Approbation du 5 mai 1899.
Imprimatur du 29
juillet 1899.
Dédicace à Beato Clementi-Maria
Hofbauer.
Préface de la 3ème édition,
état de la question,_p.I-XVIII
Chapitre 1 : La
question du nombre des élus n'est pas une question purement théorique,
elle est riche en conclusions pratiques_p.13-26
Chapitre 2 :
L'église penche en faveur du petit nombre des élus, bien
que ce nombre ne soit connu de Dieu seul_p.27-48
Chapitre 3 Ce
que les Saints et les Pères de l’Eglise disent sur le petit nombre
des élus_p.49-124
Chapitre 4 :
Les Théologiens et les Auteurs Ascétiques enseignent que
le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
; cependant, quelques uns enseignent que le petit nombre des élus
est de foi_p.125-229.
Chapitre 5 :
Le petit nombre des élus est une doctrine commune et vraie
selon les Exegètes (les interprètes de la Sainte Ecriture)_p.231-267.
Chapitre 6 :
La façon dont les modernistes se comportent avec les Pères
de l'Eglise et Comment ils les interprètent_p.269-346.
Chapitre 7 :
Les autres sophismes des modernistes_p.347-474.
Chapitre 8 Quelques
points particuliers tirés de la doctrine du père Castelein_p.475-508.
Epilogue_p.509-514.latin
Addition_p.515-518.latin
Table des matières_p.519-551.latin
Chapitre 1
Le problème du
petit nombre des élus est riche en conclusions pratiques, ce n’est
pas une question purement spéculative
1 La bonne semence est la doctrine du petit nombre de ceux qui doivent être sauvés. La doctrine contraire est la zizanie moderniste
2 Afin de tromper leur lecteurs inattentifs, les modernistes combattent le célèbre discours de Massillon Du petit nombre des élus
3 Mais ils passent sous silence le discours que saint Léonard de Port Maurice a tenu à Rome au sujet de cette même matière et que l’église a examiné et a approuvé indirectement.
4 Les écrits mêmes lorsqu’ils ont été approuvés par des supérieurs religieux ne livrent pas toujours une doctrine saine.
5 Les théologiens, l’utilité de notre question et l’expérience du confessionnal prouve cette utilité : ceux qui vont se confesser motivés par l’attrition.p.20
6 Les méditations judicieuses du très célèbre père Bourdaloue, S.J., dans sa prédication sur le petit nombre de ceux qui seront sauvés. p.22
Chapitre 2
Bien que le nombre des
élus soit connu de Dieu seul, toutefois la pensée de l’église
penche en faveur du petit nombre de ceux-ci
1 L’église approuvent les écrits qui enseignent que même parmi les catholiques bien peu sont sauvés
2 Et à l’inverse, en 1772, l’église a condamné complètement l’affirmation du père Gravina S.J., « il est vraisemblable que les élus sont de loin plus nombreux que les réprouvés. »
3 Déjà une décennie avant l’église a condamnée d’autres thèses tirées du même auteur relâché.
4 De la même manière, en 1761, Gravina a édité l’œuvre de Plazza, Du Paradis, dans le chapitre V duquel il s’efforce de rendre vraisemblable à ceux qui font des conjectures, l’opinion du plus grand nombre de ceux qui seront sauvés.
5 Il affirme que cette opinion déplait aux hérétiques et pourtant à l’aide d’arguments tirés des livres des hérétiques.
6 Trois arguments faux qui sont également produits par le père Castelein, etc.
7 Que « tous les païens et tous les infidèles obtiennent en masse le salut », Gravina qualifie cette proposition de scandaleuse pour les ignorants mais pas vraiment pour les théologiens
8 Il édite de manière séparée ce 5ème chapitre condamné, cette édition séparée a été condamnée.
9 Gravina a été réfuté immédiatement
10 Cette condamnation ne dérange pas du tout le Père Castelein qui, bien qu’il enseigne une doctrine pire, examine les motifs de la condamnation et trouve qu’ils n’ont pas été de mauvaise doctrine mais d’une foi informée [nourrie, animée] par des révélations privées ;
11 cependant ce sont des révélations de sainte Brigitte et des autres saints.
12 Les bons mots creux que dans le journal Le Patriote le [junior E.T. S.J.] alors qu’il entend défendre son maître le père Castelein.
13 Les deux citent faussement le père Monsabré en faveur de leur opinion.
14 L’église approuve l’opinion commune [du petit nombre ] de ceux qui seront finalement sauvés.
15 Quelques théologiens enseignent de manière libérale que la majorité des catholiques est sauvée, ce que cependant aucun saint n’enseigne.
16 Nos adversaires citent à l’appui
de leur opinion les deux derniers docteurs de l’église et méprisent
les autres
[Saint Alphonse de Liguori fut proclamé
docteur de l’église catholique en 1871 et Saint François
de Sales fut proclamé docteur de l’église catholique en 1877]
17 Mais saint Alphonse est cité faussement lui qui a écrit le contraire de leur opinion huit fois
18 Même saint François de
sales est cité faussement
p. 44 saint François de Sales
"les hommes sont tellement pervertis,
que dès leur adolescence ils ont quitté la voie du salut
et ont pris le chemin de perdition. Estant parvenus à l'aage de
raison ils prennent leur route à main gauche"
Sermon pour la présentation édition
1839 T. II. p. 381 col 2.
19 Nous pourtant nous invoquons l’autorité authentique des saints pour cette question et pourquoi le faisons-nous ?
20 ainsi en le faisant, nous obéissons à Léon XIII
21 Et nous suivons le conseil de saint
Ignace de Loyola
p.27-48
retour à
la table des matières
p. 49.
Chapitre 3 Sentences
des Saints et des Pères de l’Eglise
§ 1 Saints postérieurs aux pères de l’église
N°1 Saint Alphonse-Marie de Liguori
(+ 1787)
la Préparation
à la mort ou Considérations sur les Vérités
Eternelles
(aussi imprimé
avec le titre : La Bonne Mort ou Considérations sur les Vérités
Eternelles)
17ème considération
: l'Abus de la miséricorde divine, 1er point :
"C'est ainsi que
se perdit également Judas, car il pécha, dit saint jean Chrysostome,
en comptant sur la douceur et la bonté de son maître (homélie
sur saint Matthieu, 8 et 81). Bref Dieu supporte mais il ne supporte pas
toujours. Si Dieu supportait toujours personne ne se damnerait. Or c'est
l'opinion la plus commune que, même parmi les chrétiens, le
plus grand nombre de ceux qui parviennent à l'usage de la raison,
se damnent." (cf. p.165 de Préparation à la Mort, aux éditions
Saint Paul, 2001, ISBN 2850498718)
« La majeure partie des âmes
va en enfer à cause des péchés sexuels [péchés
d'impureté] : qui plus est, je n'hésite pas à affirmer
que ceux qui se damnent vont en enfer ou bien pour ce seul péché
ou au moins pas sans lui. »
Theologie Morale de Saint Alphonse
de Liguori, livre 3, N°413, [Lib. III. N°413].
« La route du ciel est étroite
et pour me servir d'une expression familière, les carosses
n'y passent pas; en sorte que vouloir aller au ciel en carosse, c'est y
renoncer. Bien peu d'âmes y parviennent parce que bien peu veulent
se faire violence pour résister aux tentations. »
Sermon pour le troisième dimanche
de l'Avent.
Dans une lettre adressée à
un évêque, saint Alphonse a écrit qu'un catholique,
venant à mourir l'année où il a fait (et bien fait)
sa mission, se damnera difficilement. S'appuyant sur cette lettre,
Mgr Bougaud lui fait dire, absolument, qu'un catholique se damne difficilement.
Il s'agit là d'une fausse interprétation de texte. Saint
Alphonse, en plusieurs de ses oeuvres, insiste sur la doctrine traditionnelle
du petit nombre des élus, comme l'ont toujours soutenu les religieux
de son ordre.
« Eh quoi ! pensez-vous peut-être
qu'il n'y a point de religieux en enfer ? Ah ! combien n'en verrons-nous
pas qui y seront damnées au jour du jugement ! Comme beaucoup d'entre
elles [les âmes ayant fait les voeux religieux] mènent une
vie pleine de péchés, au moins véniels, on a raison
de craindre que Dieu ne les vomisse et ne les abandonne à cause
de leur tièdeur. »
oeuvres complètes de saint Alphonse
de Liguori, oeuvres ascétiques, tome XI p. 248
(Casterman 1879).
« Notre Dieu est si bon et il a tant
d'amour pour nous qu’il désire ardemment d'être aimé
de nous ; c'est pourquoi non seulement Il nous a appelés à
son amour par invitations si multipliées dans les Saintes Ecritures
et par tant de bienfaits communs et particuliers, mais Il a voulu même
nous obliger à L'aimer, par un commandement exprès, en menaçant
de l'enfer ceux qui ne L’aiment point et en promettant le paradis à
ceux qui L’aiment. Dieu veut que tous les hommes se sauvent et qu'aucun
ne se perde, comme l'enseigne très clairement saint Paul ainsi que
saint Pierre. Il veut que tous les hommes se sauvent. Mais si Dieu veut
que nous nous sauvions tous, pourquoi a-t-il créé l'enfer
? Il a créé l'enfer, non pour nous voir damnés, mais
pour se voir aimé de nous. En effet, s'Il n'avait pas créé
l'enfer, qui L'aimerait en ce monde ? On voit la plupart des hommes
se livrer à la damnation éternelle plutôt que d'aimer
Dieu ; qui donc, je le répète, s'il n'y avait pas d'enfer,
qui L'aimerait ? Ainsi, le Seigneur a menacé d'un supplice éternel
quiconque refuse de L'aimer, afin que ceux qui ne L’aiment pas de leur
bon gré L'aiment au moins de force, par crainte de l'enfer. »
« Quand nous arrivons en quelques
lieu, - écrit saint Alphonse de Liguori à ses missionnaires,
- nous y trouvons le plus grand nombre des habitants dans la disgrâce
du Seigneur, où les tient enchaînés le péché.
» Circulaire 29 juin 1774. Et il parlait de villageois aussi
catholiques et aussi pieux du royaume de Naples au XVIIIème siècle.
Que dirait-il de nos Sodome et Gomorrhe actuels ?
"Or, comment pourrait-on jamais dire que
les rites pratiqués à l'égard des défunts sont
un culte sacré, quand communément parlant, on n'a pas connaissance
de l'excellence de leurs vertus ? On doit savoir aussi que
parmi
les fidèles défunts, beaucoup sont damnés,
et cependant ces rites se pratiques indifféremment à l'égard
de tous; donc on doit dire que l'Eglise n'admet pas que ces rites constituent
un culte sacré."
Instruction Pratique pour les Confesseurs,
Chapitre V Du second principe, premier point du Blasphème, tome
1, p.276, ce passage se trouve dans la Lettre réponse à
la lettre apologétique écrite pour la défense de la
dissertation sur l'abus de maudire les morts, Oeuvres Complètes,
tome 23, édition Parents-Desbarres, éditeur, Paris,
N°2 Saint Léonard de Port Maurice (+1751) p.51
"Pour résoudre le doute proposé,
déroulons d'un côté tous les saints Pères, tant
grecs que latins, de l'autre les théologiens les plus savants...Puis
faites attention, non à ce que moi je vais dire, mais à ce
que vont dire ces grands génies qui servent comme de phares dans
l'Eglise de Dieu pour éclairer les autres, afin qu'ils ne se trompent
pas sur le chemin qui mène au ciel.
Remarquez toutefois qu'il ne s'agit pas
ici de la masse du genre humain tout entière, ni de tous les catholiques
sans distinction, mais seulement des catholiques adultes.
Deux éminents cardinaux, Cajetan
et Bellarmin, appuyés sur le savant Jean d'Avila [déclaré
bienheureux par l'église catholique romaine en 1970], se prononcent
d'un commun accord contre le sentiment des libertins et déclarent
ouvertement que selon eux, la majeure partie des chrétiens adultes
se damnent.
Suarez, après avoir consulté
toutes les autorités, après avoir tout pesé, a écrit
ces mots: "le sentiment le plus commun tient que, parmi les chrétiens,
il y a plus de réprouvés que d'élus. Communior sententia
tenet ex christianis plures esse reprobos quam praedestinatos." (note de
Godts en bas de age 52 à traduire, cf. chapitre IV))
(à suivre
page 52)
( à partir
de la page 53)
Saint Léonard confirme
les déclarations de ces saints-là par un argument terrible
qui devrait exciter, en nous prêtres, la
peur du péché et des occasions de pécher, et
un zèle ardent pour l’obtention de notre sanctification
: (en français dans le texte).
N°3 Vénérable
Janvier-Marie Sarnelli, c.s.s.r. p.54. (+1744) p.54
déclaré vénérable
en 1874.
Vénérable Gennaro
Maria Sarnelli 1702-1744
Ami intime, « frère jumeau
» de saint Alphonse de Liguori, qu’il rencontra au palais de Justice
de Naples où tous les deux étaient avocats, il fit parti
du premier groupe de jeunes prêtres et séminaristes
autour de saint Alphonse. Mort d’épuisement à 42 ans
Ds D.S. T.XIV col.352-352
Sac. Cong. Rit. Proc. Beatif. Ejus. Pos.
Super dub. n°34 et 35
Pour célébrer la mémoire et le nom de cet illustre serviteur de Dieu, il suffira de dire une seule chose, à savoir qu’il a eu pour panégyriste et chantre de ses mérites et de ses vertus nul autre que saint Alphonse, éminent docteur de l’Eglise et son guide spirituel. Il brûla d’un zèle ardent pour la conversion des pécheurs, lequel il manifesta en se mettant à la recherche des brebis les plus égarées, c’est-à-dire, les prostituées, femmes qui se damnent elles-mêmes et qui en attirent un grand nombre au péché. Il l’a montré aussi par ses écrits raréfiés et vieillis, dont on continue à tirer profit, selon son propre aveu : « Je veux continuer à prêcher jusqu’au jugement dernier », de sorte que ceux qui sont instruits par les exhortations de cet homme apostolique gagnent sans cesse à Dieu d’innombrables âmes.
Cet apôtre docte et très zélé dans son livre intitulé le monde sanctifié, présente une méditation spéciale sur le plus grand nombre des damnés : «La plus grande partie des fidèles se damne. » Cette méditation commence ainsi : « Considère comment se précipitent d’eux-mêmes dans l’abyme des tourments éternels d’innombrables chrétiens ».
« L’opinion la plus commune des docteurs grecs et latins qui sont les interprètes des oracles et des mystères sacrés, opinion fondée en raison et sur les divines écritures, est que la plus grande partie des fidèles qui meurent après l’âge de raison sont damnés. Pour que quelqu’un soit sauvé, il faut qu’il s’abstienne du péché. Mais comme sont peu nombreux ceux qui font le bien et nombreux ceux qui font le mal ! »
Ensuite, parlant du tort que
se font tant de catholiques avec leurs mauvaises confessions,
il déclare, à la suite de saint Jean Chrysostome :
« Une telle confession n’est rien d’autre qu’une pénitence
théâtrale ! » Il conclut ensuite
ainsi en exhortant les lecteurs : « Rappelez-vous que
pendant notre vie on nous appelle des voyageurs parce
que nous tendons vers la patrie. Nous cheminons vers la bienheureuse
éternité ou vers l’éternité
de la damnation. Contemplez par la pensée l’ensemble
des hommes de la terre tombant en même temps que vous
dans l’une ou l’autre éternité. Innombrables
sont ceux qui se dirigent d’une course effrénée
vers l’éternité de l’enfer. Très peu de chrétiens
se dirigent vers l’éternité du paradis.
Et devant un spectacle si funeste , déplorez la damnation
de tant d’âmes malheureuses. Considérez
alors vers quelle éternité vous vous êtes
dirigés pendant la majeure partie de votre vie, et vers
laquelle vous vous dirigez encore. Si vous courez avec la multitude,
vous serez damnés avec la multitude. L’esprit contrit,
rebroussez chemin. Inaugurez une nouvelle forme de vie. Il se peut
que quand vous le voudrez vous ne le pourrez plus. «
Cherchez à entrer par la porte étroite, parce que beaucoup,
je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront
pas ». Quel grand soin vous devez prendre pour
faire de bonnes confessions ! Confessions mauvaises, hélas
! combien d’âmes vous avez jetées en enfer ! Chrétiens,
efforcez-vous de faire de bonnes confessions, afin d’opérer
votre salut ! »
N°4 Saint Claude de la Colombière, s.j.= jésuite (+1682)
Aux saints déjà canonisée ajoutons ce serviteur de Dieu dont la cause est introduite à Rome et dont les écrits recevront bientôt l’approbation de l’Eglise, comme nous l’espérons. Entre autres choses, il enseigne ceci : (en français dans le texte)
(p.58) Cet homme savant et très
pieux a proféré ces terribles paroles non
sous le coup de l’improvisation , non dans l’emportement d’un mouvement
oratoire, mais il les a déposées sur le papier
calmement et paisiblement, lui, le directeur de conscience
de Marguerite Marie Alacoque, et le très doux ami du Cœur
de Jésus. A l’évidence, Claude de la Colombière
ne fut pas un bénigniste. Mais qui oserait
l’appeler un rigoriste, un terroriste ou un janséniste ?
N°5 Saint Vincent de Paul (+1660)
Aimé de Dieu et des hommes,
ce saint aimable dont la mémoire est en bénédiction,
affirme pourtant crument : (en français dans le texte voir
le livre en pdf)
N°6 Vénérable Louis
de Ponte, s.j. (+1624)
Luis de la puente (nom espagnol) 1554-1624
jésuite espagnol qui a joué un rôle dans le développement
de la dévotion au Sacré Coeur de Jésus
Novice sous la conduite du
maître des novices Balthazar Alvarez, qui fut parfois
un des confesseurs de sainte Thérèse, qui enseigna
ensuite la philosophie et la théologie, et qui remplit plusieurs
fois la fonction de maître des novices et de recteur,
il choisit judicieusement comme directeur spirituel
Suarez, qui était alors une lumière de la théologie.
« Etendons-nous sur l’autre partie de la sentence : beaucoup sont
appelés, mais peu sont élus. Comme
parmi tous les hommes de cet univers qui sont appelés par
Dieu à recevoir la foi et la grâce, plusieurs sont des
pécheurs, qui résistent à cet appel,
peu sont justes et peu sont élus pour parvenir
au ciel, après avoir répondu à l’appel,
de la même facon, même parmi les justes eux-mêmes,
qui sont appelés à la vie parfaite, plusieurs résistent
à cet appel, vivant dans la tiédeur et
se contentant de peu, et un petit nombre seul est vraiment appelé
et élu. Car ce qui est précieux est toujours
rare. O Dieu infini, toi qui appelles tous les
êtres humains et les invites à suivre le chemin de la
perfection, je supplie ta Majesté d’augmenter
le nombre des élus, pour que beaucoup soient parfaits comme
toi Tu es parfait. Fais en sorte, Seigneur, que
je sois un de ceux-là, répondant à la perfection
de ma vocation pour qu’en moi et par moi tu sois glorifié
pendant les siècles. Amen. »
N°7 Saint Robert Bellarmin,
Docteur
de l'église, s.j. (+1621)
cardinal.
Ce vénérable cardinal et serviteur de Dieu, gloire de la société de Jésus, que nous considérons devoir bientôt être béatifié, a développé cette thèse dans les termes suivants : « Que personne ne conclue du fait qu’on ne puisse compter le nombre des élus provenant des gentils, que le nombre des élus sera plus grand que le nombre des réprouvés. Certes, le nombre des élus chez les Gentils sera plus élevé que chez les Juifs. Mais le nombre des élus sera plus petit tant chez les Hébreux que chez les Gentils. » Un peu après, l’écrivain pieux et savant ajoute ceci : « La même idée peut trouver une confirmation auprès d’Isaïe dans sa description du petit nombre qui seront sauvés à la fin du monde au moyen de deux comparaisons , dont l’une est la vigne après la vendange et l’autre l’extraction des huiles , choses qui provoquent un sentiment d’horreur. C’est ainsi qu’Isaïe parle de la fin du monde : Voici que Dieu dévaste la terre et la ravage Et plus loin : Car il en est au milieu de la terre parmi les peuples comme au gaulage de l’olivier, comme pour les grappillons quand est finie la vendange.
Le nombre des réprouvés sera donc semblable à la multitude des olives qui tombent par terre quand on secoue l’arbre. Le petit nombre des élus, par contre, sera semblable au petit nombre d’olives qui échappent à l’abattage et demeurent à la cime des branches, et que l’ont fait tomber ensuite séparément. De la même façon, la multitude des réprouvés est comparable à la vendange au cours de laquelle on remplit des vases avec les grappillons (?) lesquels sont récoltés par beaucoup de vendangeurs (?) . Le petit nombre des élus est comparable au petit nombre des grappillons (?) que l’on trouve par hasard dans la vigne , une fois la vendange finie . » Et dans un autre livre, il dit non moins clairement : « Comme le nombre des damnés est plus grand que celui des élus. »
N°8 Saint Pierre Canisius, Docteur de l'église, s.j. (+1597)
Ce saint et ce savant, annotant l’évangile de la septuagésime : « Je reconnaîtrai, dit-il, et je prêcherai le juste jugement de Dieu qui venge sur les mortels ingrats le mépris de sa grâce et de sa bonté suprême en n’élisant qu’une petit nombre du grand nombre d’appelés à l’Eglise et à la profession de foi. » Et peu après : « Parce que le Christ affirme souvent dans l’Evangile que beaucoup sont appelés et que peu son élus, je devrai sans cesse me prémunir contre l’exemple de ceux qui, bien qu’ils soient appelés, qu’ils se maintiennent dans la vigne et qu’ils croient avec l’Eglise, répondent cependant mal à leur appel, et qui, en conséquence, comme des sarments rejetés parce qu’ils ne portent pas de fruit, seront jetés dans les flammes de l’enfer.. Comme se lamentant sur le petit nombre des élus, le Christ a dit : Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et peu la trouvent. Je devrais encore être moins troublé par la foule et la multitude des pécheurs, qui s’imaginent avoir le droit de faire tout ce qui leur plaît. Le nombre des sots, en effet, est infini. » Voilà ce qu’avait à dire sur ce sujet Pierre Canisius qui est compté parmi les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, à cause de sa sainteté qui est jointe à une solide doctrine.
N°9 Saint Thomas de Villeneuve
(+1555)
Ce prédicateur évangélique
éloquent et miséricordieux parlait ainsi à ses
fidèles : « Comme nous désirons tous savoir si
beaucoup seront sauvés parmi ceux qui vivent la vie commune
au chrétiens ! Ils viennent dans les églises,
entendent les messes, ils reçoivent les sacrements,
ils conservent leur foi intacte. Est-ce que cette vie qui est
commune aux chrétiens suffit au salut ? O quelle
est la terrible l’invitation du Seigneur, combien elle est
redoutable : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.
Les apôtres posèrent autrefois cette question au Rédempteur
: Seigneur, sont-ils peut nombreux ceux qui seront sauvés
? Examinons avec soin ce qu’Il leur a répondu
: Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car resserrée
est la voie qui mène à la vie, et peu y entrent.
« La voilà la réponse : peu
seront sauvés. Quelqu’un pourrait penser que peu sont
sauvés parce qu’alors comme aujourd’hui, les infidèles
sont plus nombreux que les fidèles. Mais écoutez
attentivement ce qu’il dit des appelés, ce qu’il dit
des fidèles : Beaucoup sont appelés, peu son élus.
Même de ceux qui ne sont pas appelés seulement à la
foi mais à quelque genre de vocation. Hélas!
Hélas! Parmi beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Parmi le grand nombre de ceux qui sont appelés à la
prêtrise et à la vie religieuse, peu d’élus
! Que faire alors ? Devons-nous nous
abandonner au désespoir ? Cela n’a pas été
dit pour que nous broyions du noir, mais pour que nous
veillions plus diligemment. Car si, parmi cette
grande multitude dont nous sommes, un seul devait
être sauvé, et si cela se savait, je n’hésiterais
pas à le proclamer. En toute sincérité,
pourquoi un Dieu dont on prêche par-dessus tout la miséricorde
permet-il qu’une si grande multitude périsse ?
Je réponds : la perversité des maux veut rejeter
sur Dieu sa faute. C’est un grand blasphème !
Si plusieurs se damnent, Dieu n’est pas la cause de la damnation,
mais du salut. Comme Il le dit lui-même par le Prophète
: Ta perte provient de toi, Israël, mais ton secours ne vient
que de moi. Il faut noter avec tremblement
que beaucoup sont appelés et peu d’élus.
Beaucoup d’ouvriers, et peu qui perçoivent le salaire.
O comme elle redoutable cette sentence et terrorisante !
Qui le dit si ce n’est l’employeur, à qui il revient
de remettre aux employés leur salaire ? Croyez-moi,
mes frères, croyez en ce que je vous ai souvent répété
et déclaré . A moins que vous ne travailliez courageusement,
en allant au-delà de ce que vit le peuple et la foule,
vous ne recevrez pas la récompense. Malheur aux miséreux
qui ont peiné, qui ont perdu le fruit de leurs labeurs,
et qui ont trouvé le feu pour leurs peines. Souvenez-vous,
mes frères, que vous êtes des ouvriers, que vous
avez été appelés à la vigne.. Un
ouvrier qui joue et gambade toutes la journée, mange et boit
et ne travaille pas, quelle récompense recevra-t-il la nuit
de son maître si ce n’est des verges et des bastonnades ?
L’employeur est le grand roi, l’ouvrier est l’évêque,
le religieux, la femme et l’homme ». Voilà ce
qu’a à dire ce coryphée éloquent et si
miséricordieux.
N°10 Vénérable Denis le Chartreux (+1471)
En Job, chapitre XX1, 33 : « Et il attire tout homme après lui ». i.e., dit-il, la peine infernale en acquiert et en accapare un grand nombre de tous les états, de tous les grades et de tous les genres. .Ils sont tellement nombreux que les autres en comparaison sont peu nombreux, et à cause de leur multitude , on dit « tous », comme dit l’Apôtre : « Tous recherchent leurs propres intérêts ». De même, dans le livre : de la voie étroite du salut et du salut du monde , en Matthieu V11 : Il y en a peu qui la trouvent . « C’est le Christ qui a prononcé ces paroles, et que pouvait-Il nous dire de plus horrible, et de plus terrible ? Certes, cela suffirait à terrifier nos cœurs si le Christ n’avait rien dit d’autre que : la voie du salut est étroit, et large celle de la perdition. D’où il appert à quel point il est difficile de se sauver, et facile de se perdre. Car, vraiment, en disant que peut trouvent la voie étroite du salut et qu’un grand nombre déambulent dans la voie large de la perdition, il insinue de toute évidence qu’il y en a peu de sauvés et beaucoup de damnés. »
Ce qu’il affirme plus clairement encore ailleurs : « Plusieurs etc », dit-il. « Qui, à l’audition de ce mot, ne tremblote pas de peur, et ne se lamente pas, si vraiment il est un fidèle et s’il a reçu en lot une foi éclairée ? La foi chrétienne est d’une telle nature, elle est tellement grande, si élevée et si ardue que même si nous savions en toute certitude que tous les hommes qui ont existé , existent et existeront seront sauvés à l’exception d’un seul, c’est avec raison que chacun des voyageurs craindrait avec véhémence que ce soit lui d’aventure le damné, et il n’en servirait Dieu qu’avec plus de crainte et de révérence. Cela devrait te faire réaliser, très cher, à quel point est étroite et resserrée la voie du salut. …L’Apôtre dit en effet : Ceux qui sont du Christ ont crucifié leurs chairs avec leurs vices et leurs convoitises. Il s’ensuit donc forcément que ceux qui n’éteignent pas leurs vices et leurs concupiscences, qui ne châtient pas non plus leurs corps, n’appartiennent pas au Christ ».
« De plus, la veuve la veuve, dit-il, qui vit dans les délices est morte quoiqu’encore vivante. Celle qui n’est vivante que de la vie de la nature, est morte de la mort causée par la faute. Si donc vivre luxueusement est un péché mortel pour les veuves, à plus forte raison pour les moines, les prêtres et les chanoines. …Lesquelles choses j’ai rappelées pour que tu ne te fies pas aveuglément sur la miséricorde divine, et que tu n’imites pas ceux qui marchent dans la voie spacieuse . »
N°11 Saint Antoine ou Antonin
o.p., archevêque de Florence, 1389-1459
« saint antonin de
Florence, une règle de vie au XVème siècle, Paris,
Perrin, 1921. Bilblio sulpice : cote 12H53
Saint Antonin a aussi
publié une « somme des mœurs », Catho dit « summa
theologica » ensemble de question morale pratique. Raoul Morçay
a fait livre
« Bienheureux celui que tu as élu
et élevé. Il demeurera toujours dans ton temple.
ps. 64. « C’est à dessein qu’il emploie
le singulier, car, comme dit le Sauveur en Mathieu, 20 et 22 :
Il y a peu d’élus. Et il réfute
l’argument du Père Castelin (en francais dans le teste).
A la page 66 : « Ce que saint Jean a dit dans l’apocalypse
(j’ai vu une grande foule etc…) ne contredit pas cette sentence.
Car bien que les élus en eux-mêmes nous paraissent innombrables
en raison de leur multitude, comparativement aux réprouvés
ils sont peu nombreux. Par exemple, un tas de sable
contient un nombre élevé de grains de sable, mais
comparé à tout le sable de la mer il est peu de chose.
De la même façon, les élus comparativement aux
damnés sont peu nombreux, mais bien-heureux d’après
ce que dit le psaume 64 : bienheureux celui que tu as élu et élevé.
Il demeurera dans son temple saint ». Et voilà
qui suffit pour l’archevêque de Florence.
N°12 Saint Laurent Justinien
Justinianus (+1455)
Ce saint patriarche dans son livre sur
la componction et la lamentation propres à la perfection chrétienne,
écrit : « Ils sont peu nombreux à pratiquer
la méditation et l’oraison, parce que la vie intérieure
est contraire aux plaisirs sensuels et à l’ensorcellement
de la bagatelle. Etroite, en effet, est la voie de l’esprit
qui mène à la perfection et fait posséder le Christ.
Mais celle où abonde les voluptés charnelles
est large, et innombrables sont ceux qui la parcourent. »
N°13 Saint Bernardin de Sienne
Senensis (+1444)
Celui qui était l’apôtre
ardent du nom de Jésus et qui brûlait d’amour pour le
Christ Jésus, dans le vingt- troisième sermon
parle ainsi franchement : « Il apparaît clairement pourquoi
plusieurs sont appelés à la foi, à la gloire
ou à la grâce, mais peu d’élus, si l’on
considère le très grand nombre des appelés.
Bien que le grain de froment soit abondant, il est cependant
rare par rapport à la paille (?) et à la poussière,
(?) lesquels signifient les mauvais que Dieu damne. »
Et dans le traité intitulé du miroir des pécheurs,
il écrit ce qui suit : « La raison pour laquelle un grand
nombre entrent dans la perdition de la damnation éternelle
par la porte large et la voie spacieuse, la voici, selon l’Ecclésiaste
1 : Les pervers se corrigent difficilement, et infini est le nombre des
insensés, lesquels, hélas! font plus de
cas de la vie présente que de celle qui suit après.
De ce tout ce qui précède on peut déduire ceci
: beaucoup courent dans ce siècle, mais peu parmi
eux font partie du nombre des élus. »
N°14 Saint Vincent Ferrier (+1419)
Ce très grand prédicateur
interroge ainsi ses auditeurs : « Comment le Christ peut-il
dire que les élus sont peu nombreux alors qu’ils sont
innombrables selon l’apôtre Jean dans l’apocalypse ?
Et il répond ainsi : « On peut faire concorder ces deux textes
au moyen d’une distinction, parce que des élus nous
pouvons parler de deux façons : absolument parlant ou
en les comparant à autrui. Si on parle d’eux dans
l’absolu, ils sont nombreux, comme le dit Jean. Mais
si nous voulons parler des élus en les comparant aux damnés,
ils sont peu nombreux comparativement à ces derniers.
Ainsi en est-il des grains de sable que l’on tient dans la main .
On peut dire qu’il y en a beaucoup si la main en est pleine. Mais
ils sont en petit nombre si on les compare à ceux qui sont sur la
grève. Ainsi le genre humain est comparé
au sable pour la multitude, comme il appert de la promesse de Dieu
faite à Abraham : Je multiplierai ta descendance comme les
étoiles du ciel et comme le sable de la mer qui se trouve sur le
rivage. Dieu s’en emplit la main, car
les âmes des justes sont dans la main de Dieu lesquelles ,
prises absolument parlant, sont innombrables comme le dit saint Jean.
Mais en comparaison des damnés elles sont presque rien.
Le Seigneur a dit « Entrez par la porte étroite parce qu’elle est la large la porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition. Elle est étroite et resserrée celle qui conduit à la vie, et peu la trouvent. Ils sont encore moins nombreux ceux qui la conservent une fois trouvée. Ils sont très peu nombreux ceux qui se rendent jusqu’au bout. Chacun veut marcher selon son bon plaisir. La porte étroite du paradis est la volonté de Dieu. C’est à son observance que doit se contraindre celui qui veut entrer dans le ciel. La porte large est la volonté propre. La voie resserrée qui mène à la vie est la souffrance acceptée en expiation du péché. La voie spacieuse de l’enfer est la conversation mondaine, le bien manger, le bien boire, la luxure, la délectation malsaine, la vengeance des injures etc.. »
Ensuite ce saint très éloquent
résout ainsi l’objection habituelle tirée de
la miséricorde divine. « Comme chaque chose agit naturellement
selon sa vertu, étant par nature d’une miséricorde
infinie, Dieu doit sauver un nombre infini d’âmes .
Comment donc peut-on dire qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus,
alors que les élus devraient être en nombre infini ? »
En réponse, on doit noter que Dieu est infini dans sa
bonté, sa piété et sa miséricorde,
et qu’ Il a tout fait ce qu’Il pouvait et devait faire, d’une façon
même infinie, pour que tous soient sauvés.
Pourquoi donc tous ne se sauvent pas ? Parce que tous ne veulent
pas être sauvés. Je dirais même plus : peu
nombreux sont ceux qui veulent recevoir le salut. Notez
la ressemblance qu’il y a avec ce que le roi a fait récemment
pour le rapatriement des captifs. Il a déboursé
une somme considérable pour le rachat de ceux qui étaient
en barbarie. Il a mis à leur disposition des navires et des
galères pour leur faciliter le retour à la patrie.
Mais il ne voulurent pas s’en retourner. Le Seigneur
Jésus a payé très abondamment le prix de la
rédemption des humains, même au cas où
ils seraient infinis en nombre, et nous a préparés
les navires de l’innocence baptismale, de la pénitence
sacramentelle, et de l’obéissance en tout. Mais
les gens ne veulent pas sortir de la captivité, comme les Juifs
n’ont pas voulu sortir de la prison de Moïse, ni les Agariens
de la prison de Mahomet, ni les orgueilleux de la prison de l’orgueil,
et ainsi de suite pour les autres . »
N°15 Saint Albert le Grand (+1280)
Cf. Commentaire de l'évangile selon
saint Matthieu. Commentarii in Matthaeum.
« En Matthieu 20,16, beaucoup d’appelés, etc... En 1 Corinthiens 9, 22 : Tous courent, mais un seul reçoit le prix. En Matthieu 22, 14, c’est encore plus clair : Jésus informe ses disciples d’une chose qui ne concernait qu’un seul disciple. A cause de cela, il désigne plutôt son apparence que sa personne. Tout ceux qui sont appelés et qui vivent une vie qui ne concorde pas à leur élection sont rejetés comme lui. Peu nombreux sont les élus. Eccli. 1, 15, Infini est le nombre des insensés. En Luc 13,23 ; lui-même prend les devants. Un avait posé la question pour tous et, verset 25, Jésus donne la première réponse selon laquelle peu sont sauvés : Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. Beaucoup sont appelés c'est à dire beaucoup professent la foi de bouche mais beaucoup renient la foi par leurs actes. Eccli. 1, 15.»
N°16 Saint Thomas d’ Aquin (+1274)
« Ecoutons donc avec révérence, comme il convient, la doctrine du docteur angélique qui est, comme le dit l’Eglise, le prince des théologiens et la norme des philosophes, l’honneur insigne de la chrétienté et la lumière de l’Eglise. « Se dissocier sans réflexion et d’une façon téméraire de la sagesse du docteur angélique, est une chose étrangère à notre volonté, --déclare le souverain pontife Léon X111---et remplie de périls . L’expérience ne nous montre que trop dans quels excès idéologiques nous entraîne la licence de spéculer quand on s’est affranchi de sa doctrine. Que soit donc sacré pour tous le nom de saint Thomas. Qu’ils redoutent de ne pas suivre le chef de file que Jésus lui-même attestait avoir bien écrit de Lui. »
Un docteur si éminent a enseigné par écrit - au grand scandale des nouveaux théoriciens-- que sont moins nombreux ceux qui se sauvent. Car, se posant la question : est-ce que le nombre des prédestinés est un nombre fixe , il se fait d’abord à lui-même une objection, comme le veut la méthode scolastique : il semblerait que non, car, (troisièmement) l’opération de Dieu est plus parfaite que celle de la nature. Or dans les œuvres de la nature, le bien se rencontre dans la majorité des cas, le mal ou les défauts sont l’exception. Si c’était Dieu qui déterminait le nombre des élus, les sauvés seraient plus nombreux que les damnés. Mais Matthieu dit le contraire au chapitre V11 : « Elle est large et spacieuse la voie qui conduit à la perdition et ils sont nombreux ceux qui entrent par elle. Etroite et resserrée est la voie qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui la trouvent ». Dieu n’a donc pas déterminé à l’avance le nombre des élus.
Mais s’oppose à cela ce qu’Augustin a dit dans le livre de la réprimande et de la grâce, c.13 : « Le nombre des prédestinés est un nombre fixe qui ne peut être ni augmenté ni diminué. »
A la troisième objection il faut répondre que le bien qui correspond à l’ordre normal de la nature se retrouve dans le plus grand nombre de cas, et fait défaut dans des cas particuliers. Mais le bien qui transcende l’ordre de la nature se retrouve dans le petit nombre et fait défaut dans le grand nombre. Comme il est clair que plusieurs hommes ont la science suffisante pour la conduite de leur vie et qu’un petit nombre en est dépourvu, ceux qu’on appelle fous ou insensés, il n’est pas moins évident que peu nombreux sont, du sein de la multitude, ceux qui parviennent à acquérir une science profonde des choses spirituelles. Comme la béatitude éternelle consiste dans la vision de Dieu, et transcende les capacités de la nature humaine, surtout du fait qu’elle est privée de la grâce par la corruption du péché originel, moins nombreux sont ceux qui sont sauvés. Et la miséricorde de Dieu apparaît surtout en ce qu’Il maintient un certain nombre dans la voie de laquelle un grand nombre dévient, suivant l’inclination de la nature et son cours ordinaire. »
De plus, dans son commentaire sur saint Matthieu, XX11, le docteur angélique écrit ceci : « Il conclut ensuite : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, parce qu’il y en a qui ne veulent pas venir et d’autres qui n’ont pas la robe nuptiale. » D’où, plus haut : V11,14 : Etroite est la voie qui conduit à la vie, et peu nombreux son ceux qui la trouvent ». Et dans le chapitre X11 de l’épitre aux Romains, lect. 2 : « Bien qu’ils soient peu nombreux comparativement à la multitude stérile des damnés, (selon ce que dit Matthieu V11 : peu la trouvent), cependant, absolument parlant, ils sont nombreux ».
On trouve la même chose dans la première épitre au Corinthiens, 1X : Ne savez-vous pas qu’au courses du stade, tous courent mais qu’un seul remporte le prix ? « Il faut d’abord, dit le docteur angélique, noter la condition des voyageurs , ensuite la multitude des appelés, enfin le petit nombre des élus ». L’autorité du prince des théologiens n’impressionne pas le moins du monde les « modernistes » Ils s’efforcent, au contraire, de l’amoindrir. (texte en français).
Il reconnaît d’abord que saint Thomas enseigne la doctrine antique et traditionnelle du petit nombre des élus. En second lieu, la raison pour laquelle il n’a pas traité cette question dans sa somme théologique n’est pas qu’il ne la considérait pas assez sûre et établie , mais parce qu’elle n’avait pas sa place dans ce livre. Car le saint Docteur a écrit sa somme théologique pour les commençants, comme il le déclare dans son prologue : « Le but que nous nous sommes proposé dans cette œuvre est de présenter ce qui se rapporte à la religion chrétienne d’une façon qui convienne à des débutants ». Ensuite, innombrables sont les vérités, et de grande importance théologique , que saint thomas enseigne non dans le corps de l’article mais seulement dans les réponses aux objections. Celui qui s’imagine que saint Thomas n’a présenté comme certaine et irrécusable que la seule doctrine qu’il expose dans le corps des articles, devra professer que celle qu’il enseigne dans ses réponses aux objections est douteuse et boiteuse.
Que l’on cesse d’écrire ce
genre de choses sur saint Thomas : (en français dans le texte).
