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Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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2018 12 14 debut
                                                     NEUVIÈME CONTROVERSE GÉNÉRALE
                                                       LES SACREMENTS EN PARTICULIER
                                                      LE BAPTÊME ET LA CONFIRMATION
                                                           expliquée en deux livres
                                                                     LIVRE PREMIER
                                                            LE SACREMENT DU BAPTÊME

Les choses qu’on a coutume de disputer sur le baptême,  on peut les ramener à neuf chapitres.   Le premier : le nom et la définition. Le second : la matière.  Le troisième : la forme.  Le quatrième : la nécessité.  Le cinquième : le ministre.  Le sixième : ceux qui le reçoivent.  Le septième : les effets. Le huitième :  la comparaison entre le baptême du Christ et celui de saint Jean-Baptiste : cette comparaison porte surtout sur les effets.  La neuvième : le rite, et les cérémonies.  En expliquant ces controverses, nous poursuivrons surtout deux buts.  Le premier : défendre contre l’antidote de Calvin et l’examen de Kemnitius les canons du concile de Trente de la septième session.  Le deuxième : mieux comprendre et réfuter plus efficacement les sentences et les arguments des hérétiques de notre temps.
                                            CHAPITRE 1
     Le nom, la définition et les parties du baptême
Sur le nom du baptême, il n’y a pas de dissension, car tous utilisent le mot que l’on trouve souvent dans l’Écriture.  Baptisma signifie, au sens propre, immersion.  Car, le baptême se fait ordinairement par immersion, et cela, afin de représenter l’ensevelissement du Seigneur, selon Colossiens 11 : « Nous sommes ensevelis en lui par le baptême. »  Les pères lui ont donné beaucoup d’autres noms.  Voir Clément (le pédagogue, livre 1, chapitre 6), saint Grégoire de Naziance (sermon sur le baptême), saint Jean Chrysostome (homélie sur les baptisés).
 Ils donnent au baptême les noms d’illumination, de grâce, de don, de sceau, de mystère, d’expurgation, etc.  Mais le nom le plus important et plus fréquent est illumination.   En plus des trois pères cités, utilisent ce mot tous les autres pères grecs postérieurs, et, avant eux tous, Denys l’aréopagite (dans les hiérarchies ecclésiales, chapitre 2) et même l’apôtre Paul (Hébreux V1) : « Il est impossible à ceux qui ont été une fois illuminés. »  Et, a chapitre X : « Rappelez-vous les premiers jours au cours desquels, après avoir été illuminés, vous avez soutenu le grand combat des passions. »  Voilà pourquoi saint Cyrille de Jérusalem appelle ses catéchèses sur le baptême des catéchèses d’illuminés.  On dit avec raison que le baptême est une illumination, parce que, dans le baptisé, est infusé l’habitus de foi.
En ce qui a trait à la définition, saint Thomas (3 par question LXV1, article 1) en présente quelques-unes.  Le catéchisme romain en donne une excellente tirée de l’Écriture : « Le baptême est le sacrement de la régénération par l’eau, dans la parole de vie. »  Cette définition provient en partie de saint Jean 111, en partie de saint Paul aux Éphésiens V. On indique d’abord le genre en disant que le baptême est un sacrement. On ajoute ensuite de la régénération, qui est la différence spécifique, et qui le distingue des autres sacrements de la loi nouvelle.  Car, même si on ne dit pas que les autres sacrements régénèrent au sens propre, ils justifient quand même l’impie, et surtout la pénitence.  Or, la justification d’un impie, et surtout d’un hérétique, ou d’un apostat, diffère peu ou en rien de la régénération.  Voilà  pourquoi saint Paul dit dans Galates 1V : « Mes petits enfants, que j’enfante de nouveau. »  Mais, quand on ajoute par l’eau, la différence devient évidente.  Car, la réconciliation des pénitents ne se fait pas par l’eau, mais par la réformation des mœurs, et elle est comme un rappel des enfers.
Il faut aussi observer, à ce moment-ci, que le sacrement du baptême n’est pas l’eau elle-même, qui est une chose qui demeure toujours telle quelle, mais l’ablution, qui est une chose transitoire.  Le baptême est donc le sacrement de la régénération par l’eau, c’est-à-dire un signe externe sanctifiant par l’aspersion de l’eau.  On ajoute enfin : dans la parole de vie, pour exprimer la forme du sacrement, qui est la partie principale de l’essence.
Dans ses lieux (sur le sacrifice, année 58), Philippe définit ainsi le baptême : « Le baptême est un signe que Dieu agit avec nous, et nous reçoit en grâce. »  Mais, cette définition convient à tous les sacrements, et même à la prédication qui n’est pas un sacrement.  Calvin (livre 4, chapitre 15, verset 1) le définit ainsi : « Le baptême est un signe d’initiation, qui nous rend capables d’entrer dans la société de l’église, pour que, après avoir été entés dans le Christ, nous soyons comptés parmi les fils de Dieu. » Cette définition a plusieurs défauts.  Elle n’est pas une définition essentielle, car elle ne touche à aucune partie essentielle du baptême.  Elle n’exprime, non plus, ni l’effet ni la fin principale de ce sacrement.   Car, selon les catholiques et selon l’Écriture, la fin principale est de justifier et  régénérer. Or, selon Calvin, (comme il ajoute au même endroit), la fin principale est de nourrir la foi, à la façon d’un document scellé.  Or, cette fin, il est certain qu’il ne la mentionne pas dans sa définition.  Il n’indique que la fin secondaire qui est d’attester la confiance que nous devons avoir en Dieu et l’Église, et être ainsi reconnus et comptés parmi les enfants de Dieu.
J’ajoute que cette définition convient aussi pour la circoncision.  Car, la circoncision était un signe d’initiation qui faisait entrer les Juifs dans la société de leur église, et qui les insérait dans le Christ.  Car, même si on appelle synagogue l’assemblée des Juifs quand on veut la distinguer de l’Église du Christ, elle était toutefois l’Église, la vraie église de Dieu, avant qu’elle renie le Christ.    Même s’il ne fut un homme du temps de la synagogue que dans ses derniers jours,  le Christ a toujours été la tête de toute l’Église. Et  en tant qu’homme qui devait venir et souffrir, il était déjà la tête à laquelle les Hébreux étaient unis par la foi.  Ils étaient donc déjà insérés dans le Christ.  Voilà pourquoi saint Paul (1 Corinthiens X) dit que, dans le désert,  les Juifs ont tenté le Christ.  Et, dans l’apocalypse X111, on dit : l’agneau depuis l’origine du monde.  La même définition semble aussi appartenir à la parole de Dieu prêchée.  Car, c’est par la parole de Dieu que nous sommes initiés, que nous nous rassemblons en Église, et que nous nous insérons dans le Christ.
                                                         CHAPITRE 2
                                                La matière du baptême
Au sujet de la matière, il n’y a jamais eu de dissension, même si un bon nombre d’erreurs ont existé et existent encore à ce sujet. La première erreur fut celle des manichéens qui, au témoignage de saint Augustin (livre sur les hérésies, chapitre 46),  ne pensaient pas qu’il fallait se servir d’eau pour le baptême, parce que, en tant que chose corporelle, l’eau n’avait pas été créée par Dieu, mais par le démon.  Les marcionistes furent plus conciliants.  Car, même s’ils croyaient que l’eau était l’œuvre d’un principe mauvais, non du Dieu bon,  ils s’en servaient quand même  pour baptiser, à cause du précepte du Christ.  Dans son livre 1 sur les fables hérétiques, Theodoret rapporte avoir vu un vieux marcioniste qui reconnaissait qu’il fallait employer de l’eau pour accomplir le mystère, mais qu’il la haïssait à un pont tel qu’il préférait, pour ne pas sembler avoir besoin du créateur,  nettoyer son visage avec de la bave plutôt qu’avec de l’eau.
La seconde erreur fut celle de Seleucius et de Hermias, qui excluaient l’eau du baptême.  Et cela, d’après l’autorité des Écritures, qui partout où elles comparent le baptême de Jean à celui de Jésus, affirment toujours que Jean baptisait dans l’eau, et le Christ dans l’Esprit Saint et le feu (Matth 111, Luc 111, Jean 1, Marc 1, Actes 1.)  Rapportent cette erreur Philastrius (dans son livre sur les hérésies), et saint Augustin (dans son livre des hérésies, chapitre 59.)  La troisième erreur est celle des Jacobites, qui,  à la place de l’eau, imprimaient au fer rouge la figure du Christ sur les fronts.  C’est ce que rapporte Bernard de Luxembourg, dans son catalogue des hérétiques.  La quatrième erreur est celle des Paulicianiens qui, au témoignage d’Euthymius 2 par panoplie tit 21), lors du baptême, substituaient à l’élément eau les paroles suivantes : je suis l’eau vive.
La cinquième erreur fut celle de Luther.  Quand on lui demanda (colloques et symposiums chapitre 17) si, en l’absence de l’eau, on pouvait baptiser avec du lait ou de la cervoise, il répondit d’abord, qu’il fallait remettre cela au jugement divin.  Puis, il ajouta que tout ce qui peut porter le nom de bain est apte au baptême. Or, il est certain, et personne n’en a jamais douté,  qu’on peut prendre un bain de vin, de lait ou de cervoise.
Contre toutes ces opinions délirantes, le concile de Trente a statué (session 7, canon 2)  qu’est requise, pour le baptême, de l’eau véritable et naturelle.  Ce qui nous fait comprendre deux choses.  La première.   Aucun autre liquide que l’eau naturelle ne peut être la matière du sacrement du baptême. La seconde.   Toute eau naturelle et vraie, même accidentellement altérée et changée, est une matière idoine. C’est l’Écriture elle-même qui nous le prescrit. Jean 111 : « De l’eau et de l’Esprit Saint. »  Et c’est de là qu’est née la jalousie des disciples de saint Jean.  En effet, ils virent le Christ baptiser dans l’eau par ses disciples, comme saint Jean Baptiste faisait.  Actes V111 : « Voici de l’eau.  Qu’est-ce qui m’empêche d’être baptisé ? »  Éphésiens V : « Par le baptême (lavement ) de l’eau dans la parole de vie. »  Et dans 1 Cor X, saint Paul  compare le baptême à la mer rouge, et dans 1 Pierre 111, saint Pierre compare le baptême au déluge.  Enfin, les prophètes ont prédit expressément le baptême de l’eau.  Comme Ézéchiel (chapitre 36) :  « Je répandrai sur vous  de l’eau pure. »
Pourquoi Dieu a-t-il choisi l’eau de préférence à d’autres créatures ?  Les auteurs répondent en décrivant les différentes propriétés de l’eau. Voir saint Thomas (3 par quest LXV1, art 3) et Guillaume le parisien (livre sur les sacrements, chapitre sur le baptême.)
Les raisons alléguées par Seleucius ne concluent en rien.  Car l’Écriture ne dit pas que la différente entre le baptême de saint Jean-Baptiste et celui de Jésus était que l’un était dans l’eau et l’autre dans l’Esprit Saint, mais que l’un était dans l’eau seul, et l’autre dans l’eau et le Saint-Esprit, comme le dit saint Jean 111 : « Voilà celui qui vient par l’eau et le sang, non dans l’eau seulement, mais dans l’eau et le sang. »  Ce qu’il ajoute de Matthieu 111 et de Luc 111, ne signifie pas  le feu en tant qu’élément, comme l’ont sottement pensé les jacobites, mais un feu céleste et divin. C’est pour cela qu’il est uni à l’Esprit Saint.  Ce feu peut signifier les langues de feu qui descendirent sur les apôtres ou le feu du purgatoire, comme l’enseigne saint Jérôme (Matthieu chapitre 3), et Bède (chapitre 33 de Luc), ou le feu du divin jugement, comme l’explique saint Hilaire (canon 2 en Mathieu), ou le feu de la tribulation dans cette vie, qui ne manque à aucun baptisé,  comme l’explique l’auteur de l’œuvre non terminée (au chapitre 11 de Matthieu.)
Sur ce canon, Kemnitius ne note qu’une seule chose : il n’est pas nécessaire  que l’eau soit  exorcisée et bénie.  Il suffit que l’eau soit vraie et naturelle.   Mais, il n’a pas raison.  Car, même si la bénédiction de l’eau n’est pas requise à la substance du sacrement, cette bénédiction de l’eau a été instituée pour de bonnes raisons,  comme nous le dirons plus loin.
                                                 CHAPITRE 3
                                      La forme du baptême
Même si,  dans la pratique, presque tous  admettent, à notre époque,  la forme du baptême, --ce qui est le signe d’une providence toute spéciale de Dieu qui empêche, par là, qu’un grand nombre ne périsse,--- il y eut quand même et il y a encore d’assez grosses erreurs.  La première, au temps des apôtres.  Celle de ceux qui baptisaient au nom de trois pères ou de trois fils ou de trois paraclets.  Le canon 48 des apôtres rapporte et condamne cette erreur.  La seconde fut celle des gnostiques qui, au témoignage de saint Irénée,(livre 1, chapitre 18), baptisaient au nom du père inconnu, dans la vérité de la mère de tous, et dans le nom de Jésus descendant.  La troisième fut celle des Cataphryges, et des paulianistes qui ne baptisaient pas au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, comme Innocent 1 l’atteste (épitre 22, chapitre 5).  Voilà pourquoi  le concile de Nicée a ordonné qu’ils soient rebaptisés. (canon 19, et canon 8 de Laodicée).
La quatrième erreur fut celle des Ariens qui baptisaient au nom du Père par le Fils dans le Saint-Esprit.  Nicéphore (livre 13, chapitre 35) raconte qu’a voulu baptiser un certain évêque arien du nom de Deuterius, mais que, par un miracle divin, l’eau est subitement disparue.  D’autres ariens ne conservent pas la véritable forme du baptême, comme on le voit dans le concile d’Arles 1, canon 8.   Quand des ariens revenaient à l’église, on devait leur demander avec quelles paroles ils avaient été baptisés, car, tous n’étaient pas baptisés de la même façon.  Plusieurs d’entre eux rebaptisaient les catholiques, comme l’atteste saint Augustin (livre sur les hérésies, chapitre 49).
La cinquième erreur fut celle des Eunomiens.   Ils disaient : que soit baptisé le serviteur un tel du Christ, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Et ils osaient rebaptiser les latins qui avaient été baptisés par les mots : je te baptise etc…  C’est le concile du Latran sous Innocent 111 qui rapporte et condamne cette erreur au chapitre 4.  Le concile ne condamne pas la formule grecque, car elle est substantiellement semblable  à la nôtre. Mais il condamne l’erreur des Grecs qui, sans raison et sans cause, osaient condamner notre formule.
La septième erreur est celle de Luther, de Brentius, et de Zwingli.  Ils enseignaient qu’il était permis d’user de notre forme, mais ils pensaient qu’elle n’était pas nécessaire à la substance du baptême.  Dans son livre sur la captivité de Babylone (chapitre sur le baptême), Luther affirme que, quels que soient les mots qu’on utilise, le baptême est valide, pourvu qu’il ne soit pas donné au nom de l’homme, mais du Seigneur.  Il ajoute même que si un ministre impie ne le donne pas au nom du Seigneur, le baptême serait quand même valide s’il est reçu au nom du Seigneur.
 Zwingli (dans son livre sur la vraie et fausse religion, chapitre su baptême, vers la fin) enseigne ouvertement que, dans le baptême, n’était pas nécessaire une forme verbale déterminée.  Même s’il ajoute ne pas interdire  que soient employées les formules reçues.  Voilà pourquoi certains Zwingliens, (comme le rapporte Jean Eckius dans son homélie 10 sur le baptême), baptisaient « aux noms » du père, du fils et du Saint-Esprit, ce qui est le l’arianisme manifeste.  Car, dans l’Écriture,  le nom signifie le pouvoir et l’autorité.  Marc, dernier chapitre : « En mon nom, ils chasseront les démons. » Jean 5 : « Je suis venu au nom du mon Père. »  Comme il y a une seule déité trois personnes, il y a aussi un seul nom, une seule autorité.
Voilà pourquoi saint Ambroise (livres 2 sur les sacrements, chapitre 7) et saint Jérôme (Éphésiens chapitre 4) notent que, dans le baptême, il se fait une triple immersion, mais qu’on ne dit pas : aux noms, mais au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Jean Brentius (dans son catéchisme, au chapitre sur le baptême) écrit : « Il y aurait un vrai baptême si, après que le catéchumène ait récité le symbole de la foi, le ministre disait : je viens d’entendre la confession de ta foi, que tu crois en Dieu le père, en Dieu le Fils et en Dieu le Saint-Esprit.   Dans cette confession je t’asperge avec de l’eau, pour que, par ce sceau, tu sois sur d’être inséré dans le Christ.  Va en paix.  Il conseille cependant d’utiliser la forme reçue.  Il donne un bon conseil, car autrement, il n’y aurait pas de baptême.
En plus de ces erreurs, se trouve aussi l’opinion de plusieurs catholiques qui pensent que suffit, au baptême, l’invocation d’une seule personne divine, et surtout du Christ.   C’est ce que semblent penser saint Ambroise (livre 1, chapitre 3u sur le Saint-Esprit) et Bède (au chapitre X des actes) qui cite ces paroles de saint Ambroise.  Saint Bernard (épitre 340 à Henri) enseigne que lui semble valide le baptême que quelqu’un confère par ignorance en disant : au nom du père, de la sainte et vraie croix.  De même, Hugues de saint Victor (livre 2, partie 6, chapitre 2 sur les sacrements) et le maître des sentences (livre 4, sent dist 3), et enfin, le pape Nicolas dans son épitre aux Bulgares.  Il ne définit rien, mais présente l’autorité de saint Ambroise, et semble l’approuver.
Les fondements de ces auteurs sont deux.   D’abord, l’autorité des apôtres, qui baptisaient au nom du Christ (actes 8, 10 et 14.)   Ensuite, parce que dans chacune des personnes divines, se trouve implicitement les deux autres.  Car, qui dit Père, dit en même temps Fils, et l’Esprit de sa bouche.  Celui qui dit Christ dit oint, c’est-à-dire Père, oint, c’est-à-dire le Fils et l’onction, c’est-à-dire l’Esprit-Saint.  Celui qui dit Esprit-Saint dit Père et Fils de qui il procède.
Mais le fondement principal de tous ces auteurs qui viennent après saint Ambroise, est l’autorité de cet Ambroise.  Or, si saint Antoine n’avait pas vraiment  voulu dire ce que ces paroles semblent signifier, le fondement principal de leur opinion s’écroulerait.  Mais quoi qu’il en soit, il est certain qu’il faut rebaptiser sous condition ou pas,  si le baptême a été donné au nom du Christ, au d’une autre personne, comme l’enseignent avec raison les docteurs les plus graves (1V dist 3).
Voici donc la vraie formule du baptême : (Moi) je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Même si le mot moi (ego) n’est pas de l’essence du baptême, il ne faut cependant pas l’omettre, puisqu’il est prescrit par l’Église.  Mais, s’il est omis, le baptême est valide,  car la personne qui administre le baptême est suffisamment exprimée dans le je (sous-entendu en latin).  Que ce soit là la  formule vraie et nécessaire  du baptême on le tire de l’évangile.   Mais pas seulement de l’évangile, car il nous avons aussi  recours à la tradition et aux déclarations de l’Église.  C’est ce qu’il faut noter contre Calvin et les autres hérétiques, qui prescrivent et utilisent la même formule dans l’administration du sacrement du baptême, eux qui ne veulent admettre que l’Écriture, et non la tradition.  Dans l’évangile, nous n’avons qu’un seul témoignage : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »  Si nous ne considérions que ces seules paroles, elles ne nous obligeraient certes pas à dire quand nous prêchons : je vous enseigne.   Mais elles sembleraient suffire si nous baptisons et prêchons, même si nous n’exprimons pas par des paroles que nous faisons cela.
Pour une raison semblable, on ne déduit pas de ces seules paroles qu’il faille dire : au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Car on peut expliquer ce passage  ou de la foi en la trinité, pour que nous baptisions dans la foi de la trinité, ou de l’autorité, c’est-à-dire pour que nous baptisions par l’autorité de Dieu, comme quand on lit en Marc : en mon nom, ils chasseront les démons.  Mais si nous ajoutons à ce texte l’autorité de l’Église, il apparaitra clairement que tous ces mots appartiennent à l’essence du Baptême.
Car, d’abord, il faut dire : je te baptise, ou quelque chose de semblable qui exprime l’action du ministre, comme l’enseigne le concile de Florence, dans son instruction aux Arméniens.   Le pape Alexandre 111 enseigne la même chose, ainsi que tous les catéchismes,  et tous les rituels, même les plus anciens.  Ils en expliquent même la raison car, les paroles (au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit) même quand elles sont prononcées à voix haute, ne signifient pas, d’une façon précise, ce qui doit être signifié par le sacrement.  Car un lavement peut être fait pour se rafraîchir ou pour se soigner d’une maladie.  Et même pour ces choses on demanderait à bon droit l’aide de la trinité.  Il faut donc ajouter : je te baptise, mot qui, en vertu de l’usage ecclésiastique, signifie la purification des taches pas tant de la chair que  de l’esprit.  Il faut aussi exprimer une autre personne que celle du ministre.  C’est ce que nous faisons par le pronom : te.  Personne, en effet, ne peut se baptiser lui-même.
Il faut ensuite exprimer les trois personnes.  Deux autres papes enseignent aussi cela : Pélage (dans le canon si revera et dans le canon multi sunt) et Zacharie (canon in synodo, sur la consécration, dist).  Ils affirment tous deux que le baptême n’est pas ratifié s’il est donné au nom du Seigneur, ou au nom du Christ.  Il faut que les trois personnes divines soient nommées.   Voir le canon 49 des apôtres, saint Denys (dans la hiérarchie ecclésiastique, chapitre 2), saint Justin (apologie 2) Origène (chapitre V1 aux Romains : « Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ ».)
Il dit lui aussi qu’un baptême donné au seul nom de Jésus n’est pas valide.  De même saint Athanase (sermon 3 contre les Ariens, prés du milieu).  Il dit là qu’il n’y a de parfaite initiation que dans les noms des trois personnes divines.  Saint Basile dit la même chose (dans son livre sur le Saint-Esprit, chapitre 12) et  Dydime l’aveugle, (livre 2 sur le Saint-Esprit, pas loin du début.)  Voir aussi saint Greégoire de Nysse (dans son livre sur le baptême, avant le millieu).  Saint Jean Chrysostome (chapitre V aux Éphésiens sur « les purifiant par le lavement ». Saint Grégoire de Naziance (dans son discours sur le saint lavement), près de la fin, saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 10),  Et trhophylacte (dans Matthieu, dernier chapitre. )
Les latins.  Tertullien (dans son livre contre Praxeas, et dans son livre sur la couronne du soldat),   Saint Cyprien (dans son épitre à Jubaianus), saint Hilaire (dans son livre sur les synodes, vers la fin), saint Ambroise (dans son livre sur les sacrements, chapitres 3 et 7, et dans ses livres d’initiation aux mystères, chapitre 4).  Saint Jérôme (chapitre 4, aux Éphésiens), Siricius (dans son épitre à Innocent 1 22), saint Augustin (livre 6, chapitre 25 sur le baptême).  Léon dans l’épitre 4 à Fulgence, sur l’incarnation et la grâce du Christ,  chapitre 11,  saint Grégoire livre 9, épitre 61.
Valent peu de chose les arguments que nous avons cités en faveur de ceux qui soutiennent qu’est valide un baptême conféré au seul nom du Christ.  Le premier était l’exemple des apôtres.   Certains parmi les scolastiques soutiennent que les apôtres ont agi ainsi en vertu d’une dispensation spéciale du Christ.  Mais, comme ni l’Écriture, ni  les conciles, ni aucun père ne parlent de cette dispense, a plus de poids l’opinion de ceux qui nient que les apôtres aient baptisé en d’autre nom qu’en celui du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ce qui est confirmé par  les actes des apôtres, chapitre 19.
 Car, quand certaines personnes dirent à Paul : nous n’avions même pas entendu dire qu’il y  avait un Esprit saint, il leur répondit : dans quel baptême avez-vous donc été baptisés ?  Par ces paroles, il indique que, en son temps, l’Esprit-Saint avait coutume d’être nommé dans la forme du baptême. Et comme il est certain qu’il n’a jamais été donné au seul nom du Saint-Esprit, il s’ensuit qu’il était donné au nom des trois personnes.  Ajoutons que comme dans les constitutions apostoliques sont condamnés ceux qui baptisent autrement qu’au nom des trois personnes divines, que les plus anciens pères, voire ceux qui ont connu les apôtres ou leurs disciples comme Denys et Justin, prescrivaient la même formule du baptême, il n’est pas croyable que les apôtres aient baptisé autrement.
 Saint Luc dit, dans les actes (chapitres 2, 10 et 19), que les apôtres baptisaient au nom du Seigneur Jésus.  On peut entendre cela de plusieurs façons.  On dit peut-être qu’ils baptisaient dans la foi du Seigneur Jésus, par l’autorité du Seigneur Jésus, par un baptême institué par Jésus, ou en fin au nom du Seigneur Jésus, mais aussi au nom du Père et du Saint-Esprit. Et pour recommander davantage le nom de Jésus, ils disaient peut-être : je te baptise au nom du Père, de son Fils Jésus-Christ, et du Saint-Esprit.  Et c’est ainsi que me semblent avoir compris ce passage saint Hilaire, saint Basile, saint Fulgence.  Car, saint Hilaire (dans son livre sur les synodes, près de la fin) énumère divers textes de l’Écriture qui semblent se contredire si on ne les entend pas correctement.  Et parmi ces textes il ajoute aussi celui-là.  Il dit que, selon Matthieu, les apôtres ont reçu l’ordre de baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,  mais que les actes des apôtres  rapportent qu’ils baptisaient au nom du Christ.    Et même si Hilaire n’explique pas comment il faut entendre ces textes, cependant, de sa manière de parler, et des autres exemples contradictoires  qu’il cite, on peut déduire qu’il pensait que les apôtres avaient baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Autrement, comme il le dit, ils auraient commis le crime de prévarication de la loi divine à eux donnée.  Luc aurait exprimé la chose en termes brefs, en ne parlant que du nom du Christ, mais sans nier le nom des autres personnes divines.
Dans l’incarnation et la grâce du Christ (chapitre 11), Fulgence dit clairement que les apôtres baptisaient au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et que c’était cela baptiser au nom du Seigneur Jésus (actes) ou dans la mort du Christ (Romains V1).  Saint Basile (dans son livres sur le Saint-Esprit, chapitre 12,) écrit  que, par le nom du Fils, on doit entendre toutes les trois personnes; que quand l’Écriture dit que les apôtres ont baptisé au nom du Christ, on doit comprendre que  c’est au nom de trois personnes qu’ils baptisaient et non au nom de la seule personne du Fils.  Quand il dit que quand on ne nomme qu’une seule personne on parle en réalité des trois, il veut expliquer  la phrase de saint Luc, mais ne prescrit pas la forme du baptême.  Et c’est de cette façon que veulent qu’aient parlé Ambroise et Bède, car saint Ambroise semble suivre de près saint Basile, puisqu’il présente les mêmes témoignages, et fait souvent siennes les pensées de ce saint docteur. Et il est certain que le catéchisme romain unit, sur cette question, saint Ambroise à saint Basile.
Au second argument, je réponds que ne suffit pas, dans le baptême, une mention implicite des trois personnes, parce que le Seigneur dans l’évangile, et tous les pères en font une mention explicite, et aussi, parce que les sacrements sont des signes externes et visibles.  Il faut donc que l’invocation des trois personnes divines soit exprimée oralement de façon à être comprise.   Et il ne saurait suffire qu’une seule personne soit exprimée oralement, et que les autres ne soient conçues que mentalement.  Ce qui se produirait si on ne les invoquait qu’implicitement.
                                             CHAPITRE 4
                    La nécessité et l’institution du baptême
Nous venons de parler de la cause matérielle et de la cause formelle du baptême.  Il nous faut parler, maintenant de sa nécessité, qui se rapporte à la cause finale.
On ne peut absolument pas soutenir que le baptême est nécessaire au salut à cause du mandat divin du Christ.  Car c’est ce qu’enseigne Calvin (dans son antidote du concile, session 7, canon 5).  La question qui se pose est la suivante : le baptême est-il nécessaire en tant que moyen pour le salut, de sorte que qui n’est pas baptisé périsse, même si c’est par ignorance qu’il a désobéi au précepte.  Le problème se pose surtout pour les enfants qui ne sont capables ni d’obéir ni de désobéir.  Il y a, en fait, trois questions.  La première. Le baptême est-il nécessaire ?  La deuxième.  Quand commence-t-il à être nécessaire ?  La troisième. Peut-on y suppléer par le martyre, ou la pénitence, qu’on appelle baptême de sang ou de feu.
C’est sur la première question qu’a portée autrefois, l’hérésie pélagienne.  D’après saint Augustin (livre des hérésies, chapitre 69), les pélagiens enseignaient que le baptême n’était pas nécessaire pour la rémission du  péché originel, mais seulement pour l’obtention du royaume des cieux.  Mais nos hérétiques pélagiens d’aujourd’hui sont beaucoup plus audacieux. Ils nient que le baptême  soit nécessaire non seulement pour la rémission du péché originel, mais même pour l’obtention du royaume des dieux.
 Le premier à avoir nié cela est Wiclif, comme l’atteste Thomas Waldensis, (tome 2, chapitre 96).  Ensuite, Zwingli (dans la vraie et fausse religion) nie clairement que le baptême soit nécessaire au salut, puisqu’il n’est rien d’autre qu’un symbole externe.  Martin Bucer (chapitre 111 de Matthieu) enseigne la même chose, mais en se basant sur un autre fondement, à savoir, parce que les enfants prédestinés sont sauvés même sans le baptême, et parce que les réprouvés sont condamnés même avec le baptême.
Jean Calvin (dans son antidote sur le concile, session 6, chapitre 5, et dans son livre 4, chapitre 16, versets 24 et 25 de ses institutions) enseigne que  les enfants des fidèles sont, sans le baptême,  saints et membres de l’église, et qu’ils sont sauvés s’ils meurent.  Et la raison en est qu’il pensait qu’aux fils des fidèles n’était pas imputé le péché originel, et cela, en vertu de l’alliance que Dieu a faite avec Abraham (Genèse XV11) : « Je serai ton Dieu, et celui de semence. »  Car, par le Christ, nous succédons à la postérité d’Abraham.  Pierre le martyr (chapitre  7,  1,  aux Corinthiens) enseigne la même chose, en commentant ces paroles : « Autrement vos fils seraient impurs, maintenant ils sont purs. »  Il dit là clairement que les fils des fidèles sont sauvés sans le baptême, en présentant les mêmes arguments que ceux de Calvin.   Henri Bullinger, le successeur de Zwingli dit la même chose en commentant le même passage.  Il semble quand même y avoir une certaine différence entre Calvin et Bullinger.  Calvin ne rend saints avant le baptême que ceux qui naissent de parents fidèles, tandis que Bullinger (dans son livre sur le testament, ou l’alliance du Dieu unique et éternel) enseigne qu’il suffit que les parents (ancêtres) aient été fidèles pendant un certain temps, même si les parents immédiats (le père et le mère)  ne le sont pas.  Selon l’opinion de cet hérésiarque, presque tous les enfants sont sauvés, car, rares sont ceux qui n’ont pas eu un fidèle, parmi leurs ancêtres.
Contre ces erreurs, le concile de Trente (session 7, canon 2) statue : « Si quelqu’un dit que le baptême n’est pas nécessaire au salut, qu’il soit anathème ! »  On prouve ainsi cette vérité.  D’abord, par la parole de Dieu.  Jean 111 : « À moins que quelqu’un ne soit rené de l’eau et de l’Esprit-Saint, il ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu. »  Ces paroles ne résonnent pas comme un précepte, mais comme un moyen, comme le démontre saint Augustin (dans son livre 1, chapitre 30, sur les mérites et la rémission des péchés), où il explique ce passage avec beaucoup de précision.  Comme on le voit par la raison qu’il en donne : « Car ce qui est né de la chair est chair » et « il vous faut donc naître de nouveau »  Le seigneur enseigne que les hommes sont nés charnels et pécheurs, et, à cause de cela,  serviteurs du péché.  Un remède est donc nécessaire contre ces mots, et ce remède c’est le baptême.
 La figure du serpent que le Seigneur lui-même présente l’a pleinement convaincu. Le seigneur veut donc que le remède contre la mort éternelle soit de renaître par la foi et pas son baptême, comme autrefois le serpent d’airain fut le remède unique contre les morsures des serpents.  Donc, le « à moins que quelqu’un ne renaisse etc. » signifie : à moins que tu ne manges, tu ne vivras pas;  ou, à moins que tu ne prennes le remède prescrit par le médecin, tu ne guériras pas.  Ce qui ne signifie pas tant un précepte qu’un moyen nécessaire. Ce n’est pas non plus cela que les adversaires contestent.  Mais, par de nombreuses explications divergentes, ils s’évertuent à tant corrompre ce passage, qu’il n’y voit plus que l’eau soit nécessaire.
Calvin, dans son antidote, au lieu cité, dit d’abord, que, selon certains pères, l’eau signifiait la mortification.  Kemnitius dit la même chose (dans on examen, canon 2, session 7).  Et il nomme Saint Basile qui, par eau, entend  la mortification.  Mais cela est parler pour ne rien dire.  Car, saint Basile (chapitre 15 de son livre sur le Saint-Esprit), n’explique pas littéralement ce que signifie le mot eau,  (Jean 111), mais supposant qu’il signifie une eau vraie et naturelle, il se demande pourquoi l’eau est jointe au Saint-Esprit dans le baptême.  Et, la raison qu’il en donne c’est que l’eau signifie la mortification des péchés, et l’esprit la résurrection des vertus.
Ensuite, Calvin dit que, dans ce passage, l’eau est une épithète de l’Esprit, et le sens est : il faut naître de l’Esprit qui purifie à la façon de l’eau.  Mais, cette explication, nous l’avons déjà réfutée (dans le livre 2 sur les sacrements, au chapitre 3. »  Nous y avons présenté quinze témoignages de pères qui voient dans ce texte l’eau du baptême.  Ce que nous avons ensuite confirmé par des raisonnements.
En plus de cette explication de Calvin qu’il ne rejette pas, Pierre le martyr (chapitre V11 aux Corinthiens) en présente une autre, à savoir qu’il ne faut pas forcer le rôle du « et ».  Car,  il suffit que les hommes renaissent de l’Esprit saint, comme il est dit en Romains X : « On croit de cœur pour  la justice, et on  fait verbalement la confession pour le salut. »  On a ici la même proposition « et »,  mais la foi du cœur et la confession orale ne sont pas également nécessaires.
Mais, cela aussi, c’est une pitoyable dérobade.  Car, d’abord, la confession orale et la foi du cœur ne se réfèrent pas à la même fin, mais à l’effet.  Car, la foi du cœur est nécessaire pour acquérir la justice, et la confession orale pour ne pas perdre le salut.  Or, dans le baptême, le Saint-Esprit et l’eau appartiennent à la même génération.  Voilà pourquoi ces passages ne sont pas semblables, même s’ils ont tous deux le « et ».    Et s’ils allaient au bout de leur raisonnement, il leur  faudrait aussi admettre que pour renaître, l’eau suffit sans le Saint-Esprit.   Ce qui est l’absurdité même. Ce que dit le martyr, il le dit sans preuve, quand il dit que le Christ veut que nous ne renaissions que de l’Esprit, en omettant l’eau.   Car le « et » rend les deux nécessaires.  Autrement, l’un ou l’autre suffit à lui seul, que ce soit l’eau ou le Saint-Esprit.
Zwingli (Marc, chapitre 1) explique le baptême par la prédication.  Jean Brentius explique par la pénitence le « à moins que vous ne naissiez de nouveau. »  Et, selon lui, le sens de la phrase serait : « À moins que quelqu’un ne fasse pénitence, il n’entrera pas dans le royaume des cieux. »  Et Jean Wiclif, au témoignage de Thomas Waldensis (tome 11, chapitre 101), entend par l’eau de Jean 111,  l’eau qui a coulé du côté percé du Christ.  Et, selon lui, le sens serait : Si quelqu’un ne renait pas de l’eau qui  coulera de mon côté, c’est-à-dire, de ma passion….
Mais ces élucubrations et ces imaginations sont faciles à écarter.  D’abord, d’après l’interprétation unanime que les pères ont donnée de ces passages  Et comme ils sont expliqués de manière si différente par les auteurs de notre temps et ceux d’autrefois, des hommes prudents ne pourraient rien faire de mieux, même s’ils n’étaient pas chrétiens, que d’en appeler au jugement des anciens, qui ont commenté ces textes avant nos présentes disputes.  On les réfute aussi avec l’axiome qui est commun aux théologiens, qui veut que nous interprétions l’Écriture selon le sens naturel et propre des mots, à moins d’aboutir à une absurdité.  Or, les adversaires ne peuvent pas montrer que nous débouchons sur une absurdité quand nous entendons le mot eau au sens d’eau. Non certes  sur une absurdité, mais plutôt sur la réfutation de leurs hérésies.
Troisièmement.  Si par eau nous n’entendons pas de l’eau, il sera difficile de statuer que le sacrement du baptême inclut de l’eau.   Ce que pourtant affirment, aujourd’hui,  tant les hérétiques que les catholiques.  Car, les autres passages cités où il est fait mention du baptême (actes 111, Éphésiens V),  prouvent bien que les hommes puissent être baptisés dans de l’eau, mais non qu’ils ne puissent pas l’être par d’autres liquides.  Et ces passages aussi, ils pourront les détourner de leur vrais sens pour en faire des métaphores, comme ils ont fait pour l’autre.  C’est donc avec raison que le concile de Trente (session 7, canon 2) anathématise tous ceux qui tournent ce passage en métaphore, et ne l’entendent pas de l’eau naturelle et véritable, comme les mots l’expriment.
On prouve ensuite cette vérité avec la tradition  de l’Église et des pères.   Car, l’Église a toujours pensé que les enfants périraient s’ils quittaient cette vie sans le baptême.  Nous avons d’abord le témoignage du concile de Carthage et de Milet dans les lettres 90 et 92 de saint Augustin, dans laquelle est condamnée la sentence de ceux qui pensent que les enfants sont sauvés sans le baptême.  À quoi correspond le concile de Trente (session 6, canon 3, session 7, canon 5).
En second lieu, nous avons les témoignages des souverains pontifes.  De Siricius (épitre 1 à Himéricus, chapitre 2)  et d’Innocent 1 (épitre 26, au concile de Milet).  Ils enseignent que les enfants périraient s’ils mouraient avant le baptême.  De même, de saint Léon 1 (épitre 80, ou 78 aux évêques de Campanie) où il dit qu’il faut baptiser tous ceux qui sont en danger de mort, pour qu’ils ne soient pas privés de la nécessaire libération.
Troisièmement.  Nous avons les témoignages de tous les pères qui enseignent tous la même chose.  Irénée (livre 3, chapitre 10), Origène (Romains, chapitre 6), saint Grégoire de Naziance (sermons sur le saint lavement), saint Basile (sermon 13 sur l’exhortation au baptême), saint Cyprien (livre 3, épitre 8 à Fidus),  saint Ambroise (livre 2 sur Abraham, dernier chapitre), saint Jérôme (livre 111, contre les pélagiens), saint Augustin (livre 1 sur les mérites et la rémission des péchés, chapitre 16, 23, 24, 27, et épitre 18, livre 2, chapitre 12, sur l’origine de l’âme, et livre 3, chapitre 9),  Prospère, livre 2, chapitre 8, la vocation des Gentils, saint Fulgence, chapitre 30, sur la foi à Pierre, saint Bernard (sermon 66 sur les cantiques des cantiques),  et Pierre de Cluny (dans son épitre contre les pétrobrusiens, qui traite proprement de ce sujet.)
Mais écoutons un ou l’autre témoignage de saint Augustin, au nom de tous les autres  (livre 3, chapitre 9 sur l’origine de l’âme) : « Ne crois pas,  si tu veux être catholique,  ne dis pas, n’enseigne pas que, avant qu’ils soient baptisés, les enfants puissent parvenir à l’indulgence des péchés originels. »  Et dans l’épitre 20 à saint Jérôme il dit : « Celui qui dit que sont vivifiés aussi dans le Christ les enfants qui sortent de cette vie sans la participation du sacrement,  va contre la prédication des apôtres,  et condamne toute l’Église.  On se dépêche et on se hâte de faire baptiser les enfants, parce qu’on croit que, sans le baptême, ils ne peuvent pas être vivifiés dans le Christ ».
Troisièmement. On le prouve avec une raison  tirée du fondement des adversaires.   Leur fondement, en effet, est que les fils des chrétiens naissent libres du péché originel, non parce qu’ils ne l’ont pas, mais parce que, étant fils de saints, il ne leur est pas imputé.  Ce fondement, on peut facilement le renverser.   Jacob et Esaü furent tous deux des fils de l’excellent père Isaac, mais il  hait Esaü avant qu’ils aient fait du bien ou du mal (Romains V111).  Les fils des saints ne naissent donc pas  saints.
Pierre le martyr répond (dans son commentaire de 1 Corinthiens V11)  que, quand ils sont prédestinés,  les fils des saints naissent saints.  Cependant, parce que nous ignorons, nous, ceux qui sont prédestinés, nous avons bon espoir pour tous les fils des saints, jusqu’à ce que, par leurs mauvaises œuvres, les réprouvés  ne montrent leur réprobation.  Réponse inepte !    Car, s’il en est bien ainsi, il sera indifférent de naître d’un fidèle ou d’un infidèle, et on espèrera le  salut de tous les enfants, car il arrive très souvent que les fils des fidèles soient réprouvés, et les fils des infidèles prédestinés.  De plus, si les fils des fidèles non prédestinés ne naissent pas saints, Pierre le martyr se trompe quand il affirme que Calvin a suivi la promesse de la Genèse XV11 «  Je suis ton Dieu, et celui de ta semence. »
Le martyr répondra que cette promesse n’est pas universelle, mais qu’elle ne se réalise que dans les prédestinés.   Et cela est donné gratuitement. Or, les paroles de l’Écriture sont absolues, et, dans tout le chapitre, il n’est fait aucune mention de la prédestination.  Et, enfin, cette promesse est rendue vaine, si on y ajoute la prédestination comme condition.  Car, les parents ou les fils ne peuvent tirer de là aucune consolation, puisqu’Ils ignorent s’ils sont prédestinés.  C’est comme si un roi disait à quelqu’un : je donne cette ville à toi et à ta postérité, à condition qu’il me plaise de l’accorder à ta postérité.
Deuxièmement. David était un homme fidèle, mais, dans le psaume 1, il disait : « J’ai été conçu dans les iniquités, ma mère m’a conçu dans les péchés. »  Et saint Paul, qui était fils de saints, comme il l’affirme en 11 Corinth X11, et pourtant, en Éphésiens 11,   dit : « Nous étions, nous aussi, par nature, des fils de colère. »  Ils répondront que cela est dit de la corruption de la nature, et du péché qui réside réellement à l’intérieur, non de la culpabilité, qui n’est pas dans les fils des fidèles, puisque le péché je leur est pas imputé.  Mais, il est certain qu’être fils de colère a le sens d’être coupable.  Seul n’est pas un fils de colère celui-là qui n’est pas sujet à la peine et à la vindicte. Or, il n’est pas soustrait à la peine celui à qui le péché n’est pas imputé.  Voilà pourquoi l’apôtre n’a pas dit : nous sommes des fils de colère, mais nous étions des fils de colère.  Et, cependant, selon les adversaires, le péché demeure toujours, même après le baptême.
Troisièmement, les textes de saint Paul sur le péché originel sont généraux.  Romains V : « En qui tous ont péché. »  Et 11 Corinthiens XV : « Le Christ est mort pour tous, donc tous sont morts. »  On ne peut pas entendre ces textes d’un vice de nature, et non d’une faute.  Autrement, personne n’aurait de péché.  On ne peut pas dire, non plus, que les fils des fidèles contractent le péché originel, mais qu’il leur est remis très tôt, avant leur naissance.  Car, si les fils des fidèles sont ainsi sanctifiés parce qu’ils sont les fils de fidèles, ils commencent donc à être saints au moment même où ils commencent à être fils de fidèles.  Et ils commencent à être fils de fidèles au moment où ils commencent à être.  Ils n’ont donc jamais le péché originel, ce qui est contre saint Paul, et contre les adversaires eux-mêmes, qui admettent le péché originel, et qui ne se rendent pas compte qu’ils disent des choses contradictoires.
Quatrièmement.  Le fondement de nos adversaires est en opposition avec l’axiome de tous les pères, et même de tous les chrétiens,  qui est qu’on ne nait pas chrétien, mais qu’on le devient.  Voir saint Jérôme (épitre 7 à Laetamus),  Tertullien (apologie, chapitre 17, à la fin), etc.  Or, selon Jean Calvin et le martyr, on nait chrétien, on ne le devient pas.  Mais, voyons leurs arguments.
Genèse XV11 : « Je serai ton Dieu, et celui de ta semence après toi. »  Cela est dit à Abraham et à sa postérité.  Mais, nous, par le Christ, nous succédons à la postérité d’Abraham.  Car, le Christ a dissous le mur en pierres sèches qui nous séparait du peuple de Dieu.  Je réponds que cette promesse (comme nous l’avons montré plus haut dans la question de la différence entre les sacrements de l’ancienne loi et de la loi nouvelle,)  ne fut pas, littéralement, une promesse de rémission des péchés, mais d’une protection particulière et d’une félicité terrestre.
