Chapitre 8 Quelques
points particuliers tirés de la doctrine du père Castelein_p.475-508.
Epilogue_p.509-514.latin
Addition_p.515-518.latin
Table des matières_p.519-551.latin
CHAPITRE 6 p.268
OBSERVONS LA FACON DONT LES MODERNISTES
SE COMPORTENT ENVERS LES PERES DE L’EGLISE
ET LA FACON DONT ILS LES INTERPRETENT.
Après avoir entendu la sentence commune des Pères de l’Eglise, des Docteurs et des théologiens au sujet du petit nombre des élus, nous nous apprêtons à mettre en pièces les sophismes des modernistes.
Ces sophismes, pour une disposition plus ordonnée de la matière, nous les distinguerons en diverses catégories. La première, qui se rapporte à l’autorité des saints Pères et à l’exégèse scripturaire, sera traitée par nous plus abondamment dans ce sixième chapitre, du fait qu’elle est la plus importante de toutes. Les autres seront exposées plus succinctement dans le septième chapitre.
A la vue de ces catégories, que le lecteur n’aille pas s’imaginer que tous les sophismes des modernistes seront exposés du premier jusqu’au dernier. Nous ne réfuterons que les principaux, et ceux qui sont de moindre importance nous les passerons tout simplement sous silence.
Certaines doctrines chères
à Castelein qui sont loin d’être édifiantes,
nous les réservons pour le huitième chapitre où
nous leur opposerons sans dérougir les citations des Pères
et des saints.
1 p.269
De façon gratuite et avec beaucoup d’insolence, nos adversaires rangent parmi les rigoristes, les terroristes, les pessimistes, et les reliquats du jansénisme tous les saints docteurs et les Pères de l’Eglise ainsi que les théologiens et les interprètes qui enseignent la sentence commune du petit nombre des élus.
« Ce vieux legs du Jansénisme ». (Castelein, édt. 2, p.10)---« Un rigorisme qui répand des idées étroites et de troublants préjugés ». (p.10). « Allons donc, messieurs les rigoristes, emportez vos balances de toiles d’araignée . Dieu n’en a que faire. Pour peser vos discours rigoristes, pessimistes, intolérants, désespérants, il faudra de plus fortes balances ». (p.53) « Théologiens trop étroits ou trop timides pour penser comme nous. » (p.114) « La théorie du rigorisme ne se soutient qu’à l’aide d’une incroyable confusion dans l’ordre des principes et d’une incroyable exagération dans l’ordre des faits ». (p.155) « Outre cette confusion et cette exagération, nous reprochons aux rigoristes une omission qui se conçoit moins encore chez des théologiens. C’est l’omission des causes du salut telles que Dieu nous les a révélées. » (p.157) « Un terrorisme que ne justifie pas l’Evangile ». (304) « Le rigorisme et le terrorisme que d’aucuns voudraient nous imposer. » (p.308) « Terrorisme mahométan dont bien souvent nos rigoristes semblent s’inspirer…Ce terrorisme moins digne de Dieu et de l’homme, qui violente trop notre raison et notre volonté. » (p.322) « Frères égarées dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme…vous empêchez l’amour de Jésus-Christ d’être au sein de son église un amour populaire. Voilà le forfait perpétré….. par votre malheureuse doctrine. » (pp.352-53). Ca devrait suffire comme ça.
Malheureusement, ces infâmes rigoristes et terroristes, avec leurs toiles d’araignée, leur étroitesse d’esprit et leur timidité, ces rigoristes, dis-je, dont la doctrine donne lieu à la confusion et à l’exagération, à qui une négligence incroyable fait omettre les causes du salut, telles qu’elles ont été révélées par Dieu, qui élaborent une doctrine qui mène au désespoir et un système odieux qu’ils ne peuvent absolument pas démontrer, ces rigoristes ignares sont tous ces Pères et docteurs de l’Eglise, tous ces théologiens et exégètes dont nous avons fait plus haut la longue recension.
Nous avons donc pour compagnons de route des gens nés et fieffés ! C’est en vain que nous demandons aux tenants de la position « laxiste » le nom d’un seul saint canonisé qui soit de leur avis. Selon certains de nos contradicteurs, le rigorisme des saints a été inventé non par les théologiens mais ---pinçons-nous pour ne pas rire---- par les mondains eux-mêmes ! « Cette doctrine du petit nombre des élus ce ne sont pas les sévérités de l’Evangile qui l’ont créée, ce sont les sévérités du monde. Le monde ne voit partout que du mal, et des damnés partout ! » Si le monde est si scrupuleux et timoré, pourquoi notre divin Maître nous dit-il « Malheur au monde à cause des scandales ! ».
Qu’il suffise de dire, pour enlever toute crédibilité à ces jactances , que l’Eglise qui est une colonne et un firmament de vérité, ne concède rien au rigorisme ni à l’esprit du siècle. Elle a chapeauté sans hésiter la doctrine commune des saints par le passé, et le fait encore à notre époque.
2, p.272
L’exégèse moderne est-elle un grand progrès théologique?
« Si les ombres du texte : beaucoup d’appelés, peu d’élus, alors mal compris par suite d’une exégèse encore imparfaite, n’avaient obscurci le regard de ces illustres docteurs… » (p.273) « Longtemps, la solution contraire à la nôtre a prévalu parmi les docteurs, à cause de l’interprétation défectueuse du célèbre texte que les progrès de l’exégèse expliquent tout autrement ». (p.283) « Nous avons à combler une immense lacune ». (p.157) « Frères égarés dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme…Je ne veux pas que vous gâtiez notre évangile ». (p.352)
D’entrée de jeu, nous admettons qu’un progrès scientifique a eu lieu à notre époque dans l’exégèse sacrée, surtout par le déchiffrement des hiéroglyphes et d’autres textes anciens de Ninive, de Babylone et d’Egypte. Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas décelé de progrès théologique dû à l’exégèse, et nous doutons fort que les modernistes ne nous en procure jamais. Nous avons trop à la pensée les paroles de Léon X111, dans son encyclique : « Le Dieu très prévoyant », du 18 novembre 1893, qui traitait précisément des études de l’Ecriture sainte : « Les livres des scolastiques sur les saintes Ecritures représentent une abondance de saine doctrine, tant dans la théologie elle-même que dans leurs commentaires du texte sacré. Mais parmi tous ceux-ci, c’est Thomas d’Aquin qui a obtenu la palme. Il faut que l’exégète puisse revendiquer l’honneur d’être versé dans les commentaires des saints Pères et des Docteurs ainsi que des meilleurs commentateurs bibliques. …L’interprète doit donc comprendre qu’il est de son devoir de suivre pieusement leurs traces et de profiter de leurs labeurs, en faisant, il va de soi, un choix judicieux ».
Pour une exégèse normative de l’Ecriture Sainte, il faut donc faire le plus grand cas de la vénérable antiquité catholique, et se garder de la nouvelle interprétation des modernistes. Mais nos adversaires sont d’un autre avis. Ils prétendent que les Pères de l’Eglise ont ignoré la vraie interprétation de l’Ecriture, qu’ils se sont trompés, et qu’ils n’ont pas traité la question à fond. Toutes ces choses nous étaient réservées à nous ! ---« Nous avons à combler sur ce point une immense lacune. » (p.157) « Je ne veux pas que vous gâtiez notre évangile ». (p.352) « Pour nous qui ne sommes pas arrêtés par l’obstacle d’une interprétation si défectueuse. » (p. 190) etc.
Je voudrais savoir quelles sont « les règles d’exégèse actuellement adoptées » qui diffèrent de tout point avec les anciennes. Quels sont ces meilleurs exégètes, et quel est leur nom? « Le vrai sens que nous avons établi d’après des règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes ». (p.190) « Il ne faut pas accorder plus d’importance qu’il ne convient ---dit Léon X111--- à certaines sentences nouvelles qu’il serait préférable de laisser pour compte non parce qu’elles sont nouvelles , mais parce qu’elles n’ont de la vérité que l’apparence et n’en sont qu’une contrefaçon. »
Mauran admet sans difficulté cette nouveauté dans l’exégèse : « Une réaction se fait dans les esprits contre ces désolantes doctrines (de tout le Moyen-Age). Notre siècle a sans doute ses défauts, mais il faut reconnaître qu’il a aussi ses qualités, je dirai même ses vertus. L’intelligence humaine nous paraît embrasser aujourd’hui un horizon plus vaste. Un sentiment et un amour plus vrai du bien, du beau, du bonheur de tous, et une notion plus juste de l’éternelle justice s’empare de l’humanité. Voilà que de grands orateurs chrétiens combattent avec talent l’odieuse doctrine qui jette dans l’abîme de la réprobation la majorité des créatures humaines. Leur voix a trouvé un écho dans un grand nombre d’écrivains et de prédicateurs. Nous venons humblement nous placer à leur suite. Il est vrai que, telle que nous allons l’exposer, notre thèse a quelques traits qui la distinguent et qui lui sont propres. Sous plusieurs rapports, nous traitons la question à un point de vue nouveau ».
L’éclat de cette nouveauté aveugle tellement les modernistes que, sans perdre un moment, ils opposent les modernes aux anciens, les docteurs plus récents comme saint Alphonse, saint François de Sales aux premiers Pères; Lacordaire et Monsabré aux saints prédicateurs; Beelen et Knabenbauer aux interprètes des siècles passés. De quel droit le font-ils, et avec quelle entorse à la vérité , nous l’avons déjà expliqué plus haut. Mais vain est leur espoir, et c’est en pure perte qu’ils dépensent leurs énergies . Le consensus unanime des Pères au sujet du petit nombre des élus frustre à l’avance leurs vaines tentatives.
3 p.275
A en croire les modernistes, tous les textes habituellement utilisés pendant des siècles pour prouver le petit nombre des élus ne prouvent rien du tout.
« Si des théologiens à l’époque où l’exégèse était peu développée, où on ne connaissait pas les études faites avec les contextes et les parallélismes pour atteindre le vrai sens de certains textes à tournure elliptique, ont cru devoir prendre dans un sens absolu le fameux proverbe : beaucoup d’appelés, peu d’élus, au moins ils n’ont pas érigé cette interprétation en certitude théologique. » « Ne soupçonnant pas le vrai sens que nous avons établi d’après des règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes, ils se sont abstenus, pour la plupart, de traiter cette question à fond ».
Les Pères et les Docteurs, si on l’en croit, ont donc pataugé misérablement dans leur recherche du vrai sens des textes bibliques. Nous n’arrivons pas à comprendre comment il peut avoir l’impudence de proférer de pareilles insanités ! Nous ne nous lassons donc pas de montrer le consentement unanime des Pères et des docteurs dans l’affirmation du petit nombre des élus. Le lecteur de ces textes se rend tout de suite compte que les Pères ont transmis cette doctrine comme étant certaine et évidente, et qu’ils l’ont fondée sur l’interprétation des textes scripturaires. Le concile de Trente entreprend de refréner la pétulance et la présomption du jugement individuel afin que personne, appuyé sur sa seule raison, n’ose contraindre l’Ecriture à abonder dans son propre sens contre le sentiment unanime des Pères, dans les choses qui se rapportent à la foi, aux m?urs et à l’élaboration de la doctrine chrétienne. (sess. 1V, decr. De edit. et usu Sacr. Libr.) Leon X111 a donné un avertissement semblable dans l’Ecyclique : Providentissimus.
Donc.
De plus, si ces propos de Castelin devaient prévaloir, c’en serait fini du témoignage fondateur des Pères dans l’interprétation de l’Ecriture. Car chacun pourra tenir pour ringarde et déphasée leur interprétation de l’Ecriture , sous prétexte qu’ils ne connaissaient pas les règles de la véritable exégèse.
Revenons maintenant sur chacun des points pour prouver victorieusement l’autorité des Pères dans l’interprétation de ces textes.
1 p.276
De la voie étroite, et du petit nombre de ceux qui la trouvent. (Matt. V11,13-14, Luc, 12, 23-24)
Le Père Castelein cite en premier lieu Matt, et ajoute aussitôt : « Ce texte est reproduit par Luc avec une légère variante et une addition au commencement et à la fin. Citons ce passage d’après s. Luc pour en tirer toute la lumière qu’il renferme. » (p.33)
Que le P. Castelein note que le texte de s. Luc n’est pas une reproduction de celui de s. Matthieu, car les paroles du Seigneur, bien qu’elles soient identiques, ont été prononcées en une autre occasion et dans des circonstances différentes. Il se fourvoie donc et induit ses lecteurs en erreur, en allant quérir le sens de Matthieu auprès de Luc.
A- Quant à nous, examinons d’abord les paroles de Matt. (V11,13-14) et leur contexte. Nous sommes parvenus à la fin du sermon du Seigneur sur la montagne. Ce sermon est un bref exposé du royaume messianique ou de la législation de l’Eglise fondée par Dieu. En quoi consiste donc cette législation ? C’est le perfectionnement de l’ancien royaume de Jéhovah : « Ne pensez pas que je suis venu abolir la loi, ou les prophètes….mais la parfaire ». (Matt. V, 17) C’est donc une loi plus parfaite : Matt. V, 21-48 et qui doit être observée d’une façon plus parfaite :V1, 1-18. par la résolution , entre autres choses, de fuir un excès de sollicitude pour les biens étrangers au royaume de Dieu; 19-34, par la fuite de la sollicitude intempestive et déplacée pour la santé des autres. Et surtout par l’application à la prière , 7-11. Avant qu’Il passe aux exhortations de la fin, le divin Orateur, revenant au début de son sermon, embrasse tous ces préceptes dans une règle d’or : « Faites aux autres tout ce que vous voudriez qu’ils vous fassent. Voilà la loi et les prophètes ». (V11,12)
L’obéissance à de tels préceptes est chose difficile pour nous, hommes enclins au mal, fascinés par les séductions du vice, séduits par de nombreux exemples. Jésus n’est pas sans le savoir, car la règle de vie qu’Il nous prescrit, dans les mots qu’Il nous a transmis, il l’appelle une voie resserrée, i.e. enfermée dans les limites des commandements divins, au-delà desquels il n’est pas permis de s’aventurer. Il l’appelle également porte étroite, par laquelle l’homme ne peut pas entrer sans se mortifier, ni sans réprimer les passions dépravées. C’est pour cette raison qu’il y en a peu qui la trouvent et qui la suivent. Par contre, la voie qui mène à la punition éternelle est spacieuse et la porte en est large, et nombreux sont ceux qui y entrent. Ce qui n’empêche pas le Christ d’exhorter avec conviction ses auditeurs ---et c’est la première partie de son exhortation finale--- de faire virilement tous leurs efforts pour cheminer par cette voie qui est resserrée et foulée aux pieds par bien peu, et pour entrer par cette porte étroite, car ce n’est que par elle que l’on parvient à la vie éternelle. » C’est ainsi que s’exprime Cl. Liagre, h.1, qui, au dire de Castelein, pense comme eux, parmi un grand nombre d’autres , dont Beleen et Knabenbauer, « les deux plus savants exégètes de ce siècle », au dire encore de Castelein (p.64).
L’illustre Van Steenkiste, en réponse à sa question : « Peut-on, à partir des textes par nous expliqués , parvenir avec certitude à la conclusion qu’il est petit le nombre de ceux qui sont prédestinés à la gloire céleste ? » dit : « Les interprètes catholiques ont raison d’enseigner, à la suite des saints Pères, que cette sentence s’applique non seulement aux contemporains de Jésus, mais à tout le genre humain de tous les siècles. C’est donc en toute légitimité qu’ils concluent que le nombre de ceux qui entrent au ciel est petit, si on le compare à la multitude de ceux qui sont condamnés à l’enfer. »
Le même auteur, parlant de notre interprétation, qu’il représente quand même un peu différemment, dit : « Il serait téméraire de la laisser tomber, à cause du consentement unanime des saints Pères. » En dépit de tout cela, le R.P. Castelein enseigne : « Ce passage -------(il s’agit de Luc, X, 23-24. Mais comme il confond celui de Matt, et celui de Luc, ses paroles peuvent s’appliquer également à Matt. V11, 13,14), comme il apparaîtra clairement par la suite)------ serait bien alarmant s’il avait un sens absolu et une portée universelle. Mais le contexte prouve clairement qu’il se restreint à l’entrée des Juifs contemporains de Notre-Seigneur dans le royaume du Messie. » (p.34) Pour bien comprendre son énoncé, il faut se rendre compte que l’auteur distingue entre royaume visible du Messie (p.27, note,p.35) et l’Eglise, royaume éternel du Messie. (p.34), i.e. le ciel, et le royaume du Messie pris dans son sens complet. (p.25). i.e. l’Eglise et le Ciel. Parfois, il se contente de dire tout simplement : royaume du Messie (p.25,27, note 34) et le sens de cette expression doit être déterminé par le contexte. Ici, par exemple, le contexte nous fait comprendre que ces paroles signifient le ciel. Car il continue : « On ne peut soutenir que cette image de voie étroite …s’applique à l’Eglise catholique et aux fidèles. Jésus peint ici l’état malheureux du peuple juif auquel Il prêchait son évangile. Cet état était un état de décadence. Les docteurs de la loi, avec leur formalisme vain et leurs vices invétérés, menaient la foule à la perdition. Ils prétendaient que leur seul titre de fils d’Abraham leur assurerait l’entrée dans le royaume éternel du Messie, et qu’ils y seraient conduits par la voie et la porte….par où peuvent passer tous les vices ». (p.34) Cette restriction aux seuls contemporains de Jésus en plus d’être téméraire, au jugement de Van Steenkiste, nous la considérons fausse et intolérable.
Premièrement, elle est fausse, et n’est en aucune façon « indiquée par tous les traits du texte et du contexte de S. Matthieu. » Car le texte, ou les mots eux-mêmes, indique la voie qui mène à la vie éternelle, et la voie opposée qui conduit à la perdition éternelle. De la première voie, Jésus a dit ailleurs : Si tu veux entrer dans la Vie, observe les commandements. (Matt. X1X, l7) et : Il est préférable pour toi d’entrer dans la vie débile…plutôt que d’être envoyé dans le feu éternel . (Matt. XV111,8). Et Il ne dit pas ici : il y a en a plusieurs parmi vous qui entrent par elle et il y en a peu parmi vous qui la trouvent. Mais Il dit simplement et universellement : beaucoup, peu. Le contexte ne se prête pas plus que le texte à ce genre de restriction. Les Pères et les commentateurs bibliques ont coutume d’appeler le sermon sur la montagne une charte contenant les principaux articles de loi du royaume messianique . Ce royaume dont s’étaient déjà emparé depuis le temps de Jean le Baptiste ceux qui avaient été déjà évangélisés et avaient déployé de la force pour s’en emparer , de même que les apôtres et les disciples qui se trouvaient parmi les auditeurs de Jésus. Le Seigneur enseigne à eux et à tous ceux qui au cours des siècles seraient appelés à entrer dans l’Eglise, une voie dans laquelle ils sont tenus de marcher jusqu’à la fin, s’ils veulent construire la maison de leur salut sur la pierre, et entrer dans le royaume des cieux. (Matt. V11, 24-22) Ceci est d’une évidence criante , et émane de tout le sermon, lequel ne laisse jamais entendre que les paroles avec lesquelles Il exhorte ses auditeurs à marcher dans cette voie, --bien que difficile et par peu fréquentée---dussent ou même pussent être limitées à ses seuls contemporains.
En ce qui a trait à S. Matt. V11, 15,16, ce sont les seules paroles de tout le sermon sur la montagne qui, si on en croit Castelein, ont un rapport avec v v.13,14 : «Aussi dans le texte de saint Mathieu, après avoir dit que peu trouvent la vraie voie, ajoute-t-il aussitôt : gardez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous sous la peau de brebis…Evidemment, le Maître vise ici ces Pharisiens dont Il avait dit au chapitre V 20 : Je vous le dis, en vérité, si votre justice ne surpasse pas celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. ». (p.35) Mais le lien n’est pas si étroit qu’il ne doive par la suite préciser : « aussi ajoute-t-il aussitôt ». Les versets 15,16 ne sont pas tant reliés aux versets 13, 14, qu’à tout le sermon. Ils constituent une nouvelle exhortation de l’épilogue. Voici leur sens selon Knabenbauer : « Il dénonce un autre péril particulièrement dangereux (v. 15) : gardez-vous des faux prophètes. Comme le Christ dans ce sermon expose la justice de son royaume, et par conséquent ne parle pas seulement pour ses contemporains , on a toutes les raisons du monde de soutenir qu’il ne décrit pas seulement les pharisiens de son temps, mais tous ceux qui, dans les siècles à venir, mettront leur étude à dévoyer les âmes des fidèles et à les induire en erreur ». Etc…
Il faut en conclure que la restriction apportée par le P. Castelein est intolérable. Qu’en sera-t-il, je vous le demande, de tant de doctrines morales disséminées par le Seigneur dans toute la Palestine au cours de sa vie apostolique, si nous devons restreindre les paroles du Sauveur et les écrits de ses biographes à ceux à qui ils s’adressaient directement ? Le Seigneur qui, à la dernière cène, a prié non seulement pour ses Apôtres mais pour tous ceux qui croiraient en Jésus grâce à l’enseignement des Apôtres, ne pense-t-Il pas la plupart du temps, si non toujours, lorsqu’il prêche, aux futurs croyants ? Les enseignements moraux de Jésus interpellent directement notre doctrine morale. Nous n’avons pas, en philosophant sur eux, à en déduire des conclusions plus ou moins pratiques qui nous engagent ou ne nous engagent pas, selon notre bon plaisir. Il importe peu que le Seigneur dans ses discours tantôt s’adresse directement à ceux qu’Il a devant Lui, tantôt adapte son enseignement à un groupe ciblé, ou développe sa pensée en tenant compte de l’époque, du lieu ou d’autres circonstances. Ne faisons-nous pas cela, nous aussi, les prédicateurs ? La doctrine que nous prêchons s’en trouve-t-elle à cause de cela particularisée, est-elle vraie uniquement pour nos auditeurs du moment ?
B- p.282 Il nous reste à élucider le texte de saint Luc (X111,23,24) : « L’évangile de Saint Luc fait précéder ce texte si énergique (Matt. V11,13,14), par cette demande, qui semble en mieux déterminer le sens et la portée : Seigneur, seront-ils en petit nombre ceux qui se sauveront ? (p.33) Cependant Castelein ne fait pas usage de cette question qui chez le troisième Evangéliste, précède les paroles du Seigneur, pour en mieux déterminer le sens et la parole. Semblablement, bien qu’il ait promis de tirer de ce texte toute la lumière qu’il contenait, il interpose, dans cette péricope, d’autres paroles dont il attend de puissants secours. Par suite de quoi, il est à redouter que la réponse du Seigneur ne reçoive plutôt le sens désiré par le P. Castelein que le sens obtenu par une investigation scientifique. A notre tour, investiguons.
« Nous n’avons pas à nous casser la tête pour savoir pour quelle raison quelqu’un a posé la question, puisque l’Evangéliste n’en dit mot » , dit Knabenbauer. Mais il ne sera pas inutile de nous enquérir du sens de la question, en dépit de ce qu’avance Mauran : « Jésus a raison de ne point répondre au naïf qui l’interroge, et s’il affirme clairement dans une autre circonstance qu’il y a peu d’élus, c’est justement parce que leur petit nombre n’a aucun rapport avec celui des âmes sauvées. » Il nous semble à nous qu’il doit forcément exister une relation entre la question adressée au Seigneur et la réponse qu’en donne Jésus, toute indirecte, incomplète et obscure qu’elle soit. Filion estime « que ceux qui sont sauvés » a le même sens que « ceux qui le deviennent » . (1 Cor. 1 ; 2 Cor. 11,15; cf. aussi Actes 11 47), en opposition avec ceux qui périssent. Clar. Liagre entend tout naturellement : « sont-ils peu nombreux à obtenir le salut éternel? » De toute évidence, si la question porte sur le salut, d’après le principe énoncé plus haut, la réponse doit porter sur le même salut.
Or, les paroles de la première partie de la réponse du Seigneur doivent être comprises de ce salut, comme le confirme le parallélisme avec Matt. V11,13, déjà démontré. Efforcez-vous (en grec : luttez jusqu’au bout de vos forces pour entrer) d’entrer par la porte étroite. C’est la même chose que : entrez par la porte étroite, , mais exprimée avec plus d’intensité. Bien plus, selon le judicieux cardinal Bellarmin, les autres, c. 24, sont la raison des précédentes : parce que plusieurs, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas. Ces paroles ont la même signification que celles du Seigneur dans le premier évangile : et il y en a peu qui la trouvent. (Matt. 7,14), c’est-à-dire que peu sont sauvés. Ce que le Seigneur dit en Matthieu et Luc de la voie et de la porte étroite qui conduit à la vie, par laquelle peu entrent et ce qu’Il dit de la porte large et de la voie spacieuse qui conduisent à la perdition, par lesquels plusieurs entrent, s’applique aux chrétiens aussi bien qu’aux Juifs. Car celui qui a demandé au Seigneur : sont-ils nombreux à être sauvés, ne s’est pas informé du nombre des Hébreux . Il a parlé dans des termes très généraux qui visaient tout le monde. Et le Seigneur, dans sa réponse, n’a pas précisé que la porte qui mène à la vie était celle par laquelle entraient peu d’Hébreux. Il a parlé sans exclure aucun peuple : peu y entrent.
L’ingénieux Mauran insinue et propose une autre interprétation de ces paroles du Seigneur : « Jésus-Christ ne voudrait-il pas nous dire discrètement, dans un sous-entendu confidentiel : «Ayez confiance ! Ne vous inquiétez pas de la destinée de l’humanité ! » (p.18) Comme si la Vérité suprême qui parle en toute franchise au genre humain, pratiquait la restriction mentale des casuistes.
Le même auteur, à la suite du P. Castelein, a l’audace d’affirmer : « Ne l’oublions pas, il ne s’agit ici que des contemporains de Jésus. Le nombreux ne porte que sur eux. Les textes qui suivent le prouvent clairement ».(p.17) Parcourons donc ce qui reste, et en tenant compte du contexte, scrutons les versets de 25 à 30. Dans ces versets, le Seigneur déclare comment beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas : « Sous une vivante allégorie, --dit Filion---dont nous avons déjà rencontré dans s. Matthieu les éléments principaux, …(Matt. XXV, 10,11; V11,21,23; XXV, 41; V111,11,12; X1X,28-30) Jésus représente une scène terrible de la fin des temps ». Notez comment le Seigneur ici interpelle directement ses auditeurs juifs, en fait les destinataires de sa prédication, commémore le souvenir de leurs ancêtres et des prophètes, et les oppose aux gentils. Que faut-il en conclure ? Que « le texte si terrible sur la voie étroite » et « le petit nombre qui la trouve » (dans Luc et Matthieu) a en vue une situation déterminée et exceptionnelle, l’état de dépendance et de corruption qui caractérisait le peuple juif à l’avènement du Messie ? »
Jamais, au grand jamais. Il faut plutôt dire avec Cl. Van Steenkiste : « Le sentence du petit nombre des élus, ici, (23-24) s’applique en premier lieu à tous en général, comme en saint Matthieu, et, par la suite, aux versets qui vont de 25 à 30, elle s’applique aux Juifs en particulier, les contemporains de Jésus , et même au rejet de toute la nation. » Il ne suffit que de lire les commentaires des grands exégètes Beelen et Knabenbauer pour se rendre compte qu’ils ne pensent pas autrement. Si le contexte avait une telle influence sur le sens des premières paroles (23,24) qu’il le particulariserait , --ce qui serait à prouver--- n’avons-nous pas déjà lu que celui qui explique une vérité à quelques-uns en particulier peut très bien en même temps énoncer une vérité générale ?
En conclusion, si les paroles
du Seigneur en saint Luc ne s’adressaient qu’aux Juifs, le sens plus
général que ces mêmes paroles ont chez
Matthieu ne serait pas à exclure.
II p.286
Beaucoupd’appelés,
peu d’élus
(Matt. XX, 1-16;
XX11,1-14)
Les paroles dont nous cherchons le sens dans le deuxième texte sont qualifiées par Castelein de « célèbre texte où le rigorisme se retranche comme dans sa citadelle ». Ce qu’il y a de vrai dans cette formule à l’emporte-pièce, nous l’avons consigné en partie dans les premiers chapitres de cette ?uvre. Nous y avons entendu les « rigoristes » contre lesquels milite le Père Castelein exposer leur opinion avec l’aide de ces paroles du Seigneur. Voici ce que pense Castelein de ces textes : « Il semble qu’il y faille voir un proverbe ayant cours parmi le peuple, mais pour un autre ordre d’application. …Les deux fois que Notre-Seigneur s’en sert, c’est comme conclusion d’une parabole qui ne se prête pas au sens apparent de ce proverbe ». (p.34)
Bien que prononcées deux fois par le Seigneur, « rien n’est moins sûr que le sens de ces mots. » (p.24) Mais, et cela lui suffit : « Il est évident que ce proverbe, pour s’appliquer à la première parabole, ne peut avoir le sens qu’on lui donne communément. Bien au contraire….Si la parabole s’appliquait au salut de toute l’humanité, il faudra conclure que tous sont sauvés ». (p.25) Et : « Si la seconde parabole prouvait quelque chose sur le nombre relatif des sauvés et des damnés, il en faudrait conclure que ces derniers ne constituent qu’une infime minorité ». (p.30) Dans les autres (pages), il expose ce que ces mots pourraient peut-être signifier. Attaquons donc les deux paraboles successivement, en commençant par la deuxième, qui a l’avantage d’être plus claire.
A. On a coutume de répartir les paraboles du Seigneur en trois catégories, selon les différentes années de sa vie publique et les progrès de la fondation et de la prédication du Royaume auxquels correspond leur édition. La parabole du banquet de mariage se rapporte à la troisième catégorie, qui regroupe les paraboles de la dernière année de la vie de Jésus. Elles traitent de la consommation du règne messianique, c’est-à-dire de la réprobation des Juifs et du jugement dernier. Une inspection attentive du texte (Matt. XX11,2-14) nous fait découvrir un double argument. Du deuxième verset au dixième, le rejet du peuple juif et, à leur place, l’élection des gentils sont annoncés avec toute la clarté possible. Dans les versets qui suivent, de onze à treize, le jugement dernier est esquissé. L’union du Christ avec l’Eglise et l’humanité, qui doit être portée à son terme dans le ciel, les noces de l’Agneau auxquelles les Juifs ont été invités les premiers, puis, tous les peuples de la terre après le rejet du peuple juif. Les invités se rassemblent dans l’Eglise, qui est le porche de la salle du banquet céleste. Quand tous les convives seront rassemblés dans le cénacle céleste, n’y seront admis que ceux qui en sont dignes, ceux qui sont revêtus de la robe nuptiale.
Nous estimons que l’interprétation donnée à cette parabole est tout ce qu’il y a de plus sur et de plus certain, et nous sommes médusés par l’hésitation et le doute que révèle l’explication de la première partie par Castelein : « Il est très vraisemblable que cette seconde parabole …ait eu en vue le rejet du peuple Juif…de l’Eglise », et par son commentaire erroné et obscur de la seconde partie : « …un convive est renvoyé… : allusion aux Gentils qui entreront dans l’Eglise sans que tous y demeurent ». (27-28)
Que dire alors du verset 14 ? A quoi devons-nous référer cette conclusion ? Quelques-uns veulent que ce soit à toute la narration, d’autres à la seconde partie de la parabole, et d’autres encore, parmi lesquels Castelein, à la première. C’est sans conviction qu’il établit sa position : saint Luc, évangéliste de la miséricorde et des Gentils, raconte la même parabole (X1V, 16-24) en omettant l’expulsion et la punition de l’homme non revêtu de la robe nuptiale et sans le proverbe : beaucoup… Donc. « Saint Luc, en ne citant pas le proverbe, …semble marquer par là que ce proverbe ne s’appliquait pas aux Gentils pour lesquels il écrivait ». (28-29, note) Il ne se rend pas compte que par ce même argument, il fait la preuve que l’expulsion et la punition d’un seul convive ne peut pas représenter « une allusion aux Gentils qui rentreront dans l’Eglise sans que tous y demeurent ».—Mais déjà il affirme, et sans la moindre hésitation, que le sens de la conclusion controversée est le suivant : plusieurs Juifs sont appelés à l’Eglise visible du Christ, mais peu sont élus. : « dans la seconde parabole, ce proverbe doit ainsi s’interpréter ». (27, note)
Il se réfère donc ou à la dernière partie de la parabole ou à la parabole en son entier. Pour ce qui est du sens, cela est indifférent. Les versets qui ont les paroles : beaucoup d’appelés etc.. comme conclusion de toute la parabole, il les comprend de la façon suivante : « beaucoup sont appelés, i.e., tous, Juifs et Gentils, mais peu sont des élus proprement dits, parce que quelques-uns n’ont pas voulu venir, d’autres n’ont pas la robe nuptiale. » (S. Thomas). D’autres cherchent parmi les seuls Gentils des « élus » chez les invités négligents qui ont décliné l’invitation, et qui ne sont certainement pas élus. Les Juifs ne sont pas assez nombreux et ne le seront pas, si on en fait le décompte à partir du temps de leur réprobation jusqu’à la fin du monde, pour changer le nombre général et relatif des élus, vu que leur réprobation n’est pas celle des individus mais d’un peuple.
La première opinion se base sur l’idée que le déroulement normal d’une parabole implique qu’on y ajoute à la fin une conclusion. Ainsi, en Matthieu, la parabole constitue une entité organique complète . La deuxième opinion attire l’attention sur le fait que la conclusion : car beaucoup…est en lien direct avec la dernière partie de la parabole , le quatorzième verset. Relisez ce lien exposé plus haut par Beelen. Mais le Père Castelein y trouve une faille : « Si Notre Sauveur avait voulu nous enseigner par cette parabole que le grand nombre de cette multitude appelée pour remplacer le peuple Juif est réprouvé, Il eût évidemment modifié le dernier trait de sa parabole. Il nous eût représenté le plus grand nombre des nouveaux arrivants ou de la multitude des Gentils dans l’état où se trouvait celui qui a été rejeté, pour n’être point vêtu convenablement ». (p.30) La réponse est que l’intention du Seigneur n’était pas de nous enseigner dans ces versets combien parmi les appelés ne seraient pas élus, mais lesquels, à savoir ceux qui lors de l’avènement du Fils de Dieu seront trouvés sans la grâce sanctifiante. On doit tenir comme règle d’interprétation des paraboles qu’il n’y a pas lieu de trouver une explication pour chaque détail, -- car il y en a manifestement qui ne signifient rien, -- mais qu’il convient de s’attacher aux seuls détails signifiants , comme le dit saint Augustin. Les détails superflus doivent donc être laissés de côté, et surtout ne pas être mis au premier plan. Donc, comme il n’est pas permis de déduire de la première partie de la parabole que tous les Juifs sans aucune exception sont rejetés, il ne faut pas non plus faire dire aux versets ll,12,13 qu’un seul juif ou qu’un tout petit nombre sera condamné, puisque le contraire apparaît avec évidence dans les versets suivants. Dans ce chiffre un, une multitude de fidèles est représentée qui se sont montrés indignes du banquet céleste.
B- Math. XlX, 1-16, ou la parabole des ouvriers, difficile d’interprétation, est classée par plusieurs dans la même catégorie de paraboles que le passage de Matthieu : XX11,2-14. Le Père Castelein en expose ainsi le sens général : « Aussi croyons-nous avec des interprètes autorisés, que la parabole s’applique à l’entrée successive des peuples dans le Royaume du Messie, pris dans son sens complet, et que le but visé par le divin Maître dans cette figure était de réprimer sur ce point une prétention des Juifs, surtout des Docteurs de la Loi…De là des conclusions : Dieu traitera les derniers appelés comme les premiers. Il appellera à Lui la multitude…Mais dans cette multitude, l’élite qui prétendait constituer tout le peuple juif, ne se composera que d’un petit nombre. C’était assez dire que le peuple juif , comme peuple, n’aurait plus aucun privilège, ne formerait plus l’élite de l’humanité. Les saints qui forment l’élite, ne se composent dans chaque siècle parmi la multitude des fidèles, que d’un petit nombre de personnes. » (p.25,26). A part l’argument d’autorité,---« avec des interprètes autorisés »---(qui sont-ils, je l’ignore)---il n’ajoute pas autre chose que : « saint Matthieu, évangéliste des Juifs, est le seul à rapporter cette parabole, et mon explication est logique et claire. » De cette dernière assertion, toutefois, il n’est pas certain. Il ajoute ces mots en note : « Beaucoup sont appelés…cette phrase peut avoir le même sens que celui de la parabole du banquet des noces, cité plus tôt. » (p.27, note)
La difficulté du commentaire de ce passage provient du fait que si on met en évidence tous les moindres détails , on aboutit à une contradiction ou à une erreur. Il y a donc des mots de moindre importance à ignorer, mais lesquels ? Dieu est le père de famille, les ouvriers sont des hommes appelés au salut, le procurateur est le Christ à qui tout jugement est référé, le jugement est la remise des salaires, sur ces points tous les interprètes sont d’accord. Qu’est-ce qu’un denier, et que faut-il entendre par les heures du jour ? Il n’y a pas là-dessus de consensus. Demandons à saint Augustin d’ouvrir le débat : « Ce denier est la vie éternelle. » Mais on lui objecte avec raison que : a) tous reçoivent un denier, même s’ils le font en en bougonnant ou en bourassant. Dans l’hypothèse où le denier signifie la vie éternelle, tous seraient donc sauvés. Or, nous dit saint Grégoire : « personne n’entre en possession du royaume en maugréant. Personne de ceux qui en bénéficient ne peut ruer dans les brancards. . » Tous reçoivent-ils le même denier, ni plus ni moins ? Où seraient les premiers, où seraient les derniers ? Où est donc le petit nombre des élus, où sont les damnés ?
Clar. Knabenbauer, Klofutar et les autres sont de l’opinion que tous les ouvriers de la parabole qui ont reçu un denier sont sauvés, et que leurs récriminations sont sans importance, car elles n’auraient servi qu’à provoquer la réponse du Maître. Ils prétendent que tous reçoivent véritablement un même salaire qui correspond à un mérite égal, l’égalité du mérite provenant du fait qu’un travail plus court fait avec le secours d’une grâce très abondante, a produit des ?uvres plus méritoires que celles des autres. Mais il faut faire grand cas de la fin de la parabole, dans laquelle apparaissent trop clairement et fortement pour être passés sous silence. la condamnation de certains ouvriers de la première heure et l’indignation du propriétaire. Ce comportement s’accorde mal avec le statut de sauvés. Rien donc n’empêche que la conclusion de la parabole, qui est la même que celle du banquet de noces, et dont le sens général est très proche de celui de la parabole présente, rien donc n’empêche de lui donner la même explication.
En conclusion, les premiers appelés qui avaient été suffisamment rémunérés, et qui pour avoir rouspété ont été morigénés, ne reçoivent pas de récompense, mais sont plutôt déclarés punis et rejetés, ---comme chez Matthieu, il sera appelé dernier, signifie il ne sera même pas appelé. Pour les autres docteurs, le denier ne peut pas du tout représenter la vie éternelle : « Tous les saints règneront sans fin, mais tous n’auront pas la même magnificence, comme les étoiles, à qui il est donné à toutes de luire indéfiniment, sont les unes plus brillantes que les autres. » (St. Augustin)
Pour se faire une idée de la sorte de priorité qui est indiquée par les différentes heures des jours ouvrables, remontons jusqu’à l’occasion qui a donné naissance à la parabole. Après que Jésus eut exposé sa doctrine sur la difficulté du salut des riches, saint Pierre l’a questionné sur la sorte de récompense que sont en droit d’attendre les disciples qui ont tout laissé pour le suivre. La réponse du Maître est une promesse des plus libérales , à laquelle, toutefois, est joint un grave avertissement : car beaucoup de derniers seront premiers, et beaucoup de premiers, derniers. » (Matt. X1X,30; Marc X,31) La parabole des ouvriers dans la vigne est une amplification de cet avertissement, repris à nouveau à la fin par le Sauveur. Il ajoute une raison qui devait prévenir chez les siens toute tiédeur qu’engendre une fausse sécurité, et stimuler leur ardeur. Le fait d’avoir tout quitté ne leur donne aucune assurance du salut et de la récompense. Ce qu’ils ont fait jusqu’ici, c’est le don de Dieu : tous ne comprennent pas cette parole, ceux-là seulement à qui cela a été donné . (Matt. X1X,11) Et, ce ne sont pas les disciples qui ont choisi Jésus, mais Jésus qui les a choisis. (Jean, XV,16,2) Ils sont tout à fait premiers par l’origine, le temps et la dignité de la vocation, par la promesse. Un de ceux-ci est devenu dernier : Judas Iscariotes. C’est lui qui allait le trahir, lui, un des douze »
Cet avertissement a. une portée plus générale que ne le laisse penser l’application que nous en avons faite aux Apôtres, comme les paroles elles-mêmes et leur destination le démontrent. Elle embrasse, en réalité, toutes les priorités de vocation, que cette priorité soit temporelle, ou honorifique, ou d’un ordre quelconque, qu’elle soit individuelle ou nationale. Il s’avère que cette parabole contient, même si elle est voilée, la prédiction du rejet du peuple Juif. Voyez Filion, h.1.
Après avoir interprété les versets X1X,30 et XX,16 comme j’ai démontré qu’il fallait les comprendre, il est non seulement permis mais il est obligatoire d’interpréter les versets XX, 16 de la même façon qu’à la fin de la parabole précédente, c’est-à-dire , dans le sens patristique et traditionnel. Car, pourquoi plusieurs premiers seront-ils les tout derniers, et pourquoi ces mêmes premiers verront-ils les publicains et les prostituées les précéder dans le royaume où ils n’entreront pas, si ce n’est parce que il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
En ce qui a trait au sens patristique et traditionnel, il ne nous est pas possible de ne pas rapporter les paroles suivantes de Castelein : « Pour que l’interprétation des saints Pères fixe le sens d’un texte de la Sainte Ecriture, il faut que cette interprétation soit moralement unanime sur un sens déterminé et déclaré par eux comme étant le sens même de la révélation. Une opinion exprimée à propos d’un texte ne s’identifie pas toujours avec l’interprétation du texte ». (p. 64, note) Donc, même dans l’hypothèse où n’existerait pas une communauté de vues dans l’interprétation de ce texte faite par les Pères, et où nos raisons et nos preuves seraient dépourvues de toute valeur, demeure toujours la doctrine unanime des Pères sur le petit nombre des élus, exposée à l’occasion de ce texte ou d’autres. C’est à cette doctrine que s’oppose le Père Castelein, et c’est elle qui a donné naissance à la sienne.
Nous ne nous éterniserons pas sur les paraboles dont se sert le P. Castelein pour corroborer son interprétation. Un simple examen fait, selon les règles de l’art, de la visée de ces paraboles nous donnera une idée de la façon dont elles militent en sa faveur.
111 p.295
Le royaume des cieux souffre violence, et ce sont les violents qui l’emportent. (Matt. X1, 12)
L’explication correcte de ces paroles, nous dit le P. Castelein, doit tenir compte du contexte et des paroles parallèles de Luc (XV1,16). « Notre Seigneur compare donc ici les deux religions …Cette première religion…avait été confiée aux seuls Juifs…Depuis saint Jean-Baptiste, dit l’Evangile, le royaume du ciel ou la religion définitive… est prêché. Pour qui? Pour tous. Ce n’est plus un privilège pour personne, mais aussi personne n’est plus exclu. Voilà pourquoi Jésus-Christ le compare à un butin de guerre, dont tout le monde peut s’emparer. Les termes « violents » et « violence » ne sont pas là pour signifier qu’il faut un effort plus ou moins grand pour se sauver, comme s’il n’en fallait pas auparavant. Le salut, au contraire, est rendu plus facile. Le but de cette métaphore est simplement de redresser l’erreur des Juifs qui croyaient avoir droit au Royaume du ciel par privilège de naissance, et cela, à l’exclusion des autres hommes ». (p.43)
C’est ainsi que selon ses lumières personnelles et fort maladroitement ---comme il l’avait fait pour la parabole des ouvriers de la vigne--- il commente ce texte de l’Ecriture. Et il ajoute : « Nous prenons ici le texte dans son sens traditionnel, mais le grand exégète contemporain, le P. Knabenbauer, Jésuite, reprenant l’explication de Don Calmet, a établi par l’analyse des mots grecs un sens tout différent, à savoir que le royaume du Ciel est persécuté et que des hommes violents (les Pharisiens) veulent le détruire. L’objection alors tombe d’elle-même ». (p.44)
Il suffira de dire, croyons-nous,
ce que Knabenbauer lui-même pense de cette exégèse
: « Je sais qu’il y en a peu à revendiquer la paternité
de cette interprétation. Calmet est un de ceux-là et
Wilke, auteur d’un lexique gréco-latin, dans ses livres n.t.s.v.
