevêché de Carthage, et, en cette qualité, ils ont juridiction sur tous les prêtres et religieux esclaves, et sont pasteurs de tous les marchands chrétiens et des esclaves, qui sont en très grand nombre.

Ils soutiennent la religion catholique et en maintiennent les exercices publics et particuliers en ces lieux où elle est persécutée, et s’emploient à confirmer et fortifier les fidèles en la foi. Ils administrent les sacrements aux sains et aux malades. Ils prêchent et instruisent et font tout ce qlu’ils peuvent pour le soulagement spirituel et corporel des pauvres esclaves.

Document 97. — Arch. nat. S 6707, cahier des environs de 1670. Cet exposé des emplois des missionnaires de Barbarie est probablement de saint Vincent.

 

98. — OBÉDIENCE POUR CHARLES NACQUART

ET NICOLAS GONDRÉE, ENVOYES A L’ILE DE MADAGASCAR

(30 mars 1648)

Vincentius a Paulo, superior generalis congregationis Missionis, dilectis in Christo confratribus D. D. Carolo Nacquart et Nicolao Gondrée, nostrae congregationis sacerdotibus, salutem in Domino.

Cum, juxta insti. tutum nostrum, saluti animarum quocumque Deus vocaverit procurandae vacare peculiari rationc teneamur, praesertim in locis ubi major inest necessitas et alii desunt evangelici operarii ; scientes autem apud Indias, maxime apud insulam Madagascar, alias Sancti Laurentii, penuriam operariorum maximam esse et messem copiosam tum erga catholicos in fide fovendos, tum etiam erga ethnicos ad fidem catholicam vocandos, cum maxime ad missionem hanc ab Illustrissimo et Reverendissimo Domino Domino Nuntio apud regem nostrum christianissimum Apostolico, necnon ab honorabi, libus viris illis ad quos per tractatum cum rege christianissimo spectat pro temporalibus Indiae, requisiti atque rogati fuerimus, nos, divinae vocationi obedire cupientes, ac in vestra pietate, doctrina, experientia et animarum zelo confidentes, vos ad dictam insulam et alias Indiae partes misimus ac per praesentes mittimus, ut, juxta instituti nostri functiones, saluti ani, marum totis viribus, cum gratia Dei, incumbatis. Quapropter Dominos Dominos nostros antistites, parochos, caeterosque Ecclesiarum praepositos [rogamusl ut

Document 98. — Arch. de la Mission, dossier de Madagascar, copie. Le copiste a ajouté à la suite de cette pièce : "Il est à remarquer que cette patente fut faite à la hâte, à cause que le voyage de Madagascar fut fort précipité, en sorte qu’on n’eut pas le temps d’y apporter toutes les formalités requises. C’est pourquoi on a ensuite réformé celles qu’on donna aux autres missionnaires qui sont partis pour la même Mission."

 

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vobis seu cuilibet vestrum missam celebrare, sacramenta pœnitentiae et Eucharistiae, praesertim viris illis qui vobiscum ad dictam insulam transmeant, ministrare et caetera nosbri instituti munia obire permittant, cum vos ab omni ecclesiastica censura immunes esse constet. Insuper omnes reges, principes, proreges, praetores, primates civitatum, confinium praefectos, custodiis urbium ac viarum praepositos in Domino rogamus ut per suas provincias et terras atque portus maritimos, libere et tuto eundi et redeundi facultatem ac favorem dignentur impertiri, propter arnorem illius qui est Rex regum, Dominus dominantium, ad quem interea pro felici illorum statu, una cum congregatione nostra, devotas preces effundemus.

In quorum omnium fidem praesentes propria manu subsignavimus ac sigillo nostro muniri curavimus.

Datum Parisiis, tertio calendas aprilis, anno millesimo sexcentesimo quadragesimo octavo.

 

99. — OBÉDIENCE POUR PLUSIEURS PRETRES ET FRERES

DE LA MISSION ENVOYÉS EN DIVERS ÉTABLISSEMENTS

(5 avril 1648)

Vincentius a Paulo, superior generalis congregationis Missionis, dilectis in Christo fratribus DD. Joanni Jacobo Mugnier et Gabrieli Damiens, sacerdotibus, Paschasio Blondel, Michaeli Doutrelet, Edmundo Jolly, Francisco Pinson, Emmanueli Chardon, Jacobo Pesnelle et Michaeli Giroud, clericis, atque Roberto Coutieu, Renato Champion et Joanni Duchesne, coadjutoribus, omnibus dictae nostrae congregationis, salutem in Domino Nos ad quem, pro officii nostri munere, spectat opera

Document 99. — Doc. signé. — Arch. de la Mission, original,

 

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rios ad domos nostrae Congregationis ubi desiderantur mittere, scientes vero in domibus nostris quae tum in Italia, cum Massiliae existant aliquos desiderari, de vestra omnium probitate, capacitate, et sufficientia confidentes, ad dictas domos misimus, ac per praesentes mittimus : scilicet Dominum Joannem Jacobum Mugnier ad domum nostram Massiliensem, Robertum vero Coutieu, coadjutorem, ad do, mum nostram Genuensem, reliquos autem supra nominatos, Dominum Gabrielem Damiens, sacerdotem, et septem clericos cum duobus coadjutoribus Romam mittimus, ut in singulis illis domibus sub obedientia superiorum pro tempore existentium, juxta instituti nostri regulas, maneatis. Quapropter dictarum domorum superioribus mandamus ut vos benigne recipiant ac inter personas sibi per nos commissas connumcrent.

Debite etiam informati de pietate et sufficientia Domini… (1) Paussin, sacerdotis, in seminario nostro Bonorum Pueroirum, Parisiis erecto, ab aliquibus mensibus oommorantis, qui, eelo animarum incensus, petiit a nobis ut, pro juvandis ad triremes damnatis, Massiliam petere posset, pro dicto opere vobiscum etiam mittimus.

Insuper dominos nostros antistites, parochos ac reliquos Ecclesiarum praepositos enixe rogamus ut vobis dictis sacerdotibus in suis ecclesiis missam celebrare, sociis vestris sacramenta ministrare, permittant, cum vos ab omni ecclesiastica censura immunes esse constet. Rogamus etiam in Domino omnes principes, proreges, confinium ac urbium praepositos, quoscumque (?) portuum maritimorum custodiis praefectos, ut vobis tuto et libere eundi et redeundi per suas terras, provincias et portas, facultatem conferant, ac suo favore prosequen

1). La place réservée au petit nom est restée en blanc sur l’original.

 

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tur propter amorem illius qui est Rex regum et Dominus dominantium, ad quem in terra devotas preces pro felici illorum statu, una cum congregatione nostra, effundemus.

In quorum fidem praesentes propria manu subsigna vimus ac sigillo nostro muniri curavimus. Datum Parisiis, nonis aprilis 1640,

VINCENTIUS A PAULO,

Superior Generalis Congregationis Missionis.

 

100. — ERECTION PAR LA PROPAGANDE

DE LA MISSION DE MADAGASCAR

(20 juillet 1648)

Referente Fminentisslmo Dommo Cardinali Sfortia litteras Nuntii Galliarum de Missione D. Caroli Nacquart, sacerdotis dioecesis Suessionensis, cum socio D. Nicolao Gondrée, silmiliter sacerdote ex congregatione presbyterorum Missionis, sub directione et regimine D. Vincentii de Paulis, ad insulam Sancti Laurentii seu Madagascar, Sacra Congregatio, admissa excusatione quare sine suo decreto facta fuerit Missio praedicta, eam, tamquam nulliter factam, de novo erigere decrevit, ut infra.

Primo, Missionem praedicto Carolo Nacquart, sacerdoti, cum dicto Nicolao Gondrée, socio, a Nuntio Galliarum approbatis, ad dictam insulam, decrevit, illiusque Missionis praefectum dictum D. Carolum Nacquart deputavit atque constituit, et pro facultatibus jussit adiri Sanctum Officium.

2° Decretum Missionis et facultates jussit ad Nuntium praedictum transmitti, injuncto mandato ut dictum

Documunt 100. — Arch. de la Mission dossier de Madagascar.

 

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decretum et facultates ad praedictum Nacquart non mittat nisi post factas diligentias pro mittendis ad eam insulam Carmelitanis discalceatis, quibus pnus dicta insula excolenda fuerat commissa, eos non posse mitti cum mercatoribus, etiam viatico pro eis oblato, compererit.

3° Ne tamen dicti Missionarii otiosi in dicta insula permaneant, Sacra Cong, regatio potestatem concessit eidem Nuntio illis communicandi saltem necessarias facultates ad audiendas confessiones et ministranda sacramenta parochialia ex iis quae continentur in expeditione facta a Sancto Officio.

 

101. — FACULTÉS CONCÉDÉE PAR LE SAINT-OFFICE

A NICOLAS DUPORT, NOMMÉ MISSIONNAIRE A MADAGASCAR

(1650)

1. Dispensandi in quibuscumque irregularitatibus, exceptis illis quae exbigamia vera vel ex homicidio voluntario proveniunt, et in his duobus casibus, etiamsi praecisa necessitas operiorum ibi fuerit, si tamen, quoad homicidium, ex hujusmodi dispensatione scandalum non oriatur.

2, Dispensandi et commutandi vota simplicia, etiam castitatis, ex rationabili causa, in alia omnia opera, non tamen religionis.

3. Absolvendi et dispensandi in quacumque simonia, et in reali, dimissis beneficiis, et super fructibus male perceptis, injuncta aliqua eleemosyna vel poenitentia salutari, arbitrio dispensantis, vel etiam retentis beneficiis si fuerint parochialia et non sint qui parochiis praefici possint.

Document 101. — Arch. de la Mission, dossier de Madagascar. Ces mêmes facultés, à l’exception de la vingt-sixième, furent accordées, le 20 février 1653, à MM. Dufour et Mousnier.

 

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4. Dispensandi in tertio et quarto consanguinitatis et affinitatis, simplici et mixto, et in secundo, tertio et quarto mixtis, non tamen in secundo, solum quoad futura matrimonia ; quo vero ad praeterita, etiam in secundo, solum cum his qui ab haeresi vel infidelitate convertuntur ad fidem catholicam ; et, in praedictis casibus, prolem susceptam declarandi legitimam.

5 Dispensandi super impedimento publicae honestatis juutitiae ex sponsalibus proveniente.

6. Dispensandi super impedimento criminis, neutro tamen conjugum machinante, ac restituendi jus petendi debitum amissum.

7. Dispensandi in impedimentis cognationis spiritualis, praeterquam inter levantem et levatum.

8. Hae vero dispensatiolnes matrimoniales ultimae, quarta, quinta, sexta et septima, non concedantur nisi cum clausula, duumodo mulier rapta non fuetit, et, si rapta fuerit, in potestate raptoris non existat, neque in utroque foro, ubi erunt episcopi, sed in foro conscientiae tantum ; et in illis expediendis, tenor hujusmodi facultatum in dispensationibus inseratur, cum expressione temporis ad quod fuerint concessae.

9. Dispensandi cum gentilibus et infidelibus plures uxores habentibus, ut, post conversionem et baptismum, quam mialuerint ex illis, si etiam fidelis fiat, retinere possint, nisi prima voluerit converti.

10. Absolvendi ab haeresi et apostasia a fide et a schismate quoscumque, etiam catholicos, tam seculares quam regulares, non tamen eos qui ex locis fuerint in quibus sanctum of ficium exercétur, nisi in locis Missionum in quibus impune grassantur haereses, deliquerint, nec illos qui judicialiter abjuraverint, nisi isti nati sint ubi implu, ne grassantur haereses, et post judicialem abjurationem illuc reversi, in haeresim fuerint reversi, et eos in foro conscientiae tantum.

 

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11. Absolvendi ab omnibus casibus Sedi Apostolicae reservatis, etiam in Bulla Caenae Domini contentis.

12. Benedicendi paramenta et alia utensilia pro sacrificio missae.

13. Reconciliandi ecclesias pollutas aqua ab episcopo benedicta, et, in casu necessitatis, etiam aqua non benedicta ab episcopo, eamdemque facultatem communicandi simplicibus sacerdotibus.

14. Consecrandi calices, patenas et altaria portatilia cum oleis ab episcopo benedictis, ubi non erunt episcopi, vel distent per duas dietas, vel sedes vacet.

15. Dispensandi, quando expedire videbitur, super usu carnlum, ovorum et lacticiniorum, tempore jejuniorum, et praesertim quadragesimae.

16. Celebrandi bis in die, si necessitas urgeat, ita tamen ut in prima missa non sumpserit ablutionem, per unam horam ante auroram, et aliam post meridiem, in altari portatili, sine ministro, sub dio et sub terra, im loco tamen decenti, etiamsi altare sit factum, vel sine reliquiis sanctorum, et praesentibus haereticis, schismaticis, infidelibus, et excommunicatis, dummodo minister non sit hereticus aut excommunicatus, ac aliter celebrari non possit.

17. Concedendi indulgentiam plenariam primo conversis ab haeresi atque etiam fidelibus quibuscumque, in articulo mortis, saltem contritis, si confiteri non poterunt.

18. Concedendi indulgentiam plenariam in oratione 40 horarum, ter in anno indicendam, diebus bene visis, contritis et confessis ac sacra communione refectis, si tamen ex concursu populi et expositione Sanctissimi Sacramenti nulla probabilis suspicio sit sacrilegii ab haereticis seu infidelibus, vel magistratum offensum iri.

19. Lucrandi sibi easdem indulgentias.

20. Singulis secundis feriis non imipeditis festis no-

 

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vem lectionum, vel, eis impeditis, die immediate sequenti, celebrando missam de Requiem in quocumque altari, etiam portatili, liberandi animam, secundum ejus intentionem, a purgatorii poenis per modum suffragii.

21. Deferendi Sanctissimum Sacramentum occulte ad infirmos sine lumine, illudque sine eodem retinendi pro iisdem infirmis, in loco tamen decenti, si ab haereticis aut infidelibus sit periculum sacrilegii.

22. Induendi vestibus secularibus, si aliter vel transire vel permanere non poterit in locis Missionum.

23. Recitandi Rosarium vel alias preces, si breviarium secum deferre non poterit, vel divinum officium ob aliquid legitimum impedimentum recitare non valeat.

24. Tenendi et legendi, non tamen aliis concedendi, libros haereticorurn vel infidelium, de eorum religione tractantium, ad effectum eos impugnandi, et alios quomodolibet prohlbitos, praeter opera Caroli Molinae. Nicolai Machiavelli, et libros de astrologia judiciaria, principaliter vel incidenter vel alias quovis modo de ea tractantes, ita tamen ut libri ex illis provinciis non offerantur.

25. Administrandi omnia sacramenta, etiam parochialia, ordine et confirmatione exceptis, et, quoad sacramenta parochialia, in dioecesibus ubi non erunt Episcopi vel Ordinarii aut eorum vicarii, vel in parochiis ubi non erunt parochi, vel, ubi erunt, de eorum licentia.

26. Communicandi has facultates in totum vel in parte sociis suis in Missione, et praesertim tempore sui obitus, ut sit qui interim possit supplere, donec Sedes Apostolica, certior facta, quod quamprimum Tieri debebit, per delegatum alio modo provideat ; et communicatas revocandi, prout opus fuerit.

27. Utendi iisdem facultatibus in locis suarum Missionum tantum.

28. Omnes praedictae facultates gratis et sine ulla

XIII. — 21

 

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mercede exerceantur et ad quindecim annos tantum conœssae intelligantur.

 

102. -- RÉSOLUTIONS

CONCERNANT L’ETABLlSSEMENT DE II~ARSEILLE

(9 juillet 1650)

Le 9è juillet 1650, quelques résolutions furent prises à Paris, touchant notre établissement en cette ville et à l’égard de l’hôpital, par Monsieur Vincent, supérieur général, Monsieur Bausset, prévôt de la Major et administrateur de l’hopital, Monsieur Portail, prêtre de la congrégation de la Mission, et Madame la duchesse d’Aiguillon.

1° Si on doit remettre la conduite de l’hôpital, tant pour le spiritueil que temporel, aux pères de la Charité, ou le laisser en l’état qu’il est à présent, à savoir si le spirituel sera aux prêtres de la Mission et le temporel à la conduite de messieurs les administrateurs ?

A été résolu par Monsieur le prévôt, Monsieur Vincent, Monsieur Portail et Madame la duchesse d’Aiguillon que l’hôpital demeurerait aux formes qu’il est à présent, suivant son institution et les lettres patentes de Sa Majesté,

2° S’il faudra y mettre un ou deux prêtres ? S’ils seront étrangers ou de la maison ?

A été résolu d’un commun avis de le laisser à la volonté de Mansieur Vincent, qui l’ordonnera comme il verra bon être, et qu’ils seront toujours au moins deux.

3° Leurs emplois dans l’hôpital.

A été résolu qu’ils feront tout ce qui est porté par les lettres patentes et tiendront la mam à la conduite morale des domestiques, conformément aux articles qu’on

Document 102. — Arch. nat. S 6707, cahier des environs de 1670.

 

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est demeuré d’accord avec feu Monsieur de La Coste et messieurs les administrateurs.

4° Touchant la demeure et le logement tant desdits prêtres que de ceux du séminaire ct aumôniers des galères ;

A été résolu que des deniers revenant bons de quinze mille livres assignées par le roi par lettres patentes seront employés à parachever ledit hôpital et y bâtir un nouveau cours pour y recevoir lesdits prêtres. Et d’autant que lesdites fonctions du séminaire et des aumôniers relèvent du seigneur évêque et que le lieu s’est trouvé exempt de sa juridiction pour être dans le détroit de l’abbaye de Saint-Victor, Madame la duchesse prendra la peine d’en écrire à Monseigneur l’archevêque de Lyon, afin qu’il ait pour agréable remettre cette raison sous la juridiction de mondit seigneur évêque ; et en cas qu’il ne l’agrée, les prêtres demeureront là où ils sont à présent dans la ville.

5° Touchant l’assistance aux conférences ;

A été résolu que le supérieur de la Mission assistera aux conférences, avec les administrateurs de l’hôpital, où l’on traite les affaires tant spirituelles que temporelles du même hôpital, auxquelles il aura voix délibérative avec lesdits sieurs administrateurs, pour être exécuté ce que par eux sera résolu (1).

1). Le copiste a ajouté : "Ces règlements sont signés de Messieurs Vincent, Bausset, Portail et de Madame la duchesse d’Aiguillon, dont l’original est parmi nos papiers. Ici faut remarquer que, lorsque les résolutions ci-dessus ont été prises, les prêtres de la Mission demeuraient en la ville, où ils ont fait leur résidence un fort long temps premièrement à l’hôpital, puis dans un logis un peu distant dudit hôpital, par après proche Saint-Victor, ensuite un peu plus bas, et finalement à la maison où sont présentement les Révérends Pères de la Merci, devant les Carmélites ; et c’est en cette maison-là où les aumôniers des galères ont demeuré l’espace d’un an, ou environ, avec nous. Et dès que cette maison en la bourgade a été achetée, lesdits prêtres de la congrégation de la Mission y ont fait leur résidence et y

 

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103. — SAUF-CONDUIT POUR LES PRETRES DE LA MISSION

ENVOYÉS EN CHAMPAGNE ET EN PICARDIE

(14 février 1651)

De par le roi.

Sa Majesté étant bien informée que les habitants de la plupart des villages de ses frontières de Picardie et de Champagne sont réduits à la mendicité et à une entière misère pour avoir été exposés aux pillages et hostilités des ennemis et aux passages et logements de toutes les armées ; que plusieurs églises ont été pillées et dépouillées de leurs ornements et que, pour sustenter et nourrir les pauvres et réparer les églises, plusieurs personnes de sa bonne ville de Paris font de grandes et abondantes aumônes, qui sont fort utilement employées par les prêtres de la Mission et autres personnes charitables envoyées sur les lieux où il y a eu le plus de ruine et le plus de mal, en sorte qu’un grand nombre de ces pauvres gens a été soulagé dans la nécessité et maladie ; mais qu’en ce faisant, les gens de guerre, passant ou séjournant dans les lieux où lesdits missionnaires se sont trouvés, ont pris et détroussé les ornements d’église et les provisions de vivres, d’habits et d’autres choses qui étaient destinées pour les pauvres, en sorte que, s’ils n’ont sûreté de la part de Sa Majesté, il leur serait impossible de continuer un œuvre si charitable et si impor

ont fait élever les bâtiments que l’on y voit présentement, capables de loger les aumôniers, quand ils seront en disposition de s’y retirer, comme ils le peuvent maintenant, monsieur l’intendant des galères ayant fait augmenter leurs gages de deux écus par mois depuis le commencement de l’an 1666, et ledit sieur intendant leur ayant donné espérance d’un meilleur appointement à l’avenir, pourvu qu’ils s’acquittent bien de leur devoir."

Document 103. — Recueil Cangé, Règlements et Ordonnances militaires, t. XXVIII, f° 14. (Bibl. nat., f. fr. 4182, t. XV, 45, f° 52.)

 

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tant à la gloire de Dieu et au soulagement des sujets de Sa Majesté ; et désirant y contribuer de tout ce qui peut être en son pouvoir, Sa Majesté, de l’avis de la reine régente, sa mère, défend très expressément aux gouverneurs et ses lieutenants généraux en ses provinces et armées, maréchaux et maîtres de camp, colonels, capitaines et autres chefs et officiers commandant ses troupes tant de cheval que de pied, Français et étrangers, de quelque nation qu’elles soient, de loger ni souffrir qu’il soit logé aucuns gens de guerre dans les villages desdites frontières de Picardie et de Champagne, pour lesquels lesdits prêtres de la Mission leur demanderont sauvegarde pour assister les pauvres et les malades, et y faire la distribution des provisions qu’ils y porteront en sorte qu’ils soient en pleine et entière liberté d’y exercer la charité en la manière et à ceux que bon leur semblera.

Défend en outre Sa Majesté à tous gens de guerre de prendre aucune chose auxdits prêtres de la Mission et aux personnes employées avec eux ou par eux, à peine de la vie, les prenant en sa protection et sauvegarde spéciale et enjoignant très expressément à tous baillis, sénéchaux, juges, prévôts des marchands et autres officiers qu’il appartiendra, de tenir la main à l’exécution et publication de la présente et de poursuivre les contrevenants, en sorte que la punition en serve d’exemple.

Veut Sa Majesté qu’aux copies de la présente dûment collationnées foi soit ajoutée comme à l’original.

Fait à Paris, ce 14 février 1651.

 

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104. — PROCES-VERBAL DE L’ASSEMBLÉE

TENUE A SAINT-LAZARE EN 1651

Nous, Vincent Depaul, supéirieur général de la congrégation de la Mission, après avoir plusieurs années travaillé à mettre nos règles au meilleur état qu’il nous a été possible, désirant enfin y mettre la dernière main, nous avons convoqué quelques supérieurs de nos maisons et autres plus versés dans les choses de notre Institut, pour prendre leur avis tant sur lesdites Règles que sur quelques autres points importants à notre congrégation, savoir Messieurs René Alméras, supérieur de la maison de Rome, Etienne Blatiron, supérieur de la maison de Gênes, Lambert aux Couteaux, supérieur de la maison de Richelieu, Antoine Lucas, supérieur de la maison du Mans, Gilbert Cuissot, supérieur de la maison de Cahors, Louis Thibault, supérieur de la maison de Saint-Méen, diocèse de Saint-Malo, François Grimal, supérieur de la maison d’Agen, Jean-Baptiste Le Gros, supérieur de la maison appelée le petit Saint-Lazare (1), Antoine Portail, Jean Bécu, Jean Dehorgny, Pierre du Chesne, Jean-Baptiste Gilles, tous prêtres de notredite congrégation, avec lesquels nous avons commencé, le premier jour de juillet de la présente année 1651, de conférer sur nos règles et autres points susdits, lesquels nous avons désiré être ici rédigés par écrit, et les resolutions prises sur iceux, pour être soussignés par nous et les susnommés.

Le premier sujet a été touchant la difficulté qui se rencontre dans l’usage de nos vœux, que toute l’assemblée a été d’avis de conserver. Et afin de le rendre plus

Document 104. —. Arch. de la Mission, registre des assemblées, copie.

1). Le séminaire Saint-Charles.

 

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authentique, l’on a résolu d’en poursuivre incessamment l’approbation de Sa Sainteté.

La deuxième proposition a été savoir s’il était à propos de statuer un temps parmi nous pour appliquer les sujets au travail de la mission, comme serait un âge de 50 ou 60 ans, après lequel on demeurerait entièrement déchargé de vaquer auxdites missions, pour être appliqué à la direction des séminaires et autres emplois dans la maison.

Toute l’assemblée a été d’avis qu’il ne fallait rien statuer sur ce sujet, ains laisser le tout à la discrétion du supérieur général. La même assemblée a bien été d’avis de ne pas sitôt employer les jeunes prêtres dans les exercices de la mission, ipour plusieurs raisons.

La troisième proposition a été savoir s’il n’était pas à propos que, dans chaque province de la congrégation, il y eût deux ou trois prêtres d’icelle zélateurs du salut des âmes et du travail des missions, lesquels fussent inaessamment occupés en icelles sans s’arrêter en aucune maison de la congrégation, non pas même pendant les intervalles ordinaires des missions et vendanges, si ce n’est pendant huit ou dix jours, qu’ils se rendraient au lieu où résiderait le provincial ou le supérieur général, pour y faire leurs exercices spirituels et rendre compte de leur travail.

L’avis ! a été de ne point refuser ceux auxquels Dieu en donnerait le mouvement, pourvu qu’on trouvât en eux les dispositions de corps et d’esprit que demande semblable travail.

Le quatrième sujet a été touchant la règle de l’élection du général, laquelle porte qu’il nommera par écrit deux personnes à l’assemblée, lesquelles il jugera les plus propres pour lui succéder, ou s’il serait meilleur qu’il ne désignât personne.

L’assemblée a été d’avis d’en user ainsi que la règle

 

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porte, si ce n’est qu’à l’avenir on y trouve trop d’inconvénient.

La cinquième proposition a été si l’on doit lier à notre congrégation d’un lien plus étroit messieurs les ecclésiastiques de la Conférence du mardi.

L’assemblée a été d’avis que non, mais qu’on se remettrait dans le premier usage, de les convier, aussi bien que les séminaristes externes, de venir en mission avec nous, lequel usage semblait avoir été interrompu depuis quelque temps, pourvu que l’on fît un bon choix entre les susdites personnes.

La septième (sic) a été touchant la fermeté que la Compagnie doit avoir, dans le sacrement de pénitence, à l’égard des restitutions, pour ne pas donner l’absolution qu’après que les pénitents y auraient pourvu ou effectivement ou par promesse et obligation et par écrit. L’avis commun a été qu’il était fort à propos d’en user de la sorte.

La huitième, s’il fallait continuer l’usage de faire, dans toutes les missions, la prédication du matin, le catéchisme d’après midi et le grand catéchisme du soir.

L’avis commun a été qu’excepté les fort grosses missions, il serait à propos de retrancher le catéchisme d’après-mildi, lequel on pourrait faire au soir, ou tout seul, y mêlant quelques petites moralités, ou bien le faire pendant un bon quart d’heure avant le grand catéchisme, sans monter en chaire, et que, pour cet effet, le grand catéchiste ne parlerait que pendant une bonne demi-heure.

La neuvième a été touchant la longueur des prédications.

Toute l’assemblée est tombée d’accord que trois petits quarts d’heure suffisent pour l’ordinaire, et qu’une heure c’est excéder, et que les supérieurs y devaient tenir exactement la main.

 

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La dixième a été savoir s’il fallait accomlplir ce qui fut déterminé dans la dernière assemblée le 20 octobre 1642, page 10, touchant les vœux de ne point ambitionner de charge dans la congrégation, ni d’aspirer à aucun bénéfice ou office au dehors.

L’assemblée a été d’avis qu’il fallait observer ce qui est porté dans le susdit article, non toutefois à l’égard de tous les particuliers de ladite congrégation, mais seulement pour ceux que le supérieur général en jugera capables, et pourvu qu’ils soient prêtres, et ce après avoir fait le deuxième séminaire ; ledit supérieur général pourra néanmoins les y recevoir auparavant ledit second séminaire, pourvu qu’il y ait du moins quatre ans qu’on ait achevé le premier séminaire. Il pourra aussi différer tant qu’il le jugera à propos ceux mêmes qui auront fait le dernier séminaire, s’il nie les juge être en état propre pour cela.

L’onzième a été s’il fallait ce comporter avec nos frères d’une manière entièrement douce.

On a été d’avis que la voix de douceur, accompagnée de fermeté pour les tenir en leur devoir, était la meilleure, et a été résolu qu’on ne leur donnerait pas si facilement l’habit noir, ains que ce serait toujours après en avoir demandé la permission au supérieur général.

La douzième a été si on déterminerait quelques pénitences pour certaines fautes particulières.

L’assemblée a été d’avis qu’oui, et l’on en a dressé quelque chose dans un papier à part, lequel n’a pas encore été arrêté.

Treizièmement, on a, dans une ou trois séances, avisé aux moyens d’entretenir et perfectionner de plus en plus la congrégation dans une grande charité et union ; lesquels moyens on a aussi mis dans un papier à part.

Tout le reste du temps jusqu’à l’onzième d’août de la même année, on a travaillé à mettre les règles dans le

 

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meilleur état que l’on a pu, et même on a dressé un acte par lequel tous reconnaissent qu’elles sont en l’état susdit, et on les présente à Monseigneur l’archevêque de Paris pour être approuvées. Et tous ont signé ledit acte.

Fait à Saint-Lazare l’onzième août 1651.

VINCENT DEPAUL. PORTAIL

FRANÇOIS GRIMAL. LUDOVICUS THIBAULT.

LAMBERT AUX COUTEAUX. GILBERTUS CUISSOT.

PETRUS DU CHESNE. A. LUCAS. ALMÉRAS

JOANNES DEHORGNY. STEPHANUS BLATIRON.

J.-B. GILLES. J. BÉCU.

 

Propositiones fectae Domino Vincentio, Superiori Generali, in conventu Parisiis hebito anno 1651, mense augusti, pro bono regimine congregetionis, mexime domus Sancti Lazari, cum responsionibus.

I. Instituendus videretur director scholesticorum, qui eos tum ad pietetem, communicationem interiorem, tum etiem ad studia melius peragenda formaret, qui etiem instrueret de modo praedicendi et utiliter catechizandi.

Monsieur le sous-assistant prendra ce soin, si M. l’assistant ne le peut faire.

2 Misse solemnis diebus festis et dominicis commodius videretur differende usque ad octavem horam quam sine ulla interpolatione post horas edicenda.

L’on en fera un essai pour quelque temps.

3. Tempus eliquod pro examinendis seminaristis a superiore et ejusdem assistentibus, praesente eorum directore, necnon etiam pro examinando scholasticorum profectu quoad studia et quantum ad mores, ut et qui profectum fecerunt notentur, et minus habiles ad altiores scienties aliis rebus applicentur, et alii, si ita usum fuerit, a congregatione removeantur.

 

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L’assistant tiendra la main au plus tôt à la pratique e ces trois articles.

4. Quoniam non expediret ut scholastici in tantum familiaritetem et cognitionem seniorum congregationis venirent, videndum an expediat ipsos seniores sacerdotes interesse conversationibus quotidianis.

Il y a beaucoup d’inconvénients de séparer les jeunes des anciens. Il faut que nous autres anciens nous nous donnions à Dieù pour être à exemple à la jeunesse. L’on essaiera néanmoins de cette séparation, les anciens faisant leur conversation à part, sous un autre, qui proposera les cas.

5. Fortasse cederet in majorem profectum spiritualem semineristarum, scholesticorum et coadjutorum si primus concionandi usus in prexim revocaretur, quando scilicet conciones ipsis accommodatiores [ante] Directorem solum habebantur intra septa seminarii et ex humiliori cathedra quam nunc contingit, et ex personis quae ad praedicendum selig-untur, et in aula amplissima et alto illo suggestu.

Il me semble qu’il sera bon d’user de la sorte que dit ce cinquième article touchant la manière de prêcher.

6. Major cautela ed hibende videretur in persolvendis obligationibus e congregetione contrectis, praecipue erga fundationem Domini Vivien (2) et Domini Calon (3) et alios quosdem, nec set gretitutinis videmur hebere erga caeteros benefectores.

Il est absolument nécessaire de s’acquitter de ces fon-

2). Nicolas Vivien, conseiller du roi et maître des comptes, avait donné, le 20 janvier 1632, une somme de 10.000 livres pour la fondation de missions dans le ressort des parlements de Toulouse, de Bordeaux ou de Provence. (Arch. nat. MM 538, f° 292 v°.) Il ajouta, le 5 juillet 1636 une rente de 200 livres tournois. (Arch. nat. Y 176, f° 383 v°.)

3). Voir Correspondanee, t. I, p. 43, note 2.

 

dations et d’entrer dans l’esprit de plus grande gratitude envers nos bienfaiteurs.

7 Videtur congregatio teneri, in gratitudinis testimonium inter viros illustres, in aula Sancti Lazari collocare tabellam domini prioris defuncti et aliquod epitaphium in ejus memoriam in ecclesia apponendum.

Je prie M. Portail de donner ordre à ce que cet article et les autres solent exécutés.

8. Singulis hebdomadibus videretur aliquis nominandus qui pro fundatoribus et benefactoribus quotidie sacrum faceret.

Je lui fais la même prière à l’égard de la messe pour les bienfaiteurs.

9. Cum quis aliquod negotium suscepit gerendum et alio mittitur propter aliquem necessitatem, negotio supradicto non absoluto, aequum videretur si tale negotium alteri scripto commendaret, propter hujus rei defectum, multa bene incaepta pereunt.

L’exécution de cet article est à pratiquer.

10. Conferentiae spirituales post serotinis horis minus utiliter fiunt, ut videtur, et commodius fierent alio tempore.

Il est fort difficille de trouver une heure le vendredi à Saint-Lazare pour la conférence, où la Compagnie se puisse assembler toute, qu’après les prières du soir ; cela est plus facile aux autres maisons. Les supérieurs particuliers pourront essayer de la faire incontinent après vêpres le vendredi.

 

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105. — RÉCIT DE L’ASSEMBLEE

TENUE A SAINT-LAZARE EN 1651

Les personnes :

M. Vincent, supérieur général ; M. Portail, assistant de Saint-Lazare ; M. Dehorgny, supérieur ; M. Bécu, procureur de Saint-Lazare ; M. Lambert, supérieur de Richelieu ; M. Lucas ; M. du Chesne ; M. Thibault ; M. Cuissot ; M. Alméras ; M. Blatiron ; M. Grimal ; M. Le Gros ; M. Gilles.

Vigilia Visitationis Beatae Mariae Sanctae Virginis, après l’invocation du Saint-Esprit par le Veni Creator, les places prises confusément sans égard ni aux personnes ni aux qualités, M. Vincent, supérieur général, assis vers la cheminée, a fait ouverture de l’assemblée par un petit discours sur le sujet de ladite assemblée, où, d’abord, il remarqua qu’il y a ou peut avoir trois sortes d’assemblées : la générale, pour l’élection d’un supérieur général, suivant les formes prescrites dans l’élection d’un général ; la triennale, des visiteurs avec quelques-uns de leurs provinces, est pour aviser aux nécessités de la Compagnie, ou générales, ou particulières de quelque province, à laquelle le visiteur n’aurait point apporté remède, ou pour pourvoir aux dérèglements d’un général qui se détraquerait ; et la troisième assemblée, extraordinaire, faite par le supérieur général pour aviser à quelques besoins de la Compagnie pour lesquels il lui serait nécessaire de recevoir quelque plus ample lumière et secours de la Compagnie ; et celle-ci se

Document 105. — Arch. de la Mission, ms. original d’Antoine Lucas. Il y a dans ce récit, fait sans soin au courant de la plume, un grand nombre de phrases obscures.

 

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fait de personnes choisies par le supérieur général, qu’il trouve propres à son dessein.

Plusieurs raisons ont empêché d’en faire une générale, qui se fera, s’il plaît à Notre-Seigneur lui donner la vie. Celle-ci est de la troisième chose, pour aviser aux difficultés survenues touchant l’usage de nos vœux, pour revoir nos règles, et quelques autres difficultés qui se présentent.

Cela posé, il a proposé deux choses : 1° les raisons que nous avons de nous donner à Dieu pour bien traiter ce qui se doit traiter en cette assemblée ; 2~ les moyens.

1° Les raisons. — C’est l’affaire de Notre-Seigneur l’affermissement de la Compagnie. Et a pesé sur cette raison beaucoup.

L’on y doit traiter ce que dessus : l’usage des vœux et les difficultés qui y sont survenues, etc…

Les moyens — La prière. Ainsi les apôtres, Notre-Seigneur, l’Eglise ont recom, mandé aux prières du : dehors et dedans Mettre toute sa confiance en Dieu et en son aide. Ne rien donner à la nature, ni n’en rien attendre ; se revetir de Jésus-Christ et de ses sentiments Ne point regarder ses inclinations et passions. Ne point interrompre. Estimer les sentiments des autres plus que les nôtres. Ne point proposer, mais laisser proposer au supérieur, et, s’il y a quelque chose, lui proposer en particulier. Ne parler de ce qui se dit, avec ceux de l’assemblée, ni avec les autres. Garder le secret ; sur quoi il a fait grande instance

Il a proposé ensuite de traiter des vœux : si on continuera l’usage des vœux de la manière que l’on a fait depuis la dernière assemblée jusques à présent, ou si on les laissera tout à fait ; si on changera ce qui choque les esprits, comme la réserve d’en absoudre au Pape et au

 

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supérieur général ; et, s’il les faut conserver, les moyens de les faire.

Après dîner, sur les 2 heures, l’assemblée commence par Veni, Sancte Spiritus, chacun placé comme le matin, à même place. M. Vincent a proposé le sujet de cette action, qui est des vœux et de l’usage au’en doit faire la Compagnie.

1° Savoir si la Compagnie doit conserver l’usage de ses vœux.

Il semble qu’oui : 1° Pou ; rce que Notre-Seigneur les a faits, disait le P. de Condren, général de l’Oratoire, quoique saint Thomas soit de contraire avis, quia Deus~ dit ce saint l ; mais le P. deCondren dit qu’il l’a fait en tant qu’homme (Ps 21) ; vota mea Domino reddam in conspectu timentium eum.

C’est une action sainte, usitée dès longtemps dans l’Eglise et dans la synagogue. Vovete et reddite Domino, etc… C’est un holocauste très agréable à Dieu, où se présente le fruit et l’arbre ; et ainsi tout l’homme demeure consacré à Dieu. Les actions en sont plus méritoires, les sujets mieux affermis, qui naturellement sont comme ce qui s’écrit sur le sable et sur l’eau. Il faut un bon fonds de prière, car homo nunquam in eodem statu permanet. La Compagnie en est plus parfaite ; l’on dispose mieux des sujets. Ici il a remarqué que deux prêtres d’une Compagnie non attachée par vœux étant venus s’éclaircir sur les nécessités des frontières, à dessein d’y aller travailler, ayant out les misères et la nécessité du peuple et du pays, ont désisté. Deux des Pères Capuains qu’il a priés en la personne du provincial et du gardien, qui avaient promis depuis, n’en ont rien fait. Un superieur ne pourrait disposer de ses sujets avec

1). Summa Theologica 2-2, q. LXXXVIII, art. IV, ad. 3.

 

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tant de liberté, et eux résisteraient plus aisément quand il faudrait aller au loin en des emplois difficiles, etc…

2° Que non. Plusieurs Compagnies fleurissent sans vœux et font bien : l’Oratoire de Rome, de France, Saint-Nicolas, Saint-Sulpice, etc… La difficulté qu’on y trouve dedans et dehors. Il semble qu’on vivra avec plus de liberté, et partant avec plus de mérite. Potuit transgredi et non est transgressus, etc… Les bons n’en seront pas moins fermes ; nous serons pllus conformes au clergé, dont nous sommes membres et partie ; les ecclésiastiques auront plus de coni~ance en nous et de liberté avec nous ; les évêques n’auront nul sujet d’ombrage, et toutes les difficultés cesseront.

3° S’il faut garder les vœux, il semble qu’il faut ôter ce qui blesse, savoir la réserve d’en absoudre au Pape et au général, et laisser les évêques dans leur droit, quoiqu’il semble que M. de Paris ait pu faire ce qu’il a fait comme commissaire du Pape en ce fait ; c’est le sentiment de son conseil et de quelques docteurs ; cependant envoyer un homme exprès à Rome, qui sollicite cet affaire personnellement et ne fasse autre chose, pource que feu M. le commandeur de Sillery disait qu’on venait à bout de tout à Rome avec le temps et patience ; et M. Molé, premier président de la cour, dit qu’il n’a jamais vu échouer une bonne affaire dans le parlement. Ces difficultés cesseront avec le temps, parce que l’on a pris cette résolution avec conseil après de longues prières. Ainsi Clément VIII ayant vu en songe que Dieu le damnait pour avoir reçu Henri IV, après avoir pris avis de plusieurs docteurs, Tolet, étant de retour, lui dit : "C’est une tentation, car vous l’avez fait après bon conseil et beaucoup de prières" Ainsi lui-même fut guéri par feu M. Pillé d’une peine, pource qu’il fallait plaider pour Saint-Lazare, pource qu’il dit : "Ne vous

 

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mettez pas en peine sans conseils et sans beaucoup de prières"

Le dimanche 2 juillet, mondit sieur Vincent a répété les raisons du doute arrivé sur nos vœux : que le Pape les a refusés, disant : videbimus, que les docteurs sont partagés touchant la valeur d’iceux ; que plusieurs de la Comlpagnie y ont peine.

M. Grimal a dit qu’il fallait tenir pour les vœux et incliner plutôt au solennel qu’à les abandonner, pource que c’est l’affermissement de la Compagnie.

M. Thibault de même, lequel a remarqué que Monseigneur de Tréguier y avait peine

M. Blatiron a noté qu’il fallait modérer à l’égard des Italiens, qui ont peine aux vœux et à l’état religieux qu’ils croient consister dans les vœux ; et si cela se pouvait partager, que l’on reçût qui feraient des vœux et qui n’en feraient pas, comme les Jésuites, qui font les quatre vœux, d’autres qui ne les font pas ; néanmoins qu’il ne faut quitter les vœux.

M. Gilles a fait instance pour les vœux et montré : 1° que la Compagnie ne pouvait être sans vœux ; 2° qu’il serait à souhaiter qu’on ne pût hériter, ou qu’il y eût un p~ocureur pour les successions, et que les particuliers ne s’en mêlassent point, quia offerunt oves macras, subtrahunt pingues ; que la condition de la Mission serait pire que de vicaire ; que les évêques sont ravis d’avoir des missionnaires, quia de clero et versati in rebus cleri ; que, tandis que nous avons du bien, ou espérance d’en avoir, nous regardons derrière, comme la femme de Loth ; que, s’il n’y avait que les missions, il ne faudrait point faire de vœux, quia status miserrimus senibus, qui aiment un état fixe ; et l’instabilité de la Mission est très fâcheuse, quia homo, ut arbor, radices mittit. Les évêques n’ont sujet de se plaindre, quia

XIII. — 22

 

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ont des serviteurs stables. Notavit que, quand il n’aurait que du pain et de l’eau, il ne quitterait pas la Mission. Il a ajouté que nos vœux in foro externo non ligant, in interno ligant ; qu’il faut forcer tout le monde à faire vœu au bout de deux ans ; les anciens, ne les pas presser de les renouveler, si male non loquantur de illis ; sin minus, ligantur aut cruciantur. 2è Quand quelqu’un en parle mal, aussitôt y remédier, le retirant de la maison où il peut nuire, comme dans une petite maison, et veillant sur lui dans une grande, etc… ; ne point admettre ceux qui ne veulent pas faire de vœux, si ce n’est à l’égard de l’Italie, à cause de la peine de ce peuple à nos vœux.

M Dehorgny. — Qu’il est pour les vœux simples, mais non pas pour les réserves, quia à Rome celui qui a dressé notre bulle lui a dit que le Pape n’a jamais prétendu donner ce pouvoir à M. de Paris, quia ces vœux mettent la Compagnie dans un état supérieur, et que cela n’est pas une simple règle, et que, quand le droit particulier est douteux dans le droit général, le supérieur n’est pas autorisé de donner ce droit particulier, s’il ne l’exprime ; qu’il est d’avis qu’on envoie à Rome pour cela, comme il a été p, roposé.

M. Portail est d’avis d’ôter la réserve et d’envoyer à Rome homme de presse, etc…

Le lundi 3 — M. Alméras. Il faut ôter [la réserve] en la manière usitée. 1° Ils sont nuls. Urbain et Innocent les ont refusés. Néanmoins M. Vincent a remarqué qu’il avait bien donné charge à feu M. Lebreton de demander à Urbain les vœux de la religion, non comme nous les faisons, et M. Ingoli voulait nous joindre à la Congrégation de Propaganda ; mais c’était romp, re avec les prélats. La Compagnie y a grande peine et les docteurs les tiennent nuls, quia non com-

 

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prehenditur in generali concessione quod in particulari censetur concedi, comm, e en notre fait. In generali concessione non veniunt..,

Grand doute si nous les devons faire. Ils choquent le dedans et le dehors ; ils empêchent de venir ; c’est le chemin d’être religieux, ils serviront, puis on obtiendra aisément dispense, comme les Jésuites, quoiqu’ils aient qu’ils ne succèdent pas et sont apostats, par bulle expresse.

Mais les emplois sont dlifficiles. — On ne laissera pas d’y travailler, faute de vœux, ni ne les refusera-t-on pas moins pour les vœux, comme les Capucins, qui n’ont trouvé personne pour aller en Picardie Le supérieur se fera obéir en cela comme en d’autres choses, et sa fermeté servira de vœu ; autrement, c’est se mélier de Dieu.

C’est changer. — Il est bon quelquefois, et M. Vincent l’a montré lui-même au sujet des cérémonies, montrant que Dieu changeait lui-même.

Il est plus parfait. — Donc il se faut faire religieux. Grande difficulté à Rome.

M. du Chesne a suivi même avis, disant que les vœux au moins étaient douteux. In dubiis favorebilior bats sequenda. S’il les faut ôter, on en peut parler en trois façons : ou pour les faire en la manière de cette heure, ou comme les voulant faire faire simples à toute la Compagnie, ou les recevant de ceux qui se présenteront. Dans les deux premières façons il faut que le Pape y passe, quia il faut que ce soit le droit commun, et tous deux souffrent quasi pareilles difficultés. Voire il y a à douter s’il les faut faire : 1° qu’ils choquent notre dessein ; ils font la religion ; parmi les Jésuites ils souffrent beaucoup de difficultés et n’apportent point grand fruit, peu se retenant par les vœux ; et quand il n’y a que cela

 

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qui retient, il vaut mieux qu’il sorte. Le troisième, il faut retenir celui-là, et pour cela ne faut pas aller au Pape. Néanmoins, si on veut faire l’un des deux cidessus, il faut envoyer à Rome, etc…

M. Lambert — Il faut changer la manière des vœux, pource qu’on ne sait comme les expliquer ; imo les ôter tout à fait, pource que cela choque le dessein de la Compagnie. Le vœu de la pauvreté incompatible avec le titre, le droit de succéder, etc… ; on ne sait comme l’expliquer, etc… ; néanmoins il faudrait un vœu d’obéissance au supérieur général, etc…

M. Bécu a déclaré admettre toute sorte de vœu, pourvu qu’il ne soit point religieux.

M. Cuissot. — Contre les vœux ; néanmoins qu’il faut un lien en la Compagnie.

M Le Gros — Qu’il faut des vœux, sans l’expliquer.

M. Vincent a dit qu’il faut prier beaucoup, qu’il s’agit de connaître la volonté de Dieu pour la paix et fermeté de la Compagnie. Il s’agit d’ôter une grande partie du sujet des divisions et que l’on continuerait le sujet jusques à plus grande conformité.

Mardi 4. — M. Vincent a dit qu’il se sentait obligé d’éclaircir la Compagnle sur œ fait. Il a fait lecture de deux choses : de la Bulle Ascendente Domino, que j’avais citée : motu proprio statuimus, que c’était un fait de droit ecclésiastique in religione approbata, qu’il faut que ces vœux se fassent dans une religion approuvée. Notavit que par les conciles de Lyon et de Latran, sub Innocentio III, il est défendu, sous peine de nullité, de faire aucune religion nouvelle qui ne fût pas sous unedes quatre règles qui étaient pour lors. Or, les Papes et le concile de Trente ontexcepté les Jésuites. Nous autres, etc… 2° On ne prétend point contraindre. Explicavit per comparationem uxoris aut congregationis vidua-

 

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rum, ayant entendu dire qu’on contraignait, etc… Il est dangereux de reculer ainsi ; on ne révoque pas aisement une loi quli est une fois établie. Nous ne saurions plaire aux hommes. (compairaison de Clément VIII et de cet homme avec son fils et son âne, etc…) Propose enfin, après une heure de discours, savoir si la Compagnie doit s’obliger à continuer ses vœux, ôtée la réseve.

M. Bécu dit que non, quia ils penchent à la religlon, etc…

M. Grimal. — Oui, à cause du lien.

M. Cuigsot trouve difficulté.

M. Blatiron. — Non, quia ils nous feront passer pour religieux, et notamment en Italie, où nous ne serons pas bien reçus avec nos vœux. Les prêtres se joindront plus difficilement à nous, notamment en Italie. Nous sommes coadjluteurs des évêques, qui auront peine à nous et choisiront plutôt des religieux plus savants, comme Jésuites, etc… Il y a autant d’avantage à ne les point faire ; et consideranti patet, on se peut affermir, recevant aux vœux ceux qui demanderont à les faire et obtenant pour eux indispensabilité du Saint-Siège ; ce qui sera plus aisé.

M Thibault. — Contre les vœux, comme dessus.

M. Gilles. — Pour [les vœux, pour] beaucoup [de raisons]. l’Horreur de changer après une résolution prise en une assemblée générale, vel una. Le Saint-Esprit n’y a donc pas présidé ! Où présidera-t-il ? Grande peine à tant de changement. Les vœux l’ont retenlu quand il a été avec un supérieur de 25 ans, etc… On doutera encore en la première assemblée. C’est nuire ou exposer la Compagnie, pource que omnismutatio, dit Aristote, morbus, d’un grand chaud aller à un grand froid, etc… Ainsi un homme d’Etat lui disant un jour : "Il est aisé de changer d’état" ; "oui, se dit-il, mais il périra cinq

 

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fois auparavant". "L’Oratoire n’est qu’une honnête hôtellerie", ce lui dit un jour un homme de là dedans ; Ieur séminaire, peu de chose, etc… Quelle différence des Jésuites ! 1° Que leurs vœux sont in religione approbata, comme il appert par la Bulle Ascendente ; quand ils sont coadjuteurs, ils ne peuvent hériter ; que le quatrième est solennel ; la maison professe ne peut rien avoir ; ils sont exempts des Ordinaires ; ceux qui sortent sont excommunies et censés alpostats ; ils ne peuvent entrer qu’aux Chartreux ; ils font plusieurs vœux et serments ; leurs emplois et habits sont différents. C’est l’inclination du général. Il n’y a persanne dans la Compagnie qui ne soit prêt de les faire. Feu M. Mazure, son maître, lui a dit qu’en tout il faut voir s’il y a plus à craindre qu’à espérer, et lors c’est folie de le faire ; s’il y a autant à craindre qu’à espérer, et c’est imprudence ; s’il y a plus à espérer qu’à craindre, et c’est prudence. Les Italiens ? Il faut que la mère tienne la fille et non qu’elle suive la fille. Qu’un docteur soit suivi, cela n’est pas sûr en conscience, comme ce que dit Navarre, que les commandements de l’Eglise n’obligent pas à péché, que le bénéficier ne disant son office fait les fruits siens ; il a lu chez les Conimbres qu’il n’y a si sotte opinion qui se soutienne par quelque savant homme de loi… Iabiis potens ; qu’il demanderait plutôt à sortir que de quitter les vœux ; qu’il ne croit pas qu’il faille déterminer cette affaire ; qu’un gentilhomme catalan avec qui il fut à Cahors lui pensa sauter au collet pour avoir dit que les religieux n’étaient pas de tant bonne odeur, si pource qu’ils font du mal ; donc qu’il ne devait point venir deçà conseiller à un jeune homme se faire plutôt mauvais moine que soldat ; qu’il se fait quantité de bonnes actions en religion, aucune en la guerre, etc…

M. Le Gros considère la Compagnie comme un édifice

 

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dont les règles et les vœux sont les fondements ; il ne faut non plus ôter l’un que l’autre.

M. Dehorgny. — Que nos vœux n’étant bons, faut envoyer à Rome au plus tôt et cependant couler douce

M. Portail. — Item.

M. Alméras. — Item.

Et moi.

Et M. Lambert. — Que les vœux lui paraissent bons, mais qu’il faut envoyer à Rome. Il a rapporté de M. de Tréguier : "Si toutes les Compagnies ou la Mission de vaient périr, il vaudrait [mieux] laisser périr le reste, etc…"

M. Vincent fait instance pour les vœux et dit qu’il croit que Notre-Seigneur veut qu’on les fasse ; enverra à Rome au plus tôt homme qui ne fasse que cela, etc…

Le jeudi 6. — Proposé savoir si on statuera un temps pour aller en mission et un autre pour reposer, ou s’il y aura des missionnaires perpétuels qui ne bougeassent de mission. Nota qu’il avait pensé si on ne choisirait pas le supérieur général de ceux-là. — Contre : cela ne se peut facilement déterminer. On ne… les missions que comme l’avancement de… (1) L’on cesse le principal de la Compagnie. Les Jésuites n’ont déterminé le temps de la maison professe. — Pour : un homme ne peut pas toujour : ; travailler. Ce sera une consolation pour la Compagnie.

M. Bécu. — Oui, pour la première ; la deuxième est difficile à raison du temps d’intermission.

M. Gilles. — L’un et l’autre bons.

M. Cuissot. — Item, quia on fait du premier ; le deuxième est conforme.

M. Blatiron. — Item, et s’y est offert.

1). Ici un mot illisible.

 

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M. Thlibault. — Bon, la première ; la deuxième aussi, sinon qu’il faudrait revenir au temps d’intermission, quia on se dissipe. On reçoit consolation de la Compagnie. Il peut arriver inconvénient. Les supérieurs devraient être affectionnés aux missions et ne souffrir personne qui n’y eût été.

M. Gilles. — Il faudrait temps déterminé pour enseigner pour les missions ; néanmoins cela lui paraît difficile. Avoir soin de ceux qui taravaillent ; suivre les inclinations, etc… La mission perpétuelle lui paraît uneproposition d’une chose difficile, quia la nature n’y fournirait point ; il faudrait prêcher sans préparation ; on perdrait l’esprit d’intériorité ; on consommerait son monde en peu de temps.

M. Dehorgny. — De même. Il ne faudrait rien statuer, mais avoir égard beaucoup et aux vieillards et aux jeunes gens. L’autre lui paraît non faisable.

M. Portail. — Item.

M. Alméras. — Avoir égard aux viels et aux jeunes ; l’autre difficile, non néanmoins impossible ; il faudrait en essayer.

M du Chesne — Toutes deux aisées, sans rien statuer ; la dernière, quia status vocationis alii faciunt sperandum in misericordia divina ; sunt qui se offerunt.

M. Lambert. — Maison, en chaque province, de futurs missionnaires sans exercitants, etc…

Conclu à l’une et à l’autre proposition sans rien statuer, et de ne point prescrire de temps à la mission, et aviser a secourir ceux qui voudront aller en mission, et leur donner des meubles avec lits, linge, vaisselle, etc…, un frère cuisinier, etc…

Le lendemain. — Proposé qu’il faut être court en ses délibérations. 1° Sic in conciliis, où on vide 30 et 40 affaires, et grandes ; on dit son avis et deux raisons courtement.

 

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Deux façons de connaître la vérité : 1° Par simple élévation à Dieu ; 2° Par raisonnement. Deux raisons ou trois sont de la nature de la chose ; les autres embrouillent. Deux ou trois avocats pour bien compulser une affaire ; davantage embrouillent ; ainsi des médecins. Le premier médeoin du roi ; [le roi] se met entre les mains d’un seul médecin. M. de Bérulle entre ses résolutions avait : "Je jugerai des affaires par élévation à Dieu." On perd beaucoup de temps. Il y a des conséquences dangereuses et des effets mauvais. C’est établir son sentiment et raisonnement.

Savoir si on ne se permet point de couper et trancher. — Oui, tous, etc…

Proposé savoir si l’élection du général faite par la proposition de deux personnes par le général précédent [doit être maintenue.] — Sic les Filles de Sainte-Marie. Personne ne connaît mieux la Compagnie ; rien à craindre le faisant comme porte la règle. — Contre : les Jésuites ne font pas comme cela ; ont eu toujours de grands hommes. Cela vient de M. Vincent, de moi, ce misérable, ce dit-il ; j’ai eu peur.

Alméras. — Oui, quia sic statutum. Néanmoins trois difficultés : que la Compagnie semble liée ; que le général peut devenir faible d’esprit, comme Vitelleschi (2) qui se laissait gouverner par son coadjuteur. Cela peine, ou, refusé, on lui donnera de la vanité. Les votera si on les rebute, ou… à corriger ladite règle après la mort de celui qu’on verra en abuser.

Le samedi 8. — Savoir si on fera distinction de degrés dans la Compagnie. — Pour : quia les Jésuites le font ou l’ont fait fort à propos pour le être supérieur ; il y aura de l’émulation ; l’on ne pourra pas si aisément

2). supérieur général des Jésuites de 1611 à 1645.

 

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faire un mauvais supérieur. — Contre : cela n’est pas simple ; à craindre l’envie ; on n’a, pas commencé ; difficile de trouver comment distinguer.

Refusé. Point de degrés, mais on fera liste des plus vertueux et savants, que biendra le supérieur général ; et choisira des supérieurs d’iceux.

Le même jour. — Si on doit lier davantage ceux de la Conférence qu’ils ne sont liés à présent. — Rép. Non, quia non apparet in quo.

Si on les conviera à la mission. — Pour : ils ont commencé, et l’œuvre de la mission a commencé avec eux ; Dieu leur donne grâce ; on forme des hommes ; on servira plusieurs ; ils nous tiennent en bride. — Contre : on y a peine ; ils voient notre faiblesse ; ils se scandalisent de nous et mesestiment ; ce n’est plus comme au com mencernent.

Il s’y faut tenir, etc… Plutôt renvoyer ceux de la Compagnie qui y ont peine. Néanmoins nota qu’il ne faut leur danner aucune supériorité ; que les nôtres soient moins qu’eux ; un ou deux des nôtres ; quion choisisse ceux des nôtres et d’entre eux, qu’ils assistassent à la conférence.

Agréé d’envoyer les nôtres qui y auraient disposition en la place des curés et les mener en mission… à Vaucresson (3).

- Savoir si on obligera à restitution devant l’absolution. — Oui, M. Blatiron à Gênes, si la chose est publique, fait payer sur-le-chamlp, ou fait obligation ; si secrète, etiam cum incommodo, on a dit la passer à M. le curé, qui y satisfera (res dificilis). Baste, pour une première fois, ou à un hom, me de bien, ou à leur curé. Non placuit omnibus, quia la mission est extraordinaire.

3). Localité de l’arrondissement de Versailles (Seine-et-Oise.)

 

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Le Père Eudes en use utilement. A proposé de marquer les cas principaux qui obligent à restitution. Quand on remet peine, s’en souvenir ; dire qu’il dit cela et cela, que nous tenons plus propre pour nous souvenir, etc…

M. Gilles donne secrètement l’absolution et dit qu’il ne l’a point donnée publiquement. — Réprouvé de tous, quia judex quod fide debet, audiente et consentiente reo. C’est duplicité en les sacrements, et la forme du sacrement doit être sensible.

Le lundi 10. — L’une des choses à remarquer pour les missions avec les externes, qu’on les choisisse bien, même les nôtres. Que les nôtres d’ordinaire ne soient qu’un ou deux. Qu’ils assistent à la conférence et répétition d’oraison. Loger ensemble. Que le directeur connaisse leurs forces corporelles et spirituelles.

Avisé si on continuerait la conférence à l’ordinaire les jours de récréation. — Ordonné que chacun remarquerait ses difficultés et expédients. A 4 heures après dîner l’été, c’est le meilleur à se promener. On y a peine à assujettir la Compagnie et les externes. A 2 heures, on doit, comme à 8 heures du soir. Le matin, on n’est pas assemblé ; les dimanches, on est nécessaire à l’église.

Proposé savoir si on règlerait les peines pour grief moyen et simple coulpe. — C’est la conduite de Dieu dans l’Ancien Testament, de l’Eglise dans les canons, de la police. Sainte-Marie en use. Cela règle les supérieurs qui sont ou trop colères et bilieux, ou trop doux. — Contre : ce n’est pas la pratique des Jésuites ; trois choses y suppléent : le châtiment, les avertissements et faire mettre à genoux à la répétition de l’oraison.

Il a été résolu que l’on en ferait distinction, et députer MM. du Chesne, Thibault et Blatiron pour y travailler dès l’après-diner et le lendemain.

Ensuite M. Vincent a demandé à M. Blatiron comme

 

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il se comportait aux missions. — Réponse : On dort 7 h. 1/2 ; une 1/2 heure d’oraison, sans y comprendre la lecture et les litanies ; l’office ensemble ; confessions, les récréations et cas de conscience ; l’on donne des papiers pour les confessions aux personnes instruites. On fait la conférence le lendemain du jour de congé, ou le dimanche et la fête, une 1/2 heure, etc…

Mercredi 12. — Si une prédication suffit. — Réponse : oui, tellement quellement, divisée en catéchisme et prédication.

Si 2 actions, la prédication et le catéchisme. — Oui.

Si on ôtera le catéchisme de midi. — Oui ; on a ainsi commencé. Les hommes, très peu y assistent ; on y suppléera par le catéchisme du soir et du matin. Ne point diviser l’action du soir en catéchisme et prédication. On se lasse trop ; la mémoire se perd ; on n’a que des enfants devant soi, qui troublent. Néanmoins la conclusion a été à éprouver jusques à la première assemblée, à deux actions.

S’il faut souffrir passer trois quarts ou une heure aux prédications. — Non, il faut donner pénitence pour cela. Il le faut vouloir, priér pour cela, priver de la prédication et de vin, etc… Mettre cela entre les fautes.

Le jeudi 13. — A été [délibéré] sur les vœux de ne briguer charge ni aucun bénéfice. — Réponse. Il les faut faire au plus tôt, et la Compagnie s’y est offerte. En recevoir qui assisteront aux assemblées provinciales et seront supérieurs généraux et visiteurs. On a résolu de travailler aux règles de Congregatione provinciali, où tout s’est trouvé à corrier.

Le même jour, sur les sources du défaut de charité et les moyens de la procurer.

Causes de la désunion. — M. Vincent : la nature, qui a sympathie ou antipathie, si on la suit ; désir de biens,

 

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d’honneurs et de plaisirs ; se contredire opiniâtrement ; se choquer par vivacité de jugement ; rapports et médlisances par jugements sinistres ; manquer aux offices de charité ; trop d’amour-propre ; s’entretenir des défauts les uns des autres et notamment Ides talents ; ne se point défendre de ne point assez converser ; défaut de respect ; envie ; superbe ; trop réservé ; défaut de conduite en quelque supérieur ; quelque esprit fâcheux ; mélange de personnes affermies en leur vocation avec d’autres ; défaut d’uniformité ; défaut d’assemblées générales (néanmoins les Jésuites disent : raro fiant, etc…) ; communications entre les maisons manquant ; faire paraître qu’on n’a point assez d’estime de ce que disent ou font les autres ; esprit altier ; l’immortification ; défaut de compassion.

Remèdes. — Avoir ces sources devant les yeux et les détester ; haine de nous ; grande ouverture de cœur ; falire pénitence des médisances et les rapporter au supérieur ; faire souvent des conférences sur ce sujet ; écarter les esprits antipathiques ; que les supérieurs y tiennent la main ; entendre souvent les communications ; notandum l’estime des personnes ; l’amour de son abjection ; ne point résister aux propositions et sentiments des autres ; bien parler du prochain en son absence ; aviser à ceux qu’on reçoit qu’ils ne soient altiers ; assortir les personnes, évitant l’antipathie ; support et condescendance ; humilité et mortification, se défier dans les emplois ; que tous sachent que l’on fait état du défaut d’union jusques à les renvoyer ; communiquer les moyens de s’unir aux maisons ; avoir des eslprits unissants ; seoret et discrétion en paroles ; l’amour de Dieu ; ne faire aux autres que ce que nous voulons pour nous-mêmes ; demander à Dieu l’esprit unissant ; ne point se railler, à quoi il faut aviser ; entretenir les conversations et inculquer.

 

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Le 14 après dînée. — Si on conduira les Filles de la Charité. — C’est un œuvre de Dieu et de la Compagnie, qui fait grand bien, qu’on ne peut quitter aisément, etc… Tous d’ordinaire, non ; oui bien d’extraordinaire.

M. Alméras. — Oui, avec parloir ; qu’on convienne d’heure ; qu’on les éloigne et qu`il y ait toujours quelqu’un

Le samedi 15. — Proposé si la règle touchant le bien des, particuliers ne souffrait point de difficulté. — Réponse. Oui, 1° pour réprations ; 2° pour les enfants de familles mineurs ; 3° pour les titres confondus avec l’autre bien des parents ; 4° comme- recevoir le bien par procuration, ou par celui à qui il appartient ; 5° quand il sera sorti, s’il reste des arrérages, comment les recevoir ; 6° les parlements, les familles et le public y auront peine.

Expédients. — 1° Le dessein est, comme on peut sortir, de conserver le bien des particuliers, sans leur en laisser le maniement, et néanmoins que la Compagnie en profite, sans se charger de rendre, puisqu’elle nourrit et qu’il est juste que celui qui a des moyens aide à nourrir ses frères. 2° Ecrire le dessein avec toutes ses difficultés, le proposer à des avocats, conseillers de nos amis et deux docteurs experts dans les affaires de communauté.

Tout ce jour s’est passé à cela, sans terminer autrement l’affaire.

Entre autres choses remarquables que M. Vincent a dites est qu’il souhaite que la congrégation n’entreprenne jamais de procès au prétoire que : 1° on n’ait pris les avis des avocats et qu’elle leur ait demandé si la cause est certaine ; si elle est douteuse, qu’on la laisse ; 2° qu’elle n’ait fait son possible pour vider l’affaire par arbitrage, comme il a fait au fait de M. Delattre.

 

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Ceux qui entreront en ladite congrégation et auront des bénéfices simples ou pensions, comme aussi ceux qui jouiront actuellement de leurs biens, ou auxquels il écherra quelque succession depuis leur entrée en ladite congrégation, laisseront le maniement et jouissance des revenus desdits bénéfices, pensions et autres susdits biens à ladite congrégation, en sorte néanmoins qu’i ! s seront en liberté de disposer de leurs fonds selon les lois et coutumes des lieux. Et cas arrivant qu’ils sortent de ladite congrégation, ils rentreront en jouissance et maniement des revenus desdits biens et bénéfices du jour qu’ils sortiront, sans qu’ils puissent toutefois répéter la jouissance des revenus desdits bénéfices et autres biens reçus et à recevoir par ladite congrégation jusqu’audit jour de leur sortie.

Sur ceci l’on demande : 1° si une congrégation particulière établie dans l’Eglise par l’autorité du Pape et du roi, ayant pouvoir de faire des règles et constitutions, peut faire celle-ci et l’insérer dans ses constitutions ; et en cas qu’elle le puisse : 2° En vertu de quoi ladite congrégation pourra jouir des biens qui y sont mentionnés et si on ne les lui pourra point répéter, ou par la sortie de celui à qui ils appartiendront, ou par sa mort, lui ou ses héritiers rentrant dans le susdit droit.

3° A qui il appartiendra de donner les quittances — au propriétaire ou au procureur de la maison ? — et s’il faudra qu’il passe procuration pour lesdites quittances et pour gérer lesdits biens.

4° Comme se comporter pour recueillir la succession de ceux à qui il en écherra depuis qu’il sera entré dans la congrégation ; si ce sera par lui-même ou par procureur, ou du dedans ou du dehors de la congrégation.

5° Quelle obligation l’on aura d’entretenir les bâti

 

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ments et édifices dépendants des susdits biens, et si on pourra répéter lesdites réparations sur la congrégation, le propriétaire se retirant de la congrégation, ou mourant.

6° Comme on pourra percevoir les arrérages encore d’eux, le propriétaire ou étant retiré de la congrégation, ou du monde par la mort.

Le dimanche 16, — Il a proposé l’examen du catalogue des fautes fait selon l’ordonnance du lundi 10 juillet et comme on y procéderait, notant que les Jésuites, en l’assemblée générale, y firent un catalogue de grosses fautes et ordonnèrent que l’on le lirait tous les ans au réfectoire.

Agité pour parler aux femmes et filles, que la chambre… est les faire entrer chez nous ; si on leur parlera en l’église et comment. — Comme on ferait cette demande. Trois façons : per invocationem Spiritus Sancti, sic multi sancti electi ; per scrutinium cum duabus fabis, aut carta, aut una, seu duae thecae ita dispositae ut nemo videat quid eligatur, aut per compromissarium ; sic… elegit Greg. id de joan. 21, a se electus, una ses.

Le lundi 17. — Touchant les coadjuteurs, leur conduite et leur habit. Trois sortes de conduites : l° celle de. pur amour et de cordialité ; sont serviteurs de Dieu et sont nos frères… 2° Celle de pure rigueur. Les proverbes sont des Evangiles. Oignez vilains. Les Carmes déchaux bien servis, quand leurs frères étaient gentilshommes 3° Mixte. Celle de Dieu est telle. A Gênes, rigueur nécessaire. Plusieurs font peine, à raison de l’habit noir, et ne veulent rien faire.

Plusieurs : toutes les trois conduites sont nécessaires ; d’autres : la mixte ; d’autres : celle de pur amour, le laquelle s’ils ne sont capables les faut expulser. Nota. oratio non sit communis, repetitio, nec collagio, mensa,

 

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maxime in peregrinationibus et itineribus, si non sint superintendentes in suis officiis, ne quid incipiant aut curent fieri sine collatore officiorum ; paucis cum illis agatur, nec ulla sit in eis familiaritas, collare sit aliud etiam in gestantibus nigrum, ne sacerdotes et clerici corrigantur coram eis, nec isti laudentur, expensae eorum in viis. sint ad ordinem redactae. Obmurmurant si nobiscum quandoque non edunt, imo et ingerunt se. Carthusiani suos ne sinunt servire sacerdotibus, etc…, non habent satis oblatis… in itineribus.

18. — M. Vincent. — Qu’il faut un gouvernement mixte, mais qu’il faut supposer que la conduite chrétienne veut et oblige à l’humilité. Non veni ministrari, sed ministrare, etc… Point d’esclaves parmi les chrétiens que ceux qu’on envoie aux galères pour leurs crimes. La conduite douce, amiable est la meilleure dans la pratique, et il l’a ainsi trouvé dans l’expérience. Ce sont nos frères, etc… Pour cela, résolution : ne point changer l’habit, mais le donner difficilement et en réserver le pouvoir au général ; tenir ferme à renvoyer ceux qui en abusent et se rétractent ; les faire manger à la ville et aux voyages à table comme nous. Il l’a fait à la table de Madame d’Aiguillon ; même nourriture que nous et même monture, sinon quelquefois pour peu, ou les envoyer devant ; difficile de régler la dépense quand il faut aller aux champs ; ne point donner de serviteurs aux prêtres en leur présence, et souvent il a pensé si on les convierait à la répétition de l’oraison, après qu’ils ont dit : res indigesta. Ici beaucoup réclamé qu’il faille craindre de faire paraître nos turpitudes. 2° Qui donne plus de sujet de correction des frères, des clercs et des prêtres, etc…

Après dîné. — Si on doit garder la règle qui dit qu’ils enseigneront. Raisons pour : telle est la pratique ;

XIII. — 23

 

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ils ont esprit ; spiritum nolite extinguere (Thes. 5) ; ils le font avec bénédiction ; cela les console et encourage. Contre : quelques-uns en abusent ; cela tire inconvénient Il faut l’ôter de leur règle et le mettre dans la règle du supérieur, afin qu’on en conserve la pratique ; et que cela ne soit pas dans leur règle.

Ensuite on a parlé des surintendances sur les offices. Notez que quelques-uns affectent leur office en chef de la procure et ont peine qu’on veille sur eux. — Résolu de ne jamais donner la charge de la procure qu’à un prêtre ; et pour les marchés, qu’on avisera, comme aussi pour introduire des profès

Le jeudi 20 juillet. — Sur un billet qui avait été présenté à M. Vincent, par lequel on demandait ce qu’on répondrait à ceux qui nous interrogeraient sur nos vœux.

Réponse. Deux sortes de personnes : ceux qui n’ont que faire ; à ceux-là il faut dire : oui, on en fait de simples, etc ; les autres de considération et qu’il faut satisfaire. Il a fait un grand et fort discours et a dit qu’on faisait des vœux : 1° quia c’est chose qui lie plus parfaitement à Dieu ; 2° lie la Compagnie et les sujets, où il n’y a pas peine d’envoyer un homme à 50 lieues d’ici pour un séminaire ; ici nulle pour les Indes, etc… Ils nous redent plus conformes à Jésus-Christ et plus capables de nos fonctions Il y a plus d’égalité entre nous et plus de fermeté dans les sujets.

Mais vous ôtez aux évêques leur pouvoir. — Réponse. On le peut faire en deux façons : ou touchant à leur pouvoir, comme qui leur ôterait le pouvoir de confirmer, d’absoudre de l’hérésie, comme le Pape le prétendrait ; ou par soustraction de personnes. Note que jurisdictio est propter subditos, non propter praelatos. Ou, si je me retire de la puissance de l’évêque, sortant de son diocèse, je lui ôte le pouvoir qu’il a sur moi,

 

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sans lui faire tort. Sic nos Sed haec consideranda multum… Le Pape n’a point donné le pouvoir. Si on lui avait donné au commencement à entendre, il l’aurait fait. Un supérieur est obligé de donner les moyens d’atteindre une fin pour laquelle il destine une personne. Ainsi… quod superior peccat mortaliter, si errat in hoc, etc…, et haec consideranda. M. de Paris, commissaire du Pape en cela, a beaucoup examiné pendant trois ans et a fait grande difficulté et néanmoins a dit qu’il croyait cela nécessaire ; proteste qu’il ne croit pas qu’il faille aller à Rome ; qu’on ira néanmoins.

Mais on fait vœux que in posterum il faut ôter. — Les Jésuites l’ont ainsi fait. En fait, on voue non observare regulas, sed, secundum regulas, observare vota.

Mais quelle est notre pauvreté ? Réponse. Les chanoines de Saint-Augustin font vœu de pauvreté et tiennent cure et chanoinie ; les chevaliers de Malte tiennent commanderie avec le vœu de pauvreté, etc… Convient que tout le monde soit défenseur des vœux, etc… Mais on dit que nous n’avons pu faire cette règle. Contra : nous pouvons faire une règle d’une chose licite, honnête et qui ne soit point contraire aux saints canons. Or, celle-ci est telle, etc… ; ce qu’il prouve par induction, etc…

Exhortation le 9 août. — Pour conclusion, que nous avons grand sujet de remercier Notre-Seigneur pour ce qui s’est fait ici dans cette assemblée : 1° A raison de la connaissance qu’elle nous a donnée de l’espoir que nous avons de l’assistance de Dieu, à cause de l’état des choses ; 2° que nos règles sont arrêtées ou quasi arretées. à demeurer ; 3° nous voyons comme il est nécessaire que nous travaillions incessamment à faire approuver et nos règles et nos vœux ; 4° nous apprenons à pourvoir à une considérable affaire, au cas que les règles ne soient approuvées avant la mort du supérieur général ; que les vo-

 

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tants pour l’élection de son successeur seront les supérieurs de toutes les maisons de l’Europe, voire d’Hibernie, voire de l’Afrique, avec un prêtre élu par la maison, qui l’accompagnera, et non ni les assistants ni les visiteurs [seulement] ; demeureront ainsi dans les termes du droit commun. La convocation se fera par celui que ledit supérieur général aura nommé pour vicaire général, qui y présidera, etc… Et au cas qu’il n’en soit pas nommé, l’assistant de Saint-Lazare, qui représente le sulpérieur général, le sera de droit.

Or, il a été proposé deux choses : 1° savoir si on relira les règles Résolution a été qu’elles se reliraient entre deux ou trois seulement, néanmoins que tous les signeraient : 1° quia il est des règles comme des mains ; tant plus on les lave, tant plus il y a à laver ; ou comme des poules qui trouvent toujours à becqueter dans une place où elles passent cent fois. 2° Si on obligera l’assemblée première par serment à suivre les règles, au cas qu’elles ne soient pas approuvées. Au cas que le Pape n’approuve nos vœux, ni celui d’après, trois ou quatre ans après son couronnement, on reviendra à la première façon de les faire. Que le général ne sera pas élu qu’il ne jure d’observer, faire observer et approuver les règles, telles qu’elles sont, crainte que sa toute-puissance ne lui donne envie de changer.

Moyens. — Prier Dieu ; union. La Révérende Mère de Chantal disait que ni les plus saints, ni les plus savants, ni les grands esprits n’étaient propres à être supérieurs, mais les esprits liés à leur vocation, à la règle, etc… Secret toujours. Que les assistants fassent observer les règles et travaillent à les faire approuver.

 

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106. — APPROBATION DES REGLES DE LA CONGRÉGATION

DE LA MISSION PAR L’ASSEMBLÉE GENERALE DE 1651

(11 août 1651)

Nos, Vincentius a Paulo, superior generalis congregationis Missionis, quum Sanctissimo Domino Domino nostro Urbano, felicis recordationis, Papae VIII, placuerit concedere nobis, per Bullam erectionis dictae nostrae congregationis, facultatem condendi quascumque ordinationes et statuta felix regimen dictae congregationis concernentia, licita tamen et honesta, sacrisque canonibus et constitutionibus apostolicis, Conciliique Tridentini decretis et Instituto nostro minime contraria, et ab Illustrissimo Domino Domino Archiepiscopo Parisiensi, pro hac parte Sedis Apostolicae delegato, approbanda, postquam, per Dei misericordiam, regulis et constitutionibus Instituto nostro necessariis et utilibus condendis per aliquot tempus diligenter vacavimus, easque in ordinem aliquem reduximus, expedire judicavimus convocare, uti et de facto convocavimus, aliquot superiores domorum noslrarum pro tunc existentes, cum aliis quibusdam antiquioribus qui in nostro vivendi modo plus experientiae nobis visi sunt habere idque decima tertia octobris anni millesimi sexcentesimi quadragesimi secundi, scilicet DD. Joannem Dehorgny, superiorem collegii Bonorum Puerorum ; Joannem Becu, superiorem domus Tullensis ; Lambertum aux Couteaux, superiorem domus Richeliensis ; Joannem Bourdet, superiorem domus Trecensis ; Petrum du Chesne superiorem domus Creciacensis, dioecesis Meldensis ; et, in locum absentium, DD. Antonium Portail, Franciscum du Coudray, Antonlium Lucas, Leonardum Bou-

Document 106. — Registre des assemblées. (Arch. de la Mission.)

 

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cher, Renatum Almeras, omnes sacerdotes dictae nostrae congregationis, quibus cum communicassemus dictas regulas et constitutiones, de eorum consilio nobis visum est pro tunc hoc negotium omni ex parte absolvi non posse, tum pro temporis angustia, tum maxime ut per longiorem harum reguIarum usum prius haberemus experimentum, quam documentum scripto traderemus. Interea quatuor ex supradictis, DD. Antonium Portail, Joannem Dehorgny, Lambertum aux Couteaux, Renatum Almeras, deputavimus, qui nobiscum dictas regulas diligentius et maturius perpenderent et examinarent.

Sed, ut tandem aliquando operi tam necessario et congregationi nostrae tam utili manum ultimam adhiberemus, hoc praesenti anno millesimo sexcentesimo quinquagesimo primo, prima julii, alterum conventum fecimus aliquot superiorum domorum nostrarum et nonnullorum aliorum qui nobis visi sunt in nostra vivendi ratione exercitatiores, DD. dumtaxat Renati Almeras, superioris domus Romanae ; Stephani Blatiron, supeTioris domus Genuensis ; Antonii Lucas, superioris domus Caenomanensis ; Lamberti aux Couteaux, superioris domus Richeliensis ; Gilberti Cuissot, superioris domus Cadurcensis ; Francisci Grimaldi, superioris domus Agennensis ; Ludovici Thibault, superioris domus Sancti Menenni, Macloviensis dioecesis ; Joannis Baptistae Le Gros, superioris domus Divi Lazari minoris ; DD. Antonii Portail, Joannis Bécu, Joannis Dehorgny, Joannis Baptistae Gilles et Petri du Chesne, presbyterorum dictae nostrae congregationis, quibuscum dictis regulis et constitutionibus sedulo et mature revisis et examinatis, de eorumdem consilio judicavimus, uti per praesentes in Domino judicamus, illas conformes esse nostro vivendi modo, fini et instituto dictae nostrae congregationis et aliis conditionibus per praedictam Bullam requisitis accommodatas, imo et in praxim a no-

 

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bis ut plurimum a viginti quinque circiter annis redactas, easque posse a nobis praesentari praefato Illustrissimo Domino Archiepiscopo Parisiensi, ut, juxta dictae Bullae tenorem, ab ipso approbentur.

Quocirca nos, ex praefatorum consilio, judicavimus dictum Illustrissimum Dominum Archiepiscopum rogandum esse, uti per praesentes, omni qua fieri possit humilitate, reverentia et instantia, rogamus ac obsecramus, ut velit, paterna sua, sed solita in nos benevolentia, dictas regulas et constitutiones, tam communes quam particulares, sua auctoritate approbare illisque hac ratione inviolabilis apostollicae firmitatis robur adjicere. Et Deum optimum maximum precabimur ut semper ejus merces sit m, agna nimis.

In quorum fidem praesentes manu propria subscripsimus cum omnibus praefatis dictae congregationis nostrae convocatis presbyteris.

Actum apud Sanctum Lazarum in suburbiis Parisiorum, tertio idus Auausti anni supradicti millesimi sexcentesimi quinquagesimi primi.

Vincentius a Paulo, indignus superior generalis congregationis Missionis, A. Portail, Stephanus Blatiron, Gilbertus Cuissot, Ludovicus Thibault, Renatus Almeras, Joannes Dehorgny, Joannes Bécu, Lambertus aux Couteaux, Antonius Lucas, Franciscus Grimal, Petrus du Chesne, J.-B. Gilles.

 

107. — OBEDIENCE POUR LAMBERT AUX COUTEAUX

ET CEUX OUI L’ACCOMPAGNAIENT EN POLOGNE

(4 septembre 1651)

Vincentius a Paulo, superior generalis congregatio-

Document 107. — Doc. signé, dossier de la maison de Cracovie, original.

 

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À la p. 360, milieu : une ligne manquante, ajoutée ici en gras rouge et remplacée par le doublet d’une ligne, ((entre parenthèses et barré ici)) qui se trouve à sa place 6 lignes plus loin. B. KOCH

Missionis, dilectis nostris in Christo fratribus nostrae congregationis, Lamberto aux Couteaux et Guillelmo Desdames, sacerdotibus, Nicolao Guillot, subdlacono, Casimiro Stanislao Zelazewski, clerico, et Jacobo Posny, coadjutori laico, salutem in Domino.

Cum, juxta bullam erectionis dictae nostrae congregationis, proximorum saluti, juxta modum inibi contentum et regulas Instituti nostri, quocumque divina Providentia vocaverit, incumbere debeamus, et ab aliquot annis Serenissima Maria de Gonzague, Poloniae Regina, Invictissimi ac Serenissimi Casimiri, Regis Poloniae, sponsa, in regnum Poloniae aliquos e nostris postulare diginata sit, qui, sub beneplacito Illustrissimorum ac Reverendissimorum Episcoporum muniis et functionibus nostris vacantes, in vinea Domini laborarent, nos, mandatis tantae Principissae cum omni humilitate et debita reverentia obtemperare pro nostra tenuitate percupientes, de vestra omnium probitate, sufficientia et experientia in multis et pridem debite informati, juxta praefatae Serenissimae Reginae mandatum, vos in dictam Poloniam misimus et per praesentes (poralem designavimus et deputavimus, et per praesentes) mittimus, ut secundum Instituti nostri regulas et constitutiones vivatis et omnibus functionibus nostrae congregationis pro viribus operam detis ; mandantes vobis ut dicto Domino Lamberto aux Couteaux, quem ad vestram directionem et gubernationem spiritualem et temporalem designavimus et deputavimus et per praesentes designamus et deputamus, obedientiam et reverentiam in omnibus praestetis in Domino ; eidem dantes et concedentes auctoritatem et facultatem acceptandi fundationes et domos, contractus ineundi et alia ejusmodi cum externis peragendi, quae pro tempore in bonum congregationis in dicta Polonia existentis gerenda videbuntur, vices nostras in omnibus et singulis in hac

 

 

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parte, juxta Institutum nostrum et pro tempore quo nobis libuerit, donec revocemus, committentes.

Insuper Illustrissimos ac Reverendissimos Dominos nostros antistites, parochos, et omnes Ecclesiarum praepositos enixe rogamus ut vobis per suos districtus transeuntibus missam celebrare ac sacramenta recipere in Domino permittant, cum vos ab omni ecclesiastica censura et irregularitate constet esse immunes.

Rogamus etiam olmnes principes, proreges, praetores, primates civitatum, confinium praefectos, viarum et portuum custodes, quatenus vobis tuto et libere eundi et redeundi per suas terras facultatem impertire dignentur propter amorem Domini nostri Jesu Christi, qui Rex regum est et Dominus dominantium, ad quem nos nostraque congregatio devotas preces pro eorum felici statu dirigemus.

In quorum omnium fidem praesentes, propria manu suscriptas, per secretarium nostrum ordinarium fieri et signari, sigilloque dictae nostrae congregationis mandavimus et fecimus communiri.

Datum Parisiis apud Sanctum Lazarum anno Domini millesimo sexcentesimo quinquagesimo primo, die vero quarta mensis septembris.

VINCENTIUS A PAULO,

superior generalis congregationis Missionis.

De mandato praefati Domini mei superioris generalis.

DUCOURNAU.

 

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108. — LAISSEZ-PASSER POUR LES MISSIONNAIRES

ENVOYES PAR SAINT VINCENT A PALAISEAU

(5 juin 1652)

Je soussigné, supérieur des prêtres de la congrégation de la Mission, certifie à tous ceux qu’il appartiendra que, sur l’avis que quelques bonnes dames pieuses de cette ville m’ont donné que la moitié des habitants de Palaiseau étaient malades et qu’il en mourait dix ou douze par jour, et la prière qu’elles m’ont faite d’envoyer quelques prêtres pour l’assistance corporelle et spirituelle de ce pauvre peuple affligé à cause de la résidence de l’armée en ce lieu-là par l’espace de vingt jours, nous y avons envoyé quatre prêtres et un chirurgien pour assister ces pauvres gens ; et que nous leur avons envoyé, depuis la veille du Saint-Sacrement (1), tous les jours, un excepté ou deux, seize gros pains blancs, quinze pintes de vin, des œufs et, hier, de la viande, et que, lesdits prêtres de la Compagnie m’ayant mandé qu’il est nécessaire d’envoyer de la farine et un muid de vin [tant] pour l’assistance desdites personnes malades que de ceux des villages circonvoisins, j’ai fait partir aujourd’hui une charrette à trois chevaux, chargée de quatre setiers de farine et de deux muids de vin pour l’assistance desdits pauvres malades de Palaiseau et des villages d’alentour.

- En foi de quoi j’ai écrit et signé la présente de ma main propre à Saint-Lazare-lez-Paris, ce cinquième jour de juin 1652 (2).

VINCENT DE PAUL,

supérieur des prêtes de la Mission.

Document 108. — Dossier du procès de Béatification de saint Vincent. (Arch. de la Congrégation des Rites)

1). 29 mai.

2) Abelly (op. cit., L. III, chap. XI, sect. II, p. 124) et Collet (op. cit.,

 

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109. — REGLEMENT DE VIE

POUR JEAN LE VACHER ET MARTIN HUSSON

(1653)

La Providence de Dieu les ayant appelés en ladite ville de Tunis pour assister corporellement et spirituellement tous les pauvres chrétiens esclaves qui y sont, ils se représenteront que cet emploi est l’un des plus charitables qu’ils sauraient exercer sur la terre ;

Que, pour s’en acquitter dignement, ils doivent avoir une particulière dévotion au mystère de l’Incarnation, par laquelle Notre-Seigneur est descendu sur la terre pour nous assister dans notre esclavage, dans lequel l’esprit malin nous tenait captifs.

Ils se rendront exacts aux règles de la Compagnie et aux saintes coutumes et maximes d’icelle, qui sont celles de l’Evangile, et travailleront incessamment à l’acquisition des vertus qui font un vrai missionnaire, au zèle, à l’humilité, à la simplicité, à la mortification et à la sainte obéissance, et s’emploieront au soin temporel et spirituel de tous les pauvres malades.

M. Le Vacher sera le directeur de cette petite Mission, et M. Husson fera l’exercice du consulat en habit court, de l’avis dudit sieur Le Vacher, et agira en public en la manière que ferait un bon et pieux consul avec son directeur, et suivra sa direction intérieure et même exterieure en cè qui ne touchera pas l’exercice du-

I, p. 496) donnent la même date. Gossin (op. cit., p. 462) en donne une autre (21 juin) Mais peut-être saint Vincent a-t-il délivré un second laissez-passer le 21 juin. Ce qui le laisserait supposer, c’est que le texte de Gossin porte "deux demi-muids" au lieu de "deux muids".

Document 109. — Arch. de la Mission, copie du XVIIè ou du XVIIIè siècle prise sur l’original, qui, de l’aveu du copiste, était signé de la main de saint Vincent.

 

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dit consulat, qu’il exercera néanmoins de l’avis dudit sieur Le Vacher, comme dit est.

Ils tâcheront de vivre avec toutes les précautions imaginables avec le dey, le pacha, la douane et autres principaux et souffriront volontiers les injures qui leur seront dites et faites par le peuple.

Ils tâcheront de gagner par patience les prêtres et les religieux esclaves qui y seront, et feront en sorte qu’ils soient conservés dans l’honneur qui leur était rendu et dans leurs petits profits.

Ils feront leur possible de maintenir les marchands en la plus grande union qui leur sera possible, leur rendront bonne et brève justice et les soutiendront devant les seigneurs et magistrats du pays avec toute la sollicitude qui leur sera possible.

Ils nous donneront de leurs nouvelles par toutes les barques qui viendront en France, non de l’état des affaires du pays, mais de oelui des pauvres esclaves et de l’œuvre que Notre-Seigneur leur commet.

Que si sans danger ils peuvent aller visiter les pauvres esclaves qui sont à la campagne, ils y iront et tâcheront de les confirmer et consoler, et leur feront quelques aumônes à cet effet.

Ils s’assujettiront aux lois du pays, hors la religion, de laquelle ils ne disputeront jamais, ni diront aucune chose pour la mépriser.

Ils s’instruiront, de ceux qui habitent de longue main en ce pays-là, de toutes les choses qui peuvent fâcher ou donner soupçon à ceux qui gouverneront, des sujets d’avanies, pour les éviter.

Ils feront des aumônes à proportion de leur revenu, et, après avoir vu ce qu’il leur faut par an pour leur entretien, ils donneront le surplus. Etant nécessaire que ledit sieur consul en donne une partie par ses mains dans

 

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la qualité qu’il a, c’est pourquoi ledit sieur Le Vacher, qui gardera l’argent, lui en donnera, non seulement pour faire lesdites aumônes, mais pour les besoins de sa personne et de sa charge toutes fois et quantes qu’il lui en demandera. Or, chacun sera exact d’écrire les noms des esclaves qu’il assistera, avec la somme qu’il leur distribuera, et d’en avertir l’autre, afin que tous deux ne donnent à une même personne, et que sur ces mémoires ledit sieur Le Vacher puisse faire voir, par les comptes qu’il nous enverra tous les ans, à qui et combien il a été donné par mois.

VINCENT DEPAUL,

prêtre indigne de la Mission.

 

110. — ÉTUDE SUR LES VŒUX ÉMIS DANS LA MISSION

ET LE PRIVILEGE DE L’EXEMPTION

(Entre 1653 et 1655) (1)

Eminentissimus ac Reverendissimus Dominus felicis recordationi ! s Urbanus octavus, per Bullam erectionis congregationis ecclesiasticorum Missionis, datam pridie idus januarii anni 1632, concessit Superiori Generali dictae congregationis facultatem condendi statuta ad continendos in sua vocatione ecclesiasticos huic congregationi nomina dantes, approbanda tamcn ab Illustrissimo et Reverendissimo Domino Archiepiscopo Parisiensi. Qua facultate usus, Superior Dominus Generalis modum quemdam vivendi expresse extra religionis statum instituit, continentem tamen emissionem trium votarum simplicium, nemine acceptante et recipiente.

Document 110. — Arch. de la Mission, original. Cette étude, présentée à la congrégation des Réguiiers, y fut approuvée. Le Bref Ex commissa nobis (document 113) en adopte les conclusions.

1) Ce document mentionne un acte du 23 août 1653 et précède le Bref du 22 septembre 1655.

 

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Quem Dominus Illustrissimus ac Reverendissimus Archiepiscopus Parisiensis, non solum tamquam loci Ordinarius, sed etiam tanquam Sedis Apostolicae delegatus, confirmavit et approbavit, 19 mensis octobris anni 1641 et 23 augusti anni 1653 Ad cujus Instituti majorem firmitatem, apostolicae confirmationis immediatae beneficium ac robur humiliter exposcitur, quod creditur concedendum,

Nec accessus confirmationis apostolicae ad istum modum vivendi, complectentem trium votorum simplicium, paupertatis scilicet, castitatis et obedientiae, emissionem hujusmodi et observantiam, statum religionis constituit ; quem profiteri non intendunt.

Nam ad constituendum statum religionis essentiale est ut hujusmodi vota substantialia emittantur in religione approbata per Sanctam Sedem Apostolicam pro religione Nec satis est ut modus vivendi ab illa approbetur, nisi tanquam religio approbetur. Quod bene docet Glossa, Cum ex eo verbo, 3° de sent. excom. ; Abbas, Rubrica de Regularibus, n° 1 ; Angelus, verbo Religiosus, n° 1 ; Silvester, verbo Religio I, q. 1 ; Armilla, verbo Religio, n° 4 ; Navarrus, Commentario I de Regularibus, n° 15, relato a R. Patre Sanchez, L. 5, cap. 3, 11, 19, in praecepta Decalogi. I

Igitur, cum non sufficiat vovere tria substantialia vota in modo vivendi approbato pro bono etiam per Sedem Apostolicam, nisi approbaretur etiam pro regula religionis proprie inductiva, confirmatio apostolica modi vivendi propositi quo religiosus status nec petitur nec intenditur, imo expresse cavetur, non eum constituet.

Nam ad discernendum, inquit Silvester, verbo Religio I, q. 1, an modus aliquis vivendi, approbatus a Sede Apostolica, sit approbatus pro religione, vel pro

 

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simplici bono vivendi modo, consulenda sunt verba diplomatis apostolici, et in casu nostro pensanda sunt verba ista confirmationis Delegati Apostolici sub quibus confirmatio apostolica immediata petitur, ita tamen ut dicta congregatio, ob dictum votum emissum, nequaquam de numero Ordinum religiosorum censeatur, nec de corpore cleri ideo esse desinat. Quibus apertissime demonstratur hujusmodi modum vivendi nec approbatum fuisse a Delegato Apostolico pro religione, nec pro tali confirmationem apostolicam immediatam petitam fuisse.

Non desunt exempla in Ecclesia Dei quibus ostendatur modum vivendi fuisse approbatum pro bono, non tamen pro religione. Refert Glossa Clementis, Cum ex eo de Ser~. Excom., modum vivendi Tertiae Regulae Sancti Francisci approbatum a Nicolao, Papa III, secl non pro regula quae professorem ejus faciat verum religiosurn.

Navarrus, Commentario I de Regularibus, n° 15, meminit quorumdam presbyterorum qui, sine mutatione clericalis habitus, in monasterio Beatae Mariae de Monte Serrato oblati, tria substantialia vota emittunt, nec proinde censentur religiosi, quia non se obligant ad regulam Sancti Benedicti, quae inibi servatur. Et consultus ab Eminentissimo Cardinali Contarello, tunc prodatario, circa collationem cujusd, am beneficii regularis in favorem cujusdam R. Patris ex illis oblatis, respondit eum non esse verum religiosum, ut ei posset conferri beneficium regulare in titulum.

Quod si illi presbyteri oblati et servitio illius monasterii mancipati tria emittunt vota substantialia, nec tamen sunt religiosi, cur isti presbyteri Missionis, quasi oblati et mancipati Episcoporum servitio, non poterunt eadem vota substantialia emittere absque eo quod sint in statu religionis ?

 

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Demum nobilissimae illae Romanae Turris Speculorum de Urbe se offerunt ad vivendum secundum modum vivendi approbatum pro bono ab ipsa Sede Apostolica, non tamen pro regula religionis effectiva, esto quod interdum, ultra id quod modus ille vivendi requirit, voveant vota simplicia.

Non ergo emissio votorum simplicium in modo vivendi approbato pro bono a Sede Apostolica et non pro religione constituit statum religionis.

Fateor quod emissio votorum simplicium in Societate Jesu sufficiat ad religiosum statum. Sed longe dispar ratio est in casu nostro : nam modus vivendi in tali societate est approbatus per Sedem Apostolicam pro religione, et, felicis recordationis, Gregorius XIII, Extravagante Ascendente, declaravit haec simplicia vota in tali religione sufficere ad constituendos religiosos. Cum ergo simul ista religio sit approbata pro vera religione et velit Summus Pontifex, cujus est religiones exigere et approbare, ut haec simplicia vota, quae in alia sine simili approbatione non sufficerent, in ista sufficiant, non mirum si ex utroque hoc capite per simplicium votorum emissionem sint verissimi religiosi. Ita Vasquez, 1, 2 q., q. 5, art. 4, disp. 165, q. 6, n. 105, 106. Quod utrumque sibi deesse cupiunt presbyteri Missionis, ut patet ex eo modo vivendi proposito, nec per sua vota simplicia inhabiles et incapaces ad dominia et contractus fiunt, sicut nec apostatae, si propositum deserunt, velut alii religiosi.

Imo eorum vota, ut omnis tollatur difficultas, non solum emittuntur sine solemnitate, caeremonia, benedictione et consecratione, sed etiam sine ullo superiore acceptante, etiam sub conditione, nomine Dei vel congre-gationis, quorum acceptationem desiderat R. P. Suarez ad essentiam Religionis, tom. 2 de Relig., L. I ess. et honest. vot., c. 2, n. 12, probans ex cap. ad Ap.

 

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de Regularibus, et tom. 3, lib. 2, c. 4, n. 5, 6, et lib. 6, cap. 2, n. 4, et alibi. Unde, ut defendat vota simplica in societate constituere veros religiosos, statuit in iis vere et proprie intervenire traditionem ex parte voventium, et acceptationem ex pante societatis, tom. 4, L. 3, de admissione scholarium, cap. 3, n. 9, IO.

Nec obstat quod hujusmodi vota emittuntur in pu blico, audiente superiore aliisque paucis, nam, inquit D. Thomas, 2-2, q. 154, 5, ad 3um, vota, ex eo quod fiant in publico, possunt habere aliquam solemnitatem spiritalem et divinam ; unde aliud est votum esse publicum et aliud solemne, et numquam erit status religiosi constitutivum, nisi fiat in modo vivendi approbato a Sancta Sede Apostolica pro religione.

Dependentia autem horum presbyterorum ab Episcopis quoad missiones et proximorum salutem non obest dependentiae personali quam habent a suis superioribus, nec eorum combinaho retardare potest confirmationem apostolicam petitam, quia in primis Summus Pontifex felicis recordationis Urbanus VIII jam utramque hans dependentiam in Bulla erectionis stabilivit et ordinavlt, quae proinde non venit discutienda.

Nec circa ipsius combinationem actualem adhuc, per Dei gratiam, orta est in aliqua dioecesi vel minima difficultas interpretatione apostolica egens, quam propterea petere ante occurrentem necessitatis casum, eumque adhuc improvisum, judicant superfluum.

Praxis autem talis est, requirentibus Illustrissimis D. D. Episcopis missionarios pro aliqua missione, tali jussioni simpliciter obedit superior et mittit approbatos ab ipsis quos ad id idoneos judicat, sicut, cum iidem Illustrissimi pro aliqua processione solemni pctunt ab ecclesiis sibi quoad hoc subjectis comitatum, hae mittere tenentur et de facto mittunt, non potius hos quam illos,

XIII. — 24…

 

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sed idoneos et huic muneri pro dignitate obeunda sufficientes.

Deinde supra laudata Bulla Urbani VIII non solum omnem removet diffcultatem, sed conditiones sub quibus in Urbe admissi sunt ad suas functiones ab Illustrissimo D. Vicegerente, congregatione super hoc celeblata, de mandato Sanctissimi, et habito verbo cum eo, sensum ipsius Bullae et combinationem utriusque dependentiae clarissime declarant ; admissi namque sunt ad suas functiones obeundas in Urbe ; ita tamen ut, in eis quae circa proximum operantur, Eminentissimo D. Vicario et Illustrissimo Vicegerenti immediate subsint, in reliquis Superiori suo Generali, juxta Bullam suae erectionis, omnimode obediant. Quae lex communis esse debet ubique, nec plus locorum Ordinarii exigent in suis dioecesibus quam Eminentissimus Vicarius, de mandato Sanctissimi, in Urbe, per quod detretum, quod exhibetur, videtur resoluta difficultas quoad hoc punctum.

Quare, etc…

 

111. — LES RELlGlEUX DU MONASTERE SAINT-VICTOR

AU SEMINAIRE DE MARSEILLE

(1655)

En l’an mil six cent cinquante-cinq, à la prière et sollicitation de Monsieur le prieur de Saint-Victor-lez-Marseille et du consentement de Monsieur Vincent, notre très honoré Père et supérieur général, cette maison s’est chargée de l’instruction et institution aux bonnes mœurs des jeunes religieux et novices de la maison et monastère de Saint-Victor de Marseille, de l’Ordre de Saint-Benoît, et ce par les instances et pressantes sollicitations

Document 111. — Arch. nat. S 6707, cahier des environs de 1670.

 

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de Monsieur le prieur pour lors, lequel, désirant ardemment la réforme de sa maison et ne voyant point de moyen plus propre pour y mettre un meilleur ordre et une observance régulière, que de bien former la jeunesse dans la discipline religieuse, jeta pour cela les yeux sur notre maison (1), croyant qu’elle pourrait, avec la grâce de Dieu et par le zèle et piété de nos prêtres, contribuer à son dessein, et, à cet effet, ayant gagné le consentement du supérieur général de la congrégation, qui ne l’a donné que par condescendance et par un engagement trop avancé à son déçu, parce qu’il ne voyait point, selon sa grande prudence et expérience, que ce dessein, quoique très bon, dût réussir.

Ces jeunes religieux, la plupart de la ville de Marseille, vinrent loger chez nous comme pensionnaires, faisant comme un petit séminaire, où on les instruisait dans la science des lettres humaines selon leur capacité, et on les exhortait et aidait à la vie religieuse et observance régulière dont ils faisaient profession. Mais, comme la plupart de ces jeunes hommes n’avaient point d’autre vocation à la religion que la volonté de leurs parents, qui désiraient en décharger leurs maisons et les pourvoir de la mense religieuse comme d’un bénéfice, ces enfants, ne sachant que c’est d’être moines, suivaient leur sentiment et inclinations, étaient libertins, fripons, ne cherchant qu’à contenter leurs sens, de sorte que, ne voyant en eux aucune apparence de bien, ni espérance de réforme, on a été contraint, après un an de temps d’épreuve, de prier ledit sieur prieur et leurs parents, de les retirer d’avec nous ; ce qu’ils ont fait, quoiqu’à regret et avec beaucoup de prières, vers le supérieur de cette maison, de les vouloir souffrir encore quelques années.

1). La maison des prêtres de la Mission de Marseille,

 

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112. — BULLE D’ALEXANDRE VII POUR L’UNION

DU PRIEURÉ DE SAINT-LAZARE A LA MISSION

(18 avril 1655)

Alexander, episcopus, servus servorum Dei, dilecto fllio officiali Parisiensi salutem et apostolicam benedictionem.

Æquum reputamus et rationi consonum ut ea quae, de Romani Pontificis gratia, praesertim pro congregationum presbyterorum quarumlibet et personarum in illis, sub peculiaris Instituti observantia disciplinae, operam, indefessis studiis, pro propaganda fide catho lica impendentium, et altissimo famulantium profectu et feliciori statu praecesserunt, licet, ejus superveniente obitu, litterae apostolicae desuper confectae non fuerint, suum sortiantur effectum.

Dudum siquidem felicis recordationis Urbano Papae VIII, praedecessori nostro, pro parte dilecti filii Vincentii de Paulo, congregationis presbyterorum Mssionis superioris generalis, exhibita petitio continebat, quod quidem erat in suburbio Sancti Dyonisii, civitatis Parisiensi, quaedam domus hospitalis, Sancti Lazari leprosaria nuncupata, ab infra scriptis praeposito et scabinis pro habitatoribus civitatis Parisiensis lepra afflictis alendis curandisque, priscis temporibus instituta et dotata, quae, tractu temporis, prioratus nomen seu denominationem sortita est, et etiam tunc prioratus appellabatur ; quodque ejus reditus, ab ipso illius fundationis primordio, a quibusdam presbyteris secularibus seu regularibus, aut forsan etiam laicis, a pro tempore existente Episcopo Parisiensi poni et amoveri solitis, administrati fuerant, donec de anno millesimo quin-

Document 112. — Arch. nat. MM 534, p. 40 et suiv., copie.

 

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gentesimo tertio decimo, bonae memoriae Poncher, tunc Episcopus Parisiensis, administrationem hujusmodi canonicis regularibus reformatis Ordinis Sancti Augustini demendavisset, illosque in dictum prioratum introduxisset, cum onere horas canonicas in ecclesia ipsius prioratus recitandi et missam cantatam quotidie celebrandi, et pauperes leprosos advenientes recipiendi eisque necessaria subministrandi ; et, cum hoc, quod hic ex dictis religiosis quem dictus et pro tempore Dominus Episcopus Parisiensis in priorem deputasset, ad ejus nutum prioratus seu domus hospitalis et redituum hujusmodi administrator esset, cum onere administrationis suae rationem quotannis eidem episcopo red dendi.

Nuper vero Adrianus Le Bon, presbyter ejusdem Ordinis expresse professus, tunc prior seu administrator ad nutum a bonae memoriae Henrico de Gondy, dum vixit Sanetae Romanae Ecclesiae Cardinale de Retz nuncupato et Ecclesiae Parisiensis praesule, deputatus, et alii ejusdem prioratus seu hospitalis domus religiosi nunc existentes, considerantes a multo jam tempore in dicto prioratu seu leprosaria nullos adfuisse nec adesse leprosos, atque ita reditus a fundatoribus relictos destinatis usibus amplius non inservire ; et opere pretium fore eosdem reditus iis operariis assignare qui, si non corporali, sane animarum lepra afflictis, spiritualia pabula et medicamina porrigerent ; inter caetera vero Instituta maxime conspicuum esse Instibutum congregationis presbyterorum Missionis, non ita pridem, in civitate Parisiensi apostolica auctoritate erectae, cujus alumni, pro suo proprio et peculiari instituto, instructionem rusticorum in villis et pagis habitantium, in rebus quae ad salutem animarum pertinerent, gratis et amore Dei, laborum suorum mercedem a solo Deo

 

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expectantes, sibi proposuerant ; quo in opere exercendo eos tantam tamque sedulam operam indefessis animarum corporumque studiis impendisse et impendere notum erat, ut eorum doctrina multi in diversis Galliae regionibus atque provinciis, tum vero praecipue in Montisalbani dioecesi, haeresis labe infecti, ut per Galliam vulgata fama erat, abjurata haeresi, catholicam fidem amplexi essent ; atque ita existimantes a fundatorum intentione alienum non fore si dicti reditus corporali leprae curandae destinati animarum lepram curantilbus assignarentur, eisdem suppetentibus sibi facultatibus corporalia etiam pabula praebituris, cum dicto Vincentio, nomine ejus, dem congregationis stipulante, sub Sedis Apostolicae et Archiepiscolpi Parisiensis beneplacito contractum per dictum praedecessorem approbari et confirmari concessum inierant, per quem iidem Adrianus, prior seu administrator, et religiosi prioratus seu domus hogpitalis hujusmodi pro omni suo jure et interesse consenserant, quod dictus prioratus, una cum ecclesia et aedificiis ac oannibus et singulis suis bonis, ju nilbus, fructibus, pertinentiis et dependentiis, concederetur dictae congregationi, et omni ac cuicumque juri eis in dicto prioratu seu leprosaria vel ejus administratione competenti cesserant, prout in publico desuper confecto instrumento plenius dicebatur contineri.

Deinde lin vim contractus hujusmodi, ut praefertur sulb certis pactis et conditionibus initi, et apostolica auctoritate approbari et confirmari concessit Joannes Franciscus de Gondy, tunc existens Archiepiscopus Parisiensis, ad quem, prout ad ejus praedecessores, ut supra dictum erat, positio et amobio prioris seu administratoris dicti prioratus seu leprosariae pertinebat, provide animadvertens introductionem presbyterorum dictae congregationis in dictum prioratum seu hospitalem

 

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domum illiusque ac ejus rerum, proprietatum et fructuum eidem congregationi concessionem in majorem Dei gloriam et animarum salutem cessuram, de dicto contractu omnibusque in eo contentis plenissime informatus, prioratum seu hospitalem domum hujusmodi, de consensu tunc existentium Francorum et Navarrae Regis Christianissimi et praepositi mercatorum et scabinorum dictae civitatis, ipsius prioratus seu domus hospitalis fundatorum, cum ejus ecclesia, omnibus et singulis illius aedificiis, bonis, hortis, pertinentiis, rebus ac fructibus ac emolumentis quibuscumque, nec non om nibus et singulis libertatibus, franchisiis et privilegiis ei competentibus, eidem congregationi, cum obligatione pacta et conventiones in dicto contractu contenta observandi, in perpetuum, ordinaria sua auctoritate, concesserat, sub infrascriptis etiam conditionibus, videlicet :

Quod dictus Adrianus etiam deinceps in dictos reli giosos superioritatem exerceret ipsique religiosi illi obedientiam quam professi erant praestarent ; dictusquepro tempore Dominus Archiepiscopus Parisiensis in dictum prioratum et presbyteros dlictae congregationis inibi pro tempore degentes, omnem jurisdictionem ac jus visitandi in spiritualibus et temporalibus haberet, ipique presbyteri, quorum unus ab ipsa corLgregatione in superiorem eligeretur, divinum officium canonicale in choro recitare, voce mediata, sine cantu et januis chori clausis, ac sacrosanctum missae sacrificium, submissa voce, ne in eorum labore percurrendi pagos ibique. docendi retardarentur, celebrare ; omnes fundationes dicti prioratus seu domus hospitalis adimplere, leprosos dictae civitatis ejusque suburbiorum excipere in dicto prioratu ; duodecim saltem dictae congregationis. alumnos, quorum ad minimum octo presbyteri essent, qui in percurrendis pagis dioecesis Parisiens ! s, sumpti-

 

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bus ipsius coogregationis, occuparentur, et in singulis pagis unum vel duos menses, pro locorum necessitate, commorarentur, et ibi mysteria fidei docerent, confes siones, praecipue generales, audirent, rudiores in rebus christianis instituerent, alios ad dignam sacrosanctae Eucharistiae susceptionem praepararent, pacem inter dissidentes componerent ; retinere tenerentur, temporibus quibus, de more, Parisiis conferrentur ordines, candidatos ordinum Parisiensis dioecesis ab Archiepiscopo mittendos ; in dicto prioratu seu domo hospitali reciperent ; eisque, spatio quindecim dierum ante ipsos dies ordinationum, necessaria ad victum et habitationem apud se subministrarent ; illis in exercitiis spiritualibus, utpote confessione generali, quotidiano conscientiae examline, meditationubus mutationis status et vitae, ac eorum quae propria essent cujusque ordinis, et viros ecclesiasticos decerent, ac in caeremoniis Ecclesiae rite servandis occuparent ; hisque supportatis oneribus, quidquid ex fructibus dicti prioratus seu domus hospitalis superfuisset in communes dictae congregationis usus converterent.

Quibus medilantibus, idem Joannes Franciscus, archiepiscopus, suo suorumque successorum nominibus, praedictos prebyteros congregat. onis praedictae a redditione computorum et administrationis redituum ipsius prioratus seu domus hospitalis ejusque annexorum et dependentium in perpetuum liberaverat et exoneraverat, prout in ipsius Joannis Francisci, archiepiscopi, litteris desuper confectis etiam plenius dicebatur contineri.

Cumque, sicut eadem petitio subjungebat, praedicta omnia pro majori Dei gloria facta fuissent, dictusque Vincentius illa, pro illorum subsistentia, Sedis Apostolicae patrocinio communiri cuperet, eidem praedecessori, pro parte dicti Vincentii, fuit humiliter supplicatum

 

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quatenus ejus votis hujusmodi annuere ac aliis ut infra opportune providere de benignitate apostolica dignaretur.

Idem enim praedecessor qui, in supremo Apostolicae Sedis culmine divina dispositione constitutus, congregationum quarumlibet, praesertim presbyterorum Missionis, profectui et commoditati ac divini cultus conservationi et fidei catholicae propagationi et augmento intendens, haecque propterea facta fuisse diceba. ntur ut firma perpetuo et illibata persisterent, cum ab eo petebatur apostolico munimine roborari, mandahat, ac alias disponebat prout conspiciebat in Domino salubriter expedire, certam de praemissis notitiam non habens, ac Vincentium praedictum ac dictae congregationis seculares personas a quibusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque censuris et poenis ecclesiasticis, a jure vel ab homine, quavis occasione vel causa latis, si quibus innodati existerent, ad effectum infrascriptorum tantum consequendum, absolvens et absolutos fore censens, necnon contractus et instrumenti et dicti Joannis Francisci, archiepiscopi, litterarum ejusmodi tenores, praemissis tamen non contrarios, pro expressis habens, hujusmodi supplicationibus tunc inclinatus, sub data idibus martii, pontificatus sui anno duodecimo, voluit et concessit discretioni tuae dari in mandatis quatenus, vocatis qui fuissent evocandi, et ex voto Congregationis venerabilium fratrum nostrorum, tunc suorum, Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalium negotiis regularium praepositorum, concessionem prioratus seu domus hospitalis hujusmodi illiusque ecclesiae, bonorum omnium, proprietatum et dependentium quorumcumque, per dictum Joannem Franciscum, archiepiscopum, eidem congregationi Missionis, ut praefertur, factam, omniaque et singula in

 

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illa dictisque litteris contenta, licita tamen et honesta, inde legitime secuta quaecumque, ad partium supplicationem, apostolica auctoritate perpetuo approbares et confirmares illisque perpetuae et inviolabilis apostolicae firmitatis robur adjiceres, ac omnes et singulos tam juris quam facti et solemnitatum, etiam quantumvis substantialium et de jure requisitarum, defectus, si qui desuper intervenissent, suppleres, ipsumque Vincentium ad contentorum observationem obligatum esse et ab illis recedere non posse, irritum quoque et inane quidquild secus super illis, a quoquam, quavis auctoritate, decerneres, et nihilominus prioratum praedictum seu hospitalem domum hujusmodi, qui seu quae titularis ac beneficium ecclesiasticum non est, sed simlplex administratio, ad nutum pro tempore existentis Archiepisopi Parisiensis amovibilis existit, una cum ejus ecclesia omnibusclue illius membris et pertinentiis et cum omnibus et singulis oneribus, reservationibus, pactis et oonditionibus, tam in dictis conbractu ac instrumento, quam in litteris dicti Joannis Francisci, archiepiscopi, contentis, quae hic pro plene et sufficienter repetitis, idem praedecessor habere voluit eidem congregationi Missionis, ita quod liceret illius superiori et presbyteris prioratus seu domus hospitalis hujusmodi, illiusque ecclesiae ac bonorum, jurium et dependentium quorumcumque realem et actualem possesionem per se vel alium seu alios, ejusdem congregationis nomine seu nominibus, propria auctoritate libere apprehendere et apprehensam perpetuo retinere, illorumque fructus, reditus, proventus, jura, obventiones et emolumenta quaecumque percipere, exigere, locare, arrendare, et supportatis oneribus et adimpletis pactis et conditionibus in contractu et instrumento, nec non dicti Joannis Francisci, archiepiscopi, litteris praedictis contentis ; residuum in commu-

 

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nes usus et utilitatem dictae congregationis convertere, dioecesani loci vel cujusvis alterius licentia desuper minime requisita, eadem apostolica auctoritate itidem perpetuo concederes et assignares ; praesentes quoque litteras sub quibusvis similium vel dissimilium gratiarum revocationibus, suspensionibus, limitationibus aut aliis contrariis dispositionibus non comprehendi, sed semper ab illis excipi ; et quoties illas revocari, suspendi,. limitari aut contra illas aliquid disponi contigisset, toties illas in pristinum et validissimum statum restitutas, repositas et plenarie reintegratas esse et fore, sicque per quoscumque judices ordinarios et delegatos dictaeque Sedis nuntios judicari et definiri debere, ac quidquid secus super illis, a quoque, quavis auctoritate, scienter vel ignoranter, contigisset attentari, irritum quoque et inane, dicta apostolica auctoritate decerneres ; non obstantibus praemissis ac Lateranensis Concilii no vissime celebrati, uniones perpetuas, nisi in casibus a jure permissis, fieri prohibentis, aliisque constitutionibus et ordinationibus apostolicis dictorumque prioratus seu domus hospitalis ac Ordinis, etiam juramento, confirmatione apostodica vel quavis firmitate alia roboratis, statutis et consuetudinibus caeterisque contrariis quibuscumque ; ne autem de absolutione, approbatione, confirmatione, roboris adjectione, defectuum suppletione, concessione, assignatione et decreto praedictis, pro eo quod super illis ipsius praedecessoris litterae, ejus superveniente obitu, directae non fuerunt, valeant quomodolibet haesitari, ac Vincentius praedictus et congregatio hujusmodi illarum frustrentur effectu, volentes et simili alpostolica auctoritate statuentes quod absolutio, approbatio, confirmatio, roboris adjectio, defec tuum suuppletio, concessio, assignatio et decretum praedecessoris hujusmodi, perinde ac dicta die iduum mar-

 

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tii, suum sortiantur effectum, ac si super illis ipsius praedecessoris litterae sub ejusdem diei data confectae fuissent, prout superius enarratur ; quodque praesentes litterae ad probandum plene absolutionem, approbationem, confirmationem, roboris adjectionem, defectuum suppletionem, concessionem, assignationem et decretum praedecessoris hujusmodi ubique sufficiant, nec ad id probationis alterius adminiculum requiratur, eidem discretioni tuae per apostolica scripta mandamus quatenus, vocatis qui fuerint evocandi, et ad partium supplicationem, concessionem hujusmodi auctoritate nostra perpetuo approbes et confirmes, ac prioratum seu domum hospitalem hujusmodi, dicta auctoritate nostra, concedas et assignes ac decernas, non obstantibus omnibus supradictis.

Datum Romae, apud Sanctum Petrum, anno Incarnationis dominicae millesimo sexcentesimo quinquagesimo quinto, quarto decimo kalendas maii, pontificatus nostri anno primo.

 

113. — BREF PAR LEQUEL ALEXANDRE Vll APPROUVE LES VŒUX EMIS DANS LA CONGRÉGATION DE LA MISSION.

(22 septembre 1655)

Alexander PP. VII, ad perpetuam rei memoriam.

Ex commissa nobis a Supremo Pastore Dominici gregis cura, ad ea libenter intendimus, per quae congregationum personarum ecclesiasticarum, ad majorem divini nominis gloriam et procurandam animarum salutem pie prudenterque institutarum, statui opportune consuli arbitramur. Itaque nonnulla dubia super statu congregationis Missionis in Gallia inceptae, ac olim a Sede Apostolica approbatae, enata tollere, nec non di-

Document 113. — Reg. des vœux, copie authentiquée le ler novembre 1655. (Arch. de la Mission.)

 

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lectum filium Vincentium de Paulo, ejusdem congregationis superiorem generalem, specialibus favoribus et gratiis prosequi volentes, eumque a quibusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis a jure, vel ab homine, quavis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodatus existit, ad effectum praesentium dumtaxat consequendum, harum serie absolventes et absolutum fore censentes, supplicationibus, ejus nomine, nobis super hoc humiliter porrectis inclinati, de venerabilium fratrum nostrorum S. R. E. Cardinalium Sacri Concilii Tridentini interpretum, ad quos negotium hujusmodi discutiendum remisimus, consiliis, praefatam congregationem Missionis, sic, ut praefertur, incaeptam, et approbatam apostolica auctoritate, tenore praesentium confirmamus et approbamus, cum emissione votorum simplicium castitatis, paupertatis et obedientiae, nec non stabilitatis in dicta congregatione, ad effectum se, toto vitae tempore, saluti pauperum rusticanorum applicandi, post biennium probationis faciendae ; in quorum tamen emissione nemo intersit qui ea acceptet, sive nomine congregationis, sive nostro, et pro tempore existentis Romani Pontificis nomine ; et vota sic ut supra emissa possit dissolvere solus Romanus Pontifex, nec non et superior generalis dictae congregationis in actu dimissionis e congregatione. Nemo autem alius, etiam vigore cujuscumque jubilaei, bullae cruciatae, seu alterius privilegii et indulti, aut cujuscumque constitutionis, sive concessionis, nisi in eis facba fuerit specialis mentio horum votoru, m, sic ut supra in dicta congregatione emissorum, dissolvere aut commutare, vel dispensare possit et valeat ; statuentes ut dicta congregatio Missionis exempta sit a subjectione locorum Ordinariorum in omnibus, excepto quod personae quae

 

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a superioribus ejusdem congregationis deputabuntur ad missiones aliquas, subsint ipsis Ordinariis tantum quoad missiones et ea qu. ae illas concernunt, utque dicta congregatio non censeatur propterea in numero Ordinum religiosorum, sed sit de corpore cleri secularis ; ac decernentes praesentes litteras semper firmas, validas et efficaces existere et fore, ac omnibus et singulis ad quos spectat et pro tempore spectabit, plenissime suffragari et ab illis inviolabiliter observari, sicque in praemissis per quoscumque judices ordinarios et delegatos, etiam cau6arum Palatii Apostolici auditores judicari et definiri debere, ac irritum et inane, si secus super his a quocumque, quavis auctoritate, scienter vel ignoranter contigerit attentari ; non obstantibus constitutionibus et ordinationibus apostolicis, etiam conciliaribus, nec non, quatenus opus sit, dictae congregationis, etiam juramento, confirmlatione apostolica, vel alia quavis firmitate roboratis, statutis et consuetudinibus, privilegiis quoque, indultis et litteris apostolicis in contrarium praemissorum quomodolibet concessis, confirmatis et innovatis. Quibus omnibus et singulis, illorum tenores praesentibus pro plene et sufficienter expressis et insertis habentes, illis alias in suo robore permansuris, ad praemissorum effectum, hac vice dumtaxat, specialiter et expresse derogamus, caeterisque contrariis quibuscumque. Volumus autem ut praesentium transumptis, etiam impressis manu notarii publici subscriptis et sigillo personae in dignitate ecclesiastica constitutae munitis, eadem fides in judicio et extra adhibeatur, quae ipsis praesentibus adhiberetur, si forent exhibitae, vel ostensae.

Datum Romae, apud Sanctam Mariam Majorem, sub annulo Piscatoris, die 22 septembris 1655, Pontificatus nostri anno primo.

 

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14. — ACTE D’ACCEPTATION PAR LA MAISON

DE SAINT-LAZARE DU BREF "EX COMMISSA NOBIS"

(22 octobre 1655)

Nos, Vincentius de Paul, superior generalis Congregationis Missionis, exposuimus dilectis in Christo fratribus, Dominis Dominis sacerdotibus, clericis et fatribus coadjutoribus laicis dictae nostrae congreg ationis in domo Sancti Lazari commorantibus et capitulariter convocatis et adunatis, quatenus, cum Sanctissimus Dominus noster Urbanus, felicis recordationis, Papa, VIII, approbasset dictam nostram congregationem, et per Bullam erectionis nobis quaecumque statuta et ordinationes, felix regimen et gubernium illius, necnon domorum ac personarum directionem concernentia, condendi facultatem concessisset, approbanda tamen ab Illustrissimo ac Reverendissimo Archiepiscopo Parisiensi ; cumque nos, superior generalis, indicassemus maxime expedire ut ipsa eongregatio se aliquo perfectiori vinculo Deo optimo maximo et Ecclesiae, membraque suo capiti ataue membra sibi invicem sanctius unirentur, et ad hunc finem omnes et singuli, post biennium probationis, emitterent tria vota simplicia paupertatis, castitatis et obedientiae, seque toto vitae tempore in dicta congregatione pauperum rusticanorum saluti applicandi, ita tamen ut praefata vota essent indispensabilia, praeterquam a Romano Pontice vel a Superiore Generali ejusdem congregationis, nec propterea ipsa congregatio censeretur esse religio, nec de corpore cleri esse desineret ; cumque ut in re tanti momenti securius procederemus, convocassemus Lutetiam Parisiorum annis millesimo sexagesimo quadragesimo secundo et quinquagesimo primo, praeci-

Document 114. — Reg. des vœux, original. (Arch. de la Mission.)

 

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puos superiores cum nonnullis antiquioribus congregationis sacerdotibus, ipsisque communicassemus jam introductum usum praefatorum votorum simplicium in nostra congregatione, ipsi non solummodo talem usum laudaverunt, sed etiam continuandum fore judicaverunt, maxime cum jam constaret de approbatione hujusmodi votorum facta, sub dile decimo nono octobris anni millesimi sexcentesimi quadragesimi primi, ab Illustrissimo ac Reverendissimo Domino Archiepiscopo Parisiensi tanquam delegato apostolico ad approbanda congregationis nostrae statuta a nobis, superiore generali, condita ; et quamvis hujusmodi usus votorum simplicium fuisset tam licite a nobis introductus, tam mature a convocatis superioribus et nonnullis antiquioribus congregationis sacerdotibus pluries examinatus, tam legitime a Delegato Apostolico approbatus et confirmatus et tam sancte in ipsa congregatione continuatus ; quia tamen, tum ad majorem congregationis consolationem, tum ad perpetuam firmitatem, optandum videbatur ut hujuscemodi votis nostris apostolicae confirmationis robur adjiceretur, nos, de consilio nostrorum assistentium, humliter petivimus a Sanctissimo Domino Nostro Alexandro Papa VII approbationem seu confirmationem praefatorum votorum simplicium ; quam confirmationem paterno affectu (consulta prius Sacra Congregatione Eminentissimorum Cardinalium Concilii Tridentini et auditis doctissimis theologis super hujusmodi votorum validitate et usu) concedere dignatus est per Breve datum Romae vigesimo secundo septembris anni currentis ; cujus originale infrascriptis sacerdotibus, clericis et fratribus coadjutoribus laicis congregationis nostrae, capitulariter convocatis, exhibuimus. Cujus Brevis forma haec est, ut habetur in originali… (1)

1). Suit le texte du Bref.

 

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Post hujus Brevis lectionem publice et coram infrascriptis factam, non solum lingua latina, ut habetur in originali, sed etiam gallica, traducta de verbo ad verbum ex ipso origiali in favorem nostrorum fratrum coadjutorum laicorum, a singulis, tam sacerdotibus et clericis, quam fratribus coadjultoribus, subsignatis, requisivimus utrum acceptarint hujusmodi Breve eique sese submitterint. Qui omnes una voce, communi laetitia et singularissima filialique gratitudine erga Sedem Apostolicam pro tam optanda approbatione vel confirmatione nostrorum votorum, responderunt : "Acceptamus hoc Breve eique nos lubentissime submittimus."

In cujus rei fidem, nos, superior generalis congregationis Missionis, et infrascripti sacerdotes, clerici et fratres coadjutores laici, omnes et singuli ejusdem congregationis, has praesentes subscripsimus et a nobis subscriptas sigillo nostrae congregationis munivimus, consensimusque ut praesens actus sit recognitus a notariis publicis subsignatis.

Actum Parisiis, apud Santum Lazarum, die vigesimo secundo octobris anni millesimi sexcentesimi quinquagesimi quinti. (2)

 

115. — FONDATION

POUR L’ASSISTANCE DES ESCLAVES DE BARBARIE

(20 décembre1655)

Nous, Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission, reconnaissons qu’un bourgeois de cette ville de Paris, qui nous a fait promettre de ne jamais dire son nom, mû de compassion des grands

2). suivent les signatures de quinze prêtres et de treize frères coadjuteurs.

Document 115. — Arch. nat. MM 536, reg., f° 105, copie.

XIII. — 25

 

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maux que souffrent les chrétiens détenus esclaves en Barbarie et de la perte des âmes qui y renoncent au christianisme et se font turcs, il a mis entre nos mains la somme de 30 000 livres pour être employée par nous et nos successeurs à l’assistance et rédemption des pauvres esclaves par les prêtres de notredite congrégation résidant depuis environ dix ans dans les villes de Tunis et d’Alger en Afrique, où ils assistent les pauvres esclaves. Ce que je promets de faire, tant pour moi que mes successeurs généraux en notredite Compagnie.

En foi de quoi j’ai signé la présente de ma propre main, fait sceller de notre sceau et reconnu par devant les notaires soussignés.

A Saint-Lazare-lez-Paris, le 20e jour de décembre 1655.

VINCENT DEPAUL

RALLU PAISANT

 

DECLARATION DE SAINT VINCENT

RELATIVE A L’ÉTABLISSEMENT DE CRÉCY

(Entre1654 et 1660) (1)

Nous, Vincent Depaul, supérieur de la congrégation de la Mission, certifLins à tous ceux qu’il appartiendra que nous avons tenu dans le bourg de Crécy, diocèse de Meaux, trois ou quatre prêtres depuis l’établissement de notre Compagnie en ce lieu-là, et qu’ils ont travaillé incessamment à la Mission dans ledit diocèse, aux lieux auxquels Monseigneur l’vêque de Meaux les a envoyés, ou M. son grand vicaire, et qu’ils ont assisté mondit sei-

Document 116. — Reg. 1, fo° 72 v° d’après la minute autographe.

1.) La date n’est pas indiquée dans le manuscrit. Ce fut en 1654 que la maison de Crécy se trouva réduite à un seul prêtre.

 

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geur dans les visites qu’il a faites dans sondit diocèse, allant devant lui prêcher, catéchiser et entendre de confession le pauvre peuple et le disposer par ce moyen à recevoir la grâce de la visite, et que l’on a continué à en user del a sorte jusques à [1654], depuis lequel temps notu avons rappelé ici deux desdits prêtres pour nous aider à travailler en ce diocèse et aux autres circonvoisins, et avons laissé seulement en notre logis audit Crécy un prêtre, un frère et un domestique, et que le prêtre, qui célèbre la sainte messe tout les jours en notre chapelle, y confesse tous les dimanches dans la paroisse et y visite tous les malades qui le demandent, en atten-dant que le différend mû entre mondit seigneur et M. Lorthon, secrétaire du roi, fût vidé.

En foi de quoi j’ai écrit et signé la présente de ma main propre et apposé le sceau de notre Compgnie.

VINCENT DEPAUL.

 

117. — BULLE PAR LAQUELLE L’ABBAYE DE SAINT-MÉEN

EST UNIE AU SÉMINAIRE ÉTABLI EN CETTE LOCALITE.

(5 avril 1658)

Alexander, episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio officiali Dolensi salutem et apostolicam benedictionem.

Ad apicem apostolicae dignitatis, meritis, quanquam insufficientiibus, divina dispensatione vocati, uberes et reipublicae christianae perutiles fructus aui ex institutione presbyterorum congregationis Missionis et erectione seminariorum eorum curiae et gubernio commissorum passim proveniunt, animo revolventes, ad ea per

Document 117. Summarium additionale, Parisien. Beatificationis et Canonizationis Servi Dei Vicentii a Paulo, s. l. n. d., p. 18 et suiv.

 

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quae eorum suubventioni et seminariorum stabilitati et incremento consuli possit, maxime piis et salubribus christianorum regum et praelatorum Ecclesiarum sibi creditarum votis ad id concurrentibus, libenter intendimus, ac im iis providentiae nostrae partes, prout in Domino conspicimus expedire, favorabiliter impertimur.

Sane, sicut exhibita nobis nuper per praesentem dilectorum filiorum presbyterorum congregationis Missionis superiorem petitio continebat, non ita pridem bonae memoriae Achilles de Harlay de Sancy, tunc Macloviensis Episcopus, exhibita per eum matura consideratione quod Episcopatus Macloviensis, in suis terminis amplissimus, magna populi multitudine abundabat, in universa tamen ejus dioecesi nullum adhuc collegium publicae scholae, nullumque seminarium puerorum seu alumnorum ecclesiasticorum, in quibus humaniores litterae ac philosophiae et theologiae studia publice docerentur, instituta reperirentur ; quodque incolae ejusdem episcopatus, ut plurimum fortunae bonis exiles ; expensis in alendis filiis suis extra dictam dioecesim in aliquo publiso litterarum gymnasio necessariis impares, bonarum litterarum expertes perrnanerent ; unde pro tempore existens Elpiscopus Macloviensis ad exercitium curae animarum clericos seu presbyteros rudes et parum idoneos assumere cogeretur, exindeque populus christiana doctrina aliisque ad salutem necessariis non suflicienter imbueretur, fruotus etiam et parochialium ecclesiarum dictae dioecesis valde tenues pro sustentatione seminarii ecclesiastici, hujusmodi contributione gravari, non possent ; in monasterio vero Sancti Menenni, Ordinis Sancti Benedicti, in media fere dioecesi sito, nulli congregationi generali adjuncto, neque membro alterius monasterii quod caput alicujus Ordinis existat, sed visitationi et correctioni pro tempore existentis Episcopi Macloviensis subdito, quod dictus Achilles, episcopus, in

 

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commendam ad sui vitam, ex concessione et dispensatio, ne apostolicis, dum viveret, obtinebat, regulari disciplina a multis retro annis collapsa, duos tantum monachos ejugdem Ordinis oneribus dicti monasterii ecclesiae subeundis omnino impares retineret, prout adhuc forsan retinet ; ipsiusque monasterii abbas seu perpetuus commendatarius presbyteros seculares ad satisfactionem onerum hujusmodi evocare cogeretur ; proinde dictus Achilles, episcopus, pro sui, pastoralis officii munere, populique tunc specialibus necessitatibus sublevandis, in convenu dicti monasterii et aedificiis monachalibus unum seminarium puerorum seu alumnorum ecclesiasticorum, juxta sacrorum canonum dispositiomes, in quo viri ecclesiastici dictae dioecesis doctrina ac moribus, ac pietatis officiis et caeremoniis ecclesiasticis aliisque ad cultum divinum et populi instructionem necessariis gratuito et fideliter imbuantur, sub jurisdictione et correctione Ordlnarii loci, ac perpetuis directione et administratione presbyterorum congregationis Missionis hujusmodi, jam antea auctoritate apostolica erectae et institutae et nuper a nobis confirmatae, in quo quinque presbyteri congregationis dictae existant ; et vita dictorum duorum monachorum adhuc forsan superstitum durante, duodecim, dictis vero monachis vita functis, viginti alumni ecclesiastici gratuito nutriantur et educentur, ad instantiam et preces. universi cleri civitatis et dioecesis Macloviensis synodaliter convocati, et de chaissimi in Christo filii nostri Ludovici, Francorum et Navarrae Regis christianissimi, ad quem nominatio persornarum idonearum ad praedictum monasterium pro tempore vacans ex indulto apostolico spectat, diotorumque durum monachorum consensu, et sine aliquo praejudicio mensae abbatialis dicti monasterii, quae ab illius mensa conventuali omnino separata existit, ac habitationis et certorum hortorum ac stagni illius mensae

 

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abbatialis competentium ; nec non praevia applicatione omnium et singulorum bonorum ac dependentiarum mensae conventualis ejusdem monasterii, et assignata certa portione inter praesentes conventa et reditilbus dictae mensae conventualis et sufficienti mansione pro dictis duobus monachis, cujuslibet eorum vita respective durante, sub beneplacito Sedis Apostolicae, erexit et instituit ; ipsique seminario ex tunc reditum annuum et perpetuum quingentarum librarum turonensium de suis propriis bonis, de quibus dictus Achilles, episcopus, testari et legitime disponere poterat, perpetuo assignavit, et in comparanda supellectilia necessaria pro usu dicti seminarii notabilem pecuniarum quantitatem ex-posuit ; ita tamen quod tam presbyteri dictae congregationis quam alumni ejusdem seminarii servitium ecclesiae dicti monasterii adimplere, horas canonicas recitare piisque fundationibus satisfacere, necnorl confessiones peregri. norum illuc, devotionis causa, concurrentium audire, libros et ornamenta ad divini officii celebrationem necessaria suppeditare, atque ecclesiam sartam tectamque manu tenere, lignis tamen ad id necessariis e sylva abbatis seu perpetui commendatarii sibi, uti antea, concessis.

Abbas vero seu perpetuus commendatarius praef atus claustrum, refectorium et alia aedificia in omnibus sarta et propriis expensis, prout antea tenebatur, tecta conservare, respective teneiantur, et quod dicti alumni a pro tempore existente Episcopo Macloviensi de eadem perpetuo dioecesi seligantur, et ab ipso, vel, in ejus absentia, ab illius vicario in spiritualibus generali examincntur et approbentur, et in alumnos dicti seminani admissi, in episcopi, vel, in ejus absentia, vicarii generalis praefati manibus juramentum praestent se, postquam egressi fuerint e seminario dicto, a dioecesi Macloviensi minime recessuros absque episcopi aut ejus vi-

 

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carii hujusmodi licentia, sed tamdiu sacris ministeriis seu officiis ad quae destinabuntur, et ex quibus commode sustentari poterunt, in dicta dioecesi pie vacaturos, quamdiu scilicet in seminario instituti et educati fuerint ; quodque superior generalis dictae congregationis Missionis in dioccesi Macloviensi quinque presbyteros ejusdem congregationis destinare et constituere, quorum duo vacent solitis missionibus, reliqui vero tres directioni et gubernio dicti seminarii aliorumque ecclesiastioorum in praefato seminario degentium insistant, et ejusdem dioscesis clericos ad sacros ordines promovendos, ad exercitia spiritualia adlmittere respective teneantur, cum mandato pro tempore existentis Eipiscopi Macloviensis aut ejus vicarii hujusmodi, ipsique quinque presbyteri, tam quoad missiones quam seminaril directionem et gubernium, aliasque functiones salutem et subventionem proximi concernentes, pro tempore existenti Episcopo Macloviensi, quo vero ad reliqua eorum suuperiori, juxta eorum congregationis institutum, subjecti remaneant ; quodque contra praemissa dicti presbyteri nullam exceptionem quaerere ; alias a pro tempore existente Episcopo Macloviensi removeri possint, et alii presbyteri liberae visitationi et correctioni subditi in eorum locum subrogentur, et sub certis aliis conditionibus, licitis et honestis, ac alias, prout in scripturis desuper confectis plenius dicetur contineri.

Cum autem, sicut eadem petitio subjungebat, ex seminarii erectione aliisque praemissis amplissimi fructus spirituales in dicta dioecesi merito expectandi sunt, et jam prodire inceperint, ne tamen erectio praefata in dubium aliquando ab aliquibus revocari contingat, presbyteri Missionis, quibus directio et administratio huju, commissa fuit, plurimum cupiant erectionem et applicationem aliaque promissa, praevia tamen ordinis ac ordinis status et essentiae regularis mensae conventualis

 

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hujusmodi perpetuis suppressione et extinctione, approbari et confirmari, seu de novo, ut infra, concedi desiderent, in id etiam venerabilis frater noster Ferdinandus, moderrlus Carnotensis, nuper vero Macloviensis Episcopus, qui monasterium praedictum in similem commendam ad sui vitam, ex simili concessione et dispensatione apostolica, obtinet, libenter consentiat ; quare, pro parte eorumdem presbyterorurn ipsius Missionis, nobis fuit humiliter suoplicatum, quatenus pium hujusmodi institutum paterna protectione confovere ipsisque in praemissis opportune providere, et erectionem et applicationem ac assignationem aliaque per ipsum Ahillem, episcopum, ut praefertur, ordinata et disposita, ac desuper confectas scripturas, et in eis contenta quaecumque, licita tamen et honesta, apostolica auctoritate perpetuo approbare et confirmare, eisque perpetuae et inviolabilis apastolicae firmitatis robur adjicere, omnesque et singulos tam juris quam facti, et solemnitatum, quantumvis substantialium et in praemissis forsan omissarum, defectus, si qui desuper quomodolibet intervenerint, supplere de benignitate apostolica dignaremur.

