SAINT VINCENT DE PAUL

CORRESPONDANCE

Tome VIII.

 

 

2888. - A FRANCOIS FOURNIER

[2 juillet 1659 ] (1)

[Monsieur,]

La g[râce de N.-S. soit avec vous pour] jamais !

[Je suis bien contrarié] en vous disant [que je ne saurais] aujourd'hui répon[dre à votre lettre], car, le voulant faire de [suite], j'en suis empêché par une fl[uxion] que j'ai sur les yeux, qui m'oblige d'en tenir un bandé.

Je vous remercie de l'encouragement que vous donnez au frère Guillaume (2) et du bon ordre que vous désirez et procurez à tout.

Vous savez qu'il est très difficile d'envoyer une fille seule d'ici à Cahors ; et quand ce serait une chose aisée, nous ne pourrions pas le faire si Mgr ne la demande. Nous verrons s'il est expédient que les sœurs reçoivent avec elles des filles du pays qui voudraient se retirer. Cependant je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Lettre 2888. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Le mal d'yeux dont saint Vincent se dit atteint sert à fixer l'année.

2. Guillaume Vagré, né à Annay (Pas-de-Calais), entré dans la congrégation de la Mission le 7 mars 1656, reçu aux vœux à Cahors le 30 novembre 1658.

 

- 2 -

Nous sommes au 2 de juillet. J'ai reçu une autre lettre de vous, que je n'ai encore ouverte, à cause du mal que j'ai aux yeux. Je commence à m'en porter mieux.

Suscription : A Monsieur Monsieur Fournier, prêtre de la Mission, à Cahors.

 

2889. - AU PROCUREUR DU ROI A PARIS

[1659 ] (1)

Vincent de Paul appuie la demande des Filles de la Charité, qui sollicitent :

...la permission de puiser quelques lignes d'eau du regard qui est vis-à-vis Saint-Lazare, pour leur maison, qui en est proche (2).

 

2890. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 4 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais!

Quoique votre lettre ne requière pas réponse, je ne puis pourtant discontinuer à vous écrire, et je vous écris aujourd'hui pour rendre grâces à Dieu de ce que vous entrevoyez quelque suite favorable dans l'œuvre commencée. Il faut espérer que Dieu y donnera sa bénédiction.

Lettre 2889. - Catalogue de M. Charavay.

1. Voir note 2.

2. Ces quelques mots sont extraits du catalogue de M. Charavay, qui semble reproduire les termes mêmes de la requête du saint. On trouve aux Archi. Nat. Q 1200 le texte de la requête des sœurs et celui de la concession, qui fut accordée le 19 août 1659.

Lettre 2890. - L. s. - Dossier de la sœur Hains, original.

 

- 3 -

Je le prie qu'il vous donne son esprit en abondance pour l'insinuer dans l'état ecclésiastique ; car, hélas ! si les prêtres sont bons, les peuples le seront et les hérétiques reviendront. Ce que je vous recommande, au nom de N.-S., est de porter vos pensionnaires à la vie intérieure. Ils ne manqueront pas de science s'ils ont de la vertu, ni de vertu s'ils s'adonnent à l'oraison, laquelle étant bien et exactement faite, elle les introduira infailliblement en la pratique de la mortification, le détachement des biens, l'amour de l'obéissance, le zèle des âmes et le reste de leurs obligations.

Je vous ai prié de faire un tour à Marseille lorsque M. Le Vacher vous mandera qu'il sera temps pour envoyer en Alger, non pas l'argent des quêtes, mais celui que nous avons reçu pour certains esclaves nommés ; car, pour l'autre, on n'est pas d'avis que nous le risquions sitôt ; on veut que le Bastion soit premièrement rétabli et que M. Constans soit hors d'Alger, même avant que M. Le Vacher y retourne ; ou pour le moins, s'il y retourne, il ne portera que peu d'argent. Si, en votre absence, il est besoin que M. Durand vienne à votre place à Montpellier, je lui écris qu'il vous rende ce bon office. M. Durand me mande que Mgr l'archevêque lui a donné charge de se rendre à Narbonne, à son retour de Toulouse. Je crains que ce soit un contretemps pour votre voyage de Marseille et pour venir à votre place à Montpellier. Dieu vous continue et augmente ses grâces par sa bonté infinie ! C'est en son amour que je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d l M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, supérieur

 

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des prêtres de la Mission de Marseille, au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

 

2891. - A JEAN MONVOISIN, PRÊTRE DE LA MISSION,

A MONTMIRAIL

De Paris, ce 1 juillet 1659..

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je réponds à la hâte à votre lettre du 29 juin. Je loue Dieu de la continuation de vos forces et de vos travaux, et des biens qu'il plaît à Dieu d'en tirer Je le prie qu’il vous anime de plus en plus de sa vertu.

Je consens, pour accommoder la veuve Moreau, que vous preniez le pré qu'elle vous offre pour payement de ce qu'elle doit, sauf à lui rendre la survaleur, s'il vaut davantage. Je ne dis rien du prix ; c'est à vous à voir.

Nous n'avons rien de nouveau ici ; tout y va son train ordinaire.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Lettre 2891. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Bien qu'il ne soit pas indiqué sur l'original, le nom du destinataire de la lettre n'est pas douteux ; elle est adressée au supérieur de Montmirail, comme il est facile de s'en convaincre en la rapprochant de la lettre 2258.

 

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2892 - A EDME JOLLY

De Paris, ce 9 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Nous attendrons les extra tempora que vous nous faîtes espérer, et le temps auquel notre frère de Marthe sera en âge d'en avoir un pareil et de s'en servir. Je vous remercie des peines que vous prenez pour cela, et pour toutes les choses que je vous recommande. Plaise à Dieu que votre santé vous permette de les continuer pour sa gloire et le bien de la compagnie !

J'ai fait faire un extrait de votre lettre touchant l'argent reçu par M. l'abbé Tinti (1) et le chapelain que vous allez envoyer à Lorette, pour en donner connaissance à Madame la duchesse d'Aiguillon, qui sera surprise de l'un et consolée de l'autre.

Je vous écris brièvement pour cette fois.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Un de nos écoliers nommé Ignace Boucher, clerc du diocèse d'Arras, ayant été à la guerre quelque temps, s'est trouvé en quelque rencontre où il y eut des personnes tuées et blessées, bien que non pas de lui, n'ayant tiré aucun coup ; et en quelque autre occasion, il a tiré par-dessus la muraille d'une ville assiégée contre les as-

Lettre 2892. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Le roi l'avait nommé, par brevet du 15 décembre 1651, "agent et expéditionnaire général de sa Majesté en cour de Rome pour y poursuivre toutes bulles et provisions du Pape."

 

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siégeants, sans savoir s'il a tué ou blessé. Voyez s'il sera bon à tout hasard de lui obtenir une dispense pour entrer dans les ordres.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly, supérieur des prêtres de la Mission de Rome, à Rome.

 

2893. - A JÉROME LEJUGE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A GÊNES

De Paris, ce 4 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je suis bien aise que vous ne soyez pas parti pour Rome, pour les raisons que vous me mandez. Lorsque je vous ai prié d'y aller, je n'ai pas fait attention à la saison trop avancée, et serais bien marri de vous avoir exposé à un air dangereux. Dieu soit loué, Monsieur, de ce que vous êtes prêt de faire partout sa très sainte volonté, et d'aller vivre et mourir en quelque part qu'elle aura agréable de vous appeler ! C'est la disposition de ses bons serviteurs et des hommes apostoliques qui ne tiennent à rien ; c'est la marque des vrais enfants de Dieu, toujours en liberté de répondre aux desseins d'un si digne Père. Je l'en remercie pour vous, Monsieur, avec un grand sentiment de tendresse et de reconnaissance, ne doutant pas que votre cœur, étant ainsi préparé, ne reçoive les grâces du ciel en abondance pour faire beaucoup de biens sur la terre, comme j'en prie sa divine bonté. Vous pourrez donc vous tenir en état, s'il vous plaît, Monsieur, de partir pour Rome après les

Lettre 2893. - L. non s. - Dossier de la MIssion, minute de la main du secrétaire.

 

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grandes chaleurs. Cependant vous réglerez les affaires de votre maison paternelle, ainsi que vous le désirez, et je vous prie de donner connaissance à M. Sappia (1) du revenu de notre famille et des affaires qui regardent votre procure, afin qu'il puisse en avoir le soin en votre absence, selon l'information que vous lui en donnerez, et conformément aux ordres de son supérieur (2),

Je me recommande à vos prières et je vous assure des miennes et des affections de mon cœur, qui chérit intimement le vôtre en celui de Notre-Seigneur, qui, de sa grâce, m'a rendu, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

 

2894. - A MONSIEUR FAVIER,

LIEUTENANT GÉNÉRAL DU BAILLIAGE DE TOUL

5 juillet 1659.

Il faudrait avoir votre esprit et votre plume pour exprimer le respect avec lequel j'ai reçu votre lettre, et la parfaite reconnaissance que Dieu me donne pour votre exubérante charité. Je prie Notre-Seigneur, qui voit mes sentiments, qu'il ait agréable de vous les faire connaître. Je vous remercie cependant, de toutes les affections de mon cœur, de tant de grâces dont vous nous comblez. Il faut bien que Dieu vous ait donné une grande participation à sa bonté pour exercer incessamment la vôtre, ainsi que vous faites, envers une pauvre et chétive compagnie, telle qu'est la nôtre. Lui-même en sera aussi

1. Jacques Sappia, né à San-Remo, au duicèse d'Albenga, le 8 octobre 1633, entré dans la congrégation de la Mission à Gênes le 30 mai 1655, reçu aux vœux le 3 juin 1657, supérieur à Gênes de 1692 à 1695.

2. Première rédaction : de son supérieur, à qui tous les emplois se référent. Ces derniers mots sont raturés.

Lettre 2894. - Reg. 2, p. 60.

 

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votre récompense, puisqu'il est la fin de toutes vos actions. Et en particulier, Monsieur, je vous rends mille actions de grâces des avances que vous avez faites vers M. Dulys pour l'obliger à nous établir à Notre-Dame-des-Trois-Epis, et de la disposition où vous êtes de venir ici pour la consommation de cette affaire, si besoin est. Mon Dieu ! Monsieur, de quels bienfaits nous prévenez-vous ! Nous ne pensions plus à la proposition qu'on nous en a ci-devant faite, lorsque vous avez pris la peine d'en écrire à M. Demonchy, estimant que M. Dulys avait porté ses pensées ailleurs ; et je ne sais encore ce que c'en est. Tant y a que nous n'avons vu personne de sa part ; et si M. son neveu (1) a été prié d'en traiter avec nous, il ne nous en a pas encore averti ; et nous n'avons garde de l'en solliciter, ayant pour maxime de n'agir jamais que passivement, ni faire agir pour nous établir en un lieu, voulant entièrement dépendre de la volonté de Dieu, à qui appartient d'appeler. Ce sera bien assez s'il nous fait la grâce de répondre à la vocation, sans que nous allions au devant. Si son bon plaisir nous veut en ce saint lieu, il nous le signifiera par ceux qui ont la puissance de nous y appeler ; et nous attendons leur mouvement, comme j'attends de la miséricorde de Dieu les occasions de vous obéir, vous assurant que je serai toute ma vie, selon que j'y suis obligé, en l'amour de Notre-Seigneur... (2),

1. Deux des neveux de Pierre Dulys entrèrent dans l'état ecclésiastique : Charles Dulys, qui devint abbé de Lunéville, doyen de l'église de Brisach et chanoine de Daint-Dié, mort en 1725 ; et François Dulys, plus tard chanoine de Saint-Thiébaud de Thann.

2. Le chanoine Dulys ne renouvela pas ses propositions. (cf. lettre 2698, note 1).

 

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2895 - A MONSIEUR DE SÉRAUCOURT

De Paris, ce 5 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Nos prêtres de Sedan ont plus reçu dhonneur de votre présence et de votre bonté quils ne vous ont rendu de service, et tant que nous sommes, nous avons plus dobligation de respecter votre chère personne et de reconnaître les effets de votre grande charité, que nous naurons jamais de grâce pour le faire ; mais Notre-Seigneur sera, sil lui plaît, notre supplément.

Jai communiqué à nos dames la pensée que vous, Monsieur, avez eue de donner de laide à la nièce de feu Mademoiselle de Neufville pour instruire les petites filles de Sedan et en recevoir à pension, en prenant des Filles de Sainte-Marthe propres pour cela, et fournissant dici ce qui peut manquer à leur entretien (1) Nous avons parlé de ce bon œuvre, et jai beaucoup désiré que la compagnie lentreprît ; mais elle en a appréhendé la dépense, ne voyant aucun fonds, ni personne qui puisse ou veuille y contribuer. La chose est donc demeurée irrésolue. Je ne veux pas en demeurer là, Monsieur, car, quand je verrai loccasion favorable, je ferai un nouvel effort, à ce que votre proposition puisse avoir son effet. Je loue Dieu cependant, Monsieur, de lapplication qu’il vous donne pour lavancement de sa gloire et le bien public. Je le prie quil vous conserve pour cela même Cest en lui que je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Lettre 2895. - L. non s. - Dossier de la MIssion, minute de la main du secrétaire.

1. Voir lettre 1936, note 1.

 

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2896 - A THOMAS BERTHE

De Paris, ce 5 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Votre chère lettre du 21 juin dit que vous serez encore 15 jours à Toul. Si la présente vous y trouve, je vous prie de renouveler derechef à Monseigneur lévêque (1) nos soumissions et nos reconnaissances très humbles, et en particulier loffre de mon obéissance perpétuelle. Je pense souvent à sa personne sacrée et à la bonté paternelle dont il nous honore, mais toujours avec les sentiments de respect et de tendresse que Dieu seul lui peut faire connaître.

Je rends grâces à Dieu, Monsieur, de vos bonnes conduites de delà ; elles me donnent partout de nouvelles consolations, et jespère quelles men donneront toute ma vie.

Vous me faites espérer de passer à Metz, et peut-être que la présente vous y trouvera. Je vous prie de confier à Monsieur le président Frémyn seul la résolution quune personne a prise de nous y établir, à ce quil ait agréable de jeter les yeux dans la ville et les faubourgs pour nous y trouver une maison à vendre, propre à cet établissement, et de nous en faire savoir le prix. Nous aurons largent pour le payer, demain ou après. On veut que la chose soit tenue fort secrète, non seulement à légard de la personne fondatrice, mais encore quant au dessein. Si je ne savais que la bonté de mondit sieur le président est incomparable pour nous, je noserais

Lettre 2896. - L. s. - Dossier de la Mission, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. André du Saussay.

 

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prendre tant de confiance que de nous adresser à lui. Assurez-le, je vous prie, de mon obéissance.

Vous trouverez à Sedan largent que vous avez laissé à Troyes ; nous lavons déjà payé ici, sur la lettre de M. Cabel, qui vous attend.

On ma dit que larmée de M. le maréchal de La Ferté est répandue aux environs de Stenay et de Montmédy. Vous vous en informerez et tâcherez de vous précautionner pour éviter quelque mauvais rencontre. Je prie N.-S. quil soit votre protecteur et votre conduite. Pour moi, je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Laffaire de la maison requiert le dernier secret à légard de celui qui désire faire ce bien-là, et au nôtre.

Suscription : A Monsieur Monsieur Berthe, prêtre de la Mission, à Toul.

 

2897. - A THOMAS BERTHE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A TOUL

De Paris, ce 9 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Si vous recevez la lettre que je vous écrivis samedi, vous recevrez la présente, parce que, celle-là ayant été portée trop tard à la poste, elle y est demeurée jusquà aujourdhui ; mais je pense que toutes les deux arriveront trop tard. Quoi quil en soit, je vous ai prié de confier

 

Lettre 2897. - L. s. - Dossier de la Mission, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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à M. le président Frémyn le dessein quune personne (1) a de nous établir à Metz, afin quil eût agréable de voir quelle maison on y pourrait trouver propre pour un séminaire. Mais jai pensé depuis quil vaut mieux de ne lui en parler pas ; car la chose doit être tellement secrète que je crains quelle ne le soit pas assez. Je vous prie donc, Monsieur, de vous contenter de voir vous-même, sans faire semblant de rien, si vous pourrez découvrir un lieu à vendre, tel quil le faut, et en savoir le prix, pour me le mander, sans dire à personne au monde pourquoi cest. Voilà le sujet de la présente. Dieu vous conserve par sa grâce  ! Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

On ma parlé de lhôtel de Montgommery, bâti à lantique. Si vous le pouvez voir, ou quelquautre, à la bonne heure ; sinon, je pense que la sœur Raportebled aura assez dadresse et de silence pour faire cela, et pour men écrire sans que personne saperçoive du sujet (2),

Au bas de la première page : M. Berthe.

1. La reine Anne dAutriche. Elle fournit les fonds. Aussi, en reconnaissance, son nom fut-il donné au séminaire.

2. Cet hôtel, propriété des Carmélites, qui y tenaient des locataires, était situé rue de Neufbourg, aujourdhui rue de la Fontaine, presque en face de lhôpital Saint-Nicolas. Il comprenait cinq pavillons distincts, des cours et des jardins entourés de murs. Les négociations aboutirent en 1661, grâce surtout aux démarches de Bossuet, archidiacre de Metz, et de son père. Le contrat dachat se trouve aux archives nationales, S. 6707.

 

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2898. - A EDME MENESTRIER, SUPÉRIEUR, A AGEN

De Paris, ce 9 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Je reçus hier votre lettre du 27 juin. Je nai pas ouï dire que Madame la duchesse dAiguillon doive aller en son duché ; et si elle y allait, il faudrait bien laller voir, mais sans façon ; car elle nen fait point et ne veut pas quon lui en fasse.

Pour la cour, cest un autre affaire, ou plutôt cest où vous navez rien à faire, ni de visite à rendre. Vous navez quà demeurer en votre coquille.

Je prends part à la peine que vous avez dêtre payé, et je prie N.-S. quil inspire ceux qui vous doivent à vous donner moyen de soutenir lœuvre de Dieu et de l’augmenter.

Je suis, en lui, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2899. - A FIRMIN GET, SUPÉRIEUR, A MONTPELLIER

De Saint-Lazare-lez-Paris, le 11 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Vous me mandez, par la vôtre du 1er, que vous allez. partir pour Marseille et que vous attendiez M. Durand

Lettre 2898. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

Lettre 2899. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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pour tenir votre place à Montpellier ; à quoi je vous dirai que mon intention nétait pas que vous y alliez sitôt, mais que M. Le Vacher (1) attendît de vous y appeler, jusquà ce que nous eussions envoyé quelquun pour la conduite, à qui vous pussiez remettre la clef du coffre, laquelle il est expédient que vous gardiez cependant. Et en effet, si vous nêtes pas parti de Montpellier, lorsque la présente y arrivera, je vous prie de nen pas bouger, que premièrement le supérieur que nous avons destiné pour Marseille ny soit arrivé ; et alors vous pourrez y aller pour lui délivrer la clef et largent du coffre, et linformer de lordre quil doit tenir pour les affaires de Barbarie. Et si vous êtes déjà à Marseille, vous délivrerez, sil vous plaît, à M. Le Vacher largent des esclaves que nous avons reçu de leurs parents et qui ne provient pas des quêtes, et de plus quatre ou cinq mille livres, que vous prendrez sur les trente mille, afin que M. Le Vacher les emporte, quand il sen ira en Alger ; ce qui pourra être lorsque nous aurons envoyé des prêtres à Marseille, et non plus tôt, nétant pas à propos quil laisse la maison seule, ou presque seule, ni que vous y demeuriez plus de deux jours, à cause que M. Durand est nécessaire à Agde. Il nest pas à propos non plus que M. Le Vacher porte une plus grande somme, de crainte que les Turcs soient tentés de sen saisir. On lui fera tenir le reste peu à peu, ou en deux ou trois fois, selon quon y verra de la sûreté.

Jécris à M. Durand quil divertisse, sil peut, M. Brisjonc du désir quil a de retourner à Marseille, parce quil ne sy accorderait pas avec celui que nous y destinons.

Je suis en peine de lindisposition de M. Parisy, et

1. Philippe Le Vacher.

 

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je prie N.-S. quil lui redonne et conserve la santé, et à vous aussi, pour laccomplissement des desseins de Dieu.

Je me donne lhonneur décrire à Mgr de Montpellier (2) selon votre désir.

Je vous envoie cette lettre à Marseille et à Montpellier en même temps.

Je suis, en lamour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get.

 

2900. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 11 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Quand jai reçu votre lettre du 16 juin, je vous tenais hors de Rome, et jétais fort consolé de la pensée que vous étiez à présent un peu à couvert des grandes chaleurs ; mais, à ce que je vois, Monsieur, vous préférez les affaires de notre compagnie au soin de votre propre vie ; ce qui est de grand exemple ; et jen rends grâces à Dieu, et je prie Notre-Seigneur quil soit lui-même votre force et votre vie, comme il lest de tous ceux qui se nourrissent de son amour. Il ne faut pas laisser, Monsieur, de faire tout ce que vous pourrez au monde pour votre conservation. Ne sortez point pour tout quen cas de nécessité. Envoyez quelquautre en ville solliciter les affaires et voir les personnes quil faudra ; et quand il

2. François de Bosquet.

Lettre 2900. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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arrivera des choses pressées et importantes quautre que vous ne pourrez faire, prenez un carrosse de louage pour vous mener ; et je vous prie, Monsieur, de ny manquer pas, non plus quà continuer de prendre de laigre de cèdre (1), ou à user des autres rafraîchissements et prendre les remèdes que le médecin vous ordonnera. Vous feriez contre lintention de la compagnie dépargner la dépense en cette occasion où il y va de votre santé, qui nous est tant chère.

Je rends grâces à Dieu des longs et utiles travaux de vos ouvriers. Il faut bien que Dieu donne une force particulière à ceux qui le servent en la manière quils font. Ne laissez pas, Monsieur, de les faire reposer et de les ménager.

Je vous remercie, Monsieur, de la dispense que vous mavez envoyée pour le frère Etienne. Nous la garderons, sans lui en parler, nétant pas à propos quil le sache, au moins pour le présent. Nous verrons avec le temps.

Il est vrai, Monsieur, que la bonté de Mgr le cardinal de Gênes est très grande pour notre petite congrégation ; que pouvons-nous faire pour la reconnaître, que louer Dieu souvent de la lui avoir donnée, et, en avouant notre indignité pour mériter jamais une telle grâce, nous consoler de ce que Notre-Seigneur la méritée lui-même pour nous ? Assurez bien Son Eminence et de nos prières pour sa conservation, tant importante à lEglise, et de notre parfaite reconnaissance pour ses grands et innombrables bienfaits.

Jai fait savoir à Madame la duchesse dAiguillon ce que vous avez fait pour sa fondation (2) Elle ma dit

1. Jus de citron ou de cédrats à demi mûrs.

2. La fondation de Lorette.

 

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quelle vous écrirait aujourdhui ; je ne sais si elle m enverra sa lettre. Elle a été fort étonnée, voyant que M. labbé Tinti a raflé les seize cents écus des arrérages par artifice, étant assurée de ne lui avoir jamais donné procuration pour les recevoir.

Jécrirai en Poitou au plus tôt pour savoir si les ministres baptisent validement. Je nai pas ouï dire encore le contraire. Je vous écrirai la réponse quon men fera.

M. Levasseur, que M. Dehorgny mena à Rome au dernier voyage quil y a fait, nétant pour lors que clerc, fait instance quon lui lève et quon lui envoie les lettres de ses ordres majeurs quil reçut à. en 1653 et 54, au Carême et à Noël. Si vous pouvez les retirer commodément, je vous prie de le faire.

Je vous ai envoyé, il y a quelque temps, un livre de M. Abelly, intitulé Deffence de la hiérarchie de lEglise et de lauthorité légitime de notre Saint-Père le Pape et de Nosseigneurs les évesques contre la doctrine pernicieuse dun libelle anonyme (3) qui a été brûlé de puis peu (4) de la main dun bourreau, par arrêt du conseil den haut. Je désire vous envoyer encore deux volumes (5) du même livre, avec la réponse que les ennemis de la vérité y ont faite, et la réplique de M. Abelly. Jen ferai faire un paquet pour lenvoyer mardi à M. Delaforcade par le messager de Lyon, afin quil vous le fasse tenir le plus promptement quil pourra. Je vous envoie par avance dans ce paquet une lettre que M. Abelly ma écrite, où vous verrez limportance quil y a dautoriser son livre, qui ne contient quune bonne doctrine. Le moyen serait

3. Cet ouvrage anonyme avait pour titre : Lettres de lAutheur des Règles très importantes au sieur de Marca, archevesque de Thoulouse.

4. Le 21 mai.

5. Volumes, exemplaires.

 

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de le faire approuver à Rome et de le faire traduire à cet effet en latin. Les Jésuites (?) ni dautres ny trouveront rien à dire. Vous pourrez le mettre entre les mains de Mgr le cardinal dataire (6) afin qu’il ait agréable de commettre quelquun pour lexaminer, et en donner un exemplaire à Mgr Créag, pour en faire lusage quil jugera à propos (7)

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly

 

2901. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 11 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Jai reçu votre lettre du 24 juin. Vous mavez fait un très grand plaisir de renvoyer au père de M. Rodolphe-Maria Brignole lobligation que ce bon jeune seigneur vous avait donnée dune rente viagère, afin quil retranche de cette aumône ce quil lui plaira, pour le temps et pour la somme. Nous ne devons rien avoir qui ne soit bien donné ou bien acquis, et, si nous sommes bien reconnais-

6. Jacques Corradi.

7. A la suite, dans loriginal, se trouvait la phrase suivante, qui a été raturée : "Il y a grand sujet de craindre que lassemblée générale du clergé qui se fera lannée prochaine ne soit poussée par quelques-uns de Nosseigneurs les prélats qui impugnent lautorité du Saint-Siège, pour établir la leur à son préjudice, enfin et quils ne la portent à quelque décision sur cette matière, qui serait la source dun schisme et dun grand malheur, auquel lapprobation de Rome pourrait remédier."

Lettre 2901. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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sants des charités que lon nous fait, nous serons toujours disposés à rendre volontiers à nos bienfaiteurs le bien quils nous ont donné, sil est en notre pouvoir

Je vous ai déjà écrit que jestimais M. Pinon propre pour soulager M. Simon en la direction du séminaire interne, et je vois que vous me proposez la même chose Vous ferez donc bien den essayer et de le prier de faire attention aux immodesties extérieures qui paraissent en lui, afin quil sen corrige.

Pour résoudre la question que vous me faites, si vous ferez enseigner chez vous la théologie scholastique, il faudrait savoir en quelle estime est de delà cette façon denseigner, si elle est parmi les Jésuites et dautres maisons religieuses et séculières, et si beaucoup décoliers y vont. Il me semble aussi que ce serait se précipiter un peu de faire cela lannée prochaine, et quil vaudrait mieux différer à lannée suivante.

Vous me parlez du frère Thiébault (1) pour étudier la scholastique ; je ne me ressouviens plus qui cest, sil est français ou italien, ni qui est M. Philippe, qui deviendra, à ce que vous dites, un bon maître de théologie morale. Je vous prie de me le mander.

Je ferai réponse au premier jour à M. Stelle, qui ma écrit.

Je suis, en lamour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Jai bien pensé que M. Le j [uge] ferait les difficultés quil fait pour changer de maison ; mais il faut attendre

1. François Thiébault, né à Moyencourt (Somme) le 27 septembre 1634, entré dans la congrégation de la Mission le 2 décembre 1657, reçu aux vœux à Gênes le 12 décembre 1659.

 

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le temps propre pour aller à Rome, afin de faire ce qui se pourra pour ly faire aller, et, sil le refuse, pour aviser au remède.

Suscription : A Monsieur Monsieur PESNELLE, supérieur des prêtres de la Mission de Gênes, à Gênes.

 

2902. - AU FRÈRE JEAN PARRE

De Paris, ce 12 juillet 1659

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais  !

Jai reçu votre lettre du 7 et les images de Notre-Dame-de-la-Paix, dont je vous remercie. Je prie le Fils et la Mère, que vous servez en ce lieu-là, de vous honorer de leur protection et dinspirer aux âmes la véritable piété, qui suppose la bonne vie.

Jai fait savoir à Monseigneur de Noyon (1) que vous vaquerez dix ou douze jours à ce quil vous a ordonné.

Madame Fouquet nous a dit que la paix est assurément faite et que le roi dEspagne en a signé les articles (2), Elle a désiré que je vous le fasse savoir, pour en consoler la pauvre frontière.

On veut faire un effort pour aider les églises plus désolées à être mises en état quon y puisse célébrer avec quelque décence. On vous prie donc de voir celles qui ont plus besoin de cela et où il ne faudra que peu de chose ; car on ne prétend pas donner beaucoup.

Vous êtes prié aussi daider les pauvres gens à gagner

Lettre 2902. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Henri de Baradat (1626-1660).

2. Les négociations pour la paix, commencées à Lyon et continuées à Paris, avaient abouti, le 4 juin, à la signature de quelques préliminaires. Elles devaient se poursuivre dans un îlot de la Bidassoa.

 

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leur vie en ce temps ici, en leur donnant quelques outils pour travailler à la moisson.

On dit quentre les églises ruinées, celle dAvançon, proche Rethel, lest tout à fait, et on vous la recommande particulièrement.

Madame de Labidière a payé les trois quartiers des cent livres quelle avait promises pour des messes à dire par des pauvres prêtres de la frontière. Je pense que vous avez ci-devant touché 25 livres pour le premier quartier. Vous pouvez maintenant prendre vingt-cinq écus pour les autres trois quartiers et les tirer sur Mademoiselle Viole. Vous aurez soin, sil vous plaît, de faire acquitter ces messes-là.

Quoique jaie mandé à M. Bourdin, grand vicaire de Noyon, que vous aiderez dix ou douze jours à construire la chapelle et à faire tout ce quil faut, vous pourrez pourtant y demeurer davantage, si besoin est, et les dames laissent à votre discrétion dy employer le temps que vous jugerez à propos, et den partir, lorsquil sera requis, pour aller ailleurs assister les pauvres et visiter les assemblées des dames, et puis retourner à cette chapelle, si votre présence y est utile.

Je suis, en N.-S., mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A notre frère le frère Jean PARRE, de la Mission, à Saint-Quentin.

 

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2903. - A CHARLES DE SAVEUSES

De Saint-Lazare, ce 12 juillet 1659

Monsieur,

Voici votre très humble serviteur Vincent qui vous fait un renouvellement des offres de son obéissance et une très humble prière de la part des dames de la Charité, particulièrement de Madame la duchesse dAiguillon et de Madame Fouquet, qui ont su que vous, Monsieur, allez à Reims visiter les églises qui dépendent de votre abbaye de Saint-Nicaise, à ce que vous ayez agréable de faire une attention particulière au besoin de celle dAvançon, qui est toute ruinée, pour porter ensuite Messieurs de la Sainte-Chapelle à contribuer quelque chose pour la mettre en état dy célébrer la sainte messe et administrer les sacrements avec quelque décence ; ce quon ne peut faire en létat où elle est. Il y a ici un pauvre demoiselle du lieu, qui aura lhonneur de vous voir sur ce sujet, Monsieur. Cest assez de vous montrer un bien à faire pour le voir fait, sil est faisable, à cause de la grande charité que Dieu vous a donnée, qui vous fait embrasser efficacement toutes les occasions agréables à sa divine bonté et utiles à son service.

 

2904. - JEAN MARTIN A SAINT VINCENT

Nous voici tous de retour de la campagne. La mission de Cherasco a été un peu plus longue que les autres, pour le con-

Lettre 2903. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute de la main du secrétaire.

Lettre 2904. - Abelly, op. cit., L. 2, chap. 1, sect. VI, p. 89.

 

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cours extraordinaire que nous y avons eu de tous les lieux circonvoisins ; de sorte que pour donner satisfaction au peuple nous eussions eu besoin d’une vingtaine de bons ouvriers, qui auraient pu y trouver abondamment de lemploi pour deux. mois et davantage. Il a plu à Dieu de nous donner toute la bénédiction quon peut désirer en telle occasion. Grand nombre de différends et de querelles ont été apaisés ; et entre autres il y avait un gros bourg prochain dont les habitants étaient dans une telle division et si fort animés les uns contre les autres quil y en avait eu quatre de tués la veille du jour que nous arrivâmes ; et néanmoins, par la miséricorde de Dieu, la paix y a été rétablie ; ce qui ne sest fait pourtant quavec grande difficulté, puisque ce na été quaprès quarante jours de prédications et de négociations ; mais aussi à la fin tout sest terminé avec beaucoup de consolation et même dédification de tout le peuple, en la présence du très Saint Sacrement, qui avait été exposé exprès pour cet effet. Et ce qui est le principal, est que ces personnes, en suite de leur réconciliation, se sont présentées au sacrement de pénitence avec de très bonnes dispositions.

 

2905. - LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

De Paris, ce 13 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais  !

Jai reçu votre lettre du 29 juin. Je vous remercie du soin que vous avez de ma santé. Je ne suis pas autrement malade, et pourtant il y a 7 ou 8 mois que je ne suis sorti, à cause du mal de mes jambes, qui a augmenté, et, outre cela, jai une fluxion sur un œil depuis cinq ou six semaines, dont je ne me porte pas mieux, quoique juse de plusieurs remèdes. Dieu en soit loué  !

Je suis plus en peine de votre débilité destomac et de la faiblesse où vous vous trouvez. Ce sont effets de vos grands travaux, par lesquels vous avez multiplié les mé-

Lettre 2905. - L. s. - Dossier de la Mission, copie du VXII° siècle.

 

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rites de votre âme, à même temps que vous avez consommé les forces de votre corps. Je vous prie, Monsieur, de faire ce que vous pourrez pour vous bien porter et de vous ménager mieux que vous navez fait.

Ce que vous me mandez du synode tenu à Cozes (1) me donne sujet de vous demander comment les huguenots de Poitou administrent le baptême (2). On me mande de Rome quun prélat a dit quils ne baptisent pas validement, lun ne donnant leau, etc., lautre [ne] proférant les paroles, ou manquant en quelquautre manière dans lessentiel de la forme. Je vous prie, Monsieur, de vous en informer et de me mander ce que vous en savez et ce que vous en apprendrez, au plus tôt, sans toutefois faire bruit de cela.

Jembrasse cordialement votre petite famille, de laquelle je suis, et de vous en particulier, en lamour de Notre-Seigneur, Monsieur, très humble et affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Ne dites à personne, sil vous plaît, que je vous ai écrit, ni pourquoi vous vous en enquérez.

1. Aujourdhui chef-lieu de canton dans la Charente-Inférieure.

2. Voir lettre 2900.

 

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2908. - A PHILIPPE LE VACHER, PRÊTRE DE LA MISSION,

A MARSEILLE (1)

[Entre mai et août 1659] (2)

.Depuis ma lettre écrite, jai fait attention à la lettre que mécrit. Madame la duchesse dAiguillon, du Havre-de-Grâce, par laquelle elle me propose de faire espérer à M. le commandeur Paul que, sil réussit en son entreprise et délivre les esclaves chrétiens français dAlger, quil serait à propos de lui faire espérer les vingt mille francs des quêtes que M. Get a entre les mains. Je viens den parler aux dames de la charité, qui ne séloignent point de cela. Voyez-vous, Monsieur, quil y ait quelque apparence que ce bon Monsieur fasse cette entreprise et en vienne à bout ? En tout cas, et supposé que lespérance de cette somme, non de trente, mais de vingt mille francs, lui fît entreprendre cet affaire plus volontiers, pensez sil est à propos de lui en parler, ou bien si lon commettra la chose à la Providence. Vous en userez comme Notre-Seigneur vous inspirera et me donnerez avis de ce que vous ferez en cela. Si vous êtes davis de ce que je vous écris, il faudra dire à M. Huguier quil ne bouge.

Lettre 2906. - Post-scriptum autographe dune lettre du saint - Dossier de la Mission.

1. Le nom du destinataire nest pas marqué sur loriginal. La lettre nest adressée ni à Firmin GET, ni à Benjamin Huguier ; elle a été envoyée pendant une absence de Firmin Get et avant quil eut remis les clefs du coffre qui contenait le montant des quêtes pour la Barbarie, cest à dire avant larrivée de Gabriel Delespiney. Celui qui la reçue faisait fonction de supérieur. Lensemble de ces remarques désigne clairement Philippe Le Vacher, qui dirigea la maison de Marseille entre le départ de Firmin Get à Montpellier (mai 1659) et larrivée de Gabriel Delespiney (août 1659).

2. Voir note 1.

 

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2907 - AU CARDINAL DE RETZ

De Paris, ce 15 juillet 1659.

Monseigneur,

Je me donne lhonneur de vous écrire la présente, et c’est, Monseigneur, pour faire un renouvellement des offres de lobéissance perpétuelle que je dois à Votre Eminence, et cela avec toute lhumilité et laffection que je le puis, comme aussi, Monseigneur, la très humble prière que je vous fais davoir agréable dapprouver les règles de votre (1) compagnie de la Mission, lesquelles Votre Eminence a eu agréable dapprouver déjà une fois, et feu Mgr larchevêque (2) une autre. Nous avons été obligés de toucher à quelques-unes, [tant] à cause de quelques fautes qui se sont glissées dans lécriture, que pource que nous avions réglé des choses que lexpérience nous a fait voir être difficiles en la pratique. Quoi que ce soit, Monseigneur, nous navons point touché à lessentiel des règles, ni à aucune circonstance considérable ; et de cela, Monseigneur, jen assure Votre Eminence devant Dieu, devant lequel je dois aller rendre compte des actions de ma pauvre et chétive vie, étant à présent dans la 79e de mon âge. Ce que je demande à Votre Eminence, Monseigneur, nest pas tant laffaire de cette petite compagnie que celui de Votre Eminence, qui êtes et le fondateur et lunique protecteur de la

Lettre 2907. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute de la main du secrétaire. Les nombreuses variantes de pure forme qui existent entre la minute et la copie insérée au registre 2, p. 30, viennent de ce que le copiste na pas su lire le texte ; elles se rencontrent en effet aux passages de lexture plus difficile.

1. Première rédaction : notre. "Votre" est plus délicat. Plus loin le saint dira dans le même sens "ses missionnaires" au lieu de "mes missionnaires".

2. Jean-François de Gondi.

 

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même compagnie. Je ne m'adresse point à .Mgr votre père (3) pour avoir sa recommandation, ni à aucune puissance de la terre ; c'est à votre bonté seule que j'ai recours. Si je savais le lieu où est Votre Eminence (4), je me serais donné l'honneur de lui envoyer quelqu'un de ses missionnaires pour lui faire en personne cette très humble supplication ; mais, ne le sachant pas, je me sers de la présente, que je mets entre les mains de la providence de Dieu, laquelle je supplie de mettre entre celles de Votre Eminence (6) à laquelle je demande sa bénédiction, prosterné à ses pieds.

 

2908. - A ANTOINE DURAND, SUPÉRIEUR, A AGDE

De Paris, ce 18 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je suis affligé avec vous, et avec sujet, du procédé

3. Philippe-Emmanuel de Gondi.

4. Le cardinal de Retz était toujours en exil, et les recherches des agents de Mazarin l'obligeaient à tenir secret le lieu de sa retraite.

5. Le secrétaire avait écrit à la suite ces mots, qui ont été raturés : "Et ce qui me presse de la supplier très humblement de nous envoyer son approbation, c'est le sujet que j'ai de craindre que le bon Dieu ne me supporte plus longtemps sur la terre, et que, si je meurs sans une approbation, cela ne cause de fâcheux rencontres après moi dans la Compagnie. J'ai fait un acte de déclaration, que j'envoie à Votre Eminence, par lequel j'expose ce que je viens de dire à Votre Eminence à peu près, qu'étant obligé de recourir à elle pour l'approbation des mêmes règles et ne sachant pas là où elle est pour avoir cette dernière approbation, j'assure la Compagnie que ces règles sont les mêmes qui ont été approuvées par vous, Monseigneur, et par feu Monseigneur l'archevêque, et l'exhorte à les observer exactement. Et quoi qu'il semble (?), cela dépendra de la bénédiction qu'il plaira à Dieu d'y donner. Et s'il vous plaît, Monseigneur, de nous accorder la grâce que je vous demande, la chose ne recevra point aucune difficulté, qui suis, en son amour..."

Lettre 2908. - Dossier de la Mission, minute de la main du secrétaire.

 

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de M. Brisjonc et du frère Thierry (1). Dieu leur fasse la grâce de leur ouvrir les yeux pour voir le danger où ils sont de suivre ainsi les mouvements de la nature rebelle, qui ne s'accorde jamais avec l'esprit de Jésus-Christ ! Oh ! qu'il est difficile, dit l'Ecriture, que ceux qui tombent après avoir été éclairés se relèvent (2) ! Certes, ils ont grand sujet de craindre de s'égarer malheureusement s'ils quittent la voie où Dieu les a mis ; car, comment feront-ils leur devoir dans le monde s'ils ne le font pas en la condition où ils sont, étant aidés de tant de grâces de Dieu et de secours spirituels et temporels qu'ils n'auront pas hors de leur vocation ? Il ne se faut pas néanmoins étonner de voir ainsi des esprits qui chancellent et s'échappent ; il s'en rencontre dans les plus saintes compagnies, et Dieu le permet pour montrer aux hommes la misère de l'homme, pour donner sujet de crainte aux plus fermes et résolus, pour exercer les bons et pour faire pratiquer aux uns et aux autres diverses vertus. Il est à souhaiter que ce bon prêtre et ce pauvre frère conçoivent maintenant un regret de leurs fautes passées, qu'ils s'en proposent l'amendement, qu'ils s'en confondent, qu'ils se soumettent et réparent le mauvais exemple qu'ils ont donné. Je prie N.-S. qu'il leur fasse cette grâce, et vous, Monsieur, de les aider à cela. Si donc vous les voyez en cette disposition, bien revenus de leur dérèglement, envoyez M. Brisjonc à La Rose (3) et le frère à Cahors, donnez-leur l'argent qu'il faut pour y aller, et des lettres à Messieurs Chrétien et Cuissot, supérieurs, pour leur dire que vous avez ordre de moi de les

1. Jean Thierry, né à Cahors, reçu dans la congrégation de la Mission à Marseille en 1648, à l'âge de vingt ans.

2. Epître aux Hébreux VI, 4-6.

3. François Brisjonc n'alla pas à La Rose ; il quitta la Compagnie en ce même mois de juillet. René Alméras le reçut de nouveau le 17 mai 1664.

 

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leur adresser. Je ne laisserai pas, par le premier courrier, de leur en donner avis et de les prier de les recevoir.

Vous me mandez, à leur sujet, que la vertu de Messieurs Lebas et Dolivet est un peu à charge aux autres, et je le crois ; mais c'est à ceux qui ont moins de régularité, de ponctualité, de ferveur et de sollicitude pour leur propre avancement et celui de leurs frères. Oui, Monsieur, leur zèle et leur exactitude font de la peine à ceux qui n'en ont pas, parce que leur vigilance condamne leur lâcheté. J'avoue que la vertu a deux vices à ses côtés, le défaut et l'excès ; mais l'excès est louable en comparaison du défaut et doit être plus supporté. Job se plaignait à Dieu de la rigueur de ses châtiments. Ses amis, qui avaient été témoins de sa justice, trouvèrent que ses plaintes n'étaient pas convenables à un homme juste ; il leur sembla qu'il y avait de l'excès, et l'en reprirent. Mais Dieu s'en mit en colère ; il fallut que pour l'apaiser ce saint lui offrît des sacrifices pour eux. Sa vertu était si grande et si agréable à Dieu qu'il avait raison de dire ce qu'il disait, et néanmoins ses gens l'en blâmèrent. Et pourquoi ? C'est qu'ils étaient comme ceux qui ont les yeux chassieux ou malades, qui ne peuvent regarder les rayons du soleil sans en être offusqués. De même, ces deux bons missionnaires, portant leur vertu à un degré où les autres ne peuvent atteindre, ceux-ci s'imaginent qu'il y a de l'excès, et devant Dieu il n'y en a pas. Ils trouvent à redire à leur manière d'agir, parce qu'il n'ont pas le courage de les imiter. Dieu nous fasse à tous la grâce de trouver tout bon en Notre-Seigneur de ce qui n'est pas mauvais !

Je vous remercie, Monsieur, de ce que vous êtes venu à Montpellier à la place de M. Get et des choses que vous m'en écrivez, dont je suis consolé, et suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

 

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2909. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 18 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 23 juin. Je rends grâces à Dieu de ce que les conditions de notre vœu de pauvreté sont enfin approuvées par vos soins, votre vigilance et la grâce qui vous accompagne (1) Je prie N.-S. qu'il en tire sa gloire et qu'il vous continue et augmente ses bénédictions.

Si la faculté de faire recevoir les ordres ad titulum mensae communis nous est refusée, nous n'en serons pas fort en peine. Il faut vouloir ce que Dieu veut, et rien davantage. Mais, si on nous l'accorde, il est à désirer, Monsieur, que ce soit par un bref séparé, et non conjointement avec les conditions de notre vœu de pauvreté. Notre premier bref des vœux contient deux choses que nous voudrions bien avoir été séparées, pour quelques raisons importantes.

Je suis tout convaincu du besoin que votre maison a d'avoir des ouvriers en grand nombre et qui soient bons ; et si vous ne pouvez en envoyer un à Gênes, à la place de M. Lejuge, il faudra le remplacer d'ailleurs. Nous avons 15 ou 16 écoliers. Quand ils seront au bout de leurs études (2) nous en choisirons quelques-uns des meilleurs pour vous les envoyer, afin de fortifier votre famille.

Tant mieux de ce que l'affaire de Corse tirera de longue.

Lettre 2909. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Le bref pontifical porte la date du 12 août 1659.

2. Première rédaction : dont plusieurs sont au bout de leurs études. La correction est de la main du saint.

 

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Il y a sujet de louer Dieu du zèle qu'il vous donne pour le salut des peuples de la campagne, et de ce que vos prêtres sont toujours prêts d'y aller et d'y travailler, nonobstant leurs travaux passés, qui ont été (3) longs, et les chaleurs présentes, qui sont à craindre. J'en suis fort consolé, et je prie N.-S. qu'il vous continue la même ardeur, et à eux la même fidélité. Je vous avoue néanmoins, Monsieur, que j'aurais été encore plus aise qu'ils fussent venus à Rome se reposer, plutôt que d'aller au pays de Leonessa (4) où ils sont, tant parce qu'ils peuvent succomber, après avoir tant travaillé, que parce que nous sommes plus obligés à la règle qu'aux œuvres de surérogation. Or, vous savez que nos missions cessent pendant ces trois mois de juillet, août et septembre, qui sont destinés pour nous-mêmes, afin de prendre haleine et reprendre un peu de vigueur. J'espère néanmoins que Dieu sera la force et la vertu de ces bons missionnaires, qu'il bénira leur mission présente et de plus en plus votre bonne conduite.

Je vous remercie des extra tempora que vous nous avez envoyés. Nous tâcherons en cette occasion de nous mettre en possession du privilège de donner dimissoire.

Madame la duchesse d'Aiguillon est fort consolée de savoir que sa messe se dira désormais à Lorette, mais fort surprise du procédé de la personne qui a levé les 1.600 écus (5)

C'est avec une grandissime joie que j'ai appris la grâce que notre Saint-Père a accordée en faveur de la canonisation du grand serviteur de Dieu Mgr de Ge-

3. Première rédaction : qui sont. La correction est de la main du saint.

4. Ville de l'Italie centrale, dans la province d'Aquila.

5. L'abbé Tinti.

 

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nève (6), qui nous fait espérer celle de le voir bientôt déclaré saint.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Jolly.

 

2910. - A GASPARD STELLE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A GÊNES

De Paris, ce 18 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu consolation de la lettre que vous m'avez écrite et de la demande que vous m'avez faite, parce qu'elles partent d'un cœur qui est bien à Dieu, et qui veut que rien ne manque aux services que vous lui rendez. Dieu soit loué, Monsieur, du désir qu'il vous donne d'être un missionnaire accompli et de joindre en vous la science avec la vertu ! Vous avez, grâces à Dieu, travaillé à l'une et à l'autre, et vous êtes en voie de continuer. Vous avez déjà assez pour commencer les fonctions où Dieu vous a appelé ; cela nous a paru ici pendant que vous y avez été, et cela paraît encore à ceux qui vous voient de delà. Le désir d'apprendre est bon, pourvu qu'il soit modéré. La vertu a toujours deux vices à ses côtés, et cette affection de savoir peut être vicieuse

6. Treize années manquaient encore pour compléter les cinquante ans requis par l'Eglise entre la mort d'un serviteur de Dieu et sa béatification. Le Pape avait accordé, le 21 juin, dispense de cette règle.

Lettre 2910. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute de la main du secrétaire.

 

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ou par le défaut ou par l'excès. La vôtre, grâces à Dieu, ne l'est pas en la première façon ; et afin qu'elle ne le soit pas en la seconde, souvenez-vous de l'avis de saint Paul, qui nous recommande d'être sobres en la science. La médiocrité suffit, et celle que l'on veut avoir au delà est plutôt à craindre qu'à souhaiter par les ouvriers de l'Evangile, parce qu'elle est dangereuse : elle enfle, elle porte à paraître, à s'en faire accroire et enfin à éviter les actions humbles, simples et familières, qui pourtant sont les plus utiles. C'est pourquoi Notre-Seigneur prit des disciples qui n'étaient pas capables d'en faire d'autres.

Assurez-vous, Monsieur, que l'expérience vous apprendra bientôt ce qui vous manque. Si vous n'êtes pas assez instruit pour le présent sur les matières plus difficiles et nécessaires, comme de l'usure, du mariage, etc., on s'en entretient en mission, dans les conversations, où l'on rapporte les opinions communes sur les questions proposées, et dans les intervalles des missions on en fait des conférences, où l'on développe toutes les obscurités. J'écrirai à M. Pesnelle qu'il établisse cet usage de delà, afin que vous puissiez vous former tout à fait par ce moyen-là, et ainsi marcher sûrement au service des âmes.

O Monsieur, que nous sommes obligés à Dieu de nous avoir envoyés, comme il a envoyé son Fils éternel, pour leur salut ! Espérons que, si nous y travaillons dans l'esprit de Notre-Seigneur, il nous donnera les lumières et les grâces qu'il faut pour y réussir. Si vous ne voulez savoir que Jésus-Christ crucifié, si vous ne voulez vivre que de sa vie, ne doutez pas, Monsieur, qu'il ne soit lui-même votre science et votre opération. Continuez de vous abandonner à lui et de vous confier en sa vertu et sa suffisance ; elle vous fera voir qu'il n'y

 

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a rien au monde de si grand et si désirable que la justification des pécheurs, rien de si saint que d'y être employé, ni rien de si propre pour y faire un heureux progrès, que la manière que Dieu a inspirée à la compagnie, qui a tant de rapport à celle que N.-S. a prise pour illuminer le monde et le gagner à Dieu. Comme donc vous aimez la fin de notre petit Institut, vous en aimez aussi les moyens, qui sont marqués dans nos règles. Et quand vous dites que vous avez quelque dégoût pour nos fonctions, ce n'est qu'un sentiment de la nature, qui craint la confusion qu'elle y pourra trouver si elle ne surpasse ou n'égale les autres en la pratique et le succès. Vous ne devez pas vous arrêter à cela, mais creuser toujours plus avant en l'amour de votre abjection et la tendance aux moindres offices ; car ainsi N.-S. habitera en vous ; il sera comme la vigne, et vous comme le sarment qui porte fruit et qui portera des fruits abondants qui réjouiront le ciel. C'est la prière que je lui fais, qui suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

 

2911. - A JEAN MARTIN, SUPÉRIEUR, A TURIN

De Paris, ce 18 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Quoique je n'aie pas reçu de vos chères lettres, j'ai néanmoins appris que Dieu a singulièrement béni vos travaux en vos dernières missions et que par sa puissante grâce vous avez fait des accommodements en

Lettre 2911. - L. s. - Dossier de Turin, original. Le post-scriptum est de la main du secrétaire.

 

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grand nombre, et de fort difficiles et considérables. Son saint nom en soit à jamais béni et glorifié, et fasse la grâce à ce peuple que vous avez mis dans le bon chemin, d'y marcher droit par la pratique des bonnes œuvres qui conduisent au ciel, où vous aurez une ample récompense pour toutes celles que vous faites, qui vous mettent en état qu'une infinité d'âmes vous reconnaissent un jour devant Dieu pour leur second rédempteur ! Mais aussi se vérifie-t-il en vous, Monsieur, ce proverbe, qu'on n'a rien sans peine, puisque vous en prenez tant pour réconcilier les hommes à Dieu et entre eux-mêmes. Voire je crains que vous preniez trop sur vous, et que vos fatigues aillent à l'excès ; car on me mande que vous vous êtes trouvé en de grandes faiblesses et abattements. Au nom de Dieu, Monsieur, reposez-vous bien dans cet intervalle et modérez à l'avenir vos travaux. vous exercerez plus de charité en vous conservant pour servir longuement le prochain, qu'en vous consumant bientôt pour le salut de quelques-uns.

C'est tout ce que j'ai à vous dire pour cette heure. Nous nous portons, grâces à Dieu, assez bien de deçà, et toutes choses y vont leur train ordinaire, comme elles font ailleurs en toutes nos maisons.

Mais, à propos de maisons, il faut que je vous dise encore ce mot, que j'ai déjà écrit à quelques autres supérieurs : que c'est l'usage en toutes les communautés, particulièrement en la nôtre, que chaque sujet a la liberté d'écrire au général sans montrer ses lettres à son supérieur particulier, pour beaucoup de raisons, surtout afin qu'il puisse décharger son cœur et trouver quelque soulagement dans les peines intérieures où plusieurs se trouvent. Je ne doute pas que vous ne soyez bien aise que tous ceux de votre famille usent franchement de cette liberté.

 

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Je les embrasse tous et je suis de tout mon cœur, en. l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Il sera bon, Monsieur, que vous fassiez savoir à toute la compagnie cette pratique.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin.

 

2912. - A AUBIN GAUTIER, FRÈRE DE LA MISSION,

A TURIN

De Paris, ce 18 juillet 1659.

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous remercie des bonnes nouvelles que vous m'avez données en me racontant les fruits des missions qui se sont faites de delà. Il paraît que le doigt de Dieu s'y est trouvé, et je veux croire que vos prières, travaux et bons exemples y ont contribué. Dieu vous fasse la grâce, mon cher Frère, de continuer de bien édifier le dedans et le dehors de la famille, en vous tenant toujours bas et toujours uni à N.-S. ! Vous m'avez fait plaisir de me mander les autres choses qui se sont passées, dont je ferai usage, Dieu aidant. Continuez, je vous prie, vos soins et vos services charitables au bon Monsieur Martin dans les missions et ailleurs où il en aura plus de besoin, et ne laissez pas de lui faire des bouillons de chapons pour le nourrir et le soutenir en ses accablements, quand l'assistant le juge à propos, nonobstant que d'autres y trouvent à redire. Vous savez que la conser-

Lettre 2912. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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vation de ce bon serviteur de Dieu est importante pour le service des âmes et très chère à la compagnie.

Ne faites nulle difficulté de porter à la poste les lettres qui seront pour. moi, quoique le supérieur ne les ait pas vues ; il sait bien qu'il est loisible à chacun des missionnaires de décharger son cœur dans celui du supérieur général.

Je me recommande à vos prières et à celles de nos frères qui sont avec vous, que je salue cordialement.

Je suis, en N.-S., mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l M.

 

2913. - A JEAN-JACQUES PLANCHAMP

De Paris, ce 18 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je puis vous assurer que j'ai autant reçu de consolation de votre lettre que j'en ai senti il y a longtemps. Béni soit Dieu, Monsieur, de la fidélité qu'il vous donne pour votre vocation, et des humbles sentiments que vous avez de vous-même ! C'est le moyen d'attirer en vous grâce sur grâce, puisque Dieu la donne aux humbles et aux humbles détachés de la chair et du sang. Les inquiétudes que vous avez à cause des parents sont des marques que vous en avez le cœur éloigné et que vous n'aurez pas difficulté à leur dire pour une bonne fois que vous vous êtes donné à Dieu pour n'avoir plus de commerce au monde. Si vous le faites, Monsieur, il y a

Lettre 2913. - L. s. - Dossier de la Turin, original.

 

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sujet d'espérer qu'ils vous laisseront servir Dieu en paix, ou que Dieu vous fera la grâce qu'il a faite à quelque personne de la compagnie, qui n'a voulu se mêler des affaires de ses proches, quoiqu'il en ait été souvent importuné.

Je ne laisserai pas de penser à la proposition que vous me faites, et j'entrevois déjà une occasion de vous tirer du lieu où vous êtes, pour vous donner moyen de rendre de bons services à Dieu. Mais il nous faut voir plus clair dans ses desseins et le prier qu'il vous fasse connaître sa sainte volonté. Cependant, Monsieur, tenez-vous toujours indifférent aux lieux et aux emplois. Il faut cela pour être un instrument propre entre les mains de Dieu, comme vous l'êtes, par sa bonté infinie, à laquelle je vous prie de recommander mon âme, qui chérit tendrement la vôtre.

C'est aussi en l'amour de N.-S. que je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Planchamp, prêtre de la Mission, à Turin.

 

2914. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A SAINT-QUENTIN

De Paris, ce 19 juillet 1659.

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la vôtre du 14 ; je l'ai fait voir aux dames, qui ont été consolées des choses que vous mandez et du

Lettre 2914. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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bon ordre que vous mettez à la dévotion de N.-D. de Fieulaine (1) Il y a sujet de louer Dieu de vous avoir appliqué à ce bon œuvre après tant d'autres. Plaise à sa divine bonté de vous donner part de plus en plus à son esprit, afin qu'il soit toujours glorifié de vos travaux et de votre conduite ! Je l'en prie de tout mon cœur, qui suis, en son amour, mon cher Frère, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Mandez-moi si vous connaissez le garçon qui m'a remis l'incluse, et si vous le jugez propre pour nous et bien intentionné.

Au bas de la page : Le frère Jean.

 

2915. - A ANNE-MARGUERITE GUÉRIN, SUPÉRIEURE

DU SECOND MONASTÈRE DE LA VISITATION, A PARIS

De Saint-Lazare, ce 20 juillet 1659.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

La lettre que vous m'avez écrite m'a fait prendre part, je dis très sensiblement, à la peine que vous souffrez, et le désir que j'ai que vous en soyez délivrée fait que je prie Notre-Seigneur qu'il ait agréable d'achever bientôt l'affaire dont vous me parlez, en vous découvrant ce bénit endroit où il veut être honoré par votre saint Institut (1). Je n'en approuve pas le retardement,

1. Voir lettre 2872, note 2.

Lettre 2915. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute de la main du secrétaire.

1. Il était question de fonder à Paris un troisième monastère de la Visitation.

 

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non plus que vous, ma chère Sœur, mais je suis toujours dans le même sentiment touchant la grande maison de la rue Montorgueil. Je ne puis me persuader qu'on doive l'acheter (2), ni en tout, ni en partie : en tout, parce qu'étant d'un prix fort haut, elle serait capable de ruiner la maison où vous êtes ; ni en partie, parce que la seule moitié consommerait tout votre fonds ; ce qui n'est pas expédient ; car il faut qu'il en reste quelque chose pour aider les sœurs de la fondation à se soutenir. Vous me dites qu'il faut peu pour nourrir huit filles. Je pense, ma chère Sœur, qu'à Paris, tout bien compté, il ne faut pas moins de trois mille livres ; où les prendriez-vous?

Vous ajoutez que vous êtes obligée par le contrat d'employer à l'acquisition d'une maison ou place le legs et le don de feu M. et Madame d'Amfreville (3). Mais je réponds qu'il n'y est pas dit que tout sera employé pour le logement seul, mais qu'il faut entendre que cet emploi se fera tout au profit de la fondation. Et c'est l'ordinaire que ceux qui prêtent ou donnent pour faire quelque acquisition veulent qu'il paraisse qu'en effet leur argent a été appliqué à cela. Or, l'intention de ces défunts étant de fonder un monastère de votre Ordre, ils n'ont pas prétendu vous donner un grand logis, et vous laisser dans l'impuissance de l'habiter et de le remplir, comme il arriverait si vous n'aviez pas de quoi vivre.

Vous dites encore qu'il y a des prétendantes qui apporteront leur entretien. Je réponds qu'il faudrait manger leurs dots (4) avant même qu'ils fussent acquis à la communauté.

2. Première rédaction : je ne puis consentir qu'on l'achète.

3. Le legs de M. d'Amfreville, de son vivant second président à mortier au parlement de Rouen, accru par les libéralités de sa femme, formait un fonds de 52 000 livres ; l'achat de la maison située rue Montorgueil en coûta 41 000.

4. Au XVII° siècle, le mot dot s'employait au masculin.

 

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Quant à la dame qui se veut rendre bienfaitrice, à la bonne heure ; cela viendra en son temps.

J'avoue qu'on peut attendre quelque chose de la Providence ; mais il ne faut pas tenter Dieu, qui, vous ayant donné honnêtement de quoi commencer et soutenir un établissement en observant la règle de la pauvreté religieuse, ne veut pas qu'on fasse une dépense superflue pour se commettre ensuite à sa Providence.

Je ne puis que je ne vous dise ici, ma chère Sœur, que nous voyons à Paris quantité de communautés ruinées, non par faute de la confiance en Dieu, mais pour avoir fait des bâtiments magnifiques, qui non seulement les ont épuisées, mais obligées de s'engager ; et comme l'esprit religieux se doit rapporter à Notre-Seigneur, qui a voulu exercer une extrême pauvreté sur la terre, jusqu'à n'avoir pas une pierre où il pût reposer sa tête, aussi tant plus les personnes religieuses s'en éloignent, tant plus ont-elles de la peine de se maintenir, parce que Dieu n'a pas agréable les beaux édifices, si peu proportionnés à leur profession. Néanmoins ceux qui en ont de tels ne sont pas à blâmer s'ils ont eu de quoi les faire et de quoi subsister, et je ne voudrais vous empêcher d'en faire de même si vos forces présentes le pouvaient permettre. Mais vous pourriez succomber sous le faix d'une maison si chère, et qui sera de grand coût, parce qu'elle est vieille, où il y aura sans cesse à refaire, ainsi que nous l'expérimentons à Saint-Lazare, qui est aussi vieil, où il nous faut presque toujours des maçons, qui nous coûtent plus que ne monteraient les intérêts de l'argent qu'il faudrait pour le bâtir tout à neuf. Quel regret auriez-vous, ma chère Sœur, si, pour avoir fait cette entreprise, votre fondation venait un jour à défaillir, ou votre monastère à s'incommoder, pour n'avoir pas pratiqué en ce jour la sainte pauvreté que vous avez

 

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vouée, comme, grâces à Dieu, vous l'observez en toute autre chose?

Il vous semble, dites-vous, que vous entendez continuellement les reproches intérieurs que vous fait feu Madame d'Amfreville de ce que ses dernières volontés ne sont pas exécutées. Ce n'est pas elle, ma chère Sœur, qui vous parle ainsi, car elle est en lieu où elle ne veut que ce que Dieu veut, et Dieu ne veut que ce que vous pouvez. Il veut que vous vous contentiez pour le présent d'un logement raisonnable, dont le prix soit médiocre, parce que vous avez de quoi le payer, de quoi l'ajuster et de quoi subvenir aux autres besoins nécessaires. Et il ne veut pas que vous alliez au delà, parce que vous n'en avez pas le moyen et que la pauvreté que vous avez embrassée ne le peut souffrir. Il faut donc choisir un lieu propre à votre dessein et revenant à votre force et à votre condition. Est-il possible qu'il ne s'en soit trouvé un jusqu'à présent, ou qu'il ne se puisse trouver dans une ville si vaste, où il y a tant de sortes de logis? Je ne puis m'imaginer, ma chère Sœur, qu'il ne s'en trouve, si vous le faites chercher (4). C'est ce qu'il faut faire et c'est de quoi je vous prie très humblement, pour accomplir ce bon œuvre que Dieu a commis à vos soins, et qu'il bénira, comme j'espère, par votre bonne conduite, ainsi qu'il a béni tous les autres qui ont passé par vos mains, par la grâce qu'il a mise en vous, qui fait que j'ai une estime toute singulière et une tendresse bien sensible pour votre chère âme ; et c'est dans ce sentiment que je suis, en N.-S....

4. Les conseils du saint ne furent pas suivis, peut-être parce que de nouveaux dons vinrent faciliter l'achat de la maison sur laquelle la sœur Anne-Marguerite Guérin avait jeté les yeux. Les sœurs de la Visitation en prirent possession le 25 juillet 1660.

 

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2916. - A LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

De Paris, ce 21 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 13. Le neveu de M. Lestradie s'est retiré de Saint-Charles sans dire adieu ; ce fut vendredi qu'il sortit pour ses affaires qu'il disait avoir à la ville, et n'est pas revenu. Je ne l'ai su qu'aujourd'hui, lorsque, voulant savoir de M. votre frère s'ils pourraient le retenir pensionnaire pour 350 livres et l'entretenir de tout, il m'a dit qu'il s'en était allé, et que non seulement ils ne voudraient le garder pour cette somme, mais pour beaucoup davantage, parce que ce n'est pas là leur fait, non plus que le nôtre.

Nous ferons partir dans deux ou 3 jours un visiteur pour Richelieu, qui vous ira voir à Saintes, qui verra M. Fleury et qui le recevra aux vœux, s'il persévère à les vouloir faire.

Comme M. l'archevêque grec qui a passé à Saintes n'y est plus, aussi serait-il inutile de vous rien dire à son sujet.

Je pense que vous avez su que j'ai été incommodé d'un œil assez longtemps ; maintenant j'en suis presque guéri, grâces à Dieu, à qui je recommande votre santé et celle de votre famille, pour les services que vous et elle lui rendez, et pource aussi que je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Lettre 2916. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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2917. - LA DUCHESSE D’AIGUILLON A SAINT VINCENT

[Juillet 1659]

Voici la lettre que vous avez désirée de M l'évêque de Poitiers (2) pour M. l'évêque de Cahors (3) et celle qu'écrit M l'abbé de Roquépine (4) qui est celui à qui je me suis adressée pour l'obtenir.

Il faudrait que M. de Cahors partit promptement, car le synode est déjà commencé (5).

Ayez la bonté de me mander si le frère Jean Parre est arrivé, afin que nous allions mercredi à l’assemblée s'il y est

Madame la marquise du Vigean a été fort mal. C'est pourquoi elle ne vous a rien mandé sur votre affaire. Je la recommande à vos saints sacrifices et vous supplie de n'y oublier pas aussi cette misérable pécheresse.

Suscription : A Monsieur Vincent, général des prêtres de la Mission .

 

2918. - A EDME MENESTRIER, SUPÉRIEUR, A AGEN

De Paris, ce 23 juillet 1659.

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 11. Je suis trop embarrassé pour le présent pour vous y pouvoir répondre. Je ne vous écris que pour vous prier de faire tenir l'incluse à M. Chrétien et pour me recommander à vos prières et

Lettre 2917. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Voir note 5.

2. Gilbert de Clerambault de Palluau (1659-3 janvier 1680).

3. Alain de Solminihac.

4. Charles du Bouzet, sieur de Roquépine, aumônier ordinaire d'Anne d'Autriche de 1648 à 1658.

5. Dans sa conférence du 5 août 1659 aux missionnaires, saint Vincent parle de ce synode et des moyens qu'employa l'évêque de Cahors pour combattre la propagande des huguenots ; à la manière dont il s'exprime, on est porté à croire que la mission continuait encore à cette date.

Lettre 2918. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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à celles de M. Admirault et de nos frères, que j'embrasse, prosterné en esprit à vos pieds, et qui suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL.
i. p. d. l. M.

Au bas de la page : M. Edme.

 

2919. - A JEAN MONVOISIN, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MONTMIRAIL

De Paris, ce 24 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Nous sommes bien affligés de la faiblesse d'esprit du pauvre frère Pinson et de sa sortie. Mon Dieu ! Monsieur, où sera-t-il allé? Il ne s'est pas présenté ici, et, s'il y vient, nous le recevrons avec joie.

Je vous prie de me mander en quels lieux vous allez faire mission, où est-ce que vous avez eu l'honneur de voir Mgr de Soissons (1), qui était avec vous, et ce qui s'est passé en cette entrevue.

Je serai consolé de savoir à l'avenir en quelles paroisses vous travaillerez et comment auront réussi vos missions, comme aussi ce qui arrivera de considérable en votre maison, tant au spirituel qu'au temporel.

Vous savez que l'usage de la compagnie est de ne rien changer dans les familles, ni résoudre aucune chose d'importance, sans l'avis du général ou du visiteur.

A propos du visiteur, j'ai prié M. Berthe, qui est à Sedan, sur le point d'en partir, de vous voir en passant.

Je vous prie de dire à M. Cornuel que, depuis la der-

Lettre 2919. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Jean de Maupeou.

 

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nière lettre que je lui ai écrite, il n'est rien arrivé en l'affaire de Bétharram. J'attends réponse de Mgr de Lescar (2) sur l'éclaircissement que nous lui avons demandé (3).

Je vous embrasse tous, prosterné en esprit à vos pieds.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2920. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

De Paris, ce 25 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai été fort aise de voir le détail de l'état de votre famille ; je vous en remercie très affectionnément. Vous me l'avez fait d'une si bonne manière qu'il me semble voir les choses comme elles sont. Il y a sujet d'espérer qu'elles iront de bien en mieux par votre sage conduite, qui parait humble, charitable, simple et judicieuse Dieu se trouve toujours dans l'usage de ces vertus, particulièrement des deux premières ; et à proportion que vous tâcherez de les mettre en œuvre, ne doutez pas, Monsieur, que Dieu n'opère en vous et par vous, et que tout ne réussisse à bien.

L'état du corps et de l'esprit de M Caron ne requiert pas seulement qu'on diffère à le recevoir aux vœux, mais il n'est pas expédient qu'il les fasse, ni par conséquent qu'il demeure davantage en la compagnie. Vous pour-

2. Jean du Hault de Sallies.

3. La lettre à l'évêque de Lescar ne parvint pas à son adresse ; le saint ne le sut qu'un an après. (cf. lettre 3191).

Lettre 2920. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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rez donc le prier de se retirer quand il lui plaira, et lui en dire la raison, qui est la crainte qu'il soit pulmonique et hors d'état de s'assujettir à une vie réglée et d'être employé à nos fonctions. Vous lui donnerez quelqu'argent, s'il vous plaît, pour se pourvoir.

Quant au jeune homme de Chiavari qui se plaint de la tête et de l'estomac, il faut lui faire cesser les applications de l'esprit, même de l'oraison ; ou, s'il en fait, que ce soit passivement, recevant ce que Dieu lui donnera, sans qu'il cherche des pensées pour s'exciter aux affections. Il pourra faire quelque acte de foi et quelque préparation simple au commencement, et puis se tenir là, parce que Dieu le veut, comme incapable de méditer et indigne de converser avec sa divine Majesté, sans autre soin que d'éviter de bander sa tête. Il lui pourra arriver beaucoup de distractions, mais n'importe, il ne les ira pas chercher, et, Dieu aidant, il ne s'entretiendra en aucune volontairement. Si le mal était grand, il le faudrait même dispenser de l'oraison quelque temps. Et ce que je dis de lui, je le dis des autres qui pourront tomber dans la même incommodité ; à quoi le directeur du séminaire doit prendre garde, recommandant souvent aux séminaristes et leur enseignant de se rendre intérieurs sans contention d'esprit, de jeter en Dieu de simples regards, sans se concilier sa présence par des efforts sensibles, de s'abandonner à lui sans raisonnement et de s'affectionner aux vertus sans les vouloir pénétrer par la connaissance ou l'imagination.

Le frère Minvielle (1) pourra être admis à faire les vœux à la fin de ses deux années. On ne peut empêcher qu'il n'ait des passions ; mais Dieu lui fera la grâce,

1. Jean Minvielle, né à Peyre (Basses-Pyrénées), entré dans la congrégation de la Mission à Paris le 13 octobre 1657 à l'âge de vingt-sept ans, reçu aux vœux à Gênes le 13 octobre 1659.

 

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s'il lui plaît, de n'agir pas selon leurs mouvements, par l'attention qu'il fera aux vertus contraires.

C'est en la présence du supérieur que l'on doit faire et renouveler les vœux, ou de celui qu'il députera, et non pas du directeur du séminaire, en tant que directeur. Que si cela a été fait quelquefois en présence du directeur du séminaire de Saint-Lazare, c'est parce que je n'ai pu assister à cette sainte action, ni celui qui me représente ; et, à cause de cela, j'ai prié quelqu'autre de s'y trouver à ma place.

Il est vrai qu'il serait fort bon que le supérieur demeurât toujours à la maison, et vous avez raison de dire que ceux qui en ont le soin en son absence ont peine, à son retour, de se soumettre et de quitter l'habitude qu'ils ont prise de conduire et d'ordonner ; mais aussi, quand le supérieur ne va pas en mission, il en arrive d'autres inconvénients plus considérables et plus à craindre.

Je vous envoie la lettre que M. votre frère m'a écrite en suite de la vôtre, qu'il a reçue. Je lui ai fait réponse que, puisque vous avez tant attendu, vous attendrez encore le temps qu'il demande ; et après lui avoir touché quelque raison pour laquelle vous vous sentez obligé d'entrer en partage, je l'ai assuré que vous avez toujours été dans cette résolution, comme il est vrai que vous me l'avez ainsi écrit de temps en temps. Nous verrons, lorsque M. votre frère qui est en voyage sera de retour, en quelle disposition ils seront. La mienne est d'être dans le temps et dans l'éternité, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : A M. Pesnelle.

 

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2921. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 25 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N- S. soit avec vous pour jamais !

Je ne puis que je ne rende grâces à Dieu de cœur, de bouche et par écrit de ce qu'il a plu à notre Saint-Père le Pape d'approuver les conditions de notre pauvreté et d'accorder pour dix ans à la compagnie la faculté de donner titre à ses sujets qui auront été chassés de leur pays pour la religion, et ce sur la mense commune. Ce sont de nouveaux bienfaits de Dieu, dus à la grâce qu'il a mise en vous, par qui il plaît à sa divine bonté d'en départir plusieurs à la compagnie fort considérables. Je vous remercie très humblement, Monsieur, de ces derniers et des peines que vous y avez prises, et quoique ce privilège soit ainsi limité et restreint, vous avez néanmoins obtenu beaucoup pour un commencement.

J'écris à M Delaforcade qu'il vous envoie les livres de M . Abelly par la poste (1), si déjà il ne les a envoyés par autre voie.

Je vous demande encore huit jours pour vous dire ma pensée sur l'approbation des règles de la confrérie de la Charité, que M. Martin vous a prié de demander. Je désire y penser. Cependant je vous dirai que, comme cette confrérie se répand beaucoup parmi le monde, il semble que Dieu y donnerait encore plus de bénédiction si le règlement en était approuvé par Sa Sainteté.

Je vous prie de nous envoyer un extra tempora pour Nicolaus Arthur, diœcesis Corkagiensis, in Hibernia.

Lettre 2921. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Voit lettre 2900.

 

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Dieu vous conserve, Monsieur, et vous bénisse abondamment pour le bien de la petite congrégation et la consolation particulière, Monsieur, de votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Jolly.

 

2922. - A LOUIS FOUQUET, ÉVÊQUE D'AGDE (1)

De Paris, ce 26 juillet 1659.

Monseigneur,

Je prenais soin de trouver les ecclésiastiques que vous m'avez commandé de vous envoyer à Vézelay (2) lorsque Madame la présidente Fouquet, votre mère, m'a fait l'honneur de me dire que vous, Monseigneur, en avez trouvé de bons en ce pays-là et que c'était assez de vous envoyer un missionnaire pour les exercer à vos desseins. J'ai dit à madite dame que nous sommes tous à votre service, Monseigneur, prêts à vous obéir partout et à toute heure, mais que je me donnerai la confiance de vous représenter, comme je fais, avec toute la soumission que je le puis, que nous avons pour règle de cesser nos fonctions de la campagne depuis juillet jusqu'en octobre, tant à cause que le pauvre peuple est occupé à la moisson et ensuite à la vendange, que parce que nos ouvriers, qui ont travaillé tout le reste de l'année au salut des âmes, ont besoin de ce temps-là pour délasser

Lettre 2922. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Frère de Nicolas Fouquet, procureur général, et de François Fouquet, archevêque de Narbonne.

2. Dans l'arrondissement d'Avallon (Yonne). Louis Fouquet était abbé de Vézelay.

 

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leurs corps et leurs esprits fatigués, afin de retourner en mission avec de nouvelles forces depuis la Toussaint jusqu'à la saint Jean ou environ. Si vous avez agréable, Monseigneur, de différer vos missions jusqu'en octobre, nous vous enverrons pour lors le prêtre que vous désirez. Que si vous voulez absolument qu'il se rende au plus tôt auprès de vous, Monseigneur, j'écris à M. Tholard, à Troyes, qu'il se tienne prêt à partir dès que je lui manderai, quoiqu'il ne fasse que de revenir du travail. J'attendrai donc l'honneur de vos commandements, Monseigneur, dans une entière disposition de les accomplir, avec l'aide de Dieu, en cela et en toute autre occasion, comme étant, par sa grâce et votre permission, en son amour, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

 

2923. - AU FRÈRE JEAN PARRE

De Paris, ce 26 juillet 1659

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 21 qui me fut rendue jeudi seulement, et par conséquent trop tard pour en faire la lecture à l'assemblée, laquelle ne vous a rien ordonné de nouveau, parce que vous êtes occupé à ce saint œuvre que Dieu établit, où vous empêchez les superstitions et réglez la dévotion du pauvre peuple. Les dames en sont fort contentes, et moi aussi, et je prie N.-S. qu'il vous donne son esprit pour cela. Je vous prie de me mander

Lettre 2923. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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s’il y a des prêtres pour le service de cette chapelle (1), combien il y en a et quels ils sont, et si Mgr de Noyon (2) y en a envoyé un qui soit comme le trésorier et le chef des autres, parce qu'il m'a fait l'honneur de me commander, il y a quelque temps, de lui chercher un bon ecclésiastique propre pour cela ; et s'il n'en avait plus besoin, je ne m'en mettrais pas en peine.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. de la Mission.

 

Suscription : A notre frère le frère Jean Parre, de la Mission, à Saint-Quentin.

 

2924. - A MONSIEUR DE FORGES

De Paris, ce 27 juillet 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je me donne l'honneur de vous écrire la présente pour vous donner des nouvelles de Monsieur Dufaur. Je lui avais donné un prêtre pour le diriger en sa retraite, lequel j'ai été obligé de changer, me semblant qu'il entrait un peu trop dans ses sentiments. Je lui en ai donné un autre, qui vient de me dire qu'il l'a laissé résolu de quitter le vice et d'embrasser le bien. Et parce qu'un empêchement à cela est la façon dont il est vêtu, j'ai promis de lui faire faire une soutane et un manteau long, et d'en répondre pour lui.

1. Notre-Dame-de-la-Paix.

2. Henri de Baradat (1626-1660).

Lettre 2924. - L. s. - Dossier de la Mission, duplicata de l'original.

 

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Reste, Monsieur, à savoir où le mettre. Je me suis donné l'honneur de vous dire que de le retenir céans et lui .donner liberté dans la maison, notre règle nous le défend. Nous en avons une autre au collège des Bons-Enfants qui ne nous permet pas d'y recevoir personne qui ne se veuille assujettir aux exercices du séminaire, qui est une chose qu'il ne veut pas faire, disant qu'il est obligé de vaquer au procès pour lequel Monsieur son oncle l'a envoyé ici. Je ne pense pas, Monsieur, qu'il puisse non plus être reçu au séminaire de Saint-Sulpice, ni en aucun autre, avec cette réserve d'aller et de venir pour un affaire temporel, et laisser là les instruction. ; qu'on y donne, nécessaires aux ecclésiastiques ; car cela serait de mauvais exemple aux autres. Il propose de se mettre dans une maison bourgeoise avec des gens de bien.

J'ai voulu vous rendre compte de ceci, Monsieur, afin que vous ayez agréable de prendre les ordres de Monseigneur le prince (1) sur ce sujet. Et en attendant la grâce de votre réponse, je vous renouvelle les offres de mon très humble service avec le respect et l'affection que je le puis, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
prêtre indigne de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur de Forges, écuyer de Madame la princesse de Conti.

1. Le prince de Conti.

 

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2925. - A EDME MENESTRIER, SUPÉRIEUR, A AGEN

De Paris, ce 27 juillet 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Dieu soit loué de ce que M. Admirault se porte mieux de l'incommodité qu'il a sentie, et je prie sa divine bonté qu'elle l'en délivre tout à fait.

Le frère Didolet nous a toujours paru un bon enfant et tel que vous me l'avez dépeint par votre lettre du 11 Il est vrai qu'il n'a pas beaucoup de forces de corps, mais, si peu qu'il en a, il les y faut ménager et prendre garde que les applications de l'esprit n'altèrent pas sa santé et n'échauffent sa tête et sa poitrine. Recommandez-lui de faire ses oraisons doucement et sans effort, faisant plutôt agir la volonté que l'entendement, et s'élevant à Dieu pendant la journée ; que ce soit par de simples vues, sans se vouloir rendre sensible la présence de Dieu.

Dites-lui qu'il écrive à Mademoiselle sa mère [de lui envoyer un] titre valable [qui puisse lui servir ; l']attestation qu'il [a ne peut lui tenir lieu] de titre, parce qu'elle n'exprime pas ni la consistance, ni la valeur de son bien, ni ne porte affectation spéciale d'un fonds certain sur lequel soit assignée la rente de son titre. Si son frère le Jésuite a été reçu aux ordres sacrés sur une pareille attestation, c'est peut-être qu'il était connu de l'évêque, qui les lui a conférés. S'il n'a point d'autre voie assurée pour écrire que celle de Paris, envoyez-moi sa lettre ; je l'enverrai à Chambéry et en ferai retirer réponse. Le visiteur que nous vous enverrons bientôt, Dieu aidant, le recevra aux v[œux.]

Lettre 2925. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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Je prie N.-S. qu'il ait agréable de pourvoir à vos besoins temporels et de vous continuer et augmenter les grâces de l'esprit. Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Edme.

 

2926. - A MARIN BAUCHER, FRÈRE DE LA MISSION,

A SAINTES

De Paris, ce 27 juillet 1659

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai été consolé de votre lettre et affligé de votre affliction ; mais, comme vous savez, Dieu étant la cause de ces accidents qui nous privent de ce que nous avons de plus cher au monde, nous trouvons aussi en lui le remède à nos douleurs, en nous conformant à sa volonté. C'est en elle, mon cher Frère, que vous aurez cherché le soulagement de votre cœur, oppressé de la perte de votre chère mère, et où sans doute vous trouvez une abondante consolation. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous tienne lieu de père et de mère, et qu'il donne le repos éternel à cette bonne défunte, laquelle j'ai fait recommander aux prières de cette communauté ; j'en ai fait mettre de plus un billet à la sacristie et chargé le sacristain de faire célébrer plusieurs messes à son intention.

Nous avons fait tenir vos lettres, et je n'ai pu m'empêcher de vous faire celle-ci, pour rendre grâces à Dieu,

Lettre 2920. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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comme je fais, de vous avoir rendu la santé et prévenu d'une grâce particulière pour le servir fidèlement en l'observance des règles, la pratique des vertus, et en vous abandonnant à son adorable providence pour tous les lieux et les emplois où elle aura agréable de vous appeler. A quoi je vous vois disposé par votre lettre, et je le savais déjà par la relation qu'on m'a faite de vous.

Continuez, mon cher Frère, à donner à Dieu toutes les affections de votre cœur, les applications de votre esprit et les œuvres de vos mains, et espérez de grandes bénédictions de sa divine bonté. Demandez-lui miséricorde pour moi, qui suis, en son amour, mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2927. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce premier d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Il n'y a que quinze jours que je vous ai écrit. J'ai reçu, depuis, votre chère lettre du 12 juillet, qui m'a confirmé les bonnes nouvelles qu'on m'avait données de votre santé et du succès de vos missions ; en quoi j'admire la bonté de Dieu, qui, après des fatigues capables d'abattre les plus forts, vous a ramené au gîte en bonne disposition, et qui a opéré, par les instruments faibles, des fruits qui surpassent la puissance des hommes, tels que sont la conversion des pécheurs obstinés et la réconciliation des ennemis, et des ennemis si acharnés, en si grand

Lettre 2927. - L. s. - Dossier de Turin, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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nombre, et qui avaient des haines mortelles et invétérées. Il paraît bien, Monsieur, que Notre-Seigneur a travaillé avec vous. Son saint nom en soit à jamais béni ! Je ne puis assez l’en remercier ; c'est pourquoi je le prie qu'il soit lui-même sa louange et son remerciement de toutes les grâces qu'il vous a faites, et par vous au pauvre peuple. O Monsieur, combien lui sommes-nous obligés de nous avoir appelés à son service d'une si bonne manière !

Il faut bénir Dieu de l'opposition qu’on a formée à la poursuite de l'affaire de Saint-Antoine. Comme nous ne désirons que les choses faisables, nous devons agréer cet empêchement. S'il ne vient pas de Dieu, sa providence le saura bien ôter. Il nous doit suffire que ceux qui ont entrepris la chose ne se rebuteront pas, s'ils ne la voient invincible du côté de deçà, sachant l'importance du dessein.

Je suis toujours dans des sentiments de vénération et de reconnaissance pour Monseigneur le marquis, votre fondateur (1), qui ne cesse de vous faire et de vous procurer de nouvelles grâces. En quoi il imite Dieu, qui, depuis qu'il a commencé à faire du bien à une créature, continue de lui en faire toujours jusqu'au bout.

Je rends grâces à Dieu, Monsieur, de ce que Mgr le nonce s'intéresse à l'avancement de l'état ecclésiastique en la science et en la vertu, et de l'honneur que sa charité fait à notre petite compagnie d'estimer qu'elle pourra contribuer à ce bien-là. Dieu lui en fasse la grâce, s'il lui plaît !

Il faut bien remercier M. le prieur de Saint-Joire de la bonté qu'il a de nous vouloir établir en son prieuré-cure, et à la place de douze chanoines réguliers qui y sont, de qui il espère obtenir le consentement, moyen-

1. Le marquis de Pianezze.

 

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nant une pension pour chacun, et s'offre d'obtenir aussi celui de Messieurs de la Sainte-Chapelle de Thonon, qui confèrent ces prébendes, et d'en faire faire l'union à Rome. C'est nous prévenir de beaucoup d'honneur et de grâce, que nous n'avons jamais mérités, dont je prie N.-S. qu'il soit sa récompense, quand même sa proposition ne réussirait pas, comme il est à craindre, ayant à faire à tant de personnes intéressées. La chose pourrait aussi souffrir difficulté de notre part s'il fallait y envoyer d'abord autant de missionnaires qu'il y a de prébendes, ou que le revenu, après les pensions payées, ne fût pas suffisant pour les y entretenir ; car nous serions bien empêchés de fournir un si grand nombre d'ouvriers et ne pourrions pas aider à les y faire subsister. Vous me mandez que le revenu est petit, mais vous ne me dites pas quel il est. Je vous prie de me mander à quoi monte le revenu du prieuré et de chaque prébende, sur quoi il se prend, quelles sont les charges et à quoi on nous voudrait obliger ; car autrement nous ne pourrions pas prendre de résolution sur cet affaire.

Le repos que vous prenez avec toute la famille est d'autant plus agréable à Dieu qu'il est une préparation au travail. Reposez-vous donc bien, je vous en prie, et, au nom de Dieu, ménagez-vous dans les occasions que vous aurez de prodiguer votre santé. Elle est trop utile aux âmes et trop chère à la compagnie pour n'en procurer pas la conservation. Pour moi, je la demande à Dieu, avec l'augmentation de ses grâces sur votre personne, votre conduite et votre famille, laquelle j'embrasse avec vous de toutes les tendresses de mon cœur, et je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

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Le Révérend Père Général de Saint-Antoine m'a envoyé son grand vicaire pour se plaindre du projet de l'union. Je lui ai dit simplement que j'avais ouï parler de cet affaire, que nous ne recherchons jamais aucun établissement, que je l'assurais qu'on en a gardé la pratique jusques à présent, et que les missionnaires de Turin ne se mêleraient point de cet affaire, ni moi ; mais que nous ne pouvions pas aussi [nous] employer vers les puissances souveraines pour les détourner de faire ce qu'elles estiment avantageux pour le bien de leur Etat. Je dis ceci à l'oreille de M. Martin seulement. Il ajouta que le roi de [France (2) ] a fait un traité de paix d'autres fois avec un duc de Savoie, dans lequel il est porté que Son Altesse Royale ne pouvait désunir les bénéfices de son Etat qui dépendent de Saint-Antoine-de-Viennois, dont le roi est protecteur, sans son consentement, et qu'ils espèrent empêcher celle-ci par ce moyen.

 

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin.

 

2928. - A FIRMIN GET

De Paris, ce premier d’août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite à votre retour de Marseille, par où j'ai appris ce que vous y avez fait. Je suis bien aise que, des deux clefs du coffre, vous en ayez laissé une à M. Le Vacher (1), et l'autre au frère Louis (2), attendant que M. Delespiney y soit arrivé, le-

2. Mot oublié dans l'original.

Lettre 2928. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Philippe Le Vacher.

2. Louis Sicquard.

 

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quel partit d'ici, il y a aujourd'hui huit jours, pour aller prendre votre place, avec un autre bon prêtre. J'aurais souhaité que votre voyage se fût différé à son arrivée, parce que vous l'auriez informé de toutes choses et donné connaissance de vos amis et de vos pratiques ; mais, la Providence en ayant ordonné autrement, il faut espérer qu'elle-même lui donnera les instructions nécessaires et que M. Le Vacher lui dira les choses principales, comme je l'en ai prié. Vous ne laisserez pas de lui donner par lettres les avis que vous jugerez à propos pour se bien conduire en ce commencement, tant vers Mgr de Marseille (3) que Messieurs les échevins et les personnes en particulier qui ont charité pour la compagnie et celles avec qui vous avez à faire pour les affaires de Barbarie.

Le prêtre qui accompagne M. Delespiney se nomme M. Cornier (4), qui n'a pas fait son séminaire ; mais c'est un homme de service et un ouvrier presque tout fait.

Je suis en peine des fièvres qui courent à Montpellier. Je vous prie, Monsieur, de vous en garder tant que vous pourrez, et M. Parisy aussi, et d'avoir bien soin de votre conservation. Je la demande à Dieu avec les grâces de son esprit nécessaires au grand et saint emploi que vous avez, pour y faire les fruits que le public s'en attend, particulièrement Monseigneur l'évêque, qui vous a confié ce qu'il a de plus important et de plus précieux en son diocèse, qui est l'éducation de ses ecclésiastiques, d'où dépend la conversion de tout le reste.

3. Etienne de Puget.

4. Charles Cornier, né à Landujan (Ille et-Vilaine) en février 1623, entré dans la congrégation de la Mission le 16 avril 1659, reçu aux vœux à Marseille en 1661, supérieur à Annecy (1679-1682, 1693-1694) et à Narbonne (1682-1689, 1690-1693).

 

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Je suis, en N.-S., .Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, prêtre de la Mission, au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

 

2929. - A EDME JOLLY

De Paris, ce premier d’août 1659.

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 7 juillet, laquelle j'ai envoyée aussitôt à Madame la duchesse d'Aiguillon, à cause de ce que vous me mandez de sa chapelle de Lorette ; et elle ne me l'a pas encore renvoyée. C'est pourquoi je ne vous fais point de réponse exacte, ne me ressouvenant pas de tout ce qu'elle contient.

Vous me parlez du différend des Carmélites (1) ; continuez, s'il vous plaît, de dire au prêtre qui vous en a

Lettre 2929. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Les carmélites de France avaient à leur tête trois supérieurs : Charton, Grandin et de Gamaches. La paix régna jusqu'au jour où, en 1655, les supérieurs prétendirent avoir le droit de faire la visite canonique des couvents de l'ordre. Le nonce, mis au courant de leur projet, s'y opposa. Après quelques hésitations, ils résolurent de passer outre. En avril 1659, Grandin commença la visite du couvent de l'Incarnation à Paris, tandis que Gamaches allait dans le même but à Pontoise et à Saint-Denis. La mère Madeleine de Jésus et la mère Agnès en appelèrent au Souverain Pontife et firent signifier cet appel aux supérieurs par un notaire apostolique. Les visites furent interrompues et les supérieurs promirent d'accepter docilement la décision du Saint-Siège. L'affaire, portée devant la Congrégation des Réguliers, ne traîna pas longtemps. Un décret déclara, le 16 juillet, que seuls les Visiteurs apostoliques avaient le droit de visiter les monastères du Carmel. Le 2 octobre, le Souverain Pontife confirmait le décret du 16 juillet et nommait Visiteurs apostoliques l'abbé de Bérulle, neveu du cardinal de ce nom, et Louis de Chandenier, abbé de Tournus. Quarante couvents

 

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parlé, que je ne vous ai donné aucun ordre sur cet affaire.

J'ai reçu la copie du bref que vous avez obtenu (2) et l'ai lue avec joie et avec reconnaissance, voyant les grâces que Dieu nous fait par vous. Je vous remercie très humblement des peines que vous y avez prises, et je prie Notre-Seigneur qu'il tire sa gloire de plus en plus de votre conduite et de vos travaux.

Je ne vous dirai autre chose pour le présent, sinon que je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly, supérieur des prêtres de la Mission de Rome, à Rome.

se soumirent ; dix-huit refusèrent de recevoir le bref, sous prétexte qu'on n'avait pas pris leur avis. Les trois supérieurs soutinrent les opposantes et cherchèrent à entraîner saint Vincent dans leur parti. Celui-ci ne cesssa de recommander l'obéissance au Pape. Il mourut avant que l'entente fut rétablie. Alexandre VII dut intervenir de nouveau le 13 janvier 1661. Après la mort de Charton, ses deux collègues Gamaches et Grandin nommèrent eux-mêmes, en l'absence du nonce, un troisième supérieur. Malgré la confirmation donnée par un des vicaires généraux du diocèse, Alexandre VII annula ce choix le 11 avril 1661 et nomma supérieur René Alméras, supérieur des général des prêtres de la Mission. Comme Gamaches et Grandin continuaient leurs visites, le Souverain Pontife els déposa le 26 septembre, ôta également ses pouvoirs à René Alméras et décida que chaque maison se choisirait un supérieur dans les trois ans. (cf. Histoire de la Bienheureuse Marie de l'Incarnation, par J. B. A. Boucher, nouv. éd., Paris, 1854, 2 vol. in-8°, t. II, p. 460 et suiv., d'après Histoire manuscrite de la fondation des Carmélites de France, par la Mère Natalie et la sœur Marie-Thérése, religieuses de ce monastère, 42 vol. in-4°, arch. de l'ancien couvent de la rue de Grenelle, à Paris.)

2. Le bref Alias nos supplicationibus, dont Edme Joly avait pu se procurer une copie avant l'expédition.

 

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2930. - AU FRÈRE JEAN PARRE

De Paris, ce 2 d'août 1659

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je n'ai pas encore reçu votre lettre du dernier ordinaire, où j'espère trouver la réponse à la prière que je vous ai faite de me mander si Monseigneur de Noyon (1) a envoyé un trésorier en sa chapelle de la Paix, à cause que, m'ayant écrit ci-devant de lui en chercher un bon, il ne m'en parle plus ; ce qui me fait croire qu'il n'en a plus besoin.

Je suis fort consolé, et les dames aussi, de la bénédiction que Dieu donne à vos travaux ; et tant elles que moi, avec notre communauté, nous prions Notre-Seigneur qu'il vous remplisse de plus en plus des opérations de son esprit et qu'il vous conserve ; à quoi je vous prie de contribuer de vos soins.

Je suis, en son amour, mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A mon cher frère le frère Jean Parre, de la Mission, à Saint-Quentin.

Lettre 2930. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Henri de Baradat.

 

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2931. - A JACQUES THOLARD

De Paris, ce 6 d’août 1659 .

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je rends grâces à Dieu de la soumission qu'il vous donne pour son bon plaisir, comme je le vois par votre lettre du dernier de juillet et comme je l'ai souvent expérimenté. Je n’ai pas encore reçu la réponse de Mgr d'Agde, abbé de Vézelay ; sitôt que je la recevrai, je vous ferai savoir s'il faudra aller ou non, si à présent ou une autre fois. Peut-être que ce que je lui ai mandé (1) de notre usage pour la cessation des missions en ce temps ici l'obligera de remettre les siennes à une autre fois ; nous verrons. Que s'il désire de vous avoir, je prie M. Dupuich de vous donner M. Froment pour compagnon, car nous ne pouvons vous envoyer personne de céans.

Vous faites bien, Monsieur, d'agir simplement sur le sujet des confessions, et vous ferez bien de continuer à entendre les personnes qui auront dévotion de se confesser à vous, sans vous exposer au tribunal pour toute sorte de gens (2) si ce n'est pour soulager les autres confesseurs, quand la presse est grande. Vous pourrez avertir d'abord ce bon prélat que vous ne pourrez pas être assidu à ce travail.

Votre bonne sœur est au Nom-de-Jésus avec la tante de M. Gorlidot. Il y a environ trois mois que votre nièce la mena ici à cause de son infirmité. Je m'employai dès

Lettre 2931. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Par la lettre 2922.

2. Nous avons vu plus haut (lettres 424, 477, 495) quels scrupules torturaient Jacques Tholard quand il entendait les confessions.

 

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lors pour la faire recevoir en une maison de Paris destinée pour les personnes de cette sorte ; mais je n'en pus venir à bout, quoique j'offrisse de recevoir en sa considération quelqu'autre personne qu’on nous voudrait envoyer pour être au Nom-de-Jésus, où nous avons été obligés par ce refus de la mettre elle-même ; ce que j'ai fait, ayant considéré (3) qu'elle serait mieux là qu'ailleurs. Et en effet, Monsieur, elle est bien. Soyez-en en repos ; son mal n'augmente ni diminue ; elle a pourtant de bons intervalles, mais ils ne durent pas. Assurez-vous que nous en aurons soin. Honorons cependant ces paroles de l'Evangile : Et tenuerunt eum, dicentes, quoniam in furorem versus est (4).

Je suis d'avis que vous gardiez tous les livres qui sont en votre sac, jusqu'à ce que la Providence vous ramène à Paris.

Vous m'avez fort consolé par le dégoût que vous témoignez avoir pour toutes les choses qui ne sont ou ne tendent à Dieu, et par les forces de corps qui vous restent après tant de travaux. J'en remercie sa divine bonté et je la prie qu'elle vous continue et augmente les mêmes grâces.

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Tholard, prêtre de la Mission, à Troyes.

3. Première rédaction : ce que pourtant je n'aurais voulu faire, et que je savais qu'elle serait. La correction est de la main du saint.

4. Evangile de saint Marc II, 21. Cette dernière phrase est de la main du saint. Le texte scripturaire n'est cité qu'à peu près ; voici le texte exact : Exierunt tenere eum ; dicebant enim : quoniam in furorem versus est.

 

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2932. - AU CHANOINE DE RUMELIN

De Paris, ce 6 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Encore que nous soyons obligés de vous remercier incessamment de la fondation du séminaire de Tréguier, vous nous donnez néanmoins de nouveaux sujets de vous rendre ce devoir par les nouvelles avances que vous faites pour la perfection de ce bon œuvre. Je vous en rends donc mille actions de grâces, Monsieur, avec toute l'humilité et la reconnaissance que je le puis. Et pource que ces bienfaits ne regardent pas seulement notre pauvre et chétive compagnie, mais la pure gloire de Dieu et le service de l'Eglise, que vous procurez avec tant de soin, de dépense et de succès, je prie Notre-Seigneur qu’il en soit lui-même votre remerciement et votre récompense. O Monsieur, que vous aurez un jour de consolation d'avoir embrassé un moyen si efficace pour avancer la sanctification des âmes, qui vous reconnaîtront dans le ciel pour leur second sauveur, et pour attirer de singulières bénédictions de Dieu sur votre noble et vertueuse famille ! Nous aurons à jamais un très grand respect pour vous et pour elle ; et plût à Dieu, Monsieur, que nous fussions dignes de vous servir ! Sa divine bonté sait avec quelle joie et quelle affection nous le ferions, particulièrement moi, qui vous fais un renouvellement des offres de mon obéissance et qui suis, en son amour, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DFPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Lettre 2932. - L. s. - Dossier de la Mission, décalque.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur de Rumelin, chanoine de Tréguier et fondateur du séminaire, à Tréguier.

 

2933. - A LOUIS DUPONT, SUPÉRIEUR, A TREGUIER

De Paris, ce 6 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 17 juillet. Je loue Dieu de la satisfaction que vous avez donnée à Monsieur de Rumelin, en commençant de vous acquitter des charges de sa fondation avant le temps. Voici une lettre que je me donne l'honneur de lui écrire, en reconnaissance de ses anciens et nouveaux bienfaits. Vous m'avez fait plaisir de m'en faire ressouvenir et de me faire savoir le progrès du séminaire. Plaise à Dieu de le perfectionner en toutes les manières !

M. Dehorgny va partir pour les visites. Il vous ira voir, Dieu aidant. Il vous dira nos petites nouvelles. Je prie N.-S. qu'il continue à bénir votre conduite et votre famille, selon le dessein qu'il a d'en tirer de la gloire.

Voici une lettre de M. Boussordec, en réponse de celle que vous m'avez adressée pour lui faire tenir.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission

Au bas de le première page : M. Dupont.

Lettre 2933. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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2934. - A EDME JOLLY

De Paris, ce 8 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 14 juillet. J'ai fait rendre celles que vous m'avez adressées pour Monsieur l'agent de Gênes (1) et M. Chastellain (2). Le premier est à la suite du roi, qui est allé vers Bordeaux pour conclure la paix avec l'Espagne et pour épouser l'infante (3). Je n'ai jamais vu de gentilhomme de l'âge de mondit sieur l'agent, qui est jeune, mieux fait que lui. C'est un esprit vif et fort sage, adroit et intelligent. J'aurais été grandement consolé de le visiter chez lui, si mes infirmités ne m'avaient empêché de sortir depuis huit ou dix mois. A mon défaut, j'y ai envoyé M. Alméras de fois à autre, qui en est toujours revenu plein d'admiration de son bon et bel esprit. Il ne faut pas s'étonner si Dieu l'a prévenu de beaucoup de dons de grâce et de nature, ayant l'honneur qu'il a d'appartenir à un saint de ce siècle.

Je suis en peine de votre indisposition, mais fort en peine, quoique vous ne m'en disiez presque rien. Je prie N.-S., Monsieur, qu'il vous redonne une parfaite santé pour le bien et la consolation de la compagnie, en laquelle sa divine bonté vous donne tant de bénédiction. Je vous prie de faire, de votre côté, tout ce que vous pourrez pour vous bien porter, et d'aller, toutes choses

Lettre 2934. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Le marquis Durazzo.

2. Probablement le R. P. Eusèbe Chastellain, directeur de l'hôpital de Joigny.

3. Marie-Thérése, fille de Philippe IV, roi d'Espagne.

 

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cessantes, prendre l'air à Frascati, ou à votre hospice de [Palestrine] (4) et vous y reposer.

La fulmination de Saint-Lazare étant faite, j'en pris hier possession pour la dernière fois. Nous allons faire partir M. Gicquel pour aller travailler à celle de Saint-Pourçain (5).

Nous attendrons en patience que Dieu ait donné un successeur à feu Mgr Galtieri, pour avoir le bref que vous attendez.

Je vous prie de témoigner à M. l'abbé Brisacier beaucoup de respect et de confiance. C'est un homme de mise, qui a charité pour nous. Votre conduite avec lui néanmoins sera assaisonnée toujours d'un grain de sel (6)

Vous avez raison de dire que, si M. Lejuge est mécontent, il ne doit pas être envoyé à Rome. Il est maintenant incommodé, à ce que M. Pesnelle me mande. Nous verrons ce que deviendra sa maladie et quel il sera après la mission de son pays, que M. Pesnelle va faire pour le contenter.

Je prie derechef N.-S. qu'il vous fortifie et sanctifie de plus en plus.

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly, supérieur des prêtres de la Mission de Rome, à Rome.

4. Mot oublié dans l'original.

5. L'official de Clermont fulmina la bulle d'union le 2 mars 1660 ; le 6, jean Gicquel prenait possession du prieuré au nom de la congrégation de la Mission.

6. Le saint a ajouté cette phrase de sa main.

 

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2935 - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

De Paris, ce 8 d’août 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu vos lettres des 15 et 22 juillet. Vous me mandez que, par l'avis de M. Jolly, vous allez faire la mission au pays de M. [Lejuge] (1) et y mener ce bon prêtre ; à la bonne heure, j'en suis bien aise, et vous aurez vu par mes précédentes comme je vous ai prié de le faire ; je souhaitais seulement que ce ne fût pas pendant ce temps ici, destiné pour votre repos. Mais, ayant les raisons que vous me mandez pour ne pas différer, in nomine Domini, mandez-nous, s'il vous plaît, comment vous vous trouverez du travail et des grandes chaleurs. Nous prierons Dieu pour qu'il vous donne des forces pour y résister, à proportion du besoin, qui sera grand.

Il faut se contenter de la bonne volonté de M. Rodolphe-Maria Brignole, puisque Dieu s'en contente, et se soumettre à la Providence dans le retranchement que Messieurs ses parents vous ont fait de la plupart de son aumône.

J'ai été consolé d'apprendre la pensée que Dieu vous a donnée de proposer à votre petite communauté les retraites d'un jour, l'affection qu'elle a eue de les faire et la bénédiction que Dieu y a donnée. Comme Dieu ne dépend pas du temps, il fait quelquefois plus de grâces en un jour qu'en huit, et on profite plus de courtes re-

Lettre 2935. - Gossin, op. cit., p. 469, d'après l'original, communiqué par M. Monmerqué, membre de l'Institut.

1. Diano, au diocèse d'Albenga. Gossin a mu : "au pays de notre juge" ; notre correction s'impose.

 

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traites que de longue, parce qu'on y a plus d'attrait et moins d'ennui.

On n'a pas mis dans les règles beaucoup de menues pratiques qui s'observent en la compagnie et qu'on doit y observer. L'usage est toujours ici de n'aller point au jardin, hors les heures de la récréation, sans permission. C'est ce que nous recommandons souvent, et que vous devez recommander aussi.

Je veux espérer que la fièvre de M. Lejuge n'aura pas continué, et, s'il a été tout à fait malade, que vous n'aurez pas manqué d'en avoir grand soin, ainsi que nous le devons toujours avoir pour la consolation et le soulagement de nos infirmes. Nous en avons toujours céans quelques-uns ; mais pour le présent nous n'en avons pas qui le soient extraordinairement.

Puisque M. Caron s'en veut aller, il vaut mieux que ce soit pendant son [séminaire] (2) qu'après. Il ne le faut pas néanmoins presser.

Je suis, en Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Ce bon M. Caron n'a pas procédé de bonne foi, en entrant dans la compagnie à dessein d'en sortir. Sans rien examiner que le fait, [est-il] juste [d'en] sortir (3) ? Il mande à ses parents qu'on lui envoie de l'argent pour s'en retourner. Quelle injustice serait-ce d'avoir constitué la compagnie en tant de dépenses, dans la résolution de la quitter sans sujet ! Je prie Dieu qu'il lui pardonne.

2. Gossin a lu ; semestre.

3. Gossin a lu : il est juste sortir.

 

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2936. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION

A SAINT-QUENTIN

De Paris, ce 9 d’août 1659.

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu vos lettres des 29 juillet et 5 de ce mois. Je ne doute pas que vous n'ayez bien à souffrir, et qu'on ne vous contredise et harcèle. Je prie Notre-Seigneur qu'il soit votre force pour réduire tout à son honneur.

Je n'ai rien à vous dire quant au service que vous rendez à Dieu et à la glorieuse Vierge (1) en la commission que Mgr de Noyon vous a donnée, sinon que vous pouvez encore continuer d'en avoir soin, autant que votre principal emploi vous le permettra, au sujet duquel je vous dirai, comme Mademoiselle Viole vous a déjà écrit, que l'on destine quelque petite chose pour aider quelques pauvres gens à semer quelque petit morceau de terre ; je dis : les plus pauvres, qui sans ce secours ne pourraient pas le faire. On n'a pas pourtant rien de prêt, mais on fera quelque effort pour amasser au moins cent pistoles pour cela, en attendant qu'il soit temps de semer. On vous prie cependant de voir en quels endroits de Champagne et de Picardie il se trouvera de plus pauvres gens qui aient besoin de cette assistance ; je dis : le plus grand besoin. Vous pourriez leur recommander en passant de préparer quelque morceau de terre, de le labourer et fumer, et de prier Dieu qu'il leur envoie quelque semence pour y mettre, et, sans leur rien promettre, leur donner espérance que Dieu y pourvoira.

On voudrait faire aussi que tous les autres pauvres

Lettre 2936. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. A Notre-Dame-de-la-Paix.

 

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gens qui n'ont pas des terres gagnassent leur vie, tant hommes que femmes, en donnant aux hommes quelques outils pour travailler, et aux filles et femmes des rouets, et de la filasse ou de la laine pour filer, et cela aux plus pauvres seulement. A cette heure que voilà la paix, chacun trouvera à s'occuper, et les soldats ne leur ôtant plus ce qu'ils auront, ils pourront amasser quelque chose et se remettre peu à peu ; et pour cela, l'assemblée a pensé qu'il faut les aider à ce commencement et leur dire qu'il ne faudra plus s'attendre à aucun secours de Paris.

Voyez donc, mon cher Frère, où sont ces pauvres gens qui ont plus de nécessité d'être aidés pour la dernière fois, et ce qu'il faudrait à peu près pour cela, comme aussi pour couvrir les églises découvertes et ruinées, seulement à l'endroit de l'autel, pour y pouvoir dire la sainte messe avec quelque décence ; j'entends les églises où les habitants sont dans l'impuissance de les remettre en cet état, et qui ne dépendent point d'aucun chapitre ou abbaye ou seigneur dîmier, qui sont obligés à les entretenir ; car c'est à eux à faire ces réparations ; et si vous nous mandez quels sont ces patrons bénéficiers et communautés, avec les noms des paroisses où seront telles églises désolées qu'ils sont tenus d'entretenir, on les en fera solliciter.

Tout cela vous obligera d'aller et de venir pour reconnaître où sera la véritable nécessité, pour en envoyer les mémoires, afin qu'on puisse faire quelque petit fonds pour y remédier. On n'a encore presque rien d'assuré, comme je vous ai dit ; mais on fera quelque effort quand vous nous aurez mandé ce qu'il faudra à peu près qui soit absolument nécessaire pour ces trois choses-là : les semences, les outils et les réparations.

Pour votre retraite, quand la pourrez-vous venir faire?

 

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Est-elle incompatible avec le soin de la chapelle (2) et les autres choses que vous avez à faire, dont je viens de vous parler? Laisserez-vous tout là pour venir vous récolliger, ou si vous remettrez votre retraite jusqu'à ce que tout cela sera fait? Je vous prie de m'en dire votre avis.

Je suis, en l'amour de N.-S., mon cher Frère, votre très humble serviteur.

Au bas de la première page : Le frère Jean.

 

2937. - A JEAN MONVOISIN, PRÊTRE DE LA MISSION,

A MONTMIRAIL

Paris , 11 août 1659.

Monsieur,

J'ai reçu votre lettre du 5, qui répond aux demandes que je vous ai faites par ma précédente, dont je vous remercie. Je n'ai rien à vous dire de nouveau.

Voici une lettre pour M. Berthe, qui arrivera bientôt chez vous, s’il n'y est déjà.

J'embrasse M. Cornuel avec toute la cordialité qui m'est possible. J'attends toujours la dernière réponse de Bétharram.

Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

2. De Notre-Dame-de-la-Paix.

Lettre 2937. - Pémartin, op. cit., t. IV, p. 438, l. 1914.

 

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2938. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR. A ROME

[15 août 1659]

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je remercie Dieu, Monsieur, de ce que vous ne vous rebutez pas des surcharges que l'on vous donne et ne voulez point vous épargner quand il y va du salut et du soulagement des pauvres qui ont besoin de quelque dispense de Rome.

Voici un mémoire servant de réponse aux questions que vous me faites touchant l'usage du lait.

Je suis en peine de l'incommodité de M. Le Gouz et néanmoins dans l'espérance qu'il se portera bien et que même il vous soulagera dans les emplois du dehors, nonobstant qu'il vous ait paru peu intérieur. A la vérité, il ne sera peut-être jamais autre qu'il est, mais il ne laissera pas [de vous aider utileme]nt quand il [sera formé], parce qu'il a [le fond de l']âme bon et la volonté portée au bien. Nous avons céans son petit frère, qui est un enfant fort sage et d'espérance (2).

Je ne manquerai pas de recommander à Dieu en mes chétives prières et saints sacrifices le Révérend Père Hilarion. Il me fait trop d'honneur de le désirer, et nous

Lettre 2938. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Cette lettre est au plus tôt du mois de juin, car elle suppose que la lettre 2832, du 25 avril, était arrivée à Rome et la réponse à Paris. Saint Vincent écrivait à Edme Jolly une fois par semaine, pas plus souvent, sauf nécessité ; des lettres qu'il lui adressa en juin, juillet et août 1659, aucune ne nous manque, sauf celle du 15 août ; la lettre ci-dessus est de 1659 et de l'époque des chaleurs. D'où il est permis de conclure qu'elle est fort probablement du 15 août.

2. René Le Gouz, né le 17 septembre 1643 à Saint-Michel-de-Chavaigne (Sarthe), entré dans la congrégation de la Mission le 2 octobre 1658, reçu aux vœux le 1er novembre 1660.

 

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lui avons trop d'obligation pour manquer de lui obéir en quoi que ce soit.

M. Jaillard, votre cousin, nous a envoyé 450 livres et une lettre qu'il vous écrit pour réponse à la vôtre (3). Si vous destinez cette somme à quelque chose, nous la délivrerons à qui il vous plaira ; sinon, nous vous en rendons très humbles grâces et prions Notre-Seigneur qu'il soit votre récompense ; mais je vous prie, Monsieur, d'en user librement.

Je suis dans l'espérance que la présente vous trouvera à Palestrine ; sinon, je vous prie, Monsieur, de vous y rendre au plus tôt, si le temps de sortir de Rome selon ses observances ordinaires le permet. Il me semble qu'on m'a dit qu'on en peut sortir la nuit sans risque, pourvu qu'on n’y retourne qu'après les pluies. Faites donc, Monsieur, je vous en supplie, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly.

 

2939. - A JEAN MARTIN

De Paris. ce 15 août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la vôtre du second de ce mois, qui m'a beaucoup affligé pour la nouvelle que vous me dites de la retraite de Monsieur Planchamp, et encore plus le procédé de celui qui l'avait accompagné à Fossano (1) Jésus !

3. Tout ce qui suit est de la main du saint.

Lettre 2939. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Ville du Pièmont.

 

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Monsieur, quel procédé est celui-là et que devons-nous espérer à l'avenir de cette personne-là? De le vous laisser, j'y vois beaucoup d'inconvénient ; je pense qu'il vaudra mieux le faire revenir ; nous prendrons la résolution sur ce que vous nous direz. Cependant je vous prie de l'observer et de lui faire faire retraite pour reconnaître sa faute; nous ferons cependant prier Dieu pour lui.

Monsieur Planchamp demandait qu'on le retirât de Turin, sans m'alléguer beaucoup de raisons pour cela ; je ne sais ce qu'il sera devenu. Il nous faut consoler dans l'espérance qu'il n'arrivera jamais tant de mal en votre famille qu'en celle de Notre-Seigneur.

Je voudrais bien savoir, Monsieur, pourquoi Monseigneur l'archevêque de Turin (2) refusa de bailler les ordres à M. Demortier ; si c'est qu'il ne voulut point pour lors en donner à personne, ou si c'est pour quelque raison particulière qu'il les refusa à ce bon Monsieur.

Reste, Monsieur, à accepter de bonne grâce le sujet de mortification qui nous arrive de cet accident, et cela pour l'amour de Dieu, qui permet que cela arrive de peur que les grandes bénédictions qu'il donne à vos travaux vous élèvent. Allez cependant, Monsieur, votre grand chemin, et ayez confiance que Dieu en tirera de la gloire, et que tout cela se tournera en mieux en tous sens. Et c'est ce que je demande à sa divine Majesté ; et vous embrasse avec toutes les tendresses de mon cœur, et votre chère famille aussi, prosterné en esprit à ses pieds et aux vôtres, qui suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

2. Jules-César Bergera.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur de la Mission de Turin, à Turin.

 

2940. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 15 août 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu celle du dix-huit juillet, par laquelle vous me mandez la grâce que Notre-Seigneur vous a faite par l'incomparable bonté de la reine, qui vous a donné le bénéfice de celui qui vous a précédé à la cure de Sainte-Croix, et auquel Sa Majesté l'avait fait donner ; dont je rends grâces à Dieu et à Sa Majesté, et prie sa divine bonté qu'elle soit la récompense de la reine et qu'il lui impute le mérite des services que cette petite compagnie pourra rendre à Dieu en ce bénéfice et en tous ses emplois, dans le temps et l'éternité.

La pensée de Sa Majesté me semble être celle de Notre-Seigneur, d'employer ce bénéfice à l'entretien d'un séminaire, où les ecclésiastiques qui voudront prendre les ordres, obtenir des bénéfices, ou qui auront besoin de retraite pour se corriger de quelque vice et s'avancer de plus en plus à la vertu, pourront être reçus gratis à proportion du revenu. O Monsieur, que cette pensée me semble avoir les marques d'une pensée de Dieu ! J'espère que, s'il lui plaît de la bénir, qu'elle fera du bien dans la Pologne.

Monseigneur l'évêque de Cahors (1) me fit l'honneur de m'écrire, il y a quelque temps, que son clergé avait

Lettre 2940. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

1. Alain de Solminihac.

 

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changé de face, et que c’était, Dieu merci, [grâce] à son séminaire, qui est composé d'environ 50 ou 60 ecclésiastiques, où tous ceux qui veulent prendre les ordres sont obligés de passer un an ou dix-huit mois pour se former aux fonctions et à l'esprit ecclésiastique. Il faut donc tendre là, et, à cet effet, vous envoyer pour le moins deux ecclésiastiques sur lesquels j'ai déjà jeté les yeux, et j'espère que Notre-Seigneur bénira leurs petits travaux, et de les faire partir à la première commodité que vous me marquez, comme aussi les Filles de la Charité que Sa Majesté demande.

Vous travaillerez donc, selon cela, aux choses qu'il faudra pour l'union dudit bénéfice.

Si ces 5 ou 6 ecclésiastiques dépendent ad nutum du titulaire dudit bénéfice, comme il semble que vous me dites, l'on pourra remplir ces places des premiers qui seront élevés dans ledit séminaire ; et c'est ce qui ferait voir bientôt en abrégé l'effet d'icelui.

Nous prions Dieu incessamment pour le roi et la reine et pour le royaume, et nous y avons grande obligation, et je puis vous dire grande affection, à ce que Dieu sanctifie Leurs Majestés et bénisse leur royaume.

Nous sommes à présent dans un exercice qui est de rendre tous les prêtres de la compagnie capables de servir indifféremment à la mission et aux séminaires ; et il semble qu'il plaît à Dieu d'y donner sa bénédiction (2).

Nous nous disposons à faire partir des missionnaires pour Madagascar. Je les recommande à vos prières, comme aussi Monsieur Le Vacher, de Tunis, qui est assiégé de la contagion et exposé à un grand danger de sa personne.

2. Le saint venait d'introduire à Saint-Lazare des exercices pratiques sur la théologie morale, l'administration des sacrements, la prédication et le catéchisme.

 

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Je me suis proposé d'écrire à la reine pour la remercier des biens incomparables qu'elle fait à ses pauvres missionnaires ; mais je ne le pourrai pas à cette fois, à cause de quelque embarras duquel je viens de sortir ; aussi bien ne ferais-je qu'abuser du respect que je dois à Sa Majesté, que je lui témoignerai mieux par le silence que par ma lettre. Je lui fais ici un renouvellement des offres de mon obéissance perpétuelle et vous supplie, Monsieur, de lui témoigner.

Je salue cependant Monsieur Duperroy avec toutes les tendresses de mon cœur et vous embrasse tous les deux, prosterné en esprit à vos pieds, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur de la Mission de Varsovie, à Varsovie.

 

2941. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 15 août 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Encore que je n'aie rien à vous dire, ou peu de chose, je ne laisserai pas de vous faire la présente pour vous donner de nos nouvelles et vous en demander des vôtres. Les nôtres sont que, par la grâce de Dieu, nos infirmes se portent mieux ; (2) que nous avons commencé ici un exercice qui tend à rendre capables tous les missionnaires

Lettre 2941. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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des emplois aux séminaires et aux missions indifféremment, nous étant trouvés empêchés jusques à maintenant de trouver des hommes en état de faire l'un et l'autre (1) S'il plaît à Dieu de bénir ce petit commencement, il y a sujet d'espérer que la compagnie sera plus en état de servir à son Eglise. Plût à Dieu, Monsieur, que chacun le fût autant que vous !

Notre frère Get continue toujours à bien étudier sa philosophie, en sorte que l'on dit qu'il est le premier de 17 ou 18 philosophes qui sont dans la classe ; et ainsi nous avons sujet d'espérer que, déficiente uno, non deficiet alter.

Je vous embrasse, vous et Monsieur Parisy, et vous offre tous les jours à Notre-Seigneur. J'espère que vous me faites la même charité, que je vous supplie de me continuer, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, prêtre de la Mission, étant de présent au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

 

2942. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 15 août 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Je loue Dieu de ce que vous avez différé la mission du

1. Voir lettre précédente, note 2.

Lettre 2942. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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lieu de la naissance de Monsieur Lejuge, et [suis] affligé de sa maladie. Je prie Notre-Seigneur qu'il lui redonne sa parfaite santé et l'en fais prier par la famille d‘ici. Je ne vous recommande point le soin de sa personne ; je suis assuré que vous n'y manquez pas. Je vous prie, Monsieur, de le saluer de ma part et de lui dire la peine en laquelle je suis. J'espère que vous donnerez bientôt des nouvelles de sa guérison.

Puisque les Pères jésuites n'enseignent point la scholastique et qu'il y a apparence que vous aurez peu d'écoliers capables de l'apprendre, je suis d'avis que l'on diffère cette leçon-là.

Quand je vous mandai de donner un écu à Monsieur Caron, je m'imaginais que c'était un Italien à qui cet argent suffisait, ne me ressouvenant pas que ledit sieur Caron était un de ceux que nous vous avons envoyés je lui eusse fait donner davantage ; mais puisque cela se rencontre de la sorte, à la bonne heure !

Voilà, Monsieur, tout ce que je vous puis dire pour le présent, sinon que nous avons commencé ici un exercice pour nous façonner tous également à l'exercice de la mission et des séminaires ; s'il plaît à Dieu y donner sa bénédiction, nous espérons qu'il en réussira du bien. Je vous prie de le recommander à Notre-Seigneur, en l'amour duquel je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur de la Mission de Gênes, à Gênes

 

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2943. - A ÉTIENNE DE FLACOURT, A ROUEN

De Paris, ce 18 août 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec nous pour jamais !

Je vous remercie très humblement, Monsieur, de l'honneur que vous me faites de vous ressouvenir de moi. Votre lettre m'a beaucoup plu. Je prie Notre-Seigneur qu’il bénisse l'accommodement auquel vous travaillez.