Parmi les protestants, Cremer, Hingelfeld et Ludovic de Dieu, qui
interprète Luc XV1, 16 de la même façon
que Calmet. Cette interprétation est donc suspecte
aux yeux de ceux qui aiment les interprétations des saints,
et il est moralement certain que ce n’est pas le sens voulu par Jésus,
en d’autres termes, ce n’est pas le sens révélé
par la parole de Dieu. »
Castelein ne fait pas mention d’une
troisième interprétation que le R.P. Bainvel
déclare « certainement fausse », mais qu’il
admet, cependant, en tant que découlant forcément
d’une opinion plus commune. Le P. Knabenbauer la trouve apparentée
à l’opinion plus commune et assez heureusement ajoutée.
Un Van Steenkiste va même jusqu’à la préférer
et il cite comme étant de son avis, Allioli et
Bisping. Le célèbre chanoine de Bourges,
autrefois professeur d’Ecriture Sainte dans un séminaire,
s’exprime ainsi en français : « Depuis que Jean a commencé
à prêcher, jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y
a eu, et il n’y a encore maintenant, qu’un seul moyen d’entrer
dans le royaume des cieux : il faut le prendre d’assaut, il faut
se faire une sainte violence pour y pénétrer ».
La façon donc ceux qu’on appelle Rigoristes interprètent Matt. X1,12 ne les contraint en aucune façon à patronner cette dernière explication. Il leur est permis d’embrasser l’opinion la plus commune, la meilleure, celle qui ne violente pas les textes, qui convient parfaitement au contexte, et qui bénéficie de l’autorité des Pères, lesquels ont été les meilleurs interprètes du sens littéral de l’Ecriture. Cette interprétation nous allons donc la donner en toute rectitude, en tenant compte à la fois du contexte et de la similitude que l’on constate avec Luc.
Le Seigneur proclame, dans ce passage, la dignité de Jean. Il est plus qu’un prophète, il a fait lui-même l’objet d’une prophétie par les Prophètes, (v.10), il n’est pas seulement le chantre du Messie futur, mais il L’indique du doigt.(v.11-13) Il Le précède spirituellement dans la sainteté d’Elie. Tandis que saint Matthieu nous donne la première raison de l’excellence de Jean et un peu de la deuxième (Matt. 10,11), saint Luc (V11,27-28) rapporte la dernière partie de la seconde, XV1,16 : « la loi est les prophètes jusqu’à Jean (ont prophétisé le royaume des cieux), et a partir de là le royaume de Dieu est évangélisé (par Jean et par le Christ) , et chacun déploie de l’énergie pour l’obtenir ». Voici donc le sens de Matthieu après l’avoir surimposé au texte parallèle de Luc ,-- ce que permet le lien existant entre ses versets 12,13 : « Tous les Prophètes, hommes suréminents de l’ancien testament, la Loi elle-même et Moïse avaient la charge de prophétiser le royaume du Messie, royaume qu’ils ne pouvaient, eux , que regarder et saluer de loin. (Hebr. X1) Jean a eu pour fonction d’annoncer la présence du Messie, et d’être le premier prédicateur de son Règne. Depuis le début de cette prédication jusqu’à nos jours, ont commencé à entrer dans le Royaume non pas les Scribes et les Pharisiens qui, les premiers, avaient le devoir d’y entrer, mais les humbles et les pauvres, les publicains et les pêcheurs, ceux précisément à qui l’accès du royaume semblait interdit. Il souffre violence, et les violents qui se font violence à eux-mêmes plutôt qu’au règne, en faisant pénitence et en amendant leurs vies, s’en emparent. Consultez les passages qui confirment cette interprétation : Matt. 111,5,6; V111, 10; XX1,32; XX111,13; Luc 111,10-14; etc… et surtout Luc V11,29-30; versets qui rapportent des paroles de Jésus, et les versets suivants : V11,27-29.
Au bout du compte, le Seigneur ne promulgue pas ici une loi qui énoncerait que n’échapperont aux peines de l’enfer que ceux qui feront pénitence, et se feront violence en vivant saintement. Mais il sanctionne de son autorité l’affirmation voulant que ceux qui agissent ainsi s’emparent effectivement du royaume. Car : « Si le salut se laisse emporter d’assaut, si ceux-là n’y arrivent pas, faut de correspondance à la grâce, qui auraient pu y prétendre par droit d’héritage, il s’ensuit qu’il faut travailler et faire effort pour entrer au ciel, comme il faut aussi travailler et faire effort pour gagner le prix de la lutte ». On aurait intérêt à rapprocher ce texte de la doctrine de la voie resserrée et de la porte étroite.
Knabenbauer (1.c.) nous démontre suffisamment que le passage du royaume de Dieu terrestre à celui des bienheureux ne se fait pas sans difficulté.
En outre, l’assertion de notre Révérend contradicteur ---« le salut, au contraire, est rendu plus facile »---nous renvoie à l’enseignement de saint Thomas : la loi nouvelle est-elle plus lourde que l’ancienne ? Réponse : « relativement aux ?uvres de vertus qui se rapportent aux actes intérieurs, les préceptes de la loi nouvelle sont plus exigeants que ceux de l’ancienne ». Saint Augustin répondait ainsi à la même question : « Ils ne sont pas plus pénibles à celui qui aime, mais à celui qui n’aime pas, ils le sont ».
IV p.299
Il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. (Matt. X1X, 23-26; Marc X, 23-27; Luc XV111,24-27)
Trois remarques préliminaires s’imposent d’abord : 1- Ceux que Castelein appelle rigoristes et terroristes n’ont pas recours à ce texte pour démontrer que ce n’est que le petit nombre qui est sauvé. Il ne s’en servent que pour illustrer la difficulté qu’ont les riches à se sauver. 2- Aucun des saints n’a jamais déclaré que la possession légitime et l’usage des richesses constituaient un péché et un empêchement dirimant au salut. Les saints ont toujours été de l’avis de saint Ambroise : « Que les riches apprennent non pas à taxer de crime les richesses, mais à criminaliser ceux-là seulement qui ne savent pas s’en servir. Car les richesses sont des obstacles aux malhonnêtes, mais un stimulant à la vertu des bons. » Il est vrai que les saints ont connu aussi d’autres sermons de Jésus contre les richesses , comme la parabole du semeur qui enseigne que les richesses sont des épines qui étranglent la parole de Dieu et rendent ainsi le salut problématique. ----le terrible : malheur à vous, les riches, parce que vous avez votre consolation. ---le misérable sort du riche banqueteur -----il est appelé sot « celui qui thésaurise et n’est pas riche des choses divines », comme le raconte la parabole du riche qui détruit ses greniers etc.
3- L’évangile nous révèle que certains hommes riches et nobles ont été appelés par Dieu et ont été aimés par Jésus. Comme Zachée, le prince des publicains qui était cossu. Joseph d’Arimatie, homme fortuné. Nicodème, prince des Juifs, Lazare, Marthe et Marie, d’une famille seigneuriale et noble, Jeanne, femme de Chouza, procurateur d’Hérode, etc…Cependant, les pauvres et les gens du peuple avaient sa prédilection. Le Père Chastelein défonce donc des portes ouvertes et part en guerre contre des moulins à vent quand il lance : « Allons à ce passage et ici encore, cherchons à dissiper d’aveuglants préjugés par un examen dont la vérité soit le seul souci ». (p.36) Il aurait du citer cet extrait pour illustrer son propre chapitre 1V : les obstacles humains au salut, où les paroles de Jésus lui causent de l’embarras. Il n’est que trop vrai que l’auteur termine en catastrophe ses présentes admonestations de la façon suivante : « Mais à plus tard les développements de cette belle doctrine (!) avec les preuves fondées en foi et en raison qui l’appuient. » (p.40) Mais, ici, au chapitre 1V, il dit : « Je puis être ici plus court, car j’ai déjà indiqué le sens et la portée (?) du célèbre texte qui condamne les mauvais riches…Je me suis déjà expliqué sur ce point dans mon premier chapitre ».(pp.256,258)
Mais, 1- il n’est arrivé à aucun Père ou à aucun docteur de rétrécir le sens du passage pour n’en faire tout simplement qu’un simple avertissement du Christ et une application particulière de la doctrine générale du salut : « Ce texte ne forme pas d’argument nouveau pour la théorie du rigorisme. Il signale un empêchement au salut, qui ne peut faire doute pour aucun chrétien, car il rentre dans la doctrine générale qu’il est impossible de se sauver si on préfère un bien créé au Créateur ».(p.38) Ce n’est pas ainsi qu’ont parlé les Saints. Saint Jean Chrysostome : « Grande est la tyrannie des richesses. Même si l’on cultive les autres vertus, les richesses polluent tout ce qu’il y a de bien, car ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le filet du diable, et dans une foule de désirs inutiles et nuisibles qui plongent les hommes dans la perdition de la géhenne. » « C’est un lourd poids que doit porter l’innocence accaparée par l’augmentation des richesses. ---dit saint Hilaire---car les richesses sont une incitation et une provocation à l’orgueil, à la gloutonnerie, à la luxure et à d’autres vices. Comme, donc, la nature humaine est encline au mal, les richesses ne font qu’attiser et exacerber le péril. »
Jésus indique par trois fois, avec insistance, la difficulté que représentent les richesses pour le salut des riches. D’abord, en débutant par ces paroles solennelles : en vérité je vous le dis. Ensuite, par la tournure exclamative employée : qu’il est difficile ! puis, devant la stupeur de ses disciples, répétant l’exclamation : mes fils, comme il est difficile ! Enfin, s’exprimant à la façon du peuple par un proverbe qui marque l’extrême difficulté de la chose : il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille » En résumé : il est très difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, comme le dit si bien Maldonatus.
Mais pourquoi cela a-t-il été dit des richesses plutôt que de l’ambition, de la luxure, ou de la vengeance ? etc..…Maldonatus répond que ces autres choses entravent bien un certain nombre de personnes, mais qu’elles ne sont pas un obstacle pour le grand nombre. Tandis que les richesses sont un boulet de canon pour la presque totalité des nantis. Il ne faut pas omettre la considération que les richesses excitent et alimentent toutes les autres passions de l’âme.
2- Castelein se trompe donc royalement en disant : « Ce texte ne forme donc pas d’argument nouveau ». A une première erreur, il en ajoute une seconde en nous resservant son explication du mot « riche » ---préférer un bien créé au Créateur---- sans admettre le péril de la damnation provenant des richesses, à moins que ces très riches ne soient impies ou que les avares ne soient par trop cupides : « Cette notion prise au sens absolu, comme l’expression est absolue, signifie un attachement total du c?ur qui s’attache à la richesse comme un bien suprême , prêt à tout lui sacrifier ». (p.37) ---« Riches, disposés et décidés à y (aux biens terrestres) sacrifier la loi de Dieu et les biens du ciel….Passion poussée à cette extrémité ». (p.38)etc… Un péril prochain de damnation éternelle guette même les riches modérés, ces adeptes de la troisième voie qui « sont d’autant plus exposés au péril qu’ils se pensent plus en sécurité, qui se croient d’autant plus sûrs qu’ils n’ont pas commis les plus grands crimes. Rares en effet sont les hommes dont la conscience est complètement prostituée et dépravée. » Même les riches modérés sont exposés aux tentations d’orgueil, de gourmandise, de luxure…
3- Il récidive en enseignant que les mauvais riches sont extrêmement rares, abondant dans le sens de sa définition de riches pour se convaincre lui et ses lecteurs : « Non, la plupart des hommes ne sont pas prêts à vendre leur âme pour une poignée d’or, et la possession de cet or ne les rend pas tellement durs et inhumains qu’ils se refusent à soulager la misère du prochain….Que l’on prenne au hasard une centaine de riches, je suis intimement convaincu que parmi ces hommes la majorité, et dans les milieux chrétiens, la grande majorité est honnête et charitable ». Nous ne voulons pas prouver que tous les riches sont en état de péché mortel, mais la plus grande partie vraisemblablement, surtout quand on considère le mode de vie peu chrétien d’un si grand nombre de riches. Nous reconnaissons volontiers que tous ces riches que fréquente le docte jésuite sont des chrétiens exemplaires. Est-ce qu’un autre jésuite, issu lui-même de famille opulente et noble, n’a pas soutenu en termes généraux son opinion bénigne quand il écrivait : « Mais, me diras-tu, ceux que le Seigneur appelle riches, ce sont ceux qui sont épris des richesses, et qui ne s’en servent que pour leur propre jouissance, sans aucun égard pour les pauvres ou les ?uvres pies. »--« Il en est bien ainsi. Mais comme ils sont peu nombreux les riches de cette sorte ! Donc, au moins en raison de sa rareté, le salut des riches relève du miracle ! » Bellarmin était sans illusion sur les riches de son temps et de son pays qui, sans contredit, étaient meilleurs que ceux de notre temps.
4-
(suite)
4- Il erre encore davantage en exagérant la valeur salvifique de l’aumône : « La où la charité habite, l’égoïsme et la cupidité ne revêtent pas ce caractère exclusif et absolu qui est inconciliable avec les conditions du salut ». (p.258) « Nous avons contre la rigueur de ces jugements de Dieu une compensation facile et magnifique dans les ?uvres de charité ».(p.55) « J’estime que cette sentence du jugement dernier où saillit en si vif relief le grand rôle de la charité et le remède efficace qu’elle renferme contre nos manquements dans les autres vertus, nous rassure contre les troubies (?) du rigorisme. (p.57)
Pas tout à fait, révérend Père. Que la charité sécurise ceux qui aiment leur Dieu de tout leur c?ur, et leur prochain, à cause de Dieu, je le reconnais. Qu’elle rende sûrs de leur salut les philanthropes qui passent leurs journées sans penser à Dieu et sans L’aimer, je le nie. Et voici ce qu’enseigne le docteur angélique sur le pouvoir de libération des ?uvres de miséricorde relativement à la damnation éternelle : « Objection : on aurait lieu de penser que tous ceux qui font des ?uvres de miséricorde ne peuvent pas encourir la damnation éternelle et que seuls seraient damnés ceux qui les négligent . Réponse : Mais saint Paul enseigne le contraire dans sa première épitre aux Corinthiens, au verset 6 : « Ni les fornicateurs ni les adultères etc..ne posséderont le royaume des cieux. Or, plusieurs parmi ceux qui s’adonnent aux ?uvres de miséricorde sont tels. Donc, il est faux de dire que tous les miséricordieux entrent dans le royaume des cieux. Saint Jacques est encore plus tranchant : « Quiconque n’observe pas la loi dans sa totalité, mais enfreint un seul commandement, se rend coupable de tous. » (Jacques 2) Donc, celui qui observe la loi relative aux actes de miséricorde et néglige les autres vertus, se rend coupable d’avoir transgressé la loi. Il sera ainsi puni éternellement. »---« A la première objection, il faut répondre que seuls ont le mérite de la miséricorde ceux qui la pratiquent dans l’ordre. Ceux qui se négligent eux-mêmes en faisant la miséricorde n’exercent pas cette vertu d’une façon ordonnée, mais ils ne font qu’aggraver leur cas par leurs mauvaises actions. Leur miséricorde n’a donc pas le pouvoir d’absoudre leurs péchés, même si elle peut diminuer les peines dues au péché. »
Et puis, quant à la dernière partie du texte : cela est impossible aux hommes, mais à Dieu tout est possible, le Père Castelein en fait un usage abusif en promettant inconsidérément un secours gratuit de la grâce efficace, qui réduit à rien la terrible semonce du Christ aux riches : « Le passage donc, à première vue, le plus effrayant de l’Evangile renferme le principe le plus consolant et le plus rassurant….L’homme est faible…il ne peut par lui-même rompre sa chaîne, mais Dieu le peut, Il le peut toujours . Dieu usera-t-Il de ce pouvoir ? Jésus-Christ évidemment le fait entendre en employant une formule qui ne souffre ni limite, ni exception. La puissance de Dieu ne se laissera pas vaincre par la faiblesse humaine ». (p.39) Bienheureux donc les riches, car, après les royaumes terrestres, le Père Castelein leur promet le royaume éternel !
Les exégètes sérieux
et de métier raisonnent tout autrement : « L’intention du
Christ, nous dit D. Van Steenkiste, est que cela ne se fera
pas selon les normes d’action humaines coutumières,
mais peut quand même avoir lieu grâce à une aide spéciale
extraordinaire de Dieu. En un mot, rare ne signifie rien
d’autre ici que très difficile…Par une grâce spéciale
de Dieu, cela peut être obtenu et porté à la
perfection. Ainsi en est-il allé de Zachée qui,
bien que riche, a été converti au Christ »
« Le texte veut nous inculquer l’idée qu’il faut
avoir recours à l’aide de Dieu . Dieu nous donnera un c?ur
nouveau et il placera un esprit nouveau au milieu de nous.
C’est ainsi que l’âme humaine redimensionne les biens
terrestres et qu’elle peut dire avec saint Paul : je vis, mais
ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.
V p.307
Du renoncement chrétien
(Matt. X, 37-39)
« Le second texte qu’on nous objecte, dit le Père Castelein, vise la doctrine du renoncement. Evidemment, pour mériter le salut, il faut pratiquer le renoncement. Mais voyons si dans son triple objet, la famille, les biens terrestres et la vie, ce renoncement est si affreux et si rare. » (p.44) Il cite ensuite les paroles de Matt. : celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Il explique la parole haine qui se trouve dans le texte parallèle de Luc de la même façon que tous le font, y compris les rigoristes et les terroristes, afin de réfuter les objections de ces derniers. Dans le même but, il démontre ---ce que tout le monde admet- que la perfection du renoncement que Jésus propose au jeune homme riche en Matt. X1X,17 n’est exigée que de ceux qui sont appelés à une vocation supérieure. Des autres, Il n’exige que le renoncement spirituel …disposition du c?ur à ne pas vouloir s’emparer, disposer ou jouir de ces biens de façon à violer en matière grave la loi divine. Qui prétendra que cette disposition est pénible et rare parmi les chrétiens ? Il est même faux de dire que le mouvement de l’opinion et des m?urs est sur ce point contraire à l’Evangile. » C’est ainsi que notre adversaire évacue le renoncement à la vie au nom du Christ, dont l’occasion « est extrêmement rare » et qu’accompagnent « des grâces exceptionnelles pour triompher ». Et il ajoute : « Le conflit entre le salut et les jouissances de la vie est fréquent. C’est là que se révèle le plus la faiblesse humaine. Mais nous prouverons que la miséricorde divine est ici incomparablement plus large en secours et en pardon que les rigoristes le supposent ». (p.47)
Le sens complet de ce passage (X,37-39) est livré par l’exégète que Castelein estime le plus, Knabenbauer, qui conclut ainsi : « Ces versets nous font comprendre quelle force d’âme est nécessaire à qui veut adhérer étroitement au Christ : c’est une nouvelle illustration du verset 14 du chapitre 7 (la porte étroite et la voie resserrée). Il donne en même temps la raison pour laquelle plusieurs seront étrangers au salut. »
Mais Castelein soutient qu’ils sont
nombreux ceux qui trouvent la voie resserrée et qui entrent
par la porte étroite, tellement est universelle chez
lui l’abnégation évangélique.
V1 p.308
De l’humilité évangélique
(Matt. XV111.3)
L’astuce de nos adversaires consiste à restreindre aux juifs, aux Pharisiens, aux contemporains de Jésus et aux païens les paroles de Jésus dérangeantes. L’ultimatum de Jésus : à moins que vous ne deveniez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux par Lui lancé à l’occasion d’une dispute fomentée par l’ambition des apôtres, ne s’adresse, selon eux, qu’à ces derniers et aux seuls fidèles qui, par une vocation spéciale, sont « appelés à des cimes de vertus où Dieu voulait les continuateurs de son ?uvre et les chefs de son Eglise (p.46) Aux autres, suffit l’humilité « qui est l’aveu de notre néant devant Dieu, et la foi en la divinité et à la doctrine de Jésus-Christ. …Or, ces conditions, par l’effet de notre éducation chrétienne et de tant de grâces reçues, ….nous sont rendues plus faciles qu’elles ne l’étaient aux disciples ». (p.48)
Nous récusons et nous
rejetons loin de nous cette interprétation laxiste . L’humilité
n’est pas seulement un conseil évangélique comme la
pauvreté volontaire, le célibat et l’obéissance
religieuse, c’est une vertu chrétienne fondamentale,
absolument nécessaire à tous. C’est l’enseignement
des saints. Les obligations spéciales des Apôtres
sont la conséquence de leur vocation spéciale à
l’apostolat. Ce sont des moyens nécessaires à
une fin particulière.
V11 p.309
L’antithèse entre le Christ
et le monde
«Mais que dire de l’antithèse entre Jésus-Christ et l’esprit du monde ? C’est que les rigoristes la comprennent très mal. Le monde que nous devons abandonner pour ne pas nous perdre …c’est le monde qui hait, qui combat et persécute Jésus-Christ. …De quel droit ces rigoristes affirment-ils que ce monde ainsi défini est…la société publique parmi les chrétiens. Ce milieu, cette société publique au sein desquels nous vivons, ne seraient donc autres qu’au temps du paganisme ?...Est-il concevable qu’un théologien fasse pareille confusion, et de l’identité du même mot, monde ou siècle, conclue à l’identité des deux sociétés, de la société païenne et de la société chrétienne ». (pp.49-50) Comme le fait remarquer le R.P. Copin fort pertinemment , il ne s’agit pas ici d’histoire, mais de morale. Ce n’est pas une société particulière, celle de son temps, que le Seigneur a stigmatisée, mais les maximes néfastes qui régissent les hommes de tous les temps. « Le monde, tel qu’il faut l’entendre ici, ---disait Monsabré---ce n’est pas l’ensemble des êtres, ce n’est pas la terre qui nous porte, ce n’est pas l’espèce humaine, ce n’est pas telle ou telle société policée dans laquelle se trouvent mêlés les bons et les mauvais. Le monde, c’est tout ce qui, dans l’humanité, prend le parti d’un esprit destructeur dont la vie n’est occupée qu’à troubler les desseins de Dieu….Le monde, au sens évangélique, c’est tout ce qui , par pensées, paroles et actions, proteste contre Dieu, contre sa loi, contre sa grâce, contre la vie supérieure qu’Il nous communique, contre les espérances qu’Il nous donne, contre les destinées qu’Il nous a faites. Ce monde, Jésus-Christ l’a montré du doigt et nous a révélé ses tendances, ses maximes et ses vices. …Si vous m’avez bien compris, Messieurs, cette malédiction du Seigneur tombe plutôt sur un ensemble de maximes et d’?uvres d’iniquité que sur un ensemble d’individus ».
Faut-il ajouter que ces principes mondains qui sont contraires aux principes chrétiens proviennent de quelque part ? « Le monde est corrompu dans ses maximes, corrompu dans ses ?uvres qui ne sont que la publique et désespérante confirmation de ses maximes… Quelles sont les maximes du monde touchant le service de Dieu , la dignité de l’homme, le but de la vie, les rapports sociaux ?...Oeuvres corrompues : avoir, pouvoir, paraître, telle est, selon la maxime du monde, la véritable dignité de l’homme. Donc, il faut arriver là. … »[ibid p.48 et 59] Toutes ces choses sont exposées avec clarté et éloquence par Monsabré, un auteur que tous auraient profit à pratiquer.
Q’il nous soit permis à nous
de dire : «Est-il concevable qu’un théologien fasse une pareille
confusion ! »
V111 p.311
L’obligation de rendre compte de toute parole oiseuse.
Demeure la sévérité du jugement de Dieu en Matt. X11,13 : je vous dis que les hommes auront à rendre compte au jour du jugement de toute parole oiseuse qu’ils auront prononcée. Cela n’aide personne de répondre étourdiment : « Le divin Maître sera indulgent pour les femmes. Beaucoup d’hommes, parmi les- quels je me range très humblement, pourront compter sur une indulgence semblable ». (première éd. P.49) Pour ma part, je préfère appeler le jugement de Dieu un jugement terrifiant, et prier avec l’Eglise : [Dies irae dies illa...] « Jour de colère que ce jour-là ! Quelle sera grande la terreur qui nous attend quand le Juge viendra tout juger avec la plus grande minutie ! Rien ne sera laissé impuni. Que dirai-je, misérable ? Quel avocat demanderai-je au tribunal où même le juste ne se sentira pas en sécurité ? Je gémis comme un coupable, la faute me fait rougir de honte. O mon Dieu, épargne celui qui te supplie ! »
« J’ai trop péché
pendant ma vie, J’ai honte de mes manquements, et devant
toi, la rougeur me monte au visage. La peur de la mort
me tourmente à cause de mes péchés quotidiens
et de mon refus de faire pénitence. Seigneur,
n’aie pas la volonté de me juger selon mes actions, car je
n’ai rien accompli qui vaille en ta présence ». [cf. Missa
et offic. pro defunctis]
4 p.312
Les modernistes s’efforcent d’atténuer les faits qui témoignent du petit nombre des élus, et semblent mépriser leur sens typique.&
IV
Les modernistes s’efforcent d’atténuer les faits qui témoignent du petit nombre des élus, et semblent mépriser leur sens typique.
Expliquons d’abord en quoi consiste le sens typique. Ce ne sont pas seulement les exégètes catholiques qui affirment qu’il se trouve dans l’Ecriture, à la suite de l’ancienne Synagogue,----(dont l’interprétation a été confirmée par le Seigneur et les Apôtres en donnant un sens mystique à certains passages de l’ancien Testament)---- mais les tout premiers exégètes protestants, qui diffèrent avec nous plus dans les mots que sur le fond. Le Jésuite érudit Cornely, ainsi que Molina, Bannez, Vasquez et de nombreux autres estiment qu’il est de foi que se trouvent dans l’Ecriture des types, de sorte que ce qui est dit des types doit être considéré se rapporter aussi aux antitypes.
On est donc forcé d’admettre qu’en tant que vrai sens de l’Ecriture le sens typique, aussi bien que le sens littéral, possède le pouvoir de prouver et de démontrer, partout où apparaît assez clairement l’intention du saint Esprit de destiner certaines choses ou personnes à en signifier d’autres. Cette intention apparaît avec le maximum de certitude quand un des Apôtres explicitement ou implicitement nous la déclare. Nous avons alors une déclaration authentique de l’Auteur lui-même de l’Ecriture, qui est le Saint-Esprit, de son intention à Lui.
Pour découvrir le sens mystique, à la règle déjà formulée nous en ajoutons une autre, transmise par la majorité des herméneutes sacrés. S’il s’avère par un passage quelconque, qu’une chose ou une personne de l’Ancien Testament a été un type d’une chose ou d’une personne du Nouveau, nous sommes fondés à attribuer une signification mystique spéciale à cette chose où à cette personne à toutes les fois qu’un rapport de similitude sûr et obvie se constate entre le type et l’antitype. N’allons surtout pas nous imaginer que la sainte Ecriture ou la Tratidion ont épuisé le mystère de chacun des types. Les saints Pères et les interprètes n’ont fait que nous donner des exemples d’une façon de procéder.
Après en avoir omis plusieurs, nous n’allons présenter que trois types de l’Ancien Testament qui de toute évidence sont tels, et qui sont avec raison souvent employés pour prouver la petitesse du nombre des élus. Le Père Castelein passe ces types sous silence, ou parce qu’il ne comprend pas ce que c’est que le sens typique ou parce qu’il n’en a que du mépris. Il parle ainsi des " rigoristes " qui les utilisent comme objections à sa thèse : " Le châtiment du déluge, qui ensevelit à travers ses eaux , dans l’abîme éternel, le genre humain tout entier, à l’exception d’une famille privilégiée, la pluie de feu qui consuma les cinq villes de la Pentapole à l’exception de la famille de Loth….enfin, les multiples châtiments à si vastes dimensions qui frappèrent le peuple juif…constituent des objections poignantes et terribles contre la doctrine du salut telle que vous l’exposez " (p.65) Il répond lui-même : " Non, ces objections ne sont ni si poignantes ni si terribles qu’on se l’imagine à première vue. Nous espérons dissiper les objections de l’Ancien Testament comme nous avons dissipé les objections du Nouveau Testament. " (p.66)
Pour parvenir à ses fins, il emprunte
deux voies différentes. A l’aide de sa raison, il réduit
d’abord au minimum le nombre de ceux qui périrent dans ces châtiments
divins. Puis il gonfle au maximum le nombre de ceux qui, par les voies
secrètes de la divine miséricorde, sont parvenus au salut
par le moyen de la pénitence. Mais toutes ces tentatives ne font
que démontrer que le P. Castelein n’a pas compris l’argument qu’il
s’efforce de réfuter. Il est clair que les horribles spectacles
que la Justice de Dieu expose devant nos yeux dans l’Ecriture, pour imprimer
la crainte dans notre chair, sont des faits historiques que ne doit pas
négliger celui qui suppute le nombre de damnés par siècle,
quoiqu’enseigne le P. Castelein là-dessus. Ils fournissent en plus
aux " rigoristes " un argument supplémentaire en ceci qu’ils sont
des figures d’évènements semblables à venir. Exposons-les
donc sous ce double aspect, et voyons quelle eau ils apportent à
notre moulin.
1
Le déluge
(Gen. V1,V111)
A. " Je suis porté à croire qu’au déluge, moins d’hommes ont péri qu’il n’en meurt actuellement chaque jour. Où sont les preuves de cette opinion à première vue si hardie, peut-être, parce qu’elle est neuve ? Je les découvre dans le texte de ma Bible soigneusement interrogé et posé " (p.70) Il parle ainsi, en note, de ses arguments : " Aucun exégète n’ayant traité cette question, à ce que sache, je ne puis la traiter qu’au moyen des arguments que j’ai invoqués….C’en est assez pour justifier mon hypothèse contre laquelle je n’ai pu découvrir aucune preuve plausible ".(p.71)
Voici donc ses arguments : 1- Le temps du déluge indiqué par l’auteur de la Genèse ch. V1,1 : quand les hommes commencèrent à se multiplier sur la terre. " Evidemment, -dit-il- ces mots ne sauraient signifier une bien grande population ". Que le R. P. note que l’auteur ne parle pas ici du temps du déluge mais du premier décret divin de punition des hommes, et que les mots cumque coepissent multiplicari ne se rendent pas en français par : commençaient à se multiplier, mais par eurent commencé . De plus, la Vulgate utilise un hébraïsme selon lequel ce qui existe déjà est dit commencer à exister. Le sens véritable est donc : les hommes s’étaient déjà multipliés, étaient déjà nombreux sur la terre. A des réfutations mineures on oppose des arguments mineurs.
2- La cause du déluge, qui " est un crime de même espèce, un désordre de mœurs collectif. Or la propagation ou la contagion d’un même désordre suppose l’humanité suffisamment rapprochée et faisant encore un même tout moral. " (p.70) De la valeur de cet argument que le lecteur soit juge, comme de l’usage du mot collectif au lieu d’universel, qui serait plus correct. La genèse (V1,11) exprime ainsi la cause du déluge : " La terre est corrompue devant Dieu, et remplie d’iniquité ".
3- La computation établie par Castelein des hommes vivant à l’époque du déluge : " quelques centaines de tribus ou de familles patriarcales, composées chacune également de quelques centaines de membres et disséminées sur les vallées et sur les montagnes de l’Arménie. Voilà, selon toute probabilité, ce qu’était alors l’humanité ". (p.72) Comme ce constat lui est propre et qu’il est tout à fait gratuit, et comme il est impossible d’établir avec certitude le nombre des vivants au temps du déluge, nous n’engagerons donc pas de discussion avec lui là-dessus. Mais nous ne pouvons toutefois pas admettre ce qu’il ajoute pour corser sa thèse : " Rien ne nous autorise à supposer que Dieu ait favorisé outre mesure la fécondité d’une race qu’il avait résolu de sacrifier. " (p.71) Le commandement de Dieu ---croissez et multipliez-vous---permet de supposer une très grande fécondité. Mais rien ne nous laisse supposer que Dieu ait accordé à l’humanité un faible taux de natalité pour la raison spécieuse qu’il avait décrété de l’exterminer.
Le P. Castelein poursuit sa réfutation de l’objection tirée du déluge : " Nous savons au reste par un texte de la première épitre de saint Pierre (111,19-20) qu’un certain nombre de victimes ont bénéficié de ces pardons…nous ignorons s’il y en eut beaucoup ou peu…Dieu…a voulu graver dans les souvenirs de l’humanité …une leçon de haute morale …conciliée dans son exécution avec un nombre de victimes relativement restreint… "(p.74) Personne parmi les soi disant rigoristes ne soutient que toutes les victimes du déluge ont été damnées. On peut conclure avec quelque raison de l’épitre de saint Pierre (11,4-5) que leur nombre a été relativement grand. On peut même en déduire que tous, à part quelques exceptions, ont été projetés dans le tartare en compagnie des anges prévaricateurs.
B.- Cette lettre de saint Pierre , par notre contradicteur ci-haut alléguée, nous convainc davantage que la narration de la Genèse (V1-V111) possède, en plus du sens littéral et historique, un sens mystique, lequel est ainsi exposé par le docte Recupito, jésuite . Il dit que l’arche par laquelle Noé a été sauvé grâce à l’eau . avec peu de gens, est une figure de l’Eglise dans laquelle les fidèles sont sauvés par le baptême. C’est à dessein que peu, i.e. huit ont été sauvés, pour que soit signifiée la rareté de ceux qui doivent être sauvés. Bien qu’il ne s’agisse pas ici de comparer les fidèles entre eux, le fait de dire que peu se sauveront dans l’Eglise comme peu -- (huit)--ont été sauvés dans l’arche respectivement à tous les autres hommes qui ont péri alors dans le déluge, laisse assez entendre que la rareté de ceux qui doivent être sauvés est telle que, les enfants mis à part, elle ne peut pas comprendre la majorité des adultes. Autrement, il n’y aurait aucun rapport de similitude entre les quelques huit sauvés du déluge et le petit nombre de sauvés de la fin du monde. Comment alors le déluge pourrait-il être une image du jugement dernier ? ….De ce déluge, peu sont sauvés dans l’arche de l’église, bien qu’elle en héberge un grand nombre. C’est pourquoi saint Pierre continue dans la même veine : " Le fait que, maintenant, le baptême vous a sauvés, vous qui leur êtes semblables, ne provient pas d’ une opération magique mais du témoignage d’une bonne conscience ". Ce que commentant, Augustin dit que tous les hommes baptisés dans l’unité catholique, qui renoncent au siècle en paroles mais non en actes, n’appartiennent pas au mystère de cette arche, gens dans lesquels n’existe pas le témoignage d’une bonne conscience.
Saint Jean Chrysostome présente cette figure de l’arche pour montrer le petit nombre des élus. (Reportez-vous à ses paroles p.111) On peut ajouter le développement suivant. Le toit de l’arche était très étroit, mais la partie inférieure était très large pour exprimer que dans l’Eglise, il y en a peu qui s’élèvent jusqu’aux réalités célestes mais que beaucoup descendent jusqu’aux enfers. " Qu’ils sont peu nombreux---dit Origène---ceux qui se sauvent . Mais même dans l’arche construite par Noé, dont le plan vient du Ciel, la longueur des parties inférieures est de cent coudées et la largeur de cinquante. Les dimensions du sommet sont renfermées dans une seule coudée. " De la même manière, saint Grégoire le grand : " L’arche…était large à l’endroit où stationnaient les bêtes, mais là où elle abritait les hommes, elle était étroite…..Il y a beaucoup d’appelés etc….(relire plus haut p.99)
En bref, comme au temps de Noé,
un nombre limité d’animaux et huit personnes furent sauvés
dans l’arche des eaux du déluge et de la mort corporelle, de la
même manière dans l’Eglise, hors de laquelle il n’es point
de salut, entre une part minime des êtres humains, et une part minime
de ceux-ci est sauvée de la damnation éternelle.
II
La destruction de Sodome
(Gen. XV111.16; X1X,20)
A. " Quelques siècles après le déluge, un châtiment moins étendu --- (que le déluge, réduit par le P. Castelein à quelques familles patriarcales)----mais d’une forme plus effrayante, s’abattit sur un coin de la Palestine. Le feu du ciel, peut-être sous la forme d’explosion volcanique, produite par les lois de l’ordre naturel en harmonie préétablie par Dieu avec les lois et les desseins de l’ordre moral, détruisit Sodome et les bourgades voisines. Pourquoi ? Pour des crimes inouïs….Le châtiment semble s’être limité cette fois à quelques milliers de victimes ". (pp.75-76) C’est par ces paroles que le Père Castelein relate à sa manière un fait rapporté ainsi par le Saint Esprit : " Le seigneur a fait pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu provenant du Dieu du ciel, et Il détruisit toutes ces cités et toute la région environnante, tous les habitants des villes et tous les produits de la terre ". (X1X,24-25). Puis il continue : " Toutefois, ici encore la miséricorde de Dieu traverse sa justice, pour en prévenir l’éclat. Qui ne se rappelle …cette miséricorde divine s’inclinant vers la prière d’Abraham et ne demandant, pour contrebalancer le plateau chargé de tous les crimes de Sodome que les mérites de dix justes ? (p.75) Dieu voulut ce châtiment moins pour se venger de cette multitude de pécheurs, puisqu’il l’aurait épargnée…moins encore pour les damner tous, puisqu’Il leur offrit à tous des pardons selon le livre de la Sagesse (voir plus bas, p. 336) , que pour assainir le genre humain et lui laisser…un nouvel avertissement . " (p.76)
Voici quelques remarques là-dessus. 1- Nous admettons volontiers l’intention divine de nous inculquer une peur salutaire, mais nous pensons que la fin primaire de Dieu fut la punition elle-même des impies. Le Seigneur a dit : la clameur venant de Sodome et de Gomorrhe s’est amplifiée, et leur péché a dépassé la limite. Je descendrai et je constaterai si la clameur qui m’arrive est corroborée par leurs œuvres….(Gen. XV111, 20 et les suivants). Voir également le Deutéronome XX1X, 23. Sagesse X, 6-9; 11 Pier. 11 6-9 et Jude 7
4- Et puis, n’oublions pas de dire un mot en passant de la façon naturaliste avec laquelle le P. Castel explique le souffre et le feu que le Seigneur fait pleuvoir du ciel. " Or, sur ce point, le texte sacré ne permet pas le doute. Il nous y montre clairement une intervention immédiate de la divinité, un miracle ", dit Grelier en h.1.
B.-- L’épitre de saint Jude nous enseigne que ce texte a une signification typique (Jude, v.7) : " Sodome et Gomorrhe et les cités limitrophes de la mer morte sont devenus un exemple de ceux qui subissent le feu éternel. " Bien plus encore, saint Pierre (11 11 V1) commenté par Este : " Pierre a compris que ce n’est pas un exemple banal que Dieu nous a donné avec ces villes. Elles sont semblables à ceux à qui on inflige des supplices publics servant d’exemples pour détourner les autres de pareils crimes. Mais c’est un exemple typique comme le dit Paul : toutes ces choses-là leur arrivaient en figure. 1. Cor.10 Car, par cette punition horrible mais temporelle, comme par quelque exemple typique, la peine éternelle a été représentée, combien plus redoutable, qui attend tous les impies, surtout les maîtres de l’impiété. " Ensuite, l’auteur hésite à choisir une traduction plutôt que l’autre : " On ne sait trop à quel mot référer le génitif : du feu éternel. A exemple ou à peine. Si on le rattache à exemple, le sens sera : ces cités qui ont subi les peines décrites dans la Genèse , i.e. du feu et du soufre, sont proposées comme un exemple du feu éternel, i.e. de la punition des impies dans le feu éternel. Car la punition horrible de ces cités fut une figure insigne de la géhenne. …Ce premier sens et cette lecture conviennent mieux aux paroles de l’Apôtre Pierre. " Calmet et Beelen font le même commentaire de l’épitre de Jude. Ainsi que Van de Putte (Genèse et ailleurs) parmi les auteurs les plus récents.
Comme les habitants de la Pentapole qui
ont tous péri par le feu représentent une figure de ceux
qui sont condamnés au feu éternel, au témoignage d’Isidore
(alleg. sur l’Ecriture sainte), de la même manière, Loth et
les siens qui furent les seuls à être libérés
du feu embrasé , sont un type des saints qui à la fin du
monde seront libérés de l’incendie des impies, quand le Seigneur,
comme le chante l’Eglise, viendra juger le siècle par le feu.
III
L’entrée de deux seuls survivants dans la terre promise
Voici le troisième fait historique de l’Ancien Testament dont ils essaient de diminuer l’importance, et dont ils nient le sens spirituel présenté par les Pères, pour prouver la petitesse du nombre des élus. Nous traiterons ce sujet selon l’ordre inverse, i.e. nous parlerons d’abord du sens typique, ensuite seulement du fait en lui-même, avec un œil sur l’interprétation qu’en donne notre contradicteur.
A. L’Apôtre a présenté ainsi le sens typique dans 1 Cor. X 1-6 : " Je ne veux pas vous laisser ignorer, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous traversé la mer rouge à pieds, et qu’en Moïse, ils ont tous été baptisés dans la nuée et dans la mer. Ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle, et ont tous bu le même brevage spirituel….mais la majorité d’entre eux n’a pas plu à Dieu, car leurs corps ont jonché le désert. Ces évènements ont été des figures des nôtres… " Et plus loin : " Toutes ces choses leur sont arrivées en figure, car elles ont été écrites pour notre amendement à nous des derniers temps. Donc, que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber " (11-12) Pour mieux comprendre la force de ce type, servons-nous du contexte pour voir comment il est amené par l’Apôtre.
Après s’être donné à eux en exemple, il les exhorte à l’imiter. Car, pour atteindre le salut, il ne suffit pas d’être chrétiens. Il est absolument nécessaire, qu’à l’exemple de saint Paul, ils travaillent de toutes leurs forces, s’ils veulent assurer leur salut. L’exhortation se divise en deux parties : l- Il utilise l’image de la course olympique pour montrer que seul remporte le prix celui qui a concouru avec une grande énergie. 2- Il confirme ensuite cette doctrine par la valeur typique qu’il donne à la narration de la sortie de l’Egypte. Donc, après avoir dit : je châtie mon corps et je le réduis en servitude de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté, afin que les néophytes Corinthiens n’aillent pas s’imaginer que sa peur est vaine et sans fondement, et afin qu’ils veillent de près sur eux-mêmes, en confirmation de ses paroles, il présente l’exemple des Israélites dont un petit nombre seulement----Josué et Caleb-- parvinrent à la terre promise, en dépit du fait que tous ceux qui avaient sorti d’Egypte avaient joui des mêmes avantages.
" Saint Paul, --explique Cornely--- présente les immenses bienfaits qui ont été accordés par Dieu à tous les Israélites qui sont sortis de l’Egypte, comme préfigurant les grâces encore plus sublimes qui sont accordées dans le Nouveau-Testament à tous ceux qui sortent de l’Egypte, i.e., du monde. Avertissant à l’avance que la mort des Israélites sur les sentiers du désert provenait de leurs péchés et en était la punition, saint Paul enseigne que cette mort et cette punition sont de vraies prophéties qui se rapportent aux chrétiens. Ensuite, passant à l’exhortation directe, il inculque à tous la vigilance, et promet le secours divin, en leur assurant qu’ils ne seront pas tentés au-delà de leurs forces.