Sollicitudinis nostrae existimantes personis in dicto seminario alendis benigne consulere, et ut religionis fructus suo tempore in Ecclesia Dei producant libenter providere, et propterea praefatos presbyteros congregationis Missionis et hujusmodi singulares personas quibusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque censuris et poenis ecclesiasticis, si quibus quomodolibet innodati existunt, ad effectum praesentium tantum consequendum, harum serie absolventes et absolutos fore censentes, ac scripturarum praedictarum tenores, praemissis tamen minime contrarios, ac datas praesentibus pro expressis habentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, discretioni tuae, cum Sedes Episcopalis

 

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Macloviensis ad praesens vacet, et, sicut praefati presbyteri asserunt, venerabilis frater noster Episcopus Dolensis Ordinarius vicinior existat, per apostolica scripta mandamus, quatenus in dicto monasterio omnimodam conventualitatem omnemque statum et dependentiam regulares penitus et omnino, absque tamen aliquo mensae abbatialis dicti monasterii praejudicio, apostolica auctoritate perpetuo supprimas et extinguas, ac de consensu interesse habentiuan, et vocatis ad id qui fuerint vocandi, ac si vel postquam reditus praedictus 500 librarum perpetuo assignatus fuerit, ut praefertur, et dummodo alumni in dicto seminario recipiendi ex legitimo matrimomio procreati existant, aliasque qualitates a Concilio Tridentino requisitas habeant, in aedibu, conventualibus ejusdem monasterii unum seminarium puerorum seu alumnorum ecclesiasticorum pro suapradictae presbyterorum congregationis Missionis et alumnorum in dicto seminario alendorum et educandorum numero, qui servitio dictae ecclesiae, ut supra, satisfaciant, aliaque omnia et singula supra dicta per Achillem, episcopum, stabilita et ordinata impleant et observent, eadem auctoritate, sine quoque alicujus etiam mensae abbatialis dicti monasterii praejudicio, et salvo remanente ipsius titulo collativo seu commendatitio, etiam perpetuo erigas et instituas, illique sic erecto et instituto omnia et singula conventualis ejusdem monasterii bona, res, proprietates, dependentias, ac jura, illorumque fructus, reditus et proventus, aliaque emolumenta undequaque provenientia, et ad dictam mensam conventualem quomodolibet spectantia ; ita quod praefatis presbyteris dictae congregationis ad regimen et gubernium praedicti seminarii deputatis rerum et bonorum omnium supradictorurn veram, realem et actualem possessionem, per se vel alium seu alios, eorum ac dicti seminarii nomine, libere apprehendere et apprehensam

 

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perpetuo retinere, fructus quoque, reditus et proventus, dependentias ac jura et obventiones dictae mensae conventualis in suos et praefati seminarii usus et utilitatem convertere, dioecesani loci vel cujusvis alterius licentia desuper minime requisita, eadem auctoritate perpetuo applices et appropries.

Praesentes quoque litteras semper et perpetuo validas et efficaces fore et esse, ipsiusque seminario et illius rectoriibus seu administratoribus et alumnis praefatis perpetuo suffragari debere, neque illas ullo nunquam tempore de subreptionis aut obreptionis vel nullitatis vitio, aut intentionis nostrae defectu notari, impugnari, invalidari, retractari aut ad terminos juris reduci, aut in jus vel controversiam vocari posse, minusve illas sub quibusvis similium vel dissimilium gratiarum revocationibus, suspensionibus, limitationibus, vel aliis contrariis dispositionibus comprehendi posse, sed semper ab illis excipi, et quoties illae emanabunt, toties in pristinum et eum in quo antea erant statum restitutas, repositas et plenarie reintegnatas esse et fore, sicque non alias per quoscumque causarum judices ordinarios et delegatos, etiam Palatii Apostolici auditores, ac Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinales, etiam de latere legatos dictaeque Sedis nuntios, judicari et deiiniri debere, irritumque et inane quidquid secus suuper his, a quavis auctoritate, scienter vel ignoranter contigerit attentari, eadem auctoritate decernas ; non obstantibus praemissis ac Lateranensis Concilii novissime celebrati, uniones perpetuas, nisi in casibus a jure permissis fieri prohibentis, ac in univelsalibus provincialibusque et synodalibus conciliis editis, specialibus vel generalibus constitutionibus et ordinationibus apostolicis, necnon praefati ordinis, etiam juramento, confirmatione apostolica, vel quavis firmiitate alia roboratis, statutis, consuetudinibus, caeterisque contrariis quibuscumque.

 

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Datum Romae, apud Sanctum Petrum, anno Incarnationis Domini 1658, pridie nonas aprilis, (1) Pontificatus nostri anno tertio.

 

118. — PONDATION ET FERMETURE

DU GRAND SEMINAIRE DE MONTPELLIER

(1659)

En l’an 1659, Monseigneur l’évêque de Montpellier ayant demandé quelques-uns de nos prêtres pour la direction d’un séminaire d’ecclésiastiques en son diocèse et ville de Montpellier, Monsieur Vincent, supérieur général de la congrégation de la Mission, y députa Monsieur Get, supérieur de cette maison de Marseille, et Monsieur Parisy, prêtre de la même congrégation, lesquels s’allèrent présenter à mondit seigneur l’évêque pour la conduite de son séminaire, où ils ont passé l’espace d’un an ou environ, occupés à la direction des ecclésiastiques dudit séminaire, vivant avec un frère et un domestique, et de l’argent que ledit seigneur évêque leur fournissait, à savoir cent livres par mois. Mais, comme ledit seigneur évêque n’a point trouvé la commodité de leur fournir un fonds à perpétuité, Monsieur Vincent a trouvé expédient de les en retirer après un an, quoiqu’avec regret du bon prélat, qui souhaitait les retenir ; et se sont retournés en cette maison de Marseille.

 

119. — SENTENCE DE FULMINATlON

POUR L’UNION DU PRIEURE DE SAINT-LAZARE A LA MISSION

(21 juillet 1659)

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Nicolas

1). 5 avril.

Document 118. — Arch. nat. S 6707, cahier des environs de 1670.

Document 119. — Arch. nat. M 212, original.

 

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Porcher, prêtre, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, vice-gérant en l’officialité de Paris, commissaire député en cette partie par notre Saint-Père le Pape Alexandre VII, à présent séant, salut.

Savoir faisons que, vu : la requête à nous présentée par Messire Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission, contenant qu’ayant traité par concordat du 7e janvier 1632 avec frère Adrien Le Bon, prieur de la maison de Saint-Lazare-lez-Paris, et les religieux d’icelle dite maison et domaines en dépendant, pour être unis à ladite congrégation de la Mission, et être des prêtres de ladite congrégation établis en ieelle aux charges et conditions portées par ledit concordat, pour l’exécution duquel les sieurs prévôt des marchands et échevins de cette ville de Paris auraient donné leur consentement par acte du 24e mars 1632 ; mais les religieux, abbé et couvent de l’abbaye de Saint-Victor et les curés de cette ville et faubourgs de Paris ayant formé opposition à ladite union, la Cour de Parlement, par son arrêt du 21e août ensuivant, aurait ordonné, sans avoir égard auxdites oppositions, qu’elle verrait ledit concordat et lesdites lettres patentes, et, par autre arrêt du 7è septembre ensuivant, ordonné que lesdits concordat et lettres patentes seraient registrés ès registres de la Cour pour jouir par lesdits prêtres de la congrégation de la Mission de l’effet y contenu, et qu’ils se retireraient par devers Mgr l’archevêque de Paris pour obtenir lettres d’union et établissement à perpétuité de leur congrégation en ladite maison de Saint-Lazare aux conditions dudit concordat, à la charge de recevoir les lépreux et de satisfaire aux fondations ; lesquelles lettres d’union ont été octroyées par mondit seigneur archevêque en date du dernier décembre audit an, que ledit feu roi Louis XIII aurait confirmées et approuvées par autres lettres patentes du

 

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mois de janvier 1633, enregistrees ès registres dudit Parlement le 21è mars ensuivant, et en la chambre des Comptes et Cour des aides, avec les premières lettres patentes, les 18e octobre audit an 1633 et 9è janvier 1634 ; lequlel concordat ledit sieur Vincent désirant être homologué en cour de Rome et y obtenir la confirmation desdites lettres d’union de mondit seigneur archevêque et l’approbation de l’introduction et établissement desdits prêtres de la congrégation de la Mission dans ladite maison de Saint-Lazare, il en aurait fait faire les diligences nécessaires en ladite cour de Rome ; et après que l’affaire aurait été examinée en la congrégation des cardinaux préposés pour les affaires des Réguliers, le Pape Urbain VIII, d’heureuse mémoire, par leur avis, en aurait signé la supplique, datée à Rome, à Saint-Pierre, les ides de mars, l’an 12è de son pontificat, sur laquelle les bulles n’ayant point été expédiées de son temps, ni du temps aussi de son successeur d’heureuse mémoire Innocent X, ledit sieur Vincent les a obtenues de notre Saint-Père le Pape Alexandre VII, à présent séaant, en la forme qu’on appelle Rationi congruit, datées à Rome, à Saint-Pierre, l’an de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1655, le 14è des calendes de mai, l’an premier de son pontificat ; par lesquelles bulles Sa Sainteté veut que la grâce faite par son prédécesseur Urbain VIII sorte son effet du jour de sa date 15è mars 1635, tout ainsi que sur icelle les bulles en eussent été expédiées ; requérant qu’il nous plût, d’autorité apostoIique à nous commise, entériner lesdites bulles et, en ce faisant, approuver et confirmer de nouveau à perpétuité ladite union et concession ci-devant faite dudit prieuré et maison de Saint-Lazare, appartenances et dépendances, à ladite congrégation des prêtres de la Mission, notre ordonnance étant au bas

 

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de ladite requête du 8e avril dernier, portant qu’elle serait communique au promoteur ;

Conclusions dudit promoteur, par lesquelles il aurait requis, avant que faire droit sur ladite requête, information être faite des avantages et utilités de ladite union et de l’exécution et accomplisseme, nt des charges contenues audit concordat, et assignation être donnée à ceux qui pourraient y prétendre intérêt par affiches qui, pour cet effet, seraient mises et apposées ès portes de ladite maison de Saint-Lazare ;

Autre notre ordinaire, du 23è dudit mois d’avril, par laquelle nous aurions ordonné qu’avant faire droit sur ladite requête et fulmination de ladite bulle d’union à la requête dudit promoteur, toutes personnes prétendant droit et intérêts à ladite union seraient assignées par affiches publiques, qui seraient mises ès portes de l’officialité et de ladite maison de Saint-Lazare, pour, ce fait, être, avec eux ou en leur défaut et absence, procédé au surplus, ainsi qu’il appartiendrait, et cependant aurions octroyé commission audit promoteur pour faire preuve des faits contenus en ladite requête et bulles de confirmation d’union, tant par lettres que par témoins, ensemble pour informer super commodo vel incommodo de ladite union et de l’exécution des traités énoncés en icelles requêtes, et des charges, clauses et conditions portées par lesdites lettres d’union ci-devant accordées par feu mondit seigneur l’archevêque, et qu’à cet effet nous nous transporterions sur les lieux pour en faire description et visitation et pour entendre lesdits témoins, pour être du tout dressé procès-verbal, et, le tout vu et communiqu ; é audit promoteur, être ordonné ce que de raison ;

Commission obtenue de notre autorité le dernier dudit mois d’avril aux fins de faire citer par devant nous à certain et compétent jour, par affiches publiques qui

 

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seraient mises et apposées ès portes de ladite officialité de Paris et de la maison de Saint-Lazare, tous ceux qui prétendraient avoir droit et intérêts à la fulmination desdites bulles de confirmation et d’union, pour être au surplus procédé ainsi que de raison ;

Le procès-verbal desdites affiches portant lesdites assignations faites par Angibaut, appariteur, le 2e mai dernier ;

Le défaut par nous donné le 10è dudit mois de mai suivant, en vertu duquel nous aurions ordonné que lesdits prétendant droits seraient réassignés par semblables affiches, comme auparavant audit procès-verbal dudit Angibaut, du 12e dudit mois de mai, fait en conséquence dudit défaut, par lequel il appert comme il a donné par affiches les assignations à ladite requête du promoteur sur ledit défaut ;

Notre jugement du mercredi 21e dudit mois de mai, par lequel n. ous aurions donné deux défauts contre les. personnes qui pourraient avoir, ou pourraient prétendre avoir intérêt à la fulmination desdites bulles, par vertu duquel nous aurions ordonné que nous nous transporterions sur les lieux, assistés dudit promoteur et du greffier par nous député en cette partie, pour faire notre procès-verbal de l’état dudit prieuré et maison de Saint-Lazare et lieux dépendants, ensemble pour informer du contenu en ladite requête, pour, ce fait et le tout communiqué audit promoteur, être ordonné ce que de raison ;

Le procès-verbal dudit Angibaut, par lequel appert comme, en conséquence de notredit jugement ci-dessus, il aurait assigné tant les témoins qui pouvaient déposer sur l’exposé par ladite requête présentée aux fins de ladite fulmination et entérinement desdites bulles, que les personnes qui pouvaient y être intéressées, à comparoir par devant nous, le vendredi 27è juin dernier, dans ladite maison et prieuré de Saint-Lazare, à 10 heures

 

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du matin, pour être procédé à la confection de ladite information et au procès-verbal de l’état des lieux, commodité et utilité ou incommodité de ladite union et de l’exécution des clauses et conditions amplement déduites par lesdits actes de concordat et union ;

Le procès-verbal par nous fait de d’état des lieux et bâtiments de ladite maison de Saint-Lazare et lieux dépendants ;

L’information par nous faite contenant la déposition de cinq témoins, par laquelle appert comme ladite union est non seulement utile et nécessaire, mais aussi que tout ce qui est porté par ledit contrat fait entre ledit prieur de Saint-Lazare et les religieux dudit prieuré, et par l’acte d’union faite en conséquence par feu mondit seigneur l’archevêque a été et est de jour à autre exécuté de point en point, sans qu’il y soit fait aucune contravention par lesdits prêtres de la Mission ;

Autre jugement par nous rendu le samedi 28e dudit mois de juin dernier, par lequel nous aurions ordonne que toutes les procédures ci-dessus mentionnées, ensemble lesdites bulles d’union et autres actes déclarés dans la requête et autres pièces justificatives du contenu en icelle requête, qui pourraient avoir été recouvrées par ledit sieur Vincent, seraient mis par devers nous pour, le tout vu et communiqué audit promoteur, être ordonné ce que de raison.

Vu lesdites bulles à nous adressées, portant en icelles notre commission, ensemble ledit concordat passé par devant Desnotz et Païsant, notaires au Châtelet de Paris, ledit jour 7è janvier 1632 entre ledit frère Adrien Le Bon, vivant prêtre, religieux profès et prieur dudit prieuré conventuel, léproserie et administration des chanoines réguliers dudit Saint-Lazare, et autres religieux y dénommés, d’une part, et ledit Messire Vincent de Paul, supérieur général de ladite congrégation de la

 

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Mission, tant en son nom que se faisant et portant fort de tous les autres prêtres de ladite congrégation, contenant le traité fait entre eux et les clauses ct condition, d’icelui pour parvenir à ladite union et incorporation ;

Une procuration passée par devant lesdits Denotz et Païsant, notaires, ledit jour 7è janvier 1632 par lesdits frères Adrien Le Bon, prieur et administrateur dudit prieuré et léproserie de Saint-Lazare, et autres religieux y dénommés, lesquels, en conséquence dudit concordatci-dessus énoncé et en exécution d’icelui, auraient, par ladite procuration, constitué leur procureur le porteur d’icelle pour comparoir pour eux et en leurs nom par devant notredit Saint-Père le Pape et ailleurs où besoin serait, et là consentir à l’expédition de toutes les bulles sur ce nécessaires pour unir ledit prieuré et maison de Saint-Lazare, fruits, profits, revenus et émoluments d’icelui à ladite congrégation de la Mission, comme aussi à la fulmimation desdites bulles et homologation qu’il en conviendrait faire ;

Autre acte de procuration passé par devant lesdit Desnotz et Païsant, notaires au Châtelet, le 8e janvier 1631, par ledit frère Adrien Le Bon, prieur, par laquelle il constitue son procureur le porteur d’icelle. pour, en son nom, résigner ledit prieuré, léproserie ou administration de Saint-Lazare, même céder l’administration qu’il en a, entre les mains de notre Saint-Père le Pape, ou autre ayant à ce pouvoir, aux fins de 1adite union et incorporation à ladite congrégation des prêtres de la Mission, instituée et établie à Paris, aux réserves, clauses et conditions y contenues ;

Autre procuration passée par devant lesdits notaires le… jour dudit mois de janvier 1632 par ledit frère Adrien Le Bon, prieur, par laquelle il donne pouvoir au porteur d’icelle de comparoir pour lui, tant en la cour de Parlement de Paris, qu’autre lieu que besoin sera, et

XIII. — 26

 

là consentir la vérification et homologation desdites transactions et acte d’union, lorsqu’ils auront été expediés et obtenus ;

Lesdites lettres patentes, obtenues par ledit Messire Vincent de Paul et autres prêtres de la congrégation, dudit feu Mgr Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, contenant l’union dudit prieuré de Saint-Lazare à ladite congrégation des prêtres de la Mission, aux réserves, clauses et conditions et charges y contenues ;

L’acte de la prise de possession et installation dudit Messire Vincent de Paul et autres prêtres de ladite Mission dans ledit prieuré de Saint-Lazare en conséquence desdites lettres et concordat faits par mondit seigneur l’archevêque et en présence du frère Adrien Le Bon, prieur et administrateur pour lors dudit prieuré, et des autres religieux d’icelui, et de leur consentement, en date du 8e dudit mois de janvier ;

Autre acte, du 14 jour de mars ensuivant audit an 1632, contenant ledit consentement desdits prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, par eux donné à ladite union et incorporation ;

Lesdites lettres patentes du Roi, signées Louis, et sur le relpli : Par le Roi, de Loménie, et scellées du grand sceau en filets de soie rouge et verte, contenant la confirmation et approbation dudit concordat fait entre lesdits prieur et religieux de Saint-Lazare et lesdits prêtres de la congrégation de la Mission, pour être ledit concordat exécuté selon sa forme et teneur ;

Ensemble l’union faite par mondit seigneur l’archevêque en conséquence, aux clauses, charges et conditions y contenues ; sur le repli desquelles lettres sont les arrêts d’enregistrement fait d’icelles au Parlement en la chambre des Comptes et en la Cour des aides de Paris, des 7e septembre 1632, signé du Tillet ; 11e octobre

 

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1633, signé Gobellin ; et 9e janvier 1634, signé Richer, avec paraphe ;

Un arrêt de la Cour de Parlement rendu entre les général, supérieur et religieux de la congrégation de Saint-Victor-lez-Paris, demandeur, et Messire Louis de Mersigny, abbé de Quincy, ordre de Cîteaux, et les Curés de la ville, faubourgs et banlieue de Paris, aussi opposants en requête et intervenant avec lesdits religieux de Saint-Victor et opposants à l’entérinement desdites lettres patentes obtenues du roi par lesdits prêtres de la congrégation de la Mission audit mois de janvier 1637, et lesdits prieur et religieux dudit Saint-Lazare et les prêtres de la congrégation de la Mission, défendeurs, d’autre, en date du 21 août 1632 ; par lequel la Cour aurait ordonné, sans avoir égard auxdites oppositions et interventions, qu’elle verrait ledit concordat et lettres obtenues par lesdits prêtres de la congrégation de la Mission, pour, le tout auplaravant communiqué au procureur général du roi, faire droit ainsi que de raison ;

Autre arrêt, du 7e septembre 1632, par lequel ledit concordat et lettres ayant été vus par la Cour, aurait été ordonné qu’elles seraient registrées ès registres d’icelle pour jouir par les impétrants de l’effet y contenu, et, pour l’exécution, qu’ils se retireraient par devers mondit seigneur l’archevêque pour obtenir ses lettres d’établissemenlt à perpétuité en ladite maison de Saint-Lazare, aux conditions dudit contrat et autres conditions portées par ledit arrêt ;

Un acte passé par devant Coustart et Païsant, notaires, le 20e décembre 1632 par ledit frère Adrien Le Bon, prieur, contenant sa déclaration et consentement, qu’il donne de nouveau à ladite union à ladite congrégation de 12 Mission ;

Les autres lettres patentes du roi obtenues par les

 

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dits prêtres de la Mission, du mois de janvier 1633, signées Louis, et sur le repli De Loméinie, et scellées du grand sceau, par lesquelles Sa Majesté confirme et approuve ladite union et incorporation perpétuelle faite conformément audit concordat, sur le repli desquelles lettres sont les arrêts d’enregistrement de la cour de Parlement, chambre des comptes et cour des aides de Paris, des 21e mars et 11e octobre 1633 et 9e janvier 1634 ;

Le procès-verbal de signification faite auxdits prieur et religieux de Saint-Lazare desdites lettres d’union par de Sainte-Beuve, huissier de la cour, le 26e avril 1633 ;

Un titre ancien écrit en parchemin en date du 20è mai 1375, signé Poupet et scellé, par lequel appert que ledit prieuré de Saint-Lazare a de tout temps dépendu, quant au spirituel et temporel, de messeigneurs les évêques de Paris ;

Huit extraits des registres du secrétariat de l’évêché de Paris des l4e mars 1505, 17e novembre 1518, 23e septembre 1520, 2e août 1525, 3e octobre 1558, 15e septembre 1563, dernier mai 1565 et 11è mai 1592, par lesquels appert que ladite maison a été autrefois administrée et gouvernée par des prêtres séculiers ;

Une copie d’un titre de l’an 1375, le 20e mai, par lequel, appert comme, audit temps, ledit prieuré et maison de Saint-Lazare était administré par des prêtres séculiers ;

Autre ancien titre en papier, du 20e février 1518, signé M. d’Orléans, fait par Messire Etienne Poncher, lors évêque de Paris, par lequel appert qu’ayant introduit audit temps les chanoines réguliers réformés dans ledit prieuré Siaint-Lazare, entre plusieurs statuts qu’il fait, tant pour eux que pour la conduite des lépreux il promet, tant pour lui que pour ses successeurs

 

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évêques, de nommer audit prieuré et maison hospitalière de Saint-Lazare un religieux de la congrégation dudit Saint-Victor, tant qu’elle sera en réforme, et qu’en cas que ladite réforme vienne à se relâcher, lesdits sieurs évêques de Paris rentreront en leurs droits d’y établir, comme auparavant, tels autres ecclésiastiques qu’ils voudront ;

Un acte capitulaire de ladite abbaye Saint-Victor, du vendredi se décembre 1625, par lequel ils ont renoncé à la congrégation qui était entre eux et les. autres maisons dudit Ordre, et s’en séparent ;

Quatre diverses attestations des curés de Pantin, Belleville sur Sablon, de Romainville et de Livry, en ce diocèse de Paris, par lesquelles il appert comme lesdits, prêtres de la congrégation de la Mission de la maison de Saint-Lazare ont fait gratis les missions èsdites paroisses en la présente année 1659 ;

Conclusions définitives dudit promoteur ;

Et tout considéré, nous, vice-gérant et commissaire susdit, avons, de l’autorité apostolique, en fulminant et exécutant lesdites bulles de notre Saint-Père le Pape Urbain VIII et Alexandre VII, des 15e mars 1635 et 18e avril 1655, confirmé l’union, ci-devant faite par feu d’heureuse mémoire Mgr Jean-Francois de Gondi, archevêque de Paris, de ladite maison, hôpital ou léproserie dudit Saint-Lazare-lez-Paris à icelle congrégation des prêtres de la Mission ; et en conséquence avons icelle, de la même autorité, unie, annexée et incorporée à ladite congrégation de la Mission pour, par icelle congrégation, jouir à perpétuilté de ladite léproserie ou prieuré de Saint-Lazare, ensemble de tous les fruits, droits, revenus et émoluments quelconques y appartenants pu en dépendants, sous quelque titre ou en quelque manière que ce soit, comme ils en ont par ci-devant paisiblement joui depuis lad. ite union. Le tout aux

 

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charges, clauses et conditions portées tant par lesdites bulles que susdits colncordat et lettres d’union de feu mondit seigneur l’archevêque, lesquelles seront exécutées par ladite congrégation selon leur forme et teneur. Si mandons au premier notaire apostolique sur ce requi, qu’il ait, en tant que besoin serait, à mettre de nouveau lesdits prêtres de la congrégation de la Mission en la possession corporelle, réelle et actuelle dudit prieuré, hôpital ou maladrerie de Saint-Lazare et de tous ses fruits, droits, profits, revenus et émoluments, en y observant les solennités en tel cas requises et accoutumées.

En foi de quoi nous avons signé ces présentes, fait contresigner par Messire Jean Roger, notaire apostolique, par nous pris pour greffier en cette partie, et à icelles fait apposer le scel de notre cour.

Donné à Paris le 21° juillet 1659.

ROGER. PORCHER.

 

120. — BREF SUR LE VŒU DE PAUVRETE

ÉMIS DANS LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

(12 août 1659)

Alexander PP. VII, ad futuram rei memoriam

Alias nos suppllicationibus dilecti filii Vincenti de Paul, superioris generalis congregationis Missionis, nobis super hoc porrectis inclinati, eamdem congregationem sub certis modo et forma tunc expressis confiirmavimus et approbavimus cum emissione votorum simplicium castitatis, paupertatis et obedientiae, nec non stabilitatis in dicta congregatione, ad effectum se, toto vitaetempore, saaluti pauperum rusticanorum applicandi, post biennium probationis faciendae ; in quorum tamen

Document 120. — Reg. des vœux, copie notariée du 17 mni 1660 (Arch. de la Mission.)

 

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votorum emissione nemo interesset qui ea acceptaret, sive nomine Cungregationis, sive nostro et pro tempore existentis Romani Pontificis nomine, et vota sic ut supra emissa dissolvere posset solus Romanus Pontifex, necnon et superior generalis dictae congregationis in actu dimissionis e congregatione ; ita ut eadem congregatio non censeretur propterea in numero Ordinum religiosorum, sed esset de corpore cleri secularis, et alias prout in nosbris in simili forma brevis litteris, die vigesimo secundo septembris, millesimo sexcentesimo quinquagesimo quinto anno, desuper expeditis, quarum tenorem praesentibus proprie et sufficienter expressum haberi volumus, uberius continetur.

Cum autem, sicut dictus Vincentius nobis nuper exponi fecit, circa observantiam dicti voti simplicis paupertatis in congregatione praedicta, multae oriri possent difficultates quae ipsam congregationem turbarent, nisi opportune super hoc a nobis provideatur ; et propterea idem Vincentius apostolicae confirmationis nostrae robore communiri summopere desideret statutum fundamentale memoratae congregationis circa paupertatem editum, tenoris qui sequitur, videlicet : "Omnes et singuli in nostra congregatione dictis quatuor votis emissis recepti, qui bona immobilia vel beneficia simplicia possident, aut in futurum possidebunt, licet dominium illorum omnium retineant, eorumdem tamen usum liberum non habebunt, ita ut neque fructus ex hujusmodi bonis vel beneficiis provenientes retinere, neque in proprios usus, sine licentia superioris, quicquam convertere possint, sed de iisdem fructibus, cum facultate et arbitratu dicti superioris, in pia opera disponere tenebuntur. Si autem parentes aut propinquos indigentes habUerint, superior curabit ut suorum necessitatibus ante omnia de hujusmodi fructibus in Domino subveniant."

Nos, ipsum Vincentium, superiorem generalem, am-

 

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plioribus favoribus et gratis prosequi volentes et a qulbusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis a jure vel ab homine, quavis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodatus existit, ad effectum praesentium dumtaxat consequendum, harum serie absolventes et absolutqlm fore censentes ; supplicationibus, ejus nomine, nobis sulper hoc humiliter porrectis inclinati, cle venerabilium fratrum nostrorum S. R. E. Cardinalium Sancti Concilii Tridentini interpretum consilio, statutum praeinsertum, auctoritate apostolica, tenore praesentium co, ni ; rmamus et approbamus, illique inviolabilis apostolicae firmitatis robur adjicimus, ac omnes et singulos juris et facti defcctus, si qui desuper quomodolibet intervenerint, supplemus ; decernentes easdem praesentes litteras semper firmas, validas et efficaces existere et fore, ac ab illis ad quos spectat et pro tempore spectabit, inviolabiliter observari, sicaue in praemissis per quoscumque judices ordinarios et delegatos, etiam causarum Palatii Apostolici auditores, judicari et definiri debere, ac irritum et inane, si secus super his a quoquam, quavis auctoritate, scienter vel ignoranter contigerit attentari ; non obstantibus praemissis ac omnibus et singulis illis quae in praedictis litteris voluimus non obstare, caeterisque contrariis quibuscumque.

Volumus autem ut praesentium transumntis, etiam impressis, manu alicujus notarii publici subscriptis et sigillo superioris generalis congregationis praedictae vel alterius personae in dignitate ecclesiastica constitut. ae munitis, eadem prorsus fides ubique, in judicio et extra, adhibeatur quae praesentibus adhiberetur, si forent exhibitae vel ostensae.

Datum Romae, apud Sanctam Mariam Majorem, sub annulo Piscatoris, die duodecima augusti, millesimo

 

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sexcentesimo quinquagesimo nono, Pontificatus nostri anno quinto.

 

121. — BILLET DE L’ELECTION DU VICAIRE GÉNERAL

(7 octobre 1659)

Je soussigné, Vincent Depaul, très indigne prêtre et superieur général de la congrégation de la Mission, déclare qu’une des constitutions de notredite congrégation m’obligeant à nommer avant ma mort un vicaire général pour, après icelle, diriger ladite congrégation jusques à l’élection faite de celui qui me succédera, j’ai nommé et nomme la personne de M. Alméras, prêtre de notredite congrégation, lequel m’a semblé devant Dieu avoir les qualités requises pour cela, après y avoir pensé pendant mes exercices spirituels, que j’ai commencés le second d’octobre de cette présente année mil six cent cinquante-neuf, dans lesquels je suis encore, et les espère finir le dixième jour après, Dieu aidant, et après m’être mis, en suite de la sainte messe, que j’ai célébrée à cet effet, comme plusieurs fois auparavant, en état de choisir celui des prêtres de notre congrégation que je voudrais avoir nommé au moment que j’irai recevoir le jugement que Dieu fera de ma pauvre âme à l’heure de ma mort, et que j’espère que ledit sieur Alméras fera bien cette charge de vicaire général, avec l’aide de Notre-Seigneur, que je lui demande à cet effet.

En foi de quoi, j’ai écrit et signé la présente de ma main propre et apposé notre sceau, et l’ai mise dans un coffre à deux serrures différentes, dont j’ai donné l’une clef à Monsieur Portail, mon premier assistant, et ai

Document 121. — Registre des assemblées, copie insérée dans le procès-verbal de l’assemblée qui suivit la mort de saint Vincent. (Arch. de la Mission.)

 

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gardé l’autre, qui sera mise, incontinent après ma mort, entre les mains du plus ancien prêtre de la maison où je mourrai, et ledit coffre ouvert au plus tôt après icelle en la présence de mes assistants et de la plupart des prêtres qui se trouveront en la maison où je mourrai, le tout conformément à notredite constitution, que j’exhorte ledit sieur Alméras d’observer exactement.

Fait à Saint-Lazare-lez-Paris, le septième d’octobre mil six cent cinquante-neuf.

VINCENT DEPAUL,

indigne prêtre, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

122. — BILLET DE L’ÉLECTION DU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL

(9 octobre 1659)

Je soussigné, Vincent Depaul, très indigne prêtre et supérieur général de la congrégation de la Mission, déclare qu’une de nos constitutions, qui regarde l’élection du supérieur général de notredite congrégation qui me doit succéder, m’obligeant de proposer deux prêtres d’icelle avant mourir, qui me sembleront avoir les qualités requises, pour être l’un d’eux choisi par ladite congrégation, ou, quoi que ce soit, par ceux qui seront élus des assemblées provinciales pour assister à la générale après ma mort, si elle n’aime mieux en élire un autre de ladite congrégation ; je déclare donc qu’il me semble que Messieurs Alméras et Berthe, prêtres d’icelle, ont les qualités requises à cet effet, sauf le meilleur avis des électeurs, et que j’espere que celui qui sera élu réparera les fautes que j’ai faites en cette charge, desquelles je

Document 122 — Registre des assemblées, copie de janvier 1661. Arch. de la Mission.)

 

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demande très humblement pardon à Dieu et à ladite congrégation, étant prosterné en esprit à ses pieds, et la remercie très humblement de la charité qu’elle a eue de me supporter en la vue des abominations de ma vie et de ma mauvaise conduite. Je certifie de plus que j’ai observé exactement ce que ladite constitution marque qu’il faut que le supérieur général observe au choix qu’il fait des deux personnes qu’il doit nommer à ladite congrégation ; que j’ai fait celui-ci pendant ma retrait, que j’ai commenlcée le second jour de ce mois et que j’espère achever le dixième du même mois d’octobre mil six cent cinquante-neuf en notre maison de Saint-Lazare, et en suite ma confession annuelle ; que j’ai célébré la sainte messe à cet effet et immédiatement après protesté, en la présence de Monsieur Portail, mon premier assistant, que je nomme ces deux personnes à la Compagnie, Messieurs Alméras et Berthe, à l’effet que dessus, en la vue de Dieu seul et sans aucune inclination ni affection particulière que je sente pour eux, et que je me suis comporté en ceci comme je voudrais avoir fait au moment du jugement formidable que Notre-Seigneur fera de moi au sortir de cette vie.

En foi de quoi j’ai écrit et signé la présente de ma main propre et apposé notre sceau, et l’ai mise en un coffret à deux serrures différentes, lesquelles j’ai scellées de quatre de nos cachets sur les quatre coins d’un papier, qui marque que c’est là le coffret dans lequel j’ai mis cette déclaration, et ledit coffret dans un autre plus grand ; et ai donné l’une desdites clefs audit sieur Portail et ai gardé l’autre pour être mise, incontinent après mon décès, entre les mains du plus ancien prêtre de la maison où je mourrai, et ledit coffret ouvert en la présence de ladite corlgrégatlon assemblée pour procéder à ladite élection.

 

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Fait audit Saint-Lazare, le neuvième jour d’octobre mil six cent cinquante-neuf.

VINCENT DEPAUL,

indigne prêtre, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

123. — LETTRES PATENTES POUR CONFIRMER

LUNION DU PRIEURE DE SAINT-LAZARE A LA MISSION

(Mars 1 660)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à touus présents et à venir, salut.

Notre cher et bien amé Vincent de Paul, supérieur général des prêtres de la congrégation de la Mission, nous a très humblement fait remontrer que notre très honoré seigneur et père le roi Louis XIII, d’heureuse memoire, leur avait fait la grâce de leur octroyer ses lettres patentes, en date du mois de janvier 1632, confirmatives du concordat et traité d’union de la maison et prieuré de Saint-Lazare, sis au faubourg Saint-Denislez-Paris, à La congrégation des prêtres de la Mission, pour l’exécution de laquelle les sieurs prévôt des marchands et échevins de cette meme ville de Paris auraient donné leur consentement par acte du 24 mars audit an, et les religieux, abbé et couvent de Saint-Victor, avec les curés de la villle et faubourgs de Paris, ayant formé op position à ladite union, la Cour du Parlement, par son arrêt du 21 août audit an, aurait ordonné que, nonobstant lesdites oppositions, elle verrait lesdits concordat, lettres patentes et consentement de ville, et par arrêt du septième septembre ensuivant, ordonne que lesdits concordat, lettres et actes seraient registrés ès registres de

Document 123. — Arch. nat. M 212, original.

 

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ladite Cour, pour jouir, par lesdits prêtres de la congrégation de la Mission, de l’effet y contenu, et qu’ils se retireraient par devers le sieur archevêque de Paris pour obtenir des lettres d’union et établissement à perpétuité de leurdite congrégation en ladite maison de Saint-Lazare, aux charges et conditions y mentionnées ; lesquelles lettres d’union auraient été octroyées par ledit sieur archevêque, en date du dernier décembre, confirmées par autres lettres patentes du feu roi, en date du mois de janvier 1633, registrées ès registres du Parlement le 21 mars ensuivant, en la Chambres des Comptes et Cour des Aides le onze octobre 1633 et neuf janvier 1634.

Lesquels concordat et acte le suppliant désirant être homologués en Cour de Rome et y obtenir de Sa Sainteté la confirmation de ladite union et établissement à perpétuité desdits prêtres de la congrégation de la Mission en ladite maison de Saint-Lazare, il en aurait fait faire les diligences en ladite Cour de Rome, et après que l’affaire aurait été diligemment examinée par la Congrégation des cardinaux, sur leur rapport et avis, le Pape Urbain VIIIè en aurait signé la supplique, en date à Rome, des ides de mars, l’an douzième de son pontificat, qui est, selon notre supputation, le 15e mars 1635, sur laquelle les Bulles n’ayant point été expédiées de son temps, ni du temps de son successeur Innocent Xe, le suppliant a obtenu de nouvelles Bulles de notre SaintPère le Pape Alexandre septième, à présent séant, expédiées et datées à Rome, à Saint-Pierre, l’an de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1655, le 14 des Calendes de mai, an premier de son Pontificat, qui est, selon notre supputation, le I8 avril de la même année 1655 ; par lesqueles Bulles Sa Sainteté veut que la grâce faite par son prédécesseur Urbain VIIIe, sorte son plein et entier effet du jour de sa date, mande et ordonne à l’of-

 

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ficial de Paris, député en cette partie, d’approuver, suppléer, corroborer et confirmer ladite union, unir, annexer et incorporer même de nouveau ladite maison et prieuré de Saint-Lazare à la congrégation desdits prêtres de la Mission, aux clauses, charges et conditions y mentionées, requérant humblement nos lettres patentes sur ce nécessaires.

A ces causes, étant pleinement informé de la probité, capacité, vie et bonnes mœurs et fidélité desdits prêtres de la congrégation de la Mission, considérant les grands biens et notables services qu’ils ont rendus et rendent continuellement à l’Eglise et au public par les instructions qu’ils donnent aux jeunes ecclésiastiques dans les séminaires, retraites et ordinations, et les bénédictions particulières que Dieu verse sur leurs travaux dans les missions qu’iIs font à la campagne, allant de village en village, dans les pays éloignés et jusques aux Indes ; à quoi ils emploient et consomment chacun leurs biens et revenus, leur santé et leur vie, sans en recevoir aucun salaire, ni espérer autre récompense que de Dieu ; désirant d’assurer et perpétuer la continuation de tant de saints exercices, si utiles et nécessaires à l’Eglise et au public, et afin de témoigner à nos bien amés ledit sieur Vincent de Paul, supérieur général, et autres prêtres de ladite congrégation de la Mission, le dessein que nous avons de les maintenir, leur conserver et augmenter les grâces et privilèges accordés et concédés par nous ou nos prédécesseurs rois en faveur de leurdite congrégation, après lavoir fait voir à notre conseil lesdites Bulles, sentence et procès-verbal de fulmination d’icelles, en date du vingt-un juillet mil six cent cinquanteneuf, fait par Nicolas Porcher, prêtre, docteur de Sorbonne, vice-gérant en l’officialité de Paris, commissaire à ce député en cette partie par notre Saint-Père le Pape

 

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Alexandre VIIe, à présent séant, et qu il ne s’y est rien trouvé qui soit contraire aux saints décrets, sacrés conciles, droits et libertés de l’Eglise gallicane et coutumes de notre royaume ;

Nous avons, de nos grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, loué, agréé, approuvé et confirmé, et par ces présentes, signées de notre main, louons, agréons et approuvons la susdite union et confirmation d’icelle union et incorporation ci-devant faite de ladite maison et prieuré de Saint-Lazare à ladite congrégation des prêtres de la Mission, aux charges et conditions y portées ; voulons et nous plaît que lesdits prêtres de la congrégation de la Mission et leurs successeurs jouissent à perpétuité de ladite maison de Saint-Lazare, droits, fruits, profits, revenus, émoluments et dépendances quelconques, suivant et conformément auxdites Bulles

Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre Cour de Parlement à Paris, que ces présentes ils fassent registrer avec lesdites Bulles et procès-verbal de fulmination d’icelles, et de tout ce contenu en icelles jouir pleinement et paisiblement et à perpétuité lesdits prêtres de la congrégation de la Mission et leurs successeurs, sans leur faire, ni souffrir leur être fait aucun trouble ni empêchement quelconque.

Et afin que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes.

Donné à Aix, au mois de mars, l’an de grâce mil six cent soixante et de notre règne le XVIIè.

LOUIS

Par le roi

DE LOMÉNIE.

 

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TROISIEME PARTIE

DOCUMENTS RELATIFS AUX CONFRÉRIES DE LA CHARITÉ

 

424. — REGLEMENT GÉNÉRAL DES CHARITÉS DE FEMMES

De la fin de la confrérie de la Charité

I. Honorer l’amour que Notre-Seigneur a pour les pauvres.

2. Assister les pauvres corporellement et spirituellement.

De qui elle est composée

De fememes, de veuves et de filles.

Qui la dirige

Ce sont trois officières : la supérieure, la trésorière et la garde des meubles.

Elles sont nommées la première fois par M. le curé, et de six en six mois à la pluralité des voix

Office de la supérieure

De recevoir les pauvres, après que le médecin les aura

Document 124. — Doc. autog. — Arch. de la Mission, original. Au lieude "Confrérie de la Charité", nous dirons plus brièvement dans la suite "Charité", comme le fait souvent saint Vincent lui-même

XIII. — 27

 

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visités, et donner un billet qu’elle aura reconnu qu’ils sont pauvres, de La paroisse depuis trois mois et malades d’une maladie [non 1] contagieuse.

L’on envoie les mendiants à l’Hôtel-Dieu, et la Charité assiste les honteux.

Elle fait enregistrer les pauvres du jour qu’ils sont reçus, procurera ensuite qu’ils soient confessés, les visitera, si elle peut, une fois par semaine.

Quand ils mourront, elle les fera ensevelir par quelque dame, si elle ne peut aller elle-même.

Communiquera souvent de son office avec ses officières, aura soin de faire assembler les dames chez M. le curé de trois en trois mois.

L’office de la trésorière

Recevra, gardera et emploiera les deniers de la confrérie, fera payer les legs faits à la confrérie, fera rendre compte tous les mois aux servantes des pauvres, servira de conseil à la supérieure et ne fera aucune dépense que de son avis, rendra compte, avant sortir de charge, au bout de 18 mois, après s’être déposée.

La garde-meuble

Selrvira de conseil à la supérieure, gardera les meubles de la confrérie, dont elle aura l’état par écrit ; elle liendra mémoire des meubles qu’elle prêtera aux malades de leur nom et de leur demeure, rendra compte desdits meubles au bout de 18 mois, fera une quête de linge avec la trésorière une fois pendant sa charge.

L’office de chaque dame

De servir les malades chacune leur jour ; d’être levées à cet effet plus matin, entendre la messe, se confesser et

1) Mot oublié sur l’original.

 

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communier, ou, pour le moins, faire un acte de contrition.

Elles honoreront la visite de la sainte Vierge allant visiter sa cousine allégrement et promptement, s’occupant de quelque bonne pensée.

 

125. — REGLEMENT GENÉRAL DES CHARITES DE FEMMES

La confrérie de la Charité (1) a été instituée pour honorer Notre-Seigneur Jésus-Christ, patron d’icelle, et sa sainte Mère, et pour assister les pauvres malades des lieux où elle est établie, conporellement et spirituellement : corporellement, en leur administrant leur boire et leur manger, et les médicaments nécessaires durant le temps de leurs maladies ; et spirituellement, en leur faisant administrer les sacrements de Pénitence, d’Eucharistie et d’Extrême-Onction, et procurant que ceux qui mourront partent de ce monde en bon état, et que ceux qui guériront fassent résolution de bien vivre à l’avenir. Ladite confrérie est composée d’un nombre certain et limité de femmes et de filles ; celles-ci du consentement de leurs pères et mères, et celles-là de leurs maris lesquelles en éliront trois d’entre elles, en présence de M. le curé, à la pluralité des voix, de deux ans en deux

Document 125. — Abelly, op. cit. L. II, chap. VIII, p. 341. Le règlement général subissait des modifications ou des additions suivant les lieux. Nous le retrouvons sur les papiers de la confrérie de Ferrières-Gâtinais (Loiret), fondée le 26 décembre 1628 ; de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne), fondée en avril 1631 ; de Gallardon (Eure-etLoir), fondée en 1634 ; de Saint-Vallier (Drôme) fondée le 8 novembre 1637 ; de Blanzac (Charente), fondée le l7 juillet 1638 ; de Neufchâtel-en-Bray (Seine-Inférieure), fondée le 12 novernbre 1634 par saint Vincent en personne. Nous noterons ici, pour donner un exemple, les variantes du règlement de Neufchâtel.

1). Règlement de Neufchâtel : "La confrérie des dames de la Charité ou Miséricorde."

 

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ans, le lendemain de la Pentecôte (2) qui seront leurs offtcières, dont la première s’appellera supérieure ou directrice, la seconde, trésorière ou première assistante, et la troisième, garde-meuble ou seconde assistante. Ces trois officières auront l’entière direction de ladite confrérie De l’avis de M le curé, elles éliront aussi un homme de la paroisse, pieux et charitable, qui sera leur procureur

La supérieure prendra garde à ce que le présent règlement s’observe, que toutes les personnes de la confrérie fassent bien leur devoir ; elle reoevra les pauvres malades de ladite paroisse qui se présenteront, et les congediera, de l’avis des autres officières. (3)

La trésorière servira de conseil à la supérieure, gardera l’argent de la confrérie dans un coffre à deux serrures différentes, dont la supérieure tiendra une clef, et elle l’autre, excepté qu’elle pourra tenir entre ses mains un écu (4) pour fournir au courant de la dépense ; et rendra cpmpte, à la ftn de ses deux années (5), aux officières qui seront nouvellement élues, et aux autres personnes de la confrérie, en présence de M. le curé (6) et des habitants de la paroisse qui de’sireront s’y trouver.

La garde-meuble servira aussi de conseil à la supérieure, gardera, reblanchira et raccommodera le linge de ladite confrérie, en fournira aux pauvres malades quand il sera besoin, de l’ordre de la supérieure, et aura

2). Règlement de Neufchâtel : "A la pluralité des voix, qui seront colligées par le sieur curé de ladite paroisse tous les ans le lendemain de Noël, et pourront être conservées un an seulement."

3). Le règlement de Neufchâtel ajoute "Bref elle gouvernera cette lamille de Notre-Seigneur comme une sage mère gouverne la sienne."

4). Règlement de Neufchâtel "Dans un coffre à trois serrures différentes, dont la supérieure tiendra une clef, elle l’autre et la garde-meuble l’autre ; excepté qu’elle pourra tenir entre ses mains six écus."

5). Règlement de Neufchâtel : "Tous les ans, le jour des Innocents".

6). Le règlement de Neufchâtel ajoute "De Monsieur le Baillif, des Echevins."

 

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soin de le retirer et en rendre compte à la ftn de ses deux années, (7) comme la trésorière.

Le procureur tiendra un contrôle des quêtes qui se feront à l’église ou par les maisons, et des dons qui se feront par les particuliers ; donnera les quittances ; procurera la manutention de ladite confrérie et l’augmentation des biens d’icelle ; dressera les comptes de la trésorière, si besoin est ; aura un registre dans lequel il copiera le présent règlement et l’acte de l’établissement, le faisant collationner, si faire se peut. Il écrira dans le même registre le catalogue des femmes et des filles qui seront reçues à la confrérie, le jour de leur réception et de leur décès, les élections des officières, les actes de la reddition des comptes, le nom des pauvres malades qui seront assistés par la confrérie, le jour de leur réception, de leur mort ou de leur guérison, et généralemcnt ce qui s’y passera de plus notable et remarquable.

Les sœurs de ladite confrérie serviront, chacune leur jour, les pauvres malades qui auront été reçus par la supérieure (8) leur porteront chez eux (9) leur boire et leur manger apprêté, quêteront tour à tour à l’église et par les maisons, les dimanches et fêtes principales et solennelles ; donneront la quête à la trésorière, et diront au procureur ce qu’elles auront quêté ; elles feront dire une messe à l’autel de la confrérie tous les premiers et troisièmes dimanches des mois (10), à laquelle elles assisteront, et, ce même jour, elles se confesseront et communileront, si la commodité le leur permet, et assisteront aussi ce jour-là à la procession qui se fera entre vêpres

7). Règlement de Neufchâtel : "Le lendemain qu’elle sortira de charge."

8). Le règlement de Neufchâtel ajoute : "Après qu’elles auront com munié."

9). Le règiement de Neufchâtel ajoute : "Deux fois le jour."

10). Réglement de Neufchâtel "Tous les seconds ou derniers dimanches du mois."

 

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et complies, où se chanteront les litanies de Notre-Seigneur, ou celles de la Vierge ; elles en feront de même tous les ans, le 14 janvier, qui est la fête du Nom de Jésus leur patron.

Elles s’entre-chériront comme personnes que NotreSeigneur a unies et liées Ipar son amour, s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions et maladies, assisteront en corps à l’enterrement de celles qui décéderont, communieront à leur intention, feront chanter une haute messe pour chacune d’icelles ; elles feront de même pour M. le curé et pour leur procureur, quand ils mourront ; elles se trouveront pareillement en corps à l’enterrement des pauvres malades qu’elles auront assistés, feront dire une messe basse pour le repos de leurs âmes. Le tout sans obligation à péché mortel ou véniel.

Il sera donné à chaque pauvre malade, pour chaque repas, autant depain qu’il en pourra suffisamment manger, cinq onces de veau ou de mouton, un potage et un demi-setier de vin, mesure de Paris (11).

Aux jours maigres, on leur donnera, outre le pain, le vin et le potage, une couple d’œufs (12) un peu de beurre ; et pour ceux qui ne pourront user de viande solide, il leur sera donné des bouillons et des œufs frais quatre fois par jour, et une garde à ceux qui seront en extrémité et qui n’auront personne pour les veiller (13).

11). Règlement de Neufchâtel : "Un potage et un demion de cidre."

12). Règlement de Neufchâtel : "Outre le pain, le cidre et le potage, une couple d’œufs frais ou du poisson pour chaque repas."

13). Le règlement de Neufchâtel ajoute : "Et outre les exercices ci-dessus, lesdites officières de la Charité députeront une ou deux femmes ou filles de ladite confrérie de la Miséricorde pour l’instruction des filles de ladite ville et faubourgs, lesquelles seront tenues d’instruire les pauvres sans autre récompense que celle qu’elles devront attendre de la bonté de Dieu, et en cas qu’il ne s’en trouve de propre qui soit du corps de ladite confrérie, elles feront leur possible d’en avoir quelques autres qui s’emploient à ce bon œuvre si important à la gloire de Dieu et au salut des âmes, dans la confiance qu’elles auront une très grande

 

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126. — CHARITE DE FEMMES DE CHATILLON-LES-DOMBES (@)

(Novembre et décembre 1617)

Comme ainsi soit que la charité envers le prochain soit une marque infaillible des vrais enfants de Dieu, et qu’un des principaux actes d’icelle soit de visiter et nourrir les pauvres malades, cela fait que quelques pieuses demoiselles et quelques vertueuses bourgeoises de la viIle de Châtillon-les-Dombes, diocèse de Lyon, désireuses d’obtenir cette miséricorde de Dieu d’être de ses vraies filles, ont convenu par ensemble d’assister spirituellement et corporellement ceux de leur ville, lesquels ont parfois beaucoup souffert, plutôt par faute d’ordre à les soulager que de personnes charitables.

Mais, parce qu’il est à craindre qu’ayant commencé ce bon œuvre, il ne dépérisse dans peu de temps, si, pour le maintenir, elles n’ont quelque union et liaison spirituelle ensemble, elles se sont disposées à se joindre en un corps qui puisse être érigé en une confrérie, avec les règlements suivants, le tout néanmoins sous le bon plaisir de monseigneur l’archevêque, leur très honoré prélat, auquel cet œuvre est entièrement soumis.

Ladite confrérie s’appellera la confrérie de la Charifé, à l’imitation de l’hopital de la Charité de Rome ; et les personnes dont elle sera princilpalement composée, servantes des pauves ou de la Charité.

Du Patron et de la fin de l’Œuvre

Et d’autant qu’en toutes confréries la sainte coutume de l’Eglise est de se proposer un patron et que les œu

récompense en ce monde et en l’autre pour le service qu’elles feront à Dieu, tant à l’égard desdits pauvres malades, qlle l’instruction desdites filles."

Document 126. — Arch. munic. de Châtillon, original autographe.

@) voir le premier acte d’erection de la Charité de Chatillon en XIV, pp. 125-126. Cl. Lautissier

 

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vres prennent leur valeur et dignité de la fin pour la quelle elles se font, lesdites servantes des pauvres prennent pour patron Notre-Seigneur Jésus et pour fin l’accomplissement du très ardent désir qu’il a que les chrétiens pratiquent entre eux les œuvres de charité et de miséricorde, désir qu’il nous fait paraître en ces siennes paroles : "Soyez miséricordieux comme mon Père est miséricordieux" et ces autres : "Venez les bien-aimés de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde, pource que j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai été malade, et vous m’aurez visité ; car ce que vous avez fait aux moindres de ceux-ci, vous me l’avez fait à moi-même."

Des personnes de la Confrérie

La confrérie sera composée de femmes, tant veuves, mariées que filles, desquelles la piété et la vertu soit connues, et de la persévérance desquelles l’on se puisse assurer, pourvu néanmoins que les mariées et les filles aient la permission de leurs maris, pères et mères, et non autrement ; et afin que la confusion ne s’y glisse par la muItitude, le nombre pourra être de vingt seulement, jusques à ce qu’autrement en soit ordonné.

Et pource qu’il ya sujet d’espérer qu’il se fera des fondations en faveur de ladite confrérie et que ce n’est pas le propre des femmes d’avoir seules le maniement d’icelles, lesdites servantes des pauvres éliront pour leur procureur quelque pieux et dévot ecclésiastique, ou un bourgeois de la ville, vertueux, affectionné au bien des pauvres et non guère embarrassé aux affaires temporelles, lequel sera tenu pour membre de ladite confrérie, participera aux indulgences qui seront concédées en faveur d’icelle, assistera aux assemblées et aura voix à la décision des choses qui se proposeront, comme l’une des-

 

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dites servantes, pendant qu’il exercera la charge de procureur, et non plus.

Outre ce, la confrérie fera choix de deux pauvres femmes d’honnete vie et de dévotion, qui s’appelleront gardes des pauvres malades, pource que leur devoir sera de garder ceux qui seront seuls et ne pourront remuer, et de les servir, selon l’ordre que leur en donnera la prieure, en les payant honnêtement, selon leur labeur, et par ainsi seront aussi tenues pour membres de ladite confrérie, participeront aux indulgences et assisteront aux assemblées, sans néanmoins y avoir voix délibérative.

Des offices

L’une des servantes des pauvres sera élevée prieure de la confrérie, laquelle, afin que toutes choses aillent avec ordre, les autres aimeront, respecteront comme leur mère et lui obéiront en tout ce qui regardera les biens et service des pauvres, le tout pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus, qui s’est rendu obéissant jusques à la mort et à la mort de la croix. Son devoir sera de s’employer de tout son possible à faire que tous les pauvres soient nourris et soulagés selon cet institut, d’admettre au soin de la confrérie, pendant l’interv. alle des assemblées, les malades qui seront vraiment pauvres et de congédier les guéris, et ce, toutefois, par l’avis de ses deux assistantes, ou de l’une d’icelles, pouvant néanmoins, sans leur conseil, ordonner de bailler à la trésorière ce qu’elle jugera nécessaire pourfaire les choses qui ne pourront se remettre à la prochaine assemblée ; et quand elle aura reçu quelques malades, elle en donner soudain avis à celle de ses servantes qui sera de jour de service.

Pour le conseil et assistance ordinaire de ladite prieure, deux des plus humbles et discrètes de la Com-

 

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pagnie lui seront données, pour veiller avec elle au bien public des pauvres et au maintien de la confrérie.

L’une de ses assistantes sera nommée sous-prieure et trésorière de la confréne ; son devoir sera de faire les fonctions de la prieure en son absence, de recevoir l’argent et en bailler acquit, garder les linges et autres meubles, acheter et garder les provisions nécessaires à l’assistance des pauvres, bailler chaque jour auxdites servantes ce qu’il faudra pour la nournture d’iceux, faire blanchir leur linge, exécuter les ordonnances de la prieure et tenir un livre dans lequel elle écrira ce qu’elle recevra et emploiera.

Le devoir du procureur sera de gérer et négocier les affaires concernantes le fonds du temporel de la conlrérie, par l’avis et direction du sieur curé, de la prieure, de la trésorière et de l’autre assistante, de proposer, à chaque assemblée qui se tiendra à cet effet, l’état des affaires qu’il maniera, d’avoir un livre où il écrira les résolutions qui s’y feront, de prier, de la part de la confrérie, Monsieur le châtelain de ladite ville de Chatillon, l’un de messieurs les syndics et le sieur recteur de l’hôpital d’assister à la reddition des comptes de la confrérie.

Son devoir sera encore de parer la chapelle d’icelle, faire dire les messes, garder les ornements et en acheter, par l’avis que dessus, quand il sera nécessaire.

 

De le réception des malades et de la manière de les assister et nourrir

La prieure recevra au soin de la confrérie les malades vraiment pauvres, et non ceux qui ont moyen de se soulager, par l’avis toutefois de la trésorière et de l’assis tante, ou de l’une d’icelles. Et quand elle en aura reçu queIqu’un, elle en avertira celle qui sera de jour de ser-

 

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vice, laquelle l’ira voir incontinent ; et la première chose qu’elle fera sera de voir s’il a besoin d’une chemise blanche, afin que, si ainsi est, elle lui en porte une de ladite confrérie, ensemble des linceuls blancs, si en anécessité et qu’il ne soit en l’hôpital, où il y en a, le tout au cas qu’il soit sans moyen de se reblanchir en cette sorte. Cela fait, elle le fera confesser pour se communier le lendemain, à eause que c’est l’intention de ladite confrérie que ceux qui veulent être assistés d’elle se confessent et se communient ; avant toutes choses lui portera une image d’un crucifix, qu’elle attachera en lieu qu’il la puisse voir, afin que, jetant parfois les yeux dessus, il considère ce que le Fils de Dieu a souffert pour lui. Elle lui partera encore les meubles qui lui seront nécessaires, comme une tablette, une serviette, une gondole, une écuelle, un petit plat et une cuillère, et après, elle avertira celle qui sera en jour le lendemain d’avoir soin de faire nettoyer et parer la maison du malade pour le faire communier, et de lui porter son ordinaire.

Chacune desdites servantes des pauvres appretera leur manger et les servira un jour entier. La prieure commencera, la trésorière la suivra, et puis l’assistante, et. ainsi l’une après l’autre, selon l’ordre de leur réception, jusques à la dernière venue. Et après, ladite prieure recommencera, et les autres la suivront, observant l’ordre commencé, afin que, par cette continuelle révolution, les malades soient toujours assistés selon cet institut, le tout néanmoins en façon que, si quelqu’une tombe malade, elle sera dispensée de son service en avertissant la prieure, afin qu’elle fasse continuer l’ordre par les autres. Mais, si quelqu’une est empêchée pour quelque au tre cause, elle fera en sorte qu’une autre servira pour elle, en s’en revenchant en pareil cas.

Celle qui sera en jour, ayant pris ce qu’il faudra de la trésorière pour la nourriture des pauvres en son jour,

 

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apprêtera le dîner, le portera aux malades, en les abordant les saluera gaiement et charitablement, accommodera la tablette sur le lit, mettra une serviette dessus, une gondole et une cuillère et du pain, fera laver les mains aux malades et dira le Benedicite, trempera le potage dans une écuelle et mettra la viande dans un plat, accommodant le tout sur ladite tablette, puis conviera le malade charitablement à manger, pour l’amour de Jésus et de sa sainte Mère, le tout avec amour, comme si elle avait affaire à son fils ou plutôt à Dieu, qui impute fait à lui-même le bien qu’elle fait aux pauvres. Elle lui dira quelque petit mot de Notre-Seigneur, en ce sentiment tâchera de le réjouir s’il est fort désolé, lui coupera parfois sa viande, lui versera à boire, et l’ayant ainsi mis en train de manger, s’il a quelqu’un auprès de lui, le laissera et en ira trouver un autre pour le traiter en la même sorte, se ressouvenant de commencer toujours par celui qui a quelqu’un avec lui et de finir par ceux qui sont seuls, afin de pouvoir être auprès d’eux plus longtemps ; puis reviendra le soir leur porter à souper avec même appareil et ordre que dessus.

Chaque malade aura autant de pain qu’il lui en faudra, avec un quarteron de mouton ou de veau bouilli pour le dîner, et autant de rôti pour le souper, excepté les dimanches et fêtes, qu’on leur pourra donner quelque poule bouillie pour leur dîner, et leur mettre leur viande en hachis au souper deux ou trois fois la semaine. Ceux qui seront sans fièvre auront une chopine de vin par jour, moitié au matin et moitié au soir. Ils auront, le vendredi, samedi et autres jours d’abstinence, deux œufs, avec le potage et une petite tranche de beurre pour leur dîner, et autant pour leur souper, accommodant les œufs selon leur appétit. Que s’il se trouve du poisson à quelque honnête prix, l’on leur en donnera seulement au dîner.

 

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L’on obtiendra permission de faire manger de la chair en carême et autres jours défendus à ceux qui seront fort malades, et pour ceux qui le sont tellement qu’ils ne peuvent manger de la viande solide, leur sera donné des bouillons, panades au pain cuit, orges mondés et œufs frais, trois ou quatre fois par jour.

De l’assistance spirituelle et de l’enterrement

Et pource que la fin de cet institut n’est pas seulement d’assister les pauvres corporellement, mais aussi spirituellement, lesdites servantes des pauvres tâcheront et mettront à cela leur étude de disposer à mieux vivre ceux qui guériront, et à bien mourir ceux qui tendront à la mort, dresseront à cette fin leur visite, prieront souvent Dieu pour cela et feront quelque petite élévation de cœur pour cet effet.

Outre ce, elles liront utilement parfois quelque livre dévot en présence de ceux qui seront capables d’en faire leur profit, les exhorteront à supporter le mal patiemment, pour l’amour de Dieu, et à croire qu’il le leur a envoyé pour leur plus grand bien ; leur feront faire quelques actes de contrition, qui consiste à avoir regret d’avoir offensé Dieu pour l’amour de lui-même, et lui en demander pardon et se résoudre à ne jamais plus l’offenser ; et au cas que leur infirmité [s’aggravât], elles feraient qu’ils s’en confesseront au plus tôt. Et pour ceux qui tendront à la mort, elles auront soin d’avertir ledit sieur curé de leur administrer l’extrême-onction les induiront à avoir confiance en Dieu et penser à la mort, passion de Notre-Seigneur Jésus et se recommander à la sainte Vierge, aux anges, aux saints et particulièrement aux patrons de la ville et aux saints dont ils portent le nom ; et feront le tout avec un grand zèle de coopérer au salut des âmes et de les mener comme par la main à Dieu.

 

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Auront soin les servantes de la Charité de faire enterrer les morts aux dépens de la confrérie, de leur donner un linseul, faire faire la fosse, si le mort n’a aucun moyen d’ailleurs, ou lerecteur de l’hôpital n’y pourvoit, comme il le faudra prier de ce faire, et assisteront aux funérailles de ceux qu’elles auront nourris malades, si elles le peuvent commodément, tenant en cela place de mères qui accompagnent leurs enfants au tombeau ; et par ainsi, elles pratiqueront entièrement et avec édification des œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle.

Des assemblées De leur fin et de l’ordre qui s’y gardera

Et parce qu’il est grandement utile à toutes saintes communautés de s’assembler de temps en temps en quelque lieu destiné pour traiter tant de leur avancement spirituel que de ce qui regarde en général le bien de la commuauté, cela fait que lesdites servantes des pauvres s’assembleront, tous les troisièmes dimanches des mois, en une chapelle de l’église de ladite ville destinée à cet effet, ou en celle de l’hôpital, là où, en ce même jour, ou le lendemain, à une heure dont elles conviendront, il sera dit une messe basse pour ladite confrérie et l’après-dîner, à l’heure qu’elles trouveront bon, elles s’assembleront en la même chapelle, tant pour entendre une petite exhortaition spirituelle, que pour y traiter des affaires qui regarderont le bien des pauvres et le maintien de ladite confrérie.

L’ordre que l’on tiendra auxdites assemblées sera d’y chanter avant toute œuvre les litanies de Notre-Seigneur Jésus, ou celles de la Vierge, et dire ensuite les prières qui suivent. Puis ledit sieur curé ou son vicaire fera la susdite brève exhortation tendante à l’avancement spirituel de toute la Compagnie et à la conservation et pro-

 

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grès de ladite confrérie, et, après, il proposera ce qui sera à faire pour le bien des pauvres malades, et la conclura par la pluralité des voix, qu’il colligera à cet effet, commençant par celle desdites servantes de la Charité qui aura été la dernière reçue de la confrérie, et canti nuant par l’ordre de leur réception jusques au procu reur, puis à la trésorière, à la prieure ; et enfin il don nera sa voix lui-même, qui aura force délibérative, comme l’une de celles desdites servantes des pauvres. Là se liront utilement cinq ou six articles de ladite institution ; là elles s’admonesteront charitablement des fautes survenues au service des pauvres, le tout néanmoins sans bruit ni confusion et avec le moins de paroles que faire se pourra, et donneront chaque fois demi-heure de temps après l’exhortation pour cette assemblée.

De l’administration du temporel et de la reddition des comptes

Le sieur curé, la prieure, les deux assistantes et le procureur auront le gouvernement de tous les biens temporels de la confrérie, tant meubles que immeubles, et par conséquent le pouvoir d’ordonner, au nom d’icelle, audit procureur de faire tout ce qu’il faudra pour la conservation et recouvrement d’iceux biens. La trésorière gardera l’argent, les papiers et les meubles, comme dit est, rendra compte tous les ans, le lendemain du saint jour de la Pentecôte, en présence du sieur curé, de la prieure, du procureur, de l’autre assistante et encore de monsieur le châtelain, de l’un de MM. les syndics et du sieur recteur de l’hôpital dudit Châtillon, pourvu néanmoins qu’il soit de la religion catholique, apostolique et romaine, lesquels seront toujours priés tous trois, de la part de la confrérie, d’y as-

 

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sister, et sera crue ladite trésorière en la seule déclaration qu’elle fera, que ses comptes contiennent vérité, sans qu’aucun article d’iceux lui puisse être rayé, ni que son mari, ni leurs enfants en puissent être recherchés, tant à cause que, étant pleinement de probité, comme il ne s’en élira que de telles, l’on y peut avoir entière confiance, qu’aussi, si elle était sujette à être recherchée de ce fait, aucune ne voudrait prendre cette charge.

Après l’audition de ses comptes, le procureur rapportera à la même compagnie susdite l’état des affaires temporelles de ladite confrérie et ce qu’il y aura géré et négocié pend. ant l’année, à ce que, par le rapport desdi. ts sieurs châtelain, syndic et recteur, messieurs du conseil de ladite ville puissent être suffisamment instruits du gouvernement du bien temporel de ladite conf rérie et que, reconnaissant qu’il fût mauvais, ils puissent recourir à monseigneur l’archevêque notre très honoré prélat pour y mettre ordre, comme celui auquel ladite confrérie est entièrement soumise, ce qu’en dit cas mesdits sieurs du conseil sont très humblement priés de faire pour l’amour de Dieu.

La prieure aura un livre des charges, sur lequel elle fera charger la trésorière des papiers, de l’argent et des meubles de ladite confrérie ; et en cas qu’elle ne se voulût charger, ni aucune des autres, sinon des meubles seulement et d’une partie de l’argent, comme ce qu’il faudra pour nourrir les pauvres quelques mois, icelle confrérie ordonnera audit procureur de se charger du reste et d’en rendre compte ; ce qu’il sera tenu de faire, sans qu’il puisse refuser à la trésorière tout ce que la confrérie ou la prieure ordonneront, qu’il lui remettra pour l’entretien et nourriture des pauvres.

Le tronc de l’église mis pour l’entretènement de la confrérie et soulagement des pauvres sera ouvert de

 

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deux mois en deux mois, en présence dudit sieur curé, de la prieure, trésorière, procureur et assistante, laquelle trésorière recevra par compte et chargera sa recette de ce qui s’y trouvera, ou, à son refus, le procureur, comme dit est.

De l’élection et déposition

La prieure, la trésorière et l’autre assistante déposeront leur charge le mercredi d’après la sainte fête de la Pentecôte, et sera procédé le même jour à nouvelle élection par les suffrages de toute la confrérie et à la pluralité des voix, sans que ladite prieure, trésorière et assistante puissent être continuées en leurs charges, afin que l’humilité, vrai fondement de toute vertu, se tienne parfaitement en ce saint institut.

Et au cas que ledit sieur curé ne résiderait, ou que son vicaire ne prendrait le soin requis de l’œuvre, sera loisible à ladite confrérie de prendre un autre père sprituel et directeur de l’œuvre, admis et approuvé à cet effet par monseigneur l’archevêque.

Lesdites prieure, trésorière et assistante pourront être déposées de leur charge avant le temps susdit par ladite confrérie, ne faisant pas bien leur devoir, au jugement d’icelle.

Le procureur demeurera en charge autant et si longuement que la confrérie le trouvera bon, et non plus.

Celles de ladite confrérie qui commettront quelque pléché public, ou négligeront notablement le soin des pauvres seront entièrement ôtées de ladite confrérie, les admonitions requises en l’Evangile ayant été premièrement faites à tous ceux qu’on voudra déposer ou ôter de la confrérie.

Règles communes

Toute la Compagnie se confessera et communiera

XIII. — 28

 

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quatre fois l’an, le pouvant faire commodément, à savoir le jour de la Pentecote, Notre-Dame d’août, saint André et saint Martin, et ce, pour honorer l’ardent désir que Notre-Seigneur Jésus a que nous aimions les pauvres malades et les secourions à leur nécessité ; et pour accomplir ce saint désir, I’on lui demandera ses bénédictions sur ladite confrérie, à ce qu’elle fleurisse de plus en plus à son honneur et gloire, au soulagement de ses membres et salut des âmes qui le servent en icelle, ou y ayant donné de leurs biens.

Et afin que la Compagnie se conserve en une sincère amitié selon Dieu, quand quelqu’une sera malade, la prieure et les autres seront soigneuses de la visiter et lui faire recevoir les saints sacrements de l’Eglise, prier pour elle en commun et en particulier ; et quand, il plaira à Dieu de retirer de ce monde quelque membre de ce corps, les autres se trouveront à son enterrement avec le même sentiment qu’à celui de leur propre sœur, qu’elles espèrent un jour voir au ciel ; diront chacune trois fois le chapelet à son intention et feront célébrer une messe basse pour le soulagement de son âme en la chapelle de ladite confrérie.

De l’exercice de chacune à part soi

Le réveil se commencera par l’invocation de Notre-Seigneur Jésus, faisant le signe de la croix, et par quelque autre oraison à sa sainte Mère, puis, étant levées et habillées, prenant de l’eau bénite, elles se mettront à genoux au pied de leur lit au devant de quelque image, rendront grâces à Dieu des bénéfices, tant généraux que particuliers, qu’elles ont reçus de sa divine majesté, réciteront trois fois le Pater noster et trois fois l’Ave Maria en l’honneur de la Sainte Trinité et une fois le Credo et le Salve Regina, et, après, ouïront la sainte

 

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messe, si elles ont la commodité, se souviendront de la modestie avec laquelle le Fils de Dieu accomplissait ses actions sur terre, et, en l’honneur de l’imitation d’icelles, feront les leurs avec modestie et tranquilité.

Celles qui sauront lire liront chaque jour posément et attentivement un chapitre du livre de monseigneur l’évêque de Genève intitulé l’Introduction à la vie dévote, et feront quelque élévation d’esprit à Dieu, avant la lecture imploreront sa grande miséricorde pour tirer fruit de son amour de ce dévot exercice.

Lorsqu’il faudra qu’elles aillent en compagnie, elles offriront à Jésus Notre-Seigneur cette conversation en l’honneur de celle qu’il a daigné avoir sur terre avec les hommes, et le supplieront qu’il les préserve de l’offenser ; s’étudieront spécialement à porter en l’intérieur un grand honneur et révérence à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à sa sainte Mère, comme étant un des points principaux que requiert cette confrérie en celles qui y aspirent.

S’exerceront soigneusement à l’humilité, simplicité et charité, déférant chacune à sa compagne et aux autres, et faisant toutes leurs actions pour une intention charitable envers les pauvres et non aucun respect humain. La journée employée selon l’observation susdite et l’heure du coucher étant venue, elles feront l’examen de conscience et diront trois fois le Pater noster et trois fois l’Ave Maria et une fois le De profundis pour lestrépassés, le tout néanmoins sans obligation à péché mortel ou véniel.

 

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

Nous, Thomas de Méchatin Lafaye, chanoine et comte de l’Eglise de Lyon, official et juge de la Primace, vicaire général spirituel et temporel d’Illustris-

 

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sime et Révérendissime Père en Dieu Messire Denis Simon de Marquemont, par la grâce et permission de notre Saint-Père le Pape archevêque et comte de Lyon, primat de France, conseiller du roi en son conseil d’Etat et son ambassadeur extraordinaire à Rome auprès de notredit Saint-Père.

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, savoir faisons que nous, ayant lu les articles ci-dessus écrits des règlements de la confrérie de la Charité que l’on prétend établir et dresser en la ville de Châtillon-les-Dombes, diocèse de Lyon, pour assister spirituellement et corporellement les pauvres malades de leur ville, lesquels, par faute d’ordre à les soulager, ont parfois beaucoup souffert ; iceux articles à nous présentés par vénérable personne Messire Vincent de Paul, bachelier en théologie, curé dudit Châtillon ; après avoir iceux considérés et ouï l’humble supplication qu’il nous a faite se vouloir permettre l’érection de ladite confrérie et approuver, homologuer et ratifier lesdits articles contenus audit règlement, de l’autorité de monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque, et sous son bon plaisir, pour à iceux ajouter ou diminuer tout ce qui lui plaira, avons permis et permettons l’érection de ladite confrérie à la forme des articles portés par ledit règlement, lesquels, de l’autorité de mondit seigneur l’archevêque, nous avons approuvés, homologués et ratifiés par ces présentes, à la charge, comme dit est, qu’il y pourra ajouter et diminuer tout ce qu’il lui plaira et que ladite confrérie et tout ce qui en dépendra sera à la connaissance immédiatement de mondit seigneur l’archevêque, comme leur supérieur, ou, en son absence, de son vicaire général.

En témoin de quoi nous avons signé ces présentes et fait contresigner par M. Jean Linet, secrétaire de l’ar-

 

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chevêché et citoyen de Lyon, et à icelles fait mettre et apposer le sceau de la chambre de mondit seigneur l’archevêque de Lyon le vingt-quatrième jour du mois de novembre l’an mil six cent dix-sept.

MÉCHATIN LAFAYE

Par commandement de mondit seigneur le vicaire général.

LINET.

 

ÉRECTION DE LA CONFRÉRIE

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, le huitième de décembre, jour de l’Immaculée Conception de la Vierge Mère de Dieu, l’an mil six cent dix-sept, dans la chapelle de l’hôpital de la ville de Châtillon-les-Dombes, le peuple étant assemblé, nous, Vincent Depaul, prêtre et curé indigne de ladite ville, avons exposé comme Monsieur de Lafaye, grand vicaire de Monseigneur l’archevêque de Lyon, notre très digne prélat, a approuvé les articles et règlements ci-dessus contenus, dressés pour l’érection et établissement de la confrérie de la Charité en ladite ville et au dedans de ladite chapelle.

Au moyen de quoi, nous, curé susdit, en vertu de ladite l’approbation, avons cejourd’hui érigé et établi ladite confrérie en ladite chapelle, ayant premièrement fait savoir au peuple en quoi ladite confrérie consiste et quelle est sa fin, qui est d’assister les pauvres malades ; et ayant admonesté ceux qui voudraient en être de s’approcher et de donner leur nom, se sant présentées :

Françoise Baschet ; Charlotte de Brie ; Gasparde Puget ; Florence Gomard, femme de M. le châtelain ; Denise Beynier, femme de sire Claude Bouchour ; Philiberte Mulger, femme de Philibert des Hugonières ; Catherine Patissier, veuve de feu Philibert Guillon ; Eléo-

 

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nore Burdilliat ; Jeanne Perra, fille de Gui Perra ; Florence Gomard, fille de feu Denis Gomard ; Benoîte Prost, fille d’Ennemond Prost ; Toinette Guay, veuve de feu Pontus ; Guichenon, qui s’est présentée pour être garde des pauvres.

Puis a été procédé à l’élection des charges à la forme ci-dessus contenue, et a été élue pour prieure demoise ! le Baschet ; pour trésorière, demoiselle Charlotte de Brie ; pour seconde assistante, dame Gasparde Puget ; et pour procureur, honorable Jean, fils de feu honorable Jean Beynier, par la pluralité des voix des dessus nommées ; ce qui a été fait en ladite chapelle de l’hôpital, à ce présents et assistant honorables Messires Jean Besson, Jean Benonier, Hugues Rey, prêtres sociétaires en l’église Saint-André dudit Châtillon, et sieur Antoine Blanchard, notaire royal et châtelain de ladite ville, et plusieurs autres assistants témoins.

BESSON. BENONIER. H. REY.

BLANCHARD. BEYNIER, procureur.

V. DEPAUL, curé de Chatillon.

 

MODIFICATION AU REGLEMENT SUR L EMPLOI DE LA TRÉSORIERE

Et pource que lesdites servantes des pauvres, toutes assemblées ensemble, ont avisé que la charge de la trésorière était un peu trop grande pour une seule personne, elles ont ordonné, à la pluralité des voix, présent moi dit curé, que la charge de ladite trésorière sera partagée en deux, savoir que ladite trésorière gadera l’argent, le distribuera, en rendra compte et fera les provisions, et clue la seconde assistante gardera les meubles et la lingerie et en rendra compte en se déposant de sa charge,

 

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le tout sous le bon plaisir de monseigneur le Révérendissime archevêque.

Fait à Châtillon le douzième de décembre 1617.

V. DEPAUL. FRANÇOISE BASCHET.

CHARLOTTE DE BRIE, trésorière

GASPARDE PUGET, assistante. BEYNIER, procureur.

Le même jour a été reçue Marie Rey pour être garde des pauvres.

V. DEPAUL, curé de Chatillon.

 

NOUVELLES ADMISSIONS

Le septième juin mil six cent vingt-six, l’assemblée ayant été faite en la chapelle de l’hôpital, pour le fait de la Charité ; par la voix de toutes les servantes des pauvres, ont été enrôlées et inscrites au nombre des servantes les dames suivantes : dame Sarra Girard, veuve de feu Jean Gonod ; dame Jacquemet Bricaud, veuve de feu Jean Levy ; dame Hélène Tillon, veuve de feu Jacques Porchod.

GIRARD, curé de Chatillon. BEYNIER, procureur.

 

127. — CHARITE DE FEMMES DE JOIGNY

(Septembre 1618)

Règlement de l’association de la Charité

L’association de la Charité est instituée pour nourrir tous les pauvres malades du lieu où elle sera établie, procurer que ceux qui mourront meurent en bon état, et que ceux qui guériront fassent résolution de ne jamais plus offenser Dieu, et aussi pour honorer Notre-

Document 127. — Arch. de l’hôpital de Joigny, original.

 

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Seigneur Jésus en la personne de ses pauvres membres, et finalement pour accomplir l’ardent désir qu’il a que nous soyons charitables.

Cette association a pour patron Notre-Seigneur Jésus.

Elle sera composée de pieuses et vertueuses femmes, tant veuves, mariées que filles, devant celles-ci ne seront reçues que par permission de leurs maris, pères et mères. Et le nombre d’icelles, pour obvier à confusion, sera réduit et limité à tel nombre que le recteur d’icelle association trouvera bon être.

Elles se nommeront servantes des pauvres.

L’une d’elles sera élue, à la pluralité des voix, prieure ou directrice, pour deux ans seulement, sans pouvoir être continuée, sous quelque pretexte que ce soit ; et aura pour conseil deux de la dite Compagnie, qui seront élues comme elle et seront nommées ses assistamtes ; l’une desquelles aura soin des meubles de l’association, et l’autre des deniers d’icelle, dont elle rendra annuellement compte à la Compagnie, au jour désigné, en présence du recteur de ladite association, du juge, procureur fiscal et syndic de ladite ville, lesquels ajouteront entière foi aux parties par elle couchées en dépense, pour ne devoir être astreinte à garder l’ordre de compte qui s’observe en autres affaires, à la charge néanmoins de ne point ouvrir les troncs, ni boîtes mises ès églises, ou autres lieux, en faveur desdits malades, qu’en la présence l’un desdits recteur, bailli, procureur fiscal ou syndic de la ville.

Si quelque âme pieuse donne domaine ou rente à ladite association, lesdits recteur, prieure et assistantes pourront nommer un procureur pour recevoir les arrérages des rentes et administrer le revenu dudit domaine, que ledit procureur ne pourra bailler à ferme, ni faire aucun contrat qu’en la présence et du consentement desdits recteur, prieure et assistantes ; lequel sera

 

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tenu mettre les deniers entre les mains de celle qui sera commise pour recevoir les deniers, laquelle baillera quittance desdits deniers audit procureur, en vertu de laquelle il demeurera valablement déchargé.

L’on choisira deux pauvres femmes pieuses pour garder les malades réduits à l’extrémité et destitués d’autres seccours, lesquelles seront payées des deniers communs de l’association et admises au corps d’icelle et s’appelleront gardes des pauvres malades.

Les malades seront reçus aux soans de ladite association par la prieure, de l’avis du recteur et assistantes, qui, les ayant fait blanchir, les fera confesser le même jour qu’ils, auront été admis, et le lendemain communier.

Chacune desdites servantes des pauvres apprêtera, à tour de rôle, le manger des pauvres, leur portera en leur maison ou en l’hôpital, si lesdits pauvres qui auront été jugés devoir être assistés, y sont, et les servira un jour entier ; et en cas d’empêchement légitime, sera donné avis à la prieure pour y pourvoir d’autre dame de ladite association.

Chaque malade aura à dîner autant de pain qu’il en pourra manger. Ceux qui boirent du vin en auront demi-setier, un potage, quatre onces de veau ou de mouton bouilli ; au souper, de même, excepté que la viande cera rôtie ou en hachis. Ceux qui ne pourront manger de la viande auront des bouillons et des œufs frais, panades et orge mondé, selon que la prieure l’ordonnera.

L’association fournira des linceuls aux pauvres décédés qui n’en auront point et les assistera en corps au tombeau.

Et afin que lesdites servantes des pauvres profitent et se confirmemt d’autant plus en l’esprit de charité, elles s’assembleront une fois tous les mois en la cha-

 

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pelle degtinée pour l’association, où elles entendront une messe le matin, les litanies de Notre-Seigneur, ou celle de la Vierge, et une briève exhortation l’après-dînée.

Elles seront admonestées de porter en l’intérieur un grand honneur et révérence à Notre-Seigneur et à sa sainte Mère, com. me ébant un des principaux points de cette association, de se comporter humblement et charitablement envers les malades, leur disant parfois quelques paroles pieuses et dévotes, parfois aussi les consolant ; d’avoir grande charité les unes envers les autres ; s’entre-visiter et consoler en leurs afflictions et maladies ; donner ordre que les saints sacrements leur soient administrés ; faire prières communes et particulières à ce qu’aucune ne parte de ce monde qu’en bon état ; et assister en corps à l’enterrement desdites servantes et gardes des pauvres, pour chacune desquelles elles feront célérer une messe et diront dévotement trois fois le chapelet.

Elles offriront leur cœur à Dieu le matin à leur réveil, invoquant le saint nom de Jésus et celui de sa sainte Mère ; feront leur prière à la sortie du lit ; assisteront tous les jours à la messe, si faire se peut ; se comporteront humblement et s’efforceront à faire leurs actions le long de la journèe en union de celles que Notre-Seigneur a exercées, lorsqu’il vivait sur terre ; feront tous les soirs, chacune à part soi, leur examen de concience et se confesseront et communieront à cette intention au moins quatre foi, s l’an, sans obligatioln toutefois à péché mortel ni véniel.

 

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

A Monseigneur Monseigneur l’archevêque de Sens. Supplie humblement dame Françoise Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, disant qu’ayant vu le bien

 

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qui réussit de l’établissement de l’association de la Charité dressée en faveur des pauvres malades en plusieurs endroits du royaume, elle désirerait grandement que ladite association fût établie en ladite ville de Joigny. Ce considéré, Monseigeur, il vous plaise, de votre grâce, permettre l’établissernont de ladite association en ladite ville de Joigny selon les règlements ci-degsous écrits, et aussi de faire quêter, les fêtes et dimanches, aux trois paroisses de ladite ville par les personnes de ladite association à ce députées, en rendant chacune ce qu’elle aura quêté, à l’assistante, qui gardera l’argent, en présence du recteur de ladite association ; néanmoins de ne point ouvrir les troncs, ni les boîtes mises ès églises ou autres lieux en faveur desdits malades, qu’en la présence d’un desdits recteur, bailli, procureur fiscal ou syndic de la ville.

Si quelqu’âme pieuse donne domaine ou rente à ladite associabion, lesdits recteur, prieure et assistantes pourront nommer un procureur pour recevoir les arrérages des rentes et dministrer le revenu dudit domaine, que ledit procureur ne pourra bailler à ferme, ni faire aucun contrat, qu’en la présence et du consentement desdits recteur, prieure et assistantes, lequel sera tenu mettre les deniers enkre les mains de celle qui sera commise pour recevoir les deniers, laquelle baillera quittance desdits deniers audit procureur, en vertu de laquelle il demeurera valablement déchargé.

L’on choisira deux pauvres femmes pieuses pour garder les malades réduits à l’extrémité et destitués d’autres secours, lesquelles seront payées des deniers communs de l’association et admises au corps d’icelle et s’appelleront gardes des pauvres malades.

Les malades seront reçus au soin de ladite association.

Elle sera composée de pieuses et vertueuses femmes, tant veuves, mariées que filles, dont celles-ci ne seront

 

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reçues que par permission de leurs maris, pères et mères. Et le nombre d’icelles, pour obvier à confusion, sera céduit et limité à tel nombre que le recteur d’icelle association trouvera bon être.

Elles se nommeront servantes des pauvres.

L’une d’ielles sera élue, à la pluralité des voix, prieure ou directrice, pour deux ans seulement, sans pouvoir être continuée, sous quelque prétexte que ce soit, et aura pour conseil deux de ladite Compagnie, qui seront élues comme elle et seront nommées ses assistantes, l’une desquelles aura soin des meubles de l’association, et l’autre des deniers d’icelle, dont elle rendra annuellement compte à la Compagnie, au jour désigné, en présence du recteur de ladite association, du juge, procureur fiscal et syndic de la ville, lesquels ajouteront entière foi aux parties par elles couchées en dépense, pour ne devoir être astreinte à garder l’ordre de compte qui s’observe en autres affaires, à la charge du bailli, procureur fiscal ou syndic de ladite ville, qui doivent assister aux comptes, ou de l’un d’entre eux. Et ladite dame et pauvres malades de ladite ville prieront Dieu pour votre santé et prospérité.

F M. DE SILL Y

 

Nous avons permis l’établissement de l’assoiation de la Charité en la ville de Joigny, suivant les règlements ci-dessus, et de faire quêter les dimanches et fêtes aux trois églises de ladite ville par les personnes q. ui seront députées de ladite association, à la charge d’observer les règlements qui peuvent être faits en notre diocèse pour les confréries.

Fait ce sixième jour de septembre mil six cent dix-hult.

JEAN, achevêque de Sens

Par Monseigneur.

DE BROULLY.

 

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ACTE D ÉTABLISSEMENT

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je, Jean Maurice, prêtre, curé de Villecien, certifie à tous qu’il appartiendra que ce aujoud`hui, neuvième de septembre mil six cent dix-huit, Madame la comtesse de Joigny, acompagnée des plus pieuses et vertueuses dames de la ville, assemblées en ladite chapelle Salnt-Antoine dudit Joigny, m’a présenté la permission donnée, à sa requète, par monseigneur le Révérendissime archevêque de Sens le sixième des présents mois et an, d’établir en ladite ville l’association de la Charité instituée en faveur des pauvres malades du lieu, et exhorté, en vertu de l. adite permission, de prendre la direction et conduite d’icelle association suivant et conformément aux articles et règlements sur ce faits et dressés de l’autorité de mondit seigneur archevêque,. au bas desquels est sadite permission ; ce que je lui ai volontairement acordé, tant pour le désir du bien des pauvres, que pour satisfaire à sa dévotioln et charité. Et au même instant, en vertu de ladite approbation, ai procédé à l’établissment de ladite association de la Charité, ayant premièrrment fait entendire en quoi elle consiste, quelle est sa fin et lu publiquement les susdits articles, règlements et approbation en présence de madite dame, monseigneur le comte son fils messieurs les bailli et procureur fiscal dudit comté de Joigny et plusieurs habitants de la ville, puis déclaré que celles qui désiraient se mettre du corps de ladite. association et avaient con sentement de leurs pères, mères ou maris à ce nécessaire, eussent à dire leurs noms pour être enrôlées en icelle. Se sont présentées :

Françoise Marguerite de Silly… (1)

1). Suivent les noms de 38 dames.

 

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Et en même instant a été procédé à l’élection des officières et ont été élues Madame la comtesse pour prieure, Madame Régnier première assistante, et Madame Bourgeois pour la seconde.

Fait audit Joigny, ce neuvième de septembre 1618.

MAURICE. JACQUINET J. GIROUST

Cejourd’hui, dimanche 16 septembre 1618, se sont présentées pour gardes des pauvres malades Madeleine Guesnot et Marie Fouchet, veuve de défunt Jacques Paumier.

MARIE FOUCHET.

MAURICE, recteur de l’association de la Charité.

 

128. — CHARITÉ MIXTE DE JOIGNY

(Mai 1621)

Règlement de la confraternité ou association de la Charité, et premièrement de la fin à laquelle elle serez instituée.

L’association de la Charité ser. a instituée pour honorer Notre-Seigneur Jésus, patron d’icelle, et sa sainte Mère, pour pourvoir aux nécessités des pauvres valides et impotents, les faire catéchiser, fréquenter les sacrements, nourrir et faire médicamenter les pauvres malades, aider à bien mourir ceux qui tendront à la mort, et pour faire faire résolution de ne jamais plus offenser Dieu à ceux qui guériront, et finalement pour pratiquer les exercices de piété ci-dessous contenus.

Des personnes dont elle sera composée

Elle sera composée d’hommes, femmes et filles, dont

Document 128. — Arch. de l’hôpital de Joigny, titres géréraux, chap 5, liasse 16, n° 2, original sur parchemin.

 

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celles-ci n’y seront admises que du consentement de leurs maris, pères et mères. Les hommes auront soin des valides et i, potents, et les femmes des malades seulement.

Du ministère des hommes, et premièrement de la manière de pourvoir aux valides

Les directeurs de l’association mettront les pauvres enfants à métier aussitôt qu’ils auront âge compétent. Ils distribueront par semaine aux pauvres impotents et vieilles gens qui ne peuvent travailler ce qui leur sera nécessaire pour vivre ; et pour le regard de ceux qui ne gagnent qu’une partie de ee qui leur est besoin, l’association leur subviendra du reste.

De quoi s’entretiendra la défense de cette œuvre

La dépense de cette œuvre s’entretiendra de cinq cents livres tournois, que monseigneur le comte de Joigny donnera annuellement, de quatre-vingts pichets de blé, que monsieur le prieur dudit Joigny donnera aussi chaque année, et de quelque réserve qui se fera du revenu de l’Hôtel-Dieu de ladite ville.

Des officiers en général

Les hommes, qui seront appelés associés, en éliront trente d’entre eux, qui se nommeront serviteurs des pauvres et seront les piliers soutenant le corps de cette association. Ceux-ci éliront un ecclésiastique, qu’on nommera recteur oupère spirituel de ladite, association, auquel ministère de recteur il restera autant de temps qu’ils verront être à propos, feront pareillement élection de trois d’entre eux de deux ans en deux ans, le lendemain de la Pentecôte, dont l’un sera prieur et les autres deux seront assistants, lesquels auront l’entière direction de ce qui regarde les pauvres valides seulement ; et

 

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advenant la mort de l’un des trente serviteurs des pauvres, les associés en corps en nommeront un autre Il aura de plus un associé servant, qui sera élu par les directeurs, de deux ans en deux ans, pour convoquer lesdits directeurs, serviteurs des pauvres et associés, lorsqu’il sera expédient.

Du recteur

Le recteur sera supérieur du ministère des homme et de celui des femmes, procurera de tout son pouvoir l’observation exacte de ce règlement et la conservation et augmentation de l’association, présidera les assemblées et colligera les voix.

Du prieur

Le prieur procurera aussi de tout son pouvoir, conjoinement avec le recteur, que le présent règlement soit observé et que les résolutions des assemblées soient exécutées avec fidélité, charité et diligence, présidera ès assemblées et colligera les voix en l’absence du recteur.

Du premier assistant

Le premier assistant se nommera le trésorier, représentera et aura l’autorité dudit prieur en son abscence, recevra et gardera I’argent dans un coffre à deux clefs, dont le prieur aura l’une, et lui l’autre, sans qu’il puisse tenir en son pouvoir qu’autant d’argent qu’il en faudra distribuer en un mois aux pauvres valides, ni ouvrir le coffre qu’en la présence du recteur et du prieur, emploiera l’argent selon l’ordonnance desdits directeurs rendra sompte annuellement, le lendemain de la Pentecôte, en la présence desdits directeurs, des serviteurs des pauvres, du juge et procureur fiscal, qui assisteront, si bon leur semble, sans toutefois en pouvoir demander ou espérer aucune récompense, taxe ou

 

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salaire ; écrira ledit trésorier les résolutions des assemblées dans un régistre qu’il gardera à cet effet.

Du second assistant

Le second assistant, qui se nommena visiteur des pauvres, s’informera des pauvres honteux, veuves, orphelins et autres personnes affligées, pour les aller visiter et consoler et pour en faire le rapport aux assemblées, afin de les secourir, comme il lui sera ordonné, sinon qu’en cas de nécessité pressante, il en conférera seu. lement avec ledit recteur ou prieur et suivra l’ordre qu’ils lui donneront. Il aura semblablement soin que tous les pauvres assistent au catéchisme que le recteur fera ou fera faire chaque dimanche, de quinze jours en quinze jours, que-ceux qui seront en âge communient, et de plus il gardera les ornements de la chapelle de la Charité et la parera les troisièmes dimanches des mois et les fêtes solennelles.

De l’associé servant

Pour convoquer les directeurs, serviteurs des pauvres et associés, lorsque le recteur ou le prieur l’ordonnera, ou l’un des assistants, chacun en son ordre, lesdits directeurs nommeront un associé pour être associé servant de ladite assoaciation, qui sera semblablement en exercice deux ans seulement ; et advenant qu’il le faille envoyer aux champs, ou qu’il soit employé plus de deux heures de temps pour ladite association, lesdits directeurs le payeront des deniers d’icelle, s’il est pauvre et qu’il le désire.

De ce qui regarde le gouvernement des femmes pour les pauvres malades, et premièrement de la réception d’iceux.

Les pauvres malades seront reçus au soin de l’asso-

XIII. — 29.

 

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ciation par la prieure, de l’avis du recteur et assistantes. reblanchis et confessés le même jour qu’ils auront été admis au soin (*) de d’association, et le lendemain communiés.

De la nourriture des malades

Chaque malade aura à dîner autant de pain qu’il en pounra raisonablement manger ; ceux qui boiront du vin en auront demi-setier par repas, un potage, quatre onces de veau ou de mouton bouilli, au souper de même, excepté que la viande sera rôtie ou en hachis, et, aux jours d’abstinence, deux œufs, avec une tranche de beurre ou poisson frais. Ceux qui ne pourront manger de la viande solide auront des bouillons, œufs frais, panades et orges montés, selon que le médecin l’ordonnera à la prieure, si besoin est.

De l’ordre que tiendront les servantes des pauvres pour servir les malades

Les servantes des pauvres apprêteront, chacune leur jour, le manger des malades, le porteront en leurs maisons et leur serviront, par ordre du pain bénit, un jour entier, en façon que celle qui l’aura servi avertira dès le soir celle qui la devra suivre, lui portera les tailles ou cahiers du pain, vin et chair, lui dira le nom, le lieu, la quantité et l’état des malades, afin de préparer leur nécessités pour les faire dîner à dix heures du matin et souper à quatre heures du soir.

De l’enterrement des pauvres décédés

Et afin que l’association pratique entièrement les œuvres de miséricorde, elle fournira des linceuls aux pauvres décédés qui n’en auront point et les assistera en corps au tombeau.

De quoi s’entretiendra la dépense des malades

Dieu, par sa divine providence, a jusques à mainte-

 

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nant suffisamment pourvu à la dépense de cette œuvre, tant par les quêtes que les servantes des pauvres font tour à tour ès églises, en que ! ques lieux chaque jour et en autres les dimanches et fêtes, que de ce qui se donne ès boîtes qu’on met ès hotelleries, où les hôtes et hôtesses demandent à leurs hôtes pour les pauvres malades du lieu.

Des officières en général

Toutes les femmes qui désireront être de cette association y seront reçues et seront nommées associées ; mals, pour éviter à confusion, elles en élilront d’entre elles un nombre certain et proportionné au lieu où sera l’établissement, comme douze en lieu où il y a cinquante maisons, et ainsi à l’avenant. Celles-ci seront comme les piliers qui soutiendront l’association et seront nommées servantes des pauvres, pource qu’elles serviront actuellement les pauvres, selon l’ordre ci-dessus, et non les autres, qui se contenteront de pratiquer les autres ceuvres de piété contenues en ce règlement. Et lesdites servantes des pauvres en éliront trois d’entre elles, qui seront en charge deux ans seulement, savoir une prieure et deux assistantes, lesquelles auront l’entier gouvernement de ce qui regarde les malades, avec le recteur et un procureur, qu’elles éliront, qui sera l’un des trente serviteurs des pauvres de ladite association. Et advenant la mort de quelqu’une d’icelles servantes des pauvres, les associées en corps en nommeront une autre.

De la prieure

La prieure procurera de tout son pouvoir que le pré sent… (1) deux ans en deux ans, le lendemain de la Pen-

*) plutôt "admis au sein" (note du numériseur)

1). Le feuillet suivant manque. On peut suppléer à la lacune qui en résulte par le passage correspondant du règlement de Courboin. (voir p. 514 -516)

 

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tecôte, pour élire nouveaux directeurs, et les directeurs tous les ans, le même jour du lendemain de Pentecôte, pour ouïr les comptes du premier assistant, et les premiers dimanches des mois, après vêpres, pour traiter des affaires ordinaires, et plus souvent, s’il est besoin Les associés s’assembleront aussi en corps, lorsqu’il faudra élire une servante des pauvres ; les servantes des pauvres, de deux ans en deux ans, le lendemain de la Toussaint, pour créer nouvelles officières ; et lesdites trois officières, tous les ans, à pareil jour, pour ouïr les comptes de la trésorière, et les premiers dimanches des mois, après vêpres, un peu de temps après les hommes, afin que le recteur, qui se doit trouver à la conférence des hommes, se trouve aussi à celle des femmes, pour traiter en peu de paroles des affaires ordinaires qui se proposeront. Ils résoudront les affaires à la pluralité des voix, colligées par le rectemr, sans qu’il soit loisible à aucune personne, après avoir donné son avis, de rien répartir à ceux qui se trouveront d’avis contraire.

De l’élection des officiers et officières

Les serviteurs des pauvres, après avoir ouï les comptes du trésorier en la chapelle de la Charité, après vêpres, le lendemain de la Pentecôte, chanteront Veni Creator Spiritus, puis éliront un secrétaire tout haut, qui sera l’élu de la Compagnie pour assister le recteur à l’élection. Cela fait, le recteur prendra serment des serviteurs des pauvres qu’ils éliront pour officiers ceux qu’ils savent en leur conscience les plus pieux et capables, puis bailleront audit [recteur] trois billets contenant, l’un le nom de celui à qui ils donnent la voix pour être prieur, l’autre celui de trésorier et l’autre celui de visiteur des pauvres ; et le recteur les baillera au serviteur, qui les mettra sur une table ou sur l’autel, où le recteur et sesrétaire regarderont lesdits billets, en

 

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la présence néanmoins de la compagnie, devant laquelle ils certifieront et déclareront tout haut ceux qui ont le plus de voix pour chaque office. Cela fait, les nouveaux officiers se [mettront] en la place des anciens, puis l’on chantera le Salve Regina pour remercier Notre-Seigneur par sa sainte Mère du choix qu’il a fait des personnes élues et lui demander des grâces, afin qu’ils puissent conduire l’association et les affectionner de plus en plus à sa gloire, au salut des associés. Il est à noter que l’on fera de même lorsque l’on procédera à l’élection d’un nouveau recteur et des nouvelles officieres.

De la fidélité des officiers et officières à n’admettre pour être participants des aumônes de l’association sinon les vraiment pauvres et vraiment malades.

L’association n’étant instituée que pour les personnes, vraiment pauvres et vraiment malades, les officiers n’admettront aux aumônes de l’association que ceux et celles qu’ils jugeront en leur conscience vraiment pauvres, et les officières, que ceux et celles qu’elles jugeront aussi en leur conscience vraiment pauvres et malades. Et afin que la faveur, qui est la perte des bonnes œuvres, ne se glisse en celle-ci, lesdits officiers et officières, entrant en charge, promettront, en la présence du recteur, qu’ils ne s’emploieront directement ou indirectement pour faire admettre ès aumônes de ladite association aucuns leurs parents, alliés, amis particuliers, ni recommandés, ains que, si quelqu’autre de la Compagnie prapose quelqu’un des susdits par luimême, qu’ils se départeront comme étant incapables de donner leur avis en ce point qui les regarde, et en lasseront le jugement aux autres.

 

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De la messe, communion, litanies, exhortations ou lecture du présent règlement qui se doivent faire les troisièmes dimanches des mois.

Et afin que les associés profitent et se confirment de plus en plus en l’esprit de charité, ils s’assembleront tous les premiers ou les troisièmes dimanches des mois en la chapelle destinée pour ladite association, où ils entendront la messe le matin, et ceux et celles qui auront dévotion, comme tous y seront exhortés, se confesseront et communieront. L’après-dînée, ils assisteront aux litanies de Notre-Seigneur ou de la Vierge, et ensuite leur sera faite quelque briève exhortation ou lecture du présent règlement, le tout toutefois hors les heures ès quelles on célèbre le divin service en paroisse.

De l’amour de Notre-Seigneur

L’un des principaux points de cette association étant d’honorer Notre-Seigneur et sa sainte Mèrè, les associés et associées seront exhortés de leur porter un grand honneur et révérence et de dire à cet effet cinq fois Pater et cinq fois Ave Maria chaque jour.

De la mutuelle charité qu’ils doivent avoir les uns envers les autres

Les associés et associées auront une grande charité, s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions, donneront ordre que les saints sacrements leur soient administrés en temps et lieu, feront prières communes et particulières à ce que aucune âme associée ne parte de ce monde qu’en bon état, et assisteront en corps tant à l’administratian des saints Sacrements qu’à l’enterrement des officiers et officières, associés et associées et gardes des pauvres malades, pour lesquelles âmes on fera célébrer une messe ; et chacun en particulier dira dé-

 

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votement une fois le chapelet à sa commodité. Il est à noter que cette observation, comme aussi toutes les autres qui appartiennent au présent règlement, est volontaire et sans aucune obligation à péché mortel ou véniel.

Du zèle que les serviteurs des pauvres auront de la conservation de association des femmes, aussi hien que de celle des hommes.

Et pource que l’association des hommes et celle des femmes n’est qu’une même associatian, ayant même patron, même fin et même exercice spirituel, et qu’il n’y a que le ministère qui soit divisé, le soin des valides appartenant aux hommes et celui des malades aux femmes, et que Notre-Seigneur ne retire pas moins de gloire du ministère des femmes que de celui des hommes, voire qu’il semble que le soin des malades soit préférable à celui des sains, pour cela, les serviteurs des pauvres auront pareil soin de la conservation et augmentation de l’association des femmes que de la leur ; et à cet effet mettront la quatrième partie de leur revenu annuel, et plus, s’il est besoin, ès mains de la première assistante, qui garde l’argent des femmes, en cas que le revenu des quêtes que font les femmes ne suffise ; ce qui se pourra savoir par le moyen du recteur, comme étant gupérieur de l’une et de l’autre association. Et afin que lesdits directeurs sachent l’état des affaires de l’association des femmes, ils assisteront à la reddition de leurs comptes.

Formulaire du bon propos des serviteurs et servantes des pauvres

Pour davantage perpétuer cette asscociation, le recteur d’icelle fera et prononcera en haut le bon propos suivant, le jour de la Pentecôte en la chapelle de la

 

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Charité, après la messe de communion ou à l’issue des vêpres, et les serviteurs et servantes des pauvres feront le même après lui, et dira ledit recteur : "Je… servi teur des pauvres de l’association de la Charité, me propose d’observer le règlement d’icelle et de procurer de tout mon pouvoir sa conservation et augmentation moyennant l’aide de Dieu, laquelle je lui demande humblement à cet effet."

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

A Monsieur Monseigneur l’archevêque de Sens, ou à Monsieur son grand vicaire.

Supplie humblement Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny et général des galères de France, disant qu’il y a environ trois ans que de votre grâce vous permîtes que l’on fît établir en dite ville de Joigny l’associatian de la Charité, composée de femmes et instituée en faveur des pauvres malades, dont il est arrivé et arrive journellement de grands biens, et que maintenant, sachant le bien qui arrive de l’association des hommes instituée en quelques endroits de ce royaume en faveur des pauvres valides, il désirerait par même moyen qu’il vous plût de permettre l’établissememt de ladite association des hommes en ladite ville de Joigny et villages dépendants d’icelle et d’unir ladite association des hommes à celle des femmes en la manière portée par le règlement ci-dessus contenu. Ce considéré, il vous plaise de votre grâce unir ladite association des hommes à celle des femmes selon ledit règlement et de permettre l’établissement d’icelle audit Joigny et villages qui en dépendent, et à cet effet de permettre au sieur Vincent de Paul, notre aumônier, de faire ledit établissement ; et vous ferez une œuvre agréable à Dieu et nous obligerez.

 

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Fait à Joigny, ce quatrième jour de mai mil six cent vingt un.

P.-E. DE GONDY.

Nous, Pierre de Marcq, prêtre, docteur en théologie, chanoine de l’église métropolitaine de Sens, prieur d’Oisey, official et vicaire général au spirituel et temporel de monseigneur le Révérendissime archevêque dudit Sens, primat des Gaules et de Germanie, vu la requête dudit seigneur comte de Joigny ci-dessus écrite, et après avoir exactement considéré le règlement de la susdite confraternité ou association de la Charité, avons, de l’autorité de mondit seigneur l’archevêque, approuvé et approuvons l’établissement de ladite association en la ville dudit Joigny et villages dépendants d’icelle ; et pour éviter la multiplicité de confraternités et associations en même lieu, et eu égard que l’association des femmes établie audit Joigny de l’autorité de mondit seigneur l’archevêque y a même patron, qui est Notre-Seigneur Jésus, même fin et mêmes exercices que celle des hommes, et qu’il n’y a que le ministère qui soit divisé, le soin des pauvres valides appartenant aux hommes et celui des pauvres invalides appartenant. aux femmes, nous avons uni et unissons ladite confraternité des hommes à celle des femmes audit Joigny, donnant pouvoir, au sieur Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie et aumônier dudit seigneur comte, de faire l’établissement de ladite confratenlité ou association audit Joigny et villages en dépendants, et l’u. nion de ladite association des hommes à celle des femmes en la même ville, le tout aux conditions que monseigneur l’archevêque, ou son vicaire général notoirement résidant et exercant audit Sens, étant audit Joigny en personnes ou èsdits villages, voulant prendre connaissance de l’administration spirituelle et tempo-

 

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relle de ladite assoclation, les directeurs d’icelle seront tenus de leur répondre et exhiber les comptes, ce qui se fera sans frais, se réservant aussi mondlit seigneur ou sondit vicaire général la connaissance de tous les différends qui arriveront tant pour le spirituel que pour le temporel de ladite association.

Et pource que la charité envers le prochain est une œuvre agréable à Dieu, qu’au jour du jugement nous serons jugés par là et qu’en effet l’intention de ladite association est de pratiquer d’une manière particulière ce commadement de la charité envers le prochain, pour ce est-il une nous exhortons les fidèles chrétiens dudit Joigny et des autres lieux dépendants d’icelui de s’enrôler en ladite association et d’y pratiquer exactement les exercices y contenus.

En témoin de quoi nous avons signé ces présentes et fait signer par Monsieur Gabriel Sarsement, pris pour greffier en cette partie.

A Sens, ce huitième mai mil six cent vingt et un.

Avons aussi fait sceller des armes et sccaux de mondit seigneur.

P. DE MARcQ.

Par le commandement de monsieur le vicaire général.

SARSEMENT.

 

ACTE D’ÉTABLlSSEMENT

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Sachent tous qu’il appartiendra que cejourd’hui trentième de mai, mil six cent vingt-un, jour de la Pentecôte, au dedans de la chapelle de l’hôpital Saint-Antoine de cette ville de Joigny, en la présence de haut et puissant seigneur Messire Phililppe Emmanuel de Gondy, chevalier des deux ordres du roi, conseiller en ses conseils d’Etat et privé, comte duidit Joigny et gé-

 

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néral des galères de France, de Messire Fiacre Courdilier, prêtre, curé de Saint-Thibault, de Messire Antoine Louvet, prêtre, curé de Saint-André, de Messire Guillaume Lebœuf, prêtre, curé de Saint-Jean, de maître Julien Giroust, bailli et juge ordinaire pour Joigny, de Louis de Guidoly, sieur d’Ouessey, lieutenant et capitaine dudit Joigny et maître particulier des eaux et forêts dudit comte de Joigny, de Messire Jean Jacquinet, avocat et procureur fiscal dudit Joigny, de M. Cholet et M. Laurent et M. Symard, échevins dudit Joigny et de plusieurs autres sousnommés et soussignés, nous, Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie, en vertu de la permission émanée de monsieur l’officlal de Sens, du huitième mai mil six cent vingt-un, contenue ci-dessous, signée Pierre de Marcq, official, et Sarsement, pour secrétaire, et scellée du sceau de monseigneur l’archevêque dudit Sens, par laquelle il nous permet et nous mande d’établir audit Joigny la confraternité et association de la Charité des hommes en faveur des pauvres valides de ladite ville, d’unir ladite association des hommes à celle des femmes, qui est déja établie audit Joigny et au dedans de la chapelle Saint-Antoine, nous, de l’autorité susdite, avons établi et établissons ladite confraternité ou association de la Charité audit Joigny et au dedans de ladite chapelle, et avons icelle unie et unissons à ladite association des femmes, selon le règlement ci-dessus contenu. Et ce fait, avons fait entendre aux assistants en quoi consiste le devoir des personnes associées de ladite association et fait lecture du règlement, avons exhorté ceux qui en désireraient être de s’approcher et de donner leurs noms.

Sur quoi se sont présentés les sousnommés et signés, tous lesquels ont déclaré qu’ils désiraient être de ladite association, et nous ont requis de les y enrôler ; ce

 

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qu’avons fait. Et premièrement lesdits seigneur comte de Joigny, Messire Antoine Louvet, prêtre, curé de Saint-André dudit Joigny, Messire Jean Maurice, prêtre, chapelain de Saint-Antoine dudit Joigny, Messire Edme Meslin, prêtre, Maître Julien Giroust, bailli et. procureur dudit Joigny, Louis de Guidoly, sieur d’Ouessey, lieutenant et capitaine, maître particulier des eaux et forêts dudit comté de Joigny, maître Jean Jacquinet, avocat et procureur fiscal général dudit comté, maître Savinieur de Lamare, lieutenant audit Joigny, Monsieur Cholet, Monsieur Symard et Monsieur Desjours, échevins dudit Joigny… (2) Et procédant aux élections des serviteurs des pauvres, ont été nommés les suivants : premièrement maître Antoine Louvet, prêtre, curé dudit Saint-André dudit Joigny, Messire Edme Meslin, prêtre, maître Julien Giroust, balli et prévot dudit Joigny, Louis de Guidoly d’Ouessey, lieutenant et capitaine dudit Joigny et maître particulier des eaux et forêts dudit comté de Joigny, maître Jean Jacquinet, avocat et procureur fiscal général dudit comté, Monsieur Laurent Desjours, Monsieur Symard, Monsieur Branché, Monsieur Nardeux, Monsieur Biot, l’avocat, Monsieur Delon, l’avocat, Monsieur… Monsieur Lebœuf, contrôleur, Monsieur Marchant, Monsieur Roucelin, Monsieur Penot, le greffier, Monsieur Gaultier, Monsieur Thulon, Monsieur le procureur Murot, Monsieur Jean Lebœuf, substitut, Ferraud, procureur, Monsieur Guillaume Camard, Monsieur Chereau,… Monsieur Vadddé, Monsieur Grassin et Monsieur Marot

Et derechef, procédant à l’élection des officiers et directcurs de la Charité, après avoir colligé les voix des serviteurs des pauvres, ont été élus les ensuivants : pre-

2. Suivent vingt-six autres noms et les signatures.

 

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mièrement, pour recteur de ladite association, Messire Jean Maurice, prêtre, chapelain de l’hopital Saint-Antoine ; pour prieur M. Julien Giroust, conseiller en parlement et bailli et juge ordinaire de Joigny ; pour premier assistant Monsieur Biot, avocat audit Joigny ; et pour second assistant Messire Antoine Louvet, prêtre curé dudit Saint-André dudit Joigny Lesquels officiers et directeurs ont nommé associé servant Jean Chappelle, tissier audit Joigny. Fait les jour et an que dessus.

V. DEPAUL.

 

Et le même jour et heure, a été conclu par les dits que, au cas que tous les serviteurs des pauvres ne se trouveraient point à l’élection des nouveaux officiers, qu’au moins douze (associés) sufiront pour faire ladite élection, tout ainsi que la [Compagnie] en corps.

V. DEPAUL.

 

129. — CHARITE DE FEMMES DE MONTMIRAIL

(1er octobre 1618)

L’association de la Charité est instituée pour… procurer que ceux qui tendront à la fin partent de ce monde en bon état… et aussi pour honorer Notre-Seigneur Jésus en la personne des pauvres, qui sont ses membres, et finalement… L’une d’elles sera élue, à la pluralité des voix… au jour désigné, en présence du curé du lieu ou autre ecclésiastique, qui sera recteur de ladite association, du juge, procureur fiscal et syndic de la ville…

Document 129. — Arch. de l’hospice de Montmirail, copie collationnée. Ce règlement répète en grande partie celui de Joigny (document 126) ; nous ne reproduirons pas les passages communs.

 

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Si quelqu’âme pieuse donne domaine… lequel sera tenu de mettre les deniers entre les mains de celle qui sera commise ponr faire la recette, laquelle en baillera quittance audit procureur, en vertu de laquelle il demeurera valablement déchargé.

L’on choisira de pauvres femmes pieuses… s’appelleront gardes des pauvres malades, lesquelles serviront aussi pour avertir lesdites servantes des pauvres lorsqu’il faudra qu’elles s’assemblent.

Les malades seront reçus au soin de l’association par la prieure

Lesdites servantes apprêteront, chacune en son jour, le manger des pauvres malades, leur porteront en leur maison ou en l’hôpital, si lesdits pauvres qui auront été jugés devoir être assistés y sont, et les serviront un jour entier par ordre du pain bénit, et, en cas d’empêchement légitime, sera donné avis à la prieure pour y pourvoir d’autres dames de ladite association.

Et parce que ladite association pourna être tellement établie en des lieux où l’on n’aura point de bourse commune, ni moyen de garder l’ordre ci-dessus, comme aux villages, en ce cas, chacune dedites servantes pourra nourrir en son jour, à ses dépens, les pauvres malades, observant néanmoins, si faire se peut, la manière de les nourrir et servir en son temps, ou ce qui se pourra à peu près.

Chaque malade aura à dîner autant de pain qu’il en pourra manger… ou en hachis ; et, aux jours d’abstinence, deux œufs, avec une tranche de beurre, ou poisson frais ; et ceux qui ne pourront manger de la viande solide auront…

L’association fourinira des linceuls aux pauvres décédés qui n’en auront point et les assistera en corps au tombeau et aura soin de visiter les pauvres prisonniers

 

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et leur faire quelques aumônes et faire changer de chemises tous les samedis.

Et afin que lesdites servantes des pauvres malades profitent… où elles entendront une messe le matin, et l’après-dîner les litanies de Notre-Seigneur ou celles de la Vierge et une briève exhortation, observant néanmoins que ce soit hors des heures èsquelles est célébré le divin service ès paroisses.

Elles seront admonestées à porter en l’intérieur un grand honneur et révérence à Notre-Seigneur Jésus et à sa sainte Mère, oomme étant un des principaux points que requiert cette vocation, et dire à cet effet cinq fois Pater noster et cinq fois Ave, Maria ; à se comporter humblement et charitablement envers les malades… assister en corps, avec un cierge allumé en la main, tant à l’administration du Saint-Sacrement, qu’à l’enterrement desdites servantes et gardes des pauvres…

Elles offriront leur cœur à Dieu le matin à leur réveil… feront, tous les soirs, chacune à part soi, leur examen de conscience, communieront au moins ès principales fêtes de Notre-Seigneur et de la Vierge, le tout toutefois sans obligation à péché mortel ni véniel

 

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

Monsieur Monsieur l’évêque de Soissons,

Supplie humblement dame Françoise-Marguerite de Silly, comtese de Joigny, disant qu’ayant vu le bien qui ressort de l’établissement de l’association de la Charité instituée en faveur des pauvres malades en plusieurs endroits de ce royaume, elle désirerait grandement que ladite association fût établie en sa ville de Montmirail et autres villages. Ce considéré, Monsieur, il vous plaise, de votre

 

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grâce, permettre l’établissement de ladite association, selon les règlements ci-dessus écrits, en ladite ville et autres lieux appartenant à ladite dame et dépendants de votre diocèse, et, à ces fins, de commettre audit étahlissement Maître Vincent de Paul, prêtre et bachelier en théologie, son aumônier ; et ladite dame et autres pauvres malades prieront Dieu pour votre prospérité et santé.

Lue par nous, Jérôme, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Apostolique évêque de Soissons, la requête ci-dessus, avons, pour lescauses y contenues et plusieurs autres bonnes et pieuses considérations, permis, et par ces présentes permettons l’établissement de la Charité, selon les règlements ci-dessus écrits, tant en la ville de Montmirail, qu’autres lieux appartenants à ladite dame comtesse de Joigny et étant dans notre diocèse, et que les personnes de ladite association puissent quêter les dimanches et fêtes èsdites paroisses de Montmirail et autres lieux dépendants de ladite dame comtesse, à la charge d’observer les règlements faits en notre diocèse pour les confréries étabilies en icelui.

Fait à Soissons, le premier jour d’octohre mil sixcent dix-huit.

JÉROME, év. de Soissons.

Par commandement de mondit seigneur l’évêque de Soissons.

 

ÉTABLISSEMENT DE LA CONFRÉRIE

Au nom de la très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Sachent tous qu’il appartiendra que cejourd’hui onzième de novembre mil six cent dix-huit, en l’église Saint-Etienne de Montmirail, le peuple étant assemblé,

 

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moi, Vincent de Paul, prêtre et aumônier de dame Françoise-Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, etc…, et da, me dudit Montmirail, en vertu de la permission de Monseigneur et Révérend Père en Dieu Jérôme, par la grâce de Dieu évêque de Soissons, donnée à madite dame, de fai, reétablir l’association de la Charité en ladite ville et autres siens villages, dépendants dudit diocèse de Soissons, j’ai procédé audit établissement de l’association de la Charité, du consentement de Jean Delaistre, prieur dudit Montmirail, absent à cause de sla maladie, et en la présence de Christophe Bourdelet, son vicaire, ayant premièreme~t fait entendre au peulple en qui consiste ladite association et fait lecture des règlements d’icelle et de la permission de mondit seigneur de Soissons, le tout cidessus transcrit. Et ce fait, étant en la chapelle ci-devant nommée de Saint-Nicolas et maintenant choisie par ledit sieur prieur pour servir à ladite association, ai admonesté les femmes qui désireront se mettre en ladite association de s’approcher et donner leur nom. Sur quoi se sont présentées : premièrement, madite dame la comtesse, laquelle, avec les sousnommées, a désiré être de ladite association ; puis demoiselle Barbe le Juge, femme de Monsieur le lieutenant Bonseré ; Mademoiselle Chambelin… (1) Puis ai procédé à l’élection des officières de ladite association, selon ledit règlement, à 1a pluralité des voix ; et a été nommée pour prieure Mademoiselle la lieutenante ; pour première assistante, Mademoiselle Chambelin ; et pour deuxième assistante, Madame de la Saulssaye, du consentement de toutes lesquelles je leur ai laissé Nicolas Pullen, prêtre, puur recteur de ladite association. Ce qui a été fait audit Mont-

1). Suivent vingt-trois noms.

XIII. — 30

 

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mirail, les jour et an que dessus, en présence des soussignés.

FRANÇOISE-MARGUERlTE DE SILLY.

DELAISTRE. V. DEPAUL. B. LE JUGE.

JEANNE DE… MARIE DES ESSARTS.

MARIE VARLE. FRANÇOISE DARTHOIS.

CLAUDE VINOT. JULIENNE BROIZOT.

ANNE LHERMITTE.

 

ÉLECTIONS ET RÉCEPTIONS

Et le treizième jour de novembre, lesdites dames servantes des pauvres étant assemblées, Mademoiselle Chambelin, élue première assistante, a prié la Compagnie de la décharger de cet office à cause des grandes affaires qui lui ont survenues et de la continuer néanmoins d’être servante des pauvres ; de quoi lesdites servantes, d’une commune voix, l’ont déchargée et retenue pour conseil. Sur quoi madite dame la comtesse s’est offerte à être première assistante ; de quoi lesdites servantes l’ont remerciée et acceptée ; et parce qu’elle est contrainte d’aller à Paris et y faire long séjour, ladite dame y pourvoira d’une autre à sa place, laquelle sera tenue de rendre compte de ce qu’on lui mettra entrc les mains.

Fait audit Montmirail, les jour et an que dessus.

V. DEPAUL.

FRANÇOISE-MARGUERITE DE SILLY.

Il a été convenu entre lesdites servantes des pauvres que les officières seront changées le lendemain de la Toussaint, de deux ans en deux ans, et que la trésorière rendra les comptes ce même jour, chaque année.

Fait audit Montmirail les jour et an que dessus.

V. DEPAUL. B. LE JUGE.

 

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Item. Incontinent après, ladite dame, du consentement desdites servantes des pauvres, a prié Madame Fournier, l’une desdites servantes, de faire la charge de pemière assistante em sa place, tout ainsi qu’elle ferait ; ce que ladite dame Fournier lui a accordé, et à cet effet a été chargée de l’argent du présent règlement selon qu’il est porté par le registre de ladite association mis ès mains de ladite dame Fournier. Fait audit Montmirail, les jour et an que dessus.

V. DEPAUL.

Et du depuis, le septième de décembre, a été reçue au nombre des servantes des pauvres Marie Lefébure veuve de feu Charles Hubrot.

V. DEPAUL.

Et le premier dimanche du présent mois de décembre mil six cent dix-neuf, en la chapelle de la Charité après les litanies chantées, Madeleine Grizard, veuve de Marin Guillemin, sur sa prière et requête, du consentement et avis de toutes les dames officières et servantes des pauvres y assemblées, a été reçue et admise en ladite association et promis de garder les règlements d’icelle, dont elle a oui faire lecture.

PULLEN.

La copie ci-dessus transcrite a été collationnée à son original mot à mot, étant icelui original écrit ès parchemin, sain et entier d’écritures et signatures, par nous Pierre Gorlidot et Robert Perrot, notaires héréditaires aux bailliage et prévôté de Chanvry résidant à Montmirail, soussignés ; en faisant laquelie collation, la copie s’est trouvée pareille et semblable audit original, dont et de quoi M. Nicolas Pullen, pretre, recteur, dénommé audit original, auquel il a été rendu, nous a re-

 

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quis et demandé acte, que lui avons donné et octroyé en cette forme, pour lui servir et valoir ès temps et lieu ainsi que de raison, et a signé cejourd’hui dixième février mil six cent vingt.

PERROT. GORLIDOT. PULLEN. (2)

Le vingt-sixième jour du mois de juillet 1627, l’élection des officières ayant été faite, Madame Etiennette Labbé a été élue prieure, Madame Bonseré trésorière et dame Madeleine Germon garde-linge ; toutes lesquelles officières feront ces offices deux ans, et non plus.

M. BONSERÉ. M. GERMON.

E. LABBÉ. MAURY.

 

130. - AUTRE REGLEMENT DE LA CHARITE DE FEMMES

DE MONTMIRAIL

JESUS, MARIA

Office du sieur recteur de l’association de la Charité

L’office du sieur recteur de l’association de la Charité est de veiller au bien et avancement de l’association. Les servantes des pauvres étant assemblées le troisième dimanche de chaque mois, à huit heures du matin, ledit sieur recteur dira la messe et communiera celles qui le désireront en la chapelle de l’association, décemment parée et ornée de fleurs, que chacune d’elles fournira à son tour ; et à une heure après-midi, il leur fera quelque brève exhortation, ou donnera ordre qu’elle leur soit faite par personne spirituelle, tendante spécia-

2). Suivent les noms de trente-deux membres de la Charité.

Document 130. — Arch. de l’hospice de Montmirail, original.

 

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lement à imprimer dans leur cœur l’esprit de la vraie et solide Idévotion. Après laquelle exhortation, il fera chanter les litanies de Notre-Seigneur ou de la Vierge, et puis conférera succinctement et en peu de paroles avec les officières, en la même chapelle, de ce qui sera à faire pour le bien de ladite association.

Ledit sieur recteur se comportera prudemment envers les servantes des pauvres, tâchant aux rencontres d’échauffer les tièdes et avancer les ferventes, prenant garde surtout que l’envie et l’émulation, très dangereuse peste spirituelle, ne se glissent parmi elles, et les invitant, autant qu’il lui sera possible, à s’entr’affectionner les unes les autres, comme Notre-Seigneur Jésus a aimé la sainte Eglise, son épouse.

Il recevra les pauvres malades au soin de l’association par l’avis de la prieure et l’assistante, ou l’une d’icelles, sans y en admettre aucun qui ait moyen de se subvenir, et congédiera aussi, par avis desdites officières, ceux auxquels Dieu aura miséricordieusement renvoyé la santé, les ayant préalablement exhortés de mener meilleure vie le reste de leurs jours. Il aura soin que toutes nécessités spirituelles et corporelles soient charitablement administrées aux pauvres malades conformément à l’institut de l’association ; et les visitera de deux en deux jours, sa commodité le permettant. Il videra les troncs de l’église et boîtes des hôtelleries le troisième dimanche du mois avec la prieure et l’assistante, et il tiendra un registre de ce qui s’y trouvera, et la trésorière ou première assistante un autre, comme aussi de ce qui se quêtera ès paroisse les dimanches et fêtes. Il comptera avec le boucher, boulanger et tavernier, tous les mois, en la présence de ladite prieure et assistante.

 

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Si quelqu’un lègue quelque meuble à l’association, il le fera retirer et mettre ès mains de la garde des meubles ; et si quelque immeuble, il fera élire un procureur pour l’administrer au désir du susdit règlement général de l’association. Et généralement il aura soin de faire observer de point en point tous les articles contenus dans ledit règlement général ; ce quoi faisant pour l’amour de Jésus et de sa sainte Mère, il doit espérer une très grande récompense au jour du jugement, comme celui qui aura accompli ce dont Dieu lui fera rendre compte.

JESUS, MARIA

Office de la prieure

L’office de la prieure sera de moyenner l’avancement spirituel et temporel par l’avis du sieur recteur et des deux assistantes.

Elle se représentera souvent que la charge de prieure l’oblige à montrer le chemin de la perfection aux autres par ses bons exemples, et essayera surtout de conserver l’esprit d’union et charité entre elles, et d’étouffer dès la naissance les petites rixes, émulations et jalousies qui ne se glissent que trop souvent ès plus saintes Compagnies.

Elle recevra les malades vraiment pauvres au soin de l’association, et congédiera ceux qui seront guéris, par l’avis du sieur recteur et des deux assistantes, ou l’une d’icelles. Incontinent qu’elle aura rec, u quelque pauvre malade, elle le fera savoir à celle qui sera en jour, afin qu’elle le fasse reblanchir, confesser et communier, et porter les petits meubles qu’on baille à chaque malade.

Elle fera quêter les dimanches et fêtes en la paroisse, ordonnera que chaque servante serve son jour selon l’ordre, et visitera de trois jours en trois jours les malades

 

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pour voir si quelque chose leur manque, afin d’y pourvoir par l’avis des susdits.

Quand quelque servante sera malade, elle fera continuer l’ordre Ipar œlle qui la suit ; soit que quelqu’une soit aux champs, ou qu’elle ne puisse être au jour de son service, elle la chargera de prier quelque sienne voisine de faire pour elle et de leur en venir dire le nom. Elle écrira les ordonnances qu’elle fera à la trésorière d’acheter soit meubles ou provisions polur les malades au-dessus de cinq sous ; avertira l’assistante qui gardera l’argent de faire provision de sucre, confitures, pruneaux, orge, poules, et autres menues provisions néoessaires aux malades ; tiendra la main à ce que l’on donne des bouillons trois ou quatre fois le jour, des œufs frais, de la panade, de l’orge mondé à ceux qui sont si débiles, affaiblis et dégoûtés qu’ils ne peuvent manger de la viande sodide ; priera le médecin, apothicaire, chirurgien, de voir les malades qui en auront besoin. Elle fera ensevelir les morts aux dépens de l’association.

Elle visitera et fera visiter les servantes des pauvres malades avec la mêrne charité que si elles étaient ses propres [sœurs] ; donnera ordre que toutes les servantes des pauvres assistent en corps à l’enterrement des défunts, tenant chacune un cierge en main, fera célébrer une messe pour chaque défunte le lendemain ou deux jours après son enterrement au plus tard ; et généralement aura soin de faire observer, autant qu’il lui sera possible, le règlement de l’association, pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus, en la bonté duquel elle doit espérer d’entendre en récompense, au jour du jugement œs miséricordieuses et très douces paroles : "Venez possédez le royaume que mon Père vous a préparé, pource qu’ayant été malade vous m’avez visité et administré toutes mes nécessités."

 

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JESUS, MARIA

Office de la première assistante ou trésorière

L’office de la première assistante ou trésorière sera de servir de conseil à la prieure, exercer la charge en son absence, recevoir, garder et employer l’argent des pauvres selon l’ordonnance qui lui en sera faite par la prieure, excepté au-dessous de cinq sous, qu’elle pourra employer par elle-même, selon les nécessités qui se présenteront.

Elle aura un livre de recette et un autre de mise, dans lesquels elle écrira ce qu’elle recevra et emploiera, pour en rendre compte tous les ans, selon qu’il est porté sur le règlement de l’association.

Elle gardera les papiers et les titres de l’association dans un coffre qu’elle aura à cet effet, auquel il y aura deux clefs diverses, dont l’une sera gardée par elle et l’autre par la prieure.

Elle fera les provisions pour les malades, selon l’avis de la prieure, et les gardera pour les employer au besoin, comme confiture, orge, pruneaux, quelques poules pour avoir des œufs frais, et autres meniues nécessités pour les malades ; se trouvera à l’ouverture des troncs et boîtes avec son livre de recette, pour recevoir et se charger de l’argent qui s’y trouvera ; et généralement observera tout ce qui est porté par le règlement de l’association ; moyennant quoi elle doit espérer que notre bon Jésus la reconnaîtra, au jour du jugement, pour être de celles qui l’ont visité et assisté malade, et par conséquent qu’il lui donnera le royaume qui a été préparé par le Père éternel à ceux qui ont pratiqué les œuvres de miséricorde.

 

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JESUS, MARIA

Office de la seconde assistante

L’office de la seconde assistante sera de servir de conseil à la prieure, et de faire toutes ses fonctions et œlles de la première assistante en leur absence. Elle gardera les meubles et ustensiles de l’association pour en fournir lors et comme il lui sera ordonné par la prieure. Elle fera blanchir et raccoutrera le linge, donnera avis à la prieure d’en acheter, lorsqu’il en sera besoin Elle recevra lesdits meubles par inventaire et les rendra de même lorsqu’elle sortira de charge, aura un coffre en sa maison pour la garde des meubles. S’il fallait quelque linceul pour ensevelir les morts, elle en donnera, ou en demandera en aumône pour l’amour de Dieu, qui sera rétributeur de ses travaux au jour du jugement.

JESUS, MARIA

Ce que chaque servante des pauvres doit faire en particulier

Elles doivent spécialement viser à acquérir le vrai esprit de charité et de miséricorde. Pour y parvenir, elles observeront exactement et sans intermission les règlements de leur assosiation, se confessant et communiant du moins aux fêtes de Notre-Seigneur et de la Vierge, sa très sainte Mère. Et si quelqu’une, portée d’une sainte ferveur, pratique cette même dévotion aux jours qu’elles se idoivent assembler en corps en la chapelle à ce destinée, elle peut d’autant plutôt espérer le don de ces saintes et précieuses vertus de la libérale main de Celui qui ne dénie point ce qui lui est humblement demandé. Elles considéreront souvent que, pour être bonnes servantes des pauvres, il les faut spirituellement et corpo

 

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porellement assister et avoir tendre compassion de leur misère, et qu à ce dessein elles ont eu le bien d’être admises en l’association. Elles prieront Dieu pour leur recteur, aimeront et honoreront leur prieure, et respecteront les deux assistantes, estimant ces personnes avoir été choisies de Dieu pour la conduite de son œuvre.

Le troisième dimanche du mois, c’est le jour de leur assemblée. Elles tiendront un cierge allumé pendant les litanies qui se diront en leur chapelle, et feront le même, assistant le Saint Sacrement, lorsqu’on le portera à quelque servante des pauvres malades, et allant à l’enterrement de celles qui seront décédées.

Le matin du jour auquel elles doivent servir les pauvres malades, elles prieront Dieu qu’il leur fasse la grâce de se comporter en cette action avec douceur, humilité et vraie charité, et surtout de pouvoir profiter aux âmes des pauvres malades ; puis, ayant accommodé leur dîner, elles leu ! r porteront, sur les neuf heures, le potage et la chair dans un pot, le pain dans une serviette blanche, et le vin dans une bouteille, pratiquant le même pour le souper, environ sur les quatre heures du soir.

Entrant chez un malade, elles le salueront amiablement ; puis, s’approchant de son lit avec une face modestement gaie, l’inviteront à dîner, lui hausseront le chevet, accommoderont la couverture, mettront la tablette, la serviette, l’assiette, la cuillère, rinceront la gondole, tremperont le potage, mettront la chair dans le petit plat, feront dire la bénédiction au malade et prendre le potage, lui couperont la chair en morceaux, le feront manger, lui disant quelque petit mot saintement joyeux et consolatif à dessein de le réjouir, lui verseront à boire, le convieront derechef à manger ; et finalement, lorsqu’il aura achevé de dîner, ayant lavé la vaisselle, plié

 

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la serviette et oté la tablette, elles feront dire grâces au malade, et à l’instant prendront congé de lui pour s’en aller servir un autre.

 

131. — CHARITÉ DE FEMMES DE FOLLEVILLE, PAILLARD

ET SERÉVILLERS

(Semptembre et Octobre 1620)

Règlement de l’association de le Charité des femmes, instituée en faveur des pauvres malades (1), et premièrentent de la fin de l’association.

L’association de la Charité est instituée pour nourrir tous les pauvres malades du lieu où elle sera établie, procurer que ceux qui tendront à la mort partent de ce monde en bon état et que ceux qui guériront fassent résolution de ne jamais plus offenser Dieu, et aussi pour honorer Notre-Seigneur Jésus en la personne des pauvres, finalement pour accomplir son commandement de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés.

Du patron de l’association

Elle a pour patron Notre-Seigneur Jésus, qui est la charité même.

Des personnes dont elle doit etre composée

Elle sera composée d’un recteur, qui sera personne ecclésiastique, de suffisance et probité connues, de pieuses et vertueuses femmes, tant veuves, mariées que filles, qui se nommeront servantes des pauvres ; et les mariées ne seront reçues qu’avec la permission de leurs maris ; et les filles, de leurs pères et mères ; et pour obvier à confusion, seront réduites à certain nombre proportionné

Document 131. — Doc. autog. — Arch. de la Mission, original.

1) Ces huit derniers mots sont ajoutés en interligne.

 

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au lieu de l’établissement, et de quelque séculier dévot et charitable, qui sera élu pour procureur.

De la réception des malades

Les malades seront rec, us au soin de l’association par la prieure, de l’avis du recteur et assistantes, reblanchis et confessés le même jour qu’ils auront [été] admis au soin de l’association, et le lendemain communiés.

De la nourriture des malades

Chaque malade aura à dîner autant de pain qu’il en pourra manger ; ceux qui boiront du vin en auront un demi-setier, un potage, quatre onces de veau ou mouton bouilli ; au souper, de même, excepté que la viande sera rôtie ou en hachis ; et, aux jours d’abstinence, deux œufs, avec une tranche de beurre ou poisson frais. Ceux qui ne pourront manger de la viande solide auront des bouillons et des œufs frais, panades et orges mondés, selon que la prieure l’ordonnera.

De l’ordre que tiendront les servantes des pauvres pour servir les malades

Les servantes des pauvres apprêteront, chacune en leur jour, le manger des pauvres malades, le porteront en leur maison ou à l’hôpital, si les pauvres que l’on jugera devoir être assistés y sont, et les serviront par ordre dn pain bénit, un jour entier, en façon que celle qui aura servi le jour avertira dès le soir celle qui la doit [suivre (2)], lui portera la taille du pain, vin et chair, lui dira le nom, le lieu, Ia quantité et l’état des malades, afin de préparer leurs nécessités pour les faire dîner à dix heures du matin et souper à quatre heures du soir.

2). Texte de l’original : servir.

 

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Comme l’on fera ès lieux où l’ordre susdit ne pourra être observé

Et d’autant que l’association pourra être utilement établie en quelques lieux où l’on n’aura ni bourse commune, ni moyen d’observer l’ordre prescrit, comme en pauvres villages et quartiers, en ce cas, chacune des servantes des pauvres pourra nourrir en son jour et à ses dépens les pauvres malades, observant néanmoins la manière de le servir et nourrir ci-dessus contenue, autant qu’il leur sera possible.

De l’enterrement des pauvres décédés

Et afin que l’association pratique entièrement les œuvres de miséricorde, elle fournira des linceuls aux pauvres décédés qui n’en auront point et les assistera en corps au tombeau

De la charité envers les malades

Elles se comporteront humblement et charitablement envers les malades, leur disant parfois quelques paroles pieuses et dévotes pour les consoler et encourager.

De quoi s’entreniendra la dépense de cette œuvre

Dieu, par sa divine providence, a jusques à présent suffisamment pourvu à la dépense de cet œuvre, tant par les quêtes que les servantes des pauvres font ès églises tour à tour en quelques lieux chaque jour, et en autres les dimanches et fêtes seulement, que de ce qui se donne en boîtes qu’on met en hôtelleries, où les hôtesses font la charité de demander à leurs hôtes pour les pauvres malades du lieu.