Notre frère Etienne se dispose à prendre les saints ordres pour les aller exercer à Madagascar, s'il plaît à Dieu. L'intendant de Monsieur le maréchal (1)dit que le vaisseau de ce bon seigneur partira le 24 d'octobre. J'espère en avoir des nouvelles dans peu, au cas qu'il ait agréable que nous soyons du voyage. Sinon, que ferons-nous? Pensez-vous, Monsieur, que Messieurs de la Compagnie (2) fassent le leur? Travaillent-ils à faire le leur? Serez-vous de la partie? En ce cas, quand sera-ce? Je vas bien avant et peut-être trop. Il me suffira que vous me disiez seulement ce qui se peut dire sans rompre le secret, et rien, si vous l'avez agréable.

Il n'y a pas d'apparence au bruit que font courir les Anglais ; ceux qui sont revenus avec eux en sauraient quelque chose et le diraient.

Notre frère Etienne vous envoie un billet et vous

Lettre 2943. - Gossin, op. cit., p. 472, d'après l'original, communiqué par Louis Paris, homme de lettres.

1. Le maréchal de la Meilleraye.

2. La Compagnie des Indes.

3. La suite manque.

 

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2944. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 21 août [1659] (1) ]

Voilà la lettre de Madame de Bouillon que j'ai reçue ce matin J'ai cru lui devoir faire réponse promptement. Je vous l'envoie pour savoir si votre charité treuvera bon que j'en use de la sorte.

La sœur Renée, dont elle parle, est celle du bruit de ce bon ecclésiastique, et que nous avons mandée de venir par deux diverses fois, et celle que madite dame désira que l'on lui laissât, tant qu’elle serait aux champs. S'il plaît à votre charité considérer toutes ces circonstances et que ce que l'on en demande une autre, ce peut être pour la tenir là toujours, comme elle le souhaite. Il y a plus d'un mois que l'on m'avait mandé qu'elle ne bougeait du château, et c'est l'ordinaire de Madame de les y arrêter souvent pour l'entretenir ; et celle-là l'entend.

Nous n'avons nulle connaissance à M. Piètre, de qui les conclusions nous peuvent nuire ou servir beaucoup. Oserions-nous, mon très honoré Père, supplier votre charité de lui envoyer quelqu'un de votre part ? C'est sur les deux heures que l'on s'assemble aujourd'hui pour l'affaire des fontaines (2). L'on m'a dit qu'il pouvait loger vers Saint-Jean (3) ; j’y enverrai le chercher, et de nos sœurs à l'hôtel de ville.

Votre charité s'emploiera, s'il lui plaît, auprès de Notre-Seigneur pour obtenir ce qui nous est nécessaire, nous bénir pour son saint amour, me croyant, mon très honoré Père, votre très humble et obéissante fille et servante.

L. DE MARILLAC.

 

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

Lettre 2944. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Les sœurs avaient obtenu des échevins, le 19, l'autorisation de conduire dans leur maison l'eau de la ville. (Arch. Nat. Q1 1200) Les travaux durèrent jusqu'à le fin de l'année. (Lettres de Louise de Marillac, l. 634.)

3. Saint-Jean-en-Grève, église de Paris.

 

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2945. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 22 août 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la vôtre du vingt-quatrième du mois passé, laquelle m'apprend de plus en plus l'incomparable bonté de la reine envers la pauvre petite compagnie, et que ce bénéfice qu'elle a eu agréable de vous donner est de plus grand revenu que ce que vous m'avez mandé par votre dernière. De tout cela j'en remercie Dieu. Je m'en vas me donner l'honneur d'écrire à Sa Majesté pour la remercier de tant de bien qu'elle nous fait et aux pauvres Filles de la Charité.

Nous ne pouvons pas vous envoyer Monsieur Berthe, pource que le voilà qui ne fait que de revenir d'un voyage qu'il vient de faire en Italie, et que, dans douze ou quinze jours, il doit partir d'ici pour Rome ; mais nous vous allons envoyer deux jeunes hommes fort sages et capables, tels que nous avons pensé être propres pour le sujet pour lequel vous les demandez. L'un des deux est prêtre ; pour l'autre, quoiqu'il ne le soit pas encore, néanmoins c'est un jeune homme fort sage et capable, et dont j'espère que vous recevrez satisfaction, aussi bien que du premier. Nous avons pensé vous devoir envoyer des personnes jeunes plutôt que de celles qui sont plus âgées, pource qu'ils apprendront plus facilement et plus promptement la langue.

Il n'y a rien de nouveau ici, depuis ma dernière, qui

Lettre 2945. - L. s. - Dossier de Cracovie, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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mérite de vous être écrit, sinon que Monsieur Boucher (1) est dangereusement malade. Je le recommande à vos prières, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Le jeune homme dont je vous parle est pieux, savant et judicieux, estimé et aimé d'un chacun. Jamais nous n'avons remarqué d'imperfection en lui. L'on le nous demande d'une bonne partie de nos maisons pour le faire enseigner. M. Duperroy l'aura pu connaître. Il se nomme de Marthe, natif de la ville d'Arras. Le prêtre l'est aussi, et savant ; il se nomme Monvoisin (2).

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur de la Mission de Varsovie, à Varsovie.

 

2946. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 22e d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Il faut nous conformer à la volonté de Dieu en toutes choses et en particulier en la sortie de M. Caron.

Nous nous sommes donnés à Dieu pour ne prendre aucune part dans toutes ces contestations qui sont aujourd'hui entre tant de si saintes personnes et entre des

1. Léonard Boucher.

2. François Monvoisin, né à Arras en décembre 1634, entré dans la congrégation de la Mission le 15 octobre 1654, reçu aux vœux en 1656, ordonné prêtre en 1659. Il était de la maison de Fontainebleau en 1671.

Lettre 2946. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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corps si considérables dans l'Eglise, et faisons profession de n'avoir céans, ni à lire, tant d'écrits qui s'impriment et qui courent par Paris et même dans les provinces sur ces sujets ; nous nous contentons de prier Dieu qu'il unisse les esprits et les cœurs et mette la paix en son Eglise. Selon cela, vous supplierez très humblement Mgr le vicaire de nous excuser si nous ne vous envoyons tous ces imprimés.

Vous direz, s'il vous plaît, à Monsieur Simon, quand M. Lejuge sera parti, que je le prie de faire l'office d'assistant ; et tant lui que M. Sappia pourront être vos deux consulteurs ; et M. Pinon entrera alors en la direction du séminaire interne.

Nous vous recommanderons aux prières de la compagnie, selon votre désir ; et je prie Notre-Seigneur dès à présent qu'il bénisse de plus en plus votre conduite, qui suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission, à Gênes.

 

2947. - A EDME JOLLY

De Paris, ce 22e d'août 1659 .

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je loue Dieu de ce que vous vous portez un peu mieux, et le prie qu'il vous rétablisse en parfaite santé, et vous prie vous-même, Monsieur, d'y contribuer de votre part

Lettre 2947. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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et de vous servir du carrosse toutes les fois que vous jugerez en avoir besoin.

Je suis tout plein des sentiments de reconnaissance des bontés ordinaires de Mgr le cardinal Durazzo vers la compagnie, et en particulier de celle qu'il a eue depuis peu, de faire l'honneur à ces pauvres missionnaires de Rome de les visiter en leur petite maison. Nous continuerons toujours nos chétives prières pour la prospérité et santé d'un si saint prélat, selon les grandes obligations que nous y avons.

Je rends grâces à Dieu de l'augmentation de votre petit séminaire interne, et le prie qu'il le bénisse de plus en plus et qu'il donne à ces deux nouveaux sujets l'esprit de vrais missionnaires.

Vous ne serez point en peine de recevoir le séminariste dont vous a écrit Monsieur Pesnelle, car il a quitté, depuis, la compagnie tout à fait.

Vous avez bien répondu touchant la maison des RR. PP. de Saint-Antoine en Piémont, car nous ne contribuons rien du tout à cette affaire, qui est entreprise et conduite entièrement par Madame Royale ; et nous n'avons jamais recherché, par la grâce de Dieu, aucun établissement, non plus que celui-ci ; de quoi vous pourrez toujours assurer les Révérends Pères.

Je me recommande à vos prières et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly, supérieur de la Mission, à Rome.

 

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2948. - A FRANÇOIS FEYDIN, PRÊTRE DE LA MISSION,

A RICHELIEU

De Paris, ce 24 août 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu deux de vos lettres, qui m'ont extrêmement attendri le cœur, voyant les mouvements apostolique, que Dieu vous donne d'aller annoncer son nom à Madagascar, dont je rends grâces à sa divine bonté, et le prie qu'il soit son remerciement à lui-même de la participation qu'il vous donne à l'amplitude de sa mission sur la terre.

Je suis en doute si déjà je vous ai témoigné la même chose, à cause de l'absence de notre frère Ducournau. Je vous dis donc derechef, Monsieur, que très volontiers j'adore la lumière et l'affection que Dieu vous donne pour le salut de ces pauvres gens, et notamment de ceux que la divine bonté s'est proposé de sauver par vous. Allez donc, Monsieur, allez in nomine Domini. Je prie N.-S. qu'il vous tienne par la main, qu'il vous défende et conserve dans les dangers qui se rencontrent et sur la terre et sur la mer, de sorte que vous arriviez en ce lieu-là en parfaite santé, et qu'il lui plaise, par sa bonté

Lettre 2948. - L. s. - Dossier de la Mission. Le secrétaire a ajouté ces mots sur la partie de la lettre laissée en blanc : "Copie de la lettre écrite par M. Vincent à M. Feydin, prêtre de la Mission, au sujet du voyage de Madagascar, laquelle lettre est écrite de ma main, M. Vincent me l'ayant dictée mot pour mot. M. Feydin étant depuis venu à Saint-Lazare pour obéir à une seconde lettre que M. Vincent lui écrivit de Richelieu, me dit, auparavant son départ pour Madagascar, qu'il la gardait bien chèrement."

 

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infinie, vous remplir de son esprit, pour le faire connaître et aimer par ce pauvre peuple, qui a tant de disposition à embrasser notre sainte foi.

Notre frère Etienne, que la Providence appelle au sacerdoce et qui a pris aujourd’hui le sous-diaconat et prendra demain le diaconat et dimanche prochain la prêtrise, se dispose à ce grand et bienheureux voyage. J'espère que vous aurez aussi avec vous M. Boussordec qui a tant de zèle pour le salut de ces peuples. Je vois bien la perte que fera la maison de Richelieu d'un si bon serviteur de Dieu ; mais j'espère que celui qui des pierres fait des enfants d'Abraham enverra quelqu'autre en votre place ; mais ceci, je le dis plutôt à M. de Beaumont qu'à vous, et à sa famille, qui sera sans doute beaucoup affligée de votre départ, que je sens moi-même avec tendresse. Allez donc derechef, Monsieur, dans la confiance que celui qui vous appelle aura le même soin de vous que de la prunelle de son œil. Ménagez-vous, ne vous exposez pas à toute sorte de peines et de travail, surtout la première année que vous serez arrivé là, passée laquelle l'on dit que l'on s'y porte parfaitement bien ; et de fait, l'expérience nous a fait voir que ceux qui sont allés au ciel ont anticipé l'heure de leur nouvelle vie, vraisemblablement pour s'être exposés à de trop grands travaux. Si vous trouvez en vie le bon M. Bourdaise, duquel vous représentez en quelque façon l'image, croyez-le bien de ce côté-là comme en toute chose. C'est une personne des plus douces, des plus fortes, des plus sages, des plus zélées et des plus aimables que je connaisse. O Monsieur ! que vous serez consolé de l'embrasser, surtout quand vous verrez en lui des traits de votre visage, de votre douceur, etc. !

Allez donc encore derechef, Monsieur. Je prie N.-S. qu'il vous bénisse. Ressouvenez-vous, s'il vous plaît, en

 

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vos prières d'un vieillard de 79 ans, chargé de péchés, qui est votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2949. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 24 août [1659 ] (1)

Nos deux sœurs, mon très honoré Père, qui ont demandé permission à votre charité de faire les vœux sont sur la cinquième année de leur entrée en la compagnie. L'une s'appelle Pétronille n’est pas ignorante de l'estime qu'elle en doit faire et du sujet L'autre a plus de simplicité et moins de connaissance et même d'intelligence mais aime Dieu et sa vocation (aussi fait la première) en laquelle elles ont toujours été fermes. Elles ont l'approbation de M. Portail. Le nom de cette dernière est Louise.

Mon saint patron me reproche mon infidélité, et pour cela je supplie votre charité de demander pardon à Dieu pour moi et de nouvelles grâces pour l'exécution de sa sainte volonté. Si je le puis, j'assisterai demain avec nos sœurs à la sainte messe pour que ce petit nombre vous représente toute la compagnie, pour que votre charité lui obtienne la grâce de fermeté avec la bénédiction de Notre-Seigneur pour ce sujet.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

Lettre 2949. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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2950. - A LOUISE-MARIE DE GONZAGUE,

REINE DE POLOCNE

[26] (1) août 1659.

Madame,

Monsieur Desdames me mande par sa dernière lettre que Votre Majesté a donné à sa Mission de Varsovie le bénéfice de Vitkiski, qui est fort considérable, et cela selon sa grâce toute royale, et a désiré que je me donne l'honneur d'en remercier Votre Majesté. Et c'est, Madame, ce que je fais avec toute l'humilité et l'affection qui me sont possibles, et prie Notre-Seigneur qu'il soit lui-même et la récompense et le remerciement de Votre Majesté, pour le bien qu'il y a lieu d'espérer qui en proviendra. Il me mande que le revenu qui en proviendra pourra donner commencement et quelque progrès à un séminaire d'ecclésiastiques, et qu'à cet effet nous lui envoyions deux prêtres ; et c'est, Madame, ce que je ferai par la première commodité.

Il m'a mandé de plus comme Votre Majesté a acheté un grand hôtel pour y faire élever les pauvres filles par celles de la Charité, et que déjà Votre Majesté les y a logées. Mademoiselle Le Gras et moi avons été fort touchés, comme aussi la plupart des filles de cette compagnie, qui se trouvèrent, il y a deux jours, à la conférence que je leur fis (2) où je vis sensiblement la reconnaissance de ces pauvres filles, qui est si grande que j'avoue ne

Lettre 2950. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute dictée par le saint.

1. Cette lettre a suivi de très près la lettre 2945, qui est du 22 août. Elle a été écrite, dit le saint, au surlendemain d'une conférence aux sœurs ; et cette conférence ne peut être que celle du 24.

2. Le résumé de cette conférence ne fait pas mention de ce que saint Vincent dit au sujet de la reine de Pologne.

 

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les avoir jamais vues si touchées que du récit que je leur fis de la bonté et du support que Votre Majesté a pour elles, et notamment quand je leur dis que Votre Majesté filait et dévidait le fil qu'il faudra pour coudre le linge des pauvres et le leur, qui est un exemple sans exemple en l'Eglise de Dieu. Nous savons bien que l'histoire nous fait voir une princesse qui filait tous les ans le fil qu'il fallait pour ensevelir son corps ; mais je ne me ressouviens point d'avoir lu que la piété d'aucune l'ait portée, comme Votre Majesté, à employer l'ouvrage de ses mains au service des pauvres. Et c'est, Madame, ce que je pense que Notre-Seigneur fait voir aux anges et aux âmes bienheureuses avec admiration, et ce que l'Eglise verra un jour en ce même esprit. Béni soit Dieu, Madame, de ce que les affaires de la guerre, auxquelles Votre Majesté travaille avec tant de succès, n'empêchent point Votre Majesté de s'appliquer de la sorte à édifier l'Eglise de Dieu !

Mademoiselle Le Gras se dispose à envoyer à Votre Majesté, par la première commodité, deux Filles de la Charité. Elle est bien affligée... (3).

 

2951. - AU FRÈRE JEAN PARRE

De Paris, ce 27 août 1659.

Mon cher Frère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

L'embarras assez grand dans lequel je me trouvai sa-

3. Le secrétaire a mis cette note au bas de la minute : "Cette lettre n'a pas été achevée par M. Vincent, qui en recommença une autre, dont je n'ai point su la teneur, pour l'avoir écrite lui-même de sa propre main."

Lettre 2951. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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medi dernier fut la cause, mon très cher Frère, de ce que je ne vous pus écrire pour vous témoigner la consolation que nous avons reçue de la continuation des bénédictions qu'il plaît à Dieu de donner à vos travaux, de quoi nous rendons grâces à sa divine Majesté, et la prions que, par sa bonté infinie, elle ait agréable de les vous continuer.

L'on a trouvé bon ici, mon cher Frère, tout ce que vous avez fait ; et vous êtes prié de travailler pour les semences et de prendre bien garde, pour la distribution que vous en ferez, que ce ne soit qu'à ceux qui en ont besoin ; cependant mandez-nous tout ce qui se passe à l'égard de la chapelle et tout ce qui s'y fait.

Pour votre retraite, attendu les raisons que vous mandez, il sera donc bon de la remettre jusques au temps que vous me marquez, auquel, comme à toute l'éternité je désire être, en l'amour de Notre-Seigneur, mon cher Frère, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A notre cher frère notre très cher frère Jean Parre, étant de présent pour l'assistance des pauvres à Saint-Quentin.

 

2952. - A FRANÇOIS FOUQUET, ARCHEVÊQUE

DE NARBONNE

De Paris, ce 29 d'août 1659.

Monseigneur,

Votre lettre m'a fait admirer le zèle incomparable que Dieu vous donne et les peines excessives que vous pre-

Lettre 2952. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

 

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nez pour la sanctification de votre diocèse. Il est a souhaiter, Monseigneur, que ce zèle ardent enflamme toutes les âmes qui vous sont commises, et leur exemple tous les peuples voisins. J'ai consolation de vous le dire, parce que j'espère ce bienheureux effet de votre sainte conduite ; mais je pense vous devoir dire aussi, Monseigneur, que je crains également que vous preniez trop sur votre personne sacrée et que le corps ne puisse pas porter longtemps les fatigues que l'esprit lui donne. C'est pourquoi, Monseigneur, j'ose supplier très humblement Votre Grandeur de les modérer. L'esprit malin, qui prévoit la gloire que Dieu tirera de votre chère conservation, ne demande pas mieux que de vous voir trop entreprendre d'abord pour vous voir bientôt abattu. Et quand même Votre Grandeur aurait assez de forces corporelles pour continuer le travail commencé, il aurait aussi assez de malice de se servir de ce même travail pour lasser votre esprit, sachant bien que l'ayant une fois rebuté de vos saintes applications, il lui en ferait regarder d'autres plus agréables et moins utiles, au lieu que, si vous avez agréable d'aller doucement en besogne, vous étendrez bien loin et bien au large les fruits de vos fonctions apostoliques.

Je supplie très humblement Votre Grandeur de pardonner à son vieil et ancien serviteur la liberté qu'il se donne de lui parler ainsi.

Quant au commandement que vous nous faites, Monseigneur, de vous envoyer quelques ouvriers, je l'ai reçu avec respect et soumission. On m'avait déjà demandé quelques prêtres de votre part, mais j'entendais que c'était de ceux de notre Assemblée des mardis. Mais, puisque vous les voulez de notre compagnie, nous tâcherons, Monseigneur, de vous en envoyer deux au temps que vous me faites l'honneur de me marquer.

 

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Dieu nous rende dignes de vous obéir et de répondre à vos saintes intentions ! Je désire particulièrement cette grâce pour moi, qui suis, en son amour...

 

2953. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 29 août 1659.

Vincent de Paul annonce à Edme Jolly qu'il a reçu sa lettre et l'engage à ménager sa santé. Il est très reconnaissant au cardinal de Gênes de ses innombrables bienfaits. Le désir qu'a ce prélat de procurer une maison à Rome aux prêtres de la Mission et le mal qu'il se donne pour la trouver feront qu’ils le regarderont comme leur double fondateur et le révéreront comme un père et un grand saint.

...Nous attendons le plan du palais que Mgr le cardinal Bagni désire vendre, et de Dieu la grâce de mériter la bienveillance dont il vous honore, et tous ces autres seigneurs les cardinaux qui daignent s'intéresser à votre établissement. J'ai envoyé votre lettre à Madame la duchesse d'Aiguillon, afin qu'elle voie ce que vous avez fait pour sa fondation de Lorette.

 

2854. - A JEAN MARTIN, SUPÉRIEUR, A TURIN

De Paris, ce 29 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai appris, par votre lettre du 16 la rechute de M. Demortier, qui le met en danger. J'en suis fort en peine, et j'attends en patience l'événement de la maladie. Plaise à Dieu de le guérir ! J'espère que cette visite lui profitera.

Lettre 2953. - Catalogue de M. Charavay. M. Charavay décrit ainsi l'original : "2 pages pleines, petit in-4°, plusieurs piqûres de vers, plusieurs mots de correction autographe, (lettre) incomplète à la fin."

Lettre 2954. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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Il y a apparence que ces bons Pères qui traversent la poursuite que l'on fait à Rome en faveur d'un séminaire se maintiendront en leur abbaye (1) Plaise à sa divine providence d'en ordonner pour le mieux, comme aussi du palais d'où vous êtes proche, qui est à la disposition du Pape et duquel Mgr le marquis (2) doit parler à Mgr le nonce, pour représenter à Sa Sainteté le grand bien qu'elle fera de l'appliquer audit séminaire, afin d'y recevoir et instruire les curés et autres ecclésiastiques du pays ! Comme c'est là une œuvre de Dieu, il le faut beaucoup prier pour cela et pour ôter de nous, s'il lui plaît, tout ce qui nous rend indignes de contribuer à ses desseins. Si sa divine bonté se veut servir de nous pour ledit séminaire, nous tâcherons de vous envoyer les hommes qu'il faudra.

Je suis, du cœur que Dieu seul connaît, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin.

 

2955. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 29 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je réponds à la vôtre du 12. Je loue Dieu de vous avoir adressé un juif pour en faire un chrétien, et, comme j'espère, un bon chrétien.

Il est juste de donner à vos juges le temps qu'ils de-

1. L'abbaye de saint-Antoine.

2. Le marquis de Pianezze.

Lettre 2955. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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mandent pour juger votre différend, puisque ce n'est que pour mieux pénétrer la matière et vous rendre justice.

Le détachement que Dieu vous donne des biens de la terre vaut plus que tout ce qu'elle a de précieux. Vous aurez le mérite devant Dieu d'avoir choisi la meilleure part entre vos frères, en le prenant lui seul pour votre héritage ; et cela n'empêchera pas que vous n'ayez aussi votre part en la succession de feu M. votre père. Nous tâcherons d'y résoudre ces bons Messieurs. Dieu vous conserve et bénisse !

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission de Gênes, à Gênes.

 

2956. - A TOUSSAINT LEBAS, PRÊTRE DE LA MISSION,

A AGDE

De Paris, ce 29 d'août 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Puisque Thierry est résolu de se retirer, il vaut mieux que ce soit plus tôt que plus tard, attendu qu'il fait plus de mal que de bien. J'ai déjà prié M. Durand de le renvoyer (1)

Si ce bon garçon Isaac Martin, que vous avez reçu en

Lettre 2956. - L'original a été communiqué par M. Jean Moore, prêtre de la Mission, supérieur de l'établissement de Brooklyn. le post-scriptum est de la main du saint.

1. Le secrétaire avait ajouté ces mots, qui furent ensuite raturés : "Je ne sais pourquoi il ne l'a pas fait."

 

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qualité de domestique, persévère à bien faire et à vouloir entrer en la compagnie, je consens que M. Durand le reçoive comme frère et qu'il assiste à vos exercices communs et ordinaires, ainsi que nos frères ont accoutumé (2),

Il ne faut nullement souffrir que le frère Lemoyne aille se confesser hors de la maison, à cause des fâcheux inconvénients qui en peuvent arriver. Dites-le, s'il vous plaît, à M. Durand, quand il sera de retour de Narbonne, afin qu'il détourne ce frère de cette fantaisie ; et s'il ne le peut, qu'il me le mande ; je lui en écrirai.

Il est fort vrai, Monsieur, que, si nous sommes fidèles à Dieu, rien ne nous manquera. Si ce bon homme qui veut donner à votre maison dix mille livres de bien, persiste en cette résolution, prenez avis de la manière dont il faudra faire cette donation pour la bien assurer, car elle vous pourrait être contestée.

Je n'écris pas pour cette fois à M. Durand, pour n'avoir rien à lui mander (3), et je vous écris à vous pour répondre à la vôtre du 11e de ce mois et pour me recommander à vos prières et à celles de toute la famille, que j'embrasse, prosterné en esprit à ses pieds.

Je suis en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Si ce bon frère a peine d'aller à quelqu'autre de la maison, qu'il aille à M. Durand.

Au bas de la première page : M. Lebas.

2. Le nom d'Isaac Martin ne se trouve pas sur le catalogue des frères coadjuteurs.

3. Saint Vincent se ravisa, peut-être après avoir reçu, ce jour-là même, une lettre d'Antoine Durand.

 

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2957. - A ANTOINE DURAND, SUPÉRIEUR, A AGDE

De Paris, ce 29 août 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

M. Baillon, que vous me mandez être parti, par votre lettre du 18, n'est pas encore arrivé ici. Nous le recevrons volontiers.

Je vous compatis dans les peines que vous souffrez. Il ne se faut pas étonner des difficultés, et encore moins s'en laisser abattre. On en rencontre partout, particulièrement dans l'emploi où vous êtes. C'est assez que deux hommes habitent ensemble pour se donner de l'exercice, et, quand vous seriez seul, vous vous seriez à charge à vous-même et un sujet de patience ; tant il est vrai que notre vie est misérable et parsemée de croix. Je loue Dieu, Monsieur, du bon usage que vous faites des vôtres, ainsi que je me le persuade. J'ai trop vu de sagesse et de douceur en votre esprit pour douter qu'elles vous manquent en ces rencontres fâcheux. Au reste, vous êtes seul qui m'avez écrit ce qui se passe. Je vous puis assurer que personne ne m'a fait aucune plainte de votre conduite, et que celui que vous me nommez paraît en être satisfait, et non pas mécontent ; continuez d'agir vers lui ainsi que vous me mandez que vous faites.

Il me semble que vous avez bien fait de demander à Mgr de Narbonne (1) une déclaration comme lui-même a fait faire le bâtiment du séminaire en la manière qu'il est, étant évêque et comte d'Agde, afin de vous en servir au besoin. Vous ferez encore bien d'attendre que

Lettre 2957. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. François Fouquet.

 

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Mgr son successeur (2) soit arrivé, pour résoudre avec Messieurs de la ville les clauses de leur délibération. Il agira doucement avec eux en ce commencement ; et ainsi vous ne devez pas craindre que cela vous attire leur indignation.

Il est tellement vrai qu'il faut des lettres patentes du roi pour affermir votre établissement et pour l'union de vos chapelles, que sans cela vous ne tenez rien. Vous ferez donc bien de travailler à obtenir le consentement des patrons de ces chapelles, s'il y en a, et celui de Messieurs du chapitre, afin que sur iceux Mgr l'évêque fasse l'union desdites chapelles, et que sur cette union nous obtenions du roi lesdites lettres patentes ; et pour faire cela validement, il est nécessaire que mondit seigneur d'Agde ait agréable de faire un nouvel acte d'érection de son séminaire et qu'il en donne la direction perpétuelle à la compagnie, parce que cette perpétuité manque au concordat que feu M. du Chesne fit avec Mgr de Narbonne, pour lors évêque d'Agde. Je vous enverrai une copie d'un de nos autres établissements, pour servir de modèle à mondit seigneur ; et vous pourrez prendre avis de M. Laur pour les formalités qu'il faut observer pour l'union des chapelles.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Durand.

2. Louis Fouquet.

 

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2958. - A CHARLES BOUSSORDEC, PRÊTRE DE LA M1SSION
A LA ROSE

De Paris, ce 3 septembre 1659.

Vincent de Paul approuve les dispositions prises par Charles Boussordec pour mettre ordre à ses petites affaires et le supplie de se rendre au plus tôt à Nantes. M. Boussordec recevra là une plus longue lettre et y trouvera d'autres missionnaires, destinés comme lui à la Mission de Madagascar, ou du moins les verra arriver peu après, Dieu aidant.

...Vous vous équiperez à Nantes et nous prierons N.-S. qu'il vous y conduise heureusement et qu'il vous revête et vous anime de sa grâce et de son esprit. Je suis, en son amour, etc.

 

2959. - A EDME MENESTRIER, SUPÉRIEUR, A AGEN

De Paris, ce 3 de septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous envoie la copie d'un consentement ou approbation que vous avez donné à l'union qui a été faite du prieuré de Saint-Pourçain à notre compagnie, à ce que vous ayez agréable de faire un nouvel acte devant le même notaire, ou tel autre qu'il vous plaira, qui contienne les mêmes termes, mais non la même date ; car celui-là est de l'année passée, et celui que je vous demande doit être de la présente (1) Je vous prie de me l'envoyer en diligence, car nous en sommes pressés.

Lettre 2958. - Catalogue de M. Laverdet, janvier 1854, n° 1064. L'original comprenait deux pages in-4°.

Lettre 2959. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Edme Menestrier avait reçu le prieuré de Saint-Pourçain en commende le 3 octobre 1655.

 

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Je ne puis vous dire autre chose pour cette fois, sinon que je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

J'ai reçu votre lettre du 22 d'août. Le cousin de M. Fournier sera le bienvenu, s'il vient ici.

Au bas de le page : M. Edme.

 

2960. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

5 septembre 1659.

J'admire de plus en plus l'infinie bonté de Dieu en celle de Monseigneur le cardinal Durazzo, qui n'a point de circonférence pour nous ; nous sommes l'objet de toutes ses bontés. Nous devons nous humilier beaucoup et nous confondre en vue des obligations éternelles que nous lui avons. J'avoue que c'est tout ce que nous pouvons faire pour ne tomber tout à fait dans l'ingratitude ; et je prie Notre-Seigneur qu'il nous rende moins indignes que nous ne sommes de rendre à Dieu les petits services pour lesquels Son Eminence nous honore de la grâce de sa bienveillance et de ses bienfaits, et qu'enfin sa divine Majesté soit elle-même sa récompense.

Nous attendons la dernière résolution qui sera prise sur le traité du palais que Monseigneur le cardinal Bagni veut vendre.

Lettre 2960. - Reg. 2, p. 248.

 

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2961. - A FIRMIN GET, SUPÉRIEUR, A MONTPELLIER

Paris, 5 septembre 1659.

Je ne doute pas que les affaires ne vous étonnent, tandis que vous n'en avez pas encore la connaissance. Tous les commencements sont un peu étranges, mais il faut avoir patience ; cette nouveauté sera bientôt passée, et peu à peu vous trouverez de la facilité aux choses qui vous paraissent à présent obscures, et Notre-Seigneur, qui vous en a donné le soin, vous donnera aussi l'intelligence requise pour y accomplir sa volonté. Je ne suis en peine que de votre santé ; faites, je vous prie, tout ce que vous pourrez pour vous bien porter.

 

2962. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 5 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 23 août, et je commence à vous y répondre par où vous finissez. C'est touchant les nouveaux ouvriers que vous demandez, que nous ne pouvons vous envoyer pour le présent, ayant à remplir deux nouveaux établissements (1) et à faire partir quelques prêtres pour Pologne, capables d'enseigner, à cause que depuis peu la reine a donné un bénéfice de 4 ou 5 000 livres de revenu pour un séminaire ; ce qui nous empêchera de vous secourir si tôt. C'est pourquoi je vous prie, Monsieur, d'avoir patience et de ménager les hom-

Lettre 2961. - Manuscrit de Marseille.

Lettre 2962. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Ceux de Narbonne et de Notre-Dame-de-Bétharram.

 

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mes que vous avez, comme je sais que vous faites, grâces à Dieu ; dont je suis si consolé que je ne sais comment ce mot m'a échappé. Continuez de les conduire selon votre sagesse et suavité ordinaires.

Il y a sujet de croire que l'inquiétude de M. Dem[ortier] provient de son infirmité corporelle, et qu'à mesure que son corps se rétablira, son esprit se trouvera paisible et content, surtout dans l'occupation que les missions lui vont donner. Que si le contraire arrive, vous pourrez voir avec M. Jolly ou M. Pesnelle d'en faire un échange pour un de leurs prêtres. Je prie Notre-Seigneur, Monsieur, qu'il vous fortifie à la ville et aux champs, pour le corps et pour l'esprit, puisqu'il plaît à Dieu de vous donner de la peine partout et en toutes les manières. C'est ainsi que sa providence traite ceux qu'il aime, particulièrement ceux qui ont le soin des autres, qui portent tout le faix.

Nous avons eu plusieurs malades, et quelques-uns à l'extrémité, qui se portent tous mieux, grâces à Dieu, en qui je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission de Turin, à Turin.

 

2963. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 5 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 19 d'août. Les vacances que vous proposez, [c']est une chose fort délicate. Si on les

Lettre 2963. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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accorde à quelques-uns, comme il y a quelquefois raison de le faire, les autres pensent avoir droit de les demander ; et si on les donne une fois, on prétend de continuer toujours, en sorte que c'est ouvrir la porte aux plaintes que de la fermer à cet usage. Nous avons pourtant été obligés de le faire ici, où, du commencement, nous avons permis qu'on allât çà et là se promener pendant plusieurs jours, une fois l'an ; mais nous fûmes obligés de réduire cela à un jour de chaque semaine, auquel on s'allait divertir à une, deux et trois lieues loin. Mais les inconvénients arrivés en l'une et en l'autre manières nous ont contraints de retrancher ces sorties, particulièrement depuis que nous avons fait enfermer quatre-vingts arpents de terre, qui font un espace assez grand pour se récréer. Néanmoins nous avons souffert que les écoliers soient une fois allés passer quelques jours en une de nos fermes ; mais ils s'y comportèrent si mal que je n'ai plus voulu permettre qu'on y soit retourné ; et encore fraîchement qu'on m'a pressé sur cela, j'ai tenu ferme, par la grâce de Dieu. Je ne veux pas dire que ce que nous faisons ici, vous le fassiez de delà. Vous êtes logés trop étroitement pour n'envoyer pas les vôtres prendre un peu au large quelque honnête divertissement. Toutefois, avant de résoudre cette question, je vous prie de me mander comment font les Jésuites, les Pères de l'Oratoire et les Théatins de Gênes, si leurs écoliers ont des vacances et où ils vont. C'est un pas fort glissant que celui-ci. On n'a pas sitôt donné une liberté qu'on en demande une autre ; et vous le voyez en ce qu'ayant donné 15 jours de relâche à vos étudiants, il y en a qui veulent aller à Notre-Dame-de-Savone, et une autre année ils voudront aller à Milan ou ailleurs. Ils tireront cela en coutume, et d'un abus on passera à plusieurs, et enfin au désordre. Voilà où cela va.

 

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Quant à la difficulté où vous vous trouvez pour le soulagement de M. Simon, je pense que vous ferez bien de le décharger du séminaire interne et de ne lui donner qu'une leçon à faire ; ce sera assez avec l'office d'assistant qu'il doit exercer. Pour l'autre leçon, vous prierez M. Philippe de la faire, et tous deux de ne donner point des écrits ; vous les en prierez même de ma part. Je sais bien qu'il est quelquefois bon et qu'ils auront peine de s'empêcher de donner quelques notes ; mais la suite est à craindre, qui est que peu à peu on en vient à donner des écrits tout entiers, qui, pour bons qu'ils soient, ne valent jamais mieux [que ce] qu'on trouve (1) dans les livres. Il vaut donc mieux qu'ils s'en abstiennent entièrement.

Pour le séminaire interne, je persiste à vous prier d'en donner la direction à M. Pinon, au cas que M. Simon soit de cet avis (2), Cet emploi obligera ledit sieur Pinon de faire plus d'attention sur soi pour bien édifier toute la maison. Les raisons contraires que vous me mandez ne doivent pas empêcher d'en faire un essai ; car nous ne pouvons vous envoyer personne plus propre, ni qui parle italien, comme il est nécessaire.

Je vous ferai savoir au premier jour si vous devez entrer en partage avec Messieurs vos frères, ou vous contenter d'une pension.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission, à Gênes.

1. Rédaction primitive : ne valent jamais ceux qu'on trouve. Le saint a ajouté de sa main le mot mieux.

2. Rédaction primitive : au cas que M. Simon n'ait pas trop de peine à la quitter. La correction est de la main du saint.

 

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2964. - A L'OFFICIAL D'ARRAS

De Paris, ce 6 septembre 1659

Monsieur,

Je vous renouvelle ici les offres de mon obéissance et le très humble remerciement de la grâce que vous nous faites de nous considérer dans les occasions. En voici une, Monsieur, qui regarde deux personnes de votre diocèse et de notre compagnie, nommées François Monvoisin et Ignace Boucher, qui sont en âge et en état d'entrer dans les ordres sacrés. Ils ont fort bien étudié tous deux en philosophie et en théologie. Monvoisin n'a encore que la tonsure, mais il est sage et vertueux ; nous n'avons remarqué en lui aucun défaut depuis qu'il est parmi nous. Je vous supplie très humblement de lui accorder un dimissoire ad omnes, et à notre frère Boucher un autre pour les ordres sacrés. Il travaille aussi à la vertu. Il a paru en lui quelque jeunesse (1); mais depuis quelques années il se comporte en sorte qu'il y a sujet d'espérer qu'il sera un bon ecclésiastique, aussi bien que Monvoisin. Si vous avez agréable de leur faire la faveur que je vous demande, je vous supplie très humblement que ce soit au plus tôt, parce qu'il se présente occasion de les employer pour le service de Dieu et le salut des âmes.

J'écris à la sœur Marguerite (2) qui vous rendra la présente, qu'elle les retire de votre secrétaire et paye les droits.

Si nous pouvons vous servir de deçà, Monsieur, en reconnaissance des effets que nous recevons de votre

Lettre 2964. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. Voir lettre 2099, note 1.

2. Marguerite Chétif.

 

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bonté, ce sera de grand cœur, car c'est ainsi que je suis, Monsieur...

 

2965. - AU FRÈRE JEAN PARRE

De Paris, ce 6 septembre 1659.

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Les dames ne vous ont rien ordonné de nouveau ; elles s'attendent que vous verrez quelques endroits les plus propres et les plus nécessiteux, pour y distribuer quelques semences.

M. Delahaye, doyen de Noyon, a recommandé un pauvre gentilhomme, nommé M. Sablonnière, disant qu'il a été ruiné par le camp volant campé à Miremont (1) qui lui a pris ses bestiaux et ses meubles et dissipé ses blés. Les dames voudraient savoir de vous si cela est vrai, s'il ne reste rien à ce pauvre gentilhomme pour se remettre ni pour subsister, s'il a des enfants et combien. Mandez-nous, s'il vous plaît, tout ce que vous en pourrez apprendre.

Je vous envoie un billet qu'on m'a écrit touchant une chapelle ruinée, que l'on désire que vous fassiez rétablir. Si vous y pouvez quelque chose, à la bonne heure.

Je suis, en N.-S., mon cher Frère, votre très affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A notre frère le frère Jean Parre, de la congrégation de la Mission, à Saint-Quentin.

Lettre 2965. - L. s. - Dossier de la Mission, copie prise sur l'original chez M. Charavay, qui l'a mise en vente en 1880.

1. Peut-être Miraumont, petite localité de l'arrondissement de Péronne.

 

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2966. - A MADEMOISELLE DE CHANDENIER

6 septembre 1659.

Mademoiselle de Chandenier est assurée par son serviteur Vincent qu'elle est souveraine et absolue en la maison de Saint-Lazare, et que ce bon ecclésiastique dont elle lui a écrit y sera très bienvenu pour y faire huit jours de retraite. Le reste du temps il pourra le passer au séminaire des Bons-Enfants, parce que nous avons pour règle de ne recevoir céans personne que pour ce temps-là de huit jours. Et encore est-il à désirer qu'il attende jusqu'après l'ordination, qui commencera mercredi prochain et qui occupera pendant dix ou onze jours tous nos lits et notre monde. Si néanmoins il veut assister aux exercices de Messieurs les ordinands, très volontiers nous le recevrons. Ensuite il pourra faire sa retraite ; et, en ce cas, il pourra être ici dix-huit jours.

 

2967. - A LOUISE DE MARILLAC

[Septembre 1659] (1)

Je prie Mademoiselle Le Gras de me mander sur qui elle jette les yeux particulièrement pour Vaux (2) qui est la maison de M. le procureur général (3) et quand elles pourront être en état de partir. Madame Fouquet presse beaucoup.

Je saurai là où loge M. le procureur du roi de la ville

Lettre 2966. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

Lettre 2967. - Dossier de la Mission, copie.

1. Voir note 5.

2. Vaux-le-Vicomte, aujourd'hui dans la commune de Maincy (Seine-et-Marne).

3. Nicolas Fouquet.

 

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et le manderai à Mademoiselle Le Gras, ainsi que les placets qu'elle demande. M.. Maillard (4) n'est point céans ; ce sera demain que je lui donnerai les placets.

L'on ne presse point le départ de Narbonne sitôt, qui est à dire, si me semble, de sept ou huit jours (5)

 

2968. - A JEAN DE FRICOURT,

CLERC DE LA MISSION (1), A SAINTES

De Paris, ce 7 septembre 1659

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Vous me mandez par votre dernière que vous êtes dans le trouble, que vous n'avez affection ni pour le, règles, ni pour les exercices, et que vous espérez que j’y apporterai remède. Je veux bien le faire, mon cher Frère, et je le veux d'autant plus que votre peine m'est fort sensible, à cause de l'estime et de l'affection que j'ai toujours eues pour vous. Mais pour guérir votre mal, il le faut connaître. Pour moi, j'estime que c'est une langueur de la volonté et une paresse de l'esprit pour les choses que Dieu demande de vous. De cela je ne m'en étonne pas, parce que naturellement tous les hommes sont en cet état. Et si vous me demandez : d'où vient donc la différence qui est entre eux, les uns étant fervents et les autres lâches? je réponds que ceux-là passent par-dessus les répugnances de la nature, et que ceux-

4. Procureur de la maison de Saint-Lazare.

5. Les sœurs destinées à Narbonne quittèrent Paris le 12 septembre.

Lettre 2966. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

1. Jean de Fricourt, né à Nibas (Somme) le 7 mars 1635, entré dans la congrégation de la Mission le 20 juin 1656, reçu aux vœux à Saintes le 20 octobre 1658.

 

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ci ne s'efforcent pas assez de les surmonter ; que les premiers sont en paix, n'ayant pas le cœur partagé, pour l'avoir donné tout à Dieu, et que les autres sont dans l'inquiétude, à cause que, en voulant aimer Dieu, ils ne laissent pas d'aimer d'autres choses hors de Dieu; et ces choses-là sont les aises du corps, qui rendent l'âme pesante à la pratique des vertus. C'est ce qui engendre et qui nourrit la paresse, qui est le vice des ecclésiastiques. C'est l'état que Dieu a le plus en horreur. Oui, la tiédeur est un état de damnation. O mon cher Frère, que nous avons grand sujet de trembler, vous et moi, sachant que celui-là est maudit qui fait l'œuvre de Dieu négligemment ! Mon Dieu, quelle leçon nous faites-vous par les laboureurs des champs, les artisans des villes et les soldats qui vont à la guerre ! Ils travaillent sans cesse et souffrent beaucoup pour des choses qui périssent avec eux ; et nous, pour nous sauver, pour que Dieu soit honoré et servi sur la terre et que la passion de J.-C. soit efficacement appliquée aux âmes qu'il a créées pour le ciel, nous ne voulons prendre aucune peine, ni vaincre nos mauvaises inclinations ! J'appelle mauvaises toutes celles qui nous détournent des obligations de notre vocation, et cependant cette vocation, nous engageant à la suite de N.-S., nous oblige aussi de renoncer à nous-mêmes, c'est-à-dire à notre volonté, à notre jugement, à nos satisfactions, aux biens, aux parents, etc. ; ce qui se fait par l'observance de nos règles et de nos fonctions ; et alors la fidélité que nous y apporterons nous donnera le repos de l'esprit et la perfection désirée; mais il faut du courage pour frayer les difficultés. Résolvez-vous donc, mon cher Frère, pour une bonne fois de passer par-dessus vos dégoûts ; demandez souvent à Dieu la grâce de lui soumettre la partie inférieure.

Voici le temps des retraites ; j'espère que la vôtre ser-

 

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vira à vous détacher entièrement des plaisirs de la vie présente et à vous animer de zèle pour parvenir à l'éternelle. Le ciel souffre violence ; il faut combattre pour l'emporter (2) et combattre jusqu'au bout, les sentiments de la chair et du sang. Si vous le faites, mon cher Frère, ce ne sera plus vous qui vivrez, mais J.-C. vivra en vous, comme je l'en prie de tout mon cœur, qui suis, en son amour, mon cher Frère, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2969. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce mercredi. [Septembre 1659] (1)

Mon très honoré Père,

Je crois qu'il est nécessaire d'envoyer quérir ma sœur Marie-Marthe (2) dès aujourd'hui. une de nos sœurs m'a fait souvenir que les sœurs nommées ne sont point de travail, excepté la sœur Carcireux ; car il est vrai que l'humeur des autres est extrêmement lente, et je craindrais que, l'ouvrage manquant à faire, cela fût cause de bruit, et aussi que, selon la disposition des choses de Cahors, je crois qu'il sera nécessaire d'y envoyer la sœur Carcireux, pour contenter Monseigneur.

Nous aurions besoin, mon très honoré Père, d'un de vos domestiques ou autres pour aller à cheval à Vaux et que notre sœur en partît demain dès la pointe du jour. Cette nécessité me fait vous être importune pour réparer la faute que j'ai faite de n'avoir songé qu'au plus grand besoin qui me paraissait en la disposition des humeurs. Il sera nécessaire que je sache votre résolution pour faire tenir le cheval prêt.

Pardonnez-moi, s'il vous plaît, toutes mes imprudences,

2. Evangile de saint Matthieu XI, 12.

Lettre 2969. - L. a. - Dossier des Filles de la charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Marie-Marthe Trumeau.

 

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puisque je suis, mon très honoré Père, votre très obéissante et très humble servante.

L. DE MARILLAC.

 

2970. - A LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

De Paris, ce 9 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu vos lettres des 6 et 20 août, qui ne requièrent pas d'autre réponse que celle que M. de La Noue vous fait touchant le bénéfice de M. Martin, sinon que je vous remercie de la prise de possession et des autres soins que vous en avez pris.

Vous me mandez que le médecin vous presse d'aller prendre des eaux ; si vous ne l'avez fait, je vous prie de le faire, car M. Dehorgny ira en Bretagne avant d'aller chez vous ; il est encore au Mans et pourra être à Richelieu lorsque vous recevrez la présente. Faites, je vous prie, tout ce que vous pourrez pour vous bien porter ; Dieu sera honoré de votre santé, et la compagnie fort consolée.

Nous avons quelques malades. Messieurs Boucher et Perraud l'ont été à l'extrémité ; mais, grâces à Dieu, ils se portent tous mieux.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUT,
i. p. d. l. M.

Lettre 2970. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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2971. - A DENIS LAUDIN, SUPÉRIEUR, AU MANS

De Paris, ce 10 septembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

La proposition de M. d'Eu dont vous me parlez par votre lettre du 3, me met en peine, car je vois plusieurs difficultés en l'exécution, dont les principales sont : 1° que les habitants de Champfleur (1) perdraient beaucoup si ce bon serviteur de Dieu les quittait ; et comme nous nous sommes donnés à Dieu pour le service de son Eglise, ces âmes-là nous doivent être aussi chères que d'autres, et nous devons faire en sorte que les bons pasteurs gardent leurs paroisses ; 2° il y aurait du vice à donner cette cure à M. Brochard, sachant qu'il ne la veut pas garder ; et puis nous ne savons pas quel serait le prêtre à qui il la remettrait ; et en troisième lieu, M. d'Eu tomberait en la même faute s'il acceptait la cure de Notre-Dame-des-Champs (2) avec dessein de s'en défaire, surtout si c'était pour la résigner à M. Pangois, ne sachant pas si elle serait pour l'oncle ou pour le neveu. Voilà, Monsieur, ce que je vous en puis dire pour le présent. Je penserai encore à cet affaire, et, s'il me vient d'autres pensées, je vous le ferai savoir.

Je consens volontiers que vous acceptiez l'offre que vous fait M. Guy de travailler en vos missions, au moins pour quelque temps, et, selon ce qu'il s'y comportera en ce moment, vous en userez à l'avenir dans le besoin.

Lettre 2971. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Petite commune de l'arrondissement de Mamers (Sarthe).

2. Notre-Dame-des-Champs fait aujourd'hui partie de la commune de saint-Jean-d'Assé (Sarthe).

 

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M. Dehorgny m'a écrit de rappeler le frère Taillié et de vous envoyer un autre clerc à sa place. Il nous sera difficile d'en trouver un tel qu'il le marque ; nous ferons néanmoins ce que nous pourrons.

Votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Laudin.

 

2972. - A LOUIS DUPONT, SUPÉRIEUR, A TRÉGUIER

De Paris, ce 10 septembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 22 d'août. Je m'en vas envoyer présentement à M. Caset, supérieur de notre maison de Toul, celle que vous lui écrivez, et je vous en ferai tenir la réponse sitôt que je l'aurai reçue.

Voici celle que M. l'abbé Brisacier vous fait, que j'ai reçue de Rome, où il est, par le dernier ordinaire.

M. Dehorgny est à présent à Richelieu, comme je crois, ou du moins sur le point de partir du Mans pour y aller, à dessein d'aller ensuite à Saint-Méen et puis à Tréguier.

J'espère que vous préparerez la voie à sa visite et que N.-S. y donnera bénédiction, comme il en donne par sa grâce à votre conduite. Je le prie qu'il vous donne les forces de corps et d'esprit nécessaires pour lui continuer longuement vos bons services.

Lettre 2972. - L. s. - Bibl. publique et universitaire de genève, ms. fr. 202, original.

 

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Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M Dupont.

 

2973. - LOUIS ET CLAUDE DE CHANDENIER,

A SAINT VINCENT

Ce 10 septembre 1659, de Moutiers-Saint-Jean.

Monsieur et très honoré Père,

L'affection que nous savons que vous avez pour nous, nous fait croire que vous aurez consolation d’apprendre que nous sommes arrivés heureusement en ce lieu dimanche passé avec la bonne et agréable compagnie que vous. nous avez donnée, pour en partir, Dieu aidant, demain pour Tournus et continuer ensuite notre pèlerinage que nous espérons de ce bon commencement nous devoir être heureux, par le secours de vos saintes prières, que nous sommes bien assurés ne nous devoir pas manquer

Nous croyons aussi Monsieur et très honoré Père, que vous serez bien aise d'apprendre des nouvelles du Père de Gondi, auquel nous n'avons pas voulu manquer de rendre nos très humbles respects, pour diverses considérations, mais principalement par celle de l'affection que nous savons que vous avez pour sa maison et spécialement pour sa personne. Il a une santé et une vigueur qui n'est point d'un homme de 78 ans, et qui nous dit n'avoir qu’une année moins que vous. Il nous fit l'honneur de nous recevoir comme aussi Messieurs nos chers confrères, avec beaucoup de cordialité et témoignage de joie des petits respects que notre devoir nous avait obligés de lui rendre mais particulièrement de ce que nous lui dîmes de votre santé et de la continuation de vos exercices ordinaires.

Nous supplions la divine bonté, mais d'un cœur dont nous ne pouvons vous exprimer la tendresse qu'il vous conserve heureusement tout le temps que la Sagesse éternelle a destiné vous employer au service de son Eglise. Ce sont les souhaits,

Lettre 2973. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

 

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Monsieur et très honoré Père, de vos très humbles et très obéissants serviteurs et enfants.

L. DE CHANDENIER,
indigne prêtre.

CL. DE ROCHECHOUART.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Congrégation de la Mission, à St-Lazare, à Paris.

 

2974. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 12 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous envoie la lettre que m'a écrite Madame la duchesse d'Aiguillon touchant sa fondation de Lorette, où vous verrez son intention.

J'ai reçu, avec votre lettre du 18 d'août, le bref touchant les dernières grâces obtenues du Saint-Siège. Dieu en soit loué et soit lui-même votre remerciement pour les peines que vous y avez prises ! Je me donne l'honneur d'en faire les lettres de reconnaissance à Mgr le cardinal Brancaccio et au R. P. Hilarion, à qui après Dieu nous en avons la principale obligation.

J'écris aussi à Messeigneurs les cardinaux Durazzo et Bagni, selon votre avis, et avec grand sentiment des grâces qu'ils nous font au sujet de la maison. Nous attendons que le contrat en soit passé, pour avancer de notre côté ce qu'il faudra.

Nous ferons collationner les copies du bref qui regarde les conditions du vœu de pauvreté, par un notaire apostolique, et en enverrons une en chaque maison, ou

Lettre 2974. - L.s. - Original communiqué par Mademoiselle Reine Dousinelle, de Caestre (Nord).

 

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par le visiteur, ou bien par les postes, avec une lettre circulaire que je leur ferai pour les disposer à les recevoir. Si vous voulez cependant en donner connaissance à votre famille, faites-le ; cela sera mieux. Je viens de faire réflexion qu'il faut que l'affaire aille régulièrement au parlement avant de distribuer céans (1)

Je n'ai pas oublié d'écrire en Poitou pour informer des fautes que les hérétiques peuvent faire en l'administration du baptême ; mais il m'a échappé de vous en mander la réponse. On m'a écrit de Saintes et de Richelieu, après une exacte diligence pour en savoir la vérité, qu'ils n'y font aucune faute essentielle et qu'ils baptisent validement.

J'écrirai à Cahors ce que vous me mandez touchant l'union de Gignac. Cependant voici une lettre de M. Cuissot et une résignation de la cure de Chavagnac.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2975. - AU CARDINAL DURAZZO

De Paris, ce 12 septembre 1659.

Monseigneur,

Le supérieur de la maison de Rome m'ayant écrit que Votre Eminence nous continue partout les effets de son incomparable bonté, je lui fis savoir que je n'avais pas de paroles assez énergiques pour exprimer la reconnaissance que j'en ai. Et en effet, Monseigneur, j'ai cru

1. Le saint ne donna connaissance du bref à sa communauté que le 7 novembre.

Lettre 2975. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

 

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qu'il valait mieux garder un saint silence vers Votre Eminence que de la remercier indignement, que je devais me contenter d'ouvrir mon pauvre cœur à Dieu pour le prier de se donner lui-même la louange due à son infinie bonté pour tant de grâces que la votre nous fait, et en second lieu de s'en rendre aussi lui-même votre récompense.

Mais depuis, ayant su, Monseigneur, la peine que Votre Eminence s'est donnée de traiter d'une maison pour nous, et l'aumône considérable qu'elle nous fait et nous procure pour nous aider à la payer, je ne puis que je ne m'exclame de bonheur par écrit, dans le sentiment de joie et d'admiration d'un tel bienfait, et que je ne die : O Monseigneur, que Votre Eminence nous est bonne, qu'elle est ingénieuse pour nous obliger, abondante en bénédictions pour nous en remplir ! Jamais prélat ne nous a mieux fait connaître la suprême charité de Dieu que la vôtre, Monseigneur, qui est des plus grandes et des plus étendues entre celles que Dieu a suscitées sur la terre pour notre petite compagnie. Que pouvons-nous faire, Monseigneur, que de nous humilier devant Dieu et devant Votre Eminence en vue de notre indignité, que de publier l'excès de votre libéralité et de vos assistances, et prier incessamment N.-S. qu'il conserve longuement Votre Eminence pour le bien de toute l'Eglise, et qu'enfin il soit votre gloire infinie dans toute l'éternité !

C'est dans ce souhait et en son amour que je suis...

 

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2976. - AU CARDINAL BAGNI

De Paris, ce 12 septembre 1659.

Monseigneur,

Je prie Notre-Seigneur qu'il m'assiste pour faire un digne remerciement à Votre Eminence de la grâce qu'elle nous a faite de nous loger dans Rome et dans sa maison (1) et de nous relâcher une partie de sa juste valeur. De moi je n'ai point de terme qui exprime assez la reconnaissance que j'en ai ; mais j'espère, Monseigneur, que Dieu, pour lequel Votre Eminence nous a fait cette charité, en sera sa grande et éternelle récompense.

Toute notre petite compagnie sera obligée de l'en prier incessamment pour vous, comme elle l'en prie déjà ; et c'est de sa part et de la mienne, Monseigneur, que je renouvelle à Votre Eminence les offres de notre obéissance perpétuelle, priant Dieu que, s'il a agréable de tirer quelque petit service des missionnaires par les bénédictions qu'ils recevront en cette bénite maison, il en attribue le mérite à Votre Eminence, qu'il la conserve longuement au monde pour le bien de toute l'Eglise et pour la consolation particulière, Monseigneur, de son très humble et très obéissant serviteur.

 

2977. - AU CARDINAL BRANCACCIO

De Paris, ce 12 septembre 1659

Monseigneur,

De tous les biens que Dieu a faits à notre petite com-

Lettre 2976. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. Cette maison, située près de la Chambre des Députés, dont elle est aujourd'hui une annexe, a été occupée par les prêtres de la Mission jusqu'en 1913.

Lettre 2977. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

 

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pagnie, il me semble que celui qui nous est le plus sensible, est de l'avoir prévenue de l'honneur de votre bienveillance, de qui nous recevons tant d'insignes faveurs. Je rends mille actions de grâces à Votre Eminence, Monseigneur, particulièrement des divers brefs que le Saint-Siège nous a accordés par les sages avis et la puissante recommandation de Votre Eminence, qui se plaît à déverser son incomparable bonté vers les personnes les plus indignes, comme nous sommes, qui pourtant, Monseigneur, tâcherons de n'en être jamais ingrates, quoique nous soyons dans l'impuissance de reconnaître tant de grâces singulières que nous en avons reçues. Plaise à Dieu, Monseigneur, pour l'amour duquel Votre Eminence nous les a faites, d'en être son éternelle récompense ! Nous en conserverons la mémoire à jamais, avec un désir inviolable de lui obéir, particulièrement moi, qui suis, par la grâce de Dieu, autant que personne du monde, de Votre Eminence, Monseigneur, le très humble et très obéissant serviteur.

 

2978. - AU PÈRE HILARION (1)

De Paris, ce 12 septembre 1659.

Mon très Révérend Père,

J'apprends quasi par toutes les lettres de M. Jolly que nous contractons tous les jours de nouvelles obligations envers Votre Révérence par les grâces indicibles qu'elle nous fait incessamment, et que depuis peu le Saint-Siège nous a accordé par son moyen deux brefs considérables ; de quoi, mon Révérend Père, je vous remercie avec tout le respect et la reconnaissance pos-

Lettre 2978. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. Abbé de Sainte-Croix de Jérusalem.

 

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sible. Mais pource que je ne suis pas digne de vous faire un remerciement proportionné à tant de bienfaits, je prie N.-S. qu’il en soit lui-même votre rétribution dans le ciel, qu'il conserve Votre Révérence longuement sur la terre et que les grands biens qu'elle y fait aillent croissant, à la gloire de Dieu et à l'édification de toute l'Eglise. Nous prierons Dieu aussi, mon Révérend Père, que, s'il lui plaît de tirer quelque petit service de la compagnie, à cause des assistances continuelles qu'elle reçoit de votre charité, sa divine bonté vous en attribue le mérite, et qu'elle nous fasse la grâce de vous rendre quelque petit service, particulièrement moi, qui vous renouvelle les offres de mon obéissance avec toute l'humilité et la reconnaissance que le peut, en l'amour de N.-S., mon Révérend Père, votre très...

 

2979. - A FRANÇOIS FOUQUET, ARCHEVÊQUE

DE NARBONNE

12 septembre 1659.

Monseigneur,

Selon votre commandement, nous faisons partir aujourd'hui trois prêtres et trois Filles de la Charité pour servir à vos saints desseins, qui auront l'honneur d'accompagner la Mère supérieure de Sainte-Marie de Toulouse, votre sœur (1) Le premier de ces prêtres, Monseigneur, se nomme M. des Jardins, qui a déjà été supérieur d'une de nos maisons qui est en Lorraine (3), et qui

Lettre 2979. - Dossier de la Mission, copie prise sur l'original en 1854 chez Laverdet..

1. La Mère Marie-Thérèse Fouquet, professe du premier monastère de Paris, l'aînée des cinq sœurs que l'archevêque de Narbonne avait à la Visitation.

2. La maison de Toul.

 

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est capable de toutes nos fonctions. Les autres deux n'y sont pas encore assez formés ; c'est pourquoi je mande à M. Durand qu'il les occupe au séminaire et en la paroisse d'Agde, et qu'il vous envoie à leur place Messieurs Lebas et Dolivet, qui sont plus faits pour les missions et qui entendent le langage du pays.

Nous avons fait le mieux que nous avons pu, Monseigneur, pour tâcher de vous donner une entière satisfaction, ainsi que nous y sommes obligés, et à l'égard des hommes et à l'égard des filles ; et néanmoins les uns et les autres auront besoin de la grâce de votre support ; mais aussi, Monseigneur, avons-nous sujet d'espérer qu'avec celle de votre bénédiction ils travailleront tous utilement. Je vous la demande pour eux et pour moi, humblement prosterné en esprit à vos pieds. Il y a une quatrième fille, que nous envoyons à Cahors.

Je prie l'infinie bonté de Dieu, Monseigneur, de vous conserver longuement pour sa gloire. Je suis, en son amour, avec le respect et la reconnaissance que je vous dois, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

2980. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 12 [ septembre ] (1) 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je ne vous écris que pour vous donner de nos nou-

Lettre 2980. - L. s. - Dossier de Cracovie, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. La phrase "Nous venons d'envoyer trois prêtres et trois Filles

 

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velles, n'ayant rien à ajouter à mes dernières lettres, quoique j'en aie reçu une de vous par le dernier ordinaire, qui nous parle de la continuation des bontés du roi et de la reine. Dieu soit loué de leur grande piété et des saintes intentions qu'ils ont pour le salut de leurs sujets. Nous avons grande obligation de prier Dieu pour leur conservation et de nous rendre dignes de rendre à Dieu et au public les services qu'ils s'attendent de nous.

Nous n'avons plus de malades qui le soient dangereusement, comme nous en avons eu, et ceux-là se portent mieux, grâces à Dieu, comme Messieurs Boucher, Le Soudier et Perraud. Nous venons d'envoyer trois prêtres et trois Filles de la Charité à Narbonne, à 200 lieues d'ici ; il nous en faut encore pour quelques nouveaux établissements qui se présentent à faire. Quelques-uns se disposent pour le voyage de Madagascar, qui se fera vers la fin de ce mois. On nous demande des ouvriers de tous côtés ; la moisson est grande ; il faut prier Dieu qu'il suscite des hommes apostoliques pour y travailler. Conservez-vous, je vous en prie, pour cette fin, avec le bon M. Duperroy, que je salue cordialement, et qui suis de même, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Un gentilhomme de la reine doit partir à la fin du mois pour aller trouver Sa Majesté. Il me dit que Mademoiselle ..., femme de M...., médecin de Sa Majesté, ne retourne pas avant Pâques à Varsovie, et qu'il y a un

de la Charité à Narbonne" ne permet pas d'accepter comme exacte la date du 12 août marquée en tête de l'original. Les sœurs partirent le 12 septembre, et ce fut ce jour-là que le saint écrivit sa lettre.

 

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vaisseau de Hambourg qui partira en ce temps-là. Nous tiendrons prêts, pour partir avec lui, deux ou trois jeunes missionnaires pour s'en aller avec lui. La difficulté sera pour les sœurs de la Charité, à cause qu'on dit que la Poméranie est pleine de gens de guerre et qu'il faudra peut-être prendre le chemin de Vienne, et de là à Cracovie. Ce gentilhomme fut pris prisonnier par les Tartares, lorsque le roi mena une armée en personne contre les Cosaques.

Au bas de la première page : M. Desdames.

 

2981. - A LA PROPAGANDE

[septembre ] 1659 (1)

Eminentissimi e Reverendissimi Signori,

Finalmente dovendo dopo varie dilazioni partire questo autunno navi alla volta dell' isola di San-Lorenzo, vulgo Madagascar, Vincenzo di Paul, superiore generale della congregazione della Missione, oltre ai soggetti per l'avanti offerti a questa Sacra Congregazione offerisce di nuovo all' EE. VV. la persona di Nicolo Estienne, sacerdote della detta congregazione della Missione, accio degnandosi l'EE. VV. di dichiararlo missionario apostolico possa impiegarsi alla coltura di quella vigna grande e bisognosa di molti operaii. E lo riceverà per grazia singolare dall' EE. VV.

Quas Deus, etc.

Suscription : Alla Sacra Congregazione de Propa-

Lettre 2981. - L. non s. - Arch. de la Prop., Africa 16-17, Tunisi, Guinea, n° 254, f° 11, original.

1. Au bas du résumé mis au dos de la supplique se lisent les mots : "Die 23 septembris 1659 S.C. annuit."

 

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ganda Fide, per Vincenzo di Paul, superiore generale della congregazione della Missione.

 

TRADUCTION

Eminentissimes et Révérendissimes Seigneurs,

Vincent de Paul, supérieur général de la Congrégation de la Mission, ayant appris qu'un navire doit enfin, après plusieurs délais, partir, cet automne, pour l'île Saint-Laurent vulgairement Madagascar, présente de nouveau à Vos Eminences, outre les sujets précédemment proposés à la Sacrée Congrégation, Nicolas Etienne, prêtre de la congrégation de la Mission, afin que vous veuillez bien le nommer missionnaire apostolique, et ainsi lui donner les moyens de travailler à la culture de cette vigne, dont la grande étendue réclamerait beaucoup d'ouvriers. Et il regardera cette grâce comme une faveur insigne de Vos Eminences.

Que Dieu ait, etc.

Suscription : A la Sacrée Congrégation de la Propagande, pour Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

2982. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 19 septembre 1659

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 25 d'août et beaucoup de joie des bonnes relations que vous avez des missions de Leonessa (1) Dieu soit loué des grâces qu'il fait aux ouvriers et au pauvre peuple !

Lettre 2982. - Original à la maison-mère des Sœurs de la Charité de New-York, Mount St-Vincent on Hudson.

1. Petite ville de la province d'Aquila. De ce mot il ne reste plus sur l'original que les deux premières lettres, la cinquième et la sixième. Divers indices et la lettre du 18 juillet 1659 aident à le compléter.

 

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Je ne puis assez le remercier de ce que vous avez pris possession de la maison de Mgr le cardinal Bagni. Il y a sujet d'espérer que Dieu bénira ceux qui l'habiteront, par le mérite de ce bon seigneur qui vous l'a remise et de celui qui l’a procuré ; j’entends Mgr le cardinal de Gênes qui est admirable en sa bonté, aussi bien qu'en la confiance qu'il a en celle de Dieu. Nous n'avons donc qu'à l'admirer en toutes ses vertus, et à nous confondre de nous en voir tant éloignés, et par conséquent tant indignes de ses bienfaits. Plaise à Notre-Seigneur de couronner sa vie apostolique d'une gloire immortelle et d'être lui-même notre vertu pour répondre aux attentes de ce saint cardinal !

Nous attendons la dernière résolution de Mgr le cardinal Antoine (2) touchant l'exécution de sa fondation qu'il a acceptée pour Lorette, puisqu'il n'a pas voulu se tenir à son dernier sentiment.

Je vous envoie une lettre et un mémoire qui m'ont été adressés par M. Regnoust, docteur, qui a la direction des prêtres du Grand Hôpital (3) pour la réhabilitation d'un apostat qui est revenu à l'Eglise. Je vous prie de vous y employer.

Nous avons céans M. Le Soudier, malade depuis deux mois ; et M. Perraud, l'ayant été aussi à l'extrémité, s'est trouvé mieux pendant quelques jours ; mais l'hydropisie a succédé à la fièvre, en sorte que nous avons sujet de craindre qu'elle nous le ravisse.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly.

2. Antoine Barberini.

3. L'hôpital général.

 

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2983 - A GABRIEL DELESPINEY, SUPÉRIEUR,

A MARSEILLE

19 septembre 1659

Dieu, par sa grâce, veuille conduire M. Le Vacher (1) en Alger et le délivrer de ses peines, qui n'ont d'autre fondement que son imagination !

 

2984. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION

A SAINT-QUENTIN

De Paris, ce 20 septembre 1659.

Le saint remercie le frère Parre des messes qu'il a fait dire pour ses malades et de la chemise qu'il a envoyée et que. Perraud a revêtue.

...Dieu veuille qu'elle lui profite ! Dieu soit béni des bénédictions qu'il donne à la dévotion de Notre-Dame-de-la-Paix et aux soins que vous en avez !

 

2985. - A LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

De Paris, ce 21 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 10 J'en ai reçu aussi .de M. Boussordec, qui est arrivé à Nantes. M. de La Noue doit rembourser les frais que vous avez faits pour M. Martin, et pour cela vous lui en enverrez, s'il vous plaît, le mémoire.

Lettre 2983. - Manuscrit de Marseille.

1. Philippe Le Vacher.

Lettre 2984. - L'original, qui comprend une page in-8°, a été mis en vente en 1855. M. Laverdet le signale dans un de ses catalogues.

Lettre 2985. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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J’ai reçu depuis peu une lettre de M. Daveroult, où son esprit paraît tel que l'on vous l'a dépeint.

Je vous ai mandé, ce me semble, que M. Dehorgny ira en Bretagne en sortant de Richelieu, où il est, et que par conséquent vous ne le verrez pas si tôt à Saintes.

Je rends grâces à Dieu de ce que votre santé est un peu rétablie ; je le prie qu'il vous la redonne entière pour le service de sa gloire.

Nous tâcherons de vous donner un prêtre au lieu du frère clerc ; mais pour le présent nous ne le pouvons, ayant besoin de ceux que nous avons pour d'autres lieux ; mais je dis grand besoin. La moisson est grande et les ouvriers sont en petit nombre.

Vous aurez de delà bientôt un bon docteur qui désire de travailler avec vous aux missions ; c'est M. Boust (1), qui est à M. le duc de la Rochefoucauld (2), Il a voulu que je vous prie, comme je fais, de le recevoir en votre compagnie et en vos emplois, pendant que ses affaires lui permettront d'y vaquer.

Nous avons M. Le Soudier malade depuis deux mois, et M. Perraud aussi ; celui-ci l'est à présent dangereusement d'une hydropisie, qui a succédé à sa fièvre continue. Le reste de cette famille est en assez bon état.

J'embrasse en esprit très affectionnément la vôtre, et je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

1. Boust, docteur en Sorbonne et chanoine de Chartres, accepta une chaire en Sorbonne, où il enseigna avec éclat.

2. François, duc de la Rochefoucauld, prince de Marsillac et gouverneur du Poitou, né le 15 décembre 1613 et mort à Paris le 17 mars 1680, connu surtout par un livre souvent réédité, celui des Réflexions ou sentences et maximes morales. (Paris, 1665, in-12).

 

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2986. - A JEAN DEHORGNY

De Paris, ce 21 de septembre 1659

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Vous savez que notre petite compagnie a pour règle, aussi bien que toutes les communautés de l'Eglise de Dieu bien réglées, que chacun peut écrire au général sans montrer sa lettre au supérieur particulier d'où il écrit, et que ledit supérieur ne doit pas voir non plus les lettres que ledit général envoie à ceux de cette maison-là. Cependant je suis averti que quelques supérieurs, qui sont peu en nombre, ont quelque peine que cela se fasse ainsi, voulant tout voir et tout savoir ; et qu'ôtant la liberté à ceux qui sont sous eux de décharger leurs cœurs et proposer leurs doutes à celui de qui seul, après Dieu, ils attendent quelque soulagement ou résolution, il arrive de fâcheux inconvénients d'une telle contrainte. C'est pourquoi, Monsieur, je vous prie de recommander à toutes nos familles où vous passerez, et même en plein chapitre, l'observance de cette règle, disant aux inférieurs qu'ils écrivent librement audit général quand besoin sera, et cachettent leurs lettres du sceau de 1a communauté ; et à chaque supérieur, qu'il leur donne des cachets, qu'il nous envoie leurs lettres sans les voir et qu'il leur rende pareillement celles qui seront cachetées du sceau du général, sans les ouvrir. Vous vous informerez exactement en chaque lieu si cela s'y pratique, et demanderez, s'il vous plaît, à chaque missionnaire en particulier s'il est libre dans cet usage, afin de m'en donner avis.

Lettre 2986. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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Je prie Dieu qu'il continue à bénir votre personne et vos visites. Je suis en lui, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Dehorgny, supérieur des prêtres de la Mission des Bons-Enfants, à Richelieu.

 

2987. - A DOMINIQUE LHUILLIER,

PRÊTRE DE LA MISSION, A CRÉCY

De Paris, ce 23 septembre 1659 (1)

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 14. J'espère que Dieu ne permettra pas que vous donniez sujet de mécontentement à aucune des personnes que vous me nommez, et que, si elles se mécontentent sans raison de votre procédé, vous profiterez devant Dieu de cette humiliation. Vous avez bien fait d'en parler à Monsieur de Lorthon, et ferez bien de faire ce qu'il vous a dit, qui est de continuer à dire votre messe à l'heure que vous avez accoutumée pour la commodité de Madame de Laval (2), dans l'espérance qu’il vous a donnée que lui et Madame de Lorthon s'accommoderont à cette heure-là. Ils ont trop de respect et de déférence pour madite dame de Laval, qui est la dame lieu pour en user autrement. Si néanmoins, Mon-

Lettre 2987. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. Le manuscrit de Marseille cite une phrase de cette lettre, qu'il date du 24 septembre. La lettre aurait-elle été faite le lendemain du jour où fut composée la minute?

2. Marie Séguier, fille du chancelier Séguier, veuve du marquis de Coislin, mariée en secondes noces à Guy de Laval, de la maison de Laval-Montmorency.

 

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sieur, ils tombaient dans la mésintelligence que vous appréhendez, vous agirez sagement de parler à Madame de Laval, et derechef à M. de Lorthon pour tâcher de les faire convenir de l'heure ; car, ce dernier étant votre fondateur, et l'autre étant ce qu'elle est, vous devez obéir à tous les deux, et par conséquent faire en sorte de ne déplaire à l'un en préférant l'autre.

 

2988. - A MONSIEUR DESBORDES

De Saint-Lazare. ce 24 septembre 1659.

Monsieur.

La grâce de N.-S. soit avec nous pour jamais !

Il n'y a rien que je ne doive faire de ce que vous me commandez. Je sais que vous ne désirez rien qui ne soit raisonnable ; et pour cela je prends la confiance de vous dire, Monsieur, que la chose que vous me proposez souffre difficulté. Le concile de Trente a défendu aux évêques et aux autres supérieurs des communautés religieuses de ne permettre l'entrée en leurs monastères aux personnes séculières qu'en cas de nécessité (1) Or l'entrée de Madame Collin à Sainte-Marie n'est pas de cette nature.

Je me fais violence à moi-même pour le désir que j'ai de la servir et de vous complaire. Mais vous voyez, Monsieur, qu'il y va de la discipline, en cette occasion, et d'une conséquence dangereuse, car plusieurs dames, sous divers prétextes, nous ayant demandé souvent la même chose, je leur ai fait la même réponse, même à des prin-

Lettre 2988. - L. non s. - Dossier de la Mission, minute.

1. "Dare... tantum episcopus vel superior licentiam debet in casibus necessariis." (Ses. XXV, chap. V.)

 

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cesses, entre lesquelles il y en a une du sang (2), Si donc je l'avais accordé à une, je ne pourrais pas m'en défendre vers les autres. Je vous supplie, Monsieur, de m'en excuser et de faire mes excuses à Monsieur et à Madame Collin, pour qui j'ai grand respect et grande affection de les servir. Pour vous, Monsieur, vous savez à quel point je suis, en l'amour de N.-S....

 

2989. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 26 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre chère lettre du 1er de septembre. Nous devons trois grands remerciements pour la nouvelle aumône qui vous a été faite pour aider à payer la maison acquise : le premier à Dieu, le second à Mgr le cardinal Durazzo et le troisième au seigneur Emmanuel Brignole, à qui je me donnerai l'honneur d'écrire pour cet effet.

Je suis bien aise de ce que vous avez fait présenter au Pape le livre de M. Abelly (1), et des choses que vous me mandez sur ce sujet. J'ai communiqué votre lettre à M. Abelly, et nous avons estimé que, puisqu'on ne doute pas de delà des opinions qu'il a soutenues, et qu'on s’attache plutôt à la lecture des lois et des canons que des autres matières, particulièrement de celle de ce livre, il servirait de peu de le traduire en latin. C'est pourquoi, Monsieur, il suffira que vous fassiez la distribution des exemplaires que vous avez en notre langue

2. Voir lettre 2237. Mlle de Bouillon, VI, 265,

Lettre 2989. - L. non s. - Dossier de la Mission, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. Voir lettre 2900. Il s’agit du livre : Deffence de la hiérarchie de lEglise et de lauthorité légitime de notre Saint-Père le Pape et de Nosseigneurs les évesques contre la doctrine pernicieuse dun libelle anonyme

 

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aux seigneurs qui l'entendent, que vous jugerez plus capables de goûter et de soutenir la doctrine qu'il contient ; et si vous en désirez davantage, nous vous en enverrons.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Je vous prie, Monsieur, de nous donner des nouvelles de la santé de notre Saint-Père, qui nous est si précieuse, et pour laquelle nous prions Dieu incessamment.

Suscription A Monsieur Monsieur Jolly.

 

2990. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

De Paris, ce 26 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 9 septembre. Dieu soit loué de ce que la proposition de Corse s'achemine à l'exécution, et cela doucement, sans choquer la compagnie dont vous m'avez parlé ! Si on vous presse, mandez-le-moi, et si on ne vous presse pas, ne pressez pas de votre côté, que pour tenir les choses en état (1), à cause de la difficulté présente où nous sommes d'envoyer les hommes qu'il faut pour cette mission, ceux que nous avons étant engagés ailleurs et nécessaires pour deux nouveaux établissements qu'il nous faut remplir.

Je vous dis la même chose sur ce que vous me demandez un prêtre à la place de M. Lejuge, qui s'en va à

Lettre 2990. - Dossier de la Mission, minute.

1. Rédaction primitive : ne sollicitez point de votre côté à cause. La saint a corrigé de sa main.

 

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Rome. Je vous prie de faire comme vous pourrez, en attendant que nous soyons en état de vous secourir.

Si M. Philippe, qui doit être régent de vos séminaristes externes, peut aussi être leur préfet, il vaudra mieux lui donner cet office qu'au frère de Lagrange (2).

Vous proposez de donner le soin de la procure pendant les missions à M. Carlo Francisco ; à quoi j'ai bien de la peine de consentir, étant encore du séminaire ; car il vaudrait mieux, et beaucoup mieux, donner cet emploi à un autre qui ait achevé ses deux années. Toutefois, si vous n'avez personne propre qui puisse y vaquer, vous ferez comme vous jugerez à propos.

Messieurs vos frères m'ont fait l'honneur de me venir voir. Ils vous écrivent à peu près les mêmes choses qu'ils m'ont dites et s'offrent de vous donner votre part. Selon cela, vous leur pourrez mander que votre intention est de la... (3).

Au bas de le première page : M. Pesnelle.

 

2991. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A SAINT-QUENTIN

27 septembre 1659.

Vincent de Paul déclare au frère Jean Parre qu'il n'a rien à lui dire.

...Nous avons M. Soudier malade dangereusement et

2. Robert de Lagrange, né à Lille le 1er novembre 1636, entré dans la congrégation de la Mission le 19 octobre 1655, reçu aux vœux le 19 octobre 1657.

3. La phrase se continuait sur une seconde feuille, que nous n'avons plus.

Au bas de la deuxième page, saint Vincent a, de sa main, écrit les mots : "Répondre que, sa demeure en Italie et ses emplois ne lui permettant pas de se porter sur les lieux, il se contentera d'une telle pension."

Lettre 2991. - Ce résumé d'une page in-8° de texte nous est donné par un catalogue de M. Laverdet, qui a mis l'original en vente.

 

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M. Perraud aussi. Je les recommande tous deux à vos prières.

 

2992. - A JEAN DEHORGNY

De Paris, ce 28 septembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Dieu soit loué de votre heureuse arrivée à Richelieu avec M. Le Blanc (1), ainsi que je l'ai apprise par votre lettre du 20, et qu'il a plu à sa divine bonté changer en mieux l'indisposition de Monsieur l'archidiacre, et à sa providence de le faire rencontrer chez nous lorsque le mal le prit, pour nous donner occasion de lui rendre quelque petit service ! J'espère que la maison n'aura rien épargné pour son soulagement et sa consolation.

Nous attendons ici M. Ferot, qui sera le bienvenu ; il faudrait que M. de Beaumont prît la peine de me mander les choses dont je le dois avertir. Nous tâcherons de lui envoyer quelqu'un pour prêcher dans les missions et d'en envoyer un autre au Mans, où vous avez travaillé avec lui. Dieu en soit loué !

Il me semble que je vois et que je touche ce que vous m'avez écrit en particulier d'un chacun. Plaise à Dieu de faire à tous la grâce d'aller de bien en mieux, et à toute la compagnie de croître en nombre et en vertu ! Nous reconnaissons plus que jamais le grand besoin qu'elle a de bons ouvriers et de la grâce de Dieu pour répondre à ses desseins. Priez-le, s'il vous plaît, et le faites prier pour cela.

J'écrirai à M. Laudin qu'il dispose les choses pour l'ordination.

Lettre 2992. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Georges Le Blanc.

 

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Nos malades sont en danger ; je veux dire Messieurs Le Soudier et Perraud. Je les recommande à vos prières et je m'y recommande moi-même, qui suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Dehorgny, prêtre de la Mission, à Richelieu.

 

2993. - A UN JEUNE HOMME DE DAX

29 septembre 1659.

A ce jeune homme, qui lui avait demandé sa protection en mettant en avant des liens de parenté, le saint déclare qu'il fera pour lui ce qu'il ferait pour son propre frère. Il se dit indigne de le compter parmi les membres de sa famille, vu qu'il est "sorti d'un pauvre laboureur" et que son "premier métier a été de garder les bestiaux de son père".

 

2994. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

[Entre le 12 septembre et le 3 octobre 1659] (1)

Vincent de Paul annonce à M. Jolly qu'il va lui envoyer, pour aider à dresser l'acte d'approbation, le règlement des Filles de la Charité, l'approbation que le cardinal de Retz en fit à Rome, une copie des lettres patentes et de l'enregistrement au Parlement.

Lettre 2993. - Collet, op. cit., t. 2, p. 195.

Lettre 2994. - Dans son catalogue de janvier 1854, M. Laverdet écrit au sujet de cette lettre : "Lettre autographe sans date, demi-page, petit in-4°." C'est à lui que nous empruntons l'analyse et l'extrait ci-dessus.

1. Cette lettre a été écrite peu de jours après le 12 septembre 1659, date du départ des sœurs pour Narbonne, et avant que le saint eût résolu de différer au printemps l'envoi des Filles de la Charité destinées à la Pologne, par suite avant la lettre 2996.

 

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...Nous venons d'en faire partir quatre, partie pour Narbonne et partie pour Cahors, et dans peu de jours pour la Pologne... M. Etienne se dispose pour Madagascar

 

2995. - A GABRIEL DELESPINEY

De Paris, ce 3 octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai su que vous avez pris la peine d'aller à Grignan (1) établir la Charité, tout incommodé que vous êtes. Je serais bien marri si cet effort avait augmenté votre mal ; ce qu'à Dieu ne plaise ! Comment vous trouvez-vous depuis ce voyage et comment se porte M. Cornier de sa diarrhée ? J'espère de la bonté de Dieu qu'il l'en aura délivré ; autrement, il faut penser à quelque remède. De le faire revenir ici, la distance des lieux, ni cette sorte d'infirmité, ne le permettent pas. Et puis cette maladie est fréquente de deçà ; nous en avons M. Le Soudier si abattu que nous avons sujet de craindre s'il en relèvera. On dit qu'à la campagne beaucoup de gens en sont atteints. M. Durand me mande qu'il en est de même du côté d'Agde, et que lui-même en a eu sa part. Il ne faut donc pas penser de l'envoyer là. Puisque c'est un mal commun, je pense que le meilleur remède est la patience et le régime. Néanmoins, Monsieur, voyez si l'air des champs lui serait meilleur que celui de la ville. Envoyez-le en quelque paroisse des environs pour y passer quelques jours et voir si son dévoiement cessera. J'ai vu autrefois que les parents de feu M. Tratebas reçurent en

Lettre 2995. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Canton de la Drôme. C'est là que Madame de Sévigné finit ses jours.

 

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leur maison M Portail et quelques autres pendant que la peste était à Marseille (2) ; peut-être qu'ils seront bien aises d'exercer à présent la même hospitalité vers M. Cornier, si vous les en priez, en considération de ce cher défunt.

Mgr l'évêque de Pamiers (3) m'a écrit pour un pauvre esclave de son diocèse, qui est à Tripoli, nommé Jean Castres, du lieu de Saurat (4), âgé de 25 ans. Il est détenu, à ce qu'il me marque, au château du gouverneur de Tripoli. Je vous prie, Monsieur, de faire en sorte que quelque marchand de Marseille écrive au consul de ce lieu-là pour en avoir des nouvelles et savoir ce qu'il faut précisément pour le délivrer. Quand vous le saurez, vous me le manderez, s'il vous plaît, ensemble par quel moyen on pourra lui faire tenir l'argent sûrement.

Au nom de Dieu, Monsieur, faites tout votre possible pour vous bien porter.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Delespiney, supérieur des prêtres de la Mission, à Marseille.

 

2996. - A NICOLAS DUPERROY

De Paris, ce 3 octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous écris un petit mot à la hâte pour vous accuser

2. En 1649.

3. François-Etienne Caulet.

4. Localité de l'arrondissement de Foix (Ariège).

Lettre 2996. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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la réception de votre chère lettre du 15 d'août, qui m’a fort consolé à cause de la candeur de votre aimable cœur, vivement dépeinte en si peu de lignes qu'elle contient. Je rends grâces à Dieu, Monsieur, des sentiments qu'il vous donne et du bénéfice que la reine a mis en vos mains pour donner moyen à la compagnie de servir les peuples, ce qui nous obligera d'envoyer de delà plus de missionnaires que nous n'avions dessein, mais il y a difficulté de les envoyer avant le printemps, ainsi que je l'écris à M. Desdames. Cependant je vous prie d'avoir patience, quoique vous ne fassiez pas le bien que vous voudriez en cette propositure (1), et de considérer que le 'bon Dieu se contente de celui que vous faites ailleurs, en attendant mieux ; que vous n'êtes chargé de ce bénéfice que pour répondre aux desseins que sa divine bonté a sur la compagnie pour l'avancement de sa gloire, et que, s'il était tombé en d'autres mains, il aurait peut-être servi à faire le contraire. Dieu vous a prévenu de trop de grâce pour craindre la tentation dont vous parlez. Vous êtes à Dieu, et Dieu est à vous. Oh ! quel bonheur ! Il comprend tous les bonheurs, en sorte que tout ce qui ne tend pas là n'est que douleur et désolation. Notre-Seigneur, par sa grâce infinie, vous remplira de son esprit pour aider efficacement les âmes à se détacher des créatures et s'unir à leur souverain bien. Oh ! que j'ai de joie, Monsieur, de savoir l'éloignement que vous avez pour le monde et pour les choses du monde qui périssent, pour ne vivre que de la vie de Jésus-Christ, qui pour cela vous a attiré à son service et appelé en Pologne, où j'espère qu'il fera voir de plus en plus que c'est pour y étaler ses divines vertus et y magnifier ses bontés infinies ! Je l'en prie de tout mon cœur,

1. Propositure, charge publique.

 

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qui suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Duperroy, prêtre de la Mission, à Varsovie.

 

2997. - JEAN DEHORGNY, A SAINT VINCENT

Monsieur

Je crois que Mademoiselle Le Gras ferait grande charité ; aux malades de cette ville de Richelieu et à nos deux sœurs qui y demeurent, si elle envoyait deux autres sœurs, ou pour le moins une, pour assister tant les malades que lesdites sœurs., car elles sont toutes deux au lit, depuis plus de six semaines, avec la fièvre ; et quoique, depuis cinq ou six jours, ma sœur Perrine se trouve un peu mieux, néanmoins, depuis quatorze mois qu'elle est venue d'Angers, elle n'a quasi pas eu de santé. Voilà pourquoi, si elle pouvait se remettre un peu, il. semble qu'il y aurait nécessité de la retirer d'ici, attendu que les malades demeurent sans assistance, sinon que les dames leur donnent quelque peu d'argent, ou un peu de chair crue, qui sont choses manifestement contre le règlement. J'ai été averti de plusieurs qu'il est besoin que les sœurs qui viendront ici soient un peu entrantes pour exciter les dames à visiter les malades elles-mêmes, afin que, les voyant elles soient incitées à contribuer à la dépense, attendu qu'elles retirent fort peu d'aumônes des quêtes.

Depuis la présente écrite, la fièvre a repris notre sœur Perrine.

Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

DEHORGNY,
indigne prêtre de la Mission.

Ce 3 octobre 1659

Suscription : Pour Monsieur Vincent.

Lettre 2997. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

 

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2998. - A JEAN DEHORGNY, A RICHELIEU

5 d'octobre 1659

Vous m’avez mandé que la maison du Mans a besoin d'un prédicateur pour les missions, d'un autre prêtre pour la procure et un clerc pour les classes ; que la maison de Richelieu a pareillement besoin d un homme fort pour les prédications. M. Berthe, d'un autre côté, nous a dit qu'il nous fallait aussi envoyer deux prêtres à Sedan ; et il se pourra faire que vous trouverez encore d'autres maisons qui demanderont de nouveaux ouvriers. Or, le moyen de subvenir à tout cela? Cela ne se peut. Nous avons fort peu d'hommes faits et avons cependant beaucoup d'ouvrage à faire et de lieux à remplir, même quelques nouveaux établissements. Je vous dis ceci, Monsieur, afin que vous nous épargniez le plus que vous pourrez. Votre grand soin doit aller, dans les visites, à redresser ceux qui s'écartent, à donner du courage aux cœurs faillis ou abattus et de la ferveur aux lâches et tièdes. C'est particulièrement pour cela que vous êtes envoyé, étant nécessaire que tous contribuent de tout leur pouvoir non seulement au bon ordre, mais à l'exercice de nos fonctions en chaque lieu.

Je vous prie d'offrir à Notre-Seigneur un peu de retraite que je fais pour me disposer à la grande, en cas qu'il plaise à Dieu de m'appeler bientôt.

Lettre 2998. - Reg. 2, p. 98.

1. Jean Dehorgny faisait la visite de cet établissement.

 

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2999. - A LOUISE DE MARILLAC

 

De Saint-Lazare, ce lundi au soir.[ octobre 1659] (1)]

Vincent de Paul annonce à Louise de Marillac (1) l’arrivée à Narbonne des premières Filles de la. Charité, Françoise Carcireux, Anne Denoual et Marie Chesse (2).

 

3000. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[octobre 1659] (1)

La sœur Mathurine (2) n'est pas partie ; ce ne sera que pour les premiers jours de la prochaine semaine. Elle témoignait désirer un peu de retraite et faire sa confession et qu'elle serait bien aise que ce fut votre charité qui l'entendit, au cas que ses grandes affaires ne vous incommodent trop, si elle prend de votre temps. S'il vous plaît à votre charité, réponse sur ce point?

Je vous envoie la lettre que je reçus hier de la reine de Pologne et la réponse, que votre charité retiendra, s'il ne faut pas l'envoyer, ou me la renverra s'il vous plaît,. pour la mettre au net.

Voilà aussi une lettre de ma sœur Carcireux, qui vous apprendra des nouvelles de vos Messieurs partis pour Narbonne.

Je vous envoie, mon très honoré Père, le papier dont j'ai parlé à votre charité, [qui] parle des moyens spirituels pour achever l’affermissement de la compagnie des filles de la

Lettre 2999. - Hippolyte Faure, Documents divers sur l'histoire de Narbonne et de ses hospices, Narbonne, 1894, in-8°, p. 116.

1. Voir lettre 2979.

2. Baptisée à Laudujan (Ille-et-Vilaine) le 28 octobre 1637, reçue dans la compagnie le 30 septembre 1657, admise aux vœux le 25 mars 1662, placée à la paroisse Saint-Paul, puis à Narbonne, où elle resta seize ans, supérieure à l'hôpital de Gex, envoyée ensuite au Nom-de-Jésus avec le même titre, élue économe à la maison-mère le 7 juin 1677, morte à Gex le 19 avril 1699.

Lettre 3000. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Mathurine Guérin. Elle était envoyée à La Fère pour y diriger l'établissement que les Filles de la Charité avaient en cette ville.

 

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charité, que je vous prie n'être vu de personne, crainte que l’on s’en moque

Mon pauvre cœur aurait grand besoin que votre charité pût voir sa faiblesse, au sujet de la perte d’une pareille lettre que celle-ci, aussitôt qu’elle a été écrite. Votre charité verrait bien le besoin que j'ai plus grand que jamais, d'avertissement et correction, pour me dire plus véritablement, mon très honoré père, votre très humble et très obéissante fille et servante.

LOUISE DE MARILLAC

Nos 2 sœurs d’Hennebont sont arrivées, Dieu merci.

 

3001. - A LOUIS DUPONT, SUPÉRIEUR, A TRÉGUIER

Paris, 8 octobre 1659.

Monsieur,

J'ai reçu deux de vos lettres des 7 et 27 septembre. Je loue Dieu des avances que Monseigneur (1) fait pour l'union des chapelles et pour affermir votre établissement. Ce sont effets de sa grande bonté pour la compagnie et de son zèle admirable pour la perfection de son clergé. Dieu vous fasse la grâce, Monsieur, et à ceux qui travaillent avec vous, de vous tenir bien unis à Notre-Seigneur pour travailler avec lui à cette sainte et importante entreprise, de laquelle dépend la sanctification de tout le diocèse ! Vous n'y pouvez rien sans cet adorable Sauveur ; mais, étant animé de sa vertu, vous y réussirez heureusement. Une chose à laquelle vous devez tendre particulièrement est de détruire ce mauvais esprit de la boisson, qui est une source de désordres parmi les ecclésiastiques ; et pour cela il faut tâcher de les rendre intérieurs et gens d'oraison pour aimer à s'entretenir avec

Lettre 3001. - Pémartin, op. cit., t. 4, p. 483, l. 1957. Une partie de la lettre a été reproduite dans le registre 2, p. 193.

1. Balthazar Grangier de Liverdi.

 

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Dieu plutôt qu'à chercher les compagnies, et pour s'acquitter de leurs fonctions plutôt qu'à demeurer oisifs.

Il est fort à souhaiter que le séminaire n'ait point de procès avec Messieurs du chapitre, pour les mauvais effets qui en peuvent arriver. L'expédient que Monseigneur propose est fort bon et faisable, si Monsieur l'abbé Brisacier était ici, mais il est à Rome.

J'ai fait tenir à M. Boussordec la lettre que vous m'avez adressée. Il est présentement à Nantes, à dessein de s'embarquer pour Madagascar ; mais, l'embarquement n'étant pas prêt, je lui ai écrit de s'en venir à Richelieu en l'attendant. Il y a un autre vaisseau à Dieppe qui pourra faire voile pour le même voyage vers la fin de ce mois, sur lequel nous ferons passer, Dieu aidant, deux autres prêtres, dont M. Etienne sera l'un.

Je suis très affligé de la peine que vous fait M. L. J'avoue qu'il est un peu difficile à conduire; mais il est vrai aussi qu'il a l'âme bonne et le fonds bon, ce qui mérite qu'on excuse sa timidité et ce qui lui peut manquer d'une prompte et douce soumission. Nous devons tenir pour constant qu'il n'y a point d'homme qui n'ait ses défauts, et je suis celui qui en a davantage ; et quand nous vous enverrions tous les prêtres de céans les uns après les autres, il n'y en aurait pas un en qui vous n'eussiez beaucoup de choses à supporter. Vous devez donc faire en sorte, Monsieur, de gagner celui-là par douceur et par patience. Notre-Seigneur nous a grandement recommandé le support, sachant que, sans lui, l'union ne peut naître ni subsister entre les hommes, tant ils sont misérables ; j'entends l'union fraternelle, qui nous rend agréables à Dieu et forts pour attirer les âmes à son amour. Par la grâce de Dieu, vous avez toujours maintenu et fomenté celle de votre petite famille jusqu'à présent, et j'espère qu'elle ira croissant à l'ave-

 

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nir par l'onction de votre esprit et de votre sage conduite. J'en prie Notre-Seigneur.

Une partie de notre monde a fait sa retraite et est maintenant en mission ; une autre partie est entrée en solitude, et je suis du nombre. Demandez à Dieu qu'il nous fasse la grâce de produire des fruits dignes de pénitence, qui servent au prochain.

Nous avons Messieurs le Soudier et Perraud bien malades, et ce dernier l'est dangereusement. M des Jardins est allé à Narbonne et a mené à Agde Messieurs Lemerer et Tanguy (3) qui sont bretons.

Je pense que M. Dehorgny est maintenant parti de Richelieu pour aller en Bretagne, où Dieu, par sa bonté infinie, vous continue ses bénédictions, et à tous les vôtres, que j'embrasse cordialement.

J'enverrai à Rome après-demain les lettres de notre frère Butler.

Je suis, en Notre-Seigneur...

 

3002. - JEAN DEHORGNY, A SAINT VINCENT

A Richelieu le 8e d'octobre 1659

Monsieur,

Nos sœurs de la Charité sont encore malades. Sœur Perrine a parfois quelques intervalles qui font espérer amendement, mais cela ne dure point. Pour sœur Charlotte, il y aura six ans à Noël qu'elle eut une grande maladie ; depuis ce temps-là ,elle n'a pas eu de santé bien bonne ; peut-être que le changement d'air les remettrait. Je crois que Mademoiselle Le Gras ferait un grand bien pour ce lieu ,si elle faisait un effort pour en envoyer deux autres ; car, si l'en n’en envoie qu'une,

2. Gilles Lemerer, né au duicèse de Tréguier le 22 septembre 1633, entré prêtre dans la congrégation de la Mission le 23 octobre 1658, reçu aux vœux à Agde le 14 novembre 1660.

Lettre 3002. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

 

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elle sera assez empêchée à avoir soin des deux sœurs, et ainsi les malades demeureront. Personne ne les visite, et elles ne sont guère aimées. On dit qu'elles n'avaient pas assez de soin des malades et quelles s'en remettaient à ceux de la maison à faire leurs lits. Or quelquefois les dames trouvaient qu'un malade était huit jours sans qu'on lui eût fait son lit. Il est vrai que leur peu de santé : pouvait contribuer à cela. Il est grand besoin que celles qui viendront sachent bien saigner et aient beaucoup de cordialité pour les malades, car c’est ici un des lieux les plus difficiles qui se puisse trouver.

Je prie Notre-Seigneur de nous assister tous., et je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

DEHORGNY,
ind. prêtre de la Mission .

Suscription : Pour Monsieur Vincent.

 

3003. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

11 octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'approuve fort le dessein de ce bon évêque qui veut des ouvriers pour les Indes ; et plût à Dieu que nous fussions dignes de l'aider ! Mais le peu de prêtres que nous avons nous sont demandés de toutes parts.

 

3004. - A EDME BARRY, SUPÉRIEUR,

A NOTRE-DAME-DE-LORM

De Paris, ce 11 octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Lettre 3003. - Collet, op. cit., t. 2, p. 67.

1. Collet dit simplement que la lettre est adressée à un missionnaire en Italie. Le contenu nous porte à croire que ce missionnaire est Edme Jolly.

Lettre 3004. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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Je vous envoie la réponse des docteurs de Sorbonne à la difficulté où vous vous trouvez pour les messes.

J'ai oublié de vous dire que nous ne pouvons recevoir en la compagnie une personne qui veut sortir d'une autre bien réglée sans cause légitime. Vous ferez donc bien d'encourager le clerc de la Doctrine Chrétienne dont vous m’avez écrit, à persévérer en cette sainte religion où Dieu l'a appelé.

M. Dehorgny est allé visiter nos maisons de Bretagne ; si Dieu lui donne assez de santé, j'espère qu'il vous ira voir.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Barry.

 

3005. - A GABRIEL DELESPINEY, SUPÉRIEUR,

A MARSEILLE

17 octobre 1659

J'espère que vous serez tous bientôt en état de faire quelque mission. Ne craignez pas d'annoncer aux peuples les vérités chrétiennes dans la simplicité de l'Evangile et des premiers ouvriers de l'Eglise. Nous vous avons ouï prêcher et savons que vous procédez à la bonne manière pour toucher les cœurs. La réputation de la compagnie doit être en Jésus-Christ, et le moyen de l'y maintenir est de se conformer à lui et non pas aux grands prédicateurs. Vous aurez bientôt acquis l'intelligence de la langue pour les confessions. Informez-vous bien d'abord des termes dont on exprime communément

Lettre 3005. - Manuscrit de Marseille.

 

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les péchés plus ordinaires, pour pouvoir entendre et interroger les plus grossiers d'entre le peuple.

 

3006. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 17 octobre 1659.

On a raison de vous congratuler pour votre maison, non tant pour les raisons que vous me mandez, que pour les moyens dont Dieu s'est servi pour la vous faire avoir, qui sont deux saints cardinaux, qui, ayant en vue l'honneur et le service de Dieu, vous ont voulu mettre en état de les procurer en toutes les manières que la pauvre compagnie le peut et le doit faire. Il nous en faudrait encore deux pareils à eux pour nous aider à les remercier de toutes les grâces qu'ils nous ont faites, et de la façon charmante dont ils prennent plaisir de nous obliger, particulièrement Monseigneur le cardinal Durazzo, qui semble n’avoir d'autre application, et qui, n'ayant que Dieu pour objet de ses actions, n'aura jamais que lui pour son digne remerciement.

 

3007. - A DOMINIQUE LHUILLIER

De Paris, ce 23 octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Notre frère Claude s'en retourne. Je vous remercie de l'avoir envoyé ici pour un si bon sujet que celui d'y mener un de nos frères malades. M. Maillard lui don-

Lettre 3006. - Reg. 2, p. 248.

Lettre 3007. - L. s. - L'original se trouve chez les Filles de la Charité de Gand, rue de Limbourg, 12.

 

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nera 135 livres, savoir 125 pour le quartier de votre pensionnaire et dix livres pour ses menues nécessités.

Je suis bien aise que vous ayez reçu les cinquante écus de votre annuel et l'espérance de toucher, à la fin de l'année, de quoi rétablir la famille et les emplois ; et j'en suis d'autant plus aise que c'est Madame de Lorthon qui vous l'a dit.

Pour la fondation de feu M. le procureur du roi, je vous en écrirai une autre fois, et vous m'en ferez ressouvenir, s'il vous plaît. Nous n'avons pas encore résolu de l'accepter. Mandez-moi sur quoi sont assignés les dix écus de rente et s'ils sont bien assurés.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Lhuillier, prêtre de la Mission, à Crécy.

 

3008. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

[En 1659 ou 1660] (1)

Vive la justice ! Il faut croire qu'elle se trouve en la perte de votre procès. Le même Dieu qui vous avait donné du bien vous l'a ôté ; son saint nom soit béni ! Ce bien est mal quand il est où Dieu ne le veut pas. Plus nous aurons de rapport à Notre-Seigneur dépouillé, plus aussi nous aurons de part à son esprit. Plus nous cher-

Lettre 3008. - L'Esprit de saint Vincent de Paul par Ansart, p. 134.

1. Cette lettre, dit Ansart, a été écrite quelque temps après les ravages de la peste dans la maison de Gênes, au supérieur de cette maison, au sujet d'un procès très important perdu par l'établissement. Le procès était encore pendant le 29 août 1659. (cf. l. 2955.)

 

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chons, comme lui, le royaume de Dieu son Père, pour l'établir en nous et en autrui, plus les choses nécessaires à la vie nous seront données. Vivez dans cette confiance, et n'allez pas au devant des années stériles dont vous parlez ; si elles arrivent, ce ne sera point par votre faute, mais par l'ordre de la Providence, dont la conduite est toujours adorable. Laissons-nous donc conduire par notre Père, qui est aux cieux, et tâchons sur la terre à n'avoir qu'un vouloir avec lui.

 

3009. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 21 octobre 1659.

Nous n'aurons point de peine à n'avoir pas d'église, puisqu’on ne trouve pas bon que nous en ayons. Dieu merci, nous ne voulons que ce qu'il veut, et sachant que sa volonté nous est manifestée par celle de notre Saint-Père le Pape, nous demeurerons paisiblement soumis aux intentions de Sa Sainteté.

 

3010. - LOUIS ET CLAUDE DE CHANDENIER A SAINT VINCENT

A Turin, ce 24 octobre 1659.

Monsieur et très honoré Père,

Nous avons fait ici plus de séjour que nous ne pensions, cause de l'indisposition de Monsieur Berthe. Nous espérons, Dieu aidant, partir demain en la compagnie d'un seigneur génois de la famille des Spinola (1) pour Milan, où il passe, pour de là s'en aller à Rome y être résident pour sa Républi-

Lettre 3009. - Reg. 2, p. 248.

Lettre 3010. - L. a. - Dossier de la Mission,original.

1. De cette famille étaient sortis deux généraux illustres ; elle donnera dans la suite cinq cardinaux à l'Eglise.

 

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que. Il. a témoigné en cette cour être fort affectionné à votre maison de Gênes, dont il a dit beaucoup de bien. Nous passerons à Milan la fête de saint Charles, y attendant mondit sieur Berthe, qui nous y viendra trouver, après avoir repris ici assez de forces pour cela, comme nous espérons que Notre-Seigneur lui en fera, et à nous aussi, la grâce.

Je n'ajoute rien, Monsieur et très honoré Père, à ce que je vous dis par la dernière lettre que je me donnai l'honneur de vous écrire, du cordial et charitable traitement que nous avons reçu en cette maison. Je vous dirai seulement, croyant y être obligé, pour la bonne édification qu’il n'a tenu qu'à nous d'y prendre, qu'on y vit comme à St-Lazare, à la réserve d'une seule pratique, qui est que, neuf mois de l'année, tous les missionnaires, tant prêtres que frères, mettent la clef sous la porte, pour aller faire leur moisson des âmes, en sorte qu'on peut dire d'eux, ici encore plus véritablement qu'ailleurs, che sono padri di camera locanda ; ce qui leur sera toujours une qualité plus honorable que toute autre qu'on leur pourrait donner.

Nous avons cru devoir ici saluer Monsieur le marquis de Pianezza, non pas comme premier ministre et grand chambellan de cet Etat, mais comme un seigneur d'éminente piété et le père temporel de cette maison ; ce qu'il nous a témoigné n'avoir pas eu désagréable, avant son départ pour Monaco, où il est allé prendre la fille de ce prince, que son fils doit épouser.

Nous nous prosternons de tout notre cœur à vos pieds pour recevoir en esprit votre sainte bénédiction, et sommes, avec tout le respect que nous devons, Monsieur et très honoré Père, vos très humbles et très obéissants enfants et serviteurs.

L. DE CHANDENIER,
indigne prêtre.

Cl.. DE ROCHECHOUART.

Je n'ai pas voulu manquer de me donner l'honneur de vous écrire encore d'ici, car je crains que nous n'en ayons plus l’occasion avant que d'arriver à Rome, s'il plaît à Dieu nous en faire la grâce.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission, à Paris

 

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3011. - A PIERRE CABEL, SUPÉRIEUR, A SEDAN

De Paris, ce 29 d'octobre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je ne puis pas m'offrir à M. Michel d'assister Madame sa mère en ses affaires, n'étant pas en état de m'y employer ; et d'ailleurs M. Michel m'écrit que sa présence y est absolument nécessaire pour empêcher la ruine de cette bonne mère. C'est pourquoi je lui mande qu'il aille donc y mettre ordre pour la dernière fois et qu'il retourne chez vous au plus tôt. Il me mande que vous pourrez cependant vous passer de lui.

Je vous envoie un paquet pour M. Lambin. Je vous prie de le faire rendre exactement à l'un de ceux à qui il est adressé.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Je viens de recevoir votre dernière. Pour réponse, je vous dirai que vous avez bien fait de vous excuser du banquet. Je ferai réponse au reste.

Suscription : A Monsieur Monsieur Cabel.

Lettre 3011. - L. s. - L'original est passé par l'étude de M. Charavay, chez qui nous en avons pris copie. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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3012. - AU MARÉCHAL DE LA MEILLERAYE

31 octobre 1659.

Monseigneur,

Je commence la présente par les actions de grâces que je rends à Dieu de ce qu'il vous a tiré de la longue et douloureuse maladie dont sa divine bonté vous a tiré et conservé, pour continuer à étendre son empire parmi les peuples de Madagascar qui ne le connaissaient pas, et le prie que ce soit pour longues années, comme j'espère qu'il fera. Il y a des Pères qui assurent que Dieu prolonge les jours de ceux que sa divine providence emploie aux œuvres extraordinaires qui regardent sa gloire.

De plus, Monseigneur, je remercie Votre Grandeur de la grâce qu'elle nous fait de nous donner part à ce saint emploi. Nous ferons partir trois missionnaires le 4 du mois prochain ; je vous en aurais envoyé un quatrième, Monseigneur, n'était la parole que j'avais donnée d'en donner deux à ces Messieurs (1) qui envoient aussi un vaisseau à Madagascar, tandis qu'on a été en doute si vous, Monseigneur, y enverriez le vôtre pendant votre grande maladie.

L'un de ces prêtres (2) est fils de feu M. Delbène. Dieu lui a inspiré dès son enfance le désir d'employer sa vie en ce saint emploi ; et il y a cinq ou six ans qu'il est entré dans notre chétive compagnie à cet effet. Il est plein de zèle ; et si N.-S. le conserve, il y a sujet d'espérer qu'il lui rendra service en ce pays-là. Les autres deux prêtres sont animés du même esprit, par la grâce de Dieu. M. Le Blanc (3) a quelque empêchement qui ne lui permet

Lettre 3012. - Reg. 1, f° 12, copie prise sur l'original autographe.

1. De la Compagnie des Indes.

2. Nicolas Etienne.

3. Charles Le Blanc.

 

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pas d'être de la partie. Nous envoyons avec ces prêtres un fort bon chirurgien (4) qui est aussi entré parmi nous, Il y a quatre ou cinq ans, à ce dessein ; j'espère, Monseigneur, qu'il ne sera pas inutile sur votre vaisseau et qu'il contribuera au salut du peuple de Madagascar.

Je vous supplie très humblement, Monseigneur, d'ordonner à celui qui commandera votre vaisseau de remettre entre les mains de vos missionnaires à Madagascar les hardes qu'ils apportent.

Reste, Monseigneur, à vous faire un renouvellement des offres de mon obéissance perpétuelle et de celle de cette pauvre et chétive compagnie de la Mission ; je vous supplie très humblement, Monseigneur, de l'avoir agréable et de me souffrir toujours la qualité de, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

 

3013. - A TOUSSAINT BOURDAISE,

PRÊTRE DE LA MISSION, A MADAGASCAR (1)

[Novembre 1659 ] (2)

Je vous dirai d'abord, Monsieur, la juste appréhension où nous sommes que vous ne soyez plus en cette vie mortelle, dans la vue du peu de temps que vos confrères qui vous ont précédé, accompagné et suivi ont. vécu en cette terre ingrate, qui a dévoré tant de bons ouvriers envoyés pour la défricher. Si vous êtes encore

4. Le frère Philippe Patte.

Lettre 3013. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. 1, sect. IX, § 7, p. 185.

1. Saint Vincent ignorait encore la mort de ce missionnaire, survenue le 25 juin 1657.

2. Les missionnaires auxquels cette lettre fut confiée quittèrent Paris le 4 novembre 1659.

 

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vivant, oh ! que notre joie en sera grande lorsque nous en serons assurés ! Vous n'auriez point de peine à le croire de moi, si vous saviez à quel point va l'estime et l'affection que j'ai pour vous, qui est aussi grande qu'aucune personne la puisse avoir pour une autre.

La dernière petite relation que vous nous avez envoyée (3) nous ayant fait voir la vertu de Dieu en vous et espérer un fruit extraordinaire de vos travaux, nous a fait jeter des larmes d'allégresse à votre sujet et de reconnaissance envers la bonté de Dieu, qui a eu des soins admirables sur vous et sur ces peuples, lesquels vous évangélisez, par sa grâce, avec autant de zèle et de prudence de votre part, qu'il paraît de disposition de leur côté pour être faits enfants de Dieu. Mais à même temps nous avons pleuré de votre douleur et de votre perte en la mort de Messieurs Dufour, Prévost et de Belleville, qui trouvèrent leur repos au lieu du travail qu'ils allaient chercher, et qui augmentèrent vos peines lorsque vous en espériez plus de soulagement. Cette séparation si prompte a été toujours, depuis, un glaive de douleur pour votre âme, comme la mort de Messieurs Nacquart, Gondrée et Mousnier l'avait été auparavant. Vous nous avez si bien exprimé votre ressentiment en nous donnant la nouvelle de leur décès, que j'ai été autant attendri de votre extrême affliction, que touché de ces grandes pertes. Il semble, Monsieur, que Dieu vous traite comme il a traité son Fils ; il l'a envoyé au monde établir son Eglise par sa passion ; et il semble qu'il ne veut introduire la foi à Madagascar que par votre souffrance. J'adore ses divines conduites, et je le prie qu'il accomplisse en vous ses desseins. Il en a peut-être de bien particuliers sur votre personne, puisque, entre tant de missionnaires morts, il vous a laissé en vie. Il

3. Le saint a ici en vue les deux lettres du 19 février 1657.

 

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semble que sa volonté, voulant le bien qu'ils ont désire de faire, n'en a pas voulu empêcher l'effet en les ôtant du monde, mais le produire par vous, en vous y conservant.

Quoi qu'il en soit, Monsieur, nous avons grandement regretté la privation de ces bons serviteurs de Dieu, et nous avons eu grand sujet d'admirer en cette dernière occasion surprenante les ressorts incompréhensibles de sa conduite. Il sait que de bon cœur nous avons baisé la main qui nous a frappés, nous soumettant humblement à ses touches si sensibles, quoique nous ne puissions comprendre les raisons d'une mort si prompte en des hommes qui promettaient beaucoup, au milieu d'un peuple qui demande instruction, et après tant de marques de vocation qui ont paru en eux pour le christianiser.

Cette perte pourtant, non plus que les précédentes, ni les accidents qui sont arrivés depuis, n'ont pas été capables de rien rabattre de notre résolution à vous secourir, ni d'ébranler celle de ces quatre prêtres et un frère qui s'en vont vers vous, lesquels, ayant eu de l'attrait pour votre Mission, nous ont fait de longues instances pour y être envoyés...(4)

Je ne sais qui sera plus consolé à leur arrivée, ou vous, qui les attendez depuis si longtemps, ou eux, qui ont un très grand désir de se voir avec vous. Ils regarderont Notre-Seigneur en vous, et vous en Notre-Seigneur, et, dans cette vue, ils vous obéiront comme à nous-mêmes, moyennant sa grâce. Pour cela, je vous prie de prendre leur direction. J'espère que Dieu bénira votre conduite et leur soumission.

Vous n'auriez pas été si longtemps sans être secouru,

4. Le saint faisait ici l'éloge des missionnaires qu'il envoyait à Madagascar. Abelly a supprimé ce passage.

 

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si deux embarquements qu'on a faits n'avaient mal réussi. L'un s'est perdu sur la rivière de Nantes, il y avait deux de nos prêtres et un frère, qui furent sauvés par une protection spéciale de Dieu ; et près de cent personnes y périrent. L'autre, étant parti l'année passée, fut pris des Espagnols, et quatre autres de nos prêtres et un frère qui étaient dedans sont revenus. De sorte qu’il n'a pas plu à Dieu qu'aucune aide ni consolation vous soit arrivée de ce côté ici, mais il a voulu qu'elle vous soit venue immédiatement de lui seul ; il a voulu être votre premier et votre second en cet ouvrage apostolique et divin auquel il vous a appliqué pour montrer que l'établissement de la foi est son affaire propre, et non pas l'œuvre des hommes. C'est ainsi qu'il en usa au commencement de l'établissement de l'Eglise universelle choisissant seulement douze apôtres, qui s'en allèrent, séparés par toute la terre, pour y annoncer la venue et la doctrine de leur divin Maître. Mais cette sainte semence ayant commencé de croître, sa providence fit que le nombre des ouvriers s'augmenta, et elle fera aussi que votre Eglise naissante, se multipliant peu à peu, sera pourvue à la fin de prêtres qui subsisteront pour la cultiver et pour l'étendre.

O Monsieur, que vous êtes heureux d'avoir jeté les premiers fondements de ce grand dessein, qui doit envoyer tant d'âmes au ciel, lesquelles n'y entreraient jamais si Dieu ne versait en elles le principe de la vie éternelle par les connaissances et les sacrements que vous leur administrez ! Que puissiez-vous par le secours de sa grâce continuer longtemps ce saint ministère et servir de règle et d'encouragement aux autres missionnaires ! C'est la prière que toute la compagnie lui fait souvent, car elle a une dévotion particulière de recommander à Dieu votre personne et vos emplois, et moi je l'ai très sensible. Mais en vain demanderions-nous à Dieu votre

 

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conservation, si vous-même n’y coopérez. Je vous prie donc avec toutes les tendresses de mon cœur d'avoir un soin très exact de votre santé et de celle de vos confrères. Vous pouvez juger par votre propre expérience du besoin réciproque que vous avez les uns des autres, et de la nécessité que tout le pays en a. L'appréhension que vous avez eue que nos chers défunts n'aient avancé leur mort par l'excès de leurs travaux vous doit obliger de modérer votre zèle. Il vaut mieux avoir des forces de reste que d'en manquer. Priez Dieu pour notre petite congrégation, car elle a grand besoin d'hommes et de vertu, pour les grandes et diverses moissons que nous voyons à faire de tous côtés, soit parmi les ecclésiastiques, ou parmi les peuples.

Priez aussi Notre-Seigneur pour moi, s'il vous plaît, car je ne la ferai pas longue, à cause de mon âge, qui passe [à] quatre-vingts ans (5), et de mes mauvaises jambes, qui ne me veulent plus porter. Je mourrais content si je savais que vous vivez et quel nombre d'enfants et d'adultes vous avez baptisés ; mais, si je ne le puis apprendre en ce monde, j'espère de le voir devant Dieu, en qui je suis

 

3014. - A JACOUES PESNELLE

De Paris, ce 7 novembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

5. Saint Vincent n'a certainement pas écrit en novembre 1659 que son âge "passait 80 ans", comme le lui fait dire Abelly ; il savait en effet que sa 80e année commencerait le 24 avril 1660. (cf. lettres 2907 et 2948). Il y a une altération dans le texte que nous donne Abelly, et ce n'est pas la seule sur ce point. L'original ne portait-il pas : "qui passe à quatre-vingt ans"?

Lettre 3014. - L. s. - L'original de cette lettre se trouve à Padoue, dans le trésor de l'église Saint-Antoine.

 

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Je n'ai rien à dire à votre lettre du 22 octobre, sinon que je prie N.-S. qu'il bénisse vos missions et qu’il vous donne le moyen de les continuer, avec les autres fonctions de la compagnie.

J'ai annoncé à Messieurs vos frères à Rouen vos lettres et votre déclaration.

Messieurs Etienne, Feydin et Daveroult partirent de céans mardi (1) pour aller à Madagascar, avec un frère. Ils se vont embarquer en Bretagne, et deux autres de nos prêtres s'embarqueront bientôt à Dieppe pour la même Mission. Je les recommande tous à vos prières.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission, à Gênes.

 

3015. - A LA SŒUR NICOLE HARAN, SUPÉRIEURE,

A NANTES

De Paris, ce 8 novembre 1659.

Ma Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Mardi dernier, quatrième de ce mois, partirent d'ici trois de nos prêtres et un frère, qui s'en vont à Nantes et qui pourront vous aller voir à l'hôpital ; c'est pourquoi je vous adresse la lettre que j'écris à Monsieur Etienne, qui a la conduite des autres, pour la lui mettre en main, s'il vous plaît. Ils espèrent de s'embarquer au

1. 4 novembre.

Lettre 3015. - L. s. - Dossier des Filles de la Charité, original.

 

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port Louis (1), sur un vaisseau qui s'y prépare pour Madagascar. Ils auront besoin de vos prières pour ce voyage, à ce qu'il plaise à Dieu de les conduire à bon port et de bénir leur Mission.

Je vous fais part des miennes, ma Sœur, et à toutes ces bonnes filles qui sont avec vous, demandant à Notre-Seigneur, qui nous a recommandé l'union et le support, qu'il vous fasse la grâce de vous entr'aimer et de vous soulager les unes les autres ; qu'il soit lui-même la force des faibles et la vertu des forts, la prière et l'oraison de celles qui n'en peuvent faire, et que sa divine bonté soit la règle de toutes dans la difficulté que vous trouvez à vous acquitter du petit règlement de vos pratiques en servant tant de malades. O mes Sœurs, que c'est une bonne chose de n'en point faire d'autre que d'exercer la charité ! C'est pratiquer toutes les vertus ensemble et c'est vous faire une même chose avec Jésus-Christ que de coopérer avec lui au salut et à la consolation des pauvres. Si vous connaissiez votre bonheur, tel qu'il est devant Dieu, certes le travail, les contradictions, les douleurs, les amertumes et la morts même vous paraîtraient douces et désirables, comme en effet elles le sont à qui veut se rendre digne des biens éternels de l'autre vie.

Je salue nos chères sœurs et je me recommande à leurs prières. Mademoiselle Le Gras ne se porte pas tout à fait bien ; elle n'est pas néanmoins autrement malade. Elle vous prépare quelque secours, pour le vous envoyer, Dieu aidant, dans douze ou quinze jours. Il est allé de vos sœurs bien loin d'ici ; c'est à Narbonne et à Cahors. On en demande de beaucoup d'endroits ; mais il ne plaît pas à Dieu qu'on en puisse envoyer partout, que peu à peu.

1. Port-Louis, port du Morbihan.

 

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Je suis, en son amour, ma Sœur, votre très affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : La sœur Nicole Haran.

 

3016. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 12 novembre [1659] (1)

Mon très honoré Père.

Ma sœur Noëlle, en la compagnie y a neuf ans, y a autant bien fait que sa simplicité a permis, étant fort craignant Dieu. Elle supplie très humblement votre charité, mon très honoré Père, l’offrir à Notre-Seigneur et lui permettre de faire les vœux demain à la sainte messe. Elle a eu depuis longtemps une charité très particulière pour les petits enfants

Je crois qu’il. faudrait achever aussi demain la résolution pour les sœurs à envoyer. Vous nous ferez avertir s’il vous plaît ; et selon ma confiance ordinaire, je demande à votre charité sa sainte bénédiction, prenant la liberté de me dire, mon très honoré Père, votre plus petite et indigne fille et servante.

L. DE MARILLAC.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3017. - A LA MÈRE MARIE-AGNÈS LE ROY

De Saint-Lazare. ce vendredi. [Novembre 1659] (1)

Très volontiers, ma chère Mère, j'approuve vos sor-

Lettre 3016. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité,original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

Lettre 3017. - L. a. - L'original aapartient aux sœurs du second monastère de la Visitation à Paris (110, rue de Vaugirard).

1. Cette lettre a été écrite entre le 20 juillet 1659 (cf. lettre 2915) et le 15 novembre 1659 (cf. lettre 3022), peu avant la Visitation de la sainte Vierge (21 novembre), jour où les Visitandines renouvellent leurs vœux.

