JesusMarie.com
Le Paradis, le Ciel, la Béatitude éternelle en Dieu
Torrent de jouissances infinies et toujours nouvelles
Les mystiques parlent du Ciel
Le Ciel, article du Dictionnaire de Théologie Catholique
La Béatitude, article du Dictionnaire de Théologie Catholique

Les Mystiques parlent du Ciel

V. – CIEL

40. L’entrée d’un élu au paradis

Le Fils de Dieu, donnant à sainte Brigitte ses instructions, lui parla en ces termes d’un généreux chevalier qui avait pratiqué les vertus chrétiennes : " Quand cet ami de mon cœur fut arrivé au dernier moment de sa vie et que son âme quitta son corps, cinq légions d’anges furent envoyées au-devant de lui. On entendit alors dans le ciel des voix mélodieuses qui résonnaient purement et qui disaient : " Ô Seigneur et Père, n’est-ce pas là celui qui s’est attaché à vos volontés et qui les a parfaitement accomplies ? "Puis une voix de la part de la divinité, lui dit : " Je t’ai créé et t’ai donné le corps et l’âme. Tu es mon fils et tu as fait la volonté de ton Père. Viens donc maintenant à ton Créateur tout-puissant et à ton Père très aimant. L’héritage éternel t’est dû, puisque tu es fils et puisque tu as été obéissant. Viens donc, ô mon doux enfant, je te recevrai avec joie et bonheur. "

Une seconde voix, qui était celle de l’Homme-Dieu, lui dit : " Viens à ton frère, car je me suis offert pour toi, j’ai répandu mon sang pour l’amour de toi. Viens à moi, car tu as suivi ma volonté ; viens à moi, car tu as versé sang pour sang, tu as donné vie pour vie et mort pour mort. Donc toi qui m’as suivi, viens à ma vie, à ma joie qui ne finira jamais. "

Une troisième voix parla ainsi de la part du Saint-Esprit : " Viens, ô mon chevalier, toi qui m’as tant désiré et en qui je me suis plu à établir mon séjour. Pour les travaux de ton corps, entre dans le repos ; en retour des tribulations de ton esprit, entre dans les consolations ineffables ; en récompense de ta charité et de tes généreux combats, entre en moi-même ;
je demeurerai en toi et tu demeureras en moi. "

Ensuite les cinq légions d’anges firent résonner leur voix. La première disait : " Allons au-devant de ce généreux soldat et portons devant lui ses armes ; c’est-à-dire présentons à notre Dieu la foi qu’il a gardée sans chanceler et qu’il a défendue contre ses ennemis. "

La voix de la deuxième légion dit : " Portons devant lui son bouclier et montrons à notre Dieu sa patience ; bien qu’elle soit connue de Dieu, elle en sera plus glorieuse par notre témoignage. "

La troisième légion dit : " Allons au-devant de lui et présentons à Dieu son glaive,
c’est-à-dire l’obéissance qu’il a rendue, tant dans les choses pénibles que dans les choses faciles. "

La quatrième : " Allons et rendons témoignage à son humilité, car l’humilité précédait et suivait toutes ses bonnes œuvres. "

La cinquième voix dit : " Donnons témoignage de son désir divin ; par lequel il soupirait après Dieu. A toute heure il pensait à Lui dans cœur ; il l’avait toujours en sa bouche, toujours dans ses œuvres ; il Le désirait par-dessus toutes choses ; pour l’amour de Lui, il s’est montré comme mort au monde."

" Voilà comment mon ami vient à moi et de quel prix il est récompensé. Et bien que tous n’aient pas répandu leur sang pour l’amour de mon nom, ils recevront néanmoins les mêmes récompenses, s’ils ont la volonté de donner leur vie pour l’amour de moi quand le temps et l’occasion s’en offriront. Vois que de biens apporte la bonne volonté. " (Liv. II, ch. XI.)

41. Accueil fait par le Seigneur à l’âme glorifiée

Notre bon Seigneur, rapporte Julienne de Norwich, me dit : "Je te remercie de ce que tu as fait pour moi, et spécialement de ce que tu m’as consacré ta jeunesse." Puis Dieu me montra trois degrés de béatitude au ciel pour l’âme qui l’a servi de bon cœur :
le premier, quand le Seigneur la remercie à sa sortie du purgatoire, remerciement si élevé et si glorieux qu’elle se sent comblée et suffisamment récompensée.
Le second, c’est que toute la cour céleste en est témoin, car Dieu fait connaître à tous les élus les services qu’on Lui a rendus.
Le troisième, c’est que la joie donnée à l’âme au moment où elle est ainsi remerciée doit durer toute l’éternité. (VIe Révélation, ch. XIV.)

" Plus tu auras souffert, dit à Suzo, la Sagesse éternelle, plus tu seras reçu avec égards et dignité. Quelle joie cause cet honneur ! Combien l’âme et le cœur sont inondés de bonheur en se voyant loués et glorifiés par moi devant ton Père et toute l’armée céleste ! Je les louerai d’avoir tant souffert en cette vie, d’avoir tant combattu, d’avoir tant remporté de victoires. "
(L’exemplaire, 2e traité, ch. XII.)

Notre-Seigneur dans l’Evangile nous déclare ainsi qu’il fera l’éloge des élus : "Venez les bénis de mon Père ; j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, etc… – Courage, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle dans les petites choses. – Celui qui m’aura confessé devant les hommes, je le confesserai devant mon Père. – Alors, dit l’apôtre saint Paul, chacun recevra du Seigneur la louange qui lui sera due. " (I Cor., IV, 5.)

42. Ce que perdent ceux qui n’ont pas d’amour

Une fois, raconte sainte Thérèse, pendant l’espace d’une heure et davantage,
Notre-Seigneur, se tenant toujours près de moi, m’avait découvert des choses merveilleuses : "Regarde, ma fille, ce que perdent ceux qui sont contre moi. Ne manque pas de le leur dire. " (Vie, ch. XXXVIII.)

Sainte Catherine de Sienne, qui demeura morte pendant quatre heures et revint ensuite à la vie, avait vu et les peines des pécheurs dans l’autre monde et la gloire des élus.
Le Seigneur lui dit : "Tu vois de quelle gloire sont privés et de quelles peines sont punis ceux qui m’offensent. Retourne donc à eux pour leur montrer leur erreur, leur péril et le tort qu’ils se font." (Vie, par le bienheureux Raymond, IIe part., ch. VI.)

Une parole semblable fut dite à Françoise de Bona après qu’elle eut été gratifiée
d’une connaissance très élevée de la Sainte Trinité : " Ma fille, j’ai voulu te faire voir de quel bien se privent les pécheurs qui meurent dans leur péché. " (Liv. III, ch. XIV.)

43. La gloire de Dieu que en Lui, en nous et en tout, c’est le ciel

Sainte Catherine de Bologne (1413-1483) eut une vision dans laquelle Notre-Seigneur lui apparut, environné d’anges et de saints, chantant ces paroles d’Isaïe (LX, 2) :
" Et sa gloire sera vue en vous. " Le Sauveur conduisit Catherine près de son trône et lui dit : " Ma fille, écoutez ce chant et comprenez bien le sens de ces mots :" Et sa gloire sera vue en vous. " " (Petits Bollandistes, au 9 mars.)

44. Dieu tout en tous

Dans une vision, dit sainte Gertrude, où mon âme ressentait bien, dans les transports d’une joie parfaite, qu’elle était enrichie des jouissances de son Bien-Aimé, je compris le sens de ces paroles si pleines de douceur : " Dieu sera tout en tous. " (I Cor., XV, 28.)
Mon âme puisait, avec une avidité insatiable, ces paroles que le ciel présentait en un breuvage délicieux à l’ardeur de la soif : " Comme je suis la figure de la substance de Dieu, mon Père, dans la divinité même, tu seras la figure de ma substance dans l’humanité et, comme l’air reçoit la clarté des rayons du soleil, de même tu recevras dans ton âme déifiée les écoulements de ma divinité : alors, pénétrée jusqu’aux moelles des rayons de ma lumière, tu deviendras capable d’une union plus familière avec moi. " (Liv. II, ch. VI.)

Pendant que saint Paul de la Croix, méditant sur les fins dernières, considérait les joies du paradis, il entendit le Seigneur lui dire : " Mon fils, au ciel, le bienheureux ne sera pas uni à moi comme un ami l’est à son ami, mais comme le fer pénétré par le feu. " (Vie, ch. IV.)

45. Dieu au ciel aime à être loué dans ses élus

Après la mort de sainte Mechtilde, Gertrude vit trois rayons qui partaient du cœur de Dieu et passaient par l’âme de sa sainte amie pour se diriger sur tous les saints qui, en étant tout illuminés et réjouis, se mirent à louer pour elle le Seigneur, disant :" Nous vous louons pour la ravissante beauté de votre épouse, pour l’aimable complaisance que vous prenez en elle, pour l’union parfaite qui l’a faite une avec vous. " Et comme Gertrude voyait que le Seigneur prenait un grand plaisir à ces louanges, elle lui dit :" Pourquoi, mon Seigneur, prenez-vous un si grand plaisir en cette âme ? " Il répondit : " Parce que, en sa vie, elle désirait par-dessus tout de me voir loué ; elle a conservé ce désir et je veux la rassasier de ma louange incessante. " (VIIe part., ch. XVI.).

46. Nos bonnes œuvres au ciel chantent la louange de Dieu

La sœur Mechtilde avait un frère nommé Baudouin qui était dominicain. Le Seigneur,
lui parlant de ce frère, qui était fort vertueux et zélé, lui dit : " J’ai appris et j’ai vu tous les travaux qu’il supporte, les lectures qu’il fait et les livres qu’il écrit : tout ce qu’il fait chantera un chant d’amour à ma louange devant ma famille éternelle et dira : Dieu grand, éternel, fort, admirable, alléluia ! Et j’exalterai sa tête et toutes ses forces, comme je l’ai fait pour toi,
non seulement dans l’ordre de la nature, mais encore dans celui de la grâce. " (Liv. II, ch. XXI.).

47. Comment le Christ a été glorifié dans son corps

Mechtilde priant le Seigneur de rendre grâces à Dieu de sa résurrection future, Il lui dit : " Je le fais présentement pour toi et pour chacun des miens, aussi volontiers que pour
moi-même, parce que je considère la gloire de mes membres comme la mienne elle-même,
et l’honneur qui leur est rendu comme rendu à moi-même. L’âme pour laquelle j’acquitte ainsi ces louanges et ces actions de grâces, tandis qu’elle est encore sur la terre, en recevra une grande joie dans les cieux. " Et, comme Mechtilde cherchait en elle-même ce qu’avait été la glorification de l’humanité du Christ lors de sa résurrection, le Seigneur lui dit : "La glorification de mon corps a consisté en ceci, que Dieu le Père m’a donné tout pouvoir au ciel et sur la terre, en sorte que je fusse tout-puissant dans l’humanité comme dans la divinité, pour récompenser, élever et combler mes amis des témoignages de mon amour, selon toute la générosité de mes désirs. La glorification de mes yeux et de mes oreilles m’a donné de pouvoir pénétrer jusqu’au fond de tous les besoins et dans toutes les tribulations de mes fidèles, entendre et exaucer leurs vœux et leurs prières. Tout mon corps a aussi reçu cette gloire, que je puis être partout en l’humanité comme j’y suis en la divinité avec tous et chacun de mes amis, partout où je veux ; ce qu’aucun autre, si puissant qu’il soit, n’a jamais pu et ne pourra jamais. " (Ire part., ch. XIX ; éd. Lat., p. 67.)

µ48. La mesure de l’amour méritoire est la mesure

de l’amour béatifié

Ecoutons Dieu disant à sainte Catherine de Sienne : " l’âme juste qui termine sa vie dans la charité est éternellement liée à l’amour. Elle ne peut plus croître en vertu parce que le temps est passé, mais elle peut toujours aimer avec l’ardeur qu’elle a eue pour venir à moi,
et c’est cette ardeur qui est la mesure de sa félicité. Toujours elle me désire, et son désir n’est pas trompé ; toujours elle aime, toujours elle me possède : elle a faim et elle est rassasiée,
elle est rassasiée et elle a faim, sans jamais éprouver l’ennui de la satiété ni la peine de la faim.

Les élus de l’amour jouissent de mon éternelle vision ; ils participent au bien que j’ai moi-même, chacun selon sa mesure, et cette mesure est l’amour qu’ils avaient en venant à moi. Parce qu’ils ont eu ma charité et celle du prochain, et qu’ils sont unis ensemble par une charité générale et particulière qui vient du même principe, ils jouissent et participent, par la charité, au bien de chacun, et ce bonheur s’ajoute au bonheur universel qu’ils ont tous ensemble ; ils jouissent avec les anges, parmi lesquels les saints sont placés, selon les différentes vertus qu’ils ont eues dans le monde avant d’être unis ici dans les liens de l’éternelle charité. " (Dialogue, ch. XLI.)

49. Participation au bonheur

de ceux que nous avons le plus aimés sur la terre

" Ils participent surtout, d’une manière particulière, au bonheur de ceux qu’ils aimaient plus étroitement sur la terre. Cet amour était un moyen d’augmenter en eux la vertu :
ils étaient les uns pour les autres des occasions de glorifier mon nom en eux et dans leur prochain et comme l’amour qui les unissait n’est pas détruit dans le ciel, ils en jouissent avec plus d’abondance, et cet amour augmente leur bonheur.

Ne crois pas que les élus jouissent seuls de leur bonheur particulier ; il est partagé par tous les habitants du ciel, par les anges et par mes enfants bien-aimés. Dès qu’une âme parvient à la vie éternelle, tous participent au bonheur de cette âme, cette âme participe au bonheur de tous ; la coupe de leur bonheur ne s’agrandit pas et elle n’a pas besoin d’être remplie, car elle est pleine et ne peut plus dilater ses bords ; mais leur joie, leur félicité,
leur ivresse s’augmentent à la vue de cette âme ; ils voient que ma miséricorde l’a sauvée de la terre par la plénitude de la grâce et ils se réjouissent en moi du bonheur que cette âme a reçu de ma bonté. Cette âme est heureuse en moi, dans les âmes et dans les esprits bienheureux, parce qu’elle voit et goûte en eux la bonté et la douceur de ma charité. " (Dialogue, ch. XLI.)

50. Les élus embrasés de charité ont soif du salut des âmes

" Les désirs des élus s’élèvent toujours vers moi pour le salut du monde ; leur vie a fini dans l’amour du prochain et cet amour ne les a pas quittés ; ils ont passé avec lui par la porte de mon Fils bien-aimé, en prenant le moyen dont je te parlerai bientôt. Remarque qu’ils conservent et conserveront ce lien de l’amour que n’a pas brisé la mort. " (Ibid.)

51. Union parfaite à la volonté de Dieu

" Ils sont unis à ma volonté et ils ne peuvent vouloir que ce que je veux, parce que leur libre arbitre est enchaîné par la charité, de sorte que la créature raisonnable qui se sépare du temps et meurt en état de grâce, ne peut plus pécher. Sa volonté est si unie à la mienne
qu’en voyant un père, une mère, un fils dans l’enfer, elle ne peut en souffrir ; elle est même heureuse de les voir punis, parce que ce sont mes ennemis ; elle ne peut être en désaccord avec moi en la moindre chose, et tous ses désirs sont satisfaits. " (Dialogue, ch. XLI.)

52. Désir des élus toujours rassasiés

" Le désir des bienheureux est de me voir honoré en vous, pèlerins voyageurs, qui précipitez sans cesse vos pas vers la mort. Le désir de ma gloire leur fait désirer votre salut, qu’ils me demandent toujours pour vous. Je satisfais à ce désir, pourvu que dans votre aveuglement vous ne résistiez pas à ma miséricorde. Ils désirent aussi avoir la récompense de leur corps, et ce désir n’est pas une peine, quoiqu’il ne soit pas satisfait sur-le-champ, parce qu’ils jouissent de la certitude qu’il le sera un jour ; et ils ne souffrent pas d’attendre, car rien ne manque à leur félicité. " (Dialogue, ch. XLI.)

" Le bonheur principal des bienheureux est d’avoir leur volonté pleine de ce qu’ils désirent ; en me désirant ils me possèdent et me goûtent sans aucun obstacle, car ils ont laissé le poids de leur corps, qui était une force opposée à l’esprit… Quand l’âme est délivrée du corps, sa volonté est satisfaite, elle désirait me voir, elle me voit, et cette vision fait sa béatitude. Qui me voit me connaît ; qui me connaît m’aime et qui m’aime me possède, moi,
le Bien suprême. Cette possession apaise et remplit sa volonté, elle comble le désir qu’il avait de me voir et de me connaître. " (Dialogue, ch. XLV.)

53. Gloire et béatitude du corps

" Ne crois pas que la béatitude du corps après la résurrection ajoute à la béatitude de l’âme ; car il s’ensuivrait que tant qu’elle n’aurait pas son corps l’âme n’aurait qu’une béatitude imparfaite, ce qui ne peut être, parce que rien ne manque à sa perfection.
Ce n’est pas le corps qui donne la béatitude à l’âme, mais c’est l’âme qui donne la béatitude au corps ; elle l’enrichira de son abondance, lorsqu’au jour du jugement elle se revêtira de la chair dont elle s’était séparée.

Comme l’âme est de venue immortelle et immuable en moi, ainsi le corps, par l’union avec elle, deviendra immortel ; il perdra sa pesanteur, il sera subtil et léger. Le corps glorifié passera à travers tous les obstacles et ne craindra ni l’eau ni le feu : non par sa vertu, mais par la vertu de l’âme, qui est un privilège de grâce, à elle accordé par l’amour ineffable qui me
l’a fait créer à mon image et à ma ressemblance. Non, l’œil de ton intelligence ne peut voir, l’oreille entendre, la langue raconter et le cœur comprendre la félicité des bienheureux.

Quel bonheur ils ont de me voir, moi qui suis le souverain bien ! Quel bonheur ils auront quand leur corps sera glorifié ! Ils n’en jouiront qu’au jugement dernier, mais ils ne souffrent pas d’attendre, parce que rien ne manque à la béatitude dont l’âme déborde et qu’elle épanchera sur son corps. " (Dialogue, ch. XLI.)

54. La communion céleste ou l’union délicieuse des corps glorieux

au corps glorifié de Notre-Seigneur Jésus-Christ

" Que te dire de cette joie ineffable des corps dans l’humanité de mon Fils unique,
qui vous a donné la certitude de votre résurrection ! Ils tressailliront dans ses plaies, qui sont restées fraîches et ouvertes sur son corps, afin de crier sans cesse miséricorde pour vous vers moi, le Père éternel et souverain, et tous seront conformes à Lui dans la joie et l’allégresse. Oui, par vos yeux, vos mains, votre corps tout entier, vous serez unis aux yeux, aux mains,
au corps de l’aimable Verbe, mon Fils bien-aimé. Etant en moi, vous serez en Lui, parce qu’il est une même chose avec moi. " (Dialogue, ch. XLI.)

55. Toujours avides et toujours rassasiés

" Quand l’âme est séparée de son corps, son désir est rempli et l’amour est sans peine. L’âme alors est rassasiée, mais elle l’est sans dégoût, parce qu’étant rassasiée elle a toujours faim, sans avoir la peine de la faim ; elle déborde d’une félicité parfaite et elle ne peut rien désirer sans l’avoir. Elle désire me voir et elle me voit face à face ; elle désire voir la gloire de mon nom dans mes saints et elle la voit dans la nature angélique et dans la nature humaine. " (Dialogue, ch. XLI.)

56. Les élus voient reluire la gloire de Dieu sur la terre

et même dans les enfers

" La vue de l’âme bienheureuse est si parfaite, qu’elle voit la gloire et l’honneur de mon nom, non seulement, dans les habitants du ciel, mais encore dans ceux de la terre.
Qu’il le veuille ou non, le monde me rend gloire. Il est vrai qu’il ne le fait pas comme il le devrait, en m’aimant par-dessus toute chose ; mais moi je trouve dans les hommes la louange et la gloire de mon nom, puisqu’en eux brillent ma miséricorde et la grandeur de ma charité.

Je leur laisse le temps et je ne commande pas à la terre de les engloutir pour leurs fautes ; je les attends, au contraire, et je dis à la terre de leur donner ses fruits, au soleil de les éclairer et de les échauffer de ses rayons, je conserve au ciel la régularité de ses mouvements,
et je répands ma miséricordieuse bonté sur toutes les choses qui sont faites pour eux.
Non seulement je ne les leur retire pas à cause de leurs fautes, mais encore je les donne au pécheur comme au juste, et même souvent plus au pécheur qu’au juste, parce que le juste peut souffrir et que je le prive des biens de la terre pour lui donner plus abondamment les biens du ciel. Ainsi ma miséricorde et ma charité brillent sur eux.

Quelquefois, les persécutions que les serviteurs du monde font supporter à mes serviteurs éprouvent leur patience et leur charité ; elles ne servent qu’à me faire offrir par eux d’humbles et continuelles prières : elles tournent ainsi à la gloire et à l’honneur de mon nom ;
qu’il le veuille ou non, le méchant sauve ma gloire, même par ce qu’il fait pour m’offenser. (Dialogue, ch. LXXX.)

De même que les pécheurs servent dans la vie à augmenter les vertus de mes serviteurs, de même les démons dans l’enfer sont les bourreaux et les ministres de ma justice sur les damnés. Ils servent aussi mes créatures qui, dans leur pèlerinage terrestre, désirent arriver à moi, leur fin. Ils les servent en exerçant leur vertu par des attaques et des tentations de toute sorte, en les exposant aux injures et aux injustices des autres, afin de leur faire perdre la charité ; mais en voulant dépouiller mes serviteurs, ils les enrichissent en exerçant leur patience, leur force et leur persévérance. De cette manière ils rendent gloire et honneur à mon nom. " (Dialogue, ch. LXXXXI.)

57. La vue des péchés cause de la compassion,

mais non de la tristesse dans le cœur des élus

" L’âme, au ciel, voit l’offense qui m’est faite ; elle ne peut plus, comme autrefois, en ressentir de la douleur, elle en éprouve seulement de la compassion ; elle aime sans peine et prie toujours avec charité pour que je fasse miséricorde au monde. En elle la peine est passée, mais non la charité. Le Verbe, mon Fils, vit finir, dans la mort douloureuse de la croix,
la peine du désir de votre salut qui le tourmentait, mais le désir de votre salut n’a pas cessé avec la peine.

De même les saints, qui ont la vie éternelle, conservent le désir du salut des âmes,
mais sans en avoir la peine ; la peine s’est éteinte dans leur mort, mais non l’ardeur de la charité. Ils sont comme enivrés du sang de l’Agneau sans tache et revêtus de la charité du prochain. Ils ont passé par la porte étroite, tout inondés du sang de Jésus crucifié,
et ils se trouvent, en moi, l’océan de la paix, délivrés de l’imperfection, c’est-à-dire de la peine du désir, car ils sont arrivés à cette perfection où ils sont rassasiés de tout bien. " (Dialogue, ch. LXXXII.)

La bienheureuse Osanne de Mantoue fur ravie, à l’âge de douze ans, dans le ciel, où il lui fut donné de contempler la splendeur des saints. Ce spectacle embrasa son cœur d’un tel amour qu’elle eût souhaité ne plus revenir sur la terre. Le Tout-Puissant lui dit : " J’ai voulu, ma fille bien-aimée, te faire entrevoir la gloire des vierges et des martyrs, afin que le souvenir de cette incomparable félicité te préserve de toute souillure et te rende fidèle et diligente dans mon service. "

58. L’âme immergée dans la joie céleste

Dieu le Père donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi cette instruction sur le bonheur du ciel : " Vois, ma fille, la différence qui existe entre un homme qui boit un verre d’eau et un autre qui se baigne dans la mer. On dit du premier que l’eau entre en lui, parce qu’elle passe de sa bouche dans son estomac pour le rafraîchir ; mais on dit du second qu’il entre dans la mer, parce que la quantité d’eau qui la compose est si grande que des armées entières peuvent y entrer et s’y perdre sans qu’il en reste le moindre vestige. Ainsi en est-il de l’âme.
Les consolations qu’elle reçoit en ce monde ne font qu’entrer en elle, comme l’eau dans un vase très étroit, en sorte qu’elle ne peut les recevoir que dans une mesure fort bornée.
C’est ce qui faisait dire à une de ces âmes, comblée de douceurs, en déplorant la petitesse de son vase qui ne pouvait en contenir autant qu’elle aurait voulu : " Assez, Seigneur, assez. " Dans le ciel, au contraire, on entre dans la joie de son maître, on se plonge dans un océan sans fond de douceurs et de consolations ineffables, c’est-à-dire en Dieu même, qui sera tout en tous. Au-dedans de vous, en dehors de vous, au-dessus de vous, autour de vous, devant vous et derrière vous, tout sera joie, allégresse, douceurs et consolations, parce que de tous côtés vous trouverez Dieu. Erit Deus omnia in omnibus. " (Ire part., ch. XXII.)

