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Abbé F.X. Godts
Congrégation du Très Saint Rédempteur (Ordre religieux fondé par Saint Alphonse de Liguori)
Que disent les Saints du Petit nombre des Elus ?
titre original latin : De Paucitate Salvandorum quid docuerunt Sancti ?
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Stefan Lochner, Detail du jugement dernier


Approbation du 5 mai 1899.
Imprimatur du 29 juillet 1899.
Dédicace à Beato Clementi-Maria Hofbauer.
Préface de la 3ème édition, état de la question,_p.I-XVIII

Chapitre 1 : La question du nombre des élus n'est pas une question purement théorique, elle est riche en conclusions pratiques_p.13-26
Chapitre 2 : L'église penche en faveur du petit nombre des élus, bien que ce nombre ne soit connu de Dieu seul_p.27-48
Chapitre 3 Ce que les Saints et les Pères de l’Eglise disent sur le petit nombre des élus_p.49-124
Chapitre 4 : Les Théologiens et les Auteurs Ascétiques enseignent que le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie ; cependant, quelques uns enseignent que le petit nombre des élus est de foi_p.125-229.
Chapitre 5 : Le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie selon les Exegètes (les interprètes de la Sainte Ecriture)_p.231-267.
Chapitre 6 : La façon dont les modernistes se comportent avec les Pères de l'Eglise et  Comment ils les interprètent_p.269-346.
Chapitre 7 : Les autres sophismes des modernistes_p.347-474.

Chapitre 8 Quelques points particuliers tirés de la doctrine du père Castelein_p.475-508.
Epilogue_p.509-514.latin
Addition_p.515-518.latin
Table des matières_p.519-551.latin


Chapitre 1
Le problème du petit nombre des élus est riche en conclusions pratiques, ce n’est pas une question purement spéculative

1 La bonne semence est la doctrine du petit nombre de ceux qui doivent être sauvés. La doctrine contraire est la zizanie moderniste

2 Afin de tromper leur lecteurs inattentifs, les modernistes combattent le célèbre discours de Massillon Du petit nombre des élus

3 Mais ils passent sous silence le discours que saint Léonard de Port Maurice a tenu à Rome au sujet de cette même matière et que l’église a examiné et a approuvé indirectement.

4 Les écrits mêmes lorsqu’ils ont été approuvés par des supérieurs religieux ne livrent pas toujours une doctrine saine.

5 Les théologiens, l’utilité de notre question et l’expérience du confessionnal prouve cette utilité : ceux qui vont se confesser motivés par l’attrition.p.20

6 Les méditations judicieuses du très célèbre père Bourdaloue, S.J., dans sa prédication sur le petit nombre de ceux qui seront sauvés. p.22


Chapitre 2
Bien que le nombre des élus soit connu de Dieu seul, toutefois la pensée de l’église penche en faveur du petit nombre de ceux-ci

1 L’église approuvent les écrits qui enseignent que même parmi les catholiques bien peu sont sauvés

2 Et à l’inverse, en 1772, l’église a condamné complètement l’affirmation du père Gravina S.J., « il est vraisemblable que les élus sont de loin plus nombreux que les réprouvés. »

3 Déjà une décennie avant l’église a condamnée d’autres thèses tirées du même auteur relâché.

4 De la même manière, en 1761, Gravina a édité l’œuvre de Plazza, Du Paradis, dans le chapitre V duquel il s’efforce de rendre vraisemblable à ceux qui font des conjectures, l’opinion du plus grand nombre de ceux qui seront sauvés.

5 Il affirme que cette opinion déplait aux hérétiques et pourtant à l’aide d’arguments tirés des livres des hérétiques.

6 Trois arguments faux qui sont également produits par le père Castelein, etc.

7 Que « tous les païens et tous les infidèles obtiennent en masse le salut », Gravina qualifie cette proposition de scandaleuse pour les ignorants mais pas vraiment pour les théologiens

8 Il édite de manière séparée ce 5ème chapitre condamné, cette édition séparée a été condamnée.

9 Gravina a été réfuté immédiatement

10 Cette condamnation ne dérange pas du tout le Père Castelein qui, bien qu’il enseigne une doctrine pire, examine les motifs de la condamnation et trouve qu’ils n’ont pas été de mauvaise doctrine mais d’une foi informée [nourrie, animée] par des révélations privées ;

11 cependant ce sont des révélations de sainte Brigitte et des autres saints.

12 Les bons mots creux que dans le journal Le Patriote le [junior E.T. S.J.] alors qu’il entend défendre son maître le père Castelein.

13 Les deux citent faussement le père Monsabré en faveur de leur opinion.

14 L’église approuve l’opinion commune [du petit nombre ] de ceux qui seront finalement sauvés.

15 Quelques théologiens enseignent de manière libérale que la majorité des catholiques est sauvée, ce que cependant aucun saint n’enseigne.

16 Nos adversaires citent à l’appui de leur opinion les deux derniers docteurs de l’église et méprisent les autres
[Saint Alphonse de Liguori fut proclamé docteur de l’église catholique en 1871 et Saint François de Sales fut proclamé docteur de l’église catholique en 1877]

17 Mais saint Alphonse est cité faussement lui qui a écrit le contraire de leur opinion huit fois

18 Même saint François de sales est cité faussement
p. 44 saint François de Sales
"les hommes sont tellement pervertis, que dès leur adolescence ils ont quitté la voie du salut et ont pris le chemin de perdition. Estant parvenus à l'aage de raison ils prennent leur route à main gauche"

Sermon pour la présentation édition 1839 T. II. p. 381 col 2.
 
 
 

19 Nous pourtant nous invoquons l’autorité authentique des saints pour cette question et pourquoi le faisons-nous ?

20 ainsi en le faisant, nous obéissons à  Léon XIII

21 Et nous suivons le conseil de saint Ignace de Loyola
 
 
 

p.27-48
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p. 49.
Chapitre 3 Sentences des Saints et des Pères de l’Eglise

§ 1 Saints postérieurs aux pères de l’église

N°1 Saint Alphonse-Marie de Liguori (+ 1787)
 

la Préparation à la mort ou Considérations sur les Vérités Eternelles
(aussi imprimé avec le titre : La Bonne Mort ou Considérations sur les Vérités Eternelles)
17ème considération : l'Abus de la miséricorde divine, 1er point  :
"C'est ainsi que se perdit également Judas, car il pécha, dit saint jean Chrysostome, en comptant sur la douceur et la bonté de son maître (homélie sur saint Matthieu, 8 et 81). Bref Dieu supporte mais il ne supporte pas toujours. Si Dieu supportait toujours personne ne se damnerait. Or c'est l'opinion la plus commune que, même parmi les chrétiens, le plus grand nombre de ceux qui parviennent à l'usage de la raison, se damnent." (cf. p.165 de Préparation à la Mort, aux éditions Saint Paul, 2001, ISBN 2850498718)

« La majeure partie des âmes va en enfer à cause des péchés sexuels [péchés d'impureté] : qui plus est, je n'hésite pas à affirmer que ceux qui se damnent vont en enfer ou bien pour ce seul péché ou au moins pas sans lui. »
Theologie Morale de Saint Alphonse de Liguori, livre 3, N°413, [Lib. III. N°413].
 

« La route du ciel est étroite et  pour me servir d'une expression familière, les carosses n'y passent pas; en sorte que vouloir aller au ciel en carosse, c'est y renoncer. Bien peu d'âmes y parviennent parce que bien peu veulent se faire violence pour résister aux tentations. »
Sermon pour le troisième dimanche de l'Avent.
 

Dans une lettre adressée à un évêque, saint Alphonse a écrit qu'un catholique, venant à mourir l'année où il a fait (et bien fait) sa mission, se damnera difficilement. S'appuyant sur cette lettre,  Mgr Bougaud lui fait dire, absolument, qu'un catholique se damne difficilement. Il s'agit là d'une fausse interprétation de texte. Saint Alphonse, en plusieurs de ses oeuvres, insiste sur la doctrine traditionnelle du petit nombre des élus, comme l'ont toujours soutenu les religieux de son ordre.
 

« Eh quoi ! pensez-vous peut-être qu'il n'y a point de religieux en enfer ? Ah ! combien n'en verrons-nous pas qui y seront damnées au jour du jugement ! Comme beaucoup d'entre elles [les âmes ayant fait les voeux religieux] mènent une vie pleine de péchés, au moins véniels, on a raison de craindre que Dieu ne les vomisse et ne les abandonne à cause de leur tièdeur. »
oeuvres complètes de saint Alphonse de Liguori, oeuvres ascétiques, tome XI p. 248
(Casterman 1879).
 

« Notre Dieu est si bon et il a tant d'amour pour nous qu’il désire ardemment d'être aimé de nous ; c'est pourquoi non seulement Il nous a appelés à son amour par invitations si multipliées dans les Saintes Ecritures et par tant de bienfaits communs et particuliers, mais Il a voulu même nous obliger à L'aimer, par un commandement exprès, en menaçant de l'enfer ceux qui ne L’aiment point et en promettant le paradis à ceux qui L’aiment. Dieu veut que tous les hommes se sauvent et qu'aucun ne se perde, comme l'enseigne très clairement saint Paul ainsi que saint Pierre. Il veut que tous les hommes se sauvent. Mais si Dieu veut que nous nous sauvions tous, pourquoi a-t-il créé l'enfer ? Il a créé l'enfer, non pour nous voir damnés, mais pour se voir aimé de nous. En effet, s'Il n'avait pas créé l'enfer, qui L'aimerait en ce monde ? On voit la plupart des hommes se livrer à la damnation éternelle plutôt que d'aimer Dieu ; qui donc, je le répète, s'il n'y avait pas d'enfer, qui L'aimerait ? Ainsi, le Seigneur a menacé d'un supplice éternel quiconque refuse de L'aimer, afin que ceux qui ne L’aiment pas de leur bon gré L'aiment au moins de force, par crainte de l'enfer. »
 

 « Quand nous arrivons en quelques lieu, - écrit saint Alphonse de Liguori à ses missionnaires, - nous y trouvons le plus grand nombre des habitants dans la disgrâce du Seigneur, où les tient enchaînés le péché. » Circulaire 29 juin 1774. Et il parlait de villageois aussi catholiques et aussi pieux du royaume de Naples au XVIIIème siècle. Que dirait-il de nos Sodome et Gomorrhe actuels ?
 

"Or, comment pourrait-on jamais dire que les rites pratiqués à l'égard des défunts sont un culte sacré, quand communément parlant, on n'a pas connaissance de l'excellence de leurs vertus ? On doit savoir aussi que parmi les fidèles défunts, beaucoup sont damnés, et cependant ces rites se pratiques indifféremment à l'égard de tous; donc on doit dire que l'Eglise n'admet pas que ces rites constituent un culte sacré."
Instruction Pratique pour les Confesseurs, Chapitre V Du second principe, premier point du Blasphème, tome 1, p.276, ce passage se trouve dans la Lettre réponse à la lettre apologétique écrite pour la défense de la dissertation sur l'abus de maudire les morts, Oeuvres Complètes, tome 23, édition Parents-Desbarres, éditeur, Paris,
 

 N°2 Saint Léonard de Port Maurice (+1751)    p.51

"Pour résoudre le doute proposé, déroulons d'un côté tous les saints Pères, tant grecs que latins, de l'autre les théologiens les plus savants...Puis faites attention, non à ce que moi je vais dire, mais à ce que vont dire ces grands génies qui servent comme de phares dans l'Eglise de Dieu pour éclairer les autres, afin qu'ils ne se trompent pas sur le chemin qui mène au ciel.
Remarquez toutefois qu'il ne s'agit pas ici de la masse du genre humain tout entière, ni de tous les catholiques sans distinction, mais seulement des catholiques adultes.
Deux éminents cardinaux, Cajetan et Bellarmin, appuyés sur le savant Jean d'Avila  [déclaré bienheureux par l'église catholique romaine en 1970], se prononcent d'un commun accord contre le sentiment des libertins et déclarent ouvertement que selon eux, la majeure partie des chrétiens adultes se damnent.
Suarez, après avoir consulté toutes les autorités, après avoir tout pesé, a écrit ces mots: "le sentiment le plus commun tient que, parmi les chrétiens, il y a plus de réprouvés que d'élus. Communior sententia tenet ex christianis plures esse reprobos quam praedestinatos." (note de Godts en bas de age 52 à traduire, cf. chapitre IV))
(à suivre page 52)

   (   à partir   de la page 53)
 

  Saint Léonard  confirme les déclarations de ces saints-là  par un argument terrible  qui devrait  exciter,   en nous prêtres,  la peur du péché et des occasions de pécher,  et un zèle ardent  pour l’obtention  de notre sanctification :  (en français dans le texte).
 

N°3 Vénérable  Janvier-Marie Sarnelli,  c.s.s.r. p.54. (+1744) p.54
déclaré vénérable en 1874.
Vénérable  Gennaro Maria  Sarnelli  1702-1744

Ami intime, « frère jumeau » de saint Alphonse de Liguori, qu’il rencontra au palais de Justice de Naples où tous les deux étaient avocats, il fit parti du premier groupe de jeunes prêtres et séminaristes  autour de saint Alphonse. Mort d’épuisement à 42 ans
Ds D.S. T.XIV col.352-352
Sac. Cong. Rit. Proc. Beatif. Ejus. Pos. Super dub. n°34 et 35

  Pour célébrer la mémoire et le nom de cet  illustre serviteur de Dieu,  il suffira de dire une seule chose,  à savoir qu’il a  eu pour  panégyriste  et chantre de ses mérites et de ses vertus nul autre  que saint Alphonse,  éminent docteur de l’Eglise  et son guide  spirituel.   Il brûla d’un zèle ardent pour la conversion des pécheurs, lequel il manifesta en  se mettant à la recherche des brebis les plus égarées,  c’est-à-dire,   les prostituées,  femmes   qui se damnent elles-mêmes et qui en attirent  un grand nombre au péché.   Il l’a montré aussi par ses écrits raréfiés   et vieillis,   dont on continue à tirer profit,    selon son propre aveu :  « Je veux  continuer à prêcher jusqu’au jugement dernier »,  de sorte que ceux qui sont instruits  par les exhortations de cet homme apostolique  gagnent sans cesse à Dieu  d’innombrables âmes.

 Cet apôtre docte et très zélé  dans son livre intitulé le monde sanctifié,  présente une méditation spéciale  sur le plus grand nombre des damnés :  «La plus grande partie des fidèles se damne. »   Cette méditation commence ainsi :  « Considère comment se précipitent d’eux-mêmes  dans l’abyme des tourments éternels  d’innombrables chrétiens ».

 « L’opinion la plus commune  des docteurs grecs et latins  qui sont les interprètes  des oracles et des mystères sacrés,  opinion fondée en raison et sur les divines écritures,    est que  la plus grande partie des fidèles qui meurent après l’âge de raison  sont damnés.   Pour que quelqu’un  soit sauvé,  il faut qu’il s’abstienne du péché.  Mais comme sont peu nombreux ceux qui  font le bien  et nombreux ceux qui font le mal ! »

 Ensuite,  parlant du tort que se font tant de  catholiques  avec leurs mauvaises confessions,  il déclare,  à la suite de saint Jean Chrysostome : « Une telle confession n’est rien d’autre qu’une pénitence théâtrale ! »     Il conclut ensuite ainsi en exhortant  les lecteurs : « Rappelez-vous  que pendant notre vie  on nous appelle des voyageurs   parce que nous tendons vers la patrie.  Nous cheminons vers la bienheureuse éternité   ou vers l’éternité  de la damnation.   Contemplez par la pensée  l’ensemble des hommes de la terre  tombant en même temps que vous  dans l’une ou l’autre éternité.  Innombrables  sont ceux qui se dirigent  d’une course effrénée   vers l’éternité de l’enfer.  Très peu de chrétiens  se dirigent  vers l’éternité du paradis.    Et devant un spectacle si  funeste , déplorez la  damnation de tant d’âmes malheureuses.   Considérez  alors  vers quelle éternité  vous vous êtes dirigés pendant la majeure  partie de votre vie,  et vers laquelle vous vous dirigez encore.   Si vous courez avec la multitude,  vous serez damnés avec la multitude.   L’esprit contrit,  rebroussez chemin. Inaugurez une nouvelle forme de vie.  Il se peut que quand vous le voudrez  vous ne le pourrez plus.   « Cherchez à entrer par la porte étroite, parce que beaucoup,  je vous le dis,   chercheront à entrer et ne le pourront pas ».   Quel grand soin vous devez prendre  pour faire de bonnes confessions ! Confessions mauvaises,  hélas ! combien d’âmes vous avez jetées en enfer !  Chrétiens,  efforcez-vous de faire de bonnes confessions,  afin d’opérer votre salut ! »
 

N°4 Saint Claude de la Colombière, s.j.= jésuite (+1682)

 Aux saints déjà canonisée ajoutons ce serviteur de Dieu  dont la cause est introduite à Rome  et dont les écrits recevront bientôt l’approbation de l’Eglise,  comme nous l’espérons.   Entre autres choses,  il enseigne ceci :  (en français dans le texte)

 (p.58) Cet homme savant et très pieux   a proféré ces terribles paroles  non sous le coup de l’improvisation , non dans l’emportement d’un mouvement oratoire,  mais il les a déposées sur le papier  calmement et paisiblement,  lui,  le directeur de conscience de Marguerite Marie Alacoque,  et le très doux ami du Cœur de Jésus.   A l’évidence,  Claude de la Colombière ne fut pas  un  bénigniste.   Mais qui oserait l’appeler un rigoriste,  un terroriste ou un janséniste ?
 

N°5 Saint Vincent de Paul (+1660)

 Aimé de Dieu et des hommes, ce saint aimable   dont la mémoire est en bénédiction,   affirme pourtant  crument : (en français dans le texte voir le livre en pdf)
 

N°6 Vénérable Louis de Ponte, s.j. (+1624)
Luis de la puente (nom espagnol) 1554-1624 jésuite espagnol qui a joué un rôle dans le développement de la dévotion au Sacré Coeur de Jésus
 

 Novice  sous la conduite du maître des novices  Balthazar Alvarez,  qui fut parfois un des confesseurs de sainte Thérèse,  qui enseigna ensuite la philosophie et la théologie,  et qui remplit plusieurs fois la fonction de maître des novices et de recteur,   il choisit judicieusement   comme directeur spirituel   Suarez,  qui était alors une lumière de la théologie.   « Etendons-nous sur l’autre partie de la sentence : beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.     Comme parmi tous les hommes de cet univers  qui sont appelés par Dieu à recevoir la foi et la grâce,  plusieurs sont des pécheurs,  qui résistent à cet appel,   peu sont justes  et  peu   sont élus pour parvenir au ciel,   après avoir répondu à l’appel,   de la même facon,    même parmi les justes eux-mêmes,  qui sont appelés à la vie parfaite,  plusieurs résistent à cet appel, vivant  dans la  tiédeur  et se contentant de peu,  et un petit nombre seul est vraiment appelé et élu.   Car ce qui est précieux est toujours rare.    O Dieu infini,  toi qui appelles tous les êtres humains  et les invites à suivre le chemin de la perfection,  je supplie   ta Majesté  d’augmenter le nombre des élus,  pour que beaucoup soient parfaits comme toi Tu es parfait.   Fais en sorte,  Seigneur,  que je sois un de ceux-là,  répondant à la perfection de ma vocation  pour qu’en moi et par moi tu sois glorifié pendant les siècles. Amen. »
 

N°7 Saint Robert Bellarmin, Docteur de l'église, s.j. (+1621)
cardinal.

 Ce vénérable cardinal et serviteur de Dieu,    gloire de la société de Jésus,  que nous  considérons  devoir bientôt être  béatifié,   a développé cette thèse  dans les termes suivants   : « Que personne ne conclue du fait  qu’on ne puisse compter le nombre des élus provenant des gentils,   que le nombre des élus sera plus grand que le nombre des réprouvés.   Certes,  le nombre des élus chez les Gentils sera plus élevé que chez les Juifs.  Mais le nombre des élus sera plus petit  tant chez les Hébreux que chez les Gentils. »     Un peu après,  l’écrivain  pieux et savant ajoute ceci : « La même idée peut trouver une confirmation auprès d’Isaïe  dans sa description du petit nombre  qui seront sauvés  à la fin du monde  au moyen de deux  comparaisons , dont l’une  est la vigne après la vendange et l’autre l’extraction des  huiles , choses    qui provoquent un  sentiment d’horreur.  C’est ainsi qu’Isaïe parle de la fin  du monde : Voici que Dieu dévaste la terre et la ravage    Et  plus loin :  Car il en est au milieu de la terre parmi les peuples  comme au gaulage de l’olivier,  comme pour les grappillons quand est finie la vendange.

Le nombre des réprouvés sera donc semblable à la multitude des olives  qui tombent par terre quand on secoue l’arbre.      Le petit nombre des élus,  par contre,  sera semblable  au petit nombre d’olives qui échappent   à l’abattage  et demeurent  à la cime des branches, et  que l’ont fait tomber ensuite séparément.        De la même façon,  la multitude des réprouvés  est comparable à la vendange   au cours de laquelle  on remplit des vases avec les grappillons (?)   lesquels sont récoltés par beaucoup de vendangeurs (?) .    Le petit nombre des élus  est comparable au petit nombre des grappillons (?) que l’on trouve  par hasard dans la vigne ,  une fois  la vendange finie . »    Et dans un autre livre,  il dit  non moins clairement : « Comme le nombre des damnés est plus grand que celui des élus. »

N°8 Saint Pierre Canisius, Docteur de l'église, s.j. (+1597)

 Ce saint et ce savant,  annotant l’évangile de la septuagésime :  « Je reconnaîtrai, dit-il,  et je prêcherai le juste jugement de Dieu  qui venge sur les mortels ingrats le mépris  de sa grâce et de sa bonté suprême  en n’élisant qu’une petit nombre  du grand nombre d’appelés à l’Eglise  et à la profession de foi. »  Et peu après : « Parce que le Christ affirme souvent dans l’Evangile  que beaucoup sont appelés et que peu son élus,  je devrai sans cesse me prémunir contre l’exemple de ceux  qui,  bien qu’ils soient appelés,  qu’ils  se maintiennent dans la vigne  et qu’ils croient avec l’Eglise,  répondent cependant mal  à leur appel,  et qui,  en conséquence,  comme des sarments rejetés  parce qu’ils ne portent pas de fruit,   seront jetés dans les flammes de l’enfer..     Comme se lamentant sur le petit nombre des élus,  le Christ  a dit : Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie,  et peu la trouvent.     Je devrais encore être moins troublé  par la foule et la multitude des pécheurs,  qui s’imaginent avoir le droit de faire tout ce qui leur plaît.   Le nombre des sots,  en effet,  est infini. »      Voilà ce qu’avait à dire sur ce sujet Pierre Canisius  qui est compté parmi les plus grands théologiens  de la compagnie de Jésus,  à cause de sa sainteté qui est  jointe à  une solide doctrine.

9 Saint Thomas de Villeneuve (+1555)
 

 Ce prédicateur évangélique éloquent et miséricordieux  parlait ainsi à ses fidèles : « Comme nous désirons tous savoir  si  beaucoup seront sauvés  parmi ceux qui vivent la vie commune au chrétiens !   Ils viennent dans les églises,  entendent les messes,  ils reçoivent les sacrements,   ils conservent leur foi intacte.   Est-ce que cette vie qui est commune aux chrétiens suffit  au salut ?   O quelle est la terrible  l’invitation du Seigneur,  combien elle est  redoutable : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.   Les apôtres posèrent  autrefois cette question au Rédempteur :  Seigneur, sont-ils peut nombreux ceux qui seront sauvés ?    Examinons avec soin ce qu’Il leur a répondu : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car resserrée est la voie  qui mène à la vie, et peu y entrent.  «    La voilà la réponse :  peu seront sauvés.   Quelqu’un pourrait penser que peu sont sauvés  parce qu’alors comme aujourd’hui,  les infidèles sont plus nombreux que les fidèles.   Mais écoutez attentivement ce qu’il dit  des appelés,  ce qu’il dit des fidèles : Beaucoup sont appelés, peu son élus.     Même de ceux qui ne sont pas appelés seulement à la foi mais  à quelque genre de vocation.  Hélas!  Hélas!  Parmi beaucoup d’appelés,  peu d’élus.   Parmi le grand  nombre de ceux qui sont appelés à la prêtrise  et à la vie religieuse,  peu d’élus !   Que faire alors ?   Devons-nous nous   abandonner au désespoir ?    Cela n’a pas été dit  pour que nous  broyions du noir,  mais pour que nous veillions plus diligemment.    Car si,  parmi cette grande multitude  dont  nous sommes,  un seul  devait être sauvé,  et si cela se savait,  je n’hésiterais pas à le proclamer.   En toute sincérité,  pourquoi un Dieu dont on prêche par-dessus tout la miséricorde  permet-il  qu’une si grande  multitude périsse ?   Je réponds :  la perversité des maux  veut rejeter sur Dieu sa faute.   C’est un grand blasphème !   Si plusieurs se damnent,  Dieu n’est pas la cause de la damnation,  mais du salut.   Comme Il le dit lui-même par le Prophète : Ta perte provient de toi, Israël,  mais ton secours ne vient que de moi.    Il faut noter avec  tremblement  que beaucoup sont appelés et peu d’élus.     Beaucoup d’ouvriers,  et peu qui perçoivent le salaire.   O comme elle  redoutable cette sentence  et terrorisante !    Qui le dit  si ce n’est l’employeur,   à qui il revient de remettre aux employés leur salaire ?  Croyez-moi,  mes frères,   croyez en ce que je vous ai souvent répété  et déclaré .  A moins que vous ne travailliez courageusement,   en allant au-delà  de ce que vit le peuple  et la foule,  vous ne recevrez pas la récompense.   Malheur aux miséreux qui ont peiné,  qui ont perdu le fruit de leurs labeurs,   et qui ont trouvé le feu pour leurs peines.  Souvenez-vous, mes frères, que vous êtes des ouvriers,   que vous avez été  appelés à la vigne..  Un ouvrier qui joue et gambade toutes la journée,  mange et boit  et ne travaille pas,  quelle récompense recevra-t-il la nuit de son maître  si ce n’est des verges et des bastonnades ?  L’employeur est  le grand roi,  l’ouvrier est l’évêque, le religieux,  la femme et l’homme ».  Voilà ce qu’a à dire  ce coryphée  éloquent et si miséricordieux.
 

10 Vénérable Denis le Chartreux (+1471)

En Job, chapitre XX1, 33 : « Et il attire tout homme après lui ». i.e., dit-il,  la peine infernale  en acquiert et en accapare  un grand nombre de tous les états, de tous les grades et de tous les genres. .Ils sont tellement  nombreux  que les autres en comparaison sont peu nombreux,  et à cause de leur multitude , on dit « tous », comme dit l’Apôtre : « Tous recherchent leurs propres intérêts ».          De même, dans le livre :  de la voie étroite du salut et du salut du monde , en Matthieu V11 : Il y en a peu qui la trouvent .   « C’est le Christ qui a prononcé ces paroles,  et que pouvait-Il nous dire de plus horrible,  et  de plus terrible ?  Certes,  cela suffirait à terrifier nos cœurs si le Christ  n’avait rien dit d’autre que :  la voie du salut est étroit, et large celle de la perdition.    D’où il appert à quel point il est difficile de se sauver,  et facile de se perdre.   Car,  vraiment,  en disant que peut trouvent la voie étroite du salut  et qu’un grand nombre déambulent dans la voie large de la perdition,   il insinue de toute évidence qu’il y en a peu de sauvés et beaucoup de damnés. »

 Ce qu’il affirme plus clairement encore ailleurs : « Plusieurs etc »,   dit-il.    «  Qui, à l’audition de ce mot,  ne tremblote pas de peur,  et ne se lamente pas,  si vraiment il est un fidèle  et s’il a reçu en lot une foi éclairée ?   La foi chrétienne  est d’une telle nature,  elle est tellement grande,  si élevée et si ardue  que même si nous savions en  toute certitude  que tous les hommes  qui ont existé  , existent et existeront   seront  sauvés à l’exception d’un seul,  c’est avec raison que chacun des voyageurs   craindrait avec véhémence  que ce soit lui d’aventure le damné, et il n’en servirait Dieu qu’avec plus de  crainte  et de révérence.    Cela devrait te  faire réaliser,  très cher,  à quel point est étroite et resserrée la voie du salut. …L’Apôtre dit en effet :  Ceux qui sont du Christ ont crucifié leurs chairs avec leurs vices et leurs convoitises.    Il s’ensuit donc forcément que ceux qui  n’éteignent pas leurs vices et leurs concupiscences, qui   ne châtient  pas non plus  leurs corps,  n’appartiennent pas au Christ ».

 « De plus, la veuve  la veuve, dit-il, qui vit dans les délices est morte quoiqu’encore vivante.    Celle qui n’est vivante que de la vie de la nature,  est morte  de la mort causée par la faute.   Si donc vivre luxueusement  est un péché mortel  pour les veuves,  à plus forte raison pour les moines, les prêtres et les chanoines. …Lesquelles choses j’ai rappelées  pour que tu ne te fies pas aveuglément sur la  miséricorde  divine,  et que tu n’imites pas ceux  qui  marchent dans la voie spacieuse . »

11 Saint Antoine ou Antonin o.p., archevêque de Florence, 1389-1459
« saint antonin de Florence, une règle de vie au XVème siècle, Paris, Perrin, 1921.  Bilblio sulpice :   cote 12H53
Saint Antonin a  aussi publié une « somme des mœurs », Catho dit « summa theologica » ensemble de question morale pratique. Raoul Morçay a fait livre

« Bienheureux celui que tu as élu et élevé.  Il demeurera toujours dans ton temple.  ps. 64.   «  C’est à dessein qu’il emploie le singulier,  car, comme dit le Sauveur en Mathieu, 20 et 22 :  Il  y a peu d’élus.     Et il réfute l’argument du Père  Castelin  (en francais dans le teste).  A la page 66 : « Ce que saint Jean a dit dans l’apocalypse  (j’ai vu une grande foule etc…)  ne contredit pas cette sentence.   Car bien que les élus en eux-mêmes  nous paraissent innombrables en raison de leur multitude,  comparativement aux réprouvés ils sont peu nombreux.   Par exemple,  un tas de sable  contient un nombre élevé de grains de sable,  mais  comparé à tout le sable de la mer il est peu de chose.    De la même façon,  les élus comparativement aux damnés sont peu nombreux,  mais bien-heureux  d’après ce que dit le psaume 64 : bienheureux celui que tu as élu et élevé. Il demeurera dans son temple saint ».   Et voilà  qui suffit pour l’archevêque de Florence.
 

12 Saint Laurent Justinien Justinianus (+1455)
Ce saint patriarche dans son livre sur la componction et la lamentation propres à la perfection chrétienne,  écrit : « Ils sont peu nombreux  à pratiquer   la méditation et l’oraison,  parce que la vie intérieure est contraire  aux plaisirs sensuels  et à l’ensorcellement de la bagatelle.  Etroite,  en effet,  est la voie de l’esprit  qui mène à la perfection et fait posséder le Christ.  Mais celle  où abonde les voluptés charnelles  est large,  et innombrables sont ceux qui la parcourent. »

13 Saint Bernardin de Sienne Senensis (+1444)
Celui qui était l’apôtre ardent du nom de Jésus et  qui brûlait d’amour pour le Christ Jésus,  dans le vingt- troisième sermon  parle ainsi franchement : « Il apparaît clairement pourquoi  plusieurs sont appelés à la foi,  à la gloire ou à la grâce,   mais peu d’élus, si l’on considère  le très grand nombre des appelés.   Bien que le grain de froment soit abondant,  il est cependant  rare par rapport  à la paille (?) et à la poussière,  (?) lesquels signifient les mauvais que Dieu damne. »    Et dans le  traité intitulé du miroir des pécheurs,   il écrit ce qui suit : « La raison pour laquelle un grand nombre  entrent dans la perdition de la damnation éternelle par la porte  large et la voie spacieuse, la voici,  selon l’Ecclésiaste 1 : Les pervers se corrigent difficilement, et infini est le nombre des insensés,  lesquels,   hélas! font plus de cas de la vie présente que de celle qui suit après.     De ce tout ce qui précède  on peut déduire ceci :  beaucoup courent dans ce siècle,  mais peu  parmi eux font partie du nombre des élus. »

14 Saint Vincent Ferrier (+1419)
Ce très grand prédicateur interroge  ainsi ses auditeurs : « Comment le Christ  peut-il dire  que les élus sont peu nombreux  alors qu’ils sont innombrables selon l’apôtre Jean dans l’apocalypse ?   Et il répond ainsi : « On peut faire concorder ces deux textes au moyen d’une distinction,   parce que des élus nous pouvons parler de deux façons :  absolument parlant  ou en les comparant à autrui.   Si on parle d’eux  dans l’absolu,  ils sont nombreux, comme le dit Jean.   Mais si nous voulons parler des élus en les comparant aux damnés,  ils sont peu nombreux comparativement à ces derniers.   Ainsi en est-il des grains de sable  que l’on tient dans la main .  On peut dire qu’il y en a beaucoup si la main en est pleine.  Mais ils sont en petit nombre si on les compare à ceux qui sont sur la grève.    Ainsi le genre humain est comparé au sable pour la multitude,  comme il appert de la promesse de Dieu faite à Abraham :  Je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable de la mer qui se trouve sur le rivage.     Dieu s’en emplit la main,   car les âmes des justes sont dans la main de Dieu  lesquelles , prises absolument parlant,  sont innombrables comme le dit saint Jean.   Mais en comparaison des damnés  elles sont presque rien.

 Le Seigneur a dit « Entrez par la porte étroite  parce qu’elle est la large la porte et spacieuse la voie  qui conduit  à la perdition.  Elle est étroite et resserrée celle qui conduit à la vie,   et peu la trouvent.  Ils sont encore moins nombreux ceux qui la conservent une fois trouvée.  Ils sont très peu nombreux  ceux  qui se rendent jusqu’au bout.   Chacun veut marcher selon son bon plaisir.  La porte étroite du paradis est la volonté de Dieu.  C’est à son observance que doit se contraindre celui qui veut entrer dans  le ciel.  La porte large est la volonté propre.     La voie resserrée qui mène à la vie  est la souffrance acceptée en expiation du péché.   La voie spacieuse de l’enfer  est la conversation mondaine,  le bien manger,  le bien boire,  la luxure,  la délectation malsaine,  la vengeance des injures etc.. »

 Ensuite ce saint très éloquent résout ainsi  l’objection  habituelle tirée de la miséricorde divine.  « Comme chaque chose agit naturellement selon sa vertu,  étant par nature d’une miséricorde infinie, Dieu   doit sauver un nombre infini d’âmes .  Comment donc peut-on dire qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,  alors que les élus devraient être en nombre infini ? »    En réponse,  on doit noter que Dieu  est infini dans sa bonté, sa piété et sa miséricorde,   et qu’ Il a tout fait ce qu’Il pouvait et devait faire, d’une façon même infinie,   pour que  tous soient sauvés.   Pourquoi donc tous ne se sauvent pas ?  Parce que tous ne veulent pas être sauvés.  Je dirais même plus :  peu nombreux sont ceux qui veulent recevoir le salut.    Notez  la ressemblance qu’il y a avec ce que le roi a fait récemment  pour le rapatriement  des captifs.   Il a déboursé une somme considérable  pour le rachat de ceux qui étaient en barbarie.  Il a mis à leur disposition des navires et des galères  pour leur faciliter le retour  à la patrie.   Mais il ne voulurent pas s’en retourner.    Le Seigneur Jésus a payé  très abondamment le prix de la  rédemption  des humains,  même au cas où ils seraient infinis en nombre,    et nous a préparés les navires  de l’innocence baptismale,  de la pénitence sacramentelle,  et de l’obéissance en tout.   Mais les gens ne veulent pas sortir de la captivité, comme les Juifs n’ont pas voulu sortir de la prison  de Moïse,  ni les Agariens de la prison de Mahomet,  ni les orgueilleux de la prison de l’orgueil,  et ainsi de suite pour les autres . »
 

N°15 Saint Albert le Grand (+1280)
Cf. Commentaire de l'évangile selon saint Matthieu. Commentarii in Matthaeum.

« En Matthieu 20,16,   beaucoup d’appelés,  etc... En 1 Corinthiens 9, 22 :  Tous courent, mais un seul reçoit le prix.   En Matthieu 22, 14,  c’est encore plus clair : Jésus informe ses disciples d’une chose qui ne concernait qu’un seul disciple. A cause de cela, il désigne plutôt son apparence que sa personne. Tout ceux qui sont appelés et qui vivent une vie qui ne concorde pas à leur élection sont rejetés comme lui. Peu nombreux sont les élus.  Eccli. 1, 15,  Infini est le nombre des insensés. En Luc 13,23 ; lui-même prend les devants. Un avait posé la question pour tous et, verset 25, Jésus donne la première réponse selon laquelle peu sont sauvés : Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. Beaucoup sont appelés c'est à dire beaucoup professent la foi de bouche mais beaucoup renient la foi par leurs actes. Eccli. 1, 15.»

16 Saint Thomas d’ Aquin (+1274)

« Ecoutons donc avec révérence, comme il convient,  la doctrine du docteur angélique  qui est,  comme le dit l’Eglise,  le prince des théologiens et la norme des philosophes, l’honneur insigne de la chrétienté  et la lumière de l’Eglise.   « Se dissocier  sans réflexion et d’une façon téméraire de la sagesse du docteur angélique,  est une chose étrangère à notre volonté, --déclare  le souverain pontife Léon X111---et remplie de périls .    L’expérience ne nous montre que trop  dans quels excès  idéologiques  nous entraîne  la licence  de spéculer  quand on s’est affranchi  de sa  doctrine.  Que soit donc sacré  pour tous le nom de saint Thomas.   Qu’ils redoutent de ne pas suivre  le chef de file  que Jésus lui-même attestait avoir bien écrit de Lui. »

 Un docteur si éminent  a enseigné par écrit  - au grand scandale des nouveaux théoriciens--  que sont moins nombreux ceux qui se sauvent.  Car,  se posant la question : est-ce que le nombre  des prédestinés  est un nombre fixe , il se fait d’abord à lui-même une objection,  comme le veut la méthode scolastique :  il semblerait que non, car,  (troisièmement)  l’opération de Dieu est plus parfaite que celle de la nature.    Or dans les œuvres de la nature,   le bien se rencontre dans la majorité des cas,  le mal ou les défauts  sont l’exception.  Si c’était Dieu qui déterminait  le nombre des élus,  les sauvés seraient plus nombreux que les damnés.  Mais Matthieu dit le contraire au chapitre V11 : « Elle est large et spacieuse la voie qui conduit à la perdition  et ils sont nombreux ceux qui entrent par elle.   Etroite et resserrée est la voie qui mène   à la vie,  et peu nombreux sont ceux qui la trouvent ».     Dieu n’a donc pas déterminé à l’avance le nombre des élus.

 Mais  s’oppose à cela  ce qu’Augustin a  dit dans le livre  de la réprimande et de la grâce, c.13 : « Le nombre des prédestinés est un nombre fixe qui ne peut  être ni  augmenté ni  diminué. »

 A la troisième objection  il faut répondre que le bien  qui correspond  à l’ordre normal de la nature   se retrouve dans le plus grand nombre de  cas,  et fait défaut  dans des cas  particuliers.   Mais le bien qui transcende l’ordre de la nature  se retrouve dans le petit nombre et fait défaut dans le grand nombre.  Comme il est clair  que plusieurs hommes  ont la science suffisante pour la conduite de leur  vie   et qu’un petit nombre  en est dépourvu,  ceux qu’on appelle  fous ou insensés,  il n’est pas moins évident  que peu  nombreux  sont, du sein de la multitude,  ceux  qui parviennent à acquérir  une science  profonde des choses spirituelles.  Comme la béatitude éternelle consiste dans la vision de Dieu,  et transcende  les capacités de la  nature humaine,  surtout du fait qu’elle est privée de la grâce  par la corruption du péché originel,   moins nombreux sont ceux qui sont sauvés.  Et la miséricorde de Dieu apparaît surtout en ce  qu’Il maintient  un certain nombre  dans la voie  de laquelle  un grand nombre dévient,  suivant  l’inclination de la nature et son cours ordinaire. »

 De plus,  dans son commentaire sur saint Matthieu, XX11,   le docteur angélique écrit ceci : « Il conclut ensuite : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,   parce qu’il y en a qui ne veulent pas venir et d’autres qui n’ont pas la robe nuptiale. »   D’où, plus haut :  V11,14 :    Etroite est la voie qui conduit à la vie, et peu nombreux son ceux qui la trouvent ».   Et dans le chapitre X11 de l’épitre aux Romains,  lect. 2 : « Bien qu’ils soient peu nombreux  comparativement  à la multitude stérile  des damnés,  (selon ce que dit Matthieu  V11 :  peu la trouvent),  cependant,  absolument parlant,  ils sont nombreux ».

 On trouve la même chose dans la première  épitre au Corinthiens,  1X :  Ne savez-vous pas qu’au courses du stade, tous courent mais qu’un seul remporte le prix ?    « Il faut d’abord, dit le docteur angélique,  noter  la condition des voyageurs , ensuite la multitude des appelés,  enfin  le petit nombre des élus ».   L’autorité du prince des théologiens   n’impressionne pas le moins du monde  les « modernistes »  Ils s’efforcent,  au contraire,  de l’amoindrir.    (texte en français).

 Il reconnaît d’abord  que saint Thomas enseigne  la doctrine  antique et traditionnelle  du petit nombre des élus.   En second lieu,  la raison pour laquelle il n’a pas traité cette question  dans sa somme théologique   n’est pas qu’il ne la considérait pas assez sûre  et établie ,  mais parce qu’elle n’avait pas sa place dans ce livre.  Car le saint Docteur a écrit sa somme théologique pour  les commençants,  comme il le déclare dans son prologue : « Le but que nous nous sommes proposé dans cette œuvre  est de présenter ce qui se rapporte  à la religion chrétienne  d’une façon qui convienne  à des débutants ».    Ensuite,  innombrables sont les vérités,  et de grande importance théologique ,  que saint thomas enseigne non dans le corps de l’article   mais seulement dans les réponses aux objections.   Celui qui s’imagine  que saint Thomas n’a présenté comme certaine et irrécusable   que la seule doctrine qu’il expose dans le corps des articles,  devra  professer que celle qu’il enseigne  dans ses réponses aux objections   est douteuse  et boiteuse.

 Que l’on cesse d’écrire ce genre de choses sur saint Thomas :  (en français dans le texte).    Si le docteur angélique  permet que l’on considère notre opinion comme vraie,  il considère donc comme fausse l’opinion des « modernistes ».  Car il n’aurait certainement pas permis qu’on appelle vraie une opinion  que lui-même n’aurait pas estimée telle        Il faut donc dire  que le saint docteur admet comme un fait réel ce qu’il s’objecte  à lui-même,  à savoir  le plus grand nombre des damnés,  qu’il démontre si clairement  se concilier avec la miséricorde  divine.   Autrement,  il aurait nié  purement et simplement le fondement  même de l’objection.   Ajoutons que  nous avons entendu plus haut  Castelein reconnaître  que saint Thomas épousait l’antique opinion.    De plus, comme  il appert des trois  textes déjà cités,  la somme théologique n’est pas  l’unique endroit où le docteur angélique  a exprimé son opinion  sur le petit nombre des élus.
 