Si le docteur angélique permet que l’on considère notre
opinion comme vraie, il considère donc comme fausse l’opinion
des « modernistes ». Car il n’aurait certainement pas
permis qu’on appelle vraie une opinion que lui-même n’aurait
pas estimée telle Il faut
donc dire que le saint docteur admet comme un fait réel ce
qu’il s’objecte à lui-même, à savoir
le plus grand nombre des damnés, qu’il démontre si
clairement se concilier avec la miséricorde divine.
Autrement, il aurait nié purement et simplement le fondement
même de l’objection. Ajoutons que nous avons entendu
plus haut Castelein reconnaître que saint Thomas épousait
l’antique opinion. De plus, comme il appert des
trois textes déjà cités, la somme théologique
n’est pas l’unique endroit où le docteur angélique
a exprimé son opinion sur le petit nombre des élus.
N°17 Pseudo Thomas d’Aquin probablement Thomas Anglus
Il affirme hautement le petit nombre des élus dans un ancien commentaire qu’on ne savait à qui attribuer, à saint Thomas, ou à cet autre Thomas du même ordre dominicain. Il s’agit de son commentaire sur les sept épitres canoniques, dans lequel à ces paroles de Pierre 1, 111, ( huit âmes ont été sauvées) il fait les remarques suivantes : « Notons que l’arche représente l’Eglise dans laquelle un petit nombre –comparativement au damnés—seront sauvés, parce qu’il est dit en Matth. V11 : Etroite est la voie qui mène à la vie et peu la trouvent. Moins nombreux sont ceux qui y cheminent, et très peu nombreux ceux qui y persévèrent….Dans l’arche, bien peu ont été sauvés , huit seulement, chiffre qui symbolise le petit nombre des élus : Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Prends donc en note que le petit nombre des élus a été préfiguré au temps de la loi naturelle lorsque tous périrent à l’exception des huit qui furent sauvés dans l’arche, lors du déluge, comme il est marqué dans ce passage de l’évangile.
Il fut préfiguré aussi
au temps de la loi de Moïse où l’on lit dans les
Nombres, X1V, que de tous ceux que Dieu a fait sortir
d’Egypte (environ six cent mille) par le chemin du désert
---qui signifie la pénitence-- deux seuls entrèrent
dans la terre promise, Josué et Caleb. Il
fut également préfiguré au temps des Prophètes.
Quand les fils d’Israël furent conduits en captivité,
quelques-uns seulement furent laissés dans la terre promise.
Mais au temps de la grâce, le petit nombre des élus
a été enseigné clairement et explicitement
en Matth. XX11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
N°18 Saint Bonaventure (+1274)
Conclusion. Et celle élection diffère de l’appel, parce qu’ à plusieurs est donnée la grâce sans qu’ils y persévèrent. On dit donc qu’ils sont appelés mais non élus Et c’est de ceux-là dont parle Matthieu quand il dit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. On trouve quelque chose de semblable dans le deuxième sermon sur la conversion de saint Paul : " Nous lisons une double élection dans l’écriture, l’une éternelle, l’autre temporelle. Par la première, nous sommes appelés pour toujours à la grâce et à la gloire. Par la seconde, nous sommes appelés à la grâce, mais pas à la gloire éternelle. La première élection est une seule et même chose avec la prédestination qui nous inscrit dans le livre de vie. La deuxième élection ne signifie qu’un appel temporaire qui se réalise dans la grâce mais non dans la gloire éternelle. Car ceux qui sont appelés dans le temps ne sont pas tous élus éternellement. Car il y a beaucoup d’appelés, a dit le Seigneur, et peu d’élus. "
N°19 Saint Antoine de Padoue
(+1231)
Dans le discours de la cène, Jésus compare la vocation à un banquet où tous sont convoqués. Il assimile le banquet à la vie éternelle à laquelle un petit nombre seul est élu. Voici ses propres paroles : " Il représente par l’invitation à un repas ( saint Luc X1V) l’appel qui s’adresse aux bienheureux que Dieu introduit à la réfection de la vie éternelle après une bonne mort : Un homme a fait un grand banquet. C’est un repas privé, car seul un nombre restreint y est admis, et tous des intimes. Ceux qui ont pris dans le palais le repas du matin sont exclus. Le banquet est la foi. Les mets sont les articles et les sacrements auxquels sont admis beaucoup de gens qui ne demeurent pas pour le banquet. Plusieurs sont donc appelés au repas qui symbolise la foi, peu sont élus au repas qui représente la vie éternelle. "
N°20 Innocent III (+1216)
Dans la parabole des vignerons, il dit au sujet des élus : " On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement aux mauvais, car le nombre des insensés est infini, et les pervers se corrigent difficilement. " Il ajoute au sujet des autres : Tous ne croient pas l’évangile du Christ. ….Celui qui ne croit pas est déjà condamné. En conséquence, comme les incrédules sont plus nombreux que les fidèles, sans l’ombre d’un doute il y a plus d’appelés que d’élus. Et même parmi les fidèles, plusieurs se damnent, ceux dont les œuvres démentent leur foi, car il est préférable de ne pas connaître la voie de la vérité que de rebrousser chemin après trouver la vérité. Que le dispensateur de la vigne, Jésus-Christ, nous extirpe de ce nombre. "
Donc les vingt saints, les bienheureux et vénérables serviteurs de Dieu qui sont postérieurs aux Pères de l’Eglise proprement dits, sont manifestement de notre avis. Que les " modernistes " Bougaud, Mauran et Castelein en citent un seul qui partage leur avis " .
Dirigeons-nous donc maintenant vers les
Pères de l’Eglise pour entendre ce qu’ils pensent à ce sujet.
p. 78
§ 2 les Pères de l’église p.79
On doit faire aussi grand cas de l’opinion des Pères de l’Eglise quand ils exercent leur rôle de docteurs à titre privé. Ceux que recommandent grandement non seulement leur connaissance de la doctrine révélée et leur maîtrise d’un grand nombre de choses qui sont utiles à la compréhension des livres apostoliques, mais aussi les hommes insignes par la sainteté de leur vie et par le zèle pour la vérité auxquels Dieu a accordé de plus grands secours de sa lumière. Qu’il les reconnaisse donc pour son interprète, et qu’ils sachent avec révérence marcher sur leurs traces et profiter de leurs labeurs, par un choix judicieux. ".
Comme le lecteur attentif a pu s’en convaincre surabondamment, l’ensemble des Pères de l’Eglise constitue une sorte de concile où tout se décide à l’unanimité. De tout le genre humain, plus nombreux sont ceux qui sont condamnés aux supplices éternels que ceux qui obtiennent le salut éternel. Chose terrible à dire, mais utile à savoir pour ne pas s’égarer, et qui peut être aussi une grande consolation pour ceux qui s’efforcent de vivre comme le petit nombre des élus. C’est un signe notoire de prédestination que de conformer sa vie à celle du petit nombre des élus.
Qu’il me soit permis, pour avertir les prêtres et les séminaristes, de me servir des paroles de l’épitre du synode des évêques de Gaule et de Germanie aux évêques d’Espagne, et de conclure ainsi : " Maintenez-vous à l’intérieur des limites marquées par les Pères, et ne cherchez pas à soulever des questions qui ne brillent que par leur nouveauté. Elles ne servent qu’à troubler la foi des auditeurs. Il vous suffit de suivre les traces des Pères de l’Eglise et d’accepter leurs enseignements d’une foi ferme. Car ce sont eux qui sont nos docteurs dans le Seigneur et Docteurs à vie ".
N°21 Saint Bernard, docteur de l’Eglise(+ 1153)
Dans son troisième sermon de la vigile de la nativité, il suppose que cette doctrine est communément reçue et archi connue : " Qui ne sait pas parmi les fidèles que le Seigneur viendra, car Il viendra juger les vivants et les mors et rendre à chacun selon ses œuvres. Non, tous ne le savent pas, mes frères, et je dirais même que beaucoup ne le savent pas. Ils ne sont pas nombreux ceux qui le savent, car, en vérité, il y en a peu qui se sauvent. "
N°22 Honorius Augustodunus (+1152
Evêque de Reicherspens
"Tous sont morts dans le désert,
et deux seuls entrèrent avec la multitude de leurs fils. Ceux qui
sont morts dans le désert, ce sont eux les nombreux appelés
qui ne voulurent pas venir. Les deux qui entrèrent sont les actifs
et les contemplatifs qui, animés par un amour authentique, entrèrent
dans le repos du Seigneur ".
N°23 Rupert Tuitiensis (+1135)
" Beaucoup sont appelés, peu sont
élus. Un grand nombre dans l’église présente, sont
chrétiens de nom après s’être inscrits dans le registre
du baptême, mais un petit nombre, ce qui est à donner des
frissons, échapperont au déluge du jugement "
N°24 Cardinal Godefridus Vindocinensis
(+1132)
Seuls les bons, et un petit nombre d’entre
eux, et pendant très peu de temps, virent Le Christ après
sa résurrection. Car seuls les bons auront la gloire de la résurrection
future, et ils seront peu nombreux comparés aux méchants.
Car, il en est comme ce que dit Jésus dans son évangile :
Beaucoup
d’appelés et peu d’élus. ".
N° 25 Venerable Hildebertus (+1130)
Ce pieux archevêque de Tours explique ainsi la célèbre phrase de saint Paul dans son sermon de la septuagésime : Ne savez-vous pas qu’aux courses du stade, tous courent, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez donc afin de remporter la victoire. Le terrain du stade qui a été réservé pour la course signifie le but de la vie présente qui nous est donnée pour la course de notre salut, selon les paroles et les avertissements de notre Seigneur : " Cours, malheureux, cours, hâte-toi pendant que tu en as le temps, de peur que tu ne tombes dans la mort ".
Le fait que, parmi un si grand nombre de coureurs, un seul ait remporté le prix, tous les autres ayant couru en vain, me remplit de frayeur, mes bien chers frères, quand je pense à nous tous. Il est fort à craindre que nous soyons tous déclassés par un seul, nous qui avons entrepris de courir pour la couronne. D’où l’avertissement de l’Apôtre : Courez ainsi pour que vous remportiez la couronne ".
N° 26 Wernerus Abbas (+1126)
Celui qui n’a pas moins brillé par l’érudition que par une insigne intégrité de vie, commente ainsi la parole de Jésus : Beaucoup d’appelés et peu d’élus. : " Cela, dit-il, ne s’applique pas aux grands saints, mais aux gens ordinaires, car plusieurs viennent à la foi, plusieurs remplissent les parvis des églises, mais peu se rendent jusqu’au règne. Qu’un grand nombre soit réprouvé tant parmi les premiers venus que parmi les derniers, se déduit de la terrible sentence du Seigneur : " Plusieurs sont appelés " à la foi, " peu sont élus " au règne. Ces paroles se trouvent dans le livre 1 des bouquets ou extraits de la doctrine suave de différents pères et d’autres docteurs orthodoxes . Ce livre nous fait entendre toute la vénérable tradition des douze premiers siècles.
27- Bruno Astensis ou Signensis, 1125
Abbé du Mont Cassin et évêque, il écrit les paroles suivantes dans son commentaire de Matthieu p.11, ch.7 : " Comme si quelqu’un disait : elle est étroite cette route, les commandements sont très difficiles à observer. Il ajoute ensuite : " Entrez donc… " Et cette voix, dit-il, est resserrée et cette porte étroite. Elle n’est donc trouvée que par un petit nombre. En vérité, voilà la porte et voilà la voie par lesquelles on parvient à la vie éternelle. Peu nombreux sont ceux qui sont sauvés en comparaison de ceux qui se damnent. C’est pourquoi le Seigneur dit ailleurs : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Cette voie , par contre, et cette porte qui mènent à la perdition sont larges et spacieuses et un grand nombre y entrent.
Car jeûner et veiller, s’abstenir des désirs charnels et de toutes les voluptés , ne pas faire sa propre volonté, à qui cela n’apparaît-il pas étroit, contraignant ? D’un autre côté, manger avec abondance et recherche, satisfaire tous les désirs de la chair et toutes les voluptés, ne jamais s’opposer à sa volonté propre, à qui cela n’apparaît-il pas agréable et aisé ? Il y en a donc plusieurs qui cheminent par cette voie et qui entrent par cette porte. Mais où entrent-ils ? Dans la cité de la perdition, dans le collège de la mort, dans la prison des angoisses, dans le lac de toutes les misères. "
Et en Matthieu ch.XX , ce qui suit ---- Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus----. nous démontre que peu se sauvent comparativement à ceux qui n’ont été appelés que pendant un certain nombre d’heures. Même chose en Matth. XX11 : En effet, beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. " Plusieurs sont appelés aux noces, peu sont introduits dans la chambre nuptiale du Roi, dans la gloire. " Et dans son premier livre de sentences ch. 2, au sujet de l’arche de Noé : " Cette arche est la sainte Eglise, hors de laquelle personne ne se sauve. Ne périra pas celui qui s’y trouvera au jour du jugement. Il y en a beaucoup qui semblent y demeurer mais qui résident plutôt à l’extérieur….Les mauvais sont beaucoup plus nombreux que les bons. Ceux qui convoitent les biens terrestres sont plus nombreux que ceux qui aspirent aux célestes. Etroite est la voie qui mène à la vie, large celle qui mène à la perdition . "
28- Euthyme, 1122
Dans son chapitre XL11 de la récompense aux ouvriers embauchés, il expose une parabole dans les termes les plus généraux, et sans référence particulière aux juifs ou aux gentils christianisés. Il parle quand même ainsi : " Plusieurs sont appelés à la foi, mais peu répondent à l’appel. Ici il s’agit de la foi vive à laquelle se joint l’observation des commandements jusqu’à la fin, et de la conservation de la robe nuptiale --- qui n’est autre que la grâce du baptême,--- jusqu’au jour du jugement. Ecoutons donc et excécrons combien de fois après le divin baptême, nous avons souillé notre âme, en perdant la vie. Nous méritions par là non seulement d’être éjectés de la salle des noces, mais surtout d’être précipités dans le supplice le plus horrible. Il faut donc avoir souci du vêtement intérieur, non de l’extérieur. Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Jésus dit cela en conclusion de la parabole des ouvriers embauchés à la vigne. "
29-Saint Anselme Cantuariensis, 1109
Dans sa lettre à Odon et Lanzon : " Que parmi le grand nombre d’appelés peu soient élus, nous le savons avec certitude au témoignage de la Vérité elle-même. C’est pourquoi celui qui ne vit pas encore comme le petit nombre des élus, ou qui ne se joint pas au petit nombre, en amendant sa vie, qu’il redoute une réprobation certaine. Celui qui estime faire partie du petit nombre, qu’il ne se sente pas assuré de la certitude de l’élection. Comme personne ne sait à quelle petitesse se réduit le nombre des élus, personne ne sait s’il est déjà parmi les élus, à moins qu’au milieu de tous les appelés, il ne se distingue par une ressemblance avec ceux du petit nombre. "
Cette idée fut si familière au saint docteur qu’il la reprend telle quelle, et, pour ainsi dire, dans les mêmes mots . Il parle ainsi à quelques moines (beccenses) : " Que parmi un grand nombre d’appelés, un petit nombre soit élu, nous le savons avec certitude, au témoignage de la Vérité elle-même. " Et à la comtesse Idam : " Amie très illustre dans le Seigneur ! Le Seigneur a dit : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Devez-vous, en toute sécurité, vous estimer faire partie des élus tant que vous n’aurez pas vécue de façon à ce qu’il y ait peu de personnes à qui votre vie puisse être comparée ? Et quand vous saurez que vous faites partie du petit groupe, vous devrez encore craindre, car vous pourrez toujours douter faire partie de ce nombre, tant que vous ne vous verrez pas parmi eux. Car celui qui a dit : peu nombreux sont élus, n’en a pas précisé le nombre. Quelques soient les progrès que nous pensons faire, pensons toujours que nous n’avons pas encore atteint le début du progrès.
Le pseudo-Anselme
Othlon 1073
Dans ces paroles de l’Apôtre, Cor. 1X, 24, tous courent, voici ce qui fait le plus réfléchir : tous et un. Il nous donne un message avec ces mots. Que devons-nous en effet entendre par cet un si ce n’est n’importe lequel élu qui, persévérant dans l’unité de la foi et dans les autres vertus, qui forment une seule et même chose dans leur concorde, demeure toujours un et toujours identique à lui-même ? Que faut-il entendre par ces autres qui courent ensemble, mais qui ne parviennent pas au mérite de la bravoure, si ce n’est ceux qui, après être venus à la foi sacrée, et ayant entrepris les tout débuts des bonnes œuvres, croient pour un temps, mais , reculant au temps de la tentation, négligent de persévérer dans le bien. ? " Et plus loin : " Le Seigneur et notre Sauveur voulant sauver quelques-uns de ceux qui sont voués à la damnation, prononce une sentence en disant : Beaucoup sont appelés et peu sont élus, comme s’Il disait : il y en a beaucoup qui savent bien faire, mais peu nombreux sont ceux qui font le bien "
Radulphe Flaviacensis : 12ème s.
Comme nous sommes enveloppés de ténèbres d’ignorance si épaisses qu’à peine une personne est en état de trouver la voie de la cité éternelle, ---ils sont peu nombreux, a dit le Seigneur, ceux qui la trouvent---aucun parmi les simples, et encore moins parmi les érudits, ne doit recevoir de lui-même la règle de la foi ou la norme de vie. Mais on doit respecter l’autorité des anciens, et tenir toujours ce qu’ils ont enseigné devoir être cru ou imité "
Saint Pierre Damien , docteur de l’église 1072
Il pense que le célèbre avertissement de Jésus sur l’entrée par la voie étroite ne s’applique pas seulement aux juifs, comme le pensent les novateurs, mais à tous les chrétiens de tous les siècles : " Bien que soit très diversifiée la troupe variée des voyageurs, le chemin cependant est unique qu’ils doivent fréquenter. Celui-là même que la Vérité indiquait à ses disciples quand Elle disait : Etroit est le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui passent par lui. Ce chemin, Jésus l’a suivi le premier, et il a ordonné de le parcourir à chacun de ceux qui voulaient le suivre "
Théophylacte 1070
En Matth. XX11 : le roi étant entré …etc. " L’entrée dans la salle des noces se fait sans discrimination. Il dit : c’est par la grâce seule que nous sommes tous appelés, les bons comme les mauvais. Mais après leur entrée, leur vie est soumise à un examen . Le Roi portera un jugement sévère sur ceux qui, après l’accès à la foi, se sont trouvés enlisés dans des vices. Tremblons donc à la pensée qu’à moins de vivre une vie pure , la foi nue ne servira à personne. On ne fera pas qu’expulser de la salle des noces, mais jeter dans le feu….Un grand nombre, donc, s’illusionnant de vaines espérances pensent qu’ils accèderont au royaume des cieux, qu’ils se faufileront parmi le chœur des convives, croyant avoir accompli des prodiges… Beaucoup sont appelés. Dieu appelle un grand nombre, ou plus précisément tous. Mais peu de gens sont sauvés . Car il y en a peu qui sont sauvés et qui sont dignes de l’élection divine.
Ratherius, évêque de Vérone, 974
Dans son premier sermon sur l’ascension, il a ainsi prêché : " Il y en a dont les mœurs détruisent la foi que professent leurs lèvres. Il est fort à craindre que ce soient de telles gens dont parlait le Seigneur en Luc X1, 24 : Quand un esprit immonde …etc . Et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Si ces paroles si véritables ne s’appliquaient à aucun de ceux qui se disent croyants et qui sont baptisés, quel sens aurait la parole du Seigneur : il ya beaucoup d’appelés et peu d’élus ? Quels sont donc ceux qui sont appelés sinon ceux qui sont entrés dans l’église par le baptême ? Quels sont les rares élus, sinon ceux dont la vie à conservé le sacrement recu dans la foi ? Quels sont ceux qui ne sont pas élus, sinon ceux qui n’ont pas accompli ce qu’ils avaient promis ? Qu’est-ce qu’ils avaient promis ? Que chacun se remémore par la pensée ou ce qu’il a promis lui-même ou ce que son tenant- lieu à promis en son nom avant le baptême
Rémi, antissiodorensis 908
Dans le psaume XXX1X, 15 J’ai annoncé et j’ai parlé. Ils se sont multipliés au-delà de ce qu’on peut compter : " Moi, le Christ, j’ai annoncé, i.e., par mon œuvre, et j’ai parlé, i.e., avec ma bouche. Faites pénitence, le royaume des cieux approche. Ils se sont multipliés au-delà de ce que l’on peut compter en venant à la foi. Ils se sont développés au-delà du nombre des élus, parce qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Il y en a beaucoup qui remplissent les parvis des églises qui se délectent des vanités de ce siècle "
Paschasius ratbertus 865
Le livre quatre du commentaire de Matth : Entrez par la porte étroite. Même si la charité est vaste, elle est pourtant étroite puisque peu la trouvent. Et si le petit nombre la trouve, il s’efforce d’entrer par elle. Parce qu’elle est large la porte et spacieuse la voie qui conduisent à la perdition. Celles-là, tous les trouvent sans les chercher, parce que c’est en elles qu’ils sont nés, et s’ils s’en détournent, elles s’offrent d’elles-mêmes. Il est donc rare celui qui met la main à l’acquisition de la vertu. La volupté, à la façon d’une importune courtisane, invite tout le monde avec ses charmes. Et c’est pourquoi beaucoup entrent par elle. De plus, qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! D’où l’étonnement de l’époux et de l’épouse dans le cantique : quelle est-celle-ci qui monte par la voie du désert, comme une colonne de fumée provenant de la myrrhe et de l’encens ? C’est comme si l’on disait : quelle est celle-ci qui chemine dans la voie que peu de monde trouve, même après l’avoir découverte ? Comment se fait-il qu’elle se rapetisse en progressant, au point d’être comparée à une colonne de fumée , et pas à n’importe laquelle mais à celle de la myrrhe et de l’encens ? Le Christ a enseigné plus haut que les aromates signifient que quand nous ceignons ses mortifications sur nos reins, nous devenons un sacrifice d’encens à sa gloire . Nous sommes si exténués que nous pouvons à bon droit être comparés à une colonne de fumée aromatique. Cette voie désertique, peu la trouvent, mais celle qui est très achalandée est fréquentée par un très grand nombre. La voie du désert, dans laquelle le Christ a lutté, est foulée aux pieds par un petit nombre. On dit qu’ils sont peu nombreux comparativement à ceux qui empruntent la voie large. Elles sont donc considérablement étroites la porte et la voie par lesquelles ne passe qu’un petit nombre.
Dans le livre dixième du même volume : Il y beaucoup d’appelés et peu d’élus . " On ne nous parle pas du petit nombre des invités, mais du petit nombre des élus. Car, lors d’une invitation qui ne comporte aucune exception, intervient seule la grandeur de l’immense bonté divine. Mais aux invités s’applique le judicieux discernement, et l’élection est réservée à la seule honnêteté. Cette sentence résume toutes les paraboles, comme celle du travail à la vigne, de la construction d’une maison , en plus de celle-ci, où c’est la fin qui couronne l’œuvre, mais non le commencement.
L’Evêque Haymon Halberstatensis , 856
La vingt et unième homélie, celle du dimanche de la septuagésime présente cet enseignement : " Matth. XX . En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : le royaume des cieux est comparable à un père de famille….Le royaume des cieux en cet endroit représente l’Eglise, que l’on dit semblable à un père de famille, pour que nous apprenions à connaître l’inconnu par le connu. La vigne du père de famille est la sainte église qui, du début du monde jusqu’à la fin des siècles, engendre autant de saints qu’elle produit de sarments . Cette vigne fut d’abord plantée dans le peuple hébreu, mais après l’incarnation du Seigneur, elle s’est dilatée jusqu’aux confins de la terre. C’est ainsi que les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. D’où il appert que la foi insuffisante des juifs est réprouvée, surtout si on ajoute cette autre sentence : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ". Phrase qui s’applique tout spécialement au peuple des nations qui ont été appelées en grand nombre, mais dont le nombre des croyants est infime. Cette parabole se prête à deux interprétations . Un jour ou l’autre, à chacun d’entre nous surviendra le terme de notre vie présente. Et bien que quelques-uns soient rappelés de cette vie avant d’être parvenus à la maturité, s’ils ne l’ont pas atteinte par l’âge, ils l’ont par la sortie elle-même. C’est le soir donc que les ouvriers sont invités à venir percevoir leur salaire, car les élus sont récompensés de leurs bonnes œuvres quand ils sont rappelés de cette vie.
C’est ainsi que les derniers sont premiers et les premiers derniers. A chaque jour, dans l’église, nous nous rendons compte que cela se produit, car ceux qui se sont convertis tardivement au Seigneur dépassent par la ferveur de l’esprit et la piété de la dévotion, beaucoup de ceux qui vivent dans la tiédeur et la négligence. Ce qui est dit après la parabole : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus devrait plus servir à susciter la crainte qu’à la production de beaux développements oratoires. Nous savons tous que nous sommes appelés. Mais nous ignorons encore si nous sommes élus. Dieu nous appelle de plusieurs façons : par la foi, etc…Il y en a quelques-uns qui excellent dans la foi et qui brillent par l’enseignement doctrinal, mais qui sont rejetés du nombre des élus parce qu’ils ont été avares de bonnes œuvres. C’est saint Jacques qui le dit : la foi sans les œuvres est morte. Saint Paul parle aussi de ces gens-là dans sa première épitre à Tite. …..Et le Seigneur dans l’évangile : Ce n’est pas celui qui me dira : Seigneur, Seigneur, qui entrera au royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là entrera dans le royaume des Cieux. ….Ces gens-là diront quand même au jour du jugement : Seigneur, nous avons prophétisé en ton nom etc… A quoi Il répondra : Je ne vous connais pas . Eloignez-vous de moi, artisans d’iniquité ! "
Christian Druthmarus , 850
Explication de l’évangile de saint Matthieu au chapitre treizième : Entrez pas la porte étroite. Voici la signification de la comparaison : par la porte, nous entendons la voie des commandements du Christ. La route est large et spacieuse qui conduit à la perdition. Voilà la volupté du siècle qui se présente d’elle-même et qui délecte le corps. Aucun besoin de chercher ou d’apprendre. Et c’est pour cela que beaucoup entrent par elle. Quelle est étroite la porte et resserrée la voie qui mènent à la vie ! C’est-à-dire, très étroite la voie qui permet, par les jeunes, la patience, et l’amour des ennemis, de traverser le siècle et de parvenir à la vie éternelle. La voie est resserrée. Le psalmiste lui-même dit : " J’ai persévéré dans des voies ardues. "…Et il y en a peu qui la trouvent. Il dit que peu la trouvent, et il faut ajouter que ce ne sont pas tous ceux qui la trouvent qui entrent par elle….Dans le même sens, Jésus dit en un autre endroit : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Appelés, cela veut dire devenus chrétiens. Mais il y a chez eux peu d’élus, parce qu’ils renient Dieu par leurs œuvres. Nous trouvons la même chose dans l’évangile de saint Matthieu au chapitre XL1111 : " Beaucoup sont appelés mais peu sont élus ". Cela s’applique aussi bien aux chrétiens qu’aux juifs. Il y a peu d’élus. Sentence redoutable, à savoir qu’ils sont peu nombreux ceux qui servent Dieu en évitant toute contamination, car, en plusieurs choses, nous offensons Dieu sans nous en rendre compte. Le plusieurs sont appelés peut s’entendre des seuls chrétiens, ceux qui sont appelés par la prédication, mais qui ne concrétisent pas cet appel par des œuvres. La plus grande partie de ceux-là déambulent par la voie large ".
Jonas Aurelianensis 842
Ambroise Autpertus 778
Apocalypse 1V, l5 : " Voici ceux qui vinrent de la tribulation ". " Ici-bas, certes, tous ceux qui sont élus souffrent une grande tribulation, du fait qu’ils ignorent s’ils sont dignes d’amour ou de haine. C’est à cause de cela qu’ils pleurent, qu’ils s’attristent, et qu’ils mangent leur pain à la sueur de leur front. Rares sont ceux qui se conduisent ainsi. Ce n’est pas moi, c’est le Seigneur lui-même qui en donne la raison : " Parce qu’il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ". Il expose la même idée au livre septième, 25 : " Qui ne craindra pas ? " Parce que dans sa piété Dieu en appelle un grand nombre, mais sa justice exige l’élection d’un petit nombre , comme Il a dit lui-même : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Qui ne redoute de n’être pas admis parmi le nombre des élus ? Nous savons parfaitement bien que nous sommes appelés et que nous vivons parmi les saints. Mais nous ignorons totalement si nous sommes élus et si nous appartenons au nombre des élus, au témoignage de Salomon lui-même : Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine.
Et dans le livre : de la cupidité, numéro 14, il répond ainsi aux objections des " modernistes " : Ils s’expriment ainsi peut-être ceux pour lesquels nous tirons de tels passages des saintes écritures : " Vous cherchez à nous terroriser, et c’est à peine si nous ne nous effondrons pas sous l’accablement du désespoir. S’il en était vraiment ainsi, qui de nous serait sauvé ? " Je réponds non pas avec mes paroles mais avec celles du Sauveur : " Entrez par la voie étroite ". Jésus nous a montré deux portes et deux voies. Il dit que beaucoup se dirigent vers la perdition en passant par la voie large et spacieuse . Il dit également que peu entrent dans la vie en passant par la voie étroite. Il ne nous indique aucune troisième porte ni aucune troisième voie. Partez à la recherche de la troisième si vous pensez pouvoir la découvrir, et quand vous l’aurez trouvée, entrez-y et marchez-y. Inutile de vous faire des illusions, il n’y en a pas, il n’en existe pas d’autre. Entrez par " la " voie. "
43-Theophylacias , archidiacre du saint siège 752
Dans l’épitre qui est la quatre-vingt troisième des épitres de saint Boniface, archevêque de Moguntini : " Jusqu’à présent, ce n’est pas sans une grande tristesse davidique, sans une souffrance du plus intime de mon cœur que me sens poussé à entonner des saints cantiques : " J’ai annoncé, et j’ai parlé et ils se sont multipliés au-delà du nombre . " Je voudrais aussi déclarer que beaucoup viennent à la foi et que peu parviennent au nombre des élus, selon la proclamation du Seigneur lui-même : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
44- Le Vénérable Bède 745
En Matth. XX, XV1 : " Il y a beaucoup d’appelés etc… " Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu se rendent au royaume des cieux. Jésus traite le même sujet au chapitre V11 : " Large est la voie qui tend aux voluptés du siècle, que l’on trouve sans investigation et sans recherche, car elles se présentent d’elles-mêmes. Tous, par contre, ne trouvent pas la voie étroite, et ceux qui la trouvent n’entrent pas tout de suite par elle. Car, un grand nombre de ceux qui sont rendus à mi chemin, séduits par les voluptés du siècle, font machine arrière. " Et en Luc, livre V, ch. I8 : " Au jour du jugement, --ce dont on doit se souvenir d’un cœur tremblant--- quand notre Créateur apparaîtra sous la forme de l’homme, le nombre des élus sera si rarissime que la ruine du monde devra être accélérée non pas tant à cause de la clameur des fidèles injustement damnés mais à cause de la corruption de ceux qui sont justement damnés ".
45- Saint Isidore d’Espagne, docteur de l’Eglise, 636
Dans le livre des questions sur les nombres, à la question 42 : " Le fait qu’on ait compté soixante mille hébreux armés qui sortirent d’Egypte, et que de tous ceux-là, pas plus de deux ne soient entrés dans la terre promise, constitue une figure qui enseigne qu’un grand nombre transitent au pays de la foi par le baptême, mais qu’un petit nombre parvient à la patrie céleste, selon les paroles de l’Evangile : " il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
Antiochus, moine palestinien, 7ème siècle
Saint Grégoire le Grand, docteur de l’Eglise, 604
Cet illustre docteur de l’Eglise s’est exprimé ainsi dans sa trente-huitième homélie évangélique , numéros 8 et 14 : " Le fait que dans l’Eglise, il y ait beaucoup de mauvais et peu de bons ne devrait pas vous terroriser. L’arche, dans les ondes du déluge, a accueilli des bêtes là où elle était large, mais elle a abrité les êtres humains là où elle était étroite, car l’Eglise obtient de l’ampleur dans et par les choses charnelles et se restreint dans et par les choses spirituelles. Il faut en effet souvent redire la parole du Seigneur et la graver dans sa mémoire : " Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ".
L’importance que le saint docteur attache à cette vérité saute aux yeux. C’est pourquoi, en plusieurs autres circonstances, il a cherché à l’inculquer aux fidèles . Ajoutons ce seul extrait de sa dix-neuvième homélie, no 5, où il commente ainsi les paroles de l’évangile : Il y a beaucoup d’appelés etc… " Parce que, dit-il, plusieurs viennent à la foi, mais peu parviennent au royaume céleste. En effet, en quel grand nombre vous êtes venus participer à la fête d’aujourd’hui ! L ’église est pleine à craquer ! Mais cependant, qui sait à quoi se réduit le petit nombre de ceux qui seront comptés dans le troupeau des élus de Dieu ! " Le pape saint Grégoire ne craignait donc pas de prêcher ouvertement à son peuple le mystère du petit nombre des élus. Il était éloigné de mille lieux de la prudence charnelle des " modernistes ".
Césaire d’Arles 542
Il y a deux sermons différents se rapportant respectivement aux deux voies dont l’une est large et l’autre étroite. Dans celui qui porte le numéro 68, après avoir exhorté ses auditeurs à entreprendre de gravir la voie étroite, par laquelle ils peuvent monter jusqu’au Paradis, il se met à décrire les marcheurs de l’une et l’autre voie d’une facon telle qu’après avoir observé ce qui passionne et intéresse les uns et les autres, il apparaît avec évidence qu’il y a plus de monde dans la voie large que dans l’étroite , et, qu’en conséquence il y a un plus grand nombre de damnés. Et parce qu’il prêche à des chrétiens et que c’est à eux qu’il applique la parabole, il est à mille milles lieux de l’interprétation fausse et laxiste du Père Castelein. (en francais dans le texte).
Saint Césaire dit donc : " Tous ceux qui raffolent de ce monde, les orgueilleux, les avares, les voleurs, les adultères, les envieux, les ivrognes, ceux qui ont des balances truquées, qui ont deux poids deux mesures, ceux qui rendent le mal pour le mal, qui se délectent de spectacles sanglants, barbares ou honteux, font la preuve qu’ils descendent par la voie large et spacieuse. Les chastes, par contre, et les sobres, les miséricordieux, ceux qui pratiquent la justice, ceux qui font l’aumône selon leurs ressources promptement et avec joie, ceux qui ne conservent pas de haine dans leur cœur envers personne , ces gens-là montent vers les sommets par la voie étroite et resserrée. Et bien qu’ils semblent habiter encore sur la terre avec leurs corps, leur conversation, selon l’Apôtre , est dans les cieux. De sorte que quand le prêtre les exhorte à élever leurs cœurs, ils répondent en toute confiance qu’ils sont déjà dirigés vers le Seigneur ".
Et dans le sermon 67 : " C’est Jésus qui préside à la voie auguste et resserrée, et le démon à la voie large et spacieuse. Le Christ invite au règne, celui-là entraîne à l’enfer. Si nous ne regardons la voie large et spacieuse qu’avec les yeux du corps, elle nous leurre. La voie étroite et resserrée contemplée avec les yeux du cœur fait naître en nous la sécurité ".
Saint Hormisdas 523
Voici ce qu’enseigne la vingt-troisième lettre adressée à tous les catholiques orientaux, et qui a été lue au cinquième synode, tenu en 518 , 2, comme le rapporte Baronius, n.2 : " Quel besoin y aura-t-il d’une récompense s’il n’existe pas d’occasions de pratiquer la vertu ? La porte est étroite mais elle mène au règne. L’entrée est réservée à peu de monde : à ceux qui ont été éprouvés. Ces paroles ne se rapportent-elles pas à ceux dont il est dit : " Ils vous persécuteront et vous flagelleront dans leurs synagogues ".
Rubicius senior 504
Seizième lettre à Turencium : " Comme le bon est rare, il est également si résistant qu’il est éternel. Elle est lisse et fleurie , selon la parole du Seigneur, la route qui précipite dans l’abîme. Raboteuse et pierreuse, celle qui débouche sur la gloire. Pour quelle raison, si ce n’est que beaucoup descendent dans la première, mais peu veulent gravir la seconde ".
Salvianus 464
Nous concédons très volontiers à nos adversaires que ce pieux prêtre a été le Jérémie de son temps. Il est permis de chercher à trouver une tache dans ses brillantes couleurs. Il n’en demeure pas moins évident qu’il n’a jamais entretenu d’espoir pour le salut du grand nombre, même pas des catholiques adultes, à tout le moins de ceux de son siècle. Cela suffit pour notre thèse. Il a écrit en effet dans son troisième livre du gouvernement du monde : " Ce que je m’apprête à vous dire est très lourd de conséquence et est matière à verser beaucoup de larmes. Cette église de Dieu qui doit par tous les moyens chercher à apaiser Dieu, que fait-elle d’autre que l’exacerber ? A par le très petit nombre de ceux qui fuient le vice, qu’est-elle d’autre qu’une sentine de vices ? J’irai encore plus loin . Tu trouveras plus facilement des gens coupables de tous les maux plutôt que de quelques-uns seulement. Tu trouveras plus facilement des gens coupables de grands crimes plutôt que de petits crimes. C’est-à-dire qu’il est plus facile de trouver des gens qui ont commis des grands crimes avec des petits, que de trouver des gens qui ont commis des petits crimes sans en commettre de grands. Presque tout le peuple chrétien est descendu à une telle dépravation des mœurs que ,dans toute la chrétienté, la sainteté consiste dans une moindre débauche ".
Le Pape saint Léon le Grand, docteur de l’Eglise, 461
Il dit les paroles suivantes dans son sermon XL1X , au deuxième chapitre : " Elle est maintes fois confirmée par l’expérience la parole du Sauveur qui nous enseigne que la voie est étroite et ardue qui conduit à la vie . Et comme la route large est fréquentée par de nombreuses armées, dans les sentiers du salut on ne voit les traces que du petit nombre de ceux qui entrent. Pourquoi donc la voie de gauche est-elle plus achalandée que celle de droite, sinon parce que la multitude a un penchant pour les joies mondaines et les biens corporels ? ….Comme ils sont innombrables ceux qui convoitent les choses visibles, c’est à peine si on en trouve quelques-uns qui fassent passer les biens éternels avant les temporels. "
Saint Isidore de Pelusiota, cinquième siècle
Il a écrit au prêtre Eusèbe : " Si, comme tu l’écris, la piété des rois envers Dieu a entraîné des marques d’irrévérence envers certains évêques, il demeure qu’un excès d’honneur à eux manifesté ne fait que les énerver. Ce zèle obséquieux ne va qu’à leur procurer délices et banquets. Toi, vois à ce que cela ne te porte pas à préjudice. Ce ne sont pas tous également qui luttent contre les vices, mais il y en a peu qui veulent vivre comme des apôtres. Si tu dis, il y en a, mais ils sont peu nombreux, tu cours le risque de ne pas te tromper. Mais admirons plus tôt la prescience du Sauveur : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. " Il s’agit ici d’évêques. A plus forte raison, ces paroles peuvent-elles s’appliquer à l’ensemble des fidèles .
Saint Pierre Chrysologue, docteur de l’Eglise, 450
Un grand nombre de fleurs laisse présager une multitude de fruits, mais disséminées par les rafales de vent, un petit nombre d’entre elles parviennent à maturité. De la même façon, beaucoup de ceux qui croient dans le Christ semblent dans la paix de l’Eglise. Quand l’étincelle de la persécution prend feu, on trouve peu de martyrs dans le fruit. "
Saint Cyrille d’Alexandrie, docteur de l’Eglise 444
En Isaïe, livre 2, XX1V, 6 A cause de cela, les pauvres habiteront la terre, et il restera peu d’hommes. " Comme, dit-il, la terre est devenue exécrable, parce qu’elle est infestée d’iniquités, même ceux qui sont inopinément réduits à la mendicité parviennent à peine à se sauver. Il n’en reste que quelques-uns et ils sont bien faciles à compter. Au sujet de la compréhension intime du mystère, nous disons de nouveau que bien peu en sont capables. Je parle de ceux qui ont plu à Dieu par la pratique des vertus et qui se sont procuré des trésors par des actions courageuses et honorables. Ils sont peu nombreux, en effet, selon la parole du Sauveur : " Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus ".