59. Dieu se complait dans ses élus et les élus

se complaisent en Dieu

" Dans le ciel, a dit encore à la même sainte le Père éternel, les âmes bienheureuses ne cessent de se réjouir dans la complaisance de mon Essence divine. Elles trouvent dans cette complaisance un plaisir inénarrable et une grande gloire, ce qui fait que je me complais aussi grandement en elles ; et cette complaisance réciproque de moi en elles et d’elles en moi produit dans les anges d’ineffables transports d’allégresse et fait le bonheur de tout le paradis. " (IVe part., ch. XIII.)

60. Douceurs correspondantes aux douleurs de l’exil

Le Seigneur dit à Gertrude au sujet d’une élue : " Parce que sa plus grande douleur a été dans son bras, elle me tient embrassé avec une si grande gloire de béatitude qu’elle désire avoir souffert cent fois davantage. " (Liv. V, ch. III.)

" Je te laisse plus longtemps sur la terre, dit le Sauveur à Gertrude-Marie, pour te rendre plus heureuse au paradis. Tu cherches à me faire plaisir, à me glorifier ; je te glorifierai un jour. " (30 octobre 1907.)

Un jour, après la communion, raconte Marie-Aimée, Notre-Seigneur me montra qu’on verrait un jour dans les âmes toutes les pensées de leur vie, leurs sentiments, affections et intentions. (Vie, ch. XVIII.)

61. Chaque genre d’œuvre vertueuse

aura une récompense particulière

Le Seigneur donna un jour à sainte Gertrude cette instruction : " Comme le corps se compose de plusieurs membres, unis entre eux, ainsi l’âme est constituée de diverses affections, telles que la crainte, la douleur, la joie, l’amour, l’espérance, la haine, la pudeur. Selon que l’homme se sera exercé pour ma gloire en chacune de ces affections, autant il trouvera en moi de joies ineffables et inestimables. A la résurrection, lorsque ce corps mortel revêtira l’incorruptibilité, chaque membre recevra une récompense spéciale pour chacune des œuvres qu’il aura accomplies, et pour chacun des exercices pratiqués en mon nom et pour mon amour. Mais l’âme recevra une bien plus noble récompense pour chacun des mouvements de sainte affection, qui l’auront pour mon amour émue ou pénétrée de componction. " (Liv. III, ch. LXIX.)

Un jour de Toussaint, sainte Gertrude eut la vision du ciel. Puis le Seigneur lui montra répandus et mêlés parmi les saints du ciel tous les fidèles militant encore sur la terre chacun selon ses mérites. Par exemple ceux qui vivant honnêtement dans le mariage s’exercent aux bonnes œuvres dans la crainte de Dieu paraissaient adjoints aux saints patriarches.
Ceux qui méritent de connaître les secrets de Dieu semblaient réunis aux prophètes.
Ceux qui s’adonnent à la prédication et à l’enseignement de la sainte doctrine étaient réunis aux apôtres, et ainsi des autres. Elle vit aussi que les martyrs avaient dans leurs rangs les religieux qui vivent sous l’obéissance. Les saints martyrs recevaient dans la partie de leur corps où ils ont souffert pour le Seigneur un éclat spécial et une délectation d’une puissance inappréciable. De même les religieux pour toutes les délicatesses qu’ils se sont refusées dans les sens de la vue, du goût, de l’ouïe, dans la promenade ou la conversation ou pour autres semblables sacrifices, ont au ciel la même récompense que les martyrs. (Liv. IV, ch. LV.)

62. " Les justes brilleront comme le soleil

dans le royaume de mon Père " (Matth., XIII, 45)

Paroles du Seigneur à sainte Mechtilde : " en sa résurrection, le corps sera sept fois plus brillant que le soleil, et l’âme sept fois plus brillante que le corps, qu’elle reprendra comme un vêtement, répandant la lumière dans tous ses membres comme le soleil dans un cristal.
Et moi je pénétrerai toutes les parties les plus intimes de l’âme d’une lumière ineffable et ainsi brilleront-ils dans le séjour céleste, corps et âme, à jamais. " (Ve part., ch. XIV.)

63. Les élus dans les chœurs des anges

" Tu m’as prié pour Gilia, dit le Seigneur à Marguerite de Cortone, par amour pour toi et pour ses œuvres vertueuses je la placerai au paradis dans l’ordre des chérubins. "
(Ch. VIII, § 6.) Et quelques temps après : " Réjouis-toi aujourd’hui avec le frère Giunta (franciscain, confesseur de la sainte pénitente et auteur de sa Vie) de voir sa chère fille Gilia admise, selon ma promesse, dans le chœur des chérubins. " (Ch. IX, § 31.) Gilia était une amie intime de la sainte pénitente. Le Seigneur dit un jour à celle-ci : " Tu sais que Joannellus et Gilia, ta compagne, ont voulu, pour imiter ta vie pénitente, mortifier leur corps à l’excès et ont ainsi abrégé leur vie. " (Ch. X, § 14.) Comme Marguerite priait pour Gilia qui venait de mourir, un ange lui dit : " Elle sera pour un mois en purgatoire, elle n’y souffrira que des peines légères, pour s’être laissée aller à la colère par excès de zèle. " Le Seigneur envoya quatre anges pour la délivrer du purgatoire. (Ch. IX, §§ 30 et 31.)

64. Chaque élu jouit du bonheur de tous

" Dans le ciel, ma fille, dit à sainte Marie-Madeleine de Pazzi le Père éternel,
chaque bienheureux ne se réjouit pas moins de la gloire des autres que de la sienne propre, parce que l’amour, comme tu le sais, met tout en commun, et que le ciel est la demeure du sincère et parfait amour. Je dirai plus : la perfection de cet amour est si grande qu’une âme,
en voyant une autre revêtue d’une gloire plus éclatante qu’elle-même parce qu’elle a eu sur terre une plus grande charité, se réjouit plus de cette gloire étrangère que de la sienne propre. Ainsi s’augmente la gloire de chaque âme bienheureuse, à mesure que sa charité se dilate, puisqu’elle participe à la gloire de toutes les autres ainsi qu’à celle des anges et de tous les esprits glorifiés par moi dans le ciel. Vois, ma fille, quel abîme de gloire. "
(Ire part., ch. XXIII.)

Le Seigneur dit à Mechtilde : " loue ma bonté dans les saints, que j’ai gratifiés d’une telle béatitude, qu’ils abondent de tous biens, non seulement en eux-mêmes, mais la joie de l’un s’accroît de la joie de l’autre, au point qu’il se réjouit plus de son bonheur qu’une mère de l’élévation de son fils unique, ou qu’un père du triomphe et de la gloire de son fils. Ainsi chacun d’eux jouit des mérites particuliers de tous dans une douce charité. "
(Ire part., ch. XXIV.)
 
 


article Ciel du Dictionnaire de Théologie Catholique

 La théologie entend par ce mot le séjour spécialement réservé à la société des élus dans l’éternité bienheureuse, le lieu où les saints jouissent en commun de la Dieu. Analytiquement, l’idée dogmatique du ciel se résout en ce triple élément : séparation définitive des réprouvés et des justes, communauté de vie des bienheureux, habitation ultra-terrestre. Sous cette forme nous apparaît, dès les débuts du christianisme, plus ou moins voilée, mais suffisamment distincte, la doctrine du royaume des cieux ; telle on la retrouve, avec une croissante précision et bien rarement obnubilée par la négation ou par le doute, à travers le développement continu de la pensée chrétienne.
I. Données scripturaires et croyances juives.
II. Doctrine traditionnelle.
III. Spéculations scolastiques.
IV. Erreurs dogmatiques et définitions de l’Eglise.

I. Données scripturaires.
Sens du mot. – Suivant le caractère de l’impression primitivement ressentie au spectacle des espaces infinis, l’idée primordiale qui se rattache au mot ciel se différencie assez notablement chez les différents peuples. En hébreu, c’est l’idée d’élévation, de hauteur, qui est mise surtout en relief et que la Bible a rendue, pour désigner les cieux, par le terme šamayim. Gen., I, 1. Il semble que ce mot provienne de la racine šàmâh, " être élevé ". Gesenius, Thesaurus, p. 1443. Une idée analogue apparaît dans le
bas-allemand hëban, hevan, et dans l’anglais heaven. Les Grecs voyaient plutôt dans le ciel une sorte d’enveloppe, comme le revêtement du monde terrestre, ???????, en sanscrit varuna, la racine var signifiant couvrir. C’est aussi le sens primitif de l’allemand Himmel ( himan, himil, hemd ). Le latin cælum exprime particulièrement l’idée de voûte, racine ku, " creuser ", ou peut-être l’idée de lumière, d’éclat, racine kha, " briller ". Laurent et Hartmann, Vocabulaire étymologique de la langue grecque et de la langue latine, Paris, 1900, p. 127, 325. Cf. Curtius, Grundzüge der griechischen Etymologie, 5e édit., Leipzig, 1879,
p. 350 ; Meyer, Handbuch der griechischen Etymologie, Leipzig, 1901, t. II, p.210.
Sur le sens étymologique et fondamental attribué par les Septante au vocable ???????,
voir II Sam., XXII, 8, et Philon d’Alexandrie, De mundi opificio, Opera, edit. Mangey, Londres, 1742, p.8.

1. Sens physique. – Dans le langage de la Bible, comme dans toutes les langues, le ciel signifie ordinairement les régions ultra-terrestres, soit le ciel atmosphérique, celui des nuages et des oiseaux, Gen., I, 9, 20, 26 ; VII, 11 ; Ps. VIII, 9 ; CXLVII, 8 ; CXLVIII, 4 ;
Matth., VI, 26 ; XVI, 1-3 ; XXIV, 30, soit le ciel sidéral. Gen., I, 14 ; II, 4, XV, 5 ;
Deut., I, 10 ; Jer., XXXIII, 22 ; Matth., XXIV, 29 ; Marc, XIII, 25 ; Act., VII, 42 ;
Heb., XI, 12 ; Apoc. VI, 13. C’est dans le ciel étoilé, considéré comme un corps solide, ràgia, ???????, firmamentum, que Jahveh manifeste plus spécialement ses attributs divins, sa puissance, sa sagesse, sa bonté. Ps. XIX, 2-7 ; Is., XL, 26. Les cieux sont parfois comparés à un voile, Ps. CIII, 2, à une tente qui abrite la terre, Is., XL, 22, à un parquet de saphir,
Exod., XXIV, 10, à une mer de cristal, Apoc. IV, 6. Autant de poétiques images,
de métaphores orientales, qui n’engagent en rien les théories cosmogoniques des hébreux.
Cf. Schenkel, Bibellexicon, Leipzig, 1871, t. III, p. 82.

2. Sens métaphorique. – Le même terme désigne parfois dans l’écriture les êtres spirituels, habitants des cieux, spécialement le monde angélique, Ps. XCVI, 6 ;
II Mach., II, 37 ;Luc, XV, 7 ; Apoc., XVIII, 20, ou Dieu lui-même. Dan., IV, 23, dans le texte chaldaïque ; Matth., XXI, 25 ; Luc, XV, 18 ; Joa., III, 27. En ce sens l’expression rabbinique : ? ???????? ??? ???????, est employée dans Matth. III, 2 ; IV, 17 ; V, 3, pour signifier le royaume de Dieu réalisé sur terre par la prédication et par la foi et qui aura son achèvement dans la jouissance intuitive de la divinité. Cf. Kaulen, art. Himmel, dans Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. V, col. 212.

3. Sens théologique. – Chez les peuples de l’antiquité, même en dehors de la civilisation grecque, le ciel a été considéré parfois comme le séjour spécial de la divinité et des esprits supérieurs. Cf. Aristote, De caelo, II, 3 ; De mundo, 2, Opera, édit. Didot t, t. II, p. 392, 628. Mais jamais cette pensée n’a rencontré un développement aussi étendu et profond que dans la nation juive : elle se déroule presque à chaque page des livres saints. L’habitation de Jahveh est dans les cieux. Ps. II, 4 ; Job, XX, 12 ; Matth., V, 16 ; VI, 9, 14 ; Rom., I, 18 ; c’est là qu’il réside comme dans un sanctuaire, Ps. XI, 4 ; Mich., I, 2 ; Hab., II, 20 ; Apoc., XI, 19 ;
XV. 5, ou dans un palais. Heb., VIII, 1. Le ciel est son trône. Ps. XI, 4 ; XX. 7 ; Is., LXVI, 1 ; Ezech., I, 1 ; Matt., V, 34 ; Act., VIII, 49. C’est de là qu’il descend sur terre, Gen., XI, 5 ;
Ps. XVIII, 10 ; Dan., VII, 9, 13, ou qu’il fait entendre sa voix. Matth., III, 14 ; Act., II, 2 ;
I Pet., I, 12. C’est au ciel qu’il exauce les prières et qu’il pardonne. I Reg., VIII, 30 ;
Neh., IX, 27 ; XI, 6 ; XVI, 19 ; XVIII, 10 ; Gal., I,8. Cf. Cremer, art. Himmel, dans Realencyclopädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1900, t. VIII,
p. 80.

Existence du ciel. – 1. Ancien Testament. – Le Pentateuque nous offre la première idée, bien indécise encore et bien lointaine, du ciel promis aux élus. Des justes aimés de Dieu pendant leur vie, il est dit, dans une formule solennelle, que la mort les réunit à leurs pères, à leur peuple. Gen., XXV, 8, 17 ; XXXV, 29 ; XLIX, 29-33 ; Num., XX, 24 ; XXVII, 13 ; Deut., XXXII, 50. Jacob considère son existence terrestre comme un pèlerinage.
Gen., XLVII, 9 ; cf. XVII, 8 ; Exode, VI, 4 ; Lev., V, 24. Aux âmes justes réunies dans le schéol, les promesses messianiques ne sont pas retirées, car Dieu reste pour elles, dans le trépas, le Dieu favorable et bénissant, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.Gen., XXVI, 24 ; XXVIII, 13 ; XLVI, 1, 3 ; Exode, III, 6 ; IV 5. Jacob avant sa mort s’attache fermement au salut du Seigneur. Gen., XLIX, 18. Et l’espérance d’une vie future est évoquée, pour ce peuple saint endormi dans la mort, par cette pensée de la puissance d’un Dieu qui est le " Dieu de la vie de toute chair ". Num., XXVI, 22. Le seigneur lui-même accentue cette pensée : " c’est moi qui fais mourir et c’est moi qui vivifie. " Deut., XXXII, 39. De là l’expression de " Dieu vivant " appliquée à Jahveh. Jos., III, 10. Il est le Dieu qui " donne la mort et la vie ", qui " conduit au schéol et en ramène ". I Reg., II, 6 ; IV Reg., V, 7.
Cf. Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung im Allen und Neuen Testamente, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 30-36, 39 sq.

L’idée d’une délivrance par le Christ apparaît nettement avec David dans les psaumes messianiques. Ps. II, XXI, , XLIV, LXXI, CIX. A cette rédemption les trépassés auront une part effective et personnelle. Ps. XV, 10, 11. Déjà brille l’espoir des délices éternelles.
Ibid., 12 ; cf. XVI, 16 ; XLVIII, 15 sq. ; LXXII, 24. Job chante à son tour son espérance immortelle, XIX, 25-27, et la protection qui le suivra au tombeau, XIV 13-25. Cf. Hontheim, Bemerkungen zu Iob, XIX, dans Zeitschrift für katholische Theologie, Inspruck, 1898, t. XXII, p. 749-756 ; Lesètre, Commentaires sur Job, Paris, 1892, p 129. Une attente analogue se manifeste dans les Proverbes, X, 30 ; XI, 7, avec l’espoir des derniers jours, XXIII, 18 ; XXIV, 14, et l’Ecclésiaste s’en inspire également, III, 17 ; XI, 9 ; XII, 7 ; cf. III, 2, dans le texte hébraïque. Voir Motais, L’Ecclésiaste, Paris, 1883, p. 116-118 ; Gietmann, Comment. In Ecclesiastem, Paris, 1890, p. 324.

Avec les prophètes les idées eschatologiques se développent, mais sous les traits encore obscurs du Symbole. L’annonce du salut qui est proche, Is., LVI, 1, 6, 8 ; LIX 17 ;
Hab., III, 8, laisse entrevoir, à la suite d’un jugement divin et du grand jour du Seigneur,
Is., II, 12 ; XXIV, 21-23 ; XXXIV, 1-4 ; LXVI, 15-18 ; Ezech., XIII, 5 ; XXX, 3 ;
Joël, III, 1 sq. ; Abd., 15, 16, 21 ; Zach., IX, 16 ; XIV, 4, 6, 9, la réunion finale et éternelle du peuple de Dieu. Is., XXVII, 13 ; XLV, 5-7 ; Jer., XXIII, 3-8 ; Bar., IV, 18-37 ; V, 5-9.
Le Seigneur sera lui-même à la tête de son peuple. Is., XI, 15 sq. ; XIV, 2 ; XXXV, 1 sq. ;
XL, 1-11 ; Jer., XXXI, 9-21 ; Zach., X, 11 ; Mich., II, 13. Dans la Jérusalem nouvelle aux fondements de saphir et aux murailles de rubis, Is., LIV 11 sq., habitera le Seigneur,
Is., XII, 6 ; Ezech., XLIII, 2, 4, 7 ; et sur la montagne sainte il dressera pour toutes les nations un festin somptueux. Is., XXV, 6 ; cf. Ezech. XXXVII, 26, 28 ; XLIII, 2, 4, 7 ; XLVIII, 35 ; Jer., XXX, 18 ; XXXI, 40 ; Soph., III, 16 sq. ; Zach., II, 3-10. Ce sera vraiment le peuple de Dieu, pur de tout contact avec les pécheurs, Ezech., XXXIV, 17, 20 sq. ;
Soph., I, 2-18 ; Zach., XIII, 2-9, le peuple des justes et des saints. Is., I, 26-28 ; XXIX, 20-23 ; Ezech., XI, 17-21 ; Daniel, VII, 22. Les cieux et la terre seront renouvelés. Is., LXV, 17 ; LXVI, 22 ; Zach., XIV, 6 sq. Et la joie des élus sera éternelle. Is., XXXV, 10;  LI, 3 ; LV, 11 ; LXI, 7 ; Amos, IX, 15 ; Jer., XXXI, 38, 40 ; XXXII, 40 ; Ezech., XVI, 60 ; XXXVII, 25sq. ; Bar., II, 34 ; Dan., II, 44 ; VII, 14, 18, 27 .Cf. Kranenbauer, Comment. in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. I, p. 468-471 ; t. II, p. 490-497 ; in Ezechielem prophetam, Paris, 1890,
p. 170-171 ; Meignan, Les derniers prophètes d’Israël, Paris, 1894, p.497-502.

Discrètement évoquée par l’Ecclésiastique avec la pensée de la vie éternelle, XXIV, 31, du livre de vie, ibid., 32, des bénédictions réservées aux justes à l’heure de leur mort,
I, 13 ; XI, 28 sq., XVIII, 24, au jour de la vision de Dieu, VI, 23, l’expectative d’une survie heureuse est nettement énoncée par la Sagesse. Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, hors des atteintes de la mort ; elles sont en paix, riches des espérances de l’immortalité,
III, 1-4 ; XV, 3. L’homme est fait pour l’immortalité, ??’????????, II, 23. Quand pour les justes viendra la r?compense, au grand jour du jugement de Dieu, on les verra resplendissants comme la flamme ; l’abondance et la paix sont aux élus, III, 5-9. Eternellement ils habiteront dans le royaume de gloire, dans le temple du Seigneur, auprès de Dieu, et couronnés de sa main, III, 14 ; V, 16 sq. ; VI, 21. Le temple de Salomon n’est que l’emblème du tabernacle saint préparé par Dieu dès le commencement du monde, IX, 8. Cf. Tob. II, 18 ; XII, 9 ;
II Mach., VII, 9. Les livres deutérocanoniques fournissent ainsi la transition entre les données primitives de l’Ancien Testament et la doctrine évangélique du ciel. Cf. Atzberger,
op. cit., p. 96-110 ; Lesètre, L’Ecclésiastique, Paris, 1896, p. 23-24 ; Le livre de la Sagesse, Paris, 1896, p. 21-22 ; Knabenbauer, Comment. in Ecclesiasticum, Paris, 1902, p. 95-96,
150-152 ; André, Les apocryphes de l’Ancien Testament, Florence, 1903, p. 100-103,
316-317.

2. Nouveau Testament. – L’existence d’un séjour ultra-terrestre où les justes jouiront en commun de l’éternelle récompense est un des plus ordinaires enseignements de la prédication du Christ et des apôtres. C’est par l’annonce du royaume des cieux, ? ???????? ??? ???????, que Jean-Baptiste inaugure sa mission de précurseur et Jésus son ministère public.
Matth., III, 2 ; IV, 7 ; Marc, I, 15. Fondé sur la terre au premier avènement du Christ,
Matth, XI, 11-12 ; XII, 28 ; XVI, 19 ; Luc, XVI, 16, ce royaume est d’un autre ordre que les royaumes de ce monde, ?? ?????? ??? ???????, heb., IX, 11 ; il n’aura son ach?vement que dans l’éternité, après la parousie et le jugement final. Matth. XIII, 27 ; XXV ; 24. Seuls les justes en feront partie, I Cor., VI, 9-10 ;Rom., V, 17 ; Eph., V, 3-5 ; ils régneront avec Jésus-Christ, ???????????????, II Tim., II, 12 et seront heureux dans la paix et les joies de l’Esprit-Saint. Rom., IV, 17. La r?compense qui nous est promise en même temps que ce royaume des cieux. Matth., V, 3, 12 ; VI, 20 ; XIX, 21. C’est au ciel que se trouvent les biens impérissables, les biens du salut. Marc, X, 21 ; Luc, XII, 33 ; II Cor., V, 1 ; Phil., III, 20.
Le ciel est le but de notre espérance, Col., I, 5 ; l’héritage des saints, Col., I, 12 ; I Pet, I, 4 ;
le rendez-vous des vrais disciples de Jésus-Christ, car déjà leurs noms sont inscrits dans les cieux. Luc, X, 20. Après sa vie mortelle et sa résurrection, le Christ est monté au ciel,
Act., I, 2, 9, 11, qui est maintenant sa demeure, Matth., XXIV, 30 ; Eph., I, 20 ; Col., III, 1 ; Heb., IX, 24 ; il habite au plus haut des cieux, ?????????? ??? ???????, Heb., VII, 26 ; ?????????? ???? ????????. Heb., IV, 14. L? aussi, et avec lui, sont les anges, serviteurs du Christ, Luc, II, 15 ; Eph., I, 21, et les âmes saintes parvenues au terme. Joa., XIV, 2-3 ;
I Thess., IV, 17 ; Phil., I, 23 ; Heb., XII, 23. Le ciel est la patrie des saints, Heb., XI, 16,
la demeure de gloire qui nous réunira, II Cor., V, 1-2, où face à face nous contemplerons Dieu éternellement. I Joa., III, 2 ; Apoc., XXII, 4. Les élus deviendront comme des anges,
Marc, XII, 25, en société et en communion intime avec Dieu, Apoc., XXI, 3-4 ;
et Dieu lui-même sera l’éternelle lumière de cette nouvelle Jérusalem, de la cité sainte.
Apoc. XXI, 2, 10 ; XX, 5.