Cependant, au sens mystique, ce fut aussi une promesse spirituelle et de rémission des péchés et de vie éternelle, et  c’est à nous qu’elle s’adressait.  Et elle ne descend pas en nous par une génération charnelle, mais par la régénération spirituelle du Christ.  En effet, saint Paul (Romains 4 et 9 , et Galates 3 et 4) enseigne que les vrais fils d’Abraham ne sont pas ceux qui sont ses fils par la chair, mais qui sont les fils de Dieu, c’est-à-dire qui imitent Abraham dans sa foi.  Selon l’apôtre, nous commençons donc à être fils d’Abraham, quand nous commençons à être fidèles.  Ce que les enfants ne font que quand ils sont baptisés.  Car, pour eux,  être baptisés c’est croire, comme le dit saint Augustin (livre 1, chapitre 27, livre sur les mérites et les récompenses des péchés).
De plus, la raison enseigne la même chose.  Car, par la génération charnelle, nous ne pouvons pas devenir fils d’Abraham, puisque, de toute évidence, nos parents ne descendent pas d’Abraham.  Nous le pouvons parce que le Christ a été un vrai fils d’Abraham.  Nous commençons donc, nous aussi, à être fils d’Abraham quand nous commençons à être fils ou frères du Christ.   Or, il est certain que cela ne peut se faire que par le baptême. D’où Jean : « Qui ne sont pas nés du sang,  ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »  Et Jean 111 : « Il vous faut naître de nouveau. »  Voir saint Augustin (épitre 200 à Asellicus).
Ils objectent ensuite cette autre parole de l’Apôtre ( 1 Corinthiens 7) : « Si vos fils étaient impurs, maintenant  ils sont saints. »  Je réponds avec saint Augustin (livre 3, chapitre 12, des mérites et de la rémission des péchés).  Cette sainteté des fils ne peut pas, comme le veulent les adversaires, signifier que les fils deviennent saint pas le baptême.  Car, au même endroit, saint Paul dit que le conjoint infidèle est sanctifié par le conjoint fidèle.  Et, cependant, il faudrait être fou pour penser que, sans conversion au Christ et sans baptême, le conjoint infidèle pourrait parvenir à la rémission des péchés par le seul fait d’être uni à un conjoint fidèle.
Les pères donnent, à ce texte,  trois explications.   La première.   Il appelle saints les fils, comme ayant une certaine sainteté civile, du fait qu’ils sont légitimes, et non des bâtards. Cette explication est attribuée à saint Ambroise, à saint Thomas, et à saint Anselme, dans les commentaires qu’ils ont faits sur ce texte.  Le martyr réfute cette explication, car les fils seraient légitimes, même si les deux conjoints étaient infidèles.  Et, cependant, l’apôtre dit que naissent saints les fils d’un conjoint fidèle et d’un conjoint infidèle, parce que l’infidèle est sanctifié par le fidèle.  Il faut donc, dans ce passage, reconnaitre une autre sainteté.  Mais, il cherche à tort de prendre en faute cette explication.  Car, autre est le rapport entre deux infidèles, et autre entre un époux fidèle et une épouse infidèle.  Car, quand les deux conjoints sont infidèles, le mariage est surement légitime, en tant que contrat civil.  On ne peut mettre cela en doute.  Comme on ne le peut pas non plus quand les deux sont fidèles.
 Or, quand un conjoint est fidèle et l’autre infidèle on pouvait douter, à cause de la disparité de culte,  si le mariage était légitime. Car, le fidèle semble être pollué par la cohabitation avec un infidèle.  Voilà pourquoi l’apôtre enseigne aux chrétiens que même là,   le mariage est légitime; que l’infidèle ne pollue pas le fidèle, mais que, au  contraire, c’est le fidèle qui sanctifie l’infidèle.  Car la foi a plus de pouvoir que l’infidélité.  Qu’il y ait, dans une telle disparité de cultes, un mariage légitime il le prouve en disant que leurs fils ne sont pas considérés comme impurs, infâmes ou bâtards, mais saints, c’est-à-dire, légitimes, et libres de toute vile ignominie.
L’autre explication veut que les fils de ces époux sont dits saints parce qu’ils sont consacrés à Dieu par le conjoint fidèle, deviennent chrétiens par le baptême, et sont éduqués dans la crainte de Dieu.  Car l’apôtre exhorte les époux chrétiens à ne pas se séparer de leurs conjoints infidèles, si les infidèles veulent demeurer avec les fidèles.  Et il donne, comme raison, que l’infidèle est sanctifié par le fidèle, c’est-à-dire en se convertissant à la foi, ou en étant un candidat à la foi,  dans la mesure où il n’a pas en horreur la manière chrétienne de vivre de son conjoint, et où il permet que les enfants soient baptisés et soient éduqués chrétiennement.  Cela ne se ferait surement pas si un infidèle ne voulait pas habiter avec un fidèle, ou si l’infidèle n’était pas sanctifié par le fidèle.  Car, les enfants, alors, suivraient le conjoint infidèle, et seraient impurs et infidèles.  C’est ainsi qu’expliquent ce texte Tertullien (livre 2 à son épouse), saint Jérôme (livre 1 contre Jovinien, et épitre 153 à Paulin), saint Augustin (livre 2, chapitre 26  des mérites des péchés, livre 3, chapitre 12,  et livre 3 sur le sermon sur la montagne, chapitre 27.
Pierre le martyr trouve de son goût cette explication, et il croit pouvoir, avec ce passage, stabiliser son hérésie.  Car, il arrive souvent que celui qui reçoit des fils de la prostitution, prenne soin d’en faire des chrétiens, et les éduque dans la crainte de Dieu, comme saint Augustin a fait lui-même avec son fils Adeodat.  Et, à cause de cela, personne ne considèrerait comme sainte l’union d’un chrétien avec une prostituée.  Saint Paul déclare qu’est sainte l’union d’un fidèle avec un infidèle, parce qu’en naissent des fils saints.  C’est pour une raison valable que Pierre réprouve cette explication.  Car l’union avec une prostituée est, en soi, une chose mauvaise, et ne peut donc pas être rendue sainte par l’union avec un fidèle. Elle ne peut pas non plus être louée ni approuvée, même s’il en naissait des fils qui deviendraient un jour chrétiens.  Car, on ne peut pas faire le mal pour qu’en provienne du bien.  Or, dans Romains 111, le mariage entre des infidèles est une chose bonne, et il peut dont être meilleur si l’un des deux devient croyant.  Et la persévérance dans ce mariage peut donc être recommandée et persuadée, à cause du bien qui en résulte : le baptême et l’éducation chrétienne des enfants.
La troisième explication est de ceux dont parlent saint Ambroise et saint Augustin, dans les lieux cités.  Ils disaient que le conjoint infidèle était sanctifié par le conjoint fidèle, parce qu’il apprenait à conserver les lois du mariage, et à ne pas abuser du mariage.  Car, les infidèles qui ignorent Dieu, même s’ils sont dans un mariage légitime, ne s’abstiennent pas de l’acte du mariage au temps de la menstruation, et ne conservent pas toujours un mode naturel.   Ce qui pollue le mariage, et rend impurs les fils à leur naissance.  De cette pollution sont libérés les enfants, par le fait que l’infidèle consent à habiter avec un fidèle, et à conserver les règles d’un chaste mariage.
Le troisième argument est de Calvin.  Le baptême n’est pas profané quand il est donné à des impurs, comme le sceau d’un roi n’est pas profané quand il scelle un faux document.  Je réponds que le baptême n’est pas profané quand il est donné à des impurs, mais que, au contraire, il les purifie et les sanctifie.  Car, il n’est pas, comme le rêve Calvin, le sceau d’une grâce déjà  reçue, mais l’instrument qui confère la grâce qui est alors donnée.
Le quatrième argument. Les enfants des Juifs qui mouraient avant le huitième jour, ne pouvaient pas être circoncis, et cependant, il n’est pas vraisemblable qu’ils aient tous péri.  Ils étaient donc sauvés sans la circoncision.  On peut faire le  même raisonnement pour le baptême chez les chrétiens.  Les enfants sont sauvés sans le baptême.  Je réponds que tout cet argument repose sur des choses incertaines.   Car, d’abord, beaucoup parmi les pères, (comme nous l’avons dit plus haut) nient que la circoncision ait été donnée comme un remède contre le péché.  Nous ne savons donc pas si, avant le huitième jour, les enfants des Juifs avaient un remède, et de quelle nature il était.  Mais la circoncision n’est pas comme le baptême.
 Maintenant, a été déterminé par le Christ un remède certain et commun à tous, et extrêmement facile, en dehors duquel il n’est pas permis d’en imaginer un autre.   Ce qui arrivait autrefois, on ne peut pas le savoir avec certitude, puisque l’Écriture n’en souffle mot.  Ce que nous savons avec certitude de la bible c’est que tous naissent pécheurs, et que tous ne peuvent être sauvés que par la passion du Christ appliquée par des moyens certains, comme saint Augustin l’enseigne (dans ses trois livres sur les mérites et la rémission des péchés, et dans ses quatre livres sur l’origine de l’âme.)
Le cinquième argument. Si le baptême est nécessaire, un immense nombre d’enfants périra sans faute de leur part, ce qui semble étranger à la miséricorde de Dieu.  Ce fut l’argument de Pierre le martyr, et de catholiques comme Cajetan, Gabriel, et d’autres qui n’enseignent pas que les fils des chrétiens sont nés saints, mais qui s’efforcent de trouver des remèdes pour les petits, en dehors du baptême.  Nous répondons, avec saint Augustin (livre 2,  chapitre 12, sur le don de la persévérance), avec Prosper (livre 2, chapitre 8, sur la vocation des Gentils).  Les jugements de Dieu sont occultes et impénétrables.  On se demande pourquoi tant d’enfants périssent.  Mais ses jugement ne peuvent  être que très justes.  Car, même si c’est sans leur faute que les petits ne sont pas baptisés, ce n’est quand même pas sans leur faute qu’ils périssent, puisqu’ils ont le péché originel.
 Ceux qui imaginent un autre remède en dehors du baptême, militent ouvertement contre l’évangile, les conciles, les pères, et le consensus de l’église universelle.  Car, comme saint Augustin le dit (épitre 28) quand les enfants sont moribonds, on ne se presse pas et on ne court pas, pour leur administrer le baptême, pour une autre raison que parce qu’on sait qu’il n’existe pas d’autre remède.  Ceux qui s’imaginent ces choses ne semblent pas comprendre que le soin des enfants relève plus de Dieu que des parents; et que le Christ a affirmé que son baptême était nécessaire.  Il savait très bien, le Christ, que beaucoup seraient privés de ce moyen sans faute de leur part. Et il lui était facile de pourvoir à ce que tous les enfants le reçoivent, comme il le fait pour tous les élus.
Ce que Bucer et le martyr disent, à savoir que les enfants prédestinés sont sauvés même sans baptême, c’est une grande ineptie, comme saint Augustin le montre (livre 3, chapitre 10, de l’origine de l’âme).  Ceux que Dieu a prédestinés il leur a fourni très efficacement, les remèdes pour le salut.  Si donc ceux qui meurent dans l’enfance sont baptisés, ils sont prédestinés;  s’ils  ne le sont pas, ils sont réprouvés.
                                               CHAPITRE 5
À quel temps le baptême a-t-il commencé à être nécessaire ?
C’est une question que se posent les théologiens.  Comme nous n’avons pas là-dessus de controverses avec les hérétiques, je présenterai, en quelques propositions, la sentence qui me semble la plus probable.
La première proposition. Le baptême a été institué avant la passion du Seigneur.  On ne peut nier que le Christ ait fait usage d’un certain baptême avant sa passion.  Car, en Jean 111 et 1V, on nous raconte que le Christ baptisait par ses disciples.  Mais on peut fortement douter que ce baptême ait été semblable à celui que nous avons présentement.  On peut penser qu’il ne fut, comme celui de saint Jean-Baptiste,  qu’une préparation au sacrement du baptême qui a été institué après.  Saint Jean Chrysostome (homélie 28 sur saint Jean), Theophylacte (chapitre 3 sur Jean) disent ouvertement que ce baptême des disciples de Jésus ne remettait pas les péchés, qu’il fut dans l’eau seule sans l’Esprit Saint.  Qu’il n’y avait pas de différence entre le baptême de saint Jean Baptiste et celui des apôtres du Christ avant la passion du Christ, les deux étant une  préparation à la foi.  Voilà pourquoi le Christ ne baptisait pas lui-même, mais par ses disciples, car il ne lui convenait pas  de baptiser sans le Saint-Esprit.
Saint Léon semble penser de la même façon (épitre 3, chapitre 4, aux évêques de Sicile) : « La qualité elle-même de l’œuvre enseigne que les grâces devaient être généralement les grâces seulement  le jour légitime, c’est-à-dire le jour de la résurrection, où est née et la vertu de la fonction et la sorte d’action.  Pour confirmer cela, vaut surtout le fait que le Seigneur Jésus-Christ, après être ressuscité des morts, a livré à ses disciples, dans lesquels tous les chargés d’église étaient enseignés, et la forme et le pouvoir de baptiser en disant : allez, enseignez toutes les nations.  Baptisez-les au nom du Père,  du Fils, et du Saint-Esprit.  Il aurait pur leur enseigner cela avant sa passion, mais il voulait leur faire comprendre que la grâce de la régénération a commencé à sa résurrection. »
Ce que nous venons de dire est quand même plus probable.  Et c’est ce qu’enseignent officiellement saint Cyrille (livre 2, sur Jean, chapitre 57 et suivants), et saint Augustin (traités 13 et 15 sur saint Jean, et épitre 108 à Seleucianus), et Hugues de Saint Victor (livre 2 sur les sacrements, par 6, chapitre 4. »  C’est, chez les théologiens,  la sentence la plus commune, à la suite du Maître des sentences, (1V dist 3).  Et la raison est d’abord parce qu’on disait que le Christ baptisait, alors que ce n’était pas lui qui baptisait, mais ses apôtres, comme l’explique l’évangéliste.  Ce baptême du Christ était donc proprement un baptême du Christ, et se distinguait du baptême de saint Jean, autrement on n’aurait pas dit que c’était le Christ qui baptisait ceux que les apôtres baptisaient,  mais que c’était saint Jean qui les baptisait.  Or, pour être un baptême propre au Christ, il aurait fallu qu’il ait été dans l’eau et le Saint-Esprit, et non dans l’eau seule.  L’Écriture, en effet, met toujours cette distinction entre le baptême et Jean et celui de Jésus : Jean ne baptisait que dans l’eau, tandis que Jésus baptisait dans l’eau et le Saint-Esprit.  Il ne convenait pas, non plus, que le Christ instituât une vaine cérémonie, ou usurpât la charge de Jean,  qui était de ne baptiser qu’avec de l’eau.  Ajoutons que saint Jean dit de Jésus : «C’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. »
On prouve la même chose avec les Actes X1X.   On lit là qu’on été rebaptisés ceux que Jean avait baptisés.  Mais, on ne nous dit jamais qu’ont été rebaptisés ceux que les apôtres avaient baptisés.  Et il est très probable que les apôtres n’ont pas été baptisés avant la passion du Christ.  Troisièmement, les pères enseignent à l’unanimité,  que quand le Christ baptisa dans le Jourdain, il a donné aux eaux le pourvoir de sanctifier.  Voir Tertullien (livre contre les Juifs, le chapitre de la passion), saint Hilaire (canon 2 sur Matthieu), saint Ambroise (livre 2, chapitre 12, sur Luc), saint Jérôme (dans son discours sur les lucifériens), saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières) Bède (chapitre 3 sur saint Luc.)  Mais, il est certain que les eaux n’ont eu le pouvoir de sanctifier qu’au temps où elles commencèrent à être la matière du baptême.
Enfin, le fondement de la sentence contraire n’est pas solide.  La seule chose qu’ils présentent c’est saint Jean Chrysostome et Theophylactus de saint Jean V11 : « Le Saint-Esprit n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. »  Mais on doit entendre ce passage de la plénitude de l’Esprit Saint  qui a commencé à être donnée visiblement à la Pentecôte.  Autrement, tous les saints auraient eu l’Esprit Saint même avant la passion du Christ.
Seconde proposition.  Le baptême du Christ a été institué quand le Seigneur a été baptisé par saint Jean dans le Jourdain.  Il est à noter qu’au au sujet du moment où le Christ institua le baptême, il y a plusieurs opinions parmi les scolastiques.   Mais celle-ci est la plus commune et la plus vraisemblable, et c’est celle que nous suivons.  C’est  également ce qu’enseignent le catéchisme de Trente, et le Maître des sentences ainsi que saint Thomas d’Aquin (livre 1V, dist 3), et d’autres.  Nous ne voulons pas dire, évidemment, qu’au jour de son baptême, Jésus a enseigné la matière et la forme du baptême.  Ce qui est manifestement faux. Mais qu’il a, alors statué et décrété ce qu’il a déclaré par la suite en Jean 111, et, en un autre temps, à ses disciples : que l’eau serait la matière du baptême, et que la forme serait l’invocation des trois personnes de la trinité.
 Il a déterminé que les eaux seraient la matière du sacrement de baptême quand il daigna, par le contact de sa chair très pure, la consacrer et l’illustrer, comme l’enseignent les pères cités.  Il a déterminé en même temps la forme quand, dans son baptême, toute la trinité est apparue sensiblement (Matthieu 111).  Car, quand le Christ fut baptisé, les cieux se sont ouverts, et la voix du père résonna.  Le Saint-Esprit apparut sous la forme d’une colombe, et le Fils de Dieu lui-même, dans la chair qu’il avait assumée, était présent.  Et, selon le témoignage de saint Hilaire de Poitiers. Et c’est alors que fut proclamé l’effet du baptême institué par le Christ : le ciel s’ouvre sur les baptisés,  ils sont adoptés comme des fils par le Père,  et ils sont remplis du Saint-Esprit.
La troisième proposition.  Avant la mort du Christ, le baptême ne fut nécessaire ni d’une nécessité de moyen, ni d’une nécessité de précepte.  On le prouve ainsi.   Jusqu’à la mort du Christ, la loi ancienne resta en vigueur, car le Christ   l’a observée jusqu’à sa mort. En effet, la veille de sa mort, il observa la cérémonie de l’agneau pascal.  Et (en Matthieu XX111), il ordonna que les Juifs observent et fassent ce que les scribes enseignaient de la chaire de Moïse.  La circoncision aussi, si elle avait été donnée comme un remède contre le péché, demeura en vigueur jusqu’à la mort du Christ.  Le baptême du Christ ne fut donc pas, en tout temps,  nécessaire au salut.  Entre temps, les hommes, même les enfants,  pouvaient être justifiés sans ce sacrement.  Voilà pourquoi ces paroles du Christ  (à moins que quelqu’un ne renaisse de l’eau et du Saint-Esprit) ne signifient pas que le baptême a été nécessaire à partir du moment où Jésus parlait à Nicodème.  Elles signifient qu’il sera nécessaire dans la loi nouvelle, quand auront pris fin les cérémonies légales, comme l’explique correctement saint Bernard, (dans son épitre 77 à Hugo).
C’est de la même façon qu’on doit expliquer ce qu’a dit Fulgence (dans son livre sur la foi à Pierre, chapitre 3 : « À partir du moment où le Christ a dit : à moins que quelqu’un ne renaisse…personne ne pouvait être sauvé sans le baptême.  Il ne parle pas du temps où Jésus parlait à Nicomède, mais du temps de la nouvelle loi.  Et ce passage en Luc XV1 (« La loi et les prophètes jusqu’à Jean. ») ne signifie pas que la loi avait cessé alors quant à son obligation et sa vitalité, mais quant   à la prédication.  Car, saint Jean Baptiste fut le dernier des prophètes.  Voilà pourquoi il ajoute : « C’est depuis lui que nous annonçons la bonne nouvelle du royaume des cieux. »
De plus, à la mort du Christ, cessèrent l’efficacité des cérémonies et de toute la loi.  Cessèrent donc l’obligation et la vertu de la circoncision.  La loi ancienne fut donc en vigueur jusqu’à cette époque.  Qu’à la mort du Christ ait cessé la vertu de la loi, on le voit dans Matthieu XXV11 : « Le voile du temple s’est déchiré. »  Jean X1X : « Tout est consommé. »  Ainsi que saint Paul (Romains V11) : « Vous êtes morts à la loi par le corps du Christ. »  En effet, presque toutes les cérémonies de la loi étaient des figures du Christ (Col 2, Hebr X). Or, c’est par sa mort, que le Christ a accompli l’œuvre de la rédemption.
La quatrième proposition.  C’est au jour de la pentecôte que le baptême du Christ a commencé à être nécessaire d’une nécessité de moyen et de précepte.  Il est à noter que la loi ancienne a cessé d’elle-même à la mort du Christ, car c’est alors que cessa sa raison d’être.  Mais parce que les Juifs ignoraient cela, elle a continué à être en vigueur jusqu’à la proclamation publique de l’Évangile.  Cependant, la loi évangélique et les sacrements chrétiens agirent en secret et furent de grand profit même avant la mort du Christ, mais ils ne devinrent obligatoire qu’après leur promulgation solennelle, comme le dit le concile de Trente sur le baptême (session 6, chapitre 4).  Et la raison en est que la promulgation est de l’essence de la loi, comme saint Thomas l’enseigne (paragraphe 2 question XC, article 4.)
La promulgation solennelle de la loi nouvelle a été faite le jour de la Pentecôte.  On le prouve ainsi.   Parce que la loi ancienne est restée en vigueur jusqu’à la mort du Christ.  Et, de la mort du Christ jusqu’à la pentecôte, les apôtres n’ont pas parlé en public au peuple.  Deuxièmement.   La loi nouvelle ne pouvait pas être promulguée avant que ne soient complétés tous les mystères de la rédemption.  Or, ces mystères ne furent complétés qu’à l’ascension de notre Seigneur.   Troisièmement. La loi ancienne fut promulguée solennellement au mont Sinaï, le cinquantième jour après la pâque des Juifs.  La nouvelle loi devait donc être promulguée, elle aussi, le cinquantième jour après la pâque des chrétiens.
Car, cette promulgation de la loi ancienne fut une figure de la promulgation de l’évangile, comme l’enseignent saint Augustin (épitre 149), saint Léon (sermon 1 sur la pentecôte), et d’autres.   Quatrièmement, à la première prédication de saint Pierre (Actes 11), le jour même de la pentecôte, toutes les conditions d’une promulgation solennelle étaient rassemblées.  Car, elle a eu lieu dans la vie reine Jérusalem, en présence d’hommes de toutes les nations, comme l’atteste saint Luc.  Elle a été faite par le prédicateur suprême de l’évangile, saint Pierre; et dans ce sermon se trouvent contenus les chapitres principaux de toute la doctrine chrétienne.  Enfin, c’est alors que commença l’usage des sacrements.
                                                 CHAPITRE 6
                                Le baptême du sang et du feu
La question qui se pose maintenant est la suivante : le baptême de l’eau peut-il être remplacé par le baptême du sang (le martyre) tant pour les adultes que pour les enfants.  Et, chez les adultes, par une vraie conversion du cœur.  Kemnitius (2 par examen, pages 90, 91, 92) admet ces trois baptêmes, et dit que les anciens avaient finement distingué trois baptêmes : celui du sang, du feu et de l’eau.  Mais, c’est dans l’explication qu’il en donne, qu’il s’éloigne des catholiques. Il ne veut pas que ce soit  le martyre ou la pénitence qui remette les péchés comme le fait le baptême d’eau, mais seulement la foi, que, pendant le martyre et la pénitence, le Christ accueille.  Car, c’est elle seule qui justifie.
 Illyricus aussi (centurie 5, chapitre 1, colonne 517, dit que « contre la parole de Dieu,  et en injuriant le baptême, Prosper a égalé le martyre au baptême. »  Mais il n’apporte aucun argument.  Kemnitius donne comme preuve que le martyre et la pénitence sont nos œuvres. « Il est donc absurde et impie d’accorder à nos œuvres une valeur égale au sang du Christ et à la vertu du baptême. »
Il le confirme par un passage tiré de saint Augustin (livre 4, chapitre 22, contre les donatistes) qui dit que ce n’est pas par sa passion que le bon larron a obtenu la rémission de ses péchés, mais par sa foi dans le Christ.  Corrigeant ainsi saint Cyprien, qui avait enseigné le contraire.  Je réponds que la sentence de Kemnitius est non seulement fausse, mais milite contre elle-même, et n’est pas dénuée de mensonges.  Car, comme le même Kemnitius enseigne souvent, comme son maître Luther, que dans le baptême d’eau seule la foi justifie, ne se contredit-il pas quand il dit que le martyre et la pénitence ne remettent pas comme le baptême, puisque, en eux, seule la foi justifie ?
  De plus, on trouve deux mensonges dans sa sentence.  Le premier.  Quand il prétend que saint Augustin enseigne que le bon larron a été justifié par la seule foi.  Car, ce n’est pas ce que dit saint Augustin.  Il dit plutôt que le bon larron a été justifié « par la foi et la conversion du cœur. »  Le deuxième mensonge. Quand il prétend que Saint Augustin a réfuté saint Cyprien qui a enseigné que le martyre justifie comme le baptême.  Car cela est un impudent mensonge.  Car, non seulement saint Augustin ne  réfute pas saint Cyprien, mais il le loue dans ces termes : « La passion peut parfois produire l’effet du baptême, dit-on, du bon larron, qui n’avait pas été baptisé.  Ce n’est pas une faible preuve que nous présente saint Cyprien : « aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis. »
Il enseigne ensuite, un peu plus bas, qu’on ne peut pas dire que le bon larron a té un martyr, ni qu’il a été sauvé par le  baptême du sang, mais par le baptême du feu  Mais, il dit cela pour confirmer la sentence de saint Cyprien.  Car si le baptême du feu justifie, le baptême du sang justifiera bien plus, comme saint Cyprien l’avait dit.  Et, pour donner une explication complète, j’énonce  trois propositions.
La première. On dit avec raison que le martyre est un baptême.   On prouve cette assertion par deux raisons.  L’Écriture et les saints pères ont coutume de donner le nom de baptême au martyre.  Marc X : « Pourrez-vous boire au calice que je boirai, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? »  C’est ce que les pères enseignent souvent.  Tertullien (dans son livre sur le baptême), dit, en parlant du martyre : « Voici le baptême que le bain de la régénération n’apporte pas ou n’annule pas. »  Et Prosper dans ses épigrammes : « Et tout ce qu’apporte la forme mystique du lavement sacré, la gloire du martyre le fournit au complet. »    Dans sa préface sur l’exhortation au martyre, saint Cyprien dit que le martyre est un baptême, et même « un plus grand que le baptême d’eau. »  Saint Ambroise (dans le psaume 118, sermon 3), distingue trois baptêmes : un d’eau, un du sang, et l’autre du purgatoire dans l’autre vie.
Saint Jérôme (chapitre 4, aux Éphpsiens, sur les mots : « un seul baptême »), distingue le baptême d’eau du baptême du baptême du martyre.   Saint Augustin (livre 13, chapitre 7, de la cité de Dieu, et épitre 168 à Séleucien, livre 1, chapitre 9, sur l’origine de l’âme), et livre 4 sur le baptême, chapitre 21 et 22), saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 3) parlent de ces deux baptêmes, comme le font aussi saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières), saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 10), saint Bernard (épitre 77), Hugues de Saint Victor (livre 2, par 6, chapitre 7 sur les sacrements),
L’autre raison est que le martyre ressemble au baptême d’eau par trois effets.  Il configure l’homme à la passion et à la mort du Christ, il remet le péché originel et les autres péchés. Il remet aussi toute peine due aux péchés, autant éternelle que temporelle.  Ce qui, parmi les sacrements, n’est propre qu’au baptême.  Il faut également observer que ces choses ne sont pas toutes également certaines.  Il est certain que le martyre soit une configuration à la mort du Seigneur, et une configuration plus noble que celle du baptême d’eau;  parce que l’une est réelle, l’autre sacramentelle.  Il est aussi certain pour tous qu’il remet toute peine, de façon à ce que les martyrs entrent directement dans le ciel.  On le déduit cela de ce que l’Église ne prie jamais pour le repos de l’âme des martyrs, mais se recommande à eux.  Comme le dit saint Augustin dans son sermon 17 sur les paroles des apôtres, et saint Innocent (dans le chapitre cum Marthae, sur la célébration de la messe) : « Celui qui prie pour le martyr fait une injure au martyre. »
Voilà pourquoi saint Cyprien (livre 4, épitre 2 à Antonianus) dit, en comparant la mort des martyrs avec celle des autres chrétiens : « Autre est d’obtenir le pardon, autre est de parvenir à la gloire;  autre est d’être envoyé en prison et ne pas en sortir tant qu’on n’aura pas payé le dernier centime,  autre est de recevoir immédiatement la récompense de la foi et de la vertu;  autre est d’être purifié de ses péchés par des tourments et de grandes souffrances, et d’être purgés longtemps dans le feu, autre est de purger tous ses péchés par le martyre;  autre est de dépendre de la sentence du Seigneur au jour du jugement, autre est d’être couronné tout de suite par le Seigneur. »
 Le second effet présente une plus grande difficulté.   Car, ne manquent pas les théologiens, comme Dominique a Soto et Martin Ledesmius (1V, dist 3, question 1, art 11) qui enseignent le martyre ne produit pas une grâce par l’œuvre opérée, mais seulement par l’œuvre de l’opérant, et que ce degré de grâce correspond au mérite de charité du martyr.  Car un martyre soutenu sans charité n’est d’aucun profit.  Voilà pourquoi nous croyons que tous les vrais martyrs ont eu la charité véritable et même parfois, la plus grande, avant même qu’ils subissent le martyre.  Saint Jean XV : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Mais la sentence la plus probable est que le martyre confère la première grâce par l’œuvre opérée (l’opération de l’œuvre), de telle sorte que si quelqu’un se présente au martyre en état de péchés, avec une foi et une charité de commençants, et une pénitence imparfaite, il faut que, avant le baptême d’eau, il soit justifié et sauvé dans la vertu du martyre, par l’œuvre opérée.  C’est ce qu’enseigne expressément saint Thomas ( 4 dist 4.question 3, art 3,  a 1, et toute la question 4), Jean le majeur, Gabriel et d’autres (même dist livre 4.)
Et on le prouve d’abord, par le martyre des enfants.  Il est établi que les enfants tués pour le Christ ne sont pas seulement sauvés, mais placés par l’Église au rang des martyrs, comme nous le montre la fête des saints Innocents, dont parle saint Bernard (dans son sermon sur les innocents, et avant lui saint Augustin (livre 3, chapitre 23 du libre arbitre, et l’épitre aux tibaritains.  Or, les enfants ne peuvent rien faire, et ils sont pécheurs avant d’avoir été baptisés par l’eau ou le sang.
Ils répondent que les saints innocents avaient été circoncis,  et donc justifiés avant le martyre. Mais cette réponse ne vaut rien.  D’abord, nous ne savons pas vraiment s’ils ont été circoncis. Il est même probable, pour ne pas dire à peu près certain qu’ils n’ont pas tout été circoncis.  Car, Hérode tua tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans les parages.  Et il ne commanda pas que seuls les enfants Juifs soient tués mais, tous les enfants.  Il est fort probable qu’il y ait eu quelques Gentils parmi eux.  De plus, il ordonna de tuer tous les enfants de deux ans en baissant.  Ont donc pu être tués aussi des enfants qui n’étaient pas encore parvenus au huitième jour.
De plus, ce n’est pas de foi que la circoncision justifiait.  Et pourtant l’Église croit, en toute sureté, que tous ces enfants sont sauvés. Et elle les honore comme martyrs.  On peut donc en conclure que la passion qu’ils ont subie pour le Christ leur a conféré cela par l’œuvre opérée.  Sotus répond que ce fut un privilège d’enfants.  Mais il l’affirme cela sans aucun fondement.  Or, si le martyre confère quelque chose aux enfants par l’œuvre opérée, pourquoi pas aux adultes aussi ?  Le martyre des adultes n’est certes pas moins grand et moins efficace que celui des enfants.  Au contraire, il est  plus noble et plus efficace.
On le prouve ensuite par la raison de saint Thomas.  Car, la grâce de rémission de tous les péchés qui est donnée aux martyrs ne peut pas l’être par l’œuvre de l’opérant, car cela viendrait ou de la tolérance de la peine, ou de la ferveur de la charité.  Non de la tolérance de la peine, car plusieurs martyrs furent autrefois de grands criminels qui avaient mérité mille fois la mort, et une mort légère comme la décapitation n’était certainement pas une peine suffisante.  Et cependant, s’ils ont été de vrais martyrs, toutes les peines leurs ont été remises.  Cela n’a pas pu se faire non plus par le mérite de la charité.  Car, il y a eu beaucoup de confesseurs qui ont eu une charité plus grande que les martyrs. Et pourtant, ils n’ont pas eu la rémission de toutes les peines dues au péché.  Il faut donc reconnaitre que le martyre confère la grâce par l’œuvre opérée, c’est-à-dire de par le pacte et l’institution du Christ.  Or, si le martyre confère la grâce par l’œuvre opérée, il pourra certes procurer la première grâce.
Troisièmement. Quand l’Église veut vénérer quelqu’un comme martyr, elle ne se demande jamais s’il était en état de grâce, mais  honore tous indifféremment ceux  qui, après enquête, sont déclarés avoir été tués pour le Christ, en haine de la foi.  Car, les hérétiques et les schismatiques ne peuvent pas être des martyrs, puisqu’ils font obstacle à la grâce de Dieu par le péché d’infidélité et de schisme, dans lequel ils persévèrent en acte.
 Quatrièmement.  Si le martyre ne conférait pas la première grâce par l’œuvre opérée, mais seulement par la ferveur de la charité, le baptême du sang ne se distinguerait pas suffisamment du baptême de pénitence, puisque les deux consisteraient dans une conversion interne, et une motion de l’âme en Dieu, car l’un et l’autre seraient un baptême de conversion et dans un mouvement de l’âme vers Dieu.  Et pourtant, le baptême du sang se distingue du baptême de feu, par l’effusion elle-même du sang qui, dans le martyre, supplée au baptême d’eau. Dans le baptême de feu, seule compte la conversion interne et l’aspiration du Saint-Esprit.
Cinquièmement. Si quelqu’un  qui est arrêté dans une persécution, préfère mourir plutôt que  renier le Christ, sans avoir auparavant la vraie contrition de ses péchés, mais seulement l’attrition, et sans avoir une meilleure disposition que celle qui est nécessaire pour le baptême d’eau, cette personne-là sera-t-elle justifiée et sauvée, oui ou non ?  Si oui, le martyre donne par l’œuvre opérée la première grâce, puisque cette personne n’a pas pu la mériter avant le baptême.  Si non, le baptême de sang ne supplée par au  baptême d’eau.  Car, est vraiment baptisé dans son sang, et est un vrai martyr, celui qui meurt pour la vraie foi. On doit donc reconnaître qu’il est justifié par l’œuvre opérée.
Sixièmement et ultimement, cette sentence semble bien être celle des pères.  Saint Cyprien (dans son épitre à Jubaianus) dit : « Est-ce que la vertu du baptême peut-être plus grande ou plus puissante que la confession ou la passion ? »  De même, saint Augustin (livre 13, chapitre 7 de la cité de Dieu) : « Ceux qui meurent dans la confession du Christ, non dans le bain prescrit de la régénération, cela leur vaut autant pour la rémission de leurs péchés que s’ils avaient été purifiés dans la fontaine sacrée du baptême » .  Or, toutes ces choses-là seront fausses si, d’une part,  le baptême confère la première grâce, et remet la faute des péchés, et si, d’autre part, le martyre ne confère ni l’une ni l’autre.  Or, la vertu du baptême d’eau serait ainsi de loin plus grande que celle du baptême du sang.  Mais c’est le contraire qu’enseignent les pères.
À l’argument voulant qu’on a coutume de faire le contraire, (1 Cor X111) : « Si je livre mo corps au point de bruler, mais si je n’ai pas la charité, cela ne m’est d’aucun profit. »  et Jean XV (nul n’a une plus grande charité etc), je réponds  qu’on ne peut pas conclure de ces textes que, pour pouvoir être justifié,  le martyr devait, avant les tortures,  avoir une vraie charité.  Car, le premier texte ne requiert pas que la charité précède, mais qu’elle accompagne les autres  biens.  Car, sans charité rien ne suffit pour le salut.  Et cela est très vrai, car le martyre ne servirait à rien si le martyr décédait sans charité.  Mais, il ne peut pas mourir sans charité, puisque par la vertu du martyre lui-même, en raison du pacte et du privilège de Dieu, la grâce est infusée, et donc aussi, la charité.  Qu’il ne soit pas nécessaire que la charité précède le martyre, saint Paul lui-même le fait comprendre quand il dit que, sans la charité, la foi et la science ne valent rien. Or, la foi, et souvent aussi la science, existent ordinairement avant la charité. Et, cependant, si la foi et la science demeuraient toujours sans la charité, elles ne sauveraient pas l’homme, comme le dit à juste titre l’Apôtre.
Ajoutons que ce que l’apôtre dit là du martyre, nous pouvons le dire aussi du baptême.  Car, celui qui a le baptême sans avoir aussi la charité, ne peut pas être sauvé. Et, néanmoins, personne ne nie que le baptême donne la première grâce.
L’autre passage enseigne que la charité suprême, de la part de l’œuvre, est de donner sa vie pour ses amis, car l’homme n’a rien de plus grand à donner pour ses amis que sa propre vie.  Cependant, ce texte ne dit pas que quiconque donne sa vie pour ses amis a la charité suprême comme habitus, ou comme un acte interne.   Car, parmi ceux qui n’ont jamais donné leur vie pour leurs amis, certains ont une charité plus grande que ceux qui l’ont donnée, comme, par exemple, la sainte Vierge, saint Jean l’évangéliste, et d’autres, comme saint Antoine, saint François d’Assise.   De plus, même si celui qui donne sa vie pour l’amour du Christ a, sans aucun doute, une charité plus grande et plus vraie, comme ce passage de l’évangile le montre, et  tels semblent avoir été la plupart des martyrs,  il peut quand même ce faire que quelqu’un qui a été attiré par le martyre, sans avoir été pleinement justifié, décide de donner sa vie non tant par amour de Dieu que par peur de la géhenne, ou par l’espoir d’une récompense céleste.  D’un tel, on ne peut certes pas dire qu’il aune charité parfaite.  Mais, il fait quand même une bonne chose en déposant sa vie pour confesser le Christ, et il est un martyr, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire un témoin de la vérité.  Nous disons aussi de celui-là que, par l’œuvre opérée du martyre, ses péchés lui sont remis, et la grâce lui est infusée.
La seconde proposition. La conversion parfaite et la pénitence est dite à bon droit un baptême du feu, qui,  en cas de nécessité, supplée au baptême d’eau.  Il est à noter que le baptême du feu n’indique pas n’importe laquelle conversion, mais une conversion parfaite, qui suppose la vraie contrition, et la charité, et en même le désir et le vœu du baptême.  Il faut noter, en second lieu, que, pour les anciens, cette proposition n’était pas aussi certaine que ne l’est la précédente.  Car, que je sache, aucun ancien n’a nié que le martyre supplée au baptême d’eau.  Mais il ne manque pas de pères qui ont nié que la conversion et la pénitence aient le même effet que le martyre.  Car le livre qui traite des dogmes ecclésiastiques, et qui est faussement attribué à saint Augustin, dit clairement, au chapitre 74, que, même s’il vit dans la pratique de bonnes œuvres, « le catéchumène n’est sauvé que s’il est purgé par le baptême d’eau ou de sang ».  Et même au temps de saint Bernard, (épitre 77) il y en avait qui pensaient de la même façon.
Il faut quand même croire que  la vraie conversion supplée au baptême d’eau pour ceux qui meurent sans le baptême, non parce qu’ils le méprisaient, mais parce qu’ils n’ont pas pu le recevoir.  Car, c’est ce que nous avons dans Ézéchiel 18 : « Si l’impie fait pénitence de ses péchés, on ne se souvient plus de son iniquité. »  C’est ce qu’enseigne saint Ambroise (dans son sermon sur la mort de Valentin junior) : « J’ai perdu celui que je devais régénérer.  Mais lui, il n’a pas perdu la grâce qu’il espérait. »  De même, saint Augustin (livre 4, chapitre 22 sur le baptême), et saint Bernard (opus 77), et, après eux, Innocent 111 (canon apostolicum, sur un prêtre non baptisé).  Et le concile de Trente (session 6, chapitre 4) : il dit que le baptême est nécessaire « en réalité, ou en désir. »   Enfin, la vraie conversion a quelque affinité avec le martyre  et le baptême d’eau, et avec leurs deux effets.  Il est donc croyable que cette affinité vaut aussi pour l’autre effet qui est de remettre la faute, et de justifier l’homme, et ainsi suppléer au baptême d’eau.
On prouve ainsi l’antécédent.  D’abord, sur le mot baptême, nous lisons dans Marc 1 et Luc 111 : « Prêchant le baptême de pénitence, en rémission des péchés. »  Et 1 Corinthiens XV : « Que feront ceux qui sont baptisés pour les morts ? Si les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se faire baptiser pour eux ? »  On ne peut pas donner à ce texte une meilleure explication que d’entendre, par baptême, des œuvres de pénitence et de mortification que les vivants entreprenaient pour  les âmes des défunts.  De plus, la pénitence configure l’homme à la passion du Christ, pour en faire un martyr, même si non aussi parfaitement que ne le fait le martyre.  La conversion parfaite efface aussi  toute peine, comme cela s’est produit dans la conversion de sainte Marie Madeleine, du bon larron, et d’autres.  On n’appelle le baptême de feu une conversion interne que quand cette conversion est totale et fervente, et efface toute ride du péché.  Au cas où elle n’enlèverait pas toute la peine, comme cela arrive la plupart du temps, ce ne serait un baptême qu’imparfaitement.
La troisième proposition. La pénitence efface les péchés autant que le martyre.  Ce n’est donc pas par la foi seule que les martyrs ou les pénitents accèdent au Christ.  Ce qui est dit contre Kemnitius.  Et, on le prouve par l’Écriture, les pères et la raison.
L’Écriture attribue la rémission des péchés au martyre et à la pénitence.  Matthieu 10 et 16 : « Celui qui perd son âme pour moi la trouvera. »  Marc 8 et Luc 9 : « Celui qui perdra son âme pour moi la sauvera. »  Et Ézéchiel 18 : « Quand l’impie se détournera de son impiété, et fera la justice, il vivifiera son âme. »  Deuxièmement.   Les pères ci-haut cités attribuent la justification non à la seule foi, mais au martyre, à la pénitence, et au désir du baptême.  Troisièmement. Si seule la foi opérait dans le martyre et la pénitence, il n’y aurait pas trois baptêmes, mais deux, ou plutôt, un seul.  Kemnitius n’aurait pas eu raison de dire que les pères ont finement distingué trois baptêmes. Et, s’il dit qu’il y a trois baptêmes parce qu’il y a trois instruments pour exciter la foi, je dirai qu’il y en beaucoup plus, car nombreux sont les instruments capables d’exciter la foi.
Son argument ne prouve rien.  Car, nous ne mettons pas sur le même pied nos œuvres et la vertu du baptême ou le sang du Christ, quand nous disons que le martyre et la pénitence remettent les péchés, et suppléent au baptême.  Mais nous mettons sur un même pied la grâce de Dieu et la grâce de Dieu; le pacte du Christ et l’institution du Christ.  Car, comme dans le baptême d’eau, ce qui opère principalement c’est l’institution divine et la grâce, de même, dans le martyre et  dans la pénitence.  Car, ce n’est pas la souffrance du martyre qui possède, par elle-même, le pouvoir de justifier, mais par le pacte et la promesse du Christ.  Semblablement,  la pénitence et  la conversion n’est qu’une certaine disposition que,  de par le pacte et la promission de Dieu, suit la justification.  Ajoutons que cette disposition n’est pas principalement notre œuvre, mais celle de Dieu, qui inspire la pénitence, et l’amour du martyre,  et qui aide ensuite à les accomplir.
La quatrième proposition.   Bien qu’ils soient l’équivalent du baptême, le martyre et la conversion ne sont cependant pas des sacrements.  La preuve.  Ils n’ont pas l’essence du sacrement.  Car, dans le martyre, n’existe pas la forme verbale qui fait partie de l’essence.  Dans la conversion, il n’y a ni forme verbale, ni signe sensible, choses qui sont nécessairement requises.  Deuxièmement. Les sacrements sont des remèdes contre les péchés ordinaires, et conviennent en tout temps.  Or, le martyre n’est pas un remède ordinaire, et on ne peut pas le subir à n’importe lequel temps.  Troisièmement.  Les sacrements sont une cause de grâce, en tant qu’actions de Dieu par ses ministres.  Or, l’assassinat d’un martyr n’est pas une action de Dieu par son ministre, mais une action du diable par son satellite.   Comme le martyre concourt à la justification seulement en apportant une disposition, c’est ce que fait aussi la conversion dans le baptême du feu.  Les sacrements et le martyre justifient donc de façon différente par l’œuvre opérée.  Dans le sacrement, l’œuvre opérée est la cause active instrumentale de la grâce, et dans le martyre, elle n’est qu’une disposition.
                                            CHAPITRE 7
                                     Le ministre du baptême
Suit la cinquième controverse, qui porte sur la cause efficiente ministérielle.  À ce sujet, une seule question se pose :  les laïcs peuvent-ils baptiser ?   Calvin inventa une nouvelle hérésie quand (livre 4, chapitre 15, versets 2o, 21, 22, ),  il enseigna que, même en cas d’extrême nécessité, il n’est pas permis de baptiser à ceux qui n’ont pas été appelés pour être des ministres ordinaires de l’église. Ce qu’il répète dans son antidote du concile de Trente (session 7, canon 10 sur les sacrements en général).    Est-ce qu’il pense que le baptême donné dans ces conditions n’est pas valide, ou qu’un laïc ne peut pas baptiser sans pécher ?  Il  ne le dit pas clairement.