De la visite des prisonniers

Elles auront soin de visiter les pauvres prisonniers

 

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pour leur faire quelque aumône, les consoler et les faire changer de chemise tous les dimanches

Des offices, et premièrernent du recteur

Le recteur aura la direction de l’association avec la prieure et les deux assistantes. De plus, ledit recteur aura le plrocureur de ladite confrérie qui lui servira de témoin, tant lorsqu’il recueillera les voix qui se donneront pour l’élection de la prieure, que pour les autres fois qu’il voudra traiter avec les sœurs de ladite confrérie.

De la prieure

Une desdites servantes des pauvres sera élue, à la pluralité des voix, prieure ou directrice, seulement pour deux ans, sans pouvoir être continuée, sous quelque prétexte que ce soit, et aura la direction de l’association avec lesdits sieur recteur et assistantes.

De la première assistante ou trésorière

Pour le conseil de ladite prieure seront aussi élues deux assistantes, dont la première gardera l’argent pour enrendre compte à la Compagnie le lendemain de la fête de Toussaint, en présence du recteur et du juge, procureur fiscal et syndic du lieu, lesquels ajouterolit entièrement foi aux parties par elles couchées en dépense, à la charge de n’ouvrir les troncs et boites mises ès hôtelleries ou autres lieux en faveur desdits malades [qu’en la présence d’un desdits sieurs.]

De la seconde assistante ou garde des meubles

La seconde assistante gardera les meubles de ladite association, fera blanchir et raccommoder le linge, quand il sera necessaire, et, sortant de charge, rendra compte de ce qui lui aura été mis en main.

 

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Du procureur de l’association

Si quelque personne pieuse donne domaine ou rente à l’association, lesdits recteur, prieure ou assistantes nommeront telle personne capable qu’ils aviseront bien être, pour procureur, qui aura charge de recevoir les arrérages des rentes et administrer le revenu dudit domaine, à condition toutefois de ne bailler à ferme, ni faire aucun contrat, qu’en présence et du consentement desdits recteur, prieure et assistantes, et remettra les deniers de sa recette ès mains de la première assistante, qui en donnera quittance, en vertu de laquelle il demeurera valablement déchargé.

Des gardes des pauvres malades

On choisira deux pauvres femmes pieuses pour garder les malades réduits à l’extrémité et destitués d’autres secours, lesquelles seront payées des deniers communs de l’association et admises au corps d’icelle et s’appelleront gardes des pauvres malades Elles serviront aussi pour avertir lesdites servantes des pauvres, lorsqu’il faudra qu’elles s’assemblent.

De la messe, communions, litanies et exhortations qui se doivent faire une fois le mois en la chapelle de l’association.

Et afin que les servantes des pauvres profitent et se conservent en l’esprit de charité de plus en plus, elles s’assembleront, le premier ou troisième dimanche du mois, en la chapelle destinée pour ladite association, où elles entendront messe le matin ; et celles qui auront dévotion, comme elles y sont toutes exhortées, se confesseront et communieront ; et l’après-dîner elles assisteront aux litanies de Notre-Seigneur ou de la Vierge sacrée, en suite desquelles leur sera faite une briève exhortation,

 

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le tout, toutefois, hors les heures èsquelles on célèbre le saint service en paroisses.

De l’amour envers Notre-Seigneur Jésus, patron

de l’associa : tion, et envers sa sainte Mère

Elles sont admonestées de porter en l’intérieur un grand honneur et révérence à Notre-Seigneur et à sa sainte Mère, comme étant l’un des principaux points que requiert l’association, et dire à cet effet chaque jour cinq Pater noster et cinq Ave Maria.

Du mutuel amour envers les servantes des pauvres

Lesdites servantes des pauvres auront une grande charlté les unes envers les autres, s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions, donneront ordre que les saints sacrements leur soient administrés en temps et lieu, feront prière et commune et particulière à ce qu’aucune d’elles ne parte de ce monde qu’en bon état, et assisteront en corps, tenant un cierge en main, tant en l’administration du Saint Sacrement, qu’à l’enterrement desdits recteur, procureur, servantes et gardes des pauvres, pour lesqueLs elles feront célébrer une messe et diront dévotement chacu, ne trois fois le chapelet, à leur com, modité.

De l’exercice spirituel qu’elles feront chaqe jour

A leur réveil, elles offriront leur cœur à Dieu, invoquant le saint nom de Jésus et celui de sa sainte Mère ; feront leur prière à la sortie du lit ; assisteront, si faire se peut, tous les jours à la messe ; se comporteront toujours humblement et s’efforceront de faire leurs actions, le long de la journe’e, en union de celles que Notre-Seigneur a exercées, lorsqu’il vivait sur terre ; feront tous les jours, chacune à part soi, l’examen de conscience ;

 

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tout ce que dessus néanmoins sans obligation à péché mortel ni véniel.

Cérémonies qni se sont jusques à présent pratiquées

le jour de l’établissement de la Charité

Le sieur curé du lieu où cette association doit être établie, ayant disposé en particulier tel nombre de femmes qu’il juge à propos, des plus pieuses, et, si faire se peut, principales, pour rendre la chose d’autant plus vénérable (3), les faisant confesser et communier toutes ensemble le jour de ce1 établissement, puis, après vêpres du même jour, ayant son surplis, va à la chapelle à ce destinée, où toutes lesdites femmes se trouvent, ayant chacune un cierge allumé, chante Veni Creator et les litanies de Jésus, leur fait une briève exhortation à ce sujet, représente aux assistants la ~in de l’œuvre et les biens spirituels que recevront ceux qui s’y comporteront dignement, ou y distribueront de leurs biens, fait leeture du règlement qui se doit observer, et ensuite approche celles qui désireront être admises en cette sainte association, rec, oit leurs noms, puis procède à l’élection, des officières, recueillant les voix de chacune en particulier tout bas, puis déclare celles qui auront été élues à la pluralité des voix, chante à l’issue Salve Regina pour en rendre grâce à Dieu par sa sainte Mère ; et le lendemain il s’assemblcra avec lesdites officières pour faire l’ordre selon lequel les servantes des pauvres auront à servir les malades et quêter chacune à leur tour

3). C’est ce que porte ie document que nous suivons ; sur une autre copie par suite de corrections, qui sont de la propre main de saint Vincent, le texe devient "… établie, ayant eu permission de son évêque diocésain et ayant disposé des particuliers, hommes et femmes, qu’il juge propres."

XIII. — 31.

 

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APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

Flrançois, par la misération divine évêque d’Amiens, savoir faisons que, vu et diligemment examiné tout ce que dessus, nous avons approuvé et approuvons l’association de la Charité, dont le règlement est transcrit au présent cahier, et permis à dlame Françoise-Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, de faire établir ladite association par Messire Vincent de Paul, son aumônier, en ses villages de Folleville, Sérévillers et Paillart, de notre diocèse d’Amiens. Donné à Amiens sous notre scel et signé de notre secrétaire ordinaire, ce vingtième jour de septembre mil six cent-vingt.

Signé par Monseigneur Révérendissime

PICARD.

 

ÉTABLISSEMENT DE LA CONFRÉRIE

Je, Vincent de Paul, aumônier réal des galères de France et de madame la comtesse de Joigny, fais foi `a tous qu’il appartiendra que, de l’autorité de Révérendissime Monseigneur François, par la misération divine évêque d’Amiens, et en vertu de l’approbation qu’il a faite du règlement de l’association de la Charité ci-dessus transcrit, et de la permission qu’il. a donnée à madite dame de faire établir par moi ladite association en ses villages qu’elle a dans le diocèse d’Arniens, savoir Folleville, Paillart et Sérévillers, j’ai procédé à l’établissement susclit cejourd’hui dimanche, onzième jour d’octobre mil six cent et vingt, jour de dimanche et fête de saint François, après vêpres, le peuple étant assemblé à l’église dudit Paillart et au dedans la chapelle destinée pour ladite association, qui est celle qui est à

 

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main droite en entrant dans l’église, laquelle ci-devant s’appelait la chapelle Notre-Dame-de-Pitié ; là où, après avoir fait une exhortation tendante à faire voir en quoi consiste ladite association et le grand fruit qui en arrive, j’ai exhorté les personnes qui en voudraientêtre, dl s’approcher, de donner leurs noms ; sur quoi se sont présentées et [ont] requis être admises en ladite association les personnes ci-après nommées, savoir ladite dame Françoise-Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, Françoise Bourlier, Marie Collée, Claude Lendormie, Antoinette Collée, Marie Mazessat, Antoinette Desquenoy, Louise Tavernier, Françoise Bacourt, Louise Meurisse, Tvussanine Guillemin, Bénigne Coullaré, Jeanne Le Bret, Marie Truffar, Toussanine Coullaré, Marguerite Desmarest, Claude Godefroy.

Toutes lesquelles m’ont requis de les recevoir en ladite association ; ce que j’ai fait ; et ayant procédé à l’élection des officières, à la pluralité des voix, elles ont élu pour leur prieure Franc, oise Bourlier, femme d’Euctache Collée ; pour première assistante, Marie Collée ; et pour seconde assistante, Toussanine Guillemin ; et pour procureur de l’association, Antoine Menoiste.

Fait audit Paillart, en la présence de Messire Roland Vuarin, curé dudit lieu et recteur de ladite association, et de la plus grande partie du peuple, les jour et an que dessus

 

132. — CHARITE D’HOMMES DE FOLLEVILLE, PAILLART

ET SÉRIVILLERS

(23 octobre 1620)

Règlement pour les hommes qui seront reçus en l’association de la Charité, et prenlièrement de la fin de leur réception.

Les hommes seront reçus en l’association de la Charité établie, de l’autorité de Monseigneur le Révérendissime évêque d’Amiens, au village de Folleville, Paillart et Sérévillers, afin d’assister les pauvres valides de l’un et l’autre sexe demeurant èsdits lieux, et d’avoir motif de pratiquer et de faire pratiquer aux pauvres les exercices de piété ci-dessous contenus, lesquels ladite association a accoutumé de pratiquer pour honorer Notre-Seigneur Jésus, patron d’icelle, et sa sainte Mère, ct accomplir le grand désir qu’ils ont, que nous nous entr’aimions les uns les autres comme il nous ont aimés.

De la menière de pourvoir aux pauvres valides en leurs nécessités

Les enfants seront mis en métier aussitôt qu’ils auront âge compétent On distribuera par semaine aux pauvres impotents et vieilles gens qui ne peuvent travailler ce qui leur sera nécessaire pour vivre. Et pour le regard de ceux qui ne gagnent qu’une partie de ce qui leur fait besoin, l’association leur subviendra du reste.

L’on aura des brebis, lesquelles l’on distribuera aux associés, qui feront la charité de les nourrir au plrofit de ladite association, qui plus qui moins, selon leur pouvoir ; et les fruits provenant d’icelles brebis seront ven

Document 132. — Doc. aut. — Arch. de la Mission, original.

 

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dus tous les ans, environ la fête de saint Jean, par le visiteur, selon l’ordre qui lui en sera donné par les directeurs de ladite association ; et l’argent qui en proviendra sera mis ès mains du trésorier, en la présence du commandeur et du recteur ; et seront marquées les brebis de la marque de l’association et renouvelées de cinq en cinq ans.

Des offices en général

Les hommes associés, qui se nommeront serviteurs des pauvres, en éliront douze d’entre eux qui se nommeront assistants de la Charité, lesquels, pour perpétuer davantage cette association, feront un bon propos, en la manière ci-dessous transcrite, lequel ils renouvelleront tous les ans, d’observer le présent règlement et de procurer la conservation et augmentation de ladite association ; et ces douze en éliront trois d’entre eux, de deux en deux ans, le lendemain de la Pentecôte, dont l’un sera commandeur, l’autre trésorier et l’autre visiteur, lesquels, avec le recteur de ladite association, qui est un ecclésiastique, auront l’entière direction de ce qui regarde les pauvres valides seulement ; et advenant la mort de l’un desdits assistants, les associés en corps en nommeront un autre

Du commandeurr

Le commandeur présidera en l’assemblée avec ledit recteur, lesquels procureront conjointement [que] le présent règlement, ensemble toutes les résolutions qui seront prises en l’assemblée, soient observés et exécutés avec fidélité, charité et diligence

Du trésorier

Le trésorier représentera et aura l’autorité dudit commandeur en son absence ; recevra et gardera l’argent

 

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dans un coffre à deux alefs, dont le commandeur en aura l’une, et lui l’autre, sans qu’il puisse tenir en son pouvoir qu’autant qu’il faudra distribuer en un mois aux pauvres valides, ni ouvrir ledit coffre qu’en la présence du commandeur ou du recteur ; emploiera l’argent selon l’ordonnance desdits directeurs et en rendra compte annuellement, au jour qui lui sera ordonné, en la présence desdits directeurs, des assistants, du juge et procureur fiscal du lieu ; et de plus il écrira les résolutions des assemblées dans le registre qu’il gardera à cet effet.

Du visiteur

Le visiteur informera des pauvres honteux, veuves, orpholins, prisonniers et autres personnes affligées, pour les aller visiter et consoler et pour en faire le rapport aux assemblées, afin de les secourir comme il lui sera ordonné, sinon qu’en cas de nécessité pressante, il en conférera avec lesdits recteur ou commandeur, et suivra l’ordre qu’ils lui donneront. Il aura semblablement soin que tous les pauvres assistent aux catéchismes que ledit recteur fera ou fera faire chaque dimanche, ou de quinze en quinze jours, et que ceux qui seront en âge communient.

Des assemblées

Les directeurs s’assembleront d’ordinaire les premiers dimanches des mois, après vêpres, et plus souvent, s’il est expédient ; proposeront les besoins temporels et spirituels de l’association ; les résoudront à la pluralité des voix, qui seront colligées par le recteur, et, en son absence, par le commandeur, sans qu’il soit loisible à pas un, quand il aura donné sa voix, de rien repartir à celui qui le contredit et sera d’avis contraire ; et, au cas que lesdits directeurs soient mi-partie en leur opinion, les autres neuf assistants ou partie d’iceux qui se pourra

 

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trouver commodément, jusques au nombre de cinq, détermineront le différend à la pluralité des voix, qui seront colligées par le plus ancien d’iceux

De la messe, communion, litanies, exhortation et lecture du présent règlement, qui se doivent faire les premiers dimanches du mois.

Et afin que les serviteurs des pauvres profitent et se conflrment de plus en plus en l’esprit de charité, ils s`assembleront les premiers dimanches des mois en la chapelle de la Charité, où ils entendront messe le matin, et ceux qui auront dévotion de se confesser et communier, comme ils y sont tous exhortés, se confesseront et communieront ; et l’après-dîner, ils assisteront aux litanies de Notre-Seigneur ou de la Vierge, en suite desquelles leur sera faite une briève exhortation, ou bien lecture du règlement Et cela fait, les directeurs consulteront ensemble les affaires de l’association.

De l’amour envers Notre-Seigneur Jésus, patron de l’association,

et envers sa sainte Mére

L’un des principaux points que requiert cette association étant d’honorer Notre-Seigneur Jésus et sa sainte Mère, les Serviteurs des pauvres seront exhortés de leur porter un grand honneur et révérence en l’intérieur et de dire à cet effet chaque jour cinq fois Pater et cinq fois Ave Maria.

De la mutuelle charité que les serviteurs des pauvres

auront les uns envers les autres

Les serviteurs des pauvres auront une grande charité les uns envers les autres, s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions, donneront ordre que les saints sacrements leur soient administrés en temps et lieu, fe-

 

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ront prières communes et particulières à ce qu’aucun ne parte de ce monde qu’en bon état, et assisteront en corps tant à l’administration des saints sacrements qu’à l’enterrement desdits serviteurs et des servantes des pauvres, pour les âmes desquels on fera célébrer une messe ; et chaque particulier dira à leur intention le chapelet à sa commodité ; et est à noter que cette observation, comme aussi toutes les autres qui appartiennent au présent règlement, sont volontaires et sans aucune obligation à péché mortel ni véniel.

Du zèle que les serviteurs des pauvres auront à la conservation de l’association des femmes aussi bien que de la leur.

Et pource que l’association des hommes et celle des femmes est une même association, ayant même patron, même fin, et mêmes exercices spirituels, et qu’il n’y a que les ministères qui soient divisés, le soin des valides appartenant aux hommes et celui des invalides aux femmes, et que Notre-Seigneur ne retire pas moins de gloire du ministère des femmes que. de celui des hommes, voire que le soin des malades semble préférable à célui des sains, pour cela, les serviteurs des pauvres auront pareil soin de la conservation et augmentation de l’association des femmes que de la leur ; et, à cet effet, mettront la quatrième partie de leur revenu annuel, et plus, s’il est besoin, ès mains de la trésorière qui garde l’argent des femmes, au cas que le revenu des quêtes que font lesdites fem, mes ne suffise ; ce qui se pourra savoir par le moyen du recteur, comme étant supérieur de l’une et l’autre association. Et afin que lesdits directeurs sachent l’état des affaires de l’association des femmes, ils assisteront à la reddition de leurs comptes le lendemain de la fête de la Toussaint.

 

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Formulaire du bon propos des serviteurs des pauvres

Les assistants, comme dit est, pour rendre cette association de plus de durée, feront et prononceront le bon propos suivant en la présence du recteur, après vêpres, en la chapelle de la Charité, au jour de la Pentecote, ou le lendemain, et diront en la manière qui s’ensuit :

"Je… serviteur des pauvres de l’association de la Charité, élu assistant d’icelle, fais bon propos, en la présence de monsieur le recteur de ladite association, d’observer le règlement d’icelle et de procurer de tout mon pou, voir sa conservation et augmentation, moyennant l’aide de Dieu, laquelle je lui demande à cet effet.

A le… D

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

François, par la miséricorde divine évêque d’Amiens, sur la représentation qui nous a été faite, que l’association de la Charité établie de notre autorité ès villages de Folleville, Paillart et Sérévillers, de notre diocèse d’Amiens, n’est composée que de [femmes (l)] et en faveur des pauvres madades seulement, et que plusieurs hommes pieux et charitables désireraient être rec, us et associés en ladite association, tant pour prendre soi, n des pauvres malades, que pour avoir sujet de pratiquer les autres œuvres de piété de ladite association, nous avons approuvé et approuvons le zèle desdits hommes et le règlement ci-dessus dressé pour iceux, et permis et permettons qu’ils soient rec, us en ladite association par le recteur d’icelle, à la charge qu’ils se proposeront d’observer ledit règlement. Et de plus nous exhortons lesdits curés, recteurs de ladite association,

1). Texte de l’original : personnes.

 

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et autres à qui appartiendra de tenir la main et donner toute assistance à l’exécution de la présente, comme à un œuvre gravement important pour le bien commun des fidèles.

Donné à Amiens, ce vingt-troisième jour d’octobre mil six cent vingt.

 

133. — LA CHARITÉ MIXTEDE MACON

D’APRES LE RECIT DE M. L’ABBÉ LAPLATTE

(Septembre 1621)

L’année suivante 1623 (1) fut remarquable par un second établissement, bien plus utile que le précédent puisqu’il eut pour objet le soulagement de tous les pauvres de la ville, sains et malades, mendiants et honteux. Ce fut M. Vincent de Paul, curé de Châtillon-les-Dombes, qui y commença cette bonne œuvre. Quelque attention qu’eût eue A. Gaspard Dinet de renouveler la face du diocèse pendant les dix-neuf ans qu’il fut évêque, il ne lui fut pas possible de conduire ce grand ouvrage à sa perfection ; il resta encore bien des abus à réformer après sa mort. Un des principaux fut le désordre des pauvres de la ville. Ils vivaient dans une ignorance si profonde des vérités de la religion et croupissaient dans des habitudes si criminelles qu’on ne pouvait les voir sans étlonnemer.t. M. Vincent, que se ; vertus ont fait mettre avec justice au catalogue des saints, passant par Mâcon, vit lui-même ce triste spectacle ; sa charité en fut émue et son zèle lui fit chercher les moyens d’y remédier. Comme il était en Usage de faire quelques demandes sur les éléments de la religion aux pauvres qu’il soulageait, il fut surpris de trouver

Document 133. — Le travail de l’abbé Laplatte est resté manuscrit.

1). L’abbé Laplatte se trompe ; la Charité de Mâcon fut fondée en 1621. (Voir les documents 134 et 135)

 

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des vieillards âgés de soixante ans et plus qui ne connaissaient pas seulement Jésus-Christ et scs mystères. Le prix de ces pauvres âmes, qui se perdaient, fit sur son cœur une si vive impression qu’il résoltut à l’instant d’y mettre ordre, à quelque prix que ce fût.

Sa charité fut industrieuse ; il trouva bientôt des moyens qui lui parurent capables de remplir ses vues ; mais, présumant qu’on formerait bien des obstacles à cette bonne œuvre, il s’arma de fermeté. Ce qu’il avait prévu arriva Ayant communiqué son plan à quelques personnes de la ville, les unes en regardèrent l’exécution comme impossible, les autres le traiterent de téméraire et d’orgueilleux, qui voulait se mêler de ce qui ne le regardait pas ; les autres enfin, retenus par le respect humain, lui disaient que ce serait une bonne œuvre, mais qu’ils ne voyaient pas commen s’y prendre pour l’exécuter. Saint Vincent de Paul, bien loin de se rebuter par tant d’obstacles, reconnut, au contraire, que c’était le caractère des œuvres de Dieu d’être contredites, mais que la patience et la fermeté le rendraient vlctorieux.

En effet, il sut si bien manier les esprits de ceux qui gouvernaient dans la ville qu’enfin ils approuvèrent son plan et se prêtèrent à son exécution. On forma donc une assemblée de personnes charitables, qui se chargèrent de soulager avec ordre et discrétion tous les pauvres de la ville, mendiants et honteux, valides et malades. Pour fournir aux frais de cette bonne œuvre, les riches s’obligèrent, par écrit de donner chaque année du blé, du vin, de la viande, du bois et du linge, suivant leurs facultés.

Cette compagnie de personnes charitables convint de s’assembler tous les mercredis à Saint-Nizier pour y porter le produit de leur collecte, y indiquer les personnes de leur quartier tombées malades ou dans l’in

 

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dlgence, afin de les soulager la semaine suivante, faire retrancher du catalogue des pauvres ceux ou celles dont la misère aurait cessé, ou qui, s’étant mal conduits pendant la semaine, mériteraient d’être privés de l’aumône le dimanche suivant.

Les premières dames de la ville et un grand nombre de bourgeoisie se firent un honneur d’être de cette pieuse assemblée, de visiter deux fois par semaine les malades de leurs quartiers, leur procurer ce qui convenait à leur rétablissement, fournir les remèdes necessaires et enfin pourvoir à leur sépulture, si Dieu les appelait à lui. Les fonds nécessaires à procurer ces différentes chanités se tiraient de la caisse où les riches versaient leurs aulmônes chaque mois.

Monsieur l’évêque, Louis Dinet, Messieurs Chambon, doyen de la cathédrale, de Rhébé, prévôt de SaintPierre, Hugues Foillard, lieutenant général, animèrent et soutinrent sette bonne œuvre naissante par leurs soins et leur assiduité. Ils formèrent même un bureau composé de dix recteurs, savoir, deux ecclésiastiques, dont d’un présidait en l’absence de M. l’évêque, deux officiers de bailliage, deux officiers de l’élection, un avocat, un procureur et deux bourgeois, dont l’un était receveur. Ce règlement fut arrêté le 26 septembre 1623 (2).

A l’égard des pauvres, voici l’ordre que M. Vincent établit :

1° Il fit faire u, n catalogue de tous les pauvres qui demeuraient dans la ville, qui se monta environ à 300.

2° Il exigea d’eux qu’ils s’assembleraient tous les dimanches à Saint-Nizier, où ils entendraient la messe et l’instruction, s’y confesseraient une fois chaque mois et communieraient lorsqu’on les trouverait capables.

2). Ou plutôt le 16 septenbre 1621.

 

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3° Après l’office, tous les pauvres qui auraient assisté recevraient du pain et de l’argent à proportion de leur misère et du nombre d’enfants dont ils seraient chargés, qu’en hiver on y ajouterait du bois.

4° Que tous ceux qu’on trouverait mendier pendant la semaine dans les rues et dans les églises, ou dont les dames auraient fait de justes plaintes, n’auraient rien le dimanche suivant.

5° Que les pauvres passants seraient logés une nuit et renvoyés le lendemain avec deux sols.

6° Que les pauvres honteux indiqués par les dames ou autres personnes de probité seraient assistés sans éclat et pourvus dans leurs maladies des aliments et remèdes convenables pour accélérer leur guérison, s’il était possible.

7° Qu’enfin l’assemblée ne voulant pas fomenter la paresse des pauvres valildes, ni de leur famille, on ne leur donnerait que ce qui serait nécessaire pour suppléer aux modiques salaires de leurs travaux.

Lorsqu’on commença cette bonne œuvre, il n’y avait presque aucun fonds de prêt pour l’exécuter, mais M. Vincent parla d’une manière si forte et si touchante sur la nécessité et les avantages de l’aumône, sur la facilité qu’il y avait de la faire, soit en retranchant sur son luxe, sa table, son ameublement, ses vêtements, son jeu ; soit en donnant des grains, des meubles, des vieux linges ou habillements, si on n’avait point d’argent ; il fit si bien voir le bon ordre qui en résulterait à Mâcon, si on voulait entrer dans ses vues, que chacun s’empressa de seconder son zèle. On porta au lieu destine pour le dépôt des aumônes du grain, du pain, des légumes, du linge, du bois, des ustensilles de ménage, des habits, des lits, etc… Et bientôt on se vit en état d’entretenir ce bien naissant. M. Vincent, au comble de ses souhaits de voir ses peines suivies de succès, donna

 

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son aumône le premier, et continua sa route, dit l’auteur de sa vie.

Le Père Desmoulins, prêtre de l’Oratoire, était alors supérieur du séminaire de Mâcon, établi par M. Gaspard Dinet ; il vit lui-même tout ce qui se passa lors de cet établissement et l’écrivit d’une manière si naïve et si véridique que j’ai cru devoir copier le mémoire qu’il en laissa pour confirmer ce que j’ai rapporté jusqu’ici de ce saint établissement.

Si le lecteur trouve que je m’étends trop sur cet article, j’avoue que je passe les bornes d’une juste étendue, mais je le prie d’excuser mon intention. Il y a si longtemps que je désire voir cette sainte asse,~blée rétablie dans Mâcon que je saisis volontiers les occasions de faire connaître les moyens d’y parvenir, puisqu’il suffirait de suivre le plan que nous a laissé M. Vincent, en y faisant seuleument quelques changements relatifs au temps où nous vivons et aux circonstances où nous nous trouvons pour ne pas aigrir certains esprits.

"Je n’ai appris de personne, dit donc le P. Desmoulins, l’état des pauvres de Mâcon ; je l’ai reconnu moi-même ; car, lors de l’institution de cette assemblée de charité, comme il fut ordonné que, les premiers jours de chaque mois, tous les pauvres qui recevaient l’aumône se confesseraient, les autres confesseurs et mot trouvions des vieillards âgés de soixante ans et plus, qui nous disaient librement qu’ils ne s’étaient jamais confessés ; et lorsqu’on leur parlait de Dieu, de la Trinité, de l’Incarnation, c’était un langage qu’ils n’entendaient pas (3). Mais, par le moyen de cette pieuse con-

3). D’après Abelly (op. cit., L I, chap. XV, p. 61), le P. Desmoulins aurait ajouté à cet endroit "Or, par le moyen de cette confrérie, on pourvut à ces désordres, et en peu de ternps on mit les pauvres hors de leurs misères de corps et d’esprit. M. l’évêque de Mâcon, qui était alors Messire Louis Dinet, approuva ce dessein de M. Vincent ; mes-

 

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frérie de Charité que M. Vincent établit, on pourvut à ces désordres, et en peu de temps on remédia aux besoins du corps et de l’âme de cette multitude de pauvres. Près de 300 furent logés, nourris, vêtus et chauffés fort raisonnablement. 0n ne se vit plus obsédé, soit à l’église, soit dans les rues, par ces mendiants valides, qui ne sont occupés le jour entier qu’à chercher leur vie, sans respect pour les églises, sans égards pour ceux qui en méritent, sans ménagement pour ceux qui ne veulent pas céder à leurs importunités."

Les registres de la ville nous instruisent de plusieurs autres circonstances de cet établissement, qui en fait connaître de plus en plus le bon gouvernement et l’avantage qui en résultait Ils disent donc que, pour soulager 200 pauvres familles qui étaient à Mâcon, sans compter les mendiants, on avait fait un fonds : 1° de ce que le clergé et les citoyens aisés promirent de donner chaque année en argent, blé, vin, bois et habillements ; 2° de certaines amendes qu’on appliqua à cette bonne œuvre ; 3° des droits d’entrée de tous les officiers de la

sieurs du chapitre de la cathédrale et messieurs du chapitre de Saint-Pierre, qui sont des chanoines nobles de quatre races, l’appuyèrent

"M. Chambon, doyen de la cathédrale, et M. de Relets, prévôt de Saint-Pierre, furent priés d’en être les directeurs, avec M Failart, lieutenant général Il suivirent le règlement que donna M. Vincent : c’est à savoir qu’on ferait un catalogue de tous les pauvres de la ville qui s’y voudraient arrêter ; qu’à ceux-là on donnerait l’aumône en certains jours, et que, si on les trouvait mendier dans les églises ou par les maisons, ils seraient punis de quelque peine, avec défense de leur rien donner ; que les passants seraient logés pour une nuit et renvoyés le lendemain avec deux sous ; que les pauvres honteux de la ville seraient assistés en leurs maladies et pourvus d’aliments et de remèdes convenables, comme dans les autres lieux où la Charité était établie.

Cet ordre commenca sans qu’il y eut aucuns deniers communs ; mais M. Vincent sut si bien ménager les grands et les petits, qu’un chacun se porta volontairement à contribuer à une si bonne œuvre, les uns en argent, les autres en blé, ou en d’autres denrées, selon leur pouvoir ; de sorte que près de trois cents pauvres étaient logés, nourris et entretenus fort raisonnablement. M. Vincent donna la première aumône, et puis il se retira."

 

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ville ; 4° des quêtes que faisaient chaque dimanche les demoiselles de la ville.

Ces quatre objets réunis devaient former un fonds consldérable, puisque les registres ajoutent qu’on distribuait chaque dimanche, après la messe dite à Saint-Nizier, 1 200 livres de pain, 18 ou 20 fr. d’argent, 12 ou 15 fr. aux dames pour les pauvres honteux, sans compter le linge, le bois et le charbon, qui faisaient un objet considérable, 100 ou 120 fr. de gages aux apothicaires pour les remèdes, 20 fr. au chirurgien, 4 fr. par mois à deux femmes qui servaient les malades, 20 fr. aux bedeaux qui empêchaient les mendiants étrangers de séjourner dans la ville.

On peut juger par ce détail du bien que, produisit dans la vllle cet établissement ; mais les guerres qui survinrent 12 ans après, et la peste de 1629 et 1630 mirent les citoyens dans l’impuissance de fournir des fonds suffisants pour continuer les aumônes avec la même étendue. On vit passer leurs biens à des héritiers qui n’imitèrent pas la charité de ceux qui les avaient précédé,. Dès l’année 1639 et 1640, on s’aperçut sensiblement de cette diminution ; les échevins, pour suppléer, prièrent Louis XIII de permettre qu’on mît un impôt de 5 fr. sur chaque botte de vin pour soulager les pauvres, qui commençaient à souffrir beaucoup. On ignore la réponse de la cour ; mais l’histoire de France nous apprenant que les pauvres des provinces souffrirent beaucoup, depuis 1640 jusqu’en I659, à cause des guerres civiles occasionnées par la minorité de Louis XIV, ll est à présumer que ceux de Mâcon éprouvèrent le même sort.

Je n’ai, plus trouvé de mémoires instructifs sur cette assemblée de Charité jusqu’à l’année 1680, où deux respectables citoyens cherchèrent les moyens de procurer du pain dans] a vieillesse à ces anciens artisans qui,

 

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ayant porté les charges de la ville 30 à 40 années, se trouvaient réduits à la dernière misère, à cause du modique produit qu’ils retiraient du fruit de leur faible travail. Ils crurent que le meilleur moyen de réussir dans cette pieuse entreprise était de les réunir tous dans une même maisoin pour les servir plus aisément.

En conséquence, M. Etienne Mathoud, président de l’élection, qui, le premier, avait conçu ce noble dessein, acheta, rue Bourgneuf, en 1680, plusieurs maisons contigues, qui lui coûtèrent cent mille livres ; il y fit faire des portes de comrnunication pour la facilité de la desserte et commença à retirer plusieurs vieillards infirmes. Ce bel exemple de charité excita l’émulation de plusieurs autres personnes respectables. La seconde fut Joseph Bernard, dit le beau ; il donna aussi cent mille livres pour continuer la bonne œuvre.

Tels furent les commencements de l’hôpital de la Charité de notre ville, qui sert d’asile à un grand nombre de personnes affligées ou délaissées.

 

134. — LA CHARITÉ DE MACON

D’APRES LES REGISTRES DE L’HOTEL DE VILLE

(Septembre 1621)

Du jeudi seizième de septembre mil six cent vingt et un, en l’hôtel commun de la ville de Mâcon, où étaient assemblés M. Foillard, lieutenant général, prévôt en garde et juge royal de ladite ville ; M. Chandon, doyen en l’église cathédrale dudit Mâcon ; M. Demeaulx, lieutenant criminel ; M. Chandon, ci-devant lieutenant criminel ; Messire Benoît Buchet, procureur du roi au bail-

Document 134. — Arch. munic. de Mâcon, 22° livre secrétariat. Ce document a été publié par Henri Batault dans sa Notice historique sur l’Association des Dames de la Miséricorde de Chalon-sur-Saône, 1878, in-8, p.9.

Voir le Texte rétabli par B. KOCH (mai-juin 1996) _

XIII. — 32

 

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liage ; Messire Nicolas Moisson, avocat du roi ; Maître Pierre Desagie, honnête Claude Hugand, honorable Jean Desvignes, hon, nête Antoine de la Fonteyne, Maître Nicolas Bayard, échevins ; Maître Pierre Bruys, procureur syndic ; M. Antonin de Moras, M. Antonin Fevron, chevaliers et co-chapelains en l’église Saint-Pierre ; M. Antoine de Pise, président en l’élection, capitaine de ladite villle ; M. François de Rymon, lieutenant en ladite élection ; M. Alexandre Arcelin, prévôt de Nosseigneurs les maréchaux de France au pays du Mâconnais, élu en ladite élection ; Monsieur Salomon Chesnard, receveur du roi, lieutenant au premier capitaine de la dite ville ; Monsieur Pierre Desboys, avocat au bailliage ; Maître Philibert Mathoud, Maître Jean Bourchanin, procureurs audit bailliage ; et plusieurs autres honorables bourgeois et marchands : Valentin Sirauldin, Henri Olivier, Philibert Préau, Jean Molard, Etienne Perceval, Nicolas Aubel, Hugues Syon, Paui Grangier, Thibaut Correlier, Laurent Boivin, Henri Doudin, Simon Rossat, Cllaude de Veylle ; Jean Renard, Jean Cochouol, Nicolas Soldat, Antoine Trambly.

Ledit sieur Moisson a dit le sujet de cette assemblée être extraordinaire, s’agissant tant de piété que police.

La première est de pourvoir aux pauvres de cette ville, ainsi que Dieu le commande ; œuvre charitable qui se peut faire par les moyens que l’on a avisés, et qui évitera les importunités desdits pauvres aux églises et portes des maisons, où ils reçoivent librement des aumônes ; qui est cause que la plupart desdits pauvres, même les valides, ne veulaint rien faire. Il y a quelques années qu’on y voulut mettre ordre par un hôpital renfermé ; la visite ayant été faite, il ne s’y trouva la moitié des pauvres qui voulût se dire de la qualité, craignant d’être renfermés. Néanmoins, ayant appris l’expédient n’être propre, même à cause des mauvais déporte-

 

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ments des pauvres renfermés aux villes où ils ont été établis, ne fut passé outre en ce lieu de Mâcon.

Qu’il y a en ce moment un religieux prêtre de M. le général des galères, mû de piété et dévotion, qui est en cette ville et a coanmuniqué les formes par le moyen desquelles l’on a pourvu au soulagement et nourriture desdits pauvres tant à Trévoux qu’autres villes circonvoisines, la première étant de faire une exacte visite pour savoir le nombre des pauvres qui sont en cette ville, valides et invalides.

Le second point est que M. de Trémon, gouverneur de cette ville, a fait savoir comme les dames religieuses Carmélites désirent s’établir en cette ville, ne requérant que consentement des habitants, sans les constituer en aucuns frais ; ce à quoi la Compagnie est priée de délibérer.

M. le lieutenant général a dit que l’une et l’autre des propositions sont en tout louables et doivent être embrassées, pour être pieuses, dévotes et recommandables ; que si l’on peut, comme il est facile, établir cette Charité, elle évitera l’importunité des pauvres, s’assurant que, si chacun donne volontairement quelque chose, ce sera beaucoup moins que ce qu’ils donnent ondinairement en leurs portes et aux églises èsdits pauvres, lesquels il faut instruire, les faire craindre d’une crainte d’amour, qui est de les catéchiser et faire communier, pour les faire obéir volontairement, n’étant besoin d’aucun bâtiment, parce que l’on ne les peut tenir en maison renfermée, mais qu’il est nécessaire de veiller à faire choix de personnages capables pour en avoir soin et recueillir les charités et aumônes pour les distribuer, ainsi qu’il sera avisé pour le mieux, et, pour ce, faire une ample et exacte recherche des pauvres pour savoir le nombre tant des valides que des invalides, pour y pourvoir et leur faire entendre la forme des déportements

 

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et vies que l’on désire pour leur bien et salut, aviser de faire un fonds à aumônes volontaires pour un grenier et cellier, et faire apprendre quelques métiers aux jeunes enfants pour leur donner moyen de gagner leur vie, messieurs de l’église étant priés d’y contribuer, ensemble tout le corps de la ville en général et particulier, étant besoin d’établir les rereveurs et des troncs aux églises, boutiques, hôtelleries, s’assurant que les dames pieuses et dévotes s’adonneront à visiter et servir les pauvres malades ; et néanmoins toutes ces choses seront volontaires ; et pour directeurs et administrateurs, prendre de chacun corps de ville une ou deux personnes pour un an, et ainsi tour à tour.

Monsieur le doyen de Saint-Vincent a dit que c’est une extrême consolation de voir une augmentation et suitede la piété et dévotion que feu Monsieur de Mâcon a auparavant désiré d’établir, vraie marque du soin particulier que Dieu a de nous ; considéré que particulièrement les pauvres sont tant recommandables dans l’Evangile ; qu’encore qu’il semble y avoir de la difficulté, il faut croire que Dieu rendra toute chose facile, puisque non seulement il s’agit de la nourriture corporelle des pauvres, mais aussi de la spirituelle ; à quoi ils contribueront très volontiers, même du revenu de leur église destiné à l’aumône.

M. Chandon, ci-devant lieutenant criminel, a dit qu’il n’y a personne qui non seulement accepte, ains embrasse de cœur et affection ce qui a été proposé ; et puisqu’il s’agit de la charité et service de Dieu, venant à l’exécution, rien ne sera impossible.

Les sieurs Fevron et de Moras ont été priés de représenter à messieurs les prévôt et chanoines de l’église Saint-Pierre l’acheminement de cette tant louable Charité ; ce qu’ils onk promis de faire.

Monsieur le procureur du roi a dit que l’affaire est si

 

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pieuse et si dévote qu’il croit ores que cette assemblée ne soit si ample qu’il désirerait. Il ne se trouvera personne qui n’y prête consentement et ne contribue à l’aumône volontaire, joint l’instruction que les pauvres recevront tant à prier et servir Dieu, qu’aux œuvres de métiers où ils seront employés.

Il est aussi d’avis de la réception des dames Carmélites.

Monsieur le président de Pise a dit que l’une et l’autre des propositions sont si saintes et si louables qu’elles doivent être suivies et que volontier, il contribuera à la Charité.

Le sieur Sirauldin a dit que le Saint-Esprit a donné cette inspiration et qu’on doit suivre les propositions et commencer à travailler pour les pauvres.

Tous les autres personnages susmmés et présents ont été de même avis.

Quoi vu, pour l’acheminement d’une si sainte et louable Charité, d’un commun accord a été résolu que les dames Carmélites seront reçues en la ville de Mâcon ; que Messieurs de l’église sont dès à présent priés de nommer un personnage de chacun de leur chapitre, qui, avec les ci-après élus, feront le nombre de dix, qui seront directeurs et administrateurs de ladite Charité, savoir : les deux qu’il plaira à Messieurs de l’église de nommer, en outre de Monsieur le doyen, s’il lui plait ; M. le procureur du roi ; Messieurs Desagie et de la Fonteyne, co-échevins ; Monsieur le prévôt Arcelin ; M. l’avocat Desboys ; M. le receveur Chesnard ; M. Mathoud, procureur ; M. Sirauldin, bourgeois.

Six desquels pourront délibérer en l’absence des autres. Et sera commencé par la visite générale, qui sera faite pour savoir le nombre les pauvres tant valides qu’invalides ; que tous les dimanches, heure de midi,

 

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lesdits sieurs s’assembleront et prieront messieurs les administrateurs de l’hopital de les assister et qu’en l’église Saint-Nizier se trouveront tous lesdits pauvres pour ouïr la sainte messe, exhortation et catéchisme, aux jours qui leur seront ordonnés.

PERRIER.

Du vendredi dix-septième jour de septembre mil six cent vingt et un, en l’hôtel commun de la ville de Mâcon, où étaient assemblés Monsieur le lieutenant général, M. Ie doyen Chandon, M. Moisson, avocat du roi, M. le prévôt Arcelin, M. Desboys, avocat, M. Salomon Chesnard, receveur du roi, M. Pierre Desagie, honorable Antoine de la Fonteyne, Messire Philibert Mathoud, procureur, honorable Valentin Sirauldin.

A été proposé que, pour commencer l’établissement de la charité chrétienne, suivant les consentements et résolutions du jour d’hier, pour pourvoir aux pauvres de cette ville, est besoin treuver deniers, du moins deux cemts écus, attenldant les aumônes et charités des gens de bien.

Ledit fait mis en considération, a été résolu qu’il est besoin recueilLir et joindre toutes les rentes, pensions et fondations destinées à l’aumône pour parvenir à ce, et que tout présentement l’on commencera à faire la visite générale pour savoir le nombre des pauvres ; ce dont sera averti mondit sieur de Mâcon, pour le prier d’autoriser et bénir l’œuvre.

Lesdits sieurs s’étant à même instant acheminés vers Monsieur de Mâcon, auquel ayant été représenté ce qui s’est passé, a dit qu’il loue Dieu d’une si sainte intention, autorisant dès à présent tout ce qui a été et sera fait, priant lesdits sieurs vouloir continuer tous si bonne œuvre, à laquelle il désire contribuer.

PERRIER.

 

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135. — LA CHARITÉ MIXTE DE MACON

D’APRES LE REGISTRE DES DELIBERATIONS CAPITULAIRES

Du vendredi dix-septième jour du mois de septembre mil six cent vingt-un, au chapitre et lieu capitulaire de l’église de Mâcon, au son de la cloche, à la manière accoutumée, séants vénérables et égrèges seigneurs Messires Nicolas Chandon, doyen ; François de Pise, chantre, Noël Denaups, de Mâcon, Daniel L. aurent, de Rousset, Gratien Bernard, de Verissey, Jean de Nobles, de Vaux-Renard, archidiacres ; François de Mouthaudry, Pierre Jouchet, Jean Pommier, Philibert Allegré, Aimé Demeaulx, Antoine Bergier, Philibert Morel, Louis Denaups et Jean Dinet, chanoines capitulaires, assistés de Messire François Broyer, procureur général desdits seigneurs.

A remontré M. le doyen qu’il fut hier aippelé en maison de ville, où il fut fait cette proposition par un eccléciastique, soi-disant aumô, nier de M. le général des galères, pour pourvoir à la nourriture et aliment des pauvres qui mendient tant par la ville que par les églises, afin de se rédimer de l’ennui de plusieurs personnes qui mendient sans aucune nécessité, où aurait eu lieu ladite assemblée, avertis MM de Saint-Pierre pour y assister ; mais, n’y ayant aucun desdits sieurs en la ville, on aurait prié M. Fevron et M. Deucoras d’y assister pour donner avis auxdits sieurs du contienu de ladite assemblée, laquelle fut qu’il était délibéré qu’on nommerait un ou deux de ladite Compagnie pour assister messieurs les lieutenants généraux civil et criminel avec messieurs les échevins et commissaires députés pour faire inventaire du nombre des pauvres qui sont

Document 135. — Arch. munic. de Mâcon, actes capitulaires de l’église de Macon.

 

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en ladite ville, et après treuver moyen pour nourrir ceux qui ne pourront travaliller tant à cause de la maladle que pour la vieillesse, et ceux qui pourront travailler les y contraindre, ordonner des personnes pour l’instruction de la jeunesse, et des prêtres pour leur dire messe les dimanches et fêtes de l’année, et que, pour subvenir audit entretien, qu’un chacun donnera à sa volonté pour les aumônes, qui sera à une boîte ou à un tronc qu’on établira a toutes les églises pour ramasser ce qu’il plaira à un chacun donner.

A laquelle remontrance, mesdits sieurs ont nommé ledit sieur doyen pour aviser à ladite institution, à là charge de rien promettre ni donner du revenu de leurs aumônes, que premièrement ils n’aient avertissement du tout ; ce que ledit sieur doyen a accepté, avec déclaration qu’il a faite de rien octroyer sans donner avis auxdits sieurs de tout ce qu’ils leur demanderont, et n’accepte ladite charge que pour cette année seulement.

 

136. — REGLEMENT D’UNE CHARITE MIXTE

JESUS, MARIA

Règlement de la Compagnie de la Charité

La Compagnie de la Charité sera instituée en la ville de… pour assister corporellement et gpirituellement les pauvres de ladite ville et des villages dépendants d’icelle : spirituellement, en leur faisant enseigner la doetrine et la piété chrétienne ; et corporellement, en faisant apprendre des métiers et gagner leur vie à ceux qu, i pvurront travailler, et donnant moyen de vivre aux autres. C’est aussi pour assister les pauvres malades de ladite ville, selon l’ordre de l’association de la Charité

Document 136. — Arch. de la Mission, ancienne copie.

 

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établie audit M… (1), quli sera, par ce moyen, unie à ladite Compagnie ; en façon néanmoins que, pour éviter la confusion, le ministère sera divisé : le soin des sains appartenant aux hommes, et celui des malades et de tout ce qui en dépend, aux femmes, sans que les officiers de ladite Compagnie commis à cela puissent prendre aucune connaissance de ce qui dépend de ladite association, la direction temporelle de laquelle appartient et appartiendra au recteur et officiers de ladite association, icomme il a fait jusques à maintenant, selon les règlements ci-dessous transcrits ; ladite union n’étant que ipour avoir, même patron et mêlmes exercices spirituels, les premiers dimanches du mois, suivant le règlement de ladite association ci-dessous transcrit ; accomplissant en cela le commandement que Dieu nous fait au quinzieme [chapitre] du Deutéronome, de faire en sorte que nou’s n’ayons point de pauvres qui mendient, entre nous ; et le désir qu’il a, que nous nous entr’aimlions et procurions le salut spirituel et corporel les uns des autres, comme son Fils Jésus nous a aimés, et procuré incessamment le nôtre.

Du patron

Le patron de cette Compagnie sera Notre-Seigneur Jésus, qui est la charité même.

Des personnes dont elle sesa composée

Elle sera composée d’hommes et de femmes, qui seront de vertu et Iprobité connus, qui se nommeront serviteurs et servantes des pauvres, dont celles-ci ne seront reçues que du consentement de leurs maris, pères et

1). Probablement Mâcon.

 

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mères, et, pour éviter à confusion, seront réduits et les uns et les autres à un certain nombre.

Des offices, et premièrement du commandeur

Il s’élira premièrement un commandeur, qui prési dera ès assemblées avec monsieur le curé, lesquels procureront ensemble que le présent règlement et les ordonnances qui se feront ès. assemblées, s’observent et exécutent avec fidélité, charité et diligence.

Des assistants ou conseillers

L’on élira en outre deux de la Comlpagnie pour être conseillers desdits sieurs prieur curé et commandeur, l’un desquels représentera ledit sieur commandeur en son absence et fera son office.

Du trésorier

La Compagnie élina aussi un trésorier, qui recevra et gardera l’argent de ladite Compagnie, et l’emploiera selon l’ordonnance d’icelle, et en rendra compte tous les ans ; et de plus il écrira les résolutions de ladite Compagnie dans un registre qu’il gardera à cet effet.

Du visiteur.

L’on élira finalement un visiteur, lequel aura soin de s’informer des pauvres honteux, veuves, orphelins, des pauvres prisonniers civils et criminels et de toutes autres personnes affligées, pour les visiter et consoler, et pour les secourir, selon que le cas le requerra et que l’assemblée l’ordonnera ; il aura soin, en outre, de faire en sorte que tous les pauvres aillent au catéchisme deux fois la semaine, et se confessent et communient les premiers dimanches des mois.

 

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De l’élection desdits officiers

Lesdits officiers seront élus par ladite Compagnie à la pluralité des voix, et seront en charge deux ans seulement.

Du devoir des serviteurs des pauvres

Les serviteurs des pauvres visiteront, chacun leur jour, par ordre, la manufacture dressée en faveur des pauvres ; tiendront la main à ce que les pauvres fassent leur devoir et que toutes choses aillent selon le règlement, avertissant lesdits sieurs prieur et commandeur de ce qu’il y faudra, afin qu’ils y mettent ordre ; quêteront les dimanches et fêtes, chacun à leur tour, et pratiqueront Les exercices spirituels ci-dessous contenus.

De la manière de pourvoir aux nécessités des pauvres

et leur faire gagner leur vie

Tous les pauvres… sont ou petits enfants de quatre à sept ou huit ans, ou petits garçons de huit a quinze ou vingt ans, ou d’âge parfait, mais impotents ou vieuxt qui ne peuvent gagner qu’une partie de leur vie, ou décréplits, qui ne peuvent rien faire. L’on donnera aux petits enfants, aux impotents et aux décrépits ce qu’il leur faudra pour vivre par semaine ; à ceux qui gagneront une partie de leur vie, la Compagnie leur donnera l’autre ; et pour les jeunes garçons, l’on les mettra à quelque petit metier, comme de tisserand, qui ne coûte que trois ou quatre écus pour chaque apprenti ; ou bien lon dressera une manufacture de quelque ouvrage facile, comme de bas d’estame, comme s’ensuit.

De la manufacture

L’on assemblera tous les jeunes garçons en une maison de louage propre, où l’on les fera vivre et travail

 

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ler sous la direction d’un ecclésiastique et la conduite d’un maître ouvrier, selon le présent règlement.

L’office de l’ecclésiastique de la manufacture

L’office de l’ecclésiastique sera d’enseigner aux apprentis et tous les autres pauvres la doctrine et piété chrétienne, savoir, les jours de fête, après vêpres, à l’église, et, le mardi et vendredi, à la manufacture, à une heure après midi ; à quoi il vaquera une demi-heure ou environ ; de conduire lesdits apprentis avec ordre, deux à deux, à la messe et à vêpres, les fêtes et dimanches, et, le samedi et veilles des grandes fêtes, à vêpres seulememt, et les ramener de même ; faire confesser et commu, nier tant desdits apprentis, que les autres pauvres de l’aumône, tous les premiers dimanches des mois et fêtes solennelles ; et d’assister au dîner et sou, per desdits apprentis, sans qu’il lui soit loisible d’aller aux champs, ni de recevoir aucun pauvre à ladite manufacture, que du consentement des officiers de la Charité.

Du devoir du maître ouvrier de la manufacture

Le devoir du maître ouvrier sera d’enseigner son métier aux enfants que les officiers de la Charité mettront à La manufacture, selon l’ordre ci-contenu, sans qu’il lui soit loisible de prendre, ni de renvoyer aucun apprenti pour raison que ce soit, que de l’ordonnance desdits officiers de la Charité, auxquels appartient l’entière direction de la manufacture.

Des apprentis de la manufacture

Les pauvres apprentis, avec leurs pères et mères, s’obligeront de parole, avec serment, d’enseigner gratis leur métier aux pauvres enfants de la ville qui viendront ci-après, lorsque les officiers de ladite Charité

 

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leur ordo. nneront, à la charge que lesdits apprentis qu’ils enseigneront seront nourris par ladite Compagnie.

Emploi de la journée de la manufacture

Lesdits pauvres se lèveront à quatre heures du matin, seront habillés à quatre heures et demie, prieront Dieu jusques à cinq, travailleront jusques à ce que la première messe sonne, laquelle ils iront entendre par ordre deux à deux, retourneront de même, déjeuneront à huit heures, dîneront avec silence et lecture à midi, goûteront à trois heures et demie, souperont à sept, se récréeront juques à sept trois-quarts, feront leurs prières et l’examen de conscience, et après se coucherant à huit heures.

De l’exercice du premier dimanche des mois

Lesdits serviteurs et servantes des pauvres, pour s’acquérir de plus en plus le vrai esprit de charité, se trouveront, les premiers dimanches des mois, en la chapelle de la Charité, pour entendre la sainte messe qul s’y dira pour ladite Compagnie incontinent après Laudes, se confesseront et communieront, si leurs affaires leur permettent, et assisteront après vêpres aux litanies de Jésus ou de la Vierge, avec un cierge allumé à la main, et entendront l’exhortation qui se fera ; puis les officiers traiteront ensemble des besoins spirituels et temporels des pauvres et de la manufacture, faisant chacun d’iceux rapport de ce qu’il aura fait à raison de son office, et consulteront tous ensernble des moyens d’y pourvoir, à la pluralité des voix, qui seront colligées par ledit sieur prieur curé, ou, en son absence, par le commandeur, sans qu’il soit loisible à pas un, après qu’ill aura donné sa voix, de disputer contre les autres qui auront été d’avis contraire.

 

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De l’exercice de chaque jour et de lacharité mutuelle

des serviteurs et des servantes des pauvres

Pour honorer Notre-Seigneur Jésus et sa sainte Mère et pour obtenir leurs bénédictions sur l’œuvre, ils diront chaque jour cinq fois le Pater noster et cinq fois l’Ave Maria, et de plus, pour nourrir un amour mutuel et conserver l’esprit de Jésus entre eux, ils se visiteront malades, se conforteront affligés, s’assisteront à l’administration des saints sacrements et à l’enterrement. Et se dira un service pour chaque serviteur et servante de, pauvres qui viendra à décéder, le tout néanmoins sans obligation à péché mortel ni véniel.

Du moyen d’entretenir cette dépense

L’entretien de cette dépense est fondé partie sur le revenu annuel de l’hôpital, partie sur les quêtes que les serviteurs des pauvres font ès églises les fêtes et dimanches, chacun à son tour, et partie sur les troncs qu’on met aux hôtelleries, où leshôtesses font la charité de demander quelque chose à ceux qui vont chez elles. Quoi que ce soit, la bonté de Dieu y a pourvu si bien jusques à maintenant, que rien n’a manqué à l’entretien de l’œuvre ; de quoi il est digne qu’on lui rende grâce et qu’on le loue ès siècles des siècles, puisque, par ce moyen, l’on accomplit le désir qu’il a que nous ayons soin des pauvres, que les riches s’acquièrent un milli~n de bénédictions en ce monde et la vie éternelle en l’autre, que les pauvres sont instruits à la crainte de Dieu, enseignés à gagner leur vie et assistés en leurs nécessités, et que filnalement les villes seront délivrées de plusieurs fainéants, tous vicieux, et méliorées par le commence des ouvrages des pauvres.

 

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137. — CHARITÉ MIXTE DE COURBOIN

(19 juin 1622)

De la fin à laquelle elle sera instituée

L’association de la Charité sera instituée… les faire catéchiser tous les dimanches et fréquenter les sacrements tous les premiers dimanches des mois, nourrir et médicamenter les pauvres malades, aider à bien mourir.

Des personnes dont elle sera composée

Elle sera composée d’hommes, femmes et filles, dont celles-ci…

Du ministère des hommes

et premièrement de la manière de pourvoir aux valides

Les directeurs de l’association mettront les pauvres enfants…

De quoi s’entretiendra la dépense des pauvres valides

En quelques endroits, la dépense des valides s’entretient des quêtes que les serviteurs des pauvres font ès églises tour à tour les dimanches et fêtes ; en d’autres, d’une partie du revenu des hôpitaux et de ce que chaque habitant donne charitablement par semaine ; en d’autres, de quelques brebis qu’on achète, et lesquelles ceux qui en ont déjà font charité de nourrir, qui une, qui deux, qui plus, qui moins, chacun selon son pouvoir ; et la laine qui en procède est vendue au profit de l’association. Départent plusieurs ensemble pour en-

Document 137. — Arch. de la Mission, copie. Ce règlement ressemble beaucoup à celui de Joigny (document 128). Pour ne pas tomber dans des répétitions inutiles, nous renvoyons à ce dernier chaque fois que nous omettons une partie du texte.

 

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nourrir un seul, selon qu’il y a plus ou moins d’associés et de pauvres, en façon qu’ils donnent à chaque pauvre qui ne peut travailler une livre et demie de pain par jour et quelque morceau de fromage ou de beurre ; et à ceux qui gagnent une partie de leur vie, on leur donne six ou huit livres de pain par semaine. Et moyennant ce, les pauvres sont obligés d’entendre la première messe tous les jours, assister au catéchisme et l’apprendre, et se confesser et communier tous les premiers dimanches des mois, comme dit est au premier article.

Des officiers

Pour le gouvernement de l’association des hommes, la Compagnie élira trois associés à la pluralité des voix, lesquels, avec un ecclésiastique, qui sera recteur de ladite association, auront l’entière direction d’icelle et seront nommés, l’un prieur, l’autre trésorier et l’autre visiteur des pauvres, lesquels seront en charge deux ans seulement.

Du recteur

Le recteur sera supérieur du ministère des hommes et de celui…

Du prieur

Le prieur procurera de tout son pouvoir conjointement avec le recteur…

Du trésorier

Le trésorier représentera et aura l’autorité du prieur en son absence… en la présence desdits directeurs et des associés, du juge et procureur fiscal qui y assisteront, si bon leur semble, sans toutefois demander ou espérer aucun salaire ; et écrira ledit trésorier les résolutions des assemblées dans un registre qu’il gardera à cet effet.

 

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Du visiteur des pauvres

Le visiteur des pauvres s’informera des pauvres honteux, veuves, orphelins et autres personnes affligées pour les aller visiter…

De l’associé servant

Pour convoquer les sieurs directeurs et les associés lorsque le recteur ou le prieur l’ordonneront, ou l’un des officiers, chacun en son ordre, lesdits directeurs nommeront un associé pour être associé servant de ladite Charité, qui sera semblablement en exercice deux ans seulement ; et advenant qu’il le faille envoyer aux champs, ou employer plus de deux heures de temps pour ladite association…

De ce qui regarde le gouvernement des femmes pour les pauvres malades et premièrement de la réception d’iceux.

Les pauvres malades seront reçus au soin de l’association par la prieure et d’avis du recteur et autres officières, reblanchis et confessés le même jour qu’ils auront été admis au soin de l’association, et le lendemain communiés.

De la nourriture des malades

Chaque malade aura à dîner autant de pain qu’il en pourra raisonnablement manger…

De l’ordre que tiendront les dames de la Charité pour servir les malades

Les dames de la Charité apprêteront chacune leur jour le manger des malades, le porteront en leur maison et leur serviront…

 

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De l’enterrement des pauvres décédés

Et afin que ladite association pratique entièrerement les œuvres de miséricorde…

De quoi s’entretiendra la dépense des pauvres malades

Dieu, par sa divine Providence, a jusque maintenant suffisammcnt pourvu à la dépense de cette œuvre, tant par les quêtes que les dames de la Charité font tour à tour dans les églises en quelques lieux chaque jour, et en autres les dimanches et fetes…

Des offcières en général

Pour la direction de la Charité des femmes, il y aura trois officières, qui seront : l’une prieure, l’autre trésorière et l’autre garde des meubles ; lesquelles, avec ledit sieur recteur et un Procureur, auront l’entier gouvernement de l’œuvre des pauvres malades et de ce qui en dépend, seront en charge deux ans seulement, et élira-ton ainsi que les hommes

De la prieure

La prieure procurera de tout son pouvoir que le présent règlement soit observé par les dames de la Charité et que les résolutions des assemblées s’exécutent promptement et charitablement ; bref, elle gouvernera cette famille de Notre-seigneur homme une femme honnête gouverne sa maison.

De la trésorière ou première assistante

La trésorière représentera la prieure et fera sa charge en son absence, recevra et gardera l’argent dans un coffre à deux clefs, dont la prieure en aura l’une, et elle l’autre, sans qu’elle puisse tenir en son pouvoir de l’ar-

 

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gent de l’association, qu’autant qu’il en faudra pour nourrir les pauvres malades un mois durant, ni ouvrir ledit coffre qu’en la présence de 1a prieure ; emploiera l’argent selon l’ordonnance des recteur, prieure et garde des meubles ; et en rendra cornpte annuellement, en la présence desdits recteur et directeur de l’association des hommes, du procureur, de la prieure, de la seconde assistante, du juge et procureur fiscal, en la manière que dessus, lesquels ajouteront entièrement foi aux parties mises en dépense, à la charge de n’ouvrir les troncs et boites mises ès hotelleries qu’en la présence de l’un desdits sieurs ; et se rendront lesdits comptes en la chapelle de la Charité, après vêpres, le lendemain de la fête de Toussaint. Afin que ceux qui y doivent assister n’en prétendent cause d’ignorance, le recteur les publiera en chaire le jour auparavant ; ce qui s’observera aussi à la reddition des comptes des hommes, le lendemain de la Pentecôte.

De la garde des meubles ou seconde assistante

La garde des meubles servira de conseil à la prieure, comme la trésorière, gardera les meubles de ladite association, fera blanchir et accommoder le linge quand il sera nécessaire, et, sortant de charge, rendra compte de ce qui lui aura été mis en main.

Du procureur de la Charité des femmes

Les officières éliront un procureur le lendemain de ladite fête de Toussaint, pareillement de deux ans en deux ans. Son devoir sera d’assister le recteur en toutes les conférences qu’il fera avec les officières et de garder les biens immeubles de ladite association des femmes, à condition toutefois de ne bailler à ferme, ni faire aucun contrat qu’en la présence et consentement desdits

 

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recteur et officières, et de mettre les deniers ès mains de la trésorière, sou, dain qu’il les aura reçus, laquelle lui donnera quittance ; au moyen de quoi il demandera valablement décharge.

De la garde des pauvres malades

Les dames de la Charité choisiront deux pauvres femmes pieuses pour garder les malades réduits à l’extrémité et destitués d’autres secours, lesquelles seront payées des deniers communs de l’association et admises au corps d’icelle, et s’appelleront gardes des pauvres malades ; elles serviront aussi pour avertir les dames de la Charité lorsqu’il faudra qu’elles s’assemblent.

Des choses communes aux serviteurs et servantesdes pauvres.

De l’élection des officiers et officières

Les officiers se déposeront de leur charge le lendemain de la Pentecôte, de deux ans en deux ans, et en présenteront de nouveaux à ladite association assemblée en corps, après vêpres dudit jour, laquelle les agréera, si bon lui semble, à la pluralité des voix, et on en nommera et établira d’autres ; et les officières feront de même le lendemain de la Toussaint

De la fidélité des officiers et officières à n’admettre pour être participants aux aumônes de l’association sinon les vraiment pauvres et vraiment malades.

La Charité n’étant instituée que pour les personnes vraiment pauvres et vraiment malades, les officiers n’admettront aux aumônes de l’association que ceux et celles qu’ils jugeront aussi en leur conscience vraiment pauvres et malades. Et afin que la faveur, qui est la perte des bonnes œuvres, ne se glisse pas en celle-ci, lesdits officiers et officières entrant en charge, promet-

 

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tront qu’ils ne s’emploieront, directement ni indirectement, pour faire admettre ès aumônes de ladite association

De la messe, communion, litanies, exhortations et lecture du présent règlement, qui se doit faire les premiers ou troisièmes dimanches des mois.

Et afin que les personnes de la Charité profitent et se confirment de plus en plus en l’esprit de charité, elles s’assembleront, tous les premiers ou troisièmes dimanches des mois, en la chapelle destinée pour la Charité, où entendront la messe le matin ; ceux et celles qui auront dévotion de se confesser et communier, comme tous y seront exhortés, se confesseront et communieront. L’après-dînée..

De l’amour de Notre-Seigneur

Un des principaux points de cette association étant d’honorer Notre-Seigneur et sa sainte Mère, le, personnes de la Charité seront exhortées de leur porter un grand honneur…

De la mutuelle charité qu’ils doivent avoir les uns envers les autres

Les associés et associées auront une grande charité, s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions, donneront ordre que les saints sacrements leur soient administrés en temps et en lieu, feront prière, communes et particulières à ce qu’aucune âme associée ne parte de ce monde qu’en bon état, et assisteront en corps tant à l’administration des saints sacrements qu’à l’enterrement des associés et gardes des pauvres malades, pour lesquelles âmes on fera célébrer…

 

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Du zèle que les associés auront de la conservation de la Charité des femmes aussi bien que de la leur

Et pource que la Charité des hommes et celle des femmes n’est qu’une même Charité, ayant même fin et mêmes exercices, et qu’il n’y a que le ministère qui soit divisé, le soin des valides appartenant aux hommes, et celui des invalides aux femmes, et que Notre-Seigneur ne retire pas moins…

Formulaire dubon propos des serviteurs et des servantes des pauvres

Pour davantage perpétuer cette association, le recteur d’icelle… et tous les associés et associées feront de même assez haut après lui, et dira le recteur : "Je… associé de l’association de la Charité, me propose d’observer le règlement d’icelle et de procurer de tout mon pouvoir la conservation et augmentation de ladite association moyennant l’aide de Dieu, laquelle je lui demande humblement à cet effet."

 

APPROBATION DE LA CONFRÉRIE

Monsieur Monsieur l’évêque de Soissons, ou Monsieur son grand vicaire.

Supplie humblement dame Françoise-Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, disant qu’ayant su par expérience les grands biens qui arrivent de l’association de la Charité établie en plusieurs de ses villes et villages, elle désirerait la faire établir en ses villages qu’elle a dépendants de votre évêché et de la baronnie de Montmirail. Ce considéré, Monseigneur, il vous plaise de permettre ledit établissement de la Charité en cesdits vil-

 

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lages selon le règlement ci-dessus contenu, et de commettre le sieur Vincent de Paul, prêtre, bachelier en théologie, son aumônier, pour faire ledit établissement, et vous ferez une œuvre agréable à Dieu, obligerez ladite dame et ferez un grand bien aux pauvres.

Fait à Montmirail, ce sixième de mai mil six cent vingt-deux.

FRANÇOISE-MARGUERITE DE SILLY.

 

Nous, Charles de Macqueville, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique évêque de Soissons, ayant vu les statuts et ordonnances ci-devant écrites de l’association de la Charité, ensemble la requête aussi écrite de l’autre part, avons permis et par ces présentes permettons à ladite dame de faire établir ladite association de la Charité en tous les villages à elle appartenants dans notre diocèse, et, pour cet effet, commettons Monsieur Vincent de Paul, prêtre et bachelier en théologie, son aumônier, pour faire ledit établissement, donnant quarante jours d’indulgence à tous ceux et celles qui entreront en ladite association.

Fait à Soissons, le treizième jour du mois de mai mil six cent vingt-deux.

CHARLES, év. de Soissons.

 

ÉTABLISSEMENT DE LA CONFRÉRIE

Aujourd’hui dix-neuvième de juin mil six cent vingt-deux, en l’église paroissiale de Courboin, en la présence du frère Pierre Dieu, curé du dit Courboin et religieux profès de Saint-Jean-des-Vignes, et de dame Françoise-Marguerite de Silly, comtesse de Joigny, baronne de Montmirail et dame dudit lieu de Courboin, et de la plus grande partie des habitants dudit Courboin, assemblés en ladite église, heure de vêpres, moi,

 

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Vincent Depaul, prêtre, bachelier en théologie et aumônier de madite dame, député par Monseigneur l’évêque de Soissons pour faire l’établissemelnt de l’association de la Charité audit Courboin et autres villages dépendants de l’évêché dudit Soissons et appartenants à madite dame, selon qu’il est porté par la permission de mondit seigneur l’évêque, ci-dessus transcrite, dont l’orginal a été mis entre les mains des officiers de la Charité de Chamblon, fais foi à tous qu’il appartiendra qu’en vertu de ladite permission j’ai établi et établis ladite association de la Charité en ladite église de Courboin et au dedans la chapelle ci-devant nommée de Notre-Dame, qui est la plus proche du grand autel de ladite église ; laquelle chapelle sera ci-après nommée la chapelle de Jésus ou de la Charité ; et qu’ayant fait entendre en quoi consiste ladite association et expliqué les articles du règlement d’icelle ci-dessus contenus, j’ai exhorté ceux qui en vodront être de paraître et de donner leurs noms. Sur quoi, se sont présentés les soussignés et nommés, qui m’ont requis de les inscrire en ladite association ; ce que j’ai fait ; et premièrement ledit sieur curé dudit Courboin, J.-P. Dieu, Françoise-Marguerite de Silly, V. Lorain, Jacques Clément, P. Brission, Jean Lillesson, N. Gutinot, Nicolas Naudé, J. Hiernaut, Ch. Pourié, Cl. Mariquot, J. Guillou, L. Brission, N. Naudé, G. Tizon, E. Dubois, Sarrasin, Denis Dubois, J. Brission, P. de la Noue, J. le Jeune.

Outre lesquels ci-dessus signés, il en est d’autres qui se sont inscrits en ladite association, les noms desquels sont inscrits de l’aubre côté ; où il faut entendre que les femmes sont de la Charité aussi bien que leurs maris.

Et procédant à l’élection des officiers, ont été élus Pierre Naudé pour prieur, Gilbert Merlin pour trésorier, Jacques Clément pour visiteur des pauvres et

 

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Claude Conte pour associé servant ; et pour les officières : Jeanne Dubois, femme de Pierre Sarrasin, pour prieure ; Jeanne Roses, femme d’Augustin Dubois, pour trésorière ; Marguerite Naudé, femme de Jean Aymon, pour seconde assistante ; et Pierre Brission pour procureur des malades. Fait audit Courboin les jour et an que dessus.

V. DEPAUL, prêtre.

 

138 — CHARITE MIXTE DE MONTREUIL

(11 avril 1627)

Nous Vincent de Paul, prêtre, licencié en droit canon, principal du collège des Bons-Enfants, joignant la porte Saint-Victor, en vertu du pouvoir à nous donné par Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, d’ériger et établir la confrérie de la Charité ès lieux de son diocèse que nous jugerons être convenables, avons, de l’autorité susdite et du consentement des habitants de la paroisse de Montreuil, sur le bois de Vincennes, icelle érigée et établie, érigeons et établissons audit Montreuil ; et pour éviter la multiplicité de confréries, avons, du c~nsentelnent des confrères de la confrérie du Saint-Nom-de-Jésus, uni et incorporé, unissons et incorporons ladite confrérie de la Charité à celle du Saint-Nom-de-Jésus établie audit Montreuil, au moyen que lesdits confrères ont promis et promettent de pratiquer les saints exercices suiivants, qui ont accoutumé de se pratiquer en ladite confrérie de la Charité, qui sont :

Document 138. — Doc. autog. — Arch. des Filles de la Charité, original.

 

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D’assister spirituellement et corporellement tous les pauvres malades de ladite paroisse de Montreuil : spirituellement, en aidant à bien mourir ceux qui tendront à la mort, et faisant faire résolution de ne jamais plus offenser Dieu à ceux qui guériront ; et corporellement, en leur administrant toutes les choses nécessaires pour leur nourriture et médicaments, après qu’ils auront été confessés et communiés.

Qu’à cet effet lesdits confrères et sœurs serviront, chacun leur jour, selon l’ordre du pain bénit, lesdits pauvres malades ; leur apprêteront à dîner et à souper et leur apporteront à leurs maisons ; donneront à chaque malade autant de pain qu’il en pourra manger, demi-chopine de vin, mesure de Paris, par repas, et cinq onces de mouton ou de veau au dîner, autant au souper, ès jours de chair ; et ès jours maigres, deux œufs et un peu de beurre, le matin, avec un potage, et le soir autant. Et seront admis lesdits pauvres malades au goin de ladite confrérie et congédiés palr M. le curé et les maîtres d’icelle.

Que pour subvenir à la dépense de la nourriture desdits malades, lesdits confrères et sœurs quêteront chacun tour à tour, les dimanches et fêtes, en ladite église de Montreuil, et bailleront la quête le même jour au trésorier, qui sera l’un des maîtres de ladite confrérie du Saint-Nom-de-Jésus, en l. a présence de l’autre, qui tiendra le contre-rôle desdites quêtes.

Que l’argent de ladite confrérie sera gardé dans un coffre à trois clefs, dont chacun des maîtres gardera la sienne, afin que l’un d’eux ne puisse toucher à l’argent sans l’autre ; et que, pour le courant de la dépense, le trésorier, qui sera l’un desdits maîtres, gardera quatre écus, et non plus, entre ses mains, et sera tenu de rendre compte en la présence des habitants de la paroisse, au jour porté par le règlement de ladite confrérie du

 

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Saint-Nom-de-Jésus. Et afin que chaque confrère sache mieux ce qu’il est obligé de faire, le présent règlement sera lu tout haut à l’église par monsieur le curé, ou par tel autre qu’il lui plaira, tous les premiers dimanches du mois, après vêpres, un an durant, et après cela, une fois l’an, le jour de la fête de ladite confrérie, après vêpres, le tout sans obligation à péché mortel, ni véniel. Fait audit Montreuil, l’onzième jour du mois d’avril mil six cent vingt-sept, en présence des soussignés.

VINCENT DEPAUL.

FRANÇ [OIS], Archev. de Paris.

 

139. — CHARITE DE FEMMES

DE LA PAROISSE SAINT-SAUVEUR A PARIS

(1629)

L’ordre de la confrérie instituée en l’église Saint-Sauveur par monsieur le curé dudit lieu pour la visite des pauvres malades de ladite paroisse. Avant que les dames y aillent, le médecin, qui est Monsieur Lévesque, médecin de la Faculté de Paris, les va voir et leur ordonne ce qui leur est nécessaire, tant pour médecines que saignées, et l’on porte lesdites ordonnances à la supérieure pour les signer et admettre lesdites malades à la confrérie, si elle reconnaît, par la recherche prompte qu’elle en fait, qu’ils soient de la qualité requise :

Qui est qu’il y ait trois mois au moins qu’ils demeurent en ladite paroisse, et que ce ne soit point une maladie trop longue, pou, rce qu’il y en a qui durent quelquefois des sept ou huit mois et plus ; qui causerait, pour la longueur du mal, que l’on n’en pourrait pas solliciter plusieurs autres.

Document 139. — Doc. autog. — Arch. de la Mission, original.

 

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Ledit médecin envoie par écrit à ladite supérieure certificat si les dames y peuvent aller sans hasard ; ou, s’il n’en a encore su avoir la connaissance, à cause qu’il y a des maux cachés, il donne un autre billet pour leur envoyer nourriture, telle qu’il juge être nécessaire.

Et tout ce afin que les dames ne se mettent en hasard et que ladite confrérie subsiste pour toujours.

L’homme d’église qui fait cette charité, il est nécessaire qu’il voie lesdits malades tous les jours, pource qu’il arriveibeaucoup d’accidents aux malades.

L’on élit trois dames pour avoir le soin de ladite confrérie, que l’on nomme la supérleure, la trésorière et la garde des meubles de ladite confrérie.

Cette élection [est] faite par les voix de plusieurs personnes assemblées pour l’institution de ladite confrérie, auxquelles on donne à chacune leur charge.

La supérieure a la charge de voir les malades qu’elle peut aller voir par l’ordonnance du médecin. Elle les doit visiter deux fois la semaine, avec une de ses compagnes, et n’y doivent point aller seules, ni avant que manger.

La trésorière garde l’argent.

Et pour ce faire, l’on quête tous les dimanches par l’église [pour] les pauvres malades du lieu, laquelle quête est faite par les femmes et non par les filles.

Les dames supérieures ne peuvent rien faire sans le conseil l’une de l’autre.

La garde des meubles aura soin des matelas, draps, couvertures, chemises et autres ustensiles nécessaires aux malades, pource que cela est grandement nécessaire qu’il y ait une garde des meubles.

L’on pouvait dire, avant qu’une confrérie de la Charité soit érigée : "Nous n’avons point de meubles pour les pauvres" ; mais, quand on fait l’assemblée, après l’élection l’on demande à toutes les dames qui se sont

 

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fait enregistrer pour icelle ce qu’elles veulent donner. L’une dira : "Je donne deux, trois draps", et les autres "Des chemises" ; et ainsi se suivent, et en même temps on l’écrit, de crainte d’en perdre la connaissance, et, en ce lcaisant, on s’ameuble pour les pauvres malades.

Et lesdits meubles, la dame qui garde iceux se donne la peine, pour l’amour de Dieu, d’avoir soin de les prêter auxdits malades, et les retire, à ce qu’il n’y ait rien de perdu.

Les dames d’icelle confrérie doivent avoir la charité de se visiter l’une l’autre pendant qu’elles sont malades ou affligées, et s’assister à leur mort, et faire dire une messe l’une pour l’autre après le décès, et communier à son intention.

 

140. — FIN D’UN REGLEMENT DE LA CHARITE

DE LA PAROISSE SAINT-SAUVEUR A PARIS

(1629)

…Pour ce, il est nécessaire de faire marcher à l’apothicaire pour les lavements et médecines, ensemble au chirurgien pour les saignées, cautères et ventouses

Et quand la trésorière les paye, qui est de mois en mois, elle doit recevoir les billets signés du médecin et de la supérieure.

Pour le boucher, boulanger et tavernier, il est besoin aussi de faire prix arrêté, pour toute l’année, de la livre de veau et de mouton, de la douzaine de pains et de la pinte de vin.

Document 140 — Doc. nutog. — Arch. de la Mission, original. Nous n’avons plus le premier ou les premiers feuillets de ce document. Au dos, M. Portail a écrit : "Instruction pour la confrérie de la paroisse Saint-Sauveur de Paris." A la suite, une autre main a ajoute : "Ce titre est de la main de M. Portail. Ecrite toute de la main de Vincent de Paul, qui écrivait comme cela quand il était âgé de 30 à 40 ans. "

 

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Pour la règle de la visite des pauvres et pour la confrérie instituée et les dames enrôlées, elles iront par l’obéissance de leur supérieure.

Il y en a qui font faire la visite par l’ordre du pain. bénit. Cette visite se doit faire tous les jours deux fois, qui est de leur porter à dîner et à souper, aux dépens de ladite confrérie, et les faire manger soi-même sans s’attendre à personne.

Les trois supérieures commenceront, le premier jour de cet Institut, à faire le pot au feu ; et visiteront deux. dames ensemblement ; l’une fera le pot un jour, et ensuite l’une après l’autre.

Pour chaque soldat, ils lui donneront deux ou trois bouillons, dix onces de viande, qui est veau et mouton, un pain, selon la prudence de ceux qui les visiteront, pource que l’on ne saurait dire aisément cela, car il y a des malades à qui il n’en faut point pour n’en pouvoir manger. Ceux qui ne peuvent manger de viande, on leur donne des œufs.

Pour le vin, on en donne demi-setier à chaque malade pour sa journée, pourvu que le médecin le trouve à propos.

Il faut prendre le pain, le vin et la viande à la taille, et on le trouve bon.

Pour les jours maigres, on leur donne un potage aux herbes, trois œufs, un petit morceau de beurre et deux pommes pour ceux qui font maigre.

Quant à la visite des pauvres malades, elle est très utile pour leur salut et pour le nôtre, car, en cette visite, l’on peut instruire les pères, mères et leurs enfants et savoir bien de leurs nouvelles, qui est propre à leur conversion, et les inciter à se confesser et communier de mois en mois, à vivre en paix en leur famille, et les instnuire en chrétiens.

Pour la supérieure, elle doit remarquer quand les ma-

 

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lades sont capables d’être ôtés de ladite visite, et, deux ou trois jours auparavant elle les doit avertir que l’on les congédiera et qu’ils louent Dieu de ce qu’il leur a donné la santé, qu’ils ne passent point de temps en péché et qu’ils se relèvent promptement par une sainte confession.

 

14 — REGLEMENT DE LA CHARITÉ DE FEMMES

DE LA PAROISSE SAINT-NICOLAS-DU-CHARDONNET A PARIS

(1630)

La Compagnie des femmes de la Charité de Saint-Nicolas-du-Chardonnet sera instituée en la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, unie à la confrérie du très Saint Sacrement, pour honorer Notre-Seigneur Jésus-Christ, patron d’icelle, et sa sainte Mère, pour assister les pauvres de la paroisse : spirituellement, en procurant que ceux qui tendent à la mort partent de ce monde en bon état, que ceux qui guériront fassent résolution de ne plus offenser Dieu ; et corporellement. en leur administrant la nourriture et les médicaments.

Ladite Compagnie sera composée d’un nombre limité de femmes et de filles, lesquelles en éliront trois d’entre elles, à la pluralité des voix, qui seront colligées par M. le curé, dont l’une sera supérieure, l’autre trésorière et l’autre garde des meubles. Et ces trois auront l’entière direction de la Compagnie, avec M. le curé et un pieux paroissien par lui nommé. Et lesdites officières, lesquelles seront dix-huit mois en charge, en sorti. ont les unes après les autres le lendemain de la saint Jean et du premier jour de l’an ; auxquels jours il sera pro-

Document 141. — Bibliot. Ste-Geneviève, ms. 710, f° 7 et suiv., copie. Le règlement semble des débuts de la confrérie de Saint-Nicolas (1630).

 

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cédé à nouvelle élection, à commencer par la garde des meubles, puis la trésorière et, après, la supérieure, lesquelles pourtant pourront être continuées le même temps de dix-huit mois, pour une fois seulement, s’il est jugé à propos.

La supérieure prendra garde à ce que le présent règlement s’observe, que chacune de ladite Compagnie fasse bien son devoir, recevra au soin d’icelle les pauvres malades, aura soin qu’ils se confessent et communient promptement et qu’ils soient assistés à l’heure de la mort, tant que faire se pourra, par un ecclésiastique, et les congédiera, de l’avis des autres officières, après celui du médecin.

La trésorière servira de conseil à la supérieure, gardera l’argent dans un coffre à deux serrures différentes, dont la supérieure aura une clef et elle l’autre, excepté qu’elle pourra garder dix écus entre ses mains pour servir au courant de la dépense, fera recette par écus de tout ce qui sera donné et pareillement dépensé, dont elle rendra compte le lendemain qu’elle sortira de charge, en la présence de M. le curé et du paroissien par lui nommé et des deux autres officières.

La garde des meubles servira aussi de conseil à la supérieure, les gardera, fera blanchir et accommoder le linge, aura soin de les faire bailler et retirer des malades, comme aussi ce qui sera nécessaire pour accommoder dûment les chambres des pauvresmalades quand on leur portera le très Saint Sacrement, où les dames de la Compagnie pourront assister quand elles en seront averties et qu’elles le pourront fort commodément ; et rendra compte ladite garde des meubles le lendemain de sa déposition.

Les femmes de la Charité s’estimeront bien heureuses d’être choisies de Dieu pour servantes des pauvres, qui le représentent si efficacement ; et pour se rendre capa-

 

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bles de les servir dignement, feront tout leur possible d’apprendre à vivre en bonnes chrétiennes, ce qui leur sera facile, assistant le plus qu’elles pourront, elles et leur famille, au prône, catéchisme et service de leurs paroisses, Communieront du moins les premiers dimanches du mois, s’agenouilleront, avant de se coucher et incontinent après être levées, pour adorer Dieu, rendront, en tout ce qu’elles pourront, honneur au très Saint Sacrement de l’autel, assistant le plus qu’elles pourront au service qui s’en fait en la paroisse, et tou] ours porteront respect aux églises, où elles se doivent tenir avec la décence d’un chrétien.

Les dames de la Compagnie servirant les pauvres malades chacune leur jour deux à deux ; quêteront tour à tour à l’église les fêtes solennelles ; assisteront à la messe basse les premiers jeudis des mois, ou les seconds, quand il arrivera fête au premier, qui se fera dire des aumômes des dames de la Charité, tant pour les pauvres qui seront décédés chaque mois, comme pour prendre nouvelle force et courage pour servir les mal. ades, s’unissant toujours plus fortement par les mérites du saint sacrifice, communiant à pareil jour, si la commodité leur permet ; s’entre-chériront comme des sœurs que Notre-Seigneur a alliées de l’alliance de son saint amour ; s’entre-visiteront et consoleront en leurs afflictions et maladies ; feront leur possible de mettre quelqu’une à leur place avant de mourir ; assisteront en corps à l’enterrement de celles qui mourront, en tant qu’elles pourront. Y en aura quelque nombre qui assistera à celui des pauvres malades qu’elles auront servis en leurs maladies ; procureront que lesdits pauvres qui mourront soient toujours portés à l’église, et sur leur corps chantée quelque prière avant les enterrer ; feront dire, à leurs dépens, un service pour chacune des dames de la Compagnie, après la mort ; se confesse

XIII. — 34.

 

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ront et communieront pour elles le jour de leur décès, ou le plus tôt qu’elles pourront, comme aussi pour M. le curé et la personne par lui nommée, arrivant leur décès.

Elles auront soin de faire visiter les pauvres malades par un médecin ou chirurgien, avant de les admettre au soin de la Charité, desquels seront averties lorsqu’il y aura danger de peste.

Et à cause que ladite paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet est remplie de pauvres de toutes sortes, quand, après les provisions des malades faites, le médecin, apothicaire, chirurgien et garde étant payés, le fonds excédera la somme de onze cents livres, le surplus sera distribué aux autres pauvres, préférant toujours les pauvres honteux valétudinaires à ceux qui prennent peine à gagner leur vie.

Les dames officières de la Charité choisiront une femme pour garder les pauvres mallades, en cas de nécessité, pour porter la marmite, donner les lavements et pour avertir la Compagnie, quand il sera besoin, des assemblées ; ce que l’on fera, pour le moins, de trois en trois mois.

Il sera donné à chaque pauvre autant de pain qu’il en pourra manger, cinq onces de veau et de mouton à chaque repas, avec un potage, excepté que, pour le souper, on s’accommodera au goût des pauvres malades en ce qui ne pourra préjudicier à leur santé ; et quand ils auront besoin de vin, par l’avis du médecin, il leur en sera donné au plus un demi-setier par jour ; et lorsque les malades ne pourront user de viandes solides, il leur sera baillé plus de bouillon et quatre œufs pour leur journée, et autant pour les jours maigres, avec un potage au beurre, auquel il y aura quelque peu de jaune d’œuf.

Et finalement les dames de la Charité auront un grand soin et désir du salut des âmes des pauvres, au-

 

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quel elles aideront tant par leurs prières que petites instructions, et moyenneront, si faire se peut, que Dieu soit honoré dans les familles de la paroisse et qu’il puisse pour l’avenir y avoir une maîtresse d’école qui enseigne parfaiteiment les pauvres.

Prendre le nom de servantes des pauvres.

Faire élection des officières à la pluralité des voix ; et, après que les of ficières seront élues, qu’elles demandent à M. le curé un paroissien pour leur servir de conseil au besoin.

Délibérer quand les dames de la Charité visiteront les malades et s’il ne sera pas à propos que ce fût plus tôt que plus tard, à condition qu’an n’entrera pas dans maisons où il y aura. eu depuis Pâques de la peste, laissant l’ordinaire à la porte.

Supplier M. le curé de nommer un médecin et convenir avec les officières de ce qui lui sera donné, comme aussi au chirurgien.

Avertir les dames qu’il n’y a point de linge pour le pauvres, sans eh demander pourtant, mais leur nommer la garde des meubles, à qui elles pourront bailler ce qu’elles voudront, pour peu que ce soit ; et quand quelques-unes auront dévotion de donner pour ensevelir les morts, qu’elles le disent précisément en le baillant.

Ne point nommer les personines qui baillent à l’assemblée, pourlne point faire peine aux autres.

Bien recommander que chacune, visitant son jour, ne donne point d’argent et ne mette point plus au pot que l’ordinaire, leur étant permis néanmoins de donner pour subvenir aux nécessités qu’elles reconnaissent, quand elles en auront dévotion, mais en un autre jour.

 

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142. — CHARITE DE FEMMES D’ARGENTEUIL

(1634)

A Monseigneur Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris, ou Monsieur son grand vicaire.

Supplie humblement Messire Pierre Blaise, prêtre, bachelier en droit canon, curé d’Argenteuil, disant qu’ayant su les grands biens qui arrivent à l’établissement de la Charité des pauvres malades aux lieux où elle est établie, désirerait la faire établir en la paroisse dudit Argenteuil, selon les règlements ci-dessous, et, ce considéré, Monseigneur, il vous plaise permettre l’établissement de ladite confrérie audit Argenteuil et d’approuver lesdits règlements et de commettre Maître Vincent de Paul, supérieur de la congrégation des prêtres de la Mission, pour former ledit établissement ; et ledit suppliant et ses paro ssiens prieront Dieu pour votre heureuse et longue vie.

De la fin pour laquelle la confrérie sera instituée

La confrérie de la Charité sera établie en l’église paroissiale dudit Argenteuil pour honorer Notre-Seigneur Jésus, patron d’icelle, et sa sainte Mère et pour assister les pauvres malades dudit Argenteuil spirituellement et corporellement : spirituellement, en procurant que ceux qui mourront partent de ce monde en bon état et que ceux qui survivront fassent résolution de ne jamais plus à l’avenir offenser Dieu ; et corporellement, en leur administrant ce qu’il faudra pour leur nourriture ; finalement pour accomplir l’ardent désir qu’a Notre-Seigneur que nous nous aimions les uns les autres.

Document 142. — Doc. signé. — Arch. de l’hospice d’Argenteuil (Seine-et-Oise), origrinal.

 

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Du patron

Le patron de la confrérie sera Notre-Seigneur Jésus-Christ.

De quelles personnes elle sera composée

Elle sera composée d’un certain nombre d’honnêtes et pieuses femmes et filles, dont celles-là ne seront admises que du consentement de leurs maris, et celles-ci de celui de leurs pères et mères, lesquelles seront appelées servantes des pauvres, et d’un honnête habitant, qui sera leur procureur.

Des officières

Les servantes des pauvres en éliront trois d’entr’elles, qui auront la direction de ladite confrérie, avec l’avis de M le curé et celui dudit procurèur, dont l’une desdites directrices ou officières sera prieure, une autre première assistante, et l’autre seconde.

De la supérieure

La supérieure fera son possible poùr que le présent règlement s’observe en toutes ses parties, que chacune des servantes des pauvres fasse son devoir, que les pauvres soient bien assistés, et elle procurera l’augmentation du revenu de ladite confrérie, gardera une des clefs du coffre où se tiendra l’argent, et renverra les pauvres malades au soin de ladite confrérie, après avoir été confessés et communiés.

De la première assistante

La première assistante servira de conseil à la prieure, gardera l’argent du courant de la dépense et l’une des clefs du coffre, dans lequel le surplus de l’argent sera gardé, et en rendlra compte tous les ans le jour de saint Louis.

 

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De la seconde assistante

La seconde assistante servira aussi de conseil à la prieure, gardera les meubles de ladite Charité et reblanchira le linge.

Du devoir de chaque servante des pauvres

Elles regarderont les pauvres malades comme leurs enfants desquels Dieu les a constituées mères, les serviront de la manière ci-dessous, chacune leur jour, quêteront tour à tour les dimanches à l’église, assisteront à la messe de ladite confrérie, qu’elles feront dire les premiers dimanches du mois aux dépens de ladite confrérie, et aux litanies qui se chanteront les susdits dimanches après vêpres ; et celles qui pourront le faire commodément se confesseront lesdits premiers dimanches du mois, diront le chapelet trois fois à la mort de chaque servante des pauvres et une fois pour chaque pauvre qui mourra et qu’elles auront assisté, une fois le Pater et l’Ave, le matin et le soir, pour la conservation spirituelle et temporelle de ladite confrérie et pour ceux qui lui feront du bien.

De la manière que les servantes des pauvres tiendront

pour servir lesdits malades

Elles serviront lesdits pauvres malades chacune leur jour, comme-dit est, de façon que celle qui sera de jour ira prendre la chair chez le boucher, le pain chez le boulanger et le vin à l’hôtellerie, avec des tailles, sur lesquelles elle fera marquer ce qu’elle prendra. Elle apprêtera le dîner, le portera aux malades, les fera dîner à neuf heures du matin, et fera de même pour le souper environ cinq heures du soir Et celle-ci ayant fait sa journée, elle avertira celle qui doit la suivre comme quoi

 

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c’est à elle de servir les malades le lendemain, lui baillera les tailles et lui dir. a le nombre et l’état des malades.

De la manière de nourrir les malades

Chaque malade aura quatre ou cinq onces de chair de mouton ou de veau pour chaque repas, autant de pain qu’il en pourra raisonnablement manger et un demi-setier de vin, mesure de Paris Aux jours maigres, au lieu de chair il aura deux œufs pour chaque repas.

De la charité mutuelle entr’elles

Elles s’entre-chériront comme des sœurs qui font profession d’honorer Notre-Seigneur en meme esprit, en la vertu qu’il a plus parfaitement pratiquée et plus affectionnée et recommandée, qui est celle de la charité, et, à cet effet, elles s’entre-visiteront et s’entr’aideront, saines et malades, prieront les unes pour les autres, notamment au temps de maladie et à la mort, comme dit est ; bref feront tout leur possible à ce quelles partent de ce monde en bon état et feront dire deux services pour celles qui décéderont là, le tout néanmoins sans obligation à péché mortel, ni véniel.

De l’élection des officières et du compte de la trésorière

L’élection des omcières et de leur prieure se fera de deux ans en deux ans, le jour suivant saint Louis, par les servantes des pauvres, à la pluralité des voix ; et les comptes se remdront le même jour, en la présence dudit sieur curé et de chacune, en la chapelle de ladite Charité, et sera tenue la trésorière de remettre entre les mains de celle qui lui succéde l’argent qu’elle a de reste en même temps ; et la seconde assistante sera également tenue de bailler aussi en même temps les meubles à celle qui la suit.

 

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Nous, Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, comseiller du roi en son conseil d’Etat et prince et grand maître de sa chapelle, après avoir vu la requête et les règlements de la confrérie de la Charité ci-dessus, avons approuvé et approuvons lesdits règlements, et permis au sieur Vincent de Paul, ou autre prêtre de la susdite Mission d’établir ladite confrérie de ladite Charité en la paroisse d’Argenteuil, à la charge que les exercices qui devront se pratiquer les premiers dimanches du mois se feront hors le temps auquel on a accoutumé de faire le divin service de paroisse ; et nous avons donné de plus quarante jours d’indulgence, le premier dimanche de chaque mois, à ceux qui entreront dans ladite confrérie

Fait à Paris, le 17è jour de mars mil six cent trentequatre.

D. E. GÉRARD, vicaire général.

 

ÉTABLISSEMENT DE LA CONFRÉRIE

Nous, Vincent Depaul, prêtre, supérieur des prêtres de la congrégation de la Mission, faisons foi à tous ceux qu’il appartiendra qu’en vertu de la permission ci-dessus de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris, par laquelle nous avons été commis pour l’établissement de la confrérie de la Charité en l’église d’Argenteuil, nous, de l’autorité susdite, le peuple étant assemblé, après leur avoir fait entendre en quoi consiste ladite confrére et recu les noms des ci-dessous nommés et signés, qui ont déclaré désirer etre associés à ladite confrérie, avons icelle établie et établissons audit Argenteuil ; et, ce fait, avons procédé à l’élection des officières et d’un procureur ; et ont été nommées oflicières, à la pluralité des voix, savoir : dame Louise Imard, femme de M. Jean Dubois, mar-

 

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chand drapier, pour supérieure ; Anne Féron, femme de Macé, marchand boucher, pour trésorière ; Marguerite Labilon, veuve d’Antoine David, pour garde des meubles ; et ledit Macé, boucher, pour procureur.

Fait audit Argenteuil le jour de saint Barthélemy, vingt-quatre août mil six cent trente-quatre.

VINCENT DEPAUL.

 

 

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QUATRIEME PARTIE

 

 

 

DOCUMENTS RELATIFS AUX FILLES DE LA CHARlTÉ

 

 

143. — REGLEMENT DES SŒURS DE L’HOPITAL D’ANGERS

(1641) (1)

Les Filles de la Charité des pauvres malades s’en vont à Angers pour honorer Notre-Seigneur, père des pauvres, et sa sainte Mère, pour assister les pauvres malades de l’Hôtel-Dieu de ladite ville corporellement et spirituellement : corporellement, en les servant et leur administrant la nourriture et les médicaments ; et spirituellement, en instruisant les malades des choses nécessaires à salut, et procurant qu’ils fassent une confession générale de toute leur vie passée, à ce que, par ce moyen, ceux qui mourront partent de ce monde en bon état, et que ceux qui guériront fassent résolut on de ne jamais plus offenser Dieu.

La première chose que Notre-Seigneur demande

Document 143. — Il y a dans les archives des Filles de la Charité deux projets du règlement d’Angers, le second écrit de la main même de saint Vincent. Celui-ci étant une mise au point du premier, c’est lui que nous suivons ici. Au reste, les différences sont peu nombreuses et de peu d’importance.

1). Date marquée au dos du premier projet.

 

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d’elles, c’est qu’elles l’aiment souverainement et qu’elles fassent toutes leurs actions pour l’amour de lui ; et la seconde, qu’elles s’entre-chérissent entre elles, comme des sœurs qu’il a liées du lien de son amour, et les pauvres malades, comme leurs seigneurs, puisque Notre-Seigneur est en eux, et eux en Notre-Seigneur.

Elles seront infiniment reconnaissantes de la grâce d’avoir été tirées de la lie des filles et des veuves, et appelées de Dieu en un état divin auquel les rois et les reines ont cherché et trouvé leur sanctification.

Elles s’étudieront à avoir à mépris ce que le monde estime, et estimeront ce que le monde méprise, pour l’amour de Jésus-Christ, qui nous en a donné l’exemple ; et pour cela, chacune cherchera tout mépris et se mortifiera en toutes choses et préférera les emplois vils et abjects aux honorables et tiendront ferme contre toute, tentations qui leur arriveront au contraire.

Elles renonceront à l’affection charnelle de leurs parents et de leurs pays, et la changeront en spirituelle, selon le conseil de Notre-Seigneur, qui nous dit que nous ne pouvons etre ses disciples, si nous ne haissons pères et mères, et que nul prophète est sans honneur, sinon en son pays.

Elles seront fidèles à l’observance de leur règlement et à ia façon de vivre propre de leur petite Compagnie et à l’acquisition des solides vertus, notamment à avoir une pure intention de plaire à Dieu en toutes choses et d’aimer plutôt mourir que de lui déplaire ; et, pour ce, travailleront incessamment au renoncement de leur propre volonté.

La pauvreté sera exactement gardée entre elles, ccmme un moyen qui les doit conserver dans leur vocation, avec l’aide de Dieu ; et pour cela chacune choisira toutours pour soi ce qui sera plus pauvre ; n’auront argent,

 

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ni autre chose en leur particulier, ni ailleurs ; ménageront le bien des pauvres comme le bien de Dieu (2) ; ne recevront, ni donneront aucun présent ; se contenteront du vivre, du vêtir et du coucher qui leur sera donné ; bref elles se ressouviendront qu’elles sont nées pauvres, qu’elles doivent vivre en pauvres, pour l’amour du pauvre des pauvres, Jésus-Christ Notre-Seigneur, et qu’en cette qualité elles doivent être extrêmement humbles et respectueuses envers tout le monde, et tenir la vue basse en parlant aux personnes. Elles useront de toutes les précautions imaginables pour conserver leur chasteté et garderont leurs sens extérieurs et intérieurs ; ne parleront seules aux hommes, non pas même aux prêtres ou aux religieux de la maison ; garderont toujours la pauvreté de leur habit et de leur coiffure.

Elles obéiront à leurs supérieurs de cette ville de Paris pour la discipline et conduite intérieure, et à messieurs les administrateurs pour l’extérieur qui regarde leurs règlements de l’hôpital pour l’assistance des pauvres, et à la supérieure d’entre elles pour l’exécution desdits règlements, et généralement en tout ce qu’elle leur ordonnera ; et leur obéissance sera prompte, gaie, entière, constante, persévérante en toutes choses, et avec soumission de leur propre jugement et de leur volonté, estimant toujours que ce qui est ordonné est le meilleur ; et nulle ne parlera, écrira, ni recevra des lettres que de l’ordre de la supérieure, si ce n’est de leur supérieur.

Elles seront contentes que leur supérieure soit avertie de tous leurs manquements par celles qui les auront vus, diront tous les soirs les fautes qu’elles auront faites le long du jour. et cela bonnement, humblement et sim-

2. Ces mots "méngeront le bien des pauvres comme le bien de Dieu se trouvent dans le second projet seulement.

 

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plement, et reœvront la pénitence que leur supérieure leur ordonnera à cet effet.

Se confesseront et communieront tous les dimanches ; entendront la messe tous les jours ; feront une demiheure d’oraison le matin, et autant le soir ; feront un petit examen devant le repas, touchant la vertu qu’elles se seront proposé d’acquérir, et l’examen général le soir ; liront chaque jour un chapitre de la lecture spirituelle qui leur sera ordonné, outre celle de table (3).

Elles se lèveront précisément à quatre heures du matin, s’offriront à Dieu à leur réveil, l’adorant, le remerciant de la grâce qu’il leur a faite de bien passer la nuit ; lui demanderont pardon, si elles l’ont offensé ; lui offriiront leurs pensées, leurs p. aroles et leurs œuvres du jour et lui demanderont la grâce de passer la journée en ison amour, et diront à cet effet : Benedicta sit sancta et individua Trinitas, nunc et semper, et per infinita seculorum secula. Amen.

A quatre heures et demie, elles se rendront à leur petit oratoire, feront l’oraison mentale jusques à cinq heures, diront ensuite les litanies de Jésus et deux dizaines de leur chapelet, puis elles iront achever de s’habiller et faire leurs lits.

A six heures, les se rendront à la salle des malades, videront les pots, feront les lits des malades, nettoieront les salles, donneront les médecines, prendront un peu de pain et un doigt de vin, avant d’y aller, au commencement de leur entrée dans ledit hopital ; et les jours de communion elles prendront l’odeur d’un peu de vinaigre, ou s’en frotteront les mains. A sept heures, elles feront déjeuner les plus malades.

3. Dans son second projet, le saint a écrit en marge de cet alinéa : "Cet article sera le quatrième."

 

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d’un bouillon ou d’un œuf frais, et les autres d’un peu de beurre ou de pommes cuites.

Après cela, elles entendront la sainte messe, si elles ne l’ont entendue à cinq heures, et auront grand soin de faire prendre les bouillons aux maladies qui auront pris médecine, aux heures précises.

Celles qui auront besoin de prendre quelque chose le feront après cela ; puis reviendront aux malades, instruiront les ignorants des choses nécessaires à salut, les induiront à faire une confession générale de toute leur vie passée, et, après cela, à se confesser et communier tous les dimanches, tandis qu’ils seront malades et qu’ils le pourront, et recevoir l’extrême onction de bonne heure ; consoleront ceux qui seront fort malades ; leur feront faire des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition et de conformité au bon plaisir de Dieu ; disposeront ceux qui tendront à la mort (4) à Ce qu’il, partent de ce monde en bon état, et ceux qui guériront à ne jamais plus offenser Dieu, et, au cas qu’ils le fassent, à se confesser au plus tôt.

Auront grand soin que les pauvres m. alades aient ce qui leur sera nécessaire, leurs repas aux heures ordonnées, à boire quand ils auront besoin, et parfois quelques petites douceu, rs à la bouche (5).

A dix heures, elles se rendront à l’infirmerie pour faire diner les malades et les servir. La supérieure dira le Benedicile et grâces tout haut, et avertira les malades d’élever leur cœur à Dieu à cet effet. Si cela dépend des sœurs, elles leur feront donner du veau et du mouton, avec, dans le pot, un peu de bœuf, au dîner (6), et

4. Le premier projet omet les mots intercalés entre "consoleront" et "ceux qui tendront à la mort",.

5. Le premier projet place cet article après le suivant.

6. Les mots "au diner" ne se trouvent que dans le second projet.

 

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du rôti et bouilli au souper, à ceux qui en auront besoin, si l’ordre déjà établi n’en dispose autrement.

Mais, pour ceux qu’il n’est pas expédient qu’ils mangent de la viande solide, il leur sera donné des bouillons et des œufs frais alternativement, et de trois heures en trois heures, en sorte qu’ils aient quatre bouillons et trois œufs par jour.

Les pauvres ayant dîné, elles feront leur examen particulier, dîneront à onze heures précisément, avec portion et lecture de table, qu’elles feront tour à tour (7) ; puis, grâces étant dites, elles diront une dizaine de leur chapelet, pour offrir à Dieu ce qu’elles doivent faire l’après-dîner, et pour lui demander la grâce de le faire en son amour.

Cela fait, deux d’entr’elles s’en iront relever la sœur qui est restée auprès des malades, laquelle s’en ira diner à la seconde table avec la lectrice ; elles tâcheront de récréer les malades.

La lectrice et la garde des malades, ayant dîné et rendu grâces à Dieu et desservi la table, s’en iront à l’église ou à l’oratoire dire une dizaine de leur chapelet à même fin que dessus, et les autres deux sceurs s’en iront laver la vaisselle et travailler aux emplois qui leur seront destinés par la supérieure.

S’il n’y a point à Angers une Compagnie de dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu pour donner la collation aux pauvres malades, les sœurs se rendront à l’infirmerie, à deux heures précisément, pour leur donner quelques petites douceurs pour leur collation, comme sont des poires et pommes cuites, et, si ces messieurs l’agréent, quelques confitures et des rotis au sucre.

Celles qui ne seront point en garde auprès des malades s’en retourneront à leurs emplois, ou, si elles n’ont

7. Les mots "tour à tour" ne figurent que dans le second projet.

 

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rien qui presse, demeureront à l’infirmerie pour instruire les pauvres gens, disposer les nouveaux venus à la confession générale et leur faire faire des actes intérieurs de foi, d’espérance, de charité, de contrition et de conformité au bon plaisir de Dieu, et les consoler, comme au matin.

A quatre heures, elles donneront les lavements, changeront de drap à ceux qui se seront gâtés, videront les pots, raccommoderont un peu les lits des malades sans qu’ils se lèvent.

A cinq heures précisément, toutes les sœurs se rendront à l’infirmerie pour faire souper les malades et les servir comme au dîner ; après cela, les sœurs s’en iront faire une demi-heure d’oraison, et, au bout, l’examen particulier, et souperont ensuite, puis diront grâces et feront comme au dîner.

Après grâces, qui sera environ six heures et demie, les sœurs se rendront à l’infirmerie, relèveront la garde, l’enverront souper avec la lectrice et faire tout comme après le diner, tandis que les autres feront coucher avant sept heures les malades qui seront debout, donneront ordre qu’il y ait du vin et quelques petites douceurs pour subvenir aux besoins des plus malades.

A sept heures et demie, toutes les sœurs se rendront à l’infirmerie, feront l’examen général et le feront faire aux malades qui le pourront, lisant les points tout haut par l’une d’entre elles au milieu de l’infirmerie, puis diront les litanies de la Vierge et liront les points de l’oraison ; et la supérieure donnera de l’eau bénite à tous les malades et aux sœurs.

A huit heures, les sœurs se retireront, laisseront une d’entre elles dans l’infirmerie, pour veiller et assister les plus malades et aider les moribonds à bien mourir, et achèvera son chapelet au premier somme des malades

XIII. — 35.

 

546 -

et passera la nuit en veillant, lisant et sommeillant parfois, tandis que les pauvres reposeront ; les autres se retireront à leur office pour appreter ce qu’il faudra pour le lendemain matin, et se coucheront précisément à neuf heures, après avoir fait l’acte d’adoration.

A trois heures et dernie, la veilleresse fera son oraison, et, à quatre heures, elle la finira et ira éveiller les autres et prendre quelque chose, si elle veut, et s’ira coucher jusqu’à neuf heures, qu’elle se lèvera pour entendre la sainte messe ; et la supérieure enverra une autre à sa place, qui y fera son oraison à la même manière et pendant le même temlps que les autres, si ce n’est que sa présence soit nécessaire à l’entour de quelque malade, auquel cas elle saura que le service qu’elle rend aux malades est une continuelle oraison devant Dieu.

Et afin qu’il plaise à Dieu leur faire la grâce d’accomplir toutes ces choses, elles la lui demanderont souvent, se confesseront et communieront à cette intention, marcheront en la présence de Dieu ; prendront pour leurs patrons et intercesseurs devant Dieu la sainte Vierge, saint Joseph, saint Louis, sainte Geneviève, sainte Marguerite, reine, saint Jean l’Evangéliste, patron de l’hôpital ; seront fidèles à bien faire exactement leurs actions journalières ; vivront en grande bonté, douceur et cordialité les unes avec les autres et avec les pauvres ; s’étudieront à être fort humbles vers un chacun et fort respectueuses et obéissantes envers messieurs les administrateurs ; s’éloigneront de la communication du monde, notamment des religieux de la maison, auxquels elles ne parleront jamais que deux ensemble, et encore courtement, et pour choses nécessaires, ni jamais des leurs même sous prétexte de charité, ni de leurs petites affaires et difficultés, à personne, si ce n’est à la supérieure ; écriront souvent à leurs supérieurs spirituels de

 

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Paris l’état de leur intérleur et suivront leurs avis et obéiront exactement ; liront tous les vendredis à table le présent règlement ; et enfin se représenteront le bonheur de leur condition : comme elles servent Notre-Seigneur en la personne de ses pauvres, comme il reconnaîtra que c’est à lui qu’elles rendent le service qu’elles rendent aux pauvres malades, et comme elles iront la tête levée au jour du jugement, comme elles accomplissent entièrement la loi de Dieu en faisant ce qu’elles font et comme enfin elles seront toujours en Dieu, et Dieu toujours en elles, tandis qu’elles demeureront en la charité.

 

144. — DÉCLARATION CONCERNANT LA MISE EN DEPOT

D’UNE SOMME D’ARGENT

(25 août 1644)

Nous, Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission, savoir faisons et déclarons à tous présents et a venir à qui il appartiendra, que : La Providence divine ayant depuis plusieurs années permls que plusleurs de nosseigneurs les prélats de ce royaume, notamment Monseigneur l’lllustrissime et Réverendissime Jean-Francois de Gondy, premier archevêque de Paris, ayant jeté les yeux sur nous, quoique tres indignes, pour ériger dans leurs diocèses la confrérie de la Charité, composée de femmes et filles, pour l’assistance corporelle et spirituelle des pauvres malades, et que, depuis quelque temps, notre Saint-Père le Pape Urbain huitième, d’heureuse mémoire, nous ait

Document 144. — Doc. signé. — Original chez les Filles de la Charité de Caen, 71, rue de Bayeux. Au début, en marge est écrit : "Cette somme a été depuis employée au profit ces Filles de la Charité, et partant cet acte est inutile."

 

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donné un pouvoir général de l’établir en tous les lieux où nos seigneurs l’agréeraient, ainsi qu’il appert par la bulle de la confirmation de notre dite congrégation, et l’expérience nous ayant fait voir que celles qui sont établies dans les villes, ne pouvaient subsister, à cause que les dames qui en sont ne savaient, à raison de leur condition, vaquer par elles-mêmes à tous les services bas et pénibles qu’on doit rendre aux dits malades selon que porte le règlement de ladite confrérie, la même Providence nous avait adressé quelques bonnes filles de village, que nous avions reçues à cet effet, et mises par ensemble sous la conduite de Mademoiselle Le Gras, dont la piété et le zèle est connu à chacun, et incontinent après employées, comme elles sont à présent, dans la plupart des paroisses de Paris et autres lieux de ce royaume ; le tout avec l’agrément de nosdits seigneurs les prélats, chacun en son diocèse, et spécialement de mondit seigneur archevêque de Paris.

Et une certaine personne de grande piété et charité qui, par humilité, n’a pas voulu être nommée, ayant su par expérience et souvent considéré tous les biens que Dieu, par sa bonté, opère par ces pauvres filles, et les bénédictions qu’il donne à leurs emplois, qui consistent au soulagement, tant spirituel que corporel, non seulement des pauvres malades, mais encore des forçats condamnés aux galères, pendant qu’ils sont arrêtés audit Paris, et même des petits enfants trouvés, que lesdites filles élèvent depuis quelques années, comme aussi des pauvres petites fnlles qu’elles instruisent gratuitement ; Et de plus ayant été touchée de la piété, charité, modestie, simplicité, pureté et étroite union que ces pauvres filles ont toujours fait paraître en elles depuis leur établissement, qui a commencé il y a quatorze ou quinze ans ;

 

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Et considérant que ces bonnes filles ne pourraient pas subsister en demeurant toujours en une maison empruntée et de louage ;

Elle aurait eu dévotion de donner de quoi leur en acheter une qui leur fût affectée pour toujours, et nous aurait à cet effet, de son propre mouvement, mis entre les mains la somme de neuf mille livres, à condition pourtant qu’au cas où il ne plût pas à Dieu que cette petite Compagnie de filles subsistât dans l’état et les exerclces quelles pratiquent à présent, elle donnait ladite somme à notre congrégation de la Mission, laquelle somme nous aurions acceptée et touchée en l’intention de l’employer selon la fin susdite ; ce que n’ayant pu faire encore pour n’en avoir trouvé l’occasion avantageuse, et craignant d’être surpris de la mort sans nous être auparavant acquitté de cette obligation, et même sans avoir assuré ladite somme au profit desdites filles, aux fins et conditions que dessus, nous aurions jugé pour le plus expédient de mettre ladite somme en dépôt entre les mains de quelque personne pieuse et charitable qui peut mieux que nous l’appliquer selon les fins susdites ; et croyant que nous ne saurions commettre cette œuvre de miséricorde à personne du monde qui peut mieux s’en acquitter que haute et puissante dame Madame la duchesse d’Aiguillon, comme étant particulièrement liée d’affection auxdites filles ;

Pour ces causes et autres à ce nous mouvant, nous, en vertu du susdit pouvoir à nous donné pour lesdites confréries, avons résolu et arrêté que madite dame duchesse serait très humblement suppliée, pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, père des pauvres, d’accepter cette charitable commission Nous lui avons délivré ladite somme de neuf mille livres pour être employée selon les fins et conditions que dessus. Et quoique per

 

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sonne ne nous ait obligés à payer l’intérêt de ladite somme pour les quatre années qu’il y a que nous l’avons reçue, néanmoins, considérant que cet argent et proprement destiné pour les pauvres, et ne désirant nullement profiter de ce qui leur appartient, nous en avons paye auxdites filles l’intérêt au denier dix-huit, leur ayant délivré à cet effet la somme de deux mille livres pour lesdites quatre années, partie en argent comptant, partie en leur quittant le louage de notre logis, qu’elles tiennent de nous, ainsi qu’il appert par la quittance que madite demoiselle Le Gras nous en a donnée, au nom et comme ayant charge desdites filles. Et pour mieux autoriser et affermir ce que dessus et obvier à tout ce qui pourrait empêcher son effet, nous avons pareillement résolu et arrêté qu’il y aurait trois exemplaires du présent acte, signés et scellés comme est celui-ci, dont l’un demeurerait entre les mains de madite dame la duchesse d’Aiguillon, l’autre en celles de madite demoiselle Le Gras et l’autre elntre les nôtres (1).

Et outre tout cela, nous avons soigneusement recommandé, et par cet écrit recommandons à tous nos missionnaires présents et à venir de tenir la main à ce que les volontés de ladite personne, qui n’a pas désiré être nommée, soient entièrement exécutées, et ensemble contribuer de tout leur possible à l’affermissement et manutention de la Compagnie desdites filles, autant et en la manière qu’il plaira à mondit seigneur l’archevêque et à chacun de nosdits seigneurs les prélats dans les diocèses desquels elles sont ou seront établies.

En foi de quoi nous avons signé de notre main propre le présent acte et fait contresigner par notre secrétaire ordinaire et ensemble apposé le sceau de notredite congrégation.

1. L’archevêque de Chicago possède l’un de ces documents.

 

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Fait en notre maison Saint-Lazare de Paris, le vingtcinquième jour d’août- mil six cent quarante-quatre

VINCENT DEPAUL

A. PORTAIL.

 

145. — REGLEMENT DES FILLES DE LA CHARITE :

(1645)

La confrérie des filles et veuves servantes des pauvres de la Charité sera instituée pour honorer la charité de Notre-Seigneur, patron d’icelle, envers les pauvres malades des lieux où elles sont établies ou envoyées, les servant selon l’ordre qui leur en sera donné par les dames officières de la Charité des paroisses où ils seront, corporellement et spirituellement : corporellement, en leur apprêtant et apportant leur nourriture et les médicaments ; et spirituellement, procurant que ceux qui tendront à la mort partent de ce monde en bon état et que ceux qui guériront fassent résolution de mieux vivre à l’avenir.

Ladite confrérie sera composée de veuves et de filles, lesquelles en éliront quatre d’entre elles, à la pluralité des voix, de trois ans en trois ans, pour être leurs officières, dont la première sera la supérieure ou la directrice, et pourront être continuées. A ladite élection, clui se fera de trois ans en trois ans, présidera un ecclésiastique, qui sera député de monseigneur de Paris pour la direction desdites filles et veuves.

La supérieure aura l’entière direction de ladite confrérie avec le susdit ecclésiastique ; elle sera comme l’âme qui animera ce corps, fera observer le présent règle-

Document 145. Recueil de pièces concernant la communauté des Filles de la Charité, p. 4 et suiv. Ce règlement accompagnait la lettre 773 (t. II, p. 548).

 

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ment, recevra en ladite confrérie celles qu’elle trouvera propres et les dressera en tout ce qui regarde leurs emplois, mais particulierement en la pratique des vertus chrétiennes et propres à leur salut, les instruisant plutôt par son exemple que par ses paroles, les enverra, rappellera, retiendra et emploiera à tout ce qui regarde la fin de ladite confrérie, non seulement en la paroisse où ladite confrérie sera établle, mais encore en tous les lieux où elle trouvera expédient de les envoyer, le tout de l’avis dudit ecclésiastique et avec la bénédiction de messieurs les curés.

La seconde officière sera assistante de la supérieure et la représentera en son absence, à laquelle les autres obéiront comlme à la même supérieure, quand elle sera absente.

La troisième servira de trésorière, fera la recette et gardera l’argent dans un coffre à deux serrures différentes, dont la supérieure tiendra une clef, et elle l’autre, excepté qu’elle pourra tenir entre ses mains la somme de cent livres pour fournir au cou. rant de la dépense.

La quatrième fera la dépense et pourvoira aux nécessités communes de la Compagnie. Lesdites officières rendront compte de leur recette et mise tous les ans entre les mains de ladite supérieure et dudit ecclésiastique.

Elles serviront de conseil à ladite supérieure.

Tant les veuves que les filles de ladite confrérie seront soumises et obéiront à ladite supérieure et à toutes celles qui seront députées de sa part, se représentant qu’elles rendent obéissance à Dieu en leurs personnes, et exécuteront volontiers et ponctuellement les ordres que ladite supérieure leur donnera, soit dans les paroisses où elles seront établies, soit ailleurs où elles seront envoyées.

 

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Elles rendront aussi obéissance, en ce qui regarde leur conduite, audit ecclésiastique qui scra député pour la direction de ladite confrérie.

Celles qui désireront être reçues en ladite confrérie, se présentant à la supérieure, après qu’elle aura éprouvé leur vocation et conféré avec le directeur, elle les reçoit et les dresse en leurs fonctions quelque temps ; et puis après, selon qu’elle les juge capables, elle les emploie aux saints exercices que nous avons dits.

Voici l’emploi de la journée pour celles qui demeureront à la maison.

Elles se lèvent à quatre heures et, après s’être habiilées et fait leur lit, elles font une demi-heure d’oraison toutes enseml~le, après laquelle les unes s’en vont entendre la m~esse à leurs paroisse, et les autres s’emploient au. x exercices auxquels elles sont destinées, comme il a été dlt ci-dessus ; puis vont à la mcsse, aprcs que les premières en sont revenues

A onze heures et demie, elles font un examen particulier de la vertu qu’elles se proposent d’acquérir, à la fin duquel elles dînent ensemble, avec lecture de table ; font ensuite une heure de récréation d’une manière modestement gaie, en travaillant ensemble, les unes à coudre et à filer, les autres à autres choses, jusqu’à deux heures.

Depuis deux heures jusqu’à trois, celles qui travaillent ensemble gardent le silence ; et cependant une d’entre elles fait tout haut lecture de quelque livre spirituel.

A six heures, ells font un second examen de la même vertu, puis prennent leur réfection, font leur récréation en travaillant ensemble, comme devant ; à huit heures, font leur examen général et la lecture de l’oraison qu’elles doivent faire le lendemain, après laquelle elles s’entredemandent pardon les unes aux autres, lorsqu’elles

 

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pensent s’être donné sujet de mortification ; et ainsi se vont coucher.

Celles qui sont dans les paroisses, tant des champs qu, e de la ville, observent les mêmes choses et les mêmes heures, autant que leur emploi le permet, et les unes et les autres se confessent et communient tous les dimanches et bonnes fêtes à la paroisse, et tous les ans font une petlte retraite et une confession annuelle à la maison où réside la supérieure.

Elles sont toutes habillées de même façon, à la villageoise.

Etant envoyées en quelque paroisse, elles iront prendre la bénédiction de messieurs les curés, qu’elles recevront à genoux, et tandis qu’elles seront dans leurs paroisses, elles leur rendront toute sorte d’honneur et de soumission.

Elles rendront aussi obéissance aux dames officières de la Charité et à messieurs les médecins, l’un et l’autre en ce qui concerne les besoins des pauvres malades.

Leur principal soin sera de servir les pauvres malades, et feront leur possible de s’ajuster à l’emploi de la journée ci-dessus, et particulièrement pour les heures du lever et du coucher, des oraisons, des examens, tant géneraux que particuliers, des lectures spirituelles, confessions et communions et du silence, nommément avant l’oraison du matin et après les prières du soir.

Elles auront aussi soin de garder l’uniformité, autant qu’elles pourront, à l’égard du vivre, du vêtir, du marcher, du parler, du service des pauvres, et particullerement en ce qui est d’être coiffées et habillées, comme a été dit.

Si elles épargnent de l’argent, elles le mettront en la bourse commune, qui leur servira pour leur fournir leurs habits et autres nécessités, quand il en sera temps.

Et pour mieux honorer Notre-Seigneur, leur patron,

 

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elles auront en toutes leurs actions une droite intention de lui plaire et tâcheront de conformer leur vie à la sienne, particulièrement en sa pauvreté, son humilité, sa douceur, sa simplicité et sobrlété.

Et pour obvier à beaucoup d’inconvénients, elles ne recevront rien de personne, ni donneront aucune chose à qui que ce soit, sans en donner avls à ladite supe

Elles ne feront aucune visite, hors celle des malades, et ne souffriront point qu’on en fasse chez elles, particulièrement les hommes, sans le consentement de la même supérieure.

Allant par la rue, elles marcheront modestement et la vue basse, ne s’arrêteront point pour parler à personne particulièrement de divers sexe, s’il n’y a grande nécessité ; encore faudra-t-il qu’elles coupent court et expédient promptement.

Elles ne sortiront point de la maison sans la permission de la supérieure, ou autre qui en sera députée ; et au retour, elles se représenteront à elle et lui rendront compte de leur voyage.

Elles n’enverront point de lettres, ni ouvriront celles qu’on leur aura écrites, sans la permission de la même supérieure.

Elles ne s’amuseront point à parler aux portes avec les externes, non plus que dans la maison, sans la même permission.

Elles seront soigneuses d’aller, du moins tous les mois, en la maison de ladite supérieure pour communiquer avec elle de tous leurs emplois, et s’y rendront toutes les fois qu’elles y seront mandées, pourvoyant auparavant aux besoins des malades.

Elles se souviendront qu’elles s’appellent Filles de la Charité, c’est-à-dire filles qui font profession d’aimer Dieu et le prochain ; et partant, qu’outre l’amour souve-

 

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rain qu’elles doivent avoir pour Dieu, elles doivent exceller en la dilection du prochain, notamment de leur, compagnes. Selon cela, elles fuiront toute froideur et aversion à leur égard, comme aussi les amitiés particulières et attaches à quelqu’une d’entre elles, ces deux extrémités vicieuses étant les sources de la division et ruine d’une Compagnie, particulièrement quand on les fait paraître au dehors.

De plus, elles se représenteront qu’on les nomme servantes des pauvres, qui, selon le monde, est une des plus basses conditions, afin de se maintenir toujours dans la basse estime d’elles-mêmes, rejetant promptement la moindre pensée de vaine gloire qui leur passerait par l’espnit pour avoir ouï dire du bien de leurs emplois, se persuadant que c’est à Dieu à qui tout l’honneur en est dû, puisque lui seul en est l’auteur.

Et comme leurs emplois sont la plupart fort pénibles, et les pauvres qu’elles servent un peu dimciles, jusque-là que quelquefois elles en re~coivent des reproches, lors même qu’elles ont le mieux fait à leur égard, elles tacheront, de tout leur possible, de faire bonne provision de patience et prier tous les jours Notre-Seigneur qu’il leur en donne abondamment et leur fasse part de celle qu’il a exercée envers ceux qui le calomniaient, souffletaient, flagellaient et crucifiaient.

Elles seront fort fidèles et exactes à observer le présent règlement et ensemble les louables coutumes et la manière de vivre qu’elles ont gardées jusqu’à maintenant, particulièrement celles qui regardent leur propre perfection.

Elles se souviendront néanmoins qu’il faut tou jours préférer à leurs pratiques de dévotion le service des pauvres et les autres emplois, quand la nécessité ou l’obéissance les y appelle ; se représenteront que, ce faisant, elles quittent Dieu pour Dieu.

 

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143. — ERECTION DE LA COMPAGNIE

DES FILLES DE LA CHARITÉ EN CONFRÉRIE ;

(20 novembre 1646)

Jean-François-Paul de Gondy, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Apostolique archevêque de Corinthe, coadjuteur et vicaire général au spirituel et temporel de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris, à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut.

Notre cher et bien-aimé Paul Vincent, supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission, nous ayant remontré que, comme il aurait, par l’autorité de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Paris, érigé la confrérie de la Charité pour l’assistance et soulagement des pauvres malades dans les lieux de son diocèse où l’on aurait jugé nécessaire, il a plu à Dieu bénir cette pieuse et louable entreprise, en sorte qu’elle se trouve à présent établie non seulement en plusieurs bourgs et villages, mais même dans la plupart des principales paroisses de cette ville de Paris. Et d’autant que les personnes qui composent cette confrérie ne peuvent pas faire les plus basses fonctions nécessaires pour le soulagement des pauvres malades, notredit cher et bien-aimé Paul Vincent a jugé bon, par la permission de mondit seiolneur archevêque, de prendre quelques bonnes filles et veuves des champs à qui Dieu a inspiré de se dédier au service des pauvres malades, lesquelles, depuis plusieurs années, s’emploient à toutes les plus basses fonctions avec l’édification du peuple et la consolation des malades ; ce qui aurait donné sujet

Document 146. — Dossier des Filles de la Charité, copie prise du temps de Louise de Marillac, qui a elle-même écrit trois lignes au dos de la pièce.

 

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à quelques vertueuses et charitables dames de contribuer de leurs moyens pour assembler les susdites filles et pour ce falre, les pourvoir d’une maison, afin qu’étant logées ensemble, elles puissent être mieux instruites tant pour ce qui regarde la vertu et la piété, que pour ce qui concerne le service et assistance qu’elles doivent rendre aux pauvres malades et qu’ainsi on les puisse plus facilement envoyer dans les paroisses tant des villes que des bourgs et villages où elles seront requises et désirées. Nous voulons favoriser un si bon ceuvre ; ce que nous espérons de la grâce et miséricorde de Dieu devoir réussir à sa gloire et au grand soulagement des pauvres.

Et considérant que le meilleur moyen pour les faire subsister est d’unir par ensemble lesdites filles et veuves en quelque forme de société et confrérie distincte de celle de la Charité, laquelle est établie dans ce diocèse il y a longtemps par mondit seigneur l’archevêque, pour ces causes nous avons, de l’autorité de mondit seigneur l’archevêque, érigé et érigeons par ces présentes l’assemblée desdites filles et veuves dans œ diocèse en forme de confrérie particulière sous le titre de servantes des pauvres de la Charité ; voulons et ordonnons que celles qui y sont à présent admises et qui ci-après y seront recues puissent librement exercer tout ce qui pourra soulager et consoler lesdits pauvres malades, à la charge que ladite confrérie sera et demeurera à perpétuité sous l’autorité et dépendance de mondit seigneur l’archevêque et ses successeurs et dans l’exacte observance des statuts ci-attachés, que nous avons approuvés et approuvons par ces présentes.

Et d’autant que Dieu a béni le soin et le travail que notre cher et bien-aimé Vincent de Paul a pris pour faire réussir ce pieux dessein, nous lui avons confié et commis la conduite et direction de la susdite société et confrérie tant qu’il plaira à Dieu lui conserver la vie.

 

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Donné à Paris sous le scel de chambre de mondit seigneur l’archevêque, le vingtième novembre mil six cent quarante-six.

J.-F.-PAUL DE GONDY, coadjuleur de Paris.

Par mondit seigneur.

BAUDOUYN.

 

La confrérie de la Charité des servantes des pauvres malades des paroisses a été instituée pour honorer la charité de Notre-Seigneur, patron d’icelle, en assistant les pauvres malades des paroisses et des hôpitaux, les forçats et les pauvres enfants trouvés, corporellement et spirituellement : corporellement, en leur administrant la nourriture et les médicaments ; et spirituellement, en procurant que les pauvres malades qui tendront à la mort partent de ce monde en bon état et que ceux qui guériront fassent résolution de ne jamais offenser Dieu, moyennant sa grâce, et que les enfants trouvés soient instruits des choses nécessaires à salut (1)

Elle est composée de filles et de veuves, lesquelles éliront une supérieure d’entr’elles de trois ans en trois ans, à la pluralité des voix, le lendemain de la Pentecôte, en la présence de l’ecclésiastique que monseigneur l’archevêque députera pour leur direction (2) laquelle pourra être continuée pour autres trois années seulement.

Elles éliront de plus trois autres officières tous les ans à pareil jour, dont l’une sera assistante, l’autre tresorière et l’autre dépensière.

1. En approuvant de nouveau la Compagnie des Eilles de ia Charité le 18 janvier 1655 (voir le document 149, p. 569), le cardinal de Retz approuva en même temps leurs règles, qu’il reproduit in extenso. Nous indiquerons ici en note les variantes qui distinguent le règlement de 1655 de celui de 1646.

2. Texte de 1655 : "En la présence du supérieur général de la Mission, ou d’un prêtre de ladite Mission qui sera député de sa part pour leur direction."

 

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La supérieure aura l’entière direction de ladite confrérie avec le susdit ecclésiastique (3) ; elle sera comme l’âme qui animera ce corps, fera observer le présent règlement, recevra en ladite confrérie celles qu’elle trouvera propres, après en avoir conféré avecle directeur l et de l’avis des autres officières, et les dressera en tout ce qui rel, arde leurs emplois, mais particulièrement en la pratique des vertus chrétiennes et propres à leur état, les instruisant plutôt par son exemple que par ses paroles, les enverra, rappellera, retiendra et emploiera en tout ce qui regarde la fin de ladite confrérie, non seulement en la paroisse où ladite confrérie sera établie, mais encore en tous les lieux où elle les enverra, le tout de l’avis dudit ecclésiastique.

La seconde officière sera assistante de ladite superieure, lui ser~,-ira de conseil et la représentera en son absence, et toutes lui obéiront comme à la supérieure, en l’absence d’icelle.

La troisième servira de trésorière, fera la recette et gardera l’argent dans un coffre à deux serrures différentes, dont la supérieure tiendra une clef, et elle l’autre, excepté qu’elle pourra tenir entre ses mains la somlme de cent livres pour fournir au courant de la dépense, et rendra compte tous les mois à la supérieure et tous les ans au directeur, en la présence de toutes les officières. Elle représentera aussi la supérieure et l’assistante en leurs absences et leur servira de conseil.

La quatrième fera la dépense et pourvoira aux nécessité~s communes de la Compagnie, rendra compte toutes les semaines à la supérieure, représentera la même

3. Texte de 1655 : "La direction de ladite confrérie avec le supérieur général, ou celui qui sera député de sa part." ;. Texte de 1655 : "Celles qu’elle trouvera à propos, de l’avis dudit directeur."

 

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supérieure en son absencc et aussi les autres officières et leur servira pareillelllent de conseil.

Tant les filles que les veuves de la confrérie seront soumises et obéiront à ladite supérieure et, en son absence, aux autres officières et à toutes celles quii seront députées de sa part, se représentant qu’elles rendent obéissance à Dieu en leurs personnes, et exécuteront volontiers et ponctuellement le présent règlement et les louables coutumes de leur Institut, soit dans les paroisse, où elles seront établies, soit ailleurs où elles seront envoyées.

Elles rendront aussi obéissance, en tout ce qui regarde leur conduite, audit ecclésiastique qui sera nommé pour la direction de la Compagnie par mondit seigneur l’archevêque (5).

Celles qui désireront être reçues en ladite confrérie se présenteront à ladite supérieure, laquelle, après avoir éprouvé leur vocation et conféré avec le directeur et de l’avis des autres officières, les recevra les dressera en leurs fonctions quelque temps ; et puis après, selon qu elie les juge capables, elles les emp, loiera aux exerclces que nous avons dits.

Etant envoyées en quelques paroisses, elles iront prendre la bénédiction de MM. les curés, qu’elles recevront à genoux ; et tandis qu’elles seront dans leurs paroisses, elles leur rendront toute sorte d’honneur, de respect et d’obéissance (6).

Elles rendront aussi obéissance aux dames officieres de la Charité des paroisses et aux médecins en ce qui concerne le soin des pauvres malades

5. Texte de 1655 : "Elles rendront aussi obeissance, en ce qui re garde leur conduite, audit directeur et supérieur."

6. Texte de 1655 : "Et d’obéissance à l’égard de l’assistance des malades."

XIII. — 36

 

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Leur principal soin sera de bien servir les pauvres malades, les traitant avec compassion et cordialité, et tâchant de les édifier, les consoler et les disposer à la patience, les portant à faire une bonne confession générale et surtout à moyenner qu’ils reçoivent tous leurs sacrements.

Outre cela, quand elles seront appelées à leurs autres emplois, comme d’assister les pauvres forçats, élever les petits enfants trouvés et instruire les pauvres filles, elles s’y porteront avec une affection et diligence particulières, se représentant, en ce faisant, qu’elles render ! t service à Notre-Seigneur comme enfant, comme malade, comme pauvre et comme prisonnier.

Elles s’entre-chériront et respecteront comme sceurs que Notre-Seigneur a liées et unies par son amour, assisteront à l’enterrement de celles qui décéderont, communieront à leur intention. Sera chantée une messe pour chacune d’icelles (7). Elles assisteront aussi à l’enterrement des pauvres qu’elles auront servis, si la commodité le leur permet, et prieront Dieu pour le salut de leurs âmes.

Et afin que, servant les pauvres, elles ne s’oublient pas elles-mêmes et que la charite qu’elles exercent en leur endroit soit bien ordonnée et qu’elles en puissent recevoir les récompenses que Notre-Seigneur leur promet en ce monde et en l’autre, elles auront un soin tout particulier de se maimtenir toujours en état de grâce (8) ; et pour cet effet, elles détesteront et fuiront le péché mortel plus que le démon, et se garderont même (9) d’en faire aucun véniel à leur escient, particulièrement pour (10) ce

7. Texte de 1655 "Feront dire une messe haute pour chacune d’icelles."

8. Le règlement de 1655 ajoute : "Avec l’aide de Dieu."

9. Le règlement de 1655 ajoute : "Moyennant la grâce de Dieu." 10. Texte de 1655 : "En tout."

 

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qui regarde la chasteté, usant de toutes les précautions possibles pour la conserver entière (11).

Feront leur possible de s’ajuster à l’emploi de la journée qui a été pratiqué jusqu’à présent, nommément pour Les heures du lever et du coucher, de a’oraison, des examens, tant généraux que particuliers, des lectures spirituelles, confessions et communions et du silence, notamment avant l’oraison du matin et après les prières du soir (12),

Elles auront aussi soin de garder l’uniformité, autant qu’elles pourront, à l’égard du vivre, du vêtir, du parler, du service des pauvres et particulièrement de leur coiffure.

Si elles épargnent de l’argent, elles le mettront en la bourse commune, qui servira pour leur fournir leurs habits et autres nécessités, quand il en sera temps.

Et pour mieux honorer Notre-Seigneur, leur patron, elles auront en toutes leurs actions une droite intention de lui plaire, et tâcheront de conformer leur vie à la sienne, particulièrement en sa pauvreté, son humilité, sa douceur, sa simplicité et sobriété.

Et pour obvier à beaucoup d’inconvénients, elles ne reoevront rien de personne et ne donneront rien à qui que ce soit, sans en donner avis à la supérieure.

Elles ne feront aucune visite, hors celles des malades, et ne souffriront point qu’on en fasse chez elles, particulièrement les hommes, lesquels elles ne souffriront entrer dans leurs chambres.

Allant par la rue, elles marcheront modestement et la vue basse, ne s’arrêteront point pour parler à personne, particulièrement de divers sexe, s’il n’y a grande néces-

11. Ce dernier mot manque dans le règlement de 1655.

12. Ces Six derniers mots manquent dans le règlement de 1655.

 

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sité ; encore faudra-t-il qu’elles coupent court et expédient promptement.

Elles ne sortiront point de la maison sans la permission de la supérieure ou autre qui sera députée ; et au retour, elles se représenteront à elle et lui rendront compte de leur voyage.

Elles n’enverront point de lettres, ni ouvriront celles qu’on leur aura écrites, sans la permission de la supérieure.

Elles ne s’amuseront point à parler à la porte avec les externes, non plus que dans la maison, sans permission.

Elles seront soigneuses d’aller, du moins tous les mois, en lamaison de la communauté pour communiquer avec la supérieure de leurs emplois, et s’y rendront toutes les fois qu’elles y seront mandées, pourvoyant auparavant aux besoins des malades.

Elles se souviendront qu’elles s’appellent Filles de la Charité, c’est-à-dire filles qui font profession d’aimer Dieu et le prochain, et partant qu’outre l’amour souverain qu elles doivent avoir pour Dieu, elles doivent exceller en la dilection du prochain, notamment de leurs compagnes. Selon cela, elles fuiront toute froideur et aversion à leur égard, comme aussi les amitiés particulières et attaches à quelques-unes d’entre elles, ces deux extrémités vicieuses étant les sources de la division et ruine d’une Compagnie et des particuliers lesquels s’y entretiennent et s’y amusent. Et s’il arrive qu’elles se soient donné sujet de mortiflcation l’une à l’autre, elles s’entre-demandent pardon au plus tard le soir avant se coucher.

De plus, elles se représenteront que l’on les nomme servantes des pauvres, qui, selon le monde, est une des plus basses conditions, afin de se maintenir toujours dans la basse estime d’elles-mêmes, rejetant prompte-

 

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ment la moindre pensée de vaine gloire qui leur passerait par l’esprit pour avoir ouï dire du bien de leurs emplois, se persuadant que c’est à Dieu à qui tout l’honneur est dû, puisque lui seul en est l’auteur.

Et comme leurs emplois sont la plupart fort pénibles et les pauvres qu’elles servent un peu difficiles, jusque-là que quelquefois elles en peuvent recevoir des reproches lors même qu’elles ont le mieux fait à leur égard, elles tâcheront de tout leur possible de faire bonne provision de patience et prier tous les jours Notre-Seigneur qu’il leur en donne abondamment et leur fasse part de celle qu’il a exercée envers ceux qui le calomniaient, souffletaient, flagellaient et crucifiaient.

Elles seront fort fidèles et exactes à observer le present règlement et ensemble les louables coutumes et la manière de vivre qu’elles ont gardée jusqu’à maintenant, particulièrement celles qui regardent leur propre perfection.