Deux grands bénéfices sont octroyés aux chrétiens : le baptême dans l’eau et le Saint-Esprit, par lequel l’homme renaît à une nouvelle vie, et l’Eucharistie qui alimente cette nouvelle vie. La figure de l’un et l’autre a été accordée aux Israélites. A tous ceux qui sont sortis d’Egypte a été donné le baptême typique, de même que tous ceux qui sont sortis d’Egypte ont été fortifiés par la nourriture et le brevage typiques. " Dans la section précédente, l’Apôtre s’étant fait grec avec les grecs, était allé chercher un exemple dans leurs jeux, et il rappelait que parmi tous ceux qui couraient dans le stade, un seul remporte le prix. Maintenant, se faisant Juif avec les Juifs, il tire son exemple de l’histoire des Juifs : des six cent mille environ qui sont sortis d’Egypte –sans compter les femmes et les enfants----deux seulement entrèrent dans la terre promise. Les Israélites qui sont sortis d’Egypte ont donc été tous comblés des mêmes bénéfices spirituels. Mais Dieu ne s’est pas complu dans la plupart d’entre eux. Saint Paul emploie deux litotes : plusieurs a le même sens que la plus grande partie d’entre eux. Ensuite, au lieu de ils ont offensé Dieu, il dit : Dieu ne s’est pas complu en eux. Car leurs corps ont jonché le désert. Cornely enchaîne : " Le peuple en son entier a provoqué la justice divine par son incrédulité et son entêtement, par ses critiques continuelles et ses péchés, de sorte que tous ceux qui étaient âgés de vingt ans et plus au sortir de l’Egypte se sont vus refuser l’entrée de la terre promise, et les cadavres de ceux qui sont morts de toutes sortes de calamités emplirent les déserts. Seulement deux sur six cent mille hommes (603550), Josué et Caleb, sont entrés en Palestine. "
Toutes ces choses sont arrivées en figure pour nous pour que nous ne convoitions pas le mal comme eux l’ont fait. " Dans son admirable providence, Dieu a voulu planifier et conduire les évènements du peuple antique pour qu’ils préfigurent et prédisent les évènements de la nouvelle Eglise. Donc, comme l’Apôtre a vu dans les bienfaits spirituels octroyés au peuple sorti d’Egypte, des figures prophétiques de bienfaits incomparablement plus grands qui seraient octroyés aux chrétiens, de la même façon il a vu dans le châtiment de tout un peuple exterminé dans le désert à cause de ses péchés, une figure des châtiments incomparablement plus grands que Dieu infligerait aux Chrétiens, s’ils commettaient des péchés semblables. Comme les dons --dit saint Jean Chrysostome—sont des figures, les supplices le sont également. Et comme le baptême et l’Eucharistie sont décrits à l’avance, les versets suivants prédisent que ceux qui seront indignes d’un pareil don subiront également des supplices . Afin que, avertis par de tels exemples, nous soyons plus circonspects et plus tempérants. Car comme dans les bienfaits, les types sont venus d’abord, et qu’ensuite est venue la Vérité, dans les supplices aussi, la Vérité viendra après le type. Ne vois-tu pas qu’il ne montre pas seulement qu’ils seront punis, mais qu’ils seront punis plus gravement. Si cela est le type et ceci la Vérité, il est nécessaire que dans les supplices comme dans les dons, il y ait un paroxysme. "
" Pour expliquer avec saint Thomas ces dernières paroles qui insinuent que le type diffère de l’antitype comme l’ombre de la chose dont elle est l’ombre, il faut noter que dans les biens, la chose figurée est de loin meilleure que la figure, comme le Royaume de Dieu est supérieur à la terre promise. Dans les maux, également, ce qui est figuré est de loin pire que la figure. Saint Augustin ne dit-il pas que ces supplices que les Israélites eurent à subir ont été des figures de la géhenne, qui est la plus grande de toutes les punitions. " Tous les interprètes plus anciens ont parlé ainsi, dit Cornely, excellent interprète lui-même, et dont Castelein fait le plus grand cas.
B. Renversantes sont les assertions que se permet notre adversaire au sujet d’un tel type, après avoir balayé les interprètes vieillots et s’être armé de ses seules lubies qu’il appelle : étude approfondie de l’Ecriture Sainte et règles d’exégèse actuellement adoptées par les meilleurs exégètes. " Massillon pour prouver que dans tous les temps les élus sont rares, nous signale l’exemple de Josué et Caleb, seuls de 600000 Hébreux introduits dans la terre de promesse. Mais suit-il de là que tous ces Héreux, parmi lesquels se trouvent Moïse et Aaron, soient damnés ? Evidemment non. Moïse est loué partout dans les saintes Ecritures comme un saint Prophète. Dieu a pu refuser aux autres comme à lui cette suprême récompense d’entrer dans la terre promise pour un manque même léger de foi ou de fidélité à sa loi. Au reste, durant les quarante ans de fatigante pérégrination dans le désert, sous le climat brûlant de l’Arabie, le plus grand nombre de ces milliers d’Hébreux qui avaient quitté l’Egypte ne durent-ils pas mourir de mort naturelle ? " (p.143)
Autant de mots autant d’erreurs capables de séduire les laïcs, même les plus instruits ".
Comment Castelein peut-il oser taxer ces trois péchés contre Dieu et la fornication, d’un manque léger de foi ou de fidélité à sa loi ?
3- " Le plus grand nombre de ces milliers d’Hébreux ne durent-ils pas mourir durant ces quarante ans ? " D’accord pour la plus grande partie, mais pas du tout pour les 600 000, ni pour que tous leurs jeunes soient tous morts avant soixante ans, à l’exception de deux. Vingt trois mille seulement, de sexe masculin de un mois et plus, sont entrés dans la terre promise, dont aucun n’avait été recensé dans le désert. Car le Seigneur avait prédit que tous mourraient dans le désert. Aucun d’eux, donc, ne survécut en dehors de Josué et Caleb. "
4- " Ne durent-ils pas mourir de mort naturelle ? " Je demanderai d’abord à mon docte contradicteur dans quel but Dieu a fait errer si longtemps dans le désert un peuple si nombreux : quarante ans. Le trajet de l’Egypte à la Palestine en ligne droite ne prend pas tant de temps. Le R. P. n’a-t-il pas lu ces terribles paroles du livre des Nombres : " Jusques à quand cette multitude perverse murmurera-t- elle contre moi ? J’ai entendu les plaintes des fils d’Israël et je leur dis : Je suis vivant, moi, dit le Seigneur. Je vous traiterai selon les paroles mêmes que vous avez prononcées à mes oreilles. Vos cadavres tomberont dans le désert, vous tous les recensés, vous tous qu’on a dénombrés depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, vous qui avez murmuré contre moi….Vous n’entrerez pas dans cette terre…à part Caleb, fils de Séphorie et Josué fils de Nun. Vos cadavres tomberont dans le désert et vos fils seront nomades dans le désert pendant quarante ans, portant le poids de votre infidélité jusqu’à ce que vos cadavres soient au complet dans le désert. Vous avez reconnu le pays pendant quarante jours. Chaque jour vaut une année : quarante ans, vous porterez le poids de vos fautes et vous saurez ce que c’est que m’abandonner. Je traiterai comme j’ai dit cette multitude perverse qui s’est révoltée contre moi. C’est dans cette solitude qu’elle défaillira et mourra ". " Il les fit tournailler dans le désert pendant quarante ans jusqu’à ce fût éteinte la génération qui avait commis le mal ". Cette mort, toute naturelle qu’elle ait pu avoir été , n’avait-elle pas été décrétée par Dieu, en punition du péché ?
Qu’est-ce qu’il y a eu de naturel dans cette mort ? Ecoutons un témoin oculaire, Moïse, parlant à Dieu, à la fin de sa vie ,de ceux qui étaient ainsi morts dans le désert : " Nous sommes tombés dans ta colère, dans ta fureur nous avons été ravagés. Dans ta colère nous sommes tombés. La limite de nos ans est 70. Les plus résistants qui se rendent à 80 et 90 n’en récoltent que des tracas et des douleurs. " Et pour que cette interprétation n’indispose pas ceux qui ne reconnaissent pas l’authenticité du psaume LXXX1X, bien qu’il porte le titre d’oraison de Moïse, homme de Dieu, je dirai avec le judicieux Hummelauer : " Ceux qui n’avaient pas encore complété la vingtaine ont du tous mourir avant soixante ans révolus. Cette mortalité, certes, était extraordinaire, à une époque surtout où les octogénaires et les nonagénaires étaient loin d’être rares. D’un peuple qui avait vécu une vie sédentaire en Egypte et qui a été condamné à tourner en rond sous le ciel de feu du désert pendant quarante ans, on pouvait s’attendre, selon les lois de la nature, à une grande mortalité. Mais la mortalité de tous, comme on nous la décrit, est quelque chose d’inouï. Vos cadavres joncheront le désert. Vous ne retournerez plus en Egypte. Le peuple se lamenta grandement, ajoute le texte sacré, et non sans raison, après l’audition de la sentence de mort. "
En plus de ces trois figures typiques, on en compte encore plusieurs autres qui ont été alléguées par les Pères pour appuyer la thèse de la rareté de ceux qui doivent être sauvés. En voici quelques unes L’effondrement de la ville de Jéricho où une seule petite demeure est restée debout, celle de Rahab. L’élection de 300 soldats sur les 32000 qui étaient dans l’armée de Gédéon. La figure symbolique en Ezéchiel du chapitre neuf où un seul ange reçoit mission de marquer du signe du Tau les fronts de ceux qui gémissaient et se lamentaient sur les abominations qui étaient commises, pendant que six recevaient l’ordre de tuer ceux qui restaient, à commencer par le sanctuaire. Le lieu de l’Apocalypse C. XX où il n’est question pour les vivants que d’un seul livre, alors que les livres des morts, i.e. des réprouvés sont nombreux. La piscine probatique à cinq piscines où gisaient plusieurs infirmes attendant le mouvement de l’eau. Et d’un si grand nombre, à la descente de l’ange, un seul était sauvé. La quatrième partie de la semence qui tombe sur de la bonne terre. Saint Paul compare les élus aux vases d’or et d’argent, et les dit plus rares, et les réprouvés aux vases de bois et de paille, lesquels sont en grand nombre etc…Mais ces types et ces symboles n’ont pas le même degré de certitude que les trois lieux mystiques que nous avons exposés et qui sont présentés comme tels par le Nouveau Testament. Que ces exemples suffisent.
Que le Père Castelein se glorifie d’avoir triomphé de tous les arguments des Pères avec sa science sublime de l’Ecriture et de la tradition !
p.333
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Les arguments des saintes Ecritures
et de la théologie, prétendent nos adversaires, sont incomparablement
plus favorables au plus grand nombre des élus.
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Les arguments des saintes Ecritures et de la théologie, prétendent nos adversaires, sont incomparablement plus favorables au plus grand nombre des élus.
Après l’inanité de sa performance, le P. Castelein n’hésite pas à écrire : " Les arguments tirés de l’Ecriture et de la théologie catholique sont incomparablement plus expressifs en faveur du grand nombre des élus. Les textes si nombreux, si variés, si clairs que j’ai réunis doivent dissiper tout doute sur ce point ". (p.266) Quelle est donc cette incomparable évidence que n’a pas décelée saint Thomas, qui a échappé à tant d’autres théologiens et qui n’a ébloui aucun des saints ? Et quels sont donc ces textes si nombreux, si variés, si clairs dont la seule lumière dissipe tout doute, et que les théologiens n’ont pas dépistés ? Comme l’écrit avec humour notre confrère Coppin : " Les saints auraient donc erré dans la pleine lumière que l’écrit du P. Castelein prétend révéler au monde ? "
Là où il établit directement sa doctrine du nombre des élus, il ne cite aucun texte de l’écriture ni aucun argument théologique. Mais il présente des textes qui nous révèlent la grande, l’infinie miséricorde divine, et la rédemption, universelle selon le plan de Dieu, comme s’il avait démontré par là que tous les hommes devaient être sauvés de fait. " Castelein conclut de tous ces enseignements le grand nombre des élus. Et l’on sent que s’il n’était retenu par les décrets de l’Eglise, il conclurait volontiers au salut réel de tous. Car enfin, le bon Père accable ses adversaires d’une vraie grêle de tout, de tous et de toutes. Il cite une multitude de textes des deux testaments où le mot tout intervient, et il a soin de mettre toujours ce mot en italiques afin que son évidence scripturaire et typographique crève les yeux de ses lecteurs.
Apparaît en premier chez le P. Castelein " une doctrine aussi claire que consolante, formulée aux chapitres X1 et X11 du livre de la Sagesse : " Dieu, y est-il dit, a pitié de tous. " " Il dissimule les péchés des hommes pour leur donner le temps de se repentir. " " Il aime toutes ses créatures ". " Il épargne les hommes pare qu’ils Lui appartiennent, et qu’Il aime les âmes ". Laquelle doctrine de la Sagesse il brandit comme un flambeau et un radar pour " bien expliquer les châtiments que nous objecte le rigorisme ". (p.66), comme nous avons déjà vu plus haut. Ensuite, à la p. 160, il y revient en disant : " Ne nous lassons pas d’opposer à tous les rigoristes présents et futurs ces mots si clairs ". Mais il y a des choses qui méritent l’attention dans la façon dont notre auteur traite ce texte. Il ne livre qu’une seule partie de la doctrine exposée, et ferme les yeux sur son application aux cas particuliers, notamment sur ces punitions que lui objectent les " rigoristes ".
Dans les chapitres X-X11, ----dont le P. Castelein ne semble avoir lu que les X1 et X11, v.21-----l’auteur du livre de la Sagesse démontre à partir de l’histoire, l’utilité de la sagesse. " Par elle, en effet, ont été assainis et sauvés tous ceux qui ont plu à Dieu dès le début, (Sag. 1X, 16) alors qu’au contraire tous les impies et les injustes qui s’en sont éloigné ont connu la perdition. (X,3) Cette punition venant de Dieu est causée par leurs iniquités. Et Dieu en l’exécutant ,i.e., en les punissant, n’agit pas de la même façon d’une part envers ses enfants et ses serviteurs, et envers les ennemis de ses serviteurs d’autre part. A ses enfants, il donne la discipline pour les corriger, les autres il les flagelle de plusieurs façons. Il a quand même encore pitié de ces derniers parce qu’Il peut tout, et qu’Il dissimule les péchés des hommes à cause de la pénitence (11,24). Ceux qui reviennent de leurs erreurs, il les corrige en partie. (X11,11) Mais Il montre sa force quand on ne se croit pas consommé en vertu, et des ignorants il dénonce l’audace (17.) Ceux que les épreuves ne corrigent pas expérimentent le digne jugement de Dieu, la condamnation finale (26-27). Selon le commentaire de Jansénius Gandavensis, ils sont punis sur la terre par une condamnation totale et complète, et au-delà par une peine éternelle, s’ils meurent dans l’endurcissement.
C’est cette doctrine que le Sage développe à partir de faits historiques en se référant aux annales des Hébreux. D’un seul mot, il indique la raison de la condamnation par le déluge du genre humain perverti. Après avoir parlé de l’eau qui purifiait la terre, (X,4), il fait brièvement allusion à la destruction de Sodome dont il appelle les habitants des impies bestiaux. Mais il parle surtout de la punition infligée aux peuples cananéens, (X11) de laquelle punition le P. Castelein dit : " C’est ainsi ---partiellement et d’après sa fausse interprétation---qu’il nous fait envisager les châtiments infligés avec de grandes lenteurs aux peuples cananéens ". (p.76)
Quelle signification et quelle valeur accorder aux paroles de notre adversaire ? : " Ces châtiments publics et collectifs, dont le récit semble si effrayant dans la Bible, n’entraînent donc pas de leur nature la perte du salut éternel. "(p.69) " Fin de la condamnation " (Sag. X11, 27)
Mais poursuivons dans notre recherche des citations de la Sainte Ecriture faites par nos adversaires. Une simple indication devrait suffire. " Commençons par l’Ancien Testament. Nous y découvrons tout d’abord deux témoignages à part, d’un incomparable éclat dans deux célèbres visions de Dieu accordées à Moïse et à Elie, au représentant de la Loi, et au représentant de la Prophétie. Ces deux visions, l’une au chapitre XXX1V de l’Exode, l’autre au 3ième livre des Rois, chap. X1X, ont eu pour objet les attributs de Dieu tels que Dieu a résolu de les manifester, et de les glorifier parmi les hommes ". (p. 161 et suivantes) De la première vision incomplètement racontée, se dégage cette prière : " Seigneur Dieu, que vous êtes miséricordieux et clément, patient et abondant en pardons ! Vous faites sentir votre miséricorde sur des milliers; vous effacez l’iniquité, le crime et la faute. Toutefois, ajoute Moïse, vous savez punir aussi le péché, et vous châtiez les crimes des pères sur les enfants et les petits enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération. " Vous le voyez, la miséricorde divine est énoncée en premier lieu, et sous des termes absolus et illimités. Puis, Moïse ajoute un correctif, le correctif des châtiments divins. Mais la supériorité de la miséricorde sur la justice est marquée par la différence des nombres symboliques ".
Disons donc quelques mots sur cette vision. Il s’agit h.1 de la part qui revient à Dieu dans l’instauration d’une alliance avec Moïse, de la communication de la loi en deux nouvelles tables écrites , les premières ayant été fracassées. Les paroles citées par le P. Castelein selon le texte hébreu et d’après le contexte de l’oraison, ne sont pas de Moïse, mais de Dieu. C’est Dieu qui décrit l’alliance qu’il contracte avec les Hébreux. Le jésuite Hummelauer le commente ainsi : " Dieu proclame d’abord sa propre essence en trois mots : Dominateur, Seigneur, Dieu. …Ensuite, il indique l’attribut divin qui brille le plus dans cette instauration d’une alliance : la miséricorde et la clémence, ou, plus véritablement, la longanimité et la grandeur de la miséricorde, lequel attribut divin s’exerce de préférence envers ceux qui payent d’ingratitude les pardons qu’ils en ont reçus. Il est ajouté : et véridique (mot hébreu) . Cette véracité se comprend d’abord et avant tout par rapport à la promesse, mais aussi aux menaces…Donc, fidèle, qui exerce sa miséricorde sur mille générations. Bien que la parole hébraïque se réfère d’abord à la sauvegarde de l’alliance, elle exprime le maintien de la miséricorde promise. Ensuite, la miséricorde se manifeste par la remise du péché. Toi qui enlèves l’iniquité, les crimes et les péchés. Mais comme cette miséricorde est tempérée de tout point par la fidélité, elle n’est pas dépourvue non plus de justice. Aucun auprès de Toi n’est innocent par lui-même. Hebr. : en justifiant, cependant, il ne justifiera pas, i.e. qu’il ne pardonne pas toujours et sans discernement, mais qu’Il punit même sévèrement et avec persévérance. Toi qui rends l’iniquité aux fils et aux petits fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération ".
Cette exposition ne convient ni à la traduction française ni aux explications données par Castelein, ni avec le sens et l’intention de cette vision selon lui : " Ces deux visions ont pour objet les attributs de Dieu tels que Dieu a résolu des les manifester et de les glorifier parmi les hommes ". Et plus bas : " C’est donc surtout de sa miséricorde que Dieu veut tirer sa gloire ".(p.164)
Cette intention n’apparaît pas plus clairement dans la deuxième vision présentée. Clair en expose le sens ainsi : " Le seigneur ne se trouve dans aucun de ces phénomènes, c’est-à-dire, ses justices procèdent de Lui, le précèdent et rendent témoignage de Lui mais ne Le font point connaître dans son essence. Au contraire, sa nature se manifeste plutôt dans la brise vivifiante qui accompagne le calme qui succède à l’orage…Le Dieu d’Israël prouve que dans sa puissance, il peut châtier et anéantir ses contempteurs, mais dans sa nature et son essence, il est la grâce et l’amour qui vivifient. Que si son peuple a rompu le pacte de l’alliance, Il le maintient fidèlement comme Il l’a promis ".
Ce qui n’empêche pas le P. Castelein de s’exclamer : " Qui n’admire le magnifique enseignement qui se dégage de cette double vision de Dieu ? Qui n’en saisit la portée universelle ? " (p.166) Il a omis de dire comme son confrère Bainvel en h.1 : " C’est presque toujours au milieu des éclats et des tonnerres que Yahvé se montre, et la terre tremble en sa présence ",
Il confirme sa conclusion par un assez bon nombre de textes du Nouveau Testament qui enseignent la miséricorde de Dieu, que nous aussi nous appelons infinie. Parmi ces textes, il cite le psaume CXL1V, 9, dont parle ainsi le jésuite Bainville : " On ne doit pas citer ce texte pour montrer que la miséricorde est l’attribut dominant de Dieu, celui qui dépasse tous les autres ". C’est pourtant ce que fait Castelein. Ensuite, il passe au Nouveau-Testament, et parmi plusieurs, il signale : " Il y aura plus de joie dans le ciel sur un seul pécheur qui fait pénitence ". Et de nous comparer aux pharisiens avec tous les saints de tous les siècles : " Contre qui cet enseignement était-il tourné ? Contre les rigoristes de ce temps-là, les Pharisiens ". (p.173)
Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. En chemin, apprenez ce que signifie : je veux la miséricorde et non le sacrifice, car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. " Que pourrait-on rêver de plus touchant et de plus consolant que ces paroles ? "(p.174)
La parabole de l’enfant prodigue.
(p. 174)etc.etc, [= p.340 Godts]
(p.176), La nativité du Christ
au sujet de laquelle l’Ange dit : " Il y aura de la joie pour tout le peuple
". Le Christ Lui-même invite tout le monde à Lui : " Venez
à moi, vous tous ! ". P.179, Les paroles de saint Pierre : " Dieu
ne fait pas acception des personnes, mais dans toutes la nations celui
qui Le craint et pratique la justice Lui est agréable ". p. 180,
Les paroles de saint Paul : Dieu ne fait pas acception des personnes
". " Il n’y a pas de gentil et de Juif , de circoncision et de prépuce,
de barbares et de Scythes, d’esclaves et d’hommes libres, mais le Christ
en tout et en tous ". " Tous tant que vous êtes, vous êtes
une seule et même chose avec le Christ ". " Dieu veut sauver tous
les hommes ". " Il s’est donné en rachat pour tous ". " Le Christ
est mort pour tous ". p.181 : " Lui-même est une propitiation pour
nos péchés, non pour les nôtres seulement, mais pour
ceux du monde entier ".etc…etc…
Ces textes ne prouvent-ils pas éloquemment le salut de tous les chrétiens ? Que notre lecteur lui fasse l’objection suivante : le P. Castelein ne parvient qu’à prouver là l’immensité de la miséricorde Dieu, et, dans la mesure où il n’en tient qu’à Lui seul, l’universalité de la rédemption etc. Ces textes font la preuve de ce qui a été dit plus haut. ---Tu as raison, mais il conclut faussement de ces textes, même indirectement, au plus grand nombre des élus. Je dis faussement, car ses conclusions dépassent ses prémisses. En agissant ainsi, il se joue de ses lecteurs les plus frustres et même des laïcs. Car dans l’introduction, sa doctrine qu’il appelle nouvelle et singulière, il la déclare être le fruit d’une étude très approfondie des saints livres. Au début de son chapitre V : derniers considérants---conclusions théoriques, il reprend les mêmes paroles : " Les arguments de l’Ecriture sainte …sont incomparablement plus expressifs en faveur du grand nombre des élus. Les textes si nombreux, si variés, si clairs que j’ai réunis doivent dissiper tout doute sur ce point ". (p.266) Et plus bas : " A tous ces textes si explicites en faveur de Jésus-Christ et des âmes sauvées par Lui, vous ne pouvez opposer dans toute l’Ecriture en faveur de Satan et du mal rien de semblable ".(p.287) Après avoir fait l’étalage de ses citations invincibles, il lance son exclamation triomphante : " Comment les rigoristes soutiendraient-ils en présence de pareils textes leur désespérante doctrine du petit nombre des élus ? " (p.189) Le lecteur n’en tirera-t-il pas la conclusion que l’auteur présentera ou qu’il a déjà présenté des arguments scripturaires positifs et directs ?
Au sujet de ce qu’il appelle une doctrine désespérante, il faut noter avec soin qu’il n’y a personne qui prétende que l’espoir de salut des voyageurs est frustré par Dieu, mais nous enseignons tous comme saint Thomas : " Le fait que certains croyants soient privés de la récompense céleste provient d’une défaillance du libre arbitre qui implante l’obstacle du péché, non d’une défaillance de la puissance divine ou de la miséricorde, qui sont le fondement de notre espérance. "
N’a-t-on pas raison de penser que la doctrine du P.Castelein peut diminuer la ferveur ou le zèle à déployer pour l’obtention du salut éternel ? Ne va-t-il pas jusqu’à éliminer un des fondements de notre espérance , rendant par là-même sa doctrine présomptueuse ? La présomption pèche contre l’espérance par excès, et se trouve ainsi à détruire la vraie espérance.
Il convient d’insérer le texte cité par Bougaud après M. Camus : " Rien ne peut servir à la condamnation de ceux qui sont dans le Christ Jésus . " Parfaitement ! Mais continue, je te prie, et avance dans ta lecture. Voici qui vient tout de suite après : " ceux qui ne marchent pas selon la chair ". Mais comment marchent les infidèles ? Comme de vrais chrétiens ?
Aux modernistes qui se glorifient de leur interprétation moderne des textes de l’Ecriture qui servaient autrefois à démontrer la difficulté du salut éternel et le petit nombre des élus, il serait bon de rappeler les avertissements suivants du Vicaire du Christ : " Dans l’exégèse biblique, il faut mettre toute son application et tout son soin à ne pas pécher par orgueil ou légèreté d’esprit ou imprudence ". Appeler rigoristes les interprètes anciens et éprouvés, et mépriser le consensus de leurs interprétations en les taxant d’erronées et de contraires à l’esprit du Christ, n’est-ce pas un péché d’orgueil, de légèreté d’esprit et d’imprudence ? Le Souverain Pontife continue : " En premier lieu, il ne faut pas attribuer plus qu’il n’est juste à certaines nouvelles sentences, qu’il suffirait de citer en passant, non parce qu’elles sont neuves mais parce que le plus souvent elles n’ont de la vérité que l’apparence et qu’elles en sont une contrefaçon . Certains, à qui cela ne convenait pas du tout, ont mis à la mode un genre d’interprétation audacieux inspiré par une liberté sans frein. " Les modernistes reconnaissent que leur interprétation est neuve, ils osent en faire l’éloge en tant que fruit du progrès de l’exégèse. Il sont audacieux et sont immodérément libres. Ils jettent ainsi leur dévolu sur une doctrine fausse qu’ils prêchent au peuple, ceux à qui cela ne convenait pas du tout. " Avec une telle crânerie ! " (E.T. jésuite)
" Que ceux qui commentent les livres divins le comprennent et en fassent leur méditation ! Qu’ils se souviennent toujours de procéder avec prudence et sûreté dans leurs études , si seulement ils ont le souci d’obéir à l’Eglise comme leur devoir le leur prescrit. Nous ne nous tairons pas….Il n’est permis à aucun catholique de négliger les décisions et les documents du Souverain Pontife ". Tout cela a été dit aux modernistes. Avec quel résultat?
Qui ne serait pas ébahi ou renversé en lisant cet aveu : Mauran rapporte lui-même s’être fait répondre par de savants théologiens à qui il avait présenté son œuvre : élus et sauvés : " L’auteur explique dans le sens de sa thèse certains textes de l’Ecriture sainte, tandis que rien ne prouve que tel est le véritable sens. " " A cela j’ai répondu que rien ne m’empêche d’expliquer dans mon sens des passages de l’Ecriture obscurs, renfermant des sous-entendus, et dont le vrai sens n’a jamais été donné officiellement par l’Eglise ". (préf. P. 1, note de l’auteur)
Avec une telle exégèse, il est facile de prouver le plus grand nombre des élus contre l’interprétation unanime et le consensus des saints et des anciens commentateurs bibliques. Et ce Mauran est cité avec révérence dans le grand œuvre : dictionnaire de la Bible, publié par Vigouroux, art. élus, col. 711 comme une autorité , immédiatement après Knabenbauer, favorisant les modernistes ! Et le rédacteur de cet article, Parochus Lesêtre ajoute : " Parmi les modernes, il y une tendance marquée à interpréter d’une manière plus large la sentence qui termine les deux paraboles évangéliques ".
Tout cela devrait suffire surabondamment
au lecteur pour juger la façon dont les modernistes ont tenu compte
de l’enseignement des saints, des Pères et des docteurs de l’Eglise
et de leur interprétation de la parole écrite de Dieu. Nous
réduirons en poudre leurs sophismes dirigés contre eux.
Fin p.345, fin du chapitre 6.
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la table des matières
Chapitre 7
les autres sophismes
des modernistes
p.347-474
Godts, chapitre 7 : Les Sophismes, page
347
VII
Autres sophismes des modernistes
Après avoir examiné la façon cavalière dont les modernistes se comportent envers les Pères et l’Ecriture sainte, et éventé la futilité de leurs arguments, nous exposerons notre réfutation dans cet ordre :
L’opinion du plus grand nombre des élus peut être discutée librement dans l’Eglise.
Ayant mis dans la balance sur un plateau, les témoignages innombrables des Pères, des saints et des docteurs, et dans l’autre, les aperçus sophistiques contre la sentence commune, voire même unanime des Saints, si nous traitions cette question d’après les règles éprouvées de la saine théologie, nous ne pourrions en aucune façon concéder que l’opinion du nombre incomparablement plus grand des élus soit encore sujette à la libre discussion.
Le P. Castelein et autres comparses se fourvoient donc lamentablement quand ils affirment que la thèse du plus grand nombre des élus bénéficie d’un statut de libre discussion parce qu’elle n’a pas encore été définie par l’Eglise. Comme si seule une décision infaillible de l’Eglise entraînait l’adhésion. " L’Eglise catholique qui progresse constamment dans l’intelligence de la doctrine révélée, laisse cette question libre. (285) " " Nous pouvons, en toute liberté d’esprit, adopter sur la question du nombre des élus, question au reste librement discutée au sein des écoles théologiques, la solution qui se réclame des puissants arguments que nous développons ". (190) " L’Eglise catholique laisse libre la question, objet de notre travail ". (p.283) " La question d’autorité bien éclaircie et résolue en faveur de la liberté du théologien ". (p.286) " La question reste libre ". (Epitre à Ephem. La patriote, Le XX ième siècle,etc,etc,)
Bougaud est du même avis : " Qu’on veuille bien nous permettre d’user de la liberté qui a toujours été accordée à tous dans les questions douteuses. Dans le doute, la liberté. Le jugement de l’Eglise ne ressemble pas à celui des hommes. Elle a des intuitions de mère. " (p.363) Mauran ne parle pas autrement : " Entendons-nous bien. Ce n’est point ici une doctrine enseignée par l’Eglise….C’est une opinion privée, libre, et qu’il est permis de combattre et de repousser ". (opus cité, p.V111)
Notons en passant le conseil très sage de saint Ignace qui a stipulé dans plusieurs articles de ses constitutions : " nous devons suivre la doctrine solide et sûre, et même celle qui n’est que plus sûre et plus solide que les autres ". Le saint Père Léon X111 a rappelé cette décision aux Pères de la société de Jésus dans ses lettres sur l’enseignement de la doctrine de saint Thomas. Il leur a indiqué par la même occasion, comme un écueil à éviter, la soif des nouveautés exaltée comme un chemin menant au progrès de la doctrine.
Voici des exemples de sujets librement disputés : différentes positions sur la prédestination avant ou après la prévision des mérites. De l’incarnation après ou sans la faute d’Adam. Du mode de l’efficacité de la grâce, etc…
Ceci étant dit et admis, je prétends que la doctrine du petit nombre des élus de tous les êtres humains n’est pas du tout ouverte à la libre discussion. Car, quelques théologiens, comme Laselve, Smising, et Bosco, la considèrent de foi. Selon Suarez, Estium, Gonet et un grand nombre d’autres théologiens, elle est vraie, elle est tout à fait vraie et certaine. Enfin, elle n’est contredite par aucun Père.
Admettons qu’elle n’est pas de foi, --- (car elle n’apparaît pas avec une évidence fulgurante provenir de la révélation, et le sens du texte, bien que certain, n’a pas été défini ex cathedra par l’Eglise.) --- peut-on déclarer contraire à l’intégrité de la foi une doctrine qui bénéficie du consentement inconditionnel et éclairé des Pères et des théologiens ? N’appelle-t-on pas téméraire une opinion qui, en matière théologique ou connexe, est présentée ou recommandée de façon arbitraire ou imprudente ou téméraire, sans aucune justification rationnelle autre que sa nouveauté ? Une opinion, dis-je, qui a contre elle ---comme je l’ai souvent dit---la doctrine commune des saints, des Pères et des docteurs , et la censure de la faculté théologique de la Sorbonne contre le livre de Marmontel intitulé Bélisaire, sans compter l’interprétation constante des théologiens et des exégètes, ni les raisons les plus graves qui sont rejetées d’un revers de main sans justification et sans raison, cette opinion, dis-je, n’a pas volé l’épithète de téméraire.
Bien que, sur le plan spéculatif, l’opinion de nos adversaires ne s’oppose pas directement aux bonnes mœurs, --ce qui apparemment la qualifie et la recommande---elle ne peut pas ne pas avoir recours à des arguments que je ne crains pas d’appeler immoraux et scandaleux. Telle que présentée, n’est-elle pas, de fait, contraire aux bonnes mœurs une doctrine qui souille l’amour et l’estime dus à la foi et à l’Eglise catholique en enseignant que le salut est facile, même en dehors de l’Eglise ? Une doctrine qui ne distingue pas suffisamment l’ordre surnaturel de l’ordre naturel, en laissant entendre que l’observation de la religion naturelle suffit, dans l’ordre actuel, au salut éternel ? Qui diminue la révérence et le respect envers les pasteurs et les docteurs en enseignant qu’ils ont erré pendant tant de siècles, en exposant la doctrine catholique sur ce qui est nécessaire au salut ? Qui diminue l’horreur du péché en ne diabolisant que les crimes les plus horribles, en négligeant les péchés mortels ordinaires, en dégonflant la malice de la luxure ? Qui diminue la vigilance des chrétiens sur tout ce qui se rapporte au salut, en mettant la pédale douce sur le danger que pose la triple concupiscence , et en niant que le monde représente un danger et un exemple de ce qui est mauvais ? Qui attiédit la ferveur des chrétiens à opérer leur salut avec les bonnes œuvres, l’oraison et la fréquentation des sacrements, en n’enseignant que le minium là-dessus ? Qui finit par communiquer aux fidèles une sécurité présomptueuse ?
Est-ce que l’opinion du Père Castelein est enseignée dans les facultés théologiques par un grand nombre ouvertement et sans danger ? On pourra citer l’un ou l’autre apologiste qui, polémiquant contre les incrédules, les âmes inquiètes, et les ennemis de la religion ont concédé à leurs adversaires que la doctrine du petit nombre des élus n’était pas de foi, ne formait pas un dogme de la religion catholique. Mais on n’a trouvé aucun théologien qui prêche aux fidèles la doctrine du P. Castelein ou qui l’enseigne dans les écoles catholiques. Il n’y a donc aucune raison pour lui reconnaître le statut de libre discussion.
Quel sens donner à ces paroles : l’Eglise laisse libre ? Est-ce que l’Eglise laisse au libre jugement de chacun de cracher sur les décisions communiquées par les congrégations ou de violer les lois qui servent de critères pour déterminer les doctrines catholiques ? N’existe-t-il pas une déclaration de la Congrégation de l’Index qui requiert des fidèles catholiques une soumission pieuse et filiale ? Voici les paroles mêmes de Pie 1X qui se rapportent à ce genre de décisions ainsi qu’aux vérités théologales : " S’agissant de cette soumission à laquelle tous les catholiques sont astreints en conscience, ainsi que les théologiens à qui il incombe de présenter à l’Eglise leurs essais, les hommes d’église doivent savoir qu’il ne suffit pas aux savants catholiques d’accepter et de révérer les dogmes définis par l’Eglise, mais il est de leur devoir de se soumettre tant aux décisions qui se rapportent à la foi , déclarées par les congrégations pontificales, qu’aux autres points de doctrine tenus par un consensus des catholiques commun et constant, comme les vérités théologiques et les conclusions qui sont si certaines que les opinions qui leur sont contraires , bien qu’on ne puisse les dire hérétiques, méritent quand même une censure théologique. "
Des règles sont bel et bien en vigueur dans l’église catholique qui ne demandent qu’à être observées. L’Eglise laisse-t-elle au bon vouloir de chacun le droit de les violer et d’agir à sa guise ? Le sens de ces sources que sont l’Ecriture et la tradition des Pères, ---même là où il n’y a pas de certitude absolue--doit mouler notre façon de penser. Auprès de ces sources, dis-je, se trouve un sens catholique qu’il n’est pas permis de contester sans grande témérité. Voici, à ce sujet, les paroles du docteur Scheeben : " On peut concevoir aussi, même pour le présent immédiat, une espèce de foi, et même une règle vivante, fournissant une direction à l’égard des décisions juridiques. Nous voulons parler du sentiment unanime des fidèles et des docteurs, en tant qu’il est l’écho d’une prédication ecclésiastique antérieure, ou le témoignage de l’Esprit Saint agissant dans l’Eglise ". Sont toujours en vigueur des règles proprement théologiques à partir desquelles l’Eglise inflige certaines censures, et veut que soient rédigées les doctrines à être enseignées aux fidèles : " Il y a, en dehors de la vérité rigoureusement catholique, une autre vérité catholique, une doctrine ecclésiastique, une théologie dans le sens large, qu’un vrai catholique doit accepter avec une respectueuse confiance, qu’il ne peut nier sans offusquer le sens catholique, et qui restreint encore le terrain des libres opinions ".
A cette déclaration, se rattachent les propos de Melchior Cano à l’effet que le consensus unanime des saints et des Pères présente au théologien un argument tout ce qu’il y a de plus certain pour confirmer ses assertions, car un tel sens n’est autre que celui du Saint-Esprit, ou, comme le veut Duplessis d’Argentré, celui des Apôtres. L’existence d’un consensus patristique unanime en faveur de notre opinion est attestée par Estius en ces termes : " Absolument aucun des Pères ne peut être trouvé qui pense le contraire ". Comme le dit avec raison Vacant : " Il y a obligation de respecter ou même d’admettre, sous peine de témérité, un enseignement des saints Pères ou des théologiens qui se rapproche sensiblement de l’accord unanime . "
C’est donc sans aucun fondement que le
P. Castelein claironne que la question du petit ou du grand nombre des
élus est laissée par l’Eglise à la libre discussion
d’un chacun.
2
Sophismes particuliers relatifs à
l’honneur de Dieu
La doctrine du petit nombre des élus ne peut se concilier avec la doctrine de l’universalité du salut.
" La théorie du petit nombre des élus est inconciliable avec la doctrine de la Rédemption, étudiée dans ses causes divines, ses caractères surnaturels et sa portée universelle ". (p.301) Aucun des Pères, des saints, des docteurs de l’Eglise , ni saint Augustin, ni saint Thomas, ni saint Anselme, ni saint Alphonse n’ont jusqu’ici rien compris dans la doctrine fondamentale de toute la religion chrétienne! Ils ont ignoré les causes de la rédemption, ses traits surnaturels, son extension universelle ! Heureux notre siècle séculier qui nous a délivrés d’une si grande ignorance ! Mais pourquoi donc se permet-il ce genre d’affirmation gratuite ? Où sont ses arguments, ses autorités ? La rédemption devrait-elle forcer les impies à entrer dans le royaume des cieux , et les contraindre à pratiquer malgré eux les commandements de Dieu? La grâce du Rédempteur devrait-elle avoir une efficacité telle qu’elle détruirait le libre arbitre de l’homme ?
On peut ajouter cet autre argument. C’est
une sentence commune chez les théologiens, tout à fait conforme
à la tradition et à l’Ecriture, que le Christ a offert le
prix de sa rédemption même pour les petits morts sans baptême.
Le fait qu’ils n’en perçoivent pas le prix nous permet-il d’y voir
un accroc à l’universalité de la rédemption ? Pas
le moins du monde ! De la même façon, ne porte pas obstacle
à l’universalité de la rédemption le fait que, d’après
la sentence commune des théologiens, la tradition et l’Ecriture,
la plus grande partie des hommes, ou même des catholiques, soit damnée.
Mauran, qui pour augmenter le nombre des élus, a recours au salut
éternel des habitants des autres planètes, présente
ainsi son argument de l’universalité du salut en termes pathétiques
à défaut d’être théologiques : " Le Sauveur
ne cesse de dire qu’il est le Fils de l’Homme. Ainsi que nos voisins inconnus
des sphères planétaires ne prétendent pas nous ravir
ce qui est à nous, notre bien, notre don, notre Jésus Crucifié….
" " Quel avantage a-t-on de se représenter la Rédemption
comme un sauvetage qui a échoué? L’humanité ayant
pour fin dernière le sort de Sodome et de Gomorrhe ? Cette terre,
consacrée par la vie humaine d’un Dieu, unie à Lui par la
chair, arrosée de son sang, un sang d’un prix infini, et puis…et
puis, finissant son histoire par la damnation et le désespoir suprême
! Et pendant que cette grande catastrophe se consumerait, les autres mondes
s’en iraient à leurs joies éternelles ? Quelle ironie ! "
L’ironie facétieuse ne consiste-t-elle pas à proposer sérieusement
de tels arguments ?
3
Si le nombre des sauvés ne surpasse pas celui des damnés, alors ce ne sera pas le Christ qui aura triomphé du démon, mais le démon du Christ.
" Le Christ doit remporter sur Satan un triomphe éclatant…et Il ne parviendrait pas à convaincre la moitié des âmes que Satan a enlevées au Père céleste ? Mais alors, la conquête de Satan serait, dans son ordre, plus belle que celle de son vainqueur ! Si le Christ ne sauve pas effectivement la grande majorité des âmes….je ne saurais comprendre que son triomphe soit digne de Lui. " (p.189)
" Dans ses efforts persévérants pour sauver les âmes qu’Il a créées, Il n’aboutirait pas à en sauver la moitié . Est-ce vraisemblable ? Encore une fois, ne serait-ce pas Satan qui serait le vainqueur et le conquérant ? Arrière cette affreuse image et cette odieuse hypothèse ! " (p.190) " Je ne saurais le croire. Je suis persuadé, tout au contraire, que le Christ emportera entre ses bras sanglants au trône de son Père incomparablement plus d’âmes qu’Il ne s’en laissera ravir. Ce n’est pas seulement l’amour du Christ pour l’homme, mais son honneur qui l’exige ". (p.267) " La conquête de Jésus-Christ l’emportera dans toute l’humanité de beaucoup sur la conquête de Satan. J’en suis même intimement convaincu que le Christ saura pour la gloire de sa miséricorde et de ses mérites tirer de tout peuple et de tout milieu humain plus d’élus qu’Il n’y laissera de réprouvés ". (p.301)
Bougaud avance un argument de même farine : " Dieu ne peut pas être vaincu sur toute la ligne. …Il faut que la bataille soit gagnée. Dieu ne peut pas clore la création sur une défaite universelle! Autrement, je le répète, à quoi bon avoir commencé la création ? Pourquoi avoir livré la bataille? Les mesures n’ont donc pas été bien prises ! Le plan a donc été mal conçu ! Les soldats étaient donc mal équipés, les grâces bien insuffisantes ! L’immense et magnifique création n’a été en somme qu’une immense déroute, une immense et magnifique victoire du mal sur le bien, de Satan sur Dieu ! Pour moi, je ne le crois pas. Oh! non, je ne le comprendrais pas . J’y verrais compromises la sagesse, la puissance et la bonté de Dieu . Il me semblerait etc…etc… " (p.364)
Et Mauran : " Si la majorité des âmes devait appartenir réellement au démon dans l’enfer, au grand ennemi de Dieu, où serait la victoire de Jésus-Christ ? Depuis quand un roi qui perd sur le champ de bataille les trois quarts de ses soldats et de son royaume peut-il se dire victorieux ? " Cet argument qui est l’arme secrète des modernistes se trouve tel quel dans le libelle hérétique : de l’ampleur du bienheureux royaume de Dieu, auquel Gravina donne un oscar, et que les incrédules se sont forts d’objecter contre la Providence de Dieu, comme nous verrons bientôt.
Ce qui n’empêche pas l’argument d’être absurde. Les auteurs cités parlent du Christ et de Lucifer comme s’ils étaient deux dieux égaux , à la façon dont les manichéens admettent deux principes suprêmes égaux, dont l’un est bon et l’autre, mauvais. " Si le Christ ne l’emporte pas sur Lucifer , il sera vaincu par son adversaire ! " Je sais très bien que saint Ignace dans sa méditation sur les deux étendards, a comparé Satan à un chef guerrier. Mais il ne lui accorde aucune égalité avec le Fils de Dieu.
Je réponds donc. Toujours et en toute occasion, le Christ a vaincu, vainc et vaincra pleinement le diable. Il doit régner éternellement et au-delà. Ses ennemis sont l’escabeau de ses pieds. Donc, même les suppôts de Satan sont soumis au Christ triomphant, avec leur chef et ses mauvais anges. Bergier écrivait autrefois avec beaucoup de bon sens : " Le prétendu triomphe que Bayle attribue au démon sur Jésus-Christ au jugement dernier, en conséquence du grand nombre des damnés, est absurde à tous égards ".