 

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ties et celles de notre chère sœur Guérin avec celles que vous jugerez à propos pour vous accompagner ensemble, ou, en l'absence l’une de l'autre, de vous deux, à l'effet de faire accommoder la maison nouvellement acquise à l'usage de Sainte-Marie (2) ; mais je prie votre charité, ma chère Mère, et notre chère sœur Guérin que ces sorties soient pour les choses nécessaires seulement.

Puisqu'il ne plaît point à Dieu que je sois en état à présent de faire les deux cérémonies, je prie M. Gambart de les faire, et vous donne permission de prendre telle personne qu'il vous plaira pour assister au renouvellement de vos vœux. Peut-être que Monseigneur le coadjuteur de Cahors (3) vous pourra faire cette charité, comme il fit l'année passée à votre maison de la ville, si vous l'en envoyez prier. Il se tient à la rue Michel-le-Comte, non loin des Carmélites de la rue Chapon. Il doit venir dimanche céans. Je me propose de lui en parler, si ma mémoire ne me trompe.

Très volontiers, ma chère Mère, je prierai Dieu pour nos chères sœurs malades et n'oublierai pas notre chère sœur Bouvard (4) laquelle je salue avec beaucoup de tendresse.

Nous avons céans beaucoup de malades ; aussi je les recommande à vos prières et suis votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : Pour notre chère Mère la supérieure de la Visitation Sainte-Marie du faubourg Saint-Jacques.

2. La maison de la rue Montorgueil, destinée au troisième monastère.

3. Nicolas Sevin.

4. Alors à toute extrémité.

 

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3018. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[Novembre 1659] (1)

Je ne sais point, mon très honoré Père, le nom de la demoiselle qui m'a écrit Voilà la réponse en cas que votre charité treuve à propos de l'envoyer. Mais s'il vous plaît de considérer s'il ne serait point nécessaire que vous envoyassiez un de vos Messieurs treuver Monsieur le vicaire pour apprendre le sujet de refus d'entendre les confessions de nos sœurs tant lui que leur confesseur précédent, auquel elles sont retournées, contre l'ordre qui leur avait été donné ; et est à croire que lune des sœurs lui aura dit cette défense.

J'ai parlé : à notre sœur venue de St-Germain-de-l'Auxerrois qui promet bien se conduire selon l’ordre prescrit, et je l’espère, pour plusieurs raisons.

Je vous demande pour l'amour de Notre-Seigneur votre bénédiction pour mes besoins et ceux de toutes et très humblement pardon de mon peu de discrétion, vous ayant tenu trop tard et en tout autre sujet.

Votre très humble fille et servante.

L. D. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3019. - AU FRÈRE JEAN PARRE

[Entre 1657 et 1660] (1)

M[on cher Frère.]La [grâce de N.-S. soit avec] vous pour [jamais !

Cette lettre] n'est que po[ur vous dire que] je n'ai

Lettre 3018. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité,original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

Lettre 3019. - L. s. - Original chez les Filles de la Charité de la rue Percheronne, 2, à Chartres. Le coin supérieur gauche est déchiré.

1. Toutes les lettres du saint au frère Jean Parre, sauf une, ont été écrites entre cees deux dates ; il est probable que celle-ci est de la même époque.

 

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rien à vous [dire]. Vivez toujours en D[ieu] et conservez-vous pour son service et notre consolation.

Je suis, en son amour, mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Au bas de la page : Le frère Jean Parre.

 

3020. - A LOUIS DE CHANDENIER,A ROME

De Paris, ce 14 novembre 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec nous pour jamais !

Je vous fais la révérence et à M. du Moutiers-Saint-Jean à Rome, prosterné en esprit à vos pieds et aux siens.

J'ai reçu celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire à votre départ de Turin, et ai été consolé du rencontre que vous avez fait pour vous rendre le jour de saint Charles à Milan.

M. Berthe me mande que sa fièvre est dégénérée en quarte.

Je vous envoie la copie de la lettre que M. le nonce (1) a envoyée à M. l'abbé de Bérulle (2) Ce bon Monsieur, qui est à Rome de la part des Carmélites, vous pourra communiquer le bref que l'on a signifié à l'un de ces Messieurs (3) qui n'a point déclaré s'il appelait ; l'on pense

Lettre 3020. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

1. Cœlio Piccolomini (1656-1663).

2. Pierre de Bérulle, neveu du cardinal, abbé de Pontlevoy, visiteur des Carmélites.

3. Un des trois supérieurs des Carmélites.

 

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que ce sera à Rome, et non au Parlement. Ces bonnes filles sont en grand émoi pour leur cher Père (4).

M. Girard m'écrit la mort de ce bon prieur de Jolly, et qu'il pense qu'il faut donner le titre à un religieux, curé de la paroisse où est situé le prieuré. Je vous supplie très humblement de me mander si Monsieur de Saint-Jean l'agrée. J'ai retenu date en faveur d’un religieux de Saint-Benoît, aumônier de Monseigneur l'archevêque de Toulouse, qui s'en va évêque en Babylone (5), et ce serait pour contribuer à son ministère. Il n'en sait rien. C'est pourquoi je serai en état de faire ce que vous, Monsieur, commanderez. M. du Plessis-Pralus, seigneur de ladite paroisse, y a pourvu, prétendant avoir ce droit comme fondateur du prieuré. Ce sera un procès.

J'attendrai ce que vous, Monsieur, commanderez, et serai, en ce monde et en l'autre, dans une perpétuelle reconnaissance des grands biens que vous, Monsieur, et M. de Saint-Jean avez faits à cette chétive compagnie, qui suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,.

 

3021. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 14 novembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Toutes vos lettres me consolent sensiblement, mais

4. Voir lettre 2929, note 1.

5. Placide-Louis Duchemin. Il n'alla jamais au lieu de sa Mission, dont l'administration fut confiée en 1675 à François Picquet, qui lui succédera plus tard sur le siège de Bagdad.

Lettre 3021. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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votre dernière, du 10 octobre, l'a fait d'une manière particulière pour toutes les bonnes choses que vous me mandez, dont je ne puis assez louer Dieu.

Vous me dites premièrement que les armes du roi font de nouveaux progrès de tous côtés. N'est-ce pas là une nouvelle de grande consolation et digne d'une éternelle reconnaissance vers le Dieu des armées, qui prend la cause de l'Eglise en bénissant les desseins du roi et de la reine de Pologne?

2° Vous me mandez que cette pieuse princesse est résolue de faire le plus de bien qu'elle pourra pendant que Dieu la conserve au monde. O Monsieur, que cette résolution est chrétienne ! Plût à Dieu qu'elle fût dans le cœur de tous les grands et que tous les chrétiens comprissent bien l'obligation qu'ils ont d'aller croissant de vertu en vertu ! Tout s'en va, la mort approche, et il n'y a que les bonnes œuvres qui demeurent.

3° Vous me parlez d'un bon prêtre français qui est chez vous, qui a été aumônier de M. d'Avaugour, qui vous paraît humble et solide et qui a dessein d'entrer parmi nous. A la bonne heure, Monsieur ! S'il nous fait cet honneur de nous voir avec ce dessein, quand il sera de retour ici, nous en aurons grande joie.

Enfin, pour combler celle de mon pauvre cœur, vous m'assurez que M. Duperroy est parfaitement guéri de l'ouverture qu'il avait à la poitrine. Oh ! que Dieu soit loué, Monsieur, d'une telle grâce ! Je l'en remercie avec autant d'amour et de tendresse que j'ai fait longtemps y a d'aucun autre bienfait. Plaise à sa divine bonté de vous conserver, vous et lui, en parfaite santé et dans l'étroite union où, par la vertu du Saint-Esprit, vous vivez ensemble !

Je ferai attention, Dieu aidant, lorsque nous vous enverrons du secours, qui sera au printemps prochain, qu'il y ait un prêtre capable de conduire la paroisse et

 

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la maison en votre absence, pour vous donner moyen de faire quelque mission avec M. Duperroy et de commencer quelque exercice à l'égard de Messieurs les ecclésiastiques ; mais de vous décharger de la supériorité, c'est à quoi il ne faut pas penser ; je sais bien que vous en seriez content, mais j'espère aussi que le bon Dieu le sera toujours de votre conduite, tandis que vous le laisserez gouverner, comme vous faites.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà. La compagnie va son petit train partout, grâces à Dieu, qui, par sa providence adorable, a enfin permis que nous ayons une maison à Rome. Priez-le que ce soit pour le mieux servir, et recommandez-lui tous nos besoins en général et mon âme en particulier, comme je fais souvent la vôtre, qui m'est très chère, et celle de M. Duperroy, que j'embrasse fort tendrement, et qui suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
ind. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission, à Varsovie.

 

3022. - A LA MÈRE MARIE-AGNÈS LE ROY

[Novembre 1659] (1)

J'espère que l'estime et l'affection que toute la maison (2) avait pour notre vertueuse défunte (3) lui servira

Lettre 3022. - Année sainte des religieuses de la Visitation Sainte-Marie, t. XI, p. 400.

1. Voir note 3.

2. Le second monastère de Paris.

3. La Mère Marie-Augustine Bouvard, décédée au second monastère le 15 novembre 1659, à l'âge de quarante-huit ans, après en avoir passé vingt-huit à la Visitation. On trouve sa notice dans l'Année sainte, t. XI, p. 393-406.

 

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d'attrait pour embrasser ses vertus : la candeur dont elle a toujours fait profession, l'innocence et l'éloignement dont elle était pénétrée pour le mal, le zèle pour le bien, l'exactitude à la règle, la fidélité aux mouvements intérieurs du Saint-Esprit.

 

3023. - A UN EVÊQUE

[Après le 3 janvier 1656 ] (1)

Je portai un jour à feu M. Molé, qui a été procureur général et premier président, les plaintes de quelques prélats qui avaient été fort malmenés par le parlement, pour avoir voulu remédier aux désordres de quelques prêtres, et qui, se voyant ainsi empêchés, avaient témoigné, les larmes aux yeux, qu'ils étaient résolus de laisser aller les choses à l'abandon. Ce sage magistrat me dit qu'il était vrai que, lorsque les évêques ou les officiaux manquaient aux formalités qui leur étaient prescrites pour l'administration de la justice ecclésiastique, la cour était exacte à corriger leurs abus ; mais, quand ils observaient bien les formalités, qu'elle n'entreprenait rien contre leur procédé. Sur quoi il me donna cet exemple. Nous savons, me dit-il, que Monsieur l'official de Paris est habile en sa charge et qu'il n'y a rien à redire en ses jugements ; c'est pourquoi, lorsqu'on nous apporte des appels comme d'abus des sentences par lui rendues, nous n'en recevons aucun ; et nous en userions de même à l'égard de tous les autres, s'ils se comportaient de la même façon.

Lettre 3023. - Abelly, op. cit., t. 2, chap. XIII, sect. VI, p. 456.

1. Date de la mort de Mathieu Molé.

 

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3024. - A JEAN MONVOISIN, PRÊTRE DE LA MISSION,

A MONTMIRAIL

De Paris, ce 21 novembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je prie M. Cornuel de s'en aller à Troyes en diligence, et vous, Monsieur, de lui trouver un cheval et de lui donner de l'argent pour ce voyage. Si vous êtes au milieu de quelque mission et que vous ne puissiez en sortir sans lui, il pourra rester quelques jours pour vous. en tirer ; mais, au nom de Dieu, ne l'arrêtez point, s'il n'y a nécessité ; car elle est très grande au séminaire des Bons-Enfants, qui s'attendait à lui et qui s'attend à présent à M. de la Brière, qu'il va relever, pour venir soulager M. Wattebled, qui n'en peut plus.

Je vous fais cette lettre exprès et si fort à la hâte que je ne puis répondre à votre dernière ; ce sera une autre fois ; je vous prie seulement de me mander ce que M. le prieur de Saint-Marc a fait à Montmirail dans le peu de temps qu'il y a été. Il se loue fort de vous autres et du traitement cordial que vous lui avez fait

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Je vous prie, Monsieur, de demander à M. Cornuel. avant qu'il parte, ses bons avis.

Au bas de la première page : M. Monvoisin.

Lettre 3024. - L. s. - Dossier de la Mission, original.Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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3025. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

De Paris, ce 21 novembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous écrirai brièvement pour cette fois, parce qu'il est nuit.

J'ai reçu votre lettre du 27 octobre. Je loue Dieu de exercices que vous avez donnés au collège de Prop[aganda] fide et de la bonté de Nosseigneurs à vous employer à l'avancement spirituel de cette maison.

]'ai envoyé à Mgr le Pamiers (1) son perquiratur (2) sans lui dire ce qu'il coûte ; s'il vous le demande, vous pourrez le lui mander.

Je recevrai avec joie le paquet que vous m'avez adressé par un jeune homme de Paris qui vient de Rome.

J'ai fait tenir à M. votre frère la lettre que vous lui avez écrite, avec celle pour M. Jaillard. J'approuve volontiers tout ce que vous trouvez bon de faire.

L'espérance que vous me donnez d'avoir les ordinands à Noël me console. Plaise à Notre-Seigneur de donner son humilité à ceux qui auront le bonheur de leur parler et de les servir, afin qu'elle serve de fondement à ce bon œuvre !

Je rends grâces à Dieu, Monsieur, de votre abandon à sa conduite paternelle. Je suis assuré de votre disposition à la sainte espérance plus que des choses que je vois et que je touche. Je prie N.-S., Monsieur, que son

Lettre 3025. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. François-Etienne Caulet.

2. Voir lettre 2806, VI, 480, note 2. Ordre ou commission que donne le cardinal dataire pour une recherche de dates dans les registres de la Daterie.

 

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esprit soit tellement vôtre que vous n’ayez jamais d’autres mouvements que les siens.

Je suis obligé de vous importuner encore pour les affaires d'autrui. Il y a un jeune homme en cette paroisse (3) nommé Le Roy, qui a ... épousé une fille, après avoir abusé de la mère. Comme il a su que ce mariage n’était pas valide, il a voulu abandonner sa femme et a découvert à plusieurs personnes son inceste, pensant par cette raison éviter l'obligation qu'il a de valider son mariage ; et même, cela étant venu aux oreilles de son beau-père, il a présenté une requête, afin qu'il eût à faire réparation d'honneur, si ce crime était faux, ou à être puni, s'il était véritable. Sur quoi le juge a ordonné que le jeune homme serait appelé pour répondre à cela. Mais la chose n'a pas passé plus avant, parce qu'il s'est résolu de reconnaître cette fille pour sa femme, et d'habiter avec elle, après qu'il aura fait valider son mariage. Pour cela, Monsieur, il a besoin d'une dispense, que je vous prie de lui obtenir en Pénitencerie, ou autrement, en la manière que vous trouverez, par conseil, que cela se peut (4) La fille se nomme Madeleine Férault, de Paris, qui savait par des conjectures probables que ledit Le Roy avait eu affaire avec sa mère, lorsqu'elle s'abandonna à lui...

Votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Jolly.

3. La paroisse Saint-Laurent.

4. Ces derniers mots sont de la main du saint, depuis ou autrement.

 

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3026. - AU MARÉCHAL DE LA MEILLERAYE

22 novembre 1659.

Monseigneur,

Soudain après que j'ai reçu la lettre qu'il vous a plu me faire l'honneur de m'écrire, j'ai envoyé prier M. Cazet de me venir voir, et je l'ai prié de faire mes excuses à Messieurs de sa Compagnie (1) de ce que je ne pouvais leur donner des prêtres de la nôtre, parce que vous Monseigneur, ne trouvez pas bon que je m'étais engagé de leur en donner ; et ajoutai que nous sommes obligés de prendre votre parti, Monseigneur, à cause que nous avons notre confrère M. Bourdaise entre vos mains et les chrétiens pour la conversion desquels il a plu à Dieu se servir de notre chétive compagnie, et lesquels nous sommes obligés d'assister, et pour la profession particulière que j'ai toujours faite d'être votre très humble serviteur, et que je désire continuer jusques à la mort. A quoi il me répondit qu'il en parlerait à Messieurs de sa Compagnie, et qu'il pensait que leur dite Compagne verrait bien que j'ai du en user de la sorte. Selon cela, Monseigneur, vous pouvez voir que nous n'hésitons point à prendre votre parti et à rompre avec ces Messieurs, auxquels je vous donne ma parole, Monseigneur, derechef que je ne leur donnerai point des prêtres, ni de notre compagnie, ni d'ailleurs, et que j'écris à M. Etienne qu'il n'ait point de communication avec eux, ni avec leurs gens (2) Je vous supplie très humblement, Monseigneur, de vous assurer que les choses se-

Lettre 3026. - Reg. 1, f° 13, copie prise sur la minute autographe.

1. La Compagnie des Indes.

2. Le saint tint parole. Il refusa ses missionnaires à Sébastien Cazet ; ce furent des Récollets qu'Etienne de Flacourt amena avec lui de Dieppe le 20 mai 1660.

 

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ront exécutées, de notre part, ainsi que je vous dis, qui suis, en l'amour de N.-S....

 

3027. - A NICOLAS ÉTIENNE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A NANTES

De Paris, ce 22 novembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre chère lettre du 13 Je rends grâces à Dieu de vous avoir heureusement conduits à Nantes et si bien préparés aux adversités, comme il paraît que vous l'êtes, par sa miséricorde. Vous avez raison de dire que le monde et l'enfer sont contraires aux desseins de Dieu, et que c'est une bonne marque pour en bien espérer, quand ils sont traversés. J'ai été consolé de vous voir dans ces sentiments et dans ce bon usage d'une contradiction que vous n'attendiez pas. Il me semble que vous vous y êtes comporté avec la sagesse et la modération que la personne et le sujet le requéraient. Les premières épreuves servent de fondement aux grâces que Dieu fait en d'autres plus grandes ; et ainsi j'espère que, vous étant donnés à Notre-Seigneur pour tout faire et tout souffrir, rien ne sera capable de vous surprendre.

Ayant reçu la dernière lettre que Mgr le maréchal (1) m'a fait l'honneur de m'écrire, j'ai envoyé prier M. Cazet de me venir voir. Je lui ai dit qu'ayant envoyé des prêtres à mondit seigneur pour le voyage de Madagascar, nous ne pouvions pas en donner à Messieurs de la Compagnie (2), et que je le priais de leur en faire mes excuses ; que nous étions obligés de préférer ce bon

Lettre 3027. - L. s. - Dossier de la Mission, minute.

1. Le maréchal de la Meillaraye.

2. La Compagnie des Indes.

 

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seigneur, à cause qu'il nous a toujours reçus en ses vaisseaux, préférablement à d’autres ; qu'il a un de nos prêtres en sa puissance, et pareillement le petit nombre de catholiques instruits et baptisés par nos missionnaires. Il m'a répondu qu'il en avertira la Compagnie, et moi j'assure mondit seigneur le maréchal, par une lettre que j'envoie à Madame la duchesse d'Aiguillon pour lui faire tenir, que nous ne leur donnerons aucun prêtre de notre congrégation, ni du dehors, pour ne nous lier qu'à Dieu et à lui, et n'avoir affaire avec d'autres.

C'est pourquoi, Monsieur, quand vous serez arrivés à Madagascar, si c'est le bon plaisir de mondit seigneur de vous y faire mener, je vous prie de n'avoir, ni vous, ni les vôtres, aucune communication avec les gens de ces Messieurs, mais de vous attacher de toute votre affection aux intérêts de ce bon seigneur, par l'obligation que nous avons de lui obéir. C'est ce que je lui mande que vous ferez, et vous pourrez le lui confirmer. Je ne pense pas qu'après cette assurance il veuille exiger un serment de fidélité ni de vous, ni des autres. Et s'il le voulait faire, dites-lui qu'étant enfants d’obéissance, il vous suffit de savoir quelle est l'intention de ceux qui vous envoient, pour n'aller jamais au contraire, et que c'est là votre serment.

Pour le transport de vos hardes à La Rochelle, où le navire doit aller, à la bonne heure, faites-le faire, si Mgr vous fait la grâce de vous accorder le passage et qu'il soit nécessaire de vous aller embarquer à La Rochelle. En ce cas, vous me le ferez savoir ; je vous y écrirai plus amplement. Cependant continuez de vous abandonner aux soins amoureux de la Providence et de vous confier à la bonté paternelle de Dieu.

Pour la décharge que vous me demandez du soin de la petite compagnie, je vous prie de n'y pas penser,

 

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mais d'être caché comme sous les cendres de cette humilité, en l'esprit de N.-S., qui sera lui-même votre direction en cette conduite, votre force en votre faiblesse, votre science en vos doutes et votre vertu en vos besoins. De votre côté, Monsieur, donnez-vous à lui pour n'être à peine à personne, pour traiter un chacun avec douceur et respect, pour user toujours de prières et de parole., aimables, et jamais de mots rudes ou injurieux, rien n'étant si capable de vous concilier les cœurs que cette manière d'agir humble et suave, ni par conséquent de vous faire parvenir à vos fins, qui sont de faire que Dieu soit servi et les âmes sanctifiées.

Je vous embrasse de toutes les tendresses de la mienne, et ces Messieurs avec vous.

Je pense que M. Feydin se veut encore fortifier pour parler en public, au moins pour prêcher; c'est pourquoi vous ferez bien de ne le presser pas sur ce point dans le vaisseau. Pour le catéchisme, vous verrez s'il voudra se hasarder de le faire. Je ne doute pas qu'il n'y réussisse, s'il peut surmonter sa timidité.

Je suis...

 

3028. - A PIERRE CABEL, SUPÉRIEUR, A SEDAN

Paris, 22 novembre 1659.

Monsieur,

La source de l'aumône retranchée n'étant pas tarie, grâce à Dieu, de qui la charité est infinie, j'ai charge de vous prier de prendre deux cents livres pour les mois d'octobre et de novembre, qui s'en vont fâcheux, et d'en tirer une lettre de change sur Mademoiselle Viole, trésorière des dames de la Charité, qui payera cette

Lettre 3028. - Pémartin, op. cit., t;, p. 499, l. 1973.

 

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somme à lettre vue. Elle est sœur de M. Deffita, avocat au parlement, et loge chez lui, à la rue de la Harpe. On ne veut pas que cette assistance passe davantage par Reims, et pour cela on vous a fait écrire qu'elle était cessée. C'est pourquoi vous ferez bien d'honorer le silence de Notre-Seigneur en cela. Je ne puis pas vous assurer de la continuation, mais voilà la disposition présente. Un moyen pour mériter que Notre-Seigneur nous continue ses bienfaits est de les employer, à mesure que nous les recevons, selon son bon plaisir et pour la plus grande utilité du prochain.

Nous tâcherons de vous décharger bientôt, Dieu aidant, de la personne dont vous me parlez. Il nous faut auparavant trouver un prêtre propre pour vous l'envoyer à sa place.

Le jeune homme converti que vous avez vu naguère à Sedan, vient pour la première fois avec un autre jeune homme aussi nouvellement converti, qui a commencé d'étudier avec succès, et qui est pour servir un jour l'Eglise, aussi bien que l'autre, s'il peut continuer ses études. Il ne sait pas encore assez pour entrer au collège des Trente-Trois (1) et cependant il est obligé de sortir de la maison des nouveaux catholiques, où on a fait un passe-droit, le retenant plus longtemps que la règle ne porte, parce qu'on l'a reconnu gentil garçon, mais on ne peut plus. On lui a dit que la reine a laissé

1. Le séminaire des Trente-Trois était ainsi nommé du nombre des clercs qui s'y préparaient au sacerdoce. Les places se donnaient au concours ; elles étaient réservées à des jeunes gens sans fortune dans lesquels se voyaient des signes sérieux de vocation ecclésiastique. L'œuvre remontait au pauvre prêtre Claude bernard, qui avait tout d'abord rassemblé cinq clercs en l'honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur. Quand les ressources le permirent, ils furent douze, nombre des douze apôtres, puis trente-trois, nombre des années que Notre-Seigneur passa sur terre. Le séminaire fut transféré en 1657 à l'hôtel d'Albiac, rue Montagne-Sainte-Geneviève.

 

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à Sedan quelques fonds pour en faire de bonnes œuvres et a désiré que je vous prie, comme je fais, de voir s'il pourrait participer à cette charité pour pouvoir subsister quelque temps en l'université.

Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

 

3029. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 23 novembre [1659] (1)

Monsieur Mercier, prêtre habitué à Saint-Barthélémy (2), confesseur de nos sœurs de l'hôtel-Dieu, a désir d'être du nombre de ceux qui vont à la conférence des mardis et pour cela,. mon très honoré Père, m'est venu prier de vous faire savoir que je le connais y a longtemps, pour l’avoir vu près Monsieur de Villenant, dont Madame sa mère avait estime.

Je crois que vous avez vu la lettre qui me fut hier envoyée d'une dame de St-Cosme (3), qui souhaite une chose assez raisonnable mais le reste contre. Je crois, mon très honoré Père qu'il. sera bon de donner réponse, non par la sœur qui l’a apportée ,si votre charité le juge à propos, la croyant être en partie cause du plus grand bruit quoique au fond, il y a eu un peu de ma négligence et respect humain. Cette fille est celle qui, voulant sortir de la compagnie y a quelque temps, s’humiliant, y demeura. Il est vrai que sa compagne, toute simple, a un peu manqué de prudence, comme je fais souvent des vertus nécessaires pour me pouvoir dire véritablement, mon très honoré Père, votre très humble fille et obéissante servante.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

Lettre 3029. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Paroisse de Paris

3. Paroisse de Paris.

 

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3030. - A NICOLAS ÉTIENNE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A NANTES

De Paris, ce 26 novembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je reçus hier au soir votre dernière, écrite de la chambre de Monseigneur le maréchal (1), et un mémoire, qui marque les conditions d'accommodement ; et incontinent après j'envoyai un billet à M. Cazet, par lequel je le priais de venir entendre la sainte messe céans ce matin ; ce qu'il a fait. Je lui ai communiqué votre lettre et le mémoire. Il m'a dit ensuite qu'il est très humble serviteur de Monseigneur le maréchal, qu'il communiquera à la Compagnie (2) les conditions d'accommodement contenues dans le mémoire, qui s'assemblera vendredi prochain ; mais qu'il croit qu'elle ne les accepterait pas, et m'a ajouté ensuite qu'il ne voyait point de moyen plus juste ni plus satisfaisant raisonnablement un chacun que celui qui fut projeté en la présence de mondit seigneur le maréchal (3) et auquel assista Monsieur le premier président (4), et qui ne fut pas pour lors ou depuis agréé par mondit seigneur le maréchal, qui témoigna n'être pas satisfait d'une demande indiscrète d'un de la Compagnie, qui n'en est plus ; que, s'il plaît à mondit seigneur de reprendre ces mêmes moyens d'accommodement et de prier Monsieur le premier président d'achever cette affaire, la Compagnie y pourra entendre. Voilà, Monsieur, ce qu'il m'a dit, en attendant sa der-

Lettre 3030. - Dossier de Turin, copie du XVII° siècle, prise sur l'original, qui était en entier de la main du saint.

1. Le maréchal de La Meilleraye.

2. La Compagnie des Indes.

3. Au début de 1658.

4. Guillaume de Lamoignon.

 

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nière réponse, que me fera ladite Compagnie vendredi ; et m'a ajouté derechef qu’il est très humble serviteur de mondit seigneur le maréchal et qu'en cette qualité il est obligé de lui dire que sa Compagnie n'est pas résolue de se déprendre de son droit et qu'elle procédera néanmoins avec le respect et la révérence qu’elle doit à la grandeur de mondit seigneur le maréchal ; et c'est, Monsieur, ce qui m'afflige, qu'un dessein si considérable à la gloire de Dieu soit traversé par ces fâcheux rencontres, qui se peuvent accommoder facilement et promptement. Je prie Notre-Seigneur qu'il ait agréable de s'entremettre lui-même de cet accommodement.

Je renouvelle ici les offres de mon obéissance perpétuelle et cordiale à mondit seigneur le maréchal, auquel vous direz, s'il vous plaît, que ladite Compagnie a reçu mes excuses et qu'elle cherche des prêtres. Je vous prie de me donner de vos nouvelles par toutes les occasions qui se présenteront.

Je salue très humblement mes très chers confrères et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3031. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR. A ROME

[Novembre ou décembre 1659] (1)

Je rends grâces à Dieu d'avoir mis les choses au point

Lettre 3031. - Vie manuscrite de Edme Jolly, p. 26. (Arch. de la Mission.)

1. La maison de Rome commença à recevoir des ordinands aux quatre-temps de décembre 1659. Comme il est question pour la première fois de cette œuvre dans la lettre du 21 novembre, celle-ci doit être placée aux environs de cette date. Elle semble postérieure à la lettre 3025.

 

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qu'elles sont de delà pour les exercices de l'ordination je l'en remercie avec grande tendresse. Il semble que la divine Providence nous veuille donner occasion de lui rendre quelque petit service dans un sujet de cette importance ; mais, comme c'est l’œuvre du Saint-Esprit, il est nécessaire que la compagnie en soit animée et que chaque particulier en soit rempli. C'est à quoi nous devons tous tendre. Nous devons faire en sorte de vivre selon cet esprit et d'agir selon ses opérations, pour mériter la grâce qu'il bénisse nos emplois ; autrement, ce serait abuser le monde. Messieurs Portail, Alméras et moi avons dit la sainte messe pour action de grâces du dessein qu'il a sur votre maison et pour lui recommander ce commencement. Je n'en ai pas encore parlé à la communauté. J'attends l'effet, dont nous n'avons encore que l'espérance. Et parce qu'après Dieu elle est due à vos soins et à la grâce qui est en vous, Monsieur, je vous en remercie de toute l'affection de mon âme, comme de tant d'autres biens que Dieu nous a faits par votre moyen.

 

3032. - A PHILIPPE PATTE,

FRÈRE DE LA MISSION, A NANTES

[Novembre ou décembre 1659] (1)

Je suis fort affligé de savoir que vous aurez des hérétiques dans votre vaisseau et par conséquent beaucoup à souffrir de leur part. Mais enfin Dieu est le maître, et il l'a ainsi permis pour des raisons que nous ne savons pas ; peut-être pour vous obliger d'être plus retenu en leur présence, plus humble et plus dévot envers

Lettre 3032. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. 1, sect. 1, § 4, p. 19.

1. L'embarquement des missionnaires destinés à Madagascar se fit en décembre.

 

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Dieu, et plus charitable envers le prochain, afin qu'ils voient la beauté et la sainteté de notre religion et qu'ils soient par ce moyen excités d'y revenir. Il faudra soigneusement éviter toutes sortes de disputes et d'invectives avec eux, vous montrer patient et débonnaire en leur endroit, lors même qu'ils s'échapperont contre vous, ou contre notre créance et nos pratiques. La vertu est si belle et si aimable qu'ils seront contraints de l'aimer en vous, si vous la pratiquez bien. Il est à souhaiter que, dans les services que vous rendrez à Dieu sur le vaisseau (3) vous ne fassiez point acception de personnes et ne mettiez pas différence qui paraisse entre les catholiques et les huguenots, afin que ceux-ci connaissent que vous les aimez en Dieu. J'espère que vos bons exemples profiteront aux uns et aux autres.

Ayez soin de votre santé, je vous en prie, et de celle de nos missionnaires...

 

3033. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

[Novembre ou décembre 1659] (1)

Nous allons nous préparer, selon notre chétiveté, à servir Messieurs les ordinands. Notre confiance est en Dieu, qui se montre d'autant plus l'auteur de cette œuvre, que l'on ne sait comment cette résolution a été prise, ni qui en est le promoteur (2). De sorte que je puis dire que a Domino factum est istud (3) ; et ainsi il y a lieu d'espérer que qui caepit ipse perficiet (4).

2. Par l'exercice de la chirurgie.

Lettre 3033. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. 2, sect. VI, 1re éd., p. 238.

1. Voir note 2.

2. Un mandement du cardinal-vicaire, de novembre 1659, obligeait tous ceux qui désiraient entrer dans les ordres sacrés, à faire quelques jours de retraite chez les prêtres de la Mission.

3. Psaume CXVII, 23.

4. Epître aux Philippiens I, 6.

 

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3034. - LOUIS DE CHANDENIER A SAINT VINCENT

De Rome, ce 1er décembre 1659

Monsieur et très honoré Père,

Nous voici enfin arrivés ad limina sanctorum apostolorum heureusement, par la grâce de Notre-Seigneur. Nous y reçûmes, le lendemain de notre arrivée, qui fut samedi, votre lettre du 7 du mois passé, par laquelle nous voyons que, par la grâce de Dieu, votre santé est bonne, dont nous ne recevons pas peu de consolation. Plaise à sa divine bonté vous la conserver longues années pour son service !

Nous avons aussi appris avec joie de Monsieur Berthe que la fièvre l'avait quitté et qu’il espérait se rendre ici dans peu de jours, si elle ne revenait point, mais avec douleur que Monsieur Martin avait la quarte réglée, dont il avait déjà eu quelques ressentiments d’accès, lorsqu’il prit la peine de nous venir trouver à Milan ; mais nous croyions alors, et lui aussi que ce ne serait rien. Plaise à Dieu qu'il en soit délivré bientôt, pour aller travailler pour sa gloire, comme il était en bonne disposition pour cela !

Touchant le prieuré (1) nous n’avons qu'à honorer ce que vous avez fait en cela comme en toutes choses. J'ai prié .Monsieur Jolly, duquel je ne vous saurais expliquer la bonté pour nous, de vous mander la communication que nous avons eue ensemble sur ce sujet, qui le fera bien mieux que moi.

Le courrier me presse de finir en vous saluant avec tout le respect qui m'est possible.

C'est, Monsieur et très honoré Père, votre très humble et très obéissant serviteur.

L. DE CHANDENIER,
indigne prêtre

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à Paris.

Lettre 3034. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

1. Voir lettre 3020. Attribution du bénéfice du prieuré de Jolly, VIII, 167,

 

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3035. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 5 décembre 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec nous pour jamais !

Je vous salue avec votre petite troupe au haut des plus hautes montagnes du diocèse de Gênes, où vous travaillez. Oh ! que je prie Dieu de bon cœur qu'il sanctifie ce pauvre peuple par votre mission et qu'il impute le mérite du bien qui se fait, à celui qui vous y a envoyés, Monseigneur le cardinal (1), qui, de sa bonté incomparable, nous a logés à Rome en un bon quartier, et des meilleurs !

Messieurs vos frères m'ont écrit une lettre que je n'entends pas bien ; il leur semble que votre affaire est le nôtre. Je n'ai pu leur faire réponse, ni même lu toute leur lettre. Je le ferai.

Nos malades sont quasi au même état, l'un dans le sujet d'espérance et l'autre celui du danger. M. Alméras et le frère Ducournau sont retombés dans leurs premières incommodités ; et moi, qui suis chargé de péchés et d'années, me voilà encore plein d'affection pour vous et pour votre chère compagnie.

Très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission, à Gênes.

Lettre 3035. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Le cardinal Durazzo.

 

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3036. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 5 décembre 1659

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Je me trouve en perplexité au sujet de ce que vous me dites de la demande qu'on vous fait de la personne de M. Parisy. Tout considéré, le besoin d'Agde me presse ; mais, si le retour de Monseigneur de Montpellier (1) est si proche, in nomine Domini, il le faut retenir Mais, s'il y a apparence qu'il demeure auprès du roi, vous pourrez, en ce cas-là, le prêter pour quelque temps à M. Durand. Je vous écris ceci dans l'accablement auquel je suis à cause de la maladie de Monsieur Alméras et de notre frère Ducournau, de sorte qu'il ne me reste que le moment de vous dire que je suis plein de consolation de vos bonnes conduites et que je salue aussi dans le même sentiment M. Parisy, étant à l'un et à ]'autre, Monsieur, très humble et obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, supérieur des prêtres de la Mission de Marseille, étant de présent au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

Lettre 3036. - L. a. - L'original a été mis en vente en juillet 1914 par M. Ferroud, libraire à Paris, chez qui nous en avons pris copie.

1. François de Bosquet. Il était allé à Toulouse, où se trouvait la Cour, pour assister à la seconde session des Etats du Languedoc, et n'en revint qu'à la fin de janvier.

 

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3037. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 5 décembre 1659.

Il n'est point à propos que je me mêle des affaires de M.... pour plusieurs raisons. Je vous prie, Monsieur, de lui dire que je me suis donné à Notre-Seigneur pour ne jamais solliciter aucun procès des externes, moins encore de les faire solliciter. J'ai eu des parents qui avaient de procès en cette ville, pour lesquels je n'ai point sollicité, et que, si j'avais à le faire pour personne, ce serait pour lui, mais que je ne puis le faire pour aucun sans blesser une résolution que j'ai prise devant Dieu.

 

3038. - A LOUIS DE CHANDENIER

Paris, 5 décembre 1659.

Monsieur,

C'est avec toutes les tendresses de mon chétif cœur que je vous dis que j'ai consolation sensible de celle que vous avez en ces saints lieux de Rome. Je souhaite que M. Jolly soit assez heureux de vous accommoder en sa nouvelle habitation et que de là Notre-Seigneur vous fasse voir la force de la grâce à l'égard de tant et tant de martyrs, qui ont souffert pour lui. Hélas ! qu'ai-je tant à cœur comme la reconnaissance des obligations incomparables que nous vous avons ! C'est une atteinte de mon cœur qui ne se peut adoucir qu'en le disant et en vous souhaitant toute sorte de biens et de consolations partout où vous allez.

Il y a plusieurs maisons de Carmélites qui ne reçoi-

Lettre 3037. - Reg. 2, p. 249.

Lettre 3038. - Pémartin, op. cit., t. 4, p. 503, l. 1977.

 

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vent point le bref ; il y en a d'autres qui les ont, car on ne s'est point expliqué du tribunal auquel elles appellent (1) ; il faudra voir.

Votre chère famille se porte bien, Dieu merci ; l'on attend avec patience votre retour, et grand désir qu'il arrive bientôt.

M. Berthe me mande que sa fièvre quarte l'a quitté et qu'il s'en va partir au plus tôt pour se rendre auprès de vous. Peut-être aura-t-il ce bonheur avant que la présente vous soit rendue.

Dieu a disposé de M .l'abbé de Bullion (2), et lui de son bien en œuvres pies. Quelqu'un m'a dit qu'il nous a considérés. Je prie Notre-Seigneur qu'il soit sa récompense. Il a donné trente mille livres à la bourse cléricale, dont j'ai grande joie, et en remercie Notre-Seigneur, en l'amour duquel je salue M. de Saint-Jean avec toutes les tendresses de mon cœur, et suis, en l'amour de Notre-Seigneur...

 

3039. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 7 décembre 1659

Ma sœur Barbe Bailly, en la compagnie des Filles de la Charité y a quatorze ans, a fait ses premiers vœux y aura demain onze ans, réitérés tous les ans jusques en l'année 1656, qu'elle dit, mon très honoré Père, avoir eu permission de votre charité de les faire pour toujours ; ce qu'elle fit ; et supplie très humblement .votre même charité offrir à Dieu le réitérement qu'elle en désire faire avec votre permission. Vous suppliant aussi pour l'amour de Dieu, mon très honoré Père, pour l'accomplissement de sa sainte volonté sur la compagnie, de demander pardon à Notre-Seigneur, pour l'amour du choix

1. L'obscurité de cette phrase vient sans doute de ce que l'original a été mal lu.

2. Pierre de Bullion, abbé commendataire de Saint-Faron de Meaux, fils de Claude de Bullion. Il était mort le 30 novembre.

Lettre 3039. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

 

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qu'il a fait de sa très sainte Mère, de toutes les fautes contre la pureté intérieure et extérieure, et la grâce de la vraie pureté que sa miséricorde y veut ; et comme je suis la plus fautive,. aussi ai-je besoin d'une plus forte intercession ,me voyant, s'il vous plaît, votre indigne fille et servante.

L. DE M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent

 

3040. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

12 décembre 1659

Si vous voyez que d'autres travaillent aux missions, il en faut bénir Dieu et se réjouir que Dieu se suscite des ouvriers pour l'instruction et le salut des peuples, pendant que nous demeurons inutiles. Pourvu que l'œuvre de Dieu se fasse, il n'importe par qui

 

3041. - A JACQUES PESNELLE

De Paris, ce 12 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 19 Je rends grâces à Dieu des services que vous rendez aux peuples des montagnes et de la bénédiction que Dieu donne à vos travaux. Je crains beaucoup pour votre santé parmi les fatigues et les incommodités que vous y souffrez. Je vous prie de vous ménager, et Notre-Seigneur de vous fortifier de sa grâce et ceux qui sont avec vous, que j'embrasse en esprit avec vous.

Je loue Dieu aussi de ce que vous avez reçu deux nou-

Lettre 3040. - Manuscrit de Marseille.

Lettre 3041. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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veaux séminaristes internes (1) Je n'ose pas vous dire de n'en recevoir davantage, puisque jusqu'à présent rien n'a manqué à votre maison. Il y a sujet d'espérer que Dieu, qui lui a toujours fourni le nécessaire et qui a fait toutes choses de rien, pourvoira à tout. Je l'en prie de tout mon cœur.

M. votre frère m'a écrit que, puisque la pension que vous lui demandez est pour notre communauté, je considère qu'il est surchargé de 2.000 livres de pension vers son puîné, et que le bien donné à Mademoiselle votre sœur va à huit ou neuf cents livres de rente, et que, s'il nous paye 500 livres pour vous, il ne lui restera pas 2.000 livres de revenu pour lui, à ce que je réduise votre pension à 400 livres et que je le décharge des trois années échues depuis la mort de feu M. votre père. Je ne lui ai pas encore fait réponse ; mais je m'en vas lui mander que cette pension est pour vous et non pas pour cette maison, et que, si vous l'avez prié de nous la remettre, vous m’avez écrit aussi de vous la faire tenir ; et qu'ainsi ce n'est point à moi à lui accorder la diminution qu'il demande. Peut-être vous en écrira-t-il vous en userez comme il vous plaira.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Pesnelle, supérieur des prêtres de la Mission, à Gênes.

1. De ces deux séminaristes un seul figure sur le catalogue du personnel, c'est Jean-Antoine Rolando, né à Aprico, diocèse d'Albenga, le 26 juillet 1643, admis dans la congrégation de la Mission le 11 novembre 1659, reçu aux vœux à Gênes le 13 novembre 1661.

 

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3042. — A LA SŒUR NICOLE HARAN, SUPÉRIEURE

A NANTES

De Paris, ce 13 décembre 1659

Je ne vous écris jamais qu'à la hâte, ma Sœur, tant je suis pressé ; je le fais à présent pour vous saluer avec toutes vos sœurs et pour vous prier de mettre entre les mains de M. Dehorgny la lettre que je lui écris. C'est un de nos anciens prêtres, que nous avons prié de vous aller voir. J'espère qu'il vous consolera et que la présente le trouvera à Nantes. Si d'aventure il en était déjà parti, il faudrait me renvoyer sa lettre. Je vous prie aussi, ma Sœur, d'envoyer l'incluse à M. Eudo par le messager de Vannes. Excusez-moi et m’offrez à Notre-Seigneur, en qui je suis, ma Sœur, votre très affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3043. - A JEAN MONVOISIN, PRÊTRE DE LA MISSION,

A MONTMIRAIL

De Paris, ce 16 décembre 1659

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre dernière lettre au sujet de M. le prieur de Saint-Marc ; à quoi je n'ai rien a dire qu'à vous en remercier, comme je fais.

Je ne vous dirai rien non plus de M. de Mesnin, sinon qu'il est venu parler à M. Maillard.

Prenez avis, s'il vous plaît, sur la proposition de M. de Saluce, et, si on vous conseille de faire le change qu'il désire, faites-le. Donnez-lui les 20 perches de pré de la

Lettre 3042. - L. s. - Dossier des Filles de la Charité, original.

Lettre 3043. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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ferme de Viémoulin qui sont au milieu de ses prés, pourvu qu'il vous en donne pareille quantité, aussi bon que le vôtre et en lieu qui vous soit commode.

Le dimanche 7° de ce mois, on vous a adressé par le coche de Châlons, qui passe à Montmirail, le sac et les écrits de M. Dumas (1), enveloppés d'une toile. On en fit payer ici 20 sols de port par avance, et on n'a pu vous en donner avis jusqu'à présent. Si vous ne l'avez pas reçu, vous le ferez retirer, s'il vous plaît.

Je vous prie aussi, Monsieur, de prendre de M. Husson quelques livres arabes, qu'il veut envoyer à M. Le Vacher, à Tunis, et de lui rendre 27 livres qu'ils lui ont coûtées. Je vous envoie ouverte la lettre que je lui écris sur ce sujet. Nous enverrons bientôt un prêtre à Marseille, qui portera ces livres-là, si vous nous les faites tenir.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà. M. Perraud est toujours en danger. M. Le Soudier se porte mieux et le reste de la compagnie assez bien. M. Cornuel est en exercice au séminaire de Troyes, et M. de Brière en celui des Bons-Enfants. Je pense que vous l'êtes aussi en mission et que vous le serez pendant les fêtes. Dieu bénisse vos travaux et conserve votre santé et celle de M. Dumas, que je salue et embrasse en esprit avec vous très cordialement ! Nous avons 4 prêtres à La Rochelle sur le point de s'embarquer pour Madagascar, savoir Messieurs Etienne, Feydin, Daveroult et de Fontaines, avec le frère Patte, chirurgien. Priez Dieu pour eux et pour moi, qui suis, en N.-S., Monsieur votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Monvoisin.

1. Jean-Amé Dumas, né à Annecy le 23 mars 1632, entré dans la congrégation de la Mission le 22 octobre 1656, reçu aux vœux à Montmirail en 1659.

 

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3044. - A MADEMOISELLE D'HAUTERIVE (1)

De Paris, ce 17 décembre 1659.

Mademoiselle,

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m'écrire, avec le respect que je vous dois et avec le désir de vous servir et toute votre famille, qui a toujours eu de la bonté pour nous. Je vous remercie très humblement, Mademoiselle, des témoignages que vous en donnez incessamment à nos prêtres de La Rose et que vous m'en donnez par votre lettre. Plaise à Dieu de nous en faire mériter la continuation par notre obéissance ! Je vous rendrai toujours la mienne, Mademoiselle, et à Messieurs vos enfants, avec joie et reconnaissance, et nous délivrerons volontiers à celui qui doit venir des Flandres (2) les cinq cents livres que vous nous commandez de lui donner. J’écris à M. Chrétien qu'il les reçoive de vous, et je prie la bonté de Dieu qu'il continue ses bénédictions sur votre chère âme et sur votre maison, vous assurant que je suis de l'une et de l'autre, en son amour, Mademoiselle, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle d'Hauterive, à Hauterive.

Lettre 3044. - L'original appartient à la famille d'Hauterive, qui habite le château de Saint-Sulpice à Villeneuve-sur-Lot.

1. Antoinette de Ranse, épouse de Philippe de Raffin, seigneur d'Hauterive et Ayguesvives.

2. Un des fils de Mademoiselle d'Hauterive venait de prendre part à la guerre de Flandre.

 

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3045. - A LOUIS DUPONT, SUPÉRIEUR, A TRÉGUIER

De Paris, ce 17 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous fais la présente pour rendre grâces à Dieu de la consolation que vous avez reçue de la visite, et des fruits que M. Dehorgny m'en a fait espérer par la bonne volonté de toute la famille et par votre douce et amiable conduite. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous anime tous de son esprit pour faire incessamment des œuvres agréables à son Père et utiles à son Eglise.

Voici une lettre de M. Laurence, prêtre de la compagnie, qui est à Turin, où il travaille à la vertu et aux missions avec édification. Je vous prie de la rendre à son adresse et de m'en envoyer la réponse.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà qui mérite de vous être écrit. Nous avons les ordinands céans et plusieurs ouvriers à la campagne. Nous avons M. Perraud en danger d'une hydropisie, qui lui est arrivée en suite d'une grande maladie. M. Le Soudier n'est pas encore guéri, mais il se porte mieux, et le reste de la communauté assez bien. Il est vrai que mes jambes ne me veulent plus porter. Priez pour moi, s'il vous plaît, priez pour tous les besoins de la compagnie et pour quatre de nos prêtres et un frère, qui sont sur le point de s'embarquer pour Madagascar. M. Dehorgny ne les trouvera pas à Nantes, ni au port Louis, parce que, le vaisseau étant allé à La Rochelle prendre ses victuailles, ils y sont allés aussi.

J'embrasse votre cœur et votre famille avec toutes les

Lettre 3045. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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tendresses de mon cœur, et je suis avec consolation, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Il faut recevoir avec action de grâces et grande reconnaissance le bienfait que Monsieur le trésorier offre au séminaire, puisque c'est le sentiment de Monseigneur de Tréguier.

Au bas de la première page : M. Dupont.

 

3046. - A EDME MENESTRIER, SUPÉRIEUR, A AGEN

De Paris, ce 17 décembre 1659.

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

La dernière que j'ai reçue de votre part est du 22 novembre. Je compatis à votre peine, et j'espère que Dieu vous en délivrera bientôt par la présence de M. Dehorgny, qui s'approche de vous. Il est sur son retour de Bretagne ; et, après qu'il aura passé quelques jours à Luçon et à Saintes, il passera en Guyenne.

Je loue Dieu de ce que vous avez sept ecclésiastiques dans les exercices du séminaire, outre votre jeunesse qui étudie. Plaise à Dieu de multiplier vos forces et vos emplois pour l'avancement de la gloire de Dieu !

Vous ferez bien de faire entendre vos besoins temporels à Monseigneur, afin qu'il ait agréable d'y remédier. C'est son œuvre, et vous ne devez pas craindre de l'importuner, pourvu que vous y procédiez opportunément et humblement, et que, après vous être bien ex-

Lettre 3046. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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pliqué, vous n'alliez pas souvent rebattre les mêmes choses. Dieu vous anime de son esprit et soit votre unique joie et votre éternelle gloire !

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Edme.

 

3047. - A PIERRE CABEL, SUPÉRIEUR, A SEDAN

De Paris, ce 17 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu trois ou quatre de vos lettres et j'ai accepté celle de change.

J'ai fait donner quelque petite douceur à Régnier ; mais de le mettre en condition, c'est ce que je ne puis pas faire, tant pour la qualité de son esprit, dont je ne veux pas répondre, que pour ne savoir à qui m'adresser. Je ne sors plus, et on fait grande difficulté de se charger de telles jeunes gens (1) qui ne savent rien faire, s'ils ne paient pension ; et de nous en charger nous-mêmes, nous ne le pouvons pas ; nous ne sommes que trop surchargés d'ailleurs.

Libauchamp est à Paris, au même collège où il était ; il a fait une retraite céans en habit long (2),

Dieu soit loué, Monsieur, d'avoir préservé Mgr le maréchal (2) et toute sa famille de l'éclat du feu causé par la poudre ! La protection de Dieu paraît manifestement sur cette illustre maison en cet accident, qui n'a

Lettre 3047. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Aujourd'hui jeunes gens est toujours masculin.

2. En soutane.

 

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pas eu les mauvais effets qui en arrivent pour l'ordinaire.

Votre conduite me paraît bonne à l'égard du seigneur dont vous me parlez (3), et faites savoir que je l'approuve à ceux qui disent qu'il faudrait le presser au bien. Il n'est pas de ceux qui se laissent persuader. Il se conduit plus par ses propres lumières que par celles d'autrui, quoiqu'il fasse usage des bons avis qu'on lui donne, quand ils sont bons et quand on les y donne par simple proposition. Continuez-lui les vôtres de cette façon. C'est ainsi que les anges agissent envers nous : ils nous inspirent le bien et ne nous pressent pas de le faire. C'est une pensée que j'ai tirée de feu Mgr le cardinal de Bérulle, et l'expérience m'a fait voir qu'on gagne plus sur les esprits de procéder de cette sorte que de les solliciter d'entrer en nos sentiments et de vouloir l'emporter sur eux. C'est l'ordinaire de l'esprit malin d'user d'empressement, et c'est son propre d'inquiéter les âmes.

Je ne sais que c'est que temporaux (4) romains ; nommez-les autrement, si vous voulez qu'on vous les envoie.

Je rends grâces à Dieu des forces qu'il donne à M. Florent et du bon usage qu'il en fait. Plaise à sa bonté infinie de le fortifier toujours davantage pour votre soulagement et l'édification du dedans et du dehors !

Nous avons quatre prêtres à La Rochelle sur le point de s'embarquer pour Madagascar sur un vaisseau de M. le maréchal de La Meilleraye, savoir Messieurs ; Etienne, Feydin, Daveroult et de Fontaines, avec le frère Patte, qui est bon chirurgien. Priez pour eux. s'il vous plaît, et pour le bon M. Perraud, qui tend à sa

3. Le maréchal de Fabert.

4. Temporaux, propres du temps.

 

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fin. M. Le Soudier se porte mieux, et le reste de la communauté assez bien. Pour moi, j'ai de si mauvaises jambes qu'elles ne me veulent plus porter.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Cabel.

 

3048. - A DENIS LAUDIN, SUPÉRIEUR, AU MANS

De Paris, ce 17 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Vous ferez bien de différer la mission de Silli (1) jusqu'à ce que vous ayez achevé celles que Mgr du Mans (2) vous a marquées ; et alors vous lui demanderez permission de faire celle-là.

Je pense que M. Wattebled s'emploie pour faire venir le dimissoire de notre frère Descroizilles.

Je prendrai avis sur la difficulté que vous me proposez, savoir s'il est loisible de faire dire des messes de fondation hors du lieu où elles sont fondées, sans permission de l'évêque ; cela fait, je vous en manderai la résolution.

Si le frère Jean Proust veut vendre la maison qui lui appartient, pour en assister ses parents, il le peut faire, en envoyant à cet effet une procuration sur le lieu. Il faut laisser cela à sa discrétion, sans le lui conseiller, ni dissuader. J'approuve par avance ce qu'il jugera à propos d'en faire.

Lettre 3048. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Silli-en-Gouffern, dans l'arrondissement d'Argentan (Orne).

2. Philibert-Emmanuel de Beaumanoir de Lavardin.

 

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Pour le voyage de Poitiers, s'il vous demande à le faire, vous pouvez lui répondre que les supérieurs particuliers n'ont pas le pouvoir de donner cette permission.

Il est bon que vous et nous fassions parfois de. présents aux personnes de la qualité que sont celles dont vous m'avez écrit, et je vous prie de vous en souvenir ; mais pour le présent il est à propos de ne leur rien envoyer ; nous verrons dans quelque temps.

Ce n'est pas de nous que M. Brochard doit attendre la résolution qu'il demande, mais bien de M. d'Eu.

Je souhaite grandement l'accommodement avec Messieurs les administrateurs, et je prie N.-S. qu'il nous rende dignes de cette grâce comme plus revenante à notre profession et à notre inclination que la passion des procès, si nuisible aux ecclésiastiques ; mais aussi, Monsieur, faut-il prendre son temps et ses mesures pour cela. Nous n'avons personne d'autorité qui nous y puisse aider. M. le gouverneur n'est pas de delà, et il est trop vieil pour espérer qu'il y aille ; s'il y allait, nous pourrions l'en prier. De nous commettre aussi à la merci de ces Messieurs sans quelque appui, il n'y a point d'apparence. Vous me parlez de M. de La Bataillère comme d'un ami affectionné ; dont je loue Dieu ; mais on m'a dit qu'il n'a aucun crédit dans la ville ; et ainsi, Monsieur, je pense qu'il ne se faut pas hâter. Nous examinerons à loisir les articles que vous nous avez envoyés.

Je ne puis vous conseiller de retenir le bail général, quoi qu'il y ait à profiter, ni aussi de faire le contraire. Il y a beaucoup de raisons pour et contre. Celles qui m'empêchent de consentir que vous fassiez valoir votre bien est que vous avez déjà de la peine à fournir aux affaires de la maison, et que je ne vois pas que, les redoublant par cette surcharge, vous y puissiez suffire. Je considère d'ailleurs qu’un fermier général tirera bien plutôt raison des sous-fermiers que vous ne sauriez

 

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faire ; et si lesdits sous-fermiers témoignent désir d'avoir à faire à vous plutôt qu'à lui, c’est qu'ils espèrent que vous les traiterez plus doucement, que vous leur ferez rabais, que vous ne les presserez pas et ne leur ferez point des frais. Cependant vous ne pourrez en tirer raison qu'à force de menaces et de saisies, et tant plus vous leur serez indulgent, tant moins ils vous payeront ; que si vous usez de quelque rigueur, pour petite qu'elle soit, ils diront que vous les traitez plus cruellement qu'un fermier général, et publieront que vous êtes des gens avares et des tyrans sans pitié et sans miséricorde. Voilà comme l'esprit du monde traite les prêtres, surtout les pauvres gens, qui s'imaginent que les ecclésiastiques ne doivent pas regarder à leurs intérêts. Mandez-moi quand finira le bail.

Vous me mandez qu'il vaudrait mieux contenter M. le lieutenant-criminel pour son rachat, que de l'aigrir davantage ; parlez-en à M. Duval, et s'il est d'avis que vous lui payiez ledit rachat, et que cela se puisse faire sans tirer à conséquence, faites-le.

Vous me parlez d'un homme de 45 ans qui se veut donner à la compagnie ; mandez si c'est pour être frère, ou pour y être entretenu comme bienfaiteur, de quelle condition il est et ce qu'il sait faire. S'il a dessein d'être frère et de donner son bien, il faut qu'il le vende avant d'être reçu, pour en donner l'argent ; autrement, il ne pourrait vous rien donner après être reçu.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très, humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. Mission.

Au bas de la première page : M. Laudin.

 

- 201 -

3049. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 19 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 25 octobre depuis deux jours, que je devais avoir reçue il y a trois semaines. Il y a environ un mois que je n'ai reçu que celle-là de votre part, et environ autant que je ne vous en ai donné des miennes. C'est que je n'avais rien à vous dire, vous ayant déjà mandé diverses fois que nous attendions le printemps à vous envoyer du secours ; et en effet, quand il sera venu, nous ferons partir, Dieu aidant, quelques prêtres, un frère et les filles que la reine demande, et je ferai attention qu'entre les missionnaires il y en ait un de mise, pour les raisons que vous me marquez.

Dieu veuille que la cour revienne à Varsovie avec la paix ou la victoire, et surtout avec une parfaite disposition de Leurs Majestés ! Ce sont les grâces que nous demandons souvent à Dieu par esprit de reconnaissance pour les obligations immortelles que nous leur avons. Vous me consolez infiniment de me dire l'exercice continuel de la charité inépuisable de la reine, qui fait ressentir à tout le monde combien Dieu, de qui tout bien procède, est bon et secourable. Oh ! qu'elle s'amasse de grands trésors au ciel et qu'elle fait une belle leçon à tous les grands de la terre par les grandes aumônes qu'elle fait et les soulagements qu'elle procure à tous les affligés !

Pour nouvelles, je vous dirai que nous avons quatre prêtres et un frère, que vous ne connaissez pas, comme

Lettre 3049. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

- 202 -

je crois, à La Rochelle, sur le point de s'embarquer pour Madagascar. Ce sont Messieurs Etienne, qui est de Paris, Feydin, qui est d'Auvergne, Daveroult et de Fontaines, qui sont d'Artois, et le frère Patte, qui est de Normandie, bon chirurgien. Nous avons un seul malade céans : c'est M. Perraud, atteint d'hydropisie, dont il est en danger. Mes jambes se rendent tous les jours plus mauvaises et ne me veulent plus porter. Nous avons les ordinands céans, qui nous édifient fort, et une troupe de missionnaires à la campagne, qui travaillent avec fruit. Quand sera-ce, Monsieur, que vous rendrez quelque service à Dieu et au public en ces emplois ? Ce ne sera pas sitôt que vous le souhaitez, mais ce sera lorsqu'il plaira à Dieu vous en donner le moyen.

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Desdames.

 

3050. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 19 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Dieu seul vous peut faire connaître la joie que j'ai reçue de vous savoir quitte de votre fièvre. Il me suffit de vous dire qu'elle est proportionnée à la peine que j'avais de votre indisposition, qui m'était très sensible. Je rends grâces à Dieu, Monsieur, mais avec tous les sentiments de tendresse et de reconnaissance qui me sont possibles, de vous avoir mis en état de lui continuer vos services, et je le prie qu'il vous augmente les

Lettre 3050. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

- 203 -

forces et qu'il vous donne de plus en plus participation à son esprit. Mais je vous prie aussi, Monsieur, de ménager votre santé et de vous souvenir que, s'il est vrai que plusieurs sont guéris de la drogue que vous avez prise, il y en a aussi quelques-uns qui sont retombés. Je crains fort que cela vous arrive.

Je n'ai pas reçu des nouvelles de M. Berthe depuis son départ de Turin. Je suis bien aise que vous lui ayez donné avis à bonne heure du pèlerinage de Mgr le marquis (1), pour faire trouver quelqu'un de la maison de Gênes à Notre-Dame de Savone, à même temps qu'il y sera, selon son commandement. Il eût été à souhaiter que ce fût M. Pesnelle, ou du moins M. Simon.

J'ai été grandement édifié et consolé des particularités que vous m'avez mandées de la piété de ce bon seigneur et des bontés qu'il vous témoigne. Dieu nous rende dignes de jouir longtemps de ces grâces-là !

Vous avez sagement répondu à Mgr le marquis de Saint-Thomas, étant vrai que, si je ne contribue pas au succès de l'affaire de Saint-Antoine, auquel il se porte avec tant d'ardeur, je n'empêcherai pas aussi qu'il réussisse selon le désir du prince. Je pense que ce bon seigneur aura bien agréable que je me contente de prier Dieu, comme je fais, qu'il accomplisse en cela sa sainte volonté, et que je n'y agisse que passivement. Je ne laisse pas d'admirer le zèle qu'il a pour la gloire de Dieu et le bien de notre chétive compagnie, qui lui aura une éternelle obligation du bien qu'il lui procure.

Nous avons quatre de nos prêtres à La Rochelle, sur le point de s'embarquer pour Madagascar, savoir Messieurs Etienne, Feydin, Daveroult et de Fontaines, avec le frère Patte. Je les recommande à vos prières. Nous n'avons rien de nouveau ici, où je suis toujours,

1. Le marquis de Pianezze.

 

- 204 -

en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Je ferai réponse au premier jour à M. Demortier ; on a fait tenir ses lettres et celle de M. Laurence. Je les embrasse tous deux très cordialement.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission de Turin, à Turin.

 

3051. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

De Paris, ce 19 décembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

L'ordinaire dernier ne m'a point porté de vos lettres. Je vous envoie la copie de l'exploit de sommation fait à M. Chrétien sur l'affaire dont je vous écrivis la semaine passée. Mandez-moi si en l'année 1646 il y avait des administrateurs à l'hôpital des forçats en charge et en exercice, et s'il est fait mention en leurs comptes de la somme de 2.5000 livres qu'on prétend avoir été donnée audit hôpital en ce temps-là, pour la raison que vous verrez, et qu'on veut répéter aujourd'hui sur M. Chrétien, le prenant pour l'un desdits administrateurs.

J’embrasse votre cher cœur et votre petite famille, et je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Lettre 3051. - L. s. - L'original de cette lettre appartient aux Filles de la Charité de Gand, rue de Limbourg, 12.

 

- 205 -

3052. - A LA SŒUR MATHURINE GUÉRIN, SUPÉRIEURE

A LA FÈRE

20 décembre 1659.

J'ai été fort consolé d’apprendre, par les lettres que vous avez écrites à Mademoiselle Le Gras et par notre frère Jean Parre, le bien que Dieu fait par vous et par notre sœur, et la bénédiction qu'il donne à votre petite famille et à vos emplois. Je l’en remercie de tout mon cœur, et je prie sa divine bonté qu'elle continue à sanctifier vos âmes et à bénir vos exercices pour la sanctification du prochain. Je n'ai pu m'empêcher de vous donner ce témoignage de ma joie et de ma reconnaissance

J'ai su le bruit qui a couru de notre sœur Marthe (1) J'ai peine à croire ce qu'on m'en a dit, et j'ai sujet de me persuader le contraire. C'est une calomnie pour elle et une humiliation pour vous. Dieu permet qu'il en arrive à ceux qui le servent ; et même il est dit que ceux qui croiront en Jésus-Christ et qui le suivront seront persécutés. Il faut s'attendre à cela, et, au lieu de s’en étonner, il faut s'estimer bien heureuse de souffrir quelque chose. C'est un bien, selon Dieu, d’être traité comme Notre-Seigneur, quoique cela paraisse un mal, selon le monde ; or, le Sauveur a été injurié, accusé et méprisé injustement ; pourquoi nous plaindrons-nous s'il nous honore de ses livrées ? Vous ferez donc bien, ma Sœur, de ne point vous arrêter aux paroles qu'on dit et de n'entrer jamais en justification. Les discours qui n'ont pas la vérité pour fondement s'évanouissent comme de la fumée, et les âmes qui s'abandonnent à Notre-Seigneur pour tout faire et pour tout souffrir seront justi-

Lettre 3052. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 652. (Arch. des Filles de la Charité).

1. Marie-Marthe Trumeau.

 

- 206 -

fiées par lui, et elles auront l'honneur et le mérite de lui ressembler. Confiez-vous en sa bonté infinie et ne doutez pas qu'il ne vous fortifie dans les épreuves qu'il voudra faire de votre patience, si véritablement vous méprisez tous les sujets d'opprobre qui vous peuvent venir des hommes. Je le prie qu'il vous fasse cette grâce, et à notre bonne sœur, que je salue avec toutes les tendresses de mon cœur, et vous avec elle, étant de toutes les deux, en l'amour de Notre-Seigneur, après m'être recommandé à ses prières et aux vôtres, ma Sœur, votre très affectionné frère...

 

3053. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 23 au soir, [Décembre] 1659 (1)

Prévoyant les inconvénients à renvoyer la sœur venue de .Saint-Cosme avant avoir fait entendre à votre charité toute cette affaire, mon très honoré Père, j'ai envoyé, dès le matin, une autre sœur, avec prière de dire qu'elle allait aider à notre sœur à servir les pauvres jusques à ce que je susse ce que j'aurais à répondre à la lettre qui m’avait été envoyée, et que, pour cela, je devais prendre vos ordres, mon très honoré Père. De crainte d'une seconde lettre, si votre charité le juge à propos, il serait, je crois, besoin de prendre une résolution pour le présent et pour l’avenir, et, si vous le voulez, que ce soit demain, en une petite conférence, à l'heure que votre charité nous l'ordonnera

Il y a longtemps que vous pensez aussi, mon très honoré Père, aux moyens de servir plus utilement les petits enfants. je supplie Notre-Seigneur faire connaître sa sainte volonté, comme en toute autre chose, et nous faire la grâce de l'exécuter fidèlement, étant vos pauvres filles et servantes très humbles

L. DE M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent

Lettre 3053. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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3054. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 4 décembre 1659

Mon très honoré Père,

La venue de Notre-Seigneur produit le désir de la sortie ,de trois de nos sœurs d'elles-mêmes pour se donner entièrement à lui par les vœux, qu’elles désirent faire, si votre charité leur permet, demain, à l'heure que vous leur donnerez, soit assistant à la sainte messe que vous direz ! soit à une autre. Les noms de nos chères sœurs : ma sœur Jeanne Gressier, de .Senlis ; ma sœur Gabrielle, de Gionges (1) ; et ma sœur Marie Petit, de Paris. Cette dernière est sur la cinquième année qu'elle est à la compagnie. Il y a encore notre sœur Marie Prévost, [qui] supplie aussi votre charité lui permettre de les réitérer, en suite de plusieurs fois qu'elle les a faits. Toutes les 4 ont l'approbation de Monsieur Portail. Toutes les anciennes supplient aussi très humblement votre charité offrir à l'enfant Jésus le renouvellement de la donation qu'elles lui ont faite pour toute leur vie. Ma sœur Julienne (2) a désiré que je vous la nommasse.

C'est aussi demain, mon très honoré Père, le vingt-cinquième du mois, auquel jour se doit dire la sainte messe pour toute la compagnie, pour les besoins et intentions que votre charité sait. Permettez-moi, mon très honoré Père, vous dire que mon impuissance à faire aucun bien m'empêche d'avoir aucune chose agréable pour offrir à Notre-Seigneur, outre mon chétif renouvellement, sinon la privation de la seule consolation que sa bonté m'a donnée depuis 35 ans (3), que j’accepte pour son amour, en la manière que sa Providence l'ordonne, espérant de sa bonté et de votre charité un même secours par voie intérieure ; et je vous le demande pour l'amour de l'union du Fils de Dieu à la nature humaine sans néanmoins perdre l'espérance de vous voir, quand cela se pourra sans danger de l'intérêt du peu de santé que Dieu vous donne, le suppliant vous la conserver jusqu'à l'entier accomplissement

Lettre 3054. - L. s. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Gabrielle Cabaret, fille du seigneur de Gionges.

2. Julienne Loret.

3. Il y avait trente-cinq ans, en effet, que Louise de Marillac avait saint Vincent pour directeur. Par les infirmités qu'il envoyait au saint, Dieu la privait de ce que qu'elle appelle sa "seule consolation".

 

- 208 -

de ses desseins sur votre âme, pour sa gloire et l'intérêt de plusieurs autres, dont j'ai l’honneur de faire partie, étant, Monsieur mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante.

L. DE M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3055. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

26 décembre 1659

Vous me mandez qu'il faut un bon prédicateur, ou qu'il ne faut pas se mêler de prêcher après tant d'autres ouvriers qui font mission, qui prêchent excellemment. Nous n'en avons pas de tels. Néanmoins M. Boussordec parle fort utilement. Et si nous affectons d'instruire le pauvre peuple pour le sauver, et non pas de nous faire valoir et de nous recommander, nous aurons assez de talent pour cela. Et plus nous y apportons de simplicité et de charité, plus nous recevons de grâces de Dieu pour y réussir. Il faut prêcher J.-C. et les vertus comme les apôtres ont fait...

Je loue Dieu de ce que vous avez eu quatre ordinands ; c'est assez pour un commencement. Les œuvres de Dieu se font petit à petit. Il faut espérer que votre maison sera un jour employée aux ordinations et au séminaire ; mais il faut être fidèle en peu pour être constitué sur beaucoup.

Lettre 3055. - Manuscrit de Marseille.

 

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3055. - A JEAN MARTIN, SUPÉRIEUR, A TURIN

De Paris, ce 26 décembre 1659

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je viens de recevoir présentement la vôtre du 11 de ce mois. Elle m'a d'abord sensiblement consolé, vous voyant en mission ; mais dans la suite j'ai trouvé un rabat-joie, qui est le retour de votre fièvre quarte, que j'appréhendais fort. Peut-être vous êtes-vous trop hâté de sortir ; mais peut-être aussi que Dieu en a ordonné de la sorte pour le mieux. Il faut adorer sa conduite et s'y soumettre. Je vous prie de ne rien épargner pour vous guérir, et N.-S. d'accomplir en vous sa sainte volonté. Je rends grâces à Dieu de ce que vos prêtres travaillent et que Dieu leur donne la force de [se] (1) soutenir.

Il faut respecter la dévotion de ce bon gentilhomme qui fait bâtir une petite église hors de la ville de Turin, et quelques chambres, à dessein d'y loger la compagnie. Il faut louer Dieu de sa bonne volonté et admirer l'application continuelle que Mgr le marquis (2) a pour votre établissement, que Dieu donnera enfin à ses soins et à son mérite. Il faudra faire ce qu'il commandera touchant la proposition de ce bon gentilhomme. Il semble que la volonté de Dieu nous sera connue par lui. Néanmoins, Monsieur, il semble aussi qu'en vous logeant ainsi à l'écart de la ville, vous vous mettez hors d'état d'avoir un séminaire et de servir aux ordinations, à quoi pourtant vous devez viser, parce que tôt ou tard, Dieu aidant, sa Providence vous y emploiera, si vous êtes en

Lettre 3056. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Mot omis dans l'original.

2. Le marquis de Pianezze.

 

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lieu propre. Je vous dirai sur cela que le Pape a ordonné que les exercices des ordinands se feront désormais à Rome par les prêtres de la compagnie ; et si Dieu bénit cela, on pourra les faire ailleurs. Je vous dis ceci, Monsieur, afin que vous regardiez à tout pour ne rien exclure de nos fonctions, s'il est possible, dans les occasions qui se présentent. Il vaut mieux attendre un peu que de s'engager en un lieu trop incommode. Mgr le marquis est pourtant le maître, et moi je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p .d. l M

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin.

 

3057. - A LA DUCHESSE D'AIGUILLON

Paris, 30 décembre 1659.

Je remercie très humblement Madame la duchesse d'Aiguillon de la peine qu'elle veut bien prendre de venir demain à Saint-Lazare au sujet de l'assemblée. et je la supplie de nous réserver cet honneur pour une autre fois, à cause d'une nouvelle petite incommodité qui m'est survenue à la jambe, pour laquelle je suis dans quelques petits remèdes qui m'empêcheront d'avoir la consolation et le bonheur de la voir. Pour le reste, je me porte assez bien, comme à l'ordinaire, par la grâce de Dieu.

Par la dernière lettre que j'ai reçue de Rome, on me mande que Mgr le cardinal Antoine (1) a donné sa dernière résolution, disant qu'il ne peut permettre que la

Lettre 3057. - Pémartin, op. cit., t. 4, p. 519, l. 1991.

1. Antoine Barberini.

 

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fondation de madite dame soit à charge à la Sainte Chapelle, ce qui a fait déterminer M. Jolly de s'adresser au Pape et de lui présenter une supplique pour faire entendre à Sa Sainteté que, ladite fondation ayant été déjà acceptée, il y a justice de la faire exécuter.

 

3056. - NICOLAS ÉTIENNE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A SAINT VINCENT

De la Rochelle, ce 1er janvier 1659

Monsieur mon très cher et honoré Père

Votre bénédiction !

Craignant que vous n'ayez pas reçu ma lettre de Saint-Jean-de-Luz (1) par laquelle je vous mandais la cause de notre retardement à La Rochelle, je m'en vais vous en faire encore un petit narré.

Vous saurez donc, Monsieur qu'étant partis de Nantes le jour de saint Nicolas nous allâmes jusques à Saint-Nazaire où nous séjournâmes six jours n'ayant point de vent favorable Enfin, Dieu nous l'ayant donné pour La Rochelle nous levâmes. l’ancre ; et voulant entrer dans la rivière de Bordeaux (2) Dieu permit que notre mât rompît en deux pièces qui tombèrent dans la mer, avec le grand voile ; et ce qui était de plus fâcheux, c'est que le vent nous portait sur un banc de sable ; ce qui faisait désespérer de nos vies. Le capitaine et les matelots me vinrent trouver et me supplièrent de leur vouloir donner au plus tôt l'absolution, disant qu'il n'y avait plus aucune espérance de vie. Tous criaient miséricorde et étaient plongés en larmes. Je me fis donc lever de dessus mon matelas, tout malade que j'étais ayant été quatre jours sans manger, ne faisant que vomir nuit et jour et leur donnai une absolution générale. Après quoi je les assurai, de la part de Dieu qu'ils ne périraient point et qu'ils eussent seulement confiance en Dieu. Et je n'eus pas plus tôt achevé que le Maître des vents changea celui du nord en nord-est ; ce qui nous fit éviter le banc de sable et ensemble

Lettre 3058. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

1. Chef-lieu de canton des Basses-Pyrénées.

2. La Gironde.

 

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nous donna l'espérance de la vie. Mais comme nous étions démâtés, le vent nous portait où il voulait, de telle sorte que nous fûmes jetés aux côtes d'Espagne ; et une tempête s'étant élevée si furieuse, nous fîmes vœu, le jour de l'octave de l'immaculée Conception, de nous confesser tous et communier, de dire douze messes et de faire habiller douze pauvres en l’honneur de l'immaculée Vierge Marie, qui nous préserva de cet orage, aussi bien que des autres accidents ; car le vent, nous ayant des côtes d'Espagne rejetés vers Bordeaux nous fit encore retourner vers les côtes d'Espagne, sans pouvoir jamais aborder aucun havre, pour n'avoir point ni mâts ni voiles. Et ce qui nous fâchait davantage, c'est que nous n'avions point de vivres ; tellement que nous étions à la veille de mourir de faim trente-quatre que nous étions, ou d'être tirés à la courte paille pour servir de nourriture les uns aux autres. Enfin Dieu nous envoya en cet état un ange, le jour de saint Thomas. l'apôtre des Indes avec dix-huit de ses compagnons qui nous tirèrent et amenèrent à Saint-Jean-de-Luz, moyennant vingt écus que je leur donnai. A près quoi nous fîmes remâter la barque ; et moi le frère Patte et M. Boutonné prîmes la poste jour et nuit et arrivâmes la veille que nos Messieurs devaient s'embarquer.

Je ne vous saurais dire la joie qu'ils eurent et toute la ville tant les catholiques que les huguenots. Monseigneur l'évêque (3) me donna le lendemain à dîner et me fit des civilités tout à fait grandes, m'offrant sa bourse et tout ce qui était en son pouvoir. Toutes les communautés me firent la même chose et me rendaient tout confus de leurs bonne volonté et courtoisie.

Ces Messieurs ayant acheté quelques hardes et dépensé les deux cents livres de M. Boutonné, qu'ils ont reçues pour lui, et moi étant sans argent pour les grands frais qu'il m'a fallu faire tant pour la barque que pour la poste, j'ai été obligé de prendre cinq cents livres pour payer ce qu'ils avaient acheté et quelques autres rafraîchissements et rendre les deux cents livres à M. Boutonné. Monsieur le maréchal (4) avait donné ordre à M. Coulon, son écuyer de donner mille livres à ces Messieurs, en cas qu'ils voulussent aller dans son vaisseau ; mais dès qu'il me vit arriver il les retira ; et comme il sut que j'en voulais prendre sur un banquier, il m'en offrit sur mon billet ; ce que je ne voulais pas accepter ; mais enfin m'en ayant fort pressé je les acceptai et lui donnai un billet

3. Jacques Raoul de la Guibourgère.

4. Le maréchal de La Meilleraye.

 

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à prendre sur vous à lettre vue ; ce que j'ai mandé à Monseigneur le maréchal qui pourra peut-être empêcher M. Coulon de tirer sur vous cette lettre de change. Néanmoins si tant est qu'il ne le fasse pas je vous supplie de les vouloir donner à M. Coulon, ou à son ordre, vous assurant que ce sera le dernier argent de cet embarquement.

M. Daveroult a dit aujourd'hui la messe dans le vaisseau ; et moi demain matin avec tous les autres m'y rendrai, espérant faire voile samedi ou dimanche prochain. Messieurs Dehorgny et Rivet ont été deux jours avec nous et sont partis ce jourd'hui pour Luçon.

Je ne crois pas souffrir dans le vaisseau la moitié des incommodités que j'ai souffertes dans la barque ; ce qui toute fois ne m'a point découragé ; qu'au contraire je m'y sens de plus en plus affectionné ; et il faut que je vous avoue ingénument que dans tous ces périls, je n'envisageais pas la mort comme amère, mais comme très douce. m'estimant heureux de mourir pour celui qui avait donné la sienne pour moi

Adieu donc, mon très cher Père, priez et faites prier Dieu pour votre fils et obtenez-lui la grâce du martyre. Je m'en vais dans cette attente joyeux et demeure cependant, en l'amour de N.-S. J-C. et de sa très sainte et immaculée Mère Monsieur mon très cher Père ,votre très humble et très obéissant serviteur et fils.

NICOLAS ETIENNE,
indigne prêtre de la Mission.

 

3059 . - A UN SUPÉRIEUR

[Décembre 1659 ou janvier 1660.]

Je recommande à vos prières l'âme de notre bon Monsieur Perraud qui nous quitta le 26 de décembre, après 14 ou 15 mois de maladie, laquelle, lui ayant servi de purgatoire, nous donne sujet d'espérer qu'il jouit maintenant de la récompense de ses travaux, ayant travaille longtemps et avec fruit à la vigne du Seigneur et à la pratique des vertus. Faites néanmoins que votre petite communauté lui rende les devoirs accoutumés.

Lettre 3059. - Manuscrit de Lyon.

 

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3060. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 4 janvier 1660

Mon très honoré Père,

Permettez-moi, en cette nouvelle année, saluer très humblement votre charité et vous demander par ce moyen votre sainte bénédiction pour aider à être fidèle à Dieu, tant qu'il plaira à sa bonté me laisser sur la terre.

Je vous supplie aussi très humblement, mon très honoré Père, prendre la peine me mander la personne sur qui vous avez jeté les yeux pour exécuteur du testament que désire faire la dame que je vous ai mandée (1). Je crains qu'elle vienne sans que j'aie moyen de lui donner cette satisfaction. Je vous demande très humblement pardon, mon très honoré Père de la liberté que j'ai prise de vous envoyer ce Jésus entouré d'épines. La seule pensée que je croyais votre chère personne dans des douleurs universelles me donna celle que rien ne les pouvait adoucir que cet exemple et une médaille que la bonne demoiselle qui a été céans malade m'a envoyée avec les chapelets, à son retour de Notre-Dame-de-Liesse.

Permettez-moi, pour l'amour de Dieu, de vous demander des nouvelles de votre santé si l'enflure de vos jambes ne monte point si les douleurs ne diminuent point et si vous n'avez point du tout de fièvre. Je ne me puis empêcher, dans la confiance de fille vers son très honoré Père, de lui dire que je crois absolument nécessaire de vous beaucoup purger mais doucement, pour suppléer au défaut de la nature qui empêche les sueurs étant aussi très dangereux les provoquer par artifice, et nécessaire de vous nourrir en malade pour le soir, excepté le pain et le vin ; mais les herbes sont de mauvais suc pour faire de bon sang. La poudre de Cornachin 18 ou 21 grains seulement de fois à autre est bien bonne aux enfants et personnes âgées et n'émeut nullement les humeurs et tire les eaux, sans trop dessécher. Il me semble que l'expérience que j'ai de ce remède me donne hardiesse à le proposer avec la croyance que vous n'en userez pas sans avis.

Je voudrais bien savoir de vos nouvelles telles qu'elles sont. Il me semble que .Notre-Seigneur m'a mise en état de porter tout avec assez de paix et je le dois, puisque j'ai l'honneur

Lettre 3060. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Madame de Glou. (cf. lettre 3066).

 

- 215 -

d'être mon très honoré Père, votre très humble, très obéissante et très obligée fille et servante.

Suscription : Monsieur Monsieur Vincent.

 

3061. - A JEAN MARTIN, SUPÉRIEUR, A TURIN

De Paris, ce 9 janvier 1660.

Monsieur,

Je prie Notre-Seigneur qu'en cette nouvelle année il renouvelle nos cœurs en son esprit et qu’il nous unisse en lui pour l'éternité.

J'ai reçu votre lettre du 19 décembre, qui m'a renouvelé la douleur où j'étais pour votre fièvre quarte, voyant qu'elle vous a repris. Nous le supplions par sa bonté que pour son service il vous en délivre (1) Je vous prie d'y faire, de votre côté, tout ce que vous pourrez.

Je remercie Notre-Seigneur de ce que le reste de la famille travaille aux missions, et qu'elle y travaille fructueusement. Plaise à sa miséricorde de bénir de plus en plus l'œuvre et les ouvriers ! Je recommande à leurs prières et aux vôtres, Monsieur, l'âme de notre bon M. Perraud, qui décéda céans le 26 décembre, après quatre ou cinq mois de maladie, laquelle, lui ayant servi de purgatoire, nous donne sujet d'espérer qu'il jouit maintenant de la récompense de ses travaux, car il a travaillé longtemps avec fruit à la vigne du Seigneur et à la pratique des vertus.

Je pensais vous recommander, ces jours passés

Lettre 3061. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Première rédaction : pour ne point vous quitter de cet hiver, si Dieu ne vous en délivre, contre les apparences, ainsi que nous l'en supplions par sa bonté et pour son service. - La correction est de la main du saint.

 

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M. Etienne et notre frère Patte comme défunts, mais ils sont ressuscités. Nous les avons tenus pour morts, et Dieu leur a conservé la vie comme par miracle. On nous écrivait de Nantes et de La Rochelle qu'ils avaient péri en mer, en allant de l'une de ces villes en l'autre ; et un jeune homme de Paris, qui était en la même barque, et qui, se voyant la mort entre les dents, se jeta sur un petit esquif, sur lequel il s'est sauvé, a écrit ici à Madame sa mère qu'après que ce bon prêtre eût donné l'absolution générale à trente personnes qui étaient en ladite barque, il l'avait vue abîmer avec tout ce monde-là, de sorte que nous ne pouvions plus douter de la vérité de cet accident. Mais, le lendemain que la lettre de ce jeune homme nous fut communiquée, nous en reçûmes deux de M. Etienne, qui nous ont assuré du contraire, disant qu'après avoir prononcé ladite absolution, Dieu leur envoya un souffle de vent si favorable qu'il leur fit éviter un banc de sable, où ils allaient échouer, et qu'encore qu'ils aient été quinze jours entiers en un péril éminent pour n’avoir ni mât, ni voiles, la tempête ayant brisé ceux qu'ils avaient, ni même des vivres, n’en ayant pris que pour trois ou quatre jours, d'autant qu'il ne fallait que 24 heures pour faire ce trajet, la bonté de Dieu toutefois les a conduits à Saint-Jean-de-Luz en bonne santé et avec bon appétit, et enfin à La Rochelle, où ils sont sur le point de s'embarquer sur un grand vaisseau qui va à Madagascar, avec Messieurs Daveroult, Feydin et de Fontaines, tous prêtres de notre compagnie, qui étaient grandement désolés, pensant avoir perdu leur supérieur, et nous en étions aussi dans une consternation inconcevable. Mais le bon Dieu, qui mortifie et qui vivifie, nous a également consolés en nous rendant ces deux siens serviteurs, que nous croyions noyés. Je vous prie, Monsieur, de nous aider à l'en remercier et de lui bien recommander le voyage et la Mission de ces cinq

 

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missionnaires (2) sans oublier, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Au bas de le première page : M. Martin.

 

3062. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

9 janvier 1660.

Faites savoir à Monsieur le prévôt (1) qu'en tout ce que nous pourrons lui obéir nous le ferons toujours de grand cœur, mais qu'ayant pour règle de ne point travailler dans les villes épiscopales hors de nos maisons, si ce n'est à l'égard des pauvres esclaves, vous ne pouvez aussi faire des conférences et des exhortations aux filles du Refuge(3), de quoi je vous prie de vous excuser le plus honnêtement que vous pourrez.

 

3063. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 9 janvier 1660.

Monsieur,

Je prie Notre-Seigneur qu'en cette nouvelle année il renouvelle nos cœurs en son esprit et qu'il nous unisse en lui pour toute l'éternité.

2. Les missionnaires quittèrent La Rochelle le 18 janvier sur la Maréchale, qu'une tempête jeta, après quatre mois de navigation, sur les côtes du cap de Bonne-Espérance. Ils rentrèrent en france en 1661.

Lettre 3062. - Manuscrit de Marseille.

1. Pierre de Bausset.

2. L'histoire du Refuge de Marseille a été écrite par M. l'abbé Payan d'Augery. (Le Refuge des Filles repenties ; notice historique sur la maison de Marseille depuis le XIV° siècle jusqu'à nos jours, Nîmes, 1884, in-8°.)

Lettre 3063. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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Celle-ci est pour vous donner de nos nouvelles et vous en demander des vôtres. Elles me consolent fort quand j'en reçois, et le temps m'est bien long quand j'en sui., privé. Je pense avoir fait réponse à votre dernière, et il ne me reste qu'à prier Notre-Seigneur, comme je fais, qu'il vous conserve en bonne disposition, ensemble le bon M. Duperroy, et qu'il nous fasse la grâce de faire voir de plus en plus en vos personnes. comment doivent être faits les vrais ecclésiastiques et quelles doivent être leurs opérations intérieures et extérieures par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Dieu nous en a ôté un de cette trempe : c'est notre bon M. Perraud, qui décéda en cette maison le 26 décembre, après quatre ou cinq mois de maladie, laquelle, lui ayant servi de purgatoire, nous donne sujet d'espérer qu'il jouit maintenant de la récompense de ses travaux ; car il a travaillé longtemps avec fruit à la vigne du Seigneur et à la pratique des vertus.

Je pensais être obligé, ces jours passés, de vous recommander M. Etienne et notre frère Patte comme défunts ; mais ils sont ressuscités. Nous les avons tenus pour morts, et Dieu leur a conservé la vie comme par miracle. Ils partirent de Nantes le 6 décembre pour aller à La Rochelle par mer. Il ne faut que 24 heures pour y arriver, et on n'en a appris aucune nouvelle jusqu'à la fin du mois. On m'écrivait de toutes parts qu'ils avaient péri, et un jeune homme de Paris, qui était en la même barque et qui, se voyant la mort entre les dents, c'est son terme, se jeta sur un petit esquif, sur lequel il s'est heureusement sauvé, a écrit ici à Madame sa mère qu'après que M. Etienne eut donné l'absolution générale à trente personnes qui étaient dans ladite barque, il l'avait vue abîmer avec tout ce monde-là, de sorte que nous ne doutions plus de la vérité de cet accident. Mais le lendemain que cette lettre affligeante nous

 

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fut communiquée, nous en reçûmes deux de ce bon prêtre, qui nous ont assuré du contraire, disant qu'après avoir prononcé ladite absolution, Dieu leur envoya un souffle de vent si favorable qu'il leur fit éviter un banc de sable où ils allaient échouer ; et qu'encore qu'ils aient été quinze jours entiers en péril éminent, pour n'avoir ni mât, ni voiles, la tempête ayant brisé ceux qu'ils avaient, ni même des vivres, n'en ayant pris que ce qu'il fallait pour aller à La Rochelle, la bonté de Dieu toutefois les a conduits à Saint-Jean-de-Luz, qui est sur la frontière d'Espagne, en bonne santé et avec bon appétit, et enfin à La Rochelle, où ils sont sur le point de s'embarquer pour Madagascar avec Messieurs Daveroult, de Fontaines et Feydin, tous prêtres de la compagnie, qui étaient grandement désolés, pensant avoir perdu leur supérieur ; et nous en étions ici dans une douleur et une consternation inconcevables. Mais, le bon Dieu, qui mortifie et qui vivifie, nous a également consolés, en nous redonnant ces deux siens serviteurs que nous croyions noyés. Ils ont pris la poste à Saint-Jean-de-Luz pour venir joindre leurs confrères. Je vous prie, Monsieur, de nous aider à remercier N.-S. de ces grâces-là et de lui bien recommander le voyage et la Mission de ces cinq missionnaires, sans oublier, en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. Mission.

Depuis la présente écrite, j'ai reçu votre lettre du 2 décembre, où je vois que vous avez été malade, dont je serais en grande peine sans que vous m'assurez en même temps que vous êtes guéri, de quoi je rends grâces à Dieu. Je vous prie, par son saint nom, de vous conserver tant que vous pourrez pour son service.

 

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Vous me faites une nouvelle instance à ce que, entre les prêtres que nous vous enverrons, il y en ait un propre et expérimenté à tout et capable de conduite ; c'est à quoi, Monsieur, nous ferons attention, Dieu aidant ; mais les hommes ainsi faits sont nécessaires là où ils sont ; et, parce qu'il y en a peu, il nous sera difficile de vous satisfaire entièrement d'abord, mais peu à peu ceux que nous vous destinons se rendront tels que vous souhaitez par l'exercice et par votre exemple.

Dieu soit loué, Monsieur, de ce qu'on traite de la paix, et veuille, par sa bonté infinie, faire cet ouvrage, qui n'est pas au pouvoir des hommes et qui est digne de sa puissance et de sa miséricorde !

Je loue Dieu aussi du repos d'esprit des Filles de la Charité, de l'occupation qu'elles ont et de la satisfaction que la reine en reçoit. Contribuez ce que vous pourrez pour les unir et les encourager de plus en plus.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission de Sainte-Croix, à Varsovie.

 

3064. - A JEAN DEHORGNY, PRÊTRE DE LA MISSION,

A RICHELIEU

De Paris, ce 11 janvier 1660.

Monsieur,

Je prie Notre-Seigneur qu'en cette nouvelle année il renouvelle nos cœurs en son esprit et qu'il nous unisse en lui pour toute l'éternité.

J'ai reçu vos lettres des 29 décembre et 1er janvier ; elles m'ont consolé plus que je ne vous puis dire, y apprenant votre bonne disposition et combien il plaît à

Lettre 3064. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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Dieu de bénir vos bonnes conduites. J'en rends grâces infinies à sa divine bonté, qui se sert de vous pour mettre le bon ordre partout où vous passez, et je la prie qu'elle ait agréable de continuer.

Vous m'avez fait un très grand plaisir d'aller à La Rochelle consoler et encourager nos pauvres prêtres sur le point de leur embarquement, ne doutant pas qu'ils n'en demeurent plus unis et qu'ils ne profitent de vos bons avis.

Je n'ai rien à vous dire, Monsieur, touchant la maison de Luçon, sinon que j'attends le résultat de ce que vous y avez fait, et nous attendons M. Chiroye, que vous dites devoir partir pour Paris à même temps que vous partirez pour Saintes. Dieu en soit loué !

A Saintes, vous trouverez M. Fleury et notre frère Fricourt en quelque peine pour leurs parents ; mais j'espère que votre présence remédiera à l'affection déréglée qu'ils ont pour eux, et que vous les laisserez en paix au lieu et en la condition où ils sont.

M. Chrétien nous demande un prédicateur pour La Rose ; vous verrez s'ils s'en peuvent passer. Je pense qu'ils le pourraient, si M. Chrétien s'efforçait un peu à prêcher lui-même. On m'a averti qu'il donne l'entrée aux femmes dans leur maison et dans leur jardin ; c'est ce qu'il ne faut pas souffrir.

Je recommande à vos prières et à celles de la petite famille de Saintes l'âme de notre bon M. Perraud, qui décéda céans le 26 décembre, après quatre ou cinq mois de maladie, laquelle lui ayant servi de purgatoire, nous donne sujet d'espérer qu'il jouit maintenant de la récompense de ses travaux, car il a travaillé longtemps avec fruit à la vigne du Seigneur et à la pratique des vertus.

La communauté ici se porte assez bien. Il est vrai que M. Alméras a été un peu indisposé et qu'il l'est encore

 

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un peu. Pour moi, je ne puis plus descendre en bas, à cause que mes jambes sont plus mauvaises qu’elles n’ont encore été.

Enfin il a plu à Dieu et à notre Saint-Père le Pape d'envoyer les ordinands aux pauvres gueux de la Mission de Rome aux quatre-temps derniers. Messieurs les abbés de Chandenier s'y sont trouvés, par une providence spéciale de Dieu, qui a voulu édifier, par leur modestie, leur piété, leur recueillement et les autres vertus qu'ils pratiquent, cette première ordination. Il y a sujet d'espérer que ce bon œuvre se continuera.

Je viens de recevoir une lettre de l'official de Luçon (1) qui m'écrit de la cure de Chasnais (2) dans le même esprit qu'il a déjà fait et dont je vous ai écrit, c'est-à-dire qu'il voudrait quelque bénéfice au lieu de celui-là, un archidiaconé ou quelque prieuré simple ; je l'ai remercié et lui ai dit qu'il ne faut plus penser à cela (3).

Votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Dehorgny.

 

3065. - A EDME JOLLY

De Paris, ce 14 janvier 1660.

Monsieur,

Je prie Notre-Seigneur qu'en cette nouvelle année il

1. Vraisemblablement le chanoine Para, qui devint en 1663 supérieur du séminaire.

2. Localité située dans le canton de Luçon.

3. Ces derniers mots, depuis "Je viens de recevoir", sont de la main du saint.

Lettre 3065. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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renouvelle nos cœur en son esprit et qu’il les unisse en lui pour toute l’éternité

Avant de répondre à votre lettre, je recommande à vos prières et à celles de votre communauté l'âme de notre bon M. Perraud, qui décéda céans le 26 décembre, après quatre ou 5 mois de maladie, laquelle, lui ayant servi de purgatoire, nous donne sujet d'espérer qu'il jouit maintenant de la récompense de ses travaux, car il a travaillé longtemps avec fruit à la vigne du Seigneur et à la pratique des vertus.

Ces jours passés, je pensais être obligé de vous recommander M. Etienne et notre frère Patte comme défunts ; mais ils sont ressuscités. Nous les avons tenus pour morts, et Dieu leur a conservé la vie comme par miracle. Ils partirent de Nantes le 6 décembre sur une petite barque qui portait leurs hardes, pour aller à La Rochelle, où se fait l'embarquement de M. le maréchal de La Meilleraye pour Madagascar, et où Messieurs Daveroult, Feydin et de Fontaines étaient allés par terre. Il ne fallait que 24 heures pour faire ce trajet de mer, et il s'est passé trois semaines avant qu'on ait appris aucune nouvelle certaine de cette barque. On m'écrivait de tous côtés qu'elle avait péri, et à la fin nous avons été obligés de le croire, voyant la lettre d'un jeune homme de Paris à Madame sa mère, où il dit qu'étant en la même barque, il s'était vu la mort entre les dents, et que, s'étant jeté à corps perdu sur un petit esquif avec un autre, ils virent périr à même temps ladite barque et trente personnes qui étaient dedans, et qu'il n'y avait que lui et son camarade qui se fussent sauvés. Il dit de plus que Monsieur Etienne, à l'instance du capitaine et des matelots, qui se voyaient perdus, leur donna à tous l'absolution générale un moment auparavant le naufrage.

Cette lettre, nous ayant été communiquée, donna le

 

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comble à notre douleur, mais le lendemain nous reçûmes des lettres de M. Etienne, qui nous ont comblés de joie. Elles nous ont assuré qu'après qu'il eut prononcé cette absolution, un souffle de vent fut envoyé de Dieu si favorablement qu'il leur fit éviter un banc de sable, où ils allaient échouer, et qu'encore qu'ils aient été 15 jours durant dans un extrême péril, l'orage ayant rompu leurs mâts et leurs voiles, et n'ayant point de vivres pour se soutenir, la bonté de Dieu toutefois les avait conduits à Saint-Jean-de-Luz, qui est un port de mer de France sur la frontière d'Espagne, où ils ont rétabli leur barque et leurs forces abattues, et enfin ils sont arrivés à La Rochelle, où ils ont relevé le courage à Messieurs Daveroult, Feydin et de Fontaines, qui étaient tous désolés, pensant avoir perdu leur supérieur. Nous en étions ici dans une consternation inconcevable ; mais le bon Dieu, à qui seul appartient de mortifier et de vivifier, nous a également consolés, en nous redonnant ces deux siens serviteurs, que nous croyions noyés. Je vous prie de nous aider à l'en remercier et de lui bien recommander le voyage et la Mission de ces cinq missionnaires.

Pour revenir à votre chère lettre du 17 décembre, je loue Dieu du rétablissement des Pères jésuites en leur collège de Montauban (1) et des autres bonnes nouvelles que vous me donnez. Plaise à sa divine bonté que les bons effets que vous en espérez s'en ensuivent !

Je vous ai déjà mandé d'envoyer au séminaire de Ri-

1. A la suite de troubles graves suscités par les huguenots de Montauban, qui ne se lassaient pas de molester les catholiques et plus particulièrement le collège des Jésuites, le roi avait envoyé dans cette ville M. de Saint-Luc à la tête de cinq ou six mille soldats. La répressin fut sévère. M. de saint-Luc transféra le collège ou académie des calvinistes hors la ville, fit raser les fortifications et au consulat mi-partie substitua un consulat composé exclusivement de catholiques.

 

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chelieu le jeune homme d'Hibernie, qui demande d'entrer parmi nous, en écrivant à M. de Beaumont que notre intention est qu'il le reçoive. Informez-vous bien des qualités des autres qui le veulent imiter ; et sachant leur âge, leur capacité, leurs mœurs et leurs dispositions de corps et d'esprit, vous me les manderez, et nous verrons.

Nous acquitterons, Dieu aidant, les 300 livres que M. Agan vous a fait espérer, quand il lui plaira et à qui il commandera.

Puisque Mgr ne trouve pas bon que vous preniez de vos séminaristes plus de cent ou six-vingts livres de pension, vous ferez bien de vous en tenir là, si vous pouvez vous échapper ; mais, si vous ne pouvez pas sans vous engager, représentez-lui humblement que ce n'est pas assez, eu égard à la cherté des vivres et au peu de revenu que vous avez.

J'ai été consolé d'apprendre que les Révérends Pères jésuites font des missions aux environs de Lorm. Plaise à Dieu d'envoyer grand nombre de tels ouvriers en son Eglise et de nous faire la grâce d'aimer ce saint emploi et de nous y appliquer de tout notre petit pouvoir, dans l'esprit de Notre-Seigneur, à qui seul appartient de convertir les âmes ! C'est en son amour que je suis, de toute la mienne, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Barry, supérieur des prêtres de la Mission de Notre-Dame de Lorm, à Lorm

 

 

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3066. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce 16 janvier 1660

Mon très honoré Père,

C'est Madame de Glou qui, de son propre mouvement, ou plutôt inspirée de Dieu, a fait supplier votre charité lui nommer une personne propre pour exécuteur testamentaire ; et la même qui vous a mandé ce soir qu'elle croit que la mission que Monsieur de Blampignon doit faire à Pâques sur l'évêché de Chartres, est à Marchefroy (l), pourvu qu’il ne l'oublie pas.

Ma sœur Nicole Haran (2) m'a mandé, comme d’un esprit tout lassé, qu'elles ne pouvaient plus subsister sans secours, et voulait écrire à votre charité, mon très honoré [Père] (3), pour la supplier leur en donner, mandant à ces Messieurs les rappeler pour ce sujet, croyant qu'ils ne l'accorderont jamais. Que plaît-il à votre charité que je lui mande, au cas que vous ne preniez point la peine de lui faire écrire ?

Je crois que la continuation de ce froid augmente vos douleurs, qui honorent celles de Notre-Seigneur, en l'amour duquel je suis, mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3067. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

23 janvier 1660.

Ceux des nôtres qui reviennent de mission

...font chaque jour deux conférences et souvent trois : l'une des cas de conscience, la seconde de l'Ecriture Sainte et l'autre des matières de controverse.

Lettre 3066. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Aujourd'hui Saint-Ouen-Marchefroy, localité de l'arrondissement de Dreux.

2. Supérieure des sœurs de Nantes.

3. Mot oublié par Louise de Marillac.

Lettre 3067. - Collet, op. cit., t. 2, p. 336.

 

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3068. - A UN SUPÉRIEUR (1)

Les emplois qui ont quelque apparence, comme celui des ordinands, excitent souvent de l'émulation. Il ne faut pas vous étonner si vous y êtes contredit par quelques-uns, entre plusieurs qui l'approuvent. Les bonnes œuvres, aussi bien que les mauvaises, sont sujettes à la censure, et ceux qui nous sont contraires ne laissent pas d'avoir bonne intention. C'est pourquoi conservons, je vous prie, l'estime et le respect que nous leur devons ; estimons avec eux que nous sommes indignes de cet emploi et que d’autres s'en acquitteraient mieux que nous. Profitons de ce sentiment et nous donnons à Dieu plus que jamais pour tâcher de lui rendre fidèlement ce petit service.

 

3069. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[janvier 1660] (1)

Mon très honoré Père,

Je sens de temps en temps fortement la douleur de l’état auquel votre charité vous a mis, et la peine de la privation de l'honneur de vous parler, craignant que ma lâcheté et mon ,amour propre et les autres dangers de mon salut n’en prennent avantage, étant toujours la même.

Faisant réflexion sur l'état présent de la compagnie, je m'inquiète aussi de ne pouvoir plus vous en parler appréhendant vous donner peine de lire. Néanmoins il me semble nécessaire, mon très honoré Père, vous en dire ma pensée, qui est dans la crainte qu'elle ne déchoie en plusieurs manières.

Premièrement, je me suis aperçue que, en plusieurs parois-

Lettre 3068. - Abelly, op. cit., seconde édition, 2e partie, p. 124.

1. Probablement Edme Jolly, supérieur à Rome.

Lettre 3069. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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ses, les dames commencent à avoir de la défiance d’elles, quoique je pense être assurée que je n’en connais pas une qui en donne un véritable sujet, si ce n'est celles qui, par le zèle du soulagement des pauvres, reçoivent des aumônes des dames pour les distribuer et ne s'assujettissent pas à en parler aux officières, qui s'en offensent.

Il paraît que nos sœurs ne soient ni tant estimées, ni tant aimées, étant traitées plus durement, et y ayant des endroits où l’on prend bien plus près garde à elles par défiance ; et en quelques-uns auxquels l'on a défendu en pleine assemblée de leur rien donner, et même au boucher qui fournit la viande des pauvres. Ce n'est pas qu’elles en eussent chose considérable; mais, quelque peu que ce fût, cela leur aidait.

Cela m'a fait penser, non très honoré Père, à la nécessité qu'il y a que les règles obligent toujours à la vie pauvre, simple et humble, crainte que, s’établissant en une manière de vie qui requerrait plus grande dépense, et ayant des pratiques attirantes à l'éclat et clôture en partie, cela obligerait à rechercher les moyens de subsister en cette manière, comme serait fait un corps très intérieur et sans action, faire logement pour se séparer des allantes et mal vêtues, à cause, se disent quelques-unes, que ce tortillon, ce nom de sœur, ne porte point d'autorité mais notre mépris. Et je sais que non seulement les filles, mais d'autres qui seraient obligées pour honorer le dessein de Dieu au sujet du service spirituel et corporel des pauvres malades, qui ont grande disposition à cette manière tant dangereuse pour la continuation de l'œuvre de Dieu, laquelle, mon très honoré Père,. votre charité a soutenue avec tant de fermeté contre toutes les oppositions.

Je suis très fâchée de vous donner ce déplaisir. Si votre charité voit que Dieu veuille autre chose que ce qui s'est fait jusqu'à présent, au nom de Notre-Seigneur, que ce soit elle qui l'ordonne et le déclare : je serai toujours la même, sans réplique, après avoir pris la liberté, comme je le fais, de dire les raisons qui se présentent à mon esprit, n'osant dire que ce soient les pensées que Dieu me donne, à cause de mes infidélités. Si je ne m’explique pas bien et que votre charité me veuille faire entendre par Monsieur Alméras, ou autre que vous jugerez à propos, il me fera peut-être mieux entendre.

Permettez-moi, mon très honoré Père, de vous demander des nouvelles de vos indispositions que je crois que vous pourriez soulager, si vous vous laissiez traiter comme votre charité ordonnerait de traiter un autre

Je pense vous avoir déjà parlé du contenu de cette lettre, à la réserve de quelques circonstances Je vous demande très

 

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humblement pardon de mes redites, si cela est, et l'espère de votre bonté, puisque je suis, mon très honoré Père, votre très humble, très obéissante et très obligée fille et servante.

L. de MARILLAC.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3070. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

30 janvier 1660.

Vous avez bien fait de faire discontinuer de coucher à l'hôpital, puisqu'on peut administrer le jour aux malades que l'on voit en danger les derniers sacrements...

Je remercie Monsieur Cornier de la bonne nouvelle qu'il m'a donnée, qu'il est délivré de ses peines. On ne pouvait attendre autre chose de la bonté de Dieu et de sa patience. Il plaît à N.-S. d'exercer ainsi les meilleures âmes pour quelque temps, afin de les éprouver, et puis tout d'un coup il apaise la tempête et laisse ses serviteurs en paix.

 

3071. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 30 janvier 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Ces trois ou quatre lignes sont pour savoir de vous s'il est vrai ce qu'on m'a dit, que Monseigneur de Montpellier (1) semble n'avoir pas intention de continuer son

Lettre 3070. - Manuscrit de Marseille.

Lettre 3071. - L. s. - Original à Marseille dans la salle où se réunissent les membres de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. François Bosquet.

 

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séminaire. je vous prie, Monsieur, de m'en mander ce que vous en savez, et de demander miséricorde à Dieu pour le plus grand pécheur de la terre, qui est pourtant, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

C'est avec toutes les tendresses de mon cœur que je vous salue et M. Parisy, prosterné en esprit à vos pieds.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, supérieur de la Mission de Marseille, étant au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

 

3072. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, Ce 30 janvier 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre chère lettre du 19 décembre, où je vois que vous êtes exercé souvent de diverses indispositions, qui pourtant ne durent pas. J'en suis en peine, et je le serais encore plus si je ne savais que Dieu fait tout pour le mieux et que vous souffrez avec fruit, parce que vous souffrez avec amour en Jésus-Christ. Je vous prie néanmoins de faire ce que vous pourrez pour vous bien porter, car en santé, si vous avez à souffrir, ce sera par le travail, et alors votre souffrance sera utile à plusieurs et aura du rapport à celle de N.-S., qui s'est consommé pour tout le monde. Nous prions Dieu de deçà qu’il vous conserve et fortifie de plus en plus, pour pouvoir exprimer longuement en votre personne les

Lettre 3072. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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effets de sa charité et de ses travaux ; et comme il a aimé les siens jusqu'au bout et ne les a point abandonnés, je vous prie aussi d'avoir patience en votre conduite jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de vous en décharger. Je suis édifié de l'instance que vous faites pour cela et de la vue que Dieu vous donne de votre insuffisance ; et il est à souhaiter que tous les supérieurs aient les mêmes sentiments ; mais aussi ne doit-on pas gouverner les autres par soi-même, mais par N.-S., qui a assez de capacité pour vous et pour lui. Je le prie qu'il vous anime à cet effet de son esprit, qui dit humilité, douceur, support, patience, vigilance, prudence et charité. Vous trouverez en lui toutes ces vertus, et, si vous le laissez faire, il les exercera en vous et par vous. Vivez en cette confiance, Monsieur, et demeurez en paix ; je ferai pourtant attention à votre désir, afin de vous envoyer quelqu'un propre pour vous soulager, si nous ne pouvons vous décharger. Nous avons envoyé au séminaire des Bons-Enfants trois de nos jeunes prêtres, qui ont bien étudié en philosophie et en théologie, pour se former de plus en plus, à dessein de vous les envoyer après Pâques, Dieu aidant.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà ; chacun s'y porte assez bien, à la réserve de nos infirmes ordinaires, dont je suis du nombre ; les jambes me manquent et je ne puis plus descendre en bas, ni dire la sainte messe. Priez N.-S. qu'il ait agréable de me faire miséricorde et de me souffrir pour le temps et pour l'éternité, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

 

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission, à Varsovie.

 

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3073. - A LA SŒUR MARIE-CÉCILE THOMASSIN (1)

De Saint-Lazare, ce 4 février 1660

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre, et je ressens en mon cœur les souffrances dont il plaît à Dieu de vous exercer ; j'en suis tout attendri, et, à présent que je vous écris, j'en ai un grand sentiment. Je prie Notre-Seigneur que, par sa bonté infinie, il ait agréable de vous redonner une parfaite santé, ou une si puissante grâce, que vous fassiez un parfait usage des états où vous vous trouvez. Pour vous aider à cela, je prie le Révérend Père Lallemant (2) de vous continuer la charité qu'il vous a faite jusqu'à présent. Vous ne pouviez choisir une personne en qui les vertus religieuses se trouvent plus évidemment et abondamment. C'est pourquoi, ma chère Sœur, comme vous ne pouvez pas toujours aller au parloir pour recevoir son assistance, je donne permission de le faire entrer toutes les fois et quantes que besoin sera, de l'avis de notre chère Mère, que je salue affectionnément derechef.

Je prie Notre-Seigneur qu'il soit lui-même votre force

Lettre 3073. - L. s. - L'original nous a été communiqué par la sœur supérieure des Filles de la Charité établies à Saint-Malo, rue Saint-Sauveur, 13.

1. Elle fit profession au premier monastère de la Visitation le 21 novembre 1639, resta au monastère du Mans de 1647 à 1653 et revint à Paris, où elle mourut le 1er avril 1694, à l'âge de soixante et onze ans.

2. Charles Lallemant, né à Paris le 17 novembre 1587, entra dans la Société de Jésus le 29 juillet 1607. Après avoir enseigné la grammaire et la physique, il fut envoyé au Canada comme supérieur de la Mission. De retour en France, il professa la philosophie, puis fut mis à la tête du collège de Rouen, qu'il quitta pour prendre la direction du collège de Clermont à Paris. Ses écrits sont nombreux. Il mourut à Paris, dans la maison professe, le 18 novembre 1674.

 

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et votre consolation, et qu'il vous fasse connaître combien je suis, en son amour, ma chère Sœur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A ma chère sœur la sœur Marie-Cécile Thomassin, de la Visitation Sainte-Marie de la ville.

 

3074. - A JEAN DEHORGNY, PRÊTRE DE LA MISSION,

A CAHORS

4 février 1660.

M. Cuissot ne pouvant pas toujours vaquer à la direction des Filles de la Charité qui sont à Cahors, à cause des fréquents voyages qu'il est obligé de faire et des autres embarras de la supériorité, a prié M. Fournier, il y a quelque temps, de leur rendre, à son défaut, les petits services qu'il pourrait. Sur quoi, M. Fournier m'ayant représenté qu'il était beaucoup occupé auprès de ces Messieurs du séminaire, et qu'il se voyait peu propre pour l'assistance de ces filles, je lui ai écrit une lettre pour l'encourager à ce nouveau petit emploi, afin de soulager M. Cuissot. Je dis soulager et non pas décharger, estimant qu'il doit toujours, comme supérieur des missionnaires, avoir la même vue sur ces filles qu'il a sur les séminaristes, et que ceux qui les instruisent, confessent et dirigent le fassent par ses avis, et non pas indépendamment de lui. Cependant M. Cuissot, à ce que j'apprends, ne s'en veut plus mêler du tout depuis qu'il a su que j'en avais écrit à M. Fournier, pensant que je lui en donnais l’entière direction ; ce qui n'est

Lettre 3074. - Reg. 2, p. 101.

 

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pas ; j'ai seulement prétendu joindre ma prière à celle que M. Cuissot lui a faite de rendre à ces filles les petites assistances que lui-même ne pourra pas leur donner. Je vous prie, Monsieur, de faire entendre à l'un et à l'autre mon intention, et, si M. Fournier est trop occupé à d'autres choses, comme il me le mande, de voir avec M. Cuissot si M. Bonichon sera propre pour entendre et pour aider ces pauvres filles lorsque le même M. Cuissot ne pourra pas y vaquer.

 

3075. - A JEAN MARTIN, SUPÉRIEUR, A TURIN

De Paris. ce 5 février 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 14 [janvier] (l), et j'ai appris avec douleur que la fièvre quarte vous a repris pour là troisième fois. Dieu veut se réserver à lui seul la gloire de votre santé, laquelle j'espère qu'il vous donnera à ce printemps, et je l'en prie de tout mon cœur. Faites, de votre côté, ce que vous pourrez pour cela.

Un parfait abandon à la Providence, tel que le vôtre, vaut plus que tout autre établissement. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous y confirme, pour honorer, par votre pauvreté, l'état où il se trouvait sur la terre, quand il disait que les oiseaux avaient des nids, et les renards des trous, mais que, pour lui, il n'avait pas un lieu pour s'y retirer (2),

Je rends grâces à sa divine bonté de ce que vos ouvriers travaillent avec fruit et avec affection, et je la supplie qu'elle leur continue ses bénédictions, et à vous

Lettre 3075. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Le secrétaire a écrit par distraction février.

2. Evangile de saint Matthieu VIII, 20.

 

- 235 -

la plénitude de son esprit pour conduire toutes choses à sa plus grande gloire.

Je vous prie d'assurer de mon entière obéissance et de ma parfaite reconnaissance le bon Monsieur le prieur de Luzerne, et de me recommander à ses prières, comme je fais aux vôtres et à celles de votre petite communauté, que je salue très cordialement.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà, où je suis à la vie et à la mort, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin.

 

3076. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 6 février 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Monseigneur l'archevêque de Narbonne (1) nous a écrit une lettre par laquelle il dit que Monseigneur de Montpellier (2) ne voulant plus entretenir son séminaire, est résolu d'envoyer ses ecclésiastiques aux séminaires circonvoisins ; et sur cela il a formé le désir de vous avoir à Narbonne pour divers desseins qu'il a ; sur quoi, je me donne l'honneur de lui répondre que, la maison de Marseille étant des plus importantes de la compagnie, après celles de Rome et de Paris, elle requiert aussi un supérieur des plus capables, surtout à présent, à cause de

Lettre 3076. - L. s. - Original à Marseille, dans la salle où se réunissent les membres de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. François Fouquet.

2. François Bosquet.

 

- 236 -

l'état des choses et de l'expérience que nous avons que tout n'y va pas bien, ni ne pourra bien aller, si vous n'y êtes ; que la présence du roi et de Monseigneur le cardinal (3) fera que peut-être on fera revenir les galères à Marseille, et qu'en ce cas nous sommes obligés de recevoir les aumôniers et de commencer un séminaire, que pour cela et pour les affaires de Barbarie, comme pour les autres emplois d'ancienne et nouvelle fondation, tous fort considérables, il faut un homme exercé, intelligent, vigilant et propre à tout, comme, par la grâce de Dieu, vous l'êtes. C'est pourquoi, Monsieur, je vous prie de ne vous engager à rien, mais de regarder la maison de Marseille comme votre maison pour y retourner le plus tôt que vous le pourrez. Il se peut faire que le long temps que vous y avez demeuré, les peines que vous y aurez eues et les incommodités des yeux que vous y avez souffertes vous en aient donné quelque dégoût ; mais ce dégoût ne doit pas prévaloir sur la grâce que Dieu a mise en vous pour cette famille-là, où il y a apparence que vous aurez de plus belles occasions que jamais d'y avancer la gloire de Dieu ; et ainsi votre présence y est nécessaire, quand ce ne serait que pour dresser quelqu'un aux affaires et à la conduite d'icelle, qui puisse les soutenir, en cas que la Providence vous appelle ailleurs. Que si Monseigneur de Montpellier ne s'est pas encore déclaré à vous, je pense, Monsieur, que, puisque son séminaire trame comme il fait, vous ferez bien de le disposer doucement et adroitement d'agréer votre retour à Marseille ; mais ne lui témoignez pas que je vous en ai écrit.

Votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

3. Le cardinal Mazarin.

 

- 237 -

Je vous prie, Monsieur, d'honorer le silence de N.-S. en ce rencontre à l'égard de la présente et de qui que ce soit.

Suscription : A Monsieur Monsieur Get, supérieur des prêtres de la Mission de Marseille, étant de présent au séminaire de Montpellier, à Montpellier.

 

3077. - A JACQUES DE LA FOSSE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A TROYES

7 février 1660.

Je rends grâces à Dieu des sentiments qu'il vous a donnés touchant ce que je vous ai écrit des religieuses ; j'en suis fort consolé, voyant que vous avez connu l'importance des raisons que la compagnie a eues de s'éloigner de leur service pour ne mettre d'empêchement à celui que nous devons au pauvre peuple. Et pource que vous désirez être éclairci du sujet qui nous a fait prendre soin des Filles de la Charité, en demandant pourquoi la compagnie, qui a pour maxime de ne s'occuper des religieuses, se mêle de ces filles-là, je vous dirai, Monsieur :

1° Que nous ne blâmons pas l'assistance des religieuses ; au contraire, nous louons ceux qui les servent, comme les épouses de Notre-Seigneur qui ont renoncé au monde et à ses vanités pour s’unir à leur souverain bien ; mais tout ce qui est loisible aux autres n'est pas expédient pour nous.

2° Que les Filles de la Charité ne sont pas religieuses, mais des filles qui vont et viennent comme des séculiers ; ce sont personnes de paroisses sous la conduite

Lettre 3077. - Reg. 2, p. 80.

 

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des curés où elles sont établies ; et si nous avons la direction de la maison où elles sont élevées, c'est parce que la conduite de Dieu, pour donner naissance à leur petite compagnie, s'est servie de la nôtre ; et vous savez que des mêmes choses que Dieu emploie pour donner l'être aux choses, il s'en sert pour les conserver.

3° Notre petite compagnie s'est donnée à Dieu pour servir le pauvre peuple corporellement et spirituellement, et cela dès son commencement, en sorte qu'à même temps qu'elle a travaillé au salut des âmes pour les missions, elle a établi un moyen de soulager les malades par les confréries de la Charité ; ce que le Saint-Siège a approuvé par les bulles de notre institution. Or, la vertu de miséricorde ayant diverses opérations, elle a porté la compagnie à différentes manières d'assister les pauvres ; témoin le service qu'elle rend aux forçats des galères et aux esclaves de Barbarie ; témoin ce qu'elle a fait pour la Lorraine en sa grande désolation, et depuis pour les frontières ruinées de Champagne et de Picardie, où nous avons encore un frère (1) incessamment appliqué à la distribution des aumônes. Vous êtes vous-même témoin, Monsieur, du secours qu'elle a porté aux peuples des environs de Paris, accablés de famine et de maladie en suite du séjour des armées. Vous avez eu votre part à ce grand travail et vous en avez pensé mourir (2) ainsi que beaucoup d'autres, qui ont donné leur vie pour la conserver aux membres souffrants de Jésus-Christ, lequel en est maintenant leur récompense, et un jour il sera la vôtre. Les dames de la Charité de Paris sont encore autant de témoins de la grâce de notre vocation pour contribuer avec elles à quantité de bonnes œuvres qu'elles font et dedans et dehors la ville.

1. Le frère Jean Parre.

2. Voir lettres 1542, 1544.

 

- 239 -

Cela posé, les Filles de la Charité étant entrées dans l'ordre de la Providence comme un moyen que Dieu nous donne de faire par leurs mains ce que nous ne pouvons pas faire par les nôtres, en l'assistance corporelle des pauvres malades, et de leur dire par leurs bouches quelque mot d'instruction et d'encouragement pour le salut, nous avons aussi obligation de les aider à leur propre avancement en la vertu pour se bien acquitter de leurs exercices charitables.

Il y a donc cette différence entre elles et les religieuses, que les religieuses n'ont pour fin que leur propre perfection, au lieu que ces filles sont appliquées comme nous au salut et soulagement du prochain ; et si je dis avec nous, je ne dirai rien de contraire à l'Evangile, mais fort conforme à l'usage de la primitive Eglise, car Notre-Seigneur prenait soin de quelques femmes qui le suivaient, et nous voyons dans le Canon des Apôtres qu'elles administraient les vivres aux fidèles et qu'elles avaient relation aux fonctions apostoliques.

Si l'on dit qu'il y a danger pour nous de converser avec ces filles, je réponds que nous avons pourvu à cela autant qu'il se pouvait faire, en établissant cet ordre en la compagnie, de ne les visiter jamais chez elles dans les paroisses, et elles-mêmes ont pour règle de faire leur clôture de leur chambre et de n'y laisser jamais entrer les hommes, singulièrement les missionnaires ; en sorte que, si moi-même je me présente pour y entrer, qu'elles me ferment la porte ; ce qui s'observe exactement de part et d'autre, grâces à Dieu.

Que si elles viennent ici, dans leur maison, tous les mois rendre compte de leur intérieur et se confesser à un de nos prêtres, vous savez qu'il y en a deux ou trois destinés pour les entendre, de qui l'âge et la vertu sont au-dessus de toute crainte ; et si nous en envoyons

 

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d'autres aux deux hôpitaux proches d'ici (3), ce n'est pas tant à cause de ces filles qui y sont employées, que des autres personnes qui les habitent, lesquelles Dieu a confiées au soin de la compagnie pour l'âme et pour le corps.

J’espère, Monsieur, que ce que je viens de répondre à votre difficulté ne vous déplaira pas, etc.