Elles se souviendront néanmoins qu’il faut toujours préférer à leurs pratiques de dévotion le service des pauvres, quand la nécessité ou l’obéissance les y appelle, se représentant que, ce faisant, elles quittent Dieu pour Dieu.

Et afin qu’il plaise à Dieu leur faire la grâce d’accomplir toutes ces choses, elles se confesseront et communieront tous les dimanches et fêtes principales de l’année ès paroisses ou hôpitaux où elles se trouveront, et feront les exercices spirituels tous les ans à la maison de leur communauté autant qu’elles le pourront.

DE GONDY, coadjuteur de Paris (13),

Par mondit Seigneur.

BAUDOUYN

13. Le règlement de 1655 est signé : "Cardinal de Retz, archevêque de Paris."

 

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147. — SUPPLIOUE DE LA REINE ANNE D’AUTRICHE AU PAPE

(1647)

Par la Bulle de l’établissement de la congrégation de la Mission en l’année 1632 par notre Saint-Père le Pape Urbain VIII, d’heureuse mémoire, lesdits prêtres ont pouvoir, sous l’autorité des Ordinaires, d’établir les confréries de la Charité pour le soulagement des pauvres malades ès paroisses de la campagne où ils font la mission ; ce qu’ils ont fait avec tant de bénédiction dans la plupart des villages du diocèse de Paris et autres du royaume que quelques dames charitables de cette ville de Paris en ont été si touchées qu’elles ont moyenné par messieurs leurs curés un pareil établissement dans leurs paroisses pour le soulagement des pauvres malades.

Et d’autant que les dames dont lesdites confréries sont composées sont pour la plupart de haute condition, qui ne leur permet pas de faire les plus basses fonctions qu’il y convient exercer, elles ont pris, avec permission de Monsieur de Paris et de l’avis du supérieur général de ladite congrégation, quelques veuves et filles des champs, auxquelles Dieu a donné la pensée de se dédier au service des pauvres malades, lesquelles depuis plusieurs années s’emploient à toutes les plus basses fonctions avec édification du public et consolation des malades, et qui sont dressees à cela par une bonne et vertueuse veuve, dans la maison de laquelle elles sont entretenues quelque temps et puis envoyées dans les paroisses, tant des villes que des bourgs et villages, où elles sont demandées, lesquelles s’appellent servantes des pauvres de le Charité et qui sont établies

Document 147. — Archive de la Mission, copie.

 

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sous ce titre par monsieur l’archevêque de Paris, à la charge que ladite confrérie ou société demeurera à petpétuité sous son autorité et dépendance.

Or, d’autant que ce bon œuvre s’est étendu en plusieurs évêchés de ce royaume, comme Angers, Nantes, Poitiers, Sens, Rouen, Beauvais, Reims, etc…, et que les autres prélats ne voudront pas les recevoir sous cette condition, et que ce bon œuvre a été commencé et cultivé depuis près de quatorze ans par le général de ladite congrégation de la Mission, et qu’à présent par l’établissement de ladite confrérie ou société Monsieur de Paris l’en constitue le directeur pendant sa vie, la reine fait supplier Sa Sainteté de nommer pour directeurs perpétuels de ladite confrérie ou société des servantes des pauvres de la Charité ledit supérieur général de ladite congrégation de la Mission et ses successeurs en la même charge. Et ainsi faisant, il y a sujet d’espérer que ce bon œuvre ira toujours en augmentant et que l’Eglise en sera édifiée et les pauvres plus soulagés.

 

148. — AVIS DE SAINT VINCENT

AUX SŒURS DE L’HOPITAL DE NANTES

(Avril 1649)

Nous renouvelons la recommandation que M. Lambert leur a laissée, d’observer les avis qu’il leur a laissés (1).

Elles tâcheront de marcher en la présence de Dieu et s’élèveront de temps en temps vers sa divine bonté et vers sa justice, feront leur possible d’accomplir sa sainte volonté en toutes choses, qui consiste en l’obser-

Document 148. — Doc. aut. — Minute chez les Filles de la Charité du boulevard de Courcelles, 9, Paris.

1. Lors de la visite faite précédemment en cette maison. (Voir t. III, p.213)

 

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vance de ses commandements, à faire ce que la sainte Eglise ordonne, ce que leurs règles, Messieurs les pères et leur supérieure leur ordonneront.

Elles seront exactes à se confesser tous les samedis, à communier tous les dimanches, sonneront une cloche pour avertir la venue du confesseur et se trouveront au confessionnal, chacune en son rang, sans se faire attendre.

Elles s’entre-honoreront et s’entre-chériront comme des épouses de Jésus-Christ, qu’il a tirées du sein de son amour et s’entre-supporteront dans leurs petites infirmités. Selon cela, elles se garderont bien de se plaindre les unes des autres, de se contredire, notamment en la présence des externes.

Elles recevront les personnes qui visiteront les malades, avec respect, douceur et humilité, feront leur possible de les contenter et édifier, observeront le silence hors les heures de la récréation ; s’il y a quelque choie qui presse, elles parleront courtement et très bas, marcheront et fermeront les portes sans bruit.

Elles honoreront la modestie de Notre-Seigneur par la leur, porteront la vue basse, ne s’arrêteront à parler aux domestiques, si ce n’est en cas de nécessité.

Elles serviront res pauvres malades avec la plus grande charité, promptitude et assiduité qui leur sera possible, instruiront des choses nécessaires à salut ceux qui guériront, avant que de les renvoyer, et aideront à bien mourir ceux qui tendront à la mort

A leur arrivée, elles procureront que les pauvres malades soient visités, couchés, après leur avoir lavé les pieds ; les tiendront le plus nettement et proprement qu’elles pourront et videront leurs bassins et nettoieront les lieux souvent. Et afin de mieux s’acquitter de toutes ces choses, elles liront ces avis tous les vendredis.

 

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149. — APPROBATION DE LA COMPAGNIE

DES FILLES DE LA CHARITE PAR LE CARDINAL DE RETZ

(18 janvier 1655)

Jean-François-Paul de Gondy, cardinal de Retz, archevêque de Paris, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

Notre très cher et bien-aimé Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission, nous a exposé qu’une des principales fonctions des prêtres dc ladite congrégation étant d’établir la confréric de la Charité, instituée pour l’assistance des pauvres malades, aux lieux où ils vont faire la mission, auxquels cet établissement est jugé utile, ainsi qu’il paraît par l’érection de ladite congrégation faite par le Pape Urbain VIII, d’heureuse mémoire, et par les règles de ladite congrégation, approuvées par feu Monseigneur l’archevêque de Paris Jean-François de Gondy, comme délégué du Saint-Siège pour approuver lesdites règles, ladite congrégation a établi ladite confrérie dans la ville et diocèse de Paris et en plusieurs autres endroits de ce royaume pour l’assistance des pauvres malades des lieux ; mais, d’autant que ladite confrérie est composée de femmes mariées, veuves et filles de piété, lesquelles prennent soin de visiter et assister lesdits pauvres malades, de leur administrer la nourriture et les médicaments et procurer l’assistance spirituelle d’iceux, pour porter à bien vivre ceux qui guérissent, et à bien mourir ceux qui tendent à la mort ; et que l’expérience a fait voir que les dames de condition de ladite confrérie ont difficulté de porter les vivres qu’il faut auxdits pauvres malades, comme aussi à faire leurs lits et

Document 149. — Arch. nat. I. 1054, n° 1, original.

 

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à leur donner les remèdes et généralement à leur rendre les autres menus services. Pour pourvoir à cet inconvénient, ladite congrégation de la Mission, de l’avis desdites dames de Charité, a disposé des filles et veuves de basse condition à se mettre dans ladite confrérie, pour s’employer aux choses plus basses qu’il faut exercer vers lesdits malades, et, à cet effet, les a fait vivre par ensemble dans une maison à ce destinée, sous la direction de demoiselle Louise de Marillac, veuve de feu M. Le Gras, secrétaire de la feue reine mère, laquelle les instruit dans la piété, les dresse à bien servir les pauvres malades, à les soigner, à faire et administrer les médicaments, et ensuite elle les envoie dans les paroisses de la ville de Paris et des champs, et aux hôpitaux auxquels on les demande, les rappelle et change de lieu en autre, selon l’exigence des cas ; les emploie, sous sa conduite, à plusieurs autres bonnes œuvres, comme à l’élèvement des enfants trouvés de la ville de Paris, à l’assistance des pauvres criminels condamnés aux galères et des malades des prisons, à l’instruction des pauvres filles, leur montrant à prier Dieu, à lire et écrire, et enfin à toutes les bonnes œuvres auxquelles elles peuvent être utiles, le tout de l’avis et par la direction dudit exposant et conformément aux règlements et statuts que nous avons ci-devant approuvés et qui ont été dressés pour le bon ordre et la direction de ladite confrérie par ledit exposant, auquel nous en donnâmes la direction, sa vie durant, le 20 novembre 1646.

Et pource que ladite approbation, qui était attachée aux lettres patentes qu’il a plu au roi donner sur icelle, adressantes au Parlement de Paris, pour y être enregistrées, a été égarée, par malheur, par le secrétaire du sieur procureur général Méliand, lequel secrétaire est mort ensuite sans qu’on ait pu recouvrer ladite appro-

 

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bation, attachée auxdites lettres patentes, quelque recherche qu’en a pu faire icelui exposant, soit parmi les papiers dudit sieur Méliand et de sondit secrétaire, soit chez le sieur procureur général d’à présent et ses substituts, ledit suppliant a été obligé de recourir à nous, à ce qu’il nous plût approuver derechef ladite confrérie tout de nouveau et les statuts et règlements d’icelle cidessous contenus (1) et de donner pouvoir audit exposant et à ses successeurs généraux de ladite congrégation de la Mission, de diriger ladite confrérie sous notre autorité et juridiction et de nos successeurs archevêques de Paris, comme étant un œuvre agréable à Dieu et un bon moyen par lequel nous pourvoirons aux besoins des pauvres malades de notre diocèse, donnerons moyen aux bonnes dames de la Ch. arité et à ces pauvres veuves et filles, servantes des pauvres malades, de faire un œuvre qui est à la gloire de Dieu et à l’édification du peuple.

A ces causes, voulant favoriser un si bon œuvre, lequel nous espérons devoir réussir à la gloire de Dieu et au grand soulgement des pauvres, comme il a fait jusques à maintenant par sa miséricorde, et considérant que le meilleur moyen pour les faire subsister est d’unir par ensemble lesdites filles et veuves en quelque forme de société et confrérie, distincte de celle desdites dames de la Charité, laquelle est établie en notre diocèse, il y a longtemps, par ledit feu seigneur archevêque notre prédécesseur, nous avons derechef érigé et érigeons par ces présentes tout de nouveau l’assemblée desdites filles et veuves dans notre diocèse en confrérie ou société particulière, sous le titre de servantes des pauvres de la Charité ; voulons et ordonnons que celles qui y

1). Ces règles ne diffèrent de celles de 1646 (document 146, p. 557 et suiv.) que sur peu de points ; nous avons signalé les variantes en note. Il est donc inutile de reproduire ici le règlement qui accompagnait cet acte d’approbation.

 

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sont à présnt admises et qui ci-après y seront reçues puissent librement exercer tout ce qui pourra soulager et consoler les pauvres malades, à la charge que ladite confrérie ou société sera et demeurera à perpétuité sous notre autorité et dépendance et de nos successeurs archevêques de Paris, et dans l’exacte observance des statuts et règlements ci-après spécifiés, lesquels nous avons derechef approuvés et approuvons par ces présentes.

Et d’autant que Dieu a béni le travail que notredit cher et bien-aimé Vincent de Paul a pris pour faire réussir ce pieux dessein, nous lui avons derechef confié et commis, et, par ces présentes, confions et commettons la conduite et direction de la susdite société et confrérie, sa vie durant, et, après lui, à ses successeurs généraux de ladite congrégation de la Mission.

En témoin de quoi nous avons signé cesdites présentes, fait contre-signer par notre secrétaire ordinaire et y apposer le sceau de nos armes.

Donné à Rome le dix-huitième jour de janvler mil six cent cinquante-cinq.

CARDINAL DE RETZ, archevêque de Paris.

Par Monseigneur.

GAULTRAY.

 

150. — ACTE D ÉTABLISSEMENT DES FILLES DE LA CHARITÉ

ET NOMINATION DES OFFICIERES

(8 août 1655)

Vmcent de Paul, général de la congrégation de la Mission, supérieur et directeur de la confrérie des servantes des pauvres de la Charité savoir faisons qu’ayant plu à Dieu de se servir de ladite congréga-

Document 150. — Doc. signé. — Arch. nat. L 1054, original. Nous respectons à dessein, dans les signatures, l’orthographe des noms de famille.

 

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tion de la Mission pour établir les confréries de la Charité en plusieurs endroits de ce royaume, de l’Italie et de la Savoie, de l’autorité de notre Saint-Père le Pape, de nosseigneurs les archevêques et évêques des lieu pour l’assistance des pauvres malades, et que l’expérience ayant fait voir que les dames qui composaient ladite confrérie dans les paroisses de la ville de Paris ne leur pouvaient rendre les assistances nécessaires elles-mêmes, comme leur porter la nourriture, faire leurs lits, composer et leur administrer les remèdes, et le reste, l’on aurait associé à ladite confrérie quelque nombre de filles et veuves pour suppléer au défaut de ce que lesdites dames ne pouvaient faire elles-mêmes pour l’assistance desdits malades, lesquelles filles et veuves on aurait fait vivre ensemble sous la direction de demoiselle Louise de Marillac, veuve de feu M. le Gras, secrétaire de la feue reine, mère du Roi Louis 13e, et sous certaines règles tendantes à les faire bien vivre et bien assister les pauvres malades corporellement et spirituellement, en sorte qu’il a plu à sa divine bonté de bénir ce petit ouvrage de ses mains, à feu Monseigneur Jlean-] Fr [.ançois] de Gondy, archevêque de Paris, de l’approuver, et à Monseigneur le Cardinal de Retz, pour lors son coadjuteur, de donner son approbation, qu’il a réitérée depuis, ainsi qu’il appert par les lettres patentes qu’il a données à cet effet, par lesquelles il approuve ladite confrérie et les règles d’icelle, et nous a institués, notre vie durant, et nos successeurs supérieurs généraux de ladite Mission, supérieurs et directeurs de ladite confrérie des servantes des pauvres de la Charité.

Et quoiqu’il ait plu à Dieu d’instituer ladite confrérie en cette ville de Paris, il y a environ vingt-cinq ans, sans qu’on ait fait l’acte de l’établissement d’icelle, ayant jugé à propos de voir auparavant l’entière observance

 

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desdites règles dans ladite confrérie et la conduite, d’icelle en la manière ière qu’on a pu désirer par la miséricorde de Dieu ; et étant, d’un autre côté, sur le point d’envoyer plusieurs desdites filles et veuves dans les établissements nouveaux, tant de ce royaume qu’en celui de Pologne, nous avons jugé nécessaire de faire à présent ledit acte d’établissement ; et avons, à cet effet, convoqué celles qui sont en cette ville et se sont trouvées en l’assemblée qui en a été faite en la maison de leur communauté de ladite ville, où nous avons pris les nom, de celles qui ont déjà été reçues et désirent persévérer en icelle ; et ce après leur avoir fait lecture desdites règles et de l’approbation d’icelles, dont est fait mention ci-dessus.

Et cela fait, avons procédé à la nomination des officières ; et quoiqu’il soit dit qu’on la doit faire à la pluralité des voix, néanmoins à cause que pour la première fois c’est affaire à celui qui établit ladite confrérie à nommer lesdites officières, nous avons nommé les suivantes.

Premièrement, nous avons prié ladite demoiselle de Marillac de continuer la charge de supérieure et directrice de ladite confrérie sa vie durant, comme elle l’a fait, et avec grande bénédiction, par la miséricorde de Dieu, depuis l’établissement d’icelle confrérie jusques à présent. Et pour ce qui est des autres trois officières, nous avons nommé : pour première assistante, Julienne Loret ; pour seconde assistante et trésorière, Mathurine Guérin ; et pour dépensière, Jeanne Gressier. Ce qu’étant fait, nous avons exhorté lesdites filles et veuves de ladite confrérie à rendre grâces à Dieu de leur vocation, à hien vivre en icelle et à se rendre exactes à l’observance desdites règles et de leurs charges ; ce qu’elles ont toutes promis de faire, moyennant la grâce de Notre-Seigneur.

 

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En foi de quoi nous avons signé de notre main le présent acte et fait apposer le sceau de notredite congrégation, lequel ont aussi signé ladite demoiselle et les autres officières et quelques autres des plus anciennes qui l’ont pu.

Fait en ladite maison de la Charité de Paris le huitième d’août mil six cent cinquante-cinq (1)

LOUISE DE MARILLAC. MATHURINE GUÉRIN.

JEANNE GRESIER. JULIENNE LORET

BARBE BAILLY. GENEVIEVE DOINEL

BARBE FOUINS. JEANNE GOIRAR MARIE CRESTE.

MADELEINE RAPORTEBLE. LOUISE DALBEL

MARIE VIGNERON. MARGUERITE CHÉTIF.

MARIE JOLIE. FRANÇOISE NORET.

GFNEVIEVE POISSON ANTOINETTE LABITTE.

GENEVIEVE CAILLOUX ANNE HARDEMONT.

VINCENCE DAUCHY. JEANNE BAPTISTE.

ANNE ROSE TOUSSAINTE DAVID.

ANDRÉE MARESCHALES. JEANNE LUCE.

ETIENNETTE DU PUIS. FRANÇOISE FANCHON.

FRANÇOISE CABRY PHILIPPE BAILLY.

MARIE ROBDÉ RENÉE PESCHELOCHE.

MARIE CUGNY MARGUERITE MÉNAGE

MADELEINE GARNIER GABRIELLE GABARRET.

FRANÇOISE GESEAUME. GENEVIEVE GAUTIER

MARIE LA RUELLE MADELEINE MÉNAGE

FRANÇOISE ROSEAU. JEANNE LE MERET.

VINCENT DEPAUL

Suivent les noms de toutes les autres sœurs qui ont

1. Le copiste du document a écrit ici, probablement sur l’ordre de louise de Marillac : "Ce vide avait été laissé pour la signature de Monsieur Vincent, mais il a voulu signer tout le dernier." Les neuf ou dix sœurs qui ne savaient pas écrire ont tracé un signe quelconque, à côté duquel leur nom a été ajouté par une autre sœur.

 

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été reçues depuis la première institution de ladite confrérie et société jusques à aujourd’hui huitième août mil six cent cinquante-cinq (2) Jeanne Provost, dite Christine, Gillette Joly, Louise Gausset, Cécile Angibout, Jeanne Lepeintre, Henriette Jesselaume, Marie-Marthe Treumeau, Claude Carré, Marie Le Soin, Nicole Georget, Louise-Christine Rideau, Jeanne de S.-Benoist Catherlne de Jesse, Anne Vallin, Barbe Angiboust Jeanne Coignart, Marguerite Le Soin, Perrette Chedeville, Jeanne Paon, Françoise Carsireux, Jeanne St-Albin, Jeanne Huiot, Charlotte Rayé, Marguerite Moreau, Madeleine Drugeon, Françoise Douelle, Marguerlte L. aval, Madeleine Riquet, Marthe Baudouin, Jeanne Goirard, Charlotte Prou, Anne Véron, Catherine Pain d’Avoine, Nicole Biledé, Françoise Goupy, Barbe…, Claude Chantereau, Claude Lauren, t, Toussainte…, Marie Navain, Françoise Menaige, Jeanne Esnaux, Laurence Dubois, Jeanne Huiot, Perrine de Bouhery, Nicole Haran, Elisabeth Jousteau, Nicole Fouillet, Marie Gaudoin, Marie Poulot, Nicole-Colette Bouget, Marguerite Menessier, Michelle Le Coutre, Etiennette Massé, Anne Tacaille, Catherine Bauchet, Anne Devaux, CLaude Tacaille, Jeanne Bonvilliers, Anne Le Lièvre, Jeanne-Marie Boule, Suzanne…. Charlotte Moreau, Marie Quinville, Jeanne Turet, Jeanne La Biche, Geneviève Vigneron, Antoinette Le Roy, Marie Railleard, Claire Jodoine, Françoise Bouhery, Radegonde L’Enfantine, Claude La Mucette, Marie Rat, Julienne Allot, Mauricette Villain, Claude Tibau, Louise Chomon, Louise Corbe, Claude Parcollet, Françoise Gouin, Claude Blanchar, Marie Allet, Pétronille Gillot, Anne Bocheron, Anne Levies, Antoine

2. Ne se trouvent pas dans cette liste les noms des soeurs défuntes ou sorties de la Compagnie et même quelques autres.

 

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Richevillain, Jeanne La Mère, Mathurine Brillehaut, Jeanne Devau, Marie Damé, Sulpice Dubois, Elisabeth Morancy, Marie Papillon, Marie Petit, Michelle Mestayer, Marie Roger, Jeanne Blot, Clémence…, Marguerite…,… de Fimes.

 

151. — OBÉDIENCE DES SŒURS ENVOYÉES A ARRAS

(30 août 1656)

Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission, et directeur de la confrérie et société des Filles de la Charité et servantes des pauvres malades des paroisses établie en cette ville de Paris, à nos très chères et bien-aimées filles en Jésus-Christ notre Sauveur, Marguerite Chétif et Radegon, de Lenfantin, filles de ladite confrérie et société de la Charité, salut en la dilection de Notre-Seigneur.

Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime évêque nommé d’Arras et quelques personnes de piété et de condition de ladite ville et ensemble les dames officières de la Compagnie de la Charité dudit Paris nous ayant fait l’honneur de nous demander deux filles de ladite société pour assister les pauvres maldes de ladite ville d’Arras, du moins pour une année, nous, désirant satisfaire au commandement d’un tel prélat et aux saints désirs de tant de personnes si charitables et, par même moyen, contribuer en quelque façon à l’effet d’un si pieux dcssein, et, de plus, étant bien informés de votre probité, zèle, capacité et fidélité en ce qui regarde le service des pauvres et l’observance de vos règles, nous avons destinées et envoyées, et, par ces présentes, vous destinons et envoyons pour l’effet que dessus vous mandant de vous rendre au plus tôt en ladite ville

Document 151. — Doc. signé. — Arch. de la Mission, original.

XIII. — 37

 

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d’Arras pour y recevoir les ordres que mondit seigneur et autres à qui il appartiendra vous y donneront, et y garder la manière de vivre que vous avez accoutume dans les autres lieux où vous avez été employées de notre ordre pour la même fin, sous la direction spirituelle de l’ecclésiastique que nous vous marquerons et conformément à vos règlements, dont nous vous avons donné copie, afin que vous agissiez selon iceux autant que les besoins pressants des malades vous le permettront, le tout pour autant de tenps que les personnes don t vous dépendrez agréeront votre petit service et que nous le jugerons à propos, priant Dieu cependant qu’il bénisse votre voyage, vous tienne toujours en sa protection et vous remplisse de ses grâces et bénédictions pour accomiplir dignement tout ce qui vous est et sera prescrit.

Et pour donner plus de créance et d’autorité à tout ce que dessus, nous avons signé les présentes de notre main, fait contresigner par notre secrétaire et y apposer notre seeau ordinaire.

A Paris, le trentièrne du mois d’août mil six cent cinquante-six.

VINCENT DEPAUL, indigne supérieur général de la congrégation de la Mission.

Par commandement de mondit sieur.

DUCOURNAU.

 

152. — LETTRES PATENTES PAR LESQUELLES LE ROI

APPROUVE LA COMPAGNIE DES FILLES DE LA CHARITÉ

(Novembre 1657)

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.

Document 152. — Arch. nat. L 1054, original.

 

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Notre très cher et bien-aimé Vincent de Paul, prêtre, supérieur général de la congrégation de la Mission, nous a fait très humblement représenter qu’une des principales fonctions des prêtres de ladite congrégation étant d’établir la confrérie de la Charité, instituée pour l’assistance des pauvres malades, aux lieux où i !, vont faire la mission et auxquels cet établissement est jugé utile, ainsi qu’il appert par l’érection d’icelle congrégati~n, faite par le Pape Urbain VIII, d’heureuse mémoire, et par les règles de ladite congrégation, approuvées par le feu sieur archevêque de Paris, comme délégué du Saint-Siège pour l’approbation desdites règles, ladite congrégation a établi ladite confrérie dans notre bonne ville de Paris et autres lieux du diocèse, même en plusieurs autres lieux et endroits de notre royaume, pour l’assistance des pauvres malades des lieux.

Mais, d’autant que ladite confrérie est composée de femmes mariées, veuves et filles de piété, lesquelles prennent soin de visiter et assister lesdits pauvres malades, de leur administrer la nourriture et les médicaments et procurer l’assistance spirituelle d’iceux pour porter à bien vivre ceux qui guérissent et à bien mourir ceux qui tendent à la mort, et que l’expérience a fait voir que les dames de condition de ladite confrérie avaient difficulté de porter les vivres qu’il fallait auxdits pauvres malades, comme aussi à faire leurs lits et à leur donner les remèdes, et généralement à leur rendre les autres menus services nécessaires ; pour à quoi pourvoir, ladite congrégation de la Mission, de l’avis desdites dames de la Charité, a disposé des filles et veuves de basse condition à se mettre dans ladite confrérie, pour s’employer aux choses plus basses qu’il faut exercer vers lesdits malades, et à cet effet, les a fait vivre par ensemble dans une maison à ce destinée, sous

 

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la conduite de demoiselle Louise de Marillac, veuve de feu sieur Le Gras, secrétaire de la feue reine, mère du roi, notre très honoré seigneur et père ; lesquelles elle entretient tant par le moyen de 1000 livres tournois de rente, que ledit feu roi, notre très honoré seigneur et père, leur a données, à prendre sur notre domaine de Gonesse, de 1200 livres de rente annuelle et perpétuelle, qu’elles ont acquise sur les coches de Rouen des deniers provenant du don que notre chère et bien-aimée cousine la duchesse d’Aiguillon leur a fait, et de ce qu’elles peuvemt gagner par leur travail manuel, quand leurs emplois ordinaires leur laissent quelque temps de reste, que par l’assistance des personnes pieuses qui y contribuent selon leurs facultés, et par les aumônes qui leur sont faites, et les instruit dans la piété, les dresse à bien servir les pauvres malades, à les saigner, à faire et administrer les médicaments ; et ensuite elle les envoie dans les paroisses de notredite ville de Paris et en celles de la campagne et aux hôpitaux de notre royaume auxquels on les demande, comme en ceux de Nantes, d’Angers, de Saint-Denis et autres ; les rappelle et change de lieu en autre selon l’exigence des cas ; les emploie, sous sa conduite, à plusieurs autres bonnes œuvres, comme à l’élèvement des enfants trouvés de notredite ville et faubourgs de Paris, à l’assistance des pauvres criminels condamnés à aller servir en nos galères, et des prisonniers malades de la Conciergerie du Palais de notredite ville de Paris, à l’instruction des pauvres filles, leur montrant à prier Dieu et à lire, et enfin à toutes les bonnes œuvres auxquelles elles peuvent être utiles : le tout de l’avis et par la direction de notredit cher et bien-aimé Vincent de Paul, supérieur général de ladite congrégation de la Mission, et conformement aux règlements et statuts qu’il a faits pour le bon ordre et direction de ladite confrérie.

 

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Mais, parce qu’il arrive ordinairement que les œuvres qui regardent le servire de Dieu finissent en ceux qui les ont commencées, s’il n’y a quelque liaison spirituelle entre les personnes qui s’y emploient, et que les lettres d’érection de ladite confrérie et société et d’approbation des règlements et statuts qu’avait données notre cher cousin le sieur cardinal de Retz, archevêque de Paris, pour lors coadjuteur et vicaire général dudit archevêché, lesquelles étaient attachées avec nos lettres patentes sous le contrescel de notre chancellerie, lesdites lettres adressantes à notre parlement de Paris, pour y être enregistrées, ont été égarées, par malheur, par le secrétaire du sieur Méliand, pour lors notre procureur général, entre les mains duquel nosdites lettres patentes avaient été mises pour y donner ses conclusions, lequel secrétaire étant mort ensuite, sans qu’on ait pu recouvrer ladite approbation attachée à nosdites lettres, quelque recherche qu’en ait pu faire ledit exposant, soit parmi les papiers dudit sieur Méliand et de sondit secrétaire, soit chez notre procureur général d’à présent et ses substituts, ledit exposant a été obligé de recourir audit sieur cardinal de Retz, à ce qu’il lui plût approuver derechef ladite confrérie et les statuts et règlements d’icelle, étant en suite de ladite approbation, et donner pouvoir audit exposant et à ses successeurs généraux de ladite congrégation de la Mission, de diriger ladite confrérie sous son autorité et juridiction et de ses successeurs archevêques de Paris ; ce qu’il aurait fait à Rome le dix-huitième jour de janvier mil six cent cinquante-cinq par d’autres nouvelles lettres, et derechef érigé tout de nouvcau l’assemblée desdites filles et veuves en forme de confrérie ou société particullière, sous le titre de servantes des pauvres de la Charité, et ordonné que celles qui étaient dès lors admises et qui y seraient recues à l’avenir puis-

 

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sent librement exercer tout ce qui pourrait soulager et consoler les pauvres malades, à la charge que ladite confrérie ou société sera et demeurera à perpétuité sous son autorité et dépendance et de ses successeurs archevêques de Paris, et dans l’exacte observance des statuts et règlements que notredit bien-aimé Vincent de Paul lui a présentés, selon lesquels elles ont vécu jusqu’alors et s’étaient proposé de vivre le reste de leurs jours lesquels statuts et règlements ledit sieur archevêque a approuvés et autorisés par lesdites lettres du 18 janvier 1655, et a derechef confié et comrnis la conduite et la direction de ladite société et confrérie à notredit cher et blen-aimé Vincent de Paul, tant qu’il plaira à Dieu lui conserver la vie, et, après lui, à ses successeurs généraux de ladite congrégation de la Mission, de sorte qu’il ne reste plus à désirer pour la perfection d’un si saint établissement, sinon qu’il nous plaise de le vouloir approuver, confirmer et autoriser derechef.

Savoir faisons que nous, désirant approuver de notre autorité toutes les bonnes œuvres et tous les établissements qui se font et feront à l’avenir dans l’étendue de nos Etats et pays de notre obéissance, pour la gloire de Dieu, et particulièrement celui de ladite société et confrérie, lequel ayant eu un commencement si rempli de bénédictions et un progrès si abondant en charité, tant à l’endroit des pauvres malades que des pauvres enfants trouvés, pauvres forçats et petites filles et même des pauvres filles qui se présentent pour les servir, lesquelles par ce moyen, ont une belle et sainte occasion de se donner à Dieu et le servir en la personne des pauvres nous, de notre certaine science, pleine puissance et autorite royale, avons par ces présentes, si~nées de notre main, derechef reçu et approuvé, confirmé et autorisé, recevons, approuvons, confirmons et autorisons l’établissement de ladite confrérie, communauté et société, sous

 

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le titre de servantes des pauvres de la Charité, instituée par notredit cher et bien-aimé Vincent de, Paul, avons dit, déclaré, statué et ordonné, disons, déclarons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît que l’établissement de ladite confrérie, communauté et société demeure ferme et stable ores et pour l’avenir, et même que lesdites filles et veuves qui ont été et seront admises et reçues en ladite société et confrérie des servantes des pauvres malades, puissent aller (par la permission dudit Vincent de Paul et, après lui, de ses successeurs généraux de ladite congrégation, et de leur supérieure) et être reçues en tous les lieux, villes, bourgs et villages de notre royaume et pays de notre obéissance où elles seront appelées, pour s’y établir et y exercer semblables charités, même envers les pauvres orphelins et pauvres malades, ès maisons hôpitaux et Hôtels-Dieu, où elles seront jugées nécessaires pour l’éducation, nourriture et instruction desdits orphelins, service et assistance des pauvres malades, par les maires et échevins, majeurs, syndics, jurats, capitouls ou habitants des lieux, chacun à leur égard.

Et pour faire voir combien ledit établissement nous est agréable, nous avons mis et mettons icelle confrérie, communauté et société, fonds, maisons, terres et revenus qui en dépendent, et généralement toutes les choses qui y ont été et seront ci-après aumônées, en notre sauvegarde et protection spéciale, et de nos successeurs rois, faisant très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient et puissent être, d’aucune chose attenter ou innover au préjudice de ladite confrérie, et de la troubler et empêcher, ni les officiers et officières d’icelle, en la fonction de leurs charges, régime et gouvernement des choses qui y appartiennent et y pourront appartenir, et de

 

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leur méfaire ni médire directement ou indirectement, à peine d’encourir notre disgrâce.

Comme aussi avons permis et permettons à ladite confrérie, cornmunauté et société, officiers ou officières d’icelle, d’accepter et recevoir, de quelques personnes que ce soient ou puissent être, tous dons et legs qui pourront être faits et aumônés par donation entre vifs, testamentaires ou à cause de mort, tant en meubles qu’immeubles, en quelque sorte et manière que ce puisse être, et acquérir fonds des deniers qui leur pourront être donnés (comme elles ont fait, depuis environ quatre ans (1), la maison et lieux en laquelle elles sont demeurantes, sise au faubourg Saint-Denis de cette dite ville de Paris) pour en être les fruits et revenus employés aux nécessités de ladite confrérie, société et communauté, lesquels biens immeubles qui seront ainsi donnés, aumônés ou acquis à ladite confrérie, société et communauté desdites filles et veuves, servantes des pauvres, même ladite maison, par elles, comme dit est, acquise, nous avons dès à présent amortis et amortissons pour jamais, comme à Dieu dédiés, par ces présentes lettres, sans qu’il soit besoin d’en obtenir aucune autre de nous, ni des rois nos successeurs, ni qu’elles soient tenues de nous payer, ni à nosdits successeurs rois, aucuns lots, ventes, droits de rachats, francs-fiefs, nouveaux acquêts, vider leurs mains, bailler homme vivant et mourant, ni payer aucune finance ou indemnité ; de quoi nous leur avons fait et faisons don par ces présentes.

Si donnons en mandement à nos amés et féaux les gens tenant nos cours de parlement et chambres des Comptes, et à tous autres nos officiers, justiciers et officiers qu’il appartiendra, que ces présentes ils fassent

1. Le ler avril 1653. (Arch. nat. S 6608.)

 

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lire, publier et registrer, et de tout le contenu en icelles jouir et user par ladite confrérie et communauté paisiblement et pleinement, ores et pour l’avenir à perpétuité, sans leur faire, permettre ni souffrir leur y être fait, mis ou donné aucun trouble ou empêchement, nonobstant tous édits, ordonnances, mandements et défenses, arrêts, lettres, privilèges et autres choses à ce contraires, auxquels et aux dérogatoires des dérogatoires d’icelles avons dérogé et dérogeons par ces présentes.

Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre et apposer notre scel à ces présentes, sauf en autre chose notre droit, et d’autrui en toutes ; car tel est notre plaisir.

Donné à Paris, au mois de novembre, l’an de grâce mil six cent cinquante-sept, et de notre règne le quinzième.

LOUIS.

Par le Roi.

DE LOMÉNIE.

 

153. — ENREGISTREMENT PAR LE PARLEMENT

DES LETTRES PATENTES DE NOVEMBRE 1657

(16 décembre 1658)

Vu par la Cour les lettres patentes données à Paris au mois de novembre mid six cent cinqu. ante-sept, signées Louis, et sur le repli, Par le Roi, De Loménie, et scellées sur lacs de soie du grand sceau de cire verte, obtenues par Vincent de Paul, prêtre, supérieur général de la congrégation de la Mission, par lesquelles et pour les causes y contenues ledit seigneur aurait reçu, approuvé, confirmé et autorisé l’établissement de la confrérie, communauté et société sous le titre de servantes

Document 153. — Arch. des Filles de la Charité, copie.

 

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des pauvres de la Charité, instituée par ledit impétrant, veut et lui plaît qu’il demeure ferme et stable ores et pour l’avenir, et même que les filles et veuves qui ont été et seront admises et reçues en ladite société et confrérie de servantes des pauvres malades, puissent aller par la permission dudit impétrant et, après lui, de ses susseurs généraux de ladite congrégation de la Mission et de leur supérieure, et être reçues en tous les lieux, villes, bourgs et villages du royaume où elles seront appelées, pour s’y établir et exercer semblables charités qu’eLles font en cette ville de Paris même envers les pauvres orphelins et pauvres malades, ès maisons, hôpitaux et Hôtels-Dieu où elles seront jugées nécessaires pour l’éducation, nourriture et instruction desdits orphelins, service et assistance des pauvres malades, par les maires, échevins, majeurs, syndics, jurats, capitouls ou habitants des lieux, chacun à leur égard, mettant ledit seigneur icelle confrérie, communauté, société, fonds, maisons, terres et revenus qui en dépendent, et généralement toutes les choses qui y ont été et seront aumônées, en sa protection et sauvegarde, avec permission aux officiers et officières d’icelles de recevoir et acquérir toutes sortes de biens meubles et immeubles, lesquels ledit seigneur aurait, dès à présent, amortis comme à Dieu dédiés, ainsi qu’il est plus au long porté par lesdites lettres à la Cour adressantes.

Vu aussi l’approbation du sieur cardinal de Retz, archevêque de Paris, de ladite société et communauté et des statuts et règlements d’icelle, en date du dix-huitième janvier mil six cent cinquante-cinq, attachée sous le contre-scel desdites lettres, requête présentée à la Cour par ledit Vincent de Paul, à afin d’enregistrement desdites lettres, conclusions du procureur général du roi, ouï le rapport de messire Charles le Prévost, con-

 

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seiller du roi en ladite Cour, et tout considéré, ladite Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres seront registrées au greffe d’icelle, pour être exécutées selon leur forme et teneur.

Fait au Parlement le seize décembre mil six cent cinquante-huit.

DU TILLET

 

154 — OBEDIENCE DONNÉE AUX SŒURS ENVOYEES A NARBONNE

(12 septembre 1659)

Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission et directeur de la confrérie et communauté des Filles de la Charité, servantes des pauvres malades des paroisses, établie en cette ville de Paris et autres lieux de ce royaume, à nos très chères et bien-aimées filles en Jésus-Christ notre Sauveur, Françoise Carcireux, Anne Denoual et Marie Chesse, filles de ladite confrérie et communauté de la Charité, salut en la dilection de Notre-Seigneur.

Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime archevêque de Narbonne nous ayant fait l’honneur de nous demandcr trois filles de ladite communauté pour assister les pauvres malades de ladite ville, nous, désirant satisfaire au commandement de mondit seigneur et étant bien informé de votre probité, zèle, capacité et fidélité en ce qui regarde le service des pauvres et l’observance de vos règlements, vous avons destinées et envoyées, et par ces présentes vous destinons et envoyons à mondit seigneur pour l’effet que dessus, vous mandant de vous rendre au plus tôt en ladite ville de Nar-

Document 154. — Arch. de la Mission, copie.

 

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bonne pour y recevoir les ordres que mondit seigneur vous y donnera, et y garder la manière de vivre que vous avez accoutumé dans les autres lieux où vous avez été employées pour La même fin et conformément à vosdits règlements, priant Dieu cependant qu’il bénisse votre voyage, vous tienne toujours en sa protection et vous remplisse de ses grâces et bénédictions

Et pour donner plus de créance et d’autorité à ce que dessus, nous avons signé les presentes de notre main, fait contresigner par notre secrétaire et y apposer notre sceau ordinaire

A Paris, le douzième jour du mois de septembre, l’an mil six cent cinquante-neuf.

VINCENTIUS A PAULO indignus superior generalis congregationis Missionis.

A. PORTAIL, secretarius

 

l55. — OBEDIENCE DONNEE

A TROIS FILLES DE LA CHARITE ENVOYEES EN POLOGNE

(16 septembre 1660)

Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission et directeur de la confrérie des Filles de la Charité, servantes des pauvres, établie à Paris, à nos très chères et bien-aimées Fllles en Jésus-Christ notre Sauveur, Barbe Bailly, Catherine B. aucher et Catherine Bouy, filles de ladite confrérie de la Charité, salut en la dilection de Notre-Seigneur.

Ladite confrérie des Filles de la Charité ayant été, depuis environ huit ans, établie, à l’instance de la sérénissime reine de Pologne, dans la ville de Varsovie pour le soulagement des pauvres malades, et Sa Majesté

Document 155. — Doc. signé. — Dossier de Cracovie, original.

 

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nous ayant, depuis quelques mois, fait l’honneur de nous demander trois desdites filles, nous, désirant satisfaire aux désirs et aux commandemenlts d’une si digne princesse, vous avons envoyées et par ces présentes vous envoyons en ladite ville pour y recevoir les ordres que Sa Majesté vous donnera et y garder l. a manière de vivre que vous avez accoutumé en France, sous la direction de Monsieur Desdames, ou autre qui sera supérieur des prêtres de notredite congrégation qui sont mainten. ant en Pologne, et sous le bon plaisir de nosseigneurs les Illustrissimes et Révérendissimes évêques des lieux, vous exhortant toutes à bien faire votre devoir, surtout à vivre dans une parfaite union et observance de vos règlements Ce qu’espérant de la miséricorde de Dieu, nous la supplions qu’elle vous conserve et bénisse.

En foi de quoi nous avons signé les présentes de notre main et à icelles fait apposer le sceau de notredite congrégation.

A Saint-Lazare-lez-Paris, le seizième jour de septembre mil six cent soixante.

VINCENT DEPAUL, indigne supérieur général de la congrégation de la Mission et directeur des Filles de la Charité.

Par mondit sieur Supérieur Général.

THOMAS BERTHE

 

156. — CONSEIL DU 28 JUIN 1646

Voici, mes chères filles (1), par la grâce de Dieu, un com-

Document 156. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot.

1. Aux conseils n’assistaient que les officiers de la communauté, saint Vincent et Antoine Portail ou, en son absence, un assistant du saint parfois deux, parfois aussi deux sœurs anciennes.

 

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mencement d’ordre et de fondement que sa Providence jette en votre Compagnie par l’établissement de ce petit conseil. Nous sommes ici assemblés tant pour aviser à quelques nécessités, ainsi qu’il se pratique dans toutes les communautés bien réglées, que pour vous dire la manière dont vous vous y devez gouverner, et voir celle que Mademoiselle Le Gras ou la sœur servante y doit tenir

Vous ne le commencerez point, mes filles, qu’auparavant vous n’ayez invoqué le secours du Saint-Esprit. Et pour ce, il sera bon que vous disiez l’antienne Veni Sancte, avec le verset et l’oraison, et, à la fin, une antienne à la Vierge. Je pense qu’il sera bien à propos que ce soit Sancta Maria, succurre miseris, ou bien, Sub tuum praesidium.

Le second est à quoi il vous faut bien prendre garde : c’est de ne point proposer, avant que d’y venir, ce que vous aurez à dire ; ne vous point préoccuper l’esprit d’une opinion ou de l’autre ; ne point parler selon vos sentiments d’aversion ou d’affection et laisser faire l’esprit de Dieu en vous ; ne point délibérer en vous-mêmes : "Je dirai ceci ou cela", mais dire ingénument ce que Dieu vous inspirera. Savez-vous pourquoi, mes filles ? C’est que, si, avant d’y venir, votre esprit a résolu d’être d’un avis ou d’un autre, il ne sera plus libre de juger clairement de ce qui lui sera proposé, et que, s’il agit suivant vos aversions ou affections, ô mes filles, ce ne sera plus l’esprit de Dieu qui présidera en vos petits conseils, mais vos propres fantaisies. Oh ! que vous perdriez ! Car savez-vous ce que dit Notre-Seigneur sur le sujet des conseils qui se doivent tenir dans les Compagnies ? "Si vous etes, dit-il, assemblés en mon nom, je serai au milieu de vous" (2), Ah ! il est vrai, mes fil-

2). Evangile de saint Matthieu XVIII, 20.

 

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les ; et cela étant, il le faut laisser faire, car vous pouvez bien croire qu’il n’y sera pas comme une pierre. Il y est pour opérer lumière et grâce dans les cœurs ; il y est éclairant les entendements et affectionnant les volontés. Venez-y donc pour vous laisser conduire à ce qu’il vous dira, et n’ayez aucun intérêt en vue que de sa plus grande gloire en l’avancement de la Compagnie

Un troisième fondement, qui est absolument nécessaire, c’est le secret inviolable L’âme des affaires de Dieu, c’est ce secret ; car dès que l’on parle au dehors de ce qui se passe, tout est ruiné et s’en va en désordre. De sorte qu’il faut ici un secret, sans comparaison pareil à celui de la confession. Il ne faut pas que jamais on sache non seulement les choses résolues, mais non pas même celles qui s’y sont proposé ; il ne faut pas que jamais, ni directement ni indirectement, vous donniez à connaitre rien du tout de ce qui s’y est traité ; il ne faut pas même que vous en parllez entre vous, comme il se pourrait dire : "Mais que vous semble de telle chose ? Mais ne serait-il pas mieux comme cela ? Mais disons telle chose." Oh ! non, mes filles, jamais, jamais entre vous n’en ouvrez seulement la bouche ; jamais ne parlez de ce qui s’y sera traité.

La manière que Mademoiselle y tiendra, car c’est à la sœur servante, comme elle est à présent, à proposer les affaires. Or, en une affaire il y a toujours du pour et du contre. C’est donc affaire à elle, en proposant l’affaire, de dire, premièrement, les raisons qui portent à la faire ; et puis ensuite celles qui en empechent, comme, par exemple : "On doit faire telle chose pour telle et telle raison ; mais il y en a d’autres qui les combattent, qui sont telles et telles."

Pour demander leur avis, elle s’adressera premièrement à celle qui sera à sa main droite, et puis à la suivante, et puis à celle d’après.

 

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La sœur à qui elle aura demandé son avis fera une inclination avant de commencer, et puis dira : "Mademoiselle, il me semble que, pour telles et telles raisons. il est à propos de faire, ou de ne pas faire cela." Car il faut toujours dire les raisons. Puis, ayant fini, elle fera encore une inclination. Quand le supérieur y sera, sera bon de se lever ; comrne aussi, quand la sœur servante se lèvera, il me semble qu’il est bien à propos que toutes les autres se lèvent aussi.

Si la seconde sœur n’est pas de l’avis de la première, elle pourra dire : "Il me semble que, pour telles et telles raisons, cela ne devrait pas être ainsi" ; et cela sans nommer la sœur de qui elle pdrle. Et elle dira celles qui portent à faire d’une autre façon.

Si la troisième n’est de l’avis ni de l’une ni de l’autre, elle pou, rra dire : "Il me semble que, pour telle et telle raison, il ne serait pas expédient de faire cela de cette sorte, ni de celle-là, mais de cette manière, et, pour une telle raison qui semble l’empêcher, il me semble qu’elle se peut résoudre par celle-là."

C’est, après cela, à la sœur servante qui aura recueilli les voix, à suivre celle qu’elle trouvera le plus à propos. Et si elle ne veut suivre ni les unes ni les autres, c’est à elle à dire : "Nous ne terminerons point cela aujourd’hui ; il y faudra penser devant Dieu." Ou bien, si elle veut prendre avis, elle peut dire : "J’en parlerai à Monsieur Vincent ; nous verrons ce qui sera le meilleur."

Vous avez encore à observer, mes filles, de ne point contester pour vos opinions et de les dire simplement, sans vous empresser de vouloir qu’elles soient suivies. Au contraire, vous devez toujours souhaiter que les autres soient plutôt crus que non pas vous.

Maintenant, mes filles, il se présente une affaire en

 

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laquelle il est nécessaire d’avoir vos avis : c’est pour cette pauvre Jacqueline, que vous avez céans. C’cst un esprit mal fait, qui cause beaucoup de petits désordres, pour lesquels il serait bien nécessaire qu’elle ne fût plus dans la Compagnie. Elle fait beaucoup de plaintes, qui peuvent causer du trouble dans les esprits faibles qui ne la connaissent pas encore. Et comme elle ne goûte rien de ce qui se pratique, elle fait, où elle se trouve, des contes ridicules qui peuvent beaucoup nuire. Si on s’oppose à quelque chose de ce qu’elle veut, elle est insupportable et n’est point capable de correction ; et ce qui est plus encore, c’est qu’il me semble que, n’y étant qu’à regret, comme il parait, elle n’y puisse faire son salut, et qu’elle le fera mieux quand elle sera en son particulier. Enfin, mes filles, elle n’a point le sens commun.

Vous avez à regarder, d’autre part, que c’est une fille qui a rendu beaucoup de services aux pauvres et qui est des plus anciennes, et même, comme je pense, quasi des premières qui ont commencé à les servir dans la Compagnie. Pour cela, il semble qu’il vaudrait mieux la garder.

Que vous en semble, ma sœur ?

A quoi la sceur répondit qu’il lui semblait être nécessaire de la séquestrer de la Compagnie, pour les désordres qu’elle y cause. Mais, eu égard aux services qu’elle a rendus, il serait bon de ne la pas délaisser.

— Et comment vous semble-t-il, ma fille, que cela se peut faire ?

La sœur dit :

La mettant à quelque village où il pourrait suffire d’une pour assister les malades, et là l’aider en ce que l’on pourrait. De cette façon, elle serait séparée de la Compagnie sans en être tout à fait dehors ; ce qui serait

XIII — 38

 

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La sœur dit que de la mettre à un village, elle ne cesserait pas de faire toujours les mêmes discours, mais qu’il lui semblait que, pour le reste de ses jours, ce serait le plus sûr de la laisser dans la maison faire à sa volonté, et prendre soin que l’on la nourrît pour l’amour de Dieu.

La sœur suivante fut de même avis et ajouta :

Les autres n’y prendraient point l’exemple, voyant que ce n’est que pour l’amour de Dieu qu’on la tiendra.

— Et que dit Mademoiselle Le Gras là-dessus ?

Mademoiselle dit qu’il était très nécessaire de l’ôter, parce que la tenir comme volontaire céans serait de mauvais exemple aux autres. Outre ce, il ne serait pas assuré que, pour cela, elle demeurât en paix, parce qu’à la première fantaisie qui lui prendrait, elle recommencerait comme devant, qu’au moindre mécontentement qu’elle a, elle s’adresse aux nouvelles venues ou à celles qu’elle doute qui soient les plus faibles, et que plus que tout cela encore était la raison que notre très honoré Père avait dite, qui est qu’elle ne faisait pas son salut ; que, pour être en un village, c’est là qu’elle s’était premièrement gâtée ; mais que, si d’elle-même elle se voulait retirer ou au sien ou à quelque autre, et travailler pour gagner quelque chose, la Compagnie la pourrait aider en quelque façon pour vivre. Elle avait sur ce sujet pensé que, si Madame de Lamoignon en eût eu à faire, on l’eût pu mettre en quelqu’une de ses maisons ; c’eût été un bon expédient ; et pour cela elle l’en avait priée. D’ailleurs, elle avait encore pensé que, si on l’eût pu mettre aux Petites-Maisons, elle eût encore été bien. Songent à cette place, elle la souhaitait pour elle-même, mais il fallait que ce fût sous prétexte de servir les pauvres, parce qu’il était toujours resté à cette bonne fille parmi tous ces caprices une volonté de servir les pauvres ; et elle disait qu’elle avait quitté son pays pour cela.

 

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Madite demoiselle ajouta encore que, sur ce sujet, elle avait écrit à monsieur le curé des Petites-Maisons, lequel lui avait mandé qu’elle y serait très nécessaire et que le moyen ordinaire qui se tenait pour cela était d’être premièrement à l’aumône, et puis voir messieurs du Bureau et que quelquefois il faut attendre longtemps, que celles qui y portent leur bien n’ont qu’à avoir un ordre de monsieur le procureur général, mais que, celle-ci entrant pour rendre service aux malades par la faveur de Monsieur Vincent, il pensait que cela se pourrait faire facilement.

Notre très honoré Père, ayant écouté attentivement tout ce que dessus, demanda à Monsieur Alméras, son assistant, ce qu’il en pensait, qui dit ne la point connaître, mais que, sur le rapport qui s’en était fait, il jugeait qu’il était nécessaire de l’ôter et pensait être bon de la mettre en quelque village, ainsi qu’il avait été dit, ou à la maison de quelque dame, comme Mademoiselle avait pensé de Madame de Lamoignon, ou quelqu’autre de qualité, où elle pût aller et venir, être libre et faire ce que bon lui semblerait, sans que personne la contredît, ni prît garde à ce qu’elle ferait.

Après quoi, Monsieur Vincent reprit :

Oh ! Dieu soit béni ! Je pense, mes filles, que, pour toutes les raisons qui ont été dites, il est bon qu’elle sorte. Mais de quelle façon ? J’y suis un peu empêché, car de la tenir céans à son ordinaire, il n’y a pas d’apparence ; et libre, encore moins ; cela donnerait trop de mauvais exemples, et il y en aurait d’autres qui, ne sachant pas les raisons, se voudraient licencier d’en faire autant, pensant que l’on le souffrirait aussi. Et en un village, il lui demeurera l’imagination du mauvais traitement qu’elle prétendra lui avoir été fait et ne laissera pas de faire bruit. Ce que Mademoiselle a proposé des Petites-Maisons lui serait très avantageux, et vous avez

 

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eu raison de le souhaiter pour vous. Mais il n’y a rien où je voie tant de difficulté. Si c’était que la Charité y fût établi, cela se pourrait facilement ; mais, premièrement, pour l’entrée, ou il faut abtendre un long temps, ou elle est extrêmement difficile. Je vous dirai bien qu’il y a peut-être plus de vingt-cinq ans que je me suis mêlé pour la première fois de faire mettre du monde aux Petites-Maisons et n’en ai jamais eu le crédit Néanmoins peut~êtrelepourrait-on par quelque moyen. Mais, quand elle y serait, elle n’y durerait pas, et cela pourrait faire tort à la Compagnie. Premièrement, on la connaîtrait pour être de la Compagnie. Après, ce sont toutes personnes folles et aliénées, esprits extrêmement mal faits, qui vivent tout à rechignechat (3), Ce sont de perpétuelles disputes. Oh ! il n’y a rien de même. Je ne le vous puis dire. Enfin il y a si peu de société qu’elles ne peuvent seulement vivre deux ensemble, et on a été contraint de les sépiarer. Chacune fait son pot-au-feu Celle-ci n’y aurait pas été peut-être un mois qu’elle aurait prise avec quelqu’une aussi mal faite qu’elle ; et incontinent vous en entendriez faire des plaintes à messieurs du Bureau ; et cela pourrait beaucoup nuire à la Compagnie. Néanmoins il faudra voir ; mais je crains qu’elle ne puisse conserver son bonheur. Si d’elle-même elle se pouvait porter à se retirer quelque part et vivre tout doucement, comme il a été dit, je pense qu’il serait bien à propos. Oh bien ! nous ne résouidrons point cela aujourd’hui.

La seconde proposition que vous faites est de savoir si vous devez garder la petite Catherine. Qu’en pensezvous, Mademoiselle ?

Madernoiselle dit que c’était une fort bonne fille, mais que c’était aussi tout ce qui en était considérable, parce qu’il n’y avait pas à espérer qu’elle pût faire aucun ou-

3). A rechignechat : en rechignant comme un chat.

 

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vrage dans la maison, à cause de son incommodité, qui était si grande qu’elle ne peut, quand elle est à genoux, se relever, si elle ne s’appuie, et ne peut presque marcher qu’elle ne se soutienne à ceux qu’elle rencontre ; que, la gardant, on en pourrait faire une maîtresse d’école, qui serait toujours sédentaire à la maison, et que c’était une chose presque nécessaire d’en avoir une qui ne fût propre qu’à cela, afin de l’y laisser toujours ; parce que, quand il y en a une propre à quelque autre chose, au premier besoin qu’on en a, on l’ôte, et que l’école n’en va pas si bien ; que œlle-là pourrait, à raison de sa grande docilité, être à bon exemple à la Compagnie.

— Et vous, ma sœur, qu’en dites-vous ? Mais prenez, bien garde à ce que nous avons dit tantôt, de ne vous point laisser conduire par aucun respect, ni considération ; et sur ce qu’elle est la sœur de notre frère, ne dites pas vos pensées d’une autre sorte.

La sœur répondit qu’elle ne la jugeait propre que pour cela ; et encore pensait-elle qu’elle ne se pourrait faire craindre à raison de sa faiblesse, mais qu’elle pourrait être propre aussi pour les saignées qui se font à la maison.

Les autres sœurs dirent ne la point connaître particulièrement pour juger à quoi elle pourrait être propre, mais qu’elles pensaient que sa f aiblesse ne lui permettait pas de pouvoir faire de plus fort exercice et que cela serait bien de cette façon.

— La pauvre enfant, qu’elle me fait pitié ! Mais je pense néanmoins qu’il vaut mieux la rendre ; car vous la pourriez destiner pour l’école, et peut-être ne s’y pourrait-elle pas accommoder, ou elle le pourrait pour un temps, mais non pas pour toujours. Elle s’en pourrait ennuyer, voire même s’y déplaire, voyant les autres dans la diversité tantôt d’une affaire et tantôt d’une autre, et je pense qu’il s’en faut mieux tenir aux règles,

 

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c’est-à-dire ne point se charger de filles qui ne soient propres à toutes sortes d’emplois. Oui, je pense qu’il le vaut mieux, et tant pour l’indisposition corporelle de cclle-ci, que pour l’esprit de celle dont nous venons de parler.

Vous avez à considérer, mes chères filles, combien il est nécessaire, pour maintenir votre Compagnie, qu’elle soit composée de personnes qul y soient entièreiment propres et de corps et d’esprit, afin qu’elles en puissent faire toutes les fonctions ; et au cas, spécialement pour l’esprit, qu’il s’en rencontrât de contraires, ne les point garder. "Qui est, dit le Fils de Dieu (4), si bon jardinier qui n’arrache parfois ?" Un jardinier qui visite souvent son jardin remarque une plante qui profite et qui fructifie ; il l’arrose, il la cultive, il y prend plaisir. D’un autre côté, il en voit une autre qui n’avance en rien ; il l’arrache, car elle est inutile. Elle occupe de la terre sans en rendre de profit. Le jardinier qui en use ainsi est prudent et avisé.

Vous savez encore, mes filles, qu’il ne faut qu’une brebis galeuse pour gâter tout un troupeau. Et que dirait un maître dont le berger, faute de retrancher une brebis, en aurait laissé gâter un cent d’autres ? Certainement ce serait un grand mal, et il aurait raison d’être bien en colère contre lui.

Or, mes filles, la Providence vous ayant donné en quelque manière quelque conduite en votre Compagnie, vous seriez de très mauvaises bergères si, faute de voir celles de qui les mauvaises mœurs se peuvent communiquer aux autres, vous laissiez gâter toute une Compagnie. Oh ! Dieu vous en veuille bien garder !

Il est question maintenant de voir qui nous mettrons

4). Evangile de saint Matthieu VII, 19.

 

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à Saint-Paul. Que vous en semble, Mademoiselle ? Sur Laquelle avez-vous jeté les yeux ?

Mademoisellle dit qu’il en fallait une qui eût beaucoup de qualités, qui n’étaient pas communes à toutes et que, pour ce, il était bon que ma sœur Anne (3) dît une partie de ce qu’il y avait à faire, afin que l’on pût mieux juger.

— Eh bien ! ma sœur Anne, dit Monsieur Vincent, dites-nous un peu les affaires qu’il y a.

La sœur dit que premièrement la Charité n’était point en ordre comme ès aultres paroisses, qu’il n’y avait point de revenu assuré et qu’il fallait que la sœur eût soin de recevoir tous les mois de l’argent des dames, faire toute la dépense et les pots au logis et rendre compte au bout de chaque mois, qu’il fallait faire faire les drogues. Et comme il y a des dames qui en envoient quérir, il les en faut accommoder, parce que, le leur refusant, il serait à craindre qu’elles ne donnassent rien à la Charité ; qu’il venait une quantité de pauvres qui n’étaient à la portion, demander quelque remède, ou autres choses ; que Monsieur le curé avait absolument défendu qu’on ne leur donnat rien, parce que le nombre s’en trouverait trop grand et qu’ils ne sont point dans l’ordre de la Charité ; qu’il faut savoir fort bien faire les drogues et saigner, parce que le médecin vient au logis, qui voit une partie de ce qui se passe.

— Il faudra, ma fille, rédijoer par écrit l’ordre qu’il faut qu’elle tienne et le faire signer par monsieur le curé, le faire mettre au net et le mettre en lieu où on le puisse voir. Eh bien ! Mademoiselle, qui jugez-vous qui y soit propre ?

— Je vois bien qu’il faut une fille entendue, qui sache un peu son monde et qui ait de l’esprit.

5). Anne Hardemont.

 

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Mademoiselle dit qu’elle n’en savait point d’autre pour le présent que ma sœur Guillemine (6).

— La connaissez-vous, ma sœur ? Que vous en semble ?

La sœur dit ne la pas connaître et que, pour ce, elle avait eu pensée pour ma sœur Barbe (7), mais qu elle pensait que Mademoiselle, les connaissant toutes deux, avait bien jugé celle qui était la plus propre.

Sur quoi, Mademoiselle dit que la sœur Barbe n’avait pas assez de force, parce que le travail est grand.

La sœur Anne dit qu’elle avait pensé à la sœur Elisabeth Martin comme à une personne pourvue de toutes les qualités requises et qui eût réparé toutes les fautes qu’elle y avait faites. Et lui ayant été dit qu’elle était destinée pour un autre endroit, elle dit celle que Mademoiselle avait proposée être bien propre.

A quoi la sœur suivante opina, comme la connaissant bien. Et Monsieur Vincent conclut :

Elle ira donc in nomine Domini.

Nous avons maintenant à parler de filles pour envoyer à Nantes. Mademoiselle propose en premier lieu ma sœur Elisabeth (8) de Liancourt, ou ma sœur Barbe, qui est maintenant à la visite des enfants trouvés, pour être sœur servante. Laquelle vous semble-t-il, ma sœur, qui soit la plus propre ?

La sœur réfpondit pour ma sœur Elisabeth. Et toutes les autres furent de même avis.

— Et au cas, ma fille, dit Monsieur Vincent, que nous ne la puissions avoir, vous semble-t-il que l’on y dût envoyer ma sœur Barbe ?

Toutes les sœurs dirent que oui. Et ma sœur Barbe ne le pouvant, ou quelque empê-

6. Guillemine Chesneau.

7. Barbe Angiboust.

8. Elisabeth Martin.

 

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chement survenant, en voyez-vous quelque autre, ma fille ?

La sœur que notre très honoré Père interrogeait dit avoir pensé pour une ; mais elle ne fut pas approuvée de toutes.

Il conclut :

Oh bien ! nous en demeurerons donc à ma sœur Elisabeth ; et, au cas que nous ne la puissions avoir, nous prendrons ma sœur Barbe.

Ensuite il fit lecture du mémoire que lui avait donné Mademloiselle, qui portait ma sœur Antoinette, de Montreuil (9), ma sœur Catherine Bagard, ma sœur Perrette, de Villers, ma sœur Perrette, de Sedan, ma sœur Marguerite Noret et Marthe, de Saint-Jacques. Et toutes les sœurs n’eurent rien à dire sur le choix de Mademoiselle, mais trouvèrent le tout fort bien.

La proposition suivante fut de celles qui postulaient pour être re~ues en la Compagnie, et entr’autres une qui demandait d’aller dire adieu à ses parents. Mademoiselle dit que ce lui pourrait être une épreuve. Mais notre très honoré Père dit qu’il valait mieux s’en tenir à la maxime du Fils de Dieu, qui ne le conseillait pas ; et sur ce, il fut conclu qu’on lui dirait de n’y pas aller.

Ensuite il fut proposé si l’on ferait un parloir ; ce que Mademoiselle dit avoir pensé comme une chose bien nécessaire, afin que toutes sortes de personnes n’entrassent point céans et que ceux qui v iendraient pour voir une sœur ne vissent point toutes les autres, ni ce qui se fait en la communauté, et même pour empêcher que les gens, de ceux qui viennent, n’entrassent céans.

Monsieur Vincent demanda si Mademoiselle entendait y mettre une grille. Elle dit que ce serait ainsi que sa charité le trouverait à propos. Et il reprit :

9). Probablement Montreuil près Paris.

 

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Il s’agit de savoir, mes filles, s’il est expédient que vous ayez un parloir, et il semble que, pour les raisons que Mademoiselle a dites, cela serait très nécessaire. Mais il est à craindre d’ailleurs, et particulièrement s’il était grillé, que, par succession de temps, ceci ne tournât en une religion. Il pourrait y avoir des esprits dans la Compagnie qui pourraient avoir cette démangeaison et sur ce commencement fonder leurs desseins et renverser tout l’ordre que Dieu a dessein de garder sur la Compagnie. Ce pourrait être un attrait pour les sœurs des paroisses, qui pourraient aimer davantage la maison à cause de cette observance et croire qu’il y aurait plus de régularité qu’ailleurs. Et de plus le monde même, voyant un parloir, pourrait penser que c’est une religion. Voyez donc, mes filles, s’il est expédient que vous ayez un parloir.

La sœur dit qu’il lui semblait être bien nécessaire, pour toutes les raisons qui a~raient été dites, mais qu’elle ne pensait pas qu’il fût à propos d’y mettre une grille, pour les raisons qui avaient été dites aussi.

Les sœurs suivantes furent de même avis, et l’une ajouta qu’il serait bien à propos qu’il y eût une compagne.

— Il faut voir, ma fille, premièrement si nous aurons un parloir, et puis on parlera s’il doit y avoir une compagne. Qu’en dit Monsieur Alméras ?

Monsieur Alméras dit qu’il était bon d’avoir un parloir, mais qu’il ne fallait point du tout qu’il y eût de grilles, parce que cela sentirait la religion, et qu’on y pourrait venir quelque jour, si l’on ne regardait à retrancher de bonne heure tout ce qui en pourrait avoir apparence, et puis que, nos sœurs des paroisses étant libres de parler, il semblerait qu’il y aurait ici plus de retenue. Pour une compagne, il ne lui semblait pas né-

 

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cessaire, puisque les mêmes sœurs des paroisses vont le plus souvent seules ; que les nouvelles venues, ne voyant parler qu’en cette manière, penseraient être perdues quand elles se trouveraient seules avec des hommes, et qu’il était bon de les aguerrir, afin que, dans les rencontres où il faut qu’elles aillent séparément, il ne leur soit point étrange, mais que, pour en ôter tout danger, il serait bon que l’on en tînt toujours la porte ouverte, afin que les allants et venants vissent dedans et que ceux qui y seraient se tinssent dans leur devoir. Monsieur Vincent reprit son discours et dit :

Oh bien ! mes filles, je pense qu’il est bon que vous ayez un parloir, mais il n’est pas expédient qu’il y ait des grilles ; car, quand on verrait cela, on dirait : "Il n’y a plus qu’à fermer la porte." Et peut-être que dans quelque temps il y en aurait quelqu’une qui dirait : Nous serions bien mieux d’être religieuses." Les autres l’écouteraient et on ne sait pas ce qui pourrait arriver. Pour le présent, cela n’est pas à craindre. Mais il faut, s’il y a moyen, remédier à ce qui pourrait advenir ; car, mes chères filles, ce serait tout le contraire de ce que Dieu demande de vous.

Pour une compagne, nous ne résoudrons point cela à cette heure ; il y faudra penser. Cependant je prie Dieu de vouloir lui-même présider à ce conseil, qu’il en soit l’âme et qu’il ne permette pas qu’il agisse par autreque par lui, qu’il y veuille donner lumière, discernement et résolution, et que, comme il a voulu qu’il y ait une vertu qui portât le nom de conseil, qui est un don du Saint-Esprit, il vous le veuille donner par le même Saint-Esprit. Sub tuum praesidium…

 

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157. — CONSEIL DU 5 JUILLET 1646

Le sujet de ce conseil, mes chères filles, est de la modestie des habits et notamment de la coiffure. La modestie extérieure est comme la montre de tout ce qui est dedans. C’est par elle que l’on juge du règlement ou dérèglement de nos âmes, et c’est par elle que l’on peut connaître de quoi notre esprit est occupé.

Cela posé, il est question, mes filles, de voir si celles qui sont dans la Compagnie usent bien de leur habit et de leur coiffure et si elles s’en servent de la façon qu’elles doivent, et s’il ne se glisse point quelque chose de ce qu’elles ne doivent pas. Car la Fille de la Charité qui se relâchera à ne point porter sa coiffure en la forme qu’elle doit être, et qui y aura complaisance, témoignera qu’elle a l’esprit rempli de quelque chose qui n’est point de Dieu, parce que, si elle en était vraiment et qu’elle n’eût point d’autre désir que de lui plaire, elle aurait soin de se tenir en la manière qu’il la demande. Au contraire, si, appliquant ses soins à s’accommoder de quelque façon qui ne lui est point convenable et qui lui est avantageuse, elle le fait souvent et même y continue, oh ! il est aisé à juger que c’est pour plaire à quelque autre ; ce qui serait un grand, un très grand mal.

Dites-moi, ma fille, si vous en savez quelqu’une dans la Compagnie en qui cela paraisse.

A quoi la sœur répondit qu’il se voyait quelquefois des sœurs à qui il paraissait des cheveux, mais qu’elle croyait que c’était pour les avoir naturellement bas ; ce qui pouvait être cause que leur coiffure ne tenait pas

Document 157. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot.

 

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assez bien pour les resserrer. Elle ne put pas dire justement le nombre.

La suivante fut de même opinion et la troisième ajouta qu’en quelques-unes il y avait de la négligence.

A quoi Mademoiselle ajouta que le nombre était assez grand et même qu’elle avait eu avis qu’en quelques-unes il y avait de l’affectation. Ce que notre très honoré Père ayant ouï, il reprit :

Or, il est question à cette heure de voir s’il est à propos de les avertir. Il y a des raisons qui semblent le vouloir et d’autres qui en détournent.

Les raisons qui sont pour, c’est qu’il semble que votre Compagnie tenant un rang en l’Eglise de Dieu, il ne s’y doit souffrir rien qui soit autre que modeste et bien réglé Et comme nous avons dit, la modestie est La montre qui fait voir les mouvements de l’intérieur Voilà une raison qui veut que l’on avertisse celles qui sont dans le relâche.

Une autre est que, si elles le font à dessein et qu’elles y aient complaisance, cela ne se doit point du tout tolérer.

Une troisième est que cela ferait tort à la réputation de la Compagnie de voir des filles à qui on verrait des cheveux. Mon Dieu ! que peut-on en dire ? Car entre les vanités il n’y en a point de plus dangereuse que celle qui se tire de la coiffure, comme étant celle qui donne l’ornement au visage. Ah ! non, il n’y en a point de pire.

Voilà donc les raisons qui semblent porter à les avertir.

Contre cela, vous avez dit que peut-être ne pensentelles à aucun mal et que cela les y pourrait faire penser, qu’elles le pourront prendre de mauvaise part, s’en fâcher, faire bruit et se dégoûter. Et pour cela il semble qu’il vaut mieux les laisser aller leur train ordinaire et

 

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ne leur point donner sujet de penser du mal, où elles n’en savent peut-être pas. Vous semble-t-il, ma sœur, que l’on les doive avertir ? A quoi la sœur dit qu’il lui semblait que l’on le devait faire par quelque motif que ce fût qu’elles le fissent, parce que, si elles le faisaient dans l’innocence elles ne le trouveraient pas mauvais ; si elles le faisaient par affecterie, elles ne voudraient pas que cela parût, et partant elles s’en corrigeraient.

Laquelle opiniorl fut suivie des autres.

Après quoi, Monsieur Vincent reprit :

Je loue Dieu de tout mon cœur, mes filles, des lumières qu’il vous donne et de ce qu’il vous a fait connaître qu’il fallait corriger cela. Oh ! non, cela ne se doit point souffrir pour tout. Il faut que chacun soit comme il doit être, et l’Eglise l’ordonne ainsi. Les canons portent de ne point permettre à un prêtre de dire la messe qu’il n’ait le poil fait comme il le doit avoir, et même elle veut qu’on le leur fasse malgré eux. Oh bien ! Dieu soit béni ! tenons-nous-en là. Il faut que nous montrions à qui nous appartenons. Oh ! il est donc bon qu’elles soient averties. Il reste à voir de quelle façon on le doit faire.

Comment vous semble-t-il, ma sœur, qu’il se faille prendre pour cela ?

A quoi la sœur dit qu’elle pensait que cela se devait faire doucement et sans leur donner aucunement à penser que l’on juge qu’elles le font exprès, mais présupposant qu’elles n’avaient pas la commodité d’une bandelette pour tenir leurs cheveux.

La seconde dit qu’il serait à propos de les avertir familièrement qu’elles ne se coiffent pas bien et leur dire qu’on le leur veut apprendre.

Lesquelles opinions furent suivies de la troisième.

 

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A quoi Mademoiselle ajouta que quelquefois on leur disait ce qui avait été dit dans une confèrence exprès pour cela, savoir que c’étaient des serpents, et s’il n’était point à propos de le leur dire encore ; ce qui fut trouvé bon ; comme aussi s’il ne serait point expédient que ce fût quelqu’une des sœurs du conseil qui, dans le rencontre, les avortît, parce qu’elles pourraient avoir créance en elle ; ce que Monsieur Vincent dit qu’il pouvait se faire parfois, mais que néanmoins, autant que faire se pouvait, les avis se devaient réserver à la supérieure.

Mademoiselle dit de plus qu’il y avait encore une immodestie, qui est de n’avoi. r pas les manches de chemise attachées ; ce qui est cause que souvent à plusieurs l’on voit les bras jusque bien avant.

A quoi Monsieur Vincent dit qu’il fallait bien prendre garde et qu’il serait nécessaire, quand on a aperçu comme cela quelque défaut, d’en faire quelque conférence.

La seconde proposition qui fut faite, ce fut de savoir si deux de nos sœurs devaient aller tous les jours l’aprèsdînée visiter les malades. Ce que notre très honoré Père proposa en cette sorte :

Mes filles, il y a à voir s’il est expédient que deux d’entre vous aillent tous les jours, l’après-dînée, visiter les pauvres malades de la paroisse pour les consoler. Il y a des raisons puissantes pour nous exciter à cet exerclce, et il y en a d’autres qui semblent nous détourner de l’entreprendre.

Nous avons pour vous induire à cela que la visite des pauvres en soi est une action très agréable à Dieu ; que ces visites peuvent apporter beaucoup d’utilité aux malades, qui peuvent souvent manquer d’instruction et à qui nos sœurs qui portent les remèdes le matin ne se

 

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peuvent pas beaucoup arrêter à parler, pour en avoir un très grand nombre à servir ; que cela peut même nous être bien utile, parce que nos sœurs se feront à voir les malades et à leur parler, qu’elles pourront même s’informer si celles qui ont charge de les servir s’acquittent bien de leur devoir.

Voilà quatre raisons qui semblent convier d’embrasser cet exercice, et pour la gloire de Dieu et pour l’utilité du prochain et pour notre intérêt, considéré en la mêrne gloire de Dieu et service du prochain.

Contre cela vous avez qu’il semble qu’il ne soit pas convenable à des filles d’aller visiter et consoler les malades, que l’Eglise même réserve cela aux ecclésiastiques, que les autres paroisses ne l’ont pas et se contentent des sœurs qui servent ordinairement, que monsieur le curé ou ses ecclésiastiques s’en pourraient mécontenter et croire que l’on voudrait anticiper sur leur charge. Ils pourraient ciire : "C’est trop s’émanciper. N’est-ce pas assez que celles qui doivent servir les pauvres aillent, le matin, leur porter les remèdes, et, à dîner, leur portion, sans qu’il en aille d’autres, l’après-dînée, pour les consoler ?" Ils pourront dire cela, mes filles, et encore d’autres choses que je ne sais pas. Il y en a chez nous de députés pour cela, et il me souvient qu’au commencement nous apprîmes que monsieur le curé ou ses gens d’église en avaient pris alarme, de sorte qu’il nous fallut envoyer demander permission de continuer.

Or, voyez, mes filles, si, pour toutes ces raisons, il ne serait point plus à propos de ne le pas faire. Que vous en semble, ma sœur ?

A quoi la sœur répondit qu’il lui semblait expédient de le faire, pour les raisons qui avaient été dites, et que, pour celles qui semblaient, il y en avait

 

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deux qui se pouvaient fort facilement résoudre, savoir celle qui dit n’être pas convenable aux femmes, par une autre qul est que c’est notre profession ; et une autre, qui est que les autres paroisses ne l’ont pas, par une autre, qui est que le corps de notre communauté est sédentaire sous celle-ci. Quant à l’ordre de l’Eglise et aux intérêts de monsieur le curé, elle n’avait rien à dire là-dessus.

A quoi Monsieur Vincent reprit que l’Eglise ne l’ordonnait pas, mais qu’elle ne le défendait pas aussi. Et il demanda à la sœur qui suivait ce qui lui en semblait, laquelle fit réponse qu’il lui semblait très utile de le faire, par toutes les raisons déjà dites ; et que, comme on a toujours des remèdes à porter l’après-dînée, ce pourrait être les sœurs qui auraient charge d’aller à la visite, qui les porteraient, et que, comme cela, il ne paraîtrait point qu’elles allassent pour autre chose et ne laisseraient de consoler les malades, s’apprendre à leur parler et s’informer si celles qui les servent les ont contentés.

La sœur qui suivait ajouta à cela que, pour faire que la chose ne parût point, il lui semblait à propos que ce ne fût pas tous les jours, mais seulement quelquefois la semaine.

Monsieur Vincent ayant demandé à Mademoiselle ce qu’elle en pensait, celle-ci dit qu’elle avait envisagé cet exercice comme d’une grande utilité tant pour les malades que pour les sœurs, et n’avait pensé qu’il y dût avoir d’empêchement à le faire tous] es jours, parce que, dans les autres paroisses, il y a des dames qui vont tous les jours visiter les malades et que, n’y en ayant point en celle-ci, les visites de nos sœurs tiendraient lieu de cela ; que néanmoins, pour les raisons qui avaient éte dites, elle trouvait à propos qu’il fût comme il avait été

XIII. — 39

 

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proposé et que l’avis qu’avait donné une des sœurs de porter les remèdes en visitant les malades, lui semblait bien expédient, et qu’il serait bon qu’il en allât toujours une nouvelle et une ancienne ensemble, et que, changeant fort souvent de sœur, on ne s’apercevrait point qu’il y en eût d’autres que celles qui sont pour servir les pauvres.

A quoi notre très honoré Père, reprenant son discours, dit :

Je loue Dieu, mes filles, et j’ai toujours sujet de le louer de plus en plus des lumières qu’il vous donne pour vous conduire toujours à ce qui est meilleur. Ah ! oui, il sera très utile que l’on visite les malades, et il est très bon que celles qui les visiteront leur portent les remèdes qui se doivent porter les après-dînées. Et je suis bien aise encore de cette modération que vous avez apportée à ne le pas faire tous les jours. Cela pourrait incommoder la maison, qui ne pourrait pas toujours fournir des filles. Et puis les malades mêmes s’en pourraient ennuyer. Il vaut mieux qu’il soit ainsi. Il est très à propos aussi que ce soit une nouvelle avec une ancienne. La nouvelle écoutera et se formera sur ce que dira l’ancienne, pour s’en servir quand elle sera députée pour y aller avec une plus nouvelle qu’elle.

Et de tout ce que dessus, Monsieur Vincent ayant demandé l’avis à Monsieur Alméras, son assistant, celui-ci trouva tout fort à propos et dit qu’il ne croyait pas que, le faisant en la manière qui était résolue, monsieur le curé, ni ses gens d’église en pussent prendre aucun ombrage, mais qu’au contraire ils auraient sujet d’être plus satisfaits de l’assistance que l’on rendrait à leurs malades, voyant que ce serait encore un nouveau soin que d’envoyer voir l’après-dînée s’ils étaient contents de la sœur qui les avait servis le matin.

 

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Là-dessus, notre très honoré Père fit appeler ma sœur Elisabeth Martin et ma sœur Henriette, de Saint-Germain, et les ayant fait asseoir, il s’adressa à la première : "Eh bien ! ma sœur Elisabeth, lui dit-il, pourquoi êtes-vous venue ?" A quoi elle répondit : "Pour faire la volonté de Dieu." Et Monsieur Vincent, tout joyeux de cette réponse, se tourna vers Monsieur Alméras : "Eh bien ! Monsieur, lui dit-il, en voulez-vous davantage ?" Et se retournant vers elle, il lui dit : "Oh bien ! ma fille, Dieu soit béni de ce que vous êtes venue pour faire sa volonté ! Il s’en présente une grande occasion, qui est l’établissement qui se doit faire de votre Compagnie pour servir un hôpital dans une des fameuses villes du royaume, et la Providence divine vous a choisie pour être sœur servante." A quoi elle répondit qu’elle en était bien incapable. Et notre vénérable Père, reprenant la parole, dit :

Il est question à cette heure de voir si une Fille de la Charité qui va être sœur servante dans un pays éloigné, avec six ou sept filles, dans un nouvel établissement, a besoin d’une ou deux filles pour lui servir de conseil. Il y a des raisons pour cela et d’autres qui sont contre.

Vous avez pour cela qu’étant éloignée de Paris, elle n’a personne de qui elle puisse prendre conseil comme elle se comportera, tant à l’égard des pauvres, de ses sœurs que de messieurs les maîtres. Il arrivera une affaire imprévue, dont elle n’aura jamais ouï parler ; elle sera en perplexité et ne saura que faire. Il en arrivera plusieurs à la fois ; elle sera encore plus empêchée. Un esprit ne peut pas suffire à tout. Quand elle aura communiqué de cela avec une ou deux, qui auront confirmé son avis, elle en sera plus assurée et son esprit sera en repos.

D’ailleurs, elles sont là pour obéir aux maîtres. Il

 

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n’est point nécessaire de conseil pour cela. Une servante dans une maison ne va pas prendre conseil si elle fera ce que son maître lui dit. De plus, prenant conseil d’une ou deux de ses sœurs, elle ne trouverait pas leur avis convenable et ferait d’une autre façon ; car il faut remarquer que, la supérieure prenant avis, il est à elle de ne pas faire ce qui lui est conseillé, si elle trouve qu’il soit mieux fait d’une autre façon. Ce qui arrivant, les filles seraient peut-être mécontentes de voir leur avis méprisé. De plus, les autres sœurs pourraient avoir jalousie contre celles qui seraient du conseil, et cela pourrait être cause, de quelque division ; tellement qu’il semble que, pour toutes ces raisons, il vaudrait mieux qu’il n’y en eût point. Que vous en semble, ma sœur ?

A quoi la sœur répondit qu’elle pensait être expédient qu’il y en eût, pour les raisons qui avaient été dites, et qu’il n’était pas a craindre que les autres sœurs portassent envie à celles qui seraient nommées pour cela, sachant bien que ce serait par le choix de nos supérieurs.

Les autres dirent qu’elles avaient eu la même pensée et que ce serait un grand repos pour la sœur servante.

Il fut question de savoir si une suffirait, ou s’il en fallait deux.

Une des sœurs dit qu’elle pensait que pour l’ordinaire une pourrait suffire et que, s’il arrivait quelque affaire où il fût besoin de plus, elle en pourrait appeler une seconde

Celle qui la suivait dit qu’il lui semblait être assez d’une, parce que, n’étant que le nombre de six, s’il fallait que la sœur servante en appelât deux, la moitié de la communauté serait du conseil.

Les deux autres opinèrent comme la première, à n’en avoir qu’une pour l’ordinaire et deux pour les grands besoins. A quoi Mademoiselle inclina aussi.

 

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Et Monsieur Alméras ayant été invité d’en dire sa pensée, dit qu’il lui semblait fort bon que, dans les affaires plus importantes, qui n’arriveraient peut-être pas en six mois une fois, la sœur appelât une troisième. Ce qui se pourrait même faire sans que les autres s’aperçussent que c’était pour lui demander conseil.

La cinquième proposition fut de savoir si leur conseil se tiendrait à un jour réglé, ou si ce serait seulement quand il en serait besoin.

Les deux sœurs premières interrogées dirent qu’il leur semblait à propos que ce fut plutôt dans l’occasion, que non pas un jour exprès, parce qu’il se trouvait quelquefois des affaires qu’il fallait résoudre promptement et que l’on n’avait pas pu prévoir auparavant.

La suivante fut de même avis pour la même raison et ajouta que, telles affaires arrivant, l’on ne pourrait pas attendre le jour du conseil pour les décider La dernière fut de même avis.

Et Mademoiselle, étant requise de dire le sien, dit qu’il lui semblait que, pour rendre la chose plus authentique, il serait bon que ce fût un jour réglé que l’on s’y assujettirait, que l’on pourrait prévoir une partie des choses qui pourraient arriver et que cela n’empêchait pas, s’il en survenait quelqu’une de pressée, que l’on ne s’assemblât pour voir ce qu’il serait bon de faire, que celles qui verraient la sœur servanté et les sœurs souvent parler ensemble ne penseraient pas toujours que ce fût pour affaires, et, au contraire, quand on verrait qu’elles auraient jour préfix pour cela, elles y donneraient plus de créance.

Monsieur Vincent ayant demandé son avis à Monsieur Alméras, celui-ci dit que jusqu’alors il n’avait pas vu qu’il fut nécessaire de le tenir plus souvent que dans les rencontres, mais que, pour les raisons alléguées par

 

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Mademoiselle, il trouvait bien à propos que ce fût toutes les semaines ; que, quand les sœurs seraient assemblées, si elles avaient quelque chose à dire, elles le feraient, que, si. elles n’avaient rien, la supérieure pourrait dire : "Mes sœurs, nous sommes venues ici parce que c’est notre jour et que la règle nous le commande, mais je ne sache rien pour le présent ; remettons, s’il vous plaît, à la huitaine." Sur quoi, Monsieur Vincent commença :

Il est donc arrêté que pour l’ordinaire il n’y aura qu’une fille pour le conseil de la sœur servante, ou, celle-là n’y étant pas, elle en pourra appeler une autre, qui lui sera nommée ; et ayant quelque chose de bien important, elle les pourra prendre toutes deux, c’est-à-dire qu’elle pourra appeler la troisième, sans que cela paraisse, et lui demander : "Ma sœur, que vous semble de telle chose ?" sans que les autres s’aperçoivent que c’est pour lui demander conseil ; et il n’est pas à craindre que les autres en soient jalouses ; oh ! non, il ne faut pas croire que nos sœurs soient si imparfaites. Il ne faut pas penser non plus que les opinions diverses causent de la division, car Dieu y présidera pour y faire opiner selon sa volonté.

Mais je ne suis pas encore résolu si ce doit être un jour arrêté, ou si ce sera seulement aux rencontres. Il est à craindre, à un jour nommé, que cela ne paraisse trop. Les administrateurs pourraient dire : "C’est aujourd’hui votre jour de conseil ; qu’avez-vous résolu ?" ou quelqu’autre chose qui ne serait pas à propos. Nous ne conclurons point celui-là ; et même je rétracte ce que j’avais dit dernièrement, que l’on le tiendrait céans toutes les semaines. Il y a des communautés où ce n’est que tous les quinze jours, ou moins encore, et nous aviserons à cela. Il faut aussi ôter ce mot de conseillère.

 

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Cela est un peu fastueux. Cela s’appelle ordinairement aide (1).

Oh ! Dieu soit béni ! Mais que donnerons-nous à ma sœur Elisabeth pour faire son voyage ? Car il faut que chacune lui fasse un présent. Voyons quelle vertu nous avons à lui bailler.

La première lui donna l’amour de Dieu. La seconde lui donna la charité, qui ne consiste pas seulement en l’amour de Dieu, mais aussi en celui du prochain, et particulièrement des pauvres qu’elle aura à assister, et des sœurs qu’elle aura à conduire. La troisième lui donna l’humilité, comme lui étant très nécessaire. La quatrième lui donna la patience dans toutes les traverses qui lui pourraient arriver. Mademoiselle lui donna le support cordial envers les sœurs. Monsieur Alméras, requis de lui faire son présent, dit qu’il avait eu pensée de lui souhaiter la charité, que, voyant qu’elle avait été prise, il avait jeté les yeux sur la patience, qui avait été prise aussi, mais que ce qu’il lui souhaitait de plus était une patience gaie et sans aucun chagrin, contente de souffrir toujours tout ce que Dieu voudrait.

Monsieur Vincent, reprenant la parole, dit :

Voilà bien des richesses, ma fille, dont je vous souhaite la plénitude. Ce que je vous désire très particulièrement est l’accomplissement de la volonté de Dieu, qui ne consiste pas seulement à suivre ce que nos supérieurs nous prescrivent, quoique, comme vous avez dit, ce soit un chemin assuré pour le faire, mais à répondre à tous les mouvements intérieurs que Dieu nous envoie. C’est à quoi notre sœur Marie Despinal était bien fidèle et c’est ce que je demanderai à Dieu pour vous.

Nous avons encore un mot d’avis à demander, savoir

1). Une croix indique qu’ici devrait se placer le passage ajouté en appendice par sœur Hellot sur le choix du confesseur de Nantes.

 

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si nous devons faire revenir à la maison une sœur dont une dame ne se contente pas.

Ayant été dit qu’une sœur la connaissait, il s’adressa à elle. Elle dit la connaître pour être entière en ses volontés, de telle sorte qu’il n’était pas possible de la faire relâcher ; de plus, qu’elle était un peu mondaine.

Monsieur Vincent, ayant ouï cela, reprit :

Voilà des raisons pour la faire revenir à la maison. Mais il y a contre cela que, les dames, voyant que, sur ce qu’elles ont témoigné ne la pas agréer, car ce n’est pas qu’elle ne soit bonne fille, mais c’est que cette dame n’est pas personne à qui toutes sortes de visages plaisent, voyant, dis-je, que pour cela on l’a retirée, elles pourront prendre sujet, à la moindre chose qu’elles verront en une autre qui ne leur sera pas agréable, d’en faire plainte et de prétendre que l’on leur doit ôter. Voyez, ma fille, s’il vous semble à propos, cette raison-là posée, de la retirer.

La sœur qui dit la connaître répondit que oui et qu’il servirait beaucoup à corriger ses humeurs de la remettre au logis, où elle n’aurait pas tant de liberté de contrarier qu’avec une sœur toute seule.

Celle à qui il fut demandé ensuite dit que, pour toutes ces raisons, il était bien expédient qu’elle revînt et que, ne le faisant pas si promptement et la dame ne l’ayant pas dit ouvertement, elle ne pourrait pas prétendre que c’est à cause d’elle qu’on l’a retirée.

Toutes les autres conclurent de même.

Mademoiselle dit que cela se pourrait faire si à propos que ladite dame n’en apercevrait rien.

Ce que notre très honoré Père trouva très bien. Et voulant en proposer quelqu’une pour mettre à sa place, il s’aperçut qu’il était trop tard et dit : Oh bien ! Mademoiselle, vous jetterez votre vue sur quelqu’une.

 

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Et se mettant à genoux, il dit le Sub tuum praesidium et ensuite :

Je prie Jésus-Christ, mes filles, qu’il soit lui-même le remerciement à son Père de toutes les grâces qu’il départ à votre Compagnie et qu’il lui plaise encore nous donner la connaissance et l’accomplissement de sa sainte volonté.

Benedictio Domini Nostri Jesu Christi…

En ce lieu, j’avais oublié de mettre la proposition d’un confesseur pour nos sœurs de Nantes. Monsieur Vincent dit là-dessus qu’il y avait un honnête homme, autrefois lieutenant général à Nantes (2), lequel s’était fait ecclésiastique, sans aucun bénéfice, mais seulement par dévotion, qui s’était offert à servir nos sœurs en tout ce qu’il pourrait.

Voyez donc, mes filles, dit-il, s’il est à propos ou qu’il soit leur confesseur ordinaire, ou que d’ordinaire elles aillent à un autre et que de temps à autre elles se servent de celui-ci. C’est un grand homme de bien, homme d’oraison et très affectionné à votre Compagnie.

Toutes les sœurs se trouvèrent d’accord, que, s’il en voulait prendre la peine, il serait bien avantageux à nos sœurs.

Mademoiselle proposa qu’en le faisant il serait bon que quelquefois l’année elles allassent à un extraordinaire. Ce que notre très honoré Père dit être nécessaire et permis aux religieuses, quatre fois l’année, par le concile de Trente.

J’avais encore oublié de dire, au commencement de cet entretien, que Monsieur Vincent, voyant Mademoiselle se lever pour lui parler, et toutes les sœurs avec elle, dit : Cela est fort bien, et je pense qu’il est bon, quand la

2). M. des Jonchères.

 

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sœur servante se lève, que toutes les autres se lèvent aussi.

 

158. — CONSEIL DU 25 OCTOBRE 1646

Notre très honoré Père, après avoir invoqué à son ordinaire l’assistance du Saint-Esprit par le Veni Sancte, demanda de quelles affaires on avait à traiter. A quoi Mademoiselle dit qu’il y avait une demoiselle d’Angers qui avait été dans la Compagnie près d’un an, laquelle, durant ce temps, avait été d’un très grand exemple à toutes nos sœurs, étant assidue à toutes les règles, affectionnée à toutes les pratiques, qui ne reculait point de se mettre aux offices les plus bas et servait les malades d’une singulière affection, et surtout fille de grande oraison, jusques au point que quelques-unes disaient qu’elle était trop retirée ; laquelle était sortie de la Compagnie par un grand mal qui lui était arrivé, où elle avait eu l’imagination blessée. Et lui étant demeuré en l’esprit quelque fantaisie, elle aurait demandé à se retirer. Sur quoi on l’avait prise au mot, pour la crainte que l’on avait que cela ne lui durât, que, dès aussitôt qu’elle fut retournée d. ans son pays, elle regretta d’avoir quitté et fit paraître une forte envie de revenir, qu’elle communiqua à Monsieur l’abbé de Vaux, qui prend soin de nos sœurs à Angers, lequel en écrivit plusieurs fois. Même dans ses voyages à Paris, elle avait toujours témoigné le désir qu’elle avait d’être encore une fois reçue. Quelque refus qu’on lui ait fait, elle avait toujours persévéré et espéré. Finalement, Mademoiselle dit que, passant par Angers, cette bonne fille s’était encore présentée à elle avec d’extrêmes désirs. Depuis qu’elle était sortie, il

Document 158. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot.

 

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s’était présenté des occasions pour se faire religieuse, à quoi elle ne s’était point arrêtée, mais avait toujours persévéré au service des pauvres, allant volontairement dans l’hôpital, aux heures où elle savait qu’ils étaient servis, et demandait avec instance d’être de nouveau admise dans la Compagnie, soit à la maison de Paris, ou aux hôpitaux de Nantes ou d’Angers, pour y apporter son bien, y être surnuméraire et n’y être point à charge, faisant toutefois les fonctions comme toutes les autres, autant que sa santé le pourrait permettre.

Mademoiselle ajouta, s’adressant à notre très honoré Père, qu’elle lui avait promis d’exposer son dessein à sa charité pour voir ce qui se pourrait faire en sa faveur.

A quoi notre très honoré Père repartit :

Regardez, mes sœurs, voilà une affaire où il y a des raisons pour la recevoir aux hôpitaux de son pays, et d’autres pour lesquelles il semble qu’on ne la doit point recevoir du tout.

Les raisons qui portent à la recevoir sont qu’il semble que la charité le veut ainsi ; elle le désire ardemment, et il semble que ce serait faire contre la charité de ne la pas recevoir.

Une autre raison c’est qu’elle n’est pas sortie par elle-même, ni par dégoût qu’elle eût de sa vocation, ni des emplois de céans, mais par maladie, et par une maladie qui lui ôtait la liberté du jugement.

Une autre, c’est qu’elle se repentit bientôt d’être sortie, à ce qu’il paraît en ce qu’elle témoigna à Monsieur de Vaux le désir qu’elle avait de revenir ; à quoi elle a toujours persévéré depuis.

Il y a encore de plus le bon exemple qu’elle a donné à la Compagnie.

Or, il semble que, pour toutes ces raisons, on la doit recevoir ici.

 

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Les raisons qui portent à la recevoir pour Angers ou pour Nantes sont presque les mêmes que pour ici.

Il y a le motif de charité que l’on doit avoir partout, sa persévérance, son exemple. Et de plus il semble qu’étant là dans son pays, il sera plus facile, s’il arrive qu’elle retombe dans son mal, de la remettre entre les mains de ses parents, qui seront tout proche, que non pas la renvoyer d’ici, qui serait encore lui faire faire des frais. De plus, elle pourrait, étant comme cela dans son pays, aller tout le jour à l’hôpital servir les malades et s’en retourner le soir coucher à son logis. De sorte que, pour ces raisons-là, il semble qu’il soit plus à propos de la recevoir à Angers, ou à Nantes, que non point à Paris.

Pour ce qui est de ne la point recevoir du tout, c’est qu’il y a apparence que, n’ayant su demeurer la première fois, elle ne fera rien une seconde. L’expérience nous apprend que de tous ceux qui sortent et qui reviennent après, pas un ne demeure. J’en ai bien vu sortir de chez nous et beaucoup y sont rentrés, qui ont fait des instances non pareilles, qui en avaient des désirs merveilleux et qui, au partir de là, n’ont su demeurer. C’est qu’ils n’ont point de vocation ; ils n’ont point de disposition à ce qu’il faut faire ; ils ne peuvent être soumis et sont sujets à l’inquiétude. Et pour cela ils ne demeurent pas plus une fois que l’autre. De sorte que, pour cela, il semble qu’on se doit tenir heureux de ne plus avoir cette fille Si elle a ce désir, Dieu le lui donne peut-être pour la perfectionner dans les exercices qu’elle fait ; et pour cela il semble qu’il serait meilleur qu’elle demeurât là que de venir ici, pour aller le jour servir les pauvres et le soir se retirer chez elle. Nous avons le règlement qui défend d’associer personne de dehors à la Compagnie. Si bien que pour obvier à tout ce qui pourrait arriver, il

 

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semble que ce sera plutôt fait de ne la point recevoir du tout. Que vous en semble, ma sœur ?

La première sœur fut d’avis qu’on ne la reprît point davantage. La seconde opina pour la prendre à Angers. La troisième, quatrième et cinquième furent d’avis de la reprendre, à raison du bon exemple qu’elle donnerait dans la maison ; joint à ce qu’y apportant son bien, elle ne serait point à charge. Il semblait être plus à propos de la recevoir à Paris qu’ailleurs, parce qu’elle pourrait donner de l’incommodité à nos sœurs, si son mal la reprenait, et qu’étant d’un naturel un peu inquiet, elle aurait conseil suffisant pour se remettre.

Notre très honoré Père demanda à son assistant ce qui lui en semblait. Celui-ci lui dit :

Monsieur, durant que vous parliez, il m’est venu en mémoire ce que Monsieur me disait dernièrement d’un Jacobin, qui était dans un couvent d’une ville appartenant au grand Turc, lequel ayant un jour fait débauche de vin, en ayant pris par excès, et n’ayant plus l’usage de la raison, il dit qu’il se voulait faire turc. Ceux avec qui il était lui firent répéter cela plusieurs fois. Voyant qu’il persévérait, ils le menèrent au gouverneur, à qui il dit ce qu’il avait dit aux autres. Le gouverneur lui représenta qu’il était religieux. Il dit que c’était tout un, qu’il y renoncerait et qu’il se voulait faire turc. On le dévêtit sur l’heure et on lui mit une robe de turc avec le turban. Le lendemain, quand les fumées de son vin furent passées et qu’il se reconnut, qu’il se vit entre les turcs et habillé comme eux, il fut bien étonné et commença à demander : "Où suis-je ?" On lui dit : "Ne savez-vous pas que vous êtes turc ?" "Moi, dit-il, à Dieu ne plaise ! Je mourrais plutôt cent fois." On lui remet en mémoire tout ce qu’il avait dit et fait. Il ne se souvint de rien, mais persista à dire qu’il était chrétien et religieux. Le gouverneur lui présenta les tourments et

 

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lui donna deux jours pour penser à lui, au bout desquels il continua à se déclarer chrétien et mourut en cette confession. Les Grecs, depuis deux ou trois ans, ont acheté son corps, qu’ils ont payé deux cents écus.

Or, Monsieur, cette pensée-là m’est venue comme vous parliez de cette bonne fille, considérant que, quand elle a demandé à sortir, elle n’avait pas le jugement libre et que, puisqu’elle a toujours persévéré à demander, il est à croire que ce n’était point de sa volonté, et partant que cela ne doit point faire qu’elle ne soit pas reçue. C’est pourquoi, Monsieur, je serais d’avis qu’elle le fût, et plutôt à Paris qu’ailleurs, pour les raisons qui en ont été données.

Après cela, Monsieur Vincent demanda à Mademoiselle de quoi elle était d’avis. Elle dit :

J’avais pensé, mon Père, qu’il eût été plus à propos de la recevoir aux hôpitaux proches de son pays. Mais, pour les raisons qui ont été dites, je pense qu’il sera plus à propos que ce soit ici, non pas qu’il fût à craindre que dans ses maladies elle retournât chez ses parents, parce que même à présent elle n’y va pas, mais seulement parce que, s’il arrivait qu’elle fût malade, cela pourrait incommoder nos sœurs. Ici nous la pourrons exercer tantôt à un village, tantôt à l’autre. Je n’ai point reconnu qu’elle eût d’inquiétude qui donnât de la peine, hors sa maladie. Elle était quelquefois un peu abstraite, et je pense que c’était pour s’appliquer un peu plus fortement à l’oraison que la force de son esprit ne requérait. Mais on dit que cela est passé à présent. Cela était venu d’un Père qui la gouvernait, qui portait la dévotion extrêmement haut et faisait aller tout de même celles qui étaient sous sa conduite ; et c’était trop pour l’esprit de cette bonne fille. On m’a dit qu’elle a quitté cela et du depuis s’est beaucoup modérée ; si bien que j’espère, avec l’aide

 

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de Dieu, que son exemple servira beaucoup dans la Compagnie et qu’elle fera bien ici.

Après cela, notre très honoré Père dit :

J’aurais été du côté de nos sœurs qui ont été à l’exclusion. Mais, puisque la plus grande partie est d’avis qu’elle revienne, je m’y rends très volontiers et prie Dieu qu’il bénisse la résolution qui a été prise et qu’il donne à cette bonne fille toutes les grâces qui lui sont nécessaires.

Voyons maintenant une autre affaire, s’il vous plaît.

A quoi Mademoiselle dit qu’il était nécessaire de changer une des sœurs des Galériens, parce que ce sont deux humeurs opposées qui ne s’accommodent pas. Mais, dit-elle, parce qu’il est besoin qu’il y en ait une qui sache écrire, je pense qu’il nous y faudra laisser ma sœur Nicole, qui est la sœur servante à présent Il n’y a pas plus de huit mois qu’elle est dans la Compagnie et n’a été que fort peu de temps céans Elle a été aux Enfants, où elle faisait assez bien. Mais, depuis qu’elle s’est vue la première, elle s’est rendue absolue et ne fait qu’à sa tête. C’est pourquoi j’ai pensé que, pour l’observer, pour voir comment elle se gouverne et pour lui apprendre à être soumise, nous y pourrions mettre ma sœur Marguerite Guyon, qui a, ce me semble, assez d’esprit et de conduite pour faire tout cela sans bruit.

Notre très honoré Père dit sur cela :

Il est à regarder en cette affaire deux choses : l’une, s’il est nécessaire de changer ; et l’autre, si ma sœur Marguerite Guyon est telle qu’il la faut pour la mettre là. A-t-elle été sœur servante quelque part ?

Sur ce qu’il fut répondu que oui et qu’elle avait fort bien fait, "eh bien ! ma sœur, dit-il, que vous en semble ?"

Une sœur répondit qu’elle le trouvait fort bien ; une autre, pareillement, mais qu’il était à craindre que l’autre, qui était auparavant sœur servante, ne se voulût pas

 

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soumettre. Une autre dit que celle d’entre nous qui ne se voudrait pas soumettre ne serait pas vraie Fille de la Charité et que, pour cela, il serait bon, celle-ci étant de cette humeur-là, de lui en donner une au-dessus d’elle pour essayer de la dompter, et qu’elle estimait la sœur proposée propre pour cela.

Les autres furent de même avis, et aussi l’assistant de notre très honoré Père et Mademoiselle, et il fut ainsi conclu :

Je remercie Dieu, mes filles, de vous voir toutes d’un même avis et de suivre le côté de la raison ; car il est raisonnable de séparer des deux sœurs-là. L’inconvénient qui peut arriver de cela, c’est que cette sœur ne se puisse soumettre et qu’elle ne manque de discrétion. Essayons-en pourtant, sans préjudice toutefois de la changer quand il sera reconnu qu’il en est besoin. Qu’avez-vous encore, Mademoiselle ?

— Mon Père, dit Mademoiselle, l’autre affaire que nous avons à voir est qu’il y a céans une sœur qui est de Touraine, demoiselle de bon lieu, qui appartient à des parents qui ont réputation d’être riches, laquelle est venue dans la Compagnie par quelque considération, ou sans savoir ce que c’était. Elle parut avoir de la répugnance dès le commencement, quand il fut question de prendre l’habit, et a toujours continué depuis à avoir à dédain la manière de vivre de céans. Mais, comme elle a du cœur et est bien nourrie, elle ne fait pas paraître tout ce qu’elle pense. Néanmoins, quand elle est avec quelqu’un à sa liberté, elle fait assez connaître qu’elle n’est pas contente. Je lui fis offre de la ramener, quand je partis pour aller en Bretagne, et lui dis qu’elle pouvait en assurance s’en revenir avec moi, et qu’elle le devait si elle n’était dans le dessein de travailler tout de bon. Elle avait été malade auparavant et le redevint après et l’a toujours été depuis. Elle est fort difficile dans sa nourriture, et

 

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on ne peut presque lui rien faire prendre. Elle ne s’entremet d’aucune chose et ne fait rien si ce n’est un peu de couture. Du reste, on ne sait à quoi l’employer Nous en avons essayé à l’école. Elle n’y faisait rien. Nous l’avons mise quelque temps aux Enfants, et je pensais l’y remettre, mais elles m’ont prié de ne la leur point renvoyer. De sorte, mon Père, que je la propose pour savoir si vous trouverez bon de la renvoyer.

Il y a une autre raison qui semble en devoir empêcher, qui est que ses parents sont gens d’autorité, qui feront grand bruit de cela. Il y a encore Monsieur de Mondion, curé de Saché, qui nous est fort affectionné et qui est celui qui nous l’a envoyée, que je crains de mécontenter.

Sur quoi Monsieur Vincent dit :

Vous avez à regarder, mes sœurs, que c’est une fille en qui il ne paraît point de vocation, qui peut-être, san. La crainte de ses parents, qui sans doute auront été bien aises de s’en défaire, n’eût pas tant arrêté à s’en retourner. Si elle ne fait pas paraître qu’elle est tout à fait mécontente, elle fait toujours voir qu’elle est non contente et qu’elle ne se plaît pas parmi vous. Pour moi, je vous dirai que, de l’humeur que je la connais, elle y est pour avoir rendu son père et sa mère bien aises de ne l’avoir pas avec eux. Je ne crois pas, vivant de la manière qu’elle vit, qu’elle fasse jamais rien avec vous. Elle pourra faire quelque chose et se sauver dans le monde.

Il y a contre cela ce que Mademoiselle a dit. Ses parents tiendront à affront qu’on la leur rende et Monsieur de Mondion se pourra mettre en colère, parce qu’elle a été baillée de sa part. Le mécontentement qu’il en aura pourra même faire qu’en d’autres occasions qui se pourraient présenter il ne s’entremette pas si volontiers. C’est pourquoi vous avez ces deux choses-là à regarder : l’une,

XIII. — 40

 

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que c’est une fille en qui il ne paraît point de vocation ; et l’autre, que ses parents et Monsieur de Mondion pourront être mécontents. Que vous en semble, ma sœur ?

La sœur lui répondit qu’il lui semblait que, la fille n’ayant point de vocation et ne pouvant ni ne paraissant vouloir rendre aucun service à la Compagnie, on ne devait point avoir égard au mécontentement des uns et des autres, mais la renvoyer. A quoi toutes les autres conclurent, trouvant seulement que, parce que ses parents pourraient dire que l’on l’aurait faite malade, il serait bon de les faire avertir qu’elle l’était, et que peut-être la redemanderaient-ils eux-mêmes.

L’assistant de notre très honoré Père et Mademoiselle conclurent au renvoi. Sur quoi notre très honoré Père dit :

Je rends grâces à Dieu, mes filles, de voir que vous concluez toutes à une même fin, et que c’est du côté qu’il faut. Je le remercie encore de ce que vous n’avez point d’égard au respect humain quand il s’agit de la gloire de Dieu et du bien de la Compagnie. O mes filles, il n’en faut point avoir aussi. Regardons toujours Dieu et jamais à ce que l’on dira, où il y va de l’intérêt de Dieu. Or sus, Mademoiselle, je suis donc d’avis que vous la renvoyiez et que ce soit au plus tôt. Oh ! non, ne gardez point cela davantage ; le plus tôt est le meilleur.

Mademoiselle lui ayant demandé de quelle façon, il continua :

Il faut en écrire à ses parents et à monsieur le curé de Saché, qui vous l’a envoyée, et ne point attendre de réponse. Mandez que vous la renvoyez dans quatre ou cinq jours, et ne manquez pas de la faire partir. A la mère mandez-lui l’indisposition, et à monsieur le curé mandez-lui tout ce qui en est.

Ceci ayant été objecté que, si c’était si promptement,

 

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il fallait que ce fût à nos dépens, parce qu’elle n’avait rien apporté céans, il fut d’avis que nous fissions plutôt ces frais-là que de la garder davantage, et demanda s’il y avait encore quelque chose à voir.

Mademoiselle proposa qu’il y avait une fille à Angers, qui assistait les malades sous les dames de La Charité, qui commençaient à être établies, laquelle avait un grand désir de se donner à Dieu dans la Compagnie ; que c’était une fille forte et adroite, de bon esprit et de bonne espérance, mais qu’elle était sujette à un mal qui était une sorte d’épilepsie, dont elle n’était pourtant pas souvent, ni rudement travaillée.

Notre très honoré Père dit :

Vous avez à voir en ceci que c’est une maladie fâcheuse et qui peut bien causer des incommodités et même augmenter avec l’âge, maladie qui exclut des ordres et fait que celui qui en serait entaché ne peut les prendre sans dispense. Quoique, comme c’est une fille, cela ne soit pas d, e si grande importance, je sais toutefois qu’une communauté bien réglée ne la recevrait point. Pour cela il semble qu’on ne la doit pas non plus recevoir.

Voilà quant aux raisons. Il y a de plus qu’étant déjà employée dans un exercice où elle fait bien, il semble qu’il vaut mieux l’y laisser, parce que la plus ordinaire tentation de ceux qui font quelque chose de bien dans le monde, est la pensée que ce qu’ils ont quitté valait mieux que ce qu’ils ont pris. Et cela les fait souvent quitter.

Vous avez pour, que c’est une fille de bon sens, de bon jugement, de force et d’adresse, qui sont des qualités bien nécessaires à une Fille de la Charité et à l’égard desquelles il semble que son indisposition ne soit pas considérable. -Que vous en semble, ma sœur ?

La sœur dit qu’il lui semblait ne nous devoir point charger de ces maladies-là. Une autre ajouta que nous avions éprouvé depuis peu qu’une d’entre nous n’avait

 

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pas réussi pour avoir cru qu’elle faisait mieux en son particulier. Les autres sœurs furent de même avis

L’assistant de notre très honoré Père dit que, pour l’indisposition, il n’estimait pas qu’elle dût en rien empêcher ; mais, puisque la fille faisait bien où elle était, il lui semblait bon de l’y laisser, de crainte qu’elle ne fît pas de même ici.

— Et Mademoiselle Le Gras, que dit-elle ?

A quoi elle répondit :

Mon Père, il me semble que, pour le mal, il n’y a rien qui empêche ; mais, pour l’autre raison qui a été dite, je crois qu’il est plus à propos de la laisser encore là quelque temps, parce qu’étant occupée au service des pauvres et voyant ici que peut-être elle n’y serait pas, cela la pourrait dégoûter. De plus, elle a l’applaudissement de tout le monde, et elle verrait que l’on ne la considérerait pas. Si Dieu la veut, il lui conservera son désir et la fortifiera par le temps. C’est pourquoi je pense, mon Père, qu’il est bon, de la laisser là.

A quoi notre très honoré Père dit :

Je suis bien consolé, et il y a grand sujet d’espérer et de croire que Dieu a présidé à ce petit conseil par l’uniformité qu’il a donnée à vos sentiments dans le choix des choses les plus raisonnables. Oh bien ! nous la laisserons là pour le présent et nous prierons Dieu qu’il lui plaise de plus en plus donner bénédiction à ce conseil. Le conseil est un don du Saint-Esprit. Il le lui faut demander et que jamais vous ne donniez vos avis qu’après vous être adressées à lui. Quand on proposera une affaire, élevez votre esprit à Dieu pour lui demander ce qu’il veut que vous y fassiez et ce que vous direz. Oh ! demandons-le-lui tous ensemble et rendons-lui actions de grâces.

Sub tuum praesidium…

 

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159. — CONSEIL DU 19 JUIN 1647.

Après avoir invoqué l’assistance du Saint-Esprit par le Veni Sancte, Monsieur Vincent dit :

Nous avons beaucoup d’affaires à proposer en cette assemblée, mes filles, et pour cela je me suis proposé de vous dire quelque chose de l’importance qu’il y a à tenir le conseil en la manière qu’il faut pour en tirer profit.

Comme les affaires sont de conséquence, il est à propos d’avoir plus d’un avis. On ne manque pas sitôt en compagnie, et Dieu répand une bénédiction particulière sur le conseil que l’on prend pour les affaires qui regardent son service. C’est pourquoi, mes filles, pour vous apprendre à raisonner sur les affaires, je vous dirai qu’il faut, quand elles vous sont proposées, avant toute chose regarder la fin, qui doit être la gloire de Dieu, après cela l’intérêt de la Compagnie et le bien et l’avantage des personnes avec qui l’on a à traiter. Par exemple, pour regarder la fin, voilà ma sœur Anne (1) qui se prépare pour aller à Montreuil. Pour le bien prendre, il faut regarder ce qu’elle y va faire. Elle y va pour un nouvel établissement, qui tend à assister les pauvres honteux de la ville et élever les enfants orphelins. Il ne faut pas même que l’on s’aperçoive pourquoi elle y va. Voilà donc la fin.

Pour trouver des moyens expédients pour effectuer ce dessein, il faut regarder Dieu, comme si cela se fait, Dieu en sera-t-il glorifié ? La communauté y aura-t-elle quelque avantage et le prochain en sera-t-il secouru ? Voilà ma sœur Jeanne (2) qui s’en va pour visiter nos sœurs

Document 159. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot

1). Anne Hardemont.

2). Jeanne Lepeintre

 

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à Nantes et Angers sur les dispositions où les unes et les autres sont. Il faut, avant toute chose, regarder l’intérêt de Dieu. Il y a beaucoup de communautés qui ne regardent que l’intérêt de la communauté, car cela est si grand qu’il enserre avec soi celui de Dieu. Mais, pour moi, mes filles, je trouve qu’il mérite bien d’être regardé avant tout autre. De là il semble que l’on connaîtra plus clairement du reste. Or, ne vous semble-t-il pas que c’est là ce qu’il faut regarder quand on vient à ce conseil ? Que vous semble, ma fille ?

A quoi toutes les sœurs, interrogées l’une après l’autre, répondirent que oui. Mademoiselle ajouta que l’on pouvait avoir encore un défaut, qui serait de se regarder trop soi-même et ses intérêts.

— O mon Dieu ! oui, répondit notre très honoré Père ; j’oubliais à vous dire celui-là, qui importe si fort. Hélas nous gâterions tout si nous nous attachions là. Quelquefois je sens, quand on me demande mon opinion, que cet intérêt de moi-même se voudrait élever ; mais tout aussitôt je regarde Dieu N’y serait-il point offensé ? Sa gloire permet-elle cela ? Ainsi je me range à la raison. Cela est naturel, mes filles, de se regarder soi-même ; mais tout aussitôt il faut se retourner vers Dieu.

Nous avons encore à nous garder d’autre chose, non pas que, par la miséricorde de Dieu, je reconnaisse qu’elle soit entre nous, mais parce que, parlant de se regarder soi-même, cela vient à propos.

Sur quoi Mademoiselle dit :

Mon Père, ce que j’en ai dit est par l’expérience que j’ai en moi-même des fautes que j’ai faites plusieurs fois en cela, dont je vous demande très humblement pardon.

Tout aussitôt notre très honoré Père, la faisant cesser, dit :

Hélas ! combien n’en fais-je point tous les jours !

Et il continua :

 

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C’est donc, mes filles, la faute où l’on pourrait tomber, se regardant trop soi-même, de vouloir que ses opinions soient suivies ; et si une autre est d’opinion contraire, vouloir avoir l’avantage, parce que l’on sait un peu mieux soutenir son opinion. Vouloir passer pour habile, parce que l’on sait donner des raisons pour appuyer ses sentiments, oh ! cela, mes filles, est un amour désordonné de sa propre estime, dont nous nous devons donner de garde plus que de toute autre chose. Oh bien ! Dieu soit béni ! J’espère que, par son immense bonté, il nous en fera la grâce.

Nous avons maintenant deux choses à proposer, qui sont les voyages de ma sœur Anne et de ma sœur Jeanne. Je suis d’avis que nous commencions par ma sœur Anne. Avez-vous pensé, Mademoiselle, qui vous lui donnez pour compagne ?

Mademoiselle ayant répondu que la sœur qui avait été proposée était celle que l’on croyait la plus propre, il continua : "Avez-vous quelque règlement pour les voyages ?"

Mademoiselle dit que nous avions coutume d’aller saluer le Saint Sacrement aux églises des lieux où nous descendions, et de visiter les malades, s’il s’en rencontrait ; d’instruire, en passant, les enfants, ou pauvres gens ; et que pour cela on portait des chapelets, images, catéchismes et que l’on observait encore aux hôtelleries de ne se point mettre en table d’hôte, mais de se retirer en particulier.

Voilà qui va bien, dit notre très honoré Père. Je me suis autrefois étonné comme quoi les Jésuites ne vont jamais en voyage qu’ils n’aient par écrit tout ce qu’ils doivent faire, et même que cela est dans leurs règles. Mais, depuis, l’expérience m’a appris que cela est extrêmement nécessaire, car l’on ne peut manquer quand on fait son règlement. Voilà ma sœur Jeanne qui s’en va à

 

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Nantes, dans une maison où elle ne fut jamais, parmi du monde nouveau, cela ne lui fera-t-il pas grand plaisir d’avoir par écrit les ordres qu’elle doit suivre ? L’on peut dire que ce sont bien des affaires et que, quand on a affaire à une personne d’esprit, il suffit de dire ; mais, croyez-moi, mes sœurs, il est pourtant le plus sûr.

Voilà donc ma sœur Anne en chemin ; que fera-t-elle quand elle sera arrivée ? Premièrement, par quelle voie ira-t elle ? Voilà le coche de Calais et celui d’Abbeville ; l’un passe par Montreuil et l’autre ne va pas jusque-là. N’êtes-vous pas d’avis qu’elle aille plutôt par celui qui passe par là ? Je crois qu’il vaut mieux.

Chacun en étant demeuré d’accord, il continua :

Quand elle sera là, ne vaut-il point mieux qu’elle aille descendre à une hôtellerie, et faire avertir M. le comte (3) qu’elles seront là, ou bien si elles iront tout droit le trouver au château ? Si c’étaient des religieuses, il faudrait qu’elles y envoyassent, mais comme ce sont filles qui vont parmi le monde, je crois qu’il est meilleur qu’elles y aillent elles-mêmes ; ce serait trop de façons pour des Filles de la Charité ; ne vous semble-t-il pas, Mademoiselle ?

A quoi Mademoiselle et les sœurs répondirent qu’il valait mieux qu’elles l’allassent trouver.

Or, il faut maintenant voir laquelle aura charge des pauvres honteux, et laquelle aura soin des pauvres enfants. A qui avez-vous pensé, Mademoiselle ?

Mademoiselle dit que, pour l’expérience que ma sœur Anne avait de longue main du service des malades, elle estimait qu’il valait mieux que ce fût elle, et que, comme ma sœur Marie Lullen avait connaissance de la manière dont on gouverne les enfants dans les hôpitaux, elle

3). I. e comte de la Noie, fondateur de l’établissement de Montreuil-sur-Mer.

 

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s’en acquitterait bien ; et que toutefois elles se pourraient réciproquement aider l’une l’autre, en sorte que, quand elles auraient besoin, l’une ne dît point à l’autre : "Ce n’est pas mon affaire."

Sur quoi notre très honoré Père dit :

Il y a longtemps que je souhaite, et je voudrais bien que nos sœurs en fussent venues à ce point de respect entre elles, que le monde de dehors ne pût jamais connaître laquelle sœur est la sœur servante ; car, voyez-vous, mes filles, comme Dieu n’est qu’un en soi, et qu’en Dieu il y a trois personnes, sans que le Père soit plus grand que le Fils, ni le Fils que le Saint-Esprit, il faut de même que les Filles de la Charité, qui doivent être l’image de la très Sainte Trinité, encore qu’elles soient plusieurs, ne soient toutefois qu’un cœur et qu’un esprit ; et, comme encore dans les sacrées personnes de la très Sainte Trinité, les opérations, quoique diverses et attribues à chacune en particulier, ont relation l’une à l’autre, sans que, pour attribuer la sagesse au Fils et la bonté au Saint-Esprit, on entende que le Père soit privé de ces deux attributs, ni que la troisième personne n’ait point la puissance du Père, ni la sagesse du Fils ; de même, il faut qu’entre les Filles de la Charité, celle qui sera des pauvres ait relation à celle qui sera des enfants, et celle des enfants à celle des pauvres. Et je voudrais encore que nos sœurs se conformassent en cela à la très Sainte Trinité, que, comme le Père se donne tout à son Fils, et le Fils tout à son Père, d’où procède le Saint-Esprit, de même elles soient toutes l’une à l’autre pour produire les œuvres de charité qui sont attribuées au Saint-Esprit, afin d’avoir rapport à la très Sainte Trinité. Car, voyez-vous, mes filles, qui dit charité dit Dieu ; vous êtes Filles de la Charité ; donc vous devez, en tout ce qu’il est possible, vous former à l’image de Dieu. C’est à quoi ten-

 

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dent toutes les communautés qui aspirent à la perfection.

Et qu’y a-t-il en Dieu ? Il y a, mes filles, égalité de personnes et unité d’essence. Et que vous enseigne cela, sinon que vous devez toutes, tant que vous êtes, n’être qu’unes et égales ? S’il faut qu’il y ait une supérieure, une servante, oh ! ce doit être pour donner exemple de vertu et d’humilité aux autres, pour être la première à tout faire, la première à se jeter aux pieds de sa sœur, la première à demander pardon, la première à quitter son opinion pour suivre l’autre. C’est ce que les saints en particulier ont fait ; c’est ce qu’ils ont conseillé à ceux qui devaient embrasser leur Ordre, et c’est ce que tous. ceux qui veulent vivre dans la perfection doivent faire. Car ce que Monsieur de Genève a dit de Pierre et de Jean, il l’a dit de toutes les autres communautés ; et ce qu’il a enseigné à Pierre et à Jean, vous le devez faire. Oh bien ! plaise à la bonté de Dieu qu’il en soit ainsi ! Ne trouvez-vous pas que cela soit bien comme cela, Mademoiselle ?

Mademoiselle répondit qu’elle l’eût bien désiré.

— Vous voudrez bien communier demain pour cela, et vous aussi, mes sœurs, à ce que Dieu donne cet esprit-là à toute la Compagnie.

Toutes firent paraître le désirer.

— Oh bien ! en voilà assez pour aujourd’hui. Je ne pensais pas tant m’arrêter là-dessus, mais il y avait longtemps que je me sentais pressé de vous dire ces choses importantes. Oh bien ! Dieu soit béni ! Je vous donne le bonsoir. A demain le reste. Nous nous reverrons. Sub tuum praesidium…

 

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160. — CONSEIL DU 20 JUIN 1647

Nous parlâmes hier du voyage de ma sœur Anne, de la voie par laquelle elle doit aller, de sa conduite sur les. chemins, de ce qu’elle aura à faire à l’égard de M le comte, à son arrivée, et même comme elle doit être à l’égard de sa sœur.

Sur quoi, Mademoiselle dit :

Mon Père, je crois qu’il est besoin de parler de la manière dont nos sœurs doivent se conduire à l’égard de M. le comte, parce que, comme il n’a pas là grandes affaires et qu’il affectionne cet établissement, il sera fort souvent avec elles.

— Ma sœur Anne, dit notre très honoré Père, doit regarder M. le comte comme un seigneur que Dieu a établi en ce lieu pour y gouverner en sa place, et qui a tout pouvoir, mais qui est un des plus hommes de bien de sa condition ; et il le parait par le zèle qu’il a à l’établissement de cet œuvre. Donc ma sœur lui doit du respect comme à un grand seigneur, comme gouverneur de l’obéissance, et comme bienfaiteur toute sorte de soumission ; il le faut regarder en Dieu et Dieu en lui, et avoir à son égard tout le respect, l’honneur, l’estime et la déférence possibles.

— Mais, mon Père, dit Mademoiselle, une chose pourra arriver, comme M. le comte est extrêmement franc et libre, qu’il se communiquerait à un enfant, il dira facilement ses sentiments à nos sœurs. Et comme cela fait paraître confiance, nous nous laissons facilement aller à prendre confiance, et sans considérer la différence qu’il y a de leur condition à la nôtre, nous nous

Document 160. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot.

 

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éloignons parfois du respect par la trop grande liberté que nous prenons avec eux trop facilement.

— Oh ! dit Monsieur Vincent, la question est fort bonne ; il était très nécessaire de dire cela ; car, ma sœur c’est le meilleur homme du monde. S’il trouve tant soit peu son compte auprès de vous, il vous déboutonnera son cœur et vous dira tout ; et ce que vous avez à faire c’est de l’écouter en tout respect, et de lui rendre toujours compte de ce qui se passe pour votre établissement. Mais ne lui faites jamais plainte de votre sœur. Qu’il vole toujours une bonne intelligence entre vous, car il est extrêmement prompt. Vous ne lui auriez pas sitôt parlé de votre sœur qu’il lui voudrait parler. Ce qui arriverait de cela, c’est qu’en lui parlant il l’obligerait à parler, car c’est ce qui arrive quand on parle de ses affaires aux gens du monde. Et puis il viendrait à se dégoûter, il se plaindrait aux uns, aux autres, à M. D. L., à Monsieur…, à ceux à qui il a communiqué son dessein ; il dirait librement : "Ce n’est pas ce que je pensais de ces filles ; l’esprit de Dieu n’est pas là ; elles ne s’accordent pas ; il n’y a point d’union entre elles." Oh ! il le dirait hautement. Donc, ma fille, prenez-y garde ; ne lui parlez jamais de votre sœur par plainte, parlez-lui-en en bien, et jamais autrement. Je ne vous puis assez recommander le respect et la discrétion à son égard. Il vous visitera peut-être souvent, et Mademoiselle a eu grande raison d’agiter cette question. Si vous le contentez, il vous louera hautement ; si vous manquez, il vous le dira librement et s’en plaindra. De sorte, ma fille, qu’il faut avoir un grand soin de le contenter et de l’édifier, et écouter ce qu’il vous dira de faire, comme si c’était Dieu.

Il me souvient que, quand j’entrai chez monsieur le général des galères, je fis résolution de le regarder comme si c’eût été Dieu, et madame la générale comme

 

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la Vierge, et de faire tout ce qui viendrait de leur part comme venant de Dieu et de la sainte Vierge ; et je puis dire que, si j’ai eu quelque bénédiction là dedans, je l’attribue à cette intention que j’eus en y entrant. De même, ma fille, si vous regardez Dieu en la personne de M. le comte de la Noie, Dieu même bénira votre procédé, et vous y réussirez.

— Bien, mon Père, dit Mademoiselle, et les malades ? S’il voulait changer quelque chose de l’ordre qui s’y observe, le suivront-elles, comme serait de donner plus grande quantité de viande, ou bien de bailler de l’argent au lieu de viande, ou quelque autre chose ? Trouveriez-vous à propos qu’elles portassent un règlement de la Charité ?

— Oui-da, elles le peuvent porter ; et s’il le leur demande, lui dire simplement : "Monsieur, voilà comme l’on fait ailleurs." Et s’il veut qu’elles fassent d’une autre manière, elles le feront.

— Mon Père, que feront-elles à cette heure dans l’hôpital, car je ne sais pas si présentement c’est le dessein de M. le comte qu’elles y entrent. Il me mande qu’il leur a fait préparer une chambre, mais il ne dit point où ; et je crois que c’est peut-être ailleurs, parce qu’il ne veut pas qu’il paraisse que ce soit pour cela qu’elles y vont, mais je pense néanmoins que son dessein est qu’elles montrent aux filles.

— Elles ont, dit notre très honoré Père, deux choses à poser pour la fin de cela ; elles en ont même trois. Premièrement, il faut qu’elles pensent qu’elles vont en lieu où elles sont appelées, et qu’il y a apparence que Dieu en sera glorifié ; après cela, ou qu’elles seront introduites dans l’hôpital, ou qu’elles ne le seront pas. Si elles ne le sont pas, à la bonne heure, elles trouveront bien à se placer ailleurs ; si elles le sont, ce ne sera du commencement que pour l’instruction des filles, qui se fait en la

 

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manière que l’on la fait ici. Mais il faut bien prendre garde de ne pas faire paraître que l’on y pense seulement, mais agir avec grande retenue, donner bon exemple et ne se mêler de rien. Il y a des filles maintenant, qui y sont pour le gouvernement des enfants. Si vous y êtes et qu’elles y demeurent pour vous être soumises, comme prétend M. le comte, il les faut traiter avec grande douceur, grande cordialité et tout souffrir ; oh ! oui, mes filles, tout souffrir ; car ce sont personnes qui se sont mises là il y a peut-être du temps, et avaient espérance d’y demeurer. Il semble que ce soit un déshonneur pour elles, ou pour les parents, qu’elles en sortent, ou qu’il en vienne d’autres les réformer. Cela est considérable, ma fille. Il faut entrer dans leurs sentiments et croire que, si leur cœur n’est point dans le dépit, au moins il est affligé. C’est pourquoi il faudra souffrir tout ce que le ressentiment et la douleur leur pourra faire dire et faire contre vous. Où l’on va, il y a toujours quelque chose d’amer à boire, et il faut s’y résoudre.

Quand nous fûmes en un lieu où des religieux nous avaient appelés (1), nous fîmes résolution de souffrir tous les sujets de mécontentements qui nous pourraient arriver de leur part, et nous n’en manquâmes pas. Grâces à Dieu, cela est passé à présent ; au moins il n’en arrive plus guère ; mais cinq ou six ans durant se passèrent avec beaucoup de contradictions. Le supérieur d’entre-eux (2) se repentait. S’il trouvait quelqu’un à la ville qui lui disait : "A quoi avez-vous pensé ? Vous avez fait tort à la religion", c’était assez. Si, au retour de la ville, un portier ne lui ouvrait pas assez promptement, il n’en fallait pas davantage ; si quelqu’un en ville lui disait : "J’ai été pour vous voir" oh ! c’était là grande

1. La maison de Saint-Lazare.

2. Adrien Le Bon, ancien prieur de Saint-Lazare.

 

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pitié ! Et que fallait-il faire ? Hélas ! mes filles, il fallait que je m’allasse jeter à ses pieds et lui demander pardon pour tous ceux qui lui avaient donné du mécontentement et nous bien faire coupables encore. Il s’apaisait, et puis, sur une autre occasion, c’était à recommencer. Je pense qu’il m’a vu plus de cinquante fois à ses pieds. Mais ne le fallait-il pas ? Il est bien juste. Ce sont eux qui nous ont mis le pain à la main. C’est l’avoir à bon marché de l’avoir pour quelque petite souffrance.

Or, ma fille, ce que je vous recommande très particulièrement à l’égard de ces bonnes filles, c’est de vous humilier, de vous abaisser ; et si elles vous chargent de quelque faute, l’avouer et leur en demander pardon. Il n’y a rien qui gagne leurs cœurs comme cela. Ce bon monsieur disait dernièrement à M. Lucas (3) : "Je ne suis repenti des fois ; mais ce pauvre homme se venait mettre à genoux devant moi ; cela me gagnait le cœur." Et à l’égard de M. le comte aussi, ma fille, humiliez-vous bien ; car, si vous manquez, il le verra fort bien et ne vous le cèlera pas.

— Mon Père, dit Mademoiselle, quant à l’ordre qui se garde dans l’hôpital, je pense que c’est presque comme aux Enfants trouvés. Si ce n’était point tout de même, y changeront-elles quelque chose ?

— Ce qui est bien, dit notre bon Père, il ne le faut point changer. Pour moi, j’ai pour maxime, où je vais, de ne rien changer de ce qui n’est point mal, pour l’accommoder à ma mode. J’aime bien mieux m’y accommoder, parce que je pense : "Qui suis-je, moi, qui veux ordonner et changer les choses ? Ceux qui les ont faites ont eu des raisons pour les faire ainsi, et ont pris conseil ; et moi de ma tête j’irais tout renverser ! Oh ! j’aime

3). Antoine Lucas, prêtre de la Mission.

 

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bien mieux m’y accommoder." Je vous dis de même, ma fille : ce que vous trouverez de mal et de préjudiciable à la gloire de Dieu, ou au salut du prochain, oh ! essayez par voie douce d’y remédier ; mais ce qui ne sera point mal, tant qu’il se pourra il le faut laisser.

Sur quoi, la sœur à qui il parlait lui dit :

Monsieur, M. le comte m’a dit qu’il fallait regarder Ce qui se faisait et comme l’on se gouvernait dans l’hôpital, pour le lui dire ; mais cela me fera de la peine, car je n’aime guère à rapporter les choses

— Ma fille, dit notre très honoré Père, ou les choses qui s’y passent sont bien, ou elles sont mal, ou bien elles sont indifférentes. Si elles sont bien, oh ! il faut le dire sans crainte ; si elles sont mal, il les faut dire dans la vérité et bien prendre garde à ne se pas tromper, et en être bien assuré avant que de les dire, et les dire le plus doucement qu’il se pourra ; et si elles sont indifférentes, n’en rien dire du tout, ou, si on vous les demande, que M. le comte en veuille être informé, et que vous en ayez connaissance, les dire comme elles sont, sans y rien ajouter. Car, ma fille, il faut toujours regarder Dieu et jamais nous. Si Dieu veut que vous demeuriez là, il saura bien en donner les moyens, sans que vous les cherchiez et s’il ne le veut pas, il ne le faut pas vouloir aussi

Y a-t-il encore quelque autre chose à proposer ? Mademoiselle proposa à quel confesseur elles iraient et dit qu’il y avait un ecclésiastique dans l’hôpital qui avait le gouvernement des garçons, et qu’elle croyait n’être pas à propos que nos sœurs allassent à lui, à cause de la communication qu’il faudrait peut-être avoir à cause des enfants.

Sur quoi M. Vincent dit :

Il est bien difficile de dire à qui elles iront, ne connaissant pas les ecclésiastiques de ce pays-là, mais surtout il ne faut point qu’elles aillent à celui qui est dans

 

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l’hôpital, et même il faudrait qu’on le logeât ailleurs. Voyez-vous, ma fille, quant aux ecclésiastiques, n’ayez jamais de communication avec eux hors la confession ; car nous voyons le mal que cela apporte et il n’est que trop vrai que la plupart des désordres qui arrivent dans les communautés sont causés par nous, gens d’église. Portez-leur grand respect, grande révérence, mais ne vous y arrêtez point. Pour le confesseur, il y a là toutes sortes de religieux, mais je pense qu’il vaut mieux qu’elles aillent à un des bons ecclésiastiques de la paroisse. Ne le jugez-vous pas, Mademoiselle ?

— A quoi elle répondit que oui, et dit ensuite :

Mon Père, il y a à cette heure quelque chose à dire sur la manière d’agir de nos sœurs entre elles. Votre charité ne trouverait-elle point à propos que tous les jours elles prissent quelque temps ensemble, d’une demi-heure ou environ, pour se rapporter les choses qu’elles auront faites, les difficultés qu’elles auront rencontrées, et aviser ensemble de ce qu’elles auront à faire ?

— O mon Dieu ! oui, dit notre honoré Père, il faut cela : grande communication l’une à l’autre, s’entre-dire tout. Il n’y a rien de plus nécessaire. Cela lie les cœurs, et Dieu bénit le conseil que l’on prend ; de sorte que les affaires en vont mieux. Tous les jours, à la récréation, vous pouvez dire : "Ma sœur, qu’avez-vous rencontré ? Aujourd’hui, telle chose m’est arrivée, que vous en semble ?" Cela fait une si douce conversation que vous ne le sauriez croire. Au contraire, quand on fait son fait à part, sans en rien dire, cela est insupportable. Il y a une servante dans la Compagnie qui fait une peine incroyable à ses sœurs, pour être de cette humeur-là ; et pour moi, j’éprouve que là où nous avons de pauvres gueux de la Mission, s’il y a un supérieur qui soit libre, qui se communique, tout va bien ; au contraire, s’il y a quelqu’un qui se tienne sur son quant à moi et en son

XIII. — 41

 

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particulier, cela cadenasse les cœurs et personne ne l’oserait aborder. De sorte, ma fille, qu’il faut cela, qu’il ne se passe rien, qu’il ne se fasse rien, et qu’il ne se die rien que vous ne le sachiez l’une et l’autre. Il faut avoir cette mutualité.

La sœur, là-dessus, proposa si, quand elle irait parler à M. le comte, elle ne prendrait pas avis de sa sœur quoi il fut répondu :

Oui, ma fille ; et, s il se peut, il faut que vous n’y alliez et que vous ne lui parliez que toutes deux ensemble. Parfois, comme il vous ira voir, vous n’y pourrez peut-être pas être toutes deux ; en ce cas, il ne faudra pas laisser de lui parler ; mais pour chez lui, n’y allez jamais seule, s’il se peut. Et pour quelque autre affaire que Ce soit, mes filles, prenez toujours conseil l’une de l’autre, et si vous m’en croyez, rendez-vous toujours plutôt à l’avis de votre sœur que de suivre le vôtre. M. de Genève disait qu’il eût mieux aimé plier sa volonté à celle de cinquante personnes que non pas accommoder une seule personne à la sienne. J’ai connu un conseiller de la cour, qui avait été huguenot, et qui, depuis qu’il s’était converti, était arrivé à une grande perfection. Tout conseiller qu’il était et âgé, il ne faisait jamais rien sans prendre conseil. S’il n’avait personne, il appelait son laquais : "Viens ça, petit Pierre, j’ai une telle affaire ; que penses-tu que je doive faire là-dessus ?" Son laquais lui répondait : "Monsieur, il me semble que vous feriez bien de faire comme cela."—" Va, Pierre, tu as raison, je suivrai ton conseil." Et il m’a dit qu’il éprouvait que Dieu donnait une telle bénédiction là-dessus que les choses qu’il faisait de cette sorte réussissaient à bien.

Voilà donc tout ce qui concerne ma sœur Anne. II faudra qu’elle écrive. Si elle trouve quelque autre difficulté, elle en donnera avis ; mais il ne sera pas nécessaire

 

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qu’elle le dise à M. le comte. Elle pourra dire : "Nous y penserons, Monsieur", et durant ce temps-là elle écrira. Il faut que, dans le commencement, elle écrive au moins tous les quinze jours ; et puis après, cela s’en ira à un mois pour l’ordinaire, quand toutes choses seront bien établies.

A cette heure, à l’égard des principaux de la ville et du peuple même, il faut avoir beaucoup d’humilité et de soumission, porter un grand honneur, un grand respect, et enfin tâcher de contenter tout le monde pour les gagner à Dieu. Je serai bien aise de leur parler à toutes deux ensemble avant qu’elles partent.

Mademoiselle demanda si, pour leur nourriture, elles feraient là comme on fait ici, parce qu’on leur voudrait peut être faire meilleure chère.

— Oh ! cela pourrait bien être ; mais, ma fille, il faut toujours demeurer à la pratique de ce que vous voyez observer dans la maison. M. le comte pourrait bien vous tenter, oui, pour voir Ce que vous ferez ; mais il se faut excuser honnêtement : "Monsieur, nous ne faisons que cela."