Jean Cassien, 434
Ce célèbre abbé de Marseille que saint Castor, évêque, son contemporain, disait être orné d’une gloire spéciale de sainteté et être digne de mémoire entre tous, dans son quatrième livre des institutions cénobitiques, au chapitre 38, parle ainsi du petit nombre qui doivent servir d’exemples : " C’est par un grand nombre de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume des cieux. Etroite, en effet, est la porte , et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Considère-toi donc comme un des leurs, et ne te laisse pas refroidir par l’exemple et la tiédeur de la multitude. Mais vis comme vivent le petit nombre d’élus, car peu nombreux sont les élus, et petit est le troupeau à qui il a plu au Père de donner l’héritage. "
Saint Nil, abbé 450
Etroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la prennent. Si ceux qui la prennent sont peu nombreux, moins nombreux encore sont ceux qui mériteront d’y entrer. La raison pour laquelle ils n’entrent pas est leur propre négligence. "
Saint Augustin, docteur de l’Eglise, 430
Ce très grand docteur de l’Eglise, dans plusieurs de ses écrits, défend notre opinion copieusement. Ainsi, au treizième livre contre le manichéen Faustus, au chapitre seizième, où il traite de la façon de catéchiser les païens, afin qu’ils n’hésitent pas à embrasser la foi catholique à cause des mauvaises mœurs des gens d’Eglise, " S’ils savaient (les païens) que l’héritage de Dieu est réservée à un petit nombre, et que le grand nombre ne fait qu’en arborer les signes; qu’un petit nombre seulement hérite de la sainteté de vie, mais que le grand nombre ne fait que participer à la sainteté du sacrement ….Et ce petit nombre, le Seigneur le dit petit en comparaison avec la multitude des mauvais. Mais si on considère les élus en eux-mêmes, répartis qu’ils sont dans tous les pays du monde, ils sont nombreux . Ils croissent au milieu de l’ivraie et de la zizanie jusqu’au jour de la moisson et du vannage ".
Contre le donatiste Cresconium, au chapitre soisante-sixième du troisième livre, il écrit : " La mer est pleine de flots salés , mais elle est aussi pleine de poissons comestibles. Tu as cité ce texte de l’évangile : car il y en a peu de sauvés. Réponds donc à cette question : comment le Seigneur lui-même a-t-il pu dire : la voie est étroite et resserrée qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent? Et le même a dit ailleurs : " Beaucoup viendront de l’orient et l’occident et banquetteront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. (Id. V111, 11). Et comment dans l’Apocalypse peut-on nous montrer une multitude d’élus que nul ne peut compter ? Comment les mêmes peuvent-ils être en même temps nombreux et peu nombreux ? Nous n’avons pas à choisir entre ces deux affirmations comme si l’une était vraie et l’autre fausse, car c’est la Vérité elle-même qui les a énoncées toutes les deux. Ces mêmes chrétiens, bons et véritables, sont nombreux si on les considère en eux-mêmes, mais ils sont peu nombreux comparés aux mauvais et aux hypocrites. Ainsi, les nombreux grains dont la aire (?) est pleine sont peu nombreux en comparaison de la paille (?).
Il dit la même chose ailleurs, au chapitre cinquante-troisième du livre quatrième des élus : " Lesquels sont nombreux considérés en eux-mêmes, et peu nombreux au regard du beaucoup plus grand nombre de ceux qui sont punis avec le démon. " Et dans le sermon cent onze, ou dans les paroles du Seigneur XXX11 : " Certes, ils sont peu nombreux ceux qui se sauvent. Vous souvenez-vous de la question par nous posée à propos d’une parole du Saigneur ? Seigneur, sont-il peu nombreux ceux qui se sauvent ? Que répond le Seigneur à cela ? Il ne dit pas : peu de gens sont sauvés , tout en étant nombreux. . Non, il n’a pas dit cela. Mai qu’a-t-il dit ? Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Quand donc tu entends : il y en a peu qui sont sauvés, le Seigneur confirme ce que tu as entendu. Peu entrent par la porte étroite. Il dit ailleurs : " Etroite et resserrée est la voie qui conduit à la vie et il y en a peu qui passent par elle. Large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition et il y en a beaucoup qui cheminent par elle. Pourquoi pavoiser à la pensée de multitudes ? Ecoutez-moi : ils sont en petit nombre. Je sais que vous êtes nombreux à écouter et peu à obéir. Je vois l’aire à battre le blé, mais je cherche les grains. Et c’est à peine s’ils ressemblent à des grains quand l’aire est battue. . Il y en a donc peu qui se sauvent en comparaison à la multitude de ceux qui périssent. N’est-ce pas plus clair que le jour ? "
Saint Jérôme, docteur de l’église, 420
Au chapitre vingt-quatrième, 13-15, Isaïe dit : " Le petit nombre des élus, dont parle le Seigneur dans l’Evangile, ---beaucoup d’appelés, peu d’élus---- sera tel qu’il peut être comparé au petit nombre des olives qui, quand elles ont été secouées et brassées restent en petit nombre fixées aux branches. Et de la façon dont ont coutume de procéder les pauvres gens après la récolte, , poussés par le besoin. Ils parcourent les lieux vides pour ramasser quelques graines d’olive (?). . Et dans son deuxième livre contre les Pélagiens, il commente ainsi les paroles de Jésus : " Il y en a peu qui la trouvent. Il demande : Veux-tu entendre parler de la facilité qu’il y a à observer les commandements ? Ecoute ce qui a été dit : " Comme elle est étroite la voie …. " Il n’a pas dit : ceux qui la gravissent, car c’est une chose très difficile. Mais ceux qui la trouvent. Il y en a peu qui la trouvent, et ils sont encore moins nombreux ceux qui entrent par elle. "
Le pseudo Jérôme, probablement saint Paulin de Nole
Un auteur ancien, instruisant une noble matrone du nom de Celantia : " Que ceux qui se déclarent les disciples de la Vérité ne suivent pas la foule erratique. Il est certain que le Seigneur , dans l’Evangile, indique deux voies qui sont deux façons diverses de vivre Observez quelle différence, quelle dichotomie il y a entre les deux ! L’une tend à la mort, l’autre à la vie. L’une est louangée, l’autre est redoutée par tous. Si nous préférons les plaisirs de ce monde aux joies du monde futur, c’est signe que nous descendons par la voie large et spacieuse. Nous avons pour compagnons de voyage la multitude et nous faisons partie de leurs bataillons. Mais si foulant aux pieds toute cupidité, nous ne cherchons à nous enrichir que des seules vertus, nous circulons par la voie étroite. C’est un mode de vie qui ne se trouve qu’en un petit nombre. Et ce nombre est rarissime.. Il est difficile de trouver des voyageurs aptes à suivre ce chemin. "
Saint Jean Chrysostome , docteur de l’Eglise, 407
Ce saint docteur à la bouche d’or nous a révélé sa pensée dans la célèbre homélie vingt-quatrième sur les actes des apôtres, homélie qu’il a prononcée devant les fidèles de l’église d’Antioche : " Je dis cela, non parce que je hais la multitude que vous formez, mais parce que je voudrais que tous soient éprouvés et que vous ne vous fiiez pas en la multitude. Il y a beaucoup de gens qui tombent dans la géhenne. Combien pensez-vous qu’il y a de nos concitoyens qui obtiendront le salut? Stupéfiant est ce je vais vous dire, mais je le dirai quand même . Parmi tant de milliers,----- (Cornelius a Lapide dit en note que la ville d’Antioche comptait au moins cent mille habitants)----il n’y en a pas cent qui parviendront au salut. Je doute même qu’il y en ait tant ! Quelle débauche chez les adolescents! Quelle perversité chez les plus âgés ! "
Ce jugement si notoire du saint docteur a suscité la réaction de certains théologiens, telle celle de l’auteur de la théologie à l’usage du séminaire de Mechline : " C’est de l’enflure verbale. Il ne faut pas prendre ces mots à la lettre. Il s’agit d’une condamnation conditionnelle : s’ils fréquentent les spectacles dégradants, s’ils recherchent les voluptés, les vices… " Il y a d’autres homélies de saint Jean Chrysostome sur les Actes des Apôtres dont l’authenticité, il est vrai, est contestée à cause de la pauvreté du style et de certaines contradictions apparentes. Mais les Bénédictins les reconnaissent comme étant bien de notre auteur. Il faut se rappeler, en outre, que nous avons, il n’y a pas si longtemps, entendu le vénérable Claude de la Colombière déclarer : " Je m’étonne que de cent mille il y en ait trois de sauvés ".
Le même Chrysostome prêche ailleurs ainsi à ses prêtres : " Ce sont eux que je déplore, c’est à cause d’eux que je pleure, quand il me vient à la pensée la grande quantité de ceux qui se perdent parmi les baptisés. Quelle séparation devrais-je faire entre les frères pour les réduire au petit nombre de ceux qui obtiennent le salut, afin que la plus grande partie du corps de l’Eglise ressemble à un corps mort et immobile ? En quoi cela nous concerne-t-il, dira quelqu’un. Cela vous concerne extrêmement vous qui ne vous souciez pas d’eux, qui ne les exhortez pas, qui ne les aidez pas de vos conseils, qui ne les secourez pas dans leurs besoins, qui ne les traînez pas par la force, et qui ne vous détournez pas de cette si grande négligence. Le Christ nous montre que nous ne devons pas nous soucier uniquement de nos intérêts mais aussi de ceux d’autrui, quand il nous compare au sel et au levain et à la lumière ".
Enfin, dans son livre : " Contre les adversaires de la vie monastique ", livre 1, 8 : " Etroite est la porte et resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. S’il est vrai qu’il y en a peu qui la trouvent, ils sont encore moins nombreux veux qui peuvent parvenir au terme ". Et il répète qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. " Comme le Christ nous dit que la plus grande partie est constituée de ceux qui se perdent, et nous assure que le salut prédéterminé est le fait d’un petit nombre, pourquoi t’opposes-tu à moi ? Tu fais comme si ----que les " modernistes " bénignistes ouvrent leurs oreilles toutes grandes— dans ton étonnement de ce qui est arrivé à Noé au déluge, tu cherchais à me rendre responsable de ce que tous aient péri et de ce que deux ou trois seulement aient échappé au sinistre. C’est avec ce genre d’argument que tu penses nous réduire au silence, pour que nous n’ osions plus proclamer la damnation de la multitude. Mais de cette vérité nous sommes persuadé, et nous ne préférerons pas la multitude à la vérité. On ne peut pas non plus dire que les mœurs d’autrefois étaient pires que celles d’aujourd’hui. Celles d’aujourd’hui sont encore plus délétères, d’autant plus que même la menace de l’enfer ne parvient plus à détourner des vices ".
Saint Jean Chrysostome était donc un terroriste, lui qui prêchait au peuple l’enfer et le petit nombre des élus, ce qui n’est pas du tout du goût de nos modernistes.
L’évêque Philocarpasius, autour de 500
Dans son commentaire du cantique des cantiques, LXX111, verset 2 : je me lèverai et circulerai….et je ne l’ai pas trouvé quand…. " Elle dit qu’elle ne l’a pas encore trouvé, même si elle s’était réveillée et était précautionneusement partie à sa recherche. Pourquoi une fois de plus ne l’a-t-elle pas trouvé ? Elle en indique la cause dans ces mots : " Je me lèverai et parcourrai la ville . des magasins aux places publiques, ce qui revient à dire qu’elle se souciait des affaires du monde et du chemin qui mène à la perdition. C’est pour cette raison qu’elle déclare ne pas l’avoir trouvé, car étroite est la porte et resserrée la voie qui mène à la vie. "
Saint Ambroise, docteur de l’Eglise, 397
Il atteste entre autres choses que le culte de Dieu est plus rare chez les catholiques que celui du monde, dans son commentaire sur le psaume XL no 7 des mots suivants : Au jour mauvais, le Seigneur le libérera : " Parce qu’elles semblent amères les peines qu’Il nous inflige. Car la voie de la vertu est étroite , celle du crime est large. Pour cette raison, ils sont plus rares ceux qui marchent dans la voie de la vertu et plus nombreux ceux qui se repaissent des vices. Et la conséquence en est que le nombre de ceux qui obtiennent la récompense est inférieur au nombre de ceux dont la gravité des péchés entraînera un jugement de réprobation. Ensuite, dans son apologie de David, chapitre 1X : " Qui habitera dans ton tabernacle, ou qui montera sur la montagne du Seigneur ? ", On ne peut pas dire : personne, mais peu de monde ".
Saint Grégoire de Naziance, docteur de l’Eglise
Discours quarante-deuxième aux 150 évêques, numéros 7 et 8 , il se demande : " Comment penses-tu devoir interpréter ces paroles : Même si le nombre des fils d’Israël était aussi grand que celui du sable de la mer, un reste seul sera sauvé. " Et il répond : " En est-il bien ainsi ? Oui, non ? Il en est bien ainsi. Dieu ne se plaît pas dans le plus grand nombre. Toi, tu nommes des myriades, Dieu ceux qui parviennent au salut. Toi, la poussière sans limite, moi les vases d’élection. " La poussière ne désignait pas les infidèles mais les orthodoxes. Nous ne pouvons donc pas trouver de témoignage plus éloquent en faveur de notre opinion.
Pour mettre plus clairement en lumière sa doctrine, il vaut la peine de prêter attention à ce qu’il dit dans les scholies : " C’est à cause de cela que nous disons qu’ils sont peu nombreux à obtenir le salut. Tu ne dois donc pas te laisser leurrer par la multitude de ceux qui sont recensés parmi les pieux. Le nom du Christ est attribué à plusieurs, mais chez peu de personnes le témoignage des œuvres répond à la profession de foi. " Et dans son vingt-troisième discours qui est le premier prononce contre les Eunomiens, no. 8 : " Quant tu entends dire qu’il n y a qu’une seule voie et que celle-ci est étroite, que penses-tu que ces mots signifient ? Elle est unique, en effet, si tu regardes la vertu, et ardue à cause des sueurs, et parce qu’elle n’ est pas foulée aux pieds par un grand nombre, si tu as en tête la multitude de ceux qui, par un chemin contraire , avancent dans la voie du vice. Voila mon sentiment personnel. "
Saint Ephrem, 379
Il a enseigné trois fois notre doctrine quand il a écrit : " C’ est une voie de ce genre que le Seigneur a établie, une voie qui conduit à la vie, étroite et resserrée, selon ce qui est écrit : un petit nombre passe par elle ….. Notre Seigneur Jésus Christ et notre Dieu a dit dans ses évangiles : Efforcez-vous d’ entrer par la porte étroite. Allons mes frères par cette voie, pour que nous héritions de la vie éternelle. L’ accès a cette vie est la pénitence, le jeune, l’ oraison, la componction, les veilles, la pauvreté en esprit, le mépris de la chair, le soin de son âme. Voila par quoi on accède à la porte étroite et à la voie resserrée qui procure une grande récompense, le royaume des Cieux. Mais large et spacieuse est la voie qui conduit à la perdition. Le Seigneur de la gloire a dit : Entrez par la porte étroite.Que signifie cette voie étroite qui conduit à la vie éternelle, et que peu de personnes empruntent ? Et quel est celui qui la trouve et nous la décrit ? Tous les saints ".
Saint Basile le Grand, docteur de l’ Eglise, 379
Dans son sermon sur le renoncement au monde, il parle ainsi à un religieux : " Sois l’ émule de ceux qui vivent saintement, et grave leurs actions dans ton cœur. Choisis de faire partie du petit nombre. Car le bien est rare. C est pour cela qu’ ils sont peu nombreux, ceux qui entrent dans le royaume des cieux. Prends garde, penses-tu que tous ceux-là se sauveront qui habitent des cellules, les bons comme les mauvais ? Il n’en va pas ainsi. Il y en a beaucoup qui choisissent le saint et pieux état de vie, mais il y en a peu qui en portent le joug. Car le royaume des cieux appartient aux violents et ce sont les violents qui l’ emportent. Ces paroles sont celles de l’Evangile. "
Le pseudo Basile
C est un auteur anonyme du quatrième siècle . Dans son commentaire sur Isaïe, 253, il dit : " Beaucoup périssent à cause de la recherche du confort et du laxisme. Il y en a peu qui parviennent au royaume, i.e., qui supportent allègrement la fatigue et l’ âpreté de cette voie prescrite à la vertu ". Il dit la même chose ailleurs, au chapitre X, 246 : " Il n’ y a personne qui s’étonne qu’ une si grande quantité d’ Israélites ait été réduite à un si petit nombre. Ne fais pas attention à la multitude de ceux que l’ on appelle des adorateurs de Dieu. Plusieurs sont enregistrés au nom du Christ, mais dans un petit nombre seulement, cette appellation est corroborée par le témoignage des œuvres. Même si le peuple d Israël était nombreux comme le sable de la mer, un reste seulement serait sauvé. Que le salut ne se trouve pas dans la multitude, cette vérité a vu d’abord son application dans le premier peuple, mais elle vaut aussi pour les restes du second qui obtiennent le salut selon l’ élection de la grâce. "
Saint Hilaire, docteur de l Eglise 368
Dans son traité sur le psaume LX1V, au verset 5 : Bienheureux celui que tu as choisi et élevé, il demeurera dans ton temple, il donne l’opinion commune sur les paroles du Seigneur, car il écrit : " Toute chair viendra, i.e, nous nous réunirons du sein de toutes les races, mais bienheureux celui qui sera élu. Il y en a beaucoup qui sont appelés, selon l’ Evangile, mais il y a peu d’ élus. Matth. 22, 14. " Il reprend la même idée dans son commentaire sur saint Mathieu, XX11, no. 7 : " Celui-ci est enlevé et jeté dans les ténèbres extérieures, parce qu’ il y a beaucoup d appelés et peu d’ élus. Le petit nombre ne se trouve donc pas dans les invités, mais dans les élus se trouve la rareté. Car l’ humanité sans exception est invitée par la bonté divine, mais dans les invités, l élection est une équitable attribution de la justice divine ".
Athanase Vulgate
Dans sa première épitre à Castor, 13, " D’ après la sainte écriture, si tu rentres au service de Dieu, prépare-toi non à l’ insouciance, non au loisir, mais aux tentations, aux tribulations . Car, c est par un grand nombre de tribulations qu’ il nous faut entrer dans le royaume de Dieu, et la porte est étroite et la voie resserrée qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Emprunte donc l’âme de ce petit groupe de bons, et à partir de leurs exemples, trace- toi ta voie. Ne tiens pas compte des paresseux et des méprisants, même s’ il y en a beaucoup numériquement parlant. Car il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et il est petit le troupeau à qui il a plu au Père de donner le royaume. Ne va pas t’ imaginer que le péché est peu de chose. Recherche la perfection, et éloigne-toi des négligents et des hypocrites ".
Il dit la même chose dans le deuxième dialogue contre Macedonius , première réfutation : " Contre ceux qui jugent la vérité d’ après la seule multitude . " N’avons-nous pas entendu le Seigneur dire : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus ?. Et de nouveau, Etroite et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent . " Qui donc parmi les sains d’esprit ne préférerait pas être du groupe des peu nombreux , de ceux qui marchent vers le salut par la voie étroite , plutôt que des nombreux qui se ruent vers leur ruine par la voie large ? ".
Il affirme dans son commentaire du psaume 60 " : Paul gémissait. Malheureux homme. Qui me libérera de ce corps de mort ? Il gémissait comme si son âme était accablée par le poids de son corps, mais c’ est qu’ il entrevoyait la multitude de ceux qui périssent, selon la parole du Seigneur : la voie est large et spacieuse qui conduit à la perdition ".
N°71 Lactance (+317) p.117
Au livre six de ses institutions, chapitres 4 et 7 , traitant de la voie de la vertu et de la voie des vices, et avertissant qu’ aux uns est préparé le bonheur éternel, aux autres le malheur éternel, il conclut qu’ ils sont moins nombreux ceux qui marchent dans le chemin de la vertu , et c’est pour cela qu’on l’appelle étroite. Et nous, nous concluons a bon droit qu’ils sont moins nombreux à être sauvés. En conséquence, comme les biens et les maux sont proposés en même temps, il convient que chacun se pose à lui-même la question : est-il préférable de supporter des maux brefs en vue de biens éternels ou de s’ exposer à des supplices sans fin pour un bonheur caduc ? Cette voie qui est celle de la vérité, de la sagesse, de la vertu et de la sainteté est ardue, parce que la vertu est donnée à un petit nombre. Elle est épuisante aussi , car personne ne peut parvenir sans grande difficulté et sans labeur au bien suprême. "
N°72 Origène (+294) p.118
Dans son commentaire de saint Matthieu sur les invités aux noces : " Qu’ un grand nombre d’invités aient été appelés qui n’ en étaient pas dignes, (indignes du banquet céleste), toute la parabole le sous-entend. Car il y a beaucoup d’ appelés Et si l’ on compare le nombre de ceux qui sont entrés dans la salle du banquet à ceux qui ont pris place à table, on comprend le il y a peu d’élus. Si quelqu’un pense aux nombreuses assemblées chrétiennes et se demande combien mènent une vie pieuse et droite, combien vivent de l’ esprit du monde et se conforment
à ce siècle, c’ est alors qu’ il découvrira la pertinence de la parole du Seigneur : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus ".
Et dans sa quatrième homélie sur Jérémie, il donne un enseignement diamétralement opposé aux élucubrations du Père Castelein : " A la vérité, si nous avons égard à la foi et à la vérité et non à la multitude, et si nous prenons en compte la volonté des hommes et non leur rassemblement, nous constatons que dans un si grand nombre d’églises, il est difficile de trouver de la foi. C’ est autrefois qu’ il y avait de vrais fideles quand les martyrs étaient immolés comme des victimes, ou quand après avoir subi des supplices cruels, ils revenaient tout tristes à l’ église. Toute la multitude fondait en larmes lorsque les catéchumènes au tout début de leur foi étaient conduits au martyre ; quand des femmelettes et des femmes demeuraient intrépides jusqu’ à la mort. Alors apparaissaient des signes dans le ciel, alors surgissaient des prodiges. Les chrétiens étaient peu nombreux alors, mais c’étaient de vrais fideles qui marchaient par la voie étroite et resserrée qui conduit au ciel. Et maintenant, depuis que nous sommes devenus nombreux !…Oh qu il est difficile à plusieurs d’être bons ! Jésus n’ a pas menti quand il a dit : Il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. Parmi ce si grand nombre de personnes qui professent la foi, on en trouve peu qui ont la foi et la vérité, et qui sont dignes de la béatitude. "
Commentaire sur saint Matthieu.
Les invités aux noces : «parce que plusieurs [de nombreux] sont invités, absolument aucun n’est trouvé digne (c’est à dire au banquet céleste), il ajoute ceci à la parabole : « beaucoup en effet sont appelés. » et à cause de ceux qui, entrés à la salle des noces, comme leur nombre est petit ce sont allongés pour manger, il dit cela : « peu en vérité sont élus. »
« Parce que si quelqu’un considère
les assemblées nombreuses dans les églises et combien mènent
une vie et droite et pieuse et se sont convertis à la nouvelle loi
et à l’inverse combien vivent mollement et vivent comme la plupart
des gens [se conforment à ce siècle] , alors seulement il
verra l’utilité de cette parole prononcée par le Sauveur
: « Beaucoup en effet sont appelés, mais peu sont élus.»
« Ailleurs il a été
dit : « Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas
; » et : « efforcez-vous de rentrer par la porte étroite,
parce qu’il y en a peu qui la trouveront. »
4ème Homélie sur Jérémie
: "En prenant le critère de la foi et de la vérité,
nous considérons, non la multitude mais la volonté des hommes.
Nous ne voyons pas l’assemblée elle-même mais nous découvrons
qu’il est difficile de trouver la véritable foi dans une telle masse
de gens dans les églises. Alors il y avait vraiment des fidèles
quand les martyrs étaient frappés à mort, qu’ils subissaient
une mort cruelle, les repentants revenaient à l’église ;
il y avait la multitude des gens qui se lamentaient quand les catéchumènes
qui venaient de recevoir la foi étaient conduits immédiatement
au martyre pour être frappés à mort : quand les femmelettes
et le sexe faible demeuraient intrépides jusqu’à la mort.
Alors en vérité se produisaient
des signes dans les cieux, et des prodiges sur la terre, alors les chrétiens
étaient peu nombreux mais ils étaient vraiment fidèles,
lorsqu’ils passaient par la porte étroite et resserrée qui
conduit à la vie. Maintenant que nous sommes devenus plus
nombreux, comme il est difficile que beaucoup soient vraiment bons et que
Jésus ne ment pas en disant : Beaucoup sont appelés, peu
sont élus. De tant de personnes qui professent la foi chrétienne,
on en trouve peu qui aient la foi véritable, et qui soient dignes
de la béatitude".
N°73 Tertulien (+245) p.
Dans son livre sur la fuite pendant la persécution, au chapitre 14 : " Celui qui a peur de souffrir ne peut pas être celui qui souffre. Et celui qui n’ a pas peur de souffrir sera parfait dans l’ amour. …Et c’ est pourquoi il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus. On ne cherche pas celui qui est prêt à marcher sur la voie large, mais sur l’ étroite. "
N°74 Irénée (+177) p.120
Dans ses livres contre les hérésies, livre 4, chapitre 15 : " Si, à cause des Israélites désobéissants et obtus, ils incriminent le Docteur de la Loi, ils découvriront que dans notre appel à nous , il y a beaucoup d’ appelés et peu d’ élus, et qu’ il y a des loups revêtus à l’ extérieur de peaux de mouton ". Et un peu après, au chapitre 27 : " De la même manière ici aussi, il y a beaucoup d’ appelés et peu d’élus. Comme autrefois, les injustes, les idolâtres et les fornicateurs perdaient la vie, à notre époque aussi, ---le Seigneur l’atteste--- de telles gens sont envoyées dans le feu eternel. " Enfin, plus loin, au chapitre 36 : " Comme dans le premier testament le Seigneur ne s’est pas plu en tous, il en est de même dans celui-ci : beaucoup d’ appelés et peu d’ élus " .
Conclusion p.121
Maintenant, donc, nous qui possédons une nuée si imposante de témoins, à savoir, les soixante-quatorze saints, docteurs et pères de l’Eglise, nous mettons au défi nos contradicteurs de citer ne fût-ce qu’un seul saint ou Père de l’Eglise qui soit de leur avis.
C’est pourtant ce que tente timidement Castelein en disant en termes très généraux : « Deux illustres docteurs de l’ère moderne, saint François de Sales et saint Alphonse de Liguori semblent incliner vers l’opinion opposée » (p.283 du livre du Père Castelein) Qu’un auteur érudit entreprenne donc de parcourir les œuvres de ces saints. Qu’il cherche, qu’il trouve, et, enfin, qu’il cite mot à mot leurs paroles. La question est digne d’une telle recherche.
Mauran cherche une autre façon de se libérer du joug de l’autorité : « Il faut bien le reconnaître, le moyen-âge avec ses grandes et terribles luttes contre les barbares du nord, les Sarrazins d’Espagne et ses démêlés avec les juifs ne pouvait être bien favorable à des idées libérales ». (sic p.239) Donc, la doctrine catholique, la vérité du Seigneur qui demeure éternellement dépendent d’un état de guerre ou de paix.
Le Père Castelein se révèle-t-il plus sensé lorsque, pour renverser le consensus unanime des Pères, il ose écrire : «Bien des Pères ont cru que le nombre des réprouvés l’emporterait sur celui des élus ? » (p.283) Qu’il dise donc franchement : tous les Pères, et non bien des Pères, laissant entendre par là que quelques-uns au moins étaient d’une opinion contraire. Qu’il ne dise pas non plus : « Mais cette opinion, motivée peut-être par leurs conjectures sur l’histoire du monde, telle qu’ils la connaissaient alors, avec ses quarante siècles de paganisme, ne saurait faire loi » (ibid.) Les Pères élaborent leur doctrine non d’après des conjectures plus ou moins probables, mais d’après des arguments tirés de l’Ecriture Sainte.
De plus, comme il a été dit plus haut, le Pape Léon XIII les recommande fortement non seulement à cause de leur science de la doctrine révélée, mais aussi à cause de leur connaissance de plusieurs choses très utiles à l’interprétation des livres apostoliques. Léon XIII ajoute que Dieu a aidé de plus puissants secours de sa lumière ceux qui étaient remarquables par la sainteté de leur vie et par leur zèle manifesté dans la recherche de la vérité. Les modernistes font peu de cas de cette vérité en négligeant les Pères, en dépouillant leurs écrits de leur esprit de foi et en les soumettant à une critique rationaliste, comme s’ils n’avaient à faire qu’à des œuvres profanes. « Que leur interprète sache poursuivre diligemment leurs traces », dit encore Léon XIII.
Puisqu’il en est ainsi, il nous est permis de dégager certaines conclusions du consentement unanime des Pères ci-haut démontré.
1- Nous constatons d’abord que pour les modernistes, la doctrine qui enseigne que le nombre des damnés est plus grand que celui des sauvés est toujours ouverte à la discussion. On devrait dire avec plus de justesse que cette doctrine reflète la pensée de l’Eglise puisqu’elle a pour elle le consentement universel et unanime des Pères.
2- Nous constatons ensuite qu’ils s’éloignent de la vérité et induisent le peuple en erreur en donnant la préférence à des idées à la mode qui n’ont pas été suffisamment prouvées.
3- Nous constatons que le consentement unanime des Pères provient de leur interprétation de textes très célèbres de l’Ecriture , notamment, de la porte étroite et il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
4- Les Pères ne prêchent pas la doctrine du plus grand nombre des damnés à partir de la seule autorité de l’Ecriture, mais ils s’efforcent de démontrer cette triste vérité sur la constatation du fait que le plus grand nombre mène une vie qui ne convient pas du tout à un chrétien, et qui est à l’opposé des exemples et de la doctrine du Rédempteur.
5- Les témoignages réunis de tant et de si grands Pères nous font comprendre que la doctrine du petit nombre des élus a été présentée souvent et sans crainte par les prédicateurs et par les pieux auteurs. Il s’ensuit donc que les modernistes s’inventent à plaisir des cauchemars et ont peur de leurs ombres quand ils prétendent que cette doctrine ne doit jamais être enseignée pour ne pas terroriser les fidèles et pour que le désespoir ne les entraîne pas dans l’abime. Les évènements redoutables du futur n’arrivent pas parce qu’ils sont prédits. Mais on doit en parler pour qu’ils n’arrivent pas. Si dans l’Eglise primitive, après le refroidissement des siècles de ferveur, quand l’épouse du Christ était encore fortifiée par le sang des martyrs récemment versé, les hommes les plus saints et les plus sages jugeaient bon d’avertir les fidèles de ne pas parcourir la voie large et commune, mais de marcher avec le petit nombre, pour rendre certaine leur vocation, pourquoi devrions-nous nous taire à cette époque où croissent non seulement les mauvaises mœurs mais la licence des opinions les plus dangereuses ?
6- Que nos adversaire ne disent pas non plus que les saints, formés pour un grand nombre à l’école des rhéteurs, se sont laissés entrainer plus loin qu’ils auraient aimé et ont manié continuellement l’hyperbole dans leurs sermons. Car, un grand nombre de saints ont enseigné constamment cette vérité non pas seulement dans des mots lancés dans le feu de l’improvisation, mais dans des écrits qu’ils ont composés à froid et à tête reposée. Il faut de plus noter que l’Eglise n’a jamais récusé les Pères, ni refusé de les reconnaître comme des témoins authentiques de la tradition apostolique et des interprètes de l’Ecriture, sous prétexte qu’il auraient prêché la parole de Dieu avec zèle et chaleur.
7- Enfin, souvenons-nous que les
saints n’ont pas été des hypocrites. Ce qu’ils redoutaient
pour les autres, ils le redoutaient pour eux-mêmes. Comme l’a
dit l’un d’entre eux : « Est-ce que c’est moi qui ai écrit
cela ? Ai-je le pouvoir de l’effacer ? Si mes paroles suscitent de
la terreur chez autrui, je n’en suis pas moins troublé que
les autres. Si mes sermons terrifient autrui, je n’en suis
pas moins terrorisé moi-même ». Ce n’était pas
du tout des pharisiens, mais comme saint Paul, ils disaient et faisaient
: « Je châtie mon corps et le réduis en servitude,
de peur qu’après avoir prêché aux autres je ne
sois réprouvé ».
Soyons leurs auditeurs et leurs imitateurs
comme ils l’ont été du Christ.
p.124 fin.
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la table des matières
p.125-209
Chapitre 4
Cette doctrine
des saints est approuvée par les théologiens et les auteurs
ascétiques comme commune et vraie ;
cependant par quelques
uns elle est affirmée comme étant de foi.
p.210-229
Chapitre 4 Cette doctrine des Pères est approuvée par les théologiens et écrivains ascétiques. Ils la reconnaissent comme étant commune et vraie. Quelques-uns vont même jusqu’à la déclarer de foi.
Nos adversaires admettent en toute candeur que leur position est en retrait de la doctrine commune des théologiens.
Le Père Faber : « Parmi les théologiens, le sentiment rigoureux relatif à la masse entière du genre humain a une écrasante autorité. ---Le sentiment rigoureux concernant la damnation de la majorité des adultes catholiques a pour lui plus de théologiens que celui de l’opinion modérée ». C’est ce que dit le pieux Faber qui, comme nous le verrons plus bas, s’abstient, en traitant cette question, d’en faire l’application à l’ensemble de l’humanité.
Bougaud : « De là, l’opinion si générale des théologiens sur le petit nombre des élus dans l’humanité toute entière. On ne contredit qu’en tremblant une opinion si répandue ».
Mauran : « Hélas ! nous sommes obligés de l’avouer, la grande majorité nous dit avec saint Thomas d’Aquin : c’est le petit nombre qui est sauvé. Quelle épouvantable doctrine ! J’avoue qu’elle m’a toujours choqué. Pourtant, il est bien douloureux de voir une telle opinion enseignée par tout le moyen-âge. De nos jours encore, les traités de théologie qui sont classiques dans un grand nombre de grands séminaires, enseignent la même opinion. En particulier les théologies de Vincent et de Bonal. Le cardinal Gousset nous dit également « que le plus grand nombre des hommes se perdent ». Cependant, une réaction se fait dans les esprits contre ces désolantes doctrines ».
Le Père Castelein ne parle pas en termes aussi absolus : « Plusieurs de mes idées, je ne le sais que trop, sont en désaccord avec l’opinion de certains théologiens ». Ces théologiens-là seraient, selon son dire, peu nombreux, de peu de renommée et d’une infime autorité. Car le révérend Père ajoute aussitôt au sujet de ses idées : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie …des enseignements de nos plus grands théologiens ». Quels sont donc ces éminents théologiens, le lecteur éprouvera quelque difficulté à les découvrir en scrutant les noms du catalogue suivant. La chose s’avère d’autant plus difficile que le Père s’abstient prudemment d’en citer un seul.
Pour mémoire, rappelons la doctrine authentique de l’Eglise au sujet de l’autorité dont jouissent les théologiens et les auteurs ascétiques. Il est de notoriété générale que, de la même façon que les saints Pères ont succédé aux apôtres en tant que docteurs de l’église, les théologiens scolastiques ont succédé aux Pères, à un degré d’autorité, cependant, moindre. Par contre, il y a d’autres docteurs catholiques d’un rang plus élevé qui siègent dans la chaire même des Pères, du fait qu’ils enseignent leurs doctrines.
Il faut compter également au nombre des théologiens les écrivains ascétiques. L’ascèse, en effet, est une partie de la théologie pratique ou morale. On peut la définir : la science de la sanctification, puisque son objet est de conduire l’homme à la perfection de la sainteté.
Dans les choses qui se rapportent
aux principes de la foi et des mœurs, et dans ce qui en découle
automatiquement, la sentence unanime des théologiens
jouit d’une telle autorité que la contredire équivaut
à une imputation d’erreur ou d’hérésie.
On trouve une unanimité de ce genre chez les théologiens
en ce qui à trait au petit nombre des élus provenant
du genre humain entier. Une certaine disparité se fait
jour relativement au salut du petit nombre des adultes catholiques.
Section 1 : Les théologiens enseignant
clairement le petit nombre des élus
1- Joannes Trithemius , 1516
Ce pieux et docte abbé Spanhemensis enseigna la doctrine unanime des saints en toute clarté, pieusement et avec énergie, en ces mots : « Il est vraiment petit le troupeau de ceux qui vont à la vie éternelle, parce qu’ils sont peu nombreux ceux qui s’efforcent de monter par la voie étroite et sublime des vertus. C’est en effet une voie resserrée que la résistance vigoureuse aux vices et aux plaisirs charnels, l’indifférence face aux catastrophes d’un monde déchaîné, le mépris des voluptés de la vie présente, à la pensée des biens éternels.
Ecoute maintenant la description de la voie de perdition et de mort, et examine attentivement les voyageurs de l’une et de l’autre voie. Spacieuse est la voie de la mort parce qu’elle est foulée aux pieds par un grand nombre. La largeur de la voie consiste dans l’assouvissement des désirs et des voluptés de la chair, dans la fuite des épreuves, dans la recherche des plaisirs de la vie présente et dans l’abondance des désirs charnels.
Toi, donc, découvre où se trouve le plus grand nombre des voyageurs, sans cesser d’écouter. Ceux qui aiment le monde ne sont-ils pas plus nombreux que ceux qui aiment Dieu ? N’est-il pas vrai qu’un grand nombre recherche ses propres intérêts plutôt que ceux de Dieu ! Pour employer les paroles du prophète, est-ce que tous ne s’adonnent pas à l’avarice, du plus petit jusqu’au plus grand ? N’y a-t-il pas plus d’orgueilleux que d’humbles, plus de révoltés que d’obéissants ?
Il est petit le troupeau qui avance par le chemin ardu des vertus, car le royaume des cieux souffre violence, et peu s’en emparent. Car il y a deux voies . Celle qui est ardue conduit à la vie, et celle qui est spacieuse conduit à la mort. Peu entrent par la voie étroite, ceux-là seuls qui ont su développer en eux la force de résister à l’attrait des plaisirs sensuels, qui font passer l’amour de Dieu avant toute chose, qui fuient les choses mondaines et le péché, et qui conservent la vérité avec tout le zèle de leur cœur.
Plusieurs marchent par la voie large : tous les adonnés aux plaisirs de la chair, ceux qui font peu de cas de l’amour de Dieu, qui aiment le monde, et négligent la pureté du cœur. Il n’y a pas de troisième voie dans laquelle ---les deux autres rejetées---tu puisses t’efforcer de marcher, parce que la voie des justes conduit à la vie, celle des impies à la mort. Plus petit est donc le nombre des élus. Car plusieurs sont appelés par la foi mais peu sont élus par la charité. Il est préférable d’entrer dans le royaume des cieux avec peu de monde que dans la géhenne avec un grand nombre. »
2- Lanspergius, 1539
Aimé de Dieu et des hommes, ce Père du nom de Jean Juste Lanspergius, juste par le nom et le surnom, énonce ainsi notre thèse : « Qui ne redouterait pas cette parole prononcée par Jésus à la fin de l’évangile : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ? Parole dure et redoutable, et ce qui est encore plus étonnant, si peu méditée et si vite oubliée. C’est la Vérité qui dit cela, qui ne peut mentir ni en faire accroire à personne. Elus sont ceux qui seront placés à droite au jugement dernier, et qui entendront ces paroles : « Venez, les bénis …etc » Ce sont ceux-là que le Seigneur prononce être peu nombreux. Tous sont appelés, combien reçurent la grâce de la profession de foi ! …D’un grand nombre d’appelés, donc, un petit groupe de choisis restera, parce que les hommes préfèrent presque tous les ténèbres à la lumière. Ils préfèrent les biens caducs de ce monde aux joies de l’éternité. Qu’on ne s’étonne donc pas qu’un petit nombre seul soit élu. Nous ignorons combien d’entre nous seront élus. »
3- Alvarez de Paz, jésuite, l580
Il avance les idées suivantes, dont la méditation pourrait être extrêmement profitable aux modernistes : « Si nous sommes tous des voyageurs, et s’il y a des voies réfractaires au sang et à la chair et fréquentées par un très petit nombre, (car elle est resserrée la voie qui mène à la vie et peu la trouvent) cherchons un guide pour cette voie, pour que nous ne déviions pas stupidement du but désiré. Tenez-vous sur les routes, dit le Seigneur à Jérémie, c.V111, regardez et informez-vous des chemins pratiqués par vos ancêtres, si est la bonne voie, et parcourez-la. Et vos âmes trouveront le rafraîchissement .
Que la perversité d’autrui ne nous détourne pas d’un projet de perfection, parce qu’il nous faut vivre à la façon du petit nombre, si nous voulons obtenir la dignité à laquelle parviennent un petit nombre d’élus qui ont lutté avec courage. Et Cassien dans ses institutions, livre 4, c. 38 : « Considère-toi comme faisant partie du petit groupe d’élus, et ne te laisse pas refroidir par la négligence que la multitude te donne en exemple. Mais vis à la façon du petit nombre, et comme le petit nombre, du mériteras d’être trouvé dans le royaume de Dieu. Car beaucoup sont appelés, peu sont élus. Et il est petit le troupeau à qui il a plu au Père de donner l’héritage ». (Luc X11)é
4- Lud Carbo a Costaciaro , 1584
« Ils sont moins nombreux ceux qui sont sauvés, parce que la béatitude éternelle transcende la condition normale de la nature humaine, surtout depuis qu’elle a été privée de la grâce par le péché originel. Et la miséricorde de Dieu apparaît principalement en cela qu’Il conduit quelques-uns au salut qui échappe au grand nombre ». Voici ce que l’on trouve dans le condensé très complet de toute la somme de saint Thomas écrit par ce professeur. Il est absolument évident que c’est la doctrine de saint Thomas exprimée dans ses propres mots ».