3. Croyances juives. – Des enseignements tirés des livres canoniques, il n’est pas superflu de rapprocher les renseignements fournis par la littérature profane des Juifs sur l’état des croyances populaires aux derniers temps de la synagogue. L’idée du ciel est très précise, aussi bien chez les hellénisants que chez les palestiniens. Philon d’Alexandrie signale en toute clarté, comme récompense du juste, la vue de Dieu, ????? ????????? ?????? ????, la vie bienheureuse en Dieu, ?? ??? ?? ??? ???? ?????????, la possession du ciel, ??????? ??? ?????, avec la soci?té du peuple de Dieu devenu l’égal des anges, ??????????? ?? ???? ??? ???? ???????? ???????. Philon, De praemio et pœna, 6, Opera, édit. Mangey, Londres, 1742, t. II, p. 414 ; De eo quod deterius potiori insidiatur, 14, ibid., t. I, p. 200 ; De profugis, 12, ibid., p. 555 ; De sacrificiis Abelis et Caini, 2, ibid., p. 164 ; cf. Quod a Deo miltantur somnia, ibid., p.642 ; Quis rerun divinarum heres, 57, ibid., p. 514. Animé de cette même pensée du ciel, Josèphe exhortait ses soldats à ne point se donner la mort, mais à se rendre plutôt à l’ennemi, afin de ne pas devenir indignes par le suicide de la récompense des saints, ????? ??????? ???????? ??? ?????????. De bello judaico, I. III, c. VIII, n. 5, édit. Didot, Paris, 1865, p. 170 ; cf. I. VII, c. VIII, n. 7, ibid., p.328.

Les apocryphes n’hésitent pas à produire parfois des détails circonstanciés, romanesques ou symboliques, à peindre la félicité du ciel sous des couleurs de rêve qui ont longtemps charmé les imaginations et qui se retrouvent encore dans les descriptions des pères de l’Eglise, bien après l’ère apostolique. Mais ils s’accordent généralement à placer hors de la terre la félicité des élus. Hénoch, sur sa nuée soulevée par le vent, arrive aux frontières du ciel. C’est là qu’il voit la demeure des saints et le séjour des anges. Hénoch, XXXIX, 4, dans le Dictionnaire des apocryphes de Migne, Paris, 1856, t. I, col. 449. " Les élus du ciel ont dans le ciel leur demeure ", XV, 8. Lods, Le livre d’Hénoch, Paris, 1892, p. 81. L’Assomption de Moïse, par son contenu comme par son titre même, reproduit cette conception. Cf. Ceriani, Monumenta sacra et profana, Milan, 1861, t. I, fasc. 1, p.57. C’est au paradis,
IV Esd., VII, 42 ; VIII, 52, que les saints goûteront les délices du siècle futur. Ceriani, op. cit., t. I, fasc. 2, p. 111, 113. Mais ce paradis, planté par Dieu " avant que la terre fût créée ",
III, 6, est situé dans les régions du ciel, IV, 7, Ceriani, ibid., p. 99-100. Cf. Apocalypse de Baruch, 51, ibid., p. 86. Les caractères principaux de ce séjour céleste se retrouvent, dans ces divers écrits, sensiblement les mêmes. Les élus vivront en société intime avec Dieu.
Hénoch I, 8 ; CIV, 2, Lods, op. cit., p. 70 ; Migne, op. cit., col. 509. Ils verront de leurs yeux l’auteur de leur salut, IV Esd., VI, 25, Ceriani, op. cit., t. I, fasc. 2, p. 103. Ils seront semblables aux anges et converseront avec eux. Hénoch, XXXIX, 4, Migne, ibid., p. 449 ; Apocalypse de Baruch, 51, Ceriani, op. cit., p. 86. Ensemble seront réunis tous les saints, apparebit multitudo animarum simul in uno cœtu unius animi, Apocalypse de Baruch, 30, Ceriani, ibid., p. 80, et tous, resplendissant de lumière et de gloire, jouissant des délices de la vie bienheureuse, loueront éternellement le Seigneur dans cette demeure de la paix.
Hénoch, XVII, 8 ; I, 8 ; XX, 5, 6 ; LXI, 15 ; XXXIX, 4, 7, Lods, op. cit., p. 87, 70 ;
Migne, op. cit., col. 455, 464, 449 ; cf. Stapfer, Les idées religieuses en Palestine à l’époque de Jésus-Christ, Paris, 1886, p. 136 sq. ; Bouriant, Fragments grecs du livre d’Hénoch, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, 1892, t. IX, fasc. 1, p. 93-110 ; IV Esd., VIII, 52-53 ; VII, 43, 55, Ceriani, op. cit., p. 113-114, 111 ; Apocalypse de Baruch, 30, 51, 85, Ceriani, ibid., p. 80, 86, 98 ; cf. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 1898, t. III, p. 213-222.

Quant à la littérature rabbinique, elle se complait dans les détails inconsistants, futiles, déconcertants. On y voit, par exemple, que le juste brillera dans les cieux 342 fois plus que le soleil. Targum de Jonathan, sur II Sam., XXIII, 4, cité par Stapfer, op. cit., p. 145. Mais il est inutile de lui demander sur les croyances eschatologiques du peuple juif des documents dont l’histoire des idées religieuses puisse bénéficier. Aussi doit-on reconnaître que M. Israël Lévi n’a point poussé à outrance l’expression de la vérité en formulant sur elle ce sévère jugement : " C’est un véritable chaos que l’ensemble des doctrines talmudiques sur la vie d’outre-tombe, les conceptions les plus disparates se heurtent et se concilient, on ne sait par quel miracle ". Revue des études juives, Paris, 1892, t. XXV, p. 4.

II. Doctrine Traditionnelle.

Certains évangélistes pour qui la notion de l’au-delà implique seulement pour les justes l’immortalité bienheureuse, indépendamment de toute condition commune de vie et de séjour, se refusent à reconnaître comme une tradition spécifiquement chrétienne la doctrine catholique du ciel. " Dans la conception des Hébreux comme dans celle de Jésus et de ses contemporains, le ciel n’est nullement envisagé comme le séjour des justes ou des croyants immédiatement après leur mort, aussi peu qu’après leur résurrection. Cette conception aujourd’hui presque universelle est une grave erreur, n’ayant aucun fondement scripturaire et qui ne règne dans l’Eglise que depuis Origène et ses successeurs. " Wabnitz, art. Ciel, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, Paris, 1878,
t. III, p.182. Il suffit d’une étude sommaire des documents et monuments de l’antiquité chrétienne pour rendre sensible la légèreté de cette assertion.

Pères de l’Eglise. – 1. Période anténicéenne. – La Doctrine des apôtres se contente, en rappelant les liens qui nous unissent au Père céleste, VIII, 2, d’évoquer au-delà de ce monde qui passe, la pensée du monde futur où Dieu sera éternellement glorifié, X, 6. ?????? ????? ??? ????????? ? ?????? ?????. Funk, Die apostolichen Väter, dans Sammlung ausgewählter Kirchen und Dogmengeschichtlichen Quellenschriffen de Krüger, Tubingue, 1901, p5-6. Mais l’Epître de Barnabé précise ces indications. Le monde futur est celui du salut, de la sainteté et de l’amour, IV, 1 ; X, 11. Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1883,
t I, p.8, 34. Aux justes, héritiers des promesses, il sera donné de voir le Christ et d’être en société avec lui dans son royaume, VII, 11. Ibid., p. 24. C’est par leurs œuvres qu’ils arriveront au séjour qui leur est fixé, ??? ??? ????????? ?????, XIX, 1. Ibid., p. 52. Saint Clément de Rome insiste sur le bonheur incommensurable que Dieu réserve aux élus par le Christ et dont lui seul connaît la grandeur et la beauté. I Cor., XXXIV, 7, 8 ; XXXV, 2, 3 ;
L, 5-7, Funk, op. cit., p. 102, 104, 124. Ceux qui meurent dans la charité posséderont la demeure des saints, ????? ???????, L, 3. Ibid., p. 124. C’est dans ce séjour de gloire que Pierre et Paul sont entrés par le martyre, ??? ??? ??????????? ????? ??? ?????, ??? ??? ????? ????? ????????, V, 4, 7. Ibid., p. 68. Heureux les prêtres qui ont mérité la plénitude du salut ; ils n’ont pas à craindre d’être privés de la place qui leur est assignée, ??? ??? ????????? ?????? ?????, XLIV, 5. Ibid., p. 116 ; cf. II Cor., I, 2 ; VI, 3-7 ; XI, 7 ; XIV, 5 ; XIX, 4 ;
XX, 2, ibid., p. 144, 150, 158, 162, 168.

Le pasteur d’Hermas a vu le ciel s’ouvrir. Rhode, du haut des cieux, lui apparaît et le salue : c’est le séjour où elle a été reçue, ?????????. Vis., I, 1, 4-5 ; 2, 1, Funk, op. cit.,
p. 386, 328. Les justes qui auront persévéré jusqu’à la mort au service du Christ passeront ainsi dans le séjour des anges, ? ????? ????? ???? ??? ??????? ?????, Simil., IX, 27, 3 ;
Vis., II, 7, ibid., p. 346, 548, et ils habiteront avec le Fils de Dieu, Simil., IX, 24, 4, Ibid.,
p. 542 et ils seront bienheureux. Vis., II, 2, 7 ; Simil., IX, 29, 3, ibid., p. 346, 456 ;
cf. Vis., I, 1, 8 ; III, 8, 4 ; Mand., VIII, 9, ibid., p. 336, 368, 414. Une grande pensée anime tous les écrits de saint Ignace d’Antioche, celle de la possession de Dieu. ???? ?????????.
Ad Rom., IV, 1 ; Ad Eph., X, 1 ; Ad Smyr., IX, 2, Funk, op. cit., p. 216, 180, 242.
Cette jouissance de Dieu, nous l’aurons dans le Christ, qui commande au ciel et à la terre.
Ad magn., I, 2 ; Ad Eph., XIII, 2, ibid., p. 192, 182. Aussi est-ce une belle chose de quitter la terre pour monter vers Dieu, ????? ?? ????? ??? ?????? ??? ????, ??? ??? ????? ????????,
et de participer ? la pure lumière, ??????? ??? ??????, dans le lieu qui nous est assign?, ??? ??? ????? ?????. Ad Rom., II, 2 ; VI, 2 ; Ad Magn., V, 1, ibid., p. 214, 220, 194.

Ces pensées sont également celles de saint Polycarpe. Lui aussi attend la récompense promise aux martyrs, la réunion avec le Christ dans le séjour qui leur est dû, ??? ??? ??????????? ?????? ?????, ???? ?? ?????. Ad Phil., IX, 2, Funk, ibid., p. 276. Il parle du bonheur et de la gloire de Paul, III, 2, ibid., p. 270, et rappelle aux croyants que le Christ règne sur le ciel comme sur la terre, à la droite de Dieu, et que nous régnerons avec lui, ??????????????? ????, II, 1 ; V, 2. Ibid., p. 268, 272. Plus explicite encore l’Epître à Diognète. Le ciel est nettement désigné comme le lieu de la récompense incorruptible, ??? ?? ???????? ?????????, VI, 8. Funk, op. cit., p. 320. C’est au ciel, séjour de la divinité, que règne le Christ sur tout l’univers, VII, 2, ibid., p. 320, et ce royaume céleste, il l’a promis et il le donnera à ceux qui l’aiment, ??? ?? ?????? ???????????????????? ??? ????? ???? ?????????? ?????, X, 2. Ibid., p. 326. Aussi les chrétiens ne sont pas de ce monde : étrangers en quelque sorte dans leur propre patrie, ils sont les citoyens du ciel, ?? ?????? ????????????, VI, 3 ; V, 5, 9. Ibid., p. 318, 316.

Tel est le caractéristique témoignage des pères apostoliques transmettant dans ses éléments essentiels la doctrine de l’Eglise primitive sur le séjour des élus. Si l’erreur millénariste, accueillie déjà dans l’Epître de Barnabé, retrouve chez les premiers apologistes une faveur nouvelle, cette fantaisie eschatologique n’entame en rien la question : quel que soit le délai apporté à l’entrée des justes dans le royaume des cieux, le ciel reste toujours, même pour les millénaristes, le séjour éternel, exclusif en commun, des bienheureux. Lorsque saint Justin recommande aux fidèles de ne pas croire ceux qui affirment que l’âme monte au ciel après la mort, il ne met point en cause l’existence du ciel : il la souligne, au contraire. Dans sa pensée, comme dans celle des adversaires qu’il combat, l’entrée des justes dans la gloire éternelle était conditionnée par la résurrection, et à ce point de vue purement subjectif l’affirmation de l’une impliquait la négation de l’autre, dès que la question se posait de l’état des âmes immédiatement après la mort. C’est en ce sens que saint Justin se prononce contre l’admission au ciel de l’âme séparée du corps, ??? ?? ??????????? ?????????? ???? ??? ??? ???????. Dial. Cum Tryph., 80, P.G., t. VI, col. 666 ; Otto, Corpus apologetarum christianorum sæculi secundi, Iéna, 1877, t. I, p. 290. Mais ce n’est là qu’un délai : le ciel, pour être différé, n’en est pas moins le ciel. Au reste, sur l’ensemble du sujet, la pensée de saint Justin n’offre rien de défaillant ni d’obscur. Un passage du ???? ?????????, 7,
nous montre le Christ habitant corporellement dans les cieux afin de nous enseigner que là aussi, près de lui, sera notre habitation. P. G., t VI, col. 1589 ; Otto, ibid., t. II, p. 244.
C’est au roi du ciel que le martyr Lucius espère se réunir, ???? ??? ?????? ??? ??????? ??? ??????? ??????????. Apol., II, 2, ibid., col. 448 ; Otto, ibid., t. I, p. 202. Partout les chrétiens vertueux sont persuadés qu’ils trouveront auprès de Dieu, en société avec lui, la fin de leurs maux, ?? ???? ?????? ???, ?? ???? ????????? ????. Apol., II, 1 ; Dial. cum Tryph., 56, ibid., col. 441, 612 ; Otto, ibid., t. I a, p. 196 ; t. 1 b, p. 198. Talien parle aussi d’un ciel situé au-delà du ciel visible, où règne sans succession un jour qui n’a point de déclin, où resplendit une lumière inaccessible aux hommes d’ici-bas. Il s’appuie sur l’autorité des prophètes pour émettre cette doctrine et pour affirmer que l’esprit recevra un jour le revêtement céleste,
qui fera disparaître toutes les apparences de notre mortalité, ?? ???????? ???????? ??? ??????????. Orat. Adversus Græcos, 20, P. G., t. VI, col. 852.

Il est assez difficile de concilier entre elles les idées émises par saint Théophile d’Antioche sur le paradis terrestre, sur le paradis des élus et sur le ciel. Ad autol., II, 24, 26, 36, P. G., t VI, col. 1089, 1093, 1116 ; Otto, Corpus apologetarum, Iéna, 1861, t. VIII, p. 120-122, 124, 174. Le passage le plus clair est celui qui affirme l’existence d’un ciel invisible distinct du firmament et créé par Dieu au premier jour, ?????? ??????? ??? ?????? ???? ?????, II, 13. P. G., ibid., col. 1703 ; Otto, ibid., p.96. Mais il est impossible à la critique de décider si le paradis des élus est identifié avec le paradis terrestre ou avec le ciel. Cf. Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicänischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 553, 598.

Dans Saint Irénée se retrouvent toutes les données de la tradition catholique. Il est vrai que lui aussi distingue le ciel du paradis et de la cité sainte. Cont. Hær., l. V, c. XXXVI, n. 1, P. G., t. VII, col. 1122 ; cf. l. V, c. V, n. 1, ibid., col. 1135. Mais cette distinction représente surtout une inégalité de jouissance dans la possession d’une récompense, en raison de l’inégalité des mérites. Car tous les justes, du moins après leur résurrection, jouiront de la vue du Christ, ???????? ??? ? ????? ??????????, et le Christ est dans les cieux. Cont. Hær.,
l. V, c. XXXVI, n. 1 ; l. III, c. XII, n. 3, ibid., col. 1122, 895 ; cf. l. V, c. XXXI, n. 2 ;
l. IV, c. XXXIII, n. 13 ; l. III, c. XII, n. 9, ibid., col. 1209, 1082, 902. Les élus jouiront également de la vue de Dieu, ?????????? ??? ??? ???? ??? ????, l. V, c. XXXI, n. 2 ;
l. III, c. XII, n. 3, ibid., col.1209, 895 ; ils posséderont l’immortalité par Jésus-Christ qui est la paix des âmes et leur réconfort, et l’on verra briller la gloire du Père, après le renouvellement des mondes, dans la cité de Dieu, l. V, c. XXXV, n. 2 ; l. III, XVI, n. 4. Ibid., col. 1220-1221, 924. Nous n’avons qu’à rapprocher de ces données les vues eschatologiques de saint Hippolyte ; le disciple reproduit fidèlement le maître. Le Christ nous a ouvert les cieux, où il est monté le premier, ????? ?????? ??? ???????? ??????. Serm. in Elcanam et Annam, P. G., t. X, col.864 ; édit. Bonwescht et Achelis, Die grieschichen christlichen Schriftsteller, Liepzig, 1897, t. I, p. 122. Dans le royaume du Christ sont rassemblés les prophètes, les martyrs, les apôtres, et c’est au ciel que l’on reçoit la couronne de vie impérissable, ????????? ??????????? ???? ?? ???? ???????? ????????. De Antichristo, 31, 59, P. G., t. X, col. 752, 780 ; édit. Bonwescht et Achelis, p. 20, 39. Le Christ est l’arbre de vie ; ceux qui désirent goûter cette vie en jouiront éternellement devant la face de Dieu, avec Adam et tous les justes. Fragmentia in Proverbia, P. G., t. X, col. 620 ; édit. Bonwescht et Achelis, p. 163.

Quand les traditions éparses des premiers âges commencent à se synthétiser en un agrégat suucinct de doctrines, l’école catéchétique d’Alexandrie n’a que peu de choses à surajouter à ces données substantielles qu’elle contribuera beaucoup à développer. Pour Clément d’Alexandrie, la récompense des justes réside dans le ciel, qui est notre royaume et notre héritage, ?????? ???? ????????? ???????, ??????????? ???????. Coch. ad gerat., c. I, P. G., t. VIII, col. 60, 65 ; cf. Pæd., III, 7, P. G., t. IX, col. 608-609 ; édit. Stälhin, Leipzig, 1905, p. 258-260. Aux élus est réservée la vision de Dieu, ???? ??????????, Coh. ad gentes, c. I ; Strom., V, 1, P. G., t. VIII, col. 65 ; t IX, col. 17, et cette contemplation est divine leur vient du Christ. Coh. ad gent., c. I, P. G., t. VIII, col. 68. Tous les saints sont réunis au ciel où habitent les anges, Pæd., II, 12 ; Strom, VII, 2, P. G., t. IX, col. 541 ; t. VIII, col. 408 ;
sur eux règne le Christ, Strom, VII, 10, P. G., t. IX, col. 480, et ils règnent avec lui,
Pæd, III, 7 ; Coh. ad gent., c. I, P. G., t. IX, col. 608 ; t. VIII, col. 60. Le ciel est décrit comme le séjour de l’éternel repos en Dieu, ? ?????? ????????? ?? ?? ???, Pæd., I, 13,
P. G., t. IX, col. 373, de la vie véritable, ??? ????? ????? ????, et de la gloire, Strom., IV, 7, P. G., t. VIII, col. 1255, un lieu de délices et d’infinie béatitude, Strom., V, 14 ; Pæd., I, 9,
P. G., t. IX, col. 181 ; t. VIII, col. 340 ; édit. Stälhin, p. 139 ; la patrie d’en haut,
??? ??? ????????, Coh. ad gent., c. IX, P. G., t VIII, col. 193 ; Quis dives salvetur,
3, P.G., t. IX, col. 608 ; édit. Barnard, Texts and studies, Cambridge, 1897, t. V, n. 2, p. 4. Origène commence à soumettre à l’analyse et à la réflexion philosophique ces croyances.
Il convient que la conception et la description de ce monde invisible ne sont point chose aisée, De princ., l. II, c. III, n. 6, P. G., t. IX, col. 193, et lui-même compliquera de graves erreurs ces difficultés. Toutefois son universalisme, en affirmant le salut de toute créature, ne fait point la part égale aux justes et aux pécheurs purifiés. Ceux-ci, dans le monde futur, posséderont la terre des vivants, tandis que les saints et les parfaits jouiront du royaume des cieux. De princ., l. II, c. III, n. 7, ibid., col. 198. Jésus-Christ est monté au ciel pour nous ouvrir la demeure éternelle, où nous vivrons avec lui dans la claire vue de Dieu. De princ., l. II, c. XI, n. 6 ; l. I, c. VI, n. 2 ; De oratione, n. 11, P. G., t XI, col. 246, 166, 449.
Origène se demande où est le ciel, quelle en est la gloire et l’excellence. Il émet l’opinion que le ciel pourrait bien n’être pas séparé du ??????, tout en ?tant distinct du firmament, ??????? ?????? ???? ?? ????????. Mais qui aura le dernier mot de ces choses ? De princ., l. II, c. III, n. 6 ; Cont. Celsum, VII, 31, P. G., t. XI, col. 195, 1465 ; Koestchau, Origenes Werke, Leipzig, 1899, t. I, p. 182. Qoui qu’il en soit, c’est un monde ultra-terrestre, et la constitution des corps glorieux leur permettra d’habiter ces régions supérieures et éthérées, ?? ?????? ??? ???? ??????? ????? ??????. Cont. Celsum, III, 42, P. G., t. XI, col. 973 ; édit. Koetschau,
t. I, p. 240. Quant aux conditions générales de l’existence dans ce monde futur dont nous n’avons ici-bas que de fuyants emblèmes, l’idéalisme d’Origène se contente de signaler le caractère contemplatif de cette vie bienheureuse, où brillera la vraie lumière, ???????? ???. Cont. Celsum, VII, 31, P. G., t. XI, col. 1465 ; édit. Koetschau, t. II, p. 132 ; Comment. in Mattheum tom. XV, P. G., t. XIII, col. 1321 ; In Ps. XXII, 5 ; In Ps. XXXVIII, 7, Pitra, Analecta sacra, t. II, p. 480 ; t. III, p. 30.

Préoccupé surtout de l’imminence des derniers temps et des conséquences immédiates rattachées par la fantaisie des millénaristes à la prochaine parousie, Tertullien semble n’accorder qu’une attention restreinte à la considération du ciel. Le réalisme de son génie se prêtait d’ailleurs assez mal à une étude approfondie des problèmes que soulève, en dehors du dogme, la pensée de l’au-delà. Mais l’ensemble de la doctrine catholique n’en est pas moins, à l’occasion, fermement exposée, et en magnifique langage. Dès les premières lignes de l’Apologétique, le ciel apparaît comme la patrie et l’espoir de la " secte " persécutée. Scit se peregrinam in terris agere,… sedem, spem, gratiam, dignitalem in cælis habere. Apologet.,
c. I, P. L., t. I, col. 260. C’est vers le ciel, séjour du Dieu vivant, que le chrétien tourne ses regards. Ad cælum respicit. Novi enim sedem Dei vivi, c. XVII, ibid., col. 377. C’est au ciel que le Christ est monté après sa mort et nous y monterons un jour à sa suite. De anima, 55,
P. L., t. II, col. 742-744 ; édit. Reifferschild et Wissova, dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, Vienne, 1890, t. XX a, p. 388-389 ; De res. Carnis, c. XLIII,
P. L., ibid., col. 1166 ; édit. de Vienne, ibid., p. 187 ; cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 281, 446-448. Avec plus de force encore dans la pensée et une plénitude d’expression qui évoque à la fois tous les différents aspects du ciel, saint Cyprien ne cesse de rappeler, dans les sombres jours de la persécution, les rayonnantes espérances d’outre-tombe. Que la mort nous ravisse à la terre, à ce monde décevant, aussitôt nous serons transportés aux royaumes du ciel, dans le paradis. Epist. ad Fortunat., c. XII, P. L., t. IV, col. 674 ;
édit. Hartel, dans le Corpus scriptorum eccles. latin. , Vienne, 1868, t. I, p. 347. Le Christ nous montre la voie, il nous ramène avec lui au ciel, et non seulement les martyrs, mais tous ceux qui suivront le Seigneur jusqu’au bout. Epist. ad Fortunat., ibid. ; Liber ad demetrianum, c. XX, P. L., t. IV, col. 676 ; édit. Hartel, t. I, p. 365. Pour eux la récompense est immédiate : ni millénium ni délai. Nulli patet cælum, terra adhuc salva, ne dixerim clausa, avait dit Tertullien, De anima, 55, P. L., t. II, col. 744. Clauduntur in persecutionibus terræ, sed pater ad cælum, répond avec autorité Cyprien, et tous seront réunis en un seul lieu, in eodem loco, dans le royaume même du Christ, avec lui et avec Dieu. Epist. ad fortunat., c. XII, XIII. Liber ad demetrianum, c. XXV, P. L., t. IV, col. 674, 676, 563 ;
édit. Hartel, p. 345-346, 347, 370. Et quelles infinies jouissances, débordant nos propres désirs, et quelle gloire ! Voir Dieu et converser avec le Christ, et cela toujours, dans la patrie commune, au milieu de nos amis et de nos proches, de tous les amis de Dieu ! Dans ce séjour de l’éternelle lumière, resplendissant de la clarté divine, heureux d’un inconcevable bonheur que rehaussera la joie intime de n’avoir point à la perdre, nous règnerons et notre règne, comme celui du Christ, sera un perpétuel triomphe. O dies ille qualis et quantus adveniet,… quæ erit gloria et quanta lætitia admitti est Deum videas, honorari est cum Christo Domino Deo tuo salutis ac lucis æternæ gaudium capias,… cum justis et Dei amicis in regno cælorum datæ immortalitatis voluptate gaudere !… Cum claritas super nos Dei fulserit, tam beati erimus et læti dignatione, Domine honorati. Epist., LVI, ad Thibaritanos, P. L., t. IV, col. 357 ; Epist., LVIII, édit. Hartel, t. I, p. 665 ; cf. De mortialitate, c. XXVI, P. L.,
t. IV, 601 ; édit. Hartel, t. I, p. 313.