 

3078. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 13 février 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je n'ai pas plus tôt reçu et lu votre chère lettre du 10 janvier, que j'y réponds, pour vous dire que, d'un côté, elle m'a apporté une grande joie, à cause de la santé que Dieu vous continue et du soin que sa divine Majesté prend de votre petite famille. Je l'en remercie de tout mon cœur. Mais, d'une autre part, je suis en peine de ce que vous ne recevez pas mes lettres. Il faut pourtant agréer toutes les dispositions de la Providence, qui gouverne sagement toutes choses.

C'est un nouveau sujet d'affliction que la nouvelle invasion des Moscovites, qui ont repris Grodno (1) et donné l'épouvante au peuple de Varsovie, quoiqu'ils n'en aient pas approché ; comme, au contraire, l'espérance qu'on a de la paix avec la Suède, dont on traite effectivement, nous console fort. Plaise à Dieu de bénir ce traité, au contentement de la Pologne, afin qu'elle ait plus de moyen de repousser cet autre ennemi qui la trouble ! Nous attendrons assurance de cette paix avant de faire partir le secours que nous vous préparons, et

3. Le Nom de Jésus et les Enfants trouvés.

Lettre 3078. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

1. Chef-lieu de gouvernement en Pologne.

 

- 241 -

nous nous réglerons, pour le temps et la manière de leur voyage, aux nouvelles que vous nous écrirez.

Je rends grâces à Dieu de ce que les Filles de la Charité se portent bien et font bien. Pour la sœur Françoise (2), il faut qu'elle ait patience à la suite de la reine, puisque Sa Majesté ne l'emploie qu'au service des pauvres, qui sont ses maîtres, et qu'il est difficile de la faire revenir de deçà pour le présent. Encouragez-la tant que vous pourrez. Voici une lettre que Mademoiselle Le Gras lui écrivit la semaine passée.

Elle est tombée malade depuis, au point que nous n'osons espérer qu'elle en relève ; ce qui nous afflige fort. Et ce qui comble notre douleur est que M. Portail est aussi grièvement malade. Ils ont reçu tous deux le saint viatique en même jour. Je les recommande à vos prières et à celles du bon M. Duperroy, que j'embrasse avec vous de toutes les tendresses de mon âme.

Je suis bien aise qu'il travaille à réparer l’église de Vitkiski, et marri de ce que cela vous sépare et vous incommode. Dieu, par sa bonté infinie, veuille vous réunir et vous soulager !

Vous avez bien fait de vous excuser vers Mgr l'évêque pour ne pas divertir l'argent destiné à cette réparation à autre usage ; vous ne pouviez pas faire autrement, vu la nécessité de l'église. J'ai oublié de le dire à M. Duperroy par ma dernière, qui répond à la sienne, où il me parle de cet affaire.

Ayez soin de vous conserver, et lui aussi.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Desdames.

2. Françoisse Douelle.

 

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3079 - A LA PROPAGANDE

[février 1660] (1)

Eminentissimi e Reverendissimi Signori,

Essendo passato a miglior vita nlle funziolli dell. sua missione Carlo Nacquart, sacerdote della congregazione della Missione, dichiarato da questa Sacra Congregazione prefetto della Missione dell'isola di San-Lorenzo, vulgo Madagascar, Vincenzo di Paul, superiore generale di detta congregazione della Missione, devotissimo oratore dell' EE. VV., umilmente le supplica di voler costituire, in luogo di esso defunto, per prefetto della detta Missione, Tussano Bourdaise, sacerdote della medesima congregazione, e già da più anni dichiarato missionario apostolico e applicato dalle EE. VV all'aiuto spirituale di quei popoli di Madagascar, dove il Signore ha benedette le di lui fatiche. E il tutto riceverà per grazia singolare dalle EE. VV.

Quas Deus, etc.

E perchè potrebbe esser che il sopraddetto Tussano Bourdaise per qualche accidente fosse defunto, piaccia alle EE. VV. che, proponendo il suddetto Vincenzo di Paul un altro de missionarii di detta isola a Monsignor nunzio di Francia, lo nomini per prefetto della detta Missione, se gli parerà soggetto abile.

Suscription : Alla Sacra Congregazione de Propaganda Fide, per Vincenzo di Paul, superiore generale della congregazione della Missione.

Lettre 3079. - L. non s. - Arch. de la Propag., Africa, 9-10, Madagascar-Marocco, n° 252, fol. 8 et 9, original.

1. Au bas du résumé qui se trouve au dos de la supplique se lisent les mots : die 23 februarii 1660, S. C. annuit.

 

- 243 -

TRADUCTION

Eminentissimes et Révérendissimes Seigneurs,

Charles Nacquart, prêtre de la congrégation de la Mission que la Sacrée Congrégation a établi préfet de la Mission de l'île de Saint-Laurent, vulgairement Madagascar, étant passé à une vie meilleure dans l'exercice de ses fonctions, Vincent de Paul, supérieur général de la même congrégation, supplie humblement Vos Eminences de vouloir bien nommer à la place du défunt, comme préfet de ladite Mission, Toussaint Bourdaise, prêtre de la même congrégation de la Mission, missionnaire apostolique depuis plusieurs années et appliqué, par l'ordre de Vos Eminences, au soin spirituel de ces peuples de Madagascar, où le Seigneur a béni ses travaux. Et il recevra cette grâce comme une faveur insigne de Vos Eminences.

Que Dieu ait, etc.

Comme Toussaint Bourdaise lui-même pourrait n'être plus vivant, plaise à Vos Eminences accorder à Mgr le nonce le pouvoir de nommer comme préfet de la Mission, après avoir jugé de son aptitude, celui que Vincent de Paul lui proposera.

Suscription : A la Sacrée Congrégation de la Propagande, pour Vincent de Paul, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

3080.- PIERRE ANGER A SAINT VINCENT

D'Alet ce 15 février 1660

Monsieur mon très honoré Père,

Je vous supplie très humblement d'agréer que, Monseigneur l'évêque (1), qui vous salue très cordialement et respectueusement, faisant réponse à la lettre de Monsieur Gavelin qu'il vous a plu de lui envoyer, je me prévale de cette occasion pour vous renouveler les offres de mes obéissances et vous demander la continuation de votre souvenir au saint autel et dans vos saintes prières.

Je pense, Monsieur que votre charité aura consolation

Lettre 3080. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Nicolas Pavillon.

 

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d’apprendre les bénédictions qu’il plaît à Notre-Seigneur de donner à ce petit séminaire, qui est composé de 18 ou 20 ecclésiastiques, qui paraissent bien intentionnés et zélés d'acquérir la perfection de la vie chrétienne et ecclésiastique et la connaissance des fonctions de leur profession. Les régents aussi et régentes font un nouveau progrès dans le soin et l'éducation chrétienne de la jeunesse. Ce sont, Monsieur des fruits de la culture que vous avez commencé de donner à ce diocèse par vos prières et les travaux de ces .Messieurs de votre compagnie qui ont coopéré si utilement à ceux de Monseigneur l'évêque dans les premières années de son administration.

Je vous salue et suis avec un très profond respect, monsieur mon très honoré Père, votre très humble très obéissant ; et très obligé serviteur et fils.

PIERRE ANGER,
prêtre.

Suscription : A Monsieur monsieur Vincent, prêtre, supérieur général de la Mission, à Paris.

3081. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

16 février 1660.

Vous m'ordonnez, Monsieur, de vous mander comment l'ordination dernière s'est passée et si on a reconnu du profit dans les ordinations depuis les exercices. Pour ce qui est des exercices et de toutes les parties du règlement qu'on y observe en France nous avons tâché et tâchons de les faire observer en la même manière qu'à Paris, nous réglant jour pour jour et heure pour heure sur les mémoires que nous en avons reçus de Saint-Lazare. Messieurs les ordinands ont témoigné en être fort contents ; et non seulement nous, mais aussi diverses personnes du dehors ont reconnu le fruit que plusieurs d'entre eux par la miséricorde de Dieu, ont remporté de ces exercices. .Nous en avons de ceux-là mêmes en cette seconde ordination en laquelle nous travaillons maintenant, qui est la première de ce carême lesquels y donnent grand exemple

Lettre 3081. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. 2, sect. VI, 1re éd., p. 239.

 

- 245 -

aux autres ; et il semble que Dieu par son infinie bonté, veuille donner bénédiction à ces exercices et communiquer ces grâces par cette voie aux ecclésiastiques de ce pays, comme il a fait ailleurs.

 

3082. - AU CHANOINE DE RUMELIN

De Paris, ce 18 février 1660.

Monsieur,

La vive impression que votre charité a faite en mon esprit de la ressouvenance de ses effets ordinaires et extraordinaires en notre endroit me sollicite souvent à vous en faire de nouveaux remerciements ; et c’est, Monsieur, ce qui m'a fait résoudre de vous rendre par cette lettre ce juste devoir de la part de notre petite compagnie et de la mienne, pour le joindre aux sentiments de reconnaissance que nos pauvres missionnaires de Tréguier nous témoignent de temps en temps des grâces que vous leur faites, qui leur sont d'autant plus sensibles que vous accompagnez d'une cordiale affection les biens temporels qu'ils reçoivent de vous. M. Dehorgny même m'en a écrit plusieurs fois avec grande tendresse. Je vous en remercie donc, Monsieur, avec toute l'humilité que je le puis ; mais, ne pouvant le faire à l'égal des obligations que nous vous avons, je prie Notre-Seigneur qu'il ait agréable de suppléer à mon impuissance et d'en être lui-même votre digne récompense. C'est, Monsieur, la grâce que nous lui demanderons au ciel et en la terre ; et c'est dans ce désir que je vous renouvelle les offres des services de notre chétive congrégation et de mon obéissance particulière. Je vous supplie de l'avoir agréable et de voir en quoi nous

Lettre 3082. - L. s. - Dossier de la Mission, fac-similé.

 

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pouvons vous les rendre de deçà, vous assurant que ce sera de grand cœur, même en ce que vous avez confié à M. Dehorgny, quand il vous plaira de nous en marquer le temps et la manière ; car, à proportion que vous userez du pouvoir que vous avez sur nous, nous aurons occasion de reconnaître vos bienfaits, et moi de mériter le bonheur que j'ai d'être, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur de Rumelin, chanoine de l'Eglise de Tréguier, à Tréguier.

 

3083. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 20 février 1660.

J'ai considéré ce que vous me mandez de l'ordination, et j'entrevois que tout de bon on se défie de nous touchant la nationalité ; c'est pourquoi il est important que vous ne demandiez rien et ne fassiez demander que seulement les choses ordinaires, et que même vous n'en proposiez aucune qui soit extraordinaire, ni au Pape ni à pas un de Nosseigneurs les cardinaux, car il semble que Dieu veut que la compagnie se tienne à Rome dans la réserve qu'elle a eue ailleurs, de n'aller pas au devant des emplois, ni des moyens de les soutenir, mais de s'humilier devant Sa Majesté comme indigne de lui rendre aucun service, avec cette disposition néanmoins de nous commettre à sa conduite et de nous laisser aller aux ordres de sa providence, comme des instruments

Lettre 3083. - Reg. 2, p. 249.

 

- 247 -

grossiers entre les mains d'un bon ouvrier. De ce qu'on vous a dit qu'avec le temps les missionnaires obtiendront ce qu'ils voudront, on peut inférer qu'on rapporte cela au temps que la famille sera toute composée d'Italiens ; qui est ce qu'on désire. Pour cela, Monsieur, il est expédient de n'en recevoir que de bien choisis, tâchant de les bien connaître avant de leur accorder l'entrée au séminaire.

Je vous prie derechef de ne faire aucune proposition nouvelle pour chose qui nous regarde, sans m'en donner avis auparavant.

 

3084. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

Voir la publication de la lettre in extenso en XV, 139-140.

27 février 1660.

Puisque le bail de votre jardinier est expiré, il ne faut plus souffrir que les femmes entrent en votre enclos. Je n'ai su jusqu'à présent qu'elles aient eu cette liberté par le passé ; pour le moins je n'y ai pas fait réflexion. Il faut tâcher de trouver un autre jardinier, qui n'en ait point.

Vous me proposez de réduire le jardin en pré ; mais c'est un changement trop considérable pour le faire sans y avoir pensé (1)

Lettre 3084. - Manuscrit de Marseille.

1. Le jardin fut conservé, et le jardinier put habiter, dans le courant de l'année, une maison toute neuve, bâtie exprès pour lui. (Arch. nat. S 6707, cahier).

 

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3085. - A FIRMIN GET

De Paris, ce 27 février 1660.

Monsieur,

Il a plu à Dieu de nous priver du bon Monsieur Portail (1). Il décéda le samedi 14 de ce mois, qui était le 9e de sa maladie, laquelle commença par une espèce de léthargie, qui s'est changée en fièvre continue et en d'autres accidents. Il eut, depuis, l'esprit et la parole assez libres. Il avait toujours appréhendé la mort, mais, la voyant approcher, il l'a envisagée avec paix et résignation, et il m'a dit, plusieurs fois que je l'ai visité, qu'il ne lui restait aucune impression de sa crainte passée. Il a fini comme il a vécu, dans le bon usage des souffrances, la pratique des vertus, le désir d'honorer Dieu et de consommer ses jours, comme N.-S., en l'accomplissement de sa volonté. Il a été l'un des deux premiers qui ont travaillé aux missions, et il a toujours contribué aux autres emplois de la compagnie, à laquelle il a rendu de notables services ; en sorte qu'elle aurait beaucoup perdu en sa personne, si Dieu ne disposait de toutes choses pour le mieux et ne nous faisait trouver notre bien ou nous pensons recevoir du dommage. Il y a sujet d'espérer que ce sien serviteur nous sera plus utile au ciel qu'il n'eût été sur la terre. Je vous prie, Monsieur, de lui rendre les devoirs accoutumés.

Lors de son trépas, Mademoiselle Le Gras était aussi à l'extrémité, et nous pensions qu'elle s'en irait devant lui ; mais elle vit encore et se porte mieux, grâces

Lettre 3085. - L. s. - Dossier de la sœur Hains, original.

1. Les froids de l'hiver 1658-1659 avaient fortement éprouvé la santé d'Antoine Portail, qui dut réduire ses travaux. "Pour M. Portail, écrivait Louise de Marillac (lettre 650), est grand seigneur qui le voit. Il a certain ermitage au bout de leur clos (le clos de Saint-Lazare) d'où il ne bouge, et ne vient que très peu pour les confessions."

 

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à Dieu, qui n'a pas voulu nous accabler d'une double affliction.

Je viens de recevoir votre lettre du 17, qui m'a grandement consolé, non tant pour y voir la parfaite disposition que Dieu vous donne pour suivre en tout et partout les ordres de son bon plaisir, dont je n'ai jamais douté, que pour l'expédient que Dieu vous a inspiré de retourner à Marseille sans bruit et avec l'agrément de Monseigneur de Montpellier. J'approuve donc, Monsieur, que vous lui demandiez permission d'y aller pour les affaires pressantes de la maison ; et non seulement je l'approuve, mais je vous en prie, même d'y mener quand et vous M. Parisy, si vous voyez que ce bon prélat s'en puisse passer. Vous ne le ferez pas néanmoins en cas que cela le dût contrister ; vous le lui laisserez encore pour continuer quelque temps les exercices commencés. Quand vous serez à Marseille, je me donnerai l'honneur de lui écrire pour lui représenter les difficultés de votre retour à Montpellier 2 et pour le supplier de vous en dispenser, sauf à lui offrir de lui envoyer quelque autre prêtre au lieu de vous, si votre retraite le fâche et qu'il soit résolu de maintenir son séminaire, ou, s'il a d'autres sentiments, de rappeler ensuite M. Parisy et le frère Duchesne, que je salue affectionnément. Je fais espérer par cet ordinaire à M. Delespiney qu'il vous verra bientôt, et je prie N.-S. qu'il soit votre conduite partout, et éternellement la vie et ]a gloire de votre âme, que la mienne chérit tendrement.

Je suis, en l'amour de ce même Seigneur, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

2. Un ancien cahier de la maison de Marseille, conservé aux Arch. Nat. (S 6707) attribue le retrait des prêtres de la Mission à ce fait que l'évêque de Montpellier n'avait pas assuré l'existence de l'établissement par une fondation à perpétuité.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Get, supérieur des prêtres de la Mission de Marseille, étant de présent au séminaire à Montpellier.

 

3086. - NICOLAS ÉTIENNE, PRÊTRE DE LA MISSION,

A SAINT VINCENT

Du Cap-Vert, ce 28 février 1660.

Monsieur mon très honoré Père,

Votre bénédiction !

Je vous écrivis des Canaries, par un marchand de Saint-Malo, tout ce qui nous était arrivé depuis notre départ de La Rochelle jusqu'aux Canaries. Je ne doute point que vous n’ayez reçu ma lettre ; c'est pourquoi je ne fais nulle mention de ce que je vous ai mandé, joint que l'occasion ne me le permet pas. Je vous dirai seulement que nous sommes arrivés tous en fort bonne santé au Cap-Vert, où nous avons trouvé 40 ou 50 chrétiens, la plupart portugais, sans prêtre depuis deux ans, que M. Daveroult a tous entendus en confession. Nous y avons baptisé quatre Portugais, avec les cérémonies accoutumées de l'Eglise le jour de saint Mathias, et le lendemain deux mahométans assez bien instruits. Nous y avons tous dit la messe et M. Daveroult y a fait tous les jours une exhortation et le plus souvent deux, en langue portugaise. Je souhaiterais que vous voulussiez obtenir mission pour cette terre ; il y aurait lieu d'espérer une grande moisson. J'allai saluer le gouverneur du lieu où nous étions mouillés, qui a bien cinq ou six mille personnes, tous noirs, nus et mahométans ; et étant venu le lendemain à notre bord dîner je lui parlai de Dieu. Il me dit qu’il l'aimait et le croyait seul. Et petit à petit étant descendu au baptême, il me dit qu’il le recevrait volontiers, pourvu que je voulusse demeurer dans le pays. Le roi du pays n'est éloigné de ce gouverneur qu'à deux lieues, qui a toujours quinze cents chevaux autour de lui. Juger quel bien il y aurait à faire.

Nous partons demain du Cap pour faire voile à celui de Bonne-Espérance, tous, grâce à Dieu, en fort bonne santé.

Lettre 3086. - Dossier de la Mission, copie du XVII° siècle.

 

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Je n'ai pu écrire à Monseigneur le maréchal (1) cette fois-ci. C'est pourquoi je vous supplie de lui vouloir mander que son vaisseau est en fort bon état

Je me recommande à vos prières et à celles de toute la compagnie, comme font pareillement tous mes chers compagnons, vous assurant d'être toute ma vie en l'amour de N.-S. J-C. et de sa très sainte et immaculée Mère, Monsieur mon très cher Père, votre très humble et très obéissant serviteur et fils.

N. ETIENNE,
indigne prêtre de la Mission.

Messieurs les capitaines vous saluent et se recommandent à vos prières, et M. Véron vous prie d'avoir la bonté de faire tenir cette lettre qu’il écrit Madame sa femme, demeurante en Oléron.

 

3087. - A LA MÈRE ANNE-MARIE BOLLAIN (1)

29 février 1660.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

C'est avec toute la confusion imaginable que je vous demande pardon du retardement que j'ai apporté à vous faire réponse. Mes embarras et mes infirmités en sont la cause et m'obligent même à présent de vous écrire d'une autre main que de la mienne.

Dans l'indifférence où Dieu vous a mise pour sortir ou pour demeurer au lieu où vous êtes, c'est une chose à vider entre lui et vous que le choix que vous avez à faire de l'un ou de l'autre. Il est juste qu'après avoir tant travaillé, et travaillé avec tant de bénédiction, vous retourniez en votre monastère pour vous y reposer ; et si vous le faites, vous ne ferez rien contre le bon plaisir de Dieu.

1. Le maréchal de La Meilleraye.

Lettre 3087. - Reg. 1, f° 37.

1. Le nom du destinataire nous est connu par Abelly, qui en cite un extrait. (Op. cit., l. 2, chap. VII, p. 330).

 

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Mais peut-être aussi, ma chère Sœur, que, si vous vous privez de cette consolation, pour l'amour de N.-S., qui nous appelle au plus parfait, il aura plus agréable la continuation de vos services à la Madeleine (2) qu'il ne l'aurait ailleurs. La grâce de la persévérance est la plus importante de toutes ; c'est elle qui couronne toutes les autres grâces, et la mort qui nous trouve les armes à la main est la plus glorieuse et la plus désirable. Naturellement on souhaite d'aller mourir chez soi, au milieu de ses proches et entre les bras des personnes qu'on chérit ; mais tous ne se laissent pas aller à cette délicatesse ; il n'y a que les esprits trop tendres. N.-S. a voulu finir comme il a vécu ; sa vie ayant été rude et pénible, sa mort a été rigoureuse et cruelle, sans mélange d'aucune consolation humaine. C'est pour cela que plusieurs ont eu cette dévotion d'aimer à mourir seuls, abandonnés des hommes, dans la confiance d'avoir Dieu seul pour les secourir. Je suis assuré, ma chère Sœur, que vous ne cherchez que lui, et qu'entre les bonnes œuvres qui se présentent à faire, vous préférez toujours celles où il y a plus de sa gloire et moins de votre intérêt. Si donc il vous fait connaître qu'en préférant ]e séjour de la Madeleine à tout autre, vous ferez une action plus agréable pour lui et de plus grande édification pour le public, je ne doute pas que vous ne suiviez le meilleur. Et ainsi, ma chère Sœur, je vous répète ici ce que je vous ai dit au commencement, que c'est entre Dieu et vous à résoudre la question. M. le théologal m'a fait l'honneur de m'en venir parler en faveur de la maison ; je ne lui ai pas témoigné que vous m'ayez donné aucune part à cet affaire ; je lui ai dit seulement que je saurais votre disposition ; et en effet je vous prie

2. Le couvent de la Madeleine à Paris.

 

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de me mander le mouvement que Dieu vous donnera après que vous vous serez donnée à lui de nouveau pour que sa volonté s'accomplisse parfaitement en vous.

Je suis, en son amour, ma Sœur, votre...

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3088. - A GILLES BUHOT

3 mars 1660.

Monsieur,

J'ai reçu votre paquet contenant le dimissoire de notre frère Louvetel (1) et des témoignages si vastes et si précis de la charité incomparable que N.-S. vous a donnée pour nous, que je ne puis vous en remercier assez à mon gré. Je vous en remercie néanmoins, Monsieur, de toute l'étendue de mon esprit et de mes affections ; mais cela me semble trop peu ; c'est pourquoi je prie N.-S. qu'il soit lui-même votre remerciement et votre récompense. Aussi est-ce pour l'amour de lui que vous nous faites et que vous nous voulez du bien. Ce nous est un nouveau motif, Monsieur, de nous donner à sa divine bonté pour tâcher de reconnaître les effets de la vôtre par nos très humbles services. Comme vous avez un pouvoir absolu sur les miens, c'est à vous à me donner les occasions de vous les rendre, et je vous en supplie très humblement.

Je suis fort touché de compassion de ce que vous m'avez écrit du pauvre M. Germain (2), Hélas ! Monsieur,

Lettre 3088. - Reg. 1, f° 52 V°, copie prise sur la minute non signée.

1. Guy Louvetel, né à Monci (Orne) en février 1635, entré dans la congrégation de la Mission le 22 juillet 1657, reçu aux vœux le 1er août 1659, ordonné prêtre en 1660.

2. Prêtre sorti de la congrégation de la Mission.

 

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que l'infirmité de l'homme est grande et que les biens de ce monde ont de force pour le tenter ! Il faut espérer que Dieu lui aura fait miséricorde et que la sainte semence que vous avez jetée en son âme n'aura pas été sans bruit.

]e n’ai aucune nouvelle de M. de Fresné que celles que vous m'en donnez. S'il me fait l'honneur de me venir voir et de me faire quelque proposition, je le prierai de s'adresser à vous, Monsieur, pour prendre vos bons avis.

J'avais déjà ouï parler de l'action indiscrète de ces jeunes gens qui se sont portés à ces excès que vous me mandez (3). Je prie N.-S. qu'il en tire sa gloire, qu'il vous conserve pour tant de biens que vous faites et qu'il me rende digne du bonheur que j'ai d'être, comme je suis, en son amour, Monsieur, votre..

 

3089. - A SŒUR MATHURINE GUÉRIN,

SUPÉRIEURE, A LA FÈRE

3 mars 1660.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre et ma bonne part à votre peine. Il est vrai que Dieu nous a ôté le bon M. Portail, qui

3. Le 4 février 1660, cinq jeunes gens, suivis par une foule de curieux, parcoururent les rues de Caen, criant que tous les curés, sauf deux, dont ils donnaient les noms, étaient entachés de jansénisme et excommuniés. La police intervint et arrêta les perturbateurs. L'un d'eux fut rendu à sa famille comme hypocondriaque ; les autres furent jugés et condamnés à l'amende. (cf. Boulay, Vie du Vénérable Jean Eudes, Paris, 1905-1908, 4 vol. in-8°, t. III, p. 136 et suiv. ; R. Allier, op. cit., p. 347 et suiv. ; Souriau Maurice, La Compagnie du Saint-Sacrement de l'autel à Caen : Deux mystiques normands au XVII° siècle, M. de Renty et Jean de Bernières, Paris, 1913, in-16°.)

Lettre 3089. - Registre intitulé : Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 18. (Arch. des Filles de la Charité.)

 

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décéda le 14 de février, et que Mademoiselle Le Gras était alors en grand danger et l'a été du depuis. Ce sont deux rudes coups pour votre petite compagnie ; mais, venant de la main paternelle de Dieu, il les faut recevoir avec soumission et espérer de sa charité que les Filles de la Charité profiteront de cette visite. C'est lui qui les a appelées, et c’est lui qui les maintiendra. Il ne détruit jamais son œuvre, mais il le perfectionne ; et pourvu qu'elles soient fermes en leur vocation et fidèles en leurs exercices, il les bénira toujours en leurs personnes et en leurs emplois. Je vous prie, ma Sœur, de continuer, de votre côté, à bien faire votre office et à demeurer en paix ; si vous le faites, vous serez plu agréable à Dieu qu'en faisant autrement.

Grâces à Dieu, Mademoiselle se porte mieux. Sa grande maladie a été une grande inflammation sur le bras gauche, auquel il a fallu faire trois incisions. La dernière se fit avant-hier. Elle souffre beaucoup, comme vous pouvez penser ; et quoiqu'elle n’ait plus de fièvre, elle n'est pourtant pas hors de danger, à cause de son âge et de sa faiblesse. On fait ce qu'on peut pour la conserver ; mais c'est l'ouvrage de Dieu, qui, l'ayant conservée depuis vingt ans, contre les apparences humaines, la conservera encore autant qu'il sera expédient pour sa gloire. Nous vous donnerons avis, ma Sœur, de ce qui arrivera de cette fâcheuse maladie, ainsi qu'aux autres sœurs éloignées. Je vous prie derechef d'être en repos pour l'événement, parce que le contraire trouble l'âme et déplaît à Dieu, qui gouverne toutes choses avec sagesse et avec amour, et demande de nous grand secret de la vie spirituelle de lui abandonner tout ce que nous aimons, en nous abandonnant nous-mêmes à tout ce qu'il veut, dans une parfaite confiance que tout en ira mieux ; c'est pour cela qu'il est dit que tout

 

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tournera à bien à ceux qui servent à Dieu. Servons-le donc, ma Sœur, mais servons-le selon son gré, et laissons-le faire. Il vous tiendra lieu de père et de mère ; il sera votre consolation et votre vertu et enfin la récompense de votre amour. Priez-le pour moi, qui suis, en son amour...

 

3080. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

De Paris, ce 5 mars 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 24 février. Il ne faut pas prendre la dépense des livres sur nos confrères d'Alger ;j'aime mieux que ceci soit sur la maison de Saint-Lazare.

Si M. de Saint-Jean (1) retourne à Marseille, il ne prendra pas, comme je crois, d'autre logis que le vôtre. Recevez-le et le traitez le plus honnêtement que vous pourrez.

Il faut remettre la conservation et les intérêts de l'hôpital à Dieu et espérer que tout ira mieux lorsque les hommes n'y pourront rien. J'ai peine à croire que l'on a supprimé l'administration déjà établie. On verra avec le temps si l'on pourra assembler les aumôniers ; pour ]e présent, ce n'est pas chose à faire ni à proposer, comme je pense.

Quant aux troubles que vous appréhendez vous devoir arriver en la possession de votre jardin, il en sera ce qu'il plaira à Dieu, à qui nos personnes et nos pos-

Lettre 3090. - L. s. - Dossier de la Mission, copie prise sur l'original chez M. Charavay, qui l'a mis en vente. Le post-scriptum est de la main du saint.

1. Chapealin ordinaire de la reine-mère.

 

- 257 -

sessions appartiennent. Il faut se commettre absolument à sa providence et demeurer en paix.

Je pense que M. Get est à présent avec vous ; vos incommodités passées m'ont fait souhaiter son retour à Marseille pour vous soulager ; et d'ailleurs, ayant à y envoyer d'autres personnes pour fortifier la famille et satisfaire à vos obligations, nous avons pensé qu'il valait mieux que ce fût lui qu'un autre, à cause de la connaissance qu'il a des affaires. C'est pourquoi vous ferez bien de le prier de faire les choses que doit faire le supérieur, et de lui avoir une entière confiance, comme je l'ai en vous, à qui je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Nous avons reçu deux louis pour Lin, dit Lamontagne, forçat sur la Capitane, et sept écus pour le nommé Traverse. Je prie M. Huguier d'ordonner à chacun son fait.

Si M. Get fait difficulté d'accepter la mission de la supériorité, je vous prie de le presser, en sorte qu'il en prenne l'exercice. Je lui ai toujours attribué cette qualité, dans le doute que l'affaire de Montpellier réussisse. Si M. Get demeure à Marseille, ou quelqu'autre à sa place, je vous prierai de revenir prendre cet air et de vous délivrer de celui-là, qui vous est si contraire.

 

3091. - A CUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 5 de mars 1660.

Monsieur,

Il a plu à Dieu de nous priver du bon Monsieur Por-

Lettre 3091. - L. s. - Dossier de Cracovie, original. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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tail. Il décéda le samedi 14e de ce mois, qui était le 9° de sa maladie, laquelle commença par une espèce de léthargie, qui s'est changée en fièvre continue et en d'autres accidents. Il eut, depuis, l'esprit et la parole assez libres. Il avait toujours appréhendé la mort ; mais, la voyant approcher, il l'a envisagée avec paix et résignation, et il m'a dit, plusieurs fois que je l'ai visité, qu'il ne lui restait aucune impression de sa crainte passée. Il a fini comme il a vécu, dans le bon usage des souffrances, la pratique des vertus, le désir d'honorer Dieu et de consommer ses jours comme N.-S., en l'accomplissement de sa volonté. Il a été l'un des deux premiers qui ont travaillé aux missions, et il a toujours contribué aux autres emplois de la compagnie, à laquelle il a rendu de notables services en toutes les manières, en sorte quelle aurait beaucoup perdu en sa personne si Dieu ne disposait de toutes choses pour le mieux et ne nous faisait trouver notre bien où nous pensons recevoir du dommage. Il y a sujet d’espérer que ce sien serviteur nous sera plus utile au ciel qu'il n'eût été sur la terre. Je vous prie, Monsieur, de lui rendre les devoirs accoutumés.

Lors de son trépas, Mademoiselle Le Gras était aussi à l'extrémité, et nous pensions qu'elle s'en irait devant lui ; mais elle vit encore et se porte mieux, grâces à Dieu, qui n'a pas voulu nous accabler d'une double affliction. Elle est à présent hors de danger.

Je n'ai point reçu de vos lettres depuis la dernière que je vous ai écrite, et ainsi je n'ai autre chose à vous mander.

Nous n'avons rien de nouveau que la publication de la paix générale (1), qui réjouit tout le monde et qui nous

1. Le traité des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659 entre la France et l'Espagne.

 

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fait espérer celle de la Pologne, à laquelle on travaille (2), Plaise à Dieu d'exaucer les prières qu'on lui fait pour cela et pour la conservation et la santé du roi et de la reine, tant nécessaires au bien et au repos de l'Eglise !

Messieurs Alméras et Bécu, qui ont été indisposés, se portent mieux, par la grâce de Dieu ; mais M. Le Soudier, au lieu de guérir de sa longue dysenterie, en devient plus faible et plus malade. Pour moi, je me porte assez bien, à mes jambes près, qui ne me permettent plus de dire la sainte messe et qui m'obligent de me tenir tout le jour assis. Je me recommande à vos prières et à celles de M. Duperroy. Je sens une particulière consolation de penser à vous et à lui, et je prie souvent N.-S. qu'il soit le lien de vos cœurs et la sanctification de vos âmes, qu'il soit votre force dans les travaux et votre gloire dans l'éternité.

Je suis, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Nous attendrons avec patience ce que vous nous manderez à l'égard de ceux que nous vous devons encore.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission de Sainte-Croix, à Varsovie

 

3092. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 5 mars 1660.

Vous me proposez de faire étudier ceux qui ont déjà

2. Les négociations entre la Pologne et la Suède aboutirent, le 13 mai 1660, au traité d'Oliva.

Lettre 3092. - Reg. 2, p. 46.

 

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passé la première année de leur séminaire, afin qu'ils soient plus tôt en état d'être employés. Je pense, Monsieur, qu'il ne faut dispenser personne de leurs deux années de séminaire, pour plusieurs bonnes raisons ; mais, si vous jugez à propos d'envoyer à Gênes tous vos séminaristes français, ou quelques-uns, et qu'eux-mêmes agréent ce changement de maison, je l'approuve volontiers ; ils pourront continuer et achever leur séminaire à Gênes, où ils pourront ensuite passer aux études.

 

3093. - A LOUIS DE CHANDENIER

De Paris, ce 5 mars 1660

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec nous pour jamais !

Je suis en très grande peine de votre santé, qui va diminuant, à ce qu'on me mande. Mon Dieu ! Monsieur, que ferons-nous à cela? Je pense que le meilleur remède est de vous en revenir, car l'air de Rome et la pauvre nourriture que vous y prenez peuvent contribuer à votre indisposition. Venez-vous-en donc, Monsieur ; nous vous attendons avec grand désir et patience. Nous prions Notre-Seigneur qu'il vous donne assez de force pour ce grand voyage et qu'il vous rétablisse en votre premier état, pour les bons services que vous lui pouvez rendre.

Votre procès de Bresse n'est pas encore jugé. J'ai fait porter des factums à nos dames de la Charité, et je les ai priées de solliciter pour vous ; ce qu'elles nous ont fait espérer. Nous attendons M. Guérin de jour à autre pour veiller à cet affaire. Nous devons envoyer deux prêtre pour voir vos juges de votre part. M. le rapporteur té-

Lettre 3093. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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moigne de vous être bien affectionné. Mais, au bout de tout cela, je crains que vous perdrez votre cause ; en ce cas, vous aurez la voie d'appel.

Au nom de Notre-Seigneur, Monsieur, faites tout ce que vous pourrez pour vous bien porter, et Monsieur l'abbé de Moutiers-Saint-Jean aussi, de qui je suis et de vous incomparablement (1), en l'amour de N.-S., Monsieur, très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur l'abbé de Chandenier, à Rome.

 

3094. - A FIRMIN GET, SUPÉRIEUR, A MARSEILLE

Paris, 6 mars 1660.

Monsieur,

Votre dernière lettre de Montpellier me fait espérer que la présente vous trouvera à Marseille, où je vous embrasse en esprit de toute l'effusion de mon cœur. Je vous prie de vous y arrêter et de me faire dire ce que je dois faire vis-à-vis de Mgr de Montpellier pour approuver votre départ et celui de M. Parisy. Je prie pareillement M. Delespiney de remettre le gouvernement de la famille, et vous de le prendre, [supposé] toutefois que vous n'y trouveriez point d'inconvénients, si Mgr de Montpellier venait à le savoir et à penser que vous l'avez quitté exprès, et que, le pensant, il ne trouve à redire que vous vous soyez employé pour une autre affaire que

1. Première rédaction : particulièrement. La correction est de la main du saint.

Lettre 3094. - Pémartin, op. cit., t. IV, p. 548, l. 2016.

 

- 262 -

le gouvernement du séminaire qu'il vous a confié, et sans lui en parler (1).

Vous ferez bien attention, s'il vous plaît, aux avis que j'ai donnés à M Delespiney, lequel vous montrera mes lettres, pour vous y conformer.

Je prie Notre-Seigneur qu'il vous donne la santé et les grâces nécessaires pour correspondre à ses desseins. Je suis, en son amour...

 

3095. - A PIERRE CABEL, SUPÉRIEUR, A SEDAN

De Paris, ce 6 de mars 1660

Monsieur,

La charité de Dieu demeure en vous pour jamais !

Mademoiselle Viole a acquitté les deux cents livres que vous avez tirées sur elle pour les mois de décembre et de janvier, et désire que vous preniez encore pareille somme de 200 livres pour les mois de février et de mars, et que vous fassiez mention, s'il vous plaît ? par la lettre de change que vous en tirerez sur elle, que c'est pour la charité des dames de ces deux mois ici.

Nous avons ici dix écus pour être délivrés à la mère de feu M. Lambin, banquier en cour de Rome, où il mourut l'année passée, qui était de Donchery. Je vous prie, Monsieur, de vous transporter vous-même sur le lieu et de mettre ces 30 livres entre les mains de cette bonne mère, si elle est encore vivante, ou bien de les distribuer aux plus proches parents du défunt qui se trouveront en vie. La personne qui nous a confié cet

1. Les séminaristes de Montpellier furent envoyés les uns à Agde, les autres à Narbonne. Le séminaire diocèsain se rouvrit en 1665, sous la direction des prêtres de l'Oratoire. Les prêtres de la Mission y revinrent en 1844.

Lettre 3095. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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argent a cru le devoir au même défunt, et s'en veut décharger par notre entremise. Vous pourrez, pour votre remboursement, le tirer sur nous et l'ajouter à la lettre de change du premier quartier que vous prendrez. Ce pendant vous me manderez quand, à qui et comment vous aurez fait cette restitution.

Nous ne pourrons pas vous envoyer un prêtre pour vous aider ces fêtes, à mon grand regret. Nous vous avions destiné un clerc, mais il s'est trouvé quelque difficulté en lui. Nous vous l'enverrons, Dieu aidant, soit lui ou un autre.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Cabel.

 

3098. - A PIERRE DE BEAUMONT, SUPÉRIEUR,

A RICHELIEU

De Paris, ce 7 de mars 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu deux de vos lettres, des 21 et 28 février. J'ai fait tenir à M. Le Bret celle que vous lui avez écrite, et en voici la réponse. Pour celle de M. Dehorgny, nous ne lui enverrons pas, parce qu'elle le trouverait parti de Cahors, ou il est et d'où il doit revenir à Paris, pour être ici, Dieu aidant, vers Pâques.

Je loue Dieu de ce que vous êtes revenus de Vertueil (1), tous en bonne santé, et des grâces qu'il vous

Lettre 3096. - L. s. - British Museum, Egerton 19, f° 21, original.

1. Verteuil-sur-Charente, dans l'arrondissement de Ruffec (Charente).

 

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a faites en cette mission-là, et par vous aux habitants. Dieu fasse par sa grande miséricorde que la sainte semence que vous avez jetée dans les cœurs de la bonne et de la fausse religion porte du fruit au centuple pour le temps et pour l'éternité !

Nous avons une fois parlé à Madame la duchesse de Richelieu (2) de votre pavé ; de lui aller encore rebattre la même chose, ce serait l'importuner ; et puis que ferait-elle ? Il n'y a pas d'apparence qu'elle vous décharge de cette dépense, ni vous en fasse décharger. Tout ce que vous pouvez espérer est qu'on vous donne du temps pour la faire. Et ce temps-là, vous le pourrez obtenir, Dieu aidant, en vous adressant à M. le sénéchal (3) et aux autres officiers de la police, et vous offrant de faire paver à présent le plus pressé, savoir l'endroit qui est sur la rue, et les priant d'attendre, pour la partie plus éloignée de la rue et plus proche de votre jardin, jusqu'à ce que Dieu vous donne moyen de la faire payer. Si ; vous ne vous aidez vous-même de delà pour vous faire traiter doucement, il ne faut se promettre ni défense du parlement, parce qu'il les a refusées, ni aucune grâce d'ailleurs que de ceux qui vous demandent.

Outre le prêtre qui vous doit venir de Bretagne pour le séminaire, M. Barry vous doit envoyer un autre postulant du côté de Montauban (4), que vous recevrez, s'il vous plaît. Je saurai de M. Chiroye, qui fait sa retraite, si le diacre de Luçon qui postule est à recevoir ; et en ce cas, j'écrirai à M. Hennin qu'il le vous envoie.

Je penserai au frère coadjuteur que vous demandez,

2. Anne Poussard.

3. Jean Drouin (1654-1668).

4. Gabriel Fugolles, frère coadjuteur, né à Fajolles (Tarn-et-Garonne), entré dans la congrégation de la Mission à Richelieu le 18 juillet 1660, reçu aux vœux au même lieu le 18 octobre 1664.

 

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et s'il s'en trouve céans un qui vous soit propre, dont nous puissions nous passer, nous vous l'enverrons. Je vous prie cependant de supporter le frère Servin et d'en tirer ce que vous pourrez. Je serais bien aise d'en décharger votre maison, si cela se pouvait sans en incommoder une autre.

Nous ne pouvons pas vous laisser M. Tholard, à cause du besoin que nous en avons ici. Je vous prie de nous le renvoyer incontinent après les fêtes de Pâques. Dites-lui que nous aurons une grande joie de le revoir et que je l'embrasse en esprit avec toutes les tendresses de mon cœur, comme je fais aussi toute la famille, particulièrement votre chère âme, que j'offre souvent à Dieu.

Plaise à sa bonté de bénir votre ordination ! Je suis consolé que vous ayez cette occasion de rendre quelque petit service au clergé et à tout le diocèse.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p d. l. M.

 

3097. - A JEAN D'ARANTHON D'ALEX,

ÉVÊQUE DE GENÈVE

Monseigneur,

Ayant appris la grâce que Dieu a faite à son Eglise d'inspirer à Son Altesse Royale le choix de votre personne pour l'évêché de Genève (1), j'en rends grâces à sa divine Majesté, qui a exaucé les souhaits de tant de

Lettre 3097. - Vie de Messire d'Aranthon d'Alex, p. 60.

1. Jean d'Aranthon d'Alex succédait à Charles-Auguste de Sales, mort le 8 février. Son biographe assure (op. cit., p. 19) que saint Vincent lui avait prédit son élévation.

 

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gens de bien qui vous ont demandé à Dieu pour remplir ce siège si considérable, et qui vous a prévenu de grâces convenables à ce divin emploi. Tout misérable que je suis, Monseigneur, depuis que j’ai eu le bonheur de vous voir, il m'est resté une idée de votre chère personne rapportante à celle que j'ai du bienheureux François de Sales, votre prédécesseur, de sorte qu'à peine je me suis ressouvenu de vous, Monseigneur, sans penser à ce grand saint. Je prie Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est l'évêque des évêques et leur parfait exemplaire, qu'il vous donne son double esprit pour la sanctification de votre chère âme et le salut des peuples qu'il a destinés à votre conduite. C'est une bénédiction pour notre petite compagnie de se trouver parmi eux, et à moi, Monseigneur, de vous renouveler les offres de mon obéissance perpétuelle ; ce que je fais avec toutes les tendresses de mon cœur, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre très humble

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

 

3098. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

De Paris, ce 12 mars 1660.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Nous vous avons remis, au mois de décembre der-

Lettre 3098. - L. s. - L'original de cette lettre est exposé dans une des salles de la Société de Saint-Vincent-de-Paul à Paris, rue de Furstemberg, 6. Le post-scriptum est de la main du saint.

 

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nier, 189 livres par lettre de Messieurs Simonnet sur Messieurs Napollon, et vous m'avez même mandé l'avoir reçue, pour l’envoyer en Alger à Edme Guillaume, qui est de Paris. Or j'ai vu dans la liste des esclaves rachetés par le Révérend Père Héron (1) que celui-là est du nombre et que par conséquent il ne faut pas envoyer cet argent en Alger. Mandez-moi si vous l'avez encore, car Madame Anne Guillaume, qui l'a fourni, prétend de le retirer, et a désiré que je vous prie de le garder jusqu'à nouvel ordre et de n’en rien donner à son frère, sous quelque prétexte que ce soit.

Le R. P. provincial de la Merci étant en volonté de satisfaire entièrement le consul d'Alger (2) de l'avanie de huit cents écus qu'il a soufferte au sujet d'un Père de ce saint Ordre qui, en l'année 1657, se déguisa en Alger pour faire quelque rédemption, a désiré que je vous prie de faire ce qui suit :

1° Stipulant pour moi, de recevoir du R. P. Antoine Audoire, commandeur de leur couvent de Marseille, faisant pour le R. P. Auvry, provincial de la Merci, la somme de ... (3), pour tout ce que le sieur Barreau, ou autres ayants cause pour lui, peuvent prétendre pour ladite avanie, laquelle étant de 2 400 livres, comme j'ai dit, et M. Le Vacher en ayant reçu 878 livres en déduction le 22e de mars 1659, il reste à payer 1 522 livres. Néanmoins ledit Père provincial ne parle que de 1 300 livres, ou pour ne savoir pas précisément ce qui reste, ou pour quelque raison que le Père Audoire vous dira. Vous tâcherez d'en tirer ce que vous pourrez jusqu'à ladite somme de 1 522 livres. Néanmoins il ne faudra pas entrer en débat pour peu de chose.

1. Jean Héron, mathurin, supérieur du couvent de Chateaubriant (Loire-Inférieure).

2. Jean Barreau.

3. Le saint n'indique pas la somme.

 

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2° De faire barrer et canceller (4) l’acte dudit jour 22° de mars 1659 passé à Marseille chez Sossin, notaire, entre ledit R. P. Audoire et M. Le Vacher (5), portant quittance desdites 878 livres reçues à compte desdites 2 400 livres, dues et reconnues par ledit R. P. de la Merci.

3° Lorsque vous aurez reçu la somme restante, de faire savoir à notre frère Barreau et à moi comme ces bons Pères de la Merci auront satisfait à tout.

Je n'ai point reçu de vos lettres, ni de M. Get, par le dernier ordinaire, et néanmoins j'en ai reçu de M. Huguier. Je crains qu'il y ait quelque trouble à Marseille ; ce qu'à Dieu ne plaise (6) ! Si M. Get est avec vous, comme je crois, la présente sera, s'il vous plaît, commune entre vous et lui.

Je vous embrasse tous deux et toute la famille avec toute l'affection que je le puis.

Votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p .d .l .M

Si le bruit commun, qu'on aille faire niche à Alger pour retirer les esclaves, est vrai, je vous prie de m'en donner avis, pour, selon cela, disposer de l'argent des aumônes, et si M. Get est à Marseille.

Suscription : A Monsieur Monsieur Delespiney.

4. Canceller, couvrir de barres.

5. Philippe Le Vacher.

6. A la suite de violences commises par le peuple de Marseille sur la personne de La Gouvernelle, lieutenant des gardes du duc de Mercœur, celui-ci avait pris des mesures rigoureuses pour prévenir de nouveaux troubles et punir la ville : blocus du port, occupation militaire de la cité, destitution des consuls, désarmement des habitants, constitution d'une Chambre de justice pour informer contre les fauteurs de troubles, construction d'une citadelle. Le roi entra dans Marseille, le 2 mars, comme dans une ville conquise, à la tête de ses troupes et par un pan de mur abattu. Il en repartit le 8, laissant une garnison de 5 500 hommes. (cf. Augustin Fabre, op. cit., t. II, p. 290 et suiv.).

 

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3099. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

[mars 1660] (1)

Nous eûmes dans l’ordination dernière un gentilhomme espagnol, qui est du diocèse de Placentia, dont l'évêque (2) est présentement, en cette cour, ambassadeur extraordinaire du roi d’Espagne. Ce bon gentilhomme, ayant eu dessein de recevoir les saints ordres, vint avec une grande affection pour assister aux exercices ; mais, ayant entendu les entretiens et reconnu de quelle importance il était de ne se pas ingérer dans les ordres sacrés si on n'y était bien appelé de Dieu, et d'ailleurs ayant aussi considéré les grandes obligations que l’on contractait en recevant les saints ordres, il fut touché d'une grande crainte et ressentit beaucoup de difficulté à se résoudre de les embrasser, ce qu'il fit néanmoins enfin avec de très bonnes dispositions, dont la marque assurée a été le grand changement qui a paru en lui, aussi bien qu'en beaucoup d'autres, après l’ordination.

Au sortir des exercices, il en fit le récit à M. son évêque, qui a désiré nous parler, et, nous ayant fait avertir, nous avons été ce matin chez lui, où nous avons trouvé un prélat plein de zèle, qui a fait quantité de missions dans son diocèse, presque en la même manière que la compagnie, si ce n'est qu'il les fait un peu plus courtes. Il prêche, il confesse et fait lui-même le catéchisme ; mais cette invention de travailler à faire de bons ecclésiastiques le ravit. Il veut venir céans durant la prochaine ordination et demande si. lorsqu'il s'en retournera en Espagne, nous ne lui pourrons pas donner quelqu'un des nôtres, et toujours en attendant, il veut envoyer en son diocèse une instruction de ce que nous faisons en l'ordination, pour commencer à le faire pratiquer.

Lettre 3099. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 240.

1. Saint Vincent répondit à cette lettre le 2 avril.

2. Louis Crespi de Borja, prêtre de l'Oratoire, mort le 12 avril 1663.

 

- 270 -

3100. - A LA SŒUR CHARLOTTE ROYER, SUPÉRIEURE,

A RICHELIEU (1)

Paris, ce 16 de mars 1660.

Ma chère Sœur,

Il a plu à Dieu de disposer de Monsieur Portail, il y a environ un mois, et hier de Mademoiselle Le Gras. Ces nouvelles vous surprendront d'abord. J'espère que ; voyant le bon plaisir de Dieu là dedans, vous vous y conformerez et que vous ferez comme nos sœurs de deçà, qui ont édifié un chacun par la paix et l'union qu'elles ont [fait] (2) paraître en ces accidents. Faites-le donc, ma chère Sœur, et priez Dieu pour ces deux défunts ; appliquez, s'il vous plaît, vos premières communions à leur intention et à ce qu'il plaise à Dieu d'être lui-même la conduite de votre petite compagnie. Renouvelez, en cette occasion, le bon propos que vous avez fait en y entrant, d'y vivre et d'y mourir en vraies Filles de la Charité. Continuez pour cela vos bons exercices. L'on n'a rien changé au gouvernement ; les mêmes sœurs que notre défunte avait mises pour lui servir de conseil, sont continuées jusqu'à ce qu'on en élise une à la place de la même défunte, laquelle sera demain enterrée en l'église de Saint-Laurent, auprès de nos chères sœurs défuntes, et avec les mêmes cérémonies qu'on a observées aux enterrements de chacune d'icelles (3) seulement.

Lettre 3100. - L. s. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Cette même lettre fut envoyée à Jeanne Lacroix, supérieure à Châteaudun, et probablement aux supérieures des autres maisons.

2. Mot omis dans l'original.

3. Le corps de Louise de Marillac fut déposé dans l'église Saint-Laurent, sous la chapelle de la Visitation, d'où il fut retiré en 1755 pour être porté dans la chapelle de la maison-mère. Il passa de là, rue des Maçons-Sorbonne pendant la révolution, rue du Vieux-Colombier sous le consulat, et sous la Restauration rue du Bac, où il est encore.

 

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Vivez donc en paix, en attendant que vous ayez de nos nouvelles, et donnez avis de ceci aux sœurs qui sont avec vous et aux environs, s'il y en a.

Je suis de toutes et de vous particulièrement, en l'amour de N.-S., ma Sœur, très affectionné frère et serviteur

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

suscription : A ma sœur la sœur Charlotte, Fille de la Charité, servante des pauvres malades de Richelieu, à Richelieu.

 

3101. - AU CHANOINE JEAN DE SAINT-MARTIN (1), A DAX

18 mars 1660.

Monsieur,

Je vous conjure, par toutes les grâces qu'il a plu à Dieu de vous faire, de me faire celle de m'envoyer cette misérable lettre qui fait mention de la Turquie ; je parle de celle que M. d'Agès (2) a trouvée parmi les papiers de M. son père. Je vous prie derechef, par les entrailles de Jésus-Christ Notre-Seigneur, de me faire au plus tôt la grâce que je vous demande (3)

Lettre 3101. - Collet, op. cit., t.I, p. 22.

1. Jean de Saint-Martin, docteur en théologie, secrétaire éppiscopal en 1640, chanoine en 1643, official de Dax en 1644 ; il vivait encore en 1672. Ce fut sur les mémoires de Jean de Saint-Martin qu'Abelly composa les premiers chapitres de la vie de saint Vincent.

2. M. de saint-Martin d'Agès, neveu du chanoine de Saint-Martin.

3. Collet écrit qu'à la suite de cette lettre, le chanoine de Saint-Martin aurait envoyé le précieux document à Jean Watebled, supérieur des Bons-Enfants. Il se trompe. L'original de la lettre sur la captivité était à Saint-Lazare depuis le mois d'août 1658. (Voir l'appendice 1).

 

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3102. - AUX SUPÉRIEURES DES MAISONS DE LA VISITATION
DE PARIS, DE CHAILLOT ET DE SAINT-DENIS

18 mars 1660

Vincent de Paul prévient les quatre religieuses que ses infirmités l'obligent à donner sa démission de supérieur de leurs monastères. Il souhaite que son successeur répare les nombreuses fautes qu’il a lui-même commises depuis le jour où François de Sales lui a fait obtenir cet emploi (1)

 

3103. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 19 mars 1660

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

La dernière que j'ai reçue de vous est du 30 janvier ; il y a 13 ou 14 jours que je l'ai reçue. Elle est au sujet de nos deux frères polonais (1), lesquels vous n'êtes pas d'avis que nous envoyions de delà, que premièrement ils n'aient fait les vœux et ne soient tout à fait formés à nos fonctions. Je pense que vous avez raison. Nous les observerons pendant leur séminaire, et puis nous verrons ; cependant nous attendons leurs extraits baptistaires, que vous nous faites espérer.

Dieu bénisse, s'il lui plaît, les armes du roi contre les Moscovites et le traité de paix avec les Suédois ! C'est la prière que nous lui faisons tous.

Lettre 3102. - Collet, op. cit., t. II, p. 76.

1. L'archevêché de Paris refusa cette démission.

Lettre 3103. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

1. Nicolas Blotowski, né à Jardowska, diocèse de Posen, le 31 mars 1631, entré dans la congrégation de la Mission le 14 mai 1659, reçu aux vœux le 22 mai 1661 ; et Charles Blotowski, né à Iosdowa, diocèse de Posen, le 23 octobre 1635, entré dans la congrégation de la Mission le 16 novembre 1659, reçu aux vœux le 21 mai 1661. Tous deux étaient clercs.

 

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Voici une lettre pour M. Duperroy, que j'embrasse très cordialement, et une autre pour la sœur Marguerite qui affligera ces pauvres Filles de la Charité. Il a plu à Dieu de disposer de Mademoiselle Le Gras. Je vous prie de les préparer à cette fâcheuse nouvelle et de les aider à porter la peine de cette perte. Je recommande à vos prières l'âme de cette défunte et la mienne aussi, qui chérit tendrement la vôtre. Nous n'avons autre chose de nouveau.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page :. M Desdames.

 

3104. - A LA SŒUR NICOLE HARAN

De Paris, ce 20 de mars 1660.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous ai annoncé par le dernier ordinaire une triste nouvelle, à savoir la perte que nous avons faite de Mademoiselle Le Gras. Il en faut louer Dieu et espérer qu'il vous tiendra lieu de père et de mère.

J'ai vu la dernière lettre que vous avez écrite à la défunte, où vous demandez deux sœurs. Il est bien juste de vous secourir, et nous tâcherons de le faire, Dieu aidant, au plus tôt. Il est vrai que Messieurs les pères ont demandé une fille et se défendent de deux, disant

2. Marguerite Moreau.

Lettre 3104. - L. s. - Original à Amiens, chez M. le curé de sainte-Anne.

 

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que l'hôpital est trop pauvre. Nous tâcherons de leur faire trouver bon qu'on vous en envoie deux et qu'ils ne vous donnent point des femmes de la ville pour vous aider, puisque cela est contre ce qui a été convenu et qu'elles vous sont plutôt à charge qu'à soulagement. Nous n'avons pas encore eu le temps de nous reconnaître depuis notre affliction pour penser aux besoins de votre petite compagnie. Je vous prie de nous donner un peu de loisir pour remédier aux vôtres, et de faire cependant comme vous pourrez. Si vous travaillez et souffrez avec patience, vos œuvres seront parfaites, à ce que dit un apôtre. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous donne cette vertu et qu'il vous fortifie en vos accablements.

Je salue toutes nos sœurs et je me recommande à leurs prières et aux vôtres.

Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, ma chère Sœur, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A ma sœur la sœur Nicole Haran, Fille de la Charité, servante des pauvres malades de l'hôpital de Nantes, à Nantes.

 

3105. - A LOUIS DUPONT, SUPÉRIEUR, A TRÉGUIER

Du 24 mars 1660.

Ce qui m'afflige supra modum est que la charité semble lésée en votre maison ; je veux croire pourtant que cette lésion n'est pas dans les cœurs, mais seulement en l'extérieur. Je vous prie, Monsieur, de me mander ce

Lettre 3105. - Reg. 2, p. 193.

 

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qui en est, et de faire, de votre côté, tout ce qui se pourra pour la réunion des esprits et d'en être vous-même comme le ciment. Je prie à cet effet le Saint-Esprit, qui n'est qu’amour et qui est le sacré lien du Père et du Fils, qu'il soit l'âme de votre conduite et la suavité de vos paroles et de vos actions.

 

3106. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR , A ROME ,

A SAINT VINCENT

[Mars 1660] (1) ]

Les ordinands que nous eûmes au commencement du carême et ceux que nous avons présentement sont si exacts à tous les exercices et les font avec tant de dévotion, que nous en sommes étonnés. Je puis dire que, pour ce qui regarde la modestie et le silence. il me semble qu'il n’y a rien ou bien peu à désirer davantage ; et par cela Notre-Seigneur veut nous faire connaître sensiblement que c'est lui seul, qui est l'auteur de tous ces biens-là.

 

3107. - A MICHEL CASET, SUPÉRIEUR, A TOUL

Samedi saint (1) 1660.

Mademoiselle Le Gras décéda le 15 de ce mois. Je recommande son âme à vos prières, quoique peut-être elle n'ait pas besoin de ce secours, car nous avons grand sujet de croire qu'elle jouit maintenant de la gloire promise à ceux qui servent Dieu et les pauvres de la manière qu'elle a fait.

Lettre 3106. - Abelly, op. cit., l. II, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 240.

1. La retraite d'ordination dont parle cette lettre semble être la seconde du carême ; lapremière se donnait le 16 février.

Lettre 3107. - Collet, op. cit., t. II, p. 76, en note.

1. 27 mars.

 

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3108. - A MADAME MARIE GIRARDIN, A TROYES

Paris, la veille de Pâques, 27 mars 1660

Madame,

M. Dupuich m'ayant fait savoir que vous avez encore donné huit cents livres à rente viagère à notre pauvre maison de Troyes, et que vous vous contentez de quarante livres chaque année pour cette rente, je me trouve obligé, Madame, de vous faire un très humble remerciement de cette grande charité, comme je fais avec toute l'humilité et la reconnaissance qui me sont possibles. Mais, comme je ne suis pas digne de reconnaître un tel bienfait, je prie Notre-Seigneur, pour l'amour duquel vous nous le faites, qu'il en soit votre récompense. C'est une prière que nous serons toujours obligés de lui faire, et tout ensemble nous aurons l'obligation de vous servir quand il plaira à sa divine bonté de nous en donner les occasions. Pour mon particulier, Madame, je le ferai toute ma vie avec grande affection. Nous vous payerons aussi exactement votre rente pendant votre vie, laquelle je prie Dieu qu'il prolonge pour longues années. Je ratifie volontiers la promesse que M. Dupuich vous en a faite, et je consens que cette lettre y soit jointe pour votre sûreté et même, Madame, si vous en désirez une déclaration plus authentique, je la vous enverrai. Une bonté si effective que la vôtre me fait souhaiter de vous complaire et de vous obéir en toutes choses, étant, comme je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

Lettre 3108. - Pémartin, op. cit., t. IV, p. 554, l. 2023.

 

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3109. - A LA SŒUR JEANNE LACROIX, SUPÉRIEURE,

A CHATEAUDUN

Paris, la veille de Pâques (1) 1660

Ma chère Sœur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

On nous a envoyé du Mans quatre louis d'or pour vous, provenant d'une rente de quatre années, avec une copie du contrat de constitution ; je le, ai fait mettre entre les mains de notre sœur Jeanne Gressier (2), à qui vous ferez savoir ce que vous voulez qu'elle en fasse ; et à moi vous m'enverrez la quittance, écrite et signée de votre main, conformément au modèle que je vous envoie, pour l'envoyer à notre frère Jean Proust (3) au Mans, lequel a donné une quittance à ceux qui lui ont donné cet argent, afin que, leur donnant la vôtre, il retire la sienne.

Je vous ai écrit, ces jours passés, sur la perte que nous avons faite de Mademoiselle Le Gras. La petite compagnie continue de bien aller, Dieu merci. Les sœurs de deçà sont bien soumises au bon plaisir de Dieu en cette fâcheuse séparation, et elles sont pleines de confiance à Notre-Seigneur, qui leur tiendra lieu de père et de mère, et là-dessus s'affectionnent à leur vocation, à leurs emplois et à la pratique des vertus ; en quoi elles édifient un chacun. Je ne doute pas, ma chère Sœur, que vous et nos chères sœurs qui sont avec vous ne fassiez le même. Il y a sujet d'espérer que la chère

Lettre 3109. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 651. (Arch. des Filles de la Charité).

1. 27 mars.

2. Première assistante de la communauté.

3. Procureur de la maison du Mans.

 

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défunte, qui est maintenant devant Dieu, vous obtiendra de sa bonté infinie un surcroît de grâces et de bénédictions, pour vous perfectionner de plus en plus.

Je suis...

 

3110. - A LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

Du saint jour de Pâques (1)1660

Vous avez bien fait de garder le logis et d'envoyer M. Bréant en mission ; il est expédient que les missionnaires, qui ont divers emplois, passent de temps en temps de l'un à l'autre, pour se former à tous et n'en omettre aucun. Je loue Dieu de ce que, encore que votre inclination particulière soit pour les exercices de la campagne, vous ne laissez pas de contribuer à ceux de la maison et de procurer de tout votre pouvoir l'avancement du séminaire.

 

3111. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 2 d’avril 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je ne vous écris que pour vous dire que j'ai reçu la vôtre du 22 février, qui ne requiert point d'autre réponse, et pour remercier Dieu, comme je fais, de votre bonne disposition et de celle de M. Duperroy. Je prie N.-S. qu'il vous continue ses bénédictions spirituelles et temporelles, et qu'en vous tenant toujours séparés des créatures visibles, vous viviez d'une vie toute nouvelle et toute divine en Jésus-Christ ressuscité. Demandez-lui

Lettre 3110. - Reg. 2, p. 36.

1. 28 mars.

Lettre 3111. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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cette grâce pour nous tous, afin que nous soupirions et aspirions sans cesse après les choses d'en haut, et que nous y marchions par les œuvres de notre vocation, pour en attirer d'autres avec nous au ciel.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà. Chacun se porte assez bien, et tout va de même, grâces à Dieu, en qui je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission, à Sainte-Croix, à Varsovie.

 

3112. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 2 avril 1660.

 

...Quant à ce bon prélat, ambassadeur du roi d'Espagne, il faut bénir Dieu des sentiments qu’il lui donne de cet emploi des ordinands, et du zèle qu'il a pour les missions. Mais, au nom de Dieu, Monsieur, ne faites aucune avance pour nous faire rechercher ; et quelque désir qu'il vous témoigne d'avoir de nos prêtres, ne lui en donnez pas l'espérance. Ne lui ôtez pas aussi cette affection, mais recevez ce qu'il vous en dira avec respect et remerciement, sans vous engager à favoriser son dessein. Ne lui donnez pas même les mémoires qu'il vous a demandés, que le plus tard que vous pourrez, car, s'il venait à se piquer d'avoir des missionnaires, nous serions fort empêchés de lui en fournir de bien propres pour ce royaume-là ; et d'ailleurs nous devons nous don-

Lettre 3112. - Reg. 2, p. 249.

 

- 280 -

ner de garde de nous pousser par nous-mêmes aux lieux et aux emplois où nous ne sommes pas.

 

3113. - A LA SŒUR MATHURINE GUÉRIN,

A LA FÈRE

Paris, 3 avril 1660.

Ma chère Sœur,

J'ai reçu, ma chère Sœur, ce paquet de lettres de votre pays. J'en ai ouvert quelques-unes pour voir s'il n'y avait point quelque chose pressée.

Tout est en paix de deçà ; nos sœurs y sont à édification ; elles contentent les dames, grâces à Dieu, par l’union qui paraît entr'elles, par leurs soins et leur bonne conduite. Continuez à prier Dieu pour elles et pour moi, qui ne puis les voir, ni leur parler, à cause de mes mauvaises jambes, qui me font garder la chambre, quoique, à cela près, je me porte assez bien.

J'ai été consolé de votre lettre, voyant le bon usage que vous avez fait de notre perte commune, en vous appuyant sur Notre-Seigneur seul, en qui vous trouvez tout ce qu'il vous ôte et tout ce que vous pouvez désirer. Dieu soit loué, ma Sœur, de ce qu'il est l'unique fondement de votre espérance ! Aussi est-ce lui qui vous a appelée pour vivre de sa vie et pour entrer dans ses opérations par l'exercice de la charité. Ayez-le donc toujours en vue, ma Sœur, pour former vos œuvres sur ses intentions et tout votre intérieur sur ses exemples.

Vous me pouvez écrire les difficultés de vos emplois que vous dites m'avoir déjà proposées et n'en avoir pas reçu la résolution. Je tâcherai de vous donner la mienne, qui suis, en l'amour de Notre-Seigneur...

Lettre 3113. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 652. (Arch. des Filles de la Charité).

 

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3114. - A PIERRE DE BEAUMONT, SUPÉRIEUR,

A RICHELIEU

Du 4 avril 1660.

]'ai reçu beaucoup de consolation de ce que vos ordinands se sont retirés contents et bien édifiés, et de la satisfaction que Monseigneur de Poitiers (1) vous en a témoignée. S'il désire que les exercices de l'ordination se fassent à Poitiers, et même le séminaire, il pensera, s'il lui plaît, aux moyens.

Vous auriez bien fait de ne vous engager pas à vous entremettre pour avoir le collège de Picariaux, parce qu'il ne convient pas que nous en fassions les avances : cette petite compagnie a pour maxime de ne pas rechercher aucun établissement et de ne pas y contribuer, afin de ne nous pas introduire nous-mêmes et que ce soit sa providence qui nous mette aux lieux où nous sommes ; et en effet nous sommes dans cette pratique.

 

3115. - MADAME LE VAYER (1) A SAINT VINCENT

Ce 10 avril 1660.

Vive Jésus !

Monsieur,

Comme je sais que vous aimez à exercer votre charité, aussi je prends la liberté de vous donner l'occasion d'en produire un grand effet en mettent en repos le conscience d'une personne de qualité, qui se soumet entièrement à votre sentiment, que je vous supplie de donner sur une difficulté qui lui fait peine, pour laquelle concevoir vous aurez la bonté et la patience

Lettre 3114. - Reg. 2, p. 55.

1. Gilbert de Clerambault de Palluau (1659-1680).

Lettre 3115. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Renée Le Boindre, veuve de René Le Vayer, lieutenant général du Mans, maître des requêtes d'Anne d'Autriche.

 

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d'entendre le rapport que je vous en désire faire selon que j'en ai la connaissance et suivant l’instruction que j'en ai reçue. C'est donc une dame considérable pour sa naissance et qui est en estime de vertu et piété, âgée de trente-neuf ans, veuve depuis dix ou onze ans, qui a quitté les compagnies du monde pour s'employer aux exercices de charité et de piété ; en quoi elle est exemplaire à tout le pays. Elle s'est même retirée de la compagnie de Messieurs ses parents, qu'elle ne voit que rarement. .Sa plus grande consolation depuis six à sept ans est d'un confesseur et directeur, âgé de trente et cinq ans, sous lequel elle a profité et duquel elle a conçu une grande estime pour sa vertu et mérites, par ce qu'il est homme fort retiré du monde, beaucoup spirituel, savent et de bon exemple et qui vit conformément à son état ecclésiastique, autant qu'on peut le décrire, qui a un grand soin de sa conscience, qui ne lui souffre aucune imperfection et la conduit toujours par ce qui est le plus parfait, et de plus veille sur la conduite de ses enfants, dont l'aîné demeure chez lui, avec grand profit pour la science et pour les mœurs Tout ce qui est la cause qu'elle aime fort tendrement ce directeur et qu'elle a une grande confiance en lui.

Ce qui lui fait peine est qu'elle craint que cette amitié si tendre et qui est réciproque ne blesse sa conscience et n'empêche sa perfection, par ce qu'elle y remarque quelque chose de trop libre depuis un an... (2) Cela lui fait de la peine d'aimer une personne si tendrement ; et de plus, c'est qu'elle a fait souvent des résolutions de se corriger de ces faiblesses, sur le reproche de sa conscience et cependant elle n'a pas été fidèle à fuir les occasions, ou à se retenir dans le particulier de la conversation, quoique pourtant elle ne sent point la passion violente, mais seulement une simple inclination à le voir et s'entretenir avec lui.

Elle a parlé de cela à un prédicateur à ces Pâques. Il lui a conseillé de quitter son directeur, croyant que Dieu demandait cela d'elle. Elle ne sait ce qu'elle doit faire. Son directeur lui promet de ne jamais la toucher et de la conduire avec plus de fermeté. Elle craint sa propre faiblesse, connaissent qu'elle a manqué à ses résolutions. Son directeur lui dit pour l'assurer, que le prédicateur n'y a pas trouvé de péché et qu'il connaît sa simplicité et sincérité et qu'elle ne craigne point pour l'avenir, par ce qu’il est résolu et lui promet de ne

2. Les détails qui suivent ces mots sur l'original sont d'ordre trop délicat pour que nous les insérions ici.

On peut lire le passage manquant à la fin de ce tome VIII. Ce complément, provenant de l’original de Turin, est dû au Père Roberto LAVERA Prêtre de la Mission à Turin. mai 1999 (Cl. L.)

 

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lui parler qu’en l'église, ou en présence de personnes ; que s’il arrive autrement, elle le quittera. il lui remontre qu'il lui est utile de demeurer dans la même conduite, parce qu’un autre ne connaîtra que difficilement l'état de sa conscience. Elle voit bien, ou il lui semble qu'il lui est utile en beaucoup de choses de ne changer pas de conduite, ne connaissent aucune personne qui lui fût propre ; et elle craint, et avec raison, d'être à elle-même.

Pour ce qui est de son directeur, elle sait qu’il est homme très pur, qu'il n'a jamais voulu confesser ni diriger une femme en laquelle il avait remarqué une attache mauvaise à sa personne. De plus, elle n'a jamais rien remarqué, soit au confessionnal, soit dehors, qui ne soit saint et d'un conseil qui tend au plus parfait (et de plus, pour ce qui est de la confession, elle n'a jamais ressenti d'émotion des sens ni tendresse, n'ayant vue que de se confesser qu'à Dieu en sa personne).

Néanmoins, ce que le prédicateur lui a dit et conseillé la retient en scrupule ; quoiqu’elle ait quelque peu de défiance du coté du conseil, perce qu'il n'a pas dit la même chose, ni donné le même avis à son directeur, qui le priait instamment de lui dire son sentiment pour le suivre et en profiter de son coté ; car il est, comme elle croit, ,homme simple et droit, et qui désire suivre le bien, et qui a, en ce rencontre de véritables sentiments de douter de sa faiblesse et qui désire avec affection d'y apporter remède, car il aime Dieu et le cherche, et il n'y a point de malice. Il est à remarquer qu'il connaît le naturel de cette dame, lequel est un peu fort et qui tend à la dureté et l'insensibilité, lequel défaut est un obstacle au bien qu'elle peut faire. Il lui a laissé ses tendresses pour amollir cette dureté, et ce d'autant plus librement qu'il en connaît l'innocence et la simplicité.

Voilà, Monsieur, le sujet que j'ai âme donner l'honneur de vous écrire, pour vous supplier très humblement de faire la charité à cette dame de lui mettre la conscience en repos, en mandant votre sentiment, auquel elle désire s'arrêter, et se soumet avec confiance, pour l'estime qu'elle a de votre vertu.

Si votre jugement porte qu'elle doit prendre une autre personne pour la conduire, j'ai, en ce cas, encore une demande à vous faire, et à vous faire remarquer que ce directeur est curé de le paroisse où demeure cette dame et qu'il conduit plusieurs personnes de sa paroisse, où il y a personnes de qualité. Il fait même beaucoup de fruit au confessionnal, de sorte qu’elle craint que, comme elle est des plus considérables, elle fasse tort è se réputation et indispose les autres à

 

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recevoir le bien de se conduite et n’oblige a faire quelque jugement au préjudice de son innocence.

Elle vous demande donc, Monsieur, si elle peut aller quelquefois à confesse à lui de temps en temps, afin d'ôter toute occasion de parler. Elle attendra donc la résolution que vous lui donnerez, avec patience, vous suppliant, Monsieur, très humblement de ne la négliger pas.

Je vous demande pardon de vous obliger à lire une si longue lettre ; mais je juge que cette personne n'eut pas été en repos si je ne vous eusse dit le particulier de sa peine. Derechef je vous prie de me pardonner, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et croire que je suis avec tout respect, Monsieur votre très humble et très obéissante et obligée servante.

R. LE BOINDRE,
veuve de feu
M . le lieutenant général du Mans.

Si vous me faites l'honneur de m'écrire, comme je vous en supplie derechef, vous me ferez le grâce de me faire tenir votre lettre par les Pères de la Mission et leur recommander que le lettre me soit rendue sûrement.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des Prêtres de le Mission, à St-Lazare, à Paris.

 

3116. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

16 avril 1660.

Nous devons recevoir les avis de Monseigneur le cardinal Durazzo comme des ordres du ciel, et faire, sans hésiter, tout ce qu'il commande. La bienveillance dont il honore la compagnie est une grande bénédiction pour elle, par laquelle Dieu nous fait souvent ressentir les effets de son adorable bonté. Mais ce que j'admire le plus et dont je ne puis assez remercier Notre-Seigneur, ni ce saint cardinal, est qu'il daigne entrer dans le particulier de nos petites affaires et prendre part aux moindres choses comme aux plus importantes.

Lettre 3116. - Reg. 2, p. 253.

 

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3117. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

[Avril ou mai 1660] (1)

Pour M. l'évêque de Placentia, ambassadeur d'Espagne (2), Dieu nous a fait la grâce, selon votre désir, Monsieur, de ne point retourner chez lui depuis qu'il nous fit prier d'y aller pour avoir les mémoires de l'ordination. Et selon votre ordre, nous ne ferons rien en cela, ni en aucune autre chose, Dieu aidant, pour chercher de l’emploi, ou pour nous pousser de nous-mêmes, et même, si on nous en pressait, nous remettrions toujours le tout à votre réponse et résolution, comme nous ne pouvons point faire autrement.

 

3118. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

30 avril 1660.

Peu à peu on vient à bout de tout, et rien ne doit rebuter un ouvrier évangélique de l'exercice des vertus propres à son état et de la prétention d'avancer en tout et partout la gloire de son maître.

 

3119. - A LA SŒUR MATHURINE GUÉRIN,

FILLE DE LA CHARITÉ, A LA FÈRE

1er mai 1660.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous prie, la présente reçue, de vous disposer à

Lettre 3117. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 241.

1. Cette lettre répond à la lettre 3112, qui est du 12 avril.

2. Louis Crespi de Borja.

Lettre 3118. - Manuscrit de Marseille.

Lettre 3119. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 499. (Arch. des Filles de la Charité).

 

- 286 -

vous en venir par le premier coche ; il se présente un établissement considérable à faire en Bretagne (1), pour lequel nous avons besoin de vous. Donnez les avis que vous jugerez à propos à notre sœur qui est avec vous, afin qu'elle soutienne les choses, en attendant que nous lui ayons envoyé une compagne ; ce qui se fera bientôt après votre arrivée, Dieu aidant. Recommandez-moi bien à ses prières, comme je me recommande aux vôtres. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous continue sa protection et ses grâces.

Je suis...

 

3120. - A PIERRE DE BEAUMONT, SUPÉRIEUR,

A RICHELIEU

De Paris, ce 2 mai 1660

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu trois ou quatre de vos lettres, dont la dernière est du 21 avril. Je suis bien aise que vous ayez reçu le frère Labeille (1) et qu'il soit disposé à bien faire Dieu lui en fasse la grâce !

Pour notre frère Servin, si vous avez occasion de l'envoyer à Saint-Méen, à la bonne heure, faites-le ; mais avertissez-le auparavant qu'il se corrige de tels et tels défauts que vous avez remarqués en lui, qu'il en demande la grâce à Dieu et qu'il y fasse attention.

Dieu soit loué de ce que vous avez reçu au séminaire M. Lorfebvre (2) et le clerc hibernois adressé par M. Barry

1. L'hôpital de Belle-isle.

Lettre 3120. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Philippe Labeille, frère coadjuteur, né à Luçon, entré dans la congrégation de la Mission le 30 mars 1644 à l'âge de vingt-cinq ans, reçu aux vœux le 27 mai 1647.

2. Ce nom ne se trouve pas dans le catalogue du personnel.

 

- 287 -

et de ce que tous deux se prennent de la bonne façon aux exercices du séminaire !

Nous avons plus de frères qu'il ne nous en faut, et ne pouvons recevoir pour le présent ce jeune apothicaire dont vous me parlez ; c'est pourquoi je vous prie de le remettre à un autre temps.

J'ai fait tenir votre lettre à M. Le Bret. Je ferai attention, Dieu aidant, à ce que M. Tholard m'a dit de votre part, et j'espère que vous en verrez les effets en peu de temps.

Nous suivrons votre avis au sujet des Filles de la Charité ; pour le moins nous en ferons venir deux et vous en enverrons une bientôt, Dieu aidant.

Nous sommes en la même peine que vous, d'avoir des prêtres au séminaire pour les dresser à la prédication. Nous n'en avons qu'un, qui n'est pas propre à cela.

J'ai fait tenir à M. Serre la lettre que vous lui avez écrite, et non pas à M. Duporzo celle que M. de Lestang (3) lui a adressée. Je l'ai retenue, parce qu'elle le persuade d'entrer en la compagnie et que nous avons une maxime contraire, qui est de ne solliciter jamais personne d'embrasser notre état. Il n'appartient qu'à Dieu de choisir ceux qu'il y veut appeler, et nous sommes assurés qu'un missionnaire donné de sa main paternelle fera lui seul plus de bien que beaucoup d'autres qui n'auraient pas une pure vocation. C'est à nous à le prier qu'il envoie de bons ouvriers en sa moisson et à vivre si bien que nous leur donnions par nos exemples plutôt de l'attrait que du dégoût pour travailler avec nous.

3. Jean de Lestang, né au diocèse de Poitiers le 28 octobre 1632, entré prêtre dans la congrégation de la Mission à Richelieu le 24 juin 1658, reçu aux vœux le 10 juillet 1660.

 

- 288 -

Je suis, en l'amour de N.-S. ., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. de Beaumont.

 

3121. - THOMAS BERTHE,PRÊTRE DE LA MISSION,

A SAINT VINCENT

[ Chambéry, 4 mai 1660]

Je vous ai mandé la maladie et le danger où était M. de Chandenier, abbé de Tournus ; maintenant je vous dirai, Monsieur, qu'il a plu à Dieu de l’appeler à soi hier troisième de mai, sur les cinq heures du soir (1) Il a fait une fin semblable à sa vie, je veux dire toute sainte. Je vous en manderai une autre fois les particularités, étant trop occupé à présent. Je vous dirai seulement, Monsieur, qu'il, m'a tant pressé, et plusieurs fois en différents jours, de le recevoir au nombre des missionnaires et de lui donner la consolation de mourir comme membre du corps de la congrégation de la Mission, en laquelle il avait dessein d'entrer, que je n'ai pu lui refuser cela, ni de lui donner la soutane de missionnaire laquelle il reçut en présence de M l'abbé de .Moutiers-Saint-Jean, son frère

 

3122. - A LOUIS RIVET, SUPÉRIEUR, A SAINTES

Du 9 de mai 1660.

Vous êtes en peine de ce que vous avez à faire et à dire en cas que le roi aille chez vous. Je ne pense pas que cet honneur vous arrive (1) ; néanmoins vous pourrez

Lettre 3121. - Abelly, op. cit., l. 1, chap. XLIX, 1re éd., p. 241.

1. Louis de Chandenier avait commis l'imprudence de quitter Rome malgré les frissons de la fièvre. Les fatigues du voyage l'achevèrent.

Lettre 3122. - Reg. 2, p. 115.

1. Saintes reçut la visite, non du roi, mais de sa jeune épouse.

 

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savoir de M. de Saint-Jean, chapelain ordinaire de la reine-mère, qui est de nos bons amis, ou de quelqu'un des aumôniers du roi qui vont devant Sa Majesté et qui arriveront à Saintes avant elle, la manière dont on a coutume de la recevoir en une maison particulière comme la vôtre, où l'on ne fait point de harangue, ce me semble. Toutefois, si on vous conseille de lui en faire, je vous envoie une copie du projet de celle que j'envoie à Richelieu, où la cour pourra passer et aller à la paroisse, laquelle étant desservie par nos prêtres, ils seront par conséquent obligés d'accueillir Leurs Majestés avec cérémonie et de leur parler. Vous pourrez prendre sur ce modèle ce qui vous pourra convenir et tâcher de dire courtement et posément ce que vous direz.

Nous avons céans plusieurs prélats et beaucoup de monde à l'occasion de Monseigneur de Chalon-sur-Saône (2) qui a été sacré ce matin dans notre église, où Monseigneur d'Oléron (3) le fut aussi dernièrement.

 

3123. - A CLAUDE LE PELLETIER (1)

[En 1655 ou après] (2)

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

2. Jean de Maupeou.

3. Arnaud-François de Maytie (1659-1682).

Lettre 3123. - Reg. 1, f° 7, copie prise sur l'original autographe.

1. Claude Le Pelletier, né à Paris en 1630, prévôt des marchands en 1668, conseiller d'Etat, puis successeur de Colbert au ministère des finances, surintendant des postes en 1691, mort à Paris le 10 août 1711. (cf. Claudii Peleteri... vita, par Jean Boivin, Paris, 1716, in-4°) Il vit souvent saint Vincent au Louvre, admira sa prudence, constata l'estime dont il jouissait à la Cour et en rendit un témoignage flatteur devant le tribunal chargé de faire l'enquête canonique pour le procès de béatification.

2. Voir note 3.

 

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Je rougis de honte de ce qu'il y a deux ans que vous avez commandé qu'on reçût une pauvre vieille femme dans le petit hôpital du Nom-de-Jésus (3). Je suis si misérable que je l'ai oublié. Je vous en demande pardon, et cela très humblement et avec toute l'affection que je le puis. La place qui vaque à présent est par la mort d'un homme que M. l'abbé Brisacier y avait mis au sujet d'une fondation qu'un de Messieurs ses frères avait faite de l'entretien de six personnes pauvres et que mondit sieur abbé avait eu pensée de faire dans ce petit hôpital ; mais le fondateur d'icelui ne l'a pas trouvé bon et m'a commandé de nous défaire de ces personnes-là ; et j'ai charge de lui en donner avis et de lui dire qu'il retire les trois autres pauvres qui restent. Selon cela, il ne reste point de place ; mais je vous prie, avec toutes les affections de mon cœur, de ne laisser pas de nous envoyer cette bonne femme. Et n'importe de dire qu'elle sera surnuméraire ; il vaquera bientôt une place ; nous lui donnerons, et cela de bon cœur. Je vous supplie donc, Monsieur, de l'envoyer au plus tôt et de croire que je suis, en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère, Monsieur, votre très humble serviteur et très obéissant.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3124. - EDME JOLLY SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

Mai 1960

Je crois devoir vous donner avis, Monsieur de quelque

3. Fondé au mois de mars de l'année 1653.

Lettre 3124. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 242.

 

- 291 -

opposition qui s’est faite depuis peu de temps à la continuation des exercices de l'ordination. Premièrement il y a quelque temps que monsieur le cardinal vicaire me fit l'honneur de me dire qu'une autre communauté avait demandé de faire ces exercices et qu'on lui envoyât les ordinands, et non point è nous ce que Son Eminence leur avait absolument refusé J'avais déjà été averti par quelqu'autre personne de cette sollicitation, qui m'avait aussi déclaré quelle était cette communauté. En second lieu on m'a encore donné avis que dans le dernier examen qui se fit pour les ordres sacrés, le Révérend Père... avait dit que puisqu'il se présentait quantité de personnes de condition pour recevoir les ordres à Rome, l'on ne pouvait pas continuer à les obliger d'aller aux exercices de la .Mission et qu'on en parlerait au Pape. Or j'ai su qu'on lui en a parlé et qu’on a fait ce qu'on a pu pour lui persuader de ne plus obliger les ordinands à venir céans, et que Sa Sainteté, qui était fort bien informée de ce qui se faisait dans les exercices des ordinands, n’avait point voulu avoir égard à toutes ces remontrances et était demeurée ferme dans ses premières résolutions. Voilà, .Monsieur, comme nous avons la grâce de dépendre visiblement de la protection de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère

 

3125. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 14 mai 1660.

C'est bien fait de n'aller pas au devant des emplois. Il est plus séant à notre chétiveté de les attendre que de les prévenir, et le zèle discret n'est pas contraire à cette retenue.

 

3126. - AUX SUPÉRIEURS

1660.

Je vous prie de faire faire un recueil en votre maison, si on ne l'a déjà fait, de toutes les missions qui s'y

Lettre 3125. - Reg. 2, p. 60.

Lettre 3126. - Arch. de la Mission, recueil des circulaires.

 

- 292 -

feront à l'avenir, et même de celles qui se sont faites, remarquant les circonstances suivantes le mieux qu'il sera possible : 1° combien on a fait de missions en votre maison depuis son établissement ; 2° le mois et l'année qu'elle s'est faite ; 3° le lieu et diocèse de chaque mission et si vous en avez d'obligation et de fondation ; 4° combien ledit lieu est distant de la ville où est établie votre maison ; 5° combien il y avait de communiants ; 6° combien d'ouvriers et qui en avait la direction ; 7° combien elle a duré de temps à faire ; 8° si elle a bien ou mal réussi, et pourquoi ; 9° en quel temps il vaut mieux la faire ; 10° si la Charité y est établie ; 11° s'il y a des hérétiques ; 12° quels sont les lieux les plus abandonnés et qui ont plus besoin de mission en votre diocèse et aux environs ; et autres circonstances considérables.

Ceci se doit entendre principalement pour l'avenir, marquant exactement tout ce que dessus au retour de chaque mission. Et pour le passé, si, après une diligence morale de quelque temps, on ne peut pas ramasser tout, on ne laissera pas de l'écrire comme on pourra. Pour mieux apprendre les missions qui se sont faites par le passé, on n'a qu'à voir le registre de la dépense de la maison et autres, et consulter, tant dedans que dehors la compagnie, ceux qui en pourraient avoir connaissance. Avec un peu de soin on pourra facilement venir à bout de cette entreprise, quand bien elle aurait été entièrement négligée. Devant que de réduire celles du passé en un livre à ce destiné, il est à propos de les ramasser en un papier brouillon pour quelque temps, jusqu'à ce qu'on l'ait mis en meilleur ordre qu'an aura pu ; et même il sera à propos de laisser une grande marge au grand registre, pour y pouvoir écrire quelque chose, selon le besoin.

 

- 293 -

3127. - A PIERRE DE BEAUMONT, SUPÉRIEUR,

A RICHELIEU

Du 19 mai 1660.

Je ne vous envoie point la copie collationnée des privilèges pour l'exemption des tailles, parce que je doute si vous pourriez vous en servir, outre que je ne suis nullement d'avis que vous fassiez valoir les terres par vos mains, parce que cela n'est pas notre fait ; au lieu d'y gagner, vous y perdriez, faute d'avoir des frères bien entendus, vigilants et ménagers et qui mettent la main à l'œuvre. Nous le savons par expérience, nous perdons à faire valoir les terres de céans et quelque autre ferme, quoique nous y ayons des frères assez propres ; et si nous n'y étions pas engagés, nous ne l'entreprendrions pas. C'est pourquoi vous ferez bien de chercher des fermiers et de ne vous embarrasser pas de l'attirail et des soins du labour.

 

3128. - A GABRIEL DELESPINEY,

PRÊTRE DE LA MISSION, A MARSEILLE

21 mai 1660.

Je vous prie de vous souvenir que le dégoût et le découragement sont des produits de la pauvre nature, que l'on porte partout où l'on va, qu'il faut s'abandonner à l'esprit de N.-S. pour se supporter soi-même et pour vaincre sa timidité, sa paresse et les autres infirmités. Je prie cet esprit saint et sanctifiant de vous animer de sa force et de vous combler de ses bénédictions.

Lettre 3127. - Reg. 2, p. 189.

Lettre 3128. - Manuscrit de Marseille.

 

- 294 -

3129. - A N ***

21 mai 1660.

Parlant de la douleur de Claude de Chandenier, auquel la mort venait d'enlever son frère Louis, Vincent de Paul dit :

...Il est inconsolable de la perte qu'il a faite, et nous en sommes tous abattus. La volonté de Dieu est néanmoins au-dessus des sentiments de sa douleur et de notre affliction.

 

3130. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINCENT

[1660] (1)

Quelques-uns de Messieurs les cardinaux et autres prélats sont venus entendre les entretiens, et entre les ordinands il y a diverses personnes de qualité et de mérite, et entre autres un chanoine de Saint-Jean-de-Latran, neveu de M. le cardinal Mancini (2), et un autre de Saint-Pierre, nommé le comte Marescotti, et autres personnes de marque, le Pape tenant ferme et ne voulant exempter aucun d'assister à ces exercices.

Lettre 3129. - Collet, op. cit., t. II, p. 79.

Lettre 3130. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 240.

1. Voir note 2.

2. François-Marie Mancini, nommé cardinal le 5 avril 1660, mort à Rome le 18 juin 1672. Son frère aîné avait épousé une sœur de Mazarin.

 

- 295 -

3131. - A LA SŒUR MATHURINE GUÉRIN,

SUPÉRIEURE A LA FÈRE

Paris, du 22 mai 1660.

Ma chère Sœur,

Je n'ai pas fait réponse à vos lettres, parce que j'espérais que vous viendriez, et je ne vous ai pas pressé de partir, parce que je ne savais pas si vous étiez en état de faire le voyage. Dieu soit loué de ce que par votre dernière vous me mandez que oui ! Je suis consolé de votre disposition présente ; venez-vous-en donc, ma Sœur, par la première commodité. Dites, s'il vous plaît, à ma sœur qui est avec vous que je la prie de soutenir les choses le mieux qu'elle pourra, en attendant une autre sœur, que nous lui enverrons bientôt, Dieu aidant. Nous tâcherons de la choisir telle que vous marquez qu'il la faut. Il n'est pas besoin que vous passiez par Saint-Quentin ; venez droit ici. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous y conduise heureusement et qu'il soit l'objet de vos pensées et la règle de vos actions.

Je me recommande...

 

3132. - A LA SŒUR MARGUERITE CHÉTIF, SUPÉRIEURE

A ARRAS

24 mai 1660

Ma chère Sœur,

Mes incommodités et mes embarras ordinaires vous demandent excuse pour moi de ce que je ne vous ai pas fait réponse plus tôt. Celle que vous ferez à cette bonne

Lettre 3131. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 499. (Arch. des Filles de la Charité).

Lettre 3132. - Conférences spirituelles tenues pour les Filles de la Charité par saint Vincent de Paul, t. 1, p. 639, letttre 10.

 

- 296 -

fille (1) qui, pour entrer en votre compagnie, veut être assurée pour sa vie, est de lui dire que cela ne se peut, qu'on n'a pas encore donné cette assurance à pas une et qu'on ne la donnera à aucune de celles qui y entreront, de crainte que, se relâchant aux exercices, elles deviennent scandaleuses et se rendent indignes de la grâce de leur vocation ; car, quand ce malheur arrive à quelque esprit mal fait, n'est-il pas raisonnable de retrancher ce membre gangrené, afin qu'il ne vienne à gâter les autres? Vous savez néanmoins, ma Sœur, que l'on ne met personne dehors que fort rarement, et seulement pour de grièves fautes, et jamais pour des manquements communs, ni même extraordinaires, s'ils ne sont fréquents et notables ; encore ne le fait-on que le plus tard qu'on peut et après avoir longtemps supporté les chutes d'une telle personne et employé vainement les remèdes propres à sa correction. On use surtout de cette charité envers celles qui ne sont pas tout à fait nouvelles, et encore plus envers les anciennes, de sorte que, s'il en sort plusieurs, c'est que ce sont elles-mêmes qui s'en vont, ou par légèreté d'esprit, ou parce qu'ayant été lâches et tièdes au service de Dieu, Dieu même les vomit et les rejette avant que les supérieurs pensent à les renvoyer.

De dire que celles qui sont fidèles à Dieu et soumises à la sainte obéissance sortent de la compagnie, c'est ce qui n'arrive pas, grâce à Dieu, ni à l'égard de celles qui se portent bien, ni envers celles qui sont infirmes ; on fait ce qu'on peut pour les conserver toutes, et on prend tous les soins possibles des unes et des autres

1. Jeanne de Buire, née à Arras en février 1636, reçue chez les Filles de la Charité le 16 juin 1660, morte le 8 août 1686, après avoir donné l'exemple des plus belles vertus. (cf. Circulaires des supérieurs généraux et des sœurs supérieures aux Filles de la Charité et Remarques ou Notices sur les sœurs défuntes, t. II, p. 388.)

 

- 297 -

jusqu'à la mort. Si donc cette bonne fille d'Arras veut se résoudre à entrer chez vous et y mourir, elle sera traitée de même avec grande bonté ; mais dites-lui, s'il vous plaît, que c'est à elle d'assurer sa vocation par des bonnes œuvres, selon le conseil de l'apôtre saint Pierre (2) ; et pour cela, elle se doit appuyer en Dieu seul et espérer de lui la grâce de la persévérance. Que si elle en veut être assurée de la part des hommes, il y a apparence qu'elle cherche autre chose que Dieu, il la faut laisser là et ne s'en plus mettre en peine.

Je ne doute pas, ma chère Sœur, que vous n’ayez été vivement touchée de la privation de votre chère mère. Mais Dieu soit béni ! Vous lui avez dit qu'il a bien fait de vous l'ôter et que vous ne voudriez pas qu'il en fût autrement. Vous n'avez pas encore une autre supérieure.

Nous avons nommé M. Dehorgny pour directeur en la place de feu M. Portail ; c'est le plus ancien de nos prêtres, des plus doux, des plus sages et des plus affectionnés à votre petit Institut.

La sœur Jeanne Gressier, qui assistait la chère défunte, continue son office d'assistante en la maison, et elle répond à celles du dehors. Il me semble que toutes sont contentes et que tout va bien, grâces à Dieu, à la ville et aux champs. Cependant vous avez pensé que tout était perdu ; mais, sa divine bonté ayant donné commencement et croissance à la Charité, il faut espérer qu'elle la maintiendra et perfectionnera ; à quoi vos prières et vos exemples contribueront, Dieu aidant. Oui, ma Sœur, j'espère qu'en vous comportant en vraies Filles de la Charité, comme vous avez fait jusqu'à présent, vous inviterez efficacement Notre-Seigneur à bénir et multiplier l'œuvre de ses mains pour le soulagement et le salut de ses pauvres membres, qui sont nos maîtres.

2. Seconde épître de saint Pierre I, 10.

 

- 298 -

Je dis la même chose à ma sœur Radegonde, que je salue, et j'espère le même de toutes les sœurs qui ont bonne volonté.

 

3133. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 28 mai 1660.

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre lettre du 31 avril, qui m'a d'autant plus consolé qu'elle est un peu ample. J'ai été bien aise de voir l'état de votre temporel et les remèdes que vous avez apportés aux besoins de votre village pour l'âme et pour le corps. Vous avez bien fait d'en changer l'économe et de faire réparer les vieux bâtiments de votre cure, puisqu'il y avait nécessité de le faire et que vous y prévoyiez du profit. Continuez de temps en temps à nous mander ce qui se passera en vos affaires, qui ne pourront aller que de bien en mieux, s'il plaît à Dieu d'affermir la paix que vous dites être conclue de delà. Dieu en soit loué, Monsieur ! J'en ai une joie que je ne vous puis exprimer, comme aussi de la santé et du retour du roi et de la reine. Plaise à sa bonté de leur donner, et à tous leurs Etats, un plein et durable repos !

Il est à désirer, Monsieur, que l'union du bénéfice de Vitkiski se fasse au plus tôt, pendant qu'il plaît à Dieu de nous conserver Leurs Majestés. Mais, quant à la manière, voici l'ordre qui s'observe en France pour les unions : le titulaire du bénéfice le résigne entre les mains

Lettre 3133. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

- 299 -

de l'évêque ou du Pape, pour être uni à la compagnie ; sur cette résignation, l'on obtient le consentement du patron et des autres parties intéressées, s'il y en a, particulièrement de l'évêque, lorsque l'union se fait à Rome ; et quand elle se fait par l'évêque même, on la fait confirmer par le Saint-Siège, et ensuite on obtient des lettres patentes du roi, qui agrée et autorise cette union, et ensuite on fait enregistrer ces lettres en parlement. Le motif de l'union peut être l'érection d'un séminaire dont la direction perpétuelle est attribuée à la compagnie ; mais l'union se fait à la compagnie même. Mandez-moi si l'usage de delà est semblable ou différent à celui de France, et en quoi il diffère.

Nous tâcherons de tenir les personnes prêtes que vous attendez, pour les faire partir le plus près que nous le pourrons du temps qui nous sera marqué de la part de la reine, de qui vous désirez prendre l'ordre.

Je salue fort cordialement le bon M. Duperroy et je recommande à ses prières et aux vôtres l'âme de feu M. l'abbé de Chandenier, qui est mort en Savoie en revenant de Rome. C'était une personne de condition, neveu de feu Mgr le cardinal de La Rochefoucauld, qui, par une singulière piété, s'était retiré céans depuis cinq ou six ans, avec M. l'abbé de Moutiers-Saint-Jean, son frère, qui a fait le voyage de Rome avec lui et qui est de retour depuis quelques jours avec M. Berthe et un autre prêtre de la compagnie, qui les ont accompagnés. Ce cher défunt était fort détaché des créatures, fort humble et mortifié, fort récolligé et intérieur, fort gai, sage, judicieux et exemplaire, tout à Dieu et fort zélé pour l'avancement de l'état ecclésiastique et le salut des peuples ; enfin nous ne voyons point son pareil. La perte en est grande pour l'Eglise et très grande pour cette maison, qu'il édifiait merveilleusement. Nous devons

 

- 300 -

nous entretenir ce soir de ses vertus admirables (1) qui sont plutôt les vertus de Notre-Seigneur, exercées par lui en ce sien serviteur. Ceci vous fera demander s'il était missionnaire. A quoi je vous dirai qu'il l'était d'affection il y a longtemps, mais, étant très indignes d'avoir pour confrère un tel prélat, nous ne l'avons reçu en la compagnie qu'un jour ou deux avant sa mort ; et alors il en a fait de si grandes instances qu'il a fallu lui donner cette consolation. Son corps a été porté en notre petite chapelle d’Annecy. Tout ce que Dieu fait est bien fait ; sans cette foi nous serions inconsolables d'une telle privation.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Desdames.

 

3134. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 28 mai 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Votre lettre du 7 nous a trouvés dans les douleurs de la mort de M. l'abbé de Chandenier, qui arriva à Chambéry, comme vous aurez pu savoir. La perte en est grande pour l'Eglise et très grande pour nous. Il a vécu en saint et est mort missionnaire, ayant fait de grandes

1. La conférence du 28 mai ne suffit pas ; elle fut suivie de trois autres. On nous a conservé le résumé de ce qui fut dit sur les vertus du saint abbé. (cf. Notices, t. II, p. 515-539).

Lettre 3134. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

- 301 -

instances pour être reçu en la compagnie, selon l'affection qu’il en avait conçue depuis longtemps. C'est pourquoi cette maison ici ayant reçu une merveilleuse édification de lui, elle doit s'entretenir à ce soir de ses vertus, pour s'en rafraîchir la mémoire et l'exemple. M. son frère est arrivé ici, affligé au point que vous pensez, avec Messieurs Berthe et Théroude (1)

Je suis fort consolé de vous savoir derechef sans fièvre et en la compagnie de nos chers confrères, à Bene (2). J'en rends grâces à Dieu, Monsieur, de toutes les tendresses de mon cœur, ensemble des bénédictions qu'il donne à leurs travaux, et je le prie qu'il vous donne à tous les forces de corps et les grâces de l'esprit, pour procurer sa gloire en toutes les manières qu'il le demande de la compagnie. Ménagez-vous pour cela, je vous en prie, Monsieur, et faites, de ma part, la même recommandation à ces Messieurs qui travaillent avec tant d'affection.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà. Chacun s'y porte assez bien. Il est vrai que je souffre un peu de mes mauvaises jambes, qui ne me permettent plus de bouger d'une place qu'avec grand'peine.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission de Turin, à Turin.

1. Toussaint Théroude, né à Guilmécourt (Seine-Inférieure) le 9 janvier 1633, entré dans la congrégation de la Mission le 27 octobre 1657, reçu aux vœux à Rome le 10 décembre 1659, supérieur à Amiens de 1670 à 1675.

2. Bene Vagienna, ville du Piémont.

 

- 302 -

3135. - EDME JOLLY, SUPÉRIEUR A ROME,

A SAINT VINVENT

[1660]

Pour ce qui est du fruit des ordinations passées, il y en paraît, par la miséricorde de Dieu. Plusieurs de ces Messieurs qui ont fait céans les exercices nous viennent voir de fois à autres, pour nous témoigner qu’ils persistent toujours dans les bons sentiments qu'ils en ont remportés ; et l’un d'entre eux, qui est une personne de condition, lequel a assisté aux exercices de trois ordinations, vint hier céans célébrer sa première messe, ayant encore fait auparavant quelques jours de retraite pour s'y mieux disposer.

 

3136. - A UN PRÊTRE DE LA MISSION EN BARBARIE

[Mai ou juin 1660.]

Il y a six ou sept ans que Messieurs les abbés de Chandenier se sont retirés à Saint-Lazare. Ç'a été une grande bénédiction pour la compagnie, qu'ils ont édifiée merveilleusement. Or, depuis un mois, il a plu à Dieu d'appeler à lui l'aîné, M. l'abbé de Tournus (2) qui était aussi plein de l'esprit de Dieu qu'homme que j'aie jamais connu. Il a vécu en saint et est mort missionnaire. Il était allé faire un voyage à Rome avec M. son frère et deux de nos prêtres ; et, s'en revenant, il est décédé à Chambéry et a fait de très grandes instances l'un de nos prêtres qui était avec lui, de le recevoir en

Lettre 3135. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. VI, 1re éd., p. 240.

1. Cette lettre est manifestement postérieure à la lettre 3081, qui est du 16 février 1660.

Lettre 3136. - Abelly, op. cit., l. 1, chap. XLIX, p. 241.

1. Jean ou Philippe Le Vacher.

2. Louis de Chandenier.

 

- 303 -

la compagnie, comme il a fait. Il me les avait faites à moi-même diverses fois ; mais, sa naissance et sa vertu étant trop au-dessus de nous, je ne le voulais pas écouter. Nous étions indignes d'un tel honneur. Et en effet, il n'y a eu que notre maison du ciel qui ait mérité la grâce de le posséder en qualité de missionnaire ; celles de la terre ont seulement hérité les exemples de sa sainte vie, autant pour les admirer que pour les imiter. Je ne sais ce qu'il a vu en notre chétive compagnie qui ait pu lui donner cette dévotion de se vouloir présenter devant Dieu couvert de nos haillons, sous le nom et l'habit de prêtre de la congrégation de la Mission. C'est en cette qualité que je le recommande à vos saints sacrifices.

 

3137. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 4 juin 1660.

Je ne sais par quelle digne reconnaissance répondre à l'immense bonté de Monseigneur le cardinal Durazzo, qui daigne abaisser le cœur et les yeux de Son Eminence jusqu'à notre petite compagnie et les étendre sur tous ses besoins présents et futurs. Plaise à Notre-Seigneur, qui a versé en sa belle âme ses divines inclinations pour l'exercice de sa miséricorde, qu'il la glorifie éternellement pour les grâces qu'elle nous fait !

 

3138. - A UNE NIÈCE D'ANTOINE PORTAIL (1)

4 juin 1060.

Vincent de Paul parle d'Antoine Portail, mort le 14 février.

Lettre 3137. - Reg. 2, p. 253.

Lettre 3138. - Collet, op. cit., t. II, p. 75, en note.

1. Religieuse ursuline à Beaucaire.

 

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3139. - A LA SŒUR JEANNE LACROIX, SUPÉRIEURE,

A CHATEAUDUN

5 juin 1660.

Ma Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Il se présente une affaire pour laquelle nous avons ici besoin de vous ; je vous prie, ma Sœur, de vous en venir à la première occasion et de nous .amener avec vous la sœur Claude, qui est à Varize (1). Je lui écris aussi qu'elle s'en vienne. Vous tâcherez, ma Sœur, de mettre les choses en si bon ordre que les sœurs qui demeurent les puissent soutenir en votre absence, en sorte que les pauvres n'en souffrent point. Dites à vos bonnes sœurs que ce n'est que pour peu de temps qu'elles seront seules ; dites-le aussi à Messieurs les administrateurs, afin qu'ils ne soient pas en peine de votre retour.

Je prie Notre-Seigneur de bénir votre personne et votre voyage. Je vous prie de me recommander aux prières de nos sœurs. Je les offre souvent à Dieu, et vous aussi, ma Sœur, à qui je suis, dans son amour, ma Sœur, votre très affectionné frère.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Lettre 3139. - Recueil de pièces relatives aux Filles de la Charité, p. 409. (Arch. des Filles de la Charité).

1. Les Filles de la Charité s'occupaient à Varize (Eure-et-Loir) depuis 1652 ou 1653 du soin des malades et de l'instruction des enfants.

 

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3140. - A DOMINIQUE LHUILLIER

De Paris, ce 8 juin 1660.

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Il y a longtemps que je ne vous ai écrit, quoique j'aie reçu deux de vos lettres. Il est bien juste que nous vous envoyions des hommes pour travailler, puisque nous avons reçu de l'argent il y a un mois ou six semaines ; mais nous y trouvons quelque difficulté de la part de Monsieur de Lorthon, qui m'a fait dire qu'il ne pouvait consentir à cela si Madame de Laval ne nous rend le logement que le roi nous a donné. Je lui enverrai un prêtre au plus tôt pour savoir sa dernière disposition et faire en sorte que cela ne nous arrête pas, mais que nous puissions recommencer les missions au plus tard à la Toussaint, car nous voici tantôt dans les intervalles de la moisson et des grandes chaleurs de l'été ; et puis nous avons déjà quatre prêtres qui travaillent dans le diocèse, accompagnant Mgr de Meaux (1) en ses visites (2)

Vous avez pu savoir la grande et incomparable perte que nous avons faite de M. l'abbé de Chandenier ; c'est pourquoi je ne vous en dirai autre chose sinon qu'après avoir vécu en saint, il a voulu mourir en missionnaire et paraître devant Dieu sous le nom et l'habit d'un pauvre prêtre de la Mission. C'est en cette qualité que je le recommande à vos prières et saints sacrifices.

J'ai eu l'honneur de voir M. le doyen de Saint-Far-

Lettre 3140. - L. s. - L'original de cette lettre appartient à M. l'abbé Ney, du diocèse de Marseille.

1. Dominique de Ligny.

2. Le secrétaire avait ajoputé ici les mots suivants, qui furent ensuite raturés : "Je salue M. Asseline et je me recommande à ses prières et aux vôtres."

 

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geau (3), mais nous n'avons rien conclu, et je lui ai dit que nous aviserions à prendre notre résolution sur le legs dont il s'agit.

Je vous prie de me mander comment se comporte M. Asseline.

Je suis, en l'amour de N.-S., votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Lhuillier, prêtre de la Mission, à Crécy.

 

3141. - AU PÈRE EUSÈBE CHASTELLAIN

De Paris, ce 8 juin 1660

Mon Révérend Père,

Je vous demande pardon de ne vous avoir fait réponse plus tôt. Peut-être êtes-vous en peine de ce bon enfant que vous nous avez envoyé. Nous l'avons reçu et je l'ai bien recommandé aux Filles de la Charité qui en ont le soin. Il se porte bien, et il y a sujet d'espérer que la bonne semence que vous avez jetée en cette âme innocente portera des fruits en son temps, étant bien cultivée.

Je rends grâces à Dieu, mon Révérend Père, des biens qui se font en votre hôpital par le bon ordre que vous y avez mis et la conduite que vous en avez. Je prie sa divine bonté qu'elle continue à bénir l'un et l'autre, et qu'elle vous conserve longuement pour le soulage-

3. Aujourd'hui chef-lieu de canton en Seine-et-Marne.

Lettre 3141. - L. s. - L'original de cette lettre se trouve au trésor des reliques de la cathédrale de Sens. Il a été donné par Jean-Claude Chastellain, député du département de l'Yonne à la Convention nationale.

 

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ment et le salut des pauvres. La consolation que Monseigneur le Révérend Père de Gondi en reçoit me console grandement, et j'admire son application continuelle aux œuvres de miséricorde, par lesquelles il sanctifie son âme de plus en plus et mérite que Dieu répande de nouvelles bénédictions sur sa famille affligée, à quoi vos prières peuvent beaucoup contribuer.

Je vous remercie très humblement, mon Révérend Père, de celles que vous faites pour notre petite compagnie et pour moi. Nous en ressentirions sans doute les effets, si je n'y mettais empêchement par mes très grandes misères. Ne laissez pas, s'il vous plaît, de nous continuer cette charité. Je vous offre en reconnaissance mon très humble service ; et s'il plaît à Dieu me donner occasion de vous le rendre, ce me sera une joie bien sensible, étant comme je suis, en son amour, mon Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A mon Révérend Père le Révérend Père Chastellain, religieux et directeur de l'hôpital de Joigny, à Joigny.

 

3142. - A GABRIEL DES JARDINS, SUPÉRIEUR,

A NARBONNE

11 juin 1660.

Nous devons toujours représenter à Nosseigneurs le, prélats et à Messieurs les grands vicaires que notre règle nous défend de confesser les religieuses, de les visiter et de les prêcher; et nous ne devons jamais passer par-

Lettre 3142. - Reg. 2, p. 78.

 

- 308 -

dessus cette défense, s'ils ne nous le commandent absolument.

 

3143. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 18 juin 1660.

Le Père Eudes, avec quelques autres prêtres qu'il a amenés de Normandie, est venu faire une mission dans Paris, qui a fait grand bruit et grand fruit (1) Le concours était si grand que la cour des Quinze-Vingts était trop petite pour contenir l'auditoire (2). Et en même temps plusieurs bons ecclésiastiques sont partis de Paris, dont la plupart sont de notre assemblée des mardis, pour aller en d'autres villes faire aussi des missions, les uns à Châteaudun et les autres à Dreux, où il a plu à Dieu de répandre pareillement de grandes bénédictions. Nous n'avons point de part à ces biens-là, parce que notre partage est le pauvre peuple des champs. Nous avons seulement la consolation de voir que nos petits emploi, ont donné de l'émulation à quantité de bons ouvriers, qui se mettent à les exercer, non seulement quant aux missions, mais encore quant aux séminaires, qui se multiplient beaucoup en France. On fait même les exercices des ordinands en plusieurs diocèses. Prions Dieu qu'il sanctifie son Eglise de plus en plus.

Lettre 3143. - Reg. 2, p. 254.

1. Cette maison, commencée le 1er mai, se clôtura le 20 juin. Le nombre des auditeurs était si grand que le P. Eudes dut prêcher en pein air. (cf. lettre de Claude Auvry au Pape Alexandre VII, dans la Vie du Vénérable Jean Eudes par le P. D. Boulay, t. III, p. 361.)

2. L'hôpital des Quinze-Vingts était près du Louvre, entre la place du Carrousel et celle du Palais-Royal.

 

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3144. - A GUILLAUME DESDAMES, SUPÉRIEUR,

A VARSOVIE

De Paris, ce 18 juin 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Il y a trois semaines, ce me semble, que je n'ai reçu de vos lettres ; il me tarde qu'il ne m'en arrive. Plaise à Dieu que les nouvelles soient meilleures que le bruit n'en a couru de deçà ! Pour moi, je n'ai rien de nouveau à vous dire. Toutes choses vont leur petit train en la compagnie, et il me semble qu'elle travaille partout à la vertu et à la vigne du Seigneur, dans les manières qu'il le demande d'elle, et, par sa miséricorde, avec le succès que nous pouvons désirer. On nous demande des hommes de tous côtés, mais nous en manquons. O Dieu ! Monsieur, qu'un bon missionnaire est un grand trésor, et qu'il y a peu de gens au monde qui veuillent servir Dieu et son Eglise dans la pureté de la foi, dans le détachement des créatures et l'abnégation de soi-même Cependant c'est ainsi que notre sainte religion a été établie et répandue, c'est ainsi qu'elle se maintiendra et c'est ainsi qu'il faut tâcher de relever les brèches arrivées par le relâchement des ouvriers évangéliques. Demandons sans cesse à Notre-Seigneur, Monsieur, qu'il en envoie de bons et qu'il anime de son esprit l'état ecclésiastique.

Quelques prêtres de Normandie, conduits par le père Eudes, de qui je pense que vous avez ouï parler, sont venus faire une mission dans Paris avec une bénédiction admirable. La cour des Quinze-Vingts est bien grande, mais elle était trop petite pour contenir le monde qui

Lettre 3144. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

- 310 -

venait aux prédications. En même temps un grand nombre d'ecclésiastiques sont sortis de Paris pour aller travailler en d'autres villes ; les uns sont allés à Châteaudun et les autres à Dreux, et tous ont fait des fruits qui ne se peuvent exprimer ; et à tout cela nous n'avons point de part, parce que notre partage est le pauvre peuple des champs. Nous avons seulement la consolation de voir que nos petites fonctions ont paru si belles et si utiles, qu'elles ont donné de l'émulation à d'autres pour s'y appliquer comme nous et avec plus de grâce que nous, non seulement au fait des missions, mais encore des séminaires, qui se multiplient beaucoup en France. Il s'est même trouvé une compagnie à Rome, qui, voyant que le Pape envoyait les ordinands aux pauvres prêtres de la Mission, comme on fait à Paris, a demandé qu'on les lui envoyât à elle, s'offrant de leur faire faire les exercices ; ce qu'elle aurait fait sans doute avec succès si Sa Sainteté l'avait jugé à propos. Il y a sujet de louer Dieu du zèle qu'il excite en plusieurs pour l'avancement de sa gloire et le salut des âmes.

Voici des lettres de Marseille ; je vous prie de faire tenir celle qui s'adresse à Patto, si vous pouvez.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Au bas de la première page : M. Desdames.

 

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3145. - A MONSIEUR TRISTAN

Paris, 22 juin 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

La bonne fille que vous nous aviez fait la grâce de nous adresser s'en étant retournée, il y a 3 ou 4 jours, avec quelques-uns de Messieurs ses parents, qui étaient venus pour la voir, je ne pus me donner l'honneur de vous écrire pour lors, comme je fais à présent, pour vous dire, Monsieur, que, selon vos bons et sages conseils, nous l'avons mise en occasion de s'éprouver dans quelqu'un des emplois auxquels elle avait difficulté ; mais, comme elle a reconnu que sa répugnance augmentait, au lieu de diminuer, elle s'est résolue de se retirer, comme elle a fait, après en avoir obtenu notre consentement, lequel nous lui avons accordé, en supposant le vôtre, Monsieur, que vous n'auriez pu lui refuser, la voyant hors d'espérance de se vaincre dans ses aversions. Elle est trop sincère pour manquer à vous les exprimer, et elle est assez à Dieu pour le bien servir, en quelque condition qu'elle soit, moyennant sa grâce ; car il lui en a donné une bonne volonté, et il lui a fait celle de se comporter si bien de deçà, qu'elle nous a laissé cette espérance, quoiqu'elle n'y ait pas reçu tout le bon exemple, ni la satisfaction qu'il était à désirer.

Je prie N.-S., Monsieur, qu'il vous conserve et qu'il me donne quelque bonne occasion de vous obéir, comme étant, en son amour, Monsieur, votre...

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M

Lettre 3145. - Reg. 1, f° 30.

 

- 312 -

3146. - A DENIS LAUDIN, SUPÉRIEUR, AU MANS

De Paris, ce 23 juin 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Ayant prié M. de Beaumont de s'en venir à Paris, il m'a mandé qu'il partirait de Richelieu le 22 et qu'il passerait au Mans pour y arriver le 25 ou 26 du présent mois. Je vous prie de le recevoir avec la cordialité que mérite un bon serviteur de Dieu, tel qu'il est.

Je vous ai déjà recommandé l'âme de feu M. l'abbé de Chandenier ; mais je ne vous ai pas dit qu'il est mort membre de la compagnie et qu'en cette qualité il est à propos de lui rendre les assistances que nous avons coutume de donner à nos défunts. Je ne sais, Monsieur, ce que ce saint homme a vu dans la pauvre Mission qui ait pu lui donner la grande affection qu'il avait de se couvrir de son nom et de ses haillons pour se présenter devant Dieu. Il nous avait parlé plusieurs fois de son dessein, mais je ne le voulais pas écouter, le voyant trop au-dessus de nous par sa naissance et par sa vertu. Et en effet, Monsieur, il n'y a eu que notre maison du ciel qui ait mérité la grâce de le posséder comme missionnaire. Celles de la terre ont seulement hérité des exemples de sa sainte vie. Nous en ferons vendredi, Dieu aidant, la quatrième conférence.

Messieurs Alméras et Cruoly partirent hier d'ici pour Richelieu dans le coche de Tours.

Je salue très affectionnément votre petite compagnie, et je suis de même, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. Mission.

Au bas de la première page : M. Laudin.

Lettre 3146. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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3147. - A UNE RELIGIEUSE DE LA VISITATION

27 juin 1660

Ma chère Sœur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je vous demande pardon d'avoir tant tardé à vous faire réponse ; c'est à cause de mes embarras et de me. incommodités, qui me font échapper beaucoup de choses que je voudrais bien faire, si je n'en était empêché.

Maintenant, ma chère Sœur, je vous dirai que je compatis sensiblement à vos peines, qui sont longues et diverses ; c'est une croix étendue, qui embrasse votre esprit et votre corps ; mais elle vous élève au-dessus de la terre, et c'est ce qui me console. Vous devez aussi vous consoler beaucoup de vous voir traitée comme N.-S. a été traité, et honorée des mêmes marques d'amour par lesquelles il nous a aimés. Ses souffrances étaient intérieures et extérieures, et les intérieures ont été continuelles et sans comparaison plus grandes que les autres. Pourquoi pensez-vous, ma chère Sœur, qu'il vous exerce de la sorte ? C'est pour la même fin qu'il a souffert, à savoir pour vous purger des péchés et pour vous orner de ses vertus, afin que le nom de son Père soit sanctifié en vous et que son royaume vous advienne. Au nom de Dieu, ma chère Sœur, demeurez en paix et ayez une parfaite confiance en sa bonté. Je ne connais pas une âme au monde qui en ait plus de sujet que vous. Ne vous arrêtez point aux pensées contraires, défiez-vous de vos propres sentiments et croyez plutôt à ce que je vous dis et à la connaissance que j'ai de vous, qu'à tout ce que vous pourriez penser ou dire. Vous avez mille raisons de vous réjouir en Dieu et de tout espérer de lui

Lettre 3147. - Reg. 1, f° 37 V°.

 

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par N.-S., qui habite en vous ; et après la recommandation qu'il vous fait de renoncer à vous-même, je ne vois autre chose que vous ayez sujet d'appréhender, non pas même le péché, qui est le seul mal que nous devons plus craindre, parce que vous faites pénitence du passé et que vous le haïssez trop pour l'avenir. Dites donc à Dieu, comme David : "Rendez-moi, Seigneur, la joie de votre salutaire et me confirmez de l'esprit principal" (1) Excitez-vous vous-même à cette joie, tant par la considération des malheurs que vous avez évités en quittant le monde, et des grâces qu'il vous fait en religion, que par la bénédiction que vous avez d'être du nombre des enfants de Dieu et des épouses de. son Fils, qui est la grâce des grâces, qui comprend tous les biens et qui vous met dès ce monde en possession de la gloire éternelle. Soyez-en fort reconnaissante, remerciez-en Dieu souvent et demandez-lui miséricorde pour moi, qui crains mon ingratitude et qui suis, en l'amour de Jésus-Christ, notre libérateur, ma chère Sœur, votre...

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3148. - AUX SUPÉRIEURS

[28] (1) juin 1660.

Vincent de Paul fait l'éloge de Louis de Chandenier, qui a droit, comme bienfaiteur et missionnaire, aux prières des membres de la congrégation. Il ajoute que quatre conférences ont été faites à Saint-Lazare sur ses vertus (1) et que son corps y sera porté.

1. Psaume IV, 14.

Lettre 3148. - Collet, op. cit., t. II, p. 79.

1. Collet écrit : 18 ; mais cette date a contre elle la lettre 3146 ; ce fut vraisemblablement le 28 que saint Vincent écrivit sa circulaire.

2. La première le 28 mai, la quatrième le 25 juin.

 

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3149. - CHARLES DE LATRE A SAINT VINCENT

Monsieur et Révérend Père,

Monsieur Lepruvost de notre chapitre, allant à Paris rendre à Sa Majesté les hommages et respects qui lui sont dûs, en qualité de député du clergé d'Artois, je l'ai supplié de vous saluer de ma part, pour vous assurer de mon petit service et qu'il n'y a jour que je ne pense à Votre Révérence, comme étant, Monsieur, votre très humble et très obligé serviteur

CHARLES DE LATRE,
prêtre indigne.

De notre maison, à Béthune, ce 7 juillet 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, prêtre et général de la communauté de la Mission, à Saint-Lazare, au faubourg de St-Denis, à Paris.

 

3150. - A LA SŒUR F'RANÇOISE CARCIREUX, SUPÉRIEURE,
A NARBONNE

De Paris, ce 9 juillet 1660.

Ma Sœur,

La grâce de N-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai plus tardé que je ne voulais à répondre à votre lettre, à cause de mes embarras. Je rends grâces à Dieu de toutes les choses que vous m'avez mandées, qui m'ont fort consolé. Il paraît que Dieu est avec vous et qu'il vous a conduite, pendant que vous avez travaillé au diocèse d'Alet, puisque, d'un côté, il vous a préservée des dangers qui vous ont menacée, et que, d'un autre, il a tiré gloire de vos emplois (1) Tout cela requiert beau-

Lettre 3149. - L. s. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3150. - Reg. 1, f° 22.

1. François Fouquet, archevêque de Narbonne, avait envoyé la sœur Carcireux dans une institution du diocèse d'Alet, pour qu'elle s'y formât à l'instruction de la jeunesse.