17 Pseudo Thomas d’Aquin probablement Thomas Anglus

Il affirme hautement le petit nombre des élus  dans un ancien commentaire  qu’on ne savait à qui attribuer,   à saint Thomas, ou à cet autre Thomas du même ordre dominicain.  Il s’agit de son commentaire sur les sept épitres canoniques, dans lequel  à ces paroles de Pierre  1, 111, (  huit âmes ont été sauvées)   il fait les remarques suivantes :  « Notons que l’arche représente l’Eglise dans laquelle un petit nombre –comparativement au damnés—seront sauvés,  parce qu’il est dit en Matth. V11 : Etroite est la voie qui mène  à la vie et peu la trouvent.     Moins nombreux sont ceux   qui y cheminent,  et très peu nombreux ceux qui y persévèrent….Dans l’arche,  bien  peu ont été sauvés ,   huit seulement,   chiffre  qui symbolise  le petit nombre des élus : Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.      Prends donc en note que le petit nombre des élus  a été préfiguré au temps de la loi naturelle  lorsque tous périrent à l’exception des huit qui furent sauvés dans l’arche,  lors du déluge,  comme il est marqué dans ce passage de l’évangile.

 Il fut préfiguré aussi au temps de la loi de Moïse  où l’on lit dans les  Nombres,  X1V,  que de tous ceux  que Dieu a fait sortir d’Egypte  (environ six cent mille) par le chemin du désert ---qui signifie la pénitence--  deux seuls entrèrent dans la terre promise,  Josué et Caleb.    Il fut également préfiguré au temps des Prophètes.   Quand les fils d’Israël furent conduits en captivité,  quelques-uns  seulement furent laissés dans la terre promise.    Mais au temps de la grâce,  le petit nombre des élus  a  été  enseigné  clairement et explicitement  en Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
 

18 Saint Bonaventure (+1274)

Le docteur séraphique parle ainsi de la prédestination de Dieu : " Quand Dieu damne et réprouve, Il agit selon sa justice, mais quand il prédestine au ciel, il agit selon sa grâce et sa miséricorde, lesquelles n’excluent pas sa justice. Car comme tous devaient être damnés du fait de leur appartenance à la masse de perdition, les réprouvés sont plus nombreux que les sauvés afin de faire comprendre que le salut provient d’une grâce spéciale et que la damnation procède de la justice qui est commune à tous. Personne n’a donc de juste raison de se plaindre de la Volonté divine, car elle fait tout avec la plus grande droiture. Au contraire, nous devons en toute chose rendre grâce à Dieu et honorer la conduite de la divine Providence….  Plusieurs se sont prénommés mauvais et réprouvés. Et plût à Dieu que les méchants ne soient pas plus nombreux que les bons !

Conclusion. Et celle élection diffère de l’appel, parce qu’ à plusieurs est donnée la grâce sans qu’ils y persévèrent. On dit donc qu’ils sont appelés mais non élus Et c’est de ceux-là dont parle Matthieu quand il dit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. On trouve quelque chose de semblable dans le deuxième sermon sur la conversion de saint Paul : " Nous lisons une double élection dans l’écriture, l’une éternelle, l’autre temporelle. Par la première, nous sommes appelés pour toujours à la grâce et à la gloire. Par la seconde, nous sommes appelés à la grâce, mais pas à la gloire éternelle. La première élection est une seule et même chose avec la prédestination qui nous inscrit dans le livre de vie. La deuxième élection ne signifie qu’un appel temporaire qui se réalise dans la grâce mais non dans la gloire éternelle. Car ceux qui sont appelés dans le temps ne sont pas tous élus éternellement. Car il y a beaucoup d’appelés, a dit le Seigneur, et peu d’élus. "


19 Saint Antoine de Padoue (+1231)

Dans le discours de la cène, Jésus compare la vocation à un banquet où tous sont convoqués. Il assimile le banquet à la vie éternelle à laquelle un petit nombre seul est élu. Voici ses propres paroles : " Il représente par l’invitation à un repas ( saint Luc X1V) l’appel qui s’adresse aux bienheureux que Dieu introduit à la réfection de la vie éternelle après une bonne mort : Un homme a fait un grand banquet. C’est un repas privé, car seul un nombre restreint y est admis, et tous des intimes. Ceux qui ont pris dans le palais le repas du matin sont exclus. Le banquet est la foi. Les mets sont les articles et les sacrements auxquels sont admis beaucoup de gens qui ne demeurent pas pour le banquet. Plusieurs sont donc appelés au repas qui symbolise la foi, peu sont élus au repas qui représente la vie éternelle. "

20 Innocent III (+1216)

Dans la parabole des vignerons, il dit au sujet des élus : " On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement aux mauvais, car le nombre des insensés est infini, et les pervers se corrigent difficilement. " Il ajoute au sujet des autres : Tous ne croient pas l’évangile du Christ. ….Celui qui ne croit pas est déjà condamné. En conséquence, comme les incrédules sont plus nombreux que les fidèles, sans l’ombre d’un doute il y a plus d’appelés que d’élus. Et même parmi les fidèles, plusieurs se damnent, ceux dont les œuvres démentent leur foi, car il est préférable de ne pas connaître la voie de la vérité que de rebrousser chemin après trouver la vérité. Que le dispensateur de la vigne, Jésus-Christ, nous extirpe de ce nombre. "

Donc les vingt saints, les bienheureux et vénérables serviteurs de Dieu qui sont postérieurs aux Pères de l’Eglise proprement dits, sont manifestement de notre avis. Que les " modernistes " Bougaud, Mauran et Castelein en citent un seul qui partage leur avis " .

Dirigeons-nous donc maintenant vers les Pères de l’Eglise pour entendre ce qu’ils pensent à ce sujet.
p. 78

§ 2 les Pères de l’église         p.79

       
      Voici le début de la série des témoignages des Pères de l’Eglise. Il peut être utile au départ de ramener à la mémoire ce que Léon X111 a dit au sujet de l’autorité des Pères, ceux qui, après les apôtres, ont fait croître l’Eglise en plantant, en arrosant, en construisant, en paissant et en nourrissant le troupeau. "  L’autorité des saints Pères est suprême toutes les fois qu’ils expliquent unanimement d’une seule et même façon un passage biblique quelconque se rapportant à la doctrine de la foi et des mœurs. Car ce consensus déclare le plus clairement du monde une tradition remontant aux apôtres.

      On doit faire aussi grand cas de l’opinion des Pères de l’Eglise quand ils exercent leur rôle de docteurs à titre privé. Ceux que recommandent grandement non seulement leur connaissance de la doctrine révélée et leur maîtrise d’un grand nombre de choses qui sont utiles à la compréhension des livres apostoliques, mais aussi les hommes insignes par la sainteté de leur vie et par le zèle pour la vérité auxquels Dieu a accordé de plus grands secours de sa lumière. Qu’il les reconnaisse donc pour son interprète, et qu’ils sachent avec révérence marcher sur leurs traces et profiter de leurs labeurs, par un choix judicieux.  ".

      Comme le lecteur attentif a pu s’en convaincre surabondamment, l’ensemble des Pères de l’Eglise constitue une sorte de concile où tout se décide à l’unanimité. De tout le genre humain, plus nombreux sont ceux qui sont condamnés aux supplices éternels que ceux qui obtiennent le salut éternel. Chose terrible à dire, mais utile à savoir pour ne pas s’égarer, et qui peut être aussi une grande consolation pour ceux qui s’efforcent de vivre comme le petit nombre des élus. C’est un signe notoire de prédestination que de conformer sa vie à celle du petit nombre des élus.

      Qu’il me soit permis, pour avertir les prêtres et les séminaristes, de me servir des paroles de l’épitre du synode des évêques de Gaule et de Germanie aux évêques d’Espagne, et de conclure ainsi : " Maintenez-vous à l’intérieur des limites marquées par les Pères, et ne cherchez pas à soulever des questions qui ne brillent que par leur nouveauté. Elles ne servent qu’à troubler la foi des auditeurs. Il vous suffit de suivre les traces des Pères de l’Eglise et d’accepter leurs enseignements d’une foi ferme. Car ce sont eux qui sont nos docteurs dans le Seigneur et Docteurs à vie ".

      N°21 Saint Bernard, docteur de l’Eglise(+ 1153)

      Dans son troisième sermon de la vigile de la nativité, il suppose que cette doctrine est communément reçue et archi connue : " Qui ne sait pas parmi les fidèles que le Seigneur viendra, car Il viendra juger les vivants et les mors et rendre à chacun selon ses œuvres. Non, tous ne le savent pas, mes frères, et je dirais même que beaucoup ne le savent pas. Ils ne sont pas nombreux ceux qui le savent, car, en vérité, il y en a peu qui se sauvent. "

      N°22 Honorius Augustodunus (+1152
      Evêque de Reicherspens

      "Tous sont morts dans le désert, et deux seuls entrèrent avec la multitude de leurs fils. Ceux qui sont morts dans le désert, ce sont eux les nombreux appelés qui ne voulurent pas venir. Les deux qui entrèrent sont les actifs et les contemplatifs qui, animés par un amour authentique, entrèrent dans le repos du Seigneur ".
       

      N°23 Rupert Tuitiensis (+1135)
      " Beaucoup sont appelés, peu sont élus. Un grand nombre dans l’église présente, sont chrétiens de nom après s’être inscrits dans le registre du baptême, mais un petit nombre, ce qui est à donner des frissons, échapperont au déluge du jugement "


N°24 Cardinal Godefridus Vindocinensis (+1132)

Seuls les bons, et un petit nombre d’entre eux, et pendant très peu de temps, virent Le Christ après sa résurrection. Car seuls les bons auront la gloire de la résurrection future, et ils seront peu nombreux comparés aux méchants. Car, il en est comme ce que dit Jésus dans son évangile : Beaucoup d’appelés et peu d’élus.  ".
 

N° 25  Venerable Hildebertus (+1130)

Ce pieux archevêque de Tours explique ainsi la célèbre phrase de saint Paul dans son sermon de la septuagésime : Ne savez-vous pas qu’aux courses du stade, tous courent, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez donc afin de remporter la victoire. Le terrain du stade qui a été réservé pour la course signifie le but de la vie présente qui nous est donnée pour la course de notre salut, selon les paroles et les avertissements de notre Seigneur : " Cours, malheureux, cours, hâte-toi pendant que tu en as le temps, de peur que tu ne tombes dans la mort ".

Le fait que, parmi un si grand nombre de coureurs, un seul ait remporté le prix, tous les autres ayant couru en vain, me remplit de frayeur, mes bien chers frères, quand je pense à nous tous. Il est fort à craindre que nous soyons tous déclassés par un seul, nous qui avons entrepris de courir pour la couronne. D’où l’avertissement de l’Apôtre : Courez ainsi pour que vous remportiez la couronne ".

N° 26 Wernerus Abbas (+1126)

Celui qui n’a pas moins brillé par l’érudition que par une insigne intégrité de vie, commente ainsi la parole de Jésus : Beaucoup d’appelés et peu d’élus.  : " Cela, dit-il, ne s’applique pas aux grands saints, mais aux gens ordinaires, car plusieurs viennent à la foi, plusieurs remplissent les parvis des églises, mais peu se rendent jusqu’au règne. Qu’un grand nombre soit réprouvé tant parmi les premiers venus que parmi les derniers, se déduit de la terrible sentence du Seigneur : " Plusieurs sont appelés " à la foi, " peu sont élus " au règne. Ces paroles se trouvent dans le livre 1 des bouquets ou extraits de la doctrine suave de différents pères et d’autres docteurs orthodoxes . Ce livre nous fait entendre toute la vénérable tradition des douze premiers siècles.

27- Bruno Astensis ou Signensis, 1125

Abbé du Mont Cassin et évêque, il écrit les paroles suivantes dans son commentaire de Matthieu p.11, ch.7 : " Comme si quelqu’un disait : elle est étroite cette route, les commandements sont très difficiles à observer. Il ajoute ensuite : " Entrez donc… " Et cette voix, dit-il, est resserrée et cette porte étroite. Elle n’est donc trouvée que par un petit nombre. En vérité, voilà la porte et voilà la voie par lesquelles on parvient à la vie éternelle. Peu nombreux sont ceux qui sont sauvés en comparaison de ceux qui se damnent. C’est pourquoi le Seigneur dit ailleurs : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Cette voie , par contre, et cette porte qui mènent à la perdition sont larges et spacieuses et un grand nombre y entrent.

Car jeûner et veiller, s’abstenir des désirs charnels et de toutes les voluptés , ne pas faire sa propre volonté, à qui cela n’apparaît-il pas étroit, contraignant ? D’un autre côté, manger avec abondance et recherche, satisfaire tous les désirs de la chair et toutes les voluptés, ne jamais s’opposer à sa volonté propre, à qui cela n’apparaît-il pas agréable et aisé ? Il y en a donc plusieurs qui cheminent par cette voie et qui entrent par cette porte. Mais où entrent-ils ? Dans la cité de la perdition, dans le collège de la mort, dans la prison des angoisses, dans le lac de toutes les misères. "

Et en Matthieu ch.XX , ce qui suit  ---- Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus----. nous démontre que peu se sauvent comparativement à ceux qui n’ont été appelés que pendant un certain nombre d’heures. Même chose en Matth. XX11 : En effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. "  Plusieurs sont appelés aux noces, peu sont introduits dans la chambre nuptiale du Roi, dans la gloire. " Et dans son premier livre de sentences ch. 2, au sujet de l’arche de Noé : " Cette arche est la sainte Eglise, hors de laquelle personne ne se sauve. Ne périra pas celui qui s’y trouvera au jour du jugement. Il y en a beaucoup qui semblent y demeurer mais qui résident plutôt à l’extérieur….Les mauvais sont beaucoup plus nombreux que les bons. Ceux qui convoitent les biens terrestres sont plus nombreux que ceux qui aspirent aux célestes. Etroite est la voie qui mène à la vie, large celle qui mène à la perdition . "

28- Euthyme, 1122

Dans son chapitre XL11 de la récompense aux ouvriers embauchés, il expose une parabole dans les termes les plus généraux, et sans référence particulière aux juifs ou aux gentils christianisés. Il parle quand même ainsi : " Plusieurs sont appelés à la foi, mais peu répondent à l’appel.  Ici il s’agit de la foi vive à laquelle se joint l’observation des commandements jusqu’à la fin, et de la conservation de la robe nuptiale --- qui n’est autre que la grâce du baptême,--- jusqu’au jour du jugement. Ecoutons donc et excécrons combien de fois après le divin baptême, nous avons souillé notre âme, en perdant la vie. Nous méritions par là non seulement d’être éjectés de la salle des noces, mais surtout d’être précipités dans le supplice le plus horrible. Il faut donc avoir souci du vêtement intérieur, non de l’extérieur. Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Jésus dit cela en conclusion de la parabole des ouvriers embauchés à la vigne. "

29-Saint Anselme Cantuariensis, 1109

Dans sa lettre à Odon et Lanzon : " Que parmi le grand nombre d’appelés peu soient élus, nous le savons avec certitude au témoignage de la Vérité elle-même. C’est pourquoi celui qui ne vit pas encore comme le petit nombre des élus, ou qui ne se joint pas au petit nombre, en amendant sa vie, qu’il redoute une réprobation certaine. Celui qui estime faire partie du petit nombre, qu’il ne se sente pas assuré de la certitude de l’élection. Comme personne ne sait à quelle petitesse se réduit le nombre des élus, personne ne sait s’il est déjà parmi les élus, à moins qu’au milieu de tous les appelés, il ne se distingue par une ressemblance avec ceux du petit nombre. "

Cette idée fut si familière au saint docteur qu’il la reprend telle quelle, et, pour ainsi dire, dans les mêmes mots . Il parle ainsi à quelques moines (beccenses) : " Que parmi un grand nombre d’appelés, un petit nombre soit élu, nous le savons avec certitude, au témoignage de la Vérité elle-même. " Et à la comtesse Idam : " Amie très illustre dans le Seigneur ! Le Seigneur a dit : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Devez-vous, en toute sécurité, vous estimer faire partie des élus tant que vous n’aurez pas vécue de façon à ce qu’il y ait peu de personnes à qui votre vie puisse être comparée ? Et quand vous saurez que vous faites partie du petit groupe, vous devrez encore craindre, car vous pourrez toujours douter faire partie de ce nombre, tant que vous ne vous verrez pas parmi eux. Car celui qui a dit : peu nombreux sont élus, n’en a pas précisé le nombre. Quelques soient les progrès que nous pensons faire, pensons toujours que nous n’avons pas encore atteint le début du progrès.

Le pseudo-Anselme

    Il est l’auteur d’un " élucidaire ", livre 11, chapitre 18 et 19, des différents états des laïcs, livre qui se trouve dans les œuvres de saint Anselme. Le disciple : " Que penses-tu des soldats ? "---" Il y en a peu de bons ".---" Quel espoir peuvent avoir les marchands ? "---" Faible. Car c’est par les fraudes, les parjures, l’usure qu’ils ont acquis chaque sous qu’ils possèdent. "----" Que penses-tu des diverses sortes d’artisans ? "-- " Ils périront presque tous, car tout ce qu’ils font est fait en fraudant. "----" Que dis-tu de ceux qui font des pénitences en public ? "---" Je ne voudrais pas leur donner le nom de pénitents, mais de moqueurs de Dieu. Ils se moquent en effet de Dieu et se trompent eux-mêmes en se réjouissant après avoir mal fait, et en exultant dans le malheur ".---" Que dis-tu des cultivateurs ? "---" Le plus grand nombre d’entre eux est sauvé, parce qu’ils vivent simplement, et nourrissent de leurs sueurs le peuple de Dieu. "---" Que penses-tu des enfants ? "---" Tous ceux qui ne parlent pas encore , pourvu qu’ils aient reçu le baptême, son sauvés. Quant à ceux qui ont cinq ans et plus, quelques-uns se perdent, d’autres se damnent. "-----" Il y a donc apparence qu’un petit nombre seul soit sauvé "---" Etroite est la voie qui conduit à la vie, et peu nombreux sont ceux qui y cheminent. Cependant, comme la colombe choisit des grains comestibles, de la même façon le Christ ramasse ses élus cachés dans toutes les catégories dont nous avons parlé.

    Othlon 1073

    Dans ces paroles de l’Apôtre, Cor. 1X, 24, tous courent, voici ce qui fait le plus réfléchir : tous et un. Il nous donne un message avec ces mots. Que devons-nous en effet entendre par cet un si ce n’est n’importe lequel élu qui, persévérant dans l’unité de la foi et dans les autres vertus, qui forment une seule et même chose dans leur concorde, demeure toujours un et toujours identique à lui-même ? Que faut-il entendre par ces autres qui courent ensemble, mais qui ne parviennent pas au mérite de la bravoure, si ce n’est ceux qui, après être venus à la foi sacrée, et ayant entrepris les tout débuts des bonnes œuvres, croient pour un temps, mais , reculant au temps de la tentation, négligent de persévérer dans le bien. ? " Et plus loin : " Le Seigneur et notre Sauveur voulant sauver quelques-uns de ceux qui sont voués à la damnation, prononce une sentence en disant : Beaucoup sont appelés et peu sont élus, comme s’Il disait : il y en a beaucoup qui savent bien faire, mais peu nombreux sont ceux qui font le bien "

    Radulphe Flaviacensis : 12ème s.

    Comme nous sommes enveloppés de ténèbres d’ignorance si épaisses qu’à peine une personne est en état de trouver la voie de la cité éternelle, ---ils sont peu nombreux, a dit le Seigneur, ceux qui la trouvent---aucun parmi les simples, et encore moins parmi les érudits, ne doit recevoir de lui-même la règle de la foi ou la norme de vie. Mais on doit respecter l’autorité des anciens, et tenir toujours ce qu’ils ont enseigné devoir être cru ou imité "

    Saint Pierre Damien , docteur de l’église 1072

    Il pense que le célèbre avertissement de Jésus sur l’entrée par la voie étroite ne s’applique pas seulement aux juifs, comme le pensent les novateurs, mais à tous les chrétiens de tous les siècles : " Bien que soit très diversifiée la troupe variée des voyageurs, le chemin cependant est unique qu’ils doivent fréquenter. Celui-là même que la Vérité indiquait à ses disciples quand Elle disait : Etroit est le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui passent par lui. Ce chemin, Jésus l’a suivi le premier, et il a ordonné de le parcourir à chacun de ceux qui voulaient le suivre "

    Théophylacte 1070

    En Matth. XX11 : le roi étant entré …etc. "  L’entrée dans la salle des noces se fait sans discrimination. Il dit : c’est par la grâce seule que nous sommes tous appelés, les bons comme les mauvais. Mais après leur entrée, leur vie est soumise à un examen . Le Roi portera un jugement sévère sur ceux qui, après l’accès à la foi, se sont trouvés enlisés dans des vices. Tremblons donc à la pensée qu’à moins de vivre une vie pure , la foi nue ne servira à personne. On ne fera pas qu’expulser de la salle des noces, mais jeter dans le feu….Un grand nombre, donc, s’illusionnant de vaines espérances pensent qu’ils accèderont au royaume des cieux, qu’ils se faufileront parmi le chœur des convives, croyant avoir accompli des prodiges… Beaucoup sont appelés. Dieu appelle un grand nombre, ou plus précisément tous. Mais peu de gens sont sauvés . Car il y en a peu qui sont sauvés et qui sont dignes de l’élection divine.

    Ratherius, évêque de Vérone, 974

    Dans son premier sermon sur l’ascension, il a ainsi prêché : " Il y en a dont les mœurs détruisent la foi que professent leurs lèvres. Il est fort à craindre que ce soient de telles gens dont parlait le Seigneur en Luc X1, 24 : Quand un esprit immonde …etc . Et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Si ces paroles si véritables ne s’appliquaient à aucun de ceux qui se disent croyants et qui sont baptisés, quel sens aurait la parole du Seigneur : il ya beaucoup d’appelés et peu d’élus ? Quels sont donc ceux qui sont appelés sinon ceux qui sont entrés dans l’église par le baptême ? Quels sont les rares élus, sinon ceux dont la vie à conservé le sacrement recu dans la foi ? Quels sont ceux qui ne sont pas élus, sinon ceux qui n’ont pas accompli ce qu’ils avaient promis ? Qu’est-ce qu’ils avaient promis ? Que chacun se remémore par la pensée ou ce qu’il a promis lui-même ou ce que son tenant- lieu à promis en son nom avant le baptême

    Rémi, antissiodorensis 908

    Dans le psaume XXX1X, 15 J’ai annoncé et j’ai parlé. Ils se sont multipliés au-delà de ce qu’on peut compter : "  Moi, le Christ, j’ai annoncé, i.e., par mon œuvre, et j’ai parlé, i.e., avec ma bouche. Faites pénitence, le royaume des cieux approche. Ils se sont multipliés au-delà de ce que l’on peut compter en venant à la foi. Ils se sont développés au-delà du nombre des élus, parce qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Il y en a beaucoup qui remplissent les parvis des églises qui se délectent des vanités de ce siècle "

    Paschasius ratbertus 865

    Le livre quatre du commentaire de Matth : Entrez par la porte étroite. Même si la charité est vaste, elle est pourtant étroite puisque peu la trouvent. Et si le petit nombre la trouve, il s’efforce d’entrer par elle. Parce qu’elle est large la porte et spacieuse la voie qui conduisent à la perdition. Celles-là, tous les trouvent sans les chercher, parce que c’est en elles qu’ils sont nés, et s’ils s’en détournent, elles s’offrent d’elles-mêmes. Il est donc rare celui qui met la main à l’acquisition de la vertu. La volupté, à la façon d’une importune courtisane, invite tout le monde avec ses charmes. Et c’est pourquoi beaucoup entrent par elle. De plus, qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! D’où l’étonnement de l’époux et de l’épouse dans le cantique : quelle est-celle-ci qui monte par la voie du désert, comme une colonne de fumée provenant de la myrrhe et de l’encens ? C’est comme si l’on disait : quelle est celle-ci qui chemine dans la voie que peu de monde trouve, même après l’avoir découverte ? Comment se fait-il qu’elle se rapetisse en progressant, au point d’être comparée à une colonne de fumée , et pas à n’importe laquelle mais à celle de la myrrhe et de l’encens ? Le Christ a enseigné plus haut que les aromates signifient que quand nous ceignons ses mortifications sur nos reins, nous devenons un sacrifice d’encens à sa gloire . Nous sommes si exténués que nous pouvons à bon droit être comparés à une colonne de fumée aromatique. Cette voie désertique, peu la trouvent, mais celle qui est très achalandée est fréquentée par un très grand nombre. La voie du désert, dans laquelle le Christ a lutté, est foulée aux pieds par un petit nombre. On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement à ceux qui empruntent la voie large. Elles sont donc considérablement étroites la porte et la voie par lesquelles ne passe qu’un petit nombre.

    Dans le livre dixième du même volume :  Il y beaucoup d’appelés et peu d’élus . "  On ne nous parle pas du petit nombre des invités, mais du petit nombre des élus. Car, lors d’une invitation qui ne comporte aucune exception, intervient seule la grandeur de l’immense bonté divine. Mais aux invités s’applique le judicieux discernement, et l’élection est réservée à la seule honnêteté. Cette sentence résume toutes les paraboles, comme celle du travail à la vigne, de la construction d’une maison , en plus de celle-ci, où c’est la fin qui couronne l’œuvre, mais non le commencement.

    L’Evêque Haymon Halberstatensis , 856

    La vingt et unième homélie, celle du dimanche de la septuagésime présente cet enseignement : " Matth. XX . En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : le royaume des cieux est comparable à un père de famille….Le royaume des cieux en cet endroit représente l’Eglise, que l’on dit semblable à un père de famille, pour que nous apprenions à connaître l’inconnu par le connu. La vigne du père de famille est la sainte église qui, du début du monde jusqu’à la fin des siècles, engendre autant de saints qu’elle produit de sarments . Cette vigne fut d’abord plantée dans le peuple hébreu, mais après l’incarnation du Seigneur, elle s’est dilatée jusqu’aux confins de la terre. C’est ainsi que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. D’où il appert que la foi insuffisante des juifs est réprouvée, surtout si on ajoute cette autre sentence : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ". Phrase qui s’applique tout spécialement au peuple des nations qui ont été appelées en grand nombre, mais dont le nombre des croyants est infime. Cette parabole se prête à deux interprétations . Un jour ou l’autre, à chacun d’entre nous surviendra le terme de notre vie présente. Et bien que quelques-uns soient rappelés de cette vie avant d’être parvenus à la maturité, s’ils ne l’ont pas atteinte par l’âge, ils l’ont par la sortie elle-même. C’est le soir donc que les ouvriers sont invités à venir percevoir leur salaire, car les élus sont récompensés de leurs bonnes œuvres quand ils sont rappelés de cette vie.

    C’est ainsi que les derniers sont premiers et les premiers derniers. A chaque jour, dans l’église, nous nous rendons compte que cela se produit, car ceux qui se sont convertis tardivement au Seigneur dépassent par la ferveur de l’esprit et la piété de la dévotion, beaucoup de ceux qui vivent dans la tiédeur et la négligence. Ce qui est dit après la parabole : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus devrait plus servir à susciter la crainte qu’à la production de beaux développements oratoires. Nous savons tous que nous sommes appelés. Mais nous ignorons encore si nous sommes élus. Dieu nous appelle de plusieurs façons : par la foi, etc…Il y en a quelques-uns qui excellent dans la foi et qui brillent par l’enseignement doctrinal, mais qui sont rejetés du nombre des élus parce qu’ils ont été avares de bonnes œuvres. C’est saint Jacques qui le dit : la foi sans les œuvres est morte. Saint Paul parle aussi de ces gens-là dans sa première épitre à Tite. …..Et le Seigneur dans l’évangile : Ce n’est pas celui qui me dira : Seigneur, Seigneur, qui entrera au royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là entrera dans le royaume des Cieux. ….Ces gens-là diront quand même au jour du jugement : Seigneur, nous avons prophétisé en ton nom etc… A quoi Il répondra : Je ne vous connais pas . Eloignez-vous de moi, artisans d’iniquité ! "

    Christian Druthmarus , 850

    Explication de l’évangile de saint Matthieu au chapitre treizième : Entrez pas la porte étroite. Voici la signification de la comparaison : par la porte, nous entendons la voie des commandements du Christ. La route est large et spacieuse qui conduit à la perdition. Voilà la volupté du siècle qui se présente d’elle-même et qui délecte le corps. Aucun besoin de chercher ou d’apprendre. Et c’est pour cela que beaucoup entrent par elle. Quelle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! C’est-à-dire, très étroite la voie qui permet, par les jeunes, la patience, et l’amour des ennemis, de traverser le siècle et de parvenir à la vie éternelle. La voie est resserrée. Le psalmiste lui-même dit : " J’ai persévéré dans des voies ardues. "…Et il y en a peu qui la trouvent. Il dit que peu la trouvent, et il faut ajouter que ce ne sont pas tous ceux qui la trouvent qui entrent par elle….Dans le même sens, Jésus dit en un autre endroit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Appelés, cela veut dire devenus chrétiens. Mais il y a chez eux peu d’élus, parce qu’ils renient Dieu par leurs œuvres. Nous trouvons la même chose dans l’évangile de saint Matthieu au chapitre XL1111 : " Beaucoup sont appelés mais peu sont élus ". Cela s’applique aussi bien aux chrétiens qu’aux juifs. Il y a peu d’élus. Sentence redoutable, à savoir qu’ils sont peu nombreux ceux qui servent Dieu en évitant toute contamination, car, en plusieurs choses, nous offensons Dieu sans nous en rendre compte. Le plusieurs sont appelés peut s’entendre des seuls chrétiens, ceux qui sont appelés par la prédication, mais qui ne concrétisent pas cet appel par des œuvres. La plus grande partie de ceux-là déambulent par la voie large ".

    Jonas Aurelianensis 842

Voici ce que l’on trouve dans le livre premier de l’institution laïque, au vingtième chapitre, dont le titre est : "Que plusieurs chrétiens conservent leur profession de foi en paroles, mais la négligent par leurs œuvres ".  La voie qui conduit à la mort est large et spacieuse pour les mondains. Les gens du plus grand nombre, --se peut-il rien de plus lugubre----c’est à l’intérieur de l’église qu’ils se cachent. Ils prétendent pouvoir entrer par la voie large et spacieuse qui mène à la mort plutôt que par la voie étroite et ardue qui conduit à la vie. Et cela arrive comme pour réaliser la prophétie de Paul faite à Timothée : " Je sais, dit-il, que dans les derniers temps surviendront des temps périlleux. Les hommes seront épris d’eux-mêmes etc… " Il traite du même sujet ailleurs : Tous, en effet, recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ ". C’est avec raison que je déclare hautement et ouvertement que la profession chrétienne, dans les temps modernes, n’est plus honorée avec la dévotion et la religion d’antan. " Le contraire semble vrai au Père Castelein , qui préfère la ferveur des chrétiens d’aujourd’hui à la situation de l’Eglise primitive, comme nous avons vu ci-haut.

Ambroise Autpertus 778

Apocalypse 1V, l5 : " Voici ceux qui vinrent de la tribulation ". " Ici-bas, certes, tous ceux qui sont élus souffrent une grande tribulation, du fait qu’ils ignorent s’ils sont dignes d’amour ou de haine. C’est à cause de cela qu’ils pleurent, qu’ils s’attristent, et qu’ils mangent leur pain à la sueur de leur front. Rares sont ceux qui se conduisent ainsi. Ce n’est pas moi, c’est le Seigneur lui-même qui en donne la raison : " Parce qu’il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ". Il expose la même idée au livre septième, 25 : " Qui ne craindra pas ? " Parce que dans sa piété Dieu en appelle un grand nombre, mais sa justice exige l’élection d’un petit nombre , comme Il a dit lui-même : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Qui ne redoute de n’être pas admis parmi le nombre des élus ? Nous savons parfaitement bien que nous sommes appelés et que nous vivons parmi les saints. Mais nous ignorons totalement si nous sommes élus et si nous appartenons au nombre des élus, au témoignage de Salomon lui-même : Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine.

Et dans le livre : de la cupidité, numéro 14, il répond ainsi aux objections des " modernistes " :  Ils s’expriment ainsi peut-être ceux pour lesquels nous tirons de tels passages des saintes écritures : "  Vous cherchez à nous terroriser, et c’est à peine si nous ne nous effondrons pas sous l’accablement du désespoir. S’il en était vraiment ainsi, qui de nous serait sauvé ? " Je réponds non pas avec mes paroles mais avec celles du Sauveur : " Entrez par la voie étroite ". Jésus nous a montré deux portes et deux voies. Il dit que beaucoup se dirigent vers la perdition en passant par la voie large et spacieuse . Il dit également que peu entrent dans la vie en passant par la voie étroite. Il ne nous indique aucune troisième porte ni aucune troisième voie. Partez à la recherche de la troisième si vous pensez pouvoir la découvrir, et quand vous l’aurez trouvée, entrez-y et marchez-y. Inutile de vous faire des illusions, il n’y en a pas, il n’en existe pas d’autre. Entrez par " la " voie. "

43-Theophylacias , archidiacre du saint siège 752

Dans l’épitre qui est la quatre-vingt troisième des épitres de saint Boniface, archevêque de Moguntini : " Jusqu’à présent, ce n’est pas sans une grande tristesse davidique, sans une souffrance du plus intime de mon cœur que me sens poussé à entonner des saints cantiques : " J’ai annoncé, et j’ai parlé et ils se sont multipliés au-delà du nombre . " Je voudrais aussi déclarer que beaucoup viennent à la foi et que peu parviennent au nombre des élus, selon la proclamation du Seigneur lui-même : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".

44- Le Vénérable Bède 745

En Matth. XX, XV1 : " Il y a beaucoup d’appelés etc… " Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu se rendent au royaume des cieux. Jésus traite le même sujet au chapitre V11 : " Large est la voie qui tend aux voluptés du siècle, que l’on trouve sans investigation et sans recherche, car elles se présentent d’elles-mêmes. Tous, par contre, ne trouvent pas la voie étroite, et ceux qui la trouvent n’entrent pas tout de suite par elle. Car, un grand nombre de ceux qui sont rendus à mi chemin, séduits par les voluptés du siècle, font machine arrière. " Et en Luc, livre V, ch. I8 : " Au jour du jugement, --ce dont on doit se souvenir d’un cœur tremblant--- quand notre Créateur apparaîtra sous la forme de l’homme, le nombre des élus sera si rarissime que la ruine du monde devra être accélérée non pas tant à cause de la clameur des fidèles injustement damnés mais à cause de la corruption de ceux qui sont justement damnés ".

45- Saint Isidore d’Espagne, docteur de l’Eglise, 636

Dans le livre des questions sur les nombres, à la question 42 : " Le fait qu’on ait compté soixante mille hébreux armés qui sortirent d’Egypte, et que de tous ceux-là, pas plus de deux ne soient entrés dans la terre promise, constitue une figure qui enseigne qu’un grand nombre transitent au pays de la foi par le baptême, mais qu’un petit nombre parvient à la patrie céleste, selon les paroles de l’Evangile : " il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".

Antiochus, moine palestinien, 7ème siècle

    Homélie 94 : "  La compagnie des bons est plus profitable que celle de la multitude des inutiles , comme nous l’ont transmis les saintes écritures…. A la fin du monde, les anges sortiront et sépareront les mauvais des justes, et les enverront dans une brûlante fournaise de feu . Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car beaucoup sont appelés et peu sont élus. Large et spacieuse est la voie qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y cheminent. Au sujet de ceux qui sont peu nombreux, les pieux et les bons, il a dit : " la porte est étroite ", et couverte des épines des tribulations qui mènent à la vie, et il y en a peu qui la fréquentent. Il ajoute : " Ne craignez-pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Règne ".

    Saint Grégoire le Grand, docteur de l’Eglise, 604

    Cet illustre docteur de l’Eglise s’est exprimé ainsi dans sa trente-huitième homélie évangélique , numéros 8 et 14 : " Le fait que dans l’Eglise, il y ait beaucoup de mauvais et peu de bons ne devrait pas vous terroriser. L’arche, dans les ondes du déluge, a accueilli des bêtes là où elle était large, mais elle a abrité les êtres humains là où elle était étroite, car l’Eglise obtient de l’ampleur dans et par les choses charnelles et se restreint dans et par les choses spirituelles. Il faut en effet souvent redire la parole du Seigneur et la graver dans sa mémoire : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".

    L’importance que le saint docteur attache à cette vérité saute aux yeux. C’est pourquoi, en plusieurs autres circonstances, il a cherché à l’inculquer aux fidèles . Ajoutons ce seul extrait de sa dix-neuvième homélie, no 5, où il commente ainsi les paroles de l’évangile : Il y a beaucoup d’appelés etc…  "  Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu parviennent au royaume céleste. En effet, en quel grand nombre vous êtes venus participer à la fête d’aujourd’hui ! L ’église est pleine à craquer ! Mais cependant, qui sait à quoi se réduit le petit nombre de ceux qui seront comptés dans le troupeau des élus de Dieu ! " Le pape saint Grégoire ne craignait donc pas de prêcher ouvertement à son peuple le mystère du petit nombre des élus. Il était éloigné de mille lieux de la prudence charnelle des " modernistes ".

    Césaire d’Arles 542

    Il y a deux sermons différents se rapportant respectivement aux deux voies dont l’une est large et l’autre étroite. Dans celui qui porte le numéro 68, après avoir exhorté ses auditeurs à entreprendre de gravir la voie étroite, par laquelle ils peuvent monter jusqu’au Paradis, il se met à décrire les marcheurs de l’une et l’autre voie d’une facon telle qu’après avoir observé ce qui passionne et intéresse les uns et les autres, il apparaît avec évidence qu’il y a plus de monde dans la voie large que dans l’étroite , et, qu’en conséquence il y a un plus grand nombre de damnés. Et parce qu’il prêche à des chrétiens et que c’est à eux qu’il applique la parabole, il est à mille milles lieux de l’interprétation fausse et laxiste du Père Castelein. (en francais dans le texte).

    Saint Césaire dit donc : "  Tous ceux qui raffolent de ce monde, les orgueilleux, les avares, les voleurs, les adultères, les envieux, les ivrognes, ceux qui ont des balances truquées, qui ont deux poids deux mesures, ceux qui rendent le mal pour le mal, qui se délectent de spectacles sanglants, barbares ou honteux, font la preuve qu’ils descendent par la voie large et spacieuse. Les chastes, par contre, et les sobres, les miséricordieux, ceux qui pratiquent la justice, ceux qui font l’aumône selon leurs ressources promptement et avec joie, ceux qui ne conservent pas de haine dans leur cœur envers personne , ces gens-là montent vers les sommets par la voie étroite et resserrée. Et bien qu’ils semblent habiter encore sur la terre avec leurs corps, leur conversation, selon l’Apôtre , est dans les cieux. De sorte que quand le prêtre les exhorte à élever leurs cœurs, ils répondent en toute confiance qu’ils sont déjà dirigés vers le Seigneur ".

    Et dans le sermon 67 : " C’est Jésus qui préside à la voie auguste et resserrée, et le démon à la voie large et spacieuse. Le Christ invite au règne, celui-là entraîne à l’enfer. Si nous ne regardons la voie large et spacieuse qu’avec les yeux du corps, elle nous leurre. La voie étroite et resserrée contemplée avec les yeux du cœur fait naître en nous la sécurité ".

    Saint Hormisdas 523

    Voici ce qu’enseigne la vingt-troisième lettre adressée à tous les catholiques orientaux, et qui a été lue au cinquième synode, tenu en 518 , 2, comme le rapporte Baronius, n.2 : " Quel besoin y aura-t-il d’une récompense s’il n’existe pas d’occasions de pratiquer la vertu ? La porte est étroite mais elle mène au règne. L’entrée est réservée à peu de monde : à ceux qui ont été éprouvés. Ces paroles ne se rapportent-elles pas à ceux dont il est dit : " Ils vous persécuteront et vous flagelleront dans leurs synagogues ".

    Rubicius senior 504

    Seizième lettre à Turencium : " Comme le bon est rare, il est également si résistant qu’il est éternel. Elle est lisse et fleurie , selon la parole du Seigneur, la route qui précipite dans l’abîme. Raboteuse et pierreuse, celle qui débouche sur la gloire. Pour quelle raison, si ce n’est que beaucoup descendent dans la première, mais peu veulent gravir la seconde ".

    Salvianus 464

    Nous concédons très volontiers à nos adversaires que ce pieux prêtre a été le Jérémie de son temps. Il est permis de chercher à trouver une tache dans ses brillantes couleurs. Il n’en demeure pas moins évident qu’il n’a jamais entretenu d’espoir pour le salut du grand nombre, même pas des catholiques adultes, à tout le moins de ceux de son siècle. Cela suffit pour notre thèse. Il a écrit en effet dans son troisième livre du gouvernement du monde : " Ce que je m’apprête à vous dire est très lourd de conséquence et est matière à verser beaucoup de larmes. Cette église de Dieu qui doit par tous les moyens chercher à apaiser Dieu, que fait-elle d’autre que l’exacerber ? A par le très petit nombre de ceux qui fuient le vice, qu’est-elle d’autre qu’une sentine de vices ? J’irai encore plus loin . Tu trouveras plus facilement des gens coupables de tous les maux plutôt que de quelques-uns seulement. Tu trouveras plus facilement des gens coupables de grands crimes plutôt que de petits crimes. C’est-à-dire qu’il est plus facile de trouver des gens qui ont commis des grands crimes avec des petits, que de trouver des gens qui ont commis des petits crimes sans en commettre de grands. Presque tout le peuple chrétien est descendu à une telle dépravation des mœurs que ,dans toute la chrétienté, la sainteté consiste dans une moindre débauche ".

    Le Pape saint Léon le Grand, docteur de l’Eglise, 461

    Il dit les paroles suivantes dans son sermon XL1X , au deuxième chapitre : " Elle est maintes fois confirmée par l’expérience la parole du Sauveur qui nous enseigne que la voie est étroite et ardue qui conduit à la vie . Et comme la route large est fréquentée par de nombreuses armées, dans les sentiers du salut on ne voit les traces que du petit nombre de ceux qui entrent. Pourquoi donc la voie de gauche est-elle plus achalandée que celle de droite, sinon parce que la multitude a un penchant pour les joies mondaines et les biens corporels ? ….Comme ils sont innombrables ceux qui convoitent les choses visibles, c’est à peine si on en trouve quelques-uns qui fassent passer les biens éternels avant les temporels. "

    Saint Isidore de Pelusiota, cinquième siècle

    Il a écrit au prêtre Eusèbe : " Si, comme tu l’écris, la piété des rois envers Dieu a entraîné des marques d’irrévérence envers certains évêques, il demeure qu’un excès d’honneur à eux manifesté ne fait que les énerver. Ce zèle obséquieux ne va qu’à leur procurer délices et banquets. Toi, vois à ce que cela ne te porte pas à préjudice. Ce ne sont pas tous également qui luttent contre les vices, mais il y en a peu qui veulent vivre comme des apôtres. Si tu dis, il y en a, mais ils sont peu nombreux, tu cours le risque de ne pas te tromper. Mais admirons plus tôt la prescience du Sauveur : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. " Il s’agit ici d’évêques. A plus forte raison, ces paroles peuvent-elles s’appliquer à l’ensemble des fidèles .

