JesusMarie.comSaint Robert Bellarmin
Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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TROISIÈME CONTROVERSE GÉNÉRALE
LE SOUVERAIN PONTIFE
(pdf latin, tome 1, p.451-535)

2017 09 28 à 20h34 début
LIVRE 2 De Successionne Romanorum Pontificum in Primatu

CHAPITRE 1 : On propose une question : saint Pierre a-t-il été à Rome ? Y est-il mort évêque de Rome ?

 Après avoir traité de ce qui permet d’expliquer la primauté de saint Pierre, et de la démontrer, nous en venons maintenant à la primauté apostolique de ses successeurs.   Comme le droit de succession des pontifes romains est fondé sur le fait que saint Pierre, sur l’ordre du Seigneur, établit son siège à Rome, et y pontifia jusqu’à sa mort, la première question qui se pose est la suivante : Saint Pierre a-t-il été vraiment évêque de Rome ? A-t-il jamais transféré son siège ailleurs ?
 Plusieurs  hérétiques de notre époque mettent en doute ce qui a été cru constamment par toute la terre pendant 1500 ans, à savoir que saint Pierre ait été évêque de Rome, et qu’il ait rendu l’âme à son Seigneur par le martyre de la croix.  Les uns s’expriment avec retenue, d’autres avec impudence.  Le premier, à ce que je sache, qui enseigna que saint Pierre n’avait pas été évêque de Rome, et qu’il n’avait même jamais vu Rome, fut Guillaume, le précepteur de Jean Wiclef, comme le Vaudois Thomas le rapporte (dans son livre 2 sur la doctrine de la foi, article 1, chapitre 7). C’est lui qu’a suivi le luthérien Uldéric Velenus, qui écrivit un livre entier sur ce sujet.  Il croit présenter 18 raisons persuasives (comme il les appelle lui-même), pour prouver que Pierre n’a jamais mis les pieds à Rome; et que c’est à Jérusalem, non à Rome, que saint Pierre et saint Paul ont été mis à mort. Et il déclare à la fin de son livre, que pour ce service rendu à l’Église, il mérite  la récompense d’une couronne incorruptible.  Surement, si Dieu couronne les mensonges, il recevra, à n’en pas douter, une couronne imputrescible.
 Illyricus (dans son livre contre la primauté du pape) écrit : « La démonstration est convaincante : saint Pierre n’est pas allé à Rome ». Jean  Calvin (livre 4 des institutions, chapitre 6, verset 15), après avoir montré que la chose était douteuse,  conclut ainsi : « Cependant, en raison du consensus des écrivains, je ne conteste pas qu’il soit vraiment mort à Rome.  Mais, qu’il ait été évêque à Rome, et surtout pendant une longue période de temps, je n’arrive pas à me le persuader. »  Les Magdebourgeois disent des choses semblables (dans centurie 1, livre 2, chap 10, col 561).
 Il est à noter qu’il y a quatre choses qui sont mises en doute.   Pierre a-t-il été à Rome ?  Est-il mort à Rome ?   A-t-il évêque de Rome ? A-t-il changé de siège après avoir reçu celui de Rome ?  De ces quatre, seul le dernier est requis nécessairement et suffit à constituer le primat du pontife romain.  Voilà la raison pour laquelle Calvin s’est peu soucié des trois premiers, mais au sujet du quatrième, il ne voulut pas en démordre.  Car le premier n’est pas requis et ne suffit pas du tout, cela n’est que trop évident, car beaucoup d’évêques sont venus à Rome, sans jamais devenir évêques de Rome. Et il y eut même un certain nombre de papes qui n’allèrent jamais à Rome, comme Clément 5, Jean 22, Benoit 7, Clément 6, et Innocent 6.   C’est en Gaule qu’ils furent sacrés pape, et c’est là qu’ils demeurèrent.
 Que le deuxième ne soit pas requis ni ne suffise, plusieurs pontifes romains l’ont attesté en mourant en dehors de Rome.  Comme Clément 1, qui mourut dans le Pont, Pontien en Sardaigne, Jean 1 à Ravenne, Agapet à Constantinople, Innocent 111 à Pérouse, Innocent 4 à Naples, Jean XX à Viterbe, et d’autres ailleurs.   C’est ce qu’attestent plusieurs évêques qui sont morts à Rome sans être, pour autant, évêques de Rome.
 La troisième est requise mais ne suffit pas. On le déduit de ce que saint Pierre, qui fut d’abord évêque d’Antioche, a transféré ensuite son siège à Rome, sans que l’évêque d’Antioche ait pour autant acquis le droit de revendiquer le premier rang.  Le quatrième donc seul est requis et suffit.  Mais comme tous sont vrais, nous les démontrerons tous  par des arguments appropriés.
                                      CHAPITRE 2
                                 Pierre a été à Rome
 Nous le prouverons d’abord par un témoignage de saint Pierre, qui s’exprime ainsi à la fin de sa première épitre : « L’Église rassemblée à Babylone vous salue, et Marc mon fils. »  Le premier témoin est saint Jérôme (dans son livre des hommes illustres, au mot Marc). Il s’exprime ainsi : « Dans sa première lettre, Pierre désigne Rome sous le nom de Babylone. » C’est de la même façon que commentent ce texte Oecumenius et Bède le vénérable, et tous ceux qui ont expliqué cette épitre.  De plus, saint Jean, dans l’apocalypse, donne souvent le nom de Babylone à Rome, comme Tertullien l’a noté (livre 3 contre Marc, et livre contre Jude).  La ville de Rome est indiquée clairement (chap 17) dans l’apocalypse, où l’on lit que «  Babylone est assise sur sept montagnes, et a l’empire suprême sur les rois de la terre ». Car, il n’y eut pas, au temps de saint Jean,  une autre ville qui exerçât l’empire universel, et qui fût assise sur sept collines.  Les adversaires, d’ailleurs, accusent souvent  Rome d’être  la Babylone de l’Apocalypse. Luther lui-même a écrit un livre entier sur la captivité de Babylone; et les Magdebourgeois ne reçoivent l’apocalypse parmi les livres divins que parce que, dans ce livre, on dit beaucoup de choses contre Rome sous le nom de Babylone.  Voir centurie 1 (livre 2, chapitre 4, colonne 56).
 Velenus réplique : « Il n’y a eu que deux vraies Babylone, l’une chez les Syriens, et l’autre en Égypte, qu’on appelle maintenant le Caire.  Il s’ensuit donc que ce n’est pas de Rome que saint Pierre a écrit, mais de l’Assyrie, ou de l’Égypte. »  Velenus parle pour ne rien dire. Car, saint Pierre ne parle pas de la Babylone proprement dite, mais de celle qu’on appelle métaphoriquement Babylone, comme nous le démontrons à partir d’un grand nombre de commentateurs, qui ont certes plus de poids que le seul Velenus. D’autant plus qu’il ne peut pas citer un seul écrivain qui l’appuie !  D’ailleurs, que Velenus nous réponde : s’il n’exista pas de Babylone en dehors de l’Assyrie et de l’Égypte, quelle est donc cette Babylone qui, dans l’Apocalypse, détient l’empire sur tous les rois de la terre ? Cela ne correspond surement ni à l’Assyrie, ni à l’Égypte !
 Mais Velenus insiste : « Si, dans l’épitre de saint Pierre, on entend Rome par Babylone, comme dans l’apocalypse de saint Jean, ils ont donc raison tous ceux qui quittent l’Église romaine. Car, dans l’apocalypse (18) nous lisons : « Elle est tombée Babylone la grande ! Elle est devenue une demeure de démons, et la gardienne de tous les esprits immondes. »  Et de nouveau : « Sortez de cette ville, mon peuple, pour ne pas participer à ses manquements, et pour ne pas être contaminés par ses virus ! » Je réponds que ce n’est pas l’Église romaine qu’on appelle Babylone, mais la ville de Rome du temps de saint Jean.  Car, comme l’explique Tertullien (livre 3 contre Marc), comme la vraie Babylone était la tête de l’empire, et avait pour roi Nabuchodonosor, qui persécutait le peuple de Dieu et l’amenait en captivité, de la même façon, la ville de Rome, au temps des apôtres, était la tête de l’empire, et avait un Néron comme empereur, qui persécutait farouchement l’Église de Dieu.
 Saint Jean a prédit que cette Babylone serait saccagée, parce que l’empire romain devait être détruit.  Nous savons que cela s’est réalisé presque au complet.  Car, les Goth, les Vandales, les Huns, les Lombards n’ont-ils pas réduit l’empire romain à presque rien ?  Cette même Babylone il l’appelle la demeure des démons, et la gardienne de tous les esprits immondes, parce que, comme le dit saint Léon (sermon sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul) : « Quand elle était dominée par tous les Gentils, elle a partagé les erreurs de tous les Gentils. »  Et, au sujet de : « sortez de la ville », il s’agit d’une invitation à sortir non avec son corps, mais avec son cœur, comme saint Augustin l’explique (dans collatione  3 sur le bréviaire).  Ce que commande saint Jean c’est que les saints ne se joignent pas aux païens et aux idolâtres par une ressemblance de mœurs et de vie, même s’il leur est permis d’habiter dans la même ville qu’eux. Il appert, d’ailleurs, que ces paroles de saint Jean n’ont jamais fait sortir les chrétiens de la ville de Rome !
 Voilà pourquoi saint Jérôme (dans l’épitre à Marcella qu’il exhorte au nom de Paula et d’Eustoche, à sortir de la ville pour se rendre à Bethléem,) après avoir cité contre Rome ces paroles de l’apocalypse, ajoute tout de suite après : « La sainte Église est là, là sont les trophées des apôtres et des martyrs, là a été prêchée la foi par l’Apôtre, et foulée aux pieds la gentilité, là chaque jour le nom chrétien s’élève toujours plus haut. »  Par ces paroles, il enseigne que ce n’est pas contre l’Église romaine que saint Jean a parlé, mais contre la gentilité romaine.  Et (dans son livre 2 contre Jovinius, vers la fin), il parle ainsi de Rome : « Je parle de toi qui, par la confession du Christ, a effacé le blasphème écrit sur ton front. »
 On le prouve, ensuite, par les actes des apôtres et l’épitre aux Romains.  Ces écrits nous révèlent que, à Rome, il y avait beaucoup de chrétiens, et même une église nombreuse et florissante, avant que saint Paul n’y aille.  Je demande donc : qui a fait ces chrétiens, si saint Pierre n’est jamais venu à Rome ?  Car, que Pierre ait été le premier à prêcher aux Romains, et qu’il ait fondé une église avant la venue de saint Paul, plusieurs anciens en témoignent.  Que ce soit un autre qui ait fait cela, on ne peut le démontrer par aucun argument solide.  Il est certain que saint Irénée écrit que l’Église de Rome a été fondée par saint Pierre et saint Paul, c’est-à-dire, par saint Pierre d’abord, et ensuite par saint Paul.  Eusèbe (livre 2 de l’histoire de l’Église, chapitre 14), dit, parlant de Pierre : « Par le verbe de la prédication salutaire, Pierre fut le premier, dans la ville de Rome, à ouvrir, par les clefs de son évangile, la porte du royaume céleste. »  Arnobe ( livre 2 contre les Gentils, dit que Rome « s’est convertie au Christ, parce qu’elle a vu le quadrige igné de Simon le magicien dégonflé par la bouche de Pierre, dès qu’il invoqua le nom du Christ »
Épiphane (hérésie 27, qui est celle de Carpocrate) : « Pierre et Paul furent les premiers à Rome. »  Saint Jean Chrysostome (dans le psaume 48) : « Parce que c’est le pêcheur Pierre qui occupa principalement  la ville de Rome, il y resplendit, même après sa mort, plus lumineux que le soleil. »  Paul Orose (livre 7 de l’histoire, chapitre 6) : « Au début du règne de Claude, l’apôtre Pierre de notre Seigneur Jésus-Christ vint à Rome et il enseigna, par une parole fidèle, la foi salutaire à tous, la démontra par des vertus très puissantes, et c’est à partir de là que commencèrent les chrétiens de Rome ».  Saint Léon (sermon sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul), enseigne : « Quand, pour imprégner tout l’univers de l’évangile, les apôtres se partagèrent les provinces, le bienheureux Pierre, le prince de l’ordre apostolique, fut destiné à la citadelle de l’empire romain. »  Theodoret (épitre aux Romains, chapitre 1 ) : « Le grand Pierre est le premier à leur (romains) avoir présenté la doctrine évangélique. » Saint Grégoire de Tours (histoire, livre 1, chapitre 25), dit d’abord que saint Pierre est venu à Rome sous Claude.  Il ajoute ensuite : « Depuis ces jours-là, des chrétiens commencèrent à exister dans la ville de Rome. »
L’empereur Théodose (catéchèse 1 sur la sainte trinité et la foi) : « Tous les peuples que régit l’empire de notre clémence, nous voulons qu’ils se conservent dans la religion que saint Pierre a apportée aux Romains, et qui perdure jusqu’à maintenant. »   Ajoutons la divination de la sibyille Erytraea.  Elle avait prédit que « la ville de Rome serait assujettie non par le glaive et la guerre, mais par le filet d’un pêcheur ».  Nicolas Sanderus rapporte cette prophétie, (livre 7 de la visite du monarque, page 250).  Velenus répond que c’est après la passion du Christ, au temps de Tibère, que les chrétiens ont commencé à exister à Rome, comme le rapportent Orosius (livre 7 de son histoire), Tertullien dans son apologie,  Platina dans la vie du Christ, et Tranquillus  dans la vie de Tibère.  Il s’ensuit donc de tout cela que ce n’est pas par Pierre que l’Église de Rome a été fondée, puisqu’il n’y est venu qu’au temps de Claude.  Ajoutons en faveur de Velenus, le témoignage de saint Clément (livre 1 dans les reconnaissances), où nous lisons que Barnabée a prêché à Rome au temps de Tibère. Dorothée de Tyr, après l’avoir lu, a enseigné que Barnabée est le premier à avoir prêché à Rome.
Je réponds que c’est faux qu’il y ait eu des chrétiens au temps de l’empereur Tibère, et que c’est archi vrai que, comme le racontent les pères, saint Pierre ait été le premier à prêcher aux Romains, et ce, au temps de Claude.  Car, des quatre auteurs cités par Velenus, deux, parmi les plus anciens, ne disent rien de tout cela. Velenus ment froidement. Même si, dans la préface, il jure sur son âme de parler franchement, de ne vouloir par aucun mensonge et par aucune fraude, farder la vérité.  Tranquillus, dans la vie de Tibère, ne se souvient en rien des Chrétiens.  Mais, dans la vie de Claude, il dit que, sous l’impulsion du Christ, les Juifs séditieux  furent expulsés de Rome par Claude. Voilà qui favorise notre opinion, car nous soutenons, nous,  que c’est au temps de Claude que les Chrétiens ont commencé à  exister.  Tertullien, dans son apologie, dit plutôt le contraire de ce que Velenus lui fait dire. Car, il rapporte que, de la Palestine, Pilate a écrit à Tibère au sujet de la résurrection du Christ, et qu’il était considéré comme dieu par plusieurs; et que Tibère avait référé la chose au sénat, pour qu’ils décident s’il convenait de recevoir le Christ parmi les dieux; que le sénat avait refusé parce que, comme l’écrivait Pilate,  le peuple le considérait déjà comme Dieu avant qu’il ait été consacré par le sénat.  De ce récit, on ne peut déduire qu’il y avait déjà à Rome des chrétiens, mais plutôt qu’il n’y en avait pas.  Car, s’ils y étaient, Tibère aurait d’abord connu par eux ce qu’il apprit par une lettre de Pilate.
De plus, Orosius, qu’a suivi Platina, ajoute, aux paroles de Tertullien, que le sénat avait décrété qu’il fallait chasser les chrétiens de la ville. On ne peut pas comprendre la décision du sénat  au sens où il y aurait eu alors des chrétiens dans la ville de Rome, car le même Orose (dans le même livre 7) enseigne clairement qu’il n’y a eu des chrétiens à Rome qu’après la venue de saint Pierre; que Pierre est venu sous Claude.  Voici donc quel était le sens du décret du sénat : il ne fallait en aucune façon accueillir la religion chrétienne, et chasser de Rome les chrétiens qui y viendraient.  Mais cet édit n’eut aucune force, car comme le rapporte Orosius au même endroit,  Tibère a imposé des sanctions aux accusateurs des chrétiens.
Au sujet de Barnabée, je réponds qu’il n’est pas vraisemblable que Barnabée ait prêché à Rome au temps de Tibère, car il est établi qu’aucun d’eux n’a osé prêcher aux Gentils avant que Pierre (actes 10, et 11) ne soit averti de le faire par une vision céleste.  Et, à cette époque, Barnabée fut  le compagnon assidu de saint Paul jusqu’à la fin du concile de Jérusalem, comme on le voit dans les actes des apôtres (11. 12. 13. 14. 15). Et pendant tout ce temps, lui et Paul n’allèrent pas une seule fois à Rome.  Or, on célébra le concile de Jérusalem dix-huit ans après la passion de Jésus, et 13 ans après la mort de Tibère (comme on peut le voir dans l’épitre aux Galates, 1 et 2).  Barnabée n’est donc pas venu à Rome au temps de Tibère.  Ajoutons que ces livres des reconnaissances sont considérés comme des livres apocryphes.  Ensuite, la synopsis attribuée à Dorothée de Tyr est pleine de récits abracadabrants  et de mensonges.  Car (pour omettre le reste), par quelle raison peut-on défendre un auteur qui compte parmi les 72 disciples un eunuque de la reine d’Éthiopie, celui-là même qui avait parlé avec Philippe après l’ascension du seigneur;  qui fait de Junie un évêque, alors qu’il est certain qu’elle était une femme; et qui fait du César dont parle Paul aux Philippiens un disciple du Christ et un évêque, bien que, de toute évidence, il s’agisse de l’empereur Néron ?
Ajoutons enfin, que même si nous recevions les reconnaissances de Clément  et la synopsis de Dorothée, Velenus n’aurait rien à y gagner.  Car le même Clément que suit Dorothée, raconte ailleurs que Barnabée ne rapporta aucun profit à Rome, et qu’il s’en retourna tout de suite après avoir prononcé, sans fruit, son premier sermon.
Troisièmement, on le prouve par l’histoire de l’évangile de saint Marc. Les auteurs les plus sérieux écrivent tous unanimement que saint Marc a composé son évangile à Rome, comme il avait entendu saint Pierre le prêcher.  C’est, par exemple ce que rapportent Eusèbe (livre 2 de son histoire, chapitre 15) en citant Papias et Clément d’Alexandrie), saint Jérôme (les hommes illustres, au mot Marc), le pape saint Damase (dans la vie de saint Pierre). Isidore raconte la même chose dans la vie de saint Marc, et Adon dans sa chronique de l’année 45.   Enfin, Tertullien (livre 4 contre Marcion) dit que c’est à saint Marc que Pierre confia la tâche d’écrire l’évangile, parce qu’il était l’interprète de saint Pierre, et son disciple, comme c’est à saint Luc que saint Paul a mandé le sien.
Velenus répond. Ont été trompés tous ceux qui ne se sont pas rendu compte qu’il y a eu deux Marc, un qui s’appelait Jean Marc, dont on fait mention dans les actes des apôtres (chapitres 12 et 15), et un autre dont parle saint Paul dans l’épitre à Philémon.  Le premier de ces deux Marc est celui qui a écrit l’évangile,  qui fut évêque d’Alexandrie, disciple et adepte de saint Pierre, mais qui n’a jamais vu Rome.  L’autre Marc a été le compagnon de saint Paul, mais n’a écrit aucun évangile.  Les anciens pères ont donc attribué à un seul ce qui se rapporte aux deux; et c’est la raison pour laquelle ils sont tombés dans l’erreur de penser que saint Marc avait écrit l’évangile à Rome.
Mais notre Vélénus commet trois péchés. Le premier. Il pense que Marc Aristarque désigne une seule personne, alors qu’il y en a manifestement deux.  Car, voici comment parle saint Paul : « Mon compagnon de captivité Épaphras te salue dans le Christ Jésus, ainsi que Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes coadjuteurs. » Il parle encore plus clairement dans l’épitre aux Colossiens : « Aristarque, mon compagnon de captivité, et Marc surnommé Barnabée. »  Autre observation. Il veut que l’évangéliste Marc ne soit jamais allé à Rome parce qu’il a été évêque d’Alexandrie, comme s’il n’avait pas pu être envoyé de Rome à Alexandrie par saint Pierre.  Ou comme s’il n’avait pas pu voyager d’Alexandrie à Rome, et retourner ensuite à Alexandrie, après avoir quitté Rome.
Il prétend que c’est Jean Marc qui a écrit l’évangile, car ce Jean Marc avait Barnabée pour surnom, et était disciple de saint Paul,  comme on le trouve dans les actes des apôtres (chapitres 12, et 15), et dans l’épitre aux Colossiens (dernier chapitre).  Et il aurait vécu jusqu’à la quatorzième année du règne de Néron, car, dans la dernière épitre que saint Paul écrivit à Timothée, en la quatorzième année du règne de Néron,  son martyre étant imminent, il a ordonné à Marc de venir le trouver.   Or, Marc l’évangéliste et évêque d’Alexandrie a été tué la huitième année du règne de Néron, comme le rapportent Eusèbe dans ses chroniques, et saint Jérôme dans son livre des hommes illustres, au mot Marc.
On peut aussi le prouver par le récit de la victoire éclatante qu’a remportée saint Pierre à Rome sur Simon le magicien. Ce récit nous en avons déjà démontré la véracité par plusieurs témoignages.  Viennent ensuite tous les arguments dont nous ferons le plein dans le prochain chapitre, ceux qui démontrent que c’est à Rome que saint Pierre a subi le martyre.  N’a pas pu mourir à Rome celui qui n’y a jamais été.

                               CHAPITRE 3
                   Saint Pierre est mort à Rome
Ce sont d’abord les sépulcres qui attestent que non seulement saint Pierre est venu à Rome, mais que c’est là qu’avec saint Paul,  il a déposé sa vie pour la plus grande gloire de Dieu.  Car, si saint Pierre et saint Paul ne sont pas morts à Rome, qui a transporté leur corps à Rome ? De quel endroit, quand, et devant quels témoins ?   Ils répondront peut-être que leurs corps ne sont pas à Rome.  Où sont-ils donc, je le demande ?  Il est certain qu’on n’a jamais prétendu qu’ils soient ailleurs.  Il n’est pas, non plus, vraisemblable que les corps des plus illustres apôtres aient été négligés, alors que nous voyons conservés avec le plus grand soin un si grand nombre de corps de saints.   Cet argument Eusèbe le trouva si convaincant qu’il jugea superflu d’en chercher d’autres : « Donc, Néron, pour manifester qu’il était l’ennemi déclaré de la divinité et de la piété, condamna tout d’abord à  mort les chefs et les porte-étendards des apôtres eux-mêmes : Paul, par la décapitation, et Pierre par la crucifixion. Tous les deux dans la ville de Rome.  Je trouve qu’il serait superflu  de chercher des témoignages externes, puisque, encore aujourd’hui,  leurs monuments insignes et splendides en sont les meilleures preuves. »
On peut tirer une autre preuve du consentement unanime et universel de tous les peuples chrétiens.  De tous les pays, en effet, s’organisent des pèlerinages pour venir vénérer les tombeaux de ces deux apôtres.  Voici ce qu’écrit Nicolas 1 dans son épitre à Michael : « De tous les coins du monde, affluent à chaque jour, vers les sépulcres des apôtres, des milliers d’hommes, pour des motifs religieux.  La ville de Rome montre assez clairement que l’Église du Christ est catholique et universelle, puisqu’on y voit toujours auprès des sépulcres de saint Pierre et de saint Paul, un grand nombre d’hommes de toutes les races et de tous les pays ».
Mais les adversaires ne nient pas que, jusqu’à Jean Wiclef, c’est-à-dire jusqu’à peu près 1400 ans, tous les chrétiens étaient persuadés  que Pierre avait vécu et était mort à Rome.  Or, il  n’est en aucune façon croyable que, pendant une si longue période de temps, il n’y eut personne d’assez futé pour détecter cette erreur, si vraiment erreur il y a.  Surtout que cet évènement  que toute la chrétienté a cru si longtemps, ne s’est pas produit en un endroit retiré, en une seconde, et sans témoins, ni ne fut une chose facile à  feindre  et difficile à réfuter.  Car nous disons que saint Pierre a exercé son pontificat à Rome pendant plusieurs années et que, à la fin, après avoir vaincu publiquement Simon le magicien, sur l’ordre d’un empereur tout puissant et très cruel, il a fini sa vie sa vie sur la croix, tête en bas. Comment croire qu’une chose si célèbre et si connue ait été fausse, et que personne n’ait été assez perspicace pour la réfuter avant le quinzième siècle?
Enfin, c’est ce qu’attestent les témoignages des pères de l’Église.  Saint Ignace, qui a vécu au temps des apôtres, le raconte dans l’épitre aux Romains, dont saint Jérôme (dans ses hommes illustres) rapporte la plus grande partie au mot Ignace.  Demandant aux Romains qu’il n’empêche pas sa passion, il dit : « Je ne vous le commande pas comme Pierre et Paul ».  Par ces paroles, il semble faire allusion à la passion de saint Pierre et de saint Paul, qu’ils ont essayé d’empêcher.  Car, en pleurant, ils ont forcé saint Pierre à sortir de la ville, quand Néron le recherchait pour le supplicier. Saint Ignace dit donc : même si je ne peux pas vous donner des ordres, comme le pouvaient Pierre et Paul,  je vous demande de ne pas mettre d’obstacles à mon martyre, comme vous en avez mis à ceux de Pierre et de Paul.
Saint Denys de Corinthe, qui naquit à  la centième année après la mort des apôtres, dit, quand il était à Rome (comme le rapporte Eusèbe, livre2, chap 25, de son histoire) : « Enseignant ensemble dans cette ville, ils ont reçu tous les deux ensemble la couronne du martyre, au même moment. »  Cajus, qui vint cinquante ans après Denys, selon le même Eusèbe, écrit au même endroit : « Je possède, moi, les trophées des apôtres que je montre.  Car, si tu avances dans la voie royale qui conduit au Vatican, ou par la voie d’Ostie, tu trouveras suspendus des trophées, provenant de toutes les parties du monde, tout autour de l’Église romaine ». Égésippe, proche lui aussi des temps apostoliques, raconte l’histoire tout au long (dans le livre 3 de la destruction de Jérusalem, chapitre 2).  Il ajoute à ce que ses prédécesseurs avaient dit que, à sa demande, saint Pierre a été crucifié la tête en bas.  Eusèbe (dans sa chronique, l’an 71 après Jésus-Christ), dit : « En plus de tous ses autres crimes, Néron déclencha une persécution contre les chrétiens, pendant laquelle Pierre et Paul périrent glorieusement »
Théodoret, parlant de Rome dans son épitre au pape Léon : « Elle a les sépulcres des pères de tous les chrétiens, et des docteurs de vérité, saint Pierre et saint Paul, qui éclairent les âmes des fidèles ».  Origène (livre 3 sur la Genèse, comme le rapporte Eusèbe dans son histoire, livre 3, chapitre 2) : « Et Pierre, ayant demeuré jusqu’à la fin dans la ville de Rome, y fut aussi crucifié,  la tête en bas, comme il l’avait demandé lui-même, pour ne pas être mis sur le même pied que son maître. »  Saint Athanase (apologie pour sa fuite) écrit : « Quand Pierre et Paul ont entendu dire qu’ils devaient subir le martyre à Rome, ils ne reculèrent pas devant ce témoignage de foi, mais l’acceptèrent avec joie. »
Saint Jean Chrysostome (homélie 32 sur l’épitre aux Romains) enseigne :  « Quand il darde ses rayons, le soleil ne resplendit pas autant que la ville des Romains,  quand elle répand sur toute la terre la lumière de ces deux lampes. Là ont été traînés à mort Paul et Pierre.  Considérez et admirez le spectacle que Rome verra : Pierre  et Paul ressuscitant subitement de leur tombeau, et étant emportés dans leur course vers  Jésus. »
 Parmi les latins, Tertullien (la prescription des hérétiques ) : « Si tu te rends en Italie, tu as Rome, où l’autorité est à notre portée.  Heureuse église, dans laquelle les apôtres ont répandu toute leur doctrine avec leur sang, où saint Pierre a eu une passion équivalente à celle de son Seigneur, où saint Paul a été couronné par le supplice de saint Jean-Baptiste. » Lactance (livre 4 des institutions divines, chapitre 21) : « En partant, le Christ a révélé à ses disciples les évènements futurs, que Pierre et Paul ont prêchés à Rome. » Et, plus bas : « Quand Néron les mit à mort, Vespasien éteignit le nom et la nation des Juifs.   Il fit toutes les choses que les apôtres Pierre et Paul avaient prédit qu’il ferait. »  Saint Ambroise (dans son discours contre Auxence que l’on trouve dans la lettre 5 : « La nuit, saint Pierre commença à sortir des murs de la ville de Rome, et voyant le Christ se diriger vers lui, franchir la porte et entrer dans la ville, il lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? »  Le Christ lui répondit : « Je vais à Rome pour y être crucifié de nouveau. »  Saint  Pierre comprit que cette réponse divine se rapportait à sa mort à lui. »  Et plus bas : « Rebroussant chemin aussitôt, il honora le Seigneur Jésus par sa mort. »
 Saint Jérôme (dans sa vie des hommes illustres, au mot Pierre) écrit : « Simon Pierre se dirigea vers Rome pour combattre Simon le magicien, et là, pendant 25 ans, et jusqu’à la fin,  il détint la chaire sacerdotale, c’est-à-dire jusqu’à la quatorzième année de Néron. C’est au cours de cette même année qu’il fut cloué à la croix, et qu’il fut couronné par son martyre, ayant été crucifié la tête en bas. »   Saint Augustin (livre 1, chapitre 10, de la constance évangélique) : « Rome commémore et célèbre les mérites de saint Pierre et de saint Paul au jour de leur passion qui est le même, avec une grande solennité. » Maxime (sermon 5 de la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul) : « Pierre et Paul ont subi le martyre dans la ville de Rome, qui devint la métropole et la tête de toutes les nations.  De sorte que là où était la tête de la superstition, la reposerait la tête de la sainteté. »
 Sulpitius (livre 2 de l’histoire sacrée ) : « C’est dans la ville que la religion prit forme, Pierre y détenant l’épiscopat, et Paul ayant été amené à Rome un peu plus tard. »  Et, un peu plus bas : « Pierre et Paul ont été tous deux condamnés à mort. Paul eut la tête tranchée, et Pierre fut élevé sur une croix. »  Paulus Orosius (livre 7 de son histoire ) : « Car Néron fut le premier à Rome à imposer des supplices et la mort aux chrétiens, et cherchant à en extirper le nom, il tua les bienheureux apôtres du Christ, Pierre par la croix, Paul par le glaive ».  Paulin ( sermon 3 sur la naissance au ciel de saint Pierre et de saint Paul ) : « Rome est puissante par les monuments sacrés de ses fondateurs Pierre et Paul. »  Isidore (dans la vie de saint Pierre ) : « Trente-sept ans après la passion du Christ, Pierre a été crucifié par Néron dans la ville de Rome, la tête en bas, comme il l’avait voulu. »  Saint Léon (sermon 1 sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul) : « La fête d’aujourd’hui, en plus de la vénération qui lui est due par toute la terre, doit être honorée par notre ville avec une joie spéciale qui lui est  propre, parce que  c’est là où a été glorifiée la sortie de ce monde des princes des apôtres, que, au jour de leur martyre, doit éclater l’allégresse populaire. »   Saint Grégoire de Tours (livre 1, chapitre 25) : « Néron ordonna que Pierre soit tué par la croix, et Paul par le glaive. »  Saint Grégoire (livre 6, épitre 37) dit, en parlant de Rome : « Pierre a illustré le siège de la ville dans laquelle il a daigné siéger, et finir sa vie présente. »
 Prudence (dans son hymne sur saint Laurent) : « Déguerpis,  Jupiter, adultère,  inceste de ta sœur !  Laisse Rome libre, fuis le peuple du Christ ! Que Paul t’extermine ! Que le sang de Pierre te chasse ! C’est par toi qu’a  fait ce qu’il a fait  le Néron que tu avais armé ! » Arator (à la fin des actes des apôtres) : « Dignes de louanges la croix de Pierre et la couronne de Paul qui ont vaincu les menaces de César, et, dans la citadelle  du tyran ont proclamé les droits de la vérité, et ont vaincu, dans leur combat contre la mort, le tribunal suprême, de peur qu’un faible ennemi ne réclame ces titres. »
 Elpis, la femme de Boèce, dans son hymne sur les apôtres : « O heureuse Rome, qui a été rougie par le sang précieux de si grands princes, ce n’est pas par tes faits glorieux mais par leurs mérites que tu excelles en beauté sur toute la terre ! »  J’en omets une quantité innombrable.  Comme Bède le vénérable, Adom, Freculphum, Bernard et les autres.   Ceux que j’ai cités devraient suffire, car ils ont tous vécu dans les premiers cinq cents ans, d’autant que nos adversaires n’ont pas pu, jusqu’à présent, en citer un seul qui allât dans leur sens.  Ajoutons, enfin, que les auteurs païens, même s’ils ne donnent textuellement pas les noms de Pierre et de Paul, qui étaient pour eux des gens méprisables, racontent, comme les pères de l’église, que Néron fut le premier à condamner les chrétiens à la mort, comme on le voit dans les annales de Tacite (livre 15), et de Suétone sur Néron.
 Tout ce que répond à ces témoignages Velenus c’est ce que quelques-uns des pères ont déjà dit.  Que le Christ ait apparu à Pierre,  à la porte de Rome, et lui ait dit qu’il venait à Rome pour y être crucifié de nouveau, c’est un mensonge horrible et un blasphème contre saint Pierre et  le Saint-Esprit. Car, le Christ ne descendra du ciel qu’au jour du jugement, comme l’atteste l’Esprit Saint par la bouche de saint Pierre (actes 3) : « Que le ciel doit garder jusqu’au temps de la restitution de toutes choses. »   C’est plutôt Velenus qui ment et blasphème en s’efforçant de mettre des entraves aux pieds de Jésus pour qu’il ne puisse pas bouger jusqu’au jour du jugement.  Car, pour omettre les autres apparitions qui sont lues dans des auteurs approuvés,  il est certain que, (actes 9) le Christ  est apparu dans les airs, proche de la terre, à saint Paul.  Que saint Paul ait vu avec ses yeux corporels le Christ présent et tout proche, on le déduit de la lumière qui l’entourait, et de la cécité qui l’a frappé après avoir vu le corps du Christ glorieux, comme on le lit au même endroit, selon le sens obvie des paroles inspirées elles-mêmes.  Car Ananie (9) dit à Paul : « Le Seigneur Jésus m’a envoyé, qui t’est apparu sur le chemin. »  Et, au même endroit : « Barnabée conduisit Paul vers les apôtres, et leur raconta comment il avait vu le Seigneur. » Et saint Paul lui-même : (1 Cor 9) : « Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je pas vu Jésus-Christ notre Seigneur ? »  Et, (1 Corinth 15) : « A la fin, comme à un avorton, il a été vu par moi aussi. »  Il énumère là les témoins de la résurrection, ceux qui avaient vu le Seigneur de leurs yeux corporels, et il se place parmi eux.
 Au passage des actes 3 je réponds.  Ce que Pierre a voulu dire c’est que le Christ ne viendra, publiquement et devant tous les êtres humains,  qu’à la fin du monde. Mais on ne peut pas lui faire dire que le Christ s’interdit toute apparition privée, et qu’il s’est rendu incapable de se montrer à qui il veut.  On peut dire aussi, et peut-être avec plus de probabilité, que Jésus est apparu à saint Paul sans descendre du ciel, car il n’est pas difficile à Dieu de faire en sorte qu’un corps soit présent en plusieurs lieux.
                                        CHAPITRE 4
                         Pierre a été à Rome jusqu’à sa mort
 Il reste deux items qu’on pourra démontrer en même temps. Pierre a vraiment été évêque de Rome, et a retenu son épiscopat jusqu’à sa mort.  Ce qui nous en persuade d’abord c’est la dignité suprême de l’Église de Rome.  Car, toujours, et du consentement de tous, elle a été considérée comme la première et la plus importante, comme Calvin lui-même le reconnait.  On ne peut trouver d’autre raison de cette excellence que la présence du prince des apôtres en tant qu’évêque et pasteur propre de cette église, comme nous l’avons expliqué plus haut dans la vingt-sixième prérogative de saint Pierre.
 De plus, si saint Pierre n’a pas été évêque de Rome jusqu’à sa mort, que nos adversaires nous indiquent l’église où il siégea quand il quitta Antioche.  Que saint Pierre ne soit pas toujours demeuré à Antioche, les antiochiens eux-mêmes le confessent; et la coutume de l’Église le prouve suffisamment, puisqu’elle n’a jamais attribué le premier rang à l’évêque d’Antioche.  Et il n’y a ou il n’y a eu aucune église qui ait prétendu avoir eu saint Pierre comme évêque, à l’exception de celle d’Antioche et de celle de Rome.     Dirons-nous donc que saint Pierre n’a été l’évêque d’aucune église ?  Cela les adversaires ne peuvent pas le dire, eux qui ne veulent pas faire de saint Pierre l’évêque de l’église universelle, mais d’une église particulière, comme l’a été saint Jean à Éphèse, et saint Jacques à Jérusalem.  Qu’ils disent donc à quel endroit saint Pierre a été évêque; et, s’il a été évêque à Rome, et changea ensuite de siège, qu’ils nous disent dans quelle ville il l’a transféré !
 Que se présentent donc le témoignage et le consentement de tous les anciens que Calvin doit accepter s’il ne veut pas se dédire.  Car, c’est lui-même qui a écrit qu’à cause du témoignage unanime des anciens, il ne peut pas nier que saint Pierre soit mort à Rome.  Or, le même témoignage des mêmes anciens nous enseigne que saint Pierre a été évêque de Rome; et jamais aucun d’entre eux n’a raconté le contraire.   D’où vient donc l’impossibilité d’admettre que saint Pierre ait été évêque de Rome ?
 Saint Irénée (livre 3, chapitre 3)  a composé une liste des évêques romains. Il place en premier lieu Pierre et Paul, Lin en second lieu, Anaclet en troisième, et Clément en quatrième, et le reste jusqu’à Éleuthère, qui siégeait alors à Rome.  Il précise en disant que Clément, Sixte et Éleuthère ont succédé aux apôtres; que Clément a été le troisième après les apôtres, Sixte le sixième, et Éleuthère le douzième. Il est clair que, si Pierre n’a jamais été évêque de Rome, on ne peut pas dire qu’ils lui ont succédé.  Tertullien, dans le livre des prescriptions, écrit : « Qu’ils déroulent la lignée de leurs évêques suivant l’ordre de succession, pour savoir si le premier d’entre eux vient des apôtres ou des apostoliques. »  Et plus bas : « Comme l’Église de Rome professe que Clément a été ordonné par Pierre. »  Qu’il ne veuille pas dire que saint Pierre a changé de siège après avoir ordonné Clément, le montre le même  livre où il écrit que saint Pierre est mort crucifié à Rome.  Il laisse entendre que saint Clément a été ordonné par saint Pierre, quand l’heure de sa passion approchait; que c’est après la mort de saint Pierre que saint Clément lui a succédé.
 Saint Cyprien appelle souvent le siège de Rome la chaire de Pierre, ce qu’il ne dirait certainement pas s’il avait pensé que saint Pierre avait choisi un autre siège que celui de Rome. Il écrit (dans le livre 1, épitre 3 à Corneille) : « Ils osent naviguer jusqu’à la chaire de Pierre, jusqu’à l’église principale d’où est sortie l’unité sacerdotale. Ils y apportent des lettres écrites par des schismatiques et par des profanes, et ils ne pensent pas que ce sont des romains, des gens inaccessibles à la perfidie. » Et (au livre  4 de l’épitre 2 à Antonien) : « Cornélius a été fait évêque quand a vaqué le siège de Fabien, c’est-à-dire le siège de Pierre et le lieu de la chaire sacerdotale. »  Eusèbe (dans la chronique, à l’année 44) : « Pierre, galiléen de nation, premier pontife des chrétiens, après avoir d’abord fondé l’église d’Antioche, est parti pour Rome où, prêchant l’évangile, il demeura pendant 25 ans, évêque de cette ville. »  Épiphane (hérésie 27, qui est celle de Carpocrate) : « La succession des évêques à Rome se fit dans l’ordre suivant : « Pierre, Paul, Lin, Clément, Évariste, Alexandre etc. »
 Saint Athanase (dans son épitre sur la vie que doit mener un solitaire) : « N’épargnez aucune révérence, aucun honneur envers Libère, évêque de Rome car c’est là que se trouve le siège apostolique »  Et plus bas, il fait parler Libère comme suit : « Nous n’ avons jamais reçu une telle tradition de la part de ceux qui ont été les auditeurs du bienheureux et grand Pierre. »  Libère nomme ici saint Pierre parmi ses prédécesseurs. Dorothée (dans la synopsis) : « Ce n’est pas sans une providence divine que, à la mort de Félix, Libère fut le seul à présider à l’église romaine, pour que le siège de Pierre ne fut entaché d’aucune infamie. »  Euloge (d’après saint Grégoire, livre 6, épitre 37) dit que, « jusqu’à maintenant, Pierre siège dans ses successeurs. »  Optatus (livre 2 contre Parminius) : « Tu ne peux donc pas nier que tu sais que c’est dans la ville de Rome qu’à Pierre d’abord a été confiée la chaire épiscopale. » Et plus bas, il énumère tous les évêques de Rome, depuis Pierre jusqu’à Siricium, qui siégeait à ce moment.
 Saint Ambroise (dans le livre 3 des sacraments, chapitre 1) : « À la vérité, cet auteur enseigne, comme nous, que l’apôtre Pierre a été prêtre de l’église romaine. »  Saint Jérôme (dans les hommes illustres, au mot Pierre) dit que « Pierre a tenu la chaire sacerdotale de Rome pendant vingt-cinq ans ».  Il dit la même chose dans l’épitre 1 à Damase sur le nom hypostase) : « Je parle au successeur d’un pêcheur, et au disciple de la croix.  Je m’associe à ta béatitude, c’est-à-dire à la communion de la chaire de Pierre. »  Saint Augustin (livre 2, chapitre 51, contre la lettre de Pierre : « Que t’a fait la chaire de l’église romaine, où Pierre siégeait, et où trône maintenant Anastase ? »  Le même (dans les épitres 164 et 165) énumère les évêques romains depuis saint Pierre jusqu’à Anastase.
 Prudence (dans son hymne sur saint Laurent) chante : « À Rome règnent les deux princes des apôtres. L’un est appelé le prédicateur des Gentils; possédant la première chaire, l’autre  rouvre les portes fermées de l’éternité. »  Prospère ( dans son livre de ingr) : « Rome, siège de Pierre, qui est devenue, pour l’univers, la tête de l’honneur pastoral. »  Sulpice (dans le livre 2 de l’histoire sacrée) : « La religion divine s’affermit dans la ville de Rome, pendant que Pierre détenait l’épiscopat. »  Pierre, évêque de Ravenne,  (dans sa lettre à Eutychès, que l’on trouve dans les préambules du concile de Chalcédoine) : « Nous t’exhortons, honorable frère, à accepter avec obéissance ce qui a été écrit par le bienheureux pape de l’église romaine.  Parce que le bienheureux Pierre,  qui vit et préside dans son siège à lui, apporte la vérité de la foi à ceux qui la cherchent. »
 Théodoret (dans son épitre à saint Léon le grand), après avoir dit que Pierre et Paul étaient morts à  Rome, ajoute : « Ce sont eux qui ont rendu votre siège plus illustre, ce qui est le plus grand de vos biens. Leur siège, en effet, Dieu le rendit si illustre et si éminent, quand il a placé votre sainteté sur ce siège qui émet les rayons partout de la foi orthodoxe. »  Isidore (dans la vie de Pierre ) écrit : « Après avoir fondé l’église d’Antioche, il se rendit à Rome, sous l’empereur Claude, pour affronter Simon le magicien. Prêchant là l’évangile, il détint le pontificat de cette ville pendant vingt-cinq ans. »  Bède enseigne la même chose (dans les six âges du monde).  Freculphus (tome 2 des chroniques, livre 1, chapitre 13). Adon de Vienne (dans les chroniques, en l’an 49). Et tous les auteurs plus récents.
 Qu’après l’autorité des pères se présentent les témoignages des anciens pontifes romains,  martyrs ou confesseurs !   Saint  Clément (livre 7 de la constitution apostolique, chapitre 47 ) rapporte que, « quand sa mort  était imminente, Pierre lui avait laissé l’épiscopat romain ».  Anaclet enseigne  (épitre 3) que, « à cause du siège de Pierre, l’église romaine est la tête de toutes les autres églises. »  Marcel  1 dans son épitre à Antioche, écrit : « Le siège de Pierre a été chez vous au tout début, mais, sur l’ordre du Seigneur, il a été transféré à Rome. »  Damase dit sur saint Pierre « qu’il a été évêque pendant vingt-cinq ans à Rome, et qu’il y fut évêque jusqu’à sa mort ».  Innocent 1 ( dans son épitre au concile de Milet. Lettre 93 de saint Augustin). Saint Léon (sermon 1, de la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul).  Gélase (dans son épitre à l’évêque de Lucanes et de Sicile),  Jean 111 (dans son épitre aux évêques d’Allemagne et de Gaule),  Grégoire (livre 1, épitre 33),  Agathon (épitre à l’empereur Constant, Adrien (dans son épitre à Taras), Nicolas 1 (dans son épitre à Michel) et tous les autres qui ont écrit quelque chose, ont affirmé que leur siège était celui de saint Pierre.  Ces témoignages les adversaires ne les reçoivent pas, car ils disent qu’ils ne font que  défendre leur propre cause.  Mais c’est  sans aucune raison valable qu’ils ne les reçoivent pas, parce que ce sont des saints, et  jamais aucun ancien ne les a réprouvés.
 Passons aux témoignages des anciens conciles  qui sont acceptés par les hérétiques de notre temps.  D’abord, le concile de Sarde, composé de trois cents évêques, (canon 3) : « Nous honorons la mémoire du saint apôtre Pierre, et nous voulons que ceux qui ont examiné la cause écrivent à Jules évêque de Rome.  Et s’il juge que doive être renouvelé le jugement, qu’il le renouvelle, et qu’il donne des juges. »  De même, dans le concile d’Éphèse 1(tome 2, chapitre 16), on appelle le pontife romain Célestin « le successeur ordinaire, et le vicaire de Pierre, le prince des apôtres. »  Dans le concile de Calcédoine (acte 2), quand la lettre de Léon a été lue, tous s’exclamèrent : « Pierre a parlé par Léon ! »    Dans l’acte 3, quand on a porté une sentence contre Dioscore, on a dit que c’est par un Léon doté « de la dignité de l’apôtre Pierre », qu’il avait été  déposé.  Et, dans l’épitre à saint Léon, c’est tout le concile qui dit que « Léon a été  le porte-parole de Pierre. » Ce qui revient à dire que Pierre a parlé par Léon.  Ces paroles indiquent clairement que ces 630 pères étaient persuadés que l’évêque romain Léon était le successeur de saint Pierre.
 Dans le concile 5, acte 1 (qui n’est pas le cinquième concile général, mais un certain concile particulier, qui a précédé le cinquième concile général, voir livre 1 des conciles, chapitre 5), le patriarche Menas, président du concile, portant une sentence contre Anthime et les autres hérétiques, dit : « Ils ont méprisé l’Église romaine, dans laquelle est la succession des apôtres, qui a prononcé une sentence contre eux. »  Dans le concile 6 (actes 8), les évêques souscrivent de façons variées à l’épitre d’Agathon. On dit, entre autres : «Je reçois et j’accepte de tout cœur les suggestions qui nous ont été adressées par notre très saint père Agathon, archevêque du siège apostolique et princier de l’antique Rome, comme ayant été dictées par le Saint-Esprit, par la bouche du saint et bienheureux prince des apôtres Pierre, et écrites par le doigt du pape Agathon trois fois béni. »   Dans  ces cinq conciles canoniques, nous avons plus que 1200 évêques en majorité grecs, qui attestent que le pontife romain est le successeur de saint Pierre.
                                         CHAPITRE 5
                  On réfute le premier argument des hérétiques
 Dissolvons les objections de Velenus, qui contiennent les arguments de Calvin et de Illyricus.  La première.   Les auteurs qui disent que Pierre est venu à Rome ne sont pas d’accord entre eux sur le temps où il est venu.  Car, Orosius dit qu’il est venu au début du règne de Claude, saint Jérôme, à la deuxième année de Claude;  le fascicule des temps dit qu’il est venu à la quatrième année de Claude; la passion et la vie du saint, la treizième année de Claude.   Ensuite, on trouve une étonnante diversité dans la liste des successeurs de saint Pierre.  Car, quelques-uns placent saint Clément immédiatement après saint Pierre, comme Tertullien (dans les prescriptions), et saint Jérôme (dans le chapitre 52 d’Isaïe).  D’autres  placent Lin après Pierre, et Clément en troisième lieu, comme Optatus (livre 2 contre Parmenius), et saint Augustin (épitre 165).   D’autres mettent Clément en quatrième lieu, après saint Pierre, saint Lin, et saint Anaclet, comme saint Irénée (livre 3, chapitre 3), Eusèbe (dans chroniques), Épiphane (dans l’hérésie 27), et saint Jérôme (dans les hommes illustres, au mot Clément).  Ajoutons que tous ceux-ci font de Clet et d’Anaclet une seule et même personne.  On ne peut donc rien établir de certain.  Car la discorde entre les auteurs est un indice de fausseté.
 Je réponds d’abord, qu’un désaccord sur le temps de la venue de Pierre à Rome,  s’il existe vraiment, ne saurait infirmer notre thèse sur la venue de Pierre à Rome.  Car, il arrive souvent qu’on soit certain d’une chose, mais non de la manière dont elle s’est produite, ou des accidents qui l’ont accompagnée.  Car tous les chrétiens sont absolument certains que Jésus est mort sur une croix pour nous.  Mais, il y a une grande divergence sur le temps de sa mort.  Tertullien (livre contre les Juifs), Clément d’Alexandrie (livre 1 strom) et Lactance (livre 4 des institutions divines, chapitre 10) enseignent que le Christ est mort la quinzième année de Tibère, à l’âge de trente ans.  Saint Ignace (aux Tral), Eusèbe (dans ses chroniques) et d’autres que c’est à l’âge de 33 ans, la quinzième année du règne de Tibère qu’il a été crucifié.  Onuphrius, Mercator, et plusieurs auteurs récents veulent que le Christ soit mort à l’âge de 34 ans.  Saint Irénée (livre 2, chapitre 39), prétend que Jésus avait atteint l’âge de 50 ans. Ce ne serait donc pas sous Tibère qu’il aurait souffert, mais sous Claude.
 Au sujet du jour et du moins où il est mort, il y a une si grande disparité entre les anciens et les modernes, que la cause semble encore être une question de fait ou de droit toujours pendante.  Voir Clément (livre 1, stromata) qui présente diverses opinions.  Allons-nous nier, pour cela, que le Christ ait souffert ?  Autre exemple.  On sait avec certitude que les années de Daniel ont été accomplies dans la passion du Christ.  Et pourtant, les opinions diffèrent sur le temps où elles commencent, et où elles finissent.  La même chose au sujet des années des rois Perses, des années de Samuel, de Saül et d’autres princes Juifs.   Des années des empereurs et des pontifes, des années du monde, où l’on voit autant d’opinions que de chronologies.  Allons-nous dire, à cause de cela, que les rois de Perse n’ont jamais existé, que Samuel et Saül n’ont pas précédé David, qu’il n‘y eut jamais d’empereurs et de pontifes, que le monde n’a jamais commencé, et qu’il n’a pas duré jusqu’à aujourd’hui ?
 La divergence entre historiens est un signe de fausseté par rapport à ce qui les divise, parce qu’il faut nécessairement qu’il y en ait qui se trompent.  Mais comme la discorde est un signe de fausseté, la concorde absolue existant entre les pères sur la présence de saint Pierre à Rome, est un signe de vérité.  Mais, je réponds qu’il n’y a pas de discorde entre les bons auteurs.  Car Eusèbe (dans ses chroniques), saint Jérôme (dans son livre sur les hommes illustres, mot Pierre), et Adon de Trèves (dans le martyrologue) disent que saint Pierre est venu à Rome la deuxième année de l’empereur Claude.  Orosius n’est pas d’un autre avis puisqu’il dit que saint Pierre est venu à Rome au début du rège de Claude.   Car, si on divise le règne de Claude en trois parties, en début, milieu et fin, la deuxième année, comme tu le vois, appartient au début.  Avec eux sont d’accord tous les auteurs qui affirment que saint Pierre est demeuré à Rome pendant vingt-cinq ans, et qu’il est mort la quatorzième année de Néron.  Comme saint Damase, saint Isidore, Bède le vénérable,  Freculphus, Adon de Vienne, et les autres cités plus haut.  On ne peut pas compter 25 années jusqu’à la quatorzième année de Néron, sans commencer le calcul à la deuxième année de Claude.
 De plus, nous avons de bonnes raisons de mépriser le fascicule des temps, surtout parce que ce fascicule a suivi Marianus Scotus, qui milite ouvertement contre lui et contre la vérité.  Car, Marianus Scotus dit dans sa chronique, que Pierre est venu à Rome à la quatrième année de Claude,  qu’il est mort la dernière année de Néron, et qu’il a quand même siégé à Rome pendant vingt-cinq ans et deux mois, toutes choses incohérentes.  Car, Claude a régné en tout 13 ans, 9 mois, dix jours.  Néron, lui, a régné 13 ans, 7 mois et 28 jours, comme l’attestent Dion Cassius, Stevenio Tranquillo,  Eusèbe et même Mariano Scot.    Le fait que, dans les chroniques  d’Eusèbe, on attribue 14 ans, 7 mois, et 28 jours à Néron, est manifestement une faute de copistes, car, quand on compte toutes les années l’une après l’autre on n’en trouve que 13.  Car, si on additionne  les années de règne de Claude et de Néron, on n’obtient pas une somme plus élevée que 27 ans, 4 mois, et 18 jours.  Voilà les années que Marianus Scotus veut que se soient écoulées avant que Pierre ne vienne à Rome. Il y a 23 ans de trop et onze mois.  Donc, ou Pierre est mort après Néron, ou il n’est pas demeuré 25 ans à Rome.
 En ce qui a trait à l’autre partie de l’argument, de la succession de quatre premiers pontifes, même si nous ignorions totalement qui a succédé à Pierre, on ne douterait pas, à cause de cela, que quelqu’un lui ait succédé.  Exemple.  Il y a un grand débat, entre les commentateurs de l’Écriture,   au sujet du mari d’Esther. Était-ce Assuérus le Mède, Cambyse le Perse, Darius Histapis, Artaxerses aux longues mains, ou Mnemon ?  Personne n’a jamais douté à cause de cela qu’Esther ait eu un mari.
  Je réponds, ensuite, qu’il est possible de tout accepter et de tout expliquer.   L’apôtre Pierre, quand sa passion devint imminente, a laissé son siège apostolique à Clément.  Cela, de graves auteurs l’attestent :  Tertullien (les prescriptions), saint Jérôme (livre 1 contre Jovinien), Jean 111 (dans sa lettre dans sa lettre aux évêques d’Allemagne et de France), et saint Clément lui-même, (livre 7 de la constitution apostolique, chapitre 37), Anaclet (épitre 1), Alexandre, épitre 1, et Damase (dans la vie de Pierre).  Ensuite, après la mort de saint Pierre, saint Clément ne voulut pas siéger sur le siège apostolique,  tant que vécurent Lin et Clet, qui avaient été les coadjuteurs de Pierre dans son ministère épiscopal. Voilà pourquoi le premier successeur de saint Pierre ne fut pas saint Clément, mais saint Lin.  Nous l’apprenons cela d’abord, d’Épiphane, (hérésie 27) qui raconte avoir appris des vieux que saint Clément aurait refusé le siège, tant que vivraient Lin et Clet. Nous l’apprenons ensuite de cette ambiguïté même. Car si, Clément, Lin ou tout autre, avait succédé à Pierre sans aucune complication, la question ne se poserait certainement pas du premier successeur de Pierre.   Comme il n’y  eut jamais de doute au sujet du premier successeur de saint Jacques à Jérusalem, ou de Marc à Alexandrie, ou de Pierre à Antioche.
 Mais parce que, à Rome, après la mort de Pierre, une contestation eut lieu par l’humilité, il fallait que l’un ait été le successeur de Pierre, et que l’autre devait l’être.  Cette succession n’est donc enveloppée d’aucune obscurité.  À partir de ce qui a été dit, on peut concilier les auteurs qui mettent Clément avant Lin ou Lin avant Clément.  Car, quand Irénée, Eusèbe, Épiphane, Optatus, Augustin, Jérôme disent que c’est Lin qui a succédé à Pierre, ils disent la vérité, mais ils ne nient pas que cela se soit  fait parce que saint Clément avait refusé l’épiscopat.  Tertullien, Jérôme et Ruffin et les autres qui racontent que saint Pierre a laissé saint Clément comme son successeur, disent une chose vraie, mais ils ne nient pas que saint Clément ait refusé cet honneur.
 Ne m’émeut davantage pas non plus le fait que le pontifical de Damase, que Sophrone et Siméon metaphraste racontent, dans la vie de Lin, que Lin soit décédé avant saint Pierre. Sophrone et Siméon, en effet, sont plus récents, et le livre pontifical attribué à Damase est d’une autorité douteuse à ce sujet.   Mais les auteurs qui écrivent que Lin a succédé à Pierre, sont plus anciens, plus nombreux et plus crédibles.  Car c’est après Lin qu’il faut placer Clet ou Anaclet, après lequel il faut placer saint Clément, au quatrième rang.  Les auteurs sont Irénée, Eusèbe, Épiphane, Jérôme, ainsi que le plus vieux canon de messe, où nous lisons Lin, Clet, Clément.  Ensuite, saint Ignace (dans sa lettre à Mariam Zarben) écrit que saint Clément a succédé à Clet.  Après Clément, un autre Anaclet doit, sans aucun doute, être ajouté, comme l’ajoutent Optatus, saint Augustin, et saint Damase, et d’autres.
 Car, il y a eu deux Anaclet dont l’un était dit Clet, même si, à cause de la similitude de leurs noms, beaucoup d’auteurs anciens n’en n’ont vu qu’un. C’est l’autorité de l’Église catholique qui, d’abord, qui  nous le persuade, elle qui a établi deux fêtes différentes en leur honneur : celle de Clet au mois d’avril, et celle d’Anaclet, au mois de Juillet.  Clet a été un romain, et fils d’Émilien; Anaclet, un Athénien, et fils d’Antioche.  Il n’est pas croyable que l’Église se soit trompée dans une chose de cette importance.  Nous le déduisons aussi du fait que certains auteurs anciens placent Anaclet avant Clément, comme Ignace, Irénée, Eusèbe.  D’autres le mettent après, comme Optatus, Damase, saint Augustin.  Voilà qui nous présente un argument en faveur de deux Anaclet.  Le premier Anaclet, on avait l’habitude de l’appeler Clet.  D’où il appert que le pontife que certains appelle Anaclet (comme Ignace, Irénée et Eusèbe)  d’autres l’appellent Clet (comme Épiphane, Jérome et Damase, Jean 111 et le canon de la messe.)
 Il ne faut pas se surprendre de ce que, à cause de la similitude des noms, certains anciens n’ont vu dans ces deux Anaclet, qu’un seul et même pontife.  Ne voit-on pas les Grecs confondre Novat et Novatien, bien qu’il soit certain que Novat ait été un carthaginois, et Novatien un prêtre romain.  Et Eusèbe et Nicéphore de Constantinople firent de Marcel et Marcellin un seul personnage, dans leurs chroniques, alors qu’il est prouvé qu’ils furent deux personnages différents.

                                   CHAPITRE 6
                      On réfute le second argument
 Velenus, comme Calvin et les Magdebourgeois, est persuadé que saint Pierre n’a pas pu venir à Rome avant 18 années après la passion de notre Seigneur Jésus-Christ.  Car, quand eut lieu le concile de Jérusalem, saint Pierre était encore en Judée.  Or, ce concile fut célébré 18 ans après la passion de Jésus-Christ, comme le rapporte saint Jérôme (chap.2  Galat). Car, trois ans après sa conversion, saint Paul est venu à Jérusalem pour rencontrer saint Pierre (Gal. 1).  Après quatorze autres années, il est retourné à Jérusalem pour participer au concile Gal 2).  Si, à ce nombre d’années, tu ajoutes une année qui s’est écoulée depuis la passion du Seigneur jusqu’à la conversation de saint Paul, tu obtiens le chiffre 18.
 Ajoutons ce que l’on dit : que Pierre est demeuré cinq ans en Judée, sept ans à Antioche, et pendant plusieurs autres années dans le Pont, dans la Galatie, dans la Cappadoce, l’Asie, et la Bythinie.  Il n’allait certainement pas dans ces endroits pour ne prêcher qu’une seule journée.  On peut donc en conclure que 18 ans se sont bien écoulés avant que saint Pierre ne mette le pied à Rome.   De plus, si saint Pierre était venu à Rome avant l’an 18, il serait certainement venu la deuxième année du règne de Claude,  comme nous l’avons dit plus haut, ce qui est impossible.  Car, en cette année, saint Pierre n’était pas encore libéré des chaînes avec lesquelles Hérode l’avait écroué, puisque cette libération s’est produite la troisième année du règne de Claude, comme on l’apprend par Luc (actes 12), et Josèphe (livre 19 des antiquités, chapitre 7).  Et aussi par le Christ, car il avait demandé à ses apôtres de ne pas quitter Jérusalem avant douze ans, comme Eusèbe le rapporte en citant la martyre Thrasea (histoire de l’église, livre 5, chapitre 18).  Or, la douzième année après la résurrection du Christ correspond à la troisième année du règne de l’empereur Claude.  Pierre n’est donc pas venu à Rome la deuxième année du règne de Claude, mais après la neuvième, qui était la dix-huitième après la passion du Christ.
