JesusMarie.comSaint Robert Bellarmin
Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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CHAPITRE 1 : Les erreurs sur les temples
CHAPITRE 2 : Faut-il construire des temples ?
CHAPITRE 3 : La forme
CHAPITRE 4 : La fin
CHAPITRE 5 : La dédicace et la consécration des églises
CHAPITRE 6 : La décoration des temples
CHAPITRE 7 : La bénédiction de l’eau, du sel, des cendres et des cierges.
CHAPITRE 8 : Les pèlerinages
CHAPITRE 9 : Les vœux que l’on fait aux saints
CHAPITRE 10 : Les jours de fête doivent-ils être célébrés par les chrétiens ?
CHAPITRE 11 : Le jour du dimanche
CHAPITRE 12 : Pâque.
CHAPITRE 13 : La pentecôte
CHAPITRE 14 : La septuagésime et les dimanches suivants
CHAPITRE 15 : Les autres fêtes du Seigneur
CHAPITRE 16 : Les fêtes des saints
CHAPITRE 17 : Les vigiles

2018 09 15 début

L’ÉGLISE TRIOMPHANTE
LIVRE 3 : DES CHOSES PAR LESQUELLES
L’ÉGLISE PÉRÉGRINANTE DE LA TERRE
REND UN CULTE
À L’ÉGLISE TRIOMPHANTE DU CIEL

PRÉFACE

 Même si les questions qui portent sur les temples, les vœux, les pèlerinages, les fêtes et les vigiles qui se font en l’honneur de Dieu et des saints n’appartiennent pas seulement à ce livre mais aussi à d’autres, il a semblé bon  de les traiter à fond ici, pour les raisons suivantes.   Parce que, d’abord,  les disputes sont si étroitement reliées les unes aux autres qu’il n’est pas facile de les séparer, et aussi parce que ce qui ne se rapporte pas strictement à cette question pourra être traité plus tard quand l’occasion se présentera.  Je n’excepte que les vœux parce qu’on en a déjà beaucoup parlé ailleurs.
 Nous commencerons par les temples. La dispute se déroulera en sept parties.  La première. Les hérésies qui portent là-dessus.  La deuxième.   Faut-il ériger des temples.  La troisième.   De quelle forme ?  La quatrième. Dans quel but ?  La cinquième. La consécration et la dédicace des temples.  La sixième. Leurs ornements.  La septième.  Les choses que l’on bénit dans les temples : l’eau, l’huile, les cierges, les palmes etc.

                                                CHAPITRE 1 : Les erreurs sur les temples
 Les temples de Dieu ont eu deux sortes d’ennemis. La première était formée de ceux qui détruisaient les temples non par haine des temples, mais par haine d’une nation ou d’une religion. L’autre, de ceux qui haïssaient les temples ou leur contenu parce qu’ils les considéraient  comme quelque chose de mauvais.  De la première sorte furent Nabuchodonosor, Antioche, Pompée, Cassius, Titus, qui profanèrent ou incendièrent le temple de Salomon non par haine du temple, mais par haine du peuple hébreu. Voir 1V Rois, 1 Macchabées X, Joseph «(livre 14 des antiquités, et livre 7 de la guerre judaïque), Cornelius Tacite (livre 21), et saint Augustin (livre 18 de la cité de Dieu).
 Dioclétien a ordonné que les églises des chrétiens soient rasées non par haine des temples, mais de la religion chrétienne. (Eusèbe livre 8, chapitre 2 de son histoire de l’église).  Julien l’apostat a voulu faire la même chose, comme le rapporte saint Jérôme dans son épitre à Riparius.  Les ariens aussi et les donatistes profanèrent et spolièrent les temples des catholiques non par haine du temple, mais de la religion.   Voir saint Athanase (dans son apologie pour sa fuite), Theodoret (livre 4, chapitre 10 et 20 de son histoire), et Optatus (livre 5 contre Parmenius).
 À  l’autre sorte appartiennent d’abord les manichéens. Car, Faust (saint Augustin, livre 20, chapitre 3 et 4) reproche aux chrétiens d’avoir des temples et des autels à la manière des Gentils et des Juifs.  À la suite des manichéens, les messaliens exécraient tous les temples et tous les autels, et voulaient qu’on ne prie Dieu que dans les maisons, comme saint Jean Damascène le rapporte (dans les cent hérésies).  À la même époque, Eustathius détestait tous les temples, et surtout ceux des martyrs, selon Socrate (livre 2, chapitre 23 de son histoire).  Et il voulait que les assemblées se tiennent dans les maisons privées.   Les petrobusiens  détruisaient les temples, et riaient de la construction de nouvelles églises, d’après  Pierre de Cluny,  dans sa lettre contre les petrobusiens, et l’auteur de la vie de saint Bernard (livre 3, chapitre 5).   Les albigeois enseignèrent la même chose, comme l’écrit Bernard de Luxembourg dans son catalogue.  La même chose les Waldenses, d’après Claude Caussordius  (dans son livre contre les Waldenses, chapitre 6).  La même chose les Wiclefistes, d’après Thomas Waldensem (tom 8, tit 17, et 22).  La même chose les Thaborites, d’après Énée Sylvius (de l’origine des Bohémiens, chapitre 35).  La même chose les anabaptistes transylvaniens, dans les antithèses du vrai Christ, et du faux Christ, éditées à Albe Julie en l’an 1568.
 Pour leur part, les luthériens et les calvinistes admettent des temples,  mais seulement pour la prédication et l’administration des sacrements.  Ils nous reprochent de faire des temples pour prier, de consacrer rituellement quelques-uns en l’honneur des saints, de les décorer somptueusement.  Car les magdebourgeois (centurie 4, chapitre 6, colonne 407 et suivantes) disent beaucoup de choses contre la consécration des églises.  Et, dans la  préface de la centurie 6, ils reprochent aux chrétiens de construire des églises à grands frais, et de les faire en l’honneur des martyrs.  Dans la préface de ses institutions, Jean Calvin blâme l’embellissement  des temples avec de l’or, de l’argent,  du marbre, et des pierres précieuses.  Et (dans le livre 1, chapitre 2, verset 13) il veut que les ornements de temples ne soient que la prédication et l’administration des sacrements.  Au livre 3 (chapitre 20, verset 30), il dit qu’on doit ériger des temples pour prier en commun, mais qu’il ne faut y voir aucune sainteté. Il dit en toutes lettres en cet endroit que les prières privées ne se font pas mieux dans un temple que n’importe où ailleurs.
                                                 CHAPITRE 2 : Faut-il construire des temples ?
  Ceux qui ne veulent pas qu’on érige des temples  ne peuvent apporter comme preuves que certains passages de l’Écriture où on lit que Dieu n’habite pas  dans des bâtisses faites de main d’homme.  Comme Matthieu 5 : « Le ciel est le siège de Dieu, et la terre l’escabeau de ses pieds. »  Et Actes 11 : « Mais le Très Haut n’habite pas dans des temples faits par les hommes. »  Les manichéens se servaient de ce passage (comme l’atteste saint Augustin dans son livre contre Adimante au chapitre 10), pour prouver que le Dieu de l’ancien testament, qui avait commandé qu’on lui construise un tabernacle et  un temple, n’était pas le vrai Dieu mais un mauvais principe, et qu’il était en lutte contre le Dieu du nouveau testament.  Saint  Augustin les réfutait facilement, car les manichéens  disaient que le Dieu de l’ancien testament avait voulu un temple, mais que le dieu du nouveau n’en avait pas voulu.
 Or, c’est le contraire que nous lisons dans l’Écriture.   Dieu  dit dans Isaïe 66 : « Le ciel est mon siège,  et la terre l’escabeau de mes pieds.  Quelle maison m’édifierez-vous ? »  Nous lisons aussi le contraire dans le nouveau testament.  Le Christ, dit en Jean 11 au sujet d’un temple fait par l’homme : « Chassez ces chose d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de négoce. »  Et en Matthieu 21 : « Ma maison sera appelée une maison de prière. »  Le Dieu qui est le même dans l’ancien et le nouveau testament, approuve donc  les temples dans lesquels il est adoré,  mais n’approuve pas les temples dans lesquels on pense qu’il est enfermé, comme les idoles, c’est-à-dire comme les dieux des nations qui étaient vraiment contenus dans les temples.

                                                   CHAPITRE 3 : La forme
 Nous ne dirons pas grand chose sur la forme des églises,  puisqu’on peut encore aller voir des églises très anciennes.  Il faut, cependant, noter deux choses.   La première.  À la ressemblance du temple de Salomon,  dans lequel se trouvaient l’atrium, la partie sainte, et le saint des saints, les églises ont presque toutes trois parties.   La première.  Le portique avant l’entrée dans le temple. que les Grecs appellent  pronaon et nous vestibule,  où demeuraient les pénitents.   Ensuite était le naos, le temple, ou le navire. Enfin, bèma ou ierateion, c’est-à-dire le sanctuaire, qui était la partie intérieure du temple, là où était l’autel.  Il  était séparé du reste du temple par des degrés, des chandeliers et des voiles, ou des rideaux.  N’y pénétraient que les prêtres avec leurs clercs ministres.  En plus de ces parties du temple, il y avait aussi une petite maison annexée au temple qu’on appelait édicule salutaire, où siégeait l’évêque quand il se préparait à offrir le saint sacrifice.   Voir Eusèbe dans la vie de Constantin (livre 3).  Il décrit là le temple que Constantin avait fait construire au saint sépulcre.  De même Théodoret (1, 4, hist, chapitre 20) où il décrit le sanctuaire, séparé par des rideaux du reste du temple, qu’avait construit l’empereur Valence.  Dans le livre 5 (chapitre 17),  il parle du sanctuaire et de l’édicule salutaire.  Voir aussi saint Jérôme (dans son épitre sur la mort de Népotien), saint Augustin (livre 22, chapitre 8 de la cité de Dieu), et Walfrid Stabon (livre sur les choses ecclésiastiques, chapitre 4 et 6).
 Autre chose.  Les églises des chrétiens étaient pour la plupart tournées vers l’orient, et avaient quatre côtés tournés vers les quatre parties du monde.  À l’exception de quelques-unes qui,  en raison de la configuration du lieu, étaient construites autrement.  Cela, on le sait en partie par l’expérience, et en partie par le témoignage des anciens.  Car, Tertullien (dans le livre contre les valentiniens), dit, pas loin du début, qu’ils ont coutume d’aimer l’Orient.  Walfride Strabon (choses ecclésiastiques, chapitre 4), dit que la plus grande partie des églises sont fabriquées de telle façon que ceux qui y prient puissent regarder l’orient.  De même Paulin (épitre 12).  Attestent la même chose saint Justin (question 118),  Épiphane (hérésie 19, qui est celle des Esséniens), Origène (homélie 5 sur les Nombres),  saint Basile (chapitre 27 de son livre sur le Saint-Esprit), saint Grégoire de Nysse (sermon 5 sur la prière dominicale), saint Augustin (livre 2, chapitre 5 du sermon sur la montagne), Germain (dans son livre sur la théorie des choses sacrées), saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 13 sur la foi), et tous les anciens auteurs qui disent que c’est une tradition apostolique de prier en se tournant vers l’orient.  Cette chose est particulièrement conservée dans les prières solennelles qui sont dites dans les temples.
 Les raisons de cette cérémonie sont au nombre de cinq.  La première.  Parce que le paradis terrestre était à l’orient, Genèse 11, selon la traduction des septante.  La traduction latine de la vulgate a : Dieu planta un paradis dès le début.  Le grec a ephuteusen paradison enden kata anatolas, et le mot hébreu peut certainement être traduit de l’une et l’autre façon, car il signifie à la foi avant et orient, qui est une partie antérieure du monde.  Voilà pourquoi notre interprète, à Genèse 4, a traduit le même mot par région orientale.  Nous nous tournons donc vers l’orient pour prier,   parce que c’est de l’orient que le soleil se lève et commence à se mouvoir, et c’est pourquoi cette partie corporelle du monde est la plus excellente.  En priant, nous tournons donc notre face corporelle vers le corps le plus excellent,  soit parce que, comme le dit Justin, il faut donner à Dieu ce qu’il y a de meilleur, ou soit pour nous avertir de tourner la face spirituelle de notre âme vers l’esprit le plus excellent qui est Dieu, comme le dit saint Augustin. La troisième raison.   Parce que le Christ que nous prions est la  lumière du monde  (Jean V111), et parce que «  le nom de cet homme est Orient » (Zacharie V1).  C’est donc pour signifier que dans la prière nous sommes illuminés par le soleil de justice qu’est le Christ, comme sont éclairés par le soleil corporel ceux qui regardent l’orient,  que nous nous servons de cette cérémonie, comme le dit Walfride.
 La quatrième raison.  Puisque que, en mourant sur la croix, le Seigneur était tourné vers l’est,  prier vers l’est c’est comme regarder la face du crucifix.   Et parce que,  en montant au ciel, il est monté en direction de l’orient (psaume 67) nous nous tournons vers l’est comme pour monter vers lui par nos vœux et  nos prières. Et parce que nous croyons que c’est de l’orient qu’il viendra pour le jugement, (Matth 24 : « comme l’éclair qui va de l’orient à l’occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme »), nous prions vers l’Orient comme en attente de la venue du Seigneur, comme le dit saint Jean Damascène.
 Nous pouvons ajouter une cinquième raison.   Parce que les Juifs priaient et prient vers l’occident, comme le montre Exode 26,  où il est dit que la porte du tabernacle était en direction de l’orient, et Ézéchiel 8 : « Voici que dans le temple de Dieu, entre le vestibule et l’autel, vingt-cinq hommes qui se tenaient debout, le dos tourné contre le temple du Seigneur, et faisant face à l’orient, et adoraient au lever du soleil. »  Car l’Écriture blâme ceux qui, contre le rite de ce temps, adoraient vers l’Orient.  Donc, nous regardons à l’est pendant que les Juifs regardent à l’ouest,  pour montrer que leur lettre tue, et que notre esprit vivifie;   que le voile demeure toujours sur leurs cœurs, et que avons, nous, déposé le voile en nous tournant vers le Seigneur.