 

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coup d'humilité et de reconnaissance de votre part. Avouez devant Dieu que vous n'avez fait que le mal, car il arrive toujours des imperfections dans les bonnes œuvres, quand ce ne serait que d'empêcher que le bien que Dieu fait ne soit plus grand et plus pur, par le peu de foi et de fidélité des instruments dont il se sert. Ce serait encore pire de s'attribuer de l'honneur, qui n'est dû qu'à sa divine bonté. Je sais, ma Sœur, que, grâces à Dieu, vous ne faites pas cette faute-là. Continuez de préférer la confusion à la louange, de vous défier toujours de vous-même et de vous abandonner à Dieu, afin qu'il dispose de vous selon son bon plaisir et non selon vos sentiments. Soyez ferme aux petites pratiques de la compagnie, autant que vos emplois le permettront. Traitez vos sœurs avec amour et cordialité ; compatissez à leurs petites infirmités. Je loue Dieu de la satisfaction que vous en avez et de l'édification que le prochain en reçoit.

Si Monseigneur vient à Paris, nous tâcherons de régler toutes choses avec lui, afin que vous ayez liberté de vivre et d'agir selon l'esprit et la coutume de votre compagnie, laquelle va assez bien partout, grâces à Dieu ; et il n'y a rien de nouveau de deçà, sinon que nous sommes après pour élire une sœur pour supérieure (2) ; priez Dieu pour cela et pour tous les autres besoins. Je me recommande moi-même à vos prières et à celles de nos sœurs, que je salue...

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

2. Pour se conformer au désir de Louise de Marillac, saint Vincent nomma lui-même la nouvelle supérieure des Filles de la Charité. Son choix se porta sur Marguerite Chétif, et il l'annonça, le 27 août, aux sœurs réunies autour de lui pour élire les officières.

 

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3151. - A LA SŒUR ANNE DENOUAL

De Paris. ce 9 juillet 1660

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai été bien aise de recevoir de vos nouvelles, et encore plus d'apprendre les grâces que Dieu vous fait. Je l'en remercie de tout mon cœur, et je le prie qu'il vous fasse celle de lui être bien fidèle. Il a permis que vous soyez tombée en l'aversion qui vous a fait tant de peine, pour vous faire connaître que de vous-même vous n'êtes capable d'autre chose ; et enfin il a changé cette antipathie en affection, pour établir en vous l'union et la charité, qui sont si nécessaires, que vous les devez demander instamment à sa bonté pour vous et pour votre compagnie, et faire tout ce que vous pourrez pour les acquérir et les conserver. Humiliez-vous toujours ; estimez-vous la plus imparfaite ; considérez en vos sœurs le bien et en vous les défauts ; et, quelque sentiment contraire qui vous arrive, tâchez d'en détourner votre pensée et de vous élever en Dieu, pour vous incliner ensuite à aimer tout ce qu'il aime, et en la manière qu'il veut que vous l'aimiez. Supportez en patience la séparation, puisqu'elle procède de la Providence et non de votre choix. Vous avez fait votre possible, et vos sœurs aussi, pour être rejointes ensemble, sans avoir pu obtenir de Monseigneur cette consolation ; après cela, il faut se soumettre à la volonté de Dieu et demeurer en paix, dans l'espérance que tout ira bien ; car, pour l'ordinaire, le bon Dieu trouve son compte là où nous ne trouvons pas notre satisfaction. Laissez-le faire, ma Sœur ; con-

Lettre 3151. - L. s. - Dossier des Filles de la Charité, original.

 

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fiez-vous fort en son assistance ; soyez exacte à vos oraisons du matin et à vous recommander souvent à lui le reste de la journée ; ayez dessein en toutes vos œuvres de l'honorer et de lui plaire ; ayez le moins de communication que vous pourrez avec les personnes du dehors ; suivez les avis de M. des Jardins et de la sœur Françoise (1) ; et vous verrez que Notre-Seigneur bénira votre âme et vos exercices. Mais, quand vous ne le verriez pas, Notre-Seigneur ne laissera pas de les avoir agréables et de vous sanctifier insensiblement, tandis que vous lui serez fidèle. Je prie Notre-Seigneur que ce soit toujours et en toutes choses.

Je suis, en son amour, ma Sœur, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A ma sœur la sœur Anne Denoual, Fille de la Charité, à Narbonne.

 

3152. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A REIMS

De Paris, ce 10 juillet 1660.

Mon cher Frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'étais fort en peine de vous lorsque j'ai reçu votre lettre du 29 juin ; il y avait quinze jours que je n'en avais reçu.

Dieu soit loué de ce que vous allez et venez pour

1. Sœur françoise Carcireux.

Lettre 3152. - Dossier de la Mission, copie prise sur l'original chez une dame de Florence.

 

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faire l’œuvre de Dieu ! C'est signe que votre santé est un peu rétablie et que la charité de Jésus-Christ vous presse toujours.

Il y a huit jours que je vous écrivais à Saint-Quentin, n’ayant pas pour lors reçu votre lettre, qui m'apprend que vous étiez allé à Reims. Je vous mandais que nous avons quelque linge d'église et quelques ornements pour les pauvres églises de Champagne et de Picardie et que nous vous les enverrions par le premier coche ou messager qui partirait pour Saint-Quentin ; ce que néanmoins nous n'avons pas fait, pour nous être avisés que peut-être vous aimeriez mieux que l'adresse vous en fût faite ailleurs. Je vous prie donc de me mander où vous devez les distribuer. On vous les enverra à Amiens ou à Saint-Quentin ou à Reims. Le paquet est tout prêt. Je vous ai envoyé le mémoire de ce qu'il contient. Il est vrai que nous en avons ôté un petit chandelier et une tasse d'argent, pour en faire un petit calice, ou les convertir en une chose qui servira à l'autel, selon l'intention de celui qui les a donnés. Les dames ordonneront de cela et de quelque argent monnayé que nous avons pour la même fin ; ce sera dans leur première assemblée.

Je doute si la poste vous trouvera encore à Reims ; c'est pourquoi je vous en envoie un duplicata à Saint-Quentin.

Je prie Notre-Seigneur qu'il vous continue sa protection et sa force.

Je suis, en l'amour de N.-S., votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

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3153. - A FRANÇOIS FOUQUET, ARCHEVÊQUE

DE NARBONNE (1)

[1660] (2)

Je rougis de honte, Monseigneur, toutes les fois que je lis la dernière lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et même toutes les fois que j'y pense, voyant à quel point Votre Grandeur s'abaisse devant un pauvre porcher de naissance et un misérable vieillard rempli de péchés ; et en même temps je ressens une grande peine de vous avoir donné sujet d'en venir là. Quand j'ai pris la confiance de représenter à Votre Grandeur que nous étions hors d'état de lui donner les hommes qu’elle demande, elle peut bien penser que ce n'a pas été par aucun défaut de respect ni de soumission pour toutes ses volontés, mais par une pure impuissance de lui obéir en cette occasion. Je la supplie très humblement de nous donner six mois de terme. Nous serions grandement consolés de vous donner plus tôt cette satisfaction ; mais il ne plaît pas à Dieu que nous le puissions faire. Au nom de Dieu, Monseigneur, ayez la bonté d'excuser notre pauvreté, et réservez, s'il vous plaît, votre voyage de Paris pour une occasion plus importante. Ce me serait une bénédiction de Dieu de re-

Lettre 3153. - Abelly, op. cit., l. 3, chap. XI, sect. VI, p. 143.

1. Abelly se contente de dire que la lettre est adressée à un archevêque. Or, Paris excepté, saint Vincent n'a établi sa congrégation en france que dans deux archevêchés, ceux de Reims et de Narbonne ; et le ton de la lettre montre bien que le saint s'adresse à François Fouquet.

2. Quelque temps après avoir obtenu trois prêtres pour son séminaire, en septembre 1659 (cf. lettre 2979), François Fouquet écrivit au saint pour en avoir davantage (cf. lettre 3281). La réponse ci-dessus ne peut se rapporter qu'à cette seconde demande. (cf. lettre 2952.) Le prélat insista ; ce qui provoqua la lettre 3281, du 17 septembre 1660.

 

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cevoir encore une fois celle de Votre Grandeur, mais j'aurais un regret inconcevable qu'elle vînt se fatiguer ici pour une affaire qui n'en serait pas plus avancée. Vous savez bien, Monseigneur, qu'il n'y a gens au monde plus disposés à recevoir vos commandements que nous le sommes, et moi particulièrement, sur qui Dieu vous a donné un pouvoir souverain.

 

3154. - AU CARDINAL DURAZZO

1660

Vincent de Paul supplie le cardinal de ménager sa santé, si nécessaire au bien de l’Eglise.

 

3155. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A REIMS

De Paris, ce 14 juillet 1660.

Mon très cher Frère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Je vous ai déjà écrit samedi à Reims et à Saint-Quentin pour savoir en quel lieu vous désirez que nous vous adressions un ballot de toile, des ornements et du linge d'église, dont je vous ai envoyé la note ; nous en attendons la réponse. Maintenant je vous écris pour vous faire savoir que nous avons reçu huit cent quarante-huit livres pour réparer quelques églises ruinées de Champagne et de Picardie. Vous prendrez, quand il vous plaira, cette somme et la mettrez à mon compte, etc.

Lettre 3154. - Collet, op. cit., t. 2, p. 68.

Lettre 3155. - Cette lettre nous est connue par sa traduction italienne, insérée dans un des écrits du Procès de Béatification, Summarium Responsivum, p. 54.

 

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3156. - JEAN MARTIN

De Paris, ce 16 juillet 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je viens de recevoir votre lettre du 3, qui m'a d'autant plus consolé qu'elle est l'unique depuis environ six semaines. Je rends grâces à Dieu, Monsieur, du retour de la famille à Turin en bonne santé et des bénédictions qu'il a plu à sa bonté de répandre sur elle et sur les peuples qu'elle a évangélisés. Vous ne me pouviez donner de plus agréables nouvelles, ni qui me donnent une reconnaissance plus sensible vers Notre-Seigneur de toutes les grâces qu'il vous fait. Je l'en remercie de tout mon cœur. Reposez-vous donc, Monsieur, et faites reposer ces Messieurs, qui ont tant travaillé. Il est bien juste, dans cet intervalle, de rétablir les forces perdues et de se renouveler en Notre-Seigneur, qui est le principe de la vie et de la vertu des prêtres, par l'exercice de l'oraison et la grâce du recueillement, pour continuer ensuite la conquête des âmes avec de nouvelles armes, qui, étant prises dans l'arsenal des Saintes Ecritures, seront toujours victorieuses, si elles sont maniées dans l'esprit de N.-S.

J'embrasse avec votre cher cœur votre petite communauté de toute l'étendue de mon affection.

La compagnie est toujours en même état de deçà, et Dieu continue, ce me semble, de la bénir partout. Nous n’avons point de malades pour le présent. Il est vrai que je souffre un peu de mes mauvaises jambes, qui ne me laissent reposer la nuit, ni marcher le jour, ni seulement me tenir debout ; hors cela, je me porte assez bien. M. Al-

Lettre 3156. - L. s. - Dossier de Turin, original.

 

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méras est allé à Richelieu, à cause du passage du roi et de la nouvelle reine (1) Il est maintenant sur son retour.

Je me recommande à vos prières et suis, en l'amour de N-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission, à Turin.

 

3157. - M. DESNOYERS A SAINT VINCENT

La paix de N.-S. !

Monsieur,

J'avais fait offre de notre tout petit pouvoir à cette honnête dame, sœur d'un des anciens de St-Lazare, que vous m'aviez fait l'honneur de me recommander. Je suis fâché qu'elle n'ait rien accepté. J’eusse été bien aise de vous témoigner en ce rencontre l’estime que je fais de tout ce qui viendra de votre part vous suppliant de nous continuer votre protection et l'assistance de vos bonnes prières pour l’accomplissement de notre pauvre hôpital

Je suis avec tout le respect possible Monsieur, votre très humble, obligé et obéissant serviteur.

DESNOYERS .

A l’hôpital de Ste-Reine (1) le 17 juillet 1660.

Cette honnête dame s'est pressée de partir ; je n'en fus pas averti pour vous faire réponse par elle.

1. Louis XIV, sa jeune épouse et les personnages de leur suite étaient à Richelieu le 7 juillet, jour où René Alméras fit devant eux les cérémonies du baptême solennel d'un enfant de six ans, Louis de Gallard de Béarn, dont le roi fut parrrain et la reine marraine.

Lettre 3157. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Petite commune de l'arrondissement de Gray (Haute-Saône). Elle possèdait un hôpital, qui devait beaucoup à la générosité des dames de la Charité.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général de la Mission de St-Lazare, à Paris.

 

3158. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A REIMS

De Paris ce 17 juillet 1660

Mon cher frère,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je viens de recevoir votre lettre du 12. Il y a huit jours que je vous ai écrit à Reims, et du depuis je vous ai encore écrit à Laon et à Saint-Quentin, dans le doute si vous étiez encore en Champagne. Mais, à ce que je vois, la présente vous y trouvera encore ; je la vous adresse à Reims et un duplicata à Rethel, afin qu'en quelque lieu que vous soyez, vous receviez promptement de nos nouvelles.

Je vous ai mandé à Laon que l'assemblée vous a ordonné huit cent quarante-huit livres pour réparer quelques églises les plus ruinées et les plus délaissées de Champagne et de Picardie, non pour de grosses réparations, car il n'en faudrait qu'une pour consommer tout cet argent, mais pour faire en plusieurs églises les choses plus nécessaires, afin qu'on y puisse célébrer la sainte messe avec quelque décence et que les autels soient à couvert des vents et des pluies ; encore faut-il excepter celles où les seigneurs dîmiers et les habitants peuvent faire cette dépense, car, s'ils le peuvent, ils le doivent, et faut les y exhorter. Nous avons céans lesdites 848 livres que vous pouvez prendre et les tirer sur moi, quand il vous plaira, ensemble les 500 livres destinées pour en acheter des grains et les donner à semer aux pauvres

Lettre 3158. - L. s. - Original chez les Filles de la Charité de Grosseto (Italie).

 

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gens l'hiver prochain, ainsi que je vous ai écrit ci-devant. Ce n'est pas une nouvelle aumône ; je vous en parle seulement pour vous en faire souvenir.

J’attends que vous me mandiez où nous vous adresserons un petit ballot d'ornements et de linge d'église. Je vous avais écrit que nous vous les enverrions à Saint-Quentin ; mais cela n'a pas été fait, ayant pensé qu'il valait mieux attendre votre réponse.

Je ne puis pas vous dire encore quand vous prendrez congé de la Champagne.

Je ferai savoir aux dames ce que vous me mandez, et saurai si elles pourront faire quelque chose pour ces deux filles qui auraient volonté de se retirer en quelque communauté. Je doute fort qu'elles s'en veuillent mêler. Pour la troisième, qui veut être de la Charité, elle y pourra être reçue dans quelque temps, si elle persévère, ayant les bonnes qualités qu'elle a ; mais il est à propos de la remettre pour l'éprouver. Vous la pourrez cependant observer.

Je vous dis derechef que vous pouvez prendre, quand il vous plaira, les 900 et tant de livres que nous avons ici, dont je vous ai parlé il y a environ deux mois, destinées pour les pauvres de Champagne et de Picardie.

Je suis, en l'amour de N.-S., mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3159. - A PIERRE PINGRÉ, ÉVÊQUE DE TOULON

1660.

Vincent de Paul prie le prélat de se ménager pour le bien de l'Eglise.

Lettre 3159. - Collet, op. cit., t. II, p. 68.

 

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3160. - A UN PRÊTRE DE LA MISSION

[Juillet 1660] (1)

Il a plu à Dieu de nous ôter un de nos meilleurs frères (2) ; c'est le frère Sirven, qui était à Sedan la règle vivante de la compagnie, homme sage et intelligent, bienfaisant à tout le monde, qui s'adonnait volontiers au soin des malades et à la consolation des affligés. Toute la ville le regardait et aimait comme un saint et a. témoigné un grand regret de sa privation, même les hérétiques, qui étaient édifiés de sa modestie. Nous avons grand sujet de croire que Dieu a couronné son âme dans le ciel, lui donnant la couronne qu'il a préparée à ses bien-aimés qui exercent sur la terre les œuvres de miséricorde, ainsi que ce sien serviteur (3). Il ne faut pas laisser néanmoins de prier pour lui dans l'incertitude des jugements de Dieu. Je recommande à vos prières le pécheur qui vous écrit.

 

3161. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 23 juillet 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais ! .

J'ai reçu votre chère lettre du 12, où je vois qu'il est

Lettre 3160. - Manuscrit de Lyon.

1. Voir note 2.

2. Mort le 12 juillet.

3. Le secrétaire a ajouté ces quelques mots au bas de la minute du saint : "Un ancien prêtre qui a demeuré longtemps à Sedan avec ce cher défunt m'a dit qu'il avait entre autres talents une grande expérience dans la pharmacie et qu'il faisait des cures merveilleuses, qu'il avait étudié et que M. Vincent l'avait reçu pour être prêtre, mais qu'il avait mieux aimé la condition d'un pauvre frère."

Lettre 3161. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

 

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temps de vous envoyer le secours promis. Je souhaite fort, Monsieur, que vous le receviez pour votre soulagement ; car Dieu sait combien votre satisfaction et votre santé me sont à cœur. Nous vous allons donc disposer trois prêtres, ou au moins deux, et un frère clerc, qui enseigne céans la philosophie. Ce qui nous met en peine sont les Filles de la Charité qu'il faut envoyer en même temps ; car, Mademoiselle Le Gras nous ayant quittés, et les autres ne connaissant pas les filles, nous avons été obligés de disposer de celles que la défunte avait destinées pour la Pologne et de les envoyer ailleurs ; et nous nous trouvons maintenant un peu embarrassés dans le choix qu'il en faut faire. Nous ferons néanmoins le mieux que nous pourrons. Et le bon Dieu, qui voit la grande obligation et le désir très sensible que nous avons de contenter la reine, nous assistera, s'il lui plaît.

Nous prierons Dieu très volontiers, comme nous avons déjà fait, pour la confirmation de la paix et l'heureux succès des desseins de Leurs Majestés et des affaires du royaume.

Il a plu à Dieu de nous ôter un de nos bons et meilleurs frères ; c'est Sirven, qui était à Sedan la règle vivante de la compagnie, homme sage et intelligent, bienfaisant à tout le monde, qui s'adonnait volontiers au soin et soulagement des pauvres malades et à la consolation des affligés. Toute la ville l'aimait fort et les habitants ont assisté à son enterrement, depuis les premiers jusqu'aux moindres, témoignant beaucoup de regret de sa privation, même les hérétiques, qui étaient édifiés de sa modestie et de sa charité. Nous avons grand sujet de croire que Dieu a couronné son âme dans le ciel, lui donnant le royaume qu'il a préparé à ses bien-aimés qui exercent sur la terre les œuvres de miséricorde, ainsi qu'a fait ce sien serviteur. Néanmoins, Monsieur, il ne faut pas laisser de prier pour lui, dans

 

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l'incertitude des jugements de Dieu, qui mettent toute l'Eglise en prières pour les justes trépassés.

Nous avons céans trois ou quatre malades qui le sont dangereusement ; c'est de fièvre continue. Il semble que le bon Dieu nous veuille visiter. Son saint nom soit béni et sa volonté toujours accomplie ! Je suis, en son amour, de M. Duperroy, que j'embrasse de toute mon affection, et de vous particulièrement, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission de Sainte-Croix, à Varsovie.

 

3162. - MADAME DU BOULET-BRULAR A SAINT VINCENT

Monsieur Vincent est prié par Madame du Boulet-Brular de ne rien signer pour les aides de Melun, parce que le bail dont on lui a parlé et pour lequel il est prêt, est fait par surprise, au préjudice de beaucoup d'offres plus avantageuses aux propriétaires.

Ce vingt-trois juillet mil six cent soixante.

Suscription : Pour Monsieur Vincent, à la Mission.

 

3163. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A REIMS

De Paris. ce 24 juillet 1660.

Mon très cher Frère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Lettre 3162. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3163. - Cette lettre nous est connue par sa traduction italienne, insérée dans un des écrits du Procès de Béatification, Summarium Responsivum, p. 54.

 

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J'ai reçu la vôtre du 19 et communiqué vos précédentes lettres à l'assemblée, qui n'estime pas à propos que vous quittiez à cette heure, parce qu'il faut que vous vous appliquiez à restaurer et réparer quelques églises ruinées.

Quand vous aurez dépensé les huit cent quarante-huit livres que je vous ai envoyées, vous nous le ferez savoir, et on fera en sorte de vous envoyer quelque autre chose, etc.

 

3164. - M. DUFRESNER A SAINT VINCENT

Monsieur,

Nous vous enverrons cette bonne fille. Nous espérons que vous trouverez en elle une partie de ce qui est nécessaire pour l'accomplissement de ses désirs, et que votre bonté y mettra le surplus, laquelle je supplie de me faire part à vos prières, comme à celui qui vous est parfaitement acquis en qualité de, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

DUFRESNER .

A Nantes ,ce 25 juillet 1660.

Suscription : Au Révérend Révérend Père Vincent, général des Pères de la Mission, à St-Lazare, à Paris.

 

3165. - SŒUR NICOLE HARAN, SUPÉRIEURE A NANTES,

A SAINT VINCENT

De Nantes, ce 25 juillet ~1660.

Mon très cher et honoré Père.

Votre bénédiction, s'il vous plaît,

Je prends la hardiesse de vous importuner de ce mot de lettre pour vous supplier de nous faire la charité de nous en-

Lettre 3164. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3165. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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voyer un petit mot de vos chères nouvelles desquelles nous sommes bien en peine, affligées de vous voir privées de cette consolation que nous souhaitons avec si grand désir, que nos chères sœurs et moi vous demandons pour l'amour de Dieu.

Cette bonne fille dont les pères des pauvres vous ont récrit et que vous avez reçue doit partir demain matin pour venir pour entrer en notre compagnie. Je crois qu'elle sera bonne fille et, comme nous l'avons eue pour nous aider à présent que nous serons seules, nous nous prions de pourvoir à nous envoyer le plus tôt que vous pourrez notre sœur pour nous secourir ; car nous avons grand nombre de malades et sommes toutes bien indisposées et fatiguées. Nos Messieurs les pères témoignent être bien mécontents ; c'est [de] ce qu'elle tarde tant à venir.

Nous saluons avec tous respects tous nos bons Pères qui sont à la maison et nous recommandons à vos saintes prières et aux leurs, et moi particulièrement, qui suis et serai à jamais, mon très cher Père votre très obéissante fille.

SŒUR NICOLE HARAN,
indigne fille de la Charité.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général des prêtres de la Mission., à Saint-Lazare à Paris.

 

3166. - A MADEMOISELLE D'AUBRAI (1)

26 juillet 1660.

Vincent de Paul donne de sages conseils à Mademoiselle d’Aubrai, qui l'avait interrogé sur sa vocation (2) ; il ajoute "qu'il a demandé à Dieu des grâces importantes par l'entremise de M Olier."

Lettre 3166. - Collet, op. cit., t. II, p. 144.

1. Nièce de M. Olier.

2. Elle entra, au mois d'août, dans la communauté des Filles de la Sainte Vierge, fondée par son oncle.

 

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3167. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

Du 30 juillet 1660.

Il ne faut pas vous attendre de voir jamais votre maison sans défauts ; mais, pourvu qu'il n'y en arrive de griefs ou de scandaleux, il faut se résoudre à supporter les autres, et néanmoins faire ce qui se peut pour les diminuer, tant en la qualité qu'en la quantité. Après la conversion des pécheurs, pour entière qu'elle soit, il leur reste toujours quelques imperfections pour leur exercice, comme il paraît dans les apôtres qui suivaient Jésus-Christ et qui pourtant s'entretenaient entre eux de plusieurs choses répréhensibles. Je ne vois pas d'autre remède aux manquements généraux, qui, par la grâce de Dieu, ne sont pas grands, que les avertissements en public et en particulier, avec la prière et la patience.

 

3168. - A FIRMIN GET, SUPÉRIEUR, A MARSEILLE

De Paris, ce 30 juillet 1660.

Monsieur.

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Je n'ai point reçu de vos lettres par cet ordinaire. Je vous envoie la copie du testament de feu Madame la marquise de Vins et de son dernier codicille, pour demeurer en votre maison. J'attends les mémoires que je vous ai demandés sur les missions que vous avez faites, afin de solliciter le payement de votre rente.

Lettre 3167. - Reg. 2, p. 214.

Lettre 3168. - Dossier de la Mission, copie prise sur l'original chez M. Hains à Marseille.

 

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Je vous envoie la lettre de change que je vous ai fait espérer ; elle est de 984 livres, savoir : six cents livres pour les avances faites et à faire pour les pauvres forçats ; et trois cent quatre-vingt-quatre livres pour les envoyer à M. le comte d'Insiguin en Alger ; ce que je vous prie de faire par la première commodité. Si la Providence le met en liberté avec M. son fils avant que cette aumône arrive, elle servira pour d'autres esclaves.

Madame la marquise de Nantouillet (1) est en peine de savoir si vous avez fait tenir à M. son fils la somme qu'elle vous a adressée, si le commerce est libre de Marseille en Alger et ce qu'il faut qu'elle fasse pour la liberté de ce jeune gentilhomme. Je vous prie de lui en écrire un mot par une autre main que la vôtre et de me mander l'état de votre santé. J'en suis fort en peine et je prie et fais prier pour son rétablissement.

J'écris à M. Huguier qu'il donne 6 livres à Denis Beauvais, forçat sur la Capitaine, que nous avons reçues ici, et trente sols à Jacques Fournier, dit Larivière, sur la Saint-Dominique.

Depuis la présente écrite, j'ai reçu la lettre de M. Delespiney, du 20, où je vois que, par la grâce de Dieu, vous vous portez mieux ; je l'en remercie infiniment et je le prie qu'il achève de vous guérir. C'est en son amour que je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p d. l. M.

1. Louise d'Aguesseau, seconde femme de Henri du Prat, marquis de Nantouillet, qui commandait le régiment de cavalerie de la reine Anne d'Autriche.

 

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3169. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 30 juillet 1660

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre chère lettre du 17. ]e loue Dieu du repos que la famille prend et de la santé dont elle jouit après tant de travaux. Il me semble que vous vous mettez du nombre, puisque vous ne me dites rien de votre fièvre quarte ; ce qui augmente notablement ma joie. Je prie N.-S qu’il ait agréable de vous renouveler tous en son esprit, afin que toute :, vos opérations soient les siennes et que les fruits qui en réussiront soient de, fruits de la vie éternelle.

Il a plu a Dieu de nous ôter un de nos meilleurs frères ; c'est Sirven, qui était à Sedan la règle vivante de la compagnie, homme sage et intelligent, bienfaisant à tout le monde, qui s'adonnait volontiers au soulagement des pauvres malades et à la consolation les affligés. Toute la ville, qui l'aimait fort, a témoigné un grand regret de sa privation, même les hérétiques, qui étaient édifiés de sa modestie et de sa charité. Nous avons grand sujet de croire que Dieu a couronné son âme dans le ciel, lui donnant le royaume qu'il a préparé à ses bien-aimés qui exercent sur la terre les œuvres de miséricorde, ainsi qu'a fait ce sien serviteur. Néanmoins, Monsieur, il ne faut pas laisser de prier pour lui, dans l'incertitude des jugements de Dieu, qui met toute l'Eglise en prières même pour les justes trépassés.

Il ne faut pas penser à recevoir Vaugin (1), qui est sorti

Lettre 3169. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Jean Vaugin, né à Puzieux (Vosges), reçu dans la Congrégation de la Mission en novembre 1644, à l'âge de dix-neuf ans.

 

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de la compagnie, mais donnez-lui jusqu'à cinquante écus, si vous les avez et qu'il désire les toucher de delà. Nous les rendrons ici, sur votre lettre de change, à qui vous me marquerez. Cependant je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission, à Turin.

 

3170. - J. DE BREVEDENT A SAINT VINCENT

A Rouen, ce 30 juillet 1660.

Monsieur

Très humble salut en N.-S . J.- C. !

La bonté infinie de Dieu, nonobstant mes infidélités, peu de confiance et autres empêchements, m'a fait miséricorde et apaise la plupart des misères de mon esprit. Vous l'en avez prié, et je vous remercie autant que je peux, et vous supplie derechef de lui rendre grâces de tout votre cœur pour ce bienfait inestimable conféré à mon indigne et misérable personne et de le faire faire aussi par vos amis et de continuer à le prier qu'il me fasse la grâce d'accomplir sa très sainte volonté selon qu'il le désire.

Tel que je suis, on a jugé à propos que j'écrive quelques sentiments et lumières qu'il plaît à Dieu me donner sur le sujet de l'hérésie des jansénistes. Cela va à faire connaître leur état présent, le moyen de les reconnaître, les ruses dont ils se servent pour pervertir les fidèles et enfin ce que les catholiques doivent faire pour être tels et défendre leur Mère l'Eglise en cette occasion. Là dedans doit entrer une particularité touchant St-Cyran, dont l'on a eu connaissance par votre moyen. Je vous l'entendis dire un jour dans l'église de St-Lazare, en la répétition de l'oraison, et vous l'avez dite aussi au Père François Sevin, capucin, pour lors gardien (à ce que je crois) du couvent St-Jacques à Paris, qui me l'a racontée

Lettre 3170. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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depuis 12 ou 15 jours en cette ville, qui est qu'étant ami et familier dudit St-Cyran et faisant oraison par ensemble, il vous dut dire, à la fin d icelle, qu'il avait fait une belle méditation, de laquelle il faisait grande difficulté de vous faire part, et que, après en avoir été fort pressé de vous (qui était ce qu'il désirait), il vous dit qu’il l’avait faite sur ces paroles : Tempus destruendi, tempus aedificandi ; tempus evellendi, tempus (1) aedificandi ; tempus evellendi, tempus dissipandi (1) ; que là-dessus Dieu lui avait fait voir clairement que jusqu'alors Dieu s'était voulu servir de l'Eglise Romaine, mais que le temps était venu qu'il la voulait détruire, et quelques autres circonstances ; que, en une autre occasion, frappant du pied, il disait : "Oh ! le lâche de Calvin de n'avoir pas su se défendre !" A quoi vous répondîtes qu'il défendait des hérétiques ; ce qu'il n'écouta point et à quoi il ne se rendit point

Or, je vous demande maintenant, Monsieur, si vous trouvez pas bon que j'y emploie cela et fasse connaître ces vérités à ceux qui ne les savent pas encore et que je pense pouvoir être utiles aux catholiques. Cela vient au sujet de l'estime que ceux de ce parti-là tâchent de donner de leurs auteurs.

Je sais encore d'autres particularités considérables de Jansénius ; et, à ce sujet, on dit que l'abbé de St-Germain (2) qui était à la feue reine mère (3), l'a connu fort particulièrement l'espace de 12 ou 15 ans et qu’il était vrai et franc calviniste, et qu'il en sait quantité de choses fort considérables et qu'il a écrites même et est tout prêt de faire imprimer, mais qu'il attend là-dessus le commandement de la reine. Je crois que c'est parce que, ayant autrefois donné au jour ses sentiments avec beaucoup de liberté sur le sujet de M. le cardinal de Richelieu, on lui a fait défense de plus parler. Et je pense que vous rendrez service à Dieu et à l’Eglise, et considérable, de l'obliger à le faire et de lui en faire obtenir la permission.

Les personnes bien catholiques et zélées pour la défense de l'Eglise en cette présente occasion estiment qu'une des affaires des plus importantes qui soit dans l'Eglise de Dieu présentement est celle des Carmélites, d'autant que c'est un de ces Ordres plus saints et plus parfaits et qui a mieux conservé l'esprit de son Institut, et croient que ceux du grand couvent ont tort

1. Ecclésiastique III, 2.

2. Henri de Bourbon, évêque de Metz, abbé de Saint-Germain depuis 1623.

3. Marie de Médicis.

 

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1° L'autorité des personnes plus saintes de l'Ordre, comme entre autres la sœur Marguerite du Saint-Sacrement, qui vient de mourir, la Mère Jeanne qui est à Pontoise, qui sont de l'autre côté, ont résisté à leurs demandes et ont jugé et dit que ce sera la perte de leur Ordre. Or, vous savez de quel poids est le sentiment des personnes qui ont l'entrée du cabinet de Dieu et de son oreille.

2° Qu’il n'y a nul péril à maintenir ce premier ordre et manière de conduite établie par le Pape, puisqu’on n'a point vu qu'il se soit détraqué de la perfection de leur Ordre et lnstitut et de l’esprit de sainte Thérèse pendant qu'elles ont été conduites en cette manière, et qu'on peut raisonnablement juger et espérer que c'en sera de même à l'avenir, n'ayant rien de plus clair au contraire, et qu'on n'a pas la même assurance de la nouvelle manière de conduite, puisqu'on n'en a pas l'expérience.

Mais, de plus, il parait du péril de ce côté-là, et grand ; car la conduite étant entre les mains de ces deux abbés qui ont pouvoir de se perpétuer en nommant d'autres à leur volonté, je suppose que celui de ces deux qui reste soit catholique (de quoi toutefois tout le monde n'est assuré et plusieurs en doutent), il en peut nommer un qui sera janséniste, même contre son intention, d autant qu'il ne le connaîtra pas (car je pense que vous n'ignorez pas que aujourd'hui tel ne parait pas tel, imo fort opposé, qui pourtant l'est en effet et d'autant plus dangereux) ; et quand ce ne sera pas lui, ceux qui viendront après lui. Et si le jansénisme entre dans cette maison-là, quelle perte sera-ce pour l'Eglise et quel avantage pour ce parti hérétique-là ! Or, nous ne voyons point ce péril-là de l’autre côté, car ce sont des docteurs de Sorbonne, et de la partie saine et catholique, et très bien opposés à cette hérésie-là ; et il est non seulement probable, mais assuré qu'ils ne nommeront jamais de ceux que, pour leur indignité et corruption, ils ont retranchés de leur corps et qu'ils tiennent comme les ennemis ouverts et mués de l'Eglise et les leurs, si ce n'est qu'ils donnassent de telles assurances de leur pénitence et conversion qu'ils jugeassent qu'il n'y eût plus aucun péril ; ce qui doit avoir lieu non seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir

Un autre inconvénient que l'on y voit est que, dans ce début, les évêques s'entremettront pour en avoir la conduite et vider par là le différend ; et on dit que cela leur appartient de droit en ce cas et que celles du grand couvent semblent y vouloir donner les mains ;du moins on le craint. Or, si cela arrive, jugez quel péril est cet Ordre là, vu l’état

 

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de plusieurs évêques, comme ceux de Sens (1), de Beauvais (2) et bien d'autres.

Une autre raison est qu’on ne voit nul mal du côté du petit couvent pour ce sujet, nulle apparence, nul sujet de doute ,même un soupçon. Du côté du grand, il n'en est pas de même, car, sans parier des autres, nous ici à Rouen, en la maison de cet Ordre, qui est du côté du grand couvent une supérieure, qui donne bien de l'ombrage, et avec bon fondement, aux bons catholiques, à savoir grande intelligence avec Madame de Longueville, la grande protectrice des jansénistes de votre province et peut-être de toute la France, le même à l'égard des Pères de l’Oratoire et nomination de quelqu’un dont on l’a avertie qu’il y avait péril et qu’on soupçonnait avec sujet. Elle a fait prêcher dernièrement, à la fête du Mont-Carmel, une personne soupçonnée ; et, quand on l'a voulu avertir de ces choses-là, elle s'est cachée et n'a pas voulu souffrir l’avertissement et a fait des menteries, disant que c'était par l'ordre du Père recteur des jésuites. ce qui s’est trouvé faux.

Tout ce qui arrête les gens de bien en cette affaire-là .Monsieur, c'est qu'on dit que vous avez pris le parti du grand couvent. Je veux croire que vous n'y avez vu nul de ces inconvénients, ou que vous en avez vu encore de plus grands de l’autre côté, et des biens de celui-là que nous ne voyons point. Néanmoins, ayant eu communication de ces choses avec quelques gens de bien, bien catholiques, et à qui je crois que Dieu a donné le zèle et la science ou les lumières pour défendre les affaires et les intérêts de sa maison l’Eglise, et ayant en cela suivi leur avis, me confiant en la bonté et vertu que j’ai remarqué que Dieu a mises en vous, j'ai pris la confiance et la liberté, en toute l'humilité, le respect et la simplicité possibles, de vous représenter ces raisons hurluberlu, telles qu’elles sont, afin que vous les examiniez et voyiez si elles ont quelque apparence de raison, et que, si vous le jujez a propos, vous demandiez encore au bon Dieu ce qui en est, et, en tout cas, que vous nous fassiez part des lumières que Dieu vous a données sur cette affaire-là et qui vous ont obligé : à les appuyer de votre approbation (si toutefois cela, car je n’en suis pas assuré, et ne le dis qu'à vous et après ces personnes-là et par leur avis) afin que j'en puisse satisfaire ces personnes-là.

4. Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin (1646-19 septembre 1674).

5. Nicolas Choart de Burenval.

 

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L'on a jugé que la mort de l'abbé de Chandenier (6) était arrivée par permission divine et afin que vous vissiez vous-même en quel péril était cet Ordre-là dans cette sorte de conduite, comme je l'ai ci-devant exposé en deux raisons.

Ceux a qui Dieu a donné ces lumières-là pensent que le remède à cela serait, supposé qu’on trouve ces raisons-là raisonnables, appuyées de quelques autres encore meilleures que Dieu donnera à ceux qui lui voudront demander lumière là-dessus, de les représenter à Sa Sainteté et la supplier de les examiner, et, si elle le juge ainsi à propos, d'ordonner que les choses demeureront en la première manière ordonnée par ses prédécesseurs ; et on pense qu'il serait bien à propos d'y envoyer exprès une ou plusieurs personnes, capables de bien faire cette négociation ; car, comme j'ai dit, on estime cette affaire-là une des plus importantes qui soit aujourd'hui dans l'Eglise de Dieu.

Un autre remède serait d'en faire tomber la direction aux religieux du même Ordre, aux Carmes déchaussés, plutôt qu'elle vienne aux mains des évêques.

Enfin, Monsieur, me suffise de vous avoir donné à penser là-dessus pour l’Ordre que j’ai dit. Vous examinerez si ces petits avis viennent de Dieu, et, en ce cas ( si vous le jugez à propos), vous lui parlerez vous-même et verrez ce qu'il vous en dira lui-même.

On dit que les poètes ont des licences toutes particulières. J’espère que votre bonté en accordera encore de plus grandes à ma tête, telle que vous la connaissez, qui seront de vous envoyer mes impertinences telles et si mal digérées et en désordre qu'elles soient, avec ces rayures, pâtés, etc., et sans les récrire.

Si vous jugez à propos d'y répondre quelque mot, surtout au second article, touchant ce que je vous ai dit de St-Cyran, vous l'adresserez, s'il vous plaît, en cette ville, chez Monsieur le curé de St-Nicolas. Je n'y serai plus que jusqu'à vendredi prochain ; mais, si vous ne pouvez écrire sitôt, il me fera tenir les vôtres où je serai.

Je suis de tout mon cœur et en tout le respect que je dois, en l'amour de N.-S. J.-C., Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

J. DE BREVEDENT,
prêtre indigne.

Quelques gens de bien m'ont requis de recommander à vos

6. Louis de Chandenier, abbé de Tournus.

 

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prières une affaire qu'ils estiment d'importance et qui concerne la paix d'une famille, et en cela la gloire de Dieu vous l'aurez donc agréable, s'il vous plaît.

 

3171. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A REIMS

De Paris, ce 31 juillet 1660.

Mon cher Frère,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la vôtre du 26 courant. On a payé, à l'ordre de M. de Séraucourt, votre lettre de change de huit cent quarante-huit livres, destinées à la réparation des églises ruinées. J'espère qu'à la première réunion on dira d'envoyer quelqu'autre chose pour cet effet. J'y ferai présenter votre lettre, qui donnera encore motif de parler des missions à faire. Vous pourrez prendre aussi à notre compte, quand il vous plaira, les sommes dont vous. nous écrivez dans un billet à part, c'est-à-dire neuf cent quatre-vingt-quatre livres dix sols d'une part, et quatre-vingt-cinq livres d'autre part, et cinq cents livres d'autre part encore; ce qui fait en tout mille cinq cent soixante-dix livres et non mille six cent trois livres, comme vous m'écrivez Je vous prie de vous rappeler que les neuf cent quatre-vingt-quatre livres dix sols sont pour secourir et soulager les plus pauvres et nécessiteux de la Champagne et de la Picardie. Pour les cinq cents, je vous ferai savoir à quoi elles sont destinées. Les quatre-vingt-cinq livres dix sols sont pour les pauvres prêtres. Je ne vous ai fait mention que de soixante-seize livres

Lettre 3171. - Cette lettre nous est connue par sa traduction italienne, insérée dans un des écrits du procès de Béatification, Summarium Responsivum, p. 54.

 

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dix sols, mais maintenant j'y ajoute neuf livres que j'ai eues ensuite.

Nous ferons porter aujourd'hui ou demain un ballot d'ornements d'église au coche ou messager de Saint-Quentin ; l'autre ballot n'est pas encore prêt ; ce sera pour une autre fois.

Je reste, en Notre-Seigneur, mon cher Frère, votre très affectionné frère et serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3172. - M. BOURDET A SAINT VINCENT

De Melun, ce dernier de juillet 1660.

Monsieur et Vénérable Père,

L'honneur que Votre Révérence me fit, vendredi dernier, de votre intention me fait croire que Votre Révérence aura agréable que je lui adresse la présente, pour lui donner avis que je me suis acquitté envers la bonne Mère de Maupeou (1) et envers les deux autres dames oui l'accompagnent, des civilités que Votre Révérence m'ordonna de leur faire. Elles les ont reçues avec joie, et grand respect de moi, me voyant hors d'espérance de pouvoir pour l'avenir faire aucun service dans cette maison, pour le soupçon qu'elles ont de ma personne attendu que, ces bonnes filles ayant été divisées si longtemps, les unes croient que j'ai épousé le parti de Monseigneur de Sens avec trop de passion, bien que je n’aie en tout mon procédé aucun parti que celui de notre bon Jésus. Cela m'oblige à supplier Votre Révérence de me vouloir faire la charité de me donner quelque petit emploi, puisqu'elles ne se veulent plus servir de moi, bien que je les aie servies avec toute sorte de fidélité,. comme Votre Révérence a pu remar-

Lettre 3172. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Sœur Madeleine Maupeou, assistante du premier monastère de Paris, était allée à Melun, accompagnée de la Sœur Elisabeth-Angélique Fouquet, à la demande de Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, archevêque de Sens, pour rétablir l'ordre et l'union chez les Ursulines de cette localité.

 

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quer par les lettres que je fis voir à Votre Révérence à mes adresses par Monseigneur le nonce.

J’espère de votre charité assistance, vu et considéré les grandissimes peines que je supporte pendant cette désunion de la persécution dans mon bénéfice, qui m'est causée par Monsieur Daisne, me dérobant, s'il faut ainsi parler, par violence mon bénéfice. J’espère de votre bonté, pour l'amour de notre bon Jésus, soulagement dans mes nécessités, qui sont extrêmes, et permission d'oser me dire, tout le reste de mes jours, avec respect, mon vénérable Père, votre très humble et très obéissant serviteur.

BOURDET,
confesseur indigne des Ursulines de Melun.

 

3173. - JEAN LARMURYE A SAINT VINCENT

De Saint-Léonard (1), le 2 août 1660.

Monsieur,

La confiance que j’ai de votre charité me fait espérer que vous écouterez la très humble prière que je vous fais pour un bon homme, pauvre selon sa condition, unique cousin de feu M. Constantin, chanoine de Luçon, lequel, au sourd bruit du décès de son cousin, se porta à Luçon pour savoir au vrai ce qu'il craignait si fort et apprit de Messieurs les missionnaires que Monsieur Cyroy, absent, avait succédé aux biens du pauvre défunt mais qu'il n'était pas homme à y vouloir profiter ; quand il aurait satisfait à quelques dépenses, il lui remettrait le restant, en faisant valoir sa testation de parent.

Monsieur, vous êtes absolu et charitable, qu'il vous plaise je vous supplie, de vouloir prendre la peine de vouloir faire savoir vos volontés à ces .Messieurs, à ce qu'il leur plaise soulager sa nécessité bien grande, étant chargé de famille comme ces Messieurs ont pu connaître, lui ayant fait grâce de le retirer dans leur maison de Luçon. attendant que M. Cyroy, qui était à la Campagne. fût de retour.. Mais comme il vit qu'il n'avait pas de testation de sa parenté avec le défunt et que ces Messieurs n'ajouteraient pas foi à ce qu'il leur pourrait rapporter, il se retira ; et en prenant

Lettre 3173. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Chef-lieu de canton de la Haute-Vienne.

 

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congé d'eux, ils lui baillèrent ordre de vous faire écrire touchant ce sujet et vous prier, comme je fais très instamment pour lui, de lui vouloir continuer vos saintes charités, vous assurant, foi de prêtre, qu'elles sont très bien employées et que je n'ai d'autre gloire que de me dire, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

JEAN LARMURYE,
prêtre.

S'il vous plaît me faire l'honneur de votre réponse, vous pourrez faire l'adresse à M. Philippe Michel, marchand de Limoges.

Suscription : A Monsieur Vincent, général des missionnaires, demeurant au faubourg de Saint-Denis, au Lazare, à Paris.

 

3174. - A RENÉ ALMERAS, A TOURS

Du 4 août 1660.

J'ai été sensiblement touché de la première nouvelle de votre maladie, craignant que la fièvre ne survînt à votre grand abattement ; mais, voyant par votre second lettre qu'au lieu de cela votre faiblesse est beaucoup diminuée, mon affliction l'est aussi. Dieu en soit loué, Monsieur ! Il n'appartient qu'à lui de mortifier et de vivifier. Je suis fort consolé de vous savoir à l'Oratoire, où vous trouvez la charité comme en son trône royal, qui vous fait ressentir ce qu'elle est, par les douceurs et les assistances que vous recevez de ces bons Pères. Je prie Notre-Seigneur qu'il en soit leur récompense. Vous avez déjà reçu la vie dans leur maison de Bourbon, où vous avez été tenu pour mort, et j'espère que vous recevrez à présent la santé dans celle de Tours, où vous avez déjà trouvé du soulagement. Je me donnerai l'hon-

Lettre 3174. - Reg. 2, p. 268.

 

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neur, au premier jour, d'en remercier le R. P. Séguenot par une lettre exprès. Cependant ne vous hâtez pas de venir ; attendez que vous ayez des forces assez pour le voyage. Prenez tout l'argent qu'il vous faudra. Je serai plus consolé, à votre retour, que je ne saurais être par quelque autre sujet qui me pourrait survenir ; je demande à Dieu que ce soit au plus tôt et en parfaite santé. Au nom de Dieu, ménagez-la cependant ; n'épargnez rien ; prenez une litière. Je pensais avoir fait une bonne affaire de vous envoyer à Richelieu (1) ; mais jamais plus je ne le ferai, quand vous et moi vivrions 15 et 20 ans en même état.

 

3175. - AU FRÈRE MELCHIOR GAUDOIN, AU MANS (1)

De Paris, ce 4 août 1660

Mon cher Frère,

J'ai reçu votre lettre avec joie, et elle m'a renouvelé les sentiments de tendresse que j'ai toujours eus pour vous. Je rends grâces à Dieu de l'oblation que vous lui voulez faire par les vœux qui sont en usage en la compagnie, et je prie son Saint-Esprit, qui vous en a donné les mouvements, qu'il les accomplisse en vous. Je prie M. Laudin de vous admettre à cette sainte action, qui sera celle de toute votre vie la plus agréable à Dieu, si

1. René Alméras, prêtre de la Mission, avait été envoyé par saint Vincent à Richelieu à l'occasion du passage du roi, qui rentrait à Paris avec ssa jeune épouse.

Lettre 3175. - Pémartin, op. cit., t. IV, p. 584, l. 2058, d'après l'original, mis en vente en janvier 1854 chez M. Laverdet. Le saint, écrit ce dernier, "a voulu tracer, en post-scriptum, cinq petites lignes; mais étant illisibles, il les a biffées lui-même. Sa signature paraît avoir été apposée avec la plus grande difficulté."

 

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vous la faites en esprit de sacrifice, par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Heureux serez-vous, mon cher Frère, d'être crucifié avec lui pour la gloire de son Père et le salut des peuples, parce que vous régnerez aussi avec lui pendant toute l'éternité ! Amen.

Je vous envoie la reconnaissance que vous avez désirée pour la somme que vous avez laissée entre les mains de M. Maillard.

Je me recommande à vos prières. Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

 

3176. - JEAN DE FRICOURT, CLERC DE LA MISSION,

A SAINT VINCENT

A Saintes, ce 4 août 1660.

Monsieur et très honoré Père,

Votre sainte bénédiction !

Monsieur Fleury m'ayant dit qu'il se donnait l’honneur de vous écrire, m'a en même temps donné sujet de penser s'il était à propos que je prisse la même liberté. Il m'a semblé de prime abord que c'était en quelque façon agir contre le respect que je vous dois ; mais, ayant fait réflexion au bon accueil et à l’amour que vous témoignez à toute sorte de personnes, j'ai cru qu'étant votre fils, je devais avoir autant et plus de confiance en votre bonté qu'aucun autre. J’avoue bien, mon très honoré Père, que, si j'avais assez de force sur moi-même pour considérer toujours ma bassesse et mon néant, je n'aurais pas assez de témérité pour me mêler d'écrire à une personne si haute et si sainte, mais je souffrirais volontiers de passer pour un mal avisé, pourvu que j'obtienne ce que je prétends avoir, l'assistance de vos prières, une élévation de votre cœur envers Dieu pour moi, un petit souvenir d'un des plus malheureux enfants que vous ayez conçu en J.-C. et reçu en votre compagnie, en laquelle j'espère, moyennant la grâce

Lettre 3176. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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de Dieu, être toute ma vie, Monsieur et très honoré Père, .votre très humble et très obéissant serviteur

J. DE FRICOURT,
cler
c de la Mission

Suscription : A .Monsieur Vincent, supérieur général de la Congrégation de la Mission, aux Bons-Enfants.

 

3177. - SŒUR JOLLY A SAINT VINCENT

De Paris, ce 5 août 1660

Monsieur.

Très humble et respectueux salut en Notre-Seigneur ! Mon père m'ayant fait rapport de votre avis et sentiments sur notre sortie, j'ai cru que vous trouveriez bon que je vous en rende compte, et vous assurerai, Monsieur, que nous sommes sorties, sans aucune intention de vendre notre maison ; et il aurait été inutile, puisque mon père en avait la charge il y a plus d'un an ; mais le seul motif a été les mortifications continuelles que nous avions des religieuses, pour être à charge à la maison ; et ma sœur, quoique bien intentionnée pour sa vocation, souffrait plus que moi. Et, Monsieur, la communauté ne désirant plus la garder, comment ne la laisser sortir avec son habit de religieuse, n'en ayant point d'autre ? Quand elle en aurait eu, point de retraite, point de quoi subsister. J'ai cru que la nature et la charité m'obligeaient de l'accompagner plutôt qu'une autre et me remettre à la Providence, que j'ai trouvée d'abord par .Madame la duchesse de Noirmoutiers (1). sans l'espérer, par vous, Monsieur, sans le mériter, et dont je suis confuse.

Présentement nous sommes avec notre père, qui la cherchera. Si toutefois. après vous avoir fait connaître nos pures intentions, vous jugez que je doive m'en retourner en ma maison de religion. je n'y manquerai pas, avec résolution, de ma part, de souffrir autant que je le pourrai, et laisserai ma sœur avec son habit de religion,. étant très aise de ne point manquer à ma vocation et de suivre vos bonnes instructions Pour quoi, Monsieur,. j’attendrai en tonte, humilité vos com-

Lettre 3177. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Renée-Julie Aubéry, épouse de Louis de la Trémoille, duc de Noirmoutiers, morte le 20 mars 1679.

 

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mandements, comme étant en tout respect Monsieur, votre très humble et très obéissante servante.

Sœur C.N. du St-Sacrement
JOLLY,
r[eligieuse] i[ndigne ] b[énédictine]

Je vous envoie notre obédience, comme mon papa nous a témoigné de vous la renvoyer.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général des prêtres de la Mission, à St-Lazare.

 

3178. - LE CHANOINE LE MARESCHAL A SAINT VINCENT

[Août 1660] (1)

Mon très Révérend Père,

Le profit que font ceux que vous recevez dans votre maison pour être instruits de l'état ecclésiastique nous a paru si grand lorsqu'ils se sont présentés à nous pour être reçus aux ordres, qu’il me fait vous supplier de vouloir assister ce jeune homme de vos bonnes instructions Il désire faire une retraite de quelques jours pour ensuite venir ici prendre l'ordre de sous-diacre. Ayez cette bonté pour lui, en notre considération d'en vouloir prendre la conduite. Quoique je n'aie pas l'honneur d'être bien connu de vous, je me suis persuadé que vous recevrez favorablement celle-ci, puisque c'est par un motif de charité que je vous l'écris en faveur de ce porteur duquel nous espérons beaucoup, pour le bon naturel qui est en lui.

J'espère dans peu me joindre à Monsieur de Beausse, chanoine en cette église d'Evreux pour faire quelque retraite. Ce me sera une occasion bien avantageuse pour entrer dans l'honneur de votre habitude et vous assurer de vive voix comme je fais présentement que je suis mon très Révérend Père votre très humble et très obéissant serviteur.

LE MARESCHAL,
prêtre, chanoine

et promoteur d'Evreux.

Lettre 3178. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général de la Mission, à St-Lazare au bout du faubourg à Paris.

 

3179. - MADAME DE FLACOURT (1) A SAINT VINCENT`

[Août 1660.]

Monsieur,

Je vous prie de vouloir bien écrire à Madame d'Aiguillon pour lui demander si elle voudrait bien me faire la faveur de me prêter une chambre chez elle, toute la plus vilaine et la moindre qui soit dans sa maison, pourvu qu'elle soit dessus le jardin ; car c'est que je ne puis dormir dans la maison que nous avons louée. Je suis présentement chez Madame de Brinvilliers ; mais sa belle-sœur vint ces jours-ci, si bien qu'il m'en faut sortir. Je ne demande à Madame d'Aiguillon une chambre que pour trois semaines ou bien un mois. Si vous avez cette bonté pour moi d'en vouloir prier Madame la duchesse vous ferez la plus grande charité du monde car j'ai été six mois sans dormir. Je ne serai que la nuit chez Madame d'Aiguillon et je ne l'incommoderai point, car je serai le jour au logis. Le carrosse me viendra quérir Je n'ai que pour un mois car nous en chercherons partout à vendre ou à louer. Je vous prie de l'en vouloir prier et vous obligerez celle qui est Monsieur votre très humble et très obéissante servante.

M. DE FLACOURT,
fille de Madame de Romilly.

Je me recommande aussi à vos bonnes prières pour nos affaires qui ne vont pas fort bien.

Je vous prie le plus tôt que vous pourrez que j'en puisse savoir la réponse, car je suis pressée.

Lettre 3179. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Marie Sublet, épouse de Julien le Bret, seigneur de Flacourt, conseiller au parlement de Paris, morte le 29 juillet 1686.

 

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3180. - CLAUDE DE POUILLY, MARQUISE D’ESNE,

A SAINT VINCENT

[Août 1660] (1)

La haute réputation en laquelle vous êtes oblige Monsieur le marquis de Pransac (1) et moi de souhaiter que vous nous fassiez la grâce de vouloir recevoir chez vous notre fils aîné âgé de vingt ans lequel par mauvais conseil, lorsque nous étions, Monsieur et moi en ville, a monté par une échelle dans notre appartement et emporté tout l'or et l'argent qu'il a trouvés et, du même temps, a pris toute la vaisselle d'argent dans l'office et s'est absenté de notre maison ; et, depuis sa sortie, plusieurs personnes nous ont donné avis de ses déportements et assuré qu'il est entièrement abandonné et attaché aux bordels (3) et autres débauches, jureur, renieur, bref dans une extrême disgrâce et délaissement de notre doux Sauveur et de sa très auguste Mère, auxquels je l’avais ainsi que tous nos autres enfants, offert et dédié pour leur plus grande gloire et service.

Voyez s'il vous plaît, Monsieur la représentation que je vous fais ici de l'état et de l'âme et de la conscience de ce misérable, et le danger auquel il est de se perdre et de se damner pour une éternité ; et ensuite ayez je vous supplie, très humblement compassion de nous de le voir dans ce péril. Nous sommes après pour le faire attraper

Je vous supplie de me faire l'honneur de me mander si vous nous ferez à nous et à lui, la grâce de le recevoir, et, en ce cas les conditions, savoir combien il vous plaît qu’on vous donne pour sa nourriture et entretien de tout ; et si c'est à l'avance, si c'est par quartier ou autrement, et, s'il vous plaît de m'honorer de votre réponse, Monsieur, d'avoir agréable de la cacheter. J'espère de votre parfaite charité que vous entreprendrez la conversion de ce pécheur.

Je suis avec profond respect,. Monsieur, votre très humble et obéissante servante.

DE POUILLY D’ESNE

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent à St-lazare.

Lettre 3180. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Alexandre de Redon, marquis de Pransac.

3. Lieux de débauche.

 

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3181. - A DENIS LAUDIN

De Paris, ce 7 d'août 1660

Monsieur

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu deux de vos lettres, dont la dernière est du 1er de ce mois. Je trouve votre proposition bonne, qu’attendu les infirmités de notre frère de La Pesse, qui l'empêchent de s'appliquer à l'étude et à la régence, vous l'employiez à la procure, laissant néanmoins pour encore le titre de procureur à M. Turpin, pour signer les actes qu'il conviendra faire.

Je désire concerter avec M Dehorgny la résolution à prendre touchant les clefs de votre trésor, dont le frère Jean Proust a souvent à faire. Je ne l'ai encore pu. Je vous ferai réponse une autre fois sur cela, ou je la ferai faire par lui.

J'écris aux frères de La Pesse et Gaudoin touchant les vœux que l'un a faits et que l'autre demande à faire.

Je vous prie de nous mander comment se porte et se comporte le neveu de M. François, qui est un peintre de Paris, s'il est bien sage, s'il étudie bien et s'il est d'espérance.

Il a plu à Dieu de nous ôter un de nos meilleurs frères : c'est Sirven, qui était, à Sedan, la règle vivante de la compagnie, homme sage et intelligent, bienfaisant à tout le monde, qui s'adonnait volontiers au soulagement des pauvres malades et à la consolation des affligés. Toute la ville et les environs le regrettent fort, même les hérétiques, qui étaient édifiés de sa modestie et assistés de sa charité. Nous avons grand sujet de croire que Dieu a couronné son âme dans le ciel, après lui avoir fait la

Lettre 3181. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

 

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grâce d’exercer sur la terre les œuvres de miséricorde de la manière qu’il a fait. Néanmoins, Monsieur, il ne faut pas laisser de prier pour lui, dans l'incertitude des jugements de Dieu, qui met toute l'Eglise en prières pour les trépassés, même pour les justes.

Nous avons eu plusieurs malades, qui se portent mieux, grâces à Dieu, à la réserve du petit frère Le Gouz, qui est en danger de mort. Ce sera une grande perte, si elle arrive, parce que c'est un des meilleurs esprits du séminaire en tous sens. M. Alméras a été contraint de s'arrêter à Tours en s'en revenant de Richelieu, pour une grande faiblesse où il s'est trouvé, qui nous a mis en grande appréhension, mais par sa dernière lettre il me mande qu'il se remet un peu, grâces à Dieu, en qui je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Si je tarde à vous faire réponse touchant les clefs, vous m'en ferez ressouvenir au plus tôt.

Suscription : A Monsieur Monsieur Laudin, supérieur des prêtres de la Mission, au Mans.

 

3182. - LA MÈRE DE MONLUC A SAINT VINCENT

Le 7 août [1660] (1)

Mon Révérend Père,

Votre extrême bonté dont j’ai beaucoup de lumière me persuade aisément que vous ne désagréeres pas que j’ose vous en demander une marque en faveur de ce saint ecclésiastique qui vous demande votre bénédiction et l'honneur de votre protection, dans le pieux dessein qu'il a d'aller à Rome où il

Lettre 3182. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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a grand besoin de vos puissantes recommandations. Quand il aura l'avantage d'être connu de Votre Révérence, vous n'aurez pas regret de l'y avoir accordé votre assistance. Il n’a nulle habitude à Paris, n'y ayant jamais été. Il est de très bonne condition quoique son humilité l'engage de paraître le dernier de la taire et de mener une vie apostolique et très pauvre Il. a prêché en cette ville et confessé avec fruit Il sera très obligé à votre charité si vous daignez l'assister et l'y procurer quelque secours de ceux et celles qui font estime des fidèles serviteurs de Dieu, dont il est du nombre. Si je ne savais que [ceux] de mon nom vous sont en estime je n'entreprendrais pas de vous faire pour juge cette très humble recommandation, qui ne vous déplaira pas, tant vous avez de zèle au service de Dieu, que procurez si dignement

Ces pensées me donnent lieu d'espérer que vous exaucerez ma franchise et qu'aussi j'ai une qualité qui m'est toute précieuse, mon Révérend Père, de votre très humble et très obéissante servante

M. DE MONLUC,
abbesse de St-Jacques.

 

3183. - MONTIGNY-SERUYENT A SAINT VINCENT

Ce lundi au soir [1660, vers août] (1)

Mon très Révérend Père

J’ai vu ce soir le Révérend Père Eudes qui, à cause de la grande distance m'a prié de vous témoigner qu'il vous convierait demain mardi après midi faire en sorte que M. Desbordes vienne vous voir pour tâcher comme vous êtes de ses amis de le dissuader d'être contraire à l'établissement des Quinze-Vingts (2), Il se porte contre le Père Eudes avec des transports étranges. Je ne sais pas par quel motif il agit de cette manière. Il me semble qu'il pourrait en user d'une autre

Lettre 3183. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Voir note 2.

2. A la suite de la mission donnée aux Quinze-Vingts par le P. Eudes dans le courant des mois de mai et juin, Auvry, administrateur de l'établissement, avait formé le dessein de confier la direction spirituelle de l'établissement aux disciples du célèbre missionnaire. Ce projet ne put aboutir. (cf. Boulay, op. cit., t. III, p. 375.)

 

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manière. C’est ce que nous espérons par votre entremise. Il est nécessaire que cela puisse être demain après-midi parce que tous ces Messieurs s'assembleront mercredi pour cette affaire, afin d'en délibérer.

Je suis de tout mon cœur, mon très Révérend Père votre très humble et très obéissant serviteur.

MONTIGNY-SERUYENT

Mondit sieur Desbordes est un des administrateurs de cet hôpital des Quinze-Vingts. Je ferai rendre votre lettre à M. Desbordes de bonne heure.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent à St-Lazare.

 

3184. LES SŒURS DU PREMIER MONASTÈRE

DE LA VISITATION DE PARIS A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon très honoré et très cher Père

Ayant appris comme notre très digne Monsieur l'abbé de Blampignon a reçu un bref de Sa Sainteté pour être visiteur des Révérendes Mères carmélites de France, nous en avons été sensiblement touchées, non pas que nous soyons fâchées qu'il contribue à l'augmentation de la gloire de Dieu par ce bon œuvre, mais dans l'appréhension que nous avons qu’une si grande occupation m’empêche de nous pouvoir continuer ses charitables assistances ; ce qui serait un des plus grands malheurs qui puisse arriver à notre communauté qui, prosternée à vos pieds, mon très honoré Père,. vous vient supplier en toute humilité et avec la plus respectueuse affection qu'il nous est possible, de nous vouloir faire la grâce de nous assister de votre paternelle protection, afin qu'une personne qui nous est si extrêmement utile et nécessaire pour le bien de cette maison et le salut de nos âmes nous soit conservée. Ce sera une obligation immortelle que nous vous aurons, mon très honoré Père, si vous nous procurez ce bonheur, laquelle, jointe avec toutes les autres dont nous vous serons éternellement redevables, nous rendra, jusques aux derniers soupirs de nos vies ,dans un profond respect et une très humble sou-

Lettre 3184. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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mission mon très honoré et très cher Père, vos très humbles et très obéissantes et très obligées filles et servantes en .Notre-Seigneur.

LES SŒURS DE LA COMMUNAUTÉ
DE LA VISITATION STE-MARIE

D[ieu] s[oit] b[éni] !

De notre monastère de Paris, rue St-Antoine ce 8 août 1660

Suscription : A Monsieur,Monsieur Vincent de Paul, supérieur général des Révérends Pères de la Mission, à St-Lazare.

3185. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES

A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon tout unique Père

La sensible affliction où nous sommes causée de la très juste appréhension que la surcharge d’occupation où nous voyons Monsieur l'abbé de Blampignon ne nous prive de la grâce que sa bonté nous a si paternellement faite jusques à présent, nous fait prosterner en toute humilité à vos pieds, mon tout unique Père, pour y implorer votre secours et vous supplier très humblement, avec toute l'affection possible, d'avoir pitié de nous, faisant en sorte que la commission de visiteur général des chères Mères carmélites à notre véritablement bon Monsieur l’abbé de Blampignon ne le nécessite pas de faire des visites hors cette ville, cela ne se pouvant sans un préjudice si grand pour notre communauté que cela ne se peut dire laquelle a plus besoin du charitable secours de ce très honore Père que jamais. C'est pourquoi au nom de Dieu, mon tout unique Père usez de votre paternelle protection en notre faveur sur cet important sujet. Je vous en supplie de tout mon cœur, et vous remercie avec même affectation de la grande charité que votre bonté nous a faite au sujet de notre chère sœur Marie-Euphrosine Renault, qui est à Bayonne laquelle, mon très honoré Père, nous ne saurions assez reconnaître

Je supplie Notre-Seigneur vous récompenser lui-même et

Lettre 3185. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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nous conserver le très uniquement honoré Père qu'il nous a fait la grâce de nous donner. Accordez celle de votre sainte bénédiction mon tout unique Père, à votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES
DE LA V[ISITATION] SAINTE-M[ARIE]

D[ieu] s[oit] b[éni]

Ce 8 août [1660] (1)

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul général des Missions de France

 

3186. - EDME PICARDAT (1) A SAINT VINCENT

D'Angers ce 8 août 1660.

Monsieur et cher Père

Votre bénédiction !

Je vous supplie de faire tenir la présente à M. le supérieur de Troyes (2), et supplie aussi votre bonté paternelle, au nom de N-S. J-C. et de la sainte Vierge de me vouloir accorder la grâce de rentrer à la compagnie. Je suis toujours prêt à recevoir vos ordres, et, en attendant nous continuons toujours moi et toute notre compagnie, surtout nos petits pauvres, qui sont environ 90, qui prient tous les jours pour votre santé et pour la chère compagnie, à laquelle je suis et serai toute ma vie en l'amour de N.-S., Monsieur et très cher et honoré Père, votre très humble et très obéissant serviteur et petit fils.

EDME

Je supplie Monsieur Dehorgny de vouloir prendre la peine de me faire un mot de réponse touchant la dernière que je lui ai écrite. Nous prions Dieu pour lui., et lui baise les mains.

1. Cette lettre doit être rapprochée de la lettre 3184.

Lettre 3186. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Né à Rumilly-lès-Vaudes (Aube) le 23 avril 1613, entré dans la congrégation de la Mission, comme frère coadjuteur, le 5 octobre 1639, reçu aux vœux le 1er janvier 1643, sorti peu après.

2. François Dupuich.

 

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3187. - MADAME POTIER DE LAMOIGNON (1)

A SAINT VINCENT

Monsieur Vincent est très humblement supplié, de la part de Madame la première présidente, de lui vouloir mander si elle pourrait espérer deux filles de la Charité pour mettre à la Charité d’Auteuil. Il est nécessaire que lesdites filles soient capables de montrer à la jeunesse comme à bien prier Dieu à apprendre leur créance, leur catéchisme, à lire et autre chose, s’il se peut parce que dans ledit Auteuil il y a beaucoup de jeunesse qui perdent leur temps faute d'instruction. Cet ouvrage est digne de la piété de mondit sieur Vincent et il obligera bien fort madite dame la première présidente, qui lui donne le bonjour et se recommande à ses prières.

Ce lundi matin, 9 août 1660

Suscription : Pour Monsieur Vincent à St-Lazare.

 

3188. - PIERRE BAUSSET, PRÉVOT DE MARSEILLE,

A SAINT VINCENT

A Marseille, ce 10 août 1660

Monsieur

Dans l'extrême besoin, il faut recourir à ses meilleurs et plus puissants amis entre lesquels Monsieur vous êtes Vous aurez peut-être appris qu'à cause des mouvements de Marseille (1) le roi a envoyé mon frère (2) et mon neveu le lieutenant (3) à Issoudun, en Bercy où ils y sont depuis six mois

Lettre 3187. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Madeleine Potier, fille de Nicolas Potier, seigneur d'Ocquerre et secrétaire d'Etat, nièce de l'ancien évêque de Beauvais, épouse de Guillaume de Lamoignon, premier président, dame de la Charité d'une rare libéralité, fondatrice d'une œuvre d'assistance en faveur des prisonniers, des pauvres honteux et des malades (cf. Bibl. Maz. ms 10694, pièces 91 et 94), morte le 17 octobre 1705, dans sa quatre-vingt-deuxième année.

Lettre 3188. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Voir la lettre 3098, note 6.

2. Philippe Bausset, chanoine de l'église cathédrale de Marseille.

3. Antoine Bausset, lieutenant sénéchal, à Marseille.

 

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ayant auparavant été détenus prisonniers dans leurs maisons à Marseille l'espace de deux mois. Comme l'opinion publique est que tous les disgraciés recevront par le mariage du roi, les effets de sa clémence, je vous prie Monsieur pour l'amour de J.-C, vouloir nous assister en cette occasion et parler à la reine et à Monseigneur le cardinal (4) pour leur retour. Je vous puis vous assurer que cette absence incommode fort notre maison, qui n'est pas des plus riches, incommode la ville. par le défaut du premier officier de justice contre lequel personne ne se plaint et n’a autre crime que par maxime d'Etat.

DE BAUSSET,
prévôt.

Monsieur, ne sachant l'adresse de M l'évêque du Grand Caire à qui j'écris pour le même sujet je vous prie la lui faire rendre.

 

3189. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES A SAINT VINCENT

Ce 10 août [1660] (1)

Vive Jésus !

Mon tout unique Père

Nous ne saurions assez remercier votre bonté de la charité toute paternelle qu'elle nous fait, laquelle a rempli nos cœurs de joie, aussi bien que de très humble et toute filiale reconnaissance Mon très honoré Père, j'espère que le bon Dieu vous en donnera une grande récompense et qu'il nous fera la grâce de profiter plus que jamais de celle que votre bonté nous procure de notre véritablement bon Monsieur l'abbé de Blampignon

Nous eûmes hier l'honneur de voir Monsieur l'abbé de Benjamin, lequel nous a dit qu’il ne venait plus demander grâce, étant convaincu qu’il fallait faire justice, et passa une lettre de notre très honorée sœur l'assistante (2), par laquelle elle lui mandait qu'étant nécessitée de revenir à la fin de ce mois pour les affaires de notre Institut si l'on ne se dépêchait

4. Le cardinal Mazarin;

Lettre 3189. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. La sœur Madeleine Maupeou.

 

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de faire faire l'élection d'une supérieur en la communauté où elle est (3), qu’elle quitterait sans qu’il y en eût une, ou au moins sitôt après l'élection que les affaires de cette chère communauté en pourraient souffrir détriment .Et sur cela Monsieur de Benjamin nous assura qu'il partirait dès aujourd'hui pour aller voir avec notre très chère sœur l'assistante, les choses nécessaires pour faire faire au plus tôt cette élection et nous redonner, à la fin du mois, cette tout chèrement honorée sœur. Il nous proposa de laisser nos deux sœurs, ou au moins une, encore quelque temps ; mais, lui ayant dit les raisons pour lesquelles nous ne croyions pas le faire, il témoigna les recevoir, et ainsi nous espérons tout à fait jouir ici de ces trois chères sœurs avant la fin du mois, s'il plaît à Celui que je supplie nous conserver votre digne et sacrée personne pour sa gloire et le bonheur de celle qui, prosternée en esprit à vos pieds, y demande votre sainte bénédiction pour cette petite communauté, qui vous est si obligée, et aussi, mon tout unique Père, pour votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur

LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES.
de la Visitation Ste-Marie.

D[ieu] s[oit] b[éni] !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, général des Mission de France.

 

3190. - ANNE-MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

De notre troisième monastère, ce 10 août [1600] (1)

Mon très uniquement honoré Père,

C'est un petit mot pour donner avis à votre bonté comme nous avons parmi nous d'hier au soir tout tard ma chère sœur Louise-Madeleine Gimat qui est arrivée de Flandre ; et comme son chemin était de passer par devant notre porte. elle a cru qu'elle ne ferait point contre votre intention, ni contre celle de notre chère Mère du faubourg (2) de nous venir

3. Les Ursulines de Melun.

Lettre 3190. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place près de la lettre 3192.

2. Marie-Agnès Le Roy.

 

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voir ; et nous avons pris votre intention pour demander à notre chère Mère qu’elle nous la laissât pour jusqu'après la Notre-Dame afin qu'elle nous aidât à chanter notre office ce jour-là. Elle et toute notre petite troupe offrent avec moi leurs très humbles respects et obéissances à votre bonté, à qui nous demandons, toutes prosternées, votre sainte bénédiction.

Madame l'abbesse Dupart vous doit demander la permission d'entrer céans, ainsi qu’elle fait à nos deux autres monastères Je crois que vous savez que c'est la fille de Madame Fouquet, laquelle a aussi dessein de vous faire quelque proposition. Ce sont personnes de si grande vertu et exemple que ce que vous leur accorderez sera toujours reçu dans le respect et sou- mission que vous doit celle qui est d’une incomparable affection, pleine de respect, mon très uniquement honoré Père votre très humble et très obéissante et indigne fille et servante en N.-S.

SŒUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN
de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général des prêtres de la Mission de St-Lazare.

 

3191. - A JEAN DU HAUT DE SALIES,

ÉVÊQUE DE LESCAR

11 d'août 1660.

J'ai su que Votre Grandeur n'a pas reçu la lettre que je me suis donné l'honneur de lui écrire l'an passé, en réponse au commandement qu'elle m'avait fait de lui envoyer quatre de nos prêtres pour Bétharram ; mais je ne l'ai appris certainement que depuis peu de jours, que j'en ai été assuré par Monsieur le premier président de Pau (1), pour lequel il y avait une lettre dans le même paquet, qu'il n'a pas non plus reçue Je suis très affligé, Monseigneur, de la peine où vous avez été par la perte de ce paquet et du sujet que vous avez eu de

Lettre 3191. - Reg. 2, p. 89.

1. Thibaut de la Vie.

 

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douter de mon obéissance. Certes, je serais un ingrat si j'avais manqué de vous la témoigner en cette occasion où votre bonté nous fait la grâce de nous appeler non seulement en votre diocèse, mais en un poste des plus avantageux du royaume, pour y rendre quelque service à Dieu ; de quoi, Monseigneur, nous sommes infiniment obligés à Votre Grandeur.

Il est vrai qu'elle m'en a parlé dans un terme obscur, qui, étant pris au pied de la lettre, nous mettrait hors d'état de nous prévaloir de votre bonne volonté. C'est, Monseigneur, qu'après m'avoir dit que vous avez tiré le consentement de ces Messieurs de Bétharram, vous ajoutez que nos prêtres y seront reçus comme membres dudit corps. Ce qui m'a obligé et m'oblige encore de représenter très humblement à Votre Grandeur que cette proposition d'entrer comme membres de ce corps est incompatible avec ce que nous sommes, qui composons un corps de missionnaires, parce que ceux que nous enverrions ne pourraient pas être en même temps membres de la Mission et membres de la communauté de Bétharram ; il faudrait qu'ils sortissent de l'une pour entrer dans l'autre, puisque ce sont deux corps différents, si ce n'est que des deux on n'en fasse qu'un, qu'on unisse le corps de la Mission à la communauté de Bétharram, ou le corps de Bétharram à la compagnie de la Mission.

Celle-ci, Monseigneur, s'unirait volontiers à l'autre, si elle le pouvait, et elle laisserait la qualité de congrégation de la Mission pour prendre le nom de la communauté de Bétharram. Mais, parce que notre petit Institut est approuvé par les Papes, les rois de France, le parlement de Paris et par d'autres cours souveraines, sous le nom de la Mission, nous ne pouvons pas quitter ce nom-là pour en prendre un autre, sans le consentement de toutes ces puissances et celui de nos bienfai-

 

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teurs qui ont traité avec nous, qui faisons le corps de la Mission. Et je pense aussi, Monseigneur, que ce n’est pas votre intention que cela se fasse. Nous ne saunons non plus le faire que du consentement des maisons qui composent notre même compagnie, même des personnes ; ce qui est très difficile.

De dire maintenant qu'il n'y aura que ces quatre prêtres qui se détacheront de la Mission pour s'incorporer à la communauté de Bétharram, c'est, .Monseigneur, ce qu'ils ne peuvent faire, s'étant donnés à Dieu pour vivre et pour mourir missionnaires dans la même congrégation de la Mission.

De dire aussi que la communauté de Bétharram, si considérable par son institution, par l'approbation des seigneurs évêques de Lescar, par la sainteté du lieu et par la grâce des miracles qui s'y font, s'unira à notre dite congrégation et qu'elle en prendra le nom, les règles et la manière d'agir, c'est ce que ces Messieurs auraient peine de faire et Votre Grandeur d'approuver, non sans sujet, vu notre chétiveté.

Voici, Monseigneur, comme l'on a procédé à l'union qui a été faite de la maison de Saint-Lazare-lez-Paris à notre congrégation. Il y avait des chanoines réguliers de Saint-Augustin, et le prieur, de leur consentement, me vint offrir leur maison, dans le collège des Bons-Enfants, où nous demeurions ; ce que nous acceptâmes ; et ayant traité avec eux sous le bon plaisir de Monseigneur l'archevêque, qui en était le collateur, lui-même en fit l'union et nous mit en possession de cette maison et de tous les biens en dépendants, à condition de payer audit prieur et à chacun des religieux la pension dont nous étions convenus, de faire le service divin et d'accomplir toutes les charges, comme aussi qu'il leur serait loisible d'habiter avec nous et de s'en retirer, ainsi que bon leur semblerait ; et, quoique du commencement cette

 

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union fût traversée par un monastère du même Ordre (2) elle fut néanmoins confirmée par lettres patentes du roi, deux arrêts du parlement et ensuite par notre Saint-Père le Pape.

Il semble donc, .Monseigneur, qu'on pourrait procéder à cette union de Bétharram de cette manière, si on désire de nous y établir solidement.

Peut-être que l'on dira que, supposée ladite union de Bétharram à la .Mission, les exercices de dévotion ne s’y pratiqueront plus comme ils s'y pratiquent à cette heure, et qu'on n'y verra plus que les seules pratiques des autres maisons de la Mission. Mais on répond que les prêtres de la Mission s'obligeront d'exercer audit Bétharram tous les devoirs de piété accoutumés : de dire l'office divin, de maintenir la musique, de recevoir les pèlerins, d'acquitter les fondations et d'entretenir les bâtiments, bref de satisfaire à toutes les obligations, et particulièrement de payer à Messieurs les ecclésiastiques qui nous auront substitués à leurs places telle pension que vous, Monseigneur, ordonnerez. Pour cela, il serait à propos de nous faire voir un état de tout le revenu fixe et casuel et de toutes les charges anciennes et nouvelles qu'on voudra nous imposer.

L'on pourra objecter aussi que, cette union faite, Messieurs les ecclésiastiques de Bétharram qui ne voudront se faire missionnaires, seront obligés de se retirer. Mais cela ne sera pas, car, s'ils veulent demeurer dans la maison et y travailler aux mêmes charges et conditions qu'ils ont fait jusqu'à présent, il leur sera loisible.

L'on pourra finalement objecter que Monseigneur l'évêque n'aura plus l'autorité qu'il avait sur ladite chapelle. A quoi je réponds, Monseigneur, que vous y aurez

2. L'abbaye de saint-Victor.

 

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toujours le même pouvoir que vous y avez à l'égard du .service divin et l'administration des saints sacrements, et que vous en aurez bien davantage sur lesdits prêtres de la Mission que vous en avez sur ces Messieurs de Bétharram, ni sur aucuns de votre diocèse, parce que les missionnaires se sont donnés à Dieu et à Messeigneurs les prélats pour leur obéir comme les serviteurs de l'Evangile à leur maître, en sorte que, leur disant: "Allez en tel lieu prêcher, catéchiser et faire les autres fonctions de la Mission," ils sont obligés d'y aller, et, quand ils les rappellent, de revenir ; et quand ils leur disent : "Faites cela," ils le doivent faire, selon notre Institut.

Mais, pour le regard de la conduite intérieure des familles et des personnes de notre congrégation, en quelque lieu qu'elles soient, elle demeure à leur supérieur général. C'est à lui à les changer, à les appeler et rappeler d'une maison à une autre, de nommer les supérieurs particuliers et les autres officiers, d'envoyer de temps en temps des visiteurs de sa part en chaque lieu, pour y maintenir la charité et l'observance des règles, recevoir les comptes de la dépense et de la recette, etc. (3)

Voilà, Monseigneur, ce que contenait ma première lettre. Je suis honteux de vous faire une si longue et si ennuyeuse répétition. Le désir que nous avons que toutes choses soient bien éclaircies, pour prévenir les difficultés qui pourraient naître du contraire, m'a obligé de m'étendre de la sorte. Je supplie très humblement Votre Grandeur de ne l'avoir pas désagréable et de croire qu'en quelque manière qu'il lui plaira de recevoir les choses susdites, je serai à jamais...

3. Le projet d'établissement à Bétharram n'aboutit pas.

 

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3192. - MARIE-AGNÈS LE ROY A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre monastère du faubourg, St-Jacques, ce 11 août 1660

Mon très cher et très honoré Père,

J’ai reçu votre lettre, dont je vous remercie très humblement. J'ai été bien consolée de voir votre cœur adouci en mon endroit. Au reste, mon très honoré Père, notre sœur Louise-Madeleine Gimat, qui était à Mons, arriva lundi au soir et alla descendre d'elle-même chez nos sœurs de la rue Montorgueil, où elle est présentement. Je vous avoue que j'ai été un peu surprise qu'elle ait pris cette liberté , cela n'étant pas, comme vous savez, dans l'ordre. Ma sœur, la supérieure la demande pour jusques après la fête de la Vierge, pour leur aider à chanter l'office ; car vous saures que, de toutes celles qu'elles ont choisies, il n'y en a qu'une seule qui ait de la voix. Si elles désiraient de garder tout à fait cette chère sœur, vous y opposeriez-vous? Notre nombre est assez grand pour se passer aisément de cette augmentation, et elles peut-être s'en trouveraient fort bien. Il me semble qu'elle mériterait bien cela, puisqu'elle en a usé comme elle a fait. La communauté de céans en est un peu surprise. C'est seulement pour vous informer de tout ceci que je vous en écris, ne m'étant point chargée de vous demander quoi que ce soit, ayant laissé à ma sœur la supérieure de vous faire sa demande. Et la pensée que je vous propose de l'y laisser, puis qu'elle y est allée descendre, ne vient que de moi, m'ayant semblé qu'elle le mériterait, sinon pour toujours, au moins moins temps.

Je vous supplie très humblement, mon très honoré Père,. que ces petites pensées ne soient que pour vous seul. Vous en voyez bien l’importance, et faites-moi la grâce de faire brûler cette lettre. à laquelle je n'attends nulle réponse, ayant seulement eu dessein de vous dire mes petites pensées, qui s'exprimeraient mieux si l'on pouvait parler ; mais Dieu ne le permet pas.

Je suis, en son amour, mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR MARIE-AGNES LE ROY

Dieu soit Béni !

Lettre 3192. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

3193. - MARIE-CATHERINE LE GAY A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Monsieur et très honoré Père,

Plaise à notre doux et divin Sauveur vous donner une longue vie pour le bien et consolation de plusieurs et surtout de nos cœurs, qui le souhaitent dans la très sainte et adorable volonté de Dieu ! A ce que l'on m'a dit, la qualité de votre mal m'a ôté l'espérance de vous revoir en ce monde, qui m'a fait enhardir de ce petit mot pour vous supplier très humblement de me donner votre sainte bénédiction et une petite part en vos saintes prières pour m'obtenir miséricorde de notre bon Sauveur L'extrême obligation que j'ai de si longtemps à votre bonté me fait espérer cette grâce, afin que ce peu de temps que j’ai encore à vivre soit employé mieux que par le passé ; je vous en supplie, Monsieur et très honoré Père, que je remercie très humblement de tant de support et bonté exercée en mon endroit. Dieu, par sa bonté infinie en soit votre récompensé !

Continuez-moi s'il vous plaît, votre souvenir devant cette divine majesté de Notre-Seigneur et sa très auguste Mère, et me permettez, Monsieur et très honoré Père, de me dire en toute humilité et respect, votre très humble, très obligée et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur

SŒUR MARIE-CATHERINE LE GAY,
la novice de la Visitation Ste-Marie.

De notre premier monastère de Paris, ce 12 août 1660.

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur, Monsieur Vincent de Paul, à St-Lazare

Lettre 3193. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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3194. - LE PÈRE CLAUDE SÉGUENOT A SAINT VINCENT

A Tours, 12 août [1660] (1)

Monsieur

Je m’estimerais heureux si j'avais rendu quelque service à un de vos enfants et particulièrement à une personne du mérite et du poids de Monsieur d'Alméras Mais ce que nous avons fait pour lui, dans l'occasion qui s'est présentée, est si peu de chose que je ne suis pas moins honteux que surpris de ce que vous m'en témoignez. Ce n'est pas une reconnaissance qui vous soit due, mais c'est une marque et un effet de la tendresse que vous avez pour ceux qui sont sous votre conduite, et de la part que vous prenez dans tout ce qui les regarde S'il est aucunement satisfait de notre simplicité, nous le sommes bien davantage de l'édification que nous avons reçue tant de ses entretiens que de sa vertu Et nous lui avons infiniment plus d'obligation de l’honneur qu'il nous a bien voulu faire, qu’il ne nous en peut avoir de la très petite assistance qu’il a reçue de nous.

Vous verrez par la lettre qu'il vous écrit comme il a pris résolution de s'en retourner à Richelieu, en attendant qu’il soit en état de pouvoir aller à Paris. Je lui enverrai la vôtre, il la recevra samedi.

S'il y a quelqu'autre chose à faire ici pour votre service, ou pour le sien, vous ne sauriez donner les ordres à personne sur qui vous ayez plus de pouvoir que vous en avez sur moi, qui suis avec plus de respect et de sincérité, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

SÉGUENOT,
prêtre de l'Oratoire

Suscription : A Monsieur, Monsieur Vincent, supérieur général de la Congrégation de la Mission à Paris.

Lettre 3194. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place près de la lettre 3195.

 

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3195. - M. PINON A SAINT VINCENT

A Tours, ce 12 août 1660

Monsieur,

La providence de Dieu ayant permis que M d'Alméras demeurât malade en cette ville, à son retour de Richelieu à fait naître en moi une occasion très avantageuse pour avoir l'honneur de la connaissance d'une personne d'une si haute vertu et sainteté, appuyée sur le fondement des plus grands saints, qui est une profonde humilité. J’ai tâché de lui témoigner, par mes très humbles respects, la très grande obligation que je lui dois et à vous, Monsieur à qui je ne saurais satisfaire, puisqu'elles vont toujours augmentant jusqu'à l'infini, et à cause de la grâce que vous me faites de souffrir mon fils (1) dans votre sainte Compagnie, laquelle je supplie, et de tout mon cœur, Notre-Seigneur d’y continuer à répandre ses saintes bénédictions, comme sur des personnes qui sont si nécessaires dans son Eglise et qui y font tant de bien pour l'avancement de sa plus grande gloire. Néanmoins le contentement que j'ai eu de l'honneur de le voir a été bien partagé en le voyant si mal comme il a été et ne le pouvant soulager, comme je m’y suis obligé, n'ayant jamais voulu me faire l'honneur de prendre mon logis. J'espère, si Dieu lui fait la grâce de revenir à Richelieu. qu'il ne me la déniera pas ainsi, comme il m'a promis

Il vous a donné avis comme il a changé de dessein, et, au lieu de s’en retourner à Paris, voyant les fréquentes faiblesses ou il tombe, a pris résolution de retourner à Richelieu, et est parti du jourd'hui sur un brancard, où j'espère moyennant la grâce de Dieu, qu'il y est arrivé présentement.

Je lui avais fait ouverture d'un dessein que j'avais pour mon fils, votre disciple. qui est que je serais bien aise, si vous le treuvez à propos, Monsieur, de convenir avec vous et lui assurer d'une pension viagère, afin qu'après ma mort, qui est possible bien proche. parce que je suis dans l'année climatérique qui en met grand nombre , au tombeau, il n'y eût point lieu, à cause de son absence si éloignée, de faire sceller et de donner commission à quelqu’un pour faire faire des partages qui pourraient apporter quelque trouble à la famille. Je voudrais lui assigner sur tout mon bien,

Lettre 3195. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Pierre Pinon.

 

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pendant que Notre-Seigneur lui fera la grâce de demeurer en votre sainte compagnie, deux cents livres, et, en cas qu'il s’en retirât pour cause de quelque infirmité, ou autrement, trois cents livres C'est ce que je peux faire sur le peu de bien que j'ai ; et, si le jugez raisonnable Monsieur, prendre la peine, s'il vous plaît, de lui en faire récrire, afin d'avoir son consentement, ainsi que je fais, avec votre permission Ledit M d'Alméras m'a assuré que je pouvais vous en récrire et qu'il croyait que vous y pouviez entendre

C'est ce qui me fera finir la présente par mes très humbles respects à vous, Monsieur, que je supplie très humblement d'accepter, et mon très humble service, qui vous est acquis, et de toute ma famille, et, avec votre permission, Monsieur, me faire part à vos très saints sacrifices, auxquels je me recommande de tout mon cœur, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

PINON

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général de Messieurs de la Mission, à St-Lazare.

 

3196. - JOSEPH BAYN A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je fus hier chez Madame la duchesse d'Aiguillon pour avoir la satisfaction de voir quelques singularités que l'on m'a dit y avoir dans sa maison et pour moyenner aussi que, lorsqu'elle entendrait parler de moi, cela lui fit ressouvenir de la lettre qu'elle avait fait espérer. Mais, de bonne fortune, elle se treuva occupée par quelque visite qu'on lui faisait. Cela fut cause qu'on n'osa pas lui demander des clefs, ni parler de moi, de sorte que j'ai déterminé la semaine prochaine d'y aller pour prendre congé. Cela la pourra faire ressouvenir, si jà elle n'y a pourvu

Cependant je vous dirai que, par ma dernière lettre, venue de Marseille, j'ai ordre de mon frère de vous présenter ses humbles saluts et respects, auxquels je prends la liberté de joindre les miens et la qualité, Monsieur, de votre très humble et très obligé serviteur.

JOSEPH BAYN

A Paris, le 12 août 1660

Lettre 3196. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, général de Messieurs les missionnaires, à Paris.

 

3197. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 13 août 1660.

Je loue Dieu de ce que le dessein qu'on a formé a Rome d'y établir un séminaire pour les missions étrangères soit revenu a vous ; il y a apparence que, si Dieu en veut l'exécution, il se servira de votre famille pour y travailler et qu'il lui donnera sa bénédiction pour cela jamais, humainement parlant, il sera malaisé de trouver des hommes bien propres et bien résolus pour cette vie apostolique. A la vérité, il s'en pourra présenter qui entreront volontiers au séminaire ; mais, pour entreprendre en effet ces missions lointaines avec le détachement et le zèle qu'il faudrait, il s'en trouvera peu.

 

3198. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

Du 13 août 1660

Notre règle, nous ordonnant de faire tous les jours une heure d'oraison mentale, n'excepte pas les jours qu'on repose ; et ainsi, Monsieur, il la faut faire ces jours-là d'une heure entière, de même que si on n'avait pas reposé ; il n'est pas juste de prendre ce repos sur l'action la plus importante du jour. On doit pourtant s'accommoder à la nécessité des affaires. On a quelquefois des choses à expédier qui ne se peuvent remettre, ni compatir avec son heure d'oraison ; à la bonne heure, on a égard à de tels empêchements, après néanmoins

Lettre 3197. - Reg. 2, p. 254.

Lettre 3198. - Reg. 2, p. 215.

 

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les avoir considérés devant Dieu et trouvés raisonnables ; car Dieu ne nous demande rien qui soit contraire à la raison. Mais, comme cela n'arrive pas toujours, ni à toutes personnes, il est à propos, généralement parlant, de se tenir à la règle, non seulement au sujet de l'oraison, mais il est expédient de consulter la même règle dans tous les doutes et les difficultés qui nous arrivent, pour nous y conformer autant qu'il est possible. Monseigneur le prince de Conti sera un jour notre juge, au moins le mien. Il est admirable en sa fidélité à l'oraison ; il en fait tous les jours deux heures, l'une le matin et l'autre le soir ; et, quelques grandes occupations qu'il ait et quelque monde qui l'environne, il n'y manque jamais. Il est vrai qu'il n'est pas si attaché aux heures, qu'il ne les avance ou ne les retarde, selon l'exigence des affaires. Plaise à Dieu de nous donner cet attrait pour nous unir à Notre-Seigneur, en qui je suis...

 

3199. - ANNE MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre troisième monastère de Paris, ce 13 août [1660] (1) ]

Mon très uniquement honoré Père

Nous nous sommes donné l’honneur de vous écrire pour donner avis à votre bonté de l'arrivée de ma chère sœur Louise-Madeleine Gimat, en ce, Monsieur, vous ayant demandé aussi la permission qu’elle pût demeurer jusqu'après le jour de la Notre-Dame, pour nous aider à chanter à la fête de l'Assomption. notre office, étant si peu,, que sa voix nous soulagera beaucoup

Nous venons encore, mon très uniquement honoré Père supplier très humblement votre bonté de donner permission

Lettre 3199. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place non loin de la lettre 3190.

 

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à notre chère Mère Dufaux de venir ici pour une petite journée, avec deux ou trois de nos sœurs qu'il lui plaira nous amener pour l'accompagner, son voyage en cette maison nous étant non seulement utile, mais encore nécessaire, afin que sa charité voie un peu les ouvrages des bâtiments qui sont achevés, dont elle a fait le marché et où nous trouvons des difficultés, le maçon n'ayant pas suivi ce qu'il lui avait promis ; et nous serons bien aises que sa charité en soit témoin oculaire ; et nous espérons, mon très uniquement honoré Père, que votre bonté ne nous refusera pas cette grâce comme aussi celle qui nous est tout à fait nécessaire, qui est d avoir une de nos sœurs domestiques pour quelque temps. Nous croyions en venant ici nous en pouvoir passer, mais nous voyons qu'il est du tout impossible de le faire, ne pouvant en dresser d'autres pour la cuisine, ne sachant pas les apprêts ni les ordres que l'on garde dans les religions ; et pas une de nous n'est pas assez savante pour leur apprendre ; et cela, mon très cher Père, nous est si nécessaire que, si nos chères sœurs du faubourg n'étaient pas en pouvoir de cela, nous en sommes dans une si grande nécessité que nous demanderions à votre bonté permission de nous adresser à nos chères sœurs de la ville, savoir si elles ne nous en pourraient point prêter une pour quelque peu de temps ; et notre chère Mère du faubourg (2) nous la pourrait envoyer au plus tôt ou nous l'amener, si elle nous en peut donner une ou bien revenir quérir par même moyen ma chère sœur Louise-Madeleine Gimat

Nous attendrons d'être honoré d'un mot de réponse sur tous ces petits besoins, mais surtout pour une sœur domestique. Si votre bonté en voit l'extrême besoin., je crois que votre extrême bonté ne ferait aucune difficulté de nous l’accorder. C’est la très humble supplication que nous réitérons à votre bonté, et de la part de notre petite communauté, qui avec moi demandons votre sainte bénédiction comme étant, dans tout le respect possible, mon très uniquement honoré, votre très humble, très obéissante et indigne fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR ANNE-MARGUERITE GUERIN,
de la Visitation Ste Marie.

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission de St-Lazare.

2. Marie-Agnès Le Roy.

 

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3200. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A SAINT-QUENTIN

De Paris, ce 14 août 1660

Mon cher Frère,

Nous ferons emballer aujourd'hui, s'il plaît à Dieu, ce que nous avons d'ornements et de linge d'église, afin de l’envoyer par le premier messager ou par le coche, et je vous en adresserai la note Il y a six chasubles, deux aubes, six ciboires d'argent, trois ou quatre nappes d'autel, des voiles, des corporaux et des purificatoires, dont je ne sais pas encore le nombre. Il y aura aussi quelques soutanes usées pour de pauvres prêtres, etc.

 

3201.- JEAN HUDICOURT A SAINT VINCENT

Monsieur Vincent à votre bonne grâce je me recommande, vous baisant très humblement la main Je ne vous recommande pas mon fils (1), parce que je me contente de croire que vous lui êtes père après notre Dieu ; mais je vous recommande mes deux autres fils, que tous leurs désirs sont de vous venir jeter à vos pieds .Si notre Dieu les appelle à son service tous trois., tous mes désirs seront accomplis. Quand j'ai été à Paris et que j'ai reconnu tant de contentement, entendant le discours de mon fils et tant de consolation, j’ai été de tout satisfait. J'ai bien prévu qu’il a trouvé le chemin du ciel A Dieu [plaise] que ses deux frères avec, la grâce de Dieu et des supérieurs (2) et c'est bon [à] nous de pouvoir faire le même d'eux

Lettre 3201. - Cette lettre nous est connue par sa traduction italienne insérée dans un des écrits du Procès de Béatification, Summarium Responsivum, p. 55.

Lettre 3201. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Charles-François Hudicourt, né à Bapaume (Pas-de-Calais) le 14 juillet 1637, entré dans la congrégation de la Mission le 19 octobre 1655, reçu aux vœux le 21 octobre 1657.

2. Mot illisible dans l'original.

 

- 372 -

Ma recommandation à Monsieur Rose et à sa sœur et à tous vos bons amis.

Fait par moi

JEAN HUDICOURT,
maçon de Hamelincourt.

Fait le 14 d’août 1660

Suscription : Soit donné au P... la maison à Paris à Saint-Lazare adressant à Monsieur Vincent.

 

3202. - PIERRE DE BERTIER, ÉVÊQUE DE MONTAUBAN

A SAINT VINCENT

A Montauban, ce 15 [1660]

Monsieur,

Mon incommodité m'a empêché de faire cette semaine ce qui reste pour l'affaire du séminaire, en ce qui me regarde. J'espère que Dieu me donnera la force, dans deux ou trois jours, de travailler et de mettre la dernière fin à ce que je désire en cette occasion.

Je vous envoie la lettre et je suis toujours de tout mon cœur, Monsieur votre très humble et très affectionné serviteur.

PIERRE,
évêque de Montauban.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent Depaul, général de la .Mission.

 

3203. - MARTIN HUSSON A SAINT VINCENT

De Montmirail ce 15 août 1660

Monsieur,

N'ayant pu vous aller dire adieu, je vous supplie au moins vouloir en accepter les excuses que je vous fais par la présente et de trouver bon que je vous rende mes devoirs en esprit aux pieds de N.-S,. puisque je n’ai pas pu recevoir en

Lettre 3202. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3203. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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personne la consolation d'être embrassé de vous à mon départ.

Quant à la rente de St-Lazare., Monseigneur le duc de Noimoutiers l'envoya en cette ville à Monsieur de Soufliers,. son procureur fiscal, qui auparavant mon arrivée mit ès mains des échevins le billet que le bon frère Robineau m'avait fait voir. Ils y trouvèrent la difficulté que je dis au frère Robineau touchant l'aveu que .l'on demande d'eux de l’utile emploi des fruits ; joint que votre déclaration porte fort comment vos Messieurs en ont usé et qu'ayant accepté votre acte purement et simplement sans aucune protestation ils ont suffisamment reconnu que vous avez joui de bonne foi et employé les fruits utilement. Ils disent de même des dépens, qui ne monteraient pas à 30 sols et dont ils ne vous sauraient jamais rien demander, puisqu'ils ne se sont réservé aucunes prétentions contre la Mission Nous sommes en moisson ; et comme il y a deux échevins et un syndic en charge ,il n'a pas été possible jusques à présent de les assembler tous trois.

Une personne de chez Monseigneur de Noirmoutiers m'a prié de m'informer de quelque chose qui s'est passé à Lyon de conséquence ; et comme vous avez la bonté Monsieur de m'adresser à Monsieur Delaforcade, je voudrais bien savoir s'il est encore vivant et résidant à Lyon et si, par votre faveur, je pourrais lui faire tenir une lettre et en recevoir la réponse.

C'est une liberté que j'ose prendre, après tant de grâces dont vous m'avez comblé et qui m'ont rendu en l'amour de N-S., Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur.

HUSSON

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général des Prêtres de la Mission à St-Lazare à Paris.

 

3204. - JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET A SAINT VINCENT

[15 août 1660] (1)

Monsieur

Mon père m'écrit que par l'ordinaire prochain nous aurons

Lettre 3204. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Les démarches pour la fondation de Metz commencèrent en 1660.

 

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nouvelle que les choses sont en même état d'être vendues que l'année passée et qu'il n'y aura plus qu'à se défendre du prix (2), il m'écrit aussi qu'il vous adressera peut-être les lettres

Je pars ce soir pour aller à la campagne où je serai trois ou quatre jours Aussitôt après mon retour, j'irai apprendre de vous l'état des choses, pour en rendre compte à la reine, qui m'en fait souvent demander des nouvelles . Si les lettres s'adressent à moi ,je laisserai ordre pour vous les faire rendre

Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

BOSSUET.

Ce saint jour de l'Assomption.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général de la Mission.

 

3205. - FRANCOISE-MARIE SIBOUR A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre monastère de Compiègne, ce 17 août 1660

Mon très honoré et très cher Père,

J'ai toujours sujet de croire étant ce que je suis c'est-à-dire si peu considérable, de n'avoir plus aucune place en votre digne souvenir. Agréez donc, mon cher Père, qu'en qualité d'une de vos filles, je vienne, par cette occasion favorable du retour de Monsieur Bertost, vous réitérer les assurances de mes très soumises obéissances et de toutes nos chères sœurs vos filles, qui, avec nous, ont une très humble grâce à vous demander, qui est, mon cher Père de pouvoir mettre sur leur catalogue sœur Marie-Agnès Chevallier avec celles que nous pourrons encore accorder, avec votre

2. L'idée de fonder à Metz un établissement de prêtres de la Mission pour l'instruction du clergé et l'évangélisation des pauvres villageois venait de la reine Anna d'Autriche, qui avait remis à saint Vincent 60 000 livres, destinées moitié à l'achat d'une maison, moitié à l'acquisition d'un fonds de terre. Le père de Jacques-Bénigne Bossuet, conseiller au Parlement de Metz, fit lui-même les recherches.

Lettre 3205. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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agrément, nos chères sœurs de la rue St-Antoine, qui savent bien, par ce que nous avons mandé spécialement à la chère Mère que cette communauté, quoique bonne n'a pourtant point de sujets pour occuper cette place de supérieure et ne peut avoir de secours que celui qu'elle recevra de votre bonté, par le moyen de ces chères sœurs et Mères de Paris, à qui nous nous adressons en toute confiance dans nos besoins, la charité de l’unique Mère qui y est, y pourvoyant, en ce qui est en son pouvoir, avec sa bonté ordinaire.

Je lui avais fait savoir, mon très honoré Père, notre pensée sur le sujet de notre chère sœur G. M. de La Haye qui était, que dans la vertu qu'elle a fait paraître depuis son séjour ici, se comportant avec une humilité et une soumission très remarquables, qui nous donne tout sujet de satisfaction et d'édification à cette communauté, elle pût avoir la consolation d’apprendre que vous êtes satisfait de son procédé et qu'ensuite vous eussiez la bonté de la décharger de toutes les pénitences particulières , celle d'être éloignée de la chère maison de Paris pour le temps qu'il vous plaira me paraissant être assez grande et suffisante pour toutes.

Je vous fais cette proposition, mon très honoré Père, dans la soumission que je sais devoir à votre bonté paternelle, à qui, je demande en tout respect sa sainte bénédiction et la grâce d'être avouée de vous, mon très honoré et très cher Père, pour votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR FRANCOISE-MARIE SIBOUR
de la Visitation Ste-Marie

Dieu soit béni !

Je crois être obligée d'ajouter ceci ,mon cher Père ,que la prière que je fais à votre bonté est à l'insu de notre chère sœur G. M. de La Haye, laquelle ne nous a jamais rien témoigné sur ce sujet.

Suscription : Monsieur Monsieur Vincent de Paul, supérieur général de la Mission à Paris.

 

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3206. - A RENÉ ALMÉRAS, PRÊTRE DE LA MISSION,

A RICHELIEU

Du 18 août 1660.

Vos lettres ne m’ont pas seulement ôté la consolation que j'avais de votre prochaine arrivée, mais m'ont affligé sensiblement, m'apprenant les nouvelles défaillances où vous êtes tombé, qui vous ont éloigné de nous lorsque nous pensions que vous en étiez fort proche. Dieu soit loué, Monsieur, de toutes ses dispositions sur nous ! Certes, j'aurais bien de la peine à les porter si je les regardais hors du bon plaisir divin, qui ordonne tout pour le mieux. Vous avez très bien fait de vous en retourner à Richelieu, où je vous prie, Monsieur, de prendre tout le repos et les soulagements possibles. Toute cette communauté ressent vivement votre mal ; elle redouble ses instances auprès de sa divine bonté pour votre conservation ; et je ne puis vous dire la part que j'y prends ; mais vive la volonté de Dieu !

Pour moi, je suis toujours exercé de mes infirmités et le bon Dieu, qui m'abat, me soutient néanmoins dans l'état misérable auquel je vis.

La compagnie souffre de la privation de votre présence (1)

Lettre 3206. - Reg. 2, p. 269.

1. L'auteur de la vie manuscrite de René Alméras cite la seconde partie de cette lettre. Son texte, assez différent de celui que nous donne le registre 2, mêle à cette lettre des phrases qui se retrouvent dans celle du 4 août.

 

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3207. - A JEAN PARRE, FRÈRE DE LA MISSION,

A SAINT-QUENTIN

De Paris, ce 18 août 1660.

Mon cher Frère,

Je vous ai fait porter par le messager de Saint-Quentin, qui partit lundi dernier de Paris, le ballot d'ornements d'église, des principaux desquels je vous ai adressé la note. Vous ne m'écrivez pas si vous avez reçu l'autre ballot qui vous a été envoyé, par le moyen du coche, il y a trois ou quatre semaines environ. Donnez-moi avis de l'arrivée de l'un et de l'autre.

 

3208. - M. PESNELLE A SAINT VINCENT

Monsieur ,

Vous m'excuserez sans peine d'avoir tant différé à vous écrire touchant les dernières lettres de mon frère aîné (l) quand vous saurez l'affaire qui m'est survenue, qui est de telle importance que j'ai été obligé d'appeler mon jeune frère mon secours et lui faire précipiter son retour de Paris, afin que nous pussions conjointement poursuivre par les voies de la justice la réparation de l'injure qui nous a été faite.

Nous avions une jeune sœur qui demeurait avec nous, qui s’est tellement laissée surprendre à une affection inconsidérée que, craignant de ne pouvoir faire réussir sa passion contre notre volonté, elle s'est enfin résolue de se marier clandestinement ; ce qu'elle a exécuté avec tant de secret, par la complicité des personnes qui avaient entrepris de la servir dans sa folie, que j'ai aussitôt su son enlèvement que son prétendu mariage. Cet accident ne m'a guère laissé de libéré de penser à d'autres affaires, de sorte que, quoique je me sente très fort obligé été la bonté de mon frère

Lettre 3207. Cette lettre nous est connue par sa traduction italienne insérée dans un des écrits du Procès de Béatification, Summarium Responsivum, p. 55.

Lettre 3208. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Jacques Pesnelle, supérieur à Gênes.

 

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d'avoir consenti à mes prières, et à votre générosité : de l'avoir incité à nous faire ce bien, néanmoins j'ai différé cinq jours à m’acquitter de la reconnaissance que je dois à vous et à lui. A présent que je suis un peu remis, je n'ai pu me souffrir un plus grand retardement à reconnaître que je vous serai toute ma vie très obligé des offices que vous m'avez faits auprès de mon frère pour l'induire à nous accorder ce que nous avons désiré de lui et dont l'exécution entretiendra l’union et l'ordre dans notre famille. C'est de vous principalement que je veux reconnaître cette importante obligation ,et vous supplie de le confirmer d'autant plus dans la volonté qu'il nous témoigne avoir dans ses lettres auxquelles je ne ferai point de réponse par cet ordinaire parce que nous n'avons pu penser avec assez de maturité à donner la forme convenable à l'acte qu'il veut passer en notre faveur ; mais le délai ne sera que d'une semaine. Cependant je suis pressé de vous envoyer les huit cents livres qu'il m'a mandé vous envoyer, et vous prie que si vous trouvez quelque occasion pour les faire recevoir ici, que vous ne la négligiez point vous assurant que je payerai à lettre lue ; et mon fils qui est prêt de retourner à Paris prendra de vous la quittance que vous nous pourrez donner.

Je suis toujours Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

PESNELLE

A Rouen, le 19 août 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission à St-Lazare faubourg St-Denis à Paris.

 

3209. - JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET A SAINT VINCENT

[19 août 1660] (1)

Monsieur,

Mon père m’écrit qu'il vous envoie un ample mémoire de l’état des choses, et me renvoie à vous pour l’apprendre. Si vous pouvez demain faire que M. l’abbé de Chandenier (2) envoie son carrosse du matin, j'irai faire mes dévotions chez

Lettre 3209. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre semble être du jeudi qui suivit celle du 15 août.

2. Claude de Chandenier, abbé de Moutiers-Saint-Jean.

 

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vous et y dire la sainte messe ; après quoi j'aurai l’honneur de vous entretenir pour résoudre ce que j'aurai à dire à la reine, qui me fait souvent demander l’état de l'affaire.

Je suis avec respect, Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

BOSSUET.

Ce jeudi matin.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général de la Mission.

 

3210. - JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET A SAINT VINCENT

[19 août 1660] (1)

Quand l’homme de Monsieur Vincent est venu, j'envoyais ce billet (2) pour le supplier que je pusse avoir demain s'il se peut le carrosse de M. l'abbé de Chandenier (3), afin d'aller du matin à St-Lazare. Je suis dans la même résolution et je le prie de me procurer ce bien pour avoir l'honneur de l'entretenir .

Je suis avec tout cœur son très obéissant serviteur.

BOSSUET

Ce jeudi à 2 heures.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission .

 

3211. - BALTHAZAR GRANGIER DE LIVERDI,

ÉVÊQUE DE TRÉGUIER, A SAINT VINCENT

Monsieur,

Les instances que Monsieur Dissez me fait de vous prier de le remettre dans votre congrégation et les assurances qu'il me donne que vous n'aurez jamais aucun mécontentement de lui m’ont obligé de vous écrire ce mot. Il reconnaît avoir failli

Lettre 3210. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Voir note 2.

2. Le billet précédent.

3. Claude de Chandenier.

Lettre 3211. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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par le passé ; mais la connaissance et détestation qu'il a de sa faute lui font prendre confiance de ne plus faillir à l'avenir, s'il a l’honneur d'être remis dans votre compagnie. Je suis aussi ,persuadé, de ma part,. pour les bonnes dispositions que je vois en lui, que vous en aurez satisfaction Aussi cela m'oblige à joindre mes prières aux siennes et pour demander pour lui la grâce qu'il vous demande.

C'est tout le sujet de la présente, et pour vous assurer que je suis, Monsieur, votre très humble et très obligé serviteur.

BALTHAZAR,
évêque de Tréguier.

Ce 19 août [1660]

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, supérieur général de la Mission, à St-Lazare.

 

3212. - M. D’ABANCOUR A SAINT VINCENT

[août 1600]

Monsieur

Pour répondre à celle qu'il vous a plu me faire l'honneur de m'écrire ce 7 août, je vous dirai que les hérétiques ont obtenu un autre arrêt, qui leur donne la liberté de continuer leurs prêches aux environs du lieu qu'il avait commencé à bâtir, non pas à la vérité, de continuer leur bâtiment ; et de plus ont obtenu des défenses contre M. le lieutenant criminel de St-Quentin de connaître davantage de l'affaire de M. Ameline ; et l'arrêt porte que les informations faites contre lesdits hérétiques seront incessamment envoyées à la cour pour y faire droit, de sorte que c'est au parlement maintenant qu'il faut agir contre ces langues envenimées. mais comme M. Ameline qui est la partie, n'a pu se transporter à Paris pour solliciter l’affaire, à moins que les dames de la Charité ne sollicitent son affaire, j’ai crainte que le tour ne demeure et que les hérétiques se comportent comme ils ont toujours fait durant la guerre dans de pareilles rencontres, n'ayant pas encore trouvé de parties assez puissantes pour les pousser à bout dans la justice, qu'ils gagnent souvent à force d'argent qui est bien souvent, dans ce temps malheureux , l’arbitre de la vie et de la

Lettre 3212. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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mort et qui décide une partie des procès quand il est joint à la faveur de puissants amis; ce qui me fait souvent dire que si la religion et la discipline de l'Eglise et le bon ordre de la justice étaient rétablis en France nous aurions tout à espérer des bontés de Dieu dans ce temps de paix.

Frère Jean Parre va aujourd'hui trouver le Père Ameline à Notre-Dame-de-Paix, et s'il est toujours dans la même résolution, nous ferons notre possible pour l'aider dans sa mission Nous eussions souhaité d'avoir de vos nouvelles, Monsieur, plus tôt sur ce sujet, à cause que le temps de la moisson s'avance.

Je prie Notre-Seigneur qu'il vous conserve la santé, Monsieur, qui nous est si nécessaire pour la gloire de Notre-Seigneur et pour le progrès de son service dans l'Eglise.

Je suis très cordialement et très véritablement, avec le respect que je vous dois , Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

D ‘ABANCOUR.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la congrégation des prêtres de la Mission, à St-Lazare, à Paris.

 

3213. - A JACQUES PESNELLE, SUPÉRIEUR, A GÊNES

20 août 1660.

Vous me marquez les raisons que vous avez eues de permettre à M. Simon de donner des écrits, et vous êtes en doute si vous avez mal fait. Oui, Monsieur, vous avez mal fait, non du côté de M. Simon, qui, par la grâce de Dieu, est assez capable pour cela, mais pource que cette façon d'enseigner n'est pas la plus assurée, ni la plus utile, et qu'elle n'a pas été jugée convenable par

Lettre 3213. - Extrait cité dans la lettre circulaire envoyée par Jean Bonnet, supérieur général, le 10 décembre 1727, aux membres de la congrégation de la Mission. Collet rapporte (op. cit., t. II, p. 80) que, dans une lettre datée du 20 août 1660, saint Vincent parle de la maladie de René Alméras ; ce pourrait bien être celle-ci, dont nous ne connaissons qu'un fragment.

 

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la compagnie, mais bien sujette à divers inconvénients par plusieurs docteurs des plus habiles qui fussent pour lors et qui soient à présent. Ce qui m'oblige de vous dire qu'il vaudrait mieux ne point enseigner la philosophie que de la montrer de cette sorte. De quelque façon que cela se fasse, j'approuve que vous y fassiez étudier pour cette fois seulement les deux séminaristes qui sont sur la fin de leur séminaire.

 

3214. - MATHURINE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Monsieur et très honoré Père

Votre bénédiction, s’il vous plaît !

Si je me doutais que vous ayez reçu une lettre que je pris la hardiesse de vous écrire lors de notre arrivée, je n'oserais vous importuner de celle-ci ; mais comme nous n'en avons point eu de réponse ni de celle que nous avons envoyée à Monsieur Dehorgny nous ne savons ce qui en peut-être cause, si ce n'est qu'ayant envoyé nos premières par la voie du seigneur, il les a pu retenir, d'autant que je nommais le lieu d'où nous écrivions ; ce que l'on ne pratique pas. Cela nous a mises en peine, n'entendant point de vos nouvelles, quoique j’en aie demandé très instamment à Monsieur Dehorgny, et son avis touchant quelque chose qui me regarde. Peut-être, Monsieur, que je me plains à tort et que mes demandes ne méritent point de réponse. Cela n'empêche pas que, manquant d'avis, nous sommes nécessitées de faire les choses dans l’incertitude et d'expliquer peut-être mal votre intention, que je voudrais néanmoins pouvoir suivre en toutes choses.

Voilà une lettre pour Madame la présidente Fouquet touchant les affaires de ses pauvres de ce lieu.

Nous n'avons écrit à personne depuis que nous sommes ici, quoique le seigneur ait souvent recommandé à l'homme qui nous a conduites tout ce qui nous regarde.

Il sera difficile de vous pouvoir faire voir, Monsieur, les lettres que nous aurons besoin d’envoyer, puisque tout au contraire, celles qu'on vous adresse sont en hasard d'être lues devant qu'elles vous soient rendues.

Lettre 3214. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Nous avons ici Madame la receveuse, grande amie de Monsieur l'intendant du seigneur, laquelle veut absolument que nous prenions un sien fils,âgé d'environ sept ans à notre école. Je l'ai priée de nous excuser, sur les raisons qui nous empêchent de lui donner cette satisfaction. Elle ne s'est pas contentée. Elle y a employé M. le surintendant, parrain de ce petit enfant, lequel ne nous en à prié qu’à condition que cela se pût. Elle n'est pas encore satisfaite. Elle dit qu'elle nous l'enverra toujours ; ce qu'elle a fait pour un jour par trois fois, se vantant d'obtenir ce que M. l'intendant n'a pu. Je lui ai dit que nous ne pouvions et que,. pour lui montrer que ce n'est pas par mépris, ainsi qu'elle le dit,. que je vous en écrirais. Si nous prenons celui-là, il y en a d'autres qui l'ont déjà demandé pour les leurs., C'est pourquoi, Monsieur, vous en ordonnerez ce qu'il vous plaira. Ce que je demande n'est pas la permission de leur montrer, mais un mot qui leur fasse voir que cela ne se peut.

Vous ne nous avez fait donner aucun ordre, mon très honoré Père, pour le confesseur que nous devions prendre ; nous allons à un bon vieil prêtre, depuis que nous sommes ici, qui s'appelle M. le Promoteur. Je crois, Monsieur, que vous savez que ce lieu ne relève d’aucun évêque, ains du Saint-Père. Mais le mal est que les seigneurs précédents, ayant eu soin de conserver leur temporel, ont négligé le spirituel ; car les premiers d'entre les prêtres ne sauraient montrer leur privilège ; ce qui fait que les plus jeunes ont eu grand' peine d'être admis aux saints ordres, quoiqu'ils eussent un dimissoire de leur official Et il y en a deux, dont l’un confesse nos malades ,que l'on m'a dit n'avoir point permission de pas un évêque de confesser. C'est un prêtre qui m'a donné cet avis, ce semble, par charité, disant que nos malades n'étaient pas en sûreté entre ses mains. J’ai dit cela à quelques-uns de ces .Messieurs, sans nommer de qui je le savais ; et s'est trouvé que ces bons prêtres ne savaient montrer qu'ils aient ce pouvoir légitime Pour cela, Monsieur, la plus grande part des personnes qui sont ici ont scrupule ; et pour nous, si nous savions aussi bien faire de ne nous pas confesser que de le faire à des personnes soupçonnées de n'avoir pas pouvoir de nous absoudre, nous attendrions votre avis à ce sujet.

Quant à ce qui est de nos pauvres, cela m'a un peu mise en peine, d’autant que, ne voulant pas scandaliser celui qui leur administre les sacrements, je me sens obligée au silence, joint qu'il y en a pas en ce lieu où il n'y ait quelque chose qui fait parler le monde.

Je n'ai ouï ces choses pour m’en être informée ; mais Mon-

 

 

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sieur, vous savez que l'on sait le mal trop tôt. Il y a seulement un prêtre dans l'île en bonne réputation, qui est à 2 lieues d ici.

Nos deux sœurs prennent liberté, et moi avec elles, de vous saluer très humblement nous recommandant à vos saintes prières, et vous supplie me permettre de me dire avec respect, en l’amour de Jésus crucifié, Monsieur et très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante.

SŒUR MATHURINE GUERIN

De B[elle]-Isle, 20 août 1660

Suscription : A monsieur monsieur Vincent général des prêtres de la Mission, dans St-Lazare à Paris.

 

3215. - THOMAS BAYN A SAINT VINCENT

[Août 1660] (1)

Monsieur

Je suis sensiblement obligé à la charité que vous avez eue de vouloir faire assister mon frère pendant quelques jours qu'il s'est trouvé malade à Paris, en lui baillant un des vôtres pour le soigner. Actuellement je souhaite avec passion que je puisse être si heureux de rencontrer l'occasion pour vous pouvoir rendre service

Cependant, Monsieur, je prie N - S qu'il soit votre récompense et qu'il me fournisse le moyen par lequel je puisse vous faire connaître que je suis sans condition, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

THOMAS BAYN

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général de Messieurs de la Misssion, à St-Lazare, à Paris.

Lettre 3215. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

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3216. - A RENÉ ALMÉRAS, PRÊTRE DE LA MISSION,

A RICHELIEU

Du 22 août 1660.

Votre lettre et celle de notre frère Gautier, qui m’a écrit l'état de votre indisposition, m'ont ôté d'une grande peine par l'espérance qu'elles me donnent de votre prochain rétablissement, fondée sur beaucoup de raisons ; dont je rends grâces à Dieu. Quand sera-ce donc, Monsieur, que nous aurons la consolation entière de vous savoir remis ? Oh ! que je le souhaite ! Oh ! que Dieu nous fera une grande grâce ! Je la lui demande souvent, non seulement pour mon intérêt particulier, qui n'est pas petit, puisque, étant plein d'estime et de tendresse pour vous, je suis le premier qui souffre de votre mal et de votre absence, mais encore pour le bien de la compagnie, laquelle, ayant reçu de vous, par la grâce de Dieu, une grande édification, a encore besoin de votre secours et de vos exemples. Je vous dis ceci, Monsieur, avec sentiment de reconnaissance envers Dieu et envers vous, et je n'en dis pas davantage, parce que cela suffit pour la fin que je prétends, qui est de vous montrer que vous ferez un sacrifice à Dieu de vous conserver et de vous guérir. Je vous en supplie très humblement.

Mais cela dépend-il de moi, me direz-vous? Oui, ce me semble, Monsieur, en tant que cela dépend du repos et des remèdes, qui sont en votre pouvoir, et surtout du bon plaisir de Dieu, qui ne vous refusera pas les forces de corps et d'esprit nécessaires aux desseins qu'il a sur vous dans la compagnie, si vous les lui demandez par son Fils Notre-Seigneur, qui, ayant suscité la même

Lettre 3216. - Reg. 2, p. 269.

 

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compagnie pour son service, vous y a aussi appelé si utilement par sa grâce. N'épargnez donc rien de ce qui peut contribuer à votre santé et à l'avancement de votre retour, après lequel nous soupirons. Ne vous engagez pourtant pas au voyage, que de l'avis des médecins, particulièrement durant les chaleurs. Nous aurons patience.