A cet expressif et éclatant témoignage de l’Eglise d’Afrique, le plus saillant aussi de toute la période anténicéenne, les témoignages subséquents des autres Eglises n’ajouteront rien de particulièrement notable. Saint Grégoire le Thaumaturge accentue pourtant la pensée fondamentale de l’union avec Dieu et les conséquences intimes qui doivent en résulter pour la nature humaine. En parlant de Marie, qu’il nomme la reine du ciel, regina cælestis, et qu’il élève jusqu’au trône de la divinité, super cherubim juxta divinatem sedet, il émet cette remarque, dont le développement donnera lieu plus tard à de magnifiques aperçus dans la théologie des Pères, que la nature de l’homme, par contact céleste avec Dieu, se trouve en quelque sorte déifiée. Christus… terrenas naturas adeo elevavit ut illas pæne deificaret. Sermo panegyricus in sanctam Deigenit ricem et semper virginem Mariam, 4, dans Pitra, Analecta sacra, t. IV, p. 407. La solidarité qui unit au plus étroit tous les habitants du ciel, le Christ, les anges et les saints, est mise également en vive lumière, et le ciel apparaît ses caractères traditionnels comme le séjour du bonheur dans une splendeur de gloire. Sermo panegyricus in honorem sancti Stephani, 2, Pitra, ibid., p. 409 ; cf. In Origenem oralio panegyrica, P. G., t. X, col. 1100 ; Koetschau, Des Gregorios Thaumaturgos Dankrede an Origenes, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 37. Victorin de Petlau se contente d’esquisser à grands traits la doctrine commune. Scholia in Apoc., c. VI, 9 ; c. XXII, 16, P. L., t. V,
col. 329. Enfin saint Méthode d’Olympe met en relief la douce familiarité qui rapprochera de Dieu les élus comme des fils auprès de leur père, et qui fera des vierges un chœur à part, en société plus directe avec le Christ, ??? ????? ??? ????? ???? ??? ????????. Convivium decem virginum, l. VII, c. III, P. G., t. XVIII, col. 128. Il semble aussi placer le ciel dans le voisinage immédiat des étoiles, ??? ????? ????? ??? ????? ?? ???? ???????? ??? ?????????? ???? ???????, l. VIII, c. X, ibid., col. 153. Cf. De res., 5, ibid., col. 312 ;
Bonwescht, Methodius von Olympus, Schrifen, Erlangen, t. I, p.77.

2. Période postnicéenne. – La doctrine catholique du ciel est immuablement fixée dans ses lignes principales par les pères anténicéens : tous sont unanimes à affirmer l’existence d’une vie ultra-terrestre commune à tous les bienheureux, dans un séjour particulier qui est le ciel. Cà et là commencent à se dégager les caractères distinctifs de ce séjour : c’est un lieu de lumière au sein de la divinité, de gloire avec le Christ à jamais régnant, de paix avec les justes unis par la douce charité. Le développement normal de la doctrine portera surtout dans la suite sur ces points secondaires ; et comme les problèmes de l’au-delà auront toujours le privilège de s’imposer à l’attention des penseurs et de tenir en éveil la curiosité des foules, il n’est pas étonnant de voir surgir dans l’esprit des plus grands docteurs de l’Eglise ou de l’Ecole un certain nombre de questions insolubles qui ne pouvaient prêter qu’à des réponses inconsistantes, vaines, parfois naïves aussi, mais dont il serait superflu et tout aussi vain de s’émouvoir. La curiosité humaine pourra changer d’objet au cours des âges, elle ne changera point de nature. Surtout il convient de pas prêter à des hypothèses une valeur qu’elles ne revendiquent point, et suivant le mot d’un scolastique, habitué pourtant aux solutions ingénieuses ou faciles, il est certains dires des saints qu’il faut savoir interpréter sainement. Sunt aliqua sanctorum dicta sane interpretanda. Biel, Commentarii in IV sent. libros, dist. XLV, q. I, Brescia, 1754, t. II, p. 523-524. D’autre part, il n’est pas non plus hors de propos de signaler, quand ils se présentent, ces documents d’ordre spécial qui intéressent à divers égards l’histoire de la pensée religieuse.

a) Eglise latine. – La théologie superficielle de Lactance pourrait servir, au besoin, de transition entre les tendances des deux époques, entre la période d’affirmation et la période de recherches. Tout en admettant encore le délai de la récompense finale jusqu’au jour de la résurrection, Divin. institut., l. VII, c. XXI, P. L., t. VI, col. 802-803, elle met suffisamment en relief la nature des biens célestes, les joies de la présence de Dieu, la transformation de nos facultés adaptées aux conditions nouvelles de ce séjour de délices, de lumière et d’immortalité qui sera notre royaume. In bonis cælestibus collocati… præsenti Deo gratias agent… quod eos ad regnum vitam que perpetuam suscitarit. De resur. animæ, c. XXIII, ibid., col. 806. Et transformabit Deus homines in similitudinem angelorum, c. XXVI, ibid., col. 814.
Cf. c. XXVII, col. 821. Déjà aussi des interrogations se posent sur l’état des élus dans ce monde tout autre, et Lactance note avec intérêt que le séjour du ciel ne fera rien oublier des choses de ce monde terrestre. Prioris vitæ factorum que omnium memores erunt.
De resur. animæ, c. XXIII, ibid., col. 806. Saint Hilaire de Poitiers insiste également sur les propriétés nouvelles acquises dans la gloire céleste par notre nature corporelle.
Tract. in Ps. CXXXVIII, n. 22, P. L., t. IX, col. 804 ; édit. Hartel dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum, Vienne, 1891, t. XXIX, p. 759. Le ciel est le royaume du bonheur, où luira un jour éternel ; le Christ lui-même viendra nous introduire dans ce royaume fortuné. Custodiet introitum Dominus, in æternum illud et beatum regnum introducens.
Tract. in Ps. CXX, n. 16, ibid., col. 660 ; édit. Hartel, p. 569-570. Mais il convient de remarquer que, pour saint Hilaire, l’entrée dans la gloire éternelle devait être différée jusqu’à la fin des temps et que le royaume de Dieu, ouvert aux hommes seulement après la résurrection, est distinct dans sa pensée du royaume du Christ où sont accueillies les âmes après la mort. Tract. in Ps. CXXXVIII, n. 22 ; in Ps. II, n. 49, ibid., col. 804, 290 ; édit. Hartel, p. 759, 74. A remarquer aussi le curieux passage, évidemment motivé par les préoccupations populaires, où le saint évêque condescend à expliquer assez au long ce que sera la température du ciel, beata temperies, et répond à ceux qui interprétaient dans un sens littéral le verset du Ps. CXX : Per diem sol non uret te neque luna per noctem. Tract. in Ps. CXX, n. 16, ibid., col. 660 ; édit. Hartel, p. 569-570. Voir l’introduction de dom Coustant aux œuvres de saint Hilaire, c. VI, P. L., t. IX, p. 95.

La pensée saillante de saint Ambroise, dans sa doctrine sur le ciel, est assurément celle de l’union mystique des élus. A maintes reprises le ciel est décrit comme le lieu du repos,
ad requiem supernam, De obitu Theodosii oratio, n. 30, P. L., t. XVI, col. 1396 ; de la lumière éternelle, n. 32, ibid. ; de la gloire impérissable. Epist., XXII, de bono mortis, c. X,
n. 47, P. L., t. XIV, col. 561. Mais toutes ces considérations secondaires n’offrent jamais le relief d’expression et l’insistance émue que met le saint docteur à dépeindre les rapports des élus entre eux et avec Dieu, le charme de leur commerce, la douce et sympathique charité qui les unit. Ce n’est plus seulement l’union avec Dieu, c’est l’adhésion à la divinité. In intellibili secreto totus intentus atque adhærens Deo. De obitu Theodosii oratio, n. 29, P. L.,
t. XVI, col. 1394 ; cf. Epist., XXIII, de bono mortis, c. XI, n. 48, P. L., t. XIV, col. 562.
La joie de vivre avec le Christ pour n’en être jamais séparé n’est pas exprimée moins vivement. De obitu Theodosii, n. 31, P. L, t. XVI, col. 1396 ; Expositio Evangelii secundum lucam, c. X, n. 12, P. L., t. XV, col. 1487. Une idée nouvelle se dégage dans le traité De virginibus, l. II, c. II, n. 16-17, P. L., t. XVI, col. 211, c’est l’allégresse commune aux bienheureux et la grâce accueillante de Marie lorsqu’une âme monte de la terre au ciel.
O quantis illa ( Maria ) virginibus occuret ! Cette pensée se retrouve en plusieurs autres passages. Gratien vient lui-même à la rencontre de son frère Valentinien pour l’introduire dans le séjour de la félicité, in propriam mansionem ; un cortège spécial d’âmes saintes les accompagne ; les anges et tous les élus prennent part à leur joie. De obitu Valentiniani consolatio, n. 71, 77, P. L., t. XVI, col. 1379, 1381. Ce sera un bonheur tout particulier de converser ainsi avec les saints du ciel dans la paix profonde. Bona requies… cælesbitus consortiis requiescere sanctorum. De obitu Theodosii oratio, n. 29, 32, P. L., t. XVI,
col. 1395-1396. Cf. De institutione virginis, c. XVII, n. 113, ibid, col. 333.

Saint Jérôme insiste également sur cette pensée dominante. Blésilla s’adressant à sa mère lui confie sa joie de trouver dans le ciel une autre mère, Marie. Habeo pro te Mariam matrem Domini. La compagnie des saints, de ceux mêmes qu’elle n’avait jamais connus, lui est infiniment plus douce que toutes les amitiés de la terre. O quanto melior est iste comitatus ! Epist., XXXIX, ad Paulam super obitu Blæsillæ filiæ, n. 6, P. L., t. XXII, col. 472. Avec les chœurs des anges, les liens ne sont ni moins intimes, ni moins bienfaisants. Epist., XXIII,
ad Marcellam de exitu Leæ, P. L., t. XXII, col. 426. Une des jouissances les plus vives sera d’être avec le Christ, de suivre Jésus, Jesum quem nunc Blæsilla sequitur. Epist., XXXIX,
ad Paulam, n. 2, P. L., t. XXII, col. 466 ; Comment. in ecclesiasten, P. L., t. XXIII, col. 1086. Le sauveur sera notre chef dans les cieux, Comment. in epist. ad Ephesios, c. IV, n. 8, P. L.,
t. XXX, col. 784. Le ciel est pour les bienheureux la vraie patrie ; mais l’union affectueuse persiste après la mort entre les saints du ciel et leurs amis de la terre. Comment. in Epist. II ad Cor., c. V, n. 6, P. L., t. XXX, col. 784 ; Epist., XXXIX ad Paulam, n. 7, P. L., t. XXII,
col. 473.

Toutes les questions agitées de son temps sur la nature de cette existence ultra-terrestre et sur la condition des élus dans le ciel, saint Augustin les a reprises et discutées, sans réussir toujours à les résoudre. Fréquemment sa pensée est flottante et il est juste de reconnaître qu’elle a varié au cours des ans. Que le ciel soit le séjour commun et la récompense des saints, le lieu de la vision béatifique, du don personnel de Dieu et des jouissances infinies qui en découlent, aucun père de l’Eglise ne l’a plus souvent redit, ni avec un relief plus saisissant. Tu, Domine, quem potat ille. Nebridius, Confess. l. IX, c. III, n. 6, P. L., t. XXXII, col. 765 ; cf. Serm., CCCXXXIX, n. 1-2, P. L., t. XXXVIII, col. 1455 ; Enarrat. In Ps. CXIX, n. 6,
P. L., t. XXXVII, col. 1602. Le Christ est vu également par les saints sous l’aspect béatifiant de sa divinité, secundum beatificam præsentiam suæ divinitatis. Epist., CLXIV, n.8, P. L., t. XXXIII, col. 712. Mais si tous les saints jouissent ainsi de la vue de Dieu, et se trouvent auprès du Père et avec le Christ, Serm., CCCXXXI, n. 1, P. L., t. XXXVIII,
col. 1459 ; De civit. Dei, l. XX, c. IX, n. 2, P. L., t. XLI, col. 674, il est à remarquer que cette jouissance est donnée comme incomplète avant la résurrection et que le ciel, dans la pensée de saint Augustin, est pour ainsi dire partagé en régions distinctes, en habitacles divers.
Les saints ne sont pas encore là où ils seront après la parousie : Nondum eris ubi erunt sancti quibus dicitur : Venite, benedicti, Enarrat. In Ps. XXXVI, n. 10, P. L., t. XXXVI, col. 361 ; ils monteront alors au sommet des cieux, in illud summum cælum. De Genesi ad litteram, l. XII, c. XXXV, P. L., t. XXXIV, col. 483. Ce séjour béatifique, distinct toutefois du ciel des anges, serm., XXVI, n. 5 ; Enrichidion, c. LXIII, P. L., t. XL, col. 261, n’est autre que le paradis ou le sein d’Abraham. In Joa, tr. XCI ; Epist., CLXXXVII, ad Dardanum, n. 7 ; Serm., CCLXXX, n. 5, P. L., t. XXXV, col. 1860 ; t. XXXIII, col. 835 ; t. XXXVIII,
col. 1283. Au reste, la pensée du grand docteur revêt toujours sur ce point une forme dubitative : c’est une question, qui pour lui reste pendante, de savoir si oui ou non les saints sont déjà en possession du royaume éternel. Retract., l. I, c. XIV, n. 2, P. L., t. XXXII, col. 606. Il avoue ne pouvoir déterminer en quoi consiste le sein d’Abraham. Confes., l. X, c. III, n. 6, P. L., t. XXXII, col. 765. D’autre part, si le paradis est distinct du ciel, où pourrait-on imaginer qu’il soit ? Enarrat. in Ps. XXX, serm. III, n. 8, P. L., t. XXXVI, col 252. Aussi émet-il parfois l’avis que ces diverses dénominations pourraient bien n’exprimer qu’une seule et même chose, le commun séjour de tous les bienheureux. Si tamen non aliquid unum est diversis nominibus appellatum, ubi sunt anuimæ bealorum. De Genesi ad litteram,
l. XII, c. XXXIV, n. 65, P. L., t. XXXIV, col. 483. Dans le même traité, saint Augustin déclare que ce séjour multiple ou unique des élus ressemble à un lieu matériel, loca similia corporalibus, l. XII, c. XXXI, n. 60, ibid, col. 480 ; mais quand il s’agit de satisfaire la curiosité de ses auditeurs qui demandent où est le lieu de la vision béatifique, où est le ciel,
il se contente de répondre avec ce tour d’esprit qui est souvent chez lui l’expédient du génie : " Vous voudriez bien savoir où se trouve ce séjour tranquille où l’on voit Dieu face à face : Dieu lui-même après cette vie sera le lieu de nos âmes. " Qui sinus est in facie Dei a me expectatis audire. Ipse ( Deus ) post hanc vitam sit locus noster. Enarrat. in Ps. XXX, serm. III, n. 8, P. L., t. XXXVI, col. 252. On remarque aussi sa préoccupation d’écarter de l’esprit des fidèles toute conception réaliste touchant l’au-delà. Regnum cælorum, regnum sempiternum, societatem cum angelis, æterna vitam, ubi nullus oritur, nullus moritur, hoc percipite. Serm., XVIII, c. IV, n. 2, P. L., t. XXVIII, col. 130. Cf. Une prière inédite attribuée à saint Augustin, dans la Revue bénédictine, 1904, t. XXI, p. 132.

Il serait superflu au point de vue théologique de poursuivre dans le détail les développements de la doctrine catholique du ciel ou des hypothèses plus ou moins acceptables qu’elle a suscitées. Nous nous bornerons à quelques indications sommaires. Honorat, évêque de Cirta, dans les consolations qu’il adresse à un chrétien exilé pour sa foi, met surtout en lumière l’honneur insigne que nous vaudra l’amitié des plus grands saints du ciel. Epistola consolatoria ad Arcadium, P. L., t. L, col. 568. Sulpice Sévère, Dial., II, 13, P. L., t. XX,
col. 210, avait exprimé déjà en termes d’une simplicité charmante cette pensée grâcieuse.
Cf. S. Paulin de Nole, Pœma XVIII, De sancto felice natalitum carmen VI, v. 139-155, P. L., t. LXI, col. 494-495 ; édit. Hartel, dans le Corpus scriptorum ecclesiasticorum, Vienne, 1894, t. XXX, p. 103-104 ; Isidore de Péluse, Epist., l. II, epist. CLI ; l. V, epist. CCCXCVI, P. L.,
t. LXXXVIII, col. 604, 1564.

Cassien s’attache à démontrer que le royaume du ciel est le royaume de la vie et qu’il y a place encore dans cette surabondance d’activité vitale, pour les sentiments humains dont nous garderons là-haut le meilleur et le plus doux. Collat., l. I, c. XIV, P. L., t. XIX, col. 500-503 ; édit. Petschenig, dans le Corpus script. eccles. latin., Vienne, t. XIII, p. 22-24. Saint Pierre Chrysologue se représente les martyrs resplendissants des lumières de la gloire future, Serm., CLXXIV, in D. Felicitatem martyrem, P. L., t. LII, col. 565, et dans les harmonies des cieux faisant éclater surtout ce splendide privilège de la béatitude, la charité. Serm., XXII,
de terrenorum cura despicienda, ibid, col. 262-263. Cf. Serm., CXXIX, in D. Cyprianum martyrem, ibid., col. 555 ; Serm., CXIX, de vero cursu pro corona gloriæ, ibid., col. 526.
Le rhéteur Julien Pomère consacre un traité spécial à la vie du ciel, qu’il appelle la vie contemplative, d’un nom qui caractérise à ces yeux le bonheur essentiel des élus et qui se retrouvera dans la plupart des écrits mystiques du moyen âge. Cf. De vita contemplativa, l. I, c. I, n. 1-2 ; c. VI, n. 2, P. L., t. LIX, col. 419, 424.

Chez les écrivains ecclésiastiques des siècles suivants, il suffit de citer saint Avit de Vienne, qui célèbre souvent la gloire et la paix du royaume céleste, la communauté de vie avec les anges. Homil., l. VII, sermo in ordinatione episcopi, édit. Peiper, dans les Monumenta Germaniæ historica auctorum antiquorum, Berlin, 1883, t. VI, p. 117 ; Homil,
l. XXV, dicta in basilica sanctorum Acaunensium, ibid., p. 146 ; Epist. ad Gundobadum, ibid., p. 33 ; Homil, l. VII, sermo die 1 Rogationum, ibid., p. 115. Saint Pierre apparaît comme le portier du ciel, ille cælorum janilor Petrus. Homil., l. VII, sermo in ordin. episc., ibid., p.124. Le Christ, par son union sublime à la substance céleste, quia celsitudini substantiæ cælestis immixtus cæli dominus factus est. Contra arianos, c. XVII, ibid.,
p. 7. Cf. S. Fulgence, De fide ad Petrum, c. XLIII, col. 740, 744. Grégoire de Tours indique la prééminence de Marie dans le ciel et son rôle maternel à l’égard des élus qu’elle accueille dans les cieux. Miracula sancti Martini, l. I, c. V, P. L., t. LXXI, col. 919.

Pour Cassiodore, les élus sont réunis dans le sein d’Abraham, où ils attendent l’entrée dans le royaume ; mais ils jouiront un jour de toutes les récompenses promises dans les cieux. De anima, c. VII ; In Ps. CI, c. XVII ; In Ps. XXIV, c. XII, P. L., t. LXX, col. 1301, 713, 180. Fortunat chante la joie spéciale qu’éprouvent les vierges d’être réunies dans le ciel à Marie, leur reine. Miscellanea, l. IV, c. XXVI ; l. VIII, c. VI, VII, P. L., t. LXXXVIII, col. 175, 267, 282. Saint Grégoire le Grand insiste sur les jouissances intellectuelles de la vue de Dieu, Dial., l. IV, c. XXIII, P. L., t. LXXVII, col. 376, sans négliger le détail ordinaire des biens qui découlent de la vision béatifique. Moral., l. XII, c IX, XXI, XLIII, P. L., t. LXXV, col. 666, 992, 999, 1038 ; Dial., l. IV, c. XXV, XXVIII, XXIX, t. LXXVII, col. 357, 365, 666.
Cf. Isidore de Séville, Sent., l. III, c. LXII, n. 7-10, P. L., t. LXXXII, col. 737-738 ; De fide catholica contra Judæos, l. I, c. LVIII, P. L., t. LXXXIII, col. 495-496 ; S. Julien de Tolède, Prognosticon, l. II, c. III, XII, XXX, P. L., t. XCVI, col. 476, 480, 495.

Du VIIe au XIIe siècle, reparaissent sans changement appréciable les enseignements de saint Ambroise, de saint Augustin et de saint Grégoire le Grand. Saint Bède reprend à son compte les idées de saint Basile sur la constitution du ciel ; mais il en fait l’objet d’une création proprement dite, qui a coïncidé avec la création des anges. Hexæmeron, l. I, c. I,
P. L., t. XCI, col. 14. Il s’étend longuement ailleurs sur les sublimes jouissances de la vision béatifique et sur les merveilleuses harmonies des cieux. Homilia, XI, in vigilia Pentecostes,
P. L., t. XCIV, col. 192-194 ; Exposit. in 1am Epist. Joa, c. III, n. 5, P. L., t. XCIII, col. 109. Voir aussi Alcuin, Epist., CXIII, ad Paulinum patriarcham, P. L., t. C, col. 342-343 ; Haymon d’Halberstadt, Expositio in Apoc., VI, 10, P. L., t. CXVII, col. 1030 ; Candide de Fulda, Epist., Num Christus corporeis oculis Deum videre potuerit, n. 7, P. L., t. CVI, col. 106 ; Raban Maur, De clericorum institutione, l. II, c. XL, P. L., t. CVII, col. 353-354. D’après lui, Elie aurait été enlevé dans le ciel atmosphérique ; le ciel des anges, où Dieu révèle les abîmes de sa divinité, est au-dessus du firmament, dont il n’est point distinct. Il est vraisemblable que ce sont deux parties d’un même tout. L’assemblée des élus constitue le royaume des cieux.
De universo, l. IX, c. III, P. L., t. CXI, col. 263-265. Voir S. Pierre Damien, Opusc., L, Institutio monialis, c. XV, P. L., t. CXLV, col. 748. L’autorité de saint Augustin a fait hésiter saint Bernard sur la question du délai de la béatitude. In festo omnium sanctorum, serm. IV,
n. 2, P. L., t. CLXXXIII, col. 742. Mais la pensée du ciel est dominante dans ses écrits, complaisamment exprimée parfois en descriptions qui ne négligent aucun détail. De diversis, serm. XLII, n.5, 7, ibid., col. 663-665. Il aime à mettre en vive lumière non seulement les splendeurs de la divine gloire, Serm., XXI, de excellentia divinæ visionis, ibid., col. 940-944 ; mais surtout l’union douce et forte qui des saints ne fait qu’une âme, In vigilia SS. Petri et Pauli apostolorum, ibid., col. 406, et la vie angélique qui sera l’apanage des élus du ciel. Serm., XXVII, de ornatu sponsæ et qualiter anima sancta in cælum dictatur, P. L., t. CLXXXIII, col. 912.

b) Eglise grecque. – Les problèmes spéculatifs et les recherches curieuses sur l’au-delà semblent préoccuper moins vivement les Grecs que les Latins, et nous n’avons guère à enregistrer chez eux que l’enseignement correct de la doctrine reçue, à le prendre toutefois dans ses grandes lignes, en dehors de la question du délai de la récompense et de celle aussi de l’universalité du salut, questions secondaires du point de vue qui nous occupe. Eusèbe de Césarée montre l’âme de Constantin réunie à Dieu, ???? ??? ????????, rev?tue des splendeurs de la lumière et fixant son regard vers les voûtes du ciel, ???? ?????? ????????? ??????. De vita Constantini, P. G., t. XX, col. 912-913. Ces derniers mots, s’ils ont un sens précis, impliqueraient une distinction, et dès lors une succession de séjours dans le ciel. Telle est aussi, à n’en pas douter, l’opinion de saint Athanase, lorsqu’il enseigne que le Christ, par sa mort, nous a introduits de nouveau dans le paradis et tracé le chemin du ciel, ??????? ?? ?? ?????????, ?????? ?? ??? ??????? ???? ????????? ???????? ???? ????. Expositio fidei, n. 1, P. G., t. XXVI, col. 201. Mais la voie est libre et nous rejoindrons le sauveur. De incarnatione Dei Verbi contra arianos, c. III, P. G., t. XXVI, col. 989 ; Epist. heorstat., c. V, n. 3, ibid., col. 992. Un autre passage cité par Jean Damascène, De his qui in fide dormierunt, 31, P. G., t. XCV, col. 227 nous dépeint l’assemblée des justes dans l’attente de la gloire finale qui suivra la résurrection : en étroite communion de pensée et de sentiments, tous se réjouissent de leur bonheur et du bonheur de tous, ???????? ??????? ??????? : ??? ???????????????.