                                                       CHAPITRE 4 : La fin
 C’est pour quatre  fins qu’on érige des édifices sacrés, et c’est de là que viennent les quatre noms qu’on leur donne.  La première.  Pour offrir des sacrifices à Dieu, et c’est de là que vient le mot temple.  La deuxième.  Pour prier, et c’est delà que vient le mot oratoire.  La troisième.  Pour conserver honorablement les reliques des martyrs, et c’est de là que vient le mot basilique, ou mémorial ou martyrium.  La quatrième.   Pour prêcher au peuple la parole de Dieu, et le paître par les sacrements, et c’est de là que vient le mot église.  De ces quatre fins, les luthériens et les calvinistes ne reconnaissent que la dernière.  Les anabaptistes et les Waldenses ne reconnaissent même pas celle-là.  Car, que dans le nouveau testament, on ne doive pas ériger de temple pour offrir des sacrifices, les hérétiques de ce temps ont toujours cela à la bouche.  Et ils le prouvent avec tous les arguments par lesquels ils ont coutume de prouver qu’il n’y a pas de sacrifice externe dans l’Église ou de sacerdoce.  Lesquels arguments ne se rapportent pas à la question débattue.
 Marloratus a trouvé un seul argument à opposer aux temples, le verset 21 de l’Apocalypse : « Je n’ai pas vu de temple en elle, car c’est le seigneur qui est son temple. »  Il s’agit là de l’Église, comme le montre les versets suivants : « Les nations marchaient dans sa lumière, et les rois apportaient leur splendeur en elle. »  Ces paroles,  saint Jean les a empruntées d’Isaïe (chapitre 60).  Or, il est certain qu’Isaïe parle de cette église militante, et on le confirme par la raison que Dieu a voulu que soit renversé le temple de Salomon qui avait été érigé pour offrir des sacrifices.  On le confirme aussi par les pères.  Car, les pères s’abstiennent habituellement du mot temple, quand ils parlent des églises des chrétiens. Bien plus,  ils opposent les églises aux temples, comme saint Jérôme qui, dans l’épitre à Riparius, dit que Julien avait renversé les églises du Christ, ou les avait converties en temples.  Et Cecilius, dans Minutius Felix, reproche aux chrétiens de n’avoir, comme les athées, ni temple ni autel.  Et Optatus (livre V1) : « Qui parmi nous est entré dans un temple ? ».
 Que les églises devaient être instituées pour prier, parce qu’il est   préférable de  prier dans un lieu plutôt que dans un autre, tous les hérétiques de ce temps le nient.  Et ils prouvent ainsi leur assertion.  D’abord, par les paroles de Matthieu 6 : « Toi, quand tu prieras, entre dans ta chambre… » et de Jean (4) : « Vient l’heure, et c’est maintenant, où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem.  Dieu est Esprit, et ceux qui l’adorent,  l’adorent en esprit et en vérité. »  La prière ne doit donc pas être obligatoirement liée à un lieu.  Enfin, ils citent saint Paul, 1 Timothée 2 : « Je veux que les hommes prient dans n’importe lequel lieu en levant des mains pures. »   Et puis : Dieu n’est pas plus dans un temple qu’il n’est ailleurs : « car il n’habite  pas dans les temples faits de main d’homme, mais il remplit le ciel et la terre. »  On peut donc invoquer et adorer Dieu partout.
 Qu’on ne doit pas ériger de temples aux saints, ils le prouvent en disant que c’est de l’idolâtrie pure, car les temples appartiennent au culte de latrie.  Saint Augustin enseigne (dans son livre contre le sermon des Ariens, chapitre 20, où il prouve que l’Esprit saint est Dieu par les paroles de l’apôtre aux Corinthiens 1, 6 : « Vos membres sont un temple du Saint Esprit. »  Il dit : « Si les ariens lisaient que le temple de Salomon a été érigé au Saint-Esprit  avec du bois et des pierres, ils ne nieraient pas qu’il est Dieu puisque la constitution du temple appartient au culte de latrie.  Comment donc nient-ils que le Saint-Esprit est Dieu, puisqu’il a un corps de beaucoup plus noble. »  Voilà pourquoi saint Augustin dit (livre 8, dernier chapitre de la cité de Dieu) : « Ce n’est pas non plus à ces martyrs que nous instituons des temples, des sacerdoces, des sacrements et des sacrifices.  Car, ce n’est  pas eux, mais leur Dieu qui est notre Dieu. »  De même, dans le livre 1 contre Maximin, argument 11 sur  le Saint-Esprit, saint Augustin : « Si à un ange très excellent nous faisions un temple avec du bois et des pierres,  nous serions anathématisés par la vérité du Christ, et par l’église de Dieu, parce que nous présentons à une créature une adoration qui n’est due qu’à Dieu.  Érasme avait noté en marge : « Cela se fait maintenant pour tous les dieux. »   Qu’on ne doit pas ériger d’églises pour la prédication et les sacrements, les anabaptistes n’ont pour preuve que l’exemple du Christ,  qui  prêchait tantôt dans sur les monts, tantôt dans les déserts, tantôt dans le bateau de Pierre,  tantôt dans les maisons privées.  Il administrait le baptême dans l’eau du Jourdain, et il a institué l’eucharistie dans une maison privée et profane.
 Pour réfuter cela d’une façon ordonnée, voici la première proposition : « On a le droit d’instituer certains lieux dans lesquels la parole de Dieu et les sacrements sont administrés au peuple. »  Cette proposition va contre Eustathius, les Waldenses et les anabaptistes.   On le prouve, d’abord,  par l’exemple du Christ et des apôtres qui, même si, de temps en temps, selon les circonstances,  semaient la parole de Dieu dans divers lieux, cependant, c’est dans le temple et dans les synagogues, les églises de leur temps, qu’ils le faisaient de préférence.  En Matthieu XXV!, le Seigneur dit : « À chaque jour, j’enseignais, assis dans le temple, et vous ne m’avez pas arrêté. »  Et Jean XV111 : « Moi, j’ai parlé ouvertement au monde.  J’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent. Je n’ai rien dit en secret. »  Les actes des apôtres 5.  Quand un ange fit  sortir  de prison les apôtres, il leur dit : « Allez, et, debout dans le temple, dites au peuple toutes les paroles de cette vie.  Ce qu’ayant entendu les apôtres entrèrent dans le temple et enseignèrent. »  Les apôtres Paul et Barnabée (Actes X111), envoyés pour prêcher, entraient d’abord dans les synagogues, et c’est là qu’ils prêchaient.
 Deuxièmement. On le prouve ensuite par l’exemple des premiers chrétiens.   Car, que les premiers chrétiens aient eu des lieux de prière distincts des maisons, la première épitre aux Corinthiens le prouve (chapitre X1) : « Quand vous vous rassemblez dans l’église, j’entends dire qu’il y a des dissensions parmi vous. »  Et que cette église n’était pas une maison privée,  le montre ce qui suit : « N’avez-vous pas des maisons pour manger et boire, ou méprisez-vous l’église de Dieu ? »  Et de nouveau : « Si quelqu’un a faim, qu’il mange dans sa maison etc… »  Et, au chapitre 14 : « Que les femmes se taisent dans les églises. Si elles veulent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leurs maris à la maison. »
 On le confirme aussi par les pères les plus anciens. Car, Clément, (au livre X des reconnaissances, vers la fin), rapporte que, à la prédication de saint Pierre à Antioche, la maison de Théophile fut convertie en église, et que c’est là que fut instituée la chaire de Pierre,  d’où il prêchait au peuple.  Philon (dans la vie théorique des suppliants, que cite Eusèbe, livre 2, chapitre 17 de son histoire) écrit que les premiers chrétiens s’étaient constitué des maisons sacrées pour célébrer les mystères, et lire les saints livres.  Justin (dans son  apologie 2, vers la fin) dit que, au jour du Seigneur, les chrétiens se rassemblaient dans un certain lieu  pour entendre la parole de Dieu et recevoir l’eucharistie.  Tertullien, le plus ancien des pères latins,  (dans son livre contre les Valentiniens, près du début), se souvient expressément des lieux sacrés où les chrétiens se réunissaient.  Saint Cyprien, dans son sermon sur l’aumône, dit, en blâmant les femmes riches qui venaient  à l’église sans rien offrir : « Tu viens au Seigneur sans sacrifice, et tu prends une part du sacrifice que le pauvre a apporté. »
Quand saint Grégoire le thaumaturge, l’égal de Cyprien, voulait construire une église, et n’avais pas suffisamment d’espace libre  à cause de la proximité d’un rocher, il déplaçait ce rocher par ses prières, comme le rapporte Eusèbe (livre 7, chapitre 25 de son histoire).  Au chapitre 26, ce même Eusèbe raconte que les catholiques étaient entrés en conflit avec Paul de Samosate au sujet d’un édifice sacré, et qu’ils avaient plaidé leur cause devant l’empereur Aurélien.  Il importe peu que ce miracle de saint Grégoire le Thaumaturge ait été rapporté par Eusèbe de Césarée ou par son traducteur latin Ruffin : tous les deux sont des auteurs anciens.
 Troisièmement.  On le prouve  par la raison.  Le peuple chrétien doit nécessairement se rassembler de temps en temps pour participer aux saints mystères.  Car, on ne pouvait ni prêcher  ni administrer les sacrements à chaque personne en particulier.  Et même si la chose avait été possible, elle n’aurait pas été convenable, car un rassemblement s’impose pour nourrir l’union des âmes.   Il est donc nécessaire qu’un certain lieu soit établi pour que ces rassemblements s’opèrent. De plus, si nous avons des lieux déterminés pour d’autres ministères, pour les procès, les banquets et le sommeil, pourquoi pas aussi pour les saint mystères ?
 L’exemple de Jésus ne prouve pas le contraire, car, de son vivant, l’église du nouveau testament n’était pas encore instituée.  Elle était en train de se rassembler et de se constituer. Il n’y a donc pas à s’étonner qu’elle n’ait  pas eu de lieux sacrés propres.  Mais, dès que les chrétiens commencèrent à devenir un peuple, ils eurent des églises, comme il a été démontré.
 La seconde proposition : « Les églises des chrétiens ont été instituées pour offrir des sacrifices, et c’est pourquoi on les appelle vraiment et proprement des temples. »  On peut le prouver d’abord par tous les arguments qui démontrent que l’eucharistie est un sacrifice.  Mais cela, comme je l’ai dit, relève d’un autre sujet.  On va donc le prouver de la manière suivante.   Les églises des chrétiens ont toujours eu des autels : elles furent donc de vrais temples, car un temple n’est rien d’autre que la maison d’un autel.  Car, sans autel, on ne peut sacrifier, mais sans temple on le peut.  C’est pourquoi, si pour exclure les sacrifices, les hérétiques nient le temple, ils devraient bien plutôt nier les autels.  Or, on ne peut en aucune façon nier les autels, comme le laisse entendre saint Paul (1 Corinthiens X) : « Vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur et à la table des démons. »
L’apôtre oppose là la table de l’eucharistie aux tables des idolothytes,  qui étaient de vrais autels.  C’est pourquoi saint Ambroise emploie le mot autel en expliquant la table de l’eucharistie.  Saint Paul dit aussi (dans Hébreux X111) : « Nous avons un autel duquel n’ont pas le pouvoir de manger ceux qui servent avec zèle  dans le tabernacle ».  Ce passage, les adversaires l’entendent de l’autel de la croix, comme si l’apôtre avait dit : nous avons la passion du Christ dont ne peuvent pas profiter ceux qui sont encore occupés à célébrer sa figure.   Mais les pères l’entendent du sacrifice de l’eucharistie.  Car, Theophylactus dit qu’il s’agit ici du sacrifice non sanglant.  Enseignent la même chose saint Jean Chrysostome, Sedulius, Theodoret, Oecumenius.
 Venons-en maintenant à la tradition de tous les pères.  Il n’y a, pour ainsi dire, aucun père qui ne se souvienne pas de l’autel de l’église.  Nous avons le canon 3 des apôtres, Denys l’aréopagite (chapitre 3 de l’église hiérarchique), saint Irénée (livre 4, chapitre 34), saint Athanase (dans la vie de saint Antoine, et dans l’apologie de sa fugue),   Tertullien (livre sur la pénitence),  Optatus (livre V1 contre Parmenianus), saint Jérôme (dans l’épitaphe de Néopolitanus), saint Augustin (dans l’épitre 50).  Tous les autres font toujours mention de l’autel quand ils parlent d’une église.
 On le prouve troisièmement, par le témoignage des pères qui emploient le mot temple.  Les Grecs, en effet, se servent souvent de ce mot, comme Eusèbe (livre 111 de la vie de Constantin), saint Basile (dans le psaume 64), saint Grégoire de Naziance (dans le sermon sur sa sœur Gorgonia), saint Grégoire de Nysse (dans son sermon sur Théodore), saint Jean Chrysostome (dans son homélie 51 sur Matthieu) et d’autres.   Les latins n’ont pas de répugnance pour ce mot.  Car, Lactance, dans son poème sur la passion du Seigneur, dit : « Chacun doit supporter d’autres maisons proches des temples. »  Et Salvanianus (dans son livre 4 sur la providence) dit : « L’église, ou plutôt le temple. »  Saint Ambroise (livre 2, chapitre 21, des devoirs) : « Il revient  surtout au prêtre de décorer le temple de Dieu convenablement, pour que même avec ces marques d’honneur, resplendisse l’autel du Seigneur. »
Et, au chapitre 28 : « Personne ne doit porter d’accusation parce qu’un temple de Dieu a été édifié.  Personne ne doit s’indigner de ce que, pour ensevelir les reliques des fidèles, des lieux sont réservés. »  Saint Jérôme (chapitre 7 de Jérémie) appelle  une église un temple. Saint Augustin (livre 8, dernier chapitre de la cité de Dieu) : « Nous non plus nous ne faisons pas de temples, de sacerdoces, de sacrements et de sacrifices pour ces mêmes martyrs.  Car ce n’est pas eux, mais leur Dieu qui est notre Dieu. »  Il dit clairement que c’est pour Dieu que toutes ces choses-là sont faites.  Voilà pourquoi il ajoute un peu plus bas : « Il ne sait pas que ces sacrifices sont ceux des martyrs celui qui sait qu’un seul sacrifice est offert à Dieu par les chrétiens ? »
 Avec tout ce que je viens de dire, je peux répondre à la première objection tirée de l’Apocalypse (chapitre X1) qu’il s’agit de l’église triomphante.  Il n’y aura pas là de temple parce que cesseront alors les prières, les oblations et les sacrements, pour lesquels les temples ont été érigés.  C’est ainsi qu’expliquent ce texte tous les auteurs éprouvés et approuvés, comme Primasius, Bède, Richard, Rupert, Anselme, et saint Augustin (livre XX, chapitre 17 de la cité de Dieu). Il dit là qu’il ferait preuve d’une insigne impudence celui qui voudrait voir dans ce texte l’église présente.
Ce qui nous fait comprendre que ne vient pas de saint Augustin le commentaire de l’apocalypse qui se trouve au tome 9 de ses œuvres, selon lequel il s’agit là de l’église présente.  Le contexte lui-même le déclare, car, au chapitre 20, on décrit le jugement et la condamnation des impies, et on conclut le chapitre par ces mots : « Chacun est jugé selon ses œuvres, et l’enfer et la mort ont été envoyés dans l’étang de feu. Voilà la seconde mort.  Et celui dont le nom n’a pas été trouvé écrit dans le livre de vie est envoyé dans l’étang de feu. »  On parle ensuite (chapitre 21) de la gloire des bienheureux : « Et j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle. » De plus, un peu après ces mots (et je n’ai pas de vu de temple en elle), il ajoute : « et n’entrera en elle rien de  souillé. »  Ce qui ne peut certes pas s’entendre de l’église présente,  dans laquelle entrent plusieurs immondes et plusieurs impurs.  Comme le montre le filet lancé dans la mer, et qui est rempli de toutes sortes de poissons. (Matth 13, 17).
 Ils disent que l’Écriture parle  de l’église interne et prédestinée, qui n’admet que des justes.   Mais, c’est le contraire qui est vrai, car, selon leurs principes, tout prédestiné et fidèle qu’il soit, chaque baptisé  est cependant immonde, et pèche dans chacune de ses actions.  Car, ils enseignent que le péché n’est pas enlevé en ce monde par le baptême, ou par la foi, mais n’est simplement  pas imputé.  Ils ne peuvent donc pas dire qu’on appelle ici non souillés ceux à qui Dieu n’impute aucun péché, car saint Jean ajoute, « qui ne font ni abomination ni mensonge. »  Je demande donc : les fidèles luthériens et les prédestinés font-ils des abominations et des mensonges,  ou n’en font-ils pas ?  S’ils en font, ils ne sont donc pas dans l’église.  S’ils n’en font pas, ils ne pèchent donc pas dans toutes leurs actions.  Il faut donc qu’ils avouent que saint Jean parle de l’église céleste, dans laquelle il n’y aura personne qui commette des abominations et des mensonges.
 Pour la preuve tirée d’Isaïe, saint Jérôme donne trois explications de ce texte.  La première.  Celles des Juifs et des hérétiques Chiliastares,  qui réfèrent toutes les paroles d’Isaïe du chapitre 60 à la félicité des mille années,  qu’ils auront, croient-ils, avec le Christ  sur cette terre après la résurrection.  L’autre est celle des catholiques qui entendent tout de l’église triomphante.  La troisième est celle d’autres catholiques  qui entendaient toutes choses spirituellement au sujet de l’église présente.  Lyre en apporte deux autres.   Une est de ceux qui voient dans toutes ces choses l’allégresse des Juifs après leur retour de Babylone. Une autre entend tout au sujet de l’église, mais pas tout au sujet du même état de l’église.  La première partie, ils l’entendent de l’église présente, et l’autre de l’église future.
 La première explication est hérétique et imaginaire, et elle a été réfutée des milliers de fois par les pères.  La deuxième est probable,  et elle n’offre aucune difficulté à notre argument.  La quatrième est très fausse, et est bien réfutée par Lyre. La cinquième est probable, et l’argument ne lui offre aucune difficulté.  La troisième est la plus probable de toutes, et c’est celle qu’adoptent saint Jérôme et, après lui, saint Cyrille.   Et selon elle, nous répondons à l’argument  que les choses qui s’appliquent littéralement à l’église militante  sont, par saint Jean, attribuées analogiquement  à l’église triomphante.
 Car, c’est ce que les apôtres ont souvent fait.  Ce verset d’Osée X1 (j’ai appelé mon fils de l’Égypte), qui s’applique littéralement aux fils d’Israël,  est attribué  par Matthieu (chapitre 11) au Christ, au sens allégorique.  Et ce que Moïse avait dit de l’agneau pascal au sens littéral, (Exode X11), (vous ne lui briserez aucun os), Jean (X1X) l’applique allégoriquement au Christ.  Et, cela ne répugne pas à saint Jérôme, car lui-même, à la fin du chapitre 36, dit que la gloire de l’Église qui est décrite dans ce chapitre, trouve sa réalisation en partie dans ce siècle, mais principalement dans le futur.
À la confirmation, je dis d’abord que Dieu a voulu que le temple de Salomon soit renversé pour que nous comprenions que le statut de l’ancien testament avait cessé,   et non parce que la construction d’un temple lui déplaisait.   Au témoignage des pères, je dis que les premiers chrétiens, à cause de la mémoire récente du sacerdoce d’Aaron, s’étaient abstenus non seulement du mot temple, mais même du mot sacerdoce, pour que les cérémonies judaïques ne semblent pas survivre.   Voilà pourquoi les apôtres, dans leurs épitres, disent épiscopes et presbytes à la place de prêtres, et églises à la place de temples. Et c’est ainsi que s’expriment Justin, Ignace, et les autres très anciens pères.
 Ensuite, quand, au temps de Tertullien, la différence entre les Juifs et les chrétiens fut suffisamment perçue, les chrétiens commencèrent à nommer prêtres les épiscopes et les presbytes, comme on le voit chez Tertullien dans son livre sur les voiles des vierges.   Mais ils s’abstenaient encore d’employer le mot temple, parce que le monde était alors plein de temples d’idoles, et que le mot temple signifiait, dans la langue courante, un lieu consacré aux sacrifices sanglants.   Et c’est au sujet du mot pris  dans ce sens que Minutiius, Optatus et Jérôme nient que les chrétiens aient des temples.
 Mais, tu diras que, à l’objection de Cecilius que les chrétiens n’avaient ni temples, ni autels ni sacrifices, il répondit que les chrétiens n’érigeaient pas de temple parce qu’ils savaient que Dieu ne peut pas être contenu dans un lieu; qu’ils ne sacrifiaient pas parce qu’ils savaient que Dieu n’a besoin de rien; qu’ils étaient eux-mêmes des temples de Dieu, et qu’ils sacrifiaient avec les vertus de justice, de piété et les autres.   Il semble donc admettre là que les chrétiens n’avaient alors ni temples, ni autels ni  sacrifices.   Je réponds qu’Octave n’a pas voulu jeter les choses saintes aux chiens.  Et comme il ne voyait pas que Cécile était capable du mystère de l’eucharistie, qui est l’unique sacrifice des chrétiens, il a préféré se taire là-dessus, et répondre selon l’idée que se faisait son adversaire des sacrifices, qui étaient nécessairement sanglants.  Car, qu’avant le temps de Minutius, les chrétiens aient eu des autels et des sacrifices, et donc aussi des temples, les citations déjà données d’Irénée et de Tertullien  le prouvent.  L’un et l’autre, en effet, sont plus âgés que Minutius.
 La troisième proposition : « Les chrétiens ont raison de construire des églises pour prier, même privément. »  On le prouve d’abord par les témoignages de l’Écriture.  Car, (à 111 Rois 8, eet 2 Paralip 6), Salomon affirme que le temple a été fait pour qu’il soit un lieu de prière et de supplications ,et  pour que quiconque priera là soit exaucé.  Trois Rois 9, Dieu apparaissant à Salomon, lui promet qu’il en sera comme il l’a demandé.  Or, si c’était une superstition de prier dans un temple plutôt qu’ailleurs,  Salomon n’aurait pas institué de temple à cette fin, et Dieu n’aurait pas approuvé le fait accompli.   Car, la superstition ne fut jamais licite.
 De plus, on dit dans Isaïe ( 56), que « ma maison sera appelée une maison de prière. »  Ce que le Seigneur confirme en Matthieu (XX1).  Il ne faut pas voir une objection dans las parole suivantes (Matth 21) : « Entre dans ta chambre », ou « une heure viendra où ce ne sera ni sur cette montagne ni  à Jérusalem que vous adorerez », car, après avoir dit toutes ces choses, il a dit du temple de Salomon « ma maison sera appelée une maison de prière. »
 On le prouve ensuite par des exemples tirés de l’Écriture.  1 Rois 1, Anne se rendit au tabernacle pour prier Dieu là où se trouvait l’arche.  Et, priant là, elle fut exaucée.  À 2 Rois 7, voulant prier de la même façon, David se rendit au tabernacle, et commença à prier devant l’arche du  Seigneur.   Il est certain que s’il n’avait pas pensé que Dieu y est plus présent, et qu’il exauce plus facilement les prières, il serait demeuré dans sa maison pour prier.  Le même David (1 Paralip chapitre 21), voulut aller au tabernacle du Seigneur à Gabaon, afin de prier pour que la peste soit détournée du peuple, mais la crainte et la terreur l’en empêchèrent.   Il érigea donc un autel dans Jérusalem.  Parce que, étant captif, Daniel ne pouvait pas entrer dans le temple, quand il était sur le point de prier, il (V1) ouvrait le fenêtre et priait en se tournant dans la direction où se trouvait le temple. Dans Luc 11, on lit qu’Anna, fille de Phanuelis, ne sortait pas du temple, servant Dieu nuit et jour par ses jeûnes et ses prières.   Dans les Actes V111, un eunuque de la reine d’Éthiopie, venait adorer dans Jérusalem.
 On le prouve troisièmement par les pères.  Origène (homélie 2 sur l’Exode) appelle les églises chrétiennes « des maisons de prière. »  Tertullien (dans apologie chapitre 39) écrit qu’on se rassemble à l’église d’abord et avant tout pour prier, ensuite pour lire l’Écriture, et puis pour exhorter.  Eusèbe (livre 2, chapitre 17 de son histoire) dit, d’après Philon, que dans chaque ville « des édifices sacrés étaient consacrés à la prière. »
 Saint Jean Chrysostome (dans son homélie 30 contre les Anoméens) dit : « On dit qu’on peut tout aussi bien prier à la maison.  Toi, ô homme, tu t’illusionnes, et tu es affecté d’une grave erreur.  Car, même s’il est permis de prier à la maison,  il ne peut pas se faire que tu pries aussi bien dans ta maison que dans une église. »  Il répète la même chose dans son homélie 79 au peuple.  Saint Basile (dans le livre 2 sur le baptême, question 8) parle d’un lieu qui n’est pas peu réservé pour la prière.  Et il réfute deux objections, (tirées de Jean 1V et de 1 Timothée 11)  que nous font nos adversaires.  Et, à la question 40, il dit qu’on ne doit pas aller dans les églises pour se livrer à des  négoces séculiers, mais pour prier.
 Saint Ambroise (dans son sermon sur la livraison des basiliques aux ariens) dit qu’il a pris l’habitude  d’aller chez les martyrs à chaque jour, c’est-à-dire dans les basiliques des martyrs,  pour y prier.  Saint Jérôme (dans l’épitaphe de Marcella) dit : « Elle célébrait les basiliques des apôtres et des martyrs par des prières secrètes. »  Ruffin (livre 2, chapitre 33 de son histoire) écrit ceci au sujet de Théodose : « Il faisait le tour de tous les lieux de prière. »  Saint Augustin (livre 22, chapitre 8) se souvient d’un grand nombre de personnes qui priaient dans les basiliques en demandant des miracles.  Et  il dit, au même endroit, qu’il s’est consacré une maison de prière pour lui et ses collègues.
 Quatrièmement.   On le prouve par le nom.  Car les églises sont souvent appelées en grec euktèria, et en latin oratoria (oratoires).  Voilà pourquoi saint Augustin dit (dans la lettre 109) que, dans un oratoire, personne ne fait rien d’autre que ce pourquoi il a été fait, et ce qui lui a donné le nom.   Cinquièmement.  On le prouve par des raisons.   La première raison.  Dieu est dans un temple plus qu’il ne l’est ailleurs.  Car, autrement, saint Paul n’aurait pas dit (1 Cor 111) : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » Et à 1 Corinthiens V1 : « Vos membres sont le temple du Saint-Esprit, qui habite en vous. Glorifiez et portez Dieu dans votre corps. »
 Et, à Corinthiens V1 : « Vous êtes le temple du Dieu vivant, comme le dit le Seigneur, parce que j’habiterai en eux et je marcherai avec eux. »  Car l’apôtre a tiré sa comparaison des vrais temples, dans lesquels il habite d’une façon particulière.  Et afin de nous montrer que Dieu habite en nous d’une manière toute particulière, il donne à nos corps le nom de temples de Dieu.  Voilà pourquoi saint Augustin dit à Simplicianus  (livre 2, question 4) que David a prié devant l’arche, « parce qu’il y avait là une présence plus sacrée et plus secourable de Dieu ».
 La deuxième raison.  Dans le temple, Dieu exauce plus rapidement.  Car ce que (dans 111 Rois 1X) Dieu a promis pour le temple de Salomon, il le promet, sans l’ombre d’un doute, pour les  temples des chrétiens.   En effet, ce que Salomon a demandé quand il a dédicacé le temple, l’Église le demande quand elle dédicace de nouveaux temples : « que les oreilles de Dieu soient ouvertes dans ce lieu ».  Il n’est pas croyable que Dieu ait écouté les prières de Salomon et qu’il n’exauce pas celles de l’Église.  De plus, c’est là la façon et la raison  dont Dieu est présent dans un temple d’une façon particulière : pour exaucer.
 La troisième raison.   Parce que la prière est une chose très noble, et c’est pour cela qu’un lieu très noble et sacré lui est du.  Voir saint Basile, livre 2, question 8 sur le baptême.  La quatrième raison.   Parce que, dans une église, il y a tout ce qu’il faut pour exciter la dévotion nécessaire à la prière : les autels, les croix, les images et les reliques.  Même les murs dédiés à Dieu incitent à la piété.  Choses qu’on ne trouve certainement pas ailleurs.
 La cinquième raison.  Parce que, dans les temples, en plus de la présence de Dieu qui est partout, il y aussi, dans l’eucharistie, la présence corporelle du médiateur,  le Christ.  Ce qui certes, augmente l’espérance et la confiance du priant.  Et, de plus, elle ne peut pas ne pas  inculquer  dans un esprit religieux l’effroi et la révérence.  Car, comme le dit saint Jean Chrysostome, (homélie 36 dans 1 aux Corinthiens), car là où est le Christ dans l’eucharistie, ne fait pas défaut la présence de nombreux anges; et où est un tel roi, et de tels princes, là est le palais céleste,  et même le ciel.
 Il nous sera maintenant facile de répondre aux arguments contraires.  À l’objection tirée de l’évangile qui nous exhortait à entrer dans notre chambre pour prier, je réponds qu’on ne peut pas entendre le mot chambre au sens matériel. Car, autrement, l’apôtre contredirait le Seigneur en disant : « je veux que les hommes prient en tout lieu. »  Et ne lit-on pas que le Seigneur a prié souvent sur des monts, comme sur le mont Thabor ?  Mais qu’il ait prié dans sa maison, on ne le lit jamais.  Et saint Jean Chrysostome (dans son homélie 79 au peuple)  dit qu’on peut prier partout, et  même à la foire.
Et il rapporte l’exemple suivant.  Un magistrat furieux  hurlait devant les portes d’une maison.  Les propriétaires  de cette maison se munirent du seul signe de la croix, et, après avoir prié Dieu de tout leur cœur, ils changèrent vite  le cœur du magistrat,  et rendirent amical celui qui était irrité contre eux.  Le Seigneur (dans Matthieu V1), ordonne que, dans la prière, nous ne cherchions pas la vaine gloire, comme le faisaient les pharisiens, qui priaient dans les lieux publics pour être vus par les hommes. Nous cherchons seulement à plaire à Dieu, et à être vu par Lui.  Quand nous prions dans cet esprit, c’est-à-dire pour ne pas recevoir de louanges humaines, nous prions toujours dans nos chambres, que nous soyons dans une église, sur une montagne, ou à la foire.  Quand nous entrons dans notre chambre pour prier avec le désir d’être vu,  on peut dire alors que nous prions en dehors de notre chambre, comme le note justement saint Jean Chrysostome dans son commentaire de ce passage.
 Saint Ambroise (livre 1, chapitre 9 sur Caïn), saint Jérôme (chapitre 6 sur Matthieu), et saint Augustin (livre 2, chapitre 6 de son sermon du Seigneur sur la montagne) entendent par chambre le secret du cœur,  et ils  veulent que soient chassées les divagations de l’esprit pendant la prière. J’en conviens.   Mais, la première explication est plus littérale.  À la deuxième objection, je dis  que le Seigneur, dans ce passage, ne parle pas de l’adoration par rapport à un lieu, mais par rapport  à la façon d’adorer.  Car, il ne veut pas dire que, au temps de la vraie loi,  personne n’adorera à Jérusalem ou sur le mont Garizim, puisque ce serait manifestement faux.
 En effet, dans Actes 111, après avoir reçu le Saint-Esprit,  Pierre et Jean montaient au temple pour prier, et, depuis ce temps jusqu’à aujourd’hui, il y a des pèlerins  qui se rendent aux lieux saints de la Palestine, adorent Dieu à Jérusalem et sur le mont Garizim, et à d’autres endroits de cette terre.  Le sens des paroles du Seigneur est donc le suivant : au temps de la nouvelle loi, il ne faut plus adorer Dieu sur le mont Garizim selon le rite que les Samaritains utilisaient en adorant sur cette montagne.  Il ne faut plus, non plus, adorer à Jérusalem selon le rite que les Juifs utilisaient dans le temple pour adorer.  Mais selon un nouveau rite qui sera dans l’esprit et dans la vérité, c’est-à-dire, qui ne consistera pas en prières externes, corporelles,  dans des cérémonies qui sont des ombres des cérémonies à venir,  mais avec une connaissance interne et spirituelle, et avec l’amour de Dieu, dans un cœur contrit et humilié.
 Cette adoration intérieure et spirituelle n’exclut pas, cependant, un culte public, même si elle est toute tournée vers l’intérieur.  C’est ainsi qu’ont commenté ce passage saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, Euthymius et d’autres.  Ils opposent le « en esprit » aux cérémonies des Juifs,  en tant qu’elles étaient corporelles.  Et le « en vérité », ils l’opposent aux mêmes cérémonies en tant qu’elles sont des ombres et des figures.
  Théophylcatus, saint Thomas et Cajetan n’ont quand même pas donné une mauvaise explication quand ils ont opposé « in spiritu » aux cérémonies corporelles juives, et « in veritate » à l’erreur des Samaritains qui adoraient ce qu’ils ne connaissaient pas.   La solution consiste en ceci : Dieu a voulu que le culte des chrétiens soit surtout spirituel, et pur de toute erreur, alors que le culte principal des Juifs était externe, et que celui des Samaritains n’était pas seulement externe mais impur, car ils adoraient ensemble le Dieu d’Israël et les dieux des nations.
 Mais tu diras qu’il ne semble pas vrai que le culte principal des Juifs soit externe, car, en Isaïe 29, Dieu reproche aux Juifs de prier et d’honorer Dieu avec leurs lèvres, alors que leur cœur était loin de lui.  Et David (au psaume 50), offre à Dieu le sacrifice d’un cœur contrit et humilié.  Je réponds que même si le culte interne était requis des Juifs et se rencontrait en certains,  il est cependant propre au nouveau testament.  Parce que le culte interne  qui procède, par l’Esprit,  de la foi et de la charité, est une grâce du nouveau testament qui ne pouvait pas être obtenue par l’ancien.
  C’est comme quand nous disons que la crainte est propre à la loi, et l’amour à l’évangile.   Et cependant, Dieu requérait des Juifs un amour qui venait de tout leur cœur. Et les patriarches et les prophètes aimèrent véritablement Dieu de tout leur cœur, et, pour cette raison, ils appartenaient au nouveau testament, car ce n’est pas de la lettre de la loi qu’ils avaient cela, mais de l’esprit de la grâce.  Nous disons aussi que le culte de la loi  est externe, mais qu’il ne plaisait pas sans le culte interne; et que  le culte interne est le culte de l’évangile, mais qu’il  n’est pas possible sans le culte externe; et que, si, dans l’ancien testament, certains ont rendu à Dieu un culte interne, ce n’est pas de la loi qu’ils le tenaient, mais de la grâce du nouveau testament auquel ils appartenaient.
 Au troisième texte, la réponse est facile.   Car, quand l’apôtre dit : « Je veux que les hommes prient en tout lieu, levant à Dieu des mains pures, sans colère et sans dissimulation », il parle soit de la prière publique, soit de la prière privée.  S’il parle de la privée, comme l’entendent Ambroise, Anselme, Haymo,  Thomas et les autres latins, alors, le sens est, selon eux, que ce n’est pas seulement dans l’église, même si elle est la maison principale de la  prière, mais même dans tous les lieux qu’il est licite de prier Dieu, pourvu que la turpitude d’un lieu ne semble pas l’empêcher.
 S’il est question de la prière publique,  alors ce texte témoigne en notre faveur, car ce «  en tout lieu » signifie dans tout lieu où il convient d’adorer publiquement Dieu, c’est-à-dire, dans toute église.  Que cela soit la vraie explication, on le déduit de ce que, selon tous les grecs et plusieurs latins, l’apôtre a mis ce « en tout lieu » à cause des Juifs qui pensaient qu’on ne pouvait prier Dieu que dans un seul lieu, le temple de Salomon.  Des prières privées, les Juifs en faisaient eux aussi partout, comme le laisse entendre Matthieu V1 : « Ils aiment se tenir debout pour prier dans les synagogues et sur les places publiques. »  Il s’agit donc là  de la prière publique et sacrificielle que les Juifs estimaient ne devoir être faite que dans le temple de Salomon.
 On le voit aussi par ce qui est ajouté tout de suite après : « De la même manière les femmes, dans un habit de fête ».  Ce qui ne peut se comprendre que de la prière qui se fait dans une église.  Car pourquoi faut-il  que les femmes soient habillées convenablement  quand elles vont prier si ce n’est à cause des autres avec qui elles prient.   On le voit aussi, en troisième lieu, parce que, quand saint Paul  dit : je veux  donc que les hommes prient en tout lieu, ce « donc »  unit cette phrase avec le début du chapitre, où il est dit : « Je demande d’abord qu’on fasse des demandes, des supplications ».   Ces paroles saint Augustin, dans son épitre à Paulin,  et tous les Grecs comprennent qu’elles sont dites de la prière publique, qui se fait dans la célébration des messes.   Saint Basile (dans le livre 2, question 8 su baptême) explique ainsi ces deux passages.  Le Christ et l’apôtre ont voulu enseigner qu’il n’y aurait pas un seul lieu de prières, à Jérusalem, mais qu’en tout lieu des temples et des églises devront être érigées.
Au quatrième argument, je concède que Dieu est partout d’une certaine manière, mais pas de toutes les façons.  Car, si Dieu était partout dans ce monde comme il l’est dans le ciel devant les bienheureux, on dirait pour rien : notre Père qui êtes aux cieux.   Et, pour réfuter ces paroles de Calvin, (livre 3, chapitre 20, verset 30), il faut savoir qu’il a parlé ainsi : « Il faut se garder de penser que le temple est l’habitation propre de Dieu, où il approcherait plus près de nous ses oreilles, comme on l’a pensé dans les siècles antérieurs. »  Ou Calvin  veut que Dieu n’habite pas au sens propre dans un temple de façon à y être enfermé, ou il estime qu’en aucune façon Dieu est plus présent dans un temple qu’ailleurs.  Si c’est le premier cas, il a raison, mais il ment quand il ajoute que c’est ce qu’on a pensé pendant plusieurs siècles.
 Car, les catholiques ne furent jamais stupides à ce point.  Si c’est le deuxième cas, il parle manifestement  contre les Écritures, car si Dieu avait été  partout de la même façon qu’il était  dans le temple de Jérusalem, c’est en vain qu’on l’aurait appelé la maison de Dieu (Isaïe 56) et ailleurs souvent.  C’est en vain que saint Paul aurait dit que nous sommes le temple de Dieu parce que Dieu habite en nous.  Et si Dieu ne parle pas et n’écoute pas plus dans un lieu que dans un autre,  pourquoi, je le demande, dans l’ancien testament,  les réponses n’étaient-elles données que du propitiatoire qui se trouvait au-dessus de l’arche ?
La quatrième proposition : « C’est à bon droit qu’on édifie et dédicace des temples non seulement à Dieu, mais aussi aux saints.»  On prouve cette proposition par les conciles et les témoignages des pères.   Le concile de Gangrene (dans son épitre aux évêques d’Arménie), réprouve Eusthatius comme étant un contempteur des basiliques des saints martyrs. Et au canon 20, il nomme les basiliques des martyrs.  Le concile de Gabilone  (au dernier canon), les appelle basiliques des martyrs.  Le concile de Carthage 5, canon 14, interdit de construire des basiliques pour les martyrs,   là ou ne se trouve ni le corps ni aucune relique d’un martyr, et où n’a pas habité le martyr.  Car une de ces choses est requise pour qu’un lieu puisse être appelé mémorial d’un martyr.
De plus, les pères enseignent la même chose.   D’ abord, les Grecs.  Saint Cyrille de Jérusalem (dans sa catéchèse 16) se souvient de l’église des apôtres érigée à Jérusalem,  au lieu où le saint Esprit était descendu.  Saint Athanase (dans son épitre à ceux qui mènent la vie solitaire), nomme le temple de saint Quirinus.  Saint Basile (dans le psaume 64), au tout début, invoque le temple sacré des martyrs.  Saint Grégoire de Naziance, (dans son sermon1 contre Julien), écrit que Gallus et Julianus avaient commencé d’ériger à grands frais  un temple pour le martyr Mamaeus;  et il loue Gallus, parce qu’il fait cela avec un grand amour.  Grégoire de Nysse dans son discours contre Theodore dit plusieurs choses sur un temple dédié à ce martyr.  Saint Jean Chrysostome (homélie 28 au peuple) dit : « Pour les vraies églises royales, les vraies maisons des prière,  et les temples des martyrs etc. »  Et, dans l’homélie 66, il dit que Constantin, après sa mort, a été le saint portier du pêcheur, parce qu’il avait été enseveli devant les portes de la basilique de saint Pierre à Constantinople.  Theodoret (livre 7 aux Grecs), dit que les anciens temples d’idoles sont maintenant des temples de martyrs.  Eusèbe (livre 4, chapitres 58, 59, 60 de la vie de Constantin) dit qu’un très beau temple a été érigé à Constantinople en l’honneur des apôtres.   Sozomène (livre 6, chapitre 18), se souvient du temple de saint Thomas érigé à Édesse.  Socrate (livre 1, dernier chapitre) se souvient de l’église des apôtres.   Évagre (livre 2, chapitre 3) se souvient du temple de sainte Euphémie, et (au livre 4, chapitre 8), de celui de Thècle,  de grandes dimensions, construit par Zénon.
Nicéphore  (livre 13, chapitre 37), se souvient du temple de Basiliseus. Saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 16) déclare qu’on doit construire  des temples en l’honneur des martyrs.  Et il nous reste encore le livre de Procopius sur les édifices de Justinien,  où il énumère plusieurs temples de martyrs et d’autres saints.
Parmi les latins.  Saint Ambroise (livre 1, épitre 5 à l’évêque Félix de Comes : «  Il a été question d’une basilique qu’il a construite et qui doit être dédicacée au nom des apôtres ».  Saint Jérôme (dans son livre contre Vigilance : « Entre dans les basiliques des martyrs, et il t’arrivera d’être purifié. »  Au même endroit, et dans l’épitre précédente, il se souvient des basiliques des apôtres et des martyrs.  Gaudence, l’égal d’Ambroise, dans son traité sur la dédicace de l’église : « Dieu nous a accordé d’avoir des reliques de martyrs à vénérer; et il nous a fait le cadeau de pouvoir fonder une basilique en leur honneur.
Saint Augustin, (dans le livre des soins à donner aux morts, chapitre 1), se souvient de la basilique de saint Félix : « Pour que soit placé dans la basilique du bienheureux Félix etc. »  Et (dans le livre 1, chapitre 1 de la cité de Dieu) : « Attestent cela les lieux des martyrs, et les basiliques des apôtres. »  Et (au livre 20, chapitre 21 contre Faust) , il écrit : « Le peuple chrétien célèbre les anniversaires des martyrs avec une solennité religieuse. »  Et (au livre 8, chapitre 26 de la cité de Dieu), il dit : « Mais cela semble vous attrister que les basiliques de nos martyrs aient pris la place de leurs temples. »  L’auteur du livre sur les dogmes ecclésiastiques (chapitre 73) dit qu’on va dévotement dans les basiliques des martyrs.  Au premier anniversaire de la mort de Félix, Paulin  dit désirer pouvoir «  servir saint Félix en nettoyant et en gardant sa basilique ».
Victor Uticensis (livre 1 sur la persécution des Vandales) écrit que les Carthaginois avaient deux amples églises dédiées à saint Cyprien.  Saint Grégoire (livre 2 chapitre 8 de ses dialogues) écrit que, par saint Benoit, sur le mont Cassin, deux temples d’Apollon ont été changés en oratoires des saints, l’un de saint Martin, l’autre de saint Joannis.  Le livre pontifical atteste que Sylvestre a dédié des basiliques construites par Constantin, une pour Pierre, et une autre pour Paul, une troisième pour Joannis, une quatrième pour Laurent;  Libère une à la bienheureuse Vierge Marie, Damase, une à saint Laurent,  Innocent, une à Gervais et Protais, Sixte 11, une à Marie et à saint Laurent, Léon une à saint Corneille,  Gélase une à Éphémie, Symmaque, une à saint André, Jean 1 une à saints Philippe et Jacques,  Pélage 11 une à saint Laurent, saint Grégoire une à sainte Agathe, Boniface 4, une à la bienheureuse Vierge Marie, et à tous les saints.  Tous ces pontifes, à l’exception de Grégoire et de Boniface, vécurent avant l’an mille.
En second lieu, on le prouve par une raison tirée du semblable. Le temple de Salomon n’a pas été érigé seulement  pour les sacrifices et les prières, mais aussi pour la conservation de l’arche du Seigneur, comme le montre le livre de Paralipomènes, chapitre 17, où, voulant édifier un temple, David dit à Nathan : « Tu vois que moi j’habite dans une maison en bois de cèdre, et l’arche de Dieu dans une tente de peaux de bêtes. »  De même, Paralip chap 28 : « J’ai pensé  à édifier une maison dans laquelle reposerait l’arche d’alliance du Seigneur, l’escabeau des pieds de notre Dieu. »  On le voit aussi dans Paralip, chapitre V, où, quand le temple fut construit, ils y introduisirent l’arche avec une grande solennité.  Et dans le psaume  81,  où il est dit que David avait le vœu d’édifier une maison pour l’arche de Dieu.  On y lit aussi : «  Entre, Seigneur, dans ton repos, toi et l’arche de sanctification. »
Or, le même honneur, ou un plus grand encore, est du aux saintes reliques du Christ et des saints.  Car, saint Jérôme disait du sépulcre du Seigneur (épitre 17 à Marcella) : « Les Juifs vénéraient le saint des saints parce que l’arche de l’alliance s’y trouvait.  Le sépulcre du Seigneur ne te semble-t-il pas plus vénérable ? »  Donc, comme on a pu ériger une maison sur l’arche de Dieu, on peut en ériger aussi sur le sépulcre du Christ.  Et si on le peut sur le sépulcre du Christ, on le peut certainement aussi sur les sépulcres des saints.  Car c’est la même raison qui vaut pour tous, puisqu’ils ne diffèrent les uns des autres  que par le plus et le moins.
De plus, que les reliques des saints soient aussi vénérables que l’arche de Dieu, on le prouve ainsi. Car, l’arche, en tant qu’elle était en bois, ne méritait aucun honneur.  Elle était vénérée parce qu’elle représentait  le siège de Dieu, et parce que Dieu parlait par elle.  Or,  les corps des saints furent des sièges vivants de Dieu, et des organes vivants par lesquels Dieu parlait.  Car, à Corinthiens 1, 6, il est dit : « Vos membres sont le temple du Saint-Esprit. » Et à 11, Corinthiens 13 : « Le Christ qui parle en moi. »  Il sera donc permis de construire des édifices sacrés pour orner et conserver les sépulcres des saints.  Et c’est cela la dédicace des basiliques aux saints.
Tu diras que, au moins pour la Vierge et les saints, dont nous n’avons aucune relique,  il n’est pas permis d’ériger de basilique.  Je réponds que par le mot reliques,  nous n’entendons pas des ossements et des vêtements, mais aussi des lieux où les saints ont souffert, où ils ont habité, et où ils ont fait quelque chose de remarquable.  Et c’est de cette façon qu’ont été érigées les deux basiliques de saint Cyprien (selon Victor, livre 1), une  à l’endroit où il a souffert, et l’autre où reposait son corps.  C’est de cette façon qu’ont été érigées beaucoup d’églises de la sainte Vierge et des saints dans les lieux où ils apparurent, où ils firent des miracles.
 J’ajoute aussi qu’on peut  ériger des basiliques pour conserver la mémoire des saints  à cause d’une image ou seulement d’un nom.  On peut, par exemple, ériger une basilique à saint Pierre pour que, avertis par une image ou par le seul nom du temple, ceux qui entrent se souviennent de saint Pierre, et le vénèrent et le prient, dans ce lieu, comme patron.  Et ce n’est pas contre le concile de Carthage 5, canon 14, qui statua qu’on n’accepte aucun martyrium, à moins que ne soient présentes les reliques d’un saint, qu’il n’ait souffert ou n’ait habité à cet endroit. Car l’intention du concile n’est pas de prohiber absolument toute construction de basilique de martyrs où ne se trouvent pas ses reliques, mais de ne pas croire que ces reliques  sont des reliques de tel martyr sans le témoignage d’historiens crédibles.
À l’argument qu’on nous oppose,  il y a deux solutions.  La première, celle des auteurs plus récents.  Parce que, ne faisant  pas de distinction entre temples et basiliques,  ils estiment que les édifices sacrés ne peuvent être érigés que pour Dieu, puisqu’on n’offre de sacrifice qu’à Dieu.  Mais comme la plupart des temples sont consacrés  à Dieu, ils disent, pour pouvoir mettre entre temples et basiliques une certaine différence, qu’on leur donne le nom des saints non parce qu’ils sont érigés pour eux, mais parce que, dans ces temples, on conserve leur mémoire, et qu’ils y sont invoqués comme patrons.  Quand donc on lit dans les auteurs anciens ou on entend dire qu’on donnait le nom de temple ou de basilique  aux églises de saint Pierre, de saint Paul ou d’autres saints, ils disent qu’on doit donner l’explication suivante.  Cette basilique ou ce temple est de saint Pierre, c’est-à-dire est un temple dédié à Dieu en souvenir et au nom de saint Pierre; ou est dédié à Dieu pour qu’on prie là par l’intercession de saint Pierre.  Exemple.  On dit la messe de saint Pierre, non parce que le sacrifice est offert à Pierre, mais parce qu’il est offert à Dieu en action de grâces pour la gloire accordée à saint Pierre, et pour que, en même temps, saint Pierre soit interpellé en tant que patron et avocat auprès de Dieu.  Cette explication est surement bonne et conforme au rite de l’Église, qui est conservé dans la consécration des temples.  Car, à toutes les fois que, dans cette cérémonie,  le prêtre récite des prières, il dit qu’il consacre le temple en l’honneur de Dieu, et au nom de tel ou tel saint.
L’autre solution admet que les édifices sacrés sont édifiés vraiment et au sens propre du terme pour les saints.  Non en tant que temples mais en tant que basiliques, ou martyriums.   Car il faut observer que selon la doctrine des anciens pères les mots temple et basilique ne sont pas synonymes; et que même si on les emploie tous les deux pour désigner la même maison de prière, c’est dans un sens différent.  Car un édifice sacré est appelé temple au sens propre, dans la mesure où  il est érigé pour y offrir des sacrifices.  Le même édifice sacré est appelé basilique,  dans la mesure où il a été construit pour orner  le sépulcre d’un saint, et offrir la possibilité de visiter ses reliques.  Car le mot basilique n’a aucun rapport avec les sacrifices.  En effet, on appelle basiliques  les palais des rois (Esther 5).  Bien plus, ce sont ces palais royaux qui sont appelé basiliques au sens propre, et c’est d’eux que vient le nom de basiliques de martyrs.
C’est ce que nous voyons aussi pour les autels.  Car une seule et même pierre est appelé autel dans la mesure où on sacrifie à Dieu sur elle.  On peut dire aussi la même chose des sépulcres.  On donne ce nom dans la mesure où il touche les os d’un martyr.  Car, tous les autels sont des sépulcres des saints.  Et comme la pierre est dédiée à un saint  non en tant qu’autel mais en tant que sépulcre,  de la même façon, cette maison est dédiée à un saint non en tant que temple, mais en tant que basilique.  Et comme ce serait de l’idolâtrie d’ériger des autels à des saints,-- et ce n’est cependant pas de l’idolâtrie de leur ériger des sépulcres de pierre,-- de la même façon, ce serait de l’idolâtrie d’ériger aux saints des temples en tant que temples.  Et ce n’est cependant pas de l’idolâtrie de leur ériger des basiliques.   Comme ce n’est pas non plus de l’idolâtrie de donner aux saints des écrins en or ou en argent pour y loger leurs reliques.  Car les basiliques ne sont rien d’autre que de grands écrins dans lesquels sont enfermés de plus petits écrins, ainsi que des sépulcres.   Il s’ensuit donc que c’est autrement qu’on dit messe de saint Pierre et basilique de saint Pierre.  Car, la messe n’est offerte en aucune manière à saint Pierre, ni premièrement, ni secondairement.   Mais la basilique, elle, est certainement édifiée à et pour  saint Pierre, si non premièrement, du moins secondairement.
Qu’il existe une telle différence entre temple et basilique, on peut le prouver avec les pères.  Car saint Augustin (livre 1 contre Maximin, et livre contre les sermons des ariens)  atteste très clairement que l’érection d’un temple est un culte de latrie qui n’est du qu’à Dieu.  Le même saint Augustin associe le temple avec l’autel et le sacrifice, au livre 8, dernier chapitre de la cité de Dieu.  Cependant, dans ces mêmes livres, il reconnait que c’est à bon droit qu’on édifie des édifices en mémoire des martyrs.  Et surtout au livre 12, chapitre 10 de la cité de Dieu, où il dit : «  Nous, nous ne fabriquons par pour nos martyrs des temples comme à des dieux, mais des mémoriaux, comme à des hommes morts  dont les esprits vivent auprès de Dieu. »   Le même Augustin ne dit jamais des temples de martyrs.  Et cependant, il dit souvent des basiliques de martyrs, comme les autres pères latins.
Les Grecs, eux, disent qu’on construit ou qu’on dédicace  des temples aux martyrs, comme le montre saint Basile (psaume 64).  Il l’appelle « ieron tôn marturôn ».  Saint Grégoire de Nysse parle ainsi, et les autres.  Mais il est certain qu’ils employaient le mot matériellement, c’est-à-dire cette maison qui est appelée temple,  est fabriquée pour les martyrs;   non en que temple pour offrir des sacrifices, mais en tant que basilique pour célébrer la mémoire des saints.  Que même eux comprenaient  que les édifices sacrés étaient construits pour Dieu mais aussi pour les saints, en souvenir d’eux, comme le sacrifice est offert à Dieu en souvenir d’eux, on le prouve ainsi.    Car ils disent que les édifices sacrés ont été construits pour les martyrs, mais ils ne disent jamais qu’on offre des sacrifices aux martyrs.  Au contraire, ils le nient explicitement.   Comme Theodoret (livre 8 aux Grecs).  Ils estimaient donc qu’autre chose était de construire des édifices sacrés pour les martyrs, et autre chose leur offrir un sacrifice.  Le rite de consécration ne nous crée pas de souci, car, quand on dit que le temple est consacré en l’honneur de Dieu et au nom du martyr, il s’agit de la consécration d’un temple en tant que tel.