5- Salmeron, Jésuite, 1585,
Dans le texte : beaucoup d’appelés, peu d’élus, Matth.22, 13, des noces royales : « Il faut réunir à celui qui a été expulsé du banquet tous ceux qui ont d’abord été invités aux noces, et qui par la suite, s’en sont rendus indignes. C’est en pensant à eux qu’on peut déduire de la parole de Jésus que plusieurs sont appelés au royaume céleste . Et du sein de cette multitude, peu nombreux sont ceux qui sont élus, si on les compare au grand nombre des appelés. Les uns entrent, les autres sont rejetés. »
6- Ludovicus Granatensis 1588
Il écrit dans le même sens : « Regarde cette partie que le nom chrétien rend célèbre, et vois à quel état est réduite la chrétienté en ce siècle très misérable, et tu avoueras que c’est à peine si on peut trouver dans ce corps mystique quelques membres qui soient sains. Essaie de te revigorer à la pensée des villes les plus célèbres dans lesquelles demeurent encore au moins quelques vestiges de la doctrine; parcours ensuite les villes mineures, les villages, les faubourgs et les châteaux , et tu trouveras des peuples de qui Jérémie pourrait dire, c. V : « Parcourez les rues de Jérusalem, regardez, examinez et cherchez dans ses places si vous trouverez un homme qui pratique la justice et cherche la vérité, et Je lui serai propice ».
7- Alphonse Mendoza, O.S.A, 1591
Il réfute avec verve l’erreur du plus grand nombre des sauvés, et conclut ainsi : « Ajoute une grande partie des hommes et des fidèles, ajoute même leur plus grande partie tant qu’ils vivent sains et en santé . Le respect humain et la peur de l’enfer ne les empêchent pas de commettre une grande variété de péchés et les plus grands crimes, de telle sorte que très nombreux, si tu examinais leurs consciences au poids du sanctuaire, seraient ceux chez qui tu trouverais toujours et à n’importe lequel moment de l’année, l’un ou l’autre péché mortel . Surtout quand ils se préparent pour Pâque, à la réception du sacrement. Ce qui est confirmé par l’expérience quotidienne des missions. »
7- Ludovicus, Molina : jésuite, 1600
Celui qu’on dit être aussi laxiste qu’il est possible de l’être, réfute par ces paroles les laxistes modernes : « Moi personnellement, bien que je voie l’efficacité de la passion et des mérites du Christ et des sacrements, quand il m’arrive de jeter un regard sur la multitude des péchés, quand je considère le peu de cas que font les hommes de leur salut, et combien accèdent aux sacrements sans préparation, je crains fort que la plus grande partie des fidèles ne soient plutôt du nombre des réprouvés que du nombre des sauvés, surtout quand je pense qu’un seul péché mortel suffit à la condamnation éternelle. »
8- Gregorius a Valencia, jésuite, 1603
« Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Dieu réprouve à cause du péché une grande multitude d’hommes, i.e. le plus grand nombre des hommes ».
9- Vasquez, jésuite, l604
Il y a un plus grand nombre de réprouvés
que de prédestinés. Que le nombre absolu des
réprouvés et des damnés soit plus grand que
celui des prédestinés et de ceux qui se sauvent découle
en toute limpidité de l’Ecriture. Matth V11, la voie est resserrée
etc…, et ailleurs au même numéro. Il y a cependant
lieu de douter si la plus grande partie des fidèles se damne.
Il y en a qui mettent la piété à penser que
la plus grande partie des fidèles se sauve, car plusieurs
décèdent après avoir les reçu les sacrements
de l’Eglise. Ils pensent que la majorité de ces gens-là
sont sauvés. C’est ce que confirme la parabole en Matth.
X11 . Car, parmi tous les invités aux noces –image des
fidèles- un seul a été trouvé sans
la robe nuptiale. D’autres, qui ont l’approbation de
saint Grégoire et de saint Augustin, pensent que la
plus grande partie des fidèles est condamnée. Saint
Augustin lui-même invoque la parabole du semeur : une seule
partie du terrain sur les quatre qui avaient reçu la semence
a fructifié. Comme une seule a fructifié,
la parabole semble indiquer que les élus sont peu nombreux.
A cette sentence, se réfère la glose interlinéaire
de Lyranus dans ces passages de Matthieu. »
10- Zumel, O.B.M.V de Merc. 1607
Ce saint théologien fut professeur et supérieur général de son ordre. C’était un homme d’un jugement sûr et éprouvé, et il était d’un grand prix pour son ordre à cause de sa sublime doctrine et de son immense réputation. Il nous révèle avec la plus grande clarté sa compréhension du texte de saint Matthieu qui se rapporte à l’élection et à la prédestination divines . « A quoi furent-ils élus ? Saint Augustin répond sans hésiter : Ils ont été élus à prendre part au règne du Christ. Et il ajoute ailleurs : Il les a élus pour qu’ils prennent par à son royaume. La chose est donc évidente, Saint Augustin parle de l’élection à la gloire. Et c’est d’après son exégèse qu’on interprète plusieurs passages de l’Ecriture qui ne peuvent pas signifier autre chose qu’une élection à la gloire. Tel est celui de saint Paul aux Romains V111 : « Qui osera porter une accusation à charge contre les élus de Dieu ? » , et Matth. XX, 16, : « Il y a beaucoup de d’appelés et peu d’élus ». Peut-on s’exprimer plus clairement ? »
11- Estius, 1613
Ce docteur qu’on appelle justement le docteur délectable, écrit : « Si l’on prend en compte la totalité du genre humain, dire que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des élus, c’est faire une affirmation qui n’est ni fausse ni téméraire. Ce n’est malheureusement que trop vrai.
Cela va de soi, car, du début du genre humain jusqu’au Christ, un petit nombre seulement dans tout le monde entier furent des adorateurs du vrai Dieu, lesquels ne furent pas tous bons. Et bien qu’après l’avènement du Christ, la vraie religion a été largement répandue, dans tous les siècles, à toutes les époques ---y compris celle d’aujourd’hui—les infidèles furent plus nombreux que les fidèles.
En outre, parmi les fidèles eux-mêmes, l’autorité de l’Ecriture et des Pères démontre qu’il y a plus de mauvais que de bons, plus de réprouvés que d’élus. Il est impossible de trouver un seul Père qui ait pensé autrement. Si c’est ce que les Pères ont pensé de ceux qui appartenaient à l’Eglise, il n’y a plus lieu de douter que dans le tout le genre humain, les réprouvés ne soient en plus grand nombre que les élus. » Il essaie ensuite d’établir rationnellement la chose par un argument de saint Thomas . Le bien qui est proportionné à la condition de la nature humaine se rencontre dans la plupart des cas, et fait défaut dans quelques cas particuliers. Il en va autrement dans le bien surnaturel. On ne trouve ce dernier que dans un petit nombre, et dans plusieurs il fait défaut. A cet argument, il en rattache un autre qui se rapporte à la difficulté qu’il y a à se procurer le bien qui conduit à la vie éternelle. La cause de cette difficulté est la tendance au mal et l’ignorance du bien introduites dans le genre humain par la faute de nos premiers parents ».
13- Joannes a Jesu Maria , carme déchaussé, 1615
Homme d’une prudence singulière et d’une remarquable érudition, d’une grande régularité et pureté de vie, il était tenu en haute estime par le pape Paul V et par Bellarmin : « Il est certain que la doctrine évangélique enseigne que plus petit est le nombre des élus. La Vérité divine elle-même a déclaré : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Cette assertion du Christ a tant d’autorité et de poids que je pense que personne, parmi ceux qui se considèrent chrétiens, n’oserait la mettre en doute. Nous devons déduire de là qu’il n’y en a pas beaucoup parmi les chrétiens dont la conduite et les sentiments envers Dieu nous permettent de les compter en toute prudence, dans le nombre des élus ».
14- Suarez, jésuite, 1617
Le docteur sublime dans son traité de la divine prédestination et de la réprobation, livre V1 c. 3 : « Le nombre des élus est-il plus grand que le nombre des réprouvés ? » Voici comment il répond. « On peut faire ici plusieurs comparaisons. La première porte sur les seuls anges. A laquelle les théologiens dans leur ensemble répondent par l’affirmative , à la suite de saint Thomas. . La deuxième comparaison porte sur les hommes, sur la totalité des hommes, sur tous ceux qui ont vécu depuis le commencement du monde, qui vivent aujourd’hui et qui vivront dans le futur. La sentence vraie et unanime portée sur ces gens ne laisse pas de réplique : le nombre des réprouvés est plus grand. Cette façon de voir provient en droite ligne de Matth. V11 : resserrée est la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. C’est pour cette raison que l’écriture a coutume d’associer le petit nombre aux élus. Et c’est de cette façon que beaucoup interprètent ce passage du psaume XV11 : « De sur la terre, séparez-les du petit nombre », ainsi que cet extrait de l’Ecclésiaste, XV11 : « Purge-toi de la négligence avec le petit nombre ».
Dans le même sens, dans
le quatrième livre d’Esdras, C V111, il est dit
: « Dieu a fait le monde présent pour un grand nombre,
mais le monde futur pour un petit nombre ». Et, plus
bas, il dit encore plus clairement : « Beaucoup ont été
créés, mais peu seront sauvés ».
Sans être canonique, ce livre jouit pourtant d’une grande
autorité. Et ailleurs, il déclare au moyen
d’un exemple : « La terre produit de la matière en quantité
pour fair-e des choses périssables, mais elle en produit
peu de celle qui sert à l’or et à l’argent, etc… C’est
peut-être pour cette raison que dans l’Ecriture les élus
sont appelés des vases d’or, et sont comparés aux perles
et aux pierres précieuses, car celles-ci sont aussi rares
que ceux-là.
On peut arriver à la même
conclusion par le raisonnement, car, si nous considérons
l’état du genre humain jusqu’à l’avènement du
Christ, la connaissance de Dieu et la sainteté étaient
difficiles à trouver. Après l’avènement
du Christ, des nations innombrables ou ne croient pas ou n’ont
jamais encore entendu parler de l’Evangile. Et une grande partie
des croyants est condamnée, comme je le dis sur- le- champ.
Donc, tout bien considéré et sans l’ombre d’un
doute, le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand.
Saint Thomas en a donné la raison. Une première
raison se tire de la condition de la nature humaine qui est
composée de tendances contraires. Et les objets
qui peuvent nous inciter au mal nous sont plus familiers et ils sont
plus à notre portée . A quoi s’ajoute
l’anarchie intérieure léguée par le péché
originel . Nous avons déjà dit plus haut que
le péché originel est une sorte de cause ou d’occasion
de réprobation pour beaucoup de monde. On peut
aussi apporter pour explication la hauteur et la sublimité
de la fin, à l’obtention de laquelle l’homme est
destiné par des moyens qui excèdent ses propres forces,
surtout celles des pécheurs.
Ces raisons semblent décisives d’un simple point de vue humain, mais insondable est le puits de la sagesse divine, et nous ne pouvons parler ainsi que pour témoigner que Dieu a voulu montrer l’excellence de sa grâce dans les élus.
Troisième comparaison. Première sentence. La troisième comparaison est entre les fidèles ou les chrétiens Y a-t-il plus de sauvés que de réprouvés, ou vice-versa. Certains pensent que la piété leur demande de croire que le nombre des sauvés est plus grand, chez les chrétiens, que le nombre des réprouvés. De ce nombre, est Sylvestre, dans la rose en or, vers la fin du dimanche de la septuagésime. Et il a coutume d’apporter en preuve la parabole (Matth. XX1) où, au cours du banquet de noces, le Père de famille n’en trouva qu’un à ne pas avoir la robe nuptiale, et celle des vierges (Matt. XX1) dont cinq furent sages et cinq folles. Cette interprétation semble corroborée par les faits, car plusieurs chrétiens meurent après avoir reçu les derniers sacrements, par la vertu desquels ils sont facilement justifiés. Et il conclut qu’il est vraisemblable qu’un grand nombre soit sauvé.
La position qui précède est plus vraie. La sentence contraire est plus commune, à savoir que les réprouvés sont en plus grand nombre. Ce que saint Grégoire affirme ouvertement , et saint Augustin exposant la parabole du blé et de la paille. Car, dit-il, l’aire où l’on bat le blé signifie l’Eglise, et la paille les réprouvés. De toute évidence, la paille est en plus grande quantité que n’est le blé. Saint Jean Chrysostome est du même avis. Les commentateurs et les exégètes dans leur ensemble citent Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, et la parole du semeur (Luc,8) dont une partie du terrain sur quatre a donné du blé.
Cajetan, commentant la dite parabole des vierges, dit que même de ceux qui vivent médiocrement dans l’Eglise et qui ont un certain souci de leurs consciences, la moitié est damnée. Ce qui est très sévère. Les raisons invoquées sont l’expérience, la vie de tous les jours et la propension aux mœurs dépravées. Car, sans l’ombre d’un doute, le plus grand nombre des chrétiens vivent mal et persévèrent peu de temps dans l’état de grâce, et il est très vraisemblable qu’ils meurent comme ils ont vécu.
La chose est pourtant douteuse. J’aurai recours ici à une distinction. Nous pouvons dans le nom de chrétiens faire entrer tous ceux qui se glorifient du nom du Christ mais dont un grand nombre sont hérétiques, apostats ou schismatiques. Prenant le nom de chrétien dans ce sens général, il me semble probable que la plus grande partie soit réprouvée. Et c’est de cette façon que je consens à tout ce qui a été dit dans la seconde opinion. On peut confirmer mon avancé par la constatation que les hérétiques et les apostats ont toujours existé en plus grand nombre. Et si on y ajoute le nombre des fidèles impies qui connaissent une mauvaise mort , ce nombre global dépasse décidément le nombre de ceux qui meurent saintement.
Mais si par chrétiens on entend ceux-là seuls qui meurent à l’intérieur de l’Eglise catholique, il me semble plus vraisemblable de penser que dans l’ère de la grâce, un plus grand nombre sont sauvés. La raison en est que parmi ceux qui décèdent avant d’avoir atteint l’âge de raison, la plus grande partie décède avec le baptême. Quant aux adultes, s’il est vrai qu’une grande partie d’entre eux pèchent souvent mortellement, il leur arrive quand même souvent de se ressaisir, et ils traversent ainsi leur vie en chutes et en redressements. Enfin, il n’y en a peu à ne pas se préparer à la mort par la réception des sacrements, et qui n’ont pas le regret de leurs péchés, même s’il ne s’agit que de l’attrition. L’attrition suffit avec le sacrement, à l’article de la mort, pour l’obtention de la grâce sanctifiante. Et une fois justifiés à nouveau, il leur est facile de persévérer un certain temps sans nouveau péché mortel. Donc, tout bien considéré, il est plus vraisemblable que le plus grand nombre des chrétiens est sauvé ». Malheureusement, cette raison invoquée par Suarez ne vaut plus aujourd’hui pour des milliers d’hommes devenus indifférents.
On pourrait résumer ainsi la doctrine du docte Suarez. 1- Il qualifie de commune et vraie l’opinion qui tient que la plus grande partie du genre humain est réprouvée. 2- Il qualifie de plus commune celle qui tient que la majorité des chrétiens ---hérétiques, schismatiques et apostats inclus---se perd. 3- Mais Suarez estime qu’il est plus vraisemblable que la majorité des catholiques soient sauvés.
Mais, par la suite, l’omission de la distinction qu’il faisait entre catholiques d’une part, et chrétiens de tout acabit d’autre part, a déformé la pensée de Suarez.
15- Lessius, jésuite, 1623
Ce pieux auteur explique la raison pour laquelle le nombre des élus est restreint. Voici ses propres paroles : « Le fait que le nombre des élus soit si restreint ne provient pas d’une prédétermination numérique. N’importe quel chiffre plus grand que lui est digne du royaume de Dieu et lui est proportionné. Tous peuvent être des pierres dans ce palais et des membres dans ce corps, des citoyens dans cette Jérusalem céleste, et des convives au banquet de noces éternel. Le palais n’en serait pas pour cela surpeuplé, le corps du Christ n’en deviendrait pas pour autant disproportionné, la multitude n’encombrerait pas la cité, le nombre des élus ne manquerait pas de convenance et de pertinence. Mais, une telle petitesse du nombre des élus provient de la négligence des hommes et de leur stupidité. Ils préfèrent déambuler dans la voie large et spacieuse qui mène à la perdition et jouir des commodités de la vie, plutôt que de passer par la voie étroite et resserrée qui mène à la vie. Et les invités aux noces célestes défendent leur cause en plaidant la préférence qu’ils accordent à leurs affaires, à leurs entreprises et aux voluptés, comme le dit en toutes lettres, le Seigneur dans l’évangile ».
16- Becanus, jésuite, 1626
« Il est plus vraisemblable que le plus grand nombre soit damné plutôt que sauvé : Matth. 7,14 : Resserrée est la voie qui conduit à la vie et peu la trouvent, et Matth. XX, XV1 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Ce que saint Grégoire interprète des seuls fidèles. Donc, selon l’enseignement de saint Grégoire, il faut dire que le nombre des chrétiens réprouvés est plus grand que celui des élus. »
17- Smising, O.F.M. 1626
Cet auteur a brillé par la suavité de ses mœurs, par sa pitié et par son érudition . La vertu avait atteint en lui la maturité, et se dégageaient de lui des rayons de sainteté. Il n’avait qu’une seule occupation : l’étude et la prière. Et pourtant, dans son livre des disputes théologiques qui ont Dieu pour objet, il dit des choses tout à fait étonnantes en traitant de notre question : « Est-ce que l’homme, dans sa condition de voyageur, connaît suffisamment, grâce à la révélation, la providence divine, pour se faire une idée précise du nombre des élus et des réprouvés ? Je réponds qu’il est établi, par la révélation, qu’en dépit du fait que l’Apocalypse compte un grand nombre d’élus, que c’est la plus petite partie des humains qui est élue à la vie éternelle. Comme l’on voit en Matt. 7 : la voie resserrée…un petit nombre…et au chapitre XX, il y a peu d’élus. Cette conclusion est donc de foi.
Si donc seuls sont sauvés ceux qui conservent la foi et la rectitude de vie, comme nous l’apprenons d’autres passages de l’écriture, la conclusion s’impose : les prédestinés à la vie sont peu nombreux, si on les compare à la multitude des réprouvés. Il y a même des saints Pères qui, après avoir considéré la façon de vivre des chrétiens, estiment qu’il est plus probable que le petit nombre seul soit sauvé. Je parle de probabilité, car nous n’avons pas ici de certitude. Mais ne manquent pas les docteurs --remarquez qu’il ne dit pas Pères- qui estiment que la majorité des fidèles sont sauvés, comme Silvestre dans la rose d’or, Franciscus de Christo, Cartagena et Suarez.
Cependant, j’estime plus probable la sentence des Pères qui penchent pour le petit nombre des élus, quand je porte mon attention sur la très grande corruption des mœurs des chrétiens ou sur les passages de l’écriture qui semblent parler des fidèles.
Si tu demandes : d’où vient donc que tant de gens périssent, et dévient du terme auquel ils sont ordonnés, alors que l’efficacité de la grâce est plus grande que celle de la nature, et que la nature rarement se trouve en défaut, saint Thomas répond à cela magnifiquement. Il dit d’abord que la fin proposée est supérieure à la nature humaine et sans commune mesure avec cette nature laissée à ses propres forces, laquelle n’en est que plus encline aux biens inférieurs, qu’elle se propose comme fin suprême. Il dit ensuite que dans l’homme se livre continuellement une lutte constitutive de sa nature entre la raison et les sens. Dans ce combat, les sens l’emportent d’autant plus que les choses corporelles et sensibles lui sont apparentées, non seulement parce que toute connaissance naturelle origine des sens et est prise en charge par l’imagination, mais parce que la nature humaine dépend de l’usage des choses corporelles et sensibles pour sa conservation. Et bien que la grâce supplée l’inadéquation de la nature à la foi, et triomphe de la rébellion de l’appétit inférieur, quand elle est efficace, cette efficacité de la grâce est donnée à un petit nombre, après la chute d’Adam. Une ultime raison donnée par saint Thomas n’est autre que le bon plaisir de la volonté de Dieu, qui prend pitié de qui elle veut et qui endurcit qui elle veut. En fin de compte, c’est dans cet inscrutable bon plaisir de Dieu qu’il faut trouver la cause radicale du petit nombre des élus. Cf. saint Paul, épitre aux Romains 9 » Voilà ce qu’enseigne le pieux et docte Smissing.
18- Didacus Ruiz de Montoya, jésuite, 1632
Hurter nous déclare qu’il faut le compter parmi les toutes premières lumières de l’école. Didacus pousse l’audace jusqu'à s’opposer à l’opinion personnelle de Suarez relative au salut de la plus grande partie des catholiques adultes : « Cette opinion est plus du domaine du souhait que de la probabilité, et les autorités auxquelles il fait appel ont été choisies plus pour des raisons d’affinité que de compétence et de notoriété. Mais, comme dit saint Augustin, l’opinion humaine n’a pas le pouvoir de sauver qui que ce soit par le seul fait de le souhaiter, mais par l’aveuglement et la complaisance, elle entraîne au sommeil et à la mort. »
19- Drexelius, jésuite, 1638
Dans le livre dont le titre est : le zodiaque chrétien, le chapitre dernier s’intitule : de la prédestination à la couronne du petit nombre. Voici les paroles qu’on y lit : « Tous, nous nous proposons comme but le sommet, mais, hélas! par quels sentiers divergents nous cheminons, nous courons et nous périssons. Elle est resserrée la voie. Lisse et fleurie et spacieuse est la voie de la perdition. Nous trouvons ici l’aspérité des montagnes, là, les pentes douces des vallées. Il est facile de descendre l’Averne. La vérité crie, avertit et exhorte : « Entrez par la porte étroite, parce que large est la porte et spacieuse la voie qui conduisent à la perdition, et un grand nombre entrent par elle. Comme elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent ! Il insiste de nouveau : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite parce que plusieurs, je vous le dis, cherchent à y entrer et ne le peuvent pas. En vérité le sentier est étroit, car on ne peut avancer que seul et sans compagnon. Chacun de nous devra rendre compte de ses actions à Dieu pour lui-même. Chacun doit porter son fardeau. Chacun reçoit sa récompense propre selon son travail. Et c’est ce que confesse Jésus en gémissant : «Nombreux sont les appelés, peu nombreux sont les élus ». Ce simple petit mot peu , émettant un son épouvantable et tonitruant, a détaché une bonne partie de la terre de l’emprise des vices. Il a expulsé des villes un grand nombre d’hommes vers les antres des cavernes et les horribles solitudes , et il a fortifié des centaines de milliers de martyrs sur les grilles et les chevalets, sur les roues et les feux, sur leurs croix et dans les dents des bêtes , devant des troupes armées de tortionnaires. Tous ces gens-là ne connaissent qu’une parole : il nous est facile de mourir pourvu qu’il nous soit permis de vivre avec le petit nombre des élus. Que le glaive se joue de nos gorges, pourvu que nous soyons comptés avec ceux qui sont peu nombreux mais bienheureux. Et lequel d’entre eux a hésité de dire : si je devais être seul à porter cent croix, je ne refuserais pas. Si je devais moi seul présenter à la hache du bourreau cent têtes à décapiter, je n’en exempterais aucune. . Mourir cent fois serait un jeu pour moi, je considérerai les tourments comme des faveurs pourvu que, dans le paradis, je sois admis en la compagnie des peu nombreux. N’est-ce pas ainsi que parlait le très généreux martyr Ignace : « Que le feu, la croix, les bêtes, que tous les tourments inventés par le diable s’approchent, pourvu seulement que j’hérite du Christ ! » Ce coup de tonnerre lancé de la bouche du Christ , -- ces mêmes paroles : peu sont nombreux –a détourné tant d’êtres humains de la vie impure et des prés verdoyants de la luxure pour les enfermer dans des maisons où l’on pleure et on fait pénitence ! Il leur suffisait à tous ceux-là d’être conservés en compagnie des peu nombreux plutôt que de périr avec le grand nombre. Il n’en périt pas moins qui périt dans la foule. Dieu ne prend soin que de ceux qui font partie du petit nombre. On ne peut même pas dire que la voie qui mène à l’enfer soit longue. On y va d’un seul souffle, un seul péché mortel nous rend coupables du crime de lèse majesté, et dignes du feu éternel. C’est ainsi qu’autrefois, à cause d’un seul crime libidineux, quarante mille hébreux, cinquante mille six cent Benjamins ont été décapités. Pour avoir regardé seulement avec trop de curiosité l’arche du Seigneur, par le carnage de combien de milliers des leurs les Bethsamites ont payé ce regard profane !
Fais pour moi le décompte des Juifs depuis Abraham jusqu’à la fin du monde, et dans les cent quarante quatre mille de l’Apocalypse c’est à peine si on retrouvera un millième des recensés, de telle sorte que de tout ce grand nombre un millième d’entre eux n’est pas compté parmi les prédestinés. Ce qui vaut pour les hébreux, vaut aussi, toute proportion gardée, pour le nombre de tous les autres groupes. Car ce que Jésus a prédit aux Juifs et à tous les autres est en tout semblable : ce n’est pas seulement aux Juifs que Jésus a dit que le chemin est ardu qui mène à la vie, mais il a parlé en général sans exclure personne : peu le trouvent. »
C’est de cette façon que Drexelius a réfuté à l’avance l’opinion du Père Castelein selon laquelle cette très sévère prédiction du Christ ne concerne que les Juifs, les contemporains du Christ : « Ce passage, prétend-il, serait bien alarmant s’il avait un sens absolu et une portée universelle. Mais le contexte prouve très clairement qu’il se restreint à l’entrée des Juifs contemporains de Notre-Seigneur dans le royaume du Messie ». (p.34)
20- Johannes a San Toma O.P. 1644
« Quelques-uns se posent ainsi la question sur le nombre des élus : le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? Cette difficulté, s’agissant des hommes --car il semble certain que dans le cas des anges la plus grande partie est sauvée- trouve facilement sa solution, si on parle des êtres humains en général, par la considération que dans tout le genre humain, moins nombreux sont ceux qui se sauvent : Beaucoup en effet, sont appelés mais peu sont élus. De plus : la porte est étroite et la voie est resserrée…et peu la trouvent. Et ce que l’ange dit à Esdras. 1V, V111
Il appert que les élus sont dits peu nombreux non absolument parlant, mais en comparaison du nombre des réprouvés. D’autres vont plus loin et entrent dans plus de détails. Ils s’imaginent pouvoir mesurer au cordeau la multitude des élus. Mais qui peut connaître les desseins de Dieu ? Tenons-nous en donc à la sentence pleine de sobriété de saint Thomas (art.V11) exprimant la pensée de l’Eglise : « Il est préférable de dire que le nombre des élus à la félicité éternelle est connu de Dieu seul. » N’essayez pas de chercher des motivations à votre incurie et à votre paresse à la pensée que le grand nombre se sauve sans trop d’effort, mais soyez attentifs à déployer l’énergie nécessaire à entrer par la porte étroite. Car un grand nombre chercheront à y entrer mais ne le pourront pas. Car même parmi ceux qui n’ont pas complètement chaviré, qui ne croupissent pas dans leurs vices, qui font quelque effort et cherchent à entrer, il y en a qui ne le pourront pas. Donc, ne mettons pas de contention à connaître dans le détail le nombre des élus, mais soucions-nous de marcher dans les sentiers des élus. »
21- Nazarius, O.F.P., 1646
« Si Dieu avait prédéterminé le nombre des élus, le nombre des élus serait plus grand que celui des damnés , (parce que Dieu veut sauver tout le monde). Mais nous trouvons le contraire chez saint Matthieu V11 : large est la route etc… »
22- Contenson, 1647
Ce pieux auteur abonde dans le sens des Pères, et il propose des réflexions qui sont dignes de méditation pour les prêtres et les religieux. « Puissent ceux qui sont tenus de donner l’exemple aux autres suivre toujours la voie ardue de l’édification chrétienne, et ne pas s’inventer une troisième voie que l’Evangile ne connaît pas. Bien qu’il ne soit pas possible de définir dans le détail le nombre précis des élus, la tradition des Pères et l’Ecriture nous présentent comme une chose certaine que les élus sont moins nombreux que les damnés.
Parmi les catholiques, mon affection va à ceux qui avancent par la voie étroite du salut et qui soumettent leurs vies aux maximes de l’Evangile, qui ne courent pas après les voluptés, qui conservent leur innocence baptismale, qui font une dure pénitence après une chute, et qui ne retombent pas continuellement, qui n’aiment pas le monde , qui recherchent la perfection sans laquelle personne ne verra Dieu. Vraiment, c’est un oiseau rare en ce monde quelqu’un qui se comporte comme je viens de le dire, puisque on peut dire de notre siècle avec plus de vérité ce que Salvianus déplorait du sien, liv. 3, de la providence : « Mis à part le très petit nombre qui fuient le mal, qu’est donc d’autre, après tout, la multitude des assemblées des fidèles qu’une sentine de vices ? C’est une chose qui requiert plus de larmes que d’arguments ! »
Que dis-je? Hélas!, dans l’ordre ecclésiastique lui-même, combien peut-on repérer de prêtres et d’évêques qui marchent sur les traces des saints ? Combien ont imité les vertus des apôtres après avoir hérité de leur autorité, combien ont la conduite et le train de vie que les Pères du quatrième concile de Carthage ont prescrits et que le concile de Trente a renouvelés dans des mots que tous devraient relire à tous les jours, et qu’ils devraient chaque jour mettre en pratique.
Que dirai-je des religieux, moi qui suis religieux par l’état de vie, et prêtre par le caractère, sans aucun mérite de ma part ? Quand nous voyons tant de monastères déchus de leur observance primitive, une augmentation de professeurs de vie religieuse, mais pas un ressourcement de vitalité , volontiers et en toute vérité j’écrirais avec saint Bernard dans son apologie de l’abbé Guillaume : « Qui aurait pu penser au tout début, à la naissance de l’ordre monastique, qu’il pût aboutir à une telle inertie ? A quelle distance nous sommes de ceux qui, du vivant d’Antoine, menèrent la vie monastique ! Macaire a-t-il vécu ainsi ? Est-ce donc là l’enseignement qu’a donné saint Basile ? Est-ce ainsi qu’ Antoine a institué la vie monastique ? Est-ce ainsi que les Pères d’Egypte vivaient en commun ? »
Que dirait aujourd’hui saint Bernard de tant de couvents -----je mets à part ceux donc la règle est conservée à la lettre, et nous nous réjouissons de leur nombre----dans lesquels l’or s’est obscurci, où la couleur est délavée, où sont dispersées les pierres du sanctuaire ? Le Pape Clément V11 lui-même déplorait avec larmes son incapacité à les réformer, d’après Prosper Fagnanus . Saint Augustin écrit qu’il n’a vu personne de meilleur que les moines fervents, et de pire que les relâchés. Il ne pouvait rien dire de plus vrai. C’est comme pour les figues de Jérémie, où les bonnes sont très bonnes, et les mauvaises très mauvaises. Et on peut dire en toute sureté de tout vrai religieux ce que saint Jérôme disait d’Origène : « Quand il parle bien, personne ne parle mieux que lui; mais quand il déraille, personne n’est pire que lui. » Comme le dit si bien l’adage philosophique : la corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire de toutes . Ajoutons encore le proverbe connu : plus le vin est généreux, plus âcre est le vinaigre.
Tu as entendu, lecteur, la parole du Christ : il y a peu d’élus. En voici le pourquoi. Un grand nombre périt éternellement parce qu’ils se sont inventé une troisième voie que l’Evangile n’enseigne pas. Au témoignage de la Vérité, la voie qui conduit à la perdition est large, et celle qui conduit à la vie est resserrée. Et nous voulons voyager par une troisième. Nous ne voulons pas emprunter une voie remplie de supplices inhumains. Nous ne voulons même pas avancer par les sentiers sinueux de la sainteté. Mais nous allons par une voie ni trop large ni trop étroite. Le péril est le même de ceux qui s’inventent une troisième voie et de ceux qui imaginent une troisième fin dernière, --deux seules ayant été préparées pour les adultes. Car il est écrit en Matth. 25 que les uns iront au supplice éternel et les autres à la vie éternelle. Les proverbes, 14, parlent de cette troisième voie inventée par les tièdes : « Il y a une voie qui semble juste à l’homme, les derniers pas conduisent à la mort ».
Le péril qui menace les inventeurs de cette troisième voie est d’autant plus grand qu’ils se sentent davantage en sécurité. Leur assurance vient de leur certitude de ne pas avoir commis les crimes les plus graves. Rares sont les hommes dont la conscience est complètement dépravée et prostituée. Car, comme dit saint Augustin dans son troisième sermon sur le Verbe de Dieu : « On trouve chez peu une grande piété, et chez un plus petit nombre encore une grande impiété ».
En dépit de cela, ils tombent bel et bien, et misérablement. Car quiconque n’avance pas par la voie étroite marche dans la voie large. Celui qui pense autrement se trompe lui-même, et son mal est d’autant moins guérissable qu’il le sent moins. Dans la mesure où il a la prétention de s’inclure dans le nombre des élus, il est renfermé dans le nombre des damnés. Si tu ne veux pas me croire, crois-en du moins la parole des Pères qui t’expliquera en quoi consiste la voie étroite. La loi de Dieu c’est la voie resserrée, dit saint Augustin, elle comprime nos passions. Ambroise dit la même chose ailleurs : « Il y a deux voies, celle des justes et celle des pécheurs. Une est celle de l’équité, l’autre de l’iniquité. La voie des justes est plus resserrée, celle des injustes est plus large. Ici, des banquets, là, des jeûnes. Ici, les joies de l’intempérance, là, les larmes de la persévérance. Et saint Grégoire dans son livre 27, chapitre 22, sur la morale : « N’est-ce pas marcher dans une voie resserrée que de vivre dans ce monde sans avoir aucune part à ses concupiscences ? Celui qui marche par cette voie sera compté parmi le petit nombre des élus. »
Saint Paulin dans son épitre cinquantième, développe excellemment cette idée : « Tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons relève de l’une ou l’autre voie : l’étroite ou la large. Si, à la suite du petit nombre, nous faisons la découverte de la voie étroite et resserrée, nous tendons vers la vie. Si, au contraire, nous cheminons en compagnie du grand nombre, nous irons à la mort, selon la parole du Seigneur. Si, après avoir foulé aux pieds les passions, nous nous appliquons à n’être riches que de vertus, nous progressons par la voie étroite. Ce mode de vie est le fait d’un petit nombre. C’est très rarement et avec difficulté qu’on trouve des compagnons capables de ce trajet.
C’est donc avec une très grande sagesse que le concile de Trente nous met en garde afin que personne ne se croie assuré de son salut d’une certitude absolue, même si tous doivent placer dans le secours divin une espérance très ferme. Car, si nous ne repoussons pas la grâce de Dieu, Il portera à la perfection l’œuvre qu’Il a commencée, opérant en nous le vouloir et le faire.
Dans cette incertitude du salut, vivons avec le sentiment de la peur, et opérons notre salut avec tremblement, dans les labeurs et les veilles, les aumônes, les oraisons, les offrandes, les jeûnes, la chasteté, sachant que nous sommes renés dans l’espoir de la gloire, mais pas encore dans la gloire elle-même. Surtout parce que nous avons une lutte à mener avec trois ennemis devant lesquels trop souvent succombe l’infirmité humaine. Le combat est quotidien, mais la victoire est rare. Nous ne devons la demander qu’à Dieu, et ne l’espérer que de Lui seul. Car, qu’il s’agisse de petites ou de grandes choses, rien ne peut arriver sans Lui, par qui tout arrive.
Les choses étant ainsi, qui donnera à nos yeux un torrent de larmes pour pouvoir pleurer le malheureux état de la chrétienté, presque réduite au néant ? Hélas! notre terre, labourée par les conseils et les exemples du Christ, teinte de son sang, au lieu de produire du froment, ne fait pousser que des épines et des chardons. Quel homme sûr de lui-même ne tremblera pas au rappel de la doctrine du petit nombre des élus ? Mais le pire attend celui qui éprouve en lui les effets de la réprobation et ne se lamente pas. « Quelqu’un qui est tel, dit saint Grégoire (homélie 34), qu’il gémisse de ne pas gémir ! » Et parce que les soupirs interrompent mes gémissements, et interceptent mes paroles sur mes lèvres, à la pensée de tes péchés et des miens, lecteur, mon semblable, je mettrai fin ici à mon sermon. » Contenson se range donc à l’opinion du petit nombre des élus, et s’efforce en même temps de prémunir les religieux contre la présomption pharisaïque.
23- Turlotius, l651
Il enseigne et démontre que le plus grand nombre des catholiques adultes sont damnés plutôt que sauvés. Après s’être fait l’objection à lui-même qu’il y en a quelques-uns qui estiment que le plus grand nombre des fidèles sont sauvés, il propose son opinion en ces termes : « C’est le contraire qui est vrai. La raison et l’autorité fondée amplement sur l’Ecriture et les Pères de l’église semblent devoir nous mener à la conviction que les damnés sont plus nombreux que les sauvés. Et la raison en est que la plus grande, partie des chrétiens vivent en état de péché mortel, et que, selon la règle énoncée par saint Augustin, on meurt en général comme on a vécu, et que c’est l’exception qui meurt bien après avoir mal vécu, et vice versa. »
Il prouve cette assertion au long et au large au moyen d’extraits de la bible et des Pères.
24- Mathias Fabri, jésuite l655
Il consacre tout son premier sermon sur l’évangile du l9ième dimanche après la pentecôte à expliquer qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés. Après avoir cité un grand nombre de textes qui font autorité : « Il ressort de là clairement que la plus grande partie des chrétiens vivent en état de péché mortel. Et pour compléter le tableau, il ne suffit que d’ajouter la règle de saint Augustin : en règle générale, on meurt comme on a vécu.
Et il conclut son sermon par ces mots : « Puisqu’il en est ainsi, mes chers auditeurs, qui ne tremblera pas pour lui-même ? Quand les disciples entendirent : un de vous me trahira, ils furent saisis de peur et se demandèrent : est-ce moi ? Qui ne tremblerait pas de tous ses membres quand on nous annonce la damnation non pas d’un des apôtres mais d’un très grand nombre ? C’est pourquoi, que chacun s’examine afin de découvrir de quel côté il tend. Vit-il avec le grand nombre ou avec le petit groupe ? »
25- Saint Jure, jésuite, 1657
« Comme le nombre de ceux qui se laissent aller à leurs passions, à leurs appétits déréglés, et qui transgressent les commandements de Dieu est beaucoup plus grand sans comparaison que le nombre des chrétiens qui suivent le mouvement de la raison et obéissent aux lois de leur Créateur; que tous, comme dit Jérémie, « du plus petit au plus grand s’adonnent à l’avarice, et, du prophète jusqu’au prêtre, tous font le mal », il n’est pas étonnant que le nombre de ceux qui se damnent soit incomparablement plus grand que celui de ceux qui se sauvent ».
Si vous me demandez comment il est possible que Dieu, qui aime les hommes d’un amour si grand, qui a tant de désir de les sauver tous, qui a tant souffert pour leur salut, puisse consentir à les voir presque tous damnés, je vous répondrai qu’il a encore plus d’amour pour eux, plus de désir de leur salut que nous ne saurions le dire et le penser…. Puisque le nombre des réprouvés est si grand, que celui des élus est si petit, qu’il en est tant qui se damnent et si peu qui se sauvent, quel est celui d’entre nous qui n’a pas sujet de craindre d’être compris dans cette prodigieuse multitude ? »
26- Engelgrave , jésuite, 1670
Cet homme docte et pieux , d’après De Backer, parle ainsi dans son livre célèbre intitulé : Luc l’évangéliste, à l’emblème 47 : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Matt. XX11 Dans le grand nombre d’appelés, il s’en trouvera peut-être un de sauvé ! Ils sont peu nombreux ceux qui sont prédestinés à la vie éternelle après avoir fait fructifié leurs bonnes œuvres. » Et dans une autre édition : « Des millions d’êtres humains, le Soleil de justice n’en accueille que très peu, de façon à ce que sur mille semences une à peine parviendra à maturité. Avec l’œil de l’esprit le plus aiguisé, contemple, si le cœur t’en dit, le vaste monde. Les immenses royaumes du Japon, de l’inde et de la Chine n’ont-ils pas été ensevelis dans les ténèbres du paganisme pendant au-delà de six mille ans ? Fais l’inventaire de tous les cultes païens de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, de la sentine de toutes les hérésies et de tous les crimes. Parmi ces chrétiens qui habitent le plus petit continent du monde, l’Europe, qui ne s’étonnera pas à la pensée que très peu seulement seront comptés parmi les élus ? C’est une chose horrible, mais c’est pourtant une estimation véritable que celle de saint Jean Chrysostome. Il prétend qu’un centième à peine des Antiochiens de son temps seront sauvés ! »
Il a encore deux autres paragraphes dont voici la teneur : l- Le thème du petit nombre des élus est développé par la comparaison avec les infidèles, les hérétiques, etc… 2- Les catholiques sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés.