 

3217. - MADAME POTIER DE LAMOIGNON

A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je reçus hier au soir un billet de M. le cure de St-Nicolas-du-Chardonnet, qui me mande que vous aviez eu la bonté de m'accorder deux sœurs de le Charité pour Auteuil, dont je vous en suis bien obligée. Si les femmes vous voyaient, j'aurais l'honneur de vous en aller remercier. M le curé d'Auteuil aura l’honneur de vous voir à ce sujet et prendre vos ordres pour ce qui sera nécessaire pour ces pauvres filles. Je suis bien fâchée de ne pouvoir moi-même les établir, à cause de mon voyage de Bourbon où je vais pour quelqu'incommodité que j’ai ; mais je les mettrai entre les mains de bonnes dames qui en auront soin et d'une Madame Guerrier. qui a le soin de la Charité de St-Barthélémy et des prisonniers, que lesdites sœurs connaissent. Les bons Pères de Sainte-Geneviève, seigneurs d'Auteuil, prennent part à cette bonne œuvre. Madame Chahu les verra aussi quelquefois et prierai Madame Traversay les y mener.

Je me recommande bien à vos bonnes prières pour mon voyage et vous prie de me faire l'honneur de me croire, Monsieur, votre très humble servante.

M. POTIER.

A Paris ce 22 août 1660

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général des Missionnaires à St-Laurent.

Lettre 3217. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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3218. - LE MARQUIS DE LIONNE A SAINT VINCENT

A Berny (1) , ce 22 août 1660

Je supplie Monsieur Vincent de me faire la grâce de m’envoyer un billet par lequel il ordonne à la Mère supérieure de la Visitation du faubourg St-Jacques (2) de ne faire point de difficulté de me donner mes filles (3) quand on leur demandera de ma part, pour leur faire voir la cérémonie de l’entrée de la reine (4), et je lui en serai très obligé.

C'est son très humble serviteur.

DE LIONNE.

 

3219. - NICOLAS SEVIN, ÉVÊQUE DE CAHORS,

A SAINT VINCENT

A Mercuès (1), ce 22 août [1660]

Monsieur,

Il m’ennuie bien de ne savoir point de vos nouvelles c'est ce qui me fait vous écrire cette lettre pour vous en demander et pour vous faire ressouvenir de la promesse que vous m'avez faite de ne m'oublier point devant Dieu ni sur la terre ni dans le ciel.

J'espère avec l’aide de Dieu faire bientôt le tour de tout mon diocèse pour en voir tous les ecclésiastiques dans leurs congrégations foraines. J'ai cru n'ayant plus qu'environ six semaines de cette année propres à faire visite que si je la commençais je ne pourrais faire qu'un petit quartier qui ne

Lettre 3218. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Localité englobée aujourd'hui dans la commune de Fresnes (Seine).

2. La Mère Marie-Agnès Le Roy.

3. Elisabeth, plus tard religieuse de la Visitation, et Madeleine, qui épousera, le 10 février 1670, François-Annibal d'Estrées, marquis de Cœuvres, depuis duc et pair de France.

4. Paris s'apprêtait à recevoir pompeusement, le 26 août, Louis XIV et la nouvelle reine Marie-Thérése d'Autriche, infante d'Espagne, qui avaient contracté mariage à Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) le 9 juin.

Lettre 3219. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Petite localité de l'arrondissement de Cahors.

2. Première année de l'épiscopat de Nicolas Sevin à Cahors.

 

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me donnerait pas beaucoup de connaissance de mon diocèse, et que le reste m'en serait inconnu, au lieu qu'allant partout comme je le puis pendant ces six semaines, j'en aurai du moins, une connaissance confuse ,et que, voyant tous les prêtres, qui doivent animer tout le reste du diocèse, tout le diocèse en pourrait profiter. Vous voyez combien les prières me sont nécessaires en cette occasion. Je vous supplie donc de n'épargner pas les vôtres ni celles de tous vos Messieurs.

Je vous envoie deux cents petites pilules et souhaite que Dieu y donne sa bénédiction, afin qu'elles contribuent autant à votre santé que je le souhaite.

Au reste, Monsieur, je vous suis bien obligé ,de ce que vous épargnez ma bourse, comme vous l'avez fait au sujet de Monsieur Insinguin (3). Vous en pouvez disposer dans les rencontres que vous jugerez à propos comme de celui qui est tout à fait en Notre-Seigneur Monsieur votre très humble serviteur.

NICOLAS,
é [vêque] de Cahors.

Je fais bailler à Monsieur Cuissot les pilules pour vous les faire tenir par le messager.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent supérieur général de la Mission à Paris.

 

3220. - AUX SUPÉRIEURS

Voir à la fin du volume le texte revu par B. KOCH aux Archives de la Mission,

Je vous prie de conserver dorénavant les lettres que l'on vous écrira et à ceux de votre maison, de quelque part que ce soit, lorsqu'elles contiendront quelque particularité remarquable qui peut être de conséquence, ou qui peut servir d'instruction à l'avenir. Vous n'avez qu'à en faire diverses liasses, selon leur sujet, ou l'année que vous les recevrez, et, ainsi empaquetées, les garder .dans un lieu à ce destiné, où ceux qui viendront après vous puissent avoir recours dans le besoin. Et s'il y en

3. Esclave à Alger.

Lettre 3220. - Archives de la Mission, recueil des circulaires.

 

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a dans la maison, du temps passé, vous les ramasserez, s'il vous plaît, selon l'ordre susdit.

De remarquer le long de l'année les choses plus considérables, tant au spirituel qu'au temporel, qui se passent dans votre maison et dans les missions et autres exercices qui se font hors de la maison, et de les réduire en une lettre après la fête de la saint Jean-Baptiste, auquel temps les missions finissent d'ordinaire, et nous envoyer ladite lettre pour en faire une circulaire, si on le juge à propos.

3° Quand vous aurez quelque prêtre ou clerc ou frère coadjuteur qui n'aura pas achevé la seconde année de probation ou séminaire, vous nous ferez savoir, deux ou trois mois avant la fin de ladite année, l'état ou les dispositions de la personne, afin qu'on vous mande si vous lui ferez faire les vœux après les deux années finies ; et, quand elle les aura faits, vous nous enverrez aussitôt son nom, surnom, etc., dans la manière qui suit :

François, né le ... du mois de ..., en la ville ou bourg ou village de ..., du diocèse de ..., entré en la congrégation à (Paris) le ... du mois de ..., l'an ..., a fait les vœux à (Paris) en la présence de M ... , le ... du mois de ..., l’an ...

S’il a quelque ordre sacré, il est à propos de spécifier quand il l’a reçu ; et si quelqu’un ne sait le jour, par exemple, de sa naissance, qu’il dise le mois ; s’il ne sait ni l’un ni l’autre, qu’il assigne le temps et la saison de l’année qu’il est né ; et ainsi des autres

4° quand vous nous ferez savoir la mort de quelqu’un des nôtres, vous manderez, s’il vous plaît, au même temps ou au plus tôt, ce qui s’est remarqué de plus considérable dans la vie et la maladie de la personne ; et dès à présent je vous prie de demander ceux qui sont morts en votre maison, avec le jour et an de leur décès , etc

 

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et d'en tenir dorénavant un registre où soit transcrit ce qu'on aura mandé au supérieur général.

 

3221. - A FRANÇOIS PÉAN (1)

Du 23 d'août 1660.

Je suis très fâché que nous n’ayons fait usage de la grâce que vous nous avez offerte. La raison est que notre compagnie a été appliquée à ses exercices ordinaires. Et puis chacun se flatte de savoir la méthode de la controverse. Mais j'espère, moyennant la grâce de Dieu, que nous nous prévaudrons quelque jour des lumières particulières que vous avez et que vous communiquez à tout le monde par vos écrits. Je vous renvoie cependant votre apologie et l'ordre des conférences, et je vous renouvelle les offres...

 

3222. - FRANCOISE CARCIREUX A SAINT VINCENT

Mon très cher et honoré Père

Votre bénédiction !

Monsieur, la confiance entière que j’ai, avec l'amour et la crainte, à l'égard de Monsieur des Jardins, me fait garder le silence longtemps, en sorte que je suis stérile à me donner l'honneur de vous écrire ,parce que sa charité a trouvé bon que nous lui fissions nos communications une fois le mois ; ce que je fais à cœur ouvert grâces à Dieu. Sa charité m'a commandé de me donner cet honneur. J'y acquiesce de tout mon cœur et vous dirai que nous avons bien de la peine à conserver quel-

Lettre 3221. - Reg. 2, p. 83.

1. François Péan est l'auteur de plusieurs ouvrages de controverse, parmi lesquels nous signalerons : Le parfait controversisite ou manière invincible pour convaincre toutes les sortes d'hérétiques, Paris 1650, in-24 ; Méthode facile pour convaincre les hérétiques, ensemble les nullités de la religion prétendue réformée, Paris, 1659. Il avait écrit à saint Vincent pour lui demander de faire une série de conférences à Saint-Lazare sur les matières de controverse.

Lettre 3222. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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ques légères peintures de notre Institut. Il semble que nous jouions à tout rompre. Nous avons des boulevards à soutenir (1) qui ne sont pas petits ; et tous ces orages me semblent venir de ces bonnes demoiselles avec lesquelles nous sommes congrégées, la saur Anne (2) et nous. Nous avons ici pour unique appui et défenseur, après Dieu Monsieur des Jardins de laquelle grâce nous vous avons très grandes obligations, laquelle nous reconnaîtrons. Il nous a dit que vous désire que nous ayons soin des filles que Dieu honorera de la grâce de notre vocation ; nous l'acceptons de bon cœur dans l'espérance que Dieu par nous leur insinuera l'esprit de notre compagnie et que votre bonté ne permettra que ce qui est opposé à cela subsiste. C'est la prière que nous vous faisons, afin d’être toutes, en l’amour de Jésus et de vous, vous assurant toujours de nos très humbles respects et obéissances, toutes, mon très cher Père, vos très humbles et obéissantes servantes et filles indignes en .N -S

FRANCOISE CARCIREUX,
Fille de la Charité.

De Narbonne ce 23 d'août 1660

Nos sœurs font passablement leur devoir et Dieu nous honore de ses saintes bénédictions par l'union qui est entre nous.

La sœur Anne désire faire les vœux ; voilà plusieurs fois qu'elle nous en parle.

Mon très honoré Père, je m'oubliais de vous remercier de nous avoir plusieurs fois de vos chères nouvelles honorées. Ce sont ces sujets d'entretien et des méditations très habiles dont souvent nous nous servons toutes trois, que vos chères lettres. Et comme Monsieur des Jardins, par sa charité, donne à la votre souvent de nos nouvelles, il supplée avec perfection à mes défauts. C'est ce qui fait que je n'ai rien à dire aussi.

Lesdites demoiselles ont tant fait, préoccupées de bonnes raisons à ce qu'elles ont cru, qu'elles nous ont ôté, sinon le tout, du moins une bonne partie de la bonne odeur que Dieu nous avait donnée auprès de Monseigneur et de ses plus proches.

Enfin ce sont deux ligues céans ,et il semble qu’adroitement elles tâchent de fortifier la leur ; et il semble que Monsieur des Jardins, notre très honoré Père, ait eu le don de prophétie pour cela particulièrement.

Dieu soit béni !

1. Boulevards à soutenir, chocs à supporter. Le mot boulevard se disait autrefois pour désigner le terre-plein d'un rempart.

2. Anne Denoual.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, au Faubourg St-Denis, à St-Lazare, à Paris

 

3223. - MARIE-AGNÈS LE ROY A SAINT VINCENT

C e 23 août 1660.

Vive Jésus !

Mon très cher et très honoré Père,

Je n'ai fait aucune difficulté à Monsieur de Lionne de lui donner ses chères filles, n'en ayant point eu occasion et personne ne nous ayant rien dit de sa part. Si l'on nous en avait parlé, j'aurais représenté que vous l'avez refusé à Madame de Sévigné (1) pour Mademoiselle sa fille (2) ; et cette raison-là m'a fait tenir ferme pour toutes les autres, comme pour les deux filles de Monsieur le premier président (3) et de Monsieur le président Amelot (4) et autres ; et même quant à Madame de Sévigné je lui avais dit que je n'y contribuerais quoi que ce soit pour obtenir cette permission, à cause de la conséquence les unes pour les autres ; car, pour d'autre conséquence, tout le monde dit qu'il n'y en a point pour cette occasion et même l'on nous a voulu amener Monsieur Joly pour nous convaincre là-dessus. Il sera donc tout ce qu'il vous plaira des petites de Lionne ; mais, si celles-là sortent, je crois que vous

Lettre 3223. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Marie de Rabutin, petite fille de sainte Chantal, veuve du marquis de Sévigné, femme douée d'un talent littéraire incomparable. Ses lettres ont immortalisé son nom. (cf. Les grands écrivains de France. Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, recueillies et annotées par M. Monmerqué, nouv. éd., Paris, Hachete, 1862-1866, 14 vol. in-8°.)

2. Il n'y a donc pas lieu de douter, comme l'a fait Monmerqué (op. cit., t. 1, p. 89), que la fille de Madame de Sévigné, la future comtesse de Grignan, ait été pensionnaire au second monastère de la Visitation.

3. Guillaume de Lamoignon avait alors quatre filles, âgées respectivement de quinze, onze, dix et six ans : Marie épousera le maréchal de Broglie ; Madeleine sera la femme d'Achille de Harlay, premier président au Parlement ; les deux dernières, Marie-Elisabeth et Anne-Elisabeth, deviendront religieuses de la Visitation. Toutes quatre furent pensionnaires au second monastère. Il s'agit ici vraisemblablement des deux aînées.

4. Charles Amelot, seigneur de Gournay, président au grand conseil, mort à Paris le 12 février 1671. Sa fille Catherine épousa, le 28 octobre 1680, Louis-Claude d'Haussonville de Nettancourt.

 

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ferez bien de l’accorder à toutes les autres, et à Madame de Sévigné pour sa fille, enfin à celles qui ont le petit habit, qui sont huit, à qui on pourra mettre des coiffes et ôter le petit voile, et aussi aux deux autres séculières que nous avons, et la petite de Bouillon (5) si on le demande.

Voyez ,mon très honoré Père, si vous désirez nous faire un mot de réponse là-dessus, ou bien si vous aimez mieux attendre que les parents vous l'aillent demander. Vous nous ordonnerez tout ce qu'il vous plaira la dessus, et j'attendrai vos ordres.

C’est, mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR MARIE-AGNES LE KOY.

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

3224. - ANNE DE SAUJON (1) A SAINT VINCENT

Au Luxembourg (2) ce 24 d’août 1660

Monsieur

Bien que je n'aie pas l'honneur d'être fort connue de vous

5. Mauricette-Fébronie de la Tour d'Auvergne, fille de Frédéric-Maurice de la Tour, duc de Bouillon, mariée le 24 avril 1688 à Maximilien, duc de Bavière, frère de l'Electeur, morte sans postérité le 20 juin 1706.

Lettre 3224. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Anne Campet de Saujon, d'abord fille d'honneur, puis dame d'atours de la duchesse d'Orléans, passait pour être très influente sur le duc d'Orléans. En 1649, elle entra au Carmel, d'où elle fut retirée malgré elle et reconduite à la cour. En ne cessant de lui recommander d'attendre patiemment l'heure marquée par Dieu, Jean-Jacques Olier, son directeur, à qui elle manifesta souvent son goût pour le cloître, songeait qu'elle pourrait lui être utile pour une œuvre dont il avait conçu le projet : la formation d'une communauté destinée à recevoir les dames de qualité désireuses de faire une retraite et consacrée à la vie intérieure de Marie. Il s'ouvrit de son dessein à Madame Tronson et à Madame de Saujon et leur conseilla même de s'offrir à Dieu pour cela, le 19 janvier 1654, dans l'église Notre-Dame. Les règles du nouvel Institut étaient faites quand la mort vint enlever le fondateur. M. de Bretonvilliers, à qui il en avait parlé, ne laissa pas tomber le projet. Il réunit en communauté Madame Tronson, Madame de Saujon, Mademoiselle d'Aubrai et d'aut-

 

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je crois néanmoins que vous aurez assez de bonté pour m'accorder la très humble supplication que je vous fais, qui est de me vouloir mander par ce porteur si les Filles de Sainte-Marie ne présentent pas à Messieurs les évêques leurs supérieurs ; et si cela est, je vous serais encore plus obligée de me faire prêter leur lettre pour un jour ou deux. Vous vous doutez bien, Monsieur, que je vous demande cette grâce pour la seconde œuvre de feu Monsieur l'abbé Olier, laquelle est sur le point de s’éclore, avec l'aide de Dieu (.3) Monsieur de Bretonvilliers (4) et moi allâmes chez vous il y a quelque temps, afin de vous en entretenir ; mais votre indisposition, Monsieur, m'empêcha d'avoir cet honneur. Monsieur de Bretonvilliers, qui vous en parla, me dit que vous approuviez tout à fait cette sainte œuvre ; dont j'eus bien de la joie ; et je ne doute point que du depuis vous ne vous soyez employé auprès de N.-.S pour son acomplissement. Nous avons les lettres et permissions de .Sa .Majesté en la forme qu'il faut, et nous allons avoir celles de Monsieur de Metz (5) qui nous les a promises

Je prends la liberté de vous demander quelque part en vos saintes prières et de vous assurer que je suis avec beaucoup de respect, Monsieur, votre très humble et très obéissante servante.

ANNE DE SAUJON.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur de St-Lazare, à St-Lazare

tres personnes de qualité dans une maison qu'il leur fit construire rue Garancière. Madame Tronson fut la première supérieure. A sa mort, cette charge fut donnée à Madame de saujon, qui la garda neuf ans. Cassée par l'archevêque à la sute de plaintes malheureusement trop fondées, elle se vengea en obtenant de la cour la suppression de la petite communauté. Jean-Jacques Olier avait recommandé qu'on ne lui donnât jamais le premier rang ; on s'aperçut trop tard que mieux eût valu l'écouter. (cf. Faillon, op. cit., t. II, p. 567-570.)

2. Le palais du Luxembourg à Paris.

3. La communauté des Filles de la Sainte Vierge, dite aussi de l'intérieur de Marie.

4. Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers, né le 22 janvier 1621, curé de saint-Sulpice en 1652, supérieur de Saint-Sulpice en 1657, mort le 13 juin 1676.

5. Henri de Bourbon, duc de Verneuil, évêque de Metz, abbé de Saint-Germain. Aucune communauté ne pouvait s'établir sans sa permission dans le quartier de saint-Germain-des-Prés. Il autorisa celle des Filles de la sainte Vierge par lettres du 30 août.

 

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3225. - JACQUES CHARTON A SAINT VINCENT

A Poissy, ce 24 août 1660.

Monsieur,

Paix et amour en J.-C. !

Je ne peux croire ce que l'on m’a mandé de Paris, que vous blâmez très souvent Gamaches (1) Grandin (2) et moi au sujet de l’affaire des Carmélites,. qui fait tant de bruit, et d'un jugement émané de Sa Sainteté, sans avoir appelé ni entendu les parties intéressées (3), C'est peut-être, Monsieur, que l'on ne vous a pas dit nos défenses, que des personnes de grande probité et capacité ont approuvées et approuvent continuellement. Je connais trop bien votre inclination, qui est plutôt de compatir à ceux qui sont opprimés.

Il y a une chose en cette affaire qui m'étonne par-dessus toutes les autres, qu'il se soit trouvé des gens de bien qui se rendent conseillers et défenseurs des filles religieuses ,à l'encontre de leurs supérieurs, et qui, pour un point de chicane, on mis en combustion un ordre qui rendait gloire à Dieu, pour l'amour duquel j'espère que vous me conserverez toujours quelque place en votre cœur,. et que, dans les occasions, comme est celle-ci, vous continuerez à me témoigner l'amitié que vous m'avez toujours portée, pour laquelle je suis obligé d'être toute ma vie, .Monsieur, votre très humble serviteur.

J. CHARTON

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à St-Lazare, à Paris.

 

3226. - M. DELAFORCADE A SAINT VINCENT

A Lyon, ce 24 août 1660

Monsieur,

Tout présentement je viens de recevoir celle dont il vous a

Lettre 3225. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Charles de Gamaches, docteur en Sorbonne et chanoine de Notre-Dame de Paris, mort le 27 janvier 1670.

2. Martin Grandin, docteur en Sorbonne et professeur à la faculté de théologie, auteur d'un cours de théologie en 6 volumes, né à Saint-Quentin le 11 novembre 1604, mort en novembre 1691.

3. Voir la lettre 2929, note 1.

Lettre 3226. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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plu m’honorer, en date du 20 du courant, avec icelle une de change de 1.000 livres sur M. Jacques Ceré pour en remettre la valeur à M. Boussordec (1), qui doit arriver bientôt en cette ville pour s'en aller à Annecy. Je ne Manquerai pas de suivre vos ordres, soit pour la lui compter, ou pour la lui : faire payer à Chambéry, ou ailleurs où je trouverai son plus grand avantage et du... (2) en serai avisé.

Je le servirai aussi en tout ce qu’il me sera possible de tout mon cour ; ce que je recevrai à grand honneur, puisqu'il vient de votre part et que je suis, Monsieur, votre très humble affectionné ,obligé et obéissant serviteur.

DELAFORCADE.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à St-Lazare , à Paris.

 

3227. - A MADAME ANNE DE SAUJON

25 août 1660.

Madame,

J'ai reçu votre commandement avec grande affection de vous obéir. Je vous demande pardon de ce que je ne vous fis hier réponse ; je me trouvai trop embarrassé.

Il est vrai, Madame, que quelques maisons de Sainte-Marie présentent à Nosseigneurs les évêques les ecclésiastiques qu'elles désirent pour leurs supérieurs ; mais tous les évêques ne les veulent pas recevoir, prétendant que c'est à eux à les choisir et à les nommer. Je m'en vas écrire à la Mère de la rue Saint-Antoine (1) pour la prier de me mander en vertu de quoi elles pensent avoir ce droit-là, et comment elles en ont usé, et, si elles en ont quelque écrit, de me l'envoyer.

J'ai une grande confusion de l'honneur que vous

1. Saint Vincent venait de le nommer supérieur de la maison d'Annecy.

2. Mot illisible dans l'original.

Lettre 3227. - Reg. 1, f° 51 V°, copie prise sur la "minute non signée".

1. Louise-Eugénie de Fonteines.

 

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m'avez fait, Madame, d'être venue ici avec M. de Bretonvilliers, et que j'ai été privé de la consolation de vous voir, par mes misères et incommodités ; et je l'ai encore plus grande de la confiance dont vous m'honorez, en étant si indigne que je suis, particulièrement à l'égard d'un œuvre tant important qu'est celui dont vous me faites la grâce de me parler, lequel j'estime, je respecte et je loue comme ayant été inspiré de Dieu à ce saint homme, qui en est l'auteur ; et je prie sa divine bonté qu'elle ait agréable de le bénir, en la vue de tant de bonnes âmes qui y prennent part.

Je m'estimerais bien heureux, Madame, si je pouvais vous complaire en quelque chose; assurez-vous qu'il ne s'en présentera jamais occasion, que je ne tâche de le faire avec toute l'humilité et l'affection que vous doit, en l'amour de N.-S, Madame, votre...

 

3228. - M ROBINEAU A SAINT VINCENT

Monsieur,

Quoiqu'il semble peu nécessaire d'ajouter quelque chose à la parole de notre cher Monsieur Paul néanmoins, Monsieur, ce sera pour vous saluer très humblement, et vous témoigner dans la faiblesse de ma recommandation, que la personne pour qui il vous va demander moyen de faire une petite retraite chez vous est tenue pour un des plus saints hommes de notre connaissance. Il a dessein de demander à Notre-Seigneur la grâce d'être un véritable ecclésiastique ; et, sans mentir, Monsieur, Dieu y a déjà mis une grande disposition. Je laisse à Monsieur Paul, plus capable d’en juger, de vous en dire son sentiment, et vous demanderai, à mon ordinaire, un peu de part en vos saintes prières, et votre continuelle bénédiction.

Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

ROBINAU

Du jour saint Louis 1660.

Lettre 3228. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des Missions.

 

3229. - FRANCOIS FOUQUET,

ARCHEVÊQUE DE NARBONNE, A SAINT VINCENT

A Cannes , ce 26 août 1660.

Monsieur,

J’attends avec la dernière impatience l'effet de vos promesses touchant les deux missionnaires et le frère que vous m'avez promis dans le mois de septembre. Sur cette assurance , j'ai indiqué mes missions et mes visites au premier d'octobre, ne pouvant faire ni l'un ni l’autre sans ce secours, ayant souffert qu'on ait employé dans d'autres diocèses quelques Doctrinaires (1) qui m'y servaient l’hiver passé, et je l’ai souffert pour plusieurs raisons nécessaires, si bien, Monsieur, que vous jugez bien en quel désordre et confusion je tomberais si vous veniez à me manquer de parole. Je ferai rembourser ce que le voyage aura coûté.

Je ne vous parle point de M. Parisy, parce qu’il nous a donné parole de se rendre ici après les chaleurs.

Je vous prie, Monsieur, d'agréer que je vous témoigne la surprise, ou, pour vous parler plus véritablement, le chagrin que j’ai contre vous des grandes longueurs et difficultés que vous apportez à consentir à l’union que je fais au séminaire de la petite paroisse de la Maiour, après toutes les protestations que je vous ai faites de décharger vos Messieurs de ladite cure, quoiqu'elle ne soit que de deux ou trois cents communiants, tous ayant réitéré plusieurs fois que tous ceux de mon conseil, aussi bien que vos Messieurs sont convaincus que le séminaire, en la manière que je l'ai formé, qui n'est que de prêtres déjà faits, m'est entièrement inutile, si vos Messieurs qui en ont la direction n’ont autorité : dans une paroisse pour y faire exercer les fonctions desdits prêtres, qui sont ou déjà curés ou destinés à l'être, puisque vous savez mieux que moi que la théorie est inutile sans la pratique Cependant ne m'étant jamais figuré que vous dussiez me faire nulle difficulté là-dessus., ne ni en ayant point fait pour Agde. où il y avait beaucoup plus de raison, j'ai acheté une grande maison, et fort chèrement, et fait de très grands frais pour les meubler

Lettre 3229. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Nom donné aux prêtres de la Doctrine Chrétienne, congrégation fondée en 1592 par César de Bus.

 

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et y établir aussi bien que dans le presbytère de ladite cure de la Maiour, et tout cela très inutilement si nous ne faisons une affaire stable et qui puisse durer après moi, ce qui ne peut-être encore une fois s'ils ne sont les maîtres de la paroisse .

Je croyais vous avoir donné assez de marques de l'affection que j'ai pour votre Institut et de la connaissance que j'en ai, pour vous confier que je ne ferai rien qui puisse préjudicier, et que, si vous n'aviez si bonne opinion de mon jugement, vous l'auriez de celui de tant de personnes capables qui sont avec moi et que vous connaissez, avec lesquels nous avons fait une infinité de conférences sur ce sujet et sur vos craintes, et sommes toujours demeurés d'accord uniformément qu'elles étaient sans fondement et que toute la dépense que j'avais faite était argent perdu sans cela.

Je suis encore résolu de leur acquérir au premier jour une très jolie maison, avec un très beau jardin, sur le bord de l'eau, à un petit quart de lieue de la ville, pour leur servir de lieu de retraite et de récréation, et aux séminaristes et maîtres d'école.

Au nom de Dieu, Monsieur, que celle-ci soit la dernière que je sois obligé de vous écrire sur ce sujet, et me délivrerez du plus grand embarras et chagrin que j'aie présentement dans mon diocèse et qui est si contraire à l'incommodité de ma tête ; sinon, résolvez-vous d'avoir toutes les semaines de plus grandes lettres que celle-ci, de laquelle dépend l'affermissement ou la ruine de tous mes projets, sans quoi je n'ai qu'à m'aller promener jusqu'à Paris et laisser tout là.

Je sais que vous avez présentement chez vous une grande multitude de très bons ouvriers que vous avez rappelés de divers endroits et qu’il ne vous manque que de faire quelqu'effort en ma faveur. Vous en avez déjà fait tant d'autres et m'avez tant témoigné d'amitié ! Cette occasion ici confirmera ou me fera tout oublier.

Je ne vous aurais pas laissé si longtemps en repos sans le voyage que j'ai fait de six semaines en Auvergne au retour duquel je ne doutais point de trouver ici le consentement de ce que je vous ai demandé et que je vous demande avec tant d'instance.

C'est, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

FRANCOIS
arch. de Narbonne

Au nom de Dieu, envoyez à nos Messieurs quelque brave serviteur qui entende les achats ; ceux desquels ils se servent ici, ou manquent de fidélité ou d'intelligence nous achètent

 

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les choses beaucoup plus qu'elles ne valent outre que leur maison est si sale et en désordre que cela fait mal au cœur d'y entrer. Traitez-nous comme vous avez fait Messieurs de Cahors d'où je viens.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission, à Saint-Lazare, à Paris.

 

3230. - JOSEPH BAYN A SAINT VINCENT

Monsieur,

Quand je serais capable de m'expliquer, il ne serait pas à mon pouvoir de produire des termes correspondants à mes désirs pour vous remercier du service et de la charité qu'il vous a plu de me faire par le soin que le frère Christophe (1) a pris de ma personne pendant ma maladie. Mais, quoique ses soins soient été extrêmes, je me persuade qu'il faut donner mon soulagement à vos prières, parce que je me flatte de votre tendresse et de votre amour. C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie, au nom de Dieu, de me la continuer et croire que, toute ma vie, je continuerai de me dire, Monsieur, votre très humble et très obligé serviteur

JOSEPH BAYN.

A Paris, le 26 août 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, général de Messieurs de la : Mission à la maison de Saint-Lazare, à Paris.

 

3231. - M. PESNELLE A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je m'étais disposé de payer à votre ordre la somme de huit

Lettre 3230. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Plusieurs frères coadjuteurs portaient ce nom. Il s'agit ici vraisemblablement de Christophe Gautier, né à Sablonnières (Seine-et-Marne), entré dans la congrégation de la Mission le 16 avril 1655, à l'âge de vingt ans, reçu aux vœux le 29 juin 1657, mort à Sedan le 11 octobre 1671, frère très vertueux, dont René Alméras, supérieur général, fit un bel éloge dans sa circulaire du 23 octobre. (Notices, t. III, p. 349.)

Lettre 3231. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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cents livres suivant que mon frère aîné (1) me l’avait ordonné par ses lettres du 13 juillet ; mais puisque vous n'avez pas été en état de me faire réponse aux lettres que je vous avais écrites sur ce sujet, je vous prierai d'agréer que je diffère ce payement jusqu'à mon retour de la campagne, où mes affaires m'appellent jusqu'à la fin du mois de septembre. Que si pourtant vous désirez ou avez quelque occasion pressante de recevoir cet argent, toutes autres choses négligées, je viendrai a vous pour vous sutisfaire, et j'écrirai dès demain à mon jeune frère de vous aller voir, pour savoir de vous votre résolution, afin qu'il me la fasse savoir an lieu où je serai.

Cependant j'écris a mon frère aîné sur le sujet de ses dernières lettres et le supplie de m'envoyer au plus tôt vos actes en forme de la démission qu'il veut faire en ma faveur. Et parce qu’il me demandait la forme qui y serait plus convenable, je lui envoie un modèle, sur lequel je désirerais bien qu'il me fit dresser son acte.

Je vous supplie, Monsieur, que comme vous avez eu la bonté de vouloir servir de médiateur pour concilier une affaire de cette conséquence entre deux frères, que vous vouliez contribuer à sa conclusion et à son achèvement. Il m'est très important d'avoir cette résolution avant la saint Martin. C'est pourquoi, je vous conjure de joindre vos prières à celles que j'ai faites à mon frère aîné, et d'obtenir de lui qu'il me fasse réponse en diligence. Je vous protestais par mes dernières lettres que je voulais bien reconnaître cette obligation de votre générosité .

Ce seront toujours mes sentiments et d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

PESNELLE .

A Rouen ,ce 26 août 1660

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur de la Mission de Saint-Lazare, au faubourg Saint-Denis, à Paris.

 

3232. - MAURICE DE LA TOUR D’AUVERGNE

A SAINT VINCENT

[août 1660]

Monsieur

Etant sortie des Filles de Sainte-Marie (2) pour voir l'entrée

1. Jacques Pesnelle, supérieur à Gênes.

Lettre 3232. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre a suivi de peu de jours la lettre 3223.

2. Le second monastère de la Visitation, où elle était pensionnaire.

 

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du roi, je vous supplie de me permettre de n’y point rentrer devant que ma sœur de Château-Thierry (3) prenne l'habit, qui sera le jour de la Notre-Dame (4). N'y ayant plus que si peu de temps, je crois que vous ne me refuserez pas cette grâce, étant bien juste que je sois à cette cérémonie.

Je vous supplie donc, Monsieur, d'avoir cette bonté et de me croire, Monsieur, votre très humble et très affectionnée servante.

MAURICE DE LA TOUR D’AUVERGNE

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3233. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 27 d'août 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J’ai reçu vos lettres du 28 juillet et 14 du courant. Il faut avoir patience dans le retardement d'une maison. Dieu vous la donnera quand il sera temps et lorsque vous aurez assez honoré la pauvreté de N.-S., qui n'en avait point, ni seulement une pierre pour y reposer sa tête. Notre famille de Rome a été dix-huit ou vingt ans logée à louage. Pourvu que la vôtre soit fidèle à ses emplois et à son règlement pour bien établir le royaume de Dieu et sa justice en soi et en autrui, rien ne lui manquera. Mais il faut premièrement travailler à cela, comme vous faites, grâces à Dieu, et, vous confiant en sa providence pour le reste, demeurer en paix. Outre cette raison, vous en avez une autre pour ne vous mettre pas en peine d'un logement : c'est que Mgr le marquis (1) y pense assez pour vous ; et, à ce que vous me

3. Emilie-Léonore, née à Maëstricht en 1640.

4. Le 8 septembre.

Lettre 3233. - L. s. - Dossier de Turin, original.

1. Le marquis de Pianezze.

 

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mandez, il donne la même pensée à d’autres, jusqu'à vouloir céder la qualité de fondateur à qui voudra vous donner plus que lui. J'admire sa grande bonté, et je prie Notre-Seigneur qu'il nous rende moins indignes que nous ne sommes d'en recevoir les effets et de les reconnaître.

Ne craignez pas la fièvre ; il y a grande apparence qu'elle ne s'en est pas allée pour revenir, et que le bon Dieu ne veut pas nous affliger encore de ce côté-là. Les frissons que vous sentez quand il fait un peu froid, ne sont pas des indices du retour de cette fièvre, parce qu'il, ne procèdent pas d'une cause intrinsèque, mais d'un accident extérieur duquel vous êtes plus susceptible par un effet de la fièvre passée, qui vous a affaibli. Je prie Notre-Seigneur qu'il vous rétablisse en vos premières forces pour lui continuer vos services avec autant de vigueur et de fruit que jamais. J'ai bonne espérance qu'il le fera, si vous faites de votre côté ce qui est à désirer pour vous bien porter.

Nous n'avons rien de nouveau. Nos malades se portent mieux, grâces à Dieu, et M. Alméras aussi, qui, étant parti de Richelieu pour s'en revenir ici, a été contraint de s'y faire rapporter depuis Tours, à cause d'une grande faiblesse où il s'est trouvé.

Je suis, en l’amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission, à Turin.

 

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3234. - ANNE-MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre troisième monastère de Paris, ce 27 août [1600] (1)

Mon très uniquement honoré Père

Vous venons d’apprendre que toutes les pensionnaires, c'est-à-dire nos petites sœurs et les demoiselles et Madame de Melun (2) sont sorties de notre monastère du faubourg pour l'entrée de la reine et nous doivent venir voir. C'est pourquoi, mon très honoré Père, nous vous supplions très humblement d'avoir la bonté de nous permettre de les faire entrer une fois céans auparavant qu'elles retournent se renfermer. Il y a aussi Madame Canos qui nous a priées de lui octroyer cette grâce-là auparavant qu'elle aille pour toujours se renfermer dans notre susdit monastère, pour y demeurer toujours ; mais, si votre bonté trouve quelque difficulté à ce dernier article je vous supplie s'il se peut, nous permettre pour tout le reste. Ils nous ont mandé qu'ils viendront aujourd'hui ou demain. C'est pourquoi nous supplions très humblement votre bonté nous faire faire présentement réponse et nous donner votre sainte bénédiction, priant Dieu vous conserver dans une aussi parfaite santé, mon très uniquement honoré.

Votre très humble et très obéissante et indigne fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN
de la Visitation Sainte-Marie

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission de Saint-Lazare.

Lettre 3234. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place non loin de la lettre 3223.

2. Ernestine de Ligne-Aremberg, veuve de Guillaume de Melun, prince d'Epinoy, connétable et sénéchal des Flandres.

 

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3235. - LE PRIEUR DE LA PÉROUSE A SAINT VINCENT

Vive Jésus en Marie !

Monsieur,

Je pensais me donner l'honneur de vous aller voir mais le bon Dieu ne m'en a pas donné le temps. Dans la confiance ordinaire que je prends en votre charité je vous demande la continuation de vos prières pour M. le commandeur Alex. La première fois que j'aurai l'honneur de vous voir, je vous entretiendrai de la persécution qu'il a soufferte et souffre encore pour les accès de sa promotion à l'évêché de Genève (1) Je vous supplie de le recommander étroitement à Notre-Seigneur et vous conjure aussi d’employer les prières de votre sainte communauté. Vous ne sauriez croire jusques où est allée la rage et la calomnie de ceux qui le persécutent. L'on m'écrit pourtant que les nouvelles de Rome font espérer qu'il sera préconisé au premier consistoire.

J'ai douze pistoles à faire tenir à M. le chanoine de Montfort à Annecy ; je vous supplie très humblement que je puisse savoir par ce porteur si vous aurez la bonté de me faire la charité de les recevoir ici. C'est pour la même affaire pour laquelle vous m'avez déjà fait la grâce d'en envoyer souvent. Je vous demande, s'il vous plaît, réponse par écrit, de crainte que le secret ne soit éventé, comme j'ai eu nouvelle qu'il est déjà fort soupçonné.

Le porteur de ce billet est un jeune homme de Chambéry, de fort honnête famille, que l'on a pensée de mettre dans le séminaire d'Albiac. Il désirerait auparavant de faire une retraite et me sollicite depuis longtemps pour vous demander la grâce pour lui de permettre que ce soit à Saint-Lazare. Il me paraît tout à fait bien disposé. Et ainsi je prends la liberté de joindre mes prières aux siennes pour vous demander cette cha-

Lettre 3235. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. La nomination de Jean d'Aranthon d'Alex à l'évêché de Genève avait soulevé une opposition qui fut longue à se calmer. Les accusations les plus infamantes lui furent prodiguées, et ses ennemis les portèrent jusqu'à la cour de savoie, au palais du nonce et même à Rome. Fatigué d'avoir à répondre sans cesse aux calomnies débitées contre lui, le commandeur donna sa démission. Le prince la refusa. Enfin la tempête s'apaisa et le prélat fut sacré le 9 octobre 1661. (cf. Innocent Le Masson, op. cit., p. 61-79.)

 

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rité avec toutes les autres. Si vous y ajoutiez celle de le recevoir avant l'ordination la faveur serait double parce que vous lui donneriez occasion de faire réussir beaucoup plus tôt son entrée dans ce séminaire.

Je ne vous écris jamais et ne vous vois jamais que pour vous demander. Qu'y feriez-vous? C'est un importun que vous vous êtes attiré. Je vous assure qu’il le fait avec beaucoup de respect et beaucoup de confiance, parce que ce sont des affaires qui regardent la gloire de notre bon Maître.

Je vous demande très humblement votre souvenir devant lui et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

DE LA PEROUSE.

A Saint-Sulpice, le 28 août 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, prêtre et supérieur général de la Mission, à Saint-Lazare.

 

3236. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES

A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon tout unique Père,

Voilà ce qui est dans nos constitutions et coutumier qui regarde le choix du Père spirituel, que nous envoyons à votre bonté, mon très honoré Père. Je vous demande bien pardon de ne l'avoir fait plus tôt ; mais le grand tracas du monde qui était à notre tour pour l'entrée de la reine, joint à l'accident arrivé à ma pauvre sœur Marguerite-Dorothée, nous en a empêchées. Cette très chère sœur ayant eu, en suite de sa saignée une fluxion sur le bras, avec des douleurs si violentes que cela faisait pitié, Monsieur Rufin et notre chirurgien ordinaire espèrent que ce ne sera rien ; mais cela ne m'assure pas à cause de ses autres incommodités. Nous vous supplions, mon tout unique Père, de nous faire la charité de la faire recommander aux prières de votre sainte communauté et lui donner aussi part aux vôtres. Je vous demande cette grâce avec même affection que je suis avec respect, mon tout unique Père, votre

Lettre 3236. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur .

LOUISE-EUGENIE DE FONTEINES

D[ieu] s[oit] b[éni] !

Ce 28 août [1660] (1)

 

3237. - LE PÈRE FULGENCE DAUDIGNIER

A SAINT VINCENT

Monsieur,

Un de nos vénérables Pères ayant su que j'avais l'honneur d'être du nombre de vos serviteurs m'a prié de vous recommander, comme je fais de tout mon cœur le présent porteur, qu'il m'a assuré être depuis peu converti à la religion catholique et abandonné de tous ses parents hérétiques. C'est pourquoi, dans cette pressante nécessité, tant du corps que de l'âme ,il est résolu de servir à tout ce qu'on voudra dans quelque maison dévote où il puisse être instruit plus amplement de tout ce qu'un bon catholique doit savoir, en attendant qu'il se soit réconcilié avec ses parents et qu'il soit fortifié dans les vérités de notre religion ; et comme il a oui dire que votre sainte maison était fort propre pour cela, je prends la hardiesse de joindre mes prières aux siennes , en qualité, Monsieur, de votre très humble et très obéissant serviteur

F. FULGENCE DAUDIGNIER
Chartreux indigne

De notre cellule de Saint-Ambroise, ce 28 d'août 1660

Je vous remercie de notre postulant qui fut chez vous en retraite il y a deux mois et dont Monsieur Gicquel fut le directeur. J'espère qu'il sera bientôt chartreux en cette maison.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de l'Ordre des Missionnaires, à Saint-Lazare.

1. Année du mariage de Louis XIV.

Lettre 3237. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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3238. - LE PRIEUR DE LA PÉROUSE A SAINT VINCENT

Vive Jésus en Marie !

Monsieur,

J’ai reçu avec beaucoup de reconnaissance le billet dont il vous a plu m'honorer et ferai mon possible pour me donner l'honneur de vous aller porter demain les 12 pistoles pour Annecy. Cependant je prends la liberté de vous écrire ce billet par l'ordre de M. le président de Chamosset. C'est le second président de notre sénat, duquel vous m'avez autrefois parlé et qui m'a témoigné beaucoup d'estime pour vous. Il est maintenant à Paris et m'a dit qu'il voulait vous aller voir ; et cependant il vous conjure de recommander étroitement à N.-S,. une affaire d'une grande conséquence, qui le touche de fort près. Il a beaucoup de confiance en vos prières et ma recommandé de vous les demander.

Je suis avec le respect que je dois Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

DE LA PÉROUSE

J'ai reçu aujourd'hui des lettres de Savoie où l'on ne me mande rien de bon des affaires de M. le commandeur Alex. Ainsi je crois que nous avons besoin du crédit de tous nos amis, afin que le bon Dieu ne nous prive pas, par un juste jugement, des grâces que tout ce pauvre diocèse espère de sa promotion .

M du Bazzione conjure de nouveau et sollicite votre charité pour les ouvriers que vous leur avez fait espérer, dont ils ont plus besoin que vous ne le sauriez croire.

Votre très humble et très obéissant serviteur.

DE LA PÉROUSE.

A Saint-Sulpice, le 29 août 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, prêtre et supérieur général de la Mission, à Saint-Lazare.

Lettre 3238. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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3239. - LE PRÉSIDENT FREMYN A SAINT VINCENT

A Somméricourt (1) le 30 août [1660] (2)

Monsieur,

La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m’écrire le 14 de ce mois me fut seulement rendue vendredi 27, et cela est cause que je n'ai pu vous en rendre plus tôt très humbles grâces et vous témoigner que la déférence que je rends au désir que vous avez que je donne la cure de Pompierre (3) à M. Descroizilles est la moindre chose que je voudrais foire pour votre considération. Mais vous savez, Monsieur qu'il faut pour cela qu'elle soit vacante, et je ne vois pas M. Le Bret disposé à la quitter. Il m'a dit qu'il s'était donné l'honneur de répondre à celle qu'il a reçue de votre part, et qu'il avait des raisons d'honneur et de conscience si pressantes pour ne se pas démettre de ce bénéfice, qu'il s'assure que vous les approuverez lorsqu'il pourra vous les déduire lui-même. Ainsi, Monsieur, nous voyez que ma bonne volonté demeure sans effet, et je crois que Dieu le permet ainsi, parce que cet emploi est au-dessous du mérite dudit sieur Descroizilles.

Je crois que vous aurez appris quelque petit sujet du déplaisir que Mademoiselle Maillet a reçu de Monsieur Caset, et je vous avoue que cela m'a été sensible au dernier point. Ledit sieur Caset a pensé se justifier par une négative ; mais je connais cette demoiselle trop sage pour s'imaginer avoir été offensée en son honneur, quand en effet, elle ne l'a pas été. La satisfaction seule que nous avons, Madame la présidente, et moi dans ce rencontre, est que vous Monsieur et M Demonchy connaissez la vertu de cette fille ; et depuis vingt ans qu'elle est au service de ma femme, je puis dire avec vérité que nous n'avons jamais trouvé à dire à sa conduite., Dieu soit loué de tout !

Je vous demande, s'il vous plaît, Monsieur, la continuation de vos saintes prières et que vous croyiez que je suis très humblement absolument en l'amour de Notre-Seigneur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

PR[ESIDENT] FREMYN

Lettre 3239. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Localité de l'arrondissement de Chaumont (Haute-Marne).

2. La mention de Michel Caset et de Nicolas Demonchy montre que la lettre est des dernières années de saint Viuncent. Les mots "vendredi 27" ne permettent pas d'en choisir d'autre que l'année 1660.

3. Localité de l'arrondissement de Neufchâteau (Vosges).

 

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3240. - LE PRIEUR DE LA PÉROUSE A SAINT VINCENT

Vive Jésus en Marie !

Monsieur,

La providence de Dieu m’a fait rencontrer dans la rue le bon frère économe. Quelques affaires m'ont rendu incertain si je pourrais avoir aujourd'hui l'honneur de vous voir. je me suis prévalu de la rencontre pour lui confier cinquante écus.

Je vous supplie d'excuser ma liberté et vous assure que je ne laisse pas d'être avec tout le respect, possible Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

DE LA PÉOUSE

A Saint-Sulpice, le 30 août

 

3241. - SŒUR AVOIE VIGNERON A SAINT VINCENT

Vive Jésus, Marie, et Joseph !

A Ussel, ce 30 août 1660

Monsieur et très honoré Père

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais.

C'est en vérité, avec bien de la douleur que j'ai appris par votre lettre le retour de ma sœur Anne (1). Il me serait impossible de vous dire le déplaisir que j'en reçois, car, dès lors qu'elle a commencé à s'y bien accoutumer et qu’elle ne pensait à s'en retourner, au moins tant que de coutume, voilà qu'il s'en faut retourner, après avoir tant souffert de toutes façons. .Vous avons fait toutes les instances possibles pour tâcher de l'obliger à demeurer, jusqu'à ce que nous aurions prié votre charité de nous la vouloir laisser, au moins jusqu'à ce que l'on aurait vu ce que Madame la duchesse (2) a envie de faire pour les pauvres ; car, si elle établissait l'hôpital il n'y a pas de lieu où ma sœur Anne fut plus utile et put faire plus de bien ayant l'esprit content. Mais aussi est-il vrai qu'il n’y en a pas où elle peut être plus misérable, si Madame ne fait

Lettre 3240. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3241. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Anne Hardemont.

2. La duchesse de Ventadour.

 

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pas plus qu'elle a fait jusqu'à présent Je vous prie de considérer un peu le contentement que pourra espérer celle qui viendra, et moi aussi. Ce n'est pas que nous ayons assez de quoi nous employer et de reste ; mais je vous dis, pour être exposée à. tous les murmures et calomnies qu'il nous a fallu souffrir jusqu'à présent par ceux mêmes de qui devions espérer du secours et qui ne voudraient pas avoir contribué un liard de leur bien pour nourrir les pauvres que nous avons en. charge. Tandis que ma sœur Anne a été ici elle leur faisait entendre franchement ce qui était raisonnable et ce qui ne l'était pas. Mais à présent ils pourront agir à leur fantaisie. Je n'ai ni force ni capacité pour leur faire tête. Ce n'est pas que je sois dans l'envie de leur tout abandonner ; non Dieu m'en garde. ! Je tâcherai de leur faire voir les choses le mieux qu'il me sera possible ; et du reste, il en sera ce qu'il plaira à Notre-Seigneur

Si Madame ne met ordre et dit de la façon qu'elle veut qu’on se comporte pour le secours des pauvres tant de l'hôpital que des étrangers, je crois que nous ne pouvons pas moins espérer de peines à l’avenir que par le passé. Dieu soit béni, qui ne nous donnera pas plus de peine que nous en pourrons porter. ! S'il faut se résoudre à souffrir à la bonne heure pourvu que ce soit patiemment et constamment ! Tout irait bien pour nous si ma sœur ne s'en fut retournée qu'avec Madame, ou qu’elle l'eut vue avant que partir de Paris. Elle lui aurait fait entendre ce qui aurait été pour le meilleur ; mais il arrivera qu'ils seront en chemin en même temps. S'il vous plaisait, et à Madame aussi, que je l'allasse voir en Bourbonnais je lui dirais une partie de ce qui nous fait plus de besoin ; car de lui écrire cela ne sert pas de grand'chose On l'a tant fait et avec si peu de satisfaction, que je ne crois pas que cela serve de grand'chose. Dieu veuille qu'à ce coup il en soit autrement et que sa bonté donne à ma sœur Anne des sœurs et des emplois qui lui soient à plus grande satisfaction que je n'ai pas été ! Ils lui condescendront davantage ; mais je ne crois pas pour cela qu'ils aient plus d'amitié et plus de désir de la servir dans ses peines. Je prie Notre-Seigneur la vouloir bien et heureusement conduire.

J'aurais une consolation toute particulière de la savoir bien à son aise et en repos ; mais je ne crois pas que, soit à Paris, soit à Ussel, nous soyons exempts de croix, bien qu'à la vérité elles soient plus sensibles à Ussel qu'à Paris.

J'espère que ma sœur aura bien le souvenir de vous représenter la nécessité qu'il y a que l’on envoie une fille qui soit un peu plus forte que moi et qui sache mieux ce que c'est de. malades ; car ma sœur sait bien que je n'y entends pas grand'

 

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chose ; car encore qu'il semble n’être pas tant nécessaire il l'est pourtant beaucoup ; et puis il vaut mieux en avoir de reste que d'en manquer. Ce n'est pas comme si l'on n'était qu'à 2 lieues de Paris.

Votre charité nous avait accordé la permission de faire la retraite mais j'ai pas pu la faire avant que ma sœur s'en soit allée J'aurais pourtant été bien consolée de la faire pour la Toussaint, et, si vous le trouvez bon aussi la rénovation des vœux. J'avais cette année passée demandé la même permission ; mais soit que la réponse soit perdue, ou qu'elle ne fut pas faite, je n'en ai rien ouï. C'était à Mademoiselle (3) à qui je l'avais demandé et aussi de la façon qu'il le faut faire.

Je vous supplie aussi d'avoir la bonté de vouloir écrire un mot à M. le curé, qui est notre directeur de ce pays, suivant l’ordre que M. Dehorgny nous en a donné, afin qu’il prenne d'autant plus de soin de nous, afin que tant celle qui viendra que moi nous demeurions sujets à ses conseils, sans rien faire à notre tête. M. Dehorgny connaît son mérite et qu'il n'est pas une personne à nous rien laisser faire qui ne soit entièrement conforme à notre vocation et aux ordres de nos supérieurs.

Je me recommande bien à vos saintes prières et vous prie de me croire de toute l'affection de mon cœur, Monsieur et très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante.

S. AVOIE VIGNERON

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3242. - JACQUES COIGNET A SAINT VINCENT

Monsieur

Je vous prie d’avoir la bonté de recevoir ce Monsieur à faire retraite chez vous le plus tôt que vous pourrez. C'est un de mes frères lequel, ayant fait ses études n'est pas encore déterminé à suivre aucune profession Il souhaite de faire retraite chez vous, afin de connaître la volonté de Dieu et de la suivre, sous la conduite de quelque directeur que vous aurez la bonté de lui donner.

3. Louise de Marillac.

Lettre 3242. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Je vous en serai infiniment obligé, étant, monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

COIGNET,
curé de Saint-Roch

A Saint-Roch, ce 30 août 1660

 

3243. - M. LEPRESTRE A SAINT VINCENT

Monsieur,

Après vous avoir salué et rendu mes respects je vous dirai qu’ayant envoyé ma lettre selon votre ordre à Monsieur Charton, qui est présentement malade et qui vous a fait écrire ce billet ci-inclus, que Monsieur de la Moussardière m'a donné ce matin pour vous faire tenir, il ma fait réponse, par Monsieur Grandin, qu'il ne faut pas troubler les consciences et qu'on est soumis à Sa Sainteté (1) ; que si, après avoir été ouïs, elle persiste dans le bref, qu'on le recevra avec totale soumission J'ai vu aussi une fois Monsieur Abelly, qui venait confesser extraordinairement les Carmélites, qui m'assura que je ne devais point faire difficulté de les confesser comme par ci-devant, et qu'il les croyait toutes en bonne conscience.

Je m'essaierai de vous aller voir afin qu'ayez la bonté de m'assurer et de me marquer ma conduite dans tout ceci, car c'est de vous seul, Monsieur, et de lui que je pense que Dieu veut que je la prenne.

S'il plaisait à Notre-Seigneur vous penser à faire écrire quelques moyens d'accommodement en cette affaire vous ,feriez grand service à tout ce saint Ordre Il me semble qu’il y a un certain milieu à trouver qui accoiserait (2) tout, ainsi qu'il est arrivé dans toutes les controverses émues jusques à présent ; ni trop ni trop peu à Messieurs les supérieurs ; ni trop ni trop peu à Messieurs les visiteurs.

Messieurs les supérieurs me semblent si bien intentionnés et dans une possession depuis l’établissement de l'Ordre en France et une si sainte et si entière administration qu'il est pénible de les voir inquiétés sans être ouïs.

Excusez, Monsieur, si je vous mande si librement mes sentiments et me donnez beaucoup à Dieu à ce qu'il dispose

Lettre 3243. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Touchant l'affaire des Carmélites. (Voir lettre 2924, note 1).

2. Accoiser, apaiser.

 

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toujours de, Monsieur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur.

D. LEPRESTRE

Ce dernier août 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, prêtre et supérieur général de la Mission,, à Saint-Lazare.

 

3244. - JACQUES CHARTON A SAINT VINCENT

[31 août 1660]

Monsieur Vincent est prié de la part de Monsieur le pénitencier l’ancien (2) que la lettre qu'il lui a écrite depuis huit jours (3) ne soit que pour lui ; et s’il trouve bon de la brûler après l'avoir lue, il l'obligera.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur de la Mission, à Saint-Lazare, à Paris.

 

3245. - M. AUBERT A SAINT VINCENT

Ce mardi matin, 31 août 1660

Monsieur,

Son Altesse Madame de Longueville souhaitant que Messieurs ses enfants (1) reçoivent votre bénédiction ,et eux désirant fort vous voir, j'espère vous les mener après dîner et vous assurer que je suis, avec tout le respect imaginable ,Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

AUBERT.

Suscription : Pour Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à Saint-Lazare, faubourg Saint-Denis, à Paris.

Lettre 3244. - Dossier de Turin, original.

1. Ce billet est fort probablement celui qu'annonce la lettre 3243.

2. Jacques Charton lui-même.

3. La lettre 3225.

Lettre 3245. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Charles d'Orléans, comte de Dunois, alors âgé de quatorze ans ; et Charles de Paris, comte de Saint-Paul, enfant de onze ans.

 

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3246. - ANNE-MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre troisième monastère de Paris, ce 31 août 1660

Mon très uniquement honoré Père,

Nous envoyons savoir des nouvelles de votre santé et vous demander permission de prendre environ six mille livres en rente, ou moins, si nous pouvons. C'est pour achever de payer nos ouvriers ayant été nécessitées de faire une assez grande dépense pour nous loger, quoique très petitement et selon la simplicité et pauvreté religieuses. Mais c'est qu'il a fallu, selon l'ordre de notre Père du faubourg (1) qui en a fait le marché, bâtir une chapelle ou petite église tout à neuf, un chœur et d'autres petits logements, et avec cela accommoder des galeries de jeux de boules, pour faire tous les offices réguliers et dortoirs. Et bien que cela ne soit que de boue et de crachat, comme l'on dit, si est-ce que cela n’a pas laissé de nous bien coûter, et des autres menues choses de fenêtres et de portes, comme si c'était en un bâtiment de plus grande importance, le principal bâtiment de cette maison s'étant trouvé sur la rue et cour du dehors, qui nous oblige de le louer à des séculiers ,qui nous en rendent six cents livres. Cela a obligé à faire cette dépense. Si l'on nous rachète notre rente de Rouen, ainsi que Messieurs Delahaie, Aubert et Messieurs les héritiers nous le font espérer, étant après pour vendre une terre, pour cela nous aurons de quoi nous acquitter. Bien que ladite rente n'ait commencé à courir que depuis notre achat, ils n'ont pas laissé de nous en payer une demi-année, qu'ils nous ont fait tenir ici à Paris. Il y en a encore un, dont nous attendons la même chose que nous ont fait les deux autres. Nous disons ceci à votre bonté pour vous rendre compte de tout.

J’ai confiance en Dieu que cette œuvre étant purement de lui, il aura soin de la conduire en son progrès, ainsi qu'il a plu à sa divine Providence le faire dans son commencement. Nos chères sœurs qui sont venues ont tant de zèle de nos saintes observances que j'espère en la divine miséricorde que, tachant de chercher le royaume de Dieu et sa justice rien de nécessaire ne nous manquera

Nous supplions aussi très humblement votre bonté nous don-

Lettre 3246. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Marie-Agnès Le Roy.

 

- 416 -

ner la permission de renvoyer une sœur domestique qui n’a pas de vocation et, de plus, manque des conditions nécessaires pour s'acquitter de sa charge, et en même temps nous {permettre] d'en prendre une autre en sa place, que nous croyons qui aura ce qui manque à celle-ci, au moins à ce que nous en pouvons juger.

Nous sommes bien marries de vous importuner d’une si longue lettre, mon très honoré Père, crainte que cela ne vous surcharge dans vos continuelles souffrances, priant Dieu de vous augmenter la force et la patience. Ce sont les prières et souhaits que cette petite communauté fait devant Dieu.

Etant toutes prosternées à vos pieds, nous demandons votre sainte bénédiction, en particulier pour la moindre de toutes, qui est, d'une incomparable affection, pleine de véritable respect, mon très uniquement honoré Père, votre très humble et très obéissante et très indigne fille et servante en N.-S.

SŒUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN,
de la Visitation Sainte-Marie.

Dieu sait béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission de Saint-Lazare.

 

3247. - LA BARONNE DE RENTY (1) A SAINT VINCENT

Ce premier septembre [1660]. (2)

Monsieur

La rencontre que je fais de cet ecclésiastique, incertain de ce qu'il doit faire dans l'emploi que Dieu lui présente pour travailler au salut des âmes, m'a donné la pensée de vous l'adresser, sachant les lumières que Dieu vous donne pour déterminer ceux qui vous demandent avis, et quelle charité vous avez pour cela. Je l'ai assuré qu’il pouvait s'assurer de celle que vous auriez pour lui donner votre avis. Je vous en supplie très humblement le trouvant bien intentionné. Il est gentilhomme de bon lieu ; et c'est ce qui me fit craindre pour lui retournant dans son pays Je m'assure de tout quand il suivra

2. Texte de l'original : et qu'en même temps nous permettra.

Lettre 3247. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Elisabeth de Balzac, dame de la Charité, veuve du pieux et charitable Gaston de Renty, seigneur de Landelles.

2. Date marquée au dos de l'original par le frère Ducournau.

 

- 417 -

votre conseil, et espère beaucoup si vous me continuez part à votre souvenir devant Dieu.

J’en ai plus de besoin que jamais et suis .Monsieur votre très humble et très obéissante servante.

L. DE BALZAC DE RENTY.

Il faudra, s'il vous plaît, résoudre ce que ce porteur doit faire promptement ,et voir, l'un de ces jours, comme l'on terminera les affaires de feu M de Chodebonne.

Suscription : A Monsieur ,Monsieur Vincent, à Saint-Lazare.

 

3248. - MADAME POTTIER DE LAMOIGNON

A SAINT VINCENT

Monsieur,

J'avais peine à croire que vous ne fissiez point de difficulté à nous donner des Filles de la Charité pour Auteuil, vu que .M. le curé n'est pas tout à fait conforme à vos sentiments. Mais M. le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonneret (1) m'en avait assuré, et que vous n'aviez aucune peine là-dessus. C'est ce qui m'avait obligé de faire en sorte que .M. le curé d'Auteuil vous parlât afin que vous le connussiez, ayant peine à croire que vous ne fissiez point de difficulté. Néanmoins ce serait une grande charité, particulièrement pour l'instruction des enfants auxquels il est fort dangereux qu'ils n’aient autre instruction que celle de M le curé.

J’avais pensé que, pour la confession de ces bonnes filles, vous auriez pu aller à Chaillot qui est tout contre, où on a de bons Pères minimes qui sont là. Et si je n’eusse point été si pressée de partir pour aller à Bourbon prendre des eaux, j'aurais eu l'honneur de vous aller voir et vous dire plus amplement toute chose. Mais je suis obligée de partir aujourd'hui. Cependant j’espère que le bon Dieu vous inspirera ce qui sera plus à sa gloire là-dessus et au bien de ces pauvres gens-là, qui d'ailleurs sont assez bons.

Je recommande mon voyage à vos saintes prières, je vous prie, et à celles de votre communauté et vous prie de me

Lettre 3248. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Hippolyte Féret.

 

- 418 -

faire l'honneur de me croire, Monsieur, votre très humble et obéissante servante.

M POTIER,

Ce premier septembre [1660] (2),

 

3249. - M. PETIT, CURÉ DE ST-FARGEAU,

A SAINT VINCENT

Monsieur Vincent est très humblement supplié de donner sa dernière résolution, s'il lui plaît d'accepter le legs de trente livres de rente par an, fait par feu mon oncle au profit de Messieurs de la Mission établie à Crécy. Je suis prêt d'en faire la délivrance, en cas d'acceptation. Et quand même l'établissement de Crécy serait transféré à Meaux, ou ailleurs, je consentirai volontiers, en qualité d'exécuteur testamentaire et de légataire universel, que ledit legs soit aussi transféré partout où on le voudra mettre.

Comme aussi il est supplié très humblement de permettre à sœur Jeanne Lepeintre de faire un voyage à Paris pour les affaires de l'hôpital de Saint-Fargeau, et il obligera celui qui est son très humble et très obéissant serviteur.

PETIT.

De Saint-Lazare , ce 1er septembre 1660

Rue des Maçons, au Nom-de-Jésus, près Sorbonne paroisse Saint-Séverin.

 

3250. - ANNE GABRIELLE DOREAU A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Monsieur mon très cher Père,

L'affection que vous avez pour notre Ordre et la charité universelle que vous témoignez pour tous les affligés me fait croire que vous aurez la bonté d'agréer que je vous supplie très humblement de vouloir travailler à la délivrance du pauvre jeune homme de cette ville nommé Guillaume Bauvoy

2. Cette lettre est à sa place non loin des lettres 3187 et 3217.

Lettre 3249. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3250. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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peintre frère d'une de nos chères sœurs, qui a été pris par les barbares d'Alger le jour des Innocents dernier, à deux lieues de la Rogue, à l'embouchure du Tage, comme il allait à Lisbonne avec le comte de Seguin, sieur Laudoy, dans un vaisseau appelé le Saint-Etienne, de trente pièces de canon. Après leur prise, ils ont été conduits audit Alger, où ledit Guillaume Bauvoy a conduit sa disgrâce le plus adroitement qu'il a pu. Il est logé chez le consul français, audit Alger, en Barbarie (1),où il s'emploie à peindre dans un nouveau logis que ledit consul fait faire.

Votre Révérence, mon très cher Père, pourra juger par ce que dessus des moyens qu'il faudra tenir pour la délivrance de ce jeune homme, et qu'en lui écrivant et procurant son rachat, il le faut traiter comme pauvre esclave, crainte que l'on en demande quelque grosse rançon, étant nécessaire de le retirer à la plus médiocre composition que l'on pourra ; car encore que Dieu l'ait fait naître d'assez honnête maison, avec un peu de bien, si est-ce pourtant qu'ayant perdu son père depuis plusieurs années,. et sa mère se treuvant dans l'embarras de plusieurs affaires très fâcheuses et qui lui dépensent beaucoup d'argent, elle n'est pas en état de pouvoir fournir une grosse somme

Je me promets de votre prudence et charité, Monsieur Mon très cher Père, qu'elle ménagera si bien cette délivrance que sa mère veuve n'en sera pas trop surchargée. C'est la prière très humble que je vous en fais et sa chère sœur et plusieurs de ses parentes qui sont religieuses céans, qui toutes vous en auront de très grandes obligations. Ce monastère en a de très particulières à la famille de ce cher captif, qui nous témoigne des bontés très grandes et nous assiste avec beaucoup d'affection dans les rencontres ; ce qui nous oblige à de très particulières reconnaissances.

Je vous demande très humblement, mon cher Père, l'assistance de vos saintes prières pour toute cette communauté, qui vous offre ses respects et filiale obéissance et vous souhaite avec moi la persévérance en l'amour sacré, dans lequel je me dis, avec votre permission, Monsieur mon très cher Père, votre très humble et obéissante fille et indigne servante en Nrotre-Seigneur.

SŒUR ANNE-GABRIELLE DOREAU
de la Visitation Sainte-Marie.

De notre monastère de Nevers ce premier septembre 1660.

1. Jean Barreau.

 

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Dieu soit béni !

Monsieur mon très cher Père, Monsieur de Saulieu, qui vous remettra la présente, satisfera à ce qu'il faudra fournir pour le rachat dudit captif. Je pense que, quand l'on offrirait pour cela deux cents livres, ou, au plus, trois cents livres, ce sera bien honnêtement pour un homme de si petite condition.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, supérieur du séminaire de Saint-Lazare, à Paris.

 

3251. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINE

A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon tout unique Père,

Nos chères sœurs conseillères et nous avec elles ayant su le désir de Mademoiselle Marin d'être religieuse et d'entrer céans, nous croyons avantageux pour la gloire de Dieu de seconder, autant que nous pourrons, son pieux désir et, si votre bonté agrée de nous en donner la permission, de la faire entrer céans. Nous vous demandons aussi celle de prendre le R. Père Castillon (1), et un autre pour être avec lui, tel qu'il se pourra. C'est la grâce que vous demande celle qui est, selon toutes ses obligations, mon tout unique Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES,
de la Visitation Sainte-Marie.

D[ieu] s[oit] b[éni] !

Ce 2 septembre [1600] (2)

Notre très chère sœur Marguerite-Dorothée se porte bien mieux, Dieu merci, et [est] tout à fait hors de péril.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, général des Missions de France.

Lettre 3251. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. André Castillon, né à Caen le 12 mars 1599, reçu dans la Société de Jésus le 20 mars 1614, mort le 25 mars 1671, après avoir été recteur des maisons de Rennes, Arras, Paris, et provincial de France.

2. Cette lettre est à sa place non loin des lettres 3236 et 3272.

 

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3252. - SŒUR MADELEINE MAUPEOU A SAINT VINCENT

Ce 2 septembre 1660

Mon très uniquement honoré Père,

Nous avons recours aux prières de votre bonté et de tous ceux de votre sainte communauté pour l'élection d'une supérieure pour cette maison (1) qui se doit faire samedi. Vous savez, mon très honoré Père, combien cela est important pour le soutien de la paix que Dieu y a mise et qu'il y maintient par sa sainte grâce C'est ce qui nous oblige à le recommander très particulièrement à vos charitables prières.

Après qu'elle sera faite, nous aurons encore besoin de faire ici un peu de séjour, pour la consolation de la chère Mère, n’y en ayant aucune céans qui puisse être élevée, qui ne l'appréhende beaucoup. C'est ce qui me fait espérer que Dieu donnera sa. bénédiction.

Ma sœur Fouquet (2) nous a mandé beaucoup de bien d’un bon ecclésiastique qu'elle croit propre pour confesser ces bonnes religieuses. Je la supplie qu'en cas qu'il ne soit pas parti, elle l'envoie à Votre Révérence pour recevoir les saintes instructions que je vous supplie de lui donner, comme vous aviez fait à M. de Monboisin, que votre bonté nous envoya à Caen.

Je demande en toute humilité votre sainte bénédiction pour nos deux chères compagnes, qui se disent vos très obéissantes servantes, et pour moi, qui suis dans un grand respect, mon très Révérend Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

MADELEINE MAUPEOU,
de la Visitation Sainte-Marie.

D[ieu] s[oit| b[éni] !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, supérieur général de la Mission de France.

Lettre 3252. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Le monastère des Ursulines de Melun.

2. Elisabeth-Angélique Fouquet.

 

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3253. - SŒUR MARTHE DE JÉSUS (1) A SAINT VINCENT

Mon très honoré Père,

Très humblement salut en Jésus-Christ

La part que votre très ardente charité vous fait prendre dans les affaires de notre Ordre nous oblige à vous faire savoir qu'il semble que Notre-Seigneur nous veut aider, car voilà un couvent qui avait protesté contre le bref, qui revient. M Giraud à eu l'honneur de vous en dire quelque chose ; mais depuis hier nous en avons des preuves certaines. C'est le couvent de Reims de qui je parle. La Mère prieure (qui n'est point professe de notre couvent, elle l'est de celui d'Angers) à écrit à notre Mère Marie-Madeleine de Jésus (2) qu'elle est dans un très grand trouble et inquiétude de conscience d'être désobéissante au bref du Saint Père, qu'elle veut absolument faire quelque acte qui redéfasse l'opposition qu'elle y a faite, quelle a beaucoup de choses à déclarer là-dessus. La fondatrice dudit couvent, qui se nomme .Mme de Bouvant, a écrit même chose ; et l’une et l'autre s'en sont ouvertes à Mgr l'évêque du Puy (3) qui est tout à fait de notre côté. Ce bon prélat à demandé jour à notre Mère Marie-Madeleine de Jésus pour venir conférer avec elle là-dessus. Nous avons donné avis de cela à Messieurs de Blampignon, de Prières et de Saint-Nicolas-du-Chardonnet (4). Ils nous ont mandé qu'ils avaient la bénédiction de vous aller voir demain. Nous serons très contentes de ce que vous ordonnerez là-dessus, aussi bien que nous l'avons été de ce que vous avez jugé sur la bonne Madame de Breauté (5) Tout ce qui nous vient de votre part, mon très honoré Père, est reçu de nos Mères et de nous, quoiqu'indignes, avec une si grande vénération, une si grande défé-

Lettre 3253. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Marthe du Vigean, fille du marquis du Vigean, sous-prieure du carmel de la rue Saint-Jacques, morte le 25 avril 1665, dans la quarantième-quatrième année de son âge et la seizième de sa profession. Saint Vincent lui avait prédit son entrée en religion à un moment où tout semblait devoir la retenir dans le monde. (cf. Collet, op. cit., t. 2, p. 516 ; Victor Cousin, Madame de Longueville, p. 466).

2. Lancry de Bains, prieure du Carmel de la rue Saint-Jacques, morte à Paris en 1679, dans la soixantième année de sa profession.

3. Henri de Maupas du Tour.

4. Hippolyte Féret.

5. Probablement Marie de Fiesque, dame d'honneur de la reine Anne d'Autriche, veuve de Pierre, marquis de Breauté.

 

- 423 -

rence et soumission qu’il nous semble que c’est Dieu qui nous a parlé par votre bouche. Ainsi, mon très honoré Père, commandez-nous sans crainte ce que vous jugerez équitable que nous fassions, et nous l’exécuterons avec la dernière joie et sans ombre de peine, étant, au delà de ce que nous vous le pouvons exprimer, mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante.

SŒUR MARTHE DE JÉSUS,
religieuse c[armélite] indigne.

Ce dimanche matin, 2 septembre 1660

M de la Madeleine (6) se porte bien mieux, Dieu merci. Il n'a plus de fièvre et il. se recommande fort à vos bonnes prières. Il a porté, se dit-il envie à M Giraud de ce qu'il a eu la bénédiction de vous voir, et non pas lui.

 

3254. - A GUILLAUME DESDAMES

De Paris, ce 3 de septembre 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu votre chère lettre du 25 juillet. Il est vrai que nos prêtres et les Filles de la Charité seront bientôt prêts à partir ; ils n'attendent que l'occasion d’un vaisseau qui aille à Dantzig.

Puisque vous croyez qu'il y aura avantage pour vous de vendre le jardin et le bâtiment qui est derrière votre maison, pour 5 500 livres, qu'il a coûtées à la reine, j’approuve volontiers que vous le vendiez et que vous [replaciez] (1) cette somme en quelqu'autre fonds plus utile, ou bien que vous l'employiez à vous faire bâtir, pour vous loger plus commodément et solidement que vous ne l'êtes pas, pourvu toutefois que Sa Majesté l'agrée et

6. Nicolas Autin, curé de la Madeleine à Paris.

Lettre 3254. - L. s. - Dossier de Cracovie, original.

1. Texte de l'original : remplaciez.

 

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que ce soit l'avis de M. Duperroy et de vos meilleurs amis ; mais prenez garde, s’il vous plaît, de vous attirer par cette vente quelque mauvais voisin, qui avec le temps vous pourra incommoder ; et peut-être qu'alors vous voudriez avoir cette place et ne le pourrez pas.

Je vous donne la même permission, et aux mêmes conditions, pour la maison du faubourg, de laquelle on vous offre 2.500 livres.

Dieu, par sa grâce, bénisse les armées du roi et le voyage de Leurs Majestés, en sorte que, de gré ou de force, les Cosaques soient réduits à leur obéissance.

Nous n'avons rien de nouveau de deçà. Je me recommande à vos prières et pareillement toute la petite compagnie, à ce que N.-S. accomplisse en elle et par elle sa très sainte volonté, qui m'a rendu, en son amour, Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l . M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Desdames, supérieur des prêtres de la Mission de Sainte-Croix, à Varsovie

 

3255. - LÉONARD DANIEL (1) A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je ne saurais laisser perdre une occasion de vous écrire. Et si je n'ai reçu aucune réponse aux précédentes je l'attribue à mon indignité et n'en conçois aucun rebut. Je vous demande par celle-ci un éclaircissement qui ne me donne pas peu de peine Je suis certain que vous aurez assez de bonté pour ne me le refuser pas.

Lettre 3255. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Né à Saint-léonard (Haute-Vienne), entré dans la congrégation de la Mission le 27 novembre 1644, à l'âge de vingt-trois ans, reçu aux vœux le 27 novembre 1646, sorti peu de temps après.

 

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Comme je suis, par la grâce de Dieu, dans la volonté de faire mon salut et que, selon ma faiblesse, je tâche de pratiquer les saints documents que vous m’avez donnés, je suis dans une certaine crainte qui me trouble fort, savoir si les vœux que je fis quand j'avais l’honneur d'être des vôtres, m'obligent hors de votre maison, n'en ayant jamais été absous, ni de vous, ni d'aucun autre ; car, s'ils m'obligent, je suis disposé à les accomplir tout le reste de ma vie, et je vous en demande l'occasion dans toute la soumission possible, dans toute l'assurance que je vous donne que je tâcherai de réparer, par mes services futurs, mes désobéissances passées. Je vous prie de croire, Monsieur, que mes paroles sont très sincères et que, dans l'état où je suis présentement, je ne cherche que Dieu et les moyens de lui plaire. Je ne sache rien qui m'oblige à vous parler avec plainte et, quoique j'aie l'âme assez basse, je l'ai pourtant au-dessus de ce lâche intérêt, que je ne trouverai pas même par cette lâche voie. Je n’ai rien qui m'oblige à quitter le monde, que la gloire de Dieu et mon salut ; et, quelque criminel. que je sois, ni un péché public, ni la pauvreté ne m'obligent point à rompre avec lui. Que s'ils ne m'obligent pas, je vous assure que, de ma part, celui de l'obéissance que je vous ai faite, subsistera autant que moi. Je dis encore davantage : je voudrais qu’effectivement il m'obligeât, pour trouver une occasion indispensable de vous obéir. J'ai beaucoup de raisons qui m'obligent à le faire ; car outre l'équité et le droit, la fin dangereuse qu'ont faite ceux qui devant ou après moi, ont quitté la Mission me donne lieu d'appréhender leur châtiment, étant autant ou plus coupable qu'eux ; et enfin, quoique je dorme ou que je veille, je suis plus à la Mission qu'à moi-même

Je vous conjure, Monsieur, de m'éclaircir en cette matière et de régler le reste de ma vie. Je suis prêt à partir pour Bordeaux, où je dois voir M. de Fonteneil, homme fort vertueux et grandement zélé pour l'état ecclésiastique, qui dans cette ville a établi un séminaire de prêtres pour l'aider à faire quelques missions dans la Gascogne, ayant achevé celles du Limousin, jusques à l'avent, où je dois y être employé.

Si vous daignez me faire la grâce de m'écrire, comme je l'espère de votre bonté, mon neveu, porteur de la présente, me le fera tenir fidèlement. En attendant je vous prie croire que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble, très soumis et très obéissant serviteur.

DANIEL,
prieur de la Chapelle.

A Limoges, ce 3 septembre 1660.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des missionnaires, demeurant à Saint-Lazare, à Paris.

 

3256. - MARIE-AGNÈS LE ROY A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre monastère du faubourg Saint-Jacques,

ce 3 septembre 1660.

Mon très cher et très honoré Père,

J'ai reçu la lettre que votre bonté a écrite à Mademoiselle d’Auvergne (1) touchant le désir qu'elle a que Mademoiselle sa petite sœur (2) demeure dehors jusques à ce que Mademoiselle sa sœur (3) prenne l'habit aux Carmélites. Je ne trouve rien à dire à cela, mon très honoré Père, sinon qu'il en sera tout ce qu'il vous plaira.

Il se présente une prétendante qui nous paraît avoir une fort bonne vocation. Elle donne quinze mille livres, pourvu qu'on lui promette de donner, la vie durant de ses père et mère, fort âgés, trois cents livres par an. Nous avons trouvé cette piété si louable que nous n'avons pas voulu aller à l'encontre ; et si vous souscrivez à cela, mon très honoré Père, nous lui donnerons l'entrée s'il vous plaît. C'est Monsieur l'abbé Gedoyn qui nous l'a avancée.

Nous avons aussi une de nos petites qui, depuis son retour, est tombée malade ; c'est une petite de Lamoignon (4). Si, par hasard, la maladie tournait ou en petite vérole ou en quelque grande fièvre, je vous demande la permission de prendre une ou deux gardes, étant tout ce que nos sœurs peuvent faire, que de servir nos sœurs infirmes dont nous avons toujours assez bon nombre, Dieu merci, sa bonté ne nous laissant point du tout. sans cela.

Je suis en tout respect, mon très honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR MARIE-AGNÈS LA ROY

Dieu soit béni !

Lettre 3256. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Louise de la Tour d'Auvergne, morte le 16 mai 1683.

2. Mauricette-Fébronie.

3. Emillie-Léonore.

4. Voir lettre 3223, note 3.

 

- 427 -

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la congrégation de la Mission.

 

3257. - JACQUES COIGNET A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je vous prie d avoir la bonté de recevoir chez vous à faire la retraite M. Gonesté, ecclésiastique, qui est habitué dans ma paroisse, ce mois présent de septembre, quelque temps après l'ordination, parce qu'au mois d'octobre il doit étudier en philosophie.

Je vous en serai obligé, étant en Notre-Seigneur Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur.

COIGNET,
curé de Saint-Roch

A Saint-Roch, ce 3 septembre 1660.

 

3258. - A N ***

Je vous ai caché, autant que j'ai pu, mon état, et n'ai pas voulu vous faire savoir mon incommodité, de peur de vous contrister ; mais, ô bon Dieu ! jusques à quand serons-nous si tendres que de ne nous oser dire le bonheur que nous avons d'être visités de Dieu? Plaise à Notre-Seigneur de nous rendre plus forts et de nous faire trouver notre bon plaisir dans le sien !

 

3259. - LE CARDINAL LUDOVISIO A SAINT VINCENT

Reverendissimo Padre,

L'essermi ben nota l'età le fatiche ed il, merito di Vostra Signoria mi dà sufficiente mootivo di scriverle e di persuaderla

Lettre 3257. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Paroisse de Paris.

Lettre 3258. - Abelly, op. cit., l. 3, chap. XXIII, p. 327.

Lettre 3259. - Arch. départ. du Vaucluse, D 274, reg., copie.

 

- 428 -

a lasciarsi governare dai suoi buoni religiosi, che belz sanno quel che si deve, e quel che convenga alla di lei persona nel presente stato. Il rimettersi dunque a loro, siccome io lo stimo per un atto ben corrispondente ulla sua religiosità, cosi confido ch'ella lo farà volontieri come desidero ; ed a suoi santi sacrifizii per fine affettuosamente mi raccomando.

Di Vostra Signoria alla quale conf ermo il mio singolarissimo affetto che porto a lei, ed al santo Istituto nel quale Nostro Signore ha voluto che ella abbia tanta parte, affettuosissimo servitore sempre di voi.

CARDINALE LUDOVISIO.

Di Roma, 4 settembre 1660.

Si ricordi sempre di me nelle sue sante orasioni e sacrifizii.

 

TRADUCTION

Très Révérend Père,

L'âge, les travaux et le mérite de Votre Seigneurie me portent à prendre la plume pour vous prier d'écouter les bons religieux qui vous entourent ; ils savent ce qui convient le mieux à votre personne dans l'état présent ; remettez-vous docilement entre leurs mains Comme c'est là un acte, à mon avis, pleinement conforme à vos sentiments religieux, J'ai confiance que vous condescendrez à mes désirs

En finissant, je me recommande affectueusement à vos saints sacrifices.

Je renouvelle à Votre Seigneurie le témoignage de ma très particulière affection ainsi qu'à l'Institut à la fondation duquel Notre-Seigneur vous a donné une si grande part, et je me dis pour toujours votre très affectueux serviteur.

CARDINAL LUDOVISIO.

De Rome, le 4 septembre 1660.

Souvenez-vous toujours de moi dans vos pieuses prières et vos saints sacrifices.

 

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3260. - A UN PRÊTRE DE LA MISSION

septembre 1660.

Il ne faut pas vous étonner des tentations que vous souffrez ; c'est un exercice que Dieu vous envoie pour vous humilier et vous faire craindre ; mais ayez confiance en lui. Sa grâce vous suffit, pourvu que vous fuyiez les occasions, que vous lui protestiez de votre fidélité et que vous reconnaissiez votre pauvreté et le besoin que vous avez de son secours. Accoutumez-vous à porter votre cœur dans les sacrées plaies de Jésus-Christ, toutes les fois qu'il sera assailli de ces impuretés ; c'est un asile inaccessible à l'ennemi.

 

3161. - MADELEINE MAUPEOU A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Ce 5 septembre 1660.

Mon uniquement honoré Père,

Je crois que votre bonté sera bien aise d'apprendre l'élection canonique et unanime qui se fit hier céans, avec tant de paix et de satisfaction,. pour M Benjamin., qui y présida, et pour toute la communauté (1) qu'il ne s'y pouvait rien ajouter. C'est tout dire, mon très honoré Père, que d'écrire, ce qui est très assuré, qui est que de trente voix elle en eut vingt-quatre. Aussi est-ce une bonne fille, la plus ancienne de celles qui ont tenu le parti de Monseigneur de Sens (2). Les autres officières se firent ensuite avec la même paix. Les cinq principales que la communauté élit sont aussi de celles qui ont tenu le même parti.

Vous jugez bien de là, mon unique Père, qu'il n'est plus

Lettre 3260. - Collet, op. cit., t. 2, p. 269.

Lettre 3261. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. La communauté des Ursulines de Melun.

2. Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin.

 

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question de ressentiments passés ; car, le nombre de celles-là étant bien plus petit que l’autre, s’il en restait quelque ressentiment, elles n'auraient pas fait ce choix.

J'ai une consolation indicible de voir les miséricordes de Dieu, qui sont, en vérité, admirables sur cette maison Je vous supplie, mon très honoré Père, de lui en rendre les actions de grâces qu'elles méritent et de lui en demander la continuation

Ce qui y est à souhaiter est un bon confesseur. Celui quelles avaient (3) a si fort intimidé celui que ma sœur Fouquet (4) nous avait envoyé, qu'il s'en est retourné quasi aussitôt qu’il y est venu. Il n'y a néanmoins à présent que très peu à faire, et la condition est bonne. L'on le nourrit et loge, le sacristain le sert et la pension est de deux cents livres. Obligez-nous, mon très honoré Père, de vous en enquérir d'un, je vous supplie, et de nous mander si nous devons refuser M. le procureur général (5), qui désire que nous allions à Vaux, qui n'est qu'à une lieue d'ici. Ma sœur Fouquet, qui nous doit venir quérir, nous y recevrait. C'est sur le chemin de Paris. Il nous a beaucoup obligées depuis que nous sommes ici, nous ayant fourni d'argent pour faire nos libéralités à ces bonnes religieuses, qui ont besoin de sa protection. Je ne demande, mon très cher Père, que de suivre l'ordre que votre bonté nous donnera.

J’écris à M le doyen pour avoir son obédience, ayant mis en celle qu'il nous a donnée pour venir, que nous y demeurions autant qu'il le jugera à propos. Je ne lui parle que de cela et je ne sais comme nous ferons pour partir d'ici. La plus grande noise qui y est, est quand nous parlons de nous en aller ; toutes en témoignent une peine incroyable Il faut néanmoins que cela soit puisque tout est en paix et que notre chère Mère le désire ; sans cela nous leur aurions fait faire leur retraite, qu'elles commencent par leur renouvellement, qu'elles font le jour de la Présentation.

C'est, mon très Révérend Père votre indigne fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR MADELEINE MAUPEOU
de la Visitation Sainte-Marie.

D[ieu] s[oit] b[éni] !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul .

3. M. Bourdet.

4. Elisabeth-Angélique Fouquet.

5. Nicolas Fouquet.

 

- 431 -

3262. - M. FOURNIER A SAINT VINCENT

Monsieur,

L'obligation que je vous ai en particulier, et l'affection que j'ai à votre service et à toute votre célèbre société, m'a donné le courage de vous avertir que Monsieur l'évêque de Noyon, en Picardie (1) et abbé de Clermont (2) proche deux lieues de cette ville (3), est décédé depuis peu (4) ; ainsi que nous avons appris en cette ville, tant des religieuses bernardines de ladite abbaye, qu'autres personnes retournant de Paris, lequel bénéfice ledit défunt évêque comte et pair de France, avait obtenu du roi Louis XIII, lorsque Monsieur son frère de Baradat (5) était en faveur près de Sa Majesté notre défunt monarque, de sorte que j'ai pensé que, si vous jugiez à propos de faire ériger en cette ville un séminaire des vôtres, par la faveur de la reine mère (6), qui vous aime, cette abbaye, valant environ de dix mille livres de rente ou plus, vous serait bien convenable pour l'entretien du séminaire, laquelle cette vertueuse reine pourrait vous faire conférer, si elle n'est encore présentée.

Henri le Grand commença la fondation du collège de La Flèche par la donation de l'abbaye de cette branche du même Ordre, et l'ont toujours possédée depuis en commun sans contredit, et ont seulement assigné et divisé la portion des religieux servants Le moindre servirait aux vôtres pour aller et venir en Bretagne à vos autres maisons, joint que Messieurs vos prêtres feraient bien du fruit, tant en cette ville qu'à la campagne, aux paroisses circonvoisines de ladite abbaye. Même que Monseigneur du Mans (7) y a envoyé deux fois quelques Messieurs des vôtres du Mans pour y faire la mission, que nous visitâmes, mon fils l'avocat et moi, et faisions tenir leurs lettres En outre, la bonté de mondit seigneur évêque les commit d'aller visiter la Gravelle (8), distante d'une

Lettre 3262. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Henri de Baradat.

2. Clermont fait aujourd'hui partie de la commune d'Olivet ; on voit encore des restes de l'ancienne abbaye cistercienne qui s'y trouvait.

3. Laval.

4. Le 25 août 1660.

5. François de Baradat, seigneur de Damery, mort en 1683.

6. Anne d'Autriche.

7. Philippe-Emmanuel de Beaumanoir de Lavardin.

8. Localité de l'arrondissement de Laval.

 

- 432 -

lieue et demie de ladite abbaye, pour administrer les sacrements aux prisonniers, dix que les officiers y retenaient à cause qu'ils avaient resté longtemps sans ouïr la sainte messe, ni recevoir la sainte communion, ni faire aucune confession

Par conséquent partant il vous plaise délibérer par cet avis ce que votre prudence ordinaire vous dictera pour le bien de votre illustre communauté, que je vous ai toujours souhaité avec passion augmentée, et d'avoir le moyen de vous servir Je vous supplie doncques prendre ma bonne volonté pour l'effet et me tenir toujours en qualité de, Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur

FOURNIER L'AINÉ.

A Laval, ce 5 septembre 1660.

Monsieur, regardez, s'il vous plaît, toujours mon fils missionnaire (9) de bon œil.

 

3263. - M. FOURNIER A SAINT VINCENT

[5 septembre 1660] (1)

Monsieur

Je vous supplie de vouloir excuser la liberté du zèle que j'ai à votre service, et si j'ai inséré en la présente des avis trop libres, qui seront peut-être trop tardifs ou inutiles ; mais je ne saurais quel remède apporter, n'ayant entendu plus tôt cette nouvelle, qui ne fait tort à personne, et vous témoigne ma bonne volonté, que vous prendrez, s'il vous plaît pour l'effet, s'il ne réussit, et me tiendrez toujours pour votre très humble et obéissant serviteur

FOURNIER L'AINE

 

3264. - M. MARIN A SAINT VINCENT

De Paris, 6 septembre 1660

Monsieur,

J'ai une fille de quinze ans, qui sort de Montmartre, mais me témoigne qu'elle désire être religieuse à Sainte-Marie, au-

9. François Fournier, de la maison de Cahors.

Lettre 3263. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre accompagnait la précédente.

Lettre 3264. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

- 433 -

près de sa sœur Duplessis (1) Mais, comme cela ne se peut sans votre permission, je vous supplie de me la vouloir accorder et de croire que je suis sans réserve Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

MARIN

Suscription : Pour Monsieur Vincent, général supérieur de la Mission.

 

3265. - SŒUR FRANCOISE CARCIREUX A SAINT VINCENT

Mon très cher et honoré Père,

Votre bénédiction !

Monsieur, je me suis vue obligée de me donner l'honneur de vous écrire ce mot, voyant la moisson si grande en ce quartier et que parmi un si grand nombre d'ouvriers, il s'en trouve si peu qui travaillent comme il faut à la vigne du Seigneur et que Monsieur de Narbonne (1) cherche de bons ouvriers de toutes parts

Voyant que mon frère le curé (2) avait inclination d'être de la Mission et qu'il ne s'en est ôté que pour satisfaire au droit divin, à ce qu’on m'a toujours dit, aussi y a-t-il été bien fidèle, grâces à Dieu, par la pension honnête qu’il a donnée à mon père, jusqu'à se bien incommoder, à raison de quelque maladie qu'il a eue, sans laquelle, mon très cher Père, je vous puis assurer qu'il n’ont pu subsister, comme je crois Si votre bonté voulait lui faire la grâce, laquelle ne s’accorde que fort rarement, qui est de le recongréger en la compagnie? J’ai eu et ai encore pour le présent de forts, quoique doux mouvements pour cela en mon intérieur, et non pas pour me voir auprès de lui. J'ai pensé que vous en auriez consolation, et le prochain édification vu les bons indices qu’il a donnés dès sa tendre jeunesse de tendre toujours à cet emploi. Votre charité pourrait mettre mon père au Nom-de-Jésus ou aux Renfermés (3), parce que sa seule considération l’empêche de suivre cette inclination à ce que mondit père m'a mandé il y a quelque temps J'écris à mon frère, à ce qu'il se donne l’honneur de

1. Au premier monastère de la Visitation.

Lettre 3265. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. François Fouquet.

2. Paul Carcireux.

3. L'hôpital général.

 

- 434 -

vous communiquer cela et s’il pourrait avoir le grand bien d’être du petit nombre des bons ouvriers de ce quartier par le moyen de votre paternelle bonté :

Mon très cher Père, je ne puis vous taire ceci pour votre consolation. il semble que Dieu veuille que nous réciproquions l'un à l'autre ce bon office pour nous porter à son saint service ; car il vous souvient, c'est par lui que sa bonté m'a honorée de la grâce de ma vocation (4).

Par votre permission toute votre sainte communauté trouvera ici nos très humbles saluts en tout respect et humilité, et spécialement Monsieur de Beaumont, à ce qu'elle prie Dieu pour ses affaires, sans nous oublier, pour l'amour de Jésus. auquel nous sommes et devons [être], s'il vous plaît, mon très honoré Père, votre très obéissante servante et fille indigne en N.-S..

FRANÇOISE CARCIREUX,
indigne fille de la Charité

De Narbonne, ce 6 septembre 1660

Monsieur des Jardins vous assure de ses très humbles respects.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à Paris.

 

3266. - NICOLAS DEMOUSOL A SAINT VINCENT

Jésus, Maria, Joseph !

Révérend Père,

La bénédiction du Saint-Sacrement de l'autel soit toujours avec vous et avec tous ceux du monastère.

Je vous prie de vous vouloir mettre en mémoire d’un homme qui était venu d'Allemagne a été, à la Fête-Dieu, huit jours dans votre couvent à l'exercice spirituel, et qui a fait une confession générale. Le Père qui m’a entendu en confession a le poil fort blond, mais je ne sais pas son nom ; et le frère qui me donnait instruction est en couleur : mais je ne sais pas

4. Saint Vincent n'avait pas été assez satisfait de la conduite de Paul Carcireux pour condescendre aux désirs de sa sœur. (cf. lettres 781 et 1068).

Lettre 3266. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

- 435 -

comme il s’appelle. Mon Révérend Père, ce qui me donne sujet de vous faire importunité de la façon, c'est que, pauvre pécheur que je suis, ai grand désir, avec la volonté de Dieu et de l'Eglise, de vivre le reste de mes jours en solitude pour servir Dieu, et de me retirer hors du monde. Quoique je sois engagé dans les liens du mariage et aie une charge d'enfants, cela ne me peut empêcher, car tout se peut faire avec le consentement de l'Eglise.

Je connais aussi un homme fort dévotieux qui vit aussi en chasteté avec sa femme. Celui-là a aussi grand désir de se rendre dans un couvent. il est tourneur de sa vocation, et moi passementier de la mienne. Quant à lui, il peut encore être reçu dans l'ordre de prêtrise ; mais moi, qui suis le plus grand pécheur du monde, je ne demande que d‘être le moindre de tous les serviteurs de la maison, ou bien le valet de celui qui ferme la porte de la maison. C'est pourquoi, mon Révérend Père, je vous prie, pour l'honneur de Dieu et de la sainte Vierge, de me faire savoir par un mot de lettre si nous pouvons être reçus dedans votre sainte règle, ô Révérend Père supérieur et pour être obéissants à tous ceux de la maison.

Cet homme que je dis, il est allemand, fort dévotieux et fait de beau travail de la vocation de tourneur, qui sont pour les ornements d église ; et moi, qui parle aussi bon allemand ; nous pourrions peut-être rendre service avec la langue allemande.

Mon Révérend Père, je vous prie par les cinq plaies mortelles de Jésus-Christ, de nous vouloir faire assistance, si cela se peut faire. Ayez pitié de ces deux pauvres amis, spécialement moi, qui suis le plus grand pécheur du monde. Le Père qui m'a entendu en confession et le frère qui m'a donné instruction vous pourront dire la raison pourquoi je me suis retiré hors du monde, car je leur ai dit et raconté ma mauvaise vie hors de la confession.

Mon Révérend Père, s'il se peut faire, nous nous laisserons employer partout où il vous plaira de nous commander.

Attendant une gracieuse réponse, je suis votre humble et vassal jusqu'à la mort.

NICOLAS DEMOUSOL
passementier à Fuld (1) en Allemagne.

Fait à Fuld, le 6 septembre 1660

Mes très humbles recommandations au Père qui m'a en-

1. Fulda, en Prusse.

 

- 436 -

tendu en confession et au frère qui m’a donné instruction et à tous ceux du saint lieu (2),

Suscription : Au Révérend Père M. le supérieur du monastère des Pères de la Mission, à Saint-Lazare, au faubourg Saint-Laurent, à Paris.

 

3267. - MONSIEUR SANGUINET A SAINT VINCENT

Monsieur,

Cette même grâce de .N S. que vous en avez souhaitée par celle du 25 passé vous soit continuée à jamais !

J'ai été bien aise que l'arrêt de congé que j'avais obtenu pour Monsieur le prieur de Bussière (1) soit parvenu à lui avec l’accommodation.

J'ai reçu les 18 livres de mon rebour, dont je vous remercie, Monsieur. J’en reste content. Si ledit prieur veut faire taxer les dépens, il faudra me renvoyer l'accommodation explicite avec l’arrêt, Pour le surplus, j'ai fait voir à M. Masson la bonté que vous avez eue pour mon neveu, dont nous vous rendons très humbles grâces. C'est un garçon qui aurait besoin de mortification à sa vanité. Plaise à Dieu qu'il ait profité de nos exercices spirituels !

Si je pouvais par mes prières augmenter mes intérieures mortifications, ou par mes services les accroître à mon égard, vous éprouveriez, Monsieur, au moins par ceux-ci, combien j'affecte passionnément de me conserver, en l'honneur de vos bonnes grâces, celles de vos communes prières, que je vous demande incessamment, comme étant cordialement et de longue main toujours, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

SANGUINET.

Je salue le sieur de Veyris, avec votre permission, le procès duquel je n'ai osé hasarder sur cette précipitation de la fin de cette avance.

A Bordeaux, le 6 septembre 1660

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, prêtre, supérieur des Pères missionnaires, à l’hôpital Saint-Lazare, à Paris.

2. Il ne fut pas donné suite au désir de Nicolas Dumousol.

Lettre 3267. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Denis Laudin, prieur de Bussière-Badil.

 

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3268. - JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET A SAINT VINCENT

[Septembre 1660] (1)

Monsieur Vincent verra, par la ci-jointe de mon père, qu’il n'a pas encore conclu et que le propriétaire de la maison dont nous étions convenus fait le difficile pour tirer quelque chose de plus. Je ne doute pas qu'à la fin il ne vienne, et, nonobstant toutes ces raisons de mon père, je ne puis conclure pour l'hôtel de Montgommery, quoiqu'il y ait sans doute beaucoup plus d'espace, parce qu'il y aurait trop à bâtir et que cela reculerait trop l'établissement (2). Si néanmoins Monsieur Vincent juge qu'il faille changer notre avis, il me le fera savoir, s'il lui plaît, afin que, par l'ordinaire de mercredi on mande à mon père une dernière résolution. Il me sera malaisé d'aller à Saint-Lazare devant ce temps-là, étant extrêmement occupé ; mais, si quelqu'un venait ici (3) de sa part, nous pourrions conférer de tout. J'attendrai au jour et à l'heure que M. Vincent marquera.

Je lui demande le secours de ses prières et je suis en N.-S. son très humble serviteur.

BOSSUET

3269. - M PILLÉ A SAINT VINCENT

Monsieur et très Révérend Père,

La grâce de l’enfant Jésus soit avec vous pour jamais !

Le porteur de la présente est un fort vertueux ecclésiastique, que la providence de Dieu m'a donné pour vicaire. Il

Lettre 3268. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Il s'écoula, selon toute vraisemblance, une quinzaine de jours entre la lettre du 19 août et celle-ci.

2. L'hôtel de Montgommery s'étendait sur toute la portion de la rue saint-Symphorien comprise entre la rue Neufbourg et celle des Huilliers ; ses cinq pavillons distincts, ses cours et ses jardins, entourés de murs, furent estimés de 25 à 26 000 livres messines. Il était la propriété des Carmélites de Verdun, qui cherchaient acheteur. L'achat fut conclu en 1661 et l'hôtel de Montgommery devint le séminaire Sainte-Anne. (Histoire du Séminaire Sainte-Anne par M. Hamant dans la Revue ecclésiastique de Metz, février 1907).

3. Au doyenné de saint-Thomas du Louvre. (Revue Bossuet, avril 1903, p. 110).

Lettre 3269. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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y a quatre ans et plus qu'il est à Ferrières (1) Il est obligé de faire un tour à son pays en suite d'une lettre qu'il a reçue de sa mère, qui lui mande la disgrâce qui leur est arrivée, qui est que tout leur bien est mis en dette, parce que feu son mari, (père de notredit vicaire) avait cautionné un sien frère, qui est devenu très insolvable et là-dessus est mort. On s'adresse à la caution. Il faut que le bien s'en aille de ce côté-là. Ainsi voilà la bonne mère réduite à la misère. Ce bon vicaire n’est point touché de cette disgrâce ; au contraire, il en bénit Dieu. Je crois qu'il permet cela pour le salut de sa mère et de ses sœurs, qui sont avec elle. Il souhaiterait fort qu'elle se fît la servante des pauvres sous la conduite de Mademoiselle Le Gras, car il la juge très propre pour cela. C'est pourquoi il m'a prié de vous écrire ces lignes pour savoir de vous si vous auriez la bonté de lui accorder cette grâce pour sa mère et se. sœurs, auxquelles il persuadera, ou fera tous ses efforts de leur persuader de se ranger de ce côté-là, si tant est que vous lui donniez espérance en parole de les recevoir. Que si cela ne se peut faire, me voilà en danger de perdre ce bon vicaire, qui est tel qu'il ne faut plus espérer d'en trouver un semblable ; car c'est un trésor caché et que Dieu nous a découvert. Le plus grand plaisir que vous me sauriez faire est de lui persuader de retourner à Ferrières où il est considéré comme un homme tout de Dieu et fort zélé pour le salut des âmes. Si sa mère peut-être quelque part avec ses sœurs, nous avons grande espérance de le revoir. Je vous supplie très humblement de vouloir prendre la peine de l'écouter là-dessus, et de contribuer autant que vous pourrez à la piété de ses intentions, et vous obligerez au dernier point, Monsieur et très Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur.

E. PILLÉ
indigne curé de Ferrières.

A Ferrières, ce septième jour de septembre 1660.

J'écris à mon neveu Nicolas Bonichon, prêtre, demeurant à Cahors. Sa mère, qui demeure en notre logis, vous salue très hunblement et vous recommande son autre fils Barthélemy. Ma sœur et moi saluons le bon M. Dehorgny et demandons part à ses prières.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, demeurant à Saint-Lazare, à Paris.

1. Ferrières-Gâtinais (Loiret).

 

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3270. - A FIRMIN GET, SUPÉRIEUR, A MARSEILLE

De Paris, ce 9 septembre 1660.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Une petite indisposition me fera abréger la présente. J'ai reçu la vôtre du 31 d'août, qui ne parle que des plaintes que Monseigneur de Mercœur (1) a faites de M. Le Vacher, de Tunis, le condamnant sans l'ouïr et bien qu'il ne soit pas coupable ; il sera néanmoins difficile d'empêcher ce bon seigneur d'y envoyer un autre consul, et à nous de le prévenir, dans la conjecture présente. Il faut attendre l'événement de l'entreprise de Paul (2) et puis nous verrons.

Nous n'avons encore pu avoir le mandement sur le receveur des terres de M. le marquis de Vins (3) ; ce n'a pas été faute de le solliciter.

Nous avons reçu douze livres pour Remi Droue, dit Vitry, six livres pour Claude d'Hirbec, et trente sols pour Pierre Laisné, dit de Rosier, tous forçats à Toulon. Je prie M. Huguier de leur donner à chacun son fait, plus 6 livres à Pierre Blondeau. Pour l'affaire des Cordeliers, nous n'en avons pas encore parlé entre nous, faute de temps ; je pense aussi que rien ne presse.

Lettre 3270. - L'original appartient aux Filles de la Charité de Toulouse, rue Mage, 20.

1. Gouverneur de Provence.

2. Au retour des îles Ionniennes, où il était allé conduire des troupes pour prêter main forte aux Vénitiens en guerre contre les Turcs, le commandeur Paul avait pris le chemin d'Alger dans le dessein de forcer le dey à rendre les esclaves français qu'il retenait dans ses galères, contre la foi des traités. Après être resté cinq jours devant cette ville, dont la violence des vents l'empêcha d'approcher, il s'en éloigna, sans autre résultat que la libération de quarante esclaves, qui s'étaient sauvés à la nage à la vue de ses vaisseaux.

3. Melchior Dagouz de Montauban, seigneur de Vins, maréchal de camp des armées du roi.

 

- 440 -

Je me donne l'honneur de répondre à M. Thomas, Bayn, qui m'a fait celui de m'écrire. M. son frère se porte bien, grâces à Dieu.

On vient de nous apporter encore six livres, savoir 3 livres pour Guillaume Laisné, dit Lamontagne, et les autres 3 livres pour Jacques Fournier, dit Larivière.

Je ne sais quel avis donner à nos bons frères de Barbarie, dans les dangers où ils sont, ni comment le leur faire tenir. Je prie Notre-Seigneur qu'il leur inspire ce qu'ils ont à faire et qu'il les délivre du mal.

Je ne vous dis pas que nous envoyons votre bon frère en Pologne avec M. de la Brière et notre frère de Marthe, qui enseignait la philosophie céans, parce que lui-même vous en écrit.

Je suis, en N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

 

3274. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon tout unique Père,

Voilà une lettre de notre très honorée sœur l'assistante (1) pour votre bonté, par laquelle je ne doute point qu'elle ne vous mande les bénédictions que Dieu continue de verser de. plus en plus sur son travail, et comme l'élection de la supérieure et des autres officières se fit samedi dernier (2) avec une si grande paix et sainte union que cela ne se peut quasi croire. Cette très honorée sœur nous mande aussi de lui envoyer son obédience pour revenir et de lui faire savoir ce qu'elle peut

Lettre 3271. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Sœur Madeleine Maupeou.

2. Chez les Ursulines de Melun.

 

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donner de temps à nos chères sœurs de Melun et si elle peu aller à Sainte-Madeleine (3) et à nos sœurs de Paris ; je pense qu'elle veut dire, nos chères sœurs du faubourg et celles de la rue Montorgueil. Faites-nous la charité, mon tout unique Père, de nous donner vos ordres pour tout cela, en nous faisant la grâce de nous envoyer l'obédience pour le retour de nos trois chères sœurs. Et comme le temps nous presse, je pense qu'il sera bon qu'elle se contente de donner une journée à nos chères sœurs de Melun, si vous l'agréez ainsi ; et pour le reste, de Sainte-Madeleine et de nos monastères de cette ville, celui que votre bonté, mon tout unique Père, jugera aussi à propos ne désirant en cela que d'accomplir vos saintes et paternelles volontés, étant avec respect, mon tout unique Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES,
de la Visitation Sainte-Marie.

D[ieu] s[oit] b[éni] !

Ce 9 septembre [1660] (4)

Suscription : A Monsieur ,Monsieur Vincent de Paul, général des Missions de France.

 

3272. - FRANÇOISE-MARIE SIBOUR A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre monastère de Paris, ce 10 septembre 1660.

Mon très cher et honoré Père,

Ce serait me rendre coupable et manquer à mon principal devoir si je ne venais, aussitôt après notre arrivée, vous offrir mes très humbles obéissances et vous demander, mon très honoré Père, votre sainte et paternelle bénédiction, que je recevrai, prosternée en esprit à vos pieds. C'est la grâce qu'attend

3. Avant de rentrer au premier monastère, la sœur Madeleine Maupeou passa par Port-Royal et le couvent de la Madeleine, où l'appelaient des affaires urgentes.

4. Cette lettre accompagnait la lettre 3261.

Lettre 3272. - L. a. - Dossier de Turin, original. Le post-scriptum est de la Mère Louise-Eugénie de Fonteines, supérieure de sœur Françoise-Marie Sibour.

 

- 442 -

de votre bonté celle qui est et se dit avec votre permission dans tout le respect possible, mon très cher et honoré Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

SŒUR FRANCOISE-MARIE SIB0UR,
de la Visitation Sainte-Marie.

Je ne sais si une lettre que nous avons eu l'honneur de vous écrire vous a été rendue depuis un mois.

Voulez-vous bien, mon tout unique Père, nous permettre de faire entrer ma chère sœur Marie-Catherine Tounère, professe de nos chères sœurs de Compiègne? Nous serons bien aises de lui donner cette consolation, si votre bonté l'agrée mon plus cher Père. Elle nous pourra même aider pour ce service de la chère malade (1) que l'on appréhende être en état de perdre un œil sans remède. Nous vous supplions, mon très honoré Père, de faire prier dans votre sainte communauté pour cette chère malade et de bénir votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

LOUISE-EUGÉNIE.

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, à Paris.

 

3273. - LE PRINCE DE CONTI A SAINT VINCENT

[Septembre 1660] (1)

Je supplie Monsieur Vincent de vouloir bien continuer à accorder à ces Messieurs les missionnaires deux ou trois de ses ouvriers pour des missions qui se doivent faire, cet hiver, dans mon gouvernement (2), et lui en serai très obligé.

J. A. de BOURBON.

1. La sœur Marguerite-Dorothée.

Lettre 3273. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Date ajoutée au dos de l'original par le frère Ducournau.

2. Le prince de Conti venait d'être nommé gouverneur du Languedoc.

 

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3274. - MARTIN HUSSON A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De Montmirail, ce 12 septembre 1660.

Monsieur,

J’aurais souhaité que Monseigneur (1) eût été ici pour le solliciter de vous faire donner par nos habitants ce qu'il vous a promis. Mais l'entrée de la reine l'a tenu jusques à cette heure à Paris ; et sitôt qu'il sera ici, je le solliciterai de vous faire donner satisfaction.

Voici un mot pour le bon Monsieur Le Vacher et un autre pour M. Delaforcade, puisque vous avez la bonté de lui vouloir faire tenir. Il suffira quand vous lui écrirez ; et je vous supplie vouloir lui recommander qu'il y fasse réponse.

Je suis en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

HUSSON.

 

3275. - M. ROY A SAINT VINCENT

Monsieur et Vénérable Père,

Ayant été prié par une bonne veuve de travailler à la délivrance d'un pauvre esclave en Alger, appelé Etienne Gaultier. âgé d'environ de quinze ans natif de cette ville et à présent au pouvoir de Mustapha Agibirabi, à la rue Agnisexin, audit Alger j'ai cru de ne pouvoir mieux faire que d'en supplier Votre Révérence, afin que, dans deux ou trois mois, que j'espère d'être près de vous, je n'aie qu'à prendre expédient pour l'argent qu’il faudra pour celui-ci et d'autres aussi, par les moyens qui s'en présentent à moi, dont j'aurai l'honneur d'entretenir Votre Révérence. Le billet qui est ci-joint servira à le disposer plus facilement à revenir et tenir ferme en notre religion. Il est de ladite veuve, qui croit être bien en son esprit et qu'il a du respect et d'affection pour elle, et même il servira pour être mieux connu.

C'est, Monsieur et vénérable Père, votre très humble et très acquis serviteur.

ROY

Ce 14 septembre 1660, à Lyon.

Lettre 3274. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Le duc de Noirmoutiers.

Lettre 3275. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission, à Saint-Lazare-lez-Paris à Paris.

 

3276. - JEAN FOUQUET A SAINT VINCENT

De Maule, 16 septembre 1660.

Monsieur,

Nous vous prions de nous faire la grâce de nous mander si M. Senant revient, ou non, d'autant que sa sœur est plus tourmentée que jamais. Elle est tantôt à Paris, tantôt dans le pays ; elle n'a personne qui la puisse soulager ; son espérance est au retour de Monsieur son frère Tous les parents de son mari n’osent seulement lui donner le couvert. Même un bon ecclésiastique a fait tout ce qu'il a pu, qui est même de ces parents de son mari, et a pris la peine d'écrire à Monsieur Senant, en attendant que vous nous ferez la grâce de nous donner un mot de réponse par le présent porteur. C'est de quoi nous vous prions et attendons de vous cette charité.

Nous demeurerons à jamais, Monsieur, votre plus obéissant serviteur.

JEAN FOUQUET.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur à Saint-Lazare.

 

3277. - LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES

A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

Mon très honoré et très cher Père,

Le nombre de nos petites filles s’étant diminué d'une depuis peu par l'entrée au noviciat de notre chère sœur Hacedette, qui était de ce nombre, Monsieur le président Miron nous veut faire l'honneur de nous donner une de ses chères petites nièces pour remplir cette place, sœur de celle que nous avons déjà. Je vous supplie, mon très honoré Père, de nous donner per-

Lettre 3276. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3277. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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mission de la faire entrer chez nous et de l’y garder pour être au rang des petites sœurs. Cette nouvelle obligation me rendra de plus en plus, dans tout le très humble respect que je dois, mon très honoré et très cher Père, votre très humble et très obéissante fille et servante en Notre-Seigneur.

LOUISE-EUGÉNIE DE FONTEINES,
de la Visitation Sainte-Marie.

D[ieu] s[oit] b[éni] !

De notre monastère de Paris, rue Saint-Antoine, ce 16 septembre 1660.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent de Paul, général des Révérends Pères de la Mission, à Saint-Lazare.

 

3278. - NICOLAS GEDOYN A SAINT VINCENT

Monsieur,

La conviction que j'ai de votre bonté fait que je prends la liberté de vous écrire, dans la croyance que j’ai que vous me le désapprouverez pas, d'autant plus qu'étant à la campagne, je ne puis avoir l'honneur de vous aller parler pour vous communiquer une affaire que l'on a remise à ce que vous en ordonnerez L'affaire est, Monsieur, au sujet de la mission d'Epinay (1) proche Saint-Denis, qu'on est prêt d'entreprendre au premier ou second du mois d'octobre. Quelques demoiselles de piété connue souhaitent venir y travailler conjointement avec les Messieurs, quoiqu'en maison séparée, et faire des assemblées des filles et des femmes, pour les instruire et les catéchiser, dans une maison qu'elles veulent louer à ce dessein. Quoique ce soit en des heures différentes de celles que nous prendrons pour nos exercices ordinaires dans tels rencontres je veux dire de nos sermons, grands catéchismes et académies mais, parce qu’elles y vont en corps, comme les Messieurs, voire même qu'elles ont coutume de les prendre au lieu où se doit faire la mission de quinze jours ou trois semaines, afin de disposer les filles et les femmes à la confession, et que, durant le temps de ladite mission elles font de leur coté, dans leur maison ce que les Messieurs font publiquement dans l'église, et que nous avons entendu dire que ce n'était point

Lettre 3278. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Epinay-sur-Seine (Seine).

 

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une chose usitée parmi vous d'avoir des femmes qui travaillent à la mission, comme nous faisons profession de ne point nous départir de vos conduites, ayant l'honneur d'être unis à vous par la Compagnie, nous n'avons point voulu rien conclure ni arrêter que nous n'eussions appris sur cela votre sentiment, puisqu'il doit être notre règle. Je vous prie donc, Monsieur au nom de tous les Messieurs qui y doivent travailler, de nous faire la grâce de nous mander au plus tôt ce que vous souhaitez que nous fassions, parce que ces demoiselles désirent en cas qu'elles viennent, penser à chercher un logis, vous protestant que nous ne nous départirons jamais des choses que vous nous ferez connaître, et moi principalement, qui depuis longtemps ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

GEDOYN,
prêtre indigne.

De Créteil (3), ce seizième septembre [1660].

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, général et supérieur des Messieurs de la Mission, à Paris.

 

3279. - A JEAN MARTIN

De Paris, ce 17 septembre 1660 (1)

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

J'ai appris, par votre lettre du 21 d'août, la maladie de M. Demortier ; et par celle que vous avez écrite depuis à M. Berthe, vous nous assurez de sa convalescence ; Dieu en soit loué et veuille par sa grâce vous donner à tous les forces de corps et d'esprit qu'il convient aux œuvres que vous avez à faire !

2. La Compagnie des ecclésiastiques qui fréquentaient les conférences du mardi.

3. Localité du département de la Seine.

Lettre 3279. - L. s. - Dossier de Turin, original. Deux découpures, l'une dans le haut, l'autre dans le bas du document, ont enlevé, outre la signature et la date, la valeur d'environ cinq lignes de texte.

1. Date marquée au dos de la lettre de la main du secrétaire.

 

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Nous avons reçu le récépissé de Vaugin ; nous payerons les cinquante écus à qui vous nous marquerez.

M. de la Brière, nos frères de Marthe et Get, un frère coadjuteur et trois Filles de la Charité viennent de partir pour la Pologne et se vont embarquer à Rouen.

M. Alméras ne se pouvant remettre à Richelieu [d'une grande] faiblesse où il est, [s'en revient ici sur un br]ancard (2)

[Notre communauté va comm]encer ses retraites. [Recommandez] les personnes [et leurs besoins] à N.-S., particulièrement les miens, comme je fais souvent votre chère âme et votre petite famille, que j'embrasse très cordialement et qui suis de l'une et de l'autre, en l'amour de N.-S., Monsieur, [votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Suscription : A Monsieur Monsieur Martin, supérieur des prêtres de la Mission de Turin, à Turin.

 

3280. - A FIRNIN GET SUPÉRIEUR, A MARSEILLE

Paris, 17 septembre 1660.

Monsieur,

J'ai reçu votre lettre en date du 7. Voici l'ordre pour M. de Grimancourt, pour les mille livres qui vous sont dûes et qui sont payables en trois dates, qui sont déjà écoulées. Il y est joint un billet pour vous donner l'adresse et vous faire trouver la souche, et pour la jus-

2. Nous avons suivi, pour reconstituer cette phrase, une note mise anciennement au dos de la lettre. René Alméras arriva à Paris le 24 septembre 1660, trois jours avant la mort du saint, auquel il devait succéder.

Lettre 3280. - Pémartin, op. cit., t. IV, p. 598, l. 2073.

 

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tification de son acte une copie de la procuration, qu'il n a pas voulu faire légaliser, disant que ce n’était pas nécessaire, pour en avoir déjà envoyé une autre, qui est authentique. Vous pouvez à votre aise voir ces Messieurs dont parle le billet, afin de connaître leurs dispositions et de les amener par bonnes manières au payement de cet ordre. S'ils font difficulté, il faudra nous le renvoyer.

Voici également la dispense de Rome pour le vœu fait par M. Cornier. M. Jolly m'écrit que le directeur du séminaire, selon la volonté du suppliant, pourra ouvrir le bref et lui donner exécution, et cela parce qu'il le croit encore au séminaire. Je pense qu’il en aurait dit autant de vous, s'il avait su qu'il fût à Marseille.

Je sens au vif, comme vous, ce qui arrive à nos pauvres confrères d'Alger. Quelle angoisse ! quelle violence dans les circonstances présentes ! Plaise à Dieu de les protéger !

Je recommande à vos prières le voyage de M. de la Brière, de nos frères Get et de Marthe, d'un frère coadjuteur et de trois Filles de la Charité, qui sont partis aujourd'hui pour aller s'embarquer à Rouen pour la Pologne. Votre frère est parti très content et très résolu, grâce à Dieu. Il a donné ordre que la lettre de ce bon jeune homme de Picardie, qu'il a écrite en son pays, fût envoyée à ses parents. Nous ferons également parvenir le paquet de M. Cornier.

Voici deux lettres pour Tunis, afin de les expédier à M. Le Vacher ; l'occasion s'est présentée avant que j'aie eu le temps de lui écrire.

Monseigneur l'archevêque de Narbonne (1) m’ayant pressé de lui compléter le nombre de six prêtres qu'il

1. François fouquet.

 

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veut avoir, la disette où nous sommes d'hommes comme Messieurs Delespiney et Parisy nous fait recourir à eux pour le nouvel établissement. Je les prie donc de s'y rendre au plus tôt ; et vous, de leur donner ce dont ils auront besoin. Je les embrasse en esprit avec toute l'effusion du cœur. Il nous reste encore à faire un petit arrangement avec ce bon prélat ; mais cela ne doit pas retarder le départ de ces missionnaires, qui seront reçus avec joie et employés avec profit. Je prie Notre-Seigneur qu'il les bénisse et les conserve.

Veuillez dire à M. Delespiney que le bon M. Dubouchart, son ami, est mort.

Je ne puis que je vous dise un mot de votre bon frère. Nous l’avons choisi entre tous nos étudiants, avec le frère de Marthe, comme les mieux disposés à être ordonnés prêtres et les plus capables et exemplaires. ils ont donné grande édification dans la maison. M. de la Brière est pareillement un excellent missionnaire ; il enseignait la scholastique et la morale ; tous nous espérons que le choix de ces trois ouvriers réussira.

Je suis dans une inquiétude qui me cause une peine indicible. le bruit court ici que le commandeur Paul a fait assiéger ; Alger, mais on ignore la résultat ; et vous me mandez que l'on commence à partir pour Alger, sans me rien dire de nos pauvres confrères ; au nom de Dieu, dites-nous ce qui en est.

Je vous prie de recommander à M Huguier M Dubignon, que M Grimancourt recommande par ce billet.

Je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

2. Le bruit était faux.

 

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3281. - A FRANÇOIS FOUQUET,

ARCHEVÊQUE DE NARBONNE

17 septembre 1660.

J’admire le support que Votre Grandeur a pour moi, qui ne suis bon qu'à exercer sa patience, et la bonté paternelle qu'elle conserve pour notre petite compagnie, nonobstant nos longueurs et nos difficultés à exécuter ses commandements. Je lui demande très humblement pardon de notre rusticité et je la remercie de sa constance invincible à nous faire et à nous vouloir du bien.

Nous allons faire, Monseigneur, l'un des plus grands efforts que nous ayons encore fait, pour vous envoyer les missionnaires que vous demandez ; mais je supplie Votre Grandeur d'agréer que je lui dise tout simplement que, relisant encore aujourd'hui le projet de l'union de votre séminaire à notre compagnie, nous y avons remarqué plusieurs choses qui sont contraires à nos usages.

Il semble que Votre Grandeur nous veut obliger à rendre quelque compte du temporel, qui est une chose à laquelle aucun prélat ne nous a engagés, ni dedans, ni dehors le royaume où nous sommes établis ; nous n'avons pas même voulu prendre la maison de Saint-Lazare avec cette sujétion, quoique le lieu fût très avantageux pour notre congrégation. Et comme Monseigneur l'archevêque de Paris nous pressait de l'accepter avec cette condition, nous lui dîmes que nous en sortirions plutôt que d'y demeurer avec cette obligation ; et il eut la bonté de nous en décharger, pour nous retenir, parce que sans cela nous nous serions retirés.

Lettre 3281. - Reg. 2, p. 62.

 

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Et quant au pouvoir de renvoyer de votre séminaire ceux de notre compagnie dont Votre Grandeur ne voudra plus se servir, permettez-moi, s'il vous plaît, Monseigneur, de vous dire qu'en tous les lieux où nous sommes fondés, Messeigneurs les prélats ont jugé à propos de laisser au supérieur de la congrégation la direction des personnes de la même congrégation, en sorte que c'est lui qui les rappelle et qui en envoie d'autres à leur place ; c'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.