Les docteurs catholiques, à l’unanimité, affirment six propositions.  La première.   Le droit de baptiser appartient, en vertu de leur fonction, aux seuls prêtres, c’est-à-dire évêques et prêtres; aux prêtres, sous la dépendance et subordination de leur évêque.  Le  pouvoir d’absoudre les péchés est donné aux prêtres dans leur ordination. Mais, comme absoudre les péchés est un acte de juridiction, qui relève des évêques, les prêtres ne peuvent exercer ce pouvoir qu’en tant que l’évêque le leur concède.   On doit penser la même chose du pouvoir de baptiser.
C’est de cette façon qu’on peut concilier les témoignages de certains auteurs qui autrement sembleraient enseigner le contraire.  Certains, comme Isidore, (livre 2, chapitre 1, offices divins) affirment que le ministère du baptême appartient seulement aux prêtres.  D’autres enseignent, comme Tertullien (livre sur le baptême) et saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens) que les prêtres ne peuvent pas baptiser sans l’autorisation de l’évêque.
Ils enseignent aussi qu’il revient aussi aux diacres de baptiser, en vertu de leur ordre, mais en absence du prêtre, ou sur son ordre.  C’est ce qu’enseignent les mêmes auteurs :  Tertullien et Jérôme.  Cela ne s’oppose pas à ce qu’enseignent  Ignace (dans son épitre à Héron) et Épiphane (hérésie 70),  qui nient que le baptême relève des diacres, et qui soutiennent qu’il appartient en propre aux prêtres.  Car, Épiphane et Ignace parlent du ministère ordinaire des diacres, et Tertullien et saint Jérôme de leur ministère extraordinaire.  Les uns et les autres  parlent donc correctement. Car, il est vrai que le baptême n’appartient ordinairement qu’aux seuls prêtres, et extraordinairement seulement, aux diacres.  Et c’est ce qu’écrit saint Gélase (épitre 1, chapitre 9). Et cela, il le dit au moment de l’ordination de diacres.
Quatrièmement, ils enseignent que, en cas de nécessité, il est permis de baptiser aux laïcs baptisés.  Je n’ai jamais lu de doute dans l’Église à ce sujet.  Ce qui montre à quel point est nouvelle et inouïe l’hérésie de Calvin.  Cinquièmement, ils enseignent aussi qu’il est même permis aux non baptisés de baptiser en cas de nécessité, s’ils connaissent le rite, évidemment.  Or, il semble que, là-dessus, Il y ait eu des doutes chez les anciens.  Car, Tertullien (dans son livre sur le baptême) explique pourquoi il est permis aux laïcs de baptiser : « Parce que ce qui a été reçu également par tous, peut être donné également par tous. »  Et saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens) écrit, en imitant Tertullien : « Nous savons que cela est permis aussi aux laïcs, car chacun peut donner ce qu’il a reçu. »
 Et le concile d’élibertanus (canon 38), dit que les laïcs peuvent baptiser, pourvu qu’ils aient été baptisés, et qu’ils ne soient pas bigames.  Saint Augustin douta de la même façon.  Car, dans son épitre contre Parmenianus (livre 2, chapitre 13), il se demande si un non baptisé peut baptiser, et il dit qu’il n’ose pas faire de réponse précise tant que la chose n’aura pas été déterminée par un concile œcuménique.  Il dit la même chose dans son livre 7, chapitre 53 sur le baptême.  Enfin, Grégoire  11 (dans son épitre à Boniface,) ordonne de rebaptiser ceux qui ont été baptisés par des païens.
La chose fut enfin décidée par un concile général, comme saint Augustin le désirait.  Car, le concile  de Florence stipule que, en cas de nécessité, il est permis de baptiser à un laïc, homme ou femme, chrétien ou paÏen, pourvu que soient conservées l la matière, la forme, et l’intention due.  Ce qu’avait statué bien avant lui le pape Nicolas (canon a quodam judaeo,et au canon romanus.)  La raison elle-même nous en persuade. Car, puisque, dans le ministre du baptême, n’est requise ni la foi, ni l’honnêteté, ou l’ordination, il n’y aucune raison qui pourrait faire en sorte que ne soit pas un vrai baptême celui qui est conféré par un juif ou un païen, pourvu que soit présent tout ce qui se rapporte à l’essence du baptême.
Ajoutons qu’aucun des témoignages apportés ne convainc qu’il n’est pas permis de recevoir le baptême d’un non baptisé.  Car on pense que le pape Grégoire 11 a commandé de rebaptiser ceux qui avaient été baptisés  par un païen, non pas tant à cause de l’incapacité du ministre, qu’à cause du vice de la forme sacramentelle, que les païens ou les ignorants n’avaient probablement pas respectée.  Quant à saint Augustin, même s’il eut un doute, il était prêt à acquiescer à toute décision d’un concile général.  Et, de plus, (au livre 7, chapitre 53 sur le baptême), il dit clairement que si on lui demandait son opinion, il répondrait que le baptême est valide, quel  qu’en soit le ministre ou l’endroit, pourvu qu’il soit administré avec les paroles de l’évangile.
Le concile Eliberitanus a décrété qu’il était certain qu’un laïc baptisé peut baptiser.  Il n’a pas nié le contraire, mais a laissé la chose en suspend.  Tertullien et saint Jérôme  voulaient peut-être dire seulement que le baptême peut être donné par tous, comme il est reçu par tous, c’est-à-dire que,  parce qu’il est un sacrement nécessaire à tous, il peut être reçu par tous, et semblablement donné par tous, et non parce qu’il faut que celui qui le donne l’ait d’abord reçu.
 Ce qui m’en persuade c’est que les mots qu’ils ont employés peuvent avoir ce sens, et c’est qu’aussi que s’ils avaient un autre sens, ils contiendraient une raison absurde.  Car : « celui qui a le baptême peut donner le baptême »,  n’est pas un bon argument, car, alors, un prêtre pourrait ordonner un prêtre;  un diacre, un diacre.  Ce n’est pas non plus un bon argument, si on le prend en sens contraire : il n’a pas le baptême, il ne peut donc pas le donner. Car, alors, un ministre ne pourrait pas, par les paroles et les sacrements, justifier les autres.  Pour être ministre du baptême, il n’est donc pas absolument requis que quelqu’un ait le baptême. Il suffit qu’il soit ministre virtuellement et instrumentalement, comme le sont tous ceux qui ont l’usage de leur raison, de leur langue et de leurs mains, et qui sont capables de dire des mots intentionnellement, et de verser de l’eau.
Sixièmement.  Ils enseignent que, en cas d’extrême nécessité, non seulement les hommes, mais les femmes aussi peuvent baptiser.  C’est ce que dit expressément le concile de Florence, ainsi que le concile de Carthage 4 (chapitre 100), que nous citerons plus haut, Urbain 11 (dans son épitre à Vital).   Au dessus de tous ces témoignages, nous avons la coutume de l’Église, et la raison convaincante que nous avons donnée plus haut,    au sujet des non baptisés.
 Ces choses ayant été clarifiées, il ne nous reste plus qu’à prouver, contre Calvin, que, en cas de nécessité, il est permis de baptiser à ceux qui ne sont pas ministres.  On le prouve d’abord par un exemple de l’ancien testament.  À Exode 1V, nous lisons que Séphora, femme de Moïse, circoncit son fils, et libéra ainsi son mari du péril de mort.  Or, la circoncision était une figure du baptême, et selon Calvin, elle avait exactement le même effet que le baptême.  Il sera donc permis aux femmes de baptiser, en cas de nécessité.
Ce texte de l’Exode (livre 4, chapitre 15, verset 22),  met Calvin dans tous ses états. Il dit que Séphora est une femme folle et téméraire : «  Il est sans cervelle celui qui se sent porté à imiter ce qu’a fait cette femme idiote ! »  Et plus bas : « Je voudrais que les lecteurs réalisent clairement que Séphora ne s’était proposé rien de moins que d’exercer le ministère divin. Voyant son fils péricliter, elle frémit, elle bougonne, et ce n’est pas sans indignation qu’elle jette le prépuce par terre.  Or, il est certain que tout cela provenait d’une impuissance de l’âme.  Car, elle en veut à Dieu et à son mari d’être forcée de répandre le sang de son fils.  Ajoutons que même si, dans les autres circonstances, elle s’était bien conduite, elle fait preuve là d’une extrême témérité en circoncisant son fils en présence de son mari, qui n’est pas un homme privé, mais le prophète par excellence de Dieu, le plus grand de tous.   Ce qui lui était encore moins permis à elle alors, qu’à des femmes aujourd’hui en présence d’un évêque. »
Or, le même Calvin qui reproche à Séphora sa témérité et son impuissance d’âme, ne se rend pas comte qu’il fait cela par une grande impuissance d’âme, et par un besoin  incroyable de dénigrement.  Car, pour commencer par le commencement, Sephora n’a pas péché parce qu’elle a circoncis son fils en présence de son mari.  Car, elle l’a fait cela parce qu’elle avait été forcée de le faire par Moïse, ou plutôt par Dieu.  Car, même si Moïse était présent, il ne pouvait pas le faire lui-même, parce qu’il était extrêmement angoissé, et à bout de forces.    Ce que l’Écriture dit : le  Seigneur accourut, et voulut le tuer, signifie soit, comme l’explique le rabbi Abenezra, que le Seigneur avait envoyé à Moïse une très grave maladie, ou soit, comme l’expliquent les nôtres, qu’un ange lui apparut, avec un glaive en main, qui le menaça, et ne lui permit pas de se reposer tant que Sephora n’eut pas circoncis son enfant.
 L’ange, alors, quitta Moïse.  On ne peut donc pas douter que Moïse l’aurait circoncis lui-même s’il avait pu le faire.  Mais, comme il ne le pouvait pas, il indiqua à sa femme de le faire.  C’est ce que Calvin enseigne lui qui, ne sachant ce qu’il dit, milite contre lui-même : « Car si c’est forcée par Dieu et son mari qu’elle a agi ainsi, ce n’est pas par témérité qu’elle a pris sur elle de circoncire son fils en présence de Moïse. »  Où donc est la témérité de Sephora, que Calvin juge inexcusable ? »
Que Sephora ait circoncis son enfant sans la volonté d’obéir à Dieu, et qu’elle ait projeté  le prépuce par terre en grommelant contre Dieu et contre son mari, ce sont de purs mensonges sans aucun fondement, qui ne proviennent que d’un besoin de dénigrement.  Car, l’Écriture ne dit rien de tel.   Il y a un petit mot qui, interprété par Lyre,  a pu tromper Calvin.  Car après qu’elle eut dit : « Tu es pour moi un époux de sang », on lit : « et elle le laissa ».  Lyra en conclut que Sephora avait quitté Moïse, s’était retirée de lui, indignée qu’elle était de la circoncision de son fils.
 Mais, il se trompe Lyre et tous ceux qui le suivent, car les mots : « il le quitta », ne se rapportent pas à Séphora, mais à l’ange qui laissa Moïse, c’est-à-dire qui cessa de le tourmenter.  Car, c’est après que Sephora eut circoncis l’enfant que l’ange prononça cette phrase.  La preuve.  Le mot hébreux étant de genre masculin, il ne peut pas convenir à Sephora.  Il ne signifie pas non plus, au sens propre, quitter, abandonner, mais, accorder une rémission, c’est-à-dire cesser de persécuter, de vexer, de tourmenter.  Ce qui convient parfaitement à l’ange qui, une fois apaisé par la circoncision, cessa de vexer Moïse.  C’est pourquoi, la traduction grecque précise en mettant le mot ange.  On peut aussi en déduire, qu’a plus à Dieu ce qu’a fait Sephora, que ce fut donc une chose juste et bonne.
Mais Calvin répondra : « L’ange a été apaisé par la circoncision que fit Sephora. Mais, c’est à tort et à travers, qu’on en déduit que ce qu’elle a fait avait été approuvé par Dieu.  Car, alors il faudrait dire qu’a plu à Dieu le culte qu’exercèrent les Assyriens qui avaient été déportés en Samarie. » Mais quelle ressemblance y a-t-il entre ces deux choses ?  Car, parce qu’ils avaient institué un faux culte, ces Gentils (1V Rois XV11) déportés de Syrie ont été massacrés par les lions.   Sephora, elle, en circoncisant son fils, libéra Moïse du péril de mort.
Calvin répliquera peut-être qu’il ne parle pas du temps où ils adoraient de faux dieux et avaient été attaqués par des lions, mais du temps où ils adoraient en même temps le vrai Dieu et leurs idoles, et étaient à l’abri des vexations des lions.  Voici ce que lui répondrai.  Ces Gentils avaient été libérés des lions  parce qu’ils adoraient le vrai Dieu après avoir été instruits par un prêtre israélite, comme il est dit au même endroit.  Non donc parce qu’ils adoraient en même temps leurs dieux, mais parce qu’ils se servaient d’un rite qu’ils avaient inventé.  Car, même si ces Gentils ne plaisaient pas à Dieu,  ni ne pouvaient mériter quoi que ce soit, quand ils adoraient les idoles et Dieu en même temps, Dieu, cependant, voulut indiquer la grande différence qu’il y a entre le culte qu’il avait lui-même établi, et les superstitions impies des Gentils.  Et voilà pourquoi il envoya des lions sur ces Gentils quand ils n’adoraient que des idoles, et retint les lions quand ils commencèrent à honorer Dieu d’un vrai culte.
En second lieu, on prouve la même vérité en se servant du passage où Calvin puise son argument principal.  Mathieu, dernier chapitre : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant etc »  Ces paroles ne sont dites qu’aux seuls apôtres qui ont été institués par le Christ, ministres du verbe et des sacrements.  Il n’est donc pas permis à d’autres d’usurper ce ministère. »  C’est ce qu’enseigne Calvin.  Mais nous expliquons ce texte ainsi.  Bien que le ministère de la parole et des sacrements soit propre aux apôtres et aux évêques, leurs successeurs, cela est permis à tous.  Je dirai plus.  Tous sont tenus, en cas de nécessité, d’enseigner et d’instruire les ignorants, surtout quand ils sont en danger de perdre le salut éternel.   Nous avons l’exemple des actes  18.  Aquila et son épouse Priscilla instruisirent soigneusement Appolonis, quand ils le virent prêcher sans connaître bien la foi du Seigneur.  De la même manière, bien que le baptême relève du prêtre, il sera quand même permis, en cas de nécessité, aux laïcs, hommes ou femmes, de baptiser.  Cela se fera avec encore plus de raisons, puisque la prédication est encore plus propre aux prêtres et aux évêques que le baptême. « Le Seigneur ne m’a pas envoyé baptiser mais prêcher. (1 Corinthiens 1) »
On le prouve, en troisième lieu, par des exemples de l’Écriture.  Actes V111.  Le diacre Philippe baptisait. Même s’il n’était pas un laïc, il n’était quand même ni apôtre, ni prêtre, ni évêque.  Et, cependant, d’après Calvin, seuls les apôtres ont reçu du Christ le pouvoir de baptiser.  Verset 20 : « Le Christ  n’a pas mandé les femmes ou les hommes de baptiser, mais  il a donné ce mandat à ceux qu’il a établis apôtres. »  De plus, dans les Actes 1X, on lit qu’Ananie a baptisé Paul, lui qui n’était ni prêtre, ni diacre, mais un simple laïc.  Cela s’est fait à la première année après la passion du Seigneur, à un moment où n’avaient pas encore été ordonnés aucun évêque, aucun prêtre, en dehors des apôtres.  Et il n’y avait pas d’autres diacres que les sept.  De même dans Actes X, on lit que saint Pierre a ordonné que soit baptisés Corneille et sa famille par les frères qui étaient venus avec lui.  Il est probable que ces frères n’étaient que de simples disciples, non des diacres ou des apôtres.
 De plus, Actes 11, avant qu’aucun évêque, prêtre ou diacre n’ait été ordonné, le jour même de la pentecôte, trois mille hommes ont été baptisés.  Ce qui certes n’a pas pu se faire commodément par les seuls apôtres.  Il a donc fallu que d’autres baptisent, qui n’étaient que laïcs.   En effet, les 72 disciples n’étaient, à ce moment, que de simples laïcs.  Car, le Seigneur n’ordonna pas de prêtres, si ce n’est à la dernière cène, où ne se trouvaient que les apôtres.
Quatrièmement. On le prouve par les témoignages et les exemples des pères.   Tertullien (dans son livre sur le baptême) dit que le droit de baptiser revient en propre  aux évêques et aux prêtres, et aussi aux diacres, au commandement de l’évêque.  Puis, il ajoute : « Il est même permis aux laïcs de baptiser, car ce qui est reçu d’un égal peut être donné à un égal. »  L’évêque Alexandre d’Alexandrie, avec l’église universelle, jugea valide le baptême que le jeune Athanase avec donné à d’autres enfants, au témoignage de Ruffin (livre 10, chapitre 14 de son histoire).  Le concile de Nicée, au témoignage de sains Jérôme (dans son livre contre les lucifériens), statua que le baptême des hérétiques était valide, pourvu qu’il soit donné selon la forme de l’Église.  C’est aussi ce qu’avait défini saint Étienne, pape et martyr, comme saint Cyprien le rapporte dans son épitre à Pompée. Or Étienne et les pères du concile de Nicée ne pouvaient pas ignorer que, dans certaines hérésies, il n’y avait pas de prêtres, que c’était donc des laïcs qui baptisaient, même si on les appelait prêtres.
Le concile Élibertanus qui fut célébré à cette époque, enseigne au canon 38, que les fidèles laïcs peuvent baptiser, quand une église est fort éloignée, et qu’un catéchumène est moribond.  Saint Ambroise, ou l’auteur des commentaires sur les épitres de saint Paul, dit que, dans l’église primitive, il était permis à tous de prêcher et de baptiser, en raison du petit nombre des ministres.  Et que, maintenant que les choses ecclésiastiques sont bien ordonnées,  il n’est pas permis aux clercs ou aux laïcs de prêcher ou de baptiser.   Or, il est certain que ce qui était permis dans la primitive église, en raison de la rareté des ministres, l’est encore aujourd’hui, en cas de nécessité.
Saint Jérôme, dans son dialogue contre les lucifériens, écrit : « Nous savons qu’il  est permis aussi aux laïcs de baptiser, si la nécessité urge. »  Saint Augustin (livre 2, chapitre 13, contre Parminianus), dit la même chose que le concile de Carthage 4, canon 11 auquel il a assisté en personne : « Que la femme ne présume pas baptiser, à moins qu’elle ne soit contrainte de le faire par une nécessité. »  Même si dans les tomes des conciles, nous n’avons pas : à moins qu’elle ne soit contrainte par une nécessité, ce canon est cité par Pierre Lombard (livre 4, dist 6, ) et Gratien (canon mulier, dist 4).  Enseignent la même chose sur les laïcs qui baptisent Gelasius (épitre 1), Isidore (livre 2, chapitre 24, des devoirs divins), et le Maître des sentences avec toute l’école, (livre 4, dist 6), et enfin, le concile de Florence.
À cet argument Calvin répond à sa façon habituelle : « Je ne vois pas par quelle forte raison on peut soutenir que depuis un grand nombre de siècles, depuis même le tout début de l’Église les  laïcs baptisent en danger de mort, et en l’absence du ministre. »  Or, il y a une raison éminemment puissante.  Car, dans des choses de ce genre, que peut-on avoir de mieux que le consentement de toute l’Église, qui nous est parvenu depuis le tout début ?
Mais, écoutons quelle objection il a à faire à cela.  Il nous objecte d’abord le mandat du Christ : allez, enseignez toutes les nations, lequel mandat ne s’adressait qu’aux seuls apôtres.   Je réponds à cela qu’il n’est pas certain  que cela n’ait été dit qu’aux seuls apôtres.  Car, même si Matthieu ne fait mention que des onze apôtres, il est fort probable que beaucoup d’autres furent alors présents.  Car, ces paroles semblent avoir été dites le jour de l’ascension, pendant lequel  étaient avec les disciples cinq cents frères, comme l’apôtre l’atteste (1 Corinthiens XV.)
On pourrait ensuite répondre que les faits apostoliques expliquent ce mandat, puisque saint Étienne qui n’était pas apôtre, prêchait, ainsi que Philippe, qui n’était ni prêtre ni apôtre, mais qui prêchait et baptisait. Et d’autres ont fait la même chose qui n’étaient ni apôtres ni diacres, comme Ananie, et d’autres qui le déclarent ouvertement, à savoir que, en cas de nécessité, était permis à tous ce qui relève d’une certain ministre.  La nécessité de propager l’Église exerçait  sur tous une grande pression, d’autant plus qu’au début, les ministres étaient peu nombreux.   La même nécessité urge aujourd’hui, en l’absence de prêtres.
 Il objecte, en second lieu, qu’aux anciens eux-mêmes il n’apparaissait pas clairement que ce fût une bonne chose que les laïcs baptisent en cas de nécessité, même quand ils pratiquaient cette coutume ou qu’ils la toléraient.  Et il le prouve par un texte de saint Augustin (livre 2, chapitre 13, contre Parmenianus) : « Si, poussé par la nécessité, un laïc confère un baptême, je ne sais pas s’il n’y aurait pas quelqu’un qui dirait pieusement que le baptême doit être réitéré.  Si cela se fait sans véritable nécessité, c’est l’usurpation du travail d’un autre.  Si la nécessité urge,  c’est un péché véniel.»
 Je réponds  qu’il n’y a là aucun doute d’Augustin.  Car, les premiers mots contiennent une phrase oratoire, mais pleinement affirmative.  Car, c’est la même chose de dire : je ne sais pas si quelqu’un dirait pieusement et à moins qu’on puisse affirmer cela de façon impie.  Les derniers mots parlent d’un péché véniel quand les laïcs ne font pas suffisamment d’effort pour trouver un prêtre qui baptiserait.  Car, il n’y aucun péché quand ils baptisent, sans avoir trouvé un prêtre qu’ils ont vainement cherché.
Troisièmement.  Il objecte le  concile de Carthage 4, canon 100,  où il est interdit à des femmes de baptiser.   Je réponds que ce concile excepte le cas de nécessité, comme Pierre Lombard et Gratien l’ont démontré.  Et même si le concile n’avait pas fait explicitement cette exception, il faudrait quand même comprend que ce cas est excepté.  C’est comme quand l’apôtre interdit à la femme de parler dans l’Église (1 Cor X1V. 1 Tim 11), il est sous-entendu, sauf en cas de nécessité.  La réponse de Calvin qui veut qu’il n’y a pas de nécessité pour le baptême, nous l’avons déjà réfutée dans la controverse précédente.
Quatrièmement. Il nous objecte Tertullien et Épiphane.  Tertullien dit dans son livre sur les voiles des vierges : « Il n’est permis aux femmes, dans les églises, ni de parler, ni d’enseigner, ni d’asperger, ni d’offrir. »  Et, (dans son livre sur le baptême) : « La femme ambitieuse qui a usurpé l’enseignement, qu’elle ne s’accorde pas aussi celui d’asperger. »  Épiphane, quant à lui, (dans hérésie 42, qui est celle de Marcion), dit : « Il permet aux femmes de donner le baptême. »  Et (dans hérésie 79), il dit que même « à la très sainte mère de Dieu, il n’a pas été donné de baptiser.  Autrement, ce serait elle qui aurait baptisé Jésus au lieu de saint Jean Baptiste ».
Je réponds que les pères parlent ici du ministère public, non du ministère privé, en cas de nécessité.  Car, après avoir dit que la femme ne pouvait pas faire telle ou telle chose, Tertullien joint le pouvoir de donner le baptême à celui d’offrir le sacrifice.  Or, le sacrifice est toujours public.  Donc, comme il n’est pas permis à la femme d’offrir le saint sacrifice, parce que c’est un ministère public,  il ne lui est pas permis non plus, pour les mêmes raisons,  de baptiser quelqu’un.  Épiphane indique clairement qu’il parle du ministère public ordinaire.  Car, à l’hérésie 79 où il dit qu’il n’est pas permis à la femme de baptiser, il dit, au même endroit, que cela n’est pas permis non plus aux diacres.   Et, cependant, l’Écriture nous montre que cela a été permis à des diacres, dans des cas spéciaux.
Elle ne vaut pas la réponse de Calvin qui cite ces mots d’Épiphane : permettre aux femmes de baptiser est quelque chose de dérisoire.  Car, par le fait même qu’il emploie les mots dérision  ou moquerie, il indique assez clairement qu’il parle d’un ministère public.  Car, ce serait une moquerie et une honte si une femme baptisait dans un temple en présence des hommes.  Il ne faut pas s’étonner qu’il n’ait pas parlé du cas de nécessité, car il ne l’a pas ajouté non plus quand il a nié que les diacres puissent baptiser. Tous savaient très bien que des diacres avaient baptisé en cas de nécessité.
                                                  CHAPITRE 8
                   Le baptême des enfants contre les anabaptistes
Vient ensuite la sixième controverse sur ceux qui reçoivent le baptême.  Toute cette question  porte sur le baptême des enfants.  Même si nous avons déjà prouvé, contre Calvin, que le baptême était nécessaire au salut des enfants,  deux questions restent en suspens.   La première.  Avec les anabaptistes, les enfants sont-ils aptes à recevoir le baptême, ou, est-il permis de baptiser des enfants ?  L’autre.  Avec les luthériens et les calvinistes, quelle foi est nécessaire dans le baptême des enfants ?
La première question.  Des hérétiques enseignaient, au temps de saint Bernard,  qu’il n’était pas permis de baptiser les enfants.  Saint Bernard rapporte cette hérésie et la réfute (dans son sermon 66 sur les cantiques des cantiques, et dans l’épitre 240.)  Semblable est l’hérésie moderne des anabaptistes.  Selon eux, il n’est permis de baptiser que les adultes qui demandent le baptême avec instance, et non les enfants.  Tous les anabaptistes sont d’accord  sur ce point, même si, sur d’autre sujets, ils diffèrent entre eux, comme l’atteste Calvin dans son instruction contre les anabaptistes.
Calvin rapporte aussi (livre 4, chapitre 10, verset 29),  que Michel Servet et d’autres maitres anabaptistes soutenaient qu’on ne pouvait pas recevoir le baptême avant l’âge de trente ans, parce que c’est à cet âge que le Christ a été baptisé.  Cette hérésie est apparue en 1527,  comme Jean Cochlaue le rapporte dans ses actes de Luther.  L’hérésiarque semble avoir été Balthasar Pacimontanus, qui a été ensuite brûlé à Vienne.  Car, c’est ainsi que l’appelle Cochlaeus dans ses actes de Luther, en l’an 1528. Il dit, là, que Luther a écrit contre lui la même année.  Mais, dans la question suivante, nous en reparlerons.
Les ministres de Transylvanie, qui, en l’an 1567, ont publié deux livres contre la trinité et l’incarnation du Seigneur, ajoutèrent, à la fin de leur livre, trente arguments contre le baptême des enfants.  Apparait là manifestement la terrible rage de Satan contre le genre humain, car, non content d’avoir, par les luthériens et les sacramentaires, perdu d’innombrables âmes d’adultes, il veut aussi, par les anabaptistes, perdre les âmes des enfants.  En plus de ces hérétiques, deux semblent avoir, indirectement, enseigné la même chose.
 Dans sa préface de la paraphrase  sur saint Matthieu, Érasme enseigne qu’on doit demander, quand ils deviennent adolescents,  à ceux  qui ont été baptisés dans l’enfance, s’ils ratifient la promesse que, dans leur baptême,  d’autres ont faite en leur nom; et que s’ils ne la ratifiaient pas, on devait les laisser libres.  Louis Vivès (annotations au ivre 1, chapitre 27 de la cité de Dieu) affirme qu’autrefois, on n’avait coutume de ne baptiser que des adultes, et seulement celui qui demandait le baptême, et qui en comprenait la signification.
Et pourtant, l’Église catholique a toujours enseigné qu’il fallait baptiser les enfants.  Et c’est ce que le concile de Trente a défini (session 7, chapitres 12, 13, 14 sur le baptême), sous peine d’anathème.  On prouve cette vérité par trois sortes d’arguments.  Le premier tiré des Écritures, qui nous donnent trois arguments.  Le premier, on le tire d’une figure  de l’ancien testament.  La circoncision était une figure du baptême.  Cela est si évident que saint Paul appelle le baptême circoncision (Colossiens 11).  Or, la circoncision était donnée aux enfants (Genèse XV11).  Donc, pourquoi pas aussi le baptême ?
Cet argument les anabaptistes peuvent facilement l’éluder quand il est présenté par les luthériens et les calvinistes.   Car, les luthériens et les calvinistes veulent que la forme du baptême soit la prédication, comme nous l’avons montré dans le livre précédent.  Or, on ne peut pas dire cela de la circoncision.  Il s’ensuit donc de là que les enfants pouvaient être circoncis mais non baptisés.  Mais, quand cet argument est présenté par nous, qui ne requérons pas pour la forme les paroles de la prédication, ils ne peuvent pas l’éluder aussi facilement.
Le second argument on le tire de deux textes de l’Évangile, joints ensemble : Jean 111 : « À moins que quelqu’un ne renaisse de l’eau etc. »  Ce texte montre que les enfants morts sans baptême périssent éternellement.  Car, c’est la menace du Seigneur qui vaut pour tous.  Mais nous n’avons pas encore de texte qui nous dit que les enfants peuvent être baptisés.  Les anabaptistes disent que les enfants périssent parce qu’ils ne sont pas aptes à recevoir l’unique remède.  Or, le Seigneur enseigne que les enfants ne périssent pas : « Laissez les petits venir à moi. Car, le royaume des cieux appartient à ceux qui sont tels. »  Marc dit aussi que le Seigneur a embrassé et béni les petits enfants.  Or, s’ils ne peuvent pas être sauvés, comment le royaume leur appartient-il, et pourquoi le Seigneur les a-t-il embrassés et bénis ?
À ce passage, on peut donner deux réponses.  La première, celle des anabaptistes, à savoir que, dans les personnes des enfants, le Seigneur a béni l’innocence et l’humilité des enfants, non leur âge.  Car, il n’a pas dit : c’est à eux qu’appartient le royaume des cieux, mais à ceux qui sont tels.  Voilà pourquoi saint Augustin (livre 1, chapitre 19 de ses confessions), dit : « C’est l’humilité que tu as recommandée dans les enfants, notre roi, quand tu as dit : «le royaume des cieux appartient à ceux qui sont tels. »  L’autre.  L’évangéliste ne parle pas des petits enfants, mais de ceux qui ont l’âge de raison.  Comme le note Tertullien, dans son livre sur le baptême, près de la fin.  Le Seigneur a dit : laissez les enfants venir à moi.   Ne peuvent venir que ceux qui sont un plus âgés.  Les petits enfants on les porte, car ils ne peuvent pas venir par eux-mêmes.
Mais ni l’une ni l’autre n’est une réponse solide.  Car, même si le Seigneur a recommandé l’humilité et l’innocence des enfants, comme l’enseigne avec raison saint Augustin, il a en même temps indiqué que l’enfance n’est pas étrangère au règne et au salut.  Car, quand le Seigneur dit : laissez venir à moi les petits enfants, il parle, à la lettre, et historiquement, des vrais petits, que beaucoup lui offraient pour qu’il les bénisse,  comme l’attestent les évangélistes, et que les apôtres empêchaient d’approcher.  À ceux qui sont tels appartient le royaume des cieux, cette phrase doit certainement convenir aux vrais petits enfants. Et de plus, ces baisers et ces bénédictions donnés aux vrais petits, signifient que ces petits peuvent appartenir à la société du Christ et à son règne.  Et comme Isaac et Ismaël sont, allégoriquement, deux testaments, comme l’enseigne Paul aux Galates 4, et ont été en même temps, historiquement, deux vrais hommes, de la même façon l’enfance est un type de l’humilité, et est cependant réellement apte au royaume des cieux.
L’autre solution n’est pas plus solide.  Car les mots employés par les évangélistes signifient à la fois bambins et enfants.  Le mot grec employé par saint Luc signifie enfants.  Et c’est ce mot qu’il emploie pour désigner ceux que l’on portait et qui étaient incapables de marcher, dans la phrase : on lui apportait aussi les enfants (brephè).  Le mot venir est donc employé au sens large, et il signifiait plutôt accéder à, approcher.  Mais, cet argument qui possède une certaine solidité, est très faible quand il est présenté par les calvinistes. Car, ils ne veulent pas entendre du baptême ce passage du saint Jean.  Si on enlève ce texte, l’autre texte qui est le seul dont se sert Calvin, ne peut convaincre personne.  Car, les anabaptistes peuvent répondre que, selon les principes de Calvin, les enfants appartiennent au Christ  ou parce qu’ils naissent saints, ou parce qu’ils sont prédestinés. C’est à Calvin à trouver une réponse à ces objections des anabaptistes.
Le troisième argument on le trouve où il est dit que des familles entières ont été baptisées, comme dans Actes 1V, où il est dit que Lydia a été baptisée et toute sa maison.  On dit la même chose, au même endroit, du geôlier de la prison : « il a été baptisé incontinent lui, et toute sa maisonnée. »  Et, dans 1 Corinthiens 1, Paul dit : « J’ai baptisé la maison de Stéphane. » Or, il est certain que, quand il est question de maisons entières, il est rare qu’il n’y ait pas d’enfants.  Cet argument, Calvin l’a employé lui aussi, mais c’est un argument qui n’est que probable, pas totalement convainquant.  Voilà ce qu’on peut dire des saints livres.
La deuxième classe d’arguments contient des témoignages d’église qu’elle a toujours présentés et conservés comme une tradition venant des apôtres.  Même un Philippe se sert de cet argument (dans ses lieux, chapitre sur le baptême des enfants) qu’il a mis le premier en liste, comme étant le plus  solide.  Mais les anabaptistes ont raison d’éclater de rire.  Car, si la tradition, le témoignage de l’église antique vaut pour cette question, pourquoi ne vaut-elle pas aussi pour les autres, comme le purgatoire, l’invocation des saints ?  Cet argument est donc le nôtre, non celui des adversaires.
Nous avons d’abord le témoignage de Denys l’aréopagite qui (au livre de sa hiérarchie ecclésiastique, denier chapitre, dernier par) affirme que ce sont les apôtres qui nous ont transmis de baptiser les enfants.  Saint Justin enseigne la même chose, ou quiconque est l’auteur des questions, dit  à la question 56,  que les enfants qui sont baptisés sont sauvés, les autres non.  Saint Irénée (livre 2, chapitre 49)  dit  que sont sauvés tous ceux qui renaissent dans le Christ, les vieux, les jeunes, les enfants, les bébés. »  Origène (livre 5, chapitre 6 aux Romains) dit : « L’Église a reçu des apôtres la tradition de donner le baptême aux enfants. » Saint Cyprien (livre 3, épitre 8 à Fidus) écrit à Fidus  que ce n’est pas non seulement à lui mais à tout le concile qu’il a semblé bon que les enfants soient baptisés, même avant le huitième jour.  Saint Jérôme (livre 3 contre les pélagiens, à la fin) dit que les enfants sont baptisés et qu’ils sont libérés de tout péché. »  Saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le saint lavement), saint Basile (dans son exhortation au baptême), saint Jean Chrysostome (homélie 1 aux néophytes), saint Augustin livre X sur le Genèse, chapitre 23 : « La coutume de notre mère l’Église de baptiser les petits ne doit jamais être méprisée, ni jugée superflue.  Il faut y croire ni plus ni moins que si c’était une tradition qui vient des apôtres. »
Le  même saint Augustin (livre 4, chapitre 24 sur le baptême), répète de nouveau que  le baptême des enfants est une tradition apostolique.  Et (au livre 1, chapitre 26 des mérites et de la rémission des péchés), il dit que les pélagiens n’ont pas osé nier le baptême des petits,  quand ils s’aperçurent que, s’ils le niaient, ils  déclareraient la guerre à toute l’Église.   Voir aussi Prosper (livre 2, chapitre 8 de la vocation des Gentils) qui, comme saint Jérôme et saint Augustin, s’est servi principalement, contre les pélagiens, de cet argument pour prouver la transmission du péché originel.  Car, les enfants étaient baptisés pour la rémission des péchés alors qu’ils n’avaient aucun péché actuel.
Le concile de Milet, parmi ses autre canons, a celui-ci : « Il a plu au concile d’anathématiser ceux qui nient qu’il faille baptiser les enfants qui viennent de naître. »  Le concile de Gerundens, célébré en l’an 1000,  statue, au canon 5, qu’on peut baptiser les enfants le jour même de leur naissance, s’il y a un danger de mort.   Le concile 2 de Bracarens (canon 7) approuve aussi le baptême des enfants.  Ainsi que le concile général de Vienne, comme nous l’avons dans Clementina 1, sur la sainte trinité et sur la foi catholique.
À ces témoignages s’ajoutent les décrets des souverains pontifes sur cette question.  Saint Clément, dans la constitution apostolique, (livre 6, chapitre 15, ), Siricius,  (épitre  1 à Himérius, chapitre 2), Innocent 1, épitre 26  au concile de Milet, saint Léon 1 à l’évêque d’Aquila, 84, ou 86), saint Grégoire 1, livre 111, épitre 9 à Jean Curalitanus, Innocent 3, (épitre à l’évêque d’Arles), ainsi que le chapitre majores, sur le baptême et son effet.    Tous ces témoignages nous font découvrir la fausseté qu’a prononcée  Louis Vives quand il affirma  que les anciens  n’avaient baptisé que des adultes, et jamais d’enfants.
La troisième classe d’arguments provient de la raison.   La première. Les bébés peuvent être sauvés;  or, en dehors de l’Église il n’y a pas de salut.  Il est donc nécessaire qu’ils entrent dans l’église.  La première proposition on la prouve par l’Écriture déjà citée : Matthieu X1X : « Le royaume de Dieu appartient à ceux qui sont tels. »  Ensuite, par l’exemple des saints innocents, que l’église considère comme des martyrs et des saints, comme on l’a prouvé au chapitre 6.  Et s’ils peuvent participer aux péché d’Adam, pourquoi pas à la grâce du Christ.  Autrement la faute aurait plus de pouvoir que la grâce. Mais c’est le contraire qu’enseigne l’apôtre aux Romains V1.
 La seconde proposition est très certaine. On lit en effet en Matthieu X11 : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi. »  Voilà pourquoi, dans le symbole, nous joignons la foi dans l’église à la foi dans la rémission des péchés.  On compare aussi l’église à l’arche de Noé.  Comme ceux qui n’étaient pas dans l’arche ont péri, périssent de la même façon ceux qui, aujourd’hui, ne sont pas dans l’Église, comme le dit saint Jérôme dans son épitre à Damase, sur le mot hypostase.  L’atteste aussi le célèbre adage de saint Cyprien, dans son livre sur l’unité de l’Église : « Il n’a pas Dieu pour père celui qui n’a pas l’Église pour mère. »  Voir aussi saint Augustin (livre 4, chapitre 1 sur le baptême).  Ensuite le concile du Latran, chapitre 1, sous Innocent 111 : « Il y a une seule église universelle des fidèles, à l’extérieur de laquelle personne n’est sauvé. »
Nous avons donc à établir  que les enfants doivent entrer dans l’église.  Ils ne peuvent le faire cela qu’en recevant le baptême.  Il est donc nécessaire qu’ils soient baptisés. On peut prouver la proposition par Romains V111 : « Ceux qu’il a prédestinés, il est a appelés.  Ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés.  Ceux qu’il a justifiés, il les aussi glorifiés. »  Ce texte nous montre que toute prédestination porte le nom de justification et glorification;  que personne n’est glorifié avant d’avoir été auparavant justifié, que personne n’est justifié avant d’avoir été avant appelé, que personne n’est appelé selon le propos, avant avoir été prédestiné.  Or, chez les enfants, cet appel ne peut se faire que par le baptême.   Car, on dit qu’ils sont appelés quand ils sont inscrits dans le registre des appelés.  De plus, dans les Actes 11, on dit : « Ceux qui  reçurent la parole ont été baptisés, au nombre d’environ trois mille. »
 Voilà pourquoi, à l’unanimité, les pères distinguent les catéchumènes des fidèles, et enseignent que ceux qui sont encore privés du baptême ne sont pas encore dans l’église, et ne peuvent pas être appelés des fidèles.  Voir le sermon de saint Grégoire de Naziance sur le saint lavement, saint Jean Chrysostome (homélie 24), saint Cyrille (livre 12, chapitre 50 sur saint Jean), saint Augustin (traité 4 sur saint Jean), et le concile de Florence dans son instruction aux Arméniens.  De plus, l’homme ne peut être uni au Christ et à l’Église que par la foi ou le sacrement, ou par l’un et l’autre.   Or, les bambins, du  consentement même des anabaptistes, ne peuvent pas être unis au Christ et à l’Église par la foi.  Ils doivent donc l’être par le sacrement.
La deuxième raison.  Si les bambins ne peuvent pas être baptisés, c’est parce qu’ils seraient empêchés par une interdiction venant de Dieu, du sacrement, du ministre, du récipiendaire, de l’Église qui, par le baptême, acquiert un droit sur les hommes, ce qui ne semble pas pouvoir se faire sans leur volonté propre.  Or, on ne peut dire aucune de ces choses.  Car, il n’y a aucune prohibition divine.  Le sacrement ne dépend que d’une institution divine.  Autrement, il ne serait pas certain, et n’apporterait pas de solide  consolation.  Il est toujours efficace par lui-même, et opère la même chose, qu’il soit donné à un adulte ou à un enfant.  Le ministre peut asperger  un enfant et prononcer les paroles sacrées comme il le fait pour les adultes.  De la part du récipiendaire, il est certes requis chez les adultes une disposition qui vient de la foi actuelle et de la conversion à Dieu.  Mais, chez les bébés, ces choses-là ne sont pas requises.  Chez les adultes, on exige cette disposition pour deux raisons.  La première.  À cause des péchés actuels qui se sont ajoutés au péché originel.   Car, le péché qui est commis en détournant de Dieu la volonté propre, requiert, pour être remis, que la volonté propre se retourne vers Dieu.
 La deuxième.  Parce que Dieu agit avec les choses en respectant leur nature.  Voilà pourquoi celui qui a l’usage de son libre arbitre n’est justifié par Dieu que s’il concourt en donnant son assentiment avec ce même  libre arbitre.  Mais aucune de ces choses n’est exigée pour le baptême des enfants.  Car, ils n’ont pas l’usage de leur libre arbitre et ils n’ont pas péché en détournant de Dieu leur volonté propre.  Ils n’ont qu’une aversion habituelle qui peut être enlevée par l’infusion de l’habitus de charité.  Et, comme ils péchèrent par la volonté d’un autre, il est juste qu’ils soient justifiés par la volonté d’un autre.
N’est donc pas une objection l’obligation qui résulte du baptême.  Car, il n’est obligé qu’à ce que, de toute façon, il est obligé ou il doit être obligé.  Car, tous sont tenus, sans le baptême, à observer la loi divine et à renoncer au diable et à ses pompes.  De plus, tous sont tenus à recevoir le baptême, et cela, par un commandement divin.  Tous sont donc tenus de se soumettre à l’Église et à ses préceptes.  La seule différence qui existe entre les adultes et les enfants, c’est que les premiers, parce qu’ils dépendent d’eux-mêmes, doivent se soumettre à l’Église de leur propre volonté. C’est par une volonté étrangère, qui leur tient lieu de raison,  que les enfants doivent adhérer à l’église.
 Aucune injure ou injustice n’est donc faite aux enfants quand ils sont baptisés, même s’il s’ensuit l’obligation d’obéir à l’église.  Et les enfants qui n’ont ni parents ni tuteurs, et qui sont baptisés par un étranger, ne peuvent pas non plus se plaindre.  Car ceux qui les baptisent  le font pour leur bien.  Si quelqu’un rencontre par hasard un homme grièvement blessé, qui ne peut ni parler ni penser,  le transporte dans une maison, et demande à un médecin de le guérir, le bénéficiaire de ces actes de charité ne pourra certainement pas se plaindre d’avoir à récompenser le médecin en question.  Et s’il se plaint et ne veut rien lui donner, il sera condamné par tout juge juste.
                                                     CHAPITRE 9
                                On réfute les 36 objections des anabaptistes
Il vaut la peine de réfuter les trente-six arguments des ministres de Transylvanie.
Le premier.  « Dans les livres saints, on ne trouve nulle part le baptême des bébés. Nous n’en avons ni commandement, ni exemple. »  Cet argument a une grande force contre les luthériens, qui ont souvent recours à ce genre d’argument.  Mais, contre les catholiques, il ne vaut rien. Car, même si nous ne trouvons pas un mandement clair de baptiser les enfants, on le déduit quand même de l’Écriture, comme nous l’avons montré plus haut.  Ensuite, la tradition des apôtres n’a pas, pour nous, une autorité inférieure à celle des Écritures. Car, les apôtres ont parlé  par le même Esprit qui les faisait écrire.  Que ce soit une tradition apostolique nous le savons de la même façon que nous savons que le nouveau testament a été écrit par les apôtres : par les témoignages de l’antique église.
Le second argument. « Il a été commandé d’enseigner d’abord, et de baptiser ensuite. Il faut donc instruire les enfants avant de les baptiser. »  Je réponds que l’ordre que le Seigneur a établi, c’est celui qui devait être observé pour la conversion des Gentils. On les catéchise d’abord,  puis on les baptise.  On leur fait comprendre ensuite que la foi et le baptême ne suffisent pas, mais qu’il faut aussi l’observance de la loi et les œuvres bonnes.  Voilà pourquoi il ajouté : « Leur enseignant d’observer toutes les choses que je vous ai prescrites. »  Cet ordre doit être conservé, quand il est possible de le faire, comme l’église l’observe scrupuleusement quand des adultes viennent à la foi.