 On dit que Pierre a siégé à Rome pendant vingt-cinq ans.  C’est ce que rapportent Damase, Eusèbe, Jérôme, et d’autres.   Il a donc vécu jusqu’à la quarante-troisième année après la passion de Jésus-Christ.  Mais alors, Néron était déjà mort, et même Galba, Otho, et Vitellius.  C’est Vespasion qui était l’empereur en cette année-là.   Pierre est donc mort au temps de Vespasien.  Mais Vespasien fut le plus doux des empereurs.   Il ne tua aucun chrétien à Rome, comme tous l’attestent.  Voir Tertullien (apologie, chapitre 5) et saint Augustin (la cité de Dieu, livre 3, chapitre 31), Eusèbe, Sulpice, Orose, et tous les autres historiens.  Pierre serait donc mort ailleurs qu’à Rome.
 Je réponds, d’abord, que même s’ils s’étaient trompés les pères qui ont affirmé que saint Pierre avait siégé à Rome pendant vingt-cinq ans,  il n’en résulterait pas que Pierre n’ait jamais siégé à Rome, comme nous l’avons démontré par plusieurs arguments.  Mais il n’est pas nécessaire de faire cette concession.  Car il est vraiment demeuré vingt-cinq ans à Rome et sept ans à Antioche, et tout concorde.   Car voici quelle est la brève histoire véridique  de la vie de saint Pierre.
Pierre demeura environ cinq ans en Judée.  Voilà pourquoi il fut facile à saint Paul d’aller rencontrer saint Pierre en Judée.  Eusèbe a raison de placer l’entrée de saint Pierre à Antioche à la cinquième année après la passion du Seigneur. Ce récit ne répugne pas à la tradition de la martyre Thrasea, car le Seigneur n’a pas ordonné à tous ses apôtres de ne pas quitter Jérusalem avant douze ans. C’est ce que nous fait comprendre les actes des apôtres (chapitres 8, 9, 10).  Nous y lisons que Pierre est allé en Samarie, en Lyddie, à Joppé, à Césarée, avant d’être enchaîné. Avant donc la douzième année.  Mais il est vrai qu’il ne fallait pas que tous partent, qu’il y ait toujours à Jérusalem un ou quelques apôtres pour rendre témoignage aux Hébreux.  Pierre est donc parti de la Judée la cinquième année après la passion du Seigneur, pour se diriger vers la Syrie, établir son siège à Antioche, et demeurer à peu près sept ans évêque de cette ville.
 Mais il ne faut pas conclure de cela qu’il n’est jamais sorti d’Antioche.  Il a très bien pu, pendant ces années, parcourir les provinces voisines, le Pont, l’Asie, la Galatie, la Cappadoce et la Bythinie.  Et c’est de là que, à la septième année de son épiscopat d’Antioche, qui était la onzième après la passion de Jésus-Christ, il retourna à Jérusalem.  Et c’est dans cette ville que, arrêté par Hérode, il fut jeté en prison le jour des Azymes (actes 12), et libéré peu après par un ange.  Et, la même année,  qui était la deuxième du règne de Claude, il vint à Rome, y fixa son siège, et y poursuivit son ministère pendant vingt-cinq ans.
Mais, il ne demeura pas à Rome pendant toutes les années où il y  fut évêque.  Il retourna à Jérusalem, après avoir été expulsé de Rome avec les autres Juifs.  Car Luc écrit (actes 18) que l’empereur Claude expulsa tous les Juifs de la ville.  Suétone écrit la  même chose dans la vie de Claude.  Joseph aussi, d’après Orosius, et Orosius lui-même (livre 7 de son histoire).  Ils disent tous que cela s’est passé à la neuvième année de Claude, c’est-à-dire à la dix-huitième année après la passion du Christ.  Quand ceux qui étaient à Antioche entendirent dire que Pierre était venu à Jérusalem, ils lui envoyèrent Paul et Barnabée, et c’est alors qu’a eu lieu le concile de Jérusalem.   Après la mort de Claude, Pierre est retourné à Rome, et c’est là qu’il finit sa vie.
 Ne s’oppose pas à notre reconstitution historique  le fait que saint Pierre ait été écroué à Jérusalem un peu avant la mort d’Hérode, puisqu’on  déduit des actes des apôtres (chap 12), et des antiquités de Joseph (livre 19, chapitre 7) qu’Hérode est mort la troisième année de Claude.    Car, saint Luc (actes 12) ne dit pas que saint Pierre a été écroué un peu avant la mort d’Hérode.  C’est plutôt le contraire qu’il dit, car il raconte qu’après la libération miraculeuse de saint Pierre, Hérode est parti à Césarée, et qu’il y est demeuré.  Ce séjour indique une plus ou moins longue durée de temps, un an, au minimum.   Le même saint Luc rapporte la mort d’Hérode, tout de suite après le meurtre de Jacques et l’emprisonnement de Pierre,  comme étant une punition pour le péché commis envers les apôtres du Seigneur.
 À cette histoire que je viens d’exposer, s’oppose avec véhémence la nouvelle opinion d’Onuphrius Panuinus.  J’ai donc l’intention de réfuter tout de suite cette opinion.   Panuinus (dans ses notes sur Platina) enseigne, que Pierre n’a pas siégé à  Antioche au tout début, avant d’aller à Rome, mais seulement après être revenu de Rome, et avoir participé au concile de Jérusalem.  Or, cette opinion, on peut la réfuter par un bon nombre d’arguments de grand poids.  D’abord elle est contraire à l’enseignement des souverains pontifes, des anciens pères, et des historiens les plus illustres. Les saints pontifes anciens enseignent tous que saint Pierre a siégé à Antioche avant de s’établir à Rome. Voici les principaux. Anaclet (épitre 3), Marcel (épitre 1), Damase (les vies des pontifes), Innocent (épitre 14), Saint Léon (sermon 1 sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul), Gelasius (livres apocryphes), Pelage junior (épitre à Benignus), saint Grégoire (livre 7, épitre 37).   D’autres ont écrit la même chose, comme Eusèbe (dans sa chronique), Jérôme (dans le livre des écrits ecclésiastiques, au mot Pierre, et dans le commentaire de l’épitre aux Galates 2), Isidore (dans la vie de Pat), Bède (dans les six états), Adon de Vienne, (dans sa chronique), Simeon metaphraste (dans la vie de saint Pierre), Haymo (livre 2, chapitre 21, des souvenirs chrétiens), et un grand nombre d’autres anciens et de plus récents.  Aucun, que je sache, parmi les anciens, n’a jamais écrit le contraire. Ni aucun des plus récents, à l’exception d’Onuphrium.
On ne peut pas non plus répondre que ces auteurs parlaient de la venue postérieure de Pierre dans la ville, c’est-à-dire, pendant le règne de Néron, non de Claude.  Car, plusieurs de ces auteurs notent même le temps, et disent que Pierre est venu à Rome sous Claude, après avoir déjà fondé l’église d’Antioche, comme Damase, Eusèbe, Jérôme, Léon, Bède, Isidore, Haymo, Adon.  Les autres que nous avons cités ne précisent pas le temps, mais laissent tous clairement entendre que saint Pierre fut d’abord évêque d’Antioche avant de l’être de Rome. Onuphrius est le seul à dire le contraire.  Il est donc évident que son opinion est nouvelle, et qu’elle ne s’appuie sur aucun auteur.
 Cette opinion entre en opposition avec la tradition ecclésiastique de l’institution d’une fête en l’honneur de la chaire d’Antioche.  Car la solennisation  de l’église d’Antioche est très ancienne, comme nous le montrent les sermons de saint Augustin sur la chaire de Pierre,  ainsi que les martyrologes de Bède, d’Usuard, d’Adon de Trèves. C’est par toute la terre qu’elle est célébrée, et d’une façon plus solennelle que la fête de la chaire de Rome, instituée récemment par Paul 1V.  Mais le peuple n’a jamais considéré ce jour comme un jour de fête, tandis que la fête de la chaire d’Antioche est célébrée non seulement par le clergé, mais par le peuple.  Si la chaire d’Antioche était postérieure à celle de Rome, comme le soutient Panuinus, il n’y aurait eu aucune raison pour laquelle l’Église occidentale ait un jour de fête en l’honneur de l’institution de la chaire d’Antioche, plutôt que de celle d’Alexandrie, ou de Jérusalem.  Et comment expliquer que la fête de la chaire d’Antioche soit plus ancienne et plus  célèbre que celle de la chaire de Rome ?  Il faut donc concéder que la première chaire de saint Pierre a été celle d’Antioche, et que c’est pour cela qu’est célébrée par toute la terre une fête en son honneur.
 En troisième lieu, cette opinion vient se buter contre une raison manifeste. Car, si Pierre n’a siégé à Antioche qu’après le concile de Jérusalem, c’est-à-dire, dix-huit ans après la passion du Seigneur, y a-t-il eu, oui ou non, avant cette époque, un évêque à Antioche?   La question se pose, il me semble.   Il n’est pas croyable qu’il n‘y en ait pas eu un seul, puisque, à Antioche, se trouvèrent beaucoup de chrétiens tout de suite après la passion du Christ.  Ce fut même une église florissante, parce que c’est là que les premiers disciples du Christ ont été appelés chrétiens (actes 11).  Je demande donc s’il y avait un évêque à Antioche.  Pierre ou un autre ?  Si c’est Pierre, c’est ce que nous prétendons.  Si ce n’est pas Pierre, beaucoup d’absurdités s’ensuivront.  Car, ne sera pas vrai ce que tous les historiens, et Ignace lui-même rapportent, que Pierre a été le premier à siéger à Antioche, ensuite Évode, puis Ignace.  Il faudra aussi concéder que saint Pierre a, à Antioche, succédé dans l’épiscopat  à un de ses disciples, ce qui est intolérable.   De plus, si Pierre est venu à Antioche, y établit son siège épiscopal, après avoir détenu la chaire épiscopale de Rome pendant plusieurs années, je pose la question : Pierre a-t-il quitté l’épiscopat de Rome ou l’a-t-il conservé ?   S’il a quitté le siège qu’il avait pris sur l’ordre de Dieu,  il  n’a pas siégé à Rome pendant vingt-cinq ans, ni même vingt ans, ce qui s’oppose à tous les écrivains.  S’il ne l’a pas quitté, il a donc tenu en même temps deux épiscopats particuliers et distincts, distants  l’un de l’autre par plusieurs kilomètres.  Il a donc laissé à la postérité l’exemple pernicieux du cumul des fonctions épiscopales.
 Tu diras peut-être qu’il est venu de Rome à Antioche, mais qu’il n’y a pas siégé comme l’évêque de cette ville.  Mais de cette supposition résulteraient aussi beaucoup d’absurdités.  Car, si saint Pierre n’a pas été évêque d’Antioche, le siège d’Antioche ne serait pas patriarcal; les anciens n’auraient pas institué une fête de la chaire d’Antioche; se tromperaient tous les historiens qui racontent que saint Pierre a été le premier évêque d’Antioche.   Mais, demandons-nous ce qui a incité Onuphrius à innover de la sorte ?  Son argument se fonde sur l’autorité de saint Luc (actes des apôtres), de saint Paul (épitre aux Galates), et d’Eusèbe (chroniques).  C’est de ces auteurs qu’il dit avoir appris que saint Pierre n’a pas quitté la Judée avant les neuf premières années après la passion du Christ; qu’il est venu à Rome la dixième année après la passion du Christ.  Il s’ensuivrait de là qu’il n’a pu siéger à Antioche qu’après son retour de la ville de Rome.
 Je réponds qu’il n’a pu puiser aucune de ces choses dans les auteurs cités.  Car, dans les actes  des apôtres et dans l’épitre aux Galates, tout ce que nous avons c’est que saint Pierre a été à Jérusalem en la quatrième, la onzième et la dix-huitième année après la passion.  Au sujet de la quatrième année, l’épitre aux Galates nous donne les précisions requises.  Car, saint Paul nous raconte qu’il est venu à Jérusalem pour rencontrer saint Pierre, trois ans après sa conversion, c’est-à-dire, quatre ans après la passion du Sauveur. C’est pendant cette quatrième année qu’est arrivé aussi ce que saint Luc raconte de Corneille, d’Aenée, de Tabita, de Simon le magicien et des autres.   Les actes nous parlent aussi de la onzième année (chapitre 12). Car, c’est dans la deuxième année du règne de Claude que furent emprisonné Pierre et assassiné Jacques, comme le rapporte Onophrius.  Et, avec l’aide de l’historien juif Joseph, on peut prouver que la deuxième année du règne de Claude était la onzième après la passion du Sauveur, ce que je démontrerai plus loin.   C’est l’épitre aux Galates qui nous renseigne au sujet de la dix-huitième année.
 Voilà ce que nous savons avec certitude.  Ces textes ne nous prouvent pas que saint Pierre n’a pas pu habiter à Antioche de la quatrième année après la passion du Sauveur à la onzième.  De plus, il y a de quoi s’étonner qu’Onophrius prétende avoir appris d’Eusèbe dans ses chroniques que saint Pierre n’a pas pu siéger à Antioche avant d’être allé à Rome. Car, dans ces mêmes chroniques, Eusèbe dit en toutes lettres que c’est sous l’empereur Tibère que saint Pierre a établi son siège épiscopal à Antioche; qu’ l’a tenu pendant sept ans, et qu’il est parti ensuite à Rome, à la deuxième année du règne de l’empereur Claude. Il y a, dans les chroniques d’Eusèbe, une erreur sur la date de l’emprisonnement de saint Pierre, mais cela ne change rien à la chose.
 L’autre argument d’Onophrius consiste dans une démonstration historique, qu’il indique brièvement dans ses annotations sur Platina, et qu’il explique plus au long dans son commentaire sur Fastor.   Voici quelle est cette démonstration. Le Christ est mort à la deuxième année de Tibère, à l’âge de trente-quatre ans.  Pierre est entré à Rome en la deuxième année de Claude.  De la dix-neuvième année de Tibère à la deuxième de Claude, on compte dix ans presque entiers.   De ces dix ans, Pierre a passé les quatre premiers en Judée.  Il en reste donc six,  tout au plus. Il n’est donc pas question d’un séjour de sept ans à Antioche.  De plus.  Le Christ a souffert en la dix-neuvième année de Tibère, à l’âge d’environ trente-quatre ans.  Il le prouve cela par les olympiades.  Car, il est avéré, par le témoignage de Phlegon, qu’en la quatrième année des 202 olympiades, s’est produite une importante éclipse du soleil, et cela,  pendant la passion du Christ.  Or, la quatrième année de la 202ième olympiade tombe en la trente-quatrième année du Christ.  Il le prouve ensuite en citant Bède le vénérable qui écrit (dans son livre sur le temps, chapitre 45), que l’Église croit que le Christ a vécu un peu plus de trente-trois ans dans sa vie charnelle.
 Je réponds que cette démonstration prouve seulement, si elle prouve quelque chose, que saint Pierre n’est pas demeuré à Antioche pendant sept ans, mais plutôt six ou cinq.  Elle ne prouve pas qu’il ne soit  pas allé à Antioche et qu’il n’y ait pas été évêque avant de partir pour  Rome. On ne peut donc rien en déduire.  Car, saint Pierre a très bien pu, la deuxième année après la passion du Seigneur, fonder le siège d’Antioche, et y demeurer pendant sept ans entiers, tout en retournant souvent  à Jérusalem, ou en évangélisant d’autres endroits limitrophes. Mais nous ne sommes pas obligés de tant nous forcer.   Car Onuphrius n’a pas donné de preuve irréfutable que le Christ soit vraiment mort  la dix-neuvième année de Tibère, et à l’âge de trente-quatre ans. Car, son argument qu’il tire des olympiades est facile à réfuter, puisqu’ il est très difficile de savoir où ont commencé les olympiades, et comment Onuphrius a fait pour que la trente-quatrième année de la vie de Jésus corresponde à l’olympiade 204.  D’autres calculent les olympiades autrement, et font tomber la même olympiade en la trente-troisième année de la vie de Jésus.
 L’argument tiré du témoignage de Bède le vénérable détruit complètement l’opinion d’Onuphrius.  Car, quand Bède dit que, selon la foi de l’Église, le Christ a vécu un peu plus que trente-trois ans, il parle d’années commencées non complétées.  Le sens est donc que le Christ a vécu un peu après avoir atteint l’âge de trente-trois ans. Ce qui est facile à prouver.  Car, au même endroit, Bède prouve son opinion à partir de certaines indications données par l’Église romaine, qui lui permirent de dater l’année depuis la passion du Christ, une fois complétées les trente- trois années qui s’écoulèrent de l’incarnation à la passion.  Car, selon l’opinion des anciens, c’est le vingt-cinq mars qu’il a été conçu et qu’il est mort.  Si de l’incarnation à la passion, il y a trente-trois ans, il n’y a certainement pas trente-trois ans de la nativité à la passion.
 Onuphrius n’a donc pas prouvé son opinion. Nous pourrions, nous, par deux arguments, prouver une position incomparablement plus vraie, à notre avis.  Le premier argument s’appuie sur trois principes.  Le premier.  Selon l’enseignement d’Eusèbe (dans ses chroniques) et de Paul Orose (livre 7, chapitre 2) et de presque tous les autres, le Christ est né en l’an quarante-deux du règne de César Auguste. Ensuite, Auguste a gouverné pendant 56 ans non complétés, comme Stevonius et les autres le rapportent. Enfin, le Christ a souffert à la dix-huitième année de Tibère, ce que racontent explicitement Eusèbe (dans ses chroniques) Épiphane (dans son livre sur les mesures et les poids), Eutropius (livre 7), et Bède le vénérable, (dans les six états du monde).  On peut aussi le déduire des écrits ecclésiastiques de saint Jérôme, au mot Paul, où il est dit que la deuxième année de Néron correspondait à la vingt-cinquième année après la passion de Jésus-Christ.  Car, même si nous donnions à Tibère quatre années entières après la passion de Jésus-Christ, à Caïus quatre entières, et à Claude quatorze entières, et que nous comptions les années que Néron a complétées, nous n’obtiendrions pas 25 années, mais seulement 24.   Il faut donc, comme le rapporte saint Jérôme, donner à Tibère cinq ans après la passion du Seigneur, et fixer la passion de Jésus à la dix-huitième année de Tibère et non à la dix-neuvième, comme le prétend Onuphrius.
 De ces trois principes on peut clairement déduire que le Christ a souffert à la trente-troisième année de son âge, non à la trente-quatrième, car, de l’année 42 d’Auguste à l’année 18 de Tibère,  on n’en compte pas plus.  C’est ce qu’admettrait aussi Onuphrius s’il reconnaissait que le Christ est mort à la dix-huitième année du règne de Tibère.
 Notre second argument est fondé sur deux autres principes des plus certains.  Le premier.  Le Christ a été baptisé au début de sa trentième année, non à la fin.  L’autre. Après son baptême, le Christ a vécu trois années, et un peu plus.  Le premier principe on le prouve par l’évangile de saint Luc (chapitre 3) : « Et Jésus commençait sa trentième année. »  À moins qu’on ne fasse violence à ces mots, leur sens naturel et obvie est que Jésus commençait sa trentième année quand il vint se faire baptiser.  Il avait trente ans : il ne terminait pas ses trente ans, mais il les commençait.  Et c’est de cette façon qu’ont compris ces mots tous les pères anciens, dont on ne peut, sans témérité,  rejeter le témoignage unanime.   Saint Irénée (livre 2, chapitre 39) : « Au baptême, vint quelqu’un qui n’avait pas complété ses trente ans, mais qui les commençait. »      C’est ainsi que l’a présenté Luc en nous donnant son âge.  Tertullien (dans le livre 2 contre les Juifs), Clément  d’Alexandrie (livre 1 stromata),  et Julien l’africain, d’après saint Jérôme (commentaire sur Daniel, chapitre 9).
Ils écrivent tous que le Christ a prêché pendant un an, et qu’il a été tué après, quand il termina ses trente ans.  Il s’ensuit nécessairement qu’à son baptême, il en était au tout début de sa trentième année.  Et bien qu’ils se trompent quand ils écrivent que le Christ a été tué à l’âge de trente ans, puisqu’ils affirment cela sans aucune preuve, ils  ne se trompent quand même pas quand ils affirment que le Christ a été baptisé au début de sa trentième année, car ils s’appuient sur l’évangéliste Luc, et suivent l’explication commune du texte.   Eusèbe (dans le livre 1 de son histoire ecclésiastique, chapitre 18), explique, suivant la traduction de Christophoron, que Jésus commençait sa trentième année quand il se rendit au baptistère de saint Jean-Baptiste.  Épiphane (hérésie 51) : « Il avait l’âge de trente ans commencés, mais non complétés.  C’est pour cela qu’on dit qu’il commençait sa trentième année. » Et plus bas, il ajoute : « Jésus a complété ses trente ans, quand il fit son premier miracle aux noces de Cana. »  Saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur saint Jean-Baptiste), saint Jérôme (Ezechiel, chapitre 1), saint Jean Chrysostome (homélie 14 sur Marc),  et saint Grégoire (homélie 2, sur Ézéchiel), tous ces auteurs enseignent que le Christ a été baptisé au début de sa trentaine.  Cette façon de s’exprimer prouve assez clairement que le Christ n’avait pas complété ses trente ans.   Parle encore plus clairement saint Augustin  (livre 2 de la doctrine du Christ, chapitre 28) quand il dit : « Quand il avait à peu près trente ans, le Christ vint se faire baptiser. » En citant saint Luc,  (et Jésus commençait alors sa trentaine), Isidore  (livre 7 dans le lévitique, chapitre 2) précise que Jésus n’avait pas trente ans révolus quand il fut baptisé.
Ensuite, existe encore un canon 11 du très ancien concile néo césarien qui interdit aux prêtres ordinaires d’être consacrés avant la trentième année, parce que c’est à trente ans que Jésus s’est fait baptiser et à commencé à prêcher. Ce canon parle du début de la trentaine, comme l’a compris Martin Braccarensis (dans la collection des canons grecs, canon 20.  Le très grave docteur saint Jérôme, dans son épitre à Théophyle contre Jean de Jérusalem, prouve que son frère a été ordonné à un âge canonique, parce qu’il avait atteint l’âge de trente ans.  La coutume de l’Église l’enseigne aussi quand elle devança l’âge de trente ans à vingt-cinq ans. Elle jugea alors qu’on homme était mur pour le sacerdoce quand il avait atteint l’âge de vingt-cinq ans.  Il ne faut pas voir une contradiction dans ce que dit saint Ignace.  Il écrit, en effet (dans sa lettre à Trall) que le Christ a été baptisé quand il eut terminé trois décades.  Ni non plus dans ce que dit saint Jean Chrysostome, qui (dans l’homélie 10 sur saint Matthieu), écrit que le Christ est venu au baptême après trente ans.  Car, saint Ignace dit que trois décades avaient été terminées, parce qu’il était parvenu à la dernière année de la troisième décade, non parce qu’il était parvenu à la fin de la dernière année.  C’est ainsi que nous interprétons Luc 2 : « quand furent terminés les huit jours pour la circoncision de l’enfant ».  C’est-à-dire quand on arriva au huitième jour au cours duquel il fallait circoncire l’enfant.  Et, dans les actes 2 : « Quand furent complétés les jours de la pentecôte, c’est-à-dire quand on arriva au cinquantième jour.   Pour faire mieux comprendre, on se sert d’une figure qui est en même temps familière même aux auteurs sacrés, comme quand écrit saint Luc (chapitre 2) : « les huit jours avaient été accomplis pour que soit circoncis le Seigneur ».  On s’exprime ainsi non parce que les jours étaient complètement passés, mais parce qu’on est peu éloigné de leur fin, et que c’est du huitième jour qu’il était question.  Comme l’écrit saint Marc (chapitre 18).  Il dit que Jésus est ressuscité « après trois jours », alors que c’est le troisième jour qu’il est ressuscité.
C’est de cette façon que s’exprime saint Ignace quand il écrit que Jésus avait complété trois décades quand il fut baptisé, parce qu’il était alors peu éloigné de la fin des trois décades, puisque  c’est de la dernière année de la décade qu’il parlait.  Il sera plus facile d’expliquer la citation de saint Jean Chrysostome. Car, au début de l’homélie, il écrit  que Jean est venu baptiser après avoir atteint trente ans.  Il s’ensuit donc que saint Jean n’avait pas alors complété sa trentième année.  Si saint Jean n’avait pas alors complété sa trentième année, à plus forte raison le Christ, qui était plus jeune que saint Jean de six mois.  Donc, quand saint Jean Chrysostome dit que c’est après l’âge de trente ans que Jésus est venu au baptême, il veut certainement dire au début des trente ans, et non à la fin.
On a donc raison d’affirmer que la sentence commune est à l’effet que le Christ a été baptisé au début de la trentaine. L’autre principe était que, après le baptême, le Christ  a prêché plus de trois ans, et que, après cela, il a souffert au début de la trente-troisième année.  Ce principe, nous le tirons facilement de l’évangile de saint Jean (Jean 2, 4. 6 et 13). Puisqu’il il dit que, après son baptême, il célébra quatre pâques, il est nécessaire d’arriver au début d’une quatrième année d’enseignement.  Saint Ignace (dans son épitre à Trall) explique clairement que le Christ a prêché pendant trois années.  Ce qui n’est pas absolument vrai, car il est prouvé que, quarante jours après son baptême, il a commencé à prêcher, et ce jusqu’à sa passion, ce qui donne trois ans et plus, comme nous le montre le nombre des jours de Pâques.  Quand il dit que le Christ avait été baptisé après avoir terminé trois décades d’années, il a omis le peu qui manquait pour compléter les trois décades.  De la même façon, quand il dit qu’il a prêché trois ans, il omet le peu qui dépasse.  Eusèbe (au livre 8 de la démonstration évangélique), et Bède le vénérable (sur les calculs du temps, chapitre 45) disent qu’il a prêché trois ans et demi.  Ce qui  n’est pas tout à fait exact.  Mais ces minuties ne leur disaient rien.  Et peut-être ont-ils compté les années depuis le baptême jusqu’à l’ascension, car il n’y a pas d’autre moyen de parvenir à trois ans et demi.  Du reste, aucun des anciens n’a jamais attribué quarante ans à la vie du Christ.
                                     CHAPITRE 7
                       On  réfute cinq autres arguments
Voici leur troisième.   Pierre n’a pas pu venir à Rome avant la neuvième année de Claude, comme il a été prouvé, et  il n’a pas pu venir,  non plus,  après cette date.  Car, Claude qui ordonna aux Juifs de sortir de la ville, ordonna certainement aussi de ne pas les recevoir dans la ville. Il n’est donc jamais venu.  Mais, nous avons déjà démontré que, en la neuvième année de Claude, Pierre n’était pas venu à Rome, mais en était sorti, et qu’après, au temps de Néron, il y était retourné.  Qu’au temps de Néron il pouvait y avoir des Juifs à Rome, nous l’apprenons des actes des apôtres, où l’on nous montre saint Paul prêchant aux Juifs à Rome.
Leur quatrième.  Quand saint Paul blâma saint Pierre à Antioche (Galate 2), le concile de Jérusalem avait déjà eut lieu.  Et cependant, Pierre n’était pas encore allé à Rome.   Je réponds qu’il y était allé, et qu’il en était retourné.  Leur cinquième.  Quand saint Paul écrivit aux Romains, il demanda d’en saluer plusieurs; mais il ne se souvint jamais de Pierre.  Cet argument n’est pas seulement celui de Velenus, mais aussi celui d’ Illyricum.  Ils croient démontrer avec cela que saint Pierre n’était pas à Rome.    Je réponds que cet argument ne permet de tirer aucune conclusion, car, autrement, il s’ensuivrait que saint Jean n’a pas été évêque à Éphèse, ni Jacques à Jérusalem, car écrivant aux Éphésiens il n’a pas un mot pour saint Jean; et écrivant aux Juifs de Jérusalem, il ne salue pas saint Jacques.  Je dis donc que saint Paul n’a pas demandé de saluer saint Pierre, car il écrivit cette lettre au moment où Pierre demeurait en Syrie après être revenu de Rome.  Et saint Paul écrivit cette lettre en chemin, quand il se dirigeait vers Jérusalem, où il fut fait prisonnier.  Car c’est ainsi qu’il le rapporte lui-même : « Et maintenant, je pars pour Jérusalem, pour pourvoir aux besoins des saints.   En Achaïe et en Macédoine, ils ont fait une collecte pour les saints pauvres qui sont à Jérusalem. »  Et, dans les actes (24), le même Paul, quand sa cause fut portée devant le tribunal de Félix, le préfet de Syrie,  dit : « Je suis venu apporter des aumônes à mon peuple, des oblations et des vœux. »
Or, cette captivité de saint Paul eut lieu entre le concile de Jérusalem et la mort de Claude. Après lequel concile, saint Paul se rendit à Macédoine et en Achaïe, où il n’était jamais allé auparavant (actes, chapitre 16).   Il atteignit Jérusalem quand présidait dans cette ville Félix, qui fut préfet de Syrie jusqu’à la mort de Claude,  et au début du règne de Néron, comme l’atteste Joseph (livre 20 des antiquités, chapitres 9 et 13).  On peut déduire de tout cela que l’épitre aux Romains a été écrite en la onzième ou la douzième année de Claude.  C’est pendant ces années que saint Pierre revint de Rome, et parcourut de nouveau les régions de Syrie, qu’il visita.  Si Pierre n’était pas à Rome au moment où saint Paul a écrit son épitre aux Romains, faut-il se surprendre qu’il n’ait pas été salué par son nom ?
Le sixième argument.   Saint Ambroise (chapitre 16 aux Romains) dit que Narcisse, que saint Paul ordonne de saluer, était un prêtre romain.  Pierre ne fut donc pas évêque de Rome.  Je réponds que Narcisse a peut-être été un prêtre romain, mais non l’évêque de Rome.  Car tous les anciens (Irénée, Eusèbe, Optatus, Épiphane, Jérôme, Augustin et les autres) qui ont tenu un registre des évêques romains,  n’ont jamais fait mention d’un Narcisse.   Cela ne s’oppose donc pas à ce que rapporte saint Ambroise, car  (au chapitre 3, 1 à Timothée) il dit « que tout évêque est prêtre, mais que tout prêtre n’est pas évêque. »  Et Corneille (d’après Eusèbe, livre 6, chapitre 33 de l’histoire ecclésiastique) : dit que « dans Rome, il n’y a qu’un seul évêque, et quarante-six prêtres. »
Le septième argument.  Pierre a conclu un pacte avec Paul pour être, lui, l’apôtre des Juifs, et saint Paul,  des Gentils (Gal.2).  Comment est-il donc vraisemblable que, si vite oublieux de son engagement, il ait envahi une terre étrangère,  Rome, la mère du paganisme et de la gentilité ?   Si tu dis que Pierre est venu à Rome pour prêcher aux Juifs qui y étaient, tu dois répondre pourquoi, quand Paul vint à Rome, et commença à prêcher, ils étaient étonnés de la nouveauté de cet enseignement.  C’est ce que montre les actes des apôtres (à la fin) : « Nous avons entendu parler de cette secte, parce qu’on la contredit partout.  Nous voulons donc entendre ce que tu  en penses. »  Et plus bas : « Quelques-uns croyaient à ce qu’on leur disait, d’autres ne croyaient pas.  Comme ils ne s’entendaient pas entre eux, ils se séparèrent. »
Je réponds que le pacte qu’avaient conclu saint Pierre et Paul ne voulait pas dire que saint Pierre n’avait à s’occuper que des Juifs,  et à ne prêcher qu’en Judée;  et que saint Paul ne prêcherait qu’aux Gentils, et en dehors de la Judée.  Mais que Pierre prêcherait à tous et partout où il voudrait, mais principalement aux Juifs.  Autrement, il faudrait dire que saint Paul a envahi une terre étrangère, quand, venant à Rome, il se mit immédiatement à prêcher aux Juifs (comme on le voit dans les actes des apôtres).  Et saint Pierre n’aurait du venir ni à Antioche, ni à Rome, ni dans l’Asie, ni dans la Galatie, ni dans le Pont, ni dans la Cappadoce,  ou la Bythinie.
Il est faux aussi ce que dit Velenus de l’étonnement des Juifs à la nouveauté de la doctrine, quand saint Paul leur prêcha le Christ, comme si personne avant lui n’avait ainsi prêché. Car si personne n’avait prêché aux Juifs avant la venue de saint Paul, qui avait converti les Juifs Romains auxquels il écrivit ? Il appert, en effet,  que cette lettre a été écrite autant à des Gentils qu’à des Juifs convertis à la foi chrétienne. Car, dans les quatre premiers chapitres, il disserte sur la justification par la foi sans les œuvres de la loi, contre la superbe des Juifs qui attribuaient la venue du Messie à leurs mérites.  Et, au chapitre 14, il s’adresse à ceux qui judaïsaient encore, en s’abstenant d’aliments impurs interdits par la loi de Moïse.  Et, au chapitre 16, il salue beaucoup de juifs devenus chrétiens.
Quelqu’un dira peut-être : si l’épitre aux Romains a été écrite du vivant du Claude qui a chassé les Juifs de Rome, quels sont ces Juifs que saint Paul ordonne de saluer ?  Car, il n’est pas croyable que, du vivant de Claude, les Juifs aient osé retourner à Rome.  Je réponds que non seulement il est croyable que, après leur expulsion, les Juifs  aient pu retourner, mais qu’ils y  sont certainement retournés.  Car, saint Paul (actes 18), a trouvé à Corinthe Aquila et Priscilla, qui, chassés par Claude, venaient tout juste d’arriver là.  Ensuite, après avoir séjourné en Achaïe un an et six mois, et en Asie, deux ans (actes apôtres 18, 19), il se dirigea vers Jérusalem.  Et, en chemin, il écrivit aux Romains, et leur ordonna de saluer Aquila et Priscilla qui étaient déjà retournés à Rome.
Et au sujet de ces paroles des Juifs : désirant savoir ce que tu en penses, je réponds que ces paroles n’ont pas été prononcées par des Juifs qui étaient à Rome, mais seulement par ceux qui n étaient pas encore convertis à la foi du Christ, mais qui le seraient à la prédication de saint Pierre.  Ces paroles ne signifient pas, non plus, que ces païens n’avaient jamais entendu de prédication sur le Christ, mais qu’ils n’étaient pas encore persuadés, et qu’ils demeuraient dans leur obstination.
                                CHAPITRE 8
                  On réfute huit autres objections
Les objections qui vont de huit à 15 proviennent des actes des apôtres et des épitres que saint Paul a écrites de Rome : aux Galates, aux Éphésiens, aux Colossiens, aux Philippiens,  aux Hébreux, à Timothée 2, et à Sénèque.  Car, dans toutes ces épitres, il aurait eu  l’occasion de parler de saint Pierre s’il avait été à Rome.  Mais on trouve partout un silence éloquent.  Et dans ces épitres, non seulement il ne dit pas que saint Pierre était à Rome, mais  il laisse clairement entendre qu’il n’y était pas. Car, (aux Philippiens 2), il dit de ceux qui étaient à Rome : « tous recherchent leurs intérêts ».  Et, aux Colossiens : « Vous saluent Aristarque, mon   co captif, et Marc, surnommé Barnabée, et Jésus appelé le juste. Ceux-là seuls sont mes coadjuteurs dans le royaume de Dieu. » Et (2 Timothée 4) : « Dans ma première défense, personne ne m’assista.   Mais tous m’abandonnèrent. »  Ou donc Pierre n’était pas à Rome, ou il fit une grande injure à saint Paul, puisque saint Paul l’inclut dans le nombre de ceux qui ne cherchent que leur intérêt personnel, qui ne sont pas ses coadjuteurs dans le royaume de Dieu, et qui l’ont abandonné dans ses épreuves.  Cet argument, ce n’est pas seulement Velenus qui le fait sien, mais aussi Jean Calvin.
Je réponds qu’on ne peut rien conclure d’arguments fondés sur une négative.  Car, parce que saint Luc, saint Paul et Sénèque ne disent pas qu’il était à Rome, il ne s’ensuit pas qu’il n’y ait pas été.  Ces trois-là, de toute évidence,  n’étaient pas obligés de tout dire. Et on prête  foi davantage au témoignage de trois personnes, qu’au silence de mille, pourvu que ces dernières  ne nient pas ce que les autres affirment.   Autrement, parce que saint Matthieu n’écrit pas dans son évangile que le Christ a été circoncis, parce que saint Marc ne se souvient pas de la présentation au temple, parce que saint Luc ne se souvient pas de la nouvelle étoile, parce que saint Jean ne dit pas que le Christ est né de la vierge Marie, toutes ces choses seraient fausses ?  Absurde !
Mais, je réponds quand même à leurs trois citations.  Il ne nie pas, dans ces passages, que saint Pierre était à Rome, car, quand il dit dans les Colossiens : ceux-là seuls sont mes coadjuteurs dans le royaume de Dieu, il parle de ses domestiques, ceux qui avaient coutume de le servir.  De la même façon, quand il dit (2 Tim 4) : Luc est seul avec moi, il parle de ses domestiques et de ceux qui le servaient. Car, il est certain (dernier chapitre de l’épitre aux Romains) que plusieurs autres, tant Juifs que Gentils, ont été, à Rome, convertis à la foi, et qu’ils prêchaient le royaume de Dieu.   Et, dans l’épitre aux Philippiens (chapitre 2), quand il dit que tous cherchent leurs propres intérêts, il emploie une figure de style qu’il ne faut pas prendre à la lettre. Le mot tous ici, signifie quelques-uns.  Car, il avait dit un peu avant que Timothée était près de lui.  Ce Timothée ne recherchait certainement pas ses propres intérêts.  Et dans le chapitre 1, il avait dit qu’il y en avait quelques-uns qui prêchaient l’évangile par charité.  Ils ne recherchaient donc pas leurs propres intérêts ceux-là, mais ceux de Jésus-Christ.
De plus (dans 2 Timothée, chapitre 4), où il dit : « personne ne m’assiste, tous m’ont  abandonné, » (passage dont Calvin se sert comme d’une arme contre nous),  saint Paul  ne parle  pas de ceux qui pouvaient l’aider auprès de César, car il dit, au même endroit, que Luc était présent. Il n’est pas moins vrai qu’il ait dit que personne ne l’assiste, et que tous l’ont abandonné.  Or, il est certain que saint Pierre ne pouvait pas aider saint Paul, car il était aussi mal vu de César que saint Paul ne l’était.   Il ne parle donc que de certains nobles qui avaient accès à César, mais qui se retirèrent par peur du tyran.  On pourrait aussi répondre que saint Pierre n’était pas à Rome quand saint Paul y fut transporté, et quand il écrivit ces lettres.  Car, même s’il avait fixé son siège à Rome, il s’en éloignait souvent quand il fallait, en divers endroits, fonder de nouvelles églises, comme le note Épiphane (hérésie 27).  Car, c’est précisément pour qu’ils remplissent les tâches épiscopales en son absence, que Pierre  s’était donné comme coadjuteurs saint Lin et saint Clément.
                                CHAPITRE 9
                  On réfute le seizième argument
Le seizième. Saint Ambroise (sermon 67), dit de saint Pierre et de saint Paul : « En un seul jour, en un seul lieu, ils ont subi la condamnation d’un seul tyran. »  Mais saint Lin (dans sa passion de Pierre), dit que saint Pierre et saint Paul n’ont pas souffert au même temps, ni au même endroit, mais sur l’ordre du même tyran.  De plus, Joseph, qui a vécu au temps de Néron, qui a écrit la guerre juive, et qui, dans cette histoire qu’il raconte, se souvient de ceux qui ont été tués par Néron, ne dit pas un mot de saint Pierre.  Il s’en serait surement souvenu s’il avait vraiment été tué par Néron.  Car, Joseph fut un grand ami des chrétiens, et il s’en souvient volontiers à chaque fois qu’une occasion lui en est donnée.  Car, il a écrit sur la mort du Christ dans les antiquités, de même que sur saint Jean-Baptiste et sur saint Jacques, évêque de Jérusalem.  Ajoutons que saint Pierre était vieux quand saint Paul était adolescent, car après la passion du Seigneur, on appelle Paul un adolescent (actes 7), au temps où Pierre avait déjà une épouse, et c’est parce qu’il était le plus vieux de tous qu’il en devint le premier.  Et pourtant, saint Paul était déjà vieux quand il écrivit à Philémon.  Il n’est donc pas vraisemblable qu’ils soient morts tous les deux ensemble.
Mais cet argument se réfute aisément. Car, dans la première partie de l’argument, Velenus se trompe deux fois.  D’abord, parce qu’il dit que l’histoire racontée par Lin est fictive, mais qu’elle lui permet de réfuter le témoignage de saint Ambroise.  Car, si l’histoire que Lin raconte est fictive, elle n’a aucune autorité, et elle ne peut donc pas être utilisée pour réfuter le témoignage de saint Ambroise.  Il pèche ensuite en ce que par  « le même lieu » il entend la même partie de la ville, et oppose ainsi saint Ambroise aux autres qui placent les martyres des apôtres dans des parties différentes de la ville.  Mais après avoir écrit « dans le même lieu », il ajoute, « pour que Rome ne fasse défaut ni à l’un ni à l’autre. »  Et au sujet de sa citation de l’historien Joseph, je dis d’abord que Joseph lui a répondu dans son livre sur la guerre juive, livre 2, chapitre 11 ) : car, il dit qu’il veut passer sous silence les crimes de Néron, comme le fait d’avoir assassiné sa mère et sa femme, car il savait qu’un pareil récit était délicat.  Il ne faut pas oublier qu’il dédiait ses livres aux empereurs romains, qui n’écoutaient pas volontiers les critiques de leurs prédécesseurs.  On pourrait aussi retourner l’argument sur son auteur, car le même Velenus raconte que saint Pierre a été mis à mort à Jérusalem, sur l’ordre du grand prêtre Ana.  Je demande alors à Velenus : pourquoi Joseph n’a-t-il jamais fait mention de saint Pierre quand il raconte l’histoire du grand prêtre Ana, et des hommes qu’il a tués ?  Que Velenus se transperce donc avec  son propre glaive.
Et, au sujet de l’âge de saint Pierre, je dis que Pierre n’était pas un vieillard quand saint Paul était un adolescent, mais un homme d’âge mur.  Qu’il ait eu une épouse, et qu’il ait été le premier des apôtres, cela ne prouve en rien qu’il ait été déjà vieux.  Car, il n’est pas croyable que le Seigneur ait choisi des vieillards, pour leur faire accomplir les travaux les plus pénibles, et parcourir presque toute la terre habitée.  Comme il n’est pas crédible que l’adolescent Paul ait été appelé à la dignité apostolique qui comportait le souci de toutes les églises.   Il nous faut donc conclure que saint Pierre était dans la quarantaine avancée ou au début de la cinquantaine, et que saint Paul avait environ vingt-cinq ans, c’est-à-dire qu’il était presque deux fois plus jeune.  Il leur était donc possible de parvenir ensemble à l’âge de la vieillesse, et de mourir ensemble, car, en la dernière année de Néron, Pierre aurait eu 86 ans, et saint Paul 61 ans.
                                 CHAPITRE 10
                 On réfute le dix-septième argument
Le dix-septième.  L’Écriture et les pères enseignent ouvertement  que c’est à Jérusalem, et non à Rome que saint Pierre et saint Paul ont été tués; que c’est par les scribes et les pharisiens qu’ils l’ont été, et non par les empereurs romans.  Car, le Seigneur a dit (Matt 23) : « Voici que je vous envoie des prophètes, des sages, et des scribes. Vous en tuerez quelques-uns, vous en crucifierez, et vous en flagellerez dans vos synagogues. »   Commentant ce texte, saint Jean Chrysostome explique que « Jésus parle des apôtres et de ceux qui le suivaient ».  Et saint Jérôme : « Observe comment, en plus des apôtres, les disciples ont des dons variés.  Les uns étaient prophètes qui prédisaient les évènements à venir, d’autres  sages qui savaient comment prêcher, d’autres scribes, qui étaient très instruits dans la loi.  Étienne était de leur nombre quand il fut lapidé, ainsi que Paul quand il fut tué, et Pierre quand il a été crucifié, et les disciples flagellés. »  De même Nicolas, sur ce texte : « Vous en tuerez quelques-uns, comme Jacques, frère de Jean, (actes 12) et saint Étienne (actes 7), et plusieurs autres.  Vous en crucifierez, comme Pierre, et André, son frère. »
Je réponds que les paroles de saint Matthieu (23) et le commentaire de saint Jean Chrysostome, ne nous contredisent en rien.  Car, le Seigneur et saint Jean Chrysostome ne disent pas que tous les apôtres et tous les disciples seront tués à Jérusalem, mais seulement quelques-uns.  C’est ce que signifie la phrase : « Vous en tuerez et vous en crucifierez. »  Cette prédiction s’est accomplie dans la lapidation de saint Étienne (actes 7), dans le meurtre de saint Jacques par Hérode (actes 12), et celui de Jacques le mineur que les Juifs tuèrent à Jérusalem  (Joseph, livre 20, antiquités, chapitre 6)), et dans le crucifiement  à Jérusalem de Siméon, frère et successeur de saint Jacques le mineur (chroniques d’Eusèebe). Et plusieurs estiment que Mathias a été crucifié à Jérusalem.  Si Velenus veut à tout prix que le Seigneur parle de tous les apôtres, il faudra rejeter toutes les histoires qui témoignent qu’André est mort en Achaïe, Philippe et Jean en Asie, Thomas en Inde, Barthélémy en Éthiopie, Simon et Jude en Perse.
Saint Jérôme ne peut pas vouloir dire que Saint Pierre et saint Paul ont été tués à Jérusalem, puisqu’il enseigne en toutes lettres  (dans les hommes illustres) qu’ils ont été tués à Rome par Néron.  Mais, de ces paroles du Christ, il déduit que variés ont été les dons des disciples du Christ, et différentes leurs morts.  Parce que le Seigneur avait dit qu’il enverrait des prophètes, des sages et des scribes, saint Jérôme observe que les dons des disciples ont été variés.  Parce qu’il a dit ensuite que les Juifs en tueront et en crucifieront, le même saint Jérôme constate que les disciples du Christ émigreront de cette vie par des genres de mort différents.  Et il donne comme exemples la lapidation de saint Étienne, la décapitation de saint Paul et le crucifiement de saint Pierre.  Il ne nous donne donc pas ce genre d’exemples pour nous faire connaître quels sont ceux qui seront mis à mort par les Juifs, mais seulement pour nous enseigner que les morts des disciples du Christ seront différentes.
Enfin, l’autorité de Nicolas Lyran n’est pas si grande qu’elle puisse contrebalancer celle de tous les anciens pères et de tous les historiens qui nous rapportent que saint Pierre a été tué à Rome par Néron, saint André en Achaïe par Égée. Il est sans doute arrivé à Lyran de suivre saint Jérôme. Voilà pourquoi il se contente de dire que saint Pierre et saint André ont été crucifiés, en dépit de toute son imprécision.
 
CHAPITRE 11 : On réfute le dernier argument
Voici quel est son dernier argument.   Puisqu’on trouve tant d’erreurs dans le récit des évènements récents, dit Velenus, les courtisans  complaisants et flatteurs de la curie romaine n’ont-ils pas pu en commettre un grand nombre, eux qui ont écrit dans des  temps si éloignés et si troublés,  au sujet de la venue de saint Pierre à Rome, de sa passion et son épiscopat ? Si saint Irénée, Tertullien, Eusèbe et d’autres ont été des courtisans de la curie romaine, Velenus dit la vérité.  Mais ils sont, en majorité, très anciens, comme saint Irénée ou Tertullien, et d’une époque où la curie romaine n’était pas puissante au point de pouvoir les considérer comme de ses courtisans.  Et ce sont en grande partie, des Grecs, comme Eusèbe, Thédoret, Sozomène et d’autres, lesquels cherchaient plus à envier qu’à louer la curie romaine.  Une autre partie d’entre eux était constituée de grands saints comme Ambroise, Jérôme, Augustin,  Jean Chrysostome, qui avaient horreur de l’adulation et de la flatterie. Il s’ensuit certainement qu’il ment impudemment quand il les présente comme des flatteurs, des arrivistes et des courtisans.
Mais son argument ne vaut rien, car autant pour les faits récents que pour les plus anciens, des erreurs peuvent se glisser quand des choses sont arrivées clandestinement et sans témoins, quand on confond des dates ou des circonstances.  Ces faits peuvent facilement sombrer dans l’oubli.   Mais il n’en est pas ainsi des évènements les plus célèbres, surtout quand nous sont parvenus intacts les récits des contemporains, ou quand subsistent des monuments de pierre qui nous racontent ce qui s’est passé.  Je pense que cela suffit.
2017 09 28 à 20h34 fin

2017 10 08 à 19h44 début
CHAPIRE 12 : Le pontife romain succède à Pierre dans une église monarchique.  On le prouve par le droit  divin et par la raison de la succession.
Nous avons démontré, jusqu’à présent, que le pontife romain a succédé à Pierre comme évêque de Rome.  Nous nous apprêtons à démontrer la même chose au sujet de sa succession dans le primat de l’église universelle.  Les hérétiques de notre temps le nient cela, mais ils s’acharnent surtout sur le primat du pontife romain. Voici les principaux. Luther (livre sur le pouvoir du pape),  Illyricus (livre contre la primauté du pape), le synode smalchadique (dans le livre sur ce même argument), Jean Calvin (livre 4 des institutions, chapitres 6 et 7), les magdebourgeois (dans chacune de leurs centuries chapitre  7).  Et avant eux, il y a eu l’évêque de Thessalonique Nil, dans son livre contre la primauté du pape.    Car cet auteur ne nie pas que   saint Pierre ait été le pasteur de toute l’Église, et qu’il ait détenu l’épiscopat de Rome jusqu’à sa mort.  Mais ce qu’il soutient c’est que le pontife romain n’a pas succédé à Pierre dans le gouvernement de toute l’Église, mais seulement dans l’épiscopat de Rome.  Il ajoute ensuite qu’il a reçu par la suite, de décrets conciliaires,  un certain primat (honorifique),  comme, par exemple, le privilège de s’asseoir le premier en tant que le premier des évêques, d’être le premier à émettre son avis,  mais non le droit de commander à tous.
 Comme nos arguments et ceux de nos adversaires sont puisés aux mêmes sources et aux mêmes chapitres,  nous réduirons toute notre dispute à certains chapitres ou genres d’arguments;   et c’est  en même temps que nous établirons la vérité, et que nous réfuterons leurs objections.  On prouve donc, d’abord, que le pontife romain a succédé à saint Pierre dans le pontificat de l’Église universelle de droit divin, et en raison de la succession.  Quelqu’un doit succéder à saint Pierre de droit divin.   Or, celui-là ne peut être autre que l’évêque romain.   C’est donc lui qui lui succède.  Jean Calvin nie la majeure et la mineure.  Voici comment il parle (institution, livre 4, chapitre 6, verset 8) : « Il est vrai que je leur concède ce qu’ils demandent au sujet de Pierre.  Mais il n’y a rien qui leur permette de faire, d’un cas particulier, une règle générale, et d’étendre à perpétuité ce qui a été fait une fois. »  Encore : «  Supposons que je leur accorde encore cette autre chose, que jamais ne leur concéderont des hommes sains,  que le primat de Pierre a été institué de telle façon qu’il demeure toujours dans une perpétuelle succession,  comment peuvent-ils en conclure  que le siège de Rome  est ainsi constitué que quiconque est évêque de cette ville préside à l’univers entier ? »
 Nous démontrerons donc l’un et l’autre séparément.  Qu’il faut que quelqu’un succède à saint Pierre dans le pontificat de l’Église universelle, nous le déduisons de la fin du pontificat.  Car, il est certain que le pontife existe pour l’Église. Car, c’est ce que dit saint Augustin (dans son livre des pasteurs, chapitre 1) : « Que nous soyons chrétiens, c’est pour nous; que nous soyons préposés, c’est pour vous. »  Or l’Église n’a pas moins besoin, maintenant,  d’un pasteur qu’elle n’en avait au temps des apôtres. Davantage, même, car les chrétiens sont plus nombreux, et pires.   Le pontificat ne devait donc pas disparaître à la mort de saint Pierre,  puisque ce n’était pas à l’avantage de saint Pierre qu’il avait été institué, mais pour l’utilité de toute l’Église;  pour qu’il demeure et persévère tant que demeure l’Église,  et certainement tout au long de son pèlerinage sur cette terre; et qu’il remplisse la tâche apostolique d’un suprême pasteur.
 Nous le prouvons aussi par l’unité de l’Église. Car l’Église est une et la même en tout temps. Ne doit donc pas changer la forme de son gouvernement, qui est celle d’une république et d’une cité.  C’est pourquoi, si, au temps des apôtres, il y avait un seul recteur suprême, et un seul chef de l’Église, il doit n’y en avoir qu’un seul aussi à notre époque.  Nous le prouvons ensuite par les paroles de Jésus, en saint Jean : « Pais mes brebis ».  Car la charge d’un pasteur est un devoir ordinaire et perpétuel.   Si donc, de par la nature de la chose, l’office d’un pasteur doit durer tant que dure le troupeau, --le troupeau demeure et demeurera jusqu’à la fin du monde—, les successeurs de saint Pierre doivent donc demeurer dans ce travail pastoral.   L’autre preuve est tirée du même passage évangélique.   Car, quand le Seigneur a dit à Pierre : « pais mes brebis », il lui a confié toutes ses brebis, comme nous l’avons montré plus haut.  Non seulement en raison du lieu, mais aussi du temps, car Dieu ne se souciait pas moins de nous que des anciens.  Or, Pierre ne devait pas toujours vivre dans la chair.  Donc, quand le Seigneur lui a dit : « pais mes brebis », il parlait, en lui, à tous ses successeurs.  C’est bien ce que dit saint Jean Chrysostome  (livre 2 du sacerdoce) : « Pour quelle raison a-t-il répandu son sang ?  Certainement pour acquérir ces troupeaux qu’il confierait tant à Pierre qu’aux successeurs de Pierre. »  Et saint Léon (sermon 2, anniversaire de son intronisation) : « Demeure la disposition de la vérité, et, persévérant dans la force de la pierre qu’il avait reçue, saint Pierre n’abandonna pas le gouvernail de l’Église qui lui avait été confié, car il persévère et vit dans ses successeurs. »  Et saint Pierre, évêque de Ravenne (dans son épitre à Eutychès) : « Le bienheureux Pierre, qui vit et préside dans son siège propre, apporte la vérité de la foi à ceux qui la cherchent. »
 Cinquième preuve.   L’Église est un seul corps, et a sa propre tête ici, sur la terre, en plus du Christ, comme on le voit dans la lettre de saint Paul aux Corinthiens (1, 12). Car, après avoir dit que l’Église est un seul corps, il ajoute : « La tête ne peut pas dire aux pieds : vous ne m’êtes pas nécessaires ».  Ces paroles ne conviennent certainement pas au Christ, car il peut nous dire à nous tous : vous ne m’êtes pas nécessaires.  On ne peut donc assigner au corps de l’Église  d’autre tête que saint Pierre.   Or, il ne faut pas qu’à la mort de saint Pierre, l’Église demeure sans tête.  Il  faut donc que quelqu’un succède à saint Pierre.    La sixième.  Dans l’ancien testament, il y avait une succession de grands pontifes.   Car, à Aaron succéda Éléazar, (nombres 20), et à Éléazar, Phinées, (juges 20), et ainsi de suite.   Or, le sacerdoce de l’ancien testament était une figure du nouveau.   Donc, maintenant aussi, il faut conserver la succession du siège de saint Pierre, pontife suprême des chrétiens.  Ensuite, tous les arguments utilisés, dans la deuxième question,  pour prouver que le gouvernement de l’Église devait être monarchique,  peuvent également servir de preuves au sujet que nous traitons.
 Que ce successeur de saint Pierre est le pontife romain, il est facile de le prouver. Car il n’y en a pas, et il n’y en a jamais eu qui se soit prétendu être le successeur de saint Pierre, ou qui ait été considéré comme tel, en dehors de l’évêque romain et d’Antioche. Or, l’évêque d’Antioche ne succéda pas à saint Pierre dans le pontificat de l’église universelle, car il n’aurait pu y succéder qu’en cédant son poste, par la mort naturelle, ou par la mort légale, c’est-à-dire la déposition ou la renonciation.  Or, c’est quand il était encore vivant et évêque légitime que Pierre a quitté l’Église d’Antioche, et qu’il a fixé son siège à Rome, comme nous l’avons démontré plus haut.  Il reste donc que c’est  l’évêque de Rome qui succède à Pierre après sa mort, qui lui succède  dans toute sa dignité et son pouvoir.
 De plus, si l’évêque d’Antioche avait succédé à saint Pierre dans son pontificat suprême, il aurait été le premier des évêques.  Or, au concile de Nicée (canon 6), il  est déclaré être le troisième patriarche, non le premier ni le deuxième, comme il l’a toujours été.  Et les évêques d’Antioche ne revendiquèrent jamais un plus haut rang.  Pour mieux comprendre toutes ces choses, il faut faire quelques réflexions préalables.   Il faut d’abord  faire une distinction entre la succession et la raison de la succession.  Car, la succession du pontife romain au pontificat de saint Pierre est de droit divin.  La raison de la succession,  c’est-à-dire la raison pour laquelle c’est le pontife romain plutôt que celui d’Antioche ou d’un autre siège  qui succède à Pierre, a pris origine dans l’agir de saint Pierre.   La succession, dis-je, est d’un droit divin établi par le Christ, succession selon laquelle le Christ a institué en Pierre un pontificat qui doit durer jusqu’à la fin du monde. Et,  en conséquence, quiconque succède à Pierre obtient du Christ le pontificat.   Mais que ce soit l’évêque romain et non celui d’Antioche qui soit le successeur de saint Pierre, cela vient d’une décision de Pierre et non de l’institution première du Christ.  Car, il aurait pu ne choisir aucun siège particulier, comme il le fit pendant les cinq premières années. Et alors, ce n’aurait été ni l’évêque de Rome ni celui d’Antioche qui lui aurait succédé,  mais celui que l’Église aurait élu.   IL aurait pu, aussi, demeurer toujours à Antioche,  et ce serait alors l’évêque d’Antioche qui lui aurait succédé.   Mais, comme il a fixé son siège à Rome, et qu’il l’a tenu jusqu’à sa mort, c’est à cause de cela que c’est l’évêque romain qui lui succède.
 Et parce que le pape Marcel a écrit (dans son épitre à l’église d’Antioche) que c’est sur l’ordre du seigneur, que saint Pierre est venu à Rome, et comme saint Ambroise (discours contre Auxence) et saint Athanase (dans l’apologie pour sa fuite),  disent, tous les deux, que c’est sur l’ordre du Christ, que Pierre a subi le martyre à Rome, il n’est pas improbable que le Seigneur ait aussi ordonné à Pierre de fixer son siège à Rome, pour que ce soit l’évêque de Rome qui  lui succède.  Mais quoi qu’il en soit de tout cela, le moins qu’on puisse dire c’est  que la raison de cette succession ne provient pas de la première institution du pontificat que nous lisons dans l’évangile.    Une deuxième remarque.   Même si ce n’est peut-être pas de droit divin que le pontife romain succède à Pierre dans le gouvernement de toute l’église, parce qu’il est évêque de Rome, cependant, si quelqu’un demande : est-ce de droit divin que le pontife romain est pasteur et chef de toute l’église, il faut absolument répondre oui.   Car, rien d’autre n’est requis  pour que cette succession soit de droit divin, c’est-à-dire que la charge ordinaire de gouverner l’Église universelle avec la suprême puissance, ne vienne pas des hommes, mais immédiatement de Dieu.  Qu’il en soit bien ainsi, nous l’avons démontré plus haut.
 La troisième observation. À supposer même que ce ne soit pas de droit divin que le pontife romain succède à saint Pierre, c’est quand même une chose qui appartient à la foi catholique.   Car, qu’une coutume soit de foi, et qu’elle soit de droit divin, ce n’est pas la même chose. Car ce n’est pas de droit divin que Pierre ait un surnom; mais c’est de foi que Pierre a eu un surnom.  Et même s’il n’est pas écrit expressément dans les Écritures que l’évêque romain succède à saint Pierre, on déduit cependant manifestement  des Écritures que quelqu’un a succédé à saint Pierre.  Que celui-il soit l’évêque romain  nous le tenons de la tradition apostolique de Pierre, laquelle a été proclamée et démontrée par les conciles généraux, les décrets des papes, et l’enseignement unanime des pères.
 Il faut noter enfin que l’épiscopat romain et le gouvernement de l’église universelle  ne sont deux épiscopats et deux sièges qu’en puissance.  Car, ayant été institué par le Christ pontife de toute l’Église, saint Pierre ne s’est pas adjoint l’épiscopat de la ville de  Rome comme l’évêque d’une certaine ville s’adjoint un autre épiscopat ou un autre canonicat ou abbatiat.  Mais il a élevé l’épiscopat de la ville de Rome jusqu’au pontificat suprême de toute la terre, comme quand un simple épiscopat est érigé en archiépiscopat, ou en patriarcat.  Car, cet archevêque ou ce patriarche n’est pas deux fois évêque, mais une fois seulement; et le signe en est qu’il ne reçoit du pape qu’un seul pallium,  même s’il est évêque, archevêque, patriarche, et pontife suprême.   Car, ces choses sont une en acte, et multiples en puissance.  Il s’ensuit que celui qui est élu pontife romain est par le fait même pontife suprême de toute l’Église, même s’il arrivait que les électeurs n’en fassent pas mention.