27- Philippe de la sainte Trinité , carmélite, 1671
Nommé général de son ordre, il a mené une vie pieuse et très remplie, non sans réputation de sainteté, et il a édité plusieurs œuvres dignes de la postérité, dans lesquelles, au dire de Gonetus, l’érudition et la piété se livrent une joute amicale. A la question : est-ce que le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés, il répond ainsi : « Je réponds en disant que si l’on a en vue la totalité du genre humain, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés. Et si l’on n’envisage maintenant que les seuls chrétiens, encore là, il est plus probable que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des sauvés. »
28- Le cardinal Bona , 1674
C’était un homme, au dire de Renaudot, que n’illustrait pas tant sa dignité cardinalice que sa doctrine et la pureté de ses mœurs. Cet homme remarquable, dans son admirable traité intitulé : principes et documents de vie chrétienne, expose la doctrine des Pères relative au salut copieusement, avec précision et mordant. Plût à Dieu que les modernistes daignent l’étudier sérieusement, pour leur salut éternel et celui des autres !
Il intitule ainsi son chapitre : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Ensuite, le saint homme commence : « On ne peut pas rêver d’un stimulant plus efficace pour la correction des mœurs dépravés, pour l’amendement de notre vie selon la norme de l’Evangile, que cette sentence horrible et redoutable : il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, si nous en pénétrons complètement le sens. Personne ne sait s’il est appelé de cet appel dont sont appelés selon le dessein divin, ceux donc il est écrit : « Ceux qu’il a appelés, Il les a aussi justifiés. Ceux qu’Il a justifiés, Il les a aussi glorifiés. (Romains, V111, 30). Et dans l’Ecclésiastique (1X,1) : « Personne ne sait s’il est digne d’amour ou de haine, mais tout ce qui concerne le futur est maintenu dans l’incertitude ». Personne ne sait si son appel est tel qu’il le fera persévérer jusqu’à la fin. Dans une si grande disparité de salut, dans une si grande incertitude de la persévérance finale, chaque chrétien doit être continuellement choqué d’horreur, s’efforçant d’assurer sa vocation dans la peur et le tremblement, pour que, vivant dans la foi qui opère par la charité, il se prouve à lui-même par ses bonnes œuvres qu’il est du petit nombre de ceux que la miséricorde de Dieu a élus avant la constitution du monde.
Il est restreint, en effet, le nombre des élus, et bien plus petit que celui des réprouvés, même si on ne tient compte que des seuls catholiques, à l’exclusion des enfants qui meurent avant l’âge de raison ». C’est ce qu’il développe dans son sermon par le témoignage infaillible de l’Ecriture et à l’aide de beaucoup d’exemples et de raisons. Et son expérience quotidienne des âmes l’amène à une observation diamétralement opposée à celle de Suarez, et, à juste titre : « L’opinion que je défends peut être confirmée par le petit nombre de ceux qui décèdent en possession d’une vraie contrition. Aux yeux de plusieurs, ils ont connu une bonne mort. Mais le regret des péchés qui procède de la seule peur de l’enfer parvient difficilement à la vraie pénitence. Car, comment le pécheur pourra-t-il entreprendre une bonne vie quand il parvient à la fin de celle-ci ? Comment pourra-t-il estimer que le péché est le plus grand de tous les maux et l’exécrer comme tel, avoir en horreur les délices de ce monde, qu’il a adulées pendant tout le cours de sa vie ? Comment pourra-t-il embrasser de tout son cœur cette pénitence qu’il a toujours eue en horreur ? Comment pourra-t-il affirmer avoir le ferme propos de rejeter, s’il survit, ces actions qui sont devenues une seconde nature ? Comment son esprit, torturé par les angoisses de la maladie et de la mort, pourra-t-il contempler les vérités surnaturelles, éloignées de plusieurs années lumière des choses sensibles, s’il n’y a jamais ou rarement pensé quand il était en bonne santé ? Comment, au milieu de tant de maladies et de tentations, pourra-t-il par des actes vertueux contraires, vaincre la tyrannie de l’habitude contractée par les actes de sa vie antérieure ?
L’expérience nous enseigne que c’est à peine si on peut en trouver un qui, une fois le péril passé, demeure ferme dans sa résolution. Tous retournent à leurs habitudes. Et tous ceux à qui la peur de la mort ou les exhortations des amis ou la prudence humaine avaient dicté un changement de vie, oublient tout instantanément. D’autant plus que, même réduit à l’extrémité, chacun s’accroche à la vie comme à une planche de salut, trompé en cela par le démon, et parfois même, entraîné par lui à l’abyme. Surviennent les langueurs de cette âme qui renâcle ou rechigne à la pensée de sortir du corps, et la déperdition des forces physiques et psychologiques , et la perte progressive de la conscience. Le moribond perçoit alors sans pouvoir leur donner un sens, les paroles de ceux qui sont présents, les actes de vertus suggérés : des sons, rien de plus.
Il est permis d’augurer une heureuse issue de la part de ceux qui à la fin de leur vie se sont livrés à la pénitence, mais on ne peut espérer aucune sureté de salut chez ceux qui suivent l’exemple trop célèbre du roi Antiochus chez les Macchabées, (11,1X). Quand il fut parvenu à sa dernière heure, il s’est humilié en priant sous la puissante main de Dieu, et il promit de réparer les torts faits aux Juifs, d’exonérer le temple de toute taxe, et s’engagea de plus à prélever de sa fortune personnelle les sommes nécessaires aux sacrifices destinés à Jérusalem. Il promit également de judaïser après avoir renoncé au culte des idoles, et de parcourir toute la terre pour y proclamer la puissance de Dieu.
Qui pourra exiger d’un pécheur de plus grands et de plus convaincants signes de pénitence ? Et pourtant, ce roi pénitent ne mérita pas le pardon, comme le dit l’Ecriture : « Le scélérat priait Dieu, de qui il ne pouvait pas espérer de pardon, parce qu’il était trop évident qu’une pénitence engendrée par la peur de la mort ne pouvait pas être sincère ». En conclusion, le très pieux cardinal nous invite à pondérer avec sérieux et réalisme les réflexions salutaires suivantes : « Qui ne tremblerait en considérant ce qui précède ? Qui parmi tant de difficultés et de traquenards osera se promettre un salut assuré ? Qui ne chancellerait pas dans l’ignorance où il est s’il est digne d’amour ou de haine ? Parce que les élus sont peu nombreux ----et peut-être beaucoup moins qu’on ne pense- il nous faut donc prendre nos distances d’avec la multitude, et fraterniser avec le petit nombre de saints, les élus et les innocents, pour que chacun puisse, à la fin de sa vie, sans être démenti par sa conscience, dire à Dieu le juste juge : « Rends-moi la récompense promise, parce que j’ai observé tes commandements ».
29- Fratres Van Walenburch 1669,1675
Tous les deux évêques suffragants, célèbres non pas tant par la noblesse et les fiefs que par l’érudition théologique, ils dissertent ainsi de l’appel en général à la grâce et de l’appel efficace à la gloire, apportant en preuve le texte archi connu de saint Matthieu XX11,14 : « Nous ne pouvons douter de ce que dit saint Paul : Nous savons que pour ceux qui aiment Dieu tout concourt au bien, ceux qui ont été appelés à la sainteté selon son dessein. . Il est manifeste que dans ce texte, saint Paul ne parle pas de l’appel en général, comme le fait sains Matthieu : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, mais il parle de l’appel selon le dessein divin . »
30- Le Frère de la bonne espérance, carme déchaussé,1677
Il fut longtemps lecteur de philosophie et de théologie à l’université de Louvain. Dans son œuvre dont le titre est : trois commentaires sur l’ensemble de la théologie scolastique, il écrit : « Il découle clairement de l’Ecriture que le nombre des damnés est plus grand que celui des élus. Matth. V11 : Entrez par la porte étroite etc… et X11 : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. »
31- Ep. Herinckx, franciscain, 1677
« Le nombre des élus, absolument parlant, est grand, mais en comparaison avec celui des réprouvés il est petit. Car l’élection des élus n’est pas sans raison comparée au tirage au sort. Comme le même chiffre sort rarement , ainsi en va-t-il de l’élection divine : elle ne porte que sur un petit nombre. Soit que nous prêtions attention aux passages de l’Ecriture commentés par les Pères ou aux mœurs dépravées des chrétiens ou des catholiques, il n’est pas peu vraisemblable qu’un petit nombre d’entre eux soit élu ».
32- Gonet, 1681
« Il est certifié et reconnu par tous que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés, si l’on considère la totalité du genre humain. Car les chrétiens sont peu nombreux comparés aux infidèles, et parmi les chrétiens eux-mêmes plusieurs sont hérétiques et schismatiques. » Il cite ensuite le livre (1V) si connu d’Esdras, et il ajoute les raisonnements suivants : « La raison elle-même apportera son concours. Il faut constater d’abord que les élus sont les amis de Dieu, et que la prédestination est une amitié de Dieu spéciale et tout à fait singulière. Or, une des conditions exigée par l’amitié est qu’elle soit limitée à un petit groupe, comme l’enseignent Aristote et saint Thomas. La conclusion s’impose : les élus comparativement aux réprouvés sont peu nombreux.
Deuxièmement, les élus sont assimilés à des rois et à des princes, les réprouvés aux serviteurs et aux esclaves de ces rois et de ces princes. Tous les rois doivent avoir un nombre considérable de serviteurs, et les serviteurs et les esclaves sont toujours beaucoup plus nombreux que les rois et les princes. Les réprouvés sont donc plus nombreux que les élus.
Troisièmement, tout ce qui a du prix a coutume d’être rare. On n’a qu’à penser aux pierres précieuses. Mais l’Ecriture compare les élus aux pierres précieuses , et les réprouvés au fumier et aux déchets. Les élus sont donc moins nombreux que les réprouvés. Ceci étant admis, reste une difficulté parmi les théologiens qui prend la forme d’une controverse : parmi les chrétiens qui sont vraiment tels, et qui vivent et meurent dans le sein de l’Eglise catholique, les élus sont-ils plus nombreux que les réprouvés ? Pour l’affirmative, nous avons Sylvestre, Suarez, Granado et Ruis : ils pensent que le nombre des catholiques à être sauvés est plus grand. Mais la négative est plus répandue : ils sont plus nombreux à penser que le nombre des élus est plus petit que celui des damnés. C’est cette position qu’enseignent Suarez, Molina et saint Thomas, Philippe de la sainte Trinité, et, parmi les exégètes : Nicolas de Lyre, Maldonatus, Cornelius a Lapide, Carthusianus, et les autres.
Il nous plaît de faire brièvement la démonstration que l’opinion selon laquelle le nombre des réprouvés, chez les fidèles, est plus grand que celui des sauvés est plus que l’autre ancrée dans l’Ecriture, les Pères et l’histoire ecclésiastique. » Il procède alors de la façon habituelle en exposant les textes les plus connus : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, et Seigneur, sont-ils peu nombreux à être sauvés ? Efforcez-vous etc… et il appuie son interprétation sur des citations des Pères. Il ajoute ensuite Isaïe, XV11, et XX1V, où le nombre des élus est comparé aux rarissimes épis laissés dans le champ par les moissonneurs, et aux rarissimes olives, qui, une fois extraite l’huile, demeurent à la pointe des branches , ou au petit nombre de grappillons de raisin qui demeurent dans la vigne, après la vendange. Ce qui peut être confirmé par l’Epitre aux Colossiens (1,12) où, parlant des élus, l’Apôtre dit : « Qui nous a rendus dignes d’avoir part aux sort des saints ». Et : « Nous, c’est par le sort que nous sommes appelés ».(Eph. 1.1) Il dit qu’ils ont été élus par le sort pour nous faire comprendre qu’ils sont peu nombreux. Car, quand on tire au sort les noms de plusieurs milliers d’hommes , quelques-uns seulement sont favorisés, ainsi en est-il de l’élection divine : parmi plusieurs milliers d’hommes, quelques-uns seulement sont favorisés par le sort de la prédestination au ciel ».
33- Jean Bosco, 1684
Scotiste, de l’ordre des frères mineurs, lecteur très gouté à l’académie de théologie de Louvain, très profond théologien, au dire de Hurter, souvent consulté dans les questions disputées, dans sa théologie spirituelle, scolastique et morale, il soutient la doctrine commune des Pères selon l’esprit du docteur subtil et du docteur angélique. « Conclusion : dans le premier livre de la vie : la plus grande partie des anges, la plus petite partie des hommes, la plus grande partie des fidèles, à l’exclusion des adultes sont prédestinées à la vie. La plus petite partie des hommes se sauvent, même si tous sont ordonnés au salut et reçoivent les secours suffisants. Les anges se sauvent en plus grand nombre que les humains parce qu’ils n’ont pas rencontré sur leur chemin les obstacles que les humains ont rencontrés. L’obstacle le plus redoutable est la rébellion de l’appétit sensuel. Obstacle que, de toute évidence, les anges n’ont pas rencontré. La deuxième partie de notre conclusion –à savoir que les hommes sont peu nombreux à être sauvés---n’est pas en contradiction avec la première ---le plus grand nombre des anges est sauvé—et la première conclusion n’entraîne pas la seconde. L’Ecriture sainte va dans le sens de la deuxième conclusion Matth.. 7,13, Entrez par la porte étroite…XX,16 : Il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus.
Cette partie de la conclusion est
donc de foi, à savoir que c’est la plus petite partie
des fidèles qui se trouve inscrite dans le livre de vie.
Au dire de Smising, l’expérience la confirme amplement.
Si l’on n’envisage que les seuls fidèles adultes, il est assez
probable que le nombre des réprouvés soit plus grand
que le nombre des élus. La façon habituelle de
vivre des chrétiens suffit à nous en persuader et les
textes de l’Ecriture en Matth : « la porte est étroite….et
peu la trouvent ».
34- Gervasius Brisacensis, 1690
l- « Si nous parlons de tous les
hommes, tant infidèles que fidèles, il est certain
que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des
élus. C’est le sens obvie de l’Ecriture.
2-« La seule difficulté vient
des catholiques. A leur propos, deux opinions se font jour.
La première opte pour le plus grand nombre des sauvés,
et la raison en est que le plus grand nombre des enfants décèdent
avant l’âge de raison après avoir reçu le baptême.
Si vous me demandez maintenant ce que j’en pense, je répondrai que,
si je considère la bonté de Dieu, je penche plutôt
vers le plus grand nombre des élus. Mais je devrais
plutôt dire que cela nous est tout à fait inconnu ».
« Toi donc, qui es inscrit au petit troupeau par la grâce et la miséricorde de Dieu, vois à ce que sa grâce en toi ne soit pas vaine, de peur qu’un autre ne reçoive ton épiscopat. Combats vaillamment pour rendre certaine ta vocation par tes bonnes œuvres. Quelles que soient nos brillantes spéculations sur la gratuité de l’élection, il est certain et même de foi que la vie éternelle n’est attribuée qu’aux bonnes œuvres ».
35- Salmaticenses, 1630-1712
« On pourrait se demander si le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. » Et plus loin : « Le plus grand nombre des fidèles fait-il partie des réprouvés ou des élus ? La première question trouve sa réponse en Matt. XX et XX11 et dans Isaïe XX1V où le petit nombre des élus mis en regard des réprouvés est comparé à quelques olives et aux grappillons qui demeurent après la vendange. A la deuxième question, il n’est pas possible de trancher à la lueur de la raison ou grâce à la tradition. Saint Thomas nous assure que la chose est connue de Dieu seul. Nous nous abstiendrons donc des arguties et des sophismes. »
36- Cardinal de Laura, 1693
Autrefois brancate,(?) consulteur du saint office, de la congrégation des rites, et examinateur des évêques, tenu en grande estime par les papes Alexandre V11, Clément 1X, Clément X et Innocent X1 autant à cause de l’éminence de sa vertu que de la profondeur de sa science, dans son livre sur la prédestination, chapitre X1X, il se demande : « le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? » Et il répond : « Prenez d’abord garde que cette comparaison peut être faite de trois façons. D’abord, entre les fidèles et les infidèles, puis entre les fidèles eux-mêmes, et enfin entre les anges et les hommes, avec les infidèles seuls, ou avec ceux-ci et les démons.
Je dis que si la comparaison se fait entre les fidèles ou entre les chrétiens seulement, les élus sont moins nombreux que les réprouvés. Le démontre l’affirmation très claire du Christ Matt. XX11, 16, XX,14 : Il y a beaucoup d’appelés etc… Lyranus explique que, moralement, cette parabole signifie qu’au tout début du monde, les hommes ont été appelés à la foi, comme Adam et ses fils etc…Ainsi en a-t-il été par la suite avec Enoch….De même avec Noé et ses fils…Et de même avec Abraham et les fils de la loi, ainsi que tous les chrétiens au temps de la grâce. De tous ces gens, appelés sous différentes lois à travailler dans la vigne du Seigneur qui est l’Eglise ou l’assemblée du Seigneur, peu sont élus. Plût à Dieu qu’il n’en fût pas ainsi !
Dans le second passage de Matt : beaucoup sont appelés ,etc. il ajoute en marge au règne. Et il commente : « Il y en a beaucoup qui sont appelés à la foi catholique, mais, en vérité, il y en a peu qui soient appelés à la gloire. Ils sont peu nombreux en comparaison de ceux qui se perdent. Je dis donc, deuxièmement, que si on envisage l’humanité dans son ensemble, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. Et je le prouve par des citations de saint Augustin. D’abord, dans son épitre 157 ou 190 à Désiré, on trouve ces mots : « En les créant, Il a voulu qu’un si grand nombre naissent qu’il savait d’avance ne jamais parvenir à sa grâce, des multitudes incomparablement plus nombreuses que les fils de la promesse qu’Il a daigné prédestiner à la gloire de son règne. Pour que cette multitude de rejetés elle-même démontre que cette innombrable quantité de gens justement condamnés n’est d’aucune valeur aux yeux de la justice divine. »
Deuxièmement, dans son livre XX1 de la cité de Dieu, chapitre 12 : « Plus grande a été son intimité avec Dieu, plus impie a été son rejet de Dieu , et il s’est rendu digne d’un mal éternel après avoir repoussé un bien qui pouvait être éternel. De là, la masse universellement damnée du genre humain. En perdant cela, le premier de la race fut puni dans sa descendance, présente en lui en germe, d’une façon telle que personne ne pouvait se soustraire au supplice qui lui était justement dû sans être libéré par la gratuité de la miséricorde et de la grâce. Le genre humain depuis, se trouve ainsi réparti : chez quelques-uns, est démontrée la valeur de la grâce miséricordieuse, et chez d’autres, la réalité de la juste punition. Dieu ne démontre pas sa miséricorde et sa justice en tous, car si tous demeuraient dans les châtiments de la juste condamnation, chez aucun n’apparaîtrait la grâce miséricordieuse du rédempteur; et si tous étaient transférés des ténèbres à la lumière, chez aucun n’apparaîtrait la sévérité de la condamnation. Le nombre des réprouvés est donc plus grand que celui des élus, afin de démontrer que la condamnation était dûe en justice à chacun. »
B. On peut aller en chercher des preuves dans l’histoire. En nous en tenant aux choses dont on nous a parlé. Avant le déluge, il y avait peu de justes. C’est Dieu lui-même qui témoigne de la malice universelle du genre humain. De Noé lui-même il est dit qu’il a trouvé grâce auprès de Dieu. Au temps du déluge, quelques-uns seulement ont été sauvés. Après le déluge, on ne nous parle pas d’un grand nombre de justes jusqu’à la confusion des langues. C’est à partir de ce temps qu’on nous apprend que l’idolâtrie était répandue sur toute la terre. » L’auteur poursuit son développement puis conclut : « Revenons donc à notre sujet. On peut facilement déduire de ce que raconte l’Ecriture, qu’avant le Christ, il n’y eut que peu de fidèles . Et il n’est pas invraisemblable que les réprouvés aient été innombrables , pour ne pas dire que presque tous ont été condamnés. Si donc on compare toutes les nations entre elles, les faits semblent laisser entendre que les élus ont été peu nombreux. Après l’avènement du Christ jusqu’à notre époque (le 17ième siècle), personne n’ignore le nombre ou l’identité des nations, parmi les fidèles ou les infidèles, qui sont mauvaises. Concluons donc que, abstraction faite des comparaisons, les réprouvés sont plus nombreux que les élus. »
37- Segneri, jésuite, l694
« Donc, ce que les saints docteurs nous enseignent d’une seule voix, nous devons l’accueillir comme étant l’expression de la vérité elle-même. Or, les saints docteurs estiment à la majorité que les chrétiens qui n’accèdent pas au Paradis sont plus nombreux que ceux qui y accèdent. »
38- Thomassinus, 1695
« De là vient que peu sont élus, que peu sont prédestinés à être extraits de cette masse de perdition, pour jouir de la gloire céleste, de telle sorte que ceux qui en sont extraits sont d’autant plus reconnaissants envers la divine miséricorde et enclins à l’humilité qu’ils comprennent n’être en rien dignes d’un meilleur sort ».
39- Thomas Muniessa, jésuite, 1696
Celui qui est appelé fameux par le célèbre Hurter, fut autrefois, en théologie, professeur de premier rang au collège de Barcinone, puis recteur du collège, puis inquisiteur d’Espagne et examinateur au synode de l’archidiocèse de César-Auguste. Il écrivit ce qui suit dans son livre rare et précieux dont le titre est disputations scolastiques sur la providence de Dieu : « Hilaire écrit à saint Augustin depuis la ville de Marseille : Voici une autre chose qu’ils n’acceptent pas non plus : devoir admettre qu’il existe un nombre déterminé et fixe de ceux qui sont élus.---« Contre ceux-ci et les autres, nous devons maintenir la certitude qu’il existe un nombre déterminé à l’avance d’élus et de réprouvés, bien qu’à nous ce nombre soit incertain et inconnu, et connaissable seulement à partir d’une révélation de Dieu. » Le fait d’admettre cela n’empêche pas les théologiens de se demander si le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés, ou vice-versa. Dans cette question, toutefois, nous ne possédons pas de certitude, et nous ne pouvons en parler qu’en faisant des distinctions. g
Il nous semble devoir dire d’abord qu’en réunissant les anges avec les hommes, le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés. Si on n’envisage que les hommes, mais tous les hommes absolument sans distinction de religion et d’époque, le nombre des réprouvés est plus grand. Car, il est évident qu’il y a toujours eu sur la terre un plus grand nombre d’infidèles et de païens que de fidèles. Et cela à un point tel que nous pouvons, pensant à eux, parler de petit troupeau. Nous parlons ici de ceux qui sont condamnés à la peine du dam, et non de ceux qui sont condamnés à la peine du dam et du sens. Car il faut tenir compte de la quantité énorme de tant d’enfants de parents infidèles qui meurent avec la seule tache du péché originel, et qui ne sont condamnés qu’à la peine du dam.
Troisièmement, si l’on ajoute aux catholiques adultes les enfants morts avant l’âge de raison après avoir reçu le baptême, il faut dire alors que le nombre des élus est plus grand que celui des réprouvés. Et la raison en est que, parmi les fidèles --ainsi que parmi les hérétiques et les schismatiques dont le baptême est valide---à peu près autant d’enfants baptisés meurent avant l’âge de raison qui sont certainement sauvés, que d’adultes, dont un grand nombre est très certainement sauvé, comme l’a observé judicieusement Montoya en scrutant avec soin les registres paroissiaux.
Quatrièmement, parmi les fidèles adultes, le nombre des élus est-il plus grand que celui des réprouvés ? Il y a d’abord la pieuse estimation de ceux qui suivent Suarez Granadus et le cardinal Pallavicinus. Pour eux, le nombre des élus est plus grand. Ceux qui tiennent que le nombre des réprouvés est plus grand forment la grande majorité des docteurs tant scolastiques qu’exégètes. Ils s’appuient sur l’Ecriture et les Pères comme sur un fondement solide, et sur des conjectures plus puissamment motivées. Il suffit de consulter le très érudit Montoyam (disputation 54) qui explique en cet endroit ce qu’on rencontre ailleurs ici et là tant dans les scolies des points disputés que dans les sermons adressés au peuple. En conclusion, je n’ose formuler d’opinion ».
Voilà ce qu’avait à dire Muniessa, qui appelle quand même notre opinion l’opinion commune des théologiens.
40- Boudon, 1702
Ce pieux archidiacre et ce docteur en théologie écrit sans ambages : « Ce ne sont pas seulement les Pères de l’Eglise, ce ne sont pas seulement les Prophètes et les plus grands saints qui nous appris qu’il y a peu de personnes sauvées; c’est un Dieu qui est venu de l’autre monde, qui sait toutes choses, à qui rien ne peut être caché, qui nous l’a révélé….Il n’y a donc plus à douter. C’est une chose infaillible et de la dernière certitude qu’il y a peu de personnes sauvées. Il faut que toutes les personnes en conviennent, mais qu’il y en a peu qui en soient fortement persuadés ! Cependant quoique nous devions être persuadés sans en pouvoir douter à moins que de donner un démenti à Dieu, qu’il y aura peu de personnes sauvées , nous vivons comme si nous n’avions aucun sujet de peur, et comme si le ciel nous était assuré…..O grande, o infiniment étonnante vérité, mais dont la certitude est infaillible : il y a peu d’élus. C’est ce qui a jeté la dernière terreur dans de grands saints, et des saints qui n’ont jamais perdu leur innocence baptismale; en des personnes qui ayant toujours vécu dans l’innocence, ont toujours vécu dans la pénitence. Dans quel état donc doivent être les pécheurs qui passent leur vie dans les plaisirs des sens ? »
41- Bourdaloue, jésuite, 1704
Au chapitre premier, nous l’avons déjà entendu dire en toute clarté : « Il est constant que le nombre des élus sera le plus petit et qu’il y aura incomparablement plus de réprouvés. ….Hé! qu’y a-t-il de plus marqué dans l’Evangile que ce petit nombre des élus ? Qu’y a-t-il que le Sauveur du monde dans ses divines instructions nous ait déclaré plus authentiquement, nous ait répété plus souvent, nous ait fait plus formellement et plus clairement entendre ? »
42- PP. Wirceburgences, Jésuite,
« Que le nombre des élus sera restreint en comparaison du nombre des réprouvés le Seigneur l’enseigne assez ouvertement . Les Pères y apposent leur signature, la raison le confirme par l’énoncé des considérations suivantes : avant la naissance du Christ, la presque totalité du monde était formée d’infidèles; après la naissance du Christ, la plus grande partie du monde gît encore dans l’infidélité; parmi les chrétiens, bon nombre sont hérétiques ou schismatiques; et parmi les fidèles le nombre des malhonnêtes est élevé. Il y en a cependant qui prétendent que le nombre des fidèles chrétiens sauvés est plus grand que le nombre des chrétiens damnés, en comptant avec les adultes les enfants baptisés. Mais même cela ne peut pas être défini avec certitude. »
43- Bossuet, 1604
Ce n’est pas sans raison que Hurter compte parmi les plus grands théologiens cet orateur sacré, que les Français portent aux nues et qu’ils ont coutume d’appeler l’aigle de Meaux à cause de la sublimité de son esprit. Voici ce qu’il écrit : « Le petit troupeau est partout, et partout il fait partie de la grande église. Comme les élus qui sont peu font partie de ces appelés qui sont en grand nombre, la voie étroite des commandements et la sévère vertu est aussi partout. Et quoique peut fréquentée par la malice des hommes, elle leur est montrée dans toute la terre . Le petit nombre de ceux qui y entrent, quoique grand en soi, plus ou moins, et petit seulement à comparaison de ceux qui périssent, écoute le même évangile qui les a appelés ».
Et dans ses méditations sur l’Evangile, il expose avec éloquence son point de vue : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, Jésus-Christ nous en a souvent avertis. Cela est vrai, premièrement parmi les Juifs…Mais le Sauveur ne parle pas seulement des Juifs à l’endroit que nous lisons de la parabole, car c’est après nous avoir fait voir les gentils appelés en la personne de ces aveugles et de ces boiteux, qui sont invités à son festin qu’il conclut qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Efforçons-nous donc d’entrer par la petite porte qui mène à la vie, car la voie qui mène à la mort est très spacieuse et plusieurs y entrent. Qu’il y en a peu, poursuit le Sauveur, qui entrent par la porte étroite !
Il y en a donc beaucoup d’appelés et peu d’élus. Mais la condition de ces appelés qui ne persévèrent pas dans leur vocation est plus terrible que celle des autres, car ils sont ces serviteurs qui ont connu la volonté de leur maître sans la faire, qui seront les plus punis. Tyr et Sidon et les Ninivites s’élèveront contre eux, et le jugement de ces villes ingrates sera léger en comparaison de celui que doivent attendre les chrétiens infidèles à la grâce qu’ils auront reçue. O Jésus! O Jésus! « sauvez-moi de l’iniquité du peuple pervers », sauvez-moi, car l’iniquité s’est multipliée parmi les enfants des hommes, « et on ne voit point de salut ». Tout est plein de ces appelés qui ne veulent pas seulement penser à leur vocation, ni se souvenir qu’ils sont chrétiens. Ne vivons pas comme la plupart. Ne disons pas : tels et tels font ainsi à qui on le souffre, et ne nous excusons pas sur la multitude, car la multitude elle-même est inexcusable. Si Dieu eût craint la multitude, il n’aurait point consumé par le feu ces villes abominables, ni noyé tout l’univers dans le déluge. N’alléguons point la coutume, car Jésus-Christ a dit : Je suis la Vérité. On ne prescrit pas contre Dieu. « Chacun portera son fardeau », et on ne jugera pas par les autres. Rangeons-nous avec ce petit nombre d’élus que le monde ne connaît pas, mais dont les noms sont inscrits dans le Ciel », à qui le sauveur a dit : petit troupeau, ne craignez pas. Petit en nombre, petit en éclat, et la balayure du monde, qui est caché avec Jésus-Christ, mais aussi qui paraîtra avec Lui.
O petit nombre, quel que tu sois, et en quelque coin de l’Eglise que tu te caches, je me joins à toi en esprit, et je veux vivre à ton ombre ».
44- F. Vershuren , docteur en théologie, début du 18ième siècle.
Nous allons citer cet auteur avec plus d’abondance puisqu’il a traité notre question au long et au large. Il a édité, en effet, un livre de 378 pages dont le titre est : « la voie étroite du ciel démontrée , dans lequel livre il réfute le docteur Steyaert en lui prouvant que le plus grand nombre des fidèles adultes se situent parmi les damnés plutôt que parmi les sauvés. Dans la préface de son livre, il définit ainsi la question : « Voici quel est l’objet de notre recherche : les catholiques adultes sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être condamnés ? Ou vice-versa. »
Dans sa première phrase, il engage le combat avec quelques modernistes. Il est d’avis, en effet, que la voie qui mène au ciel et que la Vérité elle-même déclare étroite et resserrée et trouvée par peu, est foulée aux pieds par un petit nombre, si les fidèles vivent comme le grand nombre a l’habitude de vivre. Car la porte étroite, dont parle Matt.. en V11, affirme-t-il dans la défense de sa thèse le 16 juillet 1695, est la porte de la religion chrétienne elle- même envisagée selon la façon dont le peuple des fidèles,--- pour ne pas le restreindre à je ne sais quel conventicule ---l’observe. Il se conclut de là, selon Stayaert, que la plus grande partie des fidèles vivant dans les occasions de péché est sauvée.
Cette sentence est déjà assez bénigne, et il ne peut se faire autrement que la tourbe des fidèles qui vit de l’esprit du monde ne l’accueille les bras ouverts. Car ils ne peuvent entendre rien de plus réjouissant que de recevoir l’ordre de se considérer sûrs de leur salut, pourvu qu’ils observent les règlements de la religion catholique de la façon dont les observent les gens de même condition qu’eux avec lesquels ils vivent. Surtout, si, par-dessus le marché, on diabolise les partisans de la sentence contraire, les présentant comme des extrémistes, comme des gens qui compressent la vie chrétienne dans les voies de l’austérité.
Il nous serait facile de donner nous aussi notre assentiment à cette sentence si en plus d’être bénigne elle était vraie. Quel est donc le catholique qui ne jubilerait pas s’il se faisait dire que le plus grand nombre des fidèles parviendra au salut éternel ? Mais nous ne sommes pas de nature à rechercher ce qu’il y a de plus agréable mais ce qui est le plus vrai. Le grand nombre ne se sauvera pas parce qu’un auteur a décrété qu’ils devaient être sauvés. C’est tout le contraire. En accordant à tous, avec beaucoup de légèreté, le salut éternel, il est à craindre que plusieurs ignorants soient rendus pauvres de bonnes œuvres, et qu’en conséquence un nombre encore plus petit soit sauvé. Car, si on parvient à persuader aux fidèles une fois pour toutes que la plupart d’entre eux seront sauvés avec le grand nombre, aussi facilement qu’ils vivent, ils ne seront pas nombreux ceux qui chercheront à s’emparer du royaume par la force. Ils vivront ces gens-là comme ils voient vivre la multitude des autres dont la vie est éloignée du ciel de toute la distance qui sépare le ciel de la terre. Ils se croiront de bons chrétiens, même si de l’esprit du Christ ils possèdent peu ou prou. Mais cela ne les justifiera pas. Terrible est la sentence de l’Esprit de vérité : « Il y a une voie qui semble juste à l’homme , mais ses derniers pas conduisent à la mort ». C’est pourquoi, nous entreprenons ici de réfuter l’opinion de Steyaert parce que nous n’hésitons pas à la déclarer fausse et extrêmement pernicieuse ».
Il va même jusqu’à conseiller d’user avec prudence et sagesse de sa doctrine : « Nous souhaitons donc que l’on demande aux catholiques d’exposer aux fidèles notre sentence avec les arguments qui l’appuient. Ce serait faire preuve de prudence. Ils s’interdiront toutefois, de donner le chiffre précis de ceux qui seraient élus dans tel village ou dans telle cité. Ils ne décideront pas en chaire que le nombre des hommes à être sauvés est plus grand que celui des femmes, et vice-versa. Ils ne laisseront pas entendre non plus que quelques êtres humains seulement seront sauvés, puisque les élus sont innombrables. Car des prophéties de ce genre sont téméraires, fausses, odieuses, portent au rire et au libertinage, et sont de nature à réduire quelques personnes au désespoir. Que ces tribuns ne cherchent pas à prendre appui sur certaines paroles de saint Jean Chrysostome. Ce que ce guide incomparable a dit avec prudence lorsque la sublimité de sa sainteté rivalisait avec l’éclat de son éloquence ne peut pas être plagié servilement par des prêtres du commun des mortels qui ont peu ou rien en commun avec un si grand homme .
Nous reconnaissons volontiers que des phrases non seulement de cet illustre docteur, mais d’autres grands hommes que nous rapportons doivent être expliquées avec discernement , sans s’en tenir obstinément à la lettre. A moins que nous estimions devoir toujours approuver ce qui est approuvé par eux, dès que nous en découvrons le sens naturel et littéral. Pour cette raison, nous croyons même ne pas pouvoir recommander diverses révélations traitant du petit nombre des élus. Pas même celle que saint Nil rapportait que saint Siméon dit le stylite aurait eue. Selon cette révélation, à peine une âme sur dix mille serait conduite au ciel par les mains des saints anges, comme le narrait Baronius en l’an 976. Pas plus celle qui aurait été faite le jour de la mort de saint Bernard, selon laquelle cinq soldats seulement sur trente mille auraient été sauvés. Ni non plus celle que rapporte Platus dans son livre de l’état religieux, livre 1, ch. 5 selon laquelle trois soldats seulement sur soixante-dix mille auraient obtenu le salut. Nous ne croyons pas à tout cela. La révélation certaine n’a pas besoin de révélations incertaines. De ferme qu’elle est, elle est rendue suspecte par ces racontars.
Nous pensons donc que les ornements des instructions doivent être tels qu’ils enseignent aux fidèles à opérer leur salut dans la crainte et le tremblement, à ne pas suivre la foule dans la recherche du mal et à s’efforcer d’imiter et d’écouter les meilleurs. Que si un orateur chrétien se rend compte qu’il a ébranlé ses auditeurs d’un trop fort sentiment de crainte, il s’appliquera à les réconforter en les jetant dans les bras de la divine miséricorde, mettant l’accent sur la multitude des élus que Dieu s’est réservé à Lui-même de partout et jusqu’à la fin des siècles. Il serait très utile à ce sujet de se servir des paroles mêmes de saint Augustin (livre du don de la persévérance, ch. 22) pour morigéner les catholiques : « Vous devez espérer recevoir du Père des lumières la même persévérance dans l’obéissance. C’est de Lui que descend tout don excellent et parfait . Et, par des prières quotidiennes, vous devez demander avec foi et confiance d’être comptés parmi les élus . C’est Lui-même qui vous fait le Lui demander ». Ces paroles qui sont tellement conformes aux paroles et à la pensée de saint Alphonse de Liguori, nous les faisons très volontiers nôtres ».
45- Denys Werlensis, O.F.C, 1709
Selon Hurter, il était un homme d’un grand savoir, un artisan de paix et de concorde. Dans son livre intitulé : « le pseudo-pénitent, ou la doctrine de l’Eglise catholique et des docteurs les plus célèbres sur la vraie pénitence, il écrit ceci : « Plusieurs se damnent pour avoir mal reçu les sacrements. Ce docteur de tous les pays à qui saint Paul est apparu pendant un travail nocturne se tenant debout devant lui et lui dictant à l’oreille, saint Jean Chrysostome, veux-je dire, dans sa troisième homélie sur les Actes des Apôtres s’exprime ainsi : « Je ne parle pas d’une façon téméraire, mais je le dis comme je le ressens : je ne pense pas que parmi les prêtres il y en ait beaucoup de sauvés. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui se perdent. » Et dans sa quarantième homélie au peuple d’Antioche, il dit, en termes généraux : « Combien pensez-vous qu’il y ait de membres de notre cité à être sauvés ? Ce que je vais dire est horrible, mais je le dis quand même . Parmi tant de milliers, je ne peux pas en trouver cent qui seront sauvés. Je doute même qu’il y en ait tant. »
La sentence la plus commune des Docteurs est qu’il y a plus de réprouvés que de sauvés non seulement chez les hommes en général, mais aussi chez les catholiques adultes. »
46- Henno, 1713
« En comparaison des damnés peu nombreux sont les sauvés. Mais, parmi les vrais fidèles, ceux qui se sauvent sont-ils plus nombreux que ceux qui se damnent ? La sentence la plus commune et la plus conforme à la pensée des Pères est que plus nombreux sont ceux qui se damnent. »
47- Pauwels ,1713
Cet auteur réaliste énonce d’abord la sentence commune : « Après tant de passages scripturaires qui sont d’une clarté aveuglante, il n’est pas permis de douter que le nombre des réprouvés est plus grand que celui des sauvés ». Ensuite, il se demande : « pourquoi Dieu permet-il que le nombre des réprouvés soit plus grand que celui des élus ? » Et il répond : « Pourquoi Dieu permet-il que les réprouvés existent et vivent ? » Puis, à la suite de saint Augustin, il indique quatre raisons. 1-« Pour que Dieu manifeste sa justice. 2- Pour montrer ce que vaut le libre arbitre s’il n’est pas aidé de Sa grâce toute-puissante. 3-Pour que celui qui est élu reconnaisse en lui l’œuvre de la miséricorde qui l’a extrait de la même masse de perdition. 4- Pour que les réprouvés fassent pratiquer la vertu aux élus, et leur permettent ainsi de faire des progrès dans la marche vers la sainteté. Comme le dit saint Paul : « Il faut qu’il y ait des hérésies, pour que ceux qui sont approuvés par Dieu parmi vous soient reconnus comme tels. Il faut dire sans hésiter avec saint Augustin : « Beaucoup forment le projet de connaître le plan de Dieu, mais le connaître véritablement est le fait de très peu de monde, ou de presque personne. » Nous non plus, dans ce livre sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés , nous ne cherchons pas à scruter les insondables desseins de Dieu. Nous nous contentons de démontrer purement et simplement le fait du petit nombre. »
48- Ant. Ginther, (écrit en 1717)
C’est ainsi qu’il commence ses réflexions sur le nombre restreint des élus et sauvés : « J’ai beau me creuser la cervelle, je n’arrive jamais à trouver des raisons suffisantes pour expliquer pourquoi le chrétien qui a été créé par Dieu pour qu’il Le serve en cette vie, qu’il le loue et le révère, et soit à la fin sauvé, en arrive malgré tout à vivre en se souvenant si peu de sa fin qui est le salut éternel, et se rue à grand pas chaque jour vers sa ruine. O peuple sans jugement et sans prudence ! (Deut.XXX11, 28).
Vos deux oreilles ne tintent-elles pas quand résonne cette sentence véridique et incontournable sortie de la bouche de la Vérité elle-même : Entrez par la porte étroite. Saint Luc a : « Efforcez-vous », et le texte grec : «Luttez jusqu’à l’épuisement », c’est-à-dire, développez toutes vos forces jusqu’au bout pour que vous puissiez entrer dans la vie par cette porte étroite et resserrée. Et pourtant, hélas ! combien peu parmi les mortels la trouvent ! Et si cette voix est celle de la Vérité et de la Sagesse éternelle, je demande pourquoi nous ne faisons pas de sérieux efforts pour sauver notre âme ?