  Mais, si par une incapacité humaine ou un manque d’eau, on ne peut pas les observer toutes ou pas toutes dans le même ordre, il est certes préférable de conserver quelque chose plutôt que rien du tout.  Exemple.  Si quelqu’un est dans le désert sans eau,  avec un homme mourant, il pourrait l’instruire, l’enseigner pour l’amener à croire.  Il ne pècherait pas contre le précepte du Seigneur : allez, enseignez etc. car, cela c’est quand on peut le faire.  Donc, comme les enfants ne sont pas capables de recevoir un enseignement, mais sont capables de recevoir le baptême, on change l’ordre pour eux, et on les baptise d’abord de peur qu’ils ne périssent s’ils sont privés de cet unique secours.  Ce n’est qu’après que vient l’enseignement.
Si un adulte venait à la foi, et si, pour une juste cause, le baptême était retardé, il faudrait quand même lui enseigner et lui dire qu’il est tenu d’observer la loi de Dieu.  Il serait bien fou celui qui prétendrait qu’un catéchumène n’a pas à observer la loi du Seigneur, et à vivre vertueusement, sous prétexte que le Seigneur avait demandé de ne parler, qu’après le baptême, de l’observation de la loi.
Le troisième argument. « Saint Paul (1 Corinth 1) se glorifie et rend grâce à Dieu de n’avoir baptisé que Caius et Crispus, et la maison de Stéphane.  Vois, par ce texte, à quel point est  nécessaire le baptême des bébés.  Il y a aussi le fait que le Christ n’a jamais baptisé aucun adulte.  Je réponds que les adversaires disent, mais ne prouvent pas, que le Christ, Jean et Paul n’ont pas baptisé d’enfants. Mais c’est le contraire qui semble le plus probable, au moins pour Paul et Jean.  Car, dans la maison de Stéphane où saint Paul a baptisé, il est fort probable qu’il y ait eu des enfants.
Quant à saint Jean, c’est tout Jérusalem, et même toute la Judée qui allait le voir pour être baptisé par lui (Matth 111 et Marc 1. »  Qui peut affirmer que dans toute cette multitude, il n’y en ait pas eu au moins un à lui apporter son enfant ?  Le Christ, ne baptisait pas par lui, mais par ses apôtres (Jean 1V).   La sainte Vierge et saint Pierre ont certainement été baptisés par le Christ, comme l’enseigne Nicéphore (livre 2, chapitre 3 de son histoire), Euthymius (Jean, chapitre 3).
 Mais, admettons qu’il en a été comme ils le disent, que le Christ, Jean et Paul n’ont baptisé aucun enfant, on ne doit pas en conclure qu’il ne faut par, pour autant, qu’il ne pas baptiser les enfants; ou qu’ils n’ont jamais été baptisés dans la primitive église ?  Parce qu’ils avaient à faire des choses plus importantes, le Christ et saint Paul laissaient à d’autres le soin de baptiser, (Jean 1V, Actes 1X.)
Le quatrième argument. « Les réprouvés ne doivent pas être baptisés.  Parmi les enfants, il y en a beaucoup qui sont réprouvés.  Il faut donc s’abstenir de les baptiser pour que, par notre ignorance, ils ne profanent pas le sacrement. »  Je réponds d’abord qu’avec ce même argument, on pourrait prouver qu’il ne faut pas baptiser les adultes. Ensuite, il a raison de dire que cet argument réfute Calvin et Bucer, et d’autres, qui veulent que le sacrement soit un sceau de la bienveillance éternelle de Dieu.  Mais il ne vaut rien pour nous.  Car, même si l’enfant était un réprouvé, il a vraiment été justifié quand il a été baptisé, et le sacrement n’a donc pas été profané, puisqu’il a été en lui comme il est dans les élus, un signe de la grâce véritable et efficace.
Le cinquième argument. « Celui qui ne croit pas doit être écarté du baptême. » Actes V111 : « Su tu crois, cela est permis. »  Or, les enfants ne croient pas.  Deutéronome 1 : « Ils ne savent ni le mal ni le bien. »  Je réponds que cet argument est une démonstration contre les luthériens, qui estiment que le sacrement n’est rien d’autre qu’un instrument pour nourrir la foi.  C’est dans le chapitre suivant que nous parlerons de ceux qui pensent ainsi.  Et c’est là que nous réfuterons cet argument.  Je dis, entretemps, que suffit à l’enfant la foi d’un autre, comme lui a été dommageable le péché d’un autre.
Le sixième argument.  « Forcer les hommes  à recevoir le baptême c’est attribuer à un sacrement plus que ce qui lui revient;  et c’est corroborer l’opinion du pape, qui enseigne que, sans le baptême, personne ne peut être sauvé.  Je réponds que si cet argument vaut quelque chose c’est contre les calvinistes, non contre les catholiques.
Le septième argument. « L’eau doit être unie à l’Esprit (Jean 111), comme la foi au baptême. Marc, dernier chapitre : « Celui qui croira et sera baptisé. »   Or, les enfants sont fermés à l’Esprit, et ne peuvent pas croire. »  Je réponds que, en ce qui a trait à l’Esprit, ce texte de saint Jean n’enseigne pas qu’on doive sentir l’action du Saint-Esprit, comme le croient les anabaptistes,  mais seulement que, dans le baptême, la vertu de l’eau doit venir du Saint-Esprit.  Et, comme l’eau lave extérieurement, l’Esprit-Saint lave lui aussi intérieurement, ce qui peut se faire même dans quelqu’un qui dort ou qui ne sent rien.  Car, ce lavage et cette rénovation intérieure se fait par l’infusion d’habitus, qui peuvent être infusés sans que nous ne fassions aucun acte.
En ce qui a trait à la foi, le texte de saint Marc (allez prêcher) s’applique très certainement  aux adultes. Car prêcher à des bébés serait une stupidité.  Ajoutons que les anabaptistes sont forcés de reconnaitre cela s’ils veulent être logiques avec eux-mêmes.  Car, ils enseignent que les enfants sont sauvés sans la foi et le baptême, comme Mélanchton l’atteste (dans lieux, baptême des enfants).  Ajoutons que ne manque pas la foi qui leur est nécessaire, comme nous l’avons dit plus haut, et comme nous le dirons plus bas.
Le huitième argument. « L’église n’est obligé de croire qu’aux articles de foi. Or, le baptême des enfants n’est pas un article de foi. Elle ne doit pas donc pas obliger les enfants à se faire baptiser. »  Je réponds qu’il appartient à la foi que les enfants puissent être baptisés.  Car, même si on ne trouve pas cela en toutes lettres dans l’Écriture, on le trouve dans la tradition apostolique.   On peut, aussi, le déduire des Écritures, comme nous l’avons déjà dit.  Cet argument ne vaut que pour les Zwingliens et les calvinistes, qui n’admettent pas la tradition, et pensent que le baptême n’est pas nécessaire.  Et dans le passage cité : si quelqu’un ne renait de l’eau et l’Esprit Saint, il ne voit que des métaphores.
Le neuvième argument. « Si on doit baptiser les enfants, on doit aussi leur donner la communion, comme le montre l’antiquité qui fut obligé d’interdire aux enfants ces vains  lavements et ces cènes. »    Je réponds que le baptême et la communion n’ont pas la même raison d’être.  Car, le baptême est nécessaire aux enfants, qui, autrement périraient éternellement s’ils mouraient sans lui. Mais, la communion, comme les autres sacrements, ne sont nécessaires qu’aux adultes, après le baptême.  C’est ce que montrent leur nature et leurs effets. Car, l’eucharistie a été instituée pour conserver et nourrir la vie spirituelle acquise dans le baptême, comme, dans les choses corporelles, le fait la nourriture pour conserver la vie animale.   Comme on peut vivre un certain temps sans nourriture tant que la chaleur naturelle ne commence pas à consumer l’humeur vitale, de la même façon, sans eucharistie, la vie spirituelle peut se conserver tant que la chaleur de la concupiscence n’aura pas consumé l’humeur de la grâce et des vertus.  Chose qui n’arrive certes pas chez les enfants, mais seulement chez les adultes.
C’est afin d’indiquer que l’eucharistie n’était pas pour les enfants, que le Seigneur n’a pas voulu l’instituer avec du lait, qui est leur unique nourriture, mais avec du pain et du vin, qui appartiennent en propre aux adultes.  Certains anciens, cependant, pour des raisons bien à eux, enfonçaient l’eucharistie dans la bouche des enfants.  Mais leurs raisons ne prévalurent pas, et l’Église n’adopta pas cette coutume.  Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.
Le dixième argument. « On ne donne pas le baptême sans pénitence (Actes 2, et Marc 1).  Or, les enfants ne savent pas faire pénitence. »  Je réponds que la pénitence est nécessaire dans le baptême des adultes, à cause des péchés actuels commis par les adultes. Mais, pour le péché originel, on n’a pas à faire pénitence.  Car, quelqu’un ne fait pas correctement pénitence pour un péché qu’il n’a pas commis, et qu’il ne pouvait pas commettre.   Or, le péché originel, ce n’est pas nous qui le commettons, mais nous l’héritons d’Adam par une propagation naturelle.  Voilà pourquoi, à Romains 9, il est dit des enfants : « Qui n’ont fait rien de bon ni de mal. »
Le onzième argument : « Saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le baptême) conseille de différer le baptême jusqu’à ce que les enfants puissent répondre de leur foi.  Saint Augustin (dans son livre sont livre 1V sur le baptême contre les donatistes), écrit que le baptême des bébés n’a pas été statué par un concile, et qu’il a commencé au temps d’Origène. »  Ils ajoutent le témoignage de Trismegiste, des sybilles et de Musculus.  Je réponds que saint Grégoire de Naziance désirait qu’on retarde le baptême jusqu’à l’âge de trois ans, pour que les enfants puissent donner une certaine réponse, à l’exception cependant, du danger de mort.  Car il veut, en cas de danger, qu’on les baptise n’importe lequel temps.  Et il le prouve par la circoncision et par d’autres arguments.  Saint Grégoire de Naziance a donc deux choses contre les anabaptistes.  Une première.  On peut baptiser les enfants à n’importe lequel temps. Une deuxième.  On ne peut pas le retarder au-delà de trois ans.  Or, il est certain que les enfants de trois ans n’ont pas encore l’usage de raison, ne peuvent ni croire, ni faire pénitence, ni accomplir les autres choses que demandent les anabaptistes.
Ajoutons que ce conseil que donnait saint Grégoire de Naziance n’a pas reçu l’approbation des pères. Car l’utilité est infime, et immense le péril qu’encourent les enfants en retardant leur baptême jusqu’à l’âge de trois ans, en raison du grand nombre des morts infantiles.  On doit répondre la même chose à Tertullien qui (dans son livre sur le baptême, vers la fin) donnait le même conseil qu’a donné plus tard saint Grégoire de Naziance.  Et saint Augustin est cité de travers et faussement par les anbaptistes.   Car ce n’est pas pour infirmer le baptême des enfants que saint Augustin dit qu’il n’a été imposé par aucun concile, mais pour montrer qu’il est plus ancien que tous les conciles.
 Voici, en effet, ce qu’il dit (dans son livre 4 sur le baptême des enfants : «  Ce que l’Église universelle tient, et ce qu’elle a toujours retenu, sans qu’aucun concile ne l’ait décrété, on a raison de croire qu’elle n’a pas pu agir ainsi sans l’autorité d’une tradition apostolique. »  Ces paroles réfutent aussi le mensonge voulant que le baptême des enfants ait commencé au temps d’Origène.  Saint Augustin parle de  tradition apostolique.  Et le témoignage du luthérien Musculus nous n’en faisons pas plus de cas que de ceux des anabaptistes.  Trismégiste et les sybilles ne parlent pas du baptême du Christ, mais d’un certain lavement païen qui ne nous concerne pas.
Le douzième argument. « On croit de cœur à la justice, et de bouche se fait la confession pour le salut. » Romains X.  Cela, les petits ne peuvent pas le faire. »  Je réponds avec saint Augustin, au lieu cité, (livre 4, chapitre 24 sur le baptême), que les apôtres nous ont légué que les enfants étaient sauvés par le baptême, même s’ils ne croient pas de cœur et ne confessent pas de bouche.  Car, même s’ils n’ont pas la foi actuelle, ils ont quand même le sacrement de la foi, comme, à l’opposé, le bon larron n’eut pas le sacrement de la foi, mais fut sauvé par la foi et la conversion à Dieu.  On peut en conclure que,  en cas de nécessité, la foi et le désir suppléent au défaut du baptême.  Et, à l’inverse, le sacrement supplée au défaut de la foi actuelle propre.
Le treizième argument. « Comme les sacrements sont parfaits, ils requièrent des gens parfaits. Or, les enfants sont imparfaits, donc… »  Je réponds que, si on les compare à la cause agente, les choses parfaites ne conviennent qu’aux parfaits.  Car, seuls les artisans parfaits peuvent faire des œuvres parfaites.  Mais si on les compare à la cause « passive,  c’est-à-dire à la matière, ou au sujet, alors elles conviennent aux imparfaits, et non aux parfaits.  De cette sorte, est le baptême par rapport aux hommes.  Car, c’est un sacrement parfait qui perfectionne des hommes imparfaits.  Il en est de même de la médecine corporelle.  Un médicament parfait n’est pas donné à ceux qui ont une santé parfaite, mais à  ceux qui ont une santé imparfaite, c’est-à-dire aux malades.  Voilà pourquoi l’apôtre (Hébreux V1) dit qu’il appartient aux imparfaits d’être baptisés : « Laissant de côté l’enseignement primordial sur le Christ, tendons à la perfection, sans avoir de nouveau à poser le fondement de la pénitence, le baptême. »
Le quatorzième argument.  « La cène du seigneur requiert une confession externe de la foi.   Les enfants en sont donc exclus.  Le baptême requiert aussi une confession externe, car il n’est rien d’autre qu’une profession de foi. »  Je réponds  que la cène du Seigneur autant que le baptême sont des professions externes de foi.  On professe dons notre foi en les recevant, même si on ne dit aucun mot.  Voilà pourquoi les enfants professent leur foi en étant baptisés. Ils feraient la même chose s’ils communiaient.  Ce n’est donc pas pour cela que nous les écartons de la communion.
Le quinzième argument. « Les symboles du Christ sont ordonnés à sa commémoration et sa prédication.  Les bambins ne peuvent rien faire de tout cela. »  Je réponds que ceux qui reçoivent les symboles du Christ, par le fait même qu’ils les reçoivent, commémorent et prêchent le Christ.  Et c’est ce que les tout petits font aussi.  Car quand ils sont plongés dans l’eau, ils commémorent la mort et la sépulture du Christ.  Quand on les sort de l’eau, ils commémorent sa résurrection.  L’apôtre (Romains V1) ne requiert rien d’autre.
Le seizième argument : « La foi vient de l’audition, et l’audition de la parole de Dieu. »  Si tu dis que les enfants ont la foi, tu montreras en eux la révélation d’une nouvelle foi que tu ne pourras jamais prouver par la parole de Dieu. »  Je réponds que l’argument vaut contre les luthériens qui mettent la foi actuelle dans les enfants.
Le dix-septième argument. « Le Christ a été baptisé à l’âge de trente ans. »  Je réponds avec le sermon de saint Grégoire de Naziance sur le saint lavement, que nous ne pouvons et nous ne devons pas faire tout ce que le Christ a fait de la même manière qu’il l’a fait.  L’eucharistie, par exemple, il l’a donné au cénacle, après la cène et avant la passion.  Nous la donnons, nous, dans les temples, avant la cène, et après la résurrection.  Ajoutons que le Christ a différé son baptême jusqu’à l’âge de trente ans parce qu’il n’avait pas besoin de baptême, et parce qu’il n’était pas en danger de mort. Et aussi parce qu’il avait décidé que c’était dans son âge parfait qu’il se montrerait et prêcherait aux hommes.  Dans son baptême, il commença à être connu par les miracles qui se produisirent.  Nous, depuis notre naissance, nous avons toujours besoin du baptême; et nous ne connaissons pas la durée de notre vie.  De plus, nous ne nous faisons  pas baptiser  pour nous faire connaître par le monde, mais pour ne pas périr éternellement.  Ajoutons que le Christ a été circoncis le huitième jour, comme tous les autres Juifs.  Et la circoncision était pour les Juifs ce qu’est pour nous le baptême.
Le dix-huitième argument. « Les baptisés revêtent le Christ.  Explique comment les enfants pourraient revêtir le Christ ? »  Je réponds que les enfants revêtent le Christ quand, par l’habitus de la grâce qui leur est infusé, ils rejettent le vieil homme, et revêtent le nouveau.  Que cela puisse se faire sans un acte propre de l’esprit,  saint Paul l’enseigne à Romains V : « Comme par la désobéissance d’un seul, plusieurs ont été constitués pécheurs, ainsi, par l’obéissance d’un seul, plusieurs ont été constitués justes. »  Par le seul fait de naître d’Adam, le péché d’Adam est communiqué, même à ceux qui n’ont pas l’âge de raison.  De la même manière, par le seul fait de renaître du Christ par le baptême, la justice du Christ est communiquée même à ceux qui n’ont pas l’usage de leur raison.
Le dix-neuvième argument. « Les sacrements de la nouvelle loi sont spirituels.  Les enfants sont complètement charnels. »  Je réponds que c’est précisément pour devenir spirituels qu’ils reçoivent des sacrements spirituels.  Ils deviennent tels par un habitus, non par un acte.
Le vingtième. « Les apôtres sont des pêcheurs d’hommes, non d’enfants. »  Réponds ainsi.  Comme si les enfants n’étaient pas de vrais êtres humains.  Et d’ailleurs pêcher ne signifie pas proprement baptiser, mais prêcher.  Nous admettons que nous n’avons pas à prêcher à des bambins.
Le vingt-et-unième. « Ceux qui accèdent aux sacrements doivent faire un examen de conscience (1 Corinthiens X1).  Or, les enfants ne le peuvent pas.  Donc. »  Je réponds que l’apôtre dit cela au sujet de l’eucharistie, qui requiert l’état de grâce.  Autrement, il accède indignement à l’eucharistie, ne discernant pas le corps du Seigneur.   Dans le baptême, un tel examen de conscience n’est pas requis.  Car, quelqu’un peut y accéder en étant conscient d’avoir commis des péchés, pourvu qu’il en ait le repentir et le ferme propos de ne plus les commettre.  Car, le baptême a été institué pour effacer les péchés.  Il est vrai que, pour les adultes, un certain examen de conscience est requis pour qu’on n’y accède pas hypocritement, et qu’on ne conserve pas  d’attaches au péché.  Mais, pour les enfants, ce genre d’examen n’est pas nécessaire, puisqu’ils ne peuvent pas y mettre d’obstacles.
Le vingt-deuxième argument. « Celui qui veut devenir un chrétien, doit revêtir le nouvel homme, après avoir rejeté l’ancien.  Les enfants ne peuvent pas faire cela. »  J’ai déjà indiqué que cette assertion est fausse.  Car, le mauvais est aussi un chrétien, pourvu qu’il reçoive le baptême et professe la foi du Christ.
Le vingt-troisième argument. « Le fidèle dispensateur donne la nourriture en son temps, et il regarde les moissons blanches, non les vertes. »  Je dis que l’Église observe cela parfaitement quand elle donne le baptême aux bébés, mais non la communion.  Car, c’est toujours le temps de recevoir le baptême, non toujours le temps de communier au corps et au sang du Christ.  Les moissons blanches se disent des hommes disposés et aptes à recevoir le salut, comme sont les enfants.  Ne sont pas toujours tels les adultes qui sont empêtrés par un lot de passions et de péchés.
Le vingt-quatrième. « On appelle véritablement frères ceux qui peuvent boire à la même coulpe.  Or, les enfants ne le peuvent pas. »  Je dis qu’on appelle frères ceux qui boivent à la même coupe, mais qu’on a une raison encore plus grande d’appeler frères ceux qui sont renés par le même baptême.  Car, le baptême nous fait enfants de Dieu et frères du Christ, comme tous les autres régénérés.  Boire à la même coupe n’est qu’un signe de fraternité.  Voilà pourquoi l’apôtre dit l’un et l’autre du baptême 1 Cor X11 : « Vos avez été baptisés en un seul esprit et pour devenir un seul corps. »  Et, au sujet de l’eucharistie, 1 Cor X : « Nous sommes nombreux à être un seul esprit et un seul corps. »  Et, à l’inverse, boire à des calices différents, de façon à ce que certains boivent au calice du Christ et d’autres aux calices des démons, c’est un signe de diversité et de schisme.
Or, le fait de ne boire à aucun calice, comme c’est le cas des petits enfants, n’empêche pas la fraternité, qui peut s’obtenir autrement, par le baptême, puisqu’il nous rend frères sous un même père, et membres d’un seul corps. 1 Cor X11 : « Nous avons tous été baptisés dans un seul esprit pour devenir un seul corps. »  Nous voyons la même chose dans les choses charnelles.   Les enfants sont frères d’adultes, quand ils sont nés du même père, même s’ils ne mangent pas le même pain et ne boivent pas à la même coupe.
Le vingt-cinquième argument. « Celui qui ne reçoit que la partie externe d’un sacrement, ne reçoit rien.  Or, les enfants ne sont que mouillés par l’eau, puisqu’ils sont privés de raison.  Donc. »  Je réponds que son assertion est fausse.  Car, même si les enfants sont privés de l’usage de leur raison, ils ne sont pas privés d’une âme raisonnable et de ses puissances, dans lesquelles Dieu peut  habiter par sa grâce, et habite effectivement quand ils sont baptisés, comme l’écrit saint Augustin, dans son épitre 57 à Dardanus.
 Il dit qu’il est étonnant, mais pourtant vrai, que Dieu n’habite pas dans beaucoup de ceux qui le connaissent, comme les philosophes ( Romains 1 : « Bien qu’ils l’aient connu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu), mais habite dans ceux qui ne le connaissent pas, les petits enfants baptisés. Et (au livre 1, chapitre 9 sur les mérites et la rémission des péchés), il dit : « Il donne la grâce très mystérieuse de son Esprit, en l’infusant secrètement dans les enfants et les bambins. »
Le vingt-sixième argument. « Ne peut pas être envoyé au Christ celui qui n’a pas été préparé par saint Jean-Baptiste. »  Je réponds que cela est vrai pour ceux qui ont besoin d’une préparation.  Les enfants n’en ont pas besoin.  Voilà pourquoi Jésus  a dit en Matthieu X1X : « Laissez les petits venir à moi. »  Il n’a pas ordonné qu’ils attendent jusqu’à ce qu’ils aient été préparés par saint Jean-Baptiste.
Le vingt-septième argument. « Le baptême est une aspersion avec une doctrine, et une imposition des mains. »  Je réponds que l’apôtre n’a pas dit cela.  Voici comment il a parlé : « Laissant l’enseignement élémentaire sur le Christ, élevons-nous à l’enseignement parfait,  sans revenir sur les articles fondamentaux du repentir des œuvres mortes, et de la foi en Dieu, de l’instruction sur le baptême et de l’imposition des mains, de la résurrection des morts et du jugement éternel. »
 Et le sens est le suivant : ne revenons pas aux fondements de la doctrine du baptême, et de l’imposition des mains, c’est-à-dire de la confirmation, car ces choses sont expliquées aux catéchumènes au tout début de leur initiation.  Mais il nous faut maintenant tendre à des choses plus hautes.   Il ne dit donc pas, en cet endroit, que le baptême est une aspersion avec une doctrine, mais il dit que la doctrine sur le baptême s’adresse aux commençants et n’appartient pas aux parfaits.  Ce qui est contre les anabaptistes qui veulent que le baptême soit pour les parfaits.
Le vingt-huitième argument.  « Le baptême est une mise à mort et une ablution avec l’invocation du nom de Jésus. (Actes XX11.)  Je réponds que, même chez les enfants, le baptême est la mort des péchés.   Mais l’invocation ne fait pas partie de l’essence du baptême.  Elle n’est que convenable, mais il faut l’utiliser quand la chose est possible.
Le vingt-neuvième argument. « Le baptême est une purification du corps par l’eau dans la certitude de la foi, après avoir déposé la mauvaise conscience. » Hébreux X.  Je réponds que l’apôtre ne donne pas une définition du baptême, mais il avertit celui qui veut accéder à Dieu d’avoir, en plus du baptême,  la vraie foi et une bonne conscience.  Car, c’est ainsi qu’il parle : « Accédons avec un vrai sentiment du cœur,  dans la plénitude de la foi, les cœurs ayant été aspergés de la mauvaise conscience, et le corps ayant été purifié par une eau pure ».
Le trentième argument. « Le baptême est la déposition des saletés et des péchés, et un ensevelissement avec le Christ. » Colossiens 11.   Je réponds que cela convient aussi aux enfants, parce qu’ils ont le péché originel.   Car, c’est ce que nient les anabaptistes.  Ce qui n’empêche pas saint Paul d’affirmer aux Romains V : « En qui nous avons tous péché. »  Et Éphésiens 11 : « Nous étions, nous aussi, des fils de colère par nature. »
Le trente-et-unième argument. « Le baptême est une attestation de bonne conscience envers Dieu. »  1 Pierre 111.  Je réponds que ce n’est pas l’essence du baptême, mais un effet du baptême.  Or, dans les enfants, le baptême le produit cet effet fondamentalement, pour ainsi dire,  et, à l’âge adulte, formellement.  Il purifie, en effet, l’âme du péché, et c’est de cette purification que vient plus tard le témoignage de la bonne conscience.
Le trente-troisième argument. « Le baptême est un bain de régénération et de rénovation dans le Saint-Esprit. Tit 111 et Jean 111, Zacharie X11.  Aucune de ces choses ne se rapporte aux enfants. »  Je réponds qu’ils pensent que cela est faux parce qu’ils estiment que les enfants n’ont pas le péché originel.  Voilà pourquoi ils nient que les enfants doivent être purifiés et régénérés.
Le trente-quatrième  argument. « Les sacrements sont des nourritures solides.  Les enfants n’ont besoin que du lait. »  Je réponds que le sacrement de l’eucharistie est une nourriture solide, et c’est pourquoi il a été institué sous la forme du pain, et n’est pas donné aux enfants.  Or, le baptême n’est pas une nourriture, mais une régénération qui convient parfaitement aux enfants.  Car c’est le propre des enfants de naître, et donc de renaître.  Voilà pourquoi saint Paul (Hébreux V1) dit que le baptême est pour les imparfaits.
Le trente-cinquième argument. « Il nous faut d’abord être animaux, ensuite spirituels. » 1 Cor 5.  Les sacrements sont des instruments spirituels. Les enfants ne peuvent donc pas renaître. »  L’argument consiste en ceci : les sacrements sont spirituels, ils ne conviennent donc qu’aux spirituels.  Mais la conséquence de cet argument est mauvaise. Les sacrements sont spirituels pour rendre spirituels des hommes animaux, puisqu’ils ont le pouvoir de régénérer et de renouveler. Jean 111 et Tit 111.
Le trente-sixième argument. « Des adultes aveugles, sourds et muets personne n’osera jamais les baptiser.  Encore moins des enfants qui ne peuvent ni marcher, ni entendre ni parler. »  Je réponds en disant que ces adultes si, en quelle que façon que ce soit, ils peuvent indiquer leur désir d’être baptisés, on s’ils ont pu le faire avant de devenir malades, peuvent et doivent être baptisés, comme l’enseigne clairement le concile de Carthage 333, chapitre 34, et le concile d’Oranges 1, chapitre 12, et saint Augustin (livre 1, chapitre 26, des conjoints adultérins, des malades qui deviennent subitement muets.  Si on ne peut pas savoir ce qu’ils veulent, on ne les baptise pas, car, pour ceux qui ont l’usage de leur raison, leur consentement est requis.  Or, dans les enfants le consentement n’est pas requis, et celui des autres suffit.   Pour les adultes aveugles, sourds et muets, nous ne savons pas s’ils ne mettent pas d’obstacle à la réception du sacrement.  Mais, pour les enfants, nous le savons.
                                                 CHAPITRE 10
Que pensent les adversaires de la foi qui est requise pour le baptême des petits.
Il reste encore une question sur la foi avec laquelle les petits sont baptisés.  Il y a, sur ce sujet, deux sentences extrêmes des hérétiques, au milieu desquelles se pose la sentence de l’Église catholique.
La première sentence est celle des luthériens qui attribuent aux enfants une foi actuelle, ou quelque chose de semblable.  Luther d’abord.    Dans sa captivité de Babylone  (au chapitre du baptême), il dit : « Tous les sacrements ont été institués pour nourrir la foi. »  De même : « Les sacrements ne justifient pas et ne sont d’aucun profit.   Seule la foi justifie. »  De même : « Les sacrements ne sont pas accomplis parce qu’ils sont faits, mais parce qu’ils sont crus. »
Il a vu que cela répugnait au baptême des petits enfants, et il se fait, alors cette objection à lui-même. «On opposera peut-être à ce que nous venons de dire, le baptême des petits, eux qui ne comprennent pas la promesse de Dieu, et qui ne peuvent pas avoir la foi du baptême. »  Il répond en disant deux choses.  La première.  Les enfants croient.  La seconde.  Ils acquièrent la foi non par la vertu du sacrement, mais par les prières de l‘Église, et la foi de ceux qui offrent l’enfant au baptême.  Et c’est ainsi qu’il explique ce qu’on a coutume de dire :  les enfants sont secourus par la foi d’autrui.   Qu’il parle d’une foi actuelle et non d’un habitus, les mots suivants le montrent : « Comme la voix de Dieu peut, tant qu’elle résonne, changer le cœur d’un impie, car, il n’est pas moins difficile  changer le cœur d’un sourd et d’un impotent que celui d’un bébé, de même, par les prières de l’église qui offre et qui croit, le petit est changé par la foi infuse, est purifié et renouvelé. »  Il est pourtant certain que quand un impie est changé par une parole du Verbe de Dieu, et veut être converti, il est changé dans un acte, non dans un habitus.
Le même Luther (dans son livre contre Cochlaeus, en l’an 23, dit : « Nous disons que, dans le baptême, les enfants croient par la vertu de la parole par laquelle ils sont exorcisés,  par la foi de l’Église qui les offre, et par la foi de celui qui le demande par ses prières.   Autrement, intolérables seraient les mensonges quand le baptiseur demande à l’enfant s’il croit, et ne le baptiserait pas si son répondant ne disait pas je crois.  Pourquoi leur demande-il s’ils croient, s’il sait très bien, comme tout le monde, qu’ils ne croient pas, » comme argumente Cochlaeus.
 Soit, nous savons que saint Augustin a parfois parlé ainsi.   Mais nous cherchons, nous, une preuve dans les saintes lettres. Car nous devrons affirmer que les petits ne doivent pas être baptisés s’il est vrai qu’ils ne croient pas dans le baptême, pour ne pas nous moquer de la majesté des sacrements et des paroles.  Nous devons nier aux petits l’erreur sophistique de la foi. »
Il parle évidemment de la foi actuelle, et non de la foi habituelle. Car ni Cochlaeus, ni saint Augustin, ni les scolastiques n’ont nié la foi habituelle dans les enfants.  Et, ce qui est encore plus fort, Luther veut que la foi soit dans les bébés, avant le baptême, quand on les exorcise et quant on les interroge.  La foi dont il parle ne peut être qu’actuelle, car la foi habituelle n’est pas infusée avant le baptême, mais dans le baptême.  Il dit la même chose dans son livre contre les Vaudois quand il dit qu’il est préférable de ne pas baptiser les bébés plutôt que de les baptiser sans la foi.  Car, si tu reçois un sacrement sans la foi, tu le reçois pour ton propre détriment.  Et, il prouve cela par Marc, dernier chapitre : « Celui qui croit et sera baptisé. » Ce texte, il l’entend de la foi actuelle.
Cette sentence a paru difficile à accepter à tous les autres;  et elle a engendré trois sectes diverses.  Quelques-uns nièrent qu’il fallait baptiser les enfants, car ils croyaient, comme l’enseignait Luther, que, sans la foi, le baptême n’était d’aucun profit.  Et parce que l’expérience leur montrait clairement que les enfants ne croyaient pas, puisqu’ils rechignaient, se débattaient et pleuraient quand ils étaient baptisés.  Tels sont les anabaptistes, dont nous venons tout juste de parler.
D’autre ne nièrent pas qu’il fallait baptiser les enfants, mais ils nièrent que la foi était requise chez les enfants.  Tels sont les sacramentaires, dont nous parlerons bientôt quand nous réfuterons l’autre proposition.  Il y en d’autres, enfin, qui ne nient ni la foi ni le baptême des petits enfants, mais qui ont  cherché à biaiser, et à clarifier la sentence de Luther.  En 1536,  les luthériens formèrent un conciliabule à Wittemberg, dont les actes sont reproduits par Cochlaeus (livre 3 de ses mélanges, 38, chapitre 2.)
 Voici ce qui a été décrété dans ce pseudo synode.  Il faut rejeter l’erreur de ceux qui pensent que les bébés peuvent être sauvés sans aucune action de leur part.  Ensuite, même si nous ne comprenons pas quelle est l’action des tout petits, il est cependant certain qu’il y a en eux des tendances et des inclinations à croire, et à aimer Dieu, semblables à nos actes de foi et de charité.  Et c’est ce qu’on doit comprendre quand on dit que les enfants croient.
Tous les luthériens semblent accepter cette nouvelle explication de la sentence de Luther.  Philippe (dans ses lieux, en l’an 58, chapitre du baptême des petits), écrit : « Au sujet des petits enfants, il suffit de tenir que, par le baptême, leur est donné le Saint-Esprit qui effectue en eux, à leur façon,  de nouveaux mouvements, de nouvelles inclinations vers Dieu. »  Jean Brentius dit la même chose (dans son apologie de la profession de Wirtemberg, chapitre du baptême), ainsi que Davide Chitraeus, (dans son catéchisme, lieu 7, sur le baptême).  De même Illyricus avec les centuriates (livre 2, chapitre 4, colonne 63, et centurie 5, chapitre 4, col 517).  Il reproche à saint Justin et saint Augustin d’avoir dit que, dans le baptême, les enfants croient avec la foi d’un autre, non avec la leur.  Enfin (pour omettre les autres)  Martin Kemnitius (2 par examen du concile de Trente, canon 13, session 7,  p. 258 et suivantes) dit qu’il est difficile d’expliquer et de croire comment les enfants croient. « Cependant, dit-il,  la façon la plus simple de le comprendre est expliquée par la formule de concorde entre les théologiens de Saxe et de la haute Germanie, en 1536. »  Et ce qu’il en dit ressemble à ce qu’a enseigné le concile de Wirtemberg, cité plus haut.
Il faut noter ici que c’est par fraude et artifice, et même par un gros mensonge, que Kemnitius affirme que cette sentence du conventicule de Wirtemberg concordait avec les assertions ci-haut citées de Luther.  Et que le concile de Trente est en désaccord, à ce sujet, avec le concile de Vienne, parce que le concile de Vienne enseigne que, dans le baptême, sont infusés par Dieu les habitus de foi, d’espérance et de charité, alors que le concile de Trente aurait voulu enterrer ce décret sans en faire aucune mention.  Ce mensonge, nous le dénoncerons plus loin.
L’autre sentence se porte jusqu’à l’autre extrême.  Aucune foi n’est nécessaire aux enfants dans le baptême.  Il semble que c’est ce que Luther a d’abord enseigné.  Car, même si c’est avant l’apparition des anabaptistes qu’il a  écrit les choses que nous avons citées,  il écrivit un livre contre eux, en l’an 1538,  quand ils apparurent.  Et quand il arriva à  cet argument de la foi des enfants, il dit qu’il importait peu que les enfants croient ou ne croient pas.  Car, le baptême n’est pas fondé sur la foi de celui qui donne ou qui reçoit, laquelle est incertaine, mais sur le mandat et l’institution de Dieu.  Il dit des choses semblables dans son homélie sur le baptême (années 37 et 40).
Mais ce principe de Luther n’est pas solide.  Car, même si, de ce que le baptême ne dépend pas de notre foi mais de l’institution divine, il s’ensuit qu’il est toujours, de lui-même, efficace, il ne s’ensuit pas qu’il nous soit toujours, sans la foi,  utile ou profitable.   Car autrement, ceux qui se présentent au baptême sans sincérité ou sans renoncer au péché seraient quand même purgés par le baptême.  Voilà pourquoi les sacramentaires suivirent Luther quand il écrivit que la foi n’est pas requise.  Mais, c’est d’un autre fondement qu’ils vont le chercher, c’est-à-dire de la promesse faite à Abraham et  à sa semence, ou de la prédestination divine.
Calvin (livre 4, chapitre 16), comme nous l’avons expliqué plus haut, aurait aimé  défendre la première sentence de Luther, mais il n’a pas osé.  Voilà pourquoi il parle ainsi (verset 18) : « Il n’aurait pas été assez sécuritaire d’enlever au Seigneur la possibilité de montrer comment cela devait être connu. »  Et au verset 19 : « Non que je veuille témérairement affirmer qu’ils sont doués de la même foi que celle que nous expérimentons, ou qu’ils aient une connaissance de la foi tout à fait semblable à la nôtre. »  Tu vois comment il rejette le décret de Wirtemberg ?  Et, au verset 21, il ajoute : « Ceux que le Seigneur a daigné élire, s’ils émigrent de la vie présente avant d’avoir reçu le signe de régénération, il les renouvelle par la vertu du Saint-Esprit à nous donnée, de la façon qu’il considère convenable. »
Théodore de Bèze a des choses semblables (dans sa confession, chapitre 4, article 48), et Pierre le martyr (dans les chapitres 1 et 2 de la première lettre aux Corinthiens).  Il dit là clairement que les enfants ne comprennent ni ne croient, et qu’ils sont quand même baptisés parce qu’ils avaient déjà été sanctifiés et faits membres de l’église par l’élection divine, et par la promesse faite aux parents.  Et Wolfgang Musculus, qui a participé au conciliabule de Wirtemberg, et qui est ensuite devenu un sacramentaire,  dit (dans les lieux communes, au titre du baptême des enfants) dit que Luther a écrit sans réflexion quand il dit qu’on ne doit pas baptiser les enfant si on ne peut prouver qu’ils ne croient pas; et que c’est ce qui a donné naissance à l’anabaptisme.
La troisième sentence est celle des catholiques.  Les enfants n’ont pas la foi actuelle, mais ils ne sont quand même pas dénués de toute foi, puisqu’ils ont la foi habituelle, qu’ils croient par la foi d’un autre, et dans la réception elle-même du sacrement.  Pour prouver tout cela d’une façon ordonnée, je vais énoncer les propositions suivantes.
2018 12 14 fin

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                             CHAPITRE 11
On déclare quelle est la foi qui est requise dans le baptême des petits enfants, et on réfute les erreurs des adversaires.
 La première proposition.  Les petits enfants n’ont pas la foi actuelle.  Ce qui est contre la première sentence de Luther. Preuve.  Le Deutéronome (1) et saint Jean (dernier chapitre) enseignent que les enfants ne savent pas la différence entre le bien et le mal, sans jamais exclure le temps du baptême. C’est donc sans aucun témoignage de l’Écriture que Luther fait cette affirmation.  Deuxièmement.  Les pères rejettent cette sentence, comme saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières) qui dit que les enfants sont sanctifiés sans qu’ils sachent ce que c’est que la sanctification, et saint Augustin (dans son épitre 57 à Dardanus),  qui rit de cette sentence de Luther, comme étant « quelque chose qui fait injure au gros bon sens. » Et, (dans son épitre  23, traité 80, sur saint Jean, et son livre 4, chapitre 24 sur le baptême, et dans son livre 1 chapitre 20 sur les mérites et la rémission des péchés), il dit que les enfants n’ont pas la foi, laquelle réside dans la connaissance; qu’ils n’ont pas non plus le sens de la foi; qu’ils n’ont donc pas ce que saint Paul appelle : « croire de cœur pour obtenir la justice. »
 Tous ces textes nous font comprendre avec quelle impudence  Kemnitius  a proféré le mensonge suivant (pate 258) :  « Sur cette question, Luther et saint Augustin enseignaient la même chose. »  Nous venons en effet de montrer que Luther attribuait aux enfants la foi actuelle.  Or, en plusieurs endroits, saint Augustin a parlé contre cette conception de la foi des enfants.  Et que  dire de ce que Luther lui-même, dans son livre contre Cochlaeus, reconnait que, à ce sujet, il a saint Augustin contre lui.  Et, cependant, l’effronté Kemnitius a voulu, par son mensonge, faire concilier Luther et saint Augustin, malgré saint Augustin et malgré Luther.
 Troisièmement.  La preuve par la raison.   Car la foi ne peut naître dans la pensée que d’une révélation divine, qui vient soit immédiatement de Dieu, soit par le moyen de la parole prêchée ou lue.  Luther ne dit pas que la foi est donnée aux enfants de la première manière, mais de la deuxième, puisqu’il dit qu’ils croient par la vertu de la parole de l’exorcisme, avec l’aide des prières de l’église.  Et de plus, la première manière n’est pas ordinaire, mais extraordinaire et très rare, et elle n’est probablement concédée qu’aux  prophètes et aux apôtres.   Car, comme dit saint Paul (Romains X) : la foi vient de l’audition, parlant du moyen ordinaire d’engendrer la foi.  Or, si la foi était communiquée immédiatement à tous les enfants, ce serait alors la façon ordinaire de la communiquer; et on pourrait dire qu’au moment où ils sont baptisés, les petits enfants sont des prophètes.
 Que la foi ne vient pas aux petits enfants de la deuxième façon, l’expérience nous l’enseigne.  Car si les paroles de l’exorcisme engendraient la foi, les enfants devraient l’entendre et la comprendre. Or, c’est le contraire qui se passe.  L’exorcisme ne se rapporte donc pas à l’enseignement de la foi, mais à l’expulsion des démons.  C’est donc placer un nouveau miracle dans les oreilles et dans l’esprit des enfants.  Ne vaut pas non plus ce que Luther attribue à la foi et aux prières de ceux qui l’offrent. Car, il arrive parfois que les offrants, les parents et les baptisés eux-mêmes  soient des infidèles, ce qui n’empêche pas que le baptême soit donné aux enfants véritablement et utilement, comme saint Augustin l’enseigne dans l’épitre 23.  Et il n’existe pas, dans la foi et les prières des offrants, une puissance assez grande pour obtenir infailliblement des miracles.  Et puis,  si Dieu fait un miracle dans l’esprit des enfants en le rendant capable de croire pour obtenir la justice, pourquoi ne le fait-il pas  aussi dans la langue,  pour qu’ils confessent avec leur bouche en vue de leur salut ?  Ce ne serait pas plus difficile pour Dieu, témoin l’âne de Balaam,(Nombres XX11) de les faire parler avec sagesse.
 Quatrièmement.  On le prouve avec la raison donnée par saint Augustin dans son épitre 57. «  Comme il est prouvé par les lamentations, les mouvements désordonnés du corps  que les enfants ne veulent pas être baptisés et  détestent l’eau qu’on leur impose, ils seraient,  s’ils comprenaient vraiment ce qui se passe,  coupables d’un grand sacrilège, et seraient plus pollués que purifiés. »
 La deuxième proposition.  Pendant qu’ils sont baptisés, les enfants n’ont  aucun mouvement nouveau, aucune  inclination semblable aux actes de toi et d’amour.  Ceci est contre ce qu’ont imaginé les membres du concile de Wirtemberg,  Philippe, Kemnitius et les autres luthériens.  On le prouve en disant que cela répugne à la parole de Dieu.  Car, ils veulent que ces motions des enfants soient sans connaissance, mais soient quand même appelées foi, même si improprement; et que c’est de cette façon que  les enfants ne sont pas justifiés sans la foi.  Mais, dans toute l’Écriture, on ne rencontre jamais le mot foi dans ce sens, c’est-à-dire désignant  une pensée dénuée de sens et de connaissance.  On voit plutôt le contraire.  Romains X : « La foi vient de l’audition. » Hébreux X1 : « Nous comprenons par la foi que les siècles sont adaptés à la parole de Dieu. »  Et ainsi des autres passages.
 En second lieu, cela répugne à la raison. Car, ces mouvements ou motions ou actes sont dans le corps ou dans l’âme.  S’ils sont dans le corps,  ils ne peuvent pas être semblables aux actes de foi et d’amour qui sont dans l’âme.  Car, on ne dit pas que les choses corporelles sont semblables aux choses spirituelles, sinon métaphoriquement ou par analogie.  Et de plus,  il ne peut pas se faire que ces  impulsions ou inclinations à croire en Dieu ou à l’aimer soient corporelles, puisque Dieu est un objet très spirituel et très relevé, que l’esprit peut à peine atteindre.  S’ils sont dans l’âme, on ne peut pas, sans se contredire, soutenir qu’ils ne connaissent rien.   Quel est donc le mouvement de l’intelligence si ce n’est l’intellection ?  Car, l’intelligence ne peut pas se mouvoir autrement qu’on comprenant, comme l’œil sans voir, et l’oreille sans entendre.  Et comment la volonté peut-elle être encline  à vouloir quelque chose, sans que précède une connaissance ?  Puisque la volonté n’a pas d’autre objet qu’un bien connu.
 Troisièmement.  C’est quelque chose qui répugne à Luther lui-même.  Car, dans les lieux cités, Luther met dans les tout petits cette foi dont il a souvent dit qu’elle justifie à elle seule.  Or, il est certain que la foi qui justifie n’est pas un mouvement dénué de connaissance.  Car, autrement, même les bêtes pourraient être justifiées.   Luther, en effet, a voulu que la foi  naisse, dans les petits, des paroles de l’exorcisme.  Il ne décrit donc pas une foi dépourvue de connaissance.  De plus, il voulait que les petits aient la foi avant le baptême, pour qu’ils puissent vraiment répondre au ministre qui les baptisera : je crois.  Et les auteurs de cette opinion disent que c’est par le baptême que sont donnés aux enfants ces mouvements.  Comme Philippe (lieu cité) : « L’Esprit Saint leur est donné par le baptême, qui effectue en eux de nouveaux mouvements et inclinations. »   Et de même Kemnitius (page 250) : « L’esprit de régénération est infusé dans les enfants quand ils sont baptisés.  Et il opère en eux de saints mouvements. »  C’est donc faussement qu’il affirmait plus haut que Kemnitius pense comme Luther.