La distinction du ciel et du paradis ne se retrouve pas dans saint Basile, qui emploie indifféremment les deux dénominations. Homil., XIX, in quadraginta martyres, P. G.,
t. XXXI, col. 524. Les élus sont avec les anges et leur âme est portée au ciel par les anges. Homil., XVIII, in Gordium martyrem, 8, ibid., col. 505 ; cf. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., III, de baptismo, 5, P. G., t. XXXIII, col. 433 ; Cat., XIV, de Christi resurrectione, 26, ibid.,
col. 860 ; mais les anges voient la divinité, tandis que les bienheureux ne contempleront Dieu face à face qu’après la résurrection, ??????? ???????? ???? ??? ??????????, ???? ??????????????? ??? ???????? ???? ???????? ???????. Homil. in Ps. XXXIII, n. 10, ibid., col. 377. Dans cette brillante demeure qu’est le ciel, ??? ???????????? ?????, ??? ???????? ??? ???????, Homil., I, in Ps. XIV, n. 1, ibid., col. 253, les élus s’épanouiront comme des fleurs. Homil. in Ps. XXVIII, col. 288 ; cf. Homil. in Ps. XLIV, n. 9, col. 408. Les saints seront entre eux et avec Dieu comme des amis, et cette intime affection constitue l’une des caractéristiques de la sainteté, ????? ????? ???? ??? ???????? ?????. Homil. in Ps. XLIV, n. 2, col. 391. Saint Basile est le premier qui se soit occupé, au point de vue physique, de l’origine et de la constitution du ciel empyrée : à ce titre il a exercé une influence prépondérante sur la théologie spéculative du moyen âge. Pour lui le ciel est beaucoup plus ancien que le monde visible ; il est même éternel, sans relation avec le temps. Mais il échappe à toute définition : impossible d’en donner une idée même approximative. On peut dire que c’était un lieu ou quelque chose d’analogue, propre à recevoir les natures angéliques. ?? ??? ????????? ? ??? ??? ?????? ???????? ?? ???????? ???? ???????????? ???????? ????????, ? ??????????,
? ?????? ? ??????. Homil. I, in Hexæmeron, n. 5, P. G., t. XXIX, col. 13. Dieu avait créé dans ce lieu une lumière spirituelle, faite pour la félicité de ceux qui s’attachent au Seigneur,
??? ?????? ?????? ?? ??????????? ??? ???????? ??? ??????, et il l’avait peupl? de natures intelligentes et invisibles, d’une légion d’anges et d’archanges qui en étaient l’ornement. D’autre part, il faut reconnaître que ce ciel supérieur est distinct du firmament, puisqu’il a été créé avant toutes choses.

La différence provient de leur nature et de leur destination, le firmament étant d’essence moins subtile que le ciel, ??????????? ??????, et son r?le physique se reliant beaucoup plus étroitement au mouvement général de l’univers. ?????? ????????? ?? ????? ???????????. D’ailleurs, l’Ecriture nous enseigne la pluralit? des cieux et il n’y a rien là qui puisse heurter la raison des philosophes. L’agencement qu’ils ont imaginé, des sept orbes où se meuvent les planètes, est-il plus simple à concevoir ? Ibid., n. 4, col. 59-60.

Sans se soucier d’atteindre à ces considérations plutôt métaphysiques, saint Cyrille de Jérusalem se contente de signaler la grandeur de la récompense, Cat., XVIII, de carnis resurrectione, n. 4, P. G., t. XXXIII, col. 1021, et la parfaite sécurité dont les élus jouiront dans le ciel, Cat., XXIII, mystagogica, V, col. 1121. Toutefois les premiers versets de la Genèse l’induisent à penser que le ciel, demeure des anges, est constitué par la matière aqueuse, ??????? ?????????? ? ???????, ???? ?? ?????? ???????. C’est que l’eau surpasse en beaut? tous les éléments : par elle nous est conférée la grâce du baptême ; de même elle contribue à la gloire du ciel. Cat., III, de baptismo, n. 5, col. 433. Il faut admettre aussi la pluralité des cieux ; le troisième ciel, où saint Paul a été enlevé, s’identifie avec le paradis. Cat., XIV, de resurrectione, p. 26, col. 860.

Les aspects poétiques du ciel trouvent en Cappadoce d’éloquents interprètes. Saint Grégoire de Nazianze exalte en traits brillants les splendeurs de la gloire et de la béatitude célestes. Orat., VII, in laudem Cæsarii fratris, 17, 21, P. G., t. XXXV, col. 776, 785. Mourir, c’est aller à son Seigneur et s’unir aux chœurs des anges. Orat., VII, in laudem sororis suæ Gorgoniæ, 23, col. 816-817. Là, dans les délices du royaume éternel, nous jouirons parfaitement de la trinité des personnes divines. Orat., VII, in laudem sancti Cypriani, 19,
col. 1192. Le ciel est le séjour de la beauté : nous la contemplerons, nous la posséderons.
Orat., VII, in laudem Cæsarii fratris, 21, col. 782. L’intelligence ne peut saisir la grandeur des biens qui nous attendent, jusqu’à devenir les fils de la divinité, divinité nous-mêmes,
???? ???????? ????, ???? ?????. Ibid., 23, col. 785. Le ciel sera une fête perpétuelle, Orat., XXIV, in laudem sancti Cypriani, n. 19, col. 1192, et notre grand bonheur sera de contempler la trinité des personnes divines. Orat., XLIII, in laudem Basilii magni, P. G., t. XXXVI,
col. 605 ; cf. Orat., XXXIX, theologica, III, n. 20, col. 102. La beauté du ciel devient aussi le thème préféré de saint Grégoire de Nysse. Tract. in Psalmos, c. VII, P. G., t. XLIV, col. 870 ; cf. Vita atque encomium S. Ephræm, col. 848-849. Saint Jean Chrysostome ajoute à ces accents la note affectueuse et ardente de son âme : il trouve bien douce la mort qui réunit les âmes saintes au Christ, ???? ??? ??????? ??????????. Homil. de sanctis martyribus Bernice et Prosdoce, n. 3, P. G., t. L, col. 633. Le bonheur le plus intense sera de voir Dieu, Homil., XXXIII, in Epist. ad Rom., n. 3, P. G., t. LX, col. 679, c’est-à-dire de le connaître jusqu’à l’évidence et dans la perfection, ?????? ??? ?????? ??? ????????? ??? ???????????. Homil., XXXIV, in Epist. I ad Cor., n. 2, P. G., t. LIII, col. 288 ; cf. Homil., X, in Epist. II ad Cor.,
n. 2, P. G., t. LXI, col. 469. Et non seulement Dieu sera le révélateur de sa propre essence et de sa beauté, mais ce rayonnement des divines splendeurs deviendra pour les élus une parure de gloire incomparable. Tout sera joie, bonté, paix, amour. L’harmonie qui régnera dans les cœurs et qui réglera toutes les activité sera plus parfaite et plus douce que celle de la cithare. Suivant les affinités particulières s’établiront les groupements divers des élus, ????? ????????. Mais tout l’?clat du ciel lui viendra de la présence du divin roi. In beatum Philogonium homil., VI, P. G., t. XLVIII, col. 749 ; cf. Ad Theodorum lapsum, l. I, c. XI, P. G., t. XLVIII, col. 292. Mêmes conceptions et mêmes certitudes chez saint Cyrille d’Alexandrie. La récompense est assurée, Adversus anthropomorphistas, c. XVI, P. G., t. LXXVI, col. 1105 : nous irons dans la cité d’en haut, nous mêler aux chœurs des anges, ???? ??? ????? ?????? ????????????? ?????,. Expositio in Joannis Evangelium, XI, col. 532. Au milieu de ces ineffables délices, la jouissance la plus haute est d’être avec le Christ et de contempler sa gloire, n.12, ibid., col 568. Cf. Théodoret, Comment. in Epist. ad Heb., c. XI, n. 39-40, P. G., t. LXXIII, col. 769 ; Hæret. fabul. compendium, l. V, c. XX, P. G., t. LXXXIII, col. 567.

Sans modifier dans leur fond ces doctrines, les écrivains postérieurs, du VIe au XIe siècle, s’ingénient à dégager çà et là certains détails qui répondent mieux aux aspirations populaires ou à l’orientation propre de leur esprit. C’est ainsi que l’idée néoplatonicienne d’achèvement, de perfection idéale exerce une influence marquée sur l’enseignement eschatologique du pseudo-Denys. Notre bonheur, comme notre gloire, sera de mener au ciel une existence tout angélique qui fera sortir de leurs limites naturelles nos facultés, ???????????, ???????? ???, ?????? ?? ?????????? ???? ?????, mais pour nous ???? ?????. De divinis nominibus, l. VI, c. II, P. G., t. III, col. 582. Notre vie deviendra semblable à celle du Christ, ???????????,
elle sera divinis?e, ????????, et prendra quelque chose de l’immutabilit? même de Dieu, ???????? ???? ??? ????? ????, ?????? ?????????, De cælesti hierarchia, c. VII, col. 553-554, 560 ; elle brillera de toutes les splendeurs célestes, ?????????, ????????, col. 560-561. Cf. Stiglmayr, Die Eschatologie des Pseudo-Dionysius, dans Zeitschrift für katholische Theologie, Inspruck, 1898, t. XXIII, p. 2-4. Pour Andrée de Césarée, les justes attendent dans le sein d’Abraham l’heure de la récompense ; mais rien ne peut faire soupçonner le radieux éclat du bonheur des élus dans la céleste Jérusalem. Comment. in Apoc., c. XVII, P. G., t. CVI, col. 272, 596. Dans l’éloge funèbre de l’archimandrite Eutychius, le prêtre Eustrate développe surtout la pensée de la vue de Dieu au ciel, dans la trinité des personnes. Encomium S. Eutychii, c. X, n. 91, P. G., t. LXXXVI, col. 2378. Le panégyrique des martyrs composé par le diacre Constantin et lu partiellement au IIe concile œcuménique de Nicée, en 787, s’attache surtout à faire ressortir la bienheureuse familiarité qui unit tous les élus dans la communauté d’un même bonheur et d’une même gloire, dont la source est Dieu, ?? ??? ??? ?????? ????? ????????????. Laudatio omnium martyrum, n. 36, 40, P. G., t. LXXXVIII, col. 520, 525. André de Jérusalem souligne une joie spéciale des élus, celle de se trouver plus intimement présent, autant qu’il est possible de l’être, au regard même de Dieu. ???? ???? ??????? ???? ??? ????????, Orat., XVIII, P. G., t. XCIV, col. 1102, 1119 ; Naucratius, Encyclica de obitu S. Theodori Studilæ, P. G., t. XCIX, col. 1833. Nicétas de Byzance se représente sainte Thècle comme déifiée, près de la reine du ciel et à la droite du roi, jouissant par la claire vision et sans limites de l’unique beauté désirable. Orat., XVI, in laudem S. Theclæ, P. G., t. CV, col. 332.

c) Eglise syrienne. –Par l’abondance et la variété de ses descriptions, par le tour de sentiment profondément religieux qui pénètre partout l’exposé de la doctrine, la littérature syriaque mérite, dans l’étude des questions eschatologiques, une attention particulière. Conséquemment à sa théorie du sommeil des âmes, Aphraate diffère l’entrée dans la gloire pour les élus jusqu’au jour de la résurrection et du jugement universel, où les bons seront définitivement séparés des méchants. Dem., VIII, de resurrectione mortuorum, 22,
dans Graffin, Patrologia Syriaca, Paris, 1894, t. I, p. 402. Mais alors le ciel nous accueillera dans toute la magnificence de ses gloires. C’est le séjour de la lumière, de la vie et de la grâce. Pour vêtement, nous aurons l’éclat de cette splendeur ; pour nourriture, la divinité. L’air de ces régions sublimes sera infiniment doux et léger, comme il convient à des corps glorieusement ressuscités ; de lui-même il émettra des rayons éclatants, splendides et charmants à voir. Sur les arbres merveilleux plantés par le Seigneur, un éternel printemps sèmera les fleurs, épanouira les fruits, sous un feuillage à jamais verdoyant. Cette demeure glorieuse est immense, sans démarcation d’aucune sorte, et ses habitants distingueront tout aussi bien les lointains objets que les plus proches. Dem., XXII, De morte et novissimis temporibus, 12, p. 1014-1015. Mais tout ce qu’on peut dire du ciel n’en suggérera jamais l’idée ; il est mieux de l’appeler simplement l’habitation de Dieu, le lieu de toutes les perfections, la patrie des saints, la demeure de notre inconfusible espoir, n. 13, col. 1019.

Saint Ephrem recule aussi jusqu’à la résurrection l’admission des saints dans le royaume du père. En attendant, les âmes sont au ciel, non point dans la partie suprême de la gloire, mais dans l’Eden, dans le paradis. In secundum adventum Domini nostri Jesu Christi,
dans les Opera, Rome, 1732, t. I, p. 167 ; Carmina Nisibæna, carm. LXXIII, édit. Bickell, Leipzig, 1866, p. 222-223. Il est difficile toutefois de déterminer exactement ce qui différencie ce séjour paradisiaque du ciel de l’éternelle gloire, s’il est vrai, comme l’a soutenu Bickell, Carm. Nisib., prolegomena, p. 24, que la jouissance immédiate de la vue de Dieu soit impliquée par saint Ephrem dans sa conception du paradis. Il n’y a pas lieu de discuter ici les textes invoqués par Bickell à l’appui de son opinion et reproduits généralement par les théologiens pour disculper le saint docteur de toute déviation doctrinale dans la question concernant le délai de la vision béatifique. Voir INTUITIVE ( VISION ). Il suffit, au point de vue qui est le nôtre, que le ciel comprenne un jour le privilège souverain de la vision divine, ut aliquando obtingat tuo potiri aspectu. Necrosima, can. 65, dans Opera, Rome, 1746,
t. VI, p. 333. A la fin des temps, les justes seront introduits par le Christ auprès du Père.
In secundum adventum Domini nostri Jesu Christi, ibid., t. I, p. 171. Mais ils sont déjà avec le Christ dont la vue les réjouit, Necrosima, can. 25, col. 273, mêlés aux chœurs des anges qui ont porté leur âme " dans le royaume d’Eden ", au séjour de la lumière, can. 35, 83,
p. 239, 291, 357. Une ineffable charité unit entre eux les saints. Ceux qui règnent déjà dans le ciel, viennent avec le Christ accueillir les nouveaux élus à leur entrée au paradis et les attendre, can. 10, p. 239 ; le père des croyants ouvre lui-même les portes du paradis. Can. 35, p. 291, trad. Bickell, Carm. Nisib., proleg., p. 25. Les âmes font l’ornement du ciel :
comme autant de perles radieuses, elles sont enchâssées toutes dans la couronne de
Jésus-Christ. Can. 7, p. 234. Déjà les élus jouissent de la félicité suprême ; ils recevront encore les illuminations de la céleste clarté. Can. 35, p. 225, 292 ; Parænesis, XXXV, LXIII, p.487, 532 ; In secundum adventum Domini, t. I, p. 167-169.

Hagiographie – L’Eglise primitive nous offre dans ses martyrs des témoins spécialement accrédités de sa croyance au ciel. La vénération avec laquelle étaient recueillies leurs dernières paroles et conservés leurs Actes ou Passions, trouve, en effet, sa parfaite et naturelle justification dans l’autorité que conféraient à leur témoignage la confession solennelle de leur foi et l’expression devant la mort de leur invincible espérance.

Les Actes du martyre de saint Polycarpe, écrits au lendemain de sa mort
( le 23 février 155 ), nous montrent le saint vieillard, les yeux levés vers le ciel, ????????? ??? ??? ???????, et priant le Dieu des anges de le recevoir au nombre de ses martyrs.
Martyrium Polycarpi, c. XIV, n. 1, Funk, Patres apostolici, Tubingue, t. I, p. 298. Du ciel descend une voix qui l’encourage, ???? ?? ???????, c. IX, n. 1, ibid., p. 290. Nous voyons aussi que les martyrs de Smyrne s’animaient dans leurs tourments à cette même pensée des biens ineffables que leur réservait Dieu dans l’au-delà, c. II, n. 3, ibid., p. 284. La relation du martyre de saint Ignace est plus explicite encore. Par sa mort le saint voulait prendre en quelque sorte possession du ciel, ?? ??????? ??? ??????????????. Acta martyrii, c. IV, n. 1, ibid., p. 158. Cf. Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1885, t. I, p1 116, 179. Il prie saint Polycarpe de l’aider à vaincre les fauves, afin qu’il lui soit donné de quitter plus tôt ce monde et de paraître devant le visage du Christ, ??? …???????? ?? ??????? ??? ???????, c. III, n. 2, ibid., p. 258. Sa hâte est grande d’aller vers son Seigneur, ?????? ???? ??????, c. V, n. 2, ibid., p. 260 ; ??? ????? ???? ?? ???????? ??????, c. V, n. 4, ibid., p. 260. Après sa mort un chrétien le voit en songe aux cotés du Seigneur, ????????? ?? ?????, c. VII, n. 2, ibid., p. 264. En termes d’une haute fermeté, saint Justin manifeste son espérance d’aller recevoir au ciel la récompense de son martyre.
On lui demande s’il s’imagine aller au ciel. " Ce n’est pas une imagination, répond-il ; je le sais et j’en suis convaincu. " ??? ??????, ???? ????????? ??? ??????????????. Acta martyrii Justini et sociorum, n. 5, dans Otto, Corpus apologetarum christianorum sæculi secundi, Iéna, 1879, t. II a, p. 276.

Les martyrs de Lyon expriment bien leur désir d’aller au plus tôt vers le Christ, ???????? ???? ???????? ; ils m?ritent de recevoir la couronne de l’immortalité, ??? ??? ????????? ????????. Epist. Ecclesarium Viennensis et Lugdunensis de martyrio S. Pothini episcopi, dans Eusèbe, H. E., l. V, c. I, P. G., t. XX, col. 409, 424. Blandine laisse éclater sa joie de pouvoir bientôt prendre part au repas nuptial, ?? ??? ???????? ??????? ?????????. Ibid.,
col. 429. Même assurance et mêmes espérances chez les martyrs de Scilli. Cittinus, devant ses juges, invoque fièrement le Dieu qui est au ciel. Secunda reprend : " Et moi aussi je crois en mon Dieu et je veux être en lui, " et volo in ipso esse. Acta proconsularia martyrum Scillitanorum, c. II, III, dans Ruinart, Acta primorum martyrum selecta et sincera, Paris, 1689, p. 77-78. Speratus et ses autres compagnons rendent grâces à Dieu qui doit ce même jour les recevoir dans son ciel, qui dignatur nos hodie martyres accipere in cælis,
c. III, ibid., p. 78. Sainte Félicité montre à ses fils le ciel où les attend le Christ avec les saints. Videte, filii, cælum, et sursum adspicite, ibi vos expectat Christus cum sanctis suis.
Passio sanctæ Felicitatis et septem filiorum ejus, c. II, ibid., p. 21. Le rapporteur ajoute que les saints martyrs se sont envolés dans les cieux où ils sont devenus les amis du Christ.
Ad præmia in cælis percipienda convolarunt… Christi amici facti sunt in regno cælorum,
c. IV, ibid., p. 23. L’idée en quelque sorte populaire du ciel est nettement exposée dans la célèbre vision de Satur, qui rappelle par bien des traits les descriptions imagées des apocryphes. Dans les hauteurs du ciel, du côté de l’Orient, le saint aperçoit un immense espace semblable à un jardin fleuri et embaumé. Les anges viennent le recevoir et le conduisent dans un temple dont les murailles paraissent construites de pure lumière.
Au centre, sur un trône irradié de splendeurs, était assis le roi du monde, vieillard doux et bénissant, qui accueillit avec une bonté toute gracieuse ses élus et leur donna place parmi les chœurs des saints, au royaume de la béatitude et de la charité. Franchi de Cavalieri, La Passio SS. Perpetuæ et Felicitatis, n. 11, dans Römische Quartalschrift für christl. Altertumskunde und für Kirchengeschichte, Rome, 1896, p. 126-132 ; cf. Pillet, Les martyrs d’Afrique, Lille, 1885, p. 274-284. Sur le texte ?????????? ?????? ?????? du manuscrit de J?rusalem publié à Londres par Harris et Gifford, cf. Duchesne, En quelle langue ont été écrits les actes des saintes Perpétue et Félicité, Paris, 1891, p. 12-13. Voir aussi la note d’Holstenius, sur la vision de sainte Perpétue, dans Acta primor. martyr. de Ruinart, édit. d’Amsterdam, 1713,
p. 94, 107.