" Une autre absurdité est d’envisager le sort des bons et des méchants comme un combat entre Jésus-Christ et le démon, dans lequel Jésus-Christ fait tout ce qu’Il peut pour sauver une âme, sans en venir à bout, comme si le salut était l’œuvre de la seule puissance du Sauveur sans la coopération libre de l’homme. Le démon a-t-il donc plus de pouvoir qu’il ne permet à Dieu de lui en accorder ?----Il suppose que par la perte d’une âme Jésus-Christ perd quelque chose de son bonheur ou de sa gloire; qu’Il en a du regret comme le démon a du dépit lorsqu’il n’a pas réussi à pervertir un juste; que Jésus est trompé dans ses mesures comme Satan est confondu dans ses projets. Parallèle insensé ! Jésus-Christ, en tant que Dieu, a su de toute éternité quel serait le nombre des élus et des réprouvés. Quand le genre humain tout entier périrait, le Sauveur n’y perdrait rien pour Lui-même, et le démon n’en serait pas moins malheureux pour l’éternité. La victoire de Jésus-Christ sur le démon n’a donc pas dû consister en ce que aucun homme ne puisse se damner par sa faute. Alors, la vertu ne saurait d’aucun mérite, et le salut ne serait plus une récompense. Mais elle consiste en ce que le genre humain, banni entièrement du ciel par le péché d’Adam, a recouvré par la rédemption le pouvoir d’y entrer, et que chaque particulier reçoit pas les mérites de Notre Seigneur toutes les grâces dont il a besoin pour se sauver, de manière qu’il est inexcusable lorsqu’il se damne ".
Je réponds ensuite que la justice est un attribut divin comme la miséricorde. L’un et l’autre doivent être glorifiés. Pendant que les bienheureux dans le ciel glorifient la miséricorde éternellement, les damnés glorifient à contre cœur et à leur corps défendant la justice infinie de Dieu, pour qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans les cieux et dans les enfers. La gloire de Dieu ne peut en aucune façon être diminuée par un grand nombre de damnés. Le pieux et docte Lessius expose très bien cette même idée : " Dieu a permis à une multitude innombrable d’hommes de se ruer dans le châtiment éternel. Même s’Il avait prévu l’apparition de tant de maux au cas où Il retirerait la justice originelle et la providence spéciale du début, cela ne L’empêcha pas, en punissant ce péché, de laisser apparaître les tragiques conséquences qui en résulteraient. Comme le ministre d’un roi, qui a à punir la désobéissance d’un prince, se refuse à remettre la peine, même s’il prévoit la dévastation future de tout le royaume et l’extermination d’une grande partie du peuple " Et il parle ainsi a Dieu : " A ton tour, tu as montré la même justice, quand, à cause du péché de nos premiers parents, tu as dépouillé le genre humain de la justice originelle et de la félicité du premier état, et tu les as livrés à d’innombrables misères en plus de la mort. Dans cette punition, tu prévoyais qu’une multitude innombrable d’hommes serait damnée et qu’à peine un centième obtiendrait le salut ".
Ecoutons le très célèbre Monsabré : " Prétendrez-vous, messieurs, que le nombre des élus, si grand qu’il soit, est inférieur à celui des réprouvés ? Qu’importe ! Vous n’avez plus le droit d’accuser le gouvernement de Dieu d’avoir échoué dans son action providentielle. Dieu a voulu le salut de tous. A tous Il a offert ses secours et ses grâces. Il n’y a de damnés que ceux qui n’ont pas voulu se laisser sauver. A chaque plainte des victimes de son éternelle justice, Dieu peut répondre : Tu t’es perdu toi-même : la perdition vient de toi. Non, le malheur des réprouvés ne le déshonore pas, non plus que le supplice des scélérats ne déshonore pas un grand roi. N’ayant pas obtenu le triomphe de sa miséricorde sur ces rebelles, Il est assuré du triomphe de sa justice, et peut dire avec l’auguste majesté du plus grand, du plus sage, du meilleur des maîtres : la gloire de mon gouvernement est d’être bon et miséricordieux pour ceux qui se soumettent à ma volonté sainte, et de combattre éternellement les superbes : épargner ceux qui se soumettent et poursuivre la guerre contre ceux qui se révoltent. "
Je réponds avec le Père Paquet : " le bien ne se mesure pas mais se soupèse, surtout le bien de la grâce ". Celui de la gloire aussi. Ainsi, l’immaculée Mère de Dieu glorifie plus l’adorable Trinité que ne l’auraient fait tous les damnés s’ils avaient été élus. Le bienheureux Clemens Hofbauer enseigne la même chose. Et le grand Monsabré illustre merveilleusement cette réponse : " Si nombreux qu’ils soient, ces superbes, ils ne peuvent tenir en échec l’immense armée des élus. Une seule âme sauvée est un chef-d’œuvre auquel concourent toutes les perfections divines, de concert avec la liberté humaine. Une seule créature glorifiée et admise à la vision béatifique est une merveille de beauté, plus étonnante et plus ravissante que toutes les merveilles réunies de la terre et des cieux. Et l’on voudrait déshonorer Celui qui l’a produite en lui reprochant la quantité numérique des misérables qui se sont déformés eux-mêmes par l’abus des dons divins et de leur liberté ? Autant voudrait dire qu’il n’y a plus de génies dans l’humanité, parce que les chefs-d’œuvre sont moins nombreux que les œuvres avortées, dont la maladroite ambition des esprits médiocres inonde le monde. Ici, messieurs, il ne s’agit pas de compter, mais de peser. Un seul élu pèse plus dans la balance divine que l’enfer tout entier. "
Une fois réfuté l’argument des adversaires, nous profitons de cette occasion pour faire une observation sur la façon dont ils raisonnent . Très souvent, au cours de cette discussion, nous sommes nous trouvés face à cette locution qui leur tient lieu d’argument : Moi, je ne comprends pas. Ce qui implique indirectement que ce que je ne comprends pas, moi, ne peut pas exister, et n’existe donc pas. Que le lecteur rappelle à sa pensée les citations faites au début de ce développement. Que dirons-nous à de tels et à de si grands arguments ? Il y a beaucoup de choses que nous devons croire même si nous ne les comprenons pas. C’est ainsi que raisonnent les incrédules devant les mystères : " la transmission du péché d’Adam, une damnation éternelle causée par une délectation libidineuse d’un bref moment, je ne les comprends pas. Je n’y crois donc pas. Elles n’existent donc pas.
A ces modernes renégats, on devrait dire ce que saint Augustin a écrit autrefois des miséricordieux de son temps : " Si cette sentence est bonne et vraie parce qu’elle est miséricordieuse, elle sera d’autant meilleure et d’autant plus vraie qu’elle sera plus miséricordieuse. Que l’on étende donc et que l’on approfondisse ce fond de miséricorde jusqu’à la libération des anges damnés après un nombre considérable de siècles. Pourquoi n’en viendra-t-on pas jusqu’à la nature humaine dans son ensemble, et pourquoi s’arrêter à la nature angélique ? Ils n’osent pas cependant aller jusqu’au bout dans cette voie et en venir à la libération du démon. Si quelqu’un l’osait, il l’emporterait sur les miséricordieux, mais il n’est jamais rendu plus difforme par son erreur et perverti par son opposition aux droites paroles de Dieu que quand il se sent plus miséricordieux ". En vérité, comme l’écrit de nos adversaires D. Emmanuel : " Tous leurs raisonnements se réduisent à ceci : Dieu sauve la plus grande partie des hommes parce que cela paraît convenable à ma raison ". Pourquoi saint Augustin, saint Thomas et des centaines d’autres saints très instruits n’ont pas fait cause commune avec nos modernistes ? Parce que leur humilité leur a fait soumettre leur raison à la révélation et à la tradition. Resserrée est la voie…peu la trouvent.
Il est permis de répondre aux modernistes
ce que de Maistre a répondu à Fleury qui prétendait
: " Nous croyons qu’on peut appeler du Pape au Concile ". ---" Voilà
d’abord un nous ---répondit de Maistre----dont l’Eglise catholique
doit très peu s’embarrasser….Fleury réfuté par Mosheim
et Bossuet, sur le point d’être remis dans la droite route par les
Centuriateurs de Magdebourg, voilà où l’on est conduit par
l’envie de dire
nous.
Ce pronom est terrible en théologie
".
4
Puisque le nombre des anges bienheureux est plus grand, je dis qu’à parité, le nombre des hommes à être sauvés devrait être plus grand.
" Cherchons une nouvelle lumière pour éclairer la solution de notre problème dans un argument d’analogie tiré de la nature angélique…(p.272) " " Comme le grand Suarez, en considérant les seules lois de la création, a conclu que dans la nature angélique la bénédiction l’emporterait de loin sur la malédiction, nous, en considérons ces mêmes lois, etc "…
Que le docteur angélique lui-même
réplique non pas à Suarez qui n’a jamais tiré cette
conclusion, mais à Castelein. Saint Thomas se fait cette objection
: " Il semblerait que les anges qui ont péché sont plus nombreux
que ceux qui ont persévéré, selon l’adage du Philosophe
: le mal existe dans le plus grand nombre, le bien dans le petit nombre.
" Et il répond : " Il faut dire que le Philosophe parle des
hommes à qui le mal survient du fait qu’ils poursuivent les biens
sensibles qui sont connus du plus grand nombre, sans faire nul cas du bien
de la raison qui est connu de peu. Or, dans les anges, n’existe que la
nature intellectuelle. L’argument ne vaut donc pas. " De plus, une autre
raison lui fait rejeter l’argument d’analogie tiré de la nature
angélique. Car : " l’ange qui est supérieur à l’homme
dans l’ordre de la nature, a obtenu la béatitude, en vertu d’un
décret de la divine sagesse, par un seul acte méritoire.
Mais les hommes parviennent au ciel à la suite d’un très
grand nombre d’actes méritoires. " Donc, même à ce
point de vue, l’analogie fait défaut.
5
Les docteurs qui admettent le plus grand
nombre de sauvés chez les anges doivent être rangés
parmi ceux qui enseignent le plus grand nombre de sauvés chez les
humains, même s’il enseignent expressément le contraire. C’est
qu’ils ont mal interprété l’Ecriture.
" Si les ombres du texte ---pauci
electi—alors mal compris par suite d’une exégèse encore
imparfaite, n’avaient obscurci le regard de ces illustres docteurs, S.
Thomas, Suarez, nul doute qu’ils n’eussent raisonné sur le salut
final de la nature humaine comme ils l’ont fait sur celui de la nature
angélique. Je puis donc m’abriter derrière leur autorité!
" (p. 273) Quelle logique ! Saint Thomas et Suarez enseignement formellement,
comme nous l’avons vu plus haut, que la plus grande partie du genre humain
est damnée, sans baser leur opinion sur un seul texte, dont les
modernistes se vantent d’avoir enfin trouvé le sens après
dix-neuf siècles.
6
Qu’en la matière présente, l’erreur de la doctrine désespérée du petit nombre d’élus l’emporte à la plus grande gloire de Dieu !
" Je me rassure par la conviction intime que ces idées sont vraies et justes. Elles sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture sainte et des enseignements de nos plus grands théologiens (X) . Doctrine comprise selon les saines traditions de la théologie catholique. (355)---Aux théologiens trop étroits ou trop timides pour penser comme nous, nous pouvons opposer les grands docteurs de l’école. " (114) Assurément, par cette vertu attribuée à la doctrine de Castelein, ils montrent leur bonne foi.
Mais que dirai-je de ces modernistes qui, bien qu’ils reconnaissent ouvertement que sa doctrine est vulnérable et probablement erronée, ne la préfèrent pas moins à la doctrine commune et certaine ? Ainsi Bougaud : " Il y a sans doute ici une part conjecturale considérable. Le P. Faber ne le nie pas. Mais, dit-il, si nous parlons de choses que nous ne savons pas, il doit nous être permis d’opposer ces considérations à ceux qui nous donnent sur Dieu des pensées dures et insupportables à notre faiblesse. Ce ne sont pas des doctrines, ce ne sont pas des certitudes. Ce sont des inductions, des espérances, des théories. " Le Père Faber lui-même confesse : " Ce sont là de mauvais arguments , si on les examine séparément. "
Mais c’est à Mauran qu’on doit décerner la palme : " Je vais dire une chose impossible. Je m’imagine que si Dieu avait consulté ses élus avant de les créer, ceux-ci, se voyant si peu nombreux, auraient fait le sacrifice de leur bonheur éternel pour éviter à leurs frères, à la grande foule humaine, les tourments de l’enfer. Que le lecteur indulgent me pardonne cette boutade. Ces quelques mots suffisent pour montrer etc "… Mais ils sont si montés sur leurs grands chevaux qu’ils considéreront comme utile leur opinion même s’ils la jugent fausse : " Et quand même nous serions dans l’erreur, nous aimerions mieux avoir cherché à inspirer sur Dieu des pensées qui le fassent plus honorer parmi les hommes , et nous portent à L’aimer davantage ".(1) Et D. Mauran : " Et pourtant, qui sait ! Cette thèse n’est-elle pas un sophisme, et notre espoir une illusion ? Ne sommes-nous pas dans l’erreur ? Eh! bien, quoi qu’il en soit, nous croyons qu’il vaut mieux se tromper en versant dans les âmes la consolation et l’espérance que la peur et le désespoir ". (2)
A cela nous répondons en trois temps. Intention excellente, mais oiseuse. Car quel peut être le bon effet de cette doctrine qui présente un Dieu, non seulement bon et miséricordieux, mais tellement oublieux de son honneur et de son droit qu’Il jette aux porcs les perles de la grâce et de la gloire, et qui permet d’espérer le salut à ceux qui se détournent de la seule voie de vérité, et qui se vautrent dans la luxure ? Chacun n’ira-t-il pas immédiatement en tirer la conclusion : donc, les moyens de salut, la fréquentation des sacrements, la fuite des occasions de péché, la haine du monde, les macérations corporelles, les pratiques de piété et les prières, rien de tout cela n’est recommandé par les Pères et par l’Eglise ! A quoi bon tous ces fardeaux ! Sans eux, nous saurons bien quand même nous sanctifier ! Dieu pardonne si facilement le péché de luxure. " Venez, donc, et jouissons des biens qui existent vraiment, et usons des créatures avec l’impétuosité de la jeunesse…Qu’il n’y ait pas de pré vert où ne se roule notre luxure. Que personne ne soit à l’abri de notre débauche ! Laissons partout des signes de joie. Car voilà notre lot et notre sort ! "
Dans son travail remarquable : la question de l’Evangile, etc…Nos conclusions, le P. Coppin, comme nous l’avons déjà vu, démontre avec bonheur le danger de leur approche : " Son premier fruit naturel et nécessaire sera d’affaiblir dans une foule d’esprits le respect et la soumission à l’égard des prédicateurs et écrivains pieux, passés, présents et futurs. Un second funeste effet sera d’affaiblir en bien des âmes l’horreur du péché. Funeste, il l’est encore parce qu’il rabaisse l’idée vraie de la vie chrétienne. Parce qu’il raffermira et accroîtra l’esprit mondain dans les âmes. Parce qu’il amoindrit l’idée de l’Eglise catholique , et diminue l’estime que nous devons avoir de la faveur de lui appartenir par la foi. " Notre auteur traite chaque aspect de la question avec vigueur et éloquence. Ses développements sont trop longs pour que nous les reproduisions ici, mais nous les recommandons fortement au lecteur.
Quelqu’un pourra-t-il nier la rigueur et le bien- fondé de ces déductions ? Et même si l’enchaînement logique était moins évident, qui peut nier que de fait, elles seront déduites par le plus grand nombre ? Quelles embûches sont dressées sur cette voie, même un aveugle s’en rendrait compte. Les modernistes veulent propager l’amour de Dieu dans le peuple de Dieu. Mais quel est donc cet amour qui peut cohabiter avec l’esprit de ce monde vain, superbe et sensuel; qui n’a en horreur que les péchés monstrueux et obstinés ? Comment ce qui diminue l’horreur du péché peut-il augmenter l’amour de Dieu ?
Ils veulent fouetter la foi des fidèles, mais ils engendrent la présomption. " Quel appoint les âmes inclinées à la funeste présomption ne trouvent-elles pas dans le livre du P. Castelein, dans ses enquêtes bénignes sur les quartiers moyens de Bruxelle, dans ses considérants sur les péchés de faiblesse, dans son refrain perpétuel de la prépondérance de la grâce, dans ses voies secrètes, ses apparitions de Notre Seigneur aux âmes qui franchissent le seuil de l’éternité pour les conquérir d’un coup de main victorieux, dans les multitudes innombrables de gens qu’il met en Paradis sans qu’ils aient jamais rien fait pour le mériter ? " Comme a dit Jésus : " Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ". Cette doctrine, qui ne peut être pour le grand nombre qu’une pierre d’achoppement, qui prétend à plus de certitude que la certitude même, peut-elle, je le demande, être dépourvue de scandale ?
C’est donc gratuitement et insolemment que la doctrine des saints Pères est accusée de freiner l’amour de Dieu et l’espérance chrétienne. Il s’agit là d’une grave accusation contre tous les docteurs catholiques qui tiennent et prêchent cette doctrine, et contre l’autorité ecclésiastique qui lui a donné un consentement tacite. Car éloigner de l’amour de Dieu et de l’espérance chrétienne c’est empêcher le salut éternel, ce qui est contraire à la fin de l’Eglise. Mais cette accusation ne fait que trahir la témérité de leurs auteurs. Les saints ont toujours prêché le véritable amour de Dieu qui a le péché en horreur et la punition qui le suit, qui exige donc une grande renonciation et un effort vigoureux contre la triple concupiscence. Le peuple n’a cure de cette renonciation, et c’est pourquoi l’amour de Dieu n’est pas populaire. Nous savons que les modernistes rendent cette renonciation facile , en en atténuant les exigences. Mais, par le fait même, cette renonciation n’est plus celle que prescrit l’Evangile, et sans laquelle l’amour de Dieu véritable ne peut pas exister. Les saints ont toujours prêché l’espérance chrétienne fondée sur les promesses de Dieu et sur la miséricorde. Mais ils se sont dressés contre la présomption et la témérité. Ont-ils jamais prêché que les moyens de salut faisaient défaut à celui qui fait tout ce qui est en lui ? Si donc quelqu’un s’est abandonné au désespoir, est-il allé chercher la cause ou l’occasion de ce péché dans la doctrine des saints bien comprise ?
" Et quand même nous serions dans l’erreur ! " Il n’est pas permis de prêcher au peuple ce qui est une erreur, même si, par accident, il devait en ressortir du bien. On ne peut pas commettre le mal pour qu’il en ressorte du bien. La vérité vous libèrera, non l’erreur, qui, quand bien même elle nous apparaîtrait douce et avantageuse, serait toujours un mirage nuisible. Comme l’apôtre zélé de l’Italie, le grand Segneri, jésuite, a écrit avec plus de justesse, et tout à fait selon l’esprit du divin Sauveur des âmes : " Si je faisais partie de cette génération de médecins qui préfèrent voir un malade mort plutôt que souffrant, je mettrais ici un point final à mon sermon. Car je sais que les paroles que je vais prononcer auront un goût amer dans la bouche de certains. Mais à qui profiterait-il de se taire ? Si je me taisais, je ne ferais que donner l’occasion au démon, au témoignage d’Eusèbe, d’insuffler une fausse sécurité qui aboutit à la perdition. Soyons donc sur nos gardes. Les saints docteurs ont été placés par Dieu dans l’Eglise pour nous frayer la voie du Paradis. Pour que les pèlerins qui circulaient de Constantinople à Jérusalem ne s’égarent pas en route, Hélène, la sainte mère de Constantin avait pris soin de dresser des tours élevées dont les phares permettaient de circuler en toute sécurité la nuit. Dieu a agi ainsi dans son église. A l’instar des tours, Il a suscité des âmes robustes qu’il a dotées d’une lumière resplendissante qui peuvent éclairer le chemin des voyageurs qui s’efforcent d’ atteindre la sainte cité du paradis. Ce que donc les saints docteurs nous enseignent d’une seule voix, nous devons l’embrasser comme la vérité, à la norme de laquelle il nous faut avancer dans cette randonnée d’un monde à l’autre. Ces saints docteurs , d’un commun conseil, estiment que les damnés sont plus nombreux que les sauvés. Si nous voulons donc progresser avec prudence sur un tel chemin sans nous égarer, il faut organiser notre vie d’après cette opinion ". = page 373 (partie) Godts.
111
Sophismes relatifs à la foi et
à l’Eglise
Pour que le lecteur ne se scandalise pas de tant et de si nombreux sophismes proférés sur ce sujet par un auteur par ailleurs docte et pieux, qu’il ait toujours présent à la pensée le but que se propose Castelein. Il n’a jamais voulu, par ses pirouettes et ses sortilèges, détourner les âmes de la pénitence, de la voie étroite, de la crainte de Dieu, de la fuite du monde et des occasions de péché, de l’oraison ou de la fréquentation des sacrements. Il n’a cherché qu’à dire : " gardez-vous des prédicateurs rigoristes, terroristes, de la race des jansénistes. "
Que le lecteur note bien ceci . Il écrit
sans passion, sans polémique, sur un sujet abstrait, en langue vernaculaire,
à des laïcs en plein laïcisme, pour qu’ils marient leur
foi avec leur raison. Il affirme que la plus grande partie des chrétiens
sont sauvés, même ceux qui ont mal vécu. En ce qui
a trait aux non catholiques, il donne une extension indue à l’âme
de l’Eglise, afin d’introduire dans le ciel par le chemin de la bonne foi,
les païens, les mahométans, et les Juifs. Il aurait été
plus sain pour lui de suivre cet avertissement de son saint Père
saint Ignace : " Il arrive assez souvent que des louanges démesurées
accordées à la foi, sans les distinctions et les explications
nécessaires, détourne le peuple de la pratique laborieuse
des bonnes œuvres, qui précèdent et suivent la foi par le
lien de la charité. "
7
Notre époque attend de nous que
nous harmonisions la foi avec les postulats de la raison naturelle et les
besoins du cœur.
" Nous nous proposons de traiter dans la revue générale certaines questions religieuses sur lesquelles les laïcs, même les plus instruits, ne possèdent généralement que des idées confuses et incomplètes, alors qu’il leur faudrait sur ce point des notions nettes, précises, et beaucoup plus complètes pour mettre en harmonie leur foi et les exigences de leur raison. Ces exigences de la raison doivent être satisfaites. Plus l’esprit est cultivé, plus la foi doit être éclairée. La foi du charbonnier n’est louable que dans le charbonnier. Elle ne doit pas être l’idéal des classes instruites ". Et pour harmoniser la foi avec la raison naturelle de ses lecteurs et avec les besoins de leurs cœurs, (p.9) il leur dévoile une doctrine singulière inconnue aux saints et aux Pères, et il met son zèle à la farcir de nombreux sophismes.
Et pourtant, le P. Castelein n’est pas un rationaliste. Il n’a pas pour but de diminuer ou d’affaiblir la foi ou de la soumettre au joug de la raison naturelle. Avec la meilleure intention du monde, pour gagner des âmes au Christ ---surtout celles qu’il appelle les classes instruites, les laïcs éclairés---il veut démontrer que le progrès des sciences ne permet plus à notre époque de soutenir la terrible doctrine du petit nombre des élus, qui se trouve en fait rejetée par les plus récents docteurs de l’Eglise et par les meilleurs exégètes modernes. Donc, même à son insu, il semble vouloir harmoniser la foi avec les options rationalistes des docteurs laïcs et avec les besoins de leur cœur.
Je ne suis pas le seul, à la vérité, qui comprenne ainsi la visée du docte Jésuite. Au mois d’avril, a écrit dans mon sens D. Emmanuel, Abbé Olivetain, du livre du P. Castelein : " Le langage du P. Castelein n’est pas sans rapport avec les expressions du Bélisaire de Marmontel : Dieu, dit le philosophe déiste du 18ième siècle, nous a donné deux guides qui doivent être d’accord ensemble : la lumière de la foi et celle du sentiment. Ce qu’un sentiment naturel et irrésistible nous assure, la foi ne peut le désavouer. ..C’est la même voix qui se fait entendre du haut du ciel et du fond de mon âme. Il n’est pas possible qu’elle se démente; et si d’un côté je l’entends me dire que l’homme juste et bienfaisant est cher à la divinité, de l’autre, elle ne me dit pas qu’il est l’objet de ses vengeances. …Est-il besoin qu’il y ait tant de réprouvés ?... "
Gardons-nous de la tendance moderniste qui cherche à harmoniser la foi avec la raison. Avec quelle maîtrise la décrit le P. Tournebize, jésuite : " C’est d’abord au nom du progrès qu’on adjure l’Eglise de modifier son enseignement sur les châtiments d’outre-tombe. On lui dit : tout évolue dans l’univers, il y a des transformations incessantes à tous les degrés de la nature. Comment le dogme religieux demeurerait-il immobile ? ---Il y a plus. La nature de Dieu comme celle de l’esprit humain exige cette évolution. Aussi, l’enseignement sur la nature des tortures de l’enfer qui était docilement accepté au Moyen-Age, ne convient plus à notre époque. Il faut chercher de nouvelles formules mieux adaptées aux mœurs actuelles ".
Plus que jamais, il faut prêcher avec saint Paul : " Détruisant toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu, et réduisant en captivité toutr intelligence en hommage au Christ ". Il faut répéter souvent aux fidèles qui s’estiment savants, ce canon du concile du Vatican : " Si quelqu’un disait qu’il peut arriver que le sens des dogmes présentés par l’Eglise soit modifié par le progrès des sciences, ou que lui soit attribué un sens différent de celui que l’Eglise lui a toujours donné et lui donnera toujours, qu’il soit anathème. "
Et que dire des besoins du cœur, surtout de ceux des femmes dévotes ? Qu’on les soumette à la vraie et antique doctrine de l’Eglise ! Voici un fait que j’ai vécu moi-même. A cause de la délicatesse de son cœur, une noble anglaise très instruite, convertie sous peu de l’hérésie anglicane, ne voulait pas admettre l’éternité des peines de l’enfer. " Comment, disait-elle, moi qui suis tenue par ordre de Dieu d’aimer mes parents, pourrais-je être heureuse au ciel, tant que je verrais mon père et ma mère torturés en enfer ? " Et moi de lui montrer les textes explicites de l’Ecritiure : " Peu importe, me répondit-elle. Il ne s’agit pas là d’un décret de Dieu ferme, irréformable, mais d’un décret conditionnel, comme fut celui de détruire Ninive. Après quelques siècles d’éternité, à la prière de la Sainte Vierge, et grâce aux demandes des saints et de tous les anges, Dieu révoquera son dessein primitif, remettra aux damnés leurs peines et les admettra dans son ciel, et c’est alors seulement qu’il y aura grande liesse , et, comme il a été écrit, un seul pasteur, un seul pasteur ". Les besoins impératifs de son cœur postulaient cela, et elle ne se rendit que devant des impératifs de foi encore plus exigeants. Cette pieuse matrone était, sans s’en douter le moins du monde, de la même race que ces miséricordieux dont parle saint Augustin dans la cité de Dieu, liv. 21, c.18 : " de ceux qui pensent qu’au jugement dernier, à cause des supplications des saints, personne ne sera damné ". Saint Augustin réfute ces miséricordieux aux pages 23,24.
" La foi du charbonnier n’est louable ou
plutôt tolérable que dans le charbonnier. Ne la vantons jamais
comme l’idéal des classes instruites. " Les laïcs les plus
instruits n’ont aucune obligation de faire leur la doctrine " rigoriste
" du petit nombre des élus. Le Père Castelein pourvoit d’une
façon louable aux nécessités sociales de notre époque,
mais, sans aucun doute, il hallucine s’il s’imagine que les laïcs
d’aujourd’hui sont angoissés par le nombre des élus. Et s’il
s’en trouve qui prennent la chose à cœur, ils n’ont rien de mieux
à faire que de suivre le conseil de Bourdaloue en professant le
petit nombre des élus d’après l’Ecriture et les Pères,
et en en découvrant les causes, pour qu’ils s’en détournent
et opèrent leur salut avec effort. Cette explication suffit même
aux plus savants des savants. Car au temps où vivait Bourdaloue,
les laïcs connaissaient la religion beaucoup mieux que ceux d’aujourd’hui,
même ceux qui étaient les plus versés dans les choses
profanes. Combien sont-ils aujourd’hui parmi les laïcs instruits à
bien connaître tous les articles de foi, et à en saisir le
sens théologique ? Il serait beaucoup plus utile de mettre fin à
leur ignorance des choses nécessaires au salut, que d’agiter devant
eux des disputes théologiques qui ne peuvent que nourrir leur vanité
et leur présomption.
8
Le peuple chrétien pris dans
son ensemble a une foi vive.
La plus grand partie du peuple chrétien doit nécessairement être sauvée, car : " La foi simple et humble est loin d’être rare. Le peuple chrétien, pris dans sa masse, croit à Jésus-Christ d’une foi simple, humble, vive. " " Quelle que soit sa faiblesse dans sa lutte contre les vices, à la vue de la croix, il sent qu’il aime son Sauveur " " Ah! que cette foi plaît à Dieu ! Et que de bonnes morts elle prépare malgré les tristes inconséquences et les déplorables défaillances de la vie! " " Quel prêtre blanchi dans le ministère des âmes n’a été des centaines, des milliers de fois l’heureux témoin de ces bonnes morts ! " (p.62)
Quelle est cette foi vive qui n’opère presque jamais par la charité ? La foi sans les œuvres n’est-elle pas morte, et pourra-t-elle jamais mériter le nom de foi vive. ? Et pourtant, n’est-il pas permis d’affirmer en gros que la plus grand partie du peuple vit habituellement en état de péché mortel ? " Quand nous arrivons en quelque lieu, écrit saint Alphonse à ses missionnaires, nous y trouvons le plus grand nombre des habitants dans la disgrâce du Seigneur où les tient enchaînés le péché. " Et ceci est dit des villages si catholiques et si pieux du royaume napolitain du dernier siècle. Que dire donc de nos modernes Sodome et Gomorrhe ? Le Père Hoppenot donne un excellent avertissement : " Les chrétiens étourdis , par une sélection criminelle, prennent de la religion ce qui leur convient, rejettent ce qui les gêne et les incommode. Ils admettent l’Evangile de la charité, non pas celui de la chasteté. Ils admettent l’Evangile qui nous dit : aimez-vous les uns les autres, mais non celui qui répète : portez votre croix, faites-vous violence, haïssez le monde. Ils se disent croyants, mais ne sont plus pratiquants ".
Dans le magnifique livre sagesse chrétienne écrit par le pieux Claudio Arvisenet, voici ce qu’objecte au Christ l’âme fidèle pour avoir enseigné le petit nombre des élus. " Seigneur, c’est vrai. C’est écrit ainsi. Mais il est écrit aussi que qui croira et sera baptisé sera sauvé. N’y en a-t-il pas beaucoup qui croient et ont été baptisés ? " Et le divin Maître de lui répondre : " Il en est ainsi, mon fils, mais cette foi dont tu parles, qui opère le salut avec le baptême n’est pas une simple connaissance des mystères, une simple adhésion à leur vérité. Cette foi-là les démons la possèdent, et leur supplice et leurs tortures continuent. La seule foi qui sauve est celle dont la ferveur nourrit les œuvres enseignées par la doctrine crue. La béatitude céleste n’a été promise qu’à ceux qui feront ce qui a été enseigné. De celui seul qui observe les commandements il est dit : tu vis. " Comme nous lisons dans le bréviaire romain : " Que personne ne se croit sûr de la vie éternelle à cause d’une foi qui est morte sans les œuvres. …La combustion sera donc éternelle comme le feu le sera. Et la Vérité a dit qu’iraient dans cette combustion ceux dont non pas la foi mais les bonnes œuvres ont fait défaut. "
Le grand thaumaturge saint Vincent Ferrier qui a ressuscité tant de morts déclarait : " que ceux qui ont mal vécu fassent une bonne mort est un miracle plus grand que de ressusciter des morts. " Et saint Alphonse dans son livre si salutaire préparation à la mort ne cesse de répéter qu’il est téméraire à un pécheur d’espérer une bonne mort après une vie peccamineuse, quelle que soit la grandeur de sa foi. Quelques pages plus loin dans le même livre, on lit une considération sur la mort du pécheur (V1) qui nous enseigne cette doctrine : " Le pécheur cherchera Dieu en mourant et ne Le trouvera pas ". Et dans le bréviaire romain, nous lisons : " La mort du Christ libère-t-elle de la mort éternelle ceux qui ont mené une mauvaise vie jusqu’à la mort ? "
Que penser de la coutume de toujours remettre à plus tard la pénitence ? Ce qu’il faut tenir de la façon fructueuse de recevoir les derniers sacrements est parfaitement bien exposé par le Père Bourdaloue, illustre orateur de la société de Jésus : " Si l’on se retranchait à dire que c’est la mort, après tout, qui décide du sort éternel des hommes, et que tout consiste à mourir dans des dispositions chrétiennes, il est vrai, répondrai-je, mais on ne peut guère espérer de mourir dans ces dispositions chrétiennes qu’après y avoir vécu. Et puisqu’il y en a très peu qui y vivent, je conclurais qu’il y en a très peu qui y meurent.
Il me serait aisé de détruire
la fausse opinion des mondains qui se persuadent que, pour bien finir,
il n’est question que de recevoir, dans l’extrémité de la
maladie, les derniers sacrements de l’Eglise, et de donner certains signes
de repentir. Ah! qu’il y a là-dessus d’illusions ! A peine oserai-je
déclarer tout ce que pense. Il ne s’agit point seulement de les
recevoir ces sacrements si saints, mais il faut les recevoir saintement,
c’est-à-dire, avec une vraie conversion du cœur, et voilà
le point de la difficulté. N’ignorant pas à quoi se réduisent
la plupart de ces conversions de la mort, de ces conversions précipitées,
de ces conversions commencées, exécutées et consommées
dans l’espace de quelques moments, où l’on ne connaît plus
guère ce que l’on fait.---de ces conversions qui seraient autant
de miracles si c’étaient de bonnes et de vraies conversions; et
sachant combien il y a souvent de politique, de sagesse mondaine, de cérémonie,
de respect humain, de complaisance pour des amis ou des parents, de crainte
servile et toute naturelle, de demi-christianisme, je m’en tiendrais au
sentiment de saint Augustin, ou plutôt à celui de tous les
Pères, et je dirais en général qu’il est bien à
craindre que la pénitence d’un mourant qui n’est pénitent
qu’à la mort, ne meure avec lui, et que ce ne soit une pénitence
réprouvée. A ce nombre presque infini de faux pénitents
à la mort, j’ajouterais le nombre très considérable
de tant d’autres que la mort surprend, qu’elle enlève tout d’un
coup, qui meurent sans sacrements, sans secours, sans connaissance, sans
aucune vue ni aucun sentiment de Dieu. Et de tout cela je viendrais sans
hésiter, après le Sauveur du monde, à cette affreuse
conséquence : beaucoup d’appelés et peu d’élus.
"
9
L’église visible n’est que le
moyen le plus efficace et le plus sûr de sauver des âmes, dont
un nombre énorme est sauvé par l’âme invisible de l’Eglise.
Il est loisible à chacun, si le cœur lui en dit, de lire toutes les tentatives faites par le P. Castelein pour exhumer la pureté de la religion de plusieurs païens ayant vécu en plein paganisme. Que le lecteur se souvienne ici comment notre auteur fonde l’utilité de la religion chrétienne pour le salut des individus et sa nécessité, pour ainsi dire, sociale en lui attribuant la mission d’amener des nations et des peuples entiers au sommet de la civilisation. " N’est-ce rien que de nous trouver dans les conditions normales de la vis spirituelle, et à la source de tous les progrès humains ? " (p.289)
Que le lecteur se rappelle de nouveau comment le P. Castelein qualifie l’Eglise visible et l’institution catholique : de plus sûre et plus facile pour le salut. " N’est-ce rien que de jouir de ces lumières, et de ces secours plus efficaces, qui rendent le salut plus sûr, et les mérites du salut plus abondants ? (p.224)---" Le salut étant bien plus facile aux membres de l’Eglise visible " (p.289) En voici d’autres dans le même style : " Pour que leur exclusion (des Juifs) de l’Eglise visible du Christ entraînât nécessairement leur exclusion de cette église invisible et leur damnation éternelle, il faudrait que ce " bandeau d’incrédulité " ne s’explique que par une mauvaise foi poussée jusqu’à la faute mortelle. …Et on aurait le droit de conclure à la mauvaise foi de ces foules ignorantes ? " (p.153) " Au reste, pour tous ceux qui ne peuvent recevoir le sacrement de pénitence, chrétiens ou non-chrétiens, le retour à Dieu est accessible à toute l’humanité par l’acte de contrition parfaite ou par le regret et par le propos qu’inspire l’amour de Dieu ". " Aimons à espérer que parmi ces vastes foules que tient éloignées de l’Eglise catholique le préjugé aveuglant des erreurs religieuses, les clartés, quoique amoindries, de la révélation, grâce à la vertu toujours active et efficace de la révélation, sauvent des multitudes d’âmes "….. " Ce que je dis des chrétiens dissidents, je le dis, bien qu’avec quelque différence, des non-chrétiens ". " Comment croire que Dieu leur fera expier ces fatales erreurs , dont ils sont inconsciemment victimes, par les supplices d’une éternelle damnation ? " " Arrière ces théories cruelles ! Elles n’ont rien de commun avec l’Evangile et la théorie catholique ! " (p.223)
Mais Castelein fait cette affirmation d’une importance capitale que je soumets au jugement de tous les théologiens : " Pour appartenir à l’âme de l’Eglise, il faut pratiquer la vérité et tendre à sa fin dernière comme elle nous est connue ". (214) Remarquez que le R. Père n’exige pas la grâce sanctifiante ni même le plus infime degré de foi surnaturelle pour que quelqu’un soit de l’âme de l’Eglise.
D. Mauran fraternise dans la même erreur : " Notre Seigneur nous enseigne que pour être sauvé, il suffit d’observer la loi naturelle, sous-entendu selon la connaissance et les moyens de chacun, personne n’étant tenu à l’impossible ". (p.114) Ensuite, il exalte ainsi l’âme de l’Eglise : " Pas une seule créature humaine ne pourra échapper à l’action de l’Eglise . Il est vrai qu’en tant que société visible et organisée, ….elle demeure enfermée en d’étroites limites. Mais son âme, impossible de la retenir captive ! L’âme de l’église ! Quelle admirable et profonde expression. Une âme, rien ne l’arrête. Il n’y a pour elle ni frontière infranchissable, ni continent inaccessible. Et pourquoi ne croirions-nous pas que les âmes conquises par la grâce en dehors de l’Eglise, sont la grande majorité de l’humanité ? Jésus-Christ est la lumière illuminant tout homme venant en ce monde. Il est vrai que les âmes sauvées en dehors du corps social de l’Eglise sont privées de grâces précieuses et éminentes. Leurs mérites et leurs vertus sont donc bien inférieurs à ceux des élus. Mais qu’importe. Il y a dans le plan divin une partie accessoire et secondaire . Le Créateur l’a établie en faveur de ces âmes inférieures dont la foule innombrable dépasse le nombre irrévocablement fixé des élus ". (pp. 207-209) Et Bougaud écrit : " On a bientôt fait de dire : hors de l’Eglise, point de salut. Et les ignorants ont encore plus tôt fait de conclure que quiconque, païen, hérétique, schismatique, qui ne fait pas partie de l’Eglise est infailliblement damné. Mais, si cela était, où serait la justice de Dieu ? " (p.366)
Une réfutation de ces sophismes des modernistes bénins nous demande de distinguer avec soin le corps et l’âme de l’Eglise. Le corps de l’Eglise est la société visible des baptisés qui professent la vraie foi et vivent dans la communion et l’obéissance au pontife romain. Le baptême est la porte d’entrée de cette société. Un délit contre la foi, ou une hérésie en sépare, ainsi qu’un délit contre l’obéissance, ou schisme, ou une excommunication. Au corps de l’Eglise n’appartiennent donc pas les infidèles, les hérétiques publics, les schismatiques et les excommuniés. Dans cette société visible, Jésus a établi des moyens ordinaires de salut. En elle, sont les voies ordinaires qui communiquent la grâce aux hommes dans l’ordre présent de la Providence, i.e., la parole de Dieu et les sacrements.
Pour se faire une juste idée de l’âme de l’Eglise, il faut absolument insister sur le fait qu’on ne peut la dissocier de la vie spirituelle, interne, surnaturelle. Cette âme de l’Eglise germe, se développe et parvient à maturité là ou germe, croît et murit la vie intérieure. Elle s’implante chez tous ceux qui se préparent et se disposent à la justification. Son essence est portée à la perfection par la justification elle-même, et elle se développe en plusieurs étapes qui aboutissent à la béatitude céleste. Il ressort de ces principes, que les justes qui vivent déjà une vie surnaturelle appartiennent immédiatement, par eux-mêmes, et formellement à l’âme de l’Eglise. En second lieu, comme par degrés et à la façon d’un fœtus, tous ceux qui jouissent d’un certain don de grâce intérieure, qui dispose à la vie habituelle de la grâce. "
L’âme de l’Eglise est donc la société invisible parfaite ou complète des justes en état de grâce, nourris des autres dons surnaturels. A ces dons, plusieurs peuvent participer sans appartenir au corps visible de l’Eglise. Néanmoins, il faut reconnaître ---ce qu’oublient les modernistes--- que dans l’ordre actuel de la Providence, ces grâces concédées en dehors de l’Eglise tendent la plupart du temps à faire entrer les infidèles dans l’Eglise catholique, et dans des cas plus rares, à communiquer la justification en dehors de l’Eglise. Ceci peut arriver, car la grâce de Dieu, bien qu’elle soit régulièrement et habituellement communiquée par le moyen de l’Eglise instituée par le Christ, peut être dispensée autrement. Mais il est absurde de rendre ce moyen extraordinaire si commun que la très grande majorité des hommes qui se sauvent le soient autrement que par les moyens publics divinement institués. Ce serait, en effet, ériger l’exception en règle générale, ce qui répugne à la sagesse et à la providence de Dieu, qui a institué l’Eglise visible. Pour que quelqu’un, donc, soit sauvé, en dehors du corps visible de l’Eglise, il doit participer à son âme, i.e., être justifié par la grâce sanctifiante. Sans la robe nuptiale, personne n’est admis au banquet.
Parlons maintenant des conditions de salut de ceux qui sont à l’extérieur du corps de l’Eglise. En premier lieu, du salut lui-même des infidèles. Les miséricordieux ou les bénignistes parlent avec admiration de ces nombreux philosophes qui, avec leur seule raison, développée par l’entraînement, sont parvenus à la connaissance de Dieu à partir des créatures, et sans foi surnaturelle ou révélée, confectionnèrent leur vie d’après un certain patron d’honnêteté. Dans cette catégorie, ils se vantent de pouvoir faire entrer Socrate, Platon, Aristote, Sénèque, Trajan, Confucius etc… Ces gens-là, disent les bénignistes, observaient la loi naturelle. Faites-nous la démonstration, ô terroristes, qu’ils ont été damnés !