 Quatrièmement.  Cela répugne à la doctrine et aux principes communément admis par tous les luthériens.  Il n’est rien en effet, pour eux, de plus certain et de plus généralement admis  que l’homme est justifié par la foi seule;  et que les sacrements ne sont rien d’autre que des instruments qui excitent et nourrissent la foi.  Or, il est certain que si ces mouvements sans vraie foi des enfants suffisaient pour la justification, il serait faux que seule la foi justifie l’homme.  Ils ne pourront pas dire que ces mouvements sont la foi, car quand ,dans la matière de la foi, ils parlent de la justification, ils entendent toujours par foi, la compréhension de la divine miséricorde, ce qui ne peut se faire sans connaissance.  De plus, comme, selon eux,  ces actes sont excités immédiatement par Dieu, et non par les sacrements, qui, à la manière d’un sermon, provoquent la foi par les sens externes, il est certains qu’est détruit le  principe qui  veut que les sacrements ne justifient qu’en excitant la foi à la manière d’un sermon.    Si donc quelqu’un porte un jugement correct à partir du principe de la justification par la seule foi, la sentence de Luther (qui attribue aux enfants la foi) est moins absurde que celle du concile de Wirtemberg qui accorde aux enfants un mouvement de l’esprit dénué de connaissance et de sens.  IL est vrai que Luther a imaginé un faux miracle, mais, une fois admis, tout se tient. Les autres imaginent aussi un miracle qui, une fois admis, détruit leurs principes, et milite ouvertement contre le gros bons sens.
 La troisième proposition.   Les enfants ne sont pas justifiés sans foi d’aucune sorte.  Ce qui est contre les sacramentaires.  Et on le prouve ainsi.    D’abord, parce que l’Écriture enseigne que la foi est un moyen nécessaire au salut.  Jean 111 : « Celui qui ne croit pas est déjà condamné. »  C’est de  ce texte que se sert saint Augustin pour prouver que les enfants baptisés ont la foi à leur façon ( au livre des mérites et de la rémission des péchés, chapitre 33).  Car, en ce passage le Seigneur ne parle pas du précepte de la  foi, auquel ne sont évidemment pas tenus les tout petits, mais d’un moyen de salut.  Car, avant, il avait dit : « Comme Moïse a élevé un serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, pour que quiconque croit en lui ne périsse pas, mai ait la vie éternelle. »   Regarder le serpent d’airain  ne fut pas tant un précepte qu’un moyen de salut.  De la même façon, la foi qui est présentée comme nécessaire dans ce passage, est moins un précepte qu’un remède.
 En second lieu, on le prouve par Hébreux X1 : « Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu. »  De même, Romains 111 : « Nous jugeons que l’homme est justifié par la foi. »  Ce que saint Paul répète souvent, afin de bien l’inculquer.  Comment donc les enfants pourraient-ils être justifiés et plaire à Dieu sans la foi ?   Mais Calvin et le martyr disent : « Si Dieu a prédestiné des enfants, et leur a promis d’être leur Dieu,  il leur donnera certainement le Saint-Esprit, et les justifiera par un moyen connu par lui, même si ce n’est pas par la foi.  Je réponds que la prédestination ne s’accomplit que par les moyens que nous a révélés l’Écriture.  L’apôtre aux Romains V111 les explique assez précisément ces moyens quand il dit : « Ceux qu’il a prédestinés il les justifiés.  Ceux qu’il  a justifiés, il est a glorifiés. »   Le même apôtre, dans la même épitre, (chapitres 3 à 10), ne soutient rien d’autre  que la justification ne s’obtient pas  sans la foi.  Voilà pourquoi attribuer aux enfants une justification sans la foi et sans la vocation, c’est-à-dire sans le baptême, par lequel seul peuvent être appelés les enfants, qu’est-ce autre qu’inventer, contre la parole de Dieu, une nouvelle justification.
 La quatrième proposition.  Pendant le baptême sont infusés aux enfants les habitus de foi, d’espérance et de charité.  Ce qui est tout à fait certain de par l’autorité des conciles et des docteurs.   Car, même si on s’est demandé pendant un certain temps si c’était par la grâce sanctifiante que les enfants recevaient ces habitus,  l’opinion commune fut toujours à l’effet que c’était par le baptême que ces habitus étaient infusés. Comme l’enseignent saint Thomas  ( 3 par question LX1X, art 6), et Scot, Durand, Gabriel, et presque tous les autres (dans 3, 10, 23).  Et le concile général  de Vienne (Clément 1, la sainte trinité et la foi catholique),  définit que cette sentence est plus probable, et plus conforme aux témoignages des anciens théologiens que des nouveaux.
Le concile de Trente n’a pas enterré cette définition, comme l’insinue Kemnitius en un mensonge audacieux, (2 par examen, page 261).  Car, même si le concile de Trente n’a pas fait mention du concile de Vienne,  il a repris sa sentence et l’a définie comme certaine. Car, à la session V, dans le décret sur le péché originel, il définit que les enfants sont justifiés dans le baptême, de telle sorte que s’ils meurent dans cet état, il n’y a rien qui leur retarde l’entrée du ciel.  Ensuite,  à la session 6, chapitre 7, le concile définit que, dans le baptême, sont infusés à demeure, avec la rémission des péchés, tous les dons comme la foi, l’espérance et la charité.
 Troisièmement.  On le prouve avec les pères qui, bien qu’ils ne parlent pas expressément de ces habitus, disent la même chose avec d’autres mots.  Tous les grecs et plusieurs latins disent que le baptême est une illumination, et que ceux qui sont baptisés sont illuminés.  C’est dans ce sens que saint Augustin (traité 44 sur saint Jean) explique que quand l’aveugle né fut oint, il est devenu comme un catéchumène; et que, quand il a été illuminé,  il a été comme baptisé.  On ne peut douter que les pères disent cela à cause de la foi reçue dans le baptême, qui est une lumière du cœur, comme l’explique saint Thomas (3 par question LX1X, art 5).
On déduit la même chose des Actes XV : « Purifiant leurs cœurs par la foi. »  Et de plus, seule la foi, parmi les vertus théologiques,  relève de l’intelligence; et c’est dans ces vertus théologiques que consiste la justification qui est acquise dans le baptême.  Or, on ne reçoit pas l’acte de foi, lequel, chez les adultes, précède comme une disposition.  Car,  les petits enfants n’ont aucun acte de foi.  Le baptême illumine donc par mode d’habitus infus.  Ajoutons que saint Augustin (dans son livre sur les mérites et la rémission des péchés, chapitre 26, à la fin),  affirme que les enfants ne sont pas seulement purgés par le baptême, mais aussi illuminés, ce qui ne peut se faire que par la foi.
 Quatrièmement.  On le prouve par la raison.  Car, on dit que les enfants sont vraiment baptisés, et sont des fidèles, comme l’enseigne saint Augustin, dans le même livre, au chapitre 23, et le concile de Trente, (session 7, canon 13 sur le baptême.)   C’est par l’habitus de foi, et non par l’acte de foi qu’on dit de quelqu’un qu’il est fidèle.  Car, autrement, quand nous dormons, ou quand nous ne pensons pas aux vérités de foi, nous ne serions pas des fidèles.  Voilà pourquoi, au lieu cité, quant il dit que les petits enfants sont des fidèles, il ajoute : « Cela leur est acquis par la vertu du sacrement, et la réponse des offrants. »  Il dit là clairement que les enfants sont appelés des fidèles tant par l’habitus qui est infusé par la vertu du sacrement,  que par un acte de foi étranger.  De même, Dieu habite en nous par la foi et la charité. Éphésiens 111 : « Le Christ habite dans vos cœurs par la foi. »  Et Jean V : « Celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu et Dieu en lui. »  Or, que Dieu habite dans les petits enfants baptisés, saint Augustin l’enseigne dans l’épitre 57 à Dardanus.  Les petits ont donc ces dons, au moins comme habitus.
 De plus, Dieu infuse à ses petits enfants une grâce secrète, comme l’enseigne saint Augustin (livre 1, chapitre 9, livre cité).  Mais, la grâce de justification infusée dans nos cœurs, de l’aveu de tous les théologiens, est ou la charité, ou la foi, ou l’espérance, ou une qualité avec laquelle sont infailliblement unies ces trois vertus.
 La cinquième proposition.  Les enfants croient en acte, en partie réellement quand ils sont  baptisés, et en partie par la foi d’un autre.   La première partie vient de saint Augustin (livre 1, chapitre 27, livre cité). Il dit là que, pour les petits enfants,  être baptisés c’est croire, parce que cette action est une profession de foi.  Il dit des choses semblables dans l’épitre 23.   Il en est comme des saints innocents dont l’Église dit qu’ils n’ont pas professé leur foi en parlant, mais en mourant.  Sur ce sujet, il ne peut y avoir aucune controverse.
 L’autre partie est contre la témérité de Kemnitius, d’Illyricus et des autres qui soutiennent que c’est une erreur papiste d’affirmer  que les petits enfants sont baptisés dans la foi de l’Église.  Le consensus des pères suffit pour prouver cette assertion.  C’est ce qu’enseignent Justin (question 56), Denys l’aréopagite (hiérarchie ecclésiastique, dernier chapitre),  saint Ambroise, ou quiconque est l’auteur (chapitre X1 aux Hébreux), saint Augustin (livre 3, chapitre 23  sur le libre arbitre), où il dit que la sentence de toute l’Église.  De même (dans les épitres 23, 57 et 105, livre 4, sur le baptême, chapitres 24 et 25, et semons 10 et 14, sur les paroles de l’apôtre).   Prospère, sur la vocation des Gentils (livre 2, chapitre 8), et saint Bernard, sermon 66 sur les cantiques des cantiques, et le concile de Trente (session 7, canon 13.)
 Il faut noter, ici, que c’est de deux façons que la foi est requise dans le baptême.  La foi actuelle qui précède le baptême, comme une disposition.  Et c’est cette foi qui est exigée des catéchumènes, quand on leur demande de réciter le symbole, et qu’on leur pose des questions pour tester leur foi.  Cette foi, selon le jugement de graves docteurs, ne provient pas, la plupart du temps, de l’habitus de foi mais d’une aide spéciale de Dieu.   Voilà pourquoi les pères ne donnaient pas le nom de fidèles aux catéchumènes qui possédaient cette foi.  L’autre foi est celle qui est consécutive au baptême, et qui est une part essentielle de la justification, qui n’est pas en acte, mais en habitus.  Et c’est cette foi qu’ont ceux qu’on est en train de baptiser, quand ils répondent à  celui qui leur a demandé : que demandes-tu, la foi qui accorde la vie éternelle, comme le déclare le concile de Trente (session 6, chapitre 7, et dans les livres qui traitent du baptême).
 Quand donc les pères disent que les petits sont baptisés dans la foi des parents, ils ne parlent pas de la foi au premier sens, mais au second.  Et quand nous disons que les petits enfants sont baptisés dans la foi des parents, ce n’est pas au sens que les petits seraient justifiés formellement, ou seraient fidèles par la foi d’un autre, comme l’interprètent à tort et à travers  Kemnitius et Illyricus (dans les lieux cités),  où ils citent de travers Habacuc 11 : « Le juge vivra de sa foi. »  Car, aucun catholique n’a jamais enseigné que les petits vivaient d’une foi étrangère, mais de la foi habituelle.  Le sens n’est pas non plus, comme l’explique Luther, que les petits obtiennent une foi qui les justifierait par la foi des offrants et les prières de l’Église.  Car, la foi justifiante les petits l’ont infuse par l’opération du sacrement, non par l’œuvre d’un ministre ou de l’Église opérant.  Le sens est donc que la foi actuelle, qui est requise comme disposition au sacrement,  les petits ne l’ont pas comme étant la  leur propre, mais celle d’autrui.
 Tu diras : de quel profit est pour les petits enfants,  une foi étrangère.  Je réponds qu’elle est d’un grand profit.  C’est d’abord cette foi qui les amène au baptême.  Car, les adultes qui ne croient pas ne se présentent pas au baptême. Et si aucun de ceux qui ont la charge d’un enfant ne croit, l’enfant ne sera pas baptisé.  Donc, comme la foi de chacun est utile parce qu’elle est  la cause de leur baptême, de la même façon, la foi des autres est profitable à un petit enfant,  parce qu’elle est la cause de son baptême.  On sait aussi que l’incroyance d’un père fait beaucoup de mal à un enfant, puisqu’elle est la cause que l’enfant ne sera pas baptisé.  Or, c’est de cette utilité dont parle Prosper au lieu cité.   L’autre utilité est que, de cette façon, ils honorent Dieu,  et l’adorent, pourvu qu’ils professent la foi et renoncent à Satan, au moins par la bouche d’autrui.   Dieu voit d’un bon œil cet hommage présenté par d’autres, quand les petits ne peuvent pas le faire.  Et c’est ce que saint Augustin inculque souvent dans les lieux cités.
 Le premier argument de Luther est contre la première proposition. (si les enfants ne croyaient pas….)  Je réponds qu’il n’y là aucun mensonge, car, celui qui répond « je crois » signifie que l’enfant croit non par un acte propre, mais étranger.  C’est ainsi que parle saint Augustin dans son sermon  10 sur les paroles de l’apôtre : « Notre mère l’église prête  aux enfants les pieds des autres pour qu’ils viennent, le cœur des autres pour qu’ils croient,  et la langue des autres pour qu’ils confessent. »  Cela n’est pas une injure, puisqu’Ils sont accablés par le péché d’un autre, c’est-à-dire qui a été  contracté par un autre, même s’il est vraiment et proprement en eux.
 Au second argument tiré de Matthieu XV111 (celui qui scandalisera l’un de ces petits qui croient moi) donc, les petits croient.   Je réponds que les petits dont parle l’Évangile ne sont pas des bébés, mais des jeunes enfants, capables de parler et de marcher.  Car le Seigneur les appelle à lui; et ce sont des petits qui peuvent être scandalisés.  Or, venir aux pieds de Jésus et être scandalisés ne convient pas aux enfants à la mamelle.
 Le troisième argument contre la seconde proposition : « Jean-Baptiste a exulté dans l’utérus, Luc 2.   Il ne faut pas s’étonner de ce que les enfants aient de nouveaux mouvements. »  Je réponds qu’un cas particulier ne constitue une règle générale, comme l’atteste saint Augustin, en parlant de ce texte (épitre 57).  Et parce que Kemnitius dit qu’il ne veut pas prouver, avec cet exemple, qu’il en est ainsi pour tous les enfants, mais seulement que cela peut être, je réponds que saint Jean Baptiste n’a pas eu un mouvement sans  aucune connaissance, comme eux l’imaginent.  Comme saint Ambroise et Bède le témoignent, dans leurs commentaires de ce texte, saint Jean a reconnu la présence du Seigneur, et c’est pour cela qu’il a exulté.   Et quand l’évangile lui-même dit qu’il a exulté de joie,  il nous fait suffisamment comprendre qu’il ne fut pas privé de connaissance.
 Le quatrième argument est contre la proposition suivante : les enfants peuvent se sauver, parce que le Seigneur a dit  : celui qui ne recevra pas le royaume des cieux comme un enfant…Il faut donc que les enfants reçoivent la foi, et avec elle l’Esprit Saint.  Or, conne ils  ne peuvent pas  recevoir la foi avec la connaissance, ils ont donc un nouveau mouvement sans la connaissance.  Je réponds que la dernière conséquence ne vaut rien,  car les enfants peuvent recevoir et reçoivent effectivement l’habitus de foi, qui n’est pas une foi avec connaissance,  et qui n’est pas non plus  un mouvement sans connaissance.
                                                                 CHAPITRE 12
                                    Quels sont les effets du baptême, vrais ou faux ?
 Vient ensuite la septième controverse qui porte sur les effets du baptême.  Elle comporte deux questions.  Une sur les vrais effets que reconnaissent les catholiques, et une autre sur les faux effets que les adversaires attribuent au baptême.
 Les vrais effets, selon les catholiques.   Ils sont au nombre de trois.  Le premier.  Le baptême enlève et efface toute peine et toute faute.  Le deuxième.   Par l’œuvre opérée, il confère la grâce, mais non les choses divines  par lesquelles l’homme est vraiment et formellement justifié.  Le troisième, il imprime un caractère indélébile, à cause duquel le baptême ne peut pas être réitéré. Voir les saints pères, come saint Jean Chrysostome  (homélie 1 aux néophytes) : le baptême rend l’âme belle, splendide et aimée de Dieu;  il la contresigne avec le sceau de Dieu, la rend  cohéritière du Christ, et lui ouvre les portes du ciel.
 Les adversaires nient le premier effet.   Car, ils disent que, par le  baptême, les péchés ne sont pas vraiment enlevés, mais seulement non imputés.  Ils nient aussi le second effet, car ils ne veulent pas que l’homme soit justifié dans le sacrement par l’œuvre opérée, mais seulement par la foi.  Ils nient absolument le troisième, et c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas trouver une bonne raison qui empêche de réitérer le baptême.  Mais des deux derniers effets nous avons suffisamment  parlé dans la dispute des sacrements en général.  Il ne nous faut parler que du premier.  Et ce sera la première question : le baptême enlève-t-il vraiment les péchés ?
 Les adversaires, eux, énumèrent cinq effets du baptême.  Le premier.  Que le baptisé ne peut pas se damner, même s’il le voulait, à moins qu’il ne veuille plus croire.  Le second.   Que le baptême libère de l’obéissance à la loi divine.  Le troisième.   Qu’il libère de l’observance des lois humaines.  Le quatrième.  Qu’il libère de tous  les vœux.  Le cinquième. Que le souvenir du baptême à lui seul libère des péchés qui sont commis après le baptême.  Il est évident que ce ne sont pas tant des effets du baptême que des erreurs des luthériens.  Et c’est avec raison qu’ils ont été condamnés par le concile de Trente (session 7, canons 6 à 10.)  On traitera de ces effets dans la question suivante.
           CHAPITRE 13
                                 Le baptême enlève vraiment les péchés
 Au sujet de la première question,   il y eut  la très antique hérésie des origénistes, selon laquelle les péchés ne sont  pas enlevés par le baptême, mais seulement recouverts; et sont finalement enlevés par la mort.  C’est ainsi que parle l’origéniste Proclus, d’après Épiphane, hérésie 64. Ce même Épiphane présente aussi, au même endroit, une réfutation de cette hérésie tirée du livre sur la résurrection de saint Méthode.  Les messaliens reprirent ensuite la même hérésie, au témoignage de Theodoret (dans son livre 4 sur les fables des hérétiques).  Il  y en eut d’autres qui soutinrent la même hérésie au temps de saint Grégoire le grand, comme il le rapporte lui-même dans le livre 9, dans la lettre 30 à la patricienne Theocdiste.
 Et, à notre siècle, tous les luthériens ont enseigné la même chose.  D’abord Luther (deuxième article sur les choses que Léon X a condamnées en l’an 20) : « Nier que, après le baptême, demeure dans l’enfant le péché lui-même, c’est fouler aux pieds en même temps saint Paul et le Christ. »  Puis, dans l’assertion de cet article : « Autre chose est remettre tous les péchée, autre chose enlever tous les péchés.  Le baptême remet tous les péchés, mais n’en enlève aucun.  Il commence à les effacer. »
 Jean Calvin a des choses semblables dans son antidote du concile de Trente (session 5), où il réfute le décret sur le péché d’origine : « Le péché demeure vraiment en nous, et il n’est pas, par le baptême, éteint aussitôt en un seul jour.  Mais, parce que la culpabilité est effacée, il n’est pas imputé. »  Il dit la même chose (livre 4, chapitre 15, verset 10 et 11). Philippe dit la même chose dans son apologie de la confession d’Augusta, article 2), en proférant un insigne mensonge : « Augustin dit que le péché est remis par Dieu, non pour qu’il ne soit plus, mais  pour qu’il ne soit pas imputé. »  Luther avait affirmé la même chose (dans son assertion 2, article 2), et Jean Roffensis l’avait convaincu de mensonge, en lui démontrant que saint Augustin n’avait jamais di cela.  Ce livre de Roffensis a paru en 1523, et pourtant, le même Philippe répète le même mensonge en l’an 1530.  De plus, Cochlaeus atteste (dans sa discussion sur la conférence d’Augusta, article 2) que Philippe a été convaincu par Eck, et qu’il a reconnu avoir mal cité saint Augustin. Et pourtant ce mensonge si souvent réfuté, ils le présentèrent encore (dans le livre de la concorde latine, page 59, en l’an 1580), et ils le répètent toujours quand ils réimpriment cette apologie.
 Martin Kemnitius (dans son examen, cinquième session du concile de Trente, page 430 et suivantes), soutient la même chose,  mais avec un peu plus de ménagement. Il reconnait que, dans le baptême, tous les péchés sont remis, effacés et détruits, et qu’il ne reste que les restes du péché originel.   Il ajoute cependant après, que ces reliques sont quelque chose de mauvais, et le mal du péché, que l’Écriture appelle péché, et qui peut condamner l’homme si Dieu voulait l’imputer.  Ce qui veut dire que le péché est remis dans le baptême, non parce qu’il est enlevé ou effacé, mais parce qu’il n’est pas imputé.
Contre cette erreur très grave et très pernicieuse, le concile de Trente, à la session 5,  a promulgué un décret qui affirme que, par le baptême, est réellement enlevé tout ce qui, dans l’homme, a trait au péché.   Il faut observer là que le fondement de la doctrine de nos adversaires  n’est rien d’autre que ceci.  Ils pensent que la concupiscence qui demeure dans les baptisés jusqu’à la mort, est un véritable péché, même si nous n’y consentons pas, et même si elle nous répugne.  Une discussion sur la concupiscence n’a pas sa place ici, car nous l’avons déjà traitée dans la dispute sur le péché originel.
On prouve d’abord par les Écritures que le baptême enlève réellement tous les péchés, de façon à ce que non seulement ils ne sont plus imputés, mais  qu’il ne reste plus rien à imputer.  Et comme les témoignages de l’Écriture sont très nombreux, je les réduirai à quelques chapitres.
Le premier porte sur les passages où l’on trouve les mots purifier, enlever, laver, effacer, et d’autres semblables, qui s’opposent aux mots employés par nos adversaires, et surtout par Luther.  À moins d’être complètement idiots, il n’est pas possible de voir dans ces mots la non imputation des péchés.  Car, on ne dit pas correctement de quelqu’un qu’il enlève l’ignorance ou la malice d’un autre,  parce qu’il pardonne  ce que l’autre a fait   par malice ou par ignorance.  Voir psaume 50 : « Efface mon iniquité. Lave-moi encore. »  Éphésiens V : « La purifiant par le lavement. »
 Mais Kemnitius n’a pas considéré ce qui vient après « par le lavement de l’eau, dans la parole de vie. »  La purification par le lavement de l’eau, c’est-à-dire par le baptême, ne se fait pas  à tous les jours, mais dans les différents hommes qui viennent  au baptême.  Car, quelqu’un n’est baptisé qu’une seule fois, et c’est alors qu’il est purifié, et qu’il devient sans tache ni ride, bien que le Christ fasse cela à tous les jours dans différentes personnes,  et à la fin du monde, dans tout son corps, c’est-à-dire qu’il exhibera des élus qui n’auront ni tache ni ride.
Le second chapitre se rapporte aux passages qui disent que les fautes sont enlevées, ou les iniquités.  Car, selon nos adversaires,  le péché n’est pas enlevé par le baptême, mais la culpabilité seulement.  Mais ils veulent que demeure la puanteur du péché, qui était la cause de la peine infligée.  Or, les mots taches, saletés, iniquités ne signifient pas culpabilité, c’est-à-dire l’obligation elle-même qui peut être enlevée par la non imputation, mais signifient la puanteur ou la laideur qui, selon eux, demeure.  Cantiques 1V : « Tu es toute belle mon amie, et il n’y a pas de tache en toi. »   Semblable est le texte de Jésus en saint Jean X111 : « Celui qui est pur n’a besoin que de se laver les pieds pour être entièrement pur. »   Après avoir réfléchi sur ce texte (livre 9, épitre 39), saint Grégoire dit : «  On ne pourrait pas dire qu’il est totalement pur si était demeuré quelque chose qui a trait au péché. »  Ézéchiel 36 : « Je répandrai sur vous de l’eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos iniquités. »  Éphésiens 1 : « Il nous a élus pour que nous soyons saints et immaculés. »  Colossiens 1 : « Il vous a réconciliés, par sa mort, dans le corps de sa chair, pour que vous deveniez sains, immaculés, et irréprochables. »  Ces passages nous montrent que non seulement nous n’avons plus de tache, mais rien qui puisse justifier un reproche.
C’est ce qu’il faut comprendre de la justification qui est acceptable par Dieu.  Car, après cela, les hommes pourront tomber, et faire des choses répréhensibles.   C’est ce qui enlève à Kemnitius sa dérobade, car c’est lui-même qui nous réfère à ces passages  où on nous commande de nous purifier de toute tache charnelle et spirituelle. (11 Cor V11), de nous dévêtir du vieil homme et de revêtir le nouvel homme. (Éphésiens 4, Colossiens 3).  Mais ces choses-là il faut les entendre des péchés  qui viennent après le baptême, de la mortification des sens et des inclinations, qui provoquent au mal,  même si formellement ce ne sont pas des péchés.
Le troisième chapitre porte sur les figures du baptême.   Car, il a été précédé et annoncé par plusieurs figures.  Une d’elles est la circoncision (Colossiens 11), une autre, la mer rouge (1 Cor X), une troisième, la guérison de la lèpre dans le Jourdain, (1V, Rois, V).  La quatrième, la suffocation des porcs dans le lac de Génézareth, (Matth V111), que cite saint Grégoire de Naziance dans son sermon sur les saints lavements.  La cinquième, la piscine probatique, (Jean V), la sixième, la guérison de l’aveugle-né (Jean 1X), (que saint Augustin explique dans le traité 44 sur saint Jean), ainsi que le déluge.
 Dans la circoncision, la chair n’est pas coupée par imputation, mais en toute réalité.  Dans la mer rouge, les égyptiens, que servaient autrefois les Hébreux, ont été vraiment et réellement noyés.  Voilà pourquoi saint Grégoire (livre 9, épitre 31) dit, en expliquant ce passage : « Celui qui dit que, dans le baptême, les péchés ne sont pas complètement enlevés, dit que, dans la mer rouge, les Égyptiens ne sont pas vraiment morts. »
Le quatrième chapitre se rapporte aux passages qui comparent la purification de la justification aux choses qui sont vraiment et réellement pures.  Psaume 50 : «  Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. »  Isaïe 1 : « Si vos péchés étaient rouge écarlate, ils deviendront blancs comme la neige.  S’ils sont rouges comme un insecte vermiculaire, ils seront blancs comme la laine. »  Isaïe XL1V : « J’ai chassé tes iniquités comme la nuée, et tes péchés comme un nuage. »  Or, il est certain que quand les rayons du soleil dissipent les nuages  par leur chaleur, le soleil  les fait disparaitre, de sorte que rien de ténébreux ne demeure, et que le ciel est  complètement dégagé.
Le cinquième contient une image du péché originel.  Romains V : «  Comme la désobéissance d’un seul homme a rendu pécheurs un grand nombre, de la même façon l’obéissance d’un seul a rendu justes plusieurs. »  Or, ceux dont il parle sont vraiment constitués pécheurs, et ont vraiment perdu la justice,  non par la seule imputation.  Jean 111 : « Ce qui est né de la chair est chair; et ce qui est né de l’esprit est esprit. »  Les uns sont vraiment charnels, et les autres sont vraiment spirituels.   On le confirme par 1 Cor XV : « Comme en Adam tous meurent, ainsi, dans le Christ, tous sont vivifiés. »  Dans ce texte, il est question d’une vraie mort, et d’une vraie résurrection.  Donc, les lieux plus haut cités parlent aussi de vrais péchés,  et de vraies justifications.
Le sixième contient une image de la mort du Christ.  Romains V1 : «  Nous avons été ensevelis avec le Christ dans sa mort, par le baptême. »  Et, au même endroit : « Si nous sommes morts, comment vivrons-nous en lui ? » Il répète la même chose aux Colossiens 11.  Voici ce que saint Augustin dit de ce passage, dans enchiridion, chapitre 52 : «  Comme la vraie  mort a eu lieu en lui, ainsi a lieu en nous la vraie rémission des péchés.  Comme il est vraiment ressuscité,  nous sommes, nous aussi,  vraiment justifiés. »  Or, la mort et la résurrection du Christ, furent réelles  absolument parlant,  non réelles selon un certain point de vue, et fausses selon un autre.  Il faut donc en  conclure que la rémission des péchés est une vraie mort des péchés, non seulement quant à la culpabilité, mais à tous points de vue.
Le septième contient les choses qui enseignent que par le baptême nous renaissons.  Jean 111 : « À moins que quelqu’un ne renaisse de l’eau et du Saint-Esprit. »  Tit 111 : « Il nous a sauvés par le bain de la génération. »  Colossiens 11 : « Quand nous étions tous morts à cause de nos fautes, il nous a vivifiés avec le Christ. »  ! Pierre 11 : « Comme des enfants nouveaux nés.)  Or, il est certain que cette génération et cette vie requièrent une vraie mort des péchés, et un vrai changement intérieur, et non seulement une imputation.  Car, comment sommes-nous vivifiés et régénérés sir la mort demeure encore en nous ?
Le huitième contient les choses qui enseignent que la lumière et les ténèbres, le péché et la justice ne peuvent pas demeurer ensemble.  1 Cor X : « Vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur et à la table des démons. »  11 Cor V1 : « Quelle société entre la lumière et les ténèbres ?   Quelle participation de la justice avec l’iniquité ?  Qu’ont en commun le Christ et Bélial, le temple du Seigneur et celui de l’idole ?  Car, vous êtes les temples du Dieu vivant. »  Or, les adversaires veulent que le diable habite en nous par le péché qui est toujours en nous, et que le Christ en même temps habite en nous par la justification.
Kemnitius répond (page 501), que Saint Paul a enseigné que le péché mortel ne peut pas être en même temps avec la justice de Dieu; que les papistes entendent ce texte de travers en en déduisant que l’ancienneté et la nouveauté ne peuvent pas cohabiter, la chair et l’esprit.  Mais il se trompe dans les deux cas.   Car, quand il admet que le péché mortel ne peut pas être avec la justice de Dieu, il ne dit pas cela du péché mortel selon sa nature, mais selon la miséricorde de Dieu qui ne l’impute pas.   Car, il veut, comme son maître Luther, que demeure toujours en nous un péché qui mérite la mort éternelle, mais qui devient véniel dans les croyants, parce qu’il n’est pas imputé par Dieu.
 Mais, cela est contre saint Paul, car, si après  le baptême, demeure vraiment en nous un péché mortel, l’iniquité est donc en nous, en nous les ténèbres, en nous Bélial.  Il y a donc une association possible entre la lumière et les ténèbres, la justice et l’iniquité,  Dieu et Bélial.   Car, l’iniquité ne cesse pas d’être une iniquité par le seul fait de n’être pas punie, c’est évident.  D’autre part, les catholiques ne nient pas, dans l’homme, la vétusté de la chair et la nouveau de l’Esprit, puisqu’ils reconnaissent que demeure toujours en nous la concupiscence, qui est une loi des membres qui milite contre la loi de l’esprit (Romains V11).  Mais ils nient que cette concupiscence soit un péché, à moins que nous ne consentions librement à ses désirs.
Le neuvième contient les passages qui enseignent que Dieu hait les péchés.  Psaume V : « Tu hais tous ceux qui opèrent l’iniquité. » Psaume XL1V : « Tu aimes la justice, et tu hais l’iniquité. »  Sagesse X1V : « Dieu a l’impie en haine, et son impiété. »
Tous ces textes nous montrent que ou Dieu, dans la justification, enlève totalement les péchés,  de telle sorte qu’il ne reste plus rien qui puisse susciter la haine de Dieu, ou il ne remet absolument rien, ni la culpabilité.  Car, si le péché demeurait, Dieu le haïrait; s’il le haïssait, il voudrait le punir; s’il voulait le punir, il ne le pardonnerait pas.  En conclusion, dire que Dieu n’impute pas des péchés qui demeurent vraiment, et ne veut pas les punir, c’est, selon les saintes Écritures, une contradiction manifeste, puisqu’elles décrivent un Dieu ennemi et vengeur très sévère des péchés.
Les arguments des adversaires ne prouvent rien d’autre que la concupiscence est un vrai péché, même si nous n’y consentons pas.  Toutes choses que nous avons réfutées dans la dispute sur le péché originel.
                                                            CHAPITRE 14
                               Le baptême ne rend pas les hommes impeccables
Venons-en maintenant aux effets du baptême imaginés par nos adversaires.  Comme toutes les choses  que nous avons à dire ici relèvent d’autres questions,  et sont traitées en leurs lieux et places,  et ne sont expliquées qu’à cause des canons du concile de trente, nous exposerons la chose brièvement, en énonçant autant de propositions qu’il y a de canons du concile de trente.
La première proposition.  Le baptême ne fait pas en sorte que les baptisés ne puissent perdre la grâce de Dieu que s’ils cessent de croire.  C’est ce qu’enseigne explicitement le concile de Trente, dans le canon 6.  Il faut faire ici quelques considérations préalables.  La première.  Il y eut, à ce sujet, deux erreurs chez les anciens.   La première fut celle de Jovinianus, qui, comme le rapportent saint Jérôme (livre 111, contre Jovinianus) et saint Augustin (livre des hérésies, chapitre 82), soutenait qu’un homme baptisé ne pouvait plus pécher, et que, s’il péchait, il ne pouvait être lavé que par l’eau.  Son principal argument consistait dans les paroles suivantes  de 1 Jean 111 : « Quiconque est né de Dieu ne pèche pas,  parce que la semence de Dieu demeure en lui.  Il ne peut pas pécher parce qu’il est né de Dieu.  Et  Jean V : « Celui qui est né de Dieu ne pèche pas, mais la génération de Dieu le conserve. »  Saint Jérôme réfute cette hérésie avec précision au lieu cité. Et il est certain que des passages de l’Écriture se présentent tout de suite  à la pensée, comme ce texte des Romains X1 : « Toi, demeure dans la foi, ne désire rien d’altier, mais crains… »  Et 11 Pierre 11 : « Il leur eut été préférable de ne pas connaitre la vie sainte. »  Enfin,  Actes 111, nous lisons en toutes lettres que Simon a cru et a été baptisé, et pourtant, au même endroit, on nous raconte sa ruine.
Et les témoignages tirés de l’épitre de saint Jean, il faut les entendre dans un sens composite, comme celui de saint Mathieu :  « Un arbre bon ne peut pas porter de mauvais fruits. », sous-entendu : tant qu’il demeure bon.  Car, tout ce que saint Jean veut montrer c’est que la vraie justice et la charité ne peuvent pas cohabiter avec le péché mortel,  et donc que n’est pas juste celui qui fait le mal.  C’est ce qu’expliquent saint Augustin (traité 5 sur l’épitre de saint Jean) et saint Jérôme (livre 11 contre Jovinien.)
L’autre erreur fut de ceux dont parle saint Augustin dans le livre 21, chapitre 25 de la cité de Dieu.  Ils enseignaient que les baptisés ne pouvait pas être damnés,  même s’ils vivaient comme des débauchés, pourvu qu’ils ne se séparent pas de l’Église catholique.  Cette erreur est réfutée au même endroit par saint Augustin en citant des textes limpides de l’Écriture.  Et il a par la suite écrit, sur cette erreur,  un livre complet intitulé « de la foi et des œuvres. »  Les passages principaux de l’Écriture qu’il cite sont les suivants : Romains V111 : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez. »  1 Cor V1 : « Ne vous trompez pas. Les fornicateurs, les voleurs, les adultères ne posséderont pas le royaume de Dieu. »  Et nous lisons des choses semblables dans Galat V, Éphés V, Thes 1V, 1 Timothée V1.  Toutes ces choses sont dites de baptisés,  comme le contexte le montre.
L’une et l’autre erreur, en notre siècle, ont été exhumées.  La première erreur, c’est Jean Calvin qui l’a ressuscitée,  en enseignant que, une fois justifié, un homme ne  peut jamais sortir de la grâce et du salut. En effet, dans l’antidote du concile de trente (sessions 7, chapitre 7 sur le baptême), il dit que, « par le baptême, à la façon d’un sceau, nous sommes rendus plus certains de la grâce perpétuelle de l’adoption ».  Et (au livre 3, chapitre 2, versets 11 et 12),  il dit que, une fois acquise, la vraie foi ne peut plus être perdue, et qu’elle est le don propre des élus.  Mais la réfutation de cette erreur ne relève pas de ce chapitre, mais de celui de la prédestination.  Car, ce n’est pas au baptême qu’il attribue cet effet.
 On peut quand même dire que la sentence de Calvin répugne à la sainte Écriture. Par exemple, dans Actes 111, nous lisons que Simon a cru, a été baptisé, et qu’il est ensuite sorti de la foi et de la charité.  Et de plus, si ce que dit Calvin était vrai, il n’y aurait jamais eu d’apostat,   d’hérésiarque, ou d’hérétique.  Actes XX : « De votre groupe,  sortiront des hommes pervers,  qui attireront à eux des disciples. » 1 Timothée 1 : «  Certains feront le naufrage de la foi. »  1 Timothée 1V : « Dans les derniers temps, quelques-uns se s’éloigneront de la foi. »  Et, au chapitre V1 : « La racine de tous les maux est la cupidité.  En s’y livrant, quelques-uns ont erré dans la foi. » Et 1 Jean 11 : « Ils sont sortis de chez nous. »
L’autre erreur c’est Luther qui l’a réanimée  (dans son livre sur la captivité de Babylone, chapitre sur le baptême), où se trouvent les mots que le concile a condamnés.  Ses disciples n’ont pas pris leur  distance avec cette sentence, même s’ils n’approuvent pas sa façon de parler.  Car, c’est de trois façons qu’on peut entendre la proposition « L’homme ne peut pas être damné à moins qu’il ne veuille pas croire. »  La première.  En dehors de l’incrédulité, il n’est pas de vrai péché qui soit de nature mortel.  Mais les adversaires eux-mêmes n’enseignent pas cela.  Ils soutiennent même le contraire, puisqu’ils prétendent que, si elles sont jugées par Dieu selon la rigueur de sa justice,  toutes les œuvres,  même les plus vertueuses, sont des péchés mortels.  Voilà pourquoi Kemnitius (dans sa censure du canon 6 du concile de Trente), prouve, écritures en main, que, en plus de l’incrédulité, beaucoup de péchés peuvent damner quelqu’un.
La deuxième façon de comprendre la proposition de Luther. Tous les péchés sont si unis à l’infidélité, et la foi est si unie à la justification que la foi ne peut pas cohabiter avec un péché mortel.  Donc, celui qui a la foi n’a aucun péché, et ne peut pas périr;  et celui qui pèche manque de foi, par le fait même.   Ce qui est semblable à ce que les catholiques disent de la charité.  La charité ne peut pas cohabiter avec le péché mortel, et donc, personne ne périt avec la charité, et personne n’est sauvé sans charité.   C’est ce sens que Kemnitius veut donner à la proposition de Luther (dans 2 examen, pages 213 et suivantes).  Il soutient là que Luther n’a jamais pensé que la grâce actuelle n’était pas perdue par un péché mortel, mais qu’un homme pouvait, par la vraie foi, retourner aussitôt à la grâce.  Car, comme les péchés détruisent la foi, la foi qui revit de nouveau détruit tous les péchés.
La troisième façon d’entendre cette proposition. L’homme peut  conserver la foi en péchant,  et par elle, ne pas perdre la grâce actuelle de Dieu.  Car, bien que les péchés, par leur nature, fassent de l’homme un coupable et un ennemi de Dieu, la foi qui demeure dans le cœur fait en sorte qu’ils ne soient ni imputés, ni condamnés.  Ce sens est qualifié d’épicurien par Kemnitius, lequel  considère que le concile a eu raison de condamner cette proposition au sens que lui donne Jean Calvin dans son antidote du canon 6.   Car là est donnée à tous les baptisés la licence de commettre tous les péchés, pourvu qu’ils croient qu’ils ne leur seront pas imputés.  Mais Kemnitiius soutient dur comme fer  que telle ne fut pas la pensée de Luther.
Il faut noter ensuite que c’est avec raison que le concile a condamné cette proposition de Luther.  Car, même si Kemnitius ne l’admet pas, c’est dans le troisième sens que Luther la prend.   Elle est même hérétique au second sens,  que Kemnitius et Calvin admettent.   Que ce fut bien là le sens de Luther, le contexte le prouve.  Dans son livre sur la captivité de Babylone, après avoir dit que l’homme baptisé ne peut pas être condamné  à moins qu’il ne cesse de croire, il ajoute car « aucun péché ne peut le damner en dehors de la seule incrédulité.  S’il retourne à la foi,  ou s’il demeure dans la foi aux promesses divines faites au baptême,  toutes les autres choses sont au même moment absorbées par cette foi. »
 Il dit bel et bien : «  qu’il retourne à la foi, ou qu’il demeure dans la foi ».  Il pensait donc que, pendant que quelqu’un péchait, la foi pouvait demeurer, et que, par cette foi, les péchés n’étaient pas imputés, au même moment  où ils étaient commis. Ce n’est pas de bonne foi que Kemnitius rapporte cette sentence puisqu’il omet « ou si la foi demeure ».  On trouve la même chose dans la liberté chrétienne : « Rien ne fait une personne bonne en dehors de la foi.  Et rien ne fait une personne mauvaise en dehors de l’incrédulité. »  Il dit la même chose dans la question : est-ce que les œuvres effectuent le salut ?  Voici la première assertion : « Comme rien ne justifie en dehors de la foi, rien n’est péché en dehors de l’incrédulité. »  La seconde assertion : « La justification est le propre de la foi, et le péché est le propre de l’incrédulité. »
 Et dans son livre sur les vœux monastiques : « Les œuvres de celui qui croit dans le Christ ne sont pas mauvaises au point d’en faire un coupable et un damné. »  Ensuite, dans le premier sermon sur l’évangile de la férie 2 de la pentecôte, il dit, en commentant « Dieu a tellement aimé le monde » : « Là où est la foi, le péché ne nuit en rien. »  Et il ajoute que Dieu ne fait aucun cas des péchés de ceux qui croient en lui,  comme un père ne prend pas au sérieux les extravagances des jeux enfantins.  Il parle là clairement des péchés en acte, et il veut qu’ils ne soient pas nocifs, parce qu’ils sont recouverts ou excusés par la foi.
Que cette proposition soit fausse même au deuxième sens, il est facile de s’en apercevoir, puisqu’elle répugne à saint Paul, 1 Corinthiens X111 : « Si j’ai une foi grande au point de transporter des montagnes, mais si je n’ai pas la foi, cela ne me sert à rien. »  Saint Paul enseigne, en cet endroit, que la foi peut exister sans la charité, et que l’homme peut être condamné avec la vraie foi.  Il répondra que saint Paul parle de la foi dans les miracles, non de la foi justifiante.  Or, la foi qui produit des miracles n’est rien d’autre qu’une excellente foi  catholique  justifiante.  Voilà pourquoi, parlant plus bas de la même foi, saint Paul l’énumère avec les autres vertus théologiques : « Maintenant demeurent la foi, l’espérance et la charité. »
De plus, selon Luther, il n’y a aucune raison qui puisse empêcher la grâce justifiante de cohabiter avec le péché mortel.  Car, elle n’est rien d’autre que la confiance dans la miséricorde divine, comme ils la définissent souvent eux-mêmes.   Car qu’est-ce qui empêche quelqu’un, pendant qu’il vole, ou qu’il fornique, d’avoir confiance que Dieu ne lui imputera pas cette action.  Si donc le péché déjà commis peut demeurer avec la foi, et adhérer aux justifiés, pourquoi pas  aussi au moment où il est commis ?  Certes, si le péché mortel ne pouvait pas cohabiter avec la foi, cela ne serait pas à cause du temps passé ou présent, mais à cause de la malice et de la puanteur du péché.  Or, le péché déjà commis demeure en présence de la foi avec toute sa malice et sa puanteur.  Il peut donc être commis en présence de la foi.  Ils sont donc forcés, s’ils ne veulent pas détruire leurs principes, d’admettre, avec Luther, le troisième sens, qu’ils déclarent être épicurien, et justement condamné par le concile de Trente.
                                                         CHAPITRE 15
Les hommes ne sont pas, par le baptême, libérés de l’observance  de la loi
Vient ensuite une autre proposition sur le deuxième effet du baptême.  « Le baptême ne fait pas en sorte que l’homme  ne soit débiteur que de la seule foi, mais de l’observation de la loi universelle du Christ. »  C’est ce qu’on lit dans le canon 7 du concile de Trente.  Il faut d’abord observer qu’on peut entendre de deux façons la sentence voulant que l’homme puisse  être libéré,  par le baptême, de l’obligation d’observer la loi.  La première. Agir contre la loi n’est ni injuste ni peccamineux, comme si la loi avait été abrogée.  Ce n’est pas cela qu’enseignent nos adversaires, eux qui veulent que toutes les œuvres des justes soient des péchés, parce qu’elles n’accomplissent pas la loi comme il le faudrait.  Et c’est dans ce sens que l’entend Kemnitius (2 examen, page 106), qui déclare que le canon la condamne   à bon droit.  Il n’y a donc pas de dispute là-dessus.