Il est évident, d’après tous ces témoignages, que les premiers martyrs considéraient le ciel comme un séjour ultra-terrestre et le lieu de la récompense. Cette pensée est d’ailleurs exprimée directement dans la Passion des saints Montan et Lucius. Un de leurs frères, Victor, favorisé d’une vision divine, interroge le Seigneur sur la vie future et demande où est le paradis : " Il est hors du monde, répond le Seigneur. Cui ille ait : Extra mundum est.
– Je voudrais le voir. – Mais où sera ta foi ? " Passio SS. Montani, Lucii et aliorum martyrum africanorum, c. VII, dans Ruinart, ibid., p. 237. Le caractère dogmatique du sujet, dans ces quelques mots, est nettement mis en lumière. De plus, tous les traits distinctifs généralement attribués par la tradition catholique au séjour des bienheureux se trouvent reproduits, sous des formes qui trahissent leur commune origine, dans ces antiques documents. Le ciel est avant tout le lieu où les élus seront réunis à Dieu et au Christ. " Qu’importe le genre de mort, répond Epipode à ses juges, pourvu que l’âme monte au ciel auprès de celui qui l’a créée ! " Dum modo anima cælis invecta ad suum revertatur auctorem. Alexandre fait une réponse analogue. Passio SS. Epipodii et Alexandri, c. VI, IX, ibid., p. 65-66. Les saints Montan et Lucius n’ont qu’un désir, celui d’aller au Christ dans le royaume. Quæ ad Christum et ad regnum ducant faciamus. Passio SS. Montani et Lucii, c. XI, ibid., p. 237. Des saints Fructuose, Augure et Eloge, il est dit dans leurs Actes qu’ils ont mérité une belle habitation dans les cieux et qu’ils se tiennent à la droite du Christ. Meruerunt dignam habitationem in cælis, ad dexteram Christi stantes. Acta SS. martyrum Fructuosi episcopi, Augurii et Eulogii diaconorum, c. VII, ibid., p. 223. C’est la conviction de sainte Symphorose que son mari Getulius et son frère Amatius, martyrs de leur foi, vivent au milieu des anges avec le Sauveur, inter angelos, cum æterno rege. Passio sanctæ Symphorosæ et septem filiorum ejus,
c. I, ibid., p. 19. Le ciel est la patrie commune, édifiée avec les mérites des saints, patria sempiterna, quæ meritis est constructa sanctorum. Passio SS. Epipodii et Alexandri, c. I, ibid., p. 62 ; Eusèbe, De martyribus Palestinæ, c. XI, P. G., t. XX, col. 1504. Il est représenté comme le séjour de la gloire. Passio sancta Symphorosæ, c. I, dans Ruinart, ibid., p. 19. C’est un royaume où les martyrs portent la couronne. Passio SS. Pionii et sociorum ejus, c. XXII, ibid., p. 137 ; Acta SS. martyr. Fructuosi episc., Augurii et Eulogii, c. V, ibid., p. 223 ; Eusèbe, Acta passionis S. Pamphili et sociorum, P. G., t. XX, col. 1456. L’expression : martyrio coronatus est la formule consacrée dans le Liber ponitificatis, pour désigner le martyr. Duchesne, Le Liber pontificatis, Paris, 1886, p. 118, 122, 126. En même temps, le ciel apparaît comme le lieu du repos et de la paix. Suscepit autem Dominus martyres suos in pace. Act. SS. mart. Fructuosi episc., etc., c. VII, Ruinart, ibid., p. 123. Il est aussi le lieu de la lumière. Festinavit ad lucem, est-il dit du martyr Pionius. Passio SS. Pionii et soc. ejus mart., c. XXII, ibid., p. 137. Au ciel, plus encore que sur la terre, se trouve la vie, la vraie vie, et c’est à cette pensée que recourt la mère de Symphorien pour exhorter, du haut des remparts d’Autun, son vaillant fils au martyr. Hodie, nate, adsupernam vitam felici commutatione migrabis. Acta sancti Symphoriani martyris, c. VII, ibid., p. 72. Enfin,
à l’idée du ciel s’attache étroitement l’idée de béatitude, Acta SS. mart. Fructuosi, etc., c. III, ibid., p. 266, et ce qui fait la valeur de tous ces biens, c’est qu’ils sont éternels. Symphorose met une particulière insistance à relever, devant Hadrien, ce caractère d’infinie durée. Gloriam sempiternam ( possident ) ; cum æterno rege vita æterna fruuntur in cælis.
Passio sanctæ Symphorosæ, etc., c. I, ibid., p. 19 ; cf. Passio S. Heliconidis, n. 20, Acta sanctorum, t. VI maii, p. 743.

Les mêmes données se remarquent plus tard dans les martyrologes qui ont remplacé les Actes des martyrs, dont ils sont en quelque sorte le résumé et dont, parfois, ils reproduisent textuellement les paroles. Dans le martyrologe dit du Vénérable Bède, comme dans les recueils similaires d’Usuard, P. L., t. CXXIII, col. 599 sq., ou de saint Adon, P. L., t. CXXIII, col. 201 sq., il serait intéressant de relever le choix varié de clausules ou d’expressions qui servent à caractériser, à des titres divers, l’entrée des saints au ciel. Saint Dizier est allé vers le Seigneur, migravit ad Dominum. S. Bède, Martyrologium, P. L., t. XCIV, col. 923.
Sainte Pélagie est parvenue heureusement à la vie éternelle, ad vitam æternam feliciter migravit. Ibid., col. 1074. D’autres, comme les martyrs Marien et Satyrien, exhalent en présence des anges leur sainte âme qui arrive au royaume des cieux. Ibid., col. 1075. L’âme de saint Paul, premier ermite, a été portée par les anges dans le ciel, parmi les chœurs des apôtres et des prophètes. Ibid., col. 807. Les saints Fructuose, Augure et Euloge montent au ciel, portant des couronnes. Ibid., col. 819. Le ménologe grec, publié au Xe siècle par ordre de l’empereur Basile Porphyrogénète, reproduit avec la même fidélité les traditionnels enseignements et jusqu’aux expressions des premiers âges. Saint Isoïs le Grand monte vers le Dieu qu’il désirait posséder, ???? ????, ?? ?????????, ?????? ??????????. Menolog.,
part. III, Julius, P. G., t. CXVII, col. 525. Saint Cyrille d’Alexandrie se rend vers le Christ pour recevoir la vie éternelle, ???? ?????? ??????????, ???????? ??? ??????? ????. Ibid., col. 265. L’âme du saint martyr Aristion, évêque d’Alexandrie, va se réjouir dans le ciel avec les saints, ????????? ?? ???????? ???? ??? ????? ???????????. Ibid., col. 28. Saint Porphyre reçoit la félicité éternelle, ??? ??????? ?????????. Ibid., col. 52 ; cf. De sancto Cyriaco abbate vita, c. I, n. 1, 2, Acta sanctorum, t. VIII septembris, p. 147 ; Jean, diacre de Constantinople, Vita sancti Josephi hymnographi, c. XL, P. G., t. XCVI, col. 1283.

Quelle que soit la diversité des Eglises, l’hagiographie primitive ne laisse pas de reproduire partout, avec une surprenante unanimité, cette conception fondamentale du ciel. Même pour les détails, si l’expression parfois se modifie et se nuance conformément au génie des langues ou des races, l’idée reste bien universellement la même, et l’on ne peut méconnaître l’origine commune, le fond identique de ces divers enseignements. Les Actes des martyrs de l’Eglise copte sont remplis de la pensée du ciel. Jésus-Christ, " le bon Sauveur ", vient consoler lui-même ses fidèles témoins et leur donner l’assurance que " leur maison est bâtie " dans la Jérusalem céleste, dans la cité de tous les justes. Martyre de saint Eusèbe, publié par Hyvernat, Les Actes des martyrs de l’Egypte, Rome, 1886-1887, p. 10. Raphaël emporte l’âme du saint dans les cieux, au séjour de la gloire. Ibid., p. 38. Le ciel est la région de la lumière, Martyre de saint Apater et d’Iraï sa sœur, ibid., p. 103, la demeure de Jésus et des saints anges. Martyre de saint Macaire d’Antioche, ibid., p. 54. Dans les fragments qui nous sont parvenus des Vies de Pakhôme et Théodore, nous voyons saint Pakhôme demander à Dieu qu’il déchire, à l’heure de sa mort, le manuscrit de ses péchés, qu’il lui donne,
en échange des biens de la terre, les biens célestes, le centuple promis dans la Jérusalem céleste, et qu’il inscrive son nom au livre de vie, afin qu’il se réjouisse avec tous les saints. Amélineau, Monuments pour servir à l’histoire de l’Egypte chrétienne aux IVe et Ve siècles, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, Paris, 1888, t. IV, p. 607-608. De saint Abraham, il est dit : " Certes, ses services sont dans les cieux près de ses pères et de celui qu’il a aimé, le Christ ". Fragments de la vie d’Abraham, ibid., p. 753. Saint Schnoudi voit venir à sa rencontre le Christ avec les anges et s’entrouvrir les portes des cieux. Vie arabe de Schnoudi, ibid., p. 474. La Vie copte de Schnoudi ajoute ces paroles : " La paix soit avec toi, ô Schnoudi, le compagnon de Dieu et le bien-aimé du Christ, ô toi qui as reçu la couronne de lumière. " Ibid., p. 90-91. Le ciel est aussi représenté comme le lieu du repos " dans le sein de nos anciens pères Abraham, Isaac et Jacob " et comme le paradis de la joie. Panégyrique de saint Macaire de Tkôon, ibid., p. 162.

L’ensemble de ces données se retrouve sous des termes analogues dans la littérature syriaque. Aux martyrs, le ciel réserve la vie et les gloires du triomphe. Certanem plurimorum martyrum et Azadis regis eunuchi, dans Assémani, Acta SS. martyrum orientalium et occidentalium, Rome, 1748, t. I, p. 49-50. Devant le préfet qui l’interroge, la vierge Tharba répond que son frère jouit déjà de la vie éternelle dans le royaume des cieux et qu’elle partagera bientôt avec lui le souverain repos. Martyrium SS. Tharbæ virginis ejusque sororis, ibid., p. 56 ; cf. Martyrium SS. Narsetis episcopi et Josephi, ibid., p. 99. Ailleurs une bonne chrétienne encourage les confesseurs de la foi et leur représente qu’ils ne tarderont pas à être réunis à Dieu et aux saints du ciel. Acta SS. martyrum viginli, ibid., p. 108 ; Martyrium SS. Theclæ, Mariæ, Marthæ, Mariæ et Annæ virginum, ibid., p. 127. Le saint évêque Barbarascemini fait entendre au roi Sapor que les chrétiens égorgés sous son ordre possèdent le souverain bonheur : ils sont au paradis, dans un lieu de délices, en compagnie des saints.
Ce sont eux les vrais rois. Martyrium SS. Barbascemini, Seleuciæ et Ctesiphontis episcopi et XVI sociorum, ibid., p. 117.

Epigrahie. – Sur toutes les pierres sépulcrales des catacombes et des premiers cimetières chrétiens est inscrit le dogme de la vie future et des récompenses célestes. Il est naturel qu’après avoir été la grande inspiratrice de leur vie, cette pensée ait encore suivi les fidèles jusque dans la tombe, comme le résumé heureux de toutes leurs aspirations et la suprême consolation de leurs proches. Et non seulement ce bref et expressif langage des inscriptions funéraires reproduit partout l’affirmation dogmatique du ciel ; mais il est remarquable que dès les premiers jours il l’interprète dans tous les détails avec cette richesse d’aperçus qui caractérise, à l’encontre du nihilisme ou de la survie fantomatique des païens,
la croyance chrétienne à l’au-delà.

Les inscriptions chrétiennes de l’époque la plus reculée sont très simples et se bornent aux données essentielles, attestant que le défunt est réuni à Dieu, au Christ, et qu’il vit dans la paix, ou formulant un vœu analogue. In Deo. In X°. In pace. EN IPHNE. Au IIIe siècle, les formules succédèrent aux acclamations. Une inscription de la voie Lavicane, la plus ancienne dont on ait pu fixer la date, et qui remonte à l’année 217, représente le ciel comme le séjour des âmes saintes auprès de Dieu, Receptus ad Deum. De Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, Rome, 1861, t. I, n. 5, p. 9. Sur un sarcophage des cryptes vaticanes, se lit la même pensée : Lit ad Deum. ibid., n. 141, p. 180. De même, sur une inscription du musée du Latran : Accepta apud Deum. ibid., n. 677, p. 293. La réunion avec le Christ est mentionnée fréquemment, d’abord dans une formule du cimetière de Calixte, de l’année 268 ou 269 : Benemerenti in X°, ibid., n. 10, p. 16 ; puis dans une inscription grecque du cimetière de Domitille : ZHCAIC EN X?, et dans plusieurs inscriptions du cimeti?re de Sainte-Agnès :
Xi gaudet in aula, ou du musée du Latran : Scimus te in X°. ibid., n. 317, p. 141 ; Marucchi, Eléments d’archéologie chrétienne, Paris, 1889, t. I, p. 188. Le défunt est accueilli par les anges, accersitus ab angelis, sur une inscription de la voie Appienne de l’année 310.
De Rossi, op. cit., n. 31, p. 31. Il vit au milieu des saints, dans la société des saints, dans la demeure des saints. Vibas inter sanctis : inscription du cimetière de Calixte, année 268 ou 279 ; Spiritus sociatus sanctis : marbre du musée de Latran ; Intra limina sanctorum :
au musée Borghèse ; ?????? ???? ??? ????? : inscription du cimeti?re de Calépode.
Ibid., n. 10, p. 16 ; n. 159, p. 88 ; n. 319, p. 142 ; n. 402, p. 176.

Maintes fois, dans le langage épigraphique, le ciel apparaît comme le lieu du rafraîchissement, refrigerium. Cette expression, qui a donné lieu à des interprétations fort diverses, est rendue saisissable par l’allusion au purgatoire qu’elle implique et dont les actes de sainte Perpétue fournissent vraisemblablement l’explication. La sainte aperçoit en songe son jeune frère Dinocrate, mort depuis quelques jours, essayant vainement de s’approcher d’une fontaine pour étancher sa soif. Devinant qu’il se trouve en un lieu de souffrance, elle intercède pour lui et le voit bientôt, éblouissant de lumière, atteindre la source et se désaltérer. Vidi… Dinocratem refrigerantem. Passio SS. martyrum Perpetuæ et Felicitatis, c. II, n. 3-4, P. L., t. III, col. 35-37. Le mot refrigerium n’exclut pas pour autant l’idée de réconfort.
Les agapes servaient ainsi à réconforter les miséreux. Inopes quosque refrigerio isto juvamus. Tertullien, Apolog., c. XXXIX, P. L., t. I, col. 475. Elles étaient aussi un soutien physique pour les martyrs dans leur cachot. C’est en ce sens complexe qu’il faut entendre les inscriptions qui souhaitent au défunt le " lieu du rafraîchissement ". In refrigerium : cimetière de Saint-Hermès. Marucchi, op. cit., p. 193. Privata dulcis in refrigerio. Refrigera cum spiritu sancta. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1899, p. 690-691 ;
cf. De Rossi, Bulletino di archeologia cristiana, Rome, 1863, p. 2-3. In refrigerio anima tua, Victorine. Secunda, esto in refrigerio. Kraus, Real encyclopädie der christl. Alterthümer, Fribourg-en-Brisgau, 1886, t. II, col. 684. Bono ispirito Mariani Deus refrigeret : inscription de Philippeville ( Afrique ). Corpus inscript. latin., t. VIII, p. 819 ; cf. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures au VIIIe siècle, Paris, 1865, t. II, p. 305 ; Wölter,
Die römischen katakomben und ihre bedeutung für kathol. Lehre von der Kirche, Francfort, 1866, p .27.

Comme dans les Actes des martyrs ou les écrits des Pères, le ciel est encore dans les formules épigraphiques un lieu de lumière et de splendeurs. Splendore cum lumine claro : inscription de l’année 363, au musée de Latran. De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 159, p. 88.
In Christum credens præmia lucis habet : même époque. Kaufmann, Die sepulcralen Jenseitsdenkmäler der Antike und Urchristentums, Mayence, 1900, p. 65. Hæc dormit Severianus cujus spiritus in luce Domini susceptus est : inscription de l’année 397. Kaufmann, ibid., p. 66. Dans la célèbre inscription de Pectorius, le Christ est la lumière des trépassés, ??? ?? ????????. Le Blant, op. cit., t. I, p. 8 ; cf. Kraus, op. cit., t. I, p. 524 ; Wilpert, Ein cyclus christologascher Genälde aus der Katakombe der heilig. Petrus und Marcellinus, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 17. Une inscription funéraire égyptienne qui date de 344 et qui provient sans doute d’Antinoë, exprime cette supplication : " Vous, Dieu des esprits et de toute chair, vous qui avez aboli la mort, foulé l’enfer et donné la vie au monde, faites reposer mon âme dans le sein d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, dans le lieu de la lumière, dans le lieu du rafraîchissement, ?? ???? ???????, ?? ???? ?????????, o? il n’y a ni douleur, ni chagrin, ni soupir. " Bulletin de l’Institut égyptien d’Alexandrie, 1875, n. 13,
p. 101-105 ; cf. Dumont, Mélanges d’archéologie et d’épigraphie, Paris, 1892, p. 582-584.

Séjour de paix aussi : Felix sanctæ fidei, vocatus iit in pace : inscription de l’année 369, trouvée dans le sacrarium de la basilique du Vatican. De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 211,
p. 108. Æternæ in requie felicitatis pausam habebis : inscription de la villa Albani, datée de 380. Ibid., n. 288, p. 133. In aurea caelistis quieta : musée du Vatican. Ibid., n. 425, p. 185.
In pace et in refrigerium : inscription du cimetière de Saint-Hermès. Marucchi, op. cit., t. I,
p. 193. IPHNI COI EN OUPAN?. Kraus, op. cit., t. II, col. 302 ; cf. De Rossi, Bulletino, 1886, p.129.

Plusieurs des inscriptions précédemment citées expriment l’idée de béatitude. D’autres relèvent le caractère d’éternel séjour inclus dans la conception religieuse du ciel. Hæc domus aeterna vita in qua requiescent. De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 354, p. 155. Æterna tibi lux, Timothea, in X°. Kraus, op. cit., t. II, p. 302. Æterna domus in qua nunc ipsa secura quiescis : inscription de l’an 363. Kaufmann, op. cit., p. 65. Une inscription du IVe siècle, De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 317, p. 141, développe poétiquement une pensée analogue :

Per eximios paradisi regnat odores

Tempore continuo veruant ubi gramina rivis.
 
 

Enfin l’idée de l’étroite charité qui unit les élus et qui les accueille à leur entrée dans les cieux se trouve signalée dans plusieurs inscriptions. Quæ recepta cælo meruit occurrere X° : inscription trouvée dans un hypogée de la basilique de Sainte-Praxède. De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 745, p. 325. Certains marbres épigraphiques font allusion au chœur des vierges recevant une jeune fille au ciel. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, antérieures au VIIIe siècle, Paris, 1865, t. II, p. 539.

Que le ciel ainsi caractérisé sous ses multiples aspects soit représenté dans l’épigraphie chrétienne, comme un séjour ultra-terrestre, à peine est-il besoin de le faire remarquer.
L’âme des justes est au ciel, dans les hauteurs du ciel, au-delà des astres. Qui gaudet in astris : inscription de l’an 381, du cimetière de Sainte-Agnès sur la voie Nomentane.
De Rossi, Inscriptiones, t. I, n. 303, p. 137. Membra dedit terris ut redderet astris vitam cælo natus : inscription datée de 386. De Rossi, ibid., n. 361, p. 159. Une autre inscription versifiée découverte au couvent de Saint-Paul sur la voie d’Ostie, et qui remonte à l’année 385 ou 392, exprime, en la renforçant encore, la même pensée :

Non tamen hæc tristes habitat post limina sedes

Proxima sed Christo sidera celsa tenet.
 
 

De Rossi, ibid., n. 566, p. 240 ; Kraus, op. cit., t. I, col. 652 ; cf. Wilpert, Die gottgeweihten Jungfrauen in den estern Jahrhunderten der Kirche, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 48-49 ; Leclercq, Mélanges d’épigraphie chrétienne, dans la Revue bénédictine, 1905, p. 437-457.

Iconographie. – Au sobre langage des inscriptions on opposerait vainement la richesse des moyens d’expression propre aux arts plastiques pour attribuer à l’iconographie un avantage marqué, au point de vue strictement dogmatique de la question du ciel, sur l’épigraphie chrétienne. Dans les sculptures des sarcophages et dans les fresques des catacombes, dans les verres à fond d’or et dans les mosaïques, la foi au séjour des élus se retrouve, symbolisée de mille façons ingénieuses ou naïves, simples ou grandioses ; mais on ne peut relever un seul trait nouveau, un seul caractère inédit qui vienne se surajouter aux données théologiques déjà recueillies et contribuer pour une part originale au développement de l’idée traditionnelle. Il faut en conclure que la doctrine de l’Eglise sur le ciel était fixée dès le IIe siècle immuablement et qu’elle était partout transmise sous des formes en quelque sorte hiératiques, destinées à contenir la fantaisie de l’artiste et à rendre saisissable à tous l’expression de la même et absolue vérité. Les monuments iconographiques n’en constituent pas moins une source d’informations précieuses, qui offre à l’histoire du dogme une confirmation authentique, en même temps qu’une interprétation particulièrement attachante de la croyance primitive.

Le vol de la colombe est l’emblème le plus fréquemment usité pour figurer l’entrée de l’âme innocente au ciel. Parfois ce symbole est accompagné des mots : Spiritus tuus,
ou encore : In pace. Narucchi, op. cit., t. I, p. 163, 276. L’orante entourée de colombes est une image de l’âme en possession du séjour divin. Kaufmann, op. cit., p. 108-123. Il est évident que le ciel était conçu comme un séjour ultra-terrestre. On retrouve souvent la représentation du ciel étoilé, comme dans le célèbre hypogée des Acilii, qui en offre un bel exemple, et cette manière de figurer le ciel s’est conservée jusqu’au IVe siècle. D’autre monuments comme le sarcophage de Junius Bassus ou le tombeau du Vatican reproduit par Bottari, Sculture e pitture sacre estratte da cimiteri di Roma, Rome, 1737, t. I, pl. XV, XXXIII, représentent le ciel sous la forme d’une draperie flottante tenue un vieillard ou par une main de femme.
Au-dessus apparaît Jésus au milieu des docteurs, emblème de la sagesse incréée. C’est la traduction directe de la parole des prophètes ou du psalmiste : il a étendu les cieux comme un voile, comme un pavillon. Ps. CIII, 3. L’image du paradis, du jardin de délices, avec ses arbres ornés d’un feuillage toujours vert et de fleurs toujours fraîches, exprime la pensée de l’infini bonheur toujours renouvelé. Le fond des coupes offre souvent cet emblème, que l’on voit également sur plusieurs mosaïques des basiliques romaines. Sur les peintures murales des catacombes, comme dans un cubiculum des cryptes de Lucine ou au cimetière de
Saint-Calixte, les fidèles sont représentés à l’ombre de ces beaux arbres, au milieu de ces fleurs, soit au naturel, soit sous la figure emblématique de la colombe ou d’un autre oiseau. Partout l’aspect de la joie, l’épanouissement de la félicité. De Rossi, Roma sotterranea, Rome, 1864, t. III, tav. I-III. Ces oiseaux symbolisent en même temps l’éternité. Tantôt c’est le phénix, avec l’idée qu’il évoquait du perpétuel rajeunissement, tantôt et plus anciennement, le paon, dont la chair était regardée par les anciens comme incorruptible. ON en trouve un exemple remarquable sur une fresque du cimetière de Cinque Santi. Le paon tient parfois la couronne. Kraus, op. cit., t. II, col. 622-624, 615-616 ; De Rossi, Rom. sotterr., t. II,
tav. XXVIII ; Garucci, Storia dell’ arte cristiana nei primi otto secoli, Rome, 1873-1881, t. II, p. 35, tav. XXX ; p. 98, tav. LXXXVIII, CIV ; Bottari, op. cit., t. I, p. 52, tav. XV.

L’image du bon pasteur avec ses brebis rend à souhait le caractère intime des liens qui unissent les élus à Jésus-Christ. Kaufmann, op. cit., p. 124-140 ; Garrucci, op. cit., t. II,
tav. XXI. Le Christ apparaît aussi environné de ses anges, et il en est de même de Marie,
la reine des cieux. Cf. Stuhlfauh, Die Engel in der altchristlichen Kunst, Fribourg-en-Brisgau, 1897, dans Archælogische studien zum christlichen Altertum und Mitelalter de J. Ficker,
fasc. 3, p. 203 sq.

Sous le symbole de la vigne se dégage l’idée de la terre promise, de la patrie céleste, comme sous la figure d’une maison dont l’entrée est en vedette se traduit la pensée de la commune demeure des saints. Sur une fresque du cimetière de Cyriaque se dessine la silhouette d’un martyr qui soulève doucement le rideau de la porte. Un fragment d’inscription au musée du Latran laisse entrevoir dans l’intérieur un profil de colonnes. Marucchi, op. cit., t. I, p. 307-308. Ce séjour apparaît nettement comme le lieu du rafraîchissement, suivant le sens consacré de ce mot et sous l’image du festin qui exprime ordinairement cette idée.
Aux saints martyrs de Numidie, Jacques, Marien et leurs compagnons apparaît Agapius assis à un joyeux festin. " Réjouissez-vous grandement, leur dit un jeune martyr de la veille, couronné de roses et tenant la palme : demain vous serez avec nous les convives du festin. " Passio SS. Jacobi, Mariani et aliorum plurimorum martyrum in Numidia, c. XI, dans Ruinart, op. cit., p. 230. Sur les parois des cryptes et des chambres sépulcrales des catacombes romaines, ce sujet est maintes fois reproduit par les fresques. Aringhi, Roma subterranea novissima, Rome, 1651, t. I, p. 77, 83. On trouve aussi le vase comme symbole simplifié du rafraîchissement de l’âme au paradis. Il rappelle ainsi les acclamations si souvent répétées par les inscriptions : In refrigerio. Deus refrigeret. Marucchi, op. cit., t. I, p. 163, 276. Il était plus difficile à la peinture de représenter le ciel comme le séjour de la lumière. Des lampes ardentes traduisent parfois cette idée. Sur une mosaïque découverte à Tabarca et décrite par le P. Delattre, une chrétienne nommée Cresconia est conduite par des colombes vers un jardin céleste où des torches allumées brillent parmi les arbustes et les fleurs. Cette représentation s’inspire évidemment de la vision de Satur. Bulletin des antiquités africaines, 1885, t. III,
p. 7-10. Le ciel, demeure de la paix, est figuré par la colombe au repos sur une branche fleurie et tenant dans son bec le rameau d’olivier. Le monogramme du Christ l’accompagne fréquemment. Parfois c’est une figure extatique qui apparaît à côté de la légende : In pace. Martigny, op. cit., p. 188 ; Kraus, op. cit., t. II, col. 820. La gloire est manifestée à son tour dans les riches vêtements et les parures précieuses, colliers, bracelets, anneaux, dont sont ornés les saints, surtout les vierges admises aux noces de l’agneau. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri de SS. martyri ed antichi christiani di Roma, Rome, 1720, p. 194, tav. III. Enfin la charité qui unit les bienheureux et la commune joie qui accueille au ciel se trouvent gracieusement exprimées dans un arcosolium découvert au cimetière de Cyriaque, dans une fresque du cimetière de Domitille et sur d’autres monuments iconographiques. Une orante apparaît debout entre deux personnages qui l’accueillent avec une bonté souriante et qui écartent devant elle en élégante tenture pour l’introduire au séjour de l’éternelle gloire. Martigny, , op. cit., p. 575 ; De Rossi, Bulletino di arch. crist., 1863, p. 76 ; Garrucci, , op. cit., t. II, p. 147, tav. CLXXX.