A Platon ils confèrent des honneurs tout particuliers. " Le platonisme constitue une doctrine religieuse éminemment moralisatrice "….. " Sous ces vertus principales (la foi, le respect, la confiance envers les dieux inférieurs), clef de voûte de tout l’ordre religieux et moral, que Platon identifie avec la piété, se rangent les vertus à exercer envers soi et le prochain. Ces vertus sont ramenées à la justice intérieure, la sagesse, la force, la tempérance, et la justice extérieure, ou justice proprement dite, doublée de la charité ! " (p.135) On va plus loin encore : " Le culte de Jupiter avec quelques compléments et quelques correctifs que les lumières de la raison et de la grâce pouvaient suggérer aux âmes droites, a pu se transformer facilement dans le culte du vrai Dieu ". (81)----" Les païens ont pu se former une idée suffisamment pure de la divinité ". (p.83) Après plusieurs développements érudits, l’auteur conclut : " Dieu a concilié avec ce dessein de providence générale, un dessein de providence spéciale et privée pour le salut de toutes les âmes ". (p.131) Ce qu’il confirme, comme D. Mauran, par le célèbre texte de saint Jean : " Cette doctrine s’éclaire admirablement bien du texte à portée si universelle : " La vraie lumière illumine tout homme venant en ce monde. " Jamais donc les ténèbres du milieu où naît un homme ne peuvent enténébrer sa conscience au point de ne pouvoir connaître cette vraie lumière, du moins aux époques décisives de sa vie ". (p.135)
Et Bougaud : " Les païens ont peu reçu. Ils n’ont eu que la loi naturelle. Ils seront jugés sur la loi naturelle. La loi naturelle leur a appris qu’il y a un Dieu créateur, sauveur, rémunérateur de tous les hommes. Voilà qui est écrit dans leurs entrailles, et qu’ils ont dû croire. Mais quand, comment, de quelle manière ce Dieu créateur sauvera-t-Il les âmes ? On ne leur demande pas de le savoir explicitement. O toi, qui que tu sois, tu as créé les hommes, je me confie en toi. Tu les sauveras comme tu l’entendras. Je suis prêt à prendre les moyens de salut que tu m’indiqueras, ou qui me seront démontrés comme venant de toi. C’est assez. Cette foi implicite , ce baptême de désir suffit, au dire des plus graves théologiens, pour les mettre sur le chemin du Ciel ". (p.367) Mauran considère que le baptême de désir est, à toute fin pratique, un moyen aussi universel pour sauver la multitude que le sacrement de baptême lui-même : " En fait, n’y a-t-il pas une foule d’âmes –et pourquoi ne serait-ce pas la majorité (sic)---qui doivent se contenter du baptême de désir ? (p.212)—" Car il faut bien le remarquer, nous nous garderions de soutenir qu’on peut faire son salut en dehors de la religion véritable et de l’Eglise ".(p.208)
Nous dissoudrons ces aphorismes par une double considération, à savoir, la nécessité de la religion surnaturelle, et la distinction entre fidèles négatifs et fidèles positifs. La religion naturelle par elle-même ne peut sauver personne. L’honnêteté nous oblige à penser que, dans l’ordre providentiel présent, la fin de l’homme est un bien surnaturel à atteindre par des moyens surnaturels. La religion naturelle ne peut donc en aucune façon sauver. Tout ce qu’elle peut c’est de conduire sur le parvis de l’édifice surnaturel mais non d’y introduire. L’élévation de quelqu’un par la grâce et la foi à l’ordre surnaturel nécessite une intervention gratuite de Dieu. La condition absolument nécessaire au salut, d’une nécessité de moyen, c’est la grâce sanctifiante avec les vertus qui lui sont inséparables, la foi, l’espérance et la charité. Qui les possède, appartient à l’âme de l’Eglise et sera sauvé. "
De plus, les enfants des infidèles qui décèdent avant l’âge de raison --- qui forment la grande majorité des enfants,---ne peuvent pas être justifiés. Ils seraient donc exclus de la vision béatifique et ne pourraient être comptés parmi les élus. Les adultes, eux, ne parviennent à la justification que par la foi surnaturelle qui ne peut absolument pas être obtenue par les forces de la nature, comme l’enseigne leCconcile de Trente, session V1, de la justification, can.3 : " Si quelqu’un prétend, que, sans l’inspiration prévenante du Saint Esprit et son aide, l’homme peut croire, espérer, aimer et se repentir comme il le faut pour que lui soit conférée la grâce de la justification, qu’il soit anathème ". ---" Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. Celui qui recherche Dieu doit croire qu’Il existe, et qu’Il est la récompense de ceux le désirent. (Hebr. X1, 6) La foi à laquelle l’Apôtre promet le salut est surnaturelle et divine, elle est comme la substance des choses espérées, et un argument, ou une conviction ou une démonstration des choses non visibles. La raison démontre que Dieu est l’auteur de la nature. Mais elle ne démontre pas que Dieu soit le pourvoyeur de la grâce et la gloire, qui sont des choses invisibles. A bon droit, personne ne soutient que Dieu exige des païens cette grâce, encore moins du naturaliste indigne de la grâce de Dieu.
Voilà la vraie doctrine catholique qu’expose ainsi le cardinal Magella, jésuite : " La foi que l’on dit nécessaire au salut, d’une nécessité de moyen, est une foi surnaturelle fondée sur l’autorité de Dieu révélant. Elle existe en tant qu’habitus et surtout en tant qu’acte chez les adultes à être justifiés. Elle existe réellement ou en désir, mais il est toujours absolument nécessaire qu’elle existe de fait. . Le cardinal explique en quatre articles les deux premiers énoncés, à savoir que la foi est nécessaire au salut, de nécessité de moyen : " La foi explicite en l’existence de Dieu est nécessaire au salut de nécessité de moyen. Nécessaire également au salut de nécessité de moyen est la foi explicite dans le Dieu rémunérateur surnaturel. Quant aux mystères de la Trinité et de l’Incarnation qui ne vont pas l’un sans l’autre, car, comme dit saint Thomas, le mystère de l’incarnation du Christ ne peut pas être cru sans la foi dans la Trinité, tous conviennent que, après une promulgation suffisante de la loi évangélique, une foi explicite en eux est nécessaire à tous de nécessité de précepte.
Quant à la nécessité de moyen, quatre sont les opinions divergentes des théologiens, " selon Mazella. Tu devras observer avec attention que, pour être surnaturelle, la foi doit se réclamer d’un motif surnaturel, qui est la véracité surnaturelle du Dieu révélant. En conséquence, un philosophe qui admet un dogme quelconque, mettons l’existence de Dieu parce qu’il peut se la démontrer avec sa raison, n’a pas franchi le seuil du monde surnaturel, ni ne possède la foi qui justifie. Il ne l’admet pas à cause de l’autorité de Dieu révélant. Donc, si les gentils glorifient le Dieu, dont leur sagacité naturelle a puisé la connaissance dans les créatures, s’ils L’implorent assidument en observant la loi naturelle et l’œuvre de Dieu, Lui, qui est riche en tous ceux qui L’invoquent, ne déniera pas des grâces plus abondantes à ceux qui font tout leur possible, des images internes et même une prédication extérieure qui les conduisent à une fin surnaturelle. S’il en est parmi eux qui font vraiment tout ce qui est en eux, nous dit saint Thomas, Dieu pourvoira selon sa miséricorde, en leur envoyant un prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille (Actes X) et Paul aux Macédoniens (Actes, XV1). Mais le fait que quelques-uns fassent tout ce qu’ils peuvent pour se tourner vers Dieu, cela également est un don de Dieu qui meut leurs cœurs vers le bien. " " Si quelqu’un élevé dans les forêts sauvages ou parmi les animaux sans raison, suivait les directives de sa raison en aimant le bien et en fuyant le mal, il est absolument certain que par une inspiration interne ---donc par une voie extraordinaire----Dieu lui révèlerait les choses qu’il est nécessaire de croire, ou dirigerait vers lui un prédicateur de la foi---voie ordinaire---comme Il a envoyé Pierre à Corneille ".
Le Cardinal de Lugo s’exprime avec toute la correction voulue : " En outre, selon l’avertissement de notre Molina, rarement ou jamais trouve-t-on quelqu’un qui se convertit sans que la prédication ne lui parvienne par des êtres humains. Parce que, s’il en est à qui la connaissance de la foi ne soit jamais parvenue, dans la plus grande partie des cas, ils n’ont pas fait tous les efforts qu’il pouvait faire. Il est donc rarissime que Dieu ait à leur révéler par Lui-même ou par un ange ce qu’il est nécessaire de croire. " Un infidèle qui, mu par la grâce, soit par une voie ordinaire soit par une voie extraordinaire, croit ce qui est nécessaire de nécessité de moyen, et cela, à cause de l’autorité de Dieu révélant, par le fait même, croit implicitement au dépôt de la foi en son entier, voit croître en lui l’espérance de sa destinée surnaturelle, et s’enflammer le désir de l’atteindre. Car la charité expulse le péché et opère la justification. Voilà ce que c’est qu’un infidèle qui appartient à l’âme de l’Eglise.
Que signifient donc ces choses que nous objectent nos adversaires au sujet de la pureté de la religion des païens et de la bonne foi des Mahométans ? A supposé même qu’elles soient véritables, elles ne suffisent pas par elles-mêmes au salut, comme nous l’avons vu. Mais écoutons donc ce que le bénin, débonnaire et suave François de Sales pense des vertus des païens. " Digression sur l’imperfection des vertus des païens. Pour Dieu, Théotime, je vous prie, quelle vertu pouvaient avoir ces gens-là qui volontairement et comme à prix fait, renversaient toutes les lois de la religion ?...Et pour les vertus qui regardent le prochain, ils foulèrent aux pieds et fort effrontément par leurs lois mêmes la principale qui est la pitié. Car Aristote, le plus grand cerveau d’entre eux, prononce cette très horrible et impieuse sentence : " Touchant l’exposition, i.e., l’abandonnement des enfants ou leur éducation, la loi soit telle : qu’il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre . Et quant aux autres enfants, si les lois et coutumes de la cité défendent qu’on abandonne les enfants, et que le nombre des enfants se multiplie à quelqu’un en sorte qu’il en ait déjà au double de la porté de ses facultés, il faut prévenir et pratiquer l’avortement ". " Sénèque, ce sage tant loué : Nous tuons, dit-il, les monstres. Et nos enfants, s’ils sont manqués, débiles, imparfaits ou monstrueux, nous les rejetons et les abandonnons ". " De sorte que ce n’est pas sans cause que Tertullien reproche aux Romains qu’ils exposaient leurs enfants aux ondes, au froid, à la faim et aux chiens. Et cela, non par force de pauvreté, comme il dit, les présidents mêmes et les magistrats pratiquaient cette dénaturée cruauté. O vrai Dieu ! Théotime, quels vertueux que voilà ! " " Certes, si les païens ont pratiqué quelques vertus, ça a été pour la plupart en faveur de la gloire du monde, et par conséquent, ils n’ont eu de la vertu que l’action, et non pas le motif et l’intention. Or la vertu n’est pas vraie vertu si elle n’a pas la vraie intention. Les vertus des païens, dit saint Augustin, ont été non vraies, mais vraisemblables, parce qu’elles ne furent pas exercées pour la fin convenable, mais pour des fins périssables. Si bien qu’au jour du jugement les vertus des païens les défendront non afin qu’ils soient sauvés, mais afin qu’ils ne soient pas tant damnés. Ces vertus païennes ne sont vertus qu’en comparaison des vices, mais en comparaison des vertus des vrais chrétiens, ne méritent nullement le nom de vertus ".
Lorsque les modernistes exaltent indument la valeur des vertus naturelles des païens, des Juifs, des Mahométans etc…il ne sera pas inutile de leur remettre en mémoire ce que le Magistère suprême de l’Eglise a enseigné récemment au sujet de la rareté de ces vertus, et même de leur inutilité relativement au salut éternel : " Ceux qui sont friands de nouveauté ---dit Léon X111 dans sa lettre du 22 Janvier 1899 au Cardinal Gibbons traitant de l’américanisme,---valorisent les vertus naturelles beaucoup plus qu’il ne faut,….Et quoiqu’il soit permis d’admirer certains actes héroïques qui sont les rejetons légitimes des vertus naturelles, combien parmi tous ces grands hommes possédaient les vertus naturelles à l’état d’habitus ? …Les actes ponctuels, s’ils sont scrutés à la loupe, manifestent plutôt l’apparence de la vertu que la vertu elle-même. Accordons que leur vertu soit réelle. Qui ne sait qu’il court en vain et qu’il oublie la béatitude éternelle celui qui n’y a pas été destiné débonnairement par Dieu ? Quelle utilité peuvent avoir les vertus naturelles si la grâce divine ne les fortifie et ne les redimensionne ? Saint Augustin remarque pertinemment : " De grandes vertus, et une course extrêmement rapide, mais en dehors de la route. "
Au sujet du platonisme, en particulier, ---quelle que soit sa valeur--- nous avons un témoin particulièrement qualifié en la personne du P. Castelein , qui s’est laissé aller à déclarer en un autre endroit : " Les meilleurs systèmes de philosophie pure, élaborés par les plus beaux génies hors des lumières de la révélation chrétienne, renferment sur les vérités les plus importantes de l’ordre religieux et moral les plus regrettables aberrations. Donnons seulement quelques exemples significatifs : " Platon l’un des génies les plus puissants, les plus complets et les plus équilibrés qui furent jamais, lui qui s’est aidé de tant de secours étrangers pour ne pas s’égarer, se révèle comme le père du communisme, l’apologiste de la promiscuité des sexes, le patron de l’esclavage, et le proscripteur étroit et systématique des arts comme des libertés civiles et politiques. Il admet la préexistence des âmes avec l’hypothèse de fautes commises par chacun de nous dans une vie antérieure, d’où il conclut que nous sommes tous dans un état contre nature et qu’il y a en nous un désordre et des vices positifs sur lesquels notre liberté n’a pas prise. Enfin, il énerve la sanction d’une vie immortelle par l’utopie de la métempsychose, et il même à sa théodicée une théorie panthéistique qui ne peut tenir devant un regard ferme et pénétrant ".
C’est ta propre bouche qui te condamne.
Au sujet de la bonne foi des Mahométans, Castelein écrit : " Ce que je dis des chrétiens dissidents, je le dis, bien qu’avec quelque différence, des non-chrétiens. Parcourez, par exemple, les pays mahométans, et voyez avec quel respect et quelle foi ces pauvres égarés invoquent le vrai Dieu : Allah. Voyez avec quel courage ils subissent les épreuves du Ramadan. Comment croire que Dieu leur fera expier leurs fatales erreurs, dont ils sont inconsciemment victimes, par les supplices d’une éternelle damnation ? Arrière ces théories cruelles ! Elles n’ont rien de commun avec l’évangile et la théorie catholique !| " (p.223) " Je crois que les populations mahométanes respectent de bonne foi et en conscience la loi morale du Coran ". (p.253)
Les saints et les théologiens donnent un autre enseignement . Selon saint Alphonse, le Coran accorde toute licence à la chair. " " Il approuve tout culte dans lequel un seul Dieu est adoré ". " Il admet des dogmes ridicules, frivoles et contradictoires ". " Il promet un ciel qui conviendrait à peine à des animaux ". " Admet la peur comme excuse des transgressions de la loi naturelle " etc…
De plus, comme il a été observé fréquemment par les explorateurs, la polygamie est rendue chez les Mahométans licite et habituelle, ainsi que des crimes atroces comme l’onanisme, l’avortement, l’infanticide, et le renvoi par la force des concubines qui ne plaisent plus à leur héro. Leur jeûne du Ramadan, les pérégrinations religieuses, leur audace et leur vertu militaire contre les chrétiens relèvent plus du fanatisme que de la foi. Comme le dit avec raison le P. Ottiger, jésuite : " Mahomet a transmis une doctrine contraire à la saine raison, selon laquelle tout arrive par un décret absolu de Dieu, absolument et irrévocablement. La liberté humaine ayant été déposée, il lui substitue une nécessité inéluctable ou un destin. Il va même jusqu’à affirmer que Dieu a créé les autres hommes pour les peines de l’enfer. Il autorise le concubinage, et la peine du talion, du moins pour l’homicide. Au sujet de la répudiation, il a établi des lois qui répugnent à toute équité naturelle. Il permet la luxure avec les vaincus et les servantes. Il ordonne de décapiter par l’épée les infidèles. "
Elle est extraordinaire cette bonne foi mahométane, si contraire aux principes de la loi naturelle. Elle ne les introduit qu’avec difficulté dans le ciel, et ne laisse pas présager être en état d’augmenter de beaucoup le nombre des élus.
B. Tout ce que nous avons dit jusqu’ici des païens peut s’appliquer de tous les non-catholiques qui se situent en dehors de l’Eglise. Ils peuvent d’autant plus facilement obtenir le salut qu’ils admettent un plus grand nombre de dogmes fondamentaux de notre religion et lorsqu’ils conservent le baptême et les autres sacrements et moyens de salut, etc… Mais ici il y a une distinction capitale à faire entre tous ces infidèles et qui concerne surtout les hérétiques, les schismatiques, et les infidèles de nos régions, les rationalistes, les athées et les agnostiques. Il faut distinguer les infidèles ----par ce mot j’entends tous ceux à qui font défaut la foi et l’appartenance à l’Eglise catholique--- en deux catégories : les négatifs et les positifs. Les infidèles négatifs sont tous ceux qui n’admettent pas la foi dans son ensemble ou un dogme en particulier, ou qui rejettent l’autorité du Pape, ou bien parce qu’ils ne sont pas assez familiarisés avec la doctrine catholique, ou bien parce que, de bonne foi, ils ne perçoivent pas la vérité ou la nécessité de ces points. Les infidèles positifs sont ceux que la mauvaise foi entraîne en dehors de la foi et de l’appartenance à l’Eglise. Je ne parle pas de ceux qui connaissent très bien la vérité catholique, mais de ceux qui la repoussent ou la combattent par malice ou contumace. De ceux surtout qui végètent dans une ignorance crasse, et dont l’ignorance confine au vice, du fait qu’ils ont négligé les moyens établis par Dieu pour parvenir à la foi, ou qu’ils en ont fait un mauvais usage.
Il ne suffit donc pas de se demander si les infidèles et les hétérodoxes pratiquent dévotement leur religion, et ne font rien qui répugne aux lois de la nature suprême. Il faut pousser plus loin l’enquête. Il faut se demander si leur erreur ou ignorance ne leur est pas imputable. S’ils sont eux-mêmes la cause de leur erreur en ce qui a trait à la vraie religion, toutes les offenses contre le culte de Dieu, qui procèdent d’une erreur coupable, doivent leur être imputées en tant que péchés indirectement volontaires. Or, le péché exclut l’état de grâce. Celui qui n’est pas en état de grâce n’appartient pas à l’âme de l’Eglise. A l’extérieur de l’âme de l’Eglise, il n’existe aucune sorte de salut.
Tous les hommes , infidèles, non-catholiques ou autres du même acabit, sont obligés directement par Dieu d’entrer dans l’Eglise catholique : " Aucun homme sensé ne peut admettre…qu’on est libre de penser de Dieu ce qu’on veut, et de l’honorer à sa guise… Aucun homme sensé ne peut nier que Dieu ait le droit et le pouvoir de se faire connaître aux hommes mieux qu’Il n’ait connu par les seules lumières de la raison, et de demander, en échange de ces révélations, des actes qui L’honorent. Aucun homme sensé ne peut professer, de parti prix, l’indifférence quant à la connaissance du fait historique de l’intervention positive de Dieu dans la vie religieuse de l’humanité. Car cette indifférence l’expose à négliger des devoirs dont dépendent l’honneur de la vie présente et le bonheur de la future. En fait, aucun homme sensé, s’il a reconnu le fait de l’intervention positive de Dieu dans la vie religieuse de l’humanité, ne peut croire que l’humanité soit libre d’en tenir ou de n’en pas tenir compte publiquement. Ces principes posés, je vous rappelle, Messieurs, que Dieu est intervenu par son Fils Jésus-Christ. Il est intervenu non seulement comme révélateur mais comme Rédempteur. A ce double titre, Il a acquis des droits authentiques, auxquels correspondent de notre côté, des devoirs incontestables : le devoir de croire les vérités qu’Il a révélées, le devoir de nous appliquer les vertus de son Sacrifice. Le salut n’existe pas en un autre que Lui.
Mais comment Jésus-Christ a-t-il pourvu à la communication singulière de sa vérité et de la vérité de son sacrifice ? En créant une société spirituelle, religieuse, surnaturelle…Il a donné à son Eglise les deux forces qui éclairent et qui purifient : la parole et les sacrements. C’est donc que dans son église on doit recevoir la vérité qu’il faut croire, et la vertu divine qui délivre du péché…Hors de l’Eglise, point de salut. …Le salut dans l’Eglise et rien que dans l’Eglise, voilà la loi. Ce ne sont point les hommes qui l’ont faite, sous l’inspiration d’un rigorisme outré; elle émane de Celui qui avait le droit de nous dicter les conditions auxquelles nous devions jouir du bénéfice de la Rédemption.. " (Monsabré)
Pour remplir cette obligation, Dieu établit des moyens multiples et variés, qui démontrent à l’évidence la vérité de la religion catholique à ceux qui enquêtent de bonne foi, sans passion et sans préjugé. Car, comme le dit Vatican 1 : " Pour que nous puissions satisfaire au devoir d’embrasser la vraie foi, et d’y persévérer constamment, Dieu, par son Fils unique, a institué l’Eglise et l’a marquée de notes visibles de son institution, pour qu’elle puisse être reconnue par tous comme gardienne et maîtresse de la parole révélée. " Le schéma ajoute que " l’Eglise du Christ, sur la terre, n’est ni invisible ni cachée, mais qu’elle est placée bien en vue, comme une ville construite sur une haute montagne, qui ne peut pas se cacher, ou comme la flamme sur un candélabre, qui, illuminée du Soleil de Justice, éclaire l’univers de la lumière de sa vérité ".
Quels sont donc les gens qui n’ont jamais entendu parler du catholicisme ? Quels sont ceux qui n’ont jamais senti l’aiguillon d’un doute cuisant ? Quels sont ceux qui n’ont jamais perçu aucune lueur des signes de crédibilité de la vérité catholique qui sont l’évidence même ? Que dire de ceux qui se sont précipités hors du catholicisme ? Qu’est-ce qui fut l’origine de leur hérésie ou de leur apostasie ? Quelle en fut la cause ? Il est absolument évident que quiconque est responsable, dans cette affaire, d’une grave négligence, ou d’une démarche passionnelle, est sorti du champ de la bonne foi, et doit assumer la responsabilité des erreurs qui en découlent. . Des peines lui seront dues pour chacune de ces erreurs. Tant qu’il n’aura pas secoué le joug de cette négligence, il est maintenu dans un état de péché mortel, et n’appartient donc en aucune façon à l’âme de l’Eglise, et ne peut donc pas bénéficier du salut.
Castelein est allé dénicher un texte de saint Thomas qui enseigne qu’il n’est pas possible de trouver chez quelqu’un un péché véniel accompagné du seul péché originel, i.e., sans aucun péché mortel. Notre contradicteur en tire la conclusion suivante : " La docteur angélique enseigne donc clairement que la grâce du salut est donnée de fait à tout homme qui n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle ". Et il ajoute : " Nous dirons même que c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre si énergiquement le rigorisme ". Mais saint Thomas, en tant que chef de cordée, n’enseigne rien d’autre que ce que nous avons enseigné nous-mêmes, à savoir que celui qui tâtonne dans les ténèbres de l’erreur, sans faute de sa part, et observe de bonne foi les préceptes de la loi naturelle et de sa religion putative, et n’est coupable d’aucune faute grave, parviendra à la justification, non par les propres forces de sa nature, ---ça, c’est l’hérésie condamnée par le concile de Trente à la 6ième session, de la justification, canon 3----- mais par une grâce surnaturelle à lui communiquée même par le miracle, s’il le faut. Qui a jamais nié cela ? Mais, de fait, qui demeure avec le seul péché originel sans péché mortel ? Voilà quelle est la question que nous débattons présentement. Dans le passage cité, saint Thomas ne parle pas du tout de ce qui nous intéresse, et Castelein s’égare en se réclamant de son sentiment pour rabrouer les " rigoristes ".
Ecoutons la solution qu’apporte à cette question le P. Monsabré, l’illustre disciple de saint Thomas dont les modernistes ont l’audace de revendiquer le patronage. " Cette maxime ---hors de l’Eglise, point de salut---ne condamne que ceux qui, par négligence coupable, mauvaise volonté notoire, entêtement criminel, n’entreront ni dans le corps ni dans l’âme de l’Eglise. S’indigner à propos de pareils gens et s’attendrir sur leur sort jusqu’à nous le reprocher, c’est indignation et attendrissement parfaitement injustes et parfaitement ridicules. Croyez-le bien, la plupart du temps, on ne s’abandonne à ces sentiments que pour masquer ses torts envers l’Eglise, dont on s’est séparé par une sorte d’apostasie. L’incrédulité contemporaine est généralement représentée par des infidèles qui ne peuvent reprocher à Dieu de ne pas avoir connu ou de n’avoir pas pu connaître la vérité. Le temps efface en leur âme le souvenir des fautes d’où procède leur aveuglement, et ils finissent par se croire loyaux et sincères dans leurs préjugés et dans leur haine contre l’Eglise, qu’ils accusent de rigueur outrée. C’est pour eux qu’un sceptique, peu soucieux de condamner les méprisables fluctuations de son esprit, écrivait ses graves paroles : " On rendra compte un jour à Dieu de tout ce qu’on aura fait en conséquence des erreurs qu’on aura prises pour des dogmes véritables. Et malheur, dans cette terrible journée, à ceux qui se sont aveuglés volontairement. A ceux qui, plongés dans une lâche oisiveté, n’auront pas voulu prendre la peine d’examiner leur créance. A ceux qui auront favorisé l’introduction des erreurs dans leur esprit parce qu’elles s’accordent avec leurs passions déréglées.
Qu’il y ait parmi les incrédules des hommes honnêtes dont on ne peut suspecter ni les mœurs ni la bonne foi, victimes d’une mauvaise éducation et des milieux pervers qu’ils ont traversés, retenus dans l’erreur par des obscurités involontaires, tourmentés du désir de connaître la vérité, la cherchent avec droiture sans pouvoir la trouver, se plaignant sincèrement de l’inutilité de leurs efforts et de l’incertitude ou ils vivent, allant ainsi jusqu’aux portes du tombeau, recevant dans un suprême instant la lumière qu’ils ont demandée, mourant convertis et sanctifiés par la grâce, entrant mystérieusement dans l’Eglise lorsqu’on les en croit encore séparés, c’est possible. Je n’ai jamais encore rencontré ces perles cachées, et j’estime qu’elles sont rares. Mais des hommes graves affirment qu’ils ont mis la main dessus. Je respecte leur témoignage. Toutefois, j’invite ceux qui rôdent autour de l’Eglise et se plaignent de ne pas trouver des portes pour entrer, à méditer ces humbles aveux d’un converti (Pellissson) : " Si vous voulez entrer en compte avec Dieu, Il vous confondra, et de mille articles de votre compte bien débattu, vous n’en gagnerez pas un seul. Vous avez fait ce que vous pouviez, dites-vous, Il vous montrera que vous n’en avez pas fait la centième partie. N’avez-vous rien préféré au plaisir de Lui plaire ? N’avez-vous pas eu plus d’ardeur pour quelque autre chose que pour Lui, et quelque autre affaire plus importante pour vous que celle de connaître la vérité ? L’impénitence, la vanité, la dureté de votre cœur n’ont-elles mis aucun obstacle aux lumières qu’Il voulait répandre dans votre esprit ? Vous en direz ce qu’il vous plaira. Pour moi, à qui Il a fait cette grâce de me ramener à son Eglise, je sais que je n’ai pas fait la millième partie de ce que je pouvais pour obtenir cette grande et infinie miséricorde ".
Encore un petit mot du fameux texte dont
abusent Castelein et les autres modernistes : Il était la vraie
lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Il suffit
de dire avec Liagre : " Elle illumine, c’est-à-dire qu’elle a tout
ce qu’il faut pour illuminer, à elle seule, et qu’elle est prête
à le faire pour tous. Les verbes du temps présent sont souvent
usités de cette manière, signifiant non pas tant une action
présentement effectuée, que la capacité d’agir d’une
nature toujours prête à passer à l’acte. Comme lorsqu’on
dit que le soleil éclaire toute chose, ou que le feu consume tout.
10
L’église primitive était moins fervente que l’église contemporaine.
Pour promettre le ciel à ses contemporains mondains, en dépit de l’affaiblissement de leur foi et du refroidissement de leur charité, le Père Castelein place leur sainteté au-dessus de la sainte vie de l’Eglise primitive. " Ecartons ici cette grosse question de fait, savoir la comparaison entre l’état passé et l’état présent de l’Eglise. Je la traiterai plus tard dans un écrit que je pense devoir être très instructif et très intéressant. Je dirai alors , ce qu’était alors l’Eglise des premiers siècles, et pourquoi je préfère l’état présent de l’Eglise à son état passé ". (p.17) Et comme preuve, l’érudit professeur apporte les épitres aux Corinthiens, et deux versets, l’un tiré de l’épitre aux Philippiens, et l’autre de la seconde à Timothée. Je m’étonne qu’il n’ait pas ajouté à ce groupe, l’épitre aux Galates insensés. Les endroits cités lui donnent le droit de conclure : " Quelles plaies ces quelques mots ne découvrent-ils pas ?...Ce qui met sous sou vrai et triste jour l’état de l’Eglise primitive….Si tel était généralement le clergé du temps de saint Paul, que devait être le peuple fidèle ? …Tous ces fidèles l’avaient donc renié ? …C’est donc en de tels temps et à des pareils chrétiens que saint Paul adresse ses exhortations toutes pleines de douceur, de consolation et d’espérance ? Assurément, je puis me réclamer de ce grand exemple contre nos rigoristes passés, présents et futurs ".(pp.311,312,note). En avant ! Réfutons dans l’ordre ces sophismes. 1- Selon le P. Castelein, " nous voyons par tant de passages de ses épitres, que les chrétiens auxquels saint Paul écrit ou dont il parle étaient loin de valoir les chrétiens pratiquants de notre époque ". (p.311) Par chrétiens pratiquants, le P. Castelein entend aussi les catholiques qui s’avancent une fois par an à la sainte table, comme noue le verrons. Parmi les premiers fidèles auxquels s’adressait saint Paul, tiennent une place de choix les baptisés de Jérusalem, car " les premiers interprètes catholiques tiennent que l’Epitre aux Hébreux était destinée aux fidèles de Jérusalem. " Présidait alors à cette église en tant qu’Evêque saint Jacques dit le Mineur, apôtre, auteur d’une épitre catholique qui porte son nom. Selon le témoignage des saints Pères, il avait été désigné par Jésus Lui-même. Dans l’église primitive, il jouissait d’une telle autorité, que saint Paul lui donne le nom de colonne de l’Eglise. Il jouissait d’une autorité à peine moins grande sur les Juifs non convertis, et, d’après le bréviaire romain, " à lui seul, il était permis d’entrer dans le Saint des Saints. " Il fut à la tête de l’Eglise de Jérusalem pendant trente ans, qui, sous une telle direction, atteint un sommet de sainteté que le Saint- Esprit lui-même décrit dans les mots suivants : " Ils persévéraient dans la doctrine des apôtres et dans la communion de la fraction du pain, et dans les prières…Tous les croyants étaient égaux et mettaient tout en commun, Ils vendaient leurs biens et leurs possessions et les répartissaient entre eux, selon les besoins de chacun. Chaque jour, s’attardant en grand nombre dans le temple, et fractionnant le pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité du cœur, louant Dieu et rendant grâce pour tout le peuple. Le seigneur augmentait à chaque jour le nombre de ceux qui seraient sauvés ". (Actes 11, 42-47) " La multitude des chrétiens n’avait qu’un cœur et qu’une âme, et personne ne disait siennes les choses qui lui appartenaient, mais tout était mis en commun. …Il n’y avait pas de pauvres parmi eux. Tous les possesseurs de champs ou de maisons les vendaient, en retiraient les prix des vendeurs, et les déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait à chacun selon ses besoins ". (Ibid, 1V,32-35).
Puisque de tels chrétiens, au dire de Castelein, " étaient loin de valoir les chrétiens pratiquants de notre époque ", je lui demande de me montrer dans toute l’église d’aujourd’hui un seul diocèse où fleurit une telle sainteté parmi les laïcs. Qu’il ne nous raconte pas que l’Epitre aux Hébreux a été écrite après la mort de saint Jacques, car nous savons que le martyre de ce dernier eut lieu en l’an 62, ou à l’année suivante.
Parlons maintenant des autres fidèles " auxquels saint Paul écrit ou dont il parle ". L’Apôtre loue les Romains pour leur foi, qu’il dit être célèbre dans tout l’univers, et pour leur science chrétienne. (Rom.1,8; XV1,9; XV,14) Aux Ephésiens, dont il avait lui-même fondé l’église, mais qu’il avait été trois ou quatre ans sans revoir, il écrit pour leur dire qu’il avait entendu parler de leur foi dans le Christ et de leur amour mutuel. (1,15) Il appelle ses très chers et très aimés Philippins " sa joie et sa couronne ". (1V,1) Il déclare les tenir constamment dans son cœur et nourrir pout eux un amour très tendre. Il fait leur éloge non seulement parce qu’ils croient dans le Christ, mais parce qu’ils souffrent pour Lui, livrant le même combat qu’ils avaient vu l’Apôtre livrer. Il ne leur rend pas seulement le témoignage de leur foi et des souffrances supportées pour la foi, mais il loue leur reconnaissance plusieurs fois exprimée envers lui. Ecrivant aux Colossiens, il rend grâce à Dieu pour leur vertu de foi, d’espérance et de charité dans lesquelles ils excellent depuis le moment où ils ont accueilli l’Evangile de la bouche d’Ephrata qui lui rend témoignage de tout le bien qui se fait dans l’Eglise de Colosse. Il lui a parlé d’une façon toute particulière de l’amour spirituel qui fleurissait entre eux tous. (1.8) Aux Thessaloniciens, il dit : " Nous nous souvenons des preuves que vous avez données de votre foi, de votre endurance, de votre charité et du maintien de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ. Nous connaissons, frères, aimés de Dieu, votre appel…et vous êtes devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur…de sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de la Grèce…de telle sorte qu’il n’est pas besoin de vous dire quoi que ce soit... " (Thes. 1.3-8) " La croissance de votre foi a dépassé toutes les espérances, et l’abondance de votre charité les uns envers les autres…de sorte que même nous, nous nous glorifions dans les églises de Dieu pour votre patience, votre foi, et pour toutes les persécutions et tribulations que vous supportez ". (11,Thes. 1,3,4)
De tels fidèles, sans compter Tite, Thimotée, et Philémon à qui écrit saint Paul ne peuvent pas supporter la comparaison avec les chrétiens de notre temps ? Les chrétiens dont parle l’Apôtre, Pheben, sa sœur, Prisca et Aquila, ses collaborateurs Luc et tant d’autres, n’étaient-ils pas des saints à canoniser ?
" Il est difficile de croire que les fidèles de cette Eglise née d’hier, que l’Apôtre dans son épitre (1,4 et suivants), avait comblée de tant d’éloges, ait dégénéré à un point tel qu’un grand nombre d’entre eux n’auraient pas hésité à se présenter à la sainte Eucharistie en état de péché mortel. Il est plus simple et plus juste d’admettre, si je ne me trompe, que la façon dont se comportaient les Corinthiens avant la réception de l’Eucharistie, faisait en sorte que plusieurs manquaient à la révérence nécessaire dans la célébration elle-même des mystères, et se révélaient des témoins bien peu crédibles de la passion du Sauveur. La description elle-même nous persuade de ne pas comprendre cette sentence de la seule communion indigne, vu que les peines imposées, qui ne sont que temporelles, n’appellent pas une interprétation plus stricte et plus sévère. Bien que ces peines temporelles n’excluent pas la peine éternelle, je suis d’opinion que l’Apôtre l’aurait fulminée s’il avait pensé que cette grande quantité de croyants s’aprochaient de la table du Seigneur en état de péché mortel.
Dormir, que l’on traduit mourir, ne s’emploie dans le Nouveau Testament que pour ceux qui sont morts de telle façon qu’ils reposent jusqu’au second avènement du Christ dans l’attente de la glorieuse résurrection. Ce vocabulaire peut correspondre à la peine d’une mort prématurée, peut-être, mais certainement pas malheureuse. " Il appert donc que l’interprétation docte, sage et raisonnable de Cornely des soi disant scandales des Corinthiens est plus bénigne que celle du Père Castelein .
B- --Ce bénin transformé tout à coup en rigoriste poursuit : " Plus loin, (XV,12-34) il reproche à plusieurs de nier le dogme capital de la résurrection des morts, et il sent le besoin d’en fournir une longue démonstration " (p.311, note). L’interprétation de Cornely est encore plus bénigne et plus vraie : " Le dogme de la résurrection, jadis répudié par les Sadducéens, posait un problème quasi insurmontable aux philosophes païens, qui étaient unanimes à repousser la résurrection de la chair. Témoins les Athéniens qui se sont moqué de Paul et l’ont traité de logomache, de mythomane quand il la leur a annoncée. Il ne faut donc pas s’étonner s’il n’a pas manqué de chrétiens à qui la résurrection des corps semblait si difficile à croire que, la convertissant en une allégorie, ils aient pu s’imaginer qu’elle s’était déjà produite. Il n’est pas non plus étonnant-- (que le P. Castelein écoute de ses deux oreilles!)—que certains néophytes corinthiens, imbus de fausses doctrines philosophiques, aient été jusqu’à déclarer qu’il n’y aura pas de résurrection des morts. "
C—" Au chapitre V, il se plaint qu’ils acceptent dans leurs assemblées avec qui ils communient un chrétien vivant dans l’inceste. Saint Paul excommunie ce pécheur public. " (p.311, note) Quatre réflexions s’imposent là-dessus : l- Parmi les 12 apôtres figura un Judas, et un Ananie et une Saphire dans la fervente église de Jérusalem. Il ne faut jamais dire : à partir de un, connaissons-les tous. 2- Saint Paul a grossi le nombre des préposés à l’Eglise qui ne veillaient pas suffisamment aux mœurs des gens à eux confiés. 3- On peut à bon droit conclure que la femme était une non-juive ou à tout le moins une non-chrétienne, parce que l’Apôtre ne la fustige même pas d’une parole. Ce qu’il n’aurait certainement pas omis si elle avait été chrétienne. 4- L’Apôtre ne connaissait l’état des églises que par les rapports de légats, qui pouvaient accuser certaines divergences.
D—" Plus loin (11, chap. X11, 21), il exprime son opinion sur l’état mauvais d’un grand nombre : " A mon retour, que Dieu ne m’humilie pas de nouveau à votre sujet et que je ne pleure pas sur beaucoup de ceux qui avaient péché et n’ont pas fait pénitence pour leur immondices, leurs fornications et leurs impudicités. " Ici, nous déposons les armes, et nous reconnaissons que le P. Castelein a raison de blâmer l’iniquité des néophytes Corinthiens. Ils ne produisirent pas le fruit que Paul était en droit d’attendre de sa prédication. L’Apôtre se dit humilié par Dieu, car dans cette humiliation permise par Dieu, il voit l’insigne bénéfice de la divine bonté. ----Mais, avant de jeter la pierre, il faut noter avec soin que dans cette cité, dédiée au culte d’Aphrodite, les chrétiens eux-mêmes étaient entraînés à la luxure. Et un grand nombre de Corinthiens, avant leur vocation à la foi, étaient adonnés aux débauches sexuelles. Au sommet de la ville, était érigé le très célèbre temple d’Aphrodite, où servaient la déesse des milliers d’escortes qui se prostituaient au désir de jouissance du peuple. Le R. P. n’a pas le droit de tirer un exemple ou un modèle pour les autres églises de ce terrain si peu fertile, comme il ne nous est pas permis à nous de comparer les mœurs des cités balnéaires avec la vie des agriculteurs croyants.
E—" Mais ce qui met sous vrai et triste jour l’état de l’Eglise primitive, après sont premier temps de ferveur, c’est ce que saint Paul atteste dans son épitre aux Philippiens, (11,21) en faisant l’éloge de Timothée, que généralement les autres ministres de l’Evangile cherchent leur propre intérêt plutôt que ceux de Jésus-Christ; " Tous, en effet, recherchent leurs propres intérêts non ceux de Jésus-Christ. " Si tel était généralement le clergé du temps de Paul, que devait être le peuple fidèle ? " (p.312, note)
Ces accusations portées par le Père Castelein sont de nature à scandaliser grandement ses lecteurs et ses pieuses lectrices. Il y a trois choses à relever : l- Le professeur affirme ici sans preuve que l’Apôtre ne se plaint que des ministres de l’Evangile. Comme le note Estius, h.1, les paroles de l’Apôtre désignent des chrétiens laïcs. 2- Est-ce que l’amour propre ou la recherche de soi se rend jusqu’au péché mortel ? Cajetan et plusieurs autres estiment que ce que l’Apôtre déplore ici, ne constitue pas un péché mortel en soi, mais représente plutôt le zèle de ceux qui sont encore imparfaits, c’est-à-dire de ceux qui ne mettent pas leurs efforts à l’augmentation des mérites d’autrui, ayant suffisamment à faire à conserver les leurs propres. 3- Le sens de la phrase ne peut pas être que tous, absolument tous, fidèles ou ministres de l’Evangile, Timothée excepté, étaient tels. Car Epaphrodite n’était pas ainsi, qu’il loue dans les versets suivants, ni les autres de qui il dit aux chapitres 15,16 : " Quelques-uns prêchent le Christ de par leur propre bonne volonté, d’autres mus par la charité, sachant que j’ai été placé à la défense de l’Evangile " Ceux-là, de toute évidence, ne faisaient pas partie de ceux qui ne recherchent que leurs intérêts, non ceux de Jésus-Christ. Tous, en grec, se dit pour la plupart en latin. Saint Jérome montre que le mot tout a été employé dans ce sens par l’Ecriture, dans l’épitre aux Ephésiens, c.1, à la fin, et saint Augustin au livre de l’unité de l’Eglise, ch. X11. Castelein ne mérite donc aucune créance quand il déclare présenter l’état de l’Eglise primitive " sous son vrai et triste jour ". Il affirme faussement que l’ensemble du clergé était corrompu : " si tel était généralement le clergé au temps de saint Paul ".
F---Il ne s’éloigne pas moins de la vérité l’érudit professeur quand il dit : " Mais un témoignage encore plus attristant nous vient de la 2ième épitre à Timothée (1,15). Saint Paul y dit que les chrétiens d’Asie mineure ont tous fait scission avec lui…Tous ces fidèles l’avaient donc renié ! " (p.312,note) Ce que l’Apôtre enchaîné écrivait de Rome à son disciple préféré, qui était alors en Asie :-- Sache que tous ceux qui sont en Asie se sont détournés de moi,-- rappelle la défection d’un grand nombre, pour fortifier et consoler Timothée qui pouvait, en l’apprenant, se troubler ou se décourager. Mais ici encore, il y a trois observations à faire : 1- L’Apôtre ne parlait que des Juifs convertis, non des Gentils. 2- Il ne parle pas de toute l’Asie Mineure dans son entier, mais seulement de ceux qui ont commencé à croire en Asie Mineure et qui, à leur arrivée à Rome, à la vue de la déchéance physique du prisonnier, l’ont méprisé comme inconnu. Car en Grec, le verbe être n’est pas au présent, d’où la traduction de plusieurs : ceux qui étaient en Asie.. 3- Il ne dit pas qu’ils ont abandonné la foi, mais qu’ils se sont détournés de sa personne . " Il est vraisemblable, dit Estius, qu’ils n’aient voulu que dire qu’ils se sont détournés de lui par la crainte de partager son supplice, ou qu’ils reprochaient à Paul d’être tombé dans cette disgrâce par sa faute ou sa témérité. C’est comme si l’on disait que toutes les nations chrétiennes se désolidarisent de la captivité de Pie 1X et de Léon X111. Il est certain qu’ils ont mal agi ces Asiatiques présents à Rome, mais comment qualifier l’interprétation terroriste de Castelein ? : " Les chrétiens d’Asie mineure ont tous fait scission …Tous ces fidèles l’avaient donc renié ? "
G—" C’est donc en de tels temps et à de pareils chrétiens que saint Paul adresse ses exhortations toutes pleines de douceur … " L’Apôtre n’est pas toujours si doux et si suave quand, par exemple, il écrit aux Corinthiens : " Que voulez-vous ? Que je vienne à vous avec la verge ou dans la charité ? " (1. Cor.1V, 21) " Ses lettres sont graves et fortes " (11,Cor. X,10), et aux Galates : " O Galates insensés, qui vous a entraînés à désobéir à la vérité ? " (111,1) et à Tite : " Crétois toujours menteurs, méchantes bêtes, ventres de paresseux…Reprends-les durement ". (1,12,13)
Quant à la conclusion finale du Révérend Père : " Ces citations suffisent pour mettre à néant le panégyrique sur l’Eglise primitive… " (p.312, note) Je préfère l’état présent de l’Eglise à son état passé ". Ecoutons le jugement d’autorités plus qualifiées . Sa Sainteté le Pape Léon X111 a écrit : " Qui donc, après avoir déroulé l’histoire des Apôtres, la foi de l’Eglise naissante, les tourments et les supplices des très courageux martyrs, les nombreux siècles fécondés par des hommes hors du commun, osera comparer les temps passés aux nôtres, et les déclarer gratifiés d’une moindre effusion de l’Esprit Saint ? "
Le cardinal Hergenroether écrit de l’Eglise primitive : " En face de la corruption morale et des vices de ses contemporains, elle conserve sa sainteté…Elle contient les fidèles dans le devoir par la sainteté de sa discipline. Dans cet âge florissant des premiers chrétiens, où les dons supérieurs de la grâce sont encore si fréquents, les chefs apparaissent rarement avec la plénitude de leur autorité. …Cette période de l’Eglise naissante, cet âge des martyrs, offre donc, malgré la rareté des documents, une image sublime et consolante. " De même, Fouard : " L’Apôtre s’éloignant de ses églises d’Orient, avait donc l’assurance de leur laisser la pleine foi au Christ, affranchie et dégagée de toute compromission. Il avait de plus, la grande joie de la voir triomphante et féconde dans la moitié du monde qu’il venait d’évangéliser ".
Le Père Castelein nous promet sur
le sujet " un écrit que je pense devoir être très instructif
et très intéressant. " pour prouver la supériorité
de l’Eglise actuelle sur celle des premiers temps. L’amour de la vérité
et du salut des âmes nous pousse à souhaiter qu’il ne puisse
pas remplir cette promesse. Mais si, par malheur, il l’achevait, nous attendrons,
impavides, ses élucubrations, et, s’il le faut, en fils dévots
de l’Eglise apostolique, nous louerons, dans leurs générations,
les glorieux hommes qui sont aussi nos parents.