    Saint Pierre Chrysologue, docteur de l’Eglise, 450

    Un grand nombre de fleurs laisse présager une multitude de fruits, mais disséminées par les rafales de vent, un petit nombre d’entre elles parviennent à maturité.   De la même façon, beaucoup de ceux qui croient dans le Christ semblent dans la paix de l’Eglise. Quand l’étincelle de la persécution prend feu, on trouve peu de martyrs dans le fruit. "

    Saint Cyrille d’Alexandrie, docteur de l’Eglise 444

    En Isaïe, livre 2, XX1V, 6 A cause de cela, les pauvres habiteront la terre, et il restera peu d’hommes. " Comme, dit-il, la terre est devenue exécrable, parce qu’elle est infestée d’iniquités, même ceux qui sont inopinément réduits à la mendicité parviennent à peine à se sauver. Il n’en reste que quelques-uns et ils sont bien faciles à compter. Au sujet de la compréhension intime du mystère, nous disons de nouveau que bien peu en sont capables. Je parle de ceux qui ont plu à Dieu par la pratique des vertus et qui se sont procuré des trésors par des actions courageuses et honorables. Ils sont peu nombreux, en effet, selon la parole du Sauveur : " Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ".

    Jean Cassien, 434

    Ce célèbre abbé de Marseille que saint Castor, évêque, son contemporain, disait être orné d’une gloire spéciale de sainteté et être digne de mémoire entre tous, dans son quatrième livre des institutions cénobitiques, au chapitre 38, parle ainsi du petit nombre qui doivent servir d’exemples : " C’est par un grand nombre de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume des cieux. Etroite, en effet, est la porte , et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Considère-toi donc comme un des leurs, et ne te laisse pas refroidir par l’exemple et la tiédeur de la multitude. Mais vis comme vivent le petit nombre d’élus, car peu nombreux sont les élus, et petit est le troupeau à qui il a plu au Père de donner l’héritage. "

    Saint Nil, abbé 450

    Etroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la prennent. Si ceux qui la prennent sont peu nombreux, moins nombreux encore sont ceux qui mériteront d’y entrer. La raison pour laquelle ils n’entrent pas est leur propre négligence. "

    Saint Augustin, docteur de l’Eglise, 430

    Ce très grand docteur de l’Eglise, dans plusieurs de ses écrits, défend notre opinion copieusement. Ainsi, au treizième livre contre le manichéen Faustus, au chapitre seizième, où il traite de la façon de catéchiser les païens, afin qu’ils n’hésitent pas à embrasser la foi catholique à cause des mauvaises mœurs des gens d’Eglise, " S’ils savaient (les païens) que l’héritage de Dieu est réservée à un petit nombre, et que le grand nombre ne fait qu’en arborer les signes; qu’un petit nombre seulement hérite de la sainteté de vie, mais que le grand nombre ne fait que participer à la sainteté du sacrement ….Et ce petit nombre, le Seigneur le dit petit en comparaison avec la multitude des mauvais. Mais si on considère les élus en eux-mêmes, répartis qu’ils sont dans tous les pays du monde, ils sont nombreux . Ils croissent au milieu de l’ivraie et de la zizanie jusqu’au jour de la moisson et du vannage ".

    Contre le donatiste Cresconium, au chapitre soisante-sixième du troisième livre, il écrit : " La mer est pleine de flots salés , mais elle est aussi pleine de poissons comestibles. Tu as cité ce texte de l’évangile : car il y en a peu de sauvés. Réponds donc à cette question : comment le Seigneur lui-même a-t-il pu dire : la voie est étroite et resserrée qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent? Et le même a dit ailleurs : " Beaucoup viendront de l’orient et l’occident et banquetteront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. (Id. V111, 11). Et comment dans l’Apocalypse peut-on nous montrer une multitude d’élus que nul ne peut compter ? Comment les mêmes peuvent-ils être en même temps nombreux et peu nombreux ? Nous n’avons pas à choisir entre ces deux affirmations comme si l’une était vraie et l’autre fausse, car c’est la Vérité elle-même qui les a énoncées toutes les deux. Ces mêmes chrétiens, bons et véritables, sont nombreux si on les considère en eux-mêmes, mais ils sont peu nombreux comparés aux mauvais et aux hypocrites. Ainsi, les nombreux grains dont la aire (?) est pleine sont peu nombreux en comparaison de la paille (?).

    Il dit la même chose ailleurs, au chapitre cinquante-troisième du livre quatrième des élus : "  Lesquels sont nombreux considérés en eux-mêmes, et peu nombreux au regard du beaucoup plus grand nombre de ceux qui sont punis avec le démon. " Et dans le sermon cent onze, ou dans les paroles du Seigneur XXX11 : " Certes, ils sont peu nombreux ceux qui se sauvent. Vous souvenez-vous de la question par nous posée à propos d’une parole du Saigneur ? Seigneur, sont-il peu nombreux ceux qui se sauvent ? Que répond le Seigneur à cela ? Il ne dit pas : peu de gens sont sauvés , tout en étant nombreux. . Non, il n’a pas dit cela. Mai qu’a-t-il dit ? Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Quand donc tu entends : il y en a peu qui sont sauvés, le Seigneur confirme ce que tu as entendu. Peu entrent par la porte étroite. Il dit ailleurs : " Etroite et resserrée est la voie qui conduit à la vie et il y en a peu qui passent par elle. Large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition et il y en a beaucoup qui cheminent par elle. Pourquoi pavoiser à la pensée de multitudes ? Ecoutez-moi : ils sont en petit nombre. Je sais que vous êtes nombreux à écouter et peu à obéir. Je vois l’aire à battre le blé, mais je cherche les grains. Et c’est à peine s’ils ressemblent à des grains quand l’aire est battue. . Il y en a donc peu qui se sauvent en comparaison à la multitude de ceux qui périssent. N’est-ce pas plus clair que le jour ? "

    Saint Jérôme, docteur de l’église, 420

    Au chapitre vingt-quatrième, 13-15, Isaïe dit : " Le petit nombre des élus, dont parle le Seigneur dans l’Evangile, ---beaucoup d’appelés, peu d’élus---- sera tel qu’il peut être comparé au petit nombre des olives qui, quand elles ont été secouées et brassées restent en petit nombre fixées aux branches. Et de la façon dont ont coutume de procéder les pauvres gens après la récolte, , poussés par le besoin. Ils parcourent les lieux vides pour ramasser quelques graines d’olive (?). . Et dans son deuxième livre contre les Pélagiens, il commente ainsi les paroles de Jésus : " Il y en a peu qui la trouvent. Il demande : Veux-tu entendre parler de la facilité qu’il y a à observer les commandements ? Ecoute ce qui a été dit : " Comme elle est étroite la voie …. " Il n’a pas dit : ceux qui la gravissent, car c’est une chose très difficile. Mais ceux qui la trouvent. Il y en a peu qui la trouvent, et ils sont encore moins nombreux ceux qui entrent par elle. "

    Le pseudo Jérôme, probablement saint Paulin de Nole

    Un auteur ancien, instruisant une noble matrone du nom de Celantia : " Que ceux qui se déclarent les disciples de la Vérité ne suivent pas la foule erratique. Il est certain que le Seigneur , dans l’Evangile, indique deux voies qui sont deux façons diverses de vivre Observez quelle différence, quelle dichotomie il y a entre les deux ! L’une tend à la mort, l’autre à la vie. L’une est louangée, l’autre est redoutée par tous. Si nous préférons les plaisirs de ce monde aux joies du monde futur, c’est signe que nous descendons par la voie large et spacieuse. Nous avons pour compagnons de voyage la multitude et nous faisons partie de leurs bataillons. Mais si foulant aux pieds toute cupidité, nous ne cherchons à nous enrichir que des seules vertus, nous circulons par la voie étroite. C’est un mode de vie qui ne se trouve qu’en un petit nombre. Et ce nombre est rarissime.. Il est difficile de trouver des voyageurs aptes à suivre ce chemin. "

    Saint Jean Chrysostome , docteur de l’Eglise, 407

    Ce saint docteur à la bouche d’or nous a révélé sa pensée dans la célèbre homélie vingt-quatrième sur les actes des apôtres, homélie qu’il a prononcée devant les fidèles de l’église d’Antioche : "  Je dis cela, non parce que je hais la multitude que vous formez, mais parce que je voudrais que tous soient éprouvés et que vous ne vous fiiez pas en la multitude. Il y a beaucoup de gens qui tombent dans la géhenne. Combien pensez-vous qu’il y a de nos concitoyens qui obtiendront le salut? Stupéfiant est ce je vais vous dire, mais je le dirai quand même . Parmi tant de milliers,----- (Cornelius a Lapide dit en note que la ville d’Antioche comptait au moins cent mille habitants)----il n’y en a pas cent qui parviendront au salut. Je doute même qu’il y en ait tant ! Quelle débauche chez les adolescents! Quelle perversité chez les plus âgés ! "

    Ce jugement si notoire du saint docteur a suscité la réaction de certains théologiens, telle celle de l’auteur de la théologie à l’usage du séminaire de Mechline : " C’est de l’enflure verbale. Il ne faut pas prendre ces mots à la lettre. Il s’agit d’une condamnation conditionnelle : s’ils fréquentent les spectacles dégradants, s’ils recherchent les voluptés, les vices… " Il y a d’autres homélies de saint Jean Chrysostome sur les Actes des Apôtres dont l’authenticité, il est vrai, est contestée à cause de la pauvreté du style et de certaines contradictions apparentes. Mais les Bénédictins les reconnaissent comme étant bien de notre auteur. Il faut se rappeler, en outre, que nous avons, il n’y a pas si longtemps, entendu le vénérable Claude de la Colombière déclarer : " Je m’étonne que de cent mille il y en ait trois de sauvés ".

    Le même Chrysostome prêche ailleurs ainsi à ses prêtres : " Ce sont eux que je déplore, c’est à cause d’eux que je pleure, quand il me vient à la pensée la grande quantité de ceux qui se perdent parmi les baptisés. Quelle séparation devrais-je faire entre les frères pour les réduire au petit nombre de ceux qui obtiennent le salut, afin que la plus grande partie du corps de l’Eglise ressemble à un corps mort et immobile ? En quoi cela nous concerne-t-il, dira quelqu’un. Cela vous concerne extrêmement vous qui ne vous souciez pas d’eux, qui ne les exhortez pas, qui ne les aidez pas de vos conseils, qui ne les secourez pas dans leurs besoins, qui ne les traînez pas par la force, et qui ne vous détournez pas de cette si grande négligence. Le Christ nous montre que nous ne devons pas nous soucier uniquement de nos intérêts mais aussi de ceux d’autrui, quand il nous compare au sel et au levain et à la lumière ".

    Enfin, dans son livre : " Contre les adversaires de la vie monastique ", livre 1, 8 : " Etroite est la porte et resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. S’il est vrai qu’il y en a peu qui la trouvent, ils sont encore moins nombreux veux qui peuvent parvenir au terme ". Et il répète qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. "  Comme le Christ nous dit que la plus grande partie est constituée de ceux qui se perdent, et nous assure que le salut prédéterminé est le fait d’un petit nombre, pourquoi t’opposes-tu à moi ? Tu fais comme si ----que les " modernistes " bénignistes ouvrent leurs oreilles toutes grandes— dans ton étonnement de ce qui est arrivé à Noé au déluge, tu cherchais à me rendre responsable de ce que tous aient péri et de ce que deux ou trois seulement aient échappé au sinistre. C’est avec ce genre d’argument que tu penses nous réduire au silence, pour que nous n’ osions plus proclamer la damnation de la multitude. Mais de cette vérité nous sommes persuadé, et nous ne préférerons pas la multitude à la vérité. On ne peut pas non plus dire que les mœurs d’autrefois étaient pires que celles d’aujourd’hui. Celles d’aujourd’hui sont encore plus délétères, d’autant plus que même la menace de l’enfer ne parvient plus à détourner des vices ".

    Saint Jean Chrysostome était donc un terroriste, lui qui prêchait au peuple l’enfer et le petit nombre des élus, ce qui n’est pas du tout du goût de nos modernistes.

    L’évêque Philocarpasius, autour de 500

    Dans son commentaire du cantique des cantiques, LXX111, verset 2 : je me lèverai et circulerai….et je ne l’ai pas trouvé quand….  " Elle dit qu’elle ne l’a pas encore trouvé, même si elle s’était réveillée et était précautionneusement partie à sa recherche. Pourquoi une fois de plus ne l’a-t-elle pas trouvé ? Elle en indique la cause dans ces mots : " Je me lèverai et parcourrai la ville . des magasins aux places publiques, ce qui revient à dire qu’elle se souciait des affaires du monde et du chemin qui mène à la perdition. C’est pour cette raison qu’elle déclare ne pas l’avoir trouvé, car étroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie. "

    Saint Ambroise, docteur de l’Eglise, 397

    Il atteste entre autres choses que le culte de Dieu est plus rare chez les catholiques que celui du monde, dans son commentaire sur le psaume XL no 7 des mots suivants : Au jour mauvais, le Seigneur le libérera : " Parce qu’elles semblent amères les peines qu’Il nous inflige. Car la voie de la vertu est étroite , celle du crime est large. Pour cette raison, ils sont plus rares ceux qui marchent dans la voie de la vertu et plus nombreux ceux qui se repaissent des vices. Et la conséquence en est que le nombre de ceux qui obtiennent la récompense est inférieur au nombre de ceux dont la gravité des péchés entraînera un jugement de réprobation. Ensuite, dans son apologie de David, chapitre 1X : " Qui habitera dans ton tabernacle, ou qui montera sur la montagne du Seigneur ? ", On ne peut pas dire : personne, mais peu de monde ".

    Saint Grégoire de Naziance, docteur de l’Eglise

    Discours quarante-deuxième aux 150 évêques, numéros 7 et 8 , il se demande : " Comment penses-tu devoir interpréter ces paroles : Même si le nombre des fils d’Israël était aussi grand que celui du sable de la mer, un reste seul sera sauvé. " Et il répond : " En est-il bien ainsi ? Oui, non ? Il en est bien ainsi. Dieu ne se plaît pas dans le plus grand nombre. Toi, tu nommes des myriades, Dieu ceux qui parviennent au salut. Toi, la poussière sans limite, moi les vases d’élection. " La poussière ne désignait pas les infidèles mais les orthodoxes. Nous ne pouvons donc pas trouver de témoignage plus éloquent en faveur de notre opinion.

    Pour mettre plus clairement en lumière sa doctrine, il vaut la peine de prêter attention à ce qu’il dit dans les scholies : " C’est à cause de cela que nous disons qu’ils sont peu nombreux à obtenir le salut. Tu ne dois donc pas te laisser leurrer par la multitude de ceux qui sont recensés parmi les pieux. Le nom du Christ est attribué à plusieurs, mais chez peu de personnes le témoignage des œuvres répond à la profession de foi. " Et dans son vingt-troisième discours qui est le premier prononce contre les Eunomiens, no. 8 : "  Quant tu entends dire qu’il n y a qu’une seule voie et que celle-ci est étroite, que penses-tu que ces mots signifient ? Elle est unique, en effet, si tu regardes la vertu, et ardue à cause des sueurs, et parce qu’elle n’ est pas foulée aux pieds par un grand nombre, si tu as en tête la multitude de ceux qui, par un chemin contraire , avancent dans la voie du vice. Voila mon sentiment personnel. "

    Saint Ephrem, 379

    Il a enseigné trois fois notre doctrine quand il a écrit : " C’ est une voie de ce genre que le Seigneur a établie, une voie qui conduit à la vie, étroite et resserrée, selon ce qui est écrit : un petit nombre passe par elle ….. Notre Seigneur Jésus Christ et notre Dieu a dit dans ses évangiles : Efforcez-vous d’ entrer par la porte étroite. Allons mes frères par cette voie, pour que nous héritions de la vie éternelle. L’ accès a cette vie est la pénitence, le jeune, l’ oraison, la componction, les veilles, la pauvreté en esprit, le mépris de la chair, le soin de son âme. Voila par quoi on accède à la porte étroite et à la voie resserrée qui procure une grande récompense, le royaume des Cieux. Mais large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition. Le Seigneur de la gloire a dit : Entrez par la porte étroite.Que signifie cette voie étroite qui conduit à la vie éternelle, et que peu de personnes empruntent ? Et quel est celui qui la trouve et nous la décrit  ? Tous les saints ".

    Saint Basile le Grand, docteur de l’ Eglise, 379

    Dans son sermon sur le renoncement au monde, il parle ainsi à un religieux : " Sois l’ émule de ceux qui vivent saintement, et grave leurs actions dans ton cœur. Choisis de faire partie du petit nombre. Car le bien est rare. C est pour cela qu’ ils sont peu nombreux, ceux qui entrent dans le royaume des cieux. Prends garde, penses-tu que tous ceux-là se sauveront qui habitent des cellules, les bons comme les mauvais ? Il n’en va pas ainsi. Il y en a beaucoup qui choisissent le saint et pieux état de vie, mais il y en a peu qui en portent le joug. Car le royaume des cieux appartient aux violents et ce sont les violents qui l’ emportent. Ces paroles sont celles de l’Evangile. "

    Le pseudo Basile

    C est un auteur anonyme du quatrième siècle . Dans son commentaire sur Isaïe, 253, il dit : "  Beaucoup périssent à cause de la recherche du confort et du laxisme. Il y en a peu qui parviennent au royaume, i.e., qui supportent allègrement la fatigue et l’ âpreté de cette voie prescrite à la vertu ". Il dit la même chose ailleurs, au chapitre X, 246 : "  Il n’ y a personne qui s’étonne qu’ une si grande quantité d’ Israélites ait été réduite à un si petit nombre. Ne fais pas attention à la multitude de ceux que l’ on appelle des adorateurs de Dieu. Plusieurs sont enregistrés au nom du Christ, mais dans un petit nombre seulement, cette appellation est corroborée par le témoignage des œuvres. Même si le peuple d Israël était nombreux comme le sable de la mer, un reste seulement serait sauvé. Que le salut ne se trouve pas dans la multitude, cette vérité a vu d’abord son application dans le premier peuple, mais elle vaut aussi pour les restes du second qui obtiennent le salut selon l’ élection de la grâce. "

    Saint Hilaire, docteur de l Eglise 368

    Dans son traité sur le psaume LX1V, au verset 5 : Bienheureux celui que tu as choisi et élevé, il demeurera dans ton temple, il donne l’opinion commune sur les paroles du Seigneur, car il écrit : " Toute chair viendra, i.e, nous nous réunirons du sein de toutes les races, mais bienheureux celui qui sera élu. Il y en a beaucoup qui sont appelés, selon l’ Evangile, mais il y a peu d’ élus. Matth. 22, 14. " Il reprend la même idée dans son commentaire sur saint Mathieu, XX11, no. 7 : "  Celui-ci est enlevé et jeté dans les ténèbres extérieures, parce qu’ il y a beaucoup d appelés et peu d’ élus. Le petit nombre ne se trouve donc pas dans les invités, mais dans les élus se trouve la rareté. Car l’ humanité sans exception est invitée par la bonté divine, mais dans les invités, l élection est une équitable attribution de la justice divine ".

    Athanase Vulgate

    Dans sa première épitre à Castor, 13,  "  D’ après la sainte écriture, si tu rentres au service de Dieu, prépare-toi non à l’ insouciance, non au loisir, mais aux tentations, aux tribulations . Car, c est par un grand nombre de tribulations qu’ il nous faut entrer dans le royaume de Dieu, et la porte est étroite et la voie resserrée qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Emprunte donc l’âme de ce petit groupe de bons, et à partir de leurs exemples, trace- toi ta voie. Ne tiens pas compte des paresseux et des méprisants, même s’ il y en a beaucoup numériquement parlant. Car il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et il est petit le troupeau à qui il a plu au Père de donner le royaume. Ne va pas t’ imaginer que le péché est peu de chose. Recherche la perfection, et éloigne-toi des négligents et des hypocrites ".

    Il dit la même chose dans le deuxième dialogue contre Macedonius , première réfutation : "  Contre ceux qui jugent la vérité d’ après la seule multitude . "  N’avons-nous pas entendu le Seigneur dire : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus ?. Et de nouveau, Etroite et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent . "  Qui donc parmi les sains d’esprit ne préférerait pas être du groupe des peu nombreux , de ceux qui marchent vers le salut par la voie étroite , plutôt que des nombreux qui se ruent vers leur ruine par la voie large ? ".

N°70 Eusèbe de Pamphile (+338) p.117

Il affirme dans son commentaire du psaume 60 " : Paul gémissait. Malheureux homme. Qui me libérera de ce corps de mort ? Il gémissait comme si son âme était accablée par le poids de son corps, mais c’ est qu’ il entrevoyait la multitude de ceux qui périssent, selon la parole du Seigneur : la voie est large et spacieuse qui conduit à la perdition ".

N°71 Lactance (+317) p.117

Au livre six de ses institutions, chapitres 4 et 7 , traitant de la voie de la vertu et de la voie des vices, et avertissant qu’ aux uns est préparé le bonheur éternel, aux autres le malheur éternel, il conclut qu’ ils sont moins nombreux ceux qui marchent dans le chemin de la vertu , et c’est pour cela qu’on l’appelle étroite. Et nous, nous concluons a bon droit qu’ils sont moins nombreux à être sauvés. En conséquence, comme les biens et les maux sont proposés en même temps, il convient que chacun se pose à lui-même la question : est-il préférable de supporter des maux brefs en vue de biens éternels ou de s’ exposer à des supplices sans fin pour un bonheur caduc ? Cette voie qui est celle de la vérité, de la sagesse, de la vertu et de la sainteté est ardue, parce que la vertu est donnée à un petit nombre. Elle est épuisante aussi , car personne ne peut parvenir sans grande difficulté et sans labeur au bien suprême. "

N°72 Origène (+294) p.118

Dans son commentaire de saint Matthieu sur les invités aux noces : "  Qu’ un grand nombre d’invités aient été appelés qui n’ en étaient pas dignes, (indignes du banquet céleste), toute la parabole le sous-entend. Car il y a beaucoup d’ appelés Et si l’ on compare le nombre de ceux qui sont entrés dans la salle du banquet à ceux qui ont pris place à table, on comprend le il y a peu d’élus. Si quelqu’un pense aux nombreuses assemblées chrétiennes et se demande combien mènent une vie pieuse et droite, combien vivent de l’ esprit du monde et se conforment

à ce siècle, c’ est alors qu’ il découvrira la pertinence de la parole du Seigneur : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus ".

Et dans sa quatrième homélie sur Jérémie, il donne un enseignement diamétralement opposé aux élucubrations du Père Castelein : "  A la vérité, si nous avons égard à la foi et à la vérité et non à la multitude, et si nous prenons en compte la volonté des hommes et non leur rassemblement, nous constatons que dans un si grand nombre d’églises, il est difficile de trouver de la foi. C’ est autrefois qu’ il y avait de vrais fideles quand les martyrs étaient immolés comme des victimes, ou quand après avoir subi des supplices cruels, ils revenaient tout tristes à l’ église. Toute la multitude fondait en larmes lorsque les catéchumènes au tout début de leur foi étaient conduits au martyre ; quand des femmelettes et des femmes demeuraient intrépides jusqu’ à la mort. Alors apparaissaient des signes dans le ciel, alors surgissaient des prodiges. Les chrétiens étaient peu nombreux alors, mais c’étaient de vrais fideles qui marchaient par la voie étroite et resserrée qui conduit au ciel. Et maintenant, depuis que nous sommes devenus nombreux !…Oh qu il est difficile à plusieurs d’être bons ! Jésus n’ a pas menti quand il a dit : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. Parmi ce si grand nombre de personnes qui professent la foi, on en trouve peu qui ont la foi et la vérité, et qui sont dignes de la béatitude. "

Commentaire sur saint Matthieu.

Les invités aux noces : «parce que plusieurs [de nombreux] sont invités, absolument aucun n’est trouvé digne (c’est à dire au banquet céleste), il ajoute ceci à la parabole : « beaucoup en effet sont appelés. » et à cause de ceux qui, entrés à la salle des noces, comme leur nombre est petit ce sont allongés pour manger, il dit cela : « peu en vérité sont élus. »

 « Parce que si quelqu’un considère les assemblées nombreuses dans les églises et combien mènent une vie et droite et pieuse et se sont convertis à la nouvelle loi et à l’inverse combien vivent mollement et vivent comme la plupart des gens [se conforment à ce siècle] , alors seulement il verra l’utilité de cette parole prononcée par le Sauveur : « Beaucoup en effet sont appelés, mais peu sont élus.»
 « Ailleurs il a été dit : « Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ; » et : « efforcez-vous de rentrer par la porte étroite, parce qu’il y en a peu qui la trouveront. »

4ème Homélie sur Jérémie : "En prenant le critère de la foi et de la vérité, nous considérons, non la multitude mais la volonté des hommes. Nous ne voyons pas l’assemblée elle-même mais nous découvrons qu’il est difficile de trouver la véritable foi dans une telle masse de gens dans les églises. Alors il y avait vraiment des fidèles quand les martyrs étaient frappés à mort, qu’ils subissaient une mort cruelle, les repentants revenaient à l’église ;  il y avait la multitude des gens qui se lamentaient quand les catéchumènes qui venaient de recevoir la foi étaient conduits immédiatement au martyre pour être frappés à mort : quand les femmelettes et le sexe faible demeuraient intrépides jusqu’à la mort.
Alors en vérité se produisaient des signes dans les cieux, et des prodiges sur la terre, alors les chrétiens étaient peu nombreux mais ils étaient vraiment fidèles, lorsqu’ils passaient par la porte étroite et resserrée qui conduit à la vie. Maintenant  que nous sommes devenus plus nombreux, comme il est difficile que beaucoup soient vraiment bons et que Jésus ne ment pas en disant : Beaucoup sont appelés, peu sont élus. De tant de personnes qui professent la foi chrétienne, on en trouve peu qui aient la foi véritable, et qui soient dignes de la béatitude".

N°73 Tertulien (+245) p.

Dans son livre sur la fuite pendant la persécution, au chapitre 14 : " Celui qui a peur de souffrir ne peut pas être celui qui souffre. Et celui qui n’ a pas peur de souffrir sera parfait dans l’ amour. …Et c’ est pourquoi  il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. On ne cherche pas celui qui est prêt à marcher sur la voie large, mais sur l’ étroite. "

N°74 Irénée (+177) p.120

Dans ses livres contre les hérésies, livre 4, chapitre 15 : "  Si, à cause des Israélites désobéissants et obtus, ils incriminent le Docteur de la Loi, ils découvriront que dans notre appel à nous , il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et qu’ il y a des loups revêtus à l’ extérieur de peaux de mouton ". Et un peu après, au chapitre 27 : "  De la même manière ici aussi, il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus. Comme autrefois, les injustes, les idolâtres et les fornicateurs perdaient la vie, à notre époque aussi, ---le Seigneur l’atteste--- de telles gens sont envoyées dans le feu eternel. " Enfin, plus loin, au chapitre 36 : " Comme dans le premier testament le Seigneur ne s’est pas plu en tous, il en est de même dans celui-ci : beaucoup d’ appelés et peu d’ élus " .

Conclusion p.121

    Maintenant, donc,  nous qui possédons une nuée si  imposante de témoins,  à savoir,  les soixante-quatorze saints, docteurs et pères de l’Eglise,  nous mettons au défi nos contradicteurs  de citer ne fût-ce qu’un seul saint ou Père de l’Eglise qui soit de leur avis.

    C’est pourtant ce que tente timidement Castelein   en disant  en termes très généraux : «  Deux illustres docteurs de l’ère moderne,  saint François de Sales et saint Alphonse de Liguori  semblent  incliner vers  l’opinion opposée » (p.283 du livre du Père Castelein)    Qu’un auteur érudit entreprenne donc de parcourir  les œuvres de ces saints.  Qu’il cherche, qu’il trouve,  et, enfin,  qu’il cite mot à mot  leurs paroles.  La question est digne d’une telle recherche.

 Mauran cherche une autre façon de se libérer du joug de l’autorité : « Il faut bien le reconnaître,  le moyen-âge  avec ses grandes et terribles luttes contre les barbares du nord, les Sarrazins d’Espagne et ses démêlés avec les juifs  ne pouvait être bien favorable à  des idées libérales ». (sic p.239) Donc,  la doctrine catholique, la vérité du Seigneur qui demeure  éternellement  dépendent d’un état de guerre ou de paix.

 Le Père Castelein  se révèle-t-il plus sensé lorsque,  pour renverser le consensus unanime des Pères,  il ose écrire : «Bien des Pères   ont cru que le nombre des réprouvés  l’emporterait sur celui des élus ? » (p.283)  Qu’il dise donc franchement : tous les Pères,  et non bien des Pères,  laissant entendre par là que quelques-uns au moins étaient d’une opinion contraire. Qu’il ne dise pas non plus : « Mais cette opinion,  motivée peut-être  par leurs conjectures sur l’histoire du monde, telle qu’ils la connaissaient alors,  avec ses  quarante siècles de paganisme,  ne saurait faire loi » (ibid.)    Les Pères élaborent leur doctrine  non d’après des conjectures  plus ou moins probables,  mais d’après des arguments tirés de l’Ecriture Sainte.

 De plus,  comme il a été dit plus haut,   le Pape Léon XIII  les  recommande fortement  non seulement  à cause de leur science de la doctrine révélée,  mais aussi à cause de leur connaissance de plusieurs choses  très utiles à l’interprétation  des livres apostoliques.  Léon XIII ajoute que  Dieu  a aidé  de plus puissants secours de sa lumière  ceux qui étaient remarquables par la sainteté de leur vie  et par leur zèle manifesté dans la recherche de la vérité.      Les modernistes  font peu de cas  de cette vérité  en négligeant les Pères,  en dépouillant leurs écrits  de leur esprit de foi et en les soumettant  à une critique rationaliste,  comme s’ils n’avaient à faire qu’à des œuvres profanes.  «  Que leur interprète sache poursuivre diligemment leurs traces »,  dit encore Léon XIII.

 Puisqu’il en est ainsi,  il nous est permis de dégager certaines conclusions  du consentement unanime des Pères  ci-haut démontré.

1- Nous constatons d’abord  que pour les modernistes,  la doctrine qui enseigne  que le nombre des damnés est plus grand que celui des sauvés  est toujours ouverte à la discussion.   On devrait dire avec plus de justesse  que cette doctrine  reflète la pensée de l’Eglise  puisqu’elle a pour elle  le consentement universel et unanime des Pères.

2- Nous constatons ensuite  qu’ils s’éloignent de la vérité  et induisent le peuple en erreur  en donnant la préférence à  des idées à la  mode  qui n’ont pas été suffisamment prouvées.

3- Nous constatons  que le consentement unanime des Pères provient de leur interprétation  de textes très célèbres de l’Ecriture , notamment,  de la porte étroite  et il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

4- Les Pères ne prêchent pas la doctrine du plus grand nombre des damnés  à partir de la seule  autorité de l’Ecriture,   mais ils s’efforcent de démontrer cette triste vérité  sur la constatation du fait  que le plus grand nombre mène une vie  qui ne convient pas du tout à un chrétien,  et qui est à l’opposé  des exemples et de la doctrine du Rédempteur.

5- Les témoignages réunis de tant et de si grands  Pères  nous font comprendre   que la doctrine du petit nombre des élus   a été présentée souvent et sans crainte par  les prédicateurs   et par les pieux auteurs.    Il s’ensuit donc que  les modernistes  s’inventent à plaisir  des cauchemars  et ont peur de leurs ombres  quand  ils prétendent que cette doctrine ne doit jamais être enseignée  pour ne pas terroriser les fidèles  et pour que le désespoir ne les entraîne pas dans l’abime.   Les évènements redoutables du futur  n’arrivent pas parce qu’ils sont prédits.   Mais on doit en parler pour qu’ils n’arrivent pas.    Si dans l’Eglise primitive,  après le refroidissement des siècles de ferveur,  quand l’épouse  du Christ  était encore fortifiée par le sang des martyrs récemment versé,  les hommes les plus saints et les plus sages  jugeaient bon d’avertir les fidèles  de ne pas parcourir la voie large et commune, mais de marcher avec le petit nombre,  pour rendre certaine  leur vocation,  pourquoi devrions-nous nous taire  à cette époque  où croissent  non seulement les mauvaises mœurs  mais la licence des opinions les plus dangereuses ?

6- Que nos adversaire ne disent pas non plus que les saints, formés pour un grand nombre à l’école  des rhéteurs, se sont laissés entrainer plus loin qu’ils auraient aimé et ont manié continuellement l’hyperbole  dans leurs sermons.  Car,  un grand nombre de saints ont enseigné constamment cette vérité non pas seulement dans des mots lancés dans le feu de l’improvisation,  mais dans des écrits qu’ils ont composés  à froid  et à tête reposée. Il faut de plus noter que l’Eglise  n’a jamais récusé  les Pères,  ni refusé de les reconnaître comme des témoins authentiques de la tradition apostolique et des interprètes de l’Ecriture,  sous prétexte qu’il auraient prêché la parole de Dieu avec zèle et chaleur.

7-  Enfin, souvenons-nous que les saints n’ont pas été des hypocrites. Ce qu’ils redoutaient pour les autres,  ils le redoutaient pour eux-mêmes. Comme l’a dit l’un d’entre eux :  « Est-ce que c’est moi qui ai écrit cela ?  Ai-je le pouvoir de l’effacer ? Si mes paroles suscitent de la terreur chez autrui, je n’en  suis pas moins troublé que les autres.  Si mes sermons terrifient autrui,  je n’en suis pas moins terrorisé moi-même ». Ce n’était pas du tout des pharisiens, mais comme saint Paul,  ils disaient et faisaient : « Je châtie mon corps  et le réduis en servitude,  de peur qu’après avoir prêché aux autres  je ne sois réprouvé ».
Soyons leurs auditeurs et leurs imitateurs comme  ils l’ont été du Christ.
p.124 fin.
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p.125-209
Chapitre 4
 Cette doctrine des saints est approuvée par les théologiens et les auteurs ascétiques comme commune et vraie ;
cependant par quelques uns elle est affirmée comme étant de foi.
p.210-229

Chapitre 4 Cette doctrine des Pères est approuvée  par les théologiens et écrivains  ascétiques. Ils la reconnaissent comme étant commune et vraie. Quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer de foi.

         Nos adversaires admettent en toute candeur  que leur position est en retrait de la doctrine commune des théologiens.

 Le Père Faber : « Parmi les théologiens,  le sentiment rigoureux  relatif à la masse entière du genre humain  a une écrasante autorité.  ---Le sentiment rigoureux concernant  la damnation de la majorité des adultes catholiques  a pour lui plus de théologiens que celui de l’opinion modérée ».     C’est ce que dit le pieux Faber  qui,  comme nous le verrons plus bas,  s’abstient,  en traitant cette question,  d’en faire l’application à l’ensemble de l’humanité.

 Bougaud : « De là,  l’opinion si générale des théologiens sur le petit nombre des élus dans l’humanité toute  entière.   On ne contredit qu’en tremblant une opinion si répandue ».

 Mauran :  « Hélas ! nous sommes obligés de l’avouer,  la grande majorité nous dit avec saint Thomas d’Aquin : c’est le petit nombre qui est sauvé.   Quelle épouvantable doctrine !  J’avoue qu’elle m’a toujours choqué.  Pourtant,  il est bien douloureux de voir une telle opinion enseignée par tout le moyen-âge.  De nos jours encore,  les traités de théologie qui sont classiques dans un grand nombre de grands séminaires,  enseignent la même opinion.  En particulier les théologies de Vincent et de Bonal.   Le cardinal Gousset nous dit également  « que le plus grand nombre des hommes se perdent ».   Cependant,  une réaction se fait dans les esprits  contre ces désolantes doctrines ».

Le Père Castelein  ne   parle pas en termes aussi absolus : « Plusieurs de mes idées,   je ne le sais que trop,  sont  en désaccord avec l’opinion de certains  théologiens ».   Ces théologiens-là seraient,  selon son dire,  peu nombreux,  de peu de renommée  et d’une infime autorité.  Car le révérend Père ajoute aussitôt au sujet de ses idées : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie …des enseignements de nos plus grands théologiens ».   Quels sont donc ces éminents théologiens,  le lecteur éprouvera quelque difficulté à les découvrir  en scrutant les noms du catalogue suivant.  La chose s’avère d’autant plus difficile que le Père s’abstient prudemment d’en citer un seul.

 Pour mémoire,  rappelons la doctrine authentique de l’Eglise au sujet de l’autorité  dont jouissent les théologiens et les  auteurs ascétiques.  Il est de notoriété générale  que,   de la même façon que  les saints Pères ont succédé aux apôtres  en tant que docteurs de l’église,  les théologiens  scolastiques ont succédé aux Pères,  à un degré d’autorité, cependant,  moindre.   Par contre,  il  y a d’autres docteurs catholiques d’un rang plus élevé qui siègent dans la chaire même des Pères,  du fait qu’ils enseignent leurs doctrines.

 Il faut compter  également au nombre des théologiens  les écrivains ascétiques.  L’ascèse, en effet, est une partie de la théologie pratique ou morale.  On peut la définir : la science de la sanctification,  puisque son objet est de conduire  l’homme à la perfection de la sainteté.

 Dans les choses qui se rapportent aux principes de la foi et des mœurs,   et dans ce qui en découle automatiquement,  la sentence unanime des théologiens  jouit d’une telle autorité que la contredire équivaut  à une imputation  d’erreur ou d’hérésie.    On trouve une  unanimité de ce genre  chez les théologiens  en ce qui à trait au petit nombre des élus  provenant  du genre humain entier.   Une certaine disparité se fait jour  relativement  au salut du petit nombre des adultes catholiques.
 
 

Section 1 : Les théologiens enseignant clairement le petit nombre des élus
 

1- Joannes Trithemius , 1516

Ce pieux et docte abbé Spanhemensis enseigna la doctrine  unanime des saints  en toute clarté,  pieusement et avec énergie,   en ces mots : « Il est vraiment petit le troupeau de ceux qui vont à la vie éternelle,  parce qu’ils sont peu nombreux  ceux qui s’efforcent  de monter par la voie étroite et sublime des vertus.   C’est en effet une voie resserrée que la résistance  vigoureuse  aux vices et aux plaisirs charnels,  l’indifférence face aux catastrophes  d’un monde  déchaîné,  le mépris  des voluptés  de la vie présente,   à la pensée  des biens éternels.

 Ecoute maintenant la description de la voie de perdition et de mort,  et examine attentivement les voyageurs de l’une et  de l’autre voie.  Spacieuse est la voie de la mort  parce qu’elle est  foulée aux pieds par un grand nombre.  La largeur de la voie consiste dans  l’assouvissement  des désirs et des voluptés de la chair, dans la fuite des épreuves,  dans la recherche des plaisirs de la vie présente  et dans l’abondance des désirs charnels.

 Toi, donc,  découvre où se trouve le plus grand nombre des voyageurs,  sans cesser d’écouter.  Ceux qui aiment le monde ne sont-ils pas plus nombreux que ceux qui aiment Dieu ?  N’est-il pas vrai qu’un grand nombre recherche ses propres intérêts plutôt que ceux de Dieu !  Pour employer les paroles du prophète,  est-ce que tous ne s’adonnent pas à l’avarice,  du plus petit jusqu’au plus grand ?  N’y a-t-il pas plus d’orgueilleux que d’humbles,  plus de révoltés que d’obéissants ?

 Il est petit le troupeau  qui avance par le chemin ardu des vertus, car le royaume des cieux souffre violence, et peu s’en emparent.    Car il y a deux voies . Celle qui est ardue conduit à la vie,   et celle qui est spacieuse conduit à la mort.     Peu entrent par la voie étroite,    ceux-là seuls qui ont su développer en eux  la force de résister à   l’attrait  des plaisirs sensuels,  qui font passer l’amour de Dieu avant toute chose,  qui fuient les choses mondaines et le péché,  et qui conservent la vérité avec tout le zèle de leur cœur.

 Plusieurs marchent par la voie large : tous les adonnés aux plaisirs de la chair,   ceux qui font peu de cas de l’amour de  Dieu,  qui aiment le monde,  et négligent la pureté du cœur.      Il n’y a pas de troisième voie dans laquelle  ---les deux autres rejetées---tu puisses t’efforcer de marcher, parce que la voie des justes conduit à la vie,  celle des impies à la mort.   Plus petit est donc le nombre des élus.  Car plusieurs sont appelés par la foi  mais peu sont élus par la charité.  Il est préférable d’entrer dans le royaume des cieux avec peu de monde  que dans la géhenne avec un grand nombre. »

2- Lanspergius,  1539

Aimé de Dieu et des hommes, ce Père du nom de Jean Juste Lanspergius,  juste par le nom et le surnom,   énonce ainsi notre thèse : « Qui ne redouterait pas cette parole  prononcée par Jésus à la fin de l’évangile : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ?  Parole dure  et redoutable,  et ce qui est encore plus étonnant,  si peu méditée et si vite oubliée.  C’est la Vérité qui dit cela,  qui ne peut mentir ni  en faire accroire à personne.   Elus sont ceux qui  seront placés à droite au jugement dernier,  et qui entendront ces paroles : « Venez, les bénis …etc »  Ce sont ceux-là que le Seigneur prononce être peu nombreux.     Tous sont appelés,  combien reçurent la grâce  de la profession de foi ! …D’un grand nombre d’appelés, donc,  un petit groupe de choisis restera,  parce que les hommes préfèrent presque tous les ténèbres à la lumière.   Ils préfèrent les biens caducs de ce monde aux joies de l’éternité.   Qu’on ne s’étonne donc pas  qu’un petit nombre seul soit élu.  Nous ignorons  combien d’entre nous seront élus. »

3- Alvarez de Paz,  jésuite,  l580

Il avance les idées suivantes, dont la méditation pourrait être extrêmement profitable  aux modernistes : « Si nous sommes tous des voyageurs,  et s’il y a des voies réfractaires au sang et à la chair  et fréquentées par un très  petit nombre,  (car elle est  resserrée la voie qui mène à la vie et peu la trouvent) cherchons un guide pour cette voie,  pour que nous ne déviions pas  stupidement du but désiré.  Tenez-vous sur les routes,    dit le Seigneur à Jérémie, c.V111,   regardez  et  informez-vous  des chemins pratiqués par vos ancêtres,  si  est la bonne  voie,  et  parcourez-la.  Et vos âmes trouveront le  rafraîchissement .

 Que la perversité d’autrui  ne  nous détourne pas  d’un projet de perfection,  parce qu’il nous faut vivre à la  façon du petit nombre,  si  nous voulons obtenir la dignité  à laquelle parviennent un petit nombre d’élus  qui ont lutté avec courage.  Et Cassien dans ses institutions, livre 4,  c. 38 : « Considère-toi comme faisant partie du petit groupe d’élus,  et ne te laisse pas refroidir par  la négligence que la multitude te donne en exemple.   Mais vis à la façon du petit nombre,  et comme le petit nombre,  du mériteras d’être trouvé dans le royaume de Dieu.  Car beaucoup sont appelés, peu sont élus.  Et il est petit le troupeau  à qui il a plu au Père de donner  l’héritage ». (Luc X11)é

4- Lud Carbo a Costaciaro , 1584

« Ils sont moins nombreux ceux qui sont sauvés,  parce que la béatitude éternelle  transcende la condition normale de la nature humaine, surtout depuis qu’elle a été  privée de la grâce par le péché originel.  Et la miséricorde de Dieu apparaît principalement  en cela qu’Il conduit quelques-uns au salut  qui échappe au grand nombre ».   Voici ce que l’on trouve dans  le condensé très complet de toute la somme de saint Thomas écrit par ce professeur.  Il est absolument évident que c’est la doctrine de saint Thomas  exprimée dans ses propres mots ».