L’autre façon de la comprendre.  On commet un péché quand on agit contre la loi, mais ce péché n’est pas imputé à ceux qui ont la foi;  et la justification ou le salut ne dépend  pasde l’observance de la loi, mais de la seule miséricorde de Dieu à laquelle seule la foi donne accès.  Et, c’est dans ce sens que tous les luthériens, plus ou moins clairement,  enseignent que les baptisés n’ont aucune obligation envers la loi divine, mais seulement envers la foi.  Bien plus.  Ils disent que c’est en cela que consiste le summum de la liberté évangélique, comme l’enseigne Luther dans les vœux monastiques.  Il dit, dans ce livre, que la liberté évangélique consiste en ce que la conscience pieuse soit libérée de toutes les œuvres, non de les faire, mais d’avoir à en rendre compte.  Car, il n’y a aucune œuvre assez mauvaise pour pouvoir accuser un croyant et le damner; aucune œuvre si bonne qu’elle puisse le défendre ou le justifier
Il dit la même chose dans son commentaire des Galates, chapitre 11 : « Si  la conscience te dit : tu as péché, réponds : Dieu me punira donc et me damnera ?  Non. ---Mais, c’est la loi qui le dit. -- Mais, je n’ai rien à voir avec la loi. -- Pourquoi ? -- Parce que j’ai la liberté. »  Jean Calvin enseigne assez clairement la même chose (livre 3, chapitre 19, versets 2, 4, 7).
Observons ensuite ce que les adversaires pensent du canon 7 du concile de Trente.  Calvin (dans son antidote) reconnait que le canon 7 s’oppose à sa sentence et à celle des siens, et il professe ouvertement le contraire.  Et kemnitius (dans son examen de ce canon),  agissant de mauvaise foi, comme à son habitude,  omet le sens selon lequel les siens avaient coutume de nier l’obligation d’observer la loi. Et il expose de travers la sentence du concile, pour la rendre semblable à celle de Luther, et pouvoir la défendre.  Il dit, en somme deux choses.   La première. Luther n’a pas enseigné que les chrétiens étaient libérés de l’obéissance à la loi de Dieu, mais cela seulement : la justification et la grâce du baptême ne dépendent pas, comme d’une condition, de l’observation de la loi, comme si personne ne serait justifié à moins de l’avoir mérité auparavant par l’observation intégrale de la loi.  Elle est donnée gratuitement par la foi.
  La deuxième.   Le concile a voulu définir que la justification, qui se fait dans le baptême, dépendait, comme d’une condition, de l’accomplissement de la loi.   Et, comme le concile ne dit pas cela expressément, il le déduit de cette façon :  le concile a en vue les paroles de saint Paul (Galates V) : « Celui qui se circoncise est tenu à observer toute la loi. »  Ces paroles n’expriment pas la pensée de saint Paul, mais la pensée et l’erreur des pseudos apôtres, qui pensaient que, pour obtenir la grâce de Dieu, les circoncis devaient observer toute la loi.  Or, les pères du concile pensent la même chose sur la grâce du baptême, à savoir qu’elle dépend de l’accomplissement de la loi du Christ.
Il invente ensuite deux sophismes du concile sur ce dogme, qu’il réfute ensuite.  Le premier est que nous renonçons à Satan dans le baptême, et que nous promettons de servir Dieu.  C’est de là que le concile soutient que la grâce du baptême ne dépend pas de la seule foi, mais aussi de la condition de la loi.   Le second, parce que nous ne sommes pas baptisés dans Moïse, mais dans le Christ, c’est-à-dire, non dans la loi, mais dans l’évangile. Or, pour indiquer que la grâce du baptême dépend de l’observation de la loi, les pères du concile ont remplacé le mot évangile par le mot loi.
 Mais chacune de ces affirmations est mensongère.   La sentence de Luther a été par lui si clairement et si souventes fois expliquée qu’on ne peut lui trouver aucune excuse  ni aucune atténuation.  Car, c’est ainsi qu’il parle dans son livre sur la liberté chrétienne : « Le chrétien n’a besoin d’aucune œuvre, d’aucune loi, puisque, par la foi, il est libéré de toute loi. » De même dans son argument tiré de l’épitre aux Galates : « L’art chrétien suprême et la sagesse chrétienne suprême est de ne pas connaitre la loi, d’ignorer les œuvres, et toute la justice active. »  Et plus bas : « La loi n’a rien à voir avec l’homme nouveau. »
 Il dit souvent des choses semblables dans son commentaire de l’épitre aux Galates, et dans son livre sur les vœux monastiques, et ailleurs.  Ils sont forcés, bon gré mal gré, de dire cela.  Car, comme ils estiment que la loi est impossible à observer, et que toutes les œuvres même les plus saintes sont des péchés, il est certain que si le salut était conditionné par l’observance de la loi, personne, d’après leur sentence,  ne se sauverait.  Donc, en dépit de ses tergiversations et de ses mensonges, Kemnitius est forcé de reconnaitre, à moins de vouloir devenir un papiste, que  les chrétiens ne sont pas obligés d’observer la loi,  de façon à ce que leur salut dépende de son observance.  Or, c’est précisément cela que le concile condamne et anathématise.
Et pour en venir à deuxième proposition de Kemmitius.  Il ment quand il dit que le concile enseigne que la grâce du baptême dépend, comme d’une condition, de l’observamce de la loi.  Car, le concile ne dit pas cela, et ne l’insinue en aucune manière.  C’est plutôt le contraire qu’il soutient dans différentes paroles en un grand nombre d’endroits, et surtout à la session  6, chapitre 8, où il dit que, avant la grâce de la justification, il n’y a aucun mérite.  Et, dans le même canon 7 sur le baptême, le concile dit textuellement que c’est du baptême que nait l’obligation d’observer la loi du Christ.  On en conclut de toute évidence, que, pour obtenir la grâce du baptême, il n’est pas requis, comme condition, d’avoir observé la loi, mais seulement la ferme résolution de l’observer après le baptême.  Ce que le concile d’Oranges 2 avait enseigné bien avant au canon 23.
De la supposition que fait Kemnitius au sujet d’une phrase tirée de l’épitre aux Galates, je réponds, d’abord, que le concile de Trente n’a ni cité ni nommé l’épitre aux Galates.  Je dis, ensuite, que dans l’épitre aux Galates, que saint Paul exprime sa propre pensée ou celle des autres, il n’est pas dit qu’il fallait observer la loi avant la circoncision, mais seulement après.  Le sens naturel de ses paroles : « J’atteste que tout homme qui se circoncise est tenu à observer toute la loi. »  J’ajoute aussi  que, quand Kemnitius prétend que saint Paul parle selon  la fausse idée que se font les pseudos apôtres (ce que dit aussi  Calvin, au canon 7), c’est une corruption manifeste de l’Écriture.  Car Paul parle sérieusement au point de dire : j’atteste que tout homme.  Si ce que dit saint Paul est faux, comme le prétendent Kemnitius et Calvin, il a donc été un faux témoin.
Enfin, les deux sophismes qu’il s’objecte à lui-même au nom du concile, sont les songes d’un fiévreux.  S’il avait parlé en état de veille, et à tête reposée, il aurait inventé des arguments qui auraient eu au moins quelque apparence de vraisemblance.  Mais ceux-là n’ont même pas l’ombre d’ un semblant de vraisemblance.  Car, que, dans le baptême,  nous renoncions à Satan, et que nous promettions de ne pas le servir, cela n’implique, en aucune façon, que la grâce du baptême dépende, comme d’une condition, d’avoir observé la loi.  Mais plutôt le contraire.  Car, par cette renonciation et cette promesse, nous professons que, avant le baptême, nous avons servi Satan et non Dieu.  Le concile emploie les mots « loi » du Christ et non « évangile » pour indiquer les œuvres qu’elle  prescrit, pour condamner l’erreur des luthériens qui veulent que l’évangile ne soit qu’une promesse de grâce, et non aussi la promulgation d’une loi nouvelle.  Comme le Christ a dit : « Enseignez toutes les nations, …leur enseignant d’observer tout ce que je vous ai prescrit. »  Voilà pourquoi saint Paul parle de la loi du Christ (1 Cor 1X) : « Comme si je n’étais pas sous une loi, alors que je suis dans la loi du Christ. »  Et, aux Romains V11 : « De tout cœur je sers la loi de Dieu. »
Troisième note. L’erreur qui est  condamnée  au canon 7, selon laquelle les chrétiens ne sont point des débiteurs de la loi au point où leur salut dépende de son observance, cette erreur doit être réfutée  dans la dispute sur la justification, comme étant  son lieu propre.  Entre temps, on peut présenter des témoignages percutants de l’Écriture.   En Matthieu X1X, il est dit : « Si tu veux accéder à la vie, observe les commandements. »  Romains  V111 : «  Nous ne sommes pas des débiteurs de la chair, pour vivre selon la chair.  Car, si vous vivez selon la chair, vous mourrez.   Si par l’esprit, vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez. »  11 Corin V : « Il faut que nous soyons tous  examinés devant le tribunal du Christ, pour que chacun apporte ce qu’il a accompli dans son corps, comme il l’a accompli, en bien ou en mal ».  Galates V1 : « Ne vous trompez pas, on ne rit pas de Dieu.  L’homme récoltera ce qu’il a semé. »   Enfin, l’Écriture répète souvent que chacun sera jugé d’après ses œuvres.
Mais la réponse que donne Luther (commentaire  au chapitre 111 de l’épitre aux Galates)   à tous ces textes est tout à fait paradoxale : « Quant on te tend des pièges avec des arguments tirés de l’Écriture en faveur des bonnes œuvres, il te faut simplement répondre : toi, tu mets en avant avec insistance le serviteur, c’est-à-dire l’Écriture qu’il t’a laissée; moi, je mets en avant le Seigneur qui est le roi des Écritures. »  Brillante réponse !  C’est comme si le Christ et l’Écriture étaient se contredisaient, au lieu que ce soit le Christ qui parle par les Écritures.   Pour ne pas rappeler que celui qui parle ainsi de la bible et du Christ c’est ce même Luther qui (dans son livre sur l’abrogation de la messe, et dans presque tous ses écrits), armé de la seule Écriture, méprise tous les pères, tous les conciles, tous les docteurs, tous les saints, tous les mystiques, tous les théologiens, l’église universelle, et la coutume de la terre entière.
                                                     CHAPITRE 16
Les hommes ne sont pas, par le baptême, libéré de l’obligation d’observer les lois ecclésiastiques.
C’est ce que décrète le canon 8, et il a été défini contre Luther qui ( dans son livre de la captivité de Babylone, et souvent ailleurs) enseigne que ni le pape, ni aucun homme ne peuvent  décréter une seule syllabe qui oblige en conscience des hommes baptisés.  Il faut ici noter que c’est d’une façon différente que les hommes sont libérés de l’obéissance aux lois divines  et de l’obéissance aux lois humaines. Car, les lois divines, ils affirment qu’elles obligent les hommes  en conscience, de sorte que leur inobservance constitue un péché.  Mais ils ajoutent que ces prévarications ne leur sont pas imputées.  Et que c’était donc  comme s’ils étaient dispensés de l’observance de ces lois.
Or, les lois humaines,  ecclésiastiques ou politiques, ils affirment qu’elles n’obligent pas en conscience, sauf en cas de scandale ou de mépris, et  surtout celles qui sont prohibées par la loi divine.  De telle sorte que la transgression, même volontaire, d’une  loi humaine non seulement n’est pas imputée à péché, mais n’est, selon nos adversaires, nullement un péché.  Voilà pourquoi Kemnitius (dans son antidote) et Calvin (dans son examen) rejettent tous les deux le canon 8, et prennent la défense de la sentence de Luther.
Mais parce que nous avons déjà réfuté cette erreur dans la dispute sur le souverain pontife, et dans le livre 2 des sacrements en général, (au chapitre 31 sur les cérémonies), il suffira de démontrer que l’obligation d’observer la loi humaine n’est pas contraire au baptême.  On le fera,  cela, en réfutant leur objection qui se formule ainsi : « Par le baptême nous sommes adjugés  à la servitude divine. Nous sommes donc libérés de tous les autres liens.  Et c’est ce que les Écritures enseignent souvent. » Matthieu, dernier chapitre : « Allez, enseignez… »  1 Cor V11 : « Vous avez été achetés à prix, ne devenez pas serviteurs des hommes. »  Coloss 11 : « Si, avec le Christ, vous êtes morts aux éléments de ce monde, en quoi êtes-vous encore tenus aux décrets du monde, selon les commandements et les doctrines des hommes ? »  Ézéchiel XX : « Ne marchez pas dans les préceptes de vos pères. »  Matthieu XV : « C’est en vain qu’ils me rendent un culte avec des commandements humains. »   Voilà ce que nous objecte Kemnitius. Il en ajoute un autre qui avait suffit, à lui seul, à Calvin : « Il y a un seul législateur (Jacques, chapitre 1V) qui peut perdre et sauver.  S’ils nous démontrent, dit Calvin, que cela est faux, nous ne refuserons pas de nous soumettre à leurs lois. »
Or, il n’y a pas à démontrer que ce que dit saint Jacques est faux, puisque rien n’est plus vrai, mais que de ce vrai interprété de travers,  ils ont déduit quelque chose de faux, de pernicieux, et qui répugne à la parole de Dieu.  Car, saint Jacques parle du législateur suprême, qui impose des lois qu’il ne reçoit de personne;   qui peut perdre, absoudre ou sauver ceux qu’il a condamnés;  qui n’a besoin de personne, et qui ne peut être empêché par personne.  Un tel législateur nous admettons qu’il n’y en a qu’un seul,  que ce n’est ni le pape, ni l’empereur, mais seulement Dieu.  Mais on ne peut pas en déduire qu’il n’y a pas, parmi les hommes,  et sous le législateur suprême, de vrais législateurs, qui donnent à leurs sujets des lois qu’ils reçoivent de Dieu.
Que ce soit cela le sens de saint Jacques, c’est tout le contexte qui le montre.  Car, saint Jacques voulait prouver que les hommes ne devaient pas être détournés de leur chemin par d’autres hommes.  Et il le prouve cela en disant que la loi de Dieu l’interdit : « Celui qui fait dérailler son frère, le détourne de la loi, comme si la loi n’était pas bonne.   Et il prouve qu’il ne faut pas détourner quelqu’un de la loi en disant  : « Celui qui détourne de la loi, juge la loi.  Celui qui juge la loi, n’est pas un observateur de la loi, mais un condamnateur de la loi. »   Que nul ne doive juger la loi, il le prouve en disant qu’il n’y a qu’un seul Législateur, qui ne reçoit sa loi de personne d’autre.
On peut tirer aussi cette autre preuve de l’Écriture pour prouver qu’elle n’est pas contraire à elle-même, car, elle donne souvent le nom de juge et de législateur à des hommes.  Proverbes  (V111) : « C’est par moi que les rois règnent et que les législateurs font des lois justes. » Psaume 11 : « Instruisez-vous, vous qui jugez la terre. »   Matt XX111 : « Unique est votre père qui est dans les cieux. »  De même : Votre seul maître est le Christ. »  Mais l’apôtre se donne quand même le nom de père, (1 Cor 1V) et de maitre (11 Thimotée 1.)
Et aux  autres arguments qui ne sont que de Kemnitius, je réponds  que, par le baptême, nous sommes assignés par Dieu à la servitude, et que nous sommes donc libérés de la servitude contraire.    La servitude contraire, celle qui est vouée aux hommes, n’est pas une obéissance ou un service, mais l’esclavage du diable et du péché.   Elle seule nous empêche de servir Dieu;  l’autre aide au lieu d’empêcher.  Voilà pourquoi, aux Romains V1, il est dit : « Après avoir été libérés du péché, --non des hommes---nous sommes devenus des serviteurs de Dieu. »  Et l’apôtre  prescrit  souvent aux esclaves,  d’obéir à leurs maîtres après avoir reçu le baptême;  aux enfants, d’obéir à leurs parents, aux hommes privés, aux magistrats, civils ou ecclésiaux.   Éphésiens V1, Colossiens, 111, Romains X111, Hébreux X111, et ailleurs.
Au premier texte tiré du dernier verset de saint Matthieu, je réponds.  Si Kemnitius savait comment concevoir un argument, il aurait du argumenter ainsi : le Seigneur ordonne aux baptisés d’observer tous les préceptes qu’il a enseignés aux apôtres. Or, une de ces lois est que nous observions les lois des prélats. Luc X : « Qui vous écoute, m’écoute. »  Il milite donc contre la parole du Seigneur, et contre la profession du baptême, en ne voulant pas s’astreindre à l’observance des lois ecclésiastiques.   Car, même si le Seigneur en Matthieu (dernier chapitre), n’a pas ordonné. en toutes lettres, les lois de l’église, il l’a fait implicitement, et d’une manière générale.
 Au second argument tiré de 1 Corinthiens V11, l’apôtre, je réponds qu’il n’interdit pas d’une façon générale, toute servitude humaine, car il l’approuve ailleurs  comme quelque chose d’utile pour l’humilité, mais seulement dans la mesure où elle est contraire au service divin.  Ce qui arriverait si quelqu’un servait dans des choses qui sont contraires à Dieu, ou si l’homme servait d’abord et avant tout pour l’homme, au lieu de servir l’homme à cause de Dieu.  C’est ce que dit encore plus clairement saint Paul  (aux Coloss 111).  Il commande, là, aux esclaves, de servir leurs maîtres,  comme ils le feraient pour le Christ, de façon que, dans le maître qu’ils servent ce n’est pas tellement un homme qu’ils considèrent que le Christ lui-même, pour l’amour duquel les hommes se soumettent volontairement à d’autres hommes.  Nous avons déjà répondu aux autres citations dans le dernier chapitre du deuxième livre sur les sacrements en général.
                                                          CHAPITRE 17
                            Les vœux n’ont pas été annulés par le baptême
La quatrième proposition.  Le baptême n’a pas annulé tous les vœux.  C’est ce que décrète le canon le canon 9 du concile de Trente.  Ce canon est contre le Luther de la captivité de Babylone, chapitre du baptême, et du livre des vœux monastiques, et contre Calvin  (dans son antidote), Kemnitius (dans son examen, chapitre 9) qui enseignent que le baptême libère l’homme de tous les vœux monastiques, faits avant ou après le baptême, à l’exception de celui qui est fait lors du baptême, quand nous promettons d’observer la loi de Dieu.
Su quoi se basent-ils ?  Sur ceci. Dans l’ancien testament, Dieu a légiféré sur les vœux, sur  le temps, la manière de les faire,  et sur  les choses vouées à Dieu. Or, dans le nouveau testament, le Christ et les apôtres n’ont prescrit rien d’autre que la promesse à faire dans le baptême.  Ensuite, nous voulons vouer à Dieu des choses  qui sont prescrites ou qui ne sont pas prescrites. Si elles sont prescrites, il est inutile de les vouer à Dieu, puisque, dans le baptême, nous avons promis d’observer tous les préceptes.  Si, elles ne sont pas prescrites, nous militons contre le baptême, qui nous a libérés de toutes les inventions humaines.   Enfin, dans le baptême, nous vouons à Dieu plus de promesse que nous ne pourrons remplir.  Il est donc un idiot celui qui fait un vœu, et il fait une injure au baptême, comme si le vœu qui a été fait là n’était pas suffisant.
Mais ces fondements sont très fragiles.  Car, en répondant d’abord au premier, que le Christ et les apôtres n’ont rien prescrit au sujet des voeux, il n’y a pas lieu de se surprendre puisque les vœux relèvent du droit naturel, comme le montre le vœu du patriarche Jacob  (Genèse, XXV111).  Mais il est faux que l’apôtre n’ait rien dit des vœux.  En 1 Timothée V, saint Paul, au consentement de tous les interprètes, parle du vœu de continence, là où il dit que sont condamnées les veuves qui se marient, parce qu’elles avaient annulé leurs promesses solennelles.
Je réponds ensuite qu’on peut aussi bien  vouer à  Dieu  les choses qui sont prescrites que celles qui ne le sont pas, pourvu qu’elles soient bonnes; et que ce n’est pas en vain qu’on voue à Dieu des choses commandées, parce que par un vœu quelqu’un est plus lié au commandement, et est plus certain de pouvoir l’accomplir;  et aussi, parce que ce qui se fait en vertu d’un précepte et en vertu d’un vœu relève de deux vertus différentes, et est donc plus excellent que ce qui n’est fait que par obéissance.  Et vouer une chose non prescrite ne va pas contre la profession du baptême, parce que, comme nous l’avons dit plus haut, le baptême libère du péché, non des autres choses, comme sont les vœux,  qui aident à éviter les péchés, et qui nous rendent plus soumis à Dieu, et nous lient davantage à lui.
On ne peut pas dire non plus que les vœux sont des inventions humaines, puisqu’ils sont commandés dans l’Écriture (psaume LXXV) : « Faites des voeux et accomplissez-les. »  On ne peut pas non plus répondre que les vœux sont quelque chose qui appartient exclusivement à l’ancien testament, car les livres des psaumes et l’Ecclésiaste lèguent des enseignements moraux qui conviennent à tous.  Et c’est plutôt la violation des vœux qui milite contre le baptême, car nous nous engageons dans le baptême, à observer tous les commandements de Dieu, alors qu’un de ces commandements est d’observer les vœux fais à Dieu.
Je réponds au troisième, que c’est faussement que les adversaires nous accusent de promettre, dans le baptême, plus que nous ne pouvons tenir.  Car, cela s’oppose aux paroles de Jésus qui, dans Matthieu X1, appelle sa loi un joug suave et un fardeau  léger.  Cela s’oppose aussi aux paroles de saint Paul qui dit, aux Romains V111, que le Christ est mort pour que la justice de la loi soit accomplie en nous.  Cela est contraire aussi au concile d’Orange 11, chapitre 25, où il est défini qu’un homme baptisé peut observer tous les commandements du Christ;  ainsi que contre le sermon de saint Basile « veille sur toi », et des autres pères qui enseignent tous que c’est un blasphème de soutenir que les commandements de Dieu sont impossibles à observer.
Nous ne pensons pas non plus que la promesse faite au baptême est insuffisante.  Car même si elle est suffisante pour sa fin, qui est de sauver l’homme, il est permis d’ajouter quelque chose pour que quelqu’un soit plus facilement et encore mieux sauvé.  En effet, le baptême est n’est pas insuffisant parce qu’il est plus avantageux  de communier après avoir reçu le baptême, au témoignage même de nos adversaires.   La parole de Dieu n’est pas, non plus, insuffisante parce qu’il est préférable de recevoir le sacrement après avoir entendu la parole, plutôt que de n’écouter que la seule parole.  Enfin, si les Hébreux, dans la circoncision, promettaient d’observer  la loi de Dieu, et pouvaient quand même, vouer à Dieu, en plus, toutes sortes de choses, comme Kemnitiius l’admet,  on ne peut pas dire que la promesse de la circoncision était insuffisante, pourquoi donc les chrétiens ne pourraient-ils pas vouer quelque chose à Dieu, même si, dans le baptême, ils ont promis d’observer toute la loi de Dieu ?  Et pourquoi dire que la promesse du baptême est insuffisante ?
Mais que cela suffise.   Des vœux nous en avons suffisamment parlé dans la dispute sur les moines.
                                                           CHAPITRE 18
Les péchés qui se font après le baptême ne peuvent pas être remis par la seule remémoration du baptême.
La cinquième proposition.  Il ne peut pas se faire que par le seul souvenir et la seule foi dans le baptême reçu, les péchés soient remis,   mais est nécessaire le sacrement de pénitence.  C’est ce que décrète le canon 10 du concile de Trente.  Ce canon est contre Martin Luther (livre de la captivité de Babylone, chapitre sur le baptême), Calvin (livre 4, chapitre 15  versets 3 et 4, et dans son antidote), et Kemnitius (dans sa censure du canon 10.)
Ils enseignent que le baptême ne justifie pas autrement qu’en plaçant sous nos yeux la promesse, et en excitant ainsi la foi, qui seule justifie. Et c’est delà que leur vint l’idée que celui qui pèche après le baptême peut, en se remémorant le baptême,  renouer avec la grâce première du baptême.  Car, comme le baptême met sous nos yeux la promesse c’est ce que fait la commémoration du baptême après sa négation.  En effet, le rappel du baptême suscite la foi, et apporte ainsi la justification.  C’est ce que nous voyons dans les autres choses.    Car, si, en voyant, avec ses yeux,  une image de la crucifixion du Christ, quelqu’un est porté à aimer le crucifié, il obtiendra certainement un résultat semblable s’il se souvient de l’image qu’il a vue, même s’il ne l’a plus devant lui.
Ils en déduisent aussi que le sacrement de pénitence n’est rien d’autre que le baptême répété par le souvenir et la foi.  Et, comme après le baptême, il ne reste plus de satisfaction à faire, et ne sont pas nécessaires les indulgences, ni non plus le purgatoire après cette vie, ils pensent aussi qu’après la pénitence, c’est-à-dire après le souvenir du baptême, il n’y a plus de peintes temporelles du péché.
 Ils concluent en plus que saint Jérôme (au chapitre 111 d’Isaïe, et dans son épitre à Démétriade), et avant lui Tertullien (livre sur la pénitence) n’ont pas parlé correctement quand ils ont dit que la pénitence était une seconde planche, (une épave) après le naufrage.  Car le navire du baptême ne se fracasse  jamais.  Ce sont les pécheurs qui sortent de ce navire. Et quand ils reviennent à résipiscence, ils n’ont pas besoin d’une épave ou d’une planche, car ils peuvent retourner au même navire, qui les attend, intègre et intact.  Voilà quelle est leur sentence, et elle est assez douce et accommodante pour ne pas déplaire à Épicure lui-même.
Or, les catholiques enseignent bien autre chose.   Ils affirment, d’abord, que par le baptême,  les péchés son remis par l’œuvre opérée, c’est-à-dire par la vertu du sacrement, comme nous l’avons montré auparavant.   Ils en déduisent que l’efficacité du sacrement ne s’étend pas au futur, mais seulement au passé.  Il remet les péchés commis avant et non encore pardonnés, c’est-à-dire ceux qu’il découvre dans l’âme au moment du baptême.  Le souvenir du baptême est certes utile pour rendre grâces à Dieu, et pour servir de frein aux péchés, mais il  ne suffit en aucune façon à la justification.
 Ils en concluent aussi que la grâce du baptême perdue  ne peut pas être récupérée par un nouveau baptême; mais qu’il faut chercher un autre remède plus ardu et difficile, qui est le sacrement de pénitence, après lequel demeurent les peines temporelles dues au péché. D’où vient l’utilité des indulgences, du purgatoire.  Ils en déduisent aussi que les pères ont eu raison d’appeler le sacrement de pénitence la deuxième planche après le naufrage, car ceux qui font pénitence ne retournent pas au navire du baptême, mais naviguent à force bras, comme ceux qui, après un naufrage,  s’agrippent à une épave, et se laissent porter par le courant.
Il est à noter, également, que, dans son examen, Kemnitius a présenté de travers le canon 10 et la position des catholiques.  En effet, à la page 223, il dit que les catholiques affirment que, même après une vraie pénitence, l’homme ne peut pas retourner à la grâce du baptême, et à l’alliance que le Seigneur a contractée avec nous dans le baptême.
 Mais les catholiques enseignent juste le contraire.  Nous soutenons que, par une vraie pénitence, un homme peut retourner à la grâce du baptême et à l’alliance que Dieu y a contractée avec nous.  Ce que nous nions c’est que cela puisse se faire par les mêmes instruments de l’alliance, c’est-à-dire par le baptême ou sa commémoration.  Car, cela ne peut se faire que par un autre sacrement.  Car, même si, dans la plupart des cas, les péchés ne sont point effacés par le sacrement de pénitence au point où ne restent plus de peines temporelles à expier, ce sacrement peut avoir le pouvoir d’effacer toutes les peines, et ramener quelqu’un à une grâce tout à fait semblable à celle du baptême.
Au même endroit, Kemnitius (pages 235, 236)  dit que le concile n’a pas osé condamner expressément la sentence de Luther parce que, dans une si grande lumière de l’évangile, il craignait le jugement des oreilles pieuses.  Il l’a donc déformée pour condamner une sentence déformée. Il dit qu’il l’a déformée parce que le concile a dit anathème à ceux qui enseignent que les péchés commis après le baptême sont remis par le seul souvenir du baptême reçu.  Et cela vaut aussi  pour ceux qui, sans faire pénitence, persévèrent dans leurs crimes, et continuent comme avant.  Même à ces  gens-là,  il suffit qu’ils se souviennent tout d’un coup qu’ils ont été baptisés pour être justifiés de nouveau.  Et, il a joute que cette sentence est épicurienne, et qu’elle est condamnée par les siens.
Or, en voulant montrer que le concile a déformé la sentence de Luther, le bon Kemnitius déforme la sentence du concile par un mensonge énorme.  Car, dans le canon 10, le concile ne dit pas que, selon les luthériens, un seul souvenir du baptême, même superficiel, efface les péchés, car il dit explicitement : par le seul souvenir et la foi du baptême.  Quand Kemnitius cite le concile, il omet le mot foi, et joute le mot superficiel.  Voilà comment, en enlevant et en ajoutant, il a déformé la sentence du concile.  Car, comme à son accoutumée, le concile a décrit la sentence de Luther en peu de mots, et l’a condamnée avec beaucoup de mots.
Il faut noter qu’une démonstration de la vérité catholique et une réfutation de l’erreur des luthériens, ne relève pas de ce chapitre mais de la dispute  à venir sur la pénitence.  Nous nous contenterons de prouver en quelques mots que ceux qui ont péché après le baptême ne peuvent pas retourner au navire du baptême, mais ont besoin d’un autre remède.  D’abord par l’apôtre Paul Hébreux 1X : « Il est impossible à ceux qui ont été illuminés d’être appelés de nouveau à la pénitence. »  L’apôtre ne veut pas dire ici que les baptisés pécheurs ne peuvent pas retourner à la pénitence en aucune façon, ce qui est l’erreur des Novatiens, que nos adversaires n’approuvent pas.
Ce qu’il veut dire c’est qu’ils ne peuvent pas être rénovés par la pénitence comme le sont ceux qui sont baptisés.  C’est ainsi que l’expliquent saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, et d’autres commentateurs.  Kemnitius lui-même admet cette interprétation (dans son examen du canon suivant, page 240), comme les mots employés le prouvent : illuminés, rénovés, et crucifiant le fils de Dieu.  Ces mots, en effet, sont propres au baptême, par lequel nous sommes illuminés et rénovés, et nous imitons la mort du Christ.
Quelqu’un dira peut-être en faveur de Kemnitius qu’il prouve, en cet endroit, qu’on ne peut pas réitérer le baptême.  Soit !  Mais, il ne prouve pas que l’homme ne peut pas retourner à la réconciliation par la seule mémoire du baptême.  Or, ce passage le prouve amplement.  Car, même s’ils ne veulent pas répéter l’aspersion de l’eau, les adversaires veulent répéter l’efficacité du baptême, de sorte que c’est vraiment par le baptême que sont remis les péchés commis après le baptême.  Et ils le sont avec la même facilité, la même perfection, la même plénitude qu’avant.  De façon à ce que la seconde réconciliation ne soit pas plus difficile et plus  laborieuse que la première.
 Et c’est précisément ce que l’apôtre nie.  C’est pour cela qu’il n’a pas voulu dire qu’il était impossible d’être de nouveau rénové par la pénitence, c’est-à-dire par le baptême.   Or le but que se proposait l’apôtre était de détourner les baptisés des péchés. Et le raisonnement qu’il utilisait pour parvenir à ses fins était qu’ils ne pouvaient plus être réconciliés avec la même facilité.  Or, pour les luthériens, la facilité est la même.  Elle est même plus grande dans la seconde réconciliation que dans la première, puisqu’il est plus facile de simplement se souvenir du baptême que d’être baptisé réellement.
On le prouve aussi par les témoignages des pères qui, aux baptisés pécheurs, imposèrent toujours de très dures pénitences avant de les réconcilier, comme le montre le sermon de saint Cyprien au sujet de ceux qui ont apostasié pendant la persécution, et d’autres qu’il n’est pas nécessaire de nommer, puisque Calvin (livre 3, chapitre 4, verser 38), rapporte que presque tous les anciens dont les livres nous ont été conservés ont péché par excès de sévérité.  Il confesse donc que les anciens ne partageaient pas l’opinion qui veut que la seconde réconciliation soit plus facile que la première.
On le prouve également par la raison.  Il n’y a aucune équité à supposer que la route qui même à la grâce du Christ soit aussi facile pour ceux qui pèchent avant le baptême que pour ceux qui pèchent après.  Car, les premiers ignoraient Dieu, les autres le connaissaient.  Les premiers n’avaient pas la grâce, les seconds l’avaient.  Car, même si, avant le baptême, les catéchumènes connaissaient Dieu par la foi, et étaient souvent brûlants de charité, toutes ces choses appartenaient à la grâce du baptême.  Car, la doctrine du catéchisme est une disposition au baptême; et la grâce et la charité que l’on repère en eux, procèdent du vœu du baptême.
Mais réfutons brièvement leurs objections.
Son premier argument, Luther le tire de la promesse de Jésus en Marc : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. »  Cette promesse demeure toujours, et est toujours vraie.  Voilà pourquoi celui qui, en péchant, s’éloigne de Dieu et de l’alliance du baptême, sera certainement sauvé  s’il recommence à croire et à embrasser l’alliance du baptême.   Et Luther le confirme en disant que, dans l’ancien testament, quand les juifs revenaient à la pénitence pour être réconciliés avec Dieu, ils se rappelaient la sortie d’Égypte.
 Je réponds que cet argument ne vaut rien, car même si la vérité de la promesse est perpétuelle, elle est cependant conditionnelle, non absolue.  Autrement, tous les apostats seraient sauvés.  Car, on exprime  aussi la vérité quand on dit d’eux : ils ont cru et ils ont été baptisés.  Il faut donc ajouter la condition, c’est-à-cire s’ils demeurent dans la foi et dans l’alliance du baptême, ils seront sauvés.  S’ils  ne sont pas fidèles, ils ne seront pas sauvés par ce moyen, mais par un autre.  Car, celui qui, par le péché mortel, est sorti de l’alliance du baptême, ne peut pas y revenir une deuxième fois,  par la seule pensée ou par le seul souvenir du baptême.  En effet, être baptisé de nouveau et retourner ainsi au pacte contracté avec Dieu au baptême, ce n’est permis en aucune façon.  On peut le démontrer par l’exemple de la foi et des autres vertus.  On ne dit pas, en effet, qu’il retourne à la foi celui qui se rappelle avoir déjà cru, mais seulement  celui qui recommence à croire en acte.
Et la confirmation avec la sortir d’Égypte ne prouve rien.  Car, ils ne se souvenaient pas de cette sortie parce que, par ce souvenir, leurs péchés étaient purgés, mais pour que, en se rappelant un bienfait si insigne, ils se reprocheraient leur ingratitude envers Dieu, et se provoqueraient ainsi à faire pénitence.  Nous ne nions pas que le souvenir du baptême ait pour nous le même effet.  Ajoutons que si la sentence de Luther était vraie, les Juifs devraient plutôt rappeler à leur pensée la circoncision, qui leur servait plus de baptême que la sortie d’Égypte.
Le deuxième argument de Kemnitius.  Quand les saintes lettres parlent de l’effet du baptême, elles usent autant le temps passé que le présent ou le futur.  Le baptême a donc le pouvoir d’effacer les péchés passés, présents et futurs.  Il prouve ainsi l’antécédent.   Dans Tite 111, il est dit au passé : « Il nous a sauvés par le lavement de la régénération. » Dans Marc, dernier chapitre, cela est dit au futur : « Celui qui croit et qui sera baptisé sera sauvé. »  Et dans Éphésiens V : « La purifiant par le lavement de l’eau. »  Saint Augustin (livre 1, chapitre 33, du mariage et de la concupiscence) commente ainsi ce passage : « On doit entendre ainsi la phrase de Paul (la purifiant par le lavement de l’eau) : par le même lavement de régénération et par la parole de sanctification, toutes les mauvaises actions des régénérés sont effacées et assainies, non seulement les péchés passés, qui sont remis maintenant dans le baptême, mais même ceux qui seront commis plus tard par ignorance ou faiblesse. Non pas que le baptême soit répété à chaque fois qu’on pèche, mais, par le fait même qu’il a été une fois donné,  non seulement les péchés passés mais aussi les péchés futurs sont pardonnés. »  Et Kemnitius que tout cela est clairement expliqué dans Romains V1.
Je réponds qu’il n’existe aucun texte d’Écriture qui prouve que le baptême efface les péchés futurs ou même présents, c’est-à-dire les péchés que nous commettons présentement nous tous qui avons été baptisés.  Et quant au texte de Marc qu’il nous objecte, ou il faut l’entendre du salut réalisé, c’est-à-dire de la gloire éternelle.  Cela est certes une chose future.  Mais ce n’est pas un effet, mais la fin du baptême.  Or, c’est de l’effet du baptême que nous dissertons présentement, l’effet du baptême qui est la rémission des péchés passés.  Sa fin est la vie bienheureuse future, selon Paul aux Romains V1 : « Maintenant libérés du péchés, devenus serviteurs de Dieu,  vous avez votre fruit pour la sanctification, et la fin qui est la vie éternelle. »
 Ou en l’entend du salut en espérance, c’est-à-dire de la grâce de justification, qu’il est certain qu’on reçoive au baptême.  Elle est donc, en quelque sorte, future par rapport au baptême, mais elle porte sur les péchés passés, non futurs.    Exemple.  Si quelqu’un prend tel médicament, il guérira.  Cela indique que la guérison viendra après le médicament.  Mais la guérison d’une maladie déjà contractée, non à contracter plus tard.
Le texte de saint Pierre  qu’il  nous objecte (1 Pierre 111 : il nous a sauvés par le baptême) n’a rien à voir avec la présente dispute, car saint Pierre ne compare pas le baptême avec les péchés, mais le temps du Christ avec celui de Noé.  Et il dit que, comme au temps de Noé, le déluge a sauvé huit hommes par l’arche, c’est de la même façon qu’au temps du Christ, le baptême sauve les croyants.  On peut facilement expliquer le texte de saint Paul qu’il nous objecte (Éphésiens V : la purifiant …).  Car ce « la purifiant » ne s’applique pas à tous les hommes, mais aux différentes personnes qui forment l’Église.  En effet, le Christ purifie son église à tous les jours par le lavement de l’eau, parce que, à chaque jour, il y a des baptisés qui sont purifiés de leurs péchés passés, non futurs.
  Si quelqu’un veut appliquer ce texte à chaque homme en particulier, on peut dire alors que, dans le baptême, sont effacés les péchés futurs, non immédiatement, mais médiatement.   Parce que, par la grâce que reçoit celui qui est baptisé, il obtient le pardon des fautes vénielles qu’il fera plus tard, s’il le demande.  Et de plus, par le caractère du baptême, il a droit au sacrement de pénitence, par lequel les péchés mortels sont aussi purgés. Car, ceux qui n’ont pas été baptisés ne peuvent pas  recevoir les autres sacrements. Et c’est ce que veut dire saint Augustin dans le texte cité par Kemnitius.  Car, tout ce que saint Augustin dit c’est que les péchés futur sont purgés d’une certaine façon, car, sans la réception du sacrement du baptême,  ne pourront rien faire les autres sacrements qui ont le pouvoir d’effacer les péchés.  Voici en effet ce qu’il dit : « De quel profit serait la pénitence avant le baptême… »
Voilà pourquoi  quand le même Augustin parle de l’effet immédiat et propre du baptême, il développe longtemps le contraire.  Et sans son épitre 23 à Boniface, il écrit : « L’enfant du Christ ne perd pas la grâce une fois reçue, si ce n’est pas sa propre impiété, s’il devient méchant avec l’âge. Car, alors, il commencera à avoir des péchés qui ne sont pas enlevés par la régénération, mais qui seront assainis par une autre cure. »
 Et  l’objection qu’il nous fait avec le texte de saint Paul V aux Romains,  est hors saison.  Car, dans ce chapitre, l’apôtre n’enseigne pas comment sont remis les péchés après le baptême, mais comment ont doit s’en garder.  Il dit, en effet, que, par le baptême, l’homme meurt aux péchés, pour vivre désormais en Dieu.  En conséquence, l’homme une fois rené dans le Christ  doit veiller avec soin pour ne pas être contaminé de nouveau, et ne pas périr.  Mais, en quoi cela se rapporte-t-il au sujet présent ?
Le troisième argument est du même Kemnitius.  L’alliance de Dieu avec l’homme est perpétuelle, Isaïe L1V : « Est-ce que  leur infidélité évacuera la fidélité de Dieu ? »  11 Timothée. Paul  11 : « Si nous ne croyons pas, lui demeure fidèle,  il ne peut pas se renier. »  Jérémie 111 : « Tu as forniqué avec plusieurs amants, reviens quand même à moi, dit le Seigneur. »   Donc, l’alliance contractée par Dieu avec nous dans le baptême n’est jamais rompue  au point de ne pouvoir plus y retourner, et de ne pouvoir plus la renouveler.
Et il confirme par Galat 111 et 1 Cor X11, où l’apôtre rappelle  ceux qui sont tombés après le baptême, à la promesse de la grâce du baptême.  Il ajoute ensuite que la nature même de cette promesse montre cela.  Car, la promesse du baptême est : « Pour que justifiés par la grâce du Christ vous soyez des héritiers de la vie éternelle. » Tim 111.  Voilà le mode général d’opération de la justification après une chute quelconque.  Nous sommes donc toujours justifiés par le baptême.
Je réponds que, sans aucune pudeur, Kemnitius joue avec les Écritures, et abuse de leurs témoignages.  Car le texte d’Isaïe L1V contient une promesse absolue, de toujours choyer son église. Cette promesse-là ne dépend d’aucune condition, car le mariage entre le Christ et l’église est tout à fait indissoluble.  De la même façon, le passage de l’épitre aux Romains contient une promesse absolue d’envoyer le Messie au monde.  Or, la promesse du baptême n’est pas une promesse absolue, mais conditionnelle, parce qu’elle inclut la condition de foi et de persévérance.
 Le passage de Timothée plaide en notre faveur, car, quand l’apôtre dit : « si nous ne croyons pas, il demeure fidèle, il ne peut pas se renier », ce texte  signifie que Dieu est fidèle parce que qu’il fait ce qu’il a promis quand il récompense les bons et punit les impies.   Car il avait ainsi promis : « Si nous persévérons, nous vivrons avec lui.  Si nous le renions, il nous reniera. »  C’est donc une promesse conditionnelle.  Le texte de Jérémie 111 enseigne que les  hommes rentrent en grâce s’ils retournent à Dieu.  Mais il n’enseigne pas que Dieu reçoit les pécheurs de n’importe laquelle façon, ni par les mêmes instruments (le baptême)  avec lesquelles il les avait d’abord reçus. Le texte de Galates 111 est hors de propos.  Car, en cet endroit, saint Paul n’enseigne pas comment sont justifiés les impies tombés après le baptême, comme l’imagine Kemnitius, mais que les hommes  sont justifiés par la grâce du Christ, et non par la circoncision ou par les autres œuvres de la loi.  Et il le prouve cela en disant que ceux qui sont baptisés revêtent le Christ.
Le passage des Corinthiens (1, X11) ne se rapporte en aucune façon à notre propos.  Saint Paul dit seulement que nous sommes tous un seul corps, parce que nous sommes tous baptisés dans le même Esprit.  Il ne dit pas un mot sur ceux qui sont tombés dans le péché après le baptême.  Donc, un argument tiré de la nature de la promesse du baptême  est un sophisme inepte.  Car, même si le baptême promet le salut par le Christ, et même si après n’importe laquelle chute tous sont justifiés, il ne s’ensuit pas que c’est par le baptême que sont justifiés ceux qui le sont après une chute post baptismale.  Car, être justifié par le Christ a un sens beaucoup plus large que l’être par le Christ dans le baptême. Les sacrements de pénitence, d’eucharistie, d’extrême onction ne promettent-ils pas, eux aussi, le salut par le Christ ?
Le quatrième argument est de Calvin (livre 4, chapitre 15, verset 3).  Dans le baptême, nous est communiquée la pureté du Christ.  Or, cette pureté demeure toujours telle quelle, et n’est entachée par aucune souillure.  Donc, demeure toujours la vertu du baptême qui nous a été accordée une foi pour toutes, et nous pouvons toujours y retourner et être justifiés par elle.  Il le confirme avec l’aide des pères, qui blâmaient ceux qui retardaient le baptême jusqu’aux derniers moments. Car plusieurs avaient été trompés par l’erreur de  ceux qui enseignent que le baptême n’efface que les péchés passés.  Ils ne voulaient donc être baptisés qu’à la fin de leur vie, au moment où ils ne pouvaient plus pécher.  Mais les pères réprouvèrent cette erreur.  Ils croyaient donc que le baptême effaçait aussi bien les péchés futurs que les péchés passés.
Je réponds que l’argument de Calvin  est basé sur un faux fondement, à savoir que nous sommes justifiés par la grâce du Christ qui nous est  imputée.  Cette grâce, en effet, a toujours la même valeur, et elle n’est souillée par aucune saleté.  Mais, il est faux que c’est par elle que nous soyons formellement justifiés. Nous ne sommes pas justifiés, en effet, par une justice propre et inhérente qui demeure toujours telle quelle, qui n’est ni détruite ni abolie par les fautes,  quand nous péchons.  À la confirmation je réponds qu’elle nous est favorable.  Car, si les pères avaient cru ce que croit Calvin, ils auraient, quand ils blâmaient ceux qui retardaient le baptême, donné comme raison que le baptême efface aussi bien les péchés futurs que les péchés passés.  On aucun n’en a jamais soufflé mot.   Ils ont plutôt donné de toutes autres raisons.  Comme saint Basile (dans le sermon 13 sur l’exhortation au baptême, saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le saint lavement), et saint Jean Chrysostome  (homélie 1 sur les actes). Ils exhortaient à ne pas différer le baptême à cause de l’incertitude de l’heure de la mort, et à cause des bonnes œuvres que fait faite le baptême.