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II
Dans l’église primitive, il n’y avait ni éducation ni formation cléricale.
" Au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile. Cet argument acquiert une grande force pour celui …au manque de formation régulière pour le clergé. (de l’église primitive) " (p.278)
Nous donnerons une brève réponse à une si grande calomnie. Jésus-Christ Lui-même, directement, par Lui-même, et après, par le Saint-Esprit a formé les Apôtres. Les Apôtres ont choisi parmi les clercs des hommes de bonne réputation, pleins de la sagesse du Saint-Esprit. Ensuite : " Le choix des clercs se faisait avec beaucoup de soins. Ils ne devaient pas être novices dans la foi, ignorants, vicieux, mal famés auprès du peuple. Les évêques s’appliquèrent ensuite à élever les jeunes gens pour la cléricature, et des établissements particuliers furent créés pour eux dans les grandes villes, telles que Rome, Antioche, Alexandrie, Césarée. On mettait autant de soins à cultiver en eux l’esprit de chasteté et de continence qu’à leur distribuer les connaissances nécessaires. On voulait surtout des hommes capables d’enseigner, de mœurs irréprochables, et bienfaisants. Plusieurs clercs dénués de fortune vivaient du travail de leurs mains, à l’exemple des Apôtres ".
Voilà la vérité. Les clercs des premiers siècles instruits s’initiaient aux doctrines profanes et divines; ils menèrent une vie sainte que plusieurs couronnèrent par le martyre, quoique puisse dire de la déficience de leur éducation le Père Castelein.
1V
Sophismes reliés au péché originel et à ses effets, ainsi qu’à la justification.
12
" Le péché originel est transcendé par l’efficacité de la grâce du Rédempteur envers tout le monde ".
Dans le péché originel, le docte professeur rencontre un obstacle de taille à sa thèse, dans lequel péché gît la masse damnée du genre humain, comme le rappelle l’Eglise, à la suite de saint Augustin, en ces mots : " La masse damnée de tout le genre humain gisait dans les maux, s’y enlisait , et se précipitait de maux en maux ". Il n’est malheureusement que trop certain qu’une grande partie du genre humain a été et est encore aujourd’hui infectée du péché originel, et est assise dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Le péché originel, donc, qui a dépouillé l’homme de ses dons surnaturels et a exténué ses dons naturels, est un grand empêchement au salut universel du genre humain qu’il a grandement débilité.
Pour pouvoir enseigner avec certitude le salut de la plus grande partie de ceux qui continuent à vivre avec le péché originel non remis, le Père Castelein doit prouver que les effets débilitants du péché originel n’existent plus, ou qu’ils ont été neutralisés par une force mystérieuse dans le plus grand nombre des adultes baptisés, quand ils parvinrent à l’âge de raison. C’est précisément ce qu’il tente de faire. Nous citerons mot à mot cette nouvelle doctrine qu’il qualifie lui-même de " si hardie ". " Mais, dira-t-on peut être, le péché originel a fait l’homme si faible, si porté au mal ". (p.198) Alors, il montre que le remède contre le péché originel est la grâce du Rédempteur. Au sujet de cette grâce, il se demande : " Demandons-nous quelles en sont l’efficacité et l’extension, ou, en d’autres mots, quelles sont l’énergie et l’étendue de son action dans l’humanité rachetée par le sang de Jésus-Christ et que le Père céleste désire sauver tout entière ". " D’une manière générale, saint Paul dit dans son épitre aux Ephésiens, que les richesses de cette grâce sont insondables, " incalculables ". Mais c’est dans son épitre aux Romains qu’il prend à tâche de nous en découvrir, sous les vives clartés de la révélation, toute l’efficacité et l’universalité ".(p.200) C’est cette universalité qui est précisément requise pour sauver toute l’humanité. " Or, saint Paul noua apprend que cette grâce nous est donnée et opère en nous avec une efficacité et une étendue illimitée ". " Cependant, dans son chapitre V, les deux Adam ….il atteste que ce nouvel Adam nous a été plus utile pour la vie et pour le salut que le vieil Adam ne nous a été nuisible pour la mort et pour la damnation. Cette comparaison, notons-le bien, porte coup pour l’humanité tout entière. L’humanité, prise dans son ensemble, a plus gagné pour son salut aux mérites du nouvel Adam qu’elle n’a perdu aux fautes du vieil Adam. L’efficacité en bien de la grâce rédemptrice l’emporte pour l’humanité sur l’efficacité en mal du péché originel, et cela, pour la multitude. Cette multitude est évidemment la même de part et d’autre, donc, tout le genre humain. (p.202) Qu’est-ce à dire ? Qu’au point de vue du salut final et pour l’ensemble de l’humanité, l’état de justice originelle eût été moins favorable que ne l’est l’état de rédemption. (203) Dans le premier état, il y aurait probablement eu moins de fautes personnelles, mais ces fautes auraient produit leur fruit de mort éternelle dans un plus grand nombre d’hommes. C’est ainsi que le nouvel Adam a été plus salutaire au genre humain , pris dans son ensemble, que le vieil Adam qui lui a été funeste ".
Selon Castelein, donc, si je ne m’abuse, l’universalité du genre humain, païens, mahométans, Juifs, en un mot tous les infidèles sont de fait dans une situation meilleure maintenant, dans l’état de nature tombée, qu’ils ne l’auraient été dans l’état d’innocence, dans ce sens qu’ils sont en possession d’un plus grand secours qu’il appelle secours réparateur. Cela est vrai en acte premier Mais ce ne peut absolument pas être vrai en acte second, i.e. de fait, et c’est là que se trouve le motif de la dissension ou du litige entre moi et le docte professeur.
Il est certain que dans l’état actuel de la Providence, c’est-à-dire, après le péché originel, à tous les pécheurs adultes, même endurcis, et aux infidèles négatifs, est toujours donnée la grâce actuelle suffisante. Mais il n’est pas moins certain que tous ne sont pas les bénéficiaires de cette grâce efficace spéciale qui mène à la foi et à la justification. Maintenant, le drame de notre professeur de philosophie et de théologie consiste en ceci qu’en ne faisant pas la distinction qui s’impose entre la volonté antécédente et la volonté conséquente, il persuadera facilement ses lecteurs que, de fait, tous les êtres humains reçoivent le bienfait de la mort du Christ comme tous ont reçu d’Adam le péché originel, et que c’est une chose facile pour les infidèles que de se sauver.
Il s’étonne lui-même de son audace et de la nouveauté de sa doctrine. Il prétend l’avoir puisée dans le chapitre V de l’épitre aux Romains : " Cette doctrine si hardie, mais si consolante et si rassurante, est dans son sens clair, formel, explicite, logiquement tirée de la doctrine de Paul ". (p.204) " Doctrine qu’affirme le témoignage de saint Paul dans sa comparaison entre la faute d’Adam et la grâce du Christ, où celle-ci apparaît aussi étendue que celle-là dans son application à toute l’humanité ". (p.208) " D’après saint Paul, le Christ se montre en toute réalité plus puissant pour nous sauver qu’Adam ne s’est montré puissant pour nous perdre. Donc, au point de vue du salut, ou du règne effectif de la grâce qui nous sauve ( ils règneront dans la vie) le Christ a plus rendu à toute l’humanité qu’Adam ne lui avait enlevé. C’est
là une démonstration que nous trouvons irréfutable ". (p.203, note)
De cette démonstration le Père Coppin écrit excellemment : " Peut-on prétendre qu’il s’agit ici du nombre, et que l’Apôtre a en vue le salut final, comme le prétend étrangement notre écrivain ? Dès lors, la faute ayant damné tous les hommes, en principe et en droit, il faut que le don, pour l’emporter quant au nombre, sauve plus que tous les hommes. Cette sorte de conclusion nous prouve à l’évidence que le R. P. raisonne mal quant il conclut ainsi quant au nombre "
Mais le professeur de théologie, à sa manière accoutumée, fonce tête baissée sur les " rigoristes " qu’il contemple étendus à ses pieds : " Que peuvent toutes les lamentations des rigoristes et des pessimistes contre cette forte doctrine ? Rien ". (p.204) " Que les rigoristes ne me reprochent pas d’avoir essayé de mettre dans tout son jour cette admirable doctrine qui réfute de si haut leurs déplorables théories ". (p.208) Nous nous comptons, nous, parmi ce groupe de " rigoristes " qui craignons comme la peste ---surtout là où il s’agit de la prédestination, du péché originel et de la distribution des grâces--- toute doctrine nouvelle et audacieuse, fût-elle géniale et révolutionnaire. Nous préférons suivre la doctrine sûre et certaine, et même celle qui n’est que plus sûre et plus certaine que les autres.
Et puisqu’il en appelle à saint Paul, examinons ce passage de l’Apôtre dans une paraphrase de l’illustre Beelen . Voici d’abord le texte de saint Paul aux Romains, V,15 : " Mais il n’en va pas du don comme de la faute. Si par la faute d’un seul, la multitude est morte, combien plus la grâce de Dieu et le don conféré par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils répandus à profusion sur la multitude. " Et voici la paraphrase : " Le dommage causé au genre humain par Adam ne peut pas être comparé au don de la grâce divine octroyée par le Christ. Il n’y a pas entre les deux de commue mesure. Car si nous comparons le profit que nous avons reçu de la faute d’un seul homme, --la mort de toute l’humanité, un tort fait à l’humanité---avec celui reçu par l’amour de Dieu : le bienfait de la grâce s’est répandu sur tous les hommes par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ.
Texte de saint Paul : "Et il n’en va pas du don comme des conséquences du péché d’un seul : le jugement venant après un seul péché aboutit à une condamnation, l’œuvre de grâce à la suite d’un grand nombre de fautes aboutit à une justification. " Praphrase : " Le tort causé par Adam n’est pas égal au profit apporté par le Christ. Le profit, en réalité, est plus grand que le tort, car la cause de notre condamnation provient de la culpabilité d’ un seul, et ce don efficace gratuit est en vue de la justification d’un grand nombre de pécheurs. "
Texte de saint Paul : "Si en effet par la faute d’un seul homme, la mort a régné du fait de cet homme, combien plus ceux qui reçoivent avec profusion la grâce et le don de la justice règneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ. ". Paraphrase : " Il n’y a pas de commune mesure entre le don et la faute, car si ce que nous a rapporté la faute d’un seul homme est la mort, à plus forte raison ceux qui de jour et jour participent à l’abondance du divin amour et en retirent le don de la justice, déborderont de vie, et, une fois détruite la mort, règneront par un seul, Jésus Christ.
Texte de saint Paul : "Ainsi donc, comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul procure à tous une justification qui donne la vie " Paraphrase : " Comme un seul péché à conduit à la condamnation et à la mort de tous , de la même façon un acte vertueux a conduit les hommes à la justification qui vaut pour l’obtention de la vie éternelle. "
Texte de saint Paul : "Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste. " Comme par la désobéissance d’un seul, tous ont été constitués pécheurs, de la même façon, par l’obéissance d’un seul, tous ont été constitués justes ". Paraphrase : " Comme par la désobéissance d’un seul tous ceux qui sont nés de lui sont constitués pécheurs, de la même façon, par l’obéissance d’un seul, tous sont constitués justes, i.e., tous ceux qui renaissent de Lui par la foi ".
8- Ecoutons une autre praphrase : " Plaçons ici pour les théologiens, dit le Père Castelein, les mots dont je tire ma conclusion : " Car si par le péché d’un seul multi (la multitude, en grec, i.e, le genre humain) sont morts… la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, sur un grand nombre (la multitude, donc le genre humain) abondera. Plusieurs (la multitude, le genre humain) sont constitués pécheurs , de la même façon, par l’obéissance d’un seul plusieurs (le genre humain) sont justifiés.
" Donc au point de vue du salut ou du règne effectif de la grâce qui nous sauve (ils règneront dans la vie), le Christ a plus rendu à l’humanité qu’Adam lui avait enlevé. C’est là une démonstration que nous croyons irréfutable. " (p.203, note) " Ainsi doit être compris l’enseignement du Docteur des gentils dans sa magnifique épitre aux Romains. Voilà, il termine toute la partie dogmatique de cette épitre en s’écriant à la fin du chapitre X1, 5,32 : " Dieu a laissé tomber toute l’humanité dans l’abîme du mal pour montrer sa miséricorde vis-à-vis de tous ". (p.206)
De grand cœur, nous accordons à notre docte contradicteur que le péché ou la faute d’Adam a été transcendé par le don du Christ, parce que d’abord le don du Christ nous assainit non seulement du péché que nous avons contracté d’Adam, mais de tous que nous commettons de notre propre volonté, ensuite parce que le Christ nous a donné une vie nouvelle plus excellente que celle dont nous avait privée Adam. Mais le Père Castelein ne se satisfait pas de cette réponse. Pour appuyer sa thèse boiteuse, il ne sait pas se contenter de l’excellence ou de l’intensité de notre rédemption. Il lui faut l’extension ou l’application actuelle de l a grâce sanctifiante à l’immense multitude des non- baptisés. C’est pourquoi il veut que le premier plusieurs (toute l’humanité)—marqué de la lettre A---ait la même extension que le second plusieurs (tous) marqué de la lettre B. En quoi il se trompe, comme nous le démontrerons par l’autorité des plus grands interprètes de la sainte Écriture.
Saint Augustin : "En la justification pour tous les hommes. En la justification pour tous les hommes. Non pas parce que tous les hommes viennent à la grâce de la justification du Christ, mais parce que tous ceux qui renaissent dans la justification ne peuvent le faire que par Jésus-Christ. Comme tous ceux qui sont condamnés, à la naissance, ne le sont que par Adam. " " Saint Paul a dit que la grâce avait abondé en plusieurs, non pas en un très grand nombre, i.e. non dans le plus grand nombre ".
Saint Bruno : " Il ne dit pas que ceux en qui la grâce a abondé sont plus nombreux que ceux qui ont été perdus par la faute. Il parle de plusieurs, ou de beaucoup, car tous ne sont pas sauvés, parce qu’ils ne l’ont pas voulu ". " La justice d’un seul, le Christ, se transmet à tous les hommes en puissance non en acte, même si le Christ a payé un prix suffisant pour tous ". " Plusieurs sont constitués justes, plusieurs seulement, parce que tous n’ont pas voulu être sauvés ". " C’est en ce sens qu’il dit que la grâce de Dieu a abondé plus que sous la loi, car, le péché sous la loi régnait avec la justification, conduisant ainsi à la mort. Après la rémission des péchés, la grâce régnait par la justice acceptée, qui, bien conservée, mène à la vie éternelle ".
Saint Thomas : " Il faut comprendre que comme tous les hommes qui naissent corporellement d’Adam encourent la condamnation à la mort à cause du péché d’Adam, de la même façon tous ceux qui renaissent spirituellement du Christ obtiennent la justification de la vie. Même s’il est possible de dire que la justification du Christ aboutit à la justification de tous, quant à sa suffisance, rien n’empêche que quand à sa mise en application, elle ne se transmette qu’aux seuls fidèles ".
Les interprètes plus récents ne parlent pas autrement.
Estius : " En plusieurs en grec, en beaucoup. Même si dans l’autre partie du chapitre, l’interprète retrouve le même mot à traduire, qu’il ne traduise pas beaucoup par le plus grand nombre. Comme si le Christ avait sauvé plus d’hommes qu’il n’en était mort par Adam. Alors que c’est l’inverse qui est vrai. " " Il saute aux yeux que l’Apôtre ne veut pas mettre ici l’accent sur le grand nombre de ceux qui participeront à la grâce du Christ, mais sur l’abondance des bienfaits du Christ, qui est rendue par beaucoup plus. Voici donc quel est le sens. Par la faute ou le péché d’un seul, beaucoup , i.e., tous ceux qui naissent de lui, encourent la mort. Mais par la grâce d’un homme, i.e. à cause de ses mérites, Dieu a octroyé les dons de sa grâce libéralement avec encore plus d’abondance sur beaucoup, i.e. sur tous les élus, tous ceux qui appartiennent au Christ ". " On pourrait dire que tous les hommes, dans l’un et l’autre membres de la phrase, se rapportent au genre humain mais pas avec la même ampleur ou la même extension dans les deux cas. Dans le premier membre de la phrase, le tous se prend au sens strict, parce qu’il est question là de l’ancêtre de tout le genre humain qui a communiqué la mort à toute sa descendance sans exception. Dans l’autre, d’après une façon de parler fréquente dans l’Ecriture, le tous signifie beaucoup ".
B. a Piconio en V ,18 : " Dans tous les hommes qui croient en Lui ".
Van Steenkiste : " Les paroles de saint Paul aux Romains V, 15, ne prouvent pas que ceux qui sont sauvés par le Christ sont plus nombreux que ceux que le péché mortel précipite dans l’enfer ". Je suis contraint d’en omettre tellement… Je citerai encore Knabenbauer dont les paroles montrent clairement que le P. Castelein s’est fourvoyé royalement en voulant attribuer aux mots beaucoup et tous la même extension, qu’ils se rapportent au salut éternel ou au péché originel, et en ne faisant pas la distinction entre la suffisance intrinsèque et l’efficacité actuelle. La difficulté vient du fait qu’on ne sait trop si l’on doit accorder la même extension au mot tous dans les deux cas. Il ne fait aucun doute que, dans le premier cas, il faille entendre tout le genre humain, i.e. tous et chacun qui ont Adam pour ancêtre, et qu’on puisse donner dans l’autre cas la même extension au mot tous si on ne parle que de la seule suffisance des mérites que l’obissance du Christ a acquis au genre humain. Car en mourant sur la croix, il a payé un prix plus que suffisant pour le rachat de tous et de chacun des hommes, et il a accompli cela avec l’intention bien arrêtée que tous et chacun y trouvent la rémission de leurs péchés et la vraie justice. Mais il n’est pas question ici de la suffisance de la rédemption, mais de son efficacité actuelle, qui ne s’applique qu’aux seuls fidèles. A ceux, principalement, qui entreprennent une nouvelle naissance dans et par le Christ, après avoir fait bon usage des moyens institués par Lui. " Knabenbauer affirme ensuite que telle est l’opinion de saint Thomas,---que nous avons vue d’ailleurs. Il affirme que le docteur angélique a bien expliqué ce texte, à la suite des saints Pères et de plusieurs interprètes.
11- Mais le Père Castelein découvre dans les écrits de saint Thomas et d’autres saints des nouveautés que personne d’autre n’a jamais flairées.. Chacun juge d’après ses sympathies, et notre professeur de philosophie et de théologie désamorce un peu partout des arguments en faveur du petit nombre des damnés, même chez les infidèles. Après avoir déliré dans son interprétation de saint Paul, il s’applaudit lourdement : " Faut-il s’étonner maintenant de la large doctrine de saint Thomas d’Aquin sur la distribution de la grâce? Cette grâce qui sanctifie et sauve l’âme est donnée à tout homme adulte sans exception, dans tous les temps et dans tous les pays, pourvu qu’il n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle par le refus de suivre sa fin, telle qu’elle lui est connue C’est ce fameux texte de la Somme où saint Thomas démontre que le péché originel ne saurait coexister dans un homme arrivé à l’âge du discernement requis pour qu’il puisse pécher, qu’avec la faute mortelle et non avec la faute vénielle. Le docteur angélique enseigne donc clairement que la grâce du salut est donnée de fait à tout homme qui n’y oppose pas l’obstacle d’une faute mortelle. Nous dirons même que c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre le rigorisme ". Il dit plus haut : " J’ignore pourquoi on ne cite jamais ce texte si décisif " (p.136)
Pour répondre à cette difficulté, je dirai que ce texte de saint Thomas est très étudié par les théologiens, mais qu’ils ne le considèrent pas " si décisif ". En réalité, ce texte (1,2, q.89, a.6) enseigne que le péché véniel ne peut exister en quelqu’un avec le seul péché originel, et il le démontre ainsi : car, dès le premier instant de l’usage de sa raison, l’homme est tenu de se tourner vers Dieu. Cependant, il ne manque pas de théologiens qui récusent cette preuve, qui n’est donc pas approuvée par tous. Ils disent à la suite de Sylvio : " Il est fort probable, donc sûr en conscience, qu’il n’y ait aucune obligation à l’enfant de se tourner vers Dieu, dès le premier moment où il fait l’usage de sa raison. Rien n’empêche donc que le péché véniel existe avec le seul péché originel, comme l’enseignent saint Bonaventure, Durand, Richard et d’autres parmi les plus récents ". Les thomistes eux-mêmes ne considèrent que probable la doctrine thomiste selon laquelle le péché véniel ne peut pas exister avec le seul péché originel.
Pour quelle raison revendiquer ce texte de saint Thomas ? Serait-ce pour prouver que la majorité des humains parvient au salut ? C’est ce qu’affirme le Père Castelein : " Même, c’est cette doctrine large et élevée qui nous a le plus enhardi à combattre si énergiquement le rigorisme. " Mais ce texte du docteur angélique ne peut pas être présenté comme un argument en faveur du plus grand nombre des élus. Vouloir à tout prix le déduire du texte c’est tirer une conclusion qui déborde les prémisses. C’est à peu près comme déduire le salut de tous les êtres humains de l’infinie miséricorde de Dieu.
Si l’argument de saint Thomas suffisait par lui-même a démontrer le plus grand nombre des élus, comment se fait-il qu’il ne s’en soit pas aperçu lui-même ? Comment expliquer que la docte et vénérable école thomiste ne l’ait pas remarqué ? Comment donc ont-ils pu tous enseigner avec le maître le petit nombre des élus ?
Le docteur angélique est loin de partager l’interprétation que donne Castelein de l’épitre aux Romains . Dans son propre commentaire des épitres de saint Paul, , et dans sa somme théologique, il commente les paroles de l’Apôtre, comme nous l’avons exposé plus haut. Dans la somme, (1,2,q.109, a.10), il se fait l’objection suivante : " L’Apôtre dit que l’homme a plus reçu par le don du Christ qu’il n’avait perdu par le péché d’Adam. Or, Adam avait reçu le don de persévérance, donc, à bien plus forte raison, la grâce du Christ nous donnera-t-elle le don de persévérance. " -----(Pour pouvoir parvenir à sa conclusion rêvée, notre illustre professeur de philosophie ajouterait très volontiers : par conséquent, le nombre des sauvés est plus grand après la rédemption du Christ qu’avant la faute d’Adam). Saint Thomas répond : " Je dis avec les mots mêmes de saint Augustin que dans le premier état l’homme a reçu en don la capacité de persévérer, mais non la persévérance effective. Maintenant, la grâce du Christ nous octroie en don et la capacité de persévérer et la persévérance finale. C’est en cela que le don du Christ l’emporte sur la faute d’Adam. Et pourtant, dans l’état d’innocence, le don de la grâce, en l’absence de toute rébellion de la chair contre l’esprit, rendait la persévérance plus facile qu’à nous, puisque la réparation entreprise par la grâce du Christ est loin d’être encore complétée dans la chair, même si elle est déjà commencée dans l’esprit. "
De plus, qu’on lise ce que nous avons déjà cité de saint Thomas aux pages 71 et 72 au sujet de la condition humaine privée de la grâce par la corruption du péché originel, de laquelle Dieu rescape quelques-uns, et dans laquelle plusieurs succombent.
Le P. Castelein se fourvoie étrangement dans son interprétation de l’épitre aux Romains, dans sa doctrine du péché originel; et comme il veut à toute force sauver la plus grande partie du genre humain empoisonnée par le serpent, la prudence devrait lui faire craindre que sa doctrine ne soit qu’une suggestion diabolique, comme la nomme Recupito.
Saint Augustin s’objecte à lui-même
la compassion ou le bénignisme cueilli de la bouche même
de ses adversaires : " Loin de nous de telles pensées ! --disent-ils---Lorsqu’à
sa venue, le Christ verra une si grande multitude à sa gauche, il
en aura pitié et leur pardonnera à tous ". Voici la réfutation
de saint Augustin : " N’est-ce pas ce que le serpent a promis au premier
homme ? Il avait été menacé de mort par Dieu s’il
goûtait. Qu’a dit le serpent ? Loin de vous cette pensée !
Vous ne mourrez pas de mort. C’est tout comme s’il avait dit : vous ne
serez pas damnés. C’est toujours la même voix du démon
qui cherche à perdre les hommes "
13
Les bons exemples font plus de bien que les mauvais ne font de mal.
" C’est un problème de haute philosophie morale que celui qui a pour objet la comparaison du bien produit par les bons exemples et du mal produit par les mauvais. Laquelle des deux influences est la plus efficace pour reculer ou avancer l’humanité sur la voie de ses destinées ? Les pessimistes se hâteront de dire que ce sont incontestablement les mauvais exemples. Les optimistes que ce sont les bons. Je me rangerai avec une entière conviction du côté des optimistes. " (pp.232-233) Si on cherche des faits, l’évangile répond : " Malheur au monde à cause des scandales ! " La sagesse populaire aussi a sa réponse : " pomme pourrie gâte sa compagnie ". Et que dit l’historien Tacite? : " Corrompre et être corrompu, voilà le vrai nom du siècle ". Quelle est la personne saine d’esprit qui n’admet pas que les mauvais exemples ont plus d’influence que les bons ?
Si on cherche le pourquoi de tout cela, c’est dans l’Ecriture qu’il faut le chercher : " Les sens et la pensée de l’homme sont portés au mal dès l’adolescence ". Ce problème, tout compte fait, est moins philosophique que théologique. Il ne peut pas recevoir de réponse convenable, il demeure même une énigme inexplicable si on envisage la nature humaine dans une approche rationaliste, sans tenir aucun compte du dogme catholique du péché originel. " Une de nos erreurs les plus communes, dit le célèbre Monsabré, est de nous imaginer que notre nature, telle que nous la recevons actuellement de la génération, est équilibrée de façon à ce qu’on puisse la tourner aussi bien vers le bien que vers le mal, et qu’il suffit pour cela d’un acte de volonté, qu’il nous est loisible de produire quand il nous plaira. Nous avons bien entendu parler d’un certain péché originel, qui, dit-on, a diminué l’empire des hautes facultés de notre âme, et renforcé les exigences des passions, mais pratiquement on n’en tient guère compte. C’est à tort, messieurs, car ce premier aveuglement élargit singulièrement pour nous le chemin de la perdition. Rien n’est plus certain que la blessure dont notre nature a été atteinte par la prévarication de notre premier père; que le trouble de l’harmonie primordiale qui était la raison même de la justice originelle; que la déchirure de ce merveilleux tissu de vie divine et de vie humaine où la subordination créait l’unité; que la privation des dons gratuits en vertu desquelles les puissances supérieures de notre être gouvernaient despotiquement les inférieures. Rien n’est plus certain que l’aveugle impétuosité avec laquelle les passions , originairement enchaînées par la raison et soumises au libre arbitre, se portent vers leur propre bien "…Il suit de là, Messieurs, l’impuissance d’observer tous les commandements de Dieu, et par conséquent, d’éviter tous les péchés graves sans le secours de la grâce. D’où l’obligation pour chacun de nous de résister de bonne heure aux entraînements de nos convoitises, et de demander à Dieu les grâces dont nous avons besoin pour en triompher ".
Incité au mal par sa propre concupiscence interne, et entraîné par des exemples dépravés, comment l’homme pourra-t-il résister ? Quelques-uns pâtissent plus de l’ignorance que de la malice, et réputent facilement licite ce qu’ils ne voudraient pas que les autres leur fassent. D’autres, à force de voir l’absence de réaction au mal commis par les autres, finissent par lui attacher peu d’importance. Il y en a qui ne sont victimes ni d’ignorance ni de passion, mais qui , par respect humain, rougissent de ne pas conformer leur vie à celles d’autrui. D’autres laissent libre cours à leurs passions, à la pensée que ce que tout le monde fait ne peut pas avoir chez eux valeur de vice. Rien n’est plus commun que d’être entraîné par l’exemple. C’est ici qu’intervient la séparation du bien et du mal : les maux conspirent avec l’impulsion intérieure de la nature tombée, et les biens attirent vers ce dont se détournent la fragilité humaine et la concupiscence.
La vie sociale est de soi le moyen par lequel les hommes atteignent le mieux leur fin temporelle et même leur fin spirituelle. Mais qui ignore que ce moyen est souvent contaminé par la malice et la fragilité humaines, et est détourné au détriment de la vie spirituelle ? Que signifient d’autre les pressantes objurgations par lesquelles l’Ecriture, les saints Pères, les prédicateurs et les confesseurs s’efforcent de détourner les fidèles des mauvaises rencontres et des occasions de péché, si ce n’est que tous ces hommes de Dieu savent par expérience quel empire, quelle fascination exercent sur l’esprit humain les mauvais exemples ? " Ne vous illusionnez-pas ! les conversations mauvaises corrompent les bonnes mœurs ! En conséquence, l’Eglise a toujours maintenu cette règle que l’on doit s’abstenir de socialiser avec les hérétiques et les excommuniés ".
14
Le mal moral n’est rien d’autre qu’une exception, qui ne représente aucune adéquation à la somme totale des applications de la règle.
" Le mal moral est un accident, et une exception. Or, dans un ordre bien conçu, les accidents et les exceptions ne sauraient égaler dans leur somme totale les applications de la règle. " (p.235) La réponse vient du docteur Angélique qui s’était fait à lui-même cette objection : " Les vices existent dans l’humanité dans un grand nombre, selon Matt. V11 : large est la voie qui conduit à la perdition, et beaucoup la trouvent. Le vice n’est donc pas contre nature. " Il solutionne ainsi le problème : " Dans l’homme se trouvent deux natures, la rationnelle et la sensitive. Et parce que l’homme raisonne à partir du témoignage de ses sens, un plus grand nombre suivent les penchants de la nature sensitive plutôt que l’ordre de la raison. Ceux qui entreprennent quelque chose sont plus nombreux que ceux qui terminent. "
De nouveau le P. Castelein raisonne comme
si le péché originel n’existait pas ! Pour sûr, si
l’ordre présent des choses était tel que Dieu l’a conçu
et institué, le mal ferait partie de ces choses qui arrivent rarement.
Mais cet ordre a été pourri par le péché. La
raison ne règne plus en despote sur les sens, lesquels ne pervertissent
que trop le libre arbitre. Voilà pourquoi il est arrivé avant
le déluge que très grande était la malice des hommes,
et que toutes les pensées du cœur, en tout temps, étaient
tournées vers le mal. Toute chair avait corrompu sa voie sur
la terre. A ne pas attribuer à l’ordre divin, mais au désordre
engendré par le péché. Ce qui a déjà
eu lieu, qui le réputera impossible ?
15
Une concupiscence excessive des biens terrestres n’est pas, pour la plus grande partie des hommes, une cause efficiente de damnation éternelle.
" Assurément, le désir immodéré de la richesse n’est pas rare. Qui en est totalement exempt dans le monde ? Une infime minorité. Mais un tel désir atteint-il chez un grand nombre cette malice extrême et cette gravité monstrueuse qui créent l’obstacle insurmontable au salut ? " (p.257) " Jugeons le sort final des pécheurs, victimes plutôt de la faiblesse que de la malice, selon les miséricordieuses inspiration de la bonté divine. Et alors nous ne conclurons pas que l’attrait trop grand des biens terrestres est pour le plus grand nombre, une cause effective de damnation éternelle ". (p.259)
Ecoutons un autre juge, qui est un missionnaire expert et un docteur de l’Eglise : " La troisième porte de l’enfer, dit saint Alphonse, est le vol. S’il y en a tellement qui entrent par , c’est qu’un grand nombre ont l’argent pour fin ultime à la façon d’un dieu. " Les dieux des gentils, dit la sainte Ecriture, sont l’argent et l’or. " Elle dit aussi : " Ni les voleurs, ni les requins de la finance n’entreront dans le royaume des cieux ". Même si le vol n’était pas le plus grand péché, il est le plus dangereux. " Il n’y a pas de péché plus périlleux que le vol ", dit saint Antoine. En voici la raison : la contrition suffit pour obtenir la rémission des autres péchés, mais pour le vol, la contrition est tout à fait insuffisante, la restitution est nécessaire, et cela est très difficile "
Ils se trompent et ils se trompent lourdement ceux qui prétendent que le vol, l’injustice et toutes les sortes de concupiscences enfiévrées des biens terrestres ne sont pas pour un grand nombre des causes de damnation éternelle. Pour un lucre sordide, combien ont sacrifié leur pudeur, combien ont négligé les devoirs de religion, combien ont laissé tomber l’éducation chrétienne de leurs enfants, combien ont manqué à la charité, combien ont détruit la paix et la concorde familiale ? etc.. Celui qui ignore ces choses est un aveugle ! Sans l’ombre d’un doute, ce sont des péchés dignes de la damnation éternelle ! Les filles de l’avarice sont la dissimulation, la fraude, les faux rapports, les parjures, l’inquiétude maladive, la violence, et l’endurcissement du cœur , toutes choses qui éloignent du salut éternel. Relire la page 299 : Le riche entrera difficilement dans le royaume des cieux.
16
Rare est l’orgueil qui mène à la damnation
" Ce qui me semble incontestable, c’est que le vice qui constitue le plus grand obstacle au salut, celui qui écarte le plus les pardons de Dieu est, à son degré extrême, relativement rare au sein du genre humain. " (p.262)
Tous les théologiens enseignent
communément que l’orgueil que l’on dit parfait ou consommé
est un péché mortel dans son genre. Il se produit quand quelqu’un
est si épris du désir d’exceller qu’il ne veut se soumettre
ni à Dieu, ni à ses supérieurs ni à leurs lois.
Il est classé péché mortel dans son genre parce qu’il
répugne à la charité envers Dieu qui est méprisé
par l’orgueil. Parlant des superbes aux Romains (1,32) et de ceux qui ont
la tête enflée, il dit : ceux qui font de pareilles choses
sont dignes de mort. Voilà l’orgueil qui engendre les schismes
et les hérésies et qui retient un grand nombre d’âmes
dans le schisme et l’hérésie. " Le schisme grec, dit saint
Alphonse, trouva son principe dans l’orgueil d’un Arius, d’un Nestorius,
d’un Macédonius, et d’autres semblables agents de Lucifer . C’est
encore l’orgueil qui donna naissance aux sectes de Luther, de Zwingle,
de Calvin. ". " C’est l’humilité qui distingue le catholique d’avec
le protestant ". C’est cet orgueil qui produit chez les catholiques tant
de libéraux, tant de socialistes, tant d’athées. C’est cet
orgueil qui éloigne des milliers de mille catholiques du culte public
de leur religion, et en particulier, de la confession pascale. C’est cet
orgueil qui étouffe, qui étrangle la sincérité
dans les confessions, et qui est la cause d’un grand nombre de sacrilèges.
C’est cet orgueil qui engendre le respect humain. Et comment peut-on dire
qu’il est si rare dans le monde ?
17
La justification du pécheur est
facile.
Que de fois l’Ecriture ne dit-elle pas que pour être sauvé, il suffit de croire ? Il suffit d’invoquer avec foi le nom de Jésus-Christ ? " (pp.59,60) " Les rigoristes ne peuvent se réclamer de l’épitre de saint Jacques . Il ne s’y trouve pas un mot pour nous insinuer qu’il est difficile de rentrer en grâce auprès de Dieu et de se sauver. Au contraire…ce que l’apôtre dit des effets de l’Extrême Onction dénote une conviction tout opposée à celle des rigoristes ". (p.318)
Saint Thomas enseigne : " Ressusciter du péché n’est pas la même chose que cesser de péché. Ressusciter du péché c’est réparer ce que l’homme a perdu par le péché. Les pertes provoquées par le péché sont triples , il y a la tache, la corruption du bien naturel et la peine. Il est manifeste qu’aucune de ces trois choses ne peut être restaurée que par Dieu ". Pour la restauration de ces trois choses, la pénitence est requise. La pénitence est donc absolument nécessaire à tous les hommes qui ont été pollués par le péché mortel pour obtenir la grâce et la justification; nécessaire
à un double titre, de nécessité de moyen et de nécessité de précepte.
De nécessité de moyen. Quand l’offense du péché mortel consiste en ce que la volonté de l’homme s’est détournée de Dieu pour se recentrer sur un bien corruptible, il ne peut se faire que l’offense soit remise, sans que la volonté par une transformation intérieure se retourne vers Dieu, avec une détestation de la conversion vers un bien corruptible qui s’est produite , et avec le ferme propos de s’amender. Voilà ces trois choses absolument nécessaires, qui sont censées s’obtenir facilement par la simple invocation du très saint nom de Jésus.
De nécessité de précepte. La pénitence véritable et sérieuse est nécessaire de nécessité de précepte, tant de précepte naturel qui oblige tout le monde à satisfaire pour injustice commise, que de précepte positif, souvent rappelé dans les saintes lettres. Comment prétendre que ces deux préceptes sont suffisamment remplis par la seule invocation du très saint nom de Jésus ? Pourquoi donc saint Paul a-t-il dit : " Tous ceux qui invoqueront le nom de Jésus seront sauvés ". Voici les paroles du prophète Joël (11,28-32) que saint Pierre a citées en entier dans son premier discours (actes,11,17-21), et qui signifient une foi vive dans le Christ et la profession de cette foi, la foi, il va de soi, qui opère par la charité. " Invoquer le nom de Jésus, --note avec raison Drach. Dans h.1.---signifie ici croire, espérer en Lui, L’aimer. Et Il nous a déclaré Lui-même (Jean X1V, 15, 21) que L’aimer c’est observer ses commandements. L’amour doit être démontré par les œuvres pour que l’appellation du nom ne soit pas illusoire. ". C’est ce que dit saint Augustin.
Venons-en à la justification par l’extrême onction. " Ce que l’apôtre dit des effets de l’extrême onction dénote une conviction tout opposée à celle des rigoristes ". Nous pensons, nous, que les " rigoristes " et tous les théologiens pensent exactement comme saint Jacques. Voici notre doctrine, et je me gratte la tête pour trouver ce que le P. Castelein y voit de trop rigoureux.
L’Extrême Onction, en soi et de par la première fin de son institution, est un sacrement des vivants. Elle suppose donc que le moribond a déjà reçu la rémission de ses péchés mortels. Ceci se dégage de la doctrine constante de l’Eglise et de cette pratique traditionnelle selon laquelle l’extrême onction est administrée après l’absolution sacramentelle et après le saint viatique.
Non par accident, mais en vertu de la deuxième fin de son institution, ce sacrement a aussi pour effet d’effacer même les péchés mortels, si le malade est resté en état de péché mortel sans faute de sa part, et s’il a une vraie attrition des péchés commis. Cet effet ne se produit pas avec la même certitude avec laquelle les autres sacrements produisent leur effet. Que ce sacrement ait cet effet n’est qu’une pieuse conjecture. Le texte lui-même de saint Jacques et la doctrine du concile de Trente nous éclairent suffisamment pour dire qu’il est assez certain que ce sacrement produise cet effet. C’est pourquoi, à tous ces fidèles qui ne peuvent plus parler et qui n’ont pu ni par eux-mêmes ni par d’autres, manifester le désir de recevoir l’absolution sacerdotale, l’extrême onction demeure un remède plus sûr que l’absolution ou le viatique pour obtenir l’absolution de leurs péchés. L’extrême onction justifiera le malade à condition que soit présente l’attrition. Que l’extrême onction puisse produire cet effet est une chose qui est tout au plus probable, du fait qu’un élément essentiel fait défaut, l’aveu des fautes. Il n’est également que probable que l’eucharistie le puisse.
Il est absolument évident que nous professons que le malade en état de péché mortel doit se réconcilier avec Dieu avant de recevoir l’extrême onction, ou par la confession sacramentelle ou par la contrition parfaite. Cela découle des paroles conditionnelles de saint Jacques : S’il est en état de péchés. Cela suit de la nécessité du sacrement de pénitence qui, en tant que moyen nécessaire de salut, doit être reçu, réellement ou en désir, par tous ceux qui ont péché mortellement après le baptême. Donc, si la fin première du sacrement d’Extrême Onction était d’effacer les péchés graves, la définition du sacrement de pénitence faite par l’Eglise s’avèrerait fausse.
Quant à ce qui a trait à la facilité de la justification des pécheurs, il est impossible de passer sous silence que la grande partie des hommes, même des catholiques, ne sont pas seulement des pécheurs occasionnels, mais des pécheurs qui ont fait du péché une seconde nature, qui vivent habituellement en état de péché mortel. Ce dont est témoin Suarez : " Même si la plus grande partie des hommes pèchent souvent mortellement, ils se redressent souvent, et ils passent leur vie dans une alternance de chutes et de redressements. ". (Voir plus haut, p.140) Mais comment se redressent-ils ? En quoi consiste leur conversion ? Quelle douleur, quelle exécration du péché commis ? Quel ferme propos sérieux, efficace, de ne plus pécher de nouveau et de fuir les occasions prochaines de péché ? Et que dire de la dernière résurrection spirituelle qui doit précéder la mort ? Je ne fais que transmettre ce que Monsabré disait en reproduisant les paroles de Bourdaloue : " Prétendre que des habitudes contractées pendant la vie se détruisent aux approches de la mort; prétendre que, dans un moment, on se fasse alors un autre esprit, un autre cœur, une autre volonté, c’est la plus grossière des erreurs… Nous mourrons comme nous avons vécu, et la présence de la mort, bien loin d’affaiblir les habitudes déjà formées, semble encore davantage les réveiller et les fortifier ". C’est avec raison qu’un grand nombre de jésuites rejettent l’opinion de Suarez , tels que Bellarmin, Claude de la Colombière, Bourdaloue, Cornelius a Lapide, que nous avons vus plus haut. Ajoutons Recupito que nous citerons bientôt.
Il n’y a rien d’étonnant à cela. Que disent les saintes écritures des récidivistes ? Qu’en disent les Pères ? Dans le proverbe XXV1, 11, le saint Esprit dit : " Comme le chien qui retourne à son vomissement, il devient plus haïssable qu’avant, et il devient fils de la géhenne à plusieurs titres celui qui, après avoir obtenu l’indulgence de ses péchés, retombe dans les mêmes crimes ". Qu’es-ce donc qu’un fils de la géhenne sinon un réprouvé ? " Il se rit des dons de Dieu ----dit saint Augustin—celui qui n’ayant pas de vrai repentir, retombe dans le péché dont il s’était repenti. Ce faisant, il ne diminue pas ses péchés mais les multiplie ". Quand le Seigneur a guéri le paralytique, Il lui a dit : " Te voilà sain, ne pèche plus désormais, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire ". (Jean V,14) Saint Bernard, commentant ce texte, a dit : " Il faut redouter d’avoir besoin de nouveau de la grâce du pardon, car il est plus dommageable de retomber que de tomber " Et comme le dit saint Paul : " La terre qui boit toujours la pluie qui se pose sur elle et qui produit de l’herbe pour ceux qui la cultivent, est bénie de Dieu. Si elle fait germer des épines et des chardons, elle est réprouvée et proche d’être maudite. Elle sera consumée dans le feu ". (Hébreux, V1,7,8)
De tous les textes, le plus connu et le plus terrible est celui de l’Ecclésiastique V ,5 : " Au sujet du péché qui t’a été pardonné ne sois pas sans crainte, ni n’ajoute péché sur péché. Et ne dis pas : la miséricorde de Dieu est grande, il aura pitié de la multitude de mes péchés. La miséricorde et la colère se suivent de près, et sa colère surveille les pécheurs. Ne tarde pas de te convertir au Seigneur, et ne diffère pas ta conversion de jour en jour. Sa colère frappera subitement, et, dans le temps de la vengeance, il te dépouillera "
Voici le raisonnement avec lequel Recupito réfute Suarez : " Tout coopère au bien des adultes prédestinés, même les péchés, comme il appert de Saint Augustin, qui a traité plusieurs fois ce thème. Entre autres, au livre X1V de la cité de Dieu, ch, 13 : " J’ose dire qu’il est utile aux orgueilleux de tomber dans un péché public manifeste pour qu’ils apprennent à se désaffectionner d’eux-mêmes. Il était plus avantageux à Pierre de se déprendre de lui-même en pleurant que de se complaire en lui-même dans la présomption. " Ce que Suarez confirme hautement : " Je dis que l’autorisation du péché est et peut souvent être un effet de la prédestination. Les théologiens modernes proposent souvent cette interprétation qu’un saint Anselme et un saint Thomas avaient amorcée, dans leurs commentaires des paroles de saint Paul aux Romains V111 : tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, ou la glosse ajoute : même les péchés. " Cette interprétation (même les péchés) n’est pas à être rejetée d’un revers de main, même si l’intention première de l’Apôtre se rapporte aux tribulations et aux maux qui sont des peines du péché. " Mais les péchés des récidivistes ne coopèrent pas au bien, donc, en règle générale, les récidivistes n’ont pas à être comptés parmi les prédestinés.