                                     CHAPITRE 5 : La dédicace et la consécration des églises
Les magdebourgeois (centurie, 4, capitre 6, colonne 407 et suivants), reprochent trois choses aux dédicaces.   La première.  Nous érigeons des temples avec une grande allégresse, et nous les dédicaçons  solennellement.  Ce qui vient, selon eux, de la kakothèlia des Juifs, et ce qui n’est rien d’autre que réintroduire le judaïsme dans l’Église.  La seconde.  Que nous employions un si grand nombre de cérémonies dans la consécration des temples.  Car, parmi celles-là, certaines ne peuvent pas être excusées de superstition et de magie.  Car, d’abord, on peint douze croix, et devant chacune on allume des lampes.  On frappe ensuite à la porte du temple, et on ouvre.  Ensuite sur des cendres répandues sur les dalles  à cette fin, on écrit, avec le bâton pastoral,  l’alphabet grec d’un angle à un autre.   Et ensuite l’alphabet latin d’un autre angle à un autre angle, de façon à former une croix.  On fait ensuite une mixture avec de l’eau, du vin, du sel et des cendres, et on en asperge le temple.  Puis,  on oint les autels avec le chrisme.  La troisième. Ils nous reprochent de penser que les temples sont des lieux plus saints que d’autres. Ce que nous reproche aussi Jean Calvin (livre 3, chapitre 20, verset 30).  Nous ajouterons trois sentences à leurs reproches.
La première.  C’est de plein droit que l’on dédicace les temples de Dieu dans la joie et solennellement.  On le prouve d’abord par l’ancien testament, où nous lisons (Nombres V11) que la dédicace du temple et de l’autel  s’est faite dans la liesse populaire,  et dans une grande solennité.  De plus, nous lisons trois fois que la dédicace du temple a été faite au milieu de la joie générale et avec pompe.  La première fois, par Salomon  (Paralip livre 2, chapitre 7); la deuxième fois, par Esdras (livre 1, d’Esdras, chapitre 6); la troisième fois par les Macchabées (chapitre 4). À cette solennité qui se renouvelait à chaque année, le Christ lui-même a assisté (Jean, chapitre X).  Cet argument, nos adversaires pensent qu’ils jouent contre nous, parce que nous semblons judaïser quand nous faisons ce qu’ils faisaient  dans des cérémonies de ce genre.
Mais, cet argument est plutôt en notre faveur.  Car, les cérémonies propres aux Juifs, qui ont cessé et qui ne peuvent pas être conservées, sont celles qui avaient été instituées pour signifier quelque chose qui arrivera dans le Christ, ou dans l’Église.   Si, en effet, elles étaient conservées, elles auraient une fausse signification,  et seraient donc de fausses professions de foi.  Parce que l’agneau pascal signifiait la passion future du Christ, celui qui l’immolerait maintenant selon ce rite professerait que le Christ n’a pas encore souffert, ce qui est contre la vraie foi.  Or, les cérémonies qui sont fondées sur la raison naturelle,  comme la flexion des genoux, la coulpe, ne sont pas propres aux Juifs, même s’ils se les étaient appropriées.  Et elles ne semblent pas, non plus, appartenir à la loi cérémonielle, mais à la loi morale.
Que la dédicace du temple soit de ce genre de cérémonies, on le déduit de ce qu’on ne lit pas que ’est Dieu qui ait institué cette cérémonie;  mais  que c’est guidés par la nature,  que Salomon, Esdras et les Macchabées, ont pensé qu’il convenait de rendre grâce à Dieu pour avoir parachevé ce temple, et ont prévu que c’est avec une grand joie que le peuple participerait aux cérémonies.  En second lieu, parce que la nature elle-même enseigne que, quand de grandes œuvres sont terminées, on doit se réjouir et  rendre grâces à Dieu; et  que, quand on entreprend  une nouveauté, on invoque Dieu et on s’attaque à l’œuvre avec joie.  C’est ce qui se fait dans la dédicace d’un temple.   Car, nous exultons et nous rendons grâce à Dieu en voyant une construction terminée; et c’est avec joie et pleins d’espoir, que nous commençons à nous servir du temple.
   Troisièmement, car la nature enseigne de célébrer les jours de naissance  des grands hommes.  Cela, les païens eux-mêmes le faisaient.  Et nous célébrons, à chaque année, la création du pontife suprême.  De là viennent les sermons de saint Léon sur les anniversaires de son élection à la papauté.  Pourquoi ne pourrait-on pas célébrer de la même façon la naissance d’un temple,  chose publique, grandiose, et très utile à toute l’église ?  Ajoutons enfin que Dieu lui-même semble avoir donné l’exemple d’une dédicace, lorsque, son œuvre terminée, il bénit et sanctifia le septième jour, et le fêta en ne faisant rien.
On le prouve ensuite  par la pratique constante de l’Église et la tradition des anciens.   Eusèbe (livre 9, chapitre 10 de son histoire), écrit : « Lors des dédicaces des églises, des fêtes étaient fréquemment organisées par les nôtres, dans les villes  et en tout endroit,  avec une grande joie et une grand exultation. Les prêtres se réunissaient,  et même les plus grandes distances ne les empêchaient pas de venir, car le chemin ne paraissait pas long à leur charité. »  De même, dans le livre 4 de la vie de Constantin, il écrit qu’il avait convoqué un synode universel à Tyr pour la consécration et la dédicace d’un édifice  qu’il avait construit pour les martyrs à Jérusalem, la trentième année de son règne.
 Athanase dans son apologie à Constance, dit : « Ceci a été fait par Alexandre de bienheureuse mémoire, et par d’autres pères, qui rassemblèrent le peuple, et qui,  quand la construction fut terminée, célébrèrent la dédicace en rendant grâce à Dieu. Il faut, donc, empereur, que tu te complaises dans ces dédicaces.  Car cet édifice  nouvellement érigé requiert la présence de ta piété.  C’est cela seul qui lui manque pour être parfaitement ennobli.   Tu te feras un devoir de rendre à Dieu des vœux dans cette maison que tu lui as construite, comme tous le désirent et le souhaitent. »   Au même endroit, en faveur des dédicaces d’églises,  il présente l’exemple d’Esdras.
Saint Basile, au commencement du psaume 64, dit, pour expliquer pourquoi il était arrivé en retard pour la dédicace de l’église, où le peuple l’avait attendu de minuit jusqu’à midi : « S’il faut vous donner la raison de mon retard, et de ma longue absence, je vous dirai qu’étant chargé d’une autre église semblable à la vôtre, et qui n’en est pas tellement éloignée, j’y ai consumé beaucoup de temps. »  Ce texte qui peut passer pour ambigu, les magdebourgeois eux-mêmes (centurie 4, chapitre 6, colonne 408) reconnaissent  qu’il parle d’une dédicace de temple.
 Saint Grégoire de Naziance  (dans son sermon sur le neuvième dimanche ) commence ainsi : «Qu’il faut honorer les dédicaces de temples c’est une ancienne loi qui est excellente. »  Saint Jean Chrysostome fait  tout un sermon sur les dédicaces, (tome 3).  Sozomène (livre 4, chapitre 13) écrit que Basile d’Ancyre a invité plusieurs évêques pour la dédicace d’un temple.  Saint Ambroise (livre 1, épitre 5 à Félix) dit que lui et Félix sont invités par Bassianus à la dédicace d’une basilique.  Et, dans l’épitre à sa sœur, que l’on trouve au milieu de ses sermons au numéro 92, il écrit : « Quand j’ai dédicacé la basilique, plusieurs  ont commencé à m’interpeller d’une seule voix,  en disant : « Feras-tu une dédicace semblable dans une basilique romaine ? »  Et j’ai répondu : « Je le ferai, si je trouve des reliques de martyrs. »
Gaudence, dans le traité de la dédicace, dit que plusieurs évêques se sont rassemblés pour la célébration de la dédicace d’une église, qui avait été érigée à Brixe, en l’honneur des reliques de saint Jean Baptiste, de saint André, de saint Thomas, de saint Luc, de saint Gervais, de saint Protais, de Celse, et des quarante martyrs. Saint Augustin a donné cinq sermons au peuple pour célébrer la dédicace d’un temple (251, 252, 253, 254, 255. Et 256).  Le pape Gélase (épitre 1 aux évêques de Lucanie et des Abruzzes, chapitre 6) écrit : « Qu’il n’ose pas dédicacer de nouvelles  basiliques qui n’ont pas été érigées selon les prescriptions. »  De même au chapitre 27, il a formulé d’autres prescriptions à observer lors de la dédicace des basiliques.  Félix 1V, qui a vécu avant l’an mille,  en parle longuement dans sa lettre décrétale, et il dit, entre autres : « Il faut célébrer à tous les ans les solennités des dédicaces d’églises. »   Prosper (par 3 chapitre 38 sur les promesses de Dieu) atteste avoir été présent quand, à Carthage, à été dédicacé un temple célèbre, qui appartenait autrefois aux Gentils.  Sur le frontispice, on a trouvé divinement écrites de grandes lettres en airain : le pontife Aurèle l’a dédié.  Ce présage plongea  tout le monde dans la stupeur, quand on vit que l’évêque Aurèle avait réalisé ce qui avait été prédit longtemps d’avance.
Saint Grégoire (livre 3, chapitre 30 des dialogues) raconte que, en son temps, une basilique a été dédicacée non sans grand miracles; et que ces miracles  indiquaient clairement que cette dédicace avait plu à Dieu.  Saint Bernard a fait cinq sermons sur la dédicace des temples.   Rupert (chapitre 28 de la Genèse), prouve qu’on a raison de fêter les dédicaces.   Hugues de saint Victor (livre 2, paragraphe 5, chapitres 2 et 3 sur les sacrements), Isidore (livre, chapitre 35 des devoirs), Raban (livre 2, chapitre 45, sur l’institution des moines), Amalarius (dans son livre sur l’ordre de l’antiphonaire), le bienheureyx Yves (dans son sermon sur la consécration des temples) Walfride (dans les choses ecclésiastiques, chapitre 9), tous ces auteurs parlent  de la dédicace des églises comme d’une chose très antique, même s’ils sont eux-mêmes des auteurs anciens.
La deuxième proposition.  L’Église a raison de consacrer les temples avec  des prières et des cérémonies variées.   On le prouve, d’abord, par des témoignages de l’Écriture.   En effet, dans l’Écriture, nous avons la consécration d’un temple ou d’un autel  dans l’état de la nature, de la loi et de la grâce.  Dans l’état de nature.  Au chapitre 28 de la Genèse, Jacob érigea une pierre où sacrifier.  Il  la consacra en répandant sur elle de l’huile, et appela ce lieu Bethel, c’est-à-dire maison de Dieu.  Au chapitre 35, ayant été averti par Dieu de faire un autel, il érigea de nouveau une pierre, la consacra en l’oignant, et fit des libations.  Cela n’appartient certainement pas à de la magie, car tous louent cette action, et il appert qu’elle plait à Dieu.  Elle n’appartient pas  non plus aux cérémonies de la loi juive qui n’existaient pas encore.  Pourquoi ne nous serait-il pas permis de faire la même chose ?
De plus, dans l’état de la loi, nous voyons Moïse (Exode chapitre 40,  Nombres, 7) consacrer, avec de l’huile sacrée et d’autres cérémonies, un tabernacle, un autel et tous ses vases.  Il est certains aussi que ces cérémonies ne furent pas magiques.  Et bien que ces cérémonies aient appartenu à l’ancien testament, tout en ne lui appartenant pas en propre, puisqu’elles étaient fondées sur la prière, rien n’empêche que nous puissions, nous aussi, y avoir recours.   Dans l’état de la grâce ou de l’évangile, nous n’avons pas de témoignages aussi limpides.  Mais nous pouvons déduire quelque chose d’approprié des paroles de saint Paul.  Au chapitre 11 de l’épitre 1 aux Corinthiens, il leur reproche de manquer de respect envers l’église, en mangeant dans l’église. Ce qui laisse suffisamment entendre que l’église était une sorte de lieu sacré.  Car pourquoi accuserait-on de profanation d’église quelqu’un qui fait une chose licite, si ce n’est à cause de la consécration de ce lieu ?  Et on le confirme par Denys l’aréopagite qui vécut au temps des apôtres.   Dans son livre sur la hiérarchie ecclésiastique (chapitre 5, partie 1), il enseigne explicitement que les autels doivent être oints d’une huile sacrée, et consacrés par un évêque.
On le prouve ensuite avec les décrets des anciens conciles.   Le concile de Carthage 5 (canon 6) stipule : « Il en sera de même des églises. À toutes les fois qu’on a hésité à les consacrer, il faut voir à ne pas les consacrer précipitamment. »  De même le concile d’Agathe, (chapitre 14) : « Il a plu que les autels soient consacrés non seulement par l’onction du saint chrême, mais aussi par la bénédiction sacerdotale. »   Le concile de Bracarense enseigne la même chose au canon 6.   On le prouve aussi par les décrets des pontifes Gélase et Félix 1V, déjà cités, et de Jean 1, dans son épitre aux évêques d’Italie.  On trouve chez Gratien (dist 1) d’autres décrets portant sur la consécration des églises et des autels.  Il parle même du concile de Nicée, et d’un concile d’Hippone, qu’Augustin (dans son livre des rétractations, chapitre 17)  atteste être plénier  pour toute l’Afrique.  Ces décrets sont disparus et n’existent plus que chez Gratien.
Troisièmement.  On le prouve par les pères cités dans la première conclusion.  Car, la plus grande partie d’entre eux se souviennent de la consécration et des cérémonies qui étaient d’usage lors de la dédicace des temples.  On le prouve, en quatrième lieu, par une raison tirée de la fin de ces cérémonies.   La fin, en effet, joue un rôle déterminant pour signifier que ce temple est dédié à Dieu et à des actions sacrées;  que ce n’est pas une maison profane, mais sacrée.  Car, même si cette dédicace consiste essentiellement dans la volonté et l’intention du consécrateur, il est quand même nécessaire que cette intention et cette volonté soient communiquées aux autres hommes par des signes externes.  Exemple. Les contrats humains consistent dans la volonté et l’intention des contractants.
  Cependant, pour que cette volonté soit connue, qu’elle soit ferme et ratifiée, ce ne sont pas seulement des paroles qui sont nécessaires, mais de nombreuses cérémonies, comme c’est le cas dans les mariages, le couronnement des rois, dans l’armée etc.   C’et donc pour signifier que le temple est consacré au Christ, que l’on peint son signe, c’est-à-dire la croix.  On en peint 12, distantes entre elles, pour qu’elles occupent tout le temple.  Et à chacune  d’entre elles, on allume une lampe pour signifier que les douze apôtres ont apporté cet étendard du Christ sur toute la terre, et ont éclairé le monde par leur prédication.
Et comme le temple ne doit pas être une maison profane ou ordinaire, mais une maison sacrée, c’est pour signifier cela qu’il est oint.  Car, l’huile est le symbole le plus commun et le plus évident de la consécration.  C’est en effet un liquide très noble, suréminent, et surtout qui pénètre partout, qui guérit et fortifie.  Elle donne du lustre aux choses.  Voilà pourquoi il a plus à toutes les nations, et même à Dieu, de s’en servir pour signifier la consécration.  Parce que le temple est destiné aux divins sacrifices, aux prières, et aux autres actions saintes et pures, non aux sordides et ténébreuses manigances des séculiers, on a recours, pour signifier cette pureté et limpidité,  à de l’eau, de l’encens et des cierges.   Et parce que le temple est consacré pour prêcher et enseigner la foi, qui est le fondement de toute justice, c’est pour cette raison qu’on écrit l’alphabet sur les dalles.  On l’écrit en latin et en grec, parce que c’est dans ces langues que la foi a été prêchée, et que ces deux langues étaient utilisées partout quand on a institué ces cérémonies.  Et parce que, dans le temple, on ne fait pas qu’enseigner les chrétiens, mais on les persuade à pratiquer les vertus et à changer de vie, c’est pour cette raison qu’on fait ce mélange d’eau, de cendres, de sel et de vin.
Et, parce que, enfin, le démon est chassé du temple et qu’il ne lui est pas permis d’y demeurer, et qu’on supplie Dieu, les anges et les saints d’habiter dans ce lieu, c’est pour cette raison qu’on frappe à la porte, qu’on ordonne au diable de sortir, et qu’on introduit les reliques des saints.   Une autre fin de ces cérémonies est de signifier le Christ et l’Église.  Car l’église matérielle désigne l’église spirituelle,  et l’autel signifie le Christ.  Et la raison pour laquelle  l’autel est fait de pierre, est oint,  est posé à un endroit élevé, et sous lequel sont cachées des reliques, c’est que le Christ est appelé pierre (1 Corinthiens X), qu’il fut oint par le Saint-Esprit de préférence à ses compagnons (psaume 44), qu’il est la tête de toute l’Église (Colossiens 1), et qu’en lui sont cachées la vie et la gloire des saints (Colossiens 3, 1).  Voilà pourquoi, dans le ciel, saint Jean vit les âmes des saints sous l’autel (Apocalypse 6).
De plus, les cérémonies qui se font dans les dédicaces d’église, montrent tout le cheminement  des fidèles.   On frappe d’abord à la porte,  et le temple est ouvert par le bâton pastoral de l’évêque,  parce que, après en avoir reçu le pouvoir du Christ, les pasteurs frappent sur les cœurs des fidèles, et les ouvrent pour qu’ils reçoivent la foi.    Ensuite, après être entré, l’évêque, avec son bâton pastoral, écrit l’alphabet sur les dalles recouvertes de cendre, parce que, par le même pouvoir, les prédicateurs écrivent dans les cœurs des fidèles les rudiments de la foi, et en font des catéchumènes.    Troisièmement.  On asperge d’eau le temple et on allume les cierges, parce que, après le catéchisme vient le baptême, qui est le sacrement d’illumination.   Quatrièmement, on peint des croix sur les murs et on les oint, (car si des croix ont été faites au début de la consécration, c’est à ce moment qu’elles devraient être faites.   Mais, auparavant, elles avaient été faites par complaisance, on les aurait attendues trop longtemps si elles n’étaient peintes qu’au cœur de la cérémonie), pour signifier la confirmation, qui, après le baptême, est administrée avec la croix et le saint crème.
Cinquièmement. On fait une mixture avec de l’eau, de la cendre, du sel et du vin, car toute la vie des fidèles doit employée à la mortification des vices,  à la recherche et à la conservation d’une nouveauté de vie.   Car, l’eau signifie l’homme, comme il est par lui-même après le péché : il est, comme l’eau, froid et insipide.   La cendre signifie la pénitence et la mortification des vices, le sel la saveur, et le vin signifie la joie et la ferveur de la nouvelle vie.  Sixièmement.  Après la consécration, on fête dans l’allégresse parce que, à la fin de cette vie, les fidèles entreront dans la joie du Seigneur, là où ils se réjouiront perpétuellement.   Tu peux voir ces explications et d’autres dans saint Augustin et saint Bernard dans leurs sermons sur la dédicace des églises.   Ainsi que dans Hugues de saint Victor, dans Raban Maure, aux endroits cités, qui expliquent dans le détail les raisons de ces cérémonies.
La troisième proposition.  On doit avec raison estimer qu’un temple consacré est saint et vénérable, et doté d’une vertu divine.  On le prouve d’abord par sa relation à Dieu.   Le temple est consacré à Dieu;  il est donc une chose de Dieu; et il est donc saint.   Car, toute chose consacrée à Dieu est sainte par le fait même. Lévitique, fin : « Un animal qui peut être immolé au Seigneur sera saint s’il lui est dédié. » Et, plus bas : « Ce qui aura été consacré une fois au Seigneur sera le saint des saints. »  Matth XX111 : « Malheur à vous, chefs aveugles, qui dites : celui qui jure par le temple, il n’y a rien.  Mais s’il jure par l’or du temple,  il le doit.   Fous et aveugles ! Qu’est-ce qui est plus grand ? L’or, ou le temple qui sanctifie l’or ? »
 Dans ce passage, le Seigneur veut qu’un temple de pierre soit plus noble que l’or lui-même, parce qu’il communique à l’or sa sainteté.  Car, bien que des pierres soient tout à fait inférieures à de l’or, cependant, à cause de la relation qu’elles ont avec le Seigneur, ces pierres qui font le temple sont de loin plus nobles et plus saintes que l’or.  Voilà pourquoi saint Augustin (livre 4, chapitre 40 contre Cresconius), dit : « La consécration des murs au Dieu tout-puissant rend l’église vénérable. »
On le prouve ensuite par les prières et la bénédiction de l’évêque.   Car, comme le dit l’apôtre 1 Tim 1V : « On ne peut rien condamner de ce qui est pris en action de grâces. Car cela est sanctifié par la parole de Dieu et la prière. » Or, si les mets ou les breuvages sont sanctifiés par la parole de Dieu et la prière, pourquoi les temples ne seraient-ils pas sanctifiés aussi, eux qui sont consacrés par des personnes sacrées en priant et bénissant ?  De plus, quand Salomon a sanctifié le temple, Dieu l’a sanctifié lui aussi, comme il le dit lui-même (111 Rois, 1X) : « J’ai exaucé ta prière, et j’ai sanctifié cette maison que tu as construite. »  Or, les prières de l’église ne sont pas moins efficaces que celles de Salomon.
Troisièmement, on le prouve par les choses qui sont dans un temple.  Car un lieu où se trouvent des choses s saintes est forcément saint.  Exode 111 : « Le lieu où tu te tiens est saint. »  Or, dans les temples, il y a beaucoup de choses saintes.   D’abord, les croix, les images du Christ et des saints.  Ensuite, les reliques des saints.  Puis, la personne du corps du Seigneur dans l’eucharistie.  Enfin, la présence des anges.   Car, on croit que les anges sont toujours ou fréquemment  présents dans les temples.
 Voilà pourquoi l’historien Joseph (dans le livre 2 de la guerre judaïque), écrit qu’on entendit des voix dans le temple de Salomon, peu avant qu’il soit abattu, qui disaient : « Nous émigrerons de là. » L’opinion commune est à l’effet que c’était la voix des anges qui abandonnaient le lieu.  Et saint Jean Chrysostome (dans son homélie 1 sur les paroles d’Isaïe : « J’ai vu le Seigneur assis »), dit qu’une multitude d’anges se tiennent près de la sainte table dans les églises. »  Cinquièmement et ultimement.  Dieu est présent par une protection et une vertu spéciales.  En signe de quoi, quand le tabernacle a été dédié par Moïse, la nuée de la gloire de Dieu recouvrit le tabernacle.   Il a agi de la même façon quand Salomon lui dédia le temple : une nuée de gloire emplit la maison de Dieu.
 Saint Grégoire écrit que la même chose est arrivée en son temps (au livre 3, chapitre 30 des dialogues) : « Quand le ciel était bleu et sans nuages, une nuée céleste est descendue sur l’autel de l’église, la couvrit comme d’un voile, et remplit l’église d’une telle terreur et d’une odeur si suave que, alors que les portes étaient grandes ouvertes, nul n’osa y entrer. »  Dans le livre 11, chapitre 3 des Macchabées, nous lisons qu’Héliodore a dit : « Il y a vraiment dans ce lieu la vertu d’un dieu.  Car, celui qui habite les cieux est un visiteur et un protecteur de ce lieu. »
On le prouve, quatrièmement, par l’absence des démons.  Car, comme les temples des Gentils sont pollués, et immondes, parce qu’ils sont des demeures de démons, comme l’enseigne saint Grégoire (livre 3, chapitre 7 de ses dialogues), les temples de Dieu sont saints parce qu’ils sont privés de démons.  Car, le même saint Grégoire ( livre 3, chapitre 30 des dialogues), écrit qu’après la consécration d’un temple qui avait appartenu auparavant aux Ariens,  le diable est sorti de manière sensible, en toute hâte et avec précipitation.  Et comme les maisons des princes sont des asiles, où aucun licteur n’ose mettre la main,  de la même façon, les démons n’ont pas la permission de se promener dans la maison de Dieu comme ils le font ailleurs.
 