 Répondons, maintenant, aux objections de Nil et de Jean Calvin.  La première est celle de Nil.   Le pontife romain a reçu des pères la primauté du fait que la cité de Romme commandait à toute la terre, comme on le lit dans le concile de Calcédoine, (article 16).   Il n’eut donc pas cela de la succession de saint Pierre.    Je réponds  que ce décret fut illégitime, car il fut adopté malgré l’opposition de ceux qui présidaient le concile.  Mais on parlera plus longtemps de cette question au chapitre 27.    La deuxième objection.  Le pape de Rome n’est pas un apôtre, mais seulement un évêque. Car les apôtres n’ordonnèrent pas d’autres apôtres, mais des pasteurs et des docteurs.  Le pape de Rome ne succéda donc pas à saint Pierre dans son pouvoir apostolique qui portait sur toute l’Église, mais seulement  dans son épiscopat romain particulier.  Je réponds que dans le statut d’apôtre trois choses sont contenues.   La première.  Que celui qui est apôtre soit ministre immédiat de la parole, en tant qu’ayant été instruit par Dieu, et étant capable d’écrire des livres sacrés.  Nous reconnaissons que cela ne se rapporte pas aux pontifes romains.  Car, il n’est pas nécessaire qu’à chaque jour de nouvelles révélations soient données, et que de nouveaux livres saints soient écrits.  La deuxième.   Que celui qui est apôtre fonde des églises, et propage la foi dans des lieux où elle n’avait jamais pénétré.  Cela appartient aux pontifes romains :  la raison et l’expérience nous l’enseignent.   Car ce sont les pontifes romains qui, depuis les temps apostoliques, ont fondé des églises  dans les différentes parties de la terre,  et en fondent encore aujourd’hui.
 La troisième.  Celui qui est apôtre a un pouvoir suprême dans toute l’Église.  Et nous soutenons que cela appartient aussi au pontife romain pour la raison précise qu’il succède à saint Pierre, dans lequel ce pouvoir est ordinaire, et non délégué, comme dans les autres apôtres.  L’argument de Nil n’aboutit à rien, non plus,  quand il dit que les apôtres n’ont pas institué d’autres apôtres mais des pasteurs ou des docteurs.   Car, ils ne devaient pas sacrer un pontife romain de toute l’Église, ou un pontife apostolique, puisque le Christ l’avait déjà fait.  C’est pourquoi tous les pères ont toujours donné le nom de siège apostolique au siège du pontife romain.  Et dans le concile de Calcédoine que cite Nil, (acte 1),  la dignité du pape des Romains est appelée apostolique, et (à l’article 16), son siège est appelé apostolique.
 Troisième objection.  Pierre a été le pasteur et le docteur de toute la terre.   Mais le pape n’est et n’est appelé que l’évêque de la ville de Rome.   Je réponds que c’est faux,  comme, sans parler des autres,  le concile de Calcédoine nous le fait connaître.  Car (à l’article 3), on y lut trois lettres des Orientaux au pape saint Léon, et dans chacune d’elles Léon est appelé pape de l’Église universelle, nom que l’on retrouve aussi à l’article 16.   La quatrième objection.   Pierre a ordonné les évêques d’Antioche et d’Alexandrie. Mais cela n’est pas permis à l’évêque de Rome.  Je réponds que même si, à cause de l’entêtement des Orientaux, cela n’est pas permis de nos jours, ce droit était autrefois reconnu au pape.  Car, dans le concile de Calcédoine (actes 7),  nous lisons que l’évêque d’Antioche  Maxime a été reçu par le concile, parce que le pape saint Léon l’avait confirmé dans son épiscopat.  Et Libérat (dans le bréviaire, chapitre 21) et Jean Zonaras ( dans Justinien) écrivent que c’est par le pontife de Rome Agapet qu’a été déposé Anthime de l’épiscopat de Constantinople, et que Mena a été ordonné à sa place.  Mais nous développerons davantage ce sujet en son lieu et place.
 La cinquième objection.  Tout ce qu’a dit ou écrit saint Pierre est un oracle du Saint-Esprit. Or, cela ne convient pas au pape.  Le pape n’a donc pas toutes les prérogatives de Pierre. Nous ne prétendons pas, nous non plus, qu’il les ait toutes.  La sixième objection.  Il a été dit à Pierre sans condition : tout ce que tu lieras sera lié,  etc. Or Pierre a prescrit au pontife romain de ne lier ou de ne délier que ce qui mérite de l’être.   Je réponds que tout ce que cet argument prouve c’est que Nil a été un grec léger et un beau parleur.  Car qui a jamais entendu dire  qu’il était permis  à saint Pierre de lier ce qui ne méritait pas d’être lié, et de délier ce qui ne méritait pas d’être délié ?   Et où donc trouve-t-on cette prescription faite au pape par saint Pierre, que Nil met de l’avant ?   Jean Calvin avait fait l’objection suivante ( livre 4, chapitre 6, verset 8, des institutions). « Parce que Pierre, au début, a été placé avant les autres apôtres, il ne s’ensuit pas qu’aujourd’hui quelqu’un doive être le premier de tous.  Car, c’est un petit groupe qui a avantage à être conduit par une seule personne; mais c’est par plusieurs que des milliers de personnes ont intérêt  à être gouvernées.
 Je réponds que saint Pierre n’a pas été seulement mis à la tête de tous les apôtres, mais de tous les milliers de chrétiens.  Car, en saint Jean, le Christ ne lui a pas confié les douze apôtres seulement, mais toutes ses brebis.  Or, nous lisons dans les actes des apôtres (2)  que les brebis de Pierre se sont multipliées jusqu’à atteindre le chiffre de trois mille, et même (actes 4) de cinq mille, dans la seule Jérusalem.  De plus, plus les hommes sont nombreux, plus grand est leur besoin d’un recteur unique qui les garde dans l’unité.  Mais, nous avons traité de cela dans la première question.   Il objecte encore ceci, au même endroit.   Si Rome est le siège du pontificat suprême parce que l’apôtre Pierre y est mort en exerçant le pontificat, le siège du pontificat juif aurait du être dans le désert, parce que c’est là que sont morts Moïse et Aaron quand ils étaient détenteurs du pontificat.   Et le siège pontifical des chrétiens devrait être à Jérusalem, car c’est là qu’est mort le pontife suprême, le Christ.   Je réponds avec ce qui a déjà été dit.   Le siège pontifical n’est pas à Rome parce que c’est là que saint Pierre est mort, mais pace qu’il a été évêque de Rome, et qu’il n’a jamais transféré son siège ailleurs.  Moïse et Aaron ne fixèrent pas leur siège dans le désert, mais ils y sont morts en chemin.  Le Christ, non plus, ne fixa son siège à Jérusalem, ni à aucun autre droit, comme nous l’avons dit plus haut.
 Il présente comme objection, en troisième lieu, au même endroit (verset 12), le raisonnement suivant.   Ce privilège du primat sur toute l’église est ou local, ou personnel ou mixte.  S’il est local, ayant été une fois concédé à Antioche, il ne peut pas lui être enlevé, même si Pierre la quittait pour aller mourir ailleurs. S’il est personnel, il n’a rien à voir avec le lieu, et Rome n’a pas plus droit au pontificat suprême que toute autre cité.  S’il est mixte, il ne suffit donc pas à quelqu’un  d’être évêque de Rome pour avoir la primauté.  Car, si le privilège est en partie local, et en partie personnel, il n’est donc lié au lieu que dans le temps où habite la dite personne, c’est-à-dire Pierre.  Je réponds que, par l’institution primordiale du Christ, la dignité pontificale a été personnelle. Mais, cependant, par l’intervention de Pierre, elle est devenue par après locale,  plutôt mixte,  mais rien de tout cela sans la permission de Dieu.   Je dis qu’elle a été au début personnelle, car elle ne fut, par le Christ, liée à aucun endroit, mais déposée dans la personne de Pierre.  Je dis personnelle, tout en étant publique et non  privée.
 On appelle personnels les privilèges qui sont donnés à une personne pour elle seulement;  publics, ceux qui sont donnés à la personne et à ses successeurs.  Cependant, parce que, après cela,  Pierre fixa son siège à Rome, ce privilège est devenu local, et donc mixte.   Et  il est lié à la ville de Rome aussi longtemps que les successeurs de saint Pierre conserveront leur siège à Rome.  Car si le siège de Pierre était transféré ailleurs par un ordre divin, les évêques de Rome ne seraient plus alors évêques de l’église universelle.  Transférés au sens où ils ne seraient plus les évêques de Rome mais d’une autre ville, car la seule absence de Romme n’équivaut pas à un transfert.  Ce que nous disions là n’est pour nous qu’une hypothèse, car nous ne pensons pas que le siège de Rome soit un jour transféré ailleurs.
 La quatrième objection est faite au même endroit (verset 13).   Si c’est parce qu’il succède à saint Pierre que le pontife romain est le premier évêque, c’est l’évêque d’Éphèse qui devrait être le second, celui de Jérusalem le troisième, et ainsi de suite. Mais nous voyons que le deuxième siège est celui d’Alexandrie,  qui n’a été fondé par aucun apôtre.   Celui d’Éphèse n’a même pas pu occuper le dernier rang.  Je réponds que l’importance et le nombre des patriarches ne dépendent pas de la dignité des premiers évêques, autrement il n’y en aurait pas trois, mais douze, selon le nombre des apôtres.  Ils ne dépendent que de la seule dignité et volonté de saint Pierre, comme nous l’avons démontré avec des citations d’Anaclet, de Léon, de Gélase et de Grégoire, dans les prérogatives de saint Pierre, à la question 3.
 La cinquième objection est tirée du livre 4 (chapitre 7, verset 28).  Si tout ce qu’on dit de Pierre doit être dit de ses successeurs, il faut dont reconnaitre que tous les papes sont des Satan, car cela est dit au même endroit où il est dit : « je te donnerai les clefs du royaume. »   Je réponds que ce qui est dit à Pierre diffère de trois manières.   Certaines choses lui sont dites à lui seul, personnellement, d’autres à lui et à tous les chrétiens, et d’autres à lui et à ses successeurs.  On peut faire cette distinction en considérant à quel titre certaines choses lui sont dites.   Car, ce qui lui est dit en tant qu’un fidèle parmi d’autres, s’applique évidemment à tous les fidèles.  Comme en Matthieu (18) : « Si ton frère pèche contre toi… »  Mais les choses qui lui sont dites à lui à cause de sa personne propre, ne sont dites qu’à lui, comme : « Va en arrière de moi, Satan ! »,  ou comme : « Tu me renieras trois fois. »  Car, ces choses lui sont dites à cause de sa propre imbécilité et ignorance.  Il y en a d’autres qui lui sont dites en raison de sa charge pastorale, qui sont donc dites aussi à tous ses successeurs, comme : « Pais mes brebis », « Confirme tes frères », ou « Tout ce que tu lieras ».
 Les arguments de Luther sont très légers, et ce que nous avons dit peut facilement les réfuter.   Et de plus, ils sont été brillamment combattus par Eck, Fabius, Roffensus et Cajetanus dont les livres sont dans toutes les mains.  Je les omets donc.
                                                                              CHAPITRE 13
                                                  On prouve la même chose avec les conciles
 Il nous faut, en second lieu, prouver la primauté du pontife romain par les conciles.    Luther (dans son livre  sur le pouvoir du Pape) et Illyricus (dans son livre contre la primauté)  et Jean Calvin (dans institution, chapitre 7, verset 1)  disent que le canon 6 du concile de Nicée milite ouvertement contre nous.  Ce concile assignerait au pontife romain une région déterminée à gouverner, et petite d’ailleurs;  et le déclarerait un des patriarches, mais non la tête des autres.  Ils ne purent, prétendent-ils,  découvrir aucun témoignage conciliaire en notre faveur.   Il y a pourtant des témoignages célèbres des conciles généraux en faveur du primat du pontife romain, et quelques-uns de ces conciles  furent si universels ou oecuméniques qu’ils furent composés autant de pères grecs que de latins.  Ce qui fut obtenu en dépit de la légèreté d’esprit et de l’orgueil  des Grecs.
 Voilà  donc le premier concile de Nicée, et le fameux canon 6 que nos adversaires nous opposent.  Mais ce canon requiert une explication pour qu’on puisse en tirer un argument. En voici donc le texte, tel qu’il nous est parvenu : « Que la coutume antique perdure en Égypte, ou en Lybie, ou en pentapolis, de façon à ce que l’évêque d’Alexandrie ait le pouvoir sur eux tous,  parce que la coutume veut qu’il soit  semblable à l’évêque de Rome. »  Il y a quelques remarques à faire sur ce canon.   D’abord, d’après Nicolas 1 (épitre à Michaël) : « Le concile de Nicée n’a rien statué au sujet de l’Église de Rome car son  pouvoir elle le tient de Dieu et non des hommes. Il n’a fait que déterminer le statut des autres églises à partir de la constitution de l’Église romaine.  Le concile ne dit pas : que l’évêque de Rome ait telle ou telle région à administrer. Mais : que l’évêque d’Alexandrie soit chargé de l’Égypte et de la Lybie, parce que c’est ainsi que l’évêque de Rome en a établi la coutume. »  L’Église romaine est clairement représentée comme la norme ou la règle des autres, et rien n’a été statué à son sujet.   Calvin, Illyricus, Nil et les autres se trompent donc quand ils disent que le concile de Nicée a assigné certaines limites territoriales à l’évêque de Rome, pour qu’il n’ait de pouvoir que sur  les diocèses suburbains.
 Il faut aussi noter que, dans les livres de la vulgate, manque le début de ce canon qui commence ainsi : « L’Église romaine a toujours eu la primauté.  Que la coutume perdure etc. »  C’est ainsi que ce canon est cité dans le concile de Chalcédoine (article 16) par l’évêque Paschasius.  C’est ainsi qu’un peu avant l’an mille,  l’a traduit du grec un certain abbé  Denys, comme Alanus Copus l’a annoté dans le dialogue 1.   Et dans le même concile de Chalcédoine, (article 16), après la lecture de ce canon 6, les juges dirent : « Nous étendons toute la primauté et le premier honneur, selon les canons, à l’archevêque de l’antique Rome, très aimé de Dieu ».
 On doit observer, en troisième lieu, ces paroles : «  Parce que, pour l’évêque romain, telle est la coutume. »  Il y a quatre façons d’expliquer cette phrase.   La première, c’est Ruffin qui la donne (livre 10 de l’histoire ecclésiastique, chapitre 6).  Il a été décrété par le concile que l’évêque d’Alexandrie ait la charge pastorale de l’Égypte, comme  l’Église de Rome l’a sur les églises suburbaines.  Mais c’est une fausse exposition, car si l’évêque de Rome est le premier et le principal patriarche, comment peut-on croire que lui a été assignée, à lui,  la plus étroite région, et aux autres patriarches inférieurs une région beaucoup plus large ?  Car, le patriarche d’Antioche avait tout l’Orient, celui d’Alexandrie trois grandes provinces ; l’Égypte, la Lybie et la Pentapolis.  Et l’évêque romain n’aurait eu, lui, que les six évêchés les plus proches de Rome ?  De plus, cette préposition «quoniam » (parce que), indique une raison.   Or, on ne voit pas comment on pourrait logiquement dire que l’évêque d’Alexandrie a la charge pastorale de trois provinces,  parce que l’évêque de Rome prend soin des évêchés suburbains.  Donc, ou la raison invoquée par le concile de Nicée ne vaut rien, ou Ruffin n’a pas bien compris le sens du canon du concile.   De plus, le concile de Nicée, cité par le concile 6 de Carthage, ou lu dans le concile de Chalcédoine, (acte 16), ou rapporté par l’abbé Denys a perdu le souvenir des « églises suburbaines.»  Il n’a que les mots suivants : « Que l’évêque d’Alexandrie ait le pouvoir sur toute l’Égypte, la Lybie et la Pantapolis, car, pour l’évêque romain, aussi, telle est la coutume. »    Ces églises suburbaines furent donc une pure invention du Ruffin qu’a suivi Calvin.
 La deuxième explication du texte est celle de Théodore Balsamonis, (dans son explication du canon) et de Nil (dans son livre contre la primauté).  Le concile a décrété  que l’évêque d’Alexandrie ait le soin de toute l’Égypte, comme l’évêque romain a le soin de tout l’Occident.  Cette interprétation est plus acceptable, mais elle n’est pas moins fausse.  Car, quand le concile dit : car, telle est la coutume pour l’évêque romain,  il donne la cause pour laquelle on doit persévérer dans la coutume antique qui confie à l’évêque d’Alexandrie le soin pastoral de ces trois régions.  Or, le fait que l’évêque romain ait  le soin pastoral de tout l’occident n’est pas une raison qui explique pourquoi l’évêque d’Alexandrie doive être chargé  de l’Égypte, de la Lybie et de la Pendapolis.  Pourquoi pas de toute l’Afrique ?  Ou pourquoi pas de l’Égypte seulement ?  Et pour quoi l’Alexandrin plutôt que le Carthaginois ? Ou n’importe lequel autre ?  Ajoutons que  le concile n’emploie ni le mot orient, ni le mot occident.  Il ne dit que : parce que telle est la coutume, pour l’évêque romain.
 La troisième interprétation est celle de l’auteur de la somme des conciles.  Il pense pouvoir, à l’aide d’un vieux codex, restituer les mots « parce que telle est la coutume pour le métropolitain », au lieu de : « parce que telle est  la coutume pour l’évêque romain ».   Cette explication n’est pas solide, elle non plus.   Car les exemplaires du concile de Nicée n’ont jamais été plus complets ni plus amendés que ceux qui se trouvent dans les archives des pontifes romains, comme nous l’avons déjà démontré quand nous traitions des appellations.  Car ceux qui étaient en Grèce ont été brûlés par les Ariens, au témoignage de saint Athanase (dans son épitre à tous les orthodoxes).  Il ne faut donc pas se surprendre de ce que le texte cité par Ruffin et les autres, soit mutilé et corrompu.   Or, c’est  des archives de l’Église romaine que Paschase, le légat de saint Léon au concile de Chalcédoine,  a tiré ce canon.  Et, voici ce que nous y lisons : « parce que telle est la coutume pour l’Évêque romain. »   Ajoutons que  l’évêque d’Alexandrie n’invoquerait pas une bonne raison, s’il faisait dépendre son droit pastoral  d’une coutume établie par les métropolitains.  Car, les métropolitains ne régissent qu’une seule province, et à l’évêque d’Alexandrie sont soumises plusieurs provinces, et même des métropolitains.
 La quatrième et la vraie explication est que l’évêque d’Alexandrie doit gouverner ces trois provinces parce que l’évêque de Rome en a fait une coutume.  C’est-à-dire, parce que l’évêque de Rome, avant tous les conciles, avait permis depuis longtemps à l’évêque d’Alexandrie de prendre soin de l’Égypte, de la Lybie, et de la Pentapolis.   C’est-à-dire qu’il en fit un droit coutumier.   C’est ainsi que comprend ce canon le pape Nicolas  1 (dans son épitre à Michaël).   Et on ne voit pas d’autre explication qui soit plus plausible.   Le second concile général, dans l’épitre au pape Damase (que cite Theodoret , livre, 5, chapitre 9 de son histoire),  déclare s’être réuni à Constantinople sur l’ordre du pontife romain, exprimé dans les lettres que l’empereur leur a envoyées.   Ils avouent donc par là que le pape est la tête, et qu’eux  sont les membres.
 Le troisième concile (comme le rapporte Évagre, livre 1, chapitre 4 de son histoire),  déclare qu’il dépose Nestor sur l’ordre écrit du pape Célestin.  Et, dans son épitre au même pape Célestin, le même concile écrit qu’il n’avait pas osé juger la cause du patriarche d’Antioche, Jean,  parce qu’elle était complexe et difficile à démêler, et qu’il la réservait au jugement du pape Célestin.  Toutes choses qui indiquent l’autorité suprême du pontife romain.   Le concile de Chalcédoine  (actes 1, 2, 3) appelle souvent le pape Léon « pontife de l’Église universelle ». Et, dans son épitre au pape saint Léon : « Et en plus de toutes ces choses, il décharge sa folie contre celui à qui la vigne du Seigneur a été commise,  contre ta sainteté apostolique ».  Ici, tu vois  que ce très grand concile confesse que la vigne du Seigneur, c’est-à-dire la garde de l’Église universelle,  a été confiée par Dieu au pontife romain.   Le synode de Constantinople, qui a été convoqué avant le cinquième synode qui s’est prononcé sur l’évêque Anthime (acte 4), parle ainsi par le patriarche Menas, président du concile : « Nous suivons, nous, le siège apostolique, et nous lui obéissons,  et nous recevons dans notre communion ceux qu’il reçoit dans sa communion, et nous condamnons ceux qu’il condamne. »   Si donc tout le concile professe obéir au siège apostolique, il est certain que le siège apostolique préside avec autorité sur toute l’Église.
 Le septième synode (acte 2) reçoit et approuve l’épitre d’Adrien à Tharasium, qui s’exprime comme suit : « Éclaire toute la terre le siège qui a obtenu le primat, et est la tête de toutes les églises de Dieu. C’est pourquoi, le bienheureux Pierre lui-même paissant l’Église sur l’ordre de Dieu, n’a rien qui échappe à son autorité, mais a obtenu partout la principauté par le passé, et l’obtient encore aujourd’hui  »   Note que c’est au présent qu’il dit : obtenant la principauté, il (Pierre)  éclaire, et il est la tête.  Le concile du Latran sous Innocent 111, auquel participèrent les Grecs et les latins,  (chapitre 5) s’exprime ainsi: « En tant que mère et maîtresse de tous les fidèles du Christ, L’Église romaine, comme l’a établi le Seigneur, obtient la suprématie sur toutes les autres de pouvoir ordinaire. »   Le concile général  de Lyon sous Grégoire 1X, (chapitre 6, titre : de l’élection) écrit : « À la vue d’un péril, on appelle l’évêque romain, vicaire du Christ, successeur de saint Pierre, recteur de l’Église universelle. »   Et cela, en présence autant des Grecs que des Latins.  Enfin, le concile de Florence  statua ainsi,  après avoir obtenu le consentement des Grecs et des Latins : « Nous définissons que le saint siège apostolique du pontife romain détient la primauté sur toute la terre; que le pontife romain est le successeur de Pierre prince des apôtres, vrai vicaire du Christ, tête de toute l’Église, père et docteur de tous les chrétiens;  que c’est à lui qu’a été remis, par Jésus-Christ notre Seigneur,  le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle. »  J’omets les cinq autres conciles généraux, car ils ne sont reçus ni par les Grecs, puisqu’ils n’y participèrent pas, ni par les luthériens, puisqu’ils ont été célébrés après l’an 600.  Ces conciles, les voici : le concile de Lyon sous Innocent lV,  (comme ce que nous avons au chapitre 1 sur l’homicide,  dans le sixième concile).  Le concile de Vienne sous Clément lV; celui de Constance (session 8 et 15); du Latran  sous Léon lX, session 11, et le concile de Trente (session 14, chapitre 7, et ailleurs).
                                                                             CHAPITRE 14
                           On prouve la même chose avec des témoignages des souverains pontifes
 Le troisième argument on va le tirer des enseignements des souverains pontifes.   Il faut d’abord observer que les lettres des souverains pontifes appartiennent à trois catégories différentes.   La première est celle qui contient les épitres des pontifes qui ont siégé jusqu’à l’an 300.  Les Magdebourgeois et Calvin admettent que, pendant ces siècles, le primat était professé en toute vérité, et que les pontifes ont été de vrais et de saints pontifes.   Mais ils disent que leurs épites ont été trafiquées, ou  qu’elles sont de composition récente, et qu’elles  ont été faussement attribuées à ces pontifes. La seconde comprend les lettres de ces pontifes qui ont siégé depuis l’an 600 jusqu’à nos jours.  Nos adversaires soutiennent que, pendant ces siècles, la primauté a vraiment été enseignée, et par les auteurs dont les écrits portent les noms.   Mais que ces pontifes n’étaient  pas dignes de foi, qu’ils étaient plutôt des pseudos pontifes, ou qu’ils n’étaient pas pontifes du tout. La troisième comprend ces épitres dans lesquelles est affirmé ouvertement le primat, et qui ont été écrites par de vrais et de saints pontifes, qui vécurent entre 300 et 600, comme Jules, Damase, Syricius,  Innocent, Zozime,  Léon, Gélase, Anastase 11, Jean 11, Féliz 1V, Pélage 11,  et saint Grégoire.   Il n’y aura donc pas lieu de s’attarder aux témoignages de la première et de la seconde catégories. Il suffira d’indiquer les textes, et de répondre aux objections des hérétiques.  Ils reconnaissent parfois que dans ces lettres est affirmée ouvertement notre doctrine.  On ne fera de citations que pour les témoignages  de la troisième classe.
 Les pontifes suivants affirment clairement la primauté de l’évêque de Rome.  Saint Clément (épitre 1), Anaclet (épitre 3), Évariste (épitre 1),  Alexandre (épitre 1), Pie (épitre 1 et 2), Anicet (épitre 1), Victor (épitre 1), Zéphyrin (épitre 1),  Calixte (épitre 2), Lucius (épitre 1),  Marcel (épitre 1), Eusèbe (épitre 3), Melchiades (épitre 1),  Marc (épitre 1).   À ces témoignages, les adversaires  ne répondent rien d’autre qu’ils sont adventices et récents. Mais même si je ne peux nier que quelques erreurs s’y soient glissées, je n’oserais affirmer que ces épitres soient apocryphes.  Car, il est certain que ce sont des documents très anciens.  Ils  mentent effrontément  les magdebourgeois (centurie 2, chapitre 7) quand ils disent qu’aucun auteur digne de foi n’a cité leurs paroles avant le temps de Charlemagne.  Car Isidore qui a vécu 200 ans avant Charlemagne, dit (au début de sa collection des sacrés canons) que c’est sur la demande de quatre-vingts évêques qu’il a recueilli des canons tirés des épitres de Clément, d’Anaclet, d’Évariste, et d’autres pontifes romains.  De même, le concile de Vasense (chapitre 6) cite les lettres de saint Clément, comme elles existent aujourd’hui.  Or, ce concile a été célébré au temps du pape Léon 1,  350 ans donc avant Charlemagne.  Ensuite Ruffin qui précède Charlemagne de 400 ans, dans sa préface de la reconnaissance (saint Clément) qu’il a traduite du grec, se souvient de l’Épitre de Clément à Jacques,  et dit l’avoir traduite en grec.   Que cette traduction de Ruffin existe vraiment, c’est Gennadius qui l’atteste dans ses hommes  illustres, au mot Ruffin.
 Pour la seconde catégorie, nous avons Adrien 1, dans son épitre à Tharasius,   Nicholas 1, dans son épitre à l’empereur Michaël, Léon 1X  dans une épitre que nous trouvons au chapitre solitae.   Tous enseignent clairement et explicitement que le pontife romain préside à toute l’Église.    À cela les adversaires répondent qu’ils étaient tous des antichrist.   Nous parlerons de cela dans la question suivante.   Pour l’instant nous ne disons que ceci.  Si ces pontifes avaient été des antichrist, toute l’Église aurait péri depuis 1000 ans.   Mais les historiens nous rapportent que l’Église universelle a reconnu ces pontifes,  et a accepté leurs doctrines.  Or, s’il est vrai que l’Église a péri, le Christ a menti quand il a dit en Matthieu (16) que « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ».  Mais sur ce sujet, nous ferons plusieurs développements  dans les questions sur l’Église.  Venons-en donc à la troisième catégorie, et présentons douze pontifes saints et grands.
 Le premier est saint Jules 1, qui, dans son épitre aux Orientaux (qui a été conservée dans l’apologie 2 de saint Athanase)  parle ainsi : « Ignorez-vous donc que la coutume veut qu’on nous écrive d’abord, pour que puisse être décidé ce qui est juste ?   Si un soupçon de cette sorte envers l’évêque avait pris naissance,  il fallait le rapporter à notre église. »  Et plus bas : « Ce sont les choses que j’ai reçues du bienheureux Pierre que je vous communique.  Je n’écrirai rien d’autre que ce que je pense être connu de vous, si ce n’est que nous troublent les faits eux-mêmes. »   Par ces paroles, saint Jules affirme que c’est à lui qu’appartient la charge de juger les causes des évêques, même  des orientaux, même des patriarches du premier rang (car dans la cause de saint Athanase, il s’agissait de l’évêque d’Alexandrie).  Il dit que ce droit il l’a reçu de Pierre, et que cela est connu de tous. Que peut-on réponde à cela ?  L’auteur est saint et très ancien, l’épitre est certaine, et transcrite au complet par saint Athanase; les mots en sont clairs et faciles à comprendre.
 Le deuxième est saint Damase qui, dans son épitre à tous les évêques d’Orient (que Theodoret a recopiée livre, 5, chapitre 10 de son histoire) écrit : « Parce que votre charité a rendu au siège apostolique la révérence qui lui est due, etc »  Il déclare donc que la révérence est due au pape, et il appelle fils tous les évêques.  On trouve la même chose dans l’épitre 4 aux évêques de Numidie : « Tout ce qui peut être matière à doute,  ne cessez pas de nous le référer à nous, comme à la tête, ainsi que  le veut la coutume. »  Le troisième est saint Cyricius dans son épitre à Himericus,  dont Calvin lui-même reconnait l’authenticité : « En vertu de notre  charge, ce n’est pas à nous à dissimuler ni à taire la liberté d’action dont jouit celui qu’enflamme  le zèle de la religion chrétienne.  Nous portons les fardeaux de tous ceux qui sont lourdement chargés. Ou plutôt, c’est le bienheureux Pierre qui les porte en nous, qui nous protège en toutes choses, nous qui nous nous confions à sa guidance,  et c’est lui qui nous protège contre les hérésies. »  Et plus bas, chapitre 15 : « Nous avons examiné, frère très cher, tout ce que contenait la plainte,  et chacune des causes que, par notre fils le prêtre Bassien, tu as présentées à l’Église romaine, comme  à la tête du corps. »  Il prescrit ensuite à l’évêque de faire parvenir ses décrets à tous les autres évêques.
 Le quatrième est saint Zozime dans son épitre à Ésichium, évêque de Salonite : « C’est à toi de préférence que nous avons adressé nos écrits, pour que tu les fasses connaître à tous nos frères évêques. »  Et plus bas : « Que chacun sache  que quiconque négligerait ce qui porte le sceau de l’autorité apostolique et des pères, serait sévèrement puni par nous, etc. »  Le cinquième, saint Innocent (épitre 22 aux évêques de Macédoine) écrit : « Rends-toi compte que c’est faire injure au siège apostolique, auquel le rapport avait été envoyé  en tant que tête des églises. »  La même chose dans la lettre au concile de Milet (épitre 93 de sain Augustin) : « Avec soin, et comme il convient, vous avec rendu honneur au siège apostolique.   Honneur à celui sur  qui, à l’exception des choses qui ne sont pas de son domaine,  pèse le souci de toutes les églises. Vous avez suivi les directives d’une ancienne règle, que vous savez avoir été observée par tout le monde et par moi. »  Même chose dans l’épitre au concile de Carthage (91).  Il écrit que l’église romaine est « la source et la tête de toutes les églises. »
 Tout ce que les magdebourgeois ont à  répondre à cela c’est  que c’est beaucoup trop impunément qu’Innocent s’est arrogé ces privilèges.   Voilà pourquoi on l’appelle par mépris le nuisible.   Mais s’il en est bien ainsi, pourquoi les anciens pères n’ont-ils pas dénoncé cette erreur d’Innocent ?  Pourquoi saint Augustin (dans son épitre 106 à Paulin) dit-il en parlant de ces deux lettres d’Innocent : « Il nous a répondu toutes ces choses de la façon dont il est permis et obligatoire  à l’évêque du siège apostolique de s’exprimer. »  Et pourquoi saint Augustin appelle-t-il ailleurs Innocent 1  pape de bienheureuse mémoire ?
 Le sixième est saint Léon.  Mais parce que Luther et Calvin prétendent que les anciens pontifes de Rome n’ont eu d’autorité qu’en Occident,  présentons des textes de saint Léon le grand, dans lesquels il affirme et démontre la primauté romaine, et exerce au même moment la juridiction sur les pontifes de Grèce, d’Asie, d’Égypte et d’Afrique.  Dans l’épitre 84 à Anastase, évêque de Thessalonique,  il dit : «  Comme mes prédécesseurs à tes prédécesseurs, suivant l’exemple des anciens envers ta charité, je t’ai délégué comme vicaire de ma modération, pour que tu nous aides dans le soin que, d’institution divine, nous avons de toutes les églises, et qu’aux provinces éloignées du siège apostolique, tu présentes la présence de notre visite. »   Et plus bas : « Nous avons fait de ta charité notre vicaire, de façon à ce que tu sois appelé à une partie de la charge pastorale, mais  non à la plénitude du pouvoir. »  Et  à la fin, là où il disait que c’était par une grande providence qu’ont été institués, des évêques, des archevêques et des primats, il ajoute : « Par qui le soin de l’Église universelle affluerait au seul siège  de Pierre, et pour que rien ne soit détourné de  sa tête. »  Ces textes montrent non seulement le primat, mais l’autorité de saint Léon sur les églises de Grèce.
 Le même saint Léon le grand (épitre 46 à Anathole, évêque de Constantinople) écrit  : « C’est à vous qui résidez que nous avons confié l’exécution de ce que nous avons décidé. »  Tu vois qu’il prescrit quelque chose à l’évêque de Constantinople.   Le même (dans l’épitre 62 à Maxime d’Antioche).   Il lui demande de lui faire rapport souvent sur ce qui se passe dans les églises.  Et au même endroit : « L’évêque Juvénal a cru qu’il pouvait se suffire à lui-même pour obtenir le premier rang dans la province de Palestine. Que Cyrille de sainte mémoire ait,  avec raison cela, eu en horreur, il me l’a indiqué par ses écrits,  et m’a ardemment supplié de ne donner aucune approbation à ces tentatives illicites. »  Vois comment le patriarche d’Alexandrie supplie le pape Léon de ne pas permettre que Juvénal usurpe la primauté sur la Palestine.   Et comme cette province relevait du patriarche d’Antioche, pourquoi Cyrille n’a-t-il pas fait sa demande au patriarche d’Antioche lui-même ?  Le même saint Léon (épitre 81 à Dioscore) dit au patriarche d’Alexandrie : « Ce que nous savons que nos pères ont conservé avec un soin attentif, nous voulons que cela soit aussi conservé par vous. »   C’est au patriarche de toute l’Égypte et de la Lybie que saint Léon donne ces ordres.   Le même (épitre 87 aux évêques africains) « Ce que nous avons supporté comme véniel ne pourra pas, par la suite,  demeurer impuni,  si quelqu’un osait usurper ce que nous avons interdit. »  Et plus bas : « Nous avons ordonné que là soit entendue la cause de Lupicinus évêque ».
 Léon commandait donc aux évêques de Grèce, d’Asie, d’Égypte, et d’Afrique.  Nous avons encore aujourd’hui de ses lettres aux évêques d’Allemagne, de France, d’Espagne et d’Italie, dans lesquelles il se présente comme leur juge et leur tête.   Enfin, dans le sermon sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul,  la ville de Rome parle ainsi : « Ayant été fait, par le siège sacré du bienheureux Pierre, tête de l’univers,  ton règne religieux s’étendra plus  loin que ta domination terrestre. Bien que par un grand nombre de victoires, tu aies agrandi, par le droit de la guerre, ton empire sur terre et sur mer, ce que le labeur guerrier t’a asservi est plus petit que ce que la paix du Christ t’a soumis.  »  Qu’est-ce qui est plus clair que cela ?
 Mais à ces citations, Calvin donne deux réponses.   Une première (livre 4 des institutions, chapitre 7, verset 11).    Il dit que saint Léon a été, outre mesure, avide de gloire et de domination, et que plusieurs ont résisté à son ambition.   Il donne comme preuve une note en marge de l’épitre 85.  Mais nous avons beau chercher, dans cette épitre il n’y a rien de tel,  et nous ne voyons personne résister aux épitres de saint Léon, à l’exception de l’évêque gaulois Hilaire.  C’est le seul, dans l’épitre 89 de saint Léon, qui a voulu se soustraire à l’obéissance du siège apostolique.  Mais, nous lisons au même endroit, qu’il est venu à Rome plaider sa cause, mais que, déclaré coupable par un concile, il a été puni.  Demeurent encore aujourd’hui des lettres de conciles, d’évêques, d’empereurs adressées au pape Léon, et aussi d’évêques de Gaulle.  Dans toutes ces lettres,  on loue grandement sa piété et son autorité.   Et je ne pense pas que, avant Luther et Calvin,  personne ait jamais taxé le pape Léon d’orgueil et d’ambition.
 Il répond en second lieu que Léon n’a pas usurpé la juridiction sur les autres évêques, mais qu’il ne s’est qu’interposé comme arbitre dans des différends, en autant que la nature et la loi de la communion ecclésiastique le souffrait alors.  Et il le prouve ainsi.  Dans la lettre 84, où il semble le plus donner des ordres aux évêques,  il ajoute vouloir conserver, en toutes choses, les privilèges des métropolitains.  C’est comme s’il disait que c’est par piété qu’il avertit, mais qu’il laissait à chacun l’autorité qui leur appartenait.  S’il en vraiment ainsi, il n’était donc pas avide de gloire et de domination,  et on ne peut pas non plus l’accuser d’avoir été ambitieux.  Mais, les paroles de saint Léon que nous avons citées plus haut montrent assez clairement  qu’il  commandait aux évêques avec autorité.   Qu’il ait voulu conserver les droits des métropolitains, cela n’a rien à voir avec notre affaire.   Car, il veut les conserver de façon à ce qu’ils soient soumis au siège apostolique, et à son vicaire.   C’est bien  ainsi qu’il parle dans l’épitre 84 : « Donc, selon les canons des saints pères composés par le Saint-Esprit, et consacrés par la vénération de tout l’univers, nous déclarons que ta fraternité  possède, de toute antiquité, un droit incontestable de dignité sur  les évêques métropolitains de chacune des provinces dont,  par notre délégation, ta fraternité prend soin,  pour que, ni par négligence ni par présomption,  ils ne s’affranchissent des règles établies. »  Et plus bas : « Si,  par malheur, parmi ceux qui jugent des plus grandes fautes, une dissension naissait, qui ne peut pas être apaisée par un tribunal provincial, le métropolitain prendra soin d’informer ta fraternité de la nature de cette affaire;  et si, après avoir entendu le plaidoyer des deux parties, la question ne pouvait pas être réglée par ton jugement, il faudra la porter à notre connaissance, quelle qu’elle soit. »
 Septième .  Voici ce que dit saint Gélase aux évêques de Sardaigne : « Chaque église de tout l’univers sait que le siège de l’apôtre Pierre a le pouvoir de dénouer tous les liens noués par les  sentences d’évêque; qu’il  lui est permis de porter un jugement sur toute église,  et qu’il n’est permis à personne de juger son jugement. »  Il dit des choses semblables dans la lettre à l’empereur Anastase.  Il est impossible de répliquer quoi que soit à cela.  Il appert que ce sont les vraies paroles de Gélase, que Gélase fut un saint homme,  et qu’il a vécu avant l’an mille.  Huitième.   Jean 11 qui, lui aussi, a siégé avant l’an mille,  écrit dans l’épitre à l’empereur Justinien (qui se trouve dans le code de Justinien à un tit ) : « Parmi les louanges sublimes de votre sagesse et de votre mansuétude, le plus chrétien des princes, il y a un précepte du Seigneur qui irradie comme un astre d’une lumière plus pure que les autres.  Enseignés par l’amour de Dieu, nos disciplines ecclésiastiques ont conservé la révérence envers le siège romain; et, tout lui ayant été soumis,  tout a été ramené à son unité, à celui qui en est l’auteur, le prince des apôtres, Pierre.  « Pais mes brebis ».  Et ce précepte est qu’elle  est vraiment la tête de toutes les églises. Toutes les règles des pères et les statuts des princes le déclarent. »
 Neuvième.   Anastase 11 (dans l’épitre à l’empereur Anastase) : « Par le ministère de mon humilité,  que le siège du bienheureux Pierre tienne, comme toujours,  dans l’Église universelle, la primauté qui lui a été assignée par le Seigneur. »  Dixième.   Félix 1V (dans son épitre à différents évêques), écrit : « J’ai reçu avec reconnaissance les  écrits de votre sainteté que vous avez envoyés au siège apostolique comme à la tête, pour recevoir une réponse d’où toute église de toute la religion tire son origine. »  Onzième.   Pélage 11 (dans son épitre 1 aux évêques orientaux ) : « Le siège de Rome, selon l’institution du Seigneur, est la tête de toutes les églises. »   Douzième.  Saint Grégoire le grand, s’est, tout autant que saint Léon, déclaré tête de toute l’Église (livre l, épitre 72, à Gennade) : « Si, du concile de Numidie, il y en a qui désirent venir au siège apostolique, permettez-le leur.   Et si quelqu’un, parmi eux, voulait leur bloquer la route, empêchez-les. »  Voilà ce qui démontre l’autorité de saint Grégoire en Afrique.  De même (livre 2, épitre 37) : « Après ce qu’à votre béatitude mon prédécesseur et moi-même  avons écrit au sujet de l’archidiacre Honorat, c’est par  mépris de la sentence portée par nous deux, que  le préfet Honorat a été privé de son grade.  Si l’un des quatre patriarches avait fait cela, un tel mépris n’aurait pas pu se produire  sans causer un grave scandale. »  Par ces paroles, saint Grégoire montre qu’il est au-dessus de tous les patriarches.
 De même (libre 4, épitre 56, aux évêques de la province d’Hellade) : « Sachez que nous avons conféré le pallium  à Jean notre frère, évêque de Corinthe,  à qui il vous convient grandement d’obéir. »    Voyez l’autorité qu’a saint Grégoire sur les évêques grecs, qu’il soumet à l’évêque de Corinthe par la transmission du pallium !  Même chose (livre 7, épitre 68 à Jean, évêque de Syracuse) : « Car, en ce qui a trait à l’église de Constantinople, qui doute qu’elle soit soumise au siège apostolique ?  C’est ce que notre  très pieux empereur et notre frère Eusèbe, évêque de cette cité, professent constamment. »   Et (dans la lettre 64 au même) : « Car, si celui-ci se dit soumis au siège apostolique, et si une faute été trouvée dans les évêques, je ne sais pas quel évêque ne lui sera pas soumis. »  Quoi de plus clair ?  J’omets les lettres aux évêques d’Italie, de Gaule, d’Espagne, car nul ne doute de leur obéissance.
 Calvin répond (livre 4, chapitre 7,  verset 12).  Il dit d’abord que le pape saint Grégoire s’est attribué le droit de corriger les autres, mais que  ne lui ont obéi que ceux qui l’ont bien voulu.  Mais, cela on ne peut pas le dire.   Car saint Grégoire fut très saint et très humble.   La preuve en est que même les Grecs célèbrent son jour de fête.  Calvin lui-même (livre 4, chapitre sept, verset 22)  reconnait que Grégoire fut un grand saint.   Or, l’usurpation des biens d’autrui ne cohabite pas avec la sainteté.   Ce n’est  ni un péché véniel ni une imperfection de se soumettre tous les évêques mais le fait d’un orgueil intolérable,  et la note spécifique de l’Antichrist, comme ils l’enseignent souvent.   Comment saint Grégoire pouvait-il être saint s’il s’est soumis injustement tous les évêques ?  Il répond ensuite que c’est par le mandat de l’empereur qu’il a jugé l’évêque de Constantinople, comme on peut l’apprendre de la lettre de Grégoire (livre 7, épitre 64).  Or, dans cette lettre, saint Grégoire dit que l’empereur veut qu’il juge le patriarche,  parce que les canons l’ordonnent ainsi.   C’est tout à fait comme si l’empereur avait dit  qu’il ne voulait pas empêcher que, même s’il était l’évêque de la cité impériale,  l’évêque de Constantinople soit puni par le pape Grégoire, comme le prescrivent les canons.  C’est pourquoi, dans l’épitre citée plus haut, saint Grégoire affirme que l’empereur professe constamment que  l’église de Constantinople est sujette de l’église de Rome.
 Il répond, en troisième lieu, que comme il punissait les autres, saint Grégoire était disposé à être amendé par les autres, ainsi qu’ il le dit dans l’épitre 37, livre 2.  Donc, il obéissait autant qu’il commandait.   Mais, dans cette lettre, saint Grégoire parle de la correction fraternelle, non de la censure d’un jugement.  Voici ce qu’il écrit : « Ta fraternité a mal pris  que je l’aie blâmée au sujet des convives.  Mais moi, qui suis le plus élevé non par ma vie, mais par le lieu, je suis prêt à être corrigé par tous,  à être émendé par tous.  Et j’estime être  mon seul ami celui qui, avant l’apparition du juge suprême, essuie les fautes de mon esprit. »   Ajouter qu’il y a une contradiction entre être au-dessus de tous, et soumis à quelques-uns.
 Il répond en quatrième lieu,  que ce statut pontifical a grandement déplu à Grégoire.  Car, il se plaint que, sous couleur d’épiscopat,  il soit retourné dans le siècle (livre 1, épitres 5, et 7).   Il est vrai que saint Grégoire déplorait  d’être passé du calme du monastère aux affaires épiscopales.   Mais ne lui déplaisait pas le fait que le siège apostolique ait à prendre soin de toutes les églises.   Car il milita lui-même vigoureusement pour l’honneur de son siège contre Jean,  évêque de Constantinople.  Et, (dans le livre 4 de l’épitre 36 à Euloge), il dit : « Tenons l’humilité dans l’esprit, mais conservons dans l’honneur la dignité de notre ordre. »  Et (dans les épitres 1 et 42 à Jean évêque) : « Nous  avertissons que la révérence envers le siège apostolique ne doit être troublée par la présomption de personne.  Car la condition des membres demeure intègre si la tête de la foi ne subit aucune injure ».  Et (dans son explication 4 du psaume pénitentiel) : « Il étend la témérité de son délire au point de revendiquer pour lui en justice d’être la tête de toutes les églises, comme l’est  l’église romaine, et d’usurper le droit de gouverner toutes les nations de la terre. »
                                                                   CHAPITRE 15
                              Les pères grecs prouvent la même chose.
  Venons-en maintenant aux témoignages des anciens pères, qui n’ont pas été pontifes suprêmes.  Calvin et Illyricus ne nous en objectent que trois : saint Cyprien, saint Jérôme et saint Bernard, dont nous parlerons en temps opportun.   Mais à leur trois,  nous en opposerons une vingtaine.
 Le premier est saint Ignace qui, dans son épitre aux romains, écrit : « Ignace, à l’église sanctifiée qui préside dans la région des Romains. »   Pourquoi dit-il  à l’église romaine qu’elle préside, si ce n’est parce qu’elle est la tête de toutes les autres ? Le deuxième est saint Irénée (livre 3, chapitre 3) : « C’est par la plus grande,  la plus ancienne, celle qui est connue de tous, qui a été fondée, instituée par les glorieux apôtres Pierre et Paul, qui possède la tradition reçue des apôtres, qui annonce à tous la foi par la succession des évêques parvenue jusqu’à nous,  que nous confondons ceux qui, de quelque façon, par une complaisance malsaine, par vaine gloire, par cécité, ou par une mauvaise science, raisonnent autrement qu’il ne faudrait.  Car il est nécessaire que toute église, c’est-à dire tous les fidèles de partout,  communie avec cette église à cause de sa plus puissante principauté.  Car, en elle, par ceux qui y sont, a été conservée la tradition qui vient des apôtres. »  Noter le « il est nécessaire », « et toute église doit communier. » Et aussi : « à cause de sa plus puissante principauté ».  Et cette autre chose : « en qui toujours a été conservée par tous la tradition apostolique. »    Car, saint Irénée prouve que nous pouvons confondre les hérétiques avec la doctrine de l’Église romaine, parce qu’il est nécessaire que tous communient avec cette église, et dépendent d’elle comme d’une tête et d’une source.  Il faut donc que sa doctrine soit vraie et apostolique.
 Qu’il soit nécessaire à tous les chrétiens de dépendre de l’église romaine, il le prouve d’abord a priori, parce que la principauté est donnée à cette église.   Ensuite, a posteriori,  parce que, jusqu’à présent, tous ont conservé la foi dans cette église, c’est-à-dire en union et en adhésion à cette église, comme à une tête et une mère.
 Le troisième est Épiphane (hérésie 68, qui est celle des mélétiens) : « Faisant pénitence, Ursace et Valens partirent avec leurs pamphlets vers le bienheureux Jules, évêque de Rome, pour rendre compte de leur erreur et de leur faute. »   Il est certain qu’Ursace et Valens étaient des évêques.  Pourquoi venaient-ils à Rome pour que le pontife romain leur donne une punition,  si le pontife romain n’est pas le juge et la tête des évêques ?     Le quatrième, saint Athanase (livre 2 de son apologie).  Il assure que ces mêmes évêques avaient demandé au pape Jules une punition pour leur forfait.  Et, dans l’épitre au pape Félix, il écrit : « Vous et vos prédécesseurs,  Dieu vous a établis au sommet de la hyérarchie,  gardiens apostoliques; et  il vous a ordonné de prendre soin de toutes les églises, pour que vous nous portiez secours. »  Ensuite, dans son livre sur l’évêque Denys d’Alexandrie :  « Quelques-uns, ayant certes une bonne compréhension de l’église, mais ignorant dans quel sens  il avait écrit ces choses, montèrent à Rome, et l’accusèrent, là, auprès de Denys, évêque de Rome. »   Pourquoi, je le demande,  des hommes bons ont-ils accusé Denys, le patriarche d’Alexandrie,  auprès de l’évêque de Rome ?  N’est-ce pas parce qu’ils savaient que le pontife romain est le juge de tous ?
 Saint Basile (dans l’épitre 52 à Athanase) : « Il semble que tous consentent  à écrire à l’évêque de Rome,  pour qu’il prenne connaissance de notre situation, et interpose le décret de son jugement.  Et parce qu’il est difficile que certains soient mandatés par la décision d’un concile,  qu’il investisse de son autorité  des hommes choisis,  capables de supporter les fatigues du voyage, des hommes doux et de bonnes mœurs, accommodants, prudents et pieux,  pour qu’ils avertissent ceux qui ont dévié de la voie droite, et qu’ils rescindent les actes du concile d’Ariminensis,  votés dans la violence. »   Saint Basile attribue à l’évêque de Rome l’autorité de visiter les églises d’Orient, et de rescinder des conciles généraux, comme celui d’Ariminensis.
 Le sixième, saint Grégoire de Naziance  (dans le poème de sa vie).   Il dit que l’Église romaine «  a toujours conservé la vraie doctrine sur Dieu », « comme il convient à une ville qui préside sur tout l’univers ».   Il ne parle pas de l’empire temporel, car, à ce moment, le siège de l’empire temporel était à Constantinople, non à Rome.  Le septième, saint Jean Chrysostome  (épitre 1 au pape Innocent) : «  Je te demande de statuer par écrit que  n’ont aucune valeur les choses qui ont été accomplies avec injustice et perfidie;  que ceux qui ont agi avec iniquité soient soumis aux peines des lois ecclésiastiques ! »   Theophile, l’évêque d’Alexandrie, dans un concile  de nombreux évêques, avait déposé saint Jean Chrysostome de l’épiscopat de Constantinople.  Saint Jean Chrysostome écrivit à  l’évêque de Rome, pour que, en vertu de son autorité, il déclare invalide la condamnation faite par Théophile;  qu’il le juge plutôt, et le punisse selon les lois ecclésiastiques.  Saint Jean Chrysostome reconnait donc que le pape est le juge suprême, même des Grecs.  De même (dans son épitre 2 au même),  il dit  : « Nous vous rendons des grâces perpétuelles pour avoir déclaré votre bienveillance paternelle envers nous. »   Saint Jean Chrysostome reconnait donc le pape Innocent comme son père, même s’il était plus âgé que lui, et détenait l’épiscopat de la ville Reine.  Ensuite, dans la même lettre,  il demande au pape Innocent de ne pas excommunier ses ennemis, même s’ils le méritent : « Je prie votre vigilance pour que, même s’ils ont tout rempli de tumultes,  et ne veulent pas guérir de leur maladie, vous ne leur  infligiez aucun  châtiment, et  ne les expulsiez pas  de l’assemblée des fidèles. »
 Le huitième.   Saint Cyrille (épitre 10 à Nestor, et épitre onze aux clercs et au peuple de Constantinople).  Il écrit que, à moins que Nestor ne rétracte ses hérésies avant la date fixée par le pape romain Célestin, il soit excommunié par tous, et que, une fois déposé, on évite sa présence.  Et, dans l’épitre 18 au pape Célestin, qu’il nomme  « très saint Père , il lui demande si on pourra  encore pendant un certains temps communiquer avec Nestor, ou s’il faut que tous évitent sa présence. »  Ces mots indiquent suffisamment l’idée que saint Cyrille se faisait du pouvoir de l’évêque de Rome, lui qui, pour la condamnation et la déposition de Nestor,  n’a fait qu’exécuter et mis en oeuvre ce que le pontife romain avait décidé.  Et dans le livre (thèses) : « Devant Pierre, tous inclinent leur tête de droit divin, et les princes de ce  monde lui obéissent comme au Seigneur Jésus. »   De même : «  Nous devons nous, comme des membres que nous sommes, adhérer à notre tête, le pontife romain et le siège apostolique. »   Ces mots ne sont plus dans le livre « thèses » qui nous est parvenu.   Mais, ils sont cités par le bienheureux Thomas (dans son opuscule contre les Grecs), et par Gennade Scholarius, auteur grec (dans le livre 1 du souverain pontife)  Il est avéré que plusieurs livres du trésor ont  péri. Car, dans le synode (acte 10)  on fait une citation tirée  du  livre 32.   Mais, aujourd’hui il ne nous reste que 14 livres.   De plus, André, l’évêque de Colosse, dans le concile de Florence (septième session) a affirmé que, dans les trésors, saint Cyrille avait parlé magnifiquement de l’autorité du pontife romain, sans qu’aucun grec n’élève la voix pour le contredire.
 Le neuvième.  Théodoret (dans l’épitre au pape Léon) : « J’attends une décision de votre siège apostolique.  Je supplie et j’implore votre sainteté de me secourir,  moi  qui fais appel à votre jugement juste et droit.   Qu’elle me commande d’accourir vers vous,  et qu’elle montre que ma doctrine suit les traces des apôtres. »  Il était un évêque asiatique. Il présidait à 800 églises,  comme il le dit lui-même au même endroit, et pourtant, il reconnait le pontife romain comme juge suprême.   De même, dans l’épitre au prêtre René : « Ils m’ont dépouillé du sacerdoce, ils m’ont expulsé des villes, sans tenir compte ni de mes cheveux blancs,  ni du temps passé dans la religion.  C’est pourquoi je te supplie que tu persuades au très saint archevêque Léon d’user de son autorité apostolique,  et de commander que je sois présent à ce concile.  Car, ce  saint siège détient le pouvoir de gouverner  les églises de tout l’univers. »    Le dixième Sozomène  (livre 3, chapitre 7) : « Comme, à cause de la dignité qui est propre à ce siège, le soin de toutes les églises lui a été confié, le pape a restitué à chacun son église. »  Il parle de Jules 1 qui rendit à Athanase l’épiscopat d’Alexandrie,  et à Paul celui de Constantinople.
 Le onzième, celui d’Acace  (dans la lettre au pape Simplice, qui se trouve dans le tome 2 des conciles) : «  Portant la sollicitude de toutes les églises,  vous nous exhortez sans relâche,  avec une vigilance spontanée et prévenante. »  Le douzième.   L’évêque de Pataras, de qui parle Libératus (dans le bréviaire, chapitre 22) : « Quand Sylvère vint à Pataras, le vénérable évêque de la cité alla à l’encontre de  l’empereur, et  contesta le jugement porté au nom de Dieu au sujet de l’expulsion de l’évêque d’un tel siège, disant que, dans le monde, il y a plusieurs rois,  et qu’il n’y en a pas un seul à être expulsé de son siège comme ce pape qui est au-dessus de l’Église de tout le monde. »  Treizième.  Justinien senior (dans une lettre à Jean 11, qui se trouve dans le codex dans 1 tit.) : «Car nous ne nous souffrons pas que ce qui se rapporte à la situation des églises ne soit pas connu par votre sainteté, qui est la tête de toutes les saintes églises. »
                                                                      CHAPITRE 16
                                       On prouve la même chose avec les pères latins
 Parmi les latins, saint Cyprien enseigne souvent cela. Mais avant de présenter des extraits de ses écrits, expliquons brièvement l’argument qu’il développe dans son livre sur l’unité de l’Église. Ce qui nous permettra de mieux comprendre sa pensée.  Dans son livre sur l’unité de l’Église, il se propose de montrer en quoi consiste l’unité de l’Église;  et il démontre d’abord d’où naissent les hérésies et les divisions : « Cela vient de ce qu’on ne retourne plus à l’origine de la vérité, de ce qu’on ne cherche plus la tête, et de qu’ on ne conserve plus la doctrine du maître céleste. »  Il présente donc trois choses.  La première.  L’origine de la vérité provient de l’Église. La seconde : il y a une tête de l’Église différente du Christ, car un peu avant, il avait dit que tous les hérétiques cherchaient le Christ.   Et, cependant, il dit ici que toutes les hérésies naissent du fait qu’on ne cherche pas la tête de l’Église.   La troisième.  La doctrine du maître céleste au sujet de l’Église,  est celle du Christ et du pape.
 Après avoir exposé ces principes, il les explique ainsi : «  Le Seigneur a dit à Pierre : « Tu es la pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elles. »   Et il dit au même après sa résurrection : « Pais mes brebis ».   Saint Cyprien enseigne là l’origine de la vérité sur l’église,  qu’il disait devoir être cherchée dans les paroles du Christ.  Car, c’est ainsi que commence la doctrine ecclésiale,  et,  en même temps la tête de l’Église, qu’il disait devoir être cherchée en Pierre.  Ces mêmes mots montrent  que c’est la doctrine du maître céleste.   Voilà pourquoi, un peu après, il ajoute que l’Église est une dans la racine et dans la tête, même si elle se multiplie par la propagation.  Et il présente trois exemples : la lumière, la source et l’arbre.  Ces trois sont une seule et même chose dans la racine, et se multiplient par la propagation.   Cette citation nous explique donc que saint Pierre est la tête de toute l’Église.     Que c’est ce qui convient à l’évêque romain, saint Cyprien le déclare dans le livre 1, (épitre 3 à Cornel), où parlant du schisme des novatiens qui ne reconnaissaient pas le pape Corneille, il dit : « Les hérésies ou les schismes ne sont pas nés autrement qu’en n’obéissant  pas au prêtre de Dieu.  Il ne faut pas penser qu’il n’y a un seul prêtre dans l’Église que pour un temps,  et pour un temps seulement, un seul juge qui tient la place du Christ.    Si la fraternité universelle lui obéissait selon le commandement divin,  personne n’aurait de raison à faire valoir pour  se soulever contre le collège des prêtres. »
 Les adversaires répondent que saint Cyprien parle ici des évêques diocésains et des églises particulières; et qu’il veut dire que, dans chaque église, quelqu’un doit être prêtre et juge à plein temps.  Mais si on compare ces phrases avec ce qui précède, il apparaîtra clairement que saint Cyprien parle de l’église universelle.  Car, comme il avait dit plus haut que les hérésies naissent de ce qu’on ne cherche pas la tête, après avoir expliqué que la tête de toute l’Église était Pierre, de la même façon il dit ici que les hérésies naissent parce qu’on ne pense pas qu’il y a un seul juge dans l’Église, représentant du Christ, en l’occurrence, Corneille.   Voilà pourquoi, un peu plus bas, dans la même épitre, il appelle l’église romaine le siège de Pierre, l’église principale, d’où est née  l’unité sacerdotale.     Le même, (dans l’épitre 10 au même Cornel) : « Nous nous lamentons sur nos collègues qui forment les membres d’un corps qui a fait scission avec l’unité de l’Église; et qui sont d’un parti  qui, par obstination et entêtement, n’a pas seulement récusé le sein de la racine et de la matrice, mais s’est fait, à l’extérieur de l’Église,  une tête contraire. »  C’est manifestement de l’Église catholique qu’il parle ici, en dehors de laquelle sont les novatiens.  Et saint Cyprien écrit que non seulement ils ne veulent pas revenir  à l’Église, et reconnaître « la racine, la matrice et la tête de cette Église », mais qu’ils se sont fait une tête adultère contraire.  Donc, comme Novatien a été la tête de tous les novatiens, Corneille  a été la tête de tous les catholiques.
 Le même (au livre 1, épitre 8 au peuple de l’univers) écrit : « Dieu est un, le Christ est un, l’Église est une,  et une est la chaire fondée sur Pierre par la parole du Seigneur. On ne peut pas dresser un autre autel, inventer un nouveau sacerdoce, en dehors de l’unique autel et de l’unique sacerdoce.  Celui qui rassemble ailleurs disperse. »   Dans ce passage, il affirme que comme Dieu est un, le Christ est un,  l’église est une, par le nombre,  non par l’espèce, de la même manière unique est la chaire qui enseigne à toute l’église, et cette chaire est celle de Pierre, en dehors de laquelle quiconque rassemble disperse.  Enfin, (au livre 4 de l’épitre 8), il appelle de nouveau l’église romaine « la racine et la matrice de l’Église catholique ».
 Mais les adversaires font les objections suivantes.  La première porte  sur le livre de Cyprien sur l’unité de l’Église, dans lequel il a dit : «Unique est l’épiscopat,  dont chacun tient respectivement une partie. »  Il n’est donc pas l’évêque de toute l’église.   La deuxième porte sur l’épitre de saint Cyprien à Quintus, dans laquelle Cyprien écrit, en plein concile : « Car aucun évêque parmi nous ne s’établit évêque des évêques, ou n’oblige ses collèges à lui obéir par une terreur tyrannique,  puisque,  ayant la liberté et le pouvoir d’user en  tout de son jugement propre,  aucun évêque ne peut être jugé par un autre, ni ne peut juger personne.  Mais attendons le jugement du Seigneur de l’univers, Jésus-Christ, qui est le seul à avoir le pouvoir, dans l’église,  de nous  régir dans l’exercice de notre gouvernement et dans nos jugements. »
 Je réponds à la première.  L’épiscopat est un de la même façon que l’Église est une.  L’Église est une de façon à ce que plusieurs branches forment un seul arbre, plusieurs fleuves une seule mer, et plusieurs rayons une seule lumière, comme Cyprien le dit ailleurs.   Donc, comme dans les branches,  les fleuves et les rayons,  l’unité provient d’une seule tête, c’est-à-dire de la racine, de la source, du soleil, bien que les branches, les rivières et les rayons se multiplient, de la même façon, l’Église est une et l’épiscopat est un dans la racine et la tête, même s’il y a plusieurs églises particulières.    Une partie de ce grand épiscopat est détenue simultanément  par chacun des évêques, mais non également, mais non de la même façon.  Car Pierre et ses successeurs tiennent cette partie qui est comme la tête, la racine et la fontaine;   les autres tiennent les parties qui sont comme les branches et les rivières.  Car, cet épiscopat unique est semblable à un corps hétérogène, non homogène.  Il suit de là que ce n’est pas  de la même façon que chaque évêque tient une partie de cet épiscopat.  Car, même si la racine  est une partie comme la branche, elle sustente et régit les branches, et tout ce qu’il y a dans les branches. Tout est donc virtuellement dans la racine, et non le contraire.    De la même façon, l’église romaine ou  l’épiscopat romain  est une part de l’Église universelle et de l’épiscopat universel, comme l’est l’église de Toscane et son évêque.  Mais l’église romaine régit la toscane, et non le contraire.