Le cinquième argument de Calvin se trouve au même endroit, verset 4.   Le pouvoir des clefs ne peut pas être séparé du baptême.  Donc, ceux qui tombent après le baptême sont réconciliés par la vertu des clefs, par le baptême.  Il prouve ainsi l’antécédent.  Le pouvoir des clefs ne s’exerce pas sans une prédication de l’évangile, par  laquelle nous annonçons aux impies que la purification des péchés se fait par le sang du Christ;  que le signe et le témoignage du sang du Christ répandu est le baptême.  Le pouvoir des clefs ne s’exerce donc pas sans le baptême.
Je réponds. Si cet argument avait quelque valeur, il prouverait aussi que nul n’est réconcilié que par l’eucharistie, ou son souvenir. Car, l’eucharistie est aussi un signe, et un témoignage du sang du Christ répandu.   Mais, cet argument ne prouve rein, d’abord parce qu’il est faux que le pouvoir des clefs ne s’exerce  pas sans la prédication de l’évangile, parce que purifier les impies par le sang du Christ  a un sens plus large que les purifier par le baptême.  C’est toujours le sang du Christ qui purifie,  il est vrai, mais c’est par des instruments divers qu’il est appliqué.  Tantôt par le baptême, tantôt par d’autres sacrements.  Et parfois, sans aucun sacrement, par la foi et la vraie conversion, ou par le martyre, comme il a déjà été dit.
                                                       CHAPITRE 19
                                     Les erreurs sur le baptême de Jean
Vient ensuite la huitième controverse qui porte sur la comparaison entre le baptême du Christ et celui de saint Jean.  C’est de quoi parle le premier canon de la septième session (sur le baptême) du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que le baptême de Jean  avait la même vertu que le baptême du Christ, qu’il soit anathème. »  Sur cette controverse, les erreurs sont au nombre de trois. Nous présenterons d’abord les erreurs et les opinions.  Nous énoncerons ensuite et nous prouverons la vérité.  Enfin, nous réfuterons les objections.
Les erreurs.   Ce fut l’antique erreur du Petilien donatiste de penser que les baptêmes du Christ et de saint Jean étaient la même chose.  Il distinguait trois degrés de ce baptême.  Jean baptisait dans l’eau, le Christ dans l’Esprit, et le paraclet dans le feu.  Or, il soutenait que ces trois baptêmes  appartenaient au même et unique baptême, comme le rapporte saint Augustin (livre 2, chapitre 32, 34, 37, contre les lettres de Petilien.)
À notre époque, au début de sa prédication, Luther distinguait clairement  le baptême de saint Jean de celui du Christ, car dans sa dispute sur le baptême de la loi, de Jean et du Christ, éditée en l’an 20, il établit trois différences entre ces baptêmes.   La première.  Le baptême de Jean n’était pas un sacrement;  celui du Christ était et est un sacrement.  La deuxième.  Celui de Jean ne remettait pas les péchés;  celui du Christ remet les péchés. Le troisième.  Ceux qui avaient été baptisés par le Christ devaient être baptisés de nouveau;  non ceux qui avaient été baptisés par le Christ.  Du reste, cette doctrine qui ne concordait pas avec la doctrine luthérienne sur les sacrements, ne plut guère aux disciples de Luther, car tous enseignèrent le contraire, à savoir que le baptême de saint Jean était un sacrement, qu’il remettait les péchés,  et que ceux qui avaient été baptisés par sain Jean n’avaient pas à être rebaptisés.
  C’est ce qu’enseigne Melanchton  (lieux, en 58, le baptême de Jean) : « Même s’il y avait une différence, car c’est le Christ, qui allait souffrir, que saint Jean prêchait, et celui qui avait déjà souffert que prêchaient les apôtres, le ministère était quand même le même, et avait les mêmes effets dans les croyants. »  Il rétracte donc ici ce qu’il avait enseigné en l’an 22 (sur le baptême) à savoir que  le baptême de Jean a été un signe de mortification, et celui du Christ un signe de justification.  Et que c’était pour cela que les baptisés de Jean ont du être baptisés de nouveau.
 Disent la même chose Philippe, Alesius, et Lossius, tous luthériens, dans leurs commentaires du chapitre 1 de saint Jean. La même chose Martin Bucer et David Clytraeus, (chapitre 111 sur Matthieu), Jean Brentius (homélies 21 et 2 sur Luc), ainsi que les centuriates (centurie, chapitre 1, colonne  156, et chapitre 10, colonne 361.) De même, Nicolas Selneccerus ( 2 pédagogie, sur le baptême).  De même Zwingli (dans son livre sur la vraie et fausse religion,  chapitre sur le baptême), et Calvin, dans son antidote sur le concile, (ainsi que dans livre 4, chapitre 15, versets 7 et 8).
Et, enfin,  Martin Kemnitius (partie 2 de son examen, page 175 et suivantes). Il convient, avec les autres, que le baptême de Jean remettait les péchés, et était le même sacrement que celui du Christ qui était administré par les apôtres.   Mais, il n’a pas osé trancher la question suivante : ceux qui ont été baptisés par saint Jean devaient-ils être baptisés de nouveau par le baptême du Christ ?  Car, après avoir posé la question et donné les différentes opinions, il dit, à la page 190 : « Laissons donc cette question de  côté,  puisque  chaque opinion a  de bonnes raisons à faire valoir. » En parlant ainsi, il agit avec une prudence cauteleuse, car il n’avait pas à rejeter la première sentence de Luther et de Philippe, ou celle qui est venue après et qui est acceptée par la plupart des luthériens.  Il s’est aussi libéré d’une question épineuse, qui faisait suer beaucoup de ses coreligionnaires : pourquoi fallait-il que soient baptisés de nouveau ceux qui avaient été baptisés par saint Jean.
Parmi les catholiques, il y a eu deux opinions sur le baptême de saint Jean.  L’une est erronée, et l’autre fort improbable.   La première fut celle de Pierre Lombard  qui (au livre 4, dist 2) distingue deux sortes de baptisés par Jean.  La première est de ceux qui mettaient en ce baptême leur espoir et n’avaient aucune connaissance du Saint-Esprit.  La seconde est de ceux qui ne plaçaient pas leur espoir dans le baptême de Jean, et qui avaient une connaissance du Saint-Esprit. Or, ces derniers, selon Pierre Lombard, n’eurent pas être baptisés de nouveau par les apôtres du Christ.  En plus des arguments que nous présentons plus bas contre les hérétiques, on peut réfuter cette sentence par des arguments que le maitre et tous les catholiques acceptent.  Car, du consentement universel, le baptême du Christ, après sa promulgation, obligeait tous les hommes. Or, le baptême de Jean n’est pas le baptême du Christ, comme l’enseigne le maitre par sa distinction elle-même.  Donc ceux qui ont été baptisés par Jean doivent être baptisés par le Christ.   Voilà pourquoi saint Thomas (3 part question 38, dernier article) écrit que cette opinion est complètement déraisonnable.
L’autre opinion est que le baptême de Jean fut un certain sacrement, comme l’étaient les sacrements de l’ancienne loi.  C’est ce qu’a enseigné le maître, au lieu cité, et beaucoup de scolastiques, y compris saint Thomas.  Mais ce n’est pas sans raison que saint Thomas, ensuite, enseigné le contraire (3 par quest 38, art 1).    Car, les sacrements de l’ancienne loi commencèrent avec la loi, et durèrent autant qu’a duré cette loi. Et le sacrement de saint Jean commença à la fin de la loi, et ne dura qu’un an ou un peu plus.  Saint Thomas a donc eu raison de dire que le baptême de saint Jean n’appartenait pas aux sacrements de l’ancienne loi mais plutôt à ceux de  la nouvelle, comme étant une préparation de cette dernière.
Tu diras que le baptême de saint Jean ne fut ni un sacrement de la loi ancienne ni un sacrement de la loi nouvelle, mais qu’il fut un sacrement intermédiaire.  Mais, cela ne peut pas être, car il ne peut pas y avoir un sacrement intermédiaire entre les sacrements de deux lois sans qu’il y ait  eu aussi une loi intermédiaire.  Or, entre la loi ancienne et la nouvelle, il n’y eut pas de loi intermédiaire, car après l’abrogation de l’une, l’autre lui a immédiatement succédé.  Voilà pourquoi si le baptême de Jean était un sacrement, il le serait forcément de la loi ancienne ou de la loi nouvelle.  Car, pour être un sacrement, il ne suffit pas qu’il signifie le baptême du Christ, ou la grâce qui devra être donnée par le baptême.  Car, même le déluge et la mer rouge (1 Cor X) ont signifié le baptême,  et la manne l’eucharistie, ce que ne fait pas d’eux des sacrements, mais de simples figures de sacrements.
                                                  CHAPITRE 20
Le baptême de Jean ne fut pas un sacrement semblable à celui du Christ
Pour expliquer et prouver cette vérité, trois propositions sont requises.  La première.  Le baptême de Jean ne fut pas un sacrement semblable au baptême du Christ. Ce qui est contre Philippe, Calvin, Kemnitius et les autres, qui  enseignent  que le ministère de Jean le Baptiste et des apôtres a été le même.  Le baptême de saint Jean a été institué par lui.  Il n’était donc pas un sacrement, et surtout pas de la loi nouvelle.  La conséquence va de soi, car aucun mortel ne peut instituer un sacrement, encore moins un sacrement de la nouvelle loi, comme nous l’avons prouvé plus haut avec des témoignages des adversaires.
 On prouve ainsi l’antécédent.  Dans l’Écriture, on l’appelle souvent « le baptême de Jean. »  Matthieu 111 : « Voyant beaucoup de personnes venir à son baptême, Jean… »  Matth 21 : « Le baptême de Jean était-il du ciel ou des hommes ? »  On lit la même chose dans Marc X1, Luc XX, Actes 1, 18n 19.  Cette dénomination ne peut pas signifier seulement que saint Jean était le ministre de ce baptême, mais son auteur.  Autrement on aurait pu aussi appeler le baptême du Christ le baptême de Pierre, de Paul, de Philippe et des autres.  Ce que l’Écriture prend bien garde de ne pas dire, pour qu’ils ne semblent pas être les auteurs du baptême, comme saint Augustin l’explique (livre 5,  chapitre 13 sur le baptême.)
Tu diras : le baptême de Jean ne semble-t-il pas avoir  été institué par Dieu plutôt que  par saint Jean ?  C’est ce que saint Jean lui-même confesse: « Celui qui m’a envoyé baptiser m’a dit. »  Je réponds avec saint Augustin (au lieu cité, chapitres 9 et 13) et Tertullien (livre sur le baptême), où il traite cette question proposée par le Christ : le baptême de Jean vient-il de Dieu ou des hommes. Et il répond que le baptême de Jean a été institué par Dieu mais par le moyen de saint Jean. Car, Dieu ne lui a donné qu’une inspiration, et c’est dans cette inspiration que se trouvait le commandement divin.  Mais le rite employé pour baptiser n’a pas été prescrit par Dieu, c’est saint Jean lui-même qui l’a déterminé.  On a donc raison de dire que le baptême de Jean lui appartenait en propre.
 Deuxièmement.  Dans le baptême du Christ, ce n’est pas seulement l’eau qui fait partie de l’essence du rite ou du sacrement, mais aussi l’invocation de la sainte trinité, comme il a été prouvé plus haut.  Les adversaires ne pensent pas autrement, du moins dans la pratique, quand ils baptisent.  Or, le baptême de saint Jean n’avait par l’invocation de la sainte trinité.  Il n’était donc pas un sacrement semblable  à celui du Christ.
On prouve l’antécédent en disant que même si les centuriates prétendent que saint Jean Baptiste baptisaient au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,  aucun texte de l’Écriture n’enseigne cela, ni aucun témoignage des pères.   Il y en eut certains qui pensèrent que saint Jean avait utilisé certains mots en baptisant, comme au nom du Messie à venir.  Et cela, à cause des paroles de saint Paul (Actes X1X) : Jean baptisait le peuple dans un baptême de pénitence, pour qu’ils croient en celui qui viendrait après lui.  C’est ce qu’enseignent saint Ambroise (livre 1, chapitre 3 de la sainte trinité), saint Jérôme (chapitre 11 de Joël), et Hugues de Saint Victor (livre 2 sur les sacrements, partie 6, chapitre 6).
 Mais ces pères, surtout les deux derniers, précisèrent qu’il ne baptisait pas au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et que c’est pour cette raison que son sacrement n’était pas un sacrement parfait.  Ajoutons qu’il est fort improbable que saint Jean Baptiste n’ait utilisé aucun mot.   Mais les paroles de saint Paul qu’on vient de citer ne signifiaient certes pas que saint Jean baptisait au nom du Messie futur, mais incitait plutôt le peuple à croire dans le Messie qui était déjà là.  Car, saint Jean Baptiste a baptisé Jésus avec le même rite qu’il employait pour les autres. Et ce serait ridicule de penser qu’il l’a baptisé au nom du Messie à venir.
Troisièmement. Le baptême du Christ est un sacrement du nouveau testament.  C’est donc par l’auteur du nouveau testament qu’il a été institué.  Les adversaires ne peuvent pas nier cela, car Philippe (dans les lieux, en 58, le nombre des sacrements) dit que le baptême et la cène du Seigneur, ainsi que l’absolution,  sont des sacrements institués dans la prédication du Christ, et c’est pour cela qu’ils sont des sacrements proprement dits.  Et Kemnitius, dans la définition du sacrement proprement dit, pose une troisième condition, à savoir qu’il soit commandé et institué dans le nouveau testament.  Or, le baptême de saint Jean Baptiste ne fut pas institué dans la prédication du Christ, ni demandé par le Christ, mais par saint Jean, avant que commence à prêcher l’auteur du nouveau testament.
Quatrièmement.  Le baptême du Christ ne peut pas être répété, comme, aujourd’hui, tous l’enseignent, à l’exception des anabaptistes.  Or, ceux qui avaient été baptisés par saint Jean ont reçu l’ordre de se faire baptiser de nouveau.  Ce n’était donc pas le baptême du Christ que saint Jean administrait.  L’antécédent les calvinistes et d’autres le nient.  Mais cela est prouvé dans la troisième proposition.  De plus,  s’il admettait l’antécédent, Kemnitius nierait la conséquence.  Car il estime, lui, comme nous l’avons déjà dit, que ceux qui avaient été baptisés par Jean ont pu être baptisés de nouveau parce que même si le ministre est le même quant à la substance,  il diffère quant à la signification.
 En effet, Kemnitius distingue trois sacrements qui effectuent la même chose, dans une signification différente : la circoncision, le baptême de Jean et le baptême du Christ, la circoncision signifiant le Messie à venir, le baptême de Jean, le Messie qui vient et qui est déjà là, et le baptême du Christ, le Messie déjà venu.  Il en déduit que  comme les  circoncis devaient, à la venue de saint Jean, être baptisés de son baptême, pour qu’ils professent croire au Messie à venir, même s’ils étaient justifiés par la circoncision,  de la même manière ceux qui avaient été baptisés par saint Jean devaient être baptisés par le baptême du Christ pour professer qu’ils croient au Messie venu, même s’ils étaient déjà justifiés par le baptême de saint Jean.
Et contre les arguties de Kemnitius qu’il nous objectait avec des citations de saint Augustin (livre 5, chapitre 9 sur le baptême), il est à noter que  saint Augustin tire la conséquence que nous tirons nous-mêmes,  et que nie Kemnitiius : « Nous lisons dans les actes des apôtres (livre 5, chapitre 9 sur le baptême), que ceux qui avaient été baptisés par saint Jean ont été baptisés par saint Paul pour aucune autre raison que parce que le baptême de Jean n’était pas celui de Jésus. »
De plus, si le raisonnement de Kemnitius avait quelque valeur nous prouverions que  ceux qui avaient été baptisés par les apôtres avant la passion et la résurrection du Sauveur auraient du, eux aussi,  être baptisés de nouveau après la résurrection.  Car, le baptême du Christ avant sa passion  signifiait la passion future du Christ, et c’est après qu’il a vraiment signifié la passion qui avait eu lieu.
2018 12 23 fin
 

2018 12 28 debut
                                               CHAPITRE 21
Le baptême de Jean n’avait ni la même force ni la même efficacité que le baptême de Jésus
 La seconde proposition.   Le baptême de Jean n’avait ni la même force ni la même efficacité que n’eut le baptême de Jésus.  Car, on ne se demande pas si le baptême de Jean a pu remettre les péchés à cause de la foi et de la piété de ceux qui le recevaient, ou à cause de la contrition  que faisait naître la prédication enflammée de Jean.  Cela a pu facilement se faire, et c’est ce que laissent entendre ces paroles de Marc 1 : « Prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. »
Certains pères, comme saint Basile (livre 1, chapitre 2 sur le baptême),  saint Grégoire de Nysse (dans son panégyrique de saint Basile),  l’auteur des questions sur le nouveau testament (question 9, tome  4 des œuvres de saint Augustin),  et saint Augustin (livre 5, chapitre 10 sur le baptême), même s’ils estiment que ces mots doivent être compris autrement, ne pensent pas qu’on doive entrer en guerre contre   ceux qui enseignent que le baptême de Jean remettait les péchés d’une certaine façon, pourvu qu’ils admettent qu’il y a une grande différence entre le baptême de Jean et celui de Jésus.
 La question qui se pose est donc la suivante : est-ce que le baptême de Jean fut efficace comme celui de Jésus, c’est-à-dire,  remettait-il les péchés, comme celui de Jésus, par la vertu même du sacrement, ou par l’œuvre opérée ?  Les adversaires. Eux,  attribuent la même efficacité aux deux baptêmes.        Or, voici ce qu’a statué le concile de Trente (session 7, chapitre 1, sur le baptême) : « Si quelqu’un dit que le baptême de Jean a eu la même vertu que celui de Jésus, qu’il soit anathème ! »  Et il donne comme preuve des textes de l’Écriture.  Car, en Marc 1, Jean distingue son baptême de celui du Christ en disant qu’il ne baptise, lui, que dans l’eau, tandis que le Christ baptisera dans l’Esprit-Saint : « Je vous ai baptisés dans l’eau.  Il vous baptisera, lui, dans l’Esprit Saint. »
Les adversaires, comme Philippe, Calvin et Kemnitius,  répondent à cet argument scripturaire que Jean Baptiste a voulu distinguer son ministère externe du ministère interne du Christ.  Voilà pourquoi ils disent que la rémission des péchés était donnée dans le baptême de Jean,  mais que c’était le Christ qui la donnait par le ministère de  Jean. Et, il donne comme exemple ce texte de saint Paul  (Corinthiens chapitre 4) : « J’ai planté,  Apollon a arrosé, et Dieu a donné la croissance. »
Mais il est facile de réfuter cette explication.  Car, c’est au passé que saint Jean baptiste parle de son ministère, et celui de Jésus il le présente comme futur : (Je vous ai baptisés, il vous baptisera).   Or, saint Paul, dans le texte cité par Kemnitius, ne dit pas : j’ai planté, Apollon a arrosé, et Dieu donnera la croissance, mais Dieu « a « »donné la croissance.  Et de plus, chez les évangélistes (Matthieu, chapitre 3, Lue chapitre 3),  c’est le présent qui est employé pour saint Jean (je vous baptise dans l’eau), et le futur pour Jésus (il vous baptisera).
Kemnitius essaie de combattre notre sentence de deux façons. La première.  Il dit, à la page 191,  que, par le baptême du Christ dans le Saint-Esprit, et par le feu, il faut entendre l’effusion des dons visibles,  qui a été faite au jour de la pentecôte.  Il le prouve, cela, pour le mot feu, autant par le témoigne du Christ que celui de saint Pierre, qui employèrent tous deux la même phrase que celle de saint Jean.  Dans les actes 1, le Christ dit à ses apôtres : « Jean a baptisé dans l’eau, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint, après plusieurs jours. »  Et Pierre acte X1 : « Je me souviens des paroles du Seigneur  : « Jean a baptisé dans l’eau, vous serez baptisés dans l’Esprit-Saint. »  Le baptême de Jean n’est donc pas opposé au baptême de Jésus,  mais le baptême d’eau, dans lequel n’est pas donné visiblement l’Esprit-Saint, est opposé à l’effusion visible des dons qui se faisaient sans l’eau, dans la primitive église après le baptême, quand les apôtres imposaient les mains.
Cette première solution n’est pas suffisante.   Car, tout d’abord, le mot feu ne nous empêche pas de voir le sacrement du baptême dans les paroles de Jean : « Il baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. »  Car, presque tous les commentateurs le comprennent ainsi.  Et ils disent que le mot feu a été ajouté parce que, après le baptême du Christ, vient la tribulation, c’est-à-dire, le feu du divin jugement, et celui du purgatoire.  Et, dans la primitive église, l’Esprit Saint était donné après le baptême sous forme visible, par l’imposition des mains des apôtres.   Voir saint Hilaire,  saint Jérôme, saint Jean Chrysostome  dans leurs commentaires respectifs du chapitre 3 de Matthieu, saint Ambroise et saint Bède, dans leurs commentaires sur le chapitre 3 de saint Luc.
En ce qui a trait aux paroles du Christ et de Pierre,  il n’est pas sur qu’elles avaient le même sens que celles dites par saint Jean Baptiste.  Le Seigneur a pu faire allusion aux paroles de saint Jean Baptiste, mais leur donner un autre sens, comme le fait souvent saint Bernard quand il  s’approprie des paroles de l’Écriture, et même saint Paul quand en Tite 1, il cite Épiménide en donnant un autre sens à ses paroles : les crétois sont toujours des menteurs.  Ce témoignage est vrai.  Voilà pourquoi les pères appliquent les paroles de Jean au sacrement du baptême du Christ.  Et pourtant, les paroles du Christ et de Pierre ne peuvent se rapporter qu’à la mission du Saint-Esprit.
Et si nous admettons que les paroles de saint Jean Baptiste, du Christ et de Pierre ont exactement le même sens,  il nous faudra dire alors que l’Écriture distingue trois baptêmes.  Un, par l’eau seulement, et cela, c’est celui de saint Jean-Baptiste, lequel est toujours présenté comme un baptême d’eau, pour le distinguer du baptême du Saint-Esprit.  Un autre, dans l’Esprit et dans le feu seulement, et non dans l’eau, ce qui est la visible mission du Saint-Esprit, qui ne contient pas seulement les langues de feu, mais la charité, et la grâce infusée par l’Esprit-Saint,  qui est signifiée par ces symboles externes.  Comme l’admet aussi Kemnitius page 192,   Donc, le baptême d’eau de Jean ne se distingue pas seulement  du baptême de feu, c’est-à-dire de la forme visible du feu, mais aussi du baptême spirituel, c’est-à-dire, de la grâce interne infusée par l’Esprit-Saint.
Un troisième est à la fois dans l’eau et dans l’Esprit Saint, et c’est le sacrement de baptême du Christ, que Jean 111 dit être dans l’eau et dans le Saint-Esprit.    Nous voyons donc que les paroles de Jean, quelle que soit la façon dont on les comprend, distinguent toujours  le baptême de Jean comme étant seulement externe et corporel, du baptême du Christ,   qui est en partie spirituel, et en partie corporel, consistant ou de l’Esprit et du feu, ou  de l’eau et de l’Esprit.
 Il reste donc à examiner l’autre solution de Kemnitius.  Après avoir vu que la première était insuffisante,  il est revenu, à la page 193, à la position commune,  selon laquelle les paroles de Jean Baptiste  (il vous baptisera dans l’esprit saint et dans le feu) se rapportent à l’opération interne du Christ dans le baptême de Jean.   Et parce que le temps futur (il vous baptisera) semble répugner à cette explication, Kemnitius s’efforce de montrer que la même Écriture parle  de l’opération du Christ au présent et au passé.  Il cite donc  Jean 1 : « C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. »  Et cependant, il ne baptisait pas alors par lui-même, mais par ses apôtres.   Il baptisait donc par saint Jean.
IL cite aussi : « De sa plénitude nous avons tous reçu. »  Ce qui est dit au passé.   Le Christ opérait donc, par une opération interne, même avant qu’il commence à baptiser par ses disciples.   Ensuite Matthieu 111.  Pour que nous comprenions que le ministère de saint Jean Baptiste n’était pas sans efficacité, c’est pendant que saint Jean Baptiste baptisait que le Saint Esprit est apparu sous la forme d’une colombe.  Il ajoute aussi les paroles de l’ange : « Il convertira beaucoup de fils d’Israël à leur seigneur Dieu. »  Phrase qui nous montre assez clairement que le ministère de saint Jean Baptiste n’était pas dépourvu d’efficacité.
Mais on peut réfuter cela sans trop d’effort.   Car, en premier lieu, Kemnitius n’explique jamais pourquoi tous les évangélistes ont mit le mot baptiser au  futur : il baptisera, s’il est vrai qu’il opérait déjà intérieurement quand saint Jean Baptiste opérait extérieurement.   Ensuite, les textes cités ne sont pas appropriés.   Car,  le « voici celui qui baptise dans l’Esprit Saint »  ne signifie pas que le Christ baptisait quand saint Jean prononçait ces paroles,  mais que quand le Christ baptise, ce n’est pas dans l’eau seule qu’il baptise, comme saint Jean Baptiste, mais dans l’Esprit Saint,  comme l’explique très bien saint Augustin (traité 13 sur saint Jean, et ailleurs).
 On peut dire la même chose du prochain texte cité : « voici l’agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. »  Il veut dire que le Christ enlèvera les péchés du monde quand  il sera immolé comme un agneau sur la croix.  Et non qu’il les enlevait au moment  où saint Jean-Baptiste baptisait.  Et cet autre : « De sa plénitude nous avons tous reçu. » Il signifie  que la grâce dont était doté saint Jean-Baptiste émanait du Christ, comme,  d’ailleurs, celle de tous les autres saints.  Mais qu’est-ce que tout cela a à voir avec le baptême de saint Jean ?  Car, même si la grâce du Christ était donnée à tous les saints par les mérites prévus de la mort du Christ,  elle n’était cependant pas donnée par le baptême de Jean, mais par une autre voie et par d’autres instruments.
Ensuite, la colombe  qui est apparue pendant que saint Jean baptisait, n’attestait pas l’efficacité du ministère de saint Jean,  comme l’écrit imprudemment et témérairement Kemnitius,  Car, autrement, il faudrait conclure que le ministère de saint Jean a été efficace aussi pour le Christ, puisque c’est seulement pendant que Jean baptisait que le Saint-Esprit s’est montré.  Mais, cela c’est une impiété et un blasphème.  Car, il n’avait pas besoin de l’efficacité du baptême de Jean l’agneau innocent qui efface les péchés du monde, au témoignage même de saint Jean-Baptiste.
 Cette colombe signifiait donc l’innocence et la pureté du Christ, et que c’était lui  qui sanctifierait et purgerait les eaux, et qui,  par les eaux et l’Esprit-Saint, régénèrerait les hommes.  Et ensuite, les paroles de l’ange dans saint Luc ne portent pas sur le baptême de Jean, mais sur ses prédications.  Personne, en effet, ne nie que saint Jean ait prêché avec efficacité, et  ait converti plusieurs pécheurs à Dieu.  Mais autre est émouvoir les cœurs des hommes par la prédication de la parole, autre est  les purger par le baptême.  Que cela suffise pour le premier argument.
On le  prouve ensuite par les témoignages des pères.   Origène (livre 5, chapitre 6, épitre aux Romains), affirme et prouve par quelques arguments que le baptême de Jean ne remettait pas les péchés, et que c’est en cela qu’il se distinguait du baptême du Christ.  C’est aussi ce qu’enseignent les autres grecs. Justin (question 37 aux orthodoxes), saint Grégoire de Naziance (sermons sur les saintes lumières), saint Jean Chrysostome  (homélie 1- et 12 sur Matthieu, et homélies 1 et 40 sur les actes).  Ainsi que l’auteur des homélies sur Marc (que l’on trouve dans le tome 2 de saint Jean Chrysostome, homélie 1). Cyrille d’Alexandrie (livre 1, chapitre 57 sur Jean).  Il traite de ce sujet explicitement, et il dit que le Saint Esprit avait prévu que des hommes téméraires ne distingueraient pas le batême de Jean de celui de Jésus; et que c’est pour cette raison qu’il a inspiré à saint Jean de dire qu’il ne baptisait, lui, que dans l’eau.
Disent la même chose saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 10 sur la foi), Theophylacte chapitre 111 Luc.  Enfin saint Basile.  Même si, dans le livre 1 du baptême, il dit que le baptême de Jean procurait la rémission des péchés, il dit, cependant, au même endroit : « Autant l’Esprit Saint est supérieur à l’eau, autant celui qui baptise dans l’Esprit Saint est supérieur à celui qui baptise dans l’eau, Jean Baptiste. »  Et dans le sermon 13, qui est une exhortation au baptême, il dit : « Saint Jean a prêché un baptême de pénitence, le Seigneur annonce le baptême plus excellent de l’adoption des fils.  Le baptême de Jean était un baptême pour les commençants, celui du Christ, pour les parfaits.  Le premier détournait du péché, l’autre unissait à Dieu, l’apparentait à Dieu. »
Ces textes nous font clairement comprendre que saint Basile n’attribuait pas au baptême de Jean la même efficacité que celui de Jésus.  Il enseignait plutôt que celui de Jean n’avait aucun pouvoir de justifier, si ce n’est par la pénitence et la contrition.  Et c’est ainsi qu’on doit entendre les paroles de saint Grégoire de Nysse.
Les latins.  Tertullien, dans son livre sur le baptême : « Le baptême de Jean ne conférait rien de céleste, mais il initiait aux choses célestes en incitant à la pénitence. »  Et plus bas : « S’il avait été céleste, il aurait donné  l’Esprit Saint et la rémission des péchés. »  Et plus bas : « Il se comportait donc comme un baptême de pénitence, comme pour préparer à la sanctification et à la rémission des péchés qu’apporterait le Christ. »
Ces textes nous font comprendre comment il faut entendre ces paroles du même auteur qui se trouvent au début du livre : « Et il n y a pas de différence entre ceux que Jean a baptisés dans le Jourdain, et ceux que Pierre a baptisés dans le Tibre. »  Car, il ne parlait pas de tout le baptême, mais seulement de la matière; et il enseigne qu’il importe peu quelle est la personne qui baptise avec de l’eau.
Les autres pères latins ne parlent pas autrement.  Saint Cyprien (dans son sermon sur le baptême du Christ), saint Hilaire (au chapitre 11 de Matthieu), Optatus (livre 5 contre Parmenianus), saint Ambroise (préface du psaume 37).  Le baptême du Christ il l’appelle l’œil des grâces, parce qu’il donne la grâce, et celui de Jean, l’œil des supplices, parce qu’il n’était qu’un baptême de pénitence.  Saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens, dans son épitre 83 à Océan, et dans son chapitre de Joel.)  Disent la même chose Innocent 1 (épitre 22, chapitre 5), saint Léon (épitre 4, chapitre 6), saint Grégoire (homélies 7 et 20 sur les évangiles).  Ensuite saint Augustin  (épitres 48 et 163, enchiridion, chapitre 49, livre 11 contre les lettres de Petilien, chapitre 37, et livre 3, chapitre 76, livre 5 contre les donatistes, chapitres 9, 10 et 15, sur le baptême unique, chapitre 7 sur l’unité de l’église, chapitre 18 traité 5, sur saint Jean et ailleurs.
À ces passages, Calvin, à sa manière accoutumée,  n’a pas d’autre réponse à donner qu’un hautain mépris.  Car, (livre 4, chapitre 15, verset 7) il parle ainsi : « Voilà pourquoi ne trouble personne le fait que les pères aient fait une distinction  entre les deux baptêmes.  Car, ce « caillou » ne devrait pas avoir assez de poids pour ébranler la certitude de l’Écriture.   Qui écouterait Chrysostome plutôt que Luc ?  Il ne faut pas accepter l’argutie d’Augustin : c’est en espérance qu’ont été effacés les péchés par le baptême de Jean, mais en réalité para celui de Jésus.»  N’avons-nous pas plus de raisons de dire, nous : qui écouterait un Calvin plutôt qu’un Chrysostome,  et un Augustin, et tant d’autres saints et savants pères ?
Dans son examen, au lieu cité, Kemnitius, dans presque toute sa dispute, s’efforce de montrer que la première question n’est pas nécessaire, et qu’il importe donc peu de savoir ce que tel père ou tel autre père a dit.  Mais, ce n’est pas ce que disent les pères.   Car, loin de penser qu’il s’agisse d’une chose de peu d’importance, saint Jérôme dit, dans son dialogue contre les lucifériens,  que ceux qui confondent les deux baptêmes cheminent vers un dogme pervers; et qu’en attribuant au baptême du serviteur plus qu’il ne lui revient,  ils détruisent le baptême du Seigneur.
  Saint Augustin (livre 2, chapitre 37 contre les lettres de Petilien) dit que le baptême de Jean n’est pas celui du Christ, qu’il n’en est aucune partie ou degré. Et il ajoute que ceux qui pensent le contraire tombent dans une opinion impie et sacrilège.  De même, Cyrille d’Alexandrie  (livre 2, chapitre 57 sur Jean), appelle téméraires ceux qui pensent le contraire.
On prouve ensuite la vérité par la personne et la mission de saint Jean.  Saint Jean était le précurseur du Seigneur, et n’était venu que pour préparer ses voies.  C’est ce qu’avait prédit l’ange en Luc 1 : « Il marchera avant lui dans la vertu et l’esprit d’Élie pour convertir les cœurs des fils et les pères, et préparer au Seigneur un peuple parfait. »  Et c’est aussi ce qu’avait prédit son père : « Tu marcheras devant la face de Dieu pour préparer ses voies. » Luc 1.   Et il l’atteste cela en citant le prophète Isaïe : « Je suis la voix qui crie dans le désert.  Préparez le chemin du Seigneur. »
  Or, il est certain que préparer la voie au Sauveur, ce n’est pas donner le salut, ou justifier, mais disposer à recevoir le Sauveur.   Autrement, c’est lui qui aurait été le Sauveur, non son précurseur.   Voilà pourquoi son père Zacharie dit, en désignant son travail propre :  « pour donner la science du salut au peuple. »  Il n’a pas dit :  pour donner le salut, mais la science du salut.  Car, Jean avait enseigné comment on trouverait le salut,  en croyant au Christ, en le montrant du doigt, et en disant : « Voici l’agneau de Dieu qui efface le péché du monde. »
                                        CHAPITRE 22
Après le baptême de Jean, il était nécessaire de recevoir celui de Jésus
La troisième proposition : après le baptême de Jean, il fallait recevoir le baptême du Christ. Ce qui est contre Kemnitius, qui met cela en doute, et contre Calvin et les autres qui le nient.  On le prouve d’abord par les paroles de Jean, de Matthieu 111, de Luc 111, de Marc 1 : « Moi, je baptise dans l’eau. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. »  SI cela se rapporte à la réception du baptême de Jean et du Christ, nous comprenons très bien que ceux que Jean a baptisés doivent être de nouveau être baptisés par le Christ.  Qu’il y ait eu, là,  la réception de deux baptêmes, c’est la sentence commune des interprètes, comme, par exemple, de saint Ambroise, de Bède, d’Hilaire, de saint Jérôme, de saint Jean Chrysostome.
On le prouve ensuite par l’histoire des actes et de l’évangile.  Comme nous le lisons dans Marc 1, Matthieu 111 et Luc 111, tout Jérusalem, toute la Judée, toutes les régions du Jourdain avoisinantes allaient se faire baptiser par saint Jean.  Ils devaient donc être rares ceux qui, à cette époque, n’avaient pas été baptisés par Jean.  Or, après l’ascension du Seigneur, le premier jour de la pentecôte, saint Pierre commença  à prêcher la nécessité du baptême du Christ pour tous les hommes.  « Faites pénitence, dit-il, allez, et que chacun de vous soit baptisé  au nom de Jésus. »  Et ce jour-là même, trois mille furent baptisés;  et un peu après, cinq mille, en plus de ceux qu’a baptisés Philippe et les autres disciples dans différentes parties de la Judée et de la Samarie (Actes 11, 1V, V111).
 Comme beaucoup  d’entre eux avait déjà été baptisés par saint Jean, il est donc inévitable qu’un grand nombre  aient été baptisé de nouveau par Pierre.    S’il est vrai que tous les habitants de Jérusalem ont été baptisés par Jean (Marc 1),  comme est-il croyable que, parmi ces milliers que Pierre baptisa, aucun n’ait été déjà baptisé par Jean ?
On le prouve ensuite par un passage précis des actes (X1X), où saint Paul ordonne de baptiser au nom du Seigneur deux cents hommes qui déclaraient n’avoir reçu que le baptême de saint Jean.    Pour expliquer ce texte les adversaires ont cogité au moins dix explications.  La première.   Que dans ce texte, le mot baptême est pris métaphoriquement, tant pour le baptême de saint Jean que pour celui du Seigneur.  C’est ce qu’a imaginé Zwingli (dans son livre sur la vraie et la fausse religion, chapitre du baptême).  Il a décidé que, dans ce chapitre des actes, le mot baptême signifiait doctrine.  Le sens serait donc : ces deux cent hommes qui n’avaient été instruits que dans la doctrine de Jean l’ont été ensuite dans la doctrine de Jésus.    La deuxième.  Le mot baptême est pris métaphoriquement. Dans le premier cas, il signifie doctrine, et dans l’autre les dons du Saint_Esprit, qui ont commencé à être institués plus tard, dans la doctrine du Christ.
Ces deux explications peuvent être suffisamment réfutées par un seul argument.   C’est sans aucune raison qu’ils détournent de leur vrai sens des mots clairs et historiques, pour leur donner un sens impropre.  Car, il n’est pas permis, surtout dans des récits historiques, d’imaginer des tropes à plaisir.  Autrement, il n’y aurait plus rien de certain dans l’Écriture.
La troisième.  Le baptême de Jean signifie la doctrine, le baptême du Christ signifie un vrai baptême.  Et ces hommes n’avaient été baptisés qu’une seule fois,  et cela, par Paul, non par Jean.   C’est ce qu’enseigne Henri Bullinger, dans le chapitre 19 des actes.   La quatrième est le contraire de la précédente.  Le baptême de Jean est pris au sens propre, mais celui du Seigneur est pris dans un sens impropre, celui de doctrine.  C’est ce qu’enseigne Kemnitius  (2 par, examen, pages 198, 199. Il tente même  d’attirer à lui saint Ambroise (livre 1, chapitre 3 sur le Saint-Esprit, et glose sur le chapitre 19 des Actes.)
La cinquième est celle de Calvin (livre 4, chapitre 15, verset 18).  Le baptême de Jean est pris au sens propre, celui du Christ dans un sens impropre, c’est-à-dire qu’il ne signifie pas la doctrine, comme le veut Kemnitius, mais les dons du Saint-Esprit.  Ces trois explications, en plus d’imaginer à plaisir des tropes dans un récit factuel, admettent une équivoque révoltante dans le même chapitre, et en peu de lignes.  Il n’est pas vrai, comme le prétend Kemnitius, que c’est là l’explication de saint Ambroise ou de la glose.   Car, saint Ambroise (dans le chapitre 111 aux Galates, et dans le livre 1, chapitre 3 sur le Saint-Esprit),  dit en toutes lettres que, sur l’ordre de saint Paul, ces ceux cents hommes ont vraiment été baptisés.  Ce qu’admet Kemnitius à la page suivante, qui, dans deux pages, se contredit donc en citant saint Ambroise.
La glose dit seulement que ces hommes ne furent pas rebaptisés, car les paroles de Paul correspondaient  à la doctrine de saint Jean.  La glose ne nie pas là qu’ils aient été vraiment rebaptisés sur l’ordre de Paul, mais elle nie que ce fut un baptême d’immersion.  L’anabaptisme est la répétition du même baptême.  Ces hommes n’ont pas été baptisés deux fois par le même baptême, mais par des baptêmes différents.   Car les paroles de saint Paul leur firent comprendre  que les deux baptêmes étaient différents, et c’était aussi ce qu’avaient enseigné saint Jean Baptiste.
La sixième explication.  Le mot baptême est toujours employé au sens propre, mais il ne s’agit toujours que du baptême de saint Jean.    En effet, dans ces mots  (après avoir entendu cela, ils furent baptisés au nom du Seigneur) ils ne veulent pas  voir un récit de Luc racontant ce qu’ont vraiment fait ces hommes après avoir entendu l’enseignement, mais ce qu’avaient coutume de faire les disciples de Jean après l’avoir entendu prêcher, à savoir qu’ils étaient baptisés par Jean au nom du Christ à venir.  Nicolas Selnecerus cite et loue cette interprétation (dans la partie 2 de sa pédagogie).
Mais, si elle parait ingénieuse, elle n’est ni pieuse, ni même probable.   Car, Paul dit d’abord que Jean avait baptisé le peuple,  et il ajoute ensuite que ce même Jean avait, en baptisant, averti le peuple de croire dans le Christ futur.  Si donc les mots (après avoir entendu, ils furent baptisés)  se rapportent au peuple à qui prêchait saint Jean, il s’ensuivrait ou que le même peuple a été baptisé deux fois par saint Jean, ou que saint Paul n’aurait pas raconté cela.  Ce qui est absurde, dans les deux cas.
De plus, ces deux cents hommes ont été, sur l’ordre de saint Paul,  baptisés du baptême du Christ, ou ils ne l’ont pas été.  S’ils ont été baptisés, c’est ce que nous soutenons.   S’ils n’ont pas été baptisés, que vient faire ce récit de saint Paul ?  Elle serait un hors-d’œuvre.   Car, la seule raison que donne saint Paul quand  il a ordonné de baptiser  ceux qui n’avaient été baptisés que  du baptême de saint Jean,  est que saint Jean lui-même avait prêché le Christ.  Il  voulait leur faire comprendre, par là,  que le baptême du Christ était, lui aussi, nécessaire.
La septième explication.   Le mot baptême est pris au sens propre dans tout le chapitre, et ces deux cents hommes ont été baptisés deux fois.  Mais c’était parce qu’ils n’avaient par reçu le vrai baptême de saint Jean, mais un baptême corrompu et adultérin quant à la forme, c’est-à-dire, sans le nom de l’Esprit Saint.  C,’est ce qu’enseignent les centuriates  (centurie 1, livre 2, chapitre 6, colonne 496), et Bucer (dans 111 Matthieu).  Cette sentence se rapproche  de celle de saint Ambroise. Car (Galates, 111, et livre 1, chapitre 3, sur le Saint-Esprit),  il dit que ceux que saint Paul a baptisés n’avaient pas été baptisés par un vrai baptême de saint Jean, mais par un baptême qui ne faisait qu’en porter le nom.
Cette explication se base sur un faux fondement, à savoir, que saint Jean baptisait au nom de la très sainte Trinité, ou à tout le moins, au nom du Christ à venir, ce qui, comme nous l’avons expliqué, ne peut pas être vrai.  Dans ce texte, saint Ambroise dit seulement que ces hommes n’avaient pas reçu le vrai baptême de saint Jean.   Il ne dit pas que s’il avait été vrai, ils n’auraient pas eu à être rebaptisés, comme le soutiennent nos adversaires.   Car c’est plutôt le contraire qu’on découvre en le lisant.  Car, dans le chapitre 111 de saint Luc,  il dit que le baptême de saint Jean fut, dans l’eau, un baptême de pénitence et non de grâce, différent donc de celui du Christ,  qui apportait la grâce puisqu’il était constitué d’eau et d’Esprit Saint.
La huitième explication.   Le baptême de ces deux cents avait été corrompu, non à cause de la forme, mais d’incidents qui n’avaient pas été institués dans la doctrine du Christ, parce qu’ils ignoraient le Saint-Esprit et la doctrine du Christ.   C’est ce qu’enseigne Otho  Brunfelsius (dans ses annotations au chapitre 19 des Actes.)   On réfute cette explication en disant que l’ignorance  ne viole pas le baptême.  Et c’est d’ailleurs ce que reconnait Calvin (livre 4, chapitre 15, verset 18) quand il dit  que « tous les fleuves du monde ne suffiraient pas.  s’il fallait corriger ce genre d’ignorance par un nouveau baptême ».
La neuvième.   Ceux deux cents hommes ont été vraiment rebaptisés, mais d’une mauvaise façon, et par erreur, et cela, avant l’arrivée de saint Paul.   C’est ce qu’enseigne Musculus  (dans les lieux, le baptême).  Mais cette explication corrompt le texte. Car, il est tout à fait clair que c’est Paul qu’ils ont écouté, et que c’est lui qui les a baptisés.  La dixième est celle de Kemnitius (3 par examen, pages 196 et 202).  Il dit que ce texte est d’une très grande obscurité, puisqu’il est compris de si diverses façons par les docteurs;  que quelle que soit  la vraie explication, on ne peut donc rien en déduire de certain,  puisqu’on ne prouve pas des dogmes avec des passages ambigus.
Nous nous opposons, nous,  à toutes ces dépravations. Premièrement.  Si on expliquait ce texte simplement et naturellement, et sans le préjudice d’une opinion préconçue,  on y trouverait,  sans contredit, le sens que nous y voyons nous-mêmes.  Deuxièmement.  Le consentement unanime des pères cités plus haut, et surtout de saint Augustin,  qui enseigne toujours, dans les lieux cités, que ces hommes ont  vraiment été baptisés de nouveau.  Et c’est ce qu’enseignent tous les anciens commentateurs  des Actes, comme saint Jean Chrysostome,  Bède et Oecumenius.
On ne peut, non plus, dire que ce passage est ambigu parce que les hérétiques en donnent des explications divergentes.  Car, cette ambiguïté ne nait pas de la nature de la chose, c’est-à-dire  de l’obscurité du livre, mais de leur acharnement à défendre leurs erreurs.