Mademoiselle continua :

Et pour l’argent du reste de leur voyage, mon Père, ne sera-t-il pas bon qu’elles le lui rendent quand elles seront arrivées ?

— Oui, Mademoiselle, cela sera fort bien ; il est bon qu’il voie cette simplicité-là. Vous pouvez, ma fille, lui dire : "Monsieur, il nous avait été donné tant ; nous n’avons fait dépense que de tant ; voilà ce qui nous reste." Il faut vivre avec lui d’une manière qui le contente, car il a grande estime de la Compagnie, et pour peu qui le choquât, il ne s’en tairait pas.

Or ça, pour ma sœur Jeanne, il lui faudrait bien quatre esprits. Si elle pouvait emporter celui de Mademoiselle Le Gras, cela lui ferait bien plaisir ; n’est-il pas

 

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vrai, ma fille ? Oh bien ! pour le présent je pense que je ne vous puis rien dire. Il faudra vous voir.

Il fut mis en question savoir si l’on devait renvoyer une fille de Loudun, pour lors à Angers, sur ce qu’elle témoignait s’en vouloir aller et sur ce que d’ailleurs elle était de si mauvaise humeur que quelquefois il se passait trois ou quatre jours sans qu’elle parlât à personne, et ne mangeait point. Quelques-unes furent d’avis qu’on la renvoyât, puisqu’elle le demandait, et qu’elle était de telle humour, que, quand elle ne l’aurait point demandé, on aurait eu sujet de la mettre dehors.

Notre très honoré Père dit :

Généralement, parlant, on doit mettre dehors toute personne qui fait paraître s’en vouloir aller. Un de nos messieurs, sortant de chez nous, me dit : "Monsieur, si j’avais un conseil à vous donner et que j’en fusse capable, je vous dirais que, dès que quelqu’un vous témoigne s’en vouloir aller, il ne le faut point garder davantage, car il ne fait que gâter les autres."

Néanmoins, mes filles, il y a quelquefois des tentations qui passent, comme en un bon Capucin que j’ai connu. Etant encore novice, une fois étant à vêpres, comme il avait été grand chasseur, toute sa chasse lui revint en mémoire. Il ne fit autre chose que s’entretenir de chevaux, de chiens, d’oiseaux. Il courait un lièvre. Enfin ses vêpres se passèrent ainsi. Quand il fut revenu à lui, le voilà bien étonné : "Comment ! dit-il, tu veux être Capucin et tu viens de la chasse ! Oh ! tu n’es pas propre à être Capucin ; il s’en faut retourner." Il s’en va trouver son prieur : "Mon Père, faites-moi donner mon habit ; je veux m’en aller." —"Eh ! qu’y a-t-il, mon frère ? dit le prieur."—"O mon Père, je ne suis pas propre à être Capucin ; je viens de vêpres, et tout le long de vêpres je n’ai bougé de la chasse."—" Comment, mon frère ! vous avez été à la chasse durant vêpres ! Et étiez

 

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vous au chœur ?"—" oui, mon Père, mais je n’ai eu attention à rien autre chose qu’à la chasse. C’est pourquoi je vous prie que l’on me donne mon habit, car je ne suis pas propre à être Capucin." — " Eh ! dites-moi, mon frère, dit le prieur, quand vous alliez à la chasse comme cela, que vous poursuiviez le lièvre, vous êtes-vous écrié : Oh ! le lévrier ! oh ! lévrier !" — "Nenni, mon Père, je n’ai dit mot."—" Oh ! ce n’est donc rien que cela, mon frère, vous ne laisserez pas d’être propre à être Capucin." Et il demeura comme cela et il a vécu extrêmement vieux et dans une grande perfection.

Oh ! j’ai dit cela, mes filles, pour être la récréation de notre entretien, mais pour vous dire aussi que, quand on reconnaît, Gomme cela, des tromperies du diable, il n’y a point de danger de tâcher à aider ceux qui les souffrent. Mais, quand on voit que c’est d’eux-mêmes et qu’ils s’opiniâtrent et persévèrent, il faut les ôter.

Pour celle-ci, ma sœur Jeanne, passant par là, la verra et verra sa disposition, saura les sentiments de Monsieur l’abbé de Vaux et de Monsieur Ratier et nous les mandera, et nous lui manderons ce qu’elle aura à faire au retour.

Il fut ensuite proposé trois sœurs pour en envoyer deux à Nantes et une à Angers, et puis Monsieur Vincent dit : Sancta Maria, succurre miseris, etc…, et donna la bénédiction en ces termes : Je prie Notre-Seigneur vous donner sa bénédiction pour l’exécution de toutes les choses qui viennent d’être résolues, à ce qu’elles puissent être faites de la manière qui lui sera la plus agréable. Benedictio Domini Nostri Jesu Christi…

 

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161 — CONSEIL DU 30 OCTOBRE 1647

Mes filles, il est question de mettre ordre à quelques nécessités que Mademoiselle Le Gras a remarquées dans la Compagnie, où, s’il y a quelque chose à faire, il est bon que ce soit maintenant plutôt que plus tard. Les choses ne sont pas encore bien avancées. Mademoiselle Le Gras est en vie. Ce que l’on fera à présent demeurera toujours, ou, si on laissait vieillir les choses, quand, dans un autre temps, on y voudrait remédier, d’ici à trente ans, quarante ans, cinquante ans, si la Compagnie durait jusque-là, il ne serait plus possible ; on dirait : "Cela s’est fait au commencement ; cela s’est continué ; Monsieur Vincent y était ; Mademoiselle Le Gras [aussi] ; et ils ont bien approuvé que cela se soit fait ainsi." C’est pourquoi, mes filles, s’il y a quelque chose à donner pour la perfection de cette Compagnie, il le faut faire, et au plus tôt.

Mademoiselle Le Gras propose s’il est expédient que nos sœurs de la ville et de la campagne qui tiennent école, prennent les garçons et les filles, et, au cas qu’elles prennent les garçons, jusques à quel âge elles les garderont.

Il y a beaucoup de raisons pour cela. Premièrement, cela peut faire beaucoup de bien, donnant les principes de la piété à ces jeunes enfants, qui, sans cela, n’auraient peut-être pas d’instruction. Secondement, il semble y avoir nécessité, parce qu’en la plupart des lieux il n’y a pas de maître d’école. En troisième lieu, c’est que les pères et mères le désirent et, ce semble, ont grande raison, parce qu’il serait à désirer que leurs garçons eussent

Document 161. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Hellot.

 

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au moins autant d’instruction que leurs filles ; et, pour cette raison, ils pressent nos sœurs d’en prendre en la plupart des lieux où elles sont. En quatrième lieu, il semble qu’il n’y ait pas d’inconvénient à craindre de la part de la maîtresse ; ce ne lui peut pas être un sujet de tentation de la part des enfants, étant si petits. Il n’y peut, ce semble, avoir aucun danger. Voilà quatre raisons pour lesquelles il semble à propos que l’on en prenne.

Contre cela nous avons une ordonnance du roi qui le défend, et une de M. l’archevêque. Une autre raison est celle pour laquelle les défenses ont été faites. Le diable se mêle partout, et nous avons vu arriver des accidents si étranges qu’il semble qu’il soit nécessaire d’ôter toute occasion. Il y a quelque temps qu’en un village proche d’ici des filles allaient à l’école chez un maître ; c’était un prêtre âgé de plus de soixante ans, qui fut si malheureux que de faire violence et commit le mal. Il fut condamné à être brûlé. La sentence fut exécutée et le procès brûlé avec lui. Or, quoique je ne sache point et qu’on ne parle point qu’il soit arrivé chose semblable à des filles, on ne sait pas ce que le diable pourrait faire. Il en arriva autant à un maître d’école qui avait quelques petites écolières. Et ce que nous voyons arriver aux autres, nous le devons craindre en nous.

En troisième lieu, supposé que l’on en prit, il ne les faudrait pas longtemps garder, et ce serait une grande peine quand il les faudrait rendre. En quatrième lieu, c’est que l’on n’en doit point prendre, suivant les lois et les défenses qui sont faites du roi et des prélats, qui semblent nous signifier la volonté de Dieu ; et nous devons croire, en effet, qu’elle est en ce qu’ils nous ordonnent. Il serait plus mal que de tout autre que nos Sœurs en prissent, devant être des premières à exécuter les ordonnances.

 

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Voilà donc quatre raisons pour lesquelles il semble que l’on ne doive point prendre des garçons, contre lesquelles vous en avez quatre autres : la première, que cela peut faire du bien, et c’est une pitié ; la deuxième, qu’il semble même qu’il y ait nécessité, n’y ayant point de maître d’école ; la troisième, les parents le désirent ; la quatrième, il semble que de la part de la maîtresse, n. des enfants, il n’y ait aucun danger à craindre. J’en ajoute encore une cinquième, qui est que vous le faites déjà à vos petits enfants trouvés. Vous avez garçons et filles, tellement qu’il n’en serait pas pis quand, dans les villages où les sœurs tiennent école, elles les prendraient aussi. Que vous en semble, ma sœur ?

La sœur fut d’avis que, tant qu’ils n’auraient que la jaquette, on les pourrait bien prendre, parce qu’il semblait y avoir quelque nécessité et rien à craindre. Une autre fut d’avis qu’on ne les devait point du tout prendre, pour les raisons alléguées sur ce sujet.

Mademoiselle proposa quelques difficultés, pour lesquelles elle en avait quelquefois fait prendre, qui est que parfois une fille ne pourra venir à l’école si elle n’amène son petit frère avec elle, la mère n’étant pas au logis pour y prendre garde.

Monsieur Lambert, assistant de notre très honoré Père, fut d’avis que, dans ces nécessités-là, les petits garçons pourraient venir, mais que, dès qu’ils auraient prié Dieu, ils s’en retourneraient sans que les sœurs leur montrassent à lire.

Notre très honoré Père, ayant recueilli les opinions, dit :

Je pense qu’il sera bon de nous en tenir à l’ordonnance qui la été faite de n’en point prendre du tout. Le roi l’a faite avec conseil. Les prélats sont personnes conduites de Dieu, qui y ont apporté mûre délibération ; et ils l’ont faite pour des raisons qui nous en doivent em-

 

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pêcher. Faire le contraire, ce serait exposer une fille au danger. Et quoiqu’il ne paraisse pas manifeste, nous ne saurions empêcher les pensées qui leur peuvent venir, avec lesquelles le diable se mêlant, il pourrait arriver de grands désordres.

Secondement, quand vous prendriez des garçons, vous ne les pourriez prendre qu’ils n’eussent six ou sept ans. Il ne serait pas à propos de les garder passé huit ans. Encore serait-ce un âge trop avancé. Les renvoyer après avoir été un an à l’école, à l’heure qu’ils commenceraient d’apprendre quelque chose, l’on aurait mille peines. Ce serait arracher une dent aux pères et aux mères que de tirer leurs enfants de l’école alors.

En troisième lieu, on aurait continuellement dispute. Nos sœurs auraient à démêler avec les parents de ceux qu’elles renverraient, avec les parents de ceux qu’elles ne voudraient pas prendre, et toujours quelque chose à démêler ; il ne se pourrait jamais faire qu’elles ne mécontentassent quelqu’un.

En quatrième lieu, quoiqu’elles n’en dussent recevoir que de petits, il se pourrait, dans les lieux plus éloignés, trouver des libertins qui en prendraient de plus grands et causeraient peut-être du scandale à la Compagnie.

Pour toutes ces raisons, mes filles, il sera bon que l’on n’en prenne point du tout. Nous sommes deux ou trois de cet avis. Il en faut demeurer là.

La seconde chose que Mademoiselle propose, est de savoir si l’on peut prendre des pensionnaires dans la maison de Paris et aux champs. On trouve que cela pourrait faire beaucoup de bien et à l’égard des filles que l’on prendrait et à l’égard de la maison. A l’égard des filles, d’autant qu’on leur ferait prendre de bonnes mœurs ; on leur donnerait de bonne heure des principes de vertu et on pourrait rompre en leur jeunesse beaucoup d’inclinations vicieuses qui les pourraient perdre, si elles

 

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n’étaient soigneusement déracinées A l’égard de la maison, parce que peut-être, étant élevées parmi vous, il pourrait prendre envie à quelques.-unes d’y demeurer. Il s’en voit assez qui, ayant été jeunes pensionnaires dans des religions, ont puis après vocation pour être religieuses. Que sait-on ce que Dieu ferait ?

Une autre raison, c’est que l’on est fort pressé d’en prendre ; les parents le désirent et l’on aurait grande peine de les refuser dans les lieux particulièrement de la campagne où sont nos sœurs.

Une autre raison, c’est qu’il n’y a pas d’inconvénient d’en prendre, pourvu qu’elles aient des lits pour coucher à part, car il ne faut point du tout qu’elles couchent ensemble.

Vraisemblablement cela apporterait quelque petit profit à La maison. Elles pourraient donner pension honnête. Des enfants ne font pas grande dépense.

Il semble donc qu’en beaucoup de manières cela accommoderait et n’incommoderait pas.

Contre cela, vous avez à considérer que c’est un grand soin à des sœurs qui ont leurs malades à servir et leurs écoles à tenir, d’avoir encore des pensionnaires à gouverner. Elles doivent tout ce qu’elles ont de temps aux pauvres, et c’est en user en quelque manière autrement que de prendre des pensionnaires.

En second lieu, il y a à considérer l’embarras que cela cause, qui n’est pas petit, parce qu’il y faut vaquer avec grand soin.

Voilà, ce me semble, ce qui peut empêcher que l’on en prenne. Contre quoi vous avez à considérer le bien que cela ferait, l’avantage que la maison en pourrait espérer, le désir des parents et le peu d’incommodité que l’on en recevrait Que vous en semble, ma sœur ?

Les sœurs furent d’avis que, pour l’embarras que cela

 

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causait et pour l’occasion que cela donnait aux sœurs de rompre ou se relâcher de leurs règles, il était plus à propos de les refuser que d’en prendre, joint à ce que l’on n’y remarquait pas de profit considérable.

Mademoiselle jugea que, dans la maison de Paris et toutes les paroisses, il était impossible d’en prendre, mais que, pour la campagne, il semblait être presque nécessaire, d’autant que la plupart des dames qui font les établissements, ou y contribuent, le proposent et désirent, et ce sont elles-mêmes qui les baillent à nos sœur. Pour l’embarras, nos sœurs n’étant pas si occupées à la campagne qu’ailleurs, cela ne leur en causerait pas beaucoup Pour l’occasion de rompre les règles, celles qui s’étaient bien affectionnées à les pratiquer ne s’y laisseraient pas aller, et celles qui seraient capables de le faire ne laisseraient pas sans cela. Quelques-unes en ayant déjà, que les dames mêmes entretiennent, il serait très difficile de les renvoyer, cela pouvant les offenser et leur faire tout quitter Pour toutes ces considérations, elle pensait qu’il était expédient d’en prendre en quelques lieux de la campagne.

Monsieur Lambert, assistant de Monsieur Vincent, fut d’avis que, nonobstant les raisons représentées, il n’en fallait point prendre, attendu que parfois les humeurs des sœurs ne cadrent et ne se rencontrent pas si égales qu’il n’y ait quelques petits différends, qui, étant remarqués de ces filles, pourraient ruiner la maison de réputation ; que, nos sœurs n’ayant que peu de temps a faire leurs exercices, il faudrait souvent que, au lieu de faire leur oraison, elles songeassent à leurs pensionnaires ; qu’elles n’auraient aucune liberté ; qu’il faudrait que tout ce qu’elles diraient et feraient fût vu d’elles, n’ayant pas de lieu pour les mettre séparément.

Notre très honoré Père, reprenant la parole, dit :

 

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Je suis de même avis, mes filles, qu’il n’en faut point prendre ; oh ! non, point du tout.

Premièrement, pour le bien que cela peut faire leur donnant de bonnes instructions, il n’est pas à considérer, parce que, s’il est cause qu’une sœur rompt sa règle, c’est un plus grand mal. De penser que cela puisse donner de bons sujets à la Compagnie, cela est bien hasardeux. Je n’ai jamais vu que les personnes qui ont été mises pensionnaires dans les religions y soient demeurées ; elles sont ordinairement lâches ; cela n’a point de cœur, et les religieuses n’on veulent point. Monsieur de Genève (1) a permis aux religieuses de la Visitation d’en prendre ; mais elles ne doivent point passer le nombre de six. S’il eût jugé que cela eût fait beaucoup de bien, il ne se serait pas restreint à si petit nombre.

De plus, si ce sont filles de bonne maison qui donnent pension honnête,, il les faut traiter autrement que vous. C’est avoir l’incommodité de faire deux ordinaires. Si nos sœurs, pour ne pas avoir l’incommodité de mettre deux pots-au-feu, comme elles ne seraient que deux personnes, pensaient à s’accommoder comme leurs pensionnaires, elles se retireraient de la frugalité de leur maison, qui est l’âme et la vie des Filles de la Charité. Oui, mes filles, la frugalité est l’âme de votre Institut. C’est par elle que vous subsistez ; et tant qu’elle sera parmi vous, vous subsisterez Mais, dès que l’on s’en relâchera, que l’on ne se contentera plus de potage, de pain, de fromage, oh ! adieu les Filles de la Charité ! il n’en faudra plus parler. Pour cette raison donc, il est bien expédient et même nécessaire que l’on n’en prenne non plus aux champs qu’à Paris.

Mademoiselle lui ayant demandé congé de parler, lui représenta que, de quelque condition que fussent les

1. Saint François de Salles.

 

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pensionnaires, quand on les prenait on les avertissait qu’elles ne seraient point autrement nourries que nos sœurs.

— N’importe, Mademoiselle, dit notre très honoré Père, car voilà encore d’autres raisons qui ont été alléguées, qui sont très considérables, qui sont la difficulté que les sœurs pourraient avoir quelquefois à compatir ensemble. S’il faut qu’une petite fille ait connaissance de cela, elle le dira à tout chacun. Après, si une sœur vient de loin porter des remèdes, est-elle revenue, au lieu de penser à faire son examen, il faut qu’elle songe à ses pensionnaires, et tout le temps qu’elle pourrait avoir pour vaquer à Dieu, il faudra qu’elle l’emploie à cela. Vous me pourrez peut-être dire que, comme elles sont deux, celle qui montre aux enfants pourra bien montrer aux pensionnaires par même moyen. Mais ce n’est pas le tout. Il faut blanchir, habiller, nettoyer ; il faut avoir l’œil sur leurs mœurs S’il faut que les sœurs aient plusieurs malades et qu’elles quittent toutes deux le logis, les pensionnaires seront en danger, il peut arriver mille accidents. Et il y a d’autres personnes qui les peuvent prendre sans courir risque, parce qu’elles se donnent tout à cela. Il en faut demeurer là, de n’en prendre en pas un lieu. Quant à celles qui en ont, elles les garderont, de crainte de choquer trop les dames ; mais, cela fait, il ne faut plus qu’elles en prennent d’autres.

Mademoiselle Le Gras propose, pour le bien de la Compagnie et l’avancement de nos sœurs, d’autant que, dans les conférences ordinaires, on ne s’accuse pas quelquefois de tout, ou on ne le dit pas en la manière qu’il faudrait, ou l’on ne dit que la moindre partie, taisant souvent ce qui serait plus nécessaire de dire, elle. propose, dis-je, s’il ne serait point à propos qu’une sœur qui aurait charge, dît, quand une sœur manquerait à s’accu-

 

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ser de quelque chose : "Ma sœur, en esprit de charité, je vous avertis que vous avez fait telle faute que vous oubliez de dire."

Je pense que cela se fait dans plusieurs maisons bien réglées et sert beaucoup. Que vous en semble, ma sœur ? Croyez-vous qu’il soit expédient de le faire dans la Compagnie ?

Les sœurs furent d’avis qu’il serait bien à propos ; et Mademoiselle, étant interrogée, dit qu’elle l’avait pense comme une pratique nécessaire, parce qu’elle voyait que petit à petit nos sœurs se relâchaient à ne pas dire les fautes les plus considérables et à trouver mauvais d’en être averties, et qu’au moins, quand il y aurait un ordre pour cela, il faudrait qu’elles le souffrissent, et qu’elle espérait qu’elles s’en corrigeraient avec plus de soin.

Notre très honoré Père s’étant informé comme nous faisions dans les conférences ordinaires, Mademoiselle lui en fit succinctement le rapport ; en suite de quoi il dit :

Oh ! de cette façon-là l’accusation est libre ; mais, comme Mademoiselle propose, ce qu’elles oublieront de dire, celle qui aura charge, ou Mademoiselle même, le dira.

Interrogé sur son sentiment, Monsieur Lambert rapporta qu’aux Jésuites cela se pratiquait à la lecture de table et que le supérieur donnait au lecteur le mémoire qu’il avait fait des fautes, et le lecteur en faisait lecture tout haut ; et ils n’avaient point d’autre manière de s’avertir. A quoi ils réussissaient de telle sorte que l’on voyait le progrès qu’ils faisaient en la vertu, et qu’il croyait que cette pratique-là, s’observant par eux, ne pouvait être que très profitable, et partant il jugeait fort à propos de l’admettre dans la Compagnie.

Après l’avis de Monsieur Lambert, Monsieur Vincent continua :

 

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Donc vous êtes d’avis tous qu’il serait bon de le faire. Oh ! Dieu soit béni ! je le pense aussi. En avez-vous parlé à nos sœurs ? Savent-elles que vous êtes en terme de faire cela ?

Mademoiselle lui dit qu’avant d’en avertir sa charité, elle en avait fait la proposition aux sœurs dans une conférence et leur avait donné du temps pour se recommander à Dieu et y penser ; en suite de quoi, dans une autre conférence, elle leur avait demandé leur sentiment et que toutes celles qu’elle avait interrogées, qui étaient la plus grande partie, avaient paru le désirer.

— Voilà qui est fort bien Reste maintenant à voir de quelle façon vous vous y gouvernerez. Premièrement, il faudra qu’il y ait une sœur, de celles qui sont sédentaires à la maison, qui ait charge de vous rapporter les défauts qu’elle verra, et vous en ferez un mémoire, que vous lirez vous-même à la conférence pour la première fois. Après, ce pourra être la sœur qui vous représente. Il faut que celles qui sont les plus remarquables, les piliers de la maison, il faut, dis-je, qu’elles soient des premières.

Sur quoi Mademoiselle lui dit qu’elle pensait qu’il fallait que ce fût elle.

— Oh ! il n’est pas nécessaire ; mais, comme je vous dis, celles qui sont les plus considérables dans la maison, les plus employées.

Mademoiselle propose encore savoir si elles ne feront point quelques petites humiliations.

— Oh ! oui-da, il est bien juste qu’ayant reconnu avoir failli, elles fassent quelque petite pénitence. Nous vous donnerons des mémoires de ce qui pourra être à propos. Nous avons à proposer encore le renvoi d’une fille du Mans et d’une de Normandie.

Sur quoi Mademoiselle proposa les raisons qu’il y avait de renvoyer premièrement celle du Mans, d’autant

 

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que, pour quelque chose qui s’était passé en une paroisse où elle avait été, elle avait elle-même demandé à sortir, qu’on l’avait gardée pour voir si elle ne se pourrait raccommoder et qu’en effet elle était assez disposée à demeurer à présent, mais que, son humeur étant mélancolique, dès que quelque chose venait à la choquer, elle ne mangeait ni ne parlait point et devenait malade, comme il y avait plus de deux mois qu’elle était, sans qu’il y eût paru fièvre, mais un mois seulement de tristesse et chagrin. Et outre ce, elle paraissait entichée du poumon. Il fut conclu qu’elle serait renvoyée.

Pour celle de Normandie, c’était une bonne fille qui avait eu plus d’une envie d’être de la Compagnie avant que d’y être reçue, et était d’une humeur fort douce, mais extrêmement lente et pesante, fort malsaine, demeurée malade dès la retraite, et elle l’avait été peu de temps avant que de venir en la Compagnie.

Sur cette proposition, notre très honoré Père dit :

Dans les maisons bien réglées, l’on regarde extrêmement à la force des filles. Il y a beaucoup de religions où on les visite par tout le corps Or, si l’on observe de si près dans les maisons religieuses, dans la Compagnie, où il faut beaucoup plus travailler, il est nécessaire de n’en prendre point qui puisse être à charge à la maison. Que, si elles n’ont pas tant de force, elles aient quelque talent qui les rende utiles, qu’elles puissent tenir l’école et rendre d’autres services. Celle-ci sait-elle lire ?

Ayant été trouvé que le peu qu’elle savait ne donna-t pas sujet d’espérer qu’elle pût de longtemps rendre service, spécialement à cause de sa lenteur, il fut conclu qu’elle serait renvoyée.

Mademoiselle, prenant occasion de la présence de Monsieur Lambert, en proposa une troisième, qui était dans la Compagnie depuis quatre ans et davantage et avait

 

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toujours été malade, sans qu’il parût souvent ce qu’elle avait, et, outre ce, n’avait jamais donné témoignage d’aimer sa vocation, s’accostant toujours des malcontentes, ne paraissant point affectionnée ni soigneuse à l’observance de ses règles et paraissant s’aimer et se conserver en telle sorte qu’il était à juger que, si elle eut trouvé ailleurs quelque meilleure occasion, elle s’y fut engagée Et il y avait quelque chose à craindre la laissant davantage parmi nos sœurs, pour le mauvais exemple qu’elle donnait aux autres, ne faisant rien du tout.

Il fut allégué le temps qu’il y avait qu’elle était dans la maison, ce qu’elle savait qui y pourrait servir et ce que sa sortie pourrait faire dans les esprits, qui étaient blessés de la croyance que l’on mît les filles dehors dès qu’elles étaient malades, celle-ci leur ayant été proposée pour exemple.

Sur quoi notre très honoré Père dit :

Dès que vous voyez une personne qui se porte lâchement, qui persévère et ne se corrige point, il n’y a rien à espérer. Il faut que les infirmes que les communautés gardent soient des exemples de régularité, de vertu, de modestie et que ce soit la considération de l’affection à leur vocation et de leur ponctualité qui les fasse garder. Autrement, cela gâte tout. Car, celles-ci ne faisant rien et d’ailleurs ayant l’esprit mal fait, cela fait plus d’impression dans les esprits faibles que ne feront beaucoup d’autres qui seront bonnes, parce que l’esprit a de la pente au mal et se range plutôt du côté de ces personnes-là, s’il n’est bien fondé en la vertu, qu’il ne fera du côté de celle qui les pourra servir. Partant, je pense qu’il est nécessaire de renvoyer cette fille. Mais comme il y a longtemps qu’elle est dans la maison et qu’elle ne paraît pas ouvertement s’en vouloir aller, il sera à propos de lui proposer et tâcher, en lui représentant ses infirmités. de lui faire désirer de s’en aller, lui représentant que,

XIII. — 42

 

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quand elle sera ailleurs où elle aura moins de travail, elle s’eu pourra mieux porter ; et, de quelque façon que ce soit, il s’en faut défaire. Et il fut ainsi conclu et fait.

Nous avons maintenant à voir si l’on donnera une sœur pour la conduite des nouvelles venues. Il me semble que nous avons déjà parlé de cela. C’est une chose de grande importance au bien de la Compagnie ; et cela s’est pratiqué de tout temps. Autrefois cela se faisait en cette sorte en plusieurs maisons et particulièrement à l’Hôtel-Dieu : on baillait une nouvelle venue à une ancienne pour l’élever et en avoir soin ; mais il se trouvait que les nièces se liaient de telle sorte à leurs tantes (elles les appelaient ainsi) qu’il se faisait des partialités qui mettaient les maisons en désordre. De sorte que l’on pensa qu’il était plus à propos de mettre une maîtresse qui aurait soin des novices ; et on les mit toutes ensemble et on appela ce lieu noviciat.

S’il y a chose nécessaire pour l’avancement de la Compagnie, c’est celle-là. Sur qui avez-vous jeté les yeux, Mademoiselle ?

Mademoiselle lui fit souvenir qu’il avait été arrêté que ce serait ma sœur Julienne Loret.

Et il reprit :

O ma sœur, que veut-on faire de vous ? C’est la première charge après la supérieure et la plus importante. Il s’agit de former des filles qui puissent servir Dieu dans la Compagnie, de leur faire prendre des racines de vertu, leur apprendre la soumission, la mortification, l’humilité, la pratique de leurs règles et de toutes les vertus. Oh bien ! nous vous donnerons des mémoires pour votre conduite ; car il faudra que vous leur fassiez faire quelques exercices en particulier et que, s’il y a moyen, vous ayez un lieu à part ; pour les mettre.

Sur quoi il fut représenté que nous ne pouvions pas leur donner de lieu séparé pour le coucher et que, pour

 

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l’oraison et les prières, il serait difficile qu’elles les fissent séparément, d’autant que la sœur qui leur était donnée pour directrice, faisait les prières à la communauté. Ce que notre très honoré Père trouva bon, pourvu qu’à quelque heure du jour elles s’assemblassent pour avoir l’instruction de leur directrice, selon la règle qu’il nous en prescrirait ; et il continua :

Mes sœurs, vous avez de grandes obligations à Dieu, oh ! que vous avez de grandes obligations à Dieu (je ne sais qui l’en remerciera, ni qui l’en pourra remercier) que sa bonté prenne le soin de purger la Compagnie des sujets qui y nuisent, et donne des moyens pour perfectionner celles qui y demeurent ! Cela est admirable. Et de votre part, mes filles, il l’en faut remercier de tout votre pouvoir et lui être bien fidèles.

Il dit : Sancta Maria, succurre miseris, et donna la bénédiction en ces termes :

Je prie Notre-Seigneur qu’il daigne par sa bonté vous animer de son vrai esprit, en telle sorte que tout ce que vous ferez et direz soit pour lui rendre le service qu’il attend de vous. Et sur cette confiance, je prononce les paroles de bénédiction : Benedictio Domini Nostri Jesu Christi...

 

162. — CONSEIL DU 22 MARS [1648] (1)

Entretien de M. Vincent le 22è mars en la petite assemblée sur diverses choses proposées pour le bien de la Compagnie par Mademoiselle, qui commença en cette sorte :

Document 162. — Arch. des Filles de la Charité, original écrit de la main de soeur Hellot.

1). Ce Conseil est postérieur au Conseil du 30 octobre 1647, où fut créé le poste de directrice des nouvelles venues et antérieur au 18 octobre 1648, date de l’inhumation de sœur Turgis.

 

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Mon Père, sur ce que le besoin de nos sœurs de Nantes continue toujours, il m’était venu en pensée de faire une neuvaine à Notre-Dame de Lorette, dont il y a une chapelle bâtie depuis peu aux filles de la Madeleine, toute semblable à celle de Lorette même. Et depuis il me sembla qu’il serait bon de l’étendre plus loin et de comprendre toute la Compagnie.

Je pensais aussi, après, d’y joindre votre maison, mon Père, si vous l’avez agréable, non pas pour besoin que je pense qu’elle en ait, mais pour celui que nous avons de son assistance. Or, j’avais pensé que, comme la première dévotion à Notre-Dame de Lorette a été établie au Temple, on commencerait là et reviendrait à celle de la Madeleine, qui est proche.

Notre très honoré Père ayant recueilli les voix des sœurs, qui trouvèrent la proposition utile, dit :

Oh ! je la trouve bonne aussi ; et Dieu soit béni, Mademoiselle, du moyen qu’il vous a suggéré pour obtenir son assistance ! Je lui en rendrai grâces particulières et dirai la messe à cette intention.

Mademoiselle proposa ensuite si l’on commencerait la veille de la fête de l’Annonciation de la sainte Vierge, pource que ce jour était d’une singulière recommandation à la Compagnie et que les premières qui s’y étaient données tout à fait avaient pris ce jour, et que la chapelle de Lorette était particulièrement dédiée à ce saint mystère, comme ayant été opéré en icelle.

Elle supplia très humblement sa charité de nous faire le bien de nous donner un des messieurs de la Mission pour y dire la messe le premier et dernier jour ; ce que très volontiers il accorda, suppliant Dieu de l’avoir agréable, et trouva bon que ce fût la veille de la fête que l’on commençât.

Mademoiselle continua la seconde proposition en cette sorte :

 

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Mon Père, nous avons renvoyé, ces jours passés, ma sœur Marguerite de l’école, qui, avec quelques autres, faisait partie pour un confesseur, à qui elles avaient attache, mais attache si forte, qu’il y en avait deux principalement qui se disaient être dans l’impossibilité d aller à d’autres. Or, pour le nombre de filles, et parce que le confesseur ordinaire est employé à l’église, nous permettions ordinairement d’aller à deux ou trois, dont celui-ci en était un ; mais, depuis que nous avons vu le désordre et le mal que cela causait, nous avons, pour rompre cela, envoyé, pendant quelque temps, nos sœurs à La Chapelle, et ensuite renvoyé ma sœur Marguerite, qu’il y avait plus d’un an que nous retenions, je crois par faiblesse de courage plutôt que par pure charité croyant que, pour d’autres dispositions qui étaient en elle, non pas mauvaises, mais bien contraires à l’esprit des communautés bien réglées, nous devions plutôt l’avoir ôtée, qui, quoiqu’elle ne fût la première qui y eût été (2), était la plus attachée et persuadait les autres, de sorte que vous eussiez vu cela séparé du reste de la Compagnie et faire un corps à part et à l’église et à la mal, son, où elles se retiraient pour parler de leur confesseur, des conseils qu’il leur avait donnés et des avis qu’elles avaient pris, comme si elles n’eussent eu à prendre conduite que de lui. Et l’on ne voyait aucunes vertus en elles ; ce n’étaient que propres volontés et pratiques particulières. Elles ne communiaient pas les jours ordonnés, le plus souvent parce qu’il leur défendait, et n’en demandaient permission à personne. Or, depuis qu’elle est sortie, par la grâce de Dieu, cela est dissipé, les esprits sont remis, et celles qui étaient dans l’impossibilité d’aller à l’ordinaire confessent à cette heure qu’il

2.) Les mots qui précèdent, depuis "qu’il y avait plus d’un an…" ont été ajoutés en marge par Louise de Marillac.

 

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leur est indifférent, de sorte, mon Père, que, pour les raisons qui nous avaient fait permettre d’aller à deux ou trois dans les besoins, je propose à votre charité de voir s’il ne serait point à propos de remettre la même liberté, et que, ne trouvant point celui d’ordinaire, il fût permis d’aller à celui-là aussi bien qu’à un autre, ou elles peuvent encore aller au défaut du premier.

Notre très honoré Père ayant entendu toute la proposition, répliqua en cette sorte :

Vous avez fort bien fait, Mademoiselle, de mettre cette fille dehors et ferez toujours bien, quand il y en aura de pareilles, de ne les pas garder, quand, après avoir usé de toutes sortes de moyens et de voies pour les ramener, comme vous avez fait à l’égard de celle-ci, elles ne se voudront point corriger. Je sais bien que c’est s’arracher le cœur, c’est se déchirer les entrailles que d’en venir là ; et je suis comme cela ; quand j’en vois quelqu’un qu’il faut renvoyer, je l’appréhende si fort que j’aimerais bien mieux avoir trois accès de fièvre ; mais il en faut venir là ; il se faut affermir ; le chirurgien n’est pas habile homme qui ne sait mettre que des emplâtres ; il faut qu’il sache couper et retrancher un membre, quand les autres sont menacés d’en être gâtés. La Sagesse éternelle du Père, Jésus-Christ, nous a bien voulu faire cette leçon quand il a dit : "Il ne faut qu’une brebis galeuse pour gâter tout un troupeau." Et cette similitude est si propre en ce sujet qu’il semble que Notre-Seigneur l’ait prononcée tout exprès ; car il est vrai, mes sœurs, qu’il ne faut qu’un esprit mal fait et persuadé d’une mauvaise opinion pour attirer tous les autres à son parti. Or, comme ce lui serait un pasteur mauvais, qui, connaissant une brebis galeuse, ne la retrancherait pas et mettrait le troupeau en danger de se perdre ; ainsi le supérieur ou la supérieure d’une communauté seraient blâmés

 

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si, connaissant un esprit de cette trempe, ils le gardaient.

Or, pour la confession, mes sœurs, c’est une chose de grandissime importance ; car de là viennent tous nos biens et tous nos maux. Et pour cela il est nécessaire qu’il n’y ait point de contrainte. Ceci soit dit entre nous. Le Pape Clément huitième fît un décret par lequel il ordonna que les religieuses que la règle obligeait de n’aller qu’à un confesseur, en eussent deux, afin que, s’il arrivait qu’elles eussent quelque répugnance d’aller à l’un, elles pussent aller à l’autre, car il y va de commettre un sacrilège. J’ai pense que, pour obvier aux inconvénients qui pourraient arriver, il sera bon quelque jour d’en faire une conférence, et cependant il faut se servir de cette lumière que Dieu a donnée à l’Eglise pour sa conduite, qui ne se peut tromper, car ce sont lumières toutes célestes. Il sera donc bon, Mademoiselle, que vous remettiez cette liberté. Et si vous vous aperceviez que l’attache recommençât, il faudrait y pourvoir, mais j’espère que non, car ordinairement, quand un esprit brouillon est dehors, tout le reste qui prenait ses sentiments, demeure calme. Je vois parfois cela chez nous ; et il me semble que cela n’arrive, que, bientôt après, Dieu ne donne des marques qu’il l’a eu agréable.

— Mon Père, dit Mademoiselle, vous plaît-il que je vous die de quelle façon je prends ce que vous venez de dire touchant les confesseurs ? C’est que pour l’ordinaire, tant qu’il se pourra faire, on n’ira qu’à un, et quand on ne pourra aller à celui-là, on pourra aller aux autres, entre lesquels celui dont nous parlons, qui est fort homme de bien, sera nommé.

A quoi notre très honoré Père répondit :

Il nous en faut tenir à ce que je vous ai allégué, qui a été ordonné par le Pape et qui a passé de lui à toute l’Eglise : qu’elles choisissent l’un ou l’autre, et si quelqu’une avait répugnance à l’ordinaire, qu’elle puisse

 

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prendre l’autre des deux désignés, pourvu que ce soit sans attache. Il faut une sainte liberté. Et si ces esprits ne se rangent, alors il y faut remédier ; non pas qu’il le faille faire à l’égard de toutes, ni d’une même manière ; car aux unes il suffira d’un simple avertissement, aux autres il leur faudra de fortes persuasions ; même, à la fin, on sera contraint d’en venir à l’extrémité.

— Mon Père, dit Mademoiselle, ne faut-il pas que celles qui le choisiront aillent pour le moins quelquefois dans l’année à celui qui est l’ordinaire de la Compagnie, pour observer l’uniformité et ne point faire paraître de particularité ?

— Oui-da, Mademoiselle, dit notre très honoré Père, il sera fort à propos.

Sur quoi, Mademoiselle, faisant une autre question, dit :

Mon Père, ma sœur Turgis me demanda dernièrement un catéchisme ; nous lui en envoyâmes un. Elle ne le trouva pas assez ample et nous pria de lui en envoyer un autre. Nous envoyâmes prier M. Lambert de nous en envoyer un et il nous envoya celui de Bellarmin et dit à la sœur à qui il le donna que cela était bien savant et que ce n’était que pour les curés. Or, comme il ne faut pas que nous paraissions savantes, j’eus quelque pensée de ne le pas envoyer ; et comme j’étais pressée, je ne laissai pas ; je lui mandai seulement qu’elle ne le fît que lire, parce que, comme ce que l’on prend dans le livre ne vient pas de soi, il semble que ce n’est pas tout que de l’apprendre par cœur et le réciter.

A quoi notre très honoré Père répondit :

Il n’y a point de meilleur catéchisme, Mademoiselle, que celui de Bellarmin ; et quand toutes nos sœurs le sauraient et l’enseigneraient, elles n’enseigneraient que ce qu’elles doivent enseigner, puisqu’elles sont pour instruire, et elles sauraient ce que les curés doivent savoir.

 

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Savez-vous ce qui maintient ces deux ou trois filles de Madame de Villeneuve ? C’est de savoir le sens de ce catéchisme-là ; elles l’enseignent et font par là un bien incroyable. Il serait bon que l’on le lût à nos sœurs et que vous-même l’expliquassiez à nos sœurs, afin que toutes l’apprissent et le sondassent pour enseigner ; car, puisqu’il est nécessaire qu’elles montrent, il faut qu’elles sachent ; et elles ne peuvent mieux apprendre plus solidement que dans ce livre-là. Je suis bien aise que nous en ayons parlé, car je crois que cette lecture sera d’une grande utilité.

— Mon Père, dit Mademoiselle, j’ai pensé de proposer à votre charité si, comme dans nos conférences des vendredis nous n’avons pas grand temps pour faire d’instruction, à cause des accusations, il ne serait point à propos qu’une fois la semaine, à un jour où on n’aurait pas ces empêchements, nous la fissions sur la pratique de quelque vertu, ou la manière de servir les malades spirituellement, ou quelqu’autre sujet, selon la nécessité que nous verrions.

— Il faut voir à cela, dit notre très honoré Père, car il y a du pour et du contre. Le pour c’est qu’il ne se pourrait que cela n’apportât un très grand bien à toute la Compagnie, parce que cela ouvrirait les esprits pour les faire entrer dans le raisonnement sur le sujet des conférences ; ce qui leur est nécessaire ; car quelques-unes y entrent ; les autres ne le peuvent comprendre ; et il semble que cette familiarité-là leur faciliterait. Un autre bien, c’est que cela retiendrait les esprits recueillis, et plus l’on entendrait parler de la vertu, plus on s’apprivoiserait avec elle.

Contre, il y a que la trop grande fréquence de cet exercice pourrait en engendrer du dégoût et du mépris, ce qui empêcherait que l’on en fît le fruit que l’on en

 

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pourrait espérer. Vous avez de mois en mois, outre tous les vendredis ; et puis ce serait un autre encore sur semaine. Il semble que cela pourrait rebuter les esprits. Mais pour en essayer l’espace d’un mois et puis laisser passer quelque temps, je pense que cela serait à propos. Que vous en semble, ma sœur ?

La sœur fut d’avis qu’il serait bon toutes les semaines parce que, la santé de Mademoiselle étant souvent altérée, il n’arriverait pas qu’elle continuât longtemps sans intermission ; ce qui, au lieu de dégoût, ferait naître le désir. L’autre sœur fut du même sentiment, et Mademoiselle dit qu’elle avait pensé cela comme un moyen, qui réparerait en quelque manière les fautes qu’elle faisait en la conduite de la Compagnie par ses mauvais exemples.

A quoi notre très honoré Père repartit :

Dieu le sait, Mademoiselle ; mais je suis d’avis que vous en fassiez ainsi. Chez nous, nous avons une autre chose qui nous aide bien à nous maintenir, qui est la répétition de l’oraison le matin. Je vous assure que je ne puis dire le fruit que cela fait. Il n’est pas croyable que Dieu m’aura tenu à sec à l’oraison. Mon espérance est que j’apprendrai de quelque bon frère quelques lumières qu’il aura eues, dont je ferai mon profit. J’attends cela de la bonté de Dieu, et il ne manque guère. J’ai une si grande consolation d’entendre ces bons frères ! Et nos sœurs ! Quand je vois quelques-unes de nos sœurs qui disent quelque chose, j’en suis si touché que je ne le vous saurais dire. Je ne sais si les autres sont comme moi, mais je suis fait comme cela, quand ils disent dans leur répétition quelque chose d’édification qui profite aux autres et à eux-mêmes. Ensuite, je leur parle, et s’il y a quelque chose qui traîne quelque avertissement à donner, je le dis. S’il y a quelqu’un qui ait failli, on

 

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fait dire leur coulpe ; on les appelle : "Un tel, venez çà." Ils se mettent à genoux pour entendre la correction et s’accusent. Et sans cela, étant dans l’embarras où vous me voyez tout le reste du jour, je ne saurais par où me prendre pour remédier aux désordres qui se glissent facilement dans les communautés, si l’on n’y prend garde de près.

— Mon Père, dit Mademoiselle, je ne pensais pas, vous proposant une petite conférence toutes les semaines, que nos sœurs y dussent parler, mais seulement moi, pour leur donner quelque instruction. Et puisqu’il est ainsi, trouverez-vous bon que le jour d’auparavant, ou le matin, je leur die le sujet, afin qu’elles s’y préparent ? Il n’y aura point de danger parfois aussi à prendre le catéchisme de Bellarmin, leur en faire lire quelque chose et leur expliquer ; d’autres fois faire comme je viens de dire.

— Vous en essayerez des deux manières. Et vous, ma sœur, qui avez charge de nos sœurs nouvelles, faites-leur bien comprendre la manière de faire oraison sur le sujet d’une conférence, les raisons que l’on a de faire telle chose. Pour cela, il leur faut faire entendre qu’elles regardent l’avantage qui revient de faire cette chose et le désavantage qui viendra de ne la pas faire ; après qu’elles doivent regarder aux moyens qui les peuvent conduire à faire cette chose en sa perfection. Enfin, ma sœur, c’est à vous à les rendre capables.

Sur quoi, la sœur se mit à genoux et demanda que quelqu’autre fût mise en sa place, parce qu’elle s’en sentait incapable, comme aussi d’avertir Mademoiselle de ses fautes, n’ayant pas assez de lumière pour connaître les siennes.

A quoi notre très honoré Père repartit :

Vous ne le sauriez de vous-même, ma fille ; vous n’en avez ni la suffisance ni la lumière ; mais Notre-Seigneur

 

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Jésus-Christ le fera en vous et sera lui-même votre suffisance et votre lumière. Faites-vous bien fille d’oraison et Notre-Seigneur vous apprendra tout ce que vous aurez savoir.

Mademoiselle proposa qu’ayant ôté ma sœur Guillemine de Saint-Paul, ma sœur Jeanne, qui y était déjà depuis un an, avait été laissée, mais qu’elle n’avait pris aucune intelligence de la paroisse, des dames, des pauvres, ni des médicaments et que ma sœur Marie-Marthe (2) avait été envoyée en la place de la sœur Guillemine et était plus ancienne dans la Compagnie, et l’autre plus ancienne dans la paroisse, savoir laquelle des deux serait sœur servante.

Les sœurs furent d’avis que la sœur Marie-Marthe, quoique plus nouvelle dans la paroisse, l’autre n’ayant pas plus d’intelligence dans la paroisse qu’elle, et elle étant plus ancienne dans la Compagnie et fort exacte aux observances, le devait être plutôt que l’autre. Mademoiselle fut du même avis, et notre très honoré Père dit :

Je le trouve aussi. Il faut toujours qu’entre les Filles de la Charité celle qui a le plus d’exactitude soit la première.

Mademoiselle lui demanda :

Mon Père, ne doit-on point avoir égard à la satisfaction des sœurs ?

— Non, jamais, dit-il, à quoi que ce soit qu’à la vertu ; point d’égard à l’âge, point d’égard à l’ancienneté dans la Compagnie, point d’égard à la condition. Il faut que ce soit la seule vertu et que jamais il ne soit fait aucun choix qu’en considération de la vertu.

Mademoiselle proposa que Madame la marquise de

2) Marie-Marthe Trumeau.

 

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Mortemar, ayant retiré Mademoiselle sa fille de céans (3), n’avait pas satisfait à beaucoup près à la dépense qu’elle avait et qu’il y avait bien apparence que la maison y était lésée, savoir s’il serait à propos de lui faire savoir par nous-mêmes, ou par quelques amis, qui lui feraient entendre.

Notre très honoré Père, s’étant informé à combien cela pouvait aller, dit :

Vous avez à considérer deux choses : l’une, si vous demanderez ou ferez demander ce que vous pensez qui vous soit dû ; l’autre, si vous voulez donner cela à Dieu et attendre de lui seul la récompense de ce que vous avez fait, et prendre cela comme un avertissement qu’il vous a donné, de ne rien faire en considération du monde, ni de la condition, mais tout pour son amour, et jamais rien pour un autre motif. Que vous en semble, ma sœur ?

La sœur dit qu’avant que sa charité eût proposé les deux choses, l’intérêt de la maison l’avait fait incliner à la première, mais que présentement elle estimait qu’il fallait laisser à Dieu le soin de nous dédommager de cette perte et prendre l’instruction qu’il avait permis que cela nous donnât.

La seconde fut d’avis qu’au moins une fois on le demandât et que, si l’on ne nous en baillait rien, nous n’en parlassions pas davantage.

Et Mademoiselle fut d’avis que, non pas ouvertement mais dans quelque occasion, on fît entendre adroitement à la dame qu’elle n’avait pas pleinement satisfait, que, si elle n’en faisait autre chose, nous la laissassions là.

Notre très honoré Père dit :

Oh ! je n’estime pas, mes sœurs, que vous deviez rien demander. Quand vous n’en auriez eu que l’instruction

3). Gabrielle, qui épousera en 1655 le marquis de Thiange.

 

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qui vous en est demeurée, de ne rien faire en considération du monde, je vous trouverais assez bien payée. Croyez-moi, Dieu vous a voulu faire voir que vous n’êtes pas pour les gens de condition ; vous n’êtes que pour les pauvres, et il faut que cela vous demeure désormais pour une maxime, de ne point recevoir de pensionnaires. Une des belles choses que je trouve dans le règlement de Madame de Villeneuve est de ne se point charger de pensionnaires de condition, "parce, dit-elle, Monsieur, que cela nous emporterait tout notre temps. S’il y a quelque chose de bon à la maison, il faut que ce soit pour elles ; il faut qu’elles soient servies, quand tout devrait demeurer ; les autres voudront faire comme elles et tout tombera en désordre". Oh ! que j’ai trouvé cela beau, mes filles ! Il faut que vous fassiez résolution d’en faire autant et croire que Dieu vous l’a voulu faire voir en ce rencontre, dont il le faut bien remercier.

Mademoiselle proposa ensuite si une de nos sœurs de la Compagnie, suivant l’avis de Madame de la Porte, irait voir Madame de Longueville, de qui dépendait la paroisse qu’elle desservait ?

A quoi notre très honoré Père dit :

Je pense vous avoir dit autrefois, Mademoiselle, qu’il ne faut point que les Filles de la Charité recherchent d’être connues des grandes. A quoi bon, sans aucune nécessité, ni affaires, aller voir une princesse ? Si elle entend parler de leur vertu, de leur bonne vie, du service qu’elles rendent aux pauvres, à la bonne heure. Il faut que ce soit la vertu qui fasse connaître les Filles de la Charité, et rien autre chose, et qu’elles ne recherchent jamais de se faire connaître. Plaise à la bonté de Dieu leur donner cet esprit et bénir la résolution que nous prenons maintenant de faire notre possible, non par nous-mêmes, mais par lui, de l’y insinuer ! Benedictio Domini Nostri Jesu Christi…

 

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163. — CONSEIL DU 13 AVRIL 1651

Le 13e jour d’avril 1651, notre très honoré Père trouva bon que nous fissions une petite conférence pour plusieurs besoins de la Compagnie et particulièrement pour faire élection d’une soeur assistante à la place de défunte ma sœur Elisabeth Hellot, n’ayant su faire plus tôt cette élection par nécessité des sœurs.

Etant assemblées au parloir de Saint-Lazare, ma sœur Julienne Loret, lors première assistante, ma sœur Geneviève Poisson, comme ancienne, et moi, après que Monsieur Vincent nous eut demandé de quoi il s’agissait, la sœur servante lui baillant le mémoire, notre très honoré Père dit :

O mes sœurs, cela est bien nécessaire d’avoir des sœurs qui servent de conseil à la supérieure. Par toutes les communautés cela se fait exactement ; mais il importe extrêmement de faire ce choix, et il importe aussi de les changer, et cela afin que plusieurs se forment pour être dans les charges et pour donner des avis bons et solides.

Savez-vous, mes chères sœurs, les conditions qu’il est nécessaire qu’elles aient ? Premièrement, il faut qu’elles aiment et estiment leur vocation, qu’elles soient vertueuses et de bon exemple, qu’elles soient de bon sens et judicieuses, qu’elles soient fort exactes à la pratique des règles. Tout cela est important pour le bien de la Compagnie, à ce que les filles se forment et s’habituent à la pratique des solides vertus. Cela importe encore pour conduire les affaires de la Compagnie secrètement.’C’est pourquoi, mes sœurs, pensez bien devant Dieu à celle que vous pensez se pouvoir acquitter de cette

Document 163. — Arch. des Filles de la Charité, dossier Ecrits autographes. Le document est de la main de Louise de Marillac.

 

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charge. Qui pensez-vous, ma sœur Geneviève, qui puisse être proposée ?

Notre sœur, se levant, dit :

Mon Père, comme je ne demeure pas pour l’ordinaire à la maison, je ne puis pas bien juger, mais il me semble que ma sœur Marguerite Ménard ou ma sœur Phénix seraient bien propres.

A quoi Monsieur Vincent dit :

Il est nécessaire qu’elle soit demeurante à la maison.

Ce qui se trouva en celle-là. Et ensuite ladite sœur dit les raisons qu’elle avait pour les nommer.

— Et vous, ma sœur, dit notre très honoré Père, parlant à ma sœur Julienne ?

— Monsieur, j’ai pensé que ma sœur Françoise-Paule serait bien propre, ou ma sœur Ménard ; mais il y a peu de temps qu’elle est en la Compagne.

Notre très honoré Père demanda à la sœur servante (1) ce qui lui en semblait, laquelle dit qu’elle croyait que les deux premières qui avaient été nommées paraissaient bien avoir disposition pour être assistantes, mais que pour le présent il y avait encore quelque chose à désirer, qu’il n’y avait guère qu’un an que la sœur Phénix y était, et il n’y avait pas encore six mois que ma sœur Ménard y était, que, pour ma sœur Françoise-Paule elle était trop chargée d’affaires, que d’autres ne pouvaient pas faire sans préjudice de la Compagnie pour le présent. Mais nous avons ma sœur Jeanne de la Croix, qui est une fille de vertu et grand exemple. Elle a grande douceur pour les sœurs et charité, est aussi de travail ; ce qui paraît nécessaire en une sœur assistante pour suppléer à mes défauts, qui m’empêchent de mettre la première la main à l’œuvre, comme je devrais faire.

1). Louise de Marillac.

 

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Nos deux sœurs, sitôt que j’eus fini, dirent qu’elles ne songeaient pas à elle ; et comme c’était par oubli, elles dirent qu’elles croyaient qu’elle ferait bien.

Oh bien ! mes sœurs, dit Monsieur Vincent, il en faut demeurer là. Je crois voirement que c’est une bonne fille et qu’elle fera bien. Il faut bien, mes sœurs, être persuadé de cette vérité qu’il est nécessaire de changer les sœurs assistantes ou conseillères pour plusieurs raisons, dont l’une est afin que l’on ne s’attache pas à cet emploi ; et une autre c’est qu’il est très expédient que plusieurs se forment à servir les autres ; car tout le bien de la Compagnie dépend du soin que les officières doivent avoir de toute la famille et d’y être de grand exemple et agir avec grand soin. Et pour cela il ne faut plus être si longtemps sans faire élection.

Vous avez encore tout plein d’autres questions sur votre mémoire, que nous ne pouvons pas aujourd’hui terminer. Je supplie Dieu donner bénédiction à la sœur que vous avez nommée.

Et ensuite il dit le Sancta Maria, succurre. Et puis notre très honoré Père nous donna sa bénédiction, demandant à Dieu la grâce que nous fissions bon usage des conduites de sa divine providence pour sa gloire et le bien de toutes les âmes de la Compagnie.

 

164. — CONSEIL DU 15 AVRIL 1651

Deux jours après (1), notre très honoré Père nous fit la charité de trouver bon que nous nous assemblassions au même lieu, qui était le parloir de Saint-Lazare ; ce que nous fîmes avec les mêmes sœurs, avec ma sœur Jeanne

Document 164. — Arch. des Filles de la Charité, dossier Ecrits autographes. Le document est de la main de Louise de Marillac.

1). Deux jours après le 13 avril, date du Conseil précédent.

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de la Croix susnommée, laquelle, se trouvant étonnée par son humilité, demandait à en être exemptée, ne sachant encore ce que c’était.

Après le Veni, Sancte et avoir mis les mémoires ès mains de Monsieur Vincent, il nous dit :

Mes sœurs, il est nécessaire que vous sachiez que, dans ces petites assemblées, nous devons parler en la vue de Dieu, avoir grande attention à ce qui s’y dit, pour pouvoir mûrement donner son avis et pour ne pas user de redites ; ce qui sera facile quand, retenant ce qu’une sœur aura dit et étant d’un même avis, l’on pourra dire : "Il me semble que ce qui a été dit se peut faire pour les raisons que l’on a dites." Et de plus : "J’ai pensé telle et telle chose pour telle et telle raison" ; car, voyez-vous, mes sœurs, où il s’agit de la gloire de Dieu, il ne faut point de respect humain, quoiqu’il ne faille pas manifestement contredire, mais aussi faut-il simplement donner son avis quand nos supérieurs nous le demandent.

La première chose qui fut proposée, ce fut si nous devions envoyer des sœurs en Picardie pour assister notre sœur Guillemine et trois autres qui étaient parties, il y avait longtemps, pour assister les pauvres affligés et malades en ces quartiers-là à cause de la ruine des guerres de l’année précédente, qui avait tout réduit en grande misère.

— Mes sœurs, nous dit notre très honoré Père, pour bien juger des choses, il est nécessaire que la personne qui les propose dise la chose et ensuite les raisons qu’il y a pour la faire, et les inconvénients qu’il y a de la faire ou de la laisser. Je vous dirai donc, mes sœurs, qu’il semble qu’il serait bien à propos d’envoyer de nos sœurs en ce lieu-là : premièrement, parce que ma sœur Guillemine le souhaite ; secondement, parce que ce n’est pas la coutume de la Compagnie de laisser des sœurs seules,

 

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comme elles sont, étant éloignées l’une de l’autre d’une lieue et demie ; en troisième lieu, les messieurs qui sont en ces quartiers-là pour la même assistance des pauvres, ont jugé à propos de bailler à chacune de nos sœurs une fille, qu’ils ont fait venir de Reims, qui n’est pas bien accordante, quoiqu’il y ait de sa faute ; ou de celle de notre sœur, tellement qu’il serait à souhaiter, pour toutes ces raisons, d’y envoyer plutôt de nos sœurs que de les laisser.

D’autre côté, pour y envoyer il y a cette difficulté que vous n’en avez pas. L’on vous en demande en plusieurs endroits et vous n’y sauriez entendre. Une autre raison pour n’y en envoyer pas, c’est que c’est une chose passagère et qui ne saurait plus guère durer. Mais la plus forte raison est que, comme elles ne sont pas beaucoup éloignées, elles se peuvent consoler et entr’aider de conseil l’une l’autre en se voyant.

Et ensuite, commençant par ma sœur Jeanne, il lui dit :

Votre avis, ma sœur ?

Notre sœur faisant difficulté de parler la première, vu que c’était la première fois qu’elle se trouvait à la petite assemblée, Monsieur Vincent lui dit :

Ma sœur, c’est à vous à parler ; l’on en use de la sorte de commencer par celle que l’on a fait asseoir à main droite.

Par là il évitait de lui dire que c’étaient les dernières que l’on faisait parler les premières. D’où nous devons tirer exemple de ne pas humilier les personnes à qui nous parlons. Ce qui s’est toujours remarqué dans les entretiens et conférences de notre très honoré Père, comme aussi, pour l’ordinaire, dans les communications particulières.

Notre sœur dit :

 

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Monsieur, ce n’est donc pas un établissement à quoi nos sœurs sont employées ; car, si cela était, il semblerait bien à propos de ne pas laisser nos pauvres chères sœurs si seules, et je sais que c’est une grande peine d’avoir à vivre et s’employer avec des personnes qui ne sont pas de notre sorte.

A quoi Monsieur Vincent répondit que non et que l’on n’était là que pour un temps.

Et vous, ma sœur, que vous en semble ?

— Monsieur, je crois qu’il n’est pas beaucoup nécessaire d’envoyer une de nos sœurs, pour les raisons dites, quoique ce soit une très grande peine d’être seule en un lieu.

Et vous, ma sœur ?

— Monsieur, selon les besoins que ma sœur Guillemine fait paraître avoir d’une sœur et toutes les autres raisons que vous avez remarquées, il me semble y avoir nécessité d’envoyer une de nos sœurs pour sa satisfaction.

— Et votre sentiment ? dit notre très honoré Père à celle qui était proche de lui (2).

— Il me semble, mon Père, que le désir que notre sœur a d’avoir une sœur, est juste en quelque façon, mais que, nous voyant en la grande difficulté dans laquelle nous sommés, il est bon de différer de lui en envoyer ; car d’être avec une autre, ce lui sera un sujet de pratique de vertu, étant obligée, pour l’exemple du prochain, de souffrir beaucoup de choses. Ce qui presserait le plus ect la crainte que, notre coutume n’étant pas de laisser une sœur seule en un lieu, cela pourrait tourner à conséquence. Mais, ainsi que notre sœur a très bien remarqué comme ce n’est pas un établissement il n’y a point d’inconvénient.

2). Louise de Marillac.

 

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Monsieur Vincent dit :

Oh bien ! mes sœurs, il faut donc différer.

Et sur la proposition qui lui fut faite, savoir si elle ne pourrait pas avoir d’aide de nos sœurs qui sont à Sedan, sa charité prit résolution d’en écrire aux messieurs de la Mission qui sont en ces quartiers-là.

Une autre proposition fut d’envoyer une de nos sœurs à Hennebont, en Basse-Bretagne, en un hôpital de malades et d’autres pauvres, auquel sont deux de nos sœurs, savoir ma sœur Anne Hardemont et ma sœur Geneviève. Et comme il y a beaucoup plus d’ouvrage qu’elles n’en peuvent faire, et que l’on avait été contraint d’accorder qu’il demeurât une fille avec elles, tant pour leur donner intelligence du parler bas-breton, que pour leur donner d’autre adresse, nosdites sœurs n’y furent guère de temps sans reconnaître l’incompatibilité d’avoir des personnes autres que de notre Compagnie pour associées ; et pour cette raison elles demandaient avec grande instance une sœur.

A quoi Monsieur Vincent, après avoir, par son ordinaire charité et humilité, pris l’avis de nos sœurs, dit :

Je vous prie que la résolution que nous prenons soit effectuée au plus tôt ; j’ai promis à ces messieurs qu’il leur serait envoyé une sœur.

A quoi repartit la sœur servante :

Mon Père, les difficultés que nous trouvons d’envoyer une sœur seule un si long voyage, et la peine d’en avoir de propres pour cela en toute manière a été cause du retardement.

— Or, savez-vous, ma sœur, ce qu’il faut faire ? Il faut prendre garde -quand le coche d’Orléans partira et qu’il y aura dedans quelque personne de connaissance et quelque assurance qu’elles seront en bonne compagnie, les recommander au cocher et lui donner plutôt quelque chose ; étant arrivée à Orléans, elle y tardera plutôt quel

 

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ques jours pour se mettre sur l’eau avec personne assurée. Et après toutes ces précautions, il se faut fier en la conduite de la divine Providence, qui ne nous manque jamais en nos besoins. Je ne pense pas que, dans les voyages que nos sœurs ont faits, il leur soit rien arrivé, par la grâce de Dieu, qui nous puisse donner sujet de crainte. N’est-ce pas, mes sœurs ?

A quoi il fut répondu que la bonté de Dieu nous avait toujours protégées.

Qu’il en soit béni, mes sœurs !

Une autre proposition, qui portait nécessité d’envoyer une sœur d’intelligence à Chars, auquel lieu était décédé depuis un an un curé très homme de bien et qui avait eu toujours grand soin de nos sœurs, lesquelles l’honoraient beaucoup et y avaient grande confiance. Mais celui qui occupait sa place, quoique très homme de bien, mais fort exact et rempli des maximes des jansénistes, voulait les obliger à rendre compte en particulier de leur intérieur et de toutes leurs actions, voulait qu’elles fissent des confessions générales et plusieurs autres choses. A quoi nos sœurs ne se pouvaient résoudre. Et quoique sans rien gâter, quelques esprits accordants et discrets auraient pu le contenter. Bien au contraire, elles étaient tellement aigries que véritablement nous ne saurions nous exempter de donner le tort à nos sœurs, eu égard à la condition de pasteur et aussi en toute matière. Ces bonnes sœurs avaient besoin d’une visite très exacte, joint aussi que, Madame la marquise d’O étant trépassée, ce lieu-là appartenait à Monsieur de Luynes.

Ce qu’entendant, notre très honoré Père dit :

Il faut bien au plus tôt y envoyer, pour plusieurs raisons, dont la première est qu’il ne faut pas que nos sœurs aient aucun différend avec messieurs les curés, que Monsieur de Luynes est extrêmement exact et qu’infailli-

 

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blement ce bon monsieur et monsieur le curé sont de ces opinions nouvelles ; et c’est pour cela, mes chères sœurs, que nous devons choisir une sœur de grande prudence : premièrement, pour connaître le tort de nos sœurs, car il est bien à croire qu’il y en a de leur part ; et puis il sera bon de nous donner avis de ce qui serait extraordinaire, pour y donner ordre.

Après Les avis pris de nos sœurs sur ce besoin, Monsieur Vincent, notre très honoré Père, dit :

Il sera bon que ce soit ma sœur Julienne, étant aussi nécessaire, pour quelque raison, qu’elle allât à la campagne, et que ce soit le plus tôt que ce pourra.

Ensuite fut proposé s’il fallait recevoir une bonne religieuse sortie d’un couvent avec quelques autres qui en furent ôtées à cause de la possession de plusieurs, très bonne fille, qui souhaitait ardemment être de notre Compagnie.

— Cela est de très grande importance, mes sœurs, pour plusieurs raisons. C’est une religieuse sortie d’un couvent où elle était il y avait longtemps ; et par conséquent sa manière de vie a été bien différente de la vôtre. On ne saurait la recevoir sans dispense du Saint-Père. Elle a des parents qui la veulent mettre ailleurs et qui sont personnes de condition, quoique ce ne soit pas là un sujet de refus. Que vous semble, ma sœur ?

A quoi ma sœur dit :

Monsieur, cela serait un peu étrange de voir une religieuse parmi nous, et peut-être que nos sœurs en seraient peinées. Cette bonne fille a grande peine à marcher.

Et vous, ma sœur ?

— Il me semble, Monsieur, que cela ne nous serait guère propre. Elle n’est pas accoutumée au travail ; et puis, si l’on voyait une religieuse parmi nous, il ne faudrait plus que cela pour faire dire que nous le serons bientôt toutes.

 

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Ma sœur Julienne :

Il me semble, Monsieur, que pour toutes les raisons que vous avez dites, et nos sœurs, qu’il ne serait guère à propos de recevoir cette bonne religieuse.

Ensuite sa charité demanda à la sœur servante ce qui lui semblait que l’on dût faire, et elle dit : Mon Père, il est vrai que cette religieuse a grand désir d’être de la Compagnie, dit avoir assurance qu’elle peut sans dispense quitter son habit et entrer en telle religion et Compagnie qu’elle voudra, à cause que les raisons qui l’ont fait sortir de la maison religieuse où elle était font que sa sortie est tenue pour régulière, que l’on n’y reçoit plus aucune fille et qu’il y a grand maléfice dans la maison, même plusieurs religieuses encore possédées. Néanmoins, mon Père, sans…

 

165. — CONSEIL DU 9 NOVEMBRE 1653

Le dimanche neuvième jour de novembre, dans la petite conférence qui fut faite en la présence de notre très honoré Père, Monsieur Vincent, pour envoyer nos sœurs à Nantes, en la place de la sœur Jeanne Lepeintre, ma sœur Catherine et ma sœur Jacquette, qui en étaient rappelées, savoir ma sœur Marie-Marthe pour sœur servante, ma sœur Anne de Vaux et ma sœur Madeleine Micquel en la place des deux autres, sa charité nous dit que, quand nous étions appelées aux conférences pour dire notre avis, il fallait recommander cela à Dieu et se préparer à dire premièrement, étant interrogées : "Je suis de tel avis pour telles et telles raisons" Mais notez bien, mes sœurs, qu’il faut dire

Document 165. — Arch. des Filles de la Charité, écriture de sœur Mathurine Guérin.

 

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votre avis devant qu’alléguer les raisons qui vous font être dans cette pensée Que si une autre a parlé devant vous et que son avis soit différent du vôtre, il faut répondre aux raisons qu’elle a proposées par d’autres raisons, et dire : "Pour ce qui a été dit, qui est telle et telle chose, je réponds à cela telle et telle raison."

Cela dit, notre très honoré Père nous fit voir le grand bien qu’il y a d’être dans la maison et de travailler pour toutes les sœurs en général, nous disant :

Mes sœurs, si vous saviez combien les sœurs qui travaillent dans la maison peuvent servir à la Compagnie, combien est agréable à Dieu une fille qui est portée de parole vers lui et à exemple en ses actions aux sœur ! Cette fille-là fait plus que si elle était en quelque lieu où elle ferait merveille, parce qu’elle travaille ici pour former la Compagnie. Oui, mes sœurs, quand les Filles de la Charité qui sont en Pologne feraient des miracles cela n’est rien ; c’est bien quelque chose, mais peu, au prix de ce que font celles qui sont à la maison quand elles font bien, donnant bon exemple à leurs sœurs, particulièrement aux nouvelles venues, par leur patience, support, douceur, cordialité, humilité et charité les unes pour les autres Je crois que ce sont ces vertus-là qui maintiendront la Compagnie et qui l’ont maintenue ; et au contraire, il n’y a rien qui fasse plus de mal dans les communautés que le mauvais exemple.

 

166. — CONSEIL DU 11 JUIN 1654.

Notre très honoré Père, Mademoiselle et plusieurs de nos sœurs s’assemblèrent dans le parloir à Saint-Lazare

Document 166. — Ms. intitulé Recueil des procès-verbaux, p. 125 et suiv.

 

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pour choisir celles qu’il fallait envoyer à Châteaudun pour un nouvel établissement.

Notre très honoré Père dit :

Or sus, il est question de choisir les sœurs pour envoyer à Châteaudun ; et pource qu’il est très important d’en envoyer qui aient les qualités propres dans les lieux où il n’y a point encore eu de nos sœurs, voyons ce qu’il est nécessaire de faire pour cela.

Premièrement, choisissons des filles qui aient à peu près les conditions suivantes : qu’elles n’aiment point à parler à plusieurs et diverses personnes, ni à découvrir leur intérieur tantôt à un religieux, tantôt à un prêtre, aujourd’hui à celui-ci, demain à celui-là. Il faut que celles que l’on choisira ne parlent pas à qui les veut entendre de ce qui regarde la dévotion, parce que tant dire n’est pas ce qui fait avancer en la vertu.

Il faut, en second lieu, qu’elles n’aiment point à villoter, à faire des visites chez les personnes de connaissance. Oh ! qu’il faut être éloigné de cet esprit, mes sœurs ! Une Fille de Charité qui se plaît en d’autres compagnies qu’en celle de ses sœurs montre qu’elle ne les aime point ; car, voyez-vous, nous n’avons point deux amours, non plus que deux cœurs, tellement que, si les Filles de la Charité aiment à villoter hors de chez elles, à voir madame telle, à passer le temps à l’entretenir, elles montrent qu’elles n’aiment pas la compagnie, ni la conversation l’une de l’autre. Oh ! le grand mal que celui-là !

Troisièmement, cherchons des filles qui n’aiment point à laisser entrer d’hommes dans leur chambre. Ressouvenez-vous bien de ce que je vous ai tant de fois recommandé sur ce sujet. Et quand ce serait un frère de la Mission quand ce serait Monsieur Portail ou moi, ne le souffrez point, si ce n’est par nécessité, en cas de maladie. Hors cela, votre chambre doit être fer-

 

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mée aux hommes, quand ce serait sous prétexte de parler de bonnes choses, de vous éclaircir, de faire des questions. Voyez-vous, ceux qui demandent l’avis de tant de personnes ressemblent aux plaideurs. Un homme qui aime la chicane cherche un avocat et lui dit pourquoi il veut plaider ; il lui met ses sacs entre les mains. Si cet avocat lui donne tort et trouve que sa cause est mauvaise, il n’en croit rien et va trouver un autre avocat qui lui pourra dire : "Allez, mon ami, vous gagnerez, votre cause est bonne." Et parce que ce n’est pas assez d’un qui trouve sa cause bonne, il en cherche un second.

Ainsi il y a des âmes qui ne sont jamais contentes. Elles donnent leur avis ; elles demandent conseil ; elles raconteront à celui-ci leur peine ; à un autre elles demanderont ce qu’il faut faire pour en être délivrées ; à un autre elles diront l’humeur de leurs sœurs et la patience dont elles ont besoin pour la supporter. Pourquoi pensez-vous qu’elles font tout cela ? Pour trouver des esprits qui les flattent dans leurs opinions. L’expérience le montre ; car, si quelqu’un leur donne quelque bon avis, elles ne le suivent pas, mais pensent, comme ce plaideur, qu’on ne les entend pas et qu’il faut en parler à un autre. Et puis, au bout de tout cela, elles ne font que ce qu’elles veulent. C’est ce que la Sainte Ecriture nous apprend : "Ils cherchent qui les confirme dans leurs opinions mauvaises, ils demandent conseil et au bout ils font ce qu’ils veulent."

En quatrième lieu, il faut choisir des filles qui n’aiment point l’argent. Ah ! mon Dieu ! si par malheur il y en avait quelqu’une dans la Compagnie qui s’oubliât jusque-là que de ferrer la mule (1), il la faudrait chasser, quoique je ne croie pas qu’il y en ait, par la bonté de

1). Profiter sur un achat fait pour autrui.

 

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Dieu. Je dis donc, mes sœurs, qu’il faut être quittes de ce péché et ne jamais s’approprier ni de l’argent des pauvres, ni de celui de votre épargne, parce que ce n’est pas à vous. Quand le diable veut faire tomber quelqu’un dans le péché, il commence par de petites choses ; aujourd’hui il fera retenir un denier, demain un sol, et ainsi il fait toujours croître en mal. Judas commença par la convoitise ; il en vint jusques à vendre son Maître. Voyez-vous où l’amour de posséder de l’argent a porté un apôtre de Notre-Seigneur ! Et si cet apôtre, qui avait reçu tant de grâces, fait des miracles et était demeuré dans la compagnie de Notre-Seigneur tant d’années, est ainsi tombé, n’avons-nous pas sujet de craindre ce péché ? Je ne sais si, avec le temps, il ne faudrait point faire en sorte que nos sœurs n’achètent rien et n’aient point l’argent des pauvres en maniement, afin d’ôter tout soupçon. Nous y penserons devant Dieu. Mais, en attendant, il faut bien vous ressouvenir que vous ne devez jamais vous arrêter au désir d’avoir un sol.

On lit une histoire (je pense que c’est dans saint Grégoire) où il est rapporté qu’il f ut trouvé sur un religieux, après sa mort, une bourse pleine d’argent ; et comme c’était contre l’ordre, il fut ordonné qu’il ne serait pas mis en terre sainte, mais que sa bourse serait enterrée avec lui. Eh bien ! mes sœurs, cet exemple ne montre-t-il pas bien combien ce mal est dangereux !

Enfin cherchons des filles qui n’aiment point à écrire, ni recevoir des lettres de leurs parents, ni de leurs amis, ni de qui que ce soit ; car, dès que des Filles de la Charité en viennent là, c’est mauvais signe ; c’est un moyen pour tomber en de grandes fautes. Nous avons vu des personnes se perdre pour s’être donné la liberté d’écrire et de recevoir des lettres sans la permission des supérieurs Oui, mes sœurs, elles avaient bien commencé et se sont laissées aller à des actions indignes de

 

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leur condition. C’est pourquoi il faut que les sœurs que l’on enverra soient fort éloignées de cette liberté. Je dis que, sous quelque prétexte que ce soit, il ne faut point chercher à recevoir des lettres de confesseur ou de prêtre, même sous ombre de conserver l’amitié et la connaissance que l’on pourrait avoir. Ah ! mes sœurs, celles qui osent recevoir des lettres, en envoyer, sans les montrer aux supérieurs, sont capables de beaucoup d’autres méchantes choses.

Notre très honoré Père demanda alors à quelques sœurs qui elles jugeaient propres au nouvel établissement. Elles en nommèrent quelques-unes. Mademoiselle dit qu’elles étaient fort bonnes filles, mais trop jeunes et nécessaires où elles étaient.

— Voyez-vous, mes sœurs, dit M. Vincent, il faut faire comme les marguilliers des champs. Quand ils choisissent ceux qu’ils veulent mettre en charge, ils se disent : "Celui-ci sera bon Four l’année qui vient, cet autre dans deux, un tel dans trois." Ainsi il nous faut voir celles qui seront bonnes dans quelques années et les garder. Pour celles qui sont bonnes à cette heure, les faut nommer.

Mademoiselle dit :

Il est bien difficile, mon Père, de trouver des filles qui aient toute, les conditions que vous venez de dire.

— Voyez-vous, Mademoiselle, il faut qu’elles les aient, ou qu’il y ait fort peu à dire, et de plus que ce soient des filles de bon esprit, prudentes et qui aient de la conduite ; car il y a bien de la différence entre la dévotion et l’économie ; l’on pourrait trouver un esprit fort dévot, qui ne serait pas propre. C’est pourquoi il faut avoir égard à cela et choisir des filles de bon esprit.

— Mon Père, dit Mademoiselle, si l’on trouvait des sujets qui eussent de quoi acquérir avec le temps ces dispositions, je ne sais si ce serait à regretter.

 

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— Je pense vous avoir dit autrefois qu’il faut toujours mettre le meilleur au commencement, parce que de là dépend la bonté de l’édifice. Vous me pourrez dire : "Mais pourquoi mettre le meilleur au commencement pour fondement ? Si on le mettait au milieu, où on le puisse voir ?" Quand Salomon fit construire le Temple, il fit mettre pour fondement des pierres précieuses, des émeraudes, des rubis, des topazes et autres métaux précieux. Et pourquoi, mes sœurs, ne mettait-on pas ces belles pierres au milieu ou au frontispice, afin qu’elles fussent vues ? Ah ! c’est que, quand on veut faire un bel édifice, il faut mettre les meilleures pierres. Ainsi, Mademoiselle, il faut tenir pour maxime qu’il faut toujours envoyer des filles vertueuses aux nouveaux établissements.

Monsieur notre très honoré Père ayant entendu la pluralité des voix, dit à celle qui fut choisie pour être la sœur servante :

C’est donc vous, ma sœur, que la divine Providence a choisie~ avec les deux autres qui ont été nommée, puisque c’est vous qui avez eu le plus de voix. Car c’est ainsi, mes sœurs, qu’on a accoutumé de faire ; on choisit celles qui ont eu de plus voix. Eh bien ! ma sœur, serez-vous pierre précieuse ? Serez-vous rubis, ou émeraude ?

— Mon Père, je ne sais ce que je serai ; j’ai bien peu~ de n’être que de la boue.

— Mon Père, dit Mademoiselle, nous avons deux difficultés à proposer ; c’est pour deux filles, dont l’une est déjà à la maison, laquelle a fait connaître par quelque petite dissimulation qu’elle n’a pas les qualités requises pour être Fille de la Charité ; néanmoins peut-être qu’avec le temps elle les pourra avoir. L’autre est une fille de Saint-Denis qui veut être de la Compagnie. Elle paraît un peu infirme et a été un peu malade

 

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l’Hôtel-Dieu. Il semble qu’elle soit pulmonique ; or, si cela est, il n’y a pas d’espérance de la recevoir.

Notre très honoré Père prit l’avis de Monsieur Portail, de Mademoiselle et des sœurs, et il fut résolu que la première, qui était déjà dans la maison, serait exercée plusieurs mois dans les offices bas et ravalés, afin de connaître avec le temps son humeur et si elle pourrait être propre (2) ; pour l’autre, qu’on lui ferait des remèdes à prendre chez elle, pour voir si elle se porterait mieux, ou bien qu’on la recevrait à condition qu’elle s’en voulût retourner après avoir été dans la maison quelque temps sans prendre l’habit, si elle n’avait pas assez de santé pour y demeurer (3).

 

167. — CONSEIL DU 8 AVRIL 1655

Le Jeudi 8e jour d’avril, se fit la petite conférence au parloir de Saint-Lazare, en la présence de Monsieur notre très honoré Père, de Monsieur Alméras, pour lors premier assistant sous Monsieur Vincent à Saint-Lazare, de Monsieur Portail, de Mademoiselle Le Gras et trois de nos sœurs, au sujet du rappel de nos sœurs de Nantes.

Notre très honoré Père, après avoir invoqué l’assistance du Saint-Esprit, dit le sujet pour lequel l’on était assemblé et les raisons contre et pour ce rappel.

La première raison pour laquelle il semble qu’il faille laisser nos sœurs à Nantes, c’est qu’il a paru vocation

2). En marge : "Elle n’a pas pris l’habit ; on l’a renvoyée longtemps après cette assemblée."

3). Note du copiste : "Cette dernière a été recue par charité pour en essayer, a pris l’habit, et, au bout d’environ six mois, on a été contrain de la renvoyer à cause de la continuation de ses infirmités."

Document 167. — Arch. des Filles de la Charité, écriture de sœur Mathurine Guérin.

 

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de Dieu pour cela, d’autant que les messieurs de cette ville, ayant eu connaissance des Filles de la Charité, sont venus en demander, ont fait toutes les diligences possibles pour en avoir, et nous leur en avons accorde. Ce qui peut faire voir que Dieu l’a voulu. Et de plus, c’est que ceux qui les ont recherchées pour aller servir les pauvres de Nantes avaient charge et pouvoir d’appeler, ayant le soin de l’hôpital des pauvres et du bien d’iceux. Or, quand les personnes qui tiennent lieu de supérieurs font quelque chose, il y a grande apparence que la chose est de Dieu. Voilà la première raison pour qu’elles demeurent.

La seconde, c’est que l’on dira partout que les Filles de la Charité ont quitté ce lieu-là. Ces messieurs demanderont peut-être des filles de Monsieur de la Dauversière (1) ou de Rennes, et ainsi cela s’épandra partout, et chacun en parlera selon son sentiment ; ce qui scandalisera beaucoup la Compagnie.

La troisième raison est que le scandale sera grand dans la Compagnie entre les sœurs quand elles sauront que l’on aura rappelé nos sœurs de Nantes. Elles jugeront qu’il y a là quelque chose qui ne va pas bien, puisqu’on en est venu jusque-là, de sorte qu’il est bien à craindre que cela ne fasse grand scandale.

La quatrième et dernière raison est qu’il y a peu de conditions et vocations où il n’y ait quelque chose à souffrir dans le monde. Combien y a-t-il d’accidents fâcheux à supporter dans le mariage ! Tout de même dans les communautés, quoique l’on y vive plus en repos, il s’y trouve pourtant des sujets de souffrance. Bref, il n’y a état, ni condition où i ! l ne se rencontre quelque peine. Voilà les raisons pour lesquelles il semble qu’il faille

1). Le Royer de la Dauversière, receveur des tailles à La Flèche fondateur des filles hospitalières de Saint-Joseph de cette ville.

 

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encore avoir patience et essayer de continuer le service des pauvres dans cet hôpital.

Voici les raisons pour le rappel, dont la première est que nous ne devons jamais rien faire, ou ne pas faire par principe de ce "que dira-t-on ?" Il ne se faut point mettre en peine de ce que pourront dire et penser ceux qui sauront que nous aurons rappelé nos sœurs. Il faut aller à Dieu tout droit et ne chercher qu’à lui plaire aussi bien dans les calomnies que dans la bonne renommée.

Secondement, s’il a paru vocation de Dieu pour envoyer nos sœurs à Nantes, il semble aussi que la divine Providence ait permis que dès lors on doutât si l’on pourrait s’accommoder, puisque nous n’avons donné des filles qu’à condition, si nous pouvions les satisfaire et qu’ils se trouvassent bien de notre service, ils les retiendraient, ou si au contraire, ils les renverraient ; et ainsi de nous, c’est-à-dire que, si nous ne pouvions pas faire ce qu’ils désiraient et qu’ils ne fissent pas ce qu’ils sont obligés de faire, nous les retirerions. Selon cela, il semble que ce n’ait été qu’un essai et non une résolution. Mademoiselle, n’avez-vous pas reconnu cela quand vous y allâtes ?

— Oui, mon Père, et je crois que je suis en partie cause de toute la peine qui s’en est ensuivie, pour ne vous avoir pas mandé, quand nous allâmes à Nantes l’état de toute chose ; car je voyais dès là que l’on aurait beaucoup de difficultés à s’accommoder à l’esprit des Nantois ; ce qui me mettait en peine si l’on y devait laisser nos sœurs.

— Voilà donc la seconde raison pour le rappel. La troisième, c’est la grande peine que nos sœurs ont toujours eue à satisfaire ces messieurs-là, qui a été continuelle depuis qu’elles y sont ; car ce n’a été guère que

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continuelles peines, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre ; si ce n’est du côté des pères des pauvres, c’est de celui de monsieur l’évêque, qui n’aime point les Filles de la Charité ; enfin c’est une croix de toutes parts.

Quatrièmement, il n’y a guère sujet d’être mieux ci-après que par le passé. Ce qui se voit clairement par les propositions qu’ils font, qui sont toutes contre l’acte qui fut fait entr’eux et nous quand on leur envoya nos sœurs. Nous avons lu leur lettre, par laquelle ils se plaignent de ce que Mademoiselle Le Gras a mandé une sœur, qui sert à l’apothicairerie (2), sans leur en donner avis, et-disent que vous ne leur envoyez aucun argent pour le voyage, encore qu’il soit porté par l’acte que, quand nous retirerons quelqu’une, nous fournirons tout le nécessaire pour cela et leur en donnerons avis ; et eux sont obligés aussi, quand ils trouveront bon d’en renvoyer quelques-unes, de payer le voyage.

Ils se plaignent, de plus, de ce que nous retirons cette sœur auparavant que d’en envoyer une autre, qui ait la même capacité et expérience pour entretenir une boutique d’apothicaire qu’ils ont levée, et disent qu’ils ne peuvent consentir qu’elle revienne, à moins que nous en envoyions une autre.

Ils veulent aussi renvoyer une autre sœur, qui est infirme, pource qu’elle n’est plus assez forte pour faire la cuisine, où elle a été employée assez longtemps. Voilà une partie de ce qu’ils mandent. Nous verrons la lettre. qui nous montrera le reste.

Mademoiselle dit :

Il est vrai que, pour envoyer de l’argent, je n’y ai du tout point pensé ; et quand j’y aurais pensé, ils nous sont bien redevables pour le retour de celles qu’ils nous ont renvoyées il y a deux ans environ, pour lesquelles ils n’ont rien baillé. Quant à ce qu’ils se plaignent, de ce

2). Sœur Henriette Gesseaume.

 

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que je ne leur ai point écrit pour faire revenir notre sœur, j’ai prié Monsieur Truchar, directeur spirituel de nos sœurs, de les disposer à cela, et ainsi nous n’avons en rien contrevenu à ce que nous sommes obligées. Mais ils se servent de ce prétexte pour retenir la sœur

— Il est certain, car ils n’ont pas envie qu’elle revienne Voyons vos avis touchant les raisons qui ont été dites s’il est expédient de les rappeler toutes, vu qu’il, ne gardent pas les articles arrêtés, s’opposant au rappel d’une personne qui est fort nécessaire, d’autant que vraisemblablement la maison ne sera jamais en repos tandis qu’elle y sera. C’est un esprit qui trouble tout, qui est toujours contre la supérieure, c’est-à-dire la sœur servante, et fait que les autres font de même, et ainsi ils ôtent le moyen de bien gouverner la maison.

Notre très honoré Père ayant demandé aux trois sœurs leur avis, elles dirent que, suivant que sa charité avait dit et la peine que l’on avait toujours eue à s’accommoder à l’humeur de ces personnes-là, elles pensaient qu’il serait à propos de faire revenir nos sœurs, mais qu’auparavant il faudrait leur faire offre d’une sœur pour remplir la place de celle que l’on veut faire revenir, et que, s’ils ne veulent s’accorder à cela, on pourrait demander à se retirer.

L’avis de Mademoiselle fut de rappeler aussi, sans leur faire offre d’envoyer d’autres sœurs, puisqu’aussi bien ils ne l’accepteraient pas, si ce n’était pour prendre du temps pour pourvoir leur hôpital d’autres filles pour servir les malades.

Celui de Monsieur Portail fut bien pour le rappel ; mais, voulant faire la chose plus doucement, il dit qu’il serait à propos de tenter encore une fois à les contenter, leur écrivant pour leur faire entendre les raisons que l’on a eues pour ne point leur envoyer d’argent, leur faire offre d’une sœur en la place de l’autre, et que,

 

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s’ils ne voulaient point, on leur dirait que, puisqu’ils ne veulent pas s’accommoder, qu’ils trouvent bon que l’on rappelle toutes les sœurs.

Monsieur Alméras, qui avait été faire la visite il n’y avait pas encore deux ans, et qui, par même moyen, av, ait pris une plus claire connaissance de ces messieurs de Nantes aussi bien que des peines de nos sœurs, dit qu’il ne croyait point que l’on pût jamais trouver moyen d’aucune accommodation, que, dès lors qu’il était là, l’avait mandé à Monsieur Vincent, avec les difficultés, qu’il avait plus présentes pour lors qu’à présent, mais que ç’avait toujours été sa croyance que les filles ne pourraient pas subsister dans ce lieu-là, qu’il vaudrait autant les mander dès à cette heure que d’attendre, parce qu’aussi bien ce ne serait que prolonger le temps, que néanmoins son avis était bien que l’on fît ce que Monsieur Portail avait dit.

Après quoi Mademoiselle dit que, si l’on leur faisait toutes ces offres, ils ne demanderaient pas mieux, afin d’avoir du temps pour faire leur affaire et faire achever cette maison qui se bâtit ; après quoi ils nous pourraient prévenir eux-mêmes ; et qu’il serait plus expédient de faire une fin dès à cette heure et que l’on ne se pouvait pas retirer dans un temps plus propre, parce que nos sœurs sont bien unies entr’elles ; ce qui sera bien pour ne pas donner sujet de scandale au dehors.

Notre très honoré Père, ayant entendu tout ce que dessus, dit :

Vous êtes tous d’avis du rappel de nos sœurs, et moi aussi. Mais, pour ne rien omettre en une affaire de telle importance, je crois qu’il sera à propos de recommander cela à Dieu. Et comme nous ne voulons rien faire qui ne soit conforme à sa sainte volonté, il faut lui demander des lumières pour la connaître. Je pense, Mademoiselle, qu’il sera bon que vous communiiez, et vous

 

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aussi, mes sœurs, afin d’obtenir de Notre-Seigneur les grâces dont nous avons besoin en ce sujet Nous dirons aussi la sainte messe pour cela, et de plus il sera bon de faire oraison là-dessus pour bien penser s’il est expédient, pour la gloire de Dieu, de rappeler nos sœurs ; et à la première assemblée chacune dira ses pensées.

 

168. — CONSEIL DU 8 SEPTEMBRE 1655

Le mercredi 8 septembre, se fit la petite conférence au parloir de Saint-Lazare, où notre très honoré Père fit lecture de ce qui regarde l’office de la supérieure des Filles de la Charité et des trois autres officières qui avaient été élues dans la dernière conférence, le huitième jour d’août. Et pour commencer, sa charité dit que Mademoiselle Le Gras, notre supérieure, devait disposer de toutes les sœurs, avec le supérieur général, c’est-à-dire les rappeler, retenir et envoyer non seulement où la Charité est établie, mais où il sera nécessaire ; de plus, que la supérieure recevrait celles qui se présenteraient quand, avec ledit supérieur, ou autre député de sa part, elle les jugerait propres, les instruirait de tout ce qu’il faut qu’elles sachent tant pour l’exercice de leurs emplois que pour la vertu. Et la même supérieure étant le chef ou l’âme qui anime les membres de toute la Compagnie, c’est une règle vivante, qui doit montrer l’exemple de ce qu’il faut que Les autres fassent, et les instruire plutôt par son bon exemple que par ses paroles.

En voilà assez pour l’office de Mademoiselle, dit Monsieur Vincent. Il n’est pas besoin d’aller plus avant.

Document 168. — Arch. des Filles de la Charité, écriture de sœur Mathurine Guérin.

 

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puisque, par la grâce de Dieu, elle fait et a toujours fait ce qu’une bonne supérieure doit faire.

Voici l’office de la sœur assistante. Elle représentera Mademoiselle en son, absence, lui servira de conseil, aura soin que tout aille bien dans la communauté, principalement l’intérieur, veillera sur toutes les sœurs, à ce que chacune fasse bien son office, que les règles soient exactement gardées, sera da première à tous les exercices de communauté, Mademoiselle n’y pouvant être à cause des affaires et de l’infirmité présente. Il faut que l’assistante soit toujours la première, c’est-à-dire à l’oraison, aux examens, à la lecture de deux heures et aux autres exercices. Elle aura soin de l’avancement et instruction des sœurs et sera obéie de toutes, en l’absence de Mademoiselle, comme elle-même.

Celui de la troisième est l’office de trésorière, c’est-à-dire qu’elle gardera l’argent, avec Mademoiselle, dans un coffre à deux serrures, dont elle aura une clef, et la trésorière l’autre. Elle rendra compte tous les mois à la supérieure, et la supérieure le rendra, dans la présence des trois officières, au supérieur tous les ans.

Voilà ce qu’il faudra faire, comme l’on a déjà fait, mes sœurs, car cela a été observé de la sorte, et vous n’avez qu’à continuer. Vous avez un grand avantage au dessus de plusieurs communautés, qui ont écrit et fait approuver leurs règles après deux ou trois ans. Après qui, l’expérience leur a fait voir qu’il y avait des choses ou impossibles, ou qui ne devaient pas y être mises, quoiqu’alors leur raison leur fît juger que cela se pourrait.

Or, mes sœurs, vous n’avez pas fait ainsi, par la miséricorde de Dieu, puisqu’il y a plus de dix-huit ans que vous commenciez à pratiquer ce que l’on a écrit. Vous avez fait comme Notre-Seigneur, qui enseigna par œuvre, avant que de prêcher ce qu’il voulait que l’on

 

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fit. Oh ! que vous êtes heureuses ! Mais il faut continuer comme l’on a commencé ; à faute de cela, vous périrez. C’est comme un nerf qui est dans un corps. Quand, par débilité ou autre infirmité, il vient à manquer, la personne demeure ; vous le voyez dans les malades et personnes percluses. Ainsi, mes sœurs, le nerf de la Compagnie est le peu de bien que vous avez, lequel venant à manquer, vous ne pourrez plus subsister. C’est pourquoi il faut avoir grand soin de bien ménager ce bien et le regarder comme celui que Notre-Seigneur donne pour l’entretien de ses servantes, tant celles qui servent les pauvres à Paris, que celles que l’on renvoie et qu’on rappelle des lieux où elles servent les pauvres. Jusqu’à cette heure, Mademoiselle a bien conduit les affaires, par la, grâce de Dieu, et si bien que je ne connais point de maison de filles dans Paris qui soit dans l’état que vous êtes. Toutes se plaignent qu’elles doivent, et les filles de Sainte-Marie et plusieurs autres. Même les Filles-Dieu, si je ne me trompe, m’ont dit qu’elles devaient Voyez quelle bénédiction Notre-Seigneur a donnée au bon gouvernement que l’on a tenu. Il y a deux ou trois maisons de filles qui depuis peu ont été contraintes de tout quitter pour n’avoir pas pris garde à cela et qui avaient peut-être plus de retenue que vous. Cependant vous n’avez pas eu une supérieure qui ait laissé aller la maison en défaillance ; au contraire, elle vous a amassé de quoi en avoir une. C’est de quoi vous devez bien remercier Dieu, de vous voir dans un état tel, que je ne connais point de maisons de filles qui soient si bien. Non, je vous le dis, je n’en sache point dans Paris, et cela, après Dieu, par le bon gouvernement de Mademoiselle.

A ces paroles, Mademoiselle ne voulant pas croire y avoir rien contribué, dit :

Mon Père, vous savez bien, et nos sœurs aussi, que,

 

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si j’ai fait quelque chose, ç’a été par les ordres que votre charité m’a donnés.

— Voilà donc, mes sœurs, co, mme il faudra faire : ne rien changer ; demander toujours à Mademoiselle : "Ferons-nous ceci ou cela ?" Si elle n’y était pas et que la chose pressât, prendre l’avis l’une de l’autre, différant à lui en parler au plus tôt que faire se pourra.

Je rebats encore qu’il faut avoir grand soin de conserver le peu que vous avez, qui n’est pas grand’chose. Le revenu des coches donné par Madame la duchesse d’Aiguillon n’est pas beaucoup assuré ; ce que le roi a donne sur le domaine de Gonesse, non plus. C’est pourquoi il faut prier Dieu qu’il conserve le roi. Votre maison n’est pas comme les autres. Elles ont leur recours ailleurs. Voilà les filles de Sainte-Marie ; elles n’en reçoivent point qui ne portent douze ou treize cents livres. Et toutes les autres religions prennent de grosses dots. Mais vous n’avez rien, si ce n’est vos pauvres et la providence de Dieu, qui est beaucoup. Et c’est en cela que vous devez mettre toute votre confiance.

La quatrième officière aura soin de la dépense et rendra compte toutes les semaines à la trésorière. Elle représentera pareillement la supérieure, quand elle n’y sera pas, ni les deux autres assistantes.

Voilà, mes sœurs, ce qui regarde vos offices. Quand Mademoiselle est présente, toute autre supériorité cesse.

Voyons les moyens qui vous pourront aider à bien vous acquitter de vos offices. Le premier, mes chères sœurs, c’est de renoncer au monde, à toutes les prétentions de vos parents et à tout l’honneur pour vous donner entièrement à Notre-Seigneur

En second lieu, il faut renoncer à soi-même. Ce n’est pas assez d’avoir quitté le monde ; il faut de plus se quitter soi-même, n’avoir point de soin de sa réputation, ni qu’on nous estime ; et pour cela il faut avoir

 

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une grande humilité, mépris de soi-même pour faire toutes ses actions pour plaire à Dieu et non au monde, car dès là qu’une officière cherchera à complaire, tout est perdu. Si, pour contenter celle-ci ou celle-là, une officière venait à rompre l’ordre des supérieurs, elle se rendrait bien coupable ; et pour éviter ce mal je vous dirai ce qu’il faut faire : il ne faut point chercher à plaire ni au monde, ni aux sœurs, contre notre conscience. On pourra dire : "Il faudrait que telle chose fût comme cela." Pour le résoudre, il faut savoir si c’est l’intention de Mademoiselle et la suivre, car c’est l’intention principalement qu’il faut suivre plutôt que les paroles. Mais il faut être ferme en cette pratique et faire que les autres suivent toujours l’intention des supérieurs. Et encore qu’il faille être douce parmi vos sœurs, il faut pourtant être ferme et même rude aux rebelles, quand on le juge nécessaire.

De plus, il ne faut pas être bien aise de plaire, ni craindre de déplaire. Pourvu que vous vous acquittiez bien de votre devoir, il ne faut pas vous mettre en peine.

C’est l’orgueil et amour de nous-mêmes qui nous fait prendre tant de soin pour contenter les autres. C’est proprement cela, parce que nous craignons qu’on ne se plaigne, de nous, qu’on nous dise que nous nous sommes bien élevés, que ce n’est plus vous. Voilà ce qui fait que nous cherchons tant à complaire aux autres.

Or, ce n’est pas cela qui fera dire au bout du temps que vous avez été bonne servante, mais bien si vous avez eu grand soin de faire qu’une chacune ait fait son devoir. Quand, avec toute votre complaisance, vous aurez satisfait les esprits et que le reste n’aura pas été comme il faut, l’on dira : "Voilà une pauvre fille. Elle n’a pas eu le courage de passer sur le respect humain, sur ce maudit que dira-t-on ?" C’est à cela que l’on regardera et non si vous avez été complaisante à tous.

 

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Une autre chose qui vous aidera encore, c’est d’avoir grand zèle pour La gloire de Dieu, zèle pour le salut des âmes qu’il envoie à la Compagnie pour se perfectionner et travailler de tout son pouvoir à leur instruction plutôt d’exemples que de paroles ; car c’est aux officières à être les premières à toutes les observances, et c’est à elles que l’on peut attribuer le mal qui se fait dans la maison. Je le dis souvent chez nous, tout le mal qui se fait, c’est moi qui en suis la cause, ou plutôt qui le fais moi-même, parce que, si j’avais soin d’instruire et d’enseigner ce qu’un chacun doit faire, il le ferait. C’est pourquoi il ne se faut prendre à personne qu’à moi seul de tout le mal que font ceux que Dieu a commis sous ma charge.

Ainsi, mes chères sœurs, pouvons-nous attribuer tout le mal que les Filles de la Charité font, aux officières ; et vous et moi en rendrons compte à Dieu. Que dirons-nous à Dieu ? Que lui dirai-je, moi misérable, quand il me dira : "Je m’attendais que tu misses la Compagnie de la Mission en un tel degré de perfection par ton soin et bon exemple. Elle en est bien éloignée." Autant en demanderait-il à vous, si vous manquiez à votre devoir. Et qui pâtira pour cela ? Ce seront nos pauvres âmes. Chacun y sera pour soi. Si vous avez mal exercé votre office, je n’en serai pas plus excusable. C’est pourquoi, mes sœurs, il faut bien vous donner à Dieu pour que les autres qui vous succéderont puissent suivre votre exemple. Quel bonheur d’être choisie pour travailler à un œuvre si saint, et au commencement ! Car, si vous faites bien, vous participerez à tout ce que feront celles qui viendront après vous ; et encore qu’après la mort l’on ne puisse plus mériter, car les morts ne profitent plus, vous recevrez pourtant un surcroît de mérites autant de fois que vos sœurs feront une bonne action, continuant ce que vous avez commencé.

 

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Mais, si vous ne mettez pas de bons fondements par la pratique des vertus que nous avons dites, qui sont l’humilité, mépris de soi-même, zèle de la gloire de Dieu, mépris du monde, le renoncement aux parents, le bon exemple et tout le reste, tout ce que vous ferez, et les autres d’après, ne servira de rien. Si les premières ne font pas bien, les secondes feront encore pis ; et ainsi l’on ira de mal en pis ; tant il importe que les premières tiennent tout en bon ordre, tant pour le spirituel que pour le temporel.

Je pense qu’il sera bon que vous communiiez pour cela demain, ou dimanche, afin de demander les grâces à Notre-Seigneur dont vous avez besoin. Mademoiselle, le jugez-vous à propos ?

— Mon Père, je crois qu’il est besoin que Dieu nous assiste puissamment pour faire selon ce que votre charité nous a dit et que nous avons sujet de lui demander devant que de commencer.

— Oh bien ! faites-le donc demain toutes quatre, s’il vous plaît.

Mademoiselle, voyant que notre très honoré Père était sur le point de finir, proposa l’affaire de nos sœurs de Nantes et dit :

Elles nous mandent que les messieurs étaient tout prêts à renvoyer ma sœur Marie, ma sœur Henriette et ma sœur Renée, mais que Monsieur Truchar leur donna avis de nous en écrire. S’il plaît à votre charité, mon Père, voir ce qu’il faut faire, si on leur enverra d’autres sœurs, ou si l’on attendra le retour de celles qui doivent revenir ?

— Il s’agit donc de résoudre cette question. Premièrement ils en renvoient trois et n’en demandent qu’une, parce qu’ils ne veulent plus que six sœurs, au lieu de huit qui y sont. Si l’on attend le retour des

 

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autres, celles qui demeureront seront accablées sous le faix.

Notre très honoré Père ayant demandé l’avis de Mademoiselle et de nos sœurs, les unes dirent qu’il serait bon d’attendre le retour de celles de Nantes pour instruire celle qui y devait aller, et les autres que celles de Nantes seraient trop surchargées. Cependant sa charité, elle, dit qu’il fallait recommander l’affaire à Dieu.

Et y ayant une sœur nouvelle à l’assemblée, Mademoiselle demanda s’il n’était pas nécessaire de garder le secret quand on était appelé au conseil. A quoi notre très honoré Père répondit : Oui, et je vous prie, Mademoiselle, et vous toutes, mes sœurs, de trouver bon que je réitère la demande que j’ai faite autrefois, qui est de vous prier que vous vous obligiez à cela, c’est-à-dire à garder le secret pour tout ce qui se dit ici. Ce n’est pas que j’aie sujet de craindre pour Mademoiselle Le Gras, puisque c’est une personne des plus secrètes que je connaisse, mais pour vous servir d’instruction, s’il y avait quelqu’esprit curieux qui voulût savoir de vous ce qui s’est traité.

Mademoiselle, promettez-vous devant Dieu d’être fidèle à tout ce que nous venons de dire et à la pratique de vos règles ?

— Oui, mon Père.

Toutes les sœurs firent la même promesse. Après quoi Monsieur Vincent, continuant à parler, dit :

Il y avait à Rome un homme qui fut appelé au conseil où il se devait traiter d’une affaire importante. Quand il fut de retour à sa maison, sa femme voulut savoir ce qui avait été résolu. Il lui dit qu’il ne lui dirait pas, que cela ne se devait faire. Néanmoins elle le presse fort pour le savoir ; elle fait instance tant qu’elle peut, et ne le veut point quitter qu’il ne lui découvre ce

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qu’il a entendu. Que fait-il pour la contenter ? Car vraiment il l’aimait beaucoup ; il ne la voulait pas fâcher et encore moins lui dire ce qu’elle désirait savoir. Il s’avise de chercher une fable ou bagatelle (je ne me souviens pas présentement ce que c’était, mais je sais bien que c’était une bagatelle), et lui dit que cela avait été résolu. Voyez, mes sœurs, la fidélité de cet homme à garder le secret ; de dire que l’amour qu’il portait à sa femme, ni toutes les instances qu’elle lui fit n’eurent pas le pouvoir de lui faire manquer à ce qu’il était obligé. C’est ainsi qu’il faut faire : ne jamais parler, ni directement, ni indirectement, ni à aucune sœur de ce que nous savons par cette voie. Si quelqu’une était assez curieuse pour le demander, il lui faudrait dire : "Eh ! ma sœur, pour qui me prenez-vous de me faire telle question ? Sans doute vous n’avez guère bonne opinion de moi, de penser que je sois si légère d’esprit que de vous dire ce qu’il n’est pas permis de dire. Vous auriez sujet de vous moquer de moi si j’avais fait cette faute." Voilà, mes sœurs, comme il se faudrait défaire de telles personnes, et jamais ne rien dire touchant ce qu’on a traité, ni directement, ni indirectement.

 

169. — CONSEIL DU 19 FÉVRIER 1656

Le samedi 19° jour de février 1656, se fit l’assemblée à Saint-Lazare, où était Monsieur Vincent, notre très honoré Père, Mademoiselle et deux sœurs anciennes avec les trois officières, en laquelle furent proposées trois ou quatre difficultés. La première fut au sujet des messieurs de Nantes, lesquels demandaient une sœur pour l apothicairerie et sem

Document 169. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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blaient prétendre par leurs lettres qu’on leur en envoyât une pour l’appliquer tout à cela, et, par ce moyen, empêcher la liberté de la changer, quand il serait à propos. Sur cela, il fut résolu qu’on écrirait à ces bons messieurs pour les informer amplement de ce qu’ils devaient attendre d’une sœur, afin d’avoir toujours la liberté de changement, selon qu’il est porté par l’acte de leur établissement.

La seconde, ce que l’on ferait de la petite sœur Marie de Persy, qui était dans la maison il y avait près d’un an, à laquelle on faisait difficulté de donner l’habit, pour les raisons suivantes : la première, parce qu’elle était venue à Paris pour servir et, n’ayant pas été propre pour le lieu où on l’avait mandée, elle eut envie d’être Fille de la Charité, et, comme cela, il ne paraissait pas vocation ; la seconde, à cause qu’elle était fort petite de stature et peu forte ; la troisième, qu’elle avait l’esprit comme enfantin et peu de jugement, et partant qu’il n’y avait guère d’apparence qu’elle pût être propre pour la Compagnie ; la quatrième, qu’elle paraissait indifférente pour demeurer, ou pour s’en retourner. La résolution fut, pour toutes ces considérations, qu’elle serait renvoyée, avec promesse que, si elle croissait et que sa volonté continuât, on la recevrait, et qu’on payerait les frais de son voyage à cause de la pauvreté de ses parents.

La troisième proposition fut touchant une fille qui était déjà reçue dans la maison, mais qu’on doutait n’être pas propre pour la Compagnie, pour les raisons suivantes : premièrement, parce qu’elle paraissait avoir l’esprit léger ; et comme elle avait dit avoir été trépanée, on craignait que cela n’y contribuât et qu’avec le temps, ou quand elle viendrait à recevoir quelque mécontentement, ou à devenir malade, cette légèreté d’esprit n’augmentât ; la seconde, à cause qu’elle avait eu une jambe

 

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démise ce qui l’incommodait jusques à ne se pouvoir tenir assise à terre ; la troisième, qu’elle n’aimait guère le travail ; au moins ne s’y était-elle pas beaucoup portée tout le temps qu’elle avait été dans la maison ; comme aussi le peu d’exactitude aux règles. Pour toutes lesquelles choses il fut résolu qu’elle serait renvoyée.

Notre très honoré Père nous dit ensuite qu’il était fort important de bien choisir les filles qu’on recevrait, à ce qu’elles eussent les qualités nécessaires aux Filles de la Charité, tant pour les forces du corps que de l’esprit. Si jusques à présent on n’avait pas été sage, il le fallait devenir, et qu’à moins de prendre garde à cela, on ferait des Filles de la Charité une infirmerie, lesquelles auraient besoin d’autres Filles de la Charité pour les servir, au lieu qu’elles doivent servir les pauvres.

 

170. — CONSEIL DU 27 FÉVRIER 1656

Le dimanche 27 février, on s’assembla à Saint-Lazare, pource que la précédente conférence n’avait pas été achevée à cause de la venue d’un évêque, où les mêmes personnes étaient, et Monsieur Portail.

Après que notre très honoré Père eut demandé l’assistance du Saint-Esprit, il demanda à Mademoiselle Le Gras de quoi il était question, laquelle rendit compte de ce qu’elle avait voulu faire pour exécuter ce qui avait été résolu pour la sortie de la fille dont il a été parlé ci-dessus, et dit :

Mon Père, c’est que voulant faire ce que votre charité avait ordonné la dernière fois touchant la fille à laquelle on faisait difficulté de donner l’habit, il s’est trouvé qu’elle n’avait pas été trépanée ; au moins l’a-t-elle désa-

Document 170. — Dossier des Filles de la Charité, écriture de sœur Guérin.

 

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voué. Et comme la résolution de la renvoyer avait été principalement sur cela, nous avons différé jusques à cette heure, selon ce que vous dites à ma sœur Julienne, qui vous vint demander ce que nous ferions sur ce sujet.

Depuis qu’elle a eu cet avis, elle s’est rendue plus exacte au travail, paraît de bonne volonté et même fut fort touchée quand on lui dit qu’elle ne nous était pas propre, avoua qu’il était vrai qu’elle avait eu une jambe démise et qu’elle ne se pouvait tenir assise dessus, mais que cela ne l’empêchait pas de marcher. Pour le mal de tête, auquel elle a dit être sujette fort souvent, on ne s’est pas aperçu qu’elle s’en soit plainte depuis, bien qu’auparavant elle l’avait fait. Il n’y a que ses légèretés qui paraissent toujours en de certaines rencontres. S’il plaît à votre charité, mon Père, que nos sœurs vous disent ce qu’elles ont reconnu, elles le pourront mieux dire que moi.

Les sœurs étant interrogées par notre très honoré Père, trois dirent qu’elles avaient remarqué bien du changement en elle, qu’elle s’était employée fort volontiers à toutes sortes d’ouvrages, qu’elle était plus retenue à l’égard des sœurs anciennes, mais qu’elles craignaient que ce fût seulement de crainte d’être renvoyée, pource que ce respect n’était pas en général et qu’elle paraissait fort hardie à parler aux sœurs avec lesquelles elle était employée ; qu’encore qu’elle travaillât assez bien, on voyait bien qu’elle s’efforçait et ne laissait pas de sentir de l’incommodité ; qu’il paraissait quelque duplicité en ses paroles et qu’elle ne ferait peut-être pas grand’chose quand elle aurait l’habit ; ce qui était fort à craindre, puisque, dès le commencement, elle avait paru d’humeur à ne se pas beaucoup peiner ; et que, pour toutes ces raisons, elles pensaient qu’elle n’était pas propre.

Une autre sœur fut du même avis, ajoutant que, lui

 

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demandant pourquoi elle n’avait pas l’habit, elle lui avait répondu que Dieu ne le voulait pas et qu’elle avait été si mal avisée que d’aller dire qu’elle avait été trépanée ; ce qui la faisait trouver n’être pas véritable, puisqu’elle avait dit le contraire à Mademoiselle.

Une autre sœur dit qu’elle avait peine de penser au renvoi, à cause de sa bonne volonté.

Mademoiselle dit que sa pensée était de préférer pour cette fois la miséricorde à la justice et de lui donner l’habit, à condition que, si ses infirmités ne lui permettaient pas de faire les exercices que les Filles de la Charité sont obligées de faire, elle ne trouverait pas mauvais si on la renvoyait. Voilà, mon Père, mon sentiment, dit Mademoiselle, quoique je craigne fort cette légèreté d’esprit ; car les filles qui y sont sujettes ne sont propres à rien et on ne les oserait envoyer, ni exposer au dehors, a cause de cela. Or, celle-ci est une personne qui a fort lu, dans le Vieil Testament et dans le Nouveau, quand elle était en son particulier. Ce qu’elle faisait le plus souvent était d’aller au sermon, aux églises ; et, pour avoir cette satisfaction, il est à croire qu’elle ne faisait pas grand’chose ; se passait de peu pour sa nourriture Ce qui fait juger cela, c’est qu’elle n’a rien épargné du tout pour ses habits. Elle n’en a qu’un, qui est plus propre à une demoiselle qu’à une fille de la sorte. C’est là, ce me semble, une grande marque de légèreté.

— Remarquez, Mademoiselle, dit notre très honoré Père, que jamais vous n’avez vu de filles de cet esprit qui aient bien réussi, ni été fermes dans leur vocation. Il n’y a point sujet d’en espérer grand’chose. Tantôt elles veulent et puis elles ne veulent pas.

Mademoiselle dit encore :

Mon Père, ce qui me fait douter Si c’est une bonne vocation, c’est que, quand je la voulus renvoyer, elle fit pa-

XIII. — 45

 

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raître sa petite pauvreté en disant : "Que deviendrai-je ?" Or, si c’était la pauvreté qui l’avait portée à demander d’être de la Compagnie, il serait à craindre qu’elle ne persévérât pas.

— Ah ! il est bien vrai qu’il faut être appelé de Dieu pour être ferme en quelque vocation que ce soit ; car, à moins de cela, on ne voit que changement et inconstance. J’ai vu ce matin un petit cavalier, qui vient d’Italie. Il est neveu de Monseigneur de Genève. Il me disait : Monsieur, quand je me vois dans le péril, je dis en moi-même : si j’échappe cette fois, je ne me mettrai plus en pareil danger Et lorsque celui-là est passé, je suis tout aussi prêt d’y retourner que jamais, et cela parce que j’ai un attrait fort grand pour la guerre

Je me sens porté à vous dire cela pour vous faire voir qu’il faut vocation de Dieu pour persévérer en quelque condition que ce soit Voilà pourquoi il faut se donner à Dieu pour bien faire choix des personnes qui se présentent Il me disait de plus qu’il avait souffert beaucoup de nécessités, couchait sur la terre, ne mangeait que du pain et que, comme il se sentait appelé de Dieu à cette vocation, il n’en était point détourné pour toutes ces peines

Il faut donc de la fermeté et une volonté déterminée de persévérer, quand on a été appelé de Dieu dans une vocation C’est ce qui ne se voit quasi point dans les filles qui sont sujettes à la légèreté. Il ne faut rien pour les faire changer.

Monsieur Portail, votre avis ?

— Monsieur, il est à craindre, pour toutes les raisons qui ont été dites, principalement pour ses infirmités corporelles, car, pour la liberté de parler, ce sont des habitudes que plusieurs apportent du monde. Quand elles ont été quelque temps dans la maison, qu’on les aver-

 

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tit, elles se corrigent ; ce que celle-ci pourrait faire pareillement. Pour lui donner l’habit, comme il a été proposé, il semble qu’il ne le faudrait pas, pource que cela lui ferait trop de peine, s’il fallait la renvoyer après. On pourrait encore différer quelque temps, pour voir si elle persévérera à faire comme elle fait. Et comme voici le printemps qui approche, où toutes les infirmités ont coutume de se renouveler, si elle est sujette à ses maux de tête, cela se pourra voir.

Notre très honoré Père dit, en suite de Monsieur Portail :

Pour moi, j’ai peine à donner ma voix à cette fille, à cause de tout ce qui a été rapporté. Il faut recommander cette affaire à Dieu. Je dirai demain la sainte messe pour cela. Et vous, Monsieur Portail, je vous prie de le faire aussi, et dans quelques jours, Mademoiselle, je vous ferai savoir ma petite pensée (1).

Voyez-vous, je souhaite extrêmement que vous ayez pour maxime dans votre Compagnie d’être fort difficiles pour recevoir les filles qui se présentent et pour bien faire le choix de celles qui sont propres. Surtout qu’elles aient l’esprit bien fait et solide, éloigné de la légèreté, et aussi la force du corps ; car, à moins de cela, elles ne peuvent pas être propres, quand elles auraient bonne volonté. Si la santé manque, elles ne peuvent pas faire les fonctions des Filles de la Charité Dans toutes les autres communautés, on s’expose, même la nudité, aux supérieurs, et ils sont fort difficiles. Si on voulait recevoir indifféremment toutes sortes de personnes, qu’est ce que ce serait de la Compagnie de la Charité ?

1). On lit en marge : "Ladite fille est sortie au bout de deux ou trois mois, n’ayant pas été propre et pour la continuation des choses qui auraient fait différer à lui donner l’habit, lequel elle n’a pas pris."

 

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On a été contraint de s’assembler pour chercher moyen d’empêcher la multiplication d’un Ordre religieux, qui, à cause de la quantité de filles qu’on avait reçues, diminuait et déchoyait en régularité, parce qu’il faut vocation pour bien faire dans le lieu où l’on est, et on n’en a point trouvé de plus expédient que d’obtenir une défense du Saint-Père, que de vingt ans on ne pût faire de nouvelles maisons. Je vous dis cela pour vous faire voir combien il est à craindre de se charger de personnes qui n’aient pas les qualités nécessaires aux Filles de la Charité.

Mademoiselle, qu’avons-nous encore autre chose ?

— Mon Père, nous avons à envoyer une sœur à Nantes. Nous leur avons écrit selon ce que votre charité avait désiré. Ils ont fait réponse et demandé qu’on leur en envoie une, comme nous avons proposé. Il ne reste qu’à voir qui il vous plaira nommer pour cela, mon Père.

— A qui avez-vous pensé, Mademoiselle ?

— Mon Père, il m’est venu en l’esprit ma sœur Madeleine Raportebled, ma sœur Etiennette Dupuis et ma sœur Marguerite Chétif. Mais nous aurons bien de la peine à la retirer d’où elle est. Peut-être nos sœurs auront-elles pensé à d’autres.

La pluralité des voix alla à ma sœur Madeleine Raportebled, quoiqu’on eût pensé à nommer ma sœur Marguerite Chétif. Mais quelques-unes des sœurs dirent que, comme c’était une fort bonne fille, d’humeur fort attrayante, il était à craindre qu’on eût beaucoup de peine à la retirer quand ces bons messieurs la connaîtraient, et même que les sœurs ne s’affectionnassent les unes à la sœur servante, et les autres à elle.

Mademoiselle dit, à ce sujet, que ma sœur Nicole Haran, qui était sœur servante à Nantes, lui avait mandé que, pour le dehors, il allait toujours à l’ordinaire, mais

 

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que, pour le dedans, elles vivaient en paix. Ce qu’étant, il n’était, ce semble, pas nécessaire de leur en envoyer une qui eût tant de bonnes qualités pour être sœur servante et que ma sœur Madeleine Raportebled était une fille bien retenue et qui avait de fort bonnes qualités.

A quoi notre très honoré Père répondit :

Il est bien vrai de dire qu’il ne faut qu’un esprit mal fait pour troubler toute une maison. Nous le voyons en ce sujet. Puisqu’il est ainsi, il n’est pas nécessaire, comme l’on a dit, d’en envoyer une comme pour servir de seconde sœur servante ; non, cela pourrait faire quelque petite émulation entr’elles (2)

Après, on proposa une petite fille des Enfants trouvés, qu’on voulait essayer de mettre en religion pour un sujet fort important. Il fut résolu qu’on en parlerait aux dames et qu’on leur dirait la faute ingénument. Car, dit notre très honoré Père, si on veut dissimuler cela d ‘une telle dame, infailliblement on le saura, et Mademoiselle Le Gras, de qui les actions doivent être claires et nettes comme le soleil, sera accusée de duplicité. Oh ! il ne le faut pas. Il faut toujours faire les choses dans la plus grande simplicité qu’il est possible.

Or sus, Dieu soit béni ! Je disais, un de ces jours, à nos messieurs qu’il fallait se donner à Dieu pour aimer le mépris pour soi et pour la Compagnie, être bien aises qu’on nous tienne pour gens inutiles et qui ne font rien qui vaille. Je pense qu’il n’y a point de danger de vous le dire. Il faut que ce soit là votre capital : l’amour du mépris, principalement pour vous autres, mes sœurs, qui devez donner l’exemple aux autres d’être bien aises quand on se voit mésestimé. Mais vous devez montrer

2). Toute cette page est biffée sur l’original ; une note postérieure nous dit pourquoi : "Ceci est rayé, non qu’il ne soit véritable, mais parce qu’il n’a pas été copié sur le livre avec les autres choses."

 

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cela non seulement de parole, mais d’effet, qu’on voie que vous cherchez le mépris, que vous êtes bien aises quand il arrive, et que vous fuyez l’estime et les louanges, bien loin de les rechercher.

Ce discours touchant le mépris a été fait par notre très honoré Père en suite de la remarque que Mademoiselle Le Gras avait faite de l’utilité que les Filles de la Charité apportaient faisant l’école aux pauvres petites filles disant que cela était admirable, vu que la plupart ne savaient presque rien quand elles sont venues dans la Compagnie. Ce qui fait bien voir que Dieu donne bénédiction à leur travail.

— Tant que la Compagnie gardera cet esprit d’humilité, de bas sentiments de soi-même, elle se conservera. Mais, dès qu’elle s’élèvera, elle se perdra, et Dieu ne répandra plus ses grâces sur elle. C’est pourquoi il faut se donner à Dieu pour aimer le mépris pour soi, comme je vous ai dit, et pour la Compagnie. Car ce n’est pas assez d’accepter les humiliations qui vous regardent, chacune en votre particulier ; il faut être contentes que la compagnie soit méprisée, qu’on dise que ce n’est pas grand’chose, qu’on ne ménage pas, assez le bien des pauvres, qu’on n’a point de soin des malades, que les Filles de la Charité ne font rien qui vaille. Il faut se réjouir quand on voit que la Compagnie est si peu estimée ; et quand on n’a pas ces occasions, il les faut désirer et s’y préparer par plusieurs actes intérieurs. Car, voyez-vous, il en est de nous comme de la nature, qui a cela de propre qu’elle ne saurait rien laisser de vide qu’elle ne le remplisse ; et l’expérience le fait voir, en plusieurs rencontres particulièrement. Lorsque l’on veut miner une ville, on la creuse, et la poudre que l’on y met, prenant feu par l’avidité que la nature a de se remplir, fait renverser la place. Dieu se comporte de la sorte : ne saurait rien laisser de vide.

 

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En même temps que nous nous viderons de nous-mêmes, du désir de paraître, d’être estimés et respectés, Dieu remplira nos âmes de grâces et de bénédictions, chacun en particulier, pour la perfection qu’il en demande, et la Compagnie en général, pour l’accomplissement de ses dessein. Demandons bien cela à Dieu, mes chères sœurs, les uns pour les autres.

Benedictio Domini Nostri Jesu Christi…

 

171. — CONSEIL DU 25 AVRIL 1656

Le mardi jour de saint Marc, 25 avril 1656, se fit la petite conférence à Saint-Lazare, où étaient Monsieur notre très honoré Père et Monsieur Portail, Mademoiselle Le Gras, les trois sœurs officières et deux sœurs anciennes.

Premièrement, notre très honoré Père demanda compte à une sœur de ce qui s’était passé à la mort d’un petit garçon des Enfants trouvés, qui avait été tout extraordinaire. Ayant fait le récit de ce qui s’y était passé, Mademoiselle Le Gras donna connaissance à notre très honoré Père de plusieurs personnes qui demandaient de nos sœurs pour de nouveaux établissements. Il fut résolu de différer pour quelque temps de faire réponse si on en donnerait, à cause du peu de filles que l’on avait pour le présent.

Et comme M. l’évêque de Cahors et celui d’Agde pressaient fort pour en avoir, la Providence fit proposer s’il ne serait point à propos d’établir quelque séminaire ou maison, comme à Paris,, de laquelle on pourrait envoyer des filles dans les lieux éloignés et proches de ce quartier, et pareillement les y recevoir. Notre très

Document 171. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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honoré Père dit qu’il fallait y penser et que la chose paraissait nécessaire.

Voilà donc, mes sœurs, ce qu’il y a à proposer, qui est de grande importance pour votre Compagnie. Les raisons pour ce nouvel établissement sont premièrement la difficulté d’envoyer des filles si loin toutes seules et les dangers qu’elles peuvent rencontrer sur les chemins, se trouvant en quelque mauvaise compagnie.

La deuxième, la grande dépense qu’il faut pour faire ces longs voyages, à laquelle la Compagnie ne peut pas suffire, s’il fallait continuer d’envoyer des filles partout où l’on en demande. Car il faut pour le moins cent francs pour faire venir une fille de ces lieux-là et autant pour la renvoyer, de sorte que cela monte haut.

La troisième raison est la nécessité que les Filles de la Charité ont d’être changées, comme l’expérience : a fait voir ci-devant. Or, on ne peut pas changer si souvent qu’il serait nécessaire, quand on est si éloigné. Ce qui se ferait plus facilement si l’on avait une maison où l’on fît comme on fait à Paris, c’est à-dire qu’on rappelât celles qui auraient besoin d’être changées et qu’on en renvoyât d’autres en leur place ; le tout selon l’ordre des supérieurs de Paris. voilà, ce me semble, les raisons pour lesquelles il serait nécessaire d’établir cette maison.

Contre cela il y a ceci, savoir si ce ne serait point vouloir trop entreprendre et si la Compagnie, par ce moyen, ne sera point trop connue, comme elle ne l’est déjà que trop. Il serait à souhaiter qu’elle fût cachée aux yeux de tout le monde ; oui, cela serait à désirer. Et s’il se pouvait qu’on assistât les pauvres et qu’on fît toutes ses actions à la seule vue de Dieu, ce serait bien le mieux pour vous. Mais quoi ! cela ne se peut.

Mes sœurs, humiliez-vous et craignez que l’estime que tant de personnes, et si considérables, font de vous

 

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ne vous soit préjudiciable. Confondons-nous devant Dieu, et vous et nous ; humilions-nous, quoique Dieu nous ait choisis pour de si grandes choses, pour aller le servir dans des lieux si éloignés, assister ses pauvres et faire tant de bien que la pauvre Compagnie des pauvres Filles de la Charité fait. Eh ! qui sommes-nous, vous et moi ? Voyons donc s’il est à propos de penser à ce séminaire.

L’avis des sœurs fut que cela serait bien nécessaire, pour les raisons dites, avec la réserve que cette maison fût toujours dépendante de celle de Paris.

L’avis de Mademoiselle Le Gras fut à peu près de même. De plus elle dit :

Mon Père, il semble que la Providence fait naître les moyens de faire cet établissement. Je crois que cela serait bien utile, pourvu que ce fût en un lieu où il y eût des messieurs de la Mission.

Monsieur Portail aussi jugea cela fort nécessaire, pour toutes les raisons ci-dessus, et qu’encore que cela fût sans exemple jusques à l’heure présente dans la Compagnie, elle ne pouvait pas fournir des filles si loin, à moins d’avoir un lieu pour l’aider, et que toutes les communautés en usaient de la sorte. Il ajouta :

Je crois qu’il serait bon de faire quelque dévotion pour demander à Dieu qu’il fasse connaître sa volonté

Notre très honoré Père dit :

Seigneur Dieu ! il faut bien recommander cette affaire à Dieu. O Jésus ! oui, Mademoiselle, dites-le à vos filles, qu’elles recommandent quelque affaire importante à Notre-Seigneur.

Et se reprenant, sa charité dit :

Non, non, ne dites pas comme cela ; des pauvres gens comme nous n’ont pas des affaires importantes ; mais vous pouvez leur recommander de prier Dieu pour quelque besoin de la Compagnie et lui demander qu’il lui

 

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plaise faire connaître sa volonté touchant quelque chose qui la regarde. Monsieur Portail, je pense qu’il sera bon que vous disiez la messe à cette intention, où nos sœurs pourront assister. Je la dirai aussi, Dieu aidant.

Or sus, béni soit Dieu ! En vérité, mes sœurs, je ne sais qui se pourra assez humilier à la vue de tant de grâces que Dieu fait à la Compagnie. O Sauveur ! qui pourrait comprendre la hauteur, la, profondeur, la sublimité de la grâce par laquelle Dieu rend une âme digne de s’en servir où et comme il lui plaît ! Oh ! qui pourrait concevoir cela ! Si vous le sentiez comme je le sens ! Ah ! si vous ne le sentez pas, c’est que vous ne le connaissez pas. Mais il faut dire à Dieu : a Mon Dieu, permettez-nous de vous demander où vous avez les yeux de vous souvenir de chétives créatures comme nous sommes." mes sœurs, il faut prier la sainte Vierge qu’elle s’humilie pour nous devant son Fils ; car, à moins de cela, nous ne pourrions pas le faire connaître Le il faut. Et cependant, de votre côté, pour acquérir une profonde humilité, il n’y a que cela qui vous maintiendra : aimer le mépris de soi-même, être bien aises qu’on ne vous estime rien ; non seulement aimer le mépris et l’humiliation quant aux personnes, mais l’aimer pour la Compagnie, être bien aises qu’on dise qu’elle n’est propre à rien et qu’elle est pleine de sujets infirmes et pleine d’imperfections. Voilà, mes filles, ce qu’il faut que les Filles de la Charité fassent, si elles veulent que Dieu continue ses bénédictions sur elles et sur leur Compagnie.

Mademoiselle proposa à Monsieur notre très honoré Père d’envoyer deux sœurs à Angers, dont l’une pour être soeur servante. Ma sœur Chétif fut trouvée avoir assez de bonnes qualités pour cela. Mais. comme elle était dans une paroisse où il y avait des personnes un peu difficiles, qui avaient besoin d’en avoir une de la sorte, toutes ces considérations et le peu de temps qu’il

 

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y avait qu’elle y était, firent résoudre à ne la pas retirer et remettre à une autre fois le choix d’une sœur qui pût tenir la charge ; et l’autre fut nommée.

Mademoiselle dit à notre très honoré Père que la fille dont il a été parlé ci-dessus, continuait toujours dans se, petits défauts. Suivant cela et la remarque semblable à celle de Mademoiselle que toutes les sœurs avaient faites, il fut résolu qu’on la renverrait.

Notre très honoré Père dit :

C’est Dieu, voyez-vous, qui vous avait donné la pensée de suspendre le temps de lui donner l’habit, puisque cela a fait connaître qu’elle n’était pas propre et qu’il la fallait renvoyer, quelque résistance qu’elle pût faire. Si elle dit qu’elle ne sortira point, comme il y en a qui font, il faut tenir ferme. Un jour, à Sainte-Marie, il y avait une fille qui n’était pas propre. Or, quand on fut sur le point de la mettre dehors, elle résista et dit qu’elle ne sortirait point et qu’elle mourrait plutôt à la porte. Dieu permit qu’elle fît cela pour éprouver la fidélité de ces bonnes filles ; car, voyant qu’ils ne la pouvaient faire sortir autrement, ils la portèrent à la porte et la mirent dehors. C’est ainsi qu’il faut faire quand on connaît que quelqu’une n’est pas propre.

On présenta, ce même jour, à Monsieur notre très honoré Père plusieurs filles qui demandaient à venir en la Compagnie.

 

172. — CONSEIL DU 27 AVRIL 1656

Le jeudi suivant, 27 avril, Monsieur Vincent fit faire une seconde assemblée pour conclure ce qui n’avait pas été résolu la dernière fois, où, après quelques propos, sa charité dit :

Document 172. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de soeur Guérin.

 

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Je vous le disais l’autre fois, mes sœurs, il faut que la Compagnie fasse état d’aimer le mépris.

Mademoiselle dit à notre très honoré Père :

J’avais pensé à demander à votre charité, mon Père qu’elle nous donnât quelques moyens solides pour acquérir cette vertu.

— Il n’y en a point d’autre, dit-il, que de s’humilier. L’art d’aimer Dieu, c’est de l’aimer ; tout de même, l’art d’acquérir l’humilité, c’est de s’humilier ; et tant plus on sera avant dans cette pratique, on ressemblera davantage à Notre-Seigneur. Oui, mes sœurs, il est certain que tant plus on sera méprisé, pauvre et humilié, tant plus ressemblera-t-on au Fils de Dieu, lequel a tant aimé le mépris et la pauvreté qu’il n’avait point de maison à lui lorsqu’il était au monde. Or, si on ne peut pas l’imiter en cela, au moins faut-il essayer de lui ressembler, n’ayant que le nécessaire.

Mademoiselle, à ce sujet, représenta à sa charité le besoin que la maison où étaient les Filles de la Charité avait d’être accommodée, ajoutant qu’elle avait toujours cru la nécessité de conserver cet esprit dans la Compagnie, et que, s’il était possible d’avoir des pierres noircies pour bâtir, afin qu’il ne parût point de bâtiment neuf, il le faudrait faire.

Il est vrai, dit notre très honoré Père, qu’il serait souhaiter de laisser à la postérité, si l’on pouvait, des marques de l’amour de la pauvreté. Monsieur le lieutenant… me fait toujours la guerre, quand il vient ici, de ce que je ne fais point refaire notre pavillon. Quand il me le dit, je ris avec lui, sans dire ce qui m’empêche de le faire raccommoder ; mais au fond c’est cela ; c’est que je désire que la Compagnie s’établisse sur ce fondement d’humilité et qu’elle soit conforme, autant qu’il est possible, à la façon de faire de la vie du Fils de Dieu. Or, j’appréhende fort que, si vous aviez une belle

 

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maison, cela n’attirât des personnes de condition ; ce qui serait désavantageux.

 

173. — CONSEIL DU 29 AVRIL 1656

Le samedi 29 avril, Monsieur notre très honoré Père manda les officières de la Charité pour parler encore des propositions qui avaient été faites à sa charité pour envoyer des sœurs en des évêchés éloignés. Il eut la bonté de leur dire qu’il avait parlé à Madame Fouquet d’une maison en façon de séminaire pour la réception et changement des filles dans le besoin. Laquelle dit qu’elle en parlerait à Monsieur son fils évêque d’Agde, mais qu’il était pressé d’un autre emploi. Et sa bonté le dit en cette sorte.

Mes sœurs, ce bon seigneur, tout rempli de désir de faire du bien, propose de faire un autre hôpital, duquel le bien n’a pas toujours été bien distribué. Il est dans la résolution d’y mettre ordre. Quelques bonnes personnes proposent d’y mettre des religieuses, et étant plus grand nombre qu’il ne faut de Filles de la Charité, il craint que cela ne consomme la plus grande partie du revenu du bien dudit hôpital, et que, pour le bien de, pauvres, il serait bien à propos d’y mettre deux Filles de la Charité. Voyons les raisons pour et contre.

Je réduis cela à trois questions rapportantes à la substance de la chose, savoir : premièrement, si l’on doit entendre à cette proposition et donner satisfaction à ce bon évêque ; secondement, s’il y aura des filles propres à y être envoyées, au cas qu’on soit résolu d’en donner ; troisièmement, si l’on doit attendre que la maison du séminaire soit établie et s’il est à propos d’en parler en-

Document 173. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de soeur Guérin.

 

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core. Il y a encore une quatrième question, et des plus importantes qui se traitera jamais dans votre Compagnie, savoir si l’on doit agir avec eux en sorte qu’on puisse rappeler les filles, s’ils ne gardaient pas ce qui sera accordé et qu’ils vinssent à demander d’elles ce qui contreviendrait à leurs règles et manière de vie ; et si les Filles de la Charité ne font pas bien leur devoir et ne servent pas bien les pauvres, ils aient la liberté de les renvoyer pareillement.

Il fut répondu à la première question que, si Dieu nous appelait pour servir les pauvres en ces lieux-là, il n’y avait pas d’apparence de refuser cet emploi, et que, si, après y avoir pensé, on reconnaissait que ce fut la volonté de Dieu, on croyait qu’il la fallait suivre.

A la seconde, qu’il y avait peu de filles et qu’il serait difficile d’en avoir ; mais, comme ils en demandaient peu, cela ne serait pas impossible, pourvu qu’on ne fût pas pressé d’en fournir si promptement aux autres endroits où on en demandait.

A la troisième, qu’il serait bon de savoir la résolution de ces bonnes personnes.

A la quatrième, qu’il était tout à fait nécessaire de continuer la pratique qui était en la Compagnie, savoir qu’on pût rappeler les filles, s’il était nécessaire, et qu’ils les puissent renvoyer toutes quand elles ne vivront pas comme les Filles de la Charité sont obligées de vivre.

— Vous êtes donc toutes d’avis, dit notre très honoré Père, qu’il est juste qu’on renvoie les Filles de la Charité, si elles se laissent aller dans le désordre, et vous avez raison ; car il vaudrait mieux qu’il y en eût peu, voire point du tout, que de les voir faire tout au contraire de ce que leur vocation demande d’elles

Mademoiselle Le Gras ne prétend pas voir, quand elle sera au ciel, de mauvaises filles qui ne fassent que

 

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manger le bien des pauvres et donner mauvais exemple à ceux qui les voient. Saint François aimerait mieux qu’il n’y eût point de religieux dans son Ordre que d’en avoir qui ne vivent pas selon leur Institut ; car, comme il est en Dieu, il hait ce qui lui est contraire.

Saint Benoît, considérant le désordre qui arriverait après sa mort parmi ses religieux, s’affligeait et disait, quand an lui en demandait la raison et lui représentait le sujet qu’il avait de se réjouir, voyant son Ordre si florissant : "Il est vrai, disait-il, voilà de belles maisons et quantité de religieux ; mais un jour viendra que cela déchoira." Quand ce grand saint prévoyait que tant de belles règles, tant de pratiques d’humilité et d’autres vertus qu’il pratiquait seraient mises en oubli, il s’affligeait. Et voulant trouver le moyen d’affermir son Ordre et ses religieux dans la manière de vie que Dieu demandait d’eux, il mit à la fin de ses Constitutions qu’il conjurait le ciel et la terre de conspirer à leur ruine, s’il arrivait qu’ils se détraquent. Il prie les seigneurs, la noblesse et même les paysans de leur courir sus et de les chasser si tôt qu’ils ne feront pas leur devoir. Ah ! saintes pensées, par lesquelles ce bon saint a fait voir le désir de l’accomplissement de la volonté de Dieu en ses religieux !

 

174. — CONSEIL DU 25 JUIN 1656

Le dimanche 25 juin, par l’ordre de Monsieur Vincent, Mademoiselle Le Gras et les trois sœurs officières s’assemblèrent à Saint-Lazare, sur la pensée que Dieu lui avait donnée des grâces que sa bonté faisait à la Compagnie et le désir qu’elle ne se rendît pas indigne

Document 174. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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de la continuation des bénédictions que Dieu répandait sur elle. Et la charité de notre très honoré Père, pour rendre l’assemblée plus célèbre, y appela Monsieur Portail et Monsieur Alméras, où d’abord il dit :

Mes sœurs, voyant l’obligation que la Compagnie de la Charité a d’être fidèle à Dieu pour se rendre digne de le servir partout où l’on vous demande, il m’a donné La pensée de vous assembler pour trouver les moyens propres à cela, comme étant obligé d’empêcher, autant qu’il est possible, que cette belle Compagnie ne déchoie en se rendant ingrate et infidèle à Notre-Seigneur.

Et comme, au dire de saint Jean, toutes choses qui contribuent à la perte des hommes, se réduisent à trois chefs, savoir la concupiscence de la chair, la convoitise des yeux et la superbe de la vie, voyons de quels moyens on se pourra servir pour faire que ci-après la Compagnie évite ces trois malheurs.