Liturgie. – Dans le langage religieux de l’Eglise, fixé dans ses livres de prière, reparaissent avec plus de précision encore les mêmes données traditionnelles, cette fois comme l’expression authentique et officielle de la croyance catholique.

1. Liturgie romaine. – Les expressions consacrées par le Missel ou le Rituel romains, dans leur rédaction actuelle, pour désigner le ciel et les différents biens qui s’y rattachent, sont très voisines, quand elles ne les reproduisent pas exactement, de celles qui figurent dans les plus anciens documents de la liturgie latine, dans le Missel gothique comme dans les sacramentaires grégorien, gélasien ou léonien, attestant par là que non seulement les doctrines étaient fixées dès la première heure, mais les formules mêmes qui les expriment. L’Eglise demande qu’il soit donné aux fidèles de parvenir au royaume des cieux, dans la demeure céleste, in cælesti regno, in cælesti sede. Missale romanum, Oratories pro defuncto epicsopo, pro defuncto sacerdote, à la messe des morts. Cælestia regna conscendere.
Missale gothicum, collecte de la Missa prima die sanctum Paschæ. Muratori, Liturgia romana vetus, Venise, 1748, t. II, col. 595. In cælesti sede. Sacramentarium leonanium, Oratio super defunctos, dans Muratori, ibid., col. 454. In cælo vivere. Sacramentarium gelasium, LXIII, Orat. et preces in Ascensa Domini, Muratori, ibid., col. 588. Il faut remarquer toutefois que, sous cette désignation directe, la mention du ciel est relativement rare dans les textes liturgiques primitifs. Mais on ne peut se méprendre sur la pensée. Le ciel est décrit comme le séjour de l’éternelle béatitude, in æterna beatitudine, ad perpetuæ beatitudinis consortium,
des joies futures qui font tressaillir, in sede gloriosa semper exsultet. Missale rom., Orat. pro defuncto sacerdote à la messe des défunts ; Breviarium rom., Officium defunctorum, oraison de vêpres. Futura gaudia comprehendant ; ad summa bona pervenire ; in sede gloriosa semper exsultet. Sacram. leon., ibid., col. 293, 298, 454. Ad societam cælestium gaudiorum. Sacram. gelas., XVIII, ibid., col. 582. Dans une prière liturgique composée à l’époque des persécutions et publiée par Bone en 1850, il est fait mention des joies de la béatitude. Defunctorum fidelium animæ quæ beatitudinem gaudet. Marucchi, op. cit., t. I,
p. 196.

Au canon de la messe, le Memento des morts désigne le ciel comme le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix, in loco refrigerii, lucis et pacis, et l’oraison de la messe des défunts, in anniversario die, accentue et précise cette pensée en implorant pour les trépassés le lieu du rafraîchissement, la félicité du repos et la clarté de la lumière. Le Memento des défunts fait défaut dans quelques anciens exemplaires du canon, par exemple dans le sacramentaire gélasien. Cette lacune s’explique naturellement par ce fait que les diptyques des morts, auxquels cette formule servait de cadre, se lisaient sur un texte à part, rouleau spécial ou tablettes. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1898, p. 174. Le Missale gothicum, à la messe dominicale, Post nomina, Muratori, ibid., t. II, col. 646, reproduit les mêmes expressions, que l’on retrouve fréquemment dans d’autres prières. Locum lucidum, locum refrigerii et quietis. Sacram. gelas., XLI, Oratio post obitum hominis, Muratori, ibid., t. I, col. 742. Quietis ac lucis æternæ beatitudinem. Sacramentorium Gregorianum, ibid., t. II, col. 214.

L’Eglise semble insister avec prédilection sur la vie affective qui est celle des élus et qui constitue l’une des grandes joies du ciel. Da nobis in æterna beatitudine de eorum societate gaudere. Missale rom., oraison du commun des martyrs. Cum omnibus sanctis tuis ad perpetuæ beatitudinis consortium pervenire concedas. ibid., oraison de la messe des morts. Perpetua sanctorum tuorum societate lætetur. Sacram. leon., commemoratio sancti Silvestri, Muratori, op. cit., t. I, col. 454 ; cf. Sacram. gregor., Orat. in agenda mortuorum, ibid., t. II, col. 214. Les prières liturgiques n’omettent pas d’attirer l’attention sur le bonheur spécial qu’auront les saints à retrouver leurs parents et leurs proches. Meque eos in æternæ claritatis gaudio fac videre. Meque cum illis felicitati sanctorum conjuge. Missale rom.,
à la messe des défunts, oraison et secrète pro patre et matre sacerdotis. Les anges contribuent aussi, par leur société, à la joie des bienheureux et l’Eglise demande qu’ils viennent chercher eux-mêmes l’âme du défunt et qu’ils la conduisent à la porte du paradis. Jubeas eam a sanctis angelis suscipi et ad patriam paradisi perduci. Missale rom., Oratio in die obitus seu depositionis defuncti. L’offertoire de la messe exprime une pensée analogue. Cf. Sacram. gelas. , XCI, Oratio post obitum hominis, Muratori, op. cit., t. I, col. 748. Le bonheur d’être réuni à Jésus-Christ et de jouir de la claire vue de Dieu est mentionné fréquemment, comme la substance même de la béatitude céleste. Il est naturel que cette pensée se manifeste plus spécialement dans les prières avant la communion. Et a te nunquam separari permittas.
Missale rom. Le Missale gothicum représente le Christ entouré de toutes les phalanges des élus, Christus stipatus agminibus. Missa prima die sanctum Paschæ, Muratori, op. cit., t. II, col. 598. Cette union mystique entre le chef et les membres dans la gloire du ciel est bien mise en relief par le sacramentaire léonien. Da… illuc subsequi tuorum membra fidelium quo caput nostrum principiumque præcessit. Preces in Ascensa Domini, n. 5, ibid., t. I, col. 315. La nature de cette commune jouissance et des liens qui rattachent entre eux les élus et les élus au Christ et à Dieu apparaît avec une remarquable netteté dans le sacramentaire gélasien.
Inter gaudentes gaudeat, inter apostolos Christum sequi studeat et inter angelos et archangelos claritatem Dei pervideat. XCI, Oratio post obitum hominis, ibid., col. 748.

2. Liturgie gallicane. – Les prières liturgiques du sacramentaire gallican se rapprochent beaucoup des formules romaines, dans leurs fréquentes évocations du ciel. Elles implorent pour les fidèles les récompenses de la gloire, præmia in gloria, l’admission dans l’assemblée des élus, in electorum tuorum grege jubeas numerari. Sacramentarium gallicanum,
Missa Romensis cottidiana, au canon, Mabillon, Musæum italicum, Paris, 1687, t. I, p. 280 ;
Missa in sanct. Martyr., ibid., p. 345. Les saints tressailliront de joie dans les cieux et leur société sera un bonheur sans fin. Cælesti sede gloriosa semper exsultet, et perpetua sanctorum societate lætetur. Missa sacerdotis defuncti, ibid, p. 384. Le Memento des morts reproduit le texte romain : locum refrigerii, lucis et pacis ut indulgeas deprecamur. Ibid., p. 281.
Dans la messe pour le jour de l’Ascension de Notre-Seigneur, il est demandé que nous suivions Jésus-Christ là où nous savons qu’il règne, à la droite de son père. Ut etiam nos te sequentes illuc tendamus fide, ubi scimus ad Dei Patris dexteram te regnare. Missa in Ascensione Domini, ibid, p. 336 ; cf. Missa in natale Petri et Pauli, ibid, p. 343.

Une belle prière en usage dans l’ancienne liturgie mozarabique pour la recommandation de l’âme résume en un tableau concis presque tous les caractères qui, dans la pensée de l’Eglise, conviennent au séjour des bienheureux. " Recevez-le, Seigneur, dans le repos de l’éternité et donnez-lui la grâce de vous voir et le royaume éternel, c’est-à-dire la Jérusalem céleste… Qu’il vienne avec les bénis à la droite de Dieu le Père et qu’il possède la vie éternelle au milieu de ceux qui la possèdent et qu’il reçoive sa place parmi les phalanges des bienheureux. " Dom Férotin, Le Liber ordinum en usage dans l’Eglise wisigothique et mozarabe d’Espagne du Ve au XIe siècle, Monumenta Ecclesiæ liturgica de dom Cabrol et dom Leclercq, t. V, Liturgia mozarabica vetus, Paris, 1904, col. 111. Une réminiscence des liturgies orientales se retrouve à l'office des morts dans l’oraison qui implore pour l’âme du défunt les verdoyantes prairies du paradis. Rura paradisi vernantia mereatur ingredi lætus. ibid, XLVII, Ordo super sepulcrum quando clamore proclamatur, p. 149. Au Memento des trépassés, le prêtre supplie le Seigneur d’admettre les âmes des défunts dans le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix, in locum refrigerii, lucis et pacis. ibid, col. 211.

Sur la liturgie ambrosienne et les prières où il est fait mention du ciel, on peut consulter le canon du missel actuel dans Daniel, Codex liturgicus Ecclesiæ universalis in epitomen redactus, Leipzig, 1847, t. I, p. 123. La plupart des textes anciens sont encore inédits.
Le canon de la Missa canonica, dans le premier en date des sacramentaires ambrosiens, a été publié par Magistretti, La liturgia ambrosiana, Milan, 1899, t. I, p. 194. Voir AMBROSIEN
( RIT ), t. I, col. 954-957.

3. Liturgie syrienne. – Malgré la divergence des rites, il est facile de recueillir les mêmes aperçus dans la liturgie syriaque de saint Jacques et dans les diverses transformations qu’elle a subies. A la messe, le prêtre formule la prière que l’Eglise soit placée au ciel, à la droite de celui qui a envoyé le Christ sur terre. Liturgia S. Jacobi, Oratio ante osculum pacis, Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, Paris, 1715, t. II, p. 29. Le ciel est le vrai séjour de la béatitude et de la joie. Liturgia S. Chrysostomi, ibid., p. 250. Il est décrit comme le lieu du repos, de la lumière et de la paix. Lit. S. Jac., Oratio pro mortuis, p. 43. Dans la liturgie de saint Chrysostome, au Memento des morts, le prêtre prononce cette prière : " Seigneur, donne-leur le repos dans tes demeures célestes, dans le paradis des délices, dans les tabernacles de la lumière, dans le lieu du repos. " Le peuple répond : " Donne-leur le repos. " La réunion avec les saints et la jouissance en commun de tous les biens du ciel est mentionnée en termes particulièrement significatifs : " Que nous vivions ensemble avec ces bienheureux élus :
avec eux et au milieu d’eux que nous rendions gloire et louange à ton nom. " Lit. S. Chrysos.,
p. 250. La liturgie syriaque de saint Marc formule la même prière. En même temps elle évoque la suprême jouissance de se trouver au ciel avec le Christ, en présence de la divinité. Lit. S. Marci, au Memento des défunts, ibid., p. 181. Le ciel est vraiment le lieu qui réunit tous les anges et les saints au Christ et à Dieu. " Nous supplions le Seigneur notre Dieu qui a rappelé auprès de lui les âmes… de nous faire parvenir au ciel, dans son royaume.
Dieu, rends-nous dignes de la joie répandue dans le sein d’Abraham, D’Isaac et de Jacob,
où resplendit la lumière de ta face. " Lit. S. Jac., Commemoratie fidelium defunctorum, ibid., p. 37-38. Dans la liturgie de saint Chrysostome, le ciel est également désigné comme le lieu de la vision béatifique pour l’assemblée des anges et des élus, dans l’éclat de la gloire qui rayonne du Christ-roi. Lit. S. Chrys., ibid., p. 250-251.

En raison de sa provenance orientale, il est naturel que la liturgie byzantine reproduise à son tour ces données d’ailleurs communes à toutes les liturgies. L’office des morts, tel qu’il nous est transmis par l’eucologe, énumère avec toute la précision désirable, dans les hymnes et les oraisons, les différents caractères du séjour des bienheureux. L’Eglise demande que le défunt soit admis par Dieu dans le lieu où sont réunis les justes, ??? ????? ???????. Officium exequiarum, n. 13, Goar, Euchologium sire rituale Græcorum, Paris, 1647, p. 543. Elle prie le Seigneur de lui accorder le royaume des cieux, ??? ????????? ??? ???????, n.6, p. 527,
de lui ouvrir la porte du paradis, ????? ??????????, n.9, p. 528, de l’admettre dans le s?jour des vivants, ?? ???? ??????, n. 15, p. 533, o? brille la lumière de la vie, ???? ?? ??? ??? ????, n 19, p. 537. Le ciel est en outre le lieu du repos dans la société des saints, ???? ??? ????? ????????? ??? ????? ??? ?????? ???. Les ?lus seront réunis au Christ et verront briller sa gloire, ??????? ??? ????? ?????? ????????? ??? ???, ??????, n. 14, p. 532.
C’est aussi par la vierge que l’on parvient au paradis, aux fêtes nuptiales du ciel, ?? ????????? ????????, n.6, p. 527.

Sur les prières liturgiques pour les défunts dans la messe d’Antioche et la pensée de l’union des âmes saintes dans l’éternité bienheureuse, voir Probst, Die antiochenische Messe nach den Schriften des heilig. Joannes Chrysostomus, dans Zeitschrift für katholische Theologie, Inspruck, 1883, t. VII, p. 294-296.

4. Liturgie alexandrine. – Les prières du canon de la messe sont toutes pénétrées de la pensée du ciel et des espérances de l’au-delà. Dans la liturgie de saint Basile au Memento des vivants comme à l’oraison de la fraction du pain, le prêtre demande que les fidèles aient leur place inscrite au royaume des cieux, dans le chœur de tous les saints, ???? ?????? ????? ??? ????? ??? ?? ?? ???????? ??? ???????. Lit. S. Basilii, Oratio ad fractionem, Renaudot,
Lit. orient. coll., t. I, p. 72. Voir aussi les prières post diptycha, ibid., p. 73. Le Memento des morts ajoute à la mention ordinaire du repos dans le sein d’Abraham, la réunion dans la gloire de l’assemblée des saints, dans le lieu de la verdure, parmi les eaux du rafraîchissement, au paradis des délices. ??????? ??? ????? ????? ??? ?????? ?????? ???? ?? ????????? ??????… ?? ?? ?????????? ??? ????? ???. ibid., p. 72-73. Le caractère populaire et symbolique de ces expressions trouverait ailleurs son correctif, s’il en était besoin : en maints passages est émise la pensée que les biens célestes sont au-dessus de toute conception et échappent dès lors aux lois ordinaires du langage humain. Lit. S. Basilii, ibid., p. 84.
La liturgie grecque de saint Marc élève également les esprits au-delà de toute idée terrestre. Lit. divi Marci, ibid., p. 150 ; cf. Swainson, The greek Liturgies, Cambridge, 1884, p. 42.
Ces biens sont d’un autre ordre que les biens de ce monde, ???? ??? ???????? ?? ???????, Liturgy of Alexandria, dans Swainson, op. cit., p. 42 : ils sont divins, célestes, éternels.
Voir Oratio ad fractionem, ???? ?? ??? ????? ???? ?????? ????? ?????? : ??? ??????? ??? ??????. Lit. S. Basilii, ibid., p. 42.

L’eucologe copte à l’usage des orthodoxes, publié par G. Labib, d’après les versions de quinze anciens manuscrits, contient les mêmes prières. Il suffit de mentionner le Memento des défunts, en raison de son caractère antique : " Qu’ils soient avec tout le chœur des saints. Daigne, Seigneur, accorder le repos à leurs âmes dans le sein de nos vénérables pères, Abraham, Isaac et Jacob. Nourris-les dans le lieu de la verdure, dans le paradis de la joie,
dans la céleste Jérusalem. " La préface complète et précise le sens de cette prière en élevant le cœur et la pensée vers le ciel où les anges adorent la majesté du Très-Haut, " avec les séraphins aux six ailes et les chérubins couverts d’yeux. " Labib, Kitâb el-hûlâgi
el-mokkadas, Le Caire, 1903, p. 317, 362-363, 380. Voir aussi la Messe de saint Cyrille, ibid., p. 607-608.

III. Spéculations scolastiques.

La question du ciel se ramène surtout pour les théologiens du moyen âge à l’étude de la vision intuitive et de la condition des corps ressuscités. L’existence d’un séjour destiné à réunir les élus dans la jouissance commune de la divinité ne faisait doute pour personne : aussi ne faut-il point demander aux scolastiques la démonstration d’un fait accepté de tous et qui ressortait d’ailleurs avec évidence de l’ensemble même de leur doctrine. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, l. I, part. V, c. I ; l. II, part. XVIII, c. XVI, XX, P. L., t. CLXXVI, col. 613, 617 ; Pierre Lombard, Sent.,
l. IV, dist. XLIX, n. 1, P. L., t. CXCII, col. 957 ; S. Bonaventure, In IV Sent., l. IV, dist. XLV, a. 1, q. II, Opera, Quaracchi, 1889, t. IV, col. 940-943 ; Albert le Grand, In IV Sent, l. IV, dist. XLIV, a. 45, Opera, Paris, 1890, t. XXX, col. 603-604 ; Compendium theologiæ veritatis,
l. VII, c. XXII, ibid., t. XXXIV, col. 253 ; S. Thomas, Sum. theol., Suppl., q. LXIX, a. 3 ; Biel, In IV Sent., l. IV, dist. XLV, q. I, m. IV, Brescia, 1754, t. II, p. 518-519.

Mais au fait lui-même, ainsi posé et hors de conteste, divers problèmes se rattachaient dans l’ordre purement spéculatif de la pensée, problèmes qui paraissaient à première vue échapper à toute solution, mais qui n’en sollicitaient pas moins vivement la curiosité partout en éveil d’une époque où l’effort intellectuel ne coûtait point et où l’on se plaisait, par désir sincère de tout connaître et de tout mesurer plus que par jeu d’esprit, à aborder intrépidement l’étude des plus abstraites et des plus audacieuses questions : Où est le ciel ? Quels peuvent être sa nature, ses propriétés, ses rapports avec l’ensemble de l’univers ? Les réponses positives fournies par les scolastiques à ces interrogations d’une métaphysique trop éthérée n’offrent rien qui puisse intéresser gravement la théologie proprement dite. Au reste,
les grands théologiens du moyen âge ne se sont nullement mépris sur la valeur de leurs conclusions. : eux-mêmes son toujours pris soin, on ne doit pas l’oublier, d’en signaler et d’en faire ressortir le caractère hypothétique et conjectural. Toutefois, pour l’historien des dogmes ou de la pensée théologique, cet effort mérite attention et considération : autour de chaque question apparaît la mise en œuvre de toute la métaphysique de l’Ecole et de toutes les données scientifiques d’une époque et il n’est pas sans intérêt de suivre dans ses lignes sommaires la marche continue de cette évolution.

Où est le ciel ? – C’est dans la pensée de saint Basile que se pose la première fois cette question. Homil., I, in Hexaemeron, n. 5, P. G., t. XXIX, col. 13. La réponse ne pouvait être fort précise : elle se borne à déclarer que le ciel est distinct du firmament et qu’il se trouve en dehors du monde, mais non pas sans relation avec lui. Voir col. 2488. Saint Bède, Hexaemeron, l. I, c. I, P. L., t. XCI, col. 14, reproduisit, non sans la développer, cette théorie qui ne tarda point à prendre consistance dans les esprits. Cælum et terram creavit tanquam duplicem domum, interjecto firma mento. Comment. in Pentateuch., II, P. L., t. XCI,
col. 192. S’appuyant sur ces autorités et sur celle de la Glose, Pierre Lombard, dans son traité des anges, exposa ses vues sur le ciel empyrée, qu’il place, lui aussi, au-delà du firmament, supra firmamentum. Il explique ainsi le texte de saint Luc, X, 18 ; Videbam Satanam sicut fulgur de cælo cadentem. Sent, l. II, dist. II, n. 6, P. L., t. CXCII, col. 1031, et avant même le Maître des Sentences, Bandinelli, qui avait affirmé déjà au sujet de la création et du séjour des anges, l’existence du ciel empyrée, situé par delà le ciel atmosphérique. Gietl, Die Sentenzen Rolands, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 88, 104.

Alexandre de Halès prend soin également de citer ses sources et, à propos du texte de Bède, surgit dans son esprit une difficulté nouvelle, qui exercera plus tard la sagacité de ses disciples ou de leurs adversaires : An recte dicitur a Beda cælum empyreum repletum esse sanctis angelis ? Il répond que les anges ne remplissaient pas matériellement le ciel empyrée dont ils étaient l’ornement et que tout devait concourir dans ce suprême séjour à l’harmonie des desseins de Dieu. Universæ theologiæ Summa, part. II, q. XIX, m. III, a. 2, Cologne, 1622, p. 63. Saint Bonaventure s’excuse en quelque sorte de traiter ces sortes de questions, alors que les saints docteurs ont eu si peu à nous dire, et les philosophes moins encore,
sur ce sujet qui échappe à l’observation sensible. Quamvis sancti parum loquantur de hoc cælo, quia latet sensus nostros, et philosophi adhuc minus. In IV Sent., l. II, dist. II, part. II,
a. 1, q. I, Opera, Quaracchi, 1889, t. II, p. 71. Comme les autres docteurs, il admet que le ciel empyrée se trouve au-delà du ciel sidéral et qu’il enveloppe et contient tout l’univers. Ibid.,
q. II, p. 74. Même doctrine dans Albert le Grand, qui ne manque pas d’alléguer le témoignage, tel quel, de saint Augustin, de saint Bède et de Walafrid Strabon. Ut dicunt sancti Augustinus et Beda et Strabus. Somma theologiæ, part. I, tr. XVIII, q. LXXIII, m. II, a. 1, ad 3um, Paris, 1894, p. 727 ; Compendium theol. verit., l. II, c. IV, ibid., t. XXXIV, p. 43.

Saint Thomas, tout en disposant cette théorie dans une sorte de perspective fuyante et vaporeuse qui met bien en saillie son caractère, l’admit sans difficulté dans son enseignement, mais à titre d’hypothèse et non laisser sur elle l’empreinte de son génie. Il reconnaît d’abord que l’existence du ciel empyrée repose exclusivement sur l’autorité de Bède et de Strabon,
à laquelle il apporte un nouvel appoint, le témoignage de saint Basile. Cælum empyreum non invenitur positum nisi per auctoritates Strabi et Bedæ, et itcrum per autoritatem Basilii.
Sum. theol., Ia, q. LXI, a. 4. Encore remarque-t-il bien que ces témoignages sont discordants. Tous trois s’accordent à admettre que le ciel empyrée est le séjour des élus ; mais les raisons qu’ils invoquent à l’appui de cette opinion sont loin d’être identiques. Cette raison, qui est toute de convenance, saint Thomas croit pouvoir la trouver dans sa vaste et belle conception de la finalité du monde et de l’unité des êtres. Du moment que Dieu avait destiné les saints à une double gloire, spirituelle et corporelle, il était dans l’ordre des choses qu’un séjour spécial et particulièrement glorieux leur fût réservé. D’ailleurs, l’ensemble des créatures matérielles et spirituelles constitue un seul et même univers. Les anges ont pour mission de présider,
en vertu de leur nature immatérielle, au mouvement de toute la nature corporelle : il convenait dès lors qu’ils fussent placés dans le lieu suprême qui domine tous les mondes et qui réunira ainsi tous les élus. Sum. theol., Ia, q. LXI, a. 4, q. LXI, a. 3.