 On déduit avec raison des paroles de saint Cyprien que le pape de Rome n’est pas le seul évêque de toutes les églises, les autres étant de vrais et de réels évêques, qui ont reçu leur part de l’église universelle à gouverner.  Mais on ne peut pas en déduire que le pontife romain ne soit pas le pasteur et la tête de toutes les églises, et donc de l’église universelle, car même si c’est une partie de l’église qui a été confiée à sa gouverne, cette partie occupe, dans l’église, la place que tient la racine dans un arbre, la tête dans le corps, et la fontaine dans les ruisseaux.  La deuxième objection.  Quand il dit que personne ne veut se faire évêque des évêques, il parle de ceux qui étaient dans  le concile de Carthage.  Il n’incluait pas dans cette phrase le pontife romain,  qui est le véritable évêque des évêques, et le père  des pères, comme nous l’avons montré plus haut.    Quand il dit qu’un évêque, qui n’a été institué que par Dieu,  ne peut être jugé que par Dieu, il faut comprendre qu’il parle des choses qui sont douteuses et cachées.  C’est ainsi que l’expose saint Augustin (livre 3, chapitre 3 du baptême) : « Je pense qu’il s’agit de choses qui n’ont pas été suffisamment clarifiées. »  Cyprien enseigne ici  qu’il veut que chaque évêque puisse, pendant la discussion, émettre librement son avis,  et qu’il ne voulait pas, à la façon d’un tyran,  les forcer à penser comme lui, avant que la question n’ait été définie.   Car, que, selon lui,  le pontife romain  puisse juger et déposer des évêques hérétiques ou schismatiques,  nous le montre clairement  la lettre écrite au pape Étienne (livre 3, épitre 13).  Dans cette épitre, Cyprien demande au pape de déposer l’évêque d’Arles, et d’en installer un autre à sa place.
 Le deuxième,  Optatus,   marche sur les traces de Cyprien. (dans l’unique chaire de toute l’Église, contre Parmenius, 3). Il dit que l’Église catholique est dotée de cinq prérogatives.  La première est qu’il y a une unique chaire, celle de Pierre, dans laquelle doit être conservée la foi de tous. Et, énumérant les pontifes romains jusqu’à Syricius, il  affirme que cette chaire n’est pas seulement celle de Pierre, mais aussi de ses successeurs.  Et il conclut ainsi :   « De toutes les prérogatives ci-haut décrites, la chaire est la première, que nous avons démontrée être nôtre par Pierre ».  Le troisième est saint Ambroise (chap 3, 1, à Timothée) : «  Même si tout le monde appartient  à Dieu, on dit quand même que l’Église est sa maison,  dont aujourd’hui Damase est le recteur. »  Le même dit dans Satyre : « Il est un  évêque approuvé s’il est en communion avec les évêques catholiques, c’est-à-dire avec l’église romaine. »  Pourquoi,  je le demande,  les évêques ne sont-ils catholiques que s’ils communient avec l’évêque de Rome, si ce n’est parce que l’église de Rome est la tête de l’église catholique ?      Le même (livre 3 des sacrements, chapitre 1) : « Nous n’ignorons pas que l’église romaine n’a pas cette coutume,  elle dont nous suivons en toutes choses et l’exemple et la forme. »  Et, plus bas : « Je veux suivre en toutes choses l’Église romaine, même si  nous aussi nous avons quelque chose qui a du sens. Donc, gardons donc correctement  ce qui se fait ailleurs plus correctement. »
 Il faut observer que quand saint Ambroise dit qu’il veut suivre l’église romaine en toutes choses, il n’accepte quand même pas de suivre la coutume romaine de laver les pieds à ceux qui viennent d’être baptisés.  Il faut donc comprendre  que ce  « en toutes choses »,  ne s’applique qu’aux choses nécessaires, et qui appartiennent au salut.  Autrement, il se contredirait lui-même.  Le quatrième est saint Jérôme (épitre à Agemchiam, au sujet de la monogamie) : « Plusieurs années auparavant,  quand j’étais au service du pape Damase, évêque de la ville de Rome,  dans les archives ecclésiastiques,  et que je répondais aux consultations des synodes occidentaux et orientaux etc. »  Vous voyez comment, de toute l’église universelle, et de tout l’univers, on demandait alors des réponses au siège apostolique !   Le même (dans l’épitre au pape Damase, au sujet du mot hypostase) écrit : « Bien que ta majesté me terrifie, ton humanité me fait une invitation.  Et, brebis,  je demande de l’aide au pasteur.   Je parle avec le successeur du pasteur et le disciple de la croix.  Et moi qui, en toutes choses, ne cherche d’abord que Jésus-Christ, je m’associe à ta béatitude,  c’est-à-dire que je communie à la chaire de Pierre.  Je sais que c’est sur cette pierre que l’Église a été édifiée.   Quiconque mange l’agneau en dehors de cette maison est un profane.  Si quelqu’un n’est pas dans l’arche de Noé, il périra quand le déluge arrivera en maître. »  Et plus bas : « Je ne connais pas Vital.   Je répudie  Meletius,  j’ignore Paulin.  Celui qui ne ramasse pas avec toi disperse.  Ce qui veut dire que celui qui n’est pas avec le Christ est avec l’antichrist ».   Notons d’abord, que tout prêtre d’Antioche qu’il était, il se considérait comme une brebis de l’évêque de Rome.  Notons ensuite qu’il confessait que Damase était le successeur de saint Pierre.   Ensuite, quand  il dit : moi qui ne cherche que le Christ, je veux me rendre participant à la communion de ta béatitude, il veut dire qu’il veut adhérer en premier lieu au Christ, et ensuite au vicaire du Christ.   C’est comme s’il disait : Je ne place personne avant toi, sinon le Christ.  Quatrièmement, saint Jérôme considère le siège de Rome comme le fondement de cette maison et de ce navire  qu’est l’église universelle.  Il considère donc que le pontife romain est la tête de toute l’église.   Enfin, notons qu’il a préféré adhérer au pontife du siège romain plutôt qu’à son évêque propre Paulin, lequel n’était pas le premier venu, mais le patriarche d’Antioche. Voici en effet ce qu’il dit : « Je ne connais pas Vital, je répudie Mélèce,  et j’ignore Paulin. »
 C’est pourquoi Érasme lui-même qui, ailleurs, en notes, a parlé  de l’église romaine sans lui rendre justice  dit, en commentant ce texte, que saint Jérôme affirme que toutes les églises sont sujettes au siège apostolique.  Aveu  qu’il faut crier sur tous les toits devant les nouveaux hérétiques qui considèrent Érasme comme un oracle.    Mais Calvin nous oppose, d’abord,  l’épitre de saint Jérôme à Népotien, dans laquelle il dit : « Chacun des évêques des différentes églises,  chaque archiprêtre, chaque archidiacre,  et tout l’ordre ecclésiastique a pour appui ses recteurs. »  Il n’ajoute pas, dit Calvin,  que «  toutes les églises sont unies entre elles par la tête comme par un lien ».  Deuxièmement.  Ce n’est pas seulement Calvin,  mais Illyricus et Melanchton,  qui voient une objection dans la lettre de saint Jérôme à Évagre, où il dit : « Si on cherche l’autorité, l’univers est plus grand qu’une ville.  Pourquoi m’indiques-tu la coutume d’une seule ville ?  Pourquoi, dans les lois de l’église, invoques-tu le petit nombre qui ne s’impose que par son arrogance ?   Partout où est un évêque, à Rome ou à  Eugugis,  à Constantinople ou à Rhegis, à Alexandrie ou à  Tanis, son mérite et son sacerdoce est le même.  Le pouvoir que donnent les richesses  et l’humilité de la pauvreté ne font pas un évêque  plus grand ou plus petit. »
 À la première objection, je réponds que saint Jérôme n’a pas omis de parler de la tête quand il dit que tout ordre ecclésiastique est fondé sur ses recteurs.  Il indique que, en plus d’un évêque, d’un archiprêtre et d’un archidiacre, il y a d’autres ministres comme  un métropolitain dans chaque province, un siège primatial dans chacune des régions,  et dans toute l’Église un seul pontife.   Autrement, il ne serait pas vrai qu’il y ait un recteur dans chaque ordre ecclésiastique.  En second lieu, je réponds que saint Jérôme réprouve une mauvaise coutume qui était à Rome, mais pas dans toute l’église romaine,  ni au Vatican,    mais seulement dans les diacres romains.  Parce que les diacres romains étant peu nombreux,  et s’occupant du trésor ecclésiastique, ils en vinrent, peu à peu, à se croire supérieurs aux prêtres, et à siéger avec eux, alors que l’ancienne coutume voulait que les prêtres s’assoient avec les évêques, et que les diacres se tiennent debout.  C’est de cette coutume qu’il parle quand il dit : « pourquoi me présentes-tu la coutume d’une église ?  Que vaut le petit nombre d’où ne peut naître que l’arrogance ? »   Que le pontife romain n’approuvait pas cette coutume, saint Jérôme l’indique quand il ajoute que ce n’est qu’en l’absence de l’évêque que les diacres osent s’asseoir avec les prêtres.   Quand saint Jérôme dit que les évêques ont le même mérite et le même sacerdoce, cela est vrai, mais il faut l’entendre au sens du sacrement de l’ordre, et non de la juridiction.  Saint Jérôme n’a pas, non plus, voulu nier que l’évêque d’Alexandrie étende sa juridiction sur un plus large territoire que celui de Tanensis, puisque le premier préside sur trois provinces, et l’autre sur une cité.
 Le cinquième, saint Augustin.  Il écrit (dans l’épitre 162) : « L’église qui est chez les romains a toujours maintenu en vigueur la principauté de sa chaire apostolique. »   Le même (épitre 92 à Innocent) : « Puisque, par le don si sublime de sa grâce, le Seigneur t’a placé sur le siège apostolique,  il a prescrit aussi à nos temps que ce soit mis sur le compte de notre négligence, si nous taisons auprès de ta révérence les choses qu’on doit suggérer pour le bien de l’Église.  Nous demandons donc à ta diligence pastorale de prendre en considération ce que  tu ne pourrais négliger sans un grand péril pour les membres infirmes du Christ. »  Par ces paroles, saint Augustin demande, avec tout le concile de Milet,  à Innocent de faire preuve de zèle pastoral en combattant les pélagiens qui infestaient principalement la Palestine et l’Afrique.    Il n’aurait certes pas fait une pareille demande s’il n’avait pas cru qu’Innocent était le pasteur de l’Afrique et de la Palestine.  En fin de compte, pourquoi saint Augustin n’écrit-il pas au patriarche de Jérusalem, ou au métropolitain de la Palestine, ou à l’évêque primatial de l’église de Carthage, plutôt qu’au pontife romain ?   N’est-ce pas parce qu’il savait que l’autorité du pape sur l’Afrique et la Palestine était plus grande que celle de leurs propres évêques ?
 De même (dans l’épitre 157 à Optatus) : « En ma présence, à Césarée, vinrent se joindre à nous ceux que, en raison de la nécessité ecclésiastique,  nous avait envoyés  le  vénérable pape Zozime, évêque du siège apostolique. »   Zozime avait ordonné aux évêques d’Afrique de célébrer un concile à Carthage.  Et saint Augustin estima qu’il était nécessaire d’obéir au pape Zozime.  De même (dans le livre 1, chapitre 1, à Boniface) : « Tu n’as pas dédaigné d’être ami des humbles,  toi qui ne cherches pas les grandeurs, même si tu présides en très haut  lieu. »  Et plus bas : « Tu te montres semblable à nous tous qui sommes investis du ministère épiscopal,  bien que tu sois d’un niveau supérieur, toi qui occupes le sommet de la pastorale »  Voyez qu’ici saint Augustin dit que les évêques sont soumis au souverain pontife puisqu’il le dit d’un niveau supérieur, et le sommet de la pastorale.
 Sixième, saint Prospère, dans son livre sur l’ingratitude : « Rome, le siège de Pierre, qui est devenue, pour l’univers, la tête de l’honneur pastoral,  possède par la religion ce qu’elle ne possède pas par les armes. »  Et, (dans le livre 2 sur la vocation des Gentils, chapitre 6) : « Rome, par la principauté du sacerdoce,  est devenue plus vaste, en tant que citadelle de la religion, qu’elle ne l’a été au sommet du son pouvoir politique. »   Le septième.  Le bienheureux Victor Uticensis (libre 2 de la persécution des Vandales), appelle l’Église romaine « la tête de toutes les églises. »  Vincent Lérins : « On a lu quelques lettres du martyr Félix, et de saint Jules, des évêques de la ville de Rome.  Eux témoignent que non seulement le bienheureux Cyprien mais même aussi saint Ambroise ont appelé le pontife de Rome tête de l’univers, et même la brique. »  Vous voyez qu’on au pontife romain le nom de  tête de l’univers.
 Le neuvième.   Cassiodore (livre 2, épitre 2, de saint Jean) : « Vous, en tant que gardiens, vous présidez au peuple chrétien.  Vous aimez toutes choses au nom du Père. »  Et plus bas : « C’est pourquoi nous devons, nous,  conserver quelques choses, vous,  toutes choses. (Le roi Theodoric avait remis l’admistratioh de la ville de Rome à Cassiodore).  Plus bas encore : « Ce siège que tout l’univers trouve admirable protège par son affection ceux qui lui sont fidèles.  Et bien qu’il soit un don fait à l’univers, c’est par vous qu’il est connu, et chez vous qu’il demeure. »   Le dixième, saint Bède le vénérable (livre 2 de l’histoire de la nation anglaise, chapitre 1 : « Alors qu’il exerçait le pontificat pour toute l’église,  et qu’il présidait aux églises déjà converties aux vérités de la foi, il fit chrétien notre peuple encore esclave des idoles ».   Le onzième, saint Anselme (dans le livre sur l’incarnation du Verbe de Dieu, dédié au pape Urbain ) : « Au seigneur et père de l’église universelle qui est  pèlerine sur la terre, Urbain, pontife suprême,  le frère Anselme, pécheur par nature,  moine par l’habit, élu  évêque métropolitain  de Cantuariae,  sujétion due avec un service humble et des prières dévotes.   Comme la divine providence a élu votre sainteté et qu’elle vous a chargé de garder la vie et la foi chrétienne, et de régir son Église, c’est à nul autre de plus juste qu’on réfère si quelque chose s’élève dans l’Église contre la foi catholique, pour que cette erreur soit corrigée par son autorité.   Il n’existe non plus  rien d’autre qui soit plus sur pour examiner avec prudence ce qui a été écrit en réponse aux erreurs. »
 Le douzième, Hugues de Saint-Victor  (livre 2 sur les sacrements, chap 15, page 3) : « Le siège apostolique, sur toute la terre, est placé avant toutes les églises. »  Le treizième saint Bernard (que Calvin tire de son côté, en l’appelant saint, livre 4, institutions, chapitre 7, verset 22)  dans le livre 2 de la considération : « Examinons avec plus d’attention qui tu es, quelle personne tu représentes dans l’église de Dieu.  Qui tu es ?   Le grand prêtre, le pontife suprême, le prince des apôtres, l’héritier des apôtres, tu es Abel par la primauté,  Noé par le gouvernement, Abraham par le patriarcat,  Melchisedech par l’ordre, Aaron par la dignité, Moïse par l’autorité,  Samuel par le jugement,  Pierre par le pouvoir, Christ par l’onction.  Tu es celui à qui les clefs ont été remises, à qui les brebis ont été confiées.   Il y en d’autres qui sont portiers du ciel et pasteurs de troupeaux,  mais toi, tu as hérité d’un nom incomparablement plus glorieux que celui de tous les autres, et combien différent !   Ils ont des troupeaux qui leur sont confiés, chacun le sien, mais ce sont tous les troupeaux qui t’ont été confiés à toi,   un seul troupeau à un seul pasteur.  Tu n’es pas seulement pasteur des brebis, mais aussi des pasteurs. »  Et, plus bas : « Donc, d’après tes canons,  les autres sont appelés à une partie de la sollicitude pastorale, mais toi à sa plénitude.   Le pouvoir des autres est restreint par certaines limites; le tien s’étend même sur ceux qui ont reçu un pouvoir sur les autres.   Ne peux-tu pas, le cas échéant, fermer le ciel à un évêque, le déposer de l’épiscopat, et même le livrer à Satan ?  Que demeure donc intact et entier ton privilège,  autant celui des clefs que de la garde des brebis. »
 Voilà ce qu’en enseigne celui qui a pour témoin de sa sainteté non seulement Jean Calvin, mais des miracles innombrables.   Or, la vraie sainteté ne peut pas exister sans la vraie foi.   C’était donc avec une vraie foi que saint Bernard croyait que le pontife romain est le pasteur de l’Église universelle.    Mais Calvin  trouve des objections à nous faire dans les abus et les vices de la curie romaine, contre lesquels saint Bernard tonnait dans le livre de la considération. Comme si, de tous les coins du globe, accouraient à Rome  les ambitieux, les avares, les simoniaques,  pour être élevée aux dignités ecclésiastiques par l’autorité apostolique.  Mais, il n’est pas nécessaire de réfuter cela, car, comme saint Bernard (sermon 66 du cantique des cantiques) l’enseigne,  les mauvaises mœurs des prélats ne les empêchent pas de l’être vraiment. Et nous devons leur obéir, puisque Jésus a dit en Mathieu  (23) : « Faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font ! »
 Se présente, à la fin, le témoignage d’un empereur latin, comme nous avons présenté plus haut le témoignage d’un empereur grec.   L’empereur Valentin (dans l’épitre à Théodose, que l’on trouve parmi les préambules du concile de Chalcédoine), écrit ceci : Nous devons, en  notre temps,  conserver la dignité d’une vénération toute particulière à l’apôtre Pierre, en tant qu’évêque bienheureux de la ville de Rome, à qui l’antiquité a confié la principauté du sacerdoce sur tous,  qui a le siège et la capacité de juger en matière de foi, même les évêques. »  On trouve des choses semblables à cela dans ses lettres  aux augustes  Placidie,  et Licinia Eudoxia, et à Théodose lui-même.
2017-10-08-19h44 fin.

2017 10 09 21h40 début
CHAPIRE 12 : Le pontife romain succède à Pierre dans une église monarchique.  On le prouve par le droit  divin et par la raison de la succession.
Nous avons démontré, jusqu’à présent, que le pontife romain a succédé à Pierre comme évêque de Rome.  Nous nous apprêtons à démontrer la même chose au sujet de sa succession dans le primat de l’église universelle.  Les hérétiques de notre temps le nient cela, mais ils s’acharnent surtout sur le primat du pontife romain. Voici les principaux. Luther (livre sur le pouvoir du pape),  Illyricus (livre contre la primauté du pape), le synode smalchadique (dans le livre sur ce même argument), Jean Calvin (livre 4 des institutions, chapitres 6 et 7), les magdebourgeois (dans chacune de leurs centuries chapitre  7).  Et avant eux, il y a eu l’évêque de Thessalonique Nil, dans son livre contre la primauté du pape.    Car cet auteur ne nie pas que   saint Pierre ait été le pasteur de toute l’Église, et qu’il ait détenu l’épiscopat de Rome jusqu’à sa mort.  Mais ce qu’il soutient c’est que le pontife romain n’a pas succédé à Pierre dans le gouvernement de toute l’Église, mais seulement dans l’épiscopat de Rome.  Il ajoute ensuite qu’il a reçu par la suite, de décrets conciliaires,  un certain primat (honorifique),  comme, par exemple, le privilège de s’asseoir le premier en tant que le premier des évêques, d’être le premier à émettre son avis,  mais non le droit de commander à tous.
 Comme nos arguments et ceux de nos adversaires sont puisés aux mêmes sources et aux mêmes chapitres,  nous réduirons toute notre dispute à certains chapitres ou genres d’arguments;   et c’est  en même temps que nous établirons la vérité, et que nous réfuterons leurs objections.  On prouve donc, d’abord, que le pontife romain a succédé à saint Pierre dans le pontificat de l’Église universelle de droit divin, et en raison de la succession.  Quelqu’un doit succéder à saint Pierre de droit divin.   Or, celui-là ne peut être autre que l’évêque romain.   C’est donc lui qui lui succède.  Jean Calvin nie la majeure et la mineure.  Voici comment il parle (institution, livre 4, chapitre 6, verset 8) : « Il est vrai que je leur concède ce qu’ils demandent au sujet de Pierre.  Mais il n’y a rien qui leur permette de faire, d’un cas particulier, une règle générale, et d’étendre à perpétuité ce qui a été fait une fois. »  Encore : «  Supposons que je leur accorde encore cette autre chose, que jamais ne leur concéderont des hommes sains,  que le primat de Pierre a été institué de telle façon qu’il demeure toujours dans une perpétuelle succession,  comment peuvent-ils en conclure  que le siège de Rome  est ainsi constitué que quiconque est évêque de cette ville préside à l’univers entier ? »
 Nous démontrerons donc l’un et l’autre séparément.  Qu’il faut que quelqu’un succède à saint Pierre dans le pontificat de l’Église universelle, nous le déduisons de la fin du pontificat.  Car, il est certain que le pontife existe pour l’Église. Car, c’est ce que dit saint Augustin (dans son livre des pasteurs, chapitre 1) : « Que nous soyons chrétiens, c’est pour nous; que nous soyons préposés, c’est pour vous. »  Or l’Église n’a pas moins besoin, maintenant,  d’un pasteur qu’elle n’en avait au temps des apôtres. Davantage, même, car les chrétiens sont plus nombreux, et pires.   Le pontificat ne devait donc pas disparaître à la mort de saint Pierre,  puisque ce n’était pas à l’avantage de saint Pierre qu’il avait été institué, mais pour l’utilité de toute l’Église;  pour qu’il demeure et persévère tant que demeure l’Église,  et certainement tout au long de son pèlerinage sur cette terre; et qu’il remplisse la tâche apostolique d’un suprême pasteur.
 Nous le prouvons aussi par l’unité de l’Église. Car l’Église est une et la même en tout temps. Ne doit donc pas changer la forme de son gouvernement, qui est celle d’une république et d’une cité.  C’est pourquoi, si, au temps des apôtres, il y avait un seul recteur suprême, et un seul chef de l’Église, il doit n’y en avoir qu’un seul aussi à notre époque.  Nous le prouvons ensuite par les paroles de Jésus, en saint Jean : « Pais mes brebis ».  Car la charge d’un pasteur est un devoir ordinaire et perpétuel.   Si donc, de par la nature de la chose, l’office d’un pasteur doit durer tant que dure le troupeau, --le troupeau demeure et demeurera jusqu’à la fin du monde—, les successeurs de saint Pierre doivent donc demeurer dans ce travail pastoral.   L’autre preuve est tirée du même passage évangélique.   Car, quand le Seigneur a dit à Pierre : « pais mes brebis », il lui a confié toutes ses brebis, comme nous l’avons montré plus haut.  Non seulement en raison du lieu, mais aussi du temps, car Dieu ne se souciait pas moins de nous que des anciens.  Or, Pierre ne devait pas toujours vivre dans la chair.  Donc, quand le Seigneur lui a dit : « pais mes brebis », il parlait, en lui, à tous ses successeurs.  C’est bien ce que dit saint Jean Chrysostome  (livre 2 du sacerdoce) : « Pour quelle raison a-t-il répandu son sang ?  Certainement pour acquérir ces troupeaux qu’il confierait tant à Pierre qu’aux successeurs de Pierre. »  Et saint Léon (sermon 2, anniversaire de son intronisation) : « Demeure la disposition de la vérité, et, persévérant dans la force de la pierre qu’il avait reçue, saint Pierre n’abandonna pas le gouvernail de l’Église qui lui avait été confié, car il persévère et vit dans ses successeurs. »  Et saint Pierre, évêque de Ravenne (dans son épitre à Eutychès) : « Le bienheureux Pierre, qui vit et préside dans son siège propre, apporte la vérité de la foi à ceux qui la cherchent. »
 Cinquième preuve.   L’Église est un seul corps, et a sa propre tête ici, sur la terre, en plus du Christ, comme on le voit dans la lettre de saint Paul aux Corinthiens (1, 12). Car, après avoir dit que l’Église est un seul corps, il ajoute : « La tête ne peut pas dire aux pieds : vous ne m’êtes pas nécessaires ».  Ces paroles ne conviennent certainement pas au Christ, car il peut nous dire à nous tous : vous ne m’êtes pas nécessaires.  On ne peut donc assigner au corps de l’Église  d’autre tête que saint Pierre.   Or, il ne faut pas qu’à la mort de saint Pierre, l’Église demeure sans tête.  Il  faut donc que quelqu’un succède à saint Pierre.    La sixième.  Dans l’ancien testament, il y avait une succession de grands pontifes.   Car, à Aaron succéda Éléazar, (nombres 20), et à Éléazar, Phinées, (juges 20), et ainsi de suite.   Or, le sacerdoce de l’ancien testament était une figure du nouveau.   Donc, maintenant aussi, il faut conserver la succession du siège de saint Pierre, pontife suprême des chrétiens.  Ensuite, tous les arguments utilisés, dans la deuxième question,  pour prouver que le gouvernement de l’Église devait être monarchique,  peuvent également servir de preuves au sujet que nous traitons.
 Que ce successeur de saint Pierre est le pontife romain, il est facile de le prouver. Car il n’y en a pas, et il n’y en a jamais eu qui se soit prétendu être le successeur de saint Pierre, ou qui ait été considéré comme tel, en dehors de l’évêque romain et d’Antioche. Or, l’évêque d’Antioche ne succéda pas à saint Pierre dans le pontificat de l’église universelle, car il n’aurait pu y succéder qu’en cédant son poste, par la mort naturelle, ou par la mort légale, c’est-à-dire la déposition ou la renonciation.  Or, c’est quand il était encore vivant et évêque légitime que Pierre a quitté l’Église d’Antioche, et qu’il a fixé son siège à Rome, comme nous l’avons démontré plus haut.  Il reste donc que c’est  l’évêque de Rome qui succède à Pierre après sa mort, qui lui succède  dans toute sa dignité et son pouvoir.
 De plus, si l’évêque d’Antioche avait succédé à saint Pierre dans son pontificat suprême, il aurait été le premier des évêques.  Or, au concile de Nicée (canon 6), il  est déclaré être le troisième patriarche, non le premier ni le deuxième, comme il l’a toujours été.  Et les évêques d’Antioche ne revendiquèrent jamais un plus haut rang.  Pour mieux comprendre toutes ces choses, il faut faire quelques réflexions préalables.   Il faut d’abord  faire une distinction entre la succession et la raison de la succession.  Car, la succession du pontife romain au pontificat de saint Pierre est de droit divin.  La raison de la succession,  c’est-à-dire la raison pour laquelle c’est le pontife romain plutôt que celui d’Antioche ou d’un autre siège  qui succède à Pierre, a pris origine dans l’agir de saint Pierre.   La succession, dis-je, est d’un droit divin établi par le Christ, succession selon laquelle le Christ a institué en Pierre un pontificat qui doit durer jusqu’à la fin du monde. Et,  en conséquence, quiconque succède à Pierre obtient du Christ le pontificat.   Mais que ce soit l’évêque romain et non celui d’Antioche qui soit le successeur de saint Pierre, cela vient d’une décision de Pierre et non de l’institution première du Christ.  Car, il aurait pu ne choisir aucun siège particulier, comme il le fit pendant les cinq premières années. Et alors, ce n’aurait été ni l’évêque de Rome ni celui d’Antioche qui lui aurait succédé,  mais celui que l’Église aurait élu.   IL aurait pu, aussi, demeurer toujours à Antioche,  et ce serait alors l’évêque d’Antioche qui lui aurait succédé.   Mais, comme il a fixé son siège à Rome, et qu’il l’a tenu jusqu’à sa mort, c’est à cause de cela que c’est l’évêque romain qui lui succède.
 Et parce que le pape Marcel a écrit (dans son épitre à l’église d’Antioche) que c’est sur l’ordre du seigneur, que saint Pierre est venu à Rome, et comme saint Ambroise (discours contre Auxence) et saint Athanase (dans l’apologie pour sa fuite),  disent, tous les deux, que c’est sur l’ordre du Christ, que Pierre a subi le martyre à Rome, il n’est pas improbable que le Seigneur ait aussi ordonné à Pierre de fixer son siège à Rome, pour que ce soit l’évêque de Rome qui  lui succède.  Mais quoi qu’il en soit de tout cela, le moins qu’on puisse dire c’est  que la raison de cette succession ne provient pas de la première institution du pontificat que nous lisons dans l’évangile.    Une deuxième remarque.   Même si ce n’est peut-être pas de droit divin que le pontife romain succède à Pierre dans le gouvernement de toute l’église, parce qu’il est évêque de Rome, cependant, si quelqu’un demande : est-ce de droit divin que le pontife romain est pasteur et chef de toute l’église, il faut absolument répondre oui.   Car, rien d’autre n’est requis  pour que cette succession soit de droit divin, c’est-à-dire que la charge ordinaire de gouverner l’Église universelle avec la suprême puissance, ne vienne pas des hommes, mais immédiatement de Dieu.  Qu’il en soit bien ainsi, nous l’avons démontré plus haut.
 La troisième observation. À supposer même que ce ne soit pas de droit divin que le pontife romain succède à saint Pierre, c’est quand même une chose qui appartient à la foi catholique.   Car, qu’une coutume soit de foi, et qu’elle soit de droit divin, ce n’est pas la même chose. Car ce n’est pas de droit divin que Pierre ait un surnom; mais c’est de foi que Pierre a eu un surnom.  Et même s’il n’est pas écrit expressément dans les Écritures que l’évêque romain succède à saint Pierre, on déduit cependant manifestement  des Écritures que quelqu’un a succédé à saint Pierre.  Que celui-il soit l’évêque romain  nous le tenons de la tradition apostolique de Pierre, laquelle a été proclamée et démontrée par les conciles généraux, les décrets des papes, et l’enseignement unanime des pères.
 Il faut noter enfin que l’épiscopat romain et le gouvernement de l’église universelle  ne sont deux épiscopats et deux sièges qu’en puissance.  Car, ayant été institué par le Christ pontife de toute l’Église, saint Pierre ne s’est pas adjoint l’épiscopat de la ville de  Rome comme l’évêque d’une certaine ville s’adjoint un autre épiscopat ou un autre canonicat ou abbatiat.  Mais il a élevé l’épiscopat de la ville de Rome jusqu’au pontificat suprême de toute la terre, comme quand un simple épiscopat est érigé en archiépiscopat, ou en patriarcat.  Car, cet archevêque ou ce patriarche n’est pas deux fois évêque, mais une fois seulement; et le signe en est qu’il ne reçoit du pape qu’un seul pallium,  même s’il est évêque, archevêque, patriarche, et pontife suprême.   Car, ces choses sont une en acte, et multiples en puissance.  Il s’ensuit que celui qui est élu pontife romain est par le fait même pontife suprême de toute l’Église, même s’il arrivait que les électeurs n’en fassent pas mention.
 Répondons, maintenant, aux objections de Nil et de Jean Calvin.  La première est celle de Nil.   Le pontife romain a reçu des pères la primauté du fait que la cité de Romme commandait à toute la terre, comme on le lit dans le concile de Calcédoine, (article 16).   Il n’eut donc pas cela de la succession de saint Pierre.    Je réponds  que ce décret fut illégitime, car il fut adopté malgré l’opposition de ceux qui présidaient le concile.  Mais on parlera plus longtemps de cette question au chapitre 27.    La deuxième objection.  Le pape de Rome n’est pas un apôtre, mais seulement un évêque. Car les apôtres n’ordonnèrent pas d’autres apôtres, mais des pasteurs et des docteurs.  Le pape de Rome ne succéda donc pas à saint Pierre dans son pouvoir apostolique qui portait sur toute l’Église, mais seulement  dans son épiscopat romain particulier.  Je réponds que dans le statut d’apôtre trois choses sont contenues.   La première.  Que celui qui est apôtre soit ministre immédiat de la parole, en tant qu’ayant été instruit par Dieu, et étant capable d’écrire des livres sacrés.  Nous reconnaissons que cela ne se rapporte pas aux pontifes romains.  Car, il n’est pas nécessaire qu’à chaque jour de nouvelles révélations soient données, et que de nouveaux livres saints soient écrits.  La deuxième.   Que celui qui est apôtre fonde des églises, et propage la foi dans des lieux où elle n’avait jamais pénétré.  Cela appartient aux pontifes romains :  la raison et l’expérience nous l’enseignent.   Car ce sont les pontifes romains qui, depuis les temps apostoliques, ont fondé des églises  dans les différentes parties de la terre,  et en fondent encore aujourd’hui.
 La troisième.  Celui qui est apôtre a un pouvoir suprême dans toute l’Église.  Et nous soutenons que cela appartient aussi au pontife romain pour la raison précise qu’il succède à saint Pierre, dans lequel ce pouvoir est ordinaire, et non délégué, comme dans les autres apôtres.  L’argument de Nil n’aboutit à rien, non plus,  quand il dit que les apôtres n’ont pas institué d’autres apôtres mais des pasteurs ou des docteurs.   Car, ils ne devaient pas sacrer un pontife romain de toute l’Église, ou un pontife apostolique, puisque le Christ l’avait déjà fait.  C’est pourquoi tous les pères ont toujours donné le nom de siège apostolique au siège du pontife romain.  Et dans le concile de Calcédoine que cite Nil, (acte 1),  la dignité du pape des Romains est appelée apostolique, et (à l’article 16), son siège est appelé apostolique.
 Troisième objection.  Pierre a été le pasteur et le docteur de toute la terre.   Mais le pape n’est et n’est appelé que l’évêque de la ville de Rome.   Je réponds que c’est faux,  comme, sans parler des autres,  le concile de Calcédoine nous le fait connaître.  Car (à l’article 3), on y lut trois lettres des Orientaux au pape saint Léon, et dans chacune d’elles Léon est appelé pape de l’Église universelle, nom que l’on retrouve aussi à l’article 16.   La quatrième objection.   Pierre a ordonné les évêques d’Antioche et d’Alexandrie. Mais cela n’est pas permis à l’évêque de Rome.  Je réponds que même si, à cause de l’entêtement des Orientaux, cela n’est pas permis de nos jours, ce droit était autrefois reconnu au pape.  Car, dans le concile de Calcédoine (actes 7),  nous lisons que l’évêque d’Antioche  Maxime a été reçu par le concile, parce que le pape saint Léon l’avait confirmé dans son épiscopat.  Et Libérat (dans le bréviaire, chapitre 21) et Jean Zonaras ( dans Justinien) écrivent que c’est par le pontife de Rome Agapet qu’a été déposé Anthime de l’épiscopat de Constantinople, et que Mena a été ordonné à sa place.  Mais nous développerons davantage ce sujet en son lieu et place.
 La cinquième objection.  Tout ce qu’a dit ou écrit saint Pierre est un oracle du Saint-Esprit. Or, cela ne convient pas au pape.  Le pape n’a donc pas toutes les prérogatives de Pierre. Nous ne prétendons pas, nous non plus, qu’il les ait toutes.  La sixième objection.  Il a été dit à Pierre sans condition : tout ce que tu lieras sera lié,  etc. Or Pierre a prescrit au pontife romain de ne lier ou de ne délier que ce qui mérite de l’être.   Je réponds que tout ce que cet argument prouve c’est que Nil a été un grec léger et un beau parleur.  Car qui a jamais entendu dire  qu’il était permis  à saint Pierre de lier ce qui ne méritait pas d’être lié, et de délier ce qui ne méritait pas d’être délié ?   Et où donc trouve-t-on cette prescription faite au pape par saint Pierre, que Nil met de l’avant ?   Jean Calvin avait fait l’objection suivante ( livre 4, chapitre 6, verset 8, des institutions). « Parce que Pierre, au début, a été placé avant les autres apôtres, il ne s’ensuit pas qu’aujourd’hui quelqu’un doive être le premier de tous.  Car, c’est un petit groupe qui a avantage à être conduit par une seule personne; mais c’est par plusieurs que des milliers de personnes ont intérêt  à être gouvernées.
 Je réponds que saint Pierre n’a pas été seulement mis à la tête de tous les apôtres, mais de tous les milliers de chrétiens.  Car, en saint Jean, le Christ ne lui a pas confié les douze apôtres seulement, mais toutes ses brebis.  Or, nous lisons dans les actes des apôtres (2)  que les brebis de Pierre se sont multipliées jusqu’à atteindre le chiffre de trois mille, et même (actes 4) de cinq mille, dans la seule Jérusalem.  De plus, plus les hommes sont nombreux, plus grand est leur besoin d’un recteur unique qui les garde dans l’unité.  Mais, nous avons traité de cela dans la première question.   Il objecte encore ceci, au même endroit.   Si Rome est le siège du pontificat suprême parce que l’apôtre Pierre y est mort en exerçant le pontificat, le siège du pontificat juif aurait du être dans le désert, parce que c’est là que sont morts Moïse et Aaron quand ils étaient détenteurs du pontificat.   Et le siège pontifical des chrétiens devrait être à Jérusalem, car c’est là qu’est mort le pontife suprême, le Christ.   Je réponds avec ce qui a déjà été dit.   Le siège pontifical n’est pas à Rome parce que c’est là que saint Pierre est mort, mais pace qu’il a été évêque de Rome, et qu’il n’a jamais transféré son siège ailleurs.  Moïse et Aaron ne fixèrent pas leur siège dans le désert, mais ils y sont morts en chemin.  Le Christ, non plus, ne fixa son siège à Jérusalem, ni à aucun autre droit, comme nous l’avons dit plus haut.
 Il présente comme objection, en troisième lieu, au même endroit (verset 12), le raisonnement suivant.   Ce privilège du primat sur toute l’église est ou local, ou personnel ou mixte.  S’il est local, ayant été une fois concédé à Antioche, il ne peut pas lui être enlevé, même si Pierre la quittait pour aller mourir ailleurs. S’il est personnel, il n’a rien à voir avec le lieu, et Rome n’a pas plus droit au pontificat suprême que toute autre cité.  S’il est mixte, il ne suffit donc pas à quelqu’un  d’être évêque de Rome pour avoir la primauté.  Car, si le privilège est en partie local, et en partie personnel, il n’est donc lié au lieu que dans le temps où habite la dite personne, c’est-à-dire Pierre.  Je réponds que, par l’institution primordiale du Christ, la dignité pontificale a été personnelle. Mais, cependant, par l’intervention de Pierre, elle est devenue par après locale,  plutôt mixte,  mais rien de tout cela sans la permission de Dieu.   Je dis qu’elle a été au début personnelle, car elle ne fut, par le Christ, liée à aucun endroit, mais déposée dans la personne de Pierre.  Je dis personnelle, tout en étant publique et non  privée.
 On appelle personnels les privilèges qui sont donnés à une personne pour elle seulement;  publics, ceux qui sont donnés à la personne et à ses successeurs.  Cependant, parce que, après cela,  Pierre fixa son siège à Rome, ce privilège est devenu local, et donc mixte.   Et  il est lié à la ville de Rome aussi longtemps que les successeurs de saint Pierre conserveront leur siège à Rome.  Car si le siège de Pierre était transféré ailleurs par un ordre divin, les évêques de Rome ne seraient plus alors évêques de l’église universelle.  Transférés au sens où ils ne seraient plus les évêques de Rome mais d’une autre ville, car la seule absence de Romme n’équivaut pas à un transfert.  Ce que nous disions là n’est pour nous qu’une hypothèse, car nous ne pensons pas que le siège de Rome soit un jour transféré ailleurs.
 La quatrième objection est faite au même endroit (verset 13).   Si c’est parce qu’il succède à saint Pierre que le pontife romain est le premier évêque, c’est l’évêque d’Éphèse qui devrait être le second, celui de Jérusalem le troisième, et ainsi de suite. Mais nous voyons que le deuxième siège est celui d’Alexandrie,  qui n’a été fondé par aucun apôtre.   Celui d’Éphèse n’a même pas pu occuper le dernier rang.  Je réponds que l’importance et le nombre des patriarches ne dépendent pas de la dignité des premiers évêques, autrement il n’y en aurait pas trois, mais douze, selon le nombre des apôtres.  Ils ne dépendent que de la seule dignité et volonté de saint Pierre, comme nous l’avons démontré avec des citations d’Anaclet, de Léon, de Gélase et de Grégoire, dans les prérogatives de saint Pierre, à la question 3.
 La cinquième objection est tirée du livre 4 (chapitre 7, verset 28).  Si tout ce qu’on dit de Pierre doit être dit de ses successeurs, il faut dont reconnaitre que tous les papes sont des Satan, car cela est dit au même endroit où il est dit : « je te donnerai les clefs du royaume. »   Je réponds que ce qui est dit à Pierre diffère de trois manières.   Certaines choses lui sont dites à lui seul, personnellement, d’autres à lui et à tous les chrétiens, et d’autres à lui et à ses successeurs.  On peut faire cette distinction en considérant à quel titre certaines choses lui sont dites.   Car, ce qui lui est dit en tant qu’un fidèle parmi d’autres, s’applique évidemment à tous les fidèles.  Comme en Matthieu (18) : « Si ton frère pèche contre toi… »  Mais les choses qui lui sont dites à lui à cause de sa personne propre, ne sont dites qu’à lui, comme : « Va en arrière de moi, Satan ! »,  ou comme : « Tu me renieras trois fois. »  Car, ces choses lui sont dites à cause de sa propre imbécilité et ignorance.  Il y en a d’autres qui lui sont dites en raison de sa charge pastorale, qui sont donc dites aussi à tous ses successeurs, comme : « Pais mes brebis », « Confirme tes frères », ou « Tout ce que tu lieras ».
 Les arguments de Luther sont très légers, et ce que nous avons dit peut facilement les réfuter.   Et de plus, ils sont été brillamment combattus par Eck, Fabius, Roffensus et Cajetanus dont les livres sont dans toutes les mains.  Je les omets donc.
                                                                              CHAPITRE 13
                                                  On prouve la même chose avec les conciles
 Il nous faut, en second lieu, prouver la primauté du pontife romain par les conciles.    Luther (dans son livre  sur le pouvoir du Pape) et Illyricus (dans son livre contre la primauté)  et Jean Calvin (dans institution, chapitre 7, verset 1)  disent que le canon 6 du concile de Nicée milite ouvertement contre nous.  Ce concile assignerait au pontife romain une région déterminée à gouverner, et petite d’ailleurs;  et le déclarerait un des patriarches, mais non la tête des autres.  Ils ne purent, prétendent-ils,  découvrir aucun témoignage conciliaire en notre faveur.   Il y a pourtant des témoignages célèbres des conciles généraux en faveur du primat du pontife romain, et quelques-uns de ces conciles  furent si universels ou oecuméniques qu’ils furent composés autant de pères grecs que de latins.  Ce qui fut obtenu en dépit de la légèreté d’esprit et de l’orgueil  des Grecs.
 Voilà  donc le premier concile de Nicée, et le fameux canon 6 que nos adversaires nous opposent.  Mais ce canon requiert une explication pour qu’on puisse en tirer un argument. En voici donc le texte, tel qu’il nous est parvenu : « Que la coutume antique perdure en Égypte, ou en Lybie, ou en pentapolis, de façon à ce que l’évêque d’Alexandrie ait le pouvoir sur eux tous,  parce que la coutume veut qu’il soit  semblable à l’évêque de Rome. »  Il y a quelques remarques à faire sur ce canon.   D’abord, d’après Nicolas 1 (épitre à Michaël) : « Le concile de Nicée n’a rien statué au sujet de l’Église de Rome car son  pouvoir elle le tient de Dieu et non des hommes. Il n’a fait que déterminer le statut des autres églises à partir de la constitution de l’Église romaine.  Le concile ne dit pas : que l’évêque de Rome ait telle ou telle région à administrer. Mais : que l’évêque d’Alexandrie soit chargé de l’Égypte et de la Lybie, parce que c’est ainsi que l’évêque de Rome en a établi la coutume. »  L’Église romaine est clairement représentée comme la norme ou la règle des autres, et rien n’a été statué à son sujet.   Calvin, Illyricus, Nil et les autres se trompent donc quand ils disent que le concile de Nicée a assigné certaines limites territoriales à l’évêque de Rome, pour qu’il n’ait de pouvoir que sur  les diocèses suburbains.
 Il faut aussi noter que, dans les livres de la vulgate, manque le début de ce canon qui commence ainsi : « L’Église romaine a toujours eu la primauté.  Que la coutume perdure etc. »  C’est ainsi que ce canon est cité dans le concile de Chalcédoine (article 16) par l’évêque Paschasius.  C’est ainsi qu’un peu avant l’an mille,  l’a traduit du grec un certain abbé  Denys, comme Alanus Copus l’a annoté dans le dialogue 1.   Et dans le même concile de Chalcédoine, (article 16), après la lecture de ce canon 6, les juges dirent : « Nous étendons toute la primauté et le premier honneur, selon les canons, à l’archevêque de l’antique Rome, très aimé de Dieu ».
 On doit observer, en troisième lieu, ces paroles : «  Parce que, pour l’évêque romain, telle est la coutume. »  Il y a quatre façons d’expliquer cette phrase.   La première, c’est Ruffin qui la donne (livre 10 de l’histoire ecclésiastique, chapitre 6).  Il a été décrété par le concile que l’évêque d’Alexandrie ait la charge pastorale de l’Égypte, comme  l’Église de Rome l’a sur les églises suburbaines.  Mais c’est une fausse exposition, car si l’évêque de Rome est le premier et le principal patriarche, comment peut-on croire que lui a été assignée, à lui,  la plus étroite région, et aux autres patriarches inférieurs une région beaucoup plus large ?  Car, le patriarche d’Antioche avait tout l’Orient, celui d’Alexandrie trois grandes provinces ; l’Égypte, la Lybie et la Pentapolis.  Et l’évêque romain n’aurait eu, lui, que les six évêchés les plus proches de Rome ?  De plus, cette préposition «quoniam » (parce que), indique une raison.   Or, on ne voit pas comment on pourrait logiquement dire que l’évêque d’Alexandrie a la charge pastorale de trois provinces,  parce que l’évêque de Rome prend soin des évêchés suburbains.  Donc, ou la raison invoquée par le concile de Nicée ne vaut rien, ou Ruffin n’a pas bien compris le sens du canon du concile.   De plus, le concile de Nicée, cité par le concile 6 de Carthage, ou lu dans le concile de Chalcédoine, (acte 16), ou rapporté par l’abbé Denys a perdu le souvenir des « églises suburbaines.»  Il n’a que les mots suivants : « Que l’évêque d’Alexandrie ait le pouvoir sur toute l’Égypte, la Lybie et la Pantapolis, car, pour l’évêque romain, aussi, telle est la coutume. »    Ces églises suburbaines furent donc une pure invention du Ruffin qu’a suivi Calvin.
 La deuxième explication du texte est celle de Théodore Balsamonis, (dans son explication du canon) et de Nil (dans son livre contre la primauté).  Le concile a décrété  que l’évêque d’Alexandrie ait le soin de toute l’Égypte, comme l’évêque romain a le soin de tout l’Occident.  Cette interprétation est plus acceptable, mais elle n’est pas moins fausse.  Car, quand le concile dit : car, telle est la coutume pour l’évêque romain,  il donne la cause pour laquelle on doit persévérer dans la coutume antique qui confie à l’évêque d’Alexandrie le soin pastoral de ces trois régions.  Or, le fait que l’évêque romain ait  le soin pastoral de tout l’occident n’est pas une raison qui explique pourquoi l’évêque d’Alexandrie doive être chargé  de l’Égypte, de la Lybie et de la Pendapolis.  Pourquoi pas de toute l’Afrique ?  Ou pourquoi pas de l’Égypte seulement ?  Et pour quoi l’Alexandrin plutôt que le Carthaginois ? Ou n’importe lequel autre ?  Ajoutons que  le concile n’emploie ni le mot orient, ni le mot occident.  Il ne dit que : parce que telle est la coutume, pour l’évêque romain.
 La troisième interprétation est celle de l’auteur de la somme des conciles.  Il pense pouvoir, à l’aide d’un vieux codex, restituer les mots « parce que telle est la coutume pour le métropolitain », au lieu de : « parce que telle est  la coutume pour l’évêque romain ».   Cette explication n’est pas solide, elle non plus.   Car les exemplaires du concile de Nicée n’ont jamais été plus complets ni plus amendés que ceux qui se trouvent dans les archives des pontifes romains, comme nous l’avons déjà démontré quand nous traitions des appellations.  Car ceux qui étaient en Grèce ont été brûlés par les Ariens, au témoignage de saint Athanase (dans son épitre à tous les orthodoxes).  Il ne faut donc pas se surprendre de ce que le texte cité par Ruffin et les autres, soit mutilé et corrompu.   Or, c’est  des archives de l’Église romaine que Paschase, le légat de saint Léon au concile de Chalcédoine,  a tiré ce canon.  Et, voici ce que nous y lisons : « parce que telle est la coutume pour l’Évêque romain. »   Ajoutons que  l’évêque d’Alexandrie n’invoquerait pas une bonne raison, s’il faisait dépendre son droit pastoral  d’une coutume établie par les métropolitains.  Car, les métropolitains ne régissent qu’une seule province, et à l’évêque d’Alexandrie sont soumises plusieurs provinces, et même des métropolitains.
 La quatrième et la vraie explication est que l’évêque d’Alexandrie doit gouverner ces trois provinces parce que l’évêque de Rome en a fait une coutume.  C’est-à-dire, parce que l’évêque de Rome, avant tous les conciles, avait permis depuis longtemps à l’évêque d’Alexandrie de prendre soin de l’Égypte, de la Lybie, et de la Pentapolis.   C’est-à-dire qu’il en fit un droit coutumier.   C’est ainsi que comprend ce canon le pape Nicolas  1 (dans son épitre à Michaël).   Et on ne voit pas d’autre explication qui soit plus plausible.   Le second concile général, dans l’épitre au pape Damase (que cite Theodoret , livre, 5, chapitre 9 de son histoire),  déclare s’être réuni à Constantinople sur l’ordre du pontife romain, exprimé dans les lettres que l’empereur leur a envoyées.   Ils avouent donc par là que le pape est la tête, et qu’eux  sont les membres.
 Le troisième concile (comme le rapporte Évagre, livre 1, chapitre 4 de son histoire),  déclare qu’il dépose Nestor sur l’ordre écrit du pape Célestin.  Et, dans son épitre au même pape Célestin, le même concile écrit qu’il n’avait pas osé juger la cause du patriarche d’Antioche, Jean,  parce qu’elle était complexe et difficile à démêler, et qu’il la réservait au jugement du pape Célestin.  Toutes choses qui indiquent l’autorité suprême du pontife romain.   Le concile de Chalcédoine  (actes 1, 2, 3) appelle souvent le pape Léon « pontife de l’Église universelle ». Et, dans son épitre au pape saint Léon : « Et en plus de toutes ces choses, il décharge sa folie contre celui à qui la vigne du Seigneur a été commise,  contre ta sainteté apostolique ».  Ici, tu vois  que ce très grand concile confesse que la vigne du Seigneur, c’est-à-dire la garde de l’Église universelle,  a été confiée par Dieu au pontife romain.   Le synode de Constantinople, qui a été convoqué avant le cinquième synode qui s’est prononcé sur l’évêque Anthime (acte 4), parle ainsi par le patriarche Menas, président du concile : « Nous suivons, nous, le siège apostolique, et nous lui obéissons,  et nous recevons dans notre communion ceux qu’il reçoit dans sa communion, et nous condamnons ceux qu’il condamne. »   Si donc tout le concile professe obéir au siège apostolique, il est certain que le siège apostolique préside avec autorité sur toute l’Église.
 Le septième synode (acte 2) reçoit et approuve l’épitre d’Adrien à Tharasium, qui s’exprime comme suit : « Éclaire toute la terre le siège qui a obtenu le primat, et est la tête de toutes les églises de Dieu. C’est pourquoi, le bienheureux Pierre lui-même paissant l’Église sur l’ordre de Dieu, n’a rien qui échappe à son autorité, mais a obtenu partout la principauté par le passé, et l’obtient encore aujourd’hui  »   Note que c’est au présent qu’il dit : obtenant la principauté, il (Pierre)  éclaire, et il est la tête.  Le concile du Latran sous Innocent 111, auquel participèrent les Grecs et les latins,  (chapitre 5) s’exprime ainsi: « En tant que mère et maîtresse de tous les fidèles du Christ, L’Église romaine, comme l’a établi le Seigneur, obtient la suprématie sur toutes les autres de pouvoir ordinaire. »   Le concile général  de Lyon sous Grégoire 1X, (chapitre 6, titre : de l’élection) écrit : « À la vue d’un péril, on appelle l’évêque romain, vicaire du Christ, successeur de saint Pierre, recteur de l’Église universelle. »   Et cela, en présence autant des Grecs que des Latins.  Enfin, le concile de Florence  statua ainsi,  après avoir obtenu le consentement des Grecs et des Latins : « Nous définissons que le saint siège apostolique du pontife romain détient la primauté sur toute la terre; que le pontife romain est le successeur de Pierre prince des apôtres, vrai vicaire du Christ, tête de toute l’Église, père et docteur de tous les chrétiens;  que c’est à lui qu’a été remis, par Jésus-Christ notre Seigneur,  le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle. »  J’omets les cinq autres conciles généraux, car ils ne sont reçus ni par les Grecs, puisqu’ils n’y participèrent pas, ni par les luthériens, puisqu’ils ont été célébrés après l’an 600.  Ces conciles, les voici : le concile de Lyon sous Innocent lV,  (comme ce que nous avons au chapitre 1 sur l’homicide,  dans le sixième concile).  Le concile de Vienne sous Clément lV; celui de Constance (session 8 et 15); du Latran  sous Léon lX, session 11, et le concile de Trente (session 14, chapitre 7, et ailleurs).
                                                                             CHAPITRE 14
                           On prouve la même chose avec des témoignages des souverains pontifes
 Le troisième argument on va le tirer des enseignements des souverains pontifes.   Il faut d’abord observer que les lettres des souverains pontifes appartiennent à trois catégories différentes.   La première est celle qui contient les épitres des pontifes qui ont siégé jusqu’à l’an 300.  Les Magdebourgeois et Calvin admettent que, pendant ces siècles, le primat était professé en toute vérité, et que les pontifes ont été de vrais et de saints pontifes.   Mais ils disent que leurs épites ont été trafiquées, ou  qu’elles sont de composition récente, et qu’elles  ont été faussement attribuées à ces pontifes. La seconde comprend les lettres de ces pontifes qui ont siégé depuis l’an 600 jusqu’à nos jours.  Nos adversaires soutiennent que, pendant ces siècles, la primauté a vraiment été enseignée, et par les auteurs dont les écrits portent les noms.   Mais que ces pontifes n’étaient  pas dignes de foi, qu’ils étaient plutôt des pseudos pontifes, ou qu’ils n’étaient pas pontifes du tout. La troisième comprend ces épitres dans lesquelles est affirmé ouvertement le primat, et qui ont été écrites par de vrais et de saints pontifes, qui vécurent entre 300 et 600, comme Jules, Damase, Syricius,  Innocent, Zozime,  Léon, Gélase, Anastase 11, Jean 11, Féliz 1V, Pélage 11,  et saint Grégoire.   Il n’y aura donc pas lieu de s’attarder aux témoignages de la première et de la seconde catégories. Il suffira d’indiquer les textes, et de répondre aux objections des hérétiques.  Ils reconnaissent parfois que dans ces lettres est affirmée ouvertement notre doctrine.  On ne fera de citations que pour les témoignages  de la troisième classe.
 Les pontifes suivants affirment clairement la primauté de l’évêque de Rome.  Saint Clément (épitre 1), Anaclet (épitre 3), Évariste (épitre 1),  Alexandre (épitre 1), Pie (épitre 1 et 2), Anicet (épitre 1), Victor (épitre 1), Zéphyrin (épitre 1),  Calixte (épitre 2), Lucius (épitre 1),  Marcel (épitre 1), Eusèbe (épitre 3), Melchiades (épitre 1),  Marc (épitre 1).   À ces témoignages, les adversaires  ne répondent rien d’autre qu’ils sont adventices et récents. Mais même si je ne peux nier que quelques erreurs s’y soient glissées, je n’oserais affirmer que ces épitres soient apocryphes.  Car, il est certain que ce sont des documents très anciens.  Ils  mentent effrontément  les magdebourgeois (centurie 2, chapitre 7) quand ils disent qu’aucun auteur digne de foi n’a cité leurs paroles avant le temps de Charlemagne.  Car Isidore qui a vécu 200 ans avant Charlemagne, dit (au début de sa collection des sacrés canons) que c’est sur la demande de quatre-vingts évêques qu’il a recueilli des canons tirés des épitres de Clément, d’Anaclet, d’Évariste, et d’autres pontifes romains.  De même, le concile de Vasense (chapitre 6) cite les lettres de saint Clément, comme elles existent aujourd’hui.  Or, ce concile a été célébré au temps du pape Léon 1,  350 ans donc avant Charlemagne.  Ensuite Ruffin qui précède Charlemagne de 400 ans, dans sa préface de la reconnaissance (saint Clément) qu’il a traduite du grec, se souvient de l’Épitre de Clément à Jacques,  et dit l’avoir traduite en grec.   Que cette traduction de Ruffin existe vraiment, c’est Gennadius qui l’atteste dans ses hommes  illustres, au mot Ruffin.
 Pour la seconde catégorie, nous avons Adrien 1, dans son épitre à Tharasius,   Nicholas 1, dans son épitre à l’empereur Michaël, Léon 1X  dans une épitre que nous trouvons au chapitre solitae.   Tous enseignent clairement et explicitement que le pontife romain préside à toute l’Église.    À cela les adversaires répondent qu’ils étaient tous des antichrist.   Nous parlerons de cela dans la question suivante.   Pour l’instant nous ne disons que ceci.  Si ces pontifes avaient été des antichrist, toute l’Église aurait péri depuis 1000 ans.   Mais les historiens nous rapportent que l’Église universelle a reconnu ces pontifes,  et a accepté leurs doctrines.  Or, s’il est vrai que l’Église a péri, le Christ a menti quand il a dit en Matthieu (16) que « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ».  Mais sur ce sujet, nous ferons plusieurs développements  dans les questions sur l’Église.  Venons-en donc à la troisième catégorie, et présentons douze pontifes saints et grands.
 Le premier est saint Jules 1, qui, dans son épitre aux Orientaux (qui a été conservée dans l’apologie 2 de saint Athanase)  parle ainsi : « Ignorez-vous donc que la coutume veut qu’on nous écrive d’abord, pour que puisse être décidé ce qui est juste ?   Si un soupçon de cette sorte envers l’évêque avait pris naissance,  il fallait le rapporter à notre église. »  Et plus bas : « Ce sont les choses que j’ai reçues du bienheureux Pierre que je vous communique.  Je n’écrirai rien d’autre que ce que je pense être connu de vous, si ce n’est que nous troublent les faits eux-mêmes. »   Par ces paroles, saint Jules affirme que c’est à lui qu’appartient la charge de juger les causes des évêques, même  des orientaux, même des patriarches du premier rang (car dans la cause de saint Athanase, il s’agissait de l’évêque d’Alexandrie).  Il dit que ce droit il l’a reçu de Pierre, et que cela est connu de tous. Que peut-on réponde à cela ?  L’auteur est saint et très ancien, l’épitre est certaine, et transcrite au complet par saint Athanase; les mots en sont clairs et faciles à comprendre.
 Le deuxième est saint Damase qui, dans son épitre à tous les évêques d’Orient (que Theodoret a recopiée livre, 5, chapitre 10 de son histoire) écrit : « Parce que votre charité a rendu au siège apostolique la révérence qui lui est due, etc »  Il déclare donc que la révérence est due au pape, et il appelle fils tous les évêques.  On trouve la même chose dans l’épitre 4 aux évêques de Numidie : « Tout ce qui peut être matière à doute,  ne cessez pas de nous le référer à nous, comme à la tête, ainsi que  le veut la coutume. »  Le troisième est saint Cyricius dans son épitre à Himericus,  dont Calvin lui-même reconnait l’authenticité : « En vertu de notre  charge, ce n’est pas à nous à dissimuler ni à taire la liberté d’action dont jouit celui qu’enflamme  le zèle de la religion chrétienne.  Nous portons les fardeaux de tous ceux qui sont lourdement chargés. Ou plutôt, c’est le bienheureux Pierre qui les porte en nous, qui nous protège en toutes choses, nous qui nous nous confions à sa guidance,  et c’est lui qui nous protège contre les hérésies. »  Et plus bas, chapitre 15 : « Nous avons examiné, frère très cher, tout ce que contenait la plainte,  et chacune des causes que, par notre fils le prêtre Bassien, tu as présentées à l’Église romaine, comme  à la tête du corps. »  Il prescrit ensuite à l’évêque de faire parvenir ses décrets à tous les autres évêques.