2018 09 23 debut

                                                 CHAPITRE 6
                                    La décoration des temples
La décoration des temples consiste en partie dans la construction elle-même, et en partie, dans les images, les croix, les calices, les vêtements, et autre chose.   Nous reprochent ces décorations  autant  les anciens petrobrusiens et les Wiclefistes que les luthériens et les calvinistes, aux endroits cités.  Voici quels sont leurs arguments.
Le premier, tiré de Jérémie V11 : « Ne mettez pas votre confiance dans des paroles de mensonge en disant : le temple du Seigneur, le temple du Seigneur ! »  Commentant ce passage, saint Jérôme a parlé ainsi : «  Il prescrit et au peuple des Juifs d’alors et à nous aujourd’hui qui  semblons solidement enracinés dans la foi,  de ne pas mettre notre confiance dans la splendeur des édifices,  dans les lambris dorés, dansles parois recouverts de marbre, et de ne pas dire : le temple de Dieu, le temple de Dieu ! »  Le même saint Jérôme (dans son épitre à Népotianus) : « Parmi ceux qui construisent des édifices religieux, beaucoup  recouvrent d’or les murs et les colonnes,  et font scintiller les autels avec des pierres précieuses. »  Et plus bas : « Que personne ne m’oppose les richesses qui se trouvaient dans le temple des Juifs : la table, les lampes, les encensoirs, les vases, tout ce qui était en or pur.  Ces choses étaient alors approuvées par le Seigneur quand les prêtres immolaient des hosties,   et quand le sang des bestiaux était la rédemption des péchés. Maintenant, quand le Seigneur pauvre a dédicacé la pauvreté de sa maison, pensons à sa croix, et nous ne verrons que de la boue dans les richesses. » Et plus bas : « Ou nous répudions l’or avec les autres superstitions des Juifs, ou si l’or nous plait, que nous plaisent aussi les Juifs ! »
Troisièmement, ils citent saint Ambroise (livre 1, chapitre 28 des devoirs) : « Il aurait été préférable que tu conserves les vases des vivants, plutôt que les vases de métal.  À eux, tu ne peux pas donner de réponse.  Car, que dirais-tu : j’ai peur qu’il n’y ait pas assez d’ornements dans le temple ?  Il répondrait : ils ne recherchent pas uniquement les sacrements.  L’or ne plait pas non plus à ceux qu’il ne peut pas acheter.   Car, le vrai ornement des sacrements est la rédemption des captifs. »   Quatrièmement.  Acacius cité par Socrate (livre 7, chapitre 21), qui, quand on lui reprocha d’avoir vendu les vases sacrés pour les pauvres, répondit : « Notre Dieu n’a besoin ni de plats ni de calices, parce qu’il ne mange ni ne boit. »  Cinquièmement, saint Hilaire (épitre contre Auxentium) :  « L’amour des lambris vous joue de vilains tours. Vous avez bien tort de mettre votre vénération de l’église dans la toiture et les murs. »  Sixièmement.  Lactance  (livre 2, chapitre 4) loue Perse pour avoir écrit qu’on ne doit pas apporter de vases d’or dans les temples : « Il a parlé en sage ! »
Septièmement.  Saint Bernard (dans son apologie à l’abbé Guillaume, vers la fin) : « O vanité des vanités, mais moins vaine qu’insensée.  L’église étale ses richesses sur les murs, et n’a rien à donner aux pauvres.  Elle recouvre ses pierres d’or, et laisse nus ses fils. »  Huitièmement.  Saint Jean Chrysostome (homélies 51 et 81 sur saint Matthieu) enseigne qu’il est préférable de donner des aumônes plutôt que d’orner richement les temples, et réfute l’argument qu’on a coutume d’apporter.    À ces citations, ils ajoutent des raisons. La première.  Le Christ a toujours aimé et enseigné la pauvreté.  La deuxième.  Car l’or dans les temples est oiseux et superflu.  Car les murs ne ressentent pas leurs décorations, et n’en ont pas besoin pour accomplir la fin pour laquelle ils ont été faits.  Voilà pourquoi Perse s’exclame ainsi : « Dites aux pontifes : dans le saint lieu, que fait l’or ? »   La troisième.  La pompe  des temples non seulement n’aide pas, mais nuit.  Car  elle  attire l’esprit à elle, et les détourne des pensées spirituelles.   La quatrième.  Les temples vivants sont meilleurs que les temples morts.   Or, ne font jamais défaut les pauvres qui sont des temples vivants de Dieu,  et qui ne manquent pas seulement du superflu, mais du strict nécessaire.  La cinquième.  Car, au jour du jugement, ne sera pas condamné celui qui n’aura pas embelli son temple avec de l’or et des pierres précieuses,  mais celui qui n’aura pas nourri le Christ dans le pauvre.
Voilà donc quels sont leurs arguments. Même s’ils apparaissent avoir un grand poids, ils ne peuvent rien contre la vérité, car rien n’est plus pesant que la vérité.  Nous les réfuterons donc dans ce chapitre, après avoir présenté et confirmé la sentence de l’Église.
La première proposition. C’est une œuvre bonne et pieuse dans son genre  que de dépenser de grandes sommes d’argent pour la construction et l’embellissement des églises. »   On le prouve d’abord par l’ancien testament.  Car, Dieu a voulu que le tabernacle soit très décoré, et cela à un point tel que presque tous les instruments du sanctuaire étaient en or.  Les courtines du tabernacle et les vêtements des prêtres étaient des plus  somptueux, étant faits de soie, de byssus, de pourpre et de pierres précieuses.  Et pour que ne fassent pas défaut les artisans, Dieu a donné à certains la sagesse et la dextérité nécessaires pour accomplir toutes ces choses.   Voir l’Exode.
 Ensuite, à Nombres 7,  les princes offrirent, pour l’ornementation du temple, d’immenses sommes d’or et d’argent.   David accumula dans le  temple une si grande quantité d’or, d’argent et de pierres précieuses, que la chose semble impossible.  Lire les paralipomènes  1, dernier chapitre, et livre 2, chapitres 3, 4, et 5.  Et il est certain que si les raisons qu’on apporte contre l’ornementation de nos temples avaient quelque valeur, elles incrimineraient le tabernacle de Moïse et le temple de Salomon.  Car, même alors, les pauvres ne faisaient pas défaut.  Alors, aussi, les murs ne ressentaient pas leurs décorations.  Alors, aussi, les esprits des adorateurs pouvaient être distraits.  Mais, nonobstant tout cela, on n’a pas mis fin à la magnificence et à la somptuosité dans l’édification du temple et du tabernacle.
On le prouve ensuite par le nouveau testament.   Car, en Marc X11, le Christ loue la veuve qui a déposé dans la salle du trésor, deux pièces d’argent, l’argent de son repas.  Si donc cette veuve a bien fait en donnant à Dieu  le coût  de ses repas, comment peut-on blâmer ceux qui  donnent une partie de leurs biens pour décorer la maison de Dieu ?  A chapitre X111, quand les apôtres dirent au Seigneur : « Quelles pierres ! Quelles structures ! », Jésus aurait eu une occasion idéale de réprouver la magnificence de ce temple, ou tout au moins d’instruire ses disciples en leur disant que, dans l’ancien testament, il était permis d’orner des temples,  mais que, sous la loi évangélique, la chose ne sera plus permise.  Or, le Seigneur n’a rien dit de tel.   De même, au chapitre X1V,  Judas blâma Marie de Madeleine qui, pour oindre la tête du Seigneur, avait fait de si grandes dépenses, et sembla dire :  Pourquoi ce gaspillage d’argent ?  Car cet onguent aurait pu être vendu pour la somme de trente deniers, et être donné aux pauvres. » Mais Jésus répondit : « Son geste est une bonne œuvre. »  S’il était permis, en mettant de côté les pauvres,  d’oindre la tête du Seigneur avec un onguent d’un grand prix, pourquoi ne serait-il pas permis d’édifier au Seigneur un temple d’un grand prix ?
On le prouve ensuite par la prophétie d’Isaïe.  Car, au chapitre 60, où les principaux  commentateurs s’entendent pour dire que, au sens littéral, il s’agit de l’église chrétienne qui existe sur la terre, nous lisons : « Je glorifierai la maison de ma magnificence. »  Et plus bas : « Les îles m’attendent,  pour que j’emmène tes fils de loin : leur or et leur argent, au nom de ton Seigneur. »  Et plus bas : « Les fils édifieront les murs de tes pèlerins, et leurs rois te serviront. »  Et plus bas : « La gloire du Liban viendra à toi, le sapin, le cèdre et le pin, viendront ensemble orner le lieu de ma sanctification, et je glorifierai le lieu de mes pieds. »  Ce qui s’est réalisé à la lettre au temps de Constantin et des autres princes qui érigèrent de magnifiques temples, et qui les ornèrent somptueusement.
On le prouve en quatrième lieu avec les pères.   Eusébe, livre 9, chapitre 10 de son histoire : « Ils furent tous remplis comme par une joie infusée et un don divin, surtout en voyant ces édifices qui, peu auparavant avait été détruits par les machines impies des tyrans.  Ils revenaient à la vie,  beaucoup plus beaux, plus grands et plus élevés qu’avant. » Saint Cyrille de Jérusalem ( catéchèse 14) : « Les rois pieux d’aujourd’hui , recouvrant d’or et d’agent les autels, ont érigé cette sainte église de la résurrection dans laquelle nous sommes maintenant,  et l’ont embellie au moyen  de décorations somptueuses. »  Saint Athanase (dans l’apologie à Constance), indique que  Constantin a fait construire à Alexandrie  une basilique énorme, qui était la seule à pouvoir contenir  le peuple que les autres ne pouvaient pas contenir.  Cette magnificence-là il ne le réprouve pas, mais il la loue. Après avoir dit dans son  premier sermon  contre Julien, que Gallus et Julianus avaient construit à grands frais une basilique pour le martyr Manaeus, saint Grégoire de Naziance ajoute que ce don fut agréable à Dieu, comme un autre sacrifice d’Abel.  Saint Grégoire de Nysse (dans son sermon sur Theodore) dit que le temple de Theodore  a été magnifique,  et orné de peintures et de sculptures; et que cela contribuait grandement à la gloire du saint.  Dans ce texte, il loue donc ouvertement la coutume d’ériger de tels temples.
Saint Jean Chrysostome (dans son homélie 66  au peuple d’Antioche) : « Les sépulcres des serviteurs du crucifié sont plus splendides que les salles royales,  non pas tellement par la grandeur et la beauté des édifices, (car même si en cela ils sont supérieurs) mais par le zèle de ceux qui y viennent. »  Il dit la même chose (homélie 54 sur Mathieu) : « Je n’interdis pas qu’on construise de magnifiques temples. »  Saint Cyrille (au début de son livre aux reines sur la foi droite) : « C’est très sagement que vous vous efforcez de penser et de faire les choses qui sont approuvées par le Christ.  En partie par les œuvres, et par une foi exemplaire irrépréhensible, et par les décorations des salles royales à la gloire de la virginité.  En partie parce que vous avez érigé des temples somptueux au Christ. »  Theophylactus (chapitre 14, Marc) : « Sont confondus en ce lieu ceux qui préfèrent les pauvres au Christ. » Et plus bas : « Qu’ils entendent donc comment le Christ préfère le soin qu’on prend de lui au soin qu’on prend des pauvres.  Car le corps du Christ est là sur  la patène et le sang dans le calice.  Celui  donc qui enlève la patène précieuse et oblige le corps du Christ à se poser sur un métal plus vil, sous prétexte de le donner aux pauvres,  qu’il sache de quel côté  il est ! »
Les latins maintenant.  Optatus (livre 6) atteste que, en son temps, l’église avait des vases sacrés de grande valeur, que les donatistes confisquèrent et vendirent.  Saint Ambroise (livre 2, chapitre des devoirs) dit qu’orner le temple de Dieu de la  façon congrue est une chose qui convient,  pour que, par ce culte, le temple du Seigneur resplendisse. »  Saint Jérôme (dans son épitre à Démétriade) après avoir parlé du marbre et des pierres précieuses, ajoute : « Je ne le reproche pas, je ne l’interdis pas.   Mais, à toi autre chose est proposé. »  Et, au chapitre 8 de Zacharie, il rapporte à la gloire de l’Église et à la louange des princes, que les églises que les empereurs païens avaient détruites, les empereurs chrétiens les aient rebâties avec plus de splendeur et de magnificence qu’avant, en dorant les toits et en recouvrant de marbre les parvis.   Saint Augustin (dans le psaume 63) : « Nous autres aussi nous avons beaucoup d’instruments et de vases en or et en argent, employés pour la célébration des sacrements, que l’on appelle saints et consacrés à cause de ce ministère. »   Prospère (dans son livre de la promesse et de la prédiction par 3, chap 38),  rapporte qu’un temple immense a été consacré à Dieu en son temps, qui était si  si vaste qu’il avait même une place publique qui conduisait à lui, qu’il avait deux mille pas de long, dont le plancher était de matériaux précieux, et dont les colonnes et les mœurs étaient splendidement décorées.
Cinquièmement.  On le prouve par la piété de ceux qui réédifièrent des églises.  Il y en a eu quatre principaux : Constantin, Justinien, Charlemagne, et Charles 1V.  Au sujet des temples construits par Constantin, voir saint Damase (dans la vie de Sylvestre), et Eusèbe (livres 3 et 4 dans la vie de Constantin. )  Au sujet des temples construits par Justinien, voir Procopius (dans les édifices de Justinien).   Au sujet des temples construits par Charlemagne, voir l’abbé d’uspergensis dans sa chronique.  Au sujet des temples de Charles 1V, voir Jean Cochlaeus (au début du premier livre de l’histoire des Hussites ).
Il est avéré que Constantin fut un saint empereur, car, dans le calendrier des Grecs, son nom figure parmi les saints.  Et il est souvent appelé saint et bienheureux par saint Ambroise (dans le sermon sur la mort de Theodose), par Épiphanie (hérésie 70, qui est celle des Audianes), par saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 14) et par d’autres pères.   Semblablement, Charlemagne est honoré comme un saint principalement par les parisiens;  et, de tous les historiens, il reçoit des louanges mirobolantes.   Justinien, mise à part son hérésie dans laquelle il est tombé dans son extrême vieillesse, reçut, lui aussi, énormément de louanges.  Que Charles 1V ait été un prince excellent et religieux, en témoigne ce que Cochlaeus dit de lui au lieu cité.
Un grand nombre de basiliques ont été édifiées et ornées par de saints pontifes : Jules, Damase, Leo, Symmachus,  et d’autres qui vécurent tous avant l’an mille, et qui sont tenus pour saints par le consentement unanime des écrivains sacrés.  Il n’est pas crédible que de si pieux princes et de si saints pontifes aient pu  se vouer à la construction de tels édifices, s’ils  ne plaisaient pas à Dieu.
On le prouve enfin par des raisonnements.   La première raison nous la tirons de la grandeur de Dieu. La maison qui est construite pour le plus grand des princes se doit d’être la plus grande.  Or, qui est plus grand que Dieu ?  Voilà pourquoi Salomon (paralip livre 2, chapitre 2) dit : « La maison que je désire construire est grande, car notre Dieu est le plus grand de tous les dieux. »  La seconde raison est tirée du genre d’œuvre.  Car construire pour Dieu un temple splendide est, par son genre, l’acte de deux excellentes vertus, la religion et la magnificence.  C’est donc une chose bonne, de par son genre.  La troisième raison.  Ce n’est pas l’acte de ces vertus, mais c’est le signe et l’actualisation d’autres vertus. Car celui qui érige un temple magnifique produit un magnifique témoignage de sa foi et de sa charité envers Dieu. Ainsi que de piété et de gratitude.   Et parce que les richesses qu’on a dépensées libéralement en l’honneur de Dieu sont ce qu’on chérit le plus, la construction d’un tel temple indique que c’est Dieu qu’on aime plus que tout.
La quatrième raison est tirée de l’utilité.  Car, un temple magnifiquement orné sert à beaucoup de choses. D’abord, il attire plus facilement les hommes aux choses pieuses qui se font dans les temples.  Car, on ne fréquente par régulièrement les lieux obscurs et sordides.  Ensuite, il conserve la majesté des sacrements, et la révérence qui est due aux choses divines.  En effet, quand nous voyons un autel splendide, nous élevons plus facilement notre esprit, et nous pensons plus facilement au grand Dieu à qui ces œuvres d’art sont dédiées.  Le contraire est également vrai.  On méprise facilement ce qui est sans charme et sans attrait.  Et c’est surtout la piété et la dévotion des simples qui en tirent du profit, eux qui forment le grand nombre.  S’ajoute à cela une utilité corporelle : les temples magnifiques sont conservés plus longtemps, et apportent une gloire spéciale à une cité.  De plus, la multitude de vases d’or ou d’argent fut souvent le salut de toute une république, quand en temps de peste, de famine ou de captivité, l’église ouvrit ses trésors à des milliers de miséreux, comme s’ils avaient été divinement donnés et conservés pour cela.
La cinquième raison est tirée du contraire.   Ceux qui dévastèrent ou pillèrent les églises furent toujours considérés comme des sacrilèges et des condamnés.  Ils ont été souvent divinement punis, comme l’attestent Balthasar (Daniel V), Héliodore (2 Macchabées 3), Antiochus (2 Macchabées 9),  Saint Jean Chrysostome  (homélie 4 su Matthieu),  raconte qu’au temps où Julien l’apostat ordonna d’extorquer les ornements des temples, et principalement les vases sacrés, le questeur royal a expiré après une rupture des entrailles, et l’oncle de Julien est mort dévoré par des vers. Cedrenus et Zonaras racontent que quand  Léon, le fils de Constantin Copronyme, avait dérobé d’un temple une couronne insigne, que l’empereur Maurice avait donnée pour l’ornementation d’un temple, il sentit subitement sur sa tête des charbons ardents, et il périt dans les affres d’une fièvre atroce.
La seconde proposition.  Bien que la construction ou l’ornementation d’un temple soit, en soi,  une bonne chose, une œuvre de ce genre peut cependant être facilement  viciée par le défaut des circonstances.  On le prouve ainsi.  Quatre sont les circonstances principales, en l’absence desquelles l’embellissement des temples pourrait être une mauvaise chose : le temps, le lieu, la manière et la personne.   Quand quelqu’un est d’abord tenu d’aider le prochain, surtout les parents ou les enfants, et qu’il ne peut pas en même temps pourvoir à ses devoirs familiaux et donner de l’argent au temple.  Alors, il n’agit pas correctement, s’il édifie des temples pour son prochain en négligeant ses parents.  Car le Seigneur a dit en Osée  V1 : « Je veux la miséricorde et  non le sacrifice. »  Et, en Marc V11 le Seigneur reproche aux pharisiens d’enseigner que les fils doivent offrir au temple les revenus familiaux au détriment des parents.  Saint Paul enseigne la même chose (Romains 3) : on ne peut pas faire du mal pour qu’il en résulte du bien.
Enfin, par la pratique des saints qui, pendant les disettes et les famines, faisaient fondre les vases et les vendaient, comme l’atteste saint Ambroise (livre 2, chapitre 28, des devoirs).  Car, si en temps de nécessité, les pasteurs ont raison de sortir des églises les ornements, il est certain qu’on a encore plus de raison de ne pas  donner à l’église ce qui serait enlevé,  s’il était donné.  L’obole de la veuve ne représente pas pour nous une objection, car elle n’a pas donné à l’église  la nourriture de ses parents ou de ses enfants, mais la sienne propre.  Et celle  d’un jour, non de plusieurs jours.  Car, elle ne pouvait pas, en deux minutes, se sustenter longtemps.
Quant au lieu, il est certain que tous les lieux ne requièrent pas la même ornementation.   Dans les grandes villes, où affluent un grand nombre de fidèles, il doit y avoir des temples splendides.  Mais, dans les lieux déserts, fréquentés par les seuls anachorètes, il ne semble pas convenir qu’on fasse un étalage de grandes richesses dans les temples.  Et c’est ce que saint Bernard reproche surtout dans son apologie à Guillaume, que les moines de Cluny voulaient avoir des oratoires si grands et si ornés qu’ils seraient semblables ou même supérieurs aux cathédrales et aux basiliques les plus somptueuses.  Il leur reprochait aussi de sculpter sur le plancher et d’y peindre des images des saints, de telle sorte que ceux qui étaient forcés de cracher auraient à cracher  sur la face des anges ou des autres saints.
Quant à la manière, on pèche quand les ornements des églises sont inutiles ou mondains, et satisfont plus à la curiosité  qu’à la piété.  Tels étaient les ornements de l’église de Cluny, selon saint Bernard : « Que fait ici cette ridicule monstruosité ?  Que font ces immondes singes, ces lions sauvages, ces centaures monstrueux, ces demi-hommes, ces tigres tachetés, ces soldats qui combattent, ces chasseurs qui sonnent du cor ?  Tu verras plusieurs corps sous une seule tête, et un seul corps avec plusieurs têtes.   On voit un quadrupède avec une queue de serpent, et sur un boa une tête de quadrupède.  Ici un cheval avec le derrière d’une chèvre, et  là un animal cornu avec le derrière d’un cheval.  Une si grande variété de formes diverses apparait partout qu’il est permis de lire davantage sur les marbres que dans les livres;  qu’on peut employer une journée entière à admirer toutes ces merveilles, plutôt qu’à méditer la loi de Dieu.
Quant à la personne, quelqu’un pèche quand il veut orner un temple d’une façon qui est au-dessus de ses revenus et de sa condition sociale.  Car si quelqu’un qui  est un pauvre de profession, et qui  mendie son pain, voulait édifier un temple de marbre, et l’embellir avec de l’or et des pierres précieuses, même si, avec des aumônes il pouvait le faire, il ne convient pas à sa profession qu’il agisse ainsi.  Car la magnificence n’est pas une vertu des moines, mais des rois.  C’est donc avec raison que saint Bernard reprochait aux clunisiens leur somptuosité et leur magnificence, avec lesquelles ils se faisaient l’émules des rois.
Il nous reste encore à répondre aux arguments présentés au début. A celui qui est tiré d’un texte de  Jérémie (ne professez pas des paroles mensongères en disant : le temple de Dieu, le temple de Dieu), je réponds que, dans ce texte, le prophète rabroue les Juifs qui, mettant leur confiance dans le temple externe, se croyaient saints comme le temple, et aimés de Dieu; étaient surs que n’arriveraient pas les maux prédits par les prophètes parce qu’ils avaient près d’eux le temple, même si, en vivant mal, ils étaient les temples des démons.  Cette réprimande du prophète n’a rien à voir avec la construction et l’ornementation des temples.  Car, même si on reproche une trop grande confiance dans le culte externe des temples, surtout quand on néglige le culte interne de l’âme, il ne faut pas en conclure que, à cause de cela, il ne faut  ni construire ni orner des temples. Au témoignage de saint Jérôme il faut répondre la même chose.  Il blâme ceux qui, ne se souciant pas de devenir des temples de Dieu en vivant bien, se croient en totale sécurité s’ils édifient ou ornent des temples externes.
Le deuxième qui est tiré des paroles de saint Jérôme. Pour pouvoir  y répondre plus commodément,  il faut faire quelques réflexions préalables.   Remarque, d’abord, que le dessein de saint Jérôme est de blâmer ceux qui prennent plus de soin du temple matériel que du spirituel.   C’est-à-dire, qui ornent les édifices matériels, mais qui ne se demandent pas s’ils sont dignes de remplir les fonctions sacrées pour lesquelles ils ont été élus.  C’est ainsi que commence le reproche qu’il adresse à l’ornementation des temples : « Plusieurs élèvent des murs, dressent des colonnes dans les églises, les enrichissent de marbre, font resplendir les lambris avec de l’or,   rehaussent les autels avec des pierreries,  alors que leur élection comme ministres de Dieu est nulle. »  Ce qu’il dit là est vrai, et l’a toujours été.     Note ensuite que l’ornementation du tabernacle et du temple des Juifs fut, en quelque sorte, typique et cérémoniaire. Car le tabernacle et le temple avec toutes ses ustensiles  ont été des figures de l’église chrétienne, comme le montre le discours de Jacques (actes XV), où il applique à l’Église les paroles d’Amos : « Après cela, je reviendrai, et je réédifierai le tabernacle de David, et je l’érigerai de nouveau après qu’il aura été détruit. »  Paul dit la même chose à 1 Corinthiens 10 : « Toutes ces choses leur était arrivées en figure. »  On voit la même chose dans cette description très minutieuse du temple faite par Ézéchiel (40 et suivants), et dans ce qui a été dit à Moïse (Exode XXV) : « fais tout selon l’exemplaire que tu as vu sur la montagne ».  Donc, parce que le temple et le tabernacle étaient des figures, il était nécessaire qu’elles soient telles qu’elles ont été, car, autrement, elles n’auraient pas bien représenté.  C’est la même chose dans l’Écriture. Si on change une seule lettre, le mot ne signifie plus ce qu’il signifiait auparavant.
Et comme les figures de l’ancien testament sont révolues, et la loi cérémoniale abrogée, celui qui estimerait qu’est nécessaire maintenant un temple semblable à celui des Juifs, serait superstitieux, comme le sont aujourd’hui les Juifs qui pensent qu’il n’est permis de sacrifier que dans un temple semblable à celui de Salomon.  Et c’est dans ce sens que saint Bernard blâme les ornements des temples.  Car, même s’il n’y a aucun chrétien qui pense que les temples ont nécessairement besoin des ornements que les Juifs jugeaient essentiels,  cependant, ils mettent avant l’élection ministérielle et l’édifice spirituel,  le soin de l’édifice matériel. Ils semblent, par leurs actions, être proches de la superstition des Juifs.  C’est ce que saint Bernard a noté dans son apologie à l’abbé Guillaume : « Ils me rappellent, en quelque sorte, la manière antique de penser des Juifs. »
La troisième note.  L’ornementation du tabernacle et du temple des Juifs ne fut pas seulement cérémoniale et typique, mais morale.  Car, même si elle n’avait été la figure de rien, la raison naturelle elle-même aurait dicté que la maison de Dieu devait être ornée.   Et, de cette façon, c’est à bon droit que nous voyons dans l’ornementation du tabernacle et du temple un exemple de nos temples.  Saint Jérôme, en effet, n’a jamais reproché cela, il  même dit explicitement dans sa lettre à Démotriade : « Je ne le condamne pas, je ne l’interdis pas. »
À la troisième objection tirée d’Ambroise (que Calvin présente dans la préface à ses institutions), je dis que dans les paroles de saint Ambroise, il y a beaucoup de choses contre nos adversaires, mais rien contre nous.  Car, tout d’abord, saint Ambroise dit que les vases en or de l’église ne doivent pas être aliénés, à moins d’une grande disette. L’Église se servait donc  à cette époque de vases en or.   Ensuite, s’il devient nécessaire d’aliéner des vases de l’église, il faut chercher avec soin s’il n’y a pas des vases qui n’ont pas encore été initiés, et si on en trouve de ce genre, on ne laissera pas toucher les vases initiés.  Les vases étaient donc consacrés avec un certain rite.  En troisième lieu, il dit que s’il devient nécessaire de vendre des vases initiés, on ne doit pas les vendre intégralement, mais les faire fondre, et en vendre des parties.  Qu’on doive faire tout cela, nous l’admettons, nous.
Mais ces choses s’opposent aux  hérétiques de notre temps qui ne veulent pas que les vases soient sanctifiés et consacrés par un certain rite.  Quand donc saint Ambroise dit que les sacrements ne cherchent par l’or,  il ne veut pas dire que les sacrements ne requièrent l’or en aucune façon, mais qu’ils ne le requièrent pas nécessairement, même s’ils les requièrent pour des raisons de convenance, quand il est possible de s’en procurer.   Et quand il ajoute qu’ils ne se plaisent pas dans l’or et qu’ils ne sont pas achetés par l’or, cela ne veut pas dire que l’or leur déplait plus qu’une autre matière, mais qu’ils ne plaisent pas plus parce qu’ils sont administrés dans l’or.  Si l’or leur déplaisait, ou s’il ne plaisait pas plus qu’une autre matière, saint Ambroise n’aurait pas conservé ces vases tant qu’il n’aurait  pas été obligé de les vendre. Bien plus, jamais il ne s’en serait servi.
À la quatrième objection qui est celle d’Acace, je dis que les paroles de cet évêque ont le même sens. Car, comme l’église avait en abondance de ces sortes de vases (comme l’écrit Socrate), quand  se présenta une nécessité subite de racheter des captifs, ce saint évêque vendit une partie de ses vases  pour racheter cinq mille captifs.  Et ces paroles (notre Dieu n’a besoin ni de patènes ni de calices, parce qu’il ne mange ni ne boit) signifient que, pour Dieu, ces vases ne sont d’aucune utilité, et que, quand une occasion se présente qui  les rendrait plus utiles s’ils  étaient vendus, il faut les vendre, parce que ce sera ainsi plus agréable à Dieu et plus honorable. Car, comme le dit saint Ambroise, c’est une belle louange qu’on rend au Christ quand on peut dire que le Christ a racheté des pauvres; ou que le calice du Christ n’a pas racheté des captifs seulement par le sang qu’il contient, mais par le prix de sa valeur marchande.  Car, le calice rachète de l’ennemi ceux que le sang a rachetés du péché.
À la cinquième objection tirée d’un texte de saint Hilaire, je réponds que ces paroles ne se rapportent pas au sujet que l’on traite.  Car, il ne s’agit pas là de l’ornement du temple.   Il réprimande ceux qui, dans un temple, écoutaient parler l’évêque hérétique Auxentius, parce qu’ils pensaient que la vraie église et le vrai évêque étaient là où se trouvait  un temple consacré à Dieu.  Ils n’avaient pas remarqué que bien souvent de vrais temples étaient occupés par de faux évêques;  et que les vrais catholiques étaient souvent  forcés d’aller prier dans des granges, des cavernes ou des déserts. À la sixième objection tirée de Lactance,  je réponds que Lactance voulait prouver que c’était en vain que les Gentils offraient des dons aux idoles, c’est-à-dire à des dieux qui ne sentent, ne voient et n’entendent pas : « C’est en vain, dit-il, que les hommes fabriquent des dieux et les ornent d’or, d’ivoire et de pierres précieuses, comme s’ils pouvaient tirer un plaisir quelconque de ces choses.  À quoi peuvent bien servir les dons les plus précieux à ceux qui  ne sentent rien ? »   Il prouve cela en imitant Perse, qui a écrit sagement qu’on ne doit pas apporter des vases en or dans les temples, comme si pouvaient s’en réjouir des dieux  en bois et en marbre qui ne sentent rien.  Mais qu’il faut plutôt offrir au Dieu vivant, comme il le dit : « l’observation de la justice, la beauté de l’âme, et de saintes actions. » Il ne condamne donc pas l’or des temples quand il est employé à bon escient, c’est-à-dire pour inspirer des sentiments de piété.  Il le réprouve seulement quand il est offert à Dieu en tant qu’être corporel, un dieu  qui se délecte corporellement de ces choses.
À la septième tirée de saint Bernard, je dis que saint Bernard ne condamne pas les ornements d’église  en soi, mais ceux que les moines de Cluny étalaient dans leurs temples.   Car, comme nous l’explique l’apologie, saint Bernard reproche d’abord à des moines, qui sont des pauvres de profession, d’ériger des églises aussi grandes que des basiliques ou des cathédrales. Ce qui ne convenait pas à leur vœu de pauvreté.   Il leur dit qu’en ornant ainsi leurs temples, ils montrent qu’ils sont  faibles et charnels.  Car les ornements et embellissements des temples conviennent principalement à ces églises où le peuple a coutume de se présenter en foule,  les hommes simples ayant  besoin de ces choses. Voilà pourquoi il dit au même endroit : « Autres sont les raisons qu’ont les évêques d’orner leurs églises, autres  les raisons qu’ont les moines.  Nous savons très bien, en effet, que, étant les débiteurs et des savants et des ignorants, ils ne peuvent pas exciter la dévotion d’un peuple charnel par des moyens spirituels, mais seulement par des ornements corporels. »   Il leur reproche aussi d’orner les temples pour des motifs d’ordre pécuniaire, pour qu’ils soient plus nombreux à faire des offrandes;  d’injurier les saints en sculptant leur images sur les dalles;  de gaspiller dans ces ornements luxueux l’argent qu’ils reçoivent pour les pauvres nécessiteux;  de peindre ou sculpter des choses profanes ou mondaines, qui, loin de porter à la piété, ne peuvent nourrir que la curiosité.
À la huitième objection tirée de saint Jean Chrysostome, je réponds qu’il ne nie pas qu’il soit licite de construire ou d’orner des temples.  Il réprouve seulement qu’on fasse passer la fièvre  de l’ornementation avant le zèle envers les pauvres. Mais Théophylacte, disciple de saint Jean Chrysostome, semble enseigner le contraire.  Il n’est pas difficile, cependant, de les concilier.   Il faut donc savoir que, absolument parlant, il est préférable d’honorer Dieu en soi-même que dans les pauvres, car la charité envers Dieu doit toujours passer avant la charité envers le prochain.  Néanmoins, parce que Dieu n’a besoin de rien,  et que les choses que nous lui offrons il veut qu’elles nous soient utiles à nous plutôt qu’à lui, on honore Dieu davantage, et on lui fait quelque chose qui lui plait davantage,  quand ce que nous lui offrons est plus utile aux hommes.
 Voilà pourquoi quand les temples se portent assez bien, et que les pauvres souffrent notablement de faim et de froid, il est préférable de donner aux pauvres  en aumônes les embellissements que l’on ajouterait aux temples. Et c’est de cette situation que parle saint Jean Chrysostome.  Car, il voyait des hommes qui étaient prompts à offrir de grands dons aux églises, mais qui fermaient les yeux sur les besoins des pauvres.  Et c’est dans ce sens qu’il faut entendre la fameuse parole d’Osée, chapitre V1 : « Je veux la miséricorde, et non le sacrifice. »  C'est-à-dire, je préfère la miséricorde aux sacrifices.
Le contraire est également vrai.  Si, à quelque part, les pauvres sont assez bien traités, mais les temples informes et repoussants, et que, à cause de cela, la piété et la dévotion sont en baisse, il est alors préférable de donner de l’argent pour l’entretien et l’ornementation des temples, car cela est plus utile au prochain, dont la piété et la dévotion sont aidées par ces ornements.  Et, c’est dans ce sens que parle Theophylactus.  Quand sont égales l’indigence des temples et  celle des pauvres, --pourvu qu’elle ne soit pas extrême--il semblerait préférable de donner au temple plutôt qu’aux pauvres, car il faut faire plus pour l’indigence spirituelle que pour l’indigence corporelle, et parce que l’ornement d’un temple est un bien plus durable  et plus communautaire, qu’une aumône faite à un pauvre; et parce qu’on donne plus immédiatement à Dieu.
À la première raison, je réponds trois choses. La première.  Le Christ a été pauvre, et, tant qu’il a vécu sur la terre, il n’a exigé ni pompe ni délices.   Cependant, il n’a pas récusé les marques d’honneur et de respect qu’il voyait comme nourrissant et augmentant la dévotion des pieux, comme son entrée à Jérusalem sur un âne nous le montre.  Il a accepté aussi de bon cœur (Matth 21) qu’on étende des vêtements sur la route où il devait passer, vêtements que les ânes foulaient aux pieds et déchiraient probablement. (Matth XXV1 et Jean X11).  Je dis ensuite que le Christ fut pauvre, qu’il a aimé une étable, des vêtements usés, des mets rudimentaires et grossiers, car tout cela convenait au temps de sa mortalité.  Car,  il venait pour souffrir, pour racheter le monde par les labeurs et les douleurs.  Et maintenant, après sa mort et sa résurrection, il convient, puisqu’il règne glorieux dans le ciel, de lui ériger des demeures magnifiques et splendides.
Ajoutons, en troisième lieu, que les temples sont dédicacés au Christ surtout en raison de sa divinité.   De ce point de vue, il a toujours été roi des rois et seigneur des seigneurs.  C’est donc en toute justice et rectitude qu’on lui construit des temples magnifiques, tels qu’ils conviennent à Dieu, même si, dans sa forme d’esclave, il a enseigné l’humilité et la pauvreté par la parole et par l’exemple.  Au deuxième, je dis que les ornements ne sont pas inutiles, parce qu’ils sont des signes  de révérence et de piété envers notre Dieu, et parce qu’ils excitent les âmes à la dévotion.  Donc, à la question de Perse : dites aux pontifes, que fait l’or dans le saint lieu, je réponds qu’il fait beaucoup de bonnes choses que j’ai ai déjà énumérées.
Au troisième, je dis que ces ornements n’ont pas pour but de distraire, mais d’inspirer la dévotion; et que si quelques-uns sont distraits par eux, la faute revient à ceux qui abusent des bonnes choses.  À moins que ces ornements soient mondains et profanes, et tout à fait inappropriés.  A la quatrième objection qui portait sur le soin  à donner aux pauvres, j’ai déjà répondu.  Ajoutons que, si à cause des pauvres ordinaires, il n’était pas permis de construire et d’orner des temples, il serait encore moins permis d’orner des palais, d’organiser des festins, de posséder des chevaux, des serviteurs,  etc.  Si, pour conserver le train de vie des nobles, ces choses sont permises, en dépit de la multitude des pauvres, pourquoi ne serait-il pas permis d’orner des temples pour préserver la majesté des temples sacrés, en dépit de la multitude des pauvres ?
À la cinquième (Matth 25), je dis qu’on énumère les œuvres mineures pour pouvoir plus facilement comprendre ce qu’il faut penser des majeures.   Il dit, en effet : « Allez dans le feu éternel, parce que j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger. »   Il ne dit pas : allez dans le feu éternel parce que vous vous êtes emparés de choses étrangères, mais on déduit cela facilement de ce qui a été dit.  De même, il ne dit pas : allez  dans le feu éternel parce que vous n’avez pas édifié de temple, mais on peut le déduire de ce qui a été dit.  Car, s’il est damné celui qui ne fait pas d’aumône, quand il est tenu de la faire, il sera condamné encore beaucoup plus celui qui n’a ni édifié, ni réparé ni orné un temple quand il était tenu de le faire.   Quels sont ceux  qui sont tenus et ceux qui ne sont pas tenus, c’est une autre question, et qui n’ajoute rien  à la dispute présente.