C’est qu’il nous arrive malheureusement ce qui arrive souvent aux arbres qui aux printemps sont ornés d’un grand nombre de fleurs éclatantes. Mais l’orage ou la grêle ou les vents furieux dispersent ces fleurs magnifiques, et à l’automne c’est à peine si une ou l’autre atteindra la maturité. Excellent exemple des élus. Tous sont appelés au salut, mais peu sont élus, parce qu’il y en a peu qui coopèrent jusqu’à la fin à la leur vocation et à l’aiguillon de la grâce de Dieu. »
49- Collet, 1718
« Tous les ministres sacrés soupèsent avec grand sérieux cette sentence. Tu demandes : est-ce que le nombre des prédestinés est plus grand que celui des réprouvés ? Et l’on répond. Absolument pas. C’est le contraire qui est vrai. » Après avoir cité des textes de l’Ecriture, il indique certains arguments dont le dernier est : « Parmi les fidèles et même parmi les ministres des autels, c’est en pleurant que je le dis, innombrables sont ceux qui ont renié la foi par leurs mœurs infâmes. »
50- Laselve, a écrit en 1727 (Godts, p.186).
Dans l’analyse de son discours sur la rareté de ceux qui doivent être sauvés, il écrit : « Il est de foi que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés, puisque le Christ lui-même l’a dit. » Puis, dans le cours de son sermon : « Voici ce que la sainte Ecriture déclare en toute clarté, ce que les saints Pères ont expliqué avec beaucoup de précision, ce que les théologiens enseignent et ce que dicte la raison naturelle : 1- Parmi tous les hommes de l’univers, il y a peu d’élus. Car si celui qui ne croit pas est déjà jugé, il saute aux yeux que du sein du genre humain dans son ensemble il y aura peu d’élus et de sauvés comparativement aux réprouvés et aux damnés…Voilà une chose à croire que peut croient. Si nous pensions réellement qu’il y a peu d’élus et beaucoup de damnés, quel sujet de crainte et de tremblement ? Qui ne s’appliquerait pas à vitre pieusement et saintement ? Qui ne s’efforcerait pas d’entrer par la porte étroite que peu fréquentent ?
2- Parmi tous les chrétiens, il y a peu d’élus. O sentence qu’il faut pleurer avec des larmes de sang ! Si grande est l’astuce du démon, si grande la perversité du siècle, si grande la malice des hommes que peu de chrétiens se sauvent. Ce n’est pas que la grâce du salut leur fasse défaut, ce sont eux qui font défaut à la grâce. Ce n’est pas que la porte du ciel ne leur soit pas ouverte, ce sont eux qui ne veulent pas entrer. Ce n’est pas que les moyens nécessaires au salut ne leur soient pas donnés, ce sont eux qui n’en font pas de cas.
3- Peu d’adultes catholiques d’élus.
Si la question du salut porte sur les seuls catholiques adultes,
je dis qu’il y en a plus de réprouvés que de sauvés.
« Circule par la pensée, dit Louis de Grenade,
dans quelque ville célèbre qu’il te plaît, où
subsistent encore des vestiges de la vraie, pure et sincère
religion. Parcours je ne dis pas les tavernes et les lieux
mal famés, qui sont fréquentés par les mendiants,
les ivrognes et les imposteurs, mais les maisons elles-mêmes
du voisinage et tu entendras partout des sacres, des jurons
et des blasphèmes. Dirige-toi vers les salles
publiques, les tribunaux, les bureaux d’avocat, vers
les casernes de soldats, les places, vers les bateaux,
les charriots, les maisons privées, et là tu
observeras les vices des enfants, des adolescents, des
jeunes filles, des hommes et des vieillards : les faux serments,
les fraudes, les inimitiés, les haines, l’ivrognerie,
la paresse, etc etc…Entre, si tu l’oses, dans les églises
elles-mêmes et les lieux sacrés et ici tu remarqueras
les sacrilèges, les profanations, les irrévérences,
et d’autres choses indignes du nom du Christ. De quelque côté
que tu de tournes, si tu examines attentivement les mœurs chrétiennes,
(pas à la façon du P. Castelein), tu en verras un si
grand nombre qui vivent négligemment, honteusement, et sans
discipline que tu ne pourras pas douter que la parole du Christ ---beaucoup
d’appelés, peu d’élus---s’applique aussi aux catholiques
».
51- Daelman, 1731 (Godts, p.186)
« C’est d’en haut que nous vient la persuasion qu’un beaucoup plus grand nombre d’êtres humains périssent. C’est le sens naturel des paroles de Jésus : beaucoup d’appelés, peu d’élus. …la voie est étroite qui mène à la vie, mais large qui conduit à la perdition. Et cette vérité se déduit facilement de l’expérience.
Mais tu entends souvent cette question : parmi les catholiques, les sauvés sont-ils plus nombreux que les damnés, ou vice-versa. Je réponds : qui le sait ? De toute évidence, nous nageons ici dans le brouillard. Steyeart est d’opinion qu’un plus grand nombre de catholiques se sauvent. Mais le docteur Vershuren combat cette conjecture par des arguments d’autorité tirés tant de l’Ecriture que des Pères. Il ne faut pas omettre que même de nos jours, nombreux sont ceux qui soutiennent avec lui qu’il y a plus de damnés parmi les catholiques que de sauvés. Mais les arguments qu’ils utilisent pour parvenir à cette conclusion ne sont pas aussi contraignants qu’ils le prétendent. »
52- Judde, jésuite, 1735
Dans sa méditation sur le jugement particulier, au deuxième point, il met en scène le Juge suprême répliquant à l’excuse suivante : « J’ai vécu comme la multitude ». ---« N’était-ce pas une raison de vous défier de votre conduite ? Quelle autre marque plus sensible de réprobation avais-je donnée que celle d’aller avec la foule ? Selon moi, le chemin large où devait-il aboutir ? La porte est large et la voie est spacieuse qui mène à la perdition. »
Peu d’élus, même en religion, si l’on vit en religion à peu près comme dans le monde, sans faire tous ses efforts pour entrer par la porte étroite. Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite….Beaucoup d’appelés, peu d’élus ».
53- Le Cardinal Gotti, 1742
A la question : le nombre des réprouvés est-il plus grand que le nombre des élus, il répond par l’affirmative à la suite de son maître saint Thomas, et il cite les textes de référence. Il ajoute ensuite : « Dans le peuple d’Israël, combien d’idolâtres, combien d’impies nous montre l’Ecriture. Après l’avènement du Christ, la plus petite partie seulement adore le Christ, et ceci est tellement vrai que sur les quatre continents, tu n’en trouveras pas un qui soit intégralement chrétien. Une partie importante des chrétiens est soit schismatique, soit hérétique. Et si tu parcours les états de tous les chrétiens , combien en trouveras-tu qui se la coulent douce ? Qu’ils sont peu nombreux ceux qui observent la loi de Dieu selon l’esprit et la lettre ! Et pourtant la vie éternelle n’est accordée qu’à ceux qui mettent les commandements en pratique.
David décrivait ainsi son époque ps.13, v.3 : «Ils sont tous dévoyés, ils sont tous devenus inutiles. Il n’y a personne qui fasse le bien, pas un seul. »
54- Ant. Mayr, jésuite, l749
Eminent théologien, estimé pour la modération de sa doctrine et la sainteté de sa vie, et docteur de l’université de Fribourg et d’Ingostald, il se demande, dans son œuvre intitulée : théologie scolastique : « Dieu veut-Il sauver tout le monde ? » Et il répond : « Il est certain que si l’on considère la totalité du genre humain, le nombre des réprouvés est plus grand que celui des élus. » Et cela, il l’infère des paroles du Christ en Matt. V11, 13 et XX, 16 . « Le Père Segneri, dans son instruction chrétienne, p.1, basant son opinion sur les Pères, les théologiens et la raison, estime que les catholiques adultes sont plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés. Quoiqu’il en soit finalement de tout cela, une chose est certaine : dans tout le genre humain, il y a plus de damnés que de sauvés. »
55- Dan Concina, O.P. 1756
Théologien hautement réputé, bien qu’il fût considéré par ses pairs comme un peu trop rigide, il n’en était pas moins loué pour ses vertus et sa piété. Le pape Benoit X1V le tenait en haute estime, et le consultait volontiers dans toutes sortes de questions de la plus grande importance. Dans son premier livre sur les lieux théologiques, diss. 11, il intitule ainsi le septième chapitre : que les catholiques adultes soient plus nombreux à être damnés qu’à être sauvés est ici démontré par différents arguments. Pui il demande : « En est-il ainsi des prêtres et des religieux ? »
« Au sujet de la première question, il convient de dire que les réprouvés sont de loin plus nombreux que les sauvés, si nous considérons l’humanité dans son ensemble : les catholiques, les hérétiques, les fidèles et les infidèles. Les saintes Ecritures, les saints Pères de l’Eglise, et la majorité des théologiens scolastiques enseignent qu’il y a plus d’adultes catholiques de damnés que de sauvés. Les théologiens de notre époque sont du même avis. Qu’il nous suffise de déclarer que tous partagent la même doctrine. Nous pressons nos adversaires de nous dénicher au moins un Père de l’église qui enseigne que le nombre des élus excède celui des réprouvés. » Par la suite, cet auteur érudit et fervent, enflammé de zèle pour le plus grand bien des modernistes, écrit les paroles suivantes que devraient lire attentivement ces malheureux prêtres qui se sont fourvoyés dans la lecture des livres des modernistes : « D’une part, je constate que les saintes Ecritures et les Pères de l’Eglise unanimement inculquent la rareté de ceux qui doivent être sauvés; d’autre part, je lis des auteurs qui, sans l’appui d’aucun docteur de l’antiquité, s’efforcent de ridiculiser les Ecritures par des interprétations tirées par les cheveux et abracadabrantes, comme s’ils ne cherchaient qu’à s’amuser. Si je disais que je n’en souffre pas, je mentirais.
Tous les Pères traitent de cette question bouleversante. Tous, sans exception, inculquent le petit nombre des élus, parce que toutes les Ecritures, au sens littéral ou figuré, enseignent cela. Néanmoins, des auteurs nés de la dernière pluie se trouvent qui annulent l’autorité des Pères avec des distinctions fumeuses et fantaisistes, qui présentent leurs rêveries dans la langue vernaculaire pour que le peuple ignorant s’en régale ! Quand je médite cela en présence de Dieu, je m’exclame avec le Christ : Quelle est étroite la porte ! et il y en a peu qui la trouvent ! Gardez-vous des faux prophètes qui voient la vanité et promettent la béatitude. Ferme tes oreilles à ces docteurs, et ouvre-les aux docteurs de l’Eglise, que nous savons être illuminés par Dieu. »
56- Billuart, 1757
« Comparativement aux réprouvés, ceux qui se sauvent sont moins nombreux que ceux qui se damnent, comme le dit saint Augustin dans son deuxième livre inachevé contre Julien, c. 142, au sujet de Matt. V1 : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Cela est évident, parce que les chrétiens sont moins nombreux que les infidèles. Et même parmi les chrétiens, combien y a-t-il d’hérétiques étrangers à la communion de l’Eglise, hors de laquelle il n’y a point de salut . Les théologiens se demandent aussi si le nombre des catholiques réprouvés est plus grand que celui des sauvés, et vice-versa. Mais incertains sont les fondements des opinions contraires. Dans le doute, nous nous abstenons donc de conclure. »
57- Laur. Berti, O.S.A. 1764
« Grand est le nombre des élus, mais très restreint, s’il est mis en comparaison avec le nombre des réprouvés. On en fait la démonstration d’abord, par le recours aux saintes Ecritures. Car, en Matt. V11, 14, on lit : « La porte est étroite et la voie est resserrée qui conduit à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Et en Luc, V11,14, à quelqu’un qui interroge Jésus : « Seigneur, sont-ils peu nombreux à être sauvés ? », Jésus répond : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, parce que plusieurs, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas. On trouve la même chose en Matt. XX11,14 : Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Isaïe, au chapitre XV11 et XX1V, compare les prédestinés aux épis qui demeurent dans les champs après la moisson, aux graines d’olive et aux grappes dispersées qui demeurent dans les sarments après la vendange. Et dans l’Evangile les prédestinés sont appelés petit troupeau, par uniquement à cause de leur humilité, mais à cause aussi de leur petit nombre, commente Bède le Vénérable.
En second lieu, on le prouve par les Pères : saint Augustin dans le psaume 48, saint Grégoire X1V, saint Jean Chrysostome, 14 ième sermon. On peut en trouver une raison des plus évidentes. On distingue, en effet, trois états de l’humanité, celui de la nature, celui de la loi et celui de la grâce, c’est-à-dire, d’Adam à Moïse, de Moïse à Jésus et de Jésus à notre époque et jusqu’à la fin du monde. Il est constant que dans chacun de ces trois états, le troupeau des élus est manifestement petit. »
58- Berthier, jésuite, 1782
« Le Prophète Isaïe, LX1V, dit que le nombre des damnés sera très grand, et cela n’est pas difficile à concevoir puisque le nombre des ennemis de Notre-Seigneur surpasse presque infiniment celui de ses serviteurs ».
59- P.F. Foggini, 1783
Gardien de la bibliothèque vaticane, et adjoint par Benoit X1V à l’académie d’histoire pontificale, que le souverain Pontife lui-même avait instituée. En l’année 1752, il édita à Rome un livre en quatre tomes, qu’il fit, par la suite, imprimer à Paris en 1759, qu’il a fait l’année suivante traduire en français, dont le titre original est : « Il y a un consensus admirable et facilement démontrable chez les Pères au sujet du petit nombre d’adultes fidèles de sauvés et du grand nombre de réprouvés. » L’occasion de cette intervention a été un sermon prononcé par Alexandre Borgia, archevêque de Fermo qui s’exprimait ainsi : « Le nombre des élus qui est petit, ce n’est pas celui des chrétiens mais des êtres humains en général ».
Quelqu’un lui a fait le reproche suivant : « Il aurait dû distinguer les passage des Pères où tous les chrétiens adultes sont confondus avec les hérétiques, des autres passages qui ne se rapportent qu’aux seuls catholiques. Il devait aussi citer et expliquer les autres témoignages patristiques qui semblent favoriser l’opinion contraire. Ce n’est qu’en procédant ainsi qu’on pourra porter un jugement équilibré sur l’étonnant consensus constaté, lequel ne semble pas exister s’il n’est question que des seuls adultes ».
Voilà des paroles qui sonnent bien et qui semblent irréfutables ! Mais il y a deux questions préalables à se poser : Existe-t-il un seul Père de l’Eglise qui, en traitant du petit nombre des élus, fasse la distinction entre les catholiques et les hérétiques? Deuxième question : Y a-t-il jamais eu un seul Père de l’Eglise à favoriser l’opinion contraire ? Nous, pour notre part, nous n’en avons jamais trouvé.
Goffinius écrit avec raison : « Il n’est permis à personne de mettre en doute qu’il y a plus de damnés que de sauvés sur l’ensemble de la planète, puisque, de toute évidence, la plus grande partie du genre humain ne fait pas partie de l’Eglise catholique, hors de laquelle nul ne peut se sauver. Mais ce qui intrigue un bon nombre de théologiens est la question suivante : parmi les catholiques adultes, le nombre des damnés est-il plus élevé que celui des sauvés? Question épineuse, qu’il ne faut pas aborder légèrement, mais aidés de ceux qui doivent toujours nous servir de guides dans les choses qui relèvent de la foi et des mœurs, les Pères de l’Eglise. La sentence des Pères de l’Eglise sur cette question est que la majorité des adultes catholiques est damnée. On ne trouve absolument aucun Père qui parle autrement.
A dire vrai, quand nous pénétrons dans ces siècles où règne une si grande perversité d’opinions, à cause de l’immense latitude donnée à la liberté de nuire, - plus grande que jamais dans le passé, - on entreprend de mettre en doute la sentence unanime des anciens Pères. C’est, tout au plus, disent-ils, la sentence la plus commune. Et ils osent lui préférer en chœur l’opinion qu’ils appellent plus bénigne, ---meilleure que je ne sais quel bien—utile, plus digne de Dieu et plus adaptée à notre siècle. Ainsi, ce que l’on doit croire et en enseigner n’est plus ce qui est vrai mais ce qui est souhaitable. Parmi les fidèles adultes, il y aura autant de fidèles réellement sauvés que quelqu’un l’imaginera ou le désirera. »
60- Cl. Arvisenet 1831
Il mérite amplement d’être compté parmi les théologiens, lui qui fut très versé dans la théologie ascétique et la science des saints, comme font foi ses œuvres les plus connues : le mémorial de la vie sacerdotale, et la sagesse chrétienne. Dans le chapitre 5 de son mémorial intitulé du petit nombre des élus, le Christ interpelle ainsi le prêtre : « Mes fils ! combien peu nombreux les prêtres qui suivent la voie étroite ! Combien peu qui entrent par la porte étroite ! Il y a peu d’élus. Fils ! que la peur qu’engendre cette vérité te donne la chair de poule ! Tremble à la pensée que si peu de fidèles sont sauvés, peu de prêtres le seront Tremble ! Le prêtre a passé tout droit, le lévite a passé tout droit, mais c’est le samaritain qui fut digne de louange. Tremble, mon fils, car beaucoup de derniers seront premiers et de premiers derniers. Tremble, car beaucoup viendront de loin et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, alors que les fils du royaume seront éjectés dans les ténèbres extérieures ». Voilà ce que l’on trouve dans ce mémorial si populaire.
Dans son livre dont le titre est : la sagesse chrétienne, dans la première partie, au chapitre 30ième, qui porte de nouveau le titre du petit nombre des élus, le divin Rédempteur admoneste ainsi un laïc : « Je veux, mon très cher, que tous les hommes soient sauvés, et c’est pourquoi je suis mort pour tous. Malgré cela, peu se sauvent : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Efforce-toi d’entrer par la porte étroite, parce que plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas. Tu le vois, mon fils, voilà les paroles que j’ai dites. Rumine-les longuement et attentivement, et tremble de tous tes membres devant cette terrible prophétie qui, comme elle vient de Dieu, ne retournera sûrement pas au néant. Ils sont vraiment peu nombreux ceux qui sauvent. Les chrétiens sont nombreux, et un grand nombre d’entre eux mourront. A la vérité, nombreux sont ceux qui écoutent et professent la doctrine de vérité, qui fréquentent les sacrements de l’Eglise, et néanmoins, un très grand nombre d’entre eux iront au feu éternel. Ce n’est pas que, de ma part, quelque chose ait fait défaut, --puisque je leur ai donné la foi et la grâce---mais c’est qu’ils n’ont pas voulu connaître mes voies par la pratique des bonnes œuvres afin d’entrer dans mon repos ».
Voilà la doctrine ascétique saine et vraie qui ne plaira jamais aux modernistes laxistes.
61- Cardin Giraud, 1850
« Quels motifs d’encouragement, de confiance ! Quelle joie de pouvoir se dire : je suis appelé, je suis sur la voie du ciel ! Le Dieu bon, le Père tendre qui m’a mis dans cette voie, veut bien sans doute que j’arrive au terme. Se je n’y arrive pas, la faute en est à ma malice, et non à sa volonté toute de bienveillance et d’amour. Mais s’il est doux de penser que tous sont appelés, qui peut entendre sans frémir la suite des paroles de mon texte : tous sont appelés, mais peu son élus. Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. J’ai hésité, je l’avoue, si je vous ferais partager la terreur dont mon âme est saisie quand je médite cette parole. J’ai craint d’alarmer sans fruit les consciences craintives, de décourager, peut-être, ce qui est faible encore dans la foi et dans la vertu. Mais je me suis rappelé que la crainte est le commencement de la sagesse. Je ne veux pas être plus prudent ni plus délicat que mon divin Maître qui n’a pas fait scrupule d’enseigner ces vérités, et qui nous a commandé de les prêcher en son nom,,,,Quand je dis que le nombre des élus sera petit, eu égard à la multitude des réprouvés, je n’ai pas besoin pour justifier ma proposition d’étendre les termes de cette comparaison à l’universalité du genre humain. La vérité que je prêche serait moins alarmante pour nous si ce qu’elle a d’exécutif et d’absolu ne s’appliquait qu’aux païens ou à ces peuples engagés par leur propre malice ou par un juste châtiment de Dieu dans les voies du schisme et de l’hérésie. Je parle ici des enfants mêmes de l’Eglise véritable. Je dis qu’au sein même de l’Eglise catholique, le nombre des élus sera le petit nombre, et je le prouve par l’Ecriture, par les sentiments des saints, et par la raison même éclairée des lumières de la foi. »
62- P. Ventura, l861
Il flagelle ouvertement les vices du siècle et tient notre doctrine. « Or, lorsque cette vie sensuelle, molle, dissipée où tout est pour le corps et rien pour l’âme, tout pour le monde et rien pour Dieu, tout pour le vice et rien pour la vertu; lorsque cette vie dans laquelle à l’omission de tout bien se joint la perpétration de tout ce qui est mal; lorsque cette vie est devenue la vie commune non seulement parmi les nobles mais encore dans les conditions moyennes; non seulement parmi les grands mais encore parmi le peuple; lorsque l’immense majorité des chrétiens passe les jours et les années dans une damnable inaction par rapport au salut éternel, et que loin de faire le plus petit sacrifice pour se sauver, ils font tous les jours leurs efforts pour se perdre, est-il bien étrange que ce soit le plus petit nombre qui se sauve ? La voilà donc expliquée la terrible énigme par laquelle J.C. conclut la parabole de ce jour : Beaucoup d’appelés, peu d’élus. C’est-à-dire que la vocation est pour un grand nombre, est pour tous. Elle est l’effet de la miséricorde divine. Et l’élection n’est que pour un petit nombre. Et si ce nombre est petit, il faut l’attribuer à la malice des hommes. Beaucoup d’appelés, peu d’élus. »
63- Le Cardinal Wiseman 1865
Ce cardinal illustre et savant a prononcé un discours dans lequel il transmet la doctrine commune du plus petit nombre des élus. Il débute ainsi : « L’Apôtre saint Paul compare la vie du chrétien à une course où tous prennent part pour gagner une couronne éternelle. Mais de tous ceux qui sont engagés dans la lutte, il n’y en a qu’un seul qui obtienne le prix. ,,,Il en est peu qui persévèrent jusqu’à la fin en dépit de la fatigue et des obstacles et qui atteignent le terme fixé. Telle est l’explication que nous donne le grand Apôtre des paroles de Jésus-Christ : il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Il y en a beaucoup qui sont appelés par Dieu à partager sa gloire et sa félicité, il en est peu qui soient dignes d’être élus à une si glorieuse destinée. …..C’est donc folie à l’homme de détourner ses yeux de cet avertissement terrible…En dépit de toutes nos illusions, chaque fois que nos yeux tombent sur ces paroles du Seigneur, nous ne pouvons qu’être frappés de crainte à la vue du petit nombre des élus, et la pensée terrible que les élus forment la plus petite partie du genre humain ne peut que nous donner de vives alarmes si nous l’approfondissons. »
Après quoi, il fait étalage de la miséricorde de Dieu qui veut sauver tout le monde et qui, à cette fin, n’a rien laissé sans le tenter. Mais il y en a peu de sauvés parce qu’il y en a peu qui coopèrent avec la grâce de Dieu. « Si la doctrine du petit nombre des élus n’avais pas été si clairement exprimée dans la sainte Ecriture, on aurait pu croire que c’était une pieuse invention pour ramener les méchants de leurs iniquités par la crainte des jugements de Dieu, et retenir les bons dans le devoir par le même motif. Mais si nous méditons un instant sur l’histoire de la Providence de Dieu, nous ne pouvons nous empêcher de voir que c’est le petit nombre qui peut espérer avec raison d’être admis dans la compagnie des élus. » Il prouve sa thèse par l’Ecriture de l’un et l’autre testament. »
64- Cardinal Gousset 1866
« D’autres croient que les damnés l’emportent en nombre sur les prédestinés. On invoque en faveur de ce sentiment ces paroles de Notre-Seigneur : beaucoup d’appelés, peu d’élus..Entrez par la porte étroite. Ce troisième sentiment est le plus commun, parce que les textes que l’on cite à l’appui, tout en prouvant que le plus grand nombre des hommes se perdent, ne détermine pas s’il y a moins d’élus que de réprouvés parmi les catholiques. La chose demeure douteuse, comme dit très bien Suarez. »
65- Le R.P. Eymard, 1868
« Il y a peu d’élus, a dit Notre-Seigneur. Des deux chemins qui conduisent l’un à la vie l’autre à la mort, le premier est peu suivi, le second couvert de monde. D’après ces paroles, la majeure partie des hommes serait damnée. Quand l’évangile ne le donnerait pas à entendre, ce que nous voyons parlerait assez fort pour le faire craindre ».
66- D. Guéranger, 1875
Ce grand et si catholique restaurateur de la sacrée liturgie romaine partage la sentence commune de tous les siècles précédents : « Le péché règne et triomphe au milieu du christianisme. Sans doute, les justes sont maintenant plus nombreux qu’aux jours de Noé …Oui, des chrétiens fidèles se rencontrent sur la terre , le nombre des élus se complète chaque jour, mais la multitude vit dans la disgrâce de Dieu, et mène une conduite en contradiction avec sa foi. » L’auteur enseigne la même doctrine en d’autres endroits.
67- Blieck , 1877
.
Ce théologien réaliste ,
dans son livre : exposé méthodique et élémentaire
de la théologie universelle, tant dogmatique que morale,
demande : « Le nombre des élus est-il plus grand que celui
des réprouvés ? » Et il répond : «
Quant aux hommes, si on parle de tous les hommes depuis Adam jusqu’au
dernier, le nombre des réprouvés est supérieur
, puisque peu entrent par la porte étroite ».
68- Théologie mechilinienne, (surnommé Dieu)
Dans son traité sur Dieu, no 50, au sujet du plus grand nombre des damnés, il demande : l- « Les hommes en général sont-ils plus nombreux à être sauvés qu’à être damnés ? » Et il répond : « Saint Thomas enseigne que le nombre des damnés est plus grand, d’après Matt. V11, 14 : Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Le même texte prouve surabondamment que le nombre des réprouvés est plus élevé chez les infidèles, les hérétiques et ceux qui meurent dans l’infidélité ou l’hérésie.
Deuxième question : parmi les catholiques adultes, y a-t-il plus de damnés que de sauvés ? Et il répond : « Suarez et Steyaert pensent que le plus grand nombre se sauve, parce que Jacques 11,13, dit que la miséricorde l’emporte sur la justice, et parce que dans la parabole du festin de noces, Matt. XX11, 13, on lit qu’un seul a été rejeté dans les ténèbres extérieures. Mais, pour qui cherche la vérité, cette parabole ne prouve rien, comme la parabole des cinq vierges folles et cinq vierges sages ne prouve pas que le nombre des sauvés et des condamnés est égal. Le texte de saint Jacques ne peut pas être revendiqué par la position contraire, car quelques-uns sont sauvés là où tous sont soumis au jugement de la condamnation. Godet. A. Lapide, Fermond disent que le nombre des damnés est plus grand. A. Lapide prouve cette sentence en écrivant sur le verset cité de Jacques plusieurs arguments, plusieurs textes des Pères et des exemples.
Cette sentence, de toute évidence, ne peut pas être fondée sue les seules paroles du Christ (Matt. XX,16) : Il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus, parce que ces paroles peuvent s’appliquer aux infidèles ou, à tout le moins, aux hérétiques qui, par leur baptême, sont sujets de l’Eglise. Elles peuvent aussi être appliquées à ces appelés qui sont réellement sauvés, parmi lesquels peu sont élus, voire, un nombre infime. »
Il ajoute ensuite cette conclusion pratique : « Celui qui dans l’incertitude de cette question veut voyager en terrain sûr, qu’il se contente de conclure que celui qui veut bien vivre et bien mourir doit choisir et conserver jalousement la voie qui est plus resserrée que l’autre. Car, il doit redouter que s’il vit comme presque tous vivent, il ne soit sévèrement condamné avec le grand nombre. »
69- Schouppe, jésuite
« Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Il est possible de donner à cette phrase deux interprétations probables à cause de la double signification que peut revêtir le mot élu. Si on entend par élus ceux qui sont prédestinés à la vie, deux dont on est sûr qu’ils obtiendront le salut, voici quel est le sens de la phrase : Beaucoup sont appelés au salut, mais peu y parviennent, et la condamnation affecte le plus grand nombre. 1-Beaucoup de pécheurs, peu de justes. 2- Plusieurs tièdes, peu de fervents. 3- Beaucoup de mercenaires, et peu qui travaillent pour le Seigneur gratuitement et par amour. 4- C’est alors avec raison que le Christ a averti chacun de nous de nous efforcer de faire partie du petit troupeau des élus. Entrez, dit-il, par la porte étroite. Matt. V11, 13.
Quant aux hommes, s’il s’agit de tous les hommes depuis Adam jusqu’au dernier à naître, le nombre des réprouvés est plus grand, car il y en a peu qui entrent par la porte étroite . »
70- Aloys Paquet
Voici le texte intégral de cet illustre théologien canadien, dans son commentaire de la somme théologique de saint Thomas (De Dieu un et trin, disp. V1, q.2, a. V, pag. 390) : « Il est plus probable de soutenir que le nombre des prédestinés à la vie excède celui des réprouvés si aux hommes on ajoute les anges; que ceux qui décèdent dans la paix de l’Eglise romaine sont plus nombreux à être sauvés; mais que les être humains dans leur totalité sont plus nombreux à être damnés.
Il reste à démontrer la troisième proposition. Il faut d’abord noter que la congrégation de l’Index a condamné en 1772 le cinquième chapitre du livre de Bend. Plazza de Paradiso commenté par J.M. Gravina, dans lequel chapitre était défendue avec force arguments la proposition suivante : Il est vraisemblable que, parmi les êtres humains, les élus soient plus nombreux que les damnés. »
Bien qu’il soit possible aux catholiques ---et on en trouve qui sont de ce sentiment--- de soutenir que le nombre des élus égale (Ita Gener, Hurter) ou surpasse (Bougaud) celui des réprouvés, cependant, la sentence la plus probable et la plus répandue (Suarez) est à l’effet que les réprouvés sont en plus grand nombre.
On peut s’en persuader en lisant l’Ecriture, notamment, Matt. V11,13,14, Luc X111, 23, 24, Matt. X11,14, Matt. XX, 16. 1Pierre 1V, 18. Chez les Pères, écoutons saint Augustin dans de la correction et de la grâce, chap. X, et contre Cresconium, livre 111 ch. 66. Ensuite, saint Thomas, 1(a) q. XX111 a. 7, ad. 3—LX111 a.9 ad l. ---l(a) 2(a) q. LXX1 a.2, ad 3.
L’histoire pitoyable de tous les temps et de tous les peuples le confirme. Plût à Dieu qu’ait été plus plausible et convaincante l’opinion de l’auteur français Bougaud qui se permet de rejeter l’opinion commune, de peur que le mal ne semble triompher du bien et du Christ Rédempteur. La vérité est que le bien ne se mesure pas mais se soupèse, surtout le bien de la grâce qui, même rétréci au salut d’un seul homme, rapporterait à Dieu un degré presque infini de gloire. En outre, le mal n’arrive que dans la mesure où la Providence suprême le permet. Enfin, tout concourt au bien des élus, et les œuvres de Satan et de ses satellites sont disposées et ordonnées, par l’opération de Dieu, de telle façon qu’elles contribuent à la plus grande gloire du Roi divin, comme des dépouilles triomphales suspendues aux chars des justes ».
71- C.M. Jansen
Ce professeur illustre de théologie dogmatique au séminaire archiépiscopal de Rysenberg, s’exprime ainsi dans son livre théologique : « Les Pères et les théologiens sont en désaccord sur la question qui porte sur le nombre des élus et des réprouvés. Quelques-uns estiment que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés. Opinion qu’il n’est pas possible de mettre en doute si l’on parle de l’humanité dans son ensemble. »
72- D. Elias Méric
D. Méric est docteur en théologie et professeur de théologie morale à la Sorbonne . Dans son livre : l’autre vie, tome 11, chap. X, il traite de la question du nombre des élus. Après avoir exposé la doctrine du Père Faber, il conclut en embrassant la doctrine de Suarez , à savoir que la plus grande partie du genre humain est damnée et que la plus grande partie des catholiques est sauvée. « Si vous relisez maintenant les textes évangéliques, en les expliquant par la distinction si juste de Suarez, toute difficulté disparaît. Il y a beaucoup d’appelés, puisqu’il est de foi divine que Dieu veut le salut de tous les hommes. Il y aura peu d’élus si l’on considère le genre humain dans sa totalité : hérétiques, schismatiques, païens, c’est-à-dire, l’universalité des hommes que Dieu voudrait sauver. ….A ne considérer que les catholiques, il est permis de croire que le plus grand nombre, comme l’enseigne Suarez, sera sauvé… »
73- Recupito, Jésuite, 1647 (Godts, p.208)
Cet éminent professeur de philosophie
et de théologie a écrit deux traités : Des signes
de la prédestination et de la réprobation et
Du nombre des élus et des réprouvés. Dans le
dernier, il analyse la question et la résout ainsi : «
Il est certain que la plus grande partie des hommes est réprouvée
si, à la suite des infidèles, on compte tous les êtres
humains de tous les peuples et de tous les temps. Et si, maintenant,
notre regard se porte sur les fidèles de l’Eglise hors
de laquelle il n’est point de salut, ils ne forment qu’une
infime partie du genre humain au regard de la multitude des
infidèles, qu’ils soient mahométans, païens
ou hérétiques, dont la damnation est certaine.
Toute la discussion se réduit donc aux fidèles.
Il est certain que les fidèles sauvés sont plus nombreux,
si l’on inclut les enfants morts avant l’âge de la raison après
avoir reçu le baptême. La controverse ne porte donc
que sur les seuls catholiques adultes : sont-ils plus nombreux ou moins
nombreux à être sauvés qu’à être
réprouvés ? ».
`
Ensuite, l’auteur expose les arguments
à la base de l’opinion voulant que le nombre des élus chez
les adultes catholiques soit plus élevé, et conclut
: « Cette sentence est plus accommodée à nos velléités
qu’a la vérité. Elle procède plus
de l’optimisme que de la vertu surnaturelle de l’espérance.
La proposition contraire semble plus vraie, à savoir que le nombre des réprouvés l’emporte sur le nombre des élus, parmi les adultes catholiques. Ce que démontrent abondamment l’Ecriture, les Pères et la difficulté des moyens de salut… »
Godts, fin de la page 209.
Godts, p.210
paragraphe 2
Théologiens qu’on
prétend être
de l’opinion de Castelein
Après avoir cité à la barre un si grand nombre de théologiens de premier plan, qui ne tirerait pas la même conclusion que Suarez : « En conséquence, tout bien pesé, et sans l’ombre d’un doute, le nombre des réprouvés est beaucoup plus grand que celui ces élus. Voilà la sentence commune et véritable ». Et avec Muniessa : « Voilà ce que soutiennent les docteurs, tant les scolastiques que les exégètes, lesquels sont puissamment enracinés dans l’Ecriture et les saints Pères.
Comment Castelein ose-t-il affirmer au sujet de ses idées personnelles : « Elles sont le fruit d’une étude approfondie de nos plus grand théologiens ». Qu’il cite donc ces illustres théologiens à nous inconnus ! J’en trouve quelques-uns, il est vrai, dans son livre dont le titre est : « la science du salut » : Aristote, Platon, Pythagore, Hésiode, Homère, Solon, Pindare, Eschyle, Sophocle, Euripide, Hérodote, Thucydide, Xénophon, Plutarque, Socrate, Anaxagore, Xénophane, Parménide, Chevreuil, Mayer, Faraday, Cuvier, Elie de Beaumont, les deux Geoffroy, Saint-Hilaire, Barrande, L. Aggassiz, de Quatrefages, A. Ampère, Becquerel, Regnault, Wurtz, Hirn, Clausius, J.B. Dumas, Cauchy, Foucault, Biot, Fresnel, Cl. Bernard, Leverrier, Pasteur, Fr. Arago, Darwin, Helmholtz, Virchow, Tyndall, Huxley, P. Bert, Dubois- Raymond, Hoeckel, Bertholet, Copernic, Képler, Galilée, Pascal, Descartes, Newton, Leibnitz, Linné, Huyghens, Euler… Mais c’est en vain que je cherche les noms des saints Pères et des théologiens… « Fruit d’une étude approfondie des enseignements de nos plus grands théologiens !!! »
Mais si, malgré toute son érudition, notre auteur a omis de citer nos plus grand théologiens, son disciple E.T.S.J. se charge de combler cette lacune. Il a l’audace d’écrire en toutes lettres : « L’auteur se trouve en excellente compagnie : Suarez, Cajétan, Saint François de Sales, Bergier, Lacordaire, Ravignan, Faber, Mgr. Besson, le P. Monsabré etc…(Lettre au Patriote , 19 mars 1899). E.T. ne semble pas très sûr de ses citations, car il n’indique aucun passage de ces auteurs que le lecteur pourrait vérifier. Nous, par contre, nous nous efforcerons de rechercher avec soin leur véritable pensée, et de citer leurs paroles mot pour mot.
Le résumé de la thèse du P. Castelein est que la plus grande partie du genre humain se sauvera.
1- Suarez : « La deuxième comparaison, dit-il, se prend entre les hommes qui existent depuis le début de la création et qui existeront jusqu’à la fin du monde. Pour ce qui à trait à l’humanité dans sa totalité, la sentence commune et véritable est que le nombre des réprouvés est plus grand. (se rapporter aux texte intégral donné plus haut, p. 136 et suivantes).
Suarez est donc d’avis que l’opinion de Castelein est particulière et fausse. Il est indécent de l’appeler en renfort de la doctrine de Castelein.
2--« Cajetan, dit Suarez — expliquant la parabole des dix vierges, dit que même parmi ceux qui, dans l’Eglise, vivent dans la tiédeur, et ont un certain soin de leur conscience, la moitié (5 sur 10) se perdent. Ce qui est très sévère, ajoute Suarez. Si la moitié des catholiques qui ont un certain soin de leur conscience se perdent, qu’en sera-t-il de la plus grand partie des catholiques qui n’en ont aucun soin ? Que dire des païens, des Juifs, des Mahométans, des Protestants, des schismatiques, etc ? .. Car ceux qui tiennent que la majeure partie des catholiques se damnent, enseignent la même chose à plus forte raison de tout le genre humain. »
Comment osent-il donc prétendre que Cajetan soutient la même doctrine que Castelein ?
3- Saint François de Sales : Où E.T. a-t-il trouvé dans les nombreux écrits du saint docteur le moindre petit mot favorisant la doctrine de notre adversaire ? Bien que je n’aie trouvé aucun endroit où le saint Docteur ait traité la question explicitement, je citerai quelques paroles dans la langue de son siècle : « Ceste, non jamais assez considéré proposition : il y en a beaucoup d’apellés mais peu de choysis . Tous ceux qui sont en église sont apellés. Mais tous ceux qui y sont ne sont pas esleuz. Aussi Eglise ne veut pas dire élection mais convocation. » « Qui aurayt les yeux assez clair voyans pour voir l’issue de la course des hommes, verrait bien dans l’Eglise de quoi s’escrier : plusieurs sont apellés et peu sont esleuz. c.à.d., plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais dans la triomphante. Combien sont dedans qui seront dehors, comme saint Antoyne prévit d’Arrius, et saint Fulgère de Bérangaire. » « Au jour du jugement, les vertus des payens les défendront non afin qu’ils soient sauvés, mais afin qu’ils ne soient pas tant damnez. »
Je ne comprends donc pas ce qui donne au Père Castelein le front d’affirmer au sujet d’un si grand docteur : « S. François de Sales défendait même la pensée défavorable sur le salut de ceux qui, après avoir mal vécu, meurent sans témoigner leur repentir… Et pour confirmer cette vérité, il racontait ce qu’il avait entendu dire à un prédicateur sur la mort de Luther : « Qui sait, si à l’heure de sa mort, Dieu ne l’aura pas touché de sa grâce efficace ? »
Où le saint dit-il cela ? Au pseudo François de Sales imaginé par Castelein et les autres modernistes, j’opposerai le vrai et authentique saint, qui a osé assurer qu’un grand nombre d’évêques et de prélats étaient damnés. « Mays quand aurais-je faict, si je voulais entasser icy les noms de tant d’évesques et Prélats lesquelz après avoir été légitimement colloqués en cest office et dignité sont décheuz de leur première grâce, et sont mortz haeretiques ? ….Origène….fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sépulture…Et quoy ? le voilà enfin haeritique, excommunié, hors de l’arche, périr du déluge de sa propre opinion. Non seulement, doncques, un réprouvé peut estre de l’Eglise, mais encore Pasteur en l’Eglise. »
Ces paroles, elles, sont authentiques ! Que le Père Castelein cite donc des paroles contraires du Saint ! Il ne s’est probablement pas rendu à la source. Trompé lui-même, il a trompé E.T. qui jurait de bonne foi sur la parole du maître. Et il a induit en erreur des centaines de milliers de lecteurs.