 Le quatrième est saint Zozime dans son épitre à Ésichium, évêque de Salonite : « C’est à toi de préférence que nous avons adressé nos écrits, pour que tu les fasses connaître à tous nos frères évêques. »  Et plus bas : « Que chacun sache  que quiconque négligerait ce qui porte le sceau de l’autorité apostolique et des pères, serait sévèrement puni par nous, etc. »  Le cinquième, saint Innocent (épitre 22 aux évêques de Macédoine) écrit : « Rends-toi compte que c’est faire injure au siège apostolique, auquel le rapport avait été envoyé  en tant que tête des églises. »  La même chose dans la lettre au concile de Milet (épitre 93 de sain Augustin) : « Avec soin, et comme il convient, vous avec rendu honneur au siège apostolique.   Honneur à celui sur  qui, à l’exception des choses qui ne sont pas de son domaine,  pèse le souci de toutes les églises. Vous avez suivi les directives d’une ancienne règle, que vous savez avoir été observée par tout le monde et par moi. »  Même chose dans l’épitre au concile de Carthage (91).  Il écrit que l’église romaine est « la source et la tête de toutes les églises. »
 Tout ce que les magdebourgeois ont à  répondre à cela c’est  que c’est beaucoup trop impunément qu’Innocent s’est arrogé ces privilèges.   Voilà pourquoi on l’appelle par mépris le nuisible.   Mais s’il en est bien ainsi, pourquoi les anciens pères n’ont-ils pas dénoncé cette erreur d’Innocent ?  Pourquoi saint Augustin (dans son épitre 106 à Paulin) dit-il en parlant de ces deux lettres d’Innocent : « Il nous a répondu toutes ces choses de la façon dont il est permis et obligatoire  à l’évêque du siège apostolique de s’exprimer. »  Et pourquoi saint Augustin appelle-t-il ailleurs Innocent 1  pape de bienheureuse mémoire ?
 Le sixième est saint Léon.  Mais parce que Luther et Calvin prétendent que les anciens pontifes de Rome n’ont eu d’autorité qu’en Occident,  présentons des textes de saint Léon le grand, dans lesquels il affirme et démontre la primauté romaine, et exerce au même moment la juridiction sur les pontifes de Grèce, d’Asie, d’Égypte et d’Afrique.  Dans l’épitre 84 à Anastase, évêque de Thessalonique,  il dit : «  Comme mes prédécesseurs à tes prédécesseurs, suivant l’exemple des anciens envers ta charité, je t’ai délégué comme vicaire de ma modération, pour que tu nous aides dans le soin que, d’institution divine, nous avons de toutes les églises, et qu’aux provinces éloignées du siège apostolique, tu présentes la présence de notre visite. »   Et plus bas : « Nous avons fait de ta charité notre vicaire, de façon à ce que tu sois appelé à une partie de la charge pastorale, mais  non à la plénitude du pouvoir. »  Et  à la fin, là où il disait que c’était par une grande providence qu’ont été institués, des évêques, des archevêques et des primats, il ajoute : « Par qui le soin de l’Église universelle affluerait au seul siège  de Pierre, et pour que rien ne soit détourné de  sa tête. »  Ces textes montrent non seulement le primat, mais l’autorité de saint Léon sur les églises de Grèce.
 Le même saint Léon le grand (épitre 46 à Anathole, évêque de Constantinople) écrit  : « C’est à vous qui résidez que nous avons confié l’exécution de ce que nous avons décidé. »  Tu vois qu’il prescrit quelque chose à l’évêque de Constantinople.   Le même (dans l’épitre 62 à Maxime d’Antioche).   Il lui demande de lui faire rapport souvent sur ce qui se passe dans les églises.  Et au même endroit : « L’évêque Juvénal a cru qu’il pouvait se suffire à lui-même pour obtenir le premier rang dans la province de Palestine. Que Cyrille de sainte mémoire ait,  avec raison cela, eu en horreur, il me l’a indiqué par ses écrits,  et m’a ardemment supplié de ne donner aucune approbation à ces tentatives illicites. »  Vois comment le patriarche d’Alexandrie supplie le pape Léon de ne pas permettre que Juvénal usurpe la primauté sur la Palestine.   Et comme cette province relevait du patriarche d’Antioche, pourquoi Cyrille n’a-t-il pas fait sa demande au patriarche d’Antioche lui-même ?  Le même saint Léon (épitre 81 à Dioscore) dit au patriarche d’Alexandrie : « Ce que nous savons que nos pères ont conservé avec un soin attentif, nous voulons que cela soit aussi conservé par vous. »   C’est au patriarche de toute l’Égypte et de la Lybie que saint Léon donne ces ordres.   Le même (épitre 87 aux évêques africains) « Ce que nous avons supporté comme véniel ne pourra pas, par la suite,  demeurer impuni,  si quelqu’un osait usurper ce que nous avons interdit. »  Et plus bas : « Nous avons ordonné que là soit entendue la cause de Lupicinus évêque ».
 Léon commandait donc aux évêques de Grèce, d’Asie, d’Égypte, et d’Afrique.  Nous avons encore aujourd’hui de ses lettres aux évêques d’Allemagne, de France, d’Espagne et d’Italie, dans lesquelles il se présente comme leur juge et leur tête.   Enfin, dans le sermon sur la naissance au ciel des apôtres Pierre et Paul,  la ville de Rome parle ainsi : « Ayant été fait, par le siège sacré du bienheureux Pierre, tête de l’univers,  ton règne religieux s’étendra plus  loin que ta domination terrestre. Bien que par un grand nombre de victoires, tu aies agrandi, par le droit de la guerre, ton empire sur terre et sur mer, ce que le labeur guerrier t’a asservi est plus petit que ce que la paix du Christ t’a soumis.  »  Qu’est-ce qui est plus clair que cela ?
 Mais à ces citations, Calvin donne deux réponses.   Une première (livre 4 des institutions, chapitre 7, verset 11).    Il dit que saint Léon a été, outre mesure, avide de gloire et de domination, et que plusieurs ont résisté à son ambition.   Il donne comme preuve une note en marge de l’épitre 85.  Mais nous avons beau chercher, dans cette épitre il n’y a rien de tel,  et nous ne voyons personne résister aux épitres de saint Léon, à l’exception de l’évêque gaulois Hilaire.  C’est le seul, dans l’épitre 89 de saint Léon, qui a voulu se soustraire à l’obéissance du siège apostolique.  Mais, nous lisons au même endroit, qu’il est venu à Rome plaider sa cause, mais que, déclaré coupable par un concile, il a été puni.  Demeurent encore aujourd’hui des lettres de conciles, d’évêques, d’empereurs adressées au pape Léon, et aussi d’évêques de Gaulle.  Dans toutes ces lettres,  on loue grandement sa piété et son autorité.   Et je ne pense pas que, avant Luther et Calvin,  personne ait jamais taxé le pape Léon d’orgueil et d’ambition.
 Il répond en second lieu que Léon n’a pas usurpé la juridiction sur les autres évêques, mais qu’il ne s’est qu’interposé comme arbitre dans des différends, en autant que la nature et la loi de la communion ecclésiastique le souffrait alors.  Et il le prouve ainsi.  Dans la lettre 84, où il semble le plus donner des ordres aux évêques,  il ajoute vouloir conserver, en toutes choses, les privilèges des métropolitains.  C’est comme s’il disait que c’est par piété qu’il avertit, mais qu’il laissait à chacun l’autorité qui leur appartenait.  S’il en vraiment ainsi, il n’était donc pas avide de gloire et de domination,  et on ne peut pas non plus l’accuser d’avoir été ambitieux.  Mais, les paroles de saint Léon que nous avons citées plus haut montrent assez clairement  qu’il  commandait aux évêques avec autorité.   Qu’il ait voulu conserver les droits des métropolitains, cela n’a rien à voir avec notre affaire.   Car, il veut les conserver de façon à ce qu’ils soient soumis au siège apostolique, et à son vicaire.   C’est bien  ainsi qu’il parle dans l’épitre 84 : « Donc, selon les canons des saints pères composés par le Saint-Esprit, et consacrés par la vénération de tout l’univers, nous déclarons que ta fraternité  possède, de toute antiquité, un droit incontestable de dignité sur  les évêques métropolitains de chacune des provinces dont,  par notre délégation, ta fraternité prend soin,  pour que, ni par négligence ni par présomption,  ils ne s’affranchissent des règles établies. »  Et plus bas : « Si,  par malheur, parmi ceux qui jugent des plus grandes fautes, une dissension naissait, qui ne peut pas être apaisée par un tribunal provincial, le métropolitain prendra soin d’informer ta fraternité de la nature de cette affaire;  et si, après avoir entendu le plaidoyer des deux parties, la question ne pouvait pas être réglée par ton jugement, il faudra la porter à notre connaissance, quelle qu’elle soit. »
 Septième .  Voici ce que dit saint Gélase aux évêques de Sardaigne : « Chaque église de tout l’univers sait que le siège de l’apôtre Pierre a le pouvoir de dénouer tous les liens noués par les  sentences d’évêque; qu’il  lui est permis de porter un jugement sur toute église,  et qu’il n’est permis à personne de juger son jugement. »  Il dit des choses semblables dans la lettre à l’empereur Anastase.  Il est impossible de répliquer quoi que soit à cela.  Il appert que ce sont les vraies paroles de Gélase, que Gélase fut un saint homme,  et qu’il a vécu avant l’an mille.  Huitième.   Jean 11 qui, lui aussi, a siégé avant l’an mille,  écrit dans l’épitre à l’empereur Justinien (qui se trouve dans le code de Justinien à un tit ) : « Parmi les louanges sublimes de votre sagesse et de votre mansuétude, le plus chrétien des princes, il y a un précepte du Seigneur qui irradie comme un astre d’une lumière plus pure que les autres.  Enseignés par l’amour de Dieu, nos disciplines ecclésiastiques ont conservé la révérence envers le siège romain; et, tout lui ayant été soumis,  tout a été ramené à son unité, à celui qui en est l’auteur, le prince des apôtres, Pierre.  « Pais mes brebis ».  Et ce précepte est qu’elle  est vraiment la tête de toutes les églises. Toutes les règles des pères et les statuts des princes le déclarent. »
 Neuvième.   Anastase 11 (dans l’épitre à l’empereur Anastase) : « Par le ministère de mon humilité,  que le siège du bienheureux Pierre tienne, comme toujours,  dans l’Église universelle, la primauté qui lui a été assignée par le Seigneur. »  Dixième.   Félix 1V (dans son épitre à différents évêques), écrit : « J’ai reçu avec reconnaissance les  écrits de votre sainteté que vous avez envoyés au siège apostolique comme à la tête, pour recevoir une réponse d’où toute église de toute la religion tire son origine. »  Onzième.   Pélage 11 (dans son épitre 1 aux évêques orientaux ) : « Le siège de Rome, selon l’institution du Seigneur, est la tête de toutes les églises. »   Douzième.  Saint Grégoire le grand, s’est, tout autant que saint Léon, déclaré tête de toute l’Église (livre l, épitre 72, à Gennade) : « Si, du concile de Numidie, il y en a qui désirent venir au siège apostolique, permettez-le leur.   Et si quelqu’un, parmi eux, voulait leur bloquer la route, empêchez-les. »  Voilà ce qui démontre l’autorité de saint Grégoire en Afrique.  De même (livre 2, épitre 37) : « Après ce qu’à votre béatitude mon prédécesseur et moi-même  avons écrit au sujet de l’archidiacre Honorat, c’est par  mépris de la sentence portée par nous deux, que  le préfet Honorat a été privé de son grade.  Si l’un des quatre patriarches avait fait cela, un tel mépris n’aurait pas pu se produire  sans causer un grave scandale. »  Par ces paroles, saint Grégoire montre qu’il est au-dessus de tous les patriarches.
 De même (libre 4, épitre 56, aux évêques de la province d’Hellade) : « Sachez que nous avons conféré le pallium  à Jean notre frère, évêque de Corinthe,  à qui il vous convient grandement d’obéir. »    Voyez l’autorité qu’a saint Grégoire sur les évêques grecs, qu’il soumet à l’évêque de Corinthe par la transmission du pallium !  Même chose (livre 7, épitre 68 à Jean, évêque de Syracuse) : « Car, en ce qui a trait à l’église de Constantinople, qui doute qu’elle soit soumise au siège apostolique ?  C’est ce que notre  très pieux empereur et notre frère Eusèbe, évêque de cette cité, professent constamment. »   Et (dans la lettre 64 au même) : « Car, si celui-ci se dit soumis au siège apostolique, et si une faute été trouvée dans les évêques, je ne sais pas quel évêque ne lui sera pas soumis. »  Quoi de plus clair ?  J’omets les lettres aux évêques d’Italie, de Gaule, d’Espagne, car nul ne doute de leur obéissance.
 Calvin répond (livre 4, chapitre 7,  verset 12).  Il dit d’abord que le pape saint Grégoire s’est attribué le droit de corriger les autres, mais que  ne lui ont obéi que ceux qui l’ont bien voulu.  Mais, cela on ne peut pas le dire.   Car saint Grégoire fut très saint et très humble.   La preuve en est que même les Grecs célèbrent son jour de fête.  Calvin lui-même (livre 4, chapitre sept, verset 22)  reconnait que Grégoire fut un grand saint.   Or, l’usurpation des biens d’autrui ne cohabite pas avec la sainteté.   Ce n’est  ni un péché véniel ni une imperfection de se soumettre tous les évêques mais le fait d’un orgueil intolérable,  et la note spécifique de l’Antichrist, comme ils l’enseignent souvent.   Comment saint Grégoire pouvait-il être saint s’il s’est soumis injustement tous les évêques ?  Il répond ensuite que c’est par le mandat de l’empereur qu’il a jugé l’évêque de Constantinople, comme on peut l’apprendre de la lettre de Grégoire (livre 7, épitre 64).  Or, dans cette lettre, saint Grégoire dit que l’empereur veut qu’il juge le patriarche,  parce que les canons l’ordonnent ainsi.   C’est tout à fait comme si l’empereur avait dit  qu’il ne voulait pas empêcher que, même s’il était l’évêque de la cité impériale,  l’évêque de Constantinople soit puni par le pape Grégoire, comme le prescrivent les canons.  C’est pourquoi, dans l’épitre citée plus haut, saint Grégoire affirme que l’empereur professe constamment que  l’église de Constantinople est sujette de l’église de Rome.
 Il répond, en troisième lieu, que comme il punissait les autres, saint Grégoire était disposé à être amendé par les autres, ainsi qu’ il le dit dans l’épitre 37, livre 2.  Donc, il obéissait autant qu’il commandait.   Mais, dans cette lettre, saint Grégoire parle de la correction fraternelle, non de la censure d’un jugement.  Voici ce qu’il écrit : « Ta fraternité a mal pris  que je l’aie blâmée au sujet des convives.  Mais moi, qui suis le plus élevé non par ma vie, mais par le lieu, je suis prêt à être corrigé par tous,  à être émendé par tous.  Et j’estime être  mon seul ami celui qui, avant l’apparition du juge suprême, essuie les fautes de mon esprit. »   Ajouter qu’il y a une contradiction entre être au-dessus de tous, et soumis à quelques-uns.
 Il répond en quatrième lieu,  que ce statut pontifical a grandement déplu à Grégoire.  Car, il se plaint que, sous couleur d’épiscopat,  il soit retourné dans le siècle (livre 1, épitres 5, et 7).   Il est vrai que saint Grégoire déplorait  d’être passé du calme du monastère aux affaires épiscopales.   Mais ne lui déplaisait pas le fait que le siège apostolique ait à prendre soin de toutes les églises.   Car il milita lui-même vigoureusement pour l’honneur de son siège contre Jean,  évêque de Constantinople.  Et, (dans le livre 4 de l’épitre 36 à Euloge), il dit : « Tenons l’humilité dans l’esprit, mais conservons dans l’honneur la dignité de notre ordre. »  Et (dans les épitres 1 et 42 à Jean évêque) : « Nous  avertissons que la révérence envers le siège apostolique ne doit être troublée par la présomption de personne.  Car la condition des membres demeure intègre si la tête de la foi ne subit aucune injure ».  Et (dans son explication 4 du psaume pénitentiel) : « Il étend la témérité de son délire au point de revendiquer pour lui en justice d’être la tête de toutes les églises, comme l’est  l’église romaine, et d’usurper le droit de gouverner toutes les nations de la terre. »
                                                                   CHAPITRE 15
                              Les pères grecs prouvent la même chose.
  Venons-en maintenant aux témoignages des anciens pères, qui n’ont pas été pontifes suprêmes.  Calvin et Illyricus ne nous en objectent que trois : saint Cyprien, saint Jérôme et saint Bernard, dont nous parlerons en temps opportun.   Mais à leur trois,  nous en opposerons une vingtaine.
 Le premier est saint Ignace qui, dans son épitre aux romains, écrit : « Ignace, à l’église sanctifiée qui préside dans la région des Romains. »   Pourquoi dit-il  à l’église romaine qu’elle préside, si ce n’est parce qu’elle est la tête de toutes les autres ? Le deuxième est saint Irénée (livre 3, chapitre 3) : « C’est par la plus grande,  la plus ancienne, celle qui est connue de tous, qui a été fondée, instituée par les glorieux apôtres Pierre et Paul, qui possède la tradition reçue des apôtres, qui annonce à tous la foi par la succession des évêques parvenue jusqu’à nous,  que nous confondons ceux qui, de quelque façon, par une complaisance malsaine, par vaine gloire, par cécité, ou par une mauvaise science, raisonnent autrement qu’il ne faudrait.  Car il est nécessaire que toute église, c’est-à dire tous les fidèles de partout,  communie avec cette église à cause de sa plus puissante principauté.  Car, en elle, par ceux qui y sont, a été conservée la tradition qui vient des apôtres. »  Noter le « il est nécessaire », « et toute église doit communier. » Et aussi : « à cause de sa plus puissante principauté ».  Et cette autre chose : « en qui toujours a été conservée par tous la tradition apostolique. »    Car, saint Irénée prouve que nous pouvons confondre les hérétiques avec la doctrine de l’Église romaine, parce qu’il est nécessaire que tous communient avec cette église, et dépendent d’elle comme d’une tête et d’une source.  Il faut donc que sa doctrine soit vraie et apostolique.
 Qu’il soit nécessaire à tous les chrétiens de dépendre de l’église romaine, il le prouve d’abord a priori, parce que la principauté est donnée à cette église.   Ensuite, a posteriori,  parce que, jusqu’à présent, tous ont conservé la foi dans cette église, c’est-à-dire en union et en adhésion à cette église, comme à une tête et une mère.
 Le troisième est Épiphane (hérésie 68, qui est celle des mélétiens) : « Faisant pénitence, Ursace et Valens partirent avec leurs pamphlets vers le bienheureux Jules, évêque de Rome, pour rendre compte de leur erreur et de leur faute. »   Il est certain qu’Ursace et Valens étaient des évêques.  Pourquoi venaient-ils à Rome pour que le pontife romain leur donne une punition,  si le pontife romain n’est pas le juge et la tête des évêques ?     Le quatrième, saint Athanase (livre 2 de son apologie).  Il assure que ces mêmes évêques avaient demandé au pape Jules une punition pour leur forfait.  Et, dans l’épitre au pape Félix, il écrit : « Vous et vos prédécesseurs,  Dieu vous a établis au sommet de la hyérarchie,  gardiens apostoliques; et  il vous a ordonné de prendre soin de toutes les églises, pour que vous nous portiez secours. »  Ensuite, dans son livre sur l’évêque Denys d’Alexandrie :  « Quelques-uns, ayant certes une bonne compréhension de l’église, mais ignorant dans quel sens  il avait écrit ces choses, montèrent à Rome, et l’accusèrent, là, auprès de Denys, évêque de Rome. »   Pourquoi, je le demande,  des hommes bons ont-ils accusé Denys, le patriarche d’Alexandrie,  auprès de l’évêque de Rome ?  N’est-ce pas parce qu’ils savaient que le pontife romain est le juge de tous ?
 Saint Basile (dans l’épitre 52 à Athanase) : « Il semble que tous consentent  à écrire à l’évêque de Rome,  pour qu’il prenne connaissance de notre situation, et interpose le décret de son jugement.  Et parce qu’il est difficile que certains soient mandatés par la décision d’un concile,  qu’il investisse de son autorité  des hommes choisis,  capables de supporter les fatigues du voyage, des hommes doux et de bonnes mœurs, accommodants, prudents et pieux,  pour qu’ils avertissent ceux qui ont dévié de la voie droite, et qu’ils rescindent les actes du concile d’Ariminensis,  votés dans la violence. »   Saint Basile attribue à l’évêque de Rome l’autorité de visiter les églises d’Orient, et de rescinder des conciles généraux, comme celui d’Ariminensis.
 Le sixième, saint Grégoire de Naziance  (dans le poème de sa vie).   Il dit que l’Église romaine «  a toujours conservé la vraie doctrine sur Dieu », « comme il convient à une ville qui préside sur tout l’univers ».   Il ne parle pas de l’empire temporel, car, à ce moment, le siège de l’empire temporel était à Constantinople, non à Rome.  Le septième, saint Jean Chrysostome  (épitre 1 au pape Innocent) : «  Je te demande de statuer par écrit que  n’ont aucune valeur les choses qui ont été accomplies avec injustice et perfidie;  que ceux qui ont agi avec iniquité soient soumis aux peines des lois ecclésiastiques ! »   Theophile, l’évêque d’Alexandrie, dans un concile  de nombreux évêques, avait déposé saint Jean Chrysostome de l’épiscopat de Constantinople.  Saint Jean Chrysostome écrivit à  l’évêque de Rome, pour que, en vertu de son autorité, il déclare invalide la condamnation faite par Théophile;  qu’il le juge plutôt, et le punisse selon les lois ecclésiastiques.  Saint Jean Chrysostome reconnait donc que le pape est le juge suprême, même des Grecs.  De même (dans son épitre 2 au même),  il dit  : « Nous vous rendons des grâces perpétuelles pour avoir déclaré votre bienveillance paternelle envers nous. »   Saint Jean Chrysostome reconnait donc le pape Innocent comme son père, même s’il était plus âgé que lui, et détenait l’épiscopat de la ville Reine.  Ensuite, dans la même lettre,  il demande au pape Innocent de ne pas excommunier ses ennemis, même s’ils le méritent : « Je prie votre vigilance pour que, même s’ils ont tout rempli de tumultes,  et ne veulent pas guérir de leur maladie, vous ne leur  infligiez aucun  châtiment, et  ne les expulsiez pas  de l’assemblée des fidèles. »
 Le huitième.   Saint Cyrille (épitre 10 à Nestor, et épitre onze aux clercs et au peuple de Constantinople).  Il écrit que, à moins que Nestor ne rétracte ses hérésies avant la date fixée par le pape romain Célestin, il soit excommunié par tous, et que, une fois déposé, on évite sa présence.  Et, dans l’épitre 18 au pape Célestin, qu’il nomme  « très saint Père , il lui demande si on pourra  encore pendant un certains temps communiquer avec Nestor, ou s’il faut que tous évitent sa présence. »  Ces mots indiquent suffisamment l’idée que saint Cyrille se faisait du pouvoir de l’évêque de Rome, lui qui, pour la condamnation et la déposition de Nestor,  n’a fait qu’exécuter et mis en oeuvre ce que le pontife romain avait décidé.  Et dans le livre (thèses) : « Devant Pierre, tous inclinent leur tête de droit divin, et les princes de ce  monde lui obéissent comme au Seigneur Jésus. »   De même : «  Nous devons nous, comme des membres que nous sommes, adhérer à notre tête, le pontife romain et le siège apostolique. »   Ces mots ne sont plus dans le livre « thèses » qui nous est parvenu.   Mais, ils sont cités par le bienheureux Thomas (dans son opuscule contre les Grecs), et par Gennade Scholarius, auteur grec (dans le livre 1 du souverain pontife)  Il est avéré que plusieurs livres du trésor ont  péri. Car, dans le synode (acte 10)  on fait une citation tirée  du  livre 32.   Mais, aujourd’hui il ne nous reste que 14 livres.   De plus, André, l’évêque de Colosse, dans le concile de Florence (septième session) a affirmé que, dans les trésors, saint Cyrille avait parlé magnifiquement de l’autorité du pontife romain, sans qu’aucun grec n’élève la voix pour le contredire.
 Le neuvième.  Théodoret (dans l’épitre au pape Léon) : « J’attends une décision de votre siège apostolique.  Je supplie et j’implore votre sainteté de me secourir,  moi  qui fais appel à votre jugement juste et droit.   Qu’elle me commande d’accourir vers vous,  et qu’elle montre que ma doctrine suit les traces des apôtres. »  Il était un évêque asiatique. Il présidait à 800 églises,  comme il le dit lui-même au même endroit, et pourtant, il reconnait le pontife romain comme juge suprême.   De même, dans l’épitre au prêtre René : « Ils m’ont dépouillé du sacerdoce, ils m’ont expulsé des villes, sans tenir compte ni de mes cheveux blancs,  ni du temps passé dans la religion.  C’est pourquoi je te supplie que tu persuades au très saint archevêque Léon d’user de son autorité apostolique,  et de commander que je sois présent à ce concile.  Car, ce  saint siège détient le pouvoir de gouverner  les églises de tout l’univers. »    Le dixième Sozomène  (livre 3, chapitre 7) : « Comme, à cause de la dignité qui est propre à ce siège, le soin de toutes les églises lui a été confié, le pape a restitué à chacun son église. »  Il parle de Jules 1 qui rendit à Athanase l’épiscopat d’Alexandrie,  et à Paul celui de Constantinople.
 Le onzième, celui d’Acace  (dans la lettre au pape Simplice, qui se trouve dans le tome 2 des conciles) : «  Portant la sollicitude de toutes les églises,  vous nous exhortez sans relâche,  avec une vigilance spontanée et prévenante. »  Le douzième.   L’évêque de Pataras, de qui parle Libératus (dans le bréviaire, chapitre 22) : « Quand Sylvère vint à Pataras, le vénérable évêque de la cité alla à l’encontre de  l’empereur, et  contesta le jugement porté au nom de Dieu au sujet de l’expulsion de l’évêque d’un tel siège, disant que, dans le monde, il y a plusieurs rois,  et qu’il n’y en a pas un seul à être expulsé de son siège comme ce pape qui est au-dessus de l’Église de tout le monde. »  Treizième.  Justinien senior (dans une lettre à Jean 11, qui se trouve dans le codex dans 1 tit.) : «Car nous ne nous souffrons pas que ce qui se rapporte à la situation des églises ne soit pas connu par votre sainteté, qui est la tête de toutes les saintes églises. »
                                                                      CHAPITRE 16
                                       On prouve la même chose avec les pères latins
 Parmi les latins, saint Cyprien enseigne souvent cela. Mais avant de présenter des extraits de ses écrits, expliquons brièvement l’argument qu’il développe dans son livre sur l’unité de l’Église. Ce qui nous permettra de mieux comprendre sa pensée.  Dans son livre sur l’unité de l’Église, il se propose de montrer en quoi consiste l’unité de l’Église;  et il démontre d’abord d’où naissent les hérésies et les divisions : « Cela vient de ce qu’on ne retourne plus à l’origine de la vérité, de ce qu’on ne cherche plus la tête, et de qu’ on ne conserve plus la doctrine du maître céleste. »  Il présente donc trois choses.  La première.  L’origine de la vérité provient de l’Église. La seconde : il y a une tête de l’Église différente du Christ, car un peu avant, il avait dit que tous les hérétiques cherchaient le Christ.   Et, cependant, il dit ici que toutes les hérésies naissent du fait qu’on ne cherche pas la tête de l’Église.   La troisième.  La doctrine du maître céleste au sujet de l’Église,  est celle du Christ et du pape.
 Après avoir exposé ces principes, il les explique ainsi : «  Le Seigneur a dit à Pierre : « Tu es la pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elles. »   Et il dit au même après sa résurrection : « Pais mes brebis ».   Saint Cyprien enseigne là l’origine de la vérité sur l’église,  qu’il disait devoir être cherchée dans les paroles du Christ.  Car, c’est ainsi que commence la doctrine ecclésiale,  et,  en même temps la tête de l’Église, qu’il disait devoir être cherchée en Pierre.  Ces mêmes mots montrent  que c’est la doctrine du maître céleste.   Voilà pourquoi, un peu après, il ajoute que l’Église est une dans la racine et dans la tête, même si elle se multiplie par la propagation.  Et il présente trois exemples : la lumière, la source et l’arbre.  Ces trois sont une seule et même chose dans la racine, et se multiplient par la propagation.   Cette citation nous explique donc que saint Pierre est la tête de toute l’Église.     Que c’est ce qui convient à l’évêque romain, saint Cyprien le déclare dans le livre 1, (épitre 3 à Cornel), où parlant du schisme des novatiens qui ne reconnaissaient pas le pape Corneille, il dit : « Les hérésies ou les schismes ne sont pas nés autrement qu’en n’obéissant  pas au prêtre de Dieu.  Il ne faut pas penser qu’il n’y a un seul prêtre dans l’Église que pour un temps,  et pour un temps seulement, un seul juge qui tient la place du Christ.    Si la fraternité universelle lui obéissait selon le commandement divin,  personne n’aurait de raison à faire valoir pour  se soulever contre le collège des prêtres. »
 Les adversaires répondent que saint Cyprien parle ici des évêques diocésains et des églises particulières; et qu’il veut dire que, dans chaque église, quelqu’un doit être prêtre et juge à plein temps.  Mais si on compare ces phrases avec ce qui précède, il apparaîtra clairement que saint Cyprien parle de l’église universelle.  Car, comme il avait dit plus haut que les hérésies naissent de ce qu’on ne cherche pas la tête, après avoir expliqué que la tête de toute l’Église était Pierre, de la même façon il dit ici que les hérésies naissent parce qu’on ne pense pas qu’il y a un seul juge dans l’Église, représentant du Christ, en l’occurrence, Corneille.   Voilà pourquoi, un peu plus bas, dans la même épitre, il appelle l’église romaine le siège de Pierre, l’église principale, d’où est née  l’unité sacerdotale.     Le même, (dans l’épitre 10 au même Cornel) : « Nous nous lamentons sur nos collègues qui forment les membres d’un corps qui a fait scission avec l’unité de l’Église; et qui sont d’un parti  qui, par obstination et entêtement, n’a pas seulement récusé le sein de la racine et de la matrice, mais s’est fait, à l’extérieur de l’Église,  une tête contraire. »  C’est manifestement de l’Église catholique qu’il parle ici, en dehors de laquelle sont les novatiens.  Et saint Cyprien écrit que non seulement ils ne veulent pas revenir  à l’Église, et reconnaître « la racine, la matrice et la tête de cette Église », mais qu’ils se sont fait une tête adultère contraire.  Donc, comme Novatien a été la tête de tous les novatiens, Corneille  a été la tête de tous les catholiques.
 Le même (au livre 1, épitre 8 au peuple de l’univers) écrit : « Dieu est un, le Christ est un, l’Église est une,  et une est la chaire fondée sur Pierre par la parole du Seigneur. On ne peut pas dresser un autre autel, inventer un nouveau sacerdoce, en dehors de l’unique autel et de l’unique sacerdoce.  Celui qui rassemble ailleurs disperse. »   Dans ce passage, il affirme que comme Dieu est un, le Christ est un,  l’église est une, par le nombre,  non par l’espèce, de la même manière unique est la chaire qui enseigne à toute l’église, et cette chaire est celle de Pierre, en dehors de laquelle quiconque rassemble disperse.  Enfin, (au livre 4 de l’épitre 8), il appelle de nouveau l’église romaine « la racine et la matrice de l’Église catholique ».
 Mais les adversaires font les objections suivantes.  La première porte  sur le livre de Cyprien sur l’unité de l’Église, dans lequel il a dit : «Unique est l’épiscopat,  dont chacun tient respectivement une partie. »  Il n’est donc pas l’évêque de toute l’église.   La deuxième porte sur l’épitre de saint Cyprien à Quintus, dans laquelle Cyprien écrit, en plein concile : « Car aucun évêque parmi nous ne s’établit évêque des évêques, ou n’oblige ses collèges à lui obéir par une terreur tyrannique,  puisque,  ayant la liberté et le pouvoir d’user en  tout de son jugement propre,  aucun évêque ne peut être jugé par un autre, ni ne peut juger personne.  Mais attendons le jugement du Seigneur de l’univers, Jésus-Christ, qui est le seul à avoir le pouvoir, dans l’église,  de nous  régir dans l’exercice de notre gouvernement et dans nos jugements. »
 Je réponds à la première.  L’épiscopat est un de la même façon que l’Église est une.  L’Église est une de façon à ce que plusieurs branches forment un seul arbre, plusieurs fleuves une seule mer, et plusieurs rayons une seule lumière, comme Cyprien le dit ailleurs.   Donc, comme dans les branches,  les fleuves et les rayons,  l’unité provient d’une seule tête, c’est-à-dire de la racine, de la source, du soleil, bien que les branches, les rivières et les rayons se multiplient, de la même façon, l’Église est une et l’épiscopat est un dans la racine et la tête, même s’il y a plusieurs églises particulières.    Une partie de ce grand épiscopat est détenue simultanément  par chacun des évêques, mais non également, mais non de la même façon.  Car Pierre et ses successeurs tiennent cette partie qui est comme la tête, la racine et la fontaine;   les autres tiennent les parties qui sont comme les branches et les rivières.  Car, cet épiscopat unique est semblable à un corps hétérogène, non homogène.  Il suit de là que ce n’est pas  de la même façon que chaque évêque tient une partie de cet épiscopat.  Car, même si la racine  est une partie comme la branche, elle sustente et régit les branches, et tout ce qu’il y a dans les branches. Tout est donc virtuellement dans la racine, et non le contraire.    De la même façon, l’église romaine ou  l’épiscopat romain  est une part de l’Église universelle et de l’épiscopat universel, comme l’est l’église de Toscane et son évêque.  Mais l’église romaine régit la toscane, et non le contraire.
 On déduit avec raison des paroles de saint Cyprien que le pape de Rome n’est pas le seul évêque de toutes les églises, les autres étant de vrais et de réels évêques, qui ont reçu leur part de l’église universelle à gouverner.  Mais on ne peut pas en déduire que le pontife romain ne soit pas le pasteur et la tête de toutes les églises, et donc de l’église universelle, car même si c’est une partie de l’église qui a été confiée à sa gouverne, cette partie occupe, dans l’église, la place que tient la racine dans un arbre, la tête dans le corps, et la fontaine dans les ruisseaux.  La deuxième objection.  Quand il dit que personne ne veut se faire évêque des évêques, il parle de ceux qui étaient dans  le concile de Carthage.  Il n’incluait pas dans cette phrase le pontife romain,  qui est le véritable évêque des évêques, et le père  des pères, comme nous l’avons montré plus haut.    Quand il dit qu’un évêque, qui n’a été institué que par Dieu,  ne peut être jugé que par Dieu, il faut comprendre qu’il parle des choses qui sont douteuses et cachées.  C’est ainsi que l’expose saint Augustin (livre 3, chapitre 3 du baptême) : « Je pense qu’il s’agit de choses qui n’ont pas été suffisamment clarifiées. »  Cyprien enseigne ici  qu’il veut que chaque évêque puisse, pendant la discussion, émettre librement son avis,  et qu’il ne voulait pas, à la façon d’un tyran,  les forcer à penser comme lui, avant que la question n’ait été définie.   Car, que, selon lui,  le pontife romain  puisse juger et déposer des évêques hérétiques ou schismatiques,  nous le montre clairement  la lettre écrite au pape Étienne (livre 3, épitre 13).  Dans cette épitre, Cyprien demande au pape de déposer l’évêque d’Arles, et d’en installer un autre à sa place.
 Le deuxième,  Optatus,   marche sur les traces de Cyprien. (dans l’unique chaire de toute l’Église, contre Parmenius, 3). Il dit que l’Église catholique est dotée de cinq prérogatives.  La première est qu’il y a une unique chaire, celle de Pierre, dans laquelle doit être conservée la foi de tous. Et, énumérant les pontifes romains jusqu’à Syricius, il  affirme que cette chaire n’est pas seulement celle de Pierre, mais aussi de ses successeurs.  Et il conclut ainsi :   « De toutes les prérogatives ci-haut décrites, la chaire est la première, que nous avons démontrée être nôtre par Pierre ».  Le troisième est saint Ambroise (chap 3, 1, à Timothée) : «  Même si tout le monde appartient  à Dieu, on dit quand même que l’Église est sa maison,  dont aujourd’hui Damase est le recteur. »  Le même dit dans Satyre : « Il est un  évêque approuvé s’il est en communion avec les évêques catholiques, c’est-à-dire avec l’église romaine. »  Pourquoi,  je le demande,  les évêques ne sont-ils catholiques que s’ils communient avec l’évêque de Rome, si ce n’est parce que l’église de Rome est la tête de l’église catholique ?      Le même (livre 3 des sacrements, chapitre 1) : « Nous n’ignorons pas que l’église romaine n’a pas cette coutume,  elle dont nous suivons en toutes choses et l’exemple et la forme. »  Et, plus bas : « Je veux suivre en toutes choses l’Église romaine, même si  nous aussi nous avons quelque chose qui a du sens. Donc, gardons donc correctement  ce qui se fait ailleurs plus correctement. »
 Il faut observer que quand saint Ambroise dit qu’il veut suivre l’église romaine en toutes choses, il n’accepte quand même pas de suivre la coutume romaine de laver les pieds à ceux qui viennent d’être baptisés.  Il faut donc comprendre  que ce  « en toutes choses »,  ne s’applique qu’aux choses nécessaires, et qui appartiennent au salut.  Autrement, il se contredirait lui-même.  Le quatrième est saint Jérôme (épitre à Agemchiam, au sujet de la monogamie) : « Plusieurs années auparavant,  quand j’étais au service du pape Damase, évêque de la ville de Rome,  dans les archives ecclésiastiques,  et que je répondais aux consultations des synodes occidentaux et orientaux etc. »  Vous voyez comment, de toute l’église universelle, et de tout l’univers, on demandait alors des réponses au siège apostolique !   Le même (dans l’épitre au pape Damase, au sujet du mot hypostase) écrit : « Bien que ta majesté me terrifie, ton humanité me fait une invitation.  Et, brebis,  je demande de l’aide au pasteur.   Je parle avec le successeur du pasteur et le disciple de la croix.  Et moi qui, en toutes choses, ne cherche d’abord que Jésus-Christ, je m’associe à ta béatitude,  c’est-à-dire que je communie à la chaire de Pierre.  Je sais que c’est sur cette pierre que l’Église a été édifiée.   Quiconque mange l’agneau en dehors de cette maison est un profane.  Si quelqu’un n’est pas dans l’arche de Noé, il périra quand le déluge arrivera en maître. »  Et plus bas : « Je ne connais pas Vital.   Je répudie  Meletius,  j’ignore Paulin.  Celui qui ne ramasse pas avec toi disperse.  Ce qui veut dire que celui qui n’est pas avec le Christ est avec l’antichrist ».   Notons d’abord, que tout prêtre d’Antioche qu’il était, il se considérait comme une brebis de l’évêque de Rome.  Notons ensuite qu’il confessait que Damase était le successeur de saint Pierre.   Ensuite, quand  il dit : moi qui ne cherche que le Christ, je veux me rendre participant à la communion de ta béatitude, il veut dire qu’il veut adhérer en premier lieu au Christ, et ensuite au vicaire du Christ.   C’est comme s’il disait : Je ne place personne avant toi, sinon le Christ.  Quatrièmement, saint Jérôme considère le siège de Rome comme le fondement de cette maison et de ce navire  qu’est l’église universelle.  Il considère donc que le pontife romain est la tête de toute l’église.   Enfin, notons qu’il a préféré adhérer au pontife du siège romain plutôt qu’à son évêque propre Paulin, lequel n’était pas le premier venu, mais le patriarche d’Antioche. Voici en effet ce qu’il dit : « Je ne connais pas Vital, je répudie Mélèce,  et j’ignore Paulin. »
 C’est pourquoi Érasme lui-même qui, ailleurs, en notes, a parlé  de l’église romaine sans lui rendre justice  dit, en commentant ce texte, que saint Jérôme affirme que toutes les églises sont sujettes au siège apostolique.  Aveu  qu’il faut crier sur tous les toits devant les nouveaux hérétiques qui considèrent Érasme comme un oracle.    Mais Calvin nous oppose, d’abord,  l’épitre de saint Jérôme à Népotien, dans laquelle il dit : « Chacun des évêques des différentes églises,  chaque archiprêtre, chaque archidiacre,  et tout l’ordre ecclésiastique a pour appui ses recteurs. »  Il n’ajoute pas, dit Calvin,  que «  toutes les églises sont unies entre elles par la tête comme par un lien ».  Deuxièmement.  Ce n’est pas seulement Calvin,  mais Illyricus et Melanchton,  qui voient une objection dans la lettre de saint Jérôme à Évagre, où il dit : « Si on cherche l’autorité, l’univers est plus grand qu’une ville.  Pourquoi m’indiques-tu la coutume d’une seule ville ?  Pourquoi, dans les lois de l’église, invoques-tu le petit nombre qui ne s’impose que par son arrogance ?   Partout où est un évêque, à Rome ou à  Eugugis,  à Constantinople ou à Rhegis, à Alexandrie ou à  Tanis, son mérite et son sacerdoce est le même.  Le pouvoir que donnent les richesses  et l’humilité de la pauvreté ne font pas un évêque  plus grand ou plus petit. »
 À la première objection, je réponds que saint Jérôme n’a pas omis de parler de la tête quand il dit que tout ordre ecclésiastique est fondé sur ses recteurs.  Il indique que, en plus d’un évêque, d’un archiprêtre et d’un archidiacre, il y a d’autres ministres comme  un métropolitain dans chaque province, un siège primatial dans chacune des régions,  et dans toute l’Église un seul pontife.   Autrement, il ne serait pas vrai qu’il y ait un recteur dans chaque ordre ecclésiastique.  En second lieu, je réponds que saint Jérôme réprouve une mauvaise coutume qui était à Rome, mais pas dans toute l’église romaine,  ni au Vatican,    mais seulement dans les diacres romains.  Parce que les diacres romains étant peu nombreux,  et s’occupant du trésor ecclésiastique, ils en vinrent, peu à peu, à se croire supérieurs aux prêtres, et à siéger avec eux, alors que l’ancienne coutume voulait que les prêtres s’assoient avec les évêques, et que les diacres se tiennent debout.  C’est de cette coutume qu’il parle quand il dit : « pourquoi me présentes-tu la coutume d’une église ?  Que vaut le petit nombre d’où ne peut naître que l’arrogance ? »   Que le pontife romain n’approuvait pas cette coutume, saint Jérôme l’indique quand il ajoute que ce n’est qu’en l’absence de l’évêque que les diacres osent s’asseoir avec les prêtres.   Quand saint Jérôme dit que les évêques ont le même mérite et le même sacerdoce, cela est vrai, mais il faut l’entendre au sens du sacrement de l’ordre, et non de la juridiction.  Saint Jérôme n’a pas, non plus, voulu nier que l’évêque d’Alexandrie étende sa juridiction sur un plus large territoire que celui de Tanensis, puisque le premier préside sur trois provinces, et l’autre sur une cité.
 Le cinquième, saint Augustin.  Il écrit (dans l’épitre 162) : « L’église qui est chez les romains a toujours maintenu en vigueur la principauté de sa chaire apostolique. »   Le même (épitre 92 à Innocent) : « Puisque, par le don si sublime de sa grâce, le Seigneur t’a placé sur le siège apostolique,  il a prescrit aussi à nos temps que ce soit mis sur le compte de notre négligence, si nous taisons auprès de ta révérence les choses qu’on doit suggérer pour le bien de l’Église.  Nous demandons donc à ta diligence pastorale de prendre en considération ce que  tu ne pourrais négliger sans un grand péril pour les membres infirmes du Christ. »  Par ces paroles, saint Augustin demande, avec tout le concile de Milet,  à Innocent de faire preuve de zèle pastoral en combattant les pélagiens qui infestaient principalement la Palestine et l’Afrique.    Il n’aurait certes pas fait une pareille demande s’il n’avait pas cru qu’Innocent était le pasteur de l’Afrique et de la Palestine.  En fin de compte, pourquoi saint Augustin n’écrit-il pas au patriarche de Jérusalem, ou au métropolitain de la Palestine, ou à l’évêque primatial de l’église de Carthage, plutôt qu’au pontife romain ?   N’est-ce pas parce qu’il savait que l’autorité du pape sur l’Afrique et la Palestine était plus grande que celle de leurs propres évêques ?
 De même (dans l’épitre 157 à Optatus) : « En ma présence, à Césarée, vinrent se joindre à nous ceux que, en raison de la nécessité ecclésiastique,  nous avait envoyés  le  vénérable pape Zozime, évêque du siège apostolique. »   Zozime avait ordonné aux évêques d’Afrique de célébrer un concile à Carthage.  Et saint Augustin estima qu’il était nécessaire d’obéir au pape Zozime.  De même (dans le livre 1, chapitre 1, à Boniface) : « Tu n’as pas dédaigné d’être ami des humbles,  toi qui ne cherches pas les grandeurs, même si tu présides en très haut  lieu. »  Et plus bas : « Tu te montres semblable à nous tous qui sommes investis du ministère épiscopal,  bien que tu sois d’un niveau supérieur, toi qui occupes le sommet de la pastorale »  Voyez qu’ici saint Augustin dit que les évêques sont soumis au souverain pontife puisqu’il le dit d’un niveau supérieur, et le sommet de la pastorale.
 Sixième, saint Prospère, dans son livre sur l’ingratitude : « Rome, le siège de Pierre, qui est devenue, pour l’univers, la tête de l’honneur pastoral,  possède par la religion ce qu’elle ne possède pas par les armes. »  Et, (dans le livre 2 sur la vocation des Gentils, chapitre 6) : « Rome, par la principauté du sacerdoce,  est devenue plus vaste, en tant que citadelle de la religion, qu’elle ne l’a été au sommet du son pouvoir politique. »   Le septième.  Le bienheureux Victor Uticensis (libre 2 de la persécution des Vandales), appelle l’Église romaine « la tête de toutes les églises. »  Vincent Lérins : « On a lu quelques lettres du martyr Félix, et de saint Jules, des évêques de la ville de Rome.  Eux témoignent que non seulement le bienheureux Cyprien mais même aussi saint Ambroise ont appelé le pontife de Rome tête de l’univers, et même la brique. »  Vous voyez qu’on au pontife romain le nom de  tête de l’univers.
 Le neuvième.   Cassiodore (livre 2, épitre 2, de saint Jean) : « Vous, en tant que gardiens, vous présidez au peuple chrétien.  Vous aimez toutes choses au nom du Père. »  Et plus bas : « C’est pourquoi nous devons, nous,  conserver quelques choses, vous,  toutes choses. (Le roi Theodoric avait remis l’admistratioh de la ville de Rome à Cassiodore).  Plus bas encore : « Ce siège que tout l’univers trouve admirable protège par son affection ceux qui lui sont fidèles.  Et bien qu’il soit un don fait à l’univers, c’est par vous qu’il est connu, et chez vous qu’il demeure. »   Le dixième, saint Bède le vénérable (livre 2 de l’histoire de la nation anglaise, chapitre 1 : « Alors qu’il exerçait le pontificat pour toute l’église,  et qu’il présidait aux églises déjà converties aux vérités de la foi, il fit chrétien notre peuple encore esclave des idoles ».   Le onzième, saint Anselme (dans le livre sur l’incarnation du Verbe de Dieu, dédié au pape Urbain ) : « Au seigneur et père de l’église universelle qui est  pèlerine sur la terre, Urbain, pontife suprême,  le frère Anselme, pécheur par nature,  moine par l’habit, élu  évêque métropolitain  de Cantuariae,  sujétion due avec un service humble et des prières dévotes.   Comme la divine providence a élu votre sainteté et qu’elle vous a chargé de garder la vie et la foi chrétienne, et de régir son Église, c’est à nul autre de plus juste qu’on réfère si quelque chose s’élève dans l’Église contre la foi catholique, pour que cette erreur soit corrigée par son autorité.   Il n’existe non plus  rien d’autre qui soit plus sur pour examiner avec prudence ce qui a été écrit en réponse aux erreurs. »
 Le douzième, Hugues de Saint-Victor  (livre 2 sur les sacrements, chap 15, page 3) : « Le siège apostolique, sur toute la terre, est placé avant toutes les églises. »  Le treizième saint Bernard (que Calvin tire de son côté, en l’appelant saint, livre 4, institutions, chapitre 7, verset 22)  dans le livre 2 de la considération : « Examinons avec plus d’attention qui tu es, quelle personne tu représentes dans l’église de Dieu.  Qui tu es ?   Le grand prêtre, le pontife suprême, le prince des apôtres, l’héritier des apôtres, tu es Abel par la primauté,  Noé par le gouvernement, Abraham par le patriarcat,  Melchisedech par l’ordre, Aaron par la dignité, Moïse par l’autorité,  Samuel par le jugement,  Pierre par le pouvoir, Christ par l’onction.  Tu es celui à qui les clefs ont été remises, à qui les brebis ont été confiées.   Il y en d’autres qui sont portiers du ciel et pasteurs de troupeaux,  mais toi, tu as hérité d’un nom incomparablement plus glorieux que celui de tous les autres, et combien différent !   Ils ont des troupeaux qui leur sont confiés, chacun le sien, mais ce sont tous les troupeaux qui t’ont été confiés à toi,   un seul troupeau à un seul pasteur.  Tu n’es pas seulement pasteur des brebis, mais aussi des pasteurs. »  Et, plus bas : « Donc, d’après tes canons,  les autres sont appelés à une partie de la sollicitude pastorale, mais toi à sa plénitude.   Le pouvoir des autres est restreint par certaines limites; le tien s’étend même sur ceux qui ont reçu un pouvoir sur les autres.   Ne peux-tu pas, le cas échéant, fermer le ciel à un évêque, le déposer de l’épiscopat, et même le livrer à Satan ?  Que demeure donc intact et entier ton privilège,  autant celui des clefs que de la garde des brebis. »
 Voilà ce qu’en enseigne celui qui a pour témoin de sa sainteté non seulement Jean Calvin, mais des miracles innombrables.   Or, la vraie sainteté ne peut pas exister sans la vraie foi.   C’était donc avec une vraie foi que saint Bernard croyait que le pontife romain est le pasteur de l’Église universelle.    Mais Calvin  trouve des objections à nous faire dans les abus et les vices de la curie romaine, contre lesquels saint Bernard tonnait dans le livre de la considération. Comme si, de tous les coins du globe, accouraient à Rome  les ambitieux, les avares, les simoniaques,  pour être élevée aux dignités ecclésiastiques par l’autorité apostolique.  Mais, il n’est pas nécessaire de réfuter cela, car, comme saint Bernard (sermon 66 du cantique des cantiques) l’enseigne,  les mauvaises mœurs des prélats ne les empêchent pas de l’être vraiment. Et nous devons leur obéir, puisque Jésus a dit en Mathieu  (23) : « Faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font ! »
 Se présente, à la fin, le témoignage d’un empereur latin, comme nous avons présenté plus haut le témoignage d’un empereur grec.   L’empereur Valentin (dans l’épitre à Théodose, que l’on trouve parmi les préambules du concile de Chalcédoine), écrit ceci : Nous devons, en  notre temps,  conserver la dignité d’une vénération toute particulière à l’apôtre Pierre, en tant qu’évêque bienheureux de la ville de Rome, à qui l’antiquité a confié la principauté du sacerdoce sur tous,  qui a le siège et la capacité de juger en matière de foi, même les évêques. »  On trouve des choses semblables à cela dans ses lettres  aux augustes  Placidie,  et Licinia Eudoxia, et à Théodose lui-même.
2017 10 09 21h40 fin

2017-10-21 17h07 début
CHAPITRE 17 : On prouve la même chose par l’origine et l’antiquité de la primauté
Jusqu’à présent, nous avons montré que le droit divin, les conciles généraux, les déclarations des souverains pontifes, les pères grecs et les pères latins reconnaissent que le pontife romain a reçu du Christ lui-même la principauté ecclésiastique,  depuis la résurrection du Christ.  Maintenant, par un autre argument qu’on appelle réduction à  l’absurde,  nous entreprenons de démontrer la même chose.  Car, si les choses ne se sont pas passées comme nous avons dit, c’est en un autre temps et par un autre auteur qu’a commencé la principauté ecclésiale du pontife romain.  Nous démontrerons qu’on ne peut assigner aucun autre temps, qu’on ne peut indiquer aucun autre auteur plus ancien, à moins de remonter à l’époque du Christ, et au Christ lui-même.  Il est donc nécessaire d’en passer par là.
 Les adversaires répondent qu’ils sont en mesure d’assigner un autre temps et un autre  auteur.  Jean de Turrecremata (livre 2, chapitre 39, somme sur l’Église) énumère quatre opinions d’hérétiques.  La première est celle de ceux qui disent que le pontife romain a reçu son autorité des apôtres.   La seconde, qu’il l’a reçue  d’un concile général.   C’est cette opinion que suit Nil.   La troisième attribue aux électeurs pontificaux l’autorité du souverain pontife.   Le libelle de Schamalchadicus  sur la primauté enseigne certainement une chose semblable.  Il donne même comme preuve  que le pape n’est pas au-dessus de l’Église,  le fait que c’est elle qui l’élit.  La quatrième est de ceux qui enseignent qu’il a reçu son autorité des empereurs, opinion partagée par un grand nombre d’hérétiques.  Dissertons brièvement de chacune.
 La première opinion présente comme preuve trois témoignages.   Un d’Anaclet (dans l’épitre  2)  où il dit : « Les autres apôtres ont reçu en commun le même honneur et la même puissance que Pierre.  Et ils voulurent qu’ils soient leur chef. »  L’autre est celui de Jules 1, épitre 1) où il dit, en parlant des apôtres : « Ils voulurent que la sainte église romaine aient la primauté sur toutes les églises. »  Le troisième est un ancien canon « moi Louis », dist. 63, où le pontife romain est dit vicaire de Pierre.  Il semble suivre de cela que ce n’est pas le Christ, mais Pierre, qui a donné l’autorité au pontife romain.  Mais cette objection se réfute sans trop d’effort, car le même Anaclet dit (dans l’épitre 3) : « Ce n’est pas des apôtres, mais du  Seigneur lui-même, notre Sauveur,  que l’église romaine a obtenu le primat, quand il a dit à Pierre : « Tu es Pierre, etc., »
C’est pourquoi, quand le même auteur écrit que les apôtres aient voulu que Pierre soit le premier d’entre eux, il ne parle pas d’une volonté qui instituerait, mais qui approuverait et reconnaîtrait ce que le Seigneur avait institué.  C’est ainsi que semble parler le pape Jules.   Un autre pourrait aussi répondre que c’est du seul Christ que Pierre a reçu la primauté, mais que l’église romaine l’a reçue, en quelque sorte, des apôtres.    Car, comme nous l’avons dit plus haut, le pontife romain, en tant que successeur de Pierre, a du Christ,  le primat.  Mais le mode de  succession est né d’une décision de Pierre.   Voilà pourquoi le  bienheureux Grégoire (livre 6, épitre 37 à Euloge ) dit : « C’est lui-même qui a élevé le siège, dans lequel il a daigné se reposer  et finir sa vie présente. »  Le nom de vicaire ne présente aucune difficulté. Car, si le pontife romain est appelé à un endroit le vicaire de Pierre, en six cents autres il est nommé le successeur de Pierre, comme il appert des témoignages cités.  Ensuite, on dit que le pape est le vicaire de Pierre parce que saint Pierre vit toujours, et n’a pas abandonné le gouvernail de son église, comme le dit saint Léon (dans le sermon 2 de l’anniversaire de son couronnement).  Mais, comme saint Pierre ne remplit pas directement la charge pastorale, mais la régit et la protège par ses mérites et ses prières, ces appellations-là sont impropres,  et ne peuvent être employées que par révérence envers saint Pierre.   C’est pourquoi, saint Léon (dans le lieu cité) se dit lui-même « l’héritier de Pierre. »
L’autre opinion  qui enseigne que le pape a reçu sa primauté des conciles,  est appuyée par Nil sur deux arguments.  Le premier vient du concile de Chalcédoine (canon 28, comme lui le cite, ou acte 16 dans notre codex).  Il dit, là, que c’est des pères que l’église romaine a reçu la primauté,  parce que cette ville exerçait, alors, son empire sur tout le globe.  Le deuxième (dans la constit Novel  100 de Justin, 131 pour nous.)  Nous y lisons : « Nous définissons  selon les décrets des saints synodes, que l’évêque très saint de la vieille Rome est le premier de tous les prêtres. »  Ce que Nil pense pouvoir confirmer par le concile 4, sous Symmachus, où nous lisons : «C’est d’abord le mérite du bienheureux Pierre,    et ensuite,  l’autorité des vénérables conciles qui ont accordé au premier siège apostolique  un pouvoir singulier dans les églises. »  Illyricus (dans son livre contre la primauté, et dans son histoire de la primauté)  donne en quatre endroits, comme preuve, la lettre 301 d’Énée  Sylvius, qui fut ensuite pape.  Dans cette épitre, Énée  parle ainsi : «C’est avant le concile de Nicée qu’il vivait,  et il avait peu de respect envers l’église romaine. »
Mais ces arguments se réfutent facilement.    Que le pontife romain n’ait pas reçu des conciles,  mais du Christ, son autorité,  s’ajoute à tous les arguments déjà présentés, le témoignage de Gélase dans un concile de 70 évêques : « La sainte église romaine n’a été mise avant les autres par aucun concile, par aucune autre église, mais c’est  par la voix évangélique du Seigneur, notre Sauveur, qu’elle obtint la primauté. »   Voilà pourquoi, au premier argument de Nil, je réponds que ce décret en est un d’un grand concile, mais qu’il n’a pas été porté d’une façon légitime.  Il n’a donc nulle force, nulle autorité.   Car, l’acte 16 de ce concile nous fait comprendre qu’il a été voté en l’absence des légats du siège apostolique, qui présidaient le concile.  Ces mêmes légats n’ont pas cessé ensuite de réclamer ouvertement.   Car, ne peut pas être légitime un décret qui a été  fait   sans l’aval du pontife romain ou de  son légat, au témoignage du concile 7, acte 6 (que Nil lui-même accepte), et en omettant tous les autres témoignages.  Ce ne sont pas seulement les légats qui manifestèrent leur dissentiment, mais saint Léon lui-même.   Il confirma les autres décrets du concile, mais condamna et réprouva celui-là  (dans la lettre 51 à Anatole, et aussi à Martien, à Pulchérie, à Maximin et  à Juvénal.)
Que dire de ce que, dans ce décret, deux choses soient manifestement fausses.  La première, que le primat ait été accordé au pontife romain par le concile de Nicée.  Car, le concile de Nicée n’attribua pas la primauté à l’évêque de Rome comme s’il ne l’avait jamais eue auparavant, mais il  reconnut qu’il l’avait, et qu’il l’avait toujours eue.  Car, c’est ainsi que commence le canon 6 du concile de Nicée (comme il est rapporté par le concile de Chaldédoine, article 16) : « L’Église romaine a toujours la primauté. »   De plus, si, avant le concile de Nicée, le pape  ne jouissait pas de la primauté, de quel droit Denys, patriarche d’Alexandrie,  a-t-il été accusé auprès du pontife romain, Denys ?  Le pontife romain ne s’est pas récusé en disant qu’il n’était pas un juge universel;  et l’évêque d’Alexandrie n’a pas rejeté le jugement du pape.  Or, tous les deux sont des sains canonisés.   Qu’il en soit bien ainsi, c’est Athanase lui-même qui le raconte (dans son livre sur la sentence de Dyonisius).  Enfin, il n’y a, dans tout le concile de Nicée, aucun mot qui indiquerait qu’un nouveau pouvoir ait  été reconnu au pontife romain, comme nous l’avons montré plus haut.
Le deuxième.   Ce qui est affirmé dans le décret n’est pas moins faux, c’est-à-dire que la cause, pour laquelle les pères ont concédé au pontife romain la suprématie, est que c’est dans cette ville que se trouvait le siège de l’empire romain.  Cela, le pape Léon le réfute de plusieurs façons (lettre 52 à Martian) ainsi que Gélase (dans son épitre aux évêques de Dard).  Et la raison est facile à trouver.  Car, comme Gélase le note à juste titre,  Milan, Ravenne, Trèves,  et Nicomédie ont été longtemps des sièges de l’empire romain.  Mais les pères ne leur ont pas, pour cela, donné le primat.  Que demeure donc ce que les pères enseignent à l’unanimité : le siège du pontife romain est le premier de tous,  parce que c’est là que s’est assis le prince des apôtres. Ce pouvoir la présence d’aucun empereur n’a pu le conférer, ni son absence le lui enlever.
Je réponds à l’autre argument  que les canons des conciles ont, d’une certaine façon, attribué l’autorité à l’église romaine, en  déclarant et en affirmant ce privilège.   Comme on dit que le concile de Nicée a défini que le Fils de Dieu est consubstantiel au Père.  Voilà pourquoi Jean 11 (dans son épitre à Justinien), ajoute, après avoir déclaré que l’église romaine est la tête de toutes les églises : « Comme les règles des pères et les statuts le déclarent. »  Et Nicholas 1 (dans l’épitre à l’empereur Michaël) : «  Ces privilèges c’est par le Christ qu’ils sont donnés à l’Église.  Ils ne sont pas donnés mais honorés et célébrés par les synodes. »   Et au concile 4 sous Symmaque,  on énumère trois causes (qu’un lecteur prudent notera) du primat de l’église romaine.   Voici ce que nous y lisons : « La primauté de ce siège vient du mérite de l’apôtre Pierre.  Ensuite, suivant l’ordre du Seigneur, c’est l’autorité des vénérables conciles qui a accordé à l’église romaine un pouvoir singulier sur les églises. »      On met d’abord en premier lieu le mérite de Pierre, pace que c’est par le mérite de sa confession que Pierre a obtenu la primauté (Matt 16).  On met ensuite le commandement du Seigneur parce que la primauté lui a été annoncée et accordée  quand il lui a été dit : « pais mes brebis ».  Et c’est en troisième lieu qu’on met l’autorité des conciles, qui déclare cet ordre du Seigneur.