5- Salmeron, Jésuite, 1585,

Dans le texte : beaucoup d’appelés, peu d’élus,  Matth.22, 13, des noces royales : « Il faut réunir à celui qui a été expulsé  du banquet tous ceux qui ont d’abord été invités aux noces, et qui par la suite, s’en sont rendus indignes.  C’est en pensant à eux qu’on peut déduire de la parole de Jésus  que plusieurs sont appelés au royaume céleste .  Et du sein de cette multitude,  peu nombreux sont ceux qui sont élus,  si on les compare au grand nombre des appelés.  Les uns entrent,  les autres sont rejetés. »

6- Ludovicus Granatensis  1588

Il écrit dans le même sens : « Regarde cette partie que le nom chrétien rend célèbre,  et vois à quel état est réduite la chrétienté en ce siècle  très misérable,  et tu avoueras  que c’est à peine si on peut trouver dans ce corps mystique quelques membres qui soient sains.  Essaie de te revigorer   à la pensée  des villes les plus célèbres  dans lesquelles demeurent encore au moins quelques vestiges  de la doctrine;  parcours ensuite les villes mineures,  les villages, les faubourgs  et les châteaux ,  et tu trouveras des peuples de qui Jérémie pourrait dire,   c. V : « Parcourez les rues de Jérusalem,  regardez, examinez  et cherchez  dans ses places si vous trouverez  un homme qui pratique la justice  et cherche la vérité,   et Je lui serai propice ».

 7- Alphonse Mendoza, O.S.A,   1591

Il réfute avec verve l’erreur  du plus grand nombre des sauvés, et conclut  ainsi : « Ajoute une grande  partie des hommes et des fidèles, ajoute même leur plus grande partie   tant qu’ils vivent sains et en santé  .  Le respect humain et la peur de l’enfer ne les empêchent pas  de commettre   une grande variété de péchés et les plus grands crimes,   de telle sorte que très  nombreux, si tu examinais leurs consciences au poids du sanctuaire, seraient ceux  chez qui  tu  trouverais  toujours  et  à n’importe lequel moment de l’année,  l’un ou l’autre péché mortel .  Surtout  quand ils se préparent pour Pâque,    à la réception du sacrement.   Ce qui est confirmé par l’expérience quotidienne des missions. »

7- Ludovicus, Molina :  jésuite, 1600

Celui qu’on dit être aussi laxiste qu’il est possible de l’être,   réfute par ces paroles les laxistes modernes : « Moi personnellement,  bien que je voie l’efficacité de la passion  et des mérites du Christ et des sacrements,  quand il m’arrive de jeter un regard sur la multitude  des péchés,  quand je considère le peu de cas que font les hommes de leur salut,  et combien accèdent aux sacrements sans préparation,  je crains fort  que la plus grande partie des fidèles ne soient plutôt du nombre des réprouvés  que du nombre des sauvés,  surtout quand je pense qu’un seul péché mortel suffit  à la condamnation éternelle. »

8- Gregorius  a Valencia,  jésuite, 1603

« Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.   Dieu réprouve à cause du péché une grande multitude d’hommes,  i.e. le plus grand nombre des hommes ».

9- Vasquez, jésuite, l604

Il y a un plus grand nombre de réprouvés que de prédestinés.   Que le nombre absolu des réprouvés et des damnés  soit plus grand que celui des prédestinés et de ceux qui se sauvent  découle en toute limpidité de l’Ecriture.  Matth V11, la voie est resserrée etc…, et ailleurs au même numéro.   Il y a cependant lieu de douter si la plus grande partie des fidèles se damne.   Il y en a qui mettent la piété à penser  que la plus grande partie des fidèles se sauve,  car plusieurs décèdent après avoir les reçu les sacrements  de l’Eglise.  Ils pensent que la majorité de ces gens-là sont sauvés.  C’est ce que confirme  la parabole en Matth. X11 .  Car,  parmi tous les invités aux noces –image des fidèles-   un seul a été trouvé sans la robe nuptiale.   D’autres,  qui ont l’approbation de saint Grégoire et de saint Augustin,   pensent que la plus grande partie des fidèles est condamnée.  Saint Augustin lui-même invoque la parabole du semeur :  une seule  partie du  terrain sur les quatre qui avaient reçu la semence  a fructifié.  Comme une seule a  fructifié,  la parabole semble indiquer  que les élus  sont peu nombreux.   A cette sentence, se réfère la glose interlinéaire  de Lyranus dans ces passages de Matthieu. »
 

10- Zumel,  O.B.M.V de Merc. 1607

Ce saint théologien  fut professeur et supérieur général  de son ordre. C’était un homme d’un jugement sûr et éprouvé,  et il  était d’un grand prix pour son ordre à cause  de sa sublime  doctrine et de son immense réputation.    Il nous révèle avec la plus grande clarté  sa compréhension du texte de saint Matthieu  qui se rapporte à l’élection et à la prédestination  divines .  « A quoi furent-ils élus ?  Saint Augustin répond sans hésiter :  Ils ont été élus  à prendre part au règne du Christ.  Et il ajoute ailleurs :  Il les a élus pour qu’ils prennent par à son royaume.   La chose est donc évidente,  Saint Augustin parle de l’élection à la gloire.  Et c’est d’après son exégèse qu’on interprète  plusieurs passages de l’Ecriture  qui ne peuvent pas signifier autre chose qu’une élection à la gloire.   Tel est celui de saint Paul aux Romains  V111 : « Qui osera porter une accusation à charge contre les élus de Dieu ? » ,  et Matth. XX, 16, : « Il y a beaucoup de d’appelés et peu d’élus ».   Peut-on s’exprimer plus clairement ? »

11- Estius, 1613

Ce docteur qu’on appelle justement le docteur  délectable, écrit : « Si l’on prend en compte la totalité du genre humain,  dire que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des élus,  c’est faire  une affirmation  qui n’est ni fausse  ni téméraire.  Ce  n’est malheureusement que trop  vrai.

 Cela va de soi,  car,  du début du genre humain jusqu’au Christ,  un petit nombre seulement dans tout le monde entier  furent des adorateurs du vrai Dieu,  lesquels ne furent pas tous bons.  Et bien qu’après l’avènement du Christ,  la vraie religion a été largement répandue,  dans tous les siècles,  à toutes les époques ---y compris celle d’aujourd’hui—les infidèles furent plus nombreux que les fidèles.

 En outre,  parmi les fidèles eux-mêmes,   l’autorité de l’Ecriture et des Pères  démontre  qu’il y a plus de mauvais que de bons,  plus de réprouvés que d’élus.  Il est impossible de trouver un seul Père qui ait    pensé autrement.  Si c’est ce que les Pères ont pensé de ceux qui appartenaient à l’Eglise,  il  n’y a plus lieu de douter  que dans le tout le genre humain,  les réprouvés ne soient en plus grand nombre que les élus. »     Il essaie ensuite d’établir rationnellement la chose par un argument de saint Thomas .   Le bien qui est proportionné à  la condition de la nature humaine  se rencontre dans la plupart des cas,  et fait défaut  dans quelques cas particuliers.  Il en va autrement dans le bien surnaturel.   On ne trouve ce dernier que dans un petit nombre,   et dans plusieurs il fait défaut.   A cet argument,  il en rattache un autre  qui se rapporte à la difficulté qu’il y a à se procurer le bien qui conduit à la vie éternelle.   La cause de cette difficulté  est la tendance au mal et l’ignorance du bien introduites dans le genre humain  par la faute de nos premiers parents ».

13- Joannes a Jesu Maria , carme déchaussé, 1615

Homme d’une prudence singulière et d’une remarquable érudition,  d’une grande régularité et pureté de vie,  il était tenu en haute estime par le pape  Paul V et par Bellarmin : « Il est certain que la doctrine évangélique enseigne  que plus petit est le nombre des élus.    La Vérité divine elle-même a déclaré : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent.   Cette assertion du Christ a tant d’autorité et de poids  que je pense que personne, parmi ceux qui se considèrent chrétiens,   n’oserait la mettre en doute.    Nous devons déduire de là  qu’il n’y en a pas beaucoup parmi les chrétiens  dont la conduite  et les sentiments envers Dieu  nous permettent de les compter   en toute prudence,  dans le nombre des élus ».

14- Suarez,  jésuite,  1617

Le docteur sublime  dans son traité de la divine prédestination  et de la réprobation, livre V1 c. 3 : « Le nombre des élus est-il plus grand que le nombre des réprouvés  ? »  Voici comment il répond.  «  On peut faire ici plusieurs comparaisons.  La première porte sur les seuls anges.  A laquelle les théologiens dans leur ensemble répondent par l’affirmative , à la suite de saint Thomas.   .   La deuxième comparaison porte sur les hommes,  sur la totalité des hommes, sur tous ceux qui  ont vécu depuis le commencement du monde,  qui vivent aujourd’hui et qui vivront  dans le futur.  La sentence vraie et unanime portée sur ces gens ne laisse pas de réplique : le nombre des réprouvés est plus grand.  Cette façon de voir provient en droite ligne  de Matth.  V11 : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent.  C’est pour cette raison  que l’écriture a coutume d’associer  le petit nombre aux élus.   Et c’est de cette façon que beaucoup interprètent  ce passage du psaume XV11 : « De sur la terre,  séparez-les du petit nombre »,  ainsi que cet extrait de l’Ecclésiaste,  XV11 : « Purge-toi de la négligence avec le petit nombre ».

 Dans le même sens,  dans le quatrième livre d’Esdras,  C V111, il est dit   : « Dieu a fait le monde présent pour un grand nombre,  mais le monde futur pour un petit nombre ».  Et,  plus bas,  il dit encore plus clairement : « Beaucoup ont été créés,  mais peu seront sauvés ».  Sans être canonique,  ce livre jouit pourtant  d’une grande autorité.   Et ailleurs,  il déclare au moyen d’un exemple : « La terre produit de la matière en quantité  pour fair-e des choses périssables,   mais elle en produit peu de celle qui sert à l’or et à l’argent, etc…  C’est peut-être pour cette raison  que dans l’Ecriture les élus sont appelés des vases d’or, et sont comparés aux perles et aux pierres précieuses,  car celles-ci sont aussi rares que ceux-là.
 On peut arriver à la même conclusion par le raisonnement,  car,  si nous considérons l’état du genre humain  jusqu’à l’avènement du Christ,  la connaissance de Dieu et la sainteté  étaient difficiles à trouver.   Après l’avènement du Christ,  des nations innombrables  ou ne croient pas ou n’ont jamais encore entendu parler de l’Evangile.   Et une grande partie des croyants est condamnée,  comme je le dis sur- le- champ.     Donc,  tout bien considéré et  sans l’ombre d’un doute,  le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand.    Saint Thomas en a donné la raison.    Une première raison  se tire de la condition de la nature humaine  qui est composée de tendances  contraires.   Et les objets qui peuvent nous inciter au mal  nous sont plus familiers et ils sont plus à notre portée .    A quoi s’ajoute  l’anarchie intérieure  léguée par le péché originel .   Nous avons déjà dit plus haut que le péché originel  est une sorte de cause ou d’occasion  de réprobation pour  beaucoup de monde.   On peut aussi  apporter pour explication  la hauteur et la sublimité de la fin,  à l’obtention  de laquelle l’homme  est destiné  par des moyens qui excèdent ses propres forces,  surtout celles des pécheurs.

 Ces raisons semblent décisives  d’un simple point de vue humain,  mais insondable  est le puits de la sagesse divine,  et nous ne pouvons parler ainsi que  pour témoigner que Dieu a voulu montrer  l’excellence de sa grâce  dans les  élus.

 Troisième comparaison.  Première sentence.  La troisième comparaison est entre  les fidèles ou les chrétiens Y a-t-il plus  de sauvés que de réprouvés,  ou vice-versa.   Certains pensent que la piété leur demande de croire que le nombre des sauvés est plus grand,  chez les chrétiens,  que le nombre des réprouvés.  De ce nombre, est Sylvestre,  dans la rose en or,  vers la fin du dimanche de la septuagésime.  Et il a coutume d’apporter en preuve  la parabole  (Matth. XX1) où, au cours du banquet de noces, le Père de famille n’en trouva qu’un  à ne pas avoir  la robe nuptiale,  et celle des vierges  (Matt. XX1)   dont cinq furent sages et cinq folles.   Cette interprétation semble corroborée par les faits,  car plusieurs chrétiens meurent après avoir reçu les derniers sacrements,  par la vertu desquels ils sont facilement justifiés.  Et il conclut qu’il est vraisemblable qu’un grand nombre soit sauvé.

 La position qui précède  est plus  vraie.   La sentence contraire est plus commune,  à savoir que les réprouvés sont en plus grand nombre.  Ce que saint Grégoire affirme ouvertement ,  et saint  Augustin exposant la parabole  du blé et de la paille.   Car, dit-il, l’aire où l’on bat le blé signifie l’Eglise,  et la paille les réprouvés.  De toute évidence,  la paille est en plus grande quantité que n’est  le blé.    Saint Jean Chrysostome est du même avis.   Les commentateurs et les exégètes  dans leur ensemble citent Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, et la parole du semeur (Luc,8) dont une partie du terrain sur quatre a donné du blé.

 Cajetan,  commentant la dite parabole des vierges,  dit que même de ceux  qui vivent  médiocrement dans l’Eglise  et qui ont un certain souci de leurs consciences,  la moitié est damnée.   Ce qui est très sévère.   Les raisons invoquées sont  l’expérience,   la vie de tous les jours et la propension  aux mœurs dépravées.  Car,  sans l’ombre d’un doute,   le plus grand nombre des chrétiens vivent mal  et persévèrent peu de temps dans l’état de grâce,  et il est très vraisemblable qu’ils meurent comme ils ont vécu.

 La chose est pourtant douteuse.  J’aurai recours ici à une distinction.   Nous pouvons dans le nom de chrétiens faire entrer  tous ceux qui se glorifient du nom du Christ  mais dont un grand nombre sont hérétiques,  apostats ou schismatiques.   Prenant le nom de chrétien dans ce sens général,  il me semble probable que la plus grande partie soit réprouvée.  Et c’est de cette façon que je consens à tout ce qui a été dit dans la seconde opinion.    On peut confirmer mon avancé  par la constatation que les hérétiques  et les apostats ont toujours existé en plus grand nombre.   Et si on y ajoute le nombre  des fidèles impies qui connaissent une mauvaise mort , ce nombre global dépasse  décidément le nombre de ceux qui meurent saintement.

 Mais si par chrétiens on entend  ceux-là seuls  qui meurent à l’intérieur de l’Eglise catholique,  il me semble plus vraisemblable de  penser que dans l’ère de la grâce, un plus grand nombre sont sauvés.   La raison en est que parmi ceux qui décèdent avant d’avoir atteint l’âge de raison,  la plus grande partie décède avec le baptême.    Quant aux adultes,  s’il est vrai  qu’une grande partie d’entre eux pèchent souvent mortellement,  il leur arrive quand même souvent de se ressaisir,  et ils traversent ainsi leur vie en chutes et en redressements.  Enfin,  il n’y en a peu  à ne pas se préparer à la mort par la réception des  sacrements,  et qui n’ont pas le regret de leurs péchés,  même s’il ne s’agit que de l’attrition.   L’attrition suffit  avec le sacrement, à l’article de la mort,  pour  l’obtention de la grâce sanctifiante.  Et une fois justifiés à nouveau,  il leur est facile  de persévérer un certain temps sans nouveau péché mortel.   Donc,  tout bien considéré,  il est plus vraisemblable que le plus grand  nombre des chrétiens est sauvé ».   Malheureusement,  cette raison invoquée par Suarez ne vaut plus aujourd’hui pour des milliers d’hommes devenus indifférents.

 On pourrait résumer ainsi la doctrine du docte Suarez.  1- Il qualifie de commune et vraie  l’opinion qui tient  que la plus grande partie du genre humain  est réprouvée.  2- Il qualifie de plus commune celle  qui tient que la majorité des chrétiens ---hérétiques, schismatiques et apostats inclus---se perd.  3-  Mais Suarez estime qu’il est plus vraisemblable que la majorité des catholiques soient sauvés.

 Mais, par la suite,  l’omission de la distinction qu’il faisait entre catholiques d’une part,  et chrétiens de tout acabit d’autre part,   a déformé la pensée de Suarez.

15- Lessius, jésuite,  1623

Ce pieux auteur explique la raison pour laquelle le nombre des élus est restreint.   Voici ses propres paroles : « Le fait que le nombre des élus soit si restreint  ne provient pas d’une prédétermination numérique.  N’importe quel chiffre plus grand que lui  est digne du royaume de Dieu  et lui est proportionné.  Tous peuvent être des pierres dans ce palais et des membres dans ce corps,  des citoyens dans cette Jérusalem céleste,  et des convives au banquet de noces éternel.  Le palais n’en serait pas pour cela surpeuplé,  le corps du Christ n’en deviendrait pas pour autant disproportionné,  la multitude n’encombrerait pas la cité,  le nombre des élus ne manquerait pas de convenance et de  pertinence.     Mais,  une telle petitesse du  nombre des élus  provient de la négligence des hommes et de leur stupidité.   Ils préfèrent  déambuler dans la voie large et spacieuse qui mène à la perdition  et  jouir des commodités de la vie,  plutôt que de passer par la voie étroite et resserrée qui mène à la vie.  Et les invités aux noces célestes défendent leur cause en plaidant  la préférence qu’ils accordent à leurs affaires,  à leurs entreprises  et aux voluptés, comme le dit en toutes lettres,  le Seigneur dans l’évangile  ».

16- Becanus, jésuite,  1626

 « Il est plus vraisemblable que le plus grand nombre soit damné plutôt que sauvé : Matth. 7,14 :  Resserrée est la voie qui conduit à la vie et peu la trouvent,  et Matth. XX, XV1 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.  Ce que saint Grégoire interprète des seuls fidèles.   Donc,  selon l’enseignement de saint Grégoire,  il faut dire  que le nombre des chrétiens réprouvés est plus grand que celui des élus. »

17- Smising, O.F.M.  1626

Cet auteur a brillé par la suavité de ses mœurs,  par sa pitié et par son érudition .  La vertu avait atteint en lui la maturité,  et se dégageaient  de lui des rayons  de sainteté.  Il n’avait qu’une seule occupation : l’étude et la prière.  Et pourtant, dans  son livre des disputes théologiques qui ont Dieu pour objet,   il dit des choses tout à fait étonnantes   en traitant de notre question :  « Est-ce que l’homme, dans sa condition de voyageur,  connaît  suffisamment, grâce à la  révélation,    la providence divine,  pour se faire une idée précise du nombre des élus et des réprouvés ?   Je réponds qu’il est établi,  par la révélation,  qu’en dépit du fait que l’Apocalypse  compte un grand nombre d’élus,   que c’est la plus petite partie des humains qui est élue à la vie éternelle.   Comme l’on voit en Matt. 7 : la voie resserrée…un petit nombre…et au chapitre XX, il y a peu d’élus.  Cette conclusion est donc de foi.

 Si donc seuls sont sauvés ceux qui conservent  la foi et  la rectitude de vie,  comme nous l’apprenons d’autres passages de l’écriture, la conclusion s’impose : les prédestinés à la vie sont peu nombreux,  si on les compare  à la multitude des réprouvés.   Il y a même des saints Pères qui, après avoir considéré la façon de vivre des chrétiens,  estiment qu’il est plus probable  que le petit nombre seul soit sauvé.  Je parle de probabilité,  car nous n’avons pas ici de certitude.   Mais ne manquent pas les  docteurs  --remarquez qu’il  ne dit pas Pères-  qui estiment que la majorité des fidèles sont sauvés, comme Silvestre dans la rose d’or,  Franciscus de  Christo, Cartagena et Suarez.

 Cependant, j’estime plus probable la sentence des Pères  qui  penchent pour le petit nombre des élus,  quand je porte mon attention sur  la très grande corruption des mœurs  des chrétiens   ou sur les passages de l’écriture  qui semblent parler des fidèles.

 Si tu demandes : d’où vient donc que tant de gens périssent,  et dévient du terme auquel ils sont ordonnés,   alors que l’efficacité de la grâce est plus grande que celle de la nature,  et que la nature  rarement se trouve en défaut,   saint Thomas répond à cela magnifiquement.  Il dit d’abord  que la  fin proposée est supérieure à la nature humaine  et sans commune mesure  avec cette nature laissée à ses propres forces,  laquelle n’en est que plus encline  aux biens inférieurs,  qu’elle se propose comme fin suprême.   Il dit ensuite  que dans l’homme  se  livre continuellement une lutte constitutive de sa nature entre la raison et les sens.   Dans ce combat,  les sens l’emportent d’autant plus que les choses corporelles et sensibles  lui sont apparentées,   non seulement  parce que toute connaissance naturelle origine des sens et est prise en charge par l’imagination,   mais parce que la nature humaine dépend de l’usage des choses corporelles et sensibles pour sa conservation.   Et bien que la grâce supplée l’inadéquation de la nature à la foi,  et triomphe de la rébellion de l’appétit inférieur,  quand elle est efficace,  cette efficacité de la grâce est donnée  à un petit nombre,  après la chute d’Adam.   Une ultime raison donnée par saint  Thomas  n’est autre que le bon plaisir de la volonté de Dieu,  qui prend pitié de qui  elle veut et qui endurcit qui elle veut.   En fin de compte,  c’est dans  cet inscrutable bon plaisir de Dieu  qu’il faut trouver la cause radicale du petit nombre des élus. Cf. saint Paul, épitre aux Romains  9 »  Voilà ce qu’enseigne  le pieux et docte Smissing.

18- Didacus  Ruiz de Montoya,  jésuite,  1632

Hurter nous déclare qu’il faut le compter parmi les toutes premières lumières de l’école.   Didacus pousse l’audace jusqu'à s’opposer à l’opinion personnelle de Suarez relative au salut de la plus grande partie des catholiques adultes :  « Cette opinion est  plus du domaine du souhait que de la probabilité,  et les autorités auxquelles il fait appel ont été choisies  plus pour des raisons d’affinité  que de compétence et de notoriété.   Mais,  comme dit  saint Augustin, l’opinion  humaine n’a pas le pouvoir de sauver qui que ce soit  par le seul fait de le souhaiter,  mais par l’aveuglement et la complaisance,  elle entraîne au sommeil et à la mort. »

19- Drexelius, jésuite,  1638

Dans le livre dont le titre est : le zodiaque chrétien,  le chapitre dernier s’intitule : de la prédestination à la couronne du petit nombre.   Voici les paroles qu’on y lit : « Tous,  nous nous proposons comme but le sommet,  mais, hélas! par quels sentiers divergents  nous cheminons,  nous courons et nous périssons.   Elle est resserrée la voie.  Lisse et fleurie  et spacieuse est la voie de la perdition.   Nous trouvons ici l’aspérité  des montagnes,  là,  les pentes douces des vallées.   Il est facile de descendre l’Averne.   La vérité crie, avertit et exhorte : « Entrez par la porte étroite,  parce que large est la porte et spacieuse la voie  qui conduisent à la perdition, et un grand nombre entrent par elle.  Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie  qui conduit à la vie,  et il y en a peu qui la trouvent !    Il insiste de nouveau : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite parce que plusieurs,  je vous le dis,  cherchent à y entrer et ne le peuvent pas.   En vérité le sentier est étroit,   car on ne peut avancer que seul et sans compagnon.   Chacun de nous devra rendre compte de ses actions  à Dieu  pour lui-même.  Chacun doit porter son fardeau.  Chacun reçoit sa récompense propre selon son travail.   Et c’est ce que confesse Jésus en gémissant : «Nombreux sont les appelés,  peu nombreux sont les élus ».   Ce simple petit mot  peu ,  émettant un son épouvantable  et tonitruant,  a détaché une bonne partie de la terre de l’emprise des vices.  Il a  expulsé des villes  un grand nombre d’hommes  vers  les antres des cavernes et les horribles solitudes , et il a fortifié  des centaines de milliers de martyrs  sur  les grilles et les chevalets,  sur les roues  et les feux,  sur leurs croix et dans les dents des bêtes , devant des troupes armées de tortionnaires.   Tous ces gens-là ne connaissent qu’une parole : il nous est facile de mourir pourvu qu’il nous soit permis de vivre  avec le petit nombre des élus.   Que le glaive se joue de nos gorges,  pourvu que nous soyons comptés avec ceux qui sont peu nombreux mais bienheureux.   Et lequel d’entre eux a hésité de dire : si je devais être seul à porter cent croix,  je ne refuserais pas.  Si je devais moi seul  présenter à la hache du bourreau cent têtes  à décapiter,   je n’en exempterais aucune. . Mourir cent fois serait un jeu pour moi,  je considérerai les tourments comme des faveurs  pourvu que,  dans le paradis,  je sois admis en la compagnie  des peu nombreux.   N’est-ce pas ainsi que parlait le très généreux martyr Ignace : « Que le feu, la croix, les bêtes,  que tous les tourments inventés par le diable s’approchent,  pourvu seulement que j’hérite du Christ ! »  Ce coup de tonnerre lancé de la bouche du Christ , --  ces mêmes paroles : peu sont nombreux –a  détourné tant d’êtres humains  de la vie impure et des prés verdoyants de la luxure  pour les  enfermer dans des maisons où l’on pleure et on fait pénitence !  Il leur suffisait à tous ceux-là d’être conservés  en compagnie des peu nombreux   plutôt que de périr avec le grand nombre.   Il n’en périt pas moins qui périt dans la foule.   Dieu ne prend soin que de ceux qui font partie du petit nombre.  On ne peut même pas dire  que la voie qui mène à l’enfer soit longue.  On y va d’un seul souffle,   un seul péché mortel  nous rend coupables du crime de lèse majesté,  et dignes du feu éternel.  C’est ainsi qu’autrefois,  à cause d’un seul crime libidineux,  quarante mille hébreux,  cinquante mille  six cent Benjamins ont été décapités.    Pour avoir regardé seulement avec trop de curiosité l’arche du Seigneur, par le carnage de combien de milliers des leurs les Bethsamites  ont payé ce regard profane  !

 Fais pour moi le décompte des Juifs  depuis  Abraham jusqu’à la fin du monde,  et dans les cent quarante quatre mille de l’Apocalypse  c’est à peine si on retrouvera un millième des recensés,  de telle sorte que de tout ce grand nombre un millième d’entre eux n’est pas compté parmi les  prédestinés.   Ce qui vaut pour les hébreux, vaut aussi,  toute proportion gardée,  pour le nombre de tous les autres groupes.   Car ce que Jésus a prédit aux Juifs et à tous les autres  est en tout semblable : ce n’est pas seulement aux Juifs que Jésus  a dit  que le chemin est ardu qui mène à la vie,  mais il a parlé en général sans exclure personne : peu le trouvent. »

 C’est de cette façon  que  Drexelius  a réfuté à l’avance  l’opinion du Père Castelein  selon laquelle  cette très sévère prédiction du Christ  ne concerne que les Juifs,   les contemporains du Christ : « Ce passage, prétend-il,  serait bien alarmant s’il avait un sens absolu  et une portée universelle.  Mais le contexte prouve très clairement qu’il se restreint  à l’entrée des Juifs contemporains de Notre-Seigneur  dans le royaume du Messie ». (p.34)

20- Johannes a San Toma  O.P. 1644

« Quelques-uns se posent ainsi la question sur le nombre des élus :  le nombre des élus   est-il plus grand que celui des réprouvés ?  Cette difficulté,  s’agissant des hommes  --car il semble certain que dans le cas des anges la plus grande partie est  sauvée- trouve facilement sa solution,  si on parle des êtres humains en général,  par la considération que dans tout le genre humain, moins nombreux sont ceux qui se sauvent :  Beaucoup en effet, sont appelés mais peu sont élus.  De plus :  la porte est étroite et la voie est resserrée…et peu la trouvent.  Et ce que l’ange dit à Esdras. 1V, V111

 Il appert que  les élus sont dits peu nombreux non absolument parlant,  mais en comparaison du nombre des réprouvés.     D’autres  vont plus loin et entrent dans plus de détails.  Ils s’imaginent  pouvoir mesurer au cordeau     la multitude des élus.   Mais qui peut connaître les desseins de Dieu ?   Tenons-nous en donc à  la sentence pleine de sobriété de saint Thomas (art.V11) exprimant la pensée de l’Eglise : « Il est préférable de dire  que le nombre des élus à la félicité éternelle est connu de Dieu seul. »     N’essayez pas de chercher des motivations à votre incurie et  à votre paresse à la pensée que le grand nombre se sauve sans trop d’effort,  mais soyez attentifs à déployer l’énergie nécessaire à entrer par la porte étroite.  Car un grand nombre chercheront à  y entrer mais ne le pourront pas.   Car même parmi ceux  qui n’ont pas complètement chaviré, qui ne croupissent pas dans leurs vices,  qui font quelque effort et cherchent à entrer,  il y en a qui ne le pourront pas.  Donc,  ne mettons pas de contention  à connaître dans le détail  le nombre des élus,  mais soucions-nous de marcher  dans les sentiers des élus. »

21- Nazarius,  O.F.P., 1646

« Si Dieu avait prédéterminé  le nombre des élus,  le nombre des élus serait plus grand que celui des  damnés , (parce que Dieu veut sauver tout le monde).  Mais nous trouvons le contraire chez saint Matthieu  V11 : large est la route etc… »

22-  Contenson,  1647

Ce pieux auteur abonde dans le sens des Pères,  et il propose des réflexions  qui sont dignes de méditation  pour les prêtres et les religieux.  «  Puissent ceux qui sont tenus de donner l’exemple aux autres  suivre  toujours  la voie ardue de l’édification chrétienne,   et ne pas s’inventer une troisième voie que l’Evangile ne connaît pas.     Bien qu’il ne soit pas possible de définir dans le détail le nombre précis des élus,  la tradition des Pères et  l’Ecriture   nous présentent  comme une chose  certaine  que les élus sont moins nombreux que les damnés.

 Parmi les catholiques,  mon affection va à ceux qui avancent par la voie étroite du salut  et qui soumettent leurs vies aux maximes de l’Evangile,  qui ne courent pas après les voluptés,  qui conservent leur innocence baptismale, qui font une dure pénitence après une chute,  et qui ne retombent pas continuellement,  qui n’aiment pas le monde ,  qui recherchent la perfection sans laquelle personne ne verra Dieu.   Vraiment,  c’est un oiseau rare en ce monde quelqu’un  qui se comporte comme je viens de le dire,  puisque on peut dire de notre siècle avec plus de vérité  ce que Salvianus déplorait du sien, liv. 3, de la providence : « Mis à part le très petit nombre  qui fuient le mal,   qu’est donc  d’autre, après tout,  la multitude des  assemblées des fidèles qu’une sentine de vices ?   C’est une chose qui requiert plus de larmes que d’arguments ! »

 Que dis-je?   Hélas!,   dans l’ordre ecclésiastique lui-même,  combien peut-on repérer de prêtres et d’évêques  qui marchent sur les traces des saints ?  Combien ont imité  les vertus des apôtres après  avoir hérité de leur autorité,  combien ont la  conduite et le train de vie que les Pères du quatrième concile de Carthage ont  prescrits  et que le concile de Trente a renouvelés  dans des mots que tous devraient relire à tous les jours,  et qu’ils devraient chaque jour mettre en pratique.

 Que dirai-je des religieux, moi qui suis religieux par l’état de vie,  et prêtre par le caractère,  sans aucun mérite de ma part ?   Quand nous voyons tant de monastères déchus  de leur observance primitive,  une augmentation de professeurs de vie religieuse,  mais pas un ressourcement de vitalité ,  volontiers et en toute vérité j’écrirais  avec saint Bernard  dans son apologie de l’abbé Guillaume : « Qui aurait pu penser au tout début,  à la naissance de l’ordre monastique,  qu’il pût aboutir à une telle inertie ?  A quelle distance nous sommes de ceux qui, du vivant d’Antoine, menèrent la vie monastique !  Macaire  a-t-il vécu ainsi ?  Est-ce donc là l’enseignement qu’a donné saint Basile ?  Est-ce ainsi qu’ Antoine a institué la vie monastique ?  Est-ce ainsi que les Pères d’Egypte vivaient en commun ? »

 Que dirait aujourd’hui  saint Bernard  de tant de couvents  -----je mets à part ceux donc la règle est conservée à la lettre, et nous nous réjouissons de leur nombre----dans lesquels l’or s’est obscurci, où la couleur est délavée,  où sont dispersées les pierres du sanctuaire ?  Le Pape Clément V11  lui-même  déplorait avec larmes son incapacité à les réformer,  d’après  Prosper Fagnanus  .  Saint Augustin écrit  qu’il n’a vu personne de meilleur que les moines fervents,  et de pire  que les relâchés.  Il ne pouvait rien dire de plus vrai. C’est comme pour les figues de Jérémie, où  les bonnes sont très bonnes,  et les mauvaises très mauvaises.   Et on peut dire en toute sureté de tout vrai religieux  ce que saint Jérôme disait d’Origène : « Quand il parle bien, personne ne parle mieux que lui;  mais quand il déraille,  personne n’est pire que lui. »  Comme le dit si bien l’adage philosophique :  la corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire de toutes .  Ajoutons encore le proverbe connu :  plus le vin est généreux,  plus âcre  est le vinaigre.

 Tu as entendu,   lecteur,  la parole du Christ : il y a peu d’élus.   En voici le pourquoi.  Un grand nombre périt éternellement  parce qu’ils se sont inventé une troisième voie  que l’Evangile n’enseigne pas.   Au témoignage de la Vérité,   la voie qui conduit à la perdition est large,  et celle qui conduit à la vie est resserrée.   Et nous voulons voyager par une troisième.   Nous ne voulons pas emprunter une voie  remplie de supplices inhumains.  Nous ne voulons même pas avancer par les sentiers sinueux de la sainteté.   Mais nous  allons par une voie  ni trop large ni trop étroite.   Le péril est le même de ceux qui s’inventent une troisième voie  et de ceux qui imaginent une troisième fin dernière,  --deux seules ayant été préparées pour les adultes.   Car il est écrit en Matth. 25  que les uns iront au supplice éternel et les autres à la vie éternelle.   Les proverbes, 14,  parlent de cette troisième voie  inventée par les tièdes : « Il y a une voie qui semble juste à l’homme,  les derniers pas conduisent  à la mort ».

 Le péril qui menace les inventeurs de cette troisième voie est d’autant plus grand qu’ils se sentent davantage en sécurité.  Leur assurance vient  de leur certitude de  ne pas avoir commis les crimes les plus graves.    Rares sont les hommes dont la conscience  est complètement dépravée et prostituée.  Car, comme dit saint Augustin  dans son troisième sermon sur le Verbe de Dieu : « On trouve chez peu une grande piété, et chez  un plus petit nombre encore une grande impiété ».

 En dépit de cela,  ils tombent bel et bien,  et misérablement.  Car quiconque  n’avance pas par la voie étroite marche dans la voie large.  Celui qui pense autrement  se trompe lui-même,  et son mal  est d’autant moins  guérissable qu’il le sent moins.     Dans la mesure où il a la prétention de s’inclure dans le nombre des élus,  il est renfermé dans le nombre des damnés.   Si tu ne veux pas me croire,  crois-en du moins la parole des Pères  qui t’expliquera en quoi consiste la voie étroite.   La loi de Dieu c’est la voie resserrée,  dit saint Augustin,  elle comprime nos passions.   Ambroise dit la même chose ailleurs : « Il y a deux voies, celle des justes et celle des pécheurs.  Une est celle de l’équité, l’autre de l’iniquité.  La voie des justes est plus resserrée,  celle  des injustes est plus large.  Ici, des banquets, là, des jeûnes.   Ici, les joies de l’intempérance,  là, les larmes de la persévérance.  Et saint Grégoire dans son livre 27,  chapitre 22, sur  la morale : « N’est-ce pas marcher dans une voie resserrée que de vivre dans ce monde sans avoir aucune part à ses concupiscences ?  Celui qui marche par cette voie sera compté parmi le petit nombre des élus. »

 Saint Paulin dans son épitre cinquantième,  développe  excellemment  cette idée : « Tout ce que nous faisons,  tout ce que nous disons relève de l’une ou l’autre voie : l’étroite ou la large.  Si, à la suite du petit nombre,  nous faisons la découverte de la voie étroite et resserrée,  nous tendons vers la vie.  Si,  au contraire,  nous cheminons en compagnie du grand nombre,  nous irons à la mort,  selon la parole du Seigneur.  Si, après avoir foulé aux pieds les passions,  nous nous appliquons à n’être riches que de vertus,  nous  progressons par la voie étroite.  Ce mode de vie est le fait d’un petit nombre. C’est très rarement et avec difficulté qu’on trouve des compagnons capables de ce trajet.

 C’est donc avec une très grande sagesse que le concile de Trente nous met en garde  afin que personne ne se croie assuré de son salut d’une certitude absolue,  même si tous doivent  placer dans le secours divin  une espérance très ferme.   Car,  si nous ne repoussons pas la grâce de Dieu,  Il portera à la perfection l’œuvre qu’Il a commencée,  opérant en nous le vouloir et le faire.

 Dans cette incertitude du salut,  vivons avec le sentiment de la peur,  et opérons notre salut avec tremblement,  dans les labeurs et les veilles,  les aumônes, les oraisons,  les offrandes,  les jeûnes,  la chasteté,  sachant que nous sommes renés dans l’espoir de la gloire,   mais pas encore dans la gloire elle-même.  Surtout  parce que nous avons une lutte à mener avec trois ennemis devant lesquels  trop souvent succombe l’infirmité humaine.   Le combat est quotidien,  mais la victoire est rare.  Nous ne devons la demander qu’à Dieu,  et ne l’espérer que de Lui seul.  Car, qu’il s’agisse de petites ou de grandes choses,   rien ne peut arriver sans Lui,  par qui tout arrive.

 Les choses étant ainsi,  qui donnera à nos yeux un torrent de larmes  pour pouvoir pleurer  le malheureux état de la chrétienté,  presque réduite au néant ?  Hélas!  notre terre,  labourée  par les conseils et les exemples du Christ,  teinte de son sang,  au lieu de produire du froment,  ne fait pousser que des épines et des chardons.   Quel  homme sûr de lui-même ne tremblera pas  au rappel de la doctrine du petit nombre des élus ?    Mais le pire attend celui  qui éprouve en lui les effets de la réprobation  et ne se lamente pas.  « Quelqu’un qui est tel,  dit saint Grégoire (homélie 34),  qu’il gémisse de ne pas gémir ! »  Et parce que les soupirs interrompent mes gémissements,  et  interceptent mes paroles sur mes lèvres,  à la pensée de tes péchés et des miens,  lecteur,  mon semblable,  je mettrai fin ici à mon  sermon. »       Contenson se range donc à l’opinion du petit nombre des élus,  et s’efforce en même temps  de prémunir les religieux contre la  présomption pharisaïque.

23- Turlotius,  l651

Il enseigne et démontre  que le plus grand nombre des catholiques adultes sont damnés plutôt que sauvés.   Après s’être fait l’objection à lui-même  qu’il y en a quelques-uns qui estiment que le plus grand nombre des fidèles  sont sauvés,  il propose son opinion  en ces termes : « C’est le contraire qui est vrai.  La raison et l’autorité  fondée amplement sur l’Ecriture et les Pères de l’église  semblent devoir nous mener à la conviction que les damnés sont plus nombreux que les sauvés.   Et la raison en est  que la plus grande, partie des chrétiens vivent en état de péché mortel,  et que, selon la règle énoncée par saint Augustin,  on meurt en général comme on a vécu, et que c’est l’exception qui meurt bien après  avoir mal vécu,  et vice versa. »

 Il prouve cette assertion au long et au large  au moyen d’extraits de la bible et des Pères.

24- Mathias Fabri,  jésuite l655

Il consacre tout son premier sermon sur l’évangile du l9ième  dimanche après la pentecôte  à expliquer qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés.   Après avoir cité un grand nombre de textes qui font autorité : « Il ressort de là  clairement que la plus grande partie des chrétiens vivent en état de péché mortel.  Et pour compléter le tableau,  il ne suffit que d’ajouter la règle  de saint Augustin :  en règle générale,  on  meurt comme on a vécu.

 Et il conclut son sermon par ces mots : « Puisqu’il en est ainsi,  mes chers auditeurs,  qui ne tremblera pas pour lui-même ?  Quand les disciples entendirent :  un de vous me trahira,  ils furent saisis de peur  et se demandèrent : est-ce moi ?    Qui ne tremblerait pas de tous ses membres  quand on nous annonce  la damnation non pas d’un des apôtres  mais d’un très grand nombre ?  C’est pourquoi,  que chacun  s’examine  afin de découvrir de quel côté il tend.  Vit-il avec le grand nombre ou avec le petit groupe ? »

25- Saint Jure,  jésuite,  1657

« Comme le nombre de ceux qui se laissent aller à leurs passions,  à leurs appétits déréglés,  et qui transgressent les commandements de Dieu  est beaucoup plus grand sans comparaison  que le nombre des chrétiens qui suivent  le mouvement de la raison et obéissent aux lois  de leur Créateur;  que tous, comme dit Jérémie,  « du plus petit au plus grand  s’adonnent à l’avarice,  et,  du prophète jusqu’au prêtre,  tous font le mal »,  il n’est pas étonnant que le nombre de ceux qui se damnent soit incomparablement plus grand que celui de ceux qui se sauvent ».

 Si vous me demandez comment il est possible que Dieu,  qui aime les hommes d’un amour si grand,  qui a tant de désir de les sauver tous,  qui a tant souffert pour leur salut,  puisse consentir à les voir presque tous damnés,  je vous répondrai qu’il a encore plus d’amour pour eux,  plus de désir de leur salut que nous ne saurions le dire et le penser….  Puisque le nombre des réprouvés est si grand,  que celui des élus est si petit,  qu’il en est tant qui se damnent et si peu qui se sauvent,  quel est celui d’entre nous qui n’a pas sujet de craindre d’être compris dans cette prodigieuse multitude ? »

 26-  Engelgrave ,   jésuite,  1670

Cet homme docte et pieux , d’après  De Backer,  parle ainsi  dans son livre célèbre intitulé : Luc l’évangéliste,   à l’emblème 47 : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Matt. XX11     Dans le grand nombre d’appelés,  il s’en trouvera peut-être un de sauvé !  Ils sont peu nombreux ceux qui sont  prédestinés à la vie éternelle  après avoir fait fructifié leurs bonnes œuvres. »   Et dans une autre édition : « Des millions d’êtres humains,  le Soleil de justice n’en accueille que très peu,  de façon à ce que sur mille semences  une à peine parviendra à maturité.    Avec l’œil de l’esprit le plus aiguisé,  contemple,  si le cœur t’en dit,  le vaste monde.   Les immenses royaumes du Japon,  de l’inde et de la Chine  n’ont-ils pas été ensevelis dans les ténèbres du paganisme pendant au-delà de six mille ans ?  Fais l’inventaire de tous les cultes païens  de l’Asie,  de l’Afrique et de l’Amérique,  de la sentine de toutes les hérésies et de tous les crimes.    Parmi ces chrétiens qui habitent le plus petit  continent du monde, l’Europe,  qui ne s’étonnera pas à la pensée que très peu seulement seront comptés parmi les élus ?   C’est une chose horrible,  mais c’est pourtant une estimation véritable que celle de saint Jean Chrysostome.  Il prétend qu’un centième à peine des Antiochiens de son temps  seront sauvés ! »

 Il a encore deux autres paragraphes  dont voici la teneur : l-  Le thème du petit nombre des élus  est développé par la comparaison avec  les infidèles,  les hérétiques, etc… 2- Les catholiques sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés.