4- Bergier : Cet auteur érudit traite deux fois pour elle-même notre question dans ses œuvres. D’abord, dans son dictionnaire de théologie, il fait état de l’argument massue de notre adversaire érudit : « Si le Christ ne sauve pas effectivement la grande majorité des âmes, la conquête de Satan serait, dans son ordre, plus belle que celle de son vainqueur….Ne serait-ce pas Satan qui serait le vainqueur ? (pp.189, 190) Le lecteur est-il intéressé à apprendre ce que pense Bergier de cet argument ? Vite servi : « Absurde à tous égards! » (voir le texte intégral plus bas).
Bergier met toute son insistance à établir que dans les paraboles évangéliques, le mot élus n’est pas synonyme de sauvés. Il ne lui est pas non plus possible de rejeter l’enseignement donné par les paraboles au sujet du plus petit nombre des élus, même s’il pense qu’elles enseignent plutôt le contraire. Mais il ne tranche pas dans un sens ou dans l’autre, ni ne tente de faire la démonstration du plus grand nombre des élus. « Nous n’entrerons pas dans la question de savoir dans lequel de ces deux sens (fidèles ou prédestinés) l’on doit entendre le mot de Jésus-Christ en Matt. XX 16, et XX11, 14. Il y en faveur de l’un et de l’autre des autorités si nombreuses et si respectables qu’il n’est pas aisé de voir lequel des deux mérite la préférence. Nous devons donc nous borner à quelques réflexions. Un esprit solide et suffisamment instruit ne se laisse point ébranler par une opinion problématique et sur laquelle l’Eglise n’a point prononcé, telle qu’est celle du grand ou du petit nombre des élus. Quand cette dernière serait la plus vraie, il s’ensuivrait seulement que le très grand nombre serait de ceux qui ne veulent pas se sauver, qui résistent aux grâces que Dieu leur fait, qui meurent volontairement dans l’impénitence finale ».
Et, dans son livre : Traité de la vraie religion, répondant à une objection , il dit de nouveau : « La question est de savoir si par les élus on doit entendre ceux qui sont sauvés ou ceux qui sont seulement dans la voie du salut, les fidèles ». Mais il n’apporte pas de réponse à cette question, et il se contente de montrer qu’elle ne représente aucune objection à l’espérance chrétienne. « Mais supposons qu’il faille absolument prendre le mot peu d’ élus dans le sens le plus rigoureux, que s’ensuivra-t-il ? Que le plus grand nombre est de ceux qui n’ont pas voulu être sauvés. »
Bergier ne démontre donc pas que le plus grand nombre des êtres humains est sauvé. Il ne fait donc pas partie de ceux qui appuient Castelein.
5- Lacordaire , 71ième conférence : des résultats du gouvernement divin, enseigne ceci : « C’est dans l’éternité qu’il faut jeter nos regards pour juger définitivement la Providence, et c’est là, sans doute, que vous attendez ma parole, armés de ce mot fameux : beaucoup d’appelés, peu d’élus. J’obéis à votre impatience, et je peux la calmer par une simple déclaration : le petit nombre des élus n’est pas un dogme de foi, mais une question librement débattue dans l’Eglise. Je vous l’affirme, et je vous en donne immédiatement la preuve si vous le souhaitez. » La preuve consiste dans la démonstration que les textes de l’Ecriture allégués ne permettent pas de conclure à la rareté des élus. Ensuite il affirme qu’un tiers de l’humanité décède avant l’âge de raison, la moitié avant la puberté. Une moitié donc de l’humanité ou sont sauvés, ou ne sont pas condamnés. « Je sais bien, messieurs, que les habitants des limbes ne peuvent pas se ranger parmi les élus de la vie divine. Car, s’ils y prenaient place, la question du nombre des élus serait mathématiquement résolue. Mais, sans les y ranger, il reste vrai que la mort prématurée sert la clémence de Dieu, même quand elle ne la satisfait pas entièrement. »
Ensuite, le prédicateur
éloquent affirme que les femmes dans leur ensemble seront sauvées.
Il dit la même chose des pauvres. « Et qu’est-ce que
le reste en comparaison ? Qu’est-ce que le reste quand l’éternité
n’y moissonnerait pas une âme ? Mais il est loin d’en
être ainsi. …Il n’a pas abandonné au mal la richesse,
la science et le pouvoir. Le Christ a tout réparé,
tout guéri, tout vaincu, et ses mains généreuses
tiennent l’univers embrassé. Qui s’en échappe
périt par sa faute, et après ce que nous venons de
dire il est au moins douteux que le plus grand nombre appartienne à
ce triste sort. » Il ajoute ensuite ces deux considérations
: « La première, que beaucoup parmi ces peuples
(infidèles) ont pu se sauver par les voies providentielles
indiquées dans notre conférence antérieure.
La seconde, que nous ignorons la mesure des âges où
Dieu a circonscrit dans sa pensée l’action du christianisme,
et la mesure aussi de puissance et d’universalité que l’Eglise
atteindra dans l’avenir…..Ce secret peut tomber dans la balance du
bien avec autant de certitude que dans la balance du
mal, et ainsi la question reste voilée au profit de la liberté.
». En d’autres mots, il n’est pas certain que la plus
grande partie du monde sera damnée. C’est donc
sans raison que les rationalistes
insinuent qu’ils voient un échec
de la Providence dans le plus grand nombre des damnés.
Qu’est-ce qui va dans le sens de la thèse de Castelein dans tout cela ?
6- Ravignan : De ce prédicateur, je n’ai trouvé qu’une louange éloquente, faite en termes très généraux, de la miséricorde divine. Aucun passage ne touche à notre sujet. Si un pareil passage existe, que nos contradicteurs aient la gentillesse de nous l’indiquer.
7- Faber : Il faut noter deux choses au sujet de cet auteur qui nous font comprendre tout de suite que son nom est cité ici à contre sens. . En premier lieu, il déclare dans son livre : progrès de l’âme, ne pas vouloir examiner la question du salut éternel de tout le genre humain, mais borner son intervention aux seuls catholiques. « Nous examinerons une tentation de la vie spirituelle dans le catholicisme. Cette réserve nous dispense donc d’entrer dans des recherches sur le petit nombre des élus parmi l’humanité toute entière. Nous n’avons pas à nous occuper des destinées futures des païens et des hérétiques. Notre affaire à nous est de calculer s’il y aura peu d’âmes sauvées parmi les catholiques. » Il s’impose la même restriction dans son livre intitulé : le Créateur et la créature. C’est donc une aberration de le citer en faveur d’une opinion qu’il s’interdit expressément de traiter.
En second lieu, quant à sa doctrine du plus grand nombre de catholiques sauvés, qui ne sursauterait pas d’étonnement quand il entend l’auteur reconnaître la débilité de ses arguments ? Il l’admet lui-même dans ces mots : « Ce sont là de mauvais arguments si on les analyse séparément. Mais, pris collectivement, ils permettent d’établir une supposition aussi douce que légitime ». Je ne nierai pas que des arguments qui, pris séparément, ne démontrent absolument rien, peuvent allécher l’intelligence au nom d’une certaine vraisemblance, et engendrer un gendre de persuasion si l’un corrobore l’autre, mais s’ils ne sont d’aucune valeur , comme ceux que présente l’auteur, ils ne peuvent pas se fortifier l’un l’autre, et même pris collectivement, ils ne sont d’aucun profit.
8- Besson . Il est question dans son cas, si je ne me trompe, du livre : l’Eglise, de sa troisième conférence : Où va l’Eglise ? 2ième édition, Paris, 1865, p.52. Cette conférence est intitulée : hors de l’Eglise, point de salut. En voici l’analyse donnée par l’auteur lui-même. Premier point. Rien de plus certain que cette maxime. Elle est fondée sur l’Ecriture, sur l’enseignement des Pères, et sur les données mêmes de la raison. Deuxième point. Rien de plus mystérieux que l’interprétation de cette maxime, car on est arrêté par le mystère de la grâce, par le mystère de la bonne foi, et par le mystère de la mort. Conclusion, adorons la justice de l’Homme Dieu, mais ne jugeons pas ses mystères. » Dans la dernière partie, je lis également : « Voltaire est-il damné ? Je le suppose, dit la raison. Je le crains, dit la piété. Mais l’Eglise n’a qu’une réponse : je ne sais. »
Dans toute cette conférence, je cherche en vain l’affirmation du salut éternel de la plus grande partie de l’humanité. C’est donc en pure perte que Besson est appelé à la rescousse de Castelin.
9- Le Père Monsabré. Que le lecteur bienveillant veuille bien se remémorer ce que nous avons dit plus haut (p.38) du sentiment de cet éloquent apologète, et qu’il comprenne que non seulement il ne soutient pas la thèse du Père Castelein mais qu’au contraire il admet ouvertement que, malheureusement, la plus grande partie du genre humain se damne par sa faute.
Comme donc, aucun des théologiens faussement cités ne soutient la doctrine de notre contradicteur, passons aux noms de ceux qui, réellement, enseignent la position de Castelein relativement au plus grand nombre de personnes sauvées, et l’inanité de leurs arguments. Les seuls que nous avons pu trouver sont : Gravina, Bougaud et Mauran. Après avoir examiné leurs arguments, nous redonnerons la parole à Castelein et à E.T.
Godts, p.220
paragraphe 3 Théologiens favorables
au Père Castelein.
Paragraphe 3
THEOLOGIENS FAVORABLES
A
CASTELEIN
1- Gravina : Même s’il a été condamné par le Saint-Siège, ce malheureux auteur n’a jamais, comme Castelein, proposé sa sentence comme quelque chose de certain, mais de seulement probable. Il va même jusqu’à considérer notre sentence comme plus probable. Voici ses propres paroles : « Je ne prétends pas non plus que la plus grande probabilité de l’opinion contraire ruine la sienne (celle de Castelein). Je pousserai la courtoisie jusqu’à concéder que la position de nos adversaires est plus probable que la nôtre s’ils veulent bien, en retour, nous rendre la politesse de reconnaître que la nôtre est probable. J’ai entrepris ailleurs de démontrer au long et au large qu’une opinion plus probable ne rend pas improbable une opinion simplement probable. » Ai-je besoin de conclure qu’il n’admet la théorie de Castelein que comme probable, et qu’il considère la nôtre comme plus probable.
Il est inutile de s’étendre sur la pauvreté des arguments de Gravina, puisque même nos adversaires l’avouent spontanément : « arguments peu théologiques, puérils même…dit E.T. dans Le Patriote, 19 mars, 1899.
Les voici brièvement exposés par les doctes rédacteurs du Belletin de Notre-Dame de la Sainte-Espérance. (1899, p.264) : « La volonté de Dieu et de Jésus-Christ de sauver les hommes est pour notre auteur un arsenal inépuisable. Mais ce mot de volonté lui paraît apparemment trop faible. Il y substitue celui d’étude, studium, qu’il définit d’après Cicéron : application assidue d’un esprit à un objet auquel on se porte avec ardeur, avec une grande volonté. « Ainsi, -ajoute-t-il- Dieu et Jésus-Christ sont tellement occupés, pour parler humainement, à procurer le salut des hommes qu’ils le veulent assidument, ardemment, de la plénitude du cœur. » Et pour prouver que la plupart des hommes sont sauvés en conséquence, voyez, dit-il, comment Dieu se félicite dans Habacuc, de sa très abondante pêche : il sacrifie à son filet, il offre de l’encens à ses rets. (Habacuc, ch.1, 15-16). Le Père Gravina n’a pas vu sans doute que c’est de l’impie et du Diable et non pas de Dieu que parle le Prophète. (Voyez le commentaire de saint Jérôme, Migne, t. XXV, col. 1287).
Ailleurs il suppose que le nombre des anges qui ont persévéré dans la justice est double de ceux qui sont tombés. Or, Dieu a plus aimé les hommes que les anges. Donc, conclut-il, il implique que parmi les hommes, les réprouvés soient en plus grand nombre que les élus. Raisonnement arbitraire et pur sophisme dans lequel d’ailleurs, comme dans toute la suite de son ouvrage, il ne tient aucun compte du péché originel.
Il soutient que depuis le commencement de la Genèse jusqu’au commencement de l’Apocalypse, on ne trouve pas un seul homme désigné par son nom comme réprouvé. (Il n’admet que l’Antéchrist comme l’étant certainement), au lieu qu’on y lit les noms d’une multitude d’élus. Donc, ---admirez cette conséquence---il y a beaucoup plus d’élus que de réprouvés.
Il tire une conséquence semblable des paraboles de Jésus-Christ. Dans les unes (l’enfant prodigue, la brebis perdue ) il ne paraît que des élus; dans d’autres (les dix vierges ), les élus et les réprouvés y sont en nombre égal. Enfin, dans d’autres, pour un serviteur paresseux, vous en voyez deux qui sont fidèles et prudents. Donc…
Jésus-Christ est le Rédempteur de tous. Il serait mal nommé, et le Diable pourrait lui en faire le reproche insultant si la plupart des hommes n’étaient pas sauvés.
Chaque homme a un ou plusieurs anges gardiens, les infidèles surtout, comme étant dépourvus d’autre secours. Or, les anges ont plus de puissance et de sagacité pour sauver que les démons pour perdre. Donc…
Les élus sont comme des étoiles, et ils doivent autant être supérieurs en nombre aux réprouvés que les étoiles le sont aux comètes. Cependant, comme si l’auteur lui-même était étonné de sa proposition, il fait semblant d’être frappé de voir le genre humain dans l’ignorance du vrai Dieu, connu presque uniquement dans la Judée avant Jésus-Christ. Ensuite, la vraie église ne renfermant qu’un petit nombre de nations, en comparaison de celles qui n’ont pas reçu l’évangile : dans tous les temps, un déluge de vices qui couvre la terre. Il paraît donc très difficile, ardu au plus haut point, que ceux qui parviennent au salut soient en si grand nombre. Mais Gravina se rassure sur la Providence, la puissance et la sagesse de Dieu.
Une autre source non moins féconde pour lui en conjectures , ce sont les Pères de l’Eglise qu’il divise en plusieurs classes :
51- Les uns, en parlant des miracles de guérison opérés par Jésus-Christ, disent que le Sauveur guérissait les âmes avant de guérir les corps. Or, les malades à qui Jésus a rendu la santé sont sans nombre; innombrables sont ceux qu’Il a guéris. Donc…
2- Une seconde classe des Pères est de ceux qui, parlant des méchants que Dieu a punis pendant leur vie, établissent –dit-il—comme règle générale que Dieu ne punit pas deux fois pour les mêmes péchés. Ainsi, il faut avoir beaucoup de confiance que tous les pécheurs qui ont essuyé en cette vie le châtiment de leurs crimes, seront sauvés. Les textes allégués parlent des habitants de Sodome consumés par le feu du ciel, des Egyptiens submergés dans la mer rouge, des Israélites frappés de mort dans le désert etc…
52- Il fait dire à d’autres Pères, et c’est ce qui forme chez lui la troisième classe, que beaucoup d’infidèles ont été sauvés, les uns à cause de leur ignorance, purement et simplement, les autres à cause de leur sagesse, tels que Platon, Socrate, et les Sibilles. En quoi il abuse visiblement des textes mêmes qu’il cite puisqu’ils n’ont parlé du salut possible de ces dernières (par exemple) qu’en supposant qu’elles avaient une foi explicite en Jésus-Christ.
Enfin, pour consolider sa thèse qu’il sent bien n’être pas ferme, Gravina cite plusieurs visions plus ou moins authentiques, tendant également à insinuer que quelque vie qu’on ait menée, Dieu et ses saints emploient tant de stratagèmes (c’est son expression) pour sauver un pécheur à l’article de la mort, que le plus souvent ils en viennent à bout. Cet avantage n’est point particulier aux chrétiens catholiques, toutes les sectes y ont part : mahométans, hérétiques, schismatiques, juifs, païens, personne n’est est exclu par le faux culte qu’il professe, parce que la plupart de ces gens-là ignorent que leur religion n’est point la bonne. Ils embrasseraient le christianisme et s’uniraient à l’Eglise si on leur en montrait la nécessité. Ce sont des chrétiens cachés. Ils sont infidèles seulement de nom. Car Gravina prétend bien ne mettre en Paradis que des chrétiens catholiques. Et, si après tous ces éclaircissements on a encore de la peine à comprendre que ces sortes de gens puissent appartenir à l’Eglise comme ses enfants, étant étrangers à son culte, n’en soyez pas surpris, dit-il, c’est un mystère , je vous dis un mystère . Or, l’obscurité est propre aux mystères. »
50- Bougaud : Il cite vilainement et en les déformant les propos de S. Alphonse, de saint François de Sales, de P. Ventura etc… Néanmoins, nous admettons que, féru d’arguments de cette farine, il a partagé l’opinion de Castelein : « Supposez que le monde dût encore durer des siècles, des milliers de siècles…supposez, donnez..etc…. » « Quand même nous serions dans l’erreur, etc.etc. »
3- Mauran : Ecoute, ami lecteur, les arguments de ce théologien : « Si Jésus affirme clairement qu’il y a peu d’élus, c’est justement parce que leur petit nombre n’a aucun rapport avec celui des âmes sauvées ».(Ceci n’est pas une traduction!!!)) (Elus et sauvés, p.16).
« Les impies et les incrédules, frappés au temps de Noé, ont été sauvés en vertu du sacrifice de Jésus, et tirés de la prison où la justice de Dieu les détenait captifs. » Petr. 111 (sic)—p.62.
« Il est prouvé que la tête du supplicié conserve pendant un certain temps la chaleur vitale. Le cerveau, vrai foyer de calorique, ne se refroidit que lentement et, selon quelque probabilité, la vie doit s’y réfugier et s’y maintenir un temps peut-être suffisant pour que l’âme puisse se tourner vers Dieu. (p.66)
« Ne sommes-nous pas dans l’erreur ? Quoiqu’il en soit, nous croyons qu’il vaut mieux se tromper en versant dans les âmes la consolation de l’espérance, que la peur et le désespoir ». (225)
« Je m’imagine que si Dieu avait consulté ses élus avant de les créer, ceux-ci se voyant si peu nombreux, auraient fait le sacrifice de leur bonheur éternel pour éviter à leurs frères, à la grande foule humaine, les tourments de l’enfer ». (p.150)
Si les arguments de Gravina sont puérils, que dire de ceux-ci? Et Mauran ose accuser saint Thomas de pétition de principe. Ce n’est pas l’intention du saint Docteur de prouver que le nombre des élus est plus petit que celui des réprouvés. Mais il explique un fait certain et admis par tous en le 8conciliant avec la providence et la miséricorde de Dieu. Avec quelle clairvoyance le Vicaire du Christ a parlé de ceux qui négligent saint Thomas !... »(texte cité plus haut)
Gravina, Bougaud et Mauran, voilà
donc les théologiens dont parlait Castelein : « Je me
rassure par la conviction intime que ces idées sont vraies et justes.
Elles sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture Sainte
et des enseignements de nos plus grands théologiens. ».( Intr.
P.X) Qu’il se complaise en une si excellente compagnie !
, pour emprunter l’expression de
l’apologète E.T.
Plût à Dieu qu’il ait fréquenté les théologiens de sa famille : Canisius, Bellarmin, Lessius, de la Colombière, De Paz, Salmeron, Valentia, Suarez, Vasquez, Becanus, Drexelius, Segneri, Muniessa, Wircegurgences, Bourdaloue, Saint-Jure, Judde, A Lapide, Knabenbauer, et le reste, et le reste… C’est alors qu’il aurait répondu aux mandements de Léon X111 qu’il nous plait de transcrire à l’avantage et à l’utilité de tous, d’autant plus qu’ils sont insuffisamment connus.
Ce sont des extraits des lettres apostoliques qui avaient pour but de confirmer les constitutions de la Société de Jésus dans les articles qui traitent de l’usage de la doctrine de saint Thomas. « Les prescriptions qui ont cours dans la compagnie de Jésus, -- et qui s’imposent à tous ses membres,-- qui lient par une loi perpétuelle et définitive le choix des doctrines… dont chacun des exemplaires doit être remis à chacun des membres ».
Ce qui compte d’abord et qui est universellement connu , est que l’auteur célèbre de cette Société, dans plusieurs articles de ses constitutions, a décrété qu’il fallait suivre dans l’une et l’autre discipline, la doctrine solide et sûre de saint Thomas, qui est en même temps la plus sûre et la plus approuvée Ce qu’il a réaffirmé périodiquement un grand nombre de fois par des décrets et des ordres donnés tant aux communautés qu’aux supérieurs provinciaux.
Il a de plus ordonné que la doctrine qu’adopterait la Compagnie serait unique et la même pour tous, dans l’accomplissement de toutes les fonctions. Goûtons tous la même chose, et, en autant que faire se peut, disons tous la même chose, à l’exemple de l’Apôtre. Que l’on n’admette donc pas des doctrines différentes, ni en paroles dans les sermons, ni dans les cours universitaires, ni dans les écrits. Et il ajoute : « Les Jésuites délégués des diverses nations pour l’approbation du livre sur le plan général des études, crurent devoir traiter en premier lieu du choix des opinions, et proposèrent comme fondement inébranlable que la doctrine de la société devait être unique, sûre et solide, selon les constitutions. Cette prescription de l’uniformité de la doctrine ne doit pas être entendue au sens restrictif de n’admettre que les sentences unanimement reçues dans les écoles. Non, elle doit ouvrir les portes aux opinions les moins réputées chez les docteurs catholiques . Et même aux opinions qui divisent les théologiens catholiques et les opposent les uns aux autres. C’est ainsi qu’on veillera à ce que la société demeure toujours conforme à ce qu’elle était à ses débuts.
Pour parvenir à cet esprit de concorde et de charité dont il avait doté sa société, Ignace s’était persuadé qu’était insuffisante la règle approuvée en chapitre de tolérer les opinions divergentes, selon l’adage, dans le doute, on est libre d’agir. Mais il ne voulut pas qu’existent dans sa société de telles opinions sur les choses qui sont essentielles et nécessaires, et il les interdit.
Et pour qu’à personne ne parût insupportable ce précepte d’uniformité de la doctrine, il a pourvu dans sa prudence à ce qu’on demandât à un aspirant quelconque, avant même qu’il se liât à la communauté par la promesse des vœux, s’il était prêt à soumettre son jugement à ce qu’a décidé la Société. De cette façon, une faculté est donnée de choisir librement une chose qui semble à peine tolérable quand elle se présente comme imposée par la règle.
Que soit donc de tout point étrangère à la nature, aux lois et aux écrits de cette société la prétention de trouver en elle la même liberté d’opinion dont jouissent la plupart à l’extérieur.
Même quand il s’agit d’opinions assez probables défendues par des auteurs graves, si elles ont le malheur d’être réfractaires à la doctrine prescrite, ceux qui les suivraient pourraient peut-être échapper à l’accusation de nouveauté, de témérité et d’erreur, mais ils se dissocieraient entièrement de la doctrine semblable et unique, tellement désirée et recommandée ».
p.229 = la fin du chapitre 4.
p.230 est blanche.
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la table des matières
Chapitre 5
Les Commentateurs de
la Sainte Ecriture
La doctrine du petit
nombre des élus est vraie et commune d'après un grand nombre
d’exégètes bibliques.
p.231-267
I
EXEGETES QUI L’ENSEIGNENT EXPRESSEMENT.
1- Ludolphe de Saxe - Ludolphus de Saxonia (1330) :
Expliquant la parabole du salaire diurne, il met en garde : « Même si la parabole te montre l’égalité des salaires, ne va pas pour autant t’imaginer que tous ceux qui sont appelés à la foi obtiendront la vie éternelle. » Et il ajoute une phrase qui fait trembler : « Beaucoup sont appelés dès la première ou la troisième ou la sixième ou la neuvième heure ou à la toute fin, mais parmi tous ces gens, peu sont élus au règne et à la récompense de la béatitude. Plusieurs font partie de l’église militante qui ne feront pas partie de l’église triomphante. »
C’est par ces paroles qu’il enseigne que ceux qui sont sauvés sont peu nombreux par rapport à ceux qui sont appelés à des heures différentes. ..parce que spacieuse et large est la voie qui conduit à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par elle.
2- Nicolas de Lire - Nicolas de Lyre (+1349)
En Matt. V11, large et spacieuse est la
porte, etc…Il explique : « Parce qu’on découvre que beaucoup
sont vicieux, selon l’Ecclésiaste : « le nombre des
sots est infini » et on en trouve peu de vertueux ».
Et il ajoute : Qu’elle est étroite !...
Et en Mattl X11 : « Beaucoup sont
appelés à la foi catholique, mais peu sont élus à
la gloire. Ils sont peu nombreux eu égard
à ceux qui sont appelés à la foi ».
3- Tostatus (évêque d’Avila, Espagne) + 1454
Cet évêque d’Abulensis, commentant le chapitre XX11 de Matt., fait l’observation suivante au verset quatorzième de la 69ième question : «Beaucoup sont convertis à la foi, c’est-à-dire se convertissent, mais peu sont élus, car moins nombreux sont les chrétiens qui se sauvent ».
4- Jansenius Gandavensis (+1577)
Jansen de Gand (fondateur du jansénisme)
Voici son commentaire sur les paroles : entrez par la porte étroite : « Parce que la norme de vie prescrite par Lui est contraignante, contrariante et rare, le Seigneur, redoutant que ses auditeurs s’en détournent et la prennent en horreur, autant à cause de sa difficulté et de son âpreté qu’à cause du petit nombre de ceux qui la fréquentent, nous exhorte à embrasser la voie resserrée plutôt que la voie spacieuse des impies, qui mène à la géhenne, tandis que l’autre mène à la vie.
Notons que plusieurs raisons nous permettent de comprendre pourquoi la voie de la vertu doit être étroite et resserrée . Premièrement, c’est parce qu’elle n’en reçoit et n’en admet que peu, si l’on fait la comparaison avec le nombre de ceux qui marchent sur la voie de l’iniquité, qui est appelée spacieuse pour cette raison. Ensuite, il faut noter avec saint Jérôme que c’est en connaissance de cause que Jésus nomme l’une et l’autre voie. Il dit que plusieurs marchent par la large, et que peu trouvent le sentier resserré. La large, nous n’avons pas à la chercher, et il n’est pas nécessaire de la découvrir, car elle s’offre à nous spontanément. Quant à l’étroite, ce ne sont pas tous qui la trouvent, et ceux qui la trouvent n’y entrent pas immédiatement, ou s’ils y entrent, ils ne persévèrent pas, car un grand nombre, après avoir trouvé la voie de la vérité, retournent bredouilles, devenus la proie des plaisirs du siècle. Jésus a donc raison de dire : il y en a peu qui la trouvent, nous indiquant par là que ceux qui la suivent sont moins nombreux. Jésus nous enseigne donc par cette parabole des deux voies de ne pas prendre pour modèle le mode de vie du grand nombre, mais d’imiter plutôt ceux qui sont en petit nombre.
Et voici son commentaire des paroles : « Seigneur, seront-ils peu nombreux à être sauvés ? Efforcez-vous d’entrer… « Le Seigneur, dit-il, vit dans la question posée une occasion d’enseigner la façon de parvenir au salut. Mais sa réponse est en même temps satisfaisante pour son interlocuteur, puisqu’elle laisse entendre qu’il y en aura peu à êtres sauvés, car plusieurs chercheront à y entrer et ne le pourront pas »
5- Salmeron, s.j., (+ 1585)
Il conclut ainsi son commentaire sur le banquet des noces de Matt. XX 13 : « Au convive éjecté, il faut réunir tous ceux qui, appelés d’abord aux noces , s’en sont par la suite rendus indignes. Il conclut de cela, selon la lettre, qu’un grand nombre sont appelés à la convivialité du royaume des cieux, et que parmi ces nombreux appelés, peu nombreux par rapport aux appelés sont ceux qui sont élus par Dieu . Quelques-uns refusent tout simplement de venir, et d’autres sont rejetés à cause de leur indignité. »
5- Thomas Stapelton, théologien anglais, Stapletonus, 1598
« Car, beaucoup sont appelés et peu sont élus. Pour quelle raison parler, dans un sermon, du petit nombre des élus ? Pour susciter la crainte qui est utile au salut…. Tout ce passage, dis-je, si favorable à entretenir la crainte, qui dépend de ce qui précède et qui en est la conclusion, nous montre dans cette énorme multitude de chrétiens appelés, une aussi énorme rareté d’élus. Le Prophète Isaïe dit au chapitre 1X : « Tu as multiplié le peuple mais tu n’as pas agrandi la liesse ». Tu as plutôt augmenté la crainte et la douleur à cause de la multitude des peuples qui, par toute la terre, t’honorent des lèvres, et du petit nombre de ceux qui croient de tout leur cœur, et prouvent leur foi par les bonnes œuvres,
Prévoyant ce petit nombre et voulant nous prémunir, Jésus a dit : Penses-tu que la Fils de l’Homme, quand Il viendra, trouvera de la foi sur la terre ? C’est pour cette raison que Jésus nous invite à entrer par la porte étroite, parce que resserrée est la voie qui conduit à la vie . Il ne parle pas ici de la voie de la foi, mais de celle des mœurs, de la charité, et de l’observation des commandements de Dieu, route fréquentée par peu. Le terme de cette route, qui est la vie éternelle, peu l’atteignent ».
7- Sébastiano Barrados s.j. - Barradius, portugais (théologien de papes , (+1615)
« Petit est le nombre des élus, s’il est mis en relation avec le nombre des damnés. » Et dans le texte de la vulgate : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, il recueille les commentaires des anciens. Celui de saint Grégoire : « La conclusion de la parabole est tout à fait terrible . Elle nous dit que beaucoup viennent à la foi, mais que peu se rendent au royaume des cieux. » Bède le Vénérable fait le même commentaire. Le même aussi, saint Jérôme : « Beaucoup sont appelés à la foi, mais peu aux bonnes œuvres. » Et entre les lignes, il note : « Beaucoup sont appelés à la foi, peu à la gloire ».
8- Luc de bruges - Lucas de Bruges
- Lucas Brugensis (+ 1619)
En Matt. XX : « Que personne ne se scandalise en pensant à ceux qui sont devenus les derniers. Ils sont exclus de la vie éternelle ceux qui ont été les adorateurs et les serviteurs de Dieu. Il y en a beaucoup, dit Jésus, qui ont été appelés par Dieu -- ou qui doivent l’être dans la suite des temps, -- à la connaissance de Dieu et au culte divin, comme les ouvriers qui ont été appelés par le Père de famille, chacun à son heure, pour le servir en cultivant sa vigne. Mais parmi ces gens-là, peu sont élus à la vie éternelle, c’est-à-dire peu sont fortifiés par la grâce de Dieu, au point de servir Dieu avec persévérance jusqu’à la mort, comme il convient et comme il le faut. Ainsi, le père de famille ne les avait pas acceptés tous à la même heure, afin de pouvoir verser sur tous sa magnificence gratuite.
On ne constate pas seulement que Dieu n’a pas élu tous ceux qu’Il a appelés, mais qu’il n’en a élu qu’un petit nombre. De cette constatation, nous vient à la pensée le terrible jugement de Dieu qui s’applique non seulement aux hommes en général, mais même à ceux qui ont été appelés, c’est-à-dire, à ceux qui ont reçu le don de la vraie foi envers Dieu, les Chrétiens et les Israélites et les fidèles des temps passés : peu sont élus, si on les compare avec les réprouvés. »
9- Jacques Tirin - Tirinus, s.j., (1580-1636).
En Matt. XX 16 : Beaucoup sont appelés. « Dieu et le Christ appellent tout le monde. Matt. X1, 28 : Venez à moi, vous tous Et, de fait, plusieurs ont suivi Celui qui les appelait à la foi et à la justice. Mais il y en a peu d’élus à la gloire éternelle, parce que ceux qui forment de loin la plus grande partie n’obéissent pas à Celui qui les avait appelés, et refusent de venir. Un bon nombre de ceux qui étaient venus rebroussent chemin. C’est donc un tout petit nombre , eu égard à ceux qui périssent, que l’on repérera à la fin des temps, et qui seront élus`à la gloire céleste. »
10- Cornelius A Lapide, Jésuite, 1637
L’érudit et judicieux Pape Benoit X1V a loué Cornelius A Lapide pour la façon dont il a traité la question présente : « Surtout parce qu’il traite cette question avec beaucoup d’érudition, et que c’est escorté par un grand nombre de Pères qu’il expose et défend sa position. »
Ce n’est pas dans un endroit seulement que le docte exégète approuve la sentence commune des Pères et des Théologiens Il se permet même de réfuter l’espérance dans le salut du plus grand nombre des catholiques. L’endroit le plus remarquable de notre Corneille est son commentaire sur les Nombres, X1V, 30 . Mais nous avons quelque scrupule de nous référer à ce passage, pour l’accablante raison que le Père Castelein demande une réponse docte (!) : « Je ne serai pas embarrassé pour répondre à mes contradicteurs. Je souhaite seulement que l’attaque soit savante et précise ». (Intr. P.11) Et la citation choisie ne semble pas assez savante pour l’érudition de notre adversaire : « Qu’on consulte, par exemple, le Père Cornelius A Lapide dans son commentaire sur les Nombres, X1V, V, 30 On y trouvera des sous-révélations au-dessous de toute créance, et cependant l’auteur est un érudit et un exégète de valeur , mais de temps à autre, dans son immense travail de compilation, le sens critique lui fait défaut. En admettant l’authenticité des visions qu’il rapporte, peut-être pourraient-elles s’entendre du petit nombre des âmes qui, après la mort, montent tout droit au ciel ». (p.285, note)
Citons donc le passage, sans aucun conteste possible le plus important, et loué par Benoit X1V, et passons sous silence les révélations que méprise souverainement la critique scientifique des modernistes. Sur la phrase de Jacques (11,13), la miséricorde surpasse la justice, Cornelius fait le long développement suivant : « Quelques-uns, s’appuyant sur Bède, commentent le texte en lui faisant dire : le nombre de ceux qui sont sauvés par la miséricorde de Dieu, -- surtout ceux qui ont été miséricordieux,-- est plus élevé que le nombre de ceux que condamne la justice divine. En d’autres mots, les élus sont plus nombreux que les damnés. Cela est vrai chez les Anges….Chez les hommes, c’est faux. Car il est certain que c’est de loin la plus grande partie des hommes qui est damnée, si l’on comprend dans le mot hommes les Gentils, les Sarrazins et tous les hérétiques. L’autorité de l’Ecriture et des Pères ainsi que la raison nous persuade que la plus grande partie des chrétiens adultes est damnée. Et la raison en est que la très grande partie des chrétiens vit en état de péché mortel. Selon la règle de saint Augustin, on meurt comme on a vécu, et ce n’est qu’exceptionnellement que meurt bien qui a mal vécu, et mal qui a bien vécu.
Tu m’objecteras que tous reçoivent les derniers sacrements. Et je te réponds que ce ne sont pas tous les chrétiens qui les reçoivent, car beaucoup meurent sans les sacrements dans les combats, sur les navires, en voyage, dans les campagnes…(Il est permis d’ajouter à ceux-ci les membres des sociétés secrètes et tous les autres impies et agnostiques , engeance inconnue de notre Corneille ). Et, à tout bien considérer, parmi ceux qui reçoivent les sacrements, plusieurs les reçoivent sans les dispositions requises , et donc sans fruit pour l’âme. Plusieurs portent le poids d’une ignorance crasse des sacrements et des articles de foi qu’ils sont formellement tenus de savoir et de croire. Ils ignorent principalement que le ferme propos de ne plus pécher est absolument nécessaire à la validité de l’absolution , et ils ne savent pas quelle force et quelle constance il faut déployer pour procurer au ferme propos la détermination et l’efficacité voulues.
Admettons qu’il y en ait qui connaissent tout ce qui est nécessaire au salut, mais qui vivent cependant sans aucun souci de leur salut, tout entiers employés à amasser des richesses et des honneurs, qui pensent rarement ou jamais à Dieu, à la vie éternelle et à leur conscience en dehors de la fête de Pâques, et cela uniquement parce que le précepte de l’Eglise les oblige à se confesser et à communier. Une fois la fête de Pâques passée, ils retournent sur-le-champ à leur bourbier et ils s’y vautrent. (Et que dire des soldats qui ne communient même pas à Pâques !... Le pourcentage de ceux qui remplissent ce précepte à Bruxelles et dans d’autres lieux peu connus pour leur piété, est de quatre pour cent pour les femmes et de cinq pour cent pour les hommes , et de zéro pour cent pour les maîtres officiels du jeu.(expression traduite littéralement dont j’ignore le sens). Et que deviendront leurs disciples ?)
D’autres sont pris dans les filets de l’usure, de la simonie, des biens mal acquis, qu’ils ne veulent pas restituer. D’autres ont des amants, ou sont enlisés dans des amours obscènes dont ils ne peuvent pas se désembourber, parce qu’ils n’en ont pas la volonté. D’autres fomentent les affrontements violents, les rixes, et les haines implacables.
Supposons même qu’un grand nombre connaissent la nécessité du ferme propos pour l’absolution, ils ne font cependant pas d’effort pour se le procurer, et vont même jusqu’à le simuler, et jusqu’à se persuader faussement de le posséder. Car ce ferme propos de ne plus jamais pécher est une chose ardue, sublime et difficile. Beaucoup refusent de se faire violence et d’y engager toutes leurs forces, surtout pendant la maladie et à l’article de la mort, car, alors, la raison, le jugement, les sens et les forces de l’homme périclitent et s’assoupissent. En conséquence, l’accoutumance de tant d’années engendre à l’article de la mort un ferme propos semblable au ferme propos pascal, superficiel, verbal et inefficace. (Tout le contraire de ces bonnes morts que prépare l’absence de foi : « Ah! Que cette foi plaît à Dieu ! Et que de bonnes morts elle prépare, malgré les défaillances de la vie ! » P. Castelein, p. 62)
Je ne sais pas où on pourra trouver parmi les missionnaires âgés, ou les pasteurs d’âmes d’expérience ce prêtre « qui a été des milliers de fois l’heureux témoin de ces bonnes morts ! » (ibidem) . L’expérience quotidienne confirme la doctrine du pieux et docte Corneille , qui est en même temps un proverbe éprouvé : « Telle vie, telle mort ».
Mais nous aurons profit à écouter de nouveau notre A Lapide qui poursuit ainsi : « Au dire de saint Grégoire et de saint Augustin, (livre 3 du libre arbitre) le pécheur est puni par une juste perte du sens de ses intérêts : vivant, il a vécu dans l’oubli de Dieu, mourant, il meurt dans l’oubli de lui-même. Cette peine imposée au péché est d’une grande justice, parce que quand il aurait pu bien faire il ne l’a pas voulu, et quand il l’a voulu il ne le pouvait plus. De plus, plusieurs indices nous laissent croire qu’un grand nombre ont été privés de ce ferme propos.
Le premier indice est que ce ferme propos n’est concocté par eux qu’à Pâques afin de recevoir l’absolution, et sous la contrainte des Pasteurs. C’est donc plus un ferme propos extorqué et forcé que libre et spontané. Si tôt terminée la confession pascale, ils retournent à leurs passions, à leurs vices et à leurs crimes, comme font beaucoup après la confession faite en danger de mort, s’ils en réchappent. Ce retour n’indique que trop clairement que leur ferme propos était contraint, qu’il avait été arraché par la crainte de la mort, qu’il n’était donc ni sincère ni sérieux.
Venons-en au second indice. Plusieurs ont développé de mauvaises habitudes d’ivresse, de luxure ou d’autres vices semblables, qu’ils ne veulent pas éradiquer. Ou s’ils en ont une velléité, ils ne sont pas prêts à prendre les remèdes nécessaires pour se désintoxiquer. Il reste à ajouter que les vices les plus dominants sont la luxure et l’orgueil. Ce sont les prédateurs par excellence, et ils emplissent l’enfer à eux seuls
Troisième indice. Plusieurs ont des principes politiques ou vicieux ou directement contraires à ce ferme propos de ne plus pécher, qui sont passés dans leur sang avec le lait maternel, qui ont pris corps dans l’adolescence et qui sont devenus par la suite une seconde nature. Comme, par exemple, l’obligation de venger, selon la loi du talion, une offense faite à soi ou aux siens. Selon ce code du faux honneur, est considéré dégénéré, vil et infâme celui qui ne se venge pas. L’obligation d’accepter l’offre d’un duel pour éviter le déshonneur. Dans les banquets, il faut rivaliser en dépenses somptuaires et en ripailles avec les plus huppés, et même aller jusqu’à l’ivresse. Avant toute chose, il faut satisfaire à sa condition sociale, à sa parenté et à sa famille. Tu dois pourvoir par tous les moyens possibles à maintenir et à hausser ton statut social et tes dignités, sans tenir aucun compte des lois de Dieu et de l’Eglise, si elles font obstacle. La priorité absolue doit être donnée à la conservation de la vie et de la fortune, même au détriment de la loi de Dieu. On ne doit pas tolérer les ignominies, les calomnies, les affronts, mais rendre œil pour œil et dent pour dent. Ces préceptes et ces principes, ils y pensent le plus souvent en acte, quand l’occasion se présente, c’est à l’action qu’ils sont destinés et c’est dans l’action qu’ils se formulent, et ils ne les remettent jamais en cause, même pas en confession. Et c’est au point que si un confesseur les interroge à ce sujet, ils répondent qu’ils persistent dans les mêmes sentiments. Car là où il est question d’honneur, de luxe ou de bien-être , ils ne se soucient ni de la conscience, ni de Dieu ni de l’enfer. Ce ferme propos issu du code du faux honneur qui demeure toujours en eux à l’état conscient ou de veille, est diamétralement opposé à la ferme volonté d’éviter les péchés et d’obéir en toutes choses aux lois de Dieu.