Il est facile de répondre à Ilyricus, car Énée Sylvius ne cherche pas, dans cette épitre, à démontrer autre chose que la suprématie  de Pierre a été instituée par le Christ. Car, c’est ainsi qu’il commence son épitre à Martin Mayer : « Il y a quelques hommes de ta nation, qui sont peu réfléchis,  auxquels l’autorité du souverain pontife romain ne parait pas nécessaire, ni avoir été instituée par le Christ.   C’est contre eux que nous avons décidé  d’écrire cette lettre, et de  te la transmettre, pour que si de tels hommes allaient te voir, tu aies en main le glaive qui te permette de confondre leur témérité. »   Quand il dit ensuite qu’il avait vécu avant le concile de Nicée et avait peu de respect envers l’église romaine, cela ne signifie rien d’autre que, pendant les persécutions continuelles,  les pontifes romains n’ont pas pu exercer librement l’autorité qu’ils avaient reçue du Christ; que les autres évêques ont été forcés de vivre par eux-mêmes, sans trop penser à l’église romaine.   Cette opinion d’Enée Sylvius est vraie en partie, et fausse en partie.  Il est vrai que l’autorité du pontife romain a connu des empêchements, comme le démontrent  les persécutions qui ont sévi pendant ces siècles.  Mais il n’est pas vrai qu’on eut alors peu de respect envers l’église romaine, comme le montreront les exemples que nous présenterons plus bas.
La troisième opinion n’a aucun fondement.  Car, il est prouvé que les pontifes ont existé avant les cardinaux; et que certains papes n’ont pas été créés par les cardinaux.   Il est certain, en effet,  que ce ne sont pas les cardinaux qui ont créé Pierre pontife; que c’est Pierre qui a créé Clément pontife, et non les cardinaux.  De plus, si ce sont les cardinaux qui confèrent l’autorité apostolique, ils pourraient aussi la retirer.   Ce qui est faux,  du consentement de tous.   Car ce ne sont pas les cardinaux qui déposent un pape douteux, mais un concile général.   Mais, tu diras, quoi qu’il en soit des cardinaux,  il est évident que c’est par des hommes que le pontife romain est élu et créé.  C’est donc d’eux qu’il reçoit son pouvoir.    Que le pontife romain soit vraiment et réellement fait tel par les hommes, le témoigne le décret d’élection pontificale  de Grégoire V11 (que l’on trouve dans sa vie par Platina) : « Nous, cardinaux de la sainte église romaine, clercs, acolytes, sous-diacres, presbytres, en présence d’évêques, d’abbés, et de plusieurs ecclésiastiques et de laïcs, nous élisons aujourd’hui , le 10 des calendes de mai, dans la basilique de saint Pierre-aux –liens, l’an 1073, comme vrai vicaire du Christ, l’archidiacre Hildebrand,  homme de grande doctrine, d’une grande piété, prudence, justice, constance, religion, un homme modeste, sobre, continent, gouvernant sa maison, charitable envers les pauvres, docte, et éduqué de son plein gré dans le sein de la sainte mère l’Église depuis ses tendres années jusqu’à l’âge adulte.   Nous voulons que ce soit lui qui soit  investi de ce pouvoir de l’église de Dieu  que, par mandat divin,  Pierre a le premier exercé. »  De ces deux textes, nous pouvons tirer quelques conclusions.   La première.  Le pontife n’est pas au-dessus de l’Église, mais il est soumis à l’Église, dans la mesure où c’est l’Église qui fait le pape, et non le pape l’Église.   C’est l’enseignement du synode smalchadique, dans le livre contre la primauté.  La deuxième.   C’est de droit humain, non divin, que le pontife possède le pouvoir qu’on lui reconnait.
Je réponds.  La première conclusion est sans aucune valeur, car les électeurs créent aussi l’empereur comme le peuple crée le roi.   Ce qui n’empêche pas l’empereur d’être au-dessus des électeurs, et le roi au-dessus du peuple.   La deuxième conclusion ne vaut guère mieux, car, il faut observer que, dans le pontife, il y a trois choses : le pontife lui-même, qui est comme une certaine forme;  la personne, qui est le sujet du pontificat;  et, l’union de l’un et de l’autre.  La première chose, le pontificat,  vient du Christ seul. La personne, elle, par ses causes naturelles, vient de Dieu;  mais, en tant qu’elle est une personne,  c’est par les électeurs qu’elle est élue et désignée à  l’épiscopat.  Cette union des deux vient du Christ, par la médiation de l’acte humain des électeurs.   Car, en élisant et en désignant une personne en particulier, ils concourent à l’union du pontificat avec telle personne.  Voilà pourquoi on dit que les électeurs ont vraiment créé un pontife,  et sont la cause que le pontife en question ait le pouvoir qu’il possède.  C’est comme dans  la génération d’un homme.   L’âme est infusée par Dieu seul, mais le père, en disposant la matière, est cause de l’union de l’âme avec le corps.  Voilà pourquoi  on dit que l’homme engendre un homme, même si on ne dit pas qu’il produit l’âme de l’homme.   Ces mots : «  nous voulons qu’il soit investi de la puissance »  ne font que déclarer et exprimer l’élection parfaite de l’homme comme successeur de saint Pierre.
La quatrième opinion est celle de beaucoup d’hérétiques, qui ne s’entendent, pourtant, pas entre eux. Car, Marsile de Padoue, et après lui Jean Wiclef et Jean Huss, en soutenant que le pontife romain recevait son autorité de César, semblaient, par César, entendre Constantin le grand, à cause du canon  qui commence par le mot Constantin (dist 96).  Dans ce canon, Constantin a décrété que le pontife romain devait, dans tout son royaume,  être considéré par les prêtres comme le roi est considéré par les juges inférieurs.  Leur opinion a été exposée par Jean de Turrecremata (livre 2, chapitre 12, et et livre 4, dernier chapitre.)   Jean Calvin (livre 4, chapitre 7, verset 17), dit que la primauté du pontife  a été donnée chez les Grecs,  par l’empereur Phocas; chez les Gaulois et les Germains, par Pépin le bref, et ensuite chez les Francs, par Charlemagne.  Luther (dans son livre sur le pouvoir du pape), dit que c’est Constantin 1V qui a accordé la primauté au pontife romain, en preuve de quoi il cite le témoignage de Platina dans la vie Benoit 11.   Le même Luther, cependant, (dans son livre sur la supputation des temps), enseigne que c’est Phocas qui a octroyé la suprématie au pape.   Les centuriates enseignent la même chose (centurie 6, chapitre 1),  Illyricus (dans l’histoire de la primauté), le livre smalchaldicus sur la primauté du  pape, Theodore Bibliander (chronique, table 11),  et plusieurs autres.
Mais toutes ces choses sont faciles à réfuter.   D’abord, la première opinion ne nous contredit en rien.   Car, s’il est vrai que Constantin le grand donna au souverain pontife son palais du Latran,  et beaucoup d’autre choses temporelles, le pouvoir spirituel,  il ne l’a pas donné au pape, et il ne pouvait pas  le  lui donner.  Car, dans le même canon, il reconnait  que Pierre a été vicaire du Christ,  et que ses successeurs doivent donc  être les princes et les têtes de toute l’Église.  Il n’a donc fait rien d’autre que de déclarer un droit antique, en plus de  faire au pape de grands dons temporels.  Ajoutons que les luthériens et les calvinistes soutiennent que ce canon est adventice.  Il n’existe donc,  au sujet de l’édit de Constantin, aucun contentieux  entre nous et les luthériens, en ce qui a trait à la juridiction spirituelle.  Car, ils admettent qu’elle n’a pas commencé avec Constantin.   L’opinion de Luther repose donc sur un faux fondement.   Car, Platina ne dit pas que Constantin 1V a donné la primauté au pape, mais qu’il lui avait rendu le droit qu’il avait, ou pensait avoir dans la confirmation d’un pape.   Les prédécesseurs de Constantin 1V, depuis l’époque de Justinien qui libéra la ville des Goths,  avaient coutume, en effet,  de n’autoriser l’élection d’un pontife romain qu’après l’avoir confirmée.   Les papes ont toléré cela pour le bien de l’Église, parce qu’ils voyaient très bien qu’ils ne pouvaient pas exercer leur ministère sans le consentement de l’empereur.  Car, dans l’explication 4 du psaume pénitentiel, on protestait avec véhémence contre la témérité des empereurs qui usurpaient le droit de l’église romaine.  Et cependant, quand ce même Grégoire (comme le raconte le diacre Jean, livre 1, chapitre 2 de la vie de saint Grégoire),  fut élu pape par le clergé et le peuple,  il écrivit en secret à l’empereur en disant qu’il n’accepterait jamais.  Mais le préfet de la ville fut mis au courant, et envoya des soldats qui arrêtèrent l’envoyé de Grégoire, et déchirèrent ses lettres.   Il envoya ensuite d’autres messagers qui déclarèrent au peuple et au clergé l’élection de l’empereur, et apportaient sa confirmation.  Platina écrit donc que Constantin 1V, ému par la sainteté de Benoit 11, lui a envoyé la sanction par laquelle il stipulait qu’il considèrerait comme vicaire du Christ celui que le clergé et le peuple éliraient, sans attendre aucune démarche de l’empereur.  La sanction de Constantin 1V ne porta donc pas sur le pouvoir du pape, comme le pensait Luther, mais seulement sur l’élection.
Au sujet de Phocas, je réponds qu’il est vrai que Phocas a émis un décret à l’effet que l’Église romaine est la tête de toutes les églises, comme l’attestent le vénérable Bède (dans le livre des six âges du monde, à  Phocas),  Adon (dans les chroniques), et  le diacre Paul (livre 18, des choses romaines).   Mais Phocas n’a pas, pour autant,  à cause de cela, introduit une suprématie.  Car, il décrète,  en déclarant et en affirmant, non en instituant quelque chose de nouveau.  Cela, on peut le démontrer.   Car, Grégoire (livre 7, épitre 63 à Jean de Syracuse) écrit : « Qui doute que le siège de Constantinople est soumis au siège apostolique ?  C’est ce que le très pieux empereur et mon frère Eusèbe confessent volontiers. »    Cette lettre précède le règne de l’empereur Phocas d’au moins cinq ans, comme on peut le voir par le numéro officiel.   De plus Justinien senior, qui a précédé Phocas de 70 ans, affirme (dans l’épitre à Jean 11) que « l’église romaine est la tête de toutes les églises ».   Et Valentin, qui a  précédé Phocas de 140 ans,  affirme (dans son épitre à Théodose), que « le pontife romain a la primauté du sacerdoce sur tous les autres. »  Nous trouvons la même chose dans les témoignages d’Irénée, d’Athanase, de Cyrille, de Theodoret, de Sozomène, et d’autres grecs, cités plus haut.
La raison pour laquelle Phocas a pensé devoir de nouveau  sanctionner, par une loi, une chose aussi certaine n’est autre que l’orgueil des évêques de Constantinople, comme l’ont noté Bède, Adon et le diacre Paul.   Comme ils se disaient par écrit, contre tout droit et raison,  patriarches universels et les premiers de tous les évêques,  et parce que les excommunications de ces évêques de Constantinople faites par les pontifes romains n’avaient pas pu entamer leur orgueil, il a semblé bon à l’empereur, le seul que les Grecs craignaient véritablement, d’intervenir personnellement.   Et c’est pour cela qu’il déclara que l’église romaine est la tête de toutes les églises; que le patriarche de Constantinople n’est pas  patriarche universel;  que son siège est celui d’une église particulière, et qu’il est soumis au siège apostolique.
 Au sujet de Pépin le bref, je réponds que c’est en hallucinant  que Calvin a recouvert la vraie histoire de deux mensonges, qu’il présente comme des preuves de son hérésie.    Il dit d’abord que c’est par l’appui des papes que Pépin le bref est devenu roi des Francs, et Charlemagne empereur romain.  Cela est vrai, et plusieurs historiens l’ont raconté.   Mais que ce soit injustement et avec scélératesse que le vrai roi des Francs ait été spolié par le pape Zacharie et par Pépin le bref, c’est complètement faux,  et injurieux non seulement envers le pontife, mais envers les rois de France et les empereurs de Germanie, car l’un et  l’autre descendent de ce Pépin.   Il  ajoute  que Pépin et Charles ont accordé ensuite la suprématie au pape, et qu’ils ont tous trois divisé leur proie comme des voleurs,  pour qu’a Pépin et Charles soient concédés le pouvoir temporel,  et aux pontifes romains la primauté du sacerdoce.   Ce qui n’est pas seulement faux, mais contraire au mensonge précédent, car ces deux mensonges ne s’accordent pas entre eux,  et l’un détruit l’autre.
Que c’est en toute justice et légitimité que le pape Zacharie ait déposé le roi Childéric et ait sacré Pépin tous les historiens l’affirment,  tant  grecs que latins, à l’exception des magdebourgeois (centuriee 8, chapitre 8 dans la vie de Zacharie), et de Calvin (œuvre citée). Voici leurs noms.   Euinhardus, (dans la vie de Charlemagne),   Aimonius (livre 4, chapitre 61, des gestes des Francs), Cedrenus (dans la vie de Léon l’isaurien,  Paul diacre (livre 6, chapire 5, des gestes des Longbards), Blondus (livre l0, décade 1), Rhegino (livre 2 des chroniqueurs),  Marianus Scotus (livre 3 chronologie), Otho Frisingensis (livre 5, histoire), Adon de Vienne (chronique des six âges), Paul-Émilien (livre 1 et 2 des gestes des Francs), Sigebert (chronique), l’abbé uspergensis (chronique).  Un peu avant l’époque de Pépin le bref,  les rois des francs avaient dégénéré des vertus de leurs ancêtres au point où, après avoir remis le pouvoir aux généraux  de l’armée ou aux maires du palais, ils ne se montraient au peuple qu’une fois l’an, aux calendes de mai.  Ils employaient le reste du temps aux divertissements frivoles,  à la recherche de plaisirs sensuels de toutes sortes. C’est donc du consentement de tous les nobles qu’on a demandé au pontife suprême qu’il soit permis de transférer le titre de roi sur ceux qui étaient les vrais rois, et qui administraient avec bonheur les affaires  du royaume.  Cette demande était juste, à n’en pas douter.  Car la Gaulle était alors infestée  de monstres qui sont, pour toutes les nations, la cause de grandes calamités, et qui remplissaient le royaume de dissensions.
Non seulement les rois ne s’occupaient pas des affaires du royaume, mais, à cause de leur inertie, la religion périclitait et était presque éteinte, comme le montre l’épitre de saint Boniface au pape Zacharie.  Dans cette épitre, il écrit que pendant  environ 80 ans, sous le règne des rois fainéants, aucun synode n’a été convoqué, que les églises épiscopales sont possédées par des laïcs et des publicains, que  les clercs ont quatre ou cinq concubines, que la religion a été foulée au pieds  et presque anéantie.   Comprenant que, depuis plusieurs années, les rois de France n’étaient rois que de nom, voyant que le roi du moment Childéric, à l’exemple de ses prédécesseurs, ne se souciait de rien et était, en plus, stupide;  constatant, en même temps, que le royaume et la religion tombaient en ruine, et que tous les nobles du royaume demandaient Pépin pour roi;  comme il était celui  à qui il incombait de pourvoir au salut de tous,  il jugea qu’il était permis aux Francs de transférer le règne à Pépin, et il les affranchit du serment d’allégeance qui les liait à Childéric.  Que ce fut une chose juste, nul ne peut le nier,  pourvu qu’il soit sain d’esprit.  Les évènements ont d’ailleurs démontré que ce changement a été extrêmement avantageux et profitable.  Car, le royaume des Francs n’a jamais été plus puissant, la religion n’a jamais été plus florissante en France qu’au temps de Pépin et de Charlemagne.   Ajoutons, enfin, que tous les historiens cités racontent que ce Pépin,  qui a été oint et couronné sur l’ordre du pape,  fut un homme d’une grande sainteté, au témoignage de Boniface évêque et martyr, qui ne fut certes jamais l’auteur d’une injustice et d’un crime public.
Que ce ne soit pas à cause de  cela que Pépin et Charlemagne ont accordé au pontife romain le premier rang dans la Gaulle et la Germanie,  on peut facilement le démontrer.   D’abord, parce que personne n’avait jamais prétendu cela avant Calvin.  Les auteurs cités, et surtout Paul Émilien,  disent que les rois des Francs ont assuré la protection du siège apostolique contre les Lombards et les autres ennemis, ont donné au pontife romain l’exarchat de Ravenne,  et d’autres choses temporelles.  Mais du pouvoir spirituel il n’est jamais fait mention.  De plus, si les nobles du royaume ont demandé d’être relevés de leur serment d’allégeance, et qu’il leur soit permis de transférer de Childéric  à Pépin la couronne royale (comme l’écrit Paul Émilien, et les autres),  ils considéraient certainement le pape comme le pontife de toute l’église,  comme quelqu’un ayant autorité sur eux, en France.  Car, pourquoi n’ont-ils pas demandé cela à leurs propres évêques,  ou pourquoi n’ont-ils pas fait ce qu’ils voulaient sans la permission du pape ?  Pourquoi  même ont-ils attendu la décision et l’ordre du pape, comme Reghino et d’autres l’écrivent ?  Si donc, avant le sacre de Pépin, le pontife romain exerçait la  primauté en Gaule, comment a-t-il pu la recevoir de Pépin ?  Ces choses ne se contredisent-elles pas ?
De plus, avant le temps de Pépin,  il est avéré que les Francs et les Germains étaient soumis au pape dans les choses spirituelles.   Car, saint Boniface écrivit  au pape Zacharie, sous le règne de Carloman, comme lui-même l’indique, avant donc que Pépin ne devint roi.  Et l’on sait que Carloman déposa sa couronne et se fit moine, avant l’élévation de Pépin eu trône royal.  Or, dans cette lettre, il déclare que les églises de Germanie étaient alors soumises au pape, et, entre autres choses, il demande au pape d’ériger trois épiscopats en Germanie, et de lui donner l’autorité de convoquer un synode en France, et beaucoup d’autres choses de ce genre.   De même, Bède le vénérable, qui a précédé Pépin d’environ cent ans, écrit (dans son histoire des Anglais, chapitre 1) : « Grégoire exerçait son pontificat  sur tout le globe. »  Saint Grégoire, qui a précédé Pépin d’environ deux cents ans, (livre 4, épitre 52),  écrit qu’il a mandaté l’évêque Virgile d’Arles auprès des évêques de Gaule, comme devant tenir sa place; et il lui a prescrit de référer au siège apostolique les causes difficiles à résoudre : « Pour que nous puissions mettre fin à la contestation  par une réponse adéquate, qui enlève tout doute ».
Saint Léon qui a précédé Pépin de 350 ans, dit, (dans son épitre 89 aux évêques de Gaule) : « Que votre fraternité reconnaisse avec nous  que le siège apostolique a été consulté  par les prêtres de votre province un nombre incalculable de fois, et que  selon la diversité des causes pour lesquelles on avait fait appel, des jugements ont été confirmés ou invalidés. »   Saint Cyprien, qui a vécu  cinq cents ans avant Pépin, (livre 3, lettre 13), écrit au pape Étienne pour qu’il dépose l’évêque d’Arles,  et le remplace par un autre.  Enfin, saint Irénée qui a vécu 680 ans avant Pépin, dit (livre 3, chapitre 3) : « Il est nécessaire que toutes les églises, c’est-à-dire tous les fidèles,  communient avec l’église de Rome, à cause de sa plus puissante principauté. »   Il n’exclut certes pas les Gaulois, puisqu’il était lui-même évêque de Gaulle.    Et, pour omettre tout le reste, quand le Seigneur a dit à Pierre : « Pais mes brebis », il a surement compté les Gaulois et les Germains parmi ses brebis.
                                                          CHAPITRE 18
On prouve la même chose par l’autorité que le pape a eue sur les autres évêques.
Le sixième argument se tire de l’autorité que les anciens pontifes de Rome ont eue sur les autres évêques.  Nous lisons, en effet, que, sur toute la planète, des évêques ont été institués, déposés ou rétablis par les pontifes romains.  Et pourtant, un seul suffirait pour démontrer le pouvoir que possédait le pape sur les évêques.  Au sujet de l’institution, on peut présenter plusieurs exemples.   Dans le concile de Chalcédoine (acte 7), nous lisons que Maxime d’Antioche a été confirmé évêque par le pape Léon le grand.  Au sujet de la confirmation d’Anatole, évêque de Constantinople,  le pape Léon écrit ceci (lettre 54 à Martien) : « Qu’il suffise que, avec l’aide de votre piété, et par mon consentement, il ait obtenu l’épiscopat d’une si grande ville. »    Dans l’épitre 84 à Anastase, évêque de Thessalonique, il écrit : « Au sujet de la personne qui doit être consacrée évêque, le clergé et l’évêque métropolitain s’en rapportent à ta fraternité, ce qui est bien vu dans toute la province. Fais-lui comprendre que pour que l’ordination soit canoniquement célébrée, ton autorité doit l’approuver. »  Et plus bas : «  Car, comme nous ne voulons pas que des justes élections soient retardées indument par des atermoiements,  nous ne permettons pas non plus qu’elles  soient faites à ton insu. »   Et, dans l’épitre 87 aux évêques africains,  il écrit : « Nous entendons dire que Donat le novatien s’est converti avec tout son peuple.  Pour que nous l’autorisions à présider sur son troupeau, qu’il se souvienne de nous envoyer par écrit sa profession de foi. »
Saint Grégoire (livre 4, épitre 34 à Constance Auguste) dit : « Il a été ordonné évêque de Salolitane par mon répondant à mon insu.  Il s’est donc produit  quelque chose qui n’arrive sous aucun prince intérieur. »  Et souvent, dans ses lettres, il indique qu’il envoie le pallium à un archevêque, à ceux de Grèce, d’Italie, d’Espagne, etc.  Il est à noter que même si la confirmation des évêques démontre la primauté du pontife romain,   il n’est toutefois pas nécessaire qu’il confirme tous les évêques personnellement, car il a pu concéder ce droit à des patriarches, comme il l’a fait souvent.     Au sujet de la déposition, on trouve plusieurs exemples.  Saint Cyprien (livre 3, épitre 13) écrit à Stéphane : « Qu’un autre soit nommé en sa place ! » Et plus bas : « Tu nous indiqueras clairement qui sera nommé évêque à Arles à la place de Marcien, pour que nous sachions vers qui orienter nos frères, et à qui écrire. »
Calvin (livre 4 des institutions, chapitre 7, verset 7) tire un argument de ce texte.   « Si Stéphane présidait en Gaule, Cyprien n’aurait-il pas du lui dire de les réprimander lui-même, puisqu’ils étaient siens.  Mais il parle bien autrement.   Il dit que c’est la société fraternelle, qui nous relie les uns les autres, qui requiert que nous nous avertissions mutuellement. »  Je réponds que ces paroles que Calvin attribue à saint Cyprien ne se trouvent nulle part.   Et si saint Cyprien avait pensé que Stéphane n’avait pas d’autorité dans les Gaules, mais ne pouvait qu’avertir amicalement, pourquoi n’a-t-il pas semoncé  les Gaulois lui-même personnellement ?    Nicholas 1 (dans l’épitre à Michel), énumère huit patriarches constantinopolitains déposés par les pontifes romains, parmi lesquels un certain Anthime que le pape Agapet déposa, sans tenir compte des menaces proférées par l’empereur et l’impératrice.  Il sacra à sa place, de ses propres mains,  Menas, comme l’écrit Liberatus dans le bréviaire, (chapitre 21) et Zonaras (dans la vie de Justinien).  Gélase rapporte la même chose (dans son épitre aux évêques de Dard) : « Le siège apostolique a condamné, de sa propre autorité,  Dioscore,  pontife du second siège. »  Et, au même endroit : « Il ne reçut pas Pierre d’Alexandrie, car il savait seulement qu’il avait été condamné par le siège de Pierre, sans avoir appris qu’il avait été acquitté »
Le pape Damase déposa aussi le patriarche d’Antioche, comme le rapporte Theodoret (livre 5, chapitre 23 de son histoire).  Et bien qu’il cherchât à maintenir  Flavien dans son épiscopat,  l’empereur Théodore lui ordonna quand même de se rendre à Rome pour plaider sa cause.  Et le patriarche d’Alexandrie Théophile, par ses légats, intercéda en faveur de Flavien auprès du pontife romain, comme le rapporte Socrate (livre 5, chapitre 15 de son histoire).  Saint Jean Chrysostome aurait tenté quelque chose de semblable, selon Sozomène  (livre 8, chapitre 3).  Enfin, Flavien ne put garder son épiscopat avant  que le pontife romain,  apaisé, n’y consente, et qu’il promette d’envoyer ses délégués.  Il envoya donc à Rome plusieurs évêques et les prêtres les plus en vue de l’église d’Antioche, comme Théodoret l’écrit lui-même.    Sixte 111  a déposé aussi l’évêque de Jérusalem Polychronium,  par l’archidiacre saint Léon qu’il avait envoyé à Jérusalem, celui qui devint ensuite pape, comme le rapportent les actes des conciles, aux actes de Sixte 111.   Pour que le pontife romain ait pu déposer ainsi tous les patriarches, ceux de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, il fallait qu’il ait été le juge suprême de toute l’Église.
Au sujet du rétablissement d’évêques déposés par d’autres, les exemples sont nombreux.  Car saint Cyprien dit (livre 1, épitre 4) : « Le pape ne peut pas annuler une décision que le droit canonique juge parfaite.   Basilide, après que ses crimes aient été détectés, partit pour Rome afin de rencontrer notre collègue Stéphane qui siège au loin, et cherchant à tromper celui qui  ignorait ce qui s’était vraiment passé, il sollicita  d’être injustement rétabli dans un épiscopat dont il avait été justement déposé. »   Julius restitua l’épiscopat à Athanase d’Alexandrie, à Paul de Constantinople, à Marcel d’Acyre, déposés par un synode oriental, comme l’écrit Gélase (dans on épitre aux évêques de Dard), et Sozomème (livre 3, chapitre 7). « Comme le soin de tous appartenait à son siège apostolique,  il restitua à chacun son église propre. »  Et, un peu plus bas : « Athanase et Paul sont retournés à leur siège, et  ils envoient des lettres de Jules aux évêques de l’Orient ».  Et au sujet de la déposition de Theodoret par le concile d’Éphèse 2, voici ce que nous lisons dans le concile de Chalcédoine : « Qu’il entre le révérend évêque Théodoret, et qu’il participe au synode, parce que le très saint archevêque Léon lui a restitué son épiscopat. »    On pourrait présenter beaucoup de cas semblables,  auxquels nos adversaire ne peuvent et ne pourront jamais rien opposer.
Nil a quand même cinq arguments  à nous opposer.    Le premier. On dit que l’évêque romain est le premier, parce qu’il a pour second l’évêque de Constantinople, pour troisième celui d’Alexandrie, et pour  quatrième celui d’Antioche.   On ne parle pas de premier et de deuxième dans le cas d’un supérieur et d’un inférieur, mais seulement quand il s’agit de degrés d’honneur et  de dignité.  Car on ne dit pas que l’évêque romain est premier relativement aux évêques de Tusculane et de Tyburtine, qui lui sont soumis.   Je réponds que le pontife romain est tout ensemble évêque, archevêque, patriarche et pape.  Et ainsi, en tant qu’évêque,  il est le premier dans cette province où Ostie est le deuxième, et Porto le troisième, et ainsi de suite.  Mais, en tant qu’archevêque,  il n’est pas premier par rapport à l’évêque d’Ostense qui n’est pas archevêque, mais un simple évêque soumis à son archevêque.   Mais il est le premier  par rapport à l’archevêque de Ravenne,  de Milan et des autres archevêques d’Occident.   Mais en tant que patriarche d’Occident, il n’est pas premier par rapport aux archevêques de Ravenne et de Milan qui ne sont pas patriarches, mais par rapport aux patriarches de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem.  Et c’est ainsi qu’on peut compter cinq patriarcats.
Enfin, en tant que pape et chef de l’Église universelle, il n’est pas premier par rapport à l’évêque de Constantinople ou d’une autre ville,  mais seulement prince et pasteur de tous,  et  son pouvoir n’a ni second ni collègue.   Car, comme, entre les évêques d’une même province, il en fallait un qui préside,  et soit appelé archevêque;  comme entre les archevêques de plusieurs provinces, il en fallait un qui préside aux autres,  et soit dit patriarche,  pour une raison semblable, entre les patriarches d’une même église catholique,  il en faut un qui préside aux autres, et soit appelé pape ou vicaire du Christ.   Que celui-là soit le pontife romain, nous l’avons déjà démontré par des exemples multiples.
Le deuxième argument.  Le sixième synode (canon 36) renouvelle  les constitutions 2 et 4 du synode qui accordaient  à l’évêque de Constantinople des pouvoirs semblables à ceux de l’évêque romain.  Le pontife romain n’a donc pas une dignité et une autorité plus grandes  que celles  du pontife de Constantinople.  Il ne peut donc pas commander à tous les évêques.   Je réponds que dans le concile général 2, le pontife de Constantinople ne fut pas mis sur un pied d’égalité avec celui de Rome, mais seulement placé avant celui d’Alexandrie et d’Antioche (canon 5) : « Il faut que l’évêque de la ville de Constantinople ait une primauté d’honneur après l’évêque de Rome, parce qu’elle est la nouvelle Rome. »   Dans le concile de Chalcédoine (acte 16), on ajouta à ce canon qu’il fallait accorder au patriarche de Constantinople des privilèges semblables, voire égaux, à ceux de l’église de Rome.  Mais comme les légats protestèrent, le concile envoya une lettre au pape Léon pour lui demander de confirmer les décrets  du concile.  Les pères n’osèrent pas, dans leur lettre, faire mention de privilèges égaux.  Ils dirent simplement qu’ils avaient renouvelé le canon du synode 2 qui accorde le second honneur au siège de Constantinople. (Cette lettre se trouve dans les actes du concile de Chalcédoine, acte 3).
 Dans la lettre qu’il envoya au concile, et dans toutes les autres qu’il écrivit à ce sujet,  le pape  ne parle jamais de privilèges égaux, mais il ne fait que condamner âprement la cupidité ambitieuse de l’évêque de Constantinople,  qui veut se placer au-dessus des archevêques d’Alexandrie et d’Antioche.   Nicéphore écrit aussi (livre 17, chapitre 9), que quand le pape Jean 1 vint à Constantinople,  il fut invité par l’empereur Justinien à concélébrer avec le patriarche de Constantinople,  pour qu’ils apparaissent égaux.  Mais le pontife n’a pas voulu s’asseoir avant que, à cause de la prérogative de son siège apostolique, on lui ait placé un trône au-dessus de celui  de l’évêque de Constantinople.   Il n’y a donc que le seul canon 36 du synode 6 qui confère au patriarche de Constantinople des pouvoirs semblables à ceux du pape.
De plus, ces canons n’ont aucune force, car ils n’ont pas été portés par un vrai concile  légitime et œcuménique, mais par un conventicule qui s’attribue faussement le titre de concile général.  Il est admis que le sixième synode qui a été célébré sous le pape Agathon et l’empereur Constantin 1V, n’émit aucun canon.  Mais cinq ans après la dissolution du concile,  se sont réunis de nouveau des évêques grecs, sous Justinien junior,  et ils ont émis plusieurs canons sous le nom de sixième concile.  On l’apprend cela par la préface de leurs canons, et par la confession de Tharase, évêque de Constantinople, (synode 7, acte 4).   Ces canons Bède le vénérable les appelle  les canons d’un concile erratique.  On l’apprend aussi du pape Serge qui les a réprouvés, selon Justinien junior (dans son livre des six états du monde).  Il s’ensuit donc que ce sixième chapitre n’ait pas été général, ou n’ait pas été légitime.  Car un concile général ne peut pas être légitime sans l’autorisation et l’approbation du premier siège, ce que les Grecs eux-mêmes admettent (synode 7, acte 6).  On peut ensuite se demander comment peut être légitime un concile où n’a été invité aucun évêque latin ?  S’il n’est pas légitime, il est clair qu’il n’a aucune autorité.  S’il est légitime, mais n’est qu’un concile particulier, il n’a pu faire des lois que pour ceux qui tombaient sous sa juridiction.  Il ne pouvait donc pas abaisser le siège romain, ni le spolier de son héritage.  C’est pourtant ce qu’il tenta de faire quand il essaya de donner au siège de Constantinople les mêmes privilèges que possède, de droit, le siège romain.  Car, le siège romain ne fut jamais soumis à un concile de Grecs.  On le démontre par le fait qu’il n’existe aucune loi impériale, aucun canon ecclésiastique, aucune raison, aucune coutume que les Grecs peuvent présenter en preuve.  Nuls seraient les canons qui soumettraient le premier siège au deuxième.  C’est le gros bon sens qui le dit.   On ne peut donc rapporter aucune histoire  qui établirait  que les évêques grecs ou occidentaux aient statué quoi que ce soit dans l’église romaine,  en vertu de la seule autorité des évêques grecs.
La primauté de l’église romaine ou c’est le Christ qui la lui a donnée, comme nous le croyons, ou c’est le concile général de Nicée, comme Nil le prétend.   De quel droit, donc le concile de Trullanus a-t-il pu enlever ce que le Christ ou un concile général avait accordé ?   Il est évident que la primauté de l’église romaine est rabaissée par la communication de ses privilèges  à une autre église, communication sanctionnée par le concile de Trullanus.   Car il n’est pas supérieur à tous celui qui a un égal.  Ajoutons de plus, que même si, aux synodes 2 et 4, l’évêque de Constantinople n’avait pas été mis sur le même pied que celui de Rome, mais n’avait été déclaré que le second après lui, ce  concile n’eut  pas été ratifié pour autant;  et cela, tant que l’évêque de Rome le contestait.  Car, au synode 4 quand les Grecs voulurent donner le second rang au siège de Constantinople,  et quand ils alléguèrent comme preuve un décret du synode 2 célébré autour des années 80, les légats romains répondirent : « S’ils ont bénéficié de ce privilège depuis les années 80, pourquoi le réclament-ils maintenant ?  S’ils n’en ont jamais bénéficié, pourquoi le demandent-ils ? »   Ils voulaient dire, par ces mots, que c’était en vain qu’ils alléguaient un décret qui était  sans valeur,  du fait qu’il n’avait jamais été appliqué.
Le troisième argument. Parce qu’il est le premier des patriarches, le pontife romain a du pouvoir sur le second, celui de Constantinople.  Pour une raison semblable, le pontife de Constantinople a autorité sur celui d’Alexandrie, parce qu’il est troisième, et celui d’Alexandrie sur celui d’Antioche, parce qu’il est quatrième. Et celui d’Antioche sur celui de Jérusalem.  Mais cela, aucune raison, aucune loi, aucune coutume ne l’admet.   Je réponds que ce n’est pas parce qu’il est le premier patriarche qu’il a un pouvoir sur le patriarche de Constantinople et les autres patriarches, mais parce qu’il est le seul pape de l’Église universelle,  le successeur de Pierre, et le vicaire général du Christ.  Un archevêque, en effet, ne préside pas sur les autres évêques de son diocèse parce qu’il est le premier évêque, mais parce qu’il est le seul archevêque de cette province.   De  la même façon, un patriarche n’est pas supérieur à tous les autres archevêques qui lui sont soumis parce qu’il est le premier archevêque, mais parce qu’il est le seul patriarche de cette région.
Le quatrième argument. Le pontife romain n’ordonne pas les patriarches, comme les patriarches ordonnent leurs métropolitains,  et les métropolitains leurs évêques.   Il ne préside donc pas sur les patriarches comme les patriarches président sur leurs métropolitains, et les métropolitains sur leurs évêques.   Je réponds que le pontife romain n’avait pas coutume d’ordonner les patriarches parce qu’il n’était pas toujours facile pour les patriarches de se rendre à Rome, ni pour le pape d’aller rencontrer les patriarches chez eux.  Mais, il confirmait leur élection par lettres, comme nous l’avons montré dans le cas d’Anatole de Constantinople, et de Maximin d’Antioche.  Que cette confirmation ne fût pas une simple formalité  le prouve clairement le cas de Flavien qui ne put jamais détenir l’église d’Antioche tant que le pape  ne lui en eut donné l’autorisation.  Mais il faut noter que la déposition ou le rétablissement  des évêques ne le cède en rien à l’ordination des évêques.  Or, ce n’est pas une seule fois, mais très souvent que le souverain pontife a déposé et rétabli des évêques, comme nous l’avons montré plus haut.   Même un Nil ne peut pas ignorer que le patriarche de Constantinople Menas a été ordonné évêque par le pape Agapet, comme Zonaras le rapporte (dans la vie de Justinien.)
Le cinquième argument.  Le synode de Nicée (canon 6) a déterminé quelles seraient les régions que gouverneraient les patriarches.   A l’évêque de Rome, il a donné  l’Occident, à celui d’Alexandrie, l’Égypte, la Lybie et la Pentopolis, à celui d’Antioche, la Syrie et la Mésopotamie.   Le pontife de Rome ne doit donc pas, à lui seul, tout régir, et commander aux patriarches.   Je réponds que le concile de Nicée n’a assigné au pontife romain aucune région en particulier.  Car, ce que Nil dit au sujet de l’Occident,  il l’a appris de l’interprétation de Balsomis, non du canon du concile lui-même.  Car dans ce canon, on ne trouve rien au sujet du souverain pontife, si ce n’est cette phrase que cite Nil lui-même : « parce que cela, pour l’évêque romain aussi, est la coutume. »  Puisque ces paroles donnent la  raison pour laquelle l’Égypte, la Lybie et la Pentapolis devaient, selon l’antique coutume,  être soumises à l’évêque d’Alexandrie,  elles ne peuvent donc  pas avoir d’autre sens que celui-ci : parce que l’évêque de Rome a coutume de confier à l’évêque d’Alexandrie le gouvernement de ces trois provinces.    De plus, si le concile de Nicée avait l’intention de définir le pouvoir de l’évêque de Rome, pourquoi n’a-t-il pas commencé par lui ?   Pourquoi a-t-il commencé par l’évêque d’Alexandrie, qui était le deuxième?   Et pourquoi n’a-t-il pas nommé la région qu’il attribuait au pontife romain ?   Ajoutons que, même si le concile de Nicée avait dit, en termes clairs et nets, que l’Occident relève en propre du pontife romain,  Nil n’aurait encore rien encore gagné, car cela aurait pu s’entendre du patriarcat du pontife romain, qui s’ajoute à son gouvernement de toute l’Église.  Il faut observer enfin que Nil écrit que l’Occident doit être soumis au pontife romain. Ce que  son fidèle interprète Illyricus a omis de dire pour ne pas être, par le témoignage de Nil lui-même, contraint  de se reconnaître le sujet du pontife romain.
                                                             CHAPITRE 19
             On prouve la même chose avec des lois, des dispenses et des censures.
On peut tirer le septième argument  du pouvoir  que l’évêque de Rome possède sur ses enfants, même les plus puissants et les plus nobles,  de faire des lois, de dispenser des lois, et de punir.  Au sujet des lois, on peut donner plusieurs exemples, car rares sont les pontifes qui n’ont pas émis de décrets.   Saint Léon le grand écrit aux évêques de Campanie, de Picène, et de Thuscia.  Voici ce qu’il dit à la fin de la lettre : « Cette monition déclare que si quelqu’un des frères venait à l’encontre de ce qui a été statué, ou cherchait à s’y opposer de quelque manière, ou osait admettre ce qui a été prohibé, qu’il sache qu’il sera privé de sa charge. »  Et plus bas : « Toutes les décrétales définies par Innocent de bienheureuse mémoire, et les canons disciplinaires ou sacramentaux  de nos prédécesseurs nous demandons à votre dilection de les conserver. Si quelqu’un venait à les mépriser, qu’il sache que le pardon lui sera refusé. »  Le même (dans l’épitre 81 aux évêques d’Alexandrie).  Il leur prescrit deux lois, en se servant des mêmes mots dans chacun des deux cas : « Nous voulons que vous gardiez aussi cela. »   Le pape Hilaire présidant un concile romain : «Qu’il ne soit permis à personne, sans qu’il soit en danger de perdre son statut, de se comporter témérairement envers les constitutions divines, ou les décrets du siège apostolique. »  Le pape Anastase junior écrit à l’empereur Anastase : « Qu’on ne résiste pas, par orgueil ou  entêtement, à ce qui a été ordonné par l’église romaine,  l’autorité apostolique.  Que ses ordres soient plutôt exécutés par obéissance,  si vous voulez être en communion avec la sainte église de Dieu,  qui est votre tête. »   Saint Grégoire (dans le privilège qu’il a donné au monastère de saint Médard,) dit, à la fin : « Si quelqu’un parmi les rois, les juges, ou les séculiers violait des décrets de notre pouvoir papal  et de notre autorité apostolique, qu’il soit privé de son honneur ! »
Au sujet des dispenses, nous avons un exemple dans l’épitre 1 de Gélase, (car nous omettons volontairement les plus récents, qui sont innombrables) : «  Nous,  contraint par la nécessité, et poussé par la prudence du siège apostolique,  nous vous demandons de peser avec circonspection  les décrets des canons paternels,  de jauger les préceptes de nos prédécesseurs, pour que  nous tempérions par une réflexion appropriée, et  en autant que cela se peut, ce que la nécessité des temps demande de relâcher pour la restauration des églises. »  Et il donne un grand nombre de dispenses au même endroit.   De même, saint Grégoire (livre 12, pitre 31).  Il dit à l’évêque de Sicile Félix, qu’il a donné aux Anglais des dispenses sur les degrés prohibés de mariage,  ainsi qu’aux Siciliens, pour qu’ils ne célèbrent un concile  qu’une fois par année,  alors que les lois obligent de célébrer un concile deux fois par année.  Or, cette règle, dont saint Grégoire a dispensé les Siciliens,  est le canon 5 du concile général 1.
Au  sujet des censures, il y en  a plusieurs exemples, dont certains très anciens.  Quand il apprit que saint Jean Chrysostome était mort,  Innocent 1 excommunia l’empereur Arcade et Eudoxie, son épouse, qui ne permirent pas que le saint soit rétabli dans son église, comme Innocent l’avait ordonné.  Témoigne encore aujourd’hui de ce fait la lettre d’Innocent à Nicéphore (livre 13, chapitre 34).  On ne peut pas nous objecter l’excommunication d’un empereur faite  par Ambroise, un simple évêque.  Car, n’étant pas pape, saint Ambroise la fit cette excommunication dans son église à lui, au moment où l’empereur avait son siège à Milan.  Mais saint Ambroise n’osa jamais excommunier quelqu’un en dehors de son diocèse; tandis que le pape Innocent excommunia des empereurs siégeant à  Constantinople, ainsi que des résidants de Constantinople.  Grégoire 11 excommunia lui aussi l’empereur grec Léon, comme l’atteste Zonara dans la vie de Léon Isaurien.  Nicholas 1 menaça d’excommunication le roi Lothaire, et excommunia en même temps sa concubine Valdrade, ainsi que les archevêques de Cologne et de Trèves.  Les magdebourgeois font un récit mensonger de cette histoire (centurie 9, chapitre 8) quand ils disent que c’est injustement que le pape Nicholas a vexé le roi Lothaire et les dits archevêques.  Car, comme l’écrivent Rhegino (livre 2), Otto Frisingensis (livre 6, chapitre 3), et Sigebert (dans sa chronique, 862),  Lothaire haïssait son épouse Thietbergam et adorait sa concubine.  Après avoir suborné de faux témoins, il convainquit sa femme d’inceste, la répudia par l’autorité des archevêques de Cologne et de Trèves, et prit sa concubine pour épouse légitime.  Cela,  les dits archevêques l’ont confessé dans un concile à Rome.
Donc, s’ils veulent que Lothaire et les archevêques soient justes, les magdebourgeois  devront accuser saint Paul qui enseigne (1 Cor 7) que, même pour cause de fornication, on ne peut, du vivant de l’épouse légitime,  en épouser une autre.  Et que dire alors de ce que l’épouse de Lothaire n’avait pas péché, mais avait été condamnée par de faux témoins !  Parce qu’ils veulent à tout prix trouver le pape en tort, les magdebourgeois  ont-ils le droit de fabriquer de faux témoignages ?    Mais nous avons un exemple encore plus illustre et plus ancien.  Quand Pie 1 eut décrété qu’on ne célèbrerait pas Pâques avec les Juifs le quatorzième jour du premier mois, mais le dimanche suivant, et que certains asiatiques eurent refusé d’obtempérer, le pape Victor 1 les excommunia tous, en l’an 190, comme le rapporte Eusèbe dans son histoire (livre 5, chapitre 24).   Mais Calvin nous objecte (livre 4 des institutions, chapitre 7, verset 7) que saint Irénée l’a supplié de retirer son excommunication;  que le pape obéit,  sans protester,   à celui qui lui demandait une chose juste.  Que saint Irénée et plusieurs autres aient supplié Victor  de ne pas séparer de l’unité du corps ecclésiastique un si grand nombre d’églises pour une si petite raison, le même Eusèbe l’atteste.  Mais que Victor ait changé d’avis, on ne le lit nulle part.  Mais même si Victor avait changé d’avis, Calvin ne pourrait pas chanter victoire, car nous lui rétorquerions qu’il les avait déliés par la même autorité qu’il les avait liés.
De plus,  l’intervention d’Irénée et des autres n’affaiblit pas notre argument, mais le renforce plutôt.  Car, comme ils étaient plus nombreux ceux à qui déplaisait la décision du pape, ils auraient pu  d’autant plus facilement la mépriser, ou même excommunier Victor, s’ils avaient pensé que le pape était un évêque parmi d’autres, et non plutôt la tête et le juge de tous.  Mais il n’y eut personne qui enseignât que la décision du pape était nulle et non avenue, que Victor devait être condamné et excommunié.   Personne non plus ne l’a averti de ne pas transgresser ses limites, et de ne pas juger ceux qui  ne dépendaient pas de lui.  C’est ce qu’on lui aurait d’abord reproché, si on ne l’avait pas considéré comme le juge de tous.   Quelques-uns pensèrent donc qu’il avait fait  ce qu’il pouvait, mais non ce qu’il devait.   Tel semble bien être le sens des paroles d’Eusèbe : « Nous ont été conservées les lettres de ceux qui lui ont fait des reproches salés, comme à quelqu’un qui ne se soucie pas de maintenir la paix des églises. »
Mais il faut noter que même si Irénée et d’autres pensèrent alors que Victor avait agi imprudemment, il n’en avait pas moins agi avec prudence, comme toute l’Église le jugea après coup.   Car un des principaux promoteurs de la coutume qui veut célébrer Pâque avec les Juifs a été Blasius.  Or, c’est de cette façon qu’il voulait introduire peu à peu le judaïsme, comme l’écrit Tertullien dans les prescriptions : « Blasius voulut introduire le judaïsme en catimini, car il disait qu’on ne pouvait pas célébrer la Pâque autrement que selon la loi de Moïse, le quatorzième jour du premier mois. »  Ce Blasius commença à semer son hérésie au temps du pape Victor, comme l’atteste Eusèbe (livre 5, chapitre 15 de son histoire).  Le pape Victor voyait donc que cette diversité de célébration de la pâque n’était pas seulement une façon différente de célébrer la même chose, mais qu’elle était porteuse d’une hérésie, le judaïsme.  Il pensa donc que le temps était venu de lui faire face.  Les pères du concile de Trente approuvèrent la décision du pape Victor (comme on le voit dans la vie de Constantin d’Eusèbe, livre 3),  et déclarèrent même  hérétiques les quartodécimans,  qui pensaient le contraire, comme l’enseignent Épiphane  (hérésie 50), et saint Augustin (hérésie 29).
                                                            CHAPITRE 20
                          On prouve la même chose avec les vicaires du pape
On tire le huitième argument des nombreux vicaires, ordinaires ou temporaires, qu’avait le pape dans diverses régions, et qui se réservaient les causes majeures.  Du fait que le roi envoie de ses représentants dans les provinces, on conclut que ces provinces lui sont soumises.   De même aussi, du fait que  c’est  le roi qui accorde  aux préfets des provinces le pouvoir de juger, en se  réservant certaines causes, nous en déduisons qu’il est le juge suprême.  Il en est ainsi pour l’Église.  Du fait que le siège apostolique a eu des vicaires  dans toutes les régions éloignées, ou des légats pour une affaire particulière, mais se réservait les cas les plus graves, on conclut avec raison que le juge suprême de toute l’église est le siège apostolique.  Les exemples sont nombreux.  Saint Léon (épitre 84) fait d’Athanase, l’évêque de Thessalonique, son vicaire pour l’Orient, comme ses prédécesseurs l’avaient été pour les prédécesseurs de saint Léon, comme lui-même l’indique.   Il semble que c’est pour cette raison qu’on ait statué, dans le concile de Sarde, que les clercs étrangers ne devaient pas s’attarder  longtemps dans la ville de Thessalonique.   Car, c’est là que siégeait le vicaire du pape, là que les clercs confluaient de toutes les villes de la Grèce;  et il leur arrivait parfois d’y séjourner plus longtemps qu’il n’aurait fallu. Le même (épitre 87) envoya ses représentants à l’évêque Potence, dans les régions d’Afrique.
Le pape Célestin manda  saint Cyrille d’Alexandrie pour qu’il juge Nestor, évêque de Constantinople, et qu’il ordonne  que l’église de Constantinople soit remise aux mains de l’évêque déposé (tome 4 des œuvres de saint Cyrille d’Alexandrie,  et lettre de saint Cyrille au clergé et au peuple de Constantinople.   Gélase, (dans sa lettre aux évêques  de Dard) :  « Pourquoi Acacius n’a-t-il pas cherché à référer au siège apostolique, alors qu’il savait très bien que c’est par lui qu’il avait été mandaté pour prendre soin de ces provinces ? »  Il parle de l’évêque de Constantinople Acace,  à qui le pontife romain avait confié la charge pastorale  de toute l’Égypte,  et qu’il avait délégué  pour qu’il dépose l’évêque d’Alexandrie.  Hormisdas, dans sa lettre à Saluste, évêque d’Espagne, fait de lui son vicaire pour la Boétie et la Lusitanie.  Justinien (dans la collation authentique 9, titre 6, ou dans la nouvelle constitution 131), écrit que l’évêque de la première Justinienne doit présider dans certains lieux en tant que vicaire du pontife romain, parce que c’est ainsi que le pape Vigile l’a voulu.  Grégoire (livre 4, épitre 52,) établit, pour être son vicaire dans les Gaules, Virgile, évêque d’Arles, et se réserve, lui aussi, les causes les plus graves.
                                                               CHAPITRE 21
                                  On prouve la même chose avec le droit d’appel
On peut tirer un neuvième argument du fait que de toutes les parties du globe chrétien, on puisse faire appel légitimement au pontife romain; et que ses décisions sont sans appel.   Voilà donc un argument très certain de la principauté romaine, comme Calvin lui-même le reconnait.  Il écrit, en effet (dans livre 4, chapitre 7, verset de 9 de ses institutions) : « Le pouvoir suprême se trouve auprès de celui qui attire tous à son tribunal. » Mais il ajoute ensuite : « Plusieurs ont souvent fait appel au pontife romain.  Il a lui-même cherché à provoquer ces appels, mais on s’est toujours moqué de lui à chaque fois qu’il parvint à ses fins. »  Calvin veut donc que le pape en ait appelé plusieurs à son tribunal pour qu’ainsi ils se soustraient à leurs juges légitimes.  Mais, selon lui,  ces appels furent dérisoires. Comment se moquerait-on de quelqu’un qui, après avoir été condamné par l’évêque de Florence, ferait appel à l’évêque de Milan ?  Ou de quelqu’un qui, après avoir été condamné par le roi d’Espagne, en appelle au roi de France ?  Il faut donc prouver qu’on pouvait légitimement faire appel au souverain pontife, et que ces appels n’étaient pas dérisoires.   On le prouve d’abord avec le concile de Sardes, qui fut un concile général que l’Église a de tout temps reçu.   Car Sulpice (livre 2 de l’histoire sacrée) raconte que toutes les églises du monde y furent convoquées, et Socrate (livre 2, chapitre 16, histoire générale) l’appelle un concile général.  De plus, comme l’écrivent Athanase (au début de son apologie 2) et Hilaire de Poitiers (dans son livre sur les synodes), 300 évêques catholiques y participèrent,  provenant de trente-six provinces du monde chrétien.  Saint Athanase les énumère toutes, comme l’Italie, la Gaule, l’Espagne, la Grande Bretagne, l’Afrique, l’Égypte, la Syrie,  la Thrace, la Panonie, etc.  Les légats du pape Jules furent présents, comme le note aussi Athanase.   Que les décrets de ce synode soient obligatoires pour tous, les dernières paroles du synode l’indiquent assez clairement : « Les choses qui ont été décrétées ici que  les observe l’Église catholique répandue par toute la terre. »  Même les magdebourgeois considèrent ce concile comme légitime (centurie 4, chapitre 9).
Or, dans ce synode, on trouve deux canons qui traitent de notre sujet, le quatrième et le septième. Voici quelle est la teneur du quatrième canon : « Quand un évêque aura été déposé par le jugement d’évêques qui demeurent dans la même région, et déclarera qu’il lui faut plaider sa cause dans la ville de Rome, on n’installera pas un autre évêque dans l’église de celui qui a porté appel à Rome,  tant que la cause n’aura pas été tranchée par le jugement de l’évêque de Rome. »  Septième canon : « Si un évêque accusé,  jugé et dégradé par les évêques de sa région  se réfugie auprès de l’évêque de Rome pour y plaider sa cause, et si l’évêque de Rome juge qu’il est juste de l’entendre, qu’il daigne écrire aux évêques qui demeurent dans la même province que l’accusé, qu’il  leur demande de faire une enquête soigneuse,  et de porter un jugement conforme aux faits et à la vérité.   Si celui qui demande qu’on rouvre son procès parvient par ses supplications à amener le pontife romain à envoyer un légat, ce que voudra et estimera ce dernier  fera loi.  Et si le pape décide d’envoyer  des légats, ayant son autorité,  qui jugeront avec les évêques,  libre à lui.  S’il pense que les évêques peuvent à eux seuls, mener à bien la chose, qu’il agisse en tout selon son jugement inspiré par la prudence et la sagesse. »
On le prouve ensuite avec Gélase qui écrit, dans son épitre à Faust : « Voilà quels sont les canons qui statuent, que, de toutes les églises, on puisse faire  appel au jugement de ce siège, et qu’on ne puisse jamais faire appel de sa décision ».  Et dans son épitre aux évêques de Dard : « Les canons ont voulu qu’on fasse appel à elle de toutes les parties du monde, et qu’on ne fasse jamais appel de ses décisions. »  On le prouve, troisièmement, par les exemples de ceux qui ont fait appel.  Car, même avant le concile de Sardes, la coutume était en vogue de faire appel à l’évêque de Rome, comme le dit avec raison le pape Léon (dans son épitre 89 aux évêques de Gaulle). Il dit même que c’est « une coutume très ancienne ».  L’an 112 du Christ, pendant le pontificat de Pie 1, Marcion vint à Rome après avoir été excommunié par son évêque du Pont, comme Épiphane le rapporte (hérésie 42).  L’an 252, sous le pontificat de Corneille,  les africains Fortunat et Felix franchirent la Méditerranée, se rendirent à Rome, et firent appel au pape.  C’est saint Cyprien lui-même qui le raconte (livre 1, épitre 3).  Un peu après, sous le pontificat de Stéphane, Basilide en appela au pape,  après avoir été déposé en Espagne (Cyprien, livre 1, épitre 4).  L’an 350, sous le pontificat de Jules, saint Athanase fit appel au pape après avoir été déposé par des évêques orientaux, et il fut rétabli, comme nous l’avons montré plus haut (Sozomène, livre 3, chapitre 7).  Ce jugement du pape a été porté avant le concile de Sardes, comme l’atteste Athanase au début de son apologie.
Après l’an 400, sous le pontificat d’Innocent 1, saint Jean Chrysostome a fait appel au pape après avoir été déposé par Théophile, comme il appert des lettres que les deux ont écrites au pape.  De même, au même siècle, l’évêque Flavien de Constantinople a fait appel au pape Léon, comme l’écrit Liberatus dans son bréviaire (chapitre 11).  Theodoret fit appel au même, comme son épitre au pape le démontre.  Après l’an 500, saint Grégoire (livre 2, épitre 6), prive de la sainte communion Jean, évêque grec de la première justinienne,  parce qu’il avait condamné un évêque thébain qui avait fait appel au siège apostolique.   J’omets les témoignages des temps postérieurs, parce que les hérétiques n’ont pour eux que du mépris.  Mais le temps est venu de réfuter les arguments de Nil, d’Illyricus et de Calvin.
                                                                CHAPITRE 22
                           On réfute les arguments de Nil sur le droit d’appel
Nil prétend pouvoir prouver à l’aide de deux arguments qu’on peut faire appel à l’évêque de Constantinople comme on faisait appel à l’évêque de Rome; que ces deux évêques  étaient donc égaux, et que l’évêque romain n’était pas le seul à présider à toute l’église.  Le premier argument.  Le synode 6 concéda à l’évêque de Constantinople des privilèges égaux à ceux que possédait l’évêque de Rome.  Mais on a déjà réfuté cet argument plus haut.   Le deuxième.   Il le tire du concile de Chalcédoine (canons 9 et 17),  qui statue  que si un clerc a un malentendu avec un autre clerc, c’est à son évêque à porter un jugement.  S’il a un différend avec un évêque, c’est à leur archevêque de juger.   Si le différend est avec un autre archevêque, c’est à l’archevêque de Constantinople de juger.   Le jugement suprême est donc réservé à l’évêque de la ville impériale.  Je réponds qu’on ne perçoit pas clairement le sens du canon.  Que veut-il dire par premiers diocèses, ou évêques primatiaux ? Un certain archidiacre et Jean de Turrecremata (sur le canon si clericus 11, question 1) enseignent  qu’un évêque diocésain primatial  est plus grand et plus digne qu’un archevêque, mais moindre qu’un patriarche.  Et le pape Nicolas (dans l’épitre à l’empereur Michaël) écrit que par évêque primatial on ne peut entendre nul autre que l’évêque romain.   Cette opinion semble plus vraie parce que son auteur est plus grave, plus ancien, plus docte, d’autant plus qu’il n’est pas facile de prouver que, au temps du concile de Chalcédoine, il y ait eu dans l’Église, surtout en Orient  des évêques primatiaux (primats) distincts des archevêques et des patriarches.  Car le premier sens du mot grec exarkos ne signifie pas d’abord primat, mais prince.  Ce mot s’applique donc plus naturellement au souverain pontife qu’à ces évêques primatiaux.  Car il est le seul à être le prince de n’importe lequel diocèse chrétien.
Je réponds ensuite que le sens de ce canon est correctement donné par le pape Nicolas (au lieu cité).  Le concile a déclaré que celui qui aurait un différend avec son métropolitain aille au prince des diocèses, c’est-à-dire au pontife romain.   S’il est près de la ville de Constantinople, et se contente du jugement donné par l’évêque du lieu,  qu’il aille le voir.  En conclusion, la loi générale statue sur l’appel au pontife romain, et permet à ceux qui sont près de Constantinople de porter leur cause devant l’évêque de cette ville.  On peut répondre, en deuxième lieu, que tous ces canons n’ont pour nous de force que dans la mesure où ils sont sanctionnés par les papes.  Car, saint Léon dans son épitre 59 au concile de Chalcédoine, écrit qu’il a approuvé ce concile seulement en ce qui a trait à l’explication de la foi.  Et Liberatus, dans son bréviaire, chapitre 12, atteste que tous ces canons ont été votés en l’absence des légats du pape, qui avaient jusque-là présidé le synode.  De plus, la coutume,  qui est l’interprète des lois, enseigne ouvertement qu’il ne fut jamais permis d’en appeler au  patriarche de Constantinople, si ce n’est par ceux qui tombaient sous sa juridiction.  Personne, en effet, ne peut présenter d’exemple  qu’on ait,  de l’occident, du midi ou du septentrion,  fait appel à une église orientale.
Troisièmement, même si on concédait que, selon ces canons, il était possible de recourir de partout  à l’église de Constantinople, il ne s’ensuivrait pas que l’évêque de cette ville soit égal à celui de la ville de Rome.  Car, d’après les canons de ce concile de Chalcédoine, l’évêque de Constantinople ne peut juger que ceux qui se sentent lésés par leur métropolitain.  Mais peuvent avoir recours au pape ceux qui sont lésés par des patriarches, par des conciles généraux, même les plus grands en nombre et en dignité, comme on le voit dans les cas d’Athanase, de Paul, de Chrysostome, de Flavien et de Théodoret.   Ajoutons, enfin, que ce canon du concile de Chalcédoine ne porte pas sur le droit d’appel, mais sur le premier jugement, ce dont Nil ne s’est pas rendu compte.   Car, même  si l’archevêque de Constantinople avait le droit de juger toutes les causes provenant de toutes les églises, il est permis, selon les canons du concile de Sardes, de faire appel de son jugement auprès de l’évêque de Rome.  Les canons du concile de Chalcédoine ne contredisent donc pas ceux de Sardes.  Car, le jugement ultime est toujours réservé à l’évêque de Rome.
                                                             CHAPITRE 23
                                 On réfute le premier argument des luthériens
Venons-en maintenant aux arguments des  luthériens. On nous objecte un passage de saint Cyprien (livre 1 de l’épitre 3) où il dit : « Car, comme il a été statué par nous tous, et comme il est autant équitable que juste que chaque cause soit entendue là où le crime a été commis, etc,  il importe donc que  ceux sur lesquels nous présidons ne courent pas ici et là. »  Et plus bas : « À moins que, aux désespérés et à ceux qui ont tout perdu, semble inférieure l’autorité des évêques constitués en Afrique. »   Il réprouve là ceux qui ont fait appel au pontife romain,  et prouve qu’on ne doit pas faire appel à Rome, soit parce qu’ainsi l’a statué un concile d’évêques africains, soit parce que l’autorité des évêques africains n’est pas moindre que celle du pontife romain.   Je réponds que Cyprien a mal pris les appels à Rome de ceux qui avaient été jugés et convaincus de crimes manifestes.  Ce n’est pas l’appel lui-même qu’il rejetait.   C’est ce que nous fait comprendre le livre 1, épitre 4, où, en parlant de Basilide, qui, condamné en Espagne, avait fait appel au pape, Cyprien écrit : « Celui qu’il faut blâmer ce  n’est pas tant celui de qui on a arraché, par inadvertance, un pardon, que celui qui l’a arraché frauduleusement. »  Il est certain que s’il ne reconnaissait pas de droit d’appel à Stéphane, il ne l’aurait certainement pas jugé coupable de ne pas avoir rejeté l’appel, même si Basilide avait eu une cause juste.