27- Philippe de la sainte Trinité , carmélite, 1671

Nommé général de son ordre,   il a mené une vie pieuse et très remplie,  non sans réputation de sainteté, et il a édité plusieurs œuvres dignes de la postérité,  dans lesquelles,  au dire de Gonetus,  l’érudition et la piété se livrent une joute amicale.    A la question : est-ce que le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés,  il répond ainsi : « Je réponds en disant que si l’on a en vue la totalité du genre humain,  le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés.   Et si l’on n’envisage maintenant que les seuls chrétiens,  encore là, il est plus probable que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des sauvés. »

28- Le cardinal Bona ,  1674

C’était un homme, au dire de Renaudot,  que n’illustrait pas tant sa dignité cardinalice que  sa doctrine et la pureté de ses mœurs.    Cet homme remarquable,  dans son admirable traité  intitulé : principes et documents de vie chrétienne,   expose la doctrine des Pères relative au salut  copieusement,  avec précision  et mordant.    Plût à Dieu que les modernistes daignent  l’étudier sérieusement, pour leur salut  éternel et celui des autres !

 Il intitule ainsi son chapitre :  Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus.    Ensuite,  le saint homme commence : « On ne peut pas rêver d’un stimulant plus  efficace  pour la correction des mœurs dépravés,  pour l’amendement de notre vie  selon la norme de l’Evangile,  que cette sentence horrible  et redoutable :  il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus,  si nous en pénétrons complètement le sens.   Personne ne sait s’il est appelé  de cet appel  dont sont appelés  selon le dessein divin,  ceux donc il est écrit : « Ceux qu’il a appelés,  Il les a aussi justifiés.  Ceux qu’Il a justifiés,  Il les a aussi glorifiés.  (Romains, V111, 30).  Et dans l’Ecclésiastique (1X,1) : « Personne ne sait s’il est digne d’amour ou de haine,  mais tout ce qui concerne le futur est maintenu dans l’incertitude ».   Personne ne sait si son appel  est tel qu’il le fera persévérer  jusqu’à la fin.     Dans une si grande disparité de salut,  dans une si grande incertitude de la persévérance finale,   chaque chrétien doit être continuellement choqué  d’horreur,  s’efforçant d’assurer sa vocation  dans la peur et le tremblement,  pour que,  vivant dans la foi qui opère par la charité,  il se prouve à lui-même  par ses bonnes œuvres qu’il est du petit nombre de ceux  que la miséricorde de Dieu a élus avant la constitution du monde.

 Il est restreint, en effet, le nombre des élus,   et bien plus petit que celui des réprouvés,   même si on ne tient compte que des seuls catholiques, à l’exclusion des enfants qui meurent avant l’âge de raison ».   C’est ce qu’il développe dans son sermon  par le témoignage  infaillible de l’Ecriture   et à l’aide de beaucoup d’exemples et de raisons.  Et son expérience quotidienne des âmes l’amène à une observation diamétralement opposée à celle de Suarez,   et, à juste titre : « L’opinion que je défends peut être confirmée  par le petit nombre de ceux qui décèdent en possession d’une vraie contrition.   Aux yeux de plusieurs,  ils ont connu une bonne mort.   Mais le regret des péchés qui procède de la seule peur de l’enfer  parvient difficilement à la vraie pénitence.   Car, comment le pécheur pourra-t-il entreprendre une bonne vie  quand il parvient à la fin de celle-ci ?   Comment pourra-t-il estimer que le péché est le plus grand de tous les maux  et l’exécrer comme tel,  avoir en horreur les délices de ce monde, qu’il a adulées pendant tout le cours de sa vie ?   Comment pourra-t-il embrasser de tout son cœur cette pénitence qu’il a toujours eue en horreur ?  Comment pourra-t-il  affirmer avoir le ferme propos  de rejeter,  s’il survit,  ces actions  qui sont devenues une seconde nature ?    Comment son esprit,  torturé par les angoisses  de la maladie et de la mort,  pourra-t-il contempler les vérités surnaturelles,  éloignées de plusieurs années lumière des  choses sensibles,   s’il n’y a jamais  ou rarement pensé quand il était en bonne santé ?  Comment, au milieu de tant de maladies et de tentations,  pourra-t-il par des actes vertueux contraires,   vaincre la tyrannie de l’habitude contractée  par les actes de sa vie antérieure ?

 L’expérience nous enseigne que c’est à peine si on peut en trouver un  qui,  une fois le péril passé,  demeure ferme dans sa résolution.   Tous retournent à leurs habitudes.  Et tous ceux à qui la peur de la mort ou les exhortations des amis  ou la prudence humaine  avaient dicté un changement de vie,   oublient tout instantanément.   D’autant plus  que,  même réduit à l’extrémité,  chacun s’accroche à la vie comme à une planche de salut,  trompé  en cela par le démon,  et parfois même,  entraîné par lui  à l’abyme.    Surviennent les langueurs de  cette âme  qui  renâcle ou rechigne à la pensée de sortir du corps,  et la déperdition des forces physiques et psychologiques ,  et la perte progressive de la conscience.    Le moribond perçoit alors sans pouvoir leur donner un sens,  les  paroles de ceux qui sont présents,  les actes de vertus suggérés : des sons,  rien de plus.

 Il est permis d’augurer une heureuse issue de la part de ceux qui à la fin de leur vie se sont livrés à la pénitence,  mais on ne peut espérer aucune sureté de salut  chez ceux qui suivent l’exemple trop célèbre  du roi Antiochus chez les Macchabées, (11,1X).   Quand il fut parvenu à sa dernière heure,  il s’est humilié en priant sous la puissante main de Dieu,  et il promit de réparer les torts faits aux Juifs,  d’exonérer le temple de toute taxe,   et s’engagea de plus  à prélever  de sa fortune personnelle  les sommes nécessaires aux sacrifices destinés à Jérusalem.   Il promit également  de judaïser après avoir renoncé au culte des idoles, et de parcourir toute la terre pour y proclamer  la puissance de Dieu.

 Qui pourra exiger d’un pécheur  de plus grands et de plus convaincants signes de pénitence ?   Et pourtant,  ce roi pénitent ne mérita pas  le pardon,  comme le dit l’Ecriture : « Le scélérat priait Dieu,  de qui il ne pouvait pas espérer de pardon,  parce qu’il était trop évident qu’une pénitence engendrée par la peur de la mort  ne pouvait pas être sincère ».     En conclusion,  le très pieux cardinal nous invite à pondérer  avec sérieux et réalisme  les réflexions  salutaires suivantes : « Qui ne tremblerait en considérant ce qui précède  ?    Qui  parmi tant de difficultés et de traquenards   osera se promettre un salut assuré ?   Qui ne chancellerait  pas  dans l’ignorance où il est s’il est digne d’amour ou de haine ?   Parce que les élus sont peu nombreux  ----et peut-être beaucoup moins qu’on ne pense- il nous faut donc prendre nos distances d’avec la multitude,  et fraterniser avec le petit nombre de saints,  les élus et les innocents,  pour que chacun puisse,  à la fin de sa vie,  sans être démenti par sa conscience,   dire à Dieu le juste juge : « Rends-moi la récompense promise,  parce que j’ai observé tes commandements ».

29- Fratres Van  Walenburch  1669,1675

Tous les deux évêques suffragants,  célèbres non pas tant  par la noblesse et les fiefs  que par l’érudition théologique,   ils dissertent ainsi  de l’appel en général à la grâce  et de l’appel efficace à la gloire,  apportant en preuve le texte archi connu  de saint Matthieu  XX11,14 : « Nous ne pouvons douter de ce que dit saint Paul : Nous savons que pour ceux qui aiment Dieu tout concourt au bien, ceux qui ont été appelés à la sainteté selon son dessein.  .  Il est manifeste que dans ce texte, saint Paul ne parle pas de l’appel en général,  comme le fait sains Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,  mais il parle de l’appel selon le dessein divin . »

30- Le Frère de la bonne espérance,  carme déchaussé,1677

Il fut longtemps  lecteur de philosophie et de théologie à l’université de Louvain.   Dans son œuvre dont le titre est : trois commentaires sur l’ensemble de la théologie scolastique, il écrit : « Il découle clairement de l’Ecriture que le nombre des damnés est plus grand que celui des élus.  Matth. V11 :  Entrez par la porte étroite etc… et X11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. »

31- Ep. Herinckx, franciscain,  1677

« Le nombre des élus, absolument parlant, est grand,  mais en comparaison avec celui  des réprouvés  il est petit.    Car l’élection des élus n’est pas sans raison comparée  au tirage au sort.  Comme le même chiffre sort rarement ,  ainsi en va-t-il de l’élection divine : elle ne porte que sur un petit nombre.   Soit que nous prêtions attention aux passages de l’Ecriture commentés par les Pères  ou aux mœurs dépravées des chrétiens ou des catholiques,  il n’est pas peu vraisemblable qu’un  petit nombre d’entre eux soit élu ».

32- Gonet, 1681

« Il est certifié et reconnu par tous  que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés,  si l’on considère la totalité du genre humain. Car les chrétiens sont peu nombreux comparés aux infidèles, et parmi les chrétiens eux-mêmes plusieurs sont hérétiques et schismatiques. »    Il cite ensuite le livre (1V) si connu d’Esdras, et il ajoute les raisonnements suivants : « La raison elle-même apportera son concours.  Il faut constater d’abord  que les élus sont les amis de Dieu,  et que la prédestination est une  amitié de Dieu spéciale et tout à fait singulière.  Or, une des conditions exigée par l’amitié est qu’elle soit limitée à un petit groupe,  comme l’enseignent Aristote et saint Thomas.  La conclusion s’impose :  les élus comparativement aux réprouvés sont peu nombreux.

 Deuxièmement,  les élus sont assimilés à des rois et à des princes,  les réprouvés aux  serviteurs et aux esclaves  de ces rois et de ces princes.   Tous les rois doivent avoir un nombre considérable de serviteurs,  et les serviteurs et les esclaves sont toujours beaucoup plus nombreux que les rois et les princes.  Les réprouvés sont donc plus nombreux que les élus.

 Troisièmement,  tout ce qui a du prix a coutume d’être rare.  On n’a qu’à penser aux pierres précieuses.   Mais l’Ecriture compare les élus aux pierres précieuses ,  et les réprouvés au fumier et aux déchets.    Les élus sont donc moins nombreux que les réprouvés.    Ceci étant admis,  reste une difficulté parmi les théologiens qui prend la forme d’une controverse :  parmi les chrétiens qui sont vraiment tels,  et qui vivent et meurent dans le sein de l’Eglise catholique,   les élus sont-ils plus nombreux que les réprouvés ?   Pour l’affirmative,  nous avons  Sylvestre, Suarez,  Granado et Ruis : ils pensent que le nombre des catholiques à être sauvés est plus grand.  Mais la négative est plus répandue :  ils sont plus nombreux à penser que le nombre des élus est  plus petit que celui des damnés.  C’est cette position qu’enseignent Suarez,  Molina et saint Thomas,  Philippe de la sainte Trinité,    et,  parmi les exégètes :  Nicolas de Lyre,  Maldonatus,  Cornelius a Lapide,  Carthusianus,  et les autres.

 Il nous plaît de faire brièvement la démonstration    que l’opinion  selon laquelle le nombre des réprouvés,  chez les fidèles,  est plus grand que celui des sauvés  est plus que l’autre  ancrée dans l’Ecriture,  les Pères et l’histoire ecclésiastique. »   Il procède alors de la façon habituelle en exposant  les textes les plus connus : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus,  et  Seigneur,  sont-ils peu nombreux à être sauvés ?  Efforcez-vous etc… et il appuie son interprétation sur des citations des Pères.    Il ajoute ensuite Isaïe,  XV11,  et XX1V,  où le nombre des élus  est comparé aux  rarissimes épis laissés dans le champ par les moissonneurs,  et aux rarissimes olives,  qui,  une fois extraite l’huile,  demeurent à la pointe  des branches ,  ou au petit nombre de grappillons  de raisin qui demeurent dans la vigne,  après la vendange.     Ce qui peut être confirmé par  l’Epitre aux Colossiens  (1,12)  où,  parlant des élus, l’Apôtre dit : « Qui nous a rendus dignes  d’avoir  part aux sort des saints ». Et : « Nous, c’est par le sort que nous sommes appelés ».(Eph. 1.1)   Il dit qu’ils ont été élus par le sort  pour nous faire comprendre qu’ils sont peu nombreux.   Car, quand on tire au sort les noms  de plusieurs milliers d’hommes ,  quelques-uns seulement sont favorisés,   ainsi en est-il  de l’élection divine :  parmi plusieurs milliers d’hommes,  quelques-uns seulement sont favorisés par le sort de la prédestination au ciel ».

33- Jean Bosco,  1684

Scotiste,  de l’ordre des frères mineurs,  lecteur très gouté   à l’académie de théologie de  Louvain,  très profond théologien, au dire de Hurter,  souvent consulté  dans les questions disputées,   dans sa théologie  spirituelle, scolastique et morale,  il soutient la doctrine commune des Pères  selon l’esprit du docteur subtil et du docteur angélique.  « Conclusion :  dans le premier  livre de la vie : la plus grande partie des anges,   la plus petite partie des hommes,  la plus grande partie des  fidèles,  à l’exclusion des adultes  sont prédestinées à la vie.       La plus petite partie des hommes se sauvent,   même si tous sont ordonnés au salut  et reçoivent les secours suffisants.  Les anges se sauvent en plus grand nombre que les humains parce qu’ils n’ont pas rencontré sur leur chemin les obstacles que les humains ont rencontrés.    L’obstacle le plus redoutable est la rébellion de l’appétit sensuel.   Obstacle que, de toute évidence,  les anges n’ont pas rencontré.    La deuxième partie de notre conclusion –à savoir  que les hommes sont peu nombreux à être sauvés---n’est pas en contradiction avec la première ---le plus grand nombre des anges est sauvé—et la première conclusion n’entraîne pas la seconde.  L’Ecriture sainte va dans le sens de la deuxième conclusion  Matth.. 7,13, Entrez par la porte étroite…XX,16 : Il y a beaucoup d’appelés,  peu d’élus.

 Cette partie de la conclusion est donc de foi,  à savoir que  c’est la plus petite partie des fidèles qui se trouve inscrite dans le livre de vie.   Au dire de Smising,  l’expérience la confirme amplement.      Si l’on n’envisage que les seuls fidèles adultes,  il est assez  probable que  le nombre des réprouvés soit plus grand que le nombre des élus.   La façon habituelle de vivre des chrétiens suffit à nous en persuader  et les textes de l’Ecriture en Matth : « la porte est étroite….et peu la trouvent ».
 

34- Gervasius Brisacensis,  1690

l- « Si nous parlons de tous les hommes,  tant infidèles que fidèles,  il est certain que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus.  C’est le sens obvie de l’Ecriture.
2-« La seule difficulté vient des catholiques.  A leur propos, deux opinions se font jour.   La première opte pour le plus grand nombre des sauvés,  et la raison en est que le plus grand nombre des enfants décèdent avant l’âge de raison après avoir reçu le baptême.      Si vous me demandez maintenant ce que j’en pense, je répondrai que,  si je considère la bonté de Dieu,  je penche plutôt vers le plus grand nombre des élus.   Mais je devrais plutôt dire  que cela nous est tout à fait inconnu ».

 « Toi donc,  qui es inscrit au petit troupeau  par la grâce et la miséricorde de Dieu,   vois à ce que sa grâce en toi ne soit pas vaine,  de peur qu’un autre ne reçoive ton épiscopat.   Combats vaillamment  pour rendre certaine ta vocation par tes bonnes œuvres.   Quelles que soient nos brillantes spéculations sur la gratuité de l’élection,   il est certain et même  de foi que la vie éternelle n’est attribuée  qu’aux bonnes œuvres ».

35- Salmaticenses,  1630-1712

« On pourrait se demander si le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. »  Et plus loin : « Le plus grand nombre des fidèles fait-il partie des réprouvés ou des élus ?   La première question trouve sa réponse en Matt. XX et XX11 et dans Isaïe XX1V  où le petit nombre des élus mis en regard des réprouvés est comparé  à quelques olives et aux grappillons  qui demeurent après la vendange.   A la deuxième question,  il n’est pas possible de trancher à la  lueur de la raison  ou grâce à la tradition.  Saint Thomas nous assure que la chose est connue de  Dieu seul.  Nous nous abstiendrons donc des arguties et des sophismes.  »

36- Cardinal de Laura,  1693

Autrefois brancate,(?)  consulteur du saint office,  de la congrégation des rites,  et examinateur des évêques,  tenu en grande estime  par les papes Alexandre V11,  Clément 1X, Clément X et Innocent X1  autant à cause de l’éminence de  sa vertu que de la profondeur de sa science,  dans son livre sur la prédestination,  chapitre X1X,  il se demande : « le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? »   Et il répond : « Prenez d’abord garde que cette comparaison peut être faite de trois façons.   D’abord, entre les fidèles et les infidèles,  puis entre les fidèles eux-mêmes,  et  enfin entre les anges et les hommes,  avec les infidèles seuls,  ou avec  ceux-ci et les démons.

 Je dis que si la comparaison se fait entre les fidèles  ou entre les chrétiens seulement,  les élus sont moins nombreux que les réprouvés.  Le démontre l’affirmation très claire du Christ  Matt. XX11, 16, XX,14 : Il y a beaucoup d’appelés etc… Lyranus  explique que, moralement, cette parabole signifie qu’au tout début du monde,  les hommes ont été appelés à la foi,  comme Adam et ses fils etc…Ainsi en a-t-il été par la suite avec Enoch….De même avec Noé et ses fils…Et de même  avec Abraham et les fils de la loi,  ainsi que tous les chrétiens  au temps de la grâce.   De tous ces gens,  appelés sous différentes lois à travailler dans la vigne  du Seigneur  qui est l’Eglise ou l’assemblée du Seigneur,   peu sont élus.  Plût à Dieu qu’il n’en fût pas ainsi !

 Dans le second passage de Matt : beaucoup sont appelés ,etc.  il ajoute en marge au règne.   Et il commente : « Il y en a beaucoup  qui sont appelés à la foi catholique,  mais,  en vérité,  il y en a peu qui  soient appelés à la gloire.  Ils sont peu nombreux en comparaison de ceux qui se perdent.     Je dis donc,  deuxièmement,  que si on envisage l’humanité dans son ensemble,  le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus.   Et je le prouve par des citations de saint Augustin.  D’abord,  dans son épitre  157 ou 190  à  Désiré, on trouve ces mots : « En les créant,  Il a voulu qu’un si grand nombre naissent  qu’il savait d’avance ne jamais parvenir à  sa grâce,  des multitudes incomparablement plus nombreuses   que les fils  de la  promesse qu’Il a daigné prédestiner  à la gloire de son règne.   Pour que cette multitude de rejetés elle-même démontre  que cette innombrable quantité de  gens justement condamnés  n’est d’aucune valeur aux yeux de la justice divine. »

 Deuxièmement,  dans  son livre XX1 de la cité de Dieu,  chapitre 12 : « Plus grande a été son intimité avec Dieu,  plus impie a été son rejet de Dieu , et il s’est  rendu digne d’un mal éternel  après avoir  repoussé un bien qui pouvait être éternel.    De là, la  masse universellement  damnée  du genre humain.   En perdant cela,  le premier de la race  fut puni dans sa descendance, présente en lui  en germe,  d’une façon telle que personne ne pouvait  se soustraire au supplice qui lui était justement dû  sans être libéré par la gratuité de la miséricorde et de la grâce.  Le genre humain depuis,  se trouve ainsi réparti :  chez quelques-uns,   est démontrée  la valeur de la grâce miséricordieuse,  et chez d’autres,  la réalité de la  juste punition.   Dieu ne démontre pas sa miséricorde et sa justice en tous,  car si tous demeuraient dans  les châtiments de la juste condamnation,  chez aucun n’apparaîtrait  la grâce miséricordieuse du rédempteur;  et si tous étaient transférés des ténèbres  à la lumière,  chez aucun n’apparaîtrait la sévérité de la condamnation.   Le nombre des réprouvés est donc plus grand que celui des élus,  afin de démontrer que la condamnation était dûe en justice à chacun. »

 B.  On peut aller en chercher des preuves dans l’histoire.   En nous en tenant aux choses dont on nous a parlé.   Avant le déluge, il y avait peu de justes.  C’est Dieu lui-même qui témoigne de la malice universelle du genre humain.   De Noé lui-même il est dit qu’il a trouvé grâce  auprès de Dieu.   Au temps du déluge,  quelques-uns seulement ont été sauvés.        Après le déluge,  on ne nous parle pas d’un grand nombre de justes jusqu’à la confusion des langues.  C’est à partir de ce temps qu’on nous apprend que l’idolâtrie était répandue sur toute la terre. »    L’auteur poursuit son développement puis conclut : « Revenons donc à notre sujet.   On peut facilement déduire de  ce que raconte l’Ecriture,  qu’avant  le Christ,   il n’y eut que peu de fidèles .  Et il n’est pas invraisemblable  que les réprouvés aient été innombrables , pour ne pas dire que presque tous ont été condamnés.     Si donc on compare toutes les nations entre elles,   les faits semblent laisser entendre que les élus  ont été peu nombreux.     Après l’avènement du Christ jusqu’à notre époque (le 17ième siècle),  personne n’ignore le nombre ou l’identité des nations,  parmi les fidèles ou les infidèles,  qui  sont mauvaises.    Concluons donc que, abstraction faite des comparaisons,  les réprouvés sont plus nombreux que les élus. »

37- Segneri,  jésuite, l694

« Donc, ce que les saints docteurs nous enseignent d’une seule voix,  nous devons l’accueillir comme étant l’expression de la vérité elle-même.   Or,  les saints docteurs estiment à la majorité que les chrétiens  qui  n’accèdent pas au Paradis sont plus nombreux  que ceux qui y accèdent. »

38- Thomassinus,  1695

« De là vient que peu sont élus,  que peu sont prédestinés à être  extraits de cette masse de perdition,  pour jouir de la gloire céleste,  de telle sorte que ceux qui en sont extraits  sont d’autant plus reconnaissants envers la divine miséricorde et enclins à l’humilité qu’ils comprennent  n’être en rien dignes d’un meilleur sort ».

39- Thomas Muniessa,  jésuite, 1696

Celui qui est appelé fameux par le célèbre Hurter,  fut  autrefois, en théologie, professeur de premier rang au collège  de Barcinone,  puis recteur du collège,  puis inquisiteur d’Espagne  et examinateur  au synode  de l’archidiocèse de César-Auguste.  Il écrivit ce qui suit  dans son livre rare et précieux dont le titre est disputations scolastiques sur la providence de Dieu : « Hilaire écrit à saint Augustin  depuis la ville de Marseille :  Voici une autre chose qu’ils n’acceptent pas non plus : devoir admettre qu’il existe un nombre déterminé et fixe de ceux qui sont élus.---« Contre ceux-ci et les autres,  nous devons maintenir la certitude  qu’il existe un nombre déterminé à l’avance d’élus et de réprouvés, bien qu’à nous ce nombre soit incertain et inconnu,  et connaissable seulement à partir d’une révélation de Dieu. »  Le fait d’admettre cela n’empêche pas les théologiens  de se demander si le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés, ou vice-versa.   Dans cette question, toutefois, nous ne  possédons pas de certitude, et nous ne pouvons en parler qu’en faisant des distinctions. g

 Il nous semble devoir dire d’abord qu’en réunissant les anges avec les hommes,  le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés.   Si on n’envisage que les hommes,  mais tous les hommes absolument  sans distinction de religion et d’époque,  le nombre des réprouvés est plus grand.   Car,   il est évident qu’il y a toujours eu sur la terre un plus grand nombre  d’infidèles et de païens que de fidèles.   Et cela à un point tel  que nous pouvons,  pensant à eux,  parler de petit troupeau.    Nous parlons ici de ceux qui sont condamnés à la peine  du dam,  et non de ceux qui sont condamnés à la peine du dam et du sens.  Car il faut tenir compte  de la quantité énorme de tant d’enfants de parents infidèles  qui meurent avec la seule tache du péché originel,  et qui ne sont condamnés qu’à la peine du dam.

 Troisièmement,  si l’on ajoute aux  catholiques adultes les enfants morts avant l’âge de raison  après avoir reçu le baptême,   il faut dire alors que le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés.    Et la raison en est que,  parmi les fidèles  --ainsi que parmi les hérétiques et les schismatiques dont le baptême est valide---à peu près autant d’enfants baptisés meurent avant l’âge de raison qui sont certainement sauvés,   que d’adultes, dont un grand nombre est très certainement sauvé,  comme l’a observé judicieusement  Montoya en scrutant avec soin les registres paroissiaux.

 Quatrièmement,  parmi les fidèles adultes,  le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ?  Il y a d’abord la pieuse estimation de ceux qui suivent Suarez  Granadus et  le cardinal Pallavicinus.  Pour eux,  le nombre des élus est plus grand.    Ceux qui tiennent que le nombre des réprouvés est plus grand  forment  la grande majorité  des docteurs  tant scolastiques qu’exégètes.  Ils s’appuient  sur l’Ecriture et les Pères comme sur un fondement solide,  et sur des conjectures  plus puissamment motivées.   Il suffit de consulter le très érudit  Montoyam (disputation 54)  qui explique en cet endroit  ce qu’on rencontre ailleurs ici et là  tant dans les scolies des points disputés que dans  les sermons adressés au peuple.   En conclusion,  je n’ose formuler d’opinion ».

 Voilà ce qu’avait à dire  Muniessa,  qui appelle quand même notre opinion  l’opinion commune des théologiens.

40- Boudon,  1702

Ce pieux archidiacre et ce docteur en théologie  écrit sans ambages : « Ce ne sont pas seulement les Pères de l’Eglise,  ce ne sont pas seulement les Prophètes  et les plus grands saints qui nous appris  qu’il y a peu de personnes sauvées;  c’est un Dieu qui est venu de l’autre monde,  qui sait toutes choses,  à qui rien ne peut être caché,  qui nous l’a révélé….Il n’y a donc plus à douter.  C’est une chose infaillible et de la dernière certitude qu’il y a peu de personnes sauvées.   Il faut que toutes les personnes en conviennent,  mais qu’il y en a peu qui en soient fortement persuadés !     Cependant quoique nous devions être persuadés sans en  pouvoir douter  à moins que de donner un démenti à Dieu,  qu’il y aura peu de personnes sauvées , nous vivons comme si nous n’avions aucun sujet de peur, et comme si le ciel nous était assuré…..O grande,  o infiniment étonnante vérité,  mais dont la certitude est infaillible : il y a peu d’élus.  C’est ce qui a jeté la dernière terreur dans  de grands saints,  et des saints qui n’ont jamais perdu leur innocence baptismale;  en des personnes  qui ayant toujours vécu dans l’innocence,  ont toujours vécu dans la pénitence.    Dans quel état donc doivent être les pécheurs  qui  passent leur vie dans les plaisirs des sens ? »

41- Bourdaloue,  jésuite,  1704

Au chapitre premier,  nous l’avons déjà entendu dire en toute clarté : « Il est constant que le nombre des élus sera  le plus petit  et qu’il y aura incomparablement plus de réprouvés. ….Hé!  qu’y a-t-il de plus marqué dans l’Evangile que  ce petit nombre des élus ?   Qu’y a-t-il que le Sauveur du monde  dans ses divines instructions  nous ait déclaré plus authentiquement,  nous ait répété plus souvent, nous ait fait plus formellement et plus clairement entendre ? »

42- PP. Wirceburgences,  Jésuite,

« Que le nombre des élus sera restreint en comparaison du nombre des réprouvés le Seigneur l’enseigne assez ouvertement .    Les Pères y apposent leur signature, la raison le confirme par l’énoncé des considérations suivantes :  avant la naissance du Christ, la presque totalité du monde était formée d’infidèles;  après la naissance du Christ,  la plus grande partie du monde  gît encore dans l’infidélité;   parmi les chrétiens, bon nombre sont hérétiques ou schismatiques;  et parmi les fidèles le nombre  des malhonnêtes est élevé.   Il y en a cependant qui prétendent que le nombre des fidèles chrétiens sauvés est plus grand que le nombre des chrétiens damnés,  en comptant avec les adultes les enfants baptisés.   Mais même cela ne peut pas être défini avec certitude. »

43- Bossuet,  1604

Ce n’est pas sans raison que  Hurter compte parmi les plus grands théologiens cet orateur sacré,  que les Français portent aux nues  et qu’ils ont  coutume d’appeler l’aigle de Meaux  à cause de la sublimité de son esprit.   Voici ce qu’il écrit : « Le petit troupeau est partout,  et partout il fait partie de la grande église.      Comme les élus qui sont peu font partie de ces appelés qui sont en grand nombre,  la voie étroite des commandements  et la sévère vertu est aussi  partout.  Et quoique peut fréquentée par la malice des hommes,  elle leur est montrée dans toute la terre .  Le petit nombre de ceux qui y entrent, quoique grand en soi,  plus ou moins,  et petit seulement à comparaison de ceux qui périssent,  écoute le même évangile qui les a appelés ».

 Et dans ses méditations sur l’Evangile,  il expose avec éloquence son point de vue : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,  Jésus-Christ nous en a souvent avertis.    Cela est vrai,  premièrement parmi les Juifs…Mais  le Sauveur ne parle pas seulement des Juifs  à l’endroit que nous lisons de la parabole,  car c’est après nous avoir fait voir les gentils appelés  en la personne de ces aveugles  et de ces boiteux,  qui sont invités à son festin qu’il conclut  qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Efforçons-nous donc d’entrer par la petite porte qui mène à la vie, car la voie qui mène à la mort est très spacieuse et plusieurs y entrent. Qu’il y en a peu,  poursuit le Sauveur,  qui entrent par la porte étroite !

 Il y en a donc beaucoup d’appelés et peu d’élus.  Mais la condition de ces appelés qui ne persévèrent pas  dans leur vocation est plus terrible  que celle des autres,  car ils sont ces serviteurs qui ont connu la volonté de leur maître sans la faire,  qui seront les plus punis.  Tyr et Sidon et les Ninivites s’élèveront contre eux,  et le jugement de ces villes ingrates sera léger en comparaison de celui que doivent attendre  les chrétiens infidèles à la grâce  qu’ils auront reçue.  O Jésus!  O Jésus! « sauvez-moi de l’iniquité du peuple pervers »,  sauvez-moi,  car l’iniquité s’est multipliée parmi les enfants des hommes,  « et on ne voit point de salut ».  Tout est plein de ces appelés qui ne veulent  pas seulement  penser à leur vocation,  ni se souvenir qu’ils sont chrétiens.      Ne vivons pas comme la plupart.  Ne disons pas :  tels et tels font ainsi à qui on le souffre,  et ne nous excusons pas sur la multitude,  car la multitude elle-même est inexcusable.   Si Dieu eût craint la multitude,  il n’aurait point consumé par le feu ces villes abominables,  ni noyé tout l’univers dans le déluge.      N’alléguons point la coutume,  car Jésus-Christ a dit : Je suis la Vérité. On ne prescrit pas contre Dieu.   « Chacun portera son fardeau »,  et on ne jugera pas par les autres.    Rangeons-nous avec ce petit nombre d’élus que le monde ne connaît pas, mais dont les noms sont inscrits dans le Ciel »,  à qui le sauveur a dit : petit troupeau, ne craignez pas.   Petit en nombre, petit en éclat,  et la balayure du monde,  qui est caché avec Jésus-Christ,  mais aussi qui paraîtra avec Lui.

 O petit nombre, quel que tu sois,  et en quelque coin de l’Eglise  que tu te caches,  je me joins à toi en esprit,  et je veux vivre à ton ombre ».

44- F. Vershuren , docteur en théologie,  début du 18ième siècle.

Nous allons citer cet auteur avec plus d’abondance  puisqu’il a traité notre question  au long et au large.  Il a édité, en effet,  un livre de  378 pages  dont le titre est : « la voie étroite du ciel démontrée ,  dans lequel livre  il réfute le docteur  Steyaert  en lui prouvant  que le plus grand nombre des fidèles adultes se situent parmi les damnés plutôt que parmi les sauvés.   Dans la préface de son livre, il définit ainsi la question : « Voici quel est l’objet de notre recherche :  les catholiques adultes sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être condamnés ?  Ou vice-versa. »

 Dans sa première phrase,  il engage le combat avec  quelques modernistes.   Il est d’avis,  en effet,  que la voie qui mène au ciel  et que la Vérité elle-même déclare étroite et resserrée et trouvée par peu,  est foulée aux pieds par un petit nombre, si les fidèles vivent  comme le grand nombre a l’habitude de vivre.   Car la porte étroite, dont parle Matt.. en V11,  affirme-t-il dans  la défense de sa thèse  le 16 juillet 1695,  est la porte de la religion chrétienne elle-  même envisagée selon la façon dont le peuple des fidèles,--- pour ne pas le restreindre à je ne sais quel conventicule ---l’observe.   Il se conclut de là,  selon  Stayaert,  que la plus grande partie des fidèles vivant dans les occasions de péché  est sauvée.

 Cette sentence est déjà assez bénigne,  et il ne peut se faire autrement  que la tourbe des fidèles  qui vit de l’esprit du monde  ne l’accueille les bras ouverts.  Car ils ne peuvent entendre rien de plus réjouissant  que de recevoir l’ordre de  se considérer sûrs de leur salut, pourvu qu’ils observent les règlements  de la religion catholique de la façon dont les observent les gens de même condition qu’eux avec lesquels ils vivent.  Surtout,  si, par-dessus le marché,  on diabolise les partisans de la sentence contraire,  les présentant comme des extrémistes,   comme  des gens qui compressent  la vie chrétienne dans les voies de l’austérité.

 Il nous serait facile de donner nous aussi notre assentiment à  cette sentence si en plus d’être bénigne elle était vraie.   Quel est donc le catholique qui ne jubilerait pas s’il se faisait dire que le plus grand nombre des fidèles parviendra au salut éternel ?  Mais nous ne sommes pas de nature   à rechercher ce qu’il y a de plus agréable  mais ce qui est le plus vrai.     Le grand nombre ne se sauvera pas  parce qu’un auteur a décrété qu’ils  devaient  être sauvés.  C’est tout le contraire.  En accordant  à tous, avec beaucoup de légèreté,  le salut éternel,   il est à craindre que plusieurs ignorants soient rendus  pauvres de bonnes œuvres,  et qu’en conséquence un nombre encore plus petit soit sauvé.  Car,  si on parvient à persuader aux fidèles une fois pour toutes  que la plupart d’entre eux  seront sauvés avec le grand nombre, aussi facilement qu’ils vivent,  ils ne seront pas nombreux  ceux qui chercheront à s’emparer du royaume par la force.  Ils vivront ces gens-là  comme ils voient vivre la multitude des autres  dont la vie est éloignée du ciel  de toute la distance qui sépare le ciel de la terre.   Ils se croiront de bons chrétiens,  même si de l’esprit du Christ ils possèdent peu ou prou.   Mais cela ne les justifiera pas.  Terrible est la sentence de l’Esprit de vérité : « Il y a une voie qui semble juste  à l’homme ,  mais ses derniers pas conduisent à la mort ».   C’est pourquoi, nous entreprenons ici de réfuter  l’opinion de Steyaert  parce que nous n’hésitons pas à la déclarer  fausse et extrêmement pernicieuse ».

 Il va même jusqu’à  conseiller  d’user avec prudence et sagesse de sa doctrine : « Nous souhaitons donc que l’on demande aux catholiques  d’exposer aux fidèles notre sentence  avec les arguments qui l’appuient.  Ce serait faire preuve de prudence.   Ils s’interdiront  toutefois,  de donner le chiffre précis de ceux qui seraient élus dans tel village ou dans telle cité.   Ils ne décideront pas  en chaire que le nombre des hommes à être  sauvés est plus grand que celui des femmes,  et vice-versa.   Ils ne laisseront pas entendre non plus que quelques êtres humains seulement  seront sauvés,  puisque les élus sont innombrables.  Car des prophéties de ce genre sont téméraires,  fausses, odieuses,   portent au rire et au libertinage,  et sont  de nature à réduire quelques personnes au désespoir.  Que ces tribuns ne cherchent pas à prendre appui  sur certaines paroles de saint Jean Chrysostome.   Ce que ce guide incomparable  a dit avec prudence  lorsque la sublimité de sa sainteté rivalisait avec l’éclat de son éloquence  ne peut pas  être plagié servilement  par des prêtres  du commun des mortels  qui ont peu ou rien en commun avec  un si grand homme .

 Nous reconnaissons volontiers  que des  phrases  non seulement de cet illustre  docteur,  mais d’autres grands hommes que nous rapportons  doivent être expliquées  avec  discernement  ,  sans s’en tenir  obstinément à la lettre.   A moins que nous estimions  devoir toujours approuver ce qui est approuvé par eux,   dès que nous en découvrons le sens naturel et littéral.   Pour cette raison,  nous croyons même ne pas pouvoir recommander  diverses révélations traitant du petit nombre des élus.   Pas même  celle  que saint Nil  rapportait que saint Siméon dit le stylite aurait eue.  Selon cette révélation,  à peine une âme sur dix mille  serait conduite au ciel par les mains des saints anges,  comme  le narrait Baronius en l’an  976.    Pas plus  celle qui aurait été faite le jour de la mort de saint Bernard,  selon laquelle  cinq soldats seulement sur trente mille auraient été sauvés.   Ni non plus celle  que rapporte Platus  dans son livre de l’état religieux,  livre 1, ch. 5  selon laquelle  trois soldats seulement sur soixante-dix mille auraient obtenu le salut.  Nous ne croyons pas à tout cela.   La révélation certaine n’a pas besoin  de révélations incertaines.   De ferme qu’elle est,  elle est rendue suspecte par ces racontars.

 Nous pensons donc que les ornements des  instructions doivent être tels qu’ils enseignent aux fidèles  à opérer leur salut dans la crainte et le tremblement, à ne pas  suivre la foule dans la recherche  du mal  et  à s’efforcer d’imiter  et d’écouter les meilleurs.     Que si un orateur chrétien se rend compte  qu’il a ébranlé ses auditeurs d’un trop fort sentiment de crainte,  il s’appliquera à les réconforter en les jetant dans les bras de la divine miséricorde,  mettant l’accent sur la multitude des élus  que Dieu s’est réservé à Lui-même de partout et jusqu’à la fin des siècles.  Il serait très utile à ce sujet  de se servir des paroles mêmes de saint Augustin  (livre du don de la persévérance, ch. 22)  pour morigéner  les catholiques :  « Vous devez espérer  recevoir  du Père des lumières  la même persévérance dans l’obéissance.  C’est de Lui que descend tout don excellent et parfait .  Et, par des prières quotidiennes,  vous devez demander avec foi et confiance  d’être comptés parmi les élus .  C’est Lui-même qui vous fait le Lui demander ».  Ces paroles qui sont  tellement conformes aux paroles et à la pensée de saint Alphonse de Liguori,   nous les faisons très volontiers nôtres ».

45- Denys  Werlensis,  O.F.C,  1709

Selon Hurter,  il était un homme d’un grand savoir,   un artisan de paix et de concorde.   Dans son livre intitulé : « le pseudo-pénitent, ou la doctrine de l’Eglise catholique  et des docteurs les plus célèbres sur la vraie pénitence,  il écrit ceci : « Plusieurs se damnent pour avoir mal reçu les sacrements.  Ce docteur de tous les pays  à qui saint Paul est apparu pendant un travail nocturne se tenant debout devant lui et lui dictant à l’oreille,  saint Jean Chrysostome, veux-je dire, dans sa troisième homélie  sur les Actes des Apôtres  s’exprime ainsi : « Je ne parle pas d’une façon téméraire,  mais je le dis comme je le ressens :  je ne pense pas que parmi les prêtres il y en ait beaucoup de sauvés.  Beaucoup plus nombreux sont ceux qui se perdent. »   Et dans sa quarantième homélie au peuple d’Antioche,  il dit, en termes  généraux : « Combien pensez-vous qu’il y ait de membres de notre cité à être sauvés ?  Ce que je vais dire est horrible,  mais je le dis quand même .  Parmi tant de milliers, je ne peux pas en trouver cent qui seront sauvés.  Je doute même qu’il y en ait tant. »

 La sentence la plus commune des Docteurs  est qu’il y a plus de réprouvés que de sauvés  non seulement chez les hommes en général,  mais aussi chez les catholiques adultes. »

46- Henno,  1713

« En comparaison des damnés peu nombreux sont les sauvés.   Mais, parmi les vrais fidèles,  ceux qui se sauvent sont-ils plus nombreux que ceux qui se damnent ?   La sentence la plus commune et la plus conforme à la pensée des Pères est que  plus nombreux sont ceux qui se damnent. »

47- Pauwels ,1713

Cet auteur réaliste énonce d’abord la sentence commune : «  Après tant de passages scripturaires qui sont d’une clarté aveuglante,  il n’est pas permis de douter que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés ».    Ensuite,  il se demande : « pourquoi Dieu permet-il que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des élus ? »      Et il répond : « Pourquoi Dieu permet-il que les réprouvés existent et vivent ? »  Puis,  à la suite de saint Augustin,  il indique quatre raisons.   1-« Pour  que Dieu manifeste sa justice.  2- Pour montrer ce que vaut le libre arbitre  s’il n’est pas aidé de Sa grâce toute-puissante.  3-Pour que celui qui est élu  reconnaisse en lui l’œuvre de la miséricorde qui l’a extrait de la même masse de perdition.  4- Pour que les réprouvés fassent pratiquer la vertu aux élus,  et leur permettent ainsi de faire des progrès dans la marche vers la sainteté.   Comme le dit saint Paul : « Il faut qu’il y ait des hérésies, pour que ceux qui sont approuvés par Dieu parmi vous  soient reconnus comme tels.   Il faut dire sans hésiter avec saint Augustin : « Beaucoup forment le projet de connaître le plan de Dieu,  mais le connaître véritablement est le fait  de très peu de monde,  ou de presque personne. »   Nous non plus,  dans ce livre sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés ,  nous  ne cherchons pas  à scruter  les insondables desseins de Dieu.   Nous nous contentons de démontrer purement et simplement  le fait du petit nombre. »

48- Ant.  Ginther,  (écrit en 1717)

C’est ainsi qu’il commence ses réflexions sur le nombre restreint des élus et sauvés : « J’ai beau me creuser la cervelle,  je n’arrive jamais à trouver des raisons suffisantes pour expliquer  pourquoi le chrétien qui a été créé par Dieu  pour qu’il Le serve en cette vie,  qu’il le loue et le révère,  et soit à la fin sauvé,  en arrive malgré tout à vivre  en se souvenant si peu de sa fin qui est le salut éternel,  et se rue à grand pas chaque jour vers sa ruine.  O peuple sans jugement et sans prudence ! (Deut.XXX11, 28).

 Vos deux oreilles ne tintent-elles pas  quand résonne  cette sentence véridique  et incontournable  sortie de la bouche de la Vérité elle-même : Entrez par la porte étroite.  Saint Luc a : « Efforcez-vous », et le texte grec : «Luttez jusqu’à l’épuisement »,  c’est-à-dire,  développez toutes vos forces jusqu’au bout  pour que vous puissiez entrer dans la vie par cette  porte étroite et resserrée.   Et pourtant,  hélas !  combien peu  parmi les mortels la trouvent !   Et si cette voix  est celle de  la Vérité et de  la Sagesse éternelle,   je demande pourquoi  nous ne faisons  pas de sérieux efforts pour sauver notre âme ?