CHAPITRE 7 : La bénédiction de l’eau, du sel, des cendres et des cierges.
Les premiers qui ont commencé à rire de ces bénédictions sont les Waldenses, comme il appert d’un fragment de l’œuvre de Reynerius, (que l’on trouve à la fin du livre de Claude Coussord contre les Waldenses).  Au témoignage de ce Reynerius, ils ont apparus ces Waldenses, en l’an du Seigneur 1170.  Après eux, vinrent les flagellants, en l’an du Seigneur 1350, (au témoignage de Bernard  du Luxembourg, dans son catalogue).   Ils avaient mis toute la piété dans le baptême du sang par la flagellation spontanée; et affirmaient qu’ils avaient reçu simultanément la fin de tous les sacrements : le baptême, la confirmation, la pénitence, et toutes les bénédictions de l’au, du seul, et des cendres.   Voilà pourquoi le goupillon avec on lequel on asperge   d’eau bénite les fidèles,   ils l’appelaient clef de la mort; et les gouttes d’eau, étincelles infernales. Après eux, les Wicléfistes (selon Thomas Wlaldensis, tome 3, dernier titre, chapitre 68) affirmaient que les bénédictions d’eau, de sel, de vin, de pain, de cierges et d’autres choses semblables  étaient de la vraie nécromancie.  Enée Sylvius (livre 3, chapitre 35 de l’origine des Bohémiens)  écrit la même chose sur les hérétiques qui se développèrent en Bohème.
Martin Luther (dans son livre sur la vision de Daniel contre Ambroise Catharinus) condamne, lui aussi, toutes ces bénédictions.   Les magdebourgeois (centurie 2, chapitre 6, colonne 121) disent que la consécration de l’eau est attribuée par les catholiques à Alexandre, pape et martyr, comme étant son auteur.  Mais, il serait plus juste de l’attribuer à un pontife des Gentils, parce que le rite est païen, comme l’est  l’aspersion d’eau lustrale.   Calvin (livre 4, chapitre 10, verset 20 parle contre l’eau bénite.   Il dit d’abord que les catholiques se contredisent quand ils prétendent que la bénédiction de l’eau est d’origine apostolique, tout en référant son institution au pape Alexandre, qui fut le sixième successeur de Pierre.
Il dit ensuite que cette institution est beaucoup trop récente pour être attribuée à Alexandre ou aux apôtres.  Car, saint Augustin (épitre 19, chapitre 118) dit que les catholiques ont omis la cérémonie du lavement des pieds le jour de la cène du Seigneur, pour ce que ce lavage de pieds ne semble pas appartenir au sacrement du baptême.  Il est donc clair qu’en aucun temps il n’y eut, dans l’église, une ablution religieuse en dehors du baptême.  Il dit, en troisième lieu, que l’institution de l’eau lustrale ne provient en aucune façon de l’Esprit reçu par les apôtres, puisqu’elle n’est qu’une profanation et une répétition du baptême.
Au dernier chapitre de sa confession, Brentius réprouve ces cérémonies, car, selon lui,  elles n’ont pas le droit de jeter de l’ombre sur les mystères de foi, quand l’évangile brille déjà dans tout l’univers.  Puis, Tilmann Heshushius (dans son livre des soixante erreurs des papistes, au leu 27) place parmi les erreurs,  l’eau lustrale qui a le pouvoir d’effacer les péchés véniels, et de mettre en fuite les démons, et les maladies.  Et il le prouve d’abord par 1 Jean 11 : « Le sang du Christ nous purifie de toute faute. »  Donc, même de la faute vénielle.  Il dit ensuite qu’il n’a jamais été écrit qu’il fallait consacrer de l’eau pour mettre en fuite les démons.   Il cite aussi qu’il est écrit dans l’Exode : « Tu ne prendras pas le nom de ton Dieu en vain. »  « Qu’il n’y ait ni maléfice ni incantation parmi vous. » Or, c’est de la magie pure et simple de se servir des créatures plutôt que de la parole de Dieu pour chasser les démons.
Nonobstant toutes leurs objections, voici la première proposition.  Il est licite de bénir l’eau, l’huile, le pain, les cierges, les cendres, les rameaux etc.  On le prouve d’abord par l’Écriture qui contient l’exemple et le document.  L’exemple est celui du Seigneur (Matt 14, Luc 9) qui, sur le point de multiplier les pains, leva les yeux au ciel, et les bénit.  Et c’est avec cette bénédiction qu’il les multiplia.  On ne peut certes pas reprocher au Seigneur ce qu’il a fait.  Le document est celui de Paul, qui a dit (1 Tim 4) : « Toute créature de Dieu est bonne, et il ne faut rien rejeter de ce qu’on prend avec actions de grâces.  Car elle est sanctifiée par la parole de Dieu et la prière. »  Commentant ce texte, saint Jean Chrysostome et Theophylactus écrivent que l’apôtre parle à partir de l’hypothèse suivante :  toute créature est bonne et pure, et même si elle était impure, elle pourrait facilement être sanctifiée par le signe de croix et la prière.   Si donc des choses immondes sont sanctifiées par le signe de la croix et de la prière, à plus forte raison les choses bonnes deviendront-elles meilleures et plus saintes par le signe de la croix et la prière.
On le prouve, en second lieu, par la tradition des anciens.  L’eau d’abord. Qu’on ait coutume de la bénir depuis le temps des apôtres, innombrables en sont les témoignages.  Clément (livre 8, chapitre 35 de la constitution apostolique) présente le rite de la consécration de l’eau.   Denys (dans sa hiérarchie ecclésiastique, chapitre du baptême) dit « que la croix est consacrée par de saintes invocations. »  Alexandre 1 (dans sa première épitre) prescrit lui aussi de bénir l’eau.  Saint Cyrille (catéchèse 3) : « Comme les mets purs deviennent impurs par une invocation du diable, de la même façon l’eau ordinaire devient sainte par l’invocation de Dieu. »  Saint Cyprien (livre 1, épitre 12 : ) : « Il faut d’abord que le prêtre purifie et sanctifie les eaux. »  Saint Ambroise (livre 4, chapitre 5 sur les sacrements) enseigne que « l’eau doit être consacrée ». Et, dans son livre sur ceux qui sont initiés aux mystères, chapitre 3), il dit que l’eau n’a aucune utilité dans l’église « à moins d’avoir été sanctifiée par le signe de la croix ».
Saint Basile (dans son livre  sur le Saint-Esprit, chapitre 27) dit que la consécration de l’eau « est une tradition apostolique » Épiphane (hérésie 30, et Theodoret (livre 5, chapitre 21 de son histoire) se souviennent de l’eau bénite.  Saint Augustin (homélie 27, tirée du livre des cinquante homélies, et au livre V1 contre Julien, chapitre 8) dit « que dans l’Église, l’eau est consacrée par le signe de croix. »  Ajoutons le concile de Nicée  (canon) qui ordonne à tout prêtre qui visite les malades, d’asperger d’abord les malades avec de l’eau bénite, ainsi que l’appartement.
Les objections de Calvin ne valent rien non plus.   Je dis d’abord que l’institution de l’eau lustrale n’est pas attribuée à Alexandre, mais aux apôtres.   Alexandre a prescrit qu’on fasse souvent ces cérémonies.  Je dis à l’autre objection que saint Augustin ne condamne pas la cérémonie du lavement des pieds, mais qu’il ne fait que rapporter différentes opinions.  Il ne dit pas non plus qu’il  y en avait certains à qui déplaisait la cérémonie du lavement des pieds pour elle-même.   Tout ce qu’il dit c’est seulement qu’il déplaisait à certains de laver les pieds des catéchumènes le jour de la cène du Seigneur, de peur que cette ablution parusse nécessaire au baptême.  Voilà pourquoi il dit ailleurs qu’il a plu de rapporter le lavement des pieds  au huitième jour après pâque.  Et saint Ambroise (dans son livre 3, chapitre 1 sur les sacrements,) défendit la cérémonie du lavement des pieds.
À la troisième je dis que, par l’eau bénite, on ne répète pas le baptême.   Car, le baptême diffère de l’aspersion de l’eau sainte par la forme, le ministre, l’intention et  l’effet, comme il va de soi.   Mais je n’irais pas jusqu’à nier que, par l’eau bénite, est ravivée la mémoire du baptême, et que sont avertis les chrétiens de se souvenir qu’ils ont été purifiés par l’eau, et ont contracté un pacte avec Dieu contre le diable.
Au sujet de la bénédiction de l’huile, nous avons les témoignages de Clément, de Denys, de Basile, et de saint Augustin (traité 118 sur Jean).  Au sujet de la bénédiction du pain en dehors de l’eucharistie,  nous avons le témoignage de saint Augustin (livre 2, chapitre 26 des péchés et des mérites), et de Paulin (ses épitres à Alipius, et à Romanianus, 35, 36, que l’on trouve parmi les épitres de saint Augustin).  Au sujet de la bénédiction du cierge pascal, nous avons le témoignage de Strabon (chapitre 30) et du concile de Tolède 4, (canon 8) et du pape Zozime (pontifical ou livre des pontifes romains, que l’on trouve dans les tomes des conciles).  Prudence a aussi composé un hymne remarquable sur le cierge pascal. Au sujet de la bénédiction des cendres et des palmes, nous avons le témoignage de saint Maxime, dont nous possédons encore les homélies prononcées le jour des cendres et le dimanche des rameaux.
La deuxième proposition. C’est à bon droit qu’on utilise de l’eau, de l’huile et d’autres choses consacrées par une bénédiction pour signifier et produire des effets surnaturels. »   Il est à noter que les choses dont nous parlons sont bénies dans l’église pour trois raisons.   La première.  Pour signifier des effets surnaturels.  Car, l’aspersion de la cendre signifie la pénitence, celle des palmes la victoire, celle du cierge pascal la gloire de la résurrection.  L’objection de Brentius importe peu, car ces significations ne sont pas proprement des esquisses des choses futures, mais des représentations externes des choses surnaturelles invisibles présentes, ou aussi de choses passées qui sont très aptes à produire un effet.   Autrement, il faudrait rejeter aussi le baptême qui selon l’apôtre (Romains, chapitre 6) contient une représentation de la mort et de la résurrection du Christ, ainsi que de notre mort et de notre résurrection par le Christ.   Voilà pourquoi saint Augustin (épitre 119) dit que, les dimanches, de la Pâque à la Pentecôte, les chrétiens ont coutume de prier debout pour signifier, par cette position, la résurrection du Christ.
La deuxième. Pour effacer les péchés véniels. À ce sujet, voir saint Thomas (111 par quest 87, art 3), Dominique a Soto ( 4 sent dist 15, quest 2), et Gratien (canon aquam dist  3 sur la consécration).  Heshuhus ne peut, lui non plus, rien conclure avec son argument.   Le sang du Christ, il est vrai, purifie de tout péché, mais à la condition de nous être appliqué d’une façon ou d’une autre. Et comme il est appliqué pour effacer tous les péchés par les sacrements de baptême et de pénitence, il l’est aussi par les sacramentaux, pour effacer les péchés véniels de ceux qui sont en état de grâce.
 La troisième. Pour mettre les démons en fuite et guérir les maladies, comme l’expriment les prières qui servent à leur consécration.  Il faut reconnaitre qu’ils n’opèrent pas infailliblement comme opèrent les sacrements.  Et la raison en est que des choses de ce genre n’ont pas un pouvoir qui vient d’un pacte contracté avec Dieu comme dans le cas des sacrements, mais des prières de l’église et de la dévotion des ministres ou des fidèles.  Et aussi parce qu’il ne convient pas toujours que nous soyons délivrés d’une maladie ou des vexations du démon.
Nous allons prouver cette proposition en ce qui a trait  à ce troisième effet, avec des exemples de l’Écriture et des saints.  À Nombres 5,  dès qu’elles étaient bues par une adultère, les eaux que le prêtre avaient maudites lui enflaient le ventre, et faisaient entrer la cuisse en putréfaction.  On ne pouvait  pourtant pas appeler cela de la nécromancie.  Au Nombres 19, l’eau mêlée à des cendres était appelée eau d’expiation, et par elle, les Juifs étaient purifiés non des péchés, mais des impuretés légales, comme l’Apôtre le dit à Hébreux 9.  O ne peut pas dire non plus que c’était de l’incantation.   Semblablement, 4 Rois 2,  Élisée s’est servi de sel pour assainir de l’eau  miraculeusement.  Et à 4 Rois 5, pour guérir la lèpre du Syrien Naaman, il s’est servi de l’eau du Jourdain.  En Marc V1, les apôtres oignent les malades d’huile, et les guérissent.  Ces exemples devraient suffire pour montrer que ce n’est pas de la nécromancie que de se servir d’eau ou d’huile comme signes d’une vertu divine,  pour produire des effets surnaturels.
On le prouve ensuite par des exemples des pères.  D’après Épiphane (hérésie 30), Joseph a vaincu les incantations avec de l’eau bénite.   Marcel Apamcensis a fait la même chose, selon Theodoret (livre 5, chapitre 21).  La même chose Macaire (d’après Palladius, chapitre 19).  Saint Jérôme nous raconte dans la vie d’Hilarion qu’Hilarion guérissait beaucoup de malades avec du pain béni et de l’huile bénite.  Saint Bernard faisait la même chose (livre 3, chapitre 5 de sa vie).  Saint Grégoire (livre 1, chapitre 10 des dialogues), écrit que, par la seule aspersion d’eau bénite,  Fortunat a guéri quelqu’un qui, en tombant d’un cheval,  s’était cassé la jambe.  Bède (livre 5, chapitre 4 de son histoire) raconte qu’une femme noble, qui était très malade, avait été subitement guérie par la seule eau bénite, et avait même servi à table, comme  la belle-mère de Pierre.    Dans la vie de Malachie, saint Bernard écrit que Malachie avait, par l’eau bénite, guéri un fou furieux.
Voici ce que répond à tout cela Heshusius : « Les mensonges qu’on invente à plaisir au sujet de miracles opérés par l’eau bénite, battent  en brèche  le précepte : tu ne feras pas de faux témoignage.  S’ils prétendent que ces choses sont vraies, qu’on se rappelle l’avertissement du Christ : les pseudos prophètes feront des miracles et des prodiges, et induiront en erreur même les élus, si la chose était possible. »   Mais il est facile de juger que ce ne sont pas des mensonges les témoignages donnés par Épiphane, Theodoret, Palladius, saint Jérôme, saint Grégoire, saint Bernard;  et que ce sont de grands saints  les Joseph, Marcel, Macaire, Hilarion, Fortunat, Malachie, qui, par le nom du Christ, détruisirent les artifices du démon, et guérirent des maladies graves.  Que Heshusius prenne plutôt garde de ne pas pécher par témérité et blasphème, en admettant du péché dans l’Esprit de Dieu.  Car, qu’y a-t-il de plus téméraire que  d’accuser de mensonge tant de  saints pères, sans témoin et sans raison ?  Et qu’est le blasphème contre le Saint-Esprit si ce n’est ranger parmi les signes menteurs des pseudos prophètes les œuvres divines opérées au nom du Christ par des saints d’une vie parfaite.
Il est facile de répondre aux raisonnements de Tilmann.   La première :  il n’est nulle part écrit qu’il faille sanctifier l’eau pour repousser les démons.  Je réponds que c’est faux, car il est écrit que toute créature pouvait être sanctifiée par la parole de Dieu et la prière.  Et il est écrit : « Demandez et vous recevrez. »   À la suite du Christ et de saint Paul,  l’Église sanctifie donc l’eau par le Verbe de Dieu et la prière, et elle demande qu’elle vaille contre les démons et les maladies. Or, par des miracles, le Christ montre qu’il écoute de telles prières.
Et même si cela n’était pas écrit, quelle importance ?  Était-il écrit que les eaux devaient être assainies avec du sel, et la lèpre enrayée par l’eau du Jourdain ?  Et pourtant, Élisée a fait l’une et l’autre chose.
La deuxième.  Ne prononce pas le nom de Dieu en vain, et il n’y aura pas de sorcier parmi vous.  Prendre le nom de Dieu en vain n’est rien d’autre que se parjurer, comme l’explique le concile de Tolède 8, chapitre 2.  Les sorciers et les incantateurs, ce sont ceux  qui font des choses étonnantes par l’opération du démon.  Or, ceux qui bénissent l’eau ne se parjurent pas, n’invoquent pas le démon, mais ne font que prier Dieu religieusement.   Car, toute la vertu de l’eau lustrale réside dans la parole de Dieu et la prière, comme nous l’avons démontré avec l’apôtre.
                                       CHAPITRE 8
                                    Les pèlerinages
Claude de Tours (d’après Jonas, livre 3, sur le culte des images),  a enseigné que les pèlerinages dans les lieux saints étaient inutiles. Les pétrobrusiens ont parlé comme lui, comme l’atteste l’auteur de la vie de saint Bernard (livre 3, chapitre 5).  Les Wiclefistes aussi, selon Thomas Waldensis (tome 3, titre 15).  Ils accusaient d’idolâtrie ceux qui faisaient des pèlerinages dans les lieux saints.   Jean Calvin  (livre 4, chapitre 13, verset 7) dit que les pèlerinages qu’on a promis de faire dans les lieux saints, sont non seulement inutiles, mais remplis d’une impiété évidente.  Mais il ne prouve ce qu’il avance que par son axiome coutumier : tout culte volontaire déplait à Dieu.  Les magdebourgeois (centurie 4, chapitre 6, colonne 458) veulent que ce soit au temps de Constantin qu’ait commencé l’abus des pèlerinages aux lieux saints; et que très peu de temps après il ait été réfuté par saint Grégoire de Nysse, dans un long sermon.  Ce sermon ils le rapportent au complet dans la centurie 4, chapitre 10, colonne 936, et suivantes.
De ce sermon de saint Grégoire de Nysse, il tire les arguments suivants.  Le premier.  En Matth 5, le Christ n’a pas placé les pèlerinages parmi les choses qui rendent les hommes heureux.  Le deuxième.   Dans les voyages, nombreux sont les dangers, surtout pour les femmes.  Le troisième.  Nous ne pouvons rien trouver de plus à Jérusalem que ce que nous avons dans notre région, car Dieu n’est pas plus présent à un endroit qu’à un autre, comme le montre le fait que les hommes de cette région-là ne sont pas meilleurs que les autres, mais  peut-être pires.   Or, les choses de Dieu, comme les temples et les autels, on peut les trouver partout.   Ils pouvaient ajouter la lettre de saint Jérôme à Paulin sur l’institution du monachisme, dans laquelle il prouve avec force arguments qu’il n’est pas avantageux d’entreprendre des pèlerinages aux lieux saints. Saint Jérôme  ajoutait aussi  l’exemple de saint Antoine et des autres moines qui, même s’ils avaient vécu très près des lieux saints, ne les avaient jamais visités.
Mais aucun de ces arguments n’est de nature à nous ébranler.  Comme l’enseigne avec raison le concile de Trente (à la session 25), les pèlerinages sont des choses pieuses et religieuses.   On le prouve d’abord par le témoignage de l’Écriture. Au Deutéronome 16, Dieu a statué que tous les fils d’Israël, trois fois l’an, aillent en pèlerinage au tabernacle ou au temple de Dieu.  Ce précepte a été observé scrupuleusement par Heleana et sa femme (1 Rois 2), ainsi que par le Christ lui-même, avec sa mère et saint Joseph (Luc 22, Jean XX!!). Même les Gentils quittaient leur pays pour venir adorer Dieu  à Jérusalem.  À Actes 111, l’eunuque d’Éthiopie est venu, de sa lointaine région, adorer Dieu dans le temple.  Dans Actes XX, Paul se hâtait en chemin pour célébrer la pentecôte à Jérusalem.  Ces exemples de l’Écriture que nul ne peut récuser montrent suffisamment que les pèlerinages ne sont pas inutiles.
On le prouve ensuite avec les pères.  Eusèbe (livre 6, chapitre 9) : « Alexandre se mit en chemin pour adorer à Jérusalem, et voir les lieux saints. »  Saint Jérôme, dans les hommes illustres,  rapporte la même chose au sujet d’Alexandre.   Or, cet Alexandre vécut cent ans avant l’époque de Constantin, et il fut un très saint martyr, que les magdebourgeois eux-mêmes louent hautement dans la centurie 3, chapitre 10.  C’était donc un mensonge ce que racontaient magdebourgeois, à savoir que les pèlerinages dans les lieux saints n’avaient commencé qu’au temps de Constantin.  Saint Nicolas, aussi, dans son adolescence, avant le règne de Constantin, avait fait le vœu, selon Siméon Métaphraste,  d’aller à Jérusalem en pèlerinage.  Le même Eusèbe, au livre 3 de la vie de Constantin, et saint Ambroise (dans son sermon sur la mort de Theodose), louent Hélène parce que, pour des motifs religieux, elle est allée à Jérusalem.   Gaudence, l’évêque de Brixe, (dans son sermon sur la dédicace du temple), raconte qu’il est allé en pèlerinage à Jérusalem, et que, en chemin, quand il passait par Césarée de Cappadoce, il a reçu en don, de deux saintes femmes, nièces de Basile le grand, des reliques des quarante martyrs.
Saint Jean Chrysostome (dans son homélie au peuple d’Antioche, vers la fin) dit, en comparant les sépulcres des martyrs à ceux des rois : « Nul n’aurait fait un pèlerinage pour voir les salles du palais royal. Plusieurs rois sont allés en pèlerinage, et la plupart pour s’en donner le spectacle.  Car, les édifices où les démons sont flagellés, où les hommes sont corrigés et libérés exhibent les signes du futur roi, et ceux des saints. »  Saint Jérôme (épitre 17 à Marcella) : « Il serait très long et ardu de faire le compte de tous ceux qui,  depuis l’ascension du Seigneur jusqu’à aujourd’hui, sont, à tous les siècles, venus visiter   Jérusalem, les évêques, les martyrs, et les docteurs, pensant qu’ils seraient moins grands , moins  pieux, moins savants et ne pourraient atteindre le sommet des vertus, s’ils ne venaient pas adorer le Christ dans ces lieux, où l’évangile était conservé sur une croix. »
Le même dit (dans l’épitre 27 sur la mort de Paula) : « Les hommes de cette nation ne viennent donc pas aux lieux saints ? »  Et dans son épitre 46 à Rusticus qui avait vœu de faire un pèlerinage aux lieux saints de la Palestine, il dit  : «Rends ce que tu a promis en présence du Seigneur, de peur d’être enlevé avant d’avoir rempli ta promesse, car, incertaine est la vie des mortels. »  Enfin, à la lettre 154 à Desiderius, il l’exhorte à venir dans les lieux saints, et il lui dit, entre autres choses : « C’est certainement une partie de la foi d’adorer là où le Seigneur a posé les pieds. »  Sulpice dans le livre 2 de la sainte histoire, dit en décrivant les actions d’Hélène, qu’il y a de quoi s’étonner qu’au lieu où le Seigneur est monté au ciel, soient encore conservées les traces de ses pieds; et que  les fidèles de partout affluent en ce lieu pour dérober un peu de la poussière foulée aux pieds , sans que le terrain n’en reçoive aucun dommage.
Paulin (épitre 11 à Sévère) : « Les hommes n’ont point d’autre motivation pour aller à Jérusalem que pour voir et remplir les lieux où le Christ a été présent corporellement. »  Et au troisième anniversaire de la naissance au ciel de saint Félix, il écrit que des foules innombrables avaient coutume de se rendre en pèlerinage au corps de saint Félix.   Saint Augustin, dans son épitre 137 au clergé et au peuple d’Hippone dit : « Il a choisi quelque chose de moyen, pour que les deux se sentent joyeusement  contraints d’aller en pèlerinage aux saints lieux. »  Cassien (livre 4, sur les instituts de renoncement, chapitre 31) se souvient de certains moines  qui se dirigeaient vers lieux saints pour aller y prier : « Certains, parmi les frères, avaient quitté l’Égypte pour se rendre dans les saints lieux, pour des motifs religieux. »
Socrate (livre 7, chapitre avant-dernier), écrit qu’Eudocia, l’épouse de Théodose le jeune, avait entrepris un pèlerinage à Jérusalem pour remplir un vœu.  Simon Metaphraste écrit que saint Alexis est allé visiter en pèlerin les églises les plus nobles du monde.  Au livre 5, chapitre 7, de son histoire, Bède écrit que le roi Caedualla avait entrepris un pèlerinage aux tombeaux des apôtres, avec le désir d’y recevoir le baptême, et d’émigrer bientôt de cette vie après son baptême.  Il a obtenu l’une et l’autre chose, car, le samedi, il fut baptisé par le pape Serge, et le dimanche de pâque in albis, après une courte maladie, il émigra vers le Seigneur.  De même, au chapitre 20, il écrit que, après avoir abandonné son royaume, le roi Coenredus entreprit un pèlerinage aux tombeaux des apôtres Pierre et Paul, qu’il y est demeuré et qu’il y a vécu jusqu’à sa mort dans les prières et les jeûnes.
Nicolas 1 (dans l’épitre à Michaël) écrit qu’un grand nombre d’hommes, de tous les coins de la terre, ont coutume, pour des fins religieuses,  d’affluer aux tombeaux des apôtres Pierre et Paul.  Palladius (dans l’histoire lausiaque chapitre 113), écrit que le prêtre Philoromus est allé deux fois en pèlerinage à Jérusalem, après en avoir fait le vœu; qu’il est ensuite allé en pèlerinage à Rome aux sépulcres des apôtres, et à Alexandrie, auprès des reliques de saint Marc.  Au chapitre 118, le même écrit que Mélanie s’affairait  à Jérusalem à recevoir les pèlerins qui venaient de tous les coins du globe.
Ajoutons à tout cela le concile de Cabilone, célébré sous Charlemagne, qui (au canon 45) enseigne que tous doivent approuver la dévotion de ceux qui, pour faire pénitence, font un pèlerinage à Rome ou à Jérusalem.   Et on le prouve par la dernière raison, qui est tirée de l’utilité des pèlerinages.  Car, ils apportent trois bienfaits.   Le premier. Ils rendent un honneur non médiocre à Dieu et aux saints.   C’est un signe manifeste que Dieu et les saints nous tiennent à cœur  quand, pour visiter les reliques des saints,  nous nous soumettons volontairement aux difficultés et aux  dangers des voyages.  Le deuxième.  C’est une œuvre de pénitence et de satisfaction parce qu’elle est pénible et laborieuse.
Le troisième.  Le pèlerinage augmente la dévotion. Car, on peut à peine exprimer à quel point la présence d’un lieu saint  provoque l’horreur du péché, et la révérence envers le sacré.  Et même s’il y a un peu partout des lieux saints, il y en a toujours qui sont plus saints, et qui sont plus utiles pour des pèlerins. Et même s’ils sont moins saints, leur nouveauté excite la dévotion. Et il arrive souvent que nous ayons un amour préférentiel pour tel saint dont les reliques sont loin de nous; et que nous ayons un grand profit à aller le visiter, même si tel ou tel saint est plus populaire et plus proche.
Après ces considérations, je réponds à l’argument  de Calvin qui appelle volontaire un culte entrepris sans raison, comme si quelqu’un faisait le vœu ne pas se présenter à table avant de s’être lavé les mains deux fois.  Or, le culte qui est rendu à Dieu par des actes de vertus n’est pas appelé volontaire, même s’il n’est pas prescrit, comme nous le montre les Nombres XXX, où le Seigneur ordonne d’accomplir les vœux de choses non prescrites.   Aux magdebourgeois, je réponds d’abord que ce sermon n’appartient peut-être pas à saint Grégoire de Nysse, car, on ne le retrouve pas dans ses œuvres, ni en grec non plus, et on ne connait pas le nom de celui qui l’aurait traduit en latin.  Je dis que dans ce sermon, il ne réprouve pas dans l’absolu les pèlerinages à Jérusalem,  mais pour certaines personnes en particulier, les moines et les religieuses.   Car,  il ne parle que de ces personnes-là.
 En effet, même si le pèlerinage est en soi une bonne chose, il ne convient pas à tous, comme aux femmes, à moins qu’elles soient bien accompagnées.  Et c’est de cette façon que Jonas répondait aux calomnies de Claude contre l’abbé Theodemirus.  Claude avait dit à cet abbé qui louait les pèlerinages dans la ville de Rome : « Pourquoi, alors, retiens-tu tes moines dans leur monastère, et ne les envoies-tu pas tous  à  Rome ? »  Et Jonas répond, à la place de l’abbé : « parce que le pèlerinage est une bonne chose, mais il ne convient pas à des moines. Comme le mariage est une bonne chose, mais il ne convient pas à ceux qui ont fait profession de continence. »
Il en va de même pour Jérôme.   Même s’il a souventes fois louangé les pèlerinages, il n’en détourne pas moins le moine Paulin, car, selon lui,  le calme et la stabilité d’un monastère convenait davantage au genre de vie qu’il avait choisi.  Il explique aussi que c’est parce qu’il était un moine que saint Antoine n’est jamais allé visiter les lieux saints; et que Hilarion, bien qu’habitant la Palestine, ne les a visités qu’une seule fois, pour ne pas sembler mépriser la valeur religieuse des lieux qui lui étaient proches.  C’est donc aussi ce que fit Grégoire de Nysse.   Car comment est-il croyable que saint Grégoire de Nysse ait voulu blâmer ce qu’il savait avoir été fait par le martyr saint Sylvestre, et être loué par tous les docteurs de son époque ?
Réfutons les objections.  La première prouve seulement que les pèlerinages ne sont pas une œuvre nécessaire à la perfection ou au salut.  Et c’est de cela seul que parlait saint Grégoire.  Car, les moines qu’il blâme pensaient qu’ils ne pouvaient pas devenir parfaits sans avoir vu les lieux saints.  Ce qui est manifestement faux.   À la deuxième objection, je réponds  que tous ces périls prouvent que les pèlerinages ne conviennent pas à tous, mais seulement aux hommes aguerris, qui font fi du danger.  Les raisons présentées par saint Grégoire sont justes, car c’est à des vierges consacrées qu’il parlait quand il évoquait les dangers d’un long voyage en pays étranger.
 À la troisième objection, je réponds qu’il n’y a rien à Jérusalem qu’on ne puisse trouver ailleurs, si l’on parle des choses nécessaires et essentielles à la religion, puisque Dieu est partout, et qu’on peut trouver partout des sacrements, des temples et des autels.   Et cela suffisait à saint Grégoire pour persuader les moines et les vierges de ne pas prendre la peine d’aller à Jérusalem.  Mais cependant, on ne peut pas nier  qu’il y a à Jérusalem des choses capables du susciter la dévotion qu’on ne trouve pas ailleurs, comme le sépulcre du Seigneur, le lac de Génésareth, le mont des Oliviers, le sol où il a marché.  Mais, il ne faut pas valoriser  ces choses au point d’abandonner de plus grands biens.
                                       CHAPITRE 9
                       Les vœux que l’on fait aux saints
Érasme, dans son colloque qu’il intitule « naufrage », se moque d’une manière révoltante des vœux que l’on fait aux saints.  Tous les hérétiques, sans aucun doute possible, nous considèrent comme des idolâtres parce que nous faisons des vœux aux saints.  La raison en est que le vœu est un acte de religion qui n’est du qu’à Dieu, comme le jurement et le sacrifice.  C’est ce que montrent les saintes lettres qui nous enseignent toujours que c’est à Dieu que sont faits les vœux : Nombres XXX,  Deutéronome XX111, souvent dans les psaumes, et surtout dans Isaïe 19 où nous lisons : « Ils voueront des vœux à Dieu. »
Néanmoins, il est tout à fait certain qu’on peut faire des vœux aux saints d’une certaine façon.  Et, on le prouve par les témoignages des anciens pères.   Eusèbe (livre 13, chapitre 7 de sa préparation évangélique), dit, au nom de tous les chrétiens, en parlant des martyrs : « Nous, les soldats de la vraie piété, c’est en tant qu’honorant les amis de Dieu que nous accédons à leurs monuments, que nous leur faisons des vœux comme à des saints.  Et nous professons que nous ne sommes pas peu aidés au près de Dieu par leur intercession. »  Theodoret (livre 8 aux Grecs) où il disait qu’on demande différentes choses aux martyrs, ajoute : « Qu’on obtient  ce qu’on désire quand on les prie pieusement et fidèlement l’attestent les choses que rapportent ceux qui ont fait des vœux.  Car quelques-uns suspendent des simulacres d’yeux, de pieds ou de mains faits en or ou en argent. »  Palladius (dans son histoire lausiaque, chapitre 13) raconte que saint Philoromus, en accomplissement d’un vœu fait aux apôtres, était venu à Rome aux tombeaux des saints apôtres, et ensuite à Alexandrie, aux reliques de saint Marc.
Saint Grégoire de Tours (livre 2, chapitre 37 de l’histoire des Francs), se souvient d’un vœu que les ministres du roi Clovis avaient fait à saint Martin au nom de leur roi : « Après avoir rendu grâce au Seigneur et avoir fait vœu au bienheureux confesseur, ils annoncèrent joyeux au roi que… »   Se présente même le témoignage des adversaires.   Car Faust, selon saint Augustin (livre XX, chapitre 3 contre Faust) dit : « Vous avez converti les idoles en martyrs, auxquels vous faites des vœux pareils. »  Ce témoignage de Faust nous laisse entendre que, dans la primitive église, on faisait des vœux aux martyrs.   Et à l’argument que nous avions proposé répond saint Thomas ( 2,2, quest 88, art 5) que les vœux que l’on fait aux saints ou aux prélats incluent deux promesses :  une qui est faite aux saints, et celle-là n’est pas formellement un vœu, mais la matière du vœu, et une autre qui est faite à Dieu, et c’est celle-là qui est formellement le vœu.
Et que quand quelqu’un dit : je fais le vœu à la sainte vierge d’aller en pèlerinage à un de ses sanctuaires, c’est à la sainte vierge qu’il promet de faire ce pèlerinage, mais cette promesse n’est pas un vœu.  Et, en même temps, il promet à Dieu d’accomplir la promesse faite à la sainte Vierge; et c’est cette deuxième promesse qui est un vœu.  Car, celui qui voue obéissance à un prélat, ce n’est pas vraiment au prélat qu’il fait ce vœu,  mais à Dieu, à moins qu’il ait déjà promis obéissance au prélat,  car, par ce vœu, ce n’est pas le prélat, mais Dieu qu’il veut honorer.  De même, celui qui fait le vœu perpétuel de servir dans un hôtel pour pèlerins, fait le vœu à Dieu, non à l’hôtel.   Celui qui fait à un saint le vœu de jeuner ou de faire un pèlerinage, a l’intention d’honorer pieusement ce saint.
Et de plus, dans cet article de saint Thomas, Cajetan prouve,  à partir de la profession religieuse des frères prédicateurs, qu’on fait vraiment des vœux aux saints.  Car, les dominicains disent en faisant profession religieuse :  « Je fais le vœu à Dieu, à la bienheureuse Marie, et à tous les saints d’obéir à tel ou tel prélat. »  De ces deux promesses, l’une est dirigée au prélat, et elle est la matière du vœu, et l’autre, qui est formellement le vœu, est dirigée vers Dieu et les saints en même temps.  Donc, Cajetan propose une autre solution en disant que les vœux sont faits aux saints non en tant qu’ils sont des créatures qui participent de la raison, mais en tant que Dieu habite en eux par la gloire.  De sorte que les vœux que l’on dit être faits aux saints,  sont faits à Dieu dans les saints.  Comme maudire un saint est un blasphème,  parce que c’est maudire Dieu dans les saints.
Mais quelqu’un fera peut-être l’objection suivante. Ou les vœux qui se font aux saints se terminent à Dieu seul, comme le sacrifice qui est offert à Dieu seul, quoiqu’en en mémoire et en honneur des saints,  ou ils se terminent aux saints eux-mêmes, de façon à ce que les vœux soient faits vraiment à eux, comme l’aumône qui est donnée au Christ dans le pauvre est vraiment donnée au pauvre.  Dans le premier cas, on ne fait pas vraiment des vœux aux saints.  Dans le deuxième cas, nous ressemblons à des idolâtres.
Je réponds que nous faisons des vœux aux saints de la seconde façon, sans être pour cela des idolâtres, car, ce n’est pas pour les mêmes raisons qu’on fait un vœu aux saints ou qu’on en fait à Dieu.  Et seul le voeu fait à Dieu est un culte de latrie.  Car, il faut observer, comme tous en conviennent, qu’on promet vraiment et proprement quelque chose aux saints, comme on promet vraiment et proprement quelque chose à Dieu.  C’est ce que concède saint Thomas, et la chose est évidente.  Car s’il est permis d’édifier des sépulcres, des basiliques aux saints, de les orner de leurs reliques, d’allumer devant eux des cierges, comme nous l’avons montré plus haut, pourquoi ne serait-il pas permis de leur promettre cela ?
De plus, tous admettent que c’est autrement qu’est faite une promesse aux saints, et autrement une promesse à Dieu. Car on promet à Dieu,  en signe de gratitude envers le premier principe des bonnes choses, et en reconnaissance du bienfait reçu de lui en tant que premier auteur. Et cette promesse est un culte de latrie. On promet quelque chose aux saints, en signe de gratitude  envers les médiateurs et les intercesseurs par l’intermédiaire  desquels nous recevons de Dieu des bienfaits. Et c’est pourquoi cette promesse n’est pas un culte de latrie, mais de dulie.
Il reste encore un doute. Cette promesse faite aux saints peut-elle porter le nom de vœu ? C’est-à-dire, le vœu est-il un  nom général qui se dit analogiquement pour la promesse faite à Dieu et pour celle faite aux saints, comme le sont les mots prière et culte ?  Ou est-il plutôt un nom spécial qui ne vaut que pour la promesse faite à Dieu, comme un sacrifice n’est dit que d’une offrande qui est faite à Dieu.  Même si on peut ergoter sur les mots, la chose elle-même ne saurait faire de doute, car, selon l’usage de l’Église, le mot vœu est général.  Car, personne n’oserait dire je sacrifie à Dieu et à la bienheureuse Marie, ou, encore pire, je sacrifie à la bienheureuse Marie.  Et pourtant, nous disons couramment je voue à Dieu et à la bienheureuse Marie, ou même, je voue à la bienheureuse Marie.
De plus, le mot vœu est si associé au nom prière qu’en grec le mot vœu se dit euxè, et la prière proseuxè, comme le note Grégoire de Nysse (dans son sermon 1 sur la prière dominicale).  En latin le mot vœu est souvent employé au sens de prière. Et la raison en est, comme l’enseigne saint Grégoire au même endroit,  que les vœux sont ordonnés à la prière.   Car, quand nous voulons demander quelque chose, nous avons l’habitude de chercher à concilier par des vœux la personne à qui nous faisons la demande. D’où ce vers des Énéides : « Énée ne cesse d’offrir des vœux et des prières. »   Comme le mot prière ne se dit pas seulement de la demande par laquelle nous réclamons des bienfaits, qui est un acte de latrie, mais aussi de celle par laquelle nous supplions les saints d’aider la prière que nous adressons à Dieu, de la même façon, le mot vœu ne convient pas seulement  à la promesse faite à Dieu qui est un acte de latrie, mais aussi à la promesse faite aux saints, qui n’est pas un acte de latrie.
Ne répugne pas à ce qu’on vient de dire le fait que, dans l’Écriture, le mot vœu est toujours pris au sens de promesse faite à Dieu. Car, quand les saintes lettres ont été écrites, l’usage de faire des vœux aux saints n’était pas encore commencé.  Mais tu me feras l’objection suivante : si une promesse faite à des saints morts peut être appelée vœu, pourquoi pas une promesse faite à un saint encore vivant parmi nous ?  Je réponds d’abord ceci.  Une promesse faite aux saints qui règnent avec le Christ est plus semblable à une promesse faite à Dieu qu’à une promesse faite à un homme mortel.  Car, comme ce que nous promettons à Dieu n’est d’aucune utilité pour lui, mais seulement pour nous,  et n’est fait qu’en signe d’honneur et de gratitude, de la même façon ce que nous promettons à des saints qui règnent dans le ciel avec le Christ, n’est pour eux d’aucune utilité, mais seulement pour nous.  Car, ils n’ont pas besoin de nos  biens, puisqu’ils sont bienheureux.  Et ces choses nous ne leur promettons et offrons qu’en signe de souvenir, de reconnaissance et d’honneur.  Or, ce que nous promettons aux hommes encore vivants sur la terre, leur est utile, ou peut certainement l’être.
Ensuite, parce qu’un vœu ne convient à des saints qu’en tant que fils de Dieu  par participation.  De plus, les saints qui règnent avec le  Christ dans le ciel nous savons qu’ils sont vraiment saints.  Mais, pour les saints vivants, il n’y a aucune certitude au sujet de leur sainteté.  Nous ne faisons que l’espérer, la soupçonner.    Enfin, parce que, dans le ciel, les saint sont déjà bienheureux, glorieux, fils de Dieu, et  dieux par participation.  Ils sont confirmés dans leur état, et ne peuvent pas déchoir.  Mais les saints qui vivent avec nous sont à la fois saints et non saints, et sont heureux et glorifiés plus en espérance qu’en réalité.  On a donc de bonnes raisons  pour dire que ce que l’on promet aux mortels ne s’appelle pas un vœu, et de réserver  ce mot pour les saints qui règnent avec le Christ.
                                         CHAPITRE 10
Les jours de fête doivent-ils être célébrés par les chrétiens ?
Il ne reste plus que la question des fêtes.   Nous disserterons d’abord des fêtes en général, puis du dimanche, de Pâques, des autres fêtes du Seigneur et de celles des saints.
Au sujet des fêtes en général, il y a trois erreurs.  La  première est celle des anciens Ébionites qui estimaient que les chrétiens devaient observer les fêtes de l’ancien et du nouveau testament, c’est-à-dire, le sabbat et le dimanche, comme Eusèbe le rapporte (livre 3, chapitre 27 de son histoire).  Au temps de saint Grégoire le grand, certains ont voulu renouveler cette même erreur (livre X1, épitre 3).  À cette époque des chrétiens d’Éthiopie mettaient sur le même pied le sabbat et le dimanche.  Leur argument était le suivant.   Il est dit dans l’Exode 31 que « ce pacte est éternel, et un signe perpétuel. »
 L’autre erreur est celle des pétrobrusiens, comme on le voit dans la vie de saint Bernard (livre 3, chapitre 5) et des Waldensis (selon Thomas Waldensis, tome 3, titre 16, chapitre 140),  qui enlevaient toutes les fêtes chrétiennes, sous prétexte que les jours de fête appartenaient seulement aux cérémonies juives. Ils utilisaient trois textes de l’Écriture comme arguments.  Le premier : Romains X1V : « L’un distingue un jour d’un autre, un autre condamne tous les jours. »  C’est-à-dire que l’un pense qu’un jour est saint, et l’autre est profane, tandis qu’un autre pense qu’ils sont tous égaux. Et même si saint Paul tolérait chez les Romains cette erreur dans la distinction des jours,  parce qu’ils n’avaient pas encore reçu une instruction complète, il semble quand même clairement indiquer qu’il s’agit là d’une erreur.
Le deuxième.  Gaulois 1V : « Vous observez les jours, les mois et les années.  J’ai peur d’avoir travaillé pour rien pour vous. »  Le troisième est Colossiens 11 : « Que personne ne vous condamne pour la nourriture, le breuvage ou pour un jour de fête ! »  À ces textes de l’Écriture ils ajoutent une raison tirée des saints pères.  Le sabbat  qui devait être observé charnellement par les Juifs, à savoir, en s’abstenant d’œuvres serviles, doit être observé par nous spirituellement.  C’est-à-dire que nous devons nous abstenir des péchés, qui sont les vraies œuvres serviles.   C’est ce qu’enseignent les saints pères, comme saint Ambroise (Luc, chapitre 13), saint Jérôme (Galates, chapitre 4), saint Augustin (épitre 119), et saint Grégoire (livre X1, épitre 3.)
La troisième erreur est celle des Luthériens et des calvinistes, qui admettent des jours de fête, mais qui les admettent comme ne les admettant pas.  La somme de leur doctrine consiste dans ce qui suit.  Ils enseignent d’abord que la célébration des fêtes est un précepte de droit naturel et divin.  Ils le prouvent par le décalogue.   Car, même si le précepte du sabbat a quelque chose de cérémonial, il est quand même d’une certaine façon, naturel. Autrement, il n’aurait pas été placé dans le décalogue.
De plus, parce que la nature elle-même enseigne que nous devons de temps en temps nous abstenir d’actions corporelles, pour être libre pour Dieu, et pour se rassembler dans l’église  afin d’écouter la parole de Dieu, pour accorder un repos à nos associés et à nos ouvriers.    Nous n’avons rien à reprocher à cela.
Ils enseignent ensuite que puisque le droit divin n’a pas choisi certains jours que les chrétiens devaient considérer comme festifs,  c’est à l’église de les déterminer, c’est-à-dire aux pasteurs, avec le consentement du peuple.  La seule chose que nous leur reprochons  ici c’est de considérer comme nécessaire le consentement du peuple.  Car, le Christ n’a pas donné aux apôtres le pouvoir de gouverner l’église à la condition que le peuple y consente, mais absolument parlant.  Mais nous avons déjà traité cette question ailleurs.  La troisième chose qu’ils enseignent c’est que les jours choisis pour être fêtés ne doivent être en rien plus saints ou plus mystérieux que les autres, ni avoir une signification pieuse.  Mais ils ne doivent être vus que comme ayant été déterminés pour des raisons de discipline, d’ordre et de police, de façon à ce que cette détermination de jours spéciaux coexiste avec l’égalité des jours.
Et ils nous  accusent à ce sujet, en nous reprochant de conserver une distinction entre les jours à la manière juive.  Et ils prouvent leur assertion par les citations de saint Paul données plus haut.   Saint Paul, il est vrai, reproche de faire une distinction entre les jours, mais il ne blâme certainement pas une distinction nécessaire à l’ordre et à la police.  Ce qu’il blâme c’est donc  une distinction religieuse et cérémoniale, telle qu’était celle des Juifs, et (selon eux) des chrétiens qui, en raison de significations semblables, avaient et observaient des jours mystiques.
Ils enseignent quatrièmement, que la détermination de certains jours n’oblige pas les chrétiens en conscience, si ce n’est pour raison de sandale ou de mépris.  Voilà pourquoi ils accusent les chrétiens d’imposer aux fidèles des préceptes humains.  Les centuriates donnent pour preuve de leur opinion que, dans l’église primitive, l’observation des fêtes était une chose indifférente; et qu’elle n’a donc pas plus, après, la rendre obligatoire.  Car, saint Paul et les autres célébraient indifféremment le jour du sabbat, ou le jour du dimanche.  En effet, dans actes 111, saint Paul prêchait le jour du sabbat; et saint Jean, dans l’apocalypse, fait mention du dimanche.  De plus saint Paul (Galates 1V) résiste aux pseudos apôtres qui voulaient introduire l’obligation de célébrer les fêtes.  Heshusius prouve la même chose.  Comme les fêtes des chrétiens sont plus nombreuses que celles des Juifs, il en résulterait, si elles obligeaient en conscience, que le joug des chrétiens serait plus intolérable que celui des Juifs, dont a parlé saint Pierre (Actes 1V) : « que ni nous ni nos pères nous n’avons pu porter. »  Calvin ajoute le témoignage de Socrate (livre 5, chapitre 21) qui voulait que les jours de fête soient facultatifs, et qui réprouvait l’imposition d’une nécessité.
Ils enseignent en cinquième lieu  qu’il n’est pas permis de consacrer les jours de fête aux saints ou à l’eucharistie, et encore moins à la conception immaculée de la bienheureuse vierge Marie.  Mais, de cela, nous parlerons plus bas, en temps et lieu.  Que ce soit là ce que pensent les hérétiques, le montrent les magdebourgeois (centurie 1, livre 2, chapitre 6, colonne 503), Tilmann Heshusius  (dans son livre sur les 600 erreurs des pontifes, titre 26), Philippe (dans les lieux, exposition du décalogue), Calvin (livre 2, chapitre 8, verset 28).
 Mais il faut noter aussi les mensonges et les inepties de chacun d’eux.  Les magdebourgeois (centurie, livre 2, chapitre 6, colonne 504) disent que c’est au temps d’Anicet qu’on a  commencé, dans l’église romaine, à enfanter  le mystère d’iniquité, et à jeter les semences de l’antichrist.  Parce qu’Anicet voulut que la fête de Pâque ne soit célébrée qu’un dimanche.  Et c’est ce que statuèrent en ce temps tous les conciles.   Ensuite, celui de Nicée.  Les luthériens, eux aussi, observent la même chose. Pourquoi donc se moquent-ils de l’église romaine ?  Tilmann dit que les pontifes célèbrent la fête des saints innocents avec la même pompe que les fêtes les plus célèbres, comme celle de saint Grégoire, de saint Anne, ou de saint Catherine.  Mais, c’est un mensonge.   Car,  dans la plupart des endroits, cette fête n’est pas observée de précepte.  Au même endroit, Heshusius prouve que la fête du corps du Seigneur doit être rejetée, parce qu’il est écrit : tu n’adoreras pas des dieux étrangers.   Il dit ici clairement que le Christ est un dieu étranger, car la fête du corps du Christ est dédiée proprement au Christ, en vertu du bienfait de l’institution du saint sacrement.
Philippe dit que les œuvres principales du précepte de la sanctification du sabbat consistent à nourrir et à honorer les pieux docteurs; et que le péché contre ce précepte est le mépris envers les pieux docteurs, et le refus de les nourrir et de les défendre.  C’est donc pour les ministres qu’est utile l’observation des fêtes.   Calvin dit que, chez les chrétiens, le culte du sabbat consiste à cesser de faire nos bonnes œuvres  et de permettre à Dieu d’agir en nous,  pour que nous comprenions que nous manque le libre arbitre par rapport au bien, et que tout ce que nous faisons est péché.  Il nous faut donc, contre ces erreurs,  proposer certaines  sentences.
La première. Il n’est permis en aucune façon aux chrétiens d’observer le sabbat des Juifs ou d’autres fêtes de l’ancien testament.  Cette sentence est contre la première erreur.   Et on la prouve d’abord par les trois textes de saint Paul cités plus haut : Romains X!V, Galates 1V, et surtout Coloss 11.  Car, saint Paul réprouvait  à ce point les observateurs du sabbat que  les Ébionites refusèrent de le recevoir, et le considérèrent comme un apostat, au témoignage d’Épiphane (hérésie 30) et de saint Irénée (livre 1 chapitre 26.)  Ce qui réfute en même temps le commentaire des magdebourgeois qui prétendaient que saint Paul célébrait indifféremment le sabbat ou le dimanche.
On le prouve ensuite par le concile de Laodicée(chapitre 29) qui anathématise ceux qui célèbrent le sabbat, et qui, en ce jour, se privent de toute activité corporelle.  On le prouve troisièmement, par saint Grégoire (épitre 3, livre X1) où il réfute explicitement cette erreur en disant même que « c’est l’antichrist qui renouvelé le culte du sabbat. »  On le prouve quatrièmement parce que le sabbat était la cérémonie juive principale de l’ancien testament, Colossiens 11 : « Ou les néoménies, ou les sabbats qui sont les ombres des choses futures, le corps du Christ. »  Quand le Christ est venu, le sabbat a donc nécessairement pris fin.
À l’argument tiré des paroles de l’Exode XXX1, (le pacte est éternel) saint Augustin répond dans les questions sur l’Exode (questions 46, 124, 139).  Il dit d’abord que le sabbat, le sacerdoce et les autres rites juifs  étaient des pactes et des signes éternels parce qu’ils signifiaient des choses éternelles.  Comme quand nous disons que Dieu est éternel, nous ne voulons pas dire que la syllabe dieu est éternelle, mais que ce qu’elle signifie est éternelle.  Il répond ensuite que le sabbat et les autres cérémonies étaient dites éternelles parce qu’elles ne furent pas commandées aux Juifs jusqu’à un jour déterminé, comme quand on disait que celui qui touchera un mort sera impur jusqu’au soir; mais qu’elles le furent aussi longtemps que le Dieu l’aurait voulu, et donc éternellement de la part de ceux qui ne pouvaient pas les omettre de leur propre volonté.
  Que le sacerdoce d’Aaron et les autres cérémonies ne devaient pas durer éternellement, mais devaient être changées par Dieu, le prouve saint Augustin par le psaume C!X : « Le Seigneur l’a juré et ne s’en repentira pas : tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech. »  Car, quand on dit du sacerdoce du Christ que Dieu ne s’en repentira jamais, on laisse assez clairement entendre qu’il s’est repenti du sacerdoce d’Aaron, c'est-à-dire qu’il a décidé de le changer.   Car, en Dieu il n’y a de la repentance qu’au sens métaphorique.  Il change des choses comme font ceux qui se repentent d’avoir certaines choses.
Nous pouvons ajouter que les cérémonies judaïques étaient dites éternelles non pas au sens absolu du terme, mais tant que durerait le statut de cette république.  C’est ce qu’explique le Seigneur quand il ajoute pour vous, pour vos générations, pour les fils d’Israël.  Comme dans Exode X11 : « Vous célébrerez ce jour solennel, dans vos générations, d’un culte sempiternel. »  On a des choses semblables sur le sacerdoce dans l’Exode XXV111, et sur le sabbat Exode XXX1.
La seconde proposition. Les fêtes des chrétiens ne sont pas célébrées seulement pour des raisons d’ordre et de police, mais pour célébrer un mystère.  Et les jours saints sont plus  saints que les autres, et sont des parties du culte divin.  Cette proposition est contre la deuxième et la troisième erreur, car la troisième est presque semblable à la deuxième.   On le prouve d’abord par le jour du Seigneur.  Car, autant nous que les hérétiques, nous célébrons le jour du Seigneur.  Et il est certain que ce jour est célébré en mémoire de la résurrection du Christ, comme saint Augustin le dit (épitre 1l9), et comme le reconnait Calvin lui-même (livre 2, chapitre 8). On ne célèbre donc pas les fêtes seulement pour des raisons d’ordre et de police, mais pour des raisons de signification mystique.   Calvin, en effet, répond à cette objection qu’il dit avoir été faite par les siens, qui marmonnent souvent que l’observation du dimanche appartient à la distinction des jours prohibée par saint Paul, que ce jour a été choisi parce que c’est en ce jour que le Christ est ressuscité.  Car, comme avec la résurrection du Seigneur ont cessé toutes les cérémonies juives, ce jour nous rappelle que nous ne devons plus adhérer aux ombres et aux figures.
Mais cette réponse n’est pas suffisante.  Car, si nous célébrons ce jour parce qu’il nous rappelle que les ombres judaïques ont cessé, nous le vénérons donc à cause d’une signification.  Car, si ce jour n’avertit qu’en signifiant et en représentant, la signification, et la distinction des jours  n’est pas enlevée mais changée.  De plus, le jour du Seigneur, comme l’enseigne saint Augustin (livre 22, chapitre 30 de la cité de Dieu), n’est pas seulement une mémoire de la résurrection, mais il préfigure aussi la vie bienheureuse.  Je réponds donc à la deuxième objection que l’église ne se soumet pas à la servitude de ce jour, et qu’il ne faut pas lui reprocher d’avoir fait sienne un autre jour.  Et cette réponse démontre clairement que Calvin admet que même chez les siens les fêtes sont célébrées à cause de leur signification; qu’il a voulu abroger le jour du Seigneur, mais qu’il n’a pas osé parce que cette vérité était trop enracinée et stabilisée.
On le prouve, en second lieu, parce que, autrement, il faudrait enlever tous les jours solennels de la nativité du Christ, de sa passion, de sa résurrection, de son ascension, et de la pentecôte qui descendent de la tradition apostolique, et qui ont été observés dans toute l’église, comme le note saint Augustin (épitres 118 et 119), et que même les adversaires célèbrent.  Or, il est certain que ces jours ne sont pas observés pour des raisons d’ordre ou de police, mais pour des raisons de signification.  Car, s’ils avaient été observés seulement pour des raisons d’ordre, ils auraient été témérairement constitués.
Car quel est l’ordre qui veut qu’entre le jour de la passion et celui de la résurrection il n’y ait pas un jour intermédiaire; qu’entre la résurrection et l’ascension il y en ait quarante, qu’entre l’ascension et la pentecôte il y en ait dix, qu’entre la pentecôte et Noël il y ait plus que six mois ?  De plus, si ce n’est que pour des raisons d’ordre que nous célébrons les fêtes, pourquoi tenons-nous compte de la lune pour trouver les fêtes mobiles ? Ensuite, pourquoi ces jours portent-ils les noms de Noël, Pâques, Ascension, s’ils ne signifient rien de sacré.  Enfin, les pères enseignent ouvertement qu’on célèbre ces fêtes pour signifier les mystères de la rédemption, et les représenter par un rite externe.   Voir saint Augustin (épitre 119, et dans le psaume CX) où il parle longuement des mystères de Pâque et des autres fêtes.
À la troisième objection on prouve la même chose par le fait bien attesté que les jours de fête sont, par les pères, appelés saints, sacrés, mystiques, et qu’il faut observer religieusement ces jours qui ne sont pas semblables aux jours ordinaires.   Saint Ambroise (sermon 62) dit : « Le dimanche est pour nous vénérable et solennel. »  Saint Augustin (dans la préface de son épitre sur Jean) : « Car maintenant nous est présentée à tour de rôle la solennité des jours sacrés. »  Le même (livre 22, chapitre 30 de la cité de Dieu) : « Le jour du Seigneur a été consacré par la résurrection du Christ. »  Et (au livre 20, chapitre 21 contre Faust), il écrit : « Le peuple chrétien célèbre, avec une religieuse solennité, les mémoires des martyrs. »  Et, dans le sermon 251 : « Les apôtres ont statué que nous devions observer le jour du Seigneur avec une religieuse solennité. »  Et Léon 1 (sermon 4 sur le carême) : « Quand nous sommes sur le point d’entrer dans les jours mystiques. »
Quatrièmement, si les jours de fête ne se distinguaient des autres que pour des raisons d’ordre, tous les jours de fête seraient égaux, et, puisque les raisons pour les célébrer seraient les mêmes,  aucun ne serait plus grand qu’un autre.  Mais il n’en pas ainsi.   Car, saint Ignace (dans son épitre aux Magnésiens) appelle le jour du Seigneur le jour royal, et le plus éminent de tous.  Léon (sermon 12 sur le carême), appelle le jour de Pâque la fête la plus grande de toutes.   Saint Grégoire de Naziance (sermon 2 sur pâque), dit que Pâque est la fête des fêtes et la célébrité des célébrités, et qu’elle est plus grande que toutes les autres, comme le soleil est plus grand que toutes les étoiles.  Et (dans le sermon sur la mort de son père), il dit que le jour de pâque est le roi des jours.   Saint Jean Chrysostome (dans son homélie sur saint Philogonie), appelle le jour de Noël la plus grande fête du Christ, et la métropole des fêtes.
On le prouve par une raison tirée de l’Écriture.  L’observation des fêtes qui est prescrite (Exode XX) appartient au culte de Dieu, car c’est un précepte de Dieu, et un précepte de la première table.  Mais, d’une certaine façon, ce précepte est naturel, et appartient à nous, comme les adversaires le concèdent.   Nous devons donc avoir aussi d’autres jours dont l’observation appartient au culte de Dieu.  Or, nous n’avons pas d’autres fêtes que des jours du Seigneur, pâque, pentecôte, etc.   Donc, leur observation est un culte de Dieu saint et religieux.  Car, même si la détermination de tel ou tel jour a été faite par les hommes, la substance elle-même de la fête a été commandée par Dieu dans la première table.
   On le prouve enfin par cette raison.   En naissant, le Christ a consacré la crèche, en mourant, il a consacré la croix, en ressuscitant il a consacré le sépulcre d’où il est sorti.  Pourquoi n’aurait-il pas consacré le temps, c’est-à-dire les jours où il est né, où il a souffert, où il nous fut rendu après avoir vaincu la mort ?  Pourquoi, plus que tous les autres, le jour où Jésus est ressuscité est-il appelé saint ?  De plus, si les temples et les autels sont appelés maisons de Dieu et lieux saints, parce qu’ils sont consacrés à Dieu, pour qu’en eux, on rende un culte à Dieu, pourquoi ne seront-ils pas saints et sacrés les jours qui sont consacrés au culte divin ?
Les arguments ne concluent pas non plus en sens contraire.   Au premier, tiré de Romains XV, il y a trois interprétations.   La première,  celle de Théodoret, de Theophylactus, et peut être aussi de saint Jean Chrysostome.  « On fait une distinction entre un jour et un jour »  C’est-à-dire qu’à un certain jour, l’un s’abstient de la viande de porc, et des autres mets prohibés par la loi mosaïque, alors qu’un autre s’en abstient à tous les jours, ou ne s’en abstient jamais. Mais cette interprétation ne plait guère, car les mets que la loi déclarait impurs ne pouvaient jamais être mangés.  Voilà pourquoi il n’est pas vraisemblable que, parmi les judaïsant, il y en ait eu quelques-uns qui s’abstenaient de temps en temps de certains mets, et tantôt ne s’en abstenaient pas.  Mais cette interprétation ne rend pas, non plus un plus grand service aux adversaires.
L’autre interprétation de ce passage  est celle d’Origène et d’Ambroise, d’Oecumenius, de Primasius, et d’Anselme.   Voici quel est pour eux le sens : quelques-uns jeûnent à certains jours, d’autres jeûnent à tous les jours;  les uns et les autres font bien. Voilà l’interprétation littérale et la vraie, et c’est celle que nous aimons davantage.  La troisième est celle de saint Jérôme (dans son livre 2 contre Jovinien).  Il dit que saint Paul parle des fêtes des Juifs et que le sens est le suivant : un fait une distinction entre un jour  festif et un jour  profane selon la loi;  un autre considère chaque jour comme profane, en tant qu’appartenant à la loi des Juifs.  Cette interprétation ne me semble pas littérale, parce que tous les anciens qui commentèrent ce texte l’ont entendu dans le sens de jeûne, non de fête, et parce que l’apôtre avait entrepris une dispute sur les aliments.  Et aussi parce que, après avoir dit « un autre juge chaque jour », il ajoute : que chacun abonde dans son propre sens.   Ce qu’il n’aurait certes pas dit s’il avait été question des fêtes des Juifs,  qu’il était déjà mal d’observer encore.
Mais si on l’admet à cause de l’autorité de saint Jérôme, je dirai que l’apôtre ne parle pas des fêtes des chrétiens, mais seulement des fêtes des Juifs.  Car, quant à ce qui a trait aux fêtes chrétiennes, ce même Paul faisait la distinction entre jour et jour puisqu’il célébrait la pentecôte, comme il est dit dans les actes XX, et donc aussi Pâque.  Car, comme Épiphane le déduit dans l’hérésie 75, sans pâque, la pentecôte n’est rien.
Calvin insiste. Saint Paul semble blâmer la distinction entre les jours comme il blâmait la distinction entre les mets.  Mais, comme la distinction entre les mets n’existe pas dans le nouveau testament comme elle existait dans l’ancien, la distinction des jours n’existe pas, elle on plus, de la même façon. Je réponds que saint Paul a blâmé la distinction des jours comme il a blâmé la distinction des mets.  Mais il s’agissait des jours de fête selon la loi mosaïque.
 Au second texte tiré de l’épitre aux Galates, on peut répondre de deux façons.  La première.   Celle de saint Ambroise (Galates 1V) et de saint Augustin (enchiridion chapitre 79, et épitre 119, chapitre 7).  Ils disent que l’apôtre ne parle pas de l’observation des fêtes, mais de l’observation vaine et superstitieuse des Gentils qui disaient :  je ne partirai pas demain à cause de la position des étoiles;  ou  je ne planterai pas de vigne cette année, parce que c’et le jour intercalaire des années bi sextiles.   La deuxième est celle de tous les grecs, de saint Jérôme et de saint Augustin.  Ils disent que saint Paul parle des fêtes des Juifs.  C’est aussi ce qu’il faut répondre à la troisième citation tirée de l’épitre aux Colossiens.
Et pourtant.  Même si l’apôtre blâme directement les Juifs, il semble aussi blâmer en même temps ceux qui observent les jours et les années de la même manière que les Juifs.  Et nous aussi nous faisons de même.  Nous n’avons pas gardé l’observation de certains jours, mais nous l’ avons changée.   De plus, saint Jérôme, en cet endroit, offre deux solutions qui semblent nous être toutes les deux contraires.   La première : pour qu’une congrégation anarchique de fidèles ne diminue pas la foi dans le Christ.  C’est pour cette raison que des jours ont été constitués :  pour que nous restions toujours ensemble dans une seule prière et une seule foi.  Non pas pour que soit plus important le jour où nous nous rassemblons, mais pour que, quel que soit le jour où nous nous rassemblons, la joie augmente à la vue de tous et de chacun.  La seconde.   Tous les jours sont égaux, mais à cause des séculiers, il a fallu déterminer certains jours où on devait se rassembler en église.
Je réponds de deux façons  à la première.  La première.  Avec saint Augustin contre Adimante, chapitre 16) : « Eux les observaient servilement, sans comprendre les choses dont ils étaient des significations et des représentations.  C’est ce que reproche l’apôtre aux Juifs et à tous ceux qui servent la créature au lieu du Créateur.  Car, nous aussi, les chrétiens,  nous célébrons solennellement le dimanche et pâque, et les autres jours de fête.  Mais parce que nous comprenons leur raison d’être, ce ne sont pas des temps que nous observons, mais les choses qui sont signifiées par ces temps. »  Et il donne pour exemple quelqu’un qui offre un livre à un paysan et une cithare à un avocat, tout en sachant très bien le premier ne peut pas lire, et l’autre jouer de la cithare.
Je réponds, en second lieu, qu’il y a une grande différence entre les fêtes des Juifs et les nôtres.   Car, après le Christ, les fêtes juives ont une fausse signification; les nôtres une vraie.  Car, leur fin première était de signifier des choses futures, comme le dit saint Paul dans l’épitre aux Colossiens 11.   La fin première de nos fêtes est de reconnaitre les bienfaits de Dieu, pour lesquels chacune de ces fêtes est instituée en particulier.  De plus.  Chez les Juifs, le précepte portait d’abord et avant tout sur l’absence d’actions physiques.  Pour nos jours de fête, la partie principale du précepte porte sur le divin sacrifice.  L’abstention des œuvres serviles ne nous est commandée que pour ne pas nous distraire des louanges divines.  Nos fêtes succèdent donc aux fêtes des Juifs, non comme un fils à son père, dans la même hérédité, mais comme la lumière à l’ombre, l’exemplaire à la figure,  les choses spirituelles aux choses charnelles.
Aux premières paroles de saint Jérôme je dis que, dans sa première réponse, il a donné deux causes aux fêtes des chrétiens.  Une première. Pour que nous honorions la résurrection du Christ et les autres mystères. Vu  sous cet angle, on ne peut nier que le jour de pâque soit plus célèbre que les autres jours.  Une autre, pour que nous ayons un jour déterminé pour des raisons d’ordre. Et, vu sous cet angle, un jour n’est pas plus célèbre qu’un autre.   À ses secondes paroles, je dis que quand, dans sa deuxième réponse, il a dit que, pour les chrétiens, tous les jours étaient égaux, il ne parlait pas de tous les jours au sens strict et dans l’absolu, mais seulement de l’essence de la fête, et en faisant abstraction  de la loi de l’église. Car, comme il le dit lui-même, un chrétien peut, à chaque jour, avoir le dimanche, pâque ou la pentecôte, si à chaque jour il écoute la sainte parole, communie au corps du Seigneur, médite sur les divins mystères, et, après avoir mis de côté les œuvres serviles, ne vit que pour Dieu.  Bien plus, telle devrait être la vie des clercs et des religieux, pour lesquels tous les jours sont des jours fériés.
Cela, les Juifs ne pouvaient pas l’avoir, car il ne leur est pas permis d’immoler à chaque jour l’agneau pascal, ou d’ériger des tabernacles, ou d’autres choses semblables.  Cette égalité-là cohabite, chez les chrétiens avec l’inégalité des jours,  tant par le précepte de l’église qui détermine un jour, que par la signification et la représentation des mystères. Car, le jour dominical représente la résurrection, ce que ne font pas les autres jours.   À l’objection tirée des pères, je réponds que les pères parlent du sabbat proprement dit, du septième jour, non d’un sabbat qui signifie toutes les fêtes.   Car les pères disent que ce sabbat avait été commandé charnellement, le nôtre spirituellement.  Mais, de ce que nous ne devons pas célébrer le sabbat à la lettre, dans un rite externe, il ne s’ensuit pas que nous ne devions pas observer le dimanche, et les autres fêtes chrétiennes.  Bien plus, dans la même épitre 119 où il dit que le sabbat nous a été commandé spirituellement, saint Augustin ajoute que nous devons célébrer le jour du Seigneur par un rite externe.
La troisième proposition.  L’observance de certains jours de fête est licitement prescrite dans l’Église par une loi  obligeant en conscience, même en face d’un scandale ou d’un mépris.  Cette proposition est contre les hérétiques de notre temps.  Mais avant d’en faire la preuve, il faut d’abord noter que, par la loi des fêtes, deux choses sont prescrites.  La première.  Que tous soient présents au sacrifice de la messe.  La seconde. Qu’on s’abstienne d’œuvres serviles.  Nous adversaires reconnaissent que l’une et l’autre de ces choses est requise à l’observation d’une fête chrétienne.  Car, même s’ils condamnent la messe en tant qu’elle est un sacrifice, ils admettent quand même qu’aux jours de fête, il faut venir à l’église, et être présent au mystère de la cène sacrée.  Et, même s’ils niaient cela, on pourrait le prouver facilement par saint Justin (fin de la deuxième apologie), Palladieus (chapitre 69 de son histoire lausiaque), saint Jérôme, dans sa vie de Paula, et d’autres aueurs.
Pour la même raison, ils admettent qu’un jour de fête requiert l’abstention d’œuvres serviles.  Et, s’ils le niaient, on pourrait le prouver par saint Jérôme (dans son épitre à  Eustochius sur la conservation de la virginité) où il dit que les moines de son temps avaient coutume de travailler de leurs mains tous les jours, sauf le dimanche ou les  jours de fête.  Saint Augustin (sermon 251) et saint Grégoire (livre 11, épitre 3) disent que, pendant les jours de fête, il faut s’abstenir de tout travail corporel.
 Il faut noter, ensuite, qu’une œuvre servile peut être prise dans trois sens.   Il y a certaines œuvres par lesquelles l’homme se met au service de ses cupidités, et qui sont des péchés.  Ce n’est pas ce qu’on appelle œuvres serviles, mais métaphoriquement seulement.   Car, elles ne sont pas propres à des serviteurs, mais communes à tous, et surtout aux riches et aux nobles qui dominent les autres.   Elles ne sont pas non prohibées par un précepte spécial, mais par tous les préceptes en même temps.
Il y a des œuvres par lesquelles l’homme sert Dieu, comme l’immolation du sacrifice, l’oblation de l’encens et d’autres semblables.  Ces œuvres sont serviles mais en même temps royales, car servir Dieu c’est régner.   Ces œuvres-là non seulement elles ne sont pas prohibées le dimanche, mais elles sont même prescrites les jours de fête.  Il y a d’autres œuvres avec lesquelles l’homme se met au service de l’homme, et qui se rapportent directement à ceux que nous appelons serviteurs, tels que sont les travaux mécaniques, d’agriculture etc.
Ce sont ces travaux-là qui sont proprement dits serviles et qui sont interdits aux jours de fête.  Il est, troisièmement à noter que, même si seuls ces travaux sont interdits les jours de fête, certains travaux spirituels et libéraux sont interdits, et certains travaux corporels sont permis.  Les travaux libéraux qui sont interdits les jours de fête sont au nombre de quatre : faire du négoce,  plaider des causes,  juger un procès, et faire un serment solennel en cour, sauf pour raison de paix ou d’autre nécessité.
Les choses corporelles qui sont permises sont aussi au nombre de quatre. Celles qui sont spirituelles ou qui se rapportent aux œuvres de religion.   Comme par exemple, sonner les cloches, et autrefois tuer les brebis et les bœufs pour le sacrifice.  Matthieu X11 : « Les prêtres, dans le temple, violent le sabbat sans crime. »  De même, il est permis de lire ou d’écrire pour préparer un sermon.  Mais, il n’est pas permis de transcrire des livres sans nécessité pour de l’argent.
 Deuxièmement, des œuvres sont permises qui par elles-mêmes ou pour le salut des autres sont nécessaires, comme le travail des pharmaciens, des chirurgiens, des cuisiniers. Comme il était permis autrefois aux Juifs, le sabbat, de tirer leurs ânes d’une fosse (Matt X11), et de les conduire à une fontaine pour boire.  Les œuvres confiées aux prélats.
  Quatrièmement, les œuvres qu’on a coutume de considérer comme licites.  L’Église n’a jamais interdit aussi sévèrement que les Juifs les œuvres serviles le dimanche et les jours de fête.  Et la raison en est que l’abstention d’œuvres serviles était, pour les Juifs, la figure de choses futures. Or, pour bien signifier, les figures doivent être exactes.   Notre vocation, même si elle signifie aussi quelque chose de futur, ne trouve pas là sa fin principale, laquelle est plutôt de ne pas empêcher les œuvres spirituelles.
On prouve maintenant la proposition par tous les arguments par lesquels nous avons prouvé ailleurs que les préceptes de l’Église obligent en conscience.   En second lieu, le droit divin prescrit que quelques jours de fête doivent être observés.  Et cependant, aucun jour n’a été déterminé de droit divin.  Voilà pourquoi il y a du y avoir dans l’église un pouvoir un pouvoir de déterminer certains jours, et obliger à les observer.  Si la détermination de jours faite par l’Église n’oblige pas,  les fidèles pourront ne pas observer le dimanche, Pâque, ni aucune autre fête.  Or, les fêtes doivent être communes à toute l’Église; et il ne peut y avoir de communion qui ne soit pas planifiée par l’autorité publique.
Troisièmement. Mardochée et les autres juifs qui étaient avec le reine Esther instituèrent une fête que Dieu n’avait pas prescrite, et obligèrent les Juifs à l’observer.   Esther 1X : « Il n’est permis à personne de laisser passer ces deux jours sans les solenniser. »  La même chose a donc été permise à l’Église.  Car la raison pour laquelle les hérétiques croient qu’il n’est pas permis à l’Église d’obliger les fidèles à l’observation de ces fêtes,  est que Dieu ne les a pas prescrites individuellement, comme il n’avait pas prescrite la fête des sorts que Mardochée a instituée.
Quatrièmement, l’Église antique a prescrit les fêtes impérativement, et personne, en dehors des hérétiques, ne lui a jamais reproché ces préceptes.  Le concile d’Agathe, chapitre 47 d’avant l’an cent mille, dit : « Nous prescrivons par un commandement spécial que le jour du Seigneur, les séculiers assistent aux messes, de façon telle qu’ils n’osent pas sortir avant la bénédiction du prêtre; et que s’ils le font, ils soient confondus publiquement par l’évêque. »  Le concile de Laodicée, avant 1200, chapitre 29 : « Il ne faut pas que les chrétiens judaïsent, et  s’abstiennent d’œuvres serviles le sabbat.  Ils doivent travailler en ce jour, et faire passer le dimanche avant lui.  Le concile d’Aurélie 111 d’avant l’an mille lui aussi, ordonne que soient punis ceux qui travaillent les jours de fête; et il condamne en même temps ceux qui, à la manière juive, se reposent le dimanche au point de penser ne pas pouvoir préparer ce qui est nécessaire pour se nourrir.  De la même façon, le concile général 6, canon 8, ordonne d’écouter les sermons, et de ne faire aucune activité corporelle, à l’exception de celles qui sont nécessaires pour préparer les repas.  Ce canon ne fait pas partie des canon de Trullo.   Le concile d’Antisiodore, avant les années 900, chapitre 16 : « Il n’est pas permis, le dimanche, d’atteler les bœufs, ou de faire d’autres travaux. »  On trouve des choses semblables dans le concile de Moguntinus d’avant les années 700 (canons 36 et 37). Il énumère les fêtes principales de toute l’année, et ordonne de cesser le travail pendant ces jours.  Voir les nombreux décrets des conciles ou des souverains pontifes à ce sujet.
Les arguments contraires ne mènent à rien.   Car, au premier argument des magdebourgeois, je dis que le culte des différentes fêtes est en soi indifférent, mais que c’est la loi qui l’a rendu nécessaire.   Au sujet de l’exemple de saint Paul, je nie qu’il ait célébré le sabbat.  Il prêchait le jour du sabbat, car c’est en ce jour qu’il pouvait rencontrer les Juifs qui se rassemblaient alors,  mais non parce qu’il venait célébrer le sabbat.  Et dans son épitre aux Galates, il ne reproche pas aux pseudos apôtres de rendre des fêtes obligatoires,  mais de les forcer à  célébrer les fêtes juives.
 À  l’objection de Heshusius voulant que si les fêtes des chrétiens obligeaient en conscience,  le joug des chrétiens serait plus intolérable que celui des Juifs, puisque nous avons beaucoup plus de fêtes qu’eux, je réponds d’abord, avec saint Augustin, (chapitre 16, livre contre Andimante) que c’est un joug d’observer les fêtes à la manière juive,  mais non à la manière chrétienne, parce qu’ils ne comprennent pas eux, la fin du repos forcé, tandis que nous, nous la comprenons.  Je dis, en second lieu, que les fêtes des Juifs étaient vraiment plus lourdes, parce qu’ils étaient forcés à tous les sabbats de ne pas allumer de feu, de ne pas faire cuire d’aliments, de ne pas marcher sur le chemin. Il leur fallait aussi, trois fois par an, aller à Jérusalem, même s’ils en étaient très éloignés.  De même, à Pâque, ils étaient forcée de manger pendant sept jours un pain azyme insipide, (Deuteronome XV1) appelé pain d’affliction, et des laitues pleines amères.  Et beaucoup d’autres choses qui rendaient leurs fêtes onéreuses.   Or, nos fêtes n’ont rien de laborieux.  Quel labeur y a-t-il à écouter parler et à se reposer de tout travail ?
Ajoutons ensuite que quand saint Pierre a appelé la loi juive (Actes XV) un joug intolérable, ce n’était pas à cause des fêtes, mais à cause des minutieuses  innombrables cérémonies, que non seulement on ne pouvait pas observer, mais dont il était impossible de se souvenir.  Au sujet du témoignage de Socrate, je dis qu’il fut un hérétique novatien, et que, dans les dogmes, son témoignage est nul
La quatrième proposition  Pendant les jours de fête, nous ne sommes pas tenus, par un précepte particulier,  à ne pas pécher, à faire un acte de contrition ou d’amour de Dieu.  C’est ce qu’enseigne saint Thomas ( 2.2. question CXX11, art 4) contre Scot (dist 27 et 37) qui enseigne que les hommes sont tenus, les jours de fête, à un acte interne  d’amour de Dieu. Et contre Abulense et Lyre (au chapitre 20 de l’Exode) qui disent que, par ce précepte, sont prohibés spécialement les œuvres serviles, c’est-à-dire les péchés; et que, en conséquence, tout péché,  fait un jour de fête, est double.
On le prouve d’abord en faisant remarquer que le droit divin ne commande de s’abstenir que des œuvres serviles.  Si tu dis que les œuvres serviles sont des péchés, il faudra répondre que les préceptes doivent être compris au sens propre, non métaphorique.  Or, les péchés ne sont des actes serviles que métaphoriquement.  Ensuite, l’Église a déterminé le temps, et la manière d’observer le droit divin dans l’observation des préceptes.  Or, l’Église n’a jamais prescrit des actes internes. C’est ainsi que les fidèles comprennent ce commandement.  Personne n’a jamais pensé qu’il commettrait un nouveau péché si, un jour de fête, il n’avait pas la contrition de ses péchés.
Quatrièmement.   Cet acte interne est la fin de ce précepte. Or, ce n’est pas la fin mais les moyens qui sont prescrits par un commandement. Cinquièmement.  Le culte interne était déjà un précepte dans le premier commandement.  Car, tel est l’ordre de la première table.  Dans le premier précepte, on prescrit le culte du cœur; dans le second, le culte de la bouche, et dans le troisième, le culte des œuvres.  Sixièmement.  Le précepte d’observation du sabbat est un précepte de religion. Or la contrition est un acte de pénitence, non de religion.  Septièmement. Parce qu’il serait très nuisible de multiplier les fêtes.  Ne serait-ce pas tendre des filets aux âmes ?
Mais on nous fait l’objection suivante.  Forniquer ou tuer un homme dans un lieu saint est un sacrilège. C’est donc aussi un sacrilège de forniquer ou de tuer un jour de fête.  Je réponds que la circonstance de lieu et de temps aggrave toujours le péché, mais pas au point où d’en faire  un nouveau péché.  Car, un nouveau péché est commis seulement quand la circonstance de lieu ou de temps est essentielle et intrinsèque au péché, c’est-à-dire quand le temple lui-même ou le lieu sacré est violé : celui qui fornique ou commet un homicide dans un temple commet un sacrilège parce que, par ces péchés, est violée  la sainteté du lieu. Car, par la loi liturgique, un temple est violé par l’effusion volontaire  de la semence ou du sang. Or, ceux qui mentent même pernicieusement ou blasphèment ne commettent pas un blasphème au sens propre du terme, parce que le blasphème ou le mensonge n’enlèvent pas la sainteté d’un temple.  Je dis la même chose du temps sacré.  Car, un temple n’est pas violé par n’importe lequel péché, mais seulement par ceux qui s’opposent à ce temps sacré, comme ne pas aller à la messe, et travailler manuellement, choses qui sont spécifiquement prohibées.
En deuxième lieu, on nous objecte des témoignages de saint Augustin selon lesquels, par le précepte du sabbat, sont prohibées les œuvres serviles, c’est-à-cire les péchés.  Car c’est ainsi que parle saint Augustin (traité 3 sur Jean, et dans le psaume 32).  Je réponds qu’il parle du précepte du sabbat en tant qu’il est un précepte général signifié spirituellement par le sabbat des Juifs.  Ils nous opposent aussi cet autre texte de saint Augustin (livre des dix cordes, chapitre 3) : « Le Juif ferait mieux de faire quelque chose d’utile dans un champ plutôt que d’être séditieux dans un théâtre. Les Juives feraient mieux de faire de la laine à la maison plutôt que de danser impudiquement le jour des néoménies. »  Je réponds que saint Augustin ne veut pas dire qu’il est préférable en soi, mais que c’est un moindre mal de faire un jour de fête quelque chose d’utile, même prohibé, plutôt que de commettre un péché.  Car c’est un moindre mal de travailler dans un champ un jour de fête, que de blasphémer Dieu. Mais c’est un plus grand mal de travailler dans un champ un jour de fête que de faire un mensonge officieux.
 Et pourtant saint Augustin semble vouloir dire que travailler dans un champ un jour de fête est un mal moins grand que commettre n’importe lequel péché.  Il veut donc dire que n’importe lequel péché semble plus militer contre la fin qu’est la sanctification du sabbat, qu’une œuvre en soi utile qui est prohibée par le sabbat.  Car, la fin est le repos de l’esprit dans le Seigneur. À cette fin répugne n’importe lequel péché bien plus que la distraction d’une œuvre corporelle.  Et c’est pour cela que la cécité des Juifs est grande, parce qu’ils abusent du loisir du sabbat pour commettre plusieurs péchés, comme le dit saint Augustin.
Tu me feras cette autre objection.  Si le péché répugne plus à la fin de cette loi que les œuvres serviles, les péchés sont dont plus prohibés par le précepte que les œuvres serviles, car ce précepte a été prescrit pour enlever les empêchements au culte interne.  Je réponds que tous les péchés sont prohibés et qu’ils le sont plus que les œuvres serviles.  Car, les péchés ne sont permis en aucun cas.   Or, les œuvres serviles sont souvent permises même un jour de fête.  Cependant, tous les péchés ne sont pas prohibés par ce précepte spécial du sabbat, parce que ce n’était pas nécessaire de le faire puisqu’ils étaient déjà prohibés avant.  Ce sont les œuvres serviles qui sont prohibées par ce commandement, parce qu’auparavant, elles n’avaient pas été prohibées.
 2018 09 23 fin
2018 09 28 DEBUT
                                              CHAPITRE 11
                                     Le jour du dimanche
Au sujet du dimanche, il y a trois choses à dire. La première : son antiquité. La seconde : la raison de son institution.   La troisième : les rites antiques conservés le jour du dimanche.
La première : son antiquité.   Sans aucun doute possible, la fête du dimanche est la plus antique de toutes les fêtes chrétiennes.  Car, l’Église a commencé véritablement le jour de la pentecôte.  Car, c’est alors que, une fois tous les mystères de notre rédemption accomplis, a été promulgué publiquement l’évangile.  Et c’est après ce jour que commencèrent à être omises les fêtes juives, et qu’y furent substituées les fêtes chrétiennes, le premier jour à se présenter ayant été le dimanche. Car, les fêtes de Noël et de Pâques, qui sont très anciennes elles aussi, arrivèrent quelques mois après.   Cette antiquité est attestée d’abord par les Écritures, car on lit à Actes XX : « le lendemain du sabbat, comme ils se réunirent pour la fraction du pain. »   Et ( 1 Corinthiens XV1) : « le premier jour après le sabbat, que chacun… »
Les magdebourgeois  (centurie 1, livre 2, chapitre 6, colonne 503) et Calvin (contre la chaine  d’Augustin Marloratus) disent que ces passages doivent s’entendre du jour du sabbat, et que ce jour a été conservé par saint Paul.  Les magdebourgeois prouvent leur dire  par Actes XV111 où Paul, le jour du sabbat, prêche  dans une synagogue.  Mais, ils se trompent manifestement,  car, dans le premier passage (Actes XX) saint Jean Chrysostome et Bède voient le jour du Seigneur.  Et le deuxième  (1 Cor XV1), tous les auteurs grecs et latins l’interprètent au sens de dimanche : saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, Theophylactus etc.  Et non seulement les catholiques, mais aussi Pierre le martyr dans son commentaire de ce texte.  Ajoutons le commentaire d’Érasme (que les hérétiques ont en haute estime) tant des Actes que de l’épitre de saint Paul. Il dit que le Christ est ressuscité au premier jour après le sabbat, ce qui veut dire le dimanche.  De plus, il appert que saint Paul se sert de beaucoup d’hébraïsmes. Or c’est un hébraïsme fréquemment employé de dire un au lieu de premier.  Comme dans la Genèse 1 :  Et le soir fait, et le matin un jour, c’est-à-dire le premier jour, car après,  on dit le deuxième jour.  Ensuite, saint Paul reproche sévèrement aux Colossiens et aux Galates d’observer les fêtes des Juifs.  Comment est-il croyable, alors, qu’il ait observé le sabbat ?  Qu’il ait, selon les Actes X111 prêché dans une synagogue le sabbat, cela ne veut pas dire qu’il le faisait pour honorer le sabbat, mais parce qu’il ne pouvait pas rencontrer des juifs rassemblés en un autre lieu et en un autre jour.  Nous avons aussi l’Apocalypse 1 : « Moi, Jean, je fus dans l’Esprit le jour du Seigneur. » Presque tous voient dans ce mot le dimanche : Oecumenius, Anselme,  Primasius et les autres.  Même les magdebourgeois (centuriate 1, livre 1, chapitre 6)
Nous ajoutons à cela les témoignages des pères les plus anciens.  Clément  (canon 65 des apôtres), l’épitre de saint Ignace aux Magnésiens, Justin (apologie 2), Tertullien (la couronne du soldat, et son apologie chapitre 16), Clément d’Alexandrie (Stromates, livre 7), Origène (homélie 7 sur l’Exode), Athanase (homélie sur : tout m’a été livré par mon père), saint Ambroise (épitre 83), saint Jérôme (chapitre 4 aux Galates), saint Augustin (livre contre Adminate, chapitre 16), saint Grégoire (livre 11, épitre 3), saint Léon (épitre 81 à Dioscore), saint Hilaire (préface aux psaumes).  Voilà pourquoi il n’est permis, en aucune façon, de douter que le jour du dimanche ait été très ancien.
Quant à la raison de l’institution, ce fut pour qu’il succède au sabbat.   Car le droit divin requérait qu’un jour de la semaine soit dédié au culte de Dieu.   Comme il ne convenait pas qu’on conserve le sabbat, les apôtres changèrent le sabbat en dimanche.  Pour comprendre comment cela a été bien fait, il faut noter que le sabbat était, pour les Juifs, la fête la plus ancienne et la plus prestigieuse, car ce n’est que du sabbat que fait mention le décalogue.  Le sabbat était la fête la plus excellente de toutes,  parce que,  comme toutes les fêtes sont célébrées en mémoire d’un bienfait passé, ou pour signifier quelque chose de futur, le sabbat excellait dans l’une et l’autre chose.  Car, quant au bienfait passé, il était célébré en mémoire du premier bienfait et du  plus universel, la création du monde.  Car, comme l’écrit Philo dans son livre sur la création du monde, comme les rois ordonnent qu’on célèbre le jour de naissance de leurs fils, Dieu a voulu qu’on célèbre le jour de naissance de son œuvre, le monde.  Ce qui était fort utile pour exclure l’erreur  des philosophes qui enseignaient l’émanation plutôt que la création, et que, en conséquence, le monde n’avait jamais commencé.
Quand au bienfait futur, le sabbat était la figure de trois bienfaits de Dieu, auxquels tous les autres se ramènent.  Le premier.  Il était le signe, au sens allégorique, du repos du Seigneur dans le tombeau.  Car, comme Dieu, le sabbat, se reposa de l’œuvre de sa création, le Christ se reposa le sabbat de l’œuvre de sa rédemption, comme l’apôtre l’observe à Hébreux 1V.  Le second.  Il était la figure, au sens tropologique,  du repos de l’esprit humain des œuvres serviles des péchés.  Car, quand  les Juifs s’abstenaient de toute œuvre servile, le sabbat, ils signifiaient que viendrait le temps de la grâce où, libérés par le Christ de la servitude du péché, les hommes jouiraient d’un repos et d’un loisir spirituel, comme l’expose saint Augustin (traité 30 sur saint Jean et ailleurs).
Le troisième.  Le sabbat était la figure, au sens anagogique, du repos des saintes âmes, qu’elles attendaient, après leur mort, dans le sein d’Abraham, comme saint Augustin l’enseigne (dans l’épitre 119) et le déduit de  l’épitre aux Hébreux 1V.  Or, comme c’était pour ces raisons que le sabbat avait été institué, il convenait que, après l’avènement du Christ, il fût métamorphosé en dimanche.  Et quand  à la mémoire des choses passées, le jour du seigneur dépasse de loin le sabbat.  Car il nous rappelle la naissance et la résurrection du Christ, ainsi que la manifestation de l’Esprit Saint, auquel jour est née l’Église.  Car, le Christ est né le jour du dimanche, puisque, cette année là, était en cours la lettre dominicale B, comme les astronomes l’enseignent.
Et, on peut le démontrer en redescendant dans le cycle des lettres dominicales. Il appert, en effet, que dans la lettre B se trouve le 25 décembre, le jour où le Christ est né.  Que le Seigneur ait ressuscité aussi un dimanche,  l’évangile l’indique.  Que l’avènement du Saint-Esprit eu lieu également un dimanche, la chose est claire, car ce fut à la pentecôte, c’est-à-dire le cinquantième jour après pâques, donc, nécessairement un dimanche.
De plus, le dimanche représente pour nous le jour de la naissance du Christ et de l’Église.   Et de plus, le jour du Seigneur représente aussi le souvenir de la création du monde, non moins que le sabbat.  Car, c’est le jour du dimanche que le monde commença à exister.  Bien plus, c’est en ce jour qu’ont été faites les parties principales du monde comme le ciel, la terre, les anges, la lumière etc.  Voilà pourquoi saint Justin (dans son apologie 2) et saint Léon (épitre 81 à Dioscore), disent que le dimanche est célébré  autant en souvenir de la création du monde, que de la résurrection du Christ.
Quant à la signification des choses futures, il est clair que le sabbat a cessé, car les choses qui étaient signifiées par le sabbat se sont réalisées.  Le Christ, en effet, s’est déjà reposé dans son sépulcre, et le repos sabbatique se fait par les âmes en Dieu.  De plus, le repos des âmes dans le sein d’Abraham est déjà changé en gloire et en béatitude. Et le seul repos que nous attendons maintenant, c’est le repos glorieux.  Or, la gloire est mieux signifiée par le dimanche que par le sabbat.  Et , voilà pourquoi saint Augustin (dans son épitre 119) dit : « C’est à juste titre que le sabbat a été donné aux Juifs, eux  qui,  après la mort, ne s’en allaient qu’au seul repos.  Aux chrétiens, a été donné le jour du Seigneur  parce que la gloire de la résurrection dans le Christ est déjà révélée,  et que ce qui précède dans la tête,  le corps l’attend.»
Quant à la troisième, le rite dominical était quadruplexe.  On se rassemblait d’abord dans une église pour la lecture, la prédication,  l’oblation du sacrifice, et la communion, comme on le voit d’après Justin dans sa deuxième apologie.  On s’abstenait ensuite des œuvres serviles, comme nous le montre saint Jérôme (dans sa lettre à Eustochius sur la virginité), et saint Grégoire (livre 11, épitre 3).   Troisièmement. On ne jeûnait pas, comme le rapporte Tertulien (dans la couronne du soldat) et d’autres.   Quatrièmement,  on ne se mettait pas à genoux, mais on priait debout.  Nous avons encore, à ce sujet, le canon 20 du concile  de Nicée.  Le même Tertullien avait enseigné bien avant dans son livre sur la couronne du soldat : « Le jour du Seigneur nous disons qu’il n’est pas permis de jeûner ou de s’agenouiller. »  Disent la même chose saint Hilaire  (dans sa préface aux psaumes), saint  Ambroise (sermon 62), saint Augustin (épitre 119, chapitre 15) et Alexandre 111 (chapitre quoniam).  Nous voyons que dans les trois premiers siècles,  ce rite était observé par toute l’Église.