Si ce texte était vraiment ambigu,  comment les pères pourraient-ils s’entendre sur un même sens ?  Et s’il faut appeler ambigus tous les textes que tous n’expliquent pas de la même façon,  on ne pourra rien prouver avec des textes de l’Écriture.  Car, il n’y a pas un texte dont quelqu’un ne puisse contester le sens, s’il agit avec prévention et obstination.
                                          CHAPITRE 23
                                 On réfute les objections
Le premier argument vient de Calvin (dans son antidote, dans son institution,  et dans les lieux ci-haut cités) : dans le baptême de Jean et dans celui de Jésus, il y a eu la même doctrine, le même rite,  et l’obtention de la même grâce.  C’était donc le même baptême, et l’efficacité était la même.   Il prouve l’antécédent ainsi.   En ce qui a trait à la doctrine, saint Jean prêcha que le Christ était l’hostie offerte pour nos péchés (Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.), ce qui est le résumé de toute la doctrine chrétienne.  Quant au rite, il baptisa dans l’eau et au nom du Christ, comme l’attestent les Actes X!X.   Quant à l’offrande de la grâce, les deux baptisèrent dans la pénitence, et pour la rémission des péchés (Luc 111, Actes 11. »
Je réponds que cet argument est fondamental pour nos adversaires, et que s’en sont servi Kemnitius,  Philippe et d’autres.   Or, en ce qui a trait à la doctrine, nos adversaires se trompent de deux façons, c’est-à-dire dans l’antécédent et dans la conséquence de l’argument.   Il n’est pas vrai que la doctrine de Jean et celle du Christ aient été les mêmes, si ce n’est que Jean ne prêcha rien qui fut contraire à ce qu’a prêché Jésus.  En effet, saint Jean ne parla pas de la résurrection du Christ, et il ne dit rien de précis sur sa passion.  Car, l’image de l’Agneau de Dieu pouvait ne signifier que l’innocence et la douceur du Christ, même s’il n’avait pas été victime.
   Ensuite, la doctrine n’a rien à voir dans l’essence et la vérité d’un sacrement.  Autrement, les hérétiques, qui ont une fausse doctrine, auraient de faux sacrements.  Ce qui est l’erreur des donatistes et des calvinistes, et ce qui est rejeté par les luthériens.  Comme la diversité de doctrines ne fait pas des baptêmes différents, de la même façon, la similitude de doctrines ne fait pas un baptême unique semblable.
Quant au rite, nous avons démontré qu’il n’y a eu de similitude que dans la matière.   Quant à l’offrande de la grâce, ce que Calvin dit est faux : « Les deux sont des baptêmes de pénitence faits en rémission des péchés. »  Car le baptême de saint Jean est souvent appelé un baptême de pénitence (Matt 111, Marc 1, Luc 111,  Actes 13 et 14.)  Or, le baptême de Jésus n’est jamais appelé un baptême de pénitence, mais un bain de régénération (Tite 3).
  L’objection faite à partir de textes des Actes ne convainc personne.  Car, saint Pierre ne dit pas que le baptême du Christ est un baptême de pénitence, c’est-à-dire qui amènerait à la pénitence, comme le faisait le baptême de saint Jean Baptiste.   Mais il dit que, avant ce baptême, est requise la pénitence comme une disposition à ce baptême.  Voici ses paroles : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé ! »  Or, la pénitence se comporte donc différemment dans les deux baptêmes.   Car, la pénitence suit le baptême de Jean, comme son effet.  Mais, dans le baptême du Christ la pénitence précède le baptême, comme sa disposition.
En ce qui a trait à la rémission des péchés,  cette rétribution est attribuée au baptême du Christ comme son effet immédiat.   Actes 11 : « Que chacun de vous soit baptisé pour la rémission des péchés ! » Et, Éphésiens V : « La purifiant dans le lavement. »  Et Tite 111 : « Il nous a sauvés par son lavement. »  Or, au baptême de Jean, jamais n’est attribuée la rémission des péchés, comme son effet immédiat et prochain.  Le seul texte que les adversaires peuvent citer est celui de Marc 1 et de Luc X11 : « Prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. »  Mais, ici, la rémission des péchés n’est pas attribuée au baptême, mais à la pénitence, provoquée par le baptême.
Voici donc quel est le sens de ce passage : Jean a prêché un baptême de pénitence, c’est-à-dire qui incitait et invitait à une pénitence, qui, si elle était obtenue comme il convient, procurerait la rémission des péchés. C’est ainsi que l’expliquent même ceux qui attribuent plus de choses que nous au baptême de Jean, comme saint Basile et saint Grégoire de Nysse.   Et d’autres, comme Tertullien (livre du baptême), saint Augustin  (livre 5, chapitre  10 contre Donat), saint Grégoire (homélie 20 sur les égangiles).  Ainsi que  Bède (chapitre 111 de Luc) qui enseigne : « La rémission des péchés réfère au baptême du Christ, non de Jean.   On dit que Jean Baptiste a baptisé dans la pénitence, et a prêché le baptême futur du Christ, qui se ferait pour la rémission des péchés ».
Le second argument de Kemnitius (page 183).   Par gradation, l’apôtre enseigne, au sujet du nouveau testament, là où il y a du corps, un Esprit,  un espoir d’appel, un Seigneur, un père, une foi,  il y a aussi un seul baptême. Or, toutes ces choses étaient présentes au moment de la prédication de saint Jean Baptiste.  Semblable donc était le baptême.
Je réponds que si cet argument avait quelque valeur, il prouverait qu’au temps de David et de Moïse aussi, le baptême du Christ était présent.  Car, alors il y avait un seul et même corps d’Église, la même espérance, la même foi, et  le même Dieu.   Cet argument prouverait également que chez les hérétiques ne se trouve pas le vrai baptême du Christ, car il n’y a pas un corps, un seul esprit, une seule foi.   L’apôtre ne prouve donc pas que là où est le même Dieu, la même foi,  le baptême est le même, mais il prouve que les chrétiens doivent conserver, avec une grande diligence, l’unité de l’esprit, et le lien de la paix, parce qu’ils sont un seul corps, qu’ils ont un seul esprit, une seule foi, un seul Dieu, une seule espérance, et un seul baptême.
Le troisième argument dont Kemnitius (page 183) n’est pas peu fier, est le suivant.  La consolation la plus suave des chrétiens est d’avoir un seul baptême avec comme seule tête le Christ.  Or, cette consolation périt si le baptême de Jean n’est pas le même que celui du Christ.  Car, le Christ a été baptisé par saint Jean Baptiste, et nous le sommes nous, par le baptême du Christ.
Je réponds que n’est pas une bonne consolation celle qui enlève de la gloire au Christ, ou l’injurie ou le méprise.  Nous ne pouvons  pas attribuer au Christ le baptême du Christ sans faire une injure au Christ.  Car, comme le baptême du Christ est un baptême de régénération et d’adoption filiale, si on l’attribue au Christ, c’est faire comme s’il avait besoin de régénération et d’adoption filiale.  Ce qui serait certes un énorme blasphème, puisqu’il est Fils par nature, et qu’il a toujours  été, depuis sa conception, très saint et plein de grâce, au point de ne pouvoir plus croitre en grâce.
Il dira peut-être, avec son maître Luther (Galates 111, et dans son homélie sur le baptême), que le Christ fut saint par lui-même, mais que, cependant, parce qu’il a reçu nos péchés,  il fut aussi  voleur et meurtrier à cause des péchés des voleurs et des meurtriers, et même le plus grand pécheur de tout l’univers. Il avait donc besoin d’un baptême pour la rémission des péchés avant tous les hommes, parce qu’il le recevait pour les autres hommes.
 Mais toutes ces paroles ne sont que d’insupportables blasphèmes envers le Christ.  Car, même si le Christ a porté le poids de nos péchés, on ne peut pas l’appeler un voleur, un meurtrier, un immonde, un fornicateur, un athée, un hérésiarque, comme l’appelle impudemment Luther, sans pouvoir citer aucun texte de l’Écriture ni des pères.   Car, on n’appelle pas voleur celui qui paye ce que devait le voleur, mais celui qui a dérobé un bien étranger.  Pour une raison semblable, le Christ a effacé nos péchés par les œuvres de ses vertus, non par la vertu d’un sacrement qu’un autre lui a administré.
Tu diras.  Le christ aurait pu recevoir son baptême non pour être régénéré et adopté comme fils, mais pour une autre raison, comme il a accepté la circoncision dont il n’avait pas besoin, et comme il a accepté le baptême de Jean, qui était un baptême de pénitence, même s’il n’avait pas besoin de pénitence, et comme il a reçu l’eucharistie dont il n’avait pas besoin.
 Je réponds que quoi qu’il en soit de tout cela, il est certain qu’il était plus glorieux pour le Christ de ne pas accepter le baptême de Jean que de  l’accepter.   Quand il confère le baptême au lieu de l’accepter, il se montre comme l’empereur ou le roi de son armée, celui qui imprime son caractère dans les autres.  Et s’il l’acceptait, il semblerait être réduit au rang de simple soldat.    Ce doit donc être pour nous une plus grande consolation de revêtir le Christ par le baptême et de nous configurer à la similitude de sa mort, que d’être purifiés avec lui.
Le quatrième argument est au même endroit.  Quand il a été baptisé par Jean, le Christ, par le contact de sas chair, a sanctifié les eaux.  Et, de plus, il a voulu la présence visible du Saint Esprit sous la forme d’une colombe,  et la voix audible de la grâce et du bon plaisir divin, choses qui sont invisiblement présentes dans notre baptême.  Ce baptême n’était donc pas différent du nôtre.
Je réponds que les pères ont présenté diverses raisons pour lesquelles le Christ a voulu être baptisé par Jean.  La première est un exemple d’humilité.  Comme il l’a dit lui-même en Matthieu   111 : « Laisse faire. C’est ainsi qu’il nous faut accomplir toute justice. »  Au sujet de cette cause, voir saint Augustin (enchiridion, chapitre 49), saint  Bernard (sermon 4 sur l’épiphanie).  La deuxième.  Pour qu’il corrobore le baptême de saint Jean, comme étant bon et agréable à Dieu, comme l’enseigne saint Jérôme (Matthieu, chapitre 111).
La troisième.   Pour montrer aux pécheurs quelle estime ils devaient avoir pour le baptême du Seigneur, quand le Seigneur lui-même faisait grand cas du baptême du serviteur.  C’est ce qu’enseignait saint Augustin (traités 3 et 14 sur sains Jean.)  La quatrième.  Pour qu’il lave nos crimes dans le Jourdain, comme l’Église le chante le jour de l’Épiphanie.  Et, comme l’a écrit saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières), pour qu’il fasse suffoquer dans l’eau le vieil Adam, et émerger le nouveau.  Ce qu’il fit, comme nous l’avons déjà dit, non par la vertu du baptême reçu, mais par le mérite de son humilité.  La cinquième.  Pour que, dans sa personne, il figure notre baptême et la grâce que nous en recevons, comme l’enseigne saint Augustin  (livre 15 sur la trinité, chapitre 26.)
Mais la raison principale fut d’instituer et de consacrer un baptême salutaire.   Car, il l’a institué en sanctifiant les eaux par le contact de sa chair, comme l’ont expliqué saint Ambroise et Bède (Luc 111), saint Jérôme et saint Jean Chrysostome (Matthieu 111) et beaucoup d’autres pères.  Le Christ montre en figure l’effet de son baptême à lui, quand il a voulu que le ciel s’ouvre, et que l’Esprit-Saint descende, et qu’on entende la parole, comme l’explique saint Hilaire (Matthieu 111.)
Mais de quel profit sont toutes ces choses pour Kemnitius ?  Ou plutôt, comment ne s’opposent-elles pas à lui ?  Car, avant que le Seigneur ne soit baptisé, aucune colombe n’est apparue,  aucune voix céleste n’a été entendue, aucune eau n’a été sanctifiée.  Et pourtant, selon lui, le baptême de Jean est le même baptême que celui qui est venu après.  Le baptême que le Seigneur reçut de Jean n’était donc pas le même que celui que nous recevons.  Car il a reçu un baptême qu’il n’avait pas institué.  Et notre baptême, il l’a institué sans l’avoir jamais reçu.
Le cinquième argument est à la page 119.   Paul a dit (1 Cor X11) : «Par le baptême, nous sommes tous devenus un seul corps. » Or, nous ne devenons pas un seul corps seulement entre nous, mais aussi avec le Christ.   Nous avons donc, avec le Christ,  le même baptême.
 Je réponds que c’est injurier et blasphémer le Christ de penser qu’il ait eu besoin d’un baptême pour devenir membre de l’Église.  Il y a de quoi s’étonner qu’il n’ajoute pas  que le Christ ait du, par la foi et la pénitence, obtenir la rémission des péchés.   Je dis donc que saint Paul ne parle que du corps, non de la tête. Car, nous sommes membres du Christ, et c’est par le baptême que nous devenons un seul corps,  parce que, par ce sacrement, nous sommes régénérés, et nous sommes rattachés au Christ.
 Or, lui, il est devenu notre tête, non par le baptême, mais par la grâce de l’union hypostatique.  Comme c’est par  la génération charnelle, que nous devenons, nous,  fils d’Adam,  ce n’est pas par une génération charnelle que le Christ est devenu la tête de tous les hommes, mais par la création et une grâce singulière de Dieu.
Le sixième argument.   Nous sommes un seul corps, non seulement entre nous, mais aussi avec ceux qui étaient présents à la prédication et au baptême de saint Jean, avant que le Seigneur ne commence à baptiser.  Nous devenons donc un seul corps par un seul baptême.
 Je réponds que l’Église a toujours été un seul corps mystique, mais que les homes n’ont pas toujours été unis à ce corps par le même sacrement,  mais par la circoncision,  pour les Juifs, et d’une autre façon pour les païens.  Et maintenant, après le temps du Christ, par le baptême.  Donc, au temps de saint Jean, les Juifs étaient un seul corps par la circoncision, non par le baptême de Jean ou du Christ.   Or, saint Paul parle de son temps.
Le septième argument est contre la réponse précédente.  Au temps de saint Paul, plusieurs étaient membres de l’unique corps du Christ,  qui n’avaient pourtant que le baptême de saint Jean. Car, à l’exception de saint Paul, les apôtres n’ont été baptisés que du baptême de saint Jean.  De même Apollon (Actes XV111) ne connaissait que le baptême de saint Jean, et pourtant, on ne l’a pas obligé à recevoir de nouveau le baptême.    Saint Jean Baptiste lui-même ne fut baptisé ni par le Christ, ni par un de ses disciples.
Je réponds que Tertullien (dans son livre sur le baptême) et saint Augustin  (dans son épitre 108 à Séleucianus, et dans son livre 3 sur l’origine de l’âme) écrivent et prouvent que les apôtres ont été baptisés par le baptême du Christ.   Car, comme le Seigneur (Jean 111) avait déclaré avec tant d’insistance  que nul ne peut être sauvé sans être baptisé, on ne doit pas douter qu’aient reçu le baptême du Christ tous ceux qui ont vécu à cette époque et se sont agrégés à l’Église du Christ, même si on le dit pas expressément.  Autrement, mous serons forcés de nier qu’aient reçu le baptême les Romains, les Galates, les Éphésiens, les Philippiens, Timothée, Tite, Philémon et les autres à qui saint Paul écrit.
On peut dire la même chose d’Apollon, qui, selon les saints pères, comme Chrysostome et Oecumenius, a été baptisé du baptême du Christ (Actes 18).  Au sujet de saint Baptiste, il est vrai qu’on ne nous dit pas qu’il a été baptisé par le Christ, mais on ne nous dit pas non plus qu’il ne l’a pas été.  Et ce n’est pas sans raison qu’on peut conjecturer qu’il a été baptisé par le Christ, puisqu’il lui a dit : « C’est moi qui dois être baptisé par toi. »  Mais, quoi qu’il en soit de tout cela, il est certain qu’il a été au moins baptisé spirituellement par le Christ, comme l’affirme saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières) et saint Jérôme, et l’autre de l’œuvre imparfaite  dans saint Jean Chrysostome,  Matthieu 111,)  Si saint Jean Baptiste ne fut pas baptisé, il ne faut pas s’en étonner, car il est mort avant que la loi du baptême du Christ entre en vigueur.
                                          CHAPITRE 24
                                 Les cérémonies du baptême
Thomas Waldensis a écrit longuement sur les cérémonies de ceux qui doivent recevoir le baptême (tit 5, chapitre 45 et suivants, contre Jean Wiclef), et contre tous ceux qui rejetaient les rites baptismaux et les cérémonies de l’église latine.  Toutes ces cérémonies sont très bien expliquées par le rituel romain, par Alcuin (dans son livre sur les offices divins, au chapitre du samedi saint), Amalarius (livre 1 sur les offices ecclésiastiques), Ilabanus  (livre 1 sur l’institution des clercs), saint Cyrille (dans ses catéchèses), et saint Ambroise (dans son livre sur les sacrements.)
Tous les hérétiques d’aujourd’hui, à quelques exceptions près,  condamnent ces rites.  Surtout  Jean Calvin (livre 4, chapitre 15, verset 19), et Illyricus (centuries, livre 2, chapitre 6,  et centurie 2, chapitre 6).  Les seuls reproches qu’ils leur font c’est qu’ils ne sont, dans l’Écriture,  recommandés ni par un précepte ni par un exemple.
Voici ce que nous répondons à ceux deux objections.  Dans l’administration du sacrement du baptême, eux-mêmes prescrivent des choses qui ne sont pas dans l’Écriture.  Car, dans son livret sur la façon d’administrer les sacrements,  Calvin prescrit d’abord qu’on emmène l’enfant le dimanche ou un jour où le peuple vient écouter un sermon, pour que le baptême se fasse devant le peuple.  Ensuite qu’on interroge ceux qui portent l’enfant et qu’ils répondent que, quand l’enfant sera adolescent, ils l’instruiront dans la doctrine de la foi et des mœurs, et qu’on procède, ensuite,  au baptême après avoir reçu la réponse.  Il prescrit aussi qu’on donne un nom à l’enfant; que la cérémonie ait lieu dans la langue du pays;  qu’on récite le symbole, l’oraison dominicale et d’autres prières.  Or, on ne trouve aucune de ces choses-là dans l’Écriture.
Les luthériens ajoutent le renoncement à Satan et à ses pompes.  Voilà pourquoi Illyricus n’oser pas rejeter le renoncement à Satan (centurie 1, livre 2, chapitre 6, colonne 497.  Et Kemnitius  ( 2 par examen, page 219, en examinant le canon 7 du baptême du concile de Trente) admet que la renonciation à Satan est une des choses qu’on doit proposer pendant le baptême.  Dans son catéchisme, Luther a voulu qu’on fasse le signe de croix sur le front et sur la poitrine du baptisé.  Je leur demanderais donc de justifier ces rites ou cérémonies  par des témoignages et des exemples de l’Écriture.
 En effet, l’Écriture rapporte le baptême de plusieurs milliers de personnes (Actes 2 et 4).  De même le baptême de l’eunuque de la reine d’Éthiopie (Actes 8),  celui de saint Paul (Actes 9) de Corneille (Actes 10), de Lydia et du geôlier (Actes 16), et des douze asiatiques, (actes 19), mais aucune mention n’est faite du jour de dimanche,  ni d’une église,  ni de la présence du peuple, ni de l’imposition d’un nom, de parrain et de marraine, de la prédication dominicale et du symbole des apôtres, et même du signe de la croix.  Les centuriates avaient remarqué, eux aussi, que toutes ces prescriptions ne se trouvent pas dans l’Écriture ( l1 livre 2, chapitre 6, colonnes 496, 497);  que le symbole et l’oraison dominicale étaient dans l’Écriture, au moins selon le sens, mais qu’on ne les récite pas durant le baptême.  Et dans aucun de ces nombreux passages, on ne lit qu’une prédication a été faite.
Que les adversaires rejettent donc toutes les cérémonies,  et qu’ils ne baptisent qu’en aspergeant et qu’en récitant les paroles, ou qu’ils trouvent d’autres arguments pour s’en prendre  aux rites  approuvés par l’Église.
Deuxièmement.  Nous leur opposons le témoignage de l’ancienne église.  Car, tous les rites dont nous nous servons actuellement sont très anciens.  Ou ils émanent de la tradition apostolique, on ils ont été institués par des saints pères dont l’autorité, confirmée par tant de siècles, a pour nous beaucoup plus de valeur que les récriminations des novateurs, d’autant plus qu’ils ne peuvent pas prouver que nous fassions rien qui soit  contraire à l’Écriture.  Il nous suffira donc d’apporter, pour chacun de ces rites, des témoignages de l’antiquité.   Et pour procéder avec plus d’aisance, divisons les cérémonies du baptême en trois classes.  Celles qui précèdent le baptême  qui l’accompagnent ou qui le suivent.
                                          CHAPITRE 25
            Les douze cérémonies antérieures au baptême
La première cérémonie consiste en ceci.   Que ceux qui désirent être baptisés donnent leur nom,  et à partir  de là  ils sont appelés compétents,  ou élus, et sont reçus par l’Église pour être instruits et préparés au baptême.  De là vient qu’il y a deux genres de catéchumènes (comme le note Raban au livre cité).  Le premier est formé de ceux qui écoutent les catéchèses, veulent devenir chrétiens, mais ne sont pas encore  prêts à demander le baptême.  On les appelle des auditeurs ou des écoutants.
 L’autre groupe est constitué de ceux qui demandent le baptême, et qui sont appelés compétents ou élus, comme ils sont appelés dans le rituel romain du baptême.  Saint Augustin leur donne ordinairement le nom de compétents.  Car, voici ce qu’il dit dans son livre sur le soin à apporter aux défunts , au chapitre 12: « Pâque approchait.   Il donna un nom parmi les autres compétents ».  Voir aussi le livre 9 des confessions (le chapitre sur la foi et les œuvres, et le sermon 118 qui est destiné aux compétents.)  Saint Jérôme se sert du même nom (dans l’épitre à Pammachius sur les erreurs de Jean de Jérusalem.)
La deuxième cérémonie est l’examen, ou l’inquisition. Elle a pour but de découvrir  si les compétents croient fermement et sincèrement.  Cet examen contenait aussi un catéchisme, un exorcisme et d’autres cérémonies qui se faisaient le jour où on donnait un nom,   jusqu’au jour où avait lieu le baptême.   Il y avait en tout sept examens, dont le troisième était le plus important, et qui se tenait la quatrième férie après le quatrième dimanche du carême.    C’est alors que se faisaient les autres cérémonies dont nous parlerons bientôt.  Le mot « scruter » (examiner) ce n’est pas seulement le rituel romain qui l’utilise, mais aussi des auteurs comme Amalarius, Alenimus, et Raban, et même des auteurs plus anciens comme saint Augustin (livre sur la foi et les œuvres, chapitre 6) et saint Léon le grand (épitre 4 aux évêques de Sicile,  chapitre 6.)
La troisième est le renoncement à Satan et à ses œuvres, qui est souvent répétée, autant avant le scrutin (l’examen) qu’un peu  avant le baptême.  Ce qui, sans doute possible, descend de la tradition des apôtres.   Car, saint Clément en parle (livre 7, chapitres 41 et 42 des constitutions apostoliques) et saint Denys l’aréopagite (dans la hiérarchie ecclésiale, chapitre du baptême).
Tertullien (dans son livre sur les spectacles, chapitre 1) dit : « Après être entrés dans l’eau, nous avons professé la foi chrétienne dans les paroles de sa loi,  et nous avons promis, de vive voix. de  renoncer au diable et à ses pompes. »  Il dit des choses semblables dans son livre sur l’idolâtrie,  et dans celui de la couronne du soldat, où il prouve, par cet argument, qu’un chrétien ne doit pas devenir le soldat d’un empereur païen,  de peur d’être contraint de défendre  les temples des démons, auxquels il a renoncé dans son baptême.
Saint Cyprien rappelle ces mêmes cérémonies (dans son livre sur le double martyre).  Origène (homélie 12 sur les Nombres), saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse mystagogique 1), saint Basile (livre sur le Saint-Esprit, chapitres 11 et 27, saint Jean Chrysostome (homélie 21 au peuple), saint Ambroise (livre 1 sur les sacrements, chapitre 2, et livre 2, chapitre 7), saint Jérôme (chapitre 2 d’Amos), saint Augustin (livre 1, chapitre 1 sur le symbole aux catéchumènes, et li 1 chapitre 34 sur les mérites et la rémission des péchés).
La quatrième cérémonie est la profession de foi qu’ils font après plusieurs interrogations, et qu’ils prononcent, aussi,  publiquement,  le jour du baptême en récitant le symbole des apôtres.   Saint Cyprien relate cette cérémonie et Denys l’aréopagite, dans les lieux cités.   De même Origène (homélie 5 sur les Nombres), saint Cyprien (livre 1, épitre 12), saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 1),  saint Hilaire (chapitre 15 Matthieu), saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens), Épiphane (contre Ancorat), et saint Augustin (livre sur la foi et les œuvres, chapitre 11, et le livre 8 des confessions, chapitre 2.)  Il rapporte là l’histoire d’un baptisé du nom de Victorin à qui les prêtres avaient demandé s’il  désirait réciter le symbole en privé, et qui  préféra professer sa foi en public, dans un édifice érigé à cet effet.
La cinquième.   Le signe de la croix sur le front et sur la poitrine.  À chacun des examens, le signe de la croix est imprimé par les prêtres ou les clercs.  Denys l’aréopagite décrit cette cérémonie dans le lieu cité.  Saint Basile (dans son livre sur le Saint-Esprit, chapitre 27) place cette cérémonie parmi les traditions apostoliques, comme la renonciation aux démons et les autres cérémonies qui se font au baptême.   Saint Augustin (dans son livre sur la catéchèse des illettrés, chapitre 20), dit, en décrivant ce qu’on doit enseigner le premier jour aux catéchumènes : « Tu dois être signé du signe de la croix sur ton front, comme sur un jambage ».  Voir la même chose dans son épitre 118 sur le psaume 36, dans son sermon 2,  les traités 3 et 36 sur saint Jean, et son sermon 19 sur les saints.
La sixième cérémonie est l’exorcisme, c’est-à-dire l’abjuration des démons faite avec des prières précises, pour qu’ils s’éloignent de celui qui sera baptisé.  Calvin se moque de cette cérémonie plus que de toutes les autres, en disant (livre 4, chapitre 19, verset 29)  qu’elle est vaine et factice.  Mais, nous pouvons facilement montrer que  toutes les choses que l’Église d’aujourd’hui a conserve sur l’exorcisme correspondent à la lettre  à ce que les anciens pères décrivent dans leurs livres.
 D’abord, l’Église a reçu de Dieu le pouvoir de réprimer les démons par l’exorcisme.  C’est ce qu’attestent  les anciens pères comme saint Justin dans son dialogue avec Tryphon : « Conjurés par le nom de Jésus-Christ,  les démons nous obéissent. »  Tertullien dit la même chose dans son litre sur la couronne du soldat, dans son apologie, chapitre 32, et dans son livre sur les spectacles, au chapitre de la récompense.
 Saint Cyprien dit, dans son livre à Démétrianus : « Si tu voulais les entendre et les voir quand ils sont adjurés  et tourmentés par nous.  Ils sont forcés de sortir par nos prières, qui sont comme des fouets spirituels. »  Minutius dit des choses semblables dans Octave.  Lactance (livre 2, chapitre 16) raconte que « quand les exorcistes demandent aux démons quel est leur nom, ils sont forcés de répondre. » Bède le vénérable raconte la même chose (Luc V111).  Voir aussi Lactance  (livre 4, chapitre 27, livre 5, chapitre 22.  Enfin Prudence s’exprime ainsi dans son poème sur l’apothéose contre les Juifs : « Apollon est torturé quand il est frappé par le nom du Christ.  Il ne peut pas supporter la foudre de ses paroles.   Le ministre du Seigneur commence ainsi : « Fuis, astucieux serpent,  sors de ces membres, et dénoue tes nœuds latents, «
Qu’il  existe dans l’église non seulement un don qui est propre aux grands saints, mais un ministère ordinaire d’exorciser et de réprimer les démons les conciles anciens l’attestent, comme celui d’Antioche (canon 10), de Carthage 4 (canon 7), de Laodice (canon 29), ainsi que des pères très anciens, comme saint Cyprien (livre 4, épitre 7),  et Corneille (dans son épitre à Fabien d’Antioche, d’après Eusèbe, livre 6, chapitre 33 de son histoire.)
Troisièmement.  Que les exorcismes n’aient pas été   des prières laissées au libre choix des exorcistes, mais des formules précises, prescrites par l’Église, qui portent proprement le nom d’exorcismes, on le voit par les conciles comme celui de Carthage 4, canon 7,  et par le livre de Jean Micrologue sur les observances ecclésiastiques (chapitre 7), où il note que les exorcismes ne finissent pas par  « par le Christ notre Seigneur », mais « par celui qui viendra juger le siècle par l’eau. », parce que les démons craignent surtout le jour du jugement dernier.
Quatrièmement. Qu’un exorcisme était placé avant le baptême, l’attestent saint Denys au lieu cité, et saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le saint lavement) : « Ne crache pas sur la cure de l’exorcisme.  Car, elle est, elle aussi, d’une vérité antique. »  Saint Cyrille de Jérusalem (dans sa catéchèse 1) : « Reçois le trésor céleste, et  réfléchis longuement sur l’exorcisme. »  Il répète la même chose dans la préface de ses catéchèses.  Voir aussi saint Cyprien (livre 4, épitre 7), saint Ambroise, (livre 1, chapitre 5 sur les sacrements),  Optatus (livre 4, contre Parmenianus), saint Augustin (livre sur la foi et les œuvres, chapitre 6, ) dans son livre 2 sur le mariage et la concupiscence, chapitre 18, où il dit que « cette coutume existe dans toute l’Église. » Voir aussi Célestin 1, (opus 1, chapitre 12.)  Et saint Léon 1 (épitre 4, chapitre 7) où il dit que « selon la règle apostolique, les catéchumènes doivent être scrutés par des exorcismes. »
La troisième cérémonie est l’exsufflation qui est annexée à l’exorcisme.   Car, par les paroles des exorcismes, les démons sont chassés, et les cérémonies d’exsufflation expriment leur expulsion.  Elles signifient en même temps le souffle du bon Esprit que reçoivent les hommes quand s’éloigne l’esprit malin.  Saint Augustin (livre 6, chapitre 2 contre Julien) dit : « L’Église n’exorciserait pas et n’insufflerait pas les fils des fidèles, si elle ne les arrachait pas au pouvoir des ténèbres, et au prince de la mort. »  Et plus bas : « Et toi, tu as craint de commémorer cela.  Mais, en voulant contredire l’exsufflation par laquelle le prince de ce monde est éjecté des petits, tu aurais du être projeté par  cette exsufflation hors de l’univers. »  Il répète la même chose dans son livre sur le péché originel (chapitre 40)  et dans son livre 2, sur le mariage et la concupiscence, chapitre 17 et 18, et dans son livre 5 sur l’hypo gnostique (près de la fin).
Saint Ambroise (dans ses livres d’initiation aux mystères, chapitre 1) dit : « Jouissez de  l’odeur de la vie éternelle qui vous a été inhalée. »  On ne peut pas d’ailleurs rire de cette cérémonie sans rire du Seigneur, qui, en Jean XX, a voulu se servir d’une cérémonie semblable. Quand il donna le Saint-Esprit sur eux, n’a-t-il pas soufflé sur eux ?   Le deuxième concile général, au canon 7, parle de cette cérémonie.
La huitième cérémonie est la dégustation du sel.  Car, on donne aux catéchumènes du sel à goûter, comme on le voit dans Origène (homélie 6 sur Ézéchiel) et dans le concile 3 de Carthage, canon 5.   Et c’est peut-être à ce sel que fait allusion saint Augustin quand il parle ainsi de son enfance, dans les confessions  au chapitre onze. « J’ait été signé du signe de sa croix, et j’ai goûté à son sel. »  On donnait aussi un pain béni à la place de l’eucharistie, comme saint Augustin l’atteste (livre 2 sur les mérites et la rémission des péchés, chapitre 26.)  Le concile de Carthage cité nous explique que ce sel était donné à la place de l’eucharistie.
La neuvième cérémonie.  On touche avec de la salive les narines, les oreilles,  et on leur dit : ouvrez-vous.   Calvin n’a que de l’indignation et du mépris pour cela.   Or, saint Ambroise en donne une explication (dans son livre sur les sacrements, chapitre 1), et dans ces livres d’initiation aux mystères, (chapitre 1).  C’est là qu’il donne l’exemple du Seigneur  qui, en Marc 7, touche avec sa salive la langue d’un muet, et les oreilles d’un sourd, en disant : ouvre-toi.  À Calvin qui nous demande pourquoi nous touchons les narines et les oreilles des catéchumènes avec notre salive, je réponds : pourquoi le Seigneur a-t-il touché à la langue et les oreilles d’un sourd et muet ?  Car, il est tout à fait certain que le Seigneur pouvait guérir l’un et l’autre sans ces simagrées (pour parler comme Calvin.)
La dixième cérémonie est l’imposition des mains et la bénédiction du prêtre.   Saint Denys se souvient de cette cérémonie (leu cité), ainsi que saint Clément (livre 7, chapitre 39 des constitutions apostoliques), et le concile de Carthage 4, au canon 85.  De même, au témoignage de Vincent Thibari,  les actes du concile de Carthage,  affirment, selon saint Cyprien,  que «  les exorcismes et l’imposition des mains doivent précéder la régénération du baptême. »  Saint Augustin (livre 2 sur les mérites et la rémission des péchés, chapitre 26) dit : « Je pense que les catéchumènes doivent être sanctifiés par le signe du Christ et la prière de l’imposition des mains. »  Or, on rencontre souvent cette cérémonie dans les saintes lettres.  Le Seigneur (Matthieu 19) a imposé les mains aux petits enfants, et les apôtres ajoutaient souvent à la prière l’imposition des mains (Actes 8, 9, 13 et ailleurs.)
La onzième cérémonie est l’onction.  Car, avant le baptême, on oint les catéchumènes  avec de l’huile bénie, sur la poitrine et sur les épaules.  Et, après le  baptême, on doit les oindre avec le saint chrême.  Saint Clément parle de cette onction dans le livre 3 des reconnaissances.  Et même si ce livre est d’une foi douteuse, il est d’une très grande antiquité : « Que chacun d’entre vous soit baptisé dans des eaux perenelles, au nom de la triple béatitude qu’ils invoquent sur eux, et que chacun soit oint par l’huile qui a été sanctifiée par la prière. »  Saint Jean Chrysostome (homélie 6, chapitre 2, Colossiens) : « Celui qui doit être baptisé est oint à la manière des athlètes qui sont sur le point d’entrer dans le stade. »
 À la question 107, saint Justin se demande   pourquoi les Chrétiens sont oints deux fois, une fois avant le baptême, et une autre fois après le baptême.  Saint Ambroise parle aussi de l’une et de l’autre.  De la première, dans le livre  1 des sacrements (2); et de la postérieure (1, 2, chapitre 7).  Saint Cyrille se souvient aussi de l’une et de l’autre.  De la première dans sa catéchèse mystagogique 2;   de la deuxième, dans la catéchèse mystagogique 3.  Saint Augustin se souvient aussi des deux (sermon 206).
La douxième est l’abstinence du vin, de la chair, des relations conjugales,  et d’autres  pénitences,  non pour satisfaire pour les péchés, mais pour être plus prêts pour accéder au sacrement du baptême , comme le montrent les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem, le sermon sur le saint lavement de saint Grégoire de Naziance, le livre de la foi et des œuvres de saint Augustin, au chapitre 6, et le concile 4 de Carthage , canon 85.
                                         CHAPITRE 26
             Les cérémonies qui se font pendant le baptême
La première.  On impose un nom au baptisé.  Illyricus a fait rire de lui  quand (dans la centurie 1, livre 2, chapitre 6, colonne 497) il prétendit prouver qu’au temps des apôtres, cette cérémonie n’était pas en usage parce que l’eunuque de la reine de Candie est toujours appelé eunuque, autant après qu’avant  son baptême.  Comme si l’appellation eunuque était un prénom,  et non plutôt un vice corporel que le baptême ne peut pas enlever.
Cette cérémonie semble provenir des cérémonies de l’ancien testament.   Car, à la circoncision, on imposait un nom à l’enfant. (Luc 1, et Luc 2 :  Jean et le Christ.)  Saint Denys l’aréopagite rapporte la même chose.  Quand ils se faisaient baptiser à la fin de leur vie, ou à un âge très avancé, les anciens ne changeaient pas de nom, comme on le voit pour Saul (Actes 9) et Corneille (Actes 10), et dans les œuvres d’Ambroise, de saint Augustin. Mais quand c’était des enfants que l’on baptisait, leurs pères avaient coutume de leur donner un nom, un nom de saints, comme nous faisons encore.  Voir saint Denys d’Alexandrie (d’après Eugène de Césarée, livre 8, chapitre 20 de son histoire, selon la traduction de Christophorsone.
 Ce Denis écrit  qu’on imposait souvent aux fils des chrétiens les noms de Pierre, Paul et Jean, comme on le voit par les noms de beaucoup d’anciens, comme Pierre d’Alexandrie, Pierre Chrysologue, Pierre, frère de saint Basile,  Jean Chrysostome, Jean Cassien,  et beaucoup d’autres qui eurent des noms hébreux,  tout grecs qu’ils étaient.     Sur ce sujet demeure toujours le canon 30 du concile de Nyssée, dans la traduction récente en latin des canons de ce concile écrits en arabe, qui vient tout juste de paraitre.  Ce canon ordonne aux chrétiens de ne donner à leurs enfants, lors du baptême, que des noms chrétiens.
La seconde cérémonie voulait que les enfants aient des tuteurs, qui les levaient des fonds baptismaux, et qui, par la suite, les éduquait soigneusement dans la foi.  Denys l’aréopagite leur donne le nom de récepteurs.  Tertullien (dans son livre sur le baptême) les appelle répondants ou parrains.  Voir, à ce sujet, saint Augustin  (sermon 116, est le troisième des dimanches des rameaux, et le livre 1, chapitre 24  du livre sur les mérites et la rémission des péchés.)
La troisième est la consécration de l’eau, dont parle saint Denys dans son chapitre sur le baptême : « L’eau  de la régénération sera d’abord consacrée par de sainte invocations. »  Disent la même chose saint Cyprien  (livre 1, dernier chapitre), saint Ambroise (livre1, chapitre 5, sur les sacrements), saint Basile, (livre sur le Saint Esprit,)  chapitre 27, où il dit que « c’est une tradition apostolique. »  Ensuite, saint Augustin  (livre 6, chapitre 8 contre Julien, et homélie 27, dans le livre des 50 homélies, et dans le traité 18  sur saint Jean, à la fin.
La quatrième est la trine immersion, dont parle saint Clément (canon 49 des constitutions apostoliques), Denys l’aréopagite, œuvre citée, Tertullien, (livre sur la couronne des soldats, et livre contre Praxeas).  Saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 2), saint Basile de Césarée (livre sur le Saint-Esprit, chapitre 27), saint Jean Chrysostome (homélie 24 sur saint Jean).  Saint Augustin (sermons 94 et 201).
Il faut noter que les Ariens ont abusé de cette cérémonie (comme saint Grégoire l’écrit au livre 1, épitre 41 à Léandre), pour confirmer leur hérésie.  Les catholiques, en effet, faisaient trois immersions  pour signifier les trois personnes divines, et les trois jours de sépulture du Christ, comme le même saint Grégoire l’explique.   Mais les ariens se servaient des trois immersions pour signifier les trois natures des trois personnes.  Voilà pourquoi  il avait semblé bon  à Grégoire qu’on ne fasse, en Espagne, qu’une seule immersion.  Et c’est ce que le concile de Tolède 4, a confirmé peu après, dans le canon 5.  Maintenant, selon différentes régions,  une seule immersion ou trois immersions sont faites.  Car, cela n’est  pas de l’essence du sacrement, comme l’attestent saint Grégoire et le concile cité.
Cinquièmement.  Le temps pascal et le temps de la pentecôte.  Même si l’on pouvait conférer le baptême à n’importe lequel temps, en cas de nécessité, les anciens observaient diligemment la cérémonie suivante : on ne baptisait ordinairement que le jour de Pâque ou de la  Pentecôte. Nous avons encore, là-dessus, les décrétales du pape Siricius ( 1, chapitre 2), et saint Léon 1 (épitre 4 et épitre 80),  de saint Gélase (épitre 1, chapitre 12).
Dans ces lettres les papes réprouvent sévèrement les évêques qui osaient, en dehors des cas de nécessité, conférer le baptême le jour de l’Épiphanie, ou les jours des fêtes de martyrs.  Ils leur ordonnaient d’observer la coutume antique et universelle, qui voulait qu’on ne baptise qu’à Pâque.  Saint Jérôme relate la même chose (dans son épitre à Pammachius contre les erreurs de Jean de Jérusalem), et saint Augustin  (dans son livre sur le soin à accorder aux morts, chapitre 12) : « Pâque est venu.  Il lui a donné un nom parmi les autres « compétents ».
Enfin, il a plus à Dieu de nous faire comprendre l’importance de cette cérémonie par un miracle que raconte l’évêque Paschasinus  (dans sa lettre à saint Léon, que l’on trouve avant l’épitre 64 de saint Léon).  Il rapporte, là, qu’en Sicile, en son temps, il y avait une fontaine sacrée, dans une chapelle, sise sur une montagne, qui demeurait aride pendant toute l’année, mais qui débordait d’eau seulement à la vigile de Pâque,  à l’heure où on devait administrer le baptême, bien qu’on ne vit aucun canal, aucun puits, aucun cours d’eau tout proche.
 On nous objecte que, selon les actes des apôtres, on n’a pas tenu compte de cette cérémonie quand on a baptisé saint Paul, Corneille, et d’autres.  Saint Ambroise a déjà répondu pour nous.   Il dit (Éphésiens 1V) que, pour que le peuple chrétien puisse se propager plus facilement, il fut concédé à tous, au début de l’église,  de baptiser à n’importe lequel temps; et que, quand plus tard, les églises furent constituées, on a statué que seuls les prêtres baptiseraient, et cela, à des jours fixes.
                                        CHAPITRE 27
                     Les cérémonies qui suivent le baptême
Les cérémonies qui suivent le baptême sont au nombre de cinq.  La première semble avoir été le baiser de paix, pour signifier que celui qui vient d’être baptisé est notre frère.  Saint Cyprien parle de cette cérémonie (livre 3, épitre 8 à Fidus) en répondant à ceux qui estimaient qu’il ne fallait pas baptiser les enfants nouveaux nés, parce que, entre autres,  il y avait l’obligation d’embrasser le bébé. Or, disaient-ils, tous répugnent à embrasser un enfant qui vient de naitre.   Saint Cyprien leur répondit qu’il n’y avait aucune raison d’avoir horreur d’embrasser celui que Dieu lui-même avait créé.
La deuxième est l’onction du chrême sur le sommet de la tête, qui semble avoir été introduite plus tard, car il n’y a pas toujours eu un évêque qui puisse, immédiatement après le baptême, donner le sacrement de la confirmation. Voilà pourquoi, entretemps, le baptisé était oint par un prêtre,  non sur le front, mais sur le sommet de la tête, avec un chrême consacré par un évêque.  La pape Damase parle de cette cérémonie dans la vie du pape Sylvestre, ainsi que Innocent 1 (épitre 1, chapitre 3),  saint Ambroise (livre 3, chapitre 1 sur les sacrements), et saint Jérôme, dans son dialogue contre les lucifériens, où il dit qu’il n’est pas permis au prêtres de baptiser sans le chrême.  Il parle, là, clairement de l’onction que le prêtre donnait, avec le chrême, sur le sommet de la tête. Car, on peu plus loin, il déclare que le sacrement de confirmation n’est donné que par un évêque.
La troisième cérémonie est le cierge allumé qui est donné au baptisé en signe de la foi et de la grâce reçues, et pour signifier qu’il a été transféré du pouvoir des ténèbres à la lumière et au sort des saints.  Saint Grégoire de Nazance parle aussi de cette cérémonie (dans son sermon sur le saint lavement), et saint Augustin (dans le psaume 65, aux mots : « nous avons passé à travers le feu et l’eau. »)
La quatrième est la robe blanche que les baptisés avaient coutume de porter du samedi saint jusqu’au premier dimanche après pâque (dit in albis).  Saint Denys l’aréopagite  en parle dans sa hiérarchie ecclésiale, au chapitre du baptême.  De même saint Ambroise (dans son livre d’initiation aux mystères, chapitre 7), ainsi que saint Augustin (sermon 157, à l’octave de pâque.)
La cinquième cérémonie consistait en un prélèvement de miel, de lait ou de vin, chose qui ne se fait plus aujourd’hui.  Tertullien parle de cette cérémonie (livre 1 contre Marcion),  et saint Jérôme (dans son dialogue contre les lucifériens) où il dit qu’on avait coutume de faire cela en signe d’une nouvelle enfance dans le Christ.  Voilà pourquoi, le dimanche après pâque (dimanche in albis) on lit, à cause des néophytes, ce passage de la lettre de saint Pierre : « Comme des enfants nouveaux nés, désirez le lait ».  Mais ce ne fut jamais, semble-t-il, une coutume générale, puisqu’elle n’a été connue qu’en Occident, comme l’écrit saint Jérôme (chapitre 55 d’Isaïe) sur : « Envoie le vin et le lait. »  Il ne faut donc pas s’étonner qu’elle soit devenue caduque.  Comme cette autre, dont parle saint Ambroise, (livre 3, chapitre 1 sur les sacrements) qui consistait à laver les pieds des nouveaux chrétiens tout de suite après le baptême.  Cette coutume était celle d’un petit nombre d’églises, et elle est facilement devenue désuète.
2018 12 28 fin
 
 

Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, 18 mars 2019.