Que les écrivains et les prédicateurs modernes prêtent la plus grande attention à ce qui suit : « Il arrive souvent que les prédicateurs omettent d’enseigner ces choses, de les expliquer, de les inculquer. Aux pécheurs, ils recommandent la passion du Christ, la miséricorde de Dieu, les aumônes, le culte de la bienheureuse Vierge, laquelle ne permet pas que périssent ses dévots. Ils ne descendent pas jusqu’â cette sorte de vices, afin de tonner, de fulminer contre eux et de tenter de les extirper. C’est pourquoi, les villes et les peuples croupissent dans les mêmes mauvaises lois, coutumes, intentions, vices, et de leurs sermons ils ne retirent pas le moindre fruit. Qu’ils changent donc leur façon de prêcher, s’ils cherchent à répondre à ce qu’ils doivent à Dieu, à leur conscience, à l’Eglise et à leurs auditeurs, et qu’ils cherchent à extirper des âmes de leurs fidèles toute mauvaise semence qui trouve dans ce terrain de l’engrais et des fertilisants.
Quatrièmement . Admettons que parmi ceux qui se confessent à l’article de la mort, il y en ait qui bénéficient du ferme propos. Si, après la confession, ils demeurent alités pendant plusieurs jours, comme cela arrive souvent, reflue le souvenir des voluptés passées, qui fléchissent le consentement d’une âme habituée à s’en repaître. Et elle finit par consentir à sa pensée dépravée et à la délectation morose d’une volupté ancienne illicite qui lui était devenue habituelle. Il faut ajouter à cela l’action du démon. Il a coutume de rappeler lui-même à la pensée du moribond les voluptés passées, car c’est alors qu’il sort toutes ses batteries pour livrer à l’âme l’ultime bataille, au moment même de l’agonie quand l’âme se prépare à se séparer du corps. Le juste jugement de Dieu permet cela au démon en punition des crimes commis, et de la négligence apportée à réfréner nos passions, quand nous étions encore vigoureux et en bonne santé. Au lieu de les mortifier, combien s’y adonnaient comme des chevaux ou des mulets. Malheureusement, plusieurs succombent dans ce combat suprême et périssent, de quoi nous avons des exemples manifestes.
Cinquièmement. La vertu, le salut et la gloire céleste sont des choses sublimes et ardues qui transcendent toutes les forces de la nature humaine. D’un autre côté, la nature humaine est corrompue par le péché originel et s’est ravalée aux choses de la terre. L’amour des choses terrestres et la cupidité des richesses, des honneurs, du confort et des joies sensuelles sont tellement vivaces dans l’âme que c’est à peine si cette dernière peut seulement se faire une idée des choses célestes, ou parvenir à les comprendre. Il lui est encore moins possible de s’élever jusqu’à elles, et de déployer toutes ses énergies pour s’emparer du royaume des cieux qui souffre violence.
Admettons que la grâce de Dieu joue aussi son rôle. Mais, dans l’homme tombé, cette grâce ressemble plutôt à un remède qu’on donne à un infirme et à un moribond. Elle a à peine la force de le faire se mettre sur son séant. Et s’il parvient à se redresser, il retombe et s’écroule facilement. C’est pourquoi, dans cette corruption générale de la nature, il est aisé à quiconque, au milieu des occasions de péché et des tentations apportées par la chair, le monde et le démon, de tomber dans le péché mortel. Il est ardu et extrêmement difficile de s’en dégager par la pénitence et le ferme propos de ne plus pécher.
Et voici les deux causes et pour ainsi dire les deux pôles qui nous donnent la clef de cette question épineuse. Je parle de la parole de Jésus : Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Véridique est la sentence de saint Justin : « L’âme ne peut être rappelée qu’avec grande difficulté aux biens qui excèdent sa nature, et elle ne peut pas être facilement arrachée aux maux auxquels elle était habituée. »
L’importance de ces raisons et leur valeur existentielle ont contraint de grands savants ----parmi lesquels notre Benoit Justinien---à changer d’idée. Après avoir pensé que la plupart des chrétiens seraient sauvés, il a soutenu le contraire. A Rome, j’en ai entendu plusieurs qui étaient de cet avis. Et parmi eux, un prédicateur de grande renommée qui était en même temps un docteur, enseignait que les confessions de ceux qui ont mal vécu faites à la dernière heure sont pires que celles qu’ils ont faites au cours de leur vie. C’est ce que confirme saint Augustin, au sermon 57 du temporal :« Il ne lui sert à rien, à la fin de sa vie, d’aspirer à une pénitence qu’il ne peut plus faire. Ce n’est qu’une illusion ». Et plus loin : « La pénitence que demande l’infirme est infirme comme lui. Quand c’est un mourant qui demande la pénitence, je crains fort qu’elle soit moribonde comme lui. En conséquence, mes bien chers frères, celui qui veut trouver la miséricorde de Dieu, qu’il fasse pénitence en ce monde quand il est encore sain, pour qu’il soit estimé sain dans l’autre. » Il dit la même chose dans une homélie, entre 41 et 50 : «Si celui qui, à l’article de la mort, fait pénitence et se réconcilie avec Dieu, se sent sûr de son salut, moi, je ne le suis pas . » Et il en donne la raison : « Si tu veux faire pénitence quand tu ne peux plus pécher, ce sont tes péchés qui t’ont quitté, ce n’est pas toi qui les as quittés . Choisis donc le certain, et laisse tomber l’incertain ». Il dit la même chose au sujet des paroles du Seigneur selon Luc , sermon 24 : « Vivez bien pour ne pas faire une mauvaise mort ».
Notre Corneille ajoute : « Les mêmes raisons me persuadent que bien que je croie que dans certaines villes ou en certains lieux ou chez certains peuples d’une éducation appropriée ----ici, c’est avec tristesse que je considère de nouveau l’éducation socialiste donnée, en Belgique, dans nos écoles neutres---où les professeurs sont remarquables, remarquables les pasteurs, les confesseurs, les sénateurs et les gouverneurs, qui enseignent le peuple fidèlement , le nourrissent et le stimulent , bien que je croie, dis-je, que chez ces gens la majorité sera sauvée, cependant, dans beaucoup d’autres lieux où tous ces secours font défaut, où l’ignorance est grande, grandes l’indifférence et l’insouciance, où les tendances perverses du peuple sont nourries et fortifiées par la dépravation de l’éducation et de la société, j’estime que le nombre des damnés est supérieur à celui des sauvés. »
L’heure est venue pour lui de prouver ce qui a été avancé par l’autorité de l’Ecriture ou des Pères. Il cite en premier lieu un passage du quatrième livre d’Esdras, allégué également par Suarez et Gonet où il est dit en toutes lettres : « Nombreux sont ceux qui ont été créés, mais peu nombreux ceux qui sont sauvés. » « Lequel livre, dit-il, bien qu’il ne soit pas canonique, jouit d’une certaine autorité ». Il présente ensuite trois arguments tirés de l’Ecriture et des Pères. Puis, il cite Alphonse Mendoza qui, en se servant à peu près des mêmes arguments, prouve éloquemment que le nombre des élus est inférieur au nombre des réprouvés.
Et enfin, ce pieux et docte interprète de l’Ecriture tire de ses enseignements une conclusion morale ou ascétique : « Que ces raisons et que cette sentence inspirent à chacun une crainte sainte et salutaire pour que tous opèrent leur salut ---selon l’exhortation de l’Apôtre---dans la crainte et le tremblement, pour qu’ils examinent leur conscience avec soin, et si dans ces principes et ces préceptes ils trouvaient jamais quelque chose de contraire à leur salut, qu’ils les rejettent loin d’eux, pourvu que de bouche et de volonté ils s’éloignent de l’amour des richesses et des honneurs, qu’ils résistent généreusement à l’attrait des cupidités, qu’ils se lient complètement à Dieu et à sa loi, préférant supporter toute chose , renoncer à tout et mourir mille fois plutôt que d’offenser Dieu et sa grâce et de perdre son amitié. Puisqu’un si grand nombre de chrétiens sont damnés, et si peu sont sauvés, qui ne doit pas craindre, qui ne doit pas faire tous ses efforts pour être compté parmi les élus, qui ne doit pas éviter avec le plus grand zèle tout ce qui peut mettre son salut en péril, qui ne doit pas prendre tous les moyens pour assurer son salut ? Nous n’avons qu’une seule âme, pas plusieurs. Qui que tu sois qui lis ces lignes, pense à cela . Vive Dieu, vive l’éternité ! »
11- Jansenius Leerdamensis, surnommé Iprensis, 1638
Entrez par la porte étroite. « La porte étroite et resserrée signifie la voie de la vertu, parce que d’après les paroles mêmes de la loi divine, et surtout de la chrétienne, qui nous a été transmise , la voie de la vertu est codifiée de telle sorte qu’elle ne permet à l’homme de vagabonder ni à droite ni à gauche, en vue de satisfaire à ses caprices et à ses passions. Ensuite, elle est dure d’accès, non en elle-même, puisqu’elle nous est connaturelle, mais à cause de la tendance de notre nature corrompue à tout ce qui est sensible, à laquelle tendance il est extrêmement difficile de s’opposer. Enfin elle est unique, et il ne nous est pas permis de nous en détourner d’un pouce.
Toutes les différentes sortes de passion peuvent nous devenir dommageables par excès ou par défaut, c’est pourquoi on dit qu’elle est large et spacieuse la voie qui conduit à la perdition, c’est-à-dire la voie d’iniquité, et qu’il y en a beaucoup qui entrent par elle, et qui, par conséquent, tendent à l’éternelle perdition. La plus grande partie des hommes est victime de la facilité de la route, et fait plus volontiers ce qui lui plait que ce qu’elle doit. C’est pourquoi le Sauveur dit avec étonnement : qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie qui mène à la vie, et il y en a peu qui la trouvent. Peu nombreux ceux qui y entrent, encore moins nombreux ceux qui, une fois entrés, persévèrent jusqu’à la fin, comme le note saint Jérôme, dans son livre 11 contre Pélage. Aucun philosophe, aucun hérétique, aucun Turc, aucun païen ne la trouvent. Aucune mauvais catholique n’y entre . La voie spacieuse, elle, est très facile à trouver, car elle n’a pas d’autre guide que l’erreur et l’éloignement de la voie droite, chose qui peut se faire d’un nombre infini de manières. Les païens ont vu cette doctrine à la seule lumière de la raison.
Parce que cette voie est difficile à
trouver et que peu la trouvent, selon la parole du Seigneur,
et que c’est avec raison que chacun devrait rechercher un guide,
il ajoute avec à propos : « Gardez-vous des faux prophètes
! etc…
Ces enseignements de Jansenius sont approuvés
et catholiques.
12- Fromondus , 1653
Il est certain qu’à considérer
le genre humain dans sa totalité, les hommes qui se perdent
sont plus nombreux que ceux qui se sauvent. Si parmi les chrétiens,
nous incluons les apostats et les hérétiques qui usurpent
faussement le nom de chrétiens, le nombre des chrétiens
damnés est de loin plus grand que celui des sauvés.
Saint Augustin et les autres saints Pères s’appliquent à
démontrer au moyen de différents textes de l’Ecriture,
que les fidèles qui meurent dans la communion et la foi de l’Eglise
sont plus nombreux à
à être damnés
qu’à être sauvés. Et même
s’il était vrai que la plus grande partie des chrétiens ne
meurt pas sans avoir reçu les derniers sacrements, plusieurs
mondains n’en reçoivent pas les fruits, parce qu’ils n’ont pas une
aversion sincère des péchés et le ferme propos de
s’amender, nécessaire à la justification. Une
très grande grâce de Dieu est donc ici nécessaire
pour que des hommes qui pendant longtemps ont été enchaînés
par les richesses, les honneurs, les plaisirs et toutes les
choses de la terre s’élèvent tout-à-coup à
la sublimité de la pénitence. Voilà ce
que Cornelius A Lapide établit bellement et savamment contre
Suarez, en s’appuyant sur les Pères et les autres théologiens.
Il ajoute qu’à Rome, il a entendu plusieurs théologiens
qui étaient de cet avis, à cause du laxisme et
de la corruption générale des mœurs ».
13 - Menochius, jésuite, 1655
En Matt. XX11, 14 : « Cette conclusion il y a beaucoup d’appelés, etc…doit être référée à l’ensemble de la parabole, dans laquelle nous voyons que beaucoup ont été appelés, mais que peu sont venus, et que parmi ceux qui sont venus, tous ne sont pas élus. »
14°/ Nicolas Talon, Jésuite, 1691
Voici comment parle cet auteur dans son
livre : l’histoire sainte du Nouveau-Testament, T.1, vie agissante
de Jésus-Christ, cap.52 : L’assurance du salut dans la voie
étroite, p.243 Entrez par la porte étroite, car
large est la porte et spacieuse la voie qui mène à
la perdition et il y en a beaucoup qui entrent par elle. Matt. V11,13.
« Taulère, dont
la vertu ne devait rien appréhender, ne pensait presque jamais
à ces paroles qu’avec quelque sorte de tremblement, et,
devant un jour prêcher sur ce sujet, il commença sa
prédication par ses larmes…et témoigna par là
la persuasion où il était du petit nombre de ceux qui
vont sur le chemin de la vertu ». Il cite ensuite
des figures de la porte étroite du Paradis, et conclut : «
Toutes ces choses sont des figures du petit nombre des élus,
dont nous avons des prophéties encore plus expresses dans Isaïe.
» Il cite des textes de l’Ecriture,
les témoignages des plus graves des Pères. «
C’est la pensée de tous les Pères de l’Eglise ».
15 Bernadinus a Piconio, 1709
« Beaucoup sont appelés au salut. Il n’y a pas un homme qui n’y soit pas appelé. Mais peu méritent d’être comptés parmi les élus. » « Beaucoup ne sont pas élus parce qu’ils ne l’ont pas voulu ». « Beaucoup sont appelés, en fait, tous sont appelés. Peu sont élus, qui, une fois appelés, sont fidèles à leur sainte vocation et y demeurent saintement. Et en Matt. V11, 13, 14 : entrez par la porte étroite. Choisissez , avec le petit nombre, de tendre à la vie éternelle. Retirez-vous de la voie qui précipite la multitude à la perdition éternelle. Large est la porte qui conduit à la perdition, et beaucoup entrent par elle. Cette porte est celle de la multitude, qui, ayant choisi comme sa règle de vie la mentalité, les usages et les coutumes du siècle, se livre sans frein aux passions de la nature corrompue.
Qu’elle est étroite la porte et resserrée la voie ! Ces paroles de quelqu’un qui est en proie à l’ébahissement indiquent qu’il n’est accordé à personne d’élargir la voie étroite par laquelle on accède à la gloire céleste. » Enfin, en Luc X111,24, il répond d’avance à l’interprétation restrictive des modernistes, selon laquelle l’exhortation de Jésus : Efforcez-vous d’entrer par la voie étroite ne concernait que les Juifs contemporains de Jésus et, en aucune façon, les chrétiens des siècles postérieurs : « Ce sort infiniment déplorable qui attendait les Juifs, d’après la prédiction de Jésus, est un fatal présage du malheur éternel qu’attend les chrétiens qui n’ont pas voulu conformer leur vie à l’Evangile. »
16 Calmet, 1757
C’est dans le sens commun des Pères qu’il interprète sommairement les textes dont les modernistes veulent modifier l’exégèse : « Ce fut toujours une question importante la question de savoir si le nombre des sauvés est plus grand que celui des damnés. Mais l’évangile dans son ensemble démontre que le nombre des élus est restreint, que la porte du ciel est étroite, et qu’elle est trouvée par un petit nombre. La voie qui mène au ciel est resserrée et ardue, et tous ne la parcourent pas jusqu’à la fin. »
17 De Ligny, 1788
Matt. V11,13 : « Jésus-Christ déclare formellement que le grand nombre sera des prévaricateurs, et que celui des observateurs fidèles sera sans comparaison le plus petit. Qu’ainsi, sa loi doit être entendue et observée à la lettre, ou, si l’on veut l’expliquer par la pratique, ce n’est que dans la pratique du petit nombre qu’il faut en chercher le véritable sens ». Et en Matt. XX, XV1 : « C’est comme si Jésus disait : vous paraissez troublés de m’entendre dire que les premiers appelés seront renvoyés au dernier rang. Combien plus devez-vous l’être de ce que, parmi ce grand nombre d’hommes, qui ont été appelés et qui le seront encore, très peu auront part à la récompense. »
18- Fillion
« Porte large et voie spacieuse . Double figure des facilités, des libertés, de l’agréable aisance que procure une vie sans frein, livrée aux passions et au péché. Il n’y a rien de gênant à l’entrée de cette porte, ni sur cette route. « Qui conduit à la perdition ». Mais cette accueillante porte, une fois franchie, cette route facile une fois descendue, où arrive-t-on ? A la ruine éternelle. Et, ce qui est bien triste, c’est que la plupart des hommes se précipitent avec insouciance ou plutôt avec empressement, dans cette direction. Et ils sont nombreux. « Qu’elle est étroite la porte ! » Symbole des peines et des sacrifices qu’impose la justice chrétienne bien pratiquée…. Mais quelle récompense attend ceux qui surmontent courageusement ces obstacles !.... Elle conduit à la vie. La vie éternelle dans le sein de Dieu, les reposera de toutes leurs fatigues. Malheureusement, peu nombreux sont ceux qui la trouvent. Ces mots durent être prononcés avec un accent de profonde tristesse. De nos jours, comme au temps de Jésus, comme à toutes les époques, l’humanité se divise en deux catégories : la foule suit la voie large, sans s’inquiéter de l’abyme qui en est le terme. Le petit nombre gravit péniblement l’étroit sentier, se consolant à la pensée des joies futures. C’est à bon droit que les Pères et les Docteurs ont vu dans ce passage un argument favorable au sentiment d’après lequel le nombre des élus sera relativement restreint. »
19 Van Etten,
Celui qui pendant vingt cinq ans a enseigné l’Ecriture sainte à S.J. dit ceci dans son livre marqué par une grande érudition : ( courte phrase en flamand). Et de façon manifeste, et comme quelque chose d’inébranlable, il soutient que le nombre des élus, comme grand en lui-même, est petit comparé au nombre des condamnés.
Voici ses propres paroles : ( un assez long paragraphe en flamand). Il répète la même chose dans son commentaire de Matt. XX11, 16 : « Il y a beaucoup d’appelés »
20 Colleridge , Jésuite
Matt. V11,14 : « Cette doctrine qui ressort naturellement des paroles de Notre-Seigneur, que la majorité des hommes suit le chemin de la perdition, peut sembler dure et décourageante. Il ne manque pas d’esprits réfléchis qui cherchent à échapper aux conclusions qui paraissent en découler…Notre-Seigneur nous dit que l’immense influence de la majorité des hommes avec qui nous vivons, s’ajoutera encore à notre propre faiblesse et à nos inclinations mauvaises pour nous entraîner. Toujours nous aurons contre nous la multitude…Oui, prenons-en notre parti, toujours nous aurons à lutter contre la multitude. C’est l’exemple de la multitude qui toujours a retenu, comme il retient encore, tant d’âmes dans la poursuite de la perfection. C’est l’exemple de la multitude parmi les catholiques qui fournit toujours à ceux qui n’appartiennent pas encore au bercail de l’’Eglise un prétexte pour ne pas y entrer. C’est l’exemple de la multitude des soi-disant chrétiens qui ferme à toute l’évidence de l’Evangile les cœurs de millions d’incrédules ».
Et, parlant des monastères, notre pieux auteur ajoute ceci : « Eh bien! Là aussi, l’exemple de la multitude devient parfois funeste à la perfection…Ces négligences dans une vocation si haute, …supposent un manque de fidélité et de correspondance à la grâce dont il est impossible de prévoir toutes les conséquences ».
Luc X11, 24 : « Le sens paraît être assurément que ceux qui entrent par la voie étroite sont peu nombreux, tandis que la plupart suivent la voie large qui conduit à la perdition ».
21 Ceulemans, S.T.D.
Brillant professeur d’écriture sainte dans le séminaire de Mechlin, il commente ainsi : il y en a peu qui la trouvent, en Matt. V11,14 : « La voie spacieuse s’offre d’elle-même, mais celle qui est resserrée doit être cherchée avec zèle. Cette voie conduit à la vie éternelle, mais il y en a peu qui la trouvent et qui la suivent. De ces paroles du Christ, il nous semble pouvoir déduire que le nombre des réprouvés est de loin plus grand que celui des sauvés, à la condition d’inclure les hommes de tous les temps. S’il n’est question que des seuls chrétiens ou des seuls catholiques, c’est le doute qui a le dernier mot. »
22 Knabenbauer, Jésuite
Nos adversaires n’hésitent pas à crier sur les toits et à proclamer avec tambours et trompettes que cet exégète érudit et très célèbre est de l’avis que les élus sont en plus grand nombre que les damnés. Sur quelle base s’appuient-ils ? Que le lecteur en juge.
En Matt. V11 : il y en a peu qui la trouvent, il parle du petit nombre de ceux qui obtiennent le salut : « La difficulté de la chose est démontrée par le petit nombre qui la trouvent. Il faut donc la rechercher soigneusement, ce qui revient à dire qu’il faut opérer son salut dans la crainte et le tremblement. Quand Jésus dit : ils sont peu nombreux, il parle de la lâcheté d’un grand nombre, et met en garde ses auditeurs de ne pas s’attarder à la pensée du succès et de la prospérité du grand nombre, ni aux épreuves du petit nombre. Il ne faut pas faire de cas de la multitude, ni se troubler de sa désinvolture, mais imiter le petit troupeau. Il faut donc prêter attention non à ce qui change, mais à ce qui demeure.
Si l’on considère l’époque de la prédication de Jésus, ils étaient certainement peu nombreux les êtres humains pris dans leur ensemble qui obéissaient généreusement à loi naturelle inscrite dans leurs cœurs, et qui se gardaient à l’abri des voluptés illicites, des vices et des péchés. Parmi les Juifs eux-mêmes, les Pharisiens et les scribes qui rivalisaient entre eux dans l’observation littérale de la loi, étaient infectés de plusieurs vices. Que penser des autres, les Sadducéens et les Hérodiens, qui, après avoir méprisé la loi, se tenaient dans la zone d’influence des étrangers ? Que penser de la masse du peuple ? Voyez Matt. 11,21,23-37. Luc, 13,2,5, etc… C’est donc avec raison que Jésus dit : ils sont peu nombreux…
Et qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’en est-il au cours des siècles en général ? Ce que saint Jérôme a écrit demeure vrai : « La voie large est la volupté du monde que convoitent les hommes. Beaucoup marchent par la large, peu par l’étroite. La large, point n’est besoin de la rechercher ni de la découvrir. Elle s’offre spontanément d’elle-même et elle est la voie des égarés. Celle qui est étroite, tous ne la trouvent pas , et ceux qui l’ont trouvée n’y entrent pas tout de suite. Bien plus, plusieurs, après avoir trouvé le chemin de la vérité, fascinés par les voluptés du siècle, rebroussent chemin. » Le Seigneur nous enseigne : « si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. Les commandements, voilà la voie et la porte étroite. Il est difficile à l’homme charnel de marcher sous la garde intégrale des commandements de Dieu , et, dans tout le genre humain, combien penses-tu qu’ils sont à marcher constamment dans cette voie ? Ne sont-ils pas peu nombreux ? »
23 Fr. Allioli, 1873
Il enseigna les langues orientales et occupa une chaire d’exégèse et d’archéologie . Mais il fut connu par sa traduction de l’Ecriture qu’il annota. En Matt. XX, 16 : beaucoup d’appelés, peu d’élus. « Beaucoup, il y a plus, tous sont appelés de Dieu à son Royaume, mais un petit nombre seulement arrivent à la félicité éternelle. Voici comment on peut joindre ensemble cette sentence de la sagesse : beaucoup d’appelés mais peu d’élus, et celle touchant les premiers et les derniers : les derniers seront les premiers et les premiers les derniers. Ne vous étonnez pas que les premiers soient les derniers et les derniers soient les premiers, comme l’expose au long la parabole. Car il arrive même que quelques-uns qui ne sont point du tout reçus, ne sont absolument rien. Plusieurs ne correspondant pas à la vocation, où, n’y coopérant pas fidèlement, d’où il suit qu’il n’y en a relativement qu’un petit nombre qui arrivent à la béatitude (Suarez).
Et au chap. XX11, 14 « …De sorte qu’on peut dire en général, qu’eu égard à l’humanité toute entière, le nombre de ceux qui sont élus pour la béatitude éternelle est petit. »
24 Van Steenkiste
Le saint Evangile selon saint Matthieu, troisième édition soigneusement revue, et réimprimée en 1880, aux numéros 267, 268. C’est le passage sur la porte étroite qui lui a donné l’occasion de dire ce qu’il pensait sur le sujet. En effet, cet auteur très érudit examine de près ce qu’il appelle lui-même la question scripturaire du nombre des élus. Il pose d’abord une question générale : « Qu’est-ce que la sainte Ecriture, et, en particulier, l’Evangile enseigne sur le petit ou le plus petit nombre des élus? » Cet illustre interprète formule sa question de plusieurs façons différentes et se réfère à plusieurs textes.
En premier lieu, il constate qu’on lit deux fois la phrase : beaucoup d’appelés et peu d’élus. Le contexte du discours semble donner raison à l’opinion de ceux qui prétendent que l’un et l’autre passage se réfèrent à l’élection à la foi et à la grâce. Mais d’autres paroles du Christ insinuent qu’il faut aussi y inclure l’élection à la gloire ou la prédestination au ciel. Et bien que Jésus applique sa sentence aux Juifs de son temps, nous considérons qu’elle a une valeur universelle, car celui qui prononce une phrase qui vise quelques-uns en particulier, peut très bien en même temps formuler une vérité générale. Cf. p.458. » Nous reviendrons bientôt sur cette question, ami lecteur.
« Deuxièmement. La déclaration de Jésus sur la porte étroite qui conduit à la vie et dans laquelle peu entrent, se trouve en deux endroits : en Matt. V11,14, et en Luc X111, 24. Luc affirme que ces paroles de Jésus se rapportaient aux juifs de son temps …mais il ne faut pas en exclure un sens beaucoup plus large ,qui est celui des paroles de Jésus dans Matt.
Troisièmement. Dans la parabole du semeur, ce n’est que la quatrième partie qui minote. Ce qui laisse entendre que même après l’avènement du Christ, et en plein Nouveau Testament, les bons sont en plus petit nombre. Donc, toujours et jusqu’à la fin des siècles, demeurera vrai ce qu’a écrit Jean (1,V,19) : Le monde entier est plongé dans le mal. » Il établit ensuite des comparaisons entre ceux qui sont sauvés après le Christ et ceux que le péché originel traîne jusqu’en enfer….Ensuite, entre ceux qui sont disciples du Christ, etc….Il continue :
« Quatrièmement. Dans plusieurs paraboles, l’Eglise est décrite d’une telle façon que les bons semblent dépasser les mauvais en nombre. » Ce qui le conduit à parler des catholiques adultes, à l’exclusion des hérétiques.
Cinquièmement. A la fin, l’auteur traite de l’opinion du petit nombre des élus, en particulier, de la façon dont Mabillon l’a développée : « Quoiqu’il en soit de cette opinion, je ne voudrais pas réduire le nombre des catholiques adultes d’après les règles comptables de Massillon, dans son célèbre sermon sur le petit nombre des élus. » S’étant ensuite demandé, en termes généraux, ce que l’Eglise enseigne du petit nombre ou du plus petit nombre des élus, il ne conclut pas que nous n’en savons rien, mais : « Concluons que nous n’en savons pas grand-chose et que ne n’est pas dans notre intérêt de le savoir. Une seule chose a de l’ importance, c’est que, quelle que soit l’étroitesse de la porte, nous devons faire tous nos efforts pour y entrer. » A la page précédente, il avait pourtant dit : « Les paroles de Jésus nous permettent de conclure avec certitude qu’à la fin des siècles, la masse des réprouvés sera plus grande que l’ heureux petit troupeau des élus. Ceci est la sentence commune et véridique, dit Suarez »
Consultons maintenant le passage particulier de la question 458 dans lequel l’auteur entreprend d’établir ce que nous savons, même si nous ne savons pas grand-chose. Ici, l’auteur explique clairement ce qu’il voulait dire au numéro 1, et pose carrément la question : « Les paroles de Jésus (beaucoup d appelés, peu d’ élus) nous permettent-elles de conclure avec certitude que le nombre des saints du Ciel est inférieur à celui des damnés ? » Et il répond : « Au sujet de cette question, j’ai déjà fait quelques remarques plus haut. Pp. 267,268. Nous répondons conformément à l’opinion que nous avons faite nôtre, que la conclusion qui s’ impose est celle du plus petit nombre des élus. Mais on objecte que cette conclusion ne s’accorde pas avec deux paraboles dont la conclusion est formulée par cette sentence : beaucoup d appelés et peu d’ élus. Je réponds que dans la première parabole, les gentils semblent jouir d une meilleure condition dans le royaume des cieux, duquel la plupart des juifs sont exclus. Dans la deuxième parabole, un seul est rejeté , mais plusieurs n’entrèrent pas.
Que dire donc de plus clair et de plus manifeste ? Que ces textes ont une valeur de preuve et non de démonstration, si l’ on considère la fin première et le sens spécial de la parabole, mais qu’ ils engendrent la certitude complète si l’on se réfère au sens secondaire de la parabole et au sens de l auteur, comme le veut Van Steenkiste. Il est donc permis de conclure : nous ne savons pas grand-chose là- dessus, et d’ ajouter qu’il est permis de conclure que le nombre des élus du ciel est inferieur à celui des damnés. C’est ainsi que parle Jean de saint Thomas et la plupart ».
Comment notre auteur entend-il l’interprétation de Beelen, non pas du premier passage Matt. XX,16, mais d’ un autre, ch. XX11,14 ? Ses paroles ne font que confirmer nos dires sur le professeur de Louvain : « Que signifie la conclusion de la parabole : beaucoup d appelés, , peu d’élus? » Il répond : « Luc. Brug. Klofutar, Beelen entendent la conclusion de la parabole dans ce sens : parmi les gentils appelés à la foi, les élus proprement dits seront peu nombreux, i.e. ceux qui sont admis au ciel. Il s’ensuit donc que parmi les catholiques ,-- ceux qui appartiennent à la vraie Eglise du Christ--, le nombre des bienheureux sera inférieur à celui des damnés. »
« Quelle fin se proposait le Christ, se demande Van Steekiste , quand il nous a présenté cette parabole ? » Et il répond : « La fin première est de déclarer aux Juifs qu’ils sont exclus du salut évangélique et sévèrement punis pour avoir prévariqué., et que les gentils seront admis en leur lieu et place. La fin secondaire repose dans la dernière partie de la parabole, et signifie que ne seront pas sauvés tous ceux qui embrassent la foi et deviennent membres de l’Eglise, mais qu’en plus de la foi, l’état de grâce ou la vie sainte est nécessaire au salut. »
25 Leonardus Klofutar
Ce docteur en théologie , professeur public et ordinaire des études bibliques du Nouveau Testament à l’ institut d’ études diocésain de Labacens, et conseiller épiscopal permanent et examinateur au synode, a eu accès à des sources et à des secours excellents , i.e. aux travaux exégétiques des Allemands qu’ ils viennent tout juste de mettre en circulation. Voici quelques noms : Aug. De Berlepsch, F. Xav Patrizzi, P. Schegg, Aug. Bisping, Wilh, Reischl, Jos. Langen , Allioli, Kistemaker, Massl, Adalbert Maier, Jord, Chr. Kuinoel, de Wette, G. Roshenmuller, Wieseler, Friedlieb, etc..
Il n’est donc pas étranger aux interprétations les plus modernes , et il a scruté à la loupe leurs méthodes exégétiques, de sorte qu’on peut dire , sans crainte de se tromper, que dans un seul auteur, nous avons le sentiment des modernes. Voici, donc, bienveillant lecteur, ses propres paroles en Matt : il y a beaucoup d’ appelés : « Ces paroles sont, la plupart du temps, expliquées ainsi : Beaucoup sont appelés à la béatitude éternelle, sans être élus, parce qu’ ils ne sont pas fidèles à leur vocation. Mais cette explication ne peut pas être encore admise. Dans ce passage, ceux qui sont invités sont les plus importants, l’élite. Mais si ces mêmes mots (beaucoup sont appelés) etc..et ces autres de Matt. (XX11,14,) reviennent ailleurs dans un autre sens, ce n’ est pas une objection à notre explication, parce que le contexte des deux passages est différent. Dans cet autre texte de Matt. de XX11,14 : car plusieurs sont appelés et peu sont élus, il faut lire : beaucoup sont appelés au royaume messianique, i.e. au salut, et seront damnés. Car, peu nombreux sont ceux qui, élus par un décret divin, participeront véritablement au salut dans l’autre vie. La cause de l’appel universel se trouve dans l’amour de Dieu qui veut sauver tous les hommes. La cause de l’élection d’un petit nombre est la prescience infaillible de Dieu du mépris par le grand nombre du salut offert. En outre, quand le Christ dit que beaucoup sont appelés, il ne faut pas en déduire que ce ne sont pas tous les êtres humains qui sont appelés à la béatitude éternelle. On dit beaucoup à la place de tous, pour les mettre en opposition avec les peu nombreux qui jouiront vraiment de la béatitude, car la totalité semble n’être qu’un grand nombre quand elle est mise en relation avec le petit nombre. L’intention du Christ n’était pas de mettre l’insistance sur la multitude. »
Enfin, en Luc, il parle ainsi
: « Seigneur, s’ils sont peu nombreux à
être sauvés, i.e., Seigneur, sont-ils
peu nombreux à parvenir à la béatitude éternelle
? i.e. qui seront les convives au royaume messianique consommé
? . L’ interrogateur était certainement un disciple
qui était bouleversé par la sévérité
des choses que Jésus imposait à ses disciples,
et par l’attitude récalcitrante de ceux qui refusaient d’accueillir
sa doctrine. La particule ei dans une interrogation directe
a la même valeur qu’en grec : Pereron, an, num.
A la question posée, Jésus répond de façon
à faire comprendre pourquoi il y en a plusieurs à ne
pas être sauvés, et, en même temps,
il exhorte tous et chacun à travailler de toutes leurs
forces pour devenir participants du salut. »
Paragraphe 2 UN ILLUSTRE EXEGETE MODERNE
REVENDIQUE PAR CASTELEIN
SANS DROIT (p.264)
Notre contradicteur range parmi ses partisans « les deux plus savants exégètes du siècle, Mgr. Beelen et le P. Knabenbauer , jésuite », (p.64, et Le Patriote, 4 mars l899).
Nous avons déjà recensé la doctrine du P. Knabenbauer relative au petit nom de ceux qui passent à la vie éternelle. Il nous reste donc à nous prononcer sur Cl. Beelen.
Que le lecteur se rappelle avoir lu plus haut que le beaucoup- d’appelés- peu- d’élus, apparaît à deux reprises chez Matthieu, une fois au seizième verset du chapitre vingtième, et une autre fois au quatorzième verset du chapitre vingt-deuxième. Voici l’interprétation de Beelen pour chacun des deux textes. Dans le premier passage (XX,16), de l’authenticité duquel plusieurs ont l’audace de douter, le très célèbre exégète, avec hésitation et modestie, reconnaît là un degré plus ou moins grand de sainteté, comme le dit Castelein. Mais Beelen affirme formellement que le beaucoup- d’appelés- peu- d’élus, a un autre sens dans le second passage de Matthieu. Voici comment il s’exprimait en flamand : « Multi vocati…Ces paroles confirment ce qui précède immédiatement : c’est ainsi que les derniers seront les premiers, etc.. Le sens me semble être le suivant : parmi ceux qui ont été appelés tôt ou tardivement, généralement parlant, peu seulement porteront le nom de choisis ou d’augustes ou de saints. Dans le chapitre XX11, 14, la même sentence reparaît, mais avec un autre sens. Voyons donc quel est cet autre sens donné par le texte.
Dans le deuxième passage, (XX11,14), cet autre sens présenté par Beelen n’est autre que le sens communément reçu. Il ne s’applique pas aux Juifs, ni à ceux qui occuperont les meilleures places, mais à tous ceux qui sont appelés à la foi et au salut, et à ceux qui, parmi eux, remporteront le prix au jugement dernier. Voici les paroles de Beelen qui définissent cet autre sens : « Plusieurs appelés…Cette sentence ne porte pas sur la parabole dans son entièreté, (sur les invités aux noces royales) mais seulement sur les versets 9 à 13. » Et il explique le sens des paroles du Christ : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. « Dans cette partie de la parabole, dit-il, il s’agit de la vocation de tous indistinctement, et même des gentils, aux joies de la grâce et du salut éternel. La venue du Roi indique le jugement universel, et l’homme expulsé représente ceux qui, bien qu’ils furent autrefois appelés à la foi et au salut, sont diagnostiqués sans grâce sanctifiante…et il périront pour toujours. »
Voilà donc cet autre sens découvert par le très illustre exégète de Louvain . Dans le chapitre XX,16, le peu d’élus signifie peu de saints, et dans le ch. XX11, 14, l’auteur conserve aux mots leur sens propre et naturel, et peu d’élus signifie peu d’élus. (phrase entrelardée de mots flamands). Il convient d’ajouter que les paroles : beaucoup d’appelés, peu d’élus, sont associées par l’auteur aux paroles précédentes de Jésus, et expliquent pourquoi s’élèvera un tsunami de vociférations : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Une lamentation si abyssale peut-elle s’expliquer par l’expulsion d’un seul ? Si l’on suppose une nuée cosmique de damnés, en comparaison desquels les élus paraissent peu nombreux, il est facile de comprendre la raison des pleurs désespérés. » Beelen répète ensuite la même chose en flamand.
Après avoir entendu ces paroles, que le lecteur studieux et consciencieux juge si elles donnent au P. Castelein le droit de tant fanfaronner à propos de l’interprétation que l’exégète donne au premier texte de Matthieu, quand on constate que l’illustre auteur, dans l’autre passage considéré comme plus authentique, non seulement n’appuie pas Castelein , mais se déclare en faveur de l’opinion communément admise. Cette doctrine de Beelen cadre parfaitement avec le commentaire qu’il donne aux épitres et aux évangiles de chacun des dimanches de l’année liturgique. Au dimanche de la Septuagésime, dans 1, Cor. 1X, 24---X,5, pour éviter la perdition éternelle et l’exclusion de la Béatitude, il prévient, comme saint Paul, que la profession de foi ne suffit pas, mais qu’est exigée une vie chrétienne saintement menée, avec toutes ses contraintes. En témoignage de quoi, il rappelle le décès de tous les juifs dans le désert et leur exclusion de la terre promise, parce que la plus grande partie d’entre eux n’avait pas plu à Dieu. (deux ou trois phrases en flamand)
Il semblerait donc que Castelein
cite Knabenbauer et Beelen comme il citait saint Alphonse et
saint François de Sales . N’affirme-t-il pas que ses
idées sont le fruit d’une étude approfondie de l’Ecriture
Sainte et des enseignements de nos plus grands théologiens
? L’étonnement que la vulgarisation de pareilles idées
suscite…etc » Et c’est avec le plus grand sérieux
du monde que E.T. se fait son chantre : « L’auteur fait preuve
d’une grande compréhension de l’Ecriture, d’une solide érudition
exégétique. Cet avantage lui permet des interprétations
que n’oserait pas un esprit moins armé, mais dont la sage
hardiesse se base sur des motifs qui entraînent la conviction
du lecteur instruit et non prévenu ».
p.267 fin.
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la table des matières
Chapitre
6 : OBSERVONS LA FACON DONT LES MODERNISTES SE COMPORTENT ENVERS
LES PERES DE L’EGLISE ET LA FACON DONT ILS LES INTERPRETENT. p.269-346
télécharger le livre en
latin : De Paucitate
Salvandorum quid docuerunt Sancti ? (pdf gallica)
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ajout (1er septembre
2010)
[Marie-Madeleine
de Pazzi, Oeuvres de Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, carmélite,
recueillies par le R. P. Laurent-Marie Brancaccio, carme de la stricte
observance du couvent de Sainte Marie della Vita, à Naples, traduites
de l'italien par le P. Dom Anselme Bruniaux, prieur de la chartreuse de
Valbonnne, éditées par Victor Palmé, Paris, 1873,
tome 2, p.46, "car l'homme n'a pas compris sa haute dignité, il
s'est abaissé jusqu'à la brute, et il est devenu semblable
à elle (cf. psaume 48, verset 21). Il [l'Esprit Saint] frappe aussi
cette pierre dans le désert du Paradis (je
l'appelle désert à cause du petit nombre de ses habitants
comparés à ceux de l'Enfer) et nous obtient en grande
abondance les eaux de la grâce, qui remontent ensuite vers leur source
et nous emportent avec elles dans la vie éternelle."]