Vous savez ce que veut dire la superbe de la vie. On le voit assez dans le monde aux habits, au luxe et à tout le reste.

Pour le premier, par la miséricorde de Dieu, vous n’y trempez pas, puisque vous avez tout quitté pour vous donner à Dieu.

La concupiscence de la chair comprend toutes les satisfactions et plaisirs illicites qu’on prend. Il faut espérer que vous n’êtes point de ceux-là ; ce que vous avez assez fait voir par le choix que vous avez fait d’une Compagnie où non seulement on ne prend point de plaisirs contraires aux commandements de Dieu, mais où même on se prive volontairement de ce qui serait permis. Quant au boire et au manger, vous menez une vie fort frugale et dans laquelle il n’y a pas grande sensualité. Pour le mariage, c’est un crime d’en parler seulement entre vous autres ; et jamais vous ne devez vous

 

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en entretenir. Cela étant, vous pouvez vous garder de tomber en ce vice.

La convoitise des yeux n’est autre chose que le désir d’avoir des richesses, d’être bien accommodé, bien logé, etc… Celui-là, non plus que les deux autres, ne vous doit pas toucher, étant de pauvres filles pour la plupart, ou si vous n’avez été tout à fait dans la mendicité, ni l’abondance, vous avez quitté le peu que vous aviez, pour suivre Notre-Seigneur dans une Compagnie composée de pauvres filles. Mais, de crainte qu’à l’avenir cette convoitise ne s’introduise dans la Compagnie, il est bien nécessaire, mes sœurs, de se servir de toutes les précautions que l’on pourra pour l’empêcher. Ce que vous ferez, ne désirant que le nécessaire, selon vos premières coutumes, tant pour la nourriture que pour les habits ; et surtout prendre garde que la pauvreté paraisse toujours dans la maison, vous gardant bien de faire bâtiments splendides et superflus ; car cela serait un acheminement à la perte de l’esprit de votre Compagnie, qui ne doit être que pauvreté, simplicité et humilité en toutes choses.

Il me paraît deux choses importantes pour conserver cet esprit et pour maintenir la Compagnie en bon ordre. L’une regarde le bien temporel, par lequel la convoitise peut entrer dans la Compagnie ; et l’autre, la pureté, que vous savez, mes soeurs, être si importante, et laquelle, par la grâce de Dieu, je pense n’avoir pas besoin de vous recommander. Néanmoins, encore qu’elle soit parmi vous, il est très important d’affermir la Compagnie dans cette vertu pour l’avenir par les moyens qu’il plaira à Dieu faire connaître et qu’il lui faut beaucoup demander. Non seulement cette pureté est nécessaire pour le maintien de la Compagnie ; mais dans toutes les communautés on a besoin de se servir de

XIII. — 46.

 

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toutes les précautions possibles pour éviter ce qui lui est contraire.

Et pour vous faire voir que je ne dis pas ceci sans sujet, j’ai un exemple remarquable à vous dire, toutefois sous le secret d’une personne d’une certaine Compagnie, que je ne nomme point, laquelle s’est lâchement mise en de très grands dangers de perdre ce précieux trésor. C’est pourquoi il n’y a point de pratique qui doive sembler trop difficile, quand elle peut servir à la conservation de cette vertu. Et depuis peu J’ai pensé a cette affaire sérieusement et en ai eu l’esprit rempli. C’est pourquoi je pense qu’il faut nécessairement trouver quelque moyen qui serve à maintenir toujours la Compagnie dans la pureté.

Et vous, Mademoiselle Le Gras, vous y êtes aussi obligée. Que se pourrait-il faire pour cela ? Il y a dans les règles plusieurs articles. La modestie, qui est tant recommandée, le conseil qui y est donné de ne laisser entrer personne dans les chambres, particulièrement les hommes, en quelque lieu que ce soit, seraient d’assez puissants moyens ; mais la faiblesse des esprits et la force des tentations ont besoin de quelque avertissement plus fréquent. Il me semble avoir ouï parler de quelque invention de porte, dont l’on se sert déjà en quelque paroisses.

Monsieur Portail répondit :

Oui, Monsieur, il y a plusieurs paroisses où cela s’est observé. Ce sont des doubles portes qui sont brisées, et les sœurs n’en ouvrent que le haut, quand ce sont personnes qui ne doivent point entrer.

— Voyons s’il n’y a point quelque autre moyen pour cela et si celui-là est bon à continuer.

Monsieur Vincent, notre très honoré Père, commença à interroger les sœurs, dont la première dit qu’elle avait entendu de quelques sœurs qu’elles trouvaient de la dif-

 

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ficulté à observer cette règle de ne point laisser entrer d’hommes dans les chambres.

Notre très honoré Père ayant demandé quelles étaient ces difficultés, la sœur répondit que l’on disait que c’était contre le respect qu’on doit aux prêtres de leur parler à la porte, qu’il n’y avait point d’apparence, quand le confesseur est entré, de le faire sortir, pour lui parler sur la montée.

Une autre difficulté est que, le médecin venant pour écrire les ordonnances des malades, il faut qu’il entre nécessairement dans la chambre, et que, comme on entre facilement dans la maison de la supérieure, il n’y a pas d’apparence de faire aux paroisses ce qui ne s’y observe pas.

Monsieur notre très honoré Père suivant les avis de tous touchant ces difficultés, il fut répondu que cela n’était pas considérable et que, pour celle qui regardait les confesseurs, on pouvait leur parler à l’église, ou avoir une sonnette à la chambre. Ce qui ferait que les sœurs descendraient pour parler, et que, cela étant, il n’y aurait pas de nécessité de monter dans les chambres.

Pour ce qui avait été dit de la maison de la supérieure, il fut dit que ce n’était pas comme dans les paroisses, où il n’y a pour l’ordinaire que deux sœurs, et que, comme quantité de personnes avaient affaire à Mademoiselle Le Gras pour les offices de charité qu’elle exerçait pour le prochain, il ne fallait pas se servir de ce prétexte pour ne point observer cela.

 

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175. — CONSEIL DU 27 JUILLET 1656

Le 27 juillet 1656, on s’assembla à Saint-Lazare pour quelques nécessités de la Compagnie, Monsieur Vincent, Monsieur Portail, Mademoiselle Le Gras et quatre ou cinq sœurs.

Notre très honoré Père ayant demandé à Mademoiselle de quoi il s’agissait, elle dit :

Mon Père, c’est de savoir ce que nous avons à faire au sujet de la sœur de Monsieur Tholard, Madame Auclerc, et sa fille, qui sont venues à Paris à dessein d’être de la Compagnie et ont été reçues par l’ordre que votre charité nous a fait donner pour en essayer ; et comme elles sont toujours dans l’incertitude si elles demeureront, la mère commence à s’ennuyer

— Quel empêchement y a-t-il, Mademoiselle, pour leur réception ?

— Mon Père, pour la mère, il n’y a autre difficulté qu’une incommodité à l’odorat, qui est assez notable ; et sa fille a mal aux yeux. De sorte qu’il est fort à craindre qu’elles ne puissent pas faire les exercices des Fille, de la Charité. La mère ne veut pas se séparer de la fille. Elle, propose de lui donner pension, si on la reçoit.

Monsieur Vincent dit :

Il paraît qu’elle n’a pas vocation vraisemblablement. La raison, c’est que, quand Dieu appelle quelqu’un dans une Compagnie, il lui donne les grâces nécessaires tant du corps que de l’esprit. Or est-il qu’elle n’a point les qualités requises pour être Fille de la Charité. Elle est en danger de devenir aveugle et dans l’inhabileté de faire les fonctions qu’il faut qu’elles fassent. Recevoir pension, cela n’est pas non plus à propos.

Document 175. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit, à l’exception des deux premières pages, par Mathurine Guérin.

 

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Il ne faut pas charger la maison de ces sortes de gens. Je sais une maison de religion qui a reçu une fille, non pas pour être religieuse, mais elle a été reçue comme bienfaitrice et a donné trente mille livres ; et avec tout cela elles voudraient bien que l’affaire fût encore à faire Elle est paralytique. Il semble que c’est un grand avantage ; mais une personne dans une communauté, qui ne peut suivre le train des autres, donne bien de la peine.

Mademoiselle dit :

Mon Père, j’ai grande peine que nous ne puissions faire quelque chose, pour leur satisfaction, tant pour leur bonne -volonté que pour Monsieur Tholard. S’il plaît à votre charité qu’on les reçoive pour cette considération, encore qu’elles n’aient pas les qualités requises, j’en serai bien aise.

— Oh ! non, Mademoiselle, il ne faut rien faire contre nos obligations. Il faut aller à Dieu tout droit. Je sais bien que Monsieur Tholard souhaite cela comme un bien à sa soeur, mais il sera facile de lui faire entendre les raisons qu’on a de les renvoyer. Comme la fille n’est nullement propre, que ferait-elle dans l’état où elle est, si sa mère la quittait ? Et si la mère n’a de la bonté pour sa fille, pour qui en aura-t-elle ? Pour moi, je ne voudrais pas lui conseiller de la quitter, vu l’infirmité où elle est.

La deuxième chose qui fut proposée fut savoir si l’on reprendrait ma sœur Marie Joly, laquelle, pour le long temps qu’elle avait été hors la maison, ayant servi les pauvres à Sedan 14 ans, avait peine à s’accoutumer aux pratiques de la communauté, et se voyant pressée de sortir pour servir les pauvres hors de la Compagnie par Madame de Bouillon, à laquelle elle avait obligation, s’était laissée aller et avait donné les mains, mais, ayant reconnu sa faute et s’étant repentie de l’avoir faite dès

 

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le même jour de sa sortie, elle demandait avec instance qu’on lui fît la charité de la recevoir

Notre très honoré Père dit :

Voyons les raisons qui semblent nous obliger à faire comme le père du prodigue de l’Evangile, puisque Dieu nous en donne le moyen La première, c’est que c’est une personne qui s’est égarée de son bon chemin, et il y a charité de redresser les dévoyés. 2° Elle est pénitente, et il semble qu’il lui faille pardonner, puisqu’eile a regret de sa faute. 3° Il y a longtemps qu’elle est de la Compagnie et a beaucoup travaillé pour les pauvres. Lorsque le siège fut à Sedan, elle eut beaucoup de peine. 4° Il est à craindre que plusieurs de nos sœurs ne soient contristées si on ne la reçoit pas.

Contre cela, c’est que, comme elle est accoutumée à suivre un peu ses volontés, n’ayant pas été près des supérieurs, il est à craindre qu’elle ne donne de la peine et qu’elle ne se range pas facilement aux observances nécessaires. Voilà ce qui peut empêcher de la recevoir : la crainte qu’elle n’ait contracté l’habitude de suivre ses volontés. Il y a des personnes, comme je pense en être une, qui ne regardent en tout ce qu’elles font que leur inclination ou aversion, et elles font cela sans regarder la raison.

Notre très honoré Père ayant demandé les avis de Monsieur Portail, de Mademoiselle et des sœurs, ils furent d’avis de la recevoir pour toutes les raisons ci dessus, principalement pour la peine que cela ferait aux

1. Le fait reproché à Marie Joly remontait au 16 novembre 1654, et on ne l’avait pas congédiée de la communauté, puisque son nom figure, à la date du 8 août 1655, sur la liste des soeurs (voir p. 575). Il est étrange qu’après vingt mois on mette, pour ce fait, son renvoi en délibération. Il y a là un petit problème dont nous ne voyons pas la solution, étant donné que la date de ce Conseil est certaine et que rien ne laisse supposer une nouvelle fuite.

 

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sœurs, qui penseraient qu’il n’y a point de sûreté dans la Compagnie.

— Je suis de votre avis, dit Monsieur Vincent, mais non pas pour ce que les anciennes diront ; car les Filles de la Charité ne sont pas pour se contenter l’une l’autre ; mais elles doivent chercher à contenter Dieu en toutes choses Il ne faut jamais s’arrêter à que dira-t-on ? Ah ! qu’il est cause souvent que le vice est autorisé et la vertu vilipendée ! Ah ! que dira-t-on ? malheureux que dira-ton ? quand il fait mépriser ceux qui font bien et avoir aversion de leurs meilleures actions ! Ce n’est donc pas pour ce que les anciennes diront qu’il faut faire cela.

Tant que l’Eglise a été dans la première rigueur ne ne point souffrir ceux qui étaient tombés en faute, elle s’est conservée dans une grande ferveur, et tout autant qu’il y avait de chrétiens, c’étaient autant de saints qui vivaient tous d’un même esprit. Ce qui a continué autant de temps qu’elle a conservé cette rigueur de retrancher les délinquants. Mais tout aussitôt qu’elle a commencé à se relâcher et à tolérer les péchés de ceux qui se repentaient, elle est déchue de sa première ferveur et est venue en l’état où nous la voyons à présent.

Ainsi, tant que la discipline sera bien gardée dans une maison, tout ira bien ; et dès lors que ceux qui ont charge du gouvernement se relâcheront, adieu la Charité !

Si on ne la recevait pas, après qu’elle-même est sortie sans sujet, et, qui plus est, avec une dame des plus pieuses que l’on saurait désirer, qui ne l’a pressée de sortir que pour servir les pauvres sur ses terres, que pourrait-on dire de cela ? Les anciennes, qui tiennent à Dieu, diront qu’elles sont bienheureuses d’avoir des personnes qui veillent sur elles et sur toute la Compagnie. Ceux du dehors diront qu’il fait bon là, puisqu’on n’y souffre pas le mal. Voyez-vous, il faut tenir ferme si

 

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vous voulez que Dieu conserve la Compagnie de la Charité ; autrement, que serait-ce si l’on ne punissait point les fautes ? Moïse reçut ordre de Dieu de faire mourir tous ceux qui amasseraient du bois le dimanche, et cela était observé exactement. Nous avons dans l’ancienne loi l’exemple de Coré, Dathan et Abiron, qui furent engloutis tout vifs pour avoir murmuré contre Moïse. Sa propre sœur fut frappée de lèpre pour avoir trouvé redire à ce qu’il faisait. Dans le Nouveau Testament, Ananie et Saphira, pour avoir menti à saint Pierre, tombèrent morts à ses pieds. Il est dit encore de saint Paul qu’il excommunia un méchant garçon qui avait fait quelque chose à une femme, qui n’était pas bien. Saint Paul le retrancha des fidèles, c’est-à-dire livra son âme au diable, afin qu’il se corrigeât. Les prêtres mêmes étaient chassés lorsqu’ils avaient fait quelque faute assez notable. Les apôtres ou l’Eglise observaient cette rigueur même à l’endroit des mauvais prêtres. Mais, depuis, l’indulgence, la compassion et la mollesse s’est emparée du cœur de ceux qui ont conduit l’Eglise ; de là elle est vertue en l’état où nous la voyons. De sorte que saint Augustin, pour représenter en quelque façon les premiers chrétiens, établit de son temps des compagnies de prêtres qui vivaient en commun, et de filles qui apportaient leur bien entre les mains de la supérieure, sans avoir rien de propre. Et même quand on apportait quelque chose à une en particulier, ce n’était pas à ceux-là, mais à ceux qui en avaient plus de besoin, selon l’ordre que le même saint avait établi. Voilà ce que saint Augustin ordonna pour représenter à peu près l’ancienne façon de vivre des chrétiens.

Il faut donc tenir ferme à ce que l’ordre soit bien gardé et retrancher ce qui est gâté, crainte que cela n’infecte le reste. C’est un membre pourri ; il le faut retrancher.

 

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Ah ! mais c’est une ancienne. Si on la refuse, en voilà plusieurs autres qui pourront à son sujet s’en aller et faire banqueroute. — N’importe ; il faut faire ce qu’on est obligé, même si quelques-unes s’en formalisent. Celles qui sont comme il faut diront : "Il faut que je sois sage et que je m’acquitte bien de mon devoir." Elles loueront Dieu de ce qu’on ne souffre pas le mal dans la Compagnie.

Et sachez que jamais il ne sort personne qu’il n’en vienne d’autres en leur place. Vous mettez une fille dehors qui gâtait les autres ; il en reviendra trois, quatre et cinq pour récompenser ce que vous avez fait.

Quoi ! il serait dit que, de crainte de mécontenter les anciennes, on souffrirait un membre qui gâte les autres, ou qui les peut gâter ! Qui serait le chirurgien misérable qui, voyant un bras, ou un pied gangrené, n’aurait pas le courage de le couper, pource que cela fait mal ! Eh ! que diraient les autres membres, s’ils pouvaient parler ? Ainsi que diront les anciennes, si elles voient qu’on souffre quelqu’une faire mal ? Elles voudront faire ainsi. Si vous gardez celle-là, vous en perdrez plusieurs autres. Voilà pourquoi les anciennes ne doivent pas trouver mauvais si on ne reprend pas facilement celles qui se sont laissées aller en quelques fautes. Si vous faisiez autrement, vous feriez tort aux nouvelles, qui pensent trouver l’exemple. Et n’est-ce pas une chose horrible de demander des jeunes ce qu’on ne peut avoir des anciennes ! Vous voulez qu’elles soient dans la pratique des règles, et vous n’y êtes pas ! Il n’y a pas d’apparence : car il faut que les anciennes donnent l’exemple aux nouvelles de ce qu’elles demandent d’elles.

Je ne me rends donc point à la recevoir pour ce que les anciennes diront, pource qu’il faut que les supérieurs tiennent ferme aux choses de Dieu. Tout ainsi que la boussole d’un navire qui est agité des vents ne laisse

 

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pas de le conduire, de même les supérieurs, quoiqu’agités du vent de diverses opinions, ne doivent pas laisser de conduire les choses selon que Dieu leur inspire

 

176. — CONSEIL DU 43 AOUT 1656

Du dimanche 13e jour d’août 1656, Monsieur notre très honoré Père ayant fait assembler au parloir de Saint-Lazare Mademoiselle Le Gras et trois ou quatre sœurs, sa charité demanda à l’une, qui était gouvernante des Enfants trouvés, si elle fournirait bientôt de grandes filles de cette maison pour être Filles de la Charité. Laquelle dit qu’il y en avait d’assez grandes, mais qu’elle croyait que, si on donnait l’habit des Filles de la Charité à des filles trouvées, cela pourrait faire peine à nos sœurs et donner à penser au monde que toutes les Filles de La Charité seraient des enfants trouvées.

En suite de ce que la sœur dit, notre très honoré Père rapporta la vision qu’eut saint Pierre lorsqu’il lui fut présenté un linceul plein de toutes sortes d’animaux, avec commandement d’en manger, ajoutant qu’il n’y avait pas de danger de voir si quelqu’une pourrait être propre, sans lui donner l’habit, et cela par essai, comme de toutes autres choses, et sous le silence, n’étant pas certain que cela se pût faire.

 

177. — CONSEIL DU 26 DECEMBRE 1656

Le 26 décembre 1656 commença la petite conférence pour les résolutions à prendre pour la sortie d’une sœur.

Document 176. Recueil des procès verbaux des conseils tenus par saint Vincent Mlle Le Gras, p. 196 et suiv.

Document 177. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de Sœur Mathurine Guérin.

 

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La première chose qui fut proposée fut le renvoi de cette sœur et le sujet qui donnait pensée de la retrancher de la Compagnie. Après quoi Monsieur Vincent dit :

Bienheureux sont ceux que Dieu a avantagés d’un bon esprit qui se porte facilement au bien. Il faut donc voir ce que nous avons à faire soit pour la renvoyer, soit pour la retenir.

Les raisons pour lesquelles il semble qu’il la faut encore supporter, c’est, premièrement, que c’est aux personnes spirituelles à supporter les infirmités de ceux qui sont imparfaits ; et entre les personnes spirituelles, aux sœurs de supporter leurs sœurs.

Deuxièmement, c’est qu’il n’y a point de Compagnie où il n’y ait quelque chose à supporter. Dans celle de Notre-Seigneur même, il s’est trouvé des défauts à supporter ; non seulement le malheureux Judas, mais les autres encore faisaient des fautes ; et saint Pierre, après les protestations de fidélité qu’il avait faites, renia son bon Maître. Voilà donc ce qui nous oblige à souffrir encore d’elle, pource qu’il n’y a point de lieu si saint où il n’y ait toujours quelque rabat-joie.

Troisièmement, vous perdriez le mérite que vous auriez à la supporter et à souffrir les peines qu’elle vous donne, qui peut-être sont grandes. En quatrième lieu, cela pourrait faire peine aux sœurs, voyant que l’on met dehors une fille qui a été si longtemps dans la Compagnie. A cela on pourra dire que son humeur est incompatible et qu’elle a des défauts qu’on ne peut pas souffrir ; qu’on l’a supportée quatorze ans, espérant toujours qu’elle se corrigerait. Mais cela n’empêchera pas que l’on ne dise : "Si on l’a gardée tant de temps avec ses défauts, comment ne la supporte-t-on encore ?"

 

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Voilà les raisons pour lesquelles il semble que nous devons encore la supporter dans ses imperfections pour tâcher de lui profiter.

Contre cela, il y a la maxime qui doit être gardée inviolablement, de tenir la Compagnie nette des personnes qui font scandale. Oh ! il ne se peut qu’elle ne donne grand scandale aux enfants qui voient comment elle se comporte, et aux sœurs qui sont là ; et il est à craindre qu’elles ne prennent liberté, ou les enfants, de faire comme elle, de se donner au cœur joie et de dire : "Voilà une telle à laquelle on souffre tout, sans lui rien dire. Pourquoi ne ferions-nous pas de même ? S’il y avait du mal, on ne le souffrirait pas."

Après, c’est qu’il n’y a rien à espérer de cet esprit. Si en quatorze ou quinze ans on a fait ce qu’on a pu pour la corriger et qu’après cela on n’a rien gagné, il n’y a pas sujet de croire qu’elle change. S’il n’y avait que six mois qu’elle fût dans la maison, ou que ce fût une jeune personne, passe ; mais à l’âge qu’elle a et après un si long temps, il n’y a apparence qu’elle change.

De plus, si nous la laissons en la Compagnie, cela donnera sujet de dire que l’on n’a guère de soin d’y maintenir la discipline, puisqu’on y souffre telle personne, ou que, si en quatorze ans on n’a pu corriger ses défauts, il faut que ceux qui gouvernent cette Compagnie-là n’aient pas grand soin de la perfection des personnes qui sont sous leur conduite. Voilà ce que l’on dira- au dehors

De plus, les bonnes âmes qui aiment bien leurs règles et qui voient des personnes n’en tenir compte, oh ! cela leur fait beaucoup de peine.

Voilà les raisons pour lesquelles il est à croire qu’il ne La faut pas supporter davantage. Et en dernier lieu, c’est qu’elle ne fait point son salut ; elle ne le peut point

 

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pour tout, vivant de la manière qu’elle vit. Peut-être que, quand elle sera dehors, la peine qu’elle aura l’y fera penser davantage. "La vexation, dit l’Ecriture, don de l’entendement." Quand elle se verra dans la misère, sujette aux autres, si elle se met en service, comme il est fort à croire, n’ayant pas de parents, cela lui fera connaître son défaut et se corriger.

Les avis de tous furent de la renvoyer, pour les raisons susdites.

Reste à voir, dit notre très honoré Père, comme il s’y faut prendre Mademoiselle dit :

Mon Père, je crois qu’il serait nécessaire que votre charité prît la peine de lui parler.

— Je le ferai, Dieu aidant. Vous me la ferez venir, Mademoiselle.

Le temps pressant, il ne fut parlé d’autre chose.

 

178. — CONSEIL DU 21 JUILLET 1657

Monsieur Vincent, notre très honoré Père, fit assembler les sœurs anciennes pour la délibération qu’il avait à faire pour remédier aux peines que nos sœurs avaient à Chars, au sujet de leur conduite spirituelle et manière d’agir au service des pauvres et instruction des enfants, qui différait de beaucoup de leur conduite ordinaire et faisait craindre pour l’avenir quelque mauvais succès.

Sa charité dit : Il s’agit ici de résoudre ce que nous avons à faire pour retirer nos sœurs de Chars, qui souffrent, il y a longtemps, plusieurs contradictions, pour quelque différend

Document 176. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit en partie par sœur Mathurine Guérin.

 

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entre Monsieur le curé et le confesseur qu’elles avaient, approuvé de lui comme son vicaire.

La première raison pour, c’est que depuis qu’elles sont là, on a toujours eu beaucoup de peine à les changer, comme il convient faire de temps en temps selon la coutume de la Compagnie. Une autre raison est la crainte que l’on doit avoir de ces nouvelles opinions, à cause du trouble que cela met dans les esprits. Ce bon curé ne veut pas que nos sœurs se confessent que de huit jours en huit jours, quoiqu’elles communient plus souvent quand il arrive des fêtes, et l’avent et le carême, où vous avez coutume de communier et de vous confesser. Or, c’est l’opinion de tous ces messieurs qui enseignent cette nouvelle doctrine, qui est fort dangereuse et contraire à ce que le Saint-Esprit a fait, marqué dans l’Ecriture Sainte : "Encore que vos péchés vous soient pardonnés, ne soyez pas sans crainte." Ils veulent qu’il soit inutile de se confesser des péchés qui sont déjà pardonnés par la confession bien faite ; cela contre ce que dit David pour les péchés passés : "Amplius lava me ab iniquitate mea (1) ; Seigneur, lavez-moi encore de mon iniquité." Or, David savait bien que Dieu l’avait pardonné ; car le prophète l’en avait assuré, et cependant il demande à être lavé derechef.

Saint Thomas d’Aquin, parlant du sacrement de pénitence, dit que la matière prochaine pour recevoir l’absolution, c’est l’accusation et la contrition d’avoir offensé Dieu.

Or, parce qu’ils estiment que les péchés des Filles de la Charité ne sont que véniels, ils n’approuvent pas qu’elles se confessent si souvent. Contre cette opinion le saint concile de Trente dit qu’encore qu’il n’y ait d’obligation que de confesser les péchés mortels, néanmoins

1). Psaume L, 4.

 

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il conseille de se confesser des véniels pour plus grande pureté.

Une troisième raison, c’est la conduite de Monsieur le curé sur les écolières, ayant voulu faire donner le fouet en sa présence à une écolière.

Voila les raisons pour le rappel ; voyons celles qui sont contre

La première est que nous avons sujet de croire que cet établissement a été fait par l’ordre de la Providence et et que, cela étant, il importe grandement de ne le pas détruire, sans qu’il paraisse que ce soit par ce même ordre.

Une autre raison est que, comme c’est Madame la présidente de Herse qui a procuré cet établissement, il est à craindre qu’elle ne prenne sujet de se mécontenter de nous, surtout si cela se fait sans son su.

La troisième raison est la crainte du scandale, que le monde ne die que les Filles de la Charité se rendent fâcheuses et difficiles à contenter et qu’il n’y a point de sûreté d’en avoir.

Monsieur notre très honoré Père prenant les avis, quelqu’une dit que l’on avait toujours eu grande peine à maintenir là des sœurs, tantôt pour la crainte que celles qui avaient esprit et quelque disposition à écouter leurs maximes ne s’y attachassent, et que d’autres, moins capables et l’esprit plus grossier, n’eussent pas la discrétion de s’arrêter aux maximes de la Compagnie et aux avertissements qui leur étaient donnés en ce sujet, et que faute de cela, elles ne vinssent à causer quelque désordre, comme il est arrivé en cette dernière occasion ; ce qui a obligé à changer souvent.

Il fut dit, sur la seconde raison pour le rappel, que la seule considération et crainte de ces nouvelles opinions était de nous porter à rappeler nos sœurs, par respect et obligation que nous avions à maintenir l’autorité de

 

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l’Eglise Et cela serait à édification plutôt qu’à mauvais exemple.

Monsieur notre très honoré Père s’informa si quelqu’une avait peine de la conduite de monsieur le curé et ce que l’on en avait remarqué. A quoi il fut répondu succinctement sur plusieurs choses qui s’étaient passées, qui avaient beaucoup inquiété les paroissiens et auraient bien plus éclaté s’il n’y avait eu dans la paroisse un bon prêtre qui n’était point de son sentiment et en confessait la plus grande partie ; qu’à la vérité les premières années qu’il fut curé, comme c’est un homme naturellement bon, doux et facile, nos sœurs n’en étaient pas inquiétées et vivaient assez en repos jusques à ce que les Pères de l’Oratoire du faubourg Saint-Jacques, auxquels monsieur le curé était attaché, en voulurent prendre la conduite et en envoyèrent un d’entr’eux, qui la prit entièrement ; et ils donnèrent ensemble bien de l’exercice à nos sœurs, voulant prendre autorité absolue sur leur conduite, disant qu’elles n’avaient qu’à obéir à monsieur leur curé ; et ainsi les troublant tantôt par maxime de conscience, tantôt par la manière de faire leurs vrais exercices, jusques-là de vouloir entrer dans leur chambre et s’y tenir tant qu’il leur plaisait.

Et un jour, comme quelques-unes de nos sœurs s’attachaient fortement aux maximes de la Compagnie pour ce sujet, ils firent telle violence que cela éclata jusque dans les rues ; de sorte qu’encore qu’il pût y avoir de la faute de nos sœurs par quelque sorte d’indiscrétion, le monde ne laissa pas de blâmer les ecclésiastiques. Ce qui provoqua cesdits messieurs à faire plainte et nos sœurs à désirer leur retour de ce lieu.

— Voilà, dit notre très honoré Père, un zèle indiscret, quoiqu’ils pensent bien faire. Je crois que, tant que ces ecclésiastiques seront là, il ne faut pas espérer autre

 

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chose, et il est à craindre qu’ils ne gagnent quelques-unes de nos sœurs, leur persuadant leurs opinions. C’est pourquoi il se faut disposer à quitter ce lieu (2).

 

179. — CONSEIL DU 29 FÉVRIER 1658

Le 29e jour de février 1658, Monsieur notre très honoré Père nous fit la charité de nous f aire assembler, savoir Monsieur Portail, nos trois sœurs officières qui étaient en charge, après avoir su de lui que pour l’ordinaire cela suffisait, et non d’y appeler les nouvelles (1) sorties de charge, ni les anciennes, sinon pour les choses extraordinaires et lorsque le Général de la Compagnie le jugera nécessaire.

La première chose que nous dîmes fut de rendre compte, sans en avoir demandé congé, des pensées que Dieu nous avait données sur la grâce que sa bonté nous avait faite de préserver Monsieur notre très honoré Père d’un grave accident par la chute de son carrosse, dont il ne pouvait pas sortir à moins que d’être fort blessé. Nous racontâmes donc que toute notre petite Compagnie s’était servie de ce moyen pour nous faire connaître que nous n’avions pas bien usé des grâces que Dieu avait faites à la Compagnie par sa charitable conduite, par ses admirables soins, par les avertissements de nos obligations tant de fois avec un support et douceur très admirable ; et quoique nous ne spécifiâmes pas les choses si en particulier, nous fûmes contraintes de nous taire, après avoir dit néanmoins que nous avions toutes résolu, moyennant la grâce de Dieu, de faire plus d’attention sur notre bonheur d’écouter sa parole comme parole de

2. Le manuscrit ajoute ici : "ce qui fut exécuté bientôt après, et nos sœurs furent rappelées."

Document 179. — Arch. des Filles de la Charité, dossier Ecrits autographes. Le document est de la main de Louise de Marillac

1). Peut-être Louise de Marillac a-t-elle voulu écrire "les offcières".

XIII. — 47

 

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Dieu, qui nous signifiait ses volontés, et d’être plus fidèles à la pratique.

La grande humilité de Monsieur notre très honoré Père tout surpris commença à nous dire à son ordinaire des paroles de très grand mépris de lui-même. "Moi, misérable pécheur, je ne fais que tout gâter. S’il y a eu quelque défaut en la Compagnie, j’en ai été cause." Et rentrant très fort en lui-même, son silence et recueillement nous fit bien connaître que nous lui avions donné confusion. Mais son support l’empêcha à son ordinaire de nous en reprendre.

Et ensuite, poussées par les sentiments de nos obligations, nous ajoutâmes que l’épître de la fête nous avait bien appris les obligations que les Compagnies ont d’écouter leur instituteur et de se servir de leurs avertissements, ainsi que les apôtres avaient fait tant que Notre-Seigneur fut avec eux ; et que, lorsqu’ils ne l’avaient plus, quand il fut question de remplir la place de Judas, ils ne voulurent rien faire d’eux-mêmes. Mais, comme ils avaient vu leur Maître avoir toujours eu recours à la prière, ils firent le semblable. Et comme Notre-Seigneur avait fait connaître n’être pas venu pour détruire la loi de Moïse, mais pour l’accomplir, ainsi firent-ils, trouvant dedans les prophéties qu’il devait y avoir un autre pour remplir la place de Judas. Je supplie Notre-Seigneur faire la grâce à toute la Compagnie, que notre très honoré instituteur a établie par la volonté de Dieu, d’être dans une pareille exactitude.

La première proposition que nous fîmes fut l’irrésolution en laquelle nous étions de renvoyer une fille qui nous était venue de Troyes, par la recommandation qu’une bonne religieuse en avait faite, ou de lui donner l’habit des sœurs. Les raisons pour le renvoi furent que, dès son arrive, elle avait fait connaître une grande légèreté en son esprit, une grande curiosité de savoir

 

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toute chose, peu de disposition à la soumission et plutôt obstination et plusieurs autres petites habitudes contraires aux maximes de la Compagnie. De raisons pour la retenir il n’en paraissait point d’autre que celles qu’elle était de connaissance, qu’il ne paraissait point en elle de dangereuses habitudes, que avec la légèreté il y avait beaucoup de simplicité et que ! peut-être après beaucoup d’avertissements elle se pourrait former.

Monsieur notre très honoré Père dit :

Mes sœurs, avant passer plus outre, je vous veux avertir de la nécessité qu’il y a de ne point recevoir dans les Compagnies que les personnes qui aient vocation ; autrement, ces Compagnies ne pourraient subsister. Et comment y pourrait faire bien une personne qui n’y serait pas appelée de Dieu ? C’est pourquoi il faut principalement faire attention pour bien reconnaître leur vocation. Ce n’est pas que toutes les vocations soient semblables. Dieu se sert de diverses manières pour appeler à son service ; quelquefois même des afflictions et dégoûts du monde font envie de le quitter. Et quand avec cela les dispositions s’y trouvent, c’est une bonne marque d’une vraie vocation.

D’autres sont appelés d’une manière plus pure, regardant seulement le désir de servir Dieu et le moyen de faire leur salut. Cette vocation est plus apparente ; mais elle ne laisse pas quelquefois d’être exercée. Et quoique ces vocations soient différentes, néanmoins Dieu en tire sa gloire, les rendant vraies vocations. Mais, quand le seul intérêt les amène et que les filles cherchent seulement leur sûreté, il est bien difficile qu’elles réussissent. Ce sont toujours des esprits vacillants, irrésolus et qui enfin ne réussissent pas. C’est pourquoi, mes chères sœurs, il est de très grande importance ! d’essayer et même de l’éprouver.

Dites donc, ma sœur, que vous semble de cette bonne

 

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fille ? dit Monsieur notre très honoré Père à celle qui devait opiner la première.

— Monsieur, il me semble que tout ce qui a été dit de sa disposition paraît véritable ; ma s peut-être, étant avertie, pourra-t-elle se former, étant fort jeune.

— Mais encore, ma sœur, vous semble-t-il que l’on la doive garder ? Notre sœur, n’ayant point encore été appelée au conseil, dit : Monsieur, je ne suis pas capable d’en juger ; ce sera ce qu’il plaira à votre charité.

— C’est peut-être, ma sœur, que vous serez bien aise d’entendre le sentiment des autres ; et quand vous. aurez vu, il faut opiner librement et dire : "Il me semble que, pour les raisons que l’on a dites", ou d’autres, s’il en vient à l’esprit, "elle n’est pas propre", ou "elle y fera bien".

Et vous, ma sœur, que vous en semble ?

— Mon Père, elle a tant d’éloignement des dispositions d’esprit que les Filles de la Charité doivent avoir que je ne crois pas que jamais elle puisse réussir. Cela me fait dire que nous ne devons pas la garder davantage.

— Et vous, ma sœur ?

— Monsieur, je trouve véritable tout ce qui a été remarqué de cette bonne fille ; c’est un esprit qui ne se soucie point de tout ce que l’on lui dit et ne laisse de faire ce qu’elle veut ; ce qui me fait croire qu’il n’y a point d’espérance qu’elle change, et ainsi qu’il la faudrait renvoyer.

— Et vous, Mademoiselle, que vous en semble ?

— Mon Père, l’importance que votre charité nous a fait voir d’essayer de n’admettre aucune fille en la Compagnie, la connaissance que nous avons pu avoir et que nos sœurs nous en ont donnée, jointe au peu de solide raisonnement qui paraît en cette fille me fait croire que,

 

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quand bien l’on en essaierait davantage, cela ne lui apporterait aucun changement. Ce n’est pas qu’elle ne soit bien bonne fille. Elle parait de douce humeur. Néanmoins je ne la crois nullement appelée en la Compagnie, ni qu’elle puisse y être propre, parce qu’elle ne paraît pas de raisonnement assez puissant pour se défaire de ses habitudes et inclinations

— Et vous, Monsieur Portail ?

— Monsieur, je ne pense pas la connaître. Mais par le rapport de nos sœurs je crois que le plus tôt que l’on pourra la renvoyer sera le mieux.

— Je suis de vos avis, mes chères sœurs, tant parce que la vocation n’y paraît pas, que pour cette disposition que vous avez remarquée à la légèreté. Il est impossible de faire de bons fondements sur le sable ; et c’est ce que Notre-Seigneur enseigne, et c’est ce que tout le monde pratique Si l’on veut faire un bon édifice, l’on cherche la fermeté ; autrement, quelque bâtiment que l’on pourrait faire tomberait bientôt en ruine, et il en est ainsi pour l’édifice spirituel. Si un esprit est léger, il n’y a point de fermeté en ses résolutions. Ils sont toujours vacillants ; tantôt ils veulent une chose, puis une autre, et ainsi il n’y a aucune assurance. Et vous ferez bien de la renvoyer au plus tôt. Et il est bien nécessaire, mes sœurs, de prendre garde de quelle sorte sont les esprits que l’on admet à la Compagnie, pour ne la charger mal à propos.

— Nous avons encore une jeune fille de Montmirail, qui est venue si petite et l’esprit si enfant, que nous n’avons pas jugé, mon Père, qu’il fût à propos de lui donner l’habit simple des Filles de la Charité, comme aussi il n’y paraissait aucune vocation. Et depuis qu’elle y est, nous avons su que son père, qui est veuf, l’avait contrainte de venir. Elle a esprit, paraît se plaire à la maison ; mais c’est encore une enfant et s’amuse tant

 

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qu’elle peut à jouer, se plaît à cajoler avec les sœurs, auxquelles elle fait plusieurs contes et même des rapports qui ont fait peine à quelques-unes, et leur a causé en partie inquiétude sur leur vocation. Et il me semble que difficilement changera-t-elle à la maison, ne paraissant pas de sentiment pour cela.

Monsieur notre très honoré Père, après s’être bien informé du temps que nous l’actions, de son père et ses parents, voulant recueillir les voix, notre sœur qui devait parler la première, dit : "Monsieur, ce que Mademoiselle Le Gras a dit paraît véritable."

Dans la pensée que cette bonne sœur, qui avait peu assisté aux conseils, voulait suivre les opinions de celle qui tenait place de supérieure, celle-ci l’interrompit et dit : "Ma sœur, c’est, s’il vous plaît, ce que vous avez remarqué et ce que vous pensez." Et s’adressant à Monsieur notre très honoré Père, elle lui dit : "Il m’est venu en l’esprit que nos sœurs pourraient se feindre à dire franchement leur opinion, pensant qu’il faut toujours s’incliner à celle des supérieurs."

Et ce cher Père, prenant la parole, dit :

O mes chères sœurs, il n’en est pas ainsi ; et ce que Mademoiselle Le Gras vous dit, c’est pour vous faire entendre que son intention est que vous ayez liberté de dire vos pensées et suivre l’inspiration que Notre-Seigneur vous donnera sur les sujets proposés, sans avoir aucun égard à ce que vous pourrez penser qu’elle inclinerait. Autrement, ce ne serait pas conseil dont les personnes sont assemblées au nom de Notre-Seigneur. Et c’est pour cela que l’on établit des officières dans les Compagnies. Et Dieu leur donne grâce pour aider de leur conseil à conduire la communauté. C’est pourquoi, dans les besoins, vous êtes obligées à dire avec grande simplicité vos avis, encore même qu’ils ne fussent pas

 

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toujours suivis ; car cela peut arriver pour des raisons que quelquefois l’on peut dire, et d’autres fois il n’est pas expédient.

 

180. — CONSEIL DU 9 FEVRIER 1659

Le dimanche 9 février 1659, se fit la petite assemblée à Saint-Lazare, où il fut traité de trois choses : la première, d’une sœur qui demandait avis sur ce que ses frères demandaient qu’elle leur donnât une maison tenante à la leur, qui lui appartenait ; la deuxième, ce que l’on avait à faire pour une sœur nouvelle à la Compagnie, qui était fort infirme ; et la troisième, de la manière d’instruire les personnes qui se présentent pour cela.

Monsieur Vincent, ayant été informé de Mademoiselle Le Gras que la sœur de qui les frères demandaient la maison remettait cela à leur volonté, et que, comme elle ne s’entendait pas aux affaires, elle demandait comment elle en devait user, sa charité dit :

Il s’agit donc de savoir si notre sœur doit donner cette maison, et, au cas qu’elle la donne, si elle la doit donner entre vifs, ou par testament, pource qu’il y a cette différence que donner entre vifs on n’y peut plus rentrer ; on a beau être en nécessité et avoir recours à la justice, jamais on ne peut jouir de ce qui a été donné de cette sorte. Mais, quand c’est par testament, il n’en va pas de même ; on n’est pas obligé de le tenir pendant la vie, si on ne veut.

Les sœurs furent toutes d’avis que la sœur ne devait point donner son bien à ses frères en façon quelconque pour ces raisons : premièrement, qu’il y avait peu qu’elle était en la Compagnie ; deuxièmement, qu’il paraissait

Document 180. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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quelque légèreté en son esprit, qui pouvait faire douter de sa fermeté ; et que, si elle venait à sortir, elle serait bien aise de trouver cela.

Mademoiselle Le Gras fut de même avis, pour les raisons que dessus, ajoutant qu’elle ne savait pas si nous la pourrions garder, étant venue infirme en la Compagnie et ayant quelques peines pour lesquelles il la faudrait peut-être rappeler du lieu où elle était, à la maison.

Monsieur Portail dit qu’il n’était pas à propos que les Filles de la Charité donnassent leur bien, pource que ce n’est pas comme des filles qui vont en religion et font vœu perpétuel.

Monsieur Vincent dit qu’il était de même avis et qu’il fallait tenir pour maxime en la Compagnie de ne jamais conseiller aux filles de se défaire de leur bien, pour plusieurs inconvénients, et qu’après la mort de la fille la maison demeurerait, et ainsi ils ne perdraient rien.

Pour la sœur infirme, Mademoiselle dit que c’était une personne sans bruit, douce d’humeur et qui avait, ce semblait, de bonnes qualités pour être Fille de la Charité, si la force de son corps y correspondait, mais qu’elle était fort infirme, de sorte qu’elle ne faisait pas ses règles et disait ne le pouvoir, quand on lui disait qu’il se fallait un peu efforcer afin d’éprouver ses forces, et que, si elle était toujours comme cela, elle n’était pas propre à la Compagnie. Elle donnait pour excuse que l’on lui avait dit qu’on ne mettait point les filles infirmes dehors.

Monsieur Vincent ayant demandé les avis, tous furent pour le renvoi, pour les raisons suivantes : premièrement, qu’elle était venue infirme en la Compagnie et qu’elle l’avait presque toujours été en son pays, ce qu’une sienne compagne qui demeurait avec elle devant que de venir confirmait ; deuxièmement, qu’elle-même

 

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voyait bien n’avoir pas assez de forces pour flaire les fonctions d’une Fille de la Charité et avait dit qu’elle s’en retournerait sitôt qu’elle aurait repris un peu ses forces.

Monsieur notre très honoré Père dit :

Je suis de votre avis ; et puisqu’elle est disposée à s’en retourner, je crois que c’est faire un acte de piété de la renvoyer. Peut-être que l’air de son pays la pourra guérir Quant à ce qu’elle dit, que l’on ne renvoie pas les infirmes, cela doit s’entendre de celles qui sont devenues infirmes après avoir consumé leurs forces au service des pauvres, mais non pas de celles qui l’étaient avant que de venir.

Sur la proposition que Mademoiselle fit à Monsieur Vincent pour l’instruction des grandes filles et même des femmes, lui remarquant quelque occasion que la Providence avait donnée pour cela, sa charité approuva ce zèle et dit qu’il fallait non seulement leur enseigner les points de doctrine, mais encore les bonnes mœurs et les devoirs d’un bon chrétien.

Voici ses propres termes :

Il faut leur apprendre comme ils doivent commencer la journée. En s’habillant, demander à Dieu qu’il nous revête de la robe d’innocence ; étant levés, comme ils doivent se recommander à Notre-Seigneur et lui offrir leurs actions ; comme quoi ils doivent prendre leur repas ; comme quoi un enfant se doit comporter vers son père et le père vers ses enfants, la femme vers son mari et pareillement le mari vers sa femme ; comme quoi un voisin se doit comporter avec son voisin ; et ainsi de toutes les autres choses qui regardent les mœurs : leur enseigner comme ils doivent passer les fêtes et dimanches, comme quoi ils doivent entendre la sainte messe avec attention et dévotion, comme il faut entendre le sermon.

 

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Ici nous avons remarqué qu’une des maximes de notre très honoré Père est de louer et d’estimer beaucoup les pratiques des autres, disant que les Filles de la Croix avaient grande bénédiction de Dieu pour l’instruction et qu’il serait bon de savoir comme elles font. D’y aller, dit sa charité, il n’est pas à propos, mais on pourra s’en informer de quelques dames qui y auront été, comme de Madame de Mirepoix, sœur de Monsieur de Pamiers.

 

181. — CONSEIL DU 23 MARS 1659

Le 23e jour de mars 1659 se fit la petite assemblée, où Monsieur Vincent, notre très honoré Père, dit nous avoir mandées pour aviser ensemble ce que nous avions à répondre à nos sœurs de Pologne.

— Il s’agit d’une chose fort importante et qui ne s’est point encore vue : c’est, mes sœurs, que la reine veut avoir notre sœur Marguerite Moreau auprès d’elle pour s’en servir dans les offices de charité qu’elle fait faire. Monsieur [Desdames] m’en a écrit et me mande qu’il semble à propos que toutes trois se servent de mouchoir, et de coiffes pour deux raisons : l’une de nécessité et l’autre de bienséance, pource qu’à l’hiver le froid y est fort grand, et les chaleurs y sont extrêmes en été, de sorte que, pour la santé, il semble être nécessaire de leur permettre d’avoir la tête et le col plus couverts que si elles étaient ici. L’autre, c’est que toutes les femmes et les filles de ce pays n’ont point le col découvert. Elles ont certaine chose qui leur vient entourer le col, et il n’y a que nos sœurs que l’on voie de la sorte. Or, pour résoudre ceci, il faut le réduire à plusieurs questions.

Document 181. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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Premièrement, il faut savoir s’il est à propos d’accorder à la reine ce qu’elle demande.

Pour ces raisons il semble que non. Premièrement, crainte d’exposer notre sœur au danger de perdre sa vocation. Que savons-nous si Dieu lui fera la même grâce que lorsqu’elle ne se put prendre qu’à les yeux (1), quand la reine lui fit une pareille proposition, tout au commencement qu’elles furent là ? Il est vrai que Sa Majesté, ayant vu la peine que cela lui faisait, ne lui en parla plus. Mais que sait-on si elle pourra conserver la grâce de sa vocation, si elle se voit parmi le grand monde ?

Après, le scandale que cela pourra causer à la Compagnie. Quoi ! voir une Fille de la Charité auprès d’une reine ! Que diront les autres ? Ce sera leur donner mauvais exemple. Ainsi, mes sœurs, il semble qu’il y a inconvénient à permettre ce qui n’a point encore été fait.

Contre ce que je viens de dire, il faut voir ce qui peut porter à donner cette satisfaction à la reine.

Premièrement, il semble que ce ne sera point rien faire qui contrarie à la profession des Filles de la Charité, et qu’au contraire cela n’est que donner un moyen d’exercer plus noblement votre vocation. C’est comme qui chercherait soixante sols en un écu blanc, qui n’est qu’une même chose. Mais l’écu blanc est d’une matière plus noble. Ainsi vous vous êtes données à Dieu pour servir] es pauvres. Il est à croire que la reine ne veut avoir notre sœur que pour continuer par son moyen les charités que la bonne Madame de Villers faisait par son ordre, qui lui était une grande consolation, et qu’elle ne voit personne en laquelle elle ait plus de confiance. Pour cela, il semble que l’on ne peut pas dénier cette satisfaction à la reine, vu aussi qu’étant absolue,

1). Allusion aux larmes que sœur Moreau avait versées.

 

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elle pourrait, si elle voulait, la prendre sans en demander notre avis ; et il serait à craindre qu’elle ne se fâchât si on ne condescendait à sa demande, puisqu’elle semble si pieuse, comme, en effet, elle l’est.

La deuxième raison pour laquelle il semble qu’il faille le faire, c’est que nous ne savons pas le dessein de Dieu et s’il ne se veut point servir de cette occasion pour employer la Compagnie d’une plus haute manière qu’il n’a pas encore fait. Si nous y résistons, qu’arrivera-t-il ? Que dira Dieu, si nous refusons de contribuer de notre part ? Il aura sujet de nous reprocher : "Allez ! vous êtes des ignorants, vous n’entendez point mes voies. Je me voulais servir de vous ; mais vous ne l’avez pas voulu." Il y a donc sujet de craindre que nous ne mettions obstacle aux desseins de Dieu sur la Compagnie.

Troisièmement, il semble qu’il faille respecter une règle que saint Ignace a donnée à tous les Jésuites, entre les autres qu’ils observent, qui porte qu’ils se doivent donner à Dieu, entrant à la Compagnie, pour être prêts de le servir en la manière qu’il leur fera connaître être plus avantageuse à sa gloire ; ce qui fait que sans difficulté ils changent d’habits, quand il est nécessaire ; comme, quand ils vont aux Indes et autres lieux où l’on ne souffre pas les chrétiens, ils s’habillent en courtisans. Or, selon cette règle, il semble qu’il est à propos de ne pas refuser cette occasion de servir Dieu, puisque l’habit ne fait pas le moine.

Reste à voir si nous devons accorder à la reine ce qu’elle désire.

Mademoiselle Le Gras proposa à notre très honoré Père de revoir la lettre de notre sœur, parce qu’il ne paraissait, en ce qu’elle contenait, autre chose sinon que la reine voulait que notredite sœur la suivît dans ses voyages.

Voici les propres termes qui sont couchés dans sa

 

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lettre : "J’a été bien surprise quand la reine m’a dit qu’elle voulait que je la suivisse quand elle ferait de grands voyages. Je n’ai su que répondre à Sa Majesté, sinon que je croyais qu’elle n’en ferait plus de si longs. Et néanmoins on parle d’en faire un d’environ cent lieues. Elle m’a fait dire par une personne qu’elle souhaiterait bien que je misse une coiffe et un mouchoir et qu’elle ferait ce qu’elle pourrait pour m’en faire mettre. Cette même personne m’a demandé si nous faisions des vœux ; ce qui me met en grande peine pour la crainte que j’ai que, changeant mon habit et étant engagée dans la cour, cela me fît perdre ma vocation. Que sais-je si Dieu, qui m’a fait la grâce de surmonter une fois les difficultés que j’ai eues au sortir du monde, m’en fera une pareille ? S’il était à mon choix, j’aimerais beaucoup mieux que Dieu permît qu’il me vînt une grande maladie, plutôt que de me mettre en ce danger. Néanmoins je vous prie d’en communiquer avec Monsieur Vincent, espérant que l’obéissance, à laquelle je me soumets, me servira de force."

Il y avait dans cette lettre deux petits morceaux de camelotine ; et elle nous mandait que la reine, dès l’été passé, leur proposait de s’en revêtir à cause des grandes chaleurs.

Et la grande charité de Monsieur notre très honoré Père, voulant recueillir les voix, dit :

Voyons donc, mes sœurs, vos avis. Il est question, ma sœur, de savoir si on accordera à la reine qu’elle la suive, soit pour ses voyages, ou qu’elle la veuille toujours auprès d’elle. Que vous en semble, ma sœur ?

Notre sœur eut peine à répondre, ne pouvant comprendre comme elle demeurerait Fille de la Charité, demeurant dans le monde. Monsieur Vincent répliqua : Cela n’est pas sans exemple en votre Compagnie. La

 

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reine de France en a demandé pour l’aller trouver en divers endroits, et Dieu a donné bénédiction à la charité qu’elles ont eue pour les pauvres auxquels elles ont servi.

A quoi notre sceur acquiesça, pourvu que ce ne fût que pour les voyages.

Et notre très honoré Père continuant à prendre les voix, après quelques répliques de quelques-unes, elles acquiescèrent à ce que notre sceur obéirait à la reine pour ses voyages. A quoi Mademoiselle Le Gras ajouta que, selon les raisons que Monsieur notre très honoré Père avait alléguées, on ne pouvait pas refuser à Sa Majesté ce qu’elle désirait, considéré aussi que, le pouvant par son autorité, ce lui est une grande vertu d’en faire la proposition, particulièrement en ce qui regardait le voyage. A quoi il semblait que l’on se dût arrêter, puisque, jusques à présent, nos sœurs ne parlaient point d’un plus long séjour, quoiqu’il soit bien à craindre que la reine en veuille venir là, n’ayant en sa cour guère de personnes françaises qui puissent satisfaire son esprit à la place de défunte Madame de Villers.

Monsieur Vincent, continuant, dit :

Et pour cette coiffe et ce mouchoir, mes chères sœurs, qu’est-ce que c’est ?

A quoi il fut répondu que, sur les habits que l’on porte, cela était ridicule ; et sa charité se fit expliquer. Une sœur mit une coiffe sur sa tête et représenta comme on pouvait mettre le mouchoir par-dessous, et qu’ainsi cela accommodait pour le froid ; et pour la modestie, que, au lieu de coiffe, on pouvait mettre une cornette de linge pour le même effet.

Et pour les petits morceaux de camelotine, il fut résolu que l’on manderait que cela n’était point propre du tout et que les personnes les plus du monde s’en vêtaient ici, que l’on pourrait envoyer un échantillon

 

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d’étoffe plus légère que celle que l’on porte d’ordinaire, mais de même façon.

Dieu soit béni !

 

182. — CONSEIL DU 25 AVRIL 1659

Mademoiselle Le Gras parlant à Monsieur notre très honoré Père de la réception de quelque sceur sortie de la Compagnie, qui pressait pour y rentrer, après que sa charité eut entendu le sujet de sa sortie et la qualité de son esprit, qui était rude et indifférent, ce semblait, pour la pratique du bien, même pour les répréhensions de ses fautes, voici ce qu’il dit :

Mes sœurs, une des choses que vous devez remarquer et tenir pour maxime dans la Compagnie est qu’il paraisse douceur et humilité dans les filles que vous recevez ; je dis même naturelle ; car c’est une grâce, quoique dans la nature ; et vous devez tenir cela comme des dispositions nécessaires pour être Filles de la Charité, qui doivent tellement être humbles qu’il n’y ait point de lieu assez bas pour elles, pource que, comme il n’y a point de Compagnie qui soit plus recherchée que la vôtre, aussi n’y a-t-il personne plus obligée à pratiquer la vertu que les Filles de la Charité. Monseigneur de Narbonne (1) presse fort pour en avoir. Mademoiselle, à cette heure qu’il est devenu archevêque, il ne vous donnera point de trêve ; car, cornme il en avait demandé pour [Agde (2)], il prétendra devoir être préféré.

Laus Deo !

Document 182. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

1). François Fouquet.

2). Texte de l’original : Arles

 

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183. — CONSEIL DU 31 JUILLET 1658

Le 31e jour de juillet 1659 se traita à la petite assemblée de la réception de deux filles de Serqueux, l’une âgée d’environ 30 ans, et l’autre de 16 et quelques mois.

Mademoiselle Le Gras dit à Monsieur Vincent les qualités de l’une et de l’autre, et puis on les fit venir pour que sa charité les vît. La première était fort infirme depuis l’âge de douze ou treize ans qu’elle avait eu une fluxion à la cuisse, qui l’empêchait de se mettre à genoux que sur un pied et un genou. Son père avait premièrement proposé de la recevoir sur le lieu avec nos sœurs pour faire l’école, et promettait de lui donner, sa vie durant, cinquante livres de rente. Pour la plus jeune, il ne paraissait point de difficulté ; elle était de parents riches et était assez forte pour son âge.

Monsieur Vincent réduisit cela à deux questions, savoir si on recevrait la fille infirme en la Compagnie, ou si on la recevrait en qualité de pensionnaire. Ayant demandé les avis, ceux des sœurs furent qu’elle n’était nullement propre pour la Compagnie, vu ses infirmités ; qu’elle aurait souvent besoin d’une sœur pour la soulager et que tout ce qu’elle pouvait faire était l’école, parce qu’elle savait lire et écrire ; que si Monsieur notre très honoré Père jugeait à propos de la recevoir comme pensionnaire, ce serait charité, mais qu’il était à craindre qu’étant toujours avec nos sœurs, l’humeur de quelqu’une ne lui fit peine et que cela ne l’obligeât à témoigner au dehors les petits différends qu’elles pourraient avoir ; ce qui serait à mauvais exemple.

Mademoiselle dit que la fille appartenait à un des principaux de Serqueux, qui aimait beaucoup nos

Document 183. — Dossier des Filles de la Charité, original, écriture de sœur Guérin.

 

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sœurs. Et comme elles avaient besoin de quelqu’un qui les soutînt en ce lieu, il semblait qu’on dût avoir égard à cela ; que la fille était fort bonne fille et d’humeur douce ; que ce seralit grande charité si on pouvait faire quelque chose pour elle, parce qu’elle n’avait plus que son père, qui était sur le point de rompre son ménage, et qu’elle pourrait être reçue comme pensionnaire et serait propre pour instruire les enfants ; mais qu’il y avait déjà une troisième sœur en ce lieu-là fort infirme.

L’avis de Monsieur Portail fut qu’on la pourrait laisser un an avec nos sœurs pour en essayer et qu’on verrait après ce temps-là.

Celui de Monsieur Vincent fut qu’il ne voyait point que cette fille fût propre en aucune façon ; que, Dieu lui ayant envoyé le mal qu’elle avait, il y avait sujet de croire qu’il ne l’appelait pas à la condition des Filles de la Charité, puisqu’elle n’avait pas les qualités nécessaires, et qu’elle ferait son salut vraisemblablement chez ses parents, étant pieuse oomme elle était ; que, quant à ce que l’on proposait, de la recevoir pensionnalre, on savait la difficulté que la Compagnie avait toujours faite de se charger de pensionnaires ; qu’il croyait qu’elle ferait bien de garder cette coutume et que, si on venait à se charger d’elle, elle empêcherait autant une pauvre sceur qu’elle lui apporterait de soulagement, et qu’il était à craindre que, se voyant toujours là, elle ne voulût trancher de l’ancienne et faire la loi aux autres que l’on enverrait de temps en temps en ce lieu-là, et il se mettrait de la discorde entr’elles et ferait que l’on aurait peine à fournir ce lieu. Pour à quoi obvier, sa charité résolut qu’on la renverrait.

Monsieur Vincent s’étant informé de la plus jeune. tous furent d’avis qu’il n’y avait point d’inconvénient d’en essayer. Mais Mademoiselle demanda que si, au cas qu’elle voulût demeurer, elle devait demander à ses

XIII. — 48

 

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parents plus que l’on ne donne d’ordinaire pour le premier habit, parce que c’étaient des gens fort riches, que, jusques à l’heure présente, on n’avait taxé personne à donner davantage que pour leur premier habit.

Monsieur Vincent, devant que de résoudre ce qu’il fallait faire, voulut savoir les sentiments de la Compagnie et demanda premièrement s’il était à propos de désirer qu’il entrât des perscnnes riches dans la Compagnie ; en second lieu, s’il arrivait qu’il y en entrât, s’il fallait souhaiter qu’elles y apportassent leur bien, alléguant que les religieuses portaient leur dot en religion. Secondement, que, ce bien étant à elles, il était juste qu’elles en jouissent, et qu’il n’y avait pas de maisons, non seulement religieuses, mais de communautés, qui prissent personne sans argent, et qu’en celles des hommes mêmes cela s’observait.

Toutes les voix s’accordèrent qu’il ne fallait point souhaiter qu’il entrât des personnes riches en la Compagnie et que les avis de Monsieur notre très honoré Père nous apprenaient cela.

Mademoiselle dit que jusques à cette heure ç’avait été la pratique de la Compagnie et que la Providence ne lui avait point encore manqué ; qu’elle croyait que, tandis que la Compagnie continuerait d’en user de la sorte, Dieu la bénirait.

Une des sœurs, ayant demandé permission de parler, dit que la charité qu’on faisait prenant les filles pour rien, était beaucoup louée du monde et qu’une personne de condition le lui avait témoigné encore depuis peu.

Monsieur Portail fut de meme avis, alléguant pour confirmation les paroles de Notre-Seigneur : "Cherchez premièrement le royaume de Dieu, etc….. "

Mais Monsieur notre très honoré Père, enchérissant par~dessus, fit paraître avoir grande consolation de

 

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voir que toute la Compagnie était de pareil sentiment, savoir de préférer la pauvreté aux richesses, les pauvres aux riches et la providence divine à la prudence humaine, disant que, comme il n’y avait eu que Jésus-Christ à faire cela, il fallait que ceux qui l’imitaient fussent animés de son esprit et qu’il fallait prier Dieu que tous ceux qui étaient en la Compagnie et qui seraient employés pour la gouverner ci-après, eussent cette sainte pratique en recommandation. Que si on en usait autrement, il était à craindre qu’il ne lui arrivât ce que saint François entendit une fois devoir arriver à son Ordre. Le diable lui dit : "François, tu te réjouis, mais un jour viendra que je renverserai ton Ordre ; je mettrai des hommes riches et savants parmi tes religieux, et par ce moyen je le ruinerai."

C’est l’exemple que Monsieur notre très honoré Père nous rapporta, pour nous faire voir que notre Compagnie devait craindre qu’il n’y entrât des personnes riches, ajoutant que ceux qui ont porté du bien semblent devoir être toujours préférés du commun ; que cela se voyait tous les jours parmi les religieuses ; que l’on disait : "Il faut tolérer un peu ; elle a beaucoup apporté" ; et qu’ainsi c’est un empêchement à l’uniformité qui doit être entre nous autres.

Il dit encore que, partout où il y a des personnes riches, ils veulent que toutes choses aillent noblement et que rien ne manque.

Sa charité loua beaucoup la bonne conduite de Mademoiselle Le Gras, disant qu’il ne savait pas de maisons de filles dans Paris qui fussent au point où il voyait la Compagnie, qui, par la grâce de Dieu et la vigilance de celle qui la conduisait, ne devait rien ou fort peu, quoique depuis peu elle eût fait bâtir une maison. Mais madite demoiselle, ne pouvant souffrir les louan-

 

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ges qui lui étaient données, renvoya toute la gloire à Dieu, disant qu’elle se sentait obligée de dire qu’elle n’avait rien contribué à cela et qu’elle ne savait comme il s’était trouvé de quoi fournir aux frais du bâtiment, parce qu’il avait été commencé sans avoir fait de fonds et que la Providence en avait pourvu de telle sorte que l’on ne s`en était pas presque aperçu.

Monsieur Vincent loua aussi en ce rencontre la charité des sœurs qui apportent le surplus de l’argent, épargnant ce qu’elles peuvent pour aider à nourrir leurs sœurs qui sont à la maison, disant qu’après Dieu et la bonne conduite de Mademoiselle Le Gras, c’étaient elles qui contribuaient beaucoup, ainsi qu’il le voyait par les comptes, à l’entretien de la Compagnie, et qu’il croyait que Dieu avait cela très agréable, que c’était un moyen par lequel elles se sanctifiaient et attiraient grande bénédiction de Dieu sur elles et sur la Compagnie.

Et voulant inculquer de plus en plus l’amour de la pauvreté et cet abandon à la Providence dans lequel la Compagnie avait toujours été dès son commencement, sa charité nous dit qu’une personne de condition, ie congratulant des bénédictions que Dieu répandait sur la Compagnie de la Mission, attribuait cela en partie à ce qu’il n’entrait pas beaucoup de personnes riches chez eux ; qu’en effet il ne savait point qu’il y en eût qui eussent apporté de l’argent, que deux ou troit dont un certain frère, qu’il nomma, en était un, qui avait apporté quatre ou cinq pistoles.

Après ce que dessus, Mademoiselle proposa à Monsieur Vincent ce qu’une sœur de la Compagnie, qui était aux champs, lui avait mandé au sujet de sa sœur compagne, laquelle elle devait envoyer ici après son retour d’un petit voyage qu’elle y avait fait il y avait quelques quatre ou cinq mois, pendant lesquels elle n’avait

 

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point récrit, que depuis environ un mois ou trois semaines, qu’elle avait mandé à Mademoiselle Le Gras que la dame qui les entretenait était sur le lieu et qu’elle avait prié que l’on ne changeât point ladite sœur ccmpagne, tant qu’elle serait là.

Monsieur Vincent réduisit cela à deux questions, savoir si la sœur servante avait bien fait de différer de renvoyer sa sœur, suivant le désir de la dame ; et en second lieu, s’il serait bon d’en user de même en pareil rencontre, disant pour raison qu’il semble que la prudence doit faire faire ainsi en ce rencontre, parce que la dame qui les a fait aller là et qui sera peut-être la fondatrice, doit avoir quelque préférence par-dessus les autres et que les fondateurs de tout temps avaient eu des privilèges, que l’Eglise même leur en avait accordé.

Ayant recueilli les voix, qui s’accordèrent toutes, que la sœur servante avalt manqué de n’avoir pas fait partlr sa sœur compagne, ainsi qu’il lui avait été ordonné dès lors qu’elle fut de retour, quoiqu’on la crût en quelque façon excusable pour la qualité de l’esprit de sa sœur, Monsieur notre très honoré Père dit aussi qu’elle avait tort ; qu’encore qu’elle eût trouvé quelque répugnance en sa compagne, elle la devait rendre capable d’obéir, et, en cas de refus, en donner avis à Mademoiselle Le Gras, et qu’une sœur de la Charité ne devait jamais différer à faire partir sa sœur sitôt qu’elle en avait l’ordre de ses supérieurs.

 

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184. — CONSEIL DU 27 NOVEMBRE 1659

Petite conférence du 27 novembre I659, où les sœurs anciennes étant assemblées, il fut traité s’il fallait recevoir à la Compagnie une fille qui y avait été envoyée, pour être instruite, par quelques personnes qui n’avaient pas grande connaissance d’elle. Elle témoignait avoir dessein d’y demeurer, ou bien de se mettre en condition.

Monsieur notre très honoré Père résolut qu’on la mettrait en condition, parce qu’il y a trop d’inconvénients à prendre en la Compagnie des filles, sans être assuré de leurs mœurs.

Il fut encore traité si l’on recevrait une fille qui se présentait. Après avoir demandé l’avis des personnes assemblées, Monsieur Vincent dit :

Mademoiselle, vous en ferez donc comme vous trouverez bon, puisqu’elle paraît être propre.

Une autre chose qui fut proposée, c’est s’il était à propos que les sœurs qui étaient à une petite paroisse de Paris et n’avaient guère de malades, en sorte que cela n’était pas capable de les occuper, s’il était convenable qu’elles s’employassent à blanchir le linge de la sacristie de leur paroisse, comme elles avaient déjà fait jusques à maintenant. Mais il avait été remarqué que cela donnait une trop grande familiarité avec les prêtres et avec leurs valets. C’est pourquoi nos supérieurs avaient jugé à propos de l’abolir.

Notre très honoré Père proposant la question, comment l’on y devait procéder, sa charité apporta des raisons contre :

Document 184. — Dossier des Filles de la Charité, original écrit de la main de sœur Barbe Bailly.

 

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La première raison, mes sœurs, pour ne point permettre de blanchir ainsi le linge, c’est que cela donne une trop grande communication entre les prêtres, ou leurs garçons, s’ils en ont. Une autre raison, c’est que pour l’ordinaire aux personnes qui blanchissent les grandes maisons, à moins que ce soient des personnes bien craignant Dieu, il en arrive de grands inconvénients. Il y hante des hommes de chambre. Cela n’est pas bien.

Mais contre cela : ce que nos sœurs blanchissent, c’est du linge de l’église et qui doit servir pour Dieu ; c’est pourquoi il semble que nos sœurs qui se sont dédiées à Dieu, s’y doivent employer. Une autre raison c’est que en cette petite paroisse, où elles n’ont guère à faire, il semble qu’elles le doivent faire.

Reste à voir en quelle manière elles s’y doivent comporter.

Puis sa charité s’adressant à nos sœurs :

Mes sœurs, comment fait-on aux champs ?

— Mon Père, on blanchit le linge des églises en plusieurs endroits.

— Ma sœur, les prêtres vont-ils chez nos sœurs ? En avez-vous connaissance ?

— Mon Père, depuis que votre charité a tant recommandé cela, je crois qu’ils n’y vont point.

Une autre sœur dit :

Mon Père, en un tel endroit nous blanchissions le linge, de l’église et les surplis et rabats des prêtres, avec la permission de Mademoiselle, à cause qu’ils étaient pauvres ; mais ils ne venaient point du tout chez nous ; nous le reportions à l’église le matin, ou nous le renvoyions par des écolières.

— Voilà qui est bien, ma fille. Voyons si l’on en pourra user en cette paroisse de cette manière.

 

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Et demandant l’avis de toutes les personnes présentes, ils se trouvèrent tous semblables.

Et enfin notre très honoré Père résolut que les sœurs de cette paroisse et de tous les lieux où il serait permis de blanchir le feraient en cette manière, à savoir de ne point prendre le linge des prêtres, mais seulement les corporaux et les purificatoires (1), et qu’on le prendrait sale à la porte de la sacristie, sans entrer dedans, le reportant tout de même le matin, en allant à la messe, et le rendant au sacristain à la porte de la sacristie.

1. Première rédaction : ce qui sert à l’église.

 

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CINQUIEME PARTIE

 

 

DOCUMENTS RELATIFS AUX DAMES DE LA CHARITÉ (1)

 

 

185. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LA VISITE DES MALADES

Entretien pour la charité envers les malades : l’importance de visiter les malades en personne ; la manière ; les moyens.

L’importance

[1.] L’on prive Notre-Seigneur de la gloire qu’il reçoit sur la terre de la visite des malades. Cette gloire consiste : 1° en l’obéissance qu’on lui rend ; 2° en ce qu’il fait voir sa bonté aux pauvres par la nôtre ; 3° en ce que les pauvres le connaissent et l’aiment mieux ensuite.

2. Vous vous privez : [1°] des avantages temporels, de la bénédiction sur vos biens ; 2° des grâces que Dieu donne dans la visite des malades ; 3° l’on se met en langer de perdre gloire. Dieu l’ôte également à ceux qui ont reçu quelque talent, comme à ceux qui ont péché mortellement

Document 185. — Doc. autog — Arch. de la Mission, original.

1). Par "Dames de la Charité" nous entendons exclusivement, dans cette cinquième partie, les dames de la confrérie de l’Hôtel-Dieu, qui s’occupaient aussi des enfants trouvés, des galériens, des provinces ruinées et d’autres œuvres importantes.

 

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3. L’on prive les pauvres de la consolation que l’on leur apporte en les visitant. L’on les prive de la connaissance de Dieu et de son amour qu’ils conçoivent par votre présence. Et il se peut faire qu’étant privés de la consolation que vous leur donneriez, qu’ils seront privés du paradis

La manière

1. C’est en les visitant dans l’esprit que vous désireriez qu’on vous visitât, si vous étiez en leur place.

2. En les visitant en la foi que vous visitez Notre-Seigneur, qui est l’esprit dans lequel saint Louis Visitait et servait les pauvres.

Les moyens

1. Il faut en demander la grâce à Dieu.

2. Se retirer de meilleure heure le soir auparavant et faire quelque bonne lecture.

3. Faire son oraison le matin sur le sujet de cette lecture ; entendre la messe ensuite.

4. Se tenir plus récolligée ce jour-là.

 

186. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES (1)

SUR LA PRÉPARATION DES MALADES DE L’HOTEL-DIEU

A LA CONFESSION GÉNÉRALE

(1636) (2)

Pour les dames de la Compagnie de la Charité de l’Hôtel-Dieu destinée pour disposer les pauvres fem-

Document 186. — Doc. autog. — Original chez M. le marquis de l’Aigle (12, rue d’Astorg, Paris).

1). L’assemblée de dames que saint Vincent présidait était, non une assemblée plénière, mais l’assemblée dite des quatorze.

2). Date de la nouvelle organisation que saint Vincent annonce dans cet entretien. (Voir Abelly, op. cit. L. I, chap. XXIX, p. 138)

 

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mes à faire une confession (3) de toute leur vie passée.

La Compagnie des dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu, desquelles vous êtes des plus ferventes, Mesdames, ayant été instituée pour assister les malades corporellemenet et spirituellement, et le premier s’étant accompli avec assez de bénédiction, par la grâce de Dieu ; il reste le second, qui est l’assistance spirituelle, qui consiste à procurer que ces pauvres gens fassent une confession générale de leur vie passée, afin, par ce moyen, d’aider à bien mourir ceux qui tendent à la mort, et à faire résolution de ne jamais plus offenser Dieu à ceux qui guérissent

Or, Mesdames, les officières ayant maintes fols pensé aux moyens de faire en sorte que toutes ces pauvres gens fassent leur confession générale, elles ont enfin avisé de députer treize ou quatorze des plus aisées et pieuses (4), afin de s’appliquer deux à deux chaque jour pour faire leur possible pour disposer les femmes malades seulement à la confession générale, pource qu’il a plu à Dieu de disposer quelques hommes de piété et de qualité pour travailler à l’entour des hommes et les porter à faire ladite confession générale. Or, c’est sur vous, Mesdames, que mesdames les officières ont jeté les yeux pour cela ; ains c’est vous que Dieu de toute éternité a élues pour cela. Oh ! bénies soyez-vous de ce que vous avez mérité par votre bonne vie que Dieu vous ait choisies pour les choses qu’il a fait faire de vous par mesdites dames pour cela. Disons un mot :

1° De l’excellence de cet emploi ;

2° Des motifs desquels vous devez vous servir pour induire ces pauvres gens à la confession générale ;

3° De la manière que vous devez vous comporter.

3. Première rédaction : confession générale.

4. Première rédaction : ferventes.

 

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1° L’excellence de cet exercice paraît en ce que vous devez servir d’instrument à Dieu pour lui faire rendre par la pénitence l’honneur que ces pauvres créatures lui ont tollé (5) par le péché ;

2° En ce que vous le rétablissez dans la souveraine possession de ces pauvres âmes par la pénitence, de laquelle ces pauvres créatures s’étaient ôtées et soumises à l’empire du diable par le péché ;

3° En ce que désormais toutes les pensées, les paroles et les œuvres de ces pauvres femmes honoreront Dieu là où auparavant elles honoraient le diable ;

4° En ce que vous réjouirez les anges et toute la cour céleste, qui se réjouit de la pénitence des pécheurs ; gaudent angeli super uno peccatore pœnitentiam agente (6) ;

5° En ce que vous ôtez ces pauvres âmes de l’enfer et leur redonnez le droit d’entrer en paradis ;

6° En ce que vous entrez dans l’exercice des veuves de la primitive Eglise (7), qui est d’avoir soin corporel des pauvres, comme elles avaient, et encore le spirituel des personnes de leur sexe, ainsi qu’elles avaient ; en quoi vous aurez comme une mainlevée de la défense qui vous est faite par saint Paul en la première aux Corinthiens, ch. 14 : Mulieres in ecclesiis taceant ; non enim permittitur eis loqui. Et puis il ajoute : Turpe est enim mulieres loqui in ecclesia (8), Et à la 1° ad Timoth., ch. 2 : Docere autem mulieri non permitto. Et ajoute la raison : Adam enim primus formatus est, deinde Eva, et : Adam non est seductus, mulier autem seducta in praevaricatione fuit. (9)

5) Tollé, enlevé,

6) Evangile de saint Luc XV, 10.

7) Première rédaction : de l’Evangile.

8) V. 34-35.

9) V. 12-14.

 

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Passons au second point, qui est des motifs qui vous doivent porter à faire votre possible afin que ces pauvres gens fassent leur confession générale, et qui vous serviront aussi pour porter ces pauvres gens à le faire :

1° De ce qu’on n’est pas assuré si les prêtres auxquels ils se sont confesses avaient le pouvoir du Pape, de l’évêque ou du curé de la paroisse de les confesser (10) ;

2° Pource qu’ils ne sont pas assurés s’ils avaient la science suffisante ;

3° Pource que quatre choses sont nécessaires pour faire comme il faut les confessions ordinaires, et que nous ne savons pas s’ils ont observé ces quatre choses-là, dont la première est l’examen de conscience, la seconde d’avoir regret d’avoir offensé Dieu.

Des motifs desquels vous devez vous servir pour porter ces pauvres gens à faire confession générale :

1° Qu’on se confesse à un prêtre qui ait ce pouvoir du Pape, de l’évêque, ou du curé du lieu ;

2° Qu’il faut se confesser à des confesseurs capables :

3° Qu’il faut examiner sa conscience avant que d’aller à confesse ;

4° Qu’il faut avoir regret d’avoir offensé Dieu ;

5° Qu’il faut dire tous ses péchés et n’en retenir pas un ;

6° Qu’il faut faire résolution de ne plus offenser Dieu, d’accomplir la pénitence, de fuir les occasions de pécher, de restituer.

Or, il leur faut dire si, quand ils se sont confessés, ils ont observé toutes choses. Elles répondront sans doute que non. Quel remède à cela leur faudra-t-il dire ? Le remède à cela, Mesdames, c’est la confession générale, en laquelle on confesse tous les péchés de la vie passée, soit que l’on les ait confessés, ou non.

10). Première rédaction : absoudre.

 

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Parlons maintenant de votre petit règlement selon lequel vous devez vous comporter

Du règlement des dames

I. Les dames destinées à ce saint œuvre se ressouviendront et repasseront souvent par l’esprit que la fin, ou, pour mieux dire, le dessein de Notre-Seigneur sur elles en ce bon œuvre est qu’elles disposent les pauvres femmes malades à faire une confession générale de toute leur vie passée, afin de mieux aider à bien mourir ceux qui tendront à la mort, et faire faire résolution de ne plus offenser Dieu à ceux qui guériront.

2. Elles seront quatorze en nombre, tant veuves que mariées, qui seront choisies par les officières de ladite Compagnie, sous la direction desquelles elles demeureront, et seront en cet emploi six mois durant, et d’au tant, si lesdites officières l’agréent et elles le peuvent faire commodément.

3. Elles se communieront les jours qu’elles s’emploieront à ce bon œuvre, à ce qu’il plaise à Dieu de parler lui-même par leur bouche à ces pauvres gens.

4. Elles travailleront à ce bon œuvre deux à deux chaque jour, se rendront à cet effet à l’Hôtel-Dieu, à deux heures après midi, là où, après avoir adoré le Saint Sacrement et après lui avoir offert le travail qu’elles iront faire, elles lui demanderont la grâce de dire aux pauvres malades Ce qu’il désire qu’il leur soit dit de sa part pour leur salut (11).

5. Cela fait, elles s’en iront aux salles des femmes, se partageront, et chacune travaillera toujours au quartier qui lui écherra la première fois, jusques à ce qu’elles aient fait leur possible pour disposer ces pauvres gens

11). Première rédaction : malades des Paroles de la vie éternelle.

 

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à la confession générale. Et cela fait, elles se retireront, après avoir adoré le Saint Sacrement, remercié Dieu de la grâce qu’il leur aura faite de les servir au salut de ces pauvres membres, et prié de leur faire la grâce de bien faire leur confession.

6. Quand elles trouveront quelque pauvre créature qui est dans le péché et en désire sortir, elles en avertiront la supérieure, afin qu’elle fasse son possible pour y pourvoir.

7. Si quelqu’une d’elles tombe malade, ou va à la campagne, elle en donnera avis à la supérieure, afin qu’elle y pourvoie (12).

 

187. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LES RAISONS QU’ONT LES DAMES

DE SE REUNIR DE TEMPS A AUTRE

(1636, ou peu après) (l)

Qu’il importe que les dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu s’assemblent de temps en temps :

1. Pource que Notre-Seigneur se plaît à ces assemblées ; et pour y induire les chrétiens il leur promet que, s’assemblant en son nom, il sera au milieu d’eux et qu’il leur accordera les choses qu’ils lui demanderont d’un commun consentement. Ubi fuerint duo vel tres congregati in nomine meo, in medio eorum sum (2), Quotiescumque duo vel tres consenserint, etc… (3)

12). Saint Vincent a écrit les articles de ce règlement dans l’ordre suivant : 1, 2, 4, 5, 3, 7, 6. Nous les remettons ici dans l’ordre de leurs numéros.

Document 137. — Doc. autog. — L’original a été mis en vente en 1921 chez M. Charavay, qui nous a permis d’en prendre copie.

1). Cet entretien a été prononcé après l’organisation de l’assemblée des quatorze, et très peu après, car ce fut vers 1636 que Mlle Viole remplaça Mlle Pollalion dans la charge de trésorière.

2). Evangile de saint Matthieu XVIII, 20.

3). Evangile de saint Matthieu XVIII, 19.

 

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2. Parce qu’il est utile. Et l’utilité parait : [1°] en ce que l’on instruit des choses qu’il faut faire, et que, faute de cela, l’on fait beaucoup de fautes ; 2° en ce que l’on s’entrecourage et s’échauffe les uns les autres dans les assemblées, et que, faute de cela, l’on se refroidit ; 3° l’utilité parait en ce que, par ce moyen, l’on remédie à tous les manquements ; et 4° que l’on fait de nouvelle, propositions pour le bien et la perfection de l’unité ; 5° que la Compagnie devient plus puissante pour résister aux difficultés et pour se perpétuer ; car l’intention de Notre-Seigneur [est] que fructum afferatis et fructus vester maneat (4),

3. Parce qu’il est agréable : 1° à cause qu’on se connait plus particulièrement ; 2° pource qu’on contracte une mutuelle charité les unes vers les autres ; 3° pource qu’on apprend les biens qui se sont faits par la Compagnie.

Serez-vous point consolées, Mesdames, quand vous m’entendrez dire, ce que vous savez peut-être mieux que moi : 1° que les religieuses (5) paraissent fort satisfaites de la Compagnie et qu’elles s’affectionnent de plus en plus à leur vocation ; 2° de ce que plusieurs centaines de pauvres malades ont fait leur confession générale ; 3° de ce que plusieurs huguenots se sont convertis ; 4° plusieurs filles ont été retirées du péché ; 5° plusieurs conservées dans la pureté ; 6° de ce qu’il paraît que les choses vont mieux dans l’Hôtel-Dieu.

4. Pource que Notre-Seigneur en a usé de la sorte en l’institution de l’Eglise. Il envoyait ses disciples [deux à] deux à la campagne, puis les rappelait et rassemblait à la montagne et conférait avec eux de tout ce qui s’était fait et de ce qui restait à faire, et puis les renvoyait

4. Evangile de saint Jean XV, 16.

5. Les Augustines de l’Hôtel-Dieu

 

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avec nouvel ordre. Les apôtres en ont usé de même, et l’Eglise encore en use de même par les conciles universels, par les provinciaux et par les synodes.

Voyons de quoi nous avons à traiter à présent.

1° Nous avons à vous rendre compte des visites extraordinaires qui se font ;

2° A demander à la Compagnie si elle est d’avis qu’on continue lesdites visites ; 3° Que ces dames de la visite extraordinaire soient seulement trois mois en charge, de l’un quatre-temps à l’autre ;

4° Qu’elles jettent les yeux chacune sur celles de la Compagnie qu’elles jugent propres pour leur succéder, et qu’elles les nomment à la servante de la Compagnie avant que de leur en parler ;

3° Que celles qui auront trouvé quelque nécessité et bien à faire se trouvent tous les dimanches à la chambre des filles, où seront les officières, pour les en avertir ;

6° Si elles trouvent à propos que pas une de la Compagnie avertisse les religieuses d’aucun manquement qu’elles verront, ains la servante des pauvres ;

7° Quel moyen pour visiter les dames de la Compagnie malades ;

6° Que désormais l’on die la messe à l’autel de la Vierge, à dix heures précisément, le jour de la communion des quatre-temps ;

9° Que les officières sont priées de continuer dans leurs charges, à savoir la garde des meubles jusques à la Pentecôte, et les autres jusques à six mois chacune ;

10° Que l’on envoie à Mademoiselle Poulaillon les aumônes de chacune le premier jour du mois, et que celles qui l’oublieront le prennent sur elles le jour qu’elles [se] réuniront à l’Hôtel-Dieu, et le baillent à Mademoiselle Le Gras, qui le baillera à la trésorière ;

11° Qu’elles prennent résolution d’être bien prêtes de

XIII. — 49

 

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se rendre aux assemblées et d’avertir les absentes de ce qui aura été résolu ;

12° Indiquer l’assemblée des dames députées pour la visite extraordinaire au lendemain de Noël, en ce même lieu, pour les instruire.

 

188. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LES RÉUNIONS

ET LES ŒUVRES DE LA COMPAGNIE

(1638 ou 1639) (l)

L’assemblée de l’Hôtel-Dieu.

1. De l’importance d’assister aux assemblées ;

2. De l’esprit avec lequel il y faut assister ;

3. De ce qu’on traitera en celle-ci.

Deux sortes d’assemblées.

L’importance paraît :

1. En ce que Notre-Seigneur les recommande et promet d’être au milieu d’eux. Ubi fuerint duo vel tres congregati (2), etc… Et en un autre : Ubi duo vel tres consenserint, quidquid petierint dabo illis (3).

2. En ce qu’il a pratiqué lui-même ces deux sortes d’assemblées : la grande, quand il fit élection de ses disciples ; la petite, en ce qu’il assembla Pierre, Jean et Jacques à la montagne de Thabor. La grande encore, en ce qu’il assembla ses disciples en haut de la montagne, au retour de leur mission.

Document 188. — Doc. autog. — Original chez les Filles de la Charité de Marseille, rue Sainte-Victoire.

1). L’entretien est postérieur à septembre 1638 (voir note 5) et antérieur au jour où les dames prirent à leur charge l’œuvre de la Couche.

2). Evangile de saint Matthieu XVIII, 20.

3. Evangile de saint Matthieu XVIII, 19.

 

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La petite encore, en ce qu’il assembla les mêmes Pierre, Jean et Jacques à la montagne des Olives.

Les apôtres en ont fait de même. Ils firent deux conciles ou assemblées générales : l’une, sur le sujet de l’élection de saint Mathias, à la place de Judas ; l’autre, sur le sujet de la circoncision.

L’Eglise ensuite en a usé de même pour aviser aux difficultés qui lui survenaient, en sorte que ce qui fut résolu aux quatre premiers conciles a été reçu par les hérétiques mêmes pour parole de Dieu. Aussi y prononce le concile : Visum est nobis et Spiritui Sancto (4).

La même Eglise a continué de la sorte de temps en temps, de sorte que le dernier est celui de Trente.

En second lieu, l’on doit avoir affection d’assister aux assemblées, pource qu’on se reconnaît les unes les autres. Et comme plusieurs charbons allumés éloignés échauffent davantage, ainsi plusieurs dames de la Charité, écartées et rassemblées parfois, s’entr’échauffent à l’amour de Dieu.

3. Pource que c’est un moyen de remédier aux difficultés qui arrivent à la Compagnie, et, par ce moyen, l’unir et par conséquent la faire subsister.

4. Afin qu’elle soit informée de tout ce qui se passe, et éclairée des difficultés qui pourraient survenir à chacune, et [en état d’]éclairer les personnes qui pourraient trouver à redire à quelque chose.

Or, voyons ce qui se passe :

1. La collation a toujours continué, excepté environ vingt jours, que les filles furent contraintes de sortir de leur maison, à cause que la contagion s’y mit (5).

2. Que la collation, quoiqu’elle ne soit pas aussi ample qu’au commencement, elle ne laisse pas d’apporter beau-

4. Livre des Actes XV. 28.

5. En septembre 1538. (voir t. I, p. 347.)

 

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coup de bien, et les malades en sont aussi satisfaits qu’au commencement, pource que les poires et le pain, qu’on a ôtés, étaient pour les convalescents, lesquels jetaient quelquefois les poires par terre ; et pour le pain, la maison leur en donne.

3. Le bien qui arrive de cette collation, c’est qu’elle donne entrée aux dames dans l’Hôtel-Dieu, où elles se font beaucoup de bien à elles-mêmes, et en causent à ces pauvres malades et de l’encouragement aux religieuses.

4. Que cela vous a donné sujet de penser aux enfants trouvés, desquels il faut vous dire l’état, qui est tel que l’on n’en a point pris depuis quelque temps, pource qu’il en est mort beaucoup, qu’il n’en est échappé que quatre et que l’on craint que cela procède de ce que le lieu est malsain, etc…

L’on enverra des billets pour visiter les enfants trouvés.

Voyons le profit spirituel.

[I.] La plupart des malades font confession générale à vos deux prêtres, notamment les moribonds.

2. Les hérétiques. Il y en a eu deux cents depuis que vos prêtres y sont, tous lesquels se sont convertis, excepté six, qui sont morts en leur erreur, et environ vingt cinq, qui s’en sont retournés guéris hérétiques.

3. Les chapelains qui confessent à la porte renvoient à ces deux messieurs les pénitents difficiles qui, il y a longtemps, n’ont été à confesse.

4. Ils réconcilient les pauvres malades dans leurs querelles, qui sont fréquentes.

5. Qu’ils font faire des actes de foi, d’espérance et de charité aux moribonds et de confiance en Dieu.

6. Ils vont devant le prêtre qui va administrer les saints sacrements, pour les disposer à bien communier et à rendre actions de grâces.

 

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7. Ils s’en vont parfois par les salles pendant la grand’messe pour les exhorter à joindre leurs volontés et affections à celles de l’Eglise, et d’y assister en esprit en priant. Quelques avis.

Que sept dames suffiront, au lieu de 14, pour l’instruction.

1. Que les legs pour le linge qui se font à l’Hôtel-Dieu se délivrent à messieurs les maîtres, comme de raison, et non aux religieuses. Je dis ceci, afin que les dames ne se plaignent plus aux filles de ce que les malades sont moins nettement ; de quoi il ne se faut étonner, attendu qu’il faut 750 draps par jour.

2. L’on se plaint de ce qu’on ne trouve les mêmes filles. L’on est contraint de les changer, à cause qu’à la longue elles y accueillent de grandes maladies et meurent.

[3.] Il y a des dames qui distribuent les collations à tous les pauvres, contre l’ordre, qui est que l’on en baille seulement aux plus malades. Et outre ce mal, elles font cela en courant. Il est à souhaiter que cela se fasse plus dévotement.

[4.] Les religieuses demandent des croix de cuivre pour assister les moribonds.

[5.] Aucunes dames disent que la collation ne sert de rien. Les religieuses disent le contraire, et des personnes qui y fréquentent il y a vingt ans, aussi.

6. Il est à propos que les dames n’avertissent point les religieuses du manquement qu’elles verraient parmi les malades, ains qu’elles s’adressent à l’une des officières.

Le second prêtre.

1. Que les pauvres ne font point bonne confession à la porte (6).

6. En entrant à l’hôpital.

 

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2. Qu’il y a quantité de femmes qui ont deux maris, d’autres qui servent à faire mal, et d’autres qui y sont effectivement, qui n’ont jamais fait bonne confession et se résolvent à bien faire.

3. De jeunes filles de vingt à 25 ans qui sont dans le péché, qui promettent plutôt [de] mourir que d’offenser Dieu.

4. Et à l’égard des jeunes enfants de 5 ans qui n’ont jamais communié, qui sont instruits.

5. Consolent les malades et les résolvent à la mort.

6. Pour les résoudre à la mort.

 

189. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR L’ŒUVRE DES ENFANTS TROUVÉS

(12 janvier 1640) (l)

Des enfants trouvés.

Et adoraverunt eum omnes reges terrae ; omnes gentes servient ei quia liberabit pauperem vociferantem. (Ps. LXXI, 11.)

1. Des motifs pour entreprendre cet œuvre.

2. De la manière.

3. Des moyens.

Motifs.

1. Que les louanges de vos petits enfants plaisent à Dieu. Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem (2).

2. Qu’ils sont en nécessité extrême, à laquelle ceux qui le savent sont obligés de subvenir, sur peine de

Document 189. — Migne, Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés, t. LXXXVIII, col. 541 et suiv., d’après l’original, communiqué par M. Laverdet.

1). Voir t. I 1, p. 6.

2). Psaume VIII, 3.

 

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damnation. Non pavisti, occidisti. Leur nécessité [est] extrême, en ce qu’ils sont abandonnés de père et de mère ; et si le public en prend soin, ils ne laissent pas d’être en pareille nécessité extrême : 1° pource que, n’y ayant pas assez de fonds pour leur entretien, l’on est contraint de les donner au premier venu, qui les font mourir ou de faim ou de mal ; 2° pource qu’ils meurent tous ; 3° que c’est être un opprobre à Paris que nous blâmons dans les turcs, qui est de vendre les hommes comme les bêtes ; car l’on vend ces enfants à qui en veut, pour 30 livres ; 4° que c’est [les] libérer [par] là même de la cruauté exercée par Hérode sur les saints Innocents, car l’on exerce la même cruauté contre ces petites créatures, puisque l’on les baille à des misérables créatures, qui les font mourir, les unes de male faim, et les autres leur rompant les bras et les jambes ; 5° que Notre-Seigneur a voulu qu’il soit dit de lui qu’il est venu au monde pour relever pauperem vociferantem et pupillum cui non era adjutor (3). Job raconte que les hommes qui lui étaient vendus par les peuples venaient de ce que liberant pauperem vociferantem et pupillum cui non erat adjutor.

Objections.

1. Que c’est affaire aux hauts justiciers et non à des personnes particulières, notamment à des femmes.

Il est vrai. Mais que fera-t-on ? C’est un procès. Qui l’entreprendra ? Cependant ces pauvres petites créatures meurent.

2. Que Dieu a damné beaucoup de ces petites créatures à cause de la naissance, et que c’est pour cela peut-être qu’il ne permet pas qu’on y donne ordre.

Je réponds deux choses :

1. Que c’est parce que l’homme a été maudit de Dieu

3). Psaume LXXI, 12

 

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à cause du péché d’Adam, que Notre-Seigneur s’est incarné et est mort, et que c’est faire un œuvre de Jésus-Christ que de prendre soin de ces petites créatures, quoique maudites de Dieu.

2° Que peut-être entre ceux-là s’en trouvera-t-il quelques-uns qui seront grands personnages et grands saints. Rémus et Romulus étaient des enfants trouvés et furent nourris par une louve. Melchisédech, prêtre, était, selon saint Paul, sans généalogie, c’est-à-dire sans père et sans mère, qui est à dire enfant trouvé. Moïse était un enfant trouvé par la sœur de Pharaon.

En voici une 3e, et la plus difficile : c’est que cet œuvre est de grande dépense et que l’on a peu.

Il est vrai, car il faut 550 livres pour entretenir six ou sept petits enfants. Or, supposé, comme l’on dit, qu’il s’en trouve deux ou 300 tous les ans, voici combien de fois 550 livres il faut, lesquels, quand l’on n’en échapperait que 50 par an et que l’on n’aurait que ce nombre continuellement, il faudrait 4000 livres, outre le louage de la maison, et l’année prochaine autant, soit 8000 livres, la 3e 12, la 4e 16, la 5e 20000 livres, la 10e 40000. Le remède est d’entreprendre ce qu’on en pourra faire.

L’on demande s’il ne vaudrait pas mieux que les dames allassent dès à présent aux Enfants trouvés. Il semble qu’il serait à propos, pour que les da. mes y pourvoient, aller deux à deux les voir tous les jours, comme à l’Hôtel-Dieu, et contribuer à ce qu’ils fussent un peu mieux nourris et soignés.

Contre cela, il y a que, si l’on y va, ou que ce soit en se chargeant de toute la dépense et du soin, ou laissant les choses comme elles sont, et seulement y aller et laisser les choses en l’état qu’elles sont. Si vous entreprenez tout, l’on vous contraindra à recevoir tout, et vous n’aurez point assez de fonds.

 

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Secondement, d’y aller sans que cela dépende de vous, vous n’y pourrez pas apporter l’ordre nécessaire, et puis il faudra que vous voyez perdus ces enfants devant vos yeux, ou que vous donniez de quoi les nourrir.

Troisièmement, faut-il pour 1200 livres, de quoi fonder cet œuvre, s’aller lier les mains et n’y pouvoir faire ce qu’il convient ?

La manière.

Supposé qu’on entreprenne ce qu’on pourra, il sera bon d’honorer l’abandonnement que fait le Père éternel de son Fils à la merci du monde, et la persécution par Hérode en son enfant et à cet effet.

La fin.

Honorer l’amour que Notre-Seigneur porte aux petits enfants qui n’ont ni père ni mère ; et, à cet effet, assistons ces pauvres enfants trouvés pour leur sauver la vie et tâcher de les faire élever en la crainte de Dieu.

La Compagnie des dames de la Charité des Enfants trouvés sera composée d’un nombre certain de dames, lesquelles en éliront trois d’entr’elles à la pluralité des voix, dont l’une sera servante des pauvres, l’autre trésorière, et l’autre aura soin des meubles.

Les moyens.

Faut aviser s’il faut unir cette Compagnie à celle de l’Hôtel-Dieu ; que quelques dames voient M. le premier président pour voir si l’on pourrait faire mettre lesdits enfants trouvés en quelque hôpital.

Quel remède pour empêcher que les pauvres gens y envoient leurs enfants, quoiqu’ils ne soient de l’extraction des enfants trouvés.

S’il est bon d’unir la Compagnie des dames des Enfants trouvés à celle de l’Hôtel-Dieu.

 

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Il semble être expédient :

1° Pource que la plupart des dames des Enfants trouvés sont de l’Hôtel-Dieu.

2° Pource qu’il est difficile de trouver tant de personnes qu’il faudrait qui eussent les qualités et le temps pour diriger les deux Compagnies.

3° Pource qu’il est à craindre qu’il ne se coulât quelque émulation entre l’une et l’autre Compagnie.

Contre cela.

1. Qu’il y a telle personne qui peut donner à l’Hôtel-Dieu et ne pourrait faire [de] même à l’égard des enfants trouvés.

L’on répond que la manière dont on entend cette union laisse la liberté à chacune de donner ou de ne pas donner ; car l’on entend que l’union sera seulement : 1° à l’égard des officières, si ce n’est qu’il y aura une trésorière pour les Enfants trouvés ; 2° à l’égard de la communion des quatre-temps ; 3° à l’égard des prières et des communions pour les dames malades et pour les défuntes ; à l’égard des assemblées, quand l’on en fera ; 4° mais, pour le regard de la contribution, elle sera libre. Celles qui voudront donner à l’Hôtel-Dieu seulement y donneront ; celles qui auront dévotion pour les enfants trouvés donneront aux enfants trouvés ; et celles qui voudront et pourront donner à l’une et à l’autre le feront.

2. Que telle peut visiter l’Hôtel-Dieu et ne point faire de même à l’égard des enfants trouvés, et telle visiter les enfants trouvés, qui ne visitera l’Hôtel-Dieu.

Je réponds que cela sera libre pour un temps, sauf à aviser lequel sera plus expédient puis après.

3. Que les officières seront bien chargées des deux. Je réponds qu’il est vrai au commencement, mais que, quand l’ordre sera établi, elles n’auront pas tant de peine.

 

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190. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LES ŒUVRES

DE L’HOTEL-DIEU ET DES ENFANTS TROUVES

(Avril 1640) (1)

Assemblée générale à l’Hotel-Dieu

L’on traitera trois points :

1. L’on rapportera l’état de l’Hôtel-Dieu et des enfants trouvés.

2. L’on dira les motifs pour lesquels la Compagnie se doit affectionner à ces deux œuvres et à assister aux assemblées.

3. L’on proposera quelques difficultés pour avoir les avis de la Compagnie.

De l’état de l’Hotel-Dieu et des enfants trouvés.

1. Les affaires de l’Hôtel-Dieu sont toujours en même état. La collation s’est continuée sans interruption.

2. Les dames quatorze de l’instruction ont fait leur devoir.

3. Les prêtres ont aussi fort bien fait leur devoir.

Il y a eu cinq hérétiques convertis, dont les trois sont morts ensuite. Ils font faire confession générale aux malades, vont devant le Saint Sacrement pour exciter les malades à élever leur cœur à Dieu, pour communier dignement, font faire des actes de foi, d’espérance et de charité aux mourants, et résolution de ne plus offenser Dieu à ceux qui guérissent. On célèbre la sainte messe au Légat (2) tous les jours.

Document 190. — Migne, Migne, Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés, t. LXXXVIII, col. 520 et suiv., d’après l’original, communiqué par M. Laverdet.

1). L’entretien a été prononcé trois semaines après le 30 mars l’année même où les dames de la Charité se chargèrent de tous les enfants de la Couche (1640).

2. Salle bâtie grâce à un don du cardinal du Prat, légat du Pape en France ; elle recevait les contagieux.

 

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4. L’on n’a rien changé à la collation laquelle est suffisante pour faire ce qu’on a prétendu, qui est d’instruire et faire confession générale aux malades, qui est ce qu’on prétend, et proportionné la dépense à la recette.

Des enfants trouvés

1. L’on s’en est chargé, selon la résolution de la Compagnie, il y a trois semaines, le 30 mars, ne l’ayant pu plus tôt pour quantité de difficultés qui se sont présentées.

2. Ils sont à la maison de vos Filles de la Charité, où Mademoiselle Le Gras en prend soin.

3. Ils sont au nombre de…, dont il y en a vingt en nourrice, et le reste en ladite maison (3) et en celle du faubourg Saint-Victor (4).

4. Il ne s’y passe jour qu’il n’en vienne quelqu’un, et hier il y en eut trois ; et la raison de ce qu’il s’en trouve plus qu’il n’y a de jours vient de ce qu’on a retiré ceux que la gouvernante de la Couche avait donnés à la ville.

5. Il en est mort cinq jusques à présent depuis trois semaines.

6. Quand l’on a baillé ces enfants, l’on a dit aux nourrices qu’on ne leur baillerait plus de l’argent, si elles n’apportent certificat du curé du lieu comme l’enfant est en vie.

7. Les dames sont priées, en l’approche des temps où ils sont aux champs, de les visiter, et l’on se propose d’envoyer un jeune homme de piété de temps en temps en ces lieux-là pour être assuré de l’état de ces enfants.

8. Les dames sont exhortées à les visiter en cette ville,

3. La maison-mère des Filles de la Charité à La Chapelle.

4. Rue des Boulangers.

 

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chacune leur jour, deux à deux, selon le billet qui en sera envoyé.

Les motifs pour s’affectionner à ce bon œuvre sont :

1. Que, visitant les pauvres de l’Hôtel-Dieu et ces pauvres [enfants], vous visitez Dieu même en eux ; et le service que vous leur rendez, c’est à Dieu même. Cum ipso sum in tribulatione (5).

2. Que vous faites voir et sentir la bonté de Dieu par la vôtre à ces bonnes gens, et le faites glorifier ; et c’est pour cela qu’il vous recommande de visiter les pauvres ; ut glorificent Petrem vestrum. (6)

3. Vous coopérez au salut de ces pauvres âmes avec Jésus-Christ, procurant qu’ils soient instruits, fassent une confession générale et partent de ce monde en bon état, ou sortent guéris de l’Hôtel-Dieu en bon état.

4. Vous édifiez toute l’Eglise en voyant que vous vous appliquez avec tant de bonté à l’assistance des pauvres.

5. Vous vous édifiez vous-mêmes et vous portez au désenchantement du monde et à l’union plus étroite avec Dieu, en visitant ces pauvres gens, et reconnaissez par là l’obligation que vous avez à Dieu, qui vous a délivrées de la misère de ces pauvres.

6. Vous effacez vos péchés passés et présents et, en quelque façon, ceux de l’avenir : les deux premiers, par la rémission que Dieu vous en donne ; les derniers, par les grâces qu’on reçoit, visitant les malades, qui nous préservent du péché. Sicut aqua extinguit ignem, sic eleemosyna extinguit peccatum.

7. Vous vous allez acquérant le mérite d’une bonne mort Legi, relegi et perlegi, et numquam vidi… mala mortis. Et Madame Goussault en est témoin.

5. Paume XC, 15.

6. Evangile de saint Matthieu V, 16.

 

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8. Vous vous mettez en état d’aller la tête levée devant Dieu au jugement Qui miseretur et commodat disponet sermones suos in judicio (7).

9. Etes-vous encore dans les besoins ou dans les affections temporelles ? Qui miseretur pauperis numquam indigebit. (8)

10. Voulez-vous de la bénédiction en votre famille, de la gloire et des richesses ? Generatio rectorum benedicetur ; gloria et divitiae in domo ejus (9).

Toutes ces considérations vous doivent porter à l’assistance des pauvres malades et des enfants trouvés. Mais en voici quelques-unes qui sont propres aux enfants trouvés.

Des enfants trouvés.

1. Que vous pratiquez en leur endroit les sept œuvres. de miséricorde corporelles, et, en quelque façon, le, spirituelles, et par conséquent vous méritez toutes les grâces que Dieu a attachées à chacune des sept œuvres, dont la visite des malades de l’Hôtel-Dieu n’en est qu’une. Vous donnez à manger à ceux qui ont faim, à boire à ceux qui ont soif, etc…

2. Ils sont en nécessité extrême ou quasi extrême auxquelles un chacun est obligé d’accourir. Qu’elle soi~ extrême, il est manifeste, puisque, sans votre secours, ils mourront tous. Ils sont abandonnés de père et de mère et de tout le monde. Et le remède donc, où peut-il être leur mort.

3. Ils sont l’image de Jésus-Christ d’une façon particulière : 1° Notre-Seigneur est né sans père charnel, et ces pauvres enfants sont désavoués de leur père et de

7. Psaume CXI, 5.

8. Livre des Proverbes XXVIII, 27.

9. Psaume CXI, 2.3.

 

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leur mère. 2° Notre-Seigneur a souffert étant au ventre de sa mère, dans le voyage que fit la sainte Vierge, étant prête d’accoucher ; et ces pauvres enfants souffrent par des frappements de leurs mères sur leurs ventres, par les serrements et par les médecines. 3° Dès que Notre-Seigneur est né, il est persécuté à mort par son ennemi Hérode ; et ceux-ci sont abandonnés à la mort par les pères et mères, ne les ayant pas fait mourir impunément. 4° Notre-Seigneur s’enfuit en Egypte et y trouve son asile ; et ces pauvres créatures trouvent leur sûreté parmi les étrangers, qui ne leur sont rien. 5° Notre-Seigneur souffre pauvreté, misère, calomnie et persécution à cause des péchés de ses enfants ; et ceux-ci à cause des péchés de leur mère. 6° Enfin Notre-Seigneur a été fait malédiction et péché pour ses enfants ; et ceux-ci souffrent pour. le mal dont ils ne sont pas coupables. Il y a cette différence que le premier est enfant de Dieu, et les autres des hommes ; le premier de grâce, et celui-ci du péché.

4e motif, que de ces enfants peut venir quelque grand serviteur et servante de Dieu. Melchisédech n’avait point de père, ni de mère, dit la Sainte Ecriture ; Moïse est un enfant trouvé ; saint Jean fut comme un enfant trouve dans le désert ; les uns et les autres étant néanmoins légitimes ; Rémus et Romulus, les fondateurs de Rome, furent aussi des enfants trouvés.

5e. Il est dit dans la Sainte Ecriture que Dieu bénit les sages-femmes d’Egypte, à cause qu’elles ne faisaient pas mourir les enfants mâles de son peuple, le roi leur ayant recommandé de les faire mourir. Hélas ! Mesdames, quelle est la bénédiction que vous devez espérer pour non seulement ne pas faire mourir ces pauvres enfants, mais pour leur donner et conserver la vie !

La fille du roi Pharaon, idolâtre, adopta l’enfant trouvé sur les eaux, Moïse ; et vous, qui êtes chrétiennes.

 

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Mesdames, devez, à plus forte raison, adopter ceux-ci pour les vôtres.

La dernière raison que je mets en avant pour quoi vous devez être fidèles à vos deux bons œuvres, est que Dieu vous a donné la grâce de répondre à l’inspiration qu’il vous a donnée pour embrasser ce bon œuvre, et par conséquent vous êtes obligées de faire usage de cette grâce, sous peine qu’il transportera la même grâce et la reconnaîtra à quelque autre.

Objections.

Mais le moyen, Monsieur, s’il y a tant d’enfants trouvés ! En voilà un par jour, commençant par faire bien ; et il n’en est mort qu’environ le tiers. Je suppute qu’il en vivra les 2 tiers, qui seront deux cents ; ce qui coûtera, à raison de 200 livres chacun, douze mille livres.

Je réponds deux choses : l’une, qu’il faut se confier au bon Dieu et faire ce qu’on pourra ; l’autre, qu’on n’a entrepris qu’à faire un essai, et que, si le fardeau est insupportable, qu’on s’en déchargera. Or, il semble qu’il est à propos de faire une quête pour cela. Si six dames d’entre vous avez conservé la vie à 2500 pauvres qui mouraient en Lorraine jusques à présent depuis dix mois, à raison de 2500 livres par mois, que ne devez-vous pas espérer ? Et si une dame de la Compagnie (10), par sa charité et par son crédit, donna ordre à la nécessité présente des religieux et des religieuses de Lorraine, que ne devez-vous pas espérer de la bonté de Dieu au fait qui se présente ?

Il faut assister aux assemblées pour plusieurs raisons.

1. La règle y oblige.

10). La duchesse d’Aiguillon.

 

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2. Pource que c’est pour traiter des affaires de Dieu.

3. Pource que sans cela l’œuvre ne peut subsister.

4. Pource que vous y exercez plusieurs vertus : 1° la patience à souffrir la misérable personne qui vous parle ; [2°] le bon exemple ; 3° la fuite de quelque occasion de temps perdu ; 4° la foi, l’espérance, la charité, etc… ; 5° que vous recevrez plus d’abondance de grâces qu’ailleurs ; ainsi les apôtres reçurent le Saint-Esprit ensemble.

 

191. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LES ŒUVRES DE CHARITE

(1638 ou après) (1)

Pour l’assemblée générale des dames de la Charité.

De s’affectionner de plus en plus à l’emploi de la charité envers tous les genres de malheureux.

1. Motifs.

2. En quoi.

3. Les moyens.

1°. Qui perseveraverit usque in finem… (2)

Nemo ponens manum ad aretrum aptus est regno Dei (3).

Maledictus qui facit opus Dei negligenter (4). Combien plus ceux qui l’abandonnent tout à fait ! Quod semel assumit numquam deseret..

2e motif, c’est l’excellence de l’œuvre, où il s’agit : de donner la vie spirituelle et corporelle aux petits en-

Document 191. — Doc. autog. — Arch. de la Mission, original.

1). L’entretien est postérieur aux commencements de l’œuvre des Enfants trouvés (1er janvier 1638).

2). Evangile de saint Matthieu X, 22.

3) Evangile de saint Luc IX, 62.

4). Livre de Jérémie XLVIII, 10.

XIII. — 50.

 

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fants abandonnés de leurs propres pères et mères ; Omnium divinorum divinissimum cooperari Deo saluti animarum ; d’aider à réconcilier à Notre-Seigneur l’écume et la malice du royaume, les pauvres forçats ; d’aider les pauvres malades qui guérissent à mener une nouvelle vie, s’ils guérissent, et à bien mourir ceux qui meurent ; et, par ce moyen, honorer l’enfance de Notre-Seigneur en celle de ces petites créatures, sa vie pénitente en celle des forçats et sa mort bienheureuse en aidant à bien mourir les malades de l’Hôtel-Dieu ; en quoi faisant, l’on se rend parfait imitateur de J.-C.

3. Les avantages sont : 1° le plaisir, [2°] l’honnête et [3°] l’utile.

1. Quant au plaisir : Jucundus homo qui miseretur et commodat (5).

2. Et adorabunt omnes gentes, quia liberavit pauperem a polente et pupillum cui non erat adjutor (6)

3. L’utile : Qui miseretur pauperis numquam indigebit (7).

En quoi consiste.

A deux choses : à se rendre plus exact à visiter les pauvres malades, parce que peut-être vous perdez le mort, le gain d’une âme et de quelque grâce que Dieu vous avait destinée, en visitant ce jour-là le malade, en vous faisant pauvre pour les pauvres et demandant les 5 sols, sans diminuer ce que vous avez accoutumé de donner.

Moyens.

1. C’est de le demander à Dieu ;

2. D’offrir, en ces premiers jours de l’an, cette bonne volonté à Dieu ;

5). Psaume CXI, 5.

6). Livre de Job XXIX, 12.

7). Livre des Proverbes XXVIII, 27.

 

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3. De s’imposer quelque pénitence quand l’on y manquera.

Ne pas avertir les religieuses, ni les prêtres. S’adresser aux officières, qui se trouveront tous les jours là.

Que les filles commenceront à deux heures à présent.

 

192. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LA PERSEVERANCE DANS LES BONNES ŒUVRES

(22 décembre 1645)

Pour la grande assemblée des dames de la Charité de l’Hôtel-Dieu, le 22 décembre 1645.

Raisons et moyens.

Du grand mal que ce serait si l’on laissait périr cet œuvre. Comparaison d’un prêtre dégradé.

Les grands inconvénients qui arriveraient si les dames laissaient périr ce bon œuvre entre leurs mains et des moyens d’y remédier.

1. Que ce serait une marque de doute du salut de celles par la faute de qui ce malheur arriverait. Nemo ponens manum ad aratrum et respiciens retro aptus est regno Dei (1).

2. Corona promittitur bene focientibus, sed non datur nisi perseverantibus.

3. Incipient illudere dicentes : quia hic homo coepit aedificare et non potuit consummare (2).

4. L’on se priverait de la béatitude. Beatus qui inteliget super egenum et pauperem (3).

Document 192. — Doc. autog. — Fac-similé au séminaire de Saint-Sulpice, rue du Regard, Paris. L’original a appartenu à M. Laverdet qui a permis à l’abbé Migne de le publier dans la Collection intégrale universelle des orateurs sacés, t. LXXXVIII, col. 521.

1). Evangile de saint Luc IX, 62

2). Evangile de saint Luc XIV, 29-30.

3). Psaume XL, 2.

 

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5. Et de celle-ci : Beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur (4).

6. Que l’on peut aussi bien perdre le paradis par défaut que par commission ; et c’est à cause du défaut d’assister les pauvres qu’il sera dit : Ite, maledicti (5). L’on se prive du bonheur d’accomplir la loi de Dieu, qui se fait toujours par la charité vers le prochain. Qui diligit proximum legem implevit (6).

L’on se prive de la consolation qu’il y a à faire la charité en ce monde et de l’assistance de Dieu au jugement. Jucundus homo qui miseretur et commodat (7).

L’on pourvoie sa famille des biens temporels. Qui miserebitur pauperis numquam indigebit (8). L’on se priverait d’une bonne mort. Numquam vidi mala mortis ; et l’on priverait dix mille âmes de l’assistance spirituelle qu’ils reçoivent dans l’Hôtel-Dieu par les prêtres que la Compagnie y entretient, et celles que les dames quatorze instruisent.

Les forçats, de même, etc… ; les enfants trouvés, etc…

L’on prive Dieu de la gloire qu’il retire de la Compagnie et l’Eglise de l’édification et du mérite.

L’on réjouit l’enfer, les méchants du monde. Les moyens d’empêcher la chute, c’est : de recourir à Dieu par prières, de renouveler leurs charités, la quête des cinq sous, une quête générale au quartier en suite de la recommandation des prédicateurs ; faire dire en chaire par les prédicateurs que ceux qui auront à donner quelque bon avis pour ce bon œuvre s’adressent à la chambre des filles à l’Hôtel-Dieu le samedi, à 2 heures,

4 Evangile de saint Matthieu V, 7.

5 Evangile de saint Matthieu XXV, 41.

6. Epître de saint Paul aux Romains XIII, 8.

7. Psaume CXI, 5.

8. Livre des Proverbes XXVIII, 27.

 

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ou à Madame de Lamoignon ; et si quelqu’un de la Compagnie a quelque avis pour le présent, qu’elle le die.

 

193. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LA PERSÉVERANCE DANS LES BONNES ŒUVRES

(22 décembre 1645) (l)

De l’assemblée des dames de la Charité à l’Hôtel-Dieu, 22 décembre 1645.

De l’obligation pour les dames de se donner à Dieu pour soutenir l’œuvre, en sorte qu’il ne périsse entre leurs mains du côté des inconvénients qui en arriveraient.

1. Des inconvénients.

2. Des moyens.

1. Le premier mal est du côté des dames, le deuxième du côté de l’œuvre.

2. Celui des dames est ou selon l’âme, ou selon le corps, ou selon les biens, ou selon l’honneur ou le plaisir.

3. L’inconvénient du côté des biens, de l’honneur des plaisirs est qu’elles se priveraient des effets de la promesse de Dieu aux personnes charitables : Qui miseretur pauperis numquam indigebit (2). Et cela s’étend même aux enfants : Numquam vidi justum derelictum nec semen ejus quaerens panem (3). Sur quoi il faut remarquer qu’il n’y a famille, si riche qu’elle soit, qui ne

Document 193. — Doc. autog. — Original à la bibliothèque publique et universitaire de Genève, ms. 197.

1). Y aurait-il eu deux assemblées de dames le 22 décembre 1645, l’une générale, l’autre plus restreinte, où saint Vincent aurait-il égaré son premier canevas ; ce qui l’aurait obligé à en préparer un second ? Cette seconde hypothèse semble plus probable.

2). Prov. XXVIII, 25.

3. Psaume XXXVI, 25.

 

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soit sujette à cet inconvénient. Nous avons, vu de notre temps des grandes princesses réduites à vendre leurs hardes et à vivre d’emprunts,

4. Du côté de l’âme et du côté du corps. Et adorabunt eum omnes gentes quia vivifi cavit pauperes. Il le faut considérer ou comme malade, ou comme sain. Comme malade : Frange esurienti panem tuum et sanitas citius orietur (4) ; Dominus conservet eum et vivificet eum (5). Si comme content : Jucundus homo qui miseretur et commodat. (6)

Du côté de l’âme. La charité vers les pauvres orne l’âme des vertus chrétiennes. Dispersit dedit pauperibus ; justitia ejus manet in seculum seculi (7) ; qui diligit proximum legem implevit (8).

Du côté de la beatitude dès ce monde : Beatus vir qui itntelligit super egenum et pauperem (9) ; beati misericordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur (10).

Du côté des plaisirs, la mort : Relegi et perlegi et numquam vidi male mortuum qui opera misericordiae exercuit.

Du côté de ce qui se passe après la mort : l’on ne devra plus attendre à venite, benedicti (11), ains l’on doit craindre la malédiction ; ni à celles-ci : Disponet sermones suos in judicio (12). Et enfin de la couronne, qui ne se donne qu’à ceux qui persévèrent.

Du côté de l’œuvre.

1°. Vous privez dix mille âmes de l’assistance spiri-

4. Livre d’Isaie LVIII, 7.

5. Psaume XL, 3.

6. Psaume CXI, 5.

7. Deuxième épître de saint Paul aux Corinthiens IX, 9.

8. Epître aux Romains XIII, 8.

9. Psaume XL, 2.

10. Evangile de saint Matthieu V, 7.

11. Evangile de saint Matthieu XXV, 34.

12. Psaume CXI, 5.

 

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tuelle que vous leur donnez par vos prêtres et par vous à l’Hôtel-Dieu ;

2° Vous privez les forçats de la même assistance ici ;

3° Les enfants trouvés de la vie et du baptême, dont la plupart étaient privés d’autrefois ;

4° Et l’état ecclésiastique de l’assistance que vous leur rendez par vos communions ;

5° Et le public de l’édification que vous leur donnez ; et, au lieu de cela, vous courriez le risque de la moquerie de l’Evangile : Et incipient illudere eum dicentes : hic homo coepit aedificare et non potuit consummare (13),

Moyens.

1° De demander à Dieu la grâce de pouvoir faire subsister l’œuvre ;

2° La continuation de la quête des cinq sols ;

3° Une générale par la ville au carême ;

4° Et faire dire par les prédicateurs que, si quelqu’un a quelque bon avis à donner pour cela, qu’il aille à la chambre des filles les samedis, à 2 heures, ou bien dès à présent.

 

194. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR LA PERSEVERANCE DANS LES BONNES ŒUVRES

(6 avril 1647)

Pour la grande assemblée du 6 avril 1647.

1. Les raisons qu’ont les dames de faire subsister la

13). Evangile de saint Luc XIV, 29-30.

Document 194. — Doc. autog. — L’original de cet entretien est formé de plusieurs feuillets autouraphes. Le premier s’arrête à "car "Dieu vous a inspirées" ; le second va des mots "à embrasser ce bon œuvre" à "ce que Notre-Seigneur a fait en ce monde" ; le troisième comprend la suite. Le second fait partie des archives de la Mission. M. Charavay nous a communiqué le premier en 1916, le dernier en 1913.

 

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Compagnie de la Charité de l’Hôtel-Dieu et de la perfectionner de plus en plus.

Les moyens pour ce faire.

Raisons.

1. Je procéderai ici autrement que par le passé. Je vous disais ci-devant les avantages ; maintenant je vous parlerai des inconvénients qui arriveraient si elle renversait, et ferai en cela comme Moïse, qui dit au peuple les avantages qui lui arriveraient s’ils gardaient les commandements de Dieu, et les malheurs s’ils ne les observaient pas.

"Si vous gardez mes commandements, disait Dieu, je vous bénirai en votre corps et en vos biens, à la maison et au dehors ; et sinon, je vous maudirai en votre corps, et en vos biens, etc…"

Quatre choses nous font embrasser et persévérer dans un bon œuvre :

1. L’autorité de l’auteur ;

2. Quand nous y sommes conviés de bonne grâce ;

3. La bonté de l’œuvre ;

4. Quand nous y voyons la bénédiction de Dieu.

Or, que Dieu soit l’auteur de ce bon œuvre ; il faut noter qu’un homme peut être auteur d’un bon œuvre en 3 manières.

1° En le commandant. Ainsi celui qui fait faire une maison peut en être dit l’auteur, pour ce qu’au moyen de ce qu’il donne aux ouvriers et pour l’achat des matériaux ;

[2°] Ou comme l’ouvrier qui fait la maison ;

[3°] Ou commandant et faisant lui-même la maison, ainsi que fait un maçon qui fait lui-même la maison et commande lui-même à ses enfants et à ses serviteurs de travallier avec lui.

 

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Dieu est l’auteur de ce bon œuvre : [1°] En commandant aux hommes d’assister les pauvres malades spirituellement et corporellement, de prendre soin des pauvres enfants abandonnés de père et de mère, etc…

[2°] Il l’est encore en ce qu’étant sur la terre, il y a travaillé lui-même de ses propres mains.

3° En ce que nous voyons qu’il a inspiré ce bon œuvre à ceux qui en étaient chargés et qui en fait ont fait les premiers les propositions, et en ce qu’il vous a fait connaître à vous autres, Mesdames, qu’il le désirait, et vous a donné la grâce non seulement de velle, sed etiam perficere (1) et de l’avoir soutenu jusques à présent.

Que si vous l’abandonniez, vous ruineriez l’œuvre de Dieu et vous auriez sujet de craindre, Mesdames, que la sentence de l’Evangile ne s’adressât à vous, qui dit que qui a mis la main à l’œuvre de Dieu et l’abandonne n’est pas propre pour le royaume de Dieu.

La seconde raison est celle de la vocation. La vocation est un choix que Dieu fait de quelques âmes pour les employer à quelque bon œuvre, et ensuite il envoie des lumières dans l’entendement, par lesquelles il leur fait entendre son dessein et meut la volonté à embrasser ce bon œuvre. Que si l’on donne son consentement, Dieu destine ces âmes à la gloire, puis les justifie et les glorifie au partir de cette vie. Or, Mesdames, tout cela s’est passé en vous, car Dieu vous a inspirées à embrasser ce bon œuvre et vous a touché le cœur pour l’embrasser, et vous l’avez fait. Dieu ensuite vous a prédestinées sans doute et justifiées, à dessein de vous glorifier un jour, et il a fait comme en la sainte Vierge, à laquelle il a fait connaître par l’ange, et elle y a cor-

1). Epître de saint Paul aux Philippiens II, 13.

 

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respondu en disant : Fiat mihi secundum verbum tuum (2) ; et incontinent après, le Saint-Esprit est descendu en elle et a formé le corps de Notre-Seigneur et a créé une âme, qu’il a infusée dans ce corps béni, qui sanctifia et divinisa en quelque façon la sainte Vierge. Et pource qu’elle persévéra parmi toutes les difficultés qui se présentèrent pendant la vie et jusques à la mort de Notre-Seigneur, elle a été glorifiée par-dessus les anges. Eve, notre première mère, fut autrement, car, après avoir été choisie de Dieu et prévenue de la justice originelle, pour n’avoir été ferme à la tentation, elle fut chassée du paradis. Et certes, Mesdames, nous avons Sujet de craindre que, si nous ne faisons tout ce que nous pourrons pour faire soutenir ce bon œuvre, que Dieu nous ôtera la grâce de cet emploi et toutes celles qu’il emporte quand et soi, et qu’il ne nous rejette de devant sa face et du paradis.

La bonté de l’œuvre. — Un œuvre est bon et sain qui va à la gloire de Dieu, au bien des pauvres enfants orphelins, des malades, des pauvres esclaves et au salut des uns et des autres et à la sanctification de sa propre âme.

Or, que tout cela aille à la gloire de Dieu, il est manifeste, puisque c’est lui qui commande toutes ces choses et que c’est sa gloire que nous lui obéissions ; et, au contraire, en quelque façon, mépris de sa divine Majesté de n’en rien faire.

Or, qu’il nous commande tout cela, est manifeste :

Premièrement, en ce qu’il nous commande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Or, quand il nous commande l’amour du prochain, il nous commande tous. les actes d’amour que nous lui pouvons rendre, qui sont

2). Evangile se saint Luc I, 38.

 

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14, 7 corporels et autant de spirituels. Les corporels, qui regardent le corps, sont : donner à manger à ceux qui ont faim, à boire à ceux qui ont soif ; et c’est ce que vous faites aux pauvres malades et aux enfants. Oh ! quel honneur vous faites à Dieu, Mesdames, de faire cela ! Mais quel déshonneur de ne le pas faire !

Il nous recommande encore cela lorsqu’il nous avertit de ce qu’il nous interrogera au jour du jugement, qui est si nous avons donné à manger et à boire, etc… O Mesdames, que vous serez bien heureuses d’en user de la sorte ! Et malheureux, si nous en usons autrement !

De plus, que se peut-on imaginer de plus saint que de visiter les malades, de prendre soin des orphelins, de les porter les uns et les autres à la connaissance de Dieu, puisque c’est faire ce que Notre-Seigneur a fait en ce monde ! De plus, chacune en particulier y profite en mettant en exercice les vertus de la foi, de l’espérance, de la charité, de la justice, de la prudence, de la tempérance, de la force et de mortification, d’humilité et des autres vertus. Bref, elles sont en état, tandis qu’elles persévéreront en la Compagnie et dans les exercices d’icelle, d’aller la tête levée au jour du jugement. Disponet sermones suos in judicio (3), Que si l’on quitte et l’on laisse anéantir la Compagnie, tous ces biens s’anéantiront.

Du coté de Dieu.

Si l’on abandonne ce bon œuvre, Dieu ne sera point connu par ces pauvres gens auxquels vous le faites connaître ; ces âmes ne lui seront point réconciliées, comme elles le sont par le moyen d’une bonne confession générale ; ceux qui mourront et guériront dans l’Hôtel-Dieu ne ressentiront plus les effets de la bonté de Dieu

3). Psaume CXI, 5.

 

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par le ministère de votre Compagnie ; quantité d’enfants mourront dans le péché originel faute d’être baptisés, et seront venus au monde sans y sentir les effets de la bonté de Dieu ; et Dieu, qui, en ce temps, s’est voulu servir du ministère de votre sexe pour faire les biens incomparables qui se font en votre Compagnie, en sera frustré. Que si vous abandonnez cet œuvre, que diront les fidèles ? Certes, ils diront les paroles de l’Evangile au sujet de ceux qui commencent des bonnes œuvres et puis les quittent dans les difficultés : Hic homo cœpit aedificare et non potuit consummare (4). Il y a plus ; il est à craindre qu’on ne tombât dans le malheur de ceux dont parle Notre-Seigneur : Qui posuit manum suam ad aratrum et respicit retro non est aptus ad regnum Dei (5), et à ce que saint Paul prononce contre ceux qui ont été illuminés de Dieu et ont goûtè du bonheur d’être employés au service de Dieu, desquels il est dit qu’il est impossible qu’ils soient sauvés (6).

Mais le moyen de soutenir de fait ? Je vous dirai ce que disait saint Paul : Avez-vous donné quelque chose au delà du superflu ? Avez-vous fait autant pour ces enfants que les femmes du peuple de Dieu qui donnèrent ? Avez-vous résisté jusques au sang ?

Il semble que c’est ouvrage d’hommes et non de femmes que le soin des enfants trouvés. — Répondez que Dieu se sert de ceux qu’il lui plaît. Judith défit Holopherne et son armée ; Esther donna la vie à tous les juifs ; Séphora conduisit et jugea le peuple de Dieu ; les veuves dont parle saint Paul soutiendront l’Eglise à son commencement ; sainte Geneviève pourvut Paris de blés

4). Evangile de saint Luc XIV, 30.

5). Evangile de saint Luc IX, 62.

6). Epître aux Hébreux VI, 4.

 

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pendant une famine ; et qu’une veuve a chassé les Allemands de ce royaume.

Supposé que toutes ces raisons vous portent à continuer, que faut-il faire ?

1. Beaucoup prier.

2. Secondement, se donner à Dieu pour vivre en vraies dames de la Charité, qui est à dire des dames qui aiment Dieu et le prochain.

3. De vous rendre exactes à la visite de l’Hôtel-Dieu et des enfants ; la vue de leur misère vous exercera à les secourir. Ce serait encore une bonne pratique que de se demander parfois, par exemple après la communion : pourquoi es-tu dame de la charité ? C’est pour faire procurer le plus de bien que je pourrai aux pauvres malades de l’Hôtel-Dieu et aux enfants trouvés.

 

195. — CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR L’ŒUVRE DES ENFANTS TROUVES

(Entre 1640 et 1650) (1)

Pour l’assemblée générale des enfants trouvés.

Je vous parlai dernièrement succinctement de vos enfants trouvés, pource que nous avions plusieurs autres affaires à traiter et qu’il semblait que les officières pourraient pourvoir à leur besoin sans en parler à la Compagnie. Et pource que l’expérience a fait voir que non, nous vous en parlerons aujourd’hui, et vous dirai qu’ils sont en grande nécessité et qu’il ne reste plus que pour

Document 195. — Doc. autog. — Arch. de la Mission, original.

1). Cet entretien convient aux circonstances dans lesquelles se trouvait l’œuvre des enfants trouvés entre ces dates extrêmes.

 

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les nourrir six semaines, et qu’il est nécessaire d’aviser aux moyens de pourvoir à leur besoin :

[1] Pource qu’ils sont en nécessité extrême et qu’en ce cas vous êtes obligées d’y pourvoir. Non pavisti, occidisti. L’on peut tuer un pauvre enfant en deux façons : ou par mort violente, ou en lui refusant la nourriture.

2. Pource que Notre-Seigneur vous a appelées pour être leurs mères ; et voici l’ordre qu’il y a tenu : premièrement, il vous a fait rechercher pendant deux ou trois ans par messieurs de Notre-Dame ; 2° vous avez fait diverses assemblées à cet effet ; 3° vous en avez fait de grandes prières à Dieu ; 4° vous en avez pris conseil de personnes sages ; 5° vous en avez fait un essai ; 6° vous l’avez enfin résoIu.

Et voici les motifs qui vous y ont portées :

1° Qu’on était informé que ces pauvres petites créatures étaient mal assistées : une nourrice pour 4 ou 5 enfants !

2° Que l’on les vendait à des gueux huit sols la pièce, qui leur rompaient bras et jambes pour exciter le monde à pitié et leur donner l’aumône, et Ies laissaient mourir de faim ;

3° Que des femmes qui n’avaient point d’enfants de leurs maris et des misérables qui les entretenaient, en prenaient et les supposaient comme leurs ; et d’effet nous en avons trouvé trois ou quatre depuis deux ans en çà ;

4° Qu’on leur donnait des pilules de laudanum pour les faire dormir, qui est un poison ; que de tout cela est arrivé ;

5° Qu’il ne s’en trouve pas un seul en vie depuis 50 ans, si ce n’est que depuis peu il s’est trouvé que quelqu’un des supposés a vécu ;

6° Et enfin, qui était le comble de tous maux, c’est que plusieurs mouraient sans être baptisés.

Voilà les motifs qui vous émurent à vous en charger.

 

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La Providence vous a donc faites mères adoptives de ces enfants. Notez mères adoptives. C’est un lien que vous avez contracté avec eux, de sorte que, ces pauvres enfants étant abandonnés de vous, il faut nécessairement qu’ils meurent. Qui les empêchera ? La police publique ne l’a pu jusques à maintenant. Si vous ne le pouvez, qui le fera ? Certes, personne. Et selon cela, Mesdames, vous êtes obligées de les assister en deux sortes en conscience :

1° Comme nécessité extrême ;

2° Comme vous étant leurs mères.

Les moyens.

1° Prier Dieu pour cela ;

2° Communier une fois à cette intention ;

3° En parler à ses parents et amis ;

4° Aux prédicateurs par messieurs les curés ;

5° Enfin prendre résolution si l’on les doit quitter, ou si l’on se doit efforcer et faire un effort pour cette année.

1. Si vous les abandonnez, que dira Dieu, qui vous a appelées a cela ?

2. Que dira le roi et le magistrat, qui, par lettres patentes vérifiées, vous attribue le soin de ces pauvres enfants ?

3. Que dira le public, qui a fait des acclamations de bénédictions de voir le soin que vous en prenez ?

4. Que diront ces petites créatures ? "Hélas ! mes chères mères, vous nous abandonnez ! Que nos propres mères nous aient abandonnés, baste, elles sont mauvaises ; mais que vous le fassiez, qui êtes bonnes, c’est autant dire que Dieu nous a abandonnés et qu’il n’est pas notre Dieu."

5. Enfin que direz-vous à l’heure de la mort, quand Dieu vous demandera pourquoi vous avez abandonné

 

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ces petites créatures ? Tout cela, Mesdames, semble requérir que vous vous efforciez.

Objections

1. La nécessité du temps, qui appauvrit un chacun, de sorte qu’on ne peut que vivoter simplement. — Je réponds, Mesdames, que vous n’en serez pas incommodées. Qui miseretur pauperis numquam indigebit (2). teneretur Domino qui miseretur pauperis (3.)

2. Vous êtes cent. Quand chacune s’efforcerait à cent livres, c’est plus qu’il ne faut. Si cinquante le faisaient et les autres de quelque chose, cela suffi rait avec ce qu’on a déjà.

3. Je n’ai point d’argent. — Hélas ! combien de nignoteries a-t-on au logis, qui ne servent de rien ! O Mesdames, que nous sommes éloignées de la piété des enfants d’Israël, dont les femmes donnaient leurs joyaux pour faire un veau d’or.

Et puis cela ira à l’infini et chacun exposera ses enfants. — A cela l’on répond que non. Une dame donnait, ces jours passés, tous ses joyaux pour cela. Cinq ou six dames nourrissent une province.

Cette pauvreté accablera la Compagnie ci-après aussi bien qu’à présent. — Il y a deux affaires d’importance sur le bureau, qui nous délivreront de ce malheur.

2. Livre des Proverbes XXVIII, 27.

3. Livre des Proverbes XIX, 17.

 

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RESUMÉ D’ENTRETIEN AUX DAMES

SUR L’ŒUVRE DES ENFANTS TROUVÉS

(1647) (1)

M. Vincent se pose la question : les dames de la Charité doivent-elles continuer ou abandonner l’œuvre des enfants trouvés ? Il examine les raisons pour et contre et rappelle aux dames le bien qu’elles ont fait jusque-là : cinq ou six cents enfants arrachés à la mort et élevés chrétiennement ; les plus grands placés en apprentissage, ou sur le point de l’être. Si tels sont les commencements, que ne promet pas l’avenir ? Puis, élevant la voix, il conclut par ces mots :

Or sus, Mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants ; vous avez été leurs mères selon la grâce depuis que leurs mères selon la nature les ont abandonnés ; voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d’être leurs mères pour devenir à présent leurs juges ; leur vie et leur mort sont entre vos mains ; je m’en vais prendre les voix et les suffrages ; il est temps de prononcer leur arrêt et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront si vous continuez d’en prendre un charitable soin ; et, au contraire, ils mourront et périront infailliblement si vous les abandonnez ; l’expérience ne vous permet pas d’en douter.

Document 196. — Abelly, op. cit, L I, chap. XXX, p. 144.

1. Abelly dit "environ l’an 1648" La vraie date serait 1647 si ce qu’ajoute ce biographe est vrai, à savoir qu’à la suite de ce discours les enfants furent transportés au château de Bicêtre Cette péroraison pourrait se rapporter au discours précédent.

XIII. — 51

 

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197. — EXTRAIT D’UN CANEVAS D’ENTRETIEN AUX DAMES

RAPPORT SUR LES ŒUVRES

…Il y a 820 enfants trouvés, dont il y en a 150 de sevrage et les autres en nourrice.

Pource que l’on doit environ quatre mille livres…

Il semble pour 4 raisons, que la Compagnie doive abandonner les œuvres des enfants…

 

198. — ENTRETIEN AUX DAMES

RAPPORT SUR L’ÉTAT DES ŒUVRES

(11 juillet 1657) (l)

Mesdames,

Le sujet de cette assemblée regarde trois fins. La première est pour procéder à une nouvelle élection d’officières, s’il est jugé à propos ; la seconde, pour donner connaissance à la Compagnie des œuvres que Dieu lui a fait la grâce d’entreprendre ; et la troisième, pour considérer les raisons que vous avez, Mesdames, de vous donner à sa divine bonté, afin qu’il lui plaise vous faire la grâce de soutenir et de continuer ces œuvres commencées.

Document 197. — Doc. aut. — L’original a été mis en vente en 1914 à Paris chez S. Kra, qui ne nous a pas permis d’en prendre copie.

Le catalogue l’annonce ainsi : "Ms. entièrement autographe n. s. Minute d’un discours, 2 p. in-4, grandes marges. Discours prononcé à une des célèbres assemblées… compte rendu de ses œuvres. Très belle pièce où il expose très minutieusement l’état financier de ses œuvres de bienfaisance." Les trois courts extraits cités plus haut sont empruntés à ce catalogue.

Document 198. — Abelly, op. cit., L II, chap. x, p. 358 et suiv.

1. Date donnée en marge par Abelly.

 

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Pour l’élection, on en parla vendredi dernier en l’assemblée ordinaire, laquelle est composée des officières et de quelques autres dames, les officières faisant instance qu’on en élise de nouvelles, et les autres étant d’avis qu’on les prie de continuer leurs charges jusqu’à Pâques.

Et parce que vous, Mesdames, avez voix délibérative sur ce sujet, nous les prendrons à la fin de ce discours, pour savoir si les officières doivent continuer, ou si vous procéderez à une nouvelle élection.

Quant à l’état des affaires, nous commencerons, s’il vous plaît, par l’Hôtel-Dieu, qui a donné sujet à la naissance de la Compagnie ; c’est le fondement sur lequel il a plu à Dieu d’établir les autres œuvres qu’elle a entreprises, et c’est la source des autres biens qu’elle a faits.

M. Vincent lut alors devant l’assemblée l’état de la recette et de la dépense. Depuis la dernière assemblée générale, c’est-à-dire depuis environ un an, on avait dépensé 5 000 livres pour la collation des pauvres malades de l’Hôtel-Dieu et reçu à cette fin 3 500 livres. 1e déficit montait donc à 1 500 livres.