Votre Grandeur nous obligera beaucoup si elle fait son acte d'union en la manière que l'ont fait les autres prélats de France et d'Italie. L'espérance qu'elle nous donne de ne vouloir pas que notre petit Institut souffre aucune atteinte en son diocèse, me fait prendre la confiance, Monseigneur, de vous représenter les choses qui le peuvent blesser, afin que, selon votre prudence et charité ordinaires, vous ayez agréable de les éviter.

 

3282. - M AMELINE A SAINT VINCENT

De Notre-Dame-de-Paix, ce 17 septembre 1660

Monsieur et Révérend Père,

J'ai appris que vous aviez reçu la lettre que j'avais pris le liberté de vous écrire touchant l'affaire que nous avons commencée contre ces hérétiques de Saint-Quentin et que vous , avec toutes ces bonnes dames de la Charité aviez la bonté de vouloir y employer vos soins pour nous y assister. Je suis encore d'ici à quelques jours tellement occupé en ce nouveau pèlerinage, qui se commence avec beaucoup de bénédiction, que je n'ai pu me donner entièrement à cette affaire que tout le monde estime d’une grande conséquence. Nous travaillons pour avoir l'information et les autres pièces contre eux, mais nous avons ici un procureur du roi et un greffier dont nous ne pouvons avoir aucun secours Nous avons demandé à Mon-

Lettre 3282. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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sieur Bourdin qu’il nous envoie une commission pour obliger le greffier de nous délivrer ladite information, afin de l'envoyer à Paris. Ce qui nous manque maintenant , c'est d'avoir la réponse d'une requête que j'ai envoyée à la cour, qui est entre les mains de Monsieur Emery, procureur, afin que nous puissions faire continuer l'information commencée, d'autant que le ministre a obtenu un arrêt de défense aux juges des lieux d'en connaître, pour éluder la justice à son ordinaire Si, Monsieur, on pouvait avoir à Paris quelque homme fidèle pour solliciter cette affaire, ce serait le vrai moyen de bien réussir Il pourrait vous voir et les personnes qui pourraient sévir ; et suite de quoi il rendrait raison de l'état des choses. Si vous pouvez, Monsieur, nous faire donner la réponse à la requête qui est entre les mains de Monsieur Emery, par le moyen de Madame Fouquet, ou de celle de ces dames charitables que vous connaîtrez propre pour cette affaire, cela avancerait bien les choses.

J’espère aller passer quelques jours à Saint-Quentin afin de confirmer nos frères et travailler aux besoins les plus pressants.

Vous avez su, Monsieur, que le ministre a obtenu depuis peu un arrêt de la cour du parlement pour empêcher l'effet de l'arrêt du privé conseil, par lequel il est fait défense au juge civil de connaître de leurs affaires et cependant à eux permis de continuer leurs desseins, qui leur étaient interdits par le privé conseil.

Excusez, je vous prie ; c'est que je connais votre zèle pour l'avancement de la religion et que je crains que Monsieur Bourdin n’ait tant d'autres affaires, qu'il ne puisse vaquer, autant qu'il désirerait bien, à celle-ci qui est très importante à la gloire de Dieu, que je prierai de bon cœur sous vouloir conserver pour le bien de son Eglise, Monsieur et Révérend Père

Votre très humble et obéissant serviteur.

AMELINE,
prêtre.

Si vous m'obligez de me donner de vos nouvelles, Monsieur d'Abaucave chancelier, me les fera donner en la maison où est logé frère Jean. (1)

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission, rue Saint-Denis, en la maison de Saint-Lazare, à Paris.

1. Jean Parre.

 

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3283. - M. GARBUZAT A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je passerais pour méconnaissant si, après les faveurs que, j’ai reçues de votre bonté, je ne recherchais fort soigneusement les occasions pour vous en témoigner ma reconnaissance ; et c'est ce qui m’a obligé, aussitôt après mon arrivée en cette ville en très parfaite santé, grâce à Dieu, à me donner l'honneur de vous en assurer, comme aussi pour vous remercier très humblement de la grâce qu'il vous a plu m'accorder en faveur de mon frère, lequel je n’ai pas rencontrer en cette ville, étant allé à Belley pour y recevoir les derniers ordres de la messe, laquelle il espère célébrer aussitôt après son retour. Je le disposerai en même temps à son voyage de Paris pour lui avancer l'honneur de vous aller faire la révérence et vous témoigner les obligations que nous avons tous deux à votre bonté, vous assurant, Monsieur, que je me trouve dans l'impuissance d'en pouvoir reconnaître la moindre partie. Je ne laisse pourtant de vous supplier de m'honorer de vos commandements et vous protester que je tiendrai à grand honneur d'être, toute ma vie,. Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

GARBUZAT

A Lyon ce 17 septembre 1660

 

3284. - ANNE-MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre troisième monastère de Paris, ce 18 septembre [1660] (1)

Mon très uniquement honoré Père

Nous envoyons savoir des nouvelles de votre santé ; que nous prions Dieu rendre aussi bonne que nous le souhaitons. Nous vous supplions très humblement, mon très honoré, permettre à Madame l'abbesse Dupart, fille de Madame Fouquet, d'entrer céans avec ses deux religieuses, ainsi qu'elle fait et

Lettre 3283. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3284. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place non loin de la lettre 3295.

 

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que votre bonté a permis à nos deux autres Mères du faubourg et de la rue Saint-Antoine., ayant plus d'égard à sa condition religieuse qu'à toute autre chose ; et nous croyons que votre bonté ne trouvera pas de difficulté suivant les avis que notre bienheureuse Mère (2) dit dans ses réponses que nous pouvons, avec la permission des supérieurs, donner l'entrée aux religieuses qui nous la donneraient dans leurs monastères. J’ai cru, mon très honoré Père, ne pouvoir refuser à cette vertueuse abbesse de vous demander permission ayant deux de ses sœurs céans ; ce qui s'est toujours accordé à d'autres de nos chères sœurs à qui l'on n'avait pas tant d'obligation. Néanmoins,. mon très honoré Père, c'est à vous d'ordonner de cela, comme de toute autre chose, et à nous à nous soumettre et obéir. Madame Fouquet avait eu intention de vous la demander, mais elle n'en a pas eu l'occasion.

Ma très chère sœur la supérieure vint hier passer quelques heures céans, s'en étant allée chez nos sœurs du faubourg ; ce qui ne nous donna pas loisir d'en donner avis à votre bonté. Elle nous dit qu'elle nous donnerait les six mille livres en constitution que nous avons demandées avec révérence. Nous en attendons le contrat pour vous l'envoyer, puisque votre bonté veut bien prendre la peine de le signer Elle s'en doit aller bientôt et désire faire cet affaire avant son départ.

Excusez, s'il vous plaît, cette méprise. Je n'ai pas pensé à reprendre cette page commencée,

Le voilà, mon très honoré Père, que l'on vient d'apporter, que nous vous envoyons pour signer. Elle s'en doit retourner lundi. C'est pourquoi la chose presse un peu. Nous prions bien Dieu pour votre santé, mon très honoré Père, et ce nous serait encore une des plus grandes consolations que nous puissions avoir l'honneur de vous voir et vous pouvoir assurer de vive voix de nos humbles soumissions et recevoir votre sainte bénédiction, en qualité, mon très uniquement honore Père, de votre très humble et très indigne servante en Notre-Seigneur.

SŒUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN
de la Visitation Sainte-Marie

Dieu soit béni !

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des Prêtres de la Mission, de Saint-Lazare.

2. Sainte Chantal.

 

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3285. - LE CARDINAL PAUL-NICOLAS BAGNI

A SAINT VINCENT

Molta... e molto Reverendissimo Signore,

Da più parle ho inteso che Vostra Signoria non gode quella buona salute che io vorrei, e che bisognerebbe per benefizio universale, e per il cordiale affetto che io le porto, e che so che lei porta a me, puo immaginarsi il dispiacere che ne sento, e non lascio di ricordarmi di lei ogni giorno. La prego dispensarsi delle fatiche del corpo, che possono pregiudicare ai bisogni necessari del sonno e risposo della mente, coi beneficio del quale possa più vigorosamente attendere alle occupazioni delle anime ed applicazione a quello che più importa ; per questo effetto intendo con molto mio gusto che Vostra Signoria sia stata dispensata da Nostro Signore di recitare l'officio divino, sorrogando a quello altre orazioni di minore suo incomodo ; la prego, quanto più affettuosamente posso, valersi di detta dispensa, come fanno altri per minore indisposizione, e minore occupazione che non ha lei per la salute dell'anima, e la prego valersi di me in tutto quello che posso servirla, con ogni confidema

Di Vostra Signoria affettuosissimo servitore.

PAOLO,
cardinale di Gardi-Bagni

Di Roma, li 19 settembre 1660.

 

TRADUCTION

Très Révérend Monsieur,

Il m'a été dit de divers côtés que Votre Seigneurie ne jouit pas de la santé qui lui serait nécessaire pour la continuation de ses immenses charités et que lui souhaiterait mon affection cordiale, affection réciproque, je le sais. Il vous est facile d'imaginer la peine que j'en ressens Tous les jours je pense à vous. Evitez, je vous en conjure, les occupations fatigantes et les veilles prolongées, afin de pouvoir vous adonner plus efficacement au bien des âmes et .à vos emplois les plus importants.

Lettre 3285. - Arch. départ. du Vaucluse D. 274, reg., copie.

 

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J'ai appris avec grande satisfaction que Notre Saint-Père le. Pape vous a permis de remplacer la récitation de l'office divin par d'autres prières moins fatigantes. Je vous prie, de toute l'affection que je vous porte, de profiter de cette dispense comme en profitent d'autres moins indisposés que vous et moins absorbés par les œuvres utiles au bien des âmes.

Faites-moi le plaisir de recourir à mes services en toute confiance en tout ce qui dépendra de moi.

De Votre Seigneurie le très affectionné serviteur.

Paul,
cardinal de Gardi-Bagni.

De Rome, le 19 septembre 1660

 

3286. - LE CARDINAL DURAZZO A SAINT VINCENT

Molto Reverendissimo Signore

Riconosco sempre più profittevoli al prossimo le funzioni de sacerdoti missionari per l'impulso che ricevono dalle istruzioni ed esempio del loro superiore generale ; onde ogni persona ben intenzionata deve a questo pregar da Dio lunga vita, con sanità per render più durabile l’origine di tanto bene. Io poi che grandemente mi stimo interessato uei felici progressi di questo santo Istituto, e conservo una tenerezza d'affetto verso la persona della Vostra Signoria, sono necessitalo a pregarla come faccio a deporre la cura di se medesima, e del suo corpo alla direzione del suo confessore, e con pontuale obbedienza denegare alla devozione del suo spirito quelle occupazioni che possono pregindicare al lungo mantenimento della sua vita. Detto confessore tiene sufficiente autorità sopra l'obligo che il sacerdozio impone a lei di recitare il divino officio, e Vostra Signoria si renda con faciltà, persuasa che quello, che in cio le sarà insinuato dal medesimo sarà il maggiore servizio di Dio

lo mi trovo in Roma e spesso mi vedo col signor Edmondo (2) ; non so pero se Iddio vorrà che io finisca quà i miei giorni, o pure ritorni alla residenza della mia chiesa, sopra di che imploro l'aiuto delle orazioni della Vostra Signoria, cercando io intanto di stare indifferente per eseguire con eguale pron-

Lettre 3286. - Arch. départ. du Vaucluse D. 274, reg., copie.

1. Abelly a donné de cette lettre (op. cit., t. 1, chap. LI, 1re éd., p. 263) une traduction incomplpète et inexacte.

2. Edme Jolly.

 

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tezza quello che dei due partiti determinerà la Santità di Nostro Signore ; ed a Vostra Signoria per fine prego dal cielo ogni più vera bene

Di Vostra Signoria affettuosissimo servitore

IL CARDINAL DURAZZO

Roma 20 septembre 1660

 

TADUCTION

Très Révérend Monsieur,

Dans leurs fonctions auprès du prochain, dont j’apprécie tous les jours davantage l'utilité, les prêtres de la Mission suivent l'impulsion qui leur est donnée par les instructions et l'exemple de leur supérieur général. Aussi toute personne bien intentionnée doit-elle prier Dieu de lui prolonger la vie et de lui donner une bonne santé, afin que par là soit plus durable la source d'un tel bien. Et comme je m'intéresse beaucoup aux heureux progrès de ce saint Institut et que j'ai une tendre affection pour votre personne, je me sens obligé de vous supplier, comme je fais, d'écouter docilement votre confesseur, en ce qui regarde votre santé, et de vous abstenir de toute occupation capable d'abréger la durée de votre vie. Votre confesseur a le pouvoir de vous dispenser de l'obligation imposée à tout prêtre de réciter l'office divin. Que Votre Seigneurie veuille bien lui obéir et se persuader que ses recommandations sur ce point serviront à la plus grande gloire de Dieu .

Je suis à Rome et vois souvent M. Edme. Les desseins de Dieu sont-ils que je finisse mes jours ici, ou que je retourne à ma ville épiscopale? Je ne sais. Que Votre Seigneurie prie bien à cette intention ! Je m'efforce en attendant, d'entrer dans l'état d'indifférence, afin d'être prêt à suivre avec une égale promptitude celui des deux partis auquel s'arrêtera Sa Sainteté.

Je demande au ciel, en terminant qu'il répande sur Votre Seigneurie ses meilleures bénédictions.

De Votre Seigneurie le très affectueux serviteur.

CARDINAL DURAZZO

De Rome, le 20 septembre 1660.

 

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3287. - JACQUES LAMBERT A SAINT VINCENT

Mon très cher Révérend Père,

Je me rends importun mais vous êtes celui plein d'amour et de charité, usant de vos bontés a l'endroit d'un pauvre captif qui par vos soins il espère avoir liberté ; et si j'étais si malheureux d'être privé de vos charités je serais détenu éternellement le reste de mes jours dans les fers. Je vous supplie de vos grâces accepter ces lignes concernant une lettre venue de Toulon, que l'on me mande que j'ai reçue ; mais [ces] lettres de Toulon, pour les avoir perdues, je suis dans les peines, ainsi qu'appert de la lettre qu'il vous plaira voir et qu'il ne peut envoyer d'autres, mais un extrait de passeport. Les maîtres des requêtes, les aumôniers du roi doivent venir nous voir à la Tournelle ; et si l'extrait de la lettre que je vous envoie était signé de votre main et dans les formes pour présenter requête ensuite qui fera mention comme mes lettres m'ont été délivrées, ainsi qu'il ferait foi de votre extrait, de votre main signé, indubitablement j'obtiendrais ma liberté. qui ne serait autre qu'à finir mes jours dans quelque couvent. Et si je ne puis réussir de cette façon, je n'ai qu'à finir mes jours misérablement.

Espérant cette faveur de vous, je demeurerai, par votre permission, en continuant mes prières pour votre santé et prospérité, votre très humble et obéissant serviteur.

JACQUES LAMBFRT.

De la Tournelle, ce dimanche 20 septembre 1660.

La lettre à qui l’adresse est, le père, n'est point ici.

Suscription : Au Révérend Père Vincent, à Saint-Lazare ,Saint-Lazare.

 

3288. - MADAME POIRIER A SAINT VINCENT

D'Arras, ce 21 septembre 1660.

Monsieur

Votre Révérence me pardonnera si je prends la liberté de

Lettre 3287. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3288. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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vous tracer ces lignes pour vous avertir du départ d'une de vos Filles de la Charité qui étaient à Arras, qui s'appelle sœur Radegonde (1) qui s'en est allée lundi dernier sans dire mot à personne, qui nous cause un grand ennui à cause du désordre que cela porte dans la Charité qu'il vous a plu établir à Arras, dont cela portera beaucoup de désordre dans les intérêts du service de Dieu. C'est pourquoi Monsieur, je . vous supplie de ne nous abandonner point dans toutes ces occasions et vous nous manderez ce qu'il y a à faire là-dessus. Elle a quitté alors que l'affaire de la Charité s'allait établir plus que jamais.

En attendant l’honneur de vos commandements je finis avec tous les respects, Monsieur.

Votre très humble et très obéissante servante.

C POIRIER.

Suscription : Au Révérend le Révérend Père Vincent, général de la Mission, à Paris.

 

3289. - A NICOLAS SEVIN , ÉVÊQUE DE CAHORS

22 septembre 1660

Vincent de Paul promet à Nicolas Sevin de ne pas l'oublier devant Dieu.

 

3290. - MADAME FIESQUE A SAINT VINCENT

Des Carmélites, ce mercredi matin, 22 septembre [ 1660 ] (1)

Me trouvant dans de grands et pressants embarras sur le sujet de ma retraite ici et ne pouvant avoir l’honneur de vous voir j’en ai communiqué amplement à Monsieur de Saint-Ni-

1. Radegonde Lenfantin. Elle mourut fille de la Charité.

Lettre 3289. - Lettre signalée par Nicolas Sevin lui-même dans une lettre, du 10 octobre 1660, dont la copie se trouve aux archives de l'évêché de Cahors.

Lettre 3290. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Les lettres qui forment le dossier auquel appartient celle-ci sont presque toutes de 1660. Ajoutons qu'en 1660, le 22 septembre tombait un mercredi.

 

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colas-du-Chardonneret (2) pour en communiquer avec vous et voir ensemble ce que je dois faire. Pour cela il se doit trouver demain, à deux heures après midi ,chez vous où il vous plaira donner audience, la chose ne se pouvant remettre, parce qu'il est besoin d'une prompte résolution sur ce sujet, selon qu’il vous fera entendre. Me remettant donc à lui de tout, il ne me reste qu'à vous demander instamment entre ci et ce temps vos saintes prières sur ce sujet et de toute votre bonne compagnie, en particulier demain au saint sacrifice de toutes les messes.

C'est votre très humble servante.

FIESQUE

Suscription : Pour Monsieur Vincent, à Saint-Lazare

 

3291. - M. BARBIER A SAINT VINCENT

Monsieur,

Je vous dirai que cette pauvre femme, sœur de M. Senant est la plus affligée qui soit sur la terre, la mauvaise humeur et traitement de son mari la mettant au désespoir, sans vouloir entendre parler de réconciliation Je ai présenté même votre lettre, à laquelle j'ai joint toutes les remontrances à moi possibles, sans pouvoir rien gagner sur son esprit. Je veux qu'il y ait quelque légèreté en cette pauvre femme ; mais son mari est plus malicieux qu'un démon..

J’avais déjà écrit à M Senant qu’il était nécessaire qu’il fit un voyage à Maule pour apporter la paix à cette division, ou de les séparer tout à fait Je m’étonne que vous ajoutiez foi aux lettres de cet imposteur sans preuves et être informé de ceux qui vous peuvent rendre témoignage de la vérité

Attendant le bonheur de vous voir, je demeure, Monsieur, votre très humble serviteur

C. BARBIER
curé de Maule

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur de la Mission de Saint-Lazare, à Paris.

2. Hippolyte Féret.

Lettre 3291. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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3292. - A EDME JOLLY, SUPÉRIEUR, A ROME

Du 24 septembre 1660.

Vous m'avez mis en admiration de la bonté non pareille de Mgr le cardinal Durazzo quand vous m’avez dit qu'il a fait une assemblée pour concerter la réponse à faire à Gênes touchant la proposition de Corse, et que, l'ayant trouvée désavantageuse à la compagnie, en la manière qu'on l’a conçue, Son Eminence a mandé que la chose n'était pas faisable de cette sorte, mais bien en faisant un établissement fixe de missionnaires dans l'un des évêchés de ce royaume-là, sans obligation de parcourir les autres diocèses, et en leur assignant un autre fonds pour leur subsistance, qui ne les rende pas odieux aux évêques, comme ferait celui qu'on propose de prendre sur eux. O Dieu ! quelle charité en ce saint cardinal ! Oh ! quelle obligation nous lui avons de nous avoir tirés de cette affaire si doucement et si adroitement ! Car j’espère qu'on ne pensera plus à nous, au moins pour nous y engager en la première façon ; et que, si on nous en parle, ce sera pour suivre le sentiment de Son Eminence, qui est si convenable à ce que nous pouvons et devons désirer.

J'écrit à M. Simon, en l’absence de Monsieur Pesnelle, qu'il s'en faut tenir à cela ; et je prie l'infinie bonté de Dieu qu'elle nous assiste pour concevoir une reconnaissance proportionnée aux obligations infinies que nous avons à mondit seigneur.

Lettre 3292. - Reg. 2, p. 254.

 

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3293. - NICOLAS CABART A SAINT VINCENT

De Paris, ce 24 septembre 1660.

Monsieur

Je ne vous écris ce billet que pour vous supplier très humblement d'avoir agréables les offres que vous fera le porteur de la présente qui est mon neveu, de son très humble service et de lui faire la grâce qu'il puisse faire chez vous une retraite de huit ou dix jours. Monsieur de Saint-Aignan lui a donné ce bon conseil de faire cette retraite devant que de commencer ses études de droit qu'il est venu faire à Paris. Il a écrit à Monsieur d'Alméras pour favoriser ce dessein.

Je joindrai cette obligation que je vous aurai, Monsieur, à tant d’autres que je vous ai et prierai Dieu qu'il la reconnaisse mieux que je ne puis pas faire.

Je ne peux assez vous protester que je suis et serai toute ma vie .Monsieur votre très humble et très obligé et très obéissant serviteur

NICOLAS CABART,

indigne docteur.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission à Saint-Lazare.

 

3294. - A JEAN DE MAUPEOU,

ÉVÊQUE DE CHALON-SUR-SAONE, A PARIS

Du 25 septembre 1660.

La simplicité de laquelle Monseigneur de Chalon veut que ses serviteurs fassent profession me fait avouer à Sa Grandeur qu'ayant concerté sa proposition et pris l'avis de nos anciens, nous avons conclu de nous tenir à la résolution déjà prise de ne recevoir personne en notre compagnie qui nous sera présenté par ses parents ou ses amis, à cause de l'expérience que nous avons qu'il y en a peu qui réussissent de ceux qui ne postulent pas eux-

Lettre 3293. - L. a. - Dossier de Turin, original.

Lettre 3294. - Reg. 2, p. 39.

 

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mêmes et qui ne viennent pas par dévotion, ni par désir de se donner à Dieu ; ce qui est encore observé par les autres communautés bien réglées. Je me fais violence en disant ceci à mon bon seigneur, ayant une affection très sincère de lui obéir ; mais il a trop de bonté pour désirer que nous passions par-dessus l'ordre.

 

3295. - ANNE-MARGUERITE GUÉRIN A SAINT VINCENT

Vive Jésus !

De notre troisième monastère ce 25 septembre [1660] (1)

Mon très uniquement honoré Père,

Madame Fouquet nous a fait savoir que vous avez eu la bonté de lui permettre d'entrer céans, pourvu que nous vous en écrivissions. Je le fais de tout mon cœur et l’eussions déjà fait si nous eussions su que votre bonté l'eût eu pour agréable. vous suppliant très humblement nous marquer vos intentions si c'est pour toujours, c'est-à-dire quand il lui plaira, croyant bien qu'elle n'en abusera pas

Pour Madame l'abbesse Dupart, sa fille, nous avons cru que sa permission est tant qu'elle sera en cette ville.

Nous serons bien consolées de voir ma très honorée soeur la déposée de la ville (2), au retour de son voyage de Melun que Madame Fouquet nous la doit amener.

Nous prions Dieu pour votre santé qu'il plaise à sa bonté divine vous la renvoyer entière et parfaite ainsi que le souhaite celle qui est dans tout le respect et soumission possibles, après nous être prosternée en esprit pour recevoir votre sainte bénédiction en qualité mon très uniquement honoré Père, de votre très humble, très obéissante fille et servante en N.-S.

Dieu soit béni !

SOEUR ANNE-MARGUERITE GUÉRIN,
de la Visitation Sainte-Marie.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des prêtres de la Mission de Saint-Lazare.

Lettre 3295. - L. a. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est à sa place non loin de la lettre 3271.

2. Elisabeth de Maupeou.

 

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3296. - NICOLAS ÉTIENNE A SAINT VINCENT

Du cap de Bonne-Espérance ce 1er mars 1661 (1)

Monsieur mon très cher et honoré Père,

Je ne puis que je ne m'écrie ici avec le grand Apôtre des gentils : "O profondes richesses de la sapience et connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impossibles à trouver !" (2) puisque depuis plusieurs années nous nous efforçons de nous rendre à l’île Saint-Laurent appelée autrement Madagascar, pour travailler à la vigne du Seigneur y ayant pour ce apporté tous les soins et précautions imaginables, sans, pour cela, y avoir pu faire encore rien de solide et d'assuré pour entretenir les nouveaux convertis et ôter le reste des habitants de la tyrannie et esclavage de Satan. Car que peut-on souhaiter de votre charité ô Monsieur pour cette terre, que vous n'ayez fait ! Votre Compagnie est petite et néanmoins il ne s'est présenté aucune occasion pour y aller, que vous n'ayez fourni un assez bon nombre d'ouvriers pour y cultiver cette vigne, ainsi qu’il parait par la mort glorieuse de vos chers enfants Messieurs Nacquart et Gondrée, les premiers qui ont défriché cette terre, dont le dernier n’y dura que trois mois ; et l'autre, deux années après avoir visité plusieurs villages et appelé à la connaissance de la vraie foi un assez bon nombre, décéda en odeur de sainteté ainsi qu'il paraît dans ce qu'en ont écrit ses successeurs et l'estime qu'en ont eue tant les Français que les habitants originaires et qu'ils en ont encore à présent.

M Mousnier, poussé du zèle d'aller le premier annoncer l’Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ en des lieux où son sacré nom était inconnu, s'en va aussitôt qu'il est arrivé, à vingt-cinq journées de son habitation méprisant la faim et la soif étant des deux ou trois jours sans trouver d'eau, et la fatigue du chemin à cause des grandes chaleurs qui se rencontrent en ce pays se faisant à soi-même ce tacite reproche que, si tant de jeunes gens y allaient avec tant de courage excités peut-être du seul motif de gain ou d'honneur, lui, a plus forte raison y devait aller puisqu'il y allait de

Lettre 3296. - Arch. de la Mission, dossier de Madagascar, copie. - Nicolas Etienne apprit en Hollande, dans les premiers jours de juillet de l'année 1661 la mort de saint Vincent, survenue le 27 septembre 1660.

1. Nicolas Etienne a continué sa lettre après le 1er mars 1661.

2. Epître de saint Paul aux Romains XI, 33.

 

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la gloire de Dieu et du salut des âmes. Voyage où il perdit la vie. Mais pourquoi dis-je qu'il la perdit puisque, au dire du fils de Dieu, il la trouva, non faible, infirme et sujette aux accidents d'ici-bas en terre, mais immortelle glorieuse et affranchie de toutes misères !

Que dire de Messieurs Dufour Prévost et Belleville? Le premier a toujours paru dans notre compagnie comme un astre éclairant, non pas seulement par ses exhortations, prédications ferventes et fréquentes mais beaucoup plus par la pratique de toutes les vertus qu'il a fait paraître, et surtout du zèle des âmes, dont il a été si fort épris que les tempêtes, les orages, les écueils, les naufrages, en un mot toutes les incommodités attachées à quelques planches de bois vermoulu, flottant sur une mer orageuse et toute boursouflée, et celles qui se rencontrent dans les pays étrangers, ne l'ont pu empêcher, l'espace de dix ou douze ans d'importuner les supérieurs de lui accorder cette grâce de mourir au delà des mers parmi les infidèles. Ce qu'enfin il obtint en l'an 1655 avec un grand contentement de son cœur et désir extrême de procurer, autant qu'il pourrait, la gloire de Dieu et la conversion des âmes. Ce qui parut assez dans les vaisseaux, où il fut prêchant, catéchisant, instruisant les ignorants, reprenant les délinquants, soit grands, soit petits, sans avoir égard au respect humain, en sorte que, ce vaisseau étant sur le point de se perdre pour ne point voir la terre, et faisant beaucoup d'eau, il fit assembler tout le monde et s'adressant aux officiers, qui désespéraient de leur voyage, leur dit qu’ils eussent à lever la main et promettre à Dieu de faire ce qu'il leur proposerait, les assurant, de la part de Dieu, que, le faisant, ils verraient terre dans la quinzaine. Ce qu'ils firent, et promirent tous, savoir de faire une bonne confession générale et communion, hors deux qui moururent sans sacrements.

Mais enfin le jour arrivé, et ne la voyant pas ils s'en allèrent trouver ce saint homme apostolique lui disant qu'ils voyaient bien que c'était fait de leur vie. Lui sans s'étonner mais mettant sa confiance en Dieu, leur dit que le soleil n'était pas encore couché et qu'ils eussent à venir à vêpres, qu'il allait chanter. Ce qu'ils firent. Et voici, ô merveille de Dieu qui n’abandonne jamais ceux qui espèrent en lui ! qu'au milieu d'icelle un matelot s'écrie : terre ! terre ! Ce qui réjouit et consola tout le monde ; d'autant que c'était la terre tant désirée de Madagascar. Ce qui fit que ceux qui l'avaient le plus haï et persécuté changèrent bien de sentiment, l'estimant puis après pour un saint, ainsi même que je l'ai appris d'eux.

Enfin arrivé à cette île tant souhaitée, il n'y pût demeurer que huit jours non pas pour s'y rafraîchir et reposer, puis-

 

 

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qu’en ce peu de temps il y fit beaucoup, soit par les entretiens qu'il fit aux Français et actes de charité qu'il pratiqua envers les malades, que par plusieurs conférences qu'il tint avec M Bourdaise des moyens d'avancer les affaires de Jésus-Christ en cette terre et de détruire celles de Satan. Il monta donc derechef en mer et s'en alla à Sainte-Marie île éloignée de deux cents lieues du fort, où, dès qu'il fut arrivé, et après avoir embrassé son cher compagnon M. Prévost, il visita les malades, qui étaient en grande quantité, prit avec lui un jeune nègre pour lui servir de truchement et porter douze croix qu'il avait fait faire pour planter sur les douze montagnes de cette terre ; mais n'en ayant pu planter que onze, il planta la douzième dans son cœur ; car il fut atteint de la maladie dont il mourut, après avoir souffert des fatigues intolérables.

Aussi était-ce un des hommes les plus mortifiés que nous autres quatre prêtres ayons jamais connu, pour avoir eu tout l’honneur d'être sous sa conduite en même temps au séminaire. Et Dieu veuille que, comme nous avons été ses enfants, ses successeurs en ses voyages, nous soyons aussi pareillement ses imitateurs en ses vertus !

M. Prévost, après avoir mené une vie conforme à celle de son compagnon M. Dufour, décéda aussi en cette île de Sainte-Marie, exerçant la charité vers bien deux cents malades, qui y finirent presque aussitôt leurs jours.

Pour M de Belleville, il décéda dans le voyage.

La perte de tant de grands et braves ouvriers, ne vous empêche pas, Monsieur, d’en fournir d’autres à cette terre, qui semble n’être qu'un cimetière pour vos chers enfants. De sorte qu'on peut dire d’elle ce que les Israélites disaient de la terre de promission : Illa terra devorat habitatores suos (3).

Vous en fournîtes encore d'autres en l'an 1658 Messieurs Boussordec et Herbron ; mais le vaisseau, ayant échoué sur un banc de sable, les empêcha de secourir M. Bourdaise. Enfin vous y envoyez en l’an 1659 quatre autres prêtres, qui en sont encore pareillement empêchés, pour être pris par des Espagnols.

Mais quoi ! tout cela n‘est point bastant (4) pour vous faire quitter prise, ni abandonner votre cher fils, demeuré seul depuis 7 ou 8 ans. Vous y renvoyez donc encore quatre prêtres Messieurs Daveroult, de Fontaines, Feydin et moi, un clerc un frère et un domestique, pour tâcher cette fois

3. Livre des Nombres XIII, 33.

4. Bastant, suffisant.

 

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de le secourir et l'aider à porter le joug suave du fils de Dieu dans la conquête des âmes; mais Dieu, dont les jugements sont à adorer, ne l'a pas voulu encore pour cette fois, soit que ces peuples s'en soient rendus indignes, soit pour éprouver nos constances; mais plutôt je crois que ce sont mes péchés très énormes et en très grande quantité, que j'avais commis avant d'entrer en la Compagnie, et même depuis que j'y suis, comme aussi à cause des scandales et mauvais exemples que j'ai donnés, tant à ceux de notre Compagnie qu'aux externes, pendant tout notre voyage. Plaise à Dieu me pardonner le tout et me faire la grâce d'en faire pénitence le reste de mes jours.

C'est la grâce que je vous supplie de demander instamment à Dieu pour moi, afin que je ne sois plus dorénavant cause que M Bourdaise ni ces pauvres néophytes, soient privés et empêchés des secours que votre charité leur veut continuer, de faire, non plus que moi-même sois empêché de les aller secourir et servir le reste de mes jours ; car je vous confesse, mon très cher Père, ingénument que je n'ai rien tant à cœur comme de mourir pour Notre-Seigneur Jésus-Christ dans les pays étrangers. C'est ce que je lui demande très souvent tous les jours, et dont je ne cesserai de l’importuner jusques à ce qu'il me l'accorde. J’espère de votre bonté que vous lui ferez la même prière pour moi et que je ne serai pas plus tôt de retour, que vous me renverrez, non pas pour avoir soin des autres, n'y ayant personne dans la Compagnie qui en soit si indigne comme je suis, pour être jeune, ignorant, superbe et vicieux. Il faut un homme d'expérience, qui ait beaucoup d'acquis dans les sciences et dans les affaires du monde, parce qu'il ne manque point de très grandes difficultés ; mais surtout il faut un homme d'une solide vertu, non de deux jours mais de plusieurs années ; et qui ait remporté plusieurs signalées victoires sur lui-même ; car l’expérience ne fait que trop voir qu’à moins d'une vertu forte, des longtemps exercée et éprouvée l'on donne du nez en terre, au grand détriment de la religion chrétienne. Et il faut encore que celui à qui vous donnerez cette charge soit plein d'autant de force et de santé que de zèle et sainteté car les travaux des pays étrangers pour peu d'expérience que j'en aie, demandent tout cela nécessairement.

Plaise donc à notre bon Dieu vous faire cette grâce que celui que vous choisirez pour une si haute entreprise soit un autre saint François Xavier et que j'aie le bonheur d‘être sous sa conduite ! Je m’estimerai heureux et à vous très obligé.

 

 

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CHAPITRE I. - DE NOTRE DÉPART DE PARIS POUR NANTES

Messieurs Daveroult, de Fontaines, Feydin, frères Patte et moi après avoir reçu quantité de bons avis de votre charité paternelle après avoir eu votre bénédiction et vous avoir embrassé comme pour la dernière fois, nous partîmes de Saint-Lazare, le quatrième novembre, pour aller trouver M le duc de la Meilleraye à Nantes, et y arrivâmes le jour qu'il nous avait prescrit dans sa lettre, savoir le 12 dudit mois. Sur les chemins, nous fîmes, selon la coutume de notre Congrégation la doctrine chrétienne devant la porte des hôtelleries, et ailleurs, quand l'occasion s'en présenta. Nous faisions même faire aux externes qui se trouvaient avec nous l'examen particulier devant le dîner et souper, comme pareillement le général, l’Itinéraire, les litanies du saint nom de Jésus pour le matin avec quelques chansons spirituelles, celles de la très sainte et immaculée Verge Marie pour l'après-dînée, avec quelque peu de lecture de la Vie de l'apôtre saint Paul par M. Godeau (5) Et nous nous étudiions particulièrement à l'observation de nos règles, sachant bien que ce sont comme les canaux par où les grâces, les faveurs, et les bénédictions célestes découlent en nos âmes. Voilà pourquoi nous tâchions d’employer la journée comme on l'emploie à peu près en nos maisons. Le vendredi même, nous faisions ce qu'on a coutume de faire le matin, et le soir la conférence ; ce que nous avons toujours observé. Mais toute la gloire en doit être attribuée à Dieu et le bien à la bonté et facilité des personnes qui composèrent notre compagnie, et tout le mal et scandale qui s’y est glissé, à moi seul qui suis la pierre d'achoppement et l'opprobre de vos enfants.

Dieu permit, chemin faisant, que, le carrosse où nous étions, courant à toute bride dans Etampes, une soupente vint à rompre, qui fit que le corps du carrosse renversa ; et la portière où j'étais étant rompue, mon pied passa au travers ; qui fut cause que la roue passa deux ou trois fois dessus. Je croyais aussi bien que tout mon pied était par pièces et par ainsi mon voyage rompu : mais Dieu voulut que je n'en eusse que la peur et qu’au bout de cinq à six jours j'en fusse entièrement guéri.

Etant donc arrivés à Nantes nous allâmes tous saluer Monseigneur le duc, qui, pour dire la vérité nous surprit

5. La vie de l'apôtre saint Paul, Paris, 1647, in-12. L'ouvrage fut réédité en 1651 et traduit en anglais en 1653.

 

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d’abord dans le langage qu'il nous tint ; ce qui toutefois ne nous épouvanta pas, étant tout résolus à ce qu'il plairait à Dieu permettre nous arriver. Mais cette bonté divine, qui s'était servie de vous, Monsieur, pour ôter tous les obstacles et empêchements qui s’étaient présentés à l'exécution de notre dessein, changea de face toutes choses. Ce qui fit que ce bon duc nous témoigna par après beaucoup d’affection. Il nous appelait souvent à sa table, et j'ai passé plusieurs heures avec lui seul à seul à nous entretenir des choses de piété, et particulièrement des desseins qu'il avait pour Madagascar, et d'y établir la religion catholique aussi puissamment qu'il pourrait, faisant faire pour ce plusieurs forts en la terre et y mettre des nôtres. J’espère que si Dieu prolonge sa vie, qu’il servira beaucoup à l'augmentation de la foi en ce pays et à l’avancement de notre compagnie. Il a une grande estime pour votre personne et un semblable amour pour vos enfants. Il me le témoigna assez, prenant congé de lui, et m'embrassa pleurant à chaudes larmes.

Pendant tout le temps que nous fûmes à Nantes nous observâmes exactement tout ce qu'on pratique en nos maisons jusques à la lecture de table, quoique quelquefois quelques-uns y vinssent. Nous étions presque toujours au logis, et après nous être acquittés de notre devoir, nous nous occupions à accommoder ou composer nos pièces pour la Mission que nous devions faire sur le vaisseau.

Etant sur notre départ pour La Rochelle, nous résolûmes entre nous d'y aller par mer Mais Messieurs les doyens et Beaulieu, à qui nous avons de grandes obligations, pour les civilités et marques d'amitié qu'ils nous ont rendues, faisaient leur possible pour nous en détourner, aussi bien que plusieurs autres ; néanmoins, considérant que dans la barque où était notre bagage il y avait trente-huit personnes qui devaient être nos ouailles, je ne me pus résoudre à les abandonner, aimant mieux périr avec eux que de les voir périr sans prêtre et pasteur ; car certes c'eût été un des plus grands déplaisirs qui nous pût arriver, et je ne doute point que Dieu ne m'en eût demandé compte.

Dans cette résolution donc, je priai ces messieurs d'avoir agréable d'aller par la voie du messager et de trouver bon que le frère Patte, Messieurs Boutonnet, Cordelet et moi allâmes par mer. Ils firent assez d'efforts pour m'en détourner ; mais je persistai toujours dans mon dessein, espérant que Dieu me ferait la grâce de surgir à bon port puisqu‘en cela je n’avais autre dessein que sa gloire.

 

 

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CHAPITRE II . - DE NANTES A LA ROCHELLE

Enfin, après vingt-quatre jours de séjour à Nantes, nous nous embarquâmes à la Fosse dans une barque, entre 11 heures et midi sixième du mois de décembre jour de saint Nicolas, patron des nautoniers et le mien, que je prie et priai à la sainte messe de nous servir de pilote et de conduite. Mais Dieu permit que notre bâtiment demeurât dix heures sur une grève vis-à-vis le port de la Vigne, où nous mouillâmes l'ancre, et descendîmes sur les six heures du matin, dans une chaloupe, 7 du mois jour du saint dimanche et entendîmes la messe et communiâmes, le frère Patte et moi à Saint-Pierre de Bouguer, où nous rencontrâmes un sujet de grande édification, qui était qu'après que le prêtre avait dit : Domine, non sum dignus, un autre prêtre venait amassant tous les enfants et récitant devant tout le peuple, entouré d'un grand nombre de jeunesse le Pater, l'Ave, Credo, Confiteor, le Benedicite, les grâces les commandements de Dieu, les sacrements et quelques autres prières, le tout en latin et français. Après quoi il répétait encore la substance des mystères de notre foi. Ce qui s'observe toutes les fêtes et les dimanches. O mon Dieu ! que je souhaiterais que cette sainte pratique fût observée dans toutes les églises du monde !

Le lendemain huitième jour du mois consacré à l'lmmaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie mère de Dieu nous mouillâmes l'ancre dans la rade de Paimbœuf ; et après y avoir célébré la sainte messe, nous allâmes au port de Saint-Nazaire, où nous demeurâmes cinq jours, et en partîmes le samedi 13 du mois, avec vent derrière. Ce qui nous fit espérer d'être à La Rochelle en moins de 24 heures. Mais Dieu, qui fait tout pour le mieux, en disposa autrement ; car voulant doubler les dunes de Bordeaux pource que notre maître de la barque nous avait éloignés de la route d'environ dix lieues, le seigneur des vents permit qu'il s'élevât un vent de nord-ouest qui brisa notre grand mât en deux pièces, qui tombèrent dans la mer avec la grande voile. Mais ce qui était bien plus fâcheux, c'est qu'il nous portait sur un banc de sable appelé Soulac, qui faisait que tout le monde désespérait de sa vie. J'étais pour lors assez malade du mal de mer vomissant nuit et jour sans pouvoir rien prendre, quand M. Guelton, le frère Patte, le maître de la barque et le pilote me vinrent dire, en pleurant à chaudes larmes, qu'il n'y avait plus de vie et que je me dépêchasse de donner l'absolution.

Je me fis donc lever promptement de dessus notre matelas et proférai le mieux que je pus une absolution générale ;

 

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après quoi je priai qu'on me portât à l'écoutille, non tant pour voir l'impétuosité de cette mer orageuse que pour tâcher de consoler un chacun, qui poussaient des cris pitoyables et lamentables ; et je ne fus pas plus tôt en ce lieu, qu'il me sembla prendre de nouvelles forces et une assurance de la vie. Ce qui me porta à les assurer qu'ils ne périraient point, mais qu'ils eussent seulement confiance en la bonté et miséricorde de Dieu.

Chose étonnante et tout ensemble admirable ! je ne les eus pas plus tôt exhortés d'espérer en Dieu qu’au même instant le vent de nord-ouest vint au nord ! Ce qui nous fit éviter le banc de Soulac qui devait être, sans une spéciale protection de Dieu, la sépulture de nous tous ; car le vent était si furieux que notre navire nommé la Maréchale, étant parti du Port-Louis le 14 décembre pour venir à La Rochelle prendre les victuailles pour faire le voyage de Madagascar, y perdit : sa chaloupe, et le grand écouet (6) rompit, à même temps que notre mât fut brisé, ainsi qu'ils nous l'ont dit, sa grande voile mise en pièce, et un matelot, qui était sur le bout de la grande vergue tomba sur le pont raide mort. Et voulant mouiller une grande ancre pour attendre et espérer le beau temps, elle ne fut pas sitôt au fond, qu'elle fut rompue.

Enfin, après avoir évité ce banc, nous fûmes portés avec notre mât de misaine et sa voile, qui ne valait rien pour les bien priser, aux côtes d'Espagne, où tout à coup par un vent contraire nous fûmes rejetés vers l’embouchure de la rivière de Bordeaux. Nous fûmes bien deux ou trois jours à la dérive et à la merci des flots, personne n'osant paraître sur le pont, les vagues y envoyant sept à huit muids d'eau, et si notre barque n'eût été très forte et bien jointe et qu'elle eût fait de l'eau, c'était fait de nous.

En ce danger et péril, je proposai à toute la compagnie, tant soldats que matelots, de faire un vœu en l'honneur de l'immaculée Vierge Marie, environ la minuit, jour consacré à cette fête de l'octave de la Conception ; ce que tous acceptèrent de bon cœur. Ce vœu fut donc de dire douze messes à son honneur, dont je me suis acquitté, par la grâce de Dieu de nous tous confesser et communier ce que nous avons aussi fait pareillement ; et enfin d'habiller douze pauvres ce que je vous ai écrit de faire faire, n'ayant point ici de pauvres qui aient besoin d'habits, pour être dans un pays chaud ; et de plus c'est que la plupart de ceux qui avaient fait le vœu s'en sont allés et sont pauvres artisans Un seul m'a donné une pistole et les autres ont promis. Mais, dans cette incertitude

6. Cordage qui va diminuant par un bout.

 

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des pauvres et du futur assez casuel, je vous conjure et supplie derechef que vous ayez la bonté d’ordonner que douze pauvres soient revêtus d'une robe de bure chacun seulement. Outre les prières que nous faisions soir et matin, nous récitions l'office de l’Immaculée Conception. Et nonobstant cela Dieu ne laissa pas de nous vouloir encore visiter par un autre coup de vent, qui nous porta aux mêmes côtes d'Espagne ; et faute de mâts et de voiles, nous ne pouvions aborder aucun port ; ce qui augmentait notre douleur, pour avoir trente-six personnes sans pain, sans viande et sans eau, qui criaient à la faim et à la soif. Dans cette extrémité, nous fîmes notre possible pour échouer l'espace de quatre ou cinq jours, préférant nos vies à nos hardes et marchandises ; mais il nous fut impossible de le pouvoir faire. Ce qui faisait désespérer tout le monde de sa vie. Et j'ai honte de dire qu'un si méchant homme que moi, qui suis le pire de tous les pécheurs, ayant tant commis de crimes d'abominations et de péchés en sa vie passée, qui ne méritaient pas moins le feu éternel que le temporel, et qui tous les jours offense tant encore sa divine Majesté par mes irrévérences mon peu de dévotion et mes scandales fréquents, ai reçu des consolations et des grâces en telle abondance, qu’en un péril si évident je me suis vu sans crainte, où tous les autres sanglotaient et mouraient de peur. Et quoique cette parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : "Qui voudra sauver son âme la perdra, et qui perdra son âme pour moi la trouvera"(7) soit fort aisée à entendre quand on la considère dans la seule théorie, mais non pas quand il en faut venir à la pratique. Car, quand on se trouve à l'occasion ou il n'y a plus moyen de reculer, et qu'il faut perdre la vie pour la trouver en Dieu, quand la mort pend sur votre tête et que nous voyez clairement, que si vous obéissez à Dieu il faut mourir, alors les frayeurs se saisissent de la plus basse partie de l'âme et jettent l'esprit dans des ténèbres si noires que le précepte, qui semblait fort clair auparavant, se dérobe des yeux de la raison et s'enveloppe tout à coup d'une nuit d'obscurités incroyables, tellement que ceux-là mêmes à qui les sciences et la prudence humaine ont donné une plus claire vue d'esprit ne conçoivent point comme il faut cette vérité si excellente. Il n'y a que ceux à qui Dieu daigne, par une spéciale faveur, communiquer quelques rayons de sa divine lumière, qui puissent comprendre la force et le sens de ces paroles En quoi notre pauvre nature montre bien ses faiblesses et sa misère.

7. Evangile de saint Matthieu X, 39.

 

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Enfin, dans cette extrémité, il plut à Dieu nous visiter et consoler le 21 décembre, jour auquel on solennise la fête du glorieux apôtre des Indes. saint Thomas après avoir été dans les détresses et angoisses, l’espace de quinze jours sur ce vaste et terrible Océan.

Il nous envoya donc un ange vers Saint-Sébastien, qui nous retira, avec dix-huit de ses compagnons à Saint-Jean-de-Luz. Cet ange était un véritable pilote fort honnête homme, qui s'en allait dans sa chaloupe avec ses camarades à la pêche. Un de nos gens, qui faisait le quart, l'ayant aperçu, en donna avis à M. Guelton qui fit crier après eux en langue espagnole qu'ils eussent à venir à bord, que nous n'avions ni mâts ni voiles, que nous étions Français partis de Nantes pour La Rochelle, et qu'un coup de vent nous avait poussés en ce lieu, que nous leur donnerions ce qu’ils désireraient pour nous mener à Saint-Jean-de-Luz

Nous convînmes donc avec le pilote de 60 livres et quelques pots d'eau-de-vie pour ses gens. Ils attachèrent donc leur chaloupe à notre barque, et, à force de rames, ils conduisirent notre bâtiment en ce lieu, à la pointe du jour.

Etant donc arrivés, nous mîmes pied à terre ; mais, soit par la maladie, soit par le peu de nourriture que j'avais pris pendant tout ce temps, soit par le mouvement et l'agitation de la mer, je ne pouvais presque me soutenir sur mes jambes. Nous entendîmes ce jour-là la messe, après laquelle nous mîmes ordre à fournir notre bâtiment des choses qui lui étaient nécessaires comme de mâts, de voiles, de cordages et victuailles ; et le lendemain 23 dudit mois après avoir donné pour notre part treize louis d'or et avoir laissé Cordelet s'en revenir dans la barque, afin d'avoir soin du bagage,je partis dudit Saint-Jean-de-Luz en poste allant nuit et jour, M Boutonnet, le frère Patte et moi, pour plus grande diligence, et tâcher par ce moyen d’arrêter le vaisseau de la Maréchale, s'il n'était parti, y arrivant devant la barque, et la barque avant moi. Nous mîmes six jours et demi pour aller jusques à La Rochelle, ayant un temps très froid et fort fâcheux pour cours, à cause des glaces ; de manière que nous étions toujours dans la crainte de choir ; mais Dieu nous conserva, aussi bien qu'en la barque.

Enfin nous arrivâmes à La Rochelle le 29 décembre sur les 6 à 7 heures du soir, avec étonnement de la plupart de la ville, qui nous croyaient submergés dans les eaux, et principalement de nos messieurs, qui ne nous attendaient plus, devant partir le lendemain. Je vous laisse à penser qu’elle joie nous eûmes et les uns et les autres.

Le lendemain, j'allai saluer Monseigneur l'évêque, qui me

 

 

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témoigna des caresses très grandes, aussi bien que les religieux et les communautés, qui avaient déjà dit des messes de Requiem pour mon âme. Et pour moi, je vous avoue que j'étais tout surpris de la joie que tous avaient de mon arrivée, même les huguenots. Je reçus quelques visites, que je tâchai de rendre, particulièrement aux religions et Révérends Pères jésuites et de l'Oratoire. Pendant le peu de temps que nous fûmes en cette ville, M. Dehorgny, faisant pour lors sa visite à Luçon nous honora de sa présence ce qui nous consola fort.

 

CHAPITRE III.. - DE L’EMPLOI DE MESSIEURS DAVEROULT,

DE FONTAINES ET FEYDIN A LA ROCHELLE

Ils partirent de Nantes le 3 de décembre et se rendirent à La Rochelle le 5 où étant arrivés, ils allèrent saluer Monseigneur l'évêque, qui les reçut avec grande affection et cordialité, s'offrant à lui pour faire ce qu'il désirerait d'eux pendant tout le temps qu'ils auraient le bonheur de demeurer dans sa ville. Il les fit prier par un de ses aumôniers de vouloir rendre quelques services à une paroisse de la ville, pauvre, destituée et abandonnée de son pasteur, nommée la paroisse de Saint-Jean ; ce que par après lui-même fit. Ils obéirent donc à sa voix comme à celle de Dieu, voyant le grand besoin d'aide et d'assistance qu'avait cette Eglise ; et d'un autre coté, que Messieurs du vaisseau auxquels ils s'étaient offerts au commencement pour y aller résider, ne le jugèrent pas encore à propos. Un d'eux y disait tous les jours la messe ; et un autre, aux Hospitalières. Ils y confessèrent toutes les fêtes de Noël et pendant toute la messe de minuit. Monsieur de Fontaines, qui était arrivé en ladite ville le 18 dudit mois, y fit le catéchisme comme pareillement les uns et les autres, à la prison, afin de bien disposer toutes les personnes qui y étaient détenues à bien passer ces fêtes. Ils s'offrirent pareillement aux frères de la Charité pour les aider à servir les malades. Toutes les religions et communautés leur firent grand accueil et témoignèrent prendre part à leur douleur et affliction, dans la croyance que tout le monde avait de notre mort.

 

CHAPITRE IV. - DE NOTRE ARRIVÉE AU VAISSEAU

Monsieur Daveroult partit de La Rochelle avec le frère Patte et tout le bagage, le dernier jour de l'an, pour se rendre au vaisseau afin de bien commencer les prémices de l'an-

 

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née 1660. Ce qu’il fit par quelques confessions qu’il entendit, la messe qu'il célébra, la prédication et ensuite les vêpres qu'il chanta. Nous séjournâmes encore deux ou trois jours après lui en la ville pour mettre ordre au reste de nos petites affaires ; en suite de quoi nous partîmes avec la bénédiction de Monseigneur l'évêque dont nous nous étions munis, lequel nous envoya son aumônier qui nous apporta de sa part des corporaux, des purificatoires, des pales et trois grands flacons de saintes huiles que nous acceptâmes. Il demeura trois ou quatre heures avec nous, jusques à ce que nous fussions sur l'eau disant avoir cet ordre de Monseigneur, et que, n’eût été son infirmité, il y fut venu en personne tant ce bon prélat a d'estime pour vous et pour toute votre Compagnie. Il m'a fort prié de lui écrire de Saint-Laurent.

Nous arrivâmes donc audit vaisseau de la Maréchale le 3 janvier, Messieurs de Fontaines Feydin mes compagnons et moi, avec M Boutonnet et M Cordelet. Nous y fûmes fort bien reçus des officiers. La chambre des canonniers, dite Sainte-Barbe, nous fut donnée pour notre demeure, comme la plus commode pour nous. Ils nous firent aussi offre de la dunette et grande chambre du capitaine ; mais nous les remerciâmes tant de peur de les incommoder, que nous mêmes l'eussions été. Ils nous firent donc accommoder cinq lits de planches et cordages, avec un branle (3) et pour notre domestique le seul canonnier devant coucher à notre chambre.

Nous demeurâmes quinze jours à bord avant lever l'ancre, pendant quoi nous vîmes entre nous ce que nous aurions à faire, et fîmes pour ce sujet quelques conférences.

Monsieur de Fontaines alla, le premier dimanche de l'année, à l'île d'Aix dire la messe C'est un lieu où il n'y a point de prêtres. Ce sont messieurs de l'Oratoire qui en sont seigneurs, et ils y viennent seulement aux quatre bonnes fêtes de l'année. Elle est éloignée de La Rochelle de trois ou quatre lieues. Il n'y a que huit ou dix familles, que je visitai le jour des Rois, après avoir célébré en ce lieu la sainte messe. Ils sont passablement bien instruits des mystères de notre foi. Leur église est toute démolie ; il n’y a plus qu'une petite chapelle, sous la terre.

Pendant que j'étais en cette île on m'apporta nouvelles qu'il y avait un homme mort à notre bord. Je l'envoyai quérir et cependant fis faire une fosse au bas de la mer, et donnai ordre, comme il était déjà tard et qu'on ne voyait plus clair, de me venir avertir où j'étais logé, avec M Coulon, écuyer de Mon-

8. Branle, hamac de matelot.

 

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seigneur le duc de la Meilleraye ; mais je fus si malheureux que les matelots l'enterrèrent eux-mêmes sans m’en avertir

Le lendemain le frère Patte me vint trouver, qui m'apporta un paquet de lettres de votre part, par où j’appris la peine et tout ensemble la résignation de votre âme au bon plaisir de Dieu touchant notre mort, qu'on vous avait mandée pareillement le décès du bon Monsieur Perraud, pour lequel nous avons tous dit trois messes, comme aussi l'ordination que Sa Sainteté avait accordée à notre maison de Rome. Ce qui nous réjouit fort espérant que Dieu se voulait servir de la petite Compagnie pour réformer le clergé d'Italie, comme elle avait fait celui de France. Il m'apprit aussi que ce mort que j'avais envoyé quérir pour enterrer était le frère Ambroise. (9) Je l'avais visité dans le vaisseau comme malade et porté à se confesser mais ne l'avais point connu pour tel, quoiqu'il en eût fort la façon. Ce qui m'étonna.

L’on pourrait ici faire une petite réflexion sur le malheur de ceux qui se séparent de la Compagnie ; car ce pauvre garçon s’étant retiré de dessous les ailes de sa bonne mère sans sa permission, Dieu permit, quoique néanmoins il mourût muni de tous ses sacrements, qu'il fût le jouet et la risée de la plupart du vaisseau, qu'il fût tout nu et sans souliers et délaissé comme un misérable dont personne ne voulait avoir soin. L'on lui trouva après sa mort une croix, un chapelet et quatre écus blancs, que le capitaine donna au frère Patte pour nous les donner. Nous ne les acceptâmes point qu'à condition qu'ils seraient employés pour acheter quelques petits rafaîchissements pour les malades. Ce fut pourquoi nous priâmes le frère Patte d'aller à La Rochelle pour cet achat et pour voir si nous n'aurions point quelques-unes de vos lettres, et avons dit pour le pauvre défunt chacun trois messes.

Pendant le temps que le vaisseau fut à la rade il en mourut quatre ou cinq plus par la rigueur du froid, que par autre incommodité ; car je ne sais si depuis longtemps il s'en est vu un plus cuisant et qui ait davantage duré.

Je fis encore une visite au château de l'île d'Oléron, et ce pour tâcher d'amener avec nous un architecte que M Véron notre capitaine, m'avait fait espérer, pourvu que j'y fisse un tour en personne. Mais ce bon homme n'osa se résoudre à un si grand voyage. C’eût été un homme qui nous eût été fort

9. Ambroise Tumy, né à Argenteuil (Seine-et-Oise), reçu dans la congrégation de la Mission, comme frère coadjuteur, le 10 août 1644, à l'âge de vingt ans, admis aux vœux au mois de décembre de l'année 1652.

 

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nécessaire et si vous aviez la bonté de nous en envoyer un par les premiers vaisseaux, vous feriez un signalé plaisir à notre petit établissement, comme pareillement maçons, charpentiers, menuisiers, serruriers et scieurs d'ais. Je vous écrivis, Monsieur, plusieurs lettres de Saint-Jean-de-Luz, de Bordeaux, de Saintes, de La Rochelle, du bord sans pouvoir en recevoir des vôtres qui m’apprissent que vous les aviez reçues. Ce qui me causait à n'en point mentir quelque espèce de tristesse sachant la part que vous preniez à l'accident que tous tenaient nous être arrivé et ce d'autant plus que nous tenions l'ancre et mettions à la voile et par conséquent hors d'espérance d'en recevoir plus tôt que de deux ou trois ans. Adieu donc, notre très cher et très honoré Père. Nous vous demandons mes compagnons et moi votre bénédiction, puisque nous n'avons plus d'espérance de vous revoir qu'au ciel, et pour ainsi mieux voguer sur ce vaste et terrible élément.

 

CHAPITRE V. - DES CHOSES PLUS REMARQUABLES

DE NOTRE NAVIGATION

Le 18 janvier de l'année 1660 jour du saint dimanche et consacré à la Chaire de saint Pierre à Rome, nous appareillâmes pour le voyage de Madagascar, après avoir célébré la très sainte messe, et Dieu nous donna un temps très favorable, qui nous mena et fit arriver heureusement aux Canaries le jeudi 5 février.

Nous mouillâmes l'ancre dans la rade de Sainte-Croix, proche l'île de Ténériffe. Nous fûmes visités de plusieurs Espagnols qui nous témoignèrent une grande joie de la paix entre les deux couronnes. Messieurs les capitaines ayant ouvert, quelques jours auparavant, l'ordre de Monseigneur le duc de La Meilleraye touchant ce qu'ils auraient à faire, tant durant leur route, qu'en Madagascar, y trouvèrent que mondit seigneur désirait qu'ils ne fissent ni entreprissent rien d'importance sans me le communiquer. Ils m'avertirent donc de sa volonté et me firent lire tout ce qui était contenu dans ledit ordre. Ce fut pourquoi ils jugèrent à propos que j'allasse saluer le gouverneur et l'assurer de la paix entre les deux rois. Il nous reçut avec beaucoup d'accueil, et pendant que j'étais avec lui, le généralissime de toutes les îles lui écrivît, par un serviteur qu'il lui avait envoyé pour l'avertir de notre arrivée, qu'il nous fit donner tout ce dont nous aurions besoin pour le vaisseau, et qu'il se rendrait dans peu au fort. Je n'en étais pas plutôt sorti qu'il y entra. Ce qui m'obligea à lui venir faire

 

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la révérence. Il nous reçut, M. Daveroult et moi, avec témoignage de grande cordialité C'est un seigneur et vieillard vénérable et de grande piété. Nous l'entretînmes environ une demi-heure ou trois quarts d'heure partie en langue française, partie en celle d'Espagne ; et il faisait paraître une si grande joie de l'union entre les deux monarques, qu’il commanda, à l'heure même, qu'on lui fit apprêter une chaloupe pour aller à notre bord le témoigner aux capitaines. Je le suppliai très humblement de vouloir différer au lendemain, étant âgé et incommodé comme il était, ne venant que de descendre de cheval, et la nuit s'approchant, que tout cela pourrait incommoder sa santé ; ce que tous ceux qui étaient à l'entour de lui confirmèrent. Et quoique son âge me portât à tenir ce langage, je le faisais encore plus afin que messieurs les capitaines en fussent avertis et eussent du temps pour le recevoir selon ses mérites. Il ne manqua pas le lendemain de grand matin de venir à bord ; et la première chose qu'il demanda, ce fut la messe. Il fit grand accueil aux officiers. Il ne voulut point dîner, s'excusant sur son infirmité, se contentant seulement d'une goutte d'eau-de-vie. Sa venue à notre vaisseau étonna tous les Espagnols et tous les autres vaisseaux étrangers qui étaient en la même rade, en ce qu'il n'a pas encore fait cet honneur à autre qu'au nôtre.

Je vous écrivis, Monsieur, de cette île par un marchand de Saint-Malo comme je fis aussi à Monseigneur le duc, qui m'en avait prié.

Il y a un puy (10), en ces îles, très considérable pour sa hauteur ; l'on tient que c'est une des montagnes des plus hautes du monde et qu'on voit de trente lieues par un côté Pour moi je la vis de 15 ou 16 lieues.

Le samedi, après avoir offert le très auguste sacrifice de la messe pour qu'il plût au Père éternel nous donner un temps favorable, nous levâmes l'ancre sur les 5 heures du matin, 7e février et appareillâmes de ladite rade de Sainte-Croix pour faire notre course vers les îles du Cap-Vert. Et en chemin faisant le temps étant devenu calme trois ou quatre jours, nous pêchâmes, à 58 brasses d'eau, des parques, qui est un fort bon poisson.

Le mercredi 18 février nous doublâmes le Cap-Vert, sur les 4 heures du soir, et mouillâmes l'ancre à vingt-deux brasses dans la grande baie, au dedans dudit cap, au sus d'une petite île que les Flamands habitent.

Nous vîmes le même soir quatre navires hollandais mouiller proche ladite île qui dès le lendemain sur les 9 heures du

10. Puy, montagne.

 

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matin, nous sont venus reconnaître (il avait deux flottes), dont l'un avait le pavillon au grand mât, qui pouvait avoir dix-huit pièces de canon ; un autre, douze ; et les deux autres, de huit à six pièces de canons, bâtis en frégate, étant proche notre bord. Ils sont arrivés sous le vent de nord et nous ont fait commandement de porter notre commission à leur bord ; ce qui leur fut refusé, et commandé de venir eux-mêmes à bord. Ce qu'ils n'ont voulu faire. Et ainsi nous nous séparâmes pour tâcher de gagner la rade de Rufisque pour faire notre eau.

Le lendemain vendredi, 20 dudit mois, notre chaloupe a été envoyée avec M. Guelton à bord à l'île où sont les Flamands, pour savoir du gouverneur la résolution des quatre vaisseaux, qui a répondu qu'il n’avait fait cela que pour se tenir en sûreté, attendu que, sous le pavillon français, M. Duyquesne les avait pillés. Ledit gouverneur fit beaucoup de civilités audit sieur Guelton. Les deux forts nous saluèrent de huit ou dix coups de canon. Les quatre vaisseaux et nous leur rendîmes. Ledit jour sur les 4 heures du soir nous mouillâmes l'ancre dans la rade de Rufisque, à huit brasses d'eau, sable au fond.

 

CHAPITRE VI. - DU CAP-VERT ET DE SES HABITANTS

Rufisque est une terre ferme, à deux lieues du cap. La situation du lieu est assez agréable. C'est un plat pays rempli de quantité de bois toujours verts, qui s'étendent fort loin. Il y a bien six ou sept mille personnes qui y habitent. Leurs maisons sont cases couvertes de jonc. Ils sont tout noirs et tout nus. Leur religion est conforme pour la plupart à celle de Mahomet. Leur emploi est de faire de la toile de coton, d'aller à la pêche dans de petits canaux, faits de troncs d'arbres, et de chasser avec des flèches et des dards. L'eau y est fort saumâtre et l'on n'y en trouve point de douce qu'à une ou deux lieues avant dans la terre. Les volailles, le gibier, les cabris, les vaches et les chevaux y sont en assez grande quantité. Le mil et le riz, dont ils font leur pain, n'y est pas si commun. Leur boisson est du vin de palme, lequel, étant frais, est assez agréable au goût.

Il y a un roi dans le pays, qui fait sa demeure à quelques lieues du cap, qui est fort puissant et a toujours trois ou quatre mille chevaux chez lui. Il aime fort les blancs, je veux dire les étrangers, et ne permet pas qu'on leur fasse du mal, ni aucun tort.

Les Dieppois y viennent souvent et sont leurs bons amis.

 

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Il y arriva même une barque pendant que nous y étions. Ce qui me donna occasion de vous écrire par leur moyen.

Les Portugais avaient grand commerce dans le pays les années passées mais maintenant les Hollandais et Flamands occupent la plupart de leurs forts. Tellement que dans Rufisque où ils étaient plusieurs, ils ne sont plus maintenant que dix ou douze et sans prêtre depuis deux ans. Ils nous firent prier de leur aller dire la sainte messe.

Le lendemain donc nous fûmes mouiller. M. Feydin et moi y allâmes pour dire la messe. La mer était grosse et porta notre chaloupe sur une roche, qui devait être le lieu de notre sépulture si Dieu, par une vague, ne nous en eût rejetés et, par ce moyen préservés. Mettant le pied à terre, je fléchis les genoux pour supplier la bonté de Dieu qu’il eût pitié de ces pauvres âmes et qu’il ne permit pas qu'elles se perdissent. Ensuite nous allâmes avec notre capitaine saluer le gouverneur du lieu. Après quoi, nous fûmes chez les portugais, où nous célébrâmes le très saint sacrifice de la messe et y fîmes un seau d'eau bénite. Ils nous exposèrent leurs misères et nous prièrent, pendant que nous serions en rade, de venir tous les jours dire la messe en leur chapelle, assez propre, mais sans ornements sacerdotaux, et de les ouïr en confession. Et y faisant quelque difficulté, ils nous apportèrent tant de raisons et en témoignèrent un si grand désir, que nous eussions cru être coupables et en devoir répondre devant Dieu, si nous n'eussions acquiescé à leur sainte demande. Nous dînâmes tous chez eux.

Après quoi, mon compagnon et moi allâmes dans les bois pour nous entretenir et dire notre office. Une troupe d'enfants nous ayant entourés, je leur montrai notre crucifix et le portrait de la très sainte et immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, qu'ils admirèrent et baisèrent tous. Je leur imprimai même avec un crayon rouge une croix sur la poitrine, et ils en témoignèrent une grande joie. Ils croient un seul Dieu, un paradis, un enfer, et font forte estime de Jésus-Christ qu'ils tiennent pour un grand prophète ; mais, pour la Vierge sa Mère, ils n'en font pas aucune mention. Ils eussent été bien contents de s'en venir avec nous, pourvu que nous eussions été en France. La plupart parlent passablement français, à cause des Dieppois, qui y viennent souvent.

Etant arrivés le soir, à notre bord, nous conférâmes entre nous ce que nous aurions à faire pendant tout le temps que nous serions en ce lieu, et il fut trouvé à propos que M. Daveroult, qui entendait le portugais, irait tous les jours, avec un de nous, pour y célébrer et y faire matin et soir quelque instruction en langue portugaise, comme pareillement y en-

 

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tendre les confessions qui furent pendant cinq ou six jours, qu'il y alla depuis le matin jusqu'au soir au nombre de trente-neuf ou quarante. Car, encore bien que j'aie dit qu'ils ne soient que dix ou douze dans le lieu, il ne laisse pourtant pas d'y en avoir d'habitués à quatre ou cinq lieues de là. Et puis ils ont des métairies, où ils ont des esclaves, qu'ils ont convertis à notre foi.

Le jour de saint Mathias, ledit sieur Daveroult assisté du sieur Feydin y baptisa solennellement deux enfants et le lendemain quatre autres sans cérémonies, pour n'en avoir pas été avertis, et ne devant plus retourner à terre. Ce fut certes, Monsieur et très cher Père, à vos enfants une grande joie dans un pays barbare d'engendrer des enfants à Notre-Seigneur Jésus-Christ et de réconcilier ceux qui s'en étaient séparés par le péché.

Une seule chose nous faisait peine : de les laisser sans aide et assistance. Oh ! plût à Dieu que votre charité voulût obtenir de Sa Sainteté une Mission pour ce pays ; les ouvriers auraient bien une belle moisson, tant pour la quantité des habitants qui s'y trouvent, que pour l'amour et l'affection qu'a le roi pour les Français ! Et puis ce serait un entrepôt fort agréable pour les missionnaires qui iraient en Madagascar. Ah ! je ne puis, à cette heure que je vous trace ces lignes, que je ne m'écrie aussi bien que le grand saint François Xavier, apôtre de notre siècle, contre ces docteurs qui ont plus de capacité que de charité, et de science que de conscience, de laisser perdre tous les jours, par leur pure faute, tant d'âmes, qui se sauveraient, s'ils les venaient secourir.

Le 28 de février, jour du saint dimanche, nous levâmes l'ancre, après avoir dit la messe, pour aller trouver la ligne.

Le jour de saint Joseph, un de nos matelots tomba en mer ; mais, soit par les intercessions de ce grand saint, ou pour avoir fait peu de jours auparavant ses dévotions, Dieu le sauva et préserva des ondes de cet élément.

Le 22 du mois de mars, nous passâmes la ligne équinoxiale à midi et chantâmes le Te Deum en actions de grâces. La chaleur n'y est pas si excessive que j'aurais cru et que les anciens la décrivent. Elle ne nous a point incommodés, quoiqu'en carême ; et je vous avoue que je la supporterais bien plus facilement que celle de France au mois d'août, quoique nous eussions le soleil à pic sur nos têtes.

Le 3 d'avril M Feydin un de nos chers compagnons, tomba malade d'une fièvre continue et d'un flux de ventre, qui le mirent en danger de mort. Il en fut cinq ou six semaines assez incommodé ; mais maintenant, par la grâce de Dieu, il se porte assez bien sauf quelquefois son estomac qui lui fait mal.

 

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Le 7e du même mois, Dieu nous fit la grâce de passer les Ouvre logues, ou ouvrez les yeux; ce sont certains dangers (11) qui s'étendent sur plus de quarante lieues en mer, en la côte du Brésil ; et quand on ne les peut doubler, on est obligé et contraint de s'en retourner en son pays, ou d'aller hiverner au Brésil. Ce qui nous obligea, en actions de grâces, de chanter encore le Te Deum.

Le vendredi 7 de mai nous rencontrâmes au point du jour, deux navires hollandais qui venaient du cap de Bonne-Espérance. Nous pouvions en être à quelques trente lieues sud-est et nord-ouest ; et vîmes le même jour sur les 7 heures du matin, terre à quelques huit ou dix lieues au nord de la baie de Saldaigne. La nuit nous ayant pris nous ne pûmes avoir connaissance de Saldaigne ; ce qui nous obligea de rebander à la mer le cap à ouest. Mais, sur les 7 ou 8 heures du soir, le vent étant venu à ouest et ouest-sud-ouest, très mauvais temps pour n'être qu'à trois ou quatre lieues de terre, nous courions risque d'aller à la côte et nous perdre. Mais Dieu nous préserva pour cette fois.

Nous fûmes occupés pendant toute cette nuit à confesser nos gens et à les encourager à espérer en la miséricorde de Dieu, dans l'attente à tout moment, de la mort, quoique je crusse pourtant que Dieu nous préserverait, ne sentant en moi-même aucune crainte, et m'estimais heureux de mourir, faisant la fonction d’un bon soldat l'épée au poing, je veux dire confessant nos ouailles. Et je n'eusse jamais cru encore une fois qu'une âme aux abois de la mort et chargée de crimes comme la mienne, eût possédé une paix et tranquillité si grande, et eût une telle confiance en Dieu. Il n'y a que ceux qui l'ont expérimenté qui le puissent croire et se le persuader. C'est pourquoi les serviteurs de Dieu ne doivent point appréhender de passer les mers pour secourir leurs frères, quelques peines et dangers qu'il y ait.

Le samedi 8 dudit mois n'étant qu'à quatre ou cinq lieues de terre et ne nous en pouvant éloigner nous fûmes contraints de donner dans la Table Bay, sur les 7 à 8 heures du soir ; ne pouvant nous exempter d'aller à la côte nous mouillâmes l’ancre à dix ou onze brasses, fort proche de terre.

Le dimanche, nous eûmes un fort mauvais temps et continuant le lundi, nous fûmes contraints, pour éviter la côte, de filer par le bout un de nos cables pour aller mouiller vers le port de Messieurs les Hollandais.

Le lundi d'après le dimanche de la Pentecôte, le gouverneur nous reçut avec magnificence en son fort.

11. Des récifs.

 

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Le mardi, le temps devint fort fâcheux, et pour comble de malheur, en mouillant une seconde ancre, notre cable fut coupé. On croit que ç'a été par un autre laissé en rade. Nous en remouillâmes en même temps une autre en sa place. Mais, ce vent augmentant au lieu de diminuer, notre maître ancre fut cassée et le cable de l'autre rompu. Ce qui nous porta à la côte environ les 8 heures du matin du mercredi 19 dudit mois de mai. Durant toute la nuit, nous confessâmes nos gens, qui n’attendaient que la mort. Mais le jour étant venu, nous nous vîmes avoir été préservés, par la providence de Dieu, des rochers, non guère éloignés de nous; et la mer était si grande qu'il n’y eut que quatre ou cinq personnes qui purent se sauver à la nage cette journée-là. M. le gouverneur nous ayant envoyé une chaloupe sur un chariot, car notre vaisseau avait perdu la sienne, nous ne pûmes la mettre en mer, à cause de l'impétuosité et furie de cet élément. Nous nous embarquâmes donc, M. le capitaine Véron et moi non sans danger, car notre chaloupe d'un coup de mer fut pleine d'eau. Ce qui faisait appréhender au capitaine qu'elle ne se mit en morceaux, car elle était déjà crevée. Mais Dieu nous conserva encore pour cette fois et, grâce à lui nous n'eûmes autre mal que la peur et fûmes un peu mouillés.

 

CHAPITRE VII. - DE NOTRE EMPLOI DANS LE VAISSEAU.

Je ne doute point, Monsieur, que vous ne souhaitiez de nous, avant de m'engager à vous déduire ce que nous avons fait en cette terre de Bonne-Espérance et comme quoi nous nous sommes comportés, quelle a été notre occupation et emploi dans le vaisseau pendant quatre mois entiers que nous y avons été. C'est pourquoi je vous le déduirai ici tout simplement.

Depuis notre embarquement jusques à notre abord au cap de Bonne-Espérance, nous avons célébré toutes les fêtes et dimanches, hors trois ou quatre fois, que le temps ne l'a pas permis, et un jour ou deux de la semaine, et ce dans la chambre du capitaine, quoique huguenot, qui n'a jamais empêché ni contredit à nos dévotions, nous laissant la chambre libre. Un seul de nous se contentait de dire la messe ; les autres y communiaient revêtus de surplis et étoles ; et ce chacun à son tour.

Tous les dimanches nous faisions l'eau bénite et prêchions à deux heures les pièces de mission ; après quoi nous disions vêpres et complies en plain-chant, comme à Richelieu, revêtus du surplis et des bonnets carrés. Ce que nous avons observé pendant toute notre navigation, comme aussi toutes les fêtes.

 

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Nous faisions soir et matin les prières publiques en la manière que notre congrégation observe dans nos missions.

Nous fîmes la bénédiction des cierges le jour de la Purification de le Bienheureuse Vierge Marie et donnâmes à tous les principaux officiers des cierges.

Le jour des Cendres nous fîmes le cérémonie accoutumée et en donnâmes à tous les catholiques, leur ayant fait le veille un petit discours pour se disposer à les bien recevoir et à bien passer ce saint temps de carême, que, par la grâce de Dieu, nous avons observé comme en nos maisons, nonobstant qu'on mange de la viande le dimanche, le lundi, mardi et le jeudi, à cause du chaud, des maladies et autres incommodités de la mer. Ce qui fut cause que nous leur donnâmes permission d'en manger, hors le mercredi, vendredi et samedi.

Le dimanche de Pâques fleuries nous distribuâmes des rameaux à tous ceux de notre religion, en ayant pour ce fait provision eu Cap-Vert, en le manière qu'on les donne à Saint-Lazare, et prêché l'après-dînée du jugement général, les ayant entretenus, la veille, de l'obligation qu’ils avaient tous à se confesser et communier durant cette quinzaine, et de le manière de le bien faire.

Le jeudi absolu (12), nous chantâmes une grand' messe sur la dunette, qui était bien parée pour un vaisseau, ayant fait un petit reposoir de la chambre du capitaine pour y mettre Notre-Seigneur jusques au lendemain, et nous le portâmes, après que la messe fut achevée, en la façon accoutumée. Ensuite nous fîmes la dénudation des autels, le lavement des pieds ; et l'après-dînée nous chantâmes ténèbres, où tout la plupart du monde assista. Ce que nous fîmes aussi le mercredi et vendredi, et de deux en deux heures, nous assistions devant le Saint Sacrement en surplis avec quelqu'un de nos catholiques.

Le vendredi saint, je prêchai le passion à 6 heures jusques à 7 heures et demie du matin ; après quoi nous commençâmes le service à l'ordinaire M. Feydin chantant la passion. L'adoration de le croix ayant été faite de tout le monde, nous allâmes requérir Notre-Seigneur et achevâmes le service, à cause du mauvais temps.

Le jour de Pâques nous célébrâmes tous la messe avec le plus grande solennité qu'il nous fut possible, où la plus grande partie de nos ouailles communièrent à la grand'messe, leur ayant fait, avant de leur donner Notre-Seigneur, la pièce de la communion qu'on fait en nos missions, où Dieu donna bénédiction, les yeux répondant plutôt que leurs voix aux interrogations que je leur faisais, et même les principaux et

12. Jeudi absolu, jeudi saint.

 

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ceux que je n’eusse pas cru. L'après-dînée je leur parlai du mystère et ensuite nous chantâmes vêpres.

M. de Fontaines et Feydin ont fait trois fois la semaine pendant le carême le catéchisme alternativement ,et tous même ont fait des exhortations l'un après l'autre.

M. de Fontaines assemblait tous les jours les jeunes gens et récitait avec eux un jour le chapelet, et l'autre suivant les sept psaumes, et le soir les entretenait souvent de ce qu'on leur avait enseigné au catéchisme, et autres instructions.

Tout notre troupeau, qui était composé d’environ cent-huit ou dix catholiques, fit son devoir à Pâques, hors trois ou quatre, le reste étant de la religion, au nombre de trente-six ou quarante, dont quelques-uns venaient au service divin et assistaient à nos petits entretiens, sans que pourtant il s'en soit converti aucun.

Notre emploi de le journée était à peu près réglé comme dans nos maisons, excepté qu'il fallait s'accommoder au temps, aux lieux et aux personnes.

Après l'oraison mentale et l'office divin, nous récitions l'Itinéraire, afin qu'il plût à Dieu nous donner heureuse navigation. Ensuite chacun faisait la lecture de son Nouveau Testament et puis vaquait à l'étude qui lui était plus nécessaire. Entre une et deux, l'après-dînée, nous lisions tous ensemble les épîtres de saint François-Xavier pour tâcher de nous mouler sur lui, l'ayant reçu de vous pour patron et modèle. Les vendredis mêmes, nous n'avons point omis ce qui se pratique dès le matin en toutes nos maisons, nous enfermant pour cet effet dans le petite chambre de M. Kerkediou, capitaine, et immédiatement après cette action, nous commencions notre conférence, qui était tantôt sur les cinq vertus qui composent l'esprit de la Mission, tantôt sur nos règles et sur nos besoins et sur ceux du vaisseau pour y remédier.

Nous avons peu fait de répétitions, le lieu ne le pouvant pas bien permettre.

Nous avons soin l'un après l'autre des malades, chacun sa semaine, qu’on visitait deux fois le jour, leur portant de l'eau bénite.

Nous fîmes des conférences extraordinaires sur les sacrements, et, en celle de la visite des malades, nous résolûmes qu'aucun de nous prêtres ne porterait plus aux malades quelque chose à manger, ni leur donnerait conseil de se faire saigner, ni manierait leur pouls, mais laisserait tout ce soin (pour suivre de point en point le manuel) au frère Patte, qui les visiterait aussi deux fois le jour et nous donnerait avis de ceux qui seraient incommodés, et avait ordre de leur dire que, s'ils désiraient avoir quelque soulagement en leur mal ils eussent à se confesser avant qu’il appliquât ses remèdes, afin

 

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que Dieu y donnât sa bénédiction. Ce que la plupart faisaient. Et ce bon frère s'acquittait si bien de sa charge qu'il était aimé de tous, tant des grands que des petits, des huguenots, que des catholiques ; et je ne doute point que Dieu ne l'ait envoyé dans ce vaisseau pour le bien et soulagement de tous, tant que nous étions, n'y ayant dans le bord qu'un jeune apprenti (13), et encore fut-il une bonne espace de temps (14) assez malade.

Vous pouvez donc juger de là, Monsieur, quels pouvaient être ses travaux, tant pour avoir soin de nous que pour avoir été presque toujours, durant notre navigation occupé à l'entour de vingt à vingt-cinq malades, sans qu'il en soit mort aucun. Et je crois que cette faveur, assez extraordinaire pour des voyages de longue course, lui a été accordée de Dieu pour récompense du grand soin et charité qu'il a eu vers eux, comme aussi une très bonne et parfaite santé dont il a toujours joui.

Il semblait, Monsieur, qu'après tant de grâces et de faveurs que Dieu nous avait faites durant tout le cours de notre navigation (qui peut être estimée jusques au cap de Bonne-Espérance une des plus heureuses qui ait jamais été, sauf la mort d'un seul homme, sans aucun mauvais temps, sans fâcheuse rencontre, sans division, mais avec une union assez grande et une discipline assez régulière, comme vous l'avez pu voir ci-dessus) nous devions surgir à bon port et arriver heureusement à cette île fortunée de Saint-Laurent. Mais Dieu n'a pas voulu que ce fût encore pour cette heure. Son saint nom en soit béni et glorifié à jamais !

 

CHAPITRE VIII. - DE NOTRE OCCUPATION PENDANT TOUT LE TEMPS QUE NOUS AVONS ÉTÉ EN LA TABLE BAY, AU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE.

Après avoir tracé en bref quels furent nos emplois dans le vaisseau de la Maréchale, j’ai cru être obligé de vous rendre aussi compte des dix ou douze mois que nous avons passés au cap de Bonne-Espérance.

Vous saurez donc, Monsieur, qu'étant arrivés, un jeudi 20 du mois de mai, à terre, M Daveroult et moi un peu mouillés, je m'en allai incontinent avec Messieurs Véron et Guelton, chez M. le gouverneur, le sieur Daveroult étant demeuré au rivage pour avoir soin de ceux qui étaient à terre et qui se sauvaient

13. Apprentif, apprenti.

14. Autrefois le mot espace pouvait s'employer au féminin.

 

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à la nage dont deux ou trois moururent, pour être pris d'eau-de-vie, afin qu'il eut agréable de nous secourir en notre malheur et nous donner conseil de ce que nous ferions Nous y dînâmes et reçûmes de lui toutes les civilités possibles. Ce qu'il a continué toujours en notre endroit, quoique de différente religion, je ne dirai pas comme d’un ami envers son ami, mais comme d'un frère envers ses frères, mais même comme d'un père envers ses enfants et surtout Madame sa femme, comme vous le pourrez connaître par la suite, qui, hors sa religion, est une des plus sages femmes que j’aie jamais vues. Aussi est-elle aimée de tout le monde. Je n'ai jamais remarqué en elle la moindre passion, quoique je l'aie souvent fréquentée. Quelque affaire, quelque occupation qu'elle eût, elle se possédait si fort qu'il semblait qu'elle n'agissait pas, voire même dans quelques disputes que j'ai eues avec elle, pour être fille du ministre de Rotterdam, et assez versée dans l'Ecriture. Elle n'est point opiniâtre ce qui est assez rare ; et je crois qu'il ne serait guère difficile de la convertir, si elle était veuve. Je suis confus lorsque j'écris ceci d'une huguenote, étant si rempli de passions, quoique prêtre et faisant la fonction d'apôtre qu'au lieu d'éclairer et servir aux autres, je leur suis une pierre d'achoppement et de scandale.

Messieurs de Fontaines et Feydin étant venus l'après-dînée, à terre, nous nous logeâmes proche du fort où nous demeurâmes quinze jours seulement, tant pour avoir affaire à une hôtesse assez difficile, que pource qu'il nous fallait trouver tous les mois deux cent vingt livres, sans d'autres petits frais imprévus, quoique mal nourris et encore plus mal logés. Jugez quelle pouvait être ma peine d'avoir sept personnes sur les bras et de n'avoir point d'argent, d'être en un bout du monde, en un lieu inconnu et parmi des païens et hérétiques. Certes elle n'eût pas été petite, si Dieu ne nous eût secourus ; aussi était-ce toute ma confiance. Joignez-y encore les occupations que j'ai eues dans le premier mois, qui étaient : 1° de satisfaire à notre petite famille où en un tel rencontre, il n'y a pas peu d'affaires ; 2° à Messieurs les capitaines et à cent quarante personnes de leur équipage, tant pour les consoler, que pour établir la paix entre eux ; car il est fort difficile en une telle occasion, qu'il n'y ait division, tant entre les officiers qu'entre le reste de l'équipage ; 3° à M. le gouverneur, où il me fallait presque tous les jours aller, ne faisant rien avec Messieurs les capitaines qu'en ma présence, ni Messieurs les capitaines ne résolvant rien sans me l'avoir communiqué, M. le duc de La Meilleraye le leur ayant commandé par écrit dans leur ordre.

Le frère Patte, que nous avions laissé dans le vaisseau pour

 

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avoir soin de nos hardes jusques à ce que nous lui eussions envoyé un bateau pour les amener à terre, y arriva le 24 dudit mois avec tous nos ballots. Noyant donc nos personnes et nos meubles en sûreté, je me mis en peine de chercher quelque maison, où nous puissions nous-mêmes faire notre petit ménage et vivre de la même manière que nous faisons en nos maisons. Dieu favorisa merveilleusement notre dessein, et toute la batterie de cuisine que nous avions apportée de Nantes, les petits plats, les écuelles, les chopines et les autres choses nécessaires dont nous nous étions munis pour composer notre petite communauté à Madagascar, nous y servirent beaucoup. C'est pourquoi, ayant trouvé dans une métairie habitée par des catholiques romains, éloignée du fort d'une bonne lieue, deux chambres, une cuisine et un grenier, avec notre fourniture de bois et un plat de poissons les jours qu'il pêcherait, et ce moyennant vingt livres par chacun mois, je le proposai à la compagnie, qui en fut fort contente.

Mais, comme il nous fallait une permission de M. le gouverneur, je lui en fis une très humble supplication à laquelle d'abord il sembla être contraire, tant pour être sur la défiance que nous ne puissions faire quelque complot avec tous les officiers et soldats du vaisseau, qui étaient campés à la moitié du chemin, que pour l'appréhension qu'il avait que ces soldats, qui sont presque la moitié catholiques, ne vinssent à la messe, de quoi leur Compagnie est fort jalouse, y ayant défense expresse, et ne fissent quelque révolte contre lui. Mais comme je ne cessais de le presser sur ce point lui représentant même que notre hôtesse nous avait donné notre congé et que nous serions contraints de coucher dehors, qu'au surplus nous lui donnions notre parole que nous ne ferions quoi que ce soit qui lui put porter préjudice envers la Compagnie, là-dessus il m'accorda ma demande, mais à condition que nous ferions nos prières la porte fermée sur nous, et que nous ne l'ouvririons point, ni à ses soldats ni aux nôtres et que j'eusse à lui donner ma parole. Ce que je ne voulus faire, lui disant que j'étais pasteur de tous les gens de la Maréchale, et qu'ainsi tous ceux qui viendraient seraient les bienvenus, et que j'offenserais Dieu si j'agissais autrement, et non seulement eux, mais aussi les siens, soit qu'ils y vinssent pour entendre la messe, soit pour qu'on leur administrât les sacrements.

De cette réponse il témoigna n'être pas content, de sorte que l'interprète M. Guelton me pria d'acquiescer à sa demande, qui était ce lui semblait raisonnable pour être sous une Compagnie qui avait en horreur les prêtres, et que faisant autrement, je les mettrais tous en danger d'être mal traités avec nous.."N'importe, dis-je, dites à M. le gouverneur que je ne

 

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saurais lui accorder ce qu'il désire en cela de moi, que j'en répondrais à Dieu, que je suis content de mourir pour le salut des âmes, que ce me sera une gloire tout à fait grande d’imiter en cela le Fils de Dieu, qui n’a point dédaigné verser jusques à la dernière goutte de son sang pour elles, et qu'aussi bien c'est la fin qui m'a fait quitter ma patrie, mes parents et le peu de bien que Dieu m'avait donné. Enfin dites-lui que, s'il n'a pas agréable que nous demeurions sur ses terres, quoique ses alliés, que nous nous en irons à la garde et conduite de Dieu." Ce que je ne lui dis pas seulement une fois, mais trois ou quatre, étant intérieurement disposé à tout ce qu'il plairait à Dieu nous arriver.

Et comme il vit ma résolution, il commençait à s'adoucir et enfin à m'accorder la maison que je lui demandais, sans exiger de moi aucune chose qui m'empêchât d'administrer les sacrements à ceux qui les souhaiteraient, et me dit seulement qu'il empêcherait que les catholiques ne nous vinssent voir Et pour cet effet tous les dimanches pendant six ou sept mois, il nous a envoyé en cette maison un garde pour empêcher les soldats catholiques d'y venir, et a fait même donner le morion (15) à deux, pour avoir entendu la messe. Ce qui toutefois n'a pas empêché que nous n’en ayons confessé et communié quelques-uns, le garde le permettant, et étant assez savant lui-même de notre religion. Voire même M le gouverneur nous fit dire plusieurs fois et lui-même aussi en présence de bien du monde, que nous eussions à nous donner sur nos gardes, que le fiscal ferait soigneusement la visite et que, s'il nous trouvait disant la messe, qu'il confisquerait tout ce que nous aurions, et que, s'il lui demandait main forte, il ne lui pourrait pas refuser. Mais nous avons appris depuis que tout cela n’était qu'une pure politique et que M. le gouverneur ne faisait cela qu'afin que ses ministres n'eussent rien à lui reprocher.

Lui-même n'en est pas disconvenu, m’ayant dit souvent que la religion devait être libre. Aussi, quand il nous faisait l'honneur de nous visiter, outre le temps propre qu'il prenait, quand nos messes étaient dites, il envoyait toujours devant savoir sil ne nous incommoderait point. Et nous le recevions dans le lieu où nous célébrions la messe, n'en ayant point de plus propre, qui était orné d’un grand crucifix de six à sept pieds que Madame la duchesse d’Aiguillon nous avait donné, lequel était trouvé de Madame la gouvernante bien dévot et bien fait. Ce qui l'obligea de dire à son mari ainsi qu'on m'a rapporté, qu'elle n'avait jamais vu de peinture plus belle et plus touchante, entre autres la Madeleine aux pieds de la croix.

15. Donner le morion, donner une correction.

 

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Le quatrième jour de juin, nous délogeâmes d'auprès du fort, et nous arrivâmes à notre métairie, où nous commençâmes à vivre un peu plus en repos, et en la façon que nous faisions en nos maisons de France, non pas, à la vérité, pour mon égard, car il me fallait être presque tous les jours au fort, à la tente de nos officiers, pendant presque tout le mois de juin, pour les affaires de M. le Maréchal, y ayant tous les jours des nouvelles propositions de part et d'autre par écrit, auxquelles il fallait satisfaire, touchant le vaisseau, ses agrès, ses victuailles, ses armes et cent quarante hommes campés sur le bord de la mer. Et comme nous étions occupés pour le droit de Monseigneur le Maréchal, il arriva, environ le huit juin, deux grands vaisseaux de Hollande, qui me donnèrent espérance d'être bientôt quitte d'un tel tracas et embarras.

Monsieur et Madame la gouvernante, chez lesquels j'avais mangé deux ou trois fois la semaine pendant un mois, à cause de nos affaires avec Messieurs les capitaines, me témoignèrent qu'ils nous voulaient venir voir dans notre nouvelle demeure, et sachant le désir qu'ils avaient que nous leur donnassions à manger à la française, je leur fis offre d'une petite portion ; ce qu'ils acceptèrent, et nous les reçûmes, avec toute leur suite, dans une grange et les traitâmes, à notre manière de vivre de France, de venaison et chasse du pays, dont ils furent fort contents ; et nous témoignèrent du depuis beaucoup plus d'amitié. Aussi entre les raisons qui me portèrent à cela et me firent passer par-dessus la répugnance que j'en avais, pour n'être pas la coutume de la Mission, ni celle de ceux qui professent la vie apostolique, comme nous faisons, c'en fut une ; d’autant qu'on ne leur saurait faire plus grand honneur que de leur donner à manger, et manger chez eux ; et ayant à demeurer sur leurs terres beaucoup de temps, nous avions besoin de nous concilier leur amitié, afin qu'ils ne nous empêchassent point nos exercices, qu'ils nous donnassent les choses nécessaires à la vie, en payant, qu'ils fissent ce qui se pourrait pour la perte du vaisseau de Monseigneur le duc, pour ses officiers et son équipage.

Mais la principale raison fut afin qu'il nous fit passer à Madagascar par quelque vaisseau de sa Compagnie, ou par celui qu'on lui envoyait pour s'en servir où bon lui semblerait, lui promettant de lui donner ce qu'il jugerait à propos. Et je vous avoue franchement que, hors l'offense de Dieu, il n'y avait rien que je n'eusse fait et que je ne fisse encore pour aller secourir mon très cher frère et supérieur M. Bourdaise ; joint que le grand apôtre de notre siècle, saint François Xavier, m'en a laissé un exemple, appuyé sur les paroles de saint Paul, qu'il se faisait tout à tous pour les gagner tous à Notre-

 

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Seigneur Jésus-Christ (16) ; car, ne pouvant avoir entrée vers un roi japonais, pour être mal vêtu et sans suite, il se revêtit des plus beaux habits du pays et se fit suivre des Portugais, et par ce moyen il parla au roi, le convertit, si je ne me trompe, et obtint de lui ce qu'il voulut.

Les capitaines des vaisseaux hollandais, qui avaient accompagné M le gouverneur, nous prièrent d’aller à leur bord, tant pour voir et signer les articles qui avaient été accordés avec les officiers de la Maréchale et M le gouverneur, que pour faire une visite dans le même vaisseau de la Maréchale, avec des charpentiers experts, pour voir, avant de donner congé à tout l'équipage, s'il n'y avait point moyen de sauver ledit vaisseau, et aussi nous témoigner tout ce qu'ils pourraient faire pour notre service.

Quant au premier chef, touchant la signature des articles, auxquels M. le gouverneur et les officiers me pressaient de signer, j'ai refusé, quelque instance qu'on me fit, et ne le voulus point faire, non qu'il y eût quelque chose contraire à M. le maréchal, mais seulement pource qu’il y avait que nous ne faisions aucune fonction de prêtre dans le pays.

Pour le deuxième chef, le vaisseau fut trouvé si endommagé qu'ils dirent qu'il était impossible de le sauver, la quille étant rompue et une partie des courbes ayant manqué; en sorte qu'il est fort penchant du côté de babord, outre qu'il est très enfoncé dans le sable.

Et au regard du troisième, ils nous reçurent avec toutes les civilités possibles, l'artillerie jouant son jeu ; car il fut tiré cent cinquante coups de canons, sans parler de plusieurs autres fanfares et instruments, dont ils nous voulurent régaler, le capitaine du vaisseau où nous étions étant catholique romain, avec beaucoup de son équipage, quoique hollandais.

Après, avoir été douze ou treize jours à la rade, ils partirent pour Batavia et emmenèrent cent vingt-cinq de nos gens. Je pris pour lors l'occasion d'écrire à M. le généralissime de cette ville de Batavia, distante du cap de Bonne-Espérance de seize cents lieues, pour le prier très humblement de nous vouloir faire donner passage pour Madagascar, s'il était possible, ou du moins pour Hollande, en payant. L'on dit que c'est un savant personnage et qu'il est prêtre et a été jésuite, quoiqu’il soit maintenant marié. Pendant tout le temps qu'ils furent au port, M. le gouverneur nous manda souvent pour l'aller visiter et manger chez eux, nous envoyant pour ce son carrosse avec des cavaliers, nous renvoyant de même, quelques prières et supplications que je pusse faire pour l'en empêcher.

16. Première épître de saint Paul aux Corinthiens IX, 22.

 

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Il nous venait quelquefois prendre pour nous mener promener, et quand il nous rencontrait, il nous faisait mener dans son carrosse ; et pendant tout l'hiver, quand nous l'allions visiter ou qu'il nous envoyait quérir, il nous a toujours donné des soldats pour nous accompagner.

Il donna ordre à ses jardiniers de nous fournir d’herbages et légumes. Quand il y avait quelque chose de nouveau dans ses jardins, il nous en envoyait, comme melons, artichauts, asperges, pois, fèves, même des moutons, du veau, du poisson. Tant y a que je ne puis dire autre chose, que nous avons reçu d'eux toutes les civilités et courtoisies possibles. Et quand nous aurions été leurs parents, ils n'avaient pas fait davantage.

En quoi certes, mon très cher Père, le dire de Notre-Seigneur Jésus-Christ parait bien véritable, que quiconque aura délaissé, pour l'amour de lui, maisons ou sœurs ou père ou mère ou femme ou enfants ou champ ou quelque autre bien ou héritage, en recevra cent fois autant et héritera par après la vie éternelle (17) ; par où il s'entend qu'il recevra le centuple ou cent fois autant, en cette vie, et puis après en l'autre la vie éternelle, ainsi que le même Jésus-Christ le dit en saint Marc : "Vous ne recevrez pas seulement puis après la récompense éternelle, pour vous être fait pauvre pour Jésus-Christ, mais en cette vie vous en recevrez cent pour un (18)".

Et nous le voyons, à la vérité, bien accompli à la lettre non seulement dans les royaumes et provinces où nous sommes établis, où, pour, une maison que nous avons quittée nous en trouvons plusieurs, qui sont nôtres, et que Dieu nous a données, pour une que nous avons abandonnée ; et pour père et mère que nous avons quittés, Dieu, en leur place, nous en baille tant d'autres, qui nous aiment plus que ceux que nous avons laissés et qui ont plus de soin de nous et qui veillent plus sur notre bien.

Quant aux frères et sœurs, nous en trouvons en si grand nombre, qui nous chérissent bien autrement que les charnels, parce qu'ils nous chérissent pour Dieu et en Dieu, sans y prétendre aucun intérêt, tandis que les charnels nous veulent du bien pour leur profit et intérêt, et seulement tandis qu’ils ont affaire de nous ; qui est, à proprement parler, s'aimer aux dépens d'autrui.

Or, que dirai-je du contentement dont on jouit dans une communauté érigée au service de Dieu? On en reçoit cent fois plus qu'on n'en eut reçu dans le monde, même de ceux qui

17. Evangile de saint Matthieu XIX, 29.

18. Evangile de saint Marc X, 30.

 

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sont les mieux appointés et qui sont à la cime de la roue de la fortune. On verra les hasards auxquels ils sont prêts de tomber à chaque pas, et les mécontentements qui les bourrellent à chaque moment, et les continuelles alarmes des appréhensions qui ne leur donnent ni paix ni trève.

Et s’il est question de l'honneur, n’en recevons-nous pas cent fois plus que nous n'en eussions reçu dans le monde? Car les prélats, les grands seigneurs et les princes, si nous eussions demeurés au monde, ne nous eussent pas peut-être regardés, tandis que, nous voyant à présent revêtus d'une vieille robe et d’une soutane rapetassée, ils nous font beaucoup d'honneur et nous portent un grand respect de cela nous en pouvons rendre témoignage, quoique nous soyons dans un pays inconnu, très éloigné, fort barbare et parmi des hêrétiques. Car que nous a-t-il manqué de nécessaire, ou plutôt n'avons-nous pas abondé et eu plus que nous eussions eu en nos maisons de l'Europe, ainsi qu'on le pourra connaître par la suite du présent discours? Pour ce qui concerne l'honneur, je confesse ingénument que, si j'avais été au monde, je n'en aurais point tant reçu comme j'en ai reçu des seigneurs de France et surtout de Messieurs les gouverneurs, capitaines et officiers de Hollande.

Quant à la paix intérieure de mon âme, quoique je ressente et sois environné d'un grand nombre de difficultés qui ne sont pas petites, je ne laisse pas pourtant d'en jouir d'une si grande, qu'en ma vie je n'en ai eu de pareille.

Excusez, Monsieur, votre enfant de vous écrire de la sorte ; mais l'obligation que j'ai à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à la très sainte et immaculée Vierge Marie, sa mère, et à vous, mon cher Père, de m'avoir admis dans votre Compagnie et envoyé ès pays infidèles, dont je vous remercie infiniment, vous assurant de n'oublier jamais cette si grande faveur et d'en être reconnaissant toute ma vie, m'a fait tenir ce langage. Et si c'était encore à refaire, eusse-je tout un monde, je le quitterais très volontiers pour posséder la condition dans laquelle je suis. O heureuse condition et encore plus heureuse que je ne saurais dire !

Eh ! qui serait-ce donc maintenant celui qui appréhenderait de passer les mers pour gagner des âmes à Dieu, puisque dans les tempêtes l'on n'y rencontre que des calmes et bonaces ; dans les naufrages, que des aides et secours extraordinaires. Bref. dans les grandes difficultés, et dans celles même où il semble n'y avoir point de remède. c'est pour lors où Dieu fait paraître sa providence, ainsi que nous-mêmes l'avons expérimenté, comme il se peut colliger de ce qui a été dit et de ce qui se dira par après en ce discours. C'est pour lors dis-je,

 

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que Dieu console une âme et la comble de telles joies et délices spirituels qu'il n'y a que ceux qui y ont passé, qui en puissent parler Tellement que la mort même, qui, selon le philosophe, est la chose la plus terrible des terribles, est douce, agréable et vue de bon œil à tous ceux qui se sont entièrement donnés à Dieu pour le servir parmi les infidèles.

Les vaisseaux donc étant partis avec tout l'équipage de Monsieur le maréchal, hors douze ou treize personnes, qui restèrent à terre avec les capitaines, je commençai à jouir du repos. Et afin de le mieux goûter et connaître ce que Dieu demandait de nous pendant tout le temps que nous aurions à demeurer en cette terre, je proposai à la Compagnie de faire les exercices spirituels ; ce qu'ils approuvèrent fort. Nous y entrâmes donc un dimanche au soir, le 19e de juin, et y fûmes huit jours entiers, avec une si grande satisfaction, que je ne crois pas en avoir jamais eu une pareille, Dieu comblant mes frères de beaucoup de grâces, en sorte qu'il paraissait être manifestement avec nous, soit par les répétitions, soit par les l’humiliations, soit par la communication qu'un chacun fit et a toujours continuée de temps en temps, soit enfin par la rénovation de la pratique des règles que l'on a tâché de garder assez exactement, par la bonté et miséricorde de Dieu. Nous nous servîmes de Philagie (l9) pour méditations et gardâmes le même ordre que nous avons coutume d'observer en nos maisons de France. Le frère Patte fit la sienne pareillement d'autant de jours.

M. Boutonnet, qui est ce jeune homme que nous amenâmes quand et nous de Paris, la fit aussi, mais avec tant de bénédiction du ciel que, le lendemain de ces exercices, 17 de juillet jour consacré à saint Alexis, il se revêtit d’une soutane en qualité de clerc. Il était si épris de l'amour de Dieu et embrasé de dévotion, qu'il était besoin, non de l'éperon, mais de bride pour le retenir ; car, si je l'eusse voulu croire, il n'y avait point assez d'instruments de pénitence ni de mortification pour lui. Cela fit que lui-même faisait en ses récréations des ceintures de fer blanc à molettes, se servant d'épingles pour la chaîne, afin d'en user, soit pour s'en ceindre les reins soit pour discipline.

Il eût bien souhaité que je l'admette dans la compagnie comme séminariste interne, et m'en pressait fort ; mais, pour en quelque façon le contenter, je lui dis qu'il serait plus à propos d'étudier en philosophie et que M. Daveroult serait son maître et que, dès que nous serions à Paris, il pourrait y être

19. Ouvrage du R. P. Paul de Barry.

 

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reçu et aurait plus de satisfaction et en prendrait bien mieux l’esprit. Il y acquiesça donc et me fit cette belle réponse que je souhaiterais être bien avant gravée dans mon cœur (et dans ceux des personnes de communautés et de religions) : "Eh bien ! Monsieur, je ferai tout ce qu'il vous plaira, et je me jette entièrement entre vos mains, afin que vous fassiez de moi ni plus ni moins que le potier de l’argile, et le ciergier de la cire molle, et que vous me tourniez et viriez comme bon vous semblera, vous suppliant au surplus de m'avertir de tous mes manquements et de me dire comme quoi vous voulez que je me comporte, et me donnant pour ce un règlement de votre main." Ce que je fis bien volontiers, et ne doute point que vous ne soyez persuadé de la joie dont Dieu voulut pour lors combler mon âme ; car il n'y en a point de pareille à celle qui provient de ce qu'on voit Dieu aimé et honoré sans mesure.

Son règlement était donc :

Se lever tous les jours à 4 heures, hors le vendredi, qu'il reposait jusques à l’Angelus. A 4 heures et demie, son oraison jusques à 5 heures et demie ; et à 5 et demie jusques à 6, la lecture du Nouveau Testament. A 6 heures, il venait accommoder les ornements du prêtre et étudiait ensuite jusques à 8 sa leçon de philosophie. A 8 heures, il servait la messe, il allait dire sa leçon avec son maître jusques à près de 10 heures et demie, et ensuite s'en venait mettre la nappe. Il lisait toujours à table l'Ecriture Sainte.

Il passait ses récréations bien souvent tout seul, s’occupant à quelque chose, comme de coudre et raccommoder ses hardes, etc., sinon le jour de récréation que nous prenions dans la semaine, où nous le menions avec nous, et quelques autres heures de récréation en la semaine.

Après l'obéissance, M. Feydin lui montrait le plain-chant, et ensuite il faisait une demi-heure de lecture spirituelle, puis étudiait jusques à 4 heures. A 4 heures jusques à 5, il conversait avec son maître et employait le reste du temps, jusques à ce qu'il mît la nappe, à l'étude.

Il communiait toutes les fêtes et dimanches et employait presque toute la journée à la dévotion, disant même l'office avec nous. Il faisait tous les mois un jour de retraite et sa communion. Il venait même quelquefois me demander pénitence, quand il avait fait quelque légère faute, après l'examen général .

Voilà Monsieur, quelle était la vie de ce jeune homme ; et si elle était telle à l'extérieur, jugez quelle pouvait être celle de l'intérieur. Et s'il a fait tant de progrès seul et conduit par un aveugle et parmi des barbares, quels eussent été ceux qu’il eût faits dans le séminaire de Saint-Lazare ! C'est, certes, un de

 

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mes étonnements comme quoi un jeune homme de 21 ans s'est pu conserver dans la piété et dans la pratique de son règlement, nonobstant tant d’occasions qui l'en pouvaient divertir.

Cordelet fit pareillement quatre jours de retraite.

Toute notre petite famille étant renouvelée et fortifiée des lumières d'en haut, nous commençâmes à mener une vie de Chartreux nous occupant à la dévotion, à la pratique de toutes nos règles et coutumes de la Compagnie. Et pour y mieux réussir, nous faisions tous les mois un jour de retraite avec la communication.

Quant à l'étude, chacun s'y adonnait selon ses besoins ; et quant à moi, j'y employais sept ou huit heures par jour, voyant le matin Bonacina, et l'après-dînée composant et apprenant des pièces de mission ; de manière que je n'avais pas le loisir de m'ennuyer, et je n'étais pas plus tôt au matin que je me trouvais au soir, tant le temps se passait vite, ce me semblait.

Il arriva encore, le 15 juillet, des vaisseaux hollandais pour Batavia ; ce qui me fit proposer à la compagnie, n'ayant plus d'espérance des navires des évêques et marchands de France, savoir s’il serait expédient d'aller à Batavia, afin d'obtenir permission de M. le général pour Madagascar, M. le gouverneur et ses officiers nous faisant espérer qu'il nous serait facile de trouver passage par les vaisseaux des gens libres, Monsieur le général le permettant ; joint que nous serions plus assurés et mieux placés pour notre retour en Hollande et que j'étais bien en peine comment vivre sans argent ; personne ne pouvant acheter nos hardes, que nous vendrions facilement à Batavia, où il y avait grand nombre de catholiques de toutes sortes de nations, auxquels nous pourrions beaucoup servir. Ayant donc proposé le pour et le contre à ces messieurs, la chose fut trouvée si importante qu'on jugea à propos de faire quelques prières extraordinaires pour la recommander à Dieu, afin qu'il nous fit connaître sa volonté, et voir cependant, avec le gouverneur et ses capitaines, leur sentiment et l'ordre qu'il fallait tenir, si tant est qu'il fallut entreprendre le voyage.

Ce fut pourquoi, le même jour que les vaisseaux arrivèrent, j'allai trouver M. le gouverneur, qui me porta beaucoup à cela et me dit que demain il irait à bord nous préparer le logement. De sorte qu'étant revenu au logis pour en avertir ces messieurs, qui y étaient tous fort portés hors un, qui néanmoins ne voulait point rester, mais nous suivre partout, je trouvai M. Daveroult au lit avec la fièvre, provenant de l'inflammation de sa loupe, qui lui faisait grand mal. Et croyant que ce ne serait rien, j'espèrais que dans quinze jours nous pourrions partir ; mais il en alla autrement ; car, son mal augmentant de jour en jour, sa loupe commença à vouloir apostu-

 

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mer ; ce qui fit juger au frère que son incommodité serait de longue haleine et qu’il serait obligé peut-être de lui couper ; ce qu'il fit trois semaines ou un mois après. Cela fut cause que nous changeâmes de résolution, adorant la divine Providence, que nous allâmes remercier M. le gouverneur de ses courtoisies qui nous manifesta par cet accident sa volonté. De manière et dire adieu à M Véron, Ce capitaine de la Maréchale, qui allait à Batavia, lui sixième.

Le pauvre M. Daveroult fut dix semaines au lit, où il endura de grands maux et fit paraître une admirable patience, qui édifia grandement toute la compagnie. Aussi ce bon Dieu, pour lequel il avait gagné cette loupe au mont Liban, la lui voulut ôter au cap de Bonne-Espérance, en récompense de la patience qu'elle lui avait fait pratiquer; de façon qu’il a le genouil (20) comme s’il n'en avait jamais eu.

Dans les commencements de la maladie de M Daveroult, M. de Boissy, qui avait autrefois commandé les vaisseaux de Monseigneur le duc de La Meilleraye et qui était capitaine des soldats et passagers de la Maréchale, homme fort incommodé des gouttes et qui, pendant toute la navigation, fut toujours au lit, voyant M. Véron parti pour Batavia et lui si malade que nous fûmes contraints de lui administrer les sacrements de pénitence, d'Eucharistie et d'extrême-onction, et même de veiller la nuit auprès de lui, me supplia instamment de le vouloir retirer auprès de nous. Ce que je ne pus lui refuser, tant à cause de la charité, que pour être notre bienfaiteur, nous laissant par son testament environ onze cents livres pour qu'on lui dit des messes. En quoi paraît et reluit manifestement la divine Providence à notre égard, de nous donner et fournir par cette voie de quoi nous nourrir et entretenir ; en ces terres éloignées, lorsque nous en avions très grand besoin. Qui est-ce donc qui, après cela, perdra courage et confiance, ou plutôt qui n'aura pas espérance en Dieu dans les nécessités les plus pressantes. ! Oh ! qu'il fait bon servir un tel maître, qui toujours a soin des siens et ne les délaisse jamais, quelque part qu'ils puissent être !

Nous le reçûmes donc chez nous le 26 juillet ; mais ce ne fut pas pour beaucoup de temps ; car il plût à Dieu le retirer trois jours après, le 29 du même mois, sur les 8 à 9 heures du matin, achevant la messe des agonisants. Nous l’enterrâmes la nuit, derrière la muraille de l'autel où nous célébrions après avoir fait le service sur le corps.

C'était un miroir de patience ; car, quoiqu'il fût très prompt

20. Genouil, genou.

 

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et qu'il eût les membres de son corps tout ulcérés (ce qui lui faisait souffrir de très grandes douleurs), l'on n’entendait sortir de sa bouche sinon ces paroles : "Mon Dieu, ayez pitié de moi, faites-moi miséricorde, pardonnez-moi mes péchés, recevez-moi en votre gloire." Dans laquelle je crois qu'il est, pour avoir souffert, durant six ou sept mois, de très grandes douleurs avec tant de constance et de patience. Aussi le bon Dieu l'en a-t-il voulu récompenser en cette vie, lui faisant cette grâce d'être muni de tous les sacrements, de mourir en la maison et entre les mains des prêtres et d’avoir pendant huit mois, tous les jours, quatre messes, grâces qui ne sont pas petites, ni accordées à toutes sortes de personnes, particulièrement si l'on considère que c'est dans une terre très éloignée, parmi des barbares et des hérétiques. Oh ! plût à Dieu mourir ainsi, si Dieu ne m'accorde pas la grâce du martyre. que je souhaite plus que le cerf, quoique poursuivi des chasseurs et talonné des chiens, ne désire la fontaine des eaux vives.

Après que M. Daveroult fut parfaitement guéri par le soin et diligence qu'y apporta le frère Patte, fort expérimenté en son métier, de façon qu'il n'y a point de grande maladie dans le pays, où les chirurgiens hollandais ne le mandent, non plus que M. et Madame la gouvernante, et se fient plus sur lui que sur les leurs, il fit leçon de philosophie deux fois le jour à M. Boutonnet.

M. de Fontaines enseignait Binsfeld à M. Karkadiou, second capitaine de la Maréchale, qui a dessein de quitter la milice du roi de la terre pour s'enrôler en celle du roi du ciel. C'est un gentilhomme dévot et qui a toujours été fort à exemple ; il fréquentait souvent les sacrements et assistait toutes les fêtes et dimanches aux vêpres et exhortations, et, quoiqu'il fût éloigné presque d'une demi-lieue, il venait tous les jours à la messe, même ès temps de pluies.

Nous prêchions tous les mois une fois ou deux à le compagnie, où tous nos Français assistaient, et quelquefois quelques Hollandais, dont quelques-uns se sont confessés. Nous célébrions tous les jours la sainte messe après l'oraison et les petites heures, et suivions de point en point l'ordre de la journée qui s'observe en nos maisons.

Ne pouvant plus avoir qu'à grand' peine et avec beaucoup d'argent un mouton par semaine pour notre nourriture, nous fûmes contraints d'envoyer deux fois la semaine à la chasse le frère Patte avec M. de la Cloche, lieutenant de la Maréchale et neveu de M Karkadiou, qui partageaient également leur gibier. Et Dieu bénit tellement leur chasse qu'ils apportaient plus que nous n'en pouvions manger, soit daims ou chevreuils, soit rhinocéros, qui sont des animaux gros comme trois bœufs,

 

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vaches marines, cerfs, flamants, autruches, qui sont des oiseaux grands comme des hommes, lièvres, perdrix, grues, faisans, paons, canards, oies, pluviers, goélands, pies de mer et autres sortes d'oiseaux qui ne sont point en France. De façon que nous vécûmes à très bon compte et qu'il ne nous coûtait, tant pour loyer de maison, bois et autres ustensiles de ménage, que quarante livres au plus chaque mois pour huit personnes que nous avons presque toujours été.

Ce bon frère cuisait une fois la semaine, faisait la lessive et la cuisine, hors des deux fois qu'il allait à la chasse. Et je vous avoue que, n'eût été lui, nous eussions été bien empêchés et qu’un tel frère ne se saurait payer dans les pays étrangers.

Voilà quel était son emploi, quant à l'office de Marthe, auquel il tâchait de joindre celui de Marie-Madeleine par la pratique de ses règles, d'une petite retraite d'un jour tous les mois, avec sa communication, demandant souvent d'être averti les vendredis, y faisant les humiliations et demandant pénitence de ses manquements presque à toutes les répétitions d'oraison. Enfin tout ce que je puis dire de lui, c'est un bon frère de la Mission.

M. Feydin, étant sur la fin de son séminaire me pria de lui permettre de vivre et faire les exercices que les séminaristes pratiquent. Il commença donc le jour de la Notre-Dame de septembre et continua jusques aux fêtes des saints, afin de se mieux disposer à ce grand sacrifice (21), qu'il fit entre mes mains le 4 novembre, jour consacré au grand saint Charles Borromée modèle des bons prêtres. Il faisait presque toutes les pratiques qu'on fait en nos séminaires, comme les exercices corporels, soin des lampes, des pots, laver les écuelles venir demander pénitence après l'oraison de 4 heures, voulant que je le reprisse aigrement devant les autres et que je donnasse de bonnes pénitences. Ce que je faisais pour satisfaire à son humilité. Et par ces saints exercices il édifia beaucoup la compagnie, de manière que ces Messieurs ne trouvèrent rien en lui qui pût l'empêcher d'être admis au corps de la congrégation de la Mission ; au contraire, qu'il y pourrait beaucoup faire de bien par son exemple. Il a toujours exercé l'office d'admoniteur que vous m'aviez mandé de lui donner, pareillement celui de procureur, de sacristain, de maître de chant, enseignant aussi à lire. Voilà quel était son emploi. outre ses études et exercices spirituels.

Nous célébrâmes la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec grande solennité, ayant pour ce préparé notre chapelle,

21. Les saints vœux.

 

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le mieux qu’il nous fut possible, de tableaux et fleurs, avec une crèche pleine de foin, dans laquelle il y avait un enfant Jésus de cire merveilleusement bien fait, que Madame Traversay nous avait donné.

Tous nos Français n’assistèrent pas seuls aux matines chantées en plain-chant, grandes messes, où M. Karkadiou, capitaine de la Maréchale, offrit le pain béni, laudes, messes du jour, exhortations, que nous fit M. Daveroult sur le mystère, et vêpres; mais aussi plusieurs Hollandais catholiques s'y trouvèrent, de façon que toute la chapelle était pleine. Et tant eux que nos Français reçurent presque tous leur Sauveur.

Ce même jour, 25 de décembre, arriva un petit vaisseau anglais à la rade ; ce qui m’obligea, le jour de Saint Etienne, d'aller voir M. le gouverneur pour savoir où allait ce vaisseau, et, par son moyen nous faire donner passage, soit pour Madagascar, s'il tendait aux Indes, soit pour l'Europe. Il me dit qu'il s'en allait à Livourne en Italie, et qu'il avait déjà parlé de nous passer, et que cela se pourrait ; que, quant à ce qui le concernait, il nous offrait tout ce qui nous serait nécessaire, et me pria de venir dîner chez lui le jour des Innocents, où le capitaine anglais se devait rencontrer, et qu'il me prêterait sa chaloupe pour aller en son bord voir s'il y aurait logement commode pour nous et notre bagage.

Nous allâmes donc, M. Daveroult et moi, ledit jour, au bord du petit vaisseau anglais, avec le capitaine et Marchand, et nous trouvâmes la chambre de Sainte-Barbe pour logement. Quoique bien petite pour sept personnes, et encore plus incommode pour n'y avoir point de clarté que d'une chandelle, néanmoins le désir que nous avions d'être tous ensemble, de gagner trois mois d'avance, que nous avions à attendre la flotte, et de ne mettre que deux mois, ou dix semaines au plus, en notre voyage, et, par ce moyen, travailler à secourir plus promptement le pauvre M. Bourdaise et les bons néophytes de l'île de Saint-Laurent, nous fit résoudre, après l'avoir proposé à la compagnie, tous étant d’un même avis, à cette incommodité, non seule, mais accompagnée de quelques autres, comme de courir risque d'être pris des Turcs, lorsqu'ils font la visite, de faire notre cuisine à part et nous munir de toutes choses nécessaires, jusques au bois et à l'eau, qui ne sont pas de petites incommodités, non plus que de petits frais. Nous avions pourtant passé par-dessus, et il n'était plus question que de la somme ; mais elle était si haute pour notre bourse que nous ne pûmes y acquiescer, nous demandant onze cents écus, sans nous fournir un verre d'eau ; ce qui fut trouvé, tant du gouverneur que de notre capitaine, exorbitant, qui nous sollicitèrent à attendre les vaisseaux hollandais, où nous serions beaucoup

 

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mieux, sans craindre les Turcs, sans avoir soin de quoi que ce soit, outre l'espérance de ne rien payer.

Cela fut cause que nous le laissâmes partir, le premier jour de l'an 1661, sans vous écrire ; dont je vous demande très humblement pardon, y ayant de ma pure faute. Je crois pourtant que Monseigneur le duc de La Meilleraye vous aura donné avis de nous, M. le gouverneur ayant amplement écrit à sa Compagnie touchant le naufrage et nos personnes, pour le faire savoir audit duc de La Meilleraye.

Le 16 janvier 1661, je baptisai du nom de Christine la petite fille d'un esclave nègre catholique, qui a été pris en guerre par les Hollandais sur les Portugais, homme craignant Dieu et bien instruit és points de notre religion. Il m’en amena encore une autre le 6 février, et elle fut nommée Marie. Voilà les deux âmes chrétiennes que nous avons pu acquérir à Notre-Seigneur en un si grand pays, et en dix mois que nous y avons demeuré, pour n’avoir eu aucune liberté, ni notion du langage du pays, non plus que de celui de Hollande

Le 30 janvier, nous entrâmes en retraite afin de nous mieux disposer à notre retour pour la France. Messieurs de Fontaines et Feydin ne purent faire que quatre ou cinq jours, pour s'être trouvés incommodés, et M Daveroult et moi achevâmes le reste. Nous nous servîmes de Busée et nous nous attachâmes aux méditations des vertus requises par saint Paul aux prêtres, qui sont des sujets grandement utiles à méditer et d'où l'on peut recueillir de grands fruits

M Boutonnet fit aussi huit jours quand et quand nous Je le visitai après avoir satisfait à la compagnie. Le frère Patte la fit de quatre jours. Pareillement Cordelet, qui a été deux mois au cap fort travaillé d'un esprit, qui tantôt lui tirait son matelas, tantôt les pieds, tantôt la tête ; ce qui l'empêchait de dormir et lui causait beaucoup de peine, faisant un grand bruit ; ce qui réveillait un chacun. Cela nous obligea, M. de Fontaines et moi, à passer une nuit revêtus de surplis et étoles pour le conjurer. Etant venu sur la minuit ou une heure, je commençai à le conjurer, de la part de Dieu, qu'il eût à nous dire qui il était, ce qu'il demandait ; et lorsque je le conjurais en un lieu, il s'en allait en un autre ; mais, le poursuivant et pressant vivement en trois ou quatre endroits pendant une demi-heure, il cessa pour l'heure, sans pourtant laisser de venir toutes les nuits dans la chambre de ces messieurs, où couchait Cordelet, durant le reste du temps que nous avons été au cap.