Au sujet de ce que dit Cyprien « que chaque cause doit être entendue là où le crime a été commis », le sens de ce décret est que le premier jugement doit être porté d’abord à l’endroit où le crime a été commis.  Il n’exclut pas qu’un autre jugement soit porté ensuite ailleurs.  Mais, tu diras que, par ce décret, Cyprien fait la preuve qu’on ne devait pas faire appel outremer, que les appels étaient prohibés.  Je réponds que Cyprien ne parle pas uniquement de l’appel au pape, mais des crimes manifestes des coupables.  Voici comment Cyprien raisonne.  En vertu du décret du concile, chacun doit être jugé à l’endroit où le crime a été commis.  Le procès a déjà eu lieu, et leurs crimes ont été clairement démontrés.  Pourquoi donc en appellent-ils à Rome si ce n’est pour surprendre le pontife romain, ou vexer les évêques qui l’ont jugé.
Ajoutons que si ce décret interdisait les appels outremer, ce ne sont pas seulement les appels à Rome qui seraient interdits,  mais à un juge quelconque, comme le reconnaissent les magdebourgeois (centurie 3, chapitre 7, colonne 176), et comme les mots eux-mêmes le laissent entendre, généraux comme ils sont.  Et ce serait une loi absurde et ridicule qui prohiberait tout appel, car dans quelle république de banane  serait tolérée une loi qui ne permettrait pas de faire appel ?  Donc, comme les centuriates attribuent cette loi à l’église de Dieu qui est une république régie avec sagesse, ne  montrent-ils pas qu’ils sont, eux,  illogiques et ridicules ?  Et au sujet de cette autre réflexion de saint Cyprien selon laquelle l’autorité des évêques d’Afrique n’est pas inférieure à celle de l’évêque de Rome, je réponds  que la comparaison ne porte pas sur les évêques, mais sur la cause en question.  Et voici quel en est le sens.   L’autorité des évêques africains n’est pas si faible qu’elle n’ait pas ce qu’il faut  pour  entendre cette cause.
                                                              CHAPITRE 24
                                                    On réfute trois arguments
En deuxième lieu, ils nous objectent un texte de Damase.  Dans son épitre à Théophile et à Anysius (qui est la 79ième parmi les épitres de saint Ambroise), il écrit : « Comme les juges du concile provincial de Capoue ont déjà porté un jugement sur  Bonosus et ses accusateurs, nous vous avertissons qu’on ne peut pas porter la cause devant notre tribunal. »  Je réponds d’abord que cette lettre n’est pas du pape Damase, et que c’est à saint Ambroise que, dans ses œuvres, elle est attribuée.  Mais elle ne peut pas non plus être de lui, car elle fait mention d’un Ambroise qui serait une personne différente. On ne sait donc pas de qui elle est.    Je réponds ensuite que, à supposé qu’elle soit de Damase, comme plusieurs le pensent,  ce Damase ne dit pas qu’il ne peut pas juger, mais qu’il ne convient pas qu’il juge de nouveau ce qui a été bien jugé.  Car, même si le pontife est le juge suprême, il ne convient pas que, quand un concile provincial a statué quelque chose, il juge autrement sans raison suffisante.
En troisième lieu, Calvin (livre 4, chapitre 7, verset 9 des institutions),  nous objecte le canon 22 du  concile de Milet : « S’ils pensent devoir faire appel de leurs évêques, qu’ils ne fassent appel qu’aux conciles africains, ou aux métropolitains de leurs provinces.   Celui qui pense à faire appel outremer ne sera pas, en Afrique,  reçu en communion par personne. »  Quelques-uns répondent avec Gratien (2 question 6, canon placuit), en ajoutant :  «  à moins qu’il s’agisse d’un appel au siège romain ».  Mais, cette exception ne semble pas justifiée, car c’est précisément à cause de l’église romaine que les évêques africains statuèrent qu’il ne fallait pas faire appel outremer.  Les africains n’ont jamais donné d’autre sens à l’expression outre mer que l’église romaine.   Il n’est pas nécessaire de se réfugier dans ces explications sans issue, quand la réponse obvie est à la portée de la main.  La réponse est donc celle-ci.  Ce canon ne se rapporte pas à ce qui est en jeu.  Car, la question des appels aux pontifes romains ne porte pas sur les appels de prêtres ou de clercs mineurs, mais d’évêques.  En effet, le concile de Sardes, qui voulut que les évêques puissent en appeler au pape (canons 4 et 7), voulut aussi que les prêtres et les clercs mineurs en appellent aux évêques voisins, c’est-à-dire qu’il était permis aux prêtres d’en appeler de leurs évêques à d’autres évêques de leur région (canon 17).   Ces deux canons, le pape Zozime a bien voulu les sanctionner de son autorité, et a vu à ce qu’ils soient appliqués en Afrique, comme le montrent le concile de Carthage 6, et l’épitre du même concile du pape Boniface.
Or, ce canon 22 du concile de Milet parle des prêtres et des ordres mineurs, et non des évêques, comme nous l’explique saint Augustin, qui y fut présent, mais qui écrit dans la lettre 162 qu’il est permis aux évêques africains de faire appel outre mer, mais non aux clercs mineurs.  C’est ce que nous font comprendre les mots eux-mêmes du concile : « Il a plu au concile que les prêtres, les diacres, et les autres clercs inférieurs dans les causes qu’ils auront.. »  Voilà pourquoi Innocent 1 a approuvé tout le concile de Milet (dans son épitre 93 au  concile). Car, il ne l’aurait certainement pas approuvé s’il y avait détecté quoi que ce soit qui déroge au siège apostolique.  C’est ici qu’apparaissent l’ignorance et l’arrogance de Calvin, lui qui, au lieu cité, enseigne que Zozime a fait en sorte que ce canon du concile de Milet soit corrigé par le canon 6 du concile de Carthage.  Mais c’est le contraire qui est vrai.  Zozime a ordonné que ce canon soit confirmé et mis en pratique.  Mais, tu diras : s’il en est ainsi, de quel droit les pontifes romains ont-ils accueilli l’appel du prêtre Apiarius d’Afrique, et l’ont-ils rétabli dans sa dignité, comme le rapportent les africains dans leur lettre à Boniface, et dans d’autres à Célestin ?  Je réponds que même s’il était interdit aux clercs inférieurs de faire appel de leurs évêques à Rome, il n’était pas interdit au souverain pontife de les admettre s’il le voulait.  De plus, ce que les pontifes romains ont fait ce n’est pas tant d’accepter de les juger que d’écouter leurs doléances, et de demander aux évêques africains de bien se renseigner et de juger en conscience.  De ces deux lettres on déduit qu’Apiarius est venu deux fois à Rome, qu’à chaque fois il a été renvoyé en Afrique, et que c’est par un concile africain qu’il a été jugé après son retour de Rome.
En quatrième lieu, Calvin (livre 4, chapitre 7, verset 10 des institutions) nous objecte une lettre (162) de saint Augustin,  où nous lisons que la cause de Célestin a été jugée par le pape et par d’autres sur l’ordre de l’empereur; qu’elle a été ensuite, sur l’ordre du même empereur, jugée une deuxième fois par l’évêque d’Arles, et une troisième fois par l’empereur.   Or, si le pape est juge de droit divin, pourquoi ne juge-t-il pas de lui-même, mais seulement sur l’ordre de l’empereur ?  De même, si on ne peut pas faire appel  de sa décision, pourquoi a-t-on fait appel dans le cas de Célestin, et pourquoi, après la sentence du pape, a-t-il été jugé par l’évêque d’Arles, et par l’empereur ?  Enfin, pourquoi  dans son premier jugement, le pape  a-t-il supporté que des associés lui soient imposés par l’empereur ?  Je réponds d’abord au premier point.  Le pape n’a jugé Célestin que quand l’empereur l’a voulu, parce que les donatistes n’avaient pas porté la cause devant le pape, comme ils auraient du, mais devant l’empereur.  Qu’ils aient mal agi en cela, c’est ce que saint Augustin enseigne. Il ajoute même qu’on ne saurait trop louer le comportement de l’empereur,  car il n’osa pas juger la cause qui avait été portée devant son tribunal, mais l’a remise au pape.  Au second point je réponds que le pape a permis que siègent avec lui des représentants de l’empereur pour complaire aux donatistes qui n’avaient pas confiance au pape.  Au troisième point,  je réponds que l’évêque d’Arles et l’empereur ont jugé après le jugement du pape non parce qu’il le fallait, mais pour fermer la bouche aux donatistes.  Et, comme le rapporte encore saint Augustin, l’empereur s’excusa auprès des  évêques  d’avoir à entendre cette cause malgré lui.
                                                        CHAPITRE 25
                                          On réfute le dernier argument
Calvin (lieu cité), les magdebourgeois (centurie 3, chapitre 9), et même les Grecs dans le concile de Florence (session 29) et surtout Illyricus (dans son livre de l’histoire, concile 6 de Carthage,) pensent avoir trouvé un argument irréfutable tiré de l’histoire du concile 6 de Carthage, dont voici un résumé.   Le pape Zozime demanda aux Africains par ses légats  qu’ils mettent en application trois canons du concile de Nicée : l’un portant sur le droit d’appel des évêques à l’évêque de Rome; l’autre portant sur l’appel des clercs inférieurs aux évêques proches;  le troisième, sur l’interdiction  d’aller au palais de l’empereur.  Après avoir reçu  ces demandes du pape,  les africains convoquèrent un concile national de 217 évêques, et  répondirent au pape Boniface,  qui avait succédé à Zozime, qu’ils ne trouvaient pas ces canons dans le concile de Nicée, et qu’ils avaient écrit aux patriarches orientaux de Constantinople et d’Alexandrie  pour qu’ils leur envoient des exemplaires authentiques du concile de Nicée; et qu’entre temps, ils observeraient ces canons, jusqu’à ce qu’ils aient pris connaissance des originaux.  Cyrille d’Alexandrie et Atticus de Constantinople envoyèrent enfin les exemplaires en question, mais on n’y lut pas les trois canons, seulement les 20 qu’on trouve dans l’histoire de Ruffin (livre 10, chapitre 6), comme aussi le raconte Cyrille dans sa lettre aux Africains.
N’ayant pas trouvé des canons dans les exemplaires reçus d’Orient, les évêques africains écrivirent au pape Célestin, qui avait succédé à Boniface, que ses canons ne faisaient pas partie du concile de Nicée.  Ils avaient donc de la difficulté à accepter les appels à Rome.   On trouve cela dans le concile 6 de Carthage, et dans les deux lettres.   Mais nous n’avons pas, par écrit, ce que le pape a répondu.   À propos de cette histoire, Illyricus et les magdebourgeois débitent une foule de mensonges, et en tirent deux arguments.   En ce qui a trait aux protagonistes,  Illyricus dans son histoire, travestit les noms des papes de cette histoire, car il appelle souvent Innocent le nuisant, Boniface, le malfaisant, Célestin, l’infernal, et Léon le loup infernal ou le lion rugissant.  Pour répliquer à ce burlesque  et à cette surenchère, il suffit de lire les actes eux-mêmes du concile carthaginois,  et les épitres du concile à Boniface et Célestin, qu’il rapporte entièrement dans son libelle.  Les pères africains parlent avec plus de respect et plus de gravité qu’eux.  Voyez ensuite les louanges que décerne à ces pontifes saint Augustin (épitre 157 à Optatus,  et livre 1 à Boniface et Prospère, à la fin du livre contre Collat.)
Dans le livre d’Illyricus, il y a autant de mensonges qu’il y a de phrases.  Quelques-uns suffiront.  Il dit, au début de son livre,  que Prospère et Orose ont été présents avec saint Augustin au sixième synode de Carthage.  Or les noms de Prospère et d’Orose ne figurent pas dans le concile.  Ils ne pouvaient pas, non plus, prendre part à un concile africain car ils n’étaient ni  africains, ni  évêques, et parque ce concile, bien entendu, ne regroupait que des évêques africains.  Il affirme un peu après qu’Eulalius avait été élu en même temps avec le pape Boniface.  Mais cet Eulalius qui avait été élu par la majorité du peuple et du clergé, fut d’une telle modestie qu’il céda spontanément sa place, alors que le pontificat lui appartenait de droit.  C’est sans témoignage qu’Illyricus raconte ces choses, tandis que nous pouvons,  nous,  citer Anastase le bibliothécaire, qui écrit, dans la vie de Boniface, qu’un concile formé de 252 évêques a rejeté Eulalius, comme ayant été injustement ordonné,  et à confirmé Boniface  à l’unanimité.
Illyricus dit et répète souvent que les souverains pontifes ont demandé aux évêques africains que leur soit concédée la juridiction sur l’Afrique, et sur toutes les autres régions;  qu’on a délibéré pendant cinq ans sur cette question, et que, à la fin, un concile a décrété qu’aucun droit ne serait concédé aux papes en Afrique.  Cela est un mensonge honteux, car jamais rien de tel n’a été demandé,  et on ne trouve aucun décret de ce genre dans les conciles.  Ce mensonge n’est pas seulement flagrant, mais impudent, car sans c’est sans aucune vraisemblance qu’il est proféré.  Car qui croirait que les pontifes romains aient jamais demandé  la juridiction aux africains et aux européens ?  Qui croirait que les pères africains ont délibéré pendant cinq ans sur cette question, alors qu’ils pouvaient répondre en une parole qu’ils n’avaient eux aucune juridiction sur les nations étrangères,  qu’ils ne pouvaient donc pas en concéder à d’autres ?  Ne se moquerait-on pas d’un historien qui prétendrait que le roi de France aurait demandé la juridiction aux Espagnols ?   Et ne serait-il pas risible le roi qui prendrait cinq ans pour répondre ?
Voici un autre mensonge, qui est encore plus énorme, et qui est répété des milliers de fois par Ilyricus et les centuriates.  Le pape Zozime aurait volontairement et contre sa conscience, falsifié le concile de Nicée pour pouvoir, par lui, imposer frauduleusement un joug aux Africains.  Nous parlerons de ce mensonge dans la réfutation des arguments.   Venons-en maintenant aux arguments.   Le premier.   Si c’est de droit divin que le pape est le juge suprême de toute l’Église, pourquoi les souverains pontifes ne cherchent-ils pas à confirmer le droit d’appel au siège apostolique par ce droit divin plutôt que par le concile de Nicée ?  Et pourquoi tant de catholiques et tant d’évêques carthaginois réunis en concile se refusaient-ils d’admettre ce droit, à moins qu’il ne fût écrit dans le concile de Nicée ?  Nous répondons brièvement à cet argument qu’on a toujours pu, de droit divin,  faire appel au pontife suprême.  Mais, convenait-il d’user de ce pouvoir ?   Dans plusieurs lieux on en a douté, et non sans raison.  Car, on pouvait apporter des raisons pour et contre.  En effet, si le droit d’appel à Rome est concédé toujours à tous, il arrivera facilement que plusieurs fuiront les tribunaux légitimes; que soient vexés les évêques qui ont porté un premier jugement; et que des causes faciles et évidentes  traînent  en longueur.  Saint Cyprien (dans sa lettre 1, épitres 3 et 4) se plaint de ceux qui font appel à Rome après avoir été légitimement jugés et condamnés.    Saint Bernard lui-même énumère tous les inconvénients qui naissent d’un trop fréquent recours à Rome.
Si, par contre, on ne concède aucun droit d’appel, une occasion sera donnée à des évêques particuliers  de juger inconsidérément  et témérairement, et d’opprimer leur peuple à la manière d’un tyran; de penser qu’ils n’ont pas de supérieur, qu’ils n’ont personne à qui rendre des comptes.   Ce qui ne serait rien d’autre que de diviser le corps de l’Église  en autant de parties  qu’il y a d’évêques.   Donc, comme la chose avait autant d’inconvénients que d’avantages,  le concile général de Sardes  déclara, avec le consentement  du pontife romain,  qu’il convenait que les prêtres et les clercs inférieurs puissent faire appel de leurs évêques à un concile provincial, les évêques au siège apostolique.   Que cette déclaration ne soit pas une concession nouvelle l’attestent les exemples de tous ceux qui, à toutes les époques,  avant  le concile de Sardes et de Nicée, ont fait appel aux papes.  Pourquoi, dans le concile de Carthage, les évêques romains ont-ils cherché à confirmer leur droit d’appel non par le droit divin mais le concile de Nicée, c’est parce qu’ils voulaient non seulement démontrer que tous pouvaient faire appel à eux, mais que c’était une chose avantageuse pour l’église universelle, puisque c’est ce que pensait aussi un concile général.
Pour une raison semblable, les pères africains cherchaient à empêcher ce genre d’appel,  parce qu’ils estimaient que leurs  églises n’avaient pas  d’avantage à en tirer, même s’ils n’ignoraient pas et ne niaient pas que cela  puisse légitimement se faire.  C’est pourquoi, dans une et l’autre épitre qu’ils écrivirent au pape sur cette question,  ils protestent de leur soumission au siège apostolique,  quand ils lui envoient les actes du concile.  Ils ne commandent pas, mais ils demandent qu’il ne prête pas facilement l’oreille à ceux qui font appel de leurs jugements auprès de lui.  Mais tout cela se comprendra mieux quand on réfutera le prochain argument.  L’autre argument est de Calvin et des magdebourgeois.   Le voici.  Les papes Zozime, Boniface et Célestin ont cherché à prouver le droit d’appel au pontife romain par les décrets du concile de Nicée.  Or, après un examen attentif,   ces canons sont apparus falsifiés et corrompus.  Le droit d’appel au pape ne se fonde donc ni sur le droit divin, ni sur le droit humain.
Nous répondons d’abord  que les pères africains se sont trompés par ignorance;   mais que Calvin et les magdebourgeois pêchent par malice.   Car, les évêques africains  disent deux fois dans leurs lettres au pape qu’ils n’ont trouvé ces canons dans aucune décision des pères et dans aucun synode.  Il est donc clair qu’ils ne possédaient pas les canons du concile de Sardes, dans lesquels ces canons sont contenus en toutes lettres,   car, s’ils les avaient eus, ils en auraient fait mention.  Or, l’autorité de concile de Sardes n’est pas inférieure à celle du concile de Nicée.  Ce n’est pas non plus une plus grande erreur de citer le concile de Nicée à la place de celui de Sardaigne,  que de citer  Matthieu au lieu de Jean,  et Jérémie au lieu de Zacharie, comme Matthieu l’a cité au chapitre 27.  Comme donc nous ne pouvons pas donner à Matthieu le nom de faussaire, parce que c’est le même Esprit Saint qui a soufflé dans Zacharie et Jérémie, on ne peut pas, non plus, dire que les papes sont des faussaires parce qu’ils auraient cité le concile de Sardes à la place de celui de Nicée, puisqu’ils ont tous les deux la même autorité.   Les magdebourgeois connaissaient eux le concile de Sardes, et ils l’ont transcrit comme légitime dans leur quatrième centurie.  Il est donc nécessaire qu’ils avouent que les évêques d’Afrique ont été trompés, et ont eu, à cause de cela, un comportement excessif.   Mais en attribuant  la victoire aux évêques africains, ils militent contre eux, et pêchent par malice.
Mais, tu diras que, dans ce concile de Carthage, on cite textuellement le concile de Sardes.  Les Africains ne l’ignoraient donc pas.   Je réponds que les mots qui parlent du concile de Sardes dans le concile 6 de Carthage n’ont pas été prononcés par les  évêques africains, mais par les  légats pontificaux.  C’est en obéissant à des directives écrites  du pape Zozime, qu’ils lisaient ces textes.  Et, de plus, je pense que ce passage est corrompu, ou a été confondu avec celui de Nicée.  Mes doutes viennent surtout du fait que  c’est en marge qu’on a  écrit : « du concile de Sardes. »   On comprend pourquoi ces mots ont été écrits en marge, car les paroles qui sont là citées ne se trouvent que dans le concile de Sardes; et on devine aussi que les mots écrits en marge ne faisaient pas partie du texte originel.  Or, les légats romains disaient citer des canons du concile de Nicée.  Après avoir entendu les légats, saint  Augustin dit que les évêques africains  s’engagèrent à observer les canons qu’on leur présentait comme étant du concile de Nicée, tout en se réservant le droit de s’enquérir judicieusement s’ils faisaient vraiment partie du concile de Nicée.  Ces paroles nous montrent que ces canons qu’on leur avait lus  étaient bien pour eux des canons du concile de Nicée.
Ajoutons que saint Augustin (livre 3, contre Crescence, chapitre 34) ne voit dans le concile de Sardes qu’un de ces conciles d’évêques  orientaux opposés à Athanase.  Car, il y a eu deux conciles de Sardes, d’après l’historien Sozomène (livre 3, chapitres 10 et 11 de son histoire), un concile général de 300 évêques, que saint Augustin n’a jamais vu, et un autre hérétique de 76 évêques, que saint Augustin a vu.  Je dis, ensuite, que les canons du concile de Nicée que présente Ruffin (livre 10, chapitre 6, de son histoire), ceux qui ont été envoyés de l’Orient vers l’Occident, ne contiennent  pas tous les canons que le concile de Nicée a édités.  Et il est probable que les trois canons  que Zozime citait comme faisant partie de concile de Nicée, en faisaient vraiment partie.  Que ces  20 canons ne constituent pas tous les canons du concile de Nicée on peut le prouver à partir de lettres d’Athanase et du pape Marc, qui affirment tous deux que les exemplaires qui se trouvaient à Alexandrie ont été brûlés par les ariens.  Mais les magdebourgeois se moquent de cet argument,  et il est vrai qu’il n’est  pas solide.  Car, cette combustion des livres eut lieu au temps de l’empereur Constantin, quand, après l’expulsion d’Athanase,  l’arien Georges a été ordonné à sa place,  comme Athanase le rapporte lui-même dans une épitre adressée à tous les orthodoxes.   Or, la chronique de saint Jérôme nous indique qu’à ce moment, le pape Marc était décédé.  Si donc le pape Marcel avait envoyé aux Alexandrins un texte provenant des archives romaines,  l’exemplaire alexandrin et l’exemplaire romain seraient semblables en tout point.  Alors, comment expliquer que dans l’exemplaire, envoyé par saint Cyrille,  manquent les trois canons qui se trouvaient dans le romain ?   Laissons donc de côté cette lettre d’Athanase, et prouvons que les canons de Ruffin ne sont pas complets.
D’abord, parce qu’un des principaux canons du concile de Nicée portait sur le jour de la célébration de la fête de Pâque,  le dimanche après le quatorzième jour, comme nous le montrent les épitres de Constantin  (Eusèbe, livre 3 de la vie de Constantin), Épiphane (hérésie 69), et Athanase (épitre au synode d’Ariminie  et de Séleucis.   Or ce canon ne fait pas partie des 20 canons de Ruffin.  Deuxièmement.   Saint Ambroise (dans son épitre 82) enseigne  que, dans le concile de Nicée, il a été statué  qu’aucun bigame ne serait admis à la cléricature.  Cela, non plus, ne se trouve pas dans les vingt canons.   Troisièmement, saint Jérôme, dans sa préface à Judith, enseigne que le concile de Nicée avait placé le livre d’Esther parmi les livres canoniques.   On ne trouve pas cela non plus dans les canons de Ruffin.   Quatrièmement, saint Augustin (épitre 110), affirme que le concile de Nicée a interdit  que deux évêques siègent en même temps dans la même église; et il déplore  qu’on ait agi imprudemment contre ce canon.  Ce canon-là non plus n’apparaît pas dans les 20 de Ruffin.  Cinquièmement.   Dans le canon 14 d’un  concile africain,  les pères déclarent que, d’après un canon du concile de Nicée, il  n’est permis d’offrir l’eucharistie qu’à jeun.  Où est donc ce canon parmi les 20 de Ruffin ?  Sixièmement.   À la fin d’un canon du concile de Chalcédoine,  Atticus rapporte que le concile de Nicée a établi une manière précise d’écrire des lettres formatées (Operatus, livre 2 contre Parménius,)  Voici ce que dit Operatus : « Avec le pape et nous de tout l’univers, par un échange de lettres formatées, nous formons une société de communion et de communication. »  Et le concile de Milet interdit aux prêtres (canon 22) de participer  à une assemblée sans lettres formatées.  Cela non plus n’apparait pas dans les 20 canons.
Enfin, septièmement.  Luther, Calvin, les centuriates et les autres hérétiques  nous objectent souvent le canon du concile de Nicée cité par Socrate (livre 1, chapitre 8 de son histoire) qui permet aux prêtres de prendre des épouses. Or, ce canon ne se trouve pas parmi les 20.  Si donc on dit que Zozime est un falsificateur et un corrupteur parce qu’il a cité un canon du concile de Nicée qui ne se trouve pas parmi les 20, il faudra, pour la même raison, appeler falsificateurs et corrupteurs Constantin, Athanase, Épiphane, Ambroise, Jérôme, Augustin, Atticus, Socrate, les évêques africains, et même les centuriates, Luther et Calvin.  Car tous ces gens-là citent des canons qui ne font pas partie des 20 connus.
Ajoutons, ultimement, que dans la session 20 du concile de Florence, un docteur célèbre du nom de Jean déclara qu’il prouvait prouver, par des nombreux témoignages de saints anciens, que les pères du concile 6 de Carthage ont reconnu que les canons du concile de Nicée qu’on leur avait envoyés d’Alexandrie et de Constantinople, étaient corrompus et falsifiés.  Je dis, en troisième lieu, qu’il me semble à moi que ces trois canons n’on jamais fait partie du concile de Nicée, mais ont été considérés comme tels par les papes Zozime et Boniface parce que, pour eux, les conciles de Nicée et de Sardes étaient la même chose, et les canons de l’un et de l’autre étaient conservés ensemble dans la bibliothèque  romaine, comme s’ils avaient été les canons d’un seul et même concile.  C’est donc parce qu’ils ignoraient cela que les pères d’Afrique ont été perplexes.
 Voici les raisons que je peux avancer pour confirmer ma position. La première.   Parce qu’on trouve tels quels dans le concile de Sardes les mots lus par les légats du pape.  Il n’est pas vraisemblable que ces canons se soient déjà trouvés dans le concile de Nicée, et que les pères de Sardes n’aient pas indiqué que ces cannons, ils ne les composaient pas, mais qu’ils les rénovaient.  J’estime, ensuite que dans le concile de Nicée, le droit d’appel au pape était contenu implicitement, du fait que le canon 6 ordonne de conserver les anciennes coutumes.  Or, le droit d’appel au pape est une de ces anciennes coutumes, comme nous le montrent la lettre (89) du pape Léo, et les exemples ci-haut donnés. Le concile de Nicée statue aussi qu’une cause jugée une fois peut être jugée par un autre, comme l’indique la lettre de Jules présentée par Athanase dans son apologie 2.  Mais, c’est le concile de Sardes qui prescrit cela en termes formels.   La deuxième.  Parce que dans le concile  de Nicée traduit du grec avant l’an 1000 par Denys (manuscrit qui se trouve dans le monastère de saint Vedaste Atrebat), les canons de Nicée sont présentés avec ceux de Sardes, comme s’ils faisaient partie d’un seul et même concile.  La troisième.    Car, autrement, on ne pourrait pas expliquer pourquoi le concile de Sardes, qui fut œcuménique et reconnu, ne figure pas parmi les conciles généraux.  Car, on devrait l’appeler le second concile oecuménique.  Mais  il ne s’ajoute pas aux autres conciles parce qu’il est une seule et même chose que le concile de Nicée.
  Mais pourquoi donc le concile de Sardes a-t-il été fondu dans le concile de Nicée ?  On peut donner comme raisons que ce sont les mêmes pères qui ont siégé dans l’un et l’autre concile, et que le concile de Sardes n’a rien défini de nouveau en matière de foi, mais n’a fait que corroborer les décrets de Nicée, tandis que les autres conciles ont toujours condamné de nouvelles hérésies.  Ce n’est donc pas par fraude que Zozime a pris un concile pour l’autre, mais parce qu’ils étaient pour lui un seul et même concile.  Je pense qu’on doit dire la même chose de l’épitre de Jules aux Orientaux.  Innocent (épitre à Victor) et Léon (épitre 25 à Théodose) citent ce canon au nom du concile de Nicée.  De la même façon, on appelle le symbole de Constantinople le symbole de Nicée, parce qu’il est une explication de ce concile.  Voilà pourquoi les anciens avaient l’habitude d’appeler nicéens les canons de Sardes, parce qu’ils n’étaient qu’une explication de ceux de Nicée.
J’en ajoute une quatrième.  Les pères de Carthage n’ont jamais décrété qu’aucun droit ne devait être accordé au pontife romain en Afrique; ou qu’il n’était jamais permis à aucun évêque africain de faire appel outremer.   Il n’y avait pas non plus entre les papes et les évêques africains une dissension aussi grande que celle que nous trace Illyricus.  Car, il n’y eut jamais de décret de cette sorte, et dans leur lettre à Bonifac , et dans l’autre à Célestin, les évêques africains témoignent ouvertement de leur concorde et même de leur soumission.  Voici leur lettre à Boniface : « Puisqu’il a plu au Seigneur que notre humilité écrive au sujet de ces choses dont ont discuté nos saints frères, notre co-évêque Faustin, les co-presbytes Philippe  et Asellus,  qui nous apportèrent des mandements et des lettres écrites par le pape Zozime, nous devons relater brièvement que les discussions se sont terminées dans la concorde, et en maintenant sauve la charité, mais non sans certaines altercations et prises de bec. »  Ils affirment, dans cette lettre, qu’ils ont reçu des mandements du pape Zozime, mais ils ne disent pas expressément qu’ils le reconnaissent comme supérieur.  Or, dans la lettre à Célestin, voici ce qu’ils disent : « Après le salut de politesse, nous vous supplions instamment de ne pas admettre facilement ceux qui font appel à vous. »  Par ces paroles,  ils ne rejettent pas le droit d’appel au pape, et ils ne disent pas non plus que le pape ne peut pas recevoir les africains qui font appel à lui, mais ils lui demandent seulement de ne pas prêter trop facilement l’oreille à leurs récriminations.
Saint Augustin (dans l’épitre 157) enseigne ouvertement la primauté du pontife romain en Afrique, en disant  que c’est sur l’ordre de Zozime que lui et les autres évêques se sont réunis à Césarée. Et il écrit que l’hérésie pélagienne a été condamnée par Innocent et Zozime dans tout l’univers.   Le même Augustin fut très ami de  Boniface, tout en lui étant soumis, comme on le voit dans les deux lettres qu’il a écrites à Boniface sur l’hérésie pélagienne.  Dans une lettre (261)  au pape Célestin, il réfère au pape la cause d’un évêque africain, et lui dit, entre autres : « Collabore avec nous par ta piété, vénérable et bienheureux seigneur, et faisant preuve de la charité qui est due, ordonne qu’on présente à ton tribunal  tout ce qui a été décidé. »  Et plus bas : « Il existe des exemples des jugements de ce siège apostolique et des confirmations des jugements des autres. » Que pensait donc le pape Célestin de saint Augustin ?   Dans son épitre aux Gaulois, il fait de grands éloges de saint Augustin,  et dit de lui qu’il est toujours demeuré dans la communion de l’église romaine,  que lui et ses prédécesseurs l’ont toujours considéré comme un très grand docteur.  Cette union étroite d’Augustin avec l’église de Rome suffit pour convaincre Illyricus de mensonge manifeste, lui qui écrit que saint Augustin et ses collègues ont toujours tenu les papes pour des faussaires et des honteux corrupteurs, qui avaient  toujours été exclus de toute forme de gouvernement en Afrique.
Peu après ce concile de Carthage, saint Léon écrit dans sa lettre 87 aux évêques de la province de Mauritanie en Afrique, et leur annonce qu’il avait reçu dans sa communion l’évêque  Lupin, expulsé d’Afrique.  Le même dit qu’il a envoyé son légat, l’évêque Potentium, pour prendre connaissance des affaires d’Afrique à sa place.   Donc, ou le concile de Carthage n’avait pas prohibé ces choses,  ou les pères africains avaient changé d’idée.  De plus, après les années 40,  quand l’évêque de Carthage, saint Eugène, fut empêché par le roi Honoric de participer à un synode, il répondit qu’il écrirait à ses collègues d’outremer, car on ne peut rien statuer en matière de foi sans le consentement des évêques, et surtout de l’évêque de Rome, qui est la tête de toutes les églises.   C’est Victor uticensis  qui rapporte cela, au livre 2 de la persécution des Vandales.   L’évêque de Carthage reconnaissait donc, même après le concile 6 de Carthage,  que l’église romaine est la tête de toutes les églises, et donc aussi de celles d’Afrique.  Il n’était certainement pas un schismatique celui qui professait qu’il allait écrire au pape.  Et, un peu après, quand Trasimonde, le successeur d’Honoric, relégua, en 220, presque tous les évêques africains en Sardaigne,  le pape romain Symmachus les nourrit tous à ses frais, comme s’ils étaient ses propres membres, et les traita royalement, comme le diacre Paulin l’écrit (au livre 17 des choses romaines).  Cela n’est pas non plus une preuve de dissension, mais plutôt d’un resserrement d’amitié et d’entente fraternelle.  Au même moment, Fulgence, de loin le plus éminent des évêques africains, fut étroitement lié avec l’église romaine, comme on le voit au chapitre 12 de sa vie.  Car, quand il voulut partir vers les déserts  des moines d’Égypte, un évêque syracusain le mit en garde contre son projet, en lui faisant savoir que ces moines étaient séparés du siège apostolique avec lequel il communiait, lui.  Ayant donc  mis de côte son voyage en Égypte, il vint  à Rome,  ville remplie des reliques  des saints apôtres Pierre et Paul et des martyrs.   Ce même Fulgence, comme le rapporte son disciple en racontant sa vie, était uni avec l’église de Carthage, et était très ami de son évêque.   Le résultat de cette amitié fut que l’évêque de Carthage devint aussi lié à l’évêque de Rome, Fulgence ne pouvant pas être ami de deux ennemis. Ne dit-on pas que les amis de nos amis sont nos amis ?
Après cette époque, le bienheureux  Grégoire, qui fut un ami intime de l’évêque de Carthage,  proclame ouvertement  le droit d’appel à Rome et sa juridiction sur toutes les provinces d’Afrique (livre 1, épitres 72 et 75; livre 7, épitre 32).  Mais Illyricus trouve matière à objection dans l’épitre de Boniface 11 à l’évêque d’Alexandrie, Eulalie, et dans l’épitre de l’évêque Eulalie, évêque de Carthage au même Boniface.   On déduirait de ces lettres, qu’après le concile 6 de Carthage, les évêques carthaginois auraient été, pendant 100 ans,  privés de la communion avec l’église romaine, et qu’ils ne se seraient réconciliés avec Rome  que quand Eulalie fit sa  soumission au siège apostolique, en anathématisant ses prédécesseurs.  Je réponds que ces lettres me semblent très suspectes, car d’abord elles ne cadrent pas avec ce que nous avons dit au sujet de la bonne entente qui existait entre  Augustin, Eugène,  Fulgence, les autres africains et  l’église romaine. Ensuite,  l’alexandrin Eulalius  auquel le pape Boniface semble avoir  écrit n’a pas existé, et,  n’a certainement pas été évêque à cette époque, comme nous le montre la chronologie de Nicéphore de Constantinople.   De plus, Boniface précise, dans sa lettre, qu’il écrit  sous l’empereur Justin. Or Justin mourut avant que Boniface ne commence à régner, comme le racontent tous les historiens.   Et cette lettre, qui est attribuée à Boniface, est composée presque uniquement de deux fragments dont l’un vient de la lettre d’Hormisdas pape à Jean, et l’autre de la lettre de saint Grégoire aux évêques de Gaule (52, livre4).  Or, saint Grégoire, à cette époque, n’était pas encore né.   Il n’est pas croyable non plus que Grégoire ait puisé dans les paroles de Boniface, car le style est typiquement grégorien.
Dans la lettre qui est attribuée à Eulalius, évêque de Carthage, on trouve des phrases du pape Grégoire tirées de son épitre 36 à Euloge;   et le reste de la lettre n’est rien d’autre qu’un fragment de l’épitre de Jean, évêque de Constantinople, au pape Hormisdas.  Mais, si par hasard, ces lettre étaient vraies, (car, je ne suis absolument sur de rien), il ne faudrait par les prendre au sens où tous les prédécesseurs d’Eulalie aient été privés de la communion de l’Église romaine.  Car, cela répugne avec ce que racontent  les historiens les plus fiables.  Elles voudraient  dire seulement qu’Aurèle a été le premier à se révolter contre  l’église de Rome,  puis, à son exemple Eulalie, et peut-être quelques autres;   et qu’Eulalie, après  mûre réflexion, a fait sa soumission à l’église de Rome.  C’est tout ce qu’on peut tirer de ces deux lettres.
                                                             CHAPITRE 26
On prouve la même chose du fait que le pontife romain ne peut être jugé par personne.
Le dixième argument on le tire de ce que le pontife romain ne peut être jugé par personne sur cette terre.   On ne peut pas trouver de preuve plus convaincante de sa primauté qu’en montrant qu’il est si élevé au-dessus des autres qu’il ne peut être jugé par personne.  Mais, avant d’en arriver à la preuve, il faut faire trois remarques. La première.  Nous ne parlons pas ici, du pontife en tant que chef temporel, car les adversaires eux-mêmes ne nient pas qu’il ne puisse pas  être jugé dans les choses temporelles.  C’est quelque chose, en effet,  qui est propre à tous les princes absolus : on  ne reconnait personne qui leur soit supérieur dans les choses temporelles.   Nous parlons donc du pape en tant que pontife, et nous disons que même s’il ne possède aucun gouvernement temporel, il ne peut être jugé sur terre par aucun prince chrétien, séculier ou ecclésiastique,  ni par aucun synode, concile général ou œcuménique.  Notons donc qu’on se trompe de deux façons à ce sujet.  La première est celle de ceux qui enseignent que le pontife peut être puni, jugé et déposé par l’empereur, s’il ne remplit pas bien sa charge.  C’est ce qu’a soutenu un certain Marsilius de Padoue d’après Jean de Turrecremata.  Cette erreur, ce dernier la réfute  au livre 2, chapitre 93,  et suivant.  L’autre erreur est celle de Nil (dans son livre sur la primauté du pape). Il enseigne que le pape ne peut pas être jugé et déposé par un prince, mais qu’il peut l’être par un concile d’évêques.   Or, Calvin (livre 4, chapitre 7 des institutions, verset 19) et les autres hérétiques de notre temps embrassent ces deux erreurs, et soumettent le pape autant aux princes qu’aux évêques.
II faut noter, troisièmement, que la raison principale pour laquelle le pape ne peut pas être jugé c’est parce qu’il est le prince de toute l’église, et qu’il n’a donc pas de supérieur sur terre.  Car, étant le prince suprême de l’Église, il ne peut  être jugé par aucune autre autorité ecclésiastique.  Et de plus, parce que l’Église est une république spirituelle,  et est donc plus grande et plus sublime que n’importe laquelle république temporelle, le chef suprême de l’Église peut diriger et juger le chef suprême de la république temporelle, mais ne peut ni ne doit être jugé par lui, à moins que ne soit renversé l’ordre normal et naturel des choses.   Voilà donc la raison première, et comme le disent les scolastiques, celle qu’on peut donner a priori.   Mais parce que cette raison présuppose ce que nous nous efforçons de prouver, à savoir que le pontife romain est le chef de toute l’Église, nous laisserons donc tomber ce genre d’arguments,  et nous demanderons aux conciles, aux papes, aux empereurs, et aux docteurs de l’Église de démontrer que le pontife romain ne peut être jugé par personne.  Nous confirmerons ainsi notre première thèse,  qui est que le pontife romain est la tête et le chef de l’Église universelle.
On le prouve, d’abord, par les conciles.   Dans le concile de Nicée les pères ont déclaré que « le premier siège n’est jugé pas personne. »  Le pape Nicolas rapporte ces mots dans son épitre à l’empereur Michaël.  Le concile romain formé de 280 évêques, sous Sylvestre, dit dans le dernier canon : « Le premier siège n’est jugé ni par l’empereur, ni par les rois, ni par l’ensemble des évêques, ni par le peuple. »  Ce décret, le pape Nicolas le rappelle aussi à l’empereur Michaël. Nous trouvons la même chose dans un synode romain sous Sixte 3 (chapitre 5). Voici ce que nous y lisons : « Il n’est pas permis de juger un pape. »  Et Sixte, qui était accusé, répondit : « Bien qu’il dépende de moi que je sois jugé ou pas, qu’on ne cache pas la vérité ! »  Quand Dioscore, évêque d’Alexandrie, osa condamner le pape Léon 1 dans le concile d’Éphèse no 2,  ce fait horrifia tellement l’Église catholique que le concile de Chalcédoine (dans l’épitre aux empereurs Martian et Valentin, et dans l’épitre au pape Léon, acte 3 de ce concile) a condamné Dioscore pour plusieurs raisons , mais surtout pour avoir présumé juger le premier siège.  Dans le concile 5 sous Symmaque, on reçoit le livre du diacre Ennodius,  dans lequel il est écrit, entre autres : « Les causes des autres hommes, Dieu a voulu qu’elles soient réglées par des hommes. Mais, sans aucun doute possible, il s’est réservé de juger celui qui préside sur ce siège. »  Le concile romain, sous le pape Hadrien 2, a prononcé ces paroles qui ont été reprises dans le concile 8, acte 7 : « Nous lisons que le pontife romain juge les préposés de toutes les églises,  mais que quelqu’un le juge, lui, nous ne le lisons pas. »  Et le concile 8 lui-même (acte 10, canon 21) affirme qu’il n’est permis à aucun chef terrestre de juger les patriarches, surtout celui de Rome.  Ensuite, dans le concile de Milet (canon 19), on punit gravement les clercs qui veulent être jugés par l’empereur.  Si l’empereur ne pouvait pas juger les clercs, il ne pouvait, à plus forte raison, certainement pas juger le pape.
On le prouve, ensuite, à partir des témoignages de souverains pontifes.   Gélase, dans son épitre à l’empereur Anastase, écrit : «  Il y a deux choses, empereur auguste, qui régissent principalement ce monde : l’autorité du souverain pontife, et la puissance royale.  De ces deux pouvoirs, le plus important est celui des prêtres, dans la mesure même où ils devront rendre compte des rois eux-mêmes devant le tribunal divin.  Tu sais aussi que tu dépends de leur jugement,  et que tu ne peux pas les plier à ta volonté. »  Saint Grégoire (livre 9, épitre 39 à Théotista) écrit : « Si le bienheureux Pierre était accusé avec les fidèles, il pourrait répondre s’il tenait compte de l’autorité qu’il a reçue dans la sainte église, que les brebis de doivent pas oser réprimander leur pasteur. »  Nicholas 1 dans la lettre à l’empereur Michaël écrit : « Il est démontré assez clairement que le pontife ne peut être ni lié ni délié par la puissance séculière, c’est-à-dire ni condamné ni absous. »  Innocent 111 (dans l’épitre à l’empereur qui se trouve au chapitre solitae) enseigne la même chose explicitement.  Et (dans le sermon 2 de la consécration du pontife.  Enseignent la même chose Boniface V111 (dans une seule sainte), et Jean XX11, dans « bien que selon la doctrine de l’apôtre ».
On le prouve ensuite par les témoignages des empereurs. Au sujet de Constantin, Ruffin écrit dans son histoire (livre 10, chapitre 2) qu’il a refusé de juger les évêques, protestant que « c’est plutôt lui qui devait être jugé par les évêques ». L’empereur Basile a fait une confession semblable dans le discours qu’il tint à la fin du synode 8.  Et il avertit tous les laïcs, de quel rang ou de quelle dignité qu’ils soient, « de ne pas juger les juges, et de ne pas paître les pasteurs ».   Enfin, le pape Nicholas 1 dans sa lettre à l’empereur Michaël, prouve, à l’aide de plusieurs exemples, que les empereurs n’ont jamais commandé aux papes, mais se sont contentés de faire une demande, en qualité de  pères  s’ils voulaient obtenir d’eux qu’ils fassent quelque chose.
Vient ensuite le témoignage des saints docteurs. Nous ne citerons que quelques textes.  Ambroise (dans son discours sur la basilique qu’il devait  remettre aux Ariens), dit : « Un bon empereur est à l’intérieur de l’Église, non en dehors. »  Il est certain que s’il n’est pas au-dessus de l’Église, il est encore moins au-dessus du père et du pasteur de l’Église.  Saint Grégoire de Naziance, dans le discours où il s’excuse de s’être abstenu jusque là de toute fonction ecclésiastique, dit : « Vous, brebis, ne cherchez pas à paître les pasteurs, et ne vous soulevez pas contre leurs paroles.  Car, il vous suffit d’être bien pais.  Ne jugez pas les juges, et n’imposez pas de lois aux législateurs ! »  Et pour que tu ne penses pas que saint Grégoire exclue les princes, écoute ce que dit le même docteur aux citoyens apeurés et au prince irascible.  Voici donc ce qu’il au dit au prince ou préposé : «  Avez-vous reçu un message de liberté,  d’indépendance ?  La loi du Christ ne vous soumet-elle pas à mon pouvoir, à mon tribunal ?  Car, nous commandons, nous aussi, et en vertu d’un pouvoir plus grand et plus parfait.  Reçois donc une parole plus libre, plus indépendante encore : sache que tu es une brebis de mon troupeau ! »   Saint Bernard, dans l’épitre à l’empereur Conrad, écrit : « J’ai lu que  toute âme est soumise aux pouvoirs les plus sublimes !  J’espère que vous mettrez en pratique cet enseignement en rendant au vicaire de Pierre le respect qui lui est du, comme vous voulez qu’on fasse pour vous. »  Le martyr Boniface, d’après Gratien (canon 40) : « Si le pape qui  peut juger tout le monde mais ne doit être jugé par personne, etc. »  Enfin, Hugo de saint Victor (paragraphe 2, les sacrements) : «  Le pouvoir spirituel juge le pouvoir terrestre.  Mais, puisque c’est par Dieu lui-même qu’a été institué le pouvoir spirituel,  il ne peut, s’il dévie,  être jugé que par Dieu. »
                                                            CHAPITRE 27
                                           On réfute les arguments de Nil
Il nous reste encore à réfuter des arguments.  Ceux de Nil, d’abord, de Calvin, ensuite,  puis des anciens hérétiques,  et de Jean de Turrecremata.  Mais avant d’entamer les arguments de Nil, nous pensons devoir avertir le lecteur de ne pas trop se fier à la traduction d’Illyricus, car il lui arrive souvent de déformer les paroles de Nil.  Prenons comme exemple, les premiers mots de cette citation.  Nil dit : « Que jugeant tous, il n’est jugé par personne, c’est quelque chose qui est faux,  et qui ne convient pas aux mœurs des apôtres. »   Illyricus : « Les adversaires disent en bavardant que le pape juge tous les hommes mais ne peut être jugé par personne.  C’est un mensonge inspiré par la vanité, et qui détonne avec les canons  apostoliques remplis de modestie et de vérité. »   Il est certain que le mot bavarder n’est pas dans le grec. Et là où Nil se contente de dire que c’est faux, Illyricus amplifie en disant : plein de vanité et de mensonge. Il traduit ensuite : mœurs apostoliques par canons des apôtres équilibrés et modestes.  Il ne se rend même pas compte que ces mots ne s’accordent pas avec ceux qui précèdent,  car c’est  avec les actions des apôtres qu’il avait dit qu’il prouverait son point, non avec  les canons.  Mais laissons tomber, et examinons ses arguments.
Si Paul fait approuver  sa doctrine  par les  apôtres, et si Pierre a supporté patiemment les réprimandes de Paul, de quel droit le pape romain refuse-t-il de rendre compte de sa vie et de ses actions à qui que ce soit ?  Je réponds que l’exemple de Paul plaide en notre faveur. Si Paul accourut à Pierre pour conférer avec lui de son évangile, c’est parce qu’il reconnaissait que Pierre était plus grand que lui, et parce qu’il voulait donner un exemple pour que, dans des cas de ce genre, on accoure au siège de Pierre.  C’est ce qu’a fait remarquer saint Jérôme dans sa lettre à saint Augustin, (qui est la onzième dans les épitres de saint Augustin), et le grec Théodoret, dans son épitre à saint Léon.   Pierre, il est vrai, a supporté d’être morigéné par saint Paul, mais il s’agissait de la correction d’un frère, non de la sentence d’un juge.  Car, comme saint Augustin l’enseigne dans son épitre 19 à saint Jérôme, et Grégoire dans son homélie 18 sur Ézéchiel, Paul n’a pas blâmé Pierre comme un supérieur agit envers son inférieur, mais comme même des mineurs reprennent  par charité des supérieurs.
La deuxième objection.   Le pape romain Honorius a été non seulement jugé mais condamné par le sixième concile général.  Je répondrai plus tard, plus au long, quand je me demanderai  si un pape peut être hérétique.   Qu’Honorius ait été jugé et condamné pour motif de foi (si ce qu’on rapporte de lui est vrai), nous ne le nions pas, et  nous ne nions pas non plus que l’Église puisse juger un pape hérétique.  Comment cela peut-il concorder avec ce que nous soutenons aujourd’hui,- que le pape ne peut être jugé par personne,- la réponse apparaîtra dans le dernier argument.  La troisième.  Les apôtres et les conciles ont promulgué plusieurs lois sur les évêques qui lient certainement tous les évêques. Or, le pape n’est rien d’autre qu’un évêque.  Il est donc tenu par ces lois, et a donc un supérieur qui peut le juger.  Je réponds que le pape est tenu par les lois ecclésiastiques, quant à la direction, non quant à la coercition,  selon le langage des juristes.   Bien que les conciles, particuliers ou généraux, parlent de tous les évêques sans exception, quand ils portent des lois, on doit comprendre qu’il ne s’agit que des évêques qui sont soumis au législateur.  C’est ce que les conciles provinciaux font clairement comprendre, quand ils disent : « si un clerc, si un évêque a fait cela ».  Et pourtant, il n’est que trop évident que ces lois ne lient que les clercs ou les évêques de cette province.
La quatrième.   Le sixième synode prescrit nominalement une loi au pontife romain, quand, au canon 13, il reproche à l’église romaine de ne pas permettre aux prêtres, aux diacres et aux sous-diacres de se marier,  et lui ordonne de le permettre à l’avenir.    Et, au canon 55, il reproche à l’église romaine de jeûner le samedi,  et lui ordonne de ne plus le faire à l’avenir.   Je réponds, comme je l’ai déjà dit, que ces canons sont faussement attribués au sixième synode.  Et quand ils furent plus tard promulgués par le neuvième synode,  les pontifes romains non seulement ne les approuvèrent pas, mais ils les répudièrent.   Voyez à ce sujet François Turruianus (livre sur le synode 6), et Melchior Cano (livre 5, dernier chapitre, réfutation de l’argument 6).  Ces deux canons indiquent assez clairement quelle était la nature de ce concile.  Car, quand au canon 13,  ils disent qu’ils présentent la doctrine des apôtres et de l’antiquité, qui permet aux clercs d’avoir des épouses, ce qu’ils affirment est certainement faux.  Car, le concile de Carthage 2, de loin le plus ancien,  et plus célèbre que ce faux synode 6, dit, aux chapitre 2 : « Il a plu à tous que les évêques, les prêtres et les diacres, ceux qui manipulent les sacrements, s’abstiennent de leurs épouses en tant que gardiens de la pudicité,  pour que ce que les apôtres ont enseigné et ce que l’antiquité a observé, nous le gardions nous aussi. »  De même, le grec Épiphane, auteur très ancien et très réputé, dit (hérésie 19, qui est celle des Cathares) : « L’Église ne reçoit pas comme prêtre, évêque, diacre ou sous-diacre,  un homme qui engendre des enfants d’une seule femme, mais celui qui s’abstient d’une seule femme, ou qui est veuf, là surtout où les canons ecclésiastiques sont sincères.  Mais, tu  me diras qu’en certains endroits, les presbytres, les diacres et les sous-diacres ont, encore aujourd’hui, des enfants.  Je te réponds que cela n’est pas selon les canons, mais selon l’esprit des hommes,  qui devient languissant avec le temps »
Mais, nous dit Nil, le sixième concile cite le sixième canon des apôtres qui prescrit aux clercs de ne pas, pour des motifs religieux,  rejeter leurs épouses.  Je réponds que ce canon prescrit aux clercs, qui ont une épouse, de voir à ce qu’elle ne manque pas du nécessaire, non de cohabiter avec elle comme mari et femme.  Cette explication, Nil ne peut pas la récuser, car, loin de le contredire,  le canon 48 du concile de Trulle reproduit le même canon.  Il est à  remarquer que ce canon des apôtres  ne prescrit pas seulement aux clercs mineurs de ne pas rejeter leurs épouses, mais même aussi aux évêques, tandis que les canons du concile de Trulle permettent aux clercs mineurs la cohabitation avec leurs épouses, mais l’interdisent aux évêques.  Mais nous parlerons plus longuement de cette question plus loin.   En ce qui a trait au canon du jeûne du samedi, il s’agit là d’une chose indifférente, et il est permis à chaque région de conserver ses propres coutumes, comme l’enseigne saint Jérôme (dans son épitre à Lucin Boetic), et saint Augustin (dans son épitre 86 à Casula).  Un concile de Grecs ne devait donc pas  et ne pouvait donc pas imposer de loi  aux Latins à ce sujet. Ajoutons le témoignage d’Innocent 1, (épitre 1) qui enseigne qu’on doit jeûner le samedi, et du grec Épiphane qui,  dans son résumé de la doctrine, n’excepte que le dimanche,  du jeûne du carême.
Mais le canon 65 des apôtres défend de jeûner le samedi.   Je réponds que ce canon semble apocryphe, car l’Église ne reçoit que cinquante canons des apôtres, comme le cardinal Humbert l’atteste (dans son livre d’avant Nicée), ainsi que Gratien (dist. 16).  Si les apôtres avaient réellement interdit cela, c’est en haine des hérétiques qu’ils auraient fait ce commandement. Car ces hérétiques jeûnaient le samedi pour ne pas sembler honorer le Créateur qui s’est reposé le septième jour.  Quand cette hérésie fut dissipée, il redevint permis de jeûner le samedi, en souvenir de l’ensevelissement du Seigneur, et pour prendre davantage ses distances avec le  judaïsme.  La cinquième.   Il réplique de deux façons à la réfutation que nous avons présentée.   La première.  Même si ces canons n’étaient pas légitimes, la raison enseigne manifestement que le pape doit pouvoir être jugé.   Car, tous les évêques, en tant qu’évêques, sont égaux, comme l’enseigne Denys l’aréopagite, quand il dit que tous sont du même ordre, et de la même dignité.  Or, le pape n’est rien de plus qu’un évêque, puisque c’est par des évêques qu’il est ordonné,  et parce que le même Denys ne reconnait pas, dans  la hiérarchie ecclésiastique, de dignité supérieure à l’épiscopat.   Le pape est donc, autant que les autres, lié par les décisions des conciles, et peut donc être jugé comme les autres évêques.
La deuxième.  Que ces canons soient légitimes, et qu’ils soient l’œuvre d’un concile général, on peut le démontrer de plusieurs façons.   D’abord, parce que le concile qui a promulgué ces canons est une réplique du  sixième concile.   Les mêmes pères qui, au début, se rassemblèrent pour expliquer la foi, se mirent,  à la fin, à faire des canons. On peut dire ensuite que ne manqua pas, dans ce concile, la légation romaine, car l’évêque de Gortyne, en Crète, remplaça le pape, comme l’histoire de Basile nous le montre.   Ensuite, puisque que le concile qui a produit ces canons s’appelle lui-même universel, il est difficile de croire que les pères d’un tel concile aient voulu mentir.  Parce que le canon 1 du septième synode reçoit les canons des six conciles généraux; et parce que le sixième n’en a pas d’autre que ceux-là.   Parce que le pape Adrien (dans son épitre à Taras) parle avec admiration de Tharase, du fait qu’il a toujours observé avec les siens, ces décrets, en citant le canon 82. On peut donc en conclure que ces canons avaient été confirmés par les pontifes romains.
Je réponds à la première objection, que l’égalité des évêques ne nous permet pas de rien conclure.   Car, les évêques sont égaux par rapport au sacrement de l’ordre, comme le dit Denys, mais non par rapport à la juridiction.  Cela, même Nil l’affirme quand il dit, dans le même livre, que l’évêque de Constantinople est de loin plus grand que celui de Césarée et des autres qui sont soumis au siège de Constantinople.  Le pape ne peut  pas être jugé non pas parce que sa dignité épiscopale est plus grande que celle des autres, mais parce qu’il a une juridiction épiscopale plus grande, de sorte que, présidant à tous, il n’est le sujet de personne.  Ces arguments ne prouvent donc pas que les canons de Trulle soient légitimes.    On ne peut pas dire non plus qu’il fut une répétition ou une continuation du concile 6, car les présidents des conciles ne furent pas les mêmes, les empereurs furent différents, et le nombre des évêques participants ne fut pas semblable.   Car, dans le sixième, étaient présents l’empereur Constantin, les légats du pape Agathon,  et 289 évêques, comme nous l’avons  dans acte 3 du synode 6.  Mais, au temps du pseudo sixième,  n’étaient  présents ou représentés ni  Constantin ni Agathon, et les évêques étaient au nombre de 220 seulement. De plus, au début du pseudo sixième, ils disent eux-mêmes  qu’ils ont repris les synodes 5 et 6.  Et voilà pourquoi Théodore Balsamon  ne l’appelle pas tant  le sixième, que  le cinq- sixième.  Or, comment pouvait-on dire ou croire que ce synode avait repris ou prolongé le  cinquième,  quand aucun participant du cinquième n’y était présent ?  Et de plus, entre le cinquième et ce cinquième-sixième, 130 ans s’écoulèrent. Ensuite, pourquoi fallait-il  prolonger les conciles 5 et 6 et non en convoquer un autre ?  C’est parce que, disent-ils, ces canons  ils ne les firent pas.   Ils n’ont pas non plus voulu le faire, car, ce n’était pas pour composer des canons, mais pour expliquer la foi,  que le concile avait été institué.
Je réponds à la deuxième. Quel est donc cet évêque de  Gortynensis ? Et qui lui a donné le mandat de représenter le pape dans le concile ?  C’est à Nil à nous l’apprendre.  Le nom, l’histoire qu’il raconte, le Basile dont il parle, tout cela est inconnu.  Mais, quoi qu’il en soit de cette charade, nous savons, nous, que le pape Serge siégeait à cette époque, et qu’il a résilié le synode, comme étant erratique, comme l’attestent Bède le vénérable (dans les six états du monde, dans le jeune Justinien), Paul diacre, (livre six des gestes des Lombards, chapitre 4)  Otho Frisigensis (livre 5, chapitre 13), Adon de Vienne, Marianus Scotus, et Rhegino (dans sa chronique) où ils parlent du jeune Justinien.)  Que ce synode qui a composé ces canons soit le même que celui que le pape a réprouvé, nous l’enseignent Tharasius et Épiphanius, qui (dans le synode 8, actes 4 et 6) disent que, cinq ans après le synode 6, les Pères se sont réunis de nouveau, et ont alors, composé ces canons.  Nous savons de source certaine qu’à ce moment, Serge était pape à Rome.  Or, il ne reste aucun souvenir d’un autre concile célébré en ce temps.   Nous traiterons plus longtemps de cela dans les conciles.  De plus, Athanase le bibliothécaire écrit, dans sa préface au sixième concile,  que ces canons n’existent pas pour les pontifes romains, ni pour les autres patriarches, à l’exception de celui de Constantinople.   Il en déduit correctement que ce synode n’a été convoqué ni par l’autorité du souverain pontife, ni par celle des autres patriarches.   Ensuite, Humbert, le cardinal légat de Léon IX (dans son livre contre les grecs) écrit que non seulement ces canons ne sont pas reçus par le siège apostolique, mais qu’ils sont démentiels.
Je réponds à la troisième.  Il ne faut pas se surprendre que ces pères donnent à ce concile un nom menteur, en l’appelant  universel.  Il savait, ce canon, qu’il ne pouvait prescrire de loi à l’église romaine qu’en s’appelant mensongèrement synode universel.  De plus, quand, au canon 2, ils reçoivent le synode  présidé par Cyprien, qui est jugé erratique par l’Église,  et quand, au canon 19, ils mentent effrontément en affirmant que la cohabitation avec les épouses  est permise aux prêtres en vertu d’une coutume apostolique,   sans compter les autres mensonges, comment se surprendre que, dans le titre même, il y ait un mensonge ?   Je réponds à la quatrième.   Quand on dit que le concile 7 a reçu tous les canons des six conciles généraux,  il ne faut pas penser qu’il n’ait reproduit que les canons qui portent sur les mœurs.  Non, tous les canons, y compris les canons qui portent sur la foi.  Ce n’est que le concile de Nicée qui a composé des canons moraux. Car, les conciles 2 et 5 ajoutèrent d’autres canons, mais ils ne furent pas approuvés par le siège apostolique,  comme l’acte 16 du concile de Chalcédoine nous le montre.  Ces canons ne sont donc pas, à proprement parler, des canons de conciles œcuméniques.  Les synodes 3, 5 e 6, pour leur part,  ne composèrent aucun canon portant sur les mœurs.