 C’est qu’il nous arrive malheureusement ce qui arrive souvent  aux arbres  qui aux printemps  sont ornés d’un grand nombre de fleurs éclatantes.   Mais l’orage ou la grêle ou les vents furieux dispersent ces fleurs magnifiques,  et à l’automne c’est à peine si une ou l’autre atteindra la maturité.  Excellent exemple des élus.  Tous sont appelés au salut,  mais peu sont élus,  parce qu’il y en a peu qui coopèrent jusqu’à la fin à la leur vocation et  à l’aiguillon de la grâce de Dieu. »

49- Collet, 1718

« Tous les ministres sacrés  soupèsent avec grand sérieux cette sentence.  Tu demandes : est-ce que le nombre des prédestinés est plus grand que celui des réprouvés ?   Et l’on répond.  Absolument pas. C’est le contraire qui est vrai. »   Après avoir cité des textes de l’Ecriture, il indique certains arguments dont  le dernier est : « Parmi les fidèles et même parmi les ministres des autels,  c’est en pleurant que je le dis,  innombrables sont ceux  qui ont renié la foi par leurs mœurs infâmes. »

50- Laselve,  a écrit en 1727 (Godts, p.186).

Dans l’analyse de son discours sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés,  il écrit : « Il est de foi que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés, puisque le Christ lui-même l’a dit. »      Puis,  dans le cours de son sermon : « Voici ce que la sainte Ecriture déclare en toute clarté,  ce que les saints Pères ont expliqué avec beaucoup de précision,  ce que les théologiens enseignent  et ce que dicte la raison naturelle :  1-  Parmi tous les hommes de l’univers, il y a peu d’élus.  Car si celui qui ne croit pas est déjà jugé,  il saute aux yeux  que du sein du genre humain dans son ensemble  il y aura peu d’élus et de sauvés comparativement aux réprouvés et aux damnés…Voilà une chose à croire que peut croient.  Si nous pensions réellement  qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés,  quel sujet de crainte et de tremblement ?  Qui ne s’appliquerait pas  à vitre pieusement et saintement ?  Qui ne s’efforcerait pas d’entrer par la porte étroite  que peu fréquentent ?

 2- Parmi tous  les chrétiens,  il y a peu d’élus.   O sentence qu’il faut pleurer avec des larmes de sang !  Si grande est l’astuce du démon,  si grande la  perversité du siècle,  si grande la malice des hommes  que peu de chrétiens se sauvent.  Ce n’est pas que la grâce du salut leur fasse défaut,  ce sont eux qui font défaut à la grâce.   Ce n’est pas que la porte du ciel ne leur soit pas ouverte,   ce sont eux qui ne veulent pas entrer.  Ce n’est pas que les moyens nécessaires au salut ne leur soient pas donnés,   ce sont eux qui n’en font pas de cas.

 3- Peu d’adultes catholiques d’élus.   Si la question du salut porte sur les seuls catholiques adultes,  je dis qu’il y en a plus de réprouvés que de sauvés.   « Circule par la pensée,  dit Louis de Grenade,  dans quelque ville célèbre qu’il te plaît,  où subsistent encore des vestiges  de la vraie,  pure et sincère religion.  Parcours  je ne dis pas les tavernes et les lieux mal famés,  qui sont fréquentés par les mendiants,  les ivrognes et les imposteurs,  mais les maisons elles-mêmes du voisinage  et tu entendras partout des sacres,  des jurons et des blasphèmes.    Dirige-toi vers  les salles publiques,  les tribunaux,  les bureaux d’avocat,  vers les casernes de soldats,  les places,  vers les bateaux,  les charriots,  les maisons privées,  et là tu observeras  les vices des enfants,  des adolescents,  des jeunes filles,  des hommes  et des vieillards : les faux serments,  les fraudes,  les inimitiés,  les haines,  l’ivrognerie,  la paresse, etc etc…Entre, si tu l’oses,  dans les églises elles-mêmes et les lieux sacrés et ici tu remarqueras  les sacrilèges, les profanations, les irrévérences,  et d’autres choses indignes du nom du Christ.   De quelque côté que tu de tournes,  si tu examines attentivement  les mœurs chrétiennes,  (pas à la façon du P. Castelein),  tu en verras un si grand nombre qui vivent négligemment, honteusement,  et sans discipline que tu ne pourras pas douter que la parole du Christ  ---beaucoup d’appelés, peu d’élus---s’applique aussi aux catholiques ».
 
 

51- Daelman,  1731 (Godts, p.186)

« C’est d’en haut que nous vient la persuasion  qu’un beaucoup plus grand nombre d’êtres humains périssent.   C’est le sens naturel des paroles de  Jésus : beaucoup d’appelés, peu d’élus. …la voie est étroite qui mène à la vie, mais large qui conduit à la perdition.  Et cette vérité se déduit facilement de l’expérience.

 Mais tu entends souvent cette question :  parmi les catholiques,  les sauvés sont-ils plus nombreux que les damnés, ou vice-versa.  Je réponds :  qui le sait ?  De toute évidence,  nous nageons ici dans le brouillard.      Steyeart  est d’opinion qu’un plus grand nombre de catholiques se sauvent.   Mais le docteur Vershuren  combat cette conjecture  par des arguments d’autorité tirés tant de l’Ecriture que des Pères.   Il ne faut pas omettre  que même de nos jours,  nombreux sont ceux qui soutiennent avec lui  qu’il y a plus de damnés parmi les catholiques que de sauvés.  Mais les arguments qu’ils utilisent pour  parvenir à cette conclusion ne sont pas aussi contraignants qu’ils le prétendent. »

52- Judde,  jésuite,  1735

Dans sa méditation sur le jugement particulier,  au deuxième point,  il  met en scène le Juge suprême  répliquant à l’excuse suivante :  « J’ai vécu comme la multitude ». ---« N’était-ce pas une raison de vous défier de votre conduite ?  Quelle autre marque plus sensible de réprobation  avais-je donnée que celle  d’aller avec la foule ?   Selon moi,  le chemin large où devait-il aboutir ?  La porte est large et la voie est spacieuse qui mène  à la perdition. »

 Peu d’élus,  même en religion,  si l’on vit en religion à peu près comme dans le monde,  sans faire tous ses efforts pour entrer par la porte étroite.  Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite….Beaucoup d’appelés, peu d’élus ».

53- Le Cardinal Gotti,  1742

A la question :  le nombre des réprouvés est-il plus grand que le nombre des élus,  il répond par l’affirmative à la suite de son maître saint Thomas,  et il cite les textes de référence.   Il ajoute ensuite : « Dans le peuple d’Israël,  combien d’idolâtres,  combien d’impies nous montre l’Ecriture.     Après l’avènement du Christ, la plus petite partie seulement adore le Christ, et  ceci est tellement vrai  que sur les quatre continents,  tu n’en trouveras pas un  qui soit intégralement chrétien.   Une partie importante des chrétiens est soit schismatique,  soit hérétique.   Et si tu parcours  les états de tous les chrétiens ,  combien en trouveras-tu  qui se la coulent douce ?  Qu’ils sont peu nombreux ceux qui observent la  loi de Dieu selon l’esprit et la lettre !  Et  pourtant la vie éternelle n’est accordée qu’à ceux  qui mettent les commandements en pratique.

 David décrivait ainsi son époque ps.13, v.3 :  «Ils sont tous dévoyés,  ils sont tous devenus inutiles.  Il n’y a personne qui fasse le bien,  pas un seul. »

54- Ant. Mayr,  jésuite, l749

Eminent théologien,  estimé pour la modération de sa doctrine  et la sainteté de sa vie,  et docteur de l’université de Fribourg  et d’Ingostald,  il se demande,  dans son œuvre intitulée : théologie  scolastique : « Dieu veut-Il sauver tout le monde ? »  Et il répond : « Il est certain que si l’on considère la totalité du genre humain, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. »  Et cela, il l’infère des paroles du Christ en Matt.  V11, 13 et XX, 16 .  « Le Père Segneri,  dans son instruction chrétienne, p.1, basant son opinion sur les Pères, les théologiens et la raison,  estime que les catholiques adultes sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés.   Quoiqu’il en soit finalement de tout cela,  une chose est certaine :  dans tout le genre humain,  il y a plus de damnés que de sauvés. »

55- Dan Concina,  O.P. 1756

 Théologien hautement réputé,  bien qu’il fût considéré par ses pairs comme un peu trop rigide,  il n’en était pas moins  loué pour ses vertus et sa piété.   Le pape Benoit X1V le tenait en haute estime,  et le consultait volontiers  dans toutes sortes de questions de la plus grande importance.  Dans son premier livre sur les lieux théologiques, diss. 11, il intitule ainsi le septième chapitre : que les catholiques adultes soient plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés est ici démontré par différents arguments.  Pui il demande : « En est-il ainsi des prêtres et des religieux ? »

 « Au sujet de la première question,  il convient de dire  que les réprouvés sont de loin plus nombreux que les sauvés,  si nous considérons l’humanité dans son ensemble :  les catholiques,  les hérétiques,  les fidèles et les infidèles.       Les saintes Ecritures,  les saints Pères de l’Eglise,  et la majorité des théologiens  scolastiques  enseignent  qu’il y a plus d’adultes catholiques de damnés que de sauvés.   Les théologiens de notre époque sont du même avis.    Qu’il nous suffise de déclarer  que tous  partagent la même doctrine.    Nous pressons nos adversaires de nous dénicher  au moins un Père de l’église qui enseigne que le nombre des élus excède celui des réprouvés. »    Par la suite,  cet auteur érudit et fervent,  enflammé de zèle   pour le plus grand bien des modernistes,  écrit les paroles suivantes  que devraient lire attentivement  ces malheureux prêtres  qui  se sont  fourvoyés  dans  la  lecture des livres des modernistes : « D’une part,  je constate  que les saintes Ecritures et les Pères de l’Eglise unanimement inculquent la rareté de ceux qui doivent être sauvés;  d’autre part, je lis des auteurs   qui,  sans l’appui d’aucun docteur de l’antiquité,  s’efforcent de ridiculiser les Ecritures par des interprétations  tirées par les cheveux et abracadabrantes,  comme s’ils ne cherchaient qu’à s’amuser.   Si je disais  que je n’en souffre pas,  je mentirais.

 Tous les Pères traitent de cette question bouleversante.  Tous, sans exception,  inculquent  le petit nombre des élus,  parce que toutes les Ecritures,  au sens littéral ou figuré,  enseignent cela.   Néanmoins,  des auteurs nés  de la dernière pluie  se trouvent  qui annulent l’autorité des Pères avec des distinctions fumeuses  et fantaisistes,  qui présentent leurs rêveries  dans la langue vernaculaire  pour que le peuple ignorant s’en régale !    Quand je médite cela en présence de Dieu,   je m’exclame avec le Christ : Quelle est étroite la porte !  et il y en a peu qui la trouvent ! Gardez-vous des faux prophètes  qui voient la vanité  et promettent la béatitude.    Ferme tes oreilles à ces  docteurs,  et ouvre-les aux docteurs de l’Eglise,   que nous savons être  illuminés par Dieu. »

56- Billuart,  1757

« Comparativement aux réprouvés, ceux qui se sauvent sont moins nombreux que ceux qui se damnent,  comme le dit saint Augustin dans son deuxième  livre inachevé contre Julien,  c. 142,  au sujet de Matt. V1 : beaucoup d’appelés, peu d’élus.  Cela est évident, parce que les chrétiens sont moins nombreux que les infidèles.  Et même parmi les chrétiens,  combien y a-t-il d’hérétiques étrangers à la communion de l’Eglise,  hors de laquelle il  n’y a point de salut .   Les théologiens se demandent aussi  si le nombre des catholiques réprouvés est plus grand que celui des sauvés, et vice-versa.  Mais incertains sont les fondements des opinions contraires.  Dans le doute,  nous nous abstenons donc de conclure. »

57- Laur. Berti, O.S.A.  1764

« Grand est le nombre des élus,  mais très restreint,  s’il est  mis en comparaison avec le nombre des réprouvés.    On en fait la démonstration d’abord,  par le recours aux saintes Ecritures.  Car,  en Matt. V11, 14,  on lit : « La porte est étroite et la voie est resserrée qui conduit à la vie,  et il y en a peu qui la trouvent.  Et en Luc, V11,14, à quelqu’un qui interroge Jésus : « Seigneur,  sont-ils peu nombreux à être sauvés ? »,  Jésus répond : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite,  parce que plusieurs, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas.   On trouve la même chose en Matt. XX11,14 :  Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.  Isaïe,  au chapitre  XV11 et XX1V,  compare les prédestinés  aux épis qui demeurent dans les champs après la moisson, aux graines d’olive et aux  grappes dispersées qui demeurent dans les sarments après la vendange.  Et dans l’Evangile les prédestinés sont appelés petit troupeau,  par uniquement  à cause de leur humilité, mais à cause aussi de leur petit nombre,  commente Bède le Vénérable.

 En second lieu,  on le prouve par les Pères : saint Augustin dans le psaume  48,  saint Grégoire X1V,  saint Jean Chrysostome, 14 ième sermon.    On peut en trouver une raison des plus évidentes.  On distingue,  en effet,  trois états de l’humanité, celui de la nature,  celui de la loi et celui de la grâce,  c’est-à-dire,  d’Adam à Moïse,  de Moïse  à Jésus  et de Jésus  à notre époque et jusqu’à la fin du monde.   Il est constant que dans chacun de ces trois états,  le troupeau des élus est manifestement petit. »

58- Berthier,  jésuite, 1782

« Le Prophète Isaïe,  LX1V,  dit que le nombre des damnés sera très grand,  et cela n’est pas difficile à concevoir   puisque le nombre des ennemis de Notre-Seigneur  surpasse presque infiniment celui de ses serviteurs ».

59- P.F. Foggini,  1783

Gardien de la bibliothèque vaticane,  et adjoint par Benoit X1V  à l’académie d’histoire pontificale,  que le souverain Pontife lui-même avait instituée.    En l’année 1752,   il édita à Rome un livre  en quatre tomes,  qu’il fit, par la suite,  imprimer  à Paris en 1759, qu’il a fait l’année suivante traduire en français,  dont le titre original est  :  « Il y a un consensus admirable et facilement démontrable chez les Pères au sujet du petit nombre d’adultes fidèles de sauvés et du grand nombre de réprouvés. »   L’occasion de cette intervention a été un sermon  prononcé par  Alexandre Borgia,  archevêque de Fermo  qui s’exprimait ainsi : « Le nombre des élus qui est petit, ce n’est pas  celui des chrétiens mais des êtres humains en général ».

 Quelqu’un lui a fait le reproche suivant : « Il aurait dû distinguer les passage  des Pères  où tous les chrétiens adultes sont confondus avec les hérétiques,   des autres passages  qui ne se rapportent qu’aux seuls catholiques.   Il devait aussi citer et expliquer les autres  témoignages patristiques  qui semblent favoriser l’opinion contraire.    Ce n’est qu’en procédant ainsi  qu’on pourra porter un jugement équilibré  sur l’étonnant consensus constaté,  lequel ne semble pas exister s’il n’est question que des seuls adultes ».

 Voilà des paroles qui sonnent bien  et qui semblent irréfutables !       Mais il y a deux questions préalables à se poser :  Existe-t-il un seul Père de l’Eglise  qui,  en traitant du petit nombre des élus,  fasse  la distinction entre les catholiques et les hérétiques?     Deuxième question :  Y a-t-il jamais eu un seul Père de l’Eglise à favoriser l’opinion contraire ?     Nous,  pour notre part,  nous n’en avons jamais trouvé.

 Goffinius écrit avec raison : « Il n’est permis à personne de mettre en doute  qu’il y a plus de damnés que de sauvés  sur l’ensemble de la planète,  puisque, de toute évidence,  la plus grande partie du genre humain ne fait pas partie de l’Eglise catholique,  hors de laquelle nul ne peut se sauver.  Mais ce qui intrigue  un bon nombre de théologiens est la question suivante :  parmi les catholiques adultes,  le nombre des damnés est-il plus élevé  que celui des sauvés?   Question épineuse,  qu’il ne faut pas aborder légèrement,  mais  aidés de ceux qui doivent toujours nous servir de guides  dans les choses qui relèvent de la foi et des mœurs,  les Pères de l’Eglise.   La sentence des Pères de l’Eglise sur cette question  est que la majorité des adultes catholiques est damnée.   On ne trouve absolument aucun Père qui parle autrement.

 A dire vrai,  quand nous pénétrons dans  ces siècles où règne une si grande perversité d’opinions,  à cause  de l’immense latitude donnée à la liberté de nuire, - plus grande que jamais dans le passé, - on entreprend de mettre en doute  la sentence unanime des anciens Pères.  C’est, tout au plus,  disent-ils,  la sentence la plus commune.  Et ils osent lui préférer  en chœur  l’opinion qu’ils appellent plus bénigne, ---meilleure que je ne sais quel bien—utile,  plus digne de Dieu  et plus adaptée à notre siècle.  Ainsi,  ce que l’on doit croire et en enseigner n’est plus ce qui est vrai  mais ce qui est souhaitable.   Parmi les fidèles adultes,  il y aura autant de fidèles réellement sauvés  que quelqu’un l’imaginera ou le désirera. »

60- Cl.  Arvisenet  1831

Il mérite amplement d’être compté  parmi les théologiens,  lui qui fut très versé dans la théologie ascétique  et la science des saints,  comme font foi ses œuvres les plus connues : le mémorial de la vie sacerdotale, et  la sagesse chrétienne.   Dans le chapitre  5 de son mémorial  intitulé  du petit nombre des élus,  le Christ interpelle ainsi le prêtre : « Mes fils !  combien peu nombreux  les prêtres qui suivent la voie étroite !  Combien  peu qui entrent par la porte étroite !    Il y a peu d’élus.  Fils !  que la  peur qu’engendre cette vérité  te donne la chair de poule !   Tremble à la  pensée que si peu de fidèles sont sauvés,  peu de prêtres le seront      Tremble !  Le prêtre a passé tout droit,  le lévite a passé tout droit,  mais c’est le samaritain qui fut digne de louange.   Tremble, mon fils,  car beaucoup de derniers seront premiers  et de premiers derniers.   Tremble, car beaucoup  viendront de loin et  prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob  dans le royaume des cieux,  alors que les fils du royaume seront éjectés dans les ténèbres extérieures ».  Voilà ce que l’on trouve dans ce mémorial  si  populaire.

 Dans son livre  dont le titre est : la sagesse chrétienne,  dans la première partie,  au chapitre  30ième,   qui porte de nouveau le titre  du petit nombre des élus, le divin Rédempteur admoneste ainsi un laïc : « Je veux, mon très cher, que tous les hommes soient sauvés, et c’est pourquoi je suis mort pour tous.  Malgré cela,  peu se sauvent : beaucoup d’appelés, peu d’élus.    Efforce-toi d’entrer par la porte étroite,  parce que plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas.   Tu le vois, mon fils, voilà les paroles  que j’ai dites.   Rumine-les longuement et attentivement,  et tremble de tous tes membres devant cette terrible prophétie  qui,  comme elle vient de Dieu,  ne retournera sûrement  pas au néant.    Ils sont vraiment peu nombreux ceux qui sauvent.  Les chrétiens sont nombreux, et un grand nombre d’entre eux mourront.   A la vérité,  nombreux sont ceux qui écoutent et professent la doctrine de vérité,  qui fréquentent les sacrements de l’Eglise,  et néanmoins, un très grand nombre d’entre eux  iront au feu éternel.  Ce n’est pas que, de ma part, quelque chose ait fait défaut,   --puisque je leur ai donné la foi et la  grâce---mais c’est qu’ils n’ont pas voulu connaître mes voies par la pratique des bonnes œuvres afin d’entrer dans mon repos ».

 Voilà la doctrine ascétique  saine et vraie qui ne plaira jamais aux modernistes laxistes.

61- Cardin Giraud,  1850

« Quels motifs d’encouragement,  de confiance !  Quelle joie de pouvoir se dire : je suis appelé,  je suis sur la voie du ciel !  Le Dieu bon,  le Père tendre  qui m’a mis dans cette voie,  veut bien sans doute que j’arrive au terme.  Se je n’y arrive pas,  la faute en est à ma malice,  et non à sa volonté toute de bienveillance et d’amour.      Mais s’il est doux de penser que tous sont appelés,  qui peut entendre sans frémir la suite des paroles de mon texte : tous sont appelés,  mais peu son élus.   Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.    J’ai hésité, je l’avoue,  si je vous ferais partager la terreur dont mon âme est saisie  quand je médite cette parole.  J’ai craint d’alarmer sans fruit les consciences  craintives,  de décourager, peut-être,  ce qui est faible encore dans la foi et dans la vertu.  Mais je me suis rappelé que la crainte est le commencement de la sagesse.   Je ne veux pas être plus prudent ni plus délicat que mon divin Maître  qui n’a pas fait scrupule d’enseigner ces vérités, et qui nous a commandé de les prêcher en son nom,,,,Quand je dis que le nombre des élus sera petit,   eu égard à la multitude des réprouvés,  je n’ai pas besoin pour justifier ma proposition  d’étendre les termes de cette comparaison  à l’universalité du genre humain.   La vérité que je prêche serait moins alarmante pour nous  si ce qu’elle a d’exécutif et d’absolu  ne s’appliquait qu’aux païens  ou à ces peuples engagés par leur propre malice  ou par un juste châtiment de Dieu  dans les voies du schisme et de l’hérésie.  Je parle ici des enfants mêmes de l’Eglise véritable.   Je dis qu’au sein même de l’Eglise catholique,  le nombre des élus sera le petit nombre,  et je le prouve par l’Ecriture,  par les sentiments des saints, et par la raison même éclairée des lumières de la foi. »

62- P. Ventura,  l861

Il flagelle ouvertement les vices du siècle et  tient notre doctrine.  « Or, lorsque cette vie  sensuelle, molle, dissipée  où tout est pour le corps et rien pour l’âme,  tout pour le monde et rien pour Dieu, tout pour le vice et rien pour la vertu;  lorsque cette vie dans laquelle  à l’omission de tout bien se joint  la perpétration de tout ce qui est mal;  lorsque cette vie est devenue  la vie commune  non seulement parmi les nobles mais  encore dans les conditions moyennes;  non seulement parmi les grands mais encore  parmi le peuple;  lorsque l’immense majorité des chrétiens  passe les jours et les années dans une damnable inaction  par rapport au salut éternel,  et que loin de faire le plus petit sacrifice pour se sauver,  ils font tous les jours leurs efforts pour se perdre,  est-il bien étrange que ce soit le plus petit nombre qui se sauve ?        La voilà donc  expliquée la terrible énigme par laquelle   J.C. conclut la parabole  de ce jour : Beaucoup d’appelés, peu d’élus.   C’est-à-dire que la vocation est pour un grand nombre, est pour tous.    Elle est l’effet de la miséricorde divine.  Et l’élection n’est que pour un petit nombre.  Et si ce nombre est petit,  il faut l’attribuer à la malice des hommes. Beaucoup d’appelés,  peu d’élus. »

63- Le Cardinal Wiseman  1865

Ce cardinal illustre et savant  a prononcé un discours dans lequel  il  transmet la doctrine commune  du plus petit nombre des élus.   Il débute ainsi : « L’Apôtre saint Paul compare la vie du chrétien à une course  où tous prennent part pour gagner  une couronne éternelle.  Mais de tous ceux qui sont engagés dans la lutte,  il n’y en a qu’un seul qui obtienne le prix. ,,,Il en est peu qui persévèrent jusqu’à la fin en dépit de la  fatigue et des obstacles et qui atteignent le terme fixé.   Telle est l’explication que nous donne le grand Apôtre des paroles de Jésus-Christ : il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus.  Il y en a beaucoup qui sont appelés par Dieu à partager sa gloire  et sa félicité,  il en est peu qui soient dignes d’être élus à une si glorieuse destinée. …..C’est donc folie à l’homme de détourner ses yeux de cet avertissement terrible…En dépit de toutes nos illusions,  chaque fois que nos yeux tombent sur ces paroles du Seigneur,  nous ne pouvons qu’être frappés de crainte  à la vue du petit nombre des élus,  et la pensée terrible que les élus forment la plus petite partie du genre humain  ne peut que nous donner de vives alarmes si nous l’approfondissons. »

 Après quoi, il fait étalage de la miséricorde de Dieu  qui veut sauver tout le monde  et qui, à cette fin,  n’a rien laissé  sans le tenter.    Mais il y en a peu de sauvés  parce qu’il y en a peu qui coopèrent avec la grâce de Dieu.   « Si la doctrine du petit nombre des élus n’avais pas été si clairement exprimée dans la sainte Ecriture,  on aurait pu croire que c’était une pieuse invention pour ramener les méchants de leurs iniquités par la crainte des jugements de Dieu,   et retenir les bons dans le devoir par  le même motif.  Mais si nous méditons un instant sur l’histoire de la Providence de Dieu,  nous ne pouvons nous empêcher de voir que c’est le petit nombre  qui peut espérer avec raison d’être admis  dans la compagnie des élus. »    Il prouve sa thèse par l’Ecriture  de l’un et l’autre testament. »

64- Cardinal Gousset  1866

« D’autres croient que les damnés l’emportent en nombre sur les prédestinés.   On invoque en faveur de ce sentiment  ces paroles de Notre-Seigneur : beaucoup d’appelés, peu d’élus..Entrez par la porte étroite.   Ce troisième sentiment est le plus commun,   parce que les textes que l’on cite à l’appui,  tout en prouvant que le plus grand nombre des hommes se perdent,  ne détermine pas s’il y a moins d’élus que de réprouvés  parmi les catholiques.   La chose demeure douteuse, comme dit très bien Suarez. »

65- Le R.P. Eymard,  1868

« Il y a peu d’élus, a dit Notre-Seigneur.  Des deux chemins qui conduisent l’un à la vie l’autre à la mort,  le premier est peu suivi,  le second couvert de monde.   D’après ces paroles,  la majeure partie  des hommes serait damnée.    Quand l’évangile ne le donnerait pas à entendre,  ce que nous voyons parlerait assez fort pour le faire craindre ».

66- D. Guéranger,  1875

Ce grand et si catholique restaurateur de la sacrée liturgie romaine    partage la sentence commune  de tous les siècles précédents : « Le péché règne et triomphe au milieu du christianisme.  Sans doute,  les justes sont maintenant plus nombreux qu’aux jours de Noé …Oui,  des chrétiens fidèles se rencontrent sur la terre ,  le nombre des élus se complète chaque jour, mais la multitude vit dans la disgrâce de Dieu, et mène une conduite en contradiction avec sa foi. »     L’auteur enseigne la même doctrine en d’autres endroits.

67- Blieck , 1877
.
Ce théologien réaliste , dans son livre :  exposé méthodique et élémentaire de la théologie universelle,  tant dogmatique que morale,  demande : « Le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? »  Et il répond : « Quant aux hommes,  si on parle de tous les hommes depuis Adam jusqu’au dernier,  le nombre des réprouvés est supérieur , puisque peu entrent par la porte étroite ».

68- Théologie  mechilinienne, (surnommé Dieu)

Dans son traité sur Dieu, no  50, au sujet du plus grand nombre des damnés, il demande :  l- « Les hommes en général sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être damnés ? »   Et il répond : « Saint Thomas enseigne que le nombre des damnés est plus grand,  d’après Matt. V11, 14 : Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent.   Le même texte prouve surabondamment  que le nombre des réprouvés est plus élevé  chez  les infidèles,  les hérétiques et ceux qui meurent  dans l’infidélité ou l’hérésie.

    Deuxième question :  parmi  les catholiques adultes,  y a-t-il plus de damnés que de sauvés ?    Et il répond : « Suarez et Steyaert pensent que le plus grand nombre se sauve, parce que Jacques  11,13,  dit que la miséricorde l’emporte sur la justice,  et parce que dans la parabole  du festin de noces,  Matt. XX11, 13,  on lit qu’un seul  a été rejeté dans les ténèbres extérieures.   Mais, pour qui cherche la vérité,  cette parabole  ne prouve rien,  comme la parabole des cinq vierges folles et cinq vierges sages ne prouve pas que le nombre des sauvés et des condamnés est égal.  Le texte de saint Jacques ne  peut pas  être revendiqué  par la position contraire,  car quelques-uns sont sauvés  là où tous sont soumis au jugement de la condamnation.     Godet.  A. Lapide,  Fermond  disent que le nombre des damnés est plus grand.    A. Lapide prouve cette sentence  en écrivant sur le verset cité de Jacques  plusieurs arguments, plusieurs textes des Pères  et des exemples.

 Cette sentence,  de toute évidence,  ne peut pas être fondée sue les seules paroles du Christ  (Matt. XX,16) : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, parce que ces paroles peuvent s’appliquer aux infidèles  ou, à tout le moins,  aux hérétiques  qui, par leur baptême, sont sujets de l’Eglise.  Elles peuvent aussi être appliquées  à ces appelés qui sont réellement sauvés,  parmi lesquels peu sont élus,  voire,  un nombre infime. »

 Il ajoute ensuite cette conclusion pratique : « Celui qui dans l’incertitude de cette question  veut voyager  en terrain sûr,   qu’il se contente de conclure  que celui qui veut bien vivre et bien mourir  doit choisir et conserver jalousement la voie qui est plus resserrée que l’autre.   Car, il doit redouter que s’il vit  comme presque tous vivent,  il ne soit  sévèrement  condamné avec le grand nombre. »

69- Schouppe, jésuite

« Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.  Il est possible de donner à cette phrase deux interprétations probables à cause de la double signification  que peut revêtir le mot élu.    Si on entend par  élus ceux qui sont prédestinés à la vie,  deux dont on est sûr qu’ils obtiendront le salut,  voici quel est le sens de la phrase :  Beaucoup sont appelés au salut,   mais peu y parviennent,  et la condamnation affecte le plus grand nombre.  1-Beaucoup de pécheurs,  peu de justes. 2- Plusieurs tièdes, peu de fervents. 3- Beaucoup de mercenaires, et peu qui travaillent pour le Seigneur gratuitement et par amour.  4- C’est alors avec raison que le  Christ a averti chacun de nous  de nous efforcer de faire partie du petit troupeau des élus. Entrez, dit-il, par la porte étroite. Matt. V11, 13.

 Quant aux hommes,  s’il s’agit de tous les hommes depuis Adam jusqu’au dernier à naître,  le nombre des réprouvés est plus grand,  car il y en a peu qui entrent par la porte étroite . »

70- Aloys Paquet

Voici le texte intégral de cet illustre théologien canadien, dans son commentaire de la somme théologique de saint Thomas  (De Dieu un et trin, disp. V1, q.2, a. V, pag. 390) : « Il est plus probable de soutenir  que le nombre des prédestinés  à la vie  excède celui des réprouvés si aux hommes on ajoute les anges;  que ceux qui décèdent dans la  paix de  l’Eglise romaine  sont plus nombreux à être sauvés;  mais que les être humains dans leur totalité sont plus nombreux à être damnés.

 Il reste à démontrer la troisième proposition.   Il faut d’abord noter que  la congrégation de l’Index  a condamné en 1772  le cinquième chapitre  du livre de  Bend. Plazza  de Paradiso commenté par  J.M. Gravina,  dans lequel chapitre  était défendue avec force arguments la proposition suivante : Il est vraisemblable que,  parmi les êtres humains,   les élus  soient plus nombreux que les damnés. »

 Bien qu’il soit possible aux catholiques ---et on en trouve qui sont de ce sentiment---  de soutenir que le nombre des élus  égale   (Ita Gener, Hurter)   ou surpasse (Bougaud)  celui des réprouvés,  cependant,  la sentence la  plus probable et la plus répandue  (Suarez)  est à l’effet  que les réprouvés sont en plus grand nombre.

 On peut s’en persuader  en lisant l’Ecriture,  notamment, Matt. V11,13,14,  Luc X111, 23, 24,  Matt. X11,14,  Matt. XX,  16. 1Pierre 1V, 18.    Chez les Pères, écoutons  saint Augustin dans de la correction et de la grâce, chap. X,  et contre Cresconium,  livre 111 ch. 66.    Ensuite, saint Thomas,  1(a) q. XX111 a. 7, ad. 3—LX111 a.9  ad l. ---l(a) 2(a)  q. LXX1 a.2, ad 3.

 L’histoire pitoyable de tous les temps et de tous les peuples le confirme.  Plût à Dieu qu’ait été plus plausible et convaincante  l’opinion  de l’auteur français Bougaud  qui se permet de  rejeter l’opinion commune,  de peur que le mal ne semble triompher  du bien et du Christ Rédempteur.   La vérité  est  que  le bien ne se mesure pas  mais se soupèse,  surtout le bien de la grâce  qui,  même rétréci  au salut d’un seul homme,   rapporterait à Dieu  un degré presque infini de gloire.  En outre, le mal n’arrive que dans la mesure  où  la Providence  suprême le permet.  Enfin,  tout concourt  au bien des élus,  et les œuvres de Satan et de ses satellites  sont disposées et ordonnées, par l’opération de Dieu,  de telle façon  qu’elles contribuent à la plus grande gloire  du Roi divin,  comme des dépouilles triomphales  suspendues aux chars des justes ».

71- C.M. Jansen

Ce professeur illustre  de théologie dogmatique  au séminaire archiépiscopal  de Rysenberg,  s’exprime ainsi  dans son livre théologique : « Les Pères et les théologiens sont en désaccord  sur la question qui porte sur le  nombre des élus et des réprouvés.   Quelques-uns estiment que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés.  Opinion qu’il n’est pas possible de mettre en doute  si l’on parle de l’humanité dans son ensemble. »

72- D. Elias Méric

D. Méric est docteur en théologie et professeur  de théologie morale à la Sorbonne .  Dans son livre : l’autre vie, tome 11, chap.  X,  il traite de la question du nombre des élus.   Après avoir exposé  la doctrine du Père Faber,  il conclut en embrassant la doctrine de Suarez , à savoir que  la plus grande partie du genre humain est damnée  et que la plus grande partie des catholiques est sauvée. « Si vous relisez maintenant les textes évangéliques,  en les expliquant par la distinction si juste de Suarez,  toute difficulté disparaît.   Il y a beaucoup d’appelés,  puisqu’il est de foi divine que Dieu veut le salut de tous les hommes.  Il y aura peu d’élus si l’on considère le genre humain dans sa totalité : hérétiques, schismatiques, païens,  c’est-à-dire,  l’universalité des hommes que Dieu voudrait sauver. ….A ne considérer que les catholiques,  il est permis de croire que le plus grand nombre, comme l’enseigne Suarez,   sera sauvé… »

73- Recupito,  Jésuite, 1647 (Godts, p.208)

Cet éminent professeur de philosophie et de théologie  a écrit deux traités : Des signes de la prédestination et de la réprobation  et  Du nombre des élus et des réprouvés.  Dans le dernier,  il analyse la question et la résout ainsi : « Il est certain que la plus grande partie des hommes est réprouvée  si, à la suite des infidèles, on compte tous les êtres humains de tous les peuples et de tous les temps.  Et si, maintenant, notre regard se porte sur les fidèles de l’Eglise   hors de laquelle il n’est point de salut,  ils ne  forment  qu’une infime partie du genre humain  au regard de la multitude  des infidèles,  qu’ils soient mahométans,  païens  ou hérétiques,  dont la damnation est certaine.   Toute la discussion  se réduit donc  aux fidèles.    Il est certain que les fidèles sauvés sont plus nombreux,  si l’on inclut  les enfants morts avant l’âge de la raison après avoir reçu le baptême.  La controverse ne porte donc que sur les seuls catholiques adultes : sont-ils plus nombreux ou moins nombreux à être sauvés  qu’à être réprouvés ? ».
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 Ensuite, l’auteur expose les arguments  à la base de l’opinion voulant que le nombre des élus chez les adultes catholiques soit plus élevé,  et conclut : « Cette sentence est plus accommodée à nos velléités qu’a la vérité.    Elle procède plus  de l’optimisme que de la vertu surnaturelle de  l’espérance.

 La proposition contraire semble plus vraie,  à savoir que le nombre des réprouvés l’emporte sur le nombre des élus,  parmi les adultes catholiques.    Ce que démontrent abondamment l’Ecriture, les Pères et la difficulté des moyens de salut… »

Godts, fin de la page 209.

Godts, p.210
paragraphe 2

   Théologiens qu’on prétend être
        de l’opinion de Castelein
 

 Après avoir cité à la barre  un si grand nombre de théologiens de premier plan,  qui ne tirerait pas la même conclusion que Suarez : « En conséquence,  tout bien pesé,  et  sans l’ombre d’un doute,  le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand  que celui ces élus.  Voilà la sentence commune et véritable ».  Et avec Muniessa : « Voilà ce que soutiennent les docteurs,  tant les scolastiques que les exégètes, lesquels sont  puissamment enracinés dans l’Ecriture et les saints Pères.

 Comment Castelein ose-t-il affirmer au sujet de ses idées personnelles : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie de nos plus grand théologiens ».   Qu’il cite donc ces illustres théologiens  à nous inconnus !   J’en trouve quelques-uns,  il est vrai,  dans son livre dont le titre est : « la science du salut » : Aristote, Platon,  Pythagore,  Hésiode, Homère,  Solon, Pindare,  Eschyle,  Sophocle,  Euripide, Hérodote,  Thucydide,  Xénophon,  Plutarque, Socrate, Anaxagore,  Xénophane, Parménide,  Chevreuil, Mayer,  Faraday, Cuvier,  Elie de  Beaumont,  les deux Geoffroy, Saint-Hilaire, Barrande,  L. Aggassiz,  de Quatrefages,  A. Ampère,  Becquerel, Regnault,  Wurtz,  Hirn, Clausius,  J.B. Dumas, Cauchy, Foucault,  Biot, Fresnel,  Cl. Bernard, Leverrier, Pasteur,  Fr. Arago,  Darwin, Helmholtz,  Virchow,  Tyndall,  Huxley,  P. Bert,  Dubois- Raymond,  Hoeckel,  Bertholet,  Copernic, Képler,  Galilée, Pascal,  Descartes,  Newton, Leibnitz,  Linné,  Huyghens,  Euler…  Mais c’est en vain que je cherche les noms des saints Pères et des théologiens… « Fruit d’une étude approfondie des enseignements de nos plus grands théologiens !!! »

 Mais si, malgré toute son érudition,  notre auteur a omis  de citer  nos plus grand théologiens,  son disciple  E.T.S.J.  se charge de combler cette lacune.  Il a l’audace d’écrire en toutes lettres : « L’auteur se trouve en excellente compagnie :  Suarez, Cajétan, Saint François de  Sales,  Bergier, Lacordaire, Ravignan,  Faber, Mgr. Besson, le P. Monsabré etc…(Lettre au Patriote , 19 mars 1899).  E.T. ne semble pas très sûr de ses citations,  car il n’indique aucun passage de ces auteurs que le lecteur  pourrait vérifier.   Nous, par contre, nous nous efforcerons  de rechercher avec soin leur véritable pensée,  et de citer leurs paroles mot pour  mot.

 Le résumé de la thèse du P. Castelein  est que la plus grande partie du genre humain se sauvera.

 1- Suarez : « La deuxième comparaison,  dit-il,  se prend entre les hommes  qui existent depuis le début de la création et qui existeront jusqu’à la fin du monde.  Pour ce qui à trait à l’humanité dans sa totalité,   la sentence commune et véritable  est que le nombre des réprouvés est plus grand.  (se rapporter aux texte intégral donné plus haut, p. 136 et suivantes).

 Suarez est donc d’avis que l’opinion de Castelein est particulière et fausse.   Il est indécent de l’appeler en renfort de la doctrine de Castelein.

 2--« Cajetan,  dit Suarez  — expliquant la parabole des dix vierges,  dit que même parmi ceux  qui,  dans l’Eglise, vivent dans la tiédeur,  et ont un certain soin de leur conscience,   la moitié (5 sur 10) se perdent.   Ce qui est très sévère, ajoute Suarez.   Si la moitié des catholiques qui ont un certain soin de leur conscience se perdent,  qu’en sera-t-il de la plus grand partie des catholiques qui n’en ont aucun soin ?   Que dire des païens,  des Juifs,  des Mahométans, des Protestants,  des schismatiques, etc ? ..  Car ceux qui tiennent que la majeure partie des catholiques se damnent,  enseignent la même chose à plus forte raison de tout le genre humain. »

 Comment osent-il  donc prétendre que Cajetan soutient la même doctrine que Castelein ?

 3- Saint François de Sales :   Où E.T. a-t-il trouvé dans les nombreux écrits du saint docteur le moindre petit mot  favorisant la doctrine de notre adversaire ?  Bien que je n’aie trouvé aucun endroit où le saint Docteur ait traité la question explicitement,   je citerai quelques paroles dans la langue de son siècle :   « Ceste,  non jamais assez considéré proposition : il y en a beaucoup d’apellés mais peu de choysis .   Tous ceux qui sont en église sont apellés.  Mais tous ceux qui y sont ne sont pas esleuz.   Aussi Eglise ne veut pas dire élection mais convocation. »        « Qui aurayt les yeux  assez clair voyans  pour voir l’issue de la course des hommes,  verrait bien dans l’Eglise de quoi s’escrier : plusieurs sont apellés et peu sont esleuz. c.à.d.,  plusieurs sont  en la militante qui ne seront jamais dans la triomphante.  Combien sont dedans qui seront dehors,  comme saint Antoyne prévit d’Arrius,   et saint Fulgère de Bérangaire. »        « Au jour du jugement,  les vertus des payens les défendront  non afin qu’ils soient sauvés,  mais  afin qu’ils ne soient pas tant damnez. »

 Je ne comprends donc pas ce qui donne au Père Castelein le front d’affirmer  au sujet d’un si grand docteur : « S. François de Sales défendait même la pensée défavorable  sur le salut de ceux qui, après avoir mal vécu,  meurent sans témoigner leur repentir… Et pour confirmer cette vérité,  il racontait ce qu’il avait entendu dire  à un prédicateur sur la mort de Luther : « Qui sait, si à l’heure de sa mort,  Dieu ne l’aura pas touché de sa grâce efficace ? »

 Où le saint dit-il cela ?    Au pseudo François de Sales  imaginé par Castelein et les autres modernistes,   j’opposerai le vrai et authentique saint,   qui a osé  assurer qu’un grand nombre d’évêques et de prélats étaient damnés.  « Mays quand aurais-je  faict,  si je voulais entasser icy  les noms de tant d’évesques  et Prélats  lesquelz après avoir été légitimement colloqués  en cest office  et dignité sont décheuz  de leur première grâce,  et sont mortz haeretiques ? ….Origène….fayre naufrage  et se perdre au port de sa propre sépulture…Et quoy ?  le voilà enfin haeritique, excommunié,  hors de l’arche,  périr du déluge de sa propre opinion.  Non seulement, doncques,  un réprouvé  peut estre de l’Eglise,  mais encore Pasteur en l’Eglise. »

 Ces paroles, elles,  sont authentiques !   Que le Père Castelein cite donc des paroles contraires  du Saint !   Il ne s’est probablement pas rendu à la source.  Trompé lui-même,  il a trompé E.T.  qui jurait de bonne foi sur la parole du maître.  Et il a induit en erreur  des centaines de milliers de lecteurs.