Cette constatation faite, il continua :

Cela a pu provenir de ce qu’il est décédé nombre de dames qui étaient de l’assemblée et qu’il ne s’en remet pas d’autres. C’est pourquoi, Mesdames, vous avez été en partie assemblées pour voir les moyens de faire subsister cette bonne œuvre, laquelle a été commencée et continuée depuis tant d’années par des manières imperceptibles à d’autres qu’à Dieu, et avec tant de bénédiction de sa part, qu’il y a grand sujet de l’en remercier

O Mesdames, que vous devez bien rendre grâces à Dieu de l’attention qu’il vous a fait faire aux besoins corporels de ces pauvres malades ; car l’assistance de-

 

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leurs corps a produit cet effet de la grâce, de vous faire penser à leur salut, en un temps si opportun, que la plupart n’en ont jamais d’autre pour se préparer à la mort ; et ceux qui relèvent de maladie ne penseraient guère à changer de vie sans les bonnes dispositions où l’on tâche de les mettre.

M. Vincent lut ensuite le tableau des dépenses faites par la Compagnie pour la Champagne et la Picardie, et il ajouta :

Depuis le 15 juillet 1650 jusqu’au jour de la dernière assemblée générale on a envoyé et distribué aux pauvres trois cent quarante huit mille livres ; et depuis la dernière assemblée générale jusques aujourd’hui, dix-neuf mille cinq cents livres, qui est peu au prix des années précédentes. Ces sommes ont été employées pour nourrir les pauvres malades, pour retirer et entretenir environ huit cents enfants orphelins des villages ruinés, tant garçons que filles, que l’on a mis en métier ou en service après avoir été instruits et habillés ; pour entretenir nombre de curés dans leurs paroisses ruinées, lesquels auraient été contraints d’abandonner leurs paroissiens, pour ne pouvoir vivre avec eux sans cette assistance ; et enfin pour raccommoder un peu quelques églises, qui étaient dans un si pitoyable état, qu’on ne peut le dire sans frémir d’horreur.

Les lieux où l’argent a été distribué sont les villes et les environs de Reims, Rethel, Laon, Saint-Quentin, Ham, Marle, Sedan et Arras. Sans comprendre les habits, draps, couvertures, chemises, aubes, chasubles, missels, ciboires, etc…, qui monteraient à des sommes considérables, si cela était supputé.

Certes, Mesdames, on ne peut penser qu’avec admiration au grand nombre de ces vêtements pour des hommes, des femmes et des enfants, et aussi pour des prêtres ; non plus qu’aux divers ornements pour les

 

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églises dépouillées et réduites à une telle pauvreté, qu’il se peut dire que sans cette charité la célébration des saints mystères en était bannie, et que ces lieux sacrés n’auraient servi qu’à des usages profanes. Si vous aviez été chez les dames chargées de ces hardes, vous auriez vu leurs maisons être comme des magasins et des boutiques de gros marchands.

Béni soit Dieu, Mesdames, qui vous a fait la grâce de couvrir Notre-Seigneur en ses pauvres membres, dont la plupart n’avaient que des haillons, et plusieurs enfants étaient nus comme la main ! La nudité des filles et des femmes était même si grande qu’un homme qui avait tant soit peu de pudeur, n’osait les regarder, et tous étaient pour mourir de froid dans la rigueur des hivers. Oh ! combien vous êtes obligées à Dieu de vous avoir donné l’inspiration et le moyen de pourvoir à ces grands besoins ! Mais à combien de malades n’avez-vous pas sauvé la vie ! Car ils étaient abandonnés de tout le monde, couchés sur la terre, exposés aux injures de l’air et réduits à la dernière extrémité par les gens de guerre et par la cherté des blés. A la vérité, il y a quelques années que leur misère était plus grande qu’elle n’est à cette heure, et alors on envoyait jusqu’à seize mille livres par mois. On s’animait à donner, à la vue du danger où étaient les pauvres de périr, s’ils n’étaient promptement secourus, et on s’échauffait les uns les autres en charité pour les assister ; mais, depuis un an ou deux, le temps étant un peu meilleur, les aumônes ont beaucoup diminué. Il y a néanmoins encore près de 80 églises en ruine, et les pauvres gens sont obligés d’aller chercher une messe bien loin. Voyez où nous en sommes. On a commencé à y faire travailler, par la providence que Dieu a sur la Compagnie.

Or, Mesdames, le récit de ces choses ne vous attendrit-il pas le cœur ? N’êtes-vous pas touchées de recon-

 

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naissance envers la bonté de Dieu sur vous et sur ces pauvres affligés ? Sa Providence s’est adressée à quelques dames de Paris pour assister deux provinces désolées ; cela ne vous paraît-il pas singulier et nouveau ? L’histoire ne dit point que chose semblable soit arrivée aux dames d’Espagne, d’Italie, ou de quelque autre pays. Cela était réservé à vous autres, Mesdames, qui êtes ici, et à quelques autres qui sont devant Dieu, où elles ont trouvé une ample récompense d’une si parfaite charité.

Il en est mort huit de votre Compagnie depuis un an. Et à propos de ces dames défuntes, ô Sauveur ! qui leur aurait dit, la dernière fois qu’elles s’assemblèrent, que Dieu les appellerait avant la prochaine assemblée ! Quelles réflexions n’auraient-elles pas faites sur la brièveté de cette vie et sur l’importance de la bien passer ! Combien auraient-elles estimé la pratique des bonnes œuvres ! Et quelles résolutions n’auraient-elles pas prises pour s’adonner plus que jamais à l’amour de Dieu et du prochain, avec plus de ferveur et plus d’effets ! Donnons-nous à Dieu pour entrer dans ces sentiments. Elles jouissent maintenant de la gloire, comme il y a sujet d’espérer ; elles éprouvent combien il est bon de servir Dieu et d’assister les pauvres ; et au jugement elles entendront ces agréables paroles du Fils de Dieu : "Venez, les bien-aimés de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé ; parce qu’ayant eu faim, vous m’avez donné à manger ; ayant été nu, vous m’avez habillé ; étant malade, vous m’avez visité et secouru, etc… (2)" Belle pratique, Mesdames, de vous offrir à Dieu, et moi avec vous, pour nous rendre dignes, tandis que nous en avons l’occasion, d’être un jour de ce

 

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bienheureux nombre, et nous proposer le bien que nous voudrions faire, si nous étions persuadés que ce sera peut-être ici la dernière assemblée où nous nous trouverons ! En voilà huit en un an. Otez-en autant pour chacune des années passées, vous trouverez le nombre de la Compagnie beaucoup diminué. Il allait du commencement à deux et à trois cents, et présentement il est réduit à cent cinquante. Je recommande à vos prières ces chères défuntes.

Venons aux enfants trouvés, dont votre Compagnie a pris le soin. Il se voit par le compte de Mme de Bragelonne, qui en est la trésorière, que la recette pour la dernière année monte à 16 248 livres, et la dépense à 17 221 livres.

Après avoir parcouru la liste des petits enfants, sevrés ou en nourrice, et des plus grands, placés comme apprentis ou comme domestiques, ou restés à l’hôpital, M. Vincent constata qu’ils étaient au nombre de 395 ; il ajouta :

On a remarqué que le nombre de ceux qu’on expose chaque année est quasi toujours égal, et qu’il s’en trouve autant que de jours en l’an. Voyez, s’il vous plait, quel ordre dans ce désordre, et quel grand bien vous faites, Mesdames, de prendre soin de ces petites créatures abandonnées de leurs propres mères et de les faire élever, instruire et mettre en état de gagner leur vie et de se sauver. Avant que de vous en charger, vous en avez été pressées deux ans durant par messieurs les chanoines de Notre-Dame. Comme l’entreprise était grande, vous y vouliez penser, et enfin vous y avez donné les mains, croyant que Dieu l’aurait très agréable, ainsi qu’il l’a fait voir depuis. Jusque-là nul n’avait oui dire depuis cinquante ans qu’un seul enfant trouvé eût vécu ; tous périssaient d’une façon ou d’autre. C’était à vous, Mesdames, que Dieu avait ré-

 

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servé la grâce d’en faire vivre quantité et de les faire bien vivre.

En apprenant à parler, ils apprennent à prier Dieu, et peu à peu on les occupe, selon l’usage et la capacité d’un chacun ; on veille sur eux pour les bien régler en leurs petites façons et corriger de bonne heure en eux leurs mauvaises inclinations. Ils sont heureux d’être tombés en vos mains, et seraient misérables en celles de leurs parents, qui, pour l’ordinaire, sont gens pauvres ou vicieux. Il n’y a qu’à voir leur emploi de la journée pour bien connaître les fruits de cette bonne œuvre, qui est de telle importance que vous avez tous les sujets du monde, Mesdames, de remercier Dieu de vous l’avoir confiée.

Reste à vous dire quelques motifs qui obligent] a Compagnie de renouveler sa dévotion pour ces diverses œuvres de charité, que la miséricorde de Dieu a conduites au point que nous venons d’entendre, et dont lei fruits ne se verront parfaitement que dans le ciel ; œuvres qui vous obligent, dis-je, vous toutes qui vous rencontrez ici, enrôlées en cette sainte milice, de continuer et augmenter votre première ferveur, et celles qui ne sont pas encore de la Compagnie à contribuer ce qu’elles pourront pour soutenir et accroître ces œuvres-là qui ont tant de rapport à celles que Notre-Seigneur a faites et recommandées en faveur des pauvres.

Le premier motif est que votre Compagnie est un ouvrage de Dieu, et non pas un ouvrage des hommes. Je l’ai dit autrefois, les hommes n’y sauraient atteindre ; Dieu donc s’en est mêlé : toute bonne action vient de Dieu, il est l’auteur de toutes les saintes œuvres. Il les faut toutes rapporter au Dieu des vertus et au Père des miséricordes ; car à qui doit-on référer la lumière des étoiles, qu’au soleil, qui en est l’origine ? Et à qui faut-

 

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il référer le dessein de la Compagnie, qu’au Père des miséricordes et au Dieu de toute consolation, qui vous a choisies comme personnes de consolation ou de miséricorde ? Jamais Dieu n’appelle personne à un emploi, qu’il ne voie en elle les qualités propres pour s’en acquitter, ou qu’il n’ait dessein de les lui donner. C’est donc lui qui, par sa grâce, vous a appelées et unies ensemble ; il a fallu que son mouvement vous ait portées à ces trois sortes de biens ; ce n’est pas votre propre volonté qui vous les a fait embrasser, mais la bonté qu’il a mise en vous. Cela mérite bien que nous suscitions l’esprit de charité entre nous en toutes ces manières. quoi ! c’est Dieu qui m’a fait l’honneur de m’appeler, il faut donc que j’écoute sa voix ; c’est Dieu qui m’a destinée à ces exercices charitables, il faut donc que je m’y applique. Il n’a pas voulu, Mesdames, que vos yeux aient vu le Sauveur, comme ceux de saint Siméon ; mais il veut que vous entendiez sa voix pour aller où il vous appelle, sinon aveuglément, comme saint Paul, du moins avec joie et tendresse ; car de l’entendre et de n’y pas répondre, ce serait vous rendre indignes de la grâce de votre vocation. J’ai vu naître l’œuvre, j’ai vu que Dieu l’a bénie, je l’ai vue commencer par une simple collation que l’on portait aux malades, et maintenant j’en vois les suites, et des suites si avantageuses à sa gloire et au bien des pauvres ! Ah ! il faut donc que je m’y porte. Quelle dureté de cœur, s’il y en avait quelqu’une qui négligeât de contribuer à la manutention de si grands biens que ceux-là !

Le second motif est la crainte que vous devez avoir que ces œuvres-là ne viennent à fondre et à s’anéantir en vos mains. Ce serait sans doute un grand malheur, Mesdames, et d’au ; tant plus grand, que la grâce que. Dieu vous a faite de vous y employer est plus rare et extraordinaire. Il y a huit cents ans, ou environ, que

 

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les femmes n’ont point eu d’emploi public dans l’Eglise ; il y en avait auparavant qu’on appelait diaconesses, qui avaient soin de faire ranger les femmes dans les églises et de les instruire des cérémonies qui étaient pour lors en usage. Mais, vers le temps de Charlemagne, par une conduite secrète de la divine Providence, cet usage cessa, et votre sexe fut privé de tout emploi, sans que, depuis, il en ait eu aucun ; et voilà que cette même Providence s’adresse aujourd’hui à quelques-unes d’entre vous, pour suppléer à ce qui manquait aux pauvres malades de l’Hôtel-Dieu. Elles répondent à son dessein, et bientôt après, d’autres s’étant associées aux premières, Dieu les établit les mères des enfants abandonnés, les directrices de leur hôpital et les dispensatrices des aumônes de Paris pour les provinces, et principalement pour les désolées. Ces bonnes âmes ont répondu à tout cela avec ardeur et fermeté, par la grâce de Dieu.

Ah ! Mesdames, si tous ces biens venaient à fondre en vos mains, ce serait un sujet de grande douleur. Oh ! quelle désolation ! quelle honte ! Mais que pourrait-on penser d’un tel désarroi ? Et d’où pourrait-il provenir ? Quelle en serait la cause ? Que chacune de vous se demande dès à présent : "Est-ce moi qui contribue à faire déchoir cette sainte œuvre ? Qu’y a-t-il en moi qui me rende indigne de la soutenir ? Suis-je cause que Dieu ferme sa main à ses grâces ?" Sans doute, Mesdames, que, si nous nous examinons bien, nous craindrons de n’avoir pas fait tout ce que nous avons pu pour le progrès de cette œuvre ; et si vous en considérez bien l’importance, vous la chérirez comme la prunelle de vos yeux et comme l’instrment de votre salut. Et vous inbéressant, selon Dieu, à son avancement et perfection, vous y porterez les dames de votre connaissance ; autrement, on vous appliquera le reproche que l’Evangile fait à un qui a commencé un édifice et qui ne l’a pas achevé :

 

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"Vous avez établi les fondements d’une œuvre, et puis vous l’avez laissée là." Cela sans doute est pressant, surtout si vous ajoutez que votre édifice est un ornement à l’Eglise et un asile pour les misérables. Si donc par votre faute il vient à dépérir, vous ôterez au public un sujet de grande édification, et aux pauvres un grand soulagement.

Le frère qu’on a employé pour la distribution de vos charités me disait : a Monsieur, voilà les blés qu’on a envoyés aux frontières, qui ont donné la vie à un grand nombre de familles ; elles n’en avaient pas un grain pour semer ; personne ne voulait leur en prêter ; les terres demeuraient en friche, et ces contrées-là s’en allaient désertes par la mort et par la retraite des habitants "On a employé jusqu’à vingt-deux mille livres en un an en semences, pour les occuper l’été et les nourrir l’hiver. Voyez, Mesdames, par les biens que vous avez faits, combien serait grand le malheur, s’ils venaient à manquer !

Le troisième motif que vous avez pour continuer ces saintes œuvres, c’est l’honneur que Notre-Seigneur en retire. Comment cela ? Parce que c’est l’honorer que d’entrer en ses sentiments, de les estimer, de faire ce qu’il a fait et d’exécuter ce qu’il a ordonné. Or, ses sentiments les plus grands ont été le soin des pauvres pour les guérir, les consoler, les secourir et les recommander ; c’était là son affection. Et lui-même a voulu naître pauvre, recevoir en sa compagnie des pauvres, servir les pauvres, se mettre à la place des pauvres, jusqu’à dire que le bien et le mal que nous ferons aux pauvres, il le tiendra fait à sa personne divine. Quel plus tendre amour pouvait-il témoigner pour les pauvres ! Et quel amour, je vous prie, pouvons-nous avoir pour lui, si nous n’aimons ce qu’il a aimé ! Tant y a, Mesdames, c’est l’aimer de la bonne sorte que d’aimer les pauvres ;

 

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c’est le bien servir que de les bien servir, et c’est l’honorer comme il faut que de l’imiter. Cela étant, oh ! que nous avons sujet de nous animer à la continuation de ces bonnes œuvres, et de dire dès à présent dans le fond de nos cœurs : "Oui, je me donne à Dieu pour avoir soin des pauvres et pour maintenir les exercices de la charité à leur égard ; je les assisterai, aimerai, recommanderai ; et, à l’exemple de Notre-Seigneur, j’aimerai ceux qui les consolent et porterai respect à ceux qui les visitent et qui les soulagent. Or, si ce débonnaire Sauveur se tient honoré de cette imitation, combien plus devons-nous tenir à grand honneur de nous rendre en cela semblables à lui ! Ne vous semble-t-il pas, Mesdames, que voilà un motif très puissant pour renouveler en vous votre première ferveur ? Pour moi, je pense que nous devons nous offrir aujourd’hui à sa divine Majesté, afin qu’elle ait agréable de nous animer de sa charité, en sorte que l’on puisse dire désormais de vous toutes que c’est la charité de Jésus-Christ qui vous presse.

Voilà assez de motifs pour les âmes qui aiment le bon Dieu. Il me semble que vous me dites aussi : "Monsieur, nous sommes toutes persuadées qu’il est important de continuer les biens commencés, qu’il n’y a que la fin qui couronne l’œuvre et que, non seulement il faut servir Dieu et soulager les pauvres, mais de plus qu’il faut tâcher de le bien faire ; il ne reste qu’à nous en donner les moyens, puisque, grâces à Dieu, nous sommes résolues et disposées de les employer pour faire subsister les œuvres et continuer nos assemblées."

Le premier moyen donc que je vous présente, Mesdames, est d’avoir une affection intérieure et continuelle de travailler à votre avancement spirituel et de vivre dans toute la perfection qui vous sera possible, d’avoir toujours la lampe allumée au dedans de vous,

 

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je veux dire un désir cordial, ardent et persévérant de plaire à Dieu et de lui obéir ; en un mot, de vivre en vraies servantes de Dieu. Celles qui sont dans ces dispositions attirent assurément les grâces de Dieu et Notre-Seigneur même en leurs cœurs et en leurs actions Vivant de la sorte, vous obtiendrez la persévérance dans les bonnes œuvres, parce que le Seigneur des miséricordes habitera en vous. Et d’autant que les maximes du monde ne s’accordent pas à cela, et que rien ne nous prive tant de l’esprit de Dieu que de vivre mondainement dans le siècle, et que plus on est dans le faste, plus on se rend indigne de posséder Jésus-Christ, les dames de la Charité se doivent éloigner de cet esprit du monde comme d’un air infecté ; il faut qu’elles se déclarent du parti de Dieu et de la charité. Je dis entièrement, car qui voudrait adhérer tant soit peu au parti contraire, ce serait gâter tout, parce que Dieu ne peut souffrir un cœur partagé : il le veut tout ; oui, il le veut tout. J’ai consolation de parler à des âmes qui sont toutes à lui, éloignées de tout ce qui peut les rendre désagréables à ses yeux. Autrefois, entre elles qui se présentaient pour entrer en la Compagnie, on faisait le choix de celles qui ne fréquentaient pas le jeu, ni la comédie, ni d’autres passe-temps dangereux, et qui ne faisaient pas les vaines en voulant faire les dévotes. Il faut donc avoir cette foi, que Dieu ne verse ses grâces qu’en celles qui se séparent du grand monde, qui s’approchent de Dieu et qui se récolligent pour s’unir à lui par souhaits, par prières et par de saintes occupations, en sorte que tout le monde sache qu’elles font profession de servir Dieu.

O Seigneur ! y aura-t-il beaucoup de monde sauvé ? Il y a deux portes pour aller en l’autre vie, l’une étroite et l’autre large ; il y en a peu qui passent par la première, et beaucoup par la seconde. Les saints entendent

 

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par la porte large la liberté des mondains qui, se donnant carrière, suivent leurs appétits déréglés ; et pour ceux-là, ils n’ont autre part que la colère et la malédiction de Dieu, conformément à ce que dit saint Paul : "Si vous vivez selon la chair, vous mourrez (3)" O Sauveur ! quelle menace ! Nous avons sujet de craindre que nous ne soyons de ce grand nombre qui va à perdition ; oui, si nous ne marchons par le chemin étroit.

Les dames qui se donneront à Dieu pour vivre en vraies chrétiennes, en observance des commandements de Dieu, et s’acquitteront des règles de la justice ; les mariées, en l’obéissante des maris ; les veuves, en vivant comme veuves ; les mères, et prenant soin de leurs enfants ; les maîtresses, de leurs serviteurs et servantes ; et qui enfin ajouteront à ces devoirs ce que le bienheureux évêque de Genève leur conseille, à savoir d’entrer dans les compagnes et confréries qui font profession particulière de vertu, et qui, recommandant quelque exercice extérieur de piété ou de miséricorde, portent aussi à la mortification des passions et à l’amour de Dieu ; ces dames-là marcheront en la bonne voie qui conduit à la vie. Entrez donc en cette compagnie ou confrérie, Mesdames, vous qui n’y êtes pas encore enrôlées, puisqu’elle fait son capital de n’avoir de cœur que pour Dieu, ni de volonté que pour l’aimer, ni de temps que pour le servir. Si on a de la complaisance pour le mari, c’est pour Dieu ; du soin pour les enfants c’est pour Dieu ; de l’application pour les affaires, c’est pour Dieu. C’est ainsi qu’on passe par la porte étroite du salut et qu’on se sauve.

Notre-Seigneur avait affaire à trois sortes de gens. aux apôtres, aux disciples et au peuple. Celui-ci le sui-

3). Epître aux Romains VIII, ~3.

 

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vait quelque temps, mais, après avoir goûté ses paroles de vie, il se retirait ; ce qui obligea Notre-Seigneur de dire à ses disciples : "Et vous, ne voulez-vous pas aussi m’abandonner ?" Il y a des personnes, Mesdames, qui voyant que plusieurs d’entre vous suivent constamment Notre-Seigneur par ce chemin étroit de l’exercice de l’amour de Dieu et du prochain, voudraient bien faire de même ; cela leur paraît beau ; le trouvant néanmoins difficile, elles ne demeurent pas.

Entre ceux qui furent fermes à suivre Notre-Seigneur, il se trouva des femmes aussi bien que des hommes, qui le suivirent jusqu’à la croix ; elles n’étaient pas apôtres, mais elles composaient un moyen état, dont l’office fut depuis d’administrer aux apôtres leur vivre et de contribuer à leur saint ministère. Il est à souhaiter que les dames de la charité regardent ces dévotes femmes comme leurs modèles. Il n’y a condition au monde qui approche tant de cet état que la vôtre. Elles allaient d’un côté et d’autre pour subvenir aux besoins, non seulement des ouvriers de l’Evangile, mais des fidèles nécessiteux.

Voilà votre office, Mesdames, voilà votre partage. Bénissez Dieu de vous avoir appelées à ce bienheureux état, et vivez comme ces saintes femmes. Ayez tendresse et dévotion pour la bienheureuse Jeanne de Cusa et pour les autres dont il est parlé en saint Luc ; ce faisant, vous passerez par la porte étroite qui mène à la vie ; et, au dire de saint Thomas, vous serez toutes sauvées, parce que, dit-il, personne ne se peut perdre dans l’exercice de la charité. Enfermons-nous donc dans l’enceinte de cette vertu ; tenons-nous aux pieds de Notre-Seigneur et prions-le qu’il répande lumière, mouvement et chaleur en votre esprit de plus en plus, pour continuer jusqu’à la fin ce que vous avez commencé

 

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car de ne pas faire demain de même qu’aujourd’hui, ce serait reculer. En la vie spirituelle il faut toujours avancer, et on avance quand on ne délaisse pas les bonnes pratiques plaise à Dieu de vous conserver dans les vôtres, et de vous faire vivre comme les vraies mères, qui n’abandonnent jamais leurs enfants ! Or, vous êtes les mères des pauvres, obligées de vous comporter comme Notre-Seigneur, qui en est le père, qui s’est fait semblable à eux et qui est venu pour les instruire, les soulager et nous les recommander. Faites de même, fréquentez les lieux saints, comme sont les hôpitaux, et les personnes vertueuses, telles que sont celles de votre compagnie ; ce sera une marque de votre prédestination ; ce sera un moyen pour vous avancer à la vertu, un bon moyen pour y en attirer d’autres et le moyen des moyens pour conserver et faire fleurir la Compagnie à la gloire de Dieu et à l’édification du public.

Un autre moyen pour la conservation de votre Compagnie est de modérer ses exercices, car, selon le proverbe, qui trop embrasse mal étreint. Il est arrivé à d’autres Compagnies ou confréries, à plusieurs communautés et même à des religions entières, que, pour s’être chargées au delà de leurs forces, elles ont succombé sous le faix. La vertu se trouve entre deux vices opposés, qui sont le défaut et l’excès. Par exemple, qui voudrait, sous prétexte de charité, se charger de tous les besoins d’autrui, ne laisser rien passer du bien qu’on verrait à faire, telle personne tomberait dans un vice ; comme celle qui ne voudrait exercer aucune vertu, ni jamais faire les fonctions de la charité, tomberait dans un autre. Les théologiens estiment que c’est un mal aussi dangereux d’excéder en la pratique des vertus comme d'y manquer ; et le diable, pour l'ordinaire, tente les personnes fort charitables d'excéder en leurs

 

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bonnes œuvres, sachant que tôt ou tard elles succomberont. N'avez-vous jamais vu des hommes qui, étant trop chargés, ou trop pressés d'aller, tombent sous leurs charges ? Il pourrait arriver que la Compagnie succomberait aussi sous la sienne, si elle en prenait trop. On reconnaît déjà cela dans l'emploi des quatorze dames de la Compagnie, lesquelles vont deux fois par jour à l'Hôtel-Dieu pour y visiter et consoler les pauvres malades; elles y font de grands biens. Pendant que d autres portent de petits rafraîchissements tous les jours à de pauvres malades, elles se divisent pour aller consoler et instruire les pauvres femmes et filles malade, dans les lits où elles sont couchées ; et on a déjà beaucoup de peine à soutenir cette entreprise et à y supporter les difficultés ; et cet accab!ement fait qu'on trouve peu de personnes qui s'y veuillent appliquer.

L'assistance des frontières et des provinces ruinées est fort grande. C'est une chose presque sans exemple, que des dames s'assemblent pour assister des provinces réduites à l'extrême nécessité, en y envoyant de grandes sommes d'argent et de quoi nourrir et vêtir une infinité de pauvres de toute condition, de tout âge et de tout sexe. On ne dit point qu'il y ait jamais eu de telles personnes associées, qui, d'office, comme vous, Mesdames, aient fait quelque chose de semblable

Il est donc à craindre qu'en se surchargeant encore de nouvelles œuvres, on laisse dépérir les plus utiles et qu'enfin toutes ne viennent à se perdre. C'est ce qu'une personne me disait dernièrement. Dieu est tout-puissant, mais nous sommes faibles. Nous constituons la vertu où elle n'est pas; elle ne se peut trouver dans le trop. Le Fils de Dieu n'a fait que peu; les apôtres ont fait davantage. Saint Pierre convertit cinq mille personnes en une prédication, et Notre-Seigneur a prêché plu

 

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bonnes œuvres, sachant que tôt ou tard elles succomberont N'avez-vous jamais vu des hommes qui, étant trop chargés, ou trop pressés d'aller, tombent sous leurs charges ? Il pourrait arriver que la Compagnie succomberait aussi sous la sienne, si elle en prenait trop.

On reconnaît déjà cela dans l'emploi des quatorze dames de la Compagnie, lesquelles vont deux fois par jour à l'Hôtel-Dieu pour y visiter et consoler les pauvres malades ; elles y font de grands biens. Pendant que d'autres portent de petits rafraîchissements tous les jours à de pauvres malades, elles se divisent pour aller consoler et l’instruire les pauvres femmes et filles malades dans les lits où elles sont couchées ; et on a déjà beaucoup de peine à soutenir cette entreprise et à y supporter les difficultés ; et cet accablement fait qu'on trouve peu de personnes qui s'y veuillent appliquer.

L'assistance des frontières et des provinces ruinées est fort grande. C'est une chose presque sans exemple, que des dames s'assemblent pour assister des provinces réduites à l'extrême nécessité, en y envoyant de grandes sommes d'argent et de quoi nourrir et vêtir une infinité de pauvres de toute condition, de tout âge et de tout sexe. On ne dit point qu'il y ait jamais eu de telles personnes associées, qui, d'office, comme vous, Mesdames, aient fait quelque chose de semblable.

Il est donc à craindre qu'en se surchargeant encore de nouvelles œuvres, on laisse dépérir les plus utiles et qu'enfin toutes ne viennent à se perdre. C'est ce qu'une personne me disait dernièrement. Dieu est tout-puissant, mais nous sommes faibles. Nous constituons la vert où elle n'est pas; elle ne se peut trouver dans le trop. Le Fils de Dieu n'a fait que peu ; les apôtres ont fait davantage. Saint Pierre convertit cinq mille personnes en une prédication, et Notre-Seigneur a prêché plu-

 

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sieurs fois, sans en convertir peut-être aucune ; il a même dit que ceux gui croiraient en lui feraient plus qu'il n'avait fait. Il a voulu être ,plus humble en entreprenant moins. Un estomac chargé ne digère pas bien. Un portefaix a coutume de soulever son fardeau avant que de le mettre sur ses épaules, et, s'il excède ses forces, il ne s'en charge pas. Nous devons prier Dieu qu'il lui plaise lui-même de faire notre charge ; car, en ce cas, si les forces nous manquent, il nous aidera à la porter ; qu'il fasse la grâce à la Compagnie d'être fort retenue, pour ne rien embrasser qui ne vienne de lui. Combien de temps a-t-elle passé avant que de prendre le soin des enfants trouvés ! Combien de sollicitation a-t-elle souffertes pour cela ! Combien de prières, de pèlerinages et de communions a-t-elle faits pour s'y résoudre ! Vous le savez, Mesdames, et vous savez aussi qu'il est toujours bon d'en user de même dans les nouvelles propositions, pour ne s'engager en aucune par un zèle indiscret. Quand vous verrez que vous portez bien les affaires que Dieu vous a commises, courage, bénissez-en sa bonté infinie et donnez-vous à elle pour continuer ; mais ne présumez pas de pouvoir faire davantage.

Voilà la collation et l'instruction des pauvres de l'Hôtel-Dieu, la nourriture et l'éducation des enfants trouvés, le soin de pourvoir aux nécessités spirituelles et corporelles des criminels condamnés aux galères, l'assistance des frontières et provinces ruinées, la contribution aux Missions d'Orient, du Septentrion et du Midi. Ce sont là, Mesdames, les emplois de votre Compagnie. Quoi ! des dames faire tout cela ! Oui, voilà ce que depuis vingt ans Dieu vous a fait la grâce d'entreprendre et de soutenir. Ne faisons donc rien désormais davantage sans le bien considérer, mais faisons bien

 

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cela, et le faisons de mieux en mieux, car c'est ce que Dieu demande de nous.

Un troisième moyen pour le maintien de la Compagnie, c'est de contribuer à la remplir d'autres dames de piété et de vertu Car, si l'on ne suscite d'autres personnes pour y entrer, elle demeurera court et, diminuant de nombre, elle sera trop faible pour porter plus loin ces fardeaux si pesants. On a pour cela ci-devant proposé que les dames qui mourraient, disposeraient quelque temps auparavant une fille, une sœur ou une amie, pour entrer en la Compagnie ; mais peut-être qu'on ne s'en souvient pas. Oh ! qu'un bon moyen, Mesdames, serait que chacune de vous demeurât persuadée des grands biens qui arrivent, en ce monde et en l'autre, aux âmes qui exercent les œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle en tant de manières comme vous les exercez ! Cela vous porte sans doute de plus en plus à en disposer d'autres pour se joindre à vous en ce saint exercice de la charité, par la considération de ces biens-là. Cette persuasion vous échauffera premièrement entre vous autres, comme des charbons ardents unis ensemble, et puis vous en échaufferez d'autres par vos paroles et par vos exemples.

Souffrez, Mesdames, que je vous demande votre sentiment.

Se tournant vers Madame de Nemours, M. Vincent lui dit :

Madame, vous est-il venu en l'esprit quelqne bon moyen ?

Et la même question fut posée aux autres dames de l'assemblée. Quelques-unes observèrent :

1° Qu'il serait bon de porter les personnes prêtes à paraître devant Dieu à faire des legs pieux en faveur des pauvres dont la Compagnie a soin.

—C'est un moyen considérable, remarqua M. Vincent,

 

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de suggérer cette pensée aux personnes accommodées, en les visitant en leurs maladies.

2° Que l'exactitude aux exercices serait très profitable à la Compagnie.

—C'est un grand conseil, reprit-il, pour attirer les autres à quelque bien, que celui de l'exactitude, comme c'est aussi un grand moyen de donner attrait que la sainte vie. 3

3° Que chaque dame devait concourir, dans la mesure de ses facultés à la dépense et au travail de la Compagnie.

M, Vincent ajouta :

Or sus, Mesdames, béni soit Dieu ! Reste à savoir si vous trouvez bien que les officières continuent à faire leur charge ; si vous n'êtes pas de cet avis, on passera aux voix.

Le maintien des officières ayant été accepté à l'unanimité, M. Vincent conclut :

Voilà qui ect bien, Mesdames; rendons grâces à Dieu de cette assemblée. Prions-le qu'il ait agréable l'oblation nouvelle que nous lui allons faire à genoux, en nous donnant à sa divine Majesté de tout notre cœur, pour recevoir de sa bonté infinie l'esprit de charité, et qu'elle nous fasse la grâce de répondre dans cet esprit aux desseins qu'elle a sur chacun de nous en particulier et sur la Compagnie en général, et de susciter partout cet esprit d'ardeur pour la charité de Jésus-Christ, afin de mériter qu'il le répande abondamment en nous, et que, nous en ayant fait produire les effets en ce monde, il nous rende agréables à Dieu son Père éternellement en l'autre. Ainsi soit-il.

 

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199. —PROJET DE REGLEMENT

POUR LES DAMES DE LA CHARITE DE LA COUR

(Entre 1640 et 1649) (1)

La Compagnie des dames de la Charité sera instituée pour honorer celle de Notre-Seigneur et celle de sa sainte Mère et des dames qui l'ont suivi et administré les choses nécessaires à sa personne, à sa compagnie et parfois aux troupes qui le suivaient et aux pauvres, en protégeant et assistant les Compagnies de la Charité de l'Hôtel-Dieu, des Enfants trouvés, des forçats, des petites filles de Mesdemoiselles Poulaillon et de Lestang (2) des pauvres filles servantes de la Charité des paroisses, des filles de la Madeleine, et tous les bons œuvres institués par des femmes en ce siècle.

Elle sera composée de la personne sacrée de la reine et d'un petit nombre certain et limité des dames qu'il lui plaira choisir à cet effet, lesquelles seront députées trois à trois pour avoir soin de chacune desdites Compagnies, et en rapporteront l'état et les besoins à ladite Compagnie pour résoudre les besoins qu'elles auront trouvés, à la pluralité des voix, qui seront colligées et résolues par Sa Majesté ; et auront ces départements un an durant, au bout desquels elles en changeront au sort; et la reine aura la direction perpétuelle de ladite Compagnie. Lesdites dames s'étudieront à acquérir la perfection

Document 199.—Arch. de la Mission, minute autog. inachevée.

— Ce projet d'une Compagnie spéciale de dames de la Charité chargée de protéger et d'assister les autres œuvres charitables de femmes fut abandonné par saint Vincent avant d'être mis à exécution, peut-être même avant d'être communiqué à qui que ce soit.

1). Ce règlement a été fait entre le temps où les dames de l'Hôtel-Dieu prirent à leur charge les enfants de la Couche (1640) et celui où saint Vincent cessa de fréquenter la cour (1649).

2). Marie Delpech de Lestang (ou de l'Esten) avait créé un orphelinat que remplissaient 84 jeunes filles en 1640, et fondé, pour en prendre soin, une communauté, que la grande Révolution dispersa.

 

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chrétienne et de leur condition, feront oraison mentale une demi-heure pour le moins et entendront la sainte messe, liront un chapitre de l'Introduction à la vie dévote ou de l'Amour de Dieu, feront l'examen général chaque jour et se confesseront et communieront au moins tous les huit jours.

3. Elles s'assembleront où la reine commandera, tous les premiers vendredis des mois, et s'y entretiendront humblement et dévotement, une demi-heure durant, des choses que Notre-Seigneur leur aura données à l'oraison, le matin du jour de l'assemblée, sur le sujet qui leur aura été donné des vertus chrétiennes et propres à leur condition.

4. Rapporteront ensuite par ordre les difficultés et les besoins qu'elles auront trouvés chacune dans la Compagnie qui leur aura été destinée ; et Sa Majesté, le ayant ouïes et fait opiner lesdites dames sur ce sujet, colligera les opinions de chacune d'icelles et commandera ce qu'elle trouvera pour le mieux devant Dieu ; ce qui sera écrit dans un registre et exécuté ensuite par chacune des dames en leur département, lesquelles s'assembleront le 15 de chaque mois, trois à trois, pour traiter des mêmes affaires des Compagnies qui leur auront été commises, et les résoudre, et se contenteront de rapporter les principales à l'assemblée qui se fera en la présence de la reine. Elles auront pour maxime de ne pas traiter là des affaires particulières, ni des générales, notamment de celles d'Etat, ni de se servir de cette occasion pour faire les leurs, honoreront la reine et affectionneront son service d'une affection toute particulière, et s'entre-chériront les unes les autres, comme des sœurs que Notre-Seigneur a liées du lien de son amour, s'entre-visiteront et consoleront en leurs maladies et afflictions, communieront à l'intention des malades et de celles qui décéde-

 

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ront, et honoreront enfin le silence de Notre-Seigneur en toutes les choses qui regarderont ladite Compagnie, pource que le prince du monde se joue des choses saintes qui se divulguent dans le monde.

 

200. — REGLEMENT DE LA COMPAGNIE DES DAMES DE L'HOTEL-DIEU

(1660)

1. Cette Compagnie a été instituée pour honorer celle de Notre-Seigneur et celle de sa sainte Mère et des autres dames qui l'ont suivi et ont administré les choses nécessaires à sa personne et à ses disciples et parfois aux troupes qui le suivaient, et ce en assistant les pauvres de l'Hôtel-Dieu, les enfants trouvés de Paris, les forçats destinés aux galères, et s'employant à d'autres œuvres de charité proportionnées à ce que la même Compagnie jugera pouvoir faire dans les nécessités les plus pressantes, le tout sans aucune obligation et péché, ni mortel, ni véniel.

2. Elle sera composée d'un nombre de dames veuves, mariées et filles, lesquelles en éliront trois d'entre ces veuves et filles seulement, et non pas d'entre les mariées ; ce qui se fera de trois ans en trois ans, ,le lundi de la semaine sainte,dont l'une sera supérieure et les deux autres assistantes, ou trésorière et conseillère. Elles auront l'entière conduite de la Compagnie avec un prêtre de la Mission, et en sortiront les unes après les autres d'année en année, à commencer par la seconde assistante, puis par la première et ensuite par la supérieure,

Document 200.Recueil de diverses pièces appartenantes à la conduite et direction des dames de la Charité à Paris, ms. conservé aux archives de la Mission. Ce document a pour titre: Règlement pour les dames de la Charilé de Paris, dressé par M. Vincent, de l'avis des dames, en 1660.

 

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si ce n'est qu'on juge plus à propos d'en continuer plus longtemps une, ou deux, ou toutes trois, pour quelque raison particulière. Et quand on voudra les changer et faire les élections, il en sera choisi deux pour chaque office, et cela en la petite assemblée des officières, qu'elles feront huit ou dix jours avant la grande assemblée, tant pour cela, que pour montrer au prêtre de la Mission et aux officières les mémoires de leur recette et dépense, afin de voir s'ils sont en l'état qu'il faut pour en rendre compte à la prochaine grande assemblée. Les deux dames ainsi choisies en la petite assemblée pour chaque office seront ensuite proposées à toute l'assemblée, laquelle en élira une des deux, ce qui se fera à la pluralité des voix, chacune disant en particulier au prêtre de la Mission qui y assistera celle des deux qu'elle nomme pour officière.

3. La supérieure prendra garde à ce que le présent règlement s'observe, que chaque dame fasse bien son devoir, avertira celles qui y manqueront, admettra au corps celles qui le demanderont, qui seront bien connues pour personnes vertueuses et affectionnées aux exercices de la charité et qui auront toutes les qualités requises pour cela et pour se soumettre aux ordres et aux règles de la Compagnie, dont elle leur fera la lecture. Quand il y aura quelque dame au corps grièvement malade, elle en fera avertir toutes les autres, afin de prier Dieu pour elle et de la visiter, comme aussi de la communion des quatre-temps et des assemblées extraordinaires et particulièrement de l'assemblée qui se nomme des quatorze, qui se fera de trois mois et trois mois après les quatre-temps, en laquelle seront invitées de se trouver les quatorze dames qui auront été les trois mois précédents à l'Hôtel-Dieu, en la manière et pour les fins qui seront dites plus bas, comme aussi les autres dames qu'on croit avoir des dispositions pour succéder à celles des qua-

 

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torze qui ne pourraient pas y aller les trois mois suivants. De plus, elle visitera elle-même les dames de la Compagnie malades qui le désireront, et avertira la Compagnie de leur décès, afin que chaque dame ait soin de communier et de faire dire une messe pour celles que Dieu aura retirées de ce monde. Elle assemblera la Compagnie quand elle jugera expédient, et l'avertira du jour et du lieu de l'assemblée, et ordonnera cependant des choses qui interviendront. Bref, elle animera le corps de la Compagnie et le conduira par l'avis dudit prêtre de la Mission et de ses deux assistantes.

4. La première assistante ou trésorière servira de conseil à la supérieure, la représentera en son absence, recevra et gardera l'argent destiné pour la collation des pauvres malades de l'Hôtel-Dieu de Paris et pour les autres charités particulières que la Compagnie jugera à propos, hormis ce qui sera employé pour les enfants trouvés. Elle rendra son compte tous les ans à la Compagnie seulement.

5. La deuxième assistante ou trésorière servira aussi de conseil à la supérieure et la représentera aussi en son absence et en celle de la première assistante, et fera la recette et la mise pour les enfants trouvés, dont elle rendra pareillement compte tous les ans à la Compagnie seulement.

6. L'un des premiers et des principaux emplois de la Compagnie étant l'assistance corporelle et spirituelle des pauvres malades de l'Hôtel-Dieu, elle continuera de leur porter quelques petites douceurs pour leur collation et procurera que les malades soient instruits des choses nécessaires à salut, fassent une confession générale de leur vie passée, que ceux qui tendront à la mort partent de ce monde en bon état et que ceux qui guériront vivent chrétiennement le reste de leurs jours.

 

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7. Pour cela les dames se partageront pour aller tour à tour servir les malades ; ce qu'elles feront en deux manières :

1° Il en sera nommé 14 de 3 en 3 mois en l'assemblée extraordinaire d'après les quatre-temps, dont il y en aura deux chaque jour qui instruiront les femmes malades des vérités chrétiennes nécessaires à salut, les disposeront à faire une confession générale de toute leur vie, diront les motifs et la manière de la bien faire et les exhorteront à ;se servir de tous les moyens possibles pour se sauver, avec l'aide de Dieu, soit qu'elles meurent, ou qu'elles guérissent de cette maladie.

2° Celles qui seront destinées pour distribuer la collation se rendront à deux heures à l'Hôtel-Dieu, prendront leur devantier, distribueront aux malades les douceurs et rafraîchissements préparés à cet effet, selon l'ordre de celle qui en aura la charge, prenant occasion de consoler les malades par quelque parole d'édification appliquée selon leur besoin.

8. Toutes adoreront Notre-Seigneur en entrant dans la chapelle dudit Hôtel-Dieu, lui offriront le service qu'elles lui vont rendre, le prieront de l'avoir agréable et de leur donner à cette fin la charité et l'humilité dont il a honoré saint Louis au même lieu.

Elles se retireront à 5 heures en été et à 4 heures en hiver, après avoir remercié Dieu de la grâce qu'il leur a faite de servir ses pauvres membres, lui demanderont pardon des manquements qu'elles y auront faits et la grâce de s'en amender, puis offriront les pauvres malades à Dieu, le priant qu'il les sanctifie et ceux qui les assistent.

9. Outre les soins et la peine des dames pour ces choses-là qu'elles ont entreprises, ou pourront entreprendre, elles contribueront toutes à la dépense qu'il y conviendra

 

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faire, donneront chacune par mois selon leur dévotion et procureront de. tout leur pouvoir que d'autres contribuent, soit en argent, soit en linge, lits, étoffes, habits et confitures, soit en autres choses qui peuvent servir tant aux pauvres de l'Hôtel-Dieu et aux enfants trouvés, qu'aux autres œuvres de charité dont la Compagnie aura pris le soin.

10. Elles s'assembleront une fois la semaine chez la supérieure, ou en tel autre lieu qui sera marqué, et les premières venues s'entretiendront de quelque chose l'édification, en attendant les autres.

11. Elles rapporteront par ordre à l'assemblée ce qu'elles auront fait, les difficultés qu'elles auront trouvées et les succès qu'elles auront eus chacune à l'égard de l'emploi où elle aura été appliquée, et proposeront aussi les nouveaux besoins qu'elles auront découverts, pour tâcher d'y remédier. Sur quoi les autres dames donneront leur avis, et le prêtre de la Mission qui y assistera, recueillera les opinions, prononcera à la pluralité des voix, et les résolutions seront écrites dans un registre et ensuite exécutées par celles à qui la commission sera donnée.

12. Elles auront pour maxime de n'interrompre jamais celles qui parleront et de ne proposer aucune chose hors du sujet qu'on traite, qu'après qu'il sera résolu.

13. On dira courtement sa pensée sur chaque affaire. On agira toujours pour le pur amour de Dieu, regardant seulement le plus grand bien à faire et non pas les lieux et les personnes qui auront été recommandées.

14. Lesdites dames, tant les officières que les autres, s'étudieront à acquérir la perfection chrétienne requise à leur condition, feront oraison mentale une demi-heure pour le moins chaque jour, entendront la sainte messe, liront un chapitre de quelque livre spirituel, feront l'exa-

 

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men général au soir et se confesseront et communieront au moins une fois tous les [mois (l)].

15. Et afin qu'elles se conservent et perfectionnent en l'esprit, outre leurs communions ordinaires et particulières, elles communieront ensemble tous les samedis des quatre-temps, auxquels jours se donnent les saints ordres, afin qu'il plaise à Dieu de donner de bons prêtres à son Eglise et de nouvelles bénédictions à la Compagnie.

Elles honoreront le silence de Notre-Seigneur en toutes choses qui regardent la Compagnie, parce que le prince du monde se joue des choses saintes qui se divulguent légèrement. Elles auront des Filles de la Charité, tant pour avoir soin de la nourriture et de l'éducation des enfants trouvés que pour apprêter les petites douceurs et les apporter chaque jour, à deux heures, audit Hôtel-Dieu, faire entendre aux dames à qui et comment elles doivent distribuer, leur montrant les moribonds et les guéris qui sont prêts à sortir,et enfin pour faire même l'office des dames, lorsqu'il y aura du bruit de contagion et que lesdites dames ne pourront aller sans danger audit Hôtel-Dieu.

Et afin qu'il plaise à Dieu de perpétuer la Compagnie, les dames disposeront pendant leur vie quelqu'une de leurs parentes, ou autre qui ait les qualités requises, pour leur succéder en l'exercice de ces œuvres de miséricorde, et, après que les officières n'auront agréée, la présenteront à l'assemblée ordinaire.

1). La copie porte "une fois tous les ans", mais elle est certainement fautive.

 

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201. —LETTRE DES ECHEVINS DE RETHEL

AUX DAMES DE LA CHARITE

De Rethel, ce 1er mars 1652.

Mesdames,

La présente ne devait être à autre fin que pour vous témoigner, par un humble remerciement, les grandes obligations que nous avons à vos bontés des charitables aumônes que nous en avons reçues. Mais les nécessités causées par une suite de malheur, qui s'augmente de jour en autre, nous contraint, pour le salut des pauvres de notre ville et lieux circonvoisins, à redoubler nos prières, afin qu'il vous plaise de continuer envers eux les ,actions de piété que vous avez, avec des fruits si inconcevables, si heureusement pratiquées. Elles sont d'autant plus morales et méritoires que la distribution s'en fait aux nécessiteux avec un ordre accompagné de si grande prudence par le directeur de la Mission, envoyé par deça pour cet effet, qu'un chacun a sujet d'y rendre grâces à Dieu, non point seulement pour l'assistance des biens temporels, qui ont retiré du tombeau un nombre infini de personnes, mais pour l'administration des sacrements en l'extrémité de la vie à une milliasse d'autres, qui, sans ses soins et sa bonne conduite, fussent morts comme des bêtes brutes, sans confession et sans aucune assistance spirituelle. Tant de bienfaits reçus donneraient trêve à nos importunités; mais les abandonnements déplorables des pères et mères de leurs enfants, les maris de leurs femmes, la banqueroute des filles à leur honneur, accablées de misères, les exactions tyranniques de ceux qui s'arrogent l'autorité de lever les subsistances et les tailles par des voies indues, les dé-

Document 201.—Arch. mun. de Rethel GG 80.

 

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portements des partisans qui casseraient volontiers les os du peuple pour en vendre La moelle, à ce Joints les brigandages et désordres universels des gens de guerre sans discipline, nous font naître de si grandes compassions et des regrets si sensibles, que nous sommes obligés par la loi de nécessité d'avoir recours à la continuation de vos charités. La seule persévérance perfectionnera l'œuvre que vous avez avec tant d'édification si généreusement commencé. C'est pourquoi, Mesdames, autant que la bienséance et le respect le peut permettre, de toute l'étendue de nos cœurs, humblement, les larmes aux yeux, nous vous supplions, par les mérites de la passion de Jésus-Christ, d'avoir pitié de nos misères. Vos vertueuses actions seront récompensées d'une vie comblée de bénédiction en ce monde, et en l'autre de l'immortalité bienheureuse. C'est ce que d'une voix commune vous désire le pauvre peuple du pays, et nous particulièrement, qui sommes, Mesdames, vos très humbles et très obéissants serviteurs.

LES ECHEVINS.

 

souscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission, à Saint-Lazare, pour faire tenir, s'il lui plaît, à l'assemblée des dames de la Charité à Paris.

 

202.—LETTRE DES ECHEVINS DE RETHEL

AUX DAMES DE LA CHARITÉ

De Rethel, ce 1er mai 1652.

Mesdames,

Les grandes aumônes que vous avez faites au pays,

Document 202.— Arch. mun. de Rethel GG 80,

 

- 831 -

ont retiré du tombeau une infinité de nécessiteux, lesquels, après Dieu, vous sont redevables de leurs vies ; mais comme les vertueux desseins ont besoin de persévérance pour les faire parvenir au haut point de perfection, nous prendrons derechef la hardiesse de vous supplier instamment, comme nous faisons de grand cœur, pour la plus grande gloire de Dieu, qu'il vous plaise de continuer encore vos charités l'espace de six semaines, afin que les plus indigents, ayant atteint le temps de la moisson, puissent vivre du travail de leurs bras, et les invalides des aumônes de ceux qui feront leurs récoltes et qui dès lors auront plus de moyen de les assister. Cette continuation couronnera la salutaire entreprise que vous avez si généreusement commencée. Nous espérerons encore de vos bontés cette favorable assistance. Dieu seul sera la récompense de vos pieuses actions ; c'est ce que vous désirent vos très humbles et très obligés serviteurs.

LES ECHEVINS

 

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, pour faire tenir, s'il lui plaît, à l'assemblée des dames de la Charité.

 

- 832 -

 

- 833 -

SUPPLÉMENTS A LA CORRESPONDANCE

 

Le premier supplément contient des lettres déjà publiées, sous le numéro qu'elles portent ici, d'après des copies incomplètes, et dont l'original a été retrouvé depuis. Les lettres du second supplément sont entièrement inédites.

 

PREMIER SUPPLÉMENT

 

169 et 170. —A LOUISE DE MARILLAC

Mademoiselle

La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous pour jamais ! Je vous le disais bien, Mademoiselle, que vous trouveriez de grandes difficultés en l'affaire de Beauvais. Béni soit Dieu de ce que vous l'avez si heureusement acheminé ! Quand j'établis la Charité de Mâcon, chacun se moquait de moi et me montrait au doigt par les rues; et quand la chose fut faite, chacun fondait en larmes de joie; et les échevins de la ville me firent tant d'honneur au départ que, ne le pouvant porter, je fus contraint de partir en cachette pour éviter cet applaudissement; et c'est une des Charités mieux établies. J'espère que la confusion qu'il vous a fallu souffrir au com-

Lettres 169 et 170.—L. a.—Original à Aix chez les Pères de la Compagnie de Jésus.

1.Voir les documents 131, 132, 133.

XIII. —53

 

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mencement se convertira en consolation et que l'œuvre en sera plus affermi.

J'approuve ce que vous dites, d'ériger la confrérie et de l'accommoder à l'instar des autres du diocèse, et ai envoyé votre lettre à M. de Beauvais pour cela ce matin. Il part dès aujourd'hui et pourra être samedi à Beauvais. Vous lui en parlerez et prendrez garde à vous ménager dans le peu de santé que vous avez. J'ai bien peur que votre grande fatigue ne vous accable.

M. Durot, qui partit avant-hier, me dit qu'il espérait bien que les dames de la Basse-Œuvre pourront se charger de Sainte-Marguerite; vous verrez qui le pourra plus commodément, ou elles, ou celles de Saint-Martin.

Je vis hier M. votre fils, qui entretenait un ancien Père jésuite fort sérieusement, et ne lui pus pas parler ; et je ne sais comme cela se fit ; peut-être qu'il ne me vit pas et qu'il s'en alla pendant que j'entrai dans une chapelle. Il se porte bien.

Mademoiselle Poulaillon part aujourd'hui pour Villers. Si, étant à Liancourt, vous lui mandez, ou vous plaît vous aller reposer chez elle a Villers, elle en sera fort aise, et de faire ce qu'il vous plaira. Villers n'est qu'à deux ou trois lieues de Liancourt ; c'est auprès de Saint-Leu. Elle a visité Montreuil. Je vous envoie sa lettre pour vous divertir un peu.

Je me sens pressé par l'aumône de Madame la garde des sceaux (2) de faire ce qui se pourra pour établir la Charité dans Saint-Laurent (3) ; mais j'attendrai que vous soyez ici pour y travailler.

J'ai envoyé votre lettre à Mademoiselle Guérin et ai vu Marguerite (4) de Saint-Paul, qui trouve le fardeau de

2, Madame Séguier.

3. Nom de la paroisse sur laquelle était située la maison de Saint-Lazare.

4. Fille de la, Charité

 

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cette paroisse-là insupportable à cause de la grandeur d'icelle et de la quantité des malades et que les dames ne vont point.

Je salue de tout mon cœur et suis très humble serviteur de Madame de Villegoubelin, votre bonne et charitable hôtesse, laquelle la Providence a menée à propos à Beauvais pour faire le bien qu'elle y fait. Oh que je lui souhaite une meilleure santé et une très longue et heureuse vie !

Ayez soin de la vôtre, Mademoiselle, je le vous dis encore derechef, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL.

De Saint-Lazare, ce 21 juillet 1635.

 

1262.—A JEAN BARREAU, CONSUL A ALGER

De Paris, ce 16 septembre 1650.

Mon très cher frère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

C'est avec grande douleur que j'ai appris l'état ou vous êtes, qui est un sujet d'affliction à toute la Compagnie, et à vous d'un grand mérite devant Dieu, puisque vous souffrez innocent (1). Aussi ai-je senti une consolation qui surpasse toute consolation, de la douceur d'esprit avec laquelle vous avez reçu ce coup et faites

Lettres 1262. — L'original a été mis en vente par M. Charavay, chez qui nous avons en avons pris copie. Le post-scriptum est autographe.

1). Nous ignorons les causes de ce nouvel emprisonnement du frère Barreau. Peut-être le rendait-on responsable, comme consul, des dettes faites par les Pères de la Merci ou par des esclaves libérés.

 

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usage de votre prison (2). J'en rends grâces à Dieu, mais d'un sentiment de reconnaissance incomparable. Notre-Seigneur, étant descendu du ciel en terre pour la rédemption des hommes, fut pris et emprisonné par eux. Quel bonheur, mon cher frère, d'être traité quasi de même! Vous êtes parti d'ici comme d'un lieu de joie et de repos pour l'assistance des esclaves d'Alger ; et voilà que vous y êtes fait semblable à eux, bien que d'une autre sorte. Tant plus nos actions ont rapport à celles que ce débonnaire Sauveur a faites et souffertes en cette vie, tant plus lui sont-elles agréables (3). Et comme votre emprisonnement honore le sien de fort près, aussi vous honore-t-il de sa patience, en laquelle je le prie qu'il vous confirme.

Je vous assure que votre lettre m'a si fort touché, que je me suis résolu de la faire lire au réfectoire après l'ordination présente pour en édifier cette communauté. Je lui ai déjà fait part de l'oppression que vous souffrez, et du doux acquiescement de votre cœur, afin de l'exciter à demander à Dieu votre délivrance et à le remercier de la liberté de votre esprit. Continuez, mon cher frère, à vous conserver dans la sainte soumission au bon plaisir divin, car ainsi s'accomplira en vous la promesse de Notre-Seigneur, qu'un seul de vos cheveux ne sera perdu et qu'en votre patience vous posséderez votre âme (4).

De notre part, nous vous aiderons de tout ce que nous pourrons par prières et sacrifices réitérés à votre intention, soit vers la reine, lorsqu'elle sera ici; car à présent la cour est à Bordeaux pour tâcher d'apaiser quelques agitations de ce temps misérable.

2). Première rédaction : détention.

3). Première rédaction : elles lui sont plus agréables.

4). Evangile de saint Luc XXI, 18-19.

 

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Il sera bon que vous écriviez désormais à M. le comte de Brienne pour lui rendre compte de temps en temps, de l'état des choses qui regardent votre office, non seulement pendant que vous serez en souffrance, mais après, que vous en serez sorti. Je lui écrirai avant (5) son retour et saurai de lui ce qui se pourra faire pour vous.

Nous différons de vous envoyer un prêtre, crainte qu'on s'en saisisse et que votre peine augmente par la vue de la sienne. Quand l'orage sera passé, nous le ferons partir. Sur la pensée que nous avions sur M. Philippe Le Vacher, j'avais écrit à M. Alméras de lui obtenir les facultés nécessaires ; ce qu'il a fait ; et un peu après, la Sacrée Congrégation ayant fait M. son frère vicaire apostolique de l'évêque de Carthage en la ville de Tunis, elle a eu agréable d'accorder la même grâce audit sieur Philippe pour Alger et d'en écrire audit sieur évêque pour lui faire trouver bon. Nous sommes néanmoins en doute si, en effet, nous vous enverrons ledit sieur Le Vacher, tant pource qu'il est nécessaire à Marseille, ayant beaucoup de grâce pour un séminaire, que pour quelques autres difficultés, qui nous font regarder d'autres sujets pour en choisir un des plus propres. Nous verrons.

Portez-vous bien seulement et n'épargnez rien pour cela. Tenez-vous en paix. Confiez-vous fort en Notre-Seigneur et avec souvenance de ce qu'il a enduré en sa vie et en sa mort. "Le serviteur n'est pas plus grand que le maître, disait-il ; s'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi (6)." "Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux (7). " Selon ces divines paroles, mon cher frère, vous

5. Première rédaction : Je lui parlerai à...

6. Evangile de saint .Jean XV, 20.

7. Evangile de saint Matthieu V, 10.

 

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êtes bienheureux. Réjouissez-vous donc en Celui qui se glorifie en vous et qui sera votre force à proportion que vous lui serez fidèle ; c'est de quoi je le prie instamment Et vous, je vous conjure, par l'affection que vous avez pour la Compagnie, de lui demander la grâce, pour nous tous, de bien porter nos croix, petites et grandes, afin que nous soyons dignes enfants de cette croix, qui nous a engendrés en son amour, et par laquelle nous espérons de le louer et de le posséder éternellement dans l'éternité des siècles. Amen.

Je pensais finir ; mais il faut vous dire que nous nous portons bien, grâces à Dieu, que la Compagnie travaille partout avec bénédiction tant à son avancement qu'au salut et édification du prochain.

Nous espérons faire bientôt trois nouveaux établissements, l'un à Périgueux, l'autre en Picardie et le dernier en Pologne. Celui-ci ne le sera qu'au printemps, parce que les chemins sont difficiles l'hiver. Il s'en présente d'autres, qui ne sont encore qu'en bouton.

Je vous ai mandé, ce me semble, la mort du bon M. Gondrée, qui était allé à l'île de Madagascar avec M. Nacquart. C'est aux Indes orientales. Du depuis, nous avons reçu une relation de leur voyage, de l'état du pays, des mœurs des habitants, de leurs dispositions à recevoir notre sainte religion et des heureux commencements de cette Mission. Cette lecture est de grande consolation. J'espère bien de vous en envoyer une copie au plus tôt, comme je fais à présent mon cœur par cette lettre, plein de tendresse et d'estime pour le vôtre.

A Dieu, mon cher frère.

Je suis, en son amour, votre très humble et affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL,

i. p. d. l. M.

O mon cher frère, que vous êtes heureux de vous trouver dans l'état de la béatitude qui déclare heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice ! Je vous regarderai désormais comme bienheureux de ce monde.

 

Au bas de la première page : Le frère Barreau.

 

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DEUXIEME SUPPLEMENT

 

3318. — A LOUISE DE MARILLAC

[1636 (1)]

Mademoiselle,

Jésus-Christ, qui est notre joie au ciel et notre vie, soit avec vous pour jamais !

Béni soit Dieu de ce qu'il mortifie et vivifie, de ce qu'il vous a mise si bas et de ce que vous voilà en meilleure disposition ! Je le prie de tout mon cœur qu'il vous fasse sentir avec autant de tendresse la joie de mon cœur, que je l'ai ressentie par votre lettre. Ce n'est pas certes qu'il me soit venu aucune pensée que Notre-Seigneur veut disposer de vous à ce coup, car je n'aurais pas pu vous voir en cet état et n'y pas accourir, quel que soit celui auquel une petite fièvre tierce m'a mis. Béni soit Dieu encore derechef ! Je ne vous pourrais dire cela assez, ni assez tendrement à mon gré.

Vous désirez donc communier. Or ça, faites-le, Mademoiselle, pendant que je célébrerai le saint sacrifice pour vous et pour Monsieur votre fils, auquel je pense que vous ferez bien de laisser faire l'action qu'on lui propose, sans qu'il se mette en peine de présenter des thèses au m!onde ; qu'il les présente seulement à Notre-Seigneur et à la sainte Vierge et qu'il me fasse avertir du jour, et j'y irai, ou y enverrai.

Lettre 3318.—L. a.—Original à Aix chez les Pères de la Compagnie de Jésus.

1). Voir lettre 253.

 

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Je vous sais bon gré de ce que vous aviez peine de laisser vos filles en cet état ; car je vois que c'est aussi pour elles que Notre-Seigneur vous conserve. Fortifiez-vous donc pour les mettre au degré de la vertu qu'il les demande, et nourrissez-vous. Madame la garde des sceaux me disait tantôt que vous ne vous nourrissez pas assez. Vous ne manquerez point de quoi.

Quant à cette bonne fille qui demande d'aller à Liesse, gardez-vous bien de lui permettre. O Jésus ! Mademoiselle, qu'il faut bien lui faire connaître que la vertu d'une Fille de la Charité ne consiste pas en cela !

L'assemblée est différée parce que le médecin veut que je me fasse saigner demain et purger après.

Je vous souhaite cependant la joie de Notre-Seigneur au fond de votre cœur, et suis, en son amour, plus que je ne puis exprimer, en son amour, votre serviteur très humble.

VINCENT DEPAUL.

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.

 

3319.— LOUISE DE MARILLAC

De Troyes, ce 18 juillet 1639.

Mademoiselle,

Béni soit Dieu de ce que vous voilà mieux ! O mon Dieu ! que j'en suis consolé ! Continuez donc, s'il vous plaît, à vous fortifier et à ne rien épargner pour cela. Mon Dieu ! Mademoiselle, que j'ai de la peine d'être si longtemps absent ! Mais qui peut faire avancer ou remettre l'ordre de l'adorable Providence !

Lettres 3319.—L. a.—Original chez M. le curé de Saint-Nicolas-de Gaulène (Tarn).

 

- 843 -

Voici une lettre, de la part de Madame la duchesse d'Aiguillon, pour changer la petite Jeanne (1). Je vous prie de le faire au plus tôt et de lui envoyer une fille plus forte. Je ne vous pourrais dire qui Dieu vous inspirera quelle il choisit pour cela, s'il lui plaît. Je suis, en son amour et celui de sa sainte Mère, Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL.

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.

 

3320.—A FRANÇOIS BOULART

De Saint-Lazare, ce 7 août 1648.

Le Révérend Père Boulart est assuré par son serviteur Vincent qu'il a donné l'accordé de l'abbaye de Nieuil (1) en faveur du R. P. Beurrier, et icelui envoyé à M. de La Rose (2), secrétaire de Monseigneur le cardinal, pour en faire l'expédition.

VINCENT DEPAUL,

indigne prêtre de la Mission.

Mademoiselle,

 

3321. —A LOUISE DE MARILLAC

De Richelieu, ce 19 mai 1649.

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais .

1). Jeanne Lepeintre.

Lettre 3320.— L. s. — Original à la maison-mère des Sœurs de Charité de Nazareth, Kentucky, Etats-Unis.

1). Abbaye de l'Ordre de Saint-Augustin dans l'ancien diocèse de La Rochelle .

2). Plus tard secrétaire du cabinet du roi et membre de l'Académie française, mort en janvier 1701, à l'âge de plus de 86 ans.

Lettre 3321. —L. a. — Original à Aix chez les Pères de la Compagnie de Jésus.

 

- 844 -

L'on me parle ici de quantité de filles que je n'ai pas encore vues. Il me semble que vous m'avez dit que celles de ces quartiers ne sont pas tant propres et que vous en avez assez eu égard au temps. Je voudrais bien avoir réponse à ces deux points, si faire se peut, avant mon départ. Si je puis partir auparavant, cela ne m'arrêter pas.

J'attends la résolution sur ce que j'ai écrit à M. Lambert, dans deux ou trois jours, Dieu aidant.

Je me porte bien, par la grâce de Dieu. Je suis en peine de l'état de votre santé. Si Notre-Seigneur vous la continue, comme je l'espère, c'est un trait tout spécial de sa bonté. Je le prie qu'il vous la continue et qu'il bénisse vos travaux de plus en plus.

J'ai fait un peu le délicat pendant ces jours pour me libérer de beaucoup de visites qui m'embarrassaient dans celle que je fais. Cela m'a empêché de voir votre sœur. Je le ferai au premier jour.

Bon jour, Mademoiselle. Je suis, Mademoiselle, votre très humble et obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,

indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras à Paris.

 

3322.—A LA MERE ANNE DE COMPANS,

ABBESSE DU VAL-DE-GRACE

De Saint-Lazare, ce 22 août 1651.

Ma Révérende Mère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Lettre 3322.Histoire de l'union de l'abbaye royal et impériale de Saint-Corneille et Saint-Cyprien de Compiègne à l'abbaye royale du Val-

 

- 845 -

C'est moi qui ai fait faire l'ouverture que vous savez à Monseigneur de Soissons (1) par monsieur son archidiacre (2), et qui, en ayant reçu une réponse favorable contenant les réserves que vous me mandez, en ai donné avis à la reine par une lettre, ne pouvant me donner l'honneur de la voir à cause de mon indisposition. Sa Majesté (3) m'envoya hier M. l'Argentier (4) pour me témoigner la joie qu'elle en avait et savoir ce qu'il y avait à faire, l'ayant chargé de négocier cette affaire, comme il fait.

Je loue Dieu de ce que Monsieur de Verthamon y travaille aussi. Je n'ai pas eu l'honneur de le voir et ne sais quand j'aurai ce bonheur, n'étant pas encore en état, bien que, grâces à Dieu, je me trouve mieux qu'hier. Je me recommande humblement à vos prières, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, ma Révérende Mère, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,

i. p. d. l. M.

Depuis la présente écrite, j'ai reçu de monsieur l'Argentier ta lettre que je vous envoie.

Suscription : A ma Révérende Mère la Mère abbesse du Val-de-Grâce.

de-Grâce de Paris par Jean Broutel, 3 vol. mss. (Arch. nat. LL 1619-1621), t. I, p. 12 et t. III, p. 1677.

1). Simon Le Gras.

2). Au sujet de l'union de l'abbaye Saint-Corneille à celle du Val-de-Grâce.

3). La reine Anne d'Autriche.

4). Trois l'Argentier ou Largentier ont fait partie de la maison de la Reine Anne d'Autriche : Nicolas, comme secrétaire ordinaire (1641); Jean-Baptiste, comme maître des requêtes (1645-1649); Jean, comme secrétaire ordinaire (1626-1631, 1640-1648), solliciteur des affaires (1636-1642) et secrétaire du conseil (1644). Il s'agit ici vraisemblablement d'un de ces trois personnages.

 

- 846 -

3323. —M. L'ARGENTIER A SAINT VINCENT

Monsieur,

Pour ne vous pas incommoder en l'état où vous êtes, je vous rendrai compte par celle-ci que je fus voir Monsieur de Soissons à la sortie de chez vous, auquel je dis ce que vous aviez fait près de la reine. Il me fit réponse qu'il avait un si grand respect pour Sa Majesté, avec une obéissance entière à ses volontés, qu'il suivra en tout son intention, qui est conforme à vos bons desseins, et m'a chargé d'en porter parole à Sa Majesté de sa part et assurance entière en faveur des bonnes religieuses [sur] ce qui est projeté. Et pour cet effet, si Sa Majesté l'a agréable, Monsieur de Soissons dès demain fera consultation secrète avec le plus fameux avocat pour parvenir plus facilement à faire réussir l'affaire au contentement de Sadite Majesté, qui connaîtra que Monsieur de Soissons n'a autre désir que de lui plaire (1). Et pour moi, ce sera toujours ma passion que vous me fassiez la faveur de me croire pour jamais, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

A Paris, ce 22 août 1651.

L'ARGENTIER.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général des prêtres de la Mission, à Saint-Lazare.

Lettre 3323.—Jean Broutel, op. cit., t. I, p. 12, et t. III, p. 1656.

1). L'union des deux abbayes se fit en 1657, après la mort de Simon Le Gras, évêque de Soissons, qui avait tout mis en œuvre pour l'empêcher.

 

"La Chesnaye", Vendredi 13 Mars 1992.

Avec le concours des Sœurs Geneviève RABILLER et Marie-Catherine DESMARD, Filles de la Charité, pour le passage au scanner et la correction des textes.

(Ann. C. M. 106-107, 260)

IX <Doc. IX> <pas dans Coste> SAINT VINCENT PREND A BAIL L'ABBAYE

DE SAINT LEONARD DE CHAUMES

(14 mai 1610)

Doc. 9 a : Minutier Central: Arch. Nat., Etude LXXXIV, vol. 52, folio 265-266.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 260-262

(Folio 265) Fut présent en sa personne Révérend Père en Dieu Messire Paul Hurault de l'Hospital (1), archevêque d'Aix et abbé de l'abbaye Mr St Léonard de Chaulme, ordre de Cîteaux, diocèse de Xainctes (2), logé de présent en ceste ville de Paris, rue Coustellerie, paroisse St Méderic, lequel a recongneu et confessé avoir baillé et délaissé et, par ces présentes, baile et dellaisse à tiltre de ferme et pris d'argent, du premier jour de janvier prochain venant jusques à trois ans prochains après ensuivant finis et accomplis, et promet garantir et faire jouyr led. [ledit] temps durant, à Arnault Doziet, marchand, demeurant à Paris en la rue de Seyne, fausbourgs St Germain, paroisse St Sulpice, à ce présent preneur et acceptant pour luy aud. tiltre, led. temps durant, tout le revenu temporel de lad. abbaye ses appartenances et déppendances, droicts et seigneurie, haulte justice moienne et basse, cens, rentes, profictz et fief, et aultres choses générallement quelconques, en quelque sorte et manière que ce soit, sans aucune chose excepter retenir ni réserver, en quelque sorte et manière et pour quelque cause que ce soit, envers quil ne soit cy spécifié et declaré content de tout jouyr, faire et dépenser par ledit preneur aud. tiltre led. temps durant.

Cestuy presens bail et prins faicts moiennant le pris et somme de trois mil six cent livres tournois que, de ferme, pour et par chacune desd. années, led. preneur en a promis, sera tenu, promet et gaige bailler et payer aud. seign. bailleur ou au porteur, en ceste ville de Paris, à deux termes esgaulx de St Jehan et Noel, premier terme de payement escheant aud. St Jean Baptiste aud. an mil six cens unze, en continuer et en jouir, à la charge de faire rédifier la chapelle de ladite abbaye à présent en ruyne (3), en sorte que l'on y puisse dire chanter et célébrer le service divin dès le premier jour de janvier prochain venant et à ceste fin y establir deux religieux dudit Ordre de Cîteaux, lesquels seront nommés par led. sieur abbé et agréables à Monsieur l'Abbé de Cîteaux dont lung sera prieur clostral, et par eux faire dire, chanter et célébrer le service divin par chacun jour, leur fournir d'ornemens, callices, scavoir la presente année, d'es-________________________

Notes

1. Paul Hurault de l'Hospital, archevêque d'Aix de 1599 à 1624. Nicolas Nicou, moine de Cîteaux, lui avait cédé l'abbaye Saint-Léonard en 1609.

2. <Fondée en 1036, par Othon, duc d'Aquitaine, avec des Bénédictins, remplacés en 1568 par des Cisterciens. (Annales C.M.106-107, 1941-1942, pp 250-251).>

3. <Non seulement la chapelle, mais toute l'abbaye avait été ruinée pendant les guerres de religion. Il n'en restait que des décombres, cf le texte du présent bail, et Dom Edmond Martène: Antiquitatum in pago pictaviense benedictinarum pars quarta... Bibl. nat. ms latin 12758, f. 56-60, folio 57, cité dans Annales, p 251, note 8.> Des bâtiments de l'abbaye de Saint-Léonard il ne reste plus qu'une ferme, située sur la commune de Vérines, près de la Rochelle.

* * *

(Annales C.M. 106-107, 261)

-tain [étain], et la seconde commençant au premier janvier mil six cens douze, d'argent, avec croix et résidu nécessaires pour célébrer la messe et autres offices divins, iceux loger, nourrir et entretenir honnestement selon leur voccaion, restablir la justice, y establir bons, suffisans, et catholiques officiers, et icelle faire bien et fidelement exercer, payer les gaiges des officiers, payer aussy toutes les dixmes et anciennes charges dont lad. abbaye peut être tenue et chargée, et en quicter led. sieur bailleur, payer et garantir pendant ledit temps, d'entretenir led. logis et bastimen de grosses et menues réparations qui s'y trouveront nécessaires et y faire labourer et y faire labourer et cultiver les terres biens et duement comme il appartient, en solles et saisons, sans les dessoller, ni dessaisonner, garnir et meubler les maisons et fermes et mener les bestiaux et autres choses nécessaires tant pour fumer les terres que pour le serviable de lad. ferme, convertir les feurres et fourrages qui en proviendront en feurs et les en fumer et amander, près et loing, tenir lesd. prez nets et en bonne nature de faulche, couper les bois en temps et lieu, suivant l'ordonnace, bailler à ferme et recevoir à son proffit pendant ledit temps les marais à sel, maisons qui en dépendent comme des autres droits particuliers de lad. abbaye, en user comme d'un bon père de famille et sans pouvoir néantmoins transporter son droict du present bail à autres personnes sans le consentement dudit sieur bailleur, et ne pourra ledit preneur requérir ni demander aucune diminution ni rabbais de ladite ferme pour guerre, peste, famine ni autres accidents que serayent, et se payera led. preneur ce present bail en forme par led. sieur bailleur, comme pareillement ne pourra ledit sieur augmenter pend. led. temps led. pris de lad. ferme pour quelque considération que ce soit.

A ce (folio 266) fut présent discrette personne M(essi)re Vincent de Paul, p[res]b[t]re, aulmosnier de la Reyne Margueritte, duchesse de Valois, natif de la paroisse de Poy, diocèse d'Acqs en Guyenne, demeurant à present en ceste ville de Paris, rue de Sayne, en la maison où est pour enseigne l'Image St Nicolas, lequel s'est constitué et constitue pleige, caution et respondant par led. preneur, en a promis, promet avec luy l'un pour l'autre, et chacun d'eux seul pour le tout, sans diminution ni discussion aux bénéfices de division, fidejussion, ordre et droict et de discussion, payer lad. ferme faire et accomplir toutes et chacunes les charges clauses et conditions du present bail, tout ainsi que s'il était principal preneur.

Et pour l'execution des presentes, lesdites partyes ont esleu et eslisent leur domicile irrevocable, à scavoir led. sieur archevesque en la maison de Maître Anthoine de la Loire, procureur en Parlement, demeurant rue Quincampoix et lesdits sieurs preneur et caution en la maison de Maître Jehan de la

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(S. V. suite) Notes

1.

* * *

(Annales C. M. 106-107, 262)

Tanne Maître de la Monnaye de ceste ville de Paris, demeurant en la maison de lad. Monnaye, auquel lieu ils veullent, consentent et acordent que tous commendements, sommations, significations et autres exploicts de justice qui y seront et pourront estre faicts pour raison du contenu de ces presentes et deppendances, tant en cause principalle comme d'appel soient de tel effect, force et vertu que s'ils estoient à leurs personnes et domicilles propres.

Car ainsi... promettant... obligeant chacun en droict soy... ledit preneur et caution... l'ung pour le tout chacun d'eux seul pour le tout sans division ni discussion, d'une part, et d'autre lesd. preneur et caution audit bénéfice.

Faict et passé en la maison ou led. Sr archevesque est logé dessus déclaré, après midy, l'an mil six cens dix, le vendredi quatorzième jour de may, et ont signé

Paul, arch. d'Aix Vincens Depaul

Arnaut Doziet Motelet

Grandrye

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(S. V. ) Notes

1.

9 b. SAINT VINCENT POURSUIVI

PAR MGR PAUL HURAULT DE L'HOPITAL

AU SUJET DE L'ABBAYE DE SAINT LEONARD DE CHAUMES

(28 mai 1611)

Doc. 9 b : Minutier Central: Arch. Nat., Etude LXXXIV, vol. 54, folio 234.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 262-263

Fut présent en sa personne Révérend Père en Dieu Messire Paul Hurault de l'Hospital, archevesque d'Aix, conseiller du Roy en son Conseil d'Estat, demeurant à Paris, place de Grève, paroisse St Jehan, lequel en exécution du don et transport par luy cy devant faits à Mre Georges Lenfant Sr de la Patrière par devant les notaires soubzsignés le vingt troisième jour de juing mil six cens dix, dernier passé, de la pension de douze cens livres à prendre et percepvoir par chacun an sur le revenu temporel de l'abbaye de St Léonard de Chaumes, Ordre de Cisteaux, diocèse de Xainctes, a volontairement recogneu et confessé, recognoist et confesse par ces présentes avoir promis comme il promet aud. Sr de la Patrière à ce présent stippulant et acceptant que au cas qu'il fust troublé et inquietté par qui que ce fust ou soit en la jouyssance de lad. pension et perception d'icelle la vie durant dud. Sr de la Patrière de faire jouyr actuellement et par effet led. Sr de la Patrière de pareille pension viagère de douze cens livres, laquelle à ceste fin il a, pour les causes contenues aud. don et transport volontairement constituée assize et assignée par cesd. p[rése]ntes, promis et promet garentir fournir et faire valloir

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Notes

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(ANNALES C.M., tome 106-107, 263)

bonne, solvable et bien payable par chacun an aud. Sr de la Patrière sur tous et chacuns ses biens meubles et immeubles p(rése)ns et advenir spéciallement sur le revenu temporel de son archevesché d'Aix et autres bénéfices dont il est de p(rése)nt ou pourroit cy après estre pourveu et jouyssant sans que pour quelque cause que ce soit lad. pension puisse cesser ou estre révocquée au préjudice dud. Sr de la Patrière, sa vie durant, sinon au cas qu'il fut pourveu de bénéfice de pareille valeur de douze cens livres par chacun an et pour l'exécution plus facille de lad. assignation et constitution d'icelle pension led. Sr archevesque a passé procuration spécialle et irrévocable aud. Sieur de la Patrière a part et séparée des p(rése)ntes pour contraindre M[essi]re Vincent de Paulo Conseiller et aulmosnier de la Reyne Margueritte et autres débiteurs aud. Sieur archevesque au payement des arrérages de lad. pension tant escheuses que à eschevoir à l'advenir aux temps et termes qu'ils seront deubz. Promettant Obligeant. Faict et passé en la maison dud. sieur archevesque dessus déclarée après midy l'an mil six cens unze le vingt-huitiesme jour de may.

Grandrye. Georges Lenfant. Motelet.

Paul arch. d'Aix.

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Notes

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(ANNALES C.M., tome 106-107, 263)

9 c. SAINT VINCENT POURSUIVI

PAR MGR PAUL HURAULT DE L'HOPITAL

AU SUJET DE L'ABBAYE DE SAINT LEONARD DE CHAUMES

(28 mai 1611)

Doc. 9 c : Arch. Nat., Minutier, Etude LXXXIV, vol. 54, f. 235.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 263-264.

Par devant les Not(ai)res et gardenottes du Roy notre Sire en son Chastelet de Paris soubzsignés fut p(rése)nt en sa personne Révérend Père en Dieu M(essi)re Paul Hurault de l'Hospital archevesque d'Aix, Cons[eille]r du Roy en son Conseil d'Estat, demeurant à Paris, place de Grève, paroisse St Jehan, lequel a fait et constitué son procureur g(é)n(ér)al spécial et irrévocable Mre Georges Lenfant, S(ieu)r de la Patrière pour et au nom dud. seigneur archevesque poursuivre, pourchasser, faire venir ens (dedans) et recepvoir de Mre Vincent de Paule Con(seill)er et aulmosnier de la Reyne Marg(ueri)te et tous autres fermiers et débiteurs aud. seigneur archevesque douze cens livres tournois par chacun an payables au premier jour de janvier dont la première année de payement escherra le premier jour de janvier mil six cens douze prochain et continuer de là en avant par chacun an aud. jour la vie durant d'iceluy Sr de la Patrière pour la pension par led. Seign(eur) archevesque donnée et transportée aud. Sr de la Patrière à prendre sur le revenu temporel de l'abbaye St Léonard de Chaulmes Ordre de Cisteaux, diocèse de Xainctes, par contract passé pardev. lesd. not(ai)res soubsignés le vingt troisième jour de juing mil six cens dix et ce jourd'huy constituer et assigner par led. seigneur archevesque sur tous ses biens meubles et immeubles p(rése)nts et advenir spéciallement sur le revenu temporel de sond[it] archevesché d'Aix et autres bénéfices dont il est à présent ou pourrait estre cy après pourveu et

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Notes

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(ANNALES C.M., tome 106-107, 264)

jouyssant aux clauses et ainsy qu'il ayt par contract cedit jour fait et passé pardevant lesd. notaires soubzsignés et au payement de lad. pension contraindre led. Sr de Paulo et tous autres par toutes voyes de justice deues [dues] et raisonnables, du receu [reçu] s'en tient contant, et en faire et passer tant et telles quittances et descharges que besoing sera, si mestier est, pour raison de ce et déppendances plaider et opposer appeler et eslire domicille et substituer par led. Sr de la Patrière tant au fait de plaidoirie que à tout ce que dict est, ung ou plusieurs procureurs qui ayt ou ayent le pouvoir dessus dit ou parties d'iceluy, le revocquer si bon luy semble, les p(rése)ntes demeurant néantmoins en leur force vertu et générallement... promettant, obligeant et renonçant.

Faict et passé en la maison dudit seigneur archevesque dessus déclarée après midy l'an mil six cens unze le vingt huitiesme jour de may.

Paul, arch. d'Aix. Grandrye. Motelet.

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Notes

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(ANNALES C.M., tome 106-107, 264 suite)

9 d. SAINT VINCENT POURSUIVI

PAR MGR PAUL HURAULT DE L'HOPITAL

AU SUJET DE L'ABBAYE DE SAINT LEONARD DE CHAUMES

(28 mai 1611)

Doc. 9 d : Arch. Nat. Minutier, Etude LXXXIV, vol. 54, fL 269.

Publié dans ANNALES C.M., Tome 106-107, 1941-1942, p 264-265

Par devant les notaires et gardenottes du Roy au Chastelet de Paris soubzsignés fut p(rése)nt en sa personne Mre Georges Lenfant sieur de la Patrière demeudant à Paris avec Monsieur l'archevesque d'Aix place de Grève, parroisse St jehan, lequel au nom et comme procureur dud. seigneur archevesque, de luy fondé de procuration g(énér)alle spécialle et irrévocable ce jourd'hui faite et passée par devant lesd. notaires soubsignez laquelle n'a esté transcripte en ces p(rés)ntes pour évitter prolixitté, du consentement des parties, a fait et substitué, constitué et establi procureur dud. seigneur archevesque en son lieu Mre Paul Tournemine, chevalier seigneur de Camzillon et Chameuille (Chameville ?) gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy, auquel a ce p(rése)nt il a donné et donne pouvoir et puissance de poursuivre, pourchasser, faire venir ens et recepvoir de Mre Vincent de Paule, conseiller et aulmosnier ordinaire de la Reine Margueritte et autres fermiers et débiteurs dud. seigneur archevesque la pension de douze cens livres tournois par an donnée et transportée par led. seigneur archevesque aud. sieur de la Patrière substituant de prendre sa vye durant sur le revenu temporel de l'abbaye St Léonard de Chaulmes, diocèse de Xainctes, par contract passé par dev. les notaires soubzsignez le XXIII° jour de juin mil six cens dix et par led. seigneur archevesque ce jour d'huy constituer et assigner sur tous et chacuns ses biens meubles et immeubles p(rése)nts et advenir spéciallement sur le revenu temporel de sond[it] archevesché d'Aix et d'autres bénéfices dont il est et pourra estre cy après pourveu et jouyssant par autre contract ce dict jour fait et passé par devant lesd. notaires et au payement contraindre led. sieur de Paule et autres qu'il

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Notes

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(ANNALES C.M., tome 106-107, p. 265)

appartiendra suivant led. contract de rente soy tenir contant et sur le tout faire et passer tant et telles quittances et descharges que besoing sera et si mestier est plaider et opposer, appeler et eslire domicile et substituer générallement... Promettant... obligeant...

Faict et passé ès études des notaires soubzsignés après midy l'an mil six cens unze le vingt huitiesme jour de may et a signé

Paul Tournemynes Georges Lenfant Motelet

Grandrye.

(M. Ch. n° 8, octobre 1962, 495)

13 a - SAINT VINCENT DE PAUL, CURE DE GAMACHES

(Vendredi 28 février 1614)

Document 13 a. - Archives de la Seine-Maritime. G. 9574, folio 77 verso et 78.

Collatio parochialis ecclesiæ de Gamaches (1) decanatus loci Rothomagensis diœcesis [...] per obitum magistri Roberti Salles presbyteri [...] vacantis facta fuit per dominum Guyon vicarium generalem Rothomagensem discreto viro magistro Vincentio de Paul presbytero Aquensis diœcesis præsentato et acceptanti examine probato et sufficienti reperto ad præsentationem generosi et potentis viri domini Emmanuelis de Gondi, comitis de Joiginnio et baronis du Plessis locumtenentis pro Rege Christianissimo in maribus orientali et occidentali præfecti seu generalis triremum Regis Galliæ. [...]. Datum Rothomagi anno Domini millesimo sexcentesimo decimo quarto die veneris ultima mensis februarii præsentibus ibidem magistris Joanne Coustel in curia archiepiscopali Rothomagensi notario et Michaeli Malassis clerico Rothomagi commoranti [...]

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Notes

1. Gamaches : aujourd'hui chef-lieu de canton dans la Somme, non loin du Tréport.

 

 

 

Déposition de saint Vincent de Paul

au procès de béatification

de saint François de Sales

17 avril 1628

Au nom du Seigneur. Amen.

L’an 1628 de la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ, le 17 avril, indiction onzième, dans la chapelle Sainte-Monique de l’Église des Religieuses de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie, du couvent de Paris, on interrogea le très vénérable Vincent de Paul, prêtre de Dax, Supérieur des prêtres de la Mission et aumônier des galères royales de France, convoqué de la part du R.P. Justin Guérin, de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, procureur de cette cause. Il fut cité et averti par MM. les Juges de la gravité du parjure. Il jura, selon l’habitude des ecclésiastiques, la main sur la poitrine, en présence des susdits juges, de dire la vérité, tant aux interrogatoires qu’aux divers articles, écartant de la présente cause tout sentiment de haine, d’intérêt, de crainte, de gain, etc. ; et il répondit comme ci-dessous aux questions opportunes de MM. les Juges :

Il répondit à la première question :

"Je sais que le parjure, dans toutes les causes, mais surtout dans celle de la canonisation, est un péché mortel très grave que, grâce à Dieu, je ne veux jamais commettre".

A la deuxième question :

"Je m’appelle Vincent de Paul ; je suis prêtre, quoique indigne, et supérieur des prêtres de la Mission, et aumônier des galères royales de France, âgé d’environ quarante-huit ans".

A la troisième question :

"Non seulement je me suis confessé pour la fête de Pâques et ai communié, mais je me confesse même plusieurs fois la semaine, et grâce à Dieu, je célèbre d’ordinaire chaque jour le S. Sacrifice de la Messe".

A la quatrième question :

"Personne ne m’a suggéré la manière de faire cette déposition, ni ce que j’ai à dire, et je n’espère aucun avantage temporel de ce que je dirai dans cette cause ; mais je ne veux que la plus grande gloire de Dieu et celle de son serviteur, François de Sales, de son vivant évêque de Genève".

A la cinquième question :

"Grâce à Dieu, je n’ai jamais été accusé d’un crime, ni poursuivi, ni traduit devant quelque juge, et je n’ai jamais été dénoncé comme excommunié, soit nommément, soit publiquement".

A la sixième question :

"Je me suis présenté ici, cité par M. René Ferrier, au nom des Vénérables Dames, pour me soumettre à cet interrogatoire et pour jurer de dire la vérité sur tout ce que vous me demanderez dans cette cause".

Et arrivant aux articles contenus dans la pièce rémissoriale, il répondit aux interrogations adressées à leur sujet :

"Je n’ai rien à dire sur les vingt-trois premiers articles, puisque ce qui en est l’objet n’est pas à ma connaissance".

Sur le 24e article qui traite : De la foi du serviteur de Dieu, François de Sales, interrogé, il a répondu :

"Bien souvent, j’ai eu l’honneur de jouir de l’intimité de Mgr François de Sales, d’heureuse mémoire, Évêque et Prince de Genève, et ce que je tiens de nos relations personnelles, comme aussi ce que j’ai appris de personnes dignes de foi, qui se sont trouvées longtemps avec lui, me permet de considérer, je l’atteste devant Dieu et Jésus-Christ, comme entièrement conformes à la vérité les détails qui suivent :

"Certes, il me paraît clair et évident qu’il a eu la foi orthodoxe à un degré éminent, qu’il n’a reculé devant aucune fatigue dans son désir de la propager. C’est au point qu’enflammé de zèle, il a exposé sa vie à de nombreux périls pour la conversion des hérétiques qui pullulaient depuis soixante-dix ans environ dans le duché du Chablais, dans les bailliages de Ternier et de Gaillard, en Savoie, près de Genève, où la foi avait complètement disparu. Le fruit de son pieux labeur et de ses souffrances dans ces pays, fut le retour de plusieurs milliers d’hérétiques dans le giron de la Sainte Église ; ces choses sont vraies, publiques et notoires.

"Je sais, en outre, que la suavité de cette même foi, ce serviteur de Dieu avait le don habituel de la faire passer dans l’âme de ceux qui l’entendaient, soit dans les discussions, soit dans les confessions, à tel point qu’après avoir entendu ses explications claires et lucides des plus sublimes et des plus obscurs mystères, ses auditeurs se rangeaient facilement et avec suavité à son avis, d’où il advint qu’il excitait l’admiration même des hérétiques qui étaient d’abord les plus obstinés : et ceci encore est notoire et public.

"Et je ne crois pas non plus pouvoir passer sous silence ce que j’ai recueilli de sa propre bouche, dans un entretien familier dont j’ai joui d’une façon tout intime : il me dit qu’il avait l’habitude de verser des larmes en relisant chacun des chapitres des ouvrages qu’il avait composés, parce qu’il voyait clairement que les choses qu’il y disait ne venaient pas de son propre fond, mais lui avaient été inspirées par le Dieu de toute bonté. En écoutant ces paroles, je sentais naître en moi une dévotion toute suave et une tendre affection. Je comprenais, en effet, que le serviteur de Dieu avait été éclairé des lumières divines : ce dont j’atteste la vérité.

"Grâce à cette même intimité, dont j’ai été honoré, je puis ajouter encore (il me le confia dans une ouverture de cœur) qu’en prêchant, il sentait lorsque quelqu’un était touché intérieurement.

"Je remarque, en effet, disait-il, que sans initiative personnelle, sans préméditation, une expression que j’ignore complètement est sortie de mes lèvres et je sens que je l’ai prononcée sous l’impulsion divine".

"Les faits le prouvaient. Après le sermon, des auditeurs qui se sentaient le cœur rempli de componction venaient lui rapporter les paroles qui les avaient touchés. Je crois et j’affirme que ce témoignage est vrai. Il avait, en effet, de ces paroles brûlantes qui, comme un trait ardent, enflammaient tous les cœurs. De plus, tous ses actes étaient autant de discours. Ceci est public et notoire".

Sur le 25e article : De l’Espérance.

"Je sais, de science certaine, que le serviteur de Dieu marchait vers la patrie céleste, au milieu d’une grande suavité, l’âme environnée de la paix la plus profonde. Rempli surabondamment de cette vertu, il bannissait loin de lui toute crainte, excepté cette crainte, chaste compagne de l’amour. Toujours semblable à lui-même, remis à la bonté divine dans l’abandon le plus paisible, aucune épreuve ne l’abattait, si pénible qu’elle fût.

"Bien plus, secouru constamment par cette espérance divine, il avait en lui une vertu extraordinaire pour relever le courage des autres. Tous ceux qui l’approchaient et tous ceux qui ont eu le bonheur de suivre sa direction, en rendent le témoignage le plus fidèle.

"Que le serviteur de Dieu ait achevé sa course dans cette égale et heureuse disposition d’esprit, le fait suivant en est une preuve manifeste. A l’approche de son trépas, quelqu’un lui demandant s’il ne craignait pas de mourir, il répondit qu’il mettait sa confiance en Dieu. Interrogé de nouveau s’il n’était pas du moins affligé de laisser inachevée la Congrégation des religieuses de la Visitation : "Celui qui l’a commencée, dit-il, l’achèvera. Il l’achèvera. Il l’achèvera." Au passage de l’Ecclésiaste qu’on lui cita : "Oh ! Qu’il est amer, ô mort, qu’il est amer ton souvenir !" il répondit en continuant : "A l’homme qui vit en paix au sein de ses richesses". D’où l’on voit clairement que, loin des choses terrestres, il s’attachait à Dieu seul, en qui il avait mis toute son espérance. Recevant l’Extrême-Onction d’un cœur joyeux, il répondait doucement aux prières de chaque onction. Je tiens d’hommes dignes de foi ces détails attestés également par ceux qui ont écrit sa vie".

Sur l’article 26 : De l’Amour pour Dieu.

"Le serviteur de Dieu aimait le Seigneur d’un amour ardent. Voici les arguments dont je tire cette assertion :

"1) De sa paix manifestée par une grande tranquillité qui était le signe de son union à Dieu, chose que j’ai constatée avec soin, ainsi que beaucoup d’autres l’ont fait ;

"2) Des travaux entrepris par lui pour détruire le péché opposé à la charité ; conférant assidûment (comme chacun le sait) et indifféremment aux riches et aux pauvres, sans distinction de sexe, les sacrements, et surtout celui qui efface le péché, le sacrement de pénitence ;

"3) Du fait que, pour procurer de plus en plus la gloire de Dieu (le péché une fois détruit dans les âmes), il se prêtait volontiers, sans distinction de personnes, à tous ceux qui religieux, prêtres séculiers et laïques, venaient le consulter sur les affaires de leur conscience ;

"4) Sa très ardente charité envers Dieu, je l’ai constatée encore, à la vue de sa profonde tranquillité, fruit de son recueillement devant Dieu, et de son désir ardent de colloques intérieurs avec Lui. De ce commerce familier avec Dieu lui venaient les sentences les plus suaves, comme on peut s’en rendre compte par ses écrits qui en sont tout parfumés.

"5) Je trouve une autre preuve de sa charité dans son désir brûlant de ressembler au Fils de Dieu. Ce serviteur de Dieu s’est si bien conformé à ce modèle, je l’ai constaté, que, très souvent, je me suis demandé avec étonnement comment une simple créature pouvait arriver à un degré de perfection aussi grand — étant donnée la fragilité humaine, — et atteindre la cime d’une si sublime hauteur ;

"6) Que poussé par l’abondance des jouissances de l’amour divin, il ait publié cet ouvrage immortel et tout à fait hors ligne qui est intitulé : De l’Amour de Dieu, c’est là encore un témoignage irrécusable de ce que j’avance : livre admirable sans conteste et qui fait, de tous ceux qui le lisent, autant de hérauts proclamant la suavité de son auteur. C’est un livre que j’ai eu grand soin de faire lire dans notre communauté, le considérant absolument comme un remède universel à toutes les langueurs, un aiguillon pour toutes les torpeurs, un stimulant d’amour, une échelle pour tous ceux qui tendent à la perfection. Oh ! Plût à Dieu qu’il fût entre toutes les mains comme il le mérite ! Personne ne pourrait se soustraire à l’action de ce feu".

Sur l’article 27 : De son Amour pour le prochain.

"Son amour pour le prochain a été parfait, je le sais avec certitude. Voici la preuve de cette vérité :

"1) Il avait un désir ardent du progrès de chacun dans la voie du salut ; et, animé d’un zèle brûlant, il s’efforçait d’enflammer les autres comme lui-même du feu de l’amour divin. J’ai constaté cela dans les entretiens intimes que j’ai eus avec lui.

"2) Il était profondément pénétré de cette parole de Notre-Seigneur : "Ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait". La preuve évidente en est qu’il n’a jamais repoussé quelqu’un qui venait à lui soit pour des affaires temporelles, soit pour des affaires spirituelles. Et parmi les règles pleines de sagesse qu’il avait établies pour le gouvernement de sa maison, il y en avait une à l’observance de laquelle il tenait avant tout : c’est que les domestiques n’empêchassent personne d’avoir accès près de lui.

"Pour ce qui regarde ses aumônes, sans parler de sa vaisselle d’argent qu’il vendit pour subvenir à leurs besoins, je ne citerai qu’un trait parmi ses nombreuses œuvres de piété dont l’énumération serait trop longue.

"Un prêtre lui ayant déclaré son dénuement extrême, aussitôt il se retira à l’écart, enleva son vêtement de dessous et le lui donna. Aujourd’hui ce vêtement opère de nombreux miracles.

"La charité du serviteur de Dieu envers le prochain ne brilla pas moins dans la distribution des biens spirituels et conduisant au salut ; il ne reculait devant aucun labeur. Bien plus, c’est avec entrain, le cœur joyeux, qu’il entreprenait n’importe quels travaux pour peu qu’il y eût quelque espoir de salut, et même aux dépens de sa propre santé. Deux stimulants l’excitaient : une immense douleur qui le torturait à la vue de la perte des âmes, un zèle brûlant pour leur salut et le retour de celles qui étaient perdues à leur vrai Pasteur. Tout ceci est vrai, je le sais par les entretiens intimes que j’ai eus avec lui et par la renommée publique.

"3) Il n’a pas cessé de prêcher la parole de Dieu, et ainsi soit en entendant les confessions, soit en administrant les sacrements, soit en catéchisant les enfants, il a fortifié merveilleusement les âmes dans toutes les régions dont j’ai parlé, et cela, malgré les fatigues qui en résultaient pour lui, et dont il ne tenait pas compte.

"4) Je trouve encore une preuve évidente de sa charité envers le prochain, dans le grand honneur qu’il portait aux fidèles ouvriers de la vigne du Seigneur et, par contre, dans la douleur qu’il éprouvait lorsque la mort venait les lui enlever.

"5) La ferveur du serviteur de Dieu brillait encore d’une manière extraordinaire dans ses discours publics qui allumaient dans ses auditeurs la flamme ardente de la dévotion. (Pour moi je les regardais comme l’Évangile parlant). Elle brillait encore dans ses colloques intimes et familiers. Ceux qui y participaient, demeuraient suspendus à ses lèvres. Il savait si parfaitement s’accommoder à la capacité de chacun en s’estimant l’obligé de tous que, consulté soit sur un sujet important, soit sur des scrupules, ou autres détails, il ne souffrait pas qu’on le quittât sans être satisfait et rempli de consolation. En repassant dans mon esprit les paroles du serviteur de Dieu, j’en éprouvai une telle admiration que j’étais porté à voir en lui l’homme qui a le mieux reproduit le Fils de Dieu vivant sur la terre.

"Et ce qui augmentait surtout mon admiration, c’était de voir un personnage aussi grand et aussi considéré que lui, occupé des plus graves affaires auxquelles il était indispensable, se prêter, un temps si long, à toutes personnes, de si humble condition qu’elles fussent, sans épargner aucune peine et jusqu’à ce qu’il leur eût donné pleine satisfaction, tant il estimait la paix et la tranquillité de l’âme. Ces choses sont vraies, notoires et publiques".

Sur l’article 28 : Des Vertus Cardinales

1) De la Prudence.

"Je sais, et de bien des manières, que la prudence brillait dans le serviteur de Dieu à un degré éminent :

"1) Il avait établi, dans son domestique et parmi ses serviteurs, tant d’ordre et des règles si justes, que jamais il n’y eut l’ombre d’oisiveté ou de trouble dans sa maison, ou parmi ceux qui le servaient.

"2) Son diocèse dépendait de deux autorités différentes : du roi de France et du duc de Savoie ; mais il sut le gouverner avec tant de sagesse qu’il vécut en bonne intelligence avec les deux monarques, et maintint la paix dans les choses temporelles comme dans le spirituel.

"3) Il érigea et institua l’ordre des Religieuses de la Visitation Sainte-Marie et, avec une merveilleuse sagesse, sous l’onction de l’Esprit-Saint, il leur donna, en de saintes constitutions que le Saint-Siège a approuvées, une règle de vie admirable. En cela, comme en tout ce qu’il faisait, il purifiait son intention ; il faisait de Dieu son but suprême, et poursuivait ainsi l’accomplissement de son propre salut et de celui de ses domestiques et subordonnés, œuvre à laquelle il apportait toujours et de tout cœur le plus grand soin.

"4) C’est un fait également certain que la prudence du serviteur de Dieu a brillé d’un vif éclat dans la conciliation des différends et l’apaisement des esprits surexcités. Il dénouait toutes les difficultés, même les plus inextricables, avec tant de clarté, répandant si bien la lumière sur toutes choses que tout le monde en était dans l’admiration. Impossible de résister ! On se rendait à son avis et on s’avouait vaincu.

"5) Sa prudence paraît aussi dans la transformation opérée dans les âmes qu’il dirigeait. L’expérience a prouvé, en effet, que les âmes fidèles aux avis du serviteur de Dieu, faisaient en peu de temps de tels progrès dans les choses spirituelles, que, par un heureux changement de dispositions, elles en venaient à haïr ce qu’elles avaient aimé et à aimer ce qu’elles avaient haï.

"6) Enfin, quand il avait tout bien mis en ordre, il inspirait à ce corps formé par les salutaires avis dont il avait le secret admirable, un stimulant d’amour, véritable souffle de vie. Ces choses sont vraies, publiques et notoires".

2) De la Justice.

"Il s’acquitta avec soin, dans la paix de l’âme la plus profonde, de tous ces devoirs envers le prochain, se faisant tout à tous, selon ce qu’il croyait être la volonté de Dieu. Il observa fidèlement la résidence dans son diocèse, remplit sa charge avec vigilance, et témoigna toujours de son obéissance au Souverain Pontife et à l’Église. Il était plein de reconnaissance pour les bienfaits qu’il avait reçus de Dieu. Il était profondément religieux dans le culte qu’il lui rendait, et s’efforçait de le glorifier par tous les bons exemples dont sa vie resplendissait. En sorte que le serviteur de Dieu était un sujet d’admiration pour tous ceux qui le considéraient.

"Enfin, il n’accordait les bénéfices qu’à la capacité et n’y nommait que des personnes recommandables ; selon les décrets du saint Concile de Trente, il ne donnait de charges ecclésiastiques qu’après s’être assuré de l’intégrité de la vie et des mœurs des postulants ; il les soumettait préalablement à l’examen. Ces choses sont vraies, publiques et notoires".

3) De la Force.

"Il était doué d’une force d’âme supérieure, témoin les rudes travaux que, pendant toute sa vie, il a entrepris et menés à bonne fin. J’en tiens les détails de personnes dignes de foi. Cette force éclata surtout dans les difficultés qu’il eut à surmonter, durant trois ans, pour la conversion des hérétiques tant du duché de Chablais que de Genève, où il se rendit à diverses reprises sur l’ordre du Souverain Pontife. Il accomplit ce labeur au grand péril de sa vie, sans reculer devant aucune difficulté surtout (c’est ce que demandait le Souverain Pontife) pour ramener dans le giron de l’Église l’hérésiarque Théodore de Béze. Il était toujours prêt à s’humilier pour procurer la gloire de Dieu, en s’adonnant au travail pour le salut des âmes, et en administrant les sacrements de pénitence et d’Eucharistie".

4) De la Tempérance.

"Je suis le témoin oculaire de la modération dont il usait pour apaiser les passions de l’âme et mortifier les jouissances de l’esprit, s’abstenant pour cela des choses qui lui paraissaient superflues pour son corps, quoique d’autres les considérassent comme nécessaires. Il était arrivé à une telle maîtrise sur les passions de son âme et sur tous les mouvements de son esprit, que non seulement il observait toujours la même régularité de vie, mais que son visage même ne changeait pas d’expression dans les circonstances heureuses ou fâcheuses".

Sur l’article 29 : De la Chasteté.

"La chasteté était tellement à cœur à ce serviteur de Dieu, qu’aux yeux de tous comme aux miens, il a toujours passé pour vierge.

"J’ai appris de personnes dignes de foi, et ceux qui ont écrit sa vie le rapportent, que des femmes ont essayé de le séduire, mais sur ses avertissements, elles se retiraient touchées d’une componction qui allait jusqu’aux larmes".

Sur l’article 30 : De l’Humilité.

"Pour tout dire en peu de mots, ce bienheureux serviteur de Dieu rendait à chacun l’honneur qui lui était dû. Il était toujours enclin et disposé à accueillir un conseil. Il croyait moins à son jugement qu’à celui d’autrui. Jamais il ne fuyait la société des personnes d’humble condition s’il avait l’espérance de quelque profit spirituel. Bref, le serviteur de Dieu me paraissait véritablement le parfait et le plus vrai modèle de l’humilité".

Sur l’article 31 : De la Patience.

"J’ai rencontré chez lui une patience admirable : aucune injure ne pouvait le contrister, aucun ennui l’abattre, aucune infirmité l’arrêter. Qu’on le molestât ou le persécutât, son âme courageuse supportait tout. Les affronts, les épreuves de toutes sortes, il les recevait avec joie comme un gain précieux pour Jésus-Christ. A la suite de Jésus-Christ, tout son désir était de souffrir. Enfin, toujours semblable à lui-même, il tenait son âme entre ses mains".

Sur l’article 32 : De la Douceur.

"La douceur du Serviteur de Dieu était admirable. Le fait que jamais il ne se laissa dominer par la colère en est un témoignage éclatant. Il la réduisit à se soumettre toujours à la raison, si bien qu’on disait communément qu’il n’avait point de fiel. Les médecins pourtant affirmaient le contraire ; c’était par la force de la vertu, disaient-ils, qu’il réprimait sa colère. Ils en eurent enfin la preuve, car après avoir ouvert son corps, ils trouvèrent le fiel changé en petits cailloux. J’en ai vu quelques-uns conservés comme reliques. Ceci est vrai, public et notoire".

Sur l’article 33 : De la Prière.

"Entre tous ses exercices spirituels il apportait, je le sais, un soin tout particulier à la prière tant vocale que mentale. Il priait avec tant de recueillement, l’âme si tranquille et si calme, qu’au chœur où il assistait avec les chanoines pour réciter l’office divin, il attirait tous les regards. Il excitait à la piété et à la dévotion, tant il entrait dans le bon maintien de son corps et de son âme de modestie et de gravité réunies. J’ajoute que sur le point de célébrer le saint sacrifice de la messe (ce que d’ailleurs il n’omettait jamais bien que retenu par les plus graves occupations), il se recueillait en lui-même plongé dans un sentiment de piété suave qui bannissait toute distraction. Chaque jour, et la veille encore de quitter cette vie pour aller dans le sein de Dieu, il récitait le chapelet en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie avec une particulière dévotion. Avec quelle onction de suavité il s’adonnait à cet exercice et à la méditation qui l’accompagne c’est chose impossible à exprimer. Ces choses sont vraies, publiques et notoires".

Sur l’article 34 : De l’Amour envers ses ennemis.

"Cette vertu était comme la compagne assidue du Serviteur de Dieu. Jamais en aucune circonstance on ne la vit lui faire défaut. De nombreux traits l’attestent. Je n’en rapporterai qu’un que je tiens d’une personne tout à fait digne de foi et d’une éminente vertu. Un personnage de la noblesse soupçonna, à tort, le bienheureux François de Sales d’avoir poussé un homme à léguer par testament quelques biens au couvent de la Visitation de sa ville. Le visage menaçant, des injures grossières à la bouche, il entra dans la chambre du saint, et lui mettant le poing au visage se préparait à le frapper. Le Serviteur de Dieu resta calme et imperturbable. Le souvenir de cette attitude fit plus tard rentrer cet homme en lui-même. Il revint très contrit et confus, et demanda pardon à genoux. Le Bienheureux le releva avec douceur : "J’ai pardonné depuis longtemps", dit-il, et ce fut dans les termes les plus aimables qu’il lui parla".

Sur l’article 35 : Du Zèle pour la foi et la prédication de la parole de Dieu.

"Ce serviteur fidèle mit son soin à distribuer en toute occasion la nourriture spirituelle à la famille sur laquelle l’avait établi le Seigneur. Il parlait à chacun selon sa capacité. Il prêchait les grandes personnes, il catéchisait les petits enfants (ce qu’il ne cessa jamais de faire). Dans l’ardeur de sa piété et de son zèle, il allait jusqu’à rédiger de sa propre main de petites feuilles pour les enfants, afin qu’ils puissent préparer ce qu’il devait leur expliquer. Les petits enfants lui obéissaient avec empressement, charmés par cette grande douceur avec laquelle, suivant son habitude, il écoutait tout. Les fruits de ce zèle furent des plus abondants. Nombre d’hérétiques, ainsi gagnés, se convertirent à la vraie foi ; nombre de pécheurs revinrent à un genre de vie meilleure. Ces faits sont vrais, notoires et publics".

Sur l’article 36 : Des Œuvres de miséricorde.

"Autant qu’il le pouvait il visitait en personne et consolait tous les malades sans distinction. Avec une grande largesse il leur distribuait ses biens, tant dans les maisons particulières et les prisons que dans les hôpitaux. Personne n’était frustré dans son désir ; il soulageait les pauvres par ses aumônes, réconfortait les faibles, calmait les affligés par la grande douceur dont il était rempli ; les délices spirituelles redevenaient le partage des âmes attristées. Ses paroles célestes fortifiaient les condamnes au dernier supplice ; il les exhortait à se montrer courageux tout en leur témoignant une tendre compassion, et sur leur demande il leur administrait lui-même les sacrements. Ces faits sont vrais et on les raconte communément".

Sur l’article 37 : De l’Arrangement des procès et démêlés.

"J’ai touché à ce sujet à l’article 28. Je ne rapporterai ici qu’un exemple entre beaucoup d’autres. La réputation que le Serviteur de Dieu s’était acquise par son zèle à accorder les parties et à les réconcilier, attirait à lui les hérétiques eux-mêmes, tant il avait de pouvoir pour apaiser les esprits, une fois le différend réglé. Un hérétique de Genève, de noble famille, ayant une difficulté à trancher avec le comte de Saint-Alban, le pria d’être arbitre. Le serviteur de Dieu réussit avec tant de succès et de bonheur que chacun, catholique et hérétique, se trouva — chose rare — satisfait du jugement".

Sur l’article 38 : De la Religion.

"Le Serviteur de Dieu possédait, à un degré éminent, la vertu de religion enracinée au fond du cœur. Elle se manifestait en toutes ses actions, mais surtout dans ce qui touchait au culte divin, à la célébration des saints mystères et à l’exercice de ses fonctions, et cela tant en son particulier qu’en public. A le considérer avec son recueillement profond et doux, sa gravité simple, sa religieuse attention, sa majesté pleine de modestie, on voyait de suite qu’en tout ce qu’il faisait, il était pénétré des mystères sacrés. Son exemple le faisait briller tellement au-dessus des autres qu’il attirait tous les regards, ravissait d’admiration et embrasait de dévotion.

"Dans la crainte d’être demeuré devant Dieu et devant les anges au-dessous de la vérité, en ce qui regarde l’ardeur que l’amour de Dieu lui inspirait pour le culte divin, je veux ajouter un mot. L’onction de sa bonté était à ce point débordante, que l’exemple de sa dévotion emplissait ceux qui jouissaient de ses entretiens d’une joie intense. Moi-même j’eus part à ces délices, et je me souviens que, languissant depuis près de six ans sous l’étreinte de la maladie, cette pensée me revenait souvent à l’esprit, et je me la répétais sans cesse à moi-même : "Combien grande doit être la bonté de Dieu ! Que vous êtes bon, ô mon Dieu ! Mon Dieu, que vous êtes bon puisqu’en monseigneur François de Sales, votre créature, il y a tant de douceur". Tous l’ont éprouvé, et c’est la commune renommée".

Sur l’article 39 : De la Résignation en Dieu.

"Ce serviteur de Dieu, je le tiens de source certaine, était doué d’une très haute prudence, prudence qui n’était pas tant naturelle que surnaturelle, don de Dieu lui-même, qui lui permettait de discerner les mouvements intérieurs de l’âme et ses replis les plus secrets. Il fut invité un jour par le Supérieur d’une communauté, dont par respect je tais le nom, à vouloir bien entendre le premier sermon que prêchait un novice dans l’intérieur de son couvent. Interrogé ensuite par trois fois sur ce qu’il en pensait, il répondit avec un soupir : "Je crains bien qu’il ne faille pleurer sur ce jeune homme". Le malheureux, en effet, tomba dans l’apostasie, dans le courant de l’année, quittant la religion. On l’annonça au Serviteur de Dieu qui gémit ; puis, après un instant de recueillement, il reprit : "J’espère pourtant, dit-il, qu’il obtiendra de Dieu miséricorde". Son espérance ne fut pas vaine, car, peu de temps après, le jeune homme, touché de repentir, les yeux baignés de larmes, revint à la maison qu’il avait quittée, et on l’y reçut de nouveau. Ce fait est véritable, et il est rapporté par ceux qui ont écrit sa vie".

Sur l’article 40 : Sur le Discernement des esprits.

Le vénérable Vincent de Paul, interrogé, ne répondit rien.

Sur l’article 41 : Sur la Grandeur d’âme.

"Il dit : "La grandeur d’âme du Serviteur de Dieu éclata avec évidence dans les actions difficiles et héroïques qu’il a accomplies, aussi bien dans l’adversité que dans la bonne fortune. Dans ces circonstances diverses, jamais on ne le vit exalté ou abattu. Douceur, mais énergie, telle était, en effet, sa ligne de conduite invariable vis-à-vis des puissants, des hérétiques, de ceux qui attentaient à sa vie. Bien éloigné des vues terrestres, il n’avait qu’un but : l’honneur de Dieu ; un souci : l’utilité de l’Église, son propre salut et celui du prochain. En toutes choses, il garda son calme ; il sut conserver son cœur humble dans la prospérité, plein de courage et de noblesse dans le malheur. Ces choses sont vraies et publiques".

Sur l’article 42 : Du Zèle des âmes qui lui étaient confiées.

"Le zèle des âmes confiées à ses soins enflammait le cœur du Serviteur de Dieu. Ce n’est pas assez : la soif de leur salut le dévorait. Pour cela il ne négligeait rien, il mettait tout en œuvre, il ne s’épargnait pas lui-même, surtout il se livrait tout entier à ce grand moyen de salut pour les âmes ; l’audition des confessions, même au péril de sa santé, sans distinction de personnes ou de sexes. Ses amis et des personnes fort recommandables en étaient dans l’admiration ; car, si accablé qu’il fût des incommodités et des fatigues inhérentes à ce ministère de la confession, si fécond en doux fruits pour Dieu, il acceptait tout volontiers. Ceci est vrai et public".

Sur l’article 43 : Du Zèle pour la perfection des religieuses.

"Ce serviteur de Dieu s’affligeait vivement de voir des épouses du Christ sous la domination honteuse de l’ennemi. Aussi, excité par son zèle, il mit la main à l’œuvre afin de les arracher à cette tyrannie déplorable pour les conduire à la liberté des enfants de Dieu. Il y réussit, car il réforma nombre de maisons religieuses. Il ne put cependant les réformer toutes et ce fut là son grand regret, lui qui ne voulait rien laisser à l’ennemi du genre humain, surtout des personnes religieuses.

"Comme il voyait que rétablir la clôture dans certaines maisons religieuses d’où sortaient des scandales, et les ramener à l’observance de leur propre règle serait difficile, il institua, sous l’impulsion du souffle divin, l’ordre des religieuses de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie. Si saintes furent les Constitutions approuvées par le Pape Urbain VIII, sur lesquelles il l’établit, que les suaves parfums qui s’en exhalent, comme d’un jardin très agréable, attirèrent délicieusement les âmes. Il fonda vingt-huit monastères. Ces choses sont vraies et publiques".

Sur l’article 44 : Du zèle pour les âmes en général.

"Le Serviteur de Dieu ne pouvait cacher dans son cœur le feu de son zèle sans que parfois il jaillit au dehors. Il écrivait en ces termes à une personne de qualité, Mme de Chantal, fondatrice et supérieure de plusieurs maisons de la Congrégation de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie : "Que de douceur, que de délices me cause ce travail entrepris pour le salut des âmes !" Aussi n’est-il pas étonnant qu’un si grand nombre d’âmes de tant de provinces, attirées par cette douceur spirituelle, se missent sous sa direction.

"Ce fervent passionné du salut se voyait incapable de secourir un si grand nombre d’âmes séculières ou religieuses et de régions si diverses et éloignées. Dans le but d’aider ces âmes et toutes celles qui désirent entrer dans la vie spirituelle, poussé par un dessein du ciel, il entreprit, malgré ses nombreuses occupations, de composer le livre de l’Introduction à la vie dévote. Ce livre paru, tous le trouvèrent si délicieux, si utile, si nécessaire, que partout où passait le Serviteur de Dieu, même dans les régions éloignées, les personnes dans leur admiration le montraient du doigt : "Voilà, disaient-elles, le grand M. François de Genève, qui a écrit le livre de l’Introduction à la vie dévote." Ces choses sont vraies et publiques".

Sur l’article 45 : Du mépris du monde.

"Ce serviteur de Dieu, qui avait goûté au miel des douceurs divines, méprisait profondément les liens terrestres tant estimés par les hommes. Aussi refusa-t-il l’offre de beaucoup de pensions et de bénéfices qu’on lui avait offerts. Sollicité cinq fois par le roi de venir en France, jamais on ne put le décider à déposer la charge qu’il avait assumée, malgré les magnifiques promesses du roi lui-même. Il méprisa sincèrement les honneurs et les dignités pour travailler, selon son désir, plus efficacement et plus librement, disait-il, à une plus grande extension de la gloire de Dieu et du salut des âmes C’est pour cela, je pense, qu’il a écrit dans une de ses lettres : "’ai préféré être ignoré dans la maison de mon Dieu plutôt que d’habiter sous les tentes des pécheurs". Ces choses sont vraies et notoires".

Sur l’article 46 : Du libre accès qu’il donnait à tout le monde.

"Cet aimable Pasteur, comme je l’ai déjà dit, défendait avant tout à ses serviteurs de refuser l’entrée à quiconque voulait le consulter, de quelque condition qu’il fût. Le visage doux et souriant, il admettait indifféremment tout le monde auprès de lui. Ce n’était pas, en effet, les personnes qu’il considérait, mais les âmes de ces personnes, et dans ces âmes il reconnaissait et vénérait l’image de Dieu. Ces choses sont vraies".

Sur l’article 47 et jusqu’à l’article 52 inclusivement,

M. Vincent, interrogé, répondit : "Je n’ai rien à dire sur les choses qui sont contenues dans ces articles : d’un côté, parce que beaucoup de faits en question me sont inconnus ; de l’autre, parce que j’ai déjà dit dans les autres articles ce qui m’est connu".

Sur les articles 53 et 54 : Du culte et des reliques :

"Je sais qu’aussitôt que l’âme du bienheureux serviteur de Dieu se fut échappée de son corps, on accourut en foule au lieu où il était exposé. Prosterné à genoux, on l’invoquait pieusement, comme un saint ; on recueillait comme relique tout ce qu’on pouvait : le sang que l’on avait tiré de son corps, des parcelles de son corps, des morceaux de ses vêtements. Je sais que beaucoup de miracles s’opérèrent par ces reliques ; quelques-uns sont mentionnés par les personnes pieuses qui ont écrit la vie du serviteur de Dieu".

Interrogé sur les autres articles, il répondit :

"Je sais que de nombreuses provinces ont une grande dévotion pour le serviteur de Dieu, à cause de l’estime que l’on fait de sa sainteté et à cause de la multitude des miracles. En voici un que j’ai noté en dehors de ceux qui se sont opérés publiquement. Une religieuse de la Congrégation de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie de cette ville, prise d’un mal inconnu, vomissait des blasphèmes contre les saints, le Très Saint-Sacrement de l’Eucharistie, contre Dieu même, toutes les fois qu’on lui faisait célébrer leurs louanges. C’étaient, dis-je, des blasphèmes et d’exécrables malédictions quand elle s’approchait de la Sainte Table, et elle les proférait d’un ton de voix tellement distinct que les assistants pouvaient l’entendre facilement. Sa Supérieure lui demandant de faire quelque acte d’offrande d’elle-même à Dieu, elle répondit qu’elle n’avait pas d’autre Dieu que le démon. Enfin, une rage si furieuse contre la divine Majesté s’emparait d’elle, et agitait si violemment son corps et son esprit que, souvent, elle se sentait poussée à se donner la mort pour tomber plus vite en enfer, et là (chose horrible à dire) pouvoir à son gré poursuivre Dieu de ses malédictions : "C’était là, disait-elle, sa seule jouissance". La Révérende Supérieure, pleine de compassion et de douleur, tenta tous les remèdes ; elle consulta des prélats, des religieux, tous ceux qui étaient connus comme versés dans les choses spirituelles et, sur leur conseil, des médecins ; mais comme leurs remèdes restèrent sans efficacité, ladite Supérieure recourut enfin à l’intercession du serviteur de Dieu : elle applique une partie de son rochet sur le bras de la malade et, à l’instant, la religieuse est délivrée. Un grand calme se fait dans son âme, l’appétit et le sommeil qu’elle avait perdus, lui reviennent peu à peu ; bientôt sa guérison est complète, et elle persiste encore aujourd’hui. Cette religieuse jouit d’une bonne santé, d’un jugement juste et pénétrant si bien qu’elle a pu exercer les principales fonctions de la communauté comme si elle n’avait jamais rien éprouvé. Maintenant, elle a la direction des novices. Tout ceci est absolument vrai, je le tiens de la religieuse elle-même et de sa supérieure, quand j’ai été faire la visite de leur maison".

Et comme garantie de la vérité de ce témoignage, sur l’ordre desdits MM. les juges et en leur présence (moi notaire), j’ai relu mot à mot, clairement et distinctement la déposition susdite au témoin (M. Vincent de Paul), qui m’écoutait. Il déclara et affirma de nouveau que les faits susdits ont été et demeurent vrais, publics et notoires, et que l’opinion publique en parle de la même manière. En foi de quoi le témoin lui-même déposant ces faits, a souscrit de sa propre main en présence de MM. les juges qui eux aussi ont signé de leur propre main, et moi, notaire chargé de cette cause, j’ai souscrit et signé de ma propre main, et pour qu’on y ajoute plus de foi j’ai apposé mon sceau ordinaire de notaire.

Fait à Paris, au lieu (susdit), l’année, les jours, le mois, sous l’indiction et le pontificat que dessus.

Ainsi signé sur la minute originale des présentes.

Moi, Vincent de Paul, prêtre du diocèse de Dax, en Gascogne, j’ai ainsi déposé et témoigné pour la vérité.

VINCENT DE PAUL

Nous, André Frémyot, P. Arch. de Bourges, juge sous-délégué.

Moi, Denis Le Blanc, vicaire général et official à Paris, juge sous-délégué.

Et Baudoyn, député pour cette cause.

COSTE ne mentionne pas les signatures de ces délégués et député.

 

 

La Volonté salvifique universelle de Dieu
et la liberté des hommes

selon Saint Vincent de Paul

Vdi 26-D. 28 avril 96, revu V 7 juin 96

et S. 7, L. 9 nov. 98

" DE la Grâce "

entre 1646 et juin 1648

(le 25 juin 1648 il écrit à M. Dehorgny qu’il a fait "quelque petite étude touchant ces questions", S. V. III, 330-331)

Dieu veut sauver tous les hommes et leur en donne les moyens,

les hommes sont libres d’y consentir, ou de refuser

Bernard Koch

Sam. 27 avril 96

Le bonheur, la paix, le salut, et pour l’éternité, est une aspiration des hommes de tous les temps, et Jésus, Fils de Dieu fait homme, est d’abord le Sauveur - c’est la signification de son nom, en hébreu.

Ce salut qu’il nous propose nous est transmis par l’Église. "Hors de l’Église pas de salut", disait Origène (3° Homélie sur Josué, n° 5, dans Enchiridion Patristicum, n° 537). Quelques Pères de l’Église pensaient cela dans un sens strict, un peu à la façon de certains passages de l’Apocalypse: ceux qui ne sont pas dans la foi et la pratique sacramentelle de l’Église ne participeront pas à la vie éternelle avec le Christ. De nos jours, cette formule revient en discussion, les uns la brandissent avec rigorisme, et d’autres la rejettent complètement. Or elle est à garder, car c’est uniquement du Christ que vient le salut, par l’Église, qui est son corps; mais elle est à bien comprendre. Cette phrase est dite de ceux qui rejettent volontairement le Christ: ils se séparent forcément de lui. Mais rien n’est dit de ceux qui ne le rejettent pas avec pleine connaissance de cause, ou de ceux qui l’ignorent; de tout temps, beaucoup de Pères de l’Église et de théologiens ont pensé que ces gens peuvent être sauvés, par la grâce du Christ bien que ne le connaissant pas explicitement, - et qu’ils sont donc, d’une manière invisible et inconsciente, dans l’Église.

Cette question était brûlante aussi du temps de Saint Vincent, elle l’a lui-même préoccupé, elle est fortement liée à son sentiment d’urgence de la Mission.

Vendredi 26 avril 96

Saint Vincent est surtout connu comme missionnaire et comme bienfaiteur des pauvres de tout genre; on le connaît moins comme mystique, et moins encore comme théologien. Et certes, il n’a pas publié de livres, ni composé de traités approfondis. Mais il avait fait de solides études de théologie, il avait enseigné deux semestres, à l’Université de Toulouse, le 2° Livre des Sentences de Pierre Lombard, qui aborde la grâce et le péché. Toute sa vie, comme il le recommandait à ses confrères, il consacra du temps à l’étude, tant des problèmes de son temps que de la Bible, des Pères de l’Église et des Conciles, dans le but de construire l’Église, Corps de Christ, en nourrissant les prêtres et les fidèles par une doctrine sûre et bien fondée, sans chercher à briller.

La dispute autour du jansénisme retint toute son attention et il s’y lança avec passion, car ici, il s’agissait des points centraux de toute sa vie : la conception que l’on se fait de Dieu, et celle que l’on se fait de l’homme, autour de la question cruciale du salut éternel. Bien plus qu’une affaire de rigorisme, car bien d’autres que les jansénistes prônaient une grande probité morale et un vif respect des sacrements, il s’agissait de savoir si Dieu voulait vraiment sauver tous les hommes, s’il leur en donnait les moyens, et s’ils y prenaient quelque part, ce que les jansénistes niaient.

Sur ce problème, nous avons la chance d’avoir, écrite de sa main, une étude de 10 pages, intitulée "De la Grâce" (’original a été perdu en 1987, il ne reste que des photocopies). Elle date des années 1646/1648 : certainement après la mort de Saint-Cyran, le 11 octobre 1643, avant la condamnation des 5 propositions de Jansénius, le 31 mai 1653, car il ne s’y réfère pas, et avant les deux longues lettres sur le même sujet à Jean Dehorgny, le 25 juin et le 10 septembre 1648, en S. V. III, 318-332 et 362-374, où il dit avoir fait "quelque petite étude" sur ce sujet (III, 330-331).

Monsieur Pierre Coste l’a publiée en 1924, au tome XIII, pages 147-156. Il semble qu’elle n’ait jamais attiré l’attention, peut-être parce qu’elle est une discussion serrée de théologie et d’histoire de la doctrine, et donc elle pouvait paraître sans rapport avec la pastorale, la spiritualité ou l’actualité. Il est certain qu’elle est de haute tenue; elle suffirait à prouver que M. Vincent a été universitaire et a enseigné, car il y maîtrise tout à fait l’art de l’exposition d’école, avec l’arsenal des preuves dans la discussion du sujet, puis le passage en revue des objections, avec les réponses et l’art de distinguer soigneusement les points de vue. Mais cela ne l’empêche pas d’avoir des incidences pastorales et spirituelles capitales, car il y va, encore une fois, de la conception de Dieu, de l’homme, et du salut.

On a surtout retenu de M. Vincent ses formules "le pauvre peuple des champs se damne faut de savoir les choses nécessaires à salut" (S. V. I, 115) et "je n'avais partout qu'une seule prédication, que je tournais en mille façons : c'était de la crainte de Dieu" (S. V. XII, 8). Ici, c’est un tout autre aspect de sa pensée profonde.

Voici le texte lui-même, où l’enjeu est exposé aussi clairement que brièvement.

L’orthographe est modernisée. Les n° de folios sont ceux du manuscrit, les pages de Coste sont indiquées [entre crochets]. M. Coste a de rares erreurs de lecture et oublis de mots; ici, il y aura le texte tel quel du manuscrit, aussi vérifié que possible. Inversement, M. Vincent a oublié quelques mots: les restitutions de Coste sont conservées [entre crochets]. Les ajouts de M. Koch, mots, ou subdivisions, sont <entre chevrons>.

Les notes sont sur la page de gauche. On signale les ratures significatives du mouvement de la pensée.

De la Grâce

entre 1646 et juin 1648

 

Notes

Samedi 27 avril 1996, corrigé J. 6 et Vdi 7 juin

Corrigé encore Berceau Sam. 9, dim. 10 nov. 96

 

 

 

 

1. M. Vincent avait écrit "auxquelles / l'hom" (sans doute pour continuer: "ne peut résister"), barré après avoir pensé à préciser "qui sont données à peu de personnes".

2. M. Vincent avait d’abord écrit : "à qui l’on", sans doute pour continuer "peut résister", mais aussitôt il a barré "à qui l’on", et écrit : "données etc."

 

3. "Créance" : croyance (rien à voir avec les créanciers).

4. M. Vincent avait d’abord écrit "informer"; il a préféré "instruire", montrant mieux l’importance du sujet.

5. Notons l’insistance de M. Vincent sur la nécessité de s’instruire. Cela fait partie de la Mission pour lui: procurer à chacun une instruction correspondant à ses obligations: il y a un savoir nécessaire aux prêtres pour leur ministère, aux Dames et aux Filles de la Charité pour le service spirituel et corporel, et aux pauvres, pour leur dignité et gagner leur place dans la vie. Ce savoir s’étend jusqu’à la doctrine de foi.

6. La deuxième partie de la phrase n’est pas telle quelle dans le texte cité; M. Vincent transférait probablement sur l’ignorance ce qui est dit de l’iniquité en Jérémie 31, 30 et Ez. 3, 18 et 33, 8 et 1; s’en étant aperçu, il a complété par une partie de citation plus exacte.

 

7. M. Vincent avait écrit "instruire des tentations", puis il a barré "tentations" et écrit "choses nécessaires à" <à salut>, selon l'expression courante; alors il a barré "nécessaires à" et mis "de leur salut" : on saisit ainsi tout son travail de pensée et de rédaction, pour nuancer, éviter les affirmations trop brutales et mettre l’idéal en premier.

8. "se sauver": "se sau" est une restitution de l'édition Coste: en grattant sur l'autre face le mot "Paris" répété deux fois, quelqu'un a fait un trou (M. Vincent se serait contenté de barrer). La restitution semble exacte.

C'est ici le cœur de la foi de l’Église, dont M. Vincent va montrer qu’elle est traditionnelle: Dieu est bon, il est sage, il veut donc sauver tout homme et lui en donne les moyens. Notons l’insistance: "je dis "à tous, tant fidèles qu’infidèles"" : quelle actualité, en notre temps où tant de gens, même dans nos anciens pays chrétiens, sont loin du Christ… Saint Augustin, si sévère, a lui aussi écrit que même ceux qui ignorent le Christ peuvent avoir par lui des remèdes pour effacer le péché originel, cf. Lettre 186, n° 12 (Migne Latin 44, colonne 278), et De dono perseverantiæ, 16 (M. L. 45, 1002), cf. E. Neveut, C. M. Les Multiples Grâces de Dieu, Aurillac 1940.

9. "qu'il n'y a pas des" : ajouté en petites lettres dans l’interligne supérieur, pour remplacer "que ces", d'abord écrit, puis barré.

10. "ains" n’est pas une coquille, une faute d’impression: ce mot signifie "mais", il est courant jusqu’au XVII° siècle; surtout, ne pas le confondre avec "ainsi", comme font certaines publications.

11. Nous retrouvons ici le génie de Saint Vincent, de dire tout, clairement, en peu de mots. On ne peut mieux résumer le cœur du débat avec les Jansénistes : d’un côté, Dieu veut sauver tout homme, les infidèles aussi bien que les fidèles, et leur donne les grâces suffisantes pour y participer, et de leur côté, les hommes ont cette dignité d’être libres, profondément: Dieu veut qu’ils puissent travailler avec Lui à leur salut, ou refuser. Le courant janséniste, au contraire, sur la base d’un vif sentiment de la transcendance de Dieu et de sa Toute-Puissance, ne retenant que les passages durs de St Augustin, présente un homme qui ne peut résister à Dieu. On comprend que ce Dieu qui sauve qui il veut et damne qui il veut, très voisin de celui de Calvin, ait provoqué des réactions d’athéisme aux temps modernes et les cris de Marx et de Nietzsche: "si Dieu existe, l’homme ne peut pas être libre" - alors que la foi traditionnelle montrait que c’est Dieu qui donne à l’homme d’être libre, qui le veut et le crée libre. Saint Vincent a bien vu qu’il y allait de l’honneur de Dieu et de la dignité de l’homme.

12. Pélage, v. 360 - vers 422, ascète qui estimait que l’homme peut se sauver par ses seuls efforts.

13. St Augustin, 354-430, converti du manichéisme, disciple de Saint Ambroise, évêque d’Hippone.

14. M. Vincent avait d’abord écrit "erreurs", barré ensuite: il est bon de voir qu’il a nuancé son expression. Saint Augustin eut parfois des phrases aussi exagérées dans l’autre sens, qui eurent besoin d’être nuancées.

15. "une" : mot oublié, ajouté en petites lettres dans l’interligne supérieur, lors de la relecture.

De la Grâce

entre 1646 et juin 1648

L'original, bien écrit, en un cahier non folioté de format très allongé, environ 10 cm x 30, "appartenait en 1913 à M. Lacaille (Paris), chez qui nous en avons pris copie. Le développement de la cinquième partie fait défaut." (Notice de M. Coste] Il fut retrouvé en 1982 et donné au Berceau-de-Saint-Vincent-de-Paul; photocopie en a été remise aux Archives de la Maison-Mère à Paris en 1983, et M. Chalumeau, archiviste, attesta l’authenticité de l’écriture. L’original a disparu du Berceau après la mort de M. Morin, le supérieur, en 1987.

M. Vincent, en un bon professeur, donne d’abord son plan. Les § 3 et 4 seront organisés autrement dans l’exposé.

Entre |petits traits| : mots ajoutés en petites lettres dans l’interligne supérieur.

1 recto [147]

1 Il importe que l'on soit bien instruit sur le différend qui est aujourd’hui en l'Église, sur le sujet de la grâce.

2 En quoi consiste ce différend, qui est que l'ancienne opinion de l'Église est que Dieu donne à tous les hommes, tant fidèles qu’infidèles, des grâces suffisantes pour se sauver, et que l'on peut consentir ou refuser ces grâces. Et ceux qui tiennent les opinions nouvelles soutiennent qu'il n'y a point des grâces suffisantes qui soient données à tous les hommes, qu'il n'y en a que d'efficaces 1, qui sont données à peu de personnes, & que ceux auxquels elles sont données n'y peuvent résister.

3 Les raisons pour lesquelles nous croyons, comme a fait l'Église jusques à présent, qu'il y a des grâces suffisantes 2, données à tous, et qu'on y peut résister.

4 Les raisons des adversaires.

5 Les moyens de se confirmer et persévérer dans l'ancienne créance 3 de l’Église.

 

<1.> Quelz sont les motifs que nous avons pour nous instruire 4 du sujet proposé 5.

1° Que l'on est en danger d’être trompé, en cas d'opinions nouvelles, et de suivre l'erreur au lieu de la vérité; [148] et c'est en ce sens que le St Esprit dit que l'ignorant |sera ignoré (1 Cor. 14, 38) et qu'il| 6 périra en son ignorance. Et c'est ainsi que plusieurs, faute de s’éclaircir à l'abord des opinions de Luther et Calvin, sont tombés dans l'erreur.

2 Qu'il y va de notre salut, lequel consiste à croire tout ce que l'Église enseigne, & qu'en quelque façon, ceux qui ne se veulent faire instruire des choses 7 de leur salut tirent à leur damnation.

Qu'il y a sagesse de s’éclaircir, en cas de division dans la religion, & témérité & grand danger d'en user autrement.

 

<2.> En quoi consiste ce différend.

Nous l'avons dit: que c'est de savoir si Dieu donne aux hommes, je dis à tous, tant fidèles qu’infidèles, des aides que nous appelons grâces, pour se sauver 8, et que les hommes peuvent

1 verso abuser de ces grâces et les rejeter. Et que ceux des opinions nouvelles tiennent le contraire, |qu'il n'y a pas des| 9 grâces suffisantes données à tous, ains 10 seulement d'efficaces, qui ne sont données qu'à quelques-uns, & que ceux à qui elles sont données n'en peuvent abuser en les refusant 11.

Et pour mieux entendre cette question, il faut noter qu'il y a environ douze cens ans <vers 400> que Pélagius 12 soutenait que l'homme pouvait faire les oeuvres nécessaires à salut par ces pauvres [forces] humaines, sans autre aide de Dieu que celle des prédications, lectures des bons livres, & semblables moyens extérieurs qui nous portent à Dieu.

Que St Augustin 13, qui lui était contemporain, s'opposa à ces opinions 14 de Pélagius, & soutint que l'homme, par ses propres forces, aidé des moyens extérieurs de la prédication, &c., ne pouvait faire les choses [nécessaires] [149] à salut, & qu'il fallait une 15 grâce actuelle et surnaturelle de Dieu par Jésus-Christ, qui nous fît embrasser le bien nécessaire à salut et fuir le mal, en quoi St Augustin fut suivi des souverains pontifes & de l'Église, peu de personnes exceptées, qui suivirent l'opinion de Pélagius.

Notes

16. "elles en poussent d’autres" : cette métaphore végétale, évoquant les surgeons, reviendra plusieurs fois.