Je prouve la mineure. Les péchés coopèrent au bien de quelqu’un dans la mesure où ils aident à produire une pénitence fructueuse après le péché. Or, en règle générale, les péchés des récidivistes ne stimulent pas la pénitence . Autant parce qu’un des premiers fruits de la pénitence est la non-rechute, autant parce que la pénitence ne coopère au bien du pécheur que dans la mesure où elle apporte une purification, une amélioration de la conduite. Non seulement la vraie pénitence élimine tout obstacle érigé par la faute, mais elle propulse en avant à une plus grande vitesse. " Je confirme ce qui précède en constatant que la répétition du même péché engendre facilement une habitude. La jonction de celle-ci avec la tendance au péché de la nature corrompue conduit presque fatalement à l’état permanent de péché. " L’action suit l’habitude, la nécessité l’habitude, le désespoir la nécessité, et la damnation le désespoir "
Je confirme en second lieu, par les choses qui sont requises, selon les Pères, pour que la pénitence après le péché soit un signe de prédestination : la douleur continuelle, les œuvres de pénitence, les aumônes, la fuite des occasions…Or, dans les récidivistes, la plupart de ces signes brillent par leur absence. Je couronne enfin le tout dit Recupito, par ce dernier argument. Si l’on plaçait au nombre des prédestinés, comme le veulent nos adversaires, ceux qui passent toute leur vie dans des chutes et des rechutes, qui sont des récidivistes par habitude, il s’ensuivrait forcément que cette même récidivité, devenue une habitude, devrait être un des signes de la prédestination, ce qui est absurde.
S’il est vrai que la vie de la majeure
partie des fidèles adultes est faite de chutes et de rechutes, il
faut malheureusement conclure que cette majeure partie est alignée
vers la réprobation.
V
Sophismes qui enlèvent au péché de luxure selon la nature la culpabilité de la peine éternelle.
Castelein attaque cette matière ainsi : " Des trois concupiscences, c’est celle de la chair où se trahit le plus la faiblesse humaine….Aussi un pareil affranchissement est-il rare ". (p.246) Ne résulte-t-il pas de ce seul fait que le plus grand nombre d’hommes se perd ? Non, nous ne l’admettrons jamais. Pourquoi? Parce que ce serait méconnaître l’efficacité prépondérante de la grâce et de la miséricorde divine pour sauver l’humanité….Nous nous expliquerons là-dessus avec une grande franchise, sans redouter les calomnies des pharisiens, à quelque camp qu’ils appartiennent ". (p.247)
Ce prologue est contraire à la sentence commune des théologiens et à l’expérience des pasteurs d’âmes que saint Alphonse résume ainsi : " La luxure précipite en enfer le plus grand nombre d’âmes. J’irai même jusqu’à dire sans hésitation que tous ceux qui sont condamnés le sont à cause de ce vice d’impudicité, ou du moins, non sans lui. " Le docteur angélique donne une excellente explication de ce verdict : " On dit que le diable a un béguin tout particulier pour le péché de luxure, parce qu’il crée une très grande dépendance, et que fort difficilement on s’en arrache. Car l’appétit de jouissance est insatiable ". Il cite également la raison donnée par saint Isidore : " le genre humain est soumis au démon plus par le péché de la chair que par tout autre. "
Avant d’entreprendre la réfutation point par point, nous plaçons ici une observation générale du docte professeur de philosophie que nous avons souvent cité en le louant : " A propos de la distinction que fait l’auteur entre deux genres de désordres (p.248), on doit lui reprocher entre autre choses, de n’être pas assez précis. Il mêle plusieurs distinctions : péchés de faiblesse ou de malice; péchés d’intermittence ou d’habitude, péchés selon nature ou contre nature, péchés hors mariage ou contre mariage, crises de péché ou confirmation dans l’iniquité. Toutes ces distinctions chevauchent pêle-mêle les unes sur les autres. L’importance de cette page exigeait plus de netteté; l’auteur devait appeler les choses par leur nom. " " Le P. Castelein en ce passage et souvent ailleurs, ne trouve la damnation convenable que pour les péchés de pure malice , de révolte ouverte contre Dieu et ses avances. Encore, la menace n’est-elle exécutée que de temps en temps (p.270) pour la plupart de ces péchés comme à Sodome et Gomorrhe et au déluge. Pour tous les péchés mortels moins graves, la justice cède à la miséricorde , et se borne, pour l’expiation, aux maux temporels et au purgatoire. " " N.B. J’ai cherché vainement dans ces passages scabreux le nom de pénitence ou de mortification. Cette condition sine qua non du salut du pécheur, l’auteur a jugé bon de la sous-entendre, car nous ne pouvons lui prêter la pensée que le purgatoire enlève la tache du péché mortel. Cette omission, en pareil endroit, est ce que je trouve de plus scandaleux dans tout l’ouvrage. Que de présomptueux ne fera-t-elle pas ? Que d’âmes faibles à qui elle va enlever un dernier reste d’effort et de retenue !...Triste, triste !!! "
De plus, je sais par expérience, que les propositions suivantes du P. Castelein sont devenues la lecture favorite de certains jeunes de Bruxelles, qui se les passent de main en main comme des petits pains chauds.
18
Le péché de luxure est prohibé par la nature parce qu’il conduirait de lui-même au péché contre nature.
La concupiscence de la chair produit deux genres de désordres. Un désordre de mœurs très fréquent entre la puberté et le mariage, sous forme de faiblesses et de chutes intermittentes, qui peuvent se concilier avec un état de résistance habituelle, et ne vont pas au renversement complet des lois de la nature, --et un désordre pleinement voulu, désordre de tout temps et de toute forme, où la volonté se fixe sans effort pour en sortir, et qu’elle pousse jusqu’au renversement complet de ses lois. Or, le premier genre de désordres, effet de la fragilité plutôt que de la malice, est incomparablement moins grave et moins funeste à l’humanité que le second. Il n’est même prohibé d’une manière absolue que parce que, sans cette prohibition, il mènerait d’instinct au second. Le second genre qui consiste en ces fautes graves que Dieu a punies par les eaux du déluge et le feu de Sodome, telles que les fautes de l’habitude vicieuse pleinement consentie ainsi que les fautes contre les lois du mariage et les relations naturelles des sexes, provoque à un titre tout spécial les châtiments éternels de Dieu ". (p.248)
Donc, selon le Père Castelein, la raison fondamentale pour laquelle la fornication est défendue n’est rien d’autre que parce que de soi elle conduirait au péché mortel contre nature : " Il n’est même prohibé d’une manière absolue que parce que, sans cette prohibition, il mènerait d’instinct au second ".
Je nie d’abord qu’un acte conforme à la nature tende et conduise instinctivement à un acte contre nature. Il faudrait autrement conclure que l’union maritale crée un péril de péché grave contre nature pour les époux. Ce qui est absurde, injurieux à la Providence et contraire à l’expérience. Car la relation conjugale est ordonnée naturellement non seulement à la procréation mais à l’entretien, l’éducation et l’instruction des enfants. Car il ne servirait à rien de mettre au monde les enfants si on ne devait les nourrir, pour assurer leur croissance, et les instruire pour que les enfants puissent vivre selon la raison. Cette éducation et cette instruction exigent naturellement le concours de l’homme et de la femme, et la permanence de leur société. Il est clair que l’éducation des enfants ne fait pas appel seulement à la mère, qui les nourrit pour un temps, mais beaucoup plus au père qui doit instruire, interdire, corriger et faire la promotion des valeurs naturelles et surnaturelles. Il est donc nécessaire qu’entre les parents, il y ait un lieu naturel qui unisse le mari avec une femme particulière. Et pas pour un jour, mais longtemps, pour toute la vie. Voilà ce qu’exige l’obligatoire éducation des enfants. Cette société voulue et instituée par Dieu nous l’appelons, nous, mariage. Et selon le commandement de Dieu, seul est licite l’ensemencement humain. La fornication ou les relations de gens dissolus excluent d’elles-mêmes ce type de société. La fornication implique donc un grave désordre, qui cause un immense tort non seulement à celui qui doit naître de cette aventure, mais au bien commun de la société humaine, dans laquelle les maux les pires et les plus grands surgissent de cette procréation d’enfants en dehors du mariage, et de la mauvaise éducation qu’ils en reçoivent. La fornication est donc un péché mortel en elle-même, et non parce qu’elle conduit à une impudicité contre nature. Voilà la vraie doctrine catholique transmise par saint Thomas : " Pour nous en convaincre, considérons que tout péché est mortel qui porte atteinte directement à la vie humaine. La fornication comporte un désordre nuisible à la vie de celui qui doit naître. " Et plus longuement encore, il montre que saint Paul, dans sa première épitre aux Corinthiens , lect. 111 : " réprouve la fornication pour quatre raisons, dont la première se tire de l’ordre établi par Dieu, la deuxième de l’union avec le Christ, la troisième de la pollution du corps, la quatrième, de la dignité de la grâce. "
Je demande donc à tous les confesseurs
sérieux . Les impudiques qui font leur la doctrine de Castelein
sur la fornication comment peuvent-ils prêter foi à la condamnation
de la proposition qui s’énonce comme suit : " n’est qu’un péché
véniel le baiser qui provoque une délectation corporelle
et sensible ". Que sera donc ce baiser ? Et comment une telle doctrine
peut-elle augmenter le nombre des sauvés ?
19
Pourvu qu’elle ne soit pas poussée à l’extrême, la concupiscence de la chair incline d’elle-même Dieu à une immense miséricorde envers les pécheurs.
" Quant cette passion n’est pas poussée aux extrêmes désordres, par la malice réfléchie et persistance de la volonté, elle incline Dieu à une immense pitié ". (p.255)
Je réponds d’abord que même s’il n’a péché que selon la nature, il n’est pas permis au voluptueux de tant présumer de la miséricorde divine. Comme l’écrit un fils érudit de saint Alphonse : " Il est certain que Dieu abomine le péché mortel, quel qu’il soit, autant qu’Il s’aime Lui-même, i.e., d’une façon infinie. En aucun autre péché cette abomination ne se manifeste avant autant de force qu’à l’occasion du péché de luxure. Il n’a puni aucun autre péché comme celui-là par un supplice si horrible, si inouï, si universel comme Il a fait quand le déluge a détruit le genre humain, parce que " toute chair avait corrompu sa voie ". Ce péché a fait en sorte qu’Il s’est, pour ainsi dire, repenti d’avoir créé l’homme : Il s’est repenti d’avoir créé l’homme sur la terre. Son cœur a été affligé de douleur. " Blessé au-dedans de moi par une grande blessure au cœur, je détruirai l’homme sur toute la surface de la terre. " Il s’est plaint de l’homme : " Mon esprit ne demeurera pas dans l’homme pour toujours, parce qu’il est chair ". Quand Il vit que toutes les pensées du cœur étaient tournées vers le mal en tout temps.
Que les pécheurs se le tiennent pour dit : Dieu, pour pardonner le péché d’impudicité, commis même selon la nature, exige une contrition vraie et sérieuse, la détestation du péché commis, accompagnée du ferme propos de ne plus pécher. Et une telle contrition est fort problématique chez le malheureux impudique dont le péché développe une dépendance, à cause de la violence de la passion et de la délectation sensuelle, et à cause de cette habitude qui se contracte si facilement et débilite toute velléité de résistance. La contrition est difficile aussi parce que les effets de la luxure sont accablants: la cécité spirituelle, l’indifférence, la précipitation, l’inconstance, l’égocentrisme, la haine de Dieu, l’attachement au monde présent, la peur de l’avenir et le désespoir.
Revenons au premier point. " Il n’y a pas d’affection vicieuse –observe le P. Aertnys, --- qui lie plus fortement la volonté de l’homme que la luxure, car ses actes sont plus fréquents et plus intenses. Il est donc presque fatal que ce genre de péché ne développe très tôt un mauvais habitus, qui est comme un amas de liens et de chaînes dont l’homme a toutes les peines du monde à se dégager. L’esprit perd de jour en jour sa lucidité , la volonté devient anémique , elle s’étiole progressivement, le salut devient toujours de plus en plus difficile à saisir, et le vice finit pas se révéler être un puits en forme d’entonnoir inversé, car autant il est facile d’y descendre, il est difficile d’en remonter. "
Passons au deuxième point. Comme l’écrit à bon droit le professeur de philosophie qui mérite des louanges : " Le Père oublie que le vice impur, fût-il accompagné d’ignorance invincible, plonge à la longue les âmes dans les ténèbres, dégrade le sens moral, étend la nuit des bêtes sur la raison, et rend moralement impossible un relèvement même naturel. Dieu peut tout, mais à moins d’un miracle, ce dépravé n’en reviendra pas. Or, le miracle n’est que l’exception. A qui vit pieusement et s’est attaché à Dieu, il semble que la contrition parfaite doive jaillir comme de source après la faute. C’est oublier que le premier effet de cette faute est d’amoindrir nos lumières, nos goûts surnaturels, nos forces morales, et rendre malaisé ce retour, ce repentir, dont notre intégrité actuelle nous fait présumer l’extrême facilité ".
En conséquence, il est difficile au luxurieux de retourner à la vie vertueuse, et d’opérer son salut avec fermeté, sincérité et efficacité.
p.463 Partie Godts.
20
Dieu peut punir suffisamment de
tels péchés par une expiation temporelle, en cette
vie ou en l’autre, sans avoir à recourir aux peines
éternelles.
« Dieu sait punir de pareilles fautes par une expiation temporelle suffisamment efficace, en cette vie ou en l’autre, sans devoir recourir aux peines éternelles ». (255)
Castelein donne l’impression d’avoir
bien pesé ses mots, car le texte qu’il avait édité
auparavant dans un périodique, Revue générale,
mai 1898, p.651 ne comporte pas les mots : dans cette vie ou dans
l’autre. Néanmoins, cette assertion
est erronée et scandaleuse. Car, tout péché
de luxure est mortel de lui-même, ou en son genre. Une saine
théologie ne permet pas de mettre cette vérité en
doute. Le péché mortel en tant que détournement
volontaire de Dieu mérite, en toute justice, la peine de la
damnation éternelle. En d’autres termes, que la
peine éternelle due au péché mortel puisse être
expiée par une peinte temporelle, dans cette vie ou dans le
purgatoire, est une prétention étrangère à
la doctrine catholique.
p.464
Je dis étrangère et
en même temps scandaleuse. Quelle dissolution des
mœurs n’éclaterait pas, si la fornication et les autres
péchés de luxure , perpétrés selon la
nature, ne conduisaient qu’au purgatoire, et non à la
géhenne du feu éternel !
V1
Des sophismes quelconques, étrangers au sujet
21
Le salut promis aux religieux par leurs saints fondateurs.
Pour démontrer le plus grand nombre des élus, on agite trois autres arguments que l’on voudrait percutants : un tiré d e la promesse du salut éternel fait par les fondateurs d’ordre à leurs sujets; un autre tiré de la facilité de la canonisation des Pontifes dans les premiers siècles; et un dernier, de la durée illimitée du monde. Ces arguments, qui sont étrangers à notre propos, et qui ne prouvent donc rien sont exposés ainsi. « Un considérant de nature tout autre que j’aime à invoquer en faveur du plus grand nombre des élus c’est le privilège que certains grands ordres comme celui de saint Benoit et celui de saint Ignace, prétendent avoir reçu par révélation, quant au salut final de leurs membres. Il a été révélé, d’après des documents dignes de foi, que tous les membres qui de fait sont morts ou mourront dans ces deux ordres sont parmi les élus. Je pense que ce privilège s’étend à d’autres ordres religieux ».
Je dois confesser que notre humble congrégation du très saint Rédempteur a reçu plusieurs fois, en la personne de son fondateur, la promesse explicite du salut éternel de tous ceux qui mourraient dans son sein. Cette promesse est loin d’être insolite : elle est fondée en théologie, elle jouit de la promesse du Christ Lui-même.
Elle est fondée en théologie. Pour qu’ils puissent persévérer dans un ordre caractérisé par l’observance, les Religieux doivent observer les conseils évangéliques en plus des dix commandements : l’éloignement continuel du mal, et la recherche persévérante de la perfection. Mais cette prédiction des fondateurs d’ordres s’appuie sur un fondement incomparablement plus solide : la parole de Jésus. Le Christ a fait cette promesse nette et précise : « Celui qui, à cause de mon nom, abandonnera maison, frères, sœurs, père, mère, épouse ou champs aura la vie éternelle. » Cela, les religieux l’ont fait. Si donc ils demeurent fidèles à observer leurs engagements, Dieu s’en tiendra à sa promesse et ils seront sauvés. Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.
Mais si on demande : est-ce que la promesse des fondateurs vaut de fait pour tous leurs fils ? Pas du tout. Une distinction s’impose ici : elle vaut seulement pour ceux qui sont véritablement leurs fils, i.e., qui vivent selon l’esprit et la règle de leurs ordres. Elle ne vaut en aucune façon pour ceux qui n’appartiennent que de corps à leur ordre; qui disent avoir pour père Abraham, mais qui ne font pas les œuvres d’Abraham; qui sont semblables à des sépulcres blanchis qui semblent magnifiques à l’extérieur, mais qui à l’intérieur sont pleins de toutes sortes d’immondices. Nous rejetons donc avec énergie la conclusion qu’il en tire : « Evidemment, parmi les centaines de milliers de religieux qui ont bénéficié de ce privilège, tous n’ont pas été des saints. Il y en a eu, sans nul doute, quelques-uns qui ont été très tièdes, qui sont tombés dans de grandes fautes, et qui ont étrangement abusé de la grâce de leur vocation. S’il en est ainsi, cette garantie si précieuse ne peut-elle pas être invoquée comme un signe de la facilité avec laquelle Dieu accorde la grâce du salut final ? » (p.277)
Pas le moins du monde ! Pour le religieux qui ne l’est que matériellement, vaut aussi la menace terrible du juste Juge : le maître de ce serviteur arrivera au jour qu’il n’attend pas, et à l’heure qu’ile ne connaît pas. viendra au jour qu’il n’a pas prévu, à une heure qu’il ne connaît pas. Il le retranchera, et lui assignera sa part parmi les infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’aura rien préparé ou fait selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups. Quant à celui qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre. A qui on aura donné beaucoup, il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage » (Luc,12, 46-48)
Ma réfutation de l’opinion de Castelein, d’une façon tout à fait extraordinaire, se trouve appuyée par l’écrit d’un membre de sa compagnie, le bollandiste Van der Moeren, jésuite. Voici ce qu’il rapporte dans la vie de sainte Thérèse : « L’occasion m’est ici offerte de faire mention d’une certaine vision relatée dans L’image du premier siècle de la compagnie de Jésus (pp.648,49) et qui fut transcrite par la suite par le Père Lancicio dans son opuscule de l’importance de l’institut des Jésuites (livre 11,ch.1) et par le Cardinal Cienfuegos dans sa Vie de saint François Borgia (liv. V,ch.10) : « Dans cette vision, il est rapporté que sainte Tihérèse, en mission alors à Cordoue, aurait reçu la révélation que les religieux de la société de Jésus jouissaient du privilège , à leur décès, d’entrer directement dans le ciel après avoir paru devant Jésus. Que si quelqu’un m’importune en cherchant à tout prix à savoir de moi ce qu’il faut penser du bien fondé d’un tel privilège, il recevra de moi la réponse qu’a donnée autrefois le prudent P. Joannes Pinius (tome V11, p.852) après avoir entendu des récits de visions semblables de la mort bienheureuse de tous les jésuites : « Je n’attacherai pas plus d’importance à cette prédiction—dit-il—qu’aux raisons qui la soutiennent. Et pour que cette prédiction se réalise à la lettre et dans tous les cas, il faudrait des raisons paradoxales, controuvées, farfelues. Comme je n’arrive pas à trouver de bonnes raisons sur le moment, il ne me reste plus qu’à continuer mon récit le plus fidèlement et le plus sobrement du monde, en laissant à chacun la pleine liberté de penser ce qu’il voudra sur le sujet. Il faut pourtant ajouter que cette promesse vaut en toute rigueur pour tout jésuite qui sera fidèle à sa vocation et qui s’efforcera de rendre certaine son élection par les bonnes œuvres.
Je trouve une autre raison de mettre en doute la prétendue vision de sainte Thérèse sur le salut éternel de tout Jésuite, car dans la chronique (l.XV1,ch. XXX11,XXX1V), on raconte avec une grande abondance de détails qu’en l’année 1594, s’était répandue, dans le Carmel déchaussé, l’opinion d’une prérogative concédée à sainte Thérèse selon laquelle aucun membre revêtu de l’habit du Carmel ne serait damné. Or, la sainte, apparaissant à Anne de saint Augustin lui ordonna de désavouer cette prétendue promesse, lui disant qu’est destiné à l’enfer quiconque ne remplit pas ses devoirs, et que le ciel et le purgatoire étaient réservés à ceux qui le méritent. Comme Anne se réfugiait dans son indignité pour ne pas obtempérer au mandement de sa fondatrice, cette dernière lui a enjoint par trois fois de dire qu’il existait trois lieux pour chaque personne, à savoir le ciel, le purgatoire et l’enfer, et, par les traits de son visage autant que par son regard courroucé, elle la menaçait de croupir dans la médiocrité et la tiédeur si elle ne changeait pas de cap, et si elle ne détournait pas ses sœurs de cette confiance téméraire, tellement nuisible au salut et à la recherche héroïque de la perfection. Quand Anne se fut décidée à révéler à son confesseur le contenu de la vision de sa fondatrice, celui-ci le fit savoir à tous les prélats. Et les prélats communiquèrent à toute la congrégation cet avis céleste qu’on ne peut rejeter sans dommage spirituel, pour que toutes se souviennent, -rapporte la chronique---que ce n’est pas l’habit qui sauve, mais les bonnes œuvres faites avec l’habit. Si une prophétie du salut de religieux requérait explicitement l’observance généreuse des conseils évangéliques, j’y acquiescerais volontiers, pourvu quand même qu’elle soit confirmée par des témoins fiables. Tout comme on voit que Stillingus, le 28 aoùt, dans la vie de saint Augustin, n’a pas estimé devoir douter de la prophétie que saint Augustin a faite à saint Norbert : « Si tes frères, mes fils, militent courageusement d’après la règle que je vous ai écrite, ils pourront se ternir debout en toute sécurité devant le Juge au jour du jugement ».
Donc, la soi disant promesse du
paradis à quiconque meurt dans le sein d’un ordre religieux,
doit être interprétée à la lumière de
l’Evangile, et n’a aucune incidence sur le débat en
cours.
30
La facilité de la canonisation dans l’Eglise primitive.
Cet argument n’est pas plus pertinent que le précédent . Il ne fait que jeter de la poudre aux yeux. « Un autre considérant, semblable au précédent, peut se tirer de la facilité avec laquelle l’Eglise catholique, dans les premiers siècles, permettait d’invoquer et d’honorer comme élus les évêques décédés dans son sein. A Rome, le Pape, et dans chaque église particulière, l’Evêque du lieu, à leur mort, voyaient insérer leurs noms dans les sacrés dyptiques…à moins de quelque manquement très grave à leur devoir, sans rétractation suffisante. Plus tard, cette coutume a été abolie. L’Eglise n’a réservé les honneurs des autels qu’à un petit nombre de chrétiens parfaits et dignes d’être proposés aux fidèles comme des modèles accomplis de toutes les vertus. Mais ce premier usage prouve qu’au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile, et surtout, qu’il n’y faut pas de conditions exceptionnelles. Cet argument acquiert une grand force pour celui qui est au courant des mœurs rudimentaires de cette époque, et qui réfléchit à la manière si sommaire parfois et si peu éclairée dont l’élection du Pape et des évêques se fait par le peuple ». (pp.277-78)
Le mode plus ou moins solennel de la canonisation ou de l’élection pontificale importe peu. Ils n’étaient donc pas des saints ces quarante-six papes dont les corps ont été inhumés dans le cimetière romain de saint Calliste, qui ont tous subi un supplice mortel pour pouvoir hériter de la maison de Dieu ? Ne sont-ils pas dignes des cieux ces premiers pasteurs de la primitive Eglise qui ont été canonisés par le peuple, avec l’approbation de l’Eglise ? Ne furent-ils pas des chrétiens parfaits et dignes d’être proposés en modèle avant autant de raisons que nos saints modernes ?
Quelle logique dans cette déduction : « Mais ce premier usage prouve qu’au fond, l’Eglise est persuadée que le salut est facile . » A nous, une seule conclusion s’impose : l’Eglise est persuadée que ces saints des premiers siècles sont de vrais saints, et qu’autant que ceux d’aujourd’hui, ils sont des chrétiens parfaits et dignes d’être proposés en modèles accomplis de toutes les vertus. En outre, quel manque de respect envers les saints antiques marque cette assertion : « Cet argument acquiert une grande force pour celui qui réfléchit …au manque de formation régulière pour le clergé » Un mépris indigne !
Notre contradicteur les considère-t-il
de médiocre vertu ou indignes de lui ?
23
Si le nombre des élus n’était pas plus grand, il serait à souhaiter que les enfants ne grandissent jamais.
« Si le nombre de ceux qui se perdent était aussi considérable qu’on se plaît à le dire, les parents chrétiens bien inspirés devraient souhaiter que leurs enfants mourussent avant l’âge de raison; par suite, ils devraient se borner au strict nécessaire pour entretenir une santé et une vie qui exposeraient le salut à de si grands périls. Or, faut-il dire que Dieu réprouve ce souhait et cette incurie qui en serait la suite ? » (p.281)
Que répondre à ce genre d’arguments si ce n’est qu’il n’est jamais permis de faire le mal pour qu’il en ressorte du bien.
24
La multiplication du genre humain
et le maintien des galaxies pendant encore 2000 ans.
Comme appui à leur thèse, les modernistes pronostiquent une longévité remarquable à notre cosmos, qui ne périra pas, selon eux, avant encore un autre 2000ans. « Sans doute, si le monde doit finir demain, on pourrait volontiers souscrire à l’hypothèse des théologiens. Mais doit-il finir demain ? Supposez qu’il dût encore durer des milliers de siècles ? Supposez que toutes les nations de la terre dussent successivement connaître le christianisme, en vivre, en imprégner leurs institutions et leurs mœurs. Donnez aux Etats-Unis quinze siècles d’un catholicisme aussi ardent que l’a été celui de la France. Donnez-en autant à la Chine qui a 377 millions d’habitants, au Japon qui en a 250. Laissez le christianisme pénétrer dans les Indes, dans les îles de l’Océanie, et qu’il y ait 2000 ans, 3000 ans de durée…..Nous jugeons notre globe comme ces lecteurs légers qui ne connaissent encore que la préface d’un livre et ses deux premiers chapitres, et qui prétendent juger tout l’ouvrage. La préface du monde catholique a été de 4000 ans. Puis, a commencé le livre dont deux feuilles à peine ont été déroulées. Attentons, et avouons que nous ne pouvons pas dire ce que sera le petit ou le grand nombre des élus dans l’humanité tout entière ». « La terre convenablement cultivée d’après des méthodes scientifiques, pourra facilement fournir l’alimentation à douze milliards d’habitants. Quelle perspective grandiose pour l’avenir du christianisme, qui, en perfectionnant sans cesse son esprit, sa doctrine, son culte…apparaît de plus en plus la puissance du salut sociale ». (P.Castelein, l96,l97)
Il manque une chose essentielle à cet argument hypothétique, la preuve qu’au fil des années, les hommes de demain seront meilleurs que ceux d’aujourd’hui, de telle sorte que ce ne sera plus le petit nombre d’entre eux qui parviendront au salut, mais le plus grand nombre. Cet argument ne parvient sûrement pas à démontrer sa « doctrine du ciel au rabais » Et puis, il n’est pas permis, à partir d’une simple hypothèse, de conclure au fait du plus grand nombre des élus.
Même si on accordait que tous
les hommes des siècles futurs sans exception sont saints et
seront saints, qu’est-ce que cela a à voir avec les gens de
notre siècle, que vous voulez rendre sûrs de leur salut
? S’ils sont saints, ils seront sauvés;
s’ils vagabondent par la voie large, ils périront.
CONCLUSION
Voilà donc quels sont les arguments avec lesquels les modernistes conspirent pour renverser la doctrine commune des saints et des Pères sur le petit nombre des élus. Ils les croit incontournables. « Il ne suffit pas de nier ces preuves pour les supprimer. Elles se tiennent. Elles se soutiennent par le poids de leur masse ». (p.246) Comment elles se tiennent, que le lecteur impartial en juge ! Et après ces tours de passe- passe qu’ils pourraient avec plus de raison que la doctrine commune des saints, appeler « toiles d’araignée », ils ne craignent pas d’écrire pour entraîner les laïcs dans leurs filets, lecteurs de revues dénués de toute formation théologique : « Ma solution se réclame d’arguments de premier ordre. » Et encore : « Je ne serai pas embarrassé pour répondre à mes contradicteurs. Je souhaite seulement que l’attaque soit savante et précise. »
Je peux me rendre le témoignage d’avoir donné une réponse précise, et même scientifique, quand il le fallait. Ceux qui prétendront avoir besoin d’un étalage plus luxuriant de science et d’érudition pour faire crever ces nuages de fumée, je les considérerai des victimes de la vanité plutôt que des gens épris de certitude, et assoiffés de savoir.
Ce que nous avons dit devrait suffire amplement à l’édification des lecteurs de bonne foi, et à les détourner de cette nouveauté périlleuse. Que si cela jamais arrive, nous nous réjouirons d’avoir atteint notre but.
p.474 fin
retour à
la table des matières
p.475
Chapitre 8 Quelques
points particuliers tirés de la doctrine du père Castelein
Des points particuliers de la doctrine
du P. Castelein
Après avoir réfuté ces sophismes que d’autres modernistes ont en commun avec le R. P. Castelein, nous expliquerons pourquoi nous avons choisi de réfuter cet auteur de préférence à d’autres. D’abord, parce que son livre est plus accrocheur, plus séduisant en même temps que plus pernicieux que les écrits des autres modernistes, comme il apparaîtra par ce que nous dirons bientôt. Ensuite parce que son livre a reçu un accueil inhabituel. Il a été loué, exalté, commenté et largement propagé. L’auteur le reconnaît humblement : « Le freeman catholic de New York l’a reproduit tout entier pour ses cent mille lecteurs….Il répond aux doutes et aux inquiétudes d’un grand nombre d’âmes en quête de lumière et d’espérance immortelle ». (page V11)
Nous n’avons aucun doute que le Père
était, en écrivant son œuvre, mu par la meilleure intention
du monde. Ce n’est donc pas la personne de ce vénérable
et respectable religieux que nous attaquons, nous n’en voulons qu’à
son livre, que nous jugeons dangereux et nocif pour les âmes.
Avant d’en venir aux détails, je citerai des observations
générales qu’un professeur émérite a
daigné me transmettre sur le titre lui-même de l’œuvre.
Du titre et du but de l’œuvre
« Le rigorisme, la question du petit nombre des élus, et la doctrine du salut ».
« Le premier titre est mal choisi. Le rigorisme. Le rigorisme désigne un système de casuistique condamné et aujourd’hui entièrement tombé en désuétude, du moins dans les écoles catholiques. Tout au plus survit-il comme tendance chez tel ou tel directeur de conscience, sans oser s’affirmer encore au grand jour. Or ce n’est pas contre cette hérésie que s’insurge l’auteur, mais bien contre le pessimisme qui voit l’humanité en noir et s’exagère la perversité du siècle pour conclure au petit nombre des élus. Tout rigoriste tiendrait pour le petit nombre des sauvés. Mais on peut soutenir ce point sans être rigoriste, c’est-à-dire sans forger aux consciences des obligations chimériques. Le but pratique de l’ouvrage n’est pas en rapport avec la doctrine qu’on y défend. En effet, l’auteur indique dans son introduction (p.V11) qu’il entreprend de répondre aux doutes et aux inquiétudes d’un grand nombre d’âmes en quête de lumière et d’espérance immortelle. Quelles sont les âmes dont le sort l’a touché et qui se tranquilliseront en apprenant que le P. Castelein opine pour un nombre restreint de damnés ? Sont-ce les âmes timorées et pures, plus sensibles aux terreurs qu’à l’amour divin ? Mais de ces âmes, il ne s’en rencontrera guère parmi les lecteurs du bon Père. Ces sortes d’âmes vivent à l’ombre du cloître dont le présent ouvrage, je l’espère, ne franchira pas la grille. Du reste, leur épreuve est d’une nature trop intime, trop personnelle pour s’évanouir à la lecture d’accents si profanes, si raisonneurs, si présomptueux. A ces peines, il faut des consolations plus particulières, plus surnaturelles.
Où sont donc les victimes que l’auteur veut soulager ? Sont-ce les bons chrétiens appliqués à fuir le péché ? Mais s’ils connaissent les justices du Seigneur et les craignent, ceux-là n’ignorent pas non plus sa volonté salvifique, ni les miséricordes infinies, ni les mérites de Jésus-Christ, ni la valeur des sacrements, ou l’efficacité de la prière, dont le Père ne dit rien. S’ils lisent le R. P. ils n’apprendront rien de nouveau sur cela. Où s’égare donc l’intention de l’auteur ? Aux mauvais chrétiens, aux tièdes, aux consciences relâchées, aux ignorances affectées. Ou bien encore aux mahométans, aux Juifs, aux gens de Sodome et de Gomorrhe, aux protestants, aux incrédules qui sont les infidèles de nos régions. Assurément, parmi cette foule tumultueuse du siècle, l’auteur sera reçu comme un libérateur; les faibles y trouveront des excuses à leurs défaillances; les libres-penseurs se rassureront dans leurs ténèbres. Chacun se croira suffisamment de foi et de morale pour compter sur les grâces secrètes et sur quelque contrition in extremis, et ne se jugera pas assez mauvais pour être parmi l’élite des réprouvés.
C’est là de l’apostolat à rebours. Désormais, c’est la doctrine du petit nombre des sauvés qui empêche les pécheurs de se convertir. En apprenant qu’il y a peu de damnés, ils reviendront aux espérances éternelles. Les méchants y puiseront une fausse sécurité, les bons une pierre d’achoppement. Quant à ranimer les âmes déprimées par le terrorisme, c’est un résultat que ne saurait avoir la thèse de l’auteur, auquel même elle reste absolument étrangère. Lui-même se charge de le faire voir dans le chapitre V aux conclusions pratiques où il se défend contre l’incrimination de laxisme. En effet, qu’on admette le petit nombre des élus ou des damnés, les motifs de confiance et les motifs de crainte restent les mêmes. L’infinie bonté de Jésus, ses promesses, les mérites de Jésus-Christ, les grâces inépuisables, le témoignage de la bonne conscience, voilà pour nous rassurer et nous inspirer confiance, disent les rigoristes aussi bien que le P. Castelein. ---Le mystère de la justice divine, l’inconstance de notre volonté, d’une part. De l’autre, le mystère de la rédemption, la répartition des grâces tant préservatrices que réparatrices, mesurée, limitée, malgré l’infinie puissance et miséricorde, voilà de quoi nous tenir dans la crainte tempérée par la confiance, la confiance modérée par la crainte. Voilà les sentiments par lesquels l’Esprit de Dieu conduit les vrais chrétiens.
Eh! Bien, alors, à quoi rime la thèse du petit nombre des damnés ? N’est-ce pas un hors-d’œuvre ? La doctrine du salut en est-elle changée ? A-t-on ouvert une source nouvelle d’espérance? S’il y a effectivement peu de damnés, cela me rassure pour la masse humaine, non pour moi-même, car je dois craindre d’en faire partie si j’allais épuiser la mesure des grâces qui m’est réservée. La confiance en plus que je retirerais de cette statistique pour tempérer ma crainte de la justice divine, ne saurait être que fausse, téméraire et périlleuse. De même, s’il y a effectivement peu de sauvés, cela m’inquiète pour la masse humaine, non pour moi-même. Car je dois espérer en faire partie si je suis de bon vouloir et mets à profit les grâces qui me sont fournies surabondamment. La terreur que je ressentirais de cette statistique pour rabattre ma confiance en Dieu et ses miséricordes, serait vaine, coupable et périlleuse.
Concluons. Le Père Castelein, en soutenant le petit nombre des damnés, ne peut se flatter d’apporter aux âmes craintives aucun nouveau motif de confiance chrétienne et d’espérance surnaturelle, ni reprocher à la thèse adverse de leur en enlever. Il s’ensuit ce que nous disions plus haut. Cet ouvrage n’a aucun rapport avec son but avoué. En cela, il est absurde, comme serait une cause étrangère à l’effet que l’on en attend. Il aura des effets, mais bien différents, qu’on ne saurait trop déplorer.
Désormais, tous les libertins du monde et du demi, auront barre contre les missionnaires et les pasteurs. Ils diront avec plus de confiance : toutes ces menaces d’enfer sont des contes, des menaces inventées par les prêtres. Le bon Dieu n’est pas si méchant que les curés… »
Après cet exorde, dénonçons
certains points pernicieux, et opposons-leur la vraie et salutaire
doctrine.
2
La raison invoquée par le P. Castelein pour éviter la condamnation du 17ième article du Syllabus ne nous édifie guère.
« L’Eglise n’a condamné que le laxisme et l’indifférentisme absolu, formulés dans la 17ième proposition du Syllabus : « on doit au moins bien espérer du salut de tous ceux qui ne vivent pas dans l’Eglise catholique ». Ce qui est l’objet de la condamnation dans cette proposition, c’est l’universalité illimitée de cette espérance. Si je disais que dans les mauvais milieux seulement le tiers des hommes se perd, et dans les bons milieux le dixième, voire même le centième comme quelques Pères l’ont cru de la nature angélique, je serais à l’abri de cette condamnation qui atteint la 17ième proposition ». (pp..285,286)
Je citerai de nouveau le professeur de philosophie digne d’éloges : « L’auteur se flatte de ne pas encourir la condamnation infligée par la proposition 17 du Syllabus, même s’il disait qu’un centième seulement des non-catholiques se perdent. Or, cela n’est pas évident. En effet la proposition : « il y a lieu d’entretenir au moins un bon espoir du salut éternel de ceux qui n’appartiennent pas à la véritable Eglise du Christ » étant condamnée, on se demande quel est dans cette proposition complexe l’élément d’erreur. Le Père déclare que c’est l’universalité illimitée de tous ceux-là qui tombe sous la condamnation. Si la proposition était simple, si elle disait : tous les catholiques sont sauvés, sans exception, le Père aurait raison, parce que la contradictoire serait : au moins un non-catholique n’est pas sauvé. Mais la proposition condamnée est complexe , et son erreur pourrait tenir au au moins , insinuant que l’espoir est une terme modéré, et qu’à la rigueur on pourrait avoir l’entière assurance. En sorte que la vérité serait : tout au plus doit-on bien espérer… » L’erreur pourrait être aussi dans le verbe espérer exprimant nécessité, de façon qu’en disant on peut espérer, on serait dans le vrai. Mais c’est là plutôt une subtilité de logique.
Admettons que l’erreur git dans le
tous ceux-là . L’universalité, énoncée
ici par le latitudinarisme, ne peut être l’universalité
absolue, illimitée, sans exception. Le laxisme
n’a jamais prétendu qu’aucun non-catholique n’était
damné. C’est l’universalité morale, la généralité,
la masse le grand nombre que marquent ces mots « tous
ceux-là. » Donc, ce que le Syllabus a condamné
c’est qu’il faille au moins bien espérer du salut éternel
du plus grand nombre des non-catholiques. Si, comme dit
le Père, le tiers seulement des hommes, et dans les
bons milieux, le dixième, voire le centième se perd,
il resterait vrai que la masse (de ceux qui n’appartiennent pas à
la vraie Eglise) se sauvent, ce qui est condamné .
Le Père Castelein ne pourrait pousser la prétention jusque
là sans tomber sous l’anathème ».
3
Le minimisme n’édifie
pas.
La doctrine moderne et si peu édifiante du minimisme en religion plaît énormément à notre contradicteur, et, en plusieurs lieux, il s’efforce de l’inculquer à ses lecteurs mondains. Nous en avons déjà eu un aperçu suffisant dans ses sophismes relatifs à la nécessité de la révélation, au péché de luxure, au pouvoir salvifique de la foi, au salut de tous ceux qui ne sont religieux que matériellement.
Il ressort également de plusieurs de ses déclarations, tellement que le minimisme semble être une tendance générale de sa doctrine, lequel est plus nuisible que profitable au salut des âmes.
1- Il n’édifie pas son minismisme relatif à la très sainte communion. « Nous pouvons conclure de la doctrine et du précepte de l’Eglise sur la communion pascale, qu’une communion par an est nécessaire et suffisante en règle générale pour bénéficier de cette parole du Christ : celui qui manage ma chair… Si, en effet, cette communion unique n’était pas un moyen suffisant pour les fidèles qui vivent dans le monde, l’Eglise renforcerait son précepte. Or, le précepte de l’Eglise statue que la communion annuelle suffit pour accomplir le précepte divin de la communion. » Voici, à ce sujet, un excellent éclairage que donne un critique maintes fois cité : « De ce que l’Eglise exige une communion par an le P. Castelein conclut en d’autres termes que, d’après le sentiment de l’Eglise, ceux qui se contentent de faire leurs Pâques sont presque tous sauvés. Cette conséquence me paraît faible. C’est par souci des âmes, sans doute, que l’Eglise impose ses préceptes positifs, mais, avant tout, c’est pour préciser et régler l’accomplissement de certains devoirs fondamentaux, l’exercice de certaines vertus. Sanctifier les dimanches et exercer la vertu de religion sont de droit naturel et divin. L’Eglise règlemente et dit : assistez au moins à la messe le dimanche. Voilà le droit positif. Le droit divin et naturel dit : pratiquez la pénitence et la tempérance. L’Eglise dit positivement : jeûnez et abstenez-vous au moins tels jours. Confessez-vous une fois l’an.
De même Notre Seigneur dit : si vous ne mangez pas ma chair vous n’aurez pas la vie en vous. L’Eglise détermine et dit : communiez au moins à Pâques. Les préceptes de l’Eglise imposent le minimum en deça duquel on transgresse la loi divine en ces matières. Elle croit avoir ainsi fixé suffisamment la mesure du droit divin pour que la conscience des fidèles soit en paix sous ce rapport et ne se croie pas obligée à davantage. »
Mais il n’est absolument pas permis
de conclure que l’Eglise a défini que cette communion annuelle
suffisait pour communiquer aux fidèles les forces spirituelles.
Après avoir pris soin de satisfaire au précepte divin,
l’Eglise ne veut pas pousser plus avant, d’abord, parce que
les dispositions de chacun sont trop différentes pour qu’elle
puisse pourvoir aux besoins de tous dans une règle générale,
et parce que la prudence ne permet pas d’espérer de la part de chrétiens
de jour en jour moins pratiquants, une démarche plus fréquente.
Voilà la saine doctrine qui est exposée dans le catéchisme
romain : « De peur que certains seigneurs, pour la réception
de ce sacrement, ne soient rendus….on rappelle souvent aux fidèles
que la même obligation de recevoir l’Eucharistie est imposée
à tous. De plus, l’Eglise a stipulé que
celui qui ne communierait pas, au moins une fois par année,
à Pâques, serait exclu de l’Eglise. Mais
que les fidèles ne se contentent pas, en obtempérant
à l’autorité de ce décret, de ne communier qu’une
fois par année. Mais qu’ils estiment plutôt que
cette communion doit être réitérée plusieurs
fois. Convient-il que ce soit à tous les mois, à toutes
les semaines, à tous les jours, il n’est pas possible
de prescrire une loi qui vaudrait pour tous. Pour qui cherche
une norme, qu’il prenne celle de saint Augustin qui est on
ne peut plus certaine : « vivre de façon à pouvoir
communier à tous les jours. » C’est pourquoi
le devoir pastoral imposera aux curés d’exhorter souvent les fidèles
à ne pas omettre de prendre soin de leurs âmes
en la nourrissant chaque jour du saint sacrement, de la même
façon qu’ils jugent nécessaire de pourvoir chaque jour
à l’alimentation de leurs corps. Il est clair comme
le jour que l’âme a autant besoin de se nourrir que le corps.
Il sera bon d’apporter l’exemple biblique de la manne qu’il fallait
manger à chaque jour pour refaire ses forces. Sans omettre
les enseignements des saints Pères qui recommandaient avec
force la réception fréquente de ce sacrement.
Saint Augustin n’a pas été le seul à dire : «
pour éviter le péché à chaque jour, communie
à chaque jour. » Tous les autres Pères
ont été du même avis, comme s’en apercevra rapidement
celui qui les fréquente.
Les Actes des Apôtres nous
laissent entendre qu’il fut un temps où les fidèles
communiaient à tous les jours. Car, tous ceux
qui professaient, alors, la foi chrétienne, brûlaient
d’une charité si vraie et si sincère qu’ils s’adonnaient
sans interruption aux prières et aux autres devoirs de piété.