                                          CHAPITRE 12
                                               Pâque.
Il y a deux choses à dire sur ce sujet.   La première : qu’est-ce que pâque ? La seconde : les erreurs sur pâque.   La première : qu’est-ce que pâque.  Quelques pères ont pensé que le nom de pâque venait du verbe paskein, c’est-à-dire a souffert, parce que, dans la célébration de Pâque,  la passion du Seigneur est rappelée : « Car, le Christ, notre pâque, est immolé. »  De même, saint Ambroise (dans son livre sur le mystère de Pâque, chapitre 1).  Voilà pourquoi Tertullien (dans son livre contre les Juifs) dit : « la pâque du Seigneur signifie la passion du Christ. »
Cette interprétation saint Augustin l’expose et la réfute avec raison, parce que le mot pâque est  hébreux, non grec.  C’est en hébreux, en effet qu’on dit …..qui veut dire traverser.   Son sens premier n’est donc pas l’immolation de l’agneau, comme l’enseigne, d’après saint Jérôme,  l’auteur du commentaire du chapitre 14 de Marc.  Il ne signifie pas non plus la traversée de la mer rouge par le peuple juif vers la terre promise, comme l’enseigne saint Grégoire de Naziance, (sermon 2 sur pâque) et saint Augustin (traité 55 sur Jean).  Il ne signifie pas non plus le passage de l’ange à travers l’Égypte, comme semblent le vouloir dire les paroles suivantes (exode X11) : « Car c’est la pâque, c’est-à-dire le passage du Seigneur. »
Il signifie plus tôt une ascension en passant, et comme un saut sur les maisons des Juifs, comme on le voit pas la raison qui en est rendue dans Exode 2.  Car, là où Moïse avait dit : c’est la pâque, il en ajoute la raison : car je traverserai par toute la terre d’Égypte , et, cette nuit-là, je frapperai les premiers-nés des Égyptiens.  Le sang sera pour vous un signe sur vos maisons, et je verrai le sang, et je passerai outre, et ce ne sera pas pour vous une plaie. »  Le premier « je traverserai »  se dit en hébreux…..et le second….(un autre mot).  C’est de ce mot-là qu’on dit pâque.  La même raison est donnée trois fois dans ce chapitre, où le mot hébreux ….signifie toujours monter au travers, et non simplement traverser.   C’est pourquoi, Joseph  (livre 2, chapitre 13 des antiquités), dit que pâque signifie ascension en passant.  Saint Jérôme enseigne la même chose (au chapitre XXV1 de Matthieu) ainsi que Theodoret (question 24 sur l’Exode).
Ce mot est traduit pour signifier trois choses. La première : le passage de l’ange. La seconde : l’agneau pascal lui-même, qui, par l’immolation, passait de la vie à la mort.  D’où Luc XX11 : « Il était nécessaire que la pâque soit tuée. »  La troisième : la traversée de la mer rouge du peuple libéré cette nuit-là de la tyrannie du Pharaon, pour aller dans la terre promise.  Et c’est cette signification que reconnait saint Grégoire de Naziance (sermon 2 sur pâque), et saint Augustin (traiité 55 sur saint Jean).  La quatrième : le jour lui-même de la fête, car Luc dit (XX!!) : « Approchait le jour de la fête des azymes qui s’appelle Pâques. »
 Ces quatre sens du mot pâque existent chez les chrétiens à leur manière, c’est-à-dire comme exemplaires de ces types.   Car, l’ange qui passe et tue les premiers-nés des Égyptiens en épargnant Israël, c’est le Christ, l’ange du grand conseil, qui, en passant de la vie à la mort, a sauvé tous ceux qui devaient être aspergés par son sang, laissant les autres dans les mains du dévastateur.  L’agneau pascal est  le Christ immolé pour nous.  C’est, effet, le Christ que représentaient et l’ange et l’agneau, parce que le Christ  a du  tuer et être tué.  L’agneau pouvait être tué mais non tuer;  l’ange pouvait tuer mais non être tué.  La traversée de la mer rouge signifie la traversée des peuples par l’eau du baptême. Et c’est pourquoi on baptisait  ordinairement à Pâques les catéchumènes. Enfin, la fête de ces jours signifiait la fête de nos jours.
Quant au second, le premier fut Aerius qui niait simplement qu’il faille célébrer la fête de Pâque.  Ce qui sentait son judaïsme.  Cette erreur est rapportée et réfutée par Épiphane (hérésie 75). Nous ne parlons pas de la fête des juifs, mais de ce qui était signifiée par elle.   Le second fut un certain Blastus qui, au témoignage de Tertullien (livre de la prescription), enseigna que Pâque devait être célébrée le jour même où les Juifs la célébraient, c’est-à-dire le 14 de la lune, qu’il soit ou non un dimanche.  Plusieurs évêques d’Asie mineure donnèrent leur consentement à cette erreur, comme le montre le livre 5 d’Eusèbe (chapitres 24 et 25).  Il nous présente là l’épitre de Polycrate, évêque d’Éphèse,  au pape Victor, dans laquelle il déclare que tous ses prédécesseurs jusqu’à l’apôtre saint Jean ont célébré pâque le quatorzième jour.  Ne manquèrent pas, par la suite, une foule d’autres à qui  cette erreur plaisait, qui étaient appelés quatordécimans, selon Épiphane.  Longtemps après, d’autres tombèrent dans la même erreur, qu’on appelait Audians ou Vadians (Épiphane, hérésie 70).
Cette erreur, à cette époque, a été réfutée par les conciles de presque toutes les églises, et par le pontife romain.  Tous, d’un commun accord, statuèrent que la fête de pâque devait être célébrée le dimanche le plus proche du quatorzième jour lunaire après l’équinoxe du printemps, comme Eusèbe lui-même le rapporte.  Comme cette erreur perdurait, le concile de Nicée statua, comme l’atteste Épiphane, (hérésies 50 et 70), statua la même chose.  Il dit que, pendant le concile lui-même, a été composé par Eusèbe de Césarée un nombre d’or qui indique les nouvelles lunes.  Sur cette question demeure encore la lettre du concile de Nicée (d’après Theodoret, livre 1, chapitre 8 de son histoire).  Et saint Athanase se souvient de la même chose dans son épitre sur le synode d’Arménie et de Séleucie.  Saint Ambroise (épitre 83 ) et Théophyle (livre 1 sur pâque).
De même, une lettre de l’empereur Constantin à toutes les églises (d’après Eusèbe, livre 3 sur la vie de Constantin), où Constantin prouve, par trois raisons, qu’il faut célébrer la pâque un dimanche.  La première, pour que nous ne marchions pas avec les Juifs meurtriers.   La deuxième, parce qu’il y a de la paix dans l’église quand il n’y a qu’une seule manière de célébrer pâque, et quand le petit nombre le cède au plus grand nombre.  De plus, depuis les temps anciens, la ville de Rome, l’Italie, l’Afrique, la Gaule, l’Espagne, la Grande Bretagne, l’Égypte, la Lybie, la Grèce, Pont, la Cilicie, et une grande partie de l’Asie célèbrent pâque le jour du dimanche.  Quelques Orientaux , contre tout le reste de la chrétienté,  célèbrent la pâque avec les Juifs.  La troisième.  Il est absurde de célébrer deux fois pâque une année, et  de ne pas la célébrer du tout une autre année.  Car, cela arrivait à ceux qui célébraient pâque le quatorzième jour.  Car, ils n’observaient pas l’équinoxe, mais seulement les douze  mois lunaires , et célébraient pâque le quatorzième jour du premier mois lunaire, sans se demander si ce quatorzième jour était  avant ou après l’équinoxe.  Il arrivait donc parfois qu’une année,  on célébrait pâque après l’équinoxe,  et une autre année avant l’équinoxe, et donc deux fois dans  la même année.
Ajoutons que l’argument repose sur un faux fondement. Car, ils pensaient suivre la loi des Juifs, et suivaient plutôt le délire des Juifs de leur temps. Car la loi juive (Exode X11) prescrit de faire la pâque après l’équinoxe du printemps, puisqu’elle ordonne de la célébrer le quatorzième jour du premier mois lunaire.  Or, le premier mois était celui dont le quatorzième jour tombait sur l’équinoxe du printemps, ou le suivait de plus près.  C’est pourquoi, même Joseph (livre 3, chapitre 13 de l’antiquité) enseigne que pâque se fait quand le soleil est dans le bélier, et est opposé à la lune.  Or, d’après Épiphane (hérésie 70), les Juifs ne tinrent plus compte de l’équinoxe, et les chrétiens erratiques les suivaient comme des guides aveugles,  quand ils célébraient la pâque avec eux.
À l’autorité de saint Jean l’évangéliste qu’ils apportent en leur faveur, Bède répond (livre 3, chapitre 25 de son histoire) qu’il célébrait pâque le quatorzième jour  pour s’accommoder aux nouveaux Juifs convertis à la foi. Pour la même raison donc que saint Paul a circoncis  Timothée.  Cependant, c’est l’apôtre Pierre lui-même qui astatué à Rome que Pâque se célèbre un dimanche. Et c’est cet exemple qu’il faut suivre avant tout.
La troisième erreur fut celle des Cappadociens qui, au témoignage d’Épiphane (hérésie 50) célébraient toujours la Pâque le 25 mars, comme nous célébrons toujours Noël le 25 décembre.  Parce qu’ils croyaient que c’était en ce jour que le Christ avait souffert, et ils pensaient qu’il fallait célébrer pâque le jour même de la passion.  Semblable fut l’erreur des Gaulois, au début de l’Église,  qui, au témoignage de Theophyle de Césarée (selon Bède, livre de la raison des temps, chapitre 45) célébraient toujours Pâque le 25 mars, parce qu’ils pensaient que c’était en ce jour que le Christ était ressuscité.  La même erreur plait grandement à Luther (dans son livre sur les conciles, part 2).  Il dit là qu’il veut célébrer ces jours de fête sans observer le cours de la lune,  pour ne pas paraître judaïser.
Cette erreur est réfutée, d’abord, par le consensus de toute l’église qui a toujours statué que Pâque devait être célébré un jour de dimanche.   Ensuite, parce que, selon certains,  elle repose sur un faux fondement, car, comme ils l’enseignent, le Christ n’a pas pu souffrir ou ressusciter un 25 mars.  En effet, il a souffert le vendredi, et a ressuscité le dimanche selon tous les évangélistes.   Il appert, selon d’autres, que le Christ est mort et ressuscité la trente-troisième ou la trente-quatrième année de sa vie.  Or, la trente-troisième année du Christ,  le 25  mars ne fut ni un vendredi ni un dimanche, mais un mercredi.   En l’an du Christ 34, le 25 mars a été un jeudi, comme on le voit dans la lettre dominicale.  Car, en l’an du Christ 33, la lettre D était en cours;  en l’an 34, la lettre C.  Or, le jour du 25 mars est toujours dans la lettre G.
On le réfute enfin avec la lettre de saint Augustin (épitre 119) où il montre quelle différence il y a entre le jour de Noël et le jour de la résurrection.  Le premier est célébré seulement de mémoire, et donc toujours à la même date, le 25 décembre;  et l’autre est célébré de mémoire et en tant que mystère. Et c’est pour cela qu’il varie.  Voir aussi sa très belle explication des mystères de pâque.
La quatrième erreur fut celle des Bretons et des Scots, selon Bède (livre 3, chapitre 25, livre 5, chapitre 22) qui, contrairement à l’usage commun de toute l’église,  célébraient Pâque  le premier dimanche après la lune du 13 mars,  de telle sorte que parfois, ils célébraient Pâque à la lune du 14 mars, ce que ni les Juifs ni les chrétiens n’ont jamais fait.  Car, pour les Juifs,  jour solennel était le 15 de la lune, mais ils commençaient la fête le soir précédent, c’est-à-dire  le soir du 14 de la lune.  Car, pour eux, le premier jour solennel  était le quatorzième,  et comme ils commençaient aussi ce jour aux premières vêpres, ils le commençaient nécessairement le 13 de la lune.  Mais, cette erreur n’a pas besoin de réfutation, car elle n’avait que l’ignorance pour fondement.  Ils pensaient, en effet, que c’était ainsi que saint Jean avait coutume de célébrer la pâque.
La cinquième erreur est celle des novatiens  qui, au témoignage de Socrate,  livre 5, chapitre 20 de son histoire,  ont émis un décret qu’ils ont appelé adiaphoron, parce que, en lui, ils avaient statué qu’il était libre à chacun de célébrer la pâque quand il le voudrait.  Cette erreur plait aussi aux magdebourgois, comme on le voit dans la centurie 1 (livre 2, chapitre 6, colonne 504) et dans la centurie 2 (chapitre 6, colonne 119).  Ils enseignent là que les apôtres et les hommes apostoliques  n’ont donné aucune loi à l’église au sujet de la célébration de la pâque,  mais on laissé aux chrétiens une entière liberté.  Et c’est là qu’ils reprochent aux souverains pontifes d’avoir  excommunié les asiatiques  pour une chose indifférente.
Voici comment on réfute cette erreur.  D’abord, par le canon 8 des apôtres,  où on ordonne de déposer les évêques ou les prêtres qui célèbrent pâque avec les Juifs avant l’équinoxe.  On le prouve ensuite parce que les anciens pères ont toujours tenus pour hérétiques ceux qui furent de l’opinion des asiatiques,  à savoir que pâque devait nécessairement avoir lieu le 11 de la lune, comme on le voit par Tertullien (la prescription), Épiphane (hérésie 50), Théodoret (livre 3 sur les fables hérétiques), saint Jean Damascène  (son livre sur les hérésies).   Et pour que nous ne pensions pas que c’est pour une raison indifférente qu’ils étaient considérés comme des hérétiques, ils leur ont imposé le nom de quatordécimans.  Ce n’est donc pas sans raison que les pontifes romains excommunièrent les asiatiques.
Troisièmement,  si le choix de la date devait rester libre,  et si la célébration de la pâque était une chose indifférente,  les saints pères ne s’en seraient pas souciés.  Mais ils s’en soucièrent énormément.  Car, au tout début de cette controverse, partout des conciles provinciaux furent célébrés à ce sujet, comme le montre Eusèbe dans son histoire de l’église (livre 5, chapitres 23 et 25).  Ce qui signifie qu’on prenait la chose fort à cœur.  Ajoutons que, dans ces conciles,  ils ne voulurent jamais en faire une chose indifférente, laissée aux libre choix de chacun.  Car, (au livre 5, chapitre 23), Eusébius dit ceci : « Tous confirment le dogme ecclésiastique suivant :  il n’est permis de célébrer le mystère de pâque que le dimanche, le jour où le Seigneur est ressuscité. »  Et, au chapitre 25, il dit : « Voici quelle a été la fin du décret du concile de Césarée qui a eu lieu à cette époque sur la pâque : que des copies de notre lettre soient transmises à toutes nos églises, pour que nous ne soyons pas coupables des âmes qui s’immergent dans  toutes sortes d’erreurs. »
Quatrièmement.   Après la question de la foi contre Arius, le concile de Nicée n’eut rien de plus pressant  que de déterminer le jour de pâque, comme nous le montre l’épitre de Constantin (Eusèbe, livre 3, de la vie de Constantin).  Bien plus, saint Athanase (dans son épitre sur les synodes d’Arménie et de Séleucie,  pas loin du début),  dit que le concile de Nicée a été convoqué pour deux raisons.  La première, à cause d’une controverse sur la pâque, et à cause de l’hérésie d’Arius.  Épiphane (hérésie 70) dit, lui aussi : « Constantin a apporté deux grands bienfaits à l’église.  Le premier, den se souciant  de convoquer le concile de Nicée; le second, en voyant  à ce que le concile termine la question de pâque.
 Que le concile de Nicée  ait formellement prescrit  de célébrer pâque un dimanche, et ne l’ait pas seulement recommandé,  comme Socrate semble vouloir le dire,  on le comprend pas la lettre d’Athanase sur les conciles d’Arménie et de Séleucie : « Dans l’affaire de pâque,  nul ne manifesta d’opposition.  Il a semblé que tous étaient prêts à obéir. »
Cinquièmement. On le prouve avec le concile d’Antioche (chapitre 1) où sont excommuniés  ceux qui n’observent pas la loi de Nicée sur pâque. Sixièmement, on le prouve par le grand soin qu’ont toujours eu les pères pour qu’on n’erre pas  dans la célébration de pâque.  Car, au temps de saint Ambroise,  une difficulté était née,  et on ignorait quel était le jour pascal selon le concile de Nicée.  Des lettres d’évêques lui étaient envoyées d’un peu partout.  Nous avons encore une très longue lettre de saint Ambroise sur cette question.  Ensuite, quand, au temps d’Innocent 1, survint une difficulté semblable, Innocent écrivit une lettre (la onzième ) à l’évêque Aurèle de Carthage.  Et lui-même, après avoir convoqué un synode, a discuté de la question,  et lui a envoyé la décision du concile,  afin qu’il puisse désormais  déterminer le jour de pâque  à la manière de tout le monde.  De nouveau, au temps de saint Léon,  une difficulté semblable s’est levée.  Et saint Léon lui-même écrivit à l’empereur Martian, à l’impératrice Eudoxie,  et aux autres.   Voir épitres 63, 64, 65, et 95.
On le prouve ensuite par la providence générale de l’Église.   Car, comme l’écrit saint Léon (lettre 64) à Martien, l’évêque d’Alexandrie reçut le mandat de supputer et de calculer le jour de pâque pour l’indiquer au siège apostolique romain.  Et en suite, le siège apostolique prescrivait ce jour à l’église universelle.   C’est ce dont se souvient le concile d’Arles, chapitre 1, et Innocent 1, épitre 11 à Aurélius.   On le prouve enfin, par un témoignage divin, que rapporte Paschase, l’évêque de Lilibet, dans l’épitre à Léon (63, parmi les épitres de saint Léon).  Il écrit aussi qu’au temps du pape Zozime,  se posa de nouveau la question de pâque, parce que les occidentaux disaient qu’il fallait célébrer pâque cette année-là le 25 mars, et les orientaux le 22 avril.
 De plus, dans une certaine église de la Sicile,  à toutes les années, une fontaine sacrée, par un miracle divin, se remplissait d’elle-même la nuit de Pâque où les catéchumènes étaient baptisés. Or, cette année-là, comme, sur l’ordre du pape Zozime, pâque tombait le 25 mars,  la fontaine demeura immobile et sans eau.  Et ce n’est que le 23 avril qu’elle s’est remplie.  Ce qui a fait penser que les occidentaux erraient dans la détermination de la fête de pâque.  Ce miracle serait arrivé l’an du Seigneur 573, écrit Sigebert dans sa chronique.  Il a noté aussi que, la même année, les fonts baptismaux,  en Espagne, se sont miraculeusement remplis  au sabbat de la vraie pâque, que les Gaulois observaient alors correctement,  les Espagnols, incorrectement.  Or, il est certain que si la chose était indifférente,  le Seigneur n’aurait jamais démontré par un tel miracle qu’une erreur avait été commise.
Les magdebourgeois (centurie, 5, chapitre 6, colonne 692), disent que ce ne sont que des fables et des illusions ce que Paschase  rapporte.  Et pourtant, ce Paschase  fut un évêque très célèbre, qui présida, au nom de saint Léon, le concile de Calcédoine,  formé de 639 évêques.  Ce qu’il a rapporté c’est une chose qu’il connaissait très bien,  qui était arrivé de son temps,  et dans un lieu tout proche.   Et cette chose, c’est au pape Léon qu’il l’a racontée, lui qui n’a jamais pris pour un miracle les fables et les mirages.
La dernière erreur est celle dans laquelle plusieurs tombent, tout en le sachant et s’en prémunissant, mais malgré eux.  Car, il faut savoir que le concile de Nicée a établi trois règles pour trouver le jour de pâque.  La première, que pâque se trouve toujours après le 21 mars, jour de l’équinoxe du printemps, car  pâque doit être célébré après l’équinoxe.  La deuxième.  Qu’après le 20 mars, on attende le quatorze de la lune, et que c’est après ce jour qu’on cherche pâque.  Car pâque doit se trouver à la troisième semaine de la lune,  c’est-à-dire du 14 au 22 exclusivement.  Et, pour trouver la lune, ils ont composé le cycle du nombre d’or.  Car, à chaque endroit où, dans le calendrier,  se trouve le nombre d’or de cette année, là est la nouvelle lune.  La troisième règle fut que, après le 14 de la lune, et après le vingtième jour de mars, on attendrait le jour du dimanche,  qui serait lui le jour de pâque.
Ces règles, à cette époque, et dans les années qui suivirent,  furent excellentes pour beaucoup.   Car, alors, l’équinoxe du 21 mars et le nombre d’or indiquaient vraiment le jour de la nouvelle lune.  Or, depuis un grand nombre de siècles, l’expérience enseigne que l’équinoxe n’est pas fixe,  qu’elle n’a pas toujours lieu le 21 mars, mais qu’elle anticipe souvent, car elle a lieu maintenant le 10 mars.  L’expérience enseigne aussi que le nombre d’or n’indique plus fidèlement la nouvelle lune.  Elle a lieu, en effet, maintenant, quatre jours avant le nombre d’or.   Nous en déduisons donc qu’au temps du concile de Nicée,  on n’avait pas observé avec exactitude le mouvement du soleil et le mouvement de la lune.  Mais l’église continue d’observer ces règles antiques, et elle est ainsi très souvent forcée d’errer, même sans le vouloir.  Ainsi, l’an passé, pâque, en 1579, a été célébré le 19 avril, alors qu’il aurait du être célébré le 15 mars.