Le 24 de février, jour consacré au glorieux apôtre saint Mathias, arriva la flotte de Hollande. composée de sept grands vaisseaux, et nous allâmes tous en corps saluer M. l’amiral, en habit court, ainsi que le gouverneur nous l'avait prescrit et que

 

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le Père Martin Martinion, jésuite, avait fait, passant dans leurs vaisseaux de la Chine en Hollande, outre que les jésuites qui demeurent à Amsterdam ne sont pas vêtus autrement que d'habits noirs, avec un justaucorps, comme nous sommes.

Le 26, je le fus visiter avec M de Fontaines pour savoir l’ordre que nous aurions à tenir. Il nous reçut très civilement, nous promit qu'il ferait son possible pour nous contenter, et que, dans deux ou trois jours, après en avoir conféré avec M. le gouverneur, il nous en donnerait avis.

Le 3 mars, il m'envoya quatre billets pour quatre vaisseaux. Dans le Vice-Amiral, qui va en Zélande, où il y a un ministre, est M. Daveroult et Cordelet, dans le Naclebon est M. de Fontaines, dans le Lambrafort est M. Boutonnet ; et dans le Malague sont M. Feydin, frère Patte et moi. Nous mangeons tous à la chambre du capitaine et avons chacun notre chambre. Par où paraît manifestement le soin que Dieu a de ses serviteurs et l'obligation qu'ils ont de s'abandonner entièrement entre ses mains

Ayant reçu cet ordre comme provenant de la divine Providence, nous commençâmes à disposer nos petites affaires et à nous munir des choses nécessaires pour le voyage ; ce qui n'était pas si facile comme si nous eussions été tous ensemble, ou du moins en deux bandes ; mais Notre-Seigneur, qui nous a toujours assistés à ce voyage, ne nous manqua point à cette occasion, faisant que Monsieur et Madame la gouvernante, auxquels nous avons de très grandes obligations, nous fournirent nos petites provisions. De façon que chacun eut ce qu'il avait de besoin, comme vin, eau-de-vie, biscuit, poisson, beurre, pour plus facilement faire carême parmi des personnes qui mangent tous les jours de la chair ; qui n’est pas une incommodité pour manger à leur table.

Le 6 mars, premier dimanche de carême, tous nos Français firent leurs pâques, et non seulement eux, mais plusieurs Portugais, Espagnols, Hivernois et Hollandais, qui étaient arrivés en cette flotte, voulurent être du nombre. Je préchai l'après-dîné, de la persévérance pour prendre congé de tous, tant des nôtres que des autres, et les recommander à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à sa très sainte et immaculée Mère, afin que, par les mérites de l'un et les prières et intercession de l’autre, ils pussent se maintenir purs et nets parmi les hérétiques, ni plus ni moins que les rayons du soleil dardés sur la boue.

Le jeudi 10 dudit mois, après avoir tous dit la messe pour notre voyage et avoir pris congé les uns des autres, nous nous en allâmes à nos bords, non pas pour y faire envers le pro-

 

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chain les exercices que nous avons pratiqué dans la Maréchale, du moins quant à notre vaisseau, où il n'y a qu'un Français catholique sur presque deux cents hommes. Dieu l'a ainsi permis, son saint nom soit béni. ! Voilà, mon cher Père, quelles furent les occupations de vos enfants en cette terre du cap de Bonne-Espérance, qui auraient été tout autres s'ils avaient été guidés par un bon pilote, et non pas par un méchant et ignorant comme je suis.

J'oubliais à vous dire que M. Guelton, qui a été, à Batavia, fort bien reçu du généralissime, m'a dit qu'on avait parlé à des matelots qui sont revenus naguère de Madagascar, et qu’ils lui ont assuré que les Français avaient abandonné le fort et s'étaient retirés à l'îlot où était le magasin, lieu qui servait autrefois de forteresse aux Portugais, pour avoir grande guerre avec ceux du pays. Et l’on ne sait même s'il n'y a point de dissension parmi eux. L'on dit que M. de Chamargou, lieutenant et allié de Monseigneur le duc, est mort. C'était un gentilhomme très dévot, fort aimé de feu M. Dufour et qui avait de très grandes tendresses pour la Compagnie, jusque-là même qu'on disait qu'il voulait être des nôtres. Vous pouvez juger quelle perte les pauvres néophytes et M. Bourdaise, qu'on dit vivre encore, ont faite. L'on dit aussi qu'il était si fort aimé de tous les Français, qu'ils l'ont grandement regretté, et que la guerre n'est venue, si je ne me trompe, que depuis sa mort. Nous en avions bien ouï dire quelque chose en notre arrivée au cap par M. le gouverneur

Le sieur Guelton a fait en sorte qu'un marchand a frété de la Compagnie de Hollande un petit vaisseau de deux cents tonneaux, chargé de marchandises nécessaires pour le pays, et, sous main, il y a fait passer les armes et la poudre de Monseigneur le duc, et un homme, auquel il a donné de bouche des ordres pour M du Rivaux, gouverneur, comme aussi vin, farine et autres petits rafraîchissements ; et il a pareillement écrit une lettre à M. Bourdaise touchant notre naufrage Il m'a de plus dit que, si j'avais été à Batavia, j'y eusse passé, et qu'il a même été mis en délibération au conseil si le marchand nous pourrait venir chercher au cap; mais ils craignirent que le vaisseau manquant le cap, il ne fût en danger. C'est pourquoi ils n'y voulurent pas entendre, ou plutôt Dieu ne le voulut pas par cette voie, nous réservant pour une autre meilleure.

 

CHAPITRE IX. - DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE

ET DE SES HABITANTS

Le cap de Bonne-Espérance est une terre où il y a beaucoup de montagnes, d'où sortent beaucoup de ruisseaux d'eau

 

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très claire et très bonne ; qui arrose les vallées et les plaines ; de façon que les terres sont merveilleusement bonnes et grasses. Aussi portent-elles froment, seigle, orge, avoine, vin et beaucoup de melons d'eau et de France, comme aussi toutes sortes d'herbages. Les fruits ont de la peine à y venir en maturité, à cause des grands vents, presque continuels ; car en dix mois que j'y ai été, je n'ai guère vu de jours sans vent ; ce qui fait que le pays est très sain ; aussi n'y voit-on point de malades. Et lorsque les vaisseaux hollandais arrivent, dans lesquels il ne manque point de malades, dès qu'ils ont été à terre sept ou huit jours, ils sont guéris.

Cette terre est sur le 34 degré, comme est le Portugal ; mais il s’en faut bien qu’il y fasse si chaud, à cause des vents. Messieurs les Hollandais s’y sont établis depuis environ dix ans. Ils y ont bâti un fort de quatre bastions, fossoyé tout à l'entour, et commencent à y faire venir l'eau, dans lequel il y a le logement du gouverneur, assez grand, commode et propre, l'appartement des officiers, celui des soldats et des esclaves. Il est entouré de tous côtés de montagnes, hors du côté de la rade, et encore les canons des vaisseaux le pourraient incommoder. Il y a un canal où descendent les eaux, tout proche, bien commode pour faire l'eau, de façon qu’en un jour ou deux les vaisseaux peuvent faire leur eau. Il y a, à cause du flux et reflux, un grand pont de bois, où l'on peut rouler et décharger les tonneaux dans les bateaux Ils n'ont guère moins de trois cents hommes, tant soldats qu'habitants. Il y a environ une douzaine de maisons proche le fort, les autres étant dispersées à une, deux, trois et quatre lieues.

Ils ont toutes sortes d’ouvriers, et rien ne leur manque, à cause des vaisseaux de Hollande et des Indes, qui y abordent et apportent tout ce dont ils ont besoin, jusque-là même qu’ils savent tout ce qui se passe en Europe, par le moyen des gazettes qu'on leur envoie.

Ils labourent la terre avec des bœufs, qui sont en grande quantité dans le pays, comme aussi les moutons. Pour un peu de tabac ou de cuivre, ils en trafiquent avec les nègres. Ces moutons ont une queue effroyable par la grosseur, qui n'est que graisse.

Ils ont bien trente chevaux, qu'ils ont fait venir de Batavia ; qui leur a servi beaucoup pour empêcher les nègres de faire des courses sur eux. Ils ont huit ou dix guérites à l'entour de la baie et avant dans la terre. Il y a beaucoup de bois de haute futaie à trois lieues du fort. Il y a force gibier et toutes sortes de bêtes sauvages, comme lions, éléphants, rhinocéros, licornes, buffles, tigres et chevaux très bien marquetés, desquels l'on ne peut approcher, quantité d'autruches, dont un seul œuf

 

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est suffisant pour nourrir huit personnes Il y a aussi quantité de poisson, mais presque tout d’une sorte. L'on y pêche aussi force raies.

Il y a peu de nègres proche le fort, peut-être une trentaine ou quarantaine, s'étant tous retirés. Ils ne font rien toute la journée que de se promener, ou jouer. Ceux qui n'ont point de bétail vivent du coquillage qu'ils trouvent sur le sable de la mer, et d'une espèce de noisette, qu'ils trouvent en la terre. Les hommes mangent ensemble, et les femmes ensemble. Ce sont bien les plus vilains nègres que jamais la terre ait portés. Ils sentent très mauvais, à cause des graisses dont ils se frottent Ils sont tout nus, hors une peau de vache, qu'ils portent sur leurs épaules ; encore, quand il fait bien chaud, ne l'ont-ils pas.

Ils ont des rois parmi eux ; et ces rois, des officiers de cantons en cantons ; la richesse desquels consiste en bétail. Ils n'ont pas meilleure mine, et ne sont autrement vêtus que leurs sujets Ils se font la guerre les uns aux autres pour leurs bestiaux. Leurs armes sont flèches, dards, demi-piques et sagaies. Ils ne manquent pas d'esprit, ainsi que M le gouverneur m'a dit et que j'ai pu moi-même remarquer.

Ils viennent jusque de quarante ou cinquante lieues au fort pour amener du bétail en traite pour du tabac, dont ils sont fort amoureux, aussi bien que les Hollandais, qui leur en ont montré l'exemple, ne sachant ce que c'était auparavant ; du cuivre, qu'ils mettent à leurs bras; et rassade rouge, qu'ils pendent à leurs oreilles.

Il vint un des plus grands rois du pays avec sa bru, montés sur des bœufs, car ce sont les chevaux et montures de ces seigneurs, avec bien cent cinquante personnes de suite avec leurs armes. Ils demeurent à une journée du fort, ne leur étant pas permis d'y venir armés. Je les fus voir chez M. le gouverneur, qui fit venir dans sa chambre ce roitelet et sa bru, deux au trois de ses favoris marchant devant et portant une belle natte, qu'ils mirent à terre, sur laquelle ils s'assirent. Je leur fis présent à chacun d'un rubis et émeraude fausse, qu'ils mirent en leurs doigts, sans me remercier, car ils ne savent ce que c'est. Je leur dis quelque chose de Dieu, mais ils ne m'entendaient pas.

Une autre fois, j'allai avec le roi de Saldaigne (dont la belle sœur est chez M. le gouverneur, qui parle le portugais et le hollandais comme sa langue et qui sert d'interprète au gouverneur ; l'on dit que ce roi a bien vingt mille hommes sous lui), j'allai, dis-je, dîner aux vaisseaux de Hollande ; mais je ne pus encore avoir avec lui aucune communication. Je me suis bien entretenu avec quelques-uns à l'écart, et ce par plusieurs fois, leur montrant un crucifix, des images, qu'ils re-

 

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gardaient avec étonnement ; mais, comme ils ne m'entendaient pas et que personne n'osait me servir d'interprète, je ne pouvais rien faire auprès d'eux ; et pourtant ce ne serait pas difficile, principalement si l’on avançait en la terre, où ils ne sont point infectés, ni imbus de la religion de ces messieurs ; et si je n'avais craint que vous l’eussiez trouvé mauvais, et si je n'avais eu une si grande famille sur les bras, de bon cœur je serais allé les visiter et leur annoncer l'Evangile. Si messieurs les Hollandais ne nous avaient pas voulu donner passage, c'était bien mon dessein, et de donner jusques au royaume de Monopotapa, où M. le gouverneur a envoyé une douzaine de soldats, qui s'en sont revenus sans pouvoir pousser jusque-là, pour n'avoir pas bien pris leur route.

Il a renvoyé pour une seconde fois, pendant que nous avons été au cap, à une ville nommée Vigiti Magni, distante de soixante et tant de lieues dudit cap ; mais ils n'ont pu y arriver, la saison n’étant pas propre, à cause des eaux. Et j'ai appris de ces soldats qu'ils avaient rencontré beaucoup de ces peuples, qui, en quelques cantons, sont comme des géants, et en d'autres comme des nains. Ils m'ont dit qu'ils étaient assez affables et qu'ils les avaient fort bien traités.

O mon Dieu ! faut-il que tant d'âmes périssent, faute de personnes qui les instruisent ! C'est pourquoi il serait bien à propos d'obtenir du Saint-Siège un ample pouvoir pour toutes ces terres des infidèles où l'on se pourrait trouver, n'y ayant point d'évêque ni grand vicaire de qui l'on puisse avoir mission, afin d'y travailler et faire toutes les fonctions d’un bon missionnaire ; et, de votre part, faire connaître votre volonté à celui qui aurait soin de la bande en de telles rencontres, qui pourront souvent arriver, si la Compagnie continue d’envoyer ès pays étrangers.

Ils croient un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, qu'il y a un diable, un paradis pour les bons et un enfer pour les méchants, qu'ils font consister en ce que les personnes qui y sont détenues ne font que marcher et courir çà et là sans avoir aucun repos, ni contentement. Ils n'ont aucun sacrifice parmi eux, au moins à ce que j'ai pu apprendre, sinon que, quand la lune est dans son plein, ainsi que moi-même l'ai vu, ils frappent tous des mains et ne font que crier et sauter pendant la nuit.

Ils ont quelque connaissance du premier homme, mais différente de celle de l'Ecriture. C'est ce que j'ai pu apprendre d'eux en partie et des Hollandais.

Quant à la langue, elle est particulière et assez difficile, car ils parlent du gosier. Il serait bien nécessaire que tous ceux que vous destinerez pour les Indes sussent la langue portu-

 

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gaise ; car elle passe partout ; et il n'y a quasi point de nègres, surtout aux Indes, qui ne la parlent. C'est ce que j'ai ouï dire de tous et remarqué moi-même ; et c'est même ce que le grand François Xavier recommande fort en ses épîtres à ceux qui le venaient secourir en la vigne du Seigneur.

 

CHAPITRE X

DE NOTRE DÉPART DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE.

Nous levâmes l'ancre un lundi 14 du mois de mars, de la rade de Table Bay, et arrivâmes à l'île de Sainte-Hélène le mercredi 29 du même mois, où nous trouvâmes notre amiral, que nous avions perdu dès le lendemain de notre départ du cap. Nous y séjournâmes trois jours, pendant lesquels nous visitâmes nos messieurs, M. Feydin et moi, hors M. Daveroult que nous ne pûmes voir, qui furent bien aises de prendre l'occasion pour se confesser.

Nous partîmes de cette île le premier d'avril pour la ligne, que nous avons passée le lendemain de Pâques, 18 dudit mois, à deux heures après minuit, ayant toujours eu un temps très favorable depuis le cap, et tous en bonne santé, par la grâce de Dieu.

Le 29 de mai, quatre navires nous vinrent joindre, savoir deux anglais, qui venaient des Indes, et deux hollandais, qui venaient de vers l'Amérique. Il ne demeura qu’un vaisseau anglais avec notre flotte, les trois autres continuant leur route.

Le 15 de juin, vinrent au-devant de nous sept vaisseaux de guerre d'Amsterdam avec deux petites galiotes ; et le lendemain, jour de la fête du très Saint Sacrement de l'autel, en arrivèrent encore trois ou quatre autres de Zélande, qui donnèrent quelque rafraîchissement à nos vaisseaux, de façon que nous étions dix-huit ou vingt vaisseaux de compagnie. Ils avaient quelque crainte que les Anglais n'attaquassent leur flotte. Voilà pourquoi M. Le Raistre, amiral de Hollande, avait dix grands vaisseaux de guerre vers le Flie, port où nous devons mouiller, éloigné de dix-huit lieues d'Amsterdam.

Le 23 du même mois, notre vice-amiral, dans le vaisseau duquel était M. Daveroult. se sépara de nous, avec six autres vaisseaux, afin de prendre sa route pour Zélande.

M. notre amiral, que j'avais visité à Sainte-Hélène, m'avait octroyé, quand nous serions proche de Hollande, de prendre avec nous dans notre vaisseau ledit sieur Daveroult, afin d'arriver tous ensemble ; ce que j'aurais fait si je n'avais eu différend avec notre capitaine sur le sujet d'un Espagnol, qu'on croyait devoir rendre l'âme bientôt ; ce qui nous obligea,

 

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M. Feydin et moi, d'y aller et de lui conférer, sans qu'on s'en aperçut, l'absolution, le malade, de sa part, témoignant beaucoup de regret et versant même beaucoup de larmes.

Le capitaine, ayant appris que nous avions visité le malade, m’envoya quérir le lendemain et me demanda tout en colère qui m'avait permis d'aller le voir. Jusques ici nous avions été très bons amis et avions reçu de lui toutes sortes de courtoisies ; mais du depuis il n'en a pas agi de même, et principalement pendant quinze jours, où il nous a fait grise mine. Ce qui nous a empêchés d'avoir avec nous M. Daveroult, lequel, à cause du calme, qui dure presque depuis quinze jours, n'a pu avancer en sa route, de façon que son vaisseau a été obligé encore de rester avec la flotte.

Le 26 de juin, M. Le Raistre, amiral de Hollande, vint, avec huit grands vaisseaux de guerre, au devant de nous, à la distance d'environ cinquante lieues d'Amsterdam. Ce qui donna l'alarme à nos vaisseaux de guerre, qui allèrent le reconnaître, craignant que ce fussent les Anglais ; comme aussi audit amiral de Hollande, pource que trente vaisseaux d'Angleterre avaient passé par le canal pour aller en Portugal. Ce qui l'obligea de nous venir joindre, craignant qu'ils ne fissent quelque entreprise sur la flotte, qui est très riche, puisqu'on tient qu'elle a la valeur de plus de... millions, soit en pierreries, soit en or, soit en argent, soit en marchandise, comme brocarts d'or, d'argent, de soie et taffetas de Chine, des toiles de coton, du jais, sucre, poivre, clous de girofle et muscades.

Ces messieurs gardent un très bel ordre entre eux ; et plût à Dieu qu'ils eussent autant soin de leur âme et de leur salut, qu'ils en ont pour acquérir et conserver les richesses et biens périssables de ce monde !

Outre les trois pilotes dont chacun de nos vaisseaux étaient munis, il nous en fut donné encore à chacun deux autres, qu'on nomme pilotes côtiers, qui savent le fond et profond de l'eau jusques à un pied, afin de ne point rendre le proverbe véritable : in portu naufragium, ainsi qu'il nous est arrivé, et à cent cinquante vaisseaux, au havre de Texel, distant de quatorze lieues d'Amsterdam, qui périrent tous d'un seul coup de vent l'hiver passé, parmi lesquels se rencontra celui des évêques pour la Chine.

Nous arrivâmes à Flie le dernier juin, où Dieu nous préserva de la mort, pour s'en être fallu que l'Amiral et notre vaisseau ne se soient touchés. Et de Flie nous prîmes une barque, qui nous amena à Amsterdam le premier juillet.

Nos occupations dans ces vaisseaux ont été à peu près comme dans nos maisons, hors que nous avons été privés d'offrir le saint sacrifice de la messe.

 

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CHAPITRE XI. - DE NOTRE ARRIVÉE EN HOLLANDE
ET DE NOTRE DÉPART POUR PARIS.

Le jour de la Visitation, nous allâmes entendre la grand' messe aux Béguines, religieuses qui sortent par la ville et ont chacune leur maison, comme les Chartreux ; leur Ordre est assez étendu en Flandre ; et nous célébrâmes pour rendre grâces à Dieu de notre navigation. Cette ville d'Amsterdam est une des belles de l’Europe ; la moitié du monde est de la religion catholique, apostolique et romaine. Aussi y a-t-il bien cent églises, et la liberté y est assez grande, hors qu'elle n'est pas publique ; voire même messieurs de la prétendue religion font mettre des sergents, les dimanches, aux portes des églises, pour empêcher que les enfants ne se moquent des catholiques. Il y a un évêque, divers religieux et plusieurs prêtres séculiers, qui ne portent point l'habit conforme à leur ordre, mais sont pour la plupart vêtus de gris. Chacun prêche les dimanches dans son église, où se rencontre bien du monde. Le même jour, nous allâmes saluer messieurs de la Compagnie des Indes, qui nous firent grande civilité, sans vouloir prendre de notre argent, ni ouvrir nos coffres et ballots, quoiqu'ils les ouvrent à tous. Ce qui étonna assez le monde (22).

Ce fut en cette ville que j'appris la mort de celui que je chérissais le plus au monde après Dieu, mon très cher et très honoré Père M. Vincent de Paul, ce qui me saisit fort le cœur, et n'eût été la conformité que nous devons toujours avoir à la volonté de Dieu, j'eusse eu crainte d'en tomber malade ; je l'appris par M. de Chameson, grand serviteur de Dieu, qui s'en va à la Chine avec Nosseigneurs les évêques. Nous avons quasi toujours été ensemble aux églises et aux visites des pauvres, pour les assister spirituellement et corporellement, avec M. de Sweerts, un des plus grands peintres du monde, s'il n'est le plus grand, non seulement pour l'excellence de sa peinture, car il ne prend pas moins de cent pistoles pour faire une tête, mais encore plus pour la sainteté de sa vie, ne mangeant point de viande, jeûnant quasi tous les jours, couchant sur la dure, distribuant son bien eux pauvres, fort adonné à l'oraison, communiant trois ou quatre fois la semaine. Il s'est rangé depuis peu sous l'obéissance de Monseigneur l'évêque d'Héliopolis (23)

22. Bien que la suite ne fasse pas partie, à proprement parler, d'une lettre à saint Vincent, comme la relation de Nicolas Etienne forme un tout, nous la donnons dans son entier.

23. François Pallu.

 

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pour faire de lui ce qu'il jugera à propos. Il sait sept langues et a fort voyagé. Sa conversion et sa vie est tout extraordinaire et miraculeuse. Aussi a-t-il quantité de beaux secrets, qu'il m'a dit ne lui avoir été communiqués de Dieu que par la croix, et il n'entreprend rien que par icelle.

En faisant ces visites, j'appris le grand besoin qu’avaient ces pauvres gens des matières des catéchismes. Aussi souhaiteraient-ils bien des missonnaires pour les leur faire et les entendre en confession générale ; ce qu'un très grand nombre eût fait si nous eussions eu la permission de les entendre. Il serait bon aussi qu'ils fussent secourus de quelque somme d'argent, afin d'empêcher un malheur qui arrive presque tous les jours, qui est que plusieurs de ces pauvres, poussés par la nécessité, se font huguenots, à cause que messieurs de la prétendue religion leur donnent toutes les semaines de quoi vivre et entretenir leur famille. Ces messieurs ont parmi eux des personnes qu'ils nomment diacres, qui s'en vont dans toutes les maisons de ces pauvres gens pour les persuader de changer de religion, leur assurant que rien ne leur manquera. Et par ainsi, faute d'une somme d'argent, quantité font naufrage, au grand détriment et scandale de l'Eglise. O mon Dieu, combien de personnes y a-t-il qui répondront au grand jour de vos assises de la perte de ces âmes, pour avoir des millions et des trésors enfouis et cachés dans leurs coffres ! Et cependant trente mille livres tous les ans empêcheraient ce malheur, voire même en ramèneraient dans le giron de l'Eglise plusieurs qui se sont pervertis. Quelle honte, quelle confusion pour des âmes catholiques de voir des hérétiques plus zélés et plus grands aumôniers qu'elles ne sont !

Nous partîmes d'Amsterdam le 8 de juillet et passâmes par Haarlem, qui était autrefois la demeure des évêques et du comte de Hollande, où il y a une église qu'on tient être la plus grande du pays.

De Haarlem, nous allâmes par Leyde, où il y a une grande université, et de Leyde nous arrivâmes à La Haye le même jour, qui est le séjour du prince d'Orange de Messieurs les Etats et de tous les ambassadeurs. Et quoique ce ne soit qu'un bourg, il y a toujours bien quatre cents carrosses et est estimé bien aussi beau qu'Amsterdam, soit pour les maisons, les rues, l’air et les belles issues.

Le lendemain, après avoir célébré la sainte messe chez le R. P. Bernard, carme déchaussé, nous allâmes, M de Fontaines et moi, saluer M de Thou, ambassadeur de France, qui nous reçut très bien, étant encore au lit, et nous obligea à dîner avec lui. Il eût bien voulu nous retenir deux jours, mais nous le supppliâmes de nous en dispenser ; ce qu'il eut peine à

 

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faire, après nous avoir donné passeport pour nos personnes et pour notre bagage, resté à Amsterdam chez M. Vignon, marchand, qui le doit faire tenir à son frère M. Le Roux, à Nantes, afin de le livrer entre les mains des sœurs de la Charité.

Ce bon ambassadeur ne savait quelle chère nous faire. Il est fort porté pour l'établissement de la foi ès pays étrangers, et ayant appris de nous le bon traitement que nous avions reçu de messieurs les Hollandais, il nous promit de les en aller remercier.

Le dimanche 10 juillet, un de nous ayant célébré et les autres communié nous nous en allâmes coucher à Rotterdam, qui est encore une grande ville, bien belle

Le lendemain, nous en partîmes, après avoir célébré chez les Béguines, qui ont une fort belle église, et y avoir entendu une grand’messe de Requiem en musique. Nous nous mîmes sur l’eau et passâmes par Dordrecht, par Tholen, et fûmes obligés à cause du calme, de descendre à Bergen, où nous prîmes deux charrettes, qui nous menèrent le 12 à Anvers, où nous quittâmes l’habit commun pour nous revêtir de soutane.

Anvers est une des belles et grandes villes de Flandre. L'église des Jésuites est fort magnifique, pour les peintures et le marbre. La place d'armes, les remparts, où sont autour des rangées d’arbres, et le havre en font le beauté.

D'Anvers nous allâmes à Malines, qu'on appelle la jolie, et de là à Bruxelles, où nous prîmes une voiture, qui nous a conduits jusques à Saint-Lazare, où, pendant tout le chemin nous avons fait tous les exercices que les Missionnaires ont coutume d'y pratiquer, savoir, outre nos règles, l'Itinéraire ou les litanies du nom de Jésus en espèce de musique ; et l’après-dînée, celle de la très sainte Vierge, le catéchisme aux enfants, aux pauvres et aux serviteurs et servantes. Et enfin nous conclûmes et finîmes les petits exercices de notre voyage par un Te Deum laudamus, près de la Villette, pour rendre grâces à Dieu de nous avoir tous ramenés sains et saufs, avec un cantique spirituel que chantait fort souvent feu M. Dufour, qui commençait par ces paroles : Unus es, Deus, super omnia.

De Bruxelles nous allâmes à Notre-Dame du Haut, qui est un lieu fort visité des pèlerins et où il se fait des miracles ; de là à Soignies, à Mons, en Hainaut, où il y a une très belle église de chanoinesses de Sainte-Vautrude, qui doivent être toutes demoiselle nobles de huit races de père et de mère. Elles chantent et font très bien l'office. Quand elles vont au chœur, elles sont vêtues toutes de blanc ; mais, quand elles sont dans leur maison, elles sont habillées comme les autres demoiselles de la ville. Elles ont toutes carrosses, et les plus grands seigneurs les choisissent pour femmes, hors les quatre premiè-

 

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res, qui ne peuvent pas se marier. Elles ne relèvent que du roi d'Espagne, et l'archevêque na point droit de visite chez elles.

De Mons nous allâmes à Valenciennes, de là à Cambrai, à Péronne, à Roye, à Senlis et puis enfin à Paris, où nous arrivâmes à Saint-Lazare le 20 de juillet, tous en parfaite santé, par la grâce de Dieu, et y fûmes reçus très cordialement par M. Alméras maintenant notre général et très honoré Père, et de tous ses enfants, nos très chers confrères, auxquels nous sommes très étroitement obligés après Dieu, pour nous avoir conservés par leurs prières de tant de dangers, où la mort était inévitable. C'est pourquoi, Monsieur, nous nous prosternons tous à vos pieds et de ceux de toute notre Compagnie, pour vous en remercier et vous assurer que nous n'oublierons jamais de tels bienfaits.

 

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A P P E N D I C E S

1. - LETTRE DU FRÈRE BERTRAND DUCOURNAU
AU CHANOINE DE SAINT-MARTIN

Août 1658.

Monsieur,

J'ai reçu commandement de vous écrire de la part de Messieurs Portail, Dehorgny et Alméras, que vous connaissez, en attendant qu'ils le puissent faire eux-mêmes, pour vous remercier très humblement des lettres que vous leur avez communiquées (1) Ils ne voudraient pour rien au monde ne les avoir reçues, parce qu'elles contiennent des choses qui donneront un jour un surcroît de lustre a la sainte vie de la personne qui les a écrites. Aucun de nous n'avait jamais su certainement qu'il eût été en Barbarie et encore moins qu'il eût converti son patron. Pour moi, Monsieur, j'admire la conversion de cet apostat, l'humilité de son esclave, l'assurance qu'il sentait en son âme d'avoir la liberté, et la grâce qu'il avait de se faire aimer des Turcs, qui sont inhumains, particulièrement du médecin qui lui enseigna tant de beaux secrets ; mais je vous assure que j'admire encore plus la force qu'il a eue de ne dire jamais un seul mot de toutes ces choses à pas un de la Compagnie, quoiqu'il ait eu occasion d'en parler cent et cent fois, en parlant de l'assistance des captifs, qu'il a entreprise depuis douze ou quinze ans. Il nous a bien souvent dit qu'il était fils d'un laboureur, qu'il a gardé les pourceaux de son père, et d'autres choses humiliantes, mais il nous tut celles qui pouvaient lui tourner à

Appendice 1. - Ce document est extrait de la notice du frère Bertrand Ducournau, composée par le frère Chollier, son aide, puis son successeur, au secrétariat de saint-Lazare, et publiée dans les Notices sur les prêtres et frères défunts de la Congrégation de la Mission, première série, t. I, p. 423.

1. Les lettres 1 et 2, de la Captivité,

 

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honneur, comme d'avoir été esclave, pour n'avoir occasion de dire le bien qui s'en est ensuivi. Enfin, Monsieur, j'admire la sagesse de Dieu, qui, voulant se servir de ce sien serviteur pour secourir les pauvres chrétiens qui gémissent sous la cruauté des mahométans, a permis qu'il soit tombé lui-même entre les mains de ces barbares pour lui faire toucher au doigt les maux que souffrent les captifs, les dangers où ils sont de se perdre et l'obligation qu'on a de les assister.

Peut-être ne savez-vous pas, Monsieur, qu'entre les œuvres importantes que cet homme de Dieu a faites, dont le nombre et les fruits étonnent ceux qui les considèrent, il a trouvé moyen d'établir des missionnaires à Tunis et à Alger, où ils assistent spirituellement et corporellement les pauvres esclaves.

La captivité donc de cet homme charitable lui ayant acquis la connaissance de l'alchimie, il s'en est servi plus heureusement que ne font ceux qui entreprennent de changer la nature des métaux ; car il a converti le mal en bien, le pécheur en juste, l'esclavage en liberté et l'enfer en paradis, et cela par autant de manières que sa Compagnie a d'emplois et que le zèle d'un homme apostolique peut avoir d'invention. Il a trouvé la pierre philosophale ; car sa charité, enflammée d'un feu divin, convertissait tout en or pur, semblable à celui dont est faite la sainte cité décrite par saint Jean .

Monsieur, vous nous avez découvert un trésor caché, en nous envoyant ces lettres, et vous consolerez grandement ces Messieurs si vous pouvez leur en envoyer d'autres, encore qu'elles ne contiennent rien de fort remarquable. Ils voudraient bien savoir comment il se sépara du légat d'Avignon, qui le mena à Rome, ce qu'il fit en cette cour-là, où il alla en sortant d'Italie, en quel temps il vint à Paris et pourquoi, en quelle année et en quel lieu il a été fait prêtre ; et si vous savez, Monsieur, quelques particularités autres de sa jeunesse, vous nous obligerez de nous en informer. Il ne nous parle jamais de lui que pour se confondre, et jamais pour manifester les grâces que Dieu lui a faites, ni celles que Dieu a départies à d'autres par son moyen. Si ces deux lettres étaient tombées en ses mains, jamais personne ne les aurait vues ; et ces Messieurs ont jugé à propos de les retenir

 

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et de ne lui en pas parler ; et même, afin qu'il ne sache pas que nous les avons, ils ont supprimé la vôtre, estimant que vous ne l'aurez pas désagréable, comme ils vous en supplient très humblement. Que s'il vient à vous redemander derechef les siennes, vous pourrez alors lui écrire que vous les lui avez adressées et que vous êtes bien marri qu'il ne les ait pas reçues. Nous sommes nous-mêmes bien fâchés de le priver de la consolation qu'il aurait de lire ses anciennes histoires et de se voir jeune en sa vieillesse mais il a fallu se résoudre à cela, ou à perdre les originaux ; ce qui aurait été encore plus fâcheux.

Je rends grâces à Dieu, Monsieur, de l'occasion qu'il me donne de vous offrir mon obéissance, comme je fais, avec tout le respect que je vous dois. Je ne prendrais point cette liberté, n'ayant l'honneur d'être connu de vous, si je n'avais celui d'être de la Mission et par conséquent obligé de vous honorer et servir parfaitement, à l'exemple de notre très honoré Père, votre parfait ami. Grâces à Dieu, j'en ai la volonté tout entière ; mais, n'étant qu'un pauvre frère, inutile à tout le monde, je crains de ne pouvoir jamais vous témoigner par les effets à quel point je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, votre...

 

2. - LETTRE DU CHANOINE CRUCHETTE
AU FRÈRE BERTRAND DUCOURNAU.

Mon très cher Frère,

Je reçois toutes vos lettres avec grand sujet de consolation et vous remercie de l'honneur que vous me faites, et de la bonté que vous avez de satisfaire au désir que j'aurais d’apprendre l'établissement de vos Messieurs à Bétharram et d'en pouvoir promouvoir l'exécution. J'espère que nous posséderons ce bonheur bientôt et que Notre-Seigneur achèvera son ouvrage.

Monsieur Peyresse, un des principaux chapelains de Bétharram, étant en cette ville la semaine passée, me fit l'honneur de me venir voir, et me demanda si j'avais reçu des nouvelles de Paris touchant cette affaire. M'en faisant le

Appendice 2. - L. a. - Dossier de Turin, original.

 

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déduit, il me témoigna qu'on souffrait du silence de Monsieur Vincent, et m'assura que Monsieur de Lescar lui avait récrit. Il me fit voir aussi une lettre que Monsieur le précepteur des enfants de Monsieur le premier président de Pau, qui a fort à cœur cet établissement, lui avait écrite, par son ordre, afin qu'il contribuât à l'exécution. Dans l'entretien que nous eûmes ensemble, j'ai connu qu'il le souhaitait fort. Je ne lui fis pas voir vos lettres, à cause du secret que m'avez imposé, me contentant seulement de justifier, comme je devais, le procédé de Monsieur Vincent, et lui disant de moi-même les raisons pour rendre l'exécution du traité facile, et les avantages que Messieurs les chapelains en retireront en s'unissant avec Messieurs de la Mission, ou demeurant à Bétharram, avec une pension qu'on pourra établir pendant leur vie. Et en cas que quelqu'un d'entr'eux ne voudra pas se lier à la Mission, ou par l'union, ou par la pension, il n'y a pas prélat dans le voisinage, ni dans la suffragance d'Auch, qui ne donne à Monsieur le premier président quelque bénéfice pour récompenser les chapelains, qui est le dernier et souverain remède.

Toutes choses étant ainsi disposées, je ne puis pas m'imaginer que l'affaire ne soit bientôt terminée sans aucune difficulté. Je le souhaite de tout mon cœur pour la gloire de Notre-Seigneur, pour la sanctification de cette maison et des personnes qui abordent, pour le bien général des diocèses voisins et pour mon intérêt particulier.

Attendant d'apprendre des nouvelles du traité parfait, je vous demande, par grâce et par compassion, de m'offrir à Notre-Seigneur et de me croire en lui tout vôtre.

CRUCHETTE.

A Tarbes, le 5 août 1660.

 

 

3. - LISTE DES ÉTABLISSEMENTS DE MISSIONNAIRES
FONDÉS DE 1625 A 1660 ET NOMS DES SUPÉRIEURS
(1)

 

1. - COLLÈGE DES BONS-ENFANTS A PARIS (1625)

Saint Vincent de Paul (1625) ; Jean Dehorgny (1632) ; Jean Pillé (1635) ; Jean Dehorgny (1638) ; Antoine Dufour

Appendice 3. - Cette liste est la reproduction du manuscrit intitulé Catalogue des maison et des supérieurs (Arch. de la Mission), avec les

 

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(1643) ; Pierre du Chesne (1644) ; Gilbert Cuissot (1644) ; Lambert aux Couteaux (1646); Thomas Berthe (1650) ; François Lièbe (1650) ; Pierre du Chesne (1651) ; Guillaume Cornuel (1652) ; Jean Dehorgny (1654) : Jean Watebled ( 1659).

2. - SAINT-LAZARE (1632)

Saint Vincent de Paul (1632).

3.- TOUL (1635)

Lambert aux Couteaux (1635) ; Antoine Colée (1637) ; François du Coudrav (1638) ; Etienne Bourdet (1641) ; Jean Bécu (1642) ; Charles Aulent (1646) ; Augustin Lefebvre (1647) ; Gabriel Delespiney (1648) ; Louis Dupont (1652) ; Nicolas Demonchy (1653) ; Georges des Jardins (1657) ; Nicolas Demonchy (1657) ; Michel Caset (1659) ; Gérald Brin (1660).

4. - NOTRE-DAME-DE-LA-ROSE (1637)

Benoît Bécu (1639) ; Gilbert Cuissot (1610) ; François Soufliers (1642) ; François du Coudray (1644) ; Guillaume Delattre (1646) ; Bernard Codoing (1648) ; Emerand Bajoue (1649) ; Gérald Brin (1652) ; Claude Dufour (1654) ; Jean Chrétien (1655).

5. - RICHELIEU (1638)

Lambertaux aux Couteaux (1638) ; Denis Gautier (1642) ; Bernard Codoing (1649) ; Lambert aux Couteaux (1650) ; Jean-Baptiste le Gros (1651) ; Pierre de Beaumont (1656) ;

6.- LUCON (1638)

Gilbert Cuissot (1638) ; Jacques Chiroye (1640) ; Jacques Lucas (1650) ; Jacques Chiroye (1654).

7. - TROYES (1638)

François du Coudrav (1638) ; François Dufestel (1638) ; Jean Bourdet (1642) ; Charles Ozenne (1644) ; Nicolas Rose (1653) ; Gérald Brin (1657) ; François Dupuich (1658).

additions et corrections que réclament les lettres de saint Vincent et d'autres documents.

 

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8. - ALET (1639-1641)

Etienne Blatiron (1639).

9. - ROME (1639)

Louis Lebreton (1639) ; Bernard Codoing (1642) ,Jean Dehorgny (1644) ; René Alméras (1647) ; Jean Dehorgny (1651) ; Thomas Berthe (1653) ; Edme Jolly (1555).

10 - ANNECY (1640)

Bernard Codoing (640) ; François Dufestel (1642) ; Jean Guérin (1642) ; Achille Le Vazeux (1653) ; Marc Coglée (1659) ; Charles Boussordec (1660).

11. - CRECY (1641)

Pierre du Chesne (1641) ; Guillaume Delville (1644) ; Guillaume Gallais (1644) ; François Grimal (1645) ; Louis Serre (1646) ; Jean-Baptiste Gilles (1651) ; Jacques Le Soudier (1652) ; Dominique Lhuillier (16541) ; Jacques Chiroye ( 1660) .

12. - MARSEILLE (1643)

François Dufestel (1644) ; Jean Chrétien (1645) ; Pierre Duchesne (1653) ; Firmin Get (1654).

13. - CAHORS (1643)

François Dufestel (1643) ; Guillaume Delattre (1644) ;Charles Testacy (1646) ; Gilbert Cuissot (1647).

14. - SEDAN (1643)

Guillaume Gallais (1643) ; N*** (1644) ; François Grimal (1646) ; Charles Bayart (1648) ; Marc Coglée (1650) ; Jean Martin (1654) ; Marc Coglée (1655) ; Pierre Cabel (1657).

15. - SAINTES (1644)

Louis Thibault (1644) ; Claude Dufour (1646) ; Louis Rivet (1648) ; Pierre Watebled (1650) ;Philippe Vageot (1651) ;Louis Rivet (1656).

1. Dominique Lhuillier administra la maison sans avoir le titre de supérieur ; il n'avait avec lui qu'un frère coadjuteur.

 

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16. - MONTMIRAIL (1644

Guillaume Delville (1644) ; N*** (1616) ; François Grimal (1648) ; Guillaume Cornuel (1649) ; Guillaume Delville (1650) ; Charles Bayart (1651) ; René Champion (1652) ; François Grimal (1654) ; Jacques Le Soudier (1655) ; Nicolas Guillot (1656) ; Guillaume Cornuel (1658) ; Jean Monvoisin (1659).

17. - LE MANS (1645)

Guillaume Gallais (1645) ; Antoine Lucas (1647) ; Jean Gicquel (1651) ; Donat Cruoly (1654) ; Denis Laudin (1657).

18. - SAINT-MÉEN (1645)

Jean Bourdet (1645) ; Bernard Codoing (1646) ; Louis Thibault (1648) ; Louis Serre (1655).

19. - SÉMINAIRE SAINT-CHARLES A PARIS (1645)

Bernard Codoing (1645) ; N*** (1646) ; François Hourdel (1650) ; Lambert aux Couteaux (1650) ; Jean-Baptiste Le Gros (1651) ; René Alméras (1651) ; Nicolas Gobelet (1653) ; Nicolas Talec (1654).

20. - GÊNES (1645)

Etienne Blatiron (1645) ; Jacques Pesnelle (1657).

21. - TUNIS (1645)

Julien Guérin (1645) ; Jean Le Vacher (1648).

22. - ALGER(1646)

Louis Nouelly (1646) ; Jacques Le Sage (1648) ; Jean Dieppe (1649) ; Philippe Le Vacher (1550).

23. - IRLANDE ET ÉCOSSE (1646)

Pierre du Chesne (1646) (2)

2. Pierre du Chesne revint en France en 1648. Nous ne savons si le titre de supérieur passa à quelqu'un d'autre. Du vivant de saint Vincent, surtout après 1652, il y eut peu de missinnaires dans cette Mission, et ils travaillèrent isolément, éloignés les uns des autres.

 

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24 - ILE DE MADAGASCAR (1648)

Charles Nacquart (1648) ; Jean-François Mousnier (1650) ; Toussaint Bourdaise (1655).

25 - TREGUIER (1648)

Jacques Tholard (1648) ; Denis Pennier (1653) ; Louis Dupont (1654).

26. - AGEN (1648)

Guillaume Delattre (1648) ; François Grimal (1650) Edme Menestrier (1651).

27. - PERIGUEUX (1650-1651)

Charles Bayart ( 1650).

28. - POLOGNE (1651)

Lambert aux Couteaux (1652) ; Charles Ozenne (1653) ; Guillaume Desdames (1658).

29. - NOTRE-DAME-DE-LORM ET MONTAUBAN (1652)

Emerand Bajoue (1652) ; François Lièbe (165~) ; Edme Barry (1656).

30. - TURIN (1654)

Jean Martin (1655),

31. - AGDE (1654)

Pierre du Chesne (1654) ; Jean-Jacques Mugnier (1654) Antoine Durand (1656).

32. - MEAUX (1658)

Gérald Brin (1658),

33 - MONTPELLIER (1659-1660)

Firmin Get (1659).

34 - NARBONNE (1659)

Georges des Jardins (1659).

 

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PREMIER SUPPLEMENT

 

3297. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

Ce samedi à midi. [mai 1630.]

Il y a un an qu'il n'y a point de procureur à la Charité (1), et néanmoins un bon homme a toujours écrit la recette et dépense et veut bien présentement accepter la charge par élection.

Les sœurs de la Charité se sont un peu refroidies en l'exercice et ont souvent laissé la visite des malades à leur jour, à cause que la trésorière est de si bonne volonté qu'elle fait cuire pour celles qui sont, et aussi que la supérieure et elle se contentaient quelquefois de donner de l'argent aux malades Elles en donnaient aussi à quelques-uns nécessiteux et négligeaient souvent d'avoir de la viande et faisaient passer les malades d'œufs, ou de quelque autre chose qui était à leur goût.

Lesdites sœurs, du moins la plupart laissent la sainte communion des mois et ont besoin d'être excitées par quelque prédication lorsqu'on ira faire l'élection du procureur.

La supérieure se contentait d'avoir le coffre chez elle et avait baillé les deux clefs à la trésorière Elles sont en peine pour la réception des malades et disent qu'il ne fallait point de Charité pour n'y admettre que ceux qui n'ont rien du tout, à cause qu'il y en a très peu ou point de cette sorte et quantité de qui le bien qu'ils ont est si engagé, qu'ils mourraient plutôt de faim que de pouvoir le vendre et s'en aider.

Lettre 3297. - Manuscrit saint Paul, p. 31. Le copiste note que la lettre est une réponse à la lettre 48 et que Louise de Marillac l'a écrite de sa main.

1. La charité de Villepreux.

 

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3298. - MADADE DE VILLENEUVE A SAINT VINCENT

Vive Jésus crucifié !

Mon Révérend Père,

Avez-vous résolu devant Dieu de laisser périr son œuvre (1) pour l'indignité de celle qui s'y emploie? Si Dieu vous l'inspire et qu’il vous commette pour cela, je m'y veux joindre avec vous. Dès que sa bonté me fit la grâce de la commencer, je fis cette proposition à Votre Révérence de la laisser, si vous me le commandiez, ce que vous ne jugeâtes pas à propos, mais seulement m'ordonnâtes d'apporter quelques circonstances, en travaillant à ce bénit œuvre, que j'ai suivies, par la grâce de Dieu, au pied de la lettre, et qui a entièrement réussi pour son acheminement.

Et nous voilà sur le point de sa perfection et accomplissement. Nous dénierez-vous cette grâce de couronner l'œuvre par votre conseil, comme vous l'avez commencé ? Non, je ne crois pas que vous en ayez le courage. Vous m'avez toujours secouru à point nommé dans mes extrémités corporelles et spirituelles. (1) Dieu vous a fait entrevoir, à vous, l'excès de mes souffrances, comme la volonté de les soulager. Peut-être sera-ce ainsi en cette occasion Venez donc voir, mon très cher Père, si cela est comme je le pense. Et serait-il bien possible que notre bon Dieu m'eût laissé décevoir à mes sens et que je n'eusse pas travaillé à sa gloire par son ordre jusques ici ? Non, je ne le puis croire si vous ne me le dites absolument. après l'avoir bien recommandé à Dieu, au nom duquel je supplie Votre Révérence de venir au plus tôt pour m'assurer de ses saintes volontés et m'aider à les accomplir, à l'exclusion de tout ce qui n'est point lui

C'est le désir inviolable, par la grâce de Dieu, de, mon Révérend Père, votre très humble, obligée et petite servante et fille en Notre-Seigneur.

MARIE LHUILLIER,
de la Société de la Croix

De notre séminaire de Paris, ce 4 février 1648

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur des Révérends Pères de la Mission, à Saint-Lazare.

Lettre 3298. - Copie de cette lettre se trouve dans un des volumes du procès de Béatification de saint Vincent de Paul. (Arch. de la Congr. des Rites).

1. La société des Sœurs de la Croix.

 

- 523 -

3299. - lambert aux couteaux,

supÉrieur a richelieu, a saint vincent

Richelieu, juin [1642] (1)

Nous n'avons que quarante-trois ordinands, dont la modestie commence à donner une merveilleuse édification en sorte que les peuples qui les voient à l'office divin ne peuvent retenir leurs larmes de tendresse, voyant l’ordre, la décence, la dévotion avec laquelle ils y assistent ; si bien qu'il semble à ces bonnes gens de voir, non des hommes, mais des anges de paradis A Dieu seul en soit la gloire, et à M. le cardinal de Richelieu, qui nous a établis ici, le mérite et la récompense, et à nous, la honte et la confusion devant les puissances célestes et terrestres, d'être employés à un si haut ministère !

 

 

3300. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[4 juillet 1642] (1)

Monsieur,

Madame Traversay a oublié de vous demander s’il ne faudrait point faire faire un autre arrêt (2) à cause que celui-là n'est que simplement pour les Enfants trouvés et non selon la proposition de Madame la duchesse (3), ; et quoique je lui aie dit que vous l'aviez bien vu, elle vous prie que je lui puisse mander demain matin.

Je vous supplie aussi très humblement que je vous puisse

Lettre 3299. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. V, 1re éd., p. 234.

1. Texte d'Abelly : 1649. C'est là certainement une faute d'impression, car cet auteur déclare plus loin que l'année suivante était l'année 1643.

Lettre 3300. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Voir notes 2 et 4.

2. Une note ajoutée par Louise de Marillac au dos de l'original nous apprend que l'arrêt obtenu était relatif à la "rente de Gonesse". Par cet arrêt, de juillet 1642, une rente annuelle de 4 000 livres, à prendre sur la châtellenie de Gonesse, était attribuée à l'œuvre des Enfants trouvés. A la demande de la duchesse d'Aiguillon, sur cette somme mille livres furent affectées à l'entretien des sœurs de l'établissement.

3. La duchesse d'Aiguillon.

 

- 524 -

parler quelque temps avant que vous partiez (4) ; sans cela, je serais très empêchée

Nous avons ici une sœur presque toute résolue de sortir ; y a plus d'un an qu'elle est céans; je l'ai treuvée ce soir revenue de la maison des Enfants trouvés. Je lui ai conseillé de se confesser demain. S'il se pouvait que ce fait à Monsieur Guérin (5), puisque Monsieur Portail est toujours malade et que ce fut le matin, à cause que je ne vois qu'elle qui puisse aller secourir nos sœurs de Saint-Sulpice, où l'une est, ce m'a-t-on dit, à l'extrémité?

Je me sens un peu surchargée de quantité de difficultés pour les dispositions des esprits de la plupart de toutes nos sœurs. Je vous assure, Monsieur que ce m'est un grand sujet de confusion devant Dieu et devant le monde pour mon insuffisance à aider à bien faire à ces bonnes filles.

Je supplie la bonté de Dieu vous le faire connaître et y pourvoir, et suis, Monsieur votre très humble et très obligée fille et servante.

L. DE M.

Ce vendredi.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent.

 

3301. - A LOUISE DE MARILLAC

[4 juillet 1642] (1)

Vous avez raison de mander à Madame Tra[versayl qu'elle fasse comprendre les filles (2) en l'arrêt, selon le désir de Madame d'Aiguillon. Je m'en vas faire dire à M. Guérin qu'il aille confesser cette fille, et vous verrai avant partir

4. Saint Vincent devait aller à Beauvais, où il se trouvait le vendredi 11.

5. Jean Guérin, précédemment en Lorraine.

Lettre 3301. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Cette lettre répond à la lettre précédente, à la suite de laquelle elle a été écrite.

2. Les sœurs employées aux Enfants trouvés.

 

- 525 -

3302. - MADAME DE VILLENEUVE A SAINT VINCENT

Vive Jésus crucifié !

Monsieur Mon très honoré Père,

Votre Révérence sait bien que, sachant ses grandes et nécessaires occupations, ce n'est qu'à l'extrémité que j'ai recours à elle pour me soulager ou conseiller en mes affaires qui concernent la gloire de Dieu en cette maison ; mais c’est tout de bon, s'il vous plaît, qu'il faut venir au secours contre les attaques de Satan et de ses suppôts, qui ont juré sa ruine. Je ne sais ce que Dieu veut faire de moi, pauvre roseau agité de vents de persécution, sans que aucun jusques ici l'ait pu renverser, pas même ébranler. Il faut qu'il veuille quelque chose sur ce sujet, que le diable et le monde ne veulent pas ; car sur quoi fondre employer un escadron de gens d'armes pour vaincre un chétif petit soldat, si ce n'est que nul ne peut nuire à celui que Dieu protège et qui ne croit aux causes secondes non plus qu'au diable ? Votre Révérence m'a appris cette leçon depuis environ quatre ans, et je l'ai expérimentée, de sorte que j'en suis maintenant sûre., Dieu me fasse la grâce de le servir selon cette connaissance !

Je demande à Votre Révérence les saints sacrifices et prières, pour la rendre efficace pour l'éternité à sa plus grande gloire et l affermissement de cette maison, si elle est sienne, et je serai, Monsieur mon Révérend Père, Votre très humble et obéissante servante et fille en Notre-Seigneur.

 

MARIE LHUILLIER
de la Société de la Croix.

De notre séminaire de Paris, le 21 septembre 1648.

Suscription : A Monsieur Vincent, supérieur de la .Mission, à Saint-Lazare.

Lettre 3302. - Copie de cette lettre se trouve dans un des volumes du Procès de Béatification de saint Vincent de Paul. (Arch. de la Congr. des Rites).

 

- 526 -

3303. - A GUILLAUME GALLAIS, SUPÉRIEUR, A SEDAN

[Vers l643] (1)

Lorsque le roi vous envoya à Sedan, ce fut à condition de ne jamais disputer contre les hérétiques, ni en chaire, ni en particulier, sachant que cela sert de peu et que bien souvent on fait plus de bruit que de fruit. La bonne vie et la bonne odeur des vertus chrétiennes mises en pratique attire les dévoyés au droit chemin et y confirme les catholiques. C'est ainsi que la compagnie doit profiter à la ville de Sedan, en ajoutant aux bons exemples les exercices de nos fonctions, comme d'instruire le peuple selon notre façon ordinaire, de prêcher contre le vice et les mauvaises mœurs, d'établir et persuader les vertus, montrant leur nécessité, leur beauté, leur usage et les moyens de les acquérir. C'est à quoi principalement vous devez travailler. Que si vous désirez parler de quelques point, de controverse, ne le faites point, si l'évangile du jour ne vous y porte ; et alors vous pourrez soutenir et prouver les vérités que les hérétiques combattent, et même répondre à leurs raisons, sans néanmoins les nommer, ni parler d'eux.

 

3304. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[Mai, entre 1640 et 1648] (1)

Monsieur,

Je crois qu'il est très nécessaire que nous étions de bonne heure aujourd'hui cette pauvre demoiselle, qu’il semble que

Lettre 3303. - Abelly, op. cit., l. 2, chap. II, sect. I, § 4, p. 19.

1. Date de la fondation de la maison de Sedan.

Lettre 3304. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Voir lettre 3305, note 1.

 

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notre bon Dieu veuille sauver, la tirant du plus pitoyable danger pourvu qu’elle ne soit pas abandonnée ; car, si nous la laissons en liberté, elle sera entièrement perdue, pour plusieurs raisons que je dirai à votre charité, quand Dieu me fera la grâce de lui pouvoir parler... (2)

Ce lundi.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent

 

3305. - A LOUISE DE MARILLAC

[Mai, entre 1646 et 1648] (1)

Je fus hier à la Madeleine. La Mère (2) me refusa tout à fait de recevoir cette créature. Reste à écrire à Madame Traversay et de la prier de s'employer pour la mettre à la Pitié (3). Je ne puis y aller ; nous aurons ce matin céans la procession de Notre-Dame (4), que je dois

2. Seule la première page de la lettre nous a été conservée ; de la seconde il ne reste le premier, ou parfois les deux premiers mots de chaque ligne. On peut constater qu'à la din de la lettre Louise de Marillac appelle saint Vincent "Monsieur", comme au début.

Lettre 3305. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original. Saint Vincent a écrit des mots sur la lettre à laquelle il répond (l. 3304).

1. Cette lettre a été écrite le lundi des Rogations (cf. note 4), après l'établissement des sœurs à Daint-Denis (août 1645), au temps où Louise de Marillac avait l'habitude de dire "Monsieur", à saint Vincent (avant 1650). Ecartons l'année 1649, car le 10 mai 1649, lundi des Rogations, ce dernier n'était pas à Paris. C'est donc le 7 mai 1646, le 27 mai 1647 ou le 18 mai 1648 que se place la lettre ci-dessus. L'année 1648 est celle qui offre laplus grande probabilité, étant donné la maladie de la Mère Hélène-Angélique Lhuillier, qui fut réélue supérieure du premier monastère de Paris le 6 juin 1647 et fut remplacée le 16 mai 1649, avant la fin de son triennat, à cause de son état de santé.

2. Anne-Marie Bollain.

3. Hôpital de Paris.

4. L'église de Saint-Lazare était une des stations fixées pour la procession du lundi des Rogations. L'ancien coutumier (arch. de la Mission) nous a conservé le cérémonial suivi à cette occasion jusqu'à la fin du XVIII° siècle, quand le clergé de Notre-Dame honorait les prêtres de la Mission de sa visite.

 

- 528 -

recevoir, et me voici attendu par une personne de condition. Il sera bon que vous lui écriviez. S'il est besoin, M. Lambert l'ira trouver incontinent après dîner, tandis que j'irai jusques à Saint-Denis y voir Hélène-Angélique (5), malade, et pour une chose qui presse et qui ne se peut remettre. Je crains bien que je n'y pourrai pas voir nos chères sœurs de la Charité.

La pensée m'est venue qu'il y peut avoir intelligence entre cette créature et le jeune homme, afin de se rendre plus considérable. Peut-être que c'est un jugement téméraire ; mais le pauvre état où elle est m'en donne du soupçon, si ce n'est qu'elle eût promis au jeune homme qu'elle le ferait riche en Angleterre, et qu'étant venue au fait et au prendre pour partir, elle ait trouvé cette défaite pour s'échapper de lui.

 

3306. - LOUISE DE MARILLAC A SAINT VINCENT

[Entre 1643 et 1649] (1)

Monsieur,

Je supplie très humblement votre charité prendre la peine nous mander si ce sera pour demain, après dîner, que j'avertirai nos 4 sœurs. Je me suis oubliée de vous proposer notre sœur Anne, de Saint-Paul (2), de qui je crois. il faut ménager l’esprit, et notre sœur Geneviève (3) de l'Hôtel-Dieu, qui est maintenant céans pour se délasser de la fatigue qu'elle a eue pour les enfants trouvés durant la fin du carême. En ce cas, elles seraient 5 ou 6. Il pourra une autre fois en manquer quelques-unes, et ainsi cela servira que plus de quatre aient eu

5. Hélène-Angélique Lhuillier.

Lettre 3306. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Cette lettre est du temps où Louise de Marillac écrivait "Monsieur", en tête de ses lettres à saint Vincent et où, semble-t-il, Madame de Lamoignon était présidente des dames de la Charité.

2. Paroisse de Paris.

3. Probablement sœur Geneviève Poisson, qui fut longtemps employée aux enfants trouvés.

 

- 529 -

l'instruction qu'il plaira à Dieu nous donner par votre charité, de qui je suis, .Monsieur, très humble et très obligée servante.

L. DE MARILLAC.

 

3307. - A LOUISE DE MARILLAC

[Entre l643 et 1649] (1)

Je ne puis vaquer aujourd'hui à cet affaire, Mademoiselle. Il faut que je vous voie avant de déterminer le nombre. Ce sera demain, Dieu aidant, comme j'espère. Nous avons aujourd'hui l'assemblée des dames chez Madame de Lamoignon.

Je vous souhaite le bon jour et me recommande à vos prières.

 

3308. - A M HORCHOLLE

De Paris, ce 28 juin 1650

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Je suis un peu tardif en mes réponses, mais je ne l’ai pas été à tâcher de vous servir au sujet de la cure pour laquelle vous m'avez écrit. Je me suis adressé pour cela à une personne qui est grandement affidée à Mgr de Saint-Malo et auquel elle en a parlé ; mais ce bon prélat tient la chose irrésolue ; et ce mien ami m'est venu dire qu'il croit qu'il se soit engagé à un autre ; que néan-

Lettre 3307. - L. a. - Dossier des Filles de la Charité, original.

1. Cette lettre répond à la précédente, à la suite de laquelle elle est écrite.

Lettre 3308. - L. s. - Original au siège de la Société de saint-Vincent-de-Paul, à Rouen.

 

- 530 -

moins il tiendra la main à ce qu'il vous préfère, si tant est que le bénéfice vaque. Il y a bien des jours de cela ; et comme vous ne m'avez point mandé la mort de M. le curé, j estime qu'elle n'est pas arrivée et qu'il faut attendre quelqu'autre occasion.

Je recevrai toujours avec joie celles que j'aurai de vous servir, étant, comme je suis, en l'amour de Notre-Seigneur, de vous et de mademoiselle votre mère, que je salue très humblement, Monsieur, très humble et obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL
i. p. d. l. M. .

Suscription : A Monsieur Monsieur Horcholle, curé de Neufchâtel, à Neufchâtel.

 

3209. - A N ***

[1652 ou 1653] (1)

Qu’on a emprunté son nom et fait voir des lettres contrefaites, de la part desquelles les jansénistes virent avantage.

Ecrire à Rome que dans la Bulle du Pape il ne soit parlé du terme de L’Inquisition, ni des peines temporelles, contraires au style de France.

Que Monsieur Hallier et M. Lagault peuvent faire état qu'ils trouveront à leur retour en cette ville la somme de mille livres pour le sujet dont ils ont écrit.

Lui mander la bonne disposition de tout le monde pour se soumettre au jugement de Sa Sainteté, quelque bruit que les jansénistes fassent courir au contraire

Qu'il prenne garde aux personnes auxquelles il écrit, et que ce soit avec précaution.

Qu'il faudra un journal de tout ce qui s'est passé en leur négociation, avec toutes les particularités et circonstances considérables.

Lettre 3309. - Canevas aut. - Dossier de Turin, original.

1. Cette lettre est du temps où MM. Hallier et Lagault se trouvaient à Rome (mai 1652-1653) et précède la publication de la Bulle Cum occasione (21 mai 1653).

 

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3310. - A LOUIS DE CHANDENIER, ABBÉ DE TOURNUS

De Paris, ce 26e mars 1655

Monsieur,

C'est un grand cas que je me trouve toujours le même Je ne m'amende pas de mes lourdises et grossièretés. C'était à moi à me donner l'honneur de vous écrire le premier, et néanmoins, Monsieur, vous m'avez prévenu à ma grande confusion. Je vous remercie très humblement d'une telle bonté. J'ai grande joie d'avoir reçu de vos chères nouvelles, et bien de la peine de ce que la personne que vous savez (1)refuse de s'ajuster à la proposition que vous lui avez faite. J'espère de la bonté de Dieu et de la sienne qu'il accordera à la fin ce qu'on s'attend de lui.

Je ferai savoir à la demoiselle la constante et invariable bonté que vous avez de vouloir accomplir le contenu en votre billet. Je ne l'ai encore pu faire et n’ai pas eu seulement l'honneur de la voir depuis votre départ. Il y a un mois que je garde la chambre pour une petite indisposition qui m'est survenue, de laquelle je me trouve mieux, grâces à Dieu ; mais elle ne me permet pas encore de vous écrire de ma main, vous m'en excuserez, s'il vous plaît.

M. de la Rose m'a mandé qu'il a ébauché l'affaire dont est question, et qu'elle se pourra achever lorsque je pourrai aller en ce pays-là, où l'on m’offre de voir celui de qui cela dépend. C'est ce que je tâcherai de faire au plus tôt, et vous en ferai savoir le succès. Je prévois qu’il me payera de quelque raison d'évêché. En

Lettre 3310. - L. s. - Dossier de la Mission, original.

1. Probablement le chevalier de Chandenier, frère de Louis de Chandenier.

 

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ce cas, Monsieur, je lui dirai votre sentiment, qui est que vous ne croyez pas qu'il y ait vocation d'entrer dans l'épiscopat en donnant pour cela du revenu (.2) Je prie Notre-Seigneur qu'il accomplisse vos saintes intentions en ceci et en toute autre chose.

Cependant, Monsieur, si vous n'aviez emporté mon cœur, je l'envelopperais dans cette lettre pour s'aller prosterner devant le vôtre et vous assurer de la continuation de ses tendresses (3) pour votre chère personne, de laquelle je suis, mais Dieu sait combien, en son amour, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Quid si l'on me dit que, si le roi vous commande de prendre un évêché, qu'en conscience vous serez obligé à lui obéir ? Que répondrai-je à cela(4) ?

Suscription : A Monsieur Monsieur l'abbé de Chandenier.

 

3311. - JEAN BARREAU, CONSUL DE FRANCE,

A SAINT VINCENT

En Alger, ce 3e avril. 1655.

Monsieur,

Votre bénédiction !

Par les dernières occasions qui sont parties pour Marseille, je me suis donné l'honneur de vous écrire amplement sur tout ce qui s'offrait à la vie ; et comme, depuis ce temps, il n'y a pas grande nouveauté je vous dirai seulement la peine que j'ai en la distribution des deniers que l'on m'a fait tenir pour

2. Premier texte : en donnant pour cela du bénéfice ou du revenu.

3. Première rédaction : ses tendresses et de ses respects.

4. Ce post-scriptum est de la main du saint.

Lettre 3311. - L. a. - Archives de la Mission, original.

 

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les esclaves du Havre, chacun voulant qu'il soient appliqués à son rachat. Il y a un vieil esclave, nommé Jean Guillemare, qui court sa 26e année d’esclavitude, pour lequel, Madame la duchesse d'Aiguillon a eu la bonté de me faire écrire qui prétend être préféré Ainsi chacun dit sa raison.

Nous avions eu une pensée, de faire assembler tous ceux du Havre dans notre maison pour savoir comme me comporter au gré d'un chacun. Depuis deux ou trois jours, François Fiquet, jeune garçon, a tourné turc, duquel on spécifie, dans le mémoire des esclaves, que ses père et mère ont quelque peu de bien. Pour sa raison, il dit qu'il s'est fait turc pour faire pénitence de ses péchés Il y en a guère trois ou quatre qui tremblent dans le manche, auxquels j'ai déclaré que j'avais quelques deniers et qu'avec le temps on ferait davantage pour eux ; pour cette raison que je les priais de se donner patience et qu'enfin on ne les laisserait pas en Alger longtemps. Nous ne savons par lequel commencer, ni comment, d'autant que cela donne sujet aux autres de se désespérer. Ainsi vous voyez, Monsieur, que le bien qu'on pense à faire tourne en mal.

Vous me marquez, dans la vôtre du 15 janvier, que l'on fait quelque effort afin de les racheter, sinon tous du moins en partie, et d'une autre part, madite dame nous écrit pour les plus pauvres et ceux qui sont le plus en péril et cependant il n'y a pas à peine pour le rachat de deux. Elle nous écrit aussi de la venue des Pères de la Rédemption et c'est dont nous n'avons aucune nouvelle et où il y a fort peu d'apparence.

Nous n'avons pas encore reçu l’argent que l'on a fait tenir, d'autant que les marchands ne l'ont pas aussi reçu de ceux auxquels ils ont vendu les marchandises quoiqu'il y ait près de six semaines qu'ils sont arrivés en cette ville. Je n’ai pareillement rien encore reçu de toutes les sommes que Monsieur Get leur a consignées.

Par l'arrêt du compte de l'année passée, vous avez vu comme nous sommes courts ou en arrière de six mille et tant de livres Je dois cela à ces pauvres chrétiens esclaves, qui nous ont confié cet argent. Je tremble tous les jours de peur qu’ils ne viennent à me le demander ; auquel cas, je me verrais bien embarrassé Au nom de Dieu, Monsieur, aidez-nous. Je ne doute point que votre bonté ne fasse jusques à l’impossible pour nous tous ; mais je vous supplie de vous ressouvenir que nous courons plus de dangers qu'aucun. Vous avez vu comme on m'a pris de force jusques à 643 piastres sur le rachat de M. Franchiscou, de Marseille. Je veux bien croire qu'il n y a rien à perdre ; mais toujours nous en courons le risque. Je vous assure que je ne fais que pousser le temps par l'épaule,

 

- 534 -

comme l’on dit ; et de ce qu’un chrétien me donne aujourd'hui à garder, je l'emploie au payement de celui qui me demande le payement de ce qu’il m'avait donné à garder longtemps auparavant.

Je vous ai donné des nouvelles de tous les esclaves que j'ai pu trouver, comme de Jean Gallienne, de Saint-Valery, qui a écrit à son frère, de Martin Jolly, de Tours, qu’il avait succédé au frère René Duchesne (il est dans notre maison) et qu'il était notre cuisinier ; mais il lui faut plus de trois cent cinquante piastres pour sortir de la galère ; de Jacques Varlet, frère du Barnabite, auquel il a écrit ; son patron l'emploie au métier de tonnelier ; que je ne puis rien avancer contre M. Constans pour lui recommander ce qui est dû à la veuve du capitaine du Creux. Il me le fait toujours espérer au retour de M. son frère, qui est au bastion; mais jamais il ne vient.

Beaucoup de personnes demandent des nouvelles du sieur Agapyt, qui vous avait été recommandé par la duchesse de Mercœur ; mais avec tout cela il ne vient point d'argent. Il y a du danger que tant de recommandations et informations ne viennent à se découvrir et qu'elles ne lui fassent du tort.

J'ai envoyé à M. Blatiron à Gênes une procuration en blanc, pour être remplie de telle personne qu'il jugera à propos, pour poursuivre les sieurs Chehff, pour le payement de ce qu'ils me doivent. On me fait espérer quelque chose, sinon le tout, par quelque accommodement.

Depuis peu de jours est tombé esclave en cette ville le frère de Monseigneur Raggio de Gênes, que la douane a pris et dont elle espère trente mille écus.

Sieur Augustin Sesty est toujours au même état qu'il était, son patron ne voulant rien diminuer des 5 000 piastres quoi que je lui aie pu représenter. Il est à la campagne à une sienne maison. A son retour je le verrai et ferai mon possible pour obtenir la liberté dudit sieur Sesty.

Je n'ai pas encore reçu les 50 piastres que vous avez envoyées pour le sieur Etienne Douxlieux, et ne l'ai pas vu depuis l'arrivée dudit argent, d'autant qu'il était à la mer dont il n'est pas encore revenu. Je prie N.-S. qu'il lui donne même succès comme à Dominique de Campan.

Je ne vous puis donner des nouvelles de Fromentin François, pris avec les officiers de Mgr le cardinal Antoine, n'en ayant rien appris

Monsieur Le Vacher se trouve en bonne santé et consolé de la bénédiction que Notre-Seigneur a donnée à ses travaux depuis le dimanche devant la Passion, qu'il a publié un jubilé au bain du roi, où quantité de chrétiens se sont mis en bon

 

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état ; et à cette Pâque deux Roux (1) et un luthérien ont fait abjuration de l’hérésie et ont été réunis à l'Eglise catholique en présence de plus de 300 chrétiens, qui fondaient tous en larmes. Mondit sieur Le Vacher dit que jamais il n'a vu une pareille simplicité et candeur que dans ces pauvres Roux, dont l’un n’a pas trente-cinq ans, et l'autre 55 ou 60. A cette Pâque, lui seul a plu entendu de confessions que neuf ou dix prêtres qui sont en Alger.

Pierre Crespin, qui est ce religieux augustin déchaussé, etc., témoigne un grand désir pour son retour en l'Eglise. M. Le Vacher m'a dit qu’il se résout d'écrire à Messieurs de la Sacrée Congrégation pour lui en donner les moyens, et ce par l'entremise de .M. Berthe, auquel il écrit aussi.

Monsieur Le Vacher est quelque peu incommodé. J'espère toutefois que ce ne sera rien. Quant à moi, je suis assez bien du corps, mais mal en l'âme.

En quelque état que je sois, je suis de vous, Monsieur, votre très humble et très obéissant et très affectionné serviteur,

BARREAU,
indigne clerc de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Mission, à Paris.

 

3312. JEAN BARREAU, CONSUL DE FRANCE,

A SAINT VINCENT

[En Alger, 3 juin 1655] (1)

Monsieur,

Votre bénédiction !

...Nous sommes au 5e du mois de juin et pensions que deux vaisseaux qui sont prêts pour Livourne dussent partir la semaine passée ; mais ils ont été retenus à l'occasion des galères qui partirent hier pour aller en course On tient qu'elles se vont joindre à celles de Tunis pour aller prendre un certain lieu en Calabre.

1. Roux, Russes.

Lettre 3312. - L. a. - Archives de la Mission. De cette lettre il ne reste plus qu'une feuille.

1. La comparaison de cette lettre avec la lettre 1845 et les lettres de 1655 à Firmin Get ne laisse pas de doute sur l'année. Le jour et le mois nous sont connus par la première phrase de ce fragment.

 

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Comme le départ alors était précipité, je n'avais pas eu loisir de vous donner avis de la violence que notre pacha a faite aux Pères de la Merci espagnols, les ayant contraints de prendre deux de ses esclaves pour 4 000 piastres après les avoir brisés de coups de bâton ; sans quoi ils ne pourraient ni eux, ni les esclaves rachetés, partir jamais d'Alger. Et non content de ce, lesdits Pères étant sur leur partance il a fallu qu'ils aient payé encore 300 piastres pour les portes, combien que lesdits Pères eussent convenu avec le pacha que lesdits deux esclaves seraient francs de tous droits. Cet avis est afin que vous avertissiez ce bon Père de la Merci qui doit venir ici pour racheter quelques esclaves, qu'il faut qu'il se résolve de prendre premièrement ceux d'obligation, savoir 4 de la douane, 1 de laga, 4 du pacha, trois ou 4 de quelques officiers, sans plusieurs autres de plusieurs personnes puissantes et qui gouvernent la douane, auxquels s'il ne se résout de donner satisfaction, il est en danger d'être non seulement maltraité, mais nous encore, d'autant que, comme c'est un Père français, ces personnes-là croiront que tout sera en la disposition de M. Le Vacher et de moi, et plus encore si vous nous obligez de le recevoir dans notre maison ; ce qui nous apportera un très grand préjudice, pource que, ces personnes étant tous amis de M. Constans, il ne manquera pas encore, comme il fait en toutes occasions, de nous les mettre sur les bras encore à celle-ci.

De plus, notre pacha tient dans sa maison deux hommes de Marseille qui n'ont rien et néanmoins se sont coupés avec lui, par force et pour éviter davantage de bâton qu'ils n'ont eu, à la somme de 3 200 piastres. Il est très certain qu'il n’attend qu'une pareille occasion pour s'en défaire vu même qu'il a nouvelles qu'il doit venir quelqu'un de France pour racheter des esclaves.

Le R. P. Sébastien (2) qui demeurait autrefois en Alger et dans notre maison, pourra peut-être faire passer ces avis pour suspects et pour empêcher la venue de ce bon religieux. Mais je vous supplie, en ce cas, de les désabuser et de leur faire entendre que c'est la pure vérité et que jamais on n'a vu tant de violence et insolence qu'à présent que ceux d'Alger se fondent sur 36 à 40 vaisseaux qu'ils ont en leurs mains, avec quoi ils font un mépris général de tous les chrétiens du monde, hors des Anglais, qui leur en ont fait voir autant, et de plus puissants.

Notre négoce en ce pays se va perdant tous les jours et autant de barques qui y viennent perdent toutes d'entrée sur

2. Le P. Sébastien Brugière.

 

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leurs marchandises. Le long séjour mange le reste étant contraints de les vendre à long terme et de prendre de la monnaie où il y a 12 pour cent à perdre ; en sorte que, quand elles s'en retournent, elles s'en vont vides, ou si peu de chose dedans, que cela ne vaut pas la peine d'en parler.

Voici quatre barques parties, qui ne m'ont pas donné trente piastres, l'une portant l'autre, et une dont je n'ai rien reçu ; bien au contraire qu'ils se sont trouvés courts de 500 piastres. Ce sont ceux que j'ai voulu arrêter ; ce que M. Constans a empêché, à ce seul dessein de me décréditer dans Marseille, comme n'ayant pas pouvoir de me faire payer de ce que l'on m'envoie pour rachat d'esclaves, étant jaloux que voici que depuis un an on ne lui a pas envoyé 100 écus pour racheter des esclaves et que l'on m'en a consigné plus de quinze mille, dont j'ai, par la miséricorde de Dieu, donné satisfaction à un chacun. Et ce qui augmente ces dispositions, c'est qu'on lui a ôté des mains certaines affaires pour me les remettre à l'instance même des esclaves, lesquels, voyant qu'il n'agissait pas, ont sollicité les parents à lui ôter la direction de leur rachat et me la remettre. L'affaire de M. Sesty en est une entr'autres, et celle d'un jeune homme de Marseille, fils de M. Féris, intime ami et bienfaiteur de la maison de Marseille. Et combien qu'il ait toujours demeuré dans sa maison néanmoins on ne s'est pas voulu fier de lui, et l'on m'a fait tenir 1 900 piastres, contre les avis qu'il en avait donnés et les supplications que j'avais faites à M. Féris le père et à M. Get encore qu'il fît en sorte que l'on ne me chargeât pas de l'affaire de son fils et que cela me causerait du dommage et n'accommoderait pas l'affaire de son rachat, comme l'événement l'a fait voir puisqu'il a coûté 2 100 piastres. Et du depuis ledit sieur Constans s'est échappé de dire que la défiance de M. Féris le père lui coûte 200 écus davantage, et qu'il a soutenu à ce jeune homme, en présence ledit patron, que M. son père lui avait envoyé 2 000 écus. Voilà où cet homme se porte, sans que je lui en donne sujet. Au reste, je ne puis rien tirer de lui de l'affaire de la veuve du capitaine du Creux de Recouvrance. Il n'use que de remise ; mais je vois qu'il n’a pas dessein de payer. C'est un homme contre lequel la force ni la justice n'ont point de pouvoir, se faisant ami des principaux de la douane en leur procurant des chrétiens de grand rachat, et sollicitant lui-même les esclaves en leur faveur en les intimidant et menaçant.

Je me suis informé d'un nommé Louis Regnard fils de Nicolas Regnard, marchand joaillier à Paris, et Catherine Picaut, que l'on dit être esclave à Tunis, d'où M. Le Vacher nous a envoyé le mémoire ; mais je n'en ai rien su apprendre.

 

- 538 -

Il est à croire que, depuis 9 ans que je suis en ce pays, j'en aurais eu des nouvelles s'il y eût été.

J'oubliais à vous donner avis que de la partie des 316 piastres que l’on nous a fait tenir pour les esclaves du Havre je n'en ai reçu que 181 piastres, à cause que celui qui me les devait consigner dit avoir perdu sur sa marchandise et ce qu'il ne peut payer ici se payera à Marseille. Je n'ai pu faire autre chose que mon protêt. C'est pourquoi il vaut mieux payer le nolis (3) et les droits du pacha, que de remettre l'argent entre les mains des marchands ou patrons Encore faut-il bien regarder à qui on le donnera d'autant que tous ceux qui trafiquent ici sont pour la plupart des gens auxquels il ne se faut guère fier

On avait consigné au même deux sacs cachetés pour me consigner. Il a bien eu la hardiesse de les ouvrir et de les employer à l'achat de sa barque. Et puis quand se vient au payement, il m'a dit avoir perdu sur sa marchandise et m'a fait courre sur plusieurs sommes de 500 piastres. M. Constans a empêché que je ne m'en sois fait satisfaire.

Voilà, Monsieur, comme tous les jours il nous vient de nouvelles affaires, qui me sont autant de croix, que j'ai bien de la peine à porter. Je vous supplie de m'obtenir de Notre-Seigneur la grâce d'en faire un bon usage, et, pour cet effet, me recommander aux prières de la Compagnie que j’implore humblement prosterné en esprit à vos pieds.

 

3313. - JEAN BARREAU, CONSUL DE FRANCE,

A SAINT VINCENT

En Alger, ce 26e juillet 1655.

Monsieur,

Votre bénédiction !

Jamais je ne me suis vu plus embarrassé à l'expédition des barques comme je me suis vu à celle-ci. Et déjà je m'étais vu dans l'impossible de vous pouvoir écrire ; mais Notre-Seigneur a permis que l'arrivée d'un nouveau pacha, qui a fait ce matin son entrée en cette ville, a différé la partance jusques à demain tellement que je dérobe si peu de loisir que j'ai, pour vous rendre mes devoirs et obéissances, comme j'ai fait au public

Et pour vous tirer de peine, je vous confirme ce que je me

3. Noliser, affréter.

Lettre 3313. - L. a. - Archives de la Mission, original.

 

- 539 -

suis déjà donné l’honneur de vous écrire par ma précédente, que j'avais été satisfait de M. Franchiscou, de Marseille, des 643 piastres que ses patrons m'avaient pris de force. C’est un coup du ciel sans doute, et que Notre-Seigneur a fait jouer bien à propos d'autant que j'ai été payé de ce que le Contador (1) , auquel j’avais vendu 24 pièces de draps pour le rachat de deux .Messieurs de Saint-Malo, me devait, et dont je n'aurais pu tirer raison de longtemps. Or, à présent il y en a déjà un en liberté.

Je reçois, avec toute l’humilité et soumission que je dois, vos avertissements et exhortations que vous me faites de ne me point attrister et de prendre bon courage. Je n'eus jamais moins d'ennui, ni plus de cœur, pour aller jusques au bout de la carrière qui m'est proposée

L'état de nos affaires va toujours en empirant, d'autant que nous dépensons beaucoup et recevons fort peu. J'avais loué une maison assez raisonnable, de laquelle nous ne payions que 80 piastres, mais les voisins, en ayant eu le vent, ont empêché que nous n’y entrassions point ; et après il n'a plus été temps d'en trouver, d'autant qu'elles étaient toutes retenues, tellement que nous nous voyons obligés dans celle-ci, où nous sommes fort incommodés et dont nous payons 185 piastres de loyer. D'ailleurs, l'arrivée du pacha ne nous accommode pas beaucoup, lui ayant fait des présents à la valeur de 59 piastres

Je ne m'attristerais pas tant de la mort de mon pauvre frère, si Notre-Seigneur lui avait donné, dans cette longue maladie, un moment de temps pour mettre ordre aux affaires de son salut. Que les jugements de Dieu sont redoutables

Monsieur et que c'est une chose horrible de tomber entre les mains de Dieu ! Il me semble que la béatitude des pacifiques se peut appliquer à l'état de nos affaires domestiques. Dieu nous fasse la grâce que, possédant la terre qui leur est promise nous puissions aussi jouir de ce qui est promis aux pauvres d'esprit ! Voilà que depuis dix ans j'ai perdu 13 ou 14 de mes plus proches parents. Dieu soit loué de tout et leur donne le paradis !

Si les vaisseaux d'Alger n'ont pas été au Levant, ce n'a pas été pour la peur qu'ils aient eue du côté que la Gazette dit, puisque au seul bruit de la venue de la milice d'Alger, tout s'évanouit. Ce sont bruits auxquels on ne doit ajouter de foi ; et quand la Gazette débite telles nouvelles, c'est qu'elle ne sait de quoi entretenir le monde, faute de matière.

1. Contador, chef de la comptabilité. Ce mot est emprunté à la langue espagnole.

 

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Par la vôtre du 24 juin, vous me recommandez Jacques Caudron, de Dieppe Pour savoir ce qu'il lui faudrait, j'ai parlé à lui, et m'a dit qu'avec 300 piastres franches en cette ville il croyait sortir.

Deux cents livres, ni six cents, ne peuvent suffire pour Adrien Launier, la femme duquel a fait deux cents livres à ce que vous marquez. Les hommes ne sont pas ici à si bon marché comme on se l'imagine de delà.

Il y a trop de risée à avancer le rachat de Roger Bourg sur la promesse de ses parents ; ce sera bien le plus sûr qu'ils envoient ici l’argent

Il faut que, par mégarde, on ait oublié un cahier de votre dernière lettre, d'autant qu'après avoir fini et même signé la lettre, la page suivante [a] ces paroles : "son ordinaire et se porte assez bien, Dieu merci, etc." Je ne sais toutefois à quoi cela se rapporte. J'ai un sensible déplaisir de n'avoir pas eu plus de connaissance de la nouvelle que vous aviez dessein de nous mander.

Je loue Dieu de ce qu'il a attiré le bon Guillaume Servin d'Amiens. Je puis dire de lui ce que Notre-Seigneur disait de Nathanaël, et suis ravi de ce que notre frère René Duchesne vous agrée. Je vous puis assurer avec vérité, Monsieur, que ce n'est point l'exemple que je donne qui opère ces conversions ; car je suis plutôt un sujet de scandale ; mais ceux que Dieu a choisis ne lui peuvent manquer.

Je n'ai point entendu dire que M. de Neufchèze ait envoyé quelque chose pour le pauvre Timothée Godeau, qui de huguenot s'est fait catholique et qui, s'il eut voulu retourner à son vomissement, aujourd'hui serait franc

Bien est vrai qu'un Monsieur Simon, de Marseille qui fait les affaires de la religion de Malte, a envoyé en cette ville quelques vieilles sardines toutes pourries et du tabac tout gâché, qui est demeuré ici entre les mains de Monsieur Constans, que l'on m'a dit être destinés pour le rachat d'un nommé Pierre Mercier, de Talmont, et que l'on dit avoir été envoyés par ledit sieur de Neufchèze.

Nous avons reçu avec toutes les tendresses qu'il nous a été possible, le R. P. Sérapion, religieux de la Merci que ses supérieurs avaient envoyé ici pour y résider. Je m'étonne comme ces Pères qui ont si fort pratiqué ce pays ne se souviennent plus de la maxime des turcs qui regardent plutôt aux mains qu'au visage. Il n'a pas été sitôt entré qu'on lui a déjà tiré des estocades (2) du coté de la bourse ; et M. N. ,qui

2. Estocader, porter des coups d'estoc, demander de l'argent, quémander.

 

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est plutôt procureur des turcs que des chrétiens lui a demandé s'il avait apporté de quoi donner à ceux qui gouvernent, lesquels, ayant entendu qu'il n'y avait rien à profiter, ont prononcé contre lui son arrêt de sortie A son arrivée, tous les Français s'imaginaient déjà être francs ; mais ils ont de beaucoup diminué leur allégresse, voyant que le Père n'avait point apporté d'argent. C'est à quoi ils pensent, plutôt qu'au soulagement spirituel, dont ils ne manquent pas, par la grâce de Dieu. Ce bon Père ne manque pas de bonne volonté ; mais quand elle n'est pas accompagnée d'effets solides, cela leur donne fort peu de consolation. Sa venue en cette ville n'a servi qu'à nous mettre en plus mauvaise estime, à faire donner du bâton à de pauvres esclaves et à en faire, à ce que l'on nous a rapporté en la présence dudit Père, tourner six, en une nuit, de turcs (3), les patrons desquels n'attendaient qu'une rédemption, dont on leur faisait donner espérance. Enfin, après tant d'attente ils ont vu venir ce bon Père sans argent ; cela les a portés au désespoir de faire tourner turcs leurs esclaves.

La première chose que fit M. Constans qui avait les avis de l’arrivée dudit Père ce fut de faire fermer la maison et d'ôter les clefs d'entre les mains des chrétiens et les remettre ès mains des juifs, pour lui en défendre l'entrée, quoique ledit Père lui fut particulièrement recommandé. Ce bon Père néanmoins n'a pas laissé de prendre avis de lui sur le sujet de sa résidence. A quoi il lui a dit qu'il pouvait librement y demeurer et qu'il fallait que la chose fut ainsi par force, quoiqu'il y eût des personnes (parlant de nous) qui s'y opposassent. Par où ledit Père a vu la mauvaise conduite que ledit sieur Constans a pour nous quelque bonne mine qu'il nous fasse ainsi que lui-même nous l'a dit depuis d'autant qu'il nous faisait l'honneur de prendre conseil de nous qui ne lui en donnions autre que de l'aller prendre dudit sieur Constans. Par où ledit Père a vu que nos actions et procédés à son égard ont été fort désintéressés, ou bien partialisés pour lui. Enfin ledit Père, ayant vu le peu d'apparence qu'il y avait de se pouvoir établir ici et maintenir sans faire des présents, et qu'il ne serait considéré ni desdits chrétiens, ni des turcs, s'est résolu de retourner ainsi qu'il est venu. Ce qui nous a affligés véritablement, tant à cause de la perte que faisaient les chrétiens, qu'à cause que l'on ne manquera pas de faire publier que nous avons procuré sa sortie, quoique nous ayons, autant qu'il a été en nous,

3. Jean Barreau veut dire ici que six esclaves chrétiens s'étaient faits turcs.

 

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procuré sa résidence, qui n'est agréée ni des chrétiens ni des turcs.

Notre nouveau pacha nous promet des merveilles Dieu veuille qu'il soit aussi doux comme il paraît !

Le sieur Le Vacher est en assez bonne disposition et travaille incessamment au secours spirituel et temporel des pauvres esclaves.

Je vous supplie de dire ou faire écrire à M. le curé du Havre que, de l’argent qu'il m'a fait tenir, j'en ai racheté le nommé Nicolas Cotte pour 172 piastres, qui est le prix qu’il coûtait à son patron. Nous le renverrons par la première occasion. J'ai aussi donné à Pierre Bruneau dix-sept piastres qui lui manquaient pour ses portes Il s'en est allé par voie de Livourne et m'a écrit de Gênes qu'il s'était embarqué sur un vaisseau de guerre pour retourner en Flandre et de là au Havres Ces deux chrétiens sont dans le mémoire de mondit sieur le curé.

Je suis après pour traiter d'un nommé Jean Guillemare, qui passe 40 ans d'esclavitude (4). Ainsi nous continuerons à proportion du fonds que l'on nous enverra. A quoi nous travaillerons avec autant de fidélité que j'ai de passion à me dire Monsieur, votre très humble, très obéissant et très affectionné serviteur.

BARREAU
indigne clerc de la Mission.

Madame la duchesse nous écrit qu'elle envoie 450 piastres pour la construction d'un hôpital et tout ce qui sera nécessaire ; mais nous n'avons rien vu de cela, si ce n'est les 1 000 livres que vous nous avez envoyées pour être employées à secourir ceux qui sont plus en danger de renier. Elle prie M. Le Vacher d'y travailler efficacement, et qu'on nous remboursera. Eclaircissez-nous, s'il vous plaît, Monsieur, et nous mandez ce que nous devons faire. Desquelles 1 000 livres on ne nous a envoyé que 316 piastres, sur lesquelles il a fallu lever dix piastres, un réal et six aspres (5) pour cause d'avarie, montant 32 piastres, lesquelles doivent être remboursées à M. Get par les assurances.

J'ai un très sensible déplaisir de la perte inévitable du pauvre Pierre Ribot. Au nom de Dieu, Monsieur, aidez-moi à sauver cette âme. Voici des lettres pour ses parents.

Cette présente barque ne nous a valu que 14 piastres de consulat. (6)

4. Jean Barreau exagère quelque peu, car la lettre 3311 (p. 533) ne parle que de 26 ans.

5. Petite monnaie d'argent.

6. La note suivante a été ajoutée par une autre main à la suite de

 

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Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général de la Congrégation de la .Mission, à Paris.

 

3314. - A JOSEPH BEAULAC, PRÊTRE DE LA MISSION (1)

[1656] (2)

...Mon Dieu ! Monsieur, que bienheureux sont ceux qui. se donnent à Dieu de cette sorte pour faire ce que Jésus-Christ a fait, et pratiquer après lui les vertus qu'il a pratiquées : la pauvreté, l'obéissance, l'humilité, la patience, le zèle et les autres vertus ! Car ainsi ils sont les vrais disciples d'un tel Maître ; ils vivent purement de son esprit et répandent, avec l'odeur de sa vie, le mérite de ses actions, pour la sanctification des âmes, pour lesquelles il est mort et ressuscité

 

3315. - A GABRIEL DELESPINEY, PRÊTRE DE LA MISSION,
A MARSEILLE

De Paris, ce 12 septembre 1659.

Monsieur,

La grâce de N.-S. soit avec vous pour jamais !

Je suis toujours en grande peine de votre incommo-

la lettre : "Le supérieur de la Mission de Marseille mande, par sa lettre du 3° août, à M. Vincent avoir reçu les sommes envoyées par Madame la duchesse, et qu'à la première occasion il les enverra à Alger."

Lettre 3314. - Cet extrait de lettre est emprunté à un écrit de Joseph Beaulac lui-même, intitulé Mémoire de quelques actions et paroles remarquables de feu Monsieur Vincent. (Arch. de la Mission).

1. Né à Astaffort (Lot-et-Garonne) le 2 août 1611, ordonné prêtre le 23 décembre 1634, admis dans la congrégation de la Mission à Agen le 25 novembre 1648, reçu aux vœux à Montech le 4 février 1656. L'écrit de Joseph Beaulac commence par les mots : "J'ai remarqué en toutes les lettres que j'ai reçues de lui..." Il est bien regrettable que de toutes ces lettres il ne nous reste plus que l'extrait ci-dessus.

2. Cette lettre a été écrite à Joseph Beaulac vraisemblablement à l'occasion des vœux qu'il prononça le 4 février 1656.

Lettre 3315. - L. s. - Dossier de la Mission, original. Le post-scriptum est écrit de la main du saint, sauf la dernière phrase.

 

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dité. Je prie N.-S. qu'il vous en délivre, et vous d'y faire ce que vous pourrez par le repos et les remèdes. Peut-être que les fraîcheurs de ce mois ici contribueront à vous guérir ; autrement, il faudra aviser ce que nous ferons.

M. Le Vacher (1) me mande, et vous aussi, par vos lettres du 2, qu'il devait partir quatre jours après pour Alger ; ce qui est cause que je ne lui écris pas. Je me contente de prier Notre-Seigneur qu'il le conduise à bon port et qu'il bénisse son voyage.

Je suis bien aise que vous ayez un mémoire des terres de Madame de Vins Si vous pouvez voir M. Le Bégue, qui est un de ces Messieurs les Missionnaires de Provence, lequel demeure à leur maison de Marseille (2), qui est l'un des exécuteurs testamentaires de madite dame, homme fort sage et bon serviteur de Dieu, il vous éclaircira sur les doutes que vous avez. Dites-lui que je vous ai prié de le voir sur cela et de lui faire un renouvellement des offres de mon obéissance.

Pour la rente de cette fondation, vous ne pouvez la demander qu'un an après le décès de la défunte, et encore faut-il avoir commencé auparavant de faire les missions. Il faut donc tâcher d'en faire tout au moins une ou deux au château de Vins, ou ailleurs. Il est vrai que vous me mandez qu'il n'est pas à propos que Messieurs Cornier et Beaure y aillent seuls. C'est pourquoi nous vous enverrons au plus tôt quelqu'un pour y travailler, Dieu aidant.

Dieu soit loué, Monsieur, du témoignage de bienveillance que vous avez reçu de Monseigneur de Marseille

1. Philippe Le Vacher.

2. Première rédaction : un de ces missionnaires qu'on appelle missionnaires de Provence, lequel demeure à Marseille. - Le saint a corrigé de sa main.

 

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et de ce que vous avez mis Messieurs les ecclésiastiques de la Conférence dans l'usage de parler plusieurs, chaque fois qu'ils s’assemblent, selon la pratique d'ici. Vous avez fort bien fait. Je n'ai jamais su qu'ils fissent autrement.

Je ne suis pas d'avis que vous établissiez M. Cornier procureur pendant son séminaire Vous pouvez bien lui donner l'une des clefs du coffre ou est l'argent de Barbarie, et non pas le soin de la dépense. Si vous pouvez vous donner cette peine en attendant celui que nous vous enverrons, il vaudra mieux.

Nous acquitterons les deux pistoles que vous avez reçues de M. le prieur Bausset. Je les enverrai à M. son frère à Saint-Sulpice, s'il ne les envoie demander dans deux ou trois jours.

Nous envoyons à Agde deux prêtres de notre séminaire, savoir Messieurs Lemerer et Tanguy ; et M. des Jardins s'en va avec eux, pour se rendre à Narbonne, qui prendra en passant Messieurs Le Bas et Dolivet.

Je suis, en l'amour de N.-S., Monsieur, votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

Nous avons envoyé par la même voie trois sœurs de la Charité, dont la nièce de M. Cornier en est une, à Monseigneur l'archevêque de Narbonne, qui les demande il y a longtemps. Mademoiselle Le Gras rend bon témoignage de la nièce de mondit sieur Cornier, lequel je salue avec toutes les tendresses de mon cœur.

M. Le Vacher m'a mandé qu'il s'en allait partir dans quatre ou cinq jours. Je ne lui écris point.

J'écris à M. Huguier qu'il donne 3 livres au nommé Ballagny et 30 sols à du Rosier, forçat.

 

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3316. - A THOMAS BERTHE

De Paris, ce 21 novembre 1659.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Voilà donc enfin votre fièvre quarte qui continue et M. Martin travaillé de la même maladie. Je pense, Monsieur, que vous ne doutez pas que je ne souffre avec vous et que nous ne fassions prier Dieu pour la guérison de tous deux. J'espère, Monsieur, que sa divine bonté écoutera nos clameurs et qu'il vous rendra à tous deux une parfaite santé. Je vous prie, Monsieur, de faire tout ce que vous pourrez pour cela. Il a été un temps que j'en ai été travaillé plusieurs années de suite ; mais une entre les autres, elle me tint deux ou trois mois, et le reste environ un mois. Et tout cela s'en est allé, et me voilà. J'espère que Notre-Seigneur abrégera et adoucira les peines, et c'est ce que nous continuerons à lui demander.

Je m'en vas donner ordre qu'on vous envoie de l'argent. Il n'est pas raisonnable que vous soyez à la charge de la maison où vous êtes.

Nos malades d'ici ne se peuvent ravoir. M. Perraud est le plus en danger. M. Alméras et notre frère Ducournau sont incommodés. Le reste de la Compagnie se porte assez bien.

L'on travaille à la campagne et à disposer les choses pour l’ordination. Messieurs Etienne, Daveroult et Feydin sont partis pour Madagascar, et le frère Patte avec eux.

Lettre 3316. - L. a. - L'original appartient à M. le chanoine Prévost, de Montpellier.

 

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Et moi, Monsieur, je vous embrasse avec toutes les tendresses de mon cœur, qui suis votre très humble serviteur.

VINCENT DEPAUL,
i. p. d. l. M.

J'écris, à M. Delaforcade et le prie de vous faire tenir cent écus.

Suscription : A Monsieur Monsieur Berthe, prêtre de la Mission, à Turin.

 

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(page blanche dans l'édition de Coste)

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SECOND SUPPLEMENT

 

Ce supplément contient quatre lettres déjà publiées, sous le numéro qu'elles ont ici d'après des copies défectueuses La découverte récente de l'original nous permet de donner le vrai texte des trois premières. La quatrième est ici plus complète et plus exacte.

 

247. - A LOUISE DE MARILLAC

Mademoiselle,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Une petite médecine que je pris hier m'empêcha de vous faire réponse. Je vous dirai donc aujourd'hui que, si vous prenez la peine de venir à la chambre de vos filles de Saint-Nicolas demain l'après-dînée, que j'aurai le bonheur de vous y voir, au cas que je ne vous voie pas demain à La Chapelle le matin, ou que je ne vous mande le contraire. C'est pourquoi vous emprunterez l'équipage pour venir, à condition que vous en ayez besoin, dont je vous donnerai avis demain, le plus matin que je pourrai. Et vous prie de me pardonner de ce que je vous parle ainsi en doute ; c'est à cause des diverses occurrences qui arrivent de moments à autres.

Je suis en peine de notre pauvre fille affligée à Saint-Louis (1) et ce que les autres sont devenues ; car elles

Lettre 247. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

1. C'est dans cet hôpital qu'étaient portés les pestiférés.

 

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ne sont point à leur chambre. Je vous prie me mander ce que vous en savez. Nous avons eu un accident quasi semblable à Saint-Lazare (2), où je n'ai point encore été, pour converser sans difficulté avec quelques personnes avec lesquelles j'ai à faire.

Je viens de penser que, si vous pouviez venir demain, sur les neuf heures, à la chambre de vos filles de Saint-Nicolas, que je vous y pourrais voir, et vous y pourriez dîner.

Je vous souhaite cependant le bon jour et suis, en l'amour de Notre-Seigneur, Mademoiselle, votre très humble serviteur.

V. D.

Du collège des Bons-Enfants, ce 21 octobre 1636.

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.

 

348. - A LOUISE DE MARILLAC

[Septembre 1638] (1)

Mademoiselle,

Il faudra donc envoyer quérir dès demain notre sœur Barbe et envoyer quérir dès aujourd'hui Henriette et mettre Nicole à sa place. Mais il sera bon que vous tiriez parole d'elle de revenir toutes fois et quantes qu'on la rappellera. Le voyage de Notre-Dame-des-Vertus (2) lui pourra faire obtenir quelque grâce de Dieu.

Je suis, en son amour, v. s.

V D

Suscription : A Mademoiselle Mademoiselle Le Gras.

2. Un cas de peste.

Lettre 348. - L. a. - Original chez les Filles de la Charité d'Ussel (Corrèze).

1. Cette lettre semble à sa place près de la lettre 347.

2. A Aubervilliers.

 

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524. - A MONSIEUR PERRIQUET

De Paris, ce jour de Pâques (1) 1641.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

J'ai reçu la vôtre avec consolation et appris la bénédiction que Notre-Seigneur vous donne, avec admiration. J'en rends grâces très humbles à sa divine Majesté et la prie qu'elle aille sanctifiant votre chère âme de plus en plus.

Il y a longtemps que je pense à ce que vous me faites l'honneur de me proposer, savoir si vous ferez mieux de continuer le service que vous rendez à Dieu en ces quartiers-là, ou de revenir au lieu où il semble que la Providence vous requière ; c'est à votre bénéfice. Or, il faut que je vous die, dans la simplicité de mon cœur, qu'il me semble que vous ferez mieux de demeurer à Bayonne : 1° pource que la même Providence, qui ne se contredit jamais, vous a premièrement appelé à Bayonne ; 2° pource qu'elle vous y bénit supra modum ; 3° pource que je doute que vous ayez ici tant d'efficace qu'a Bayonne ; 4° pource que Notre-Seigneur vous a donné les dispositions qu'il faut pour le servir, sans attente d'autre récompense que celle du ciel ; 5° pource que non seulement je vous crois utile à Monseigneur de Bayonne (2), mais aussi nécessaire, notamment dans l'état auquel il se trouve. Que répondriez-vous à Dieu, Monsieur, si, faute de votre assistance, ce bon prélat abandonnait sa chère épouse, qui vous chérit tant ?

Les chétives pensées que je vous propose et que je

Lettre 524. - L. a. - Dossier de la Mission, original.

1. 31 mars.

2. François Fouquet.

 

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soumets aux vôtres, je n'oserais les dire qu'à peu d'ecclésiastiques, pource qu'il y en a peu, si me semble, que Dieu ait prévenus de la grâce de ne point regarder les intérêts temporels ; et vous êtes, si me semble, l'un de ceux que j'aie jamais vus le plus en ce désintéressement. Et ce qui me fait penser que je ne me trompe pas, c'est qu'il y a longtemps que j'y pense, et que Monseigneur de Bayonne vous pourra témoigner que, quoi qu'il m'en ait dit, étant de deçà, je ne me pouvais résoudre pour lors à vous dire ce que je vous dis à présent. Et si je vous puis assurer, comme je le fais devant Dieu, que nulle raison humaine me fait vous dire ceci, ains la seule vue de Dieu et du bien de son Eglise. Mais pource que je suis un pauvre laboureur et un porcher, et, qui pis est, le plus abominable et détestable de tous les pécheurs du monde, je vous prie de n'avoir aucun égard à ce que je vous dis, si cela ne vous semble conforme à la volonté de Dieu, en l'amour duquel et celui de sa sainte Mère je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur Perriquet, vicaire général de Monseigneur l'évêque de Bayonne, à Bayonne.

 

631. - A FRANÇOIS DUFESTEL

De Bresle, ce 28 novembre 1642.

Monsieur,

La grâce de Notre-Seigneur soit avec vous pour jamais !

Vous ne pourrez connaître qu'au ciel la joie que mon

Lettre 631. - L'original, tout entier de l'écriture du saint, a été mis en vente à Londres le 8 mars 1858, puis, en décembre 1865, à

 

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âme a reçue de votre dernière, par laquelle vous me mandez d'un air si content comme vous avez rendu la lettre que j'envoie à M Guérin pour vous succéder, et l'usage que vous en voulez faire. O Monsieur, que je prie Dieu de bon cœur qu'il vous bénisse et qu'il fasse part à toute la compagnie de la disposition qu'il vous donne, maintenant et toujours !

Que vous dirai-je du séminaire de Belley? Je n'entends pas bien ce que c'est : si c'est que Monseigneur l'évêque ait des hommes propres, qu'il désire que vous eussiez (1) pour cela, ou bien s'il désire établir la petite Compagnie en son diocèse. Je vous supplie [de me dire] lequel est. Si c'est le premier, quand et comment et pour [combien] de temps ; si c'est le second, quand et [ce] qu'il y a de fonds pour le faire ; et je vous supplie cependant, Monsieur...

Je n'ai point donné votre lettre à Madame la duchesse d'Aiguillon... à quoi l'on ne trouverait pas bon que les missionnaires.. attention. Si vous m'écrivez une autre fois, vous ne parlerez point de la ville dont vous m'écriviez, pour tout. Je vous en dirai un jour la raison.

Je pense qu'il est bon que nous ne changions pas le nom que le Saint-Père donne à nos maisons, qui est de la Mission, pour les appeler Séminaires. Je vous supplie, Monsieur, de tenir la main à ce qu'on n'innove aux

Paris par M. Charavay et ensuite par le libraire Miard, qui a permis à M. Rochebilière d'en prendre copie. Cette copie, conservée à la Bibl. nat. (n. a. fr. 22129), est incomplète. Elle va du début aux mots "M. Boucher et le frère...", et de "Je finis la présente" à la fin. M. Charavay a publié dans son catalogue la partie comprise entre les mots "Voici nos petites nouvelles" et "douze en une seule fois". Enfin le registre 2 rerproduit, p. 32, le passage qui s'étend de "Je pense qu'il est bon" à "de n'être pas uniformes", et p. 49, celui qui commence à "Notre-Seigneur a attiré à la Compagnie" pour finir à "aux vignes ou aux maisons". Dans les parties communes, ces différentes textes se complètent les uns les autres, car ils présentent des lacunes.

1. Ne faudrait-il pas plutôt : formiez?

 

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termes ni aux choses qui se pratiquent en la compagnie, pour conserver l'unité en tout. Il n'est pas imaginable l'inconvénient qu'il y a dans une congrégation de n'être pas uniforme.

Voici nos petites nouvelles. Monsieur du Coudray s'en va en Barbarie pour la délivrance d'environ 80 esclaves, et a dessein de faire la mission parmi les autres, qui sont au nombre de 10 000, qui sont à Alger. S'il est louable, je vous supplie, Monsieur, [de recommander ce] bon œuvre à Dieu et les personnes destinées pour cela, qui sont aussi mondit sieur du Coudray, M. Boucher et le frère ...

Notre-Seigneur a attiré à la compagnie M. Gilles, principal et professeur en philosophie à Lisieux (2), et M. Prévost, qui est, aussi, savant, habile homme dans les affaires, comme aussi quelques autres qui ont rempli la place de ceux qui sont sortis.

Ne vous étonnez plus de ces sorties. Notre-Seigneur fut suivi et abandonné de plusieurs milliers de personnes et réduit à six-vingts fidèles à sa mort. Saint Ignace (Loyola), au commencement de la sainte compagnie que Notre-Seigneur a instituée par lui, en renvoya douze en une seule fois (3) ; et vous savez que nous n'avons point renvoyé aucun de ceux-là qui fût prêtre, ni aucun autre que M. N., auquel j'ai écrit ces jours passés. et l'ai prié de se retirer, pour plusieurs raisons importantes. Dieu sait et a fait connaître aux hommes combien il bénit plus un petit nombre choisi qu'un

2. Au collège de Lisieux à Paris.

3. Louis Gonzalez, provincial du Portugal, renvoya de l'Institut plusieurs de ses confrères qui murmuraient de ce qu'on les employait à bâtir le collège de Coïmbre (Histoire de saint Ignace de Loyola et de la Compagnie de Jésus, par le R. P. Daniel Bartoli, Paris, 1844, 2 vol. in-8°, t. II, p. 85). Saint Vincent ferait-il allusion à ce fait?

 

- 555 -

grand, entre lesquels il y en a qui craignent la peine et qui ont des attaches aux femmes, aux vignes ou aux maisons.

Je finis la présente en me recommandant à vos saints sacrifices et à ceux de ces messieurs, lesquels j'embrasse, prosterné en esprit à leurs pieds et aux vôtres, qui suis votre très humble et obéissant serviteur.

VINCENT DEPAUL,
indigne prêtre de la Mission.

Suscription : A Monsieur Monsieur Dufestel, prêtre de la Mission d'Annecy, à Annecy.

ECRITS DE SAINT VINCENT DE PAUL

Numérisation, correction et enregistrement du tome VIII

terminés le 21 Juin 1992.

"La Chesnaye"

Scanner : Sœur Marie-Catherine desmars, f.c.

Correction : Sœur Geneviève RABILLÉ, f. c.

Cl. LAUTISSIER

- 556 -

Saint Vincent Archiviste

Circulaire aux supérieurs des maisons

Non datée, mise par M. P. Coste en 1660,

elle est certainement plus ancienne.

Archives C. M. Paris, recueil des circulaires.

Publiée par Pierre Coste, S. V. VIII, 388-390

B. Koch mardi 6 octobre 98

[388]

Je vous prie de conserver dorénavant les lettres que l'on vous écrira et à ceux de votre maison, de quelque part que ce soit, lorsqu'elles contiendront quelque particularité remarquable qui peut être de conséquence, ou qui peut servir d'instruction à l'avenir.

<> Vous n'avez qu'à en faire diverses liasses, selon leur sujet, ou l'année que vous les recevrez, et, ainsi empaquetées, les garder .dans un lieu à ce destiné, où ceux qui viendront après vous puissent avoir recours dans le besoin 1. Et s'il y en

[389]

a dans la maison du temps passé, vous les ramasserez, s'il vous plaît, selon l'ordre susdit.

De remarquer le long de l'année les choses plus considérables, tant au spirituel qu'au temporel, qui se passent dans votre maison et dans les missions et autres exercices qui se font hors de la maison, et de les réduire en une lettre après la fête de la saint Jean-Baptiste, auquel temps les missions finissent d'ordinaire, et nous envoyer ladite lettre pour en faire une circulaire, si on le juge à propos.

3° Quand vous aurez quelque prêtre ou clerc ou frère coadjuteur qui n'aura pas achevé la seconde année de probation ou séminaire, vous nous ferez savoir, deux ou trois mois avant la fin de ladite année, l'état ou les dispositions de la personne, afin qu'on vous mande si vous lui ferez faire les vœux après les deux années finies; et, quand elle les aura faits, vous nous enverrez aussitôt son nom, surnom, etc., dans la manière qui suit :

François, né le ... du mois de ..., en la ville ou bourg ou village de ..., du diocèse de ..., entré en la congrégation à (Paris) le ... du mois de ..., l'an ..., a fait les vœux à (Paris) en la présence de M ... , le ... du mois de ..., l’an ...

S’il a quelque ordre sacré, il est à propos de spécifier quand il l’a reçu; et si quelqu’un ne sait le jour, par exemple, de sa naissance, qu’il dise le mois; s’il ne sait ni l’un ni l’autre, qu’il assigne le temps et la saison de l’année qu’il est né ; et ainsi des autres.

4° quand vous nous ferez savoir la mort de quelqu’un des nôtres, vous manderez, s’il vous plaît, au même temps ou au plus tôt, ce qui s’est remarqué de plus considérable dans la vie et la maladie de la personne; et dès à présent je vous prie de demander ceux qui sont morts en votre maison, avec le jour et an de leur décès , etc

[390]

et d'en tenir dorénavant un registre où soit transcrit ce qu'on aura mandé au supérieur général.

__________________________________

1. M. Vincent fait simplement appliquer dans la Congrégation ce qui se pratiquait dans les diocèses et les autres Congrégations et Ordres religieux.

Dans les jours qui suivirent le sac de Saint-Lazare, le 13 juillet 1789, les interrogatoires des confrères ont permis de faire un inventaire de ce qui avait disparu, joint à l’inventaire de ce qui put être rassemblé : Archives Nationales, Z 2, 4684, 4691 et M 716. On peut y voir que les directives de M. Vincent avaient été mises en pratique; un directoire très précis avait été coomposé : Règles du Procureur de la Congrégation de la Mission, Arch. Nat. H 5, 3570. Cf. Léon Bizard et Jane Chapon, Histoire de la prison de Saint-Lazare du Moyen-Âge à nos jours, chez E. De Boccard, Paris, 1925, pp. 111, et p. 40 de sa présentation dans le Bulletin des Lazaristes de France, février 1998.

 

 

La lettera seguente non è riportata interamente nel Coste VIII p. 281ss.

La lettura del testo che mancava non è sicura.

Roberto LOVERA cm, Turin. mai 1999.

 

3115. — MADAME LE VAYER (1) A SAINT VINCENT

Ce 10 avril 1660

Vive Jésus !

Monsieur,

Comme je sais que vous aimez à exercer votre charité, aussi je prends la liberté de vous donner l’occasion d’en produire un grand effet en mettent en repos le conscience d’une personne de qualité, qui se soumet entièrement à votre sentiment, que je vous supplie de donner sur une difficulté qui lui fait peine, pour laquelle concevoir vous aurez la bonté et la patience

Lettre 3115. — L. s. — Dossier de Turin, original.

1. Renée Le Boindre, veuve de René Le Vayer, lieutenant général du Mans, maître des requêtes d’Anne d’Autriche.

 

- Coste VIII, 282 -

d’entendre le rapport que je vous en désire faire selon que j’en ai la connaissance et suivant l’instruction que j’en ai reçue. C’est donc une dame considérable pour sa naissance et qui est en estime de vertu et piété, âgée de trente-neuf ans, veuve depuis dix ou onze ans, qui a quitté les compagnies du monde pour s’employer aux exercices de charité et de piété ; en quoi elle est exemplaire à tout le pays. Elle s’est même retirée de la compagnie de Messieurs ses parents, qu’elle ne voit que rarement. Sa plus grande consolation depuis six à sept ans est d’un confesseur et directeur, âgé de trente et cinq ans, sous lequel elle a profité et duquel elle a conçu une grande estime pour sa vertu et mérites, parce qu’il est homme fort retiré du monde, beaucoup spirituel, savant et de bon exemple et qui vit conformément à son état ecclésiastique, autant qu’on le peut le décrire, qui a un grand soin de sa conscience, qui ne lui souffre aucune imperfection et la conduit toujours par ce qui est le plus parfait, et de plus veille sur la conduite de ses enfants, dont l’aîné demeure chez lui, avec grand profit pour la science et pour les moeurs. Tout ce qui est la cause qu’elle aime fort tendrement ce directeur et qu’elle a une grande confiance en lui.

Ce qui lui fait peine est qu’elle craint que cette amitié si tendre et qui est réciproque ne blesse sa conscience et n’empêche sa perfection, par ce qu’elle y remarque quelque chose de trop libre depuis un an… (2)

Texte manquant à la lettre 3115, p. 282, notre 2 ; texte pris sur l’original de Turin.

… lorsqu’après qu’elle eut fait une retraite dans une maison de religieuses où son directeur lui fit faire les exercices spirituels, comme elle vint le voir à son retour pour le remercier, il la reçut avec une si grande joie du profit qu’elle avait fait qu’il lui donna un baiser modeste et sans empressement, ce qui étonna toutefois cette femme un peu et lui causa du scrupule par après et de la crainte de la familiarité, ce qu’elle témoigna à son directeur qui depuis ne lui a point donné de semblable baiser ; mais quatre ou cinq mois après, comme un jour dans la conversation il lui recitait l’état de sa vocation à la prêtrise, elle en conçut une si grande joie que, se regardand l’un l’autre en face, ils ressentirent tous deux une grande douceur et tendresse au cœur qui toutefois surmontait la partie concupiscible, quoiqu’elle fut un peu émue du côté de la femme, ce qui ce passa sans aucun toucher ni caresse sinon de parole tendre comme mon chèr père et ma chère fille, et un jour ou deux après se promenant ensemble ils répétèrent souvent ces mêmes paroles se serrant la main l’un et l’autre ; une autre fois, disant adieu à son directeur qui s’en allait loin aux champs, elle lui témoigna grande tendresse et lui pareillement se baisant la main réciproquement. [2] étant de retour des champs ils firent la même chose s’embrassant sans se baiser ni toucher au visage. Cela lui ayant causé quelque scrupule et l’ayant témoigné à son directeur, ils résolurent de s’absternir de telles caresses, crainte que Dieu n’y fut offensé, parce que les sens se trouvaient émus en ces rencontres ; et depuis elles ont été legères et seulement en quelques doux regards ou se serrant un peu la main d’autant que son directeur la voyant un peu indisposée dans un état qui ne lui permettait pas de s’élever si fortement à Dieu comme auparavant, il ne lui faisait pas un entretien de Dieu si continuel, mais tâchait de lui donner quelque consolation par la douceur de leur amitié et ce modestement en la presence de sa famille lorsqu’elle le priait de la venir voir avec son fils aîné et je croye qu’il lui rendait ces visites par quelque sorte de compassion, parce qu’elle n’avait point de consolation humaine que celle-là. Or, Monsieur, il vous plaira remarquer que dans toutes ces tendresses, ni l’un ni l’autre n’ont jamais ressenti aucun mauvais effet de concupiscence charnelle dans la volonté et que leur esprit est toujours demeuré libre quoiqu’ils ayent ressenti par après quelque peu d’écoulement qui a pu procèder d’infirmité de nature, ce qu’ils ont évité lorsqu’ils ont pu le prevoir ; toutefois elle a reconnu que parmi ces tendresses ses sens ont été souvent émus sans néanmoins grande violence.

Cela lui fait de la peine d’aimer une personne si tendrement ; et de plus, c’est qu’elle a fait souvent des résolutions de se corriger de ces faiblesses, sur le reproche de sa conscience et cependant elle n’a pas été fidèle à fuir les occasions, ou à se retenir dans le particulier de la conversation, quoique pourtant elle ne sent point la passion violente, mais seulement une simple inclination à le voir et s’entretenir avec lui.

Elle a parlé de cela à un prédicateur à ces Pâques. Il lui a conseillé de quitter son directeur, croyant que Dieu demandait cela d’elle. Elle ne sait ce qu’elle doit faire. Son directeur lui promet de ne jamais la toucher et de la conduire avec plus de fermeté. Elle craint sa propre faiblesse, connaissent qu’elle a manqué à ses résolutions. Son directeur lui dit pour l’assurer, que le prédicateur n’y a pas trouvé de péché et qu’il connaît sa simplicité et sincérité et qu’elle ne craigne point pour l’avenir, parce qu’il est résolu et lui promet de ne

2. Les détails qui suivent ces mots sur l’original sont d’ordre trop délicat pour que nous les insérions ici

 

- Coste VIII, 283 -

lui parler qu’en l’église, ou en présence de personne ; que s’il arrive autrement, elle le quittera. Il lui remontre qu’il lui est utile de demeurer dans la même conduite, parce qu’un autre ne connaîtra que difficilement l’état de sa conscience. Elle voit bien, ou il lui semble qu’il lui est utile en beaucoup de choses de ne changer pas de conduite, ne connaissent aucune personne qui lui fût propre ; et elle craint, et avec raison, d’être à elle-même.

Pour ce qui est de son directeur, elle sait qu’il est homme très pur, qu’il n’a jamais voulu confesser ni diriger une femme en laquelle il avait remarqué une attache mauvaise à sa personne. De plus, elle n’a jamais rien remarqué, soit au confessionnal, soit dehors, qui ne soit saint et d’un conseil qui tend au plus parfait (et de plus, pour ce qui est de la confession, elle n’a jamais ressenti d’émotion des sens ni tendresse, n’ayant vue que de se confesser qu’à Dieu en sa personne).

Néanmoins, ce que le prédicateur lui a dit et conseillé la retient en scrupule ; quoiqu’elle ait quelque peu de défiance du coté du conseil, parce qu’il n’a pas dit la même chose, ni donné le même avis à son directeur, qui le priait instamment de lui dire son sentiment pour le suivre et en profiter de son coté ; car il est, comme elle croit, homme simple et droit, et qui désire suivre le bien, et qui a, en ce rencontre, de véritables sentiments de douter de sa faiblesse et qui désire avec affection d’y apporter remède, car il aime Dieu et le cherche, et il n’y a point de malice. Il est à remarquer qu’il connaît le naturel de cette dame, lequel est un peu fort et qui tend à la dureté et l’insensibilité, lequel défaut est un obstacle au bien qu’elle peut faire. Il lui a laissé ses tendresses pour amollir cette dureté, et ce d’autant plus librement qu’il en connaît l’innocence et la simplicité.

Voilà, Monsieur, le sujet que j’ai à me donner l’honneur de vous écrire, pour vous supplier très humblement de faire la charité à cette dame de lui mettre la conscience en repos, en mandant votre sentiment, auquel elle désire s’arrêter, et se soumet avec confiance, pour l’estime qu’elle a de votre vertu.

Si votre jugement porte qu’elle doit prendre une autre personne pour la conduire, j’ai, en ce cas, encore une demande à vous faire, et à vous faire remarquer que ce directeur est curé de le paroisse où demeure cette dame et qu’il conduit plusieurs personnes de sa paroisse, où il y a personnes de qualité. Il fait même beaucoup de fruit au confessionnal, de sorte qu’elle craint que, comme elle est des plus considérables, elle fasse tort à sa réputation et indispose les autres à

 

- Coste VIII, 284 -

recevoir le bien de sa conduite et n’oblige a faire quelque jugement au préjudice de son innocence.

Elle vous demande donc, Monsieur, si elle peut aller quelquefois à confesse à lui de temps en temps, afin d’ôter toute occasion de parler. Elle attendra donc la résolution que vous lui donnerez, avec patience, vous suppliant, Monsieur, très humblement de ne la négliger pas.

Je vous demande pardon de vous obliger à lire une si longue lettre ; mais je juge que cette personne n’eut pas été en repos si je ne vous eusse dit le particulier de sa peine. Derechef je vous prie de me pardonner, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et croire que je suis avec tout respect, Monsieur votre très humble et très obéissante et obligée servante.

R. LE BOINDRE,

veuve de feu

M. le lieutenant général du Mans.

Si vous me faites l’honneur de m’écrire, comme je vous en supplie derechef, vous me ferez le grâce de me faire tenir votre lettre par les Pères de la Mission et leur recommander que la lettre me soit rendue sûrement.

Suscription : A Monsieur Monsieur Vincent, supérieur général des Prêtres de le Mission, à St-Lazare, à Paris.