Je réponds à la cinquième.  Le  pape Hadrien aurait félicité Tharasius  parce qu’il aurait constaté qu’il gardait la vraie foi selon les décrets du sixième concile général. Or, Ce que l’on trouve des canons du cinq-sixième concile général dans l’épitre d’Hadrien provient exclusivement de la lettre de Tharase.   Même si, à ce moment, le pape ne réprouve pas ces canons, parce que ce n’était pas le temps opportun de le faire, il ne les approuve cependant pas.  Mais, ce qu’Hadrien n’a pas fait, Nicholas l’a fait dans sa lettre à l’empereur Michaël quand, en voulant citer un de ces canons, il dit avoir appris de l’Apôtre de se servir même des témoignages des ennemis, quand il le fallait.  Enfin, la sixième et la dernière.  Il est intolérable de voir que le pontife romain ne veuille pas  se soumettre aux canons des saints  pères alors que c’est d’eux qu’il reçoit sa dignité.  Ayant lui-même fait beaucoup de canons, il serait indigne d’être honoré comme un père,  puisqu’il méprise les saints pères.   Je réponds que les raisons alléguées ne peuvent pas prouver que le pape soit soumis aux canons, car ce n’est pas des pères qu’il a reçu sa dignité, mais du Christ, comme nous l’avons  démontré plus haut. Et, puisque c’est lui-même qui fait les canons,  c’est là le signe que c’est lui  le chef et le législateur.   Et le prince ne peut pas être lié par ses lois, puisqu’il n’a personne qui lui soit supérieur, et que les lois ne sont données qu’à des inférieurs par un supérieur.  De plus, s’il est honoré par tous comme le père, c’est qu’il n’a, dans l’église, aucun père, et que tous sont ses fils.  Y a-t-il lieu de s’étonner  si ce n’est pas le père qui est soumis aux fils, mais les fils au père ?  Ajoutons que le pape ne méprise ni les pères ni leurs canons, même s’il ne peut pas être contraint par eux;  s’il s’en sert comme d’une direction à donner à l’Église,  et ordonne aux autres de les observer.
2017-10-21 17h07 fin.

2017 10 25 20h12 début
CHAPITRE 28 : On réfute les objections de Calvin
 Quand Calvin nous reproche de dire que le pontife romain ne peut être jugé par personne, (livre 4, chapitre 7, versets 19, 20, et 21 de ses institutions),  il ne présente aucun argument qui s’y rapporte de près, mais dit seulement qu’il peut tirer, des conciles, des historiens et des anciens écrits, beaucoup de choses que les pontifes romains ont été contraints de faire. Mais jusqu’à présent, de cette si grande masse de documents, il n’a rien voulu nous faire part.   Ses considérations sur le nom de prêtre suprême et d’évêque universel relèvent plutôt du prochain chapitre.  Cependant, dans un autre endroit (livre 4, chapitre 11, verset 12), il cite certains passages de saint Grégoire qui, tout pape qu’il était, se reconnaissait le sujet de l’empereur.  Car (dans le livre 3, épitre 61), il appelle l’empereur son Seigneur sérénissime, et se déclare loyalement son indigne serviteur.  Il confesse même ingénument qu’il lui doit allégeance (livre 4, épitre 31).  Il dit la même chose au livre 4, (épitre 31). Il parle là de lui, et se range parmi ceux qui sont gouvernés par l’empereur.  Il dit la même chose dans l’épitre 34 : « J’ai confiance que le Dieu tout-puissant accordera une longue vie aux pieux souverains, et, selon sa miséricorde, nous gardera sous leur main. »
 Je réponds qu’il ne faut pas se surprendre de ce que saint Grégoire se déclare le serviteur de l’empereur, car, comme l’écrit Jean le diacre  (livre 4 de sa vie, chapitre 58), il donnait à tous les prêtres le nom de frères, à tous les clercs le nom de fils, et à tous les laïcs le nom de seigneurs.  Mais on ne peut pas déduire de cela qu’il pouvait être jugé par tous les laïcs.   L’obéissance et la sujétion  lui faisaient, par humilité, s’appeler serviteur de l’empereur, et lui faisaient recevoir les désirs de l’empereur comme des ordres et des commandements.   Il nous arrive même à nous de dire que nous obéissons quand nous faisons ce que quelqu’un désire, même si cette personne n’avait donné aucun ordre,  ni ne pouvait même en donner.    Ajoutons que ce n’est pas sans raison que le pape Grégoire  parlait si humblement à l’empereur, parce que, à cette époque, l’empereur était le maître temporel de la ville de Rome; et le pape avait un urgent  besoin de l’aide et de l’amitié de l’empereur pour qu’il le défende, lui et le peuple romain, contre les glaives et la fureur des Lombards. De plus, dans l’administration de la république temporelle elle-même, l’empereur, qui demeurait loin, se servait beaucoup du pape, comme leurs épitres le révèlent.  Et il est certain que le pape devait rendre compte à l’empereur des choses qu’il faisait en son nom.
 Mais si nous ne regardons que les personnes, l’empereur était une brebis, et le pape son pasteur.  C’était donc au pape à juger l’empereur et non à l’empereur à juger le pape, car on voit que souvent de pieux pontifes ont jugé des empereurs, comme Fabien Philippe, Ambroise Théodose, Innocent Arcadius; mais on ne lit jamais que des empereurs pieux aient jugé des pontifes romains, ou leur aient ordonné quoi que ce soit, comme Nicholas le prouve, par plusieurs témoignages, dans sa lettre à l’empereur Michaël.  Ce n’est pas que le pape saint Grégoire ignorât ces choses ou les ait passées sous silence.  Car dans la même épitre  que Calvin cite (livre 4, épitre 31), il ajoute, après s’être reconnu son serviteur,  que l’empereur doit porter respect aux  prêtres, ce qui est surement le comportement d’un inférieur, non d’un supérieur.  Il présente, au même endroit, l’exemple de Constantin qui n’a jamais osé juger des évêques, même quand ils le demandaient et le voulaient.  Cet exemple, saint Grégoire ne l’aurait certainement pas donné, s’il avait pensé qu’un pape doive être jugé par un empereur.  De plus, quand l’empereur l’appela simplet, il ne garda pas le silence, mais lui dit qu’il lui avait fait une injure par ce mot, puisque simplet semble le synonyme de stupide.  Et où serait l’injure, je le demande, si le maître appelait son serviteur simplet, ou si le juge appelait un coupable simplet ?  Saint Grégoire comprenait donc quelle était la nature de son poste, et la révérence que l’empereur lui devait, même si, en partie par humilité, et en partie par nécessité, il se déclarait son serviteur.  Lisez l’épitre 47,  et le commentaire de saint Grégoire sur le psaume pénitentiel 101, et vous constaterez que  l’empereur Maurice se comportait an tyran, et que l’obéissance que le pape lui rendait n’était pas due, mais imposée de force.
                                                                                CHAPITRE 29
                                                             On réfute neuf autres arguments
 Suivent maintenant des arguments que Jean de Turrecremata et d’autres hérétiques ont puisés auprès des anciens hérétiques.  Le premier.  Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a reconnu que le pouvoir impérial  lui était supérieur, quand il a dit à Pilate (Jean 10) : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut. »  Celui qui s’appelle le vicaire du Christ, le pontife romain, doit donc être encore plus soumis au pouvoir de l’empereur.  On le confirme par le commentaire que donne saint Augustin de ce texte.  Il enseigne clairement que le pouvoir que Pilate avait sur le Christ venait de Dieu, selon cette parole de l’apôtre (Rom, 13)  : « Il n’est de pouvoir que de Dieu. »  De même, saint Bernard écrit à l’évêque Henri,( épitre 42) : « Dites, si vous l’osez, que Dieu ne reconnait pas l’autorité des princes, car, en disant que le pouvoir que Pilate avait sur lui venait d’en haut, le Christ avoue qu’il avait été institué par le ciel. »  Je réponds que, en droit, le Christ n’a été le sujet de personne, puisqu’il était Dieu et le Fils de Dieu, mais que c’est volontairement que, à cause de nous, il s’est soumis au jugement de Pilate, sans reconnaître sur lui aucune autorité, mais en supportant humblement celle qu’il avait de fait, non de droit.  On voit la même chose dans l’évangile de saint Matthieu (17).  Quand on lui demanda de payer le tribut, il déclara d’abord qu’il n’était pas tenu de le faire, et ordonna ensuite qu’on s’en acquittât  pour éviter le scandale.
 Au texte de saint Jean (19), on peut répondre de deux manières.  La première avec saint Cyrille et saint Jean Chrysostome.  Ils enseignent que le Seigneur ne parle pas d’un pouvoir  juridique, mais d’une permission divine, sans laquelle les péchés eux-mêmes ne peuvent pas exister.  Et voici quel serait le sens : tu ne pourrais rien faire sur moi si mon Père n’avait pas décrété de le permettre.  C’est de ce pouvoir qu’il parle aussi en Luc 22 : « C’est votre heure, et celle de la puissance des ténèbres. »  Mais, tu diras, si le Seigneur parle d’une permission, comment peut-il ajouter tout de suite après : « C’est pourquoi, celui qui m’a livré à toi a commis un plus grand péché. »  Dieu a permis à Pilate de porter un jugement de condamnation sur le Christ, et il n’aurait pas permis aux Juifs de livrer le Christ à Pilate, et c’est parce qu’ils l’ont livré sans permission d’en haut qu’ils auraient péché plus que Pilate ?  Je réponds que la deuxième phrase suit logiquement la première.  Car, quand le Seigneur dit « c’est pourquoi », il ne donne pas seulement la raison pour laquelle les Juifs ont péché plus que Pilate, mais aussi la raison pour laquelle Pilate a péché, même si moins gravement que les Juifs.  Voilà donc quel est le sens de ces paroles.   Parce que, sans que la justice l’exige, mais par la seule permission de Dieu, vous m’avez crucifié, à cause de cela, toi aussi tu pêches, mais pêche davantage celui qui sans que la justice le lui demande, mais poussé par la seule haine, m’a livré à toi, et t’a incité par ses clameurs à me crucifier.
 L’autre interprétation est celle de saint Augustin et de saint Bernard.   Ils disent que le Christ parle d’un vrai pouvoir juridique, comme le laissent entendre les mots qui suivent : voilà pourquoi, celui qui m’a livré à toi a un plus grand péché que toi.  Et voici quel en est le sens : tu me crucifies, parce que tu as peur d’offenser César, de qui tu tiens ton pouvoir. Or, tu pêches, parce que tu dois obéir plus à Dieu qu’aux hommes.  Mais pêche davantage le Juif qui m’a livré à toi, car ce n’est pas par crainte d’un pouvoir supérieur qu’il m’a crucifié, mais par haine et envie.  Et bien que la première explication semble plus  littérale, la deuxième n’a rien qui nous soit contraire.  Car, on dit que Pilate a eu un pouvoir sur le Christ, et qu’il l’a eu vraiment, non en soi, mais par accident.  Car il avait lui-même un pouvoir sur tous les Juifs qui étaient soumis à l’empire romain.  Et Jésus lui a été présenté comme l’un de ces Juifs particuliers.  C’était donc  parce qu’il lui était présenté ainsi qu’il avait un pouvoir sur lui.   Car même si Pilate soupçonnait que le Christ pouvait être le Fils de Dieu, ce n’est pas en tant que Fils de Dieu qu’il l’a jugé et condamné, mais en tant que citoyen Juif.  De la même façon, en changeant l’habit d’un clerc, on pourrait l’amener devant un juge séculier pour  qu’il soit jugé par lui.  Le juge pourrait entendre la cause, et être excusé de toute faute, s’il agissait par ignorance.
 Le deuxième argument.  Paul (actes 25) fait appel à César : « Je suis devant un tribunal de César, il faut que je sois jugé là-bas. »  Et plus bas : « J’en appelle à César ».  Si saint Paul voyait en César un juge, il est certain que saint Pierre le voyait aussi.   Car, Pierre et Paul sont égaux.   Je réponds que saint Paul en a appelé  à César parce que César était son juge de fait, si non de droit.  C’est ce que répond Jean de Turrecremata (livre 2, chapitre 96, somme de l’églis ).  On peut ajouter qu’il en a appelé à César non parce qu’il le croyait  supérieur aux juges de la Judée, qui l’injuriaient, mais parce qu’il ne pouvait se libérer d’un jugement injuste, qu’en recourant à un tribunal supérieur.  Lui-même l’a expliqué, quand il a dit qu’il a été forcé d’en appeler à César (actes 28).     Le troisième argument.   Saint Paul dit aux Romains 13 : « Que toute âme soit soumise aux pouvoirs supérieurs. »  Et saint Pierre 1 et 2 : « Soyez soumis à toute créature humaine à cause de Dieu, comme à un roi,  à cause de sa suprématie. »   Dans ces passages, on parle des pouvoirs séculiers.  Il n’exclut personne de la sujétion, ni clerc, ni évêque, ni pape, quand il dit : toute âme est soumise.   On ne peut pas répondre que l’apôtre ne parle que des chefs politiques de son temps, qui étaient païens, car, en relisant publiquement  toujours les mêmes textes, l’Église nous indique assez clairement que saint Paul et saint Pierre ont parlé de tous les chefs de gouvernement qui étaient et qui seront.
 Je réponds que saint  Pierre et saint Paul ont parlé en termes généraux, et ont exhorté leurs sujets à obéir à leurs supérieurs autant temporels que spirituels.   On ne peut pourtant pas en conclure que le pape soit soumis au roi, mais que c’est seulement celui qui est sujet qui doit obéissance à un supérieur.   Que ces phrases aient un sens général, on le prouve par saint Paul : « Que chacun se soumette en tout aux autorités les plus hautes. »  Il ne restreint pas ici le sens au seul pouvoir séculier, mais il parle de tous les pouvoirs.  Ne nous contredit pas non plus l’exemple des rois qui portent le glaive.  Car c’était, pour saint Paul,  une façon imagée et  expressive de parler des rois, car à cette époque les calomniateurs accusaient les chrétiens de sédition et de rébellion.  Voilà pourquoi, il conclut d’une façon générale, à la fin : « Rendez donc à tous ce qui leur est du, le tribut à qui est du le tribut, l’honneur à qui est du  l’honneur, la crainte à qui est due la crainte. »  Pour des raisons semblables, saint Pierre parle en termes généraux :   « Soyez soumis à toute créature », c’est-à-dire à toute créature qui détient le pouvoir. Et il parle ensuite explicitement des rois et des chefs, pour la même raison que saint Paul.  Voilà pourquoi saint Bernard (que nous avons cité plus haut) dit (dans l’épitre 183 à l’empereur Conrad) : « Lis ! Que toute âme soit soumise aux autorités les plus hautes.  Cette sentence je veux que vous l’observiez en portant respect au vicaire du Christ, comme vous voulez qu’elle soit observée à votre sujet par tout l’empire. »
 Le quatrième argument.  Dans l’ancienne loi, le roi jugeait et déposait le pontife, car Salomon (3 rois 2) déposa Abiathar, et mit à sa place Sadoch.  Pour une raison semblable, dans le nouveau testament, il reviendra à l’empereur de déposer le pape.  Je dis, d’abord, qu’on peut nier la similitude, car, comme dans l’ancien testament, des promesses temporelles furent seules données, comme l’enseignent saint Jérôme (livre 1 contre les pélagiens, et dans l’épitre à Dard sur la terre promise) et saint Augustin (quest 13 dans le livre des nombres 19, contre Faustus, chapitre 31),  il ne faut pas se surprendre que le pouvoir temporel ait été supérieur, tandis que dans le nouveau testament, c’est le pouvoir spirituel qui est supérieur.   Je réponds, ensuite, que, même dans l’ancien testament le pontife a été plus grand que le roi, comme l’enseignent Philon (dans le livre des victimes), Theodoret (question 1 dans le lévitique) et Procopius (chapitre 4 dans le lévitique).  Et on le déduit cela du chapitre 27 des Nombres où il est dit qu’à la parole du pontife Éléazar, le roi Josué,  tout comme le peuple, devait entrer et sortir.  On le déduit aussi du Lévitique (4), où quatre sacrifices ont été institués, par l’ordre et la grandeur desquels on découvrait l’ordre et la grandeur des personnes pour lesquelles ils étaient faits.   Le premier, un veau pour un pontife; le second, un veau aussi pour tout le peuple; le troisième, un bouc, c’est-à-dire un animal plus vil, pour le roi; le quatrième, une chèvre, pour une personne en particulier.   Et je dis, au sujet de Salomon, que ce n’est pas en tant que roi, mais en tant que prophète et qu’exécuteur de la divine justice qu’il déposa Abiathar, et lui substitua Sadoch.  Car, il est dit dans  3  rois 2 que Salomon a déplacé Abiathar « pour accomplir la parole de Dieu ».
 Le cinquième argument.  Les empereurs chrétiens ont souvent jugé et déposé des pontifes, car Constance envoya Libère en exil, Justin, Sylvère.  Le roi Théodoric envoya le pape Jean 1 en prison.  Othon 1 déposa le pape Jean X11, et mit Léon V111 à sa place.  Henri 11 déposa Grégoire V1, et ordonna que Clément 11 soit sacré.  Les histoires de ces temps sont pleines de toutes ces choses.  Je réponds que  ces choses on été vraiment  faites, mais de quel droit !  Il est certain que c’est injustement que le pape Libère a été relégué en exil, comme l’atteste saint Athanase dans une lettre à un moine.  Liberatus, dans le bréviaire,  dit la même  chose au sujet de Sylvère.  Saint Grégoire dit la même chose au sujet de Jean premier (livre 4, dialogues, chapitre 30 ).   Et il est certain que Constance et Théodoric ont été ariens, que Justinien a été euthychiaen.  Il ne faut donc pas   se surprendre que, comme l’on fait les empereurs païens,  des princes hérétiques aient, par un droit tyrannique, déposé et torturé des pontifes.
 Au sujet de l’empereur Othon 1, il est assez clair que c’est dans une bonne intention, mais non selon la science, qu’il a déposé le pape Jean X11,  qui a été le plus indigne de tous les pontifes.  Il ne faut donc pas se surprendre qu’un empereur pieux comme était Othon 1, mais non versé en droit canon, ait jugé qu’il était de son devoir de le déposer, d’autant plus que plusieurs docteurs étaient de son avis.  Voilà pourquoi Othon Frisingensis (livre 6, chapitre 3) parle en termes modérés de l’empereur, quand il relate cette histoire.  Voici ce qu’il dit : «  Avait-il le droit de faire ce qu’il a fait, oui ou non ? Ce n’est pas à des gens de notre génération de le décider. »  Ajoutons qu’Othon ne déposa pas lui-même le pape, mais vit à ce qu’un concile d’évêques le déposât.   Ce concile ne fut pas tant un concile qu’un conciliabule qui fut abrogé par la suite,  comme le prouve le cardinal Baronius (tome 10 de ses annales) avec des témoignages d’historiens de cette époque.  La difficulté est moins grande au sujet de Henri 111, car, comme le raconte le même Othon Trisingensis (livre 6, chapitre 32), l’empereur Henri ne déposa pas Grégoire, mais le persuada de céder sa place à un autre, car son élection semblait avoir été entachée de simonie.  Le pape simoniaque cédant sa place, Clément fut élu. Léon Hostiensis, qui vécut à cette époque,  ajoute (livre 2 des chroniques cassiniennes, chapitre 80), qu’un concile d’évêques a été convoqué, que l’empereur avait invité le pape à être présent au concile, à  le présider  lui-même en personne, et à agir comme juge suprême, même si c’était de sa propre cause que le concile délibérait.  Sincèrement repenti, il demanda pardon pour ses erreurs, et abdiqua spontanément son pontificat.
 Le sixième argument.  Les pontifes se déclarent eux-mêmes être sujets des empereurs.  Car, saint Grégoire, d’après Gratien, canon si quis, question 7 : « Si quelqu’un voulait répliquer à ces choses, qu’il vienne au siège apostolique, pour que, là, devant la confession de saint Pierre, il décide justement avec moi dans quelle mesure l’un de nous doit recevoir, là, sa sentence. »  De même, le pape Hadrien a concédé à Charlemagne le droit d’élire le pontife romain et de donner des ordres au siège apostolique (dist.63 canon Hadrianus).  Léon V111 concéda la même chose plus tard à Othon 1, (dist. 63 canon du synode).  Léon 1V demanda des juges à l’empereur Louis, et promit de s’en ternir à leurs verdicts, (canon nos si incompeter 2 q.7).  Je réponds que ces paroles de saint Grégoire ne se trouvent pas dans ses œuvres.  De plus, Grégoire n’en appelle pas au jugement des hommes, mais de Dieu.  Car il semble parler de la tromperie qui fausse les par jugements,  et de l’attente de la divine justice qui frappe souvent immédiatement les parjures.  Hadrien et Léon n’ont concédé à l’empereur que le droit de confirmer ou d’infirmer l’élection d’un nouveau pontife, et de commander à l’église romaine en tant que chef temporel.  Il ne s’ensuit pas qu’ils aient eu un pouvoir sur le pape.  Et ces deux privilèges qui ont été concédés à l’empereur à cause du grand nombre de schismes, et à cause des ennemis lombards et grecs qui vexaient sans relâche l’Église romaine, furent révoqués quand ces causes furent disparues.   Ajoutons que ces canons ne semblent pas être légitimes, puisque Gratien ne les tient que du récit de l’historien Sigibert, et qu’on peut prouver le contraire par la coutume de l’époque, comme l’indique le cardinall Baronius au tome 4 de ses annales.   Léon 1V s’est soumis au jugement prudentiel de l’empereur, non à son  jugement coercitif, comme le même chapitre nous le montre clairement.
 Le septième argument.   Il est permis à chacun de tuer un pontife s’il est envahi injustement par lui. Il est, à plus forte raison, permis à des rois ou à des conciles de déposer le pontife, s’il perturbe la république, ou s’il s’évertue à tuer les âmes par son mauvais exemple.  Je réponds en niant la conséquence, car, pour résister à un agresseur et pour se défendre contre lui, aucune autorité n’est requise.  Et il importe peu que celui qui envahit soit juge ou supérieur à celui qu’il envahit.  Mais pour juger ou punir, il faut avoir l’autorité.  Donc, comme il est permis de résister à un pontife qui agresse le corps, il est permis aussi de résister à celui qui envahit les âmes, ou qui trouble la république, et surtout s’il s’efforce de détruire l’église.  Il est permis, dis-je, de lui résister en ne faisant pas ce qu’il ordonne, et en empêchant que ses ordres soient mis  à exécution.  Mais il n’est cependant pas permis de le juger, de le punir, de le déposer, choses que seul un supérieur peut faire.  Voir, à ce sujet, Cajetan (traité de l’autorité du pape et des conciles, chapitre 27), et Jean de Turrecremata (livre2, chapitre 106).
 Le huitième argument.  Le pontife est vraiment, au for interne de la conscience, soumis à son confesseur comme au ministre de Dieu.  Pourquoi, donc, au for externe, ne pourrait-il pas être soumis à un prince, qui est, lui aussi un ministre de Dieu ?  Je réponds que la différence en est que, au for interne de la conscience,  le confesseur est un pur instrument de Dieu, de sorte que c’est plutôt Dieu par l’homme qui juge, qu’un simple homme.  La preuve en est que le confesseur ne peut pas forcer un pénitent à faire pénitence malgré lui; et qu’en confession, on juge aussi des crimes les plus cachés qui ne relèvent que de la seule connaissance de Dieu.  Mais, dans le for externe, l’homme est un véritable juge, même en tant qu’homme, même si c’est par Dieu qu’il a été fait juge.  Il ne juge donc que ce qui  est connu et prouvé, et peut imposer une peine à quelqu’un malgré lui.
 Le neuvième argument.  Le pontife peut donner un libelle de répudiation à son épouse l’Église par l’abdication, comme on le voit dans le sixième article sur la renonciation, chapitre 1.  L’église peut donc, elle aussi, donner un libelle de répudiation à son époux, le souverain pontife, et en élire un autre.  Je réponds d’abord, en niant la conséquence, car le pape est au-dessus de l’Église, mais l’Église n’est pas au-dessus du pape.  Selon le Deutéronome (24), le mari pouvait donner un libelle de répudiation à son épouse, mais on ne lit nulle part que l’épouse pouvait donner un libelle de répudiation à son mari.   Je dis ensuite que le pontife romain ne peut pas renoncer à son pontificat sans le consentement de l’Église.  Et si donc l’église pouvait donner un libelle de répudiation au pape, elle ne le pourrait pas sans son consentement. Et en consentant, ce serait lui qui abdiquerait, spontanément,  sans y  être forcé par personne.
                                                                           CHAPITRE 30
 On réfute le dernier argument, et on traite de la question suivante : un pape hérétique peut-il être déposé ?
 Dixième argument.  En cas d’hérésie, le pape peut être jugé et déposé par l’Église (dit. 40 canon si papa). Le pontife est donc soumis à un jugement humain, au moins en ce cas.   Je réponds que, à ce sujet, il y a cinq opinions.   La première est celle d’Albert Pighius (livre 4, chapitre 8, la hiérarchie ecclésiastique).  Il soutient, là, qu’un pape ne peut pas être hérétique.  Il ne peut donc être déposé en aucun cas.  Cette sentence est  probable, et peut facilement être soutenue, comme nous le montrerons plus tard en son temps.  Mais, comme elle n’est pas certaine, et comme l’opinion commune lui est plutôt contraire, il vaut donc la peine de se demander ce qu’on doit répondre à la question  un pape peut-il être hérétique.  Voici quelle est la deuxième opinion. À partir du moment où le pape tombe dans une hérésie,  même intérieure seulement, il est en dehors de l’Église et déposé par Dieu. En conséquence, il peut être jugé par l’église,  être déclaré déposé de droit divin, et déposé de fait, s’il refuse de céder sa place. Voilà ce qu’enseigne Jean de Turrecremata (livre 4, paragraphe 2, chapitre 20. »   Mais, moi, personnellement, je n’approuve pas cet enseignement.  Car, la juridiction du pontife est donnée par Dieu, par l’opération concomitante des hommes, car c’est des hommes que tient celui qui n’était pas pape de commencer à l’être.  Dieu ne l’enlève donc que par l’homme. Mais un hérétique occulte ne peut pas être jugé par l’homme, et il ne veut pas, non plus, abandonner son poste spontanément.  Ajoutons que le fondement de cette opinion est que les hérétiques sont hors de l’Église. Nous montrerons au long et large que cette opinion est fausse dans le livre 1 de l’Église.
 La troisième opinion se porte à l’autre extrême.  Elle enseigne que le pape n’est déposé, ou  ne peut être déposé ni par une hérésie occulte, ni par une hérésie manifestée publiquement.  C’est Turrecremata qui rapporte et réfute cette opinion (au lieu cité), qui est fort improbable.  D’bord, parce que le canon si papa dist. 40,  stipule qu’un pape hérétique peut être jugé.  Et c’est ce qu’enseigne Innocent (sermon 2, de la consécration d’un pontife).  Et, ce qui est encore plus fort, dans le synode 8 (acte 7), on transcrit les actes d’un concile romain sous Hadrien,  dans lesquels on lisait que le pape Honorius semblait avoir été anathématisé justement, parce qu’il avait été convaincu d’hérésie; et que c’était la seule occasion où il était permis à un inférieur de juger un supérieur.  Mais, il faut noter ici qu’Honorius n’a pas été hérétique,  et que, Hadrien 11, trompé par des exemplaires corrompus du synode 6,  a pensé faussement qu’Honorius avait été hérétique.   Mais, cependant, nous ne pouvons nier qu’Hadrien et tout le concile romain aient estimé qu’en cas d’hérésie, le pontife romain pouvait être jugé.  Ajoutons qu’elle serait très misérable la condition de l’église si elle était forcée de reconnaître pour pasteur un loup qui dévore les moutons.
 La quatrième opinion est celle de Cajetan, (dans son traité sur l’autorité des conciles et des papes, chapitres 20 et 21).  Il enseigne qu’un pape manifestement hérétique n’est pas déposé par le fait même, mais peut et doit être déposé par l’Église.   Cette position est indéfendable, à mon jugement.  Car, d’abord, qu’un hérétique manifeste soit, par le fait même, déposé, les autorités le prouvent, et la raison.  L’autorité est celle de saint Paul (épitre à Titus, 3) qui ordonne qu’après deux avertissements, c’est-à-dire après qu’il se soit montré obstiné, on l’évite, et cela, avant toute excommunication ou sentence de juge.  C’est ce qui fait dire à saint Jérôme, à propos de ce passage, que les autres pécheurs sont exclus de l’église par une sentence d’excommunication, mais que les hérétiques font scission eux-mêmes, et se séparent d’eux-mêmes du corps du Christ. Mais on ne peut empêcher qu’un pape demeure pape, pas plus qu’on ne peut demeurer sans sa tête.  Car comment pourrions-nous nous séparer d’un membre qui fait partie de nous ?   Il existe aussi  une raison,  et qui est des plus certaines.  Un non chrétien ne peut, en aucune façon, être pape, comme le reconnait Cajetan (même livre, chapitre 26), et la raison en est que ne  peut pas être tête ce qui n’est pas membre.  Et n’est pas membre de l’Église celui qui n’est pas chrétien.   Or, l’hérétique manifeste n’est pas chrétien, comme l’enseigne clairement saint Cyprien, (livre 4, épitre 2), saint Athanase (sermon 2 contre les Ariens), saint Augustin (livre de la grâce du Christ, chapitre 20), saint Jérôme (contre Lucifer, et les autres).  L’hérétique manifeste ne peut donc pas être un pape.
 Cajetan répond (dans son apologie pro tract predicto, chapitre 25, chapitre 22) qu’un hérétique n’est pas chrétien absolument parlant, mais qu’il l’est à un certain point de vue.  Car, comme il y a deux choses qui font le chrétien, la foi et le caractère, après avoir perdu la foi, l’hérétique adhère d’une certaine façon à l’Église, et est donc capable de juridiction.  Il est donc encore pape, mais il doit être déposé, car, par l’hérésie, il s’est mis en condition, condition ultime, de ne plus être pape, comme un homme qui n’est pas encore mort, mais qui est moribond.    Mais, contrairement à ce qu’il dit, si en raison du caractère, l’hérétique demeurait uni en acte avec l’Église, il ne pourrait jamais être séparé d’elle, parce que le caractère est indélébile.  Or, tous reconnaissent que certaines personnes peuvent être séparées, de fait,  de l’Église.  Le caractère n’a donc pas pour effet qu’un hérétique demeure en acte dans l’Église, mais est seulement un signe qu’il était dans l’Église, et qu’il devait y rester.   Comme le caractère imprimé sur une brebis ne la fait pas appartenir  à la bergerie, quand elle erre sur les montagnes, mais indique de quel bercail elle a fui, et où elle peut être de nouveau ramenée de force.  On le confirme par un texte de saint Thomas ( 3 par question 8, article 3).  Il dit que ceux qui sont privés de la foi ne sont pas unis en acte au Christ, mais en puissance seulement.   Il parle, là, de l’union interne, non externe, qui se fait par la confession de la foi et par les sacrements visibles.   En conséquence, comme le caractère appartient  à l’interne, et non à l’externe,  on peut donc dire que,  selon saint Thomas,   le caractère seul n’unit pas l’homme au Christ.
 Donc.  Ou la foi est une disposition absolument  nécessaire  pour que quelqu’un devienne pape, ou seulement pour qu’il soit un bon pape.  Dans  le premier cas, une fois cette disposition enlevée par une disposition contraire qui est l’hérésie, le pape cesse aussitôt de l’être, car la forme ne peut pas se conserver sans les dispositions nécessaires.   Dans le second cas, on ne peut pas déposer un pape pour motif d’hérésie, car, autrement, il faudrait aussi le déposer pour des motifs de l’ordre de l’ignorance ou de la malhonnêteté, et d’autres qui sont nécessaires pour qu’un pape soit bon.   Voilà donc pourquoi Cajetan enseigne (traité praed, chapitre 26) qu’un pape ne peut pas être déposé en raison de manque de dispositions.   Cajetan prétend que la foi  est une disposition absolument  nécessaire, mais partielle, non totale, et qu’une fois disparue, le pape peut demeurer pape à cause d’une autre partie de la disposition qui est le caractère, et qui demeure.
Voici ce qu’on peut lui opposer. Ou une disposition  totale, qui est le caractère et la foi, est absolument nécessaire, ou pas, ou elle suffit si elle est partielle.  Dans le premier cas, une fois la foi disparue, il ne reste plus de disposition absolument nécessaire, parce que c’est  la totale qui  était absolument nécessaire, et qu’elle  a cessé d’être totale.  Et, à cause de son défaut, le pape peut donc être déposé.   De plus,  ceux qui ont une disposition ultime à la mort cessent bientôt d’exister sans l’action d’autre force externe, comme il est évident.   Et un pape hérétique cesse donc d’être pape sans aucune autre intervention.  De plus, les saints pères enseignent à l’unanimité que les hérétiques ne sont pas seulement en dehors de l’Église, mais qu’ils sont privés, par le fait  même, de toute juridiction et de toute dignité ecclésiastique.
Cyprien (livre 2, épitre 6) écrit : « Nous disons que tous les hérétiques et tous les schismatiques n’ont ni pouvoir ni droit. »   Et (au livre 2 de son épitre 1), il enseigne que les hérétiques qui retournent à l’Église doivent être reçus comme des laïcs, même s’ils étaient antérieurement, dans l’Église, prêtres ou évêques. Optatus (livre 1 contre Parmenius) enseigne que les hérétiques et les schismatiques ne peuvent ni avoir les clefs du royaume des cieux, ni lier, ni délier.   De même, saint Ambroise (livre 1 de la pénitence, chapitre 19), et saint Augustin (dans l’enchiridion, chap 66).   Saint Jérôme enseigne la même chose contre Lucifer : « Ce qui est important ce n’est pas que ceux qui ont été hérétiques ne peuvent pas devenir évêques, mais que ceux qui sont appelés à l’épiscopat ne soient pas hérétiques. »   Le pape Célestin 1 (dans la lettre à Jean d’Antioche, qui se trouve dans le concile d’Éphèse, tome 1, chapitre 19) : « Si quelqu’un a été excommunié, ou expulsé ou privé de sa dignité presbytérale ou épiscopale par l’évêque Nestorius ou par ceux qui le suivent, ou par ceux qui ont commencé à prêcher de telles choses, il est clair qu’il est  toujours demeuré dans notre communion, que nous ne le  considérons pas comme quelqu’un qui s’est éloigné de nous, car il ne pouvait déplacer personne par une sentence celui qui méritait d’être déplacé  lui-même. »  Et, dans son épitre aux clercs de Constantinople : « L’autorité de notre siège a statué qu’aucun évêque, clerc ou laïc, qui a été expulsé de son siège, excommunié ou déposé par Nestorius ou ses semblables, ou par ceux qui ont commencé à prêcher de telles choses, ne doit être considéré comme expulsé, excommunié ou déposé, car il ne pouvait expulser  ou démettre personne celui qui en prêchant de telles choses a titubé. »  Nicolas 1 premier reprend et confirme ces enseignements dans son épitre à l’empereur Michaël.  Saint Thomas enseigne lui aussi la même chose (2, 2, question 39, article 3).  Il dit que « les schismatiques perdent toute juridiction et que sont invalides  les choses, qu’ils s’efforcent de se faire avec leur prétendue juridiction ».
Est sans valeur ce que certains répondent : ces pères parlent selon les droits anciens.  Mais, maintenant, en vertu d’un décret du concile de Constance,  ne perdent leur juridiction que ceux qui sont déclarés nommément hérétiques et persécuteurs de prêtres.  Mais, je dis que cela ne vaut rien du tout.  Car les pères de ce concile, quand ils disent que les hérétiques perdent leur juridiction, n’allèguent aucun droit humain qui n’était peut-être plus en vigueur alors.  Leurs arguments portent seulement sur la nature de l’hérésie.  Le concile de Constance ne parle que des excommuniés, de ceux qui, par la sentence de l’Église, avaient perdu leur juridiction.  Les hérétiques, en effet, sont, même avant l’excommunication, en dehors de l’Église, et privés de toute juridiction, car c’est par leur propre jugement qu’ils ont été condamnés, comme l’enseigne l’apôtre à Tite 3, c’est-à-dire qu’ils sont séparés du corps de l’Église sans excommunication, comme l’explique saint Jérôme.
Ensuite, ce que Cajetan dit, en second lieu, au sujet d’un pape hérétique, à savoir qu’il peut vraiment et d’autorité,   être déposé par l’Église, cette deuxième affirmation n’est pas moins fausse que la première.  Car, si l’Église dépose un pape malgré lui, elle est certainement au-dessus du pape.  Cajetan répond lui-même à cette objection en disant que du fait que l’Église dépose un pape, cela ne la rend pas  supérieure au pape, car elle n’a de pouvoir ou d’autorité que sur  l’union de la personne avec le pontificat.   Comme l’église peut unir telle personne avec le pontificat sans se déclarer supérieure au pape, elle peut également séparer telle personne du pontificat en cas d’hérésie, sans se dire supérieure  au pape.   Je réponds d’abord, qu’on dit que le pape est supérieur aux évêques parce qu’il a le pouvoir de les déposer. Mais, cependant, en déposant un évêque, le pape ne détruit pas l’épiscopat, mais le sépare seulement de telle personne.  Je réponds ensuite que la déposition sans le consentement de l’évêque est, sans doute possible, une punition.  Quand l’Église dépose un pape malgré lui, elle le punit donc. Or, la punition est l’acte d’un supérieur envers un inférieur.  Je réponds aussi que, selon Cajetan et les autres thomistes, le tout et les parties pris ensemble sont une seule et même chose.  Celui qui a autorité sur les parties prises ensemble, de façon à pouvoir les séparer, l’a donc aussi sur le tout qui est formé de ces parties.
L’exemple que donne Cajetan ne vaut rien.   Il dit qu’au conclave, les électeurs ont le pouvoir d’appliquer le pontificat à telle personne, mais qu’ils n’ont pas de pouvoir sur le pape.  Car, quand cela se fait, l’action s’exerce sur la matière de la chose future,  et non sur le composé qui n’existe pas encore.  Or, quand elle est détruite, l’action s’exerce sur le composé, comme on le voit dans les choses naturelles.  Donc, quand les cardinaux créent un pontife, ils exercent leur autorité non sur le pontife qui n’existe pas encore, mais sur la matière, c’est-à-dire sur la personne que, par l’élection, ils disposent d’une certaine façon  à recevoir de Dieu la forme du pontificat.  Mais, s’ils déposaient un pontife, ils exerceraient nécessairement leur autorité sur le composé, c’est-à-dire sur la personne du pontife dotée de dignité.  Au-dessus, donc, du pape.
Il existe donc une cinquième opinion qui est la véritable.  Un pape hérétique manifeste cesse, par lui-même, d’être pape et chef, comme il cesse, par lui-même, d’être chrétien et membre du corps du Christ.  Il peut donc être jugé et puni par l’Église.  Voilà quelle est la sentence de tous les anciens pères, qui enseignent que les hérétiques manifestes perdent aussitôt toute juridiction.  Comme saint Cyprien (livre 4, épitre 2) : « Ne peut pas détenir l’épiscopat, même s’il est le premier évêque, celui qui se sépare du corps de ses co-évêques, et de l’unité de l’Église. »  Il dit, là, que Novatien, même s’il avait été un pape véritable et  légitime, aurait quand même été déchu de son pontificat, en se séparant de l’Église ».
Les docteurs récents les plus célèbres enseignent la même chose.  Jean Driedon (livre 4 sur l’écriture et les dogmes de l’Église, chapitre 2, paragraphe 2, sentence 2) enseigne que les seuls à être séparés de l’Église sont ceux qui sont expulsés de l’Église,  ou excommuniés par elle, ou  qui s’en éloignent d’eux-mêmes, et combattent l’Église, comme les hérétiques et les schismatiques.  Et, dans la septième sentence, il dit que ceux qui sont séparés de l’Église ne conservent aucun pouvoir spirituel sur ceux qui sont dans l’Église.  Melchior Cano (livre 4 sur le lieu, chapitre 2) enseigne que les hérétiques ne sont ni des parties ni des membres de l’Église. Et (au dernier chapitre de l’argument 12), il dit qu’on ne peut concevoir que soit pape ou tête de l’Église celui qui n’en est ni une partie, ni un membre.  Et au même endroit, il explique longuement que les hérétiques occultes sont encore dans l’église, qu’ils en sont des parties et des membres, et qu’un pape hérétique occulte est  encore pape.  Les autres auteurs, que nous avons cités en parlant de l’église, pensent de la même façon.
Le fondement  de cette opinion est qu’un hérétique manifeste n’est, en aucune façon, un membre de l’Église, ni par l’âme ni par le corps, ni par une union interne, ni par une union externe.  Car, les mauvais catholiques sont unis à l’église et en sont des membres.  Ils sont unis à l’âme par la foi, et au corps par la confession de la foi, et la participation aux sacrements visibles.  Les hérétiques occultes sont unis à l’église et en sont membres, mais seulement par l’union externe.  Les bons catéchumènes, eux, sont dans l’église par la seule union interne, mais pas encore par l’union externe.  Mais les hérétiques manifestes ne sont dans l’Église d’aucune façon, comme on l’a déjà prouvé.
                                                             CHAPITRE 31
On prouve la même chose à partir des noms qu’on peut attribuer au pontife romain
Le dernier argument provient des noms donnés au pontife romain.  Il y en a quinze : pape, le père des pères, le pontife des chrétiens, le prêtre suprême, le prince des prêtres, le vicaire du Christ, la tête du corps de l’Église, le fondement de l’édifice de l’église, le pasteur du troupeau du Seigneur, le père et le docteur de tous les fidèles, le recteur de la maison de Dieu, le gardien de la vigne du Seigneur, l’époux de l’Église,  celui qui préside sur le siège apostolique,  l’évêque universel.  De tous ces noms pris isolément et simultanément on peut déduire sa suprématie.
 Le nom le plus ancien et le plus commun est celui de pape.  Car, saint Ignace (dans la lettre à Mariam Zarbensem, écrit : « Quand tu étais à Rome, auprès du pape Lin ».  Chez les Grecs, le mot papa est le nom que les enfants, qui balbutiaient  encore, donnaient à leur père, comme nous l’apprennent le comique Philemon (Athénée, livre 8) et Homère (Odyssée, livre 6).  Les latins employaient un mot similaire : pater.  De même Ausonius. C’est à partir de là que les ecclésiastiques se mirent à appeler le chef spirituel « pape ».  Les anciens, il est vrai, appelaient tous les évêques de ce nom, car, saint Jérôme, par exemple, donnait le nom de pape à saint Augustin dans toutes ses lettres, et même aussi  à n’importe lequel prêtre.   Mais ce nom appartient à l’évêque de Rome de trois façons.  D’abord, quand, par antonomase, on prononce le mot pape, il ne peut s’agir que du pontife romain, comme on le voit dans le concile de Chalcédoine (acte 16,) où nous lisons : « Le pape apostolique et bienheureux nous a prescrit cela. »  Il ne sent pas le besoin d’ajouter  Léon, ou romain, ou de la ville de Rome : pape, tout court.   En second lieu, parce que c’est de lui seul qu’on dit qu’il est le pape de toute l’Église, comme on le voit dans ce même concile de Chalcédoine (acte 16), où Léon est appelé pape de l’Église universelle.  Comme nous le montre aussi le bréviaire de Libérat (chapitre 22), où nous lisons qu’il n’y a de pape de l’église universelle que le pontife romain.  On le prouve aussi par le fait que l’évêque romain est appelé pape par le monde entier et par les conciles généraux; et par le fait que le pape  n’appelle personne pape ou père, mais tous fils ou frères, comme nous le montrent l’épitre au concile 2, citée par Théodoret (livre 5, chapitre 10), et l’épitre du concile de Chalcédoine à Léon.
Le second nom est père des pères.   Ce nom est donné au pontife Damase par Étienne archevêque de Carthage, dans la lettre au même Damase, qu’il a écrite au nom des conciles d’Afrique : « Au seigneur bienheureux, et au sommet apostolique élevé, au Père des pères, Damase, pape. » Nous ne lisons pas que ce nom ait jamais été donné à d’autres.  Le troisième, le pontife des chrétiens.  Nous le trouvons dans les chroniques d’Eusèbe, en l’an 44).  Le quatrième : pontife suprême.  Dans la même épitre d’Étienne, nous lisons : « Et au pontife suprême qui préside sur tous. »  Saint Grégoire se sert de ce titre dans ses dialogues (livre 1, chapitre 4). Saint Anselme, dans sa préface sur le livre de l’incarnation du Verbe dédié au pape Urbain 11, et saint Bernard, dans toutes ses épitres aux pontifes romains.  Saint Jérôme dans sa préface sur l’évangile à Damase : « Toi qui est le pontife suprême. »  Et dans le synode 6 (article 18), tout le concile acclame le pape Agathon sous le nom de notre père, et pape suprême.  Le cinquième est le prince des prêtres.  C’est ce que nous lisons dans l’épitre de Valentianus à Théodose, qui est placée avant le concile de Chalcédoine, dans le tome un des conciles : « Bienheureux es-tu, évêque de la ville de Rome, à qui a été remise la principauté du sacerdoce, au-dessus des villes les plus anciennes. »  Et dans  Prospère, livre 2, chapitre 6, au sujet de la vocation des Gentils : « À cause de la principauté du sacerdoce, Rome est devenue plus ample par la forteresse de la religion que par le trône de la puissance. »
Mais Calvin a ici une objection à nous faire (livre 3, chapitre 7, verset 3 des institutions).  Le concile de Carthage 3 (canon 26) a interdit que quiconque soit appelé prince des prêtres,   ou prêtre suprême, mais seulement évêque du premier siège.   Je réponds que ce concile a voté cette loi à l’intention des évêques africains, dont plusieurs avaient une dignité égale, afin qu’aucun d’entre eux ne s’appelle prêtre suprême ou prince des prêtres.   Il est clair que ce concile africain qui n’était qu’un concile provincial,  ne pouvait obliger ni le pontife romain ni les évêques des autres provinces.  Voilà pourquoi, en dépit de ce canon, Grégoire, Anselme, Bernard, et ce sixième synode lui-même on appelé le pape pontife suprême.   Le sixième, vicaire du Christ.   C’est ce titre qu’emploie saint Bernard (dans le livre 2 de la considération), et le concile de Lyon sous Grégoire X,  et le sixième  (titre de l’élection, chapitre ubi periculum).  Le septième,  tête de l’Église, dont se sert le concile de Chalcédoine dans sa lettre au pape Léon : « Sur qui tu présides comme la tête sur les membres. »  Mais Calvin (livre 4 des institutions, chapitre 7, verset 21) objecte que saint Grégoire (livre 4, chapitre 2) écrit à l’évêque Jean de Constantinople : « Pierre est le premier membre de l’Église sainte et universelle.  Paul, André, Jacques que sont-ils d’autre que les têtes de chacun des peuples ?  Mais tous sont membres de l’Église sous une seule tête. »  Dans cette lettre, saint Grégoire réprimande Jean qui se voulait la tête de toute l’Église, et qui utilisait cet argument :  « ni Pierre ni aucun autre apôtre n’ont été la tête de toute l’Église, mais ils ne furent que les têtes de chacune de leurs églises respectives, et des membres de l’Église universelle ».  Je réponds qu’être tête de toute l’Église peut s’entendre de deux façons.  La première façon, qu’il soit tête de façon à être le seul à être tête et prince, et que tous les autres inférieurs ne soient ni têtes, ni princes, mais seulement ses vicaires.  La deuxième, qu’il soit la tête mais la tête générale, sans enlever aux autres leurs particularités et le fait d’être  vraiment têtes, comme les causes universelles n’enlèvent pas les causes particulières, et comme, dans une armée, l’empereur n’enlève pas les chefs particuliers des légions et des cohortes.   De la première manière, le Christ seul est tête de toutes les églises, car, comparés au Christ, tous sont des vicaires et des administrateurs.  Et personne ne peut être dit son collègue ou son co-évêque.  De cette manière, saint Pierre n’est tête que de l’église romaine en particulier, car  il est le seul à être la tête et l’évêque particulier de cette église.  Les têtes particulières des autres églises sont les évêques, qui sont de vrais princes, et non des vicaires de Pierre, mais des collègues et des co-évêques,  et c’est de cette façon que parle saint Grégoire.  De l’autre manière, saint Pierre a été, et le pontife romain est véritablement maintenant la tête de toutes les églises, comme l’enseigne saint Grégoire lui-même en ces mots : « Que le respect du au siège apostolique ne soit  troublé par la présomption de personne.  Car, l’état des membres persévère dans son intégrité si la tête de la foi ne reçoit aucune injure. »  Et dans l’épitre 54 : « Le siège apostolique est la tête de toutes les églises. »  Il dit la même chose dans son explication du psaume de pénitence 4.
La huitième, le fondement.   Saint Jérôme dans son épitre 1 au pape Damase sur l’hypostase, écrit : « Nous voyons dans ta sainteté les angoisses du bon pasteur, avec quelle fidélité tu gardes la porte qui t’a été confiée, et avec quel soin tu pais le troupeau du Christ. » Le dixième, le recteur de la maison de Dieu.  Voici ce que dit le concile de Chalcédoine dans son épitre au pape saint Léon le grand : « Il ose en plus étendre son insanité sur celui a à qui a été confiée par le Seigneur la garde de la vigne, c’est-à-dire  ta sainteté apostolique. »  Le douzième, père et docteur de tous les chrétiens.  C’est ce que nous avons dans le concile de Florence, dernière session.  Et c’est pour cette raison que l’Église romaine est appelée mère et maîtresse de toutes les églises, comme nous l’avons dans le concile du Latran, chapitre 5, sous Innocent 3.  La treizième, époux de l’Église.  C’est ainsi qu’appelle le pape le concile de Lyon (chapitre ubi periculum, sur l’élection).
Mais quelques-uns nous objectent certaines paroles de saint Bernard dans son épitre 237.  Il met en garde le pape Eugène contre l’idée de se croire l’époux de l’Église. Il veut qu’il se voie  plutôt comme l’ami de l’époux, et ce qui semble plus absurde encore, comme le vicaire époux de la reine du roi.  Je réponds que comme on dit que le pape est la tête, le recteur, le pasteur de l’Église à la place du Christ, on dit aussi qu’il est l’époux à la place du Christ, ou le vicaire et le ministre du Christ.  Car c’est le Christ qui est l’époux véritable et principal, comme le dit saint Jean-Baptiste, (Jean 3). C’est lui, en effet, qui féconde l’Église par son Esprit, et c’est par sa semence à lui seul, (la parole de Dieu) que naissent des fils.  On dit que les pontifes romains sont des époux parce qu’ils coopèrent extrinsèquement à la génération d’enfants, en tant que ministres du Verbe et des sacrements. Et ces enfants ce n’est pas pour eux qu’ils les engendrent, mais pour le Christ.  Saint Bernard ne cherche donc qu’à mettre en garde le pontife pour qu’il ne se croie pas l’époux principal.  Et même si, dans la génération charnelle, il est absurde de penser qu’un roi puisse être aidé par un vicaire, et qu’une seule femme soit l’épouse de plusieurs, dans la génération spirituelle, ce n’est pas absurde.
La quatorzième, le détenteur du siège apostolique.  Il est à noter que ce n’est pas seulement l’église romaine que les anciens appelaient le siège apostolique, mais aussi les églises d’Antioche, d’Éphèse, de Jérusalem, celles qui ont été fondées par des apôtres, et là où ces mêmes apôtres ont siégé comme évêques, comme l’explique Tertullien (livre des prescriptions), et saint Augustin (l’épitre 162, et les autres). Mais, quant à l’emploi de ce nom,  l’église romaine l’emporte sur les trois autres.  D’abord, parce que, quand on dit siège apostolique tout court, sans ajouter ni d’Antioche, ni  d’Éphèse ni de Jérusalem, on comprend tout de suite qu’il s’agit du siège de Rome, lequel est dit apostolique par antonomase.  Comme on le voit chez saint Augustin (épitre 106) : « Les conciles de Carthage et de Milet ont envoyé, sur ce sujet, des comptes-rendus au siège apostolique. »  Il n’ajoute pas romain, même si c’est ce qu’il veut que l’on comprenne.  Que ce soit bien au pape Innocent que ces rapports aient été envoyés, les épitres 90 et 92 du même saint Augustin nous l’apprennent.
 On pourrait citer beaucoup d’autres exemples. Ensuite parce qu’on ne dit pas seulement que le pontife romain détient le siège apostolique, comme le font les évêques d’Antioche et d’Éphèse, mais la principauté du siège apostolique, comme le dit saint Augustin dans l’épitre 162.  Enfin, parce qu’on ne dit pas seulement que le pontife romain est le détenteur du siège apostolique, comme c’est le cas pour celui d’Antioche et des autres, mais que sa charge est apostolique, comme on le voit dans le concile de Chalcédoine (acte 1). On y lit que les vicaires du pape Léon ont dit : « Son apostolat a daigné ordonné que Dioscore ne siège pas dans le concile. »  De la même façon, l’empereur Honorius, dans son épitre au pape Boniface : « Nous demandons d’abord que, par des prières quotidiennes, ton apostolat daigne faire des vœux  fervents pour notre salut et pour notre empire. »  On trouve la même chose dans l’épitre aux évêques de Gaule  (épitre 51 de saint Léon) : « Que votre apostolat pardonne notre retard ! »  Enfin, dans l’épitre de saint Bernard 190 à Innocent, nous lisons : « Il faut référer à votre apostolat les dangers et les scandales qui surgissent dans le royaume de Dieu ».  Ce nom n’est jamais donné à personne d’autre qu’au pontife romain.
Nous déduisons de tout cela que les évêques d’Antioche, d’Éphèse et de Jérusalem étaient détenteurs de sièges apostoliques, au sens où c’est là que des apôtres ont siégé, mais qu’en aucune façon ils n’ont succédé à ces apôtres dans leur apostolat.  Autrement,  leur dignité serait elle aussi un celle d’un apostolat.  Mais le pontife romain est non seulement l’évêque d’un siège apostolique, mais il succède, d’une certaine façon, à Pierre dans l’apostolat, et c’est pour cette raison qu’on donne à sa charge pastorale le nom d’apostolat.   Par cette réponse, nous réfutons aussi l’objection de Nil qui, dans son livre sur la primauté du pape, affirmait que le pontife romain n’avait pas de juridiction sur les autres évêques, parce que les évêques d’Antioche, d’Éphèse et de Jérusalem étaient détenteurs de sièges apostoliques.
Le quinzième, évêque universel.  Dans le concile de Chalcédoine (acte 3), on a lu trois épitres écrites au pape Léon par des Grecs différents. Elles commencent toutes de la même façon : « Au très saint, très bienheureux archevêque universel et patriarche de la grande Rome. »  Ces paroles réfutent trois mensonges des hérétiques. Le premier est celui de Luther qui dit que le pape Léon a refusé le titre d’universel. Et il ajoute que le pape a dit : « Que dire sur le nom du très grand et du très saint ? »  Luther veut donc laisser entendre qu’au temps de Grégoire on n’avait pas encore entendu les noms de très grand et de très saint, ce qui montre une grande ignorance ou une grande malice, car tous les anciens appellent le pape très saint, et le lieu cité cloue le bec à Luther.  Dans le concile de Chalcédoine (acte 2), Aetius, évêque de Nicopolis appelle Léon « notre seigneur, et très saint pape. »   Il n’y a aucun titre qui déplaise davantage aux hérétiques d’aujourd’hui ! Mais il ne déplut pas, autrefois, à l’ensemble du concile, au sénat, aux juges, et à tous ceux qui entendirent Aetius dire : « Parce que maintenant a été lue la lettre de notre seigneur et très saint père. »  Saint Grégoire emploie lui aussi cette expression, comme nous l’avons noté plus haut (dialogues, chapitre 4), ainsi que la totalité du concile de Chalcédoine dans son épitre à saint Léon.
L’autre est celui des magdebourgeois qui (centurie 6, chapitre 7, colonne 439) disent que le pontife romain a été créé patriarche  par l’empereur Justinien en 524.  S’il en était ainsi, comment le concile de Chalcédoine, célébré en 454, a-t-il pu souvent appeler  Léon le patriarche universel ?  La troisième est de Calvin (livre 4, chapitre 7, verset 4 des institutions) qui rapporte les paroles de saint Grégoire (livre 4, épitre 32), et affirme ailleurs que le nom universel avait été offert par ses prédécesseurs dans le concile de Chalcédoine. Et il ajoute tout de suite après : « Mais cela n’a aucune apparence de vérité, et on ne voit rien de tel dans les actes de ce concile. »  Ce mensonge est d’une grande impudence.  Car, même si le concile n’a rien décrété à ce sujet, il suffit de constater que le nom qui a été donné au pape par le concile n’a pas déplu aux membres de ce concile.  En effet, à l’acte 3, on donne souvent ce nom au pape Léon, et personne n’a exprimé la moindre protestation.  Mais contre ce nom, Calvin fait une objection avec les paroles de Grégoire (livre 4, épitre 32), et il répète plusieurs fois que saint Grégoire dit  en plusieurs endroits  que le nom d’évêque universel est profane, sacrilège, précurseur de l’Antichrist. Et il ajoute  que saint Grégoire écrit qu’aucun de ses prédécesseurs n’a jamais voulu l’employer.  Font la même objection Illyricus (dans son livre sur l’histoire du concile 6 de Carthage),  et Luther (dans son livre sur le pouvoir du pape, canon du concile africain cité par Gratien dist. 99, canon du premier siège, ou nous lisons : que « même le pontife romain n’est pas appelé universel. »
Je réponds qu’on peut entendre de deux façons le nom d’évêque universel.   La première façon.  Celui qu’on appelle universel est le seul évêque  de toutes les villes chrétiennes, de façon à ce que les autres ne soient pas vraiment des évêques, mais les vicaires de celui qu’on nomme évêque universel.  Et, dans ce sens, ce nom est profane, sacrilège et antichrétien.  Et c’est dans ce sens  que Grégoire prend le mot, comme on le voit par la raison qu’il allègue. Car, voici comment il s’exprime (au livre 4 de l’épitre 31 à Constant : « C’est une chose bien triste, en effet, et difficile à supporter patiemment, que le dit frère et mon co-épiscope soit contraint d’être appelé lui seul évêque. »  Et (livre 4, épitre 36 à Euloge) : « Si un seul patriarche est appelé universel, le  nom de patriarches est enlevé aux autres. »  Et, (livre 7, épitre 69 à Eusèbe) : « Si un seul est universel, il s’ensuit que vous n’êtes pas évêques. »
On peut l’entre d’une autre façon.   On peut appeler évêque universel celui qui a, en général, le soin de toutes les églises, de façon à ne pas exclure les évêques de la charge pastorale.  Entendu dans ce sens, le mot peut être attribué au pape, comme l’enseigne saint Grégoire.  Saint Grégoire reconnait (livre 34, épitre 32, et dans celles qui suivent)  que le titre d’universel a été attribué au pontife romain par le concile de Chalcédoine, qui fut saint et catholique.  Cela, Grégoire l’enseigne souvent.  Il estime donc que ce nom peut convenir au pape dans un certain sens.  Autre raison.   Le même Grégoire (livre 4, épitre 32) soutient qu’à Pierre  a été confié par le Seigneur le soin de toute l’Église. C’est donc comme s’il disait que Pierre a été constitué par le Christ pasteur universel.   Troisième raison.  Même si les pontifes romains, comme le dit saint Grégoire,  ne se donnèrent jamais le titre d’évêques universels, ils se sont appelés souvent les évêques de l’église universelle, comme nous le montrent les épitres de Sixte 1, de Victor 1, de Pontien 1, d’Étienne1, et saint Léon (lettres 54, 62, 65).  Ces textes saint Grégoire les avait surement lus, et il n’ignorait pas, que, selon le gros bon sens, évêque universel ou évêque de l’église universelle étaient des expressions qui  exprimaient la même chose.
Mais tu diras.  Si ce mot peut avoir un bon sens,  pourquoi saint Grégoire déclare-t-il, sans faire aucune distinction de ce genre, qu’il est profane, sacrilège; et  pourquoi interdit-il absolument son usage ?  Je réponds que c’était pour deux raisons.  La première, par prudence.  Le mot christolocos (qui tient lieu du Christ) a un bon sens, mais les pères défendirent de l’employer de peur que, sous ce mot, ne se cache l’hérésie de Nestorius, qui appelaient Marie mère du Christ, mais non mère de Dieu. La deuxième, car, la question qui se posait alors était la suivante : si ce nom peut être donné à l’évêque de Constantinople, pourquoi pas à l’évêque de Rome ? Or, comme ce nom d’universel ne convenait en aucune façon à Jean, et qu’il l’avait quand même usurpé, saint Grégoire déclare que ce nom est profane, sacrilège, dans la mesure même où il est appliqué à l’évêque de Constantinople. Et il le refusa même pour lui, même s’il pouvait lui convenir dans un certain sens, pour mieux réprimer l’orgueil de l’évêque de Constantinople.  Nous en avons donc fini avec l’argument de Calvin.
À celui de Luther et d’Illyricus, je dis qu’ils ne se sont pas rendus compte que ces mots n’étaient pas ceux du concile africain,  mais de Gratien, qui, après avoir rapporté le canon du concile africain qui interdisait aux évêques du premier siège de se dire princes des prêtres, ajoute aussitôt : « car même le pontife romain n’est pas dit universel. »  Ces mots qui sont ceux de Gratien, n’ont donc aucune autorité, et on peut comprendre les paroles de Grégoire autrement que lui.
Il y a quelque chose, dans ce mot universel qui est digne de remarque.  Combien grand a été et combien grand est encore l’orgueil des Grecs,  et avec quelle sévérité il a été puni par Dieu !  Car, pendant 300 ans, le siège de Constantinople n’a jamais été compté parmi les sièges patriarcaux. Les évêques de Constantinople ont cherché par la suite non seulement à devenir patriarches, mais à être placés avant ceux d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, à se    mettre ensuite sur le  même pied que celui de Rome, et à se déclarer universels.   Ils n’ont pas pu être ramenés à la raison par les censures de Pélage 11, et des autres papes (car ils furent excommuniés plusieurs fois pour ce motif, comme l’écrit Léon dans sa lettre à l’empereur Michaël), ni par l’humilité de saint Grégoire qui, comme l’écrit  Jean le diacre dans sa vie (livre 2, chapitre 1),  a commencé, à cause de cela, à récuser les titres d’archevêque et de patriarche, et à n’accepter que celui de serviteur des serviteurs de Dieu.  Ni non plus par l’édit de l’empereur Phocas, dont  nous avons parlé plus haut.  À la fin des fins, selon le jugement terrible et insondable de Dieu, les Grecs ont été livrés, avec leur  patriarche universel, entre les mains des Turcs, comme l’avait prédit sainte Brigitte (livre 7, chapitre 9 de ses révélations), ainsi que le pape Nicolas V, comme le rapporte le scolastique Gennadius (dans le livre pour le concile de Florence, chapitre 7, verset 12.)
2017 10 25 20h12 fin
 
 
 
 
 
 
 

Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, 2019.