CHAPITRE 13 : La pentecôte
Les magdebourgeois (centurie 2, chapitre 6, colonne 119), ne disent pas seulement que les apôtres n’ont fait aucune loi au sujet des fêtes, mais ils ajoutent que, dans les premiers siècles, on ne lit rien de précis sur aucune fête, sauf sur celle de pâque.   Mais que cela est très faux, nous l’enseigne l’antiquité de la pentecôte.  Car, tout d’abord, saint Paul se souvient de cette fête dans la première épitre aux Corinthiens, chapitre XV1 : « Je demeurerai à Éphèse jusqu’à la pentecôte. »  Et aux Actes XX, saint Luc dit de saint Paul : « Il se hâtait pour pouvoir, autant que  possible, célébrer la pentecôte à Jérusalem. »  Et bien qu’il ne soit pas absolument certain s’il s’agissait de la pentecôte des Juifs ou de celle des chrétiens,  Épiphane (dans hérésie 75) y voir la pentecôte des chrétiens.  De plus, des auteurs très anciens font mention de cette fête.  Saint Clément (livre 5, chapitre 21 des constitutions).  Saint Irénée d’après Justin question 115,  Tertullien (livre de la couronne du soldat), Origène (livre V111 contre Celse), saint Hilaire (préface sur les psaumes),  Theophile (livre pascal 1), saint Jérôme (épitre à Marcellus sur les erreurs de Montan, et à Galates, chapitre 1V), saint  Grégoire de Naziance, saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, Maxime, Léon, et d’autres, qui ont écrit des sermons sur cette fête.  Ensuite, saint Augustin  (épitre 118), dit que, sans aucun doute, les fêtes de la passion, de la résurrection, et de l’ascension du Seigneur, de la pentecôte et les autres qui sont célébrées dans toute l’Église, viennent des apôtres ou des conciles généraux.  Or, il appert qu’elles n’ont pas été instituées dans des conciles généraux, car on trouve mention d’elles dans  Clément, Justin, Tertullien et Origène, qui sont venus avant tous les conciles généraux.
Une grave difficulté se présente. Agit-on correctement en célébrant la pentecôte le cinquième jour après la résurrection ?  Car, il est certain qu’on célèbre cette fête à cause de l’avènement de l’Esprit Saint, comme saint Jérôme le dit (chapitre 1V des Galates), et les autres pères cités plus haut.  Or, il semble que l’Esprit Saint soit venu le quarantième jour ou avant le quarantième jour après la résurrection du Seigneur, et donc, pas un dimanche, mais un samedi, un vendredi, ou un jeudi.  Car, comme nous l’avons dans les Actes 11, l’Esprit saint est venu « pour compléter les jours de la pentecôte », c’est-à-dire le jour même de la pentecôte des Juifs.  Car, on ne peut pas comprendre que Luc parle ici d’une autre pentecôte.
 La pentecôte des Juifs était ou bien  la fête de la loi donnée sur le mont Sinaï, comme le dit saint Augustin (épitre 119, chapitre 16) ou bien la fête des semaines, comme le veut saint Jérôme (chapitre 1V des Galates),  ou bien les deux ensemble.  Or, avant la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, aucune ne semble être tombée un dimanche, car la fête du don de la loi  se célébrait le troisième jour du troisième mois (Exode X1X).  Saint Augustin en a déduit que les cinquante jours étaient comptés depuis la pâque des Juifs, c’est-à-dire depuis le quatorzième jour du premier mois inclusivement.  Or, à l’année de la passion du Christ, ce jour de pâque  tomba un jeudi.  Donc la pentecôte était déjà complétée le jeudi, trois jours donc avant notre dimanche de la pentecôte.
Ensuite, la fête des semaines, qui s’appelait plus justement pentecôte,  commençait à compter à partir du deuxième jour des azymes, comme on le voit dans le livre du Lévitique (chapitre 23) où il est prescrit qu’à l’autre jour du sabbat, on offre des prémisses.  Et ensuite, on nomme sept semaines qui forment 49 jours avec en plus le jour suivant, ce qui fait  qu’au cinquantième jour, ils célèbrent la fête.  De plus, en cet endroit, par le nom de sabbat on entend le premier jour des azymes, qui était un jour solennel, et qu’on appelait du terme générique de sabbat, comme l’expliquent Liranus, Abulensis, Cajetan  dans son commentaire de ce passage,  et Joseph (dans le livre 111 des antiquités, chapitre 13).  Donc, comme au temps de la passion du Christ, le premier jour des azymes fut  un vendredi, si après lui, exclusivement, nous comptons cinquante jours, nous trouvons que la pentecôte (ou les cinquante jours)  a été complétée un samedi, non un dimanche.
 Quelqu’un ne peut pas s’en tirer en disant que le Saint esprit n’est pas advenu un dimanche, qui est le cinquantième jour après la résurrection du Seigneur,  mais que c’est l’Église qui a voulu célébrer la mémoire de cet évènement un dimanche.  Car Clément (livre 4, chapitre 21 des constitutions), Theophylus (livre pascal 1),  saint Augustin (épitre 119), saint Léon (sermon sur la pentecôte), et d’autres, enseignent que c’est vraiment dix jours après l’ascension, et cinquante jours après la résurrection que le Saint-Esprit est venu.
Cette porte de sortie étant fermée, je réponds que la fête des semaines  et la fête du don de la loi ancienne, furent une seule et même chose; et qu’on avait coutume de la célébrer tantôt en mémoire du don de la loi ancienne, et comme une figure de la loi nouvelle donnée par l’avènement du Saint Esprit, tantôt aussi en action de grâce pour la collecte des fruits.  Et c’est cette fête unique, qui l’année de la passion du Christ, tombait un dimanche, qui fut le cinquantième jour après la résurrection du Christ.
Pour bien faire comprendre toutes ces choses, il y a deux textes à regarder de prés : Exode X1X et Lévitique XX111.  Au sujet du premier texte, il faut savoir qu’on ne peut pas savoir, avec évidence, de l’Écriture,  à quel jour la loi ancienne a été donnée. Car l’Écriture dit que Moïse est venu avec le peuple dans le désert du Sinaï le troisième mois de la sortie d’Égypte.  Et nous ne savons pas, non plus,  comment nommer les trois jours dont on dit : « Soyez prêts pour le troisième jour. »
Je trouve quatre explications.  La première est celle de saint Augustin (épitre 119, chapitre 16, et question 70 sur l’Exode).  Il dit que le peuple est arrivé dans le désert du Sinaï le premier jour du troisième mois :   que c’est au troisième jour que la loi a été donnée, et que ce jour était le cinquantième jour  après la première pâque.  On peut faire à cette interprétation les objections suivantes.   Si nous calculons ainsi, la fête de la loi ne coïncide pas avec la fête des semaines, celle qu’on appelle proprement fête de la pentecôte.  Car la fête de la pentecôte est le cinquantième jour depuis la fête des azymes, non de la fête de pâque.  Et, cependant, ces deux fêtes doivent coïncider, ou il n’y aura tout simplement pas de fête du don de la loi, ce qui est absurde, et contraire à saint Augustin,  qui veut que la fête de la pentecôte  soit cette fête du don de la loi.
Deuxièmement, on ne répond pas à notre première difficulté.   Car, si la loi est donnée le cinquantième jour après la pâque des Juifs, et si c’est en ce jour que se trouve la fête de la pentecôte, et c’est au jour de la pentecôte qu’est venu le Saint-Esprit, le Saint-Esprit n’est pas venu un dimanche, mais un jeudi.  Troisièmement.  Saint Augustin ne semble pas compter correctement.  Car il prélève du premier mois dix-sept jours, du second mois, trente jours, et du troisième mois trois jours, et c’est de cette façon qu’il aboutit à cinquante.  Or, il n’a pas pu prélever du premier mois dix-sept jours, et du second trente jours, car les mois lunaires, comme étaient ceux des Juifs, n’ont pas tous trente jours, mais alternativement  trente et  vingt-neuf jours.  Saint Augustin aurait donc du prélever du premier mois dix-sept jours, et du second vingt-neuf jours; ou du premier mois seize jours, et du second trente.  Ajoutons que Moïse ne dit pas « au troisième mois de pâque », mais « au troisième mois de la sortie d’Égypte. » Or, la sortie n’a pas eu lieu le quatorzième jour, mais le quinzième (Nombres XXX111).
Quatrièmement.  Si la loi a été donnée le troisième jour du troisième mois, il aurait fallu que, le premier jour du mois, on fasse plus de choses qu’il soit possible de faire en un seul jour.  Car, d’abord, on dit que les fils d’Israël sont arrivés dans le désert du Sinaï le troisième mois.  Il faut donc convenir qu’au moins une partie de ce premier jour s’est déroulée  pendant la marche.  Ensuite, ils arrivèrent là,  ils dressèrent leurs tentes, ce qui prit un certain temps, puisqu’ils étaient plusieurs milliers.  Ensuite, après qu’ils eurent dressé leurs tentes, Moïse gravit la montagne Sinaï, qui était très haute, parla à Dieu, descendit, convoqua les plus grands par la naissance, leur fit un discours à eux, et ensuite à tout le peuple.  Il monta de nouveau dans la montagne, descendit de nouveau,  et, parlant au peuple, il leur dit de laver leurs vêtements. « Après qu’ils eurent lavé leurs vêtements, dit l’Écriture, Moïse leur dit : « Soyez prêts pour le troisième jour ! »  Qui peut croire que, le même jour, les tentes ont été dressées, Moïse est monté et descendu deux fois de la montagne, a parlé deux fois au peuple ?  Or, si cela n’est pas croyable, on peut difficilement défendre l’explication de saint Augustin.
L’autre explication est celle de Rupert et d’Abulensis, dans leurs commentaires  d’Exode X1X.  Ils disent que la loi a été donnée le troisième jour du troisième mois, mais que ce jour n’est pas le cinquantième, comme le pensait saint Augustin, mais le quarante-neuvième jour depuis pâque;  et que la pentecôte n’est pas célébrée à cause du don de la loi,  mais à cause de l’alliance nouée entre Dieu et le peuple, qui a été faite le quatrième jour du troisième mois, comme il est dit dans Exode XX1V.  Cette explication plait beaucoup moins que la première, car, contre elle, valent les arguments déjà faits, à l’exception du troisième.  Et de plus, périra la très belle figure de notre pâque qu’Augustin, Léon et les autres reconnaissent, à savoir que c’est à la pentecôte des Juifs qu’a été la fête du don de la loi ancienne, et à notre pentecôte qu’est la fête du don de la nouvelle loi.   La troisième explication est celle de Cajetan.  Il dit que Moïse est venu dans le désert du Sinaï le premier jour du troisième mois; que la loi a été donnée le sixième jour de ce mois,  qui fut le cinquantième à partir du second jour des azymes inclusivement.  Et c’est de cette manière qu’il fait coïncider cette fête avec la fête des semaines, pour que tout soit cohérent.
La quatrième explication est celle du rabbi Salomon et de Lyre.  Ils disent que Moïse est arrivé dans le désert du Sinaï le troisième jour du troisième mois, et que c’est donc quatrième jour que Moïse a dit : « Soyez prêts pour le troisième jour. Et que c’est donc le sixième jour que la loi a été donnée.  Cette explication rejoint celle de Cajetan quant au jour de la date de la loi,  ce qui était la question principale.  Elle semble plus conforme à la lettre,  car c’est ce qu’a le texte : « Au troisième mois de la sortie des fils d’Israël de l’Égypte,  ils vinrent en ce jour dans le désert du Sinaï. »  Ce «  ce jour » semble se rapporter au chiffre déjà nommé,  c’est-à-dire le troisième.  Le sens serait donc : « le troisième mois,  et au jour du même chiffre, c’est-à-dire le troisième ».  Bien qu’on puisse assez commodément référer ce « en ce jour »  au début du mois, pour que le sens soit : au troisième mois,  en ce jour, c’est-à-dire en ce début du mois, il demeure donc que c’est au  sixième jour du troisième mois que la loi a été donnée,  que le peuple d’Israël est arrivé au désert du Sinaï le premier jour ou le troisième.
Quant au deuxième texte, celui du Lévitique XX111, il y a deux explications.  La première est celle de Isichius et de Rupert, dans leurs commentaires de ce passage.  Par l’autre jour du sabbat, ils veulent entendre le premier sabbat, c’est-à-dire le dimanche qui suit immédiatement le sabbat.  Et le sens de la loi serait le suivant.  On compterait le jour de la pentecôte à partir du premier dimanche  qui vient après la fête de pâque.  Cette explication, si elle vraie, nous plairait grandement.  Car, de cette façon la pentecôte des Juifs tomberait toujours le jour de dimanche, et parce que, l’année de la passion du Christ, le premier dimanche après la pâque des Juifs a été le démanche de la résurrection.  Donc, en cette année, le jour de la pentecôte était nécessairement le cinquantième jour après la résurrection du Christ.
L’autre opinion est celle de Lyre, de Cajetan, d’Abulensis, de tous les rabbis, et de Joseph lui-même (livre 3, chapitre 13 des antiquiités).  Par l’autre jour du sabbat, ils entendent  le premier jour après la fête des azymes. Et, avec raison, l’autorité de Joseph m’impressionne fortement.  Car il  savait comment la loi était pratiquée,  étant lui-même un prêtre qui vivait à Jérusalem quand cette loi était encore observée.  Mais si on admet comme vraie cette interprétation, il s’ensuit que, en l’an de la passion du Christ,  le jour de la pentecôte a commencé à être compté à partir du sabbat, car, cette année-là, le sabbat  arrivait peu après la fête des azymes.  Il s’ensuivrait donc que les cinquante jours de la pentecôte se termineraient un sabbat.
Pourquoi  donc célébrons-nous la pentecôte le dimanche ?  Rupert répond que,  même si on admet cette interprétation, la pentecôte ne pourra ni commencer ni se terminer un sabbat, car les Juifs avaient la coutume de ne jamais célébrer deux fêtes deux jours de suite.  Et c’est pourquoi, quand le jour des azymes tombait un vendredi, les Juifs avaient coutume de reporter ce jour au suivant.  Et quand , il tombait un sabbat,  de célébrer ensemble la fête du sabbat et celle des azymes.  Or, dans l’année de la passion du Seigneur,  le premier jour des azymes a été célébré par les Juifs  non le vendredi, mais le sabbat.  Et, par conséquent, on a commencé à compter les cinquante jours de la pentecôte le jour suivant, qui fut un dimanche.  Mais  cette explication a été souvent réfutée, et je  n’a pas le temps de la discuter ici.
Je vais pourtant donner mon opinion personnelle.  Même si je  ne peux me réclamer d’aucune autorité,  je pense qu’elle ne sera pas si facile que cela à réfuter, car elle semble être fondée sur une raison certaine.  Je dis donc qu’on commence ordinairement à compter les cinquante jours de la pentecôte à partir du second jour des azymes; qu’alors on commençait à les compter le troisième jour des azymes, et que personne ne peut contester cela.   Car, la raison pour laquelle ces cinquante jours ne commençaient pas à être comptés à partir du premier jour des azymes, mais à partir du second,  est qu’il fallait, en ce jour, faire beaucoup d’œuvres serviles qui étaient interdites un jour de fête.  Il fallait aller cueillir une gerbe de  blé,  la faire sécher,  et l’apporter au prêtre.  Toutes ces choses étaient plus prohibées le jour du sabbat qu’au premier jour des azymes.  Il n’était donc pas permis, quand ce jour était un sabbat,  de commencer  à compter  pendant le second jour des azymes.
Et je pense que c’est la raison pour laquelle l’Écriture a dit  l’autre jour du sabbat, et non l’autre jour de pâque, ou des azymes, car il a voulu inclure en général les fêtes qui arrivaient immédiatement après pâque,  qu’il y en ait une ou plusieurs.  Donc ce « autre jour du sabbat » signifie le premier jour profane après la fête de pâque.  Et, parce que, la plupart du temps, aucune fête ne se présentait après pâque, si ce n’est au premier jour des  azymes, Joseph ne s’est donc pas mal exprimé en parlant de ce qui arrivait la plupart du temps, en écrivant que la pentecôte commençait le seize de la lune, même si, en l’année de la passion du Christ,  il a commencé le dix-septième de la lune, car le sabbat a été le dix-huitième de la lune.  Si cette année-là les jours de la pentecôte ont commencés à être comptés le seize de la lune, qui était un dimanche, il s’ensuit que les cinquante jours de la pentecôte ont été complétés un dimanche.  Et c’est ce que l’on cherchait.