Rien d’étonnant à ce qu’ils aient été toujours
prêts à recevoir les saints mystères du Corps
du Seigneur. Par la suite, cette coutume qui semble
avoir été mise en veilleuse, a été
en partie rénovée par le saint pape martyr Anaclet.
Il prescrivit de communier aux ministres qui participaient au sacrifice
de la messe, en affirmant que c’était là une institution
des Apôtres eux-mêmes. Pendant longtemps dans l’Eglise
a été en vigueur cette coutume selon laquelle le prêtre,
si tôt terminé le sacrifice, prenait l’hostie,
se tournait vers le peuple présent, et invitait les fidèles
à la sainte table par ses paroles : Venez, frères,
à la communion. Alors, ceux qui avaient les dispositions
requises, recevaient les saints mystères avec un très grand
respect.
Mais lorsque la charité et la ferveur religieuse se furent refroidis à un point où les fidèles avançaient de plus en plus rarement à la sainte table, il fut décrété par le pape Fabien que l’on communierait trois fois par année, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte, ce qui fut par la suite confirmé par plusieurs conciles surtout par celui d’Agathensis.
Enfin, quand on en vint au point où non seulement cette dernière prescription si sainte et si salutaire n’était point observée, mais où la réception du très saint sacrement était différée d’année en année, le concile du Latran statua que tous les fidèles devaient recevoir la sainte communion au moins une fois par année, à Pâques, et qu’on interdirait l’entrée de l’église à quiconque négligerait ce devoir. »
Cette nécessité spirituelle qui devrait être la première norme que s’imposent les fidèles pour la réception du saint sacrement, est ainsi exposée par Lehmkukl : « En troisième lieu, il faut noter l’effet qui, selon la volonté du Christ, rend l’Eucharistie un moyen moralement nécessaire à la conservation de la grâce sanctifiante. Car, selon l’ordre commun de la Providence surnaturelle, sont communiquées à l’homme adulte par la réception du sacrement des secours plus abondants de grâce, à l’aides desquels il surmonte les épreuves et les tentations qui mettent le salut en péril, sans lesquels secours l’homme ne peut pas ou ne peut que difficilement éviter de tomber dans un péché grave.
L’Eucharistie, à ceux qui la reçoivent dignement, ne fait pas que procurer des secours plus abondants de grâce qui leur sont moralement nécessaires, mais elle invente d’autres moyens de détourner les périls qui menacent notre âme. Par exemple, elle tempère et comprime la concupiscence latente dans l’homme, surtout la concupiscence de la chair. Cela est si vrai que les saints Pères en grand nombre insistent sur cet effet, et vont jusqu’à promettre le don de continence à ceux qui vont communier fréquemment et avec la ferveur requise. La doctrine des théologiens et l’expérience des confesseurs sont d’accord pour témoigner que la communion fréquente est le remède le plus efficace et le plus puissant contre la concupiscence. En plus d’avoir un effet sur la concupiscence, elle agit directement sur le démon, en le maîtrisant, lui qui s’empare de l’homme par les embûches et les pièges, comme fait l’araignée avec les mouches. »
On lit plus bas « L’usage fréquent de l’Eucharistie n’est pas de soi un précepte. Néanmoins, il peut arriver qu’un recours plus fréquent à l’Eucharistie devienne pour quelqu’un moralement nécessaire. Prenons un homme vicieux et affaibli par une habitude dépravée. A ce malade, tout bien considéré, il est difficile de trouver des remèdes qui s’avèrent efficaces. Il serait téméraire de penser qu’il les trouvera à la portée de la main. Il ne reste plus qu’à lui prescrire avec urgence un usage fréquent des sacrements de pénitence et d’eucharistie, pour qu’il mette à l’épreuve et conserve la sincérité de son ferme propos. Bien plus, s’il est prudent de se fier à ceux qui sont le plus versés en la matière, unanime est leur recommandation : un jeune adonné à la débauche ne peut espérer d’amélioration que par la réception fréquente du très saint sacrement. Pour lui, la confession hebdomadaire, loin d’être trop fréquente, est à peine suffisante. Cf. Tolet. La formation des prêtres 1, 5 c 13,n.11. C’est donc le devoir du confesseur d’engager un tel pénitent à fréquenter les sacrements, autant que faire se peut, en usant de différents moyens, et même de la menace de lui refuser l’absolution. Aux autres hommes qui, pour surmonter de graves tentations, n’ont pas un besoin aussi urgent de la communion fréquente, on doit inculquer le recours fréquent à l’eucharistie, selon la pensée de l’Eglise, pour que la vertu chrétienne puisse se maintenir en eux et croître. »
Cette pensée de l’Eglise est exprimée par le concile de Trente : « Le concile avertit ensuite avec un amour tout paternel, exhorte, prie, supplie par les entrailles de la miséricorde de Dieu notre Seigneur, tous et chacun de se souvenir de l’amour extrême de Jésus-Christ Notre-Seigneur manifesté dans les saints mystères de son corps et de son sang. Qu’ils y croient et qu’ils les vénèrent avec respect, piété et une grande dévotion de l’âme, afin de pouvoir recevoir fréquemment ce pain supersubstanciel. Qu’il soit pour eux la vraie vie de l’âme et la perpétuelle santé de l’esprit. Qu’il les fortifie de sa vigueur, pour que le chemin de ce triste pèlerinage puisse les conduire à la céleste patrie, et que ce pain des anges, que jusqu’à présent ils mangent sous de saints voiles, leur soit enfin donné à manger à découvert. »
C’est à bon droit que continue le professeur émérite : « Cette conduite de l’Eglise ne prouve pas qu’elle estime le salut des âmes généralement assuré par une seule communion annuelle. La vérité est que la communion est le moyen le plus puissant pour nous protéger contre la mort du péché; que l’Eglise, au nom du Sauveur, a voulu nous amener de force à ce banquet divin. Forcez-les d’entrer une fois l’an; que, pour le reste, c’est aux nécessités spirituelles d’un chacun de régler le recours aux remèdes opportuns, sans nous astreindre à la communion plutôt qu’au jeûne, à la prière, aux aumônes, ou à d’autres moyens d’utiliser les grâces de Dieu.
Le Père Castelein a donc tort de conclure que l’Eglise juge la communion pascale un moyen nécessaire et suffisant pour sauver la généralité de ceux qui se bornent à cette seule pratique. »
Mais ce que l’on doit surtout ici déplorer c’est qu’aux nombreuses âmes tièdes parmi les chrétiens, un prétexte est offert qui les autorise à répliquer aux avertissements salutaires des confesseurs et des prédicateurs et à les contester.
Ce minimisme dans les choses de la foi proprement dite est apparenté à un autre qui diminue les miracles éclatants, les peines infligées par Dieu, les révélations… « Quant au miracle de la chute des feuilles durant un sermon du Père Baldinucci, pour représenter le grand nombre des réprouvés, je doute que ce miracle ait été admis dans le procès de la béatification du Bienheureux ». (p.285, note 1) La bulle de béatification d’un sien confrère en religion a donc échappé à l’attention de l’auteur et de ses censeurs ? Qu’ils apprennent donc qu’on lit les paroles suivantes dans les lettres apostoliques Ce que le Rédempteur , données le 25 mai 1893, qui décernent les honneurs des bienheureux célestes au Vénérable serviteur de Dieu, Antonio Baldinucci, jésuite : « On affirme qu’un jour où il passait par un certain château proche de Velitre, surnommé Guilianello, le peuple le pressa de monter en chaire , ce qu’il accepta avec empressement. A cause de la petitesse de l’église, le rassemblement se fit dans une plaine. La prédication eut lieu à l’ombre d’un orme à l’énorme frondaison, en plein mois d’avril. Il parlait avec véhémence contre ceux que la confiance présomptueuse dans la miséricorde de Dieu endurcissait dans le mal jusqu’au moment où ils devaient paraître devant Dieu. Puis, tout à coup, sous l’inspiration du Saint-Esprit, il s’exclama : « Combien d’âmes, pensez-vous, sont en train de tomber dans l’enfer en ce moment ? Autant, à la vérité, qu’il y a de feuilles qui tombent de cet arbre. ». Et aussitôt, la plus grande partie des feuilles se détachèrent de l’arbre. L’importance de ce fait n’échappa pas à ces hommes frustres. Ils furent fortement secoués, et leurs cris et leurs gémissements ne tarirent pas avant d’avoir expié leurs fautes avec une componction et contrition des plus sincères.
Notre contradicteur n’en continue
pas moins. « On pourrait en contester la force démonstrative
pour fixer d’une manière générale la proportion
des réprouvés et des sauvés. Nous ne nous appuyons
donc pas sur des documents de ce genre, à cause de la difficulté
d’en établir l’authenticité et le sens précis ».
(p.285,note 1)
Je laisse cela au jugement du lecteur.
Est aussi redoutable le bénignisme qui ne voit que dans les péchés monstrueux une matière à la damnation éternelle. Voici ce qu’écrit notre auteur des diverses concupiscences : « Quand cette passion n’est pas poussée aux extrêmes désordres par la malice réfléchie et persistante de la volonté, elle incline Dieu à une immense pitié. » (p.255) « Un tel désir aurait-il chez un grand nombre cette malice extrême et cette gravité monstrueuse qui créent l’obstacle insurmontable au salut ? (p.257) « L’orgueil pleinement développé et fixement retenu dans l’âme est rare ». (p.261) « Peu d’hommes se fixent dans l’erreur et le mal résolument et irrévocablement ». (p.270) etc…
Voilà donc la science du salut telle que codifiée par notre contradicteur ? Quelle est donc l’utilité de cette sévère admonition du divin Rédempteur ? : Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes, et celui qui est infidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes. (Luc XV1,10)
C’est avec beaucoup de sagesse qu’écrit notre confrère R.P. Coppin : « Je demande à tout lecteur attentif et réfléchi du livre du P. Castelein, je demande surtout à tout prêtre qui, en chaire ou au confessionnal, s’est efforcé cent fois de faire comprendre la laideur du péché mortel, une seule considération dans ce livre qui soit capable de faire cette lumière dans les esprits et de mettre cette horreur dans les cœurs.—Pas une. Ce n’est pas tout. Le ton général du livre et une multitude de phrases et de considérants sont un peu au diapason des réflexions des pécheurs que nous avons citées tantôt. Ce sont péchés de faiblesse ! Illogisme !...Ce ne sont habituellement que péchés mortels ordinaires. . « .Comment rigoristes, irez-vous mettre ces gens en enfer pour ces fautes, résultats de l’éducation, des préjugés ? ..Dieu n’a que faire de vos balances de toiles d’araignée…. Et puis, comment me ferez-vous admettre que Dieu va damner une masse de ces gens du peuple qui auront peiné, travaillé, la sueur au front, toute la vie! ..Qu’on dise donc tout d’un coup que ces gens ne commettent pas de péchés mortels, qu’il n’y a de péchés mortels que les désordres monstrueux, et dans lesquels on se fixe obstinément. »
Monsabré a cent fois raison de dire : « Vous vous imaginez par exemple qu’il n’y a de mortel et de digne de damnation que les péchés monstrueux par lesquels l’homme se déclare ennemi de Dieu, Le renie, se sépare de Lui, renonce à Lui. Ou bien encore ces crimes abominables que le monde frappe d’une universelle réprobation. Vous vous imaginez qu’il n’y a pas dans les instincts vicieux de la nature une si grande malice que Dieu soit obligé de recourir aux rigueurs barbares d’une éternité malheureuse, pour punir ceux qui obéissent à leur entraînement. Vous vous imaginez que si l’on conserve la foi ou un certain amour du juste et de l’honnête, on peut être à l’abri de l’éternel supplice dont doivent pâtir les réprouvés…..Erreur, messieurs. Le péché, d’après la théologie est une transgression d’une loi divine. Que la loi divine soit inscrite dans notre conscience, qu’elle nous soit intimée par ceux qui ont reçu de Dieu mission de nous faire connaître ses volontés, il n’importe. Dès que la transgression est grave, clairement connue de l’intelligence et pleinement consentie par la volonté, elle constitue une faute mortelle et damnable, parce qu’elle produit, quoique nous ne le voulions pas directement et formellement, ce criminel renversement des fins qui met la créature à la place de Dieu. Dans ces conditions, comptez, si vous le pouvez, toutes les transgressions graves dont vous vous êtes rendus coupables, et qui n’ont pas encore été réparées par une sincère pénitence. Et, je vous en prie, ne vous laissez pas aveugler, dans cet intéressant calcul, par des préjugés grossiers qui réduisent le nombre des fautes mortelles que vous pouvez commettre à quelques méfaits ou forfaits que châtie la justice humaine.
On entend souvent dire qu’un homme est irréprochable parce que son exacte probité, l’urbanité de son caractère, la correction de sa vie publique ne donnent prise à aucune loi de nos codes criminels. Ce que le peuple traduit couramment dans son langage par ce dicton : je n’ai ni volé ni tué, je suis un honnête homme. Je ne prendrai pas la peine, messieurs, de faire une thèse de morale, pour discuter cette honnêteté à bon marché. Il me suffit de faire appel à vos consciences de chrétiens, et de les mettre en face du code criminel de Dieu, pour vous convaincre que l’on vole et que l’on tue plus souvent qu’on ne croit, et que l’on peut, quoique pense de nous le monde, tomber sous le coup des peines terribles que Dieu tient en réserve pour châtier les transgresseurs de ses commandements ».
4
Le Père est loin de nous édifier lorsque le rejet de la méthode de saint Ignace dans les exercices spirituels et le mépris de la pratique des saints prédicateurs le portent à déclarer que la crainte servile de Dieu est un obstacle à la charité. Il ose même appeler la prédication de cette crainte : le forfait.
« J’en veux encore plus au rigorisme parce qu’il paralyse l’action de la charité dans les âmes. » (348) « Frères égarés dans les fausses théories du rigorisme et du terrorisme, …quand par vos fausses théories et votre pessimisme outré, vous faites dominer dans les âmes la crainte de l’enfer…vous empêchez les fidèles d’aimer Jésus-Christ, comme Il veut être aimé d’eux ». (p.352) « Vous empêchez l’amour de Jésus-Christ d’être dans son église un amour populaire. Voilà le forfait perpétré malgré vous, je le veux bien, par votre malheureuse doctrine. Aussi longtemps que prédomine dans une âme le mobile de la crainte des châtiments divins, cette âme ne saurait faire un acte de cet amour que Jésus nous demande. Serions-nous réduits à devoir nous contenter d’un simulacre de charité ? Serions-nous réduits à devoir extorquer des aumônes en menaçant les fidèles des peines de l’enfer ? » (p.353)
La méthode adoptée par sans Ignace dans ses exercices spirituels est beaucoup plus édifiante. Car là, lors de la première semaine, i.e., la voie purgative, il s’efforce de mener l’âme à l’amour de Dieu par la crainte, par la considération des vérités terribles. Plus édifiante est la doctrine authentique du saint fondateur de la société de Jésus. Voici ses propres paroles qui proclament nécessaire la crainte de Dieu, et pas seulement la crainte filiale, mais la crainte servile, ou la peur de l’enfer. Elles sont tirées des règles qui nous mettent sur la même longueur d’onde que l’Eglise. « Dixième octave. Bien que soit souverainement à louer et souhaitable le service de Dieu inspiré par le pur amour, néanmoins, la crainte de Sa Majesté est fortement recommandée. Pas seulement cette peur que nous appelons filiale, qui est pieuse et sainte à souhait, mais également celle qui est dite servile. Elle est en effet fort utile à l’homme, et souvent même nécessaire, pour que nous ayons le ressort capable de nous propulser en avant, quand il nous arrive de tomber dans le péché mortel. La crainte servile, quand nous nous en serons éloignés et que nous en serons immunisés, nous rendra plus facile la montée vers le don divin de la crainte filiale, qui prépare et conserve l’union amoureuse de la créature avec Dieu. »
L’exemple et l’enseignement de saint Ignace furent ceux de tous les saints missionnaires, surtout de saint Léonard de Port-Maurice et de saint Alphonse, dont le propos fut toujours d’amener les âmes à l’amour par la crainte. Ce qui est conforme à l’esprit de l’Eglise exprimé par le concile de Trente : « Les pécheurs seront avec profit aiguillonnés par la crainte de la justice divine »…De cette crainte, elle en a fait un canon : « Si quelqu’un dit que la peur de la géhenne est un péché, ou qu’elle ne fait qu’empirer le mal , qu’il soit anathème. » Et dans le concile de Pistoie : « Selon l’ordre habituel de la préparation à la justice, il faut que la crainte entre d’abord, par laquelle vient la charité. La crainte est le médicament, l’amour la santé ».
Combien plus édifiante que celle de Castelein la doctrine en or du docteur angélique lequel, se demandant si la crainte servile demeure avec la charité, répond affirmativement : « parce que la crainte servile est elle-même un don du Saint-Esprit. Or les dons du Saint-Esprit ne sont pas enlevés par l’avènement de la charité. par qui le Saint-Esprit habite en nous. Donc, l’arrivée de la charité n’expulse pas la crainte servile de Dieu ». Et puis il explique en ces termes : « La peur servile est une peur qui porte sur soi, parce qu’elle est la peur de la peine qui s’exerce au détriment de notre propre bien. De cette façon, la peine servile peut cohabiter avec la charité, comme le peut l’amour de soi. Le désir du bien chez l’homme et la peur d’en être privé procèdent d’un même principe…..La peur de la peine est incluse dans la charité, car la séparation d’avec Dieu est une peine dont a horreur la charité. Cela donc s’applique à la chaste peur. »
Encore beaucoup plus édifiant ce que sainte Thérèse d’Avila écrit à son sujet, elle qui a été réformatrice de l’ordre du mont Carmel. Dans l’appendice du bréviaire romain, l’Eglise lui rend ce témoignage : « Parmi toutes les vertus de Thérèse, brillait particulièrement l’amour de Dieu. » Cependant, parmi les grâces innombrables et sublimes que Dieu lui a accordées, elle plaçait en premier lieu la très célèbre vision qu’elle eût de l’enfer, dont elle a parlé un grand nombre de fois avec beaucoup de fruits. Mais écoutons-là plutôt en faire l’aveu elle-même : « Longtemps après que le Seigneur m’eût accordé un grand nombre de ces grâces que j’ai racontées, et quelques-unes tout à fait singulières, comme j’étais un jour plongée en oraison, subitement et instantanément, je me suis sentie ainsi positionnée, sans que je sache comment, que je me croyais en enfer. J’ai compris immédiatement que c’était la volonté du Seigneur que je contemple de mes yeux le lieu qui m’était assigné, que les démons et mes péchés m’avaient ici préparé. Je m’y suis précipité pendant un peu de temps. Même si ma vie devait durer de nombreuses années, je n’oublierai jamais ce trou. »
Après la description de l’entrée
dans l’enfer, et de certaines peines infernales d’une grande
atrocité, elle continue : « J’étais tellement
consternée, et je le suis encore aujourd’hui au moment
où j’écris, ---même s’il s’est écoulé
seize ans depuis cette vision,--- que j’ai l’impression que la peur
éteint en moi la chaleur naturelle. Cette expérience
fut tellement traumatisante que quand je me sens accablée
de tribulations, d’angoisses et de douleurs, je n’ai
qu’à me rappeler cette vision pour que, immédiatement,
tout ce qu’un être humain peut ressentir de pire me paraisse
une vétille. De cette façon, sans mérite
de notre part et sans nul apparat, nous pouvons triompher des douleurs
qui sont notre sort ici-bas. Je le répète donc,
voilà un des plus grands dons et grâces dont le
Seigneur m’a comblé. Cette vision m’a aidé grandement
à dissiper la peur des tribulations et des adversités
de cette vie, à me fortifier pour que je les supporte
avec équanimité , et à rendre grâces à
Dieu de m’avoir délivré de maux si horribles et si
interminables. A partir de ce moment, comme je l’ai déjà
dit, tout me paraissait plus qu’aisé, quand je
comparais mes souffrances présentes à un moment des
peines que j’ai souffertes là-bas. Je m’étonnais même
que la lecture fréquente des peines de l’enfer ne parvenait
pas à me terrifier, et que je n’y attachais pas l’importance
que j’aurais du. Et comment, dans l’état où
je suis, pourrais-je retirer une volupté quelconque
d’une chose qui me conduirait dans un lieu si horrible ! »
5
L’assimilation de la doctrine catholique de l’enfer à celle des Musulmans n’édifie personne, ni l’atténuation des peines traditionnelles de l’enfer, pour ne pas heurter le scepticisme de notre siècle.
« Nous n’avons pas le droit, pour frapper plus vivement les imaginations, et dompter plus énergiquement les volontés, d’inventer un terrorisme que ne justifie pas l’Evangile…Pour mieux comprendre sur ce point l’Evangile, interrogeons d’abord le Coran. Voyons quel est l’esprit de Mahomet et la méthode du Coran pour détourner les hommes du péché, par la sanction pénale qui le frappe. (pp.303, 304) « Evitons de donner comme réelles, et surtout comme étant de foi, les descriptions du genre de celles du Coran. » (p.208, note) « Jésus n’apostrophe pas la multitude avec les menaces et les foudres qui caractériseront le procédé du rigorisme mahométan ou pseudo-chrétien. » (p.309) « Son joug n’a rien de commun avec les procédés du rigorisme mahométan, dont bien souvent nos rigoristes semblent s’inspirer. (pp.321,322) « Quant à la nature des peines représentées par le feu de l’enfer, ou les ténèbres extérieures, contentons-nous de dire que la principale est la douleur et le remords causés par la privation éternelle de la félicité surnaturelle du Ciel….En ces temps d’examen et de doute, évitons de donner comme réelles les descriptions…du genre de celles du Coran ». (p.398,note)
Notre professeur a compté les vers du Coran et ceux de l’Evangile où il est fait mention des peines de l’enfer. « Rien que dans les 500 premiers versets du Coran, j’en trouve 55 consacrés aux menaces de l’enfer. » Et puis, avec son érudition connue, il indique tous les numéros des vers et des surates, et conclut : « En moyenne, en dehors des parties historiques, sur 100 versets du Coran, 15 ont l’enfer pour objet. » (p.304)
Le Professeur de philosophie souvent cité par moi s’exprime ainsi : « Le R.P. s’est donné la peine de compter aussi les passages du N.T. où Notre-Seigneur et les Apôtres ont poussé jusqu’au terrorisme de l’enfer. Il n’en a trouvé que 8 en saint Matthieu, (p.305), un seul en saint Marc, 4 en saint Luc, à peine un demi en saint Jean, en saint Paul de simples allusions, n’était-ce de deux textes de l’Epitre aux Hébreux. « Ils sont si clairsemés », dit-il. (p.307) A cet égard, le Père semble avoir mal compté. Il paraît avoir omis les paraboles où le Sauveur conclut par la damnation. Celles-ci, par exemple : l’ivraie, les talents, les mines, le figuier stérile, le filet, le riche insensé, l’économe infidèle, et les dix vierges qui sont autant de prédications sur l’enfer. En outre, dans les passages qu’il signale, il ne compte que le verset final où la menace de l’enfer est exprimée : « 10 versets sur 28 chapitres d’environ 40 versets chacun », s’écrit-il, « un rien! » (p.305) Pour être juste, il devrait compter tous le contexte où ces versets sont encadrés. Par exemple, la parabole de la robe nuptiale est tout entière sur l’enfer, quoique les ténèbres extérieures soient indiquées en un seul verset. Avec cette arithmétique, on pourrait soutenir que le livre de l’auteur n’a qu’une vingtaine de pages, celles qui expriment ses conclusions, et que tout le reste est un pur hors-d’œuvre. Mais, soyons sérieux. Le Père semble oublier que la révélation n’était pas tout entière dans les livres saints, et que tout ce que Jésus a fait et dit n’a pas été écrit; qu’il y a des traditions apostoliques. Or, les premiers Pères de l’Eglise qui en sont l’écho, n’ont pas prêché à la manière du Père Castelein. Ils ont « terrorisé » tant et plus. La crainte de l’enfer a été un puissant levier chez les Chrétiens du temps des persécutions et de tous les temps. Au reste, si le N.T. est le fond principal de la prédication apostolique, il n’est qu’un thème à interpréter et à appliquer aux diverses situations de la vie. En accordant que le Saint-Esprit ait particulièrement insisté sur la miséricorde et les mystères de la Bonté divine, ce n’est point pour nous engager à prêcher moins, ni moins fort sur l’enfer. Mais s’il est permis d’en conjecturer le motif, c’est peut-être que ces mystères de grâce et d’amour sont plus inouïs et plus incroyables pour l’homme déchu que les mystères de la justice éternelle. Le Dieu juste, les purs païens ne l’ignoraient pas. Le Dieu Bon leur était quasi inconnu.—La règle fondamentale pour prêcher avec fruit me semble être d’adapter le fond et la forme à l’auditoire que l’on a devant soi. Sans ce discernement élémentaire, on s’expose à beaucoup d’inconvénients. Les principaux semblent être de troubler les âmes timorées, et de tranquilliser les âmes relâchées. Aux âmes en voie de sanctification, que la menace de l’enfer ne soit plus qu’un lointain grondement de tonnerre, et que le ciel distille avec sa rosée la joie et la paix de l’amour. Aux âmes convalescentes, épaves de récents naufrages, que la miséricorde du Seigneur rayonne à travers les foudres et la tempête pour inspirer confiance et courage. Mais pour les âmes qui folâtrent au bord de l’abîme, et vivent dans l’occasion prochaine, pour les pécheurs en putréfaction dans le tombeau de leurs vices, que l’éclair déchire leurs ténèbres, que des cris d’alarme s’élèvent en puissantes clameurs, pour les avertir du péril ou les réveiller du sommeil fatal. Le Père n’a pas seulement le tort de blâmer la fréquente prédication des fins dernières, il a tort de nous interdire ce qu’il appelle le terrorisme inventé. Puisque l’enfer est une réalité, l’orateur sacré n’a pas à inventer en cette matière. Il n’a qu’à donner des images, des comparaisons, des analogies. Il doit craindre de manquer aux règles du bon goût par une diction, un geste, un accent où des expressions qui choqueraient l’auditoire, et compromettraient le fruit de sa parole. Mais il n’a pas à craindre d’exagérer jamais l’horreur des supplices éternels. Car, en retournant le texte de saint Paul, on peut dire que l’œil n’a rien vu, l’oreille n’a rien entendu, le cœur humain n’a jamais rien ressenti qui puisse servir à nous donner une image même lointaine des châtiments que Dieu réserve aux réprouvés. Toute description n’approchera jamais de l’épouvantable réalité ».
Examinons maintenant, l’autre avertissement du Père Castelein : « En ce temps d’examen et de doute, évitons de donner comme réelles les descriptions du genre de celles du Coran. » (p.308,nota) Il convient de se rappeler le cinquième exercice de la première semaine des exercices spirituels de son Père, saint Ignace, lequel est une contemplation très réaliste de l’enfer et qui, même à notre époque, pourrait être bénéfique pour tous. Le premier prélude comprend la composition du lieu, la longueur, la largeur et la profondeur de l’enfer rendus présente aux yeux de notre imagination. Il consiste ensuite à éprouver l’appréhension intime des peines qui affligent les damnés, pour que si jamais s’empare de moi l’oubli de l’amour divin, la peur des supplices éternels me retienne de commettre le péché. Le premier point nous incite à contempler par l’imagination les vastes incendies de l’enfer et les âmes ignées semblables à des tisons ardents roulant dans les flammes. Il nous pousse ensuite à écouter les délires, les lamentations, les hurlements, les vociférations et les blasphèmes contre le Christ et ses saints. En troisième lieu, il nous fait sentir la fumée, le soufre, les odeurs de pourriture et de putréfaction. Quatrièmement, il nous fait éprouver l’amertume des larmes, de la rancœur, et l’action du vers rongeur de la conscience. Enfin, il nous fait toucher ces brasiers ardents qui brûlent les âmes elles-mêmes. Cet exercice est-il un procédé du rigorisme mahométan ou pseudo-chrétien ? (p.309)
Je me demande si saint Ignace approuverait la prochaine déclaration du P. Castelein : « Nous le demandons avec insistance, n’est-il pas indigne d’un chrétien de se préoccuper presque exclusivement, dans l’effroi et le trouble de l’âme, des moyens d’échapper aux peines éternelles ? » (p.334) Le saint auteur des exercices dirige dans cette voie le retraitant de la première semaine, en lui faisant ce genre de propositions : « Je dois fuir les pensées qui me réjouissent, car de telles pensées tarissent les pleurs et les douleurs de mes péchés…Dans le même but, j’éteindrai toute lumière, et, portes, fenêtres closes, je me tiendrai là dans la noirceur….Je m’abstiendrai avec soin du rire, et de toute parole qui le provoque. »
Dans la science du salut, il est judicieux de toujours s’en tenir aux doctrines des Saints, qui sont à la fois nos maîtres et nos modèles.
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EPILOGUE
Donc, puisque selon la sentence commune des saints et des théologiens, il est certain que la majeure partie du genre humain est damnée, ---et les théories des modernistes ne pourront jamais changer ce fait---il est plus édifiant d’admettre humblement ce mystère redoutable et de diriger notre vie et notre doctrine d’après lui, que d’en discuter dans des revues pour chatouiller les oreilles des laïcs à l’esprit cultivé.
Si nous pensons le petit nombre des élus dans une perspective divine, gardons-nous de toute curiosité indiscrète et des reproches voilés. Adorons Dieu, le Bien suprême, le Saint, le Juste. Disons avec l’Apôtre : « O altitude des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Comme sont incompréhensibles tes jugements, et inscrutables tes voies ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? Ou qui a été son conseiller ? » (Rom. 11, 33,34) Et si l’orgueil soulève des objections et des murmures, répondons comme le pieux et docte Père Saint-Jure, Jésuite : « Si vous me demandez comment il est possible que Dieu qui aime les âmes d’un si grand amour, qui a tant de désir de les sauver tous, qui a tant souffert pour leur salut, puisse consentir à les voir presque tous damnés, je vous dépondrai qu’Il a encore plus d’amour pour eux, plus de désir de leur salut que nous ne saurions le dire et le penser. Dieu, dit Jésus à Nicodème, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde fût sauvé par Lui. D’autant que personne ne veut perdre ce qui lui a coûté très cher, et comme le dit Salomon, la gloire du Roi est dans le nombre de ses sujets. Ainsi, Dieu ne désire rien avec autant d’ardeur que de conserver les hommes qui lui ont coûté si cher et d’augmenter sa cour dans le ciel, où les élus doivent l’honorer et le servir pendant toute l’éternité. Mais il faut considérer que la volonté qu’Il a de les sauver est conditionnelle, qu’Il veut les sauver pourvu qu’ils le veuillent eux-mêmes, qu’ils y travaillent de leurs côtés et qu’ils gardent ses lois. Rien n’est plus raisonnable puisqu’ils le peuvent, et qu’il ne leur manque rien de tout ce qui est nécessaire pour cela; parce qu’Il est leur Dieu et leur Souverain Seigneur, qu’ils Lui doivent une obéissance entière, d’autant plus que ses lois sont toutes équitables, conformes à leur nature et à leur raison. Parce que ces lois ne sont pas comme celles des princes de la terre, qui ne sont sanctionnées que par des menaces, et qui ne promettent aucune récompense. Car Dieu promet des honneurs, des richesses et des honneurs infinis à ceux qui les observeront. Enfin, parce que ce serait vraiment une dérision de vouloir acquérir sans aucun travail les trésors inestimables des biens éternels tandis que nous ne pouvons pas obtenir sans peine la plus petite chose sur la terre. Il est donc très raisonnable que les hommes observent les lois de Dieu. Dieu est très juste en les châtiant s’ils les transgressent, comme en les récompensant s’ils y sont fidèles. C’est ce que nous voyons en usage parmi les hommes parmi tous les états policés où l’on pèse le mérite des personnes pour récompenser les bonnes actions et punir les mauvaises ».
Le pieux ascète répond ensuite à une objection péremptoire : « Oui, me direz-vous, mais Dieu qui est si bon, devait nous sauver par force et ne pas nous laisser perdre ! Non, cela ne peut pas être ainsi, « Nous n’approuvons pas, dit saint Denis, ce que quelques-uns disent sans aucun fondement de raison, qu’il faudrait que la Providence divine nous entraînât malgré nous à la pratique de la vertu. Car ce n’est pas le propre de la Providence de détruire la nature des choses, mais au contraire, elle la conserve, elle la laisse agir, et agit avec elle selon le degré de force qu’elle a. Ainsi, Il permet à l’homme qu’Il a créé libre d’user de sa liberté pour se livrer à la vertu ou au vice, pour travailler à son salut ou à sa condamnation sans le contraindre. » « Dieu veut sauver tous les hommes, dit saint Ambroise, mais pourvu qu’ils aillent à Lui, et qu’ils montrent qu’ils Le désirent. Il ne veut pas les sauver malgré eux. » Et en effet, quel est l’homme qui traîne liés et garrotés ceux qu’il a invités à un festin ? Ce serait les outrager au lieu de les honorer. On punit bien les hommes contre leur volonté, on ne les récompense pas de même, car, pour qu’ils soient récompensés il faut qu’ils l’aient mérité, et ils ne peuvent le mériter sans le vouloir et sans s’en donner la peine. Ainsi Dieu précipite bien les hommes dans l’enfer contre leurs volontés, mais Il ne reçoit dans le ciel que ceux qui le veulent. Puisque le nombre des réprouvés est si grand, que celui des élus est si petit, qu’il en est tant qui se damnent et si peu qui se sauvent, quel est celui d’entre nous qui n’a pas sujet de craindre d’être compris dans cette prodigieuse multitude ? »
Si nous considérons le petit nombre des élus par rapport à nous, écoutons ce que nous dit le premier vicaire du Christ : « Frères, faites de grands efforts pour que vos bonnes œuvres rendent votre vocation et votre élection certaines. En les pratiquant, ces bonnes œuvres, il ne vous arrivera pas de pécher et c’est ainsi que, avec abondance, vous sera assurée l’entrée dans le royaume éternel de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ». (Pierre, 11P. l, 10,11) Faites tous vos efforts. Agissez avec de plus en plus d’énergie pour que vous ayez, autant que faire se peut, des signes certains de votre prédestination. Car, comme dit saint Thomas, « c’est par les bonnes œuvres, que la prédestination obtient son effet en toute certitude ».
Et pour que nous, prêtres,
nous ne soyons pas réprouvés après avoir prêché
à d’autres, gardons-nous du laxisme de la vie et de la doctrine.
Prêchons et mettons en pratique non les principes des modernistes,
mais ceux des saints et des Docteurs de l’Eglise. N’ayons pas
en horreur leur sainte et apostolique sévérité, dans
le but de complaire à ce siècle amolli et dépravé.
Et dans le gémissement de notre cœur, prions tous les jours
Dieu notre Sauveur : arrache-nous à la damnation éternelle,
et ordonne que nous soyons comptés dans le troupeau de tes élus.
A ceux qui espèrent dans la multitude de tes miséricordes,
daigne en donner une part; dans la compagnie de tes saints
daigne nous admettre, non à cause de nos mérites mais
de la grandeur de ton pardon. Par le Christ notre Seigneur,
et par les prières et les larmes de Marie, notre Médiatrice.
Amen.
QUE JESUS SOIT LOUE ET MARIE TOUJOURS VIERGE, MAINTENANT ET TOUJOURS.
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AJOUTS
A la page 196, Viator
a Cocaleo O.F.C. 1793
Il fait de cette proposition une thèse : « Je suis forcé d’admettre avec douleur que le nombre des élus à être logés dans la patrie céleste est fort probablement inférieur à la foule des réprouvés qui sont membres de l’Eglise catholique elle-même. A noter. Je ne parle pas ici du nombre des réprouvés, que l’absence de la vraie foi ou l’hérésie maintiennent en dehors du sein de l’Eglise catholique, et font d’eux des infidèles, Une discussion en bonne et due forme à leur sujet ne serait qu’une perte de temps. Car celui qui ne croit pas est déjà jugé.
Preuve. Parlant du nombre des élus, le Christ en Luc X111, affirme qu’ils sont peu nombreux. Des raisons pour prouver cette thèse nous en avons plus qu’il n’en faut. L’ignorance et la concupiscence sont aussi importantes et aussi grandes chez les catholiques qu’ailleurs. En conséquence, les promesses faites au baptême ne sont pas respectées par la plupart. Les commandements de Dieu et de l’Eglise ne sont pas mieux observés que ceux de la nature. En un mot, il y en a peu qui conforment leur vie au Christ. » Et puis, il répond aux modernistes par ces mots : « Nos adversaires ne cessent de nous opposer certaines images ou paraboles dans lesquelles la sentence opposée semble être illustrée. Ils disent, par exemple, que parmi les invités au repas de noce, un seul a été expulsé pour ne pas avoir été vêtu de la robe nuptiale. Sur les douze apôtres, un seul, Judas, a été traître. Parmi les adultes, il s’en trouve peu à ne pas recevoir l’extrême onction. Nous répondons que si le débat porte sur les figures, notre avis l’emporte amplement. Dans l’arche de Noé, huit personnes seulement ont été sauvées. Deux seulement sur des milliers sont entrés dans la terre promise, etc… Il ne fait aucun doute qu’il faille porter plus d’attention à la tradition qu’à l’interprétation des modernes. Plût à Dieu que nos adversaires soient dans le vrai ! Mais j’ai terriblement peur du contraire. Car aucun texte de l’Ecriture ne rapporte leur sentence à la lettre. Nous ne pouvons pas non plus lui reconnaître le mérite d’être la sentence des Pères. »
A la page 252 Joan Gagnieus (a écrit en 1552)
Le théologien du roi français, François premier, ecclésiastique chargé des aumônes royales, en Matt. V11,15 : « L’étroitesse de la porte et le resserrement du chemin nous font comprendre que le début de la vertu est un chemin difficile que très rarement le peuple entreprend. La largeur de la porte et les charmes de la route nous font penser à la route de la volupté qui conduit à la mort ceux qui s’y engagent. Mais ce n’est que le petit nombre qui choisit la vertu , qui entre par la porte étroite de la vertu, et progresse dans la voie resserrée. »
Et en Luc X111, 23 : « Le Christ ne fait que chercher le moyen par lequel on puisse être sauvé et parvenir au salut éternel quand il persuade de l’obligation qu’il y a à entrer par la porte étroite. Plusieurs chercheront à entrer et ne le pourront pas, parce que l’effort et le zèle faisaient défaut, là où la mollesse et la négligence abondaient. »
A la page 236 J. Haraeus, (van der Haer, 1632)
Ce docteur érudit de l’université de Louvain écrit dans son commentaire de Matt. XX,16, comme saint Grégoire : « Plusieurs viennent à foi, mais peu sont conduits jusqu’au royaume céleste. Car la plupart suivent Dieu en paroles, mais le fuient par leurs mœurs ».
A la page 250 Natalis Alexander O.P. (1724)
Dans son commentaire du sens littéral de Matt. V11 : « Peu trouvent ou découvrent la route resserrée, parce qu’ils ne jugent pas correctement de la fin à se proposer ni des moyens pour y parvenir. Ils ne font pas non plus l’effort voulu pour juger sainement, la capacité de juger droitement ayant été altérée par les affections déréglées et les cupidités effrénées. Quant à la porte large et la voie spacieuse : « Il y en a beaucoup qui entrent par elle, et qui se dirigent vers la damnation éternelle. La plus grande partie des hommes, entraînée et alléchée par les passions déréglées, par les mœurs mondaines, corrompue par la fausse gloire et les exemples abrutissants, (ce que nie le P. Castelein) , secouée par les tentations démoniaques, (ce dont ne parle par le P. Castelein) parcourt cette voie. »
En Matt. XX, Car plusieurs… « Plusieurs sont appelés à la foi et à la charité par la prédication de l’Evangile, extérieurement, par les secours de la grâce, intérieurement, mais un petit nombre d’entre eux sont choisis pour régner avec le Christ ». En Matt. XX11 : « Plusieurs parmi les appelés répondent à l’appel et se rendent aux noces. Mais peu sont choisis pour se réjouir avec l’époux et faire partie de ses amis. » « Il y en a peu qui se sauvent en comparaison avec la multitude de ceux qui périssent ».
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Addition_p.515-518.latin
Table des matières_p.519-551.latin
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par JesusMarie.com.
ajout le 10 mars 2011 (figure dans Ricart Torrens et non dans Godts)
Saint Antoine Marie Claret :
« Je me dis souvent :
il est de foi qu'il y a un ciel pour les
bons et un enfer pour les mauvais ;
il est de foi que les peines de l'enfer
sont éternelles ;
il est de foi qu'il suffit d'un seul péché
mortel pour offenser un Dieu infini.
Me rendant compte que ces principes sont
très sûrs,
voyant la facilité avec laquelle
on pèche - aussi facilement que si l'on buvait un verre d'eau, comme
pour rire ou par diversion -
voyant la multitude qui est continuellement
en état de péché mortel
et va ainsi à la mort et en enfer,
je ne puis rester en repos, je sens que
je dois courir et crier et je me dis :
Si je voyais quelqu'un tomber dans un
puits ou dans un brasier, je courrais certainement et je crierais pour
l'avertir et l'empêcher de tomber ?
Pourquoi n'en ferais-je pas autant pour
empêcher quelqu'un de tomber dans le puits et le brasier de l'enfer
?
Je ne puis comprendre comment les autres
prêtres qui croient aux mêmes vérités que moi
- vérités que tous doivent croire - ne font ni prêches
ni exhortations pour empêcher les gens de tomber en enfer.
Je m'étonne même que les
laïcs, hommes et femmes, qui ont la foi ne crient pas, et je me dis
: si une maison se mettait à brûler de nuit, ses habitants
et les autres habitants du quartier étant endormis et ne voyant
pas le péril, le premier qui s'en apercevrait ne courrait-il pas
dans les rues en criant : au feu ! au feu ! dans telle maison ? Alors,
pourquoi ne pas crier au feu de l'enfer pour réveiller tant de dormeurs
assoupis dans le sommeil du péché et qui, au réveil,
se trouveront dans les ffammes du feu éternel ? » Cf. Autobiographia,
II, 11, 2-3-4.
« Ce qui m'oblige également
à prêcher sans arrêt c'est de voir la multitude d'âmes
qui tombent en enfer, car il est de foi que tous ceux qui meurent en état
de péché mortel se damnent. Hélas ! chaque jour meurent
quatre vingt mille personnes selon des calculs approximatifs ; et combien
mourront en état de péché, combien se damneront ?
Car talis vita, finis ita ! Telle vie, telle mort.
Et quand on voit comment vivent les gens,
quand on les voit en très grand nombre vivre de façon stable
et habituelle en état de péché mortel, on peut dire
qu'il ne se passe pas de jour sans qu'augmente le nombre de leurs fautes.
Il pèchent aussi facilement qu'on boit un verre d'eau, comme par
jeu et pour rire. Ces malheureux vont de leur propre mouvement enfer, selon
ce que dit le prophète Sophonie 1, 17 : ils marcheront comme
des aveugles parce qu'ils ont péché contre le Seigneur
Peut-être me direz-vous que le pécheur
ne pense pas à l'enfer et même n'y croit pas. Situation pire
encore. Vous pensez peut-être que le pécheur cesse, pour ce
motif, de se damner ? Non, certainement pas ; au contraire, c'est là
un signe plus clair de sa damnation d'après l'Evangile : Qui
ne croit pas sera condamné, citation de l’Evangile selon saint
Marc, chapitre 16, verset 16. Et comme le dit Bossuet, cette vérité
est indépendante du fait qu'on y croit ; celui qui ne croit pas
à l'enfer ne manquera pas pour autant d'y aller s'il a le malheur
de mourir en état de péché mortel ; et ceci bien qu'il
ne croie pas à l'enfer et n'y pense pas. » Cf. Autobiographia,
XI, 205-6-10
Chapitre
1 : La question du nombre des élus n'est pas une question purement
théorique, elle est riche en conclusions pratiques_p.13-26
Chapitre
2 : L'église penche en faveur du petit nombre des élus, bien
que ce nombre ne soit connu de Dieu seul_p.27-48
Chapitre
3 Ce que les Saints et les Pères de l’Eglise disent sur le petit
nombre des élus_p.49-124
Chapitre
4 : Les Théologiens et les Auteurs Ascétiques enseignent
que le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
; cependant, quelques uns enseignent que le petit nombre des élus
est de foi_p.125-229.
Chapitre
5 : Le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
selon les Exegètes (les interprètes de la Sainte Ecriture)_p.231-267.
télécharger le livre en latin
: De Paucitate
Salvandorum quid docuerunt Sancti ? (pdf gallica)
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