De ces pensées s’inspireront tous les docteurs des âges suivants. Cf. Richard de Middletown, Super IV Sent., l. II, dist. II, a. 3, q. I, Brescia, 1591, t. II, p. 43 ; Duns Scot,
In IV Sent., l. II, dist. XIV, q. I, Anvers, 1620, t. II, p. 191 ; Durand de Saint-Pourçain,
In IV Sent., l. II, dist. I, q. I, n. 3, Lyon, 1569, p. 142, Biel, In IV Sent., l. II, dist. XIV, Brescia, 1754, p. 91 ; Suarez, De opere sex dierum, l. I, c. IV, Paris, 1856, p. 21-27. Tous admettent l’existence du ciel empyrée, mais en faisant observer presque tous qu’il s’agit seulement d’une hypothèse acceptable. Durand déclare catégoriquement que sur cette question notre science n’a pour garantie que le témoignage extrinsèque, et non celui des choses et de la raison. Ibid., q. II, n. 3, p. 114 sq. Cajetan rejetait même, au nom de l’Ecriture et de la tradition, l’existence du ciel empyrée. Empyreum siquidem cælum, a posterioribus traditum, nullibi invenitur in Scripturum. Comment. in II ad Cor., c. XIII, Paris, 1532, p. 113.
De très rares esprits se livrèrent, sans la réserve commandée, à des spéculations dont ils ne mesuraient pas scientifiquement la valeur. Le nom de Pierre d’Ailly est mêlé à ces aventures. Sur l’accord de l’astronomie et de la théologie, il écrivit un opuscule où figure la représentation graphique du ciel au commencement du monde. Concordia astronomiæ cum theologia, verbum XX : figura cæli tempore principii mundi, Augsbourg, 1490, p. C, 4.
Aux professeurs de théologie il recommande vivement, pour l’honneur et le profit de la république chrétienne, l’étude de semblables questions. Nec decens existimamus esse vel utile poline christiane theologicæ scientæ professores ea quæ in dictis tractatibus scripta sunt penitus ignorare. Capitulum XL, ibid., ad calcem. Mais, sous cette forme affirmative,
ces excès spéculatifs constituent l’exception, et il convient de reconnaître que les professeurs de théologie, même décadents, suivirent avec beaucoup de modération les conseils plutôt tumultueux et déconcertants de Pierre d’Ailly.

Nature du ciel empyrée. – L’hypothèse étant admise d’un lieu spécial réunissant tous les élus, il fallait bien admettre que ce lieu était matériel ou corporel. Malgré la fine remarque, et profonde aussi, de saint Augustin que Dieu est le lieu des esprits, il serait contradictoire d’affirmer, du moins en vertu des données scolastiques, que le ciel est un lieu spirituel, et,
par ailleurs, il serait étrange de considérer le non-être, ce que les anciens appelaient le vide, comme habitable. C’est en ce sens que les théologiens du moyen âge enseignaient que le ciel empyrée ne peut être qu’un corps. Cælum empyreum est corpus, dit Alexandre de Halès, Univ. theol. Summa, part. II, q. XLVII, m. II, Cologne, 1622, t. II, p. 162. Pour saint Bonaventure, le ciel est le corps le plus vaste qui soit, maximum mole, parce que tous les autres corps sont pour ainsi dire renfermés en lui, omnia corpora locat per ambitum,
In IV Sent., l. II, dist. II, part. II, a. 1, q. II, Quaracchi, 1889, t. II, p. 74 ; cf. Albert le Grand, Summa theol., part. I, tr. XVIII, q. LXXIII, m. II, a. 1, ad 3um, Paris, 1894, t. XXXII, p. 757. Saint Thomas parle du ciel, comme du corps suprême, Sum. theol., Ia, q. LXI, a. 4. Jean Bacon suppose, et c’est pour lui une vérité acquise, que le ciel des bienheureux ne peut être conçu que comme un lieu réel. Cælum beatorum est locus realis. Super l. IV sent., dist. XLVII, q. I, a. 1 sq., Paris, 1485, fol. 219. Parfois, la question du ciel n’était pas posée différemment dans les commentaires : Utrum ultra aquas quæ sunt supra firmamentum sit corporale cælum ? Richard de Middletown, Super IV sent., l. II, dist. II, a. 3, q. I, Brescia, 1591, t. II, p. 43.

Mais déjà s’était agitée une question nouvelle, suscitée naturellement par ces premières investigations : si le ciel est un lieu matériel, de quelle matière doit-il être constitué ?
Alcuin, sans formuler directement le problème, avait fourni une solution première,
que d’autres reprirent après lui. Le ciel créé par Dieu avec la terre, dans le principe de toute chose, n’était autre que la matière sans forme et sans figure, destinée à devenir ensuite,
en vertu de l’organisation divine, le ciel sidéral. Informis illa materia quam de nihilo fecit Deus, appelleta est primo cælum et terra, non quia jam hoc erat, sed quia jam hoc esse proterat. Interrog. et resp. in Genes., p. 28, P. L., t. C, col. 519. Dans la pensée d’Alcuin, le ciel où se trouvent les élus n’est pas d’une autre nature que le reste de l’univers. Bandinelli précise cette pensée en indiquant le plus subtil des éléments, le feu, comme servant à former, sous un mode inconnu, le séjour des anges et des saints. Creata fuit angelica natura in empiro celo, id est in igneo. Pir enim græce, latine dicitur ignis. Inde dicitur empireum, id est igneum,… præ nimio splendore. Gietl., Die Sentenzen Rolands, p. 88. Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, le ciel, c’est-à-dire les deux éléments supérieurs, le feu et l’air,
au dire des saints docteurs. Nomine cæli duo superiora intelligunt elementa, ignem videlicet et aerem. Ibid., p. 104. Pierre Lombard touche légèrement et prudemment la difficulté.
Cet élément n’aurait du feu que l’éclat. Empyreum, id est ignem, a splendore, non a calore. Sent., l. II, dist. II, n. 6, P. L., t. CXCII, col. 656. Le ciel serait le plus noble des corps simples. Et proper hoc dicunt sancti quod sit igneum. Summa de creaturis, tr. III, q. XI, a. 1, Paris, 1895, t. XXXIV, p. 424. A plusieurs reprises ce grand esprit revient sur cette question qui paraît avoir sollicité vivement l’effort de son génie investigateur. Sa pensée est d’ailleurs contenue tout entière en ces mots : Cælum est corpus purum, natura simplicissimum, essentia subtilissimum, incorruptibilitate solidissimum, quantitate maximum, materia purissimum. Compend. theol. verit., l. II, c. IV, ibid., p. 43-44. C’était en quelque sorte, pour l’harmoniser parfaitement avec sa destination, affiner la matière, spiritualiser encore, si l’on peut dire, le plus immatériel des éléments.

Saint Thomas, dans cette voie, fait un pas de plus. Pour lui, le ciel n’est pas de la même nature que les quatre éléments, comme l’avaient enseigné saint Augustin, saint Basile et d’autres docteurs épris de la philosophie platonicienne. La philosophie péripatéticienne,
qui fait consister le ciel en une quintessence, lui paraît plus sensée et plus belle : résolument il adopte cette doctrine, qui a pour elle, en outre, l’autorité de saint Denys. Et ideo hanc positionem sequens dico quod cælum non est de natura quatuor elementorum, sed est quintum corpus. In IV Sent., l. II, dist. XIV, q. I, a. 2 ; cf Quodlib., VI, q. XI, a. 19. Aussi le ciel empyrée est-il de tous les corps le plus lumineux et le plus noble, celui qui est le plus actué par la forme. Cælum empyreum in natura sua lucem habet eo quod maxime formale est.
In IV Sent, l. II, dist. II, q. II, a. 2.

Cette dernière expression devait être reprise par les tenants de l’école scotiste, mais dans un sens tout autre, qui convenait mieux à leur théorie de la pluralité des formes. Pierre Auriol enseigna que la matière du ciel est le résumé de toutes les formes, le principe d’actuation de la matière terrestre. In IV Sent., l. II, dist. II, q. III, a. 3, Rome, 1596, t. II, col. 56-58 ;
cf. Werner, Die nachscotistiche Scholastik, Vienne, 1881, p. 178-181. C’était une autre façon de relever la noblesse de la matière appelée à constituer la demeure des élus.

Sur les théories de l’école augustinienne et l’opinion particulière de Gilles de Rome,
voir Werner, Der Augustinismus in der Scholastik des späteren Mittelalters, Vienne, 1887, p. 100-103.

Propriétés physiques du ciel empyrée. – Bède le Vénérable avait déjà remarqué que les lois qui régissent le mouvement des autres cieux ne s’appliquent point au ciel empyrée, dont le privilège est dès lors un état d’absolue immobilité. Comment. in Pentateuch., II, P. L., t. XCI, col. 192. Bandinelli observait à son tour que le nom même de ciel empyrée signifiait l’extrême splendeur de ce lieu, Gielt, Die Sentenzen Rolands, p. 88, et Pierre Lombard s’appropriait cette réflexion. Sent., l. II, dist. II, n. 6, P. L., t. CXII, col. 656. Saint Bonaventure ajoute que le ciel doit aussi être partout semblable à lui-même, uniforme dans son aspect lumineux. In IV Sent., l. II, dist. II, part. II, a. 1, q. I, t. II, p. 72. Ces trois propriétés caractéristiques sont mentionnées par Albert le Grand, Summa theol., part. I, tr. XVIII,
q. LXXIII, m. II, a. 1, édit. Vivès, p. 757. Comme les autres cieux, l’empyrée passait pour incorruptible.

La raison en vertu de laquelle on peut admettre l’existence de cette triple propriété physique du ciel est fournie par saint Thomas d’Aquin, qui l’emprunte d’ailleurs à ses devanciers : c’est l’harmonie qui doit exister dans l’au-delà entre l’état glorieux des élus et le caractère glorieux de leur séjour. A des êtres qui seront incorruptibles, à l’abri de tout changement, et éclatants de splendeur, il fallait une demeure en rapport avec ces dons et cette gloire, en dehors de la mobilité et de toute transformation, apte à répondre magnifiquement à la destinée des saints qui est de contempler Dieu dans son essence, à la source incréée de toute lumière. Sum. theol., Ia, q. LXVI, a. 3. Suarez, qui est d’ailleurs très affirmatif sur ces questions, s’engagera plus tard dans des considérations plus quintessenciées. De opere sex dierum, l. I, c. IV, n. 4, 5, édit. Vivès, t. III, p. 22, 23. Mais les théologiens du moyen âge s’en tiennent à ces raisons de convenance ou à des raisons analogues de perfection et de beauté de l’univers, sans exagérer en rien la valeur de ces problématiques arguments. Cf. Bonaventure, loc. cit. ; Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., l. II, dist. I, q. I, Lyon, 1569, p. 112.

Un problème qui agitait beaucoup l’école au déclin du moyen âge est celui de l’influence que l’on peut attribuer au ciel empyrée sur le reste de la création matérielle et spécialement sur certains phénomènes de la vie terrestre. Les uns niaient ces influences célestes ou les réduisaient à des effets très lointains de conservation vitale. Cf. saint Bonaventure, ibid.,
p. 73, 75. Saint Thomas, qui a apporté à ce détail la sincérité et la gravité dont il ne cesse de faire preuve dans l’étude des plus hautes questions, a soutenu successivement l’une et l’autre opinion. Après avoir nié cette influence occulte, on le voit se rétracter et l’admettre avec une grande fermeté, et sans doute il n’est pas oiseux de relever ce fait qui peut servir à mieux connaître sur un point la physionomie de ce grand esprit. Respondo dicendum quod quidam ponunt cælum empyreum non habere influentiam in aliqua corpora, quia non est institutum ad effectus naturales, sed ad hoc quod sit locus beatorum. Et hoc quidem mihi aliquando visum est. Sed diligentius considerans, magis videtur dicendum quod influat in corpora inferiora. Et ceci en vertu de la grande loi d’unité qui régit la nature des êtres, quia totum universum est unum unitate ordinis. Quodlib., VI, q. XI, a. 19. Mais cette thèse ou hypothèse, reprise par Richard de Middletown, Super IV Sent., l. II, dist. II, a. 3, q. III, Brescia, 1591,
t. II, p. 45, ne put rallier tous les suffrages, et c’est avec une légère pointe d’ironie que Durand de Saint-Pourçain résuma son enseignement l’état de la question : Hic est duplex modus dicendi non solum diversorum doctorum, sed unius et ejusdem in diversis locis ( nec mirum ), quia cum nihil sciamus de illo cælo an sit, nisi per auctoritatem, parum possumus scire si agat vel non agat. In IV Sent., l. II, dist. I, q. II, n. 3, Lyon, 1569, t. II, p. 113. Au fond,
si l’on excepte peut-être quelques spéculatifs à outrance de l’école augustinienne ou de l’école scotiste, cf. Werner, Der Augustinismus in der Scholastik des späteren Mittelalters, Vienne, 1883, p. 103-105 ; Die naschscotisitche Scholastik, Vienne, 1883, p. 152-154, c’était bien la pensée qui dirigeait l’enseignement général de l’Ecole. Gabriel Biel en reproduisait assez fidèlement l’esprit, quand il se refusait à prendre parti sur ces questions qui échappent aux prises de notre intellect. Recitabuntur opiniones cum suis motivis sine determinatione ut eligat quisque quæ sibi probabilior videbitur. In IV Sent., l. II, dist. IX, q. II, Brescia, 1754, t. II, p. 85.

Ces remarques suffiront peut-être à dissiper, au moins sur ce point, les préjugés couramment répandus sur le dogmatisme de l’école.

IV. Erreurs dogmatiques et décisions de l’Eglise.

En dehors de l’organisme et du millénarisme, qui ne rentrent pas directement dans le cadre de cette étude, les erreurs concernant l’existence d’un séjour commun à tous les élus n’ont jamais été ni bien nombreuses ni bien importantes, et l’on ne rencontre guère dans l’histoire des doctrines adverses que des fantaisies sans originalité ou des négations sans crédit.

Pour les débuts de l’âge chrétien, il suffit de mentionner sommairement et pour mémoire les rêveries des gnostiques, dont saint Irénée et saint Epiphane nous ont transmis scrupuleusement les détails. Les valentiniens admettaient l’existence de sept cieux, doués de vie et d’intelligence et qu’ils tenaient pour des anges, des dieux ou des seigneurs, des éons. Dans cette théorie, au-dessus du troisième ciel se trouvait le paradis, un ange révélateur qui avait instruit Adam. Le démiurge habitait au-dessus des sept cieux. Seuls les pneumatiques étaient admis à monter vers ces régions et leur ambition constante était de s’élever au-dessus du démiurge. Mêmes extravagances chez les disciples de Basilide. Entre le séjour du démiurge et le monde sublunaire s’étendait, d’après eux, l’espace éthéré, le monde intermédiaire composé de 365 cieux, dont le premier, Ogdoade, était habité par le grand Archon, nommé Abraxas ou Abrasax, terme qui représente, si l’on établit l’addition des nombres figurés par les lettres du mot, le chiffre de 365 unités. Seuls les pneumatiques seront sauvés ; seuls les hommes de la filiation ou ?????? quitteront la terre pour ce s?jour et, après une série d’illuminations toujours grandissantes, leur destinée sera de goûter une sorte de bonheur négatif, loin de tout commerce avec le monde supérieur. S. Irénée, Cont. Hær., l. I,
c. V, n. 2 ; c. XXIV, n. 7, P. G., t. XLI, col. 316 ; cf. Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicänischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 243 ; voir BASILIDE, col. 467-469.

Logiquement, en vertu de ses théories individualistes outrées, le protestantisme devait exclure de sa conception du bonheur éternel tout caractère impliquant pour les élus un lien de vie commune dans un séjour commun. Luther, avec ce tour d’esprit irrespectueux et railleur qui le servait si bien pour jeter le discrédit sur les doctrines les plus saintes de l’Eglise catholique, déclare légèrement, dans son Commentaire sur la IIe Epître de saint Pierre,
III, 13, que le ciel sera partout. " Cherche qui voudra si les bienheureux iront voleter dans les cieux ou sur la terre. Ce texte prouve à l’évidence qu’ils habiteront la terre, et que terre et ciel ne formeront qu’un seul paradis où Dieu résidera, car il n’a point coutume d’habiter seulement les cieux, mais il est partout. Donc là où sera Dieu, seront aussi les élus. " Opera, édit. de Wittemberg, t. V, p. 333.

Des critiques modernes ont prétendu, sur un système de preuves purement négatives, que telle était la croyance de la primitive Eglise. Cf. Wabnitz, art. Ciel, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, Paris, 1878, t. III, p. 182.

De leur côté, les ubiquistes sont arrivés par une voie toute différente aux mêmes conclusions. Dans leur théorie, le ciel était identifié en quelque sorte avec l’humanité glorieuse du Christ, qui se trouve en tous lieux. L’ubiquité du Christ entraînait naturellement l’ubiquité du ciel, qui comprenait ainsi dans sa sphère universelle l’enfer et les démons. Brentz se fit le champion ardent de ces affirmations blasphématoires : il n’y a pas de ciel,
si l’enfer n’est pas au ciel. Imo cælum est ea conditione ut in eo non tantum sancti homines, sed etiam Satan et angeli ejus inveniantur. Et Satan et infernus sunt in regno cælesti.
De majestate Christi hominis, cité par Gretser, Opera, Ratisbonne, 1734, t. V, p. 245.
Mêmes excès d’impiété dans sa Recognito. Si generaliter loquamur de domo Dei Patris,
tunc in domo Patris et regno cælesti non continentur tantum sancti, verum etiam homines impii et diaboli, infernus ipse, Numa Pompilius, atque adeo omnes ethnici, Turcæ, Judæi.
Dans Gretser, ibid., p. 247 ; cf. Werner, Geschichte der Apologetik, Vienne, 1865, t. IV,
p. 624, 656.

A ces erreurs dénuées d’un caractère particulièrement dangereux ou discréditées par leur extravagance même, l’Eglise n’a jamais jugé opportun d’opposer une définition spéciale et explicite. Mais sa croyance ressort manifestement des formules employées par elle dans les documents dogmatiques. Du symbole alexandrin, on pourrait déjà la déduire dans ses grandes lignes. ???????… ??? ??? ??????… ????????? ?? ??????… ??? ????????? ??? ???? ???????? ??? ?????????? ?? ????? ??? ?????? ??? ????? ?????????… ?????? ??????… ??? ???????, ?? ??? ????????? ??? ????? ?????… ??? ?????? ?????????… ??? ??? ????????? ??????? ??? ??? ???? ??? ????????? ??????. Symbolum apostolorum, forma alexandrina, Denzinger, Enchiridion, n. 10. Assurément le ciel où est monté le Christ, où il règnera éternellement, et d’où il reviendra sur terre au dernier jour pour juger les humains, est identique à ce royaume des cieux qui sera inauguré après la résurrection de la chair par ceux que le souverain juge aura choisis pour la vie éternelle. Il en résulte que ce séjour est commun à tous les élus et aux seuls élus, séjour ultra-terrestre où les saints vivront en société avec leur roi Jésus-Christ.

Dans la confession de foi proposée à Michel Paléologue par Clément IV, en 1267, et reçue par Grégoire X au IIe concile œcuménique de Lyon, en 1274, la distinction est formulée explicitement entre le séjour des élus, celui des damnés et celui des âmes qui ont à satisfaire après la mort. De ces âmes, il est dit qu’elles sont reçues dans le ciel, au terme de leur épreuve, max in cælum recipi. Le décret d’Union des Grecs, dans la bulle d’Eugène IV Lætentur cæli, reproduit ces paroles en ajoutant que dès leur entrée au ciel les saints jouissent de la vision intuitive. Denzinger, n. 588 ; cf. Professio fidei Græcis præscripta a
Gregorio XIII per constitutionem LI Sanctissimus Dominus noster, Denzinger, n. 870 ; Professio fidei Orientalibus præscripta ab Urbano VIII et Benedicto XIV per constitutionem LXXIX Nuper ad nos, Denzinger, n. 875.

Ce dernier point avait déjà été défini par Benoît XII en 1336, dans la constitution Benedictus Deus, en réponse aux erreurs de Jean XXII concernant le délai de la vision béatifique. Jean XXII distinguait l’admission au ciel et la jouissance parfaite du ciel, le séjour et les biens que comporte ce séjour. Selon lui, les âmes libres de tout péché étaient reçues au ciel après la mort, mais vraisemblablement elles ne devaient être admises à la vision béatifique qu’après la résurrection du corps et le jugement général. Benoît XII fixa sur ce point la doctrine de l’Eglise en définissant que le séjour du ciel implique dès maintenant la vision intuitive pour les bienheureux. En même temps les termes de cette définition reproduisent, en les résumant, les traits principaux qui, dans la doctrine traditionnelle, sont consacrés généralement à exprimer les divers aspects ou les différents biens du séjour de la gloire. Les âmes des justes se trouvent au ciel, au royaume des cieux, dans le paradis céleste avec le Christ, réunies aux saints anges et en communauté de vie avec eux, jouissant de la vision intuitive et faciale, sans intermédiaire entre elles et l’essence divine dans l’ordre de la connaissance. Sunt in cælo, cælorum regno et paradiso cælesti cum Christo, sanctorum angelorum consortio aggregatæ… et vident divinam essentiam visione intuitiva et faciali, nulla mediante creatura in ratione objecti visise habente. Ces âmes sont vraiment heureuses, elles possèdent la vie et le repos éternel. Sunt vere beatæ et habent vitam et requiem æternam. Denzinger, Enchiridion, n. 456. Pour les détails de la controverse et l’historique de la définition, voir BENOÎT XII, col. 657-696.

Outre les nombreux ouvrages cités au cours de cet article, on pourra consulter utilement, pour le développement de certains détails, Bellarmin, De æterna felicitate sanctorum, Lyon, 1616 ; Gretser, Disputatio de variis cælis lutheranis, zwinglianis, ubiquitariis, calvinianis, et sanctorum vel veris vel fictitiis receptaculis et habitaculis, Ingolstadt, 1621 ; cet opuscule, rarissime, a été réédité dans les Opera, Ratisbonne, 1734-1741, t. V, p. 206-260 ; Muratori, De paradiso regnique cælestis gloria, non expectata corporum resurrectione, justis a Deo collate adversus Thomæ Burneti librum de statu mortuorum et resurgentium, Vérone, 1738, spécialement
p. 32-43, 101-117, 127-138 ; Siuri, De novissimis, Valence, 1756 ; Plazza, dissertatio anagogica, theologica, parænetica de paradiso, Palerme, 1762 ; Barcellona, La felicita de’ santi, Palerme, 1801 ; Katschthaler, De regni divini consummationeseu eschatologia, Ratisbonne, 1888 ; Th.-Henri Martin, La vie future suivant la foi et la raison, 3e édit., Paris, 1870, p. 57-188, 523-526 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 4e édit., Paris, 1884, t. III, p. 101-180 ; Chambers, Our life after death, or the teaching of the Bible concerning the unseen world, Londres, 1894 ; Moody, Heaven ; its hope ; its inhabitants ; its riches ; its happiness, 2e édit., Londres, 1894 ; ABRAHAM ( sein d’ ), dans le Dictionnaire, t. I, col. 111-116 ; dom Cabrol, La prière antique, Paris, 1900, p. 175-187, 464-470 ; Turmel, Histoire de la théologie catholique depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 185 sq.

Article rédigé par P. BERNARD.


P.S. : Le Dictionnaire de Théologie Catholique étant presque en totalité dans le domaine public, la présente édition numérique n'a pas été faite par les éditions Letouzey et Ané, lesquelles ne peuvent pas être tenues responsables des éventuelles fautes de frappes ou fautes d'inattention intervenues lors de la transposition de cet article sur support informatique. Cette mention a été mise à la demande de Mme Letouzey, directrice des éditions Letouzey et Ané, suite à un entretien avec elle, dans ses bureaux, en juillet 2005. Paris, le 7 avril 2009.

JesusMarie.com