 

17. "aucuns" : aucun, aucuns, n’avait pas alors le sens de "personne", mais de "quelque", "quelques-uns", comme encore aujourd’hui en espagnol "alguno" et en italien "alcuno", alcuni". Cela vient du latin "aliquem".

18. M. Vincent avait d'abord écrit "ceux cy soustenand "; il a aussitôt barré "soustend" et écrit, avant "en soustenant", la comparaison avec St Augustin et Pélage, qui avait dû lui venir au fil de la plume.

19. Petit détail révélant le fonctionnement de l'esprit humain: M. Vincent a d'abord écrit "qui s'acordoyt avoit", et aussitôt corrigé en barrant "avoit" pour écrire "avecq" : tout en écrivant, il avait l'image auditive des mots, puisque le son "avecq" a été influencé par le son "-oyt" juste avant, mais il s'est rendu compte aussitôt du lapsus.

20. M. Vincent avait écrit "un principe pour", il n'a pas continué, mais comme souvent, a précisé sa pensée, en barrant "pour" et continuant autrement.

21. Coste a "ses grâces"; il est vrai que M. Vincent écrit souvent "ces" pour "ses", mais ici le "ces" du manuscrit se soutient aussi : il peut renvoyer aux grâces dont on a déjà beaucoup parlé.

22. M. Vincent a oublié d’écrire "ans". D'autres oublis parsèment ce texte, qu'il a dû écrire vite, et relire vite, car lorsqu'il relit soigneusement, il complète en écrivant au-dessus, dans l'interligne.

23. Avant "produit", M. Vincent avait écrit "en poussa un", il a barré "poussa un" pour mettre "produit un autre". Nous retrouvons ce vocabulaire qui évoque les pousses des végétaux; cette fois-ci, il y a renoncé.

24. "erreur" était alors masculin, comme "rencontre", comme "affaire"; Richelieu avait institué l’Académie Française en 1635, pour fixer la langue, mais ce fut un travail très lent; la totalité du système de la syntaxe, de l’orthographe et des genres en usage aujourd’hui ne date que du milieu du XIX° siècle.

25. "L’évêque Prudence. Le fait mentionné par saint Vincent se passait en 858" (note 2 de M. Coste).

26. "Paris" est écrit deux fois. Quelqu'un a voulu gratter le premier "Paris", et a réussi à trouer le papier, - rendant difficile à lire "se sauver", du côté recto; mais sur ce côté verso, on voit encore le "p" et le "s", ainsi que la trace du bas des autres lettres. Serait-ce M. Vincent ? d'habitude, il barre, ne gratte jamais; ici, comme plus loin, il semble avoir oublié de barrer, c'est quelqu'un d'autre par la suite qui aura voulu gratter le mot de trop, maladroitement.

27. M. Vincent avait d'abord écrit "sa procuration pour Nostre Dame" (de Paris); il a barré "Nostre Dame".

28. M. Vincent, après "et non autrement", avait d’abord écrit "ce qu'il faisoit", voulant sans doute tout de suite montrer la conséquence doctrinale de cette réserve de l'évêque de Troyes. Il a barré "ce qu'il faisoit" et ajouté la mention du fait qu'on a rejeté cette opinion; mais cela rend sa phrase fort compliquée. Elle veut dire : l’évêque Prudence avait donné procuration à un autre évêque pour voter à sa place, à condition qu’il partage son opinion que Jésus-Christ n’était pas mort pour tous les hommes; sinon, il lui refusait sa procuration.

29. Cette fin de phrase un peu compliquée est claire si on y prête attention : "cette opinion" de l’évêque de Troyes, et peut-être d’autres, "fut contredite" par ses frères évêques, et M. Vincent l’explique à nouveau : cette opinion qui dit "que Notre-Seigneur n’est pas mort pour tous", elle revient à nier que la grâce suffisante soit donnée à tous. Et les mots raturés, "ce qu'il faisoit", confirment cette manière de comprendre.

Point n’est besoin de reformuler, comme l’a fait M. Coste, par un ajout : "sans contredit" : "Et cette opinion, que Notre-Seigneur n’était pas mort pour tous, était [sans] contredit pour exclure la grâce suffisante donné à tous." : M. Vincent n’est pas distrait au point de ne pas savoir formuler ce qu’il veut dire; nul besoin de reformuler ni d’ajouter "sans", d’autant moins que "sans contredit" n’est guère utilisé par lui. Le fait que "contredit" soit au masculin ne prouve rien, nous avons vu d’autres exceptions aux règles des accords.

30. "Baïus" : Michel du Bay, né en 1513, professeur de théologie à Louvain, où l’augustinisme était déjà dominant, commence à enseigner ses doctrines en 1551; condamné par l’université de Paris en 1560, et par le Pape Pie IV en 1561, par Pie V en 1567 et 1569, cf. DB 1001-1080, DH 1901-1980. Mort en 1572, ses théories continuaient de se propager; la condamnation fut confirmée par Grégoire XIII en 1579 et Urbain VIII en 1641. Mais la majorité de l’Université de Louvain continuait d’aller dans son sens, dans sa manière de comprendre l'augustinisme.

31. Liberté d’indifférence: celle où l’on n’est pas attiré de manière contraignante par un parti plus que par l’autre, les deux partis attirant, ou répugnant, ou laissant froid, à peu près également. M. Vincent, en peu de mots, présente avec exactitude l'essentiel des thèses condamnées de Baïus. L'idée qu'un vouloir nécessaire, irrésistible, puisse tout de même être libre, avait été avancée par St Augustin contre Pélage, avec sa théorie de la "delectatio victrix" (délectation victorieuse) : quand on aime quelque chose, on le poursuit sans être tenté du contraire, et cependant librement; les biens créés, étant limités, nous laissent forcément du choix; mais Dieu est un bien infini, rendant tous les autres sans attrait; et la grâce de Dieu produit en ceux à qui il la donne une telle délectation pour ce Bien Infini qu'ils ne peuvent y résister: ils obéissent à Dieu nécessairement, et toutefois librement. Cette explication plus psychologique que théologique a finalement embrouillé la recherche : Baïus, puis Jansénius, durcirent cette théorie d'une manière qui revenait à dire que ceux qui s'écartent de Dieu n'ont pas reçu sa grâce, et donc que Dieu ne veut pas sauver tous les hommes.

32. On retrouve la métaphore de la végétation apparue dès la comparaison avec "certaines maladies malignes". M. Coste ne l'a pas saisie, et corrige : "et ayant été encore repoussées sous … " : le manuscrit est pourtant très clair, "été" n'y est pas.

33. Grégoire XIII, Pape de 1572 à 1585.

 

 

De ceste dispute qui se passa entre St Augustin et Pélagius, en est sorti de temps [en temps] d'autres, dépendantes de celle-ci, et en est arrivé comme de certaines maladies malignes, qui ne se guérissent jamais si bien que de temps en temps elles en poussent d'autres 16, comme ce fait celle d'un vilain mal qu'on n'ose nommer, & la fièvre quarte en aucuns 17 .

 

 

 

Celle des semi-pélagiens parut bientôt après la mort de St Augustin. Ceux ci publièrent 18 une opinion mitoyenne, qui s’accordait avec 19 St Augustin en soutenant que les hommes ne pouvaient rien sans la grâce de Dieu, & avec Pélagius, en ce qu’ils disaient que les hommes avaient en eux un principe 20 de bonnes oeuvres qui donnait lieu à Dieu de leur donner ces grâces 21; et pour cela [s']appelèrent semi-pélagiens, et furent condamnés par l'Église.

 

 

 

Quatre cens [ans] 22 après, cet erreur en produit 23 un autre 24 , qui était que Nostre Seigneur n’était pas mort pour tous; en sorte que, l’évêque de Troyes 25 ne pouvant assister à l'élection d'un Évêque de Paris 26,

2 il envoya sa procuration pour 27 donner sa voix à un qu'il nommait, au cas qu'il crût que notre Seigneur Jésus Christ n’était pas mort pour tous, & non autrement 28. & cette opinion était contredit <sic> : que notre Seigneur n’était pas mort pour tous, pour exclure la grâce suffisante donnée à tous 29.

 

 

 

 

[150] L'an 1560, Baïus, docteur et doyen de Louvain 30, mit en avant quantité d'opinions, entre lesquelles il y en avait contre la liberté d’indifférence 31 disant que le volontaire, quoique nécessaire, s’accordait avec la liberté qu'on entend toujours pour la liberté d’indifférence; ce qu'il faisait pour montrer que l'on ne peut résister à la grâce. Et ces opinions furent condamnées par Pie 5; et ayant encore repoussé 32 sous le pontificat de Grégoire 13 33 il condamna derechef les mêmes opinions.

 

Notes

34. "année de la publication de l’Augustinus ", de Jansénius (note 4 de M. Coste). M. Vincent a écrit "640".

Cornélius Jansen, né aux Pays-Bas en 1585, étudia la philosophie à Louvain de 1602 à 1604 et la théologie de 1604 au début de 1609, ordonné diacre en 1608, bachelier en théologie en 1609. En 1609 il se rend à Paris, où il rencontre Jean Duvergier de Hauranne, le futur abbé de Saint-Cyran - qui avait étudié aussi à Louvain de 1602 à 1604, sans se rencontrer. En 1611 il l’accompagne à Bayonne, où ils lisent ensemble les Pères de l’Église durant quelques années, tantôt à Paris, tantôt à Bayonne. Retourné à Louvain il y prend la licence et le doctorat en 1617, puis il enseigne. Il écrit le Mars Gallicus , contre la politique de Richelieu, allié des protestants contre les pays catholiques. Outre ses charges d’enseignant, il continue de travailler les Pères, et surtout Saint Augustin, dont il estime avoir trouvé la véritable clef, toujours de pair avec Saint-Cyran, au long d’une abondante correspondance et pendant quelques séjours ensemble. Il ébauche une conception très particulière de l’augustinisme, retenant les opinions les plus dures de Saint Augustin et le considérant comme le critère de la foi. Il élabore lentement sa synthèse de Saint Augustin, répandant fort discrètement ses idées, en particulier par Saint-Cyran, qui les durcit encore. Contestés par certains théologiens, en particulier jésuites, ces idées sont partagées par la faculté de théologie de Louvain et quelques évêques. Nommé lui-même évêque d’Ypres par Philippe IV d’Espagne, sacré en 1636, il meurt de la peste en 1638, sans avoir revérifié ni publié son livre. Son Augustinus (1600 pages, en 3 tomes) paraît sans retouche, par les soins d’amis, en 1640, à Louvain, en 1641 à Paris, puis en 1643, à Rouen, alors que Saint-Cyran et le grand Arnaud sont déjà en train de diffuser le "jansénisme". Ce livre proteste de ses sentiments de soumission au jugement que le Saint-Siège rendrait, au tome II, Liber Proœmialis, chap. 29, colonne 66, et à la fin, au tome III, Epilogus omnium, p. 1070-1071 (édition originale, 1640). Ses disciples n’en tiendront pas compte et la querelle s’enflammera.

35. Le manuscrit n'a plus que "risées", les premières lettres ont été emportées par le trou allongé formé par la personne qui a gratté "remède" au verso. M. Coste a mis "favorisées", à tort, car il n'y a pas trace de "f" qui dépasse; on lirait plutôt "autorisées", qui avait d’ailleurs encore le sens de "confirmer", "accréditer", "mettre à l’honneur".

36. Saint-Cyran : Jean Ambroise Duvergier (ou Du Verger) de Hauranne est né à Bayonne la même année que M. Vincent, en 1581, dans une famille de haute bourgeoisie commerçante, bouchers et membres de l’administration de la ville; ils passaient pour brutaux et querelleurs, et le tempérament basque est connu pour être intransigeant et épris d’absolu. Jean étudia chez les jésuites d’Agen, puis à la Sorbonne, et à Louvain, où il logeait au collège des Jésuites, sans rencontrer alors Jansénius. Il baigne dans la polémique autour de Baïus, et passe sa thèse de doctorat en découvrant l’intérêt de l’étude des Pères. Il séjourne à Paris de 1609 à 1611, rencontre peut-être déjà M. Vincent, mais surtout il se lie avec Jansénius. Ils reviennent ensemble à Bayonne en 1611. Pas encore prêtre, l’évêque de Bayonne lui donne la cure d’Itxassou, qu’il échange aussitôt avec un autre ecclésiastique, contre une pension, et l’évêque lui accorde en outre une prébende de chanoine, en donnant à Jansénius la direction du collège de Bayonne. Il ajourna longtemps son ordination sacerdotale. Il passe des années à travailler les Pères avec Jansénius. En 1617 il devient vicaire général de Poitiers, ordonné prêtre en 1618, il devient vers la fin de 1620 abbé commendataire de Saint-Cyran-en-Brenne. En 1621, il résilie la charge de vicaire général et s’établit à Paris, rencontrant M. Vincent, qui le fréquente, qu’il invite parfois à table et à la prière. Saint-Cyran se lie aussi aux Arnaud et aux religieuses de Port-Royal, dont il deviendra le directeur. À partir de 1632, M. Vincent se rend compte que son ami adopte des thèses outrancières; après 1634, ils ne se voient plus beaucoup; on a encore une lettre de Saint-Cyran à M. Vincent, le 20 novembre 1637. Le 15 mai 1638, Richelieu le fait arrêter et enfermer à Vincennes. M. Vincent, parmi d’autres, est convoqué pour un interrogatoire, où il se garde de charger celui dont il combat la doctrine, mais qui reste un ami (texte en S. V. XIII 86-93). Richelieu meurt le 4 décembre 1642, et Louis XIII libère Saint-Cyran le 16 février 1643. Il meurt d’apoplexie le 11 octobre suivant.

37. <n’est pas forcément le même> : phrase obscure, puisque sans verbe, oubli de M. Vincent. M. Coste a laissé le texte tel quel, il convient de tenter de suppléer, en s’inspirant du sens général.

38. Ici nous voyons, tout proches l’un de l’autre, "ains" (mais) et "ainsi", bien différents sur le manuscrit.

39. On voit les conséquences de ces conceptions vis-à-vis de Dieu, d’abord, qui devient un maître arbitraire, vis-à-vis de l’homme, simple jouet en face de Dieu, et vis-à-vis de l’évangélisation: à quoi bon prêcher Jésus-Christ à des gens qu’il ne veut pas sauver, et qui ne pourront rien faire pour travailler à leur salut? C’est pourquoi M. Vincent part en guerre, non contre les personnes, mais contre ces théories ruinant toute espérance.

40. M. Vincent annonce à nouveau son plan, qu’il modifie : au lieu de présenter les raisons de la doctrine traditionnelle, puis les raisons des adversaires, il va subdiviser cette partie des preuves selon le contenu :

1° Dieu veut sauver tous les hommes et leurs en donne les moyens, ses grâces : preuves, objection et réponse.

2° Les hommes sont libres, libres de répondre à ces grâces ou d’y résister: preuves, objections et réponses.

41. Il est fort important de noter ce catalogue de preuves : M. Vincent invoque non seulement l’Écriture et la Tradition, mais également la raison : il croit à la valeur de la nature humaine, à la valeur de la raison comme de la liberté, à la différence des jansénistes, pour qui le péché originel a corrompu la raison et la liberté.

42. M. Vincent avait écrit "remède", il a écrit "moien" au-dessus, dans l'interligne, en oubliant de barrer "remède"; c'est probablement quelqu'un d'autre qui par la suite a voulu le gratter, en trouant la feuille, tout en laissant suffisamment voir que c'était "remède". M. Vincent barre, même lorsqu'il se relit après coup.

43. Il avait écrit "pour tout le", en oubliant le verbe; il a barré aussitôt, et continué: "sauver tout le monde".

44. Il avait écrit: "le même St Paul" : il a barré "le même" et "Paul", ajoutant "Jean" au-dessus. Le manuscrit fait ainsi saisir le travail de rédaction: les aléas de l’attention, les mouvements d’une pensée en travail.

45. Ce sont les anciennes paroles de l’offrande du calice; on peut regretter que la nouvelle formule ("il deviendra le vin du Royaume éternel") n’ait pas gardé cette mention explicite du salut de tous les hommes.

Lesquelles ont recommencé à paraître en l'an 1640 34, [par] l’évêque d’Ypres, Jansénius, et ont esté <auto>risées 35 par l'abbé de St Cyran 36 & quantité de personnes qui les ont embrassées.

Mais comme ce qui reste du mauvais mal que nous avons dit <n'est pas forcément le même> 37, ains un autre, souvent différent en espèce, ainsi 38 les erreurs de Jansénius ne sont pas celles qui se meuvent du temps de St Augustin, ains sont différentes.

Les opinions de Pélagius était contre le besoin de la grâce intérieure pour le salut; et celles de ces temps sont que Dieu ne donne pas des grâces à tous pour se sauver, et que celles qu'il donne à quelques-uns opèrent nécessairement, en sorte qu'on n'y peut résister 39.

 

 

 

 

<3.> Selon cela, nous avions à prouver que Dieu donne des grâces suffisantes à tous les hommes pour se sauver et que notre Seigneur, nous donnant ces grâces, ne nécessite pas notre libéral arbitre <libre arbitre> & lui laisse la liberté de faire bon usage de ces grâces ou d'en abuser 40.

2 La preuve de ce que j'avance se tire de la Ste Escriture, des Conciles, des Père, & de la raison 41.

 

 

<A-> Voici celles qui font voir que la bonté de Dieu est si grande qu'elle donne moyen à tous les hommes pour se sauver.

St Paul dit de Dieu que vult omnes homines salvos fieri <il veut que tous les hommes soient sauvés > (1 Tim. 2, 4). Et l'on fait cet argument, que, s'il veut [151] que tous les hommes soient sauvés, que nécessairement il faut qu'il donne des moyens à tous les hommes pour les sauver, sachant bien qu’ils ne le peuvent pas par leurs forces, ayant fait dire à St Paul: non possumus dicere Abba, Pater, nisi in Spiritu Sancto <nous ne pouvons pas dire Abba, Père, sinon dans l’Esprit-Saint > (Rom. 8, 15).

La même Écriture dit de plus de Dieu que neminem vult perire <Il veut que personne ne périsse > (2 P. 3, 9), ce qu'étant posé, il faut qu'il leur donne des aides pour s'en empêcher.

En 3° lieu, nous voyons qu'il a donné un moyen 42 universel pour 43 sauver tout le monde , qui est celui de la mort & passion de notre Seigneur: Si unus pro omnibus mortuus est <si un seul est mort pour tous > (2 Cor. 5, 14), et St Jean 44, en un autre endroit, dit: Mortuus est propitiatio pro peccatis nostris, non solum pro nostris, sed etiam pro totius mundi <il est mort comme propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais même pour ceux du monde entier > (1 Jn 2, 2).

 

Et pour montrer que l’Église l'entend de la sorte, elle le montre par les paroles de l'oblation du Calice: Offerimus tibi, Domine, Calicem salutaris, tuam deprecantes clementiam, ut in conspectu divinae majestatis tuae pro nostra et totius mundi salute ascendat <Nous t’offrons, Seigneur, le calice du salut, suppliant ta clémence pour qu’il s’élève en présence de ta divine majesté, pour notre salut et celui du monde entier > 45.

 

 

Notes

Dimanche 28 avril 96

46. La grâce prévenante est un terme technique de la théologie de la grâce depuis Saint Augustin : c’est une sorte d’appel que Dieu nous adresse, par un secours préalable à notre décision, mais qui ne contraint pas notre liberté. Dieu nous aide, mais ne décide pas à notre place - alors que pour les adversaires, c’est Lui qui nous amène efficacement à décider, d’où leur idée que, si nous ne l’écoutons pas, c’est qu’il n’a pas donné de grâce efficace.

47. Concile d’Orange, convoqué par Saint Césaire d’Arles en 529, sous le Pape Félix III, contre les semi-pélagiens, confirmé par Boniface II (530-532) le 25 janvier 531. La phrase, citée de mémoire, est au chapitre III, De la prédestination, Denzinger - Bannwart - Umberg, Enchiridion Symbolorum, Definitionum et Declarationum, Herder 1937 (en abrégé DB), n° 200, début; Denzinger - Hünermann, Symboles et définitions… Cerf 1996 (DH), 397.

48. Probablement dans son Traité sur Saint Jean, en commentant ce passage. M. Vincent emploie un argument "ad hominem": il retourne contre les adversaires leur propre argument, l’autorité de St Augustin. Autres déclarations nettes : à Deogratias, lettrre 102, M. L. 33, 374; cf.E. Neveut, Les multiples Grâces de Dieu, p. 113 note 10.

49. Ici M. Vincent avait écrit: "à tous ceux", puis il l'a barré pour ajouter "et bonne volonté". M. Coste a lu "toujours" au lieu de "tous ceux". En fait, il n’y a que le "t" du début, pas de "j", et un "x" final, le tout, lisible.

50. Saint Prosper d’Aquitaine, né en Aquitaine dans les dernières années du IV° siècle, venu assez jeune en Provence, à Marseille; demeuré laïc, il s’engage avec Saint Augustin dans la lutte contre les théories pélagiennes et contre Cassien (vers 360-435), abbé de Saint-Victor, qui tenait une position moyenne. En 440 il va s’établir à Rome, où il mourut, après 455.

51. Paul Orose, né vers 380 au Portugal, prêtre, venu consulter St Augustin à Hippone vers 414, envoyé par lui vers Saint Jérôme en Palestine en 415, où l’enjeu des théories de Pélage n’était pas perçu, il lutte lui aussi contre pélagiens et semipélagiens; revenu en Afrique, on perd sa trace après 418. La phrase citée de mémoire par Saint Vincent est tirée de son Liber apologeticus , voir Rouet de Journel, Enchiridion Patristicum, n° 2020.

52. Faut-il compléter, par "ouverts", comme on dit aujourd’hui, ou "étendus", comme le dit la citation qui suit ?

53. M. Vincent avait d’abord écourté en écrivant: "&c. &"; il a barré et complété aussitôt cette partie de la citation.

54. Rom. 10, 21, citant librement Isaïe 65, 2.

55. "ces": M. Coste a mis "ses". L’orthographe du manuscrit se soutient: il renvoie à ces grâces dont il parle; mais il est vrai que m. Vincent met parfois l’un pour l’autre.

56. Nous retrouvons la confiance de M. Vincent dans la raison; au début du 3° développement, il annonçait la raison comme une des preuves qu’il apporterait. Pour les adversaires, au contraire, la toute-puissance et la volonté de Dieu ne sont pas soumises à la raison, ce qui les limiterait; et la raison de l’homme est abîmée.

57. M. Vincent, en tournant la page, a oublié "n’est"; il est facile de le restituer, comme a fait M. Coste.

58. L’argument de raison devient un argument ad hominem: ceux qui disent que seuls sont sauvés ceux à qui Dieu donne des grâces efficaces, irrésistibles, mettent les autres en enfer: ce faisant, ils se contredisent, car ou bien c’est qualifier Dieu d’injuste, ou bien nier que ces gens aillent en enfer: on arrive donc à dire que tous seront sauvés, le voulant ou non! On sent que M. Vincent avait "du métier". Mais pour les adversaires, notre raison est sans valeur, face à Dieu: il peut mettre en enfer sans raison, sans pourtant être injuste …

59. Suit ici une ligne inachevée et barrée, puis 3 lignes de début de paragraphe, inachevé et barré, citant une objection tirée de Saint Augustin, qu’il reprendra plus loin : "Quant à l’autre difficulté "

"Ce qu’ils allèguent contre cela est que St Augustin a dict que Dieu ne veut pas que tous les hommes"

Ceci nous montre le fonctionnement de sa pensée: il a pensé son texte avant et établi son plan, mais pendant qu'il suit son idée principale, d’autres lui viennent, ou lui reviennent, encore à temps pour modifier son texte.

60. Saint François de Sales. L’épisode est tiré de son Traité de I'Amour de Dieu , Livre IV, chap. V; édition d’Annecy, 1894, tome IV, pp. 229-230. M. Vincent cite de mémoire; il n’y est pas question de voleurs, mais "à la merci des loups, sangliers et autres bêtes sauvages". Ceci est courant chez M. Vincent, comme chez la plupart des auteurs jusqu’à une époque récente, et chez quelques-uns de nos jours: la rigueur textuelle - ou l’exactitude des événements - n’est pas toujours la préoccupation dominante, du moment que l’esprit du passage soit rendu - ce qui est le cas.

61. Il avait mis "réveillés", puis a modifié.

62. Voici l’objection déjà évoquée plus haut, au paragraphe des notes 55 et 56, et qui est ici en place.

63. M. Vincent avait écrit "c'est", il a barré et mis "ce n'est pas". Et Coste a oublié "pas", pourtant visible.

64. "notre libéral arbitre" : on dit plus couramment "libre arbitrre", aujourd’hui. C’est synonyme de liberté de choisir, d’accepter ou de refuser, capacité de décider par soi-même, par les lumières de la réflexion, et non sous une contrainte extérieure ni sous une impulsion intérieure.

65. "Voici les raisons contre" est une petite maladresse d’exposition. M. Vincent arrive à la deuxième thèse à démontrer: que Dieu nous laisse libres; mais, comme il vient de formuler une objection à la première partie et d’y répondre, il commence par la formuler ayant en tête la thèse des adversaires, si bien que ces "raisons contre" les adversaires sont en fait "les raisons pour la thèse de l’Église": c’est les arguments de la thèse de l’Église qu’il va exposer, ensuite seulement viendront les objections des adversaires et les réponses. Tout cela est fort bien charpenté, ce n’est que la formulation qui peut prêter à confusion.

 

 

 

Et le concile d'Orange dit que: Omnes baptizati cum gratia Christi preveniente & cooperante possunt & debent operari necessaria ad salutem <tous les baptisés, avec la grâce du Christ prévenante 46 et coopérante, peuvent et doivent faire les choses nécessaires à salut > 47.

Et St Augustin, sur ces paroles: llluminat omnem venientem in hunc mundum <Il éclaire tout homme venant dans ce monde > (Jean 1, 9), d'où vient que tous ne sont

3 pas illuminéz? il répond 48: Non quod lumen desit illis, sed quod illi desint lumini <ce n’est pas que la lumière leur manque, mais c’est eux qui manquent à la lumière >.

Et le même, demandant d'où vient que Dieu donnant sa grâce 49 et bonne volonté à tous les hommes, tous ne se sauvent pas, il répond: quia nolunt <parce qu’ils ne veulent pas>, dict-il; notez qu'il donne cette grâce à tous.

Et son disciple St Prosper 50 dit, parlant de la grâce, [152] que : Opitulatio hæc adhibetur omnibus <ce secours est appliqué à tous >.

Et Paul Orose 51 dit qu'il croit fermement que la grâce est donnée à tous les hommes pour se sauver: Non solum fidelibus, sed etiam universis gentibus, non solum universis, sed etiam singulis; & non solum per dies, sed quotidie, per tempora, per horas, per momenta, per atomos <non seulement aux fidèles, mais même à toutes les nations; non seulement à tous, mais même à chacun, et non seulement à quelques jours, mais chaque jour, au long des temps, des heures, des moments, des atomes (= secondes) > , et puis il conclut : Nemini hominum deesse adjutorium <à aucun homme ne manque son secours >.

 

Et certes, je ne sais comme Dieu, étant une bonté infinie, qui qu’il <sic> a tous les jours les bras 52 pour embrasser les pécheurs, pourrait Quotidie expandi manus meas ad populum 53 & non credentem & contradicentem, &c. <chaque jour j’ai étendu mes mains vers un peuple et qui ne croyait pas et qui contredisait, etc.> 54, aurait le cœur de refuser des grâces à tous ceux qui les lui demanderaien, & se laisserait surmonter par la bonté de David, qu’il <sic> était en peine de trouve[r] quelqu'un de la maison, son ennemi, pour luy faire miséricorde.

Ajoutez à cela que si Dieu dénie ces 55 grâces à quelques-uns, qu'il n’aurait pas raison de leur commander l'observance des commandements de Dieu 56, qu'il sait qu’ils ne peuvent point observer sans son aide; & ce qui noterait Dieu d'injustice, c'est s'il les damnait pour cela, ce qui

3 [n'est] 57 pas vraisemblable; il s’ensuivrait qu'il n'y aurait point d'enfer pour les hommes 58.

59

Selon cela, il s'ensuit que Dieu est si bon que, comme il ne tient pas au soleil que tout le monde ne voient <sic>, ains au défaut de la vue, ou à ce qu'on ferme la fenêtre ou les yeux, qu'ainsi Dieu envoie ses grâces à tout le monde, & qu'il ne tient pas à lui que tout le monde ne se sauve.

Le bienheureux Évêque de Genève 60 montre cela par la comparaison de quelques pèlerins &c. qui, s'étant endormis et ayant été tous éveillés 61', les uns se lèvent, marchent & arrivent heureusement au lieu où ils allaient; et les autres, s'étant rendormis, s'éveillèrent tard, et, s'étant égarés dans la nuit, il <sic> furent pris et ma traités des voleurs; or, tous furent ésveilléz & ne tint pas au soleil [153] que tous ne se levassent et n'arrivassent heureusement au lieu où ils allaient.

 

Voici ce que l'on objecte contre:

L'on dit que St Augustin a dit que Deus non vult omnes salvos fieri <Dieu ne veut pas que tous soient sauvés > 62’. Il dit vrai à l’égard de ceux qui n'ont pas voulu observer ses commandements, & non à l’égard des autres qui les ont observés. Dieu désire que tout le monde soit sauvé, et donne des moyens à tous pour cela; mais, s’ils ne les observent, ce n'est pas 63 la faute de Dieu, mais la leur.

L'on objecte de plus que *** <inachevé; M. Vincent, en changeant de feuille, a recommencé autrement>

 

 

4 <B-> Nous avons dit que la seconde difficulté consiste en l'opinion qu'ont ces sectateurs des nouvelles opinions, que la grâce de Dieu opère de telle sorte que notre libéral arbitre 64 n'y peut résister.

<1> Voici les raisons contre 65 :

Notes

66. La session VI se termina en janvier 1547. M. Vincent fait allusion au Canon 4, D. B. n° 814. Il a ensuite écrit deux fois "c'est" ("de la justification), et a barré le premier. Puis il a hésité dans sa rédaction; après avoir écrit: "que celui est anathème", il l'a aussitôt barré et a continué: "fulmine anathème…"

67. Citation libre de Saint Étienne, dans Actes 7, 51.

68. Proverbes 1, 24.

69. M. Vincent avait écrit tout de suite "et noluisti", barré aussitôt pour insérer "sicut gallina …", qui lui est revenu en mémoire.

70. Mt. 23, 37 et parallèles. Pour la poule, M. Vincent a écrit "filios suos",très lisiblement; M. Coste a mis "pullos suos" influencé par la Vulgate, qui a "pullos suos" <ses poussins>.

71. M. Vincent avait d’abord écrit "touchés", puis il a préféré mettre "affligés", car les plaies d’Égypte comme la crise de démence attribuée à Nabuchodonosor par le livre de Daniel, 4, 25-30, sont bien des afflictions.

72. M. Vincent avait d'abord écrit "alter vero contra Dei …"; en relisant, il a barré "vero" et écrit "libero" au-dessus, dans l'interligne.

73. Traité de l'Amour de Dieu, Livre II, ch. IX; édition d’Annecy p. 115-116. "Apodes", en grec, veut dire "sans pieds"; Aristote est le premier à en parler (Histoire des Animaux, livre I, chapitre I), et Saint François de Sales le cite: ils ont "les jambes extrêmement courtes et les pieds sans force". M. Vincent avait commencé par écrire :"tire" (de la comparaison …), qu'il a aussitôt barré pour mettre "se sert de".

74. L’original porte un seul mot, qui se lirait bien "beaucoup", et sûrement pas "souffler", car la finale est "up"; on peut supposer qu’ici comme en d’autres passages M. Vincent a oublié le verbe. Gardons l’interprétation de M. Coste.

75. M. Vincent avait commencé: "n'auroit" (pas de mérite); il l'a barré aussitôt, pour noter d’abord le motif.

76. Le premier jet portait "luy ren" (-dra), barré aussitôt pour écrire "luy fera". L'édition Coste a ensuite "saluant"; mais, si le "vi" n'est pas absolument évident, le "i" étant collé au "v", "sitant" est très net.

77. C’est bien en effet une caractéristique de ces doctrines, calvinistes ou jansénistes (qui sont restées dominantes aux Pays-Bas). Cependant "sans crainte" n’est pas exactement leur position, car si, logiquement, on n’a pas à craindre de châtiment pour des actes dont on n’est pas responsable, puisqu’on n’a pas reçu de grâce efficace, reste que de par le péché originel nos bonnes actions ne sont pas vraiment bonnes et que nous sommes voués à l’enfer, on ne peut que s’en remettre à la miséricorde purement gratuite d’un Dieu qui sauve qui il veut et damne qui il veut. C’est une atmosphère lourde, pesante, c’est donc surtout un monde "sans espérance" : nous ne savons pas quoi attendre de la part d’un tel Dieu, pour un tel homme… On en connaît les conséquences modernes, de l’athéisme révolté de Marx et Nietzsche à l’athéisme désespéré de Heidegger et Sartre.

78 "peut-être" a été ajouté au-dessus, en interligne: nouvel indice qu’il nuance sa pensée en se relisant.

79. Note 13 de M. Coste: "vraisemblablement l'abbé de Saint Cyran", qui travailla longtemps avec Cornelius Jansen à la préparation de l’Augustinus. Il était mort le 11 octobre 1643.

80. La formule "il quitta … à célébrer …" se comprend fort bien, la syntaxe n’était pas fixée. Il n’est pas nécessaire d’ajouter entre crochets: "et [cessa de]", comme a fait M. Coste, qui semble n’avoir pas vu le "à".

81. Note 14 de M. Coste: "Saint Vincent aurait-il en vue Antoine Arnauld? ou Barcos, neveu de l'abbé de Saint-Cyran?" - Probablement pas, car Arnauld continuait de célébrer la Messe, comme le dit la lettre de M. Vincent à M. Dehorgny du 10 septembre 1648, en S. V. III, 370-371 - B. K..

82. M. Vincent avait écrit "cogneu" <connu>; il l’a barré et a mis "fréquenté", en effet bien des gens peuvent connaître quelqu’un sans remarquer certaines lacunes, il faut fréquenter quelqu’un pour bien le connaître …

83. Nous arrivons aux raisons des adversaires, et aux réponses de M. Vincent. C’est ici que se manifeste au mieux son habileté à manier la discussion d’école (plus de 40 ans après avoir pratiqué l’enseignement, à Toulouse, en 1605) : nous avons dans ce long texte exactement la même structure que dans les "Questions" des Sommes des Universités, illustrées par Saint Thomas d’Aquin : le corps de l’article, où on discute la question, et, à partir de ce paragraphe, l’exposé des objections et des réponses, avec la "distinction" des points de vue, art déjà formulé dans les traités de logique d’Aristote et du Moyen-Âge. Certes, M. Vincent n’a pas la vaste érudition de Jansénius et de Saint-Cyran, qui avaient disposé de plus de 10 ans sans grand chose d’autre à faire que lire les Pères - et Saint-Cyran le traitait d’ignorant - mais on sent quelqu’un qui a du métier et qui, malgré ses énormes travaux et tracas, continue d’étudier.

84. M. Vincent a bien écrit "ergo", qui signifie "donc" et qui est le terme technique de la conclusion d’une argumentation - pensons à "ergoter". Couramment, on disait "donc"; cela trahit encore le "métier" de Vincent.

85. Voici un bel exemple de "distinction": une assertion, telle celle de Saint Augustin, peut être vraie sous un point de vue, mais fausse sous un autre point de vue. D’où la nécessité, dans les dialogues, de toujours bien préciser à quel point de vue on se place, et de bien saisir de quel point de vue l’autre parlait. Beaucoup d’incompréhensions, de malentendus, même dans la vie quotidienne, viennent de ce nous oublions de distinguer.

86. "Il a beau que de": cette tournure éclaire celle de la note a'', ci-dessus.

87. M. Vincent avait commencé d’écrire "il ar", c’est-à-dire: "il arrête"; puis il a barré "ar" pour écrire: "il empêche". Cette phrase et typiquement du langage parlé! Il est facile de traduire: "le soleil a beau opérer de la sorte (d’une manière irrésistible), l’homme, en fermant ses paupière, empêche son effet".

88. Il avait écrit "Nostre Seigneur", il a barré aussitôt et mis "Dieu". "au besoing" remplace "à tous", barré.

 

Le Concile de Trente dit le contraire à la session 6, c'est De la justification 66, [il] fulmine anathème contre ceux qui croient que notre volonté ne peut résister au mouvement de la grâce, et se fonde sur la Ste Écriture, qui dit: Quousque resistitis Spiritui Sancto? <Jusques à quand résisterez-vous au Saint Esprit? > 67’

Vocavi & renuistis. <J’ai appelé, et vous avez refusé > 68

Hierusalem, Hierusalem, quoties volui congregare filios tuos, 69 sicut gallina congregat filios suos, & noluisti! <Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes fils comme la poule rassemble ses fils (ses poussins), et tu n’a pas voulu! > 70

et sur St Augustin, disant, comme il est dit ci dessus, que les hommes n'observent pas les commandements de Dieu quia nolunt <parce qu’ils ne veulent pas >.

et le même dit d'Esaü: Noluit Esau currere, & non cucurrit, sed, si voluisset, cucurrisset, et ad paradisum pervenisset, nisi, vocatione contempta, reprobus fieret <Ésaü n’a pas voulu courir, et il n’a pas couru; mais s’il avait voulu, il aurait couru et serait arrivé au paradis, à moins que, méprisant l’appel, il ne soit devenu réprouvé >.

et le même St Augustin encore, parlant de Pharaon & Nabuchodonosor, il dit: "Tous deux étaient Rois, tous deux persécuteurs de Dieu, et Dieu les a affligés 71 tous [deux] par [154] sa clémence infinie"; alter ingemuit, alter libero 72 contra Dei misericordissimi veritatem pugnavit arbitrio <L’un a gémi, l’autre, par son libre arbitre, a combattu contre la vérité du Dieu très miséricordieux >.

Le bienheureux Évêque de Genève, pour exprimer comme cela se fait, se sert de la comparaison des apodes 73 qui, ne se pouvant lever pour voler qu'à la faveur du vent et en étendant leurs ailes, ils peuvent, s’ils se plaisent au lieu où ils sont, ne pas étendre leurs ailes, et le vent aura [beau souffler] 74 il ne les enlèvera pas, s’ils ne le veulent & n’étendent leurs ailes.

Cela parait encore par la comparaison des pèlerins, sus alléguée, par celle de nos yeux, qui peuvent refuser les rayons du soleil, & par les navires qui sont en mer, lesquels peuvent refuser l'effet du vent, en n’étendant pas les voiles.

4

<2> Voici des raisons pourquoi Dieu a laissé la liberté aux hommes de refuser sa grâce.

C'est qu'autrement l’homme 75 aurait tout fait par nécessité, & n’aurait pas eu par conséquent du mérite: quel mérite a un forçat de saluer le général des galères? Un gentilhomme libre de la province lui fera plus d’honneur en le visitant 76 que dix mil forçats.

Selon tout cela, il s’ensuivrait que l'homme n'a point de mérite au bien qu'il fait, ni au mal qu'il évite, et par conséquent qu'il n'y a point de récompense, ni par conséquent de paradis, & que, n'y ayant pas non plus d'enfer, comme il a été dit, nous travaillons en vain, faisons le bien & fuyons le mal sans espérance de récompense ni crainte du châtiment 77.

Bref, il s'ensuit, comme dit St Thomas au livre De Lege Evangelica , que notre Religion est vaine et pure folie; & de là vient peut-être 78 que l'un des auteurs de ces belles opinions 79, dès qu'il entra là-dedans, il quitta le jeûne et l'abstinence, & à 80 célébrer la Ste [155] Messe, qu'il célébrait auparavant tous les jours, & que son autre lui même 81' n'a jamais fait aucun acte extérieur de vertu aux yeux de ceux qui l'ont fréquenté 82.

<3> Voici ce qu’ils objectent 83 :

1° Selon St Augustin, Deus agit animam inflexibiliter, insuperabiliter et indeclinabiliter <Dieu pousse l’âme d’une manière inflexible, insurmontable et indéclinable >; ergo84 notre libéral arbitre ne se peut défendre de cette motion de Dieu.

Je réponds que, ex parte gratiae <du côté de la grâce >, elle agit de la sorte, mais que, ex parte voluntatis <du côté de la volonté >, il n'est pas de même 85, comme le soleil "agit facultatem videndi insuperabiliter, &c. "<met en branle la faculté de voir d’une manière insurmontable, etc.>, mais qu'il a beau que d'opérer de la sorte 86 que l'homme, en fermant ces <sic> paupières, il empêche 87 l'effet de la splendeur du soleil.

- St Augustin dit que Dieu ne donne point à présent aux hommes la grâce de vouloir & de non vouloir, comme il a fait à Adam, à cause de son péché & du déchet de la vertu du libéral arbitre.

5

Mais je réponds qu'encore que nous n’ayons pas cette grâce inhérente en nous pour la raison alléguée, - que Dieu 88 nous en donne au besoin, car, comment le Concile de Trente dirait-il, autrement, que l'homme contribue au mouvement de la grâce & la refuse s'il veut, & fulmine anathème contre ceux qui disent le contraire ?

- St Augustin établit la liberté dans la délectation à faire le bien & fuir le mal, & non en l'indifférence 89.

Je réponds que les autorités ci dessus d'Ésaü et des deux Rois 90 qu'il allègue font voir qu’ils pourraient' faire le bien & fuir le mal.

- Ils disent que le volontaire, le nécessaire & la liberté qu'on entend toujours d'indifférence *** 91

Je réponds que cette opinion est condamnée, & cet autre <sic> qui dit que [156] cette sorte de liberté ne se trouve point dans les Écritures : qui potuit transgredi et non est transgressus, facere mala & non fecit <heureux celui qui a pu fauter et n’a pas fauté, faire le mal et ne l’a pas fait > (Eccli, Sir. 31, 10). Ecce posui ignem & aquam: porrige manum ad quemcumque volueris <voici que j’ai posé devant toi le feu et l’eau: étends ta main à celui que tu voudras > (Eccli, Sir. 15, 17).

- Saint Augustin est formellement contre 92 les opinions anciennes de l’Église touchant la grâce.

Il semble ainsi à ceux de ce parti là; les passages sus allégués font voir le contraire.

- Quis te discernit ? <qui discerne si tu as raison ? > (1 Cor. 4, 7). C'est une autre objection.

Je réponds que non ego, sed gratia Dei mecum <pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi> (1 Cor. 15, 10).

- La justification est œuvre de Dieu, & non des hommes: Non est volentis , neque &c. <ce n’est pas l’affaire de celui qui veut, ni etc.> (Rom. 9, 16).

Je réponds que cela est vrai de nos propres forces, mais non

5 avec la grâce de Dieu, avec laquelle nous contribuons à notre justification 93.

- L'opinion moderne est plus humble, & l'ancienne tient de la gloire 94.

Je réponds ce que dit St Paul: Qui gloriatur, in Domino glorietur <celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur > (1 Cor. 1, 31), que nous ne pouvons chose quelconque sans la grâce, & par ainsi, que toute la gloire lui en est due <due>, comme au maître écrivain qui tient & mène la main de l'enfant pour le faire écrire.

 

* * *

Ici s’arrête le texte, inachevé.

M. Vincent n’a pas eu le temps de traiter des moyens, annoncés comme 5°, ni de conclure,

mais l’essentiel est dit, pour la doctrine.

_________________________

Notes

89. Ce point, exact, était un des plus chers aux augustiniens et à Jansénius, qui durcissaient la pensée de Saint Augustin: la délectation entraîne irrésistiblement et pourtant librement. Or il y a bien des distinctions à faire.

90. Il avait d'abord écrit tout de suite "fo" (font voir); barré aussitôt pour ajouter la précision: "qu'il allègue".

91. Phrase inachevée; mais qui se tient. Il ne l’a pas terminée parce qu’il en a déjà écrit une semblable à propos de Baïus, au folio 2 recto et qu’elle appelle donc une suite connue. Il aurait pu l’achever ainsi : "Ils disent que le volontaire, le nécessaire et la liberté qu’on entend d’indifférence" "s’accordent", ce qui est en effet la position des augustiniens et des jansénistes. . Coste suppose que par distraction M. Vincent a écrit "&" en pensant "est" et propose: "ils disent que le volontaire nécessaire est la liberté qu’on entend toujours d’indifférence" : c’est peu plausible et cela met une identité de nature entre des choses que même les jansénistes distinguent, tout en disant qu’elles se recoupent.

92. Il avait écrit "contre ceste volonté", en écho à ce qui précède. Il a barré aussitôt et continué autrement.

93. Voilà peut-être le cœur de la question, une position qui tente d’harmoniser au mieux la coopération entre l’action de Dieu et la participation de l’homme. Entre Pélage, pour qui l’homme fait tout tout seul, et les augustiniens exagérés, tels les jansénistes, pour qui l’homme ne fait rien et Dieu fait tout, Vincent rappelle la position équilibrée de la tradition de l’Église, avec Saint Thomas, plus précis, plus métaphysicien, et Molina, moins précis mais plus accessible.

94. Cette objection se meut au niveau de la morale et de la spiritualité. Le jansénisme avait conscience d'exalter la gloire de Dieu en enlevant à l'homme tout participation méritoire à son salut, et considérait comme de l'orgueil de penser que l'homme pourrait y contribuer pour une modeste part. Jansénius, Saint-Cyran et les jansénistes étaient aussi des spirituels, Saint-Cyran a écrit des livres de spiritualité et des méditations personnelles fort profondes. Reste que leur esprit d’absolu les amène au "tout ou rien". Saint Vincent y répond de manière très théologique et tout aussi profondément spirituelle.

Vdi 22 novembre 1996

1re Lettre à M. Jean Dehorgny

Jeudi 25 juin 1648

S. V. III, 318-332

Arch. dép. de Vaucluse, D 296, " copie ancienne prise sur l'original.

Publié par les Mémoires de Trévoux en avril 1726, p. 742 et suiv. Nous signalerons en note les variantes."

Texte de Coste avec ses notes entre parenthèses, leur décalage venant d’abord de l’omission d’un passage.

À Monsieur Monsieur Dehorgny, prêtre de la Mission, à Rome.

De Paris, ce <Jeudi> 25 juin 1648

Monsieur, La grâce de N. S. soit avec vous pour jamais

Votre dernière lettre dit deux choses: l'une, que nous donnons des emplois trop considérables à nos frères coadjuteurs, et l'autre, que nous avons mal fait de nous déclarer contre les opinions du temps.

Je vous dirai pour le premier, Monsieur, que je remercie très humblement Notre-Seigneur de ce qu'il vous fait faire attention à la conduite de la compagnie, et vous prie de continuer, quoiqu'il me semble que nous ayons raison d'en user comme nous faisons à l'égard des deux points ci-dessus.

[…] < développement sur l'importance des Frères, sans rapport avec la grâce >

[319] Quant au 2° point 1 (8) qui concerne la faute que nous avons faite de nous déclarer contre les opinions du temps, voici, Monsieur, les raisons qui m'y ont porté.

La première est celle de mon emploi au Conseil des choses ecclésiastiques, dans lequel chacun s'est déclaré contre : la reine, Mgr le cardinal 2 (9), M. le chancelier 3 (10) et M. le pénitencier 4 (11). Jugez de là si j'ai pu demeurer neutre. Le succès a fait voir qu'il était expédient d'en user de la sorte.

La seconde raison est celle de la connaissance que j'ai du dessein de l'auteur de ces opinions nouvelles 5 (12), d'anéantir l'état présent de l’Église et de la remettre en son pouvoir. Il me dit un jour que le dessein de Dieu [320] était de ruiner l’Église présente et que ceux qui s'employaient pour la soutenir faisaient contre son dessein; et, comme je lui dis que c'était le prétexte que prenaient pour l'ordinaire 6 (13) les hérésiarques, comme Calvin, il me répartit que Calvin n'avait pas mal fait en tout ce qu'il avait entrepris, mais qu'il s'était mal défendu 7 (14).

Le troisième a été que j'ai vu que trois ou quatre Papes 8 (15) avaient condamné les opinions de Baïus 9 (16) que Jansénius soutient, comme avait fait aussi la Sorbonne en l'année 1560, et que la plus sainte 10 partie de la même faculté, qui sont tous les anciens, se déclarent contre ces opinions nouvelles 11 (17), et que notre Saint-Père a condamné celle des deux chefs, qu'on voulait établir avec mauvais dessein 12 (18).

Et la quatrième, que je mets ici la dernière, outre plusieurs autres, est ce que dit Célestin, pape (Epistola 2 ad Episcopos Galliae), contre quelques prêtres qui [321] avançaient quelques erreurs contre la grâce et lesquelles ces évêques avaient condamnées.

__________________________

1 (8). Mémoires : second point.

2 (9). Le cardinal Mazarin.

3 (10). Pierre Séguier.

4 (11). Jacques Charton.

5 (12). Jean du Verger <ou Du Vergier> de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, <longtemps ami de M. Vincent>.

6 (13). Mémoires : c'étaient pour l'ordinaire les prétextes que prenaient les…

7 (14). Abelly nous a conservé le récit de cet entretien, op. cit., t. II, chap. XII, p. 410.

8 (15). Pie V, Grégoire XIII et Urbain VIII.

9 (16). Michel Baïus était né à Melin (Belgique) en 1513. Nommé professeur d’Écriture Sainte à l'Université de Louvain, puis chancelier de ce corps, il sut si bien se faire apprécier de ses collègues que ceux-ci le députèrent au concile de Trente. C'est encore sur lui qu'on jeta les yeux pour remplir les fonctions d'inquisiteur général. Ses opinions étranges sur l'état de la nature réparée, la justification, l'efficacité des sacrements et le mérite des bonnes œuvres, opinions qu'il répandait par ses enseignements et ses écrits, émurent plusieurs docteurs de Louvain et lui suscitèrent des attaques. Dix-huit de ses propositions furent condamnées par la Faculté de Paris (27 juin 1560), soixante-seize par Pie V (1er octobre 1567, 13 mai 1569 - DB 1001-1080; DH 1901-1980). Grégoire XIII dut intervenir de nouveau le 29 janvier 1579. Baïus mourut le 19 septembre 1589, après avoir rétracté ses erreurs de vive voix et par écrit. Ses Œuvres, imprimées à Cologne en 1696 par les jansénistes Quesnel et Gerberon, furent mises à l’index le 8 mai 1697.

10. La plus sainte? ou "la plus saine" ? ce dernier est le terme courant dans les actes officiels - B. Koch

11 (17). Le jansénisme avait des adhérents en Sorbonne, surtout parmi les jeunes docteurs. (Cf. Rapin, Mémoires, t. I, p. 43-46; J. M. Grès-Gayer, Le Jansénisme en Sorbonne, Klincksieck 1996).

12 (18). La condamnation d'Innocent X est du 24 janvier 1647.

Ce bon Pape, après les avoir loués de s'être opposés à la doctrine de ces prêtres, il 13 (19) dit ces mêmes paroles : "Timeo ne connivere sit hoc tacere, timeo ne illi magis loquantur qui permittunt illis taliter loqui, in talibus causis non caret suspicione taciturnitas, quia occurreret veritas, si falsitas displiceret ; merito namque causa nos respicit, si silentio faveamus errori 14 (20)" <Je crains que se taire ne soit être de connivence, je crains que ceux qui leur permettent de parler ainsi n'en disent plus qu'eux: dans de telles choses, se taire est sujet à suspicion, car on dirait la vérité, si l'erreur déplaisait; et donc cette cause nous regarde à juste titre, si notre silence favorisait l'erreur >. Que si l'on me dit que cela est vrai à l'égard des évêques, et non pas à celui d'un particulier, je réponds que, vraisemblablement, cela s'entend non seulement des évêques, mais aussi de ceux qui voient le mal et qui, en tant qu'en eux est <en tant qu'il est en eux>, ne l'empêchent pas.

Voyons maintenant de quoi il s'agit. Vous me dites que c'est du livre De la fréquente communion de Jansénius 15 (21); que, pour le premier 16 (22), qui l'avez lu par deux fois et que peut-être le mésusage qu'on fait de ce divin sacrement a donné lieu à cela.

Il est vrai, Monsieur, qu'il n'y a que trop de gens qui abusent de ce divin sacrement, et moi misérable plus que tous les hommes du monde, et je vous prie de m'aider à en demander pardon à Dieu; mais la lecture de ce livre, au lieu d'affectionner les hommes à la fréquente [322] communion, elle 17 (23) en retire plutôt. L'on ne voit plus cette hantise des sacrements qu'on voyait d'autres fois, non pas même à Pâques. Plusieurs curés de Paris se plaignent de ce qu'ils ont beaucoup moins de communiants que les années passées. Saint-Sulpice en a 3.000 de 18 (24) moins; Monsieur le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet 19 (25) ayant visité les familles de la paroisse après Pâques, en personne et par d'autres, nous dit dernièrement qu'il a trouvé 1.500 de ses paroissiens qui n'ont point communié; et ainsi des autres. L'on ne voit quasi plus personne qui s'en approche les premiers dimanches du mois et les bonnes fêtes, ou très peu, et guère plus aux religions 20 (26), si ce n'est encore un peu aux Jésuites. Aussi est-ce ce qu'a prétendu feu M. de Saint-Cyran pour desaccréditer 21 (27) les Jésuites. M. de Chavigny disait, ces jours passés, à un intime ami que ce bon Monsieur lui avait dit que lui et Jansénius avaient entrepris leur dessein pour désaccréditer ce saint Ordre là à l'égard de la doctrine et de l'administration des sacrements. Et moi je lui ai ouï tenir quasi tous les jours quantité de discours conformes à cela.

Dès que M. Arnauld 22 (28), qui a donné son nom à ce [323] livre, vit l'opposition qu'il rencontra de divers côtés sur le sujet de la pénitence publique et sur celle qu'il voulait introduire avant la communion, il s'expliqua à l'égard de cela de l'absolution simplement déclaratoire;

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13 (19). Ce mot ne se trouve pas dans le texte de Trévoux.

14 (20). Patrologiae Cursus completus, édition Migne, Paris, l857-1864, 221 vol. in-4°, t. IV, col. 529, qui a préféré la variante foveamus errorem .

15 (21). Rarement livre fit plus de bruit et eut plus de succès que le livre De la fréquente communion, composé par Antoine Arnauld selon l'esprit de Jansénius, publié à Paris en 1643 et déjà parvenu à sa sixième édition en 1648. M. Dehorgny l'avait reçu des mains de son ami le janséniste Bourgeois, docteur en théologie, qui était venu à Rome pour empêcher une condamnation. Il l'avait lu, s'en était pénétré et en trouvait les principes excellents. (Hermant, Mémoires... sur l’histoire ecclésiastique du XVII° siècle, 1630-1663, éd. Gazier, Paris, 1905-I908, 6 vol. in-8°, t. I, p. 389).

16 (22). Mémoires : la première. <M. Vincent a omis la suite, comme cela lui arrive parfois: son écriture, quoique rapide, n'arrive pas toujours à suivre sa pensée; et à la fin, il dira n'avoir pas eu le temps de se relire - B. K.>

17 (23). Ce mot ne se trouve pas dans les Mémoires de Trévoux .

18 (24). Ce mot manque également dans les Mémoires de Trévoux .

19 (25). Hippolyte Féret.

20 (26). Religions, communautés religieuses.

21 (27). Désaccréditer, discréditer.

22 (28). "Antoine Arnauld, né à Paris le 6 février 1612, ordonné prêtre en 1641, admis dans la société de Sorbonne en 1643, devint, à la mort de Saint-Cyran, le chef du parti janséniste, dont il était déjà l'apôtre et le théologien. Son premier ouvrage de controverse fit beaucoup parler de lui ; c'était !e livre De la fréquente communion. Il a écrit, depuis, la Grammaire générale, la Logique ou l'Art de penser et un si grand nombre d’autres traités que, joints à ses lettres, ils forment une collection de quarante-cinq volumes in-4°. Il mourut en exil à Bruxelles le 8 août 1694".

On ne peut reproduire la suite de cette note, qui reproduit les calomnies courantes contre les autres membres de la famille Arnauld, citant Pierre Varin, La vérité sur les Arnauld Paris, 1847, alors qu’au contraire la plupart se tinrent hors des querelles, Angélique demandant même à son frère de cesser la polémique. C’est essentiellement la nièce d’Antoine et Angélique, Angélique de Saint-Jean, qui mena la résistance, bien plus tard. Cf. L. Cognet et Jean Orcibal.

mais, quoi qu'il en soit, il y reste encore des erreurs, à ce que nous dit dernièrement Monsieur le grand maître de Navarre 23 (29), qui est un des plus savants du siècle, comme aussi M. le pénitencier 24 (30), Messieurs Cornet et Coqueret, qui étaient assemblés céans pour ces sortes d'affaires et que cette déclaration est captieuse et contient quantité de choses qui ne valent guère mieux que ce qu'il dit 25 (31) dans le premier livre.

Ce qu'il dit: que l’Église, ayant, au commencement, pratiqué la pénitence publique avant l'absolution, avait toujours affection de rétablir cet usage, et qu'autrement elle ne serait pas la colonne de vérité, toujours semblable à elle-même, ains une synagogue d'erreurs, cela, Monsieur, ne porte-t-il pas à faux? L’Église, qui ne change jamais dans les 26 (32) choses de la foi, ne le peut-elle pas faire à l'égard de la discipline; et Dieu, qui est immuable en lui-même, n'a-t-il pas changé ses conduites à l'égard des hommes? Notre-Seigneur, son Fils, n'a-t-il pas changé quelquefois les siennes, et les apôtres les leurs? A quel propos cet homme dit-il donc que l’Église serait en erreur, si elle ne retenait l'affection de rétablir ces sortes de pénitences qu'elle pratiquait au passé? Cela est-il orthodoxe ?

Quant à Jansénius, il le faut considérer ou comme soutenant les opinions de Baïus, tant de fois condamnées [324] par les Papes et par la Sorbonne, comme je l'ai 27 (33) dit, ou comme soutenant d'autres doctrines qu'il traite là dedans. Quant au premier, n'avons-nous pas obligation de nous tenir à la censure que les Papes et ce docte corps ont faite de ces opinions-là et de nous déclarer contre? Quant au reste du livre, le Pape défendant de le lire, le Conseil des choses ecclésiastiques n'a-t-il pas dû conseiller à la reine de tenir la main à ce que 28 (34) le Pape Urbain huitième a ordonné s'exécute, et faire profession ouverte de se déclarer contre les opinions de Baïus censurées et ces sortes de nouvelles opinions de ce docteur, qui soutient hardiment celles que l’Église n'a point encore 29 (35) déterminées touchant la grâce ?

Vous me dites par la vôtre que Jansénius a lu dix fois toutes les œuvres de saint Augustin et trente fois les traités de la grâce, et qu'il n'y a pas d'apparence que les missionnaires se mêlent de juger des opinions de ce grand homme.

Je vous réponds à cela, Monsieur, que d'ordinaire ceux qui veulent établir de nouvelles doctrines sont hommes fort savants et qu'ils étudient avec grande assiduité et application les auteurs desquels ils se veulent servir; qu'il faut avouer que ce prélat était fort savant, et qu'ayant le dessein que j'ai dit de désaccréditer les Jésuites, il a pu lire saint Augustin le nombre de fois que vous me dites; mais cela n'empêche pas qu'il ne soit pu tomber dans l'erreur et que nous ne serions pas excusables d'adhérer à ses opinions, qui sont contraires aux censures qui ont été faites contre sa doctrine. Les prêtres ont obligation de ne pas adhérer et de contredire la doctrine de Calvin et des autres [325] hérésiarques, quoiqu'ils n'aient jamais lu les auteurs sur lesquels ils se sont fondés, non pas même ses livres.

Vous me dites de plus que les opinions que nous disons anciennes sont modernes, qu'il y a environ 70 ans que Molina 30 (36) a inventé les opinions qu'on dit anciennes, touchant le différend.

 

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23 (29). Jacques Péreyret.

24 (30). Jacques Charton.

25 (31). Mémoires : a dit.

26 (32). Mémoires : Quant aux.

27 (33). Mémoires : j'ai.

28 (34). [ce que] : mots oubliés dans la copie.

29 (35). Mémoires : "pas" au lieu de "point". <Paul V, le 28 août 1607, n'avait pas voulu conclure la querelle "De Auxiliis", et avait recommandé aux théologiens de n'en plus discuter ni se condamner mutuellement. - B. Koch>

30 (36). Louis Molina, célèbre jésuite espagnol né en 1533, mort à Madrid en 1600, connu surtout par son livre De concordia gratiae et liberii arbitrii, qui développe sa théorie de la science moyenne. Cet ouvrage, attaqué dès son apparition, donna lieu à de violentes polémiques entre Jésuites et Dominicains. L'affaire fut portée devant le tribunal de Clément VIII, qui institua, pour la juger, la congrégation de Auxiliis . <Clément VIII penchait à faire condamner Molina, mais mourut avant que ce ne soit fait - B. K.> Après bien des discussions sans résultat, Paul V, en 1607, laissa libre l'enseignement des doctrines contestées et interdit aux deux écoles, sous menace de graves peines, de se censurer mutuellement (DB 1090; Denzinger - Hünermann 1997).

 

Je vous avoue, Monsieur, que Molina est auteur de la science qu'on dit médienne 31 (37), qui n'est, à proprement parler, que le moyen par lequel on fait voir comme cela se fait et d'où vient que deux hommes, qui ont pareil esprit, mêmes dispositions et pareil degré de grâce pour faire les œuvres de leur salut, et que néanmoins l'un le fait et que 32 (38) l'autre ne le fait pas, l'un est sauvé et l'autre se perd. Mais quoi! Monsieur, il ne s'agit pas de cela, qui n'est pas article de foi. La doctrine qu'il combat, que J. C. est mort pour tout le monde, est-elle nouvelle? N'est-elle pas de saint Paul et de saint Jean?

L'opinion contraire n'a-t-elle pas été condamnée au concile de Mayence 33 (39) et en plusieurs autres 34 (40) contre Godeschalcus 35 (41) ? Saint Léon ne dit-il [326] pas dans les leçons de Noël, que Notre-Seigneur est né pro liberandis hominibus <pour libérer les hommes > 36 (42) ? et la plupart des saints Pères tiennent-ils pas ce langage-là? Le concile de Trente, en la session 6°, De Justificatione, chapitre 2°, n'apporte-t-il pas les paroles de saint Jean sur ce sujet: Hunc proposuit Deus propitiationem per fidem in sanguine ipsius pro peccatis nostris, non solum autem pro nostris, sed etiam pro totius mundi <Dieu l'a destiné à être propitiation par la foi dans son sang, pour la rémission de nos péchés, et pas seulement des nôtres, mais du monde entier > 37 (43) ? Et au troisième: Verum etsi ille pro omnibus mortuus est <Mais, bien qu'Il soit mort pour tous >, il dit ensuite qu'encore que cela soit ainsi, non omnes tamen mortis ejus beneficium recipiunt, sed ii dumtaxat quibus meritum passionis ejus communicatur <cependant, tous ne reçoivent pas le bénéfice de sa mort, mais seulement ceux à qui est communiqué le bénéfice de sa Passion >. Après cela, Monsieur, dirons-nous cette doctrine nouvelle?

Dirons-nous encore nouvelle celle qu'il combat, contre la possibilité de l'observance des commandements de Dieu, contre le canon 18 du même concile 38 (44) et de la même session, qui dit que, si quis dixerit Dei praecepta homini etiam justificato et sub gratia constituto esse ad observandum impossibilia, anathema sit <si quelqu'un dit que les commandements de Dieu sont impossibles à observer par l'homme même justifié et établi dans la grâce, qu'il soit anathème >.

Et celle que vous dites, Monsieur, qu'il nous importe peu de savoir s'il y a des grâces suffisantes, ou si elles sont toutes efficaces, est-elle nouvelle? N'est-elle pas contenue dans le second concile d'Orange, chapitre 25 ? Voici, Monsieur, les paroles de ce concile, par lequel vous verrez, sinon les mots propres de grâce suffisante, pour le moins l'équivalence du sens: Hoc etiam secundun fidem catholicam credimus quod, accepta per baptismum gratia, omnes baptizati, Christo auxiliante et cooperante, quae [327] ad salutem pertinent, possint et debeant, si fideliter laborare voluerint, adimplere <Nous croyons, selon la foi catholique, que, par la grâce reçue au baptême, tous les baptisés, le Christ les aidant et coopérant, peuvent et doivent accomplir ce qui est nécessaire au salut, s'ils veulent fidèlement y travailler >.

Et quant à ce que vous dites, qu'il nous importe peu de savoir cela, je vous supplie 39 (45), Monsieur, de souffrir que je vous dise qu'il me semble qu'il est de grande importance que tous les chrétiens sachent et croient que Dieu est si bon que tous les chrétiens peuvent, avec la grâce de Jésus-Christ, opérer leur salut, qu'il leur donne les moyens par Jésus-Christ et que cela manifeste et magnifie beaucoup l'infinie bonté de Dieu.

L'on ne peut non plus dire nouvelle l'opinion de l’Église qui croit que toutes les grâces ne sont pas efficaces, puisque l'homme les peut refuser, chap. 4, De Justificatione .

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31 (37). La science moyenne, ainsi appelée, parce qu'elle tient en quelque sorte le milieu entre la science divine du possible et celle des faits qui doivent absolument arriver, est la connaissance par laquelle Dieu sait infailliblement, avant tout décret absolu de sa volonté, ce que l'homme fera sous quelque condition et avec quelque secours de la grâce que ce soit. Molina se distingue de Saint Augustin et de Saint Thomas en évitant d’aborder l’aspect ontologique, métaphysique, de la question : le rapport entre l’influence du Créateur, Premier Moteur, et l’agent créé et libre.

32 (38). Mot omis dans les Mémoires de Trévoux.

33 (39). En 848.

34 (40). Par exemple au concile de Quiercy-sur-Oise, en 849.

35 (41). Godescalc, Gotescalc ou Fulgence, savant bénédictin, né en Allemagne en 806, enseigne des doctrines hétérodoxes sur la prédestination. Condamné par plusieurs conciles il fut dégradé, fouetté publiquement et enfermé dans l'abbaye d'Hautvillers. Il mourut <de faim?> dans sa prison en 868, sans avoir renoncé à ses idées.

36 (42). <St Léon, Serm. 1 pour Noël, §1, début - B. K.> Les Mémoires <ont corrigé d'après l'original>: omnibus.

37 (43). M. Vincent, comme cela lui arrive plus d'une fois, combine deux passages: Rom. 3, 25 et 1 Jean, 2, 2.

38 (44). Mémoires : les canons saints du même concile.

39 (45). Mémoires : prie.

Vous dites que Clément VIII et Paul V ont défendu que l'on dispute des choses de la grâce 40 (46). Je vous répondrai 41 (47), Monsieur, que cela s'entend des choses qui ne sont pas déterminées, comme le sont celles que je viens de dire; et pour les autres qui ne sont pas déterminées par l’Église, pourquoi Jansénius l'attaque-t-il? Et en ce cas, n'est-il pas du droit naturel de défendre l’Église et de soutenir les censures fulminées contre ?

Vous dites que ce sont des matières d'école. Il est vrai de quelques-unes; et quoique d'autres soient telles, faut-il pour cela s'en taire et laisser altérer le fond des vérités par ces subtilités? Le pauvre peuple n'est-il pas obligé de croire et par conséquent d'être instruit des [328] choses de la Trinité et du Saint Sacrement, qui sont si subtiles ?

Voilà, Monsieur, ce qui me vient en l'esprit pour vous faire voir la raison que nous avons de nous être déclarés en ce rencontre contre ces opinions nouvelles, contre lesquelles je n'en vois point, sinon deux, dont l'une est le sujet de craindre qu'en pensant arrêter ce torrent des nouvelles opinions, l'on enflamme davantage les esprits. A quoi je réponds que, si cela était, il ne faudrait point s'opposer aux hérésies, à ceux qui nous veulent ravir la vie ou le bien, et que le berger ferait mal de crier au loup, lorsqu'il voit qu'il est prêt 42 (48) d'entrer dans la bergerie. L'autre est celle de la prudence, qui est purement humaine, étant fondée sur le que dira-t-on? L'on se fera des ennemis. O Jésus! Monsieur, jà 43 (49) n'advienne que les missionnaires ne défendent pas les intérêts de Dieu et de l’Église pour ces chétifs et misérables motifs, qui ruinent ]es intérêts de Dieu et de son Église et remplissent d'âmes les enfers 44 (50)

Oui, mais, me direz-vous, faut-il que les missionnaires prêchent contre les opinions du temps et le monde, qu'ils s'en entretiennent, qu'ils disputent, attaquent et défendent à cor et à cri les anciennes opinions? O 45 (51) Jésus, nenni! Voici comme nous en usons: jamais nous ne disputons de ces matières, jamais nous n'en prêchons, ni jamais nous n'en parlons dans les compagnies, si l'on ne nous en parle; mais si l'on le fait, l'on tâche d'en parler avec le plus de retenue que l'on peut, M. G[illes] excepté, qui se laisse un peu emporter par son zèle; à quoi je tâcherai de remédier, Dieu aidant 46 (52).

[329] Quoi donc! me direz-vous, défendez-vous qu'on dispute sur ces matières? Je réponds que oui et qu'on en 47 (53) dispute point céans pour tout < = point du tout>.

Mais quoi! désirez-vous qu'on n'en parle point à la Mission de Rome ni ailleurs? C'est à quoi je prie les officiers de tenir la main et de donner pénitence à ceux qui le feront, si ce n'est au cas que j'ai dit.

Et pource que vous me dites, Monsieur, qu'il faut laisser chacun de la compagnie croire de ces matières ce qu'il lui plaira 48 (54), ô Jésus! Monsieur, il n'est pas expédient qu'on soutienne diverses opinions dans la compagnie; il faut que nous soyons toujours unius labii <d'une seule lèvre, d'une seule parole>, autrement nous nous déchirerions tous les uns les autres dans la même compagnie.

Et le moyen de s'assujettir à l'opinion d'un supérieur? Je réponds que ce n'est pas au supérieur qu'il se soumet, ains <mais> à Dieu et au sentiment des Papes, des conciles, des saints. Et si quelqu'un ne voulait pas déférer, il ferait mieux 49 (55) de se retirer, et la compagnie de l'en prier. Beaucoup de compagnies de l’Église de Dieu nous donnent l'exemple de cela. Les Carmes déchaussés, en 50 (56) leur chapitre qu'ils tinrent l'année passée, ordonnèrent que leurs professeurs en théologie enseigneraient les opinions anciennes de l’Église et agiraient contre les nouvelles. Chacun sait que les Révérends Pères jésuites en usent de la sorte, comme, au contraire, la congrégation de Sainte-Geneviève ordonne [330] à leurs docteurs de soutenir les opinions de saint Augustin, ce que nous prétendons faire aussi en expliquant saint Augustin par le concile de Trente, et non le concile par saint Augustin, pource que le premier est infaillible et le second ne l'est pas.

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40 (46). Pour mettre fin aux discussions, qui troublaient deux Ordres célèbres de l’Église après l'apparition du livre de Molina, Clément VIII évoqua l'affaire et interdit aux deux parties la discussion des questions controversées, jusqu'à ce qu'il eût fait connaître sa décision. 41 (47). Mémoires : dirai.

42 (48). Mémoires : au loup, quand il est prêt. 43 (49)..Mémoires : ah !

44 (50). Mémoires : et qui remplissent les enfers. 45 (51). Mémoires : Ah !

46 (52). M. Gilles professait la théologie à Saint-Lazare et donnait des entretiens aux ordinands. Après plusieurs avertissements, saint Vincent, voyant qu'il ne pouvaient le corriger de son zèle immodéré contre les opinions nouvelles, l'éloigna de Saint-Lazare.

47 (53). Mémoires : qu'on n'en.

48 (54). Mémoires : libre de croire de ces matières ce qu'il lui semblera.

49 (55). Mémoires : bien. 50 (56). Mémoires: dans.

Que si l'on dit que quelques Papes ont ordonné que l'on croie 51 (57) saint Augustin à l'égard des choses de la grâce, cela s'entend, au plus, des matières disputées et résolues alors 52 (58); mais, comme il s'en fait de temps en temps des nouvelles, il faut s'en tenir pour celles-là à la détermination d'un concile 553 (59) qui a déterminé toutes choses selon le vrai sens de saint Augustin, qu'il l'entendait mieux que Jansénius et ses sectaires 54 (60).

Voilà, Monsieur, la réponse à votre lettre, laquelle je n'ai point communiquée à qui que ce soit, ni 55 (61) la communiquerai jamais; je vous dis de plus que je n'en ai parlé à qui que ce soit et que je ne me suis fait aider par qui que ce soit au monde en ce que je vous dis, et que vous le jugerez bien par mon chétif style et par mon ignorance, qui ne paraît que trop. Que s'il y a quelque chose qui semble 56 (62) au-dessus de cela, je vous avoue, Monsieur, que j'ai fait quelque petite étude touchant ces [331] questions et que c'est le sujet ordinaire de mes chétives oraisons 57 (63).

Je vous supplie, Monsieur, de la communiquer à M. Alméras 58 (64) et à ceux que vous jugerez à propos de la compagnie, à ce qu'on voie les raisons que j'ai eues d'entrer dans les sentiments anciens de l’Église et de me déclarer contre les nouvelles `59 (65) et que nous demandions à Dieu et fassions 60 (66) tout ce qui sera en nous pour être cor unum et anima una <un seul cœur et une seule âme > 61 (67) en ce fait comme en tout le reste. Je vivrai dans cette espérance et aurais une affliction que je ne vous puis exprimer, si quelqu'un, quittant les vives sources des vérités de l’Église, se fabriquait des citernes des opinions nouvelles 62, du danger desquelles il n'y a guère personne qui ait mieux été informé par l'auteur que moi, qui suis, Monsieur, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Vincens Depaul

i. p. d. l. M.

J'ose vous dire, Monsieur, que M. Féret 63 (68) s'étant embarrassé dans ces opinions nouvelles, il a dit à Monsieur le curé de Saint-Josse 64 (69) que ce qui l'en a retiré, c'est la fermeté qu'il a vue en 65 (70) ce misérable pécheur 66 contre cela, [332] dans deux ou trois conférences que nous avons eues sur ce sujet; c'est M. le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui fut reconnu, d'abord <dès> qu'il revint d'Alet, par un chacun qu'il était dans ces opinions, desquelles il est à tel point hors de ces sentiments qu'il a proposé à M. de Saint-Josse qu'il faut que nous fassions quelque manière de congrégation secrète pour défendre les vérités anciennes. Je vous supplie de tenir ceci secret.

Je n'ai point eu le loisir de lire <relire> ma lettre, et je ne l'ai osé faire transcrire; vous aurez peine à la lire 67; excusez-moi.

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51 (57). Mémoires : croira.

52 (58). Dans une lettre à saint Césaire, évêque d'Arles, le pape Boniface II, met saint Augustin au nombre des Pères qui ont exposé la vraie doctrine de la grâce : Cum de hac re multi Patres et præ caeteris beatæ reordationis Augustinus episcopus, sed et majores nostri apostolicæ sedis antistites, ita ratione probentur disseruisse latissima, ut nulli ulterius deberet esse ambiguum, fidem quoque nobis ipsam venire de gratia, supersedendum duximus responsione multiplici <Comme il est prouvé que sur ce sujet de nombreux Pères, spécialement l'évêque Augustin d'heureuse mémoire, et nos prédécesseurs pontifes sur le siège apostolique, ont disserté avec de si vastes motifs que personne ne puisse douter que le foi sur la grâce nous est parvenue, nous avons pensé qu'il fallait surseoir à une réponse développée >. (Migne, t. LXV, col. 31).

53 (59). Le concile de Trente.

54 (60). Parmi les propositions condamnées par le Saint-Office le 7 décembre 1690 nous trouvons celle-ci, Propos. 30 : Ubi quis invenerit doctrinam in Augustino clare fundatam, illam absolute potest tenere et docere, non respiciendo ad ullam Pontificis bullam <Si quelqu'un trouve une doctrine clairement fondée dans Saint Augustin, il peut la tenir absolument et l'enseigner, sans avoir égard à quelque Bulle papale DB. 1320>.

55 (61). Mémoires : et ne.

56 (62). Les mots qui semble sont omis dans les Mémoires de Trévoux .

57 (63). Allusion à son étude sur la grâce, soit déjà rédigé, soit encore en travail.

58 (64). D'après ce que nous verrons plus loin (L. 1068, III, 381-382), il est fort probable que Jean Dehorgny préféra ne pas communiquer à son supérieur.

59 (65). Contre les nouvelles opinions. 60 (66). Mémoires : et que nous fassions. 61 (67). Actes des Ap. 4, 32.

62. <Réminiscence de Jérémie 2, 13 - B. K.>.

63 (68). Collet écrit à tort : Froger (op cit., t I, p 539, note) était mort en septembre 1646.

64 (69). Louis Abelly, le biographe de saint Vincent 65 (70). Mémoires : dans.

66. <C'est-à-dire M. Vincent lui-même, qui se désigne assez souvent ainsi - B. K.>.

67. <Ceci montre que M. Vincent était conscient qu'il écrivait peu lisiblement lorsqu'il écrivait vite - B. K.>.

2° Lettre à M. Jean Dehorgny

Jeudi 10 septembre 1648

S. V. III, 362-374

L’original fut retrouvé à Edward Lawrence Nehemy Memorial Library, Comarville, Californie, USA" (M. Raymond Chalumeau). En 1998 il se trouvait à De Paul University, Chicago, USA. Photocopie aux Arch. C. M. Paris. Il manque le premier feuillet. À partir du second, le n° des folios sera donné; les pages de Coste sont [entre crochets].

Le texte de l’édition Coste 1921 sera suivi pour le premier folio : "Arch. dép. de Vaucluse, D 296, copie du XVIIe ou du XVIIIe siècle. On trouvera en note les variantes du texte publié en mars 1726 par les Mémoires de Trévoux (p. 448). Ni le manuscrit des archives départementales, ni les Mémoires de Trévoux ne donnent le post-scriptum, que nous avons emprunté au supplément des Lettres et conférences de St Vincent de Paul (p. 70). L’éditeur de ce supplément a eu en main l’original de la lettre, que lui avait communiqué Mademoiselle d’Haussonville".

Dim. 8 nov. 98

A Monsieur

Monsieur Dehorgny, prêtre de la Mission, à Rome.

[362]

D’Orsigny, ce 10e septembre 1648.

Monsieur,

La grâce de N. S. soit avec vous pour jamais !

J’ai reçu la vôtre du 7e août 1, qui est pour achever de répondre aux miennes touchant les diversités d’opinions, celle-ci étant à l’égard du livre de La communion 2, pour réponse à laquelle je vous dirai, Monsieur, qu’il peut être, ce que vous dites, que quelques personnes ont pu profiter de ce livre en France et en Italie; mais que d’une centaine qu’il y en a peut-être qui en ont profité à Paris, en les rendant plus respectueux en l’usage de ce sacrement, qu’il y en a pour le moins dix mille auxquels il a nui en les en retirant tout à fait; que je loue Dieu de ce que vous en usez comme je fais, qui est de ne point parler de ces choses en la famille et de ce qu’elle va son train à Rome comme ici.

Il est vrai, ce que vous dites, que saint Charles Borromée a suscité l’esprit de pénitence dans son diocèse, de [363] son temps, et l’observance des canons d’icelle, et que c’est ce qui mutina le monde contre lui et même des bons religieux, à cause de la nouveauté; mais il n’a pas constitué la pénitence ou, quoi que ce soit, la satisfaction, à se retirer de la sainte confession et de l’adorable communion, si ce n’est aux cas portés par les canons, que nous tâchons d’observer 3 en cas des occasions prochaines, des inimitiés, des péchés publics; mais il est 4 bien éloigné de ce qu’on dit, qu’il ordonnait des pénitences publiques pour des péchés secrets et à faire la satisfaction avant l’absolution, comme le livre dont est question 5 prétend faire.

Venons au particulier. Il est vrai, Monsieur, quoi que vous me disiez du livre de La fréquente communion, qu’il a été fait principalement pour renouveler la pénitence ancienne comme nécessaire pour rentrer en grâces 6 avec Dieu; car, quoique l’auteur fasse quelquefois semblant de proposer cette pratique ancienne seulement comme plus utile, il est certain néanmoins qu’il la veut pour nécessaire, puisque par tout son 7 livre il la représente comme une des grandes vérités de notre religion, comme la pratique des apôtres et de toute l’Église durant douze siècles, comme une tradition immuable, comme une institution de Jésus-Christ, et qu’il ne cesse de faire entendre qu’il est obligé de la garder et d’invectiver continuellement contre ceux qui s’opposent au rétablissement de cette pénitence. D’ailleurs, il enseigne manifestement qu’anciennement il n’y avait point d’autre pénitence pour toute sorte de péchés mortels que la

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1. La copie : du 17° août. L’original devait porter 7°, car "le courrier de Rome mettait au moins un mois" - R. Ch.

2. L’ouvrage avait pour titre : De la fréquente communion, où les sentimens des Pères des Papes et des Conciles touchant l’usage des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie sont fidèlement exposez, pour servir d’adresse aux personnes qui pensent sérieusement à se convertir à Dieu et aux pasteurs et confesseurs zélés pour le bien des âmes, par M. Antoine Arnauld, docteur en théologie, de la maison de Sorbonne. - Sancta Sanctis. - A Paris, chez Antoine Vitré, 1643

3. Mémoires. : de pratiquer.

4. Mémoires : était.

5. Mémoires : dont il est question.

6. Mémoires : pour entrer en grâce

7. Mémoires : le.

[364]

publique, comme on voit par le 3e chapitre de la seconde partie, où il prend pour une vérité l’opinion qui porte qu’on ne trouve dans les anciens Pères, et principalement dans Tertullien, que la pénitence publique en laquelle l’Église exerçât la puissance de ses clefs; d’où il s’ensuit par une conséquence très claire, que M. Arnauld a dessein d’établir la pénitence publique pour toutes sortes de péchés mortels et que ce n’est pas une calomnie de l’accuser de cela, mais une vérité que l’on tire aisément de son livre, pourvu qu’on le lise sans préoccupation d’esprit.

Et vous, Monsieur, me dites que cela est faux. Vous êtes à excuser, parce que vous ne saviez 8 pas le fond des maximes de l’auteur et de toutes ces doctrines, qui était de réduire l’Église en ses premiers usages, disant que l’Église a cessé d’être depuis ces temps-là. Deux des coryphées 9 de ces opinions ont dit à la Mère de Sainte-Marie de Paris 10, laquelle on leur avait fait espérer qu’ils pourraient attirer à leurs opinions, qu’il y a cinq cents ans qu’il n’y a point d’Église; elle me l’a dit et écrit.

folio 2 recto

Vous me dites, en second lieu, qu’il est faux que M. Arnauld ait voulu introduire l’usage de faire la pénitence avant l’absolution pour les gros pécheurs. Je réponds que M. Arnauld ne veut pas seulement introduire la pénitence avant l’absolution pour les gros pécheurs, mais il en fait une loi générale pour tous ceux qui sont coupables d’un péché mortel, ce qui se voit par ces paroles tirées de la 2e partie, chapitre 8 : "Qui ne voit combien ce Pape juge nécessaire que le pécheur fasse pénitence de ses péchés, non seulement avant que de communier, mais

[365] même avant que de recevoir l’absolution ?" Et un peu plus bas, il ajoute : "Ces paroles ne nous montrent-elles pas clairement que, selon les règles saintes que ce grand Pape a données à toute l’Église, après les avoir apprises dans la perpétuelle tradition de la même Église, l’ordre que les prêtres doivent garder dans l’exécution de la puissance que le Sauveur leur a donnée de lier et de délier les âmes, c’est de n’absoudre les pécheurs qu’après les avoir laissés dans les gémissements et dans les larmes, et leur avoir fait accomplir une pénitence proportionnée à la qualité de leurs péchés." Il faut être aveugle pour ne pas connaître, par ces paroles et par beaucoup d’autres qui suivent, que M. Arnauld croit qu’il est nécessaire de différer l’absolution pour tous les péchés mortels jusqu’à l’accomplissement de la pénitence ; et en effet, n’ai-je pas vu faire pratiquer cela par M. de Saint-Cyran, et le fait-on pas encore à l’égard de ceux qui se livrent entièrement à leur conduite ? Cependant cette opinion est une hérésie manifeste.

Pour ce qui est de l’absolution déclaratoire, vous me dites qu’il n’a point besoin que <de> son premier livre pour faire voir le contraire, et m’alléguez trois ou quatre autorités pour cela. Je réponds que ce n’est pas de merveille que M. Arnauld parle quelques fois comme les autres catholiques ; il ne fait en cela qu’imiter Calvin, qui nie trente fois qu’il fasse Dieu auteur du péché, quoiqu’il fasse ailleurs tous ses efforts pour établir cette maxime détestable, que tous les catholiques lui attribuent.

Tous les novateurs en font de même ; ils sèment des contradictions dans leurs livres, afin que, si on les reprend

[366] sur quelque point, ils puissent s’échapper, en disant qu’ils ont ailleurs le contraire. J’ai ouï

2 verso à feu M. de Saint-Cyran que, s’il avait dit des vérités dans une chambre à des personnes qui en seraient capables, que, passant en une autre où il en trouverait d’autres qui ne le seraient pas, qu’il leur dirait le contraire ; que Notre-Seigneur en usait de la sorte et recommandait qu’on fît de même 11.

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8. Mémoires : savez.

9. M. de Saint-Cyran ne serait-il pas un de ces coryphées ?

10. Hélène-Angélique Lhuillier.

11. Raoul Allier (La cabale des dévots, Paris, 1902, in-16, p. 165) a peine à croire que Saint-Cyran ait pu tenir pareil propos. Il préfère admettre que saint Vincent l’a mal compris. "Saint-Cyran sentait si bien, écrit-il, que sa pensée allait contre les doctrines courantes, que pour éviter les condamnations sommaires et les scandales inutiles, il ne s’en ouvrait qu’à des amis sûrs et en état de le comprendre." Voilà à quoi se réduirait ce que Saint-Cyran aurait dit à saint Vincent. Saint Vincent était là, présent devant l’abbé quand celui-ci parlait ; tel que nous le connaissons, nous savons qu’il était plutôt porté à excuser qu’à accuser, à atténuer la gravité d’actes ou de paroles répréhensibles qu’à l’exagérer. Son autorité est, semble-t-il, d’un autre poids que celle de Raoul Allier.

B. K. : Voir d’ailleurs M. Vincent lui-même, 9 ans plus tôt, le 1r avril 1639, XIII 87.

Quant au fait, M. Vincent également ne voulait pas qu’on divulgue ses points de vue en matières controversées : à propos d’usures, à Louis Rivet, 4 août 1658, S. V. VII 226. (vu le Sam. 7 janv. 1989)

Comment est-ce que M. Arnauld peut soutenir sérieusement que l’absolution efface véritablement les péchés, puisqu’il enseigne, comme je viens de montrer, que le prêtre ne doit point donner l’absolution au pécheur qu’après l’accomplissement de sa pénitence, et que la raison principale pour laquelle il veut qu’on observe cet ordre est afin de donner temps au pécheur d’expier ses crimes par une satisfaction salutaire, comme il le prouve amplement dans le chapitre II de la seconde partie ? Un homme judicieux qui veut qu’on expie des péchés par une satisfaction salutaire, avant que de recevoir l’absolution, peut-il croire sérieusement que les péchés soient expiés par l’absolution ?

Vous me dites que pour ce que M. Arnauld dit que l’Église retient dans le cœur le désir que les pécheurs fassent pénitence selon les règles anciennes, et que M. Arnauld dit que la

[367] pratique ancienne et nouvelle de l’Église sont toutes deux bonnes, mais que l’ancienne est meilleure, et qu’elle, étant une bonne mère, qui ne respire que le plus grand bien de ses enfants, leur désire toujours le meilleur, au moins dans le cœur.

Je réponds qu’il ne faut point confondre la discipline ecclésiastique avec les désordres qui se peuvent rencontrer. Tout le monde blâme ces désordres ; les casuistes ne cessent de s’en plaindre et de les remarquer, afin qu’on les connaisse ; mais c’est un abus de dire que ne point pratiquer la pénitence de M. Arnauld, ce soit un relâchement que l’Église tolère avec regret. Nous n’avons pas grande assurance de la pratique d’Orient dont vous parlez ; mais nous savons que, par toute l’Europe, on pratique les sacrements en la manière que M. Arnauld condamne, et que le Pape et tous les évêques approuvent la coutume de donner l’absolution après la confession et de ne point faire pénitence publique que pour des péchés publics. N’est-ce pas un aveuglement insupportable de préférer, en une chose de telle conséquence, les pensées d’un jeune homme, qui n’avait aucune expérience dans la conduite des âmes lorsqu’il a écrit, à la pratique universelle de toute la chrétienté ?

Si la pratique

3 des pénitences publiques a duré en Allemagne jusques au temps de Luther, comme vous dites, ce n’a été que pour les péchés publics ; et personne ne trouve mauvais que cette pénitence soit rétablie partout, puisque le concile de Trente l’ordonne expressément 12. Et quel rapport a l’ordonnance de saint Ignace, que vous m’alléguerez aussi, avec la conduite de ceux qui éloignent tout le monde de la communion [368] non pour huit ou dix jours, mais pour cinq ou six mois, non seulement des grands pécheurs, mais de bonnes religieuses qui vivent en une grande pureté, comme nous avons appris de l’épître de M. de Langres à M. de Saint-Malo 13. Ce n’est pas s’arrêter à des pointilles que de remarquer des désordres si notables et qui ne tendent qu’à la ruine entière de la sainte communion ; et tant s’en faut que des gens de bien doivent mettre en pratique ces maximes si pernicieuses, qu’ils ont juste sujet de les mépriser et de concevoir mauvaise opinion de ceux qui les autorisent.

Saint Charles n’avait garde de les approuver, puisqu’il ne recommande rien tant, dans ses conciles et dans ses actes, que la fréquente communion, et qu’il ordonne plusieurs fois de grièves peines contre tous les prédicateurs qui détournent les fidèles directement ou indirectement de la fréquente communion. Et jamais l’on ne trouvera qu’il ait établi la pénitence publique ou l’éloignement de la communion pour toute sorte de péchés mortels, ni qu’il ait voulu qu’on mît trois ou quatre mois entre la confession et l’absolution, comme il se pratique très souvent et pour des péchés ordinaires par ces nouveaux réformateurs; de sorte qu’encore qu’il y puisse avoir de l’excès à donner facilement l’absolution à toutes sortes de pécheurs, qui est ce que saint Charles déplore, il ne faut pas conclure de là que ce grand saint approuvât les extrémités dans lesquelles M. Arnauld s’est jeté, [369] puisqu’elles sont entièrement opposées à quantité d’ordonnances qu’il a faites.

Quant à ce qu’on l’attribue au livre de La fréquente communion, de retirer le monde

3 de la fréquente hantise des saints sacrements, je vous réponds qu’il est véritable que ce livre détourne tout le monde puissamment de la hantise 14 fréquente de la sainte confession et de la sainte communion, quoiqu’il fasse semblant, pour mieux couvrir son jeu, d’être fort éloigné de ce dessein. En effet, ne loue-t-il pas hautement dans sa préface, page 36, la piété de ceux qui voudraient différer leur communion jusques à la fin de leur vie, comme s’estimant indignes de s’approcher du corps de Jésus-Christ, et n’assure-t-il pas qu’on satisfait plus à Dieu par cette humilité que par toutes sortes de bonnes œuvres ?

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12. Sess. XXIV, chap. VIII.

13. Le mémoire envoyé par Sébastien Zamet, évêque de Langres, à Achille de Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo, était, croit l’abbé Prunel (Sébastien Zamet, p. 264, note 2), la réponse à un questionnaire préparé par M. de Harlay, sur l’ordre de Richelieu, au sujet de Saint-Cyran. On le trouve en entier dans cet ouvrage pp. 265-268.

Ne dit-il pas, au contraire, dans le chapitre II de la 3° partie, que c’est parler indignement du Roi du ciel que de dire qu’il soit honoré par nos communions et que Jésus-Christ ne peut recevoir que de la honte et de l’outrage par nos fréquentes communions qui se font selon les maximes du Père Molina, chartreux 15, qu’il combat par tout son livre, sous l’apparence d’un écrit fait à plaisir ? De plus, ayant prouvé par saint Denis, dans le chapitre 4 de la première partie, que ceux qui communient doivent être entièrement purifiés des images qui leur restent de leur vie passée par un amour divin pur et sans aucun mélange, qu’ils doivent être parfaitement unis à Dieu seul, entièrement parfaits et entièrement irréprochables, tant s’en faut qu’il ait aucunement adouci ces paroles si hautes

[370] et si éloignées de notre faiblesse, que, les ayant données toutes crues, il a toujours soutenu dans son <livre> de La fréquente communion qu'elles contenaient les dispositions qui sont nécessaires pour communier dignement. Cela étant, comment se peut-il faire qu'un homme qui considère ces maximes et ce procédé de M. Arnauld, puisse s'imaginer qu'il souhaite avec vérité que tous les fidèles communient fort souvent ? Il est certain, au contraire, qu'on ne saurait tenir ces maximes pour véritables, qu'en même temps l'on ne se trouve très éloigné de fréquenter les sacrements. Et pour moi, j'avoue franchement que, si je faisais autant d'état du livre de M. Arnauld que vous en faites, non seulement

4 je renoncerais pour toujours à la Messe et à la Sainte communion, par esprit d'humilité, mais même j'aurais de l'horreur du sacrement, étant véritable qu'il le représente, à l'égard de ceux qui communient avec les dispositions ordinaires que l’Église approuve, comme un piège de Satan et comme un venin qui empoisonne les âmes, et qui ne traite |de| rien moins tous ceux qui en approchent en cet état que de chiens, des pourceaux & des antéchrists.

Et quand on fermerait les yeux à toute autre considération pour remarquer seulement ce qu'il dit en plusieurs endroits des dispositions admirables sans lesquelles il ne veut point qu'on communie, se trouverait-il homme sur la terre qui eût si bonne opinion de sa vertu qu'il se croie en état de pouvoir communier dignement ? Cela n'appartient qu'à M. Arnauld, qui, après

[371] avoir mis ces dispositions à un si haut point qu'un saint Paul eût appréhendé de communier, ne laisse pas de se vanter par plusieurs fois dans son apologie qu'il dit la messe tous les jours; en quoi son humilité est autant admirable qu'on doit estimer sa charité et la bonne opinion qu'il a de tant de sages directeurs, tant séculiers que réguliers, et de tant de vertueux pénitents, qui pratiquent la dévotion, dont les uns et les autres servent de sujet à ses invectives ordinaires.

Au reste, j'estime que c'est une hérésie de dire que ce soit un grand acte de vertu de vouloir différer la communion jusques à la mort, puisque l’Église nous commande de communier tous les ans. C'est aussi une hérésie de préférer cette humilité prétendue à toutes sortes de bonnes œuvres, étant visible que pour le moins le martyre est beaucoup plus excellent; comme aussi de dire absolument que Dieu n'est point honoré par nos communions et qu'il n'en reçoit que de la honte et de l'outrage.

Comme cet auteur éloigne tout le monde de la communion, il ne tiendra pas à lui que toutes les églises

4 ne demeurent sans Messes, pource qu'ayant vu ce que dit le vénérable Beda <Bède>, que ceux qui laissent de célébrer ce saint sacrifice sans quelque légitime empêchement, privent la Sainte Trinité de louange et de gloire, les anges de réjouissance, les pécheurs de pardon, les justes de secours et de grâce, les âmes qui sont en purgatoire de rafraîchissement, l’Église des faveurs spirituelles de Jésus-Christ, et eux-mêmes de médecine et de remède, il ne fait point de scrupule d'appliquer tous ces effets admirables aux mérites d'un prêtre qui se retire de l'autel par esprit de pénitence, comme on voit dans le chapitre 40 de la première partie ; il parle même plus avantageusement de cette pénitence, plus avantageuse censément, que du sacrifice de la messe. Or, qui ne voit que ce discours est très puissant

[372] pour persuader à tous les prêtres de négliger de dire la messe, puisqu'on gagne autant sans la dire qu'en la disant, et qu'on peut dire même, selon les maximes de M. Arnauld, qu'on gagne davantage ? Car, comme il relève l'éloignement de la communion beaucoup par dessus la communion, il faut aussi qu'il estime beaucoup plus excellent l'éloignement de la messe que la messe même.

 

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14. "Hantise" ne signifiait pas "obsession", mais "fréquentation"; cf. "dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es".

15. Antoine Molina, auteur d’un traité de l’Instruction des prêtres, qui fut traduit en plusieurs langues, mort en 1612.

Et la morale de tout ceci est que ce nouveau réformateur n'éloigne les prêtres et les laïques de l'autel sinon sous ce beau prétexte de faire pénitence ; mais pour savoir en quoi il met cette grande pénitence, qu'il estime si avantageuse aux âmes, il paraît en paroles expresses dans la préface, page 18, que, de toutes les rigueurs de l'ancienne pénitence, il n'en garde quasi autre chose que la séparation du corps du Fils de Dieu, qui est la partie la plus importante, selon les Pères, parce qu'elle représente la privation de la béatitude,

5 & la plus aisée, selon les hommes, parce que tout le monde en est susceptible.

M. Arnauld pourrait-il montrer plus ouvertement que son livre n'a été fait qu'à dessein de ruiner la messe et la communion, puisqu'il emploie toute l'antiquité pour nous prêcher la pénitence (dont jamais je n'ai vu faire un seul acte à l'auteur de cette doctrine, ni à ceux qui l'assistaient à l'introduire), et qu'après toutes ces fanfares il se contente qu'on ne communie point ? Certes, ceux qui lisent son livre et qui n'y remarquent pas ce dessein sont du nombre de ceux dont parle le prophète : Oculos habent et non videbunt ; et je ne comprends pas comment vous, Monsieur, pouvez accuser les adversaires de M. Arnauld de ruiner la pénitence, puisqu'on se plaint, au contraire, avec raison, de ce que cet auteur a fait des efforts extraordinaires pour prouver qu'il était nécessaire de faire de longues et rigoureuses [373] pénitences avant que de communier et de recevoir l'absolution, et qu'en même temps il a déclaré en paroles expresses (afin que personne n'en prétende cause d'ignorance), qu'il ne réserve autre chose de l'ancienne pénitence que l'éloignement de l'autel.

Voilà, Monsieur, la réponse que je fais à votre lettre, avec tant d'empressement que je n'ai pas le loisir de la relire.

Je m'en vas en ce moment célébrer la sainte messe, afin qu'il plaise à Dieu de vous faire connaître les vérités que je vous dis, et pour lesquelles je suis prêt à donner ma vie.

J'aurais beaucoup d'autres choses à vous dire sur ce sujet,

5 si j'en avais le loisir. Je prie Notre-Seigneur qu'il les vous dise lui-même. Je vous prie de ne me pas faire réponse sur ce sujet, si vous persévérez en ces opinions, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur,

Vous ne serez plus maître et administrateur du Saint-Esprit de Toul, si ce parlement ne reçoit l'évocation au Conseil du roi de votre procès contre Mrs Thierry et Plainevaux 16 dont le dernier a obtenu permission de prendre possession 17. Or, qu'il admette votre 18 évocation, celui qui fait [374] la charge de premier président mande que le parlement ne la veut point, l'ayant refusée pour la 2e fois & déchiré ladite évocation, pour le moins, l'avocat général a fait cela; de sorte que, s'ils ne renoncent à cette dernière, c’en est fait, je m'en vais mander que l'on sauve ce qu’on pourra des meubles. Ils ont pris le temps de la révolte quasi générale de nos parlements. Enfin, si nous ne sommes condamnés avant que ma lettre arrive, cela ne saurait tarder huit jours après. In nomine Domini !

votre très humble serviteur.

Vincens Depaul

i. p. d. l. M.

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16. Plainevaux ou Plènevaux : cf. S. V. XIV, p. 470. <B. K.>

17. Le bénéfice du Saint-Esprit échappa, en effet, à M Dehorgny. Saint Vincent le fit demander plus tard à Rome pour M. Jolly, qui avait l'intention de le résigner en faveur de la congrégation de la Mission. (Cf. 1. du 10 octobre 1653.) L'affaire traîna. Saint Vincent écrivait à M des Jardins le 29 décembre 1657 : " Nous ne sommes pas encore à bout des lettres de l'union, mais nous sommes toujours après et dans l'espérance de les avoir".

18 M. Vincent avait écrit "nostre" et il a ajouté le "v" devant, sans barrer le "n"; ce qui donne "vnostre". On peut supposer que c’est l’ajout du "v" qui l’emporte : "votre évocation". <B. K.>

 

 

 

Textes à l’authentique

 

De la Grâce

(vers 1648)

Samedi 27 avril 1996, corrigé J. 6 et Vdi 7 juin

Corrigé encore Berceau Sam. 9, dim. 10 nov. 96

et Paris Sam. 7 - mardi 10 novembre 98

Les notes ne sont pas répétées.

1 recto [147]

1 Il importe que l'on soict bien instruict sur le différend qui est aujourd'huy en l'Église, sur le subiect de la grâce.

2 En quoy consiste ce différend, qui est que l'antienne < = ancienne> opinion de l'Église est que Dieu donne à tous les hommes, tant fidelles qu'infidelles, des grâces suffisantes pour se sauver, et que l'on peut consentir ou refuser ces grâces. Et ceux qui tienne <sic> les opinions nouvelles soustiennent qu'il n'y a poinct des grâces suffisantes qui soient données à tous les hommes, qu'il n'y en a que d'efficaces 1, qui sont données à peu de persones, & que ceux ausquelz elles sont données n'y peuvent résister.

3 Les raisons pour lesquelles nous croions, comme a faict l'Église jusques à présent, qu'il y a des grâces suffisantes 2, données à tous, et qu'on y peut résister.

4 Les raisons des adversaires.

5 Les moiens < = moyens> de se confirmer et persévérer dans l'antienne créance 3 de l’Église.

 

<1.> Quelz sont les motifs que nous avons pour nous instruire 4 du subiect proposé 5.

1° Que l'on est en danger d'estre trompé, en cas d'opinions nouvelles, et de suivre l'erreur au lieu de la vérité; [148] et c'est en ce sens que le St Esprit dict que l'ignorant |sera ignoré (1 Cor. 14, 38) et qu'il| 6 périra en son ignorance. Et c'est ainsi que plusieurs, faute de s'esclarcir <s’éclaircir> à l'abord des opinions de Luther et Calvin, sont tombez dans l'erreur.

2 Qu'il y va de nostre salut, lequel consiste à croire tout ce que l'Église enseigne, & qu'en quelque façon, ceux qui ne se veulent faire instruire des choses 7 de leur salut tirent à leur damnation.

Qu'il y a sagesse de s'esclarcir, en cas de division dans la religion, & témérité & grand danger d'en user autrement.

 

<2.> En quoy consiste ce différend.

Nous l'avons dict: que c'est de sçavoir si Dieu donne aux hommes, je dis à tous, tant fidelles qu'infidelles, des aides que nous apellons grâces, pour se sauver 8, et que les hommes peuvent

1 verso abuser de ces grâces et les reietter <rejeter>. Et que ceux des oppinions nouvelles tienent le contraire, |qu'il n'y a pas des| 9 grâces suffisantes données à tous, ains 10 seulement d'efficaces, qui ne sont données qu'à quelques-uns, & que ceux à qui elles sont données n'en peuvent abuser en les refusant 11.

Et pour mieux entendre ceste question, il faut notter qu'il y a environ douze cens ans <vers 400> que Pélagius 12 soustenoict que l'homme pouvoit faire les oeuvres nécessaires à salut par ces pauvres [forces] humaines, sans autre aide de Dieu que celle des prédications, lectures des bons livres, & semblables moiens extérieurs qui nous portent à Dieu.

Que St Augustin 13, qui luy estoyt contemporain, s'opposa à ces opinions 14 de Pélagius, & soustint que l'homme, par ses propres forces, aidé des moiens extérieurs de la prédication, &c., ne pouvoit faire les choses [nécessaires] [149] à salut, & qu'il faloit une 15 grâce actuelle et surnaturelle de Dieu par Jésus-Christ, qui nous fict embrasser le bien nécessaire à salut et fuir le mal, en quoy St Augustin feut suivi des souverains pontifes & de l'Église, peu de persones exceptées, qui suivirent l'opinion de Pélagius.

 

De ceste dispute qui se passa entre St Augustin et Pélagius, en est sorti de temps [en temps] d'autres, despendantes de celle-ci, et en est arrivé comme de certaines maladies malignes, qui ne se garissent [guérissent] jamais si bien que de temps en temps elles en poussent d'autres 16, comme ce faict celle d'un vilain mal qu'on n'ose nommer, & la fiebvre quarte en aucuns 17 .

Celle des semipélagiens parut bientost après la mort de St Augustin. Ceux cy publièrent 18 une opinion mitoienne, qui s'acordoyt avecq 19 St Augustin en soustenant que les hommes ne pouvoit <sic> rien sans la grâce de Dieu, & avecq Pélagius, en ce qu'ilz disoient que les hommes avoit <sic> en eux un principe 20 de bonnes oeuvres qui donnoit lieu à Dieu de leur donner ces grâces 21; et pour cela [s']apellèrent semipélagiens, et furent condempnés par l'Église.

Quatre cens [ans] 22 après, cest erreur en produit 23 un autre 24 , qui estoyt que nostre-Seigneur n'estoyt pas mort pour tous; en sorte que, l'évesque de Troyes 25 ne pouvant assister à l'élection d'un Evesque de Paris 26,

2 il envoia sa procuration pour 27 donner sa voix à un qu'il nommoit, au cas qu'il creut que nostre Seigneur Jésus Christ n'estoyt pas mort pour tous, & non autrement 28. & ceste opinion estoyt contredict <sic> : que nostre Seigneur n'estoyt pas mort pour tous, pour exclure la grâce suffisante donnée à tous 29.

[150] L'an 1560, Baïus, docteur et doien de Louvain 30, mit en avant quantité d'opinions, entre lesquelles il y en avoit contre la liberté d'indiférence 31 disant que le volontaire, quoyque nécessaire, s'acordoit avecq la liberté qu'on entend toujours pour la liberté d'indiférence; ce qu'il faisoit pour monstrer que l'on ne peut résister à la grâce. Et ces opinions feurent condempnées par Pie 5; et aiant encore repoussé 32 soubz le pontificat de Grégoire 13 33 il condempna derechef les mesmes opinions.

Lesquelles ont recommencé à paroistre en l'an 1640 34, [par] l'évesque d'Ipre, Jansénius, et ont esté <auto>risées 35 par l'abbé de St Siran <Saint-Cyran> 36 & quantité de persones qui les ont embrassées.

Mais comme ce qui reste du mauvais mal que nous avons dict <n'est pas forcément le même> 37, ains un autre, souvent différend en espèce, ainsi 38 les erreurs de Jansénius ne sont pas celles qui se meuvent du temps de St Augustin, ains sont différentes.

Les opinions de Pélagius estoyt <sic> contre le besoing de la grâce intérieure pour le salut; et celles de ces temps sont que Dieu ne donne pas des grâces à tous pour se sauver, et que celles qu'il donne à quelques-uns opèrent nécessairement, en sorte qu'on n'y peut résister 39.

 

<3.> Selon cela, nous avions à prouver que Dieu donne des grâces suffisantes à tous les hommes pour se sauver et que nostre Seigneur, nous donnant ces grâces, ne nécessite pas nostre libéral arbitre <libre arbitre> & lui laisse la liberté de faire bon usage de ces grâces ou d'en abuser 40.

2 La preuve de ce que j'advance se tire de la Ste Escriture, des Concilles, des Père, & de la raison 41.

<A-> Voicy celles qui font voir que la bonté de Dieu est si grande qu'elle donne moien à tous les hommes pour se sauver.

St Paul dict de Dieu que vult omnes homines salvos fieri <il veut que tous les hommes soient sauvés > (1 Tim. 2, 4). Et l'on faict cest argument, que, s'il veut [151] que tous les hommes soient sauvéz, que nécessairement il faut qu'il donne des moiens à tous les hommes pour les sauver, sçachant bien qu'ilz ne le peuvent pas par leurs forces, aiant faict dire à St Paul: non possumus dicere Abba, Pater, nisi in Spiritu Sancto <nous ne pouvons pas dire Abba, Père, sinon dans l’Esprit-Saint > (Rom. 8, 15).

La mesme Escriture dict de plus de Dieu que neminem vult perire <Il veut que personne ne périsse > (2 P. 3, 9), ce qu'estant posé, il faut qu'il leur donne des aides pour s'en empêcher.

En 3° lieu, nous voions qu'il a donné un moien 42 universel pour 43 sauver tout le monde , qui est celuy de la mort & passion de nostre Seigneur: Si unus pro omnibus mortuus est <si un seul est mort pour tous > (2 Cor. 5, 14), et St Jehan 44, en un autre endroict, dict: Mortuus est propitiatio pro peccatis nostris, non solum pro nostris, sed etiam pro totius mundi <il est mort comme propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais même pour ceux du monde entier > (1 Jn 2, 2).

Et pour monstrer que l’Église l'entend de la sorte, elle le monstre par les parolles de l'oblation du Calice: Offerimus tibi, Domine, Calicem salutaris, tuam deprecantes clementiam, ut in conspectu divinae majestatis tuae pro nostra et totius mundi salute ascendat <Nous t’offrons, Seigneur, le calice du salut, suppliant ta clémence pour qu’il s’élève en présence de ta divine majesté, pour notre salut et celui du monde entier > 45.

Et le concille d'Orange dict que: Omnes baptizati cum gratia Christi preveniente & cooperante possunt & debent operari necessaria ad salutem <tous les baptisés, avec la grâce du Christ prévenante 46 et coopérante, peuvent et doivent faire les choses nécessaires à salut > 47.

Et St Augustin, sur ces paroles: llluminat omnem venientem in hunc mundum <Il éclaire tout homme venant dans ce monde > (Jean 1, 9), d'où vient que tous ne sont

3 pas illuminez? il respond 48: Non quod lumen desit illis, sed quod illi desint lumini <ce n’est pas que la lumière leur manque, mais c’est eux qui manquent à la lumière >.

Et le mesme, demandant d'où vient que Dieu donnant sa grâce 49 et bonne volonté à tous les hommes, tous ne se sauvent pas, il respond: quia nolunt <parce qu’ils ne veulent pas>, dict-il; nottez qu'il donne ceste grâce à tous.

Et son disciple St Prosper 50 dict, parlant de la grâce, [152] que : Opitulatio hæc adhibetur omnibus <ce secours est appliqué à tous >.

Et Paul Orose 51 dict qu'il croit fermement que la grâce est donnée à tous les hommes pour se sauver: Non solum fidelibus, sed etiam universis gentibus, non solum universis, sed etiam singulis; & non solum per dies, sed quotidie, per tempora, per horas, per momenta, per atomos <non seulement aux fidèles, mais même à toutes les nations; non seulement à tous, mais même à chacun, et non seulement à quelques jours, mais chaque jour, au long des temps, des heures, des moments, des atomes (= secondes) > , et puis il conclud : Nemini hominum deesse adjutorium <à aucun homme ne manque son secours >.

 

Et certes, je ne sçay comme Dieu, estant une bonté infinie, qui qu’il <sic> a tous les jours les bra 52 pour embrasser les pécheurs, pourroit Quotidie expandi manus meas ad populum 53 & non credentem & contradicentem, &c. <chaque jour j’ai étendu mes mains vers un peuple et qui ne croyait pas et qui contredisait, etc.> 54, auroit le cœur de refuser des grâces à tous ceux qui les luy demanderoit, & se laisseroit surmonter par la bonté de David, qu’il <sic> estoyt en peine de trouve[r] quelqu'un de la maison, son ennemi, pour luy faire miséricorde.

Adjoustez à cela que si Dieu dénie ces 55 grâces à quelques-uns, qu'il n'auroit pas raison de leur commander l'observance des commandemens de Dieu 56, qu'il sçaict qu'ilz ne peuvent poinct observer sans son aide; & ce qui notterait Dieu d'injustice, c'est s'il les damnoit pour cela, ce qui

3 [n'est] 57 pas vraisemblable; il s'ensuivroit qu'il n'y auroit poinct d'enfer pour les hommes 58.

59

Selon cela, il s'ensuit que Dieu est si bon que, comme il ne tient pas au soleil que tout le monde ne voient <sic>, ains au défaut de la veue, ou à ce qu'on ferme la fenestre ou les yeux, qu'ainsi Dieu envoie ses grâces à tout le monde, & qu'il ne tient pas à luy que tout le monde ne se sauve.

Le bienheureux Évesque de Genève 60 monstre cela par la comparaison de quelques pèlerins &c. qui, s'estant endormis et aiant esté tous esveillez 61', les uns se lèvent, marchent & arrivent heureusement au lieu où ilz aloient <allaient>; et les autres, s'estant rendormis, s'esveillèrent tard, et, s'estant esgarrés dans la nuit, il <sic> furent pris et mal traictez des voleurs; or, tous furent esveillez & ne tint pas au soleil [153] que tous ne se levassent et n'arrivassent heureusement au lieu où ilz aloient.

 

Voici ce que l'on obiecte contre:

L'on dict que St Augustin a dict que Deus non vult omnes salvos fieri <Dieu ne veut pas que tous soient sauvés > 62’. Il dict vray à l'esgard de ceux qui n'ont pas vouleu observer ses commandemens, & non à l'esgard des autres qui les ont observez. Dieu désire que tout le monde soict sauvé, et donne des moiens à tous pour cela; mais, s'ilz ne les observent, ce n'est pas 63 la faute de Dieu, mais la leur.

L'on obiecte de plus que *** <inachevé; M. Vincent, en changeant de feuille, a recommencé autrement>

 

4 <B-> Nous avons dict que la seconde difficulté conciste en l'opinion qu'ont ces sectateurs des nouvelles opinions, que la grâce de Dieu opère de telle sorte que nostre libéral arbitre 64 n'y peut résister.

<1> Voicy les raisons contre 65 :

Le Concille de Trente dict le contraire à la session 6, c'est De la justification 66, [il] fulmine anathème contre ceux qui croient que nostre volonté ne peut résister au mouvement de la grâce, et se fonde sur la Ste Escriture, qui dict: Quousque resistitis Spiritui Sancto? <Jusques à quand résisterez-vous au Saint Esprit? > 67’

Vocavi & renuistis. <J’ai appelé, et vous avez refusé > 68

Hierusalem, Hierusalem, quoties volui congregare filios tuos, 69 sicut gallina congregat filios suos, & noluisti! <Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes fils comme la poule rassemble ses fils (ses poussins), et tu n’a pas voulu! > 70

et sur St Augustin, disant, comme il est dict cy dessus, que les hommes n'observent pas les commandemens de Dieu quia nolunt <parce qu’ils ne veulent pas >.

et le même dit d'Esaü: Noluit Esau currere, & non cucurrit, sed, si voluisset, cucurrisset, et ad paradisum pervenisset, nisi, vocatione contempta, reprobus fieret <Ésaü n’a pas voulu courir, et il n’a pas couru; mais s’il avait voulu, il aurait couru et serait arrivé au paradis, à moins que, méprisant l’appel, il ne soit devenu réprouvé >.

et le même St Augustin encore, parlant de Pharaon & Nabuchodonosor, il dict: "Tous deux estoyent Roys, tous deux persécuteurs de Dieu, et Dieu les a affligés 71 tous [deux] par [154] sa clémence infinie"; alter ingemuit, alter libero 72 contra Dei misericordissimi veritatem pugnavit arbitrio <L’un a gémi, l’autre, par son libre arbitre, a combattu contre la vérité du Dieu très miséricordieux >.

Le bienheureux Évesque de Genève, pour exprimer comme cela se faict, se sert de la comparaison des apodes 73 qui, ne se pouvant lever pour voler qu'à la faveur du vent et en estendant leurs aisles, ilz peuvent, s'ilz se plaisent au lieu où ilz sont, ne pas estendre leurs aisles, et le vent aura [beau souffler] 74 il ne les enlèvera pas, s'ilz ne le veulent & n'estendent leurs aisles.

Cela paroit encore par la comparaison des pèlerins, sus alléguée, par celle de nos yeux, qui peuvent refuser les raions du soleil, & par les navires qui sont en mer, lesquellz peuvent refuser l'effet du vent, en n'ettendant pas les voiles.

4

<2> Voici des raisons pourquoy Dieu a laissé la liberté aux hommes de refuzer sa grâce.

C'est qu'autrement l’homme 75 auroit tout faict par nécessité, & n'auroit pas eu par conséquent du mérite: quel mérite a un forçat de saluer le général des galères? Un gentilhomme libre de la province luy faira plus d'honeur en le visitant 76 que dis mil forçatz.

Selon tout cela, il s'ensuivroyt que l'homme n'a poinct de mérite au bien qu'il faict, ny au mal qu'il esvitte <évite>, et par conséquent qu'il n'y a poinct de récompense, ny par conséquent de paradis, & que, n'y aiant pas non plus d'enfer, comme il a esté dict, nous travaillons en vain, faisons le bien & fuyons le mal sans espérance de récompense ny crainte du châtiment 77.

Bref, il s'ensuit, comme dict St Thomas au livre De Lege Evangelica , que nostre Religion est vaine et pure folie; & de là vient peut-être 78 que l'un des autheurs de ces belles opinions 79, dès qu'il entra là-dedans, il quitta le jeûne et l'abstinence, & à 80 célébrer la Ste [155] Messe, qu'il célébroit auparavant tous les jours, & que son autre luy mesme 81' n'a jamais faict aucun acte extérieur de vertu aux yeux de ceux qui l'ont fréquenté 82.

<3> Voicy ce qu'ilz obiectent 83 :

1° Selon St Augustin, Deus agit animam inflexibiliter, insuperabiliter et indeclinabiliter <Dieu pousse l’âme d’une manière inflexible, insurmontable et indéclinable >; ergo84 nostre libéral arbitre ne se peut défendre de ceste motion de Dieu.

Je respondz que, ex parte gratiae <du côté de la grâce >, elle agit de la sorte, mais que, ex parte voluntatis <du côté de la volonté >, il n'est pas de mesme 85, comme le soleil "agit facultatem videndi insuperabiliter, &c." <met en branle la faculté de voir d’une manière insurmontable, etc.>, mais qu'il a beau que d'opérer de la sorte 86 que l'homme, en fermant ces <sic> paupières, il empesche 87 l'effet de la splendeur du soleil.

- St Augustin dict que Dieu ne donne poinct à présent aux hommes la grâce de vouloir & de non vouloir, comme il a faict à Adam, à cause de son péché & du déchet de la vertu du libéral arbitre.

5

Mais je respondz qu'encore que nous n'aions pas ceste grâce inhérente en nous pour la raison alléguée, - que Dieu 88 nous en donne au besoing, car, comment le Concille de Trente diroit-il, autrement, que l'homme contribue au mouvement de la grâce & la refuse s'il veut, & fulmine anathème contre ceux qui disent le contraire ?

- St Augustin establit la liberté dans la délectation à faire le bien & fuir le mal, & non en l'indifférence 89.

Je respondz que les autoritez cy dessus d'Ésaü et des deux Roys 90 qu'il allègue font voir qu'ilz pouroient' faire le bien & fuir le mal.

- Ils disent que le volontaire, le nécessaire & la liberté qu'on entend toujours d'indifférence *** 91

Je respondz que ceste opinion est condempnée, & cest autre <sic> qui dict que [156] ceste sorte de liberté ne se trouve poinct dans les Escritures : qui potuit transgredi et non est transgressus, facere mala & non fecit <heureux celui qui a pu fauter et n’a pas fauté, faire le mal et ne l’a pas fait > (Eccli, Sir. 31, 10). Ecce posui ignem & aquam: porrige manum ad quemcumque volueris <voici que j’ai posé devant toi le feu et l’eau: étends ta main à celui que tu voudras > (Eccli, Sir. 15, 17).

- Saint Augustin est formellement contre 92 les opinions antiennes de l’Église touchant la grâce.

Il semble ainsi à ceux de ce parti là; les passages sus allégués font voir le contraire.

- Quis te discernit ? <qui discerne si tu as raison ? > (1 Cor. 4, 7). C'est une autre objection.

Je respondz que non ego, sed gratia Dei mecum <pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi> (1 Cor. 15, 10).

- La justification est œuvre de Dieu, & non des hommes: Non est volentis , neque &c. <ce n’est pas l’affaire de celui qui veut, ni etc.> (Rom. 9, 16).

Je respondz que cela est vray de nos propres forces, mais non

5 avecq la grâce de Dieu, avecq laquelle nous contribuons à nostre justification 93.

- L'opinion moderne est plus humble, & l'antienne tient de la gloire 94.

Je respondz ce que dict St Paul: Qui gloriatur, in Domino glorietur <celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur > (1 Cor. 1, 31), que nous ne pouvons chose quelconque sans la grâce, & par ainsi, que toute la gloire luy en est deue <due>, comme au maistre écrivain qui tient & mène la main de l'enfant pour le faire escrire.

 

* * *

Ici s’arrête le texte, inachevé.

M. Vincent n’a pas eu le temps de traiter des moyens, annoncés comme 5°, ni de conclure,

mais l’essentiel est dit, pour la doctrine.

 

 

 

1re Lettre à M. Jean De Horgny

Jeudi 25 juin 1648

S. V. III, 318-332

Il ne peut être donné, faute d’avoir trouvé l’original.

 

2° Lettre à M. Jean De Horgny

Jeudi 10 septembre 1648

S. V. III, 362-374

L’original faisant défaut pour le premier folio, il reste en orthographe moderne

Les notes ne sont pas répétées.

Dim. 8 nov. 98, mise à l’authentique le

A Monsieur

Monsieur Dehorgny, prêtre de la Mission, à Rome.

[362]

D’Orsigny, ce 10e septembre 1648.

Monsieur,

La grâce de N. S. soit avec vous pour jamais !

J’ai reçu la vôtre du 7e août 1, qui est pour achever de répondre aux miennes touchant les diversités d’opinions, celle-ci étant à l’égard du livre de La communion 2, pour réponse à laquelle je vous dirai, Monsieur, qu’il peut être, ce que vous dites, que quelques personnes ont pu profiter de ce livre en France et en Italie; mais que d’une centaine qu’il y en a peut-être qui en ont profité à Paris, en les rendant plus respectueux en l’usage de ce sacrement, qu’il y en a pour le moins dix mille auxquels il a nui en les en retirant tout à fait; que je loue Dieu de ce que vous en usez comme je fais, qui est de ne point parler de ces choses en la famille et de ce qu’elle va son train à Rome comme ici.

Il est vrai, ce que vous dites, que saint Charles Borromée a suscité l’esprit de pénitence dans son diocèse, de [363] son temps, et l’observance des canons d’icelle, et que c’est ce qui mutina le monde contre lui et même des bons religieux, à cause de la nouveauté; mais il n’a pas constitué la pénitence ou, quoi que ce soit, la satisfaction, à se retirer de la sainte confession et de l’adorable communion, si ce n’est aux cas portés par les canons, que nous tâchons d’observer 3 en cas des occasions prochaines, des inimitiés, des péchés publics; mais il est 4 bien éloigné de ce qu’on dit, qu’il ordonnait des pénitences publiques pour des péchés secrets et à faire la satisfaction avant l’absolution, comme le livre dont est question 5 prétend faire.

Venons au particulier. Il est vrai, Monsieur, quoi que vous me disiez du livre de La fréquente communion, qu’il a été fait principalement pour renouveler la pénitence ancienne comme nécessaire pour rentrer en grâces 6 avec Dieu; car, quoique l’auteur fasse quelquefois semblant de proposer cette pratique ancienne seulement comme plus utile, il est certain néanmoins qu’il la veut pour nécessaire, puisque par tout son 7 livre il la représente comme une des grandes vérités de notre religion, comme la pratique des apôtres et de toute l’Église durant douze siècles, comme une tradition immuable, comme une institution de Jésus-Christ, et qu’il ne cesse de faire entendre qu’il est obligé de la garder et d’invectiver continuellement contre ceux qui s’opposent au rétablissement de cette pénitence. D’ailleurs, il enseigne manifestement qu’anciennement il n’y avait point d’autre pénitence pour toute sorte de péchés mortels que la

[364] publique, comme on voit par le 3e chapitre de la seconde partie, où il prend pour une vérité l’opinion qui porte qu’on ne trouve dans les anciens Pères, et principalement dans Tertullien, que la pénitence publique en laquelle l’Église exerçât la puissance de ses clefs; d’où il s’ensuit par une conséquence très claire, que M. Arnauld a dessein d’établir la pénitence publique pour toutes sortes de péchés mortels et que ce n’est pas une calomnie de l’accuser de cela, mais une vérité que l’on tire aisément de son livre, pourvu qu’on le lise sans préoccupation d’esprit.

Et vous, Monsieur, me dites que cela est faux. Vous êtes à excuser, parce que vous ne saviez 8 pas le fond des maximes de l’auteur et de toutes ces doctrines, qui était de réduire l’Église en ses premiers usages, disant que l’Église a cessé d’être depuis ces temps-là. Deux des coryphées 9 de ces opinions ont dit à la Mère de Sainte-Marie de Paris 10, laquelle on leur avait fait espérer qu’ils pourraient attirer à leurs opinions, qu’il y a cinq cents ans qu’il n’y a point d’Église; elle me l’a dit et écrit.

folio 2 recto

Vous me dites, en second lieu, qu’il est faux que M. Arnauld ait voulu introduire l’usage de faire la pénitence avant l’absolution pour les gros pécheurs. Je réponds que M. Arnauld ne veut pas seulement introduire la pénitence avant l’absolution pour les gros pécheurs, mais il en fait une loi générale pour tous ceux qui sont coupables d’un péché mortel, ce qui se voit par ces paroles tirées de la 2e partie, chapitre 8 : "Qui ne voit combien ce Pape juge nécessaire que le pécheur fasse pénitence de ses péchés, non seulement avant que de communier, mais

[365] même avant que de recevoir l’absolution ?" Et un peu plus bas, il ajoute : "Ces paroles ne nous montrent-elles pas clairement que, selon les règles saintes que ce grand Pape a données à toute l’Église, après les avoir apprises dans la perpétuelle tradition de la même Église, l’ordre que les prêtres doivent garder dans l’exécution de la puissance que le Sauveur leur a donnée de lier et de délier les âmes, c’est de n’absoudre les pécheurs qu’après les avoir laissés dans les gémissements et dans les larmes, et leur avoir fait accomplir une pénitence proportionnée à la qualité de leurs péchés." Il faut être aveugle pour ne pas connaître, par ces paroles et par beaucoup d’autres qui suivent, que M. Arnauld croit qu’il est nécessaire de différer l’absolution pour tous les péchés mortels jusqu’à l’accomplissement de la pénitence ; et en effet, n’ai-je pas vu faire pratiquer cela par M. de Saint-Cyran, et le fait-on pas encore à l’égard de ceux qui se livrent entièrement à leur conduite ? Cependant cette opinion est une hérésie manifeste.

Pour ce qui est de l’absolution déclaratoire, vous me dites qu’il n’a point besoin que <de> son premier livre pour faire voir le contraire, et m’alléguez trois ou quatre autorités pour cela. Je réponds que ce n’est pas de merveille que M. Arnauld parle quelques fois comme les autres catholiques ; il ne fait en cela qu’imiter Calvin, qui nie trente fois qu’il fasse Dieu auteur du péché, quoiqu’il fasse ailleurs tous ses efforts pour établir cette maxime détestable, que tous les catholiques lui attribuent.

Tous les novateurs en font de même ; ils sèment des contradictions dans leurs livres, afin que, si on les reprend

[366] sur quelque point, ils puissent s’échapper, en disant qu’ils ont ailleurs le contraire. J’ai ouï

2 verso à feu M. de Saint-Cyran que, s’il avait dit des vérités dans une chambre à des personnes qui en seraient capables, que, passant en une autre où il en trouverait d’autres qui ne le seraient pas, qu’il leur dirait le contraire ; que Notre-Seigneur en usait de la sorte et recommandait qu’on fît de même 11.

Comment est-ce que M. Arnauld peut soutenir sérieusement que l’absolution efface véritablement les péchés, puisqu’il enseigne, comme je viens de montrer, que le prêtre ne doit point donner l’absolution au pécheur qu’après l’accomplissement de sa pénitence, et que la raison principale pour laquelle il veut qu’on observe cet ordre est afin de donner temps au pécheur d’expier ses crimes par une satisfaction salutaire, comme il le prouve amplement dans le chapitre II de la seconde partie ? Un homme judicieux qui veut qu’on expie des péchés par une satisfaction salutaire, avant que de recevoir l’absolution, peut-il croire sérieusement que les péchés soient expiés par l’absolution ?

Vous me dites que pour ce que M. Arnauld dit que l’Église retient dans le cœur le désir que les pécheurs fassent pénitence selon les règles anciennes, et que M. Arnauld dit que la

[367] pratique ancienne et nouvelle de l’Église sont toutes deux bonnes, mais que l’ancienne est meilleure, et qu’elle, étant une bonne mère, qui ne respire que le plus grand bien de ses enfants, leur désire toujours le meilleur, au moins dans le cœur.

Je réponds qu’il ne faut point confondre la discipline ecclésiastique avec les désordres qui se peuvent rencontrer. Tout le monde blâme ces désordres ; les casuistes ne cessent de s’en plaindre et de les remarquer, afin qu’on les connaisse ; mais c’est un abus de dire que ne point pratiquer la pénitence de M. Arnauld, ce soit un relâchement que l’Église tolère avec regret. Nous n’avons pas grande assurance de la pratique d’Orient dont vous parlez ; mais nous savons que, par toute l’Europe, on pratique les sacrements en la manière que M. Arnauld condamne, et que le Pape et tous les évêques approuvent la coutume de donner l’absolution après la confession et de ne point faire pénitence publique que pour des péchés publics. N’est-ce pas un aveuglement insupportable de préférer, en une chose de telle conséquence, les pensées d’un jeune homme, qui n’avait aucune expérience dans la conduite des âmes lorsqu’il a écrit, à la pratique universelle de toute la chrétienté ?

Si la pratique

3 des pénitences publiques a duré en Allemagne jusques au temps de Luther, comme vous dites, ce n’a été que pour les péchés publics ; et personne ne trouve mauvais que cette pénitence soit rétablie partout, puisque le concile de Trente l’ordonne expressément 12. Et quel rapport a l’ordonnance de saint Ignace, que vous m’alléguerez aussi, avec la conduite de ceux qui éloignent tout le monde de la communion [368] non pour huit ou dix jours, mais pour cinq ou six mois, non seulement des grands pécheurs, mais de bonnes religieuses qui vivent en une grande pureté, comme nous avons appris de l’épître de M. de Langres à M. de Saint-Malo 13. Ce n’est pas s’arrêter à des pointilles que de remarquer des désordres si notables et qui ne tendent qu’à la ruine entière de la sainte communion ; et tant s’en faut que des gens de bien doivent mettre en pratique ces maximes si pernicieuses, qu’ils ont juste sujet de les mépriser et de concevoir mauvaise opinion de ceux qui les autorisent.

Saint Charles n’avait garde de les approuver, puisqu’il ne recommande rien tant, dans ses conciles et dans ses actes, que la fréquente communion, et qu’il ordonne plusieurs fois de grièves peines contre tous les prédicateurs qui détournent les fidèles directement ou indirectement de la fréquente communion. Et jamais l’on ne trouvera qu’il ait établi la pénitence publique ou l’éloignement de la communion pour toute sorte de péchés mortels, ni qu’il ait voulu qu’on mît trois ou quatre mois entre la confession et l’absolution, comme il se pratique très souvent et pour des péchés ordinaires par ces nouveaux réformateurs; de sorte qu’encore qu’il y puisse avoir de l’excès à donner facilement l’absolution à toutes sortes de pécheurs, qui est ce que saint Charles déplore, il ne faut pas conclure de là que ce grand saint approuvât les extrémités dans lesquelles M. Arnauld s’est jeté, [369] puisqu’elles sont entièrement opposées à quantité d’ordonnances qu’il a faites.

Quant à ce qu’on l’attribue au livre de La fréquente communion, de retirer le monde

3 de la fréquente hantise des saints sacrements, je vous réponds qu’il est véritable que ce livre détourne tout le monde puissamment de la hantise 14 fréquente de la sainte confession et de la sainte communion, quoiqu’il fasse semblant, pour mieux couvrir son jeu, d’être fort éloigné de ce dessein. En effet, ne loue-t-il pas hautement dans sa préface, page 36, la piété de ceux qui voudraient différer leur communion jusques à la fin de leur vie, comme s’estimant indignes de s’approcher du corps de Jésus-Christ, et n’assure-t-il pas qu’on satisfait plus à Dieu par cette humilité que par toutes sortes de bonnes œuvres ?

Ne dit-il pas, au contraire, dans le chapitre II de la 3° partie, que c’est parler indignement du Roi du ciel que de dire qu’il soit honoré par nos communions et que Jésus-Christ ne peut recevoir que de la honte et de l’outrage par nos fréquentes communions qui se font selon les maximes du Père Molina, chartreux 15, qu’il combat par tout son livre, sous l’apparence d’un écrit fait à plaisir ? De plus, ayant prouvé par saint Denis, dans le chapitre 4 de la première partie, que ceux qui communient doivent être entièrement purifiés des images qui leur restent de leur vie passée par un amour divin pur et sans aucun mélange, qu’ils doivent être parfaitement unis à Dieu seul, entièrement parfaits et entièrement irréprochables, tant s’en faut qu’il ait aucunement adouci ces paroles si hautes

[370] et si éloignées de notre faiblesse, que, les ayant données toutes crues, il a toujours soutenu dans son <livre> de La fréquente communion qu'elles contenaient les dispositions qui sont nécessaires pour communier dignement. Cela étant, comment se peut-il faire qu'un homme qui considère ces maximes et ce procédé de M. Arnauld, puisse s'imaginer qu'il souhaite avec vérité que tous les fidèles communient fort souvent ? Il est certain, au contraire, qu'on ne saurait tenir ces maximes pour véritables, qu'en même temps l'on ne se trouve très éloigné de fréquenter les sacrements. Et pour moi, j'avoue franchement que, si je faisais autant d'état du livre de M. Arnauld que vous en faites, non seulement

4 je renoncerais pour toujours à la Messe et à la Sainte communion, par esprit d'humilité, mais même j'aurais de l'horreur du sacrement, étant véritable qu'il le représente, à l'égard de ceux qui communient avec les dispositions ordinaires que l’Église approuve, comme un piège de Satan et comme un venin qui empoisonne les âmes, et qui ne traite |de| rien moins tous ceux qui en approchent en cet état que de chiens, des pourceaux & des antéchrists.

Et quand on fermerait les yeux à toute autre considération pour remarquer seulement ce qu'il dit en plusieurs endroits des dispositions admirables sans lesquelles il ne veut point qu'on communie, se trouverait-il homme sur la terre qui eût si bonne opinion de sa vertu qu'il se croie en état de pouvoir communier dignement ? Cela n'appartient qu'à M. Arnauld, qui, après

[371] avoir mis ces dispositions à un si haut point qu'un saint Paul eût appréhendé de communier, ne laisse pas de se vanter par plusieurs fois dans son apologie qu'il dit la messe tous les jours; en quoi son humilité est autant admirable qu'on doit estimer sa charité et la bonne opinion qu'il a de tant de sages directeurs, tant séculiers que réguliers, et de tant de vertueux pénitents, qui pratiquent la dévotion, dont les uns et les autres servent de sujet à ses invectives ordinaires.

Au reste, j'estime que c'est une hérésie de dire que ce soit un grand acte de vertu de vouloir différer la communion jusques à la mort, puisque l’Église nous commande de communier tous les ans. C'est aussi une hérésie de préférer cette humilité prétendue à toutes sortes de bonnes œuvres, étant visible que pour le moins le martyre est beaucoup plus excellent; comme aussi de dire absolument que Dieu n'est point honoré par nos communions et qu'il n'en reçoit que de la honte et de l'outrage.

Comme cet auteur éloigne tout le monde de la communion, il ne tiendra pas à lui que toutes les églises

4 ne demeurent sans Messes, pource qu'ayant vu ce que dit le vénérable Beda <Bède>, que ceux qui laissent de célébrer ce saint sacrifice sans quelque légitime empêchement, privent la Sainte Trinité de louange et de gloire, les anges de réjouissance, les pécheurs de pardon, les justes de secours et de grâce, les âmes qui sont en purgatoire de rafraîchissement, l’Église des faveurs spirituelles de Jésus-Christ, et eux-mêmes de médecine et de remède, il ne fait point de scrupule d'appliquer tous ces effets admirables aux mérites d'un prêtre qui se retire de l'autel par esprit de pénitence, comme on voit dans le chapitre 40 de la première partie ; il parle même plus avantageusement de cette pénitence, plus avantageuse censément, que du sacrifice de la messe. Or, qui ne voit que ce discours est très puissant

[372] pour persuader à tous les prêtres de négliger de dire la messe, puisqu'on gagne autant sans la dire qu'en la disant, et qu'on peut dire même, selon les maximes de M. Arnauld, qu'on gagne davantage ? Car, comme il relève l'éloignement de la communion beaucoup par dessus la communion, il faut aussi qu'il estime beaucoup plus excellent l'éloignement de la messe que la messe même.

Et la morale de tout ceci est que ce nouveau réformateur n'éloigne les prêtres et les laïques de l'autel sinon sous ce beau prétexte de faire pénitence ; mais pour savoir en quoi il met cette grande pénitence, qu'il estime si avantageuse aux âmes, il paraît en paroles expresses dans la préface, page 18, que, de toutes les rigueurs de l'ancienne pénitence, il n'en garde quasi autre chose que la séparation du corps du Fils de Dieu, qui est la partie la plus importante, selon les Pères, parce qu'elle représente la privation de la béatitude,

5 & la plus aisée, selon les hommes, parce que tout le monde en est susceptible.

M. Arnauld pourrait-il montrer plus ouvertement que son livre n'a été fait qu'à dessein de ruiner la messe et la communion, puisqu'il emploie toute l'antiquité pour nous prêcher la pénitence (dont jamais je n'ai vu faire un seul acte à l'auteur de cette doctrine, ni à ceux qui l'assistaient à l'introduire), et qu'après toutes ces fanfares il se contente qu'on ne communie point ? Certes, ceux qui lisent son livre et qui n'y remarquent pas ce dessein sont du nombre de ceux dont parle le prophète : Oculos habent et non videbunt ; et je ne comprends pas comment vous, Monsieur, pouvez accuser les adversaires de M. Arnauld de ruiner la pénitence, puisqu'on se plaint, au contraire, avec raison, de ce que cet auteur a fait des efforts extraordinaires pour prouver qu'il était nécessaire de faire de longues et rigoureuses [373] pénitences avant que de communier et de recevoir l'absolution, et qu'en même temps il a déclaré en paroles expresses (afin que personne n'en prétende cause d'ignorance), qu'il ne réserve autre chose de l'ancienne pénitence que l'éloignement de l'autel.

Voilà, Monsieur, la réponse que je fais à votre lettre, avec tant d'empressement que je n'ai pas le loisir de la relire.

Je m'en vas en ce moment célébrer la sainte messe, afin qu'il plaise à Dieu de vous faire connaître les vérités que je vous dis, et pour lesquelles je suis prêt à donner ma vie.

J'aurais beaucoup d'autres choses à vous dire sur ce sujet,

5 si j'en avais le loisir. Je prie Notre-Seigneur qu'il les vous dise lui-même. Je vous prie de ne me pas faire réponse sur ce sujet, si vous persévérez en ces opinions, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur,

Vous ne serez plus maître et administrateur du Saint-Esprit de Toul, si ce parlement ne reçoit l'évocation au Conseil du roi de votre procès contre Mrs Thierry et Plainevaux 16 dont le dernier a obtenu permission de prendre possession 17. Or, qu'il admette votre 18 évocation, celui qui fait [374] la charge de premier président mande que le parlement ne la veut point, l'ayant refusée pour la 2e fois & déchiré ladite évocation, pour le moins, l'avocat général a fait cela; de sorte que, s'ils ne renoncent à cette dernière, c’en est fait, je m'en vais mander que l'on sauve ce qu’on pourra des meubles. Ils ont pris le temps de la révolte quasi générale de nos parlements. Enfin, si nous ne sommes condamnés avant que ma lettre arrive, cela ne saurait tarder huit jours après. In nomine Domini !

votre très humble serviteur.

Vincens Depaul

i. p. d. l. M.