 4- Bergier :  Cet auteur érudit traite deux fois pour elle-même notre question dans ses œuvres.   D’abord,  dans  son dictionnaire de théologie,  il fait état de l’argument massue  de notre adversaire érudit : « Si le Christ ne sauve pas effectivement la grande majorité des âmes,  la conquête de Satan serait, dans son ordre,  plus belle que celle de son vainqueur….Ne serait-ce pas Satan qui serait le vainqueur ? (pp.189, 190)   Le lecteur est-il intéressé à apprendre ce que pense Bergier   de cet argument ?   Vite servi : « Absurde à tous égards! »  (voir le texte intégral plus bas).

 Bergier met toute son insistance à établir  que dans les paraboles évangéliques,  le mot élus  n’est pas  synonyme de sauvés.  Il ne lui est pas non plus possible de rejeter l’enseignement donné par les paraboles au sujet du plus petit nombre des élus,  même s’il pense qu’elles enseignent plutôt le contraire.  Mais il ne tranche pas dans un sens ou dans l’autre,  ni ne tente de faire la démonstration du plus grand nombre des élus.   « Nous n’entrerons pas dans la question de savoir dans lequel de ces deux sens  (fidèles ou prédestinés) l’on doit entendre le mot de Jésus-Christ  en Matt. XX 16,  et XX11, 14.  Il y en faveur de l’un et de l’autre des autorités si nombreuses et si respectables  qu’il n’est pas aisé de voir lequel des deux mérite la préférence.  Nous devons donc nous borner à quelques réflexions.        Un esprit  solide  et  suffisamment instruit  ne se laisse point ébranler par une opinion problématique  et sur laquelle l’Eglise  n’a point prononcé, telle qu’est celle du grand ou du petit nombre des élus.  Quand cette dernière serait la plus vraie,  il s’ensuivrait seulement que  le très grand nombre serait de ceux qui ne veulent pas se sauver,  qui résistent aux grâces que Dieu leur fait,  qui meurent volontairement dans l’impénitence finale ».

 Et, dans son livre : Traité de la vraie religion,  répondant à une objection , il dit de nouveau : «   La question est de savoir si par les élus on doit entendre  ceux qui sont sauvés ou ceux qui sont seulement dans la voie du salut, les fidèles ».   Mais il n’apporte pas de réponse à cette question,  et il se contente de montrer  qu’elle  ne  représente aucune objection à l’espérance chrétienne.  « Mais supposons qu’il faille absolument prendre le mot peu d’ élus dans le sens le plus rigoureux,  que s’ensuivra-t-il ?   Que le plus grand nombre est de ceux qui n’ont pas voulu être sauvés. »

 Bergier ne démontre donc pas que le plus grand nombre  des êtres humains est sauvé.   Il ne fait donc pas partie de ceux  qui appuient Castelein.

 5- Lacordaire , 71ième conférence : des résultats du gouvernement divin,  enseigne ceci : « C’est dans l’éternité qu’il faut jeter nos regards  pour juger définitivement la  Providence,  et c’est là, sans doute, que vous attendez ma parole,  armés de ce mot fameux : beaucoup d’appelés, peu d’élus.  J’obéis à votre impatience, et je peux la calmer par une simple  déclaration : le petit nombre des élus  n’est pas un dogme de foi,  mais une question librement débattue dans l’Eglise.   Je vous l’affirme,  et je vous en donne immédiatement la preuve si vous le souhaitez. »    La preuve consiste dans la démonstration que les textes de l’Ecriture allégués ne permettent pas de conclure à la rareté des élus.    Ensuite il affirme qu’un tiers de l’humanité  décède avant l’âge de raison,  la moitié avant la puberté.   Une moitié donc de l’humanité ou sont sauvés,  ou ne sont pas condamnés. « Je sais bien, messieurs, que les habitants des limbes ne peuvent pas se ranger parmi les élus de la vie divine.    Car, s’ils y prenaient place,  la question du nombre des élus  serait mathématiquement résolue.   Mais, sans les y ranger,  il reste vrai que la mort  prématurée sert la clémence de Dieu, même quand elle ne la satisfait pas entièrement. »

 Ensuite,  le prédicateur éloquent affirme que les femmes dans leur ensemble seront sauvées.  Il dit la même chose des pauvres.  « Et qu’est-ce que le reste en comparaison ?   Qu’est-ce que le reste quand l’éternité n’y moissonnerait pas une âme ?   Mais il est loin d’en être ainsi.  …Il n’a pas abandonné au mal la richesse,  la science et le pouvoir.  Le Christ a tout réparé, tout  guéri, tout vaincu,  et ses mains généreuses tiennent l’univers embrassé.   Qui s’en échappe périt par sa faute,  et après ce que nous venons de dire il est au moins douteux que le plus grand nombre appartienne à ce triste sort. »   Il ajoute ensuite ces deux considérations : « La première,   que beaucoup parmi ces peuples  (infidèles)  ont pu se sauver par les voies providentielles indiquées dans notre conférence antérieure.   La seconde,  que nous ignorons la mesure des âges  où Dieu a circonscrit dans sa pensée l’action du christianisme,  et la mesure aussi de puissance et d’universalité  que l’Eglise atteindra dans l’avenir…..Ce secret peut  tomber dans la balance du bien  avec autant de certitude que dans   la balance du mal, et ainsi la question reste voilée au profit de la liberté. ».  En d’autres mots,  il n’est pas certain que la plus grande partie du monde sera damnée.    C’est donc sans raison que les rationalistes
insinuent qu’ils  voient un échec de la Providence dans le plus grand nombre des damnés.

 Qu’est-ce  qui va dans le sens de la thèse de Castelein dans tout cela ?

 6- Ravignan :  De ce prédicateur, je n’ai trouvé qu’une louange éloquente,  faite en termes très  généraux,  de la miséricorde divine.  Aucun passage ne touche à notre sujet.  Si un pareil passage existe,  que nos contradicteurs aient la gentillesse de nous l’indiquer.

 7- Faber :  Il faut noter deux choses  au sujet de cet auteur  qui nous font comprendre tout de suite  que son nom est cité ici à contre sens.  .    En premier lieu,  il déclare dans son livre : progrès de l’âme,  ne pas vouloir examiner la question du salut éternel  de tout le genre humain,  mais borner son intervention aux seuls catholiques.  « Nous examinerons une tentation de la vie spirituelle dans le catholicisme.  Cette réserve nous dispense donc d’entrer  dans des recherches sur le petit nombre des élus parmi l’humanité toute entière.  Nous n’avons pas à nous occuper des destinées futures des païens et des hérétiques.  Notre affaire à nous est de calculer s’il y aura peu d’âmes  sauvées parmi les catholiques. »  Il s’impose la même restriction dans son livre  intitulé : le Créateur et la créature.  C’est donc une aberration de le citer  en faveur d’une opinion qu’il s’interdit  expressément de traiter.

 En second lieu,  quant à sa doctrine du plus grand nombre de catholiques sauvés,  qui ne sursauterait pas d’étonnement  quand il entend l’auteur reconnaître la débilité de ses arguments ?  Il l’admet lui-même dans ces mots : « Ce sont là de mauvais arguments  si on les analyse séparément.  Mais,  pris collectivement,  ils permettent d’établir  une supposition aussi douce que légitime ».   Je ne nierai pas que  des arguments qui, pris séparément, ne démontrent absolument rien,  peuvent allécher l’intelligence au nom d’une certaine vraisemblance,  et engendrer un gendre de persuasion  si l’un  corrobore l’autre,  mais s’ils ne sont d’aucune valeur , comme ceux que présente l’auteur,  ils ne peuvent pas se fortifier l’un l’autre,  et même  pris collectivement,  ils ne sont d’aucun profit.

 8-  Besson .  Il est question dans son cas, si je ne me trompe,  du livre : l’Eglise, de sa troisième conférence : Où va l’Eglise ? 2ième édition, Paris, 1865, p.52.  Cette conférence est intitulée : hors de l’Eglise, point de salut.   En voici l’analyse donnée par l’auteur lui-même.    Premier point.  Rien de plus certain que cette maxime.  Elle est fondée sur l’Ecriture, sur l’enseignement des Pères, et sur les données mêmes de la raison.     Deuxième point.  Rien  de plus mystérieux que l’interprétation de cette maxime, car on est arrêté par  le mystère de la grâce,  par le mystère de la bonne foi,  et par le mystère de la mort.   Conclusion,  adorons la justice de l’Homme Dieu,  mais ne jugeons pas ses mystères. »         Dans la dernière partie, je lis également  : « Voltaire est-il damné ? Je le suppose, dit la raison.  Je le crains, dit la piété.  Mais l’Eglise n’a qu’une réponse : je ne sais. »

 Dans toute cette conférence,  je cherche en vain l’affirmation  du salut éternel de la plus grande partie de l’humanité.   C’est donc en pure perte que  Besson est appelé à la rescousse  de Castelin.

9- Le Père Monsabré.   Que le lecteur bienveillant veuille bien se remémorer  ce que nous avons dit plus haut (p.38)  du sentiment de cet éloquent apologète,  et qu’il comprenne  que non seulement il ne soutient pas la thèse du Père Castelein  mais qu’au contraire il admet  ouvertement que,  malheureusement,  la plus grande partie du genre humain se damne  par sa faute.

Comme donc,  aucun des théologiens faussement cités  ne soutient la doctrine de notre contradicteur,  passons aux noms de ceux qui,  réellement,  enseignent la position de Castelein relativement au plus grand nombre de personnes sauvées,  et l’inanité de leurs arguments.   Les seuls que nous avons pu trouver sont :  Gravina,  Bougaud et Mauran.    Après avoir  examiné leurs arguments,  nous redonnerons la parole à Castelein et à E.T.

Godts, p.220
paragraphe 3 Théologiens favorables au Père Castelein.

      Paragraphe 3

   THEOLOGIENS  FAVORABLES

      A

     CASTELEIN
 

 1- Gravina :   Même s’il a été condamné par le Saint-Siège,  ce malheureux auteur n’a jamais,  comme Castelein,   proposé sa sentence comme quelque chose de certain,  mais de seulement probable.   Il va même jusqu’à considérer notre sentence comme plus probable.   Voici ses propres paroles : « Je ne prétends pas non plus  que la plus grande probabilité de l’opinion contraire  ruine la sienne (celle de Castelein).    Je pousserai la courtoisie  jusqu’à concéder que la position de nos adversaires est plus probable que la nôtre  s’ils veulent bien,  en retour,  nous rendre la politesse  de reconnaître que la nôtre est probable.    J’ai entrepris ailleurs de démontrer au long et au large   qu’une opinion plus probable ne rend pas improbable une opinion simplement probable. »    Ai-je besoin de conclure  qu’il n’admet la théorie de Castelein que comme probable,  et qu’il considère la nôtre comme plus probable.

 Il est inutile de s’étendre  sur la pauvreté des arguments de Gravina,   puisque  même  nos adversaires  l’avouent spontanément : « arguments peu théologiques, puérils même…dit E.T. dans Le Patriote,  19 mars, 1899.

 Les voici brièvement  exposés  par les doctes rédacteurs  du Belletin de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. (1899, p.264) :  « La volonté de Dieu et de Jésus-Christ de sauver  les hommes est pour notre auteur un arsenal  inépuisable.  Mais ce mot de volonté  lui paraît apparemment trop faible.  Il y substitue celui d’étude,  studium,  qu’il définit d’après Cicéron : application assidue d’un esprit à un objet auquel on se porte avec ardeur, avec une grande volonté.  « Ainsi,  -ajoute-t-il-   Dieu et Jésus-Christ sont tellement occupés, pour parler humainement,  à procurer le salut des hommes  qu’ils le veulent assidument,  ardemment, de la plénitude du cœur. »    Et pour prouver que la plupart des hommes sont sauvés en conséquence,  voyez,  dit-il,  comment Dieu se félicite dans Habacuc,  de sa très abondante pêche : il sacrifie à son filet, il offre de l’encens à ses rets. (Habacuc, ch.1, 15-16).   Le Père Gravina n’a pas vu sans doute que c’est de l’impie et du Diable  et non pas de Dieu que parle le Prophète.  (Voyez le commentaire de saint Jérôme,  Migne, t. XXV,  col. 1287).

 Ailleurs il suppose que le nombre des anges  qui ont persévéré  dans la justice est double de ceux qui sont tombés.  Or, Dieu a plus aimé les hommes que les anges.  Donc,  conclut-il,  il implique que parmi les hommes,  les réprouvés  soient en plus grand nombre que les élus.  Raisonnement arbitraire et pur sophisme dans lequel d’ailleurs,  comme dans toute la suite de son ouvrage, il ne tient aucun compte du péché originel.

 Il soutient que depuis le commencement de la Genèse jusqu’au commencement de l’Apocalypse,  on ne trouve pas un seul homme désigné par son nom comme réprouvé.  (Il n’admet que l’Antéchrist comme l’étant certainement),  au lieu qu’on y lit les noms d’une multitude d’élus.  Donc,   ---admirez cette conséquence---il y a beaucoup plus  d’élus que de réprouvés.

 Il tire une conséquence semblable des paraboles de Jésus-Christ.   Dans les unes  (l’enfant prodigue, la brebis perdue )   il ne paraît que des élus;   dans d’autres (les dix vierges ),  les élus et les réprouvés y  sont en nombre égal.  Enfin,  dans d’autres,  pour un serviteur paresseux,  vous en voyez deux qui sont fidèles et prudents.  Donc…

 Jésus-Christ est le Rédempteur de tous.   Il serait mal nommé,  et le Diable pourrait lui en faire le reproche insultant  si la plupart des hommes n’étaient pas sauvés.

 Chaque homme a un  ou plusieurs anges gardiens,  les infidèles surtout,  comme étant dépourvus d’autre secours.  Or, les anges ont plus de puissance et de sagacité pour sauver que les démons pour perdre.   Donc…

 Les élus sont comme des étoiles,  et ils doivent autant être supérieurs en nombre aux réprouvés que les étoiles le sont aux comètes.        Cependant,  comme si l’auteur lui-même était étonné de sa proposition,  il fait semblant  d’être frappé de voir  le genre humain dans l’ignorance du vrai Dieu,  connu presque uniquement dans la Judée avant Jésus-Christ.  Ensuite,  la vraie église ne renfermant qu’un petit nombre de nations,  en comparaison de celles qui n’ont pas reçu l’évangile :  dans tous les temps,  un déluge de vices  qui couvre la terre.    Il paraît donc  très difficile,  ardu au plus haut point,  que ceux qui parviennent au salut  soient en si grand nombre.   Mais Gravina se rassure sur la Providence,  la puissance et la sagesse de Dieu.

 Une autre source non moins féconde pour lui en conjectures ,  ce sont les Pères de l’Eglise qu’il divise en plusieurs classes :

51- Les uns,  en parlant des miracles de guérison opérés par Jésus-Christ,  disent que le Sauveur guérissait les âmes  avant de guérir les corps.  Or, les malades à qui Jésus a rendu la santé sont sans nombre;  innombrables sont ceux qu’Il a guéris.  Donc…

2- Une seconde classe des Pères  est de ceux qui,  parlant des méchants  que Dieu a punis pendant leur vie,  établissent –dit-il—comme règle générale  que Dieu ne punit pas deux fois pour les mêmes péchés.   Ainsi,  il faut avoir beaucoup de confiance que tous les pécheurs  qui ont essuyé en cette vie le châtiment de leurs crimes,   seront sauvés.   Les textes allégués parlent des habitants de Sodome  consumés par le feu du ciel,  des Egyptiens submergés dans la mer rouge,  des Israélites frappés de mort dans le désert etc…

52- Il fait dire à d’autres Pères, et c’est ce qui forme chez lui la troisième classe,  que beaucoup d’infidèles ont été sauvés,  les uns à cause de leur ignorance,  purement et simplement,  les autres à cause de leur sagesse,  tels que  Platon,  Socrate, et les Sibilles.  En quoi il abuse visiblement  des textes mêmes qu’il cite puisqu’ils n’ont parlé du salut possible  de ces dernières (par exemple)  qu’en supposant qu’elles avaient une foi explicite  en Jésus-Christ.

Enfin,  pour consolider sa thèse qu’il sent bien n’être pas ferme,  Gravina cite plusieurs visions plus ou moins authentiques,  tendant également à insinuer  que quelque vie qu’on ait menée,  Dieu et ses saints emploient tant de stratagèmes  (c’est son expression)  pour sauver un pécheur à l’article de la mort,  que le plus souvent ils en viennent à bout.   Cet avantage n’est point particulier aux chrétiens catholiques,  toutes les sectes y ont part :  mahométans, hérétiques,  schismatiques, juifs, païens,  personne n’est est exclu par le faux culte qu’il professe, parce que la plupart de ces gens-là ignorent que leur religion n’est point la bonne.    Ils embrasseraient le christianisme et s’uniraient à l’Eglise si on leur en montrait la nécessité.  Ce sont des chrétiens cachés.  Ils sont infidèles  seulement de nom.   Car Gravina   prétend bien ne mettre en Paradis que des chrétiens catholiques.   Et, si après tous ces éclaircissements on a encore de la peine à comprendre  que ces sortes de gens puissent appartenir à l’Eglise  comme ses enfants, étant étrangers à son  culte,  n’en soyez pas surpris,  dit-il,  c’est un mystère , je vous dis un mystère . Or, l’obscurité est propre aux mystères. »

50- Bougaud :  Il cite vilainement  et  en les déformant  les propos de S. Alphonse,  de saint François de Sales, de P. Ventura etc…  Néanmoins,  nous admettons  que,  féru d’arguments de cette farine,  il a partagé l’opinion de Castelein : « Supposez que le monde dût encore durer des siècles,  des milliers de siècles…supposez, donnez..etc…. »  « Quand même nous serions dans l’erreur, etc.etc. »

3- Mauran :     Ecoute, ami lecteur,  les arguments de ce théologien :  « Si Jésus affirme clairement qu’il y a peu d’élus,  c’est justement  parce que leur petit nombre n’a aucun rapport avec celui des âmes sauvées ».(Ceci n’est pas une traduction!!!))  (Elus et sauvés, p.16).

 « Les impies et les incrédules, frappés au temps de Noé,  ont été sauvés  en vertu du sacrifice de Jésus,  et tirés de la prison où la justice de Dieu les détenait captifs. »    Petr. 111 (sic)—p.62.

 « Il est prouvé que la tête du supplicié conserve pendant un certain temps la chaleur vitale.  Le cerveau,  vrai foyer de calorique,  ne se refroidit que lentement et, selon quelque probabilité,  la vie  doit  s’y réfugier et s’y maintenir  un temps peut-être suffisant pour que l’âme puisse se tourner vers Dieu. (p.66)

« Ne sommes-nous pas dans l’erreur ?  Quoiqu’il en soit, nous croyons qu’il vaut mieux se tromper  en versant dans les âmes la consolation de l’espérance,  que la peur et le désespoir ». (225)

« Je m’imagine que si Dieu avait consulté ses élus avant de les créer,  ceux-ci se voyant si peu nombreux,  auraient fait le sacrifice de leur bonheur éternel  pour éviter à leurs frères,  à la grande foule humaine,  les tourments de l’enfer ». (p.150)

Si les arguments de Gravina sont puérils,  que dire de ceux-ci?      Et Mauran  ose accuser saint Thomas de pétition de principe.  Ce n’est pas l’intention du saint Docteur  de prouver que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés.  Mais il explique un fait certain et   admis par tous  en le 8conciliant avec la providence et la miséricorde de Dieu.   Avec  quelle clairvoyance le Vicaire du Christ  a parlé de ceux qui négligent saint Thomas !... »(texte cité plus haut)

Gravina, Bougaud et Mauran,  voilà donc  les théologiens dont parlait Castelein : « Je me rassure par la conviction intime que ces idées sont vraies et justes.  Elles sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture Sainte  et des enseignements de nos plus grands théologiens. ».( Intr. P.X) Qu’il se complaise en une si excellente compagnie !
,  pour emprunter l’expression de l’apologète  E.T.

Plût à Dieu qu’il ait fréquenté  les théologiens de sa famille : Canisius, Bellarmin,  Lessius,  de la Colombière,  De Paz, Salmeron,  Valentia, Suarez,  Vasquez,  Becanus,  Drexelius,  Segneri, Muniessa,  Wircegurgences,  Bourdaloue, Saint-Jure,  Judde, A Lapide,  Knabenbauer,  et le reste, et le reste…  C’est alors qu’il aurait répondu  aux  mandements  de Léon X111 qu’il nous plait de transcrire  à l’avantage et à l’utilité de tous,  d’autant plus qu’ils  sont insuffisamment connus.

Ce sont des extraits des lettres apostoliques  qui avaient pour but de confirmer  les constitutions de la Société de Jésus  dans les articles qui traitent de l’usage de la doctrine de saint Thomas.  « Les prescriptions qui ont cours dans la compagnie de Jésus, -- et qui s’imposent à tous ses membres,--  qui lient par une loi   perpétuelle et définitive  le  choix des doctrines…  dont chacun des exemplaires doit être remis à chacun des membres ».

 Ce qui compte d’abord et qui est universellement connu ,   est que  l’auteur célèbre de cette Société,   dans plusieurs articles de ses constitutions,  a décrété qu’il fallait suivre dans l’une et l’autre  discipline,   la doctrine solide et sûre de saint Thomas,  qui est en même temps la plus sûre et la plus approuvée     Ce qu’il a réaffirmé  périodiquement  un grand nombre de fois  par des décrets et des ordres donnés tant aux communautés qu’aux supérieurs provinciaux.

Il a de plus ordonné  que la doctrine qu’adopterait la Compagnie serait unique et la même  pour tous,  dans l’accomplissement de toutes les fonctions. Goûtons tous la même chose, et, en autant que faire se peut,  disons tous la même chose, à l’exemple de l’Apôtre.  Que l’on n’admette donc pas des doctrines différentes,  ni en paroles dans les sermons, ni dans les cours universitaires, ni dans les écrits.  Et il ajoute : « Les Jésuites délégués des diverses nations  pour l’approbation du livre  sur le plan général des études, crurent devoir traiter en premier lieu  du choix des opinions,  et proposèrent comme fondement inébranlable  que la doctrine de la société devait être  unique, sûre et solide,  selon les constitutions.  Cette prescription de l’uniformité de la doctrine  ne doit pas être entendue au sens restrictif   de n’admettre que les sentences unanimement reçues dans les écoles.   Non,  elle doit ouvrir les portes aux opinions les moins réputées chez les docteurs catholiques .  Et même aux opinions  qui divisent les théologiens catholiques et les opposent les uns aux autres.  C’est ainsi qu’on veillera à ce que la société demeure toujours conforme à ce qu’elle était à ses débuts.

 Pour parvenir à cet esprit de  concorde et de  charité   dont il avait doté sa société,  Ignace  s’était persuadé   qu’était insuffisante  la règle  approuvée en chapitre  de tolérer les opinions divergentes, selon l’adage,  dans le doute, on est libre d’agir.    Mais il ne voulut pas qu’existent dans sa société  de telles opinions sur les choses qui sont essentielles et nécessaires,   et il les interdit.

 Et pour qu’à personne ne parût insupportable  ce précepte d’uniformité de la doctrine,  il a pourvu dans sa prudence  à ce qu’on demandât  à un aspirant quelconque,  avant même qu’il se liât  à la communauté par la promesse des vœux,  s’il était prêt à soumettre son jugement à ce qu’a décidé la Société.   De cette façon,  une faculté est donnée de choisir librement une chose  qui semble à peine tolérable  quand elle se présente comme imposée par la règle.

 Que soit donc de tout point étrangère  à la nature, aux lois et aux écrits de cette société  la prétention de  trouver en elle  la même liberté d’opinion  dont jouissent la plupart à l’extérieur.

Même quand il s’agit d’opinions assez probables défendues par des auteurs graves,  si elles ont le malheur d’être  réfractaires à la doctrine prescrite,    ceux qui les suivraient  pourraient peut-être échapper à l’accusation  de nouveauté,  de témérité et d’erreur,  mais ils se dissocieraient entièrement  de la doctrine semblable et unique,   tellement désirée et recommandée ».

p.229 = la fin du chapitre 4.
p.230 est blanche.
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Chapitre 5
Les Commentateurs de la Sainte Ecriture
La doctrine du petit nombre des élus est vraie et commune d'après un grand nombre d’exégètes bibliques.
p.231-267

      I

 EXEGETES  QUI L’ENSEIGNENT EXPRESSEMENT.
 
 

1- Ludolphe de Saxe - Ludolphus de Saxonia (1330) :

 Expliquant la parabole du salaire diurne, il met en garde  : « Même si la parabole te montre l’égalité des salaires,  ne va pas pour autant t’imaginer  que tous ceux qui sont appelés à la foi obtiendront la vie éternelle. »    Et il ajoute une phrase qui fait trembler : « Beaucoup sont appelés dès  la première ou la troisième  ou la sixième ou la neuvième  heure  ou à la toute fin,  mais parmi tous ces gens,  peu sont élus  au règne et à la récompense de la béatitude.    Plusieurs font partie de l’église militante qui ne feront pas partie de l’église triomphante. »

 C’est  par ces paroles qu’il enseigne que ceux qui sont sauvés sont peu nombreux par rapport à ceux qui sont  appelés  à des heures différentes. ..parce que spacieuse et large est la voie qui conduit à la perdition,  et il y en a beaucoup qui entrent par elle.

2- Nicolas de Lire - Nicolas de Lyre (+1349)

En Matt. V11, large et spacieuse est la porte, etc…Il explique : « Parce qu’on découvre que beaucoup sont vicieux,  selon l’Ecclésiaste : « le nombre des sots est infini »   et on en trouve peu de vertueux ».  Et il  ajoute : Qu’elle est étroite !...
Et en Mattl X11 : « Beaucoup sont appelés à la foi catholique, mais peu sont élus à la gloire.  Ils sont peu nombreux   eu égard  à ceux qui sont appelés à la foi ».

3- Tostatus (évêque d’Avila, Espagne) + 1454

Cet évêque d’Abulensis,  commentant le chapitre XX11 de Matt.,  fait l’observation suivante  au verset quatorzième  de la 69ième question : «Beaucoup sont convertis à la foi,  c’est-à-dire se convertissent,  mais peu sont élus,  car moins nombreux sont les chrétiens qui se sauvent ».

4- Jansenius Gandavensis (+1577)
Jansen de Gand (fondateur du jansénisme)

Voici  son commentaire sur les paroles : entrez par la porte étroite : « Parce que la norme de vie  prescrite par Lui  est contraignante,  contrariante et rare,  le Seigneur,  redoutant que ses auditeurs s’en détournent  et la prennent en horreur,  autant à cause  de sa difficulté et de son âpreté qu’à cause  du petit nombre de ceux qui la fréquentent,  nous exhorte à embrasser   la voie resserrée plutôt que la voie  spacieuse des impies, qui mène à la géhenne, tandis que l’autre mène à la vie.

 Notons que plusieurs raisons nous permettent de comprendre  pourquoi la voie de la vertu  doit être étroite et resserrée .   Premièrement,  c’est parce qu’elle n’en reçoit et n’en admet que peu,  si l’on fait la comparaison avec le nombre de ceux qui marchent sur la voie de l’iniquité,  qui est appelée spacieuse pour cette raison.    Ensuite,  il faut noter avec saint Jérôme  que c’est en connaissance de cause que Jésus  nomme l’une et l’autre voie.  Il dit que plusieurs marchent par la large,  et que peu trouvent le sentier resserré.  La large, nous n’avons pas à la chercher,  et il n’est pas nécessaire de la découvrir,  car elle s’offre à nous spontanément.  Quant à l’étroite,  ce ne sont pas tous qui la trouvent,  et ceux qui la trouvent  n’y entrent pas immédiatement,  ou s’ils y entrent,  ils ne persévèrent pas,  car un grand nombre,  après avoir trouvé la voie de la vérité,  retournent bredouilles,  devenus la proie des plaisirs du  siècle.  Jésus a donc raison de dire : il y en a peu qui la trouvent,  nous indiquant par là que ceux qui la suivent sont moins nombreux.    Jésus nous enseigne donc par cette parabole des deux voies  de ne pas prendre pour modèle le mode de vie du grand nombre,   mais d’imiter plutôt ceux qui sont en petit nombre.

 Et voici son commentaire des paroles : « Seigneur, seront-ils peu nombreux à être sauvés ?   Efforcez-vous d’entrer… « Le Seigneur,  dit-il,   vit dans la  question posée une occasion d’enseigner la façon de parvenir au salut.    Mais sa réponse  est en même temps satisfaisante pour son interlocuteur,  puisqu’elle laisse entendre qu’il y en aura peu à êtres sauvés,  car plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas »

 5-  Salmeron, s.j., (+ 1585)

Il conclut  ainsi son commentaire sur le banquet des  noces de Matt. XX 13 : « Au  convive éjecté,  il faut réunir  tous ceux  qui, appelés d’abord aux noces ,  s’en sont par la suite rendus indignes.  Il conclut de cela,  selon la lettre,   qu’un grand nombre sont appelés  à la convivialité du royaume des cieux,  et que parmi ces nombreux appelés,   peu nombreux  par rapport aux appelés sont ceux  qui sont élus par Dieu .  Quelques-uns refusent tout simplement de venir,  et d’autres sont rejetés à cause de leur indignité. »

5- Thomas Stapelton, théologien anglais, Stapletonus,  1598

« Car, beaucoup sont appelés et peu sont élus.   Pour quelle raison parler,  dans un sermon,   du petit nombre des élus  ?   Pour susciter la crainte qui est utile au salut….  Tout ce passage, dis-je,  si favorable  à entretenir la crainte,  qui dépend de ce qui précède et qui en est la conclusion,  nous montre dans cette énorme multitude de chrétiens appelés,  une aussi énorme rareté d’élus. Le Prophète Isaïe  dit au chapitre 1X : « Tu as multiplié le peuple mais tu n’as pas agrandi la liesse ». Tu as plutôt augmenté la crainte et la douleur à cause de la multitude des peuples qui,  par toute la terre, t’honorent des lèvres,  et du petit nombre de ceux qui croient de tout leur cœur,  et prouvent leur foi par les bonnes œuvres,

 Prévoyant ce petit nombre  et voulant nous prémunir,  Jésus a dit : Penses-tu que la Fils de l’Homme, quand Il viendra,  trouvera de la foi sur la terre  ?   C’est pour cette raison que Jésus nous  invite à entrer par la porte étroite,  parce que resserrée est la voie qui conduit à la vie .  Il ne parle pas ici de la voie de la foi,  mais de celle des mœurs, de la charité, et de l’observation des commandements de Dieu, route fréquentée par peu.    Le terme de cette route, qui est la vie éternelle,  peu l’atteignent ».

 7-  Sébastiano Barrados s.j. -  Barradius,  portugais (théologien de papes , (+1615)

« Petit est le nombre des élus,  s’il est mis en relation avec le nombre des damnés. »   Et dans le texte de la vulgate : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,  il recueille les commentaires des anciens.  Celui de saint Grégoire : «  La conclusion de la parabole est tout à fait terrible .  Elle nous dit que  beaucoup viennent à la foi,  mais  que peu se rendent  au royaume des cieux. »   Bède le Vénérable fait le même commentaire.   Le même aussi,  saint Jérôme : « Beaucoup sont appelés à la  foi,  mais peu aux bonnes œuvres. »  Et entre les lignes, il note : « Beaucoup sont appelés à la foi,  peu à la gloire ».

 8- Luc de bruges - Lucas de Bruges - Lucas Brugensis (+ 1619)
 

En Matt. XX : « Que personne  ne se scandalise  en pensant à ceux qui sont devenus les derniers.  Ils sont exclus de la vie éternelle ceux  qui ont été les adorateurs et les serviteurs de Dieu.   Il y en a  beaucoup,  dit Jésus,  qui ont été appelés par Dieu -- ou qui doivent l’être dans la suite des temps, -- à la connaissance de Dieu et au culte divin,  comme les ouvriers qui ont été appelés par le Père de famille, chacun à son heure,  pour le servir en cultivant sa vigne.  Mais parmi ces gens-là,  peu sont élus à la vie éternelle,  c’est-à-dire  peu sont fortifiés par la grâce de Dieu, au  point  de servir Dieu avec persévérance jusqu’à la mort,  comme il convient et comme il le faut.  Ainsi,  le père de famille ne les avait pas acceptés tous à la même heure,   afin de pouvoir verser  sur tous sa magnificence gratuite.

 On ne constate pas seulement que  Dieu n’a pas élu tous ceux qu’Il a appelés,  mais qu’il n’en a élu qu’un petit nombre.    De cette constatation,   nous vient à la pensée le terrible jugement de Dieu  qui s’applique non seulement aux   hommes en général,   mais même à ceux qui ont été appelés,  c’est-à-dire,  à ceux qui ont reçu le don de la vraie foi envers Dieu,  les Chrétiens et les Israélites  et les fidèles des temps passés :  peu sont élus,  si on les compare avec les réprouvés. »

9- Jacques Tirin - Tirinus, s.j., (1580-1636).

En Matt. XX 16 : Beaucoup sont appelés.  « Dieu et le Christ appellent tout le monde.  Matt. X1, 28 : Venez à moi, vous tous   Et, de fait,  plusieurs  ont suivi Celui qui les appelait à la foi et à la justice.    Mais il y en a peu d’élus à la gloire éternelle,  parce que ceux  qui forment  de loin la plus grande partie  n’obéissent pas à Celui qui les avait appelés,  et refusent de venir.  Un bon nombre de ceux qui étaient  venus rebroussent chemin.  C’est donc un tout petit nombre , eu égard à ceux qui périssent,  que l’on repérera à la fin des temps,  et qui seront élus`à la gloire céleste. »

10- Cornelius A Lapide,  Jésuite, 1637

   L’érudit et judicieux Pape Benoit X1V  a loué Cornelius  A Lapide  pour la façon dont il a traité la question présente : « Surtout parce qu’il traite cette question avec beaucoup d’érudition, et  que c’est  escorté par   un grand nombre de Pères  qu’il expose et défend sa position. »

 Ce n’est pas dans un endroit seulement que le docte exégète  approuve la sentence commune des Pères et des Théologiens  Il  se permet même de réfuter l’espérance dans le salut du plus grand nombre des catholiques.    L’endroit le plus remarquable  de notre Corneille  est son commentaire sur les Nombres,  X1V, 30 .  Mais nous avons quelque scrupule  de nous référer à ce passage,  pour l’accablante  raison  que le Père Castelein  demande une réponse docte (!) :  « Je ne serai pas embarrassé pour répondre à mes contradicteurs.  Je souhaite seulement que l’attaque soit savante et précise ». (Intr. P.11)   Et la citation choisie  ne semble  pas  assez savante  pour l’érudition de notre adversaire : «  Qu’on consulte, par exemple,  le Père Cornelius A Lapide  dans son commentaire sur les Nombres,  X1V, V, 30  On y trouvera des sous-révélations au-dessous de toute créance,  et cependant l’auteur est un érudit et un exégète de valeur ,  mais de temps à autre,  dans  son immense travail de compilation,   le sens critique lui fait défaut.  En admettant l’authenticité des visions qu’il rapporte,   peut-être pourraient-elles s’entendre du petit nombre des âmes  qui,  après la mort,  montent tout droit au ciel ». (p.285, note)

 Citons donc le passage,  sans aucun conteste possible le plus important,  et loué par Benoit X1V,   et passons sous silence  les révélations que méprise souverainement   la critique scientifique des modernistes.    Sur la phrase de Jacques  (11,13), la miséricorde surpasse la justice,  Cornelius  fait le long développement suivant : « Quelques-uns,  s’appuyant sur Bède,  commentent le texte en lui faisant dire :  le nombre de  ceux qui sont sauvés par la miséricorde de Dieu, -- surtout ceux qui ont été miséricordieux,--  est plus élevé que le nombre  de ceux  que condamne la justice divine.   En d’autres mots,  les élus sont plus nombreux que les damnés.   Cela est vrai chez les Anges….Chez les hommes, c’est faux.   Car il est certain que c’est de  loin la plus grande partie  des hommes qui est damnée, si l’on comprend dans le mot  hommes  les Gentils,  les  Sarrazins  et tous les hérétiques.   L’autorité de l’Ecriture et des Pères ainsi que la raison  nous persuade que la plus grande partie des chrétiens adultes  est damnée.    Et la raison en est que la  très grande partie  des chrétiens vit en état de péché mortel.   Selon la règle de saint Augustin,  on meurt comme on a vécu,  et ce n’est qu’exceptionnellement que meurt bien qui a mal vécu,  et mal qui a bien vécu.

 Tu m’objecteras que  tous reçoivent les derniers sacrements.  Et je te réponds que ce ne sont pas tous les chrétiens qui les reçoivent,  car beaucoup meurent sans les sacrements  dans les combats,  sur les navires, en voyage,  dans les campagnes…(Il est permis d’ajouter à ceux-ci  les membres des sociétés secrètes et tous les autres impies et agnostiques ,  engeance   inconnue de notre Corneille ).   Et, à tout bien considérer,  parmi ceux qui  reçoivent les sacrements,  plusieurs les reçoivent sans les dispositions requises ,  et donc sans fruit pour l’âme.   Plusieurs portent le poids d’une ignorance crasse  des sacrements et des articles de foi  qu’ils sont formellement tenus de savoir et de croire.  Ils ignorent principalement que le ferme propos de ne plus pécher est absolument nécessaire  à la validité de l’absolution ,  et ils ne savent pas quelle force et quelle  constance  il faut déployer pour  procurer au ferme propos  la détermination  et l’efficacité voulues.

 Admettons qu’il y en ait qui connaissent tout ce qui est nécessaire au salut,  mais qui vivent cependant sans aucun souci de leur salut, tout entiers employés  à amasser des richesses et des honneurs,   qui pensent rarement ou jamais  à Dieu, à la vie éternelle et à leur conscience  en dehors de la fête de Pâques,  et cela uniquement parce que le précepte de l’Eglise les oblige à se confesser et à communier.  Une fois la fête de Pâques passée,  ils retournent sur-le-champ à leur bourbier et ils s’y  vautrent.   (Et que dire des soldats qui ne communient même pas à Pâques !...   Le pourcentage   de ceux qui remplissent ce précepte  à Bruxelles  et dans d’autres lieux  peu connus pour leur piété,   est de quatre pour cent pour les femmes et de cinq pour cent pour les hommes ,  et de  zéro pour  cent pour les maîtres officiels du jeu.(expression traduite littéralement dont j’ignore le sens).    Et que deviendront leurs disciples ?)

 D’autres sont pris dans les filets de l’usure,  de la simonie,  des biens mal acquis,  qu’ils ne veulent pas restituer.   D’autres ont des amants,  ou sont enlisés dans des amours obscènes  dont ils ne peuvent pas se désembourber,   parce qu’ils n’en ont pas la volonté.  D’autres fomentent les affrontements violents,  les rixes,  et les haines implacables.

 Supposons même qu’un grand nombre  connaissent la nécessité du ferme propos  pour l’absolution,  ils ne font cependant pas d’effort pour se le procurer,  et vont même jusqu’à  le simuler,  et jusqu’à se persuader faussement de le posséder.  Car ce ferme propos de ne plus jamais pécher  est une chose ardue, sublime  et difficile.  Beaucoup refusent de se faire violence   et d’y engager toutes leurs forces,  surtout pendant la maladie et à l’article de la mort,  car,  alors,  la raison,  le jugement,  les sens  et les forces de l’homme périclitent et s’assoupissent.  En conséquence, l’accoutumance  de tant d’années  engendre à l’article de la mort un ferme propos semblable au ferme propos pascal,  superficiel, verbal et inefficace.   (Tout le contraire de ces bonnes morts que prépare  l’absence de foi : « Ah!  Que cette foi plaît à Dieu !  Et que de bonnes morts elle prépare,  malgré les défaillances de la vie ! »  P. Castelein, p. 62)

 Je ne sais pas où on pourra trouver  parmi les missionnaires âgés,  ou les pasteurs d’âmes d’expérience  ce prêtre « qui a été  des milliers de fois  l’heureux témoin de ces bonnes morts ! » (ibidem) .  L’expérience quotidienne confirme la doctrine du pieux et docte Corneille , qui est en même temps un   proverbe éprouvé : « Telle vie, telle mort ».

 Mais nous aurons profit à écouter de nouveau  notre A Lapide qui poursuit ainsi : « Au dire de saint Grégoire et de saint Augustin,    (livre  3 du libre arbitre)  le pécheur est puni par une juste perte  du sens de ses intérêts :  vivant,  il a vécu dans l’oubli de Dieu,   mourant,  il meurt dans l’oubli de lui-même.   Cette peine imposée au  péché est d’une grande justice,   parce que  quand il aurait pu bien faire il ne l’a pas voulu,  et quand il l’a voulu il ne le pouvait   plus.     De plus,  plusieurs indices nous laissent croire  qu’un grand nombre ont été privés de ce ferme propos.

 Le premier indice  est que ce ferme propos n’est concocté par eux qu’à Pâques afin de recevoir l’absolution,  et sous la contrainte des Pasteurs.   C’est donc plus un ferme propos  extorqué et forcé  que libre et spontané.  Si tôt terminée la confession  pascale,  ils retournent à leurs passions,  à leurs vices et à leurs crimes,   comme font beaucoup  après la confession faite en danger de mort,  s’ils en réchappent.   Ce retour n’indique que trop clairement  que leur ferme propos était contraint,  qu’il  avait été  arraché  par la crainte de la mort,  qu’il n’était donc ni sincère ni sérieux.

 Venons-en au second indice.  Plusieurs ont développé de mauvaises habitudes d’ivresse,  de luxure ou d’autres vices semblables,  qu’ils ne veulent pas éradiquer.  Ou s’ils en ont une velléité,  ils ne sont pas prêts à prendre les remèdes nécessaires pour se désintoxiquer.  Il reste à ajouter  que les vices les plus  dominants   sont la luxure et l’orgueil.   Ce sont les prédateurs par excellence,  et ils emplissent l’enfer à eux seuls

 Troisième indice.  Plusieurs  ont des principes politiques ou vicieux ou directement contraires à ce ferme propos de ne plus pécher,  qui sont passés  dans leur sang avec le lait maternel, qui ont pris corps dans l’adolescence  et qui sont devenus par la suite une seconde nature.   Comme, par exemple,  l’obligation de venger, selon la loi du talion,  une offense faite à soi ou aux siens.  Selon ce code du faux honneur,  est considéré  dégénéré,  vil et infâme  celui qui ne se venge pas.   L’obligation d’accepter l’offre d’un duel  pour éviter le déshonneur.   Dans les banquets,  il faut rivaliser en dépenses somptuaires  et en ripailles   avec les plus  huppés,    et même aller jusqu’à l’ivresse.   Avant toute chose,  il faut satisfaire à sa condition sociale,  à  sa parenté et à sa famille.   Tu dois pourvoir par tous les moyens possibles à maintenir et à hausser ton statut social  et tes dignités,  sans tenir aucun compte des lois de Dieu et de l’Eglise,  si elles font obstacle.  La priorité absolue doit être donnée à la conservation de la vie et de la fortune,  même au détriment de la loi de Dieu.   On ne doit pas tolérer  les ignominies, les calomnies,  les affronts,  mais rendre œil pour œil et dent pour dent.  Ces préceptes et ces principes,  ils y pensent le plus souvent  en acte, quand l’occasion se présente,  c’est à l’action qu’ils sont destinés  et c’est dans l’action  qu’ils se formulent,  et ils ne les remettent jamais en cause,  même pas en confession.   Et c’est au point que si un confesseur les interroge à ce sujet,  ils répondent  qu’ils persistent dans les mêmes sentiments.   Car  là où il est question d’honneur,  de luxe ou de bien-être ,   ils ne se soucient ni de la conscience,  ni de Dieu  ni de l’enfer.    Ce ferme propos issu du code du faux honneur qui  demeure  toujours en eux à l’état conscient ou de veille,  est diamétralement opposé  à la ferme volonté d’éviter les péchés  et d’obéir en toutes choses aux lois de Dieu.