CHAPITRE 14 : La septuagésime et les dimanches suivants

Nous avons déjà traité de la septuagésime qui est célébrée après pâques.  Parlons maintenant brièvement de celle qui est célébrée avant pâque.  De la septuagésime, de la sexagésime et de la quinquagésime je ne trouve par de mention avant l’époque de saint Grégoire le grand.  Mais, dans l’antiphonaire et dans le sacramentaire de Grégoire, sont notés expressément les offices de ces dimanches;  et plusieurs auteurs postérieurs en parlent. Bède (dans son opuscule sur les offices divins), Alcuin (dans son livre sur le même sujet), Amalarius (livre 1, chapitre 1, sur les offices ecclésiastiques), Raban (livre 2, chapitre 34, sur les institutions des clercs),  Yvon (dans son sermon sur la septuagésime), Rupert (livre 4, chapitre 1, sur les divins offices), saint Bernard (dans son sermon sur la septuagésime).
La raison pour laquelle ces noms ont été donnés n’est pas  la même pour tous.  Bède et Alcuin disent que certains ont ajouté une semaine au jeûne quadragésimal, et que c’est pour cela qu’on l’appelle quinquagésime.  D’autres en ont ajouté encore une autre, parce qu’ils ne voulaient pas jeûner le jeudi, mais désiraient quand même conserver le nombre de jours en entier.  Ils ont donc ajouté une semaine à la quinquagésime,  et cette nouvelle semaine s’est appelée sexagésime.  D’autres, ensuite, qui ne voulaient jeûner ni le jeudi ni le samedi, ont ajouté une autre semaine qu’ils ont appelée septuagésime.
Mais cette explication est fort improbable.   Car, il n’est pas vraisemblable, que, à cause de l’abus d’un petit groupe qui ne jeûnaient ni le jeudi ni le samedi, l’Église ait  institué des jours aussi solennels.   Et, de plus, nous ne trouvons pas de mention de ces dimanches avant l’époque de saint Grégoire, quand cet abus était déjà disparu.
D’autres veulent que la septuagésime soit appelée ainsi en raison du nombre de jours, car de ce dimanche au sabbat in albis, on compte soixante-dix jours.  On dit sexagésime parce qu’il y a soixante jours du dimanche jusqu’à la férie après pâque.  On dit quinquagésime, parce que de là à pâque, il y a cinquante jours.  Mais cette opinion est de peu de valeur,  car, ainsi, tous les dimanches pourraient être appelés septuagésime,  si nous ne faisons que compter 70 jours sans fixer de terme. Ajoutons que, par 70 jours, ces auteurs veulent signifier la captivité spirituelle sous le pouvoir de Satan,  dont le type fut la captivité de Babylone pendant 70 ans. Mais il y a-t-il rien de plus absurde que d’inclure parmi les jours de captivité, la résurrection du Christ, qui est le jour de la parfaite liberté ?
 D’autres, plus prudents, disent que ces dimanches sont comptés à partir de pâque,  mais par synecdoque.   Car, de la septuagésime jusqu’à pâque, il y a environ 70 jours, c’est-à-dire 64.  De la sexagésime jusqu’à pâque, il y a environ 60 jours, c’est-à-dire 57.  De la quinquagésime à pâque, il y a 50 jours.  Mais cette opinion semble défectueuse dans le cas de la septuagésime, car on  devrait appeler les 64 jours sexagésime, plutôt que septuagésime.
Il reste donc l’opinion de Rupert, que je pense être la plus vraie.  Ces noms n’ont pas été tirés d’un nombre de jours, mais d’un nombre de dimanches.   Car, l’Église a voulu faire précéder le dimanche de la passion de sept dimanches solennels, qui nous rappelleraient notre captivité spirituelle, comme elle commémore la rédemption de la captivité,  par le dimanche de la passion et le suivant.   Voilà pourquoi le premier dimanche des sept est septuagésime : parce qu’il est le premier de sept.  Il est dit sexagésime parce qu’il est le premier de six, et quinquagésime, parce qu’il est le premier des cinq suivants.  Le quatrième est appelé quarantième pour la même raison.  La seconde du carême est appelé cinquième. La troisième du carême est appelée sixième, la quatrième semaine du carême est appelée septième.  Ensuite, on ne dit pas la cinquième du carême, mais le dimanche de la passion.  Et voilà pourquoi, au dimanche de la septuagésime, qui commémore la captivité, on lit à l’office  le péché du premier homme raconté au début de la Genèse,  on omet tous les cantiques joyeux, et on commence  la messe par : « Les douleurs de la mort m’ont entouré, les périls de l’enfer m’ont trouvé. »  Et, au dimanche de la passion, nous commençons par : les étendards du roi se portent à la rencontre de l’ennemi.
Des dimanches du carême et de la passion, il est souvent fait mention par tous les pères.   Mais de cela nous débattrons dans la controverse sur le jeûne. Entre temps, voir Épiphane (dans la somme de sa doctrine), qui se trouve à la fin de ses livres sur les hérésies, Theophyle, (dans les épitres sur pâque),  Cassien (conférence XX1) et saint Augustin (épitre 118)

                                     CHAPITRE 15 : Les autres fêtes du Seigneur
Saint Clément se souvient de la naissance du Sauveur (au livre 5, chapitre 13), saint Jean Chrysostome (sermon sur saint Philogonius, saint Ambroise (livre 3, au début, sur les vierges), saint Basile, saint Grégoire de Naziance,  Maxime, saint Augustin, saint Léon, et les autres dont les sermons sur Noël sont conservés.  La fête de la circoncision est assez récente, car non seulement les anciens n’ont gardé aucun souvenir de cette fête, mais des auteurs comme Isidore de Séville, Micrologus, Raban, Walfridus Strabo, qui décrivirent les offices de toutes les fêtes, parlent, il est vrai d’un office pour l’octave de la naissance du Seigneur, mais non sous le nom de circoncision.  Saint Bernard, toutefois, et avant lui,  Yvon le chartreux, ont des sermons sur la fête de la circoncision.
Saint Jean Chrysostome se souvient de l’épiphanie dans son sermon sur saint Philogonius, saint Grégoire de Naziance, dans son sermon sur les saintes lumières,  Maxime, Augustin, et  Léo, et d’autres auteurs plus récents.  Cassien précise (dans sa conférence X, chapitre 2) qu’en Égypte, on célébrait Noël et l’épiphanie le même jour, tandis que, dans les églises occidentales, ces fêtes étaient séparées.  Du dimanche in albis saint Clément se souvient (livre 5, chapitre 20), Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le nouveau dimanche), et saint Augustin (sermon 1 sur les octaves de pâque). Et il se souvient (dans le sermon 1) de l’octave de pâque, et (au livre XX11, chapitre 8 de la cité de Dieu) des trois jours de la passion.
La fête de l’ascension est très ancienne, et elle a été instituée  par les apôtres, comme l’enseigne saint Clément, (livre 5, chapitre 20 des constitutions apostoliques), et saint Augustin (épitre 118).  Nous avons conservé des sermons de saint Grégoire de Nysse, de saint Léon et d’autres sur cette fête.   La fête de la trinité est récente.  Car ( au canon quoniam, sur les féeries), Alexandre 111 dit  que, de son temps, quelques églises la célébrèrent, mais pas Rome.  Micrologue (dans son livre sur l’observation des fêtes, chapitre 60) réprouve ceux qui célèbrent cette fête.
Et pour que personne ne lui objecte que cette fête semble ancienne parce que la préface de la trinité est une des neuf  que Pélage 11 a ordonné de préserver en raison de leur antiquité, il fait remarquer que, étant chantée à tous les dimanches, cette préface n’est pas propre à la trinité.  Mais, plus tard, cette fête  a été reçue même à Rome,  et à l’octave de la pentecôte,  pour rendre grâce à Dieu sur toute la terre d’une façon toute spéciale pour le mystère de la trinité déclaré par les apôtres.
Il appert que la fête du corps du Christ a été instituée par Urbain 1V, après l’an du Seigneur 1200, fête que tous les luthériens et tous les calvinistes haïssent sans raison.  Car, même si le Christ n’était pas vraiment présent dans l’eucharistie, (comme le disent les calvinistes),  ou ne devrait pas y être adoré (comme le disent les luthériens), il serait quand même juste d’avoir un jour  où on se rappelle l’institution de ce sacrement, que même les luthériens et les calvinistes considèrent comme le plus grand des sacrements. La fête de la transfiguration du Seigneur semble antique, car nous avons d’elle des sermons de saint Léon, de saint Cyrille d’Alexandrie, d’André de Crête,  d’après Surius.

CHAPITRE 16 : Les fêtes des saints

Les fêtes des saints ne sont pas peu haïes par nos adversaires.  D’abord, parce qu’elles semblent sentir l’idolâtrie,  car, sanctifier le sabbat est un précepte de la première table, et appartient donc au culte de Dieu.  Parce que quelques-unes ont un faux fondement, comme la fête de la conception de Marie, que même saint Bernard a réprouvée dans son épitre 164 aux chanoines de Lyon.  Il explique, dans cette lettre, que la fête de la conception de Marie sent l’erreur et la superstition, car, en elle, ou on honore le péché sans lequel cette conception n’aurait pas eu lieu, ou on suppose une fausse sainteté.   Et de plus, il n’est pas certain, même pour nous, que la sainte vierge ait été conçue sans la tache du péché originel, car l’église permet l’une ou l’autre opinion.  Il est donc douteux que cette fête soit célébrée correctement.
Troisièmement.  Il y plusieurs fêtes mariales nouvelles qu’on ne trouve pas avant le temps de Justinien.  Quatrièmement.  Plusieurs ont été instituées par des empereurs.  En effet, la fête de la purification a été instituée par Justinien, comme le rapportent Paul diacre (livre 16 sur les choses romaines), et Nicéphore (livre 17, chapitre 28).  La fête de l’assomption a été instituée par l’empereur Maurice qui vint après Justinien, comme le rapporte aussi Nicéphore au même endroit. L’abus de ces fêtes a été si grand que des jours de fête ont été institués par des empereurs qui n’étaient pas saints, comme Justinien, ainsi que le rapporte Nicéphore (livre XV11, chapitre 31).   Voilà quelles sont les objections de Tilmann Heshusius (dans son livre sur les erreurs des papes, titre 26) et des magdebourgeois (centurie 6, chapitre 6, colonne 342, 343, 344).
Néanmoins, qu’il soit pieux et bon de célébrer les fêtes des saints nous le démontrerons facilement par l’autorité et la raison.   L’autorité est celle de toute l’église catholique, qui a observé cela en tout temps.  Et pour commencer par les cinq premiers siècles,  au tout premier siècle, c’est-à-dire au temps des apôtres, nous avons saint Clément (livre 8, chapitre 38 des constitutions apostoliques) qui ordonne de célébrer les fêtes des apôtres et des martyrs.  Au deuxième siècle, nous avons le témoignage de l’église de Smyrne, dont Eusèbe nous présente la lettre (livre 4, chapitre 15 de son histoire) dans laquelle on lit ces mots : « Dans ce lieu, encore maintenant,  avec la grâce de Dieu, nous tenons des assemblées solennelles et officielles  surtout au jour de la passion.  Mais, dans nos célébrations, nous faisons  aussi mémoire de ceux qui ont souffert au début,  pour que, par leurs exemples insignes,  les âmes de leurs successeurs soient incitées  à suivre la voie de leurs prédécesseurs. »
Au troisième siècle, Origène (dans son homélie sur divers textes de l’Écriture),  dit que c’est à bon droit que l’Église célèbre la fête des saints innocents, parce qu’ils furent les prémices des martyrs.   De même, Tertullien (dans son livre sur la couronne des soldats) déclare que c’est une des anciennes traditions  de faire des oblations annuelles pour les naissances (au ciel).  Et, plus clairement, saint Cyprien (livre 3, épitre 6) écrit : « Prenez en note les jours de ceux qui sont morts pour que nous puissions faire leur commémoration au milieu des mémoires des martyrs. »  Et (dans le livre 4, épitre 5) : « Comme vous vous en souvenez, nous offrons des sacrifices pour eux à toutes les fois que nous célébrons, en faisant mémoire d’eux, les passions des martyrs et leurs jours anniversaires. »  Au quatrième siècle, saint Basile (dans son sermon sur le martyr Gordius), saint Grégoire de Nysse (dans son sermon sur le martyr Theodore), saint Grégoire de Naziance (dans son sermon 1 sur Julien, un peu avant le milieu), saint Ambroise (sermons 66, 77, 78) et saint Jérôme (chapitre 4 de la lettre aux Galates, et dans son épitre 19 à Eustochius), Prudence (dans son hymne sur les saints Pierre et Paul), tous ces docteurs se souviennent ouvertement des jours de fête institués à la mémoire et en honneur des saints.
Au cinquième siècle, saint Jean Chrysostome (homélie 66 au peuple), Theodoret (livre 8 sur les martyrs), saint Augustin (psaumes 63 et 88, et ailleurs), saint Paulin (au deuxième et au troisième anniversaire de la naissance au ciel de saint Félix).  À ces auteurs, on peut ajouter saint Léon, saint Grégoire, saint Bède et tous ceux qui sont venus après, dont les livres sont pleins de ces sortes de témoignages.
On le prouve ensuite avec les anciens conciles de diverses églises.   Le concile de Laodicée en Orient a été célébré avant l’an 1200.  Au canon 51, il interdit  « de célébrer les fêtes des saints pendant le carême ». Il est facile d’en déduire que, en dehors du carême, les fêtes des saints avaient coutume d’être célébrées dans cette église.  Le concile de Carthage 111, canon 47, avant les années 1100 : « Qu’il soit permis de lire les passions des martyrs, quand sont célébrés leurs jours anniversaires. » Le concile de Tolède 3 en Espagne, ordonne, au canon 23, que les jours de fête des saints,  le peuple ne s’adonne pas à des danses honteuses. » Le concile de Lyon, en Gaule, que nous avons au canon pronunciandum, (dist 3), énumère, parmi les fêtes de l’église, la fête des saints apôtres, l’assomption, la naissance de la sainte Vierge, les fêtes de saint Sylvestre, de saint Martin et d’autres.  De même, en Allemagne, nous avons le concile de Moguntinensis, chapitre 36.
On le prouve enfin par une raison qui est fondée sur les Écritures.  Les fêtes ont été correctement instituées  pour faire rappeler les bienfaits divins, comme nous montrent les fêtes du sabbat et des sorts, chez les Juifs, et les fêtes du Seigneur chez les chrétiens.  Voilà pourquoi saint Augustin (livre 10, chapitre 4 de la cité de Dieu) écrit : « Aux solennités des bienfaits de Dieu,  aux fêtes et aux jours statués, nous rappelons et nous consacrons leur mémoire  pour qu’elle ne soit pas ensevelie, au cours des ans, par un oubli ingrat. »  Or, ce n’est pas un petit bienfait de Dieu la persévérance finale d’un saint, et surtout des martyrs.  Car, est donné, par là, à toute l’église militante, un exemple  de force, et un nouveau patron auprès de Dieu.  Est donnée aussi à toute l’Église triomphante la joie nouvelle de l’arrivée d’un nouveau citoyen céleste.  Et c’est aussi un nouveau et parfait triomphe sur le diable.
On confirme.  Car, toutes les raisons pour lesquelles  les hommes, même profanes, célèbrent les jours de fête, sont présentes dans la mort des saints.  Car les hommes célèbrent des fêtes pour le jour de naissance des princes. Aussi, pour l’élévation de quelqu’un à une dignité,  enfin pour une victoire remportée.  Or, quand les saints meurent, ils naissent véritablement, et ce sont des princes célestes qui naissent.  C’est pour cela que l’Église appelle le jour de leur mort le jour de leur naissance.  De plus, ils sont élevés à la plus grande dignité qui puisse être conférée à des hommes, c’est-à-dire à la béatitude éternelle. Enfin, ils remportent une victoire parfaite sur le diable, et célèbrent leur triomphe..
Les objections de nos adversaires ne détruisent pas grand-chose.  Au sujet de l’idolâtrie, je dis que les fêtes des saints sont dédiées  à Dieu, mais en mémoire des saints, comme les temples consacrés à Dieu,  en mémoire des saints.  Je dis ensuite que l’honneur des jours des saints appartient aussi, immédiatement et ultimement, aux saints, comme nous l’avons dit des basiliques, des vœux, et de l’invocation des saints.  Mais cet honneur nous disons qu’il est un culte de dulie, non de latrie, et donc un culte de religion.  De religion, non en tant que le nom d’une vertu spéciale, qui dispose bien l’homme au culte divin, mais en tant que nom général.
Au sujet de la fête de la conception, qui aurait un faux fondement,  je dis d’abord que la plus grande partie de l’église croit que la Vierge a été conçue sans le péché originel, ce que, parmi les adversaires, admettent Luther et Érasme : le premier, dans son sermon sur la fête de la conception, l’autre, dans son apologie à Albert pieux carpensem.  Je dis ensuite que le fondement principal de cette fête n’est pas la conception immaculée, mais la conception de la mère future de Dieu.  Quelle qu’ait été cette conception, par le fait même que cette conception fut celle de la mère de Dieu, son souvenir apporte au monde une joie singulière.  Car, alors, nous avons le premier gage de notre rédemption, surtout parce qu’elle a été conçue, non sans miracle, d’une mère stérile.  C’est pourquoi, cette fête est célébrée même par ceux qui pensent qu’elle  a été conçue dans le péché.
Tu diras  qu’on pourrait, alors célébrer aussi  la conception de saint Jean-Baptiste.  Je réponds qu’on le pourrait vraiment, comme les Grecs le font.  Car, le 23 septembre du calendrier des Grecs, est annotée la fête de la conception de Jean Baptiste.  Mais il n’a pas semblé bon à l’église latine d’augmenter  de cette façon  le nombre des fêtes.  Et de plus, il y a une grande différence entre la mère de Dieu et le précurseur de Dieu, et entre la conception de l’une et de l’autre.   Car, c’est parce que la majorité des chrétiens croient pieusement en la conception immaculée de la Vierge Marie que l’Église eut l’occasion d’instituer la fête de la conception.  Or, cette occasion ne s’est évidemment pas présentée dans le cas de saint Jean Baptiste.
 De plus, la position de saint Bernard nous favorise car il blâme les chanoines  de Lyon d’avoir institué une nouvelle fête de l’Église sans l’exemple ou sans un précepte de l’Église de Rome.  Si donc saint Bernard voyait  que la fête est célébrée par l’autorité de l’église romaine, il la célèbrerait de grand cœur.  Au sujet de la prière de saint Bernard, je dis que nous n’honorons pas le péché et que nous ne supposons pas une fausse sainteté,  même si Marie  avait été conçue dans le péché.  Ce que nous honorons c’est sa vocation de mère de Dieu, à laquelle elle était destinée dès sa conception.  Car le même saint Bernard dit au même endroit qu’on a raison de célébrer la nativité de saint Jean Baptiste, parce qu’elle a été sainte, et, cependant, il dit au même endroit, qu’il n’ose pas affirmer que la sanctification de saint Jean Baptiste dans l’utérus ait effacé le péché originel, même s’il est pieux de le croire.
On pourrait donc argumenter ainsi contre saint Bernard.   Tu célèbres la fête de la nativité de Jean, sans oser affirmer qu’il est né sans péché.  Donc, ou tu honores le péché, ou tu lui attribues une fausse sainteté.  Saint Bernard répondrait  qu’il n’honore pas le péché et qu’il ne lui attribue pas une sainteté douteuse, mais qu’il honore sa vocation de précurseur,  pour laquelle il a été sanctifié dès le sein de sa mère.  Je réponds la même chose de la conception de la sainte Vierge.  Et s’il demandait : d’où tenons-nous que la sainte Vierge a été sanctifiée dans sa conception, au moins parce qu’elle était la mère désignée de Dieu, je répondrais d’où tient-il que la sainte Vierge a été sainte dans sa nativité ?  Il déclare, au même endroit, que c’est parce que l’Église célébrait déjà la naissance de la vierge, que c’est pour cette raison qu’il ne doute pas qu’elle ait été sainte à sa naissance.  Et nous, du fait que l’Église célèbre la fête de la conception, nous ne doutons nullement que sa conception ait été sainte d’une certaine manière, au moins en raison de la tâche qui lui était confiée.
À la troisième objection,  je dis d’abord qu’il n’est pas absurde que quelques fêtes soient récentes, puisqu’il y a souvent de récents bienfaits de Dieu pour lesquels l’Église institue des fêtes; ou puisque l’occasion de les instituer est récente.  De même, au temps des Juifs, en plus de celles que Dieu avait lui-même instituées, diverses fêtes ont été inaugurées  en différents temps,  comme la fête des sorts au temps d’Esther et de Mardochée, et cette autre fête au temps de Judith, ainsi que la fête de la dédicace du temple de Salomon.  Et, beaucoup plus tard, au temps des Macchabées, cette fête très récente que le Christ lui-même a honorée (Jean X).
Je dis ensuite que les fêtes des saints sont très anciennes, comme nous l’avons déjà montré.   Nous reconnaissons, cependant, qu’on a commencé à célébrer les fêtes des  martyrs avant celles des confesseurs, et que certaines fêtes de la sainte Vierge sont récentes.  Car, la fête de la conception de la sainte vierge a commencé, en Occident,  au temps de saint Bernard, mais elle n’a pas été reçue par toute l’Église avant le décret du pontife Sixte 1V (que l’on trouve dans extravaganti, sur les reliques et la vénération des saints).  Semblablement, la fête de la visitation, dans l’église latine,  est nouvelle.  Car, elle fut instituée par le pape Urbain 1V, et confirmée par le pape Boniface 1X;  et ensuite par le concile de Bâle, à la session 43.  Mais ces deux fêtes étaient déjà présentes dans le calendrier des Grecs.  La fête de la naissance de la vierge Marie   est de loin plus ancienne.  Car, Pierre Damien a écrit trois sermons sur elle. Et, bien avant lui, saint Grégoire a, dans son antiphonaire et son sacramentaire, annoté l’office du 8 septembre, au jour de la naissance de la Vierge Marie.
La fête de l’annonciation est encore plus ancienne, car elle existait déjà au temps de saint Athanase.  Nous avons, en effet, de lui une prière à la sainte Mère de Dieu, dans laquelle il est explicitement question de cette fête.  La fête de la purification est aussi très ancienne.  Nous avons encore de cette  célébration les prières d’Amphilochius, de saint Grégoire de Nysse, de saint Jean Chrysostome, de saint Cyrille d’Alexandrie, de saint André de Crête, d’après Aloysius  Lipomanus et Laurence Surius.
 Enfin, la fête de l’assomption est aussi très antique.   Car, s’en souviennent saint Grégoire dans son antiphonaire et son sacramentaire, et avant lui saint André de Crête, dans sa prière de cette fête, qu’ont conservée Aloysius Lipomanus et Surius.  Et avant le temps de saint André, a été conservé, parmi les œuvres de saint Jérôme, un sermon remarquable sur la fête de l’assomption, que l’on attribue à saint Jérôme ou à saint Sophronius, son égal.
Et à l’objection tirée de Nicéphore et Paul diacre, je dis qu’on ne peut pas entendre leurs paroles  de la première institution de ces fêtes, et qu’ils mentent honteusement.   Car, comment Justinien aurait-il pu instituer une fête de la purification,  et Maurice une fête de l’assomption,  si ces deux fêtes ont été instituées au temps de saint Jérôme et de saint Jean Chrysostome ? N’ont-ils pas vécu deux cent ans avant Justinien ?  De plus, ces mêmes auteurs (Nicéphore et Paul diacre) disent que c’est par l’empereur Justinien que la fête de la nativité de notre Seigneur a été  instituée. Or, il appert des écrits d’Ambroise, d’Augustin, de Léon,  et d’autres qui ont vécu avant Justinien, que la fête de la nativité est beaucoup plus ancienne.   Ces empereurs ont seulement ajouté quelque chose à la célébration,  et ils l’ont peut-être prescrite par des lois civiles, pour que personne ne travaille en ces jours, bien que, par les lois de l’église, ces jours étaient déjà saints.
À la quatrième, la réponse est évidente, car ce ne sont pas les empereurs qui ont institué des fêtes religieuses, mais l’église.  Ils les ont aidées cependant et encouragées par leurs lois.  Au cinquième, je réponds que Nicéphore ne dit pas qu’un jour de fête religieuse a été institué par Justinien, mais seulement qu’à chaque année, l’évêque de Constantinople avait coutume de célébrer en sa mémoire.  Ces mots ne nous obligent pas à y voir un jour de fête quelconque, mais seulement une louange de Justinien, que l’évêque avait incorporée dans son sermon, parce que Justinien avait fait beaucoup d’œuvres pieuses très utiles à l’Église.  Ajoutons ceci en plus : qu’il s’agisse d’un jour de fête ou d’une simple louange, c’est le fait d’un seul évêque qu’on a raison de blâmer, d’autant plus que ses successeurs omirent une célébration de cette sorte.

CHAPITRE 17 : Les vigiles
La veille des grands jours, l’église avait coutume de veiller et de jeûner.  Et, dès le début,  on a toujours célébré la vigile de pâque, la nuit qui précédait la résurrection du Seigneur, comme nous le montrent saint Clément (livre 5, chapitre 19 des constitutions apostoliques), Tertullien (livre 2 à son épouse),  et Eusèbe (livre 5, chapitre 7 de son histoire ) et beaucoup d’autres.  Saint Basile se souvient des vigiles en l’honneur des saints (psaume CX1V), saint Jérôme (dans son livre contre Vigilance)  Burchardus (livre 13, chapitre 16 de ses décrets), saint Bernard (sermon sur la vigile de saint André, et sur la vigile des saints Pierre et Paul), Innocent 111 (chapitre 1 et 2 de l’observation du jeûne.)  Parce que, peu à peu, à l’occasion des vigiles nocturnes certains abus commencèrent à se manifester, et que des actions infâmes ont été commises, il a plu à l’Église d’interrompre ces rencontres nocturnes, et de ne célébrer le jeûne que les jours-mêmes.

2018 09 28 FIN
 
 

Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, 18 mars 2019.