 Que les écrivains et les prédicateurs modernes  prêtent la plus grande attention à ce qui suit : « Il arrive souvent  que les prédicateurs omettent d’enseigner ces choses, de les expliquer, de les inculquer.    Aux pécheurs,  ils recommandent la passion du Christ,  la miséricorde de Dieu,  les aumônes,   le culte de la bienheureuse Vierge,  laquelle ne permet pas  que périssent  ses dévots.   Ils ne descendent pas jusqu’â cette sorte de vices,  afin de tonner,  de fulminer contre eux et de tenter de les extirper.   C’est pourquoi,  les villes et les peuples  croupissent dans les mêmes mauvaises lois,  coutumes,  intentions,  vices,  et de leurs sermons ils ne retirent pas le moindre fruit.    Qu’ils changent donc leur façon de prêcher,   s’ils cherchent à répondre  à ce qu’ils doivent à Dieu, à leur conscience, à l’Eglise et à leurs auditeurs,  et qu’ils cherchent  à extirper des âmes de leurs fidèles toute mauvaise semence qui trouve dans ce terrain de l’engrais et des fertilisants.

 Quatrièmement .  Admettons que parmi ceux qui se confessent à l’article de la mort,  il y en ait qui bénéficient du ferme propos.  Si, après la confession, ils demeurent alités pendant plusieurs jours,  comme cela arrive souvent,  reflue le souvenir des voluptés passées,  qui fléchissent le consentement d’une âme habituée à s’en repaître.  Et elle finit par consentir  à sa pensée dépravée  et à la délectation morose d’une volupté   ancienne illicite qui lui était devenue habituelle.  Il faut ajouter à cela  l’action du démon.   Il a coutume  de rappeler lui-même  à la pensée du moribond les voluptés passées,  car c’est alors qu’il sort toutes ses batteries pour livrer à l’âme l’ultime bataille, au moment même de l’agonie quand l’âme se prépare à se séparer du corps.  Le juste jugement de Dieu permet cela au démon  en punition des crimes commis,  et de la négligence apportée à  réfréner nos passions,  quand nous étions encore vigoureux et en bonne santé.  Au lieu de les mortifier,  combien s’y adonnaient  comme des chevaux ou des mulets.   Malheureusement,  plusieurs succombent dans ce combat suprême et périssent,  de quoi nous avons des exemples manifestes.

 Cinquièmement.  La vertu, le salut et la gloire céleste  sont des choses sublimes et ardues qui transcendent toutes les forces de la nature humaine.  D’un autre côté,  la nature humaine est corrompue par le péché originel  et s’est ravalée aux choses de la terre.   L’amour des choses terrestres et la cupidité  des richesses,  des honneurs,  du confort et des joies sensuelles  sont tellement vivaces  dans l’âme que c’est à peine si cette dernière peut seulement se  faire une idée des choses célestes,  ou parvenir à  les comprendre.  Il lui est encore moins possible de s’élever jusqu’à elles,  et de déployer toutes ses énergies  pour s’emparer du royaume des cieux qui souffre violence.

 Admettons que la grâce de Dieu joue aussi son rôle.  Mais,  dans l’homme tombé,  cette grâce  ressemble plutôt  à un remède qu’on donne à un infirme et à un moribond.  Elle a  à peine la force de le faire se mettre  sur son séant.  Et s’il parvient à se redresser,  il retombe et s’écroule  facilement.   C’est pourquoi,  dans cette corruption générale de la nature,  il est aisé à quiconque,  au milieu des occasions de péché  et des tentations apportées par la chair,  le monde et le démon,   de tomber dans le péché mortel.  Il est ardu et extrêmement  difficile  de s’en dégager par la pénitence  et le ferme propos de ne plus pécher.

 Et voici les deux causes et pour ainsi dire les deux pôles  qui nous donnent la clef de cette question épineuse.  Je parle de la parole de Jésus :  Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.   Véridique est la sentence de saint Justin : « L’âme ne peut être rappelée qu’avec grande difficulté aux biens qui excèdent sa nature,  et elle ne peut pas être facilement arrachée  aux maux  auxquels elle était habituée. »

 L’importance de ces raisons  et leur valeur existentielle  ont contraint de grands savants  ----parmi lesquels notre Benoit Justinien---à changer d’idée.   Après avoir pensé que la plupart des chrétiens seraient sauvés,  il a soutenu le contraire.    A Rome, j’en ai entendu plusieurs qui étaient de cet avis.   Et parmi eux,  un prédicateur de grande renommée qui était en même temps un docteur,  enseignait que  les confessions de ceux qui ont mal  vécu faites à la dernière heure  sont  pires que celles qu’ils ont faites au cours de leur vie.  C’est ce que confirme saint Augustin,  au sermon 57 du temporal  :«  Il ne lui  sert à rien,  à la fin de sa vie,  d’aspirer à une pénitence qu’il ne peut plus faire.  Ce n’est qu’une illusion ».   Et plus loin : « La pénitence que demande l’infirme est infirme comme lui.   Quand c’est un mourant qui demande la pénitence,  je crains fort qu’elle soit moribonde  comme lui.   En conséquence,  mes bien chers frères,  celui qui veut trouver la miséricorde de Dieu,  qu’il fasse pénitence en ce monde quand il est encore sain,  pour qu’il soit estimé sain dans l’autre. »   Il dit la même chose dans une homélie,  entre 41 et 50 : «Si  celui qui, à l’article de la mort,  fait pénitence et se réconcilie avec Dieu,  se sent sûr de son salut,  moi, je ne le suis pas . »   Et il en donne la raison : « Si tu veux faire pénitence quand tu ne peux plus pécher,   ce sont tes péchés qui t’ont quitté,  ce n’est pas toi qui les as quittés .  Choisis donc le certain,  et laisse tomber l’incertain ».  Il dit la même chose  au sujet des paroles du Seigneur selon Luc , sermon 24 : « Vivez bien pour ne pas  faire une mauvaise mort ».

 Notre  Corneille ajoute : « Les mêmes raisons me persuadent  que bien que je croie  que dans certaines villes ou en certains lieux   ou chez certains peuples d’une éducation  appropriée  ----ici, c’est avec tristesse que je considère de nouveau  l’éducation socialiste  donnée, en Belgique, dans nos écoles neutres---où les professeurs sont remarquables,  remarquables les  pasteurs,  les confesseurs, les sénateurs et les gouverneurs,  qui  enseignent le peuple fidèlement , le nourrissent et le stimulent ,  bien que je croie, dis-je,   que chez ces gens la majorité sera sauvée,  cependant,  dans beaucoup d’autres lieux  où tous ces secours font défaut,  où l’ignorance est grande,  grandes l’indifférence et l’insouciance,  où les tendances perverses  du peuple sont nourries  et fortifiées par la dépravation de l’éducation et de la société,   j’estime  que le nombre des damnés est supérieur à celui des sauvés. »

 L’heure est venue pour lui  de prouver ce qui a été  avancé par l’autorité de l’Ecriture ou des Pères.  Il cite en premier lieu un passage  du quatrième livre d’Esdras,  allégué également par Suarez et Gonet où il est dit en toutes lettres : «  Nombreux  sont ceux qui ont été créés,  mais peu nombreux ceux qui sont sauvés. »  « Lequel livre, dit-il, bien qu’il ne soit pas canonique,  jouit d’une certaine autorité ».  Il présente ensuite trois arguments tirés de l’Ecriture et des Pères.  Puis,  il cite Alphonse Mendoza  qui,  en se servant à peu près des mêmes arguments,  prouve  éloquemment  que le nombre des élus est inférieur au nombre des réprouvés.

 Et enfin,  ce pieux et docte interprète de l’Ecriture  tire de ses enseignements une conclusion morale ou  ascétique :  « Que ces raisons et que cette sentence  inspirent à chacun  une crainte sainte et salutaire  pour que tous opèrent leur salut  ---selon l’exhortation de l’Apôtre---dans la crainte et le tremblement,  pour qu’ils examinent leur conscience avec soin,  et si dans ces principes et ces préceptes ils trouvaient jamais quelque chose  de contraire à leur salut,  qu’ils les rejettent loin d’eux,  pourvu  que de bouche et de volonté  ils s’éloignent de l’amour des richesses et des honneurs,  qu’ils résistent généreusement à l’attrait des cupidités,  qu’ils se lient complètement à Dieu et à sa loi,  préférant supporter toute chose , renoncer à tout  et mourir mille fois plutôt que d’offenser Dieu et sa grâce  et de  perdre son amitié.    Puisqu’un si grand nombre de chrétiens sont damnés,  et si peu sont sauvés,  qui ne doit pas craindre,  qui ne doit pas faire tous ses efforts pour être compté parmi les élus,  qui ne doit pas éviter avec le plus grand  zèle tout ce qui peut mettre son salut en péril,  qui ne doit pas  prendre  tous les moyens pour assurer son salut ?     Nous n’avons qu’une seule âme,  pas plusieurs.  Qui que tu sois qui lis ces lignes,  pense à cela .  Vive Dieu,  vive l’éternité ! »

11- Jansenius  Leerdamensis,  surnommé  Iprensis,  1638

Entrez par la porte étroite.   « La porte étroite et resserrée signifie la voie de la vertu,  parce que d’après les paroles mêmes de la loi divine,  et surtout de la chrétienne,  qui nous a été transmise , la voie de la vertu est codifiée de telle sorte  qu’elle ne permet à l’homme  de vagabonder ni à droite ni à gauche,  en vue  de satisfaire à ses caprices et à ses passions.  Ensuite,  elle est dure d’accès, non en elle-même, puisqu’elle nous est connaturelle,    mais à cause de la tendance de notre nature corrompue  à tout ce qui est sensible,  à laquelle tendance il est extrêmement difficile de s’opposer.  Enfin elle est unique, et il ne nous est pas permis de nous en détourner d’un pouce.

Toutes les différentes sortes de passion peuvent  nous devenir dommageables par excès ou par défaut,  c’est pourquoi on dit qu’elle est large et spacieuse la voie  qui conduit à la perdition, c’est-à-dire la voie d’iniquité,  et qu’il y en a beaucoup qui entrent par elle,  et qui,  par conséquent,  tendent  à l’éternelle perdition.  La plus grande partie des hommes est victime de la facilité de la route,  et fait plus volontiers ce qui lui plait  que ce qu’elle doit.  C’est pourquoi le Sauveur dit avec étonnement : qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Peu nombreux ceux qui y entrent,  encore moins nombreux  ceux qui,  une fois entrés,  persévèrent jusqu’à la fin,  comme le note saint Jérôme,  dans son livre 11 contre Pélage.   Aucun philosophe, aucun hérétique,  aucun Turc, aucun païen ne la trouvent. Aucune mauvais catholique  n’y  entre .   La voie spacieuse,  elle,  est très facile à trouver,  car elle n’a pas d’autre guide que l’erreur  et l’éloignement de la voie droite,  chose qui  peut se faire d’un nombre infini de manières.    Les païens ont vu cette doctrine à la seule lumière de la raison.

Parce que cette voie est difficile à trouver  et que peu la trouvent,  selon la parole du Seigneur,  et que c’est avec raison que chacun devrait rechercher un guide,  il ajoute avec à  propos : « Gardez-vous des faux prophètes ! etc…
Ces enseignements de Jansenius sont approuvés et catholiques.

12- Fromondus , 1653

Il est certain  qu’à considérer le genre humain dans sa totalité,  les hommes qui se perdent sont plus nombreux que ceux qui se sauvent.   Si parmi les chrétiens,  nous incluons les apostats et les hérétiques  qui usurpent faussement le nom de chrétiens,  le nombre des chrétiens damnés est de loin plus grand que celui des sauvés.   Saint Augustin et les autres saints Pères  s’appliquent à démontrer au moyen de différents textes de l’Ecriture,   que les fidèles qui meurent dans la communion et la foi de l’Eglise   sont plus nombreux à
 à être damnés qu’à être sauvés.     Et même s’il était vrai que la plus grande partie des chrétiens ne meurt pas sans avoir reçu les derniers sacrements,  plusieurs mondains n’en reçoivent pas les fruits, parce qu’ils n’ont pas une aversion sincère des péchés et le ferme propos de s’amender,  nécessaire à la justification.  Une très grande grâce de Dieu est donc ici nécessaire  pour que des hommes qui pendant longtemps ont été enchaînés  par les richesses,  les honneurs,  les plaisirs et toutes les choses de la terre  s’élèvent tout-à-coup à la sublimité de la pénitence.   Voilà ce que Cornelius A Lapide  établit bellement et savamment contre Suarez,  en s’appuyant sur les Pères et les autres théologiens.  Il ajoute qu’à Rome,  il a entendu plusieurs théologiens qui étaient de cet avis,  à cause  du laxisme et de la corruption générale des mœurs ».

13  - Menochius,  jésuite, 1655

En Matt.  XX11,  14 : « Cette conclusion il y a beaucoup d’appelés, etc…doit être référée à l’ensemble de la parabole,  dans laquelle nous voyons que beaucoup ont été appelés,  mais que peu sont venus,  et que parmi ceux qui sont venus,  tous ne sont pas élus. »

 14°/ Nicolas Talon,  Jésuite,  1691

Voici comment parle cet auteur dans son livre : l’histoire sainte du Nouveau-Testament,  T.1, vie agissante de Jésus-Christ,  cap.52 : L’assurance du salut dans la voie étroite, p.243  Entrez par la porte étroite,  car large est la porte  et spacieuse  la voie qui mène à la perdition  et il y en a beaucoup qui entrent par elle. Matt. V11,13.
 « Taulère,  dont la vertu ne devait rien appréhender,  ne pensait presque jamais à ces paroles qu’avec quelque sorte de tremblement,  et,  devant un jour prêcher sur ce sujet,  il commença sa prédication par ses larmes…et témoigna par là  la persuasion où il était  du petit nombre de ceux qui vont sur le chemin de la vertu ».    Il cite ensuite des figures de la porte étroite du Paradis,  et conclut : « Toutes ces choses sont des figures du petit nombre des élus,  dont nous avons des prophéties encore plus expresses dans Isaïe. »     Il cite des textes de l’Ecriture,  les témoignages des plus graves  des Pères.  « C’est la pensée de tous les Pères de l’Eglise ».

15 Bernadinus a Piconio,  1709

« Beaucoup sont appelés au salut.  Il n’y a pas un homme qui n’y soit pas appelé.   Mais peu méritent d’être comptés parmi les élus. »    « Beaucoup ne sont pas élus parce qu’ils ne l’ont pas voulu ».    « Beaucoup sont appelés,  en fait,  tous sont appelés.  Peu sont élus,  qui,  une fois appelés,  sont fidèles  à leur sainte vocation  et y demeurent saintement.    Et en Matt. V11, 13, 14 : entrez par la porte étroite.     Choisissez , avec le petit nombre,  de tendre à la vie éternelle.   Retirez-vous  de la voie qui précipite la multitude à  la perdition éternelle.          Large est la porte qui conduit à la perdition,  et beaucoup entrent par elle.  Cette porte est celle de la multitude,  qui,  ayant choisi comme sa règle de vie  la mentalité,  les usages  et les coutumes du siècle, se livre sans frein  aux passions de la nature corrompue.

 Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie !   Ces paroles de quelqu’un qui est en proie à l’ébahissement  indiquent qu’il n’est accordé à personne d’élargir  la voie étroite par laquelle on accède  à la gloire céleste. »   Enfin,  en Luc X111,24,   il répond d’avance à l’interprétation restrictive des modernistes,  selon laquelle l’exhortation de Jésus :  Efforcez-vous d’entrer par la voie étroite  ne concernait que les Juifs contemporains de Jésus  et, en aucune façon,  les chrétiens des siècles postérieurs : « Ce sort infiniment déplorable  qui attendait les Juifs,  d’après la prédiction de Jésus, est un fatal présage  du malheur éternel qu’attend les chrétiens  qui n’ont pas voulu conformer leur vie à l’Evangile. »

 16  Calmet,  1757

C’est dans le sens commun des Pères qu’il  interprète sommairement les textes  dont les modernistes veulent modifier l’exégèse : « Ce fut toujours une question importante la question de savoir si le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés.    Mais l’évangile dans son ensemble   démontre que le nombre des élus est restreint,  que la porte du ciel est étroite,  et qu’elle est trouvée par un petit nombre.   La voie  qui mène au ciel est resserrée  et ardue, et tous ne la parcourent pas jusqu’à la fin. »

17 De Ligny,  1788

Matt. V11,13 : « Jésus-Christ déclare formellement que le grand nombre sera des prévaricateurs,  et que celui des observateurs fidèles  sera sans comparaison le plus petit.  Qu’ainsi,  sa loi doit être entendue et observée à la lettre,  ou,  si l’on veut l’expliquer par la pratique,  ce n’est que dans la pratique du petit nombre  qu’il faut en chercher le véritable sens ».    Et en Matt. XX, XV1 : « C’est comme si Jésus disait :  vous paraissez  troublés de m’entendre dire  que les premiers appelés  seront renvoyés au dernier rang.  Combien plus devez-vous l’être  de ce que,  parmi ce grand nombre d’hommes,  qui ont été appelés et qui le seront encore,  très peu auront part à la récompense. »

 18-    Fillion

« Porte large et voie spacieuse .  Double figure des facilités,  des libertés,  de l’agréable aisance que procure une vie sans frein, livrée aux passions et au péché.   Il n’y a rien de gênant à l’entrée de cette porte, ni sur cette route.     « Qui conduit à la perdition ».    Mais cette accueillante porte,  une fois franchie,  cette route facile une fois descendue,  où arrive-t-on ?   A la ruine éternelle.   Et, ce qui est bien triste,  c’est que la plupart des hommes  se précipitent avec insouciance ou plutôt avec empressement, dans cette direction.  Et ils sont nombreux.    « Qu’elle est étroite la porte ! »  Symbole des peines et des sacrifices  qu’impose la justice chrétienne bien pratiquée…. Mais quelle récompense attend ceux qui surmontent courageusement ces obstacles !.... Elle conduit à la vie.  La vie éternelle dans le sein de Dieu,  les reposera de toutes leurs fatigues.    Malheureusement,  peu nombreux  sont ceux qui la trouvent.  Ces mots durent être prononcés avec un accent de profonde tristesse.  De nos jours,  comme au temps de Jésus,   comme à toutes les époques,  l’humanité se divise en deux catégories :  la foule suit la voie large,  sans s’inquiéter de l’abyme  qui en est le terme.  Le petit nombre gravit péniblement l’étroit sentier,  se consolant à la pensée des joies futures.    C’est à bon droit que  les Pères  et les Docteurs ont vu dans ce passage  un argument favorable au sentiment  d’après lequel  le nombre des élus sera relativement restreint. »

 19 Van Etten,

Celui qui pendant vingt cinq ans a enseigné  l’Ecriture sainte  à S.J.  dit ceci dans son livre marqué par une grande érudition : ( courte phrase en flamand).  Et de façon manifeste,  et comme quelque chose d’inébranlable,  il soutient que le nombre des élus,  comme grand en lui-même,  est petit comparé au nombre des condamnés.

 Voici ses propres paroles : ( un assez long paragraphe en flamand).   Il répète la même chose dans son commentaire de Matt. XX11, 16 : « Il y a beaucoup d’appelés »

 20 Colleridge ,  Jésuite
 

Matt. V11,14 : « Cette doctrine qui ressort naturellement des paroles de Notre-Seigneur,  que la majorité des hommes suit le chemin de la perdition,  peut sembler dure et décourageante.   Il ne manque pas d’esprits réfléchis qui cherchent à échapper  aux conclusions qui paraissent en découler…Notre-Seigneur nous dit que l’immense influence  de la majorité des hommes avec qui nous vivons, s’ajoutera encore à notre propre faiblesse et à nos inclinations mauvaises  pour nous entraîner.  Toujours nous aurons contre nous la multitude…Oui, prenons-en notre parti,  toujours nous aurons à lutter contre la multitude.  C’est l’exemple de la multitude qui toujours a retenu,  comme il retient encore,  tant d’âmes dans la poursuite de la perfection.  C’est l’exemple de la multitude parmi les catholiques  qui fournit toujours à ceux qui n’appartiennent pas encore au bercail  de l’’Eglise un prétexte pour ne pas y entrer.    C’est l’exemple de la multitude des soi-disant chrétiens  qui ferme à toute l’évidence de l’Evangile les cœurs de millions d’incrédules ».

 Et, parlant des monastères,  notre pieux auteur ajoute ceci : « Eh bien! Là aussi,  l’exemple de la multitude devient  parfois funeste à la perfection…Ces négligences dans une vocation si haute, …supposent un manque de fidélité et de correspondance à la grâce dont il est impossible de prévoir toutes les conséquences ».

 Luc X11, 24 : « Le sens paraît être assurément que ceux qui entrent par la voie étroite  sont peu nombreux,  tandis que  la plupart suivent la voie large qui conduit à la perdition ».

 21 Ceulemans,  S.T.D.

  Brillant  professeur d’écriture sainte  dans le séminaire de Mechlin,  il commente ainsi : il y en a peu qui la trouvent,  en Matt. V11,14 : « La voie spacieuse s’offre d’elle-même,  mais celle qui est resserrée doit être cherchée avec zèle.  Cette voie conduit à la vie éternelle,  mais  il y en a peu qui la trouvent et qui la suivent.  De ces paroles du Christ,  il nous semble pouvoir déduire  que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des sauvés,  à la condition d’inclure les hommes de tous les temps.  S’il n’est question  que des seuls chrétiens ou des seuls catholiques,  c’est le doute qui a le dernier mot. »

 22 Knabenbauer, Jésuite

Nos  adversaires n’hésitent  pas à crier sur les toits et à  proclamer avec tambours et trompettes que cet exégète érudit et très célèbre  est  de l’avis que les élus sont en plus grand nombre que les damnés.   Sur quelle base  s’appuient-ils  ?  Que le lecteur en juge.

 En Matt. V11 :  il y en a peu qui la trouvent,  il parle du petit nombre de ceux qui obtiennent le salut : «  La difficulté de la chose est démontrée par le petit nombre qui la trouvent.  Il faut donc la rechercher soigneusement,  ce qui revient à dire qu’il faut opérer son salut dans la crainte et le tremblement.      Quand Jésus dit :  ils sont peu nombreux,  il parle de la lâcheté d’un grand nombre,  et met en garde ses auditeurs de ne pas  s’attarder  à la pensée du succès  et de la prospérité du grand nombre,  ni  aux épreuves  du petit nombre.  Il ne faut pas faire de cas de la multitude,  ni se troubler  de sa désinvolture,  mais imiter le petit troupeau.  Il faut donc prêter attention non à ce qui change,  mais à ce qui demeure.

 Si l’on considère l’époque de la prédication de Jésus,  ils étaient certainement peu nombreux  les êtres humains pris dans leur ensemble  qui obéissaient généreusement à loi naturelle inscrite dans leurs cœurs,  et qui se gardaient à l’abri des voluptés illicites, des vices et des péchés.   Parmi les Juifs eux-mêmes,  les Pharisiens et les scribes  qui rivalisaient entre eux dans l’observation littérale de la loi,   étaient infectés de plusieurs vices.  Que penser des autres,  les Sadducéens et les Hérodiens,  qui, après avoir méprisé la loi,  se tenaient dans la zone d’influence des étrangers ?  Que penser de la masse du peuple ?   Voyez Matt. 11,21,23-37.  Luc, 13,2,5, etc… C’est donc avec raison que Jésus dit : ils sont peu nombreux…

 Et qu’en est-il aujourd’hui ?  Qu’en est-il au cours des siècles en général ?   Ce que saint Jérôme a écrit demeure vrai : « La voie large  est la volupté du monde que convoitent les hommes.  Beaucoup marchent par la large,  peu par l’étroite.  La large,  point n’est besoin de la rechercher  ni de la découvrir.  Elle s’offre spontanément d’elle-même et elle est la voie des égarés.  Celle qui est étroite,  tous ne la trouvent pas ,  et ceux qui l’ont trouvée n’y entrent pas tout de suite.   Bien plus,  plusieurs,  après avoir trouvé le chemin de la vérité,  fascinés par les voluptés du siècle,  rebroussent chemin. »     Le Seigneur nous enseigne : « si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements.  Les commandements,  voilà la voie et la porte étroite.    Il est difficile à l’homme charnel de marcher sous la garde intégrale des commandements de Dieu ,  et,  dans tout le genre humain,  combien penses-tu qu’ils sont à marcher constamment dans cette voie ?  Ne sont-ils pas peu nombreux ? »

 23 Fr.  Allioli,  1873

Il enseigna les langues orientales  et occupa une chaire d’exégèse et d’archéologie .  Mais il fut connu par sa traduction de l’Ecriture   qu’il annota.     En Matt. XX, 16 : beaucoup d’appelés,  peu d’élus.  « Beaucoup, il y a plus,  tous  sont appelés de Dieu à son Royaume, mais un petit nombre seulement arrivent à la félicité éternelle.   Voici comment on peut joindre ensemble cette sentence de la sagesse :  beaucoup d’appelés mais peu d’élus,  et celle touchant les premiers et les derniers : les derniers seront les premiers et les premiers les derniers.  Ne vous étonnez pas que les premiers soient les derniers et les derniers soient  les premiers,  comme  l’expose au long la parabole.  Car il arrive même que quelques-uns qui ne sont point du tout reçus,  ne sont absolument rien.   Plusieurs ne correspondant pas à la vocation, où,  n’y coopérant pas fidèlement,  d’où il suit qu’il n’y en a relativement qu’un petit nombre qui arrivent à la béatitude (Suarez).

 Et au chap. XX11, 14 « …De sorte qu’on peut dire  en général,  qu’eu égard à l’humanité toute entière,  le nombre de ceux qui sont élus pour la béatitude éternelle  est petit. »

 24 Van  Steenkiste

Le saint Evangile selon saint Matthieu, troisième édition soigneusement revue, et réimprimée en 1880, aux numéros 267, 268.  C’est le passage sur la porte étroite qui lui a donné l’occasion  de dire ce qu’il pensait sur le sujet.  En effet,  cet auteur très érudit  examine de près  ce qu’il appelle lui-même  la question scripturaire du nombre des élus.  Il pose d’abord  une question générale : « Qu’est-ce que la sainte Ecriture, et, en particulier, l’Evangile   enseigne sur le petit ou le plus petit nombre des élus? »     Cet illustre interprète  formule sa question de plusieurs façons différentes  et se réfère à plusieurs textes.

 En premier lieu,  il constate qu’on lit deux fois la phrase : beaucoup d’appelés et peu d’élus.  Le contexte du discours  semble donner raison  à l’opinion de ceux  qui  prétendent que l’un et l’autre passage  se réfèrent  à l’élection à la foi et à la grâce.   Mais d’autres paroles du Christ  insinuent  qu’il faut aussi y inclure  l’élection à la gloire ou la prédestination au ciel.  Et bien que Jésus applique sa  sentence   aux Juifs de son temps,  nous considérons qu’elle a une valeur universelle,  car celui qui prononce une phrase   qui vise quelques-uns en particulier, peut très bien en même temps formuler une vérité générale.  Cf. p.458. »     Nous reviendrons  bientôt sur  cette question,  ami lecteur.

 « Deuxièmement.  La déclaration de Jésus  sur la porte étroite  qui conduit à la vie et dans laquelle peu entrent,  se trouve en deux endroits :  en Matt. V11,14,  et en Luc X111, 24.    Luc affirme que  ces paroles de Jésus  se rapportaient aux juifs  de son temps …mais il ne faut pas en exclure un sens beaucoup plus large ,qui est celui des paroles de Jésus dans Matt.

 Troisièmement.  Dans la parabole du semeur,  ce n’est que la quatrième partie qui minote.  Ce qui laisse entendre que même après l’avènement du Christ, et en plein Nouveau Testament,  les bons sont en plus petit nombre.  Donc, toujours et jusqu’à la fin des siècles,  demeurera vrai ce qu’a écrit Jean  (1,V,19) :  Le monde entier est plongé  dans le mal. »   Il établit ensuite des comparaisons  entre ceux qui sont sauvés après le Christ  et ceux que le péché originel traîne jusqu’en enfer….Ensuite,  entre ceux qui sont disciples du Christ, etc….Il continue :

 « Quatrièmement.  Dans plusieurs paraboles,  l’Eglise est décrite d’une telle façon que  les bons semblent dépasser les mauvais en nombre. »  Ce qui le conduit à parler  des catholiques adultes,  à l’exclusion des hérétiques.

 Cinquièmement.  A la fin,  l’auteur traite de l’opinion  du petit nombre des élus,  en particulier,  de la façon dont Mabillon l’a développée : «  Quoiqu’il en soit de cette opinion,  je ne voudrais pas réduire le nombre des catholiques adultes  d’après  les règles comptables  de Massillon,  dans son célèbre sermon  sur le petit nombre des élus. »    S’étant ensuite demandé, en termes généraux,  ce que l’Eglise enseigne  du petit nombre ou du plus petit nombre des élus,  il ne conclut pas que nous n’en savons rien,  mais : « Concluons que nous n’en savons pas grand-chose et que ne n’est pas dans notre intérêt  de le savoir.  Une seule chose a de l’ importance,  c’est que,  quelle que soit l’étroitesse de la porte,  nous devons faire tous nos efforts pour y entrer. »       A la page précédente,  il avait pourtant dit :  « Les paroles de Jésus nous permettent de conclure avec certitude  qu’à  la fin des siècles,  la masse des réprouvés  sera plus grande que l’ heureux petit troupeau des élus.  Ceci est la sentence commune et véridique,  dit Suarez »

 Consultons maintenant le passage  particulier de la question  458  dans lequel l’auteur entreprend d’établir  ce que nous savons,  même si nous ne savons pas grand-chose.  Ici,  l’auteur  explique clairement ce qu’il voulait dire  au numéro 1,  et pose carrément la question : «  Les paroles de Jésus  (beaucoup d appelés,  peu d’ élus) nous permettent-elles de conclure  avec certitude  que le nombre des saints du Ciel est inférieur à celui des damnés ? »    Et il répond :  « Au sujet de cette question,  j’ai déjà  fait quelques remarques plus haut. Pp. 267,268.  Nous répondons  conformément à l’opinion que nous avons faite  nôtre,  que  la conclusion qui s’ impose est celle du plus petit nombre des élus.  Mais on objecte que cette conclusion ne s’accorde pas  avec deux paraboles  dont la conclusion est formulée par cette sentence : beaucoup d appelés et peu d’ élus.  Je réponds que dans la première parabole,  les gentils semblent jouir d une meilleure condition  dans le royaume des cieux, duquel la plupart des juifs sont exclus.   Dans la deuxième parabole,  un seul est rejeté , mais plusieurs n’entrèrent pas.

 Que dire donc de plus clair et de plus manifeste ?  Que ces textes  ont une valeur de preuve et non de démonstration,    si l’ on considère la fin première et le sens spécial de la parabole,  mais qu’ ils engendrent la certitude complète  si l’on se réfère  au sens  secondaire de la parabole et au sens de l auteur, comme le veut Van  Steenkiste.  Il est donc permis de conclure :  nous ne savons pas grand-chose là- dessus,  et d’ ajouter  qu’il est permis de conclure que le nombre  des élus du ciel est inferieur à celui des damnés.  C’est ainsi que parle Jean de saint Thomas et la plupart ».

 Comment notre auteur entend-il l’interprétation de Beelen, non pas du premier passage Matt. XX,16,  mais d’ un autre,  ch. XX11,14 ?  Ses paroles ne font que confirmer  nos dires sur le professeur de Louvain : «  Que signifie la conclusion de la parabole : beaucoup d appelés, , peu d’élus? »      Il répond : «  Luc. Brug. Klofutar,  Beelen  entendent la conclusion  de la parabole dans ce sens :  parmi les gentils appelés à la foi,  les élus proprement dits seront peu nombreux,  i.e.  ceux qui sont admis au ciel.   Il s’ensuit donc  que parmi les catholiques ,-- ceux qui appartiennent à la vraie Eglise du Christ--,  le nombre des bienheureux sera inférieur à celui des damnés. »

 « Quelle fin se proposait le Christ,  se demande Van Steekiste ,  quand il nous a présenté cette parabole  ? »  Et il répond :  «  La  fin première est de déclarer aux Juifs  qu’ils sont exclus du salut évangélique  et sévèrement punis  pour avoir prévariqué.,  et que les gentils seront admis en leur lieu et place.   La fin secondaire  repose dans la dernière partie  de la parabole,  et signifie  que  ne seront pas sauvés   tous ceux qui embrassent la foi et deviennent membres de l’Eglise,  mais qu’en plus de la  foi,  l’état de grâce  ou la vie sainte est nécessaire au salut. »

 25 Leonardus Klofutar

Ce docteur en théologie , professeur public  et ordinaire  des études bibliques  du Nouveau Testament  à l’ institut d’ études diocésain  de Labacens,  et conseiller épiscopal  permanent  et examinateur au synode,  a eu accès à des sources et à des secours excellents , i.e. aux  travaux exégétiques  des   Allemands  qu’ ils viennent tout juste de mettre en circulation.  Voici quelques noms : Aug. De Berlepsch,  F. Xav Patrizzi,   P. Schegg,  Aug. Bisping, Wilh,  Reischl, Jos. Langen ,  Allioli,  Kistemaker,  Massl,  Adalbert Maier,  Jord, Chr. Kuinoel, de Wette,  G. Roshenmuller,  Wieseler,  Friedlieb, etc..

 Il n’est  donc  pas étranger aux interprétations les plus modernes , et il a scruté à  la loupe leurs méthodes exégétiques,  de sorte qu’on peut dire , sans crainte de se tromper,  que dans un seul auteur, nous avons le sentiment des modernes.  Voici, donc, bienveillant lecteur, ses propres paroles  en Matt : il y a beaucoup d’ appelés : «   Ces paroles sont,  la plupart du temps,  expliquées ainsi : Beaucoup sont appelés à la béatitude éternelle,  sans être élus,  parce qu’ ils ne sont pas fidèles à leur vocation.  Mais cette explication ne peut pas être encore admise.   Dans ce passage,  ceux qui sont invités sont  les plus importants,  l’élite.    Mais si ces mêmes mots  (beaucoup sont appelés) etc..et ces autres  de Matt.  (XX11,14,)  reviennent ailleurs dans un autre sens,  ce n’ est pas une objection  à notre explication,  parce que le contexte des deux passages est différent.    Dans cet autre texte de Matt.  de XX11,14 : car plusieurs sont appelés et peu sont élus,  il faut lire : beaucoup sont appelés au royaume messianique, i.e. au salut, et  seront damnés.  Car,  peu nombreux sont ceux qui,  élus par un décret divin, participeront véritablement au salut dans l’autre vie.  La cause de l’appel universel  se trouve dans l’amour de Dieu qui veut sauver tous les hommes.   La cause de l’élection d’un petit nombre est la prescience infaillible de Dieu du mépris par le grand nombre du salut offert.   En outre,  quand le Christ dit que beaucoup sont appelés,  il ne faut pas en déduire  que ce ne sont pas tous les êtres humains qui sont appelés à  la béatitude éternelle.  On dit beaucoup  à la place de tous,   pour les mettre en opposition  avec les peu nombreux  qui jouiront vraiment de la béatitude,  car la totalité semble n’être qu’un grand nombre  quand elle est mise en relation avec le petit nombre.  L’intention du Christ n’était pas de mettre l’insistance sur la multitude. »

 Enfin,  en Luc, il parle ainsi  : «  Seigneur, s’ils  sont peu nombreux à  être  sauvés,  i.e.,  Seigneur,  sont-ils peu nombreux  à parvenir à la béatitude éternelle ?  i.e. qui seront  les convives au royaume messianique consommé ?   .  L’ interrogateur était certainement un disciple qui était bouleversé   par la sévérité   des choses que  Jésus imposait à ses disciples,  et par l’attitude récalcitrante  de ceux qui refusaient d’accueillir sa doctrine.   La particule ei  dans une interrogation directe a la même valeur qu’en grec : Pereron, an, num.    A la question posée,  Jésus répond  de façon  à faire comprendre pourquoi  il y en a plusieurs à ne pas être sauvés,  et,  en même temps,  il exhorte tous et chacun   à travailler de toutes leurs forces  pour devenir participants du salut. »
 
 

  Paragraphe 2 UN ILLUSTRE EXEGETE MODERNE

   REVENDIQUE PAR CASTELEIN

     SANS DROIT (p.264)
 

 Notre contradicteur  range  parmi ses partisans «  les deux plus savants exégètes du siècle, Mgr. Beelen et le P. Knabenbauer ,   jésuite », (p.64, et Le Patriote, 4 mars  l899).

 Nous avons déjà recensé  la doctrine du P. Knabenbauer  relative au petit nom de ceux qui  passent à la vie éternelle.    Il nous reste donc à nous prononcer sur  Cl. Beelen.

  Que le lecteur se rappelle avoir lu plus haut  que  le  beaucoup- d’appelés- peu- d’élus,  apparaît à deux reprises  chez Matthieu,  une fois au seizième verset du  chapitre vingtième,  et une autre fois  au quatorzième verset du chapitre  vingt-deuxième. Voici l’interprétation de Beelen pour chacun des deux textes.    Dans le premier passage  (XX,16),  de l’authenticité duquel plusieurs ont l’audace de douter,  le très célèbre exégète,  avec hésitation et modestie,  reconnaît là un degré plus ou moins grand de sainteté,  comme le dit Castelein.   Mais Beelen affirme  formellement  que le  beaucoup- d’appelés- peu- d’élus, a un autre sens dans le second passage de Matthieu.  Voici comment il s’exprimait en flamand : « Multi vocati…Ces paroles confirment  ce qui précède immédiatement : c’est ainsi que les derniers seront les premiers, etc..  Le sens me semble être le suivant :   parmi ceux qui ont été appelés tôt ou tardivement, généralement parlant,   peu seulement porteront le nom de  choisis  ou d’augustes  ou de saints.  Dans le chapitre XX11, 14,  la même sentence reparaît,  mais avec un autre sens.  Voyons donc quel est cet autre sens donné par le texte.

Dans le deuxième passage, (XX11,14),  cet autre sens présenté par Beelen n’est autre  que le sens communément reçu.  Il ne s’applique pas aux Juifs,  ni à ceux  qui occuperont les meilleures places,  mais à tous ceux qui sont appelés à la foi et au salut,  et à ceux qui,  parmi eux,  remporteront le prix au  jugement dernier.  Voici les paroles de Beelen  qui définissent cet autre sens : « Plusieurs appelés…Cette sentence  ne porte pas sur la parabole dans son entièreté,  (sur les invités aux noces royales)   mais seulement sur les versets 9 à 13. »   Et il explique le sens des paroles du Christ :  là,  il y aura des pleurs et des grincements de dents.   « Dans cette partie de la parabole,  dit-il,  il s’agit de la vocation de tous indistinctement,  et même des gentils,  aux joies de la grâce et du salut éternel.   La venue du Roi  indique le jugement universel,  et l’homme expulsé  représente ceux  qui, bien qu’ils furent autrefois appelés  à la foi et au salut,  sont diagnostiqués  sans grâce sanctifiante…et il périront pour toujours. »

Voilà donc cet autre sens découvert par le très illustre exégète de Louvain .   Dans le chapitre XX,16,   le  peu d’élus  signifie peu de saints,   et dans le ch. XX11, 14,  l’auteur  conserve aux mots leur sens propre et naturel,  et  peu d’élus  signifie  peu d’élus.  (phrase entrelardée de mots flamands).    Il convient d’ajouter que les paroles : beaucoup d’appelés, peu d’élus,  sont associées par l’auteur  aux paroles précédentes de Jésus,  et expliquent pourquoi  s’élèvera  un tsunami de vociférations  : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.   Une lamentation  si abyssale peut-elle s’expliquer par l’expulsion d’un seul ?  Si l’on suppose une nuée cosmique  de damnés,  en comparaison desquels les élus paraissent peu nombreux,  il est facile  de comprendre la raison des pleurs désespérés. »   Beelen répète ensuite la même chose en flamand.

 Après avoir entendu ces paroles,  que le lecteur  studieux et consciencieux  juge  si elles donnent au P. Castelein le droit de tant fanfaronner  à propos  de l’interprétation que l’exégète donne  au premier texte de Matthieu,  quand on constate  que l’illustre auteur, dans l’autre passage considéré comme plus authentique,  non seulement  n’appuie pas Castelein ,  mais  se déclare en faveur de l’opinion communément admise.   Cette doctrine de Beelen  cadre parfaitement avec le commentaire qu’il donne  aux épitres et aux évangiles de chacun des dimanches de l’année liturgique.   Au dimanche de la Septuagésime,  dans 1, Cor. 1X, 24---X,5,  pour éviter la perdition éternelle  et l’exclusion de la Béatitude,  il prévient,  comme saint Paul,  que la profession de foi ne suffit pas,  mais qu’est exigée  une vie chrétienne saintement menée, avec toutes ses contraintes.    En témoignage de quoi,  il rappelle  le décès  de tous les juifs dans le désert  et leur exclusion de la terre promise,  parce que la plus grande partie d’entre eux n’avait pas plu à Dieu.  (deux ou trois phrases en flamand)

Il semblerait donc que Castelein  cite Knabenbauer  et Beelen  comme il citait saint Alphonse et saint François de Sales .  N’affirme-t-il pas  que ses idées sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture Sainte  et des enseignements de  nos plus grands théologiens ?  L’étonnement que la vulgarisation  de pareilles idées suscite…etc »    Et c’est avec le plus grand sérieux du monde  que E.T. se fait son chantre : « L’auteur fait preuve d’une grande compréhension de l’Ecriture,  d’une solide érudition exégétique.  Cet avantage lui permet des interprétations  que n’oserait pas un esprit moins armé,  mais dont la sage hardiesse se base  sur des motifs qui entraînent la conviction du lecteur instruit et non prévenu ».
p.267 fin.
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Chapitre 6 : OBSERVONS LA FACON DONT LES MODERNISTES  SE COMPORTENT ENVERS LES PERES DE L’EGLISE ET LA FACON DONT ILS LES INTERPRETENT. p.269-346

 
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ajout (1er septembre 2010)
[Marie-Madeleine de Pazzi, Oeuvres de Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, carmélite, recueillies par le R. P. Laurent-Marie Brancaccio, carme de la stricte observance du couvent de Sainte Marie della Vita, à Naples, traduites de l'italien par le P. Dom Anselme Bruniaux, prieur de la chartreuse de Valbonnne, éditées par Victor Palmé, Paris, 1873, tome 2, p.46, "car l'homme n'a pas compris sa haute dignité, il s'est abaissé jusqu'à la brute, et il est devenu semblable à elle (cf. psaume 48, verset 21). Il [l'Esprit Saint] frappe aussi cette pierre dans le désert du Paradis (je l'appelle désert à cause du petit nombre de ses habitants comparés à ceux de l'Enfer) et nous obtient en grande abondance les eaux de la grâce, qui remontent ensuite vers leur source et nous emportent avec elles dans la vie